(Onze heures vingt minutes)
La Modératrice
: Bien,
bonjour. Bienvenue à ce point de presse du Parti québécois. Aujourd'hui, M.
Joël Arseneau, notre porte-parole en matière de transport. La parole est à vous.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Laura. Merci. Bienvenue à tous. Je veux parler de transport aérien aujourd'hui
parce qu'il y a un angle mort dans l'entente qu'a conclue le gouvernement
fédéral avec Air Canada, une entente, je le rappelle, de 5,9 milliards de
dollars, un investissement important du gouvernement fédéral dans le transport
aérien, qui était attendu, soit, mais qui laisse en plan les régions du Québec.
En fait, non seulement le gouvernement fédéral impose-t-il à Air Canada de
rembourser les consommateurs qui avaient acheté des billets, et il fait bien de
les rembourser maintenant avec l'argent fédéral, mais il imposait également à
Air Canada de rétablir des liaisons aériennes qu'il avait abandonnées au cours
de la dernière année.
Or, ce qu'on apprend aujourd'hui, là, en
essayant de creuser un peu le dossier qui n'a pas été expliqué de façon très,
très claire et transparente de la part du fédéral, c'est que les liaisons du
Québec qui ont été abandonnées, qu'on pense, par exemple, à l'aéroport de
Baie-Comeau, qu'on pense à Val-d'Or, à Mont-Joli, à Gaspé, aux Îles-de-la-Madeleine,
même Wabush et Fermont, or, toutes ces destinations régionales là, bien, Air
Canada n'a aucune intention de les desservir. Pour ce qui est des
Îles-de-la-Madeleine, on va continuer d'y aller l'été, là, lorsqu'il y a un peu
de volume touristique, pour faire concurrence aux transporteurs régionaux québécois,
sinon on va continuer d'abandonner les régions.
Alors, la question qui se pose et que je
pose aujourd'hui, d'une part, c'est : Quelle sera la part des
investissements fédéraux qui va aller aux régions du Québec pour soutenir le
transporteur ou le transport aérien régional si Air Canada décide de ne pas
nous desservir? L'autre question qui est encore plus fondamentale, c'est :
Quel est le rôle du gouvernement du Québec et où est son ministre des Transports,
M. Bonnardel, qui n'a toujours pas soufflé un mot sur son plan de match
pour le transport aérien régional depuis la fin des travaux du groupe
d'intervention qu'il avait constitué en juillet dernier? En fait, c'est un
groupe transpartisan composé d'élus, mais surtout de représentants régionaux
qui ont travaillé à déposer des mémoires, des propositions de solution pour un
nouveau modèle pour le transport aérien régional et qui, depuis novembre
dernier, sont sans nouvelles du ministre.
Alors, on demande au gouvernement, et plus
précisément au ministre des Transports, de sortir de son silence assourdissant
et nous dire, d'une part, ce qu'il a fait pour convaincre le fédéral de
soutenir le transport aérien régional au Québec et on lui demande aussi son
plan de match, quelle est sa vision pour un nouveau modèle de desserte aérienne
régionale, qu'il a souvent qualifié de crucial, comme nous. Alors, maintenant,
il est temps de passer à l'action. Nous ne souhaitons pas nécessairement qu'Air
Canada revienne desservir les régions, mais, s'il n'est pas là, comment est-ce
que les régions seront desservies, avec quel soutien des deux paliers de
gouvernement? Quel est le plan de match? Essentiellement, c'est ce qu'on
demande aujourd'hui. Il est plus que temps d'agir. Le transport aérien
régional, il est capital pour plusieurs de nos régions, plusieurs des
destinations.
On a aussi un programme d'urgence qui
avait été mis en place pour la durée de la pandémie, lequel programme venait à
échéance le 31 mars dernier. On n'a pas su s'il allait être renouvelé et
avec quel type d'enveloppe budgétaire. Il y avait aussi ce nouveau modèle qu'on
devait mettre en place, qui devait s'accompagner de subventions aux
transporteurs. On ne sait pas non plus si le gouvernement va aller de l'avant
avec un programme, avec une solution pour un nouveau modèle.
Alors, là-dessus, je suis prêt à prendre
vos questions.
Mme Gamache (Valérie) :
M. Arseneau, concernant justement le départ d'Air Canada, il y a quand
même des modèles qui, en tout cas, semblaient vouloir se mettre en place… même
dès l'été dernier. Je pense entre autres à l'initiative dans la région de
Mont-Joli. Qu'est-ce que vous connaissez de l'état de l'organisation de ces
initiatives-là?
M. Arseneau : Bien, vous
faites sans doute référence à la proposition de la régie interrégionale de
transport aérien de Mont-Joli, qui souhaitait mettre en place une régie, justement,
qui aurait pu aller, hein, par voie d'appels d'offres pour desservir
différentes régions du Québec. C'était l'un des modèles qui étaient proposés.
L'Union des municipalités du Québec avait également proposé un type de modèle
s'apparentant à celui-là aussi pour définir certaines liaisons importantes et
aller, par voie d'appels d'offres, chercher un transporteur avec qui on
pourrait convenir d'une fréquence, de types d'appareils, également de tarifs,
bien entendu, là, pour s'assurer que le service soit à la fois fiable, mais
aussi abordable.
Également, la Fédération québécoise des
municipalités qui avait proposé une solution qui impliquait la mutualisation
des dépenses, là, des transporteurs dans la promotion, dans la vente de
billets, et essayer, justement, d'amoindrir les coûts de chaque transporteur en
les faisant travailler ensemble, au sein d'une organisation à définir, pour
pouvoir, justement, avoir un système qui soit plus rentable et qui puisse
assurer un service adéquat et à coûts abordables pour la population.
Tous ces modèles-là ont été regardés et
discutés dans le cadre des travaux du groupe d'intervention sur le transport
aérien, mais, en bout de ligne, l'expert-conseil du gouvernement, Jacques Roy,
des Hautes Études commerciales, les a un peu mis de côté en disant qu'il
fallait les approfondir et que, pour l'heure, il valait mieux aller de l'avant
avec un programme de subventions gouvernementales qu'on pourrait décrire de la
façon suivante : c'est, une fois que des transporteurs ont été reconnus
comme étant suffisamment solides et intéressés à desservir un certain nombre
d'aéroports décrits comme étant des aéroports clés pour un réseau supérieur de
transport aérien régional, bien, qu'on les subventionne pour s'assurer qu'ils
ne puissent pas encourir de déficits dans leurs services réguliers. En d'autres
mots, c'est un genre de subvention d'équilibre qui pourrait être donnée pour
s'assurer que, si on n'a pas vendu le nombre de sièges nécessaires, qu'on
n'encoure pas un déficit pour ensuite fermer nos portes et puis se retrouver
sans services.
Donc, c'était là-dessus qu'on semblait
vouloir aller en novembre dernier. Il fallait attendre la conclusion du rapport,
son dépôt et la présentation d'un programme gouvernemental. Et depuis, bien,
c'est silence radio. On n'a pas entendu parler le ministre de ce dossier-là
depuis novembre dernier. Le rapport n'a pas été publié, et aucun programme n'a
été annoncé. Et, en regardant le budget du gouvernement du Québec d'il y a
quelques semaines, on ne voit pas non plus de sommes très, très
importantes consenties au transport aérien :
un 10 millions de dollars, si je me souviens bien, pour soutenir les
aéroports, qui ont évidemment perdu beaucoup de revenus avec la baisse du
trafic aérien, et puis peut-être un 10 millions également, là, pour les
transporteurs, mais ça ne constitue pas, là, à mon sens, du moins, les sommes
conséquentes pour développer un nouveau modèle de desserte.
Alors, on est actuellement, là, dans le
noir, puis c'est la raison pour laquelle on appelle le ministre Bonnardel à
faire part de sa réaction d'abord à l'intervention fédérale, de voir s'il est
en négociation pour que le fédéral s'intéresse également aux régions du Québec,
qui sont abandonnées par voie de conséquence de la signature d'une entente du
fédéral avec Air Canada, puis de voir quel est son propre plan de match, là,
qui était sur le point d'être déposé avant les fêtes et qui ne l'a toujours pas
été.
Le Québec a un rôle fondamental à jouer à
l'heure actuelle pour s'assurer que les régions ne soient pas abandonnées et
que le vide créé par Air Canada puisse être une opportunité de bâtir un nouveau
modèle, de nouvelles dessertes plutôt qu'à l'inverse, créer une espèce de confusion
où on pourrait avoir, justement, un service qui est pour un temps concurrentiel
puis qu'on se retrouve avec un nouveau système, là, où un transporteur
monopolistique va faire la loi.
Vous savez, il y a de nouveaux
transporteurs qui sont intéressés. On sait que Pascan est déjà là depuis un
certain temps, a élargi sa desserte, mais là il va faire face à une
concurrence, celle de PAL Airlines, qui est une compagnie albertaine dont le
siège social est dans les Maritimes. Alors, quel genre de services ça va donner
en bout de ligne si c'est un peu la loi de la jungle, là, dans les transports
régionaux aériens? Ça, c'est la question qu'on peut se poser. Parce que,
pendant un temps, la concurrence, elle fait baisser les prix, elle donne des
résultats à court terme, mais ce qu'on a vu, d'expérience, c'est qu'à moyen et
long terme on finit par avoir un nouveau service qui est dominant et qui écarte
la concurrence au détriment, évidemment, de la fiabilité du service et des
coûts, qui invariablement remontent et sont difficiles à accepter pour la
clientèle.
Mme Gamache (Valérie) : Puis,
comme il y a des joueurs actuellement en place, pour vous, c'est une occasion à
saisir, pour le ministre des Transports, d'établir, justement, rapidement ce
nouveau système-là?
M. Arseneau : Bien, je vous
rappellerais que le ministre Bonnardel, en juillet dernier, lorsqu'il a réuni
pour une première fois les différents acteurs du transport aérien régional,
même si on était en pandémie, y voyait une occasion, une opportunité de
redéfinir le modèle québécois de transport aérien régional. Et l'une des
premières pistes d'action qu'il s'était donnée, c'est de négocier avec Air
Canada la possibilité d'un pacte de non-concurrence pour s'assurer qu'Air
Canada ne revienne pas, à court ou moyen terme, dans les platebandes des
transporteurs québécois régionaux pour qu'on puisse véritablement donner la
chance à un nouveau modèle de se mettre en place, aux compagnies aériennes, si
vous me passez l'expression, de prendre leur envol dans une nouvelle desserte
des régions du Québec.
Et là, quand on a reposé la question au
cours de l'automne, le ministre nous a répondu : Bien, finalement, ça n'a
pas abouti, cette négociation-là ou cette demande auprès d'Air Canada, qui a
bien d'autres problèmes à régler et qui, vraisemblablement, ne reviendra pas à
court terme, donc on continue de travailler sur un nouveau modèle. Aujourd'hui,
avec l'entente du fédéral, bien, on voit qu'Air Canada, de son propre chef,
décide d'abandonner les régions du Québec. Mais, en même temps, on semble
comprendre qu'ils vont pouvoir... du côté d'Air Canada, on va pouvoir signer
une entente interlignes pour s'approvisionner, en termes de passagers, là, pour
les dessertes nationales et internationales. Alors, ça, on sait qu'il y a des
négociations qui sont en cours avec des transporteurs régionaux.
Mais on peut se poser la question
suivante : Est-ce qu'Air Canada va déterminer quel sera le transporteur
qui va être son correspondant pour aller jusque dans les régions du Québec?
Est-ce que c'est Air Canada qui va continuer de contrôler le transport aérien
régional, alors qu'il s'en est retiré, ou est-ce que ce ne serait pas plutôt le
rôle du gouvernement du Québec, notamment, de s'assurer qu'il y ait de la place
pour tout le monde et, notamment, que tous les transporteurs régionaux qui le
souhaitent puissent avoir des ententes avec Air Canada pour s'assurer que, si
on part de l'aéroport de Havre-aux-Maisons ou de Baie-Comeau, qu'on puisse,
dans un même vol, avoir une correspondance avec Air Canada sur un vol
international, éventuellement? Mais ça, il ne faut pas donner de privilèges à
un transporteur qui, comme dans le passé, s'appelait Air Canada Jazz, faisait
la desserte pour Air Canada, mais de façon monopolistique ou quasi monopolistique
dans les régions.
Donc, il y a beaucoup de travail à faire
encore pour clarifier l'entente qui a été convenue entre le fédéral et Air
Canada, quelles sont les conditions auxquelles Air Canada a décidé de se
soumettre et quel sera le pouvoir d'Air Canada ou non d'intervenir pour encore
dicter les règles du marché régional. Et ça, ça peut être inquiétant, si Air
Canada continue de jouer, mais faire par en arrière ce qu'il ne fera plus, là,
de façon frontale. Et ça… il y a une certaine inquiétude qui ne peut être
calmée que par une intervention résolue et déterminée du ministre des
Transports du Québec, qui s'est déjà engagé à développer un nouveau modèle avec
les différents partenaires pour le transport aérien régional.
Mme Gamache (Valérie) : Merci
beaucoup.
M. Arseneau : Merci beaucoup
de votre attention.
La Modératrice
: Merci.
Bonne journée.
(Fin à 11 h 33)