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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, May 6, 1997 - Vol. 35 N° 97

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Table des matières

Affaires du jour

Présentation des députés élus lors des élections partielles du 28 avril

Démission des députés de Kamouraska-Témiscouata et de Bourassa

Affaires courantes

Affaires du jour


Annexe
Membres de l'Assemblée nationale
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous allons débuter nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais Mme la leader adjointe à nous indiquer le menu, s'il vous plaît.

Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Je demande consentement pour déroger à l'article 53 du règlement de l'Assemblée afin de déposer les rapports de commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement?

M. Gautrin: Bien sûr. On ne peut rien lui refuser.


Dépôt de rapports de commissions


Étude des crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors donc, de consentement pour déroger à l'article 53 du règlement, j'ai l'honneur de déposer les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998, soit les rapports de la commission des institutions, de la commission des finances publiques, de la commission des affaires sociales, de la commission de l'économie et du travail, de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, de la commission de l'aménagement du territoire, de la commission des transports et de l'environnement, de la commission de l'éducation et de la commission de la culture. Ces crédits ont été adoptés.

Alors, les rapports ont été déposés. J'inviterais Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Comme le député de Verdun ne peut rien me refuser, je vais demander un deuxième consentement pour déroger à l'article 288 du règlement de l'Assemblée pour procéder immédiatement au débat restreint.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement?

M. Gautrin: Bien sûr.


Affaires prioritaires


Débat restreint sur les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien. À l'article 40 du feuilleton, l'Assemblée entreprend le débat restreint sur les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998.

Suite à une rencontre avec les leaders, le partage du temps pour ce débat restreint de deux heures a été établi de la façon suivante: cinq minutes seront accordées à chacun des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre le groupe ministériel et celui de l'opposition officielle. Le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être distribué et, dans ce cadre, les interventions ne sont pas limitées.

(10 h 10)

Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant. M. le président du Conseil du trésor, je vous cède la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, le 18 mars dernier, une des dates les plus hâtives qu'on ait connues, j'ai eu le plaisir de présenter, pour une deuxième fois, le budget de dépenses du gouvernement du Québec. Depuis lors, comme chacun sait, les commissions de l'Assemblée nationale ont procédé à ce qu'on appelle l'étude des crédits pour l'année 1997-1998 de tous les ministères et de tous les organismes du gouvernement dont l'Assemblée nationale vote le budget. Au terme de quelque 200 heures de travaux parlementaires, l'Assemblée nationale est appelée aujourd'hui à clore cette opération.

Alors, M. le Président, vous me permettrez de faire un retour sur trois sujets qui ont été abordés, et en introduction à l'étude des crédits et abordés dans l'étude des crédits, mais qui sous-tendent ce que nous faisons. D'abord, je veux faire un retour sur ces crédits 1997-1998 et je veux traiter sommairement de certains éléments clés de ces crédits dont, en particulier, la réduction des coûts de main-d'oeuvre et le programme de départs volontaires qui en découlent. Et, enfin, je voudrais brièvement traiter de la gestion en général, en particulier des ressources humaines et de la gestion de transition.

Alors, le budget de dépenses pour l'année 1997-1998 s'inscrit à l'intérieur d'un plan d'ensemble que s'est donné l'actuel gouvernement pour éliminer le déficit d'ici l'an 2000. Ce plan comporte des cibles budgétaires précises qui ont fait l'objet d'un consensus avec les partenaires sociaux lors de la Conférence sur le devenir économique et social ici, à Québec, et lors aussi du sommet tenu à la fin d'octobre à Montréal, enfin, élément ou consensus qui a été consigné dans une loi adoptée ici à l'unanimité par l'Assemblée nationale, qu'on appelle la loi sur les déficits. Cette loi a déjà été adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale; je pense qu'il faut le souligner. Donc, c'est un consensus général qu'il faut arriver à l'équilibre des finances publiques.

Ce plan, le gouvernement le réalise à partir d'une stratégie qui vise, d'une part, à réduire de manière permanente les coûts de fonctionnement et de main-d'oeuvre, mais aussi à entreprendre par la même occasion des réformes audacieuses pour restructurer et préserver les grands services publics. La démarche adoptée par le gouvernement pour recouvrer la santé financière suppose un effort budgétaire étalé sur cinq ans. Le budget de dépenses 1997-1998 représente la troisième année de cette démarche au terme de laquelle nous aurons accompli les trois quarts du chemin.

Les résultats atteints jusqu'ici confirment que le Québec s'est résolument engagé dans la voie du changement et de la rigueur budgétaire: les dépenses ont diminué au lieu d'augmenter et le déficit est en voie d'être éliminé. Les réformes en cours démontrent aussi que le gouvernement est passé à l'action et qu'il a un plan de match. Une nouvelle vision émerge de cette action gouvernementale, c'est-à-dire un État moins dépensier, à l'écoute des contribuables, des services publics mieux adaptés pour faire face aux défis de l'an 2000, des changements qui se font dans le respect des valeurs québécoises de concertation et de solidarité. Les efforts demandés ont touché à peu près tous les secteurs de la société québécoise et, fort heureusement, les choix les plus difficiles sont maintenant derrière nous. Il en reste en particulier à négocier – et j'y reviendrai tout à l'heure – en ce qui concerne l'effort demandé aux instances locales et municipales, mais, dans l'ensemble, les grands efforts demandés sont déjà connus.

M. le Président, le budget de dépenses déposé il y a un an, en 1996-1997, comportait un effort budgétaire sans précédent, lequel impliquait des économies de 2 200 000 000 $ à réaliser. Les résultats de l'année financière 1996-1997 ont démontré que le gouvernement a respecté ses engagements tant en ce qui concerne le déficit, qu'il voulait réduire à 3 200 000 000 $, qu'au niveau du budget des dépenses, qui a été respecté lui aussi. Cela nous a conduits en effet à des économies réalisées qui auront atteint, au cours de cette année 1996-1997, 2 400 000 000 $, dont 2 200 000 000 $ sur une base récurrente, c'est-à-dire que c'est un effort qui est fait et qui va durer dans le temps. Au cours des deux dernières années, donc, nous avons respecté nos objectifs en matière de dépenses, en matière de déficit, et nous sommes déterminés, comme gouvernement, à faire de même en 1997-1998. Je pense qu'il faut conclure qu'en le faisant nous contribuons à restaurer la crédibilité financière du Québec.

En tenant compte du dernier discours sur le budget, les dépenses pour 1997-1998 totalisent 40 300 000 000 $, dont 34 400 000 000 $ au titre des dépenses de programmes et 5 900 000 000 $ pour le service de dette du gouvernement, pour les intérêts payés sur la dette accumulée par le gouvernement. Le niveau de dépenses 1997-1998 représente une baisse récurrente de 1 000 000 000 $ par rapport à l'exercice précédent, donc une diminution des dépenses. La dynamique de croissance des dépenses qui prévalait antérieurement est maintenant renversée. De 1994-1995 à 1997-1998, le niveau de dépenses aura diminué, sur une base permanente, de 2 300 000 000 $, en excluant, il faut le dire, si on lit les chiffres, l'impact de la politique familiale qui touche autant les revenus que les dépenses. Le Québec est donc sur la bonne voie, il a comblé un retard qu'il avait pris en matière de contrôle de ses dépenses. Au chapitre des dépenses, d'ailleurs, l'année 1997-1998 sera déterminante, puisque l'effort budgétaire à réaliser par la suite devrait se limiter au gel des dépenses de programmes. Une fois passée cette année financière, comme je le disais tout à l'heure, les trois quarts du chemin auront été parcourus. Pour 1997-1998, l'effort budgétaire à réaliser est du même ordre que celui de l'année dernière.

Le gouvernement a entrepris des réformes importantes dans plusieurs secteurs d'activité. Celles entreprises dans le domaine de l'éducation et dans celui de la santé et des services sociaux façonnent tout particulièrement le budget des dépenses 1997-1998. Dans ces domaines, c'est le rôle même de l'État qui est repensé.

Le ministère de l'Éducation a amorcé une importante réforme en vue d'accroître la réussite éducative des élèves, dont les principaux éléments comportent une maternelle à temps plein pour les enfants de cinq ans, une augmentation du nombre de places en formation professionnelle et la diminution du nombre de commissions scolaires.

L'accent du côté du réseau de la santé et des services sociaux sera dorénavant mis sur l'accroissement de l'efficience administrative, sur une meilleure gestion des durées des séjours hospitaliers et des lits et sur un retour accru à la chirurgie d'un jour.

Plusieurs programmes gouvernementaux, par ailleurs, ont été repensés afin de les ajuster aux réalités d'aujourd'hui. Dans certains domaines, notamment, des ajustements ont été apportés à certains critères et contrôles concernant l'aide financière versée à des clientèles. Les révisions de programmes ont touché l'ensemble des secteurs.

Une autre réforme importante qu'a entreprise le gouvernement porte sur la fiscalité municipale ou sur les fonds transférés aux municipalités. Tel qu'indiqué dans le dernier discours sur le budget, plusieurs services produits ou subventionnés par le gouvernement sont d'intérêt local, souvent. Nous croyons que les instances locales, y compris les municipalités régionales de comté et les communautés urbaines, sont mieux à même de produire et de gérer ces services et, par voie de conséquence, les services et les façons de faire seront mieux adaptés aux désirs des populations qui assureront également un meilleur contrôle des coûts. Cette réforme entraînera pour le gouvernement des économies budgétaires de 125 000 000 $ pour le présent exercice et de 500 000 000 $ pour l'exercice 1998-1999, donc sur une base récurrente de 500 000 000 $ par année.

Pour réaliser l'objectif de déficit budgétaire zéro d'ici l'an 2000, le gouvernement a dû mettre en place diverses mesures permettant d'effectuer des compressions budgétaires prévues. Un tel effort de réduction des dépenses de programmes ne peut être accompli sans diminuer les coûts de main-d'oeuvre de l'État qui représentent quelque 56 % des dépenses totales de programmes. C'est donc dans ce contexte que, à l'automne 1996, le gouvernement entreprenait des discussions avec les syndicats du secteur public pour les informer de l'effort budgétaire requis et convenir de mesures visant à réduire les coûts de main-d'oeuvre. Ce faisant, il manifestait d'ores et déjà clairement sa volonté de privilégier la voie de la négociation, et cette volonté, le gouvernement l'a réitérée de mois en mois jusqu'à la conclusion que nous connaissons. La voie de négociation a porté fruit, M. le Président, puisqu'elle a permis la conclusion d'ententes de principe couvrant à ce jour près de 99 % du personnel syndiqué du secteur public. Ces ententes permettront au gouvernement de réduire de plus de 800 000 000 $, en 1997-1998, ses coûts de main-d'oeuvre en comprenant les autres secteurs non syndiqués.

(10 h 20)

Ces ententes prévoient notamment la mise en place de programmes de départs volontaires qui devraient permettre le départ à la retraite de quelque de 18 460 personnes d'ici le 1er juillet 1997 – et il s'agit là, bien sûr, de montants estimés au moment où nous nous parlons – l'introduction de diverses mesures d'assouplissement aux conventions collectives, que ce soit en matière de gestion et de dotation des postes dans le secteur de la santé ou d'économies reliées au rajeunissement du personnel enseignant lors de départs volontaires dans le secteur de l'éducation.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale adoptait, le 21 mars 1997, la Loi sur la diminution des coûts de la main-d'oeuvre dans le secteur public et donnant suite aux ententes intervenues à cette fin – la loi qu'on appelle la loi n° 104 – qui a principalement pour effet d'élargir temporairement l'admissibilité à la retraite et de prévoir des mesures de réduction de la rémunération pour les années 1996-1997 et 1997-1998 là où ces économies n'auront pas encore été réalisées.

M. le Président, permettez-moi de m'attarder sur ce programme de départs volontaires que le gouvernement et les syndicats du secteur public ont convenu de mettre en place. Ce programme devrait permettre le départ à la retraite de plus de 13 000 personnes. Si on ajoute à ce nombre de départs les départs à la retraite déjà prévus, c'est plus que 18 460 personnes qui devraient quitter au cours des prochains mois. Évidemment, le succès de ce programme est essentiel à l'atteinte de notre objectif de réduction des coûts de main-d'oeuvre, et, pour ce faire, la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, qu'on appelle la CARRA, a élaboré un plan d'action. Le Conseil du trésor a, lui aussi, mis en place différentes mesures pour appuyer les ministères et les organismes dans l'application de ces programmes. En voici quelques éléments. D'abord, le 25 et le 29 mars 1997, un message a été publié dans les quotidiens indiquant aux personnes admissibles comment la CARRA les informerait. Deuxièmement, du 24 au 26 mars 1997, un envoi a été effectué aux 1 600 employeurs du secteur public, aux syndicats et aux associations d'employés d'une convocation à des sessions d'information régionales ainsi que d'un document décrivant les programmes et les moyens décidés par la CARRA pour informer ces employés. Le 2 avril 1997, un autre envoi a été effectué à la résidence de 95 000 personnes admissibles. Il contenait les documents suivants: un bulletin Ma retraite , décrivant le programme; un état de participation; le calendrier des sessions d'information régionales; une grille de calcul permettant à la personne d'estimer son revenu de retraite.

Vingt-cinq sessions d'information ont été tenues du 1er au 11 avril 1997 à l'intention des employeurs du secteur public et trois sessions d'information à l'intention des syndicats et des associations d'employés. On évalue à 2 570 le nombre de personnes qui ont participé à ces rencontres. Et, finalement, du 14 avril au 9 mai 1997 – donc, cela se finira dans quelques jours – nous aurons tenu 108 sessions d'information régionales à l'intention, cette fois, des employés. En date d'aujourd'hui, la CARRA a tenu 76 sessions qui ont réuni près de 22 000 personnes. Évidemment, ce ne sont là que quelques-unes des actions entreprises par le gouvernement pour faire en sorte que le programme de départs volontaires soit un succès.

M. le Président, à la lumière de ce qui précède, je ne voudrais pas laisser l'impression à mes collègues de l'Assemblée que la réduction des coûts de main-d'oeuvre constitue cependant la seule préoccupation du Conseil du trésor au plan de la gestion des ressources humaines. J'ai déjà indiqué que la démarche d'assainissement des finances publiques ne constitue pas une finalité en soi, mais le passage nécessaire pour préserver nos acquis sociaux. Cette démarche doit également s'accompagner d'une réflexion sur les perspectives d'avenir. Et je pense bien, notamment, que la gestion des personnes, des ressources humaines, constitue un enjeu stratégique prioritaire puisque les ressources humaines de l'administration publique constituent un élément clé lui permettant de remplir au mieux sa mission.

Les transformations de l'appareil public que nous vivons actuellement sont porteuses d'effets importants tant sur les organisations elles-mêmes que sur ceux et celles qui les composent. Il ne s'agit pas de reporter des changements qui sont nécessaires, mais de les mieux préparer et de mieux en gérer les impacts. Bref, nous devons dominer le changement au lieu de le subir. Nous devons nous employer à gérer des transitions et à gagner de la souplesse et de la flexibilité. Relever ce défi de la gestion des transitions pose des exigences, suppose un certain nombre de conditions qui les facilitent et, dans ce contexte, le Conseil du trésor entend assurer les conditions qui nous permettent à tous de relever collectivement le défi de cette gestion des transitions. Nous avons quatre orientations dans ce sens, qui sont de mieux adapter le cadre de gestion, de gérer les transitions, de gérer aussi les compétences et, finalement, de mobiliser les acteurs.

En ce qui concerne l'adaptation du cadre de gestion, les règles actuelles ont été pour la plupart conçues dans des circonstances qui ne prévalent plus, en tout cas sûrement moins, et ne conviennent pas toujours ou plus du tout au contexte nouveau qui émerge. Elles sont nombreuses et ne facilitent pas la déconcentration et la responsabilisation des ministères et des organismes. Le Conseil du trésor élaborera donc un nouveau cadre de gestion qui sera allégé, intégré, adapté au contexte actuel et prévisible. Pour ce faire, l'ensemble des règles sera revu afin d'assurer l'allégement et l'adaptation.

La gestion des transitions, elle, porte spécifiquement sur la gestion des changements que nous souhaitons faire partager par tout le personnel de la fonction publique, la préoccupation qui concerne ces changements en cours et leurs impacts, et affermir la volonté de mieux les gérer, de les dominer plutôt que de les subir.

La gestion des compétences vise, quant à elle, à favoriser une utilisation optimale de ces compétences et à en faciliter l'adaptation continue et prévisionnelle. Nous désirons tout d'abord consolider la concertation interministérielle en matière de redéploiement du personnel en surplus. Nous mettrons également en place des mécanismes facilitant la mobilité professionnelle et organisationnelle pour assurer une meilleure adéquation entre les besoins et les ressources disponibles.

Quant à la mobilisation des acteurs, il est en effet fondamental que les différents acteurs intervenant en gestion des ressources humaines agissent en convergence. Au plan gouvernemental, la récente intégration de l'Office des ressources humaines au Conseil du trésor permet dorénavant une unification des actions centrales. Il faut, par ailleurs, consolider les liens et améliorer la concertation entre le Conseil du trésor et les acteurs ministériels en matière de gestion des ressources humaines.

M. le Président, en terminant, je rappelle l'objectif incontournable, souhaitable du gouvernement, soit l'élimination du déficit d'ici l'an 2000. Je puis vous dire que nous sommes sur la bonne voie, encore une fois, puisque les trois quarts du chemin auront été parcourus à la fin de l'année 1997-1998. Cette démarche d'assainissement des finances publiques a une incidence directe sur le rôle et la place de l'État. Le gouvernement actuel ne vise pas un État minimal ou un désengagement de l'État, mais un recentrage de cet État sur ses fonctions essentielles. La lutte au déficit et le repositionnement de l'État conduisent à une remise en question des rôles et des mandats des structures et des pratiques de toutes nos organisations publiques, de tous nos ministères. Ces changements recèlent de nombreux défis pour l'administration publique, en particulier au plan de la gestion des ressources humaines, et le Conseil du trésor entend assurer les conditions pour relever ce défi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Lorsqu'on discute des finances publiques, c'est une chose non triviale, non facile, non élémentaire. Je m'excuse, mais je veux essayer de ne pas être trop technique.

(10 h 30)

L'objectif du déficit zéro, le président du Conseil du trésor l'a rappelé tout à l'heure, nous le partageons tous. Dès 1991, un certain nombre de gens, en cette Chambre, étaient conscients qu'on s'en allait vers un gouffre et qu'il fallait agir. Donc, l'objectif du déficit zéro de faire en sorte qu'on équilibre les budgets année après année, c'est un objectif que nous partageons. Parce que, lorsqu'on aura atteint le déficit zéro, on n'aura pas encore réglé la dette, mais après, par le simple jeu de l'augmentation de l'activité économique, on réduira la proportion de la dette sur ce qu'on appelle le PIB.

Mais il y a deux façons d'atteindre cet objectif du déficit zéro: il y a la possibilité de réduire les dépenses de l'État – et je crois qu'il fallait réduire les dépenses de l'État – mais il y a aussi la possibilité de stimuler l'économie de manière à stimuler l'investissement, stimuler la création d'emplois pour faire en sorte que plus de gens travaillent. Si plus de gens travaillent, plus de gens contribuent par leurs impôts aux revenus de l'État, à la fin, la balance entre les dépenses et les revenus peut s'équilibrer. C'est bien simple, M. le Président – et vous le comprenez d'une manière évidente – lorsque vous voulez équilibrer un budget, vous devez jouer à la fois sur l'augmentation des revenus et sur, aussi, une certaine diminution des dépenses.

Le problème avec le budget de dépenses qui nous est proposé aujourd'hui, c'est qu'il crée des chocs dans la vie de l'ensemble de nos concitoyens, qui vont être difficilement absorbables. J'ai une image, si vous me permettez, M. le Président, qui vient un peu de mon enfance, où pour chauffer sa maison quelqu'un, au point de réduire ses dépenses, en serait rendu à vouloir brûler ses meubles. Et c'est un peu ce qu'on a dans le budget de dépenses aujourd'hui. On réduit tellement les dépenses qu'on en est réduit à mettre en danger ce qui a été en partie les acquis que l'on a collectivement bâtis ensemble. Et je ne voudrais pas faire ici une valse de millions: compressions de 600 000 000 $ ici, de 100 000 000 $ ici. On finirait par ne plus s'en rendre compte.

Mais il faut bien être conscient que les efforts qui sont demandés sont principalement assumés par l'endroit où les argents sont dépensés, à savoir le réseau de la santé, le réseau de l'éducation et ce qu'on appelle le réseau de la sécurité du revenu, c'est-à-dire le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Ces trois postes de dépenses représentent plus de 70 % des dépenses de programmes du gouvernement et c'est eux qui, bien sûr, vont devoir assumer les compressions qui sont proposées par le gouvernement.

Et alors, la diminution – et le président du Conseil du trésor, tout à l'heure, l'a rappelé – le départ en retraite de 13 000 personnes, ça veut dire des infirmières, des auxiliaires, des préposés aux bénéficiaires dans le réseau de la santé; ce sont des enseignants dans le réseau de l'éducation primaire et secondaire; ce sont des professeurs de cégep; ce sont des professeurs d'université. Et, par le projet de loi n° 104, par les mesures budgétaires qui sont déposées aujourd'hui, on dit: 18 000 personnes vont quitter, en quelque sorte, la fonction publique ou, disons, le budget de l'État.

Alors, la question qui arrive après, c'est: Est-ce que la qualité des services, est-ce que l'ensemble de ce qu'on retire de l'appareil gouvernemental va être le même? Est-ce qu'on n'est pas en train, avec ces départs de personnes qui travaillaient – et je pense très spécifiquement aux hôpitaux, aux CLSC, à l'ensemble des institutions du réseau de la santé, aux écoles, aux commissions scolaires, aux cégeps, aux universités – de remettre en question la qualité des services qu'ils dispensent? Et la réponse, c'est oui.

Vous ne pouvez pas, demain, dans le réseau universitaire – et vous êtes issu du réseau universitaire, M. le Président – faire disparaître, supprimer 25 % du corps professoral sans que ça ait nécessairement un effet direct sur la qualité de l'enseignement qui y est dispensé. Et «qualité de l'enseignement», ça veut dire quoi? Ça veut dire l'encadrement de nos jeunes. Ça veut dire les masses critiques de chercheurs qu'il peut y avoir dans les universités. Ça veut dire que ce que, au bout de 20 ans ou 30 ans d'efforts, nous avons réussi à construire dans cette société, c'est-à-dire nous doter d'un réseau d'universités de qualité internationale... Le fait qu'on fasse disparaître 25 % du corps professoral va automatiquement entraîner une diminution de la qualité de ces institutions. Je ne plaiderai pas longtemps parce que c'est assez évident que, si nous diminuons la qualité de ces institutions, dans l'économie du savoir, qui est l'économie de demain, nous serons beaucoup moins compétitifs. Et j'en arrive donc à l'image: on est en train de brûler ce que nous avons difficilement construit.

Dans le réseau des cégeps, la compression du personnel appréhendée est de l'ordre de 15 %; 15 % d'enseignants qui dispensent, particulièrement dans le cadre de la formation professionnelle, une formation qui a été reconnue comme étant de première qualité; 15 % dans ces professeurs de cégep, qui, dans chacune des régions, sont un élément important, un élément moteur important du développement régional. Alors, c'est bien sûr qu'au point de vue des équilibres budgétaires on va se dire: Voici, on atteint un équilibre budgétaire, on supprime 15 % d'enseignants; ils doivent partir à la retraite. L'effet direct sur l'économie régionale, l'effet direct sur la vitalité d'une région, on ne le mesure pas.

Et voyez-vous ce qu'on est en train de faire? On a une vision comptable des équilibres financiers au lieu d'une vision économique. Au lieu de penser que ce 15 % d'enseignants dans la région – je pense à La Pocatière ou je pourrais penser à Matane – ce sont des éléments moteurs pour l'économie régionale, le départ à la retraite, sans pour ça les remplacer, de ces enseignants va avoir pour effet de diminuer le potentiel de croissance que les régions ont. C'est une vision comptable et non pas une vision économique de l'atteinte des équilibres budgétaires. Il faut toujours se rappeler – ça va être constamment le leitmotiv que, de ce côté-ci, nous allons rappeler – que, oui, nous sommes en faveur de l'atteinte des équilibres budgétaires ou du déficit zéro, mais nous devons l'atteindre principalement par une augmentation de l'activité économique au Québec.

Je continue, M. le Président, et je vais prendre le réseau de la santé. Vous avez tous été, parce que c'est un réseau dont on est tous appelés à un moment ou l'autre à être bénéficiaires... Il faut aller actuellement dans les hôpitaux. Il faut aller dans les hôpitaux – et je pense que chacun d'entre vous, vous y avez été – pour voir comment les compressions de personnel – et je pense aux préposés aux bénéficiaires, je pense aux infirmières, je pense aux infirmières auxiliaires – dans les hôpitaux rendent la qualité de la vie moins acceptable. Les gens, ceux qui restent, sont actuellement à la limite de dire: Notre situation est invivable, nous n'arrivons pas à faire ce que nous aimons faire comme tel et nous n'avons plus le temps de nous occuper, comme nous devrions le faire, des bénéficiaires et des malades.

(10 h 40)

Alors, bien sûr, sur le plan strictement budgétaire, vous pouvez dire: On a réussi à atteindre un équilibre financier parce que, d'un trait de plume, je supprime 1 000 000 000 $ de transferts dans les hôpitaux. Et 1 000 000 000 $ de transferts au niveau des budgets que nous votons aujourd'hui, ça se fractionne en centaines de millions dans les régies régionales, ça se fractionne en dizaines de millions dans les hôpitaux, puis, quand ça arrive au niveau du service, quand ça arrive au niveau d'une urgence dans un hôpital, c'est deux postes en moins, c'est une infirmière en moins, c'est un occasionnel qu'on ne rappelle pas, c'est des gens qui devront attendre une journée pour avoir un bain lorsqu'ils seront hospitalisés. C'est un ensemble de qualité de service dont nous nous privons.

Je rappelle, M. le Président, que ce n'est pas de cette manière-là qu'il faut atteindre les équilibres financiers. Il y avait des coupures à faire, et c'étaient les dépenses d'administration. Je crois que, dans le réseau de la santé, dans le réseau de l'éducation, ces coupures ont, pour la plupart, été déjà faites au niveau de l'efficacité de l'appareil administratif. Oui, il y avait ce qu'on appelait couramment du gras à couper, mais on en est rendu maintenant aux services de première ligne. Comme société, je ne pense pas que l'on doive détruire – parce que c'est ça qu'on est en train de faire, comprenez-moi bien, M. le Président – ce que l'on a construit depuis les 30 et 40 dernières années.

Je vais vous souligner un cas, et vous allez comprendre assez facilement. Le départ à la retraite de 18 000 personnes; il y en a un certain nombre qui vont être remplacées par des jeunes, mais la transition qui est nécessaire dans une unité entre la connaissance et l'expérience acquises par la personne qui doit partir à la retraite et la personne plus jeune qui rentre ne se fera pas. Il y a toute une transition des connaissances qu'on ne peut avoir qu'en milieu de travail, particulièrement en milieu hospitalier, qui ne se fera pas. Et je vous prédis aujourd'hui que vous allez avoir – et on va voir les statistiques qui vont sortir de la Régie de l'assurance-maladie du Québec – une augmentation des maladies ou des coûts de santé due à l'inexpérience des personnes qui vont être amenées à devoir dispenser des soins aux malades.

Ce budget de dépenses est une vision comptable à courte vue des équilibres financiers, mais ne remplit pas réellement la vision dynamique de la société que nous voulons construire. Une vision dynamique de la société, c'est une vision où, à ce moment-là, on travaille ensemble pour faire en sorte que les revenus de l'économie québécoise croissent et non pas une vision où, lentement, on s'étrique, on diminue et on diminue l'ensemble des services auxquels nos concitoyens ont droit.

Le président du Conseil du trésor s'est flatté encore, dans l'ensemble des équilibres budgétaires, de pouvoir avoir, souhaiter le départ à la retraite de 13 000 personnes. Je prends l'occasion de rappeler l'iniquité de la loi n° 104 qui, bien sûr, a permis le départ à la retraite de 13 000 personnes en leur donnant des conditions de départ à la retraite qui étaient acceptables, mais où, pour les personnes qui sont dans la fourchette d'âge, admissibles pour le départ à la retraite, on vide en grande partie les économies de tous ceux qui avaient contribué ou qui ont contribué au RREGOP ou aux autres régimes de retraite, le RRE et le RRF.

Autrement dit, les économies accumulées par tous parce que les fonds de pension ont été plus performants que prévu sont attribuées à une fraction simplement des gens qui peuvent en bénéficier. Il y avait, pour moi – je l'ai dit au moment de la loi n° 104 et j'en reste particulièrement convaincu – une forme d'iniquité. Une personne aujourd'hui qui a 49 ans, qui a travaillé pendant 19 ans pour accumuler à l'intérieur du RREGOP les bénéfices que l'on voit, ne pourra pas bénéficier de ce 1 500 000 000 $ que l'on distribue aux personnes qui vont prendre leur retraite. J'ai été opposé dès le départ à cette approche et je le reste parce qu'elle est inéquitable en termes d'équilibre entre les générations. C'est, à mon sens, très simple à comprendre: pour favoriser le départ à la retraite d'une fraction de la population, on pénalise les plus jeunes. On a beau dire que c'étaient des actifs accumulés à l'intérieur du régime, mais tous avaient contribué à l'accumulation de ces actifs, M. le Président.

La tendance générale de ce côté-ci de la Chambre, la tendance générale des députés de l'opposition, c'est de dire: On n'aurait pas dû avoir des coupures aussi sévères. Ces coupures aussi sévères, M. le Président, ne favorisent pas les équilibres financiers. Parce qu'il faut bien être conscient – c'est ça qu'il faut comprendre, et je dois dire que l'ancien premier ministre, M. Parizeau, l'avait parfaitement compris – qu'on ne peut pas strictement jouer sur des coupures sans que ça ait des effets sur la croissance économique, sur la croissance de l'économie du Québec. Et compresser simplement permet d'avoir à court terme des équilibres comptables, mais peut remettre, à moyen terme, en danger la croissance et ce qui doit être principalement le chemin que l'on doit choisir pour atteindre les équilibres financiers, M. le Président.

De ce côté-ci, de tout temps – et le chef de l'opposition, le député de Vaudreuil, l'a rappelé maintes fois – le choix que nous privilégions pour l'atteinte des équilibres financiers, pour l'atteinte du déficit zéro, ce n'est pas les coupures sauvages aux services dispensés à la population; c'est le travail pour augmenter l'investissement, pour augmenter le nombre de personnes qui vont travailler dans la société québécoise et, en contrepartie, pour être en mesure d'augmenter les revenus de l'État. C'est dans cette direction qu'il fallait aller.

Le choix qui est fait à l'heure actuelle, à l'intérieur du budget de dépenses – parce qu'on aura diminué la qualité, en quelque sorte, de l'éducation, parce qu'on aura diminué la qualité des services de santé que l'on dispense à la population – va avoir des effets à court terme sur la croissance économique. Vous comprenez parfaitement, M. le Président, que, dans une économie de savoir, dans une économie où c'est les connaissances qui comptent et la qualité de la santé dans laquelle la population se trouve, diminuer cette connaissance collective, ce savoir collectif, c'est remettre en danger la compétitivité du Québec. Et nous ne pouvons pas être d'accord avec le choix comptable qui est fait et non pas économique des équilibres financiers.

(10 h 50)

Je voudrais aborder, M. le Président, un troisième élément qui est dans ce budget de dépenses, ce qu'on appelle les transferts cachés. Les transferts cachés, ça veut dire quoi? Ça veut dire essentiellement que vous dites: Je vais diminuer les paiements de transfert aux organismes intermédiaires. Les organismes intermédiaires, ce sont les commissions scolaires, ce sont les municipalités qui ont chacune un pouvoir de taxation, mais qui sont financées aussi en partie par des paiements de transfert gouvernementaux et qui ont des responsabilités propres. Dans le cas des municipalités, on leur transfère de nouvelles responsabilités sans leur transférer les montants financiers correspondants. Dans le cas des commissions scolaires, on comprime les budgets de transfert aux commissions scolaires en leur laissant le choix de pouvoir augmenter la taxe scolaire.

Donc, ce budget de dépenses que nous votons aujourd'hui, M. le Président, a pour effet direct de dire aux contribuables: Vos taxes foncières, autrement dit les taxes que vous payez, soit les taxes scolaires, soit les taxes municipales, vont augmenter parce qu'on diminue ce qui était comme paiements de transfert, c'est-à-dire les paiements que le gouvernement provincial transférait au réseau des commissions scolaires. Ou, dans l'autre domaine, des responsabilités qui, jusqu'à maintenant, étaient assumées par le budget provincial, on les transfère au budget municipal. Donc, M. le Président, les municipalités doivent assumer une plus grande part de responsabilités sans avoir des champs de taxation nouveaux, ce qui aura pour effet de devoir faire reporter sur le champ de la taxation foncière une plus grande responsabilité.

Alors, vous voyez, M. le Président, ce budget de dépenses aussi a un effet direct d'entraîner une augmentation des taxes foncières, tant pour les taxes municipales que pour les taxes scolaires. Alors, il y a là une forme assez grave d'iniquité, parce qu'il faut bien être conscient que les taxes foncières, c'est-à-dire les taxes sur les maisons, se répartissent aussi, se transfèrent aux locataires parce qu'un propriétaire va transférer une partie de ses taxes foncières aux locataires. Donc, tous – parce que tous habitent quelque part – les citoyens, toutes les familles québécoises vont être touchés par ce budget de dépenses d'une manière indirecte. On peut parfaitement s'enorgueillir et dire: Nous n'avons pas augmenté la taxation directe. Le ministre des Finances peut dire: Je n'ai pas augmenté les impôts. La réalité est tout autre. La réalité, c'est que la taxation foncière, la taxation indirecte, va être augmentée, et on lui recharge plus de 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ supplémentaires qu'il va falloir qu'on se partage dans la taxation foncière.

Ceci est encore particulièrement inéquitable, M. le Président, parce que – et je vous donne une réponse – c'est une vision encore comptable et non pas une vision économique. Vous savez parfaitement qu'à l'heure actuelle, dans la situation où le marché intérieur est faible, où on doit stimuler la croissance du marché intérieur – ça veut dire quoi, ça, la croissance du marché intérieur? Ça veut dire ce que les familles peuvent dépenser – on ne doit pas, à ce moment-là, augmenter la taxation. On doit, au contraire, diminuer les taxes et les impôts de manière à stimuler la consommation des ménages parce qu'une augmentation de la consommation des ménages va entraîner directement une croissance de l'emploi.

Et c'est ça que, nous de l'opposition, nous nous évertuons à essayer de faire comprendre au gouvernement. Il s'agit non pas d'avoir une vision comptable réductrice des équilibres financiers en disant: Voici, on va strictement diminuer les dépenses. Cette diminution de dépenses a des effets économiques. Dans ce cas-là, la diminution des transferts aux commissions scolaires et aux municipalités va avoir pour effet une augmentation de la ponction sous forme de taxes foncières dans la poche de chacun des contribuables.

Ils auront donc moins d'argent à dépenser et ça aura un effet direct sur les équilibres financiers de l'État parce que, si on diminue la consommation des familles, on va donc ralentir la croissance économique. Ralentissant la croissance économique, ça veut dire qu'il y aura moins de gens qui travailleront. Vous comprenez bien que, s'il y a moins de gens qui consomment, il y a moins de gens qui vont travailler et, si on diminue la consommation des familles, on diminue ipso facto les rentrées fiscales de l'État, c'est-à-dire ce qui contribue aux équilibres financiers.

De ce côté-ci de la Chambre – et je le répète encore une fois – nous croyons que ce n'est pas cette vision étriquée des finances publiques qu'il faut mettre de l'avant, mais une vision ouverte des finances publiques où, au contraire, on stimule la croissance de l'emploi, on stimule l'investissement, on stimule la consommation sur le marché intérieur de manière à soutenir le développement de l'emploi. Et ce n'est pas le choix, actuellement, que le gouvernement a pris. Je le regrette, mais ce n'est pas ce choix; c'est une vision, malheureusement, étriquée des finances publiques, M. le Président.

Donc, en résumé, il est important de comprendre pourquoi, à l'heure actuelle, nous allons voter contre le budget de dépenses du gouvernement. Nous votons contre le budget de dépenses du gouvernement parce qu'il hypothèque gravement le développement économique du Québec. Nous allons voter contre le budget de dépenses du gouvernement parce qu'il hypothèque gravement la qualité des services qui sont dispensés par notre réseau de l'éducation et notre réseau de santé. Nous allons voter contre le budget de dépenses du gouvernement parce qu'il ne contient pas ce qu'il devait contenir, bon Dieu! si on avait eu un tant soit peu d'idées originales et si le ministre des Finances avait été capable d'écouter un discours de son ancien premier ministre – je dis bien son ancien premier ministre – qui était un discours beaucoup plus orienté vers la croissance du développement économique et non pas une vision comptable des équilibres financiers.

À ce moment-là, ce budget de dépenses va nous entraîner directement vers une stagnation, va diminuer, va être un frein en quelque sorte à la croissance économique. Et nous ne pouvons pas, de ce côté-ci de la Chambre, collaborer en aucune manière à quelque chose qui a pour effet d'hypothéquer, ou de diminuer, ou de gêner la relance économique, la relance de l'emploi. Nous allons répéter sur toutes les tribunes, nous allons répéter à satiété: Nous sommes en faveur, parce que c'est nécessaire à l'heure actuelle, de l'atteinte du déficit zéro, mais nous pouvons l'atteindre, nous devons l'atteindre – lorsque nous allons retourner au pouvoir, nous allons l'atteindre – en stimulant la croissante de l'économie et non pas en ayant cette vision stagnante du développement économique.

Alors, M. le Président, en terminant, je voudrais vous dire et répéter, à l'heure actuelle, que cette vision qui est proposée dans ce budget de dépenses n'est pas du tout, en aucune manière, la manière libérale de vouloir faire l'atteinte des équilibres financiers, l'atteinte du déficit zéro, car, pour nous, c'est la croissance économique qui nous permettrait d'atteindre le déficit zéro. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Berthier. M. le député.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir ce matin comme député de Berthier sur le dépôt des crédits de notre collègue président du Conseil du trésor et député de Labelle, M. Léonard.

(11 heures)

Le dépôt de ces crédits, M. le Président, s'inscrit très largement dans la vision, la pensée, la stratégie qui découlent d'une action. Tout ça s'inscrit, depuis trois ans, dans une volonté manifeste de l'équipe actuelle du gouvernement du Parti québécois de réformer complètement l'État québécois à l'aube du XXIe siècle.

De plus, nous cherchons, dans un certain sens, comme équipe gouvernementale, comme parti politique, à redéfinir le sens même de l'État québécois, que ce soit dans nos vies individuelles ou collectives. L'État québécois, M. le Président, a été sans aucun doute un grand lieu. L'État était lui-même le fondement d'une grande solidarité québécoise qui a marqué particulièrement la Révolution tranquille. À l'aube du XXIe siècle, il est indispensable, pour ne pas dire nécessaire, de redéfinir, bien sûr, les règles du jeu, redéfinir l'essence même du contrat social qui a marqué 25 ans de vie collective au Québec.

Il faut comprendre, M. le Président, et c'est partagé par beaucoup de citoyens et de citoyennes, que l'État québécois, dans ce que j'appelle les vieilles règles du jeu – parce qu'on a commencé à les changer – était devenu un État un peu étouffant, toujours en ce qui concerne la vie individuelle et collective de l'ensemble des concitoyens et concitoyennes de la société québécoise, un État qui était étouffant sur le plan fiscal, un État qui croupissait de plus en plus sous la réglementation. Rappelez-vous, à l'aide sociale, par exemple, au-delà de quelque 300 barèmes et critères qui régissaient le programme de sécurité du revenu, qui a été d'ailleurs, à mon point de vue, extrêmement alourdi par le précédent gouvernement, et particulièrement par l'actuel député de Laporte.

Donc, un État qui était quelque peu étouffant et qui devenait, en fin de compte, un frein aux défis que devait relever le Québec comme société, comme peuple, comme nation à l'aube du XXIe siècle, que ce soit le défi de la mondialisation, que ce soit le défi de l'exportation, que ce soit aussi, M. le Président, les nouveaux défis sociaux que doit relever le Québec à l'aube du XXIe siècle, par exemple, les défis sociaux d'exclusion qui frappent malheureusement trop de citoyens et de citoyennes au Québec. Des phénomènes, de plus en plus, envahissent malheureusement nos familles, nos quartiers, nos rangs, nos villages, nos villes: les phénomènes de pauvreté, de misère humaine, de détresse, de décrochage scolaire, de suicide chez les jeunes, de sous-emploi chez les jeunes. Donc, il était indispensable que l'État québécois, au tournant de ce siècle, puisse se donner un État québécois renouvelé, en mesure de répondre à ces grands problèmes sociaux ou en mesure de répondre à ces nouveaux défis économiques qui vont nous permettre, j'en suis sûr, M. le Président, de relancer l'espoir et de redonner la fierté et la dignité à ceux et celles qui l'ont perdue.

Le gouvernement du Parti québécois, M. le Président, par l'entremise de cette nouvelle action budgétaire, cette nouvelle discipline qu'il s'est lui-même donnée pour redresser la situation des finances publiques au Québec et atteindre, d'ici l'an 2000, l'objectif budgétaire zéro... Je peux le résumer peut-être par cette phrase: Notre gouvernement a décidé de s'attaquer viscéralement à la racine des choses plutôt que de s'attaquer aux feuilles, comme l'a fait pendant au-delà de 10 ans le gouvernement libéral qui nous a précédé.

M. le Président, il faut comprendre que toute la stratégie budgétaire gouvernementale, elle s'inscrit autour d'une chose, d'une valeur, d'une prépondérance: l'équité pour tout le monde. Tout cela, tout ce redressement, toute cette redéfinition de l'État québécois s'est fait d'abord et avant tout dans l'équité. Rappelez-vous du célèbre discours de notre premier ministre à Laval, l'année passée, devant la Chambre de commerce, où il s'est engagé devant la population, mais en interpellant aussi chaque concitoyen et chaque concitoyenne devant ce défi extrêmement important pour l'avenir du Québec... Il a dit tout simplement: Tout le monde devra porter sa pierre. Et chacune des Québécoises et chacun des Québécois est en mesure, par l'entremise des différents budgets qui ont été déposés ou par les crédits qui ont été déposés, de se retrousser les manches, lui aussi, de se cracher dans les mains et d'épauler ce défi incontournable pour permettre de relancer chez nous la croissance économique, la création d'emplois et bien sûr l'équité sociale.

M. le Président, il est clair que ce gouvernement s'est attaqué naturellement à remettre en question là où il y a le plus de dépenses... Il faut comprendre, il faut toujours rappeler que deux tiers des taxes et des impôts des citoyens et des citoyennes du Québec – ça, ça veut dire deux tiers du budget du Québec – vont particulièrement à la santé et à l'éducation. Il faut comprendre ça au début.

Alors, il est clair que, si on veut redresser le Québec sur le plan budgétaire, si on veut redéfinir l'État québécois, c'est bien sûr qu'il faut se donner comme tâche de réformer et de mettre en place des chantiers dans le domaine de l'éducation et dans le domaine de la santé, en s'attaquant bien sûr à des postes de dépenses budgétaires qui ont des conséquences importantes sur l'ensemble du budget dudit ministère, en s'attaquant, par exemple, au budget de récurrence. Le président du Conseil du trésor en a parlé tantôt. C'est 800 000 000 $ qu'on est allé chercher, et ça s'est fait dans un souci d'équité, de solidarité puis de bonne entente aussi avec le secteur public, parapublic.

Et c'est important, à mon point de vue, parce qu'un des sens profonds de toute la redéfinition de l'État québécois, c'est d'abord et avant tout pour permettre aux jeunes de prendre leur place dans la société. Et ils vont la prendre particulièrement avec les départs volontaires assistés qui vont s'effectuer au cours des prochains mois dans la fonction publique, prendre leur place dans la fonction publique québécoise, prendre leur place dans la société québécoise au chapitre de l'emploi, particulièrement. Alors, c'est un gros point, c'est un gros morceau qui n'était pas facile, mais qu'on a réussi à faire tous ensemble, comme Québécois et Québécoises.

Il est important, je pense, au niveau des chantiers, de questionner certaines choses. Moi, je voudrais, M. le Président, apporter un témoignage personnel. On dit: M. Rochon transforme radicalement le système de santé. Je pense que c'est nécessaire. Si on veut que ceux et celles qui nous suivent, les jeunes particulièrement, soient en mesure de bénéficier de ce que ceux et celles qui les ont précédés 10, 15, 20, 25 ans auparavant... soient en mesure de disposer des mêmes services, il en allait de cette réforme majeure du système de santé au Québec, sans s'attaquer bien sûr à l'universalité. Compte tenu des nouvelles médecines, des nouvelles technologies, des nouvelles façons de faire en santé, je pense qu'il était nécessaire et indispensable de questionner certaines choses.

Je vais vous donner un exemple, M. le Président. J'ai dirigé pendant plusieurs années un centre de traitement pour alcooliques-toxicomanes qui est à peu près l'équivalent du centre Jean Lapointe. Pour faire traiter un alcoolique-toxicomane, au Québec, à l'hôpital, c'est 500 $ par jour. Puis je ne suis pas sûr qu'on lui donne nécessairement les soins requis et nécessaires pour le réhabiliter. On l'envoie deux, trois jours à l'hôpital – ça peut coûter autour de 1 500 $ – en le bourrant de médicaments. Et je ne suis pas sûr qu'on soit en mesure de donner le coup de pouce nécessaire puis le coup de pouce convenable à celui ou celle qui souffre d'alcoolisme et de toxicomanie.

Par contre, on dispose, au Québec, d'un réseau communautaire extrêmement impliqué, extrêmement enraciné dans le milieu, qui est peut-être en mesure d'offrir des services dans ce domaine-là, qui est en mesure aussi de réhabiliter celui ou celle qui est touché par cette terrible maladie. C'est un exemple. C'est des questionnements qui s'imposent aujourd'hui. Il faut discuter de ça pour le bien du patient ou de la patiente et pour le bien des contribuables.

(11 h 10)

On a décidé aussi de questionner une autre façon de faire: le système d'éducation. Je vais reprendre les paroles du député de Verdun. C'était quasiment le Mur des lamentations. Je le comprends, parce qu'il a oeuvré longuement dans le milieu de l'éducation. Mais je dois rappeler ceci au député de Verdun: le Québec – et ça, c'est une étude de l'OCDE – est la société, de tous les pays industrialisés, qui consacre le plus d'argent à son système d'éducation, à l'éducation. Alors, ce n'est pas vrai de dire qu'on consacre peu ou pas beaucoup d'argent au système d'éducation. De tous les pays de l'OCDE, c'est au Québec, à travers les taxes et les impôts, qu'on achemine le plus d'argent per capita au système d'éducation.

Le questionnement qu'il faut faire, c'est peut-être de dire qu'on avait peut-être des mauvaises structures ou de la mauvaise gestion. Et ça, tout le monde en convient. On a un des régimes d'éducation les plus suradministrés au monde: un gros ministère de l'Éducation à Québec et des grosses commissions scolaires dans les régions. Dans les commissions scolaires, des taux de participation lors des élections de commissaires qui oscillent autour du 3 % à 5 %, avec des commissaires qui n'ont même pas d'enfants dans les écoles. Écoutez, M. le Président, c'est une aberration. Alors, c'est pour ça que le gouvernement a décidé de dégraisser dans ce sens-là, dégraisser pour permettre d'orienter davantage les taxes et les impôts des citoyens et des citoyennes dans les services. Il faut que l'école redevienne, au Québec, le pivot essentiel de la vie scolaire et académique dans un milieu, et c'est ça que la ministre de l'Éducation est en train de faire actuellement.

On a décidé aussi de s'attaquer à la racine des choses dans le domaine de l'éducation en remettant en place ce que d'autres ont connu il y a peut-être 20 ans au Québec, les fameuses écoles de corps et métiers; remettre en place une formation professionnelle à l'école qui fait une interface, qui est beaucoup plus interreliée avec les besoins du milieu. Ce n'est pas vrai qu'un jeune, pour trouver une place dans la société, il faut qu'il devienne... Et ça, c'était la règle de bien des familles, il fallait l'envoyer à l'université pour qu'il puisse devenir un médecin ou un avocat. On a besoin de techniciens dans nos sociétés actuellement, des techniciens de toutes sortes. Et c'est pour ça qu'il fallait réformer le système d'éducation, pour être en mesure d'offrir à ceux et celles qui sont plus aptes dans les techniques une éducation adéquate pour être capables de se trouver une place sur le marché du travail au Québec, et ça, je trouve ça fort important.

Les municipalités. Et là on en vient à un point très important, et je le dis et il faudra le redire – ça n'a pas été le cas, en tout cas, des députés à Ottawa par le gouvernement de Jean Chrétien – le gouvernement de M. Lucien Bouchard, toujours dans le cadre de l'équité où chacun devra porter sa pierre, a demandé aux députés, M. le Président, et a demandé au personnel politique de porter leur pierre, et il s'est voté ici un projet de loi, dans cette Chambre, justement pour couper de 6 % le salaire des députés et de leur personnel. C'est important de comprendre ça. On a donné l'exemple ici, à l'Assemblée nationale. Les députés de cette Chambre ont donné l'exemple, leur personnel politique a donné l'exemple, M. le Président. C'est important de comprendre ça.

Alors, on demande à certaines municipalités de faire leurs efforts. Moi, je trouve complètement aberrant, M. le Président, en 1997, au Québec, qu'il y ait des directeurs généraux de municipalités au Québec qui gagnent deux fois plus que le premier ministre du Québec. «Ç'a-tu» du bon sens! «Ç'a-tu» de l'allure, vraiment! Ça n'a aucun sens, M. le Président, et des folies comme ça, dans la société, il y en a plein, et ce n'est pas juste dans les grandes villes. Je peux vous dire que, dans des municipalités de 2 000 ou 3 000 habitants, on retrouve des secrétaires municipaux qui gagnent plus qu'un député, et il y en a, de ça. Ça, c'est le salaire. Là, ensuite, on peut parler des privilèges. On n'en parle jamais, de ces choses-là.

Redéfinir le rôle de l'État québécois, c'est redéfinir ou requestionner, M. le Président, l'ensemble des missions effectuées dans le milieu ou dans nos communautés. La mission municipale, on doit la requestionner. On doit requestionner des structures, des systèmes, des règles qu'on s'était donnés pendant 25 et 30 ans, des règles qui sont à la fois coûteuses, des règles, aussi, qui ont amené notre société à gaspiller un peu trop sur le dos de ceux et de celles qui nous suivent.

Ça va bien, ça. Tout le monde sait qu'une bonne partie de nos taxes et de nos impôts actuellement vont à payer l'intérêt sur la dette. Ça n'a pas de bon sens. Je ne suis pas d'accord avec le député de Verdun qui dit qu'il faut dépenser pour relancer l'économie. Bien, il faut avoir les moyens de dépenser, hein? Il faut avoir les moyens de dépenser. Il est marqué un peu par son ancien engagement envers le Nouveau Parti démocratique. C'est peut-être ses vieux relents socialistes qu'on a entendus ce matin, mais au moins il l'a fait avec conviction, contrairement au député de Bourassa qui est passé d'un extrême à l'autre.

Alors, M. le Président, ce n'est pas facile, ça prenait beaucoup de courage, beaucoup de détermination pour faire ce que nous avons fait. Ça prenait beaucoup de volonté, et on l'a fait. Alors, pour les municipalités, M. le Président, il est clair qu'il faut dégraisser. Il faut dégraisser. Le Québec ne pouvait plus se permettre de se payer certaines choses. C'est pour ça qu'on a décidé de requestionner, et on va le faire ensemble. Mon collègue Rémi Trudel, de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, le fait avec le monde municipal. Mais autant les députés se sont infligés ce sacrifice et leur personnel politique, pourquoi on ne le ferait pas non plus au niveau municipal? Il en va de soi.

Je dois vous dire aussi, en ce qui concerne le personnel politique, qu'il faut comprendre qu'un des gestes qu'a faits l'ancien député de L'Assomption et premier ministre, c'était de dégraisser les appareils des attachés politiques, dans les cabinets politiques, d'au moins 50 %. On se rappellera que, sous les libéraux, il y en avait qui pouvaient compter sur 15, 20, 25 attachés politiques. C'est cinq, six aujourd'hui. C'est ça que nous avons fait.

Alors, on commence d'abord par soi-même. Moi, quand j'entends les libéraux qui ont été quand même là pendant 10 ans... Qu'est-ce qu'ils ont fait justement pour dégraisser l'État, pour redéfinir l'État, pour essayer de donner un peu plus d'équité dans notre société, un Québec qui est plongé sous le poids des taxes et des impôts et de la dette? Bien, ils n'ont rien fait. Ils ont décidé de reporter ça à demain, demain, puis demain, puis demain. Et naturellement on a pelleté sur le dos des jeunes générations des déficits extrêmement imposants.

Je ne peux pas, M. le Président, parce qu'on a tendance à l'oublier... parler du fédéral là-dedans. On a tendance et on sait que, pour les citoyens et les citoyennes, leur Parlement, c'est l'Assemblée nationale du Québec. Mais il faudrait leur rappeler que nous vivons encore dans un régime fédéral. Ils paient encore 50 % des taxes et des impôts à Ottawa. Et ça, il faut rappeler des choses. Il faut dire que, dans ses efforts en vue d'assainir ses finances publiques, le Québec se butte à la volonté du gouvernement fédéral de faire assumer par les provinces la réduction de son déficit.

Des exemples. Alors, depuis 1993, la moitié des réductions de dépenses du gouvernement fédéral ont été faites en sabrant dans le transfert aux provinces. Ça, il ne faut pas oublier ça. On a tendance à l'oublier.

Les coupes des budgets fédéraux au titre de financement des programmes sociaux se traduiront pour le Québec par un manque à gagner de 1 400 000 000 $ en 1997-1998; 1 400 000 000 $ de moins de versés au Québec dans le domaine des transferts en ce qui concerne les programmes sociaux. 1 400 000 000 $, c'est quelque chose, c'est plus d'argent que la moitié du déficit qu'il faut rayer d'ici l'an 2000. Si on avait ça demain matin, on pourrait finir l'année prochaine. C'est ça, la réalité.

Alors, naturellement, on va profiter de la campagne fédérale actuelle pour requestionner le gouvernement fédéral, parce que nous vivons encore dans un régime fédéral. Exemple, il y a le ministre de l'Agriculture, qui est dans cette Chambre, ici, aujourd'hui. Il faut rappeler une chose – moi, je trouve qu'on est injuste des fois envers le Parlement de Québec: que le gouvernement d'Ottawa a coupé 46 % des transferts en ce qui concerne le développement agricole au Québec depuis trois ans. C'est ça, la réalité, alors qu'on a déjà une maigre pitance minimale de 9 % de tout ce qui se dépense en agriculture dans tout le Canada. C'est ça, la réalité, alors que le Québec a sans aucun doute une des économies agricoles les plus vigoureuses, les plus dynamiques au pays. 50 % de la production laitière au Canada, c'est ici que ça se fait, au Québec.

(11 h 20)

Alors, moi, je trouve qu'on est injuste. Alors que Paul Martin nous a coupé ça à chaque année: ni vu ni connu. Moi, j'espère qu'on va s'attaquer au fond des choses et qu'on va questionner, justement, dans cette campagne fédérale, les mauvais gestes de Paul Martin au Québec: mauvais gestes dans le domaine des programmes sociaux, mauvais gestes dans le domaine du développement régional, mauvais gestes effectués en ce qui concerne le développement agricole au Québec.

Ça n'a pas de bon sens, 46 %. Il devrait y avoir 20 000 cultivateurs à Ottawa, comme on l'a fait et qui a été ma première manifestation, M. le Président, en 1967, avec mon père, producteur laitier du Témiscamingue. Nous étions descendus au Parlement d'Ottawa. C'était la première fois que j'avais eu la chance de voir de mes yeux le Parlement d'Ottawa. Ça a été une manifestation des producteurs laitiers du Québec devant le Parlement fédéral. Mais le Parlement de Québec est tellement devenu, dans la tête et dans les coeurs des concitoyens et des concitoyennes du Québec, le Parlement national officiel des Québécois et des Québécoises qu'on a tendance à oublier le Parlement d'Ottawa. Mais il faut rappeler les citoyens et les citoyennes à cette dure réalité, qu'il nous reste encore un petit bout à faire avant que le Parlement de Québec devienne officiellement le grand Parlement national des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, il faut comprendre que tout ce que nous faisons actuellement – parce qu'on ne fait pas juste redresser les finances publiques – toute notre marge de manoeuvre vise à relancer l'espoir, le développement économique, la croissance économique au Québec. Et ça, ça se fait de plusieurs façons. J'entendais encore tantôt le député de Verdun dire: Ça prend de l'argent si on veut dépenser. Oui, ça prend de l'argent, et le ministre des Finances, lors du dernier dépôt du budget, a décidé de dégager davantage de marge de manoeuvre au contribuable pour lui permettre justement d'avoir un peu plus de lousse – excusez mon expression, M. le Président – un peu plus d'oxygène pour être en mesure effectivement d'avoir un pouvoir de dépenser, un pouvoir d'achat un peu plus considérable.

Le ministre des Finances a quand même annoncé, dans le dernier budget, une réduction des impôts pour les concitoyens et les concitoyennes qui gagnent 50 000 $ et moins. C'est ça, la réalité. 15 % à partir du 1er janvier 1998, puis j'espère que nos efforts vont être récompensés aussi dans l'autre budget qui viendra. Alors, grâce au dernier budget, grâce aux efforts, grâce au serrage de ceinture qu'on a effectué dans les trois dernières années, il y a 200 000 personnes au Québec qui ne paieront plus d'impôts et il y a 15 % de moins d'impôts que les gens qui gagnent 50 000 $ et moins pourront effectuer dans leur rapport d'impôts en 1998. C'est quand même quelque chose.

M. le Président, le Québec est aussi une société extrêmement dynamique sur le plan du développement économique. Il y a bien des gens qui cherchent à nous éteindre, en nous disant: On n'est pas capable. Le peuple québécois est un des peuples les plus exportateurs de la planète. C'est 50 % de notre PIB qu'on exporte à l'étranger. 85 % de nos exportations vont sur un des marchés les plus difficiles, les plus tough du monde, et ce marché-là, c'est le marché des États-Unis d'Amérique. Alors, il y a eu une augmentation de nos exportations, seulement à partir de l'année passée, de 18 % par rapport à 1996, et, dans le reste du Canada, on a exporté à peu près 7,4 % de plus.

Alors, on voit que c'est au Québec qu'on se retrousse les manches puis qu'on relève le plus quotidiennement le défi de la mondialisation des échanges. Il s'est créé 12,6 % de plus d'entreprises privées au Québec que dans le reste du Canada.

Les investissements étrangers. Ça, c'est vraiment assez comique d'entendre, des fois, les grands chantres du fédéralisme. Ceux qui créent vraiment l'incertitude, c'est ces gens-là, ce n'est pas nous. Nous, on n'a pas peur; nous, on fonce. Nous, on a mis en place une série puis une stratégie qui vise justement à identifier les entreprises exportatrices pour les inciter à exporter: 2 000 nouvelles entreprises exportatrices d'ici l'an 2000. On est déjà rendu, un an après avoir lancé cette grande stratégie, ce grand plan national de mobilisation à l'exportation, autour de 700 entreprises qui ont décidé de relever le défi de la mondialisation des échanges.

Alors, les investissements étrangers. Sous l'ancien gouvernement, 1993, alors que ce gouvernement était dirigé par l'actuel chef de l'opposition officielle, l'ancien président du Conseil du trésor, l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, les petits Jos-connaissant du développement économique: 400 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec. Et c'est eux qui étaient au pouvoir, la tranquillité, la soi-disant stabilité. Un an plus tard, en pleine campagne référendaire, le gouvernement indépendantiste souverainiste dirigé par Jacques Parizeau, on double les investissements étrangers. L'année passée, 2 600 000 000 $ au niveau des investissements étrangers. Alors, stabilité ou non, les gens vont là où c'est le plus rentable pour eux.

Et ça me faisait rire, lors de la campagne référendaire, quand je voyais Laurent Beaudoin, de Bombardier: Si le Québec se sépare, je m'en vais. Il disait que c'était peut-être un peu trop «heavy» pour lui. Mais ça ne l'a pas empêché d'investir dans une des terres, dans un des endroits au monde les plus problématiques, où on assiste chaque jour à des bouleversements, on voit ça à la télévision: Belfast en Irlande du Nord. Un des plus gros investissements de Bombardier qui s'est fait: 500 000 000 $ pour acheter une entreprise là-bas. Il a quand même fait une bonne action quand il est devenu patron là-bas. Il a ouvert davantage les postes de travail aux catholiques, aux gens qui sont majoritaires et qui se battent depuis de nombreuses années pour l'autodétermination de leur communauté.

M. le Président, je pense que l'effort budgétaire, la discipline, la rigueur budgétaire que s'est donnés le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement de M. Lucien Bouchard, va dans un sens redonner deux choses aux Québécois et Québécoises. Il va leur donner de l'espoir, et déjà avec le dernier budget on se rend compte qu'il y a un nouvel espoir au Québec, qu'il y a une nouvelle relance économique. Ça va bien actuellement au Québec sur le plan économique. Si ça continue comme ça, on va probablement dépasser nos prévisions. Ça se développe. Il se crée des emplois partout au Québec. L'espoir est revenu dans nos foyers et dans nos maisons, dans nos villages. Il reste nécessairement encore un petit peu de ménage à faire, mais je pense que les moments les plus difficiles, on les a traversés. On a surmonté les obstacles les plus difficiles qu'avait à surmonter la société québécoise.

Moi, je pense, M. le Président, que toute cette stratégie... Et ça sera aux citoyens et citoyennes d'en juger lors de la prochaine élection. C'est qu'on vient de redonner aux politiciens de la crédibilité. Enfin des gens qui font ce qu'ils disent, pas l'inverse! Ça a pris du courage. Ça a pris beaucoup de courage. Tout ce que je peux dire, M. le Président, c'est qu'on va redonner en fin de compte – et c'est ce que les Québécois recherchent – l'État québécois va redonner un État moderne qui va être davantage en mesure de rencontrer les grands défis du XXIe siècle.

(11 h 30)

Alors, M. le Président, à mon point de vue d'ailleurs, en terminant – et j'en suis personnellement convaincu et je suis convaincu aussi que ces propos sont partagés par l'ensemble de l'équipe ministérielle – le redressement des finances publiques, l'atteinte du déficit zéro d'ici l'an 2000, la redéfinition de l'État québécois pour les citoyens et pour la collectivité québécoise, c'est la clé pour permettre au Québec d'adhérer au concert des nations. C'est la clé pour la société québécoise de se donner les instruments en toute liberté, en écartant le poids des déficits, le poids d'une fiscalité et des taxes et des impôts qui étaient beaucoup trop lourds sur les épaules des contribuables.

Cette stratégie que nous avons mise de l'avant, extrêmement courageuse, depuis trois ans, ça va donner des résultats tantôt. Parce que c'est le chemin qui était peut-être le moins fréquenté, comme dit le grand psychothérapeute Scott Peck, mais c'est le chemin indispensable et nécessaire, c'est le chemin incontournable qui amènera le Québec, le peuple québécois à parler pour lui-même dans le concert des nations, et ça, ça veut dire parler d'égal à égal avec les autres peuples de la terre. Nous ne recherchons pas, comme l'a si bien dit le vice-premier ministre du Québec, l'égalité avec l'Île-du-Prince-Édouard, la sympathique province du Nouveau-Brunswick ou le Manitoba, nous recherchons l'égalité avec les autres peuples de la terre. Et cette démarche courageuse que nous avons enclenchée dès l'arrivée au pouvoir du Parti québécois donnera des résultats lors du prochain référendum. Et on sera en mesure de disposer de nous-mêmes en allant chercher tous les pouvoirs qu'il nous reste à aller chercher à Ottawa pour que le Québec devienne enfin un pays. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Berthier. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il reste 22 minutes à votre formation. Je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Semble-t-il, il y a un vieux dicton en droit législatif: Le législateur ne parle pas pour rien dire. Malheureusement, le discours du député de Berthier fait fi de ce dicton, il fait fi de cette notion qu'un législateur ne parle pas pour rien dire. Et, si le député de Fabre avait voulu arrêter quelqu'un en pleine envolée oratoire quand il ne disait rien, il aurait pu arrêter peut-être son collègue au lieu de me faire signe.

M. le Président, le député de Berthier, dans son envolée oratoire, a malheureusement omis de dire plusieurs choses et il a commis une erreur. C'est une erreur, je pense, de nervosité peut-être. Parce qu'il a nagé pas mal dans l'incohérence, M. le Président. Je comprends, quand on parle pendant 30 minutes, 40 minutes pour ne rien dire, c'est un danger, qu'on nage dans l'incohérence.

Mais je ne peux pas m'empêcher, M. le Président, de relever certaines des incohérences de l'autre bord de la Chambre. Entre autres, le gouvernement, le député de Berthier – je l'entends souvent de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité – critiquent sévèrement le gouvernement fédéral pour les diminutions de transferts, surtout dans le domaine des transferts sociaux canadiens. Malheureusement, ces gens-là d'en face, les députés du Parti québécois, ne sont pas capables d'appliquer la même logique au gouvernement fédéral que celle qu'ils appliquent à leur propre gouvernement. Ils sont pour le déficit zéro. Le député de Berthier a fait une longue exposition sur pourquoi il est pour le déficit zéro et assainir les finances publiques, mais, quand le gouvernement fédéral tente de faire la même chose, c'est la fin du monde.

M. MacMillan: C'est la faute du fédéral.

M. Copeman: C'est la faute du fédéral. Que le fédéral tente d'assainir ses finances publiques pour le bien-être de tous les Canadiens, c'est une chose, c'est mauvais, mais, quand le Parti québécois fait la même chose, ah! c'est la vertu. Alors, ils sont pour la vertu au Québec mais contre la vertu à Ottawa. C'est très clair. C'est le double langage traditionnel des gens d'en face. C'est malheureusement un peu normal.

Nous, on est habitués à ce double langage, à ce manque de cohérence, M. le Président, mais la population québécoise entend de plus en plus ce double langage. Ils ont servi une leçon au gouvernement avec les résultats des élections partielles dans Beauce-Sud et dans Prévost: dans Beauce-Sud, où la majorité pour notre parti a augmenté à 5 000, et dans Prévost, où la majorité du parti gouvernemental a baissé de 4 000 votes de majorité à 233 votes de majorité. Il y a une leçon dans ça pour le gouvernement. Nous, on va continuer à servir cette leçon au gouvernement pour qu'il comprenne que la population a des préoccupations majeures avec les politiques actuelles du gouvernement.

Le député de Berthier a aussi dit... Puis là ça prend du culot, M. le Président, de dénoncer les mauvais gestes du fédéral en matière de programmes sociaux. C'est ça qu'il a dit. Mais là ce que le député de Berthier évite, a oublié de dire, c'est que le gouvernement actuel a pris beaucoup de mauvaises décisions et posé beaucoup de mauvais gestes envers les programmes sociaux au Québec, aussi. Et je vais parler, M. le Président, de notre régime de filet de protection sociale, notre régime de sécurité du revenu, de l'aide sociale.

Le député de Berthier a dit, et je le cite: «Notre gouvernement a décidé de s'attaquer viscéralement à la racine des choses.» Il y a 800 000 bénéficiaires de l'aide sociale qui pensent que ce gouvernement a décidé pas de s'attaquer à la racine des choses, mais de s'attaquer à eux, de faire l'effort d'assainir les finances publiques québécoises sur le dos des plus démunis au Québec, et ce, en dépit des belles phrases prononcées par le premier ministre du Québec. Lors de son assermentation, le premier ministre du Québec a dit, et je le cite: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri. Ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.» Fin de la citation. Ça, c'était la déclaration solennelle du premier ministre, avec son ton solennel, son engagement.

Mais, M. le Président, deux mois et demi plus tard, on fait exactement l'inverse de ce que le premier ministre du Québec a dit, de l'engagement qu'il a pris de ne pas appauvrir davantage les Québécois. Puis la démonstration est très simple, M. le Président. Ce n'est pas compliqué à comprendre. Même les députés ministériels vont être capables de comprendre, de suivre la démonstration. Il y a 800 000 bénéficiaires de l'aide sociale au Québec, environ; 550 000 adultes et 250 000 enfants qui vivent de l'aide sociale au Québec. Dans les crédits – on est sur le débat des crédits, pas sur l'avenir du Québec, ça, il y a d'autres moments pour le faire; le député de Berthier a beaucoup élargi la pertinence dans ses remarques, moi, je vais tenter de me centrer sur les crédits, sur le débat qui est devant nous – l'effort budgétaire demandé au ministère de la Sécurité du revenu – puis «effort budgétaire», c'est une drôle de façon de le dire, M. le Président, c'est des compressions; quand on veut que ça paraisse bien, on l'appelle «un effort budgétaire», mais c'est une compression, une coupure: 188 500 000 $ cette année. Le budget, si on ajoute le facteur de croissance normale, est réduit de 188 500 000 $.

On peut peut-être penser... Le député de Berthier a parlé de dégraissement, mais y a-t-il de la graisse dans notre régime de filet et de protection sociale, M. le Président? Je crois que généralement non. Oui, il y a des cas isolés de fraude. Il faut poursuivre les fraudeurs. Mais je suis personnellement convaincu que la vaste majorité des récipiendaires de l'aide sociale le sont pas par volonté, mais parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Et leur vrai désir, comme Québécois et Québécoises, ce serait de trouver un emploi, trouver la dignité qui va avec le travail, de gagner leur vie. Je suis absolument convaincu de ça, M. le Président.

(11 h 40)

Comment est-ce que le gouvernement actuel va compresser pour 188 500 000 $ dans le régime de sécurité du revenu? Ils vont faire 56 200 000 $ de coupures directement soit dans les barèmes de base ou les services aux prestataires de la sécurité du revenu. 56 200 000 $ qu'ils enlèvent de la poche des plus pauvres au Québec, M. le Président. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Puis la mesure la plus importante à l'intérieur de ces 56 000 000 $, c'est l'abolition du remboursement du crédit d'impôts fonciers, qui enlève entre 10 $ et 13 $ par mois sur le chèque de tous les prestataires, de tous les ménages. Là, on peut peut-être dire que 10 $ n'est pas beaucoup, 13 $ n'est pas beaucoup. C'est un petit effort demandé. Mais, M. le Président, le témoignage qu'on a eu pendant la commission parlementaire sur la réforme de l'aide sociale m'a beaucoup touché et je sais que ça a touché tous les membres de la commission des affaires sociales qui l'ont entendu.

Essayez... M. le Président, Pensez à ça: Vivre avec 490 $ par mois comme personne seule bénéficiaire d'aide sociale. Ça, c'est le barème de base: 490 $, depuis le 1er avril. Il était de 500 $. Là, il est de 490 $ par mois. Essayez de vivre avec moins de 6 000 $ par année comme personne seule soit à Québec, soit à Montréal, soit en région, n'importe où. Je crois personnellement, M. le Président, que ce n'est pas faisable. Ce n'est pas faisable et ça condamne ces personnes-là à vivre soit dans la misère ou à aller quémander à des ressources communautaires qui ont déjà énormément de pression à cause de la situation de pauvreté au Québec.

Et est-ce que c'est ça que le gouvernement veut? Est-ce qu'il veut que les Québécois sur l'aide sociale deviennent des quémandeurs? Est-ce que c'est ça, leur vision de la dignité des Québécois et Québécoises dans les années qui s'en viennent: qu'on oblige les prestataires à aller quémander, fréquenter des banques alimentaires, fréquenter des restaurants populaires pour être capables de se nourrir, de se loger adéquatement, de s'habiller adéquatement? Est-ce que c'est ça, la vision? Est-ce que c'est ça qu'il nous réserve, le projet de société du Parti québécois? Toutes les indications sont à l'effet que c'est ça qu'elle nous réserve, leur vision de l'avenir, M. le Président.

Récupérer 56 000 000 $ directement de la poche des prestataires, ce n'est pas assez, ça, pour rencontrer les objectifs budgétaires du président du Conseil du trésor. Il faut trouver un autre 132 000 000 $ dans le budget de l'aide sociale. Comment est-ce qu'on fait? C'est écrit en noir et blanc dans le livre des crédits: il faut sortir 15 000 ménages de notre système d'aide sociale au Québec. C'est du monde, ça, 15 000 ménages. Ça représente au-delà de 20 000 personnes qu'il faut sortir de l'aide sociale pendant l'année qui suit. C'est énormément de personnes, on le sait pertinemment bien, parce que, de l'année passée à cette année, il y a 2 000 ménages de moins. Et là, pour rencontrer les cibles budgétaires de ce gouvernement, il faut sortir 15 000 ménages de l'aide sociale.

Ce n'est pas une mauvaise chose de vouloir sortir du monde de l'aide sociale, M. le Président, ce n'est pas une mauvaise chose en soi. Mais comment est-ce qu'on le fait? Est-ce qu'on le fait en fermant le robinet? Est-ce qu'on le fait par un resserrement des critères, obliger les gens à aller chercher partout ailleurs avant qu'ils se présentent à l'aide sociale: aller sur les prêts et bourses et avoir une dette massive par la suite, éliminer tous les avoirs liquides? Parce que c'est ça que ce gouvernement a fait.

Nous, quand on était au pouvoir, on a permis à un demandeur d'aide sociale d'avoir 2 000 $ en banque, en avoirs liquides. Il y a des imprévisibles dans la vie: des chaussures, des vêtements, des manteaux, un congélateur. Il y a des choses qui sont imprévisibles, dans la vie, mais elles sont essentielles quand même. Et, quand on dit à n'importe qui qu'il faut dépenser tous les avoirs liquides, qu'il faut littéralement ne pas avoir un cent en poche avant de tenter de vivre avec 490 $ par mois, c'est ça, la dignité qu'on réclame pour les Québécois et les Québécoises? Ça n'a pas de sens, M. le Président.

Oui, il faut sortir des ménages de l'aide sociale. Mais comment est-ce qu'on fait? Moi, je prétends et mon parti prétend qu'on le fait par la création d'emplois et la création de la richesse. Pendant la réforme sur l'aide sociale, M. le Président, j'ai demandé à beaucoup de groupes communautaires et autres qui sont venus témoigner devant la commission: Êtes-vous capables d'identifier une politique de création d'emplois de ce gouvernement? Personne n'était capable. Il n'y a pas de politique de création d'emplois. Où est l'espoir? Il n'y en a pas, avec ce gouvernement.

Ce gouvernement, pour atteindre le déficit zéro, est condamné à travailler uniquement sur une des deux colonnes: la colonne des dépenses. Parce qu'ils savent qu'il ne peuvent pas travailler sur la colonne des revenus. Ils n'ont fait aucune démonstration qu'ils sont capables, comme gouvernement, d'aider à la création de la richesse au Québec. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Ils font essentiellement la redistribution de la pauvreté au lieu de la création de la richesse. Et c'est ça, l'équité, de l'autre bord.

Les ténors du Parti québécois parlent souvent de l'équité. Quand j'entends ça, M. le Président, je sais ce que ça veut dire. On devrait avoir un dictionnaire du Parti québécois, un «Petit Parti québécois» qui nous indique les définitions des mots. Pour eux autres, l'équité, ça veut dire que tout le monde va recevoir moins de services et va payer plus. Parmi diverses couches de la société, il y en a qui vont payer plus que d'autres. C'est ça, leur définition de l'équité, M. le Président, pas de créer de la richesse afin d'être capable de payer pour les programmes sociaux qu'on a, mais plutôt de redistribuer la pauvreté aux Québécois et Québécoises.

M. le Président, la pauvreté s'accroît au Québec. Pour la troisième année de suite, c'est-à-dire les années 1993, 1994 et 1995, nous sommes, comme province, ex aequo dans notre taux de pauvreté avec devinez quelle province, M. le Président, le Québec est ex aequo dans le taux de pauvreté avec Terre-Neuve. Est-ce que c'est ça, les objectifs de ce gouvernement, du gouvernement du Parti québécois, d'arriver ex aequo avec Terre-Neuve avec un taux de pauvreté de 20 %? Un Québécois et Québécoises sur cinq vit sous le seuil de pauvreté; un sur cinq, M. le Président, imaginez-vous, en dessous du seuil de pauvreté. Et les barèmes de l'aide sociale sont infiniment en dessous même des seuils de pauvreté qui existent au Québec. Ça n'a pas de sens, M. le Président.

(11 h 50)

Ce gouvernement ne s'attaque pas à la racine des choses, mais il s'attaque à des Québécois et des Québécoises, et plutôt à des Québécois et des Québécoises les plus démunis de notre société, les gens qui ont de la misère à se défendre, les gens pour lesquels la vie quotidienne est une bataille. Avec 490 $ par mois, c'est tout un défi de tenter simplement de vivre en dignité, M. le Président. La bataille quotidienne est là. Ces personnes ont beaucoup moins d'énergie pour amener la bataille ici, à l'Assemblée nationale, pour contrer les politiques inéquitables et injustes de ce gouvernement.

Oui au déficit zéro, M. le Président, on souscrit à ça, mais pas sur le dos des plus démunis au Québec. Oui au déficit zéro, mais plutôt par la création de richesse au Québec et non pas par la redistribution de la pauvreté, comme les gens d'en face le font présentement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ceci met fin au temps qui avait été imparti aux deux groupes parlementaires. Maintenant, il y avait le temps des indépendants, mais, si, de part et d'autre, on ne l'utilise pas, on pourra à ce moment-là mettre fin au débat, et ça nous éviterait d'aller au-delà de midi. Donc, cette intervention met fin au débat sur les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998.

L'Assemblée ayant déjà statué sur les motions de censure ainsi que sur la motion de M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant l'adoption de la politique budgétaire du gouvernement, présentée dans le cadre du discours sur le budget, conformément à l'article 288 du règlement, l'Assemblée doit maintenant se prononcer sur les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1998 et sur le projet de loi n° 101, loi n° 3 sur les crédits 1997-1998.

M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Un vote nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a appel pour le vote nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Alors, conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demanderais de reporter le vote à la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Alors, le vote sera reporté à cet après-midi, à la période des affaires courantes. Alors, sur ce, nous allons suspendre nos travaux, étant donné l'heure. Bon repas à tous.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présentation des députés élus lors des élections partielles du 28 avril

Alors, nous allons débuter la séance. Je vous avise que, le 5 mai dernier, M. le Directeur général des élections a fait parvenir une lettre au secrétaire général, dont je vous lis l'extrait suivant: «Conformément à l'article 382 de la Loi électorale, je vous transmets les noms des candidates proclamées élues dans les circonscriptions électorales de Beauce-Sud et de Prévost. Ces élections ont été déclenchées en vertu d'un décret du gouvernement pris le 26 mars 1997.» Et c'est signé: Pierre-F. Côté, Directeur général des élections. Je dépose cette lettre accompagnée d'un avis proclamant Mme Diane Leblanc candidate élue pour la circonscription électorale de Beauce-Sud et Mme Lucie Papineau candidate élue pour la circonscription électorale de Prévost.

Alors, avant de procéder aux affaires courantes, j'invite M. le premier ministre à accueillir la nouvelle députée de Prévost. M. le premier ministre.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le premier ministre.


Souhaits de bienvenue à la députée de Prévost


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons aujourd'hui parmi nous la nouvelle députée de Prévost. J'aimerais, au nom de nous toutes et nous tous, lui souhaiter une chaleureuse bienvenue.

Je veux d'abord féliciter la députée de Prévost de cette victoire lors de l'élection partielle du 28 avril dernier. Une élection partielle n'est jamais facile pour un parti au pouvoir, d'autant plus lorsqu'il doit, comme nous le faisons présentement, prendre des décisions difficiles pour assurer l'avenir du Québec. Les électeurs de Prévost comprennent les efforts que nous devons faire collectivement. Ils nous font confiance, ils l'ont prouvé en élisant la candidate du Parti québécois.

Je sais qu'elle a travaillé très fort pour se mériter la confiance des électeurs, mais cet effort constant dans le travail est sans doute ce qui distingue le mieux la nouvelle députée de Prévost. Sa victoire d'avril dernier a été précédée par de multiples gestes tant personnels que professionnels au cours de sa carrière qui démontrent sa capacité et sa volonté de travailler, d'offrir le meilleur d'elle-même en s'impliquant avec les siens dans son milieu.

Lucie Papineau est d'abord une femme d'affaires, copropriétaire de deux PME québécoises. Elle a aussi investi temps et énergie pour que d'autres femmes prennent leur place dans le monde des affaires et deviennent elles aussi des entrepreneures. Son saut en politique n'est pas étonnant non plus, M. le Président. Militante active depuis 1993 aux côtés du Bloc, elle a été membre de la Commission des Laurentides sur l'avenir du Québec et de la Commission nationale sur l'avenir du Québec. Elle a été coprésidente du comité du Oui du comté de Prévost lors de la campagne de 1995. Une fois de plus, elle a oeuvré à promouvoir la participation des femmes dans le débat sur l'avenir du Québec.

Bref, la députée de Prévost est une femme engagée, passionnée, attentive aux autres et décidée à servir ses concitoyens et ses concitoyennes. Comme elle le dit elle-même, c'est d'abord une députée au service de ses électeurs. Je suis convaincu que nous saurons tous profiter de son expérience, de sa ténacité, du sens de l'honneur et de l'intégrité qui l'animent. Au nom de tous les parlementaires et du gouvernement, je voudrais lui souhaiter bonne chance, M. le Président.

(14 h 10)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président, pour joindre ma voix à celle du premier ministre et souhaiter la bienvenue à la nouvelle députée de Prévost. La victoire a été durement arrachée, je ne peux pas m'empêcher de le dire, évidemment par la majorité ministérielle et leur candidate dans cette élection.

Ce qui m'amène bien évidemment à souligner les mérites, à mon tour, de notre candidat, M. Normand Plouffe, maire de Saint-Antoine-des-Laurentides, dont l'engagement local, la notoriété très, très réelle, les actions qu'il comptait entreprendre pour son comté, son implication communautaire à toutes sortes de niveaux, sa connaissance du milieu scolaire et des jeunes auxquels il enseigne depuis, ma foi, presque un quart de siècle sont autant de qualités qui ont contribué à faire de cette campagne une campagne empreinte de dignité, d'échanges d'idées et qui a été, à toutes fins pratiques, à ma connaissance à tout le moins, dénuée de toute partisanerie excessive. Dans les campagnes électorales, il y en a toujours, il y en aura toujours, mais je trouve, quant à moi, que la contribution de celui que je connaissais des candidats, M. Normand Plouffe, a été de permettre d'élever le débat au plus haut niveau possible dans l'intérêt de tous les électeurs du comté de Prévost.

J'étais également heureux, le soir du scrutin, de voir le réengagement politique de notre candidat, qui a d'ores et déjà annoncé sa participation à la prochaine campagne. Évidemment, vous me permettrez de souhaiter, M. le Président, que ça soit à lui, à l'avenir, que nous pourrons souhaiter la bienvenue, de ce côté-ci. Mais il est évident que, d'ici la fin de cette Législature, on souhaite que la contribution de la députée de Prévost soit à la hauteur des attentes qu'elle a manifestées et que l'ensemble des parlementaires logent à son endroit, comme on le fait à l'endroit les uns des autres. Et je suis convaincu, jusqu'à preuve du contraire, que la députée saura marquer nos débats de la même sérénité à laquelle la campagne électorale a donné lieu.

Le Président: Mme la députée de Prévost.


Allocution de la députée de Prévost


Mme Lucie Papineau

Mme Papineau: M. le Président, c'est pour moi à la fois un honneur et un privilège de me retrouver aujourd'hui au sein de l'Assemblée nationale à titre de députée de Prévost, et je remercie la population du comté de Prévost pour la confiance qu'ils m'ont accordée.

Permettez-moi dans ce premier discours de vous dire pourquoi j'ai décidé de me lancer en politique. Durant toute ma vie, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, j'ai toujours été passionnée par la vie, par notre société et par l'être humain. C'est cette passion qui m'a menée à l'action tout au long de mon existence et qui fait que je suis ici aujourd'hui. Je n'ai qu'une seule ambition en m'impliquant en politique, celle de servir ma communauté en contribuant à améliorer la vie de tous ceux et celles qui y demeurent ou y travaillent. L'expérience des quatre dernières années dans la vie publique m'a appris que s'occuper de politique, c'est s'occuper de la vie de tous les jours. Pour moi, M. le Président, la politique, c'est le prolongement de mon engagement social, c'est ma façon de servir ma communauté.

Issue d'un milieu très modeste et ayant été exposée chaque jour dans mon travail à des femmes, à des enfants et à des hommes en difficulté, j'ai développé une sensibilité particulière aux besoins et aux préoccupations de tous les milieux de notre société. De là, j'ai choisi de ne pas demeurer indifférente devant ce qui se passe autour de moi. C'est pourquoi j'ai d'abord choisi de m'engager dans mon milieu en m'impliquant à fond dans le bénévolat au sein de nombreux organismes voués au mieux-être des démunis de notre société.

Aujourd'hui, M. le Président, c'est avec cette même passion et ce même désir d'améliorer les choses que j'aborde le monde de la politique. À titre de députée, je désire aussi apporter à l'Assemblée nationale la contribution particulière d'une femme. Or, je crois que dans une société démocratique moderne il faut viser une répartition équitable du pouvoir politique afin que les femmes puissent intervenir dans le choix des grandes orientations sociales et économiques. J'ai la distinction d'être la première femme élue députée de Prévost sous la bannière de mon parti. Pour moi, c'est à la fois un honneur et une responsabilité, car j'ai l'intention, par l'exemple, de susciter l'intérêt d'autres femmes de la région à la vie publique.

M. le Président, je tiens aussi à me présenter à l'Assemblée nationale comme une femme d'affaires jusqu'à tout récemment très engagée et je conçois mon rôle de députée comme étant celui de défendre les intérêts de toutes et de tous, et c'est ce que j'ai l'intention de faire à titre de députée du comté de Prévost. Que ce soit pour les citoyens de Saint-Jérôme, Bellefeuille, Lafontaine, Prévost ou Saint-Antoine, je souhaite le faire avec le même dynamisme que mon prédécesseur, en priorisant la création d'emplois, l'équité et la justice sociale.

Enfin, M. le Président, dans toute mon action politique, je ne perdrai jamais de vue la nécessité de réaliser l'objectif premier de mon parti, la souveraineté du Québec. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, merci, Mme la députée de Prévost. J'invite maintenant M. le chef de l'opposition officielle à accueillir la nouvelle députée de Beauce-Sud.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole à M. le chef de l'opposition officielle.


Souhaits de bienvenue à la députée de Beauce-Sud


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. C'est évidemment avec plaisir que notre groupe parlementaire accueille la députée de Beauce-Sud, Mme Diane Leblanc. Diane est la 52e femme, je crois, à se joindre à nous. C'était la députée de Pointe-aux-Trembles qui était la 50e femme à venir siéger à l'Assemblée nationale. On vient de rencontrer la 51e. Diane Leblanc, de Beauce-Sud, est la 52e femme, certainement une des toutes premières dans la région qu'elle représente, à pouvoir venir siéger ici, à l'Assemblée nationale. Je dis, en passant, que je n'aurais pas détesté qu'il y ait un homme et une femme, évidemment, qui viennent siéger à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Je présume que le premier ministre partage évidemment ce... Mais enfin, c'est la façon dont ça s'est déroulé.

Nous sommes extrêmement heureux, de ce côté-ci, de pouvoir compter sur une femme dont l'implication dans son milieu a profondément marqué les gens qu'elle a côtoyés. Diane s'est impliquée très tôt auprès du milieu scolaire, étant notamment une fondatrice d'un service de garde en milieu scolaire. Elle a agi comme présidente, également, de parents utilisateurs de ces services de garde. Elle a été active dans les comités de parents. Elle a su également ajouter à toute cette expérience par une expérience politique, au sens large, dans son comté de Beauce-Sud ou, je devrais plutôt dire, dans le grand comté de Beauce, au fédéral, à titre d'adjointe au bureau de comté du député conservateur, autonome et indépendant, Gilles Bernier, du comté de Beauce, que je me permets de saluer ici aujourd'hui. Ça a permis d'ailleurs à Diane Leblanc, de 1987 à 1993 ou à peu près, d'être membre active de l'Association progressiste conservatrice du comté de Beauce un peu en même temps que le premier ministre était membre du Parti conservateur. Incidemment... Évidemment, j'ai hâte d'entendre les répliques du premier ministre à ce sujet-là.

(14 h 20)

Ceci étant, les électeurs de Beauce-Sud ont eu l'occasion pendant la campagne de connaître davantage personnellement Diane Leblanc, que jusqu'alors ils côtoyaient ou avec laquelle ils pouvaient s'entretenir à l'occasion de leurs visites ou de leurs entretiens avec leur député fédéral ou alors à l'occasion du règlement de ce qu'il est convenu d'appeler des dossiers de comté et des cas de comté.

Diane a su marquer la campagne, encore une fois, par, à mon sens, la solidité, la stabilité du gros bon sens qui la caractérise, sa sensibilité, son intelligence à saisir, bien comprendre et régler les problèmes qui lui sont amenés et la détermination de vouloir régler ces problèmes que les électeurs du comté de Beauce-Sud pourront désormais lui amener. Il est à mon sens approprié à ce moment-ci d'indiquer que Diane entre dans la succession d'un député du terroir, Paul-Eugène Quirion, qui a laissé une marque d'affection auprès de tous et chacun d'entre nous qui l'avons connu, ici, à l'Assemblée nationale. Elle aura également à prendre le relais de celui qui pendant de nombreuses années a si dignement représenté le compté de Beauce-Sud, Robert Dutil, dont je salue également la présence dans les galeries.

Je salue et remercie, en terminant, la famille et les amis collaborateurs et collaboratrices de Diane, qui ont partagé son engagement, qui l'ont encouragée dans la voie qu'elle a suivie, qui auront avec elle à vivre les moments aussi exaltants qu'éprouvants, successivement, que la vie politique peut nous réserver. Et évidemment nous sommes, de ce côté-ci, extrêmement heureux de savoir qu'elle peut compter sur des alliés de cette qualité qui, fort nombreux, sont ici aujourd'hui et que nous comptons désormais à l'intérieur de notre députation et que l'Assemblée nationale comprend maintenant une femme de coeur et de tête, Diane Leblanc, la députée de Beauce-Sud, à laquelle nous souhaitons la plus cordiale des bienvenues.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir d'accueillir une autre femme dans l'enceinte parlementaire. L'arrivée de la députée de Beauce-Sud et celle de Prévost succède à celle de deux autres femmes de talent, les députées de La Prairie et de Pointe-aux-Trembles. Cette quadruple victoire féminine est, il me semble, un signe fort que notre collectivité s'envoie à elle-même: il n'y a plus au Québec de région où les candidatures féminines ne soient pas un avantage. La députée de Beauce-Sud arrive dans la capitale au moment où le gouvernement a plus que doublé en un an le nombre de femmes aux postes de sous-ministre et de sous-ministre adjointe. Je peux témoigner que cette montée de la compétence féminine améliore la performance du gouvernement et du caucus.

La nouvelle députée nous arrive avec un bagage de femme de terrain qui a su, dans ses récentes fonctions au bureau du député fédéral, régler les problèmes concrets des membres de sa circonscription. Je suis convaincu, M. le Président, qu'elle a beaucoup appris auprès de son ancien patron, qui est également mon ancien collègue et mon ami d'hier et d'aujourd'hui, Gilles Bernier, que je salue dans les galeries même si je ne le vois pas. Elle s'est ainsi impliquée localement dans l'éducation.... Il fallait bien qu'il aille juste dans une galerie, il ne pouvait pas être dans les deux en même temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Et puis il voulait voir la nouvelle députée, je le comprends, M. le Président!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Elle s'est ainsi impliquée localement dans l'éducation, devenant l'instigatrice du premier projet de service de garde en milieu scolaire en Beauce. La députée sera heureuse de faire son entrée à l'Assemblée l'année même qui voit la plus grande avancée des services de garde jamais enregistrée au Québec, grâce aux crédits votés ici.

Je voudrais aussi remercier M. Richard Busque, qui a fait une campagne intense et éminemment positive et qui a travaillé très fort dans le combat démocratique qui permet aux populations de toutes les régions d'avoir les idées de tous les partis et de prendre une décision au terme d'un débat qui a été, je crois, très sain pour notre société.

La députée saura faire profiter nos débats, j'en suis sûr, de sa connaissance personnelle des réalités de sa vie professionnelle antérieure, et nous voulons saluer sa présence parmi nous. Sur ce, madame, au nom du gouvernement et de la députation du Parti québécois, je vous souhaite la bienvenue.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je veux joindre ma voix à celles des chefs des deux autres partis pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à deux nouvelles collègues à l'Assemblée nationale, les députées de Beauce-Sud et de Prévost, qui, au terme de campagnes où elles ont eu l'occasion de faire valoir leurs idées, comme d'autres, ont obtenu la marque de confiance probablement la plus importante dans un comté, soit celle d'un appui de la population pour être élues. Et je suis convaincu qu'en ce jour, en entrant à l'Assemblée nationale, elles ont l'intention, la conviction de vouloir mettre tous les efforts pour être à la hauteur de cette confiance de la population.

Je veux en profiter, moi aussi, pour remercier et féliciter les candidats de l'Action démocratique du Québec, M. Yvon Robert, dans Prévost, et Richard Lamarche, dans Beauce-Sud, qui, avec des moyens nettement plus limités mais avec conviction, avec honnêteté, avec énergie et dignité, ont défendu et présenté à leurs citoyens et citoyennes les idées auxquelles ils croient.

Dans le cas de la Beauce, ça nous rappelle combien jeune est l'histoire de notre parti. Dans le cas de la Beauce, c'est même une première que des électeurs puissent appuyer l'Action démocratique du Québec, et non pas une dernière, et un bon nombre l'ont fait et je les en remercie.

En terminant, évidemment, je veux souhaiter la meilleure des chances à nos deux nouvelles collègues qui arrivent à l'Assemblée avec une foule de projets et d'espoirs. Je ne peux que leur souhaiter d'en réaliser le maximum, et ce, dans le meilleur intérêt des populations de leurs comtés, des populations qu'elles viennent représenter à l'Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Beauce-Sud.


Allocution de la députée de Beauce-Sud


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. J'exerce à compter de ce jour en cette Chambre une fonction que je considère comme étant un immense privilège, celui de parler au nom de toutes les citoyennes, de tous les citoyens de la circonscription électorale de Beauce-Sud. J'entends exercer cette fonction dans le respect de cette honorable institution, dans le respect des traditions parlementaires.

C'est un grand honneur pour moi de m'adresser aujourd'hui aux membres de l'Assemblée nationale à titre de députée de Beauce-Sud. Cet honneur, je le dois tout d'abord aux électeurs et électrices qui m'ont fait confiance. Je les en remercie et je veux les assurer que je ferai tous les efforts nécessaires pour m'en montrer digne. Cet honneur, je le dois aussi à l'armée de bénévoles qui ont travaillé sans relâche au cours de cette campagne d'avril. Je leur suis profondément reconnaissante de leur dévouement.

Les Beaucerons m'ont élue parce qu'ils avaient envie d'être représentés par une personne qui saurait exprimer leurs valeurs, leurs préoccupations et leurs convictions à l'Assemblée nationale. Les Beauceronnes, les Beaucerons ont fait la preuve qu'ils sont empreints d'une grande sagesse en reconnaissant où se situe le vrai pouvoir: ils le détiennent déjà entre leurs mains. Ils le prouvent chaque jour dans leur façon d'être. Je compte être à la hauteur de la confiance qu'ils m'ont accordée, mais les gens de Beauce-Sud peuvent déjà être certains de ma détermination et de mon enthousiasme pour la promotion de leurs intérêts et le développement de notre région.

(14 h 30)

M. le Président, vous savez sans doute que Beauce-Sud est issue du redécoupage de la grande Beauce au début des années soixante-dix. Il y a donc eu peu de députés qui ont occupé ce poste. Le premier, M. Fabien Roy, fut un excellent parlementaire. Il fut suivi par M. Hermann Mathieu, travailleur infatigable. Le troisième fut Robert Dutil, le seul député de Beauce-Sud à avoir été ministre jusqu'à ce jour et, de toute évidence, jusqu'à la prochaine élection générale. Puis il y eut Paul-Eugène Quirion, en 1994, parvenu à ce poste après 20 ans passés à la mairie de Saint-Gédéon et six ans comme préfet de la MRC Beauce-Sartigan, un vrai de vrai Beauceron qui fut emporté par une cruelle maladie. Les mots qui caractérisent le mieux cet homme sont la persévérance et le courage. C'est avec une émotion certaine que j'occupe le siège qu'il occupait auparavant. Je veux lui rendre un dernier hommage ainsi qu'à tous les membres de sa famille: bravo, Paul-Eugène, pour ce que tu as été et pour ce que tu as réalisé pour le bénéfice de la Beauce! Je souhaite que de là-haut Paul-Eugène saura m'inspirer sa sagesse. Je succède donc à une poignée d'hommes au leadership incontestable et je m'efforcerai d'être digne de leur succéder.

Au cours de cette élection, la population de Beauce-Sud a envoyé deux messages clairs au gouvernement péquiste: les citoyens en ont assez des coupures dans la qualité des services et des hausses de taxes, impôts et tarifs de tout genre; les Beaucerons sont fédéralistes et le demeurent, mais surtout ils ne veulent pas d'un autre référendum sur la souveraineté. Ils en ont assez des conséquences néfastes de l'incertitude qu'engendre la tenue d'un référendum à répétition. Il est temps de passer au développement économique et à la création d'emplois qui sont gages de succès pour la société québécoise. Les Beaucerons le prouvent quotidiennement et demandent au gouvernement de s'atteler à la tâche comme eux le font depuis de nombreuses années. Le Québec entrera bientôt dans le IIIe millénaire, et c'est avec une grande conscience sociale que j'aborderai les questions de l'heure ici même, dans cette enceinte. J'entends promouvoir et défendre les intérêts de tous les Beaucerons et de toutes les Beauceronnes, de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, consciente que c'est à l'intérieur de la fédération canadienne que cet objectif peut le mieux être atteint.

Des voix: Bravo!

Mme Leblanc: Je fais mon entrée dans cette Chambre, forte de l'appui d'une grande majorité d'électeurs et d'électrices de Beauce-Sud, et je suis particulièrement fière d'être la première femme élue dans Beauce-Sud. M. le Président, il y aura dorénavant dans cette Assemblée 26 femmes, grâce à mon élection mais aussi grâce à l'élection de la députée de Prévost. Elle et moi ne partageons pas les mêmes opinions sur plusieurs sujets, mais le sort a voulu que nous entrions en même temps à l'Assemblée nationale, entraînant un précédent historique. Pour la première fois, le pourcentage des femmes dépassera le cap des 20 %.

Un député élu doit être au service de l'ensemble des électeurs, partisans, adversaires, hommes, femmes, sans discrimination, et c'est ce que je ferai pour tous les gens de Beauce-Sud. Je suis femme dans une Assemblée composée majoritairement d'hommes, et, comme femmes, nous avons une sensibilité plus grande à l'égard des questions touchant cette moitié de l'électorat. Cette sensibilité est importante. Elle doit s'exprimer sans égard au fait que cette Chambre est divisée en deux principaux groupes parlementaires et que les femmes n'appartiennent pas toutes au même groupe. Il est parfois utile en effet que les femmes députées de toute allégeance politique échangent entre elles informellement sur les projets de lois les concernant plus particulièrement, de façon à être en mesure d'argumenter à l'intérieur de leur caucus respectif. Lorsque le sort des femmes est en cause dans un projet de loi, il faut savoir mettre de côté la partisanerie politique.

Dans une campagne électorale, il y a aussi des adversaires. Le candidat de l'ADQ, M. Richard Lamarche, a fait un parcours empreint de dignité et de respect, et je l'en félicite.

Le candidat du Parti québécois, M. Richard Busque, fut un adversaire redoutable. C'est une personnalité bien connue dans le comté et aussi un ami de longue date. Combattre un ami pour défendre ses idées rend l'épreuve électorale bien plus difficile. M. Busque est particulièrement reconnu pour sa forte et précieuse implication sociale. Les gens de Beauce-Sud n'ont pas rejeté Richard Busque, le 28 avril dernier. La majorité d'entre eux ne partagent tout simplement pas, et en toute bonne foi, l'objectif principal de son parti. Les gens de chez nous estiment M. Busque et souhaitent, tout comme moi, qu'il poursuive son importante contribution sociale pour le mieux-être des gens de notre région.

Avant de terminer, je tiens à remercier mes collègues du Parti libéral du Québec pour leur chaleureux accueil aujourd'hui. Tout au long de ma campagne, ils ont été là pour m'appuyer, et c'est aussi grâce à eux que je peux aujourd'hui faire mon entrée à l'Assemblée nationale. Je dois également des remerciements particuliers, sincères et mérités à mon chef, le chef du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson. Son appui indéfectible, ses nombreuses présences pendant la campagne m'ont permis d'être ici aujourd'hui. Je suis particulièrement fière de me joindre à l'équipe libérale, car j'y retrouve les valeurs qui ont bâti la société d'aujourd'hui, mais surtout les valeurs qui feront de la société de demain une société forte, diversifiée, prête à affronter tous les défis. Je suis convaincue que l'équipe libérale, regroupée autour de son chef, Daniel Johnson, munie d'un programme innovateur, saura reprendre les rênes de l'État dès le prochain rendez-vous électoral.

Enfin, M. le Président, je tiens à assurer aux gens de Beauce-Sud que je suis prête à m'investir sans compter pour accomplir les tâches qui me seront confiées durant les prochaines années. J'ajoute des remerciements particuliers à mon ex-patron pendant 11 ans, l'actuel député de Beauce-Sud aux Communes, M. Gilles Bernier, dont l'appui indéfectible m'a touchée profondément. Il savait, lui, que j'étais allée à la bonne école. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Au nom de l'ensemble des membres de l'Assemblée, je vous souhaite à vous ainsi qu'à Mme la députée de Prévost d'être heureuses dans cette enceinte, dans cette vie parfois difficile et souvent ingrate, je vous souhaite d'être productives comme députées dans vos comtés respectifs et je vous souhaite surtout d'être influentes, influentes pour les gens qui vous ont choisies, que vous représentez maintenant, influentes pour les femmes du Québec et influentes pour l'ensemble de notre peuple. Bon mandat, mesdames.


Démission des députés de Kamouraska-Témiscouata et de Bourassa

Je vous avise maintenant que j'ai reçu des lettres de démission de membres de l'Assemblée: en date du 2 mai 1997, celle de Mme France Dionne, députée de Kamouraska-Témiscouata; également en date du 2 mai 1997, celle de M. Yvon Charbonneau, député de Bourassa. Alors, je dépose l'original de la lettre de Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata et j'indique que *M. le député de Bourassa m'a contacté aujourd'hui pour m'indiquer que sa correspondance était en route par courrier et qu'entre-temps, par fax, sa lettre de démission était rentrée.


Affaires courantes

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

(14 h 40)

M. Bélanger: Oui. M. le Président, question de directive. Tout simplement, est-ce qu'on a vérifié la légalité du fait d'envoyer par fax une lettre de démission? Est-ce que c'est valable au niveau de... C'est juste une question.

Le Président: Alors, je voudrais vous indiquer, comme...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, je suis surpris de la question. Puisque vous êtes avocat, vous devez savoir, comme avocat, que les fax maintenant sont considérés comme des pièces juridiques. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 111

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre d'État des Ressources naturelles présente le projet de loi n° 111, Loi modifiant la Loi sur les forêts. M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur les forêts afin de permettre au ministre des Ressources naturelles d'établir prospectivement, pour chacun des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, les droits payables par chacun d'eux, notamment sur la base des données contenues dans les plans annuels d'intervention soumis par les bénéficiaires et ajustées en tenant compte des activités d'aménagement forestier réalisées par ceux-ci au cours des années antérieures. De plus, ce projet de loi précise les modalités suivant lesquelles le ministre procède à l'ajustement des montants payés par les bénéficiaires en fonction des droits payables par ces derniers en vertu de la Loi sur les forêts et prévoit des dispositions relatives au paiement des intérêts sur des soldes impayés ou sur des montants encaissés en trop.

Ce projet de loi a également pour objet d'apporter certaines modifications concernant le Fonds forestier. Premièrement, il prévoit que le gouvernement pourra autoriser le versement au Fonds forestier d'une partie des redevances perçues des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier afin que ces sommes puissent être affectées au financement d'activités d'aménagement forestier visant à maintenir et à améliorer la protection ou la mise en valeur des ressources du milieu forestier. Deuxièmement, ce projet de loi spécifie que le Fonds forestier sera également constitué des sommes perçues pour les biens et services qu'il aura servi à financer et prévoit que le ministre des Finances pourra verser au fonds des sommes empruntées sur le Fonds de financement institué en vertu de la Loi sur l'administration financière.

De plus, ce projet de loi prévoit que la mesure de réduction des volumes de bois attribués aux contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier prise pour favoriser l'utilisation des surplus disponibles dans les sources d'approvisionnement autres que la forêt publique pourra être appliquée différemment selon les diverses catégories d'usines de transformation du bois. À cet égard, le pourcentage de réduction pourra varier entre les bénéficiaires de contrats en fonction de certains critères permettant d'évaluer la performance de ces bénéficiaires dans l'utilisation de la matière ligneuse par l'usine mentionnée au contrat.

Par ailleurs, ce projet de loi prévoit que la vente de bois sur pied dans les réserves forestières pourra être faite par voie d'enchères publiques. Enfin, ce projet de loi précise que le taux de la contribution que doit verser le titulaire d'un permis d'exploitation d'usine de transformation du bois à une agence régionale de mise en valeur des forêts privées pourra varier selon les essences ou les groupes d'essences et selon la qualité du bois.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: Alors, adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose la réponse à la question n° 25 inscrite au feuilleton du 20 novembre 1996 par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et la réponse à la question n° 32 inscrite au feuilleton du 13 mars 1997 par le député de Nelligan.


Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Je dépose, de mon côté, le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale daté du 6 mai 1997.

Il n'y a pas de rapports de commissions, aujourd'hui.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. Mme la députée de La Pinière.


Augmenter les enveloppes budgétaires des centres jeunesse de la Montérégie

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 182 pétitionnaires, résidents et résidentes de la Montérégie.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Que la région de la Montérégie souffre d'un sous-financement structurel récurrent dans le domaine des services sociaux;

«Que les centres jeunesse de la Montérégie, en tant que parties du réseau des services sociaux de cette région, accusent un sous-financement structurel de 46 000 000 $ par année;

«Que ce manque à gagner, associé aux compressions budgétaires imposées par le ministère de la Santé et des Services sociaux depuis les dernières années, met en péril la capacité même des centres jeunesse de la Montérégie à s'acquitter de leur mission telle que définie par la Loi sur la protection de la jeunesse;

«Que ces contraintes budgétaires inacceptables font en sorte que beaucoup d'enfants, de jeunes et leurs familles ne reçoivent pas les services sociaux appropriés à leur situation et que pour bon nombre d'entre eux des services ont été déclarés essentiels à leur sécurité et leur développement;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux pour qu'il reconnaisse l'ampleur du problème et des torts causés aux enfants, aux jeunes et à leurs familles par cette situation, et règle définitivement le problème du sous-financement structurel des centres jeunesse de la Montérégie en augmentant leur enveloppe budgétaire de sorte à établir la parité avec l'ensemble des autres centres jeunesse du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député d'Abitibi-Ouest, maintenant.

M. Gendron: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition qui est partiellement conforme, mais pas complètement conforme.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement, M. le député d'Abitibi-Ouest. Vous pouvez y aller.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Gendron: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition signée par 401 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté d'Abitibi-Ouest.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants et à tous les parents;

«Considérant que, lors des états généraux sur l'éducation, la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle temps plein, mais a plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec émis lors des sondages des commissions scolaires;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que l'extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales seront tenus les votes reportés sur les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1998 et sur le projet de loi n° 101, Loi n° 3 sur les crédits 1997-1998.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons immédiatement à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Citoyens habilités à voter dans les futures commissions scolaires anglophones

M. Johnson: Oui, depuis quelques semaines, pour ne pas dire depuis quelques mois, évidemment, l'Assemblée est saisie de différents projets, de différentes motions qui touchent un réaménagement de nos structures scolaires, notamment en passant d'un régime confessionnel à un régime linguistique. Il y a également des plans qui touchent le découpage scolaire. Il y a même un morceau, une portion du projet de loi n° 109 qui touche le cens d'éligibilité des voteurs éventuels dans le giron des commissions scolaires linguistiques. On a passé une motion, ici, qui visait, à notre point de vue – et ça a été unanime – à bien cerner la réalité des droits historiques de la communauté anglophone du Québec.

(14 h 50)

Mais il manque encore certaines consultations. On est d'avis, évidemment, tous ici, que ce n'est pas la précipitation qui est la meilleure conseillère. D'ailleurs, comme disait le premier ministre lui-même devant la communauté anglophone, au mois de mars, l'an dernier, au Centaur: La précipitation n'est pas un bon plan de match; la franchise, par contre, l'est. On doit souscrire évidemment à une vision des choses comme celle-là. Il y a beaucoup d'analystes qui ont mis en cause le projet de la ministre, notamment au titre du droit de vote dans les commissions scolaires linguistiques. Les commentateurs ont émis des réserves très sérieuses, dans certains cas, et des critiques sévères, pourrions-nous dire même, dans d'autres cas.

Et ça donne l'occasion peut-être au premier ministre de se remémorer certaines des phrases qu'il prononçait devant la communauté anglophone, au Centaur. Je me permets, M. le Président, d'en citer deux: «Je crois, disait le premier ministre, profondément qu'il est dans l'intérêt bien compris du Québec de conserver une communauté anglophone dynamique, notamment en ce qui concerne la qualité de la vie économique et culturelle de Montréal. Cette ville est et sera une métropole nord-américaine francophone avec une composante anglophone essentielle qui façonne son histoire, son identité, sa culture et son avenir.» Le premier ministre disait également, c'est la dernière citation: «La communauté anglophone, les individus qui la composent ont des droits, des institutions et une dignité, une vitalité que le gouvernement du Québec entend protéger et préserver à la fois parce que c'est normal et parce que c'est un exemple à offrir pour le traitement d'autres minorités en Amérique du Nord.»

Compte tenu de certaines dispositions qu'on retrouve notamment dans la deuxième partie du projet de loi n° 109 sur le droit de vote des membres de la communauté anglophone auprès des commissions scolaires, quant à leur droit de se représenter, de se présenter eux-mêmes comme commissaires scolaires dans les commissions scolaires anglophones, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire qui, selon lui, compose la communauté anglophone du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Une question qui me paraît assez simple, M. le Président. Cette communauté est formée, d'abord, de personnes qui sont ce qu'on appelle des Anglo-Québécois historiques, qui sont ici en communauté depuis longtemps. Et ça s'est ajouté, beaucoup de gens qui sont venus les joindre, qui sont de langue anglaise composent aujourd'hui la communauté qui, à Montréal, vit en anglais de façon coutumière et qui très souvent, comme c'est arrivé, on peut le voir de plus en plus, commence à maîtriser considérablement une seconde langue, qui est la langue française, ce qui nous permet de communiquer dans une langue commune et officielle qui est la langue française.

Je ne vois pas en quoi la question pose des problèmes particuliers. S'il s'agit du droit de vote des personnes qui sont des anglophones et qui ont des enfants à l'école, eh bien, là c'est le parent qui vote, c'est le parent qui vote pour avoir une influence sur la façon dont l'école que fréquente son enfant sera gérée. Dans cette mesure, je pense que c'est normal que les dispositions qui ont été prévues dans le projet de loi fassent en sorte que les parents votent pour élire des représentants à l'école que fréquentent leurs enfants.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre fait une distinction, donc, entre les membres de la communauté anglophone, quelle qu'en soit la définition... Il ne peut pas y avoir plusieurs définitions de «communauté anglophone du Québec». Est-ce que le premier ministre fait une distinction entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas, entre ceux qui ont des enfants et ceux qui pourraient en avoir, entre ceux qui, pouvant en avoir, pourraient les envoyer à l'école française plutôt qu'à l'école anglaise, à l'école anglaise plutôt qu'à l'école française?

Je repose ma question: Est-ce que, pour le premier ministre, les anglophones, dont la langue maternelle est l'anglais, qui manifestent un engagement à s'inscrire au Québec, à s'intégrer à la communauté d'accueil française, québécoise, qui manifestent, par ailleurs, le désir de maintenir leur propre identité culturelle comme membres de la communauté anglophone, notamment à Montréal, ne sont pas, eux aussi, habilités à participer aux décisions qui touchent la communauté anglophone et leurs institutions historiques?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, nous sommes d'accord qu'effectivement la plus large majorité possible des Québécois de la communauté anglophone puisse participer et contrôler surtout ses institutions scolaires. D'ailleurs, c'est cet engagement que le premier ministre a pris, que nous avons pris comme gouvernement, en respect, d'ailleurs, de la Charte des droits.

Mais je rappellerais, M. le Président, au chef de l'opposition, qui a été déjà premier ministre, qui a fait partie d'un gouvernement qui a eu à se prononcer sur l'article 23.(1)a de la Charte de 1982, que cet article-là ne s'applique pas au Québec. Or, cet article dit que les citoyens canadiens qui ont un droit constitutionnel à recevoir l'enseignement en anglais ne comprennent pas tous les citoyens dont la première langue apprise et comprise est l'anglais. Ni lui, comme chef de gouvernement, ni le premier ministre qui l'a précédé n'ont jugé bon de rendre applicable cet article de la Charte sur le territoire québécois. Nous avons, de notre côté, fait de même, M. le Président.

Il fallait donc trouver des balises pour permettre à la communauté québécoise d'expression anglaise de pouvoir gérer ses institutions et, pour ce faire, d'exercer son droit de vote. Nous avons donc utilisé des balises qui se rapprochent effectivement des critères liés à la Charte de la langue française, en tout respect avec la Charte canadienne, dans son article 23.(1)a qui, lui, ne s'applique pas sur le territoire québécois.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre considère qu'on peut faire partie de la communauté anglophone au sens large et au sens historique sans pouvoir en faire partie au point de vue scolaire? Est-ce que le premier ministre souscrit à l'approche de sa ministre, qui émet des réserves, des distinctions et des limites à l'étendue de la communauté anglophone historique selon que les membres qui en font partie, qui sont des anglophones, qui peuvent être ici depuis quelques années, qui peuvent être ici en raison de leur travail, qui peuvent être ici en raison de leur mariage, qui peuvent être ici en raison de leurs études et qui y restent, au Québec... que ces individus peuvent se sentir à 100 % des membres de la communauté anglophone du Québec, mais qui ne peuvent pas se prévaloir des dispositions que la ministre met de l'avant afin d'assurer leur participation comme membres de la communauté anglophone aux institutions de cette communauté au Québec?

Donc, je repose ma question: Pour le premier ministre, qui compose cette communauté anglophone? Est-ce qu'on peut la baliser et la limiter par des moyens juridiques, réglementaires ou quels qu'ils soient ou est-ce qu'il ne s'agit pas d'une réalité sociologique qui, par définition, évolue et à laquelle se joignent des anglophones de souche mais peut-être pas de souche québécoise?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: En fait, ce à quoi nous ramène le chef de l'opposition dans son intervention, c'est de dire: Nous n'avons pas à baliser le droit de vote de la communauté québécoise d'expression anglaise et, donc, nous préférons qu'il y ait le libre choix. Cependant – et c'est ce à quoi ça nous amènerait – c'est évident que le libre choix pourrait nous amener à être en contradiction aussi en même temps avec un article de la loi et de la Charte qui dit que la communauté anglophone doit gérer ses institutions. Alors, nous avons tenté, dans cette perspective-là, de baliser le droit de vote.

Cependant, ce que nous avons tenté de faire... Et nous aurons l'occasion d'en débattre, puisque cet après-midi je crois que l'on commence l'étude du projet de loi, s'il en est ainsi du souhait du leader, et on aura l'occasion d'approfondir cette question. Mais ce que nous avons fait n'a pas été de vouloir restreindre le droit de vote des Québécois de la communauté anglophone, mais au contraire de l'élargir le plus possible, cependant en n'offrant pas, non, le libre choix, en appliquant la Charte telle qu'elle s'applique au Québec et en permettant aux Québécois de la communauté anglophone de contrôler leurs institutions. Sinon, le risque était là aussi qu'ils n'aient pas le plein contrôle, puisqu'à ce moment-là, donnant le libre choix, ça veut dire que toute la communauté, même francophone, pouvait décider de voter à la communauté anglophone et s'approprier le contrôle, même, de la commission scolaire anglophone. C'est à ça que ça nous mène aussi, il ne faut jamais l'oublier, M. le Président, que ça pourrait nous y mener.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Mais, à part de constater que l'approche de la ministre semble évoquer un vaste complot des francophones contre lequel...

Des voix: Ah!

M. Johnson: Non, non, mais... Non, non. L'hypothèse d'un vaste complot...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

(15 heures)

M. Johnson: Et à part du fait, M. le Président, que la communauté anglophone ne réclame pas d'être protégée contre une telle mainmise des francophones québécois sur les institutions anglophones du Québec – personne n'a demandé ça, c'est la ministre qui est la seule à en parler littéralement sur 7 000 000 de Québécois – est-ce que le premier ministre – et je reviens au premier ministre; on ne peut pas se contenter à ce moment-ci, quel que soit le poste et les responsabilités de la ministre, de ses réponses... Je m'adresse au premier ministre afin qu'il m'indique s'il se souvient qu'il a voté, comme tous les collègues ici, en faveur d'une motion dont un des considérants explicite qu'il y a une telle réalité, une communauté anglophone du Québec à l'intérieur de laquelle se trouvent des individus, des parents dont les enfants ont accès à l'école anglaise, et que le premier ministre est en train d'être témoin, comme nous tous, d'un projet de loi qui tend à limiter aux seuls anglophones dont les enfants pourraient aller à l'école anglaise cette définition de la communauté anglophone du Québec.

Est-ce que le premier ministre trouve qu'il y a des anglophones, au Québec, qui pourraient ne pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise, et donc qu'ils font partie de la communauté anglophone, ils font partie de cette communauté dont il dit qu'elle doit pouvoir gérer ses propres institutions et ses établissements?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je n'ai pas, M. le Président, la motion devant moi, mais je crois qu'il y avait une réserve à l'effet de tenir compte du fait que nous avons proposé le projet de loi qui est devant nous maintenant.

J'aimerais revenir, M. le Président, sur comment nous avons encadré ce droit de vote de telle sorte qu'on puisse cependant le rendre le plus accessible possible aux membres de la communauté québécoise d'expression anglaise. C'est vrai que nous nous sommes inspirés, bien sûr, des critères de la Charte de la langue française, d'abord, qui déterminent l'admissibilité à l'école anglaise. Ceci nous permet de rejoindre un certain nombre d'électeurs, bien sûr, anglophones.

Mais je vous dirai que, contrairement à ce qui semble avoir été compris par quelques personnes, on ne restreint pas le droit de vote, évidemment, aux seules personnes qui ont la qualité de parents. On applique le critère que l'on a retenu aussi à cet égard pour ce qui est de la question de l'enseignement en anglais, soit une personne qui a reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais au Canada et qui peut donc voter à la commission scolaire anglophone.

Et nous avons élargi ce droit aussi aux personnes dont les enfants auraient fréquenté l'école française, alors que ceux-ci auraient pu fréquenter l'école anglaise si tel avait été leur choix, de telle sorte que ces parents pourront maintenant encore voter à la commission scolaire anglophone. Nous n'avons donc pas tenté de restreindre le droit de vote, nous l'avons cependant balisé, encadré, et ce n'est pas, il faut être très clair là-dessus, le libre choix. Mais le chef de l'opposition, alors lorsqu'il était premier ministre, n'a jamais reconnu ça non plus, puisqu'il n'a jamais fait appliquer et n'a jamais adopté l'article 23.(1)a de la Constitution canadienne, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, on doit reconnaître tous ensemble que la ministre fait compliqué et prétend que les gouvernements qui l'ont précédée se sont mêlés de déterminer le cens d'éligibilité, le cens électoral et le droit de vote de membres de la communauté anglophone, ce qui n'a jamais été fait. Ce qui a toujours fait l'objet de consensus sinon d'unanimité, c'est évidemment l'accès à l'école anglaise et les conditions dans lesquelles il peut se faire.

M. le Président, je reviens au premier ministre parce que je ne veux pas une réponse bureaucratique sur la loi 101 et l'éligibilité à l'école anglaise, ce n'est pas de ça qu'il est question. Il n'est pas question de modifier d'un iota la législation québécoise en matière d'accessibilité à l'école anglaise; aucune espèce de rapport avec le débat et la question que j'ai soulevée.

Est-ce que le premier ministre, compte tenu de ses engagements devant la communauté anglophone, est disposé aujourd'hui à s'engager à regarder les dispositions du projet de loi qui est devant nous à la lumière des engagements qu'il a contractés solennellement au Centaur et devant les membres de la communauté anglophone, afin de refléter dans les gestes du gouvernement – pas seulement dans ses discours, dans les gestes du gouvernement – sa compréhension de qui compose la communauté anglophone du Québec, et que ça ne peut pas être limité à ceux dont les enfants pourraient aller à l'école anglaise?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le chef de l'opposition est en train de vouloir mêler tout le monde. Il s'agit d'accès à l'école, il s'agit d'école, il s'agit de commissions scolaires, M. le Président. Il existe au Québec des lois que ne conteste pas le chef de l'opposition, qui vient de le rappeler, quant à l'accès à l'école anglaise. Alors, il y a des gens dont les enfants ont accès à l'école anglaise ou pourraient avoir accès à l'école anglaise s'ils avaient des enfants et d'autres qui n'ont pas accès à l'école anglaise, de sorte que, lorsqu'il s'agit de déterminer qui va voter pour gérer les écoles, il faut donc s'assurer que ce sont les gens qui ont un intérêt à ces écoles, qui ont donc un accès à ces écoles.

Alors, c'est à partir des grands principes qui déterminent l'accès à l'école que le droit de vote a été défini dans le projet de loi. Je crois que c'est parfaitement normal. Et, à partir du moment où le chef de l'opposition et l'opposition reconnaissent qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause les lois qui gouvernent l'accès à l'école anglaise au Québec, donc le reste s'ensuit en toute logique, et c'est la logique qu'on retrouve au sein du projet de loi.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce qu'on doit comprendre que, pour le premier ministre, il y aurait au Québec, à Montréal – je vais appeler les choses par leur nom, là – des anglophones de langue maternelle qui sont ici depuis fort longtemps mais qui ne peuvent pas prétendre faire partie de la communauté anglophone, qui – le premier ministre a voté là-dessus – peuvent gérer leurs institutions scolaires, car leurs enfants, eux, ne pourraient pas aller à l'école anglaise?

Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que ce principe général de «qui appartient à quelle communauté» est balisé par une mesure qui est essentiellement de description bureaucratique, qui tient à des hasards historiques dans certaines fois: Est-ce que mes enfants, mon père ou mon grand-père sont allés à l'école anglaise? Qu'ils aient le droit aujourd'hui ou pas, eux sont allés, donc, moi, j'ai le droit. Ce n'est pas un grand principe, ça, c'est une évidence et une constatation.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire ici s'il considère que la communauté anglophone, au sens où on doit l'entendre tous les jours, doit être limitée à celle dont les enfants peuvent aller à l'école anglaise, ou s'il ne s'agit pas plutôt de reconnaître la réalité, notamment, de Montréal et de sa variété et de constater que la communauté anglophone est plus large que ceux dont les enfants pourraient aller à l'école anglaise?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Pourrais-je demander au chef de l'opposition de faire preuve d'un peu de logique et de ne pas nous ramener à des débats qui ont eu lieu il y a déjà longtemps, qui ont été difficiles mais qui ont été résolus par un consensus et par une loi que même l'opposition ne remet pas en question?

Il s'agit ici d'accès à l'école anglaise, il s'agit de savoir ici, M. le Président, qui va élire les gens qui gèrent l'école anglaise. Est-ce que ce sont ceux qui ont accès à l'école anglaise ou ceux qui n'y ont pas accès? C'est ça, le principe. Et on nous réfère à la motion, ici. La motion, elle dit – je cite la fin de la motion – «ont le droit de les faire instruire dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle conformément à la loi». Référence à la loi québécoise. Or, la loi québécoise fondamentale dans le domaine de l'accès à l'école, c'est la loi 101. C'est la Charte de la langue française qui détermine un principe à partir duquel il faut faire découler ce qui apparaît dans le projet de loi.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre passait moins de temps dans la campagne du Bloc, il comprendrait...

Des voix: ...

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, dans un monde et un continent clairement ouverts, où la circulation des personnes amène, notamment dans une métropole comme Montréal, des éléments qui viennent de partout en Amérique, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il remet en cause son engagement à l'endroit de la communauté anglophone, où il nous indiquait il n'y a pas si longtemps qu'il croit profondément qu'il est dans l'intérêt bien compris du Québec de conserver une communauté anglophone dynamique?

Est-il en train de nous dire que cette communauté anglophone dynamique, alors que nous approchons de l'an 2000, que les frontières tombent, que les gens travaillent un peu partout en Amérique, ne comprend pas ceux dont les enfants ne pourraient pas aller à l'école anglaise? Est-ce qu'il est en train de nous dire que des gens qui habitent à Montréal depuis des années, qui parlent anglais à la maison, qui parlent anglais à leurs enfants, même si leurs enfants vont à l'école française, ne font pas partie de la communauté anglophone du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

(15 h 10)

M. Bouchard: M. le Président, cela n'est pas mis en cause. Les gens qui sont de langue anglaise font partie de cette communauté, bien sûr. Mais, dans la mesure où la loi du Québec prévoit – une loi à laquelle il est fait référence d'ailleurs dans la motion qui a été votée par l'opposition unanimement avec nous – dans la mesure où la loi prévoit que, s'agissant de l'accès à l'école anglaise, où il faut maintenant décider qui doit voter pour gérer les écoles anglaises, c'est ceux qui ont un intérêt, c'est ceux qui y envoient leurs enfants qui peuvent les y envoyer autrement, M. le Président. C'est une question de logique, ça. Je crois que le chef de l'opposition est en train de nous faire un faux débat.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il n'y a pas de différence entre le droit à la gestion d'une institution et le droit à l'admissibilité à ces institutions des enfants de ceux qui veulent, appartenant à cette communauté, gérer les institutions de cette communauté? Est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous dire qu'on peut être un anglophone à Montréal depuis fort longtemps, y être installé, parler anglais à la maison, je le répète, parler anglais à ses enfants, à son conjoint, même si le conjoint est francophone, même si les enfants vont à l'école française, mais qu'on ne fait pas partie de ces anglophones de Montréal qui peuvent gérer leurs institutions qui existent depuis des générations?

Est-ce que le premier ministre, pour lui, il y a deux classes d'anglophones ou de membres de la communauté anglophone? Est-ce qu'il n'y a pas une différence pour lui entre la gestion des institutions et l'admissibilité des enfants à des écoles conformément à la Charte de la langue française?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, qu'on le dise donc, fondamentalement, ce qu'on ne veut pas admettre, c'est un vieux principe qui a été édicté par la Charte des droits, qui dit qu'il y a des gens qui ont accès à l'école anglaise et qu'il y en a qui n'y ont pas accès et qu'en conséquence il faut déterminer à partir de cela, dans les pointillés, dans le prolongement logique, le cens électoral en conséquence. C'est ce que nous faisons dans le projet de loi actuel. Il y a une logique dans tout cela. L'opposition sait très bien qu'il y a une référence expresse qui est faite dans la motion à la Charte de la langue française.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, j'ajouterai aussi que les membres de la communauté ne perdent pas leur droit de vote. Ils pourront l'exercer, ce droit de vote. Et nous avons fait en sorte que ça ne soit pas compliqué non plus que de pouvoir l'exercer lorsqu'on se définit, tel que la loi le prévoit, comme un Québécois de la communauté de langue anglaise pouvant voter à la commission scolaire anglophone, puisque c'est simplement par voie déclaratoire que l'on pourra par la suite exercer son droit de vote, une fois qu'on aura procédé à cette déclaration.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Compressions budgétaires dans le réseau des écoles privées

M. Ouimet: En principale, M. le Président. En janvier dernier, le premier ministre du Québec a informé la Fédération des associations de l'enseignement privé que ce réseau serait traité en toute équité par rapport à l'enseignement public et qu'il n'était pas du tout question d'exiger plus du réseau privé que du réseau public. Ceci leur a été confirmé également par son chef de cabinet, M. Hubert Thibault. Aujourd'hui, la Fédération des associations de l'enseignement privé accuse le premier ministre d'avoir manqué à sa parole en coupant le réseau privé de près de 10 %.

La semaine dernière, lors de l'étude des crédits, nous avons été à même de constater que les écoles privées situées en région seront les plus touchées par les coupures du gouvernement et, selon la Fédération, d'ici deux ans, plus de 30 écoles privées, dont la plupart sont en région, devront fermer leurs portes.

Ma question au premier ministre: Le premier ministre peut-il nous expliquer son double langage, nous dire pourquoi il a manqué à sa parole?

Le Président: M. le député de Marquette, j'ai déjà indiqué qu'il y a certains termes et certaines expressions qui, finalement, nous conduisent inévitablement à enfreindre l'esprit du règlement. Alors, je vous demanderais de formuler votre question en évitant certaines expressions comme celle-ci.

M. Ouimet: M. le Président, je demanderais le consentement de déposer la lettre de la Fédération des associations de l'enseignement privé. La question au premier ministre: Pourquoi a-t-il manqué à sa parole et n'est-il pas en train d'asphyxier les écoles privées en région?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Non seulement le premier ministre ni le gouvernement n'avons manqué à notre parole, parce que nous avons respecté strictement les engagements pris par le premier ministre. D'ailleurs, si on revient au discours inaugural, on constatera que le premier ministre avait d'ores et déjà souhaité qu'un effort supplémentaire soit demandé aux institutions de l'enseignement privé compte tenu que l'effort de l'année précédente avait été moindre que celui qui avait été demandé aux institutions de l'enseignement public.

Alors, ce que nous avons fait, simplement, M. le Président, c'est de rétablir l'équité. Et c'est vrai que, cette année, l'effort est un peu plus grand, considérant qu'il a été beaucoup moins grand l'année dernière, et que, l'un dans l'autre, l'effort demandé au privé et au public est tout à fait comparable.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Le premier ministre se rappelle-t-il ses déclarations auprès des dirigeants de la Fédération des associations des écoles privées à l'effet qu'il les traiterait en toute équité et qu'il n'augmenterait pas les compressions budgétaires plus que le réseau public? C'est ce qu'il leur a dit en janvier dernier.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Et c'est ce que nous avons fait, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de Jean-Talon.


Contenu du nouveau pacte municipal

Mme Delisle: Le 25 mars dernier, le ministre des Finances annonçait aux municipalités du Québec un transfert non négociable de 500 000 000 $. Après que le monde municipal, les syndicats et l'opposition eurent réclamé du ministre des Affaires municipales, et ce, pendant plusieurs semaines, M. le Président, qu'il dévoile le contenu de son pelletage de 500 000 000 $, de ses exigences à l'égard des municipalités pour atteindre son objectif, le ministre des Affaires municipales rendait public ce qu'il qualifie «son nouveau pacte municipal»; il le rendait public lors du congrès de l'Union des municipalités, et ça, M. le Président, sur une feuille de 8½ X 14.

Ma question, M. le Président, au ministre des Affaires municipales: A-t-il quelque chose de plus étoffé à présenter au monde municipal que ces éléments réunis à la sauvette sur un napperon de casse-croûte?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, oui, effectivement quatre semaines après le discours du ministre des Finances, où nous avions indiqué un objectif de résultat pour le 1er janvier 1998 – c'est-à-dire réduire de 500 000 000 $ les dépenses du gouvernement à l'égard des municipalités et également de 500 000 000 $ les dépenses dans les municipalités pour rencontrer l'objectif auquel nous avons tous souscrit à l'occasion du Sommet sur l'économie et l'emploi en 1996 – nous avons présenté, oui, 20 champs de discussion possibles pour en arriver à obtenir ce résultat de réduction de 500 000 000 $ de dépenses et également 12 mesures à discuter avec les municipalités pour en arriver à ce résultat.

M. le Président, nous avons voulu également mettre trois chantiers sur pied. Un premier chantier avec le monde municipal pour en arriver à ce nouveau pacte; deuxièmement, un lieu d'échanges au plan national pour en arriver à réviser au niveau des coûts de main-d'oeuvre l'effort, qui est actuellement consenti dans les municipalités, de 4 000 000 000 $ pour en arriver à un résultat équivalent à ce que nous avons fait dans la fonction publique et parapublique au cours des derniers mois; et un troisième chantier pour créer une opération de mise en commun pour en arriver à réduire les dépenses dans nos municipalités.

M. le Président, nous n'avons pas voulu arriver avec un très gros document, arriver avec tellement de placotages qu'on présumerait des conclusions, des discussions que nous aurons avec nos partenaires. Nous mettons 20 champs de discussion sur la table, trois chantiers au travail et une date butoir, le 1er septembre prochain, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, afin d'alimenter les trois champs de discussion, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait déposer aujourd'hui les études qui ont conduit justement au soutien de ces trois vastes champs de consultation et ces 20 éléments compris dans sa feuille 8½ X 14 qu'il a déposée au congrès de l'Union des municipalités, s'il vous plaît?

Le Président: M. le ministre.

(15 h 20)

M. Trudel: M. le Président, nous avons constitué des forums pour discuter avec nos partenaires municipaux, qui auront à réaliser le travail pour en arriver au résultat escompté. Bien sûr, nous serons en mesure, avec nos partenaires, de déposer sur la table l'ensemble des études, des contenus, des évaluations que nous avons à l'égard des mesures d'équité que nous voulons implanter au plan du réaménagement fiscal et aussi du résultat incontournable de 500 000 000 $ de réduction de dépenses pour en arriver à assainir nos finances publiques.

M. le Président, oui, bien sûr, déjà des administrations municipales se sont mises à l'oeuvre, comme à Trois-Rivières, comme dans l'Outaouais, comme à Lévis, où déjà on s'est mis au travail, et on a bien compris, et à Charlesbourg et à Lévis, qu'il fallait d'ores et déjà être au travail pour obtenir ce résultat et faire en sorte qu'on se réorganise, au plan des équipes municipales, pour en arriver au résultat escompté le 1er janvier 1998.

Le Président: Mme la députée.


Études d'impact d'éléments possibles du nouveau pacte municipal

Mme Delisle: M. le Président, il y a certainement... En principale. Il y a certainement des coûts d'associés à cette feuille 8½ X 14. Je comprends donc du ministre des Affaires municipales qu'il n'y a aucune étude actuellement de préparée pour soutenir cette feuille. J'aimerais lui rappeler que, lors de la réforme Ryan, en 1990, au moment de l'annonce de cette réforme-là, 172 pages de document et neuf documents avaient été rendus publics au soutien de cette réforme.

M. le Président, je répète la question: Est-ce que le ministre des Affaires municipales, pour démontrer le sérieux de sa démarche et non pas pour remplir une commande budgétaire, pourrait, s'il vous plaît, déposer les études, les simulations, toutes les évaluations auxquelles il vient de faire référence et qui vont faire partie de la discussion, avec ses trois vastes chantiers de consultation, qui, soit dit en passant, n'ont pas tout à fait encore commencé à siéger?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, nous n'avons aucune ambition, de ce côté-ci, de déposer un document de 173 pages pour en arriver à davantage de pages écrites que la réforme Ryan, ou le projet qui était tombé sur la tête des élus municipaux en plein mois de décembre dans les années quatre-vingt-dix.

M. le Président, la démarche est extrêmement simple. Nous avons convenu avec les Unions municipales, qui ont dit oui, tout comme les MRC, tout comme les villes du Québec, comme l'ensemble des municipalités, de mettre sur pied un mécanisme d'échanges pour en arriver à atteindre ces objectifs au niveau de la réforme fiscale et également à atteindre des objectifs d'équité pour rapprocher les notions d'utilisateur et de payeur, dans nos municipalités, au niveau des équipements. Bien sûr, le résultat, c'est, au niveau des finances, 500 000 000 $ de dépenses de moins pour le gouvernement et également une réduction d'une somme équivalente dans les municipalités du Québec pour en arriver à ce que le moins possible il y ait de retombées sur les contribuables. Tous ceux et celles qui pensent, évidemment, que ça va se faire tout seul, qu'il n'y aura pas à travailler, mais qu'on devrait attendre le résultat...

Et, comme l'indiquait le maire de Lévis hier, nous, on n'attend pas que le train passe, on se met au travail et on va réaliser les objectifs de réorganisation pour atteindre le résultat escompté dans chacune des villes et municipalités du Québec.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales peut-il admettre en cette Chambre que la seule raison pour laquelle on a cette feuille 8½ X 14, c'est qu'il a été menacé par le président de l'Union des municipalités de ne pas se présenter au congrès de l'Union des municipalités s'il n'avait pas un document en main? Il a préparé cette feuille de 8½ X 14 à la sauvette dans un casse-croûte.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, la réponse, c'est non. Nous avons, au niveau de la fiscalité municipale et de la fiscalité locale, des réflexions qui nous ont été présentées par la commission D'Amours sur la fiscalité et le financement des services publics; nous avons donné suite à ses 15 recommandations. Nous avons également des échanges constants avec les municipalités du Québec, des échanges qui se répètent à chaque mois, à chaque semaine, en fait, et nous sommes capables d'indiquer que voilà des sujets qui intéressent les municipalités et qui doivent nous amener, en termes de réaménagements, non seulement à une réduction de nos dépenses, mais également à rééquilibrer certaines ponctions, certaines contributions des municipalités sur l'ensemble du territoire québécois. Voilà pourquoi, M. le Président, nous ouvrons ces chantiers de travail, cette discussion intensive qui va se concrétiser au cours des prochains jours. Si la députée de l'opposition veut se joindre à nous, bienvenue.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous dire s'il a obtenu l'autorisation du Comité des priorités pour présenter ce document 8½ X 14 sans aucun chiffre à l'appui, s'il vous plaît?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, au sein du gouvernement, il y a des mécanismes d'approbation et c'est ensuite le Conseil des ministres qui se prononce sur ces décisions. L'ensemble des 20 champs de discussion qui ont été ouverts avec les municipalités a évidemment reçu les approbations nécessaires, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laporte, en principale.


Dédommagement de petits actionnaires impliqués dans la nationalisation du secteur de l'amiante

M. Bourbeau: M. le Président, il y a au-delà d'une quinzaine d'années, le gouvernement du Parti québécois, dans une décision à saveur idéologique, décidait de nationaliser le secteur de l'amiante au Québec, une décision qui était mue beaucoup plus par des pulsions nationalistes que par la logique des affaires, puisque le secteur de l'amiante était déjà en perte de vitesse. On sait les coûts exorbitants que le gouvernement du Québec a dû payer par la suite à la multinationale américaine General Dynamics, qui possédait 54 % des actions de la Société Asbestos. Et le gouvernement de l'époque, du Parti québécois, avait promis à ce moment-là de traiter de la même façon les actionnaires minoritaires, les petits actionnaires, ce qu'il n'a pas fait, les laissant pour compte.

Or, un jugement récent d'un tribunal de l'Ontario vient de condamner le gouvernement du Québec, a sévèrement blâmé le gouvernement du Québec pour sa conduite abusive à l'endroit des petits actionnaires et a ordonné au gouvernement du Québec de faire dans les trois mois qui viennent une offre aux petits actionnaires du même ordre que celle qui a été faite à la multinationale américaine, sous peine de voir le gouvernement du Québec interdit de transiger en valeurs mobilières en Ontario. M. le Président, le gouvernement, semble-t-il, s'apprêterait à porter la cause en appel, ce qui ferait en sorte que les petits actionnaires devraient encore se battre pendant des années pour obtenir justice.

Je demande au gouvernement, au premier ministre: Est-ce qu'il ne serait pas temps, finalement, de rendre justice à ce millier de petits actionnaires qui ont été traités injustement par le gouvernement du Parti québécois, gouvernement de Jacques Parizeau, finalement de leur rendre justice et de les traiter comme on a traité la multinationale américaine?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, pour m'adresser au préambule de notre collègue le député de Laporte, l'aventure nationaliste qui a coûté le plus cher dans l'histoire du Québec, et des dizaines de fois plus cher, en dollars constants, que l'affaire de l'amiante, c'est Sidbec-Normines, qui était bien signée d'un gouvernement libéral. Cela pour le préambule.

Deuxièmement, pour la justice envers les petits actionnaires. Je pense que, dans un pays qui applique la règle de droit, la justice envers les petits actionnaires, ce sont les tribunaux qui la déterminent. Une instance spécialisée, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui a comme fonction spécifique d'arbitrer ces choses, a donné, dans un premier temps, raison au gouvernement du Québec. Une cour divisionnaire de la même province vient de rendre un jugement contraire. Alors, la justice aux petits actionnaires, c'est que la justice suive son cours et que le gouvernement du Québec aille en appel, ce qu'il a fait.

Le Président: M. le député.

(15 h 30)

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'immoral à faire en sorte de poursuivre pendant des dizaines d'années une guérilla judiciaire à l'endroit de petits actionnaires qui ont été traités d'une façon inéquitable par rapport à la multinationale américaine General Dynamics, qui, elle, a été payée le gros prix par le gouvernement du Québec, alors que les petits actionnaires qui avaient des actions identiques, uniquement parce qu'ils étaient minoritaires, voient le gouvernement refuser de les bien traiter et les condamne à dépenser des sommes d'argent faramineuses en frais judiciaires, alors que ce sont les Québécois qui paient pour les avocats du gouvernement.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): D'abord, deux remarques sur le mot «immoral». Je suis sûr que, si la chose avait été immorale, les libéraux, qui ont été 10 ans au pouvoir, n'auraient pas continué les procédures avec justement l'argent des mêmes contribuables.

Deuxièmement, si la chose était immorale – et je pense que le député, en toute bonne foi, a mal choisi son mot – j'imagine que la puissante Commission des valeurs mobilières de l'Ontario s'en serait aperçu en première instance. Et ça n'a pas été le cas. Ce qui veut dire que le gouvernement du Québec est, en droit et en équité, obligé de faire ce qu'il fait et de porter la cause en appel, tout comme les libéraux qui nous ont précédés l'avaient continué devant nos cours.

Le Président: M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre se souvient que c'est son gouvernement à lui qui a pris la décision de nationaliser le secteur de l'amiante et de traiter avec beaucoup, beaucoup de générosité la multinationale américaine et de refuser de traiter de la même façon les petits actionnaires? Est-ce que finalement, M. le Président, ce n'est pas faire payer aux petits actionnaires les coûts des erreurs de jugement d'un gouvernement mal avisé?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je me souviens très bien de cette décision. J'y ai réfléchi, à l'époque, comme membre du gouvernement, mais j'ai eu à y réfléchir par la suite parce que je m'y suis intéressé sur le plan académique, si on peut dire. Et il est à peu près certain que, si le gouvernement du Québec n'avait pas fait ce qu'il a fait à l'époque, il n'y aurait plus un seul mineur dans les mines d'amiante aujourd'hui et l'industrie aurait été totalement lessivée. Alors, c'est vrai qu'il y a eu des coûts, nous ne les minimisons pas. Ils sont, encore une fois, des dizaines de fois inférieurs à ceux de Sidbec-Normines, mais chacun ses proportions en matière de mauvaise gestion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Je réitère, sans en faire un absolu, que la thèse que j'évoque... que, sans cette intervention gouvernementale, qui a été, à l'époque, accueillie dans l'enthousiasme par les mineurs de l'amiante en particulier – répondant à une de leurs demandes historiques, il faut s'en souvenir – il n'y en aurait probablement plus un seul au travail aujourd'hui. Quand on a vu l'attitude, justement, des sociétés nationalisées par rapport au produit même, en raison des poursuites qu'elles ont eues quant au produit aux États-Unis... Qui a fait la bataille, par la suite, aux États-Unis pour la gagner enfin? C'est l'Institut national de l'amiante, c'est les structures qui ont été mises, à l'époque, en place par le gouvernement pour sauver cette industrie. Alors, chaque époque a son contexte. Je crois que nous avons fait pour le mieux, dans le temps, avec des résultats acceptables. Et aujourd'hui les tribunaux, en toute justice, trancheront les séquelles.

Le Président: M. le député d'Orford, en principale.

M. Benoit: En additionnelle. Est-ce que le ministre des Finances a l'idée d'aider le Comité pour le traitement égal des actionnaires de la société Asbestos de la même façon qu'il a aidé un autre actionnaire dans une autre compagnie, qui s'appelait Yves Michaud? Est-ce qu'il a l'idée de l'aider avec son discrétionnaire, ce groupe-là, de la même façon, M. le Président?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Une compagnie qui s'appelait Yves Michaud?

Des voix: Oui.

M. Landry (Verchères): Ça demande des précisions, M. le Président. Il y a un individu qui s'appelle Yves Michaud, que nous connaissons bien et qui a mené une bataille fantastique pour la protection... une des plus belles de l'histoire du Canada et du Québec. Et c'est vrai que nous l'avons aidé et nous en sommes fiers.

Le Président: Alors, cet échange met fin pour aujourd'hui à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.


Votes reportés

Mais, comme je l'ai annoncé précédemment, il y a des votes reportés. Alors, tel qu'annoncé, nous allons maintenant procéder à ces votes reportés.


Rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998

Je mets d'abord aux voix les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1998.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:62

Contre:34

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. Les rapports regroupés des commissions sont donc adoptés.


Projet de loi n° 101


Présentation, adoption du principe et adoption


Mise aux voix

En conséquence, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 101, Loi n° 3 sur les crédits 1997-1998, qu'elle en adopte le principe et qu'elle adopte le projet de loi proprement dit. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Même vote.

Le Président: Même vote? Alors, que l'on enregistre le même vote, ce qui nous amène à l'adoption de la motion.


Motions sans préavis

Alors, aux motions sans préavis, maintenant, M. le premier ministre.


Hommage à M. Fernand Dumont et condoléances à sa famille

M. Bouchard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale rende hommage à Fernand Dumont, homme d'idées, de coeur et d'action qui fut un des guides intellectuels du Québec moderne, et offre ses plus sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.»

(15 h 40)

Le Président: Il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement.

M. Bélanger: C'est 2-2.

Le Président: Alors, deux intervenants de chaque côté. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Merci. M. le Président, dans la vie d'un peuple, chaque génération produit quelques individus de grande qualité qui marquent de leur intelligence et de leurs oeuvres le destin collectif. Il s'agit parfois de créateurs, d'intellectuels, de rassembleurs, d'entrepreneurs, de bâtisseurs. Rarement cependant est-il donné à une collectivité de trouver sur son chemin quelqu'un qui allie la lucidité de l'intellectuel à l'oeuvre du réformiste. Fernand Dumont était de ceux-là.

L'homme avait la science et la culture qu'il fallait pour trouver les clés de la société québécoise, dire son passé, comprendre son présent. L'homme avait aussi le talent et l'énergie requis pour changer le présent et préparer l'avenir. Figure importante de l'effervescence des années soixante, dont il a nourri les grands débats sociaux, il a lui-même contribué, après l'élection du Parti québécois en 1976, à l'élaboration de la politique linguistique et culturelle du gouvernement aux côtés du député de Bourget et de M. Guy Rocher. Fernand Dumont est ainsi un des pères de la Charte de la langue française, une des législations les plus nécessaires et les plus marquantes du Québec moderne.

Dans la tourmente de la politique, des campagnes et des périodes de questions, il est facile de perdre de vue les objectifs à long terme qui doivent motiver l'action d'un peuple et de son gouvernement. Fernand Dumont avait le don de voir loin et de saisir en quelques traits les grandes tâches auxquelles il faut s'atteler. Il disait que la souveraineté du Québec est une exigence impérieuse. Les Québécois, ajoutait-il, n'ont pas à renier la patience obstinée de jadis mais à lui joindre enfin le courage de la liberté. Il précisait que la souveraineté ne créera pas par miracle une nation vigoureuse. Cette vitalité dépendra, disait-il – et je le cite – «de la qualité de la langue, de la valeur de l'éducation, de la créativité de la culture, de l'équité des institutions et des rapports sociaux». Fin de la citation.

Le peuple québécois, on ne le sait que trop, ne détient pas aujourd'hui la plénitude de ses leviers et ne peut encore embrasser l'ensemble de sa tâche. Mais, pour ce qui est de la qualité de la langue et de la valeur de l'éducation, la ministre de l'Éducation a mis en branle un train de réformes qui visent ces objectifs, y compris en ce qui concerne un autre thème cher à Fernand Dumont, l'enseignement de l'histoire dans nos écoles.

Pour ce qui est de la créativité de la culture, elle dépend d'abord des artisans et des artistes, que l'État doit cependant épauler dans leur travail. Chacun aura noté que les moyens mis à leur disposition par la ministre de la Culture ont été protégés année après année malgré une période de grandes restrictions budgétaires.

Pour ce qui est finalement de l'équité des institutions et des rapports sociaux, il s'agit de la tâche la plus importante et la plus difficile. Pour être fidèles au voeu de Fernand Dumont, nous tentons de rétablir l'équité entre les générations en cessant rapidement d'endetter les jeunes. Nous le faisons en procédant à une répartition équitable des efforts, en garantissant un appauvrissement zéro aux personnes incapables d'accéder au marché du travail, en dégageant des ressources supplémentaires pour les familles à faibles revenus et en donnant la priorité à l'enfance.

Sur chacun de ces plans, la souveraineté, la langue, la culture, l'équité, nous ne sommes pas arrivés à la destination que Fernand Dumont a souhaitée pour son peuple. Mais nous en avons pris la direction, car il nous a laissés, pour nous y rendre, de solides balises. L'itinéraire personnel et professionnel parcouru par Fernand Dumont laisse une trace dans l'histoire du Québec et propose une voie pour l'avenir de notre société. Une trace parce que son destin d'homme de science et de citoyen s'est trouvé au coeur de l'évolution du Québec au cours des dernières décennies. Une voie pour l'avenir parce que la somme de ses engagements et de ses paris sont autant de promesses pour ceux et celles qui voudront s'employer à les prolonger. Il représente aussi le programme le plus généreux qu'il soit pour une société qui s'apprête à revoir ses choix fondamentaux. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le premier ministre. M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, Fernand Dumont a été, à plus d'un titre, l'un des plus éminents et des plus ardents interprètes de la quête québécoise d'identité. Il a été tout à la fois un savant aux ambitions universelles et un intellectuel profondément engagé dans l'avenir de sa collectivité. Pour ces raisons, son décès nous afflige d'une immense tristesse. Pour nous qui l'avons connu personnellement ou qui avons éprouvé tant de fois de la délectation à lire son oeuvre, le décès de Fernand Dumont est une perte cruelle. Au nom d'une double vocation de savant et d'intellectuel engagé, Fernand Dumont a été l'agent d'une réflexion féconde tant sur le destin de l'humanisme que sur le sort de l'humanité singulière que nous constituons en Amérique du Nord.

(15 h 50)

L'oeuvre dumontienne témoigne abondamment de cette double volonté de participer activement à la construction d'une réflexion sur l'homme, sur sa culture, sur son destin et de contribuer de manière originale à une quête d'identité québécoise qui soit tout à la fois manifestation d'universalisme et de particularisme.

À l'exception du grand historien national que fut Lionel Groulx, et dont la pensée dumontienne s'est si profondément inspirée, aucun autre intellectuel auquel fut exposée ma génération n'aura senti avec une si vive émotion le caractère à la fois grandiose et tragique du destin de ce rameau de civilisation française que nous sommes en Amérique du Nord.

Aucun autre intellectuel d'ici n'aura aussi intensément souhaité que Fernand Dumont ne le souhaitait lui-même que notre destin témoigne à la fois d'une quête d'identité particulière et d'un projet historique universel. Fernand Dumont aura voulu avec acharnement que soit développée dans toute sa plénitude la tradition française que nous avons la responsabilité d'incarner sur ce continent. Il aura souhaité avec une inlassable conviction que cette tradition s'enrichisse activement des apports essentiels de toutes celles qui au cours des générations sont venues la joindre pour l'alimenter. Pour Fernand Dumont, cette convergence constituait l'essentiel de notre besoin identitaire et la motivation profonde du défi que nous avons à relever.

L'oeuvre admirable de Fernand Dumont allait culminer dans son grand ouvrage sur la genèse du Québec comme projet identitaire. Dumont relevait ainsi le pari ambitieux qu'il s'était donné dès les débuts de sa carrière, pari ambitieux de dire le sens de notre expérience historique. Nous ne partageons pas l'intelligibilité dumontienne du sens de cette expérience commune, du destin auquel ultimement cette expérience devait nous convier. Mais nous demeurons néanmoins ébahis d'admiration devant l'élan grandiose qui animait la quête dumontienne du sens historique.

M. le Président, puis-je vous confier, en terminant, que j'ai vécu le décès de Fernand Dumont comme une épreuve personnelle. Il a été, en effet, celui qui a soutenu de sa sollicitude la naissance de ma vocation de sociologue. C'est à son contact et avec son aide qu'est né chez moi l'amour de ce métier. Je suis donc en dette avec le maître que fut pour moi Fernand Dumont, dette dont j'ai voulu m'acquitter tout au long de ma vie par l'admiration, je devrais dire la dévotion que j'ai toujours éprouvée à son endroit.

Fernand Dumont était plus qu'un éminent savant, plus qu'un intellectuel engagé. Dumont était un être profondément fraternel. La fraternité était chez lui une aspiration profonde, l'expression de sa foi chrétienne. Sa mort est donc un deuil que j'éprouve cruellement avec tous ceux et celles qui l'ont connu, qui l'ont aimé et qui garderont de sa personne un souvenir inoubliable. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Bourget.


M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président. J'ai été un lecteur passionné de Fernand Dumont, depuis ses tous premiers livres et articles jusqu'aux derniers. Il a été jusqu'au bout, à travers et malgré toutes les contraintes et traverses de l'existence, un magnifique travailleur de l'esprit, reprenant chaque matin, jusqu'au dernier souffle, la poursuite et l'achèvement de l'oeuvre colossale dont il avait fixé depuis longtemps le projet. Cette oeuvre lui a valu de nombreux prix, au Québec, au Canada et à l'étranger, en raison de la qualité de l'écriture, mais aussi en fonction de la profondeur, de l'originalité et de l'universalité de la pensée.

Cette pensée s'est nourrie des apports de toutes les disciplines et sciences: philosophie, théologie, sociologie, anthropologie, histoire, politologie, psychologie, science économique, et le reste. Elle s'est également attachée à l'étude en profondeur de toutes les manifestations de la vie collective québécoise depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui, à l'étude de la culture savante comme de la culture populaire, à la mise en situation de notre identité et de notre culture spécifique au sein des autres cultures nationales.

On reste sidéré devant la qualité constante de ce labeur de bénédictin, mais aussi et surtout devant son ordonnance, son articulation et la contribution de chacun de ses multiples éléments à la finalité de l'oeuvre, c'est-à-dire définir le lieu de l'homme, de l'homme québécois d'où il part jusqu'à l'homme universel qui en constitue l'achèvement fraternel.

Le Québec a ainsi produit l'un de ses maîtres à penser les plus illustres, dans la ligne des Parent, Garneau, Groulx, Montpetit, Mainville, démontrant ainsi la vitalité et le haut degré de civilisation de cet îlot français en terre américaine. Ce maître à penser ne fait pas cependant que s'appuyer sur ses devanciers, il les prolonge, il les complète par son regard lucide sur l'évolution des sciences, des idées, des situations, des comportements en explorant de nouvelles pistes, en proposant pour l'avenir des chemins de vérité et de progrès. Fernand Dumont est ainsi devenu un maître à penser pour notre temps, un guide, un phare pour la génération présente mais aussi pour les générations futures.

C'est pour cette raison que je lui ai demandé, il y a maintenant 20 ans, d'apporter sa précieuse contribution au gouvernement du Québec. Son apport s'est vite avéré éminemment fructueux. Dans un climat de bonne humeur, de chaleureuse amitié, de gravité et de rigueur, il a infléchi dans le sens de ses idéaux et de sa pensée les énoncés politiques du gouvernement en matière d'éducation, de langue, de culture, de recherche et développement scientifique. Ce sont sur les bases solides qu'on lui doit que le Québec peut maintenant poursuivre sa lancée.

Cette incursion dans l'action n'a pas été toutefois qu'épisodique. Elle a plutôt été la règle malgré les sacrifices qu'elle comportait pour le chercheur, le penseur et l'enseignant qu'il aimait d'abord être. Mais Fernand Dumont se voulait aussi un penseur engagé, un militant qui voulait faire avancer les causes auxquelles il adhérait avec ferveur et conviction. C'est pourquoi on l'a vu créer et animer des revues et des instituts scientifiques, commenter l'actualité littéraire, scientifique et politique dans de nombreuses revues et journaux, diriger des collectifs qui s'attaquaient à des problèmes de fond pour notre société. Il en illustrait les tenants et les aboutissants avec clarté et brio.

Il a contribué ainsi d'une façon remarquable à l'avancement de plusieurs chantiers: celui de la souveraineté du Québec, celui de l'évolution de notre littérature vers de nouveaux rivages plus universels, celui d'une conception plus large et moderne de notre culture, celui de l'adaptation du message évangélique et des structures ecclésiales aux aspirations et besoins des hommes, des femmes d'aujourd'hui.

Cette oeuvre monumentale origine sûrement des dons éminents que Fernand Dumont a reçus à la naissance, mais elle provient aussi de ses premières expériences familiales et sociales, de cette fermentation de l'adolescence dont provient le vin de toute la vie. Fernand Dumont est né à Montmorency dans une famille ouvrière qui a longtemps peiné pour joindre les deux bouts. Il a dû lui-même travailler comme ouvrier pour payer des études au cheminement long et paradoxal. Il a partagé les difficultés, la pauvreté économique, linguistique et culturelle de ses compagnons de travail, dont il s'est toujours montré solidaire.

C'est de cette souffrance originelle que lui sont venus la détermination et le courage de comprendre et de changer radicalement la situation de tous ceux des siens qui étaient devenus les victimes d'une oppression politique, économique et culturelle inacceptable. Cette souffrance, cette angoisse mais aussi cet espoir, cette ferveur, nous les retrouvons dans son premier volume de poèmes, L'Ange du matin . Elles ont inspiré toute sa vie, toute son oeuvre qui sont désormais terminées.

Ce combat a été magnifique, exemplaire. L'homme a été et sera pour nous un modèle de vie. Mais l'oeuvre demeure heureusement une des plus belles, des plus riches que le Québec ait produites. Les Québécois continueront de s'en nourrir avec fierté, avec espoir pour préparer des lendemains qui chantent. Fernand Dumont, notre frère, merci.


Mise aux voix

Le Président: M. le député de Bourget, merci. La motion du premier ministre est-elle adoptée? Adopté.

Alors, nous sommes toujours à l'étape des motions sans préavis. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Souligner la Semaine des personnes assistées sociales

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement pour déposer et adopter, le cas échéant, la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine des personnes assistées sociales, qui se tient cette année du 5 au 12 mai 1997 et qui a pour thème Pour lutter contre la pauvreté et les préjugés, marchons dans la solidarité

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Il y aurait consentement, M. le Président, pour un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Alors, sur cet accord, une intervention de chaque côté. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu que j'ai sollicité le consentement pour faire adopter la motion dont j'ai fait la lecture. Vous savez sans doute qu'il y a, au moment où on se parle, à peu près 800 000 Québécois et Québécoises sur l'aide sociale, 550 000 adultes et 250 000 enfants, au Québec. Ça représente, grosso modo, 475 000 ménages au Québec qui vivent de l'aide sociale, dont les trois quarts de ces ménages sont aptes au travail. Ils sont disposés, ils sont capables et ils veulent travailler.

Je pense que c'est important de faire ce point-là et que, comme députés à l'Assemblée nationale, on répète le message, tous et chacun, que tous les députés ici, en cette Chambre, répètent le message dans la population que la vaste majorité des personnes assistées sociales veut travailler. Elles veulent vivre en dignité, et la meilleure façon de vivre en dignité, M. le Président, vous le savez, c'est de travailler, d'avoir des gains d'emploi pour être capable de s'assurer une vie quotidienne digne pour n'importe quelle personne.

(16 heures)

M. le Président, il y avait, l'année passée et cette année, une légère baisse dans le nombre de ménages à l'aide sociale. C'est une bonne nouvelle, 2 000 ménages de moins, comparé à l'année passée. C'est une bonne chose, c'est une modeste amélioration de la situation, et on souhaite que cette amélioration continue. Mais il reste à savoir pourquoi il y a 2 000 ménages de moins. Il faut, quant à nous, s'assurer que la raison pour laquelle il y a une baisse dans la clientèle, c'est grâce à la création d'emplois et à la création de la richesse et non pas dû au resserrement des critères d'admission ou d'éligibilité à l'aide sociale.

M. le Président, quel est le sort que le gouvernement actuel a réservé aux bénéficiaires de l'aide sociale depuis son arrivée au pouvoir? Ça vaut la peine de faire un petit rappel historique et de penser pour quelques instants simplement au sort que réserve le gouvernement actuel à 800 000 Québécois et Québécoises bénéficiaires de l'aide sociale, à l'avenir.

M. le Président, le programme du Parti québécois était clair, il parlait, entre autres, de garantir l'accès à un régime de revenu minimum. Et je cite juste une partie d'un paragraphe: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu, de façon – et ça, c'est l'important, M. le Président – à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par les éléments incitatifs et valorisants.» Ce n'est pas tout à fait ça qui est inclus dans la réforme proposée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Ça continue, M. le Président: «Nous réviserons le régime d'aide sociale – ça, c'est le programme du Parti québécois – dans la perspective d'un revenu minimum garanti. Les dispositions seront les suivantes – et j'en cite juste une, M. le Président – le barème actuel sera maintenu et indexé en fonction de l'indice du coût de la vie.» Ça, c'était l'engagement, la promesse du Parti québécois. Semble-t-il, il y en quelques-uns qui l'ont cru.

Mais, dans la plate-forme électorale... Parce que j'ai déjà entendu des députés ministériels qui ont dit: Bien, ce n'est que notre programme, c'est un objectif large, dans son sens large, ce n'étaient pas des engagements électoraux. Mais j'ai également une copie des engagements électoraux du Parti québécois, qui parlent de deux choses très précises à l'égard des personnes assistées sociales.

On indique, à la page 54, que le gouvernement entend abolir graduellement la pénalité de 104 $ par mois sur les prestations d'aide sociale pour les bénéficiaires qui en subissent un préjudice sérieux. Ça, c'est le fameux partage du logement, la coupure du partage du logement, contre laquelle les députés maintenant ministériels, alors dans l'opposition, se sont insurgés quand on était au pouvoir. Ils ont déchiré leur chemise collectivement contre cette coupure de partage du logement. Ils ont promis, dans leur plate-forme électorale, de l'abolir prioritairement aux familles monoparentales.

Mais là on est presque trois ans plus tard: aucune action à cet égard, une vague promesse de la ministre responsable de travailler dessus, de tenter de convaincre ses collègues au Conseil des ministres et ses collègues ministériels de procéder à respecter cet engagement. On attend toujours, M. le Président, les bénéficiaires de l'aide sociale attendent toujours.

Une autre phrase, M. le Président, un engagement électoral, à la page 56: «Aussi, une mesure adoptée par le gouvernement libéral frappe de façon particulièrement odieuse les aînés. Les aînés de 60 ans et plus bénéficiaires de l'aide sociale sont dorénavant forcés de retirer prématurément leur rente versée en vertu du Régime de rentes du Québec. Cette rente anticipée a pour effet de les pénaliser, après qu'ils aient atteint l'âge de 65 ans, la vie durant. Entre autres, un gouvernement du Parti québécois entend redonner aux aînés le plein accès à la prestation d'aide sociale entre 60 et 65 ans.»

Ce n'est manifestement pas le cas, un engagement du Parti québécois pas respecté à l'égard des prestataires d'aide sociale, parce que le gouvernement a maintenu jusqu'à date et continue, dans la réforme proposée, de maintenir l'obligation pour une personne âgée entre 60 et 65 ans de prendre une retraite prématurée du Régime de rentes du Québec avant qu'elle puisse avoir le bénéfice de l'aide sociale.

M. le Président, ça, c'étaient les engagements non respectés du gouvernement actuel, le Parti québécois. Qu'est-ce qui est arrivé depuis leur élection, M. le Président? Ça vaut la peine de faire quelques rappels de faits.

Le projet de loi n° 115, proposé par maintenant la députée de Chicoutimi, alors ministre de la Sécurité du revenu, dont l'effet était de couper 145 000 000 $ des prestations. Les crédits du gouvernement 1996-1997, une autre compression de 80 000 000 $. Les crédits de cette année, M. le Président, on vient tout juste de les adopter, avec le Parti libéral, l'opposition officielle, votant contre, compression totale de 188 500 000 $, si on inclut le facteur de croissance, dont 56 200 000 $ directement des poches des bénéficiaires d'aide sociale. L'effet de l'assurance-médicaments, le beau régime d'assurance-médicaments que vante le ministre de la Santé. Mais la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sait fort bien que, parmi les gens prestataires d'aide sociale, ça va coûter 37 000 000 $ de plus que le régime avant le régime d'assurance-médicaments, 37 000 000 $ de plus dans les poches des plus démunis au Québec.

M. le Président, qu'est-ce que ça veut dire dans la vraie vie d'un prestataire? Le projet de loi n° 115 a aboli le barème de disponibilité, 50 $ par mois. Le projet de loi n° 115 a coupé dans le barème de participant, de 150 $ à 120 $, coupure de 30 $ par mois. Et on ajoute la franchise et coassurance, 200 $ par année pour les prestataires de l'aide sociale, dans le régime d'assurance-médicaments. Et tout ça en dépit du fait que, lors de son discours d'assermentation, le premier ministre du Québec avait dit, et je le cite: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri. Ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.» Mais c'est exactement ça qui arrive, M. le Président. Ce gouvernement appauvrit davantage les Québécois. Les faits sont là, ils sont réels.

Et ça continue même après l'arrivée du premier ministre du Québec. Même après sa déclaration solennelle qu'on ne veut pas appauvrir les Québécois et Québécoises, il y a élimination du crédit d'impôt foncier pour les prestataires, une coupure entre 10 $ et 13 $ par mois pour un bénéficiaire d'aide sociale. Ça ne paraît peut-être pas comme grand-chose pour vous et moi, M. le Président, mais vous savez que, quand on vit avec 500 $ par mois, une personne seule, pour rejoindre les deux bouts, ce n'est pas facile. On coupe 10 $ de plus, ça rend donc plus difficile la tâche. Une mesure qui s'en vient le 1er septembre, l'abolition du barème de non-disponibilité pour les chefs de famille monoparentale avec enfant de cinq ans.

M. le Président, quel est l'avenir, quel est le sort que réserve le gouvernement actuel à l'avenir pour des prestataires d'aide sociale? La réforme de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité contient plusieurs mesures appauvrissantes. Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président. Entre autres, la Coalition nationale sur l'aide sociale a émis un communiqué de presse hier, et j'en cite une partie: «Aujourd'hui – hier – débute la Semaine nationale des personnes assistées sociales au Québec. Dans le contexte de la réforme de la sécurité du revenu, plusieurs groupes de défense des droits des personnes assistées sociales membres de la Coalition nationale sur l'aide sociale profiteront de cette semaine pour manifester contre les mesures appauvrissantes contenues dans le livre vert de la ministre Louise Harel.» «Des mesures appauvrissantes», M. le Président!

(16 h 10)

M. le Président, le Québec est maintenant, pour la troisième année de suite, les années 1993, 1994 et 1995, ex aequo avec une autre province pour un taux de pauvreté de 20,6 %. Un Québécois sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Nous sommes ex aequo avec devinez laquelle des provinces, M. le Président? Terre-Neuve. Et, d'ailleurs, juste aujourd'hui même est rendue publique une étude, une vaste étude sur la pauvreté au Québec. J'ai une dépêche de La Presse canadienne qui indique, je la cite: «La pauvreté est un des fléaux sociaux les plus tenaces et les plus inquiétants des années quatre-vingt-dix, estime un document du ministère québécois de la Sécurité du revenu. Dans une étude qui vient d'être rendue publique, le ministère compile des données traumatisantes sur la situation de la pauvreté au Québec. Le tiers des ménages pauvres au Canada se retrouvent au Québec, bien que cette province ne constitue que 24 % de la population canadienne.» Des données traumatisantes de pauvreté.

Quelle est la réaction de ce gouvernement face à sa propre étude du ministère de la Sécurité du revenu? Quelle est la réaction du gouvernement? C'est d'ajouter à la pauvreté, M. le Président. Imaginez-vous! Pas de la contrer, mais d'ajouter des mesures appauvrissantes, une après l'autre, depuis l'arrivée au pouvoir et depuis spécifiquement le 1er avril de cette année. Tout le monde le constate. Veux veux pas, les faits sont là. Les bénéficiaires le constatent, les groupes de défense des personnes assistées sociales le constatent.

Qu'est-ce qui explique ces gestes d'un parti et d'un gouvernement dit social-démocrate? M. le Président, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité nous dit souvent: C'est la faute des autres. On est dans cette situation à cause de la faute des autres, faute de l'ancien régime libéral, faute du fédéral qui coupe dans les transferts. Par habitant, le Québec continue de recevoir plus que la moyenne canadienne en transferts du fédéral, incluant la péréquation. La moyenne canadienne de transferts est de 1 100 $ par habitant; le Québec reçoit 1 300 $ par habitant, si on inclut la péréquation.

M. le Président, la problématique est là. Elle vient, quant à nous, d'un manque de politique de création d'emplois. C'est la création d'emplois qui va augmenter le niveau de vie des Québécois et Québécoises. C'est la création d'emplois qui fera en sorte que les bénéficiaires d'aide sociale puissent quitter, sortir de l'aide sociale pour avoir un emploi. C'est ça qu'ils veulent. La création de la richesse devrait être l'objectif de ce gouvernement. Malheureusement, les gestes du gouvernement sont clairs: on ne fait pas de création de richesse pour le mieux-être de tout le monde, on fait de la redistribution de la pauvreté, au Québec, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois.

M. le Président, nous allons tenter d'appuyer la Coalition nationale sur l'aide sociale dans les diverses actions qu'elle va entreprendre afin de donner une voix aux gens qui en ont besoin, afin de défendre les intérêts des personnes les plus démunies au Québec contre les gestes injustes et inéquitables de ce gouvernement. Merci.

Le Président: Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je souhaiterais que vous m'indiquiez le temps qui a été imparti au député de Notre-Dame-de-Grâce pour que je puisse, à mon tour aussi, intervenir avec la même durée.

Le Président: Écoutez, le député de Notre-Dame-de-Grâce et vous-mêmes, vous aviez et vous avez chacun le droit à une heure. Je crois que le... Évidemment, le député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas pris ce temps. Je pourrai vérifier le temps qu'il a utilisé, mais vous avez droit, vous, à une heure, si vous le voulez bien.

Mme Harel: Alors, je vous remercie, M. le Président. Je vais d'abord rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce ainsi qu'aux membres de cette Assemblée que l'étude que le député de Notre-Dame-de-Grâce vient de citer comme étant une vaste étude nouvelle annoncée par La Presse canadienne , a-t-il dit aujourd'hui, sur la pauvreté, je la lui ai transmise mardi passé, il y a une semaine de ça, en commission parlementaire, lorsque nous étudiions les crédits. Et qu'est-ce que cette étude dit? Bien, elle est accablante pour les années où l'opposition était au gouvernement. Cette étude se termine en 1994. Alors, venir, comme le prétend le député de Notre-Dame-de-Grâce, se servir des chiffres de cette étude-là pour essayer de les ajuster à l'actualité en sachant pourtant que l'étude porte sur un segment des années 1973 à 1994, alors que le gouvernement est élu à la fin de l'année 1994, je le lui ai déjà dit et je le lui répète ici, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous vous tirez une balle dans le pied.

M. le Président, il y a aussi un autre élément que je voudrais relever, qui m'apparaît extrêmement important, parce qu'il y avait une sorte de délectation de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce, là, à nous citer des chiffres comme si la pauvreté était une situation nouvelle, inopinée, qui venait d'arriver. Je dois vous dire que la pauvreté, quelles qu'en soient ses manifestations, est toujours certainement à combattre, n'est-ce pas, mais en même temps puis-je rappeler que, contrairement à ce qu'a prétendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, il n'y a pas plus de personnes pauvres dans notre société. Heureusement, il y en a moins, et les chiffres en font foi.

Ce sont des chiffres publiés par Statistique Canada, et ces chiffres nous démontrent, au fil des 20 dernières années, que le taux de pauvreté, notamment des personnes seules, en 1975 était de 55 %; en 1981, a baissé à 50 %; et en 1994, a baissé à 45 %. C'est beaucoup trop, mais, en même temps, ce n'est pas vrai que c'est plus qu'avant. Au contraire, comme société, il faut le constater, le taux de pauvreté est en diminution dans notre société.

Et c'est d'autant plus important que les études citées par le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je le lui ai dit pourtant en commission parlementaire... Alors, ou c'est par cynisme qu'il répète ça aujourd'hui ou c'est parce qu'il n'a pas compris, mais les études qu'il cite sont des études de seuils de pauvreté calculés avant l'impôt, et la différence, elle est considérable, parce qu'il y a une redistribution qui est effectuée par la fiscalité, au Québec, qui est beaucoup plus généreuse que dans les autres provinces.

Si on utilise le seuil de faibles revenus après impôt plutôt qu'avant impôt, comme le fait le député de Notre-Dame-de-Grâce, alors le pourcentage des ménages pauvres diminue de 5 points. Alors, c'est bien évident qu'on ne se retrouve pas du tout à la hauteur de ce que nous a comparé le député de Notre-Dame-de-Grâce, avec Terre-Neuve, parce qu'il y en a une, redistribution de la richesse au Québec, grâce à la fiscalité, et cette redistribution de la richesse, elle s'est trouvée encore plus améliorée avec le budget du ministre des Finances cette année, compte tenu que ce budget va permettre à 200 000 ménages dorénavant de ne plus avoir à payer d'impôt, compte tenu également que ce budget prévoit que tous les ménages qui ont des revenus de moins de 100 000 $ vont dorénavant avoir un plein remboursement de la taxe de vente et compte tenu que le crédit d'impôt pour la taxe de vente, ce crédit d'impôt qui va permettre d'exempter des familles de la hausse de la taxe de vente et de la taxe de vente elle-même, va passer de 215 000 000 $ à 500 000 000 $.

Alors, quand on calcule les seuils de faibles revenus avant impôt, on voit bien qu'on détourne la réalité, et je l'ai pourtant bien expliqué au député de Notre-Dame-de-Grâce en commission parlementaire. Oui, c'est la fiscalité qui vient en partie seulement. Faut-il faire plus? J'aimerais entendre l'opposition sur ce qu'on devrait faire plus, s'il recommande qu'on fasse plus. Mais c'est la fiscalité qui vient en partie, dans la société québécoise, effectuer cette redistribution que les revenus comme tels, les revenus d'emploi, ne font plus.

(16 h 20)

Mais, en parlant de revenus d'emploi, puis-je rappeler que depuis 1994 le gouvernement a haussé de 14 % le salaire minimum? Trois hausses successives: octobre 1994, octobre 1995 et octobre 1996, où on a assisté à une augmentation de 0,70 $. Le salaire minimum est passé de 6,00 $ à 6,70 $. Puis-je rappeler également que, quand on veut lutter efficacement contre la pauvreté, le moyen, la condition la plus déterminante, dans la période que nous traversons, c'est la scolarisation. Les chiffres sont extrêmement éloquents à ce sujet.

Le taux de pauvreté est de 68 % chez ceux et celles qui ont huit années et moins de scolarité. Ce taux de pauvreté diminue à 50 % chez ceux et celles qui ont complété leurs études secondaires et baisse à 37 % chez ceux et celles qui ont fait des études post-secondaires. Puis je dois rappeler que le seuil de pauvreté, il faut comprendre que ce n'est pas l'équivalent de l'aide sociale, c'est des seuils de faibles revenus avant impôt établis par Statistique Canada et qui ne partent pas des besoins essentiels des ménages, mais qui partent des dépenses moyennes effectuées par les ménages.

Alors, à partir de là, il faut comprendre que la clé du succès dans la lutte contre la pauvreté, oui, c'est la scolarisation. Pensez que, sur les 48 000 jeunes de 18-24 ans qui sont sur l'aide sociale, qui n'étudient pas, ne travaillent pas, n'ont pas d'enfant et de handicap, 70 % ont été des décrocheurs scolaires. C'est l'héritage que vous nous avez laissé: une génération de décrocheurs scolaires. Et, maintenant, Mme la ministre de l'Éducation et moi-même, nous nous employons, grâce à un renouveau autant en enseignement professionnel, du côté de l'éducation, qu'en formation de la main-d'oeuvre, avec le nouveau régime d'apprentissage à l'Emploi et à la Solidarité... Oui, oui, nous avons commencé à corriger une situation qui est d'autant plus déplorable que nous la comparons aux pays industrialisés avec lesquels, pourtant, nous entrons en concurrence.

Pensez que, l'an dernier, la moyenne des jeunes qui sont sortis avec un diplôme de métier soit par l'enseignement professionnel ou par l'apprentissage, en Allemagne, a été de 68 %. La moyenne dans les pays industrialisés a varié entre 40 % et 60 %, et au Québec on en était, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, à 2,5 %! Avez-vous idée du rattrapage, du virage qu'il a fallu faire rapidement pour corriger cette situation?

Et puis, aussi, permettez-moi de rappeler que les critiques du député de Notre-Dame-de-Grâce manquent de crédibilité, compte tenu du silence coupable à l'égard des coupures fédérales en matière d'aide sociale. Là, vraiment, il y a un bout à tout, parce que, là, ne pas tenir compte que, depuis deux ans, les coupures fédérales à l'éducation, la santé et l'aide sociale auront totalisé 2 200 000 000 $, que la moitié, 50 %, auront été des coupures à l'aide sociale... 1 100 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux au Québec juste en matière d'aide sociale, vous avez idée de ce que ça peut représenter?

Là, le député s'afflige de la situation des personnes à l'aide sociale. Moi, M. le Président, je dis que c'est du cynisme, d'une certaine façon, si, en même temps, de la même voix, il ne condamne pas les coupures fédérales à l'aide sociale. Et qu'il ne vienne pas me dire que le premier ministre canadien va mieux faire l'an prochain. Il fallait beaucoup d'opportunisme de la part du premier ministre canadien pour nous annoncer que, l'an prochain, il coupera moins. Le moins, pour l'an prochain, c'est 1 500 000 000 $ de coupures. Alors, vous vous rendez compte qu'on est dans une situation où, à l'aide sociale, en plus des coupures fédérales, qui ont totalisé 1 100 000 000 $, en plus des coupures à l'éducation et à la santé, qui ont totalisé le même montant, pour un total de 2 200 000 000 $, en plus de ça, qu'est-ce qu'on retrouve comme réalité depuis deux ans? Des resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi qui font que les chômeurs ne sont plus à l'assurance-chômage ou à l'assurance-emploi comme avant. Les chômeurs, de plus en plus – oui, c'est vrai, M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce avait raison – sont à l'aide sociale plus qu'avant. Pourquoi? Parce que, même s'ils ont été cotisants de l'assurance-emploi, ils ne peuvent plus en bénéficier, ils ne peuvent plus en profiter.

Les resserrements sont tels que des travailleurs, travailleuses qui cotisent à l'assurance-emploi et qui, en 1989, pouvaient à 100 % bénéficier de prestations au Québec, cette année, moins de la moitié vont pouvoir en bénéficier, moins de la moitié! C'est-à-dire que des travailleurs cotisent et, ensuite, M. le Président, si, pour des raisons de cessation d'emploi, de mise à pied, de travaux saisonniers, si, à la suite, donc, de tout cela, ils ont à utiliser pourtant cette assurance – ils ont contribué à cette assurance – eh bien, pour la moitié d'entre eux, pour 50 % d'entre eux, les resserrements ont été tellement sévères qu'ils n'y ont plus droit. Alors, on les retrouve à l'aide sociale. Là, le député de Notre-Dame-de-Grâce nous parle des 800 000 personnes à l'aide sociale, dont 250 000 enfants; une personne sur trois à l'aide sociale est un enfant. Là il faut comprendre que, si les chômeurs sont de plus en plus nombreux à l'aide sociale, c'est d'eux, en tant que chômeurs, dont il faut s'occuper.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce semble oublier, M. le Président, la réorganisation des services publics dans laquelle s'engage le gouvernement, réorganisation qui va permettre de simplifier les 110 mesures et programmes que j'ai retrouvés dans un immense tableau quand je suis arrivée au ministère, n'est-ce pas, programmes qui s'étaient superposés au fil des années. Alors, ça va nous permettre, cette réorganisation, de simplifier ces 110 mesures et programmes en cinq axes d'intervention: préparation à l'emploi, insertion, maintien, stabilisation, création d'emplois. Qu'est-ce que ça va nous permettre surtout, M. le Président? De cesser de considérer comme des exclus du marché du travail les chômeurs à l'aide sociale. Dorénavant, il y aura égalité de traitement. Que l'on soit chômeur à l'assurance-emploi, chômeur à l'aide sociale, chômeur sans chèque, travailleur qui veut améliorer son sort, il y aura égalité de traitement dans les ressources et les services dispensés dans les centres locaux pour l'emploi.

Alors, voilà l'essentiel de ce que je tenais à vous dire, M. le Président, à l'occasion de cette motion à l'occasion justement de la Semaine des personnes assistées sociales. Je voudrais vous rappeler que, pour la première fois dans l'ensemble de l'histoire du financement des groupes communautaires, des groupes de défense des droits, l'an dernier, le gouvernement du Québec, par le biais du Secrétariat à l'action communautaire autonome, a versé plus de 200 000 $, plus exactement 202 200 $, à des organismes exclusivement voués à la défense des droits des personnes assistées sociales. Alors, M. le Président, ces organises qui ont bénéficié d'un financement peuvent aussi compter sur mon appui, ma collaboration pour l'année qui vient, l'année qui a débuté au 1er avril, évidemment compter aussi sur un support à la fois financier et un support de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour confirmer ce financement. Il est important, le financement, M. le Président, parce que c'est évident que ce sont des personnes – la motion du député le dit, d'ailleurs – contre lesquelles s'expriment souvent des préjugés.

Je considère que les personnes assistées sociales doivent avoir des recours, qu'elles doivent pouvoir les exercer, qu'elles doivent pouvoir en être informées. C'est dans ce sens-là que s'orientera la réforme de la sécurité du revenu. En vous rappelant qu'il s'est agi d'un livre vert. Vert, ça veut dire ouvert et ça veut dire aussi ouvert au changement. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Alors, le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous passons maintenant à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

(16 h 30)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 81, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, demain, le mercredi 7 mai, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader. Pour ma part, je vous avise que la commission des finances publiques se réunira en séance de travail aujourd'hui, le mardi 6 mai 1997, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira en séance de travail, demain, le mercredi 7 mai 1997, de 9 heures à midi, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de compléter le rapport final sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise.

Je vous avise de plus que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail demain, le mercredi 7 mai 1997, de 11 h 30 à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de poursuivre les discussions sur les observations, les conclusions et les recommandations que la commission pourrait déposer à l'Assemblée à la suite des consultations particulières sur la proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, nous passons maintenant à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader...

M. Bélanger: Avant, peut-être le député de Marquette, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Aux renseignements sur les travaux de la Chambre, j'aimerais savoir de la part du gouvernement quand le gouvernement entend convoquer la commission parlementaire pour faire l'étude du projet de loi n° 109. Nous avons déposé, il y a plus d'une semaine, une liste avec les organismes que nous souhaitons qui soient entendus. Toujours pas de nouvelles de la part du gouvernement. Le temps commence à presser.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je remercie le député de Marquette pour sa question. Nous sommes toujours en pourparlers entre le cabinet du leader de l'opposition et le cabinet du leader du gouvernement pour s'entendre relativement au nombre de groupes qui pourraient être entendus. Quant à nous, nous avons fait part de notre ouverture relativement au nombre de groupes que nous voudrions qui soient entendus. Cependant, il y a aussi les exigences du calendrier du Parlement et du menu législatif, M. le Président.

Maintenant, ce qui va être fait. Après les affaires courantes, M. le Président, nous allons commencer le débat sur l'adoption du principe du projet de loi, mais jusqu'à 18 heures. Peut-être que, dans le courant de l'après-midi, nous pourrons en arriver à une entente, M. le Président, qui sait. Mais quelque chose est certain, M. le Président, nous ne commencerons pas l'étude article par article du projet de loi avant que ne soient entendus les groupes lors d'une commission parlementaire. Ceci, cet engagement-là qui a été fait, nous le respecterons et nous le maintenons. Mais cependant, M. le Président, nous continuons toujours les pourparlers, et je pense que le leader de l'opposition pourrait peut-être nous faire part là-dessus.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, pour rappeler au leader du gouvernement que le projet de loi comme tel comprend plusieurs principes, et le but de la question du député, c'est qu'avant de se prononcer comme tel sur le principe, si tout est clair, si tout est limpide, si tout est facile à comprendre, pourquoi ne pas entendre les différents groupes d'intervenants qui ont divers points de vue à faire valoir? Sinon, M. le Président, nous serons placés dans une position, sur le plan de la procédure parlementaire, où le débat pourrait, au lieu de nous éclairer, s'enliser, et je sais que personne ne le souhaite ici, en cette Chambre, compte tenu qu'il s'agit d'un projet majeur pour la société québécoise et son avenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je crois que nous convenons tous de l'importance du débat et de l'importance du projet de loi. Je tiens à rassurer le leader de l'opposition, je ne crois pas qu'il y ait de vote sur l'adoption du principe du projet de loi avant 18 heures. Il va y avoir l'intervention de Mme la ministre de l'Éducation, l'intervention du porte-parole de l'opposition, le député de Marquette. Alors, je suis certain que d'ici 18 heures, M. le Président, les députés n'auront pas à se prononcer sur un vote là-dessus. Et la nuit porte conseil et la soirée aussi. Alors, je suis certain que l'équipe du leader, avec son leader adjoint, ils pourront à ce moment-là, M. le Président, nous parler, et nous pourrons, j'en suis certain, nous entendre quant aux groupes qui pourront être entendus.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, messieurs. Nous considérons donc qu'il y a un cheminement qui va s'opérer.

Je vous informe également que demain...

M. Bélanger: Oui... Non, ça va. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous désirez poser votre question de règlement immédiatement ou si vous préférez que je termine la rubrique?

M. Bélanger: Terminez la rubrique, M. le Président, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous informe également que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le leader de l'opposition officielle. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce aux coupures annoncées dans le secteur de la santé.»

Alors, ayant terminé cette rubrique, M. le leader du gouvernement.


Demande de directive


Validité de la lettre de démission du député de Bourassa


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Avant de passer aux affaires du jour, je ne sais pas si c'est une question de directive ou une question de règlement, ce sera à vous de pouvoir, à ce moment-là, en délibérer. J'aurais préféré évidemment faire cette question devant le président. Non pas que je ne respecte pas votre autorité, bien au contraire – vous avez les mêmes pouvoirs quand vous siégez que le président – mais c'est cependant suite à une décision qui a été rendue avant la période des questions par le président de l'Assemblée nationale.

J'ai demandé, pendant la période des questions, une copie du fac-similé envoyé par le député de Bourassa relativement à sa démission comme député à cette Assemblée nationale. Vous comprendrez, M. le Président, que je voudrais tout de suite en partant bien être clair. Je ne veux pas empêcher le député de Bourassa de démissionner. Bien au contraire. Je veux que cette démission soit bien faite et qu'elle ne soit pas contestable. Alors, tel est le but de mon intervention. Je ne voudrais pas qu'on revienne en arrière et qu'il y ait contestation de la démission du député de Bourassa, moi-même ayant réclamé jeudi que cette démission se fasse.

En vertu de l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale, non pas du règlement, en cette Chambre, nous pouvons convenir entre leaders, M. le Président, d'ententes et faire en sorte que le règlement soit contourné, d'un commun accord des membres de l'Assemblée nationale. Mais la Loi sur l'Assemblée nationale, la présidence se doit de la respecter, les leaders se doivent de la respecter, tous les membres de l'Assemblée se doivent de la respecter.

L'article 16 de la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit: «Il peut également – en parlant d'un député – démissionner par un écrit contresigné par deux autres députés et adressé au président ou au secrétaire général de l'Assemblée.» J'ai demandé, donc, au secrétaire général de me transmettre une copie du fax pour pouvoir voir au moins s'il y avait deux signatures, comme le prévoit l'article 16 de notre loi, et non pas de notre règlement, de notre loi. On m'a dit non. Je ne peux pas, elle n'a pas été déposée. Alors, moi, je me pose la question: Y a-t-il eu démission? Je dois déplorer la réponse qui m'a été faite par le président à l'effet qu'en vertu de notre Code civil les fac-similés étaient permis en cette Chambre.

Premièrement, ce n'est pas en vertu du Code civil, mais c'est du Code de procédure civile. Si je reçois des avis juridiques, je m'attends, à ce moment-là, au moins qu'on respecte le bon livre. C'est l'article 82.1 du Code de procédure civile qui permet des fac-similés dans le cas de significations de procédures et non pas pour remplacer un original.

Pourquoi, en vertu de l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale, on exige que deux députés doivent signer la lettre? Pour vérifier que la signature du député est bien la bonne, sinon ce serait facile, pour quelqu'un qui penserait mal, d'envoyer une fausse lettre pour dire tout simplement, sous la signature du député: Je désire démissionner. À ce moment-là, on n'a aucune preuve et on pourrait commettre l'irréparable et faire en sorte qu'il y ait une démission alors que ce n'est pas le souhait du député. C'est pour ça qu'on demande à deux députés de contresigner en vertu de l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Alors, M. le Président...

Une voix: Article 16.

M. Bélanger: Article 16, pardon. Vous avez raison. Donc, M. le Président, la question que je soulevais avant la période de questions en est une qui est sérieuse, et je m'attends à une réponse détaillée, à une réponse le moindrement étoffée de la part de la présidence de l'Assemblée nationale, qui se doit de respecter la Loi sur l'Assemblée nationale. Et je me dois, comme député, le leader de l'opposition se doit, comme député, de respecter la Loi sur l'Assemblée nationale. Je ne crois pas qu'on puisse, d'une façon cavalière, rejeter une question de règlement qui est sur ce point précis. C'est la Loi sur l'Assemblée nationale qui est en question. Je me dois, comme député, de constater que je ne suis même pas capable de vérifier s'il y a eu deux signatures, si vraiment il y a eu un écrit même ou une copie d'écrit qui a été envoyé à l'Assemblée nationale, on me refuse copie de cet écrit.

(16 h 40)

Je m'inquiète, oui, je m'inquiète et j'espère, dans la sagesse qui vous caractérise et que je respecte, que vous saurez m'éclairer sur cette question, je crois, qui est sérieuse et que je vous ai soulevée.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je suis un petit peu mal à l'aise de me lever sur cette question, les dispositions de l'article 41 de notre règlement étant tellement claires et tellement limpides: «Le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision. Il peut aussi choisir de soumettre la question à l'Assemblée. La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée.»

J'ai comme l'impression qu'on est en train de discuter une décision du président de l'Assemblée. Je ne nie pas l'importance du sujet comme telle, mais l'article 2 du règlement prévaut dans ces circonstances. C'est la présidence, en vertu des pouvoirs qui sont contenus au règlement de l'Assemblée nationale, qui doit se déclarer satisfaite ou pas. Moi, je conviens que mon bon ami le leader d'en face n'a pas eu la possibilité, lui, de voir, mais, moi, je prends pour acquis que la présidence a vu, que la présidence a vérifié et que la présidence a statué.

Ceci étant dit, je pourrais référer aux usages connus, simplement, «par télécopieur», ce que ça veut dire dans Le Petit Larousse . Je n'ai pas l'intention de le déposer, la décision étant déjà rendue. Mais vous pourriez vous inspirer également du projet de loi n° 7 – vous l'avez sans doute fait – Loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives, quant aux façons de faire les choses.

Et, en écoutant le leader du gouvernement, il m'est revenu un souvenir où la présidence – je pense que c'était Richard Guay qui occupait votre fauteuil, à l'époque – avait accepté deux remises en jeu de sièges de député par simples télégrammes. Les députés se trouvant à l'extérieur du pays avaient choisi de mettre leur siège en jeu et ils l'ont fait par télégrammes. De mémoire – et la présidence pourra vérifier – il s'agissait d'un de vos prédécesseurs, Jean-Pierre Saintonge, alors qu'il siégeait comme député de La Prairie à l'époque, et de Michel Pagé, qui siégeait comme député de Portneuf. Si à ce moment-là la présidence de l'époque avait déjà rendu une décision, celle qui a été rendue aujourd'hui par la présidence s'inspirait dans le même sens et la même continuité.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui. M. le Président, brièvement, uniquement sur la question du télégramme, le récépissé du télégramme que nous recevons, quand il y a un télégramme qui est envoyé, constitue l'original de la transmission. Alors, à ce moment-là on peut comprendre la sagesse du président de l'époque, Richard Guay, d'avoir accepté un tel procédé, puisque l'original d'un télégramme, ce n'est pas une télécopie. J'espère qu'il n'y a pas de confusion de la part du leader de l'opposition entre «télécopie» et «télégramme». Je ne pense pas, d'ailleurs. Il me fait signe que non. Puis je crois qu'il connaît bien les distinctions.

Mais «télégramme» et «télécopie» ne sont pas la seule chose. Quant à moi, M. le Président, ce n'est pas, là, de remettre en question la décision du président de l'Assemblée nationale, qui, je comprends, va rester, va demeurer. Moi, là, il n'y a pas de problème là-dessus, je ne remets pas en question cette décision. Je veux seulement m'assurer que, dans une procédure aussi importante, qui est celle de la démission d'un député de l'Assemblée nationale, ça ne soit pas uniquement comme ça, là, qu'on dise: C'est comme ça, puis c'est bon, mais qu'on soit en mesure de nous assurer et de justifier...

Moi, c'est ça, dans le fond, que je demande, M. le Président. Pas de renverser la décision, au contraire. Je vous le dis, quant à moi, la démission du député de Bourassa, je la souhaitais jeudi dernier, pas aujourd'hui. On ne veut pas qu'il revienne. Mais ce n'est pas ça, la question. Ce n'est pas ça qu'on veut. On veut juste s'assurer que ce soit fait selon la Loi sur l'Assemblée nationale, et c'est le but de mon propos. À ce moment-là, je comprends que, suite aux éclaircissements qu'il y aura, bien, il n'y a pas de problème, je me plierai d'avance à la décision qui sera rendue, car j'ai toujours respecté l'autorité de la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Si je peux offrir... Plutôt que de s'enfarger dans la procédure, pour ne pas mentionner la procédurite, moi, je peux m'engager de bonne foi à ce que l'original parvienne à la présidence. Comme ça, vous aurez à la fois le message télécopié et l'original, et ça ne laissera place à aucune interprétation ou intention ou aucun doute. Et, pour avoir parlé au démissionnaire personnellement, je vous assure qu'il a voulu démissionner.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je pense qu'à ce stade-ci la présidence est très heureuse de voir la complicité qui s'établit avec les leaders à la fois du gouvernement et de l'opposition. Je prends pour acquis que nous allons recevoir l'original aujourd'hui ou incessamment. Disons que demain serait une journée très favorable. Et vous permettez que je prenne le tout en délibéré. Et la présidence, lors des affaires courantes de demain, vous donnera effectivement beaucoup plus d'éclaircissements concernant l'article 16 de la Loi sur l'Assemblée nationale et son application concernant le dossier du député de Bourassa. Ceci met fin maintenant aux affaires courantes.

M. Jolivet: De l'ex-député.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez parfaitement raison, M. le whip du gouvernement, concernant l'ex-député du comté de Bourassa, suite à la décision de notre président cet après-midi.

Alors, nous avons terminé les affaires courantes.


Affaires du jour

Nous passons donc aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 13 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 13 de notre feuilleton.

M. Bélanger: Notre feuilleton, oui.


Projet de loi n° 109


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous comprends, à force de jouer avec le règlement. À l'article 13 de notre feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation et députée de Taillon propose l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Bien sûr, M. le Président, qu'il y a une intervention. Alors, le printemps dernier, le gouvernement avait signifié son intention de procéder à la mise en place de commissions scolaires linguistiques, et ce, dès le 1er juillet 1998. Un plan d'action gouvernemental avait alors été déposé à cette fin. Ce plan, on le rappellera, avait suscité un certain nombre de réactions.

Aussi, désireux de respecter les réserves des différents partenaires de l'éducation, le gouvernement avait décidé d'interrompre momentanément la démarche amorcée et avait convenu de poursuivre sa réflexion. Et c'est dans ce contexte que j'avais alors demandé à la Commission des états généraux sur l'éducation d'approfondir la question.

Alors, l'automne dernier, au terme de leurs travaux, les commissaires, majoritairement, formulaient notamment les recommandations suivantes: transformer les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques; entreprendre les démarches pour l'abrogation de l'article 93 de la Constitution canadienne en vue de l'abolition des structures et des mécanismes actuels en matière de confessionnalité du système scolaire. Ces recommandations venaient alors enrichir le débat et s'inscrivaient dans la même ligne de pensée que la réflexion gouvernementale.

Le 15 avril dernier, l'Assemblée nationale votait à l'unanimité la résolution visant à soustraire le Québec à l'application des paragraphes 1 à 4 de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous avons alors immédiatement transmis cette résolution au gouvernement fédéral afin qu'il adopte sans tarder la résolution de modification constitutionnelle requise.

Le 22 avril, le ministre des Affaires intergouvernementales, M. Stéphane Dion, au nom du gouvernement du Canada, déposait une résolution de modification constitutionnelle à la Chambre des communes, à Ottawa, pour donner suite à la démarche du Québec. Dans son discours, M. Dion a été clair: il y a nécessité et urgence d'agir. Il déclarait alors, et je le cite, que «le gouvernement du Canada croit que l'amendement constitutionnel proposé est une bonne chose, car ses retombées seront bonnes pour la société québécoise, y compris ses deux composantes linguistiques». Fin de la citation.

M. le Président, il est heureux que M. Dion partage notre compréhension de la portée des droits confessionnels et des droits linguistiques au Québec.

(16 h 50)

Vous allez me permettre de citer d'ailleurs plus amplement ses propos parce que je pense que cela est éclairant. Je cite à nouveau M. Dion: «L'article 23 de la Charte offre de fortes garanties constitutionnelles à la minorité linguistique. L'article 93 ne garantit que l'existence de structures de gestion confessionnelles à Montréal et à Québec et le droit à la dissidence dans le reste de la province, mais ne protège pas les droits linguistiques. Qui plus est, le contrôle et la gestion des structures scolaires linguistiques sont, en fait, garanties par la jurisprudence découlant de l'article 23 de la Charte et non de l'article 93.» Fin de la citation.

Quant à l'urgence d'agir, elle me paraît sans équivoque, M. le Président. Et M. Dion disait lui-même, et je cite: «Le gouvernement croit que cet amendement doit se faire rapidement.» Fin de la citation. Il est malheureux, M. le Président, que le gouvernement fédéral n'ait pas effectivement donné suite rapidement à la volonté unanimement exprimée par notre Assemblée nationale, car, pour nous, la mise en place des commissions scolaires linguistiques dès le 1er juillet 1998 nous oblige à légiférer dès maintenant. Nous devons le faire en tenant compte des contraintes que nous imposent la Constitution de 1867, puisqu'elle n'est pas amendée ou modifiée.

Le projet de loi dont nous entreprenons aujourd'hui l'étude respecte en tous points les droits linguistiques de la communauté québécoise d'expression anglaise ainsi que l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le maintien de structures confessionnelles rend cependant – et je ne le répéterai jamais assez, M. le Président – inutilement complexe toute l'opération de mise en place des commissions scolaires linguistiques.

Nous avons donc prévu un régime provisoire de commissions scolaires confessionnelles et de commissions scolaires dissidentes. En effet, pour éviter que les parents et les élèves qui résident à Montréal et à Québec soient contraints de faire un choix d'école dans un contexte de superposition de structures scolaires, l'une linguistique et l'autre confessionnelle, nous proposons d'instaurer un régime particulier qui soit provisoire pour ces deux villes, M. le Président. Ailleurs au Québec, et ce, de façon provisoire également, nous avons maintenu la possibilité d'instituer des commissions scolaires dissidentes.

Si, comme l'Assemblée nationale le souhaite, le gouvernement fédéral acceptait de soustraire le Québec aux dispositions des paragraphes 1 à 4 de l'article 93 de la Loi constitutionnelle, et ce, avant le 1er janvier 1998 – et j'espère fermement que ce sera le cas, je souhaite que ce sera le cas – les commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec cesseraient automatiquement d'exister dès le 30 juin 1998, de telle sorte qu'un seul régime scolaire s'appliquerait à tout le Québec, et ce, dès l'année scolaire 1998-1999.

Si – et ce serait regrettable, M. le Président – la proclamation devait tarder au-delà du 1er janvier 1998, le projet de loi prévoit que les commissions scolaires confessionnelles et dissidentes cesseront d'exister le 30 juin de l'année qui suivra cette proclamation. En clair, M. le Président, comme il faut au moins six mois pour assurer la transition entre les deux régimes, si la proclamation devait tarder, ne serait-ce que d'un mois, les commissions scolaires confessionnelles et dissidentes devraient être maintenues pour une année supplémentaire. Ce n'est pas souhaitable, M. le Président.

Durant ce régime provisoire, si les commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec sont maintenues, leurs territoires sont cependant modifiés pour correspondre à celui de la ville de Montréal ou à celui de la ville de Québec. Je reconnais que les territoires de ces commissions scolaires confessionnelles constitueront une sorte d'enclave à l'intérieur des territoires des commissions scolaires linguistiques. Toutefois, dans le but de perturber le moins possible les milieux scolaires, le projet de loi fait en sorte que les commissions scolaires linguistiques dont le territoire couvrira à terme celui de la ville de Montréal ou de la ville de Québec n'exerceront leurs compétences dans ces territoires que lorsque l'article 93 aura été modifié pour le Québec.

Les commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec continueront de donner l'enseignement en français ou en anglais. L'enseignement en anglais sera toujours réservé, bien sûr, aux élèves admissibles à un tel enseignement. La commission scolaire confessionnelle catholique continuera d'accueillir les élèves catholiques résidant sur son territoire et la commission scolaire confessionnelle protestante fera de même en ce qui concerne les élèves protestants. Les élèves qui ne seront déclarés ni catholiques ni protestants pourront cependant continuer de fréquenter les écoles de l'une ou l'autre des deux commissions scolaires confessionnelles.

Cependant, l'article 93 – et faut-il le rappeler à satiété – ne protégeant pas les droits linguistiques, nous nous devons d'assurer le respect des droits de la communauté québécoise d'expression anglaise. Et, pour ce faire, le projet de loi propose la formation de conseils linguistiques au sein des commissions scolaires confessionnelles. Il s'agit toujours, M. le Président, je le rappelle, du régime provisoire. Je dois cependant en faire état, puisque dans les faits, si cet amendement ne vient pas, nous devrons l'appliquer. Donc, des conseils linguistiques au sein de commissions scolaires confessionnelles.

Ces conseils seront composés de trois parents élus par les parents d'élèves faisant partie de la minorité linguistique de la commission scolaire. Les membres de ces conseils siégeront également comme membres du Conseil des commissaires, et ils auront à ce titre, les mêmes droits, pouvoirs et obligations que les commissaires élus au suffrage universel. Ces conseils linguistiques auront des pouvoirs suffisants pour assurer la gestion et le contrôle des écoles de leur minorité. À titre d'exemple, ils devront être consultés lorsque la commission scolaire confessionnelle déterminera quelles écoles sont nécessaires à l'accueil des élèves. De même, ces comités veilleront à ce que la commission scolaire fasse une répartition équitable des ressources humaines, matérielles et financières dont elle dispose.

Le projet de loi maintient également temporairement le droit à la dissidence pour les minorités religieuses, qu'elles soient catholiques ou protestantes, de l'extérieur des villes de Montréal et de Québec. Ce droit pourra être exercé de façon concomitante à la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Les commissions scolaires dissidentes cesseront en effet d'exister au moment où les commissions scolaires pour catholiques et pour protestants céderont la place à des commissions scolaires linguistiques.

Par ailleurs, il ne m'apparaît pas superflu, M. le Président, d'attirer ici votre attention sur le fait que deux des cinq commissions scolaires dissidentes existantes n'offrent plus elles-mêmes, depuis quelques années, les services éducatifs à leurs élèves et que deux autres commissions scolaires protestantes accueillent beaucoup plus d'élèves de foi catholique que d'élèves de foi protestante. Si nous avions plus de temps, je pourrais vous expliquer comment il se fait que ce soit le cas, mais c'est le cas. Ça vient illustrer par contre la désuétude de ce régime, tout compte fait.

Je vous rappelle, M. le Président, que toutes les dispositions dont je viens de parler et qui concernent les commissions scolaires confessionnelles et les commissions scolaires dissidentes sont provisoirement maintenues jusqu'à ce que le gouvernement du Québec obtienne la pleine capacité de légiférer sur ces questions en matière d'éducation.

Je veux maintenant revenir cependant, M. le Président, puisqu'il s'agit d'un régime provisoire, je le redis, que je souhaite ne pas avoir l'obligation d'appliquer... Parce qu'il s'agirait pour moi d'une obligation, et je ne crois pas que ce soit souhaitable. Mais, comme nous devons cependant procéder et de façon, je dirais, le plus ordonnée possible, nous procéderons avec ce régime provisoire, si l'amendement constitutionnel n'était pas consenti. Cependant, je veux redire aux membres de cette Assemblée que je garde un espoir très grand que cela se produise et que nous ayons donc très rapidement l'amendement. J'ai compris par les propos de M. Dion qu'il était d'ailleurs bien disposé à cet égard. Nous savons que l'élection fédérale se tient actuellement, qu'elle sera terminée au début du mois de juin et que par la suite rapidement la Chambre des communes pourrait être rappelée et disposer de cette question.

Je reviens maintenant aux commissions scolaires linguistiques, c'est ce que nous permettra de faire cet amendement, entre autres. Je voudrais rappeler que l'essentiel de ce projet de loi, qui prévoit l'implantation de commissions scolaires sur une base linguistique, se situe dans la démarche globale de la réforme de l'éducation au Québec. Le 17 avril dernier, avant donc la présentation du présent projet, j'ai déposé un avant-projet de loi qui propose un nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités entre l'école, la commission scolaire et le ministère de l'Éducation. La restructuration des territoires des commissions scolaires s'inscrit, elle aussi, dans cette nouvelle façon d'orienter, de diriger et de développer l'éducation au Québec.

(17 heures)

Le projet de loi permet que les nouvelles commissions scolaires, qui seront moins nombreuses, soient déjà implantées à compter du 1er juillet 1998. En mettant en place des commissions scolaires linguistiques au Québec, nous visons des objectifs très précis, et je me permets de les répéter, M. le Président.

D'abord, nous souhaitons favoriser l'intégration des immigrants et des immigrantes à la communauté francophone. Il faut voir actuellement comment, entre autres, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, il y a un taux d'intégration, je vous dirais même d'assimilation, des nouveaux arrivants, des nouveaux Québécois à la communauté anglophone. C'est ce qui a d'ailleurs, entre autres, justifié le fait que nous décidions de choisir d'implanter une institution d'enseignement supérieur dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et qui soit francophone, soit le cégep Gérald-Godin. Mais donc, il faut bien se rendre à l'évidence que l'implantation de commissions scolaires linguistiques vise d'abord et avant tout à favoriser l'intégration des immigrants, des nouveaux Québécois à la majorité, à la communauté francophone.

Le second objectif, M. le Président, et qui a fait l'objet d'engagement à l'égard de la communauté d'expression anglaise, est que celle-ci puisse assurer la pleine gestion de ses écoles. C'est un objectif tout aussi important, M. le Président, en ce qui concerne la communauté québécoise d'expression anglaise.

Le troisième objectif de l'implantation et de la réorganisation sur une base linguistique de nos commissions scolaires, c'est de traduire dans les faits un large consensus en faveur de l'évolution de la société vers des commissions scolaires non confessionnelles.

Nous ne pourrons malheureusement peut-être pas atteindre entièrement tous ces objectifs, puisque, à Montréal, le maintien de commissions scolaires confessionnelles pourrait retarder la pleine intégration des immigrants et des immigrantes à la communauté francophone. Par contre, en restreignant le territoire des commissions scolaires confessionnelles à celui de la ville de Montréal, il sera possible d'implanter des commissions scolaires linguistiques sur le reste du territoire de l'île.

Afin que les commissions scolaires linguistiques puissent commencer leurs activités comme prévu, il faudra déterminer les territoires de ces commissions scolaires au cours du mois de juin prochain, ce pour ensuite préparer le décret qui doit être adopté au mois d'août 1997, soit très bientôt. Une large consultation a cours présentement sur la restructuration de ces territoires. Tout le processus se mettra ensuite en branle: formation des conseils provisoires, transfert du personnel, partage des écoles, établissement de la liste électorale, et j'en passe.

En vertu de ce projet de loi, les nouvelles commissions scolaires linguistiques seront soit francophones, soit anglophones. La commission scolaire francophone constituera celle à laquelle auront accès tous les élèves résidant sur son territoire, quelle que soit leur langue. Elle offrira aux jeunes tous les services en français. La commission scolaire anglophone accueillera, pour sa part, les élèves déclarés admissibles à l'enseignement en anglais en vertu de la Charte de la langue française et qui choisiront, bien sûr, de s'y inscrire. La langue d'enseignement y sera l'anglais. Quant aux adultes, toutes les commissions scolaires pourront leur offrir des services en français ou en anglais, comme c'est le cas actuellement.

M. le Président, le projet de loi contient aussi des dispositions pour encadrer l'exercice du droit de vote. Nous en avons d'ailleurs longuement parlé à la période de questions. Je me permets de refaire le point sur tout cela. Donc, encadrer l'exercice du droit de vote pour établir la liste électorale et pour déterminer à quelle commission scolaire la personne paiera ses taxes scolaires.

Donc, parlons en premier lieu de l'exercice du droit de vote. La personne qui réside sur le territoire d'une commission scolaire dans laquelle est admis son enfant votera à cette commission scolaire. Une personne qui n'a pas d'enfant admis dans une commission scolaire de son territoire de résidence votera à la commission scolaire francophone, à moins qu'elle ne choisisse de voter à la commission scolaire anglophone, selon les règles suivantes. Pourront exercer ce choix les personnes qui bénéficient au Québec d'un droit constitutionnel leur permettant de gérer leurs propres écoles. Pour ce faire, ces personnes devront simplement déclarer qu'elles satisfont – simplement déclarer, parce qu'on a voulu laisser entendre qu'on allait rendre la vie très compliquée à nos concitoyens et concitoyennes qui voudraient exercer leur droit de vote; pas du tout, ce n'est pas notre intention, M. le Président, et la loi est très claire à cet égard – à l'une ou l'autre des conditions prévues au projet de loi.

Ainsi, la personne pourra choisir de voter à la commission scolaire anglophone: si elle a reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais au Canada; si un de ses enfants a reçu la majeure partie de son enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada; si elle-même ou un de ses enfants a été déclaré admissible à l'enseignement en anglais au Québec; si elle-même ou un de ses enfants aurait pu, avant l'entrée en vigueur d'une disposition particulière prévue au présent projet de loi, être déclaré admissible à recevoir l'enseignement en anglais dans les conditions prévues par la Charte de la langue française.

Vous savez, nous sommes un des seuls endroits, finalement, où nous n'appliquons pas cette règle qui s'applique dans la majorité des autres provinces en ce qui a trait à l'accès aux services éducatifs dans la langue de la minorité en vertu de la règle du nombre, c'est-à-dire rendre des services disponibles là où le nombre le justifie. Il faudrait peut-être que l'on se rappelle qu'ici, au Québec, cet aspect ou cet élément ne s'applique pas. Un jeune qui a droit à l'école anglaise, peu importe où il demeure sur le territoire et peu importe qu'il soit isolé sur le territoire, aura accès à une formation dans sa langue, ce qui n'est pas le cas pour tous les petits francophones qui demeurent ailleurs dans le reste du Canada.

Dans cet encadrement, dans ces règles qui viennent baliser le droit de vote des Québécois de la communauté anglophone, certains nous ont reproché de vouloir définir qui appartient à la communauté anglophone; c'était l'objet de nos débats aujourd'hui. D'autres suggèrent que la seule façon respectueuse serait de laisser un libre choix de voter et, par conséquent, de gérer et de contrôler les commissions scolaires anglophones.

Il me semble nécessaire de rappeler que, depuis 1982, toutes les provinces canadiennes, lorsqu'elles légifèrent en matière d'éducation, doivent accorder le droit de gestion et de contrôle des établissements d'enseignement à leurs minorités linguistiques et qu'à cette fin elles doivent préciser à qui elles confèrent ce droit. Dans plusieurs provinces, l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan, le droit de vote à la commission scolaire de la minorité est restreint aux seuls parents d'enfants qui fréquentent l'école francophone.

Au Québec, la minorité linguistique n'est pas définie de la même façon que dans les autres provinces. Je discutais de cette question avec le chef de l'opposition il y a quelques minutes à peine. En effet, l'article 23.(1)a de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 ne s'applique pas au Québec. Ainsi, les citoyens canadiens qui ont un droit constitutionnel à recevoir l'enseignement en anglais ne comprennent pas, au Québec, tous les citoyens dont la première langue apprise et encore comprise est l'anglais. Cet aspect de l'article 23, cet alinéa de l'article 23 ne s'applique pas au Québec.

(17 h 10)

Par exemple, un Américain d'origine ou un Australien d'origine qui aurait obtenu sa citoyenneté canadienne mais qui n'aurait pas fait ses études au Canada ne serait pas inclus. Depuis 1982, aucun gouvernement du Québec, quelle que soit son allégeance politique, n'a jugé à propos de poser les gestes nécessaires pour que l'article 23.(1)a soit rendu applicable au Québec, et cela, en toute légitimité. Ce fut le cas de M. Johnson et ce fut le cas aussi de M. Parizeau et, avant lui, de M. Bourassa, avant lui, de M. Johnson et, avant lui, de M. Lévesque. Alors, c'est ça, il y a eu non pas consensus, il y a eu unanimité chez les gouvernements qui ont été interpellés par cette question et qui ont décidé, l'un après l'autre, à tour de rôle, de ne pas appliquer l'article 23.(1)a au Québec.

En effet, et cela s'explique, M. le Président. La situation précaire de la langue française à l'intérieur du continent américain fait en sorte que la politique d'intégration des immigrants et des immigrantes à la culture francophone de la majorité québécoise repose toujours notamment sur une fréquentation dès le plus jeune âge de l'école francophone. Nous croyons plus que jamais au bien-fondé de cette politique, et il n'est pas non plus de l'intention de notre gouvernement d'élargir la portée de l'article 23 au Québec.

Il nous fallait toutefois définir à quelles catégories de personnes appartient le droit de gestion et de contrôle des établissements de la communauté québécoise d'expression anglaise. Le fait de préciser les catégories de personnes qui peuvent voter à la commission scolaire anglophone plutôt que d'y laisser voter toute personne qui le souhaite vise à donner à la communauté anglophone du Québec les moyens de s'assurer qu'une personne qui ne détient pas le droit de voter et de contrôler la commission scolaire anglophone ne puisse le faire. Il ne s'agit pas d'une surprotection ou d'une protection, il s'agit tout simplement d'une reconnaissance des droits et de l'encadrement de leur exercice. C'est essentiellement de cela qu'il s'agit ici, M. le Président. Nous avons donc tenté, dans ce projet de loi, de rejoindre la communauté anglophone la plus large possible. Nous nous sommes, bien sûr, inspirés de l'esprit et des critères de la Charte de la langue française qui déterminent l'admissibilité à l'école anglophone pour rejoindre un certain nombre d'électeurs anglophones. Mais, contrairement à ce qui semble avoir été compris par quelques personnes, le projet de loi ne restreint pas, comme dans la plupart des autres provinces, le droit de vote aux seules personnes qui ont la qualité de parent. Une personne sans enfant, je le répète, qui a reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais au Canada pourra choisir de voter à la commission scolaire anglophone.

De plus, le projet de loi accorde aussi le droit de vote au parent d'un enfant qui a été déclaré admissible à recevoir l'enseignement en anglais et qui, malgré cela, a fait le choix de l'enseignement en français. Il ne perd pas son droit de vote, le conserve, et ce droit de vote lui est conservé, mais aussi est conféré à l'élève lui-même lorsqu'il sera en âge de voter. On ne peut pas parler ici de restrictions, M. le Président, cela élargit, au contraire, la portée du droit. Il est en outre prévu qu'une personne qui n'aurait pas jugé bon de se faire déclarer admissible à recevoir l'enseignement en anglais alors qu'elle aurait pu l'être puisse être admissible à voter à la commission scolaire anglophone.

J'aimerais, d'autre part, rappeler qu'on a tenté, évidemment, de toutes espèces de façons, de nous dire que l'on voulait compliquer l'exercice de ce droit de vote. C'est faux, M. le Président. Je rappelle donc que le projet de loi – je l'ai dit cet après-midi à la période de questions, je l'ai dit au début de mon intervention, je le rappelle maintenant – n'exige aucunement que des documents soient déposés au moment de l'exercice d'inscription sur la liste électorale ou au moment du vote. La technique retenue dans la loi est une simple déclaration de la personne à l'effet qu'elle détient le droit de vote. Par contre, le projet définit les conditions objectives et factuelles qui permettraient, le cas échéant, de faire radier de la liste électorale le nom d'une personne qui aurait fait une fausse déclaration et qui n'a donc pas un droit de contrôle de cette commission scolaire. Il s'agit donc d'un moyen mis entre les principaux et seuls véritables intéressés, soit les membres de la communauté anglophone, de se régir eux-mêmes, et c'est dans cette perspective que nous avons retenu la technique de la déclaration de préférence à un contrôle administratif d'admissibilité qui aurait pu être lourd et coûteux.

Concernant, maintenant, l'établissement de la liste électorale, le projet de loi prévoit que la liste permanente – je pense que nous sommes enfin arrivés à cela – dressée par le Directeur général des élections constituera la base de la liste électorale de la commission scolaire francophone. Cette dernière devra toutefois retirer de cette liste les noms des personnes qui auront des enfants admis dans une autre commission scolaire du même territoire ou qui auront choisi de voter dans une autre commission scolaire.

Les présidentes et présidents d'élection de chacune des commissions scolaires en cause devront donc établir ensemble la liste électorale de leur propre commission scolaire. Cela constitue, M. le Président, une nouvelle façon de faire qui facilitera de beaucoup le travail nécessaire pour préparer les listes et qui en diminuera aussi considérablement les coûts puisque les commissions scolaires n'auront plus à procéder d'elles-mêmes à un recensement. Il est bien clair que tout le monde sortira gagnant avec cette nouvelle formule, et plus particulièrement les électrices et les électeurs de Montréal. On se souvient de la difficile expérience vécue à cet égard lors de la dernière élection scolaire sur l'île de Montréal.

En matière de taxation, le projet de loi établit que la personne qui est propriétaire d'un immeuble situé sur le territoire d'une commission scolaire dans laquelle est admis son enfant paiera ses taxes scolaires à cette commission scolaire. En revanche, la personne qui est propriétaire d'un immeuble et qui a des enfants admis dans plus d'une commission scolaire ayant compétence sur le territoire où elle réside, où cette personne réside, paiera à chacune des commissions scolaires visées un montant de taxes qui sera proportionnel au nombre d'enfants admis dans chacune d'elles, comme c'est le cas présentement. Enfin, la personne qui est propriétaire d'un immeuble et qui n'a d'enfant admis dans aucune des commissions scolaires où elle réside paiera ses taxes là où son nom est inscrit sur la liste électorale.

À cet égard, je me dois d'apporter, M. le Président, des précisions additionnelles qui ne sont pas prévues au projet de loi mais qui viennent éclairer cependant le projet de loi et qui concernent le calcul des revenus de la taxation. Je rappelle à cet effet que la loi actuelle sur l'instruction publique prévoit que les revenus qu'une commission scolaire peut obtenir sont liés directement au nombre d'élèves fréquentant ses écoles et non pas au nombre de contribuables qui y paient leurs taxes, comme certains ont pu le laisser entendre, entre autres, dans des articles parus dans différents médias. Parce que ce serait complètement inéquitable, M. le Président. L'éducation d'un jeune dans un village pauvre souffrirait parce que l'assiette fiscale ne permet pas de générer des ressources suffisantes et, inversement, le jeune formé dans un milieu où les ressources fiscales sont importantes aurait accès à des services plus significatifs, ce qui, à mon point de vue, risquerait de nous amener à connaître et à vivre dans un système à deux vitesses, ce qui n'a aucun sens, M. le Président, quand on considère que l'éducation est un bien essentiel.

Donc, comment ça se passe? La loi prévoit que le ministère de l'Éducation verse une subvention de péréquation aux commissions scolaires qui sont rendues au taux maximal d'imposition et dont les revenus générés par la taxe scolaire seraient insuffisants par rapport aux revenus auxquels cette commission scolaire a droit eu égard au nombre d'élèves. Alors, autrement dit, on repartage par la voie de la péréquation les sommes à verser entre les commissions scolaires si elles ont atteint le maximum et qu'elles ne peuvent pas le dépasser, parce que ce plafond est fixé à 0,35 $ du 100 $ d'évaluation, tenant compte d'un certain nombre d'autres critères. Donc, c'est une subvention à laquelle le gouvernement procède, c'est une subvention de péréquation. Et la loi nous permet donc que toutes les commissions scolaires aient des revenus comparables en fonction de l'effectif scolaire et pas en fonction de la capacité financière du territoire ou du nombre de contribuables.

Enfin, sur l'île de Montréal, c'est le Conseil scolaire de l'île de Montréal qui perçoit la taxe scolaire, et dans ce cas – et c'est heureux, je pense, qu'il en soit ainsi – cela se fait selon un taux uniforme pour tout le territoire. Le Conseil scolaire de l'île, par la suite, distribue les revenus aux commissions scolaires de l'île en fonction de leurs effectifs scolaires respectifs. Et, s'il y a matière à péréquation, nous procédons. Ce n'est pas encore le cas pour Montréal puisque, sur l'île de Montréal, le plafond n'est pas atteint. Autrement dit, on est en deça. Je crois qu'on serait normalement à 0,27 $ du 100 $ d'évaluation – je le dis sous toute réserve, je n'ai pas vérifié ce chiffre-là – alors que le maximum est à 0,35 $. Il y a donc encore une marge, donc pas de péréquation dans ce cas-là.

(17 h 20)

Outre, maintenant, ces changements que je viens de vous exposer, le projet de loi prévoit de nouvelles règles pour la mise en place de commissions scolaires linguistiques. Alors, les dispositions relatives à la formation, à la composition et au fonctionnement des conseils provisoires y sont précisées. Il s'agit de conseils provisoires qui seront chargés de prendre les mesures préparatoires nécessaires au fonctionnement des commissions scolaires francophones et des commissions scolaires anglophones.

À titre d'exemple, afin d'assurer une plus grande équité en matière de représentation de la communauté et des conseils des commissaires des commissions scolaires qui existent déjà, le projet de loi établit une procédure pour la formation des conseils provisoires des nouvelles commissions scolaires linguistiques. Ces conseils seront composés de commissaires élus représentant les conseils des commissaires et de deux commissaires représentant les comités de parents des commissions scolaires existantes. Le nombre de commissaires élus sera établi selon un barème prévu au projet de loi, ce qui permettra de calculer de façon équitable la représentation des conseils des commissaires des commissions scolaires existantes aux fins de constituer le conseil provisoire. C'est important de le faire, le rapport Kenniff avait souhaité d'ailleurs que l'on statue sur ces questions. La loi actuelle n'étant pas suffisamment claire, nous avons souhaité la clarifier, et c'est ce qu'on retrouve au projet de loi.

La question du partage des écoles – qui inquiète souvent les communautés, et à juste titre – entre les commissions scolaires francophones et les commissions scolaires anglophones constituera une étape importante dans la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Afin de bien accomplir leur tâche, les conseils provisoires devront prendre des décisions éclairées, guidés toujours par un grand souci d'équité. Pour éviter de trop nombreux bouleversements, ce que nous ne souhaitons pas, le projet de loi établit qu'une école qui donne l'enseignement en français deviendra la propriété de la commission scolaire francophone, alors qu'une école qui donne l'enseignement en anglais deviendra la propriété de la commission scolaire anglophone. Cette règle s'appliquera à toutes les écoles à compter de la date de la présentation du projet de loi, parce qu'on veut éviter évidemment qu'on décide de s'accaparer une ressource ou l'autre.

Cette solution ne viendra pas résoudre tous les problèmes, je le sais bien, mais nous sommes convaincus cependant qu'elle allégera significativement la tâche des conseils provisoires. Elle permettra, de plus, d'éviter qu'on apporte des modifications à l'utilisation des écoles pendant la période transitoire. Par ailleurs, en cas de litige, je vous rappelle que la loi actuelle prévoit déjà que la ministre règle les différends qui lui sont soumis par les conseils provisoires.

Le projet de loi introduit également des règles nouvelles relativement au transfert, à l'intégration et à la représentation syndicale du personnel des commissions scolaires existantes dans les commissions scolaires nouvelles. Ces dispositions visent à assurer un transfert plus harmonieux du personnel. Ces règles ont notamment pour effet de prévoir l'établissement d'un mécanisme de négociation entre les parties qui comporte une date butoir. Au-delà de cette date, s'il y a désaccord, le litige pourra être soumis à un tribunal arbitral.

M. le Président, le projet de loi prévoit enfin que des élections scolaires devront être tenues avant le début des opérations des nouvelles commissions scolaires, opérations qui sont prévues pour le 1er juillet 1998. Des élections auront ainsi lieu partout au Québec, y compris dans les commissions scolaires confessionnelles. En effet, comme les territoires des commissions scolaires confessionnelles seront modifiés en fonction des limites des villes de Montréal et de Québec, il importe que le conseil des commissaires de ces commissions scolaires soit soumis au processus électoral en même temps que toutes les commissions scolaires linguistiques et, le cas échéant, en même temps que les commissions scolaires dissidentes.

Alors, M. le Président, je viens de vous exposer les principaux changements que le projet de loi apporte à la Loi sur l'instruction publique et à la Loi sur les élections scolaires. Il s'agit, comme nous avons pu le remarquer, de changements importants, majeurs, qui marqueront, je l'espère, une étape dans ce qui constitue la modernisation de notre système scolaire. Ce sont des changements nécessaires pour assurer la mise en place ordonnée, harmonieuse de ces nouvelles commissions scolaires linguistiques.

M. le Président, en terminant, j'aimerais rappeler certaines orientations que le gouvernement entend suivre, par ailleurs, concernant l'enseignement religieux dans les écoles publiques établi par les commissions scolaires et que j'ai plus longuement explicité dans ma déclaration ministérielle du 26 mars dernier. Toujours afin d'éviter de grands bouleversements dans la mise en place des commissions scolaires linguistiques, le statut confessionnel actuel, catholique ou protestant, des écoles publiques sera maintenu. Toutefois, deux ans après l'implantation des commissions scolaires linguistiques, les écoles seront appelées à réviser, après consultation des parents, la signification et la pertinence de leur statut confessionnel. Le libre choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux catholique et protestant continuera d'être offert. Enfin, dans le contexte d'une société pluraliste, j'entends soumettre la question de la place de la religion à l'école à un groupe de travail que je créerai à cet effet. Nous aurons l'occasion par la suite de discuter du rapport de ce groupe de travail à cette même Assemblée.

Voilà, M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi que nos concitoyennes et concitoyens attendent depuis de nombreuses années, depuis sûrement une trentaine d'années. Il vise essentiellement, je le rappelle, à moderniser nos structures scolaires, mais cela dans le respect des droits, des valeurs de chacune des deux communautés linguistiques du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Nous allons céder maintenant la parole au député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière d'éducation. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'interviens sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Je pense qu'à ce moment-ci il est peut-être bon de faire un certain nombre de rappels.

Premier rappel. C'est la première pièce de législation déposée par la ministre de l'Éducation qui découle de la grande réforme en éducation: Prendre le virage du succès . Première pièce législative. Et la ministre fait référence à la deuxième pièce législative qui est l'avant-projet de loi qui a déjà été déposé et dont nous ferons l'étude à l'automne. Deux projets de loi qui n'ont à peu près rien à faire avec la réussite scolaire des jeunes. Il faut bien mettre les choses en perspective pour les gens qui nous écoutent.

L'orientation du gouvernement du Québec, avec son objectif de l'assainissement des finances publiques – avec lequel nous sommes en accord – l'objectif du gouvernement, c'est de réduire le nombre de commissions scolaires, de les faire passer de 156 à 70 pour réaliser des économies de 100 000 000 $. Ça, c'est le premier objectif du gouvernement. Rien à voir avec la réussite scolaire des jeunes. Quel est le lien entre ça et ce qui se passe dans une salle de classe, là où le jeune reçoit sa formation? Je pense que tout le monde ici, à l'Assemblée, conviendra qu'il n'y a pas de lien.

Nous avions tenu une commission parlementaire avec un mandat d'initiative sur la réussite scolaire des jeunes. Nous souscrivons au principe de l'implantation des commissions scolaires linguistiques et d'une réduction du nombre de commissions scolaires, mais nous avions bien dit – autant les députés du Parti québécois que les députés de l'opposition – dans le texte de notre rapport que les économies qui devaient être réalisées par cette rationalisation-là devaient servir les élèves directement, pour ajouter des services additionnels, afin d'améliorer les chances de réussite des jeunes.

(17 h 30)

Alors, je pense qu'il est important de faire ce premier rappel sur l'objectif de l'action gouvernementale – et on le voit dans tous les secteurs, tous les ministres y sont conviés: Comment réaliser des économies? C'est vrai pour le ministre des Affaires municipales, qui vient de faire un beau cadeau de 500 000 000 $ à l'ensemble des municipalités du Québec. C'est vrai également pour la ministre de l'Éducation qui, elle, doit rencontrer les objectifs budgétaires du gouvernement, du ministre des Finances, du premier ministre, du président du Conseil du trésor: réaliser des économies. On le voit, là, c'est sur une toile de fond de compressions: 700 000 000 $ cette année, 600 000 000 $ l'année passée. On a décidé de mettre un couteau sur la gorge de l'ensemble des enseignants pour forcer une entente au niveau de la loi n° 104. Alors, voilà l'objectif du gouvernement.

Deuxième rappel au niveau de l'urgence d'agir. La ministre y a fait référence, ça fait à peu près 30 ans que cette réforme-là tarde à s'implanter. Il y a eu trois tentatives de la part du Parti québécois. Je vois le député de Bourget qui est ici présent; il a été responsable, je pense, pour deux tentatives, la loi 3 et la loi 40. Et aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 109. J'espère, je souhaite que la ministre réussisse, cette fois-ci, là où d'autres ont échoué. J'aurai l'occasion de lui donner quelques conseils, surtout au niveau de la communauté anglophone, si elle ne veut pas se casser les dents à nouveau sur le projet de loi n° 109.

Plusieurs tentatives. La ministre parle de l'urgence d'agir. Je lui rappelle que son parti a formé le gouvernement le 12 septembre 1994; nous sommes rendus le 6 mai 1997, deux ans et huit mois plus tard. Je me rappelle avoir questionné, au tout début du mandat, le député de Lévis, alors qu'il était ministre de l'Éducation, sur ses intentions et les intentions de son gouvernement par rapport aux commissions scolaires linguistiques. Ce n'était pas une priorité à ce moment-là. Ce n'était pas une priorité. Le premier ministre a pris un engagement devant la communauté anglophone et devant la communauté francophone aussi, au mois de février 1996, promettant de livrer des commissions scolaires linguistiques. On se souvient que la ministre de l'Éducation avait élaboré trois pistes: deux constitutionnelles, une non constitutionnelle. La ministre a dû reculer par rapport à la piste choisie par le gouvernement, c'est-à-dire la piste du rapport Kenniff. Elle a dû reculer, au mois de juin 1996. Et, à ce moment-là, il était clair pour le gouvernement, clair pour la ministre de l'Éducation, clair pour le premier ministre: il n'était aucunement question de choisir la piste que nous avions mise de l'avant, la piste Proulx-Woehrling. Et ça, c'est clair, la ministre le reconnaît, et je le sais parce qu'elle me l'a répété à plusieurs reprises. Ça va.

Il ne restait qu'une seule piste, au mois de juin 1996, et c'est la piste qu'a décidé d'emprunter le gouvernement, piste qui lui a d'ailleurs été recommandée par les états généraux de l'éducation, de dire d'aller de l'avant avec l'implantation des commissions scolaires linguistiques et puis, par la suite, de choisir la voie de l'abrogation de l'article 93. Le gouvernement a décidé de changer de vocabulaire. Au lieu de parler de l'abrogation de l'article 93 en ce qui concerne le Québec, le gouvernement a plutôt choisi le vocabulaire suivant: de soustraire le Québec aux dispositions des articles 93(1) à 93(4) de la Constitution. Mais c'est du pareil au même. Il n'y a rien qui a changé.

Donc, je reviens, M. le Président: urgence d'agir. Il y avait urgence d'agir au mois de juin 1996, en juillet 1996, au mois d'août 1996, alors que la ministre, là, annonce qu'elle recule par rapport à Kenniff. Pourquoi la ministre et son gouvernement ont-ils pris autant de temps que cela avant de contacter les autorités fédérales, avant de déposer ici, à l'Assemblée nationale, le texte de la motion sur laquelle l'ensemble des parlementaires ont voté à l'unanimité? Ça a pris beaucoup de temps. Le gouvernement savait fort bien que, sur le plan fédéral, les élections étaient imminentes. Le gouvernement, et la ministre de l'Éducation, a attendu un moment stratégique, a attendu le plus longtemps possible avant de faire voter l'Assemblée nationale sur la motion. Pourquoi? Pour éviter que les fédéralistes, dans le cadre de l'actuel campagne fédérale, puissent dire: Voyez-vous, la Constitution peut être modifiée. Cela aurait nui considérablement aux intérêts du Bloc québécois. Et on sait comment le gouvernement veut être très attentif de ce point de vue là. La ministre le reconnaissait elle-même dans son discours et elle l'a reconnu par le biais de ses déclarations dans les journaux.

Je reprends ce qu'elle disait à une journaliste de la Gazette . Elle disait ceci, ça a été publié dans la Gazette du 26 avril dernier, et ce sont les propos de l'actuelle ministre de l'Éducation: «The amendment will come, I'm sure, Marois said yesterday, and we have the time to wait for the amendment because, if we have the amendment before the end of this year, it is possible to implement linguistic school boards all over Québec.»

Pourtant, elle nous parle à la fois de l'urgence d'agir et elle est déjà en retard. Elle a pris un retard volontaire en soumettant la modification constitutionnelle à la toute dernière minute au niveau de l'Assemblée nationale, mais elle est également en retard en vertu du calendrier législatif prévu à la loi n° 107. Le décret au niveau du découpage territorial devait avoir lieu entre le 1er janvier et le 1er mars 1997, si la ministre vise le 1er juillet 1998 pour l'implantation. Nous sommes rendus au mois de mai, nous n'avons toujours pas le décret entre les mains. Et le décret, selon les pièces du gouvernement, ne sera adopté par le gouvernement qu'au mois d'août. Donc, il y a déjà un retard de six mois.

La ministre le sait fort bien, l'ensemble des partenaires du réseau scolaire lui disent: Il est impossible d'arriver au 1er juillet 1998, il y a trop d'opérations en cours: transfert des actifs, transfert des passifs, formation d'un conseil provisoire, répartition au niveau du personnel, répartition des écoles. M. le Président, on ne fait pas ça en quelques mois; ça prend du temps pour préparer ça.

Donc, l'urgence d'agir, c'est la ministre de l'Éducation qui l'a créée en attendant à la toute dernière minute pour faire adopter la modification constitutionnelle par l'Assemblée nationale, et ça, l'ensemble des éditorialistes l'ont reconnu. Je ne fais que citer Michel Vastel, dans Le Soleil , mercredi, 26 mars 1997. Il disait ceci: «Certes, le gouvernement du Québec, Mme la ministre de l'Éducation et ses bureaucrates de l'éducation nationale en particulier ont laissé traîner la chose un peu trop longtemps. "Et, disait Lucien Bouchard, tout ce qui traîne se salit." Le gouvernement a volontairement laissé traîner les choses.» Et là on plaide l'urgence d'agir.

Moi, je souhaite, tout comme le gouvernement, et j'aurais souhaité également que le Parlement fédéral puisse livrer la modification constitutionnelle avant le déclenchement des élections, et ça, afin d'éviter que les partenaires scolaires soient pris en otage par la ministre de l'Éducation et par son gouvernement avec le régime provisoire qui est inscrit dans la loi.

Imaginez-vous, M. le Président, lorsqu'on lit les dispositions du projet de loi, la plupart des dispositions de ce projet de loi là concernent le régime provisoire, régime provisoire dont la ministre de l'Éducation, je pense, souhaiterait qu'il ne s'applique pas. Et la ministre a même dit qu'elle était confiante que le gouvernement fédéral livrerait la modification constitutionnelle. Pourtant, le régime provisoire est d'une complexité incroyable. Non seulement le régime provisoire est d'une complexité incroyable, mais c'est d'une absurdité la plus totale!

(17 h 40)

La raison d'être des commissions scolaires linguistiques, surtout pour les francophones, c'est d'avoir une commission scolaire linguistique française sur le territoire de la ville de Montréal, parce que c'est la ville de Montréal qui accueille les nouveaux arrivants. Dans le régime provisoire de la ministre de l'Éducation, il n'y a pas de commission scolaire linguistique française ou anglaise sur le territoire de la ville de Montréal. C'est un non-sens absolu, et je le déplore.

Loin de moi l'idée de plaider pour la superposition de commissions scolaires linguistiques et confessionnelles sur le territoire de la ville de Montréal. Ce que je dis à la ministre de l'Éducation, ce que ses propres partenaires pour la souveraineté disent à la ministre de l'Éducation, c'est: Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas la modification constitutionnelle du gouvernement fédéral, ne touchez pas à l'île de Montréal. L'Alliance des professeurs de Montréal lui a dit dans une lettre explicite. Les partenaires, la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, qui représente 40 organismes dont la plupart sont des partenaires privilégiés du Parti québécois et de son gouvernement, lui ont dit: Ne touchez pas au territoire de l'île de Montréal tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas de modification constitutionnelle.

Cependant, la ministre a fait la sourde oreille à cela et, dans le projet de loi n° 109, il y a un régime provisoire. Je vais me faire un plaisir durant la commission parlementaire de lui indiquer comment ça va être un casse-tête et un mal de tête incroyable. La ministre le sait. Mais, si elle le sait, la ministre – oui – pourquoi l'inclure dans le projet de loi? Pourquoi rendre compliqué et complexe ce qui pourrait être très simple? Très simple. Et le pire là-dedans, M. le Président, c'est qu'il y a des élèves à Montréal qui vont se faire coincer, dans cette affaire-là. Il y a des parents qui vont se poser la question: Qu'est-ce qui va arriver à leur école de quartier? De quelle commission scolaire relèvera-t-elle? Les intervenants scolaires, que ce soient les commissaires, que ce soient les directeurs d'école, que ce soient les cadres, que ce soient les professionnels, tout ce beau monde-là va se faire coincer dans la stratégie, la tactique, l'astuce de «forcing» utilisée par le gouvernement pour mettre de la pression sur le gouvernement fédéral.

Il y a déjà de la pression sur le gouvernement fédéral, et je dirais que le gouvernement fédéral n'a d'autre choix que de livrer la modification constitutionnelle. Il y a déjà des engagements du ministre responsable dans ce dossier-là. Pourquoi ce «forcing»-ci à ce moment-ci, compte tenu que ça va pénaliser tellement de personnes, particulièrement au niveau de la ville de Montréal?

J'ajoute ceci, M. le Président. Nous allons nous retrouver, avec le régime provisoire, dans la situation suivante: la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, qui devient la Commission des écoles protestantes de Montréal, aurait, selon les documents remis, transmis par la ministre de l'Éducation, 11 500 élèves du secteur français et à peine 8 000 élèves du secteur anglais. Or, la CEPGM a toujours été reconnue comme une commission scolaire, oui, protestante, mais surtout une commission scolaire anglaise. Avec la décision prise par la ministre de l'Éducation, cette Commission scolaire là deviendrait une commission scolaire française parce que la majorité des élèves qu'elle doit scolariser sont des élèves francophones. C'est un non-sens absolu! Même situation au niveau de la commission scolaire de Greater Québec, qui est la commission scolaire protestante qui couvre le territoire de la ville de Québec et qui, elle aussi, a toujours été reconnue comme une commission scolaire anglaise; eh bien, cette commission scolaire là aurait 350 élèves scolarisés en français et 200 élèves scolarisés en anglais, donc elle deviendrait davantage une commission scolaire francophone qu'une commission scolaire anglophone. Quel non-sens, M. le Président, de mettre sur pied une commission scolaire protestante à Québec pour à peine 550 élèves, avec tout ce qui est impliqué! Un directeur général, un secrétaire général, un service des archives, un service de transport et tout ce qu'on retrouve normalement dans une commission scolaire pour 550 élèves! Ça n'a aucun bon sens.

Le temps file rapidement. J'aimerais faire un petit parallèle par rapport aux conseils linguistiques dans le cadre des commissions scolaires confessionnelles du régime provisoire. Tout d'un coup, le gouvernement du Parti québécois se réveille, est en train de dire: Nous devons doter les commissions scolaires confessionnelles de conseils linguistiques. Comme si l'obligation venait tout juste d'être créée. Cette obligation-là, elle a été créée dans la tête de la ministre de l'Éducation pour compliquer davantage et singulièrement les choses. Ça me rappelle et ça me fait penser aux comités confessionnels des commissions scolaires linguistiques. Qu'avons-nous aujourd'hui? Des comités linguistiques au sein des commissions scolaires confessionnelles. C'est un non-sens.

J'arrive maintenant à la question du droit de vote pour la communauté anglophone. J'espère que la ministre de l'Éducation comprendra les messages de l'opposition. J'espère que le premier ministre lui-même va saisir l'absurdité de la restriction imposée à la communauté anglophone.

Je pourrais être, M. le Président, un anglophone venant d'Angleterre sans enfant. Je déciderais de m'impliquer comme bénévole pour aider les écoles anglaises, pour travailler au sein de la communauté anglophone de la commission scolaire linguistique anglaise, d'y dévouer énormément de mon temps, de participer aux activités et peut-être même de me retrouver comme représentant au sein du conseil d'établissement d'une école anglaise. Je pourrais me retrouver comme représentant de la communauté au sein du conseil d'établissement d'une école anglaise et, lorsque viendrait le temps d'exercer mon droit de vote, la ministre de l'Éducation m'oblige à voter à la commission scolaire linguistique française, à laquelle, comme anglophone, je n'aurais aucun sentiment d'appartenance, et également d'y payer mes taxes. C'est là que le bât blesse pour la communauté anglophone.

M. le Président, dans la loi 3, dans la loi 40 du gouvernement du Parti québécois, on faisait face à la même Charte de la langue française et le gouvernement d'alors n'avait jugé ni utile, ni opportun ni souhaitable d'inclure cette nouvelle restriction, et ça a été la même chose au niveau de la loi 107. Les éditorialistes francophones sont unanimes sur le sujet; je me permettrai d'en citer quelques-uns. Je me permets de citer, M. le Président, Lise Bissonnette dans l'article du Devoir du 25 avril 1997: «Le problème, c'est qu'ils forcent les personnes à faire la démonstration, avec les documents appropriés, de leur admissibilité.» La ministre peut bien dire: Écoutez, on règle ça avec une simple déclaration. Oui, mais, comme citoyen honnête, si je veux faire une déclaration aux gens qui vont venir me recenser, je dois être en mesure de savoir si, oui ou non, mes enfants sont admissibles à l'école anglaise, je dois savoir si, oui ou non, j'aurais le droit de voter à la commission scolaire linguistique anglaise. La ministre ne peut pas prétendre qu'on règle tous ces problèmes-là avec une simple déclaration; ce n'est pas vrai.

(17 h 50)

Mme Bissonnette disait également: «Elles devront déterrer de vieux papiers pour le prouver ou, à défaut, faire des démarches pour les obtenir auprès des autorités compétentes.» Et, une fois que ce travail-là sera fait, là la personne pourra faire une déclaration. Mais, avant de faire une déclaration, la personne doit pouvoir parler en connaissance de cause. Mme Bissonnette posait la question à la ministre de l'Éducation: «On se demande pourquoi il faut être aussi tatillon.» Pourquoi il faut être aussi tatillon? «Quel est l'enjeu? Sans parler des coûts. La ministre devra faire la preuve de la nécessité – pardonnez-moi l'expression, M. le Président, Mme Bissonnette disait ceci – d'emmerder les gens à ce point si elle veut maintenir ces critères.»

Lorsqu'on pose la question à la ministre: Quel est l'objectif que vous poursuivez?, la ministre répond: Je veux protéger la communauté anglophone. M. le Président, ça me fait penser à l'histoire du Petit Chaperon rouge, qui regarde la grand-mère et qui dit: Grand-mère, vous avez de si grands yeux et de si grandes oreilles, pourquoi? C'est pour mieux t'entendre, c'est pour mieux t'écouter. La ministre de l'Éducation est en train de dire à la communauté anglophone qui pose la question: Pourquoi vous restreignez notre droit de vote? Elle répond: C'est pour mieux vous protéger. Peut-elle comprendre les craintes de la communauté anglophone de se faire dévorer par le gros méchant loup du Parti québécois?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: La députée rigole. Lorsqu'elle prendra conscience de l'état d'esprit de la communauté anglophone qui, depuis 1976, a vu ses chiffres dégringoler... De plus de 250 000 élèves qu'ils étaient, ils en sont rendus à 100 000 élèves. Ils se posent la question: Qu'est-ce que le gouvernement a en tête? Que veulent-ils véritablement? Lorsqu'on pose la question: Pourquoi restreindre notre droit de vote? C'est pour mieux vous protéger. Aie! M. le Président, il faut le faire! Alors que l'ensemble des éditorialistes sont unanimes: il n'y a pas de raison, il n'y a pas de motif, il n'y a pas de justification à faire ce que la ministre de l'Éducation veut faire. S'il y avait problème en cours de route, et je doute qu'il va y avoir des problèmes, mais en cours de route on pourrait corriger.

Est-ce que les représentants de la communauté anglophone ont demandé au gouvernement ou ont demandé à la ministre de l'Éducation de les protéger de cette façon-là? La réponse, c'est non. Y a-t-il des voix, dans le cadre des états généraux, dans le cadre de tous les débats depuis 30 ans sur les commissions scolaires linguistiques, qui ont demandé à quelque gouvernement que ce soit de restreindre le droit de vote de la communauté anglophone de cette façon-là pour mieux la protéger? La réponse, c'est non. Sur quoi s'appuie la ministre de l'Éducation? Et je lui dis: C'est une pomme de discorde importante, c'est une pomme de discorde qui pourrait faire dériver sérieusement un projet si important qui tarde de voir le jour depuis plus de 30 ans. Pourquoi lever ce lièvre-là à ce moment-ci, alors que son propre gouvernement, dans le cadre de la loi 3 et de la loi 40, n'avait pas jugé opportun de le faire? C'est la question que nous nous posons, M. le Président.

Les éditorialistes sont clairs. La législation, et je cite Mme Gruda, 10 avril 1997... Et il est important de faire un rappel. Il y avait eu un mémoire qui avait été coulé dans les journaux et qui indiquait à ce moment-là les intentions du gouvernement. La ministre de l'Éducation, par le biais de son attaché de presse, s'était assurée de rassurer... Et la journaliste de La Presse , parce que j'ai parlé à la journaliste de La Presse , elle m'a dit: Ils ont dit que ça ne faisait pas partie des intentions du gouvernement. L'attaché de presse de la ministre de l'Éducation a tenté de rassurer tout le monde en disant: C'est un vieux projet de mémoire, il y a eu plusieurs versions depuis. Les craintes se sont apaisées.

Cependant, dans l'amendement et l'esprit de l'amendement que nous avons tous voté ici, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité... Je vais relire le passage de l'amendement adopté à l'unanimité par tous les membres de l'Assemblée nationale, en français et en anglais. «Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise». Et on dit plus loin: «...que cette communauté gère et contrôle». On ne parle pas de la communauté telle que définie par la Charte de la langue française. C'est la même chose en anglais: «Whereas in so doing the National Assembly of Québec reaffirms the established rights of the English-speaking Community of Québec.» On parle de la communauté.

J'ai moi-même parlé à des souverainistes avoués qui disent ne pas comprendre l'objectif poursuivi par le gouvernement, des souverainistes qui disent: On est profondément mal à l'aise avec cette affaire-là. On ne voit pas pourquoi la ministre de l'Éducation entend définir la communauté anglophone de cette façon-là. Ça ne colle pas à la réalité sociale, ça ne colle pas à la demande de la communauté anglophone. Comment peut-on prétendre vouloir protéger la communauté anglophone alors que la communauté anglophone n'a même pas demandé une telle protection? Pourquoi, M. le Président, pourquoi?

La ministre de l'Éducation a bien tenté de répondre à l'éditorial d'Agnès Gruda; la réplique n'a pas tardé. La réplique d'Agnès Gruda, 2 mai 1997: «Cela exclut un certain nombre d'électeurs qui appartiennent à la communauté anglo-québécoise sans avoir accès à ces écoles.» Pourquoi ne pas laisser les votes s'exprimer selon les liens d'appartenance naturelle? C'est le cas actuellement au niveau des commissions scolaires catholiques et des commissions scolaires protestantes. Ceux qui n'ont pas d'enfant ou ceux qui ne sont pas dans le système peuvent choisir où voter, ça n'a jamais posé de problème.

(18 heures)

Je dis à la ministre de l'Éducation, en terminant – et je reviendrai jeudi pour terminer, M. le Président – d'être bien prudente. On a franchi un grand bout de chemin avec ce projet-là. Nous avons eu l'adoption unanime d'une modification constitutionnelle, à l'Assemblée nationale. Je lui demande de réfléchir et je lui demande de ne pas aller de l'avant avec cette disposition-là dans le projet de loi, qui n'a aucun sacré bon sens. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Je tiens à aviser l'Assemblée que vous aviez un droit de parole de 60 minutes et que vous avez utilisé, à ce stade-ci, 33 minutes précisément.

Donc, considérant l'heure, nous allons maintenant ajourner nos travaux au mercredi 7 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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