(Dix heures cinquante-neuf minutes)
Mme Leclerc (Guylaine) : Mesdames,
messieurs, bonjour. Je vais vous présenter aujourd'hui les résultats des
travaux que nous avons menés au cours des derniers mois.
Pour l'occasion, je suis accompagnée de
Caroline Rivard, vérificatrice générale adjointe, et de Martin St-Louis,
directeur principal d'audit.
Au chapitre 2, nous avons réalisé un
audit de performance concernant la télésanté. Rappelons ici qu'il s'agit de la
prestation de soins de santé à distance à l'aide de technologies de l'information
et de la communication. La pandémie de COVID-19 a accéléré le développement d'une
offre de soins de santé à distance dans le réseau de la santé et des services
sociaux.
Comme on le sait, il a fallu que davantage
de téléconsultations soient réalisées. Or, le ministère de la Santé et des
Services sociaux et ses établissements n'étaient pas bien préparés lorsqu'ils
ont été dans l'obligation d'adapter leurs pratiques en ce sens au début de la
pandémie. Nous avons constaté qu'un encadrement approprié des téléconsultations
n'a pas été mis en place par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
De mars 2020 à mars 2021, des outils de travail collaboratif comme Teams,
Reacts et Zoom ont été peu utilisés par les médecins omnipraticiens. La quasi-totalité
des téléconsultations ont été effectuées au moyen du téléphone. Cette façon de
faire pourrait avoir eu des impacts sur la qualité des soins offerts puisque
certains actes médicaux requièrent un contact visuel avec le patient, voire un
examen physique.
Nous avons également constaté qu'au cours
des 20 dernières années plusieurs initiatives visant le développement de
la télésanté n'ont pas donné les résultats escomptés. Par exemple, le
financement à long terme des projets une fois déployés est une action prévue en
2015 qui n'est pas encore réalisée.
De plus, les infrastructures
technologiques en place ont des limites qui gênent la prestation de soins de
santé à distance. Par exemple, à la fin de nos travaux, plusieurs
établissements étaient encore en train d'implanter un réseau informatique sans
fil fiable et performant.
Enfin, nous avons constaté que des projets
de télésanté en cours, parfois depuis plus de 10 ans, ont peu progressé, par
exemple, la télépathologie, dont les projets ont été amorcés en 2010. De même,
certains projets prometteurs ne sont pas mis en oeuvre ou exploités à leur
plein potentiel et ne profitent donc pas au plus grand nombre de patients
possible. C'est le cas, par exemple, du télésoin à domicile, dont moins de la
moitié des établissements l'offrent à ce jour.
Au troisième chapitre de notre tour, nous
traitons de l'audit des états financiers consolidés du gouvernement. Dans l'ensemble,
cet audit pour l'année financière terminée le 31 mars 2021 s'est bien
déroulé. Pour la première fois depuis neuf ans, nous avons formulé une opinion
sans réserve dans notre rapport de l'auditeur indépendant accompagnant ces
états financiers. Dorénavant, ces états financiers présentent un portrait plus
juste des finances publiques. Toutefois, certaines améliorations demeurent à
apporter. En voici deux exemples.
Premièrement, l'utilité des comptes
publics est atténuée par le délai important entre la fin de l'année financière
et la date de leur publication. Pour que les états financiers du gouvernement
puissent orienter ou influencer les décisions du Parlement, ils doivent être
publiés en temps opportun. Or, nous avons régulièrement constaté de longs
délais entre la fin de l'année financière et leur publication. De fait, le
Québec est toujours parmi les gouvernements qui publient le plus attentivement
les états financiers consolidés par comparaison avec les gouvernements des
autres provinces.
Deuxièmement, beaucoup d'attention est
accordée annuellement au dépôt du budget par le ministre des Finances, alors
que la publication des états financiers du gouvernement passe quasiment
inaperçue. Pourtant, ces états financiers devraient jouer un rôle important
dans la reddition de comptes du gouvernement puisqu'entre autres ils montrent
dans quelle mesure les prévisions budgétaires ont été réalisées. Par le passé,
nous avons soulevé qu'il n'y a pas eu d'examen des comptes publics par une
instance indépendante, ce qui permettrait notamment de renforcer la reddition
de comptes. Néanmoins, il importe de souligner que les états financiers
consolidés du gouvernement ne présentent aucune anomalie significative à l'égard
des coûts liés à la pandémie, bien que certaines sommes aient été versées en
trop.
Au chapitre 4, nous avons réalisé un
audit relatif à la conformité. Nous voulions nous assurer que la Caisse de
dépôt et placement du Québec exerce une surveillance appropriée à l'égard de la
prévention et de la détection de conflits d'intérêts, de la fraude et de la
corruption pouvant survenir dans les activités d'investissement de la caisse et
de ses deux filiales, Ivanhoé Cambridge et Otéra Capital. Nos travaux visaient
également à nous assurer que les politiques et les directives relatives à ces
activités étaient appliquées uniformément au sein de la caisse et de ses deux
filiales.
Nous avons tout d'abord constaté que la
caisse et ses filiales ont adopté des règles d'éthique et de déontologie
applicables aux membres de leurs conseils d'administration ainsi qu'à leurs
dirigeants et employés. Elles ont aussi mis en place un ensemble de politiques
et de directives traitant de la prévention, de la détection des conflits
d'intérêts, de la fraude et de la corruption.
Toutefois, certains aspects doivent être
améliorés. La caisse et ses filiales ont prévu, dans l'encadrement en place,
certains éléments en lien avec la lutte au blanchiment d'argent. Toutefois,
elles n'ont pas de politique ni de directive qui y sont consacrées. Aussi, le
jugement des équipes chargées d'évaluer le risque de réputation de la caisse et
de ses filiales n'est pas appuyé par des balises suffisamment précises. De plus,
certains aspects des exigences des politiques, des directives de la caisse et
de ses deux filiales ne sont pas cohérents.
Par ailleurs, les politiques et les
directives d'une organisation en matière de prévention et de détection des
conflits d'intérêts, de la fraude et de la corruption ne peuvent être efficaces
que si les mesures de contrôle qu'elles prévoient sont appliquées. De telles
mesures permettent à une organisation de protéger sa réputation.
Or, nous avons vu que des étapes clés du
processus d'investissement n'ont pas toujours été réalisées en conformité avec
les politiques et les directives de la caisse, d'Ivanhoé Cambridge et d'Otéra
Capital. Par exemple, certaines analyses et vérifications requises avant
l'autorisation des investissements n'ont pas été réalisées ou ne l'ont pas été
au moment opportun. En outre, la vigie en continu des risques à la suite d'un
investissement n'est pas toujours effectuée comme prévu dans les politiques et
les directives.
Je suis maintenant prête à répondre à vos
questions en lien avec ce rapport.
La Modératrice : Merci
beaucoup, Mme Leclerc. Alors, je ne sais pas si des journalistes avaient
des questions. J'avais Alexandre Robillard, du Devoir, en premier. Vous
pouvez y aller.
M. Robillard (Alexandre) : Bonjour.
Je voudrais savoir, Mme Leclerc, comment vous expliquez que des
déficiences aussi importantes sont constatées dans la gestion des risques de
conflits d'intérêts, de fraude puis de corruption dans les activités de la
caisse et ses deux filiales?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
la première chose que je dois vous dire, c'est que la caisse s'est dotée de
codes d'éthique qui est des plus rigoureux. C'est important de le dire. Ils ont
effectué d'ailleurs un benchmark avec d'autres entités qui sont semblables à la
caisse, et leur code d'éthique fait partie des codes les plus rigoureux. Ce que
nous apprécions aussi, c'est que, depuis 2019, ils ont fait en sorte de
s'assurer d'harmoniser les codes d'Otéra Capital et d'Ivanhoé avec ceux de la
caisse. Ils sont dans le processus de le faire, actuellement.
Une fois qu'on a dit ça, on a tout de même
identifié des éléments à améliorer, comme par exemple, il n'y a pas de
politique relativement au blanchiment d'argent, ou certaines politiques ou
directives ne sont pas appliquées telles qu'elles sont décrites. Alors, ce sont
les constatations qu'on a effectuées.
M. Robillard (Alexandre) : Selon
vous, est-ce que c'est grave qu'un dirigeant de la caisse, là, qui est en
position de gestion, omette de déclarer un conflit d'intérêts dans un dossier
auquel il participe?
Mme Leclerc (Guylaine) : C'est
important qu'un gestionnaire... parce qu'un gestionnaire... Dans ce cas-ci,
c'est un gestionnaire. Un gestionnaire se doit d'être au courant, O.K., et du
code d'éthique et des politiques et directives. Et, particulièrement en ce qui
a trait à un investissement, il faut qu'il s'assure d'être... d'appliquer les
règles relatives aux conflits d'intérêts.
Et, dans ce cas-ci, ce qu'on a constaté,
c'est que le gestionnaire avait participé à des discussions alors qu'il était
en conflit d'intérêts. Et cette déclaration-là, la déclaration du conflit
d'intérêts, n'a eu lieu que beaucoup plus tard, donc au moment où il y a eu le
comité d'approbation des investissements. Alors, c'est une lacune. Donc, c'est
une activité qui n'aurait pas dû avoir lieu, spécialement parce que c'est un
gestionnaire. Un gestionnaire se doit d'être au courant.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
c'est ça, c'est quelqu'un qui est dans une position de direction, donc une
position d'autorité. Qu'est-ce que ça dit, ça, sur la culture de la Caisse de
dépôt concernant la gestion des apparences de conflit d'intérêts?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
ce qu'on dit, c'est que c'est important d'avoir des politiques, d'avoir un code
d'éthique, dans un premier temps, qui est d'ailleurs rigoureux, d'avoir des
politiques et directives, ce qu'ils ont. Mais c'est important que les gens,
particulièrement les gestionnaires, les appliquent tels qu'ils ont été faits.
Donc, ça, c'est une responsabilité de l'organisation de s'assurer qu'ils sont
appliqués et que leurs gens sont suffisamment formés pour le faire.
M. Robillard (Alexandre) : ...sans
autorisation, ça, est-ce que ça vous inquiète?
Mme Leclerc (Guylaine) : Il
faut comprendre que ce qu'on a fait, ce n'est pas un audit de performance. Ce
qu'on a fait, c'est un audit relatif à la conformité. Et vous savez qu'à la
Caisse de dépôt on ne peut pas faire un audit de performance sans
l'autorisation du conseil d'administration. Donc, on a fait un audit relatif à
la conformité. Et leurs politiques et directives ne prévoient pas que des
sommes vont être versées avant l'autorisation de l'investissement.
Mais l'explication de la caisse est à
l'effet que, dans certains cas, parce que l'investissement est, un, très
intéressant, et se doit d'être conclu rapidement, et qu'on pourrait le liquider
facilement, dans certaines situations, on fait le versement avant que le comité
approbateur ait donné son approbation. Ce que nous disons, c'est que, si c'est
le cas, ça devrait être prévu dans leurs politiques et leurs directives à cet
effet-là.
M. Robillard (Alexandre) : Aimeriez-vous
ça faire... puis je m'excuse, là, à mes collègues, là, mais je vais très
rapidement.
La Modératrice : Dernière
question... sinon, on reviendra à la fin, là.
M. Robillard (Alexandre) : Non,
je sais, c'est ma dernière. C'est parce que vous avez dit que vous n'aviez pas
été autorisée à faire un audit de performance, ça fait que moi... Est-ce que
vous aimeriez faire un audit de performance à la caisse?
Mme Leclerc (Guylaine) : C'est
certain que... Puis moi, je ne peux pas critiquer les lois, là, mais c'est
certain qu'on peut faire un audit de performance dans toutes les entités du
gouvernement, au choix du Vérificateur général, et la seule entité où on ne
peut pas le faire, c'est la Caisse de dépôt, sans l'approbation du conseil
d'administration.
M. Robillard (Alexandre) : Est-ce
que vous aimeriez le faire?
Mme Leclerc (Guylaine) : On
aimerait avoir la possibilité, comme on l'a dans toutes les entités.
La Modératrice : Alain
Laforest, TVA Nouvelles.
M. Laforest (Alain) : Bonjour,
Mme Leclerc. Revenons sur votre audit concernant la télémédecine. Est-ce
que vous avez été surprise qu'après 20 ans ça ne soit pas mieux organisé
que ça?
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
on a été... Je vous dirais que c'est le constat qu'on fait. C'est que, depuis
2001, O.K., il y a des groupes de travail qui mentionnent que la télémédecine
ou la télésanté, c'est quelque chose de prometteur, particulièrement parce que
ça va aider les personnes en région, dans des régions éloignées, ça va
permettre à des gens qui peuvent se déplacer moins... Donc, c'est prometteur.
Et ce qui fait que, lorsqu'on est arrivés
au moment de la pandémie, en mars 2020, bien, le ministère n'était aucunement
outillé pour pouvoir faire face aux besoins de télésanté qu'il y avait à ce
moment-là.
M. Laforest (Alain) : Mais
ma question, c'est : Dans quelle mesure ça vous a surprise de voir que,
pendant 20 ans, il ne s'est presque rien fait, là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
je vous dirais, depuis... Ça va faire sept ans que je suis Vérificateur
général, puis j'ai des équipes que ça fait beaucoup plus longtemps, ça fait qu'il
y a... C'est notre rôle d'identifier des lacunes. Donc, vous dire... d'être
surpris, bien, c'est... C'est important... Je pense que, vu que ça fait
20 ans que le ministère s'y penche et qu'il y a des groupes de travail qui
s'y penchent, ça aurait... on se serait attendus qu'en 2020 ce soit plus
avancé.
Puis d'ailleurs je peux même vous donner
un exemple. On le présente dans notre rapport. C'est qu'à la fin de nos travaux
il y avait même des établissements pour lesquels l'Internet haute vitesse
n'était pas adéquat encore. Alors, on était loin de la télésanté tel qu'on
pouvait le souhaiter en 2001.
M. Laforest (Alain) : Dans
ce que vous avez constaté, et ce sera ma dernière question, quels sont les
endroits que vous considérez, là... entre autres, par téléphone, parce que
c'est ça qui est appliqué, et c'est une exception à la loi qui est reconduite,
d'ailleurs, dans la loi que le ministre vient de déposer aujourd'hui, là, ça
fait qu'il va le permettre, là, par téléphone. Où c'est une bonne idée de le
faire et ce n'est pas une bonne idée de le faire dans ce que vous avez
constaté, là, d'application de cette télémédecine par téléphone?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
il faut que le ministère de la Santé encadre les médecins. Ce qu'on a constaté,
c'est qu'au cours de la période de l'audit, à partir du moment où ça a été
autorisé, parce qu'avant ça, les médecins n'étaient pas rémunérés pour le
faire, bien, c'est 99 % des médecins qui le faisaient par téléphone. On a
même fait des constats que certains médecins, c'était de façon très importante,
je pense, il y en a... au-dessus de 90 % de leurs consultations étaient
faites en télésanté. Puis, comme on le sait, la télésanté est faite à 99 %
par téléphone. Donc, c'est important que le ministère encadre les situations
pour lesquelles la télésanté peut se faire par téléphone, puis dans quels cas
il se doit d'avoir un visuel, puis dans quels cas ça doit être en personne.
La Modératrice : Nicolas
Lachance, Journal de Québec.
M. Lachance (Nicolas) : Oui,
bonjour. Ici, je reviendrais sur Otéra et la Caisse de dépôt. On comprend
qu'ils veulent uniformiser, les filiales et la caisse veulent uniformiser leurs
codes d'éthique. Ça ne semble, en tout cas, à la lecture de votre rapport, pas
encore bien établi. Est-ce que la surveillance est adéquate au sein de cette
structure-là? Et est-ce que c'est trop opaque entre chacune de ses filiales?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
je vous dirais qu'il y a deux types de filiales. Il y a les filiales en
propriété exclusive et celles qui ne le sont pas, comme Otéra et Ivanhoé. Et
c'est, une, 95 %, l'autre, 99 %, je pense, en tout cas, c'est très,
très peu. Mais le fait qu'elles ne soient pas en propriété exclusive fait en
sorte que le code d'éthique des filiales n'a pas l'obligation d'être approuvé
par le conseil d'administration. C'est la loi sur la gouvernance non plus qui
ne s'y applique pas lorsqu'ils ne sont pas en propriété exclusive?
Une voix : C'est dans la loi
de la caisse.
Mme Leclerc (Guylaine) : C'est
la loi de la caisse.
M. Lachance (Nicolas) : Donc,
les pourcentages qu'on voit qui manquent, là, c'est que vous n'avez pas pu
vérifier ces sections-là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Ah!
bien, ça, ça peut... Ce qu'il est important de savoir, c'est qu'il y a une
différence entre une propriété... une filiale en propriété exclusive puis une
filiale qui n'est pas en propriété exclusive. Par exemple, la Loi sur la
gouvernance des sociétés d'État, O.K., s'applique aux filiales en propriété
exclusive. À partir du moment où on est à 99 % ou à 95 %, ça ne
s'applique pas pour plusieurs éléments.
Donc, par exemple, si on parle de la Loi
de la gouvernance des sociétés d'État, bien, on va parler de la rémunération,
là, donc ça ne s'applique pas lorsque ce n'est pas en propriété exclusive. Et,
dans le cas de la caisse, Ivanhoé Cambridge et Otéra ne sont pas propriété
exclusive. Donc, la caisse a décidé d'harmoniser leurs codes de déontologie,
mais c'est vraiment par choix. Mais ce n'était pas une obligation qu'ils
avaient de le faire. Et ça, ça a été fait seulement depuis 2019.
M. Lachance (Nicolas) : Mais,
malgré le fait qu'ils... Même si on uniformise tout ça, la surveillance, est-ce
qu'elle peut se faire de la même façon à la caisse que dans ses deux filiales?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
ça devient un choix de la caisse, aussi, de faire cette surveillance-là, et je
vous dirais qu'il y a eu de grandes améliorations à cet effet-là.
M. Lachance (Nicolas) : Et,
de votre côté, vous avez dit que vous ne pouvez pas faire d'audit de performance
à la caisse, mais est-ce que vous pourriez le... Donc, ça inclut, à vie,
Ivanhoé et Otéra. Vous pourriez peut-être le faire à la caisse si on vous donne
l'autorisation, mais, pour ces deux filiales-là, à cause des pourcentages, vous
ne pourriez même pas lui toucher, là.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
ça dépend de la loi telle qu'elle serait rédigée à ce moment-là, mais
actuellement, non, on ne peut pas y aller sans l'autorisation du conseil
d'administration de la caisse, ou à moins que le gouvernement nous mandate pour
le faire, ou que l'Assemblée nationale nous demande de faire.
M. Lachance (Nicolas) : Une
petite courte?
La Modératrice : Une
dernière.
M. Lachance (Nicolas) : En
voyant ce que vous avez réussi à établir, en voyant les scandales qui sont
sortis dans les médias dans les dernières années, est-ce que c'est une demande
que vous pourriez adresser au gouvernement du Québec?
Mme Leclerc (Guylaine) : C'est
certain que le Vérificateur général souhaiterait que tous les organismes qui
sont dans le giron du gouvernement ou les entités comme la caisse fassent
partie de la Loi du Vérificateur général et que le Vérificateur général, comme
pour toute entité, que ce soit Hydro-Québec ou que ce soit le ministère de la
Santé, on puisse aller faire un audit de performance à notre choix.
La Modératrice : Hugo
Pilon-Larose, La Presse.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Bonjour.
La première question, peut-être, va vous paraître évidente, mais j'aimerais
qu'on le précise. Si vous faisiez un audit de performance à la caisse,
qu'est-ce que ça vous permettrait donc de faire, de valider, de vérifier? Quel
serait le bénéfice pour les Québécois en termes d'informations dont ils
auraient accès?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
vous connaissez la teneur de nos rapports. Lorsqu'on fait un audit relatif à la
conformité, on se doit de s'attacher à une politique et à une directive, O.K.,
et de dire : Bon, est-ce que ce geste-là est conforme à cette politique ou
à cette directive-là? Par exemple, un des cas qu'on a vu où on dit : Bon,
bien, on sort des fonds avant l'autorisation du comité approbateur, bien, dans
un audit de performance, on pourrait dire : Est-ce que ça a été pertinent?
Est-ce que ça a été efficace, économique, efficient de le faire? O.K. Est-ce
que c'était...
Par contre, dans un audit relatif à la
conformité comme on le fait, tout ce qu'on peut dire, c'est que ce n'est pas
conforme à la politique, et, si vous voulez être corrects, bien, faites une
politique. Mais, à partir du moment où il y aurait une politique qui aurait été
faite, bien, on aurait dû dire : C'est conforme.
Donc, je ne sais pas si, pour vous, c'est
clair ce que je vous présente comme différence entre ce qu'on a pu faire et ce
qu'on ne peut pas faire à la caisse.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Est-ce
qu'il y a déjà eu un audit de performance, dans l'histoire de la caisse, qui a
été fait?
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
il y en a eu deux. Il y a eu pour la construction de l'immeuble, mais ça avait
été demandé par le gouvernement de le faire. Et il y en avait un autre, dont
j'oublie toujours le nom, c'est...
Mme Rivard (Caroline) : C'est
la manière dont était gérées certaines filiales, Montréal Mode, là, à l'époque.
Mme Leclerc (Guylaine) : C'était
Montréal Mode dans l'autre cas, et ça aussi, ça avait été demandé par le
gouvernement.
M. Pilon-Larose (Hugo) : En
santé, vous parlez, dans votre rapport, de l'état de l'infrastructure
technologique dans nos établissements. En gros, on a l'impression que vous avez
été parfois confrontés au Moyen Âge, là, à des technologies qui datent d'une
autre époque. Est-ce que je comprends bien que c'est la réalité?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
effectivement, il y a beaucoup de difficultés dans certains établissements. Il
y a des établissements, même à la fin de nos travaux, que le système Internet
sans fil permettant une bonne communication qui aurait pu se faire en
télésanté, bien, il n'était pas là. Ils étaient encore en train d'y travailler.
Ce qu'on a constaté aussi, c'est qu'au
ministère de la Santé il y a 2 % des dépenses qui est affecté pour les
technologies de l'information, alors que, dans les autres ministères, c'est en
moyenne 5 %. Et, dans le 2 %, c'est souvent pour du renouvellement de
licence, pour, donc, ce genre de choses. Donc, il y a des lacunes. Avant de
réussir à arriver avec un système de télésanté qui soit performant, bien, il va
falloir répondre à ces lacunes-là.
Et, même au tout début, en mars 2020,
lorsqu'on a commencé notre mandat, le ministère a demandé aux médecins d'utiliser
le téléphone parce que les infrastructures technologiques pouvaient ne pas
supporter d'avoir du visuel. Et aussi, pour pouvoir utiliser Teams, par
exemple, bon, bien, ça prenait une adresse MSSS, une adresse e-mail MSSS, et ce
n'étaient pas toutes les cliniques, les GMF, qui l'avaient.
La Modératrice : Simon
Bourassa, de Noovo.
M. Bourassa (Simon) : Oui,
bonjour. Concernant les états financiers consolidés, quand vous parlez des
sommes versées en trop, certaines sommes versées en trop, est-ce que vous
pouvez élaborer un peu là-dessus? Puis est-ce que vous exigez qu'il y ait un
remboursement qui soit fait au gouvernement?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bon,
il y a différentes sommes, là. Donc, il y a 9 millions qui a été facturé
en double pour les médecins. Mais ça, la Régie de l'assurance maladie est en
mesure de pouvoir le récupérer.
Un autre montant, qui est de
57 millions, c'est... Vous vous souviendrez qu'on a fait une aide pour les
travailleurs essentiels. Et les travailleurs essentiels devaient déclarer
qu'ils gagneraient plus que 5 000 $ et moins que 28 000 $
dans l'année, puis il y en a certains qui ont gagné plus que 28 000 $.
Donc, on veut récupérer ces sommes-là, mais c'est plus compliqué pour Revenu
Québec de les récupérer parce que ce n'est pas dans la loi fiscale, donc ils
ont des modes de récupération qui sont un petit peu plus compliqués que si
c'était dans la loi fiscale.
M. Bourassa (Simon) : Parfait.
Puis concernant la télémédecine, est-ce que vous diriez que la télémédecine,
c'est incompatible avec la façon dont le système de santé fonctionne
actuellement au Québec?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
ne suis pas en mesure de vous dire que c'est incompatible. Je pense que ça
devient nécessaire parce que... Puis ça, c'est plusieurs études qui le disent,
là, et ça, depuis 2001 qu'ils en parlent.
Par exemple, la télédermatologie, O.K., on
sait qu'il y a des dermatologues à Québec et à Montréal, il y en a beaucoup
moins en région. Donc, c'est important que les gens en région puissent avoir
accès. Donc, ça, c'est un projet qui est en train de se mettre en marche et qui
devrait être fonctionnel, là, ce printemps. Donc, c'est maintenant essentiel,
mais il faut que les infrastructures technologiques du ministère, les
établissements suivent le besoin.
La Modératrice : Est-ce que
tu avais une question, toi?
M. Lacroix (Louis) : Oui. Je
m'excuse, je suis arrivé en retard parce que je n'ai pas encore le don
d'ubiquité, malheureusement. Je ne sais pas, la question a peut-être été posée,
mais je vais vous la reposer. Est-ce que... Parce que vous dites, dans votre
audit, sur, en fait, la télémédecine... vous vous inquiétez de la qualité des
soins, notamment parce que 99 % des consultations ont été faites par
téléphone. À votre avis, est-ce que la santé des Québécois a été menacée,
jusqu'à un certain point, par cette pratique-là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
ne suis pas en mesure de vous dire que la santé des Québécois a été menacée, on
n'est pas en mesure de dire oui ou non, là. Mais c'est certain qu'il fallait un
encadrement. Et l'encadrement du ministère n'est venu qu'à partir d'avril 2021.
De mars 2020 jusqu'à avril 2021... bien, même au début, en mars 2020, on a
recommandé aux médecins de faire leurs consultations de télésanté par
téléphone, plutôt qu'en visuel, alors que tant l'INESSS que d'autres organismes
mentionnent que, pour certains cas, c'est important d'avoir un examen visuel,
puis dans d'autres cas, bien, c'est un examen physique qui est nécessaire.
M. Lacroix (Louis) : Et
est-ce que vous savez pourquoi on a attendu un an avant de baliser cette
pratique-là? Est-ce que c'est parce qu'on était débordés? On comprend, là,
qu'au ministère de la Santé, ils devaient être comme des queues de veau pendant
la pandémie, là, mais est-ce que ça explique ce délai-là ou si c'est tombé
entre les craques du projet, mettons?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
je vous dirais, premièrement, que ça fait 20 ans, hein, qu'il y avait des
projets qui étaient en cours. D'autre part, quand on est arrivés, en mars 2020,
il y avait des établissements dont les systèmes Internet sans fil n'étaient pas
suffisamment performants. Il y avait des médecins qui n'avaient pas une adresse
e-mail compatible avec un visuel, donc ça prenait une adresse MSSS, ce qu'ils
n'avaient pas à l'époque. Et puis un an plus tard, bien là le ministère a
apporté un encadrement.
Puis peut-être, tu veux rajouter quelque
chose?
M. St-Louis (Martin) : Bien,
pour développer les balises, ça a pris un an, mais on sait que, pour développer
des balises comme ça, le Collège des médecins, les fédérations doivent être
impliqués. Puis les balises, grosso modo, ce qu'il dit, c'est le téléphone,
c'est pour un patient déjà connu, pour un suivi, puis non pas un nouveau
patient, puis des choses comme ça, puis il vient émettre certaines lignes
directrices. Mais la pandémie, puis la nécessité d'attacher tout le monde
autour des directives, ça implique possiblement une raison pour laquelle ça
prend un an, là. Mais ça aurait pu être plus rapide aussi.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que c'était imprudent de le faire sans balises?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
ne peux pas dire que... Bien, c'est nécessaire d'avoir des balises, ça fait que
je vous laisse apporter le qualificatif que vous souhaitez, là.
Mme Prince (Véronique) : Je
me permettrais aussi des questions, si ça vous va. Pour continuer sur ce
sujet-là, je comprends que ce n'est pas parfait, la téléconsultation au
téléphone, que, justement, ça prend des balises, ça ne peut pas faire pour tous
les patients, et tout ça. Mais est-ce que vous êtes d'avis que, maintenant
qu'on l'a essayé avec la pandémie, qu'on n'a pas le choix de le faire, il faut,
en quelque part, le conserver, là? Puis je vous demanderais de répondre
peut-être en regardant les caméras ou en vous adressant à la salle, là.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bon,
premièrement, pour le conserver, il faudrait modifier la loi, parce que la loi,
telle qu'elle est, ne le permet pas. Elle le permet à cause du décret. Donc,
ça, c'est la première chose. La deuxième chose, ce serait important de
s'assurer de voir si la rémunération des médecins est conforme avec la forme
d'acte de faire une consultation par téléphone. Parce qu'actuellement la
rémunération n'a pas été modifiée en fonction qu'un acte était fait par
téléphone, par rapport à s'il était fait en personne ou en visuel. Donc, ça, il
faudrait que ce soit... s'assurer d'une corrélation entre la rémunération et
l'acte qui est effectué.
Je ne me souviens plus de la...
Mme Prince (Véronique) : Bien,
en fait, je vous demandais si on devrait trouver des façons de le conserver.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
pour le conserver, il faudrait au moins faire ces deux choses-là, s'assurer
aussi des balises, qu'ils mettent en place des balises adéquates. Et c'est
certain que la télésanté, de quelque forme qu'elle soit, bien, c'est quelque
chose... ce vers quoi on se doit d'aller, parce qu'on le voit pour les
spécialistes, on le voit pour les omnipraticiens. D'avoir accès plus facilement
à son médecin, bien, c'est quelque chose qui est favorable.
Mme Prince (Véronique) : Mais
ça inclut aussi le téléphone, là? Je veux dire, je comprends qu'idéalement vous
préférez Teams ou, tu sais, ce genre de logiciel là, mais est-ce que le
téléphone, maintenant qu'on l'a essayé, c'est aussi une façon...
Mme Leclerc (Guylaine) : Le
téléphone fait partie de la télésanté, O.K.? Donc, c'est un des outils. Il
s'agit de savoir dans quelle situation le... Par exemple, le téléphone, c'est
favorable lorsque c'est pour un renouvellement de médication, pour un suivi.
Lorsque le médecin... Lorsque le patient est sorti de l'hôpital, qu'on veut
faire un suivi, le téléphone, c'est favorable. Par contre, il y a d'autres
situations où on doit voir le patient, soit strictement visuellement ou en
personne.
La Modératrice : Parfait.
Est-ce qu'il y avait d'autres questions en français?
M. Lacroix (Louis) : Grosso
modo, est-ce que la qualité des soins a baissé en raison de la télémédecine?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
ne suis pas en mesure de vous répondre à cette...
La Modératrice : Alors, on
irait en anglais peut-être, merci beaucoup, avec... Est-ce que ça vous va en
anglais? Voulez-vous...
Mme Leclerc (Guylaine) : Yes,
I will do.
La Modératrice : O.K.,
parfait. Je pense qu'il y a juste Cathy Senay, de CBC.
Mme Senay (Cathy) : Et
il y a Ian juste à... Ce n'est pas grave. Good day, Mrs.
Leclerc.
On telehealth,
telemedicine, the fact that we heard so many times the Health Minister talking about this alternative during the pandemic, and
that people had to contact their doctor, and they had this possibility of
having health care through the distance, and it was well done, and they had to
use this option, well, what was your reaction when you realized that there was
no framework to do it?
Mme Leclerc
(Guylaine) :
Well,
when we talk about telehealth, we think about telephone, but also visual. And
what we found, it's that 99% of the telehealth was by phone. And it took one
year to MSSS to put in place a framework that would provide the physicians...
to help them to establish if it's the phone, or if a visual, or in person
meeting was necessary. So, yes, it was necessary to put it in place in 2020
because the law didn't accept... didn't allow the physicians to do a
consultation by phone. So, only with the «décret», they were allowed to do
teleconsultation by phone. So, it was necessary, but what we say is that they
needed a framework. And we saw that, for some physicians, more than 90% of
their consultations were in telehealth, and 99% were in phone. So...
Mme Senay
(Cathy) : What's the problem with the phone
for you?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oh! because what INESSS and other
organizations say is that phone is good, for example, when you need to renew
your prescription or if you need a follow up when you get from the hospital.
So, that's OK to be by phone, but sometimes you need to have a visual meeting
with your patient or a physical meeting with your patient. So, there are some
issues to be by phone, but sometimes it's what it needs. But actually the law
without the «décret» doesn't allow a physician to be paid to be by phone with
their patients.
Mme Senay
(Cathy) : Unless there is a public health
emergency.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Exactly.
Mme Senay
(Cathy) : OK. So, your recommendation is to make sure that this
framework for telehealth exists, it's put in place and developed.
Mme Leclerc
(Guylaine) : And developed. And they have to
look at, also, the remuneration of the physicians, because they haven't took it
in... they didn't consider it. So, the physician is still paid the same thing
than if he would see the patient in person. So, maybe it's faster, maybe it's
not faster, but the «ministère»
should look at the remuneration of the physician.
La Modératrice :
Ian Wood, CTV.
M. Wood (Ian) :
Just with regards to the caisse, the conflict of interest, is this a persistent
issue or is this something that is, you know, become a recent problem?
Mme Leclerc
(Guylaine) : It's... Our audit was… OK,
our audit was between 2019 until 2021. So, it's in that period.
M. Wood (Ian) :
But I guess… What I mean to say is that: Does this exemplify a greater issue of
conflicts of interest within not just the caisse, but other finances of the
province?
Mme Leclerc
(Guylaine) : You know, conflict of interest is something extremely
difficult to find, to identify. In this case, that's because the manager, I
would say, «gestionnaire» has declared it much more later, OK? But if he hadn't
declared it, I don't think we would have found that conflict of interest. So,
in the Government, looking at conflicts of interest is something extremely
difficult.
M. Wood (Ian) :
Thank you.
M. Lachance (Nicolas) : Pour
vous, est-ce qu'on considère un gestionnaire comme un dirigeant?
Mme Leclerc (Guylaine) : Non,
ce n'est pas la même chose.
M. Lachance (Nicolas) : Ce n'est
pas la même chose. O.K., parfait. Merci.
La Modératrice : Ça va? Bien,
je vous remercie beaucoup, Mme Leclerc, ainsi qu'à vos deux collègues. Merci
pour la conférence de presse.
(Fin à 11 h 36)