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Point de presse de M. Ian Lafrenière, président de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, Mme Christine St-Pierre, vice-présidente de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, M. Alexandre Leduc, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de solidarité sociale, et Mme Méganne Perry Mélançon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de jeunesse

Version finale

Monday, August 24, 2020, 8 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Huit heures trente-quatre minutes)

M. Lafrenière : Alors, bonjour, tout le monde. Très, très heureux de vous retrouver en présentiel — c'est un nouveau terme qu'on a appris dans notre dictionnaire, «en présentiel».

Je suis entouré aujourd'hui des membres du comité directeur de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle. Cependant, en remplacement de notre vice-présidente, Christine St-Pierre, qui a un tout petit enjeu familial — rassurez-vous, elle se porte bien, d'ailleurs, elle nous écoute présentement — il y a Kathleen Weil qui est avec nous aujourd'hui, merci d'être là, Alexandre Leduc, Méganne Perry Mélançon. Je suis très heureux de les retrouver pour ce travail qui nous anime depuis le 14 juin dernier.

Alors, Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle qui a été créée. Depuis cette date… Et, en passant, quand on a créé la commission, on a parlé d'un mandat de 18 mois. Petite anecdote, moi, je trouvais que c'était très, très long, 18 mois, et aujourd'hui, à la veille de remettre un rapport, je dois vous avouer que les gens avaient bien raison, et j'avais tort, c'était de courte durée.

Alors, depuis la création, il y a eu beaucoup de travail qui a été fait : 67 témoins ont été entendus, 59 mémoires ont été reçus, c'est plus de 41 heures d'auditions qui ont lieu. Et aujourd'hui on vous invite parce que c'est notre dernière journée d'auditions, ici, à l'Assemblée nationale. Le matin, ce sera public, l'après-midi, ce sera des rencontres à huis clos. Et, pour nous, la commission, c'est extrêmement important, le caractère confidentiel des rencontres de cet après-midi à huis clos.

C'est une journée qui a été ajoutée à nos travaux. Pourquoi? À la veille de la rédaction de nos recommandations, on avait des questions très précises auxquelles on voulait des réponses. Et, on ne se fera pas de cachettes, la COVID s'est invitée aussi dans le monde prostitutionnel, et on voulait voir quel était l'état de la situation sur le terrain.

Comme président, je veux d'ailleurs remercier les 15 hommes et femmes qui participent à cette commission de même que tout le personnel qui ont fait un travail incroyable. On a entendu plusieurs personnes, on s'est déplacés sur le terrain, à Montréal, à Val-d'Or, on a entendu des témoignages, ma foi, brise coeur, et je peux vous dire que les gens qui sont dans cette commission ont tous le même but, même travail qui est non partisan. Le Québec ne peut pas, le Québec ne doit pas avoir cette réputation canadienne sur l'exploitation sexuelle des mineurs. On doit mieux que ça à nos enfants. Mes filles s'attendent à mieux que ça de moi. Les gens qui nous écoutent ont des attentes, et on doit livrer.

Ensemble, on peut changer les mentalités face à l'exploitation sexuelle des mineurs. Il y a d'ailleurs deux groupes qui nous ont mentionné qu'on doit avoir la même approche qu'en matière d'alcool au volant, c'est-à-dire de rendre socialement inacceptable l'achat de services sexuels de clients abuseurs envers des victimes qui sont mineures. Parce que, juste pour qu'on soit très clair entre nous, on parle aujourd'hui d'achat de services sexuels des gens, des clients abuseurs, qui paient pour avoir des relations sexuelles avec des enfants.

Je vous remercie. Et je laisse la parole à Mme Weil.

Mme Weil : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de réitérer. Moi, je voulais mettre l'accent beaucoup sur le travail qu'on fait ensemble. C'est vraiment un travail non partisan, et on veut refléter la lutte, la guerre qu'on doit mener ensemble, comme société, contre l'exploitation sexuelle des mineurs, qui est réellement devenue un fléau, un fléau planétaire, mais aussi, évidemment, un fléau ici sur notre territoire.

Je réitère ce que le président a dit, c'est que l'achat de services sexuels est un crime punissable dans le Code criminel. Et il va falloir, évidemment, s'assurer que toute la population, incluant, évidemment, les clients abuseurs, le sache.

Alors, c'est un exercice qui nous a occupés, je pense, je parle pour tous mes collègues, tout l'été, tout l'été parce qu'il fallait préparer des recommandations, mais on le fait avec un sens de devoir et un sens de mission inébranlable. Et je pense que je reflète la passion de tous mes collègues dans ce dossier.

Alors, merci de votre attention et merci de continuer à nous suivre et relater nos messages. Merci.

M. Leduc : Bonjour, tout le monde. Bien heureux d'être ici aujourd'hui pour la dernière journée d'audience de la commission. La commission, évidemment, a été ralentie par la COVID, comme pas mal tout ce qui se passe au Québec et surtout dans les travaux parlementaires. Cependant, on a continué à se parler pendant tout le long du confinement. On a continué à travailler, aussi, on a tenu quelques réunions, on a continué à travailler sur certains textes pour essayer de ne quand même pas trop ralentir dans notre calendrier.

Moi, par rapport à la COVID, je pense que ce que je retiens, c'est que la précarité et la difficulté de la sortie de la prostitution des mineurs s'est révélée plus forte que jamais dans le sens où un des principaux freins de la sortie, c'est la pauvreté. Quand on se retrouve puis on sort de la prostitution des mineurs, on ne se retrouve devant rien, on se retrouve souvent, évidemment, pas de diplôme, pas un gros C.V., pas beaucoup de réseaux, et la pauvreté immédiate est un facteur de retour. On se l'est fait dire, ça, dans d'autres audiences.

Et il y avait une opportunité, évidemment, pendant la pandémie. Vu que ça ralentissait beaucoup, les gens étaient confinés, ils avaient un peu moins d'argent, mais on constatait qu'il y avait quand même des manques dans le réseau, des manques dans le système, si je peux dire, pour aider à la sortie, notamment, d'un point de vue financier. Alors, moi, c'est quelque chose que je retiens. Puis aujourd'hui j'ai hâte d'entendre les groupes qui vont venir nous voir. J'ai hâte d'entendre aussi des victimes pour nous parler de leur réalité, et c'est quelque chose qui va être bien important pour la suite.

Et j'aimerais conclure en disant que depuis mon arrivée au Parlement, il y a bientôt deux ans, il y a toutes sortes de réalités qui nous frappent, notamment la difficulté de la joute politique qui est parfois acrimonieuse entre les différents partis. Mais je dois avouer que cette expérience-ci, qui tire bientôt à sa fin, de la gestion, donc, d'une commission avec quatre... un comité directeur de quatre partis s'est révélée fort enthousiasmante, et les citoyens et citoyennes doivent se rassurer que oui, parfois, les politiciens se crêpent le chignon, avec raison, mais, plus souvent qu'autrement et puis dans cette expérience-là, travaillent franchement ensemble à trouver des solutions. Il n'y avait pas de petite game durant tous les travaux. On échangeait, on proposait des amendements, on proposait des façons de fonctionner.

Là, bon, est-ce que cet esprit-là va rester, alors qu'on s'enligne pour négocier nos réclamations, nos recommandations? Je le souhaite. De toute façon, ça a été comme ça tout le long. Mais ça a été une belle expérience, et je pense que ça va continuer à l'être jusqu'à la fin. Merci beaucoup.

Mme Perry Mélançon : Alors, bonjour à tous. J'ajouterais ce matin, en fait, que.... ce matin comme, finalement, depuis les tout débuts de cette commission spéciale, nos pensées sont dirigées vers les victimes et leurs familles. Je pense qu'on peut dire qu'on a eu cette pensée-là, là, vraiment durant tout le processus, et c'est vraiment ces gens-là qui nous motivent à faire ce travail superimportant, qu'on mentionne même historique. Je pense qu'on peut dire qu'il ressemble à d'autres commissions qui ont mené à de grands changements dans la société québécoise. Alors, c'est comme ça qu'on fait notre travail présentement.

Et on a entendu plusieurs histoires terribles et même, encore cet été, des histoires de proxénètes qui ont été arrêtés pour une deuxième fois, qui ont encore des peines qui ne nous semblent pas suffisantes. Donc, on partage cette colère-là avec la population et avec les victimes, c'est bien évident.

Alors, je pense qu'on peut se dire que oui, effectivement, on a travaillé encore très fort cet été, toujours dans l'optique de le faire sans partisanerie, pour pouvoir aller au bout de ce processus-là et de cette commission, qu'on espère avoir des résultats, là, qui changeront le cours des choses tant au niveau de l'accompagnement des victimes dans leur sortie du monde de la prostitution, mais également, comme on l'a dit, dans la répression et dans la... disons, d'enlever la banalisation de l'achat de services sexuels et même de dire que c'est criminel, quand on s'adresse à des mineurs.

Alors, je veux remercier également mes collègues pour ce travail-là qu'on fait vraiment, réellement sans partisanerie. Et on espère assister à un moment historique. Et je pense qu'on est rendus là, on est vraiment à la toute fin du processus et on voit déjà, là, comment ça s'oriente. Alors, sans vous parler des recommandations comme telles, on peut vous dire que ça chemine très bien. Merci.

M. Lafrenière : Merci beaucoup. Mes collègues ont tous mentionné qu'on travaillait sans partisanerie. Je dois vous avouer que cette commission a osé. Alors, vous allez voir, si vous ne l'avez pas déjà vu, que, même dans nos périodes d'échange, on a décidé de sortir de l'habitude qu'il y a ici à l'Assemblée nationale, donc, les questions sont posées selon l'ordre que les gens ont des questions à poser, on a décidé de répartir le temps autrement. Ça peut sembler un détail pour les gens qui nous entendent, mais c'est pour vous démontrer à quel point cette commission a décidé de travailler différemment. Alors, je suis vraiment, vraiment heureux de vous dire qu'on a travaillé de façon non partisane.

Et en terminant, avant de passer à la période de questions, je veux terminer en remerciant les médias, les médias qui nous ont accompagnés tout le long de cette commission. Un des objectifs très clairs de la commission était de parler de ce fléau, et sans vous, ça serait extrêmement difficile. Vous nous avez suivis tout le long de la commission. Ce n'est pas terminé, en passant, on a encore besoin de vous. Mais c'est important, important de sensibiliser la population. Et ça a fonctionné parce que je pense qu'on a tous été interpellés par des parents, par des gens dans nos comtés qui on dit : Écoute, il faut qu'il se passe quelque chose, je ne savais pas ça. Puis ça a interpellé, ça a... excusez l'expression, ça a shaké les parents, ça a shaké les gens, au Québec, qui s'attendent à un résultat. Et on va être là pour livrer.

Alors, maintenant, on est disponibles pour la période de questions. Je vais vous demander de m'indiquer pour qui est votre question. Puis on dirait que j'ai déjà fait ça, dans mon ancienne vie, alors je vais tenter d'être bon aujourd'hui.

Mme Gamache (Valérie) : Bonjour. Valérie Gamache, Radio-Canada. En quoi, M. Lafrenière, vraiment, vous avez... quels échos du terrain avez-vous sur comment ça se passe dans le milieu de la prostitution juvénile ou de l'exploitation sexuelle des mineurs, la pandémie, les premières semaines? Comment ça s'est passé? Les échos que vous en avez pour le moment.

M. Lafrenière : Justement, un des nos invités, ce matin, va venir nous brosser le portrait du terrain. Puis quand je dis brosser, c'est vraiment difficile, hein, ça va être l'écho d'une personne ou d'un groupe. Pourquoi? Bien, écoutez, déjà, c'est un crime sur lequel, on s'est rendu compte dans la commission, on avait très peu de données. Ça fait qu'imaginez, en période de pandémie, comment ça peut être difficile de savoir comment ça se passe sur le terrain.

Cependant, il y a plusieurs initiatives. Je vais vous parler d'un cas très terrain dans mon secteur, à Longueuil, où les gens du milieu ont décidé d'offrir de l'hébergement pour les gens qui voulaient s'en sortir. Et on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas tant de personnes que ça au début. Même, pendant une petite période de temps, il y avait une période qu'on pourrait appeler de black-out, je pense, qui a été vécu dans plusieurs domaines, l'exploitation sexuelle, la prostitution n'y ont pas échappé, période où il n'y a pas eu grand-chose. Et par la suite ça a recommencé, les clients abuseurs étaient présents. Et on s'est rendu compte que les jeunes femmes, leur premier besoin n'était pas nécessairement de l'hébergement. Elles voulaient avoir un suivi, avoir de l'écoute, avoir des ressources, un filet autour d'elles. Alors, c'est une des choses qu'on va sûrement entendre. Je vous dirais qu'on a des témoins aujourd'hui qui vont nous aider à ça.

Mais plusieurs ont pu s'imaginer qu'en période de pandémie de COVID, où une distanciation sociale… le monde prostitutionnel aurait été mis sur pause. Je dois vous avouer que les échos du terrain qu'on a entendus, c'est : Absolument pas. Il y a un ralentissement à certains niveaux, et à un autre niveau, imaginez les gens qui sont vulnérables, dans cette position-là où ils ont peur d'agressions physiques, et tout ce que vous pouvez imaginer. En plus, on travaille avec la crainte d'être contaminé par la COVID. Alors, ça n'a pas été facile.

M. Bergeron (Patrice) : Mesdames, messieurs, je sais qu'il vous reste encore une journée d'audiences. Cependant, vous avez déjà, donc, pu réfléchir cet été à tout ce que vous avez pu entendre. Qu'est-ce que vous avez appris, sur le milieu, que vous ignoriez et qui pourrait, donc, influencer notamment les recommandations que vous allez faire?

M. Lafrenière : Écoutez, la question est bonne. Je vais vous répondre quelque chose qui va avoir l'air bizarre. On a appris qu'il y avait bien des choses qu'on ne savait pas, et je vais vous expliquer ce que je veux dire par là. C'est que plusieurs groupes sont venus nous voir en nous disant à quel point on avait un manque de données probantes sur ce qui se passe sur le terrain, quelle est l'ampleur de la situation. Souvent, on parle de jeunes victimes, puis moi-même, je fais l'erreur, souvent je parle de jeunes victimes en parlant de femmes. Il y a des jeunes hommes qui sont victimes. Il y a les gens des Premières Nations qui sont victimes aussi. Et on les connaît très peu, on a très peu de données là-dessus.

Alors, je vais parler pour moi, mais je pense qu'on a tous entendu la même chose. Je vais vous laisser la réponse à tour de rôle, mais on a tous entendu des groupes qui sont venus nous dire à quel point il y avait un manque d'information sur comment ça se passe sur le terrain, sur des chiffres.

Et en terminant sur un chiffre qui est fort, pour moi : quand la police de Montréal traite entre 300 et 500 dossiers par année, qu'ils nous disent qu'il y a une victime sur 10 qui porte plainte, si on fait une règle de trois, on peut s'imaginer qu'on a beaucoup de victimes. Et ça, je pense qu'on l'avait sous-estimé. Méganne.

Mme Perry Mélançon : Je pense aussi qu'on peut dire qu'on a beaucoup d'organismes sur le terrain qui luttent contre l'exploitation sexuelle des mineurs, et je pense qu'il y a des initiatives qu'on a apprises, justement, là, des programmes qui fonctionnent bien. On a eu le programme Les Survivantes, qui est venu nous rencontrer, puis on a vu que, vraiment, il y a un beau travail qui se fait. Donc, on nous a parlé de certains enjeux de ces organismes-là dans la coordination des actions, alors, pour que ce soit déployé sur tout le territoire. On est en train de se poser des questions à ce sujet-là, comment mieux coordonner les actions, je pense, gouvernementales et communautaires, tout ça. Alors, c'est certain qu'on a entendu parler des ressources, de la coordination et aussi dans la façon de véhiculer l'information entre les instances. Alors, je pense que c'est ça que j'ai appris : qu'il y avait encore des lacunes à ce niveau-là sur lesquelles on doit travailler.

Mme Weil : Moi, il y a un point que j'aimerais soulever, c'est la complexité de bien suivre, monitorer, comprendre les activités sur les réseaux sociaux et que ça va nous prendre beaucoup de ressources et des ressources très spécialisées en intelligence artificielle, notamment, pour être capables de garder le rythme, le rythme qui est vraiment accéléré, pour rejoindre les mineurs. Il y a des expériences aux États-Unis. Moi, je pense, ça va prendre un groupe très spécialisé. Montréal, c'est... le Québec... la capitale de l'intelligence artificielle, et on a besoin de ces ressources-la pour mener cette guerre qui est comme nulle autre guerre et qui se livre carrément sur les réseaux sociaux. Merci.

M. Leduc : Moi, il y a un chiffre qui m'avait assommé au début. De mémoire, c'est 11 %. 11 % des hommes au Canada avaient payé pour du sexe. C'est beaucoup de gens, ça. C'est énormément de personnes. Donc, ça témoigne du côté massif de la demande. Alors, si on ne réussit pas à casser la demande en amont, bien, ça va être difficile, là, de gagner cette bataille-là. Donc, tout le volet prévention, tout le volet éducation prend son importance à ce moment-là.

Puis la deuxième chose, moi, qui m'a marqué, je l'ai évoqué tantôt, c'est la sortie de la prostitution, qui n'est jamais simple. On est peut-être dans l'idée qu'une fois qu'une mineure, une femme mineure va décider : Ça y est, moi, je suis tannée, je veux sortir, que, bon, bien, voilà, tu sais, tu y vas. Mais les chiffres qui nous ont été présentés, de mémoire aussi, c'était à l'entour de cinq, six ou sept fois, même huit fois que ça pouvait prendre avant d'avoir une sortie définitive. Mais ça, c'est tragique, là, une personne qui décide de sortir... puis ça ne fonctionnera pas le premier coup, probablement pas le deuxième coup, probablement pas le troisième coup, il va y avoir des retours multiples, puis qu'à chaque fois c'est la pauvreté qui ramène.

Ça fait beaucoup réfléchir, ça aussi, sur notre système social, notre filet social, notre filet communautaire. Comment ça se fait qu'on échappe à de multiples reprises une jeune femme qui décide, qui a pris la décision de sortir? Parce que ce n'est pas simple, là, que cette femme-là prenne cette décision. Ce n'est pas simple de convaincre une jeune femme de prendre cette décision-là. Il y a tout un aspect psychologique, mental à l'entour de ça. Mais, une fois que la décision est prise, comment ça se fait que c'est aussi long et aussi difficile de sortir de la prostitution juvénile?

Moi, c'est les deux choses qui m'ont le plus marqué.

M. Lafrenière : Et, en passant, dans notre commentaire, on l'a souligné souvent, à la commission, on reconnaît le travail qui est fait par les organismes communautaires sur le terrain. On a parlé souvent d'un manque de coordination, un manque de travail ensemble, unifié. Mais le dernier des messages qu'on veut envoyer, c'est que les gens du communautaire ne font pas leur travail sur le terrain. Il y a un travail incroyable qui est fait, un très, très bon travail. On a rencontré des gens qui sont venus nous voir, qui font des miracles avec pas beaucoup de moyens. Mais on se rend compte vraiment qu'il y a un besoin de coordination. Il y a beaucoup de belles initiatives, mais, vous voyez mes gestes, il manque un petit peu de ciment, un peu de coordination ensemble.

M. Bergeron (Patrice) : Il faut rappeler aux gens que vous ne pouvez pas toucher au Code criminel, évidemment, ce n'est pas de votre responsabilité. Mais qu'est-ce que ça pourrait donner, votre rapport? Et leurs recommandations pourraient-elles amener des changements législatifs, par exemple? Ou qu'est-ce que ça pourrait comprendre comme changements pour expliquer au grand public, là?

M. Lafrenière : Bien, quand on commence — puis, en passant, c'est ma première commission spéciale — puis je pense que c'est la même chose pour tout le monde, on ne ferme pas de portes, hein, on se dit... Écoutez, on est là, on se rencontre, on met tout sur la table. On a 15 hommes et femmes qui veulent... qui ont un but commun, ça fait que c'est rassurant, puis on se dit : Écoute, ça ne peut que bien aller. Qu'est-ce qu'on va vous donner comme recommandations? On va commencer demain nos rencontres à ce sujet-là puis on veut vraiment laisser la porte ouverte à toutes sortes d'idées et d'inititatives, on ne veut rien bloquer. Mais ça peut aller dans tous les sens.

Une chose qui est claire, les collègues l'ont dit : c'est très complexe comme problématique, il n'y aura pas une solution. Je l'ai dit en début de commission, je pense qu'on l'a tous dit, s'il y avait une seule solution, je pense, quelqu'un l'aurait fait voilà bien des années. C'est très complexe, on en est conscients. Puis c'est pour ça qu'on va se retrousser les manches puis regarder la multitude de recommandations possibles, là-dedans, parce que c'est complexe.

Mme Gamache (Valérie) : On a remarqué que, pendant la pandémie, parmi les facteurs qui ont fait baisser l'espèce de demande, c'est l'annulation de grands événements comme le Grand Prix. Est-ce que vous pourriez aller jusqu'à interpeler des grands événements comme le Grand Prix de Montréal, le festival de jazz pour qu'ils deviennent en quelque sorte... je dirais, avoir une norme anti prostitution juvénile?

M. Lafrenière : On ne peut pas mettre de côté les grands événements. Mais je vais me permettre de faire un aparté. Parce que, souvent, on regarde les grands événements... et le danger que j'y vois pour les parents aussi, parce que comme parent moi-même, comme père de deux jeunes filles, on a tous des mécanismes de défense. Puis un des premiers mécanismes, c'est de se dire : Bien, écoutez, pour ma fille, il n'y a pas de danger, elle va dans une bonne école, des bons amis.

Mais ce que j'ai entendu du milieu, c'est de dire... Une des raisons pour laquelle la demande avait chuté, c'est que les travailleurs n'étaient plus au rendez-vous. Les hommes et les femmes qui se déplaçaient au quotidien pour aller travailler n'avaient plus l'excuse — excusez, on va se dire les vraies choses, là — de dire qu'ils faisaient de l'overtime ou qu'ils terminaient plus tard aujourd'hui et qu'ils arrêtaient pour aller chercher un service sexuel. Ça fait que souvent on essaie de se trouver des... je ne veux pas dire des excuses, mais des histoires très, très complexes. Alors que ça fait partie du quotidien de plusieurs personnes qui trouvent un moment de dire : Bien, je termine à telle heure, je vais terminer un petit peu plus tôt. Et on a entendu pendant la commission un documentaire et, clairement, le client abuseur disait à la jeune femme : Oui, O.K., là, c'est à 16 h 30, ça va me permettre d'être là à l'heure. Vous comprenez que son scénario incluait qu'il devait rentrer à la maison à l'heure.

Alors, on peut se dire que c'est les grands événements, on peut se dire que c'est des choses fortuites. Mais attendez, là, c'est dans le quotidien. Et une des choses qu'on a entendues beaucoup sur le terrain, c'est que, présentement, ce qui a changé la donne, c'est que les hommes et les femmes qui voyageaient normalement au quotidien pour aller travailler n'avaient plus cette excuse-là. Quand on est à la maison, ça devient difficile de trouver une excuse pour aller chercher un service sexuel en pleine journée.

Mme Senay (Cathy) : Good morning.

M. Lafrenière : Hi.

Mme Senay (Cathy) : Hi. Basically, what was the first sign you received that the pandemic had a real impact on sexual exploitation on minors? What were your first signs? How did you say: Oh God! this is happening there, like, on the new technology, like, different networks?

M. Lafrenière : But, first of all, it was the blackout. And, to be honest, numerous resources say: We're closed. Basically, they were closed at the beginning of it. So, I'll talk for Longueil, I got different groups helping victims, and they were closed, it was impossible to reach them. So, first of all, that was a first impact, which was normal. Secondly, what we heard, it was a blackout in terms of demand. Lot of those customers abusers, they weren't there. So, it was a drop in the request of services.

But, again, you can find out that those victims are so vulnerable because there is no more income. You can say they've been exploited, but it was, at the very least, an income. It was not there anymore. So, imagine, they get a lot of pressure to bring that money back to the person exploiting them, they get no resource, no customer, and they put their life in jeopardy because of the pandemic. Because, on top of all those aggressions, there is a risk that you can be hit by COVID yourself and you could spread that COVID to numerous customers. So, this is the first sign I heard myself.

Mme Senay (Cathy) : …clients anymore or…

M. Lafrenière : That was the beginning, and, believe me, it was not there for that long. Customers came back quite rapidly. And we met a victim, and she said she was so surprised to receive phone calls by customers saying: You know what, can I see you? And she said: You know, you haven't heard about COVID, or anything like that? And the customer said: Yes, but can I see you? She was in a shock, saying: You know what, it's dangerous, but, in top of that, he's not thinking of that danger. And, next thing you can say, you would be back home with that COVID, spraying that to the family, and everything.

So, there is a demand, it's still there. There was a period of blackout, at the beginning, but quite rapidly it came back.

Mme Weil : The other factor that I would mention, and in all the research that we've done and we've heard, a lot of this activity happens in hotels and motels, and they were all closed. So, it becomes difficult. It really is. Those are the spots where it happens, pretty much. So…

Mme Senay (Cathy) :

Mme Weil : Now, police… But it was from the police, at least the first time that I'd heard of it. Because, of course, we were all curious about it and wondering. So, I imagine, Ian probably heard from colleagues, but I heard some comment from a police officer mentioning that. I don't know if it's in what a read. But it took time before that came out, that information. We didn't find out right away, one could presume, though, because of the hotels and motels where it happens.

Mme Senay (Cathy) : And the other thing is the big events that where cancelled. So, that was positive, in a sense…

Mme Weil : Well, for sure, the Grand Prix, there's a big aura around that, and sexual exploitation is part of that aura, unfortunately. And that, we have learned in the expertise that has been shared with us, that has been mentioned, these big events, but in particular le Grand Prix.

Mme Senay (Cathy) : And teleworking is helping in this.

Mme Weil : Well, this is what M. Lafrenière mentioned.

Mme Senay (Cathy) : So how it's still working? It's basically helping to reduce sexual exploitation?

M. Lafrenière : I'm not saying that is an answer. I'm not saying that as a very positive measure, saying: You know what, télétravail is going to save a lot of victims. Because, believe me, it took about two weeks for the blackout to be over. People in need... I'm talking about those abusers in need of a sexual contact, they found a way to get that contact, to get that service they were looking for. So, yes, it helped at the beginning, but quite rapidly… And I mentioned the victim, that she was called by someone asking for sex and she was so surprised, because of COVID, saying: You know what, don't you listen to medias?, there's a pandemic. But that gentleman was sticking on the services he was looking for.

Mme Senay (Cathy) : But she said yes?

M. Lafrenière : No, she refused. She was in shock, she was in a shock, she was surprised, saying… For her, it was just a confirmation that those abusers, they're looking for one thing. And she mentioned us because she's in a state of a shock. It hasn't been very easy for her, she tried to escape that mode, she came back. And she said: Sometimes, I deliver that service, and I'm basically puking, and he doesn't care at all. Customer, the abuser, he's there to get whatever he was looking for.

Mme Senay (Cathy) : But what will you do with all of this? Because this is the last day of the hearings, today, you'll present recommendations. What will you do with all this if you're lacking data before, during and after the pandemic?

M. Lafrenière : That's so interesting, what you mention. That's the reason why we want to here groups today talking about the pandemic, what happened. And I'm sure that having important data and real data will be important for that commission. But, again, we'll be working on that tomorrow. And, as a group, we'll find out recommendations. And this is really as a group.

Mme Senay (Cathy) : Will the cracking down on online services be one of your main objectives?

M. Lafrenière : Again, you won't like my answer, but if there was one magical answer to that problem, we would have done that years before. It is a very complex problem. Yes, social medias, we heard about it, it's a way to recruit, it's a way to get services as well, but this is not the only way. So, there will be plenty of recommendations, different aspects, different topics because this is extremely complex.

And I mentioned that in French, I want to say that in English as well, thank you for medias also. It's been so important for us, for that commission to bring up that reality. Because a lot of people don't know about it. They were shocked to hear that so many victims are in Québec, there were shocked to hear that our colleagues from Canada are talking about Montréal as a place for sexual exploitation. I've been able to join a conference with different colleagues in Canada as well as in the United States, and I wasn't happy to hear my colleagues from the States, from Canada referring to Montréal as a «plaque tournante». You say: My God! No! This is my hometown, it's impossible. And this is what's happening now. So, we've got to face reality, and that's the reason why that commission will do some recommendations, because, yes, we need to address the problem.

Mme Fletcher (Raquel) : How old are your daughters?

M. Lafrenière : 10 and 12.

Mme Fletcher (Raquel) : How do you feel, as a parent, hearing about these victims who are trying to escape their reality and don't seem to be getting the help and resources that they need? What does that tell you?

M. Lafrenière : Horrible, horrible, to be honest. And as a former police officer... and my wife, she's a police officer, so you can be sure that every time you get back home and you hear all those tragedies... You try not to bring that home, but, for sure, we get them. We're extra, extra careful with our kids.

But, that having been said, without giving all details, a few weeks ago, an ex-colleague of mine called me up, his daughter was recruited. We're talking about a police officer. His daughter was recruited. During the hearings, we got a police officer from Ottawa, she was a former member of the anti-trafficking unit, her daughter was recruited within two weeks in social medias.

So, as a parent, when you go back home, you feel horrible about that because you understand that no one, no one is safe. These people are looking to recruit, they'll take whatever it takes to get them. And now it's with social medias. It's not at the bus shelter, like it used to be, it's not at dark places, it's at home, because our kids get access to social medias whenever they want.

So, if you ask me how do I feel as a parent: horrible. And that's the reason why as a group we want to find out some solutions, because, believe me, they deserve better than that.

Mme Fletcher (Raquel) : Merci.

M. Lafrenière :Thank you so much. Merci beaucoup.

(Fin à 9 h 3)