(Neuf heures une minute)
M. Arseneau : Aujourd'hui,
on tient une interpellation sur l'augmentation des besoins en santé mentale, notamment
en raison de la détresse qui est causée par la pandémie, et les actions à
prendre pour remédier aux délais d'attente.
Je dois vous dire, je dois vous avouer,
là, aujourd'hui, je suis en colère. Je suis en colère parce que la dernière
fois qu'on a eu ce genre d'exercice d'interpellation, c'est il y a six mois. Et
la situation, loin de s'être améliorée, elle s'est détériorée. Malgré tout ce
que le gouvernement a pu dire, là, il ne s'est rien passé en matière de santé
mentale. La pandémie de santé mentale, elle continue sur le terrain.
Ce matin, en lisant les journaux, encore
une fois, là, on en rajoute une couche. Non seulement on savait que les
annonces de 100 millions de dollars qui avaient été faites, là, au mois
d'octobre dernier n'avaient pas été matérialisées sur le terrain, on avait
annoncé de l'aide d'urgence en octobre pour les écoles, notamment, pour des
éclaireurs, puis ce qu'on a appris lors de l'étude des crédits, au mois d'avril
dernier, là, c'est que ça ne serait pas avant la fin de l'année ou début
septembre qu'on aurait des résultats tangibles sur le terrain.
C'est absolument irresponsable de la part
du gouvernement de faire des annonces comme celle-là et de ne pas avoir de
résultats tangibles, comme ce qu'on dit ce matin dans les journaux, sur une
annonce qui date, elle, du mois d'août dernier. Et les organismes qui peinent à
aider les gens sur le terrain, bien, ils attendent toujours leur argent du gouvernement
du Québec, alors qu'ils ont déployé des ressources supplémentaires, qu'ils ont
fait du recrutement, péniblement, pour aider les gens les plus en détresse de
la société.
On parlait cette semaine de l'urgence
sanitaire. Le gouvernement voulait éviter le débat, disait qu'il avait besoin
de l'urgence sanitaire pour déployer des ressources, pour suspendre les conventions
collectives, pour lancer des contrats sans appel d'offres ou pour les négocier
et les signer, pour, justement, augmenter la cadence de la vaccination, pour
faire des ententes avec le privé pour éviter le délestage. Pourquoi on n'a pas
utilisé l'urgence sanitaire pour déployer des ressources sur le terrain, pour
aider les gens les plus mal pris, les plus vulnérables, les personnes âgées,
les personnes les plus jeunes aussi, qui sont aux prises avec des problèmes de
santé mentale?
La bureaucratie n'a pas livré la marchandise
parce que le gouvernement n'a pas pris le leadership nécessaire en matière de
santé mentale parce que ce n'est pas prioritaire. On a annoncé des millions et
les bottines n'ont pas suivi les babines.
La santé mentale dans cette pandémie-là,
là, elle demeure l'angle mort. Elle est demeurée invisible, aussi invisible que
le ministre Carmant. Quand a-t-on vu le ministre se présenter sur la
tribune avec Legault, avec Arruda, avec Dubé pour dire qu'il y avait crise,
pour dire qu'on allait agir, qu'on allait déployer des moyens, pour développer
des statistiques également?
Si on avait, en santé mentale, le même
genre de statistiques au jour le jour pour voir que les listes d'attente, elles
ne baissent pas, elles augmentent, que la détresse, elle augmente, que le
nombre de jeunes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, bien,
il a doublé, ce nombre-là. C'est un constat d'échec gouvernemental qu'on va
faire ce matin.
Et, à l'aube du déconfinement, la question
qu'on doit se poser, c'est : Quand le gouvernement va-t-il permettre aux
gens qui souffrent de santé mentale... de problèmes de santé mentale de se
déconfiner à leur tour? Les impacts de la pandémie en matière de santé mentale
chez les Québécois, là, vont perdurer des mois et des années encore parce que
le gouvernement n'a pas pris les moyens de gérer la crise qui était déjà
présente, avant la pandémie, et qui continue aujourd'hui, puis qui va continuer
au-delà du déconfinement, au-delà de l'ouverture des terrasses aujourd'hui,
au-delà de l'élimination du couvre-feu.
On a des bonnes raisons d'être en colère aujourd'hui
et de poser des questions au ministre parce qu'il y a, à un moment donné, une
limite à se faire raconter des histoires, à se faire lancer des millions à
travers la tête, qui sont bloqués dans le système, dans la bureaucratie. La même
chose est arrivée avec l'aide aux femmes victimes de violence. On avait annoncé
120 millions de dollars, ça a été bloqué dans les coffres du gouvernement
pendant des semaines et des mois, jusqu'à ce qu'on ait une vague de
féminicides. Qu'est-ce que ça va prendre, en santé mentale, pour donner un
électrochoc au gouvernement pour qu'il agisse enfin sur le terrain?
Alors, moi, je me dis... Le gouvernement,
on l'a appris encore cette semaine, il gouverne par sondage. Pourquoi il n'agit
pas en santé mentale? Parce que ce n'est pas sexy, la santé mentale, parce
qu'on n'en parle pas, parce que c'est l'angle mort de la pandémie. Il va
falloir, à un moment donné, qu'on agisse parce que ces conséquences sur la
population du Québec, sur la santé mentale, ça va se retrouver également dans
le système de santé en général.
Puis on a beaucoup parlé aussi de
délestage. Évidemment, on a fait appel à des cliniques privées. Et en santé
mentale, on a fait appel à des psychologues, et puis on leur a offert 100 $
puis ils ne sont pas allés au rendez-vous. On n'a pas fait le Je contribue pour
la santé mentale, on n'a pas déployé les efforts, on n'a pas mobilisé les
ressources. Encore une fois, là, le gouvernement doit être tenu responsable de
ce qui se passe en matière de santé mentale, il doit enfin agir face à l'échec
de la dernière année.
Et là-dessus je vais accueillir vos
questions et je privilégierais évidemment, au moins au départ du point de
presse, les questions en santé mentale parce qu'on en parle beaucoup trop peu.
M. Laforest (Alain) :
Avez-vous des inquiétudes sur l'intérêt de la presse par rapport à la santé
mentale?
M. Arseneau : Je n'ai pas
d'inquiétude par rapport à l'intérêt de la presse, je voudrais qu'aujourd'hui
on ait une attention particulière pour les gens qui souffrent en silence et que
le gouvernement a abandonnés au cours des derniers mois. Je voudrais qu'on ait
une pensée pour les étudiants qui ont soutenu leurs pairs comme ils pouvaient
lorsque quelqu'un a tenté de suicider. Je voudrais que l'on prenne en compte le
fait que les statistiques, même si elles ne sont pas publiées autant qu'on le
souhaiterait, autant que les cas de COVID, qu'elles sont importantes, qu'elles
sont flagrantes, comme quoi le problème, il n'est pas en train de s'amenuiser,
il augmente. Et je vous demande simplement votre collaboration. Mais vous avez évidemment
le loisir de me poser toutes les questions.
M. Laforest (Alain) : Le
déconfinement, justement, est-ce que ça va baisser la pression? Est-ce que ça va
permettre un certain allègement, un assouplissement, une bouffée d'air pour les
gens qui ont souffert énormément?
M. Arseneau : Bien entendu que
le déconfinement va permettre une bouffée d'air, une bouffée d'oxygène et particulièrement
aux jeunes qui non seulement souffraient en silence, mais étaient, justement,
isolés de leurs pairs. Aujourd'hui, le simple fait de pouvoir se rencontrer, ne
serait-ce que dehors, à huit personnes dans une cour, ça va faire du bien. Le
simple fait de ne pas avoir à vérifier sa montre à 7 h 30, 8 heures
le soir, savoir s'il faut retourner à la maison parce qu'on aurait besoin de
parler à quelqu'un, c'est sûr que ça va contribuer à amenuiser la souffrance de
certaines personnes. Mais il en faut beaucoup plus, en matière de santé mentale,
pour pouvoir passer au travers. Ça en prend beaucoup plus, là, que le programme
québécois d'intervention sur les troubles mentaux. Il faut que les ressources
qui ont été annoncées soient déployées puis il faut que le gouvernement…
M. Laforest (Alain) : …sous
le tapis?
M. Arseneau : Pardon?
M. Laforest (Alain) :
Avez-vous peur qu'avec le déconfinement que ce soit mis sous le tapis?
M. Arseneau : Bien, en fait,
moi, je pense qu'effectivement, si le passé est garant de l'avenir, j'ai des
raisons d'être inquiet, effectivement, sur les actions qui vont être posées par
le gouvernement. Si on se contente de faire des annonces sans s'assurer que les
sommes soient déployées, sans s'assurer que le réseau soit mobilisé, on n'avance
pas. Alors, oui, les gens vont s'entraider, les groupes communautaires vont
faire ce qu'ils peuvent, les familles vont soutenir leurs proches. Mais ce
n'est pas suffisant. La crise, elle est d'une ampleur telle que le gouvernement
doit déployer aussi les ressources institutionnelles au service des Québécois
qui souffrent, actuellement, en silence.
M. Lavallée (Hugo) : Mais, de
façon plus générale, sur le déconfinement, avez-vous des craintes que les gens,
peut-être, soient trop pressés, justement, de se déconfiner ou laissent tomber
d'autres mesures? Comment vous voyez, là, ce qui débute aujourd'hui?
M. Arseneau : Bien, je pense
que le message que l'on doit lancer, c'est que c'est une première phase de
déconfinement et que la pandémie n'est pas terminée, que les risques d'éclosion
demeurent. Et j'en parlais, hier, à mon fils qui est étudiant universitaire,
qui dit : Enfin, on va pouvoir respirer, on va pouvoir enfin profiter un
peu, là, des soirées pour ne serait-ce qu'aller marcher, aller faire du sport,
sans se sentir traqué, là, se sentir mal de revenir de l'épicerie entre
9 heures puis 9 heures et demie ou 10 heures moins quart.
Et justement le message que je lui ai
lancé c'est : C'est une étape. Il ne faut surtout pas penser que c'est derrière
nous. Certains ont eu la première dose de vaccin, mais ce n'est pas avant l'immunisation,
là, collective, ce n'est pas avant l'atteinte des objectifs de 75 % et
davantage qu'on va pouvoir vraiment respirer. Donc, l'étape fait du bien, mais
moi je lance le même message que la Santé publique : C'est une étape, mais
ce n'est qu'une des étapes et ce n'est que la première. Donc, prudence.
Prudence, parce qu'on n'est pas au bout de nos peines encore, on a encore
plusieurs semaines à traverser, et il faut participer, évidemment, à la
campagne de vaccination.
M. Lavallée (Hugo) : Et
qu'est-ce que vous pensez du fait que le premier ministre ce matin se paye une
publicité dans les journaux pour féliciter les Québécois, bon, rappeler que le
Québec a mieux traversé la troisième vague que d'autres juridictions? Comment
vous voyez ça?
M. Arseneau : Bien, plus spécifiquement
en matière de santé mentale, moi, je trouve que le gouvernement, aujourd'hui,
de remercier les Québécois et d'annoncer que la pandémie est derrière nous,
lorsqu'on voit les statistiques en santé mentale augmenter, les listes
d'attente se prolonger, je pense que le gouvernement aurait pu se garder une
certaine réserve. Je pense qu'il aurait pu se garder une petite gêne, parce que
ça lance un contre message. D'une part, on dit qu'il faut rester prudent, que
ce n'est que la première étape, et là le gouvernement se pète les bretelles à
pleine page de journaux pour dire qu'on a vaincu la pandémie, qu'on a passé à
travers la troisième vague, et on remercie les Québécois tout en se vantant d'avoir
pris les meilleures mesures pour passer au travers.
Je trouve qu'aujourd'hui ça frôle un peu
l'indécence parce qu'on ne peut pas dire des choses qui sont contradictoires au
même moment, qu'il faut faire preuve de prudence puis que la victoire est déjà
acquise. Je pense qu'il faut avoir un message beaucoup plus sobre. Et
visiblement le gouvernement a beaucoup de difficulté avec ça. Il l'a fait à
plusieurs reprises. Il l'avait fait au moment où la troisième vague commençait,
en disant : Nous éviterons la troisième vague. Et, trois jours plus tard,
on était en plein dedans.
Alors, moi, j'appelle le gouvernement à un
message plus mesuré si on veut, justement, atteindre les objectifs qu'on s'est fixés
pour non seulement que le déploiement du plan de confinement se fasse tel qu'on
le souhaite, mais qu'on puisse aussi lever l'état d'urgence, là, à la fin de
l'été.
M. Laforest (Alain) : Compte
tenu de ce qu'on sait, est-ce que le fédéral devrait abandonner la quarantaine?
M. Arseneau : La quarantaine
de trois jours, évidemment, on l'a mise en place au plus fort, là, de
l'arrivée des snowbirds, du retour des snowbirds, et de l'arrivée du nouveau
variant indien. Je pense que c'était la chose à faire. Mais ce qu'on voit,
c'est qu'il y a des gens qui ont déjoué le système. On voit également que les
trois jours de quarantaine ne sont pas nécessairement garants, là, d'un
évitement de la propagation puisqu'effectivement le virus peut se développer et
la maladie dans les jours qui suivent.
Donc, moi, personnellement, je suis assez
ouvert au fait qu'on puisse, dans la dynamique actuelle de déconfinement, de
continuer d'exiger un isolement préventif, mais qu'on puisse le faire avec des
modalités moins contraignantes. Ça me semble couler sous le sens, si on ne
lance pas, évidemment, le message que les frontières sont grandes ouvertes puis
qu'il n'y a plus de danger pour personne, là. Il faut quand même y aller de
prudence, mais on pourrait considérer, effectivement, la levée de ces
mesures-là qui ne donnent probablement pas les résultats escomptés, de toute
façon.
M. Lavallée (Hugo) : ...à la
maison, des choses comme ça?
M. Arseneau : Oui, c'était la
mesure qui était préconisée au départ. Et selon même certains experts dont j'ai
pu lire les propos, là, ils semblaient aussi dire que cette mesure-là avait peut-être
fait son temps.
La Modératrice
: Il y a
d'autres questions?
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Bonne journée.
(Fin à 09 h 14)