(Huit heures quarante-six minutes)
Mme Anglade : Alors, merci et
bonjour. Contente d'être accompagnée de ma collègue Marwah Rizqy aujourd'hui
pour ce point de presse.
Aujourd'hui, on vit des enjeux qui sont
sérieux dans plusieurs domaines au Québec. On le voit en santé. On le voit en
éducation. On le voit dans toutes sortes de secteurs qui touchent directement
la population. Et, lorsqu'on a des enjeux comme ceux-là, ma vision des choses,
c'est de faire en sorte qu'on soit capables de mettre tout le monde à la table,
de collaborer et de trouver des solutions ensemble.
Aujourd'hui, ce qui est inquiétant, c'est
de constater que la méthode de François Legault pour régler les problèmes, c'est
une méthode qui est bulldozer, une méthode qui est bulldozer et qui a des
impacts chez les enseignants, chez les infirmières, chez les éducatrices, chez
les personnes trans, avec le dernier projet de loi qui a été présenté, avec les
ambulanciers, dans le domaine de la culture, avec la Maison Chevalier,
avec ce que l'on voit comme enjeux avec la juge en chef et le tribunal
spécialisé, bref, une méthode bulldozer qui n'implique pas les personnes du
milieu et qui veut imposer de manière autoritaire une manière de fonctionner.
Pour nous, on voit les résultats, aujourd'hui, de cette approche, et c'est pour
ça qu'on voit que le système craque de partout.
Vous allez me permettre maintenant de
céder la parole quelques minutes à ma collègue Marwah Rizqy.
Mme Rizqy : Merci.
Aujourd'hui, surprise, je n'ai pas un tableau, j'ai la carte du monde. Alors, j'ai
été vraiment surprise d'entendre M. Fitzgibbon, qui n'est maintenant pas
dans le club des mal cités, mais dans le club des incompris. Alors,
M. Fitzgibbon aimerait réinventer c'est quoi, la définition d'un paradis
fiscal. Ça tombe bien, je suis fiscaliste.
Alors, l'île de Guernesey, vous voyez, on ne
peut pas la voir, c'est tellement petit, c'est un pois chiche dans le monde. C'est
tellement minuscule que ça ne sert à rien, sauf à deux fonctions, à blanchir l'argent
qui peut venir soit, par exemple, de vol, de corruption, ici, vers ce pois
chiche, qui est un paradis fiscal, et, par la suite, le recycler vers d'autres économies,
comme la nôtre, au Québec. Moi, je suis venue en politique pour lutter contre
les paradis fiscaux. M. Fitzgibbon, vous êtes venu faire quoi en politique
exactement? C'est tout.
M. Laforest (Alain) :
Mme Anglade, est-ce que ça vous a surprise de savoir que le premier
ministre avait accès à des informations et créé une liste noire pour forcer des
médecins à travailler plus?
Mme Anglade : Moi, là, ce que
je constate d'abord et avant tout, c'est que le gouvernement de la CAQ avait
promis, en 2018, qu'il y aurait un médecin… Chaque personne, chaque
Québécois pourrait avoir accès à un médecin de famille. Trois ans plus
tard, la liste d'attente a doublé, et il se réveille. Il se réveille
trois ans plus tard puis il dit : Woups! La liste d'attente a doublé,
il faut absolument qu'on fasse quelque chose pour régler le problème. Mais ils
se sont traîné les pieds pendant les trois dernières années. Ils ont
refusé de voir le problème. Ils ont refusé de reconnaître cet enjeu, ce qui
fait en sorte qu'aujourd'hui on se retrouve dans une situation où on est…
En fait, c'est du jamais vu. On n'a jamais
vu une liste d'attente aussi élevée pour avoir un médecin de famille. L'approche
de la CAQ, qui est une méthode bulldozer, n'a pas démontré de grands résultats.
Regardez ce qui se passe avec nos infirmières. On ferme les urgences
aujourd'hui au Québec. Regardez ce qui se passe en Outaouais aujourd'hui, à
Montréal, à Québec. Le système est sous haute pression. Il faut mettre tout le
monde à la table, tout le monde doit contribuer. Puis moi, je m'attends à ce
qu'ils arrivent avec des solutions, mais qu'ils fassent en sorte que tout le
monde veuille travailler dans la même direction.
M. Gagnon (Marc-André) :
Quand on voit dans le journal l'exemple d'une médecin de famille, qui est mère
d'un enfant, qui menace carrément de s'en aller à la retraite si
M. Legault met sa menace à exécution, ça vous donne l'impression que
M. Legault, justement, joue un jeu dangereux, et que ça, c'en est un
exemple patent?
Mme Anglade : C'est inquiétant,
la manière de fonctionner de la CAQ, parce qu'ils veulent… Ils se rendent
compte… C'est un peu la panique, hein? C'est un peu la panique à bord, parce
qu'ils se rendent compte qu'ils ne vont pas atteindre leurs… Ils ne savent pas
comment ils vont atteindre leurs objectifs. François Legault a répété à maintes
reprises qu'il allait rencontrer tous ses engagements. Un de ses engagements
forts, c'est que chaque Québécois ait un médecin de famille. Il se réveille
aujourd'hui. Il se rend compte qu'il y a plus de 800 000 Québécois
qui n'ont pas de médecin de famille. Alors, il va utiliser une méthode
bulldozer, mais regardez les résultats. Jusqu'à présent, dans tous les secteurs
d'activité, ça n'a pas fonctionné.
M. Lacroix (Louis) :
Mme Anglade, que le premier ministre ait en main une liste nominative qui
provient vraisemblablement de la RAMQ, est-ce que ça ne vous met pas un
malaise? Est-ce qu'à votre avis c'est quelque chose qui ne soulève pas un
certain questionnement éthique?
Mme Anglade : Le fait que le
premier ministre ait une liste avec des noms spécifiques et qu'il brandit une
espèce de… Il dit : J'ai des noms. C'est menaçant. C'est le premier
ministre du Québec. Oui, c'est inquiétant. C'est inquiétant comme approche.
L'approche est inquiétante. L'approche… À partir du moment où on peut commencer
à citer des noms, un tel, un tel, etc., les gens se sentent visés. Je ne pense
pas que ça va faire en sorte que les gens vont se sentir rassurés par cette
approche-là. C'est inquiétant.
M. Lacroix (Louis) : À votre
avis, est-ce qu'un premier ministre a le droit de demander à la RAMQ des
renseignements nominatifs sur des médecins?
Mme Anglade : Je présume qu'il
a fait ses devoirs pour savoir s'il était capable de le faire. Mais je trouve
que ça soulève beaucoup de questions et que c'est inquiétant, très inquiétant,
comme approche.
M. Lavallée (Hugo) : Dans le
fond, c'est le Parti libéral qui avait fait adopter le projet de loi n° 20
à l'époque pour… et des pénalités pour les médecins qui n'avaient pas assez de
patients à leur charge. J'imagine que vous êtes d'accord avec ce principe-là,
puisque vous aviez fait adopter ce projet de loi à l'époque. Est-ce que ce
serait une bonne idée de l'appliquer?
Mme Anglade : Encore une fois,
je vais revenir sur les propos que j'ai tenus hier, ce que l'on veut voir de la
part du gouvernement, c'est une approche qui va faire en sorte que les
800 000 personnes vont trouver un médecin de famille. Toutes les
options sont sur la table, mais il faut qu'il y ait une approche où les gens se
sentent interpelés par le travail. On n'a plus le luxe maintenant d'avoir des
gens qui ne font pas partie de la solution. Il faut qu'on implique tout le
monde, et ce n'est pas ce que je vois que le gouvernement fait. Et, quand le
premier ministre brandit l'idée d'avoir des noms, je ne pense pas qu'il est en
train de rassurer la population. Ça commence à être inquiétant comme approche.
M. Gagnon (Marc-André) : …la
juge en chef, elle croit que ce n'est pas nécessaire de créer un tribunal
spécialisé sur les crimes sexuels. Est-ce que vous partagez son avis ou est-ce
que vous êtes en porte-à-faux?
Mme Anglade : Sur la question
du tribunal spécialisé, je pense que c'est très clair qu'on veut avoir un
tribunal spécialisé. La manière d'y arriver, encore une fois, l'approche
bulldozer de la CAQ… Pourquoi est-ce qu'on n'est pas capables de s'asseoir avec
la juge en chef? Pourquoi on n'est pas capables de s'asseoir avec celle qui a
produit le rapport et de trouver les pistes d'atterrissage? Il faut mettre les
questions d'orgueil de côté. Là, il y a trop d'orgueil de la part du ministre
là-dedans. Il faut mettre les intérêts des Québécois de l'avant. Il faut que le
processus soit accéléré pour les victimes, et c'est ce qui devrait être fait.
M. Gagnon (Marc-André) : …
Mme Anglade : J'aimerais
beaucoup entendre, encore une fois, la juge en chef en commission. Mais un
tribunal spécialisé, ça fait partie des recommandations qui sont sorties du
document. Donc, on va aller de l'avant. Il faut qu'on ait un tribunal
spécialisé. La manière dont ça va être fait… Maintenant, ça ne veut pas dire…
La manière dont ça doit être fait, ça peut être de différentes façons : le
projet de loi, etc. Mais ce que je dis, par contre, c'est qu'il est anormal qu'on
ait la juge qui soit en opposition avec le gouvernement et vice-versa. Ça ne
sert pas l'intérêt des Québécois. Moi, j'invite le ministre à consulter
l'ensemble des personnes qui peuvent bonifier ce qui est sur la table
présentement, et ça inclut la juge en chef.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que la juge en chef outrepasse son mandat en faisant des sorties publiques,
alors qu'elle devrait… Les juges, généralement, se gardent un devoir de
réserve.
Mme Anglade : Je pense qu'avec
la situation que l'on a puis l'importance du sujet tout le monde devrait être
consulté. Et là ce que l'on constate encore une fois, c'est que l'approche
bulldozer de la CAQ, de ne pas vouloir consulter, fait en sorte qu'on ne sent
pas qu'on va tous ensemble dans la même direction. Moi, j'invite le gouvernement
à beaucoup plus de collaboration.
M. Carabin (François) : Le projet
de loi prévoit que le tribunal soit une division de la Cour du Québec. Est-ce
que ça ne crée pas un risque que, même si le projet de loi devait passer, la
Cour du Québec fasse de l'obstruction ou ne veuille pas l'appliquer sur le
terrain?
Mme Anglade : Bien oui, ça
peut soulever des questions, mais moi, j'espère que, lorsqu'on va aller de
l'avant avec un tribunal spécialisé, tout le monde va comprendre la manière
dont ça devrait être appliqué. Même la personne qui a rédigé le rapport Rebâtir
la confiance nous dit qu'il y a, dans ce qui est présenté, quand même des
enjeux. Encore une fois, la collaboration… On met l'orgueil de côté et on le
fait pour le bien des victimes. Ce n'est pas ce que je sens au niveau du gouvernement
aujourd'hui.
M. Pilon-Larose (Hugo) : …le projet
de loi déposé hier par le ministre Girard pourrait avoir comme conséquence de
devoir tasser les femmes de conseils d'administration en voulant, de l'autre
main, assurer la parité?
Mme Anglade : Je pense qu'il
faut se remettre dans l'esprit du législateur. La raison pour laquelle on veut
avoir la parité, c'est pour changer des décennies où il n'y avait pas suffisamment
de femmes sur les conseils d'administration. La priorité devrait être, bien sûr,
sur les conseils d'administration où il n'y a pas suffisamment de femmes, puis
atteindre un point de 40 % à 60 %. C'est là que devrait être la
concentration de nos efforts.
M. Gagnon (Marc-André) : Il y
a une association étudiante, à l'UQAC, à Chicoutimi, qui a décidé de changer la
thématique de son party d'Halloween, qui était la fête des morts, sous prétexte
que c'était de l'appropriation culturelle. Est-ce qu'on pousse le bouchon un
peu trop loin sur ce concept-là?
Mme Anglade : Écoutez, je ne
connais pas les détails. Je ne connais vraiment pas les détails de la fête dont
il s'agit. Il y a des fêtes thématiques. Ça a toujours existé, et ça dépend de
ce qui a été fait, de ce qui a été dit. Alors, je n'ai pas les détails pour
répondre à votre question.
M. Gagnon (Marc-André) : …il
y en a qui croyaient que c'était de l'appropriation culturelle parce que la
thématique, c'était la fête des morts, et que c'est une fête mexicaine. Bien
là, l'association étudiante s'est dit : O.K., on va changer la thématique.
Au Parti québécois, on pense que ça va trop loin.
Mme Anglade : Mais est-ce
qu'il y a des étudiants qui se sont plaints? Est-ce qu'il y a des étudiants qui
se sont plaints? Il y a des étudiants qui ont dit que ce n'était pas
acceptable? Quels sont les propos qui ont été tenus? Moi, je pense que… Encore
une fois, là, je n'ai pas assez de détails pour juger ça. Moi, je sais que,
quand j'étais à l'université, il y en avait, des partys avec différentes
thématiques. Maintenant, dans ce cas-ci, est-ce qu'il y a eu des affaires
spécifiques qui ont été tenues? J'aimerais ça avoir plus d'information pour
pouvoir répondre à la question.
Mme Senay (Cathy) : Mais,
justement, c'était peut-être plus simple dans votre temps, là.
Mme Anglade : Merci de me
rappeler mon bon temps, Cathy.
Le Modérateur
: On va
passer en anglais.
Mme Senay
(Cathy) : I'll go back to that topic, but,
first, family doctors. When you heard Premier Legault having this list of
doctors not doing enough, not doing properly their job, having enough patients, what does that tell you? Is this like a blacklist?
Mme Anglade : Well, first of all, yes, the short answer is: Yes, it's definitely
a blacklist. And the way he positioned it... But let's go back to why this is
happening. Premier Legault said, in 2018, that he wanted to make sure that
every single Quebecker had
access to a medical... a family doctor. The waiting list back then was 400,000
people. It doubled in three years. They didn't do anything in three years.
They're waking up today: Oops! there's an election in a year from now, we have
to do something about this. And they have this bulldozer approach where they
want to force everything through, but the reality is they have to get everybody
involved. And the fact that the Premier is saying : Ah! we have names, we
could name people, it's almost like a shaming approach. I don't know that it's
going to give the results that he expects. I think people should collaborate
and everybody should be part of the solution.
Mme Senay (Cathy) : So, I mean, is it an exit strategy to not fulfill this promise,
having one doctor for one Quebecker?
Mme Anglade : I don't know if it is an exit strategy, but he's obviously
preoccupied, and he's realizing that he hasn't done anything in three years,
and he's trying to say it's not his fault. He's blaming the previous Government. He's blaming the COVID. He's
blaming the doctors. I mean, he's blaming everybody but himself. But the
reality is it's his promise, and he didn't work on it for the last three years.
Mme Senay (Cathy) : Following up on this… l'association étudiante de l'université de
Chicoutimi…
Mme Anglade : Reminding me my old days, Cathy.
Mme Senay (Cathy) : Well, same here, I was at the university in the 1990s. Do you have the
impression that, in 2021, it's more complicated to be a student at the
university and just have fun?
Mme Anglade : It's a good question. Is it more complicated? With social media,
with people knowing exactly what happens right at the time that it happens, I
think it forces people to be more cautious, there's no doubt about it. But
we're also more conscious of the fact that people can get offended. There were
things that were happening back then that were not acceptable. And I think it's
normal to have those conversations. Now, specifically regarding Chicoutimi, I
don't have enough details to comment on this, honestly, and I would have to
have more information to really make a good comment.
M. Brennan (Andrew) : Just thinking about the blacklist from M. Legault and, as you
say, an unfulfilled promise for getting a family doctor for every Quebecker, what is the solution that you can
see? And we've talked about this before even yesterday, but Bill 20 did not
essentially get as many people… did not get 1,000 patients
per doctor in the end because it was scrapped. But that was one idea, that was
the stick, not the carrot. What's the ultimate end result that will get people
like me a family doctor?
Mme Anglade : Well, first of all, having recognized that we had a manpower
shortage would have helped, having recognized the need to increase the number
of family doctors. Getting the people at the table would definitely help, but
not only the doctors, I mean, the nurses as well, like the… It's not: I'm going to fix a problem here and I'm going to fix a problem there. They
need to get everybody together. And the fact of the matter is I think they're
trying to solve issues piecemeal rather than looking at the overall issue and
saying : OK, how do we look at this and how do we get people engaged? Now, we
have paramedics that are not happy. We have nurses that are not happy. We have
doctors that are not happy. We have patients, patients, patients that are
waiting. And they're trying to do this piecemeal. I would get everybody
together at the table to find the solutions.
M. Brennan (Andrew) : Well, just on talk of collaboration, then, when another opposition
leader has said flatly that the system is broken, do you think the system, as
is, is broken? And how do we fix it?
Mme Anglade : Well, clearly, the system, right now, has issues. When you have 800,000
people not having access, it is broken somewhere. When you have emergency rooms
that are closing, that are shutting down, it is a problem. Now, who's responsibility
it is to fix it is the Government. And the reorganization that they've been talking about is all about
shutting down places like Lachine, like in Outaouais, in Gatineau, like
Senneterre, like Coaticook, like Port-Cartier. I don't think it's the right
approach. I think we should really sit down on the ground with the people. It
requires a lot more work. It requires more decentralization, but that's the way
to approach this issue.
M.
Brennan (Andrew) : Merci à vous deux.
Mme Anglade : Merci beaucoup.
(Fin à 9 h 2)