(Onze heures vingt-six minutes)
Mme Anglade : Alors, bonjour. Bonjour
à tous. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. David Birnbaum, qui est notre
porte-parole notamment sur les questions de santé mentale.
Horreur, effroi, chagrin. Il y a de ces
événements qui dépassent l'entendement, et la tragédie meurtrière survenue le
30 octobre en est. Cette année, dans un contexte d'automne
particulièrement difficile, la fête de l'Halloween venait apporter un peu de
légèreté, d'insouciance, de magie auprès de plusieurs familles du Québec, mais
la violence et la tragédie ont frappé là où personne ne les attendait.
Je tiens à offrir mes plus sincères
condoléances aux familles de Suzanne Clermont et de François Duchesne, qui ont
été brutalement assassinés, et je tiens également à dire aux cinq personnes qui
ont été blessées que toutes nos pensées les accompagnent.
La police va mener son enquête, et nous en
apprendrons davantage sur les circonstances de la tuerie. Par contre, on sait déjà
que le suspect souffrait de problèmes de santé mentale.
Et la question de santé mentale au Québec
doit échapper à la politique partisane. Ni le gouvernement Legault ni quelque autre
parti que ce soit n'est directement responsable de cette tragédie. Les
meilleurs programmes et les gouvernements les plus efficaces au monde ne
pourront jamais complètement éradiquer des incidents insensés comme celui qu'on
a pu vivre cette fin de semaine. La maladie mentale existera toujours et sera toujours
plus compliquée à gérer que les maux physiques.
Au lendemain d'un tel drame, les hommes et
les femmes politiques peuvent toutefois choisir de laisser de côté leurs
affiliations et saisir l'occasion de faire évoluer la société ensemble.
En avril dernier, dans le contexte de la première
vague de la pandémie, l'ancienne première ministre Pauline Marois a donné une
entrevue dans laquelle elle commentait le traitement des personnes âgées au Québec,
et je la cite : «Je pense qu'on a fait fausse route. Et, quand je dis "on",
ce n'est pas le gouvernement actuel, c'est l'ensemble des gouvernements qui se
sont succédé. On a fait fausse route, et aujourd'hui on en paie le prix.» Le commentaire
de Mme Marois demeure non seulement d'une actualité brûlante, mais il aurait
aussi bien pu s'appliquer aux enjeux de santé mentale au Québec.
La situation, elle est connue. La santé
mentale est le parent pauvre de notre système. Les services sont insuffisants,
l'accès est trop restreint, l'attente est trop longue. Au fil des ans, les gouvernements
successifs ont tenté d'apporter des correctifs et de mettre en place de
nouveaux programmes, mais aucun n'a été aussi loin que de considérer la santé
mentale au même niveau, au même titre, avec la même attention que tous les
autres problèmes de santé physique. Les sommes en cause paraissent toujours
trop élevées, et d'autres besoins urgents semblent toujours plus pressants.
Dans la foulée de la tuerie du 31 octobre,
et, doit-on le rappeler, c'est trois semaines après ce que nous avons vécu à
Wendake, nous avons le devoir de repenser nos priorités.
Plus tôt cet automne, nous avons proposé
d'adopter un programme universel de couverture publique de psychothérapie. Ça
permettrait d'élargir rapidement et considérablement l'accès aux soins de santé
mentale pour tous les Québécois. Au même moment, Québec solidaire pressait le gouvernement
de pourvoir les nombreux postes de psychologues vacants dans le réseau public.
Ces propositions complémentaires
m'apparaissent susceptibles s'améliorer significativement les soins en santé
mentale au Québec, même s'il est certain qu'elles ne règleront pas tout. Je ne
doute pas non plus que le Parti québécois et la CAQ notamment, comme en
témoigne l'annonce de 100 millions d'hier, soient réellement préoccupés
par cet enjeu.
Chaque parti a sans doute une contribution
utile à apporter. Dans ce contexte, ma pensée se résume en deux mots :
Travaillons ensemble. Unissons nos forces, nos intelligences, nos volontés.
Mettons en place une commission parlementaire transpartisane qui va se pencher
sur les solutions envisageables à court terme et à moyen terme et faisons
aboutir un plan qui soit à la fois révolutionnaire et efficace.
Il faut maintenant que l'enjeu de la santé
mentale soit élévé au rang de priorité nationale. Et il le faut et encore plus
aujourd'hui parce que les effets négatifs, et ils ont été exacerbés par la
crise sanitaire, vont se faire sentir bien au-delà de la COVID-19. C'est
maintenant que nous devons agir.
Si la pandémie nous a appris une chose, c'est
que les gouvernements ont cette capacité d'agir rapidement et de manière
décisive quand les circonstances l'exigent. C'est ce que les Québécois, les
Québécoises attendent aujourd'hui de leurs élus. Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va passer aux questions.
M. Lacroix (Louis) : Quand
vous dites que les gouvernements successifs, incluant le gouvernement libéral
précédent, le gouvernement péquiste, on peut remonter loin, là, il n'y en a
pas... tout le monde a sa part de responsabilité dans ce qui se passe actuellement,
je lis bien votre pensée?
Mme Anglade : Oui. Puis ce que
je dis particulièrement c'est que la question de la santé mentale, l'enjeu de
la santé mentale n'a jamais été monté au rang de priorité nationale. Et
aujourd'hui on se rend compte, avec ce que l'on vit présentement et en se
projetant sur la prochaine année, les prochaines années, on se rend compte
qu'il va y avoir des enjeux de santé mentale qui vont se poser bien au-delà de
la COVID et que conséquemment on arrive à un point où il faut qu'on soit
collectivement capables de se dire : On ne peut pas frapper un point de
rupture, il faut qu'on monte ça au niveau...
M. Lacroix (Louis) : Mais
pourquoi les gouvernements successifs n'ont rien fait, en fait, pour élever ce
problème-là? C'est une question de financement, peut-être, à votre avis...
Mme Anglade : Bien, non
seulement... Je pense que quelque part, il y a la notion de... La santé
mentale, la raison pour laquelle... Puis ce n'est même pas propre au Québec,
hein, ça, c'est propre... Quand vous regardez dans d'autres juridictions
également, l'enjeu de santé mentale, c'est toujours un enjeu qui est plus
pernicieux, qui est moins visible, qui est moins pressant. Les sommes sont
importantes, mais on a de la difficulté à quantifier, si on fait ça, les
impacts. Pourtant, les études démontrent que, lorsqu'on investit en santé
mentale, il y a beaucoup de coûts qui diminuent pour notre société. Mais on a
de la difficulté à quantifier ça. Et il y a toujours des besoins qui sont plus
pressants, qui apparaissent plus évidents parce que la santé mentale est plus
pernicieuse. Mais là, aujourd'hui, on est rendus à une étape où on doit
l'amener ailleurs, cette question de la santé mentale.
M. Larin (Vincent) :
Concernant le débat sur une caricature de Mahomet, Mme Anglade, hier, M.
Legault a clairement exprimé, là, de quel côté il était. Pour vous, est-ce que
vous penchez plus du côté de M. Macron ou de M. Trudeau?
Mme Anglade : Moi, ce qui est important
pour moi, c'est que ma position soit extrêmement claire là-dessus. La liberté
d'expression, là, elle existe, et elle est importante, et nous devons la
défendre. Elle vient évidemment avec une responsabilité qui est celle de ne pas
inciter à la haine et de ne pas inciter à la violence, de ne pas prêter flanc à
ce genre de critique là. Mais la liberté d'expression... de faire de la satire,
de faire des caricatures, ça fait partie de cette liberté d'expression.
M. Larin (Vincent) : Et, selon
vous, est-ce que c'est une bonne chose, est-c'est que souhaitable qu'on… comme
M. Trudeau l'a dit, mais qu'on s'acharne sur des tranches de la population qui
sont déjà ostracisées, là?
Mme Anglade : La liberté
d'expression, c'est la liberté d'expression pour tous. Et, encore une fois, je
pense que la limite… cette liberté d'expression doit s'accompagner d'une responsabilité. Alors,
s'il y a des gestes qui sont posés, en matière de liberté d'expression, où
délibérément on incite à la haine ou délibérément on incite à la violence, ça,
c'est une autre question. Mais la capacité de pouvoir faire des caricatures, la
capacité de pouvoir s'exprimer, ça fait partie de cette liberté d'expression.
M. Lacroix (Louis) : Mais
quand on parlait de la façon dont une certaine partie de la population réagit à
ces formes de liberté d'expression, est-ce que c'est de la provocation de le
faire quand même? Tu sais, par exemple, Charlie Hebdo qui republie les
caricatures de Mahomet en sachant très bien qu'il y a une partie de la population
qui va être, comment dire, outrée par ça, est-ce que, là, ça ne devient pas de
la provocation?
Mme Anglade : Ça revient un
peu aux discussions que nous avons eues avec tout ce qui s'est passé à
l'Université d'Ottawa, il y a des contextes, il y a des situations, mais on
doit pouvoir protéger notre liberté d'expression et on doit pouvoir communiquer
ça. Et il y a des gens qui pourront juger si on estime que c'est une incitation
à la haine ou à la violence, mais je pense que la satire et la caricature,
elles ont leur place aussi dans notre société.
M. Larin (Vincent) : Et selon
vous, Mme Anglade, de publier en ce moment, dans le contexte présentement qu'il
y a en France, les caricatures de Mahomet, est-ce que c'est moral? Au-delà de
légalité de la chose, on comprend que c'est légal, selon… on le sait, c'est statué.
Mais, selon vous, est-ce que c'est la bonne chose à faire? Est-ce que c'est
souhaitable?
Mme Anglade : La liberté d'expression,
ça reste un droit qui est fondamental. La liberté d'expression reste un droit fondamental.
Et je comprends les répercussions que ça peut avoir, je comprends ce qu'il peut
y avoir comme charge émotive associée à certains éléments, mais, encore une
fois, tant que l'on ne parle pas d'incitation à la haine, à la violence, tant
qu'on ne parle pas de ça, je crois qu'on a le droit à avoir cette liberté d'expression.
Mme Prince (Véronique) : Mme
Anglade, est-ce qu'on peut vous entendre : Auprès de la nouvelle administration
américaine cette semaine, quand on va connaître les résultats, que ce soit
Trump qui soit réélu ou Biden qui soit élu, là, quelles doivent être les
priorités du Québec auprès de cette administration-là?
Mme Anglade : Alors, toutes
les questions... Bon, alors, sur le choix, je pense qu'il n'y a personne qui
sera surpris du choix que j'aurais, que je souhaite pour nous tous...
Une voix
: Allez-y,
allez-y, on pourrait être surpris.
Mme Anglade : Ah! Allez-y, là,
on pourrait être surpris... Non, je pense que personne ne va s'étonner. D'ailleurs,
si vous avez suivi mon fil Twitter, vous avez vu... Je vous encourage à aller
voir cette très bonne publicité que j'ai mise sur mon fil Twitter, sur les
élections et l'incitation... l'encouragement aux gens à aller voter. Donc, évidemment,
le côté démocrate, c'est ce qu'il faut se souhaiter. Pourquoi? Parce que sur la
question des relations avec les États-Unis je pense que ça va faciliter les
relations avec les États-Unis. Je pense qu'il y aura une ouverture, de la part
d'une administration démocrate, quant au... tout ce qui a trait aux changements
climatiques, l'aluminium vert. Il y a des segments de notre économie qui
pourraient être favorisés par cette arrivée-là, la question des talents, donc
je pense qu'il y aura des choses qui pourraient être intéressantes et plus
stables pour nous. Je pense que la stabilité et la prévisibilité, ça va être
deux éléments importants aussi.
Mme Prince (Véronique) : Mais
nos représentations devraient aller dans quel sens? Tout à l'heure, au Parti
québécois, on disait : Il faudrait parler de la question des frontières
comme priorité. Est-ce qu'il y a une priorité, d'après vous?
Mme Anglade : Bien, bien sûr
qu'il faut parler des frontières, il faut parler de nos chaînes
d'approvisionnement, il faut parler de nos économies qui sont intégrées avec
les Américains, aller tisser des liens avec tous les États, notamment les États
de l'Est américain, avec qui nous avons des liens. Et je crois qu'il y aura une
plus grande ouverture par rapport à ces questions-là. Je réitère que, sur
l'enjeu des changements climatiques, ça pourrait favoriser également le Québec
si véritablement on décide d'aller dans cette voie-là.
M. Carabin (François) :
...quel impact est-ce que l'administration sortante actuelle a eu sur
l'économie du Québec, la santé économique du Québec?
Mme Anglade : Bien, écoutez,
il y a eu plusieurs enjeux. Il y a quand même eu plusieurs enjeux. Pendant la
COVID, c'est une autre question parce que je pense que la COVID, c'est une
crise qui est indépendante de tout ça. Mais l'administration Trump a quand même
été vigoureusement opposée à bien des positions du Québec. On va se rappeler les
droits, les tarifs douaniers que nous avons eus; notre bois d'oeuvre a été
encore une fois mis à mal, malgré le fait qu'on a effectué une défense à tous
égards et on a gagné; vous vous rappellerez les tarifs qui ont été imposés sur
les avions, hein, de 300 %; vous vous rappellerez notre aluminium, notre
acier. Donc, je pense qu'à plusieurs égards on a eu des collisions de front
avec l'administration américaine par rapport à notre économie. Il faut se
souhaiter qu'on va avoir de bien meilleurs rapports avec nos collègues
américains.
Mme Fletcher
(Raquel) : ...are you concerned with what
might happen this evening in the American election?
Mme Anglade :
Am I concerned? I'm hopeful, is my state of mind, I'm hopeful about the outcome
of the election. I hope that we're going to end up with an administration that
is going to be in a better position to predict and to work on the long term
plan for United States but consequently will have impacts on our economy. And I
think if, the election, we see the Democrats and Joe Biden elected, I think for
Québec it's going to be a better signal.
Mme Fletcher
(Raquel) : ...
Mme Anglade :
A better signal that would be sent, because I think, in terms of cooperation,
we will be in a better position with the Biden administration.
Mme Fletcher
(Raquel) : On mental health, the announcement
that Minister Carmant...
Mme Anglade :
Can you come closer?
Mme Fletcher
(Raquel) : Yes.
Mme Anglade :
Thank you.
Mme Fletcher
(Raquel) : The announcement that Minister
Carmant made yesterday, the $100 million that is going into mental health, is
that enough?
Mme Anglade :
It can't be enough. It's a good step, I mean, I'm recognizing it's a good step,
but it's not something that's going to happen on a yearly basis. It's a
one-time deal. And mental health, we have to look at it in a more broader sense
and we have to make it a national priority. National priority means that you
need to get all the different participants, all the different politicians
together and work on a real plan for the future. I understand that there is a
short-term work that needs to happen to manage the pandemic, but we also have
to project ourselves and see that today we have to act if we want to get a
long-term solution for society in terms of mental health.
Mme Senay (Cathy) : And why do you have this thinking process now? Because of the
pandemic, and the rising case of anxiety, for example, and what happened this
weekend that must have been unpredictable but then it's mental health problems?
Mme Anglade :
We've had... back in the fall, we came and we said : We need to have a
bill to support the level of anxiety of entrepreneurs and people in
agriculture. We came back and we said : We think there's something else
that's needed. For example, making sure that all the costs are covered when you
want to have access to a psychologist. We said that we wanted to have a
commission with everybody included, «un mandat d'initiative». And, as we're
going through the last few weeks, we realize this is
not going to go away, this is going to, in fact, increase. If I talk to my
constituents, if I talk to the people, we see the level of anxiety increasing
everywhere, and this level of anxiety is not going to disappear with the
disappearance of the COVID. It's going to have a lasting effect. Consequently,
I think «sa santé mentale», her mental health, which has never been the top
priority in health care, needs to be considered as a national priority.
M. Authier (Philip)
: Just on COVID, the numbers in the last few weeks seem to have
plateaued, they're not really going up a lot, they're not really going down a
lot. What's your assessment of the status of the virus in Québec today?
Mme Anglade : So, I certainly hope that «la Santé publique» and the Government will come with solutions to
reduce the plateau. The plateau is there, and it's a high plateau, and all the
regions are pretty much red. So, we have to... I assume that they will be
coming up with additional plans that they want to work on between now and the
next few weeks. But, again, I think the message that we're sending is :
Well, we have to look after the pandemic now, but we also have to be able to
plan. I'm thinking of all the entrepreneurs that don't have visibility to
anything. If you are an owner of a restaurant, today, you don't have visibility
to what's going on passed two weeks down the road. So, we need to have
long-term plans. We need to manage the current situation, but we also need to
define what is the future going to look like because we're going to be living
with the pandemic for at least another year.
Mme Senay (Cathy) : ...this plateau, what can we understand from this?
Mme Anglade : Again, I would love to be able to answer the questions, but the
questions would have to be answered by the people from Santé publique. How do
you reduce the plateau now that we have this plateau? How do you go down? What
are the measures that you want to put in place? I mean, it goes back to all the
questions around the data that we need to see. Where are the eclosions coming
from? What are you going to do about the eclosions specifically? It all comes
down to having this information
in order to act.
Des voix
:
Merci beaucoup.
Mme Anglade : Merci, tout le
monde.
(Fin à 11 h 45)