(Onze heures quarante-huit minutes)
Mme Roy
: Bonjour. Bonjour
tout le monde. Merci d'être là. Bien, aujourd'hui, c'est une grande journée, je
viens de déposer le projet de loi n° 69. Je suis très,
très fière et contente parce que c'est un projet de loi qui vise à donner plus
de mordant à l'actuelle Loi sur le patrimoine culturel.
Vous savez, quelques semaines seulement
après mon assermentation en tant que ministre de la Culture et des
Communications, on m'annonçait un matin que la maison Boileau, à Chambly,
venait d'être démolie, et ça, sans que je sois informée au préalable d'une
possible démolition de ce bâtiment patrimonial. Je veux donc faire en sorte que
de telles gestions en catastrophe de nos bâtiments arrêtent.
C'est ce que propose le projet de loi n° 69. Les démolitions sauvages en série, c'est fini, ce
sera fini, nous le souhaitons, quand tous ensemble nous adopterons ce projet de
loi. Avec ce projet de loi, nous allons mobiliser les citoyens, les instances
municipales et la classe politique quant à l'importance de notre patrimoine
bâti. D'ailleurs, les citoyens et les élus, vous le savez, sont de plus en plus
sensibles à nos beaux bâtiments. Protéger nos bâtiments patrimoniaux, c'est une
responsabilité collective, et nous y verrons tous ensemble.
Il faut que vous sachiez que, 100 jours
après mon entrée en poste au ministère, la Vérificatrice générale du Québec est
arrivée au ministère de la Culture pour y faire une enquête très importante sur
la gestion du patrimoine immobilier depuis 2012 — elle est remontée
dans le temps — une enquête qui a duré un an et demi. Son rapport
déposé en juin dernier révélait des constats dévastateurs et déplorait entre
autres l'absence d'une stratégie d'intervention pour protéger le patrimoine
bâti. Ce sont des constats que j'ai faits également et que je partage. Nous
sommes donc engagés à corriger les lacunes soulevées dans ce rapport et nous
allons même aller plus loin en modernisant les façons de faire.
Par ailleurs, sachez que parallèlement aux
travaux, à l'enquête de la Vérificatrice générale, nous avons travaillé à
développer un programme historique de 52 millions de dollars pour aider
les citoyens et les municipalités à protéger et à restaurer leur patrimoine
immobilier, une initiative qui a d'ailleurs été saluée et soulignée dans le rapport
de la Vérificatrice générale. Elle disait que c'était louable comme exercice.
Pour nous, il est maintenant plus que
nécessaire d'améliorer la Loi sur le patrimoine culturel pour rendre la gestion
du patrimoine bâti plus performante. Voici d'ailleurs des exemples concrets
d'amélioration que nous apporterons avec ce projet de loi.
D'abord, nous avons tous, d'ailleurs, été
trop souvent placés devant le fait accompli dans des cas de démolition
d'immeubles patrimoniaux ou de délivrance de permis de démolition sans qu'il
n'y ait eu de processus sérieux d'analyse de la valeur patrimoniale des
bâtiments. Nous allons remédier à cette situation en créant un processus
rigoureux, d'abord, d'analyse de la valeur patrimoniale d'un bâtiment qui
impliquera les MRC, les municipalités, les citoyens et les groupes partenaires
de défense du patrimoine. Je les inclus dans le projet de loi.
De plus, nous serons résolument encore
plus exigeants pour les immeubles datant d'avant 1940 et pour lesquels aucun
permis ne sera accordé sans analyse. Vous savez, les municipalités et les MRC
auront plus de pouvoirs, mais avec plus de pouvoirs viendront des obligations, et
ça, il n'y en a pas actuellement.
Autre constat, la connaissance de
l'étendue de nos bâtiments patrimoniaux à la grandeur du Québec est incomplète.
C'est pourquoi nous allons aussi nous assurer qu'un inventaire complet et
unifié de notre patrimoine bâti soit réalisé. Avec ce projet de loi, nous
allons obligatoirement compléter les inventaires qui seront ensuite centralisés
au ministère de la Culture.
Autre amélioration, les citoyens qui
feront une demande d'autorisation pour des travaux ou encore une demande de
protection au ministère de la Culture devront recevoir une réponse dans un
délai raisonnable, très raisonnable. À cet égard, la Vérificatrice générale
nous apprenait dans son rapport que certains citoyens n'avaient pas de réponse
même après 10 ans d'attente — vous avez bien entendu,
10 ans — ce qui est totalement inacceptable. Alors, nous allons
donner un sérieux coup de barre pour changer ces façons de faire.
De plus, les critères sur lesquels les
fonctionnaires se basent pour rendre une décision à l'égard d'un immeuble d'un
citoyen, alors ces critères devront être clairs et publics. La Vérificatrice
générale a reproché au ministère et aux administrations précédentes un manque
de transparence à cet égard. Là encore, nous allons y remédier.
Par ailleurs, actuellement, le citoyen qui
voit sa demande refusée par les fonctionnaires n'a aucune possibilité de
contester cette décision autre que devant les tribunaux de droit commun, ce qui
est très, très onéreux pour une question de couleur de peinture de fenêtre ou
encore de toiture. Eh bien, là encore, nous allons nous assurer que les
citoyens qui se sentent lésés auront accès à un mécanisme d'appel qui les
mènera ultimement au Tribunal administratif du Québec.
Ce ne sont là que quelques-unes des
mesures, des améliorations, des modifications qui, nous l'espérons,
faciliteront la vie des citoyens.
En conclusion, en nous assurant qu'un
bâtiment patrimonial jouisse d'un processus d'analyse rigoureux tant au niveau
municipal qu'au niveau provincial, avant qu'une décision ne soit prise sur son
avenir, nous pourrons ainsi protéger davantage d'immeubles patrimoniaux qui
font la beauté de nos villes et de nos villages.
L'objectif du projet de loi n° 69
est de mieux connaître notre patrimoine, d'améliorer le service aux citoyens et
aux propriétaires de biens patrimoniaux et, bien entendu, de mieux protéger ces
bâtiments parce que, vous savez, ils sont au coeur de notre histoire, de notre
identité et ils font la fierté de tous les Québécois.
Merci. Je suis prête à prendre les
questions si vous en avez.
M. Larin (Vincent) : Mme Roy,
pour avoir assisté à... le breffage technique qu'il y avait juste avant, on
nous a indiqué qu'on s'était donné comme objectif de réaliser l'inventaire, là,
fédéral...
Une voix
: Pas
fédéral...
Mme Roy
: Général.
M. Larin (Vincent) :
...général en cinq ans. C'est assez long comme délais, on risque d'en perdre,
des bâtiments patrimoniaux, là, d'ici là. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Roy
: Il est
important de comprendre que ça, c'est une nouvelle obligation que les MRC
devront remplir. Et ce qu'on ne dit pas et ce qui peut-être n'a pas été dit,
c'est qu'il y a actuellement plusieurs MRC, municipalités, villes qui sont des
acteurs clés de la protection du patrimoine et qui ont déjà des inventaires.
Alors, ceux-là seront déjà versés. Un bon pourcentage des villes, des MRC ont
déjà des inventaires, mais rien n'est centralisé, et certains inventaires sont
incomplets, donc ils devront être complétés. Donc, on ne part pas de zéro, c'est
bien, bien important que vous le sachiez. On donne un délai de cinq ans pour
que tout ça soit réalisé, mais on va prendre naturellement des inventaires que
nous avons déjà également.
M. Larin (Vincent) : Pourquoi
c'est si long, alors, si on a déjà des inventaires? Pourquoi cinq ans?
Mme Roy
: Ce sont des
choses qui sont longues, créer des inventaires, parce qu'on doit se déplacer,
avoir des experts qui vont sur place. Et d'ailleurs nous souhaitons que la
méthode de création d'inventaires soit uniformisée, hein, qu'on travaille avec
les mêmes barèmes, les mêmes critères et que tout ça corresponde aux plus hauts
standards en patrimoine.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Deux
petites questions, Mme Roy. Dans le rapport de la Vérificatrice générale
en juin dernier, de mémoire, corrigez-moi si je me trompe, elle déplorait entre
autres que les MRC, les villes, les municipalités qui peuvent déjà citer des
immeubles, vous dites, des biens patrimoniaux, n'avaient souvent pas
l'expertise nécessaire pour pouvoir le faire. Qu'est-ce que le projet de loi
que vous déposez aujourd'hui vient changer à cette réalité?
Mme Roy
: Vous avez
raison. Et ça, c'est depuis des années, hein, des années et des années que les
villes, les MRC nous disent : On aime nos bâtiments, mais on n'a pas
d'expertise, les spécialistes en patrimoine, puis ça nous prend des sous.
Alors, vous savez, entre autres, j'ai
appris que le précédent gouvernement avait coupé plus d'une centaine de
spécialistes qui s'occupaient à faire, entre autres, de la conservation de
patrimoine, et de l'archivage, et également des inventaires. Donc, on repart,
là, on recommence, là.
Et nous avons, pour cette raison, créé un
programme historique, parce que les sommes qui y sont consacrées sont très importantes,
pour doter les villes, les MRC d'argent, mais également pour qu'ils puissent
engager ce qu'on appelle des agents de développement en patrimoine pour faire
ces inventaires, pour les guider, pour leur dire : Bien, voici, ça, c'est important,
ça, c'est à protéger, ça, non, contrairement à ce que vous pourriez penser, ce
n'est pas patrimonial. Et ça, nous payons, avec notre programme, le salaire de
ces intervenants-là.
Et la beauté de ce programme-là, c'est que
plusieurs MRC peuvent se mettre ensemble pour engager une personne. Donc, ce ne
sera pas nécessairement des dépenses pour chaque ville individuellement parce
qu'il peut y avoir des regroupements. Donc, à cet égard, nous avons mis une
somme très importante, 51,6 millions de dollars qui y sont consacrés, également,
pour de la restauration.
Et je suis très contente de vous annoncer
que les chèques devraient sortir sous peu. Parce que c'est toujours des
processus qui sont longs, créer des programmes, que les gens en prennent
connaissance, y souscrivent. Mais on a eu tellement une excellente réponse.
Lorsque j'ai créé ce programme-là, en
décembre dernier, c'était un programme où il y avait 30 millions de
dollars. Croyez-le ou non, on a ouvert les livres, on a ouvert les programmes,
en janvier, on me dit : Mme la ministre, les demandes dépassent les
besoins, qu'est-ce qu'on fait, est-ce qu'on coupe? J'ai dit : Non, on ne
coupe pas, on en rajoute. Alors, je suis allée chercher un autre 20 millions
de dollars, ce qui nous fait une enveloppe de 51,6 millions de dollars
consacrée à ce programme, pour engager des spécialistes, des agents en
patrimoine pour créer les inventaires, aider les villes, aider les citoyens et
restaurer des bâtiments qui ne sont pas nécessairement protégés.
C'est important de le dire parce que
plusieurs personnes ont de beaux bâtiments patrimoniaux, mais qui n'ont pas une
mesure de protection accordée ou par Québec ou par les villes. Parce que les
villes et Québec peuvent ou classer... Québec peut classer un bâtiment ou
déclarer un site, et les villes peuvent citer. Avec le projet de loi, les MRC
pourront également citer un bâtiment.
Mais par ailleurs, c'est important que vous
le compreniez, avec ces nouveaux pouvoirs viennent des obligations. Et, avant
de faire ce projet de loi, on a discuté, entre autres, avec les villes, l'UMQ,
les MRC, les municipalités, et ce qu'ils nous disaient, c'est qu'on veut
participer, on veut participer et on est prêts.
Et je pense que nous apportons de l'aide. Et,
de l'aide, il y en aura d'autre, mais pour le moment l'aide est en train de se
rendre, et on est en train de colliger toute l'information, et puis les travaux
seront faits, là, on l'espère, pour les prochaines semaines, les prochains
mois.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
J'ai une question, c'est par rapport au phénomène de la démolition par abandon,
quand un propriétaire d'un bien patrimonial ne le rénove pas, ne l'entretient
pas, puis là éventuellement, bien, ça ne vaut plus rien, puis là on le démolit.
Qu'est-ce que le projet de loi aujourd'hui vient faire pour contrer ce
phénomène-là?
Mme Roy
: Bon, à
l'égard de la démolition, il y a quelque chose d'important dans ce projet de
loi là qui est assez théorique, somme toute, là, quand on le lit, là. Je vous
disais que les villes, les municipalités et les MRC ont des pouvoirs. Bien,
pour la première fois, il y a un corollaire, et ça s'appelle les obligations.
À cet égard-là, pour ce qui est d'une
municipalité... Et on a travaillé avec la ministre des Affaires municipales sur
ce projet de loi parce qu'il y aura des modifications à la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme et l'aménagement du territoire pour que les
municipalités puissent se doter, de un, d'un règlement de démolition, parce
qu'il faut savoir que ce ne sont pas toutes les municipalités qui en ont, par
ailleurs, pour se constituer un comité et une analyse rigoureuse du bâtiment,
également une audience publique et également une obligation d'informer la
ministre ou le ministère de l'avenir du bâtiment en question. Donc, un
processus rigoureux d'analyse avant qu'on en arrive au pic des démolisseurs.
Vous donner un exemple des obligations que
nous créons. Pour ce qui est des MRC, elles ont l'obligation de faire des
inventaires. Dans le cas de Berthierville, qui est actuellement en cour,
puisque j'ai exercé mes pouvoirs pour empêcher une démolition d'un bâtiment qui
était abandonné, la MRC avait dit : Ce bâtiment-là, pour nous, il est
important, il fait partie de l'inventaire. La ville, ce qu'elle a fait, elle ne
s'en est pas souciée, a donné un permis de démolition. Merci, bonsoir. Alors,
ce processus-là n'aurait pas pu avoir lieu avec le nouveau projet de loi. Il y
aurait eu une analyse rigoureuse, il y aurait eu une concertation du milieu, il
y aurait eu un comité de mis sur pied pour voir s'il y avait pertinence ou non
de démolir le bâtiment, et la ministre aurait été informée avant que la pelle
mécanique soit devant la cour. On n'en serait pas là.
Par ailleurs, le projet de loi ne modifie
pas toutes les lois... pardon, tous les articles de la loi actuelle, et la
ministre a toujours le pouvoir ultime de faire stopper une démolition et de
forcer même l'exécution de travaux, ce que nous avons fait d'ailleurs.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Concernant les inventaires, est-ce que vous savez combien d'agents de
développement du patrimoine ont été embauchés, combien d'immeubles ont été
cités, donc, les impacts vraiment concrets du programme que vous avez annoncé
en décembre dernier?
Mme Roy
: Bien, on
est là-dedans parce que les chèques vont sortir, là, incessamment, sous peu. Je
le souhaite parce que c'est toujours très long, tous ces traitements.
À cet égard, j'ai annoncé — quel
mois étions-nous, je crois que nous étions le 9 septembre — en
compagnie de ma collègue la ministre des Affaires municipales que notre programme
de 51 millions, qui est un programme qui ne couvre pas Montréal et Québec
qui ont des ententes particulières, là, avec des sommes réservées pour eux pour
le patrimoine bâti... Pour ce qui est de ce programme, dont nous avons fait
grand état le 9 septembre dernier, c'est 51,6 millions de dollars
pour 86 ententes qui, elles, ont été passées avec 54 MRC et villes.
Là-dedans, c'est beaucoup de monde, mais vous me direz : Ce n'est pas
assez. C'est un début, il y a toujours place à amélioration, et c'est ce que
nous souhaitons.
Par ailleurs, il y a des villes qui
avaient déjà, par exemple, des agents en patrimoine; il y a des villes qui sont
très, très proactives, donc elles n'avaient pas besoin d'un agent en
patrimoine.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Je
comprends. Mais sur quoi vous vous basez pour dire que c'est un succès? Parce
que vous dites qu'il y a des chèques qui vont être...
Mme Roy
: Le succès,
c'est la demande, oui, si je comprends bien votre question, là, le succès,
c'est la demande. La demande a été tellement forte que dès la sortie de notre programme
en décembre, lorsque nous avons ouvert les enveloppes et les demandes en
janvier pour les analyser, bien, on m'a dit : Mme la ministre, on dépasse,
les demandes dépassent la capacité des budgets. Alors, j'ai dit : Bien,
rajoutons un autre 20 millions si c'est possible. Alors, je suis
allée parler avec mon collègue, au ministre des Finances, puis il y a un
20 millions supplémentaires qui a été ajouté.
Alors, ce qu'on fait, on s'ajuste. Parce
que, vous savez, on n'a pas le portrait global, nous n'avons pas actuellement
un inventaire complet. On ne sait pas exactement combien il y a d'immeubles
patrimoniaux au Québec. On ne le sait pas. On a une vague idée, mais c'est
morcellaire... c'est parcellaire, puis on veut le savoir.
Par ailleurs, pour ce qui est de l'argent...
Ça, c'est un programme. Mais sachez que de l'argent, en patrimoine, il y a un
15 millions de dollars qui, lui, est à part, qui s'en va pour la
restauration du patrimoine religieux à chaque année. Il y a un autre 5 millions
de dollars, ça, c'est un nouveau programme que j'ai créé depuis deux ans, donc
ça fait 10 millions qui ont été versés pour ce qui s'appelle la
requalification — moi, je préfère parler de seconde
vie — d'immeubles patrimoniaux religieux. Donc, faire quelque chose
avec les églises, faire quelque chose avec les presbytères, il y a de l'argent
pour ça. Il y a plusieurs municipalités qui se sont montrées intéressées, des
groupes. Et je vous dis, c'est un succès dans la mesure où il y a une grande
demande.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Concernant la ville de Québec, donc, dans votre projet de loi, c'est inscrit
que le conseil de la ville peut adopter un règlement pour régir ou restreindre
la démolition de constructions ou interdire toute démolition sans l'obtention
d'un permis de démolition. Mais par la suite c'est indiqué que le conseil ne
peut retirer à la commission, donc, la Commission d'urbanisme et de
conservation de Québec... donc, elle devra retirer à cette commission-là sa
compétence à l'égard de la démolition de l'immeuble patrimonial. Donc, je
comprends que, si la commission prend une décision pour démolir, pour autoriser
la démolition d'un immeuble, le conseil municipal ne peut pas renverser cette
décision-là?
Mme Roy
: C'est très
technique, mais je vous invite à aller lire les autres articles. Il y a des
articles qui modifient, comme je vous disais, la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme du territoire, qui font en sorte que les villes et de Montréal et
de Québec devront respecter les modifications apportées à la Loi sur le
patrimoine culturel.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui,
je comprends. Mais parce qu'à Québec la Commission d'urbanisme et de
conservation ce n'est pas comme le conseil municipal, les délibérations ne sont
pas publiques, les gens ne peuvent pas se faire entendre. Donc, est-ce que
cette commission-là pourrait prendre des décisions qui ne pourraient pas, par
la suite, être renversées par le conseil municipal?
Mme Roy
: Alors, je
vous rappelle que les pouvoirs qui sont octroyés en vertu de cette loi à la
ministre sont toujours existants, et, si cette commission prend une décision
qui ne correspond pas aux objectifs de la loi sur la protection du patrimoine,
la ministre peut toujours les renverser.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
O.K. Puis vous avez mentionné le Tribunal administratif, là, qui pouvait
entendre, là, des citoyens qui s'estiment lésés par des décisions. Est-ce que
pendant cette démarche-là vous renforcez les obligations des propriétaires
d'immeubles à maintenir leur actif pour ne pas qu'il y ait des cas encore comme
celui qui a été évoqué par mon collègue, que vous avez évoqué vous-même, où les
propriétaires profitent des longs délais juridiques ou d'analyse des dossiers
pour laisser leur immeuble à l'abandon, puis par la suite, lorsque le dossier
est complété, il y a un jugement de cour, mais l'immeuble, là, s'est détérioré
de façon importante?
Mme Roy
: Ce que nous
faisons, c'est qu'il y a dans la loi actuellement des sanctions pénales qui
sont prévues pour des propriétaires qui possèdent des édifices qui sont
protégés, et ces actions-là... pardon, ces articles, ces recours-là, nous les
utilisons, ce que les gens ne vous disent pas, là, nous les utilisons, et les
procès sont gagnés.
M. Larin (Vincent) : J'aurais
peut-être une dernière question. Vous avez quand même mentionné à trois, quatre
reprises pendant la conférence de presse que ce sont des choses qui sont très
longues. Pourquoi c'est aussi long, puis est-ce que c'est trop long pour vous?
Mme Roy
: Bien,
c'est-à-dire, on fait le plus rapidement qu'on peut, mais on parle ici quand
même de quelque chose de très théorique, je vous dirais, à la limite
scientifique, puisque ça prend des experts pour faire des analyses. On parle de
spécialistes, de professionnels. D'ailleurs, les agents de développement en
patrimoine qui sont engagés sont des bacheliers en la matière. Donc, ce sont
des expertises qui sont longues, mais naturellement c'est un délai maximal qui
est dans la loi. Si tout peut se faire de façon plus rapide, ce sera
fantastique.
M. Larin (Vincent) : O.K.
C'est ce que vous souhaitez?
Mme Roy
: Bien oui, naturellement.
On trouve toujours que ça ne va jamais assez vite, mais tout est long, et je
peux vous témoigner que tout est long dans une administration, en politique.
Voilà, tout est long. Mais on va essayer de faire le plus rapidement possible.
Par ailleurs, la Vérificatrice générale...
C'est la raison pour laquelle nous, on travaillait en parallèle de l'enquête
qu'elle était à mener. Mais ce qu'elle a identifié comme lacunes, les gens n'ont
pas de réponse... Écoutez, des gens attendent 10 ans pour avoir une
réponse lorsqu'ils veulent faire une modification à un édifice qu'ils ont.
C'est à eux, là, puis ils veulent le modifier, ils veulent le protéger, puis
qu'on prend 10 ans pour leur répondre c'est inacceptable.
Je vais vous donner un exemple que
personne ne sait. Il y a eu dans l'actualité... Puis ça, c'est une autre chose.
J'apprends constamment dans l'actualité qu'il y a un objet, un bien, un
bâtiment qui est en péril. Je l'apprends dans le journal. Ce n'est pas normal.
Avec la loi qui est là, il y a des obligations qui font en sorte que je devrai
savoir bien à l'avance qu'il y a quelque chose qui se trame, ou un objet, ou...
pardon, un immeuble qui est à risque. Je devrai savoir ce qui se passe, parce
qu'actuellement je ne le sais pas.
Un exemple. On a vu le dossier des
archives des Sulpiciens. J'ai appris ça dans le journal, là, que la
congrégation religieuse en question voulait s'en départir, avait remercié les
archivistes. Mais ce que je ne savais pas... Et là j'ai agi tout de suite, j'ai
pris une ordonnance, j'ai pris... pardon, non pas une ordonnance, mais j'ai
signifié un avis d'intention de classement. Ça, c'est une étude pour
dire : Attention, ne touchez pas à ça, ne vendez pas les objets, ne les
sortez pas du Québec, on va leur accorder une valeur puis on va les protéger.
C'est une analyse qui est faite. Et je les protégerai ultimement, là, ça s'en
vient, quand l'analyse sera terminée.
Mais ce que j'ai découvert en tant que
ministre puis en fouillant dans les registres des années antérieures, c'est
qu'une demande de classement pour ces archives-là avait été faite en 2002. Je
n'étais pas au pouvoir, je suis désolée, là. En 2002, rien n'a été fait, mais
la demande avait été logée; en 2003, rien n'a été fait; en 2004, rien n'a été
fait; en 2005, rien n'a été fait; en 2006, rien n'a été fait; en 2007, rien n'a
été fait. Je vais vous amener comme ça jusqu'en 2012, 10 ans plus tard. En
2012, qu'est-ce que les gens au ministère ont fait? Bien, ils ont refusé le
classement. Alors, c'est comme ça que ça marche. Et ça, je n'en peux plus et je
ne veux plus que ce soit comme ça. Et c'est pour ça que, là, j'ai agi, j'ai
dit : Non, ce n'est pas vrai qu'on va refuser le classement — pour
une raison qui est assez obscure, entre vous et moi.
Alors, il y a plus de transparence dans ce
projet de loi, les gens qui feront des demandes auront des réponses dans des
délais beaucoup plus raisonnables et les gens vont savoir aussi quels sont les
critères, en vertu de quoi, parce que c'est très difficile d'avoir accès à
toutes ces informations. Donc, ça va rendre la vie des citoyens plus simple,
puis ça va protéger davantage notre patrimoine, puis c'est ce qu'on souhaite.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, à vous entendre, Mme Roy, donc, vous êtes ministre, là, vous n'êtes pas
porte-parole de l'opposition sur votre ministère, là, mais vous êtes très
critique à l'égard même de la gestion des dernières années dans votre
ministère. Est-ce qu'il y a un manque d'expertise? Vous dites que vous êtes mal
informée puis que vous apprenez des choses dans le journal et non pas par vos
fonctionnaires. C'est un problème, ça.
Mme Roy
: Bien, à
l'égard des... si on prend l'exemple des archives, par exemple, alors, quand
j'ai vu ça dans le journal, j'ai dit : Mais il se passe quoi avec ça? Et
c'est là que j'ai appris qu'une demande avait été faite, en bonne et due forme,
de classement, en 2002, et que ça a été refusé en 2012. Alors, je ne peux pas
tout deviner, là. Et, à cet égard-là, même la Vérificatrice générale elle-même
a dit : Ça n'a pas de bon sens, des demandes qui remontent à 10 ans. Donc,
c'est des choix qui sont faits par les ministres qui sont là.
Je vais vous dire la vérité, la loi, actuellement,
elle donne beaucoup, beaucoup, beaucoup de discrétion au ministre, ce qui est
une bonne chose. Mais moi, ce que je souhaite, c'est qu'outre ça les citoyens
qui feront des demandes seront éclairés, seront guidés, sauront à quoi
s'attendre. Ça donnera de la prévisibilité aussi.
Je vais vous donner un autre exemple. Il y
a 13 sites qui sont des sites déclarés au Québec. Donc, c'est la
protection ultime que le gouvernement peut accorder à un endroit. Par exemple, l'île
d'Orléans est un site déclaré. Actuellement, ce sont des plans de conservation.
Dites-moi s'il y a un chrétien qui est allé lire ça puis qui sait ce que c'est.
Alors, ce que nous allons faire avec ce projet
de loi, c'est que les plans de conservation seront convertis en règlement. Vous
connaissez l'adage, nul n'est censé ignorer la loi. Un règlement, c'est public,
et tout le monde saura ce qu'il y a dedans. Si vous voulez aller vous acheter
une maison à l'île d'Orléans, vous saurez quelles sont vos obligations comme
propriétaire. Si vous voulez construire quelque chose à l'île d'Orléans, vous
saurez quelles sont vos obligations parce que vous êtes dans un site déclaré.
Donc, c'est pour faciliter la vie des citoyens.
Alors, à cet égard-là, quand je vous dis
que la Vérificatrice générale dit que ça manque de transparence, que la gestion
du patrimoine immobilier est déficiente depuis des années au ministère de la
Culture, je la crois, je le vois, je le vis quotidiennement. Et c'est pour ça
qu'il est plus qu'urgent de faire une modification à la loi. Parce que, vous
savez, on peut faire des politiques, des plans, des stratégies, mais ça vaut
juste le papier sur lequel c'est écrit. Une loi, c'est fort, et ça envoie un
message très fort. Merci.
(Fin à 12 h 14)