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Point de presse de Mme Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communications

Version finale

Thursday, October 29, 2020, 11 h 45

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures quarante-huit minutes)

Mme Roy : Bonjour. Bonjour tout le monde. Merci d'être là. Bien, aujourd'hui, c'est une grande journée, je viens de déposer le projet de loi n° 69. Je suis très, très fière et contente parce que c'est un projet de loi qui vise à donner plus de mordant à l'actuelle Loi sur le patrimoine culturel.

Vous savez, quelques semaines seulement après mon assermentation en tant que ministre de la Culture et des Communications, on m'annonçait un matin que la maison Boileau, à Chambly, venait d'être démolie, et ça, sans que je sois informée au préalable d'une possible démolition de ce bâtiment patrimonial. Je veux donc faire en sorte que de telles gestions en catastrophe de nos bâtiments arrêtent.

C'est ce que propose le projet de loi n° 69. Les démolitions sauvages en série, c'est fini, ce sera fini, nous le souhaitons, quand tous ensemble nous adopterons ce projet de loi. Avec ce projet de loi, nous allons mobiliser les citoyens, les instances municipales et la classe politique quant à l'importance de notre patrimoine bâti. D'ailleurs, les citoyens et les élus, vous le savez, sont de plus en plus sensibles à nos beaux bâtiments. Protéger nos bâtiments patrimoniaux, c'est une responsabilité collective, et nous y verrons tous ensemble.

Il faut que vous sachiez que, 100 jours après mon entrée en poste au ministère, la Vérificatrice générale du Québec est arrivée au ministère de la Culture pour y faire une enquête très importante sur la gestion du patrimoine immobilier depuis 2012 — elle est remontée dans le temps — une enquête qui a duré un an et demi. Son rapport déposé en juin dernier révélait des constats dévastateurs et déplorait entre autres l'absence d'une stratégie d'intervention pour protéger le patrimoine bâti. Ce sont des constats que j'ai faits également et que je partage. Nous sommes donc engagés à corriger les lacunes soulevées dans ce rapport et nous allons même aller plus loin en modernisant les façons de faire.

Par ailleurs, sachez que parallèlement aux travaux, à l'enquête de la Vérificatrice générale, nous avons travaillé à développer un programme historique de 52 millions de dollars pour aider les citoyens et les municipalités à protéger et à restaurer leur patrimoine immobilier, une initiative qui a d'ailleurs été saluée et soulignée dans le rapport de la Vérificatrice générale. Elle disait que c'était louable comme exercice.

Pour nous, il est maintenant plus que nécessaire d'améliorer la Loi sur le patrimoine culturel pour rendre la gestion du patrimoine bâti plus performante. Voici d'ailleurs des exemples concrets d'amélioration que nous apporterons avec ce projet de loi.

D'abord, nous avons tous, d'ailleurs, été trop souvent placés devant le fait accompli dans des cas de démolition d'immeubles patrimoniaux ou de délivrance de permis de démolition sans qu'il n'y ait eu de processus sérieux d'analyse de la valeur patrimoniale des bâtiments. Nous allons remédier à cette situation en créant un processus rigoureux, d'abord, d'analyse de la valeur patrimoniale d'un bâtiment qui impliquera les MRC, les municipalités, les citoyens et les groupes partenaires de défense du patrimoine. Je les inclus dans le projet de loi.

De plus, nous serons résolument encore plus exigeants pour les immeubles datant d'avant 1940 et pour lesquels aucun permis ne sera accordé sans analyse. Vous savez, les municipalités et les MRC auront plus de pouvoirs, mais avec plus de pouvoirs viendront des obligations, et ça, il n'y en a pas actuellement.

Autre constat, la connaissance de l'étendue de nos bâtiments patrimoniaux à la grandeur du Québec est incomplète. C'est pourquoi nous allons aussi nous assurer qu'un inventaire complet et unifié de notre patrimoine bâti soit réalisé. Avec ce projet de loi, nous allons obligatoirement compléter les inventaires qui seront ensuite centralisés au ministère de la Culture.

Autre amélioration, les citoyens qui feront une demande d'autorisation pour des travaux ou encore une demande de protection au ministère de la Culture devront recevoir une réponse dans un délai raisonnable, très raisonnable. À cet égard, la Vérificatrice générale nous apprenait dans son rapport que certains citoyens n'avaient pas de réponse même après 10 ans d'attente — vous avez bien entendu, 10 ans — ce qui est totalement inacceptable. Alors, nous allons donner un sérieux coup de barre pour changer ces façons de faire.

De plus, les critères sur lesquels les fonctionnaires se basent pour rendre une décision à l'égard d'un immeuble d'un citoyen, alors ces critères devront être clairs et publics. La Vérificatrice générale a reproché au ministère et aux administrations précédentes un manque de transparence à cet égard. Là encore, nous allons y remédier.

Par ailleurs, actuellement, le citoyen qui voit sa demande refusée par les fonctionnaires n'a aucune possibilité de contester cette décision autre que devant les tribunaux de droit commun, ce qui est très, très onéreux pour une question de couleur de peinture de fenêtre ou encore de toiture. Eh bien, là encore, nous allons nous assurer que les citoyens qui se sentent lésés auront accès à un mécanisme d'appel qui les mènera ultimement au Tribunal administratif du Québec.

Ce ne sont là que quelques-unes des mesures, des améliorations, des modifications qui, nous l'espérons, faciliteront la vie des citoyens.

En conclusion, en nous assurant qu'un bâtiment patrimonial jouisse d'un processus d'analyse rigoureux tant au niveau municipal qu'au niveau provincial, avant qu'une décision ne soit prise sur son avenir, nous pourrons ainsi protéger davantage d'immeubles patrimoniaux qui font la beauté de nos villes et de nos villages.

L'objectif du projet de loi n° 69 est de mieux connaître notre patrimoine, d'améliorer le service aux citoyens et aux propriétaires de biens patrimoniaux et, bien entendu, de mieux protéger ces bâtiments parce que, vous savez, ils sont au coeur de notre histoire, de notre identité et ils font la fierté de tous les Québécois.

Merci. Je suis prête à prendre les questions si vous en avez.

M. Larin (Vincent) : Mme Roy, pour avoir assisté à... le breffage technique qu'il y avait juste avant, on nous a indiqué qu'on s'était donné comme objectif de réaliser l'inventaire, là, fédéral...

Une voix : Pas fédéral...

Mme Roy : Général.

M. Larin (Vincent) : ...général en cinq ans. C'est assez long comme délais, on risque d'en perdre, des bâtiments patrimoniaux, là, d'ici là. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Roy : Il est important de comprendre que ça, c'est une nouvelle obligation que les MRC devront remplir. Et ce qu'on ne dit pas et ce qui peut-être n'a pas été dit, c'est qu'il y a actuellement plusieurs MRC, municipalités, villes qui sont des acteurs clés de la protection du patrimoine et qui ont déjà des inventaires. Alors, ceux-là seront déjà versés. Un bon pourcentage des villes, des MRC ont déjà des inventaires, mais rien n'est centralisé, et certains inventaires sont incomplets, donc ils devront être complétés. Donc, on ne part pas de zéro, c'est bien, bien important que vous le sachiez. On donne un délai de cinq ans pour que tout ça soit réalisé, mais on va prendre naturellement des inventaires que nous avons déjà également.

M. Larin (Vincent) : Pourquoi c'est si long, alors, si on a déjà des inventaires? Pourquoi cinq ans?

Mme Roy : Ce sont des choses qui sont longues, créer des inventaires, parce qu'on doit se déplacer, avoir des experts qui vont sur place. Et d'ailleurs nous souhaitons que la méthode de création d'inventaires soit uniformisée, hein, qu'on travaille avec les mêmes barèmes, les mêmes critères et que tout ça corresponde aux plus hauts standards en patrimoine.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Deux petites questions, Mme Roy. Dans le rapport de la Vérificatrice générale en juin dernier, de mémoire, corrigez-moi si je me trompe, elle déplorait entre autres que les MRC, les villes, les municipalités qui peuvent déjà citer des immeubles, vous dites, des biens patrimoniaux, n'avaient souvent pas l'expertise nécessaire pour pouvoir le faire. Qu'est-ce que le projet de loi que vous déposez aujourd'hui vient changer à cette réalité?

Mme Roy : Vous avez raison. Et ça, c'est depuis des années, hein, des années et des années que les villes, les MRC nous disent : On aime nos bâtiments, mais on n'a pas d'expertise, les spécialistes en patrimoine, puis ça nous prend des sous.

Alors, vous savez, entre autres, j'ai appris que le précédent gouvernement avait coupé plus d'une centaine de spécialistes qui s'occupaient à faire, entre autres, de la conservation de patrimoine, et de l'archivage, et également des inventaires. Donc, on repart, là, on recommence, là.

Et nous avons, pour cette raison, créé un programme historique, parce que les sommes qui y sont consacrées sont très importantes, pour doter les villes, les MRC d'argent, mais également pour qu'ils puissent engager ce qu'on appelle des agents de développement en patrimoine pour faire ces inventaires, pour les guider, pour leur dire : Bien, voici, ça, c'est important, ça, c'est à protéger, ça, non, contrairement à ce que vous pourriez penser, ce n'est pas patrimonial. Et ça, nous payons, avec notre programme, le salaire de ces intervenants-là.

Et la beauté de ce programme-là, c'est que plusieurs MRC peuvent se mettre ensemble pour engager une personne. Donc, ce ne sera pas nécessairement des dépenses pour chaque ville individuellement parce qu'il peut y avoir des regroupements. Donc, à cet égard, nous avons mis une somme très importante, 51,6 millions de dollars qui y sont consacrés, également, pour de la restauration.

Et je suis très contente de vous annoncer que les chèques devraient sortir sous peu. Parce que c'est toujours des processus qui sont longs, créer des programmes, que les gens en prennent connaissance, y souscrivent. Mais on a eu tellement une excellente réponse.

Lorsque j'ai créé ce programme-là, en décembre dernier, c'était un programme où il y avait 30 millions de dollars. Croyez-le ou non, on a ouvert les livres, on a ouvert les programmes, en janvier, on me dit : Mme la ministre, les demandes dépassent les besoins, qu'est-ce qu'on fait, est-ce qu'on coupe? J'ai dit : Non, on ne coupe pas, on en rajoute. Alors, je suis allée chercher un autre 20 millions de dollars, ce qui nous fait une enveloppe de 51,6 millions de dollars consacrée à ce programme, pour engager des spécialistes, des agents en patrimoine pour créer les inventaires, aider les villes, aider les citoyens et restaurer des bâtiments qui ne sont pas nécessairement protégés.

C'est important de le dire parce que plusieurs personnes ont de beaux bâtiments patrimoniaux, mais qui n'ont pas une mesure de protection accordée ou par Québec ou par les villes. Parce que les villes et Québec peuvent ou classer... Québec peut classer un bâtiment ou déclarer un site, et les villes peuvent citer. Avec le projet de loi, les MRC pourront également citer un bâtiment.

Mais par ailleurs, c'est important que vous le compreniez, avec ces nouveaux pouvoirs viennent des obligations. Et, avant de faire ce projet de loi, on a discuté, entre autres, avec les villes, l'UMQ, les MRC, les municipalités, et ce qu'ils nous disaient, c'est qu'on veut participer, on veut participer et on est prêts.

Et je pense que nous apportons de l'aide. Et, de l'aide, il y en aura d'autre, mais pour le moment l'aide est en train de se rendre, et on est en train de colliger toute l'information, et puis les travaux seront faits, là, on l'espère, pour les prochaines semaines, les prochains mois.

M. Pilon-Larose (Hugo) : J'ai une question, c'est par rapport au phénomène de la démolition par abandon, quand un propriétaire d'un bien patrimonial ne le rénove pas, ne l'entretient pas, puis là éventuellement, bien, ça ne vaut plus rien, puis là on le démolit. Qu'est-ce que le projet de loi aujourd'hui vient faire pour contrer ce phénomène-là?

Mme Roy : Bon, à l'égard de la démolition, il y a quelque chose d'important dans ce projet de loi là qui est assez théorique, somme toute, là, quand on le lit, là. Je vous disais que les villes, les municipalités et les MRC ont des pouvoirs. Bien, pour la première fois, il y a un corollaire, et ça s'appelle les obligations.

À cet égard-là, pour ce qui est d'une municipalité... Et on a travaillé avec la ministre des Affaires municipales sur ce projet de loi parce qu'il y aura des modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et l'aménagement du territoire pour que les municipalités puissent se doter, de un, d'un règlement de démolition, parce qu'il faut savoir que ce ne sont pas toutes les municipalités qui en ont, par ailleurs, pour se constituer un comité et une analyse rigoureuse du bâtiment, également une audience publique et également une obligation d'informer la ministre ou le ministère de l'avenir du bâtiment en question. Donc, un processus rigoureux d'analyse avant qu'on en arrive au pic des démolisseurs.

Vous donner un exemple des obligations que nous créons. Pour ce qui est des MRC, elles ont l'obligation de faire des inventaires. Dans le cas de Berthierville, qui est actuellement en cour, puisque j'ai exercé mes pouvoirs pour empêcher une démolition d'un bâtiment qui était abandonné, la MRC avait dit : Ce bâtiment-là, pour nous, il est important, il fait partie de l'inventaire. La ville, ce qu'elle a fait, elle ne s'en est pas souciée, a donné un permis de démolition. Merci, bonsoir. Alors, ce processus-là n'aurait pas pu avoir lieu avec le nouveau projet de loi. Il y aurait eu une analyse rigoureuse, il y aurait eu une concertation du milieu, il y aurait eu un comité de mis sur pied pour voir s'il y avait pertinence ou non de démolir le bâtiment, et la ministre aurait été informée avant que la pelle mécanique soit devant la cour. On n'en serait pas là.

Par ailleurs, le projet de loi ne modifie pas toutes les lois... pardon, tous les articles de la loi actuelle, et la ministre a toujours le pouvoir ultime de faire stopper une démolition et de forcer même l'exécution de travaux, ce que nous avons fait d'ailleurs.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Concernant les inventaires, est-ce que vous savez combien d'agents de développement du patrimoine ont été embauchés, combien d'immeubles ont été cités, donc, les impacts vraiment concrets du programme que vous avez annoncé en décembre dernier?

Mme Roy : Bien, on est là-dedans parce que les chèques vont sortir, là, incessamment, sous peu. Je le souhaite parce que c'est toujours très long, tous ces traitements.

À cet égard, j'ai annoncé — quel mois étions-nous, je crois que nous étions le 9 septembre — en compagnie de ma collègue la ministre des Affaires municipales que notre programme de 51 millions, qui est un programme qui ne couvre pas Montréal et Québec qui ont des ententes particulières, là, avec des sommes réservées pour eux pour le patrimoine bâti... Pour ce qui est de ce programme, dont nous avons fait grand état le 9 septembre dernier, c'est 51,6 millions de dollars pour 86 ententes qui, elles, ont été passées avec 54 MRC et villes. Là-dedans, c'est beaucoup de monde, mais vous me direz : Ce n'est pas assez. C'est un début, il y a toujours place à amélioration, et c'est ce que nous souhaitons.

Par ailleurs, il y a des villes qui avaient déjà, par exemple, des agents en patrimoine; il y a des villes qui sont très, très proactives, donc elles n'avaient pas besoin d'un agent en patrimoine.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Je comprends. Mais sur quoi vous vous basez pour dire que c'est un succès? Parce que vous dites qu'il y a des chèques qui vont être...

Mme Roy : Le succès, c'est la demande, oui, si je comprends bien votre question, là, le succès, c'est la demande. La demande a été tellement forte que dès la sortie de notre programme en décembre, lorsque nous avons ouvert les enveloppes et les demandes en janvier pour les analyser, bien, on m'a dit : Mme la ministre, on dépasse, les demandes dépassent la capacité des budgets. Alors, j'ai dit : Bien, rajoutons un autre 20 millions si c'est possible. Alors, je suis allée parler avec mon collègue, au ministre des Finances, puis il y a un 20 millions supplémentaires qui a été ajouté.

Alors, ce qu'on fait, on s'ajuste. Parce que, vous savez, on n'a pas le portrait global, nous n'avons pas actuellement un inventaire complet. On ne sait pas exactement combien il y a d'immeubles patrimoniaux au Québec. On ne le sait pas. On a une vague idée, mais c'est morcellaire... c'est parcellaire, puis on veut le savoir.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'argent... Ça, c'est un programme. Mais sachez que de l'argent, en patrimoine, il y a un 15 millions de dollars qui, lui, est à part, qui s'en va pour la restauration du patrimoine religieux à chaque année. Il y a un autre 5 millions de dollars, ça, c'est un nouveau programme que j'ai créé depuis deux ans, donc ça fait 10 millions qui ont été versés pour ce qui s'appelle la requalification — moi, je préfère parler de seconde vie — d'immeubles patrimoniaux religieux. Donc, faire quelque chose avec les églises, faire quelque chose avec les presbytères, il y a de l'argent pour ça. Il y a plusieurs municipalités qui se sont montrées intéressées, des groupes. Et je vous dis, c'est un succès dans la mesure où il y a une grande demande.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Concernant la ville de Québec, donc, dans votre projet de loi, c'est inscrit que le conseil de la ville peut adopter un règlement pour régir ou restreindre la démolition de constructions ou interdire toute démolition sans l'obtention d'un permis de démolition. Mais par la suite c'est indiqué que le conseil ne peut retirer à la commission, donc, la Commission d'urbanisme et de conservation de Québec... donc, elle devra retirer à cette commission-là sa compétence à l'égard de la démolition de l'immeuble patrimonial. Donc, je comprends que, si la commission prend une décision pour démolir, pour autoriser la démolition d'un immeuble, le conseil municipal ne peut pas renverser cette décision-là?

Mme Roy : C'est très technique, mais je vous invite à aller lire les autres articles. Il y a des articles qui modifient, comme je vous disais, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme du territoire, qui font en sorte que les villes et de Montréal et de Québec devront respecter les modifications apportées à la Loi sur le patrimoine culturel.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, je comprends. Mais parce qu'à Québec la Commission d'urbanisme et de conservation ce n'est pas comme le conseil municipal, les délibérations ne sont pas publiques, les gens ne peuvent pas se faire entendre. Donc, est-ce que cette commission-là pourrait prendre des décisions qui ne pourraient pas, par la suite, être renversées par le conseil municipal?

Mme Roy : Alors, je vous rappelle que les pouvoirs qui sont octroyés en vertu de cette loi à la ministre sont toujours existants, et, si cette commission prend une décision qui ne correspond pas aux objectifs de la loi sur la protection du patrimoine, la ministre peut toujours les renverser.

M. Bélair-Cirino (Marco) : O.K. Puis vous avez mentionné le Tribunal administratif, là, qui pouvait entendre, là, des citoyens qui s'estiment lésés par des décisions. Est-ce que pendant cette démarche-là vous renforcez les obligations des propriétaires d'immeubles à maintenir leur actif pour ne pas qu'il y ait des cas encore comme celui qui a été évoqué par mon collègue, que vous avez évoqué vous-même, où les propriétaires profitent des longs délais juridiques ou d'analyse des dossiers pour laisser leur immeuble à l'abandon, puis par la suite, lorsque le dossier est complété, il y a un jugement de cour, mais l'immeuble, là, s'est détérioré de façon importante?

Mme Roy : Ce que nous faisons, c'est qu'il y a dans la loi actuellement des sanctions pénales qui sont prévues pour des propriétaires qui possèdent des édifices qui sont protégés, et ces actions-là... pardon, ces articles, ces recours-là, nous les utilisons, ce que les gens ne vous disent pas, là, nous les utilisons, et les procès sont gagnés.

M. Larin (Vincent) : J'aurais peut-être une dernière question. Vous avez quand même mentionné à trois, quatre reprises pendant la conférence de presse que ce sont des choses qui sont très longues. Pourquoi c'est aussi long, puis est-ce que c'est trop long pour vous?

Mme Roy : Bien, c'est-à-dire, on fait le plus rapidement qu'on peut, mais on parle ici quand même de quelque chose de très théorique, je vous dirais, à la limite scientifique, puisque ça prend des experts pour faire des analyses. On parle de spécialistes, de professionnels. D'ailleurs, les agents de développement en patrimoine qui sont engagés sont des bacheliers en la matière. Donc, ce sont des expertises qui sont longues, mais naturellement c'est un délai maximal qui est dans la loi. Si tout peut se faire de façon plus rapide, ce sera fantastique.

M. Larin (Vincent) : O.K. C'est ce que vous souhaitez?

Mme Roy : Bien oui, naturellement. On trouve toujours que ça ne va jamais assez vite, mais tout est long, et je peux vous témoigner que tout est long dans une administration, en politique. Voilà, tout est long. Mais on va essayer de faire le plus rapidement possible.

Par ailleurs, la Vérificatrice générale... C'est la raison pour laquelle nous, on travaillait en parallèle de l'enquête qu'elle était à mener. Mais ce qu'elle a identifié comme lacunes, les gens n'ont pas de réponse... Écoutez, des gens attendent 10 ans pour avoir une réponse lorsqu'ils veulent faire une modification à un édifice qu'ils ont. C'est à eux, là, puis ils veulent le modifier, ils veulent le protéger, puis qu'on prend 10 ans pour leur répondre c'est inacceptable.

Je vais vous donner un exemple que personne ne sait. Il y a eu dans l'actualité... Puis ça, c'est une autre chose. J'apprends constamment dans l'actualité qu'il y a un objet, un bien, un bâtiment qui est en péril. Je l'apprends dans le journal. Ce n'est pas normal. Avec la loi qui est là, il y a des obligations qui font en sorte que je devrai savoir bien à l'avance qu'il y a quelque chose qui se trame, ou un objet, ou... pardon, un immeuble qui est à risque. Je devrai savoir ce qui se passe, parce qu'actuellement je ne le sais pas.

Un exemple. On a vu le dossier des archives des Sulpiciens. J'ai appris ça dans le journal, là, que la congrégation religieuse en question voulait s'en départir, avait remercié les archivistes. Mais ce que je ne savais pas... Et là j'ai agi tout de suite, j'ai pris une ordonnance, j'ai pris... pardon, non pas une ordonnance, mais j'ai signifié un avis d'intention de classement. Ça, c'est une étude pour dire : Attention, ne touchez pas à ça, ne vendez pas les objets, ne les sortez pas du Québec, on va leur accorder une valeur puis on va les protéger. C'est une analyse qui est faite. Et je les protégerai ultimement, là, ça s'en vient, quand l'analyse sera terminée.

Mais ce que j'ai découvert en tant que ministre puis en fouillant dans les registres des années antérieures, c'est qu'une demande de classement pour ces archives-là avait été faite en 2002. Je n'étais pas au pouvoir, je suis désolée, là. En 2002, rien n'a été fait, mais la demande avait été logée; en 2003, rien n'a été fait; en 2004, rien n'a été fait; en 2005, rien n'a été fait; en 2006, rien n'a été fait; en 2007, rien n'a été fait. Je vais vous amener comme ça jusqu'en 2012, 10 ans plus tard. En 2012, qu'est-ce que les gens au ministère ont fait? Bien, ils ont refusé le classement. Alors, c'est comme ça que ça marche. Et ça, je n'en peux plus et je ne veux plus que ce soit comme ça. Et c'est pour ça que, là, j'ai agi, j'ai dit : Non, ce n'est pas vrai qu'on va refuser le classement — pour une raison qui est assez obscure, entre vous et moi.

Alors, il y a plus de transparence dans ce projet de loi, les gens qui feront des demandes auront des réponses dans des délais beaucoup plus raisonnables et les gens vont savoir aussi quels sont les critères, en vertu de quoi, parce que c'est très difficile d'avoir accès à toutes ces informations. Donc, ça va rendre la vie des citoyens plus simple, puis ça va protéger davantage notre patrimoine, puis c'est ce qu'on souhaite.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais, à vous entendre, Mme Roy, donc, vous êtes ministre, là, vous n'êtes pas porte-parole de l'opposition sur votre ministère, là, mais vous êtes très critique à l'égard même de la gestion des dernières années dans votre ministère. Est-ce qu'il y a un manque d'expertise? Vous dites que vous êtes mal informée puis que vous apprenez des choses dans le journal et non pas par vos fonctionnaires. C'est un problème, ça.

Mme Roy : Bien, à l'égard des... si on prend l'exemple des archives, par exemple, alors, quand j'ai vu ça dans le journal, j'ai dit : Mais il se passe quoi avec ça? Et c'est là que j'ai appris qu'une demande avait été faite, en bonne et due forme, de classement, en 2002, et que ça a été refusé en 2012. Alors, je ne peux pas tout deviner, là. Et, à cet égard-là, même la Vérificatrice générale elle-même a dit : Ça n'a pas de bon sens, des demandes qui remontent à 10 ans. Donc, c'est des choix qui sont faits par les ministres qui sont là.

Je vais vous dire la vérité, la loi, actuellement, elle donne beaucoup, beaucoup, beaucoup de discrétion au ministre, ce qui est une bonne chose. Mais moi, ce que je souhaite, c'est qu'outre ça les citoyens qui feront des demandes seront éclairés, seront guidés, sauront à quoi s'attendre. Ça donnera de la prévisibilité aussi.

Je vais vous donner un autre exemple. Il y a 13 sites qui sont des sites déclarés au Québec. Donc, c'est la protection ultime que le gouvernement peut accorder à un endroit. Par exemple, l'île d'Orléans est un site déclaré. Actuellement, ce sont des plans de conservation. Dites-moi s'il y a un chrétien qui est allé lire ça puis qui sait ce que c'est.

Alors, ce que nous allons faire avec ce projet de loi, c'est que les plans de conservation seront convertis en règlement. Vous connaissez l'adage, nul n'est censé ignorer la loi. Un règlement, c'est public, et tout le monde saura ce qu'il y a dedans. Si vous voulez aller vous acheter une maison à l'île d'Orléans, vous saurez quelles sont vos obligations comme propriétaire. Si vous voulez construire quelque chose à l'île d'Orléans, vous saurez quelles sont vos obligations parce que vous êtes dans un site déclaré. Donc, c'est pour faciliter la vie des citoyens.

Alors, à cet égard-là, quand je vous dis que la Vérificatrice générale dit que ça manque de transparence, que la gestion du patrimoine immobilier est déficiente depuis des années au ministère de la Culture, je la crois, je le vois, je le vis quotidiennement. Et c'est pour ça qu'il est plus qu'urgent de faire une modification à la loi. Parce que, vous savez, on peut faire des politiques, des plans, des stratégies, mais ça vaut juste le papier sur lequel c'est écrit. Une loi, c'est fort, et ça envoie un message très fort. Merci.

(Fin à 12 h 14)

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