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Conférence de presse de M. Pascal Bérubé, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de langue française

Annonce concernant la langue française

Version finale

Thursday, November 11, 2021, 13 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Douze heures cinquante-six minutes)

M. Bérubé : Bon après-midi. Mon nom est Pascal Bérubé. Je suis le porte-parole en matière de langue française pour le Parti québécois.       Aujourd'hui, c'est avec beaucoup de fierté que je vous présente le projet de loi n° 190, qui est le projet de loi du Parti québécois en matière de langue. C'est le projet de loi qu'on aurait aimé voir de la part du gouvernement de la Coalition avenir Québec. C'est un projet de loi qui s'attaque aux causes du déclin du français et qui nous assure les moyens pour non seulement renverser ce déclin, mais assurer la vitalité du français dans l'ensemble des domaines, dans le domaine du travail, dans le domaine scolaire, dans le domaine des municipalités, dans le domaine de la culture également.

Donc, c'est assez complet. C'est plus que costaud et c'est nécessaire si on est véritablement sérieux. Je vous rappelle que le Parti québécois a, depuis sa création, fait de la vitalité de la langue française une priorité. Aucune autre formation politique dans l'histoire du Québec n'en aura fait autant, avec la loi 101, avec la loi n° 14 sous le gouvernement Marois.

Aujourd'hui, tout le monde se réclame de la loi 101, mais force est de constater que les chiffres ont changé. Il y a de nouvelles réalités. Et, si on veut assurer que le Québec demeure français, que Montréal demeure française, bien, ça prend des mesures supplémentaires qui n'étaient pas envisageables il y a quelques années et que, force est de constater, on doit les envisager et les mettre en place.

Bien sûr, on avait présenté, il y a quelques mois, un plan d'urgence sur la langue française avec de nombreuses mesures fortes et originales. De ce plan et des consultations qui ont eu lieu dans le cadre de la loi n° 96, on est arrivés avec ce projet de loi qui regroupe l'essentiel de nos mesures d'une façon cohérente, d'une façon pragmatique, et surtout d'une façon efficace.

Alors, ce que je veux vous dire, c'est qu'il nous fallait, au Parti québécois, proposer une alternative sérieuse, et le moment est bien trouvé. Notre projet de loi permettra, selon nous, d'atteindre des cibles concrètes : 75 % des transferts linguistiques des allophones vers le français d'ici 10 ans et le retour à 82 % de français, langue d'usage au Québec, le taux de 2011.

Je vous montre un premier diagramme. C'est la situation actuelle. Alors, à gauche, c'est 2021, les transferts linguistiques, en français, 55 %, en anglais, 45 %. Dans 10 ans, on aimerait que les transferts soient à 75 % en français, 25 % en anglais. Et on souhaite évidemment que ça augmente. Dans un monde idéal, on arriverait à 90 %, mais, sur un objectif de 10 ans, ce sont nos cibles. Je vous fais remarquer que le projet de loi du gouvernement n'indique aucune cible. On trouvait important d'avoir cette cible-là. Donc, ça illustre assez facilement là où on veut s'en aller et les objectifs qu'on a.

Donc, on veut rattraper dans les 10 prochaines années ce que nous avons perdu dans les 10 dernières en donnant un sérieux coup de barre, avec des cibles que le gouvernement n'a pas. Nos points clés : l'éducation, l'immigration, le travail et la culture. Nous modifions des éléments substantiels, pas simplement des détails.

Pour ne nommer que quelques mesures, nous faisons du français la seule langue commune et officielle de la nation québécoise, et la langue d'intégration, ce que le projet de loi n° 96 ne précise pas. Il n'indique pas que le français est la seule langue au Québec. Pour nous, c'est important, puis pour plusieurs groupes également, de le signifier dans la loi.

Nous retirons le statut de ville bilingue aux municipalités si moins du tiers des résidents sont de langue maternelle anglaise. Cette mesure répond au faible pourcentage de résidents anglophones dans des municipalités bilingues. Quelques exemples : Otterburn Park, 5,7 % d'anglophones, le statut d'anglophone, une municipalité dans la circonscription du ministre responsable de la Langue; Mont-Royal à Montréal, 18,5 % d'anglophones, elle a un statut anglophone; Rosemère dans les Laurentides, 12,1 % d'anglophones, statut anglophone; Mille-Îles, 17 %. Et puis il y a une liste qui est abondante dans plusieurs régions du Québec.

Ce que fait le gouvernement? Bien, il retire le statut à tout le monde, mais vous avez 120 jours pour adopter une résolution qui va annuler cela. Donc, ça manque de courage. Et ce qu'on dit, finalement, aux municipalités, c'est que non, non, non, on fait un geste pour montrer que ça nous intéresse, mais tout va rester comme c'était, donc. Le gouvernement ne veut pas s'aliéner ces municipalités et manque cruellement de courage. C'est même ridicule, la façon qu'il opère. Donc, il ne veut pas trancher.

Ces municipalités avaient été identifiées, à l'origine, dans la Charte de la langue française; c'est devenu comme un droit acquis. Nous, on considère qu'en bas de 33 % vous perdez votre statut. On aurait pu dire 40 %, on aurait pu dire un autre chiffre. 30 %, 33 %, le tiers, ça nous apparaît correct. Et on pourra suivre l'évolution des municipalités, dans l'avenir, et d'autres pourraient le perdre. Donc, j'en ai nommé quelques-unes.

C'est une aberration totale du projet de loi n° 96, en fait, de permettre ça. Et il semble que le ministre n'a pas de problème — il appelle ça «la paix linguistique» — à ne pas déranger une municipalité qui peut tout faire en anglais, y compris de l'embauche en anglais, même si elle ne compte que 6 % d'anglophones. J'ai donné des exemples lors de la commission parlementaire.

Nous interdisons à un employeur d'exiger l'anglais pour obtenir ou accéder à un poste ou à une promotion. Ça, c'est clair chez nous. Dans le projet de loi n° 96, la rédaction du nouvel article 46... n'est pas claire. Selon plusieurs groupes qui sont venus en consultations, il n'impose pas un fardeau supplémentaire à l'employeur.

Nous, on veut interdire sans ambiguïté d'exiger l'anglais à l'embauche pour les employeurs, sauf quand c'est réellement justifié. Pour nous, c'est à l'employeur de démontrer que c'est justifié. Il a le fardeau de la preuve. Dans le projet de loi n° 96, on ne met aucun fardeau sur l'employeur, ça n'aura donc aucun effet concret. Le message qu'on envoie aux nouveaux arrivants est terrible : Venez au Québec, apprenez le français, puis ça ne sera pas suffisant pour décrocher un emploi, il va falloir en plus que vous appreniez l'anglais.

Nous étendons l'application de l'enseignement en français à tout le réseau de l'enseignement collégial. Nous portons cette proposition depuis un bon moment, et force est de constater que, lors des audiences, on a reçu beaucoup d'appui. C'est le cas de Guy Rocher, le grand sociologue de la Révolution tranquille, c'est le cas de Christian Dufour. Ils ne sont pas du même spectre du tout.

La CAQ, elle, elle s'assure plutôt que l'ensemble des effectifs totaux des établissements anglophones n'excède pas 17,5 % et que son accroissement par rapport à l'année précédente n'excède pas 8,5 %. Donc, ils permettent encore à des francophones d'y aller, et puis ça va être les meilleurs.

Nous ne croyons pas que c'est le rôle du gouvernement de contribuer à l'anglicisation du Québec, notamment à Montréal, et notamment avec les allophones, ce qu'on a appris cette semaine, avec des fonds publics. Le Québec s'investit de la petite enfance en passant par le primaire et le secondaire, et au collège les transferts se font massivement vers l'anglais dans les collèges anglophones de Montréal, d'abord pour les allophones, ce qui est épouvantable, et aussi par des francophones qui vont se socialiser en anglais. Donc, c'est une position qui est courageuse, mais qui est soutenue.

Alors, j'attire votre attention vers un sondage de la firme Léger qui nous indique que 58 % de la population du Québec est en faveur de cette mesure. Et, lorsqu'on regarde chez les francophones, on arrive à 69 % d'appui. Alors, je sais que le gouvernement est sensible aux sondages, et on lui présente celui-ci qu'il n'aura pas besoin de commander avant de prendre sa décision.

Je me réjouis également d'avoir entendu, cette semaine, en lisant, qu'il y aurait encore des échanges, au caucus de la Coalition avenir Québec, à l'idée de supporter notre proposition. Je l'espère. J'aimerais même qu'on m'identifie qui sont les députés à convaincre. Je m'offre pour les rencontrer un par un.

Donc, on a parlé de cibles. On a un appui populaire. On a des gens crédibles qui sont venus nous parler de ça, des gens qui ont évolué dans leur pensée. C'est le cas de Guy Rocher qui, en rétrospective, nous dit qu'il aurait intégré les collèges dans la loi 101, s'il avait su. Donc, c'est ce qu'il nous a dit.

J'ai parlé des sondages. On a vu, cette semaine, dans un texte, effectivement, qu'une majorité d'allophones fréquentent ces cégeps anglophones. Donc, on ne parle même plus de cégeps anglophones, des cégeps même allophones. Donc, le transfert est massif.

Nous allons exiger la réussite d'une épreuve uniforme de français à la fin du parcours collégial pour tous les étudiants. Parce que, pour prétendre à une langue commune et officielle au Québec, on doit s'assurer que tous les étudiants maîtrisent un français de qualité à la sortie des études sans exception. Pour le projet de loi n° 96, la différence, c'est pour les ayants droit seulement. Il faut donner à tous les citoyens du Québec, incluant les anglophones et les allophones, les moyens de réussir sur le marché du travail québécois en français. C'est difficile, quand les bases de français écrit ne sont pas à la hauteur, c'est donc fondamental que l'épreuve uniforme de français soit introduite d'une manière universelle.

Nous allons également obliger les entreprises à respecter les obligations de l'OQLF pour contracter avec l'administration ou recevoir une subvention gouvernementale. Autrement dit, si vous êtes un délinquant de la langue, au Québec, vous ne pouvez pas soumettre une soumission ou traiter avec l'État. Alors, conformez-vous ou abstenez-vous de faire des demandes. Appliquer la loi 101 aux affaires de l'État, ça signifie de privilégier les entreprises qui respectent et font la promotion de notre langue nationale, et le projet va dans le même sens, 96, mais on voulait le réaffirmer. On veut que ça soit très clair puis on veut que ça soit appliqué. Nous sommes très fiers de ça.

Quand on voit des entreprises bafouer totalement le français, comme SNC-Lavalin ou Air Canada, on se pose la question : Pourquoi devrait-on investir de l'argent des Québécois là-dedans? C'est arrivé. Lorsqu'elles n'auront plus droit aux contrats du gouvernement ou à des subventions, croyez-moi, elles vont les appliquer, les dispositions de la loi 101. «Money talks». Dans le cas d'Air Canada, 6 milliards demandés au gouvernement fédéral, on peut s'imaginer qu'il y a quelques millions qui proviennent du Québec, donc j'espère que le gouvernement fédéral va appliquer ça également.

Nous créons un nouveau ministère, celui de la Langue française, de l'Immigration et de l'Intégration. Dans le projet de loi n° 96, on parle de la création du ministère de la Langue française uniquement, nous, on pense qu'il faut ajouter Immigration et Intégration, ça va de soi.

Comme on l'a dit à de nombreuses reprises, le déclin du français est d'abord un enjeu démographique. Donc, si on ignore cette réalité, on ne pourra jamais le régler. C'est pour ça qu'on propose d'avoir un superministère de la Langue française qui inclura également l'Immigration et l'Intégration. On a besoin d'atteindre à terme 90 % de transfert linguistique des allophones vers le français. Actuellement, je vous l'ai indiqué tout à l'heure, on est à 55 % en 2021. Ce n'est pas tenable et c'est ça qui cause le déclin.

C'est donc pour ça que nous demandons que 100 % des nouveaux arrivants économiques maîtrisent le français avant leur arrivée au Québec. Nous le savons, la francisation est un échec. 90 % l'échouent et seulement un tiers de ceux qui ne parlent pas français s'y inscrivent. Et ce matin, on apprenait en plus que le gouvernement est incapable de payer à temps les gens qui y sont inscrits, imaginez. Il y a presque 300 millions de locuteurs francos dans le monde. On pourra payer des gens pour qu'ils apprennent le français avant. On sait où on peut recruter pour le français, que ça soit dans les pays francophones, que ça soit au Maghreb, ailleurs dans le monde, sur les cinq continents il y a des locuteurs francophones.

Maintenant, je suis très fier aussi que nous soyons le seul parti qui ait lié la question linguistique à la question de la culture, et ça nous a étonnés que ce n'était pas dans le projet de loi n° 96. Donc, nous annonçons la création du Bureau de la promotion du contenu québécois, qui assure que le contenu culturel québécois et francophone soit mieux valorisé partout dans le monde. Ce bureau aura des antennes internationales et fera la promotion de la culture francophone. Dans le projet de loi n° 96, rien qui ne valorise ni n'aide la création et la promotion de contenu québécois. Les productions en anglais sont encore favorisées dans le Canada. On l'a vu récemment avec le financement pour les oeuvres.

On a vu ce que ça a donné, de laisser le fédéral, de laisser Mélanie Joly négocier avec Netflix pour le contenu québécois : rien. Il faut que le Québec parle en son propre nom et négocie ses propres ententes avec les géants du Web afin de maximiser le nombre de séries et de productions québécoises qui s'y retrouvent. Ce n'est pas le talent qui manque au Québec.

Donc, on pourrait s'imaginer que cette agence-là, cette organisation fait la promotion d'oeuvres auprès de ces géants. Ils existent, ils sont là à demeure, donc notre objectif, c'est d'en faire la promotion pour qu'elles intègrent ces vastes organisations.

En conclusion — je ne les mentionnerai pas toutes, il y en a également plusieurs autres, mesures, elles se trouvent toutes, d'ailleurs, dans le projet de loi et dans le plan d'urgence pour le français — j'ajoute quelques données.

Langue d'usage, objectif projeté de nos actions sur le déclin du français. On voit que les données observées, si on ne fait rien, c'est cette ligne bleue là qui se projette en pointillé. Si on fait quelque chose, à partir de 2021, on va voir, là, que la courbe va monter vers le haut. Le moment est vraiment important, et c'est pour ça que le gouvernement doit, une fois qu'il ouvre une séquence avec le projet de loi n° 96... qu'il l'amende pour que, vraiment, on inverse le déclin du français à Montréal.

Je vous rappelle également une liste assez importante de personnalités qui sont en faveur de l'application de la loi 101 au cégep : le Parti québécois, Guy Rocher, Carl Vallée, Frédéric Lacroix, Louise Beaudoin, Lucie Lefebvre, Louise Harel, Emmanuelle Latraverse, la Fondation Lionel-Groulx, Charles Castonguay, Mathieu Bock-Côté, Josée Legault, Michel David, Christian Dufour, Denise Bombardier, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, le Mouvement Québec français, le PQF, le MIF, la Société nationale de l'Estrie, et on m'a même dit Louise Deschâtelets, alors, qui s'est ajoutée. De l'autre côté : la CAQ, le PLQ, Québec solidaire et les organisations anglophones. C'est ça, la différence, là, sur le projet de loi n° 96.

Je reviendrai sur les cégeps, j'ai des données plus précises, mais je vais prendre du temps pour répondre à vos questions.

Le Modérateur : Nous en sommes donc à la période de questions. Est-ce que, M. Pilon-Larose, vous voulez commencer?

M. Pilon-Larose (Hugo) : Oui, absolument, j'ai quelques questions. Sur l'épreuve uniforme que vous souhaitez imposer aux anglophones dans les cégeps, s'agirait-il de la même épreuve qui est imposée aux francophones ou c'est une épreuve de français langue seconde que vous suggérez?

M. Bérubé : Je crois que c'est la même. Je regarde ma collaboratrice. C'est exactement la même, avec des standards assez élevés pour s'assurer de la connaissance de la langue.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Comment est-ce qu'un étudiant anglophone qui n'a pas suivi des cours de français, puisque c'est un ayant droit, donc ses cours de langue sont des cours d'anglais, il a des cours de français langue seconde, pourrait réussir une épreuve uniforme de français qui, pour les francophones eux-mêmes, est difficile à réussir?

M. Bérubé : Bien, on pourrait imaginer une adaptation qui tient compte du degré de connaissance. Ce qu'on veut, c'est une connaissance suffisante. Et évidemment, là, on peut faire une différence entre les francophones et les anglophones dans le concret. Donc, on ne part pas du même endroit, puis il y a, je dirais, une sensibilité à cette question-là. Déjà que les anglophones veulent réussir ce test-là, c'est déjà la bonne nouvelle, on va adapter cette épreuve-là pour pouvoir la mesurer et s'assurer qu'on est sur la bonne voie dans la francisation.

M. Pilon-Larose (Hugo) : O.K., donc ce ne serait pas la même épreuve.

M. Bérubé : Elle serait adaptée.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Qu'est-ce que vous anticipez par rapport au déclin du français si le projet de loi n° 96 est adopté tel quel?

M. Bérubé : Des effets... Ça donne l'impression qu'on s'occupe de la langue. Le premier bénéfice, il est pour le gouvernement. Il va pouvoir dire : Je me suis intéressé à la langue, j'ai un bouquet de mesures. Et c'est l'objectif purement politique qui est poursuivi par le gouvernement. La preuve, il n'y a pas de cible. On oublie des pans complets. Alors, le premier objectif qui est atteint, c'est pour le gouvernement, donner l'impression, à un an des élections, qu'on bouge sur la langue.

Ce qu'il va arriver, c'est que le déclin va se poursuivre. Tous les démographes qui sont venus nous voir, que ça soit Termote, que ça soit Castonguay, ils nous ont tous dit : Il y a un virage important à prendre, ça passe par l'immigration, ça passe par la fréquentation des cégeps, ça passe aussi par des mesures que nous, on a identifiées depuis longtemps pour l'intégration, la régionalisation de l'immigration, par exemple. On proposait 25 % lors de la dernière campagne électorale.

Le cas des cégeps est important parce que la socialisation des jeunes adultes, au moment où ils font des choix professionnels, ont un conjoint, une conjointe, un réseau d'amis, même géographiquement un positionnement dans la ville va influencer le reste de leur vie, évidemment. À la fois pour les francophones, on en a parlé, puis les gens ont dit : On ne peut pas restreindre les choix. C'est toujours bien l'État qui paie. Mais pour les allophones, on vient abandonner tous les efforts qu'on a faits, petite enfance, primaire, secondaire. Puis une fois au collégial, on leur dit : Bien là, faites ce que vous voulez. Je trouve que ce n'est pas l'objectif qu'on doit poursuivre. Si on veut que la socialisation se fasse en français, il faut rajouter le collège. Et bien des gens ont changé de position là-dessus, y compris nous, y compris Guy Rocher, y compris Christian Dufour, sont nombreux à dire : Écoutez, si on avait d'autres chiffres, on ne se rendrait pas là, mais c'est nécessaire.

Et je termine en disant : Le gouvernement a dit que ça doit être consensuel. Si c'est consensuel, il va falloir obtenir l'appui du Parti libéral. Il ne vaut mieux pas. Ils ont voté contre la loi 101 en 1977. Je pense qu'il faut adopter les mesures nécessaires, qui ne sont pas des mesures qui vont rendre le gouvernement plus populaire, mais c'est des mesures qui, à moyen terme et à long terme, auront démontré du courage et auront un véritable impact sur la vitalité du français à Montréal, à Laval et ailleurs au Québec.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Dernière question, puis j'aurai terminé après. Au départ, l'objectif était de déposer ce projet de loi là avant le gouvernement. Et là, finalement, vous le déposez à la veille d'une relâche parlementaire un jeudi après-midi. Qu'est-ce qui s'est passé?

M. Bérubé : Il était prêt. On attendait et puis on avait des séquences sur d'autres thèmes également. Mais on voulait qu'il puisse inspirer le gouvernement. Moi, ce qui me plairait, c'est que le gouvernement puisse s'en inspirer après tout ce qu'il a entendu, parce que, là, il sait, là, qu'il faut bouger pour le cégep en français. Il y a des échanges au caucus. Ce qu'on lui dit, c'est : Voici la clé, voici tous les éléments que vous pouvez intégrer.

D'ailleurs, je vous annonce que je vais envoyer notre plan à l'ensemble des députés de la CAQ de façon personnelle et je vais assurer un suivi pour chacun des députés, parce que je veux qu'ils appuient ce projet de loi là. Nous, l'idée, ce n'est pas d'avoir raison. On connaît ça, le dossier de la langue, par coeur. On est les plus crédibles, mais on veut que le gouvernement réussisse. S'il suit plusieurs des mesures qui sont là, on aura un projet de loi qui sera véritablement utile pour la suite.

Puis là, dans le plan, il y a d'autres mesures, également, d'appartenance. Par exemple, la fameuse question du «Bonjour! Hi!», nous, on a renversé ça à l'envers. Les entreprises qui peuvent assurer de fournir un service en français auront une affichette, qui dit : Ici, on sert en français, qui sera accordée. Donc, les gens vont se dire : Bien, ici, j'ai une garantie que ça parle en français. On pourra se poser la question : Si les autres ne l'ont pas, pourquoi? Ça, c'est le premier élément.

Et le deuxième, bien, il est psychologique. Les immigrants qui arrivent ici sont accueillis par Immigration Canada. On chante l'hymne national. On leur dit qu'ils sont au Canada. Ça se fait beaucoup en anglais, qu'il y a le Canada, mais qu'il y un autre Canada qui, lui, est français, pour reprendre une phrase du film Mambo Italiano, l'autre Canada, et il faut leur démontrer qu'il y a le Québec aussi.

Alors, nous suggérons, dans un exercice de valorisation des députés de l'Assemblée nationale, et de bien indiquer aussi les valeurs québécoises, qu'après cette cérémonie les députés de l'Assemblée nationale rencontrent les immigrants de leur circonscription, leur réitèrent un certain nombre de choses, l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité des institutions, le français comme langue commune, des échanges avec les députés, parce qu'on sait que, dans plusieurs pays dans le monde, ce n'est pas vraiment accessible tant que ça que leur représentant leur parle, et leur souhaite la bienvenue, et on leur remet un drapeau du Québec.

Alors, c'est une toute petite cérémonie bien humble, mais que c'est important de passer, après le gouvernement fédéral, pour qu'ils comprennent bien ces trois valeurs qui sont partagées par l'essentiel des parlementaires, la société québécoise, et qu'ils sentent que, oui, c'est au Canada, mais, précision, c'est aussi au Québec. Et, en ce sens-là, on veut contribuer à l'accueil. On veut s'inscrire dans l'accueil comme députés de l'Assemblée nationale. Et tous ceux à qui j'en ai parlé, tous partis confondus, trouvent ça intéressant, trouvent que ça fait partie de leur rôle aussi. C'est des gens qu'ils vont représenter. Ils vont être mis à contribution pour l'accueil, puis je trouve ça bien.

M. Bergeron (Patrice) : Si vous me permettez des questions. Patrice Bergeron, LaPresse canadienne. M. Bérubé, vous parlez donc d'une situation qui est intenable en raison du déclin qui est actuellement en cours, là. Est-ce que, selon vous, c'est un moment aussi fatidique que l'a été 1977?

M. Bérubé : Oui, mais 1977 était déjà tard. Parce que, déjà en 1974 et 1975, si le Parti québécois avait été au pouvoir, c'était là qu'il fallait agir. Donc, c'est pour ça qu'on n'a pas tardé. Le gouvernement Lévesque a été élu le 15 novembre 1976, il y a eu l'assermentation, août 1977, c'était prêt. Donc, il fallait faire rapidement.

Il fallait faire rapidement également au retour du Parti québécois en 2012. Il y a eu le projet de loi n° 14, on était minoritaires, on n'a pas pu le faire passer. Là, on est à la croisée des chemins. On a vu que l'augmentation considérable… Là, c'est les allophones qui vont s'angliciser dans les collèges de Montréal. Alors, ça, ça annihile beaucoup du travail qu'on a fait en amont. Les chiffres font peur.

Mais on parle souvent de Montréal, ce n'est plus Montréal, hein, c'est Montréal, et Laval, et Brossard, et Saint-Lambert, et Hudson, et plein d'autres milieux en Estrie et en Outaouais. Ça, c'est des régions, là, qui sont… qui ont une anglicisation importante. Donc, ce n'est plus qu'à Montréal, la grande région de Montréal.

Et c'est aussi dans d'autres lieux : par exemple, sur les réseaux sociaux, auprès de la jeunesse. Comment on fait, collectivement, pour intéresser les jeunes à la langue, qu'elle soit présente partout, dans le domaine du jeu vidéo, dans le domaine de la science? Dans les réseaux sociaux, ça, c'est un combat aussi. Je vous ai parlé de la culture. Il faut que nos productions culturelles apparaissent là où les grandes productions du monde sont. D'abord, c'est un élément de prestige, mais aussi ça favorise le choix, l'accession à ça.

Donc, oui, l'heure est grave, parce que la masse critique de francophones pour préserver le français comme langue est importante. On regarde Montréal. Déjà, pour les trois candidats à la mairie, ce n'était pas un enjeu. Moi, je souhaitais un débat sur la langue. Je ne l'ai pas eu, mais... Pour les trois candidats, ce n'était pas un moment pour parler de la vitalité linguistique de Montréal. Puis, même dans un des trois cas, c'était le cas pour demander un référendum sur le bilinguisme de Montréal. Et, si on perd Montréal, on est foutus. Alors, ça va se passer beaucoup là.

Et moi, je demande, en tout cas, au gouvernement, de… la première des personnes du gouvernement qui devrait sonner l'alarme, c'est la ministre responsable de Montréal, qui doit observer les mêmes choses que nous, à l'effet que le français comme langue d'accueil dans les commerces, comme langue d'affaires, comme langue d'usage, comme dirait Air Canada, bien, c'est banalisé. Et, si on accepte ça, on est foutus.

Puis je dirais que… puis je termine en disant : il y a des organisations qui ont des questions à se poser. L'ancien ministre du Tourisme que je suis se souvient très bien que Tourisme Montréal, une des plus puissantes organisations au Québec, qui va chercher des revenus très importants avec les taxes sur les nuitées, qui reçoit de l'argent du gouvernement du Québec, du gouvernement fédéral, de la ville de Montréal, utilise le mot-clic #MTLmoments, d'accord? Alors, on invite les gens qui viennent chez nous, qui mettent de l'information sur Twitter ou sur Instagram, d'utiliser le mot-clic le mot-clic #MTLmoments. C'est particulier, parce qu'on leur propose un mot en anglais.

Pourtant, et j'y ai vécu une expérience, les gens de «I Love NY», que j'ai rencontrés dans une mission, nous disent : Pourquoi on irait chez vous? «It's Europe without the jet lag», l'Europe sans le décalage horaire. On va chez vous parce que c'est exotique, pour nous, et c'est charmant, c'est le français. On y va pour vos restaurants. On y va pour vos événements. Mais, si ce n'était pas du côté français, on pourrait aller à Boston, on pourrait aller à Portland, dans le Maine, on pourrait aller ailleurs. Et c'est le fait français qui attire. C'est notre singularité qui nous rend si attrayants aussi pour les touristes.

Alors, si la représentation qu'on se fait de Montréal, c'est : J'ai vécu un #MTLmoments, ça n'a aucun sens. D'ailleurs, j'entends bien aborder cette question avec Tourisme Montréal parce que je ne compte pas vraiment sur la ministre du Tourisme pour faire preuve de ce leadership.

M. Bergeron (Patrick) : Quand vous parlez de déclin et de disparition, quelle est la conséquence? Qu'est-ce que c'est que la conséquence du déclin du français sur l'avenir du peuple québécois?

M. Bérubé : Bien, un jour, on demandera davantage d'anglais partout. Le français, il faudra se battre pour le maintenir. Ça va paraître dans les places dans les universités, dans les autorisations pour avoir davantage d'effectifs. Regardez, déjà, Dawson. Dawson est le collège le plus populeux au Québec avec 8 000 étudiants. Il y a une rallonge de 100 millions pour en rajouter encore. Je veux dire, on a laissé grossir ces collèges-là. Pendant ce temps-là, le cégep de Matane, à 650 étudiants, en a la moitié, francophones qui viennent de l'île de La Réunion, en France. C'est les combats qu'on doit mener.

Donc, ces cégeps-là sont riches, ont beaucoup d'étudiants, à la fois des francophones à qui on dit : Allez-y… Mais le plus grave encore, c'est les allophones, et c'est le cas de John-Abbott, Marianopolis, c'est le cas de Dawson. Ça ne peut plus durer, et c'est la question la plus grave. Je termine là-dessus. Si c'est important d'intégrer les allophones et que les enfants de la loi 101, avec succès, passent le primaire et le secondaire, puis qu'au cégep on leur permet de se rendre dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal parler en anglais, socialiser en anglais, faire la fête en anglais, se faire des amitiés, entrer en couple, amorcer une carrière professionnelle, ça va se faire en anglais, c'est évident. Les gens vont comprendre le français, mais vont faire leur vie en anglais, à Montréal, comme le patron d'Air Canada. Donc, c'est la crainte qu'on a. Et on voit diminuer le français. Bien sûr, on résiste. On résiste avec nos chaînes de télévision, avec notre musique, mais on est face à une force hégémonique, là, forte.

Alors, la seule langue qui est menacée au Canada, c'est le français. L'anglais n'est menacé nulle part. L'anglais n'est pas menacé au Québec. La communauté anglophone dispose de garanties quant à des hôpitaux, des universités, des centres communautaires. C'est une minorité qui a beaucoup d'institutions pour elle.

M. Bergeron (Patrice) : Mais, puisque vous en parlez, justement, une dernière question concernant les droits des municipalités bilingues, là. Est-ce que ce n'est pas simplement vexatoire de leur enlever, justement, ce genre de droits acquis là et, à ce moment-là, de dire qu'ils ne font pas confiance aux institutions du gouvernement du Québec, puisqu'on leur retire des droits acquis, comme le droit de pouvoir avoir des services en anglais dans leurs municipalités, même s'il y a une petite minorité anglophone... de langue officielle, quand même?

M. Bérubé : Je sais, mais cette réalité-là ne tient plus quand on regarde les chiffres. Pourquoi Otterburn Park, à 5,7 % d'anglophones, devrait faire toutes ses communications en bilingue, demander la connaissance de l'anglais écrit et oral pour y travailler, pour 5,6 %? Les chiffres ont changé. Puis il y en a toute une liste. Puis il y en a probablement d'autres, y compris à Montréal, qui vont perdre ce statut-là. À la rigueur, est-ce qu'on devrait accréditer d'autres municipalités où ça augmente en leur disant : Vous êtes des bilingues? Ce n'est pas ce qu'on dit.

Alors, cette liste-là avait été faite à l'origine de la Charte de la langue française. Et force est de constater que ça ne tient plus la route. Ce n'est plus la réalité. Puis il y en a une, dans ma circonscription, ils savent ce que j'en pense, ça s'appelle Métis-sur-Mer. Et puis il y en a une dans la circonscription du ministre. Moi, je l'aborde franchement. Le ministre ne veut pas en parler, de la sienne.

Donc, c'est sûr qu'il y a des gens qui ne seront pas d'accord, mais ça implique essentiellement que la langue de communication, la langue d'embauche, c'est le français. Les paysages vont demeurer aussi beaux. Les gens vont habiter encore là, mais ça se passe en français. Je veux dire, c'est la moindre des choses.

Puis le français, c'est aussi une question d'occupation du territoire. Si on n'occupe pas le territoire, on le laisse à l'anglais. Si on continue de laisser des municipalités comme Ville Mont-Royal et Rosemère, qui ont moins de 20 % d'anglophones, continuer à opérer autant en français qu'en anglais de façon égale, je trouve que c'est une réalité qu'on sait, mais qu'on choisit de laisser aller parce qu'on a peur de déplaire. Prenons des décisions courageuses si on est sérieux en matière de langue.

Mais il n'y a pas que ça. Ça, c'est une des mesures, mais on a beaucoup de choses : la culture, le CRTC québécois, le bureau de promotion de notre culture, on a beaucoup de choses intéressantes. On est plutôt fiers du projet de loi qu'on a présenté.

Le Modérateur : Bien, c'est ce qui met fin à cette conférence de presse. Je vous remercie beaucoup, M. Bérubé.

M. Bérubé : Merci, c'est toujours un plaisir.

(Fin à 13 h 27)

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