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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Friday, May 26, 2000 - Vol. 36 N° 113

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures une minute)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés!

Nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais vous référer à l'article e du feuilleton.


Projet de loi n° 230

Le Président: Bien. Alors, en rapport avec cet article, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 230, Loi concernant la Régie intermunicipale d'assainissement des eaux de Sainte-Thérèse et Blainville. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose donc ce rapport.

Et, en conséquence, Mme la députée de Blainville présente le projet de loi d'intérêt privé n° 230, Loi concernant la Régie intermunicipale d'assainissement des eaux de Sainte-Thérèse et Blainville.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'abord d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: La motion est-elle adoptée? Elle est adoptée.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Saint-François.


Étude détaillée du projet de loi n° 133

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 24 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de la commission des affaires sociales est déposé.

Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation et députée de Rimouski.


Étude détaillée du projet de loi n° 100

Mme Charest: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 25 mars 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé. M. le Président de la commission des institutions et député de Portneuf.


Étude détaillée du projet de loi n° 109

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 18 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 109, Loi sur l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme, M. le Président.

Le Président: Il y a consentement pour vous entendre, M. le député de Papineau.


Offrir aux jeunes en difficulté les services essentiels d'adaptation scolaire

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 1 263 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que les classes sont surchargées – parfois jusqu'à 30 élèves et plus;

«Attendu le manque de ressources adaptées: orthopédagogues, orthophonistes, psychologues, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux;

«Attendu que les professeurs surchargés doivent rencontrer les exigences du ministère sans support financier ni de personnel supplémentaire adapté aux exigences de plus en plus nombreuses de l'intégration des enfants en difficulté;

«Attendu les méthodes d'intervention souvent dépassées et inacceptables: isoloir, suspension, expulsion, mépris, ignorance, système punitif discréditant, exigences de médication sous peine d'expulsion, contraintes physiques et toutes les interventions menant directement à la baisse de l'estime de soi de nos enfants;

«Attendu le dépistage déficient menant à des diagnostics erronés, bâclage de la problématique;

«Attendu que le transport scolaire est insuffisant et inadéquat, le manque de sécurité et de surveillance pour les enfants en difficulté, les trajets trop longs, les heures décalées en raison de l'obligation pour le chauffeur de faire plusieurs transports avec le même bus;

«Nous exigeons que les droits des enfants en difficulté soit respectés et que ces derniers reçoivent tous les services essentiels nécessaires à leur apprentissage et que ces services d'aide et d'intervention adaptés soient équitables au niveau de toutes les commissions scolaires, sur une base régulière et constante.

«Nous ne tolérons plus qu'un nombre important de ces enfants ne reçoivent aucune aide et qu'un bon nombre de ces enfants ne vivent que des méthodes punitives comme seul et unique moyen d'intervention. Nous exigeons que les 280 millions prévus pour le primaire et le secondaire soient prioritairement dirigés vers les services essentiels en adaptation scolaire.»

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Et, puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège... M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Simplement sur les pétitions, il a été porté à mon attention que la députée de Rosemont a voulu déposer une pétition conforme au règlement – 62, 63 et 64 – de cette Chambre, une pétition de 3 000 pétitionnaires...

Le Président: Alors, M. le député... Non, non. J'avais indiqué...

Des voix: ...

Le Président: Alors, si vous avez une question de règlement, M. le député de Saint-Jean, je veux bien l'entendre, mais je ne veux pas qu'on fasse indirectement ce que j'avais dit que je n'acceptais pas. Donc, je ne veux pas qu'on lise la pétition ni qu'on lise des extraits.


Demande de directive


Recevabilité des pétitions


M. Roger Paquin

M. Paquin: Alors, M. le Président, je ne lirai pas la pétition. Je sais que la question est délicate et je sais que vous portez beaucoup d'attention aux privilèges de chacun des députés de cette Chambre. Je vais le faire en toute déférence. Et, comme la question est délicate, je vais le faire en tout respect du règlement, M. le Président, veuillez en être assuré. Il s'agissait d'une pétition qui demandait à l'Assemblée nationale d'appliquer les règles de la démocratie. Or, vous n'avez pas autorisé que cette pétition soit déposée. Il s'agit d'une pétition conforme.

Je porte à votre attention que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que toute personne a droit d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale pour redresser les griefs et que, en vertu de l'article 62, la façon de le faire, c'est de demander à un député de la présenter ici. Alors, dans la mesure où on respecte l'ensemble des règlements, y compris ne pas faire indirectement des allusions à des choses qui ne peuvent pas être faites directement en vertu du règlement, ma question est la suivante: Pourquoi n'autorisez-vous pas la députée de Rosemont à présenter cette pétition-là?

Si vous désirez, M. le Président, prendre la question en délibéré, je veux bien. Mais j'aimerais que vous nous fassiez une réponse claire là-dessus parce qu'il y a là un élément de précédent. Je sais qu'un des effets de cette pétition est d'avoir une interpellation déplaisante pour l'un ou l'autre des députés de cette Chambre. Mais, par ailleurs, il y a plein d'interventions dans cette Chambre qui ont cet effet-là, et, pourvu qu'elles soient faites en tout respect de chacun des alinéas de l'article 35 et que vous puissiez très bien appliquer le huitième alinéa de l'article 2, c'est-à-dire faire valoir le respect de chacun des droits de chacun des parlementaires, je pense que vous devriez permettre que cette pétition soit présentée à la population dans cette Chambre.

C'est pourquoi, M. le Président, je m'adresse à vous pour que vous preniez cette question en considération et que, s'il vous plaît, vous donniez à cette Chambre une réponse documentée.

(10 h 10)

Le Président: Bien. Alors, quand la présidence – et normalement c'est le cas – reçoit les pétitions à l'avance, elle peut justement évaluer si elles sont conformes ou non. Et, dans ce cas, j'ai considéré et j'ai indiqué d'ailleurs à notre collègue la députée de Rosemont qu'elle n'était pas conforme parce qu'elle faisait indirectement ce que nos règlements interdisent de faire. C'est-à-dire qu'à partir du moment où une pétition met en doute la conduite d'un membre de l'Assemblée et qu'un membre de l'Assemblée se fait, même involontairement... Parce qu'à partir du moment où on dépose la pétition, on dit un certain nombre de choses.

Je n'ai pas autorisé cette pétition parce qu'elle mettait en cause la conduite... La Charte des droits et libertés permet à des gens de pétitionner, bien sûr, mais l'Assemblée, elle, a ses règles pour recevoir les pétitions. Et ce n'est pas parce que les citoyens ont des choses à dire que nécessairement il y a possibilité de les présenter à l'Assemblée, dans la mesure où elles ne sont pas conformes. D'ailleurs, la raison pour laquelle on demande un consentement, en général, c'est parce qu'on considère que certaines pétitions sont non conformes et qu'il n'y a pas de problème à les présenter si les membres de l'Assemblée consentent donc à déroger à leur règlement. Alors, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: M. le Président, je reçois votre position. À ce moment-ci, je veux simplement porter à votre attention que rien dans cette pétition n'entame de près ou de loin la réputation du député, qu'il s'agit d'un processus qui est qualifié par les citoyens, à savoir ce qui s'est passé au moment d'une élection, qu'en aucun cas on ne fait allusion à une conduite du député, et qu'on en appelle à son code d'honneur et à son éthique.

Le Président: Justement, je pense que vous venez de faire ce que je ne voulais pas qu'on fasse, c'est-à-dire identifier un membre de l'Assemblée, en l'occurrence, en donnant les indications que vous venez d'indiquer. J'ai refusé la pétition parce que je considérais que, dans le cas d'espèce, elle n'était pas conforme et qu'elle faisait indirectement ce que notre règlement ne permet pas.

Si un membre de l'Assemblée ou d'autres veulent mettre en cause la conduite d'un député, il y a des procédures pour le faire. Si des citoyens considèrent qu'un membre de l'Assemblée siège d'une façon illégitime, il y a également des procédures pour le faire. M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: J'accepte votre décision, mais, comme vous avez la bonne habitude, quand vous rendez une décision, M. le Président, d'abord, très souvent de la prendre en délibéré, la question de règlement, pour justement pouvoir rendre une décision dans laquelle vous développez vos arguments et vous développez vos motifs... Souvent, même, certains membres de cette Chambre trouvent que vos décisions sont longues, mais je ne pense pas que ce soit le cas, parce qu'il est important qu'une décision de la présidence, surtout quand la question est importance, puisse s'appuyer à la fois sur des arguments, des motifs, des dispositions et de nos lois, et de notre règlement, et de la jurisprudence.

Au fond, ce que demande le député de Saint-Jean, c'est que vous procédiez comme vous procédez habituellement sur ce genre de questions. Prenez-la en délibéré et, plus tard, au moment où vous jugerez opportun, rendez une décision écrite et documentée et avec arguments et motifs.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Deux éléments, M. le Président, si vous vous décidez de prendre la question en délibéré... J'ai l'impression que votre décision est déjà rendue, mais, si vous décidez quand même d'y revenir et de considérer, je pense que la présidence n'a jamais statué sur l'application de l'article de la Charte des droits et libertés qui mentionne le droit du citoyen à une pétition à Assemblée nationale. Je ne pense pas que la présidence se soit jamais prononcée.

À cet effet-là, il serait bon d'avoir une directive présidentielle, et nous aurions des arguments à vous faire valoir. Deuxièmement, je tiens à être rassuré – c'est le député de Saint-Jean qui est intervenu ce matin – à l'effet que la pétition ne parle pas de son inaction dans le dossier de l'hôpital Saint-Jean-sur-Richelieu.


Décision du président

Le Président: Bien, écoutez, la décision, je veux d'abord indiquer au leader du gouvernement que, puisque la pétition avait été communiquée par Mme la députée de Rosemont suffisamment longtemps d'avance, le président, les vice-présidents et les conseillers en droit parlementaire, on en avait longtemps parlé à notre rencontre hebdomadaire avant la première séance de cette semaine. Donc, la décision que je rends ce matin publiquement mais que j'avais déjà rendue en privé et que j'avais communiquée à la députée de Rosemont, elle avait été mûrement réfléchie. Si les membres de l'Assemblée veulent avoir un texte écrit à l'appui, je n'ai aucun problème avec ça, et, dans ce contexte-là, il faudrait voir si la question qui est soulevée devrait inclure ce que le leader de l'opposition officielle propose d'inclure. Je ne sais pas si, à ce moment-ci, c'est le meilleur cas pour statuer.

J'ai déjà indiqué par ailleurs qu'effectivement la Charte des droits et libertés prévoit le droit des citoyens de pétitionner. Mais, encore une fois, ce que j'ai indiqué tantôt, et ça, à la suite des discussions que nous avons eues ensemble à la présidence, ce droit à l'Assemblée est balisé par nos règles de procédure. Je peux encore une fois vous indiquer qu'un des attendus de la pétition qui m'a été communiquée, à mon avis, contrevenait aux dispositions de notre règlement à l'égard de la conduite d'un membre de l'Assemblée. On a déjà dans le passé refusé une pétition d'un citoyen qui mettait en cause d'une façon, à notre avis, inacceptable la conduite de l'ensemble des membres de l'Assemblée.

Autrement dit, les citoyens sont libres de dire ce qu'ils veulent, mais l'Assemblée a des règles également pour recevoir finalement les doléances des citoyens. En l'occurrence, je crois aussi que les privilèges parlementaires et les droits des membres de l'Assemblée doivent être protégés par la présidence, et c'est dans ce sens-là que cette décision a été rendue. J'ai d'ailleurs indiqué à la députée de Rosemont que, si les citoyens, eux, veulent poursuivre une action quelconque, libres à eux de le faire.

Alors, sur ce, je vais... M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Dernier petit point, s'il vous plaît. Alors, en vertu du règlement qui dit que votre décision est sans appel, le même règlement dit que vous devez faire une motivation. Est-ce que vous avez l'intention de nous donner une motivation écrite?

Le Président: Bien, écoutez, je viens de motiver, je n'ai pas simplement dit que la pétition était refusée sans explications, je viens de donner ces explications, mais je vais voir s'il y a lieu de compléter finalement les explications par un texte. De toute façon, la décision est rendue, et le texte ne serait pas pour réviser la décision mais simplement pour finalement l'appuyer d'une façon un peu plus élaborée que les explications verbales que je viens de donner et qui sont consignées de toute façon dans le Journal des débats .

Alors, maintenant, avant d'aborder la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'on va tenir un vote reporté, après la période de questions, sur la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes proposant que le principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, entre-temps, nous abordons la période de questions et de réponses orales. Mme la députée de Bonaventure, en question principale.


Modification des pouvoirs de la Régie de l'énergie


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, plus les jours passent et plus on constate à quel point le gouvernement péquiste n'a aucune vision et n'a aucune cohérence.

Hier, le ministre des Transports a remis en place les cours de conduite obligatoires pour les motocyclistes, une mesure qui avait été abolie par son prédécesseur, l'actuel ministre des Ressources naturelles. Aujourd'hui, le ministre des Ressources naturelles s'apprête à mettre la hache dans les pouvoirs de la Régie de l'énergie, une instance mise en place par son prédécesseur, l'actuel ministre des Transports.

M. le Président, pendant que les deux ministres se démolissent l'un et l'autre, ce sont les Québécois, les consommateurs qui en sont les victimes. Hier, 35 associations de défense des droits des consommateurs se sont liguées pour demander au ministre des Ressources naturelles de retirer le projet de loi n° 116, puisque ce projet de loi pénalise des consommateurs d'électricité partout au Québec.

Dans ce contexte, M. le Président, comment le ministre des Ressources naturelles peut prétendre se porter à la défense des droits des consommateurs alors que 35 associations de défense des droits de consommateurs au Québec se sont liguées justement pour dénoncer le projet de loi n° 116, un projet de loi qui les empêche et qui nous empêche de bénéficier d'une baisse des tarifs d'électricité?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le monde évolue...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: ...ce qui oblige, dans ces circonstances, l'Assemblée nationale à s'adapter puis à apporter des amendements aux lois qu'elle a déjà adoptées auparavant. C'est chose tout à fait courante. Ici, en cette Chambre, si on enlevait du menu législatif les projets de loi qui consistent à amender des lois déjà votées, la session serait courte, serait très, très, très courte, très brève.

(10 h 20)

Ceci étant dit, M. le Président, je ne comprends pas comment la députée de Bonaventure peut en arriver à de pareilles conclusions. Est-ce que c'est ne pas prendre en compte les intérêts des consommateurs québécois que de fixer par la loi le tarif patrimonial, du patrimoine québécois, à 0,0279 $ du kWh, c'est-à-dire le plus bas prix en Amérique du Nord? Vous avez juste à traverser l'Outaouais, puis le prix monte d'un sou du kilowattheure: 0,038 $.

Une voix: Mais les taxes baissent!

M. Brassard: Ici aussi, elles baissent! Oui, oui, ici aussi, elles baissent.

Le Président: M. le député de Hull, je suis prêt à vous reconnaître après la députée de Bonaventure, si vous avez des questions complémentaires. M. le ministre.

M. Brassard: Le député de Hull devrait se tenir tranquille, il n'était pas là avant 1994, ici, en cette Chambre. Moi, j'y étais, et on avait en face de nous un gouvernement qui a imposé, qui a alourdi le fardeau fiscal des contribuables québécois de 10 milliards. Alors, il n'a pas de leçon à donner.

Le plus bas tarif en Amérique du Nord pour les clients résidentiels, ça, ce n'est pas défendre les intérêts des consommateurs québécois? Je me demande ce que c'est, dans ce cas-là. Deuxièmement, faire en sorte qu'Hydro-Québec soit une entreprise rentable, avec un taux de rendement raisonnable, qui rapporte des bénéfices à des niveaux raisonnables et des dividendes à des niveaux raisonnables. Ça, ça permet justement de maintenir les bas tarifs. C'est ça qu'il faut comprendre. Quand Hydro-Québec ne faisait pas de profits puis ne versait pas de dividendes, qu'est-ce qui se passait, M. le Président? Il y avait, année après année, surtout dans leur temps, des augmentations de tarifs constantes, régulières, année après année. Depuis 1998, il y a un virage historique qui s'est passé au Québec, 0 % d'augmentation des tarifs: 1999, 0 %; 2000, 0 %; 2001, 0 %. Ça va aller comme ça jusqu'en 2004. C'est comme ça qu'on défend les intérêts des consommateurs.

Le Président: Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut convenir qu'en retirant tout le volet production de l'autorité de la Régie de l'énergie c'est comme si le ministre des Ressources naturelles nous demandait, demandait aux Québécois de lui signer un chèque en blanc? Et comment, M. le Président, voulez-vous que les Québécois bénéficient d'une baisse de tarifs, alors que la priorité numéro un pour le gouvernement péquiste, la priorité numéro un, c'est de faire d'Hydro-Québec sa nouvelle machine à imprimer de l'argent?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je viens de l'évoquer dans ma réponse précédente. Quand on regarde l'histoire d'Hydro-Québec des 25 dernières années – partons de 1975: année après année, d'énormes difficultés à atteindre des taux de rendement le moindrement raisonnables, donc des bénéfices nets à des niveaux très bas, pas de dividendes, la plupart du temps pas de dividendes. Et, en corrélation, qu'est-ce qui se passe dans la colonne tarifs? Des augmentations constantes, année après année. Parfois jusqu'à 10 %, 12 % d'augmentation des tarifs.

Ça veut dire quoi, ça? Quelle conclusion il faut tirer? C'est que, si on veut que les tarifs demeurent bas et gelés, au Québec, il faut qu'Hydro-Québec ait une santé financière excellente. Ça va ensemble. Le fait qu'Hydro-Québec soit rentable, le fait qu'Hydro-Québec rapporte des dividendes et des bénéfices nets, ça permet justement de maintenir les tarifs bas et de les maintenir gelés.

Le Président: En question principale... En complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, devant – on le voit ce matin – le mutisme et l'inaction du ministre responsable de la protection des consommateurs, qui dans ce gouvernement va protéger les consommateurs du Québec contre l'appétit financier vorace du ministre des Finances, du premier ministre et du P.D.G. d'Hydro-Québec? Ce n'est certainement pas le ministre des Ressources naturelles, qui, lui, ne fait que répondre à la commande du ministre des Finances.

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, elle, contrairement au député de Hull, elle était là en 1994.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Puis quand, dans son temps puis dans le temps de son gouvernement, Hydro-Québec, appuyée par le Conseil des ministres libéral, augmentait les tarifs de 7 %, de 8 %, de 10 %, où est-ce qu'elle était puis qu'est-ce qu'elle disait? Elle était silencieuse. Comme elle était silencieuse quand les boubous macoutes faisaient leur travail.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien, Mme la députée de Bonaventure, en question complémentaire.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre des Ressources naturelles est conscient que tout le monde est contre son projet de loi, tout le monde: ses collègues, les militants péquistes, les écologistes, les environnementalistes, les consommateurs? Et tout ce monde-là n'acceptera jamais d'être trompé et manipulé par le gouvernement péquiste.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: D'abord, rectifions les faits. Au congrès de mon parti, il y avait une motion effectivement qui réclamait que l'aile parlementaire ne modifie pas la Loi sur la Régie de l'énergie. Oui, effectivement. Et je vous signale, vous êtes mal informée, qu'elle a été battue massivement par les 1 700 délégués présents, massivement, oui, tout à fait.

Deuxièmement, M. le Président, tout le monde, là, je veux bien croire qu'il y a une coalition qui s'appelle Coalition Arc-en-ciel, qui est très hétéroclite, qui regroupe à la fois les grands consommateurs... Bien, oui, elle ne s'appelle pas...

Des voix: ...

Le Président: Bien, est-ce que je pourrais rappeler tout le monde un peu au respect du décorum et à un certain calme? M. le ministre.

M. Brassard: Alors, M. le Président, hétéroclite, c'est un synonyme d'arc-en-ciel. Ce n'est pas une insulte, là, ça veut dire qu'elle comprend divers intérêts, souvent divergents parce qu'elle compte dans ses rangs l'AQCIE, l'Association québécoise des grands consommateurs industriels, ça, c'est les grands consommateurs, c'est la grande industrie, des regroupements de consommateurs, Action Réseau Consommateur, les petits producteurs privés. Mais eux, ils ne se manifestent plus, là, depuis qu'ils ont compris la loi. Ils ne se manifestent plus, ils ne parlent plus, ils voient bien que ça va dans le sens de ce qu'ils demandent. Et, les intérêts divergents, alors, c'est cette coalition-là qui continue de se manifester. Je veux bien qu'ils aient le droit de le faire, là. Je reconnais qu'ils ont le droit de le faire puis de s'exprimer, mais de conclure que cette coalition représente l'ensemble de la population du Québec, bien là, c'est une conclusion qui n'est pas appropriée ni opportune.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Négociations avec les technologues en radio-oncologie


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, l'an dernier à pareille date, 1 200 patients atteints du cancer du sein et de la prostate attendaient leur radiothérapie. Au 31 mars 2000, donc cette année, 1 663 patients atteints de cancers du sein et de la prostate sont sur la liste d'attente pour les traitements de radiothérapie. L'an dernier, 285 patients atteints de cancer attendaient plus de huit semaines; 31 mars 2000, 455. La situation empire et se détériore au lieu de s'améliorer.

(10 h 30)

Or, voilà qu'on apprend que les technologues en radio-oncologie reprendront les moyens de pression dès le 29 mai prochain, donc soit lundi prochain, et cesseront d'effectuer du temps supplémentaire.

Dans ce contexte inacceptable, quelles sont les mesures que la ministre de la Santé entend prendre pour que les patients atteints de cancer, qui attendent avec angoisse, puissent être traités à temps et que les listes d'attente diminuent au lieu de continuer de s'allonger?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je remercie le député de Vaudreuil de sa question parce que ça va me permettre de revenir sur certains faits erronés qui ont été mentionnés ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président, et qui sont, à mon point de vue, un procédé complètement indigne venant de la part d'un membre de l'Assemblée nationale concernant justement des patients traités pour le cancer. Sa collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a plutôt choisi, hier... plutôt que de choisir la compassion, elle a choisi le spectacle et la démagogie, M. le Président, faisant peur aux patients traités dans nos hôpitaux.

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, j'imagine que les propos de Mme la ministre s'adressent également à Lysiane Gagnon.

Le Président: Ce n'était pas une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Il y a une différence entre Lysiane Gagnon et la député de Saint-Henri–Sainte-Anne: la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne représente la population du Québec, et je réitère que les procédés qu'elle a utilisés sont indignes du poste qu'elle occupe, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée, s'il vous plaît. M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Tout simplement suite aux propos de la ministre: Est-ce que ses propos s'adressent également aux comités des patients des institutions qui ont dénoncé des situations inacceptables?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Une voix: ...

Le Président: Oui, je pense que la présidence peut parfois empêcher un membre de l'Assemblée de parler, effectivement, et je vous rappellerai à l'ordre une première fois. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Si vous me le permettez et si l'opposition officielle l'accepte, M. le Président, je vais déposer la réponse qu'a apportée Mme Kathleen Weil, présidente de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, au président du Comité des patients du Centre universitaire de santé McGill. Est-ce qu'on est d'accord pour savoir au moins la vérité?

Le Président: Il y a consentement?

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le leader...

M. Paradis: Compte tenu qu'il y a eu consentement hier pour que la lettre des comités de patients soit déposée, il y a consentement pour que celle de la Régie régionale de Montréal-Centre soit déposée.


Document déposé

Le Président: Bien.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Et cette lettre dit ceci: «Après vérification, les autorités médicales du Centre universitaire de santé McGill nous affirment que le centre hospitalier se conforme aux recommandations canadiennes reconnues d'utilisation du taxol. D'ailleurs, un comité d'oncologues supervise les indications cliniques dans le traitement du cancer. Selon une autre expertise médicale, le taxol ne serait pas un traitement de première ligne du cancer du sein, contrairement à ce que vous indiquez.» Et on continue comme cela pour ce qui est de l'autre médicament. Donc, la...

Le Président: M. le député.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, en complémentaire. Est-ce que la ministre pourrait répondre à ma question au lieu de l'éluder comme elle fait d'habitude? Quelles sont les mesures qu'elle entend prendre devant les moyens de pression annoncés par les technologues pour rassurer les patients et éviter qu'ils attendent davantage et diminuer les listes d'attente?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vais revenir quand même sur toute cette question qui concerne le cancer et l'utilisation des médicaments parce que l'opposition actuellement est en train d'inquiéter – c'est absolument inadmissible – des gens qui sont déjà malades, qui ont déjà peur, qui ont déjà des craintes. Elle est en train de leur faire croire qu'on les traite à rabais. Inadmissible!

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Et, dans les faits, en ce qui a trait aux listes d'attente dans les cas de cancer du sein, de la prostate ou d'autres types de cancer, nous travaillons systématiquement et avec acharnement à réduire ces listes d'attente et nous travaillerons autant avec les technologues que d'autres praticiens ou que d'autres professionnels pour nous assurer que les services soient rendus adéquatement, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil, d'accord.


Nombre de patients en attente de traitements de radiothérapie


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: En principale, M. le Président. L'an dernier, à pareille date, 1 200 patients atteints de cancer du sein et de la prostate attendaient leur traitement de radiothérapie; le 31 mars 2000, 1 663. L'an dernier, 285 de ces patients atteints de cancer attendaient depuis plus de huit semaines; cette année, 455.

M. le Président, est-ce que la ministre peut comprendre que ce n'est pas l'opposition officielle qui inquiète les patients, c'est elle qui inquiète les patients et son gouvernement à cause de son inaction?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous avez constaté que, pendant la dernière année, nous avons procédé à des investissements majeurs dans les grands centres hospitaliers offrant des services de radiothérapie aux patients malades du Québec. Nous avons fait des efforts considérables pour recruter des professionnels à l'étranger, autant des technologues d'ailleurs que des médecins spécialistes.

Le comité présidé par le Dr Freeman m'a fait un certain nombre de recommandations pour accélérer encore la cadence dans les années qui viennent et je vais retenir l'essentiel et l'ensemble des propositions que ce même groupe m'a faites. Et, en ce sens, nous améliorons d'une façon systématique – je le répète – le nombre de traitements parce que nous découvrons plus tôt des cas de cancer, ce qui nous permet de les traiter plus, de les traiter mieux et de nous assurer de la guérison de ces cas. Et c'est le programme de dépistage que nous avons mis en place qui fait en sorte qu'on a un plus grand nombre de cas qui sont indiqués et pour lesquels nous appliquerons les traitements justes et adéquats, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Est-ce que la ministre se rappelle qu'il y a un an jour pour jour demain, soit le 27 mai 1999 – il y a un an – elle annonçait des mesures concrètes pour enrayer le problème des délais d'attente en radio-oncologie? Elle annonçait toutes sortes de mesures d'ailleurs, dont l'achat de quatre accélérateurs qui devaient être en opération à l'automne 1999, au mois d'octobre. Il n'y en a pas encore un qui est en opération, M. le Président. Donc, un plan d'action il y a un an. Les listes d'attente s'allongent, ça passe de 1 200 à 1 663.

Comment croire la ministre maintenant? Comment les patients qui attendent avec angoisse peuvent-ils la croire, qu'elle va corriger la situation pour eux?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, nous avons effectivement autorisé toutes les demandes qui nous avaient été faites, sans exception. Nous avons autorisé toutes les demandes qui nous ont été faites dans chaque centre hospitalier. Et le député encore une fois devrait savoir – parce qu'il me semble qu'il a certaines connaissances de ces milieux – que, dans le cas du choix et de l'installation de tels appareils, cela est long, complexe, au plan technique et au plan scientifique.

Peut-être qu'il a oublié aussi que, lorsque son gouvernement était là, eux, ils n'en donnaient pas, d'autorisations de machines, ils n'en achetaient pas, ça fait que les gens attendaient pas mal plus longtemps et n'avaient même pas les services, M. le Président.

(10 h 40)

Le Président: Bien. M. le député de Hull, en question principale, maintenant.


Accessibilité des services de physiothérapie en Outaouais


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. La ministre de la Santé a dit hier en cette Chambre que tout allait bien en matière de santé physique au Québec. Eh bien, M. le Président, comme d'habitude, la ministre ignore complètement ce qui se passe en Outaouais.

On apprend aujourd'hui que la loi antiservices du gouvernement du Parti québécois, de la ministre, coûtera cher chez nous: cette loi vient amputer 385 000 $ aux services externes de physiothérapie au CHVO de Hull; cinq postes de physiothérapeutes risquent d'être coupés; 1 100 patients ne seront pas traités et il y aura 13 000 visites de moins en physiothérapie l'an prochain; la liste d'attente qui est actuellement de 500 personnes va s'allonger.

M. le Président, comment la ministre peut-elle prétendre que tout va bien en santé physique, alors que sa loi va empêcher des citoyens de chez nous, en Outaouais, d'avoir des services convenables en physiothérapie?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, parce que je n'ai pas cette attitude démagogique, justement j'admets, et je l'ai admis à plusieurs reprises, qu'il y avait, oui, des difficultés puis qu'il y avait un certain nombre de problèmes dans notre réseau de la santé et des services sociaux. Ça va de soi, j'en suis bien consciente, parce que la demande, elle est infinie finalement, et les ressources pour y répondre, elles, ont leurs limites.

Cependant, le député va convenir avec moi que nous avons cette année réinvesti des sommes considérables du côté de la réadaptation physique justement, et, à partir du moment où nous répartissons cette enveloppe entre les régions où la liste d'attente est plus importante, où les besoins sont encore plus criants, il nous semble que nous prenons les décisions adéquates.

Je suis persuadée que, dans le cas de l'Outaouais comme dans le cas des Laurentides, d'ailleurs, dont je recevais une missive ce matin de la part du centre Le Bouclier pour me dire la satisfaction qu'ils avaient à avoir obtenu les ressources souhaitées, pas complètement bien sûr, je suis persuadée que dans tous les cas, avec le réaménagement des ressources, avec le réinvestissement, M. le Président, nous serons en mesure de baisser nos listes d'attente et de mieux répondre aux besoins de la population, autant outaouaise que québécoise.

Le Président: M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Est-ce que, M. le Président, la ministre réalise que la seule réponse qui sort de sa bouche, c'est que pour elle le problème, c'est qu'il y a trop de malades au Québec puis qu'on ne peut pas les soigner.

Moi, je veux savoir: Est-ce que la ministre s'engage à régler le problème de physiothérapie en Outaouais ou est-ce qu'elle invite les gens à aller se faire soigner en Ontario, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Encore là, M. le Président, c'est leur marque de commerce, hein, faire de la démagogie sans tenir compte des propos que nous tenons et des explications que nous donnons, parce que leur intérêt relève plus de l'ordre du spectacle que de la véritable réponse aux besoins de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes.

Je ne dis pas que c'est la faute des malades, jamais je n'ai dit ça, M. le Président. Ce que je dis, c'est que nous avons, comme tous les États industrialisés du monde d'ailleurs, un certain nombre de ressources, et les technologies et les développements font en sorte qu'on peut découvrir plus tôt certaines maladies, qu'on peut intervenir mieux, plus rapidement. Mais, oui, ça prend énormément de ressources, d'ailleurs la preuve en est faite que cette année nous aurons, sur deux ans, réaugmenté les budgets en santé et en services sociaux, réinvesti 4,4 milliards de dollars. C'est quasi l'essentiel de la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec, qui provient des impôts des Québécois et des Québécoises.

Alors, oui, M. le Président, je m'engage, en tout respect pour les gens qui ont des besoins à travers le Québec, à ce qu'on les traite équitablement, à ce que l'on dégage des ressources adéquates, étant entendu que nous allons établir un ordre de priorité pour que les gens soient traités dans des délais acceptables.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Abolition de la contribution annuelle pour les automobilistes résidant dans les municipalités de la région métropolitaine de Montréal non desservies par le transport en commun


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Le projet de communauté métropolitaine de Montréal de la ministre des Affaires municipales soulève, dans les couronnes nord et sud, des problèmes de territoire. Une grande partie des raisons pour lesquelles ces problèmes se sont manifestés, c'est que les gens de plusieurs municipalités se défendent ou ont des craintes qu'éventuellement la fiscalité de l'agglomération vienne les affecter sans qu'ils reçoivent des services pour compenser cette fiscalité.

Or, il y a à peine 15 jours, M. le Président, le vice-premier ministre et ministre des Finances annonçait, dans une déclaration ministérielle ici, qu'il retirait à des municipalités leur contribution annuelle de 30 $ pour les automobilistes résidant dans la région mais n'étant desservis d'aucun des services métropolitains. Ces municipalités, qui sont L'Île-Cadieux, Pointe-des-Cascades, Saint-Isidore, Saint-Mathieu, Saint-Mathieu-de-Beloeil, Saint-Sulpice et Vaudreuil-sur-le-Lac, sont, par hasard – l'autre main qui n'a pas compris ce que la première disait – incluses dans la liste des municipalités de la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal que voudrait faire adopter Mme la ministre.

La question, M. le Président, est fort simple: À quand un gouvernement cohérent sur des décisions qui devraient toucher l'ensemble des citoyens du Québec? À quand la cohérence d'un ministre des Finances qui, lui, fait en sorte d'abolir les contributions annuelles de 30 $ pour des automobilistes qui n'ont pas de services dans les villes que je viens de mentionner? Et pourquoi la ministre tente, elle, d'intégrer ces municipalités pour en recevoir éventuellement de la fiscalité d'agglomération?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'en conclus, à la question posée par le député de Westmount–Saint-Louis, que sa formation politique et lui-même appuieront le gouvernement lors de l'adoption de la loi créant la communauté métropolitaine de Montréal sur le territoire de la région métropolitaine de recensement. Et je me dis que mon prédécesseur aux Affaires municipales, M. Claude Ryan, a certainement influencé cette orientation, puisque lui-même s'est prononcé, il y a 10 jours maintenant, en faveur de la délimitation du territoire métropolitain de recensement.

Je rappelle, M. le Président, que ça n'est pas une invention du gouvernement ni de la ministre. Il s'agit de critères internationaux utilisés dans tous les pays industrialisés pour délimiter les régions métropolitaines de recensement. Cela faisait d'ailleurs partie des recommandations du groupe Pichette, recommandations remises au gouvernement précédent il y a sept ans et qui n'ont donné lieu à aucune suite de ce gouvernement.

Je conclurai en rappelant d'abord au député de Westmount–Saint-Louis que le ministre des Finances a aussi assuré qu'il allait compenser pour une somme qui est quand même modeste, 2 millions et un peu plus, 2,1 millions, l'Agence métropolitaine de transport pour l'équivalent de ce droit d'immatriculation. Et je termine en rappelant les propos du maire de Montréal hier, qui, commentant l'attitude du chef de l'opposition à l'égard de la réorganisation municipale, disait, et je cite: «On recule jusque dans les années soixante, avec une telle attitude.»

Le Président: M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Soit dit en passant, M. le Président, le maire de Montréal est justement en train de défendre un projet des années soixante.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que la ministre pourrait nous répondre, à savoir: Comment se fait-il que le ministre des Finances, il y a deux semaines, nous annonce que les municipalités que j'ai mentionnées, soit L'Île-Cadieux, Pointe-des-Cascades, Saint-Isidore, Saint-Mathieu, Saint-Mathieu-de-Beloeil, Saint-Sulpice et Vaudreuil-sur-le-Lac, ne seront plus assujetties à la contribution annuelle de 30 $, parce qu'elles ne sont pas, pour lui, dans la région métropolitaine, parce qu'elles ne sont pas, pour lui, desservies par les services métropolitains, pendant que la ministre, elle, s'entête à vouloir les intégrer dans la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal? En deux mots, où est la cohérence de ce gouvernement?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Certainement, M. le Président, dans la clarté. Parce que le député de Westmount–Saint-Louis entretient une confusion entre l'Agence métropolitaine de transport, qui dessert des territoires et qui justement ne dessert pas ces territoires mentionnés par le député de Westmount–Saint-Louis – alors, voilà la cohérence – alors que la région métropolitaine de recensement, c'est donc là une communauté d'intérêts avec une vision de développement, d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement, et c'est l'ensemble des populations concernées sur ce territoire qui doivent accepter l'évidence, l'évidence étant la réalité de cette région métropolitaine de recensement.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Politique de financement des universités


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Permettez-moi d'abord de souhaiter un bon anniversaire au ministre de l'Éducation, qui, le connaissant, doit être déçu de passer cette journée à l'Assemblée nationale. Bon anniversaire quand même!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: M. le Président, le refinancement universitaire lié à des contrats de performance soulève plusieurs questions depuis plusieurs semaines et a même incité le ministre de l'Éducation à se contredire à quelques reprises.

Au lendemain du dépôt du budget, il indiquait que l'accès au financement serait conditionnel aux contrats de performance. Le 20 avril, lors de l'étude des crédits, il indiquait que le financement ne serait pas modulé selon des contrats de performance et, le 11 mai dernier, il indiquait en cette Chambre que, oui, il y aurait des contrats de performance et que la politique de financement y était reliée. Au retour de son voyage, il a trouvé un nouveau nom à ces contrats, des contrats d'optimisation et de développement, des COD, «cash on delivery», comme il aime bien les appeler.

Est-ce que le ministre de l'Éducation, qui ne semble pas faire confiance aux dirigeants universitaires pour décider comment investir, peut nous dire ce matin si, oui ou non, le refinancement universitaire est lié à des contrats de performance, à ces «cash on delivery» comme il aime les appeler, et surtout quels seront les bonus ou les pénalités que les universités auront ou n'auront pas si elles atteignent ou pas ces objectifs-là?

Le Président: Je voudrais simplement signaler, en souci de fair play, que c'est également l'anniversaire de la députée de Saint-François aujourd'hui. Alors, M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je veux remercier d'abord le député de Kamouraska-Témiscouata pour ses bons souhaits et espérer que je vais pouvoir peut-être terminer la journée en famille, même si j'aime beaucoup l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: M. le Président, le député de Kamouraska-Témiscouata me pose une question sur les contrats de performance. Effectivement, on va investir au cours des trois prochaines années plus de 600 millions de dollars additionnels dans les universités, ce qui va nous amener à un investissement per capita comparable à ce qui est fait dans les universités de l'Ontario, auxquelles l'opposition aime bien se comparer.

Ce que je voudrais rappeler aussi, M. le Président, c'est que les professeurs, dans nos universités, ont fait un travail extraordinaire qui fait qu'aujourd'hui les universités québécoises sont considérées parmi les meilleures au monde. J'arrive d'ailleurs d'une mission économique et d'éducation en Argentine, au Chili, et j'ai pu constater encore une fois toute l'appréciation des étrangers pour les universités québécoises et la signature de nombreuses ententes, au cours de cette mission, avec les universités québécoises qui étaient présentes. J'ai pu aussi, durant les moments libres qu'on a pu avoir au cours de cette mission, avoir des discussions avec les recteurs qui étaient présents, incluant le président de la Conférence des recteurs, M. François Tavenas, et nous avons convenu ensemble du contenu des contrats de performance qui seront signés avec chacune des universités pour s'assurer qu'on ait une utilisation optimale au Québec des fonds investis dans nos universités.

Je terminerais en ajoutant que la Conférence des recteurs a proposé une nouvelle appellation. Effectivement, elle a proposé que, plutôt que ça soit des contrats de performance, ça soit des conventions d'optimisation et de développement. J'ai dit que j'examinerais la possibilité de faire ce changement, mais j'ajouterais en terminant, M. le Président, que...

Le Président: Bien, là, c'est parce que ça fait trois fois que vous nous annoncez que vous concluez. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire si, oui ou non, il y aura des pénalités ou des bonus si les contrats sont respectés ou non? Et est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire si ces nouveaux contrats tiendront compte des fonds de dotation des universités, comme l'indiquait son attaché de presse cette semaine, lorsque l'Université McGill a reçu 64 millions de dollars, ou est-ce qu'ils n'en tiendront pas compte, comme le recommande le rapport de son propre ministère déposé en 1997?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je constate encore une fois que l'opposition a de la misère avec le mot «performance», hein. Ils souhaitent finalement qu'on s'assure que ces contrats de performance ne seront pas vraiment utilisés. Moi, je n'ai pas de problème, M. le Président. Oui, il y aura des contrats de performance. Je pense qu'il est souhaitable, au Québec, d'avoir des entrepreneurs performants, d'avoir des athlètes performants, d'avoir des artistes qui sont performants. Pourquoi en éducation on n'aurait pas des universités performantes?

Des voix: ...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. le Président, l'opposition aime mieux les mots «laisser-faire», et c'est avec ce laisser-faire qu'on s'est retrouvé avec un déficit annuel de 6 milliards. Oui, on va avoir des contrats de performance dans nos universités et on va en être très fier, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Est-ce que le ministre se rend compte qu'on aurait aussi besoin d'un ministre de l'Éducation performant au Québec? Est-ce qu'il s'en rend compte, de ça?

M. le Président, le ministre de l'Éducation, à force de vouloir des contrats de performance, est-ce qu'il veut dire par là qu'il trouve qu'actuellement les universités québécoises ne sont pas performantes, alors qu'elles réussissent à se maintenir parmi les meilleures malgré des coupures de près de 500 millions que vous leur avez imposées? Vous trouvez qu'elles ne sont pas assez performantes, quand vous avez fait 500 millions de coupures puis qu'elles réussissent encore à être parmi les meilleures? Franchement!

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, j'ai mentionné tantôt qu'on a les universités qui sont parmi les plus performantes au monde. J'ajouterais que la majorité de nos professeurs, effectivement, au Québec, font un travail extraordinaire. On veut s'assurer que ça continue, on veut s'assurer que, dans les cinq ou 10 prochaines années, on ait, au Québec, la meilleure qualité d'enseignement possible, le meilleur enseignement, la meilleure recherche possible, et qu'on ait aussi une utilisation optimale de nos fonds. Les recteurs sont d'accord pour qu'on négocie, au cours des prochains mois, un contrat de performance avec chacune des universités, et c'est ce qu'on va faire, M. le Président, pour être encore plus fier de notre réseau d'enseignement universitaire.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, maintenant, en question principale.


Impact fiscal des services de garde à 5 $ par jour pour les familles à revenus moyens


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il y a deux semaines, je questionnais la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance sur les conclusions de l'étude faite par le fiscaliste Claude Laferrière, de l'UQAM, qui démontre que le système de places en garderie à 5 $ pénalise les familles avec un revenu entre 20 000 $ et 41 000 $ par année, c'est-à-dire des familles à faibles et moyens revenus. Incapable de contredire ces faits, la ministre s'est contentée de répondre, et je la cite: «S'ils préfèrent ne pas utiliser les services de garde à 5 $, s'ils préfèrent avoir un crédit d'impôt remboursable, c'est le choix des parents.» Fin de la citation. Essentiellement, la ministre a dit que c'est le choix de certaines catégories de parents de se faire avoir avec les places à 5 $, s'ils le veulent.

M. le Président, étant donné que la ministre a admis, cette journée, qu'elle n'avait pas pris connaissance de cette étude, est-ce qu'elle est prête aujourd'hui a annoncer des correctifs à cette aberration qui fait en sorte, par exemple, qu'une famille monoparentale avec un enfant, avec un revenu de 27 000 $ par année, perd 1 000 $ à la fin de l'année en utilisant les services de garde à 5 $, comparé à l'ancien système de crédit d'impôt?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui, M. le Président. Lors de la création de la politique familiale, en 1997, nous avons justement fait le choix politique de privilégier les familles à faibles revenus pour leur permettre de couvrir les besoins essentiels de leurs enfants. C'est pourquoi nous avons passé d'un régime d'allocations familiales universel à un régime qui privilégie particulièrement les faibles revenus, M. le Président.

Alors, quand on parle de politique familiale, il faut regarder la politique familiale aussi dans son ensemble, M. le Président. Alors, les services de garde, c'est une chose, l'allocation familiale, c'est une chose, et tout le soutien aux familles. Alors, quand on parle mesure par mesure, c'est une chose. Il faut vraiment regarder l'ensemble de la politique familiale dans sa globalité.

(11 heures)

Et je pense que l'opposition a toujours dit que c'est important, le choix des parents. Alors, je redis encore dans cette Chambre-ci que c'est important que les parents aient le choix. Et le vif succès des politiques familiales, je pense qu'il répond à ce que les parents veulent et demandent, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre de la réponse de la ministre que, pour le gouvernement du Parti québécois, le choix pour une famille monoparentale, une femme avec un enfant, qui gagne 27 000 $ par année, c'est soit de payer 1 000 $ de plus à la fin de l'année pour être capable de travailler, comparé à l'ancien système, ou de rester chez elle? Parce que c'est ça, le choix qu'elle offre, soit qu'elle dépense 1 000 $ de plus comparé à l'ancien régime ou elle reste chez elle puis elle ne travaille pas pour garder son enfant. Est-ce que c'est ça, le choix de ce gouvernement, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, je ne sais pas où le député de Notre-Dame-de-Grâce veut en venir, parce que les familles du Québec ont le choix d'utiliser les services de garde, M. le Président, et, tant qu'on n'a pas terminé tout le plan de développement des services de garde, il y a un crédit d'impôt remboursable. Et je pense que c'est le choix des parents.

Alors, je me demande pourquoi le député de Notre-Dame-de-Grâce voudrait qu'on fasse nécessairement nous-mêmes le choix des parents. S'il y a tant de demandes, M. le Président, présentement, c'est que ça répond à un besoin et c'est populaire. Alors, laissons les parents faire des choix judicieux pour leurs enfants. Si le choix judicieux pour leurs enfants, c'est d'utiliser les services de garde, rester à la maison, utiliser une autre forme de service de garde, c'est leur choix et c'est leur privilège, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Papineau.


Conflit de travail impliquant les chargés de cours à l'Université du Québec à Trois-Rivières


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Le 6 avril dernier, en cette Chambre, le vice-premier ministre, en l'absence du ministre de l'Éducation, s'engageait à tout faire pour éviter l'annulation des cours et le risque pour 900 étudiants étrangers de l'École internationale de français de l'Université du Québec à Trois-Rivières de perdre leur stage ou leur bourse d'études.

Une semaine plus tard, le 13 avril, le ministre de l'Éducation reprenait le même engagement et ajoutait: «J'ai confiance en la direction de l'Université du Québec à Trois-Rivières pour régler le dossier sans conflit majeur.»

Aujourd'hui, Le Nouvelliste nous apprend que «l'échec des démarches du gouvernement péquiste a non seulement des répercussions sur le campus, parce que les cours sont effectivement annulés, mais également dans les commerces que ces 900 étudiants étrangers encourageaient.» Le directeur du service alimentaire de l'Université a même procédé à la mise à pied temporaire de 21 des 26 emplois.

Le ministre responsable de la Mauricie peut-il nous dire en cette Chambre ce qu'il a fait pour éviter ces difficultés pour l'économie de sa région, M. le Président?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, il y a actuellement une négociation entre l'Université du Québec à Trois-Rivières et ses chargés de cours. Malheureusement, il y a quelques conséquences; on essaie de minimiser ces conséquences. Pour l'instant, il n'y a aucun cours pour les étudiants québécois qui a été annulé, les étudiants étrangers ont été replacés à d'autres endroits.

Donc, on essaie, M. le Président, de minimiser les impacts, mais il s'agit d'une négociation qui a lieu entre l'Université du Québec à Trois-Rivières et ses chargés de cours, et le gouvernement n'est pas partie à cette négociation. J'ai confiance dans les autorités de la direction de l'Université du Québec à Trois-Rivières pour régler ce conflit dans la mesure de ses capacités, avec un budget, comme on l'expliquait tantôt, pour s'assurer qu'on demeure performant dans toutes nos universités québécoises, M. le Président.

Le Président: Bien. Alors, cela termine la période de questions et de réponses orales. Nous allons procéder maintenant au vote sur la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui propose que le principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, soit maintenant adopté.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, compte tenu que nos chefs respectifs, pour des raisons évidemment tout à fait pertinentes, ne sont pas présents, est-ce qu'il y aurait un consentement pour qu'on reporte le vote à mardi?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, je pense que, nous, de notre côté, je pense que les chefs étaient ici hier tous les deux, nous étions prêts à voter; le gouvernement a choisi de reporter à aujourd'hui. Mais, compte tenu du souhait exprimé par le leader du gouvernement, je n'ai pas d'objection à ce que le vote soit encore une fois reporté.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: J'invite à ce moment-là l'opposition officielle à prendre la fin de semaine pour réfléchir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, je comprends que nous allons reporter ce vote à mardi prochain.


Motions sans préavis

Alors, aux motions sans préavis, maintenant, M. le leader de l'opposition officielle.


Hommage à M. Alcide Courcy, ex-député d'Abitibi-Ouest, et condoléances à sa famille

M. Paradis: Oui, M. le Président, tel que convenu hier:

«Que l'Assemblée nationale offre ses condoléances à la famille de l'honorable Alcide Courcy, député d'Abitibi-Ouest de 1956 à 1970 et ministre de l'Agriculture et de la Colonisation dans le gouvernement de l'honorable Jean Lesage de 1960 à 1966.»

Le Président: Bien. J'ai compris hier que de toute façon le consentement avait été donné, alors nous allons procéder à des interventions. M. le député de Brome-Missisquoi, d'abord.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. C'est avec tristesse que nous avons appris hier le décès de l'honorable Alcide Courcy qui a siégé à l'Assemblée nationale pendant plus de 16 ans.

M. le Président, Alcide Courcy est né à Saint-Onésime dans le comté de Kamouraska le 3 novembre 1914, fils de Louis Courcy, cultivateur, et d'Élise Ouellette.

Il fit ses études dans sa paroisse natale ainsi qu'au collège et à l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Bachelier en sciences agricoles en 1935, il fut récipiendaire de la médaille Pilote. Il a épousé, à Roquemaure, dans la paroisse de Sainte-Anne, dans le comté d'Abitibi, le 7 juin 1937, Léonie Gagnon, institutrice, fille de Polycarpe Gagnon, cultivateur, et d'Anna Guignard.

Agronome-colon et agronome-conseil à Mont-Brun en Abitibi; surveillant chargé de la station expérimentale et des stations de démonstration à Macamic, en Abitibi, en 1939; secrétaire et gérant de la Coopérative agricole de Macamic en 1945; représentant et administrateur de la Coopérative fédérée du district de Témiscamingue; directeur provincial du Conseil de la coopération du Québec; président de la Société coopérative du Nord-Ouest québécois; président de l'Union catholique des cultivateurs, UCC, de Macamic et directeur diocésain de cet organisme à Amos; président fondateur du Syndicat de travail de Macamic; cofondateur avec Lucien Cliche et Jean-Pierre Bonneville du journal Le Progrès de Rouyn-Noranda en 1954; il fut candidat libéral dans la circonscription d'Abitibi-Ouest aux élections provinciales de 1952, mais, à sa première tentative, il connut malheureusement la défaite.

Élu par la suite député libéral à l'Assemblée législative de cette circonscription en 1956, organisateur en chef du Parti libéral provincial de 1958 à 1960, M. le Président, c'est lui qui a dirigé la campagne qui a amené «l'équipe du tonnerre» de Jean Lesage au pouvoir en 1960; réélu dans la même circonscription en 1960, 1962 et 1966; ministre de l'Agriculture et ministre de la Colonisation dans le cabinet Lesage du 5 juillet 1960 au 14 mars 1962, date de la fusion des deux ministères, puis titulaire du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation jusqu'au 16 juin 1966; il fut défait à l'élection de 1970.

Membre de la Corporation des agronomes du Québec; commandeur de l'Ordre du mérite agricole; président de la commission de crédit de la Caisse populaire de Macamic; secrétaire régional de la Chambre de commerce des jeunes du Nord-Ouest québécois; président diocésain des cercles Lacordaire; membre du Club de réforme, du Club Rotary et du Club Richelieu; il fit également partie du régiment de Hull.

M. le Président, vous aurez compris qu'il s'agissait d'une personne, d'un personnage des plus impliqués dans sa communauté, dans son milieu et dans sa province. Il laisse dans le deuil son épouse, Mme Fernande Renaud, ainsi que ses enfants, Jean-Claude, Gisèle et Michel. Au nom de la famille libérale et au nom de la famille de l'Assemblée nationale, nous offrons à tous ses amis nos plus profondes sympathies.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Au nom du gouvernement du Québec et en mon nom personnel, il nous fait plaisir d'appuyer et de souscrire à la motion du leader de l'opposition officielle afin d'offrir nos plus sincères condoléances à la famille de M. Alcide Courcy, à la famille politique de M. Alcide Courcy, à sa famille personnelle, à ses trois enfants que, moi, j'ai eu l'occasion de rencontrer et de connaître, Jean-Claude, Gisèle et Michel, avec qui j'avais, dans le passé, des relations plus particulières, que j'ai connu également plus particulièrement.

Je voudrais rappeler peut-être trois, quatre faits pour très concrètement démontrer comment M. Courcy a marqué l'histoire de la coopération. Avant de faire de la politique, M. Courcy, comme agronome, comme professionnel, a marqué l'Abitibi-Témiscamingue dans son implication, dans la défense des possibilités réelles de l'agriculture. C'est un de ceux qui ont commencé à détruire l'espèce de mythe qu'il n'y a pas de possibilité de développer l'agriculture en Abitibi-Témiscamingue alors que c'est complètement faux, on a des sols très riches. Et M. Alcide Courcy, comme professionnel de ce secteur, comme agronome, il y a contribué beaucoup.

(11 h 10)

Également, et mon collègue l'a mentionné, il s'est impliqué à de nombreuses reprises dans plusieurs organisations à caractère coopératif. Alors, je ne rappellerai pas toutes ses implications, mais une chose est sûre, on lui doit énormément de considération pour le travail, les efforts qu'il a mis dans le développement coopératif qui est toujours très actif et très présent chez nous. Donc, il est sûrement une des raisons pour lesquelles on a voulu maintenir cette présence coopérative forte en Abitibi-Témiscamingue. Sur le plan politique, c'est évident que M. Courcy a été député de 1956 – un premier mandat – 1960, 1962 et 1966 jusqu'à 1970. Donc, il a fait presque 15 ans de vie politique. Alors, il a marqué le comté d'Abitibi-Ouest.

Je voudrais rappeler deux anecdotes très rapidement. Ce qui a le plus marqué et le meilleur legs, je pense, qu'il a laissé au comté d'Abitibi-Ouest, que je connais très bien, puisque je le représente depuis bientôt 24 ans... Je me rappelle que M. Lesage avait été malade – pour les plus jeunes, c'est peut-être des choses que vous vous rappelez un peu moins – il avait pris un congé de quatre, cinq mois, et M. Alcide Courcy avait été nommé premier ministre intérimaire. Il avait profité de ce poste pour nous autoriser la deuxième polyvalente au Québec – alors, nous, on lui en sera toujours reconnaissant – la première étant celle du ministre de l'Éducation de l'époque, Paul Gérin-Lajoie, dans le comté de Vaudreuil-Soulanges – des choses qui étaient normales à l'époque. Nous avons eu droit à la deuxième polyvalente dans laquelle j'ai enseigné une dizaine d'années, que je connais très bien, et je suis convaincu que, si M. Courcy n'avait pas été nommé premier ministre intérimaire... je ne suis pas sûr qu'on l'aurait eue dans les délais qu'on l'a eu. On l'aurait peut-être eue un jour, mais on ne l'aurait pas eue pour les années 1964-1065 en termes de décision, ce qui a permis de l'inaugurer en 1967.

Le deuxième fait... on ne peut pas le faire, on s'est entendu, un parlementaire de chaque côté. Nous avons aussi notre collègue député de Saint-Hyacinthe qui vient de la région de l'Abitibi, qui vient de la paroisse de Guyenne, qu'il connaît bien. Guyenne, c'est la petite Russie de l'Abitibi, c'est le secteur coopératif le plus puissant. Mon collègue Léandre ne pourra pas le faire parce qu'on s'est entendu un-un, mais je crois que c'est de bonne guerre de vous indiquer que, s'il est député aujourd'hui, M. Courcy a contribué à l'influencer parce qu'il avait donné du niveau et de la hauteur à la profession de député, à l'engagement d'un député, parce qu'il était très proche de son monde. Moi, je me rappelle de ça parce que, je vous dis, j'ai connu bien la famille, je sais où elle restait, je l'ai rencontrée à plusieurs reprises, et Léandre m'a dit: Bien, moi, ce que j'aurais dit à la famille et à M. Courcy, et les enfants vont s'en rappeler parce que je sais qu'ils connaissent la famille Dion, de Guyenne: Bien, merci beaucoup parce que vous lui avez donné l'intention de faire de la politique active un jour, puis, aujourd'hui, il est collègue député à son deuxième mandat. Alors, merci à M. Courcy.

Dernier point. C'est évident, je crois qu'il était normal, pour quelqu'un qui s'est impliqué pendant autant d'années, qui a occupé un poste de ministre de l'Agriculture, de souligner à la famille toute la considération que nous avons, que nous avons eue, et j'offre mes plus sincères condoléances à la famille politique et aux trois enfants, et je tenais, moi, comme député d'Abitibi-Ouest, à rappeler sa mémoire, parce que, effectivement, il a marqué le comté d'Abitibi-Ouest. Merci.

Le Président: Bien.

M. Paradis: M. le Président, simplement à la mémoire de M. Courcy. C'était un homme politique qui en embrassait large. La rumeur veut que même l'actuel député d'Abitibi-Ouest ait déjà voté pour lui. C'est peut-être le moment de le confirmer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Oui, effectivement, très succinctement, j'ai déjà péché.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: J'ai eu quelques faiblesses alors dans ma jeune adulté. Alors, lorsque j'étais jeune adulte, j'ai eu l'occasion de participer à quelques activités de la famille libérale, mais ce qui est heureux, c'est que ça n'a pas duré longtemps, et rapidement j'ai fait ce que vous savez.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, je comprends que M. Courcy doit d'en haut rigoler un petit peu, ce matin. Alors, néanmoins, à sa mémoire, peut-être que je vous prierais de vous lever pour un moment de silence...

(11 h 15 – 11 h 16)

Le Président: Bien. Merci. Veuillez-vous asseoir. Alors, il y a, je crois, d'autres motions sans préavis. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: ...sans préavis. Alors, tout d'abord, M. le Président, avant de présenter la motion, j'aimerais souligner la présence dans les galeries de l'Assemblée nationale du président de l'Association des gens de l'air du Québec, M. Serge Martel.


Inciter le gouvernement fédéral à prendre les moyens nécessaires pour permettre le respect de l'équilibre linguistique dans le transport aérien au Canada

Alors, M. le Président, je présente la motion suivante:

«Compte tenu de l'existence de la Loi sur les langues officielles, du nombre croissant de plaintes déposées devant le Commissariat aux langues officielles et de la volonté bien légitime de conserver et de développer au Québec les emplois et l'expertise déjà reconnus dans le secteur aéronautique, l'Assemblée nationale du Québec incite le gouvernement fédéral à prendre, dans le cadre du projet de loi C-26, les moyens nécessaires pour permettre, dans le transport aérien au Canada, le respect de l'équilibre linguistique représentatif de la réalité canadienne, à la fois au plan de l'usage et des services à la clientèle, de même qu'une absence de discrimination systémique en matière d'embauche.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Brassard: Il y a consentement, puis pour adoption, sans débat.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sans débat. Alors il y a consentement pour la présentation de la motion, sans débat. Est-ce que cette motion du député de l'Acadie est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Aux motions sans préavis, M. le député d'Argenteuil.


Féliciter les récipiendaires des prix Phénix de l'environnement

M. Whissell: Oui, merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement des membres de l'Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite les 20 lauréats récompensés lors du gala des Phénix de l'environnement.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion du député d'Argenteuil? Consentement. M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.


M. David Whissell

M. Whissell: Alors, merci, M. le Président. Vous savez, comme porte-parole en matière de faune et parcs et également au niveau des sujets environnementaux, c'est avec honneur qu'aujourd'hui je tiens à souligner qu'hier ici, à Québec, 20 entreprises, organismes, individus ou municipalités ont reçu des lauréats afin de récompenser leur implication et leur volonté d'améliorer l'environnement au Québec.

Vous savez, M. le Président, l'environnement, c'est quelque chose de très important. Nous vivons sur une planète, dans un élément qui est quand même limité. Et je pense que c'est très important que les gouvernements, les législateurs s'assurent de mettre en place des lois et des règlements pour encadrer notre mode de fonctionnement.

Alors, hier, ici, à Québec, il y a 20 organismes et individus qui ont été reconnus. Également, il y a deux individus, deux personnes qui ont été ovationnées pour leur implication passée, présente et future en matière d'environnement.

Il y a M. Clifford Lincoln, qui est ancien ministre de l'Environnement du Québec, qui a reçu la grande distinction. Vous savez, M. Lincoln a été député libéral et également ministre et a vraiment fait avancer la cause de l'environnement au Québec.

Il y a également le journaliste bien connu Louis-Gilles Francoeur qui a reçu des honneurs. M. Francoeur écrit beaucoup sur les sujets environnementaux, également sur les questions de faune et de parcs au Québec. Alors, M. Francoeur a été récompensé afin de reconnaître le travail qu'il investit dans ces sujets.

M. le Président, je tiens quand même à énumérer la liste des groupes, organismes qui ont été récompensés. Alors, il y a le Comité de citoyens pour la protection des terrains du foyer Savoy, il y a l'Héritage Saint-Bernard inc., la ville de Charlesbourg, Pépinière François Lemay inc., Ferme Louis d'Or inc., la Corporation de gestion de la forêt de l'Aigle, Framboisière de l'Estrie, Sintra inc. et la ville de Drummondville conjointement, Mabarex inc., Purporc SENC, filiale de Purdel, École entreprise du Centre St-Michel, la municipalité de Chelsea, Corporation de protection de l'environnement de Sept-Îles inc., la Régie de tri et de récupération de la région sherbrookoise, SiliCycle inc., Plate-forme CPT inc., l'Union des producteurs agricoles, l'école Val-Joubert, Service d'aide au consommateur et l'Équipe FORI-MAT.

(11 h 20)

Alors, M. le Président, c'est les 20 groupes, industries, municipalités, individus qui ont été récompensés. C'est quand même important de souligner qu'il y a eu 170 candidatures qui ont été analysées par un jury indépendant qui était présidé par nul autre que M. Mead, qui est un environnementaliste très bien connu au Québec.

Cette activité est supportée par le gouvernement du Québec via le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Industrie et du Commerce. Alors, au nom de mon parti, au nom de l'opposition officielle, bravo aux 20 lauréats et également aux deux personnes qui ont été reconnues exceptionnellement au niveau de l'environnement, M. Lincoln et M. Francoeur.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. Sur cette même motion, M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Je remercie le député d'Argenteuil de présenter cette motion. Je partage avec lui la fierté qu'on a eue hier d'assister à un gala où on a remis 20 prix à différentes personnes et organismes qui, dans différents secteurs de l'activité environnementale, ont mérité un prix. Et je peux vous assurer, à voir les projets des candidats, on voyait qu'il y avait là des cas... dans tous les cas, on se disait: Ça devrait être lui le gagnant où la gagnante, puisqu'on avait là des gens qui avaient fait des choses exceptionnelles. Permettez-moi très brièvement de les mentionner, je pense que ça vaut la peine.

Il y a les Phénix de la conservation et de la biodiversité: Jacques Messier, Comité des citoyens pour la protection des terrains du foyer Savoy, qui a gagné, de même que Héritage Saint-Bernard inc.

Les Phénix de l'utilisation durable et la restauration de la biodiversité, ville de Charlesbourg, Pépinière François Lemay inc., Ferme Louis D'Or, inc., et Corporation de gestion de la forêt de l'Aigle ont reçu un Phénix.

Les Phénix de l'intégration d'un système de gestion environnementale: la Framboisière de l'Estrie. Les Phénix de l'innovation, l'exportation et l'utilisation de technologies: Sintra inc., Mabarex inc., Purporc SENC, filiale de Purdel. Les Phénix de la réalisation d'un programme de récupération: École entreprise du Centre St-Michel, municipalité de Chelsea et Corporation de protection de l'environnement de Sept-Îles inc.

Les Phénix du développement du recyclage: soit Régie de tri et de récupération de la région sherbrookoise, SiliCycle inc. et Plate-forme CPT inc. Les Phénix de l'éducation et de la sensibilisation: Union des producteurs agricoles, école Val-Joubert et Service d'aide au consommateur. Enfin, un prix très spécial, celui accordé au Phénix de la jeunesse, a été accordé à l'Équipe FORI-MAT.

Enfin, deux personnes ont reçu ce que nous appelons le Cercle des Phénix, c'est-à-dire une reconnaissance faite pour le travail qu'elles ont fait non pas à l'égard d'un dossier ou d'un projet en particulier, mais sur l'ensemble de leur oeuvre. Il s'agit de l'ancien ministre de l'Environnement du gouvernement libéral qui nous a précédés, M. Clifford Lincoln, qui a été honoré pour le travail qu'il a fait, et j'étais très fier d'être avec lui sur la tribune pour lui remettre ce prix qu'il méritait bien.

Il y avait également Louis-Gilles Francoeur, le journaliste bien connu, chroniqueur au Devoir , qui, vous le savez, apprécie le travail que nous faisons en cette Assemblée, mais qui ne peut s'empêcher à l'occasion de nous critiquer de manière très correcte. Alors, M. Louis-Gilles Francoeur a reçu le même prix. M. le Président, il s'agit là de prix très prestigieux, et on veut souligner le travail remarquable que certaines personnes ont fait à l'égard de l'environnement.

Peut-être vous interrogez-vous pourquoi on parle de «Phénix» de l'environnement. Pourquoi pas le «Prix»? Le phénix est un oiseau mythologique qui avait pour caractéristique de renaître des cendres après l'avoir fait brûler. Et il renaissait. Donc, on a un signe que, même si on perd, on revient. Le développement durable, c'est cette notion qui est derrière, c'est la protection de l'environnement, c'est de permettre la renaissance de la vie, et ça, c'est exceptionnel.

Nous remercions donc et félicitons les gens qui ont gagné des prix, ceux qui ont été candidats pour ces prix, et tous ceux qui, au Québec, ont à coeur l'environnement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Sur cette motion, M. le whip en chef de l'opposition officielle et député de Châteauguay, M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur cette motion particulièrement pour un organisme que le ministre a identifié tantôt. Et je voudrais me permettre d'ajouter ma voix pour féliciter tous les autres, mais particulièrement Héritage Saint-Bernard.

D'abord, précisons qu'Héritage Saint-Bernard a gagné le prix dans la catégorie des organismes à but non lucratif pour le Phénix de la conservation de la biodiversité. Je me lève aujourd'hui avec une petite touche d'émotion. J'ai eu, à la demande d'ailleurs de la députée libérale de Châteauguay de l'époque, Pierrette Cardinal, l'occasion d'incorporer cet organisme et d'en assumer la présidence à sa première année dans un rôle bien modeste par rapport à tous les développements qui ont eu lieu par la suite, mais c'est toujours une institution, un organisme que j'ai suivi avec beaucoup d'admiration.

Je voudrais en profiter pour féliciter tous les membres des différents conseils d'administration qui ont participé à faire d'Héritage Saint-Bernard ce que cet organisme est devenu, et saluer particulièrement, si vous me le permettez, M. le Président, les membres actuels du conseil d'administration: Denis Dufault, qui est en le président, Claude Boileau, le vice-président, Paul Bonneau, Étienne Faille, Rita Gervais, Yvan Raymond, Stéphane Gloutney, soeur Raymonde Saint-Germain – évidemment, la congrégation des Soeurs est importante, parce qu'il s'agit d'une propriété qui appartient aux Soeurs grises – Claire Labelle, Yvon Mailhot, Luc L'Écuyer, qui en assume la direction générale comme coordonnateur principal et qui fait un boulot exceptionnel, Mario Filion, Claudine Auger, Philippe Geoffrion, tous ces bénévoles, tous ces gens qui travaillent sans relâche pour un objectif qui non seulement est bon pour la communauté, mais devient un exemple de collaboration constructive.

Et je voudrais en profiter, M. le Président, pour faire rapidement une liste des partenaires qui aident Héritage Saint-Bernard dans sa mission d'éducation populaire et dans sa mission de protection de la biodiversité et je pense qu'en le faisant je vais attirer certainement l'attention de mes collègues. C'est une occasion où on voit tous les intervenants et, j'ajoute, peu importent les paliers de gouvernement. Dans cette Chambre, on voit souvent des débats sur la faute de l'un, la faute de l'autre, en parlant du fédéral, du provincial. Dans le concret, sur le terrain, on vit des exemples de collaboration qui sont salués par des Phénix remis par le ministre de l'Environnement du Parti québécois, et je pense qu'il faut le saluer lorsqu'on remarque que se bâtissent sur le terrain des collaborations comme celle-là.

Alors, rapidement, les partenaires d'Héritage Saint-Bernard: la Fondation de la faune du Québec, les Soeurs grises de Montréal, la ville de Châteauguay et de Léry, Canards Illimités Canada, qui a fait un investissement important de 450 000 $ cette année, la Société faune et parcs du Québec, Habitat faunique Canada, le Service Canadien de la faune, le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, évidemment la collaboration de tous les bénévoles qui viennent appuyer Héritage Saint-Bernard.

J'aurai l'occasion la semaine prochaine de rencontrer le ministre de l'Environnement pour discuter de certains dossiers en matière d'environnement, dont un dossier de recyclage présenté par Héritage Saint-Bernard. Donc, je suis heureux que le Phénix qui a été remis hier puisse nous permettre d'entamer déjà cette rencontre que nous allons avoir. Dans la région, je dirais, je pensais au comté de Châteauguay, mais je voudrais élargir un peu, dans la région de la Châteauguay, de la vallée de la Châteauguay et tout ce milieu où coule la rivière Châteauguay, il y a de nombreux intervenants en matière d'environnement qui s'occupent à la revalorisation des sites, mais aussi à développer cette idée de récréotourisme environnemental. Il y a un potentiel énorme. Et c'est un autre des sujets de discussion que j'aurai avec le ministre de l'Environnement, la semaine prochaine. Et je vais certainement utiliser le tremplin de ce Phénix pour faire en sorte que le gouvernement du Québec soit conscient du potentiel énorme qu'il y a dans la région de la vallée de la Châteauguay et particulièrement dans le comté de Châteauguay.

Je profite donc de ce moment pour remercier Héritage Saint-Bernard de nous servir de modèle, de nous servir de moteur, de nous servir d'idéal que nous devrions tous viser, parce qu'il s'agit de notre avenir. Lorsqu'on regarde l'environnement qui est autour de nous, le développement et tout ce qu'on peut y apprendre, c'est, je pense, un avenir, et ça va nous servir de vision. Et Héritage Saint-Bernard, certainement, nous sert de guide à cet égard pour tous les autres intervenants de la Châteauguay et, je dirais même, du Québec.

(11 h 30)

Alors, je salue le choix judicieux qui a été fait et je félicite Héritage Saint-Bernard pour son travail. Je lui souhaite longue vie, en espérant que le gouvernement du Québec sera très attentif aux demandes qui viendront de la part d'Héritage Saint-Bernard comme de tous les autres intervenants en matière de récréotourisme environnemental, un potentiel énorme. Si on continue de faire une collaboration comme celle qui existe pour Héritage Saint-Bernard, ce sera un Phénix pour toute la vallée de la Châteauguay et un Phénix pour tout le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. M. le député de Limoilou, je vous cède la parole.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir, moi aussi, d'intervenir sur la motion de mon collègue le député d'Argenteuil parce que, effectivement, c'est agréable de lire les journaux ce matin et de voir le titre du journal Le Soleil , où on dit: La région de Québec rafle trois Phénix: Charlesbourg, SiliCycle et Plate-forme CPT . Effectivement, ce gala des Phénix de l'environnement 2000 avait lieu ici, à Québec, au Palais Montcalm, hier.

Ça me fait plaisir de féliciter, entre autres, les Phénix dans la catégorie de l'utilisation durable et de la restauration de la biodiversité. Dans la catégorie Municipalité, regroupement municipal, entreprise ou institution, la ville de Charlesbourg a gagné ce Phénix pour la catégorie, comme je vous le disais, du développement durable et de la restauration de la biodiversité, pour son choix dans la gestion de l'eau potable. La municipalité a mis de l'avant une solution intégrée avec la méthode du bassin versant, de préférence à des solutions purement technologiques, qui est une méthode moins coûteuse. Donc, sûrement que d'autres municipalités pourront éventuellement suivre l'exemple.

Il y a deux petites entreprises de la région de Québec qui ont gagné des prix, et c'est agréable de voir qu'il y a des entreprises qui maintenant trouvent des nouveaux créneaux. Entre autres, l'entreprise SiliCycle, dans la catégorie Entreprise de recyclage. Il s'agit d'une découverte faite par un étudiant en chimie de l'Université Laval, qui vise la mise en valeur d'un résidu produit par l'industrie pharmaceutique et considéré comme dangereux à cause des hydrocarbures, des métaux et solvants organiques qu'il contient. SiliCycle est la seule entreprise au monde à traiter le gel de silice. Les gels régénérés sont vendus à un prix inférieur au gel de silice neuf. SiliCycle prend en charge les résidus de l'Amérique du Nord, vient d'ouvrir ses portes aussi à l'Europe. Et ça, c'est une entreprise de la région de Québec. Bel exemple d'initiative québécoise et de sa capacité d'innovation.

Dans la catégorie Organisme à but non lucratif, Plate-forme CPT inc., aussi dans la région. C'est une usine-école qui a créé des produits dérivés pour les pneus usés. Elle a mis en valeur, en 1999, plus de 85 000 pneus hors d'usage et a produit des revêtements de sol, des surfaces d'insonorisation et des tapis qu'on peut retrouver dans les arénas, les centres commerciaux, les centres de ski, les terrains de golf. Près de 50 % de sa production est maintenant vendue aux États-Unis. Une petite entreprise qui tend à diversifier continuellement ses activités et sa clientèle dans un souci de pérennité, de ressources et d'actions.

Donc, M. le Président, ça me faisait plaisir de souligner, autant dans le secteur public, le secteur privé que des organismes à but non lucratif, les entreprises de la région de Québec qui ont été reconnues. Il y a plus d'une vingtaine de prix, au Québec, qui ont été distribués, et trois venaient de la belle région de Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Limoilou. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix

Est-ce que la motion du député d'Argenteuil est adoptée? Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif; et

Que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra et terminera les consultations particulières sur le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 443 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Ça se termine à 18 heures, mais, dans le cas de la commission de l'aménagement du territoire, ça se terminera à 18 h 30. Consentement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.


Affaires du jour

Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. Et je reconnais maintenant M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant, M. le Président, à l'article 9 du feuilleton.


Projet de loi n° 116


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 9, M. le ministre des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je voudrais vous dire ce matin toute la fierté qui est la mienne d'entreprendre l'adoption du projet de loi n° 116. Tout au long de la dernière année, toutes sortes de rumeurs ont circulé quant à l'avenir que l'on réservait à la Régie de l'énergie, certaines rumeurs allant même jusqu'à prédire son démantèlement. Il y a eu tout un vocabulaire assez cru qui a été utilisé à l'égard de la Régie de l'énergie qu'on allait amputer, démanteler, émasculer, édenter. Enfin, la liste est longue. Bon. Alors, dans cette perspective, je suis fier, je vous le répète, du projet de loi n° 116, et je veux vous expliquer pourquoi.

Voyez-vous, M. le Président, en fait, ce projet n'a pas pour objectif de régler le sort de la Régie de l'énergie. Je pense que l'opposition officielle n'a jamais compris cela, et c'est fort dommage. Ce n'est pas, d'aucune façon, l'intention du gouvernement. Les objectifs que nous poursuivons, parce qu'il y en a effectivement plusieurs, objectifs, sont à la fois simples et limpides, et je veux les exposer d'entrée de jeu, ces objectifs, le plus clairement possible.

Premièrement, nous voulons préserver le pacte social issu de la nationalisation de l'électricité, suite à une campagne électorale qu'on peut qualifier de référendaire, en 1962. Donc, préserver le pacte social issu de cet événement majeur dans l'histoire moderne du Québec, qu'est la nationalisation de l'électricité, parce que ce pacte est un acquis qui favorise les 7 millions d'actionnaires d'Hydro-Québec, actionnaires qui ont le droit de retirer tous les bénéfices de leurs investissements, c'est-à-dire des tarifs bas, des tarifs stables et des tarifs uniformes sur l'ensemble du territoire, et de profiter aussi en même temps des nouvelles occasions d'affaires qui s'offrent à eux.

Concilier pacte social – qui aura bientôt 40 ans – et modernité réglementaire, c'est ce que propose essentiellement le projet de loi n° 116. Ma fierté et ma satisfaction, je dirais, reposent sur du solide. Nous avons au Québec la capacité d'atteindre les buts visés. Le Québec, vous le savez, est un pays producteur d'électricité, d'hydroélectricité. Nous avons créé chez nous une société d'État qui a atteint maintenant sa maturité. Elle est compétente et elle est capable – elle le prouve jour après jour – de conquérir de nouveaux marchés.

Le Québec s'est aussi doté d'un organisme, d'une instance de régulation économique, en 1996; ça a été la création de la Régie de l'énergie. Il est temps maintenant, non pas de démanteler, non pas d'amputer ou de mettre au rancart la Régie de l'énergie, il est temps maintenant de poursuivre la mise en oeuvre de notre politique énergétique, rendue publique en 1996, qui vise à mettre l'énergie au service des Québécois. Et les modifications de la Loi sur la Régie de l'énergie et les autres dispositions législatives que nous proposons à cette Assemblée ont donc pour objectif premier de préserver le pacte social en matière d'électricité et d'accéder au marché nord-américain de l'énergie de façon rentable.

(11 h 40)

Au Québec, cette dernière question n'est pas nouvelle. Je vous rappelle que le rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie, qui a été publié en 1996 et sur lequel le gouvernement s'est appuyé pour concevoir et élaborer sa politique énergétique, abordait cette question. Et il y a un passage de ce document qui est assez révélateur. Je veux vous le citer, ça m'apparaît utile et important. On y lit ceci: «La restructuration du marché nord-américain de l'électricité ne présente pas en soi un phénomène négatif. La finalité des réformes entreprises aux États-Unis comme au Canada est de réduire les prix de l'électricité tout en accroissant la liberté de choix des consommateurs. Le moyen retenu consiste à favoriser une concurrence maximale au stade de la production. Le transport et la distribution demeurent des activités assurées par des monopoles et, pour cette raison, réglementées. La restructuration du secteur électrique nord-américain vise ainsi des objectifs que l'on ne peut qu'appuyer et qui, de toute façon, s'imposent à notre économie par le jeu de la concurrence et de la mondialisation des marchés.»

Je vous rappelle encore que c'est un extrait du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie. Et, comme je le soulignais et que je l'ai souligné à maintes reprises à la députée de Bonaventure, M. le Président, en particulier lors de l'interpellation du 12 mai dernier, ici, en cette Chambre, la politique énergétique L'énergie au service du Québec reprend essentiellement cette constatation de la Table, puisqu'on y lit encore une fois, page 21: «En même temps qu'il met en place la Régie de l'énergie, le gouvernement définit une orientation claire et ferme en vue de déréglementer la production d'électricité et confie à la Régie un mandat à cette fin.» Fin de la citation.

Malgré toutes nos particularités, nos traits distinctifs, sur lesquels je reviendrai d'ailleurs plus tard, le Québec ne peut et ne veut surtout pas rater une occasion exceptionnelle de stimuler son économie en s'isolant des grands courants internationaux qui façonnent l'évolution rapide du secteur énergétique. Justement parce que le Québec ne doit pas s'isoler, nous avons vérifié quelles étaient ces grandes tendances. Nous voulions savoir si les expériences des autres pouvaient nous inspirer. Nous nous sommes donc posés la question: Qu'est-ce qui se passe ailleurs dans le marché de l'énergie et particulièrement dans le marché de l'électricité? Qu'est-ce qui se passe? Eh bien, ce qui se passe, M. le Président, c'est ceci. L'Argentine, l'Australie, le Royaume-Uni, la Norvège, la Nouvelle-Zélande comptent parmi les pays qui ont restructuré en profondeur leur secteur électrique. Cette restructuration a donné lieu à une séparation des trois grands domaines d'activité: production, transport et distribution. Des privatisations ont été faites et ont eu lieu dans certains de ces pays. La concurrence a été introduite dans la production et des nouveaux cadres réglementaires ont été adoptés.

En 1996, l'Union européenne, la Communauté économique européenne a émis une directive venant de la Commission de Bruxelles demandant à ses États membres de libéraliser le secteur électrique. Chaque État membre doit ouvrir à la concurrence un pourcentage de son marché à chaque année. L'Italie est passée à l'action. La France, qui possède comme le Québec une grande société d'État, la société EDF, Électricité de France, a adopté, en février dernier, une loi qui crée une commission de régulation semblable à notre Régie, laquelle établira les tarifs de transport et de distribution. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de rencontrer le président de cette nouvelle commission de régulation en France lors du Forum international sur les régies de l'énergie qui a eu lieu cette semaine à Montréal. La concurrence est introduite, et les clients de grandes puissances peuvent, je dirais, magasiner leurs fournisseurs.

Le projet de loi n° 116 propose d'ailleurs de développer un projet-pilote qui irait dans le même sens. S'inspirant de l'expérience de la libéralisation des marchés gaziers, le gouvernement fédéral américain a joué un rôle important dans la déréglementation et l'ouverture des marchés aux États-Unis en faisant adopter par le Congrès Energy Policy Act. Les premiers changements ont d'abord eu lieu dans les États où les prix de l'électricité étaient très élevés. Aujourd'hui, l'ensemble des États américains ont emboîté le pas.

Le rapport Merrill, Lynch, que j'ai rendu public en février dernier, nous indique, et je cite: «Jusqu'à maintenant, 21 États américains ont promulgué des lois restructurant le secteur électrique et trois États ont émis des ordonnances réglementaires visant une restructuration en profondeur. Vingt-six autres États ont une loi sur la déréglementation ou des ordonnances réglementaires en cours d'adoption ou sont en train de réaliser une étude à ce sujet.» Fin de la citation.

Plus près de nous, la Colombie-Britannique, tout comme le Québec, a ouvert son réseau de transport et son marché de gros à des tiers. J'informe d'ailleurs cette Chambre que les autorités de la Colombie-Britannique ont contacté mon ministère pour nous signaler tout l'intérêt qu'elles portent au projet de loi n° 116. Déjà, il y a beaucoup d'intérêt à l'égard des choix que nous avons faits. L'Alberta a été la première administration canadienne à restructurer son secteur électrique et elle s'est engagée dans une démarche progressive vers la libéralisation du marché en créant une Bourse de l'énergie et en ouvrant le marché de détail à la concurrence. Nos voisins ontariens, quant à eux, sont nettement engagés dans la voie de la déréglementation de la production d'énergie et l'ouverture du marché de détail. Ainsi, les clients résidentiels pourront magasiner – si vous me permettez encore une fois l'expression – leur fournisseur d'électricité dès l'automne qui vient.

Les observations de la Table de consultation du débat public sur l'énergie sont maintenant devenues une réalité. On constate que le modèle le plus largement répandu, la tendance lourde dans le monde d'aujourd'hui, je dirais, repose, premièrement, sur l'introduction de la concurrence entre les producteurs d'électricité, de sorte que c'est le marché qui fixe le prix de la production d'électricité, le marché et non pas une instance régulatrice. Deuxièmement, les activités de transport et de distribution sont toujours sujettes au contrôle d'une régie, donc demeurent réglementées. Troisième élément de cette tendance lourde, l'ouverture des marchés de l'électricité exige un libre accès au réseau de transport et nécessite la présence d'un arbitre indépendant pour gérer les différends qui pourraient survenir entre les parties, et ce rôle est confié à des régies.

Il existe donc un modèle adaptable aux réalités propres à chaque État. Je vous ai donné les éléments de la tendance lourde, mais, dans chaque État, il y a des traits distinctifs, des conditions particulières. Mais c'est justement dans cette foulée, et dans cette perspective, et dans le sens de cette tendance lourde que s'inscrit le projet de loi n° 116.

Revenons cependant à nos particularités comme société, à une particularité pour ce qui est, en tout cas, de l'Amérique du Nord: sept millions de Québécois et de Québécoises sont, on peut le dire, actionnaires d'Hydro-Québec. C'est leur propriété et c'est leur patrimoine. Je le disais tantôt, la France se rapproche de ce modèle aussi avec EDF.

Deuxièmement, les actionnaires, c'est-à-dire les Québécois et les Québécoises, ont une convention, un contrat, je dirais, établi depuis presque 40 ans. Cette convention, ce contrat est connu comme le pacte social issu de la nationalisation de l'électricité à la suite d'une élection quasi référendaire. Tout à l'heure, mon collègue d'Abitibi-Ouest indiquait que, dans sa jeunesse, il avait voté libéral. Dans ma jeunesse aussi, j'ai voté libéral, une fois, en 1962. Ça a été tout. Mais c'est vous dire combien l'enjeu était important en 1962. J'ai voté libéral parce que j'étais pleinement d'accord avec le projet Lévesque-Lesage de nationaliser l'électricité et de confier tout cela à la société d'État qui avait été créée en 1944 et qui s'appelle Hydro-Québec. Eh bien, il y a un pacte social qui a été issu de la nationalisation de l'électricité à la suite, donc, d'une élection quasi référendaire. Alors, c'est donc un événement éminemment démocratique qui s'est produit en 1962. Ce n'est pas une simple décision d'un État ou d'un gouvernement. C'est un événement qui a un caractère éminemment démocratique, c'est à la suite d'une élection générale. Et le gouvernement Lesage, à l'époque, n'a pas été ambigu ou équivoque, il a demandé formellement aux Québécois de lui confier, de confier à son gouvernement un mandat très clair visant à nationaliser l'électricité.

(11 h 50)

Bien, ce pacte social, il tient toujours, il est toujours présent. Il a toujours été maintenu par tous les gouvernements qui se sont succédé et il tient à trois éléments. Je les rappelle, parce que c'est important. D'abord, des tarifs uniformes sur l'ensemble du territoire québécois. Aujourd'hui, ça nous paraît banal; ce n'était pas le cas avant 1962. Vous vous promeniez à travers le Québec, il y avait des tarifs très inégaux. Il y en avait de très élevés dans certaines régions. Là, maintenant, les tarifs sont uniformes depuis 1962 sur l'ensemble territoire québécois, où que vous soyez.

Deuxième élément, des tarifs stables qui ne fluctuent pas constamment comme, en particulier, les prix des produits pétroliers qui fluctuent constamment. Des tarifs stables largement attribuables au choix qu'on a fait comme société de la filière hydroélectrique. Les grands barrages, les grands réservoirs, ça nous permet de stocker l'énergie et donc d'assurer la stabilité tarifaire.

Et, troisième élément, des tarifs avantageux, des tarifs bas pour toutes les clientèles mais très particulièrement pour les clients résidentiels. C'est ça, le pacte social qui a été, en quelque sorte, conclu démocratiquement entre le peuple québécois et son gouvernement en 1962, et il n'a jamais été remis en question. Tous les gouvernements qui se sont succédé l'ont maintenu, renforcé, consolidé.

Il existe aussi – et c'est une de nos particularités comme société – ce qu'on appelle un interfinancement des tarifs en faveur de la clientèle résidentielle. En d'autres termes, quand vous regardez les tarifs, la grille tarifaire d'Hydro-Québec depuis toujours, puis que vous allez à la colonne clients résidentiels, c'est clair, ça saute aux yeux – et les tableaux qu'on retrouve dans l'étude de Merrill, Lynch sont éloquents à cet égard – c'est que les clients résidentiels ne paient pas des tarifs qui sont en corrélation avec les coûts qu'ils devraient assumer. C'est d'autres catégories de consommateurs qui assument ces coûts. C'est ça, l'interfinancement, et c'est pour ça que les clients résidentiels au Québec jouissent, depuis les années soixante, de tarifs bas.

Autre élément important, autre particularité de la société québécoise, la nationalisation de l'électricité nous a permis d'assurer le développement économique du Québec tout en créant de toutes pièces l'une des plus importantes sociétés productrices d'électricité au monde. Hydro-Québec fait partie des 10 plus grandes sociétés d'électricité au monde. C'est parce que le Québec en a voulu ainsi, et on a de cette façon aussi assuré le développement économique du Québec. On pourrait parler longuement des retombées bénéfiques de tous ces grands investissements qui se sont faits au fil des années depuis 40 ans.

Dans la foulée de la politique énergétique, le gouvernement, donc, créait par une loi la Régie de l'énergie en 1996, il y a quatre ans. Et, comme l'exige sa loi constitutive, la Régie a transmis au gouvernement un avis, en 1998, qui concernait les modalités d'établissement de ce qu'on appelle les tarifs de fourniture et a recommandé au gouvernement, après avoir entendu un certain nombre de groupes... Il y a donc eu de longues audiences publiques. Dans son avis, la Régie recommande au gouvernement l'approche classique, traditionnelle de tarification basée sur les coûts.

Je veux quand même dire quelques mots de cette approche classique de tarification basée sur les coûts. C'est une approche qui consiste à confier à une régie ou à une instance régulatrice l'examen des coûts dans chacune des fonctions: production, transport, distribution. C'est assez complexe et même, on pourrait dire, compliqué, mais essayons de simplifier.

D'abord, la première étape de cette méthode de tarification sur la base des coûts vise en premier lieu à établir ce qu'on appelle la base de tarification. On le fait en identifiant les actifs pour chacune des fonctions. Puis, aussi, on détermine le caractère utile ou non de ces actifs. Ces actifs, comme le dit la loi, ont-ils été prudemment acquis et sont-ils utiles? Il y a un examen, il y a une évaluation qui se fait à ce moment-là. Et là on établit ainsi ce qu'on appelle la base de tarification.

Les deux étapes suivantes consistent, d'abord, à déterminer les coûts nécessaires à l'exploitation de ces actifs, comme les coûts de service de la dette, les salaires, les dépenses d'entretien, les périodes d'amortissement des actifs – tout ça est pris en compte pour déterminer les coûts nécessaires à l'exploitation dans chacune des catégories – et puis, aussi, on détermine le coût du capital, c'est-à-dire qu'on fixe un taux de rendement – c'est la Régie qui fait ça, c'est l'instance régulatrice qui fait ça – sur l'avoir propre de l'actionnaire, par exemple 10 % en production.

Donc, première étape, on établit la base de tarification. Deuxièmement étape, on détermine les coûts, y incluant le coût du capital avec un taux de rendement autorisé. Ces étapes permettent ensuite à la Régie de déterminer ce qu'on appelle le revenu requis, à partir duquel les tarifs sont fixés. Elle fixe les tarifs sur la base des revenus requis pour chaque catégorie de consommateurs et dans chacune des fonctions: production, transport, distribution.

L'expérience vécue... Parce que là ce n'est pas nouveau. Quand je dis que c'est une approche classique ou traditionnelle, ça veut dire que ce que propose de faire la Régie dans son avis, ce n'est pas une innovation. Ça s'est pratiqué longtemps dans toutes les régies de l'énergie qui ont existé ou qui existent encore soit aux États-Unis ou ailleurs. Donc, ce n'est pas nouveau. Alors, on peut dire qu'il y a du vécu, il y a une expérience vécue depuis longtemps. On peut en tirer quelques leçons de ce que ça signifie.

Une approche basée sur les coûts, l'approche tarifaire basée sur les coûts pour établir les revenus requis et fixer le taux de rendement à une entreprise réglementée, d'abord, premièrement, c'est un processus qui n'est pas court, c'est un processus qui est long. C'est un processus qui est souvent laborieux et qui est souvent coûteux parce que, pendant tout ce temps-là, quand il y a des audiences puis qu'il y a des intervenants, tout ça, c'est financé par le distributeur ou le producteur. La Régie fonctionne à partir des redevances qui lui sont payées, versées par les producteurs d'énergie, les fournisseurs d'énergie, en l'occurrence Hydro-Québec qui est évidemment le plus grand contributeur. C'est souvent long, donc, et souvent coûteux. Puis ça fait souvent l'objet aussi d'intenses débats, des débats très vifs entre les experts, parce que là les experts défilent selon les clientèles et les intérêts qu'ils défendent.

C'est cet état de fait qui a conduit plusieurs États, aussi bien aux États-Unis, plusieurs provinces au Canada, plusieurs pays en Europe, à une déréglementation de la production. Et ça a incité beaucoup les régies maintenant à définir notamment une nouvelle approche de tarification pour les secteurs de la distribution et du transport, qui demeuraient sous leur compétence, ce qu'on appelle la tarification basée sur la performance. Maintenant, c'est en voie de se propager, cette nouvelle façon de tarifer ou de réglementer.

(12 heures)

L'avis de la Régie de 1998, les décisions des autres États, qui nous environnent en particulier, quant à la déréglementation de la production, les nouvelles méthodes de tarification qui sont implantées par certaines régies, fondées sur la performance, prouvent bien, M. le Président, que les choses bougent vite dans ce secteur, que les choses évoluent rapidement, très vite dans le monde de l'énergie mais aussi dans le monde de la régulation économique. Et ce n'est pas pour rien qu'il a eu lieu. Ça n'a pas fait beaucoup de manchettes, là, mais il y avait des centaines et des centaines de délégués venant de 80 pays dans le monde au cours des premières journées de la semaine, à partir de lundi, à Montréal, au Palais des congrès, un forum sur la régulation de l'énergie. Alors, il y a des régisseurs ou des commissaires – ça dépend des noms qu'on leur donne, mais c'est des instances régulatrices – qui se sont retrouvés pendant plusieurs jours à Montréal pour réfléchir sur ce qui se passe, sur l'évolution des choses, sur comment envisager l'avenir dans le monde de l'énergie, parce que ça évolue beaucoup et que ça bouge très vite.

Voilà bien pourquoi le gouvernement du Québec a pris le temps de consulter et qu'il propose aujourd'hui une modernisation du cadre réglementaire qui est le nôtre. Ce n'est pas une hérésie, ce n'est pas un scandale, je l'ai dit tout à l'heure en période de questions, la Loi sur la Régie de l'énergie, ce n'est pas une mauvaise loi mais c'est une loi perfectible puis c'est une loi qu'on peut amender, comme toute autre loi ici, à l'Assemblée nationale, pour l'adapter à l'évolution des choses. C'est ce qu'on fait. Et, pour être bien sûrs qu'on s'engageait dans la bonne voie, oui, nous avons consulté beaucoup d'experts en la matière, ici comme ailleurs, des experts américains, experts canadiens, québécois, et, en dernier lieu, c'est à la firme Merrill, Lynch, firme de réputation internationale en matière d'expertise, que nous avons confié un mandat pour déterminer les conséquences tarifaires pour toutes les catégories de consommateurs et l'impact sur les revenus puis les bénéfices d'Hydro-Québec associés à la loi actuelle de l'énergie. Autrement dit, avant de prendre position et d'adopter de nouvelles orientations, le gouvernement – puis, moi aussi, j'y tenais – souhaitait, voulait absolument bien connaître les impacts tarifaires en particulier, mais aussi sur les revenus d'Hydro-Québec, de la mise en oeuvre de l'avis de la Régie.

La question qu'on s'est posée, c'est: Qu'est-ce qui arrive sur les tarifs d'électricité en particulier, en particulier sur les tarifs des millions de clients résidentiels? Qu'est-ce qui arrive si on applique cette méthode de tarification sur la base des coûts dans tous les secteurs, y compris production? Qu'est-ce qui arrive? Qu'est-ce qui se passe? Ça peut se mesurer puis s'évaluer. C'est ce qu'on a confié à la firme Merrill, Lynch, mais aussi on lui a demandé de nous proposer des avenues possibles de déréglementation de la production d'électricité, mais que ce soit compatible avec le pacte social dont j'ai parlé tout à l'heure. Il ne faut pas qu'on ait à choisir une avenue de déréglementation qui aurait des impacts dévastateurs sur le pacte social. Ça, c'est sûrement des avenues qui sont à rejeter.

Alors, quelles sont les conclusions de ce rapport? Parce que Merrill, Lynch a fait plusieurs scénarios, a fait plusieurs, je dirais, simulations à partir des données et des chiffres d'Hydro-Québec en production, en transport et en distribution, puis a indiqué ce que ça donnerait. Bien, essentiellement, ce que ça donne en particulier, c'est d'abord qu'il y a un élément majeur du pacte social qui saute, qui vole en éclats, c'est celui concernant les tarifs bas aux clients résidentiels. Merrill, Lynch nous dit – c'est dans son rapport: Si vous appliquez la méthode de tarification sur la base des coûts, tel que proposé par la Régie de l'énergie, vous allez aboutir inévitablement à des hausses tarifaires pouvant se situer entre 27 % et 30 % des tarifs résidentiels.

Il y en a qui disent: Bien, évidemment, la Régie ne permettra pas une telle hausse d'un seul coup, de façon brutale, j'en suis convaincu. Si on la laissait mettre en application sa méthode, devant un pareil choc tarifaire envisagé, c'est évident qu'elle chercherait à l'étaler dans le temps. Mais, à terme, ça se traduirait par des augmentations substantielles de tarifs pour les clients résidentiels. Ça se traduirait aussi – c'est démontré dans ces tableaux – par des pertes de revenus pour Hydro-Québec, donc des pertes de revenus pour le gouvernement mais aussi pour les contribuables. C'est ce qu'on semble oublier souvent dans certains milieux. Hydro-Québec, c'est une société d'État, ce sont les millions de Québécois qui en sont les actionnaires. Et, quand Hydro-Québec fait des profits puis quand Hydro-Québec verse des dividendes à l'État, bien, c'est bénéfique pour les contribuables québécois.

Cette année, ils ont versé 450 millions de dividendes dans les coffres de l'État. Le ministre des Finances, 450 millions de dollars, bien, il n'est pas obligé d'aller le chercher sous d'autres formes, sous formes d'impôts ou de taxes auprès des contribuables, il l'a sous forme de dividendes. C'est donc un retour sur les investissements consentis par les millions d'actionnaires d'Hydro-Québec que sont les Québécois.

Troisièmement, il y a aussi, si on applique cette méthode, possibilité de radiation d'actifs dans lesquels les 7 millions d'actionnaires ont déjà investi. M. le Président, le défi du gouvernement, c'était de concilier, d'harmoniser le pacte social et la modernité réglementaire. Dans le domaine de l'électricité, le Québec possède une société d'État, vous le savez, qui intègre les fonctions de production, de transport et de distribution. Eh bien, le gouvernement entend maintenir cette réalité. Il n'est pas question, d'aucune façon, de quelque forme que ce soit, de privatisation. Il en a été question ces derniers temps. Oubliez ça. Société d'État, Hydro-Québec va demeurer une société d'État à part entière. D'ailleurs, au moment même où Hydro-Québec s'engage sur la voie de la rentabilité, est en mesure de faire des bénéfices nets, de verser des dividendes importants, ce serait absurde et déraisonnable d'aller vers la privatisation et là d'empêcher les Québécois de profiter d'une rentabilité ou d'une santé financière enfin retrouvée. Alors, c'est clair, c'est non.

Deuxièmement, les tarifs d'électricité sont parmi les plus bas en Amérique du Nord. Je le répète, je le dis, il faut le répéter sans cesse, ce sont les plus bas en Amérique du Nord. Regardez n'importe quel tableau, il y en a dans Merrill, Lynch, puis, c'est évident, on bénéficie des plus bas tarifs d'électricité en Amérique du Nord. Bien, le gouvernement, c'est clair, entend maintenir, renforcer cette situation avantageuse pour les Québécois. Nous ne rechercherons pas de hausse de tarifs pour gonfler les revenus d'Hydro-Québec. Ça, c'est aussi une affirmation que je veux la plus catégorique possible.

Troisièmement, la clientèle résidentielle bénéficie, je l'expliquais tantôt, de l'interfinancement actuel. Eh bien, le gouvernement entend maintenir cet interfinancement, demeurant ainsi fidèle au pacte social. D'ailleurs, il y a des dispositions dans le projet de loi qui visent à protéger et à sauvegarder l'interfinancement et donc les tarifs bas pour le secteur résidentiel.

(12 h 10)

Quatrièmement, l'électricité occupe une place importante dans notre bilan énergétique. C'est ça qu'on a voulu comme société. Bien, le gouvernement tient à conserver ce patrimoine d'énergie renouvelable, fiable, disponible sur l'ensemble du territoire, et nous sommes fidèles à notre politique énergétique à cet égard.

Vous savez, au début des années soixante-dix, M. le Président, quand on regardait le bilan énergétique du Québec, la part de l'électricité n'était même pas de 20 %. Et puis, il y a eu une tendance forte à la suite des crises pétrolières, des chocs pétroliers, vous vous en rappellerez. Là, il y a eu une orientation du gouvernement, des gouvernements qui se sont succédé, de faire en sorte que la part de l'électricité dans le bilan énergétique augmente le plus possible. C'est à partir de ce moment-là que le chauffage des maisons est devenu de plus en plus électrique. Eh bien, aujourd'hui, la part de l'électricité dans le bilan énergétique, c'est 40 %. C'est aussi un trait assez original de la société québécoise. On ne voit pas ça beaucoup ailleurs, hein, 40 %. C'est ça qu'on a voulu. Alors donc, ce n'est pas le temps, maintenant que les Québécois ont répondu à l'appel puis que l'électricité compte pour 40 % de notre bilan énergétique – vous me permettrez l'expression – de les clencher, M. le Président. Ils ont répondu à l'appel, ce n'est pas le temps de les clencher, ce n'est pas le temps d'augmenter les tarifs, ce n'est pas le temps de faire sauter l'interfinancement puis d'envisager un choc tarifaire. Sûrement pas. Donc, il faut maintenir cette situation.

Principaux éléments du projet de loi, M. le Président. D'abord, le gouvernement garantit à un prix fixe – ça, c'est majeur – de 0,0279 $ le kilowattheure un contrat qu'on dit patrimonial. C'est-à- dire, au fond, on fait référence à ce que Jean-François Bernard, un expert en la matière de l'Université Laval, appelle la «vieille électricité», c'est-à-dire l'électricité qui est produite à partir du parc d'équipement existant. Bien, ça, on peut se permettre d'en fixer le prix à un niveau très bas, 0,0279 $ le kilowattheure, et on peut aussi déterminer la quantité d'énergie qui va être de ce prix-là: c'est 165 TWh.

Si vous comparez avec l'Ontario, l'Ontario, son tarif dit patrimonial, il l'a fixé à 0,038 $ du kilowattheure, 0,01 $ de plus. C'est même plus que ça, parce qu'il faut ajouter à ça un 0,06 $ du kilowattheure pour une période d'environ 10 ans pour éponger le coût de la radiation d'actifs qui totalise environ 8 milliards de dollars. L'Ontario a été dans l'obligation de radier 8 milliards d'actif et il impose un tarif spécial aux Ontariens de 0,06 $ du kilowattheure qui s'ajoute aux 0,038 $. Donc, vous voyez, là, c'est notre voisin immédiat, et donc ça veut dire que, à titre de comparaison, en Ontario, ce coût de production est 36 % de plus qu'au Québec. Puis je ne vais pas voir ailleurs, là, dans le nord-est des États-Unis. Bien là c'est 0,10 $, 0,12 $, 0,13 $. Vraiment, là, on est très loin du compte.

Ce qui est important, c'est que non seulement il est bas, ce prix-là, ce prix patrimonial, mais, en plus, il ne pourra pas augmenter, il va juste pouvoir baisser, c'est dans la loi. Il n'augmentera pas, il va juste pouvoir baisser, et il va baisser sur décision du gouvernement, pour être revu à la baisse, parce qu'il va arriver, au fil des années, avec l'amortissement des vieilles installations, que le taux de rendement en production va être appelé à augmenter, et il pourra arriver à ce moment-là que le gouvernement dise: Bon, bien, là, le taux de rendement de production est nettement trop élevé, on le baisse. Et comment le baisser? Bien, on va baisser le tarif patrimonial. La seule possibilité, c'est la baisse.

Actuellement, nous consommons 150 TWh, ce qui veut dire qu'il y a encore 15 TWh qui, au fil des années, pourront être rapatriés, parce qu'on les exporte actuellement, pour des fins de consommation interne. La production actuellement vendue à l'extérieur du Québec sera donc rapatriée, à prix fixe toujours – 0,0279 $ – en fonction des besoins québécois et devra suffire pour les besoins du Québec jusqu'en 2004, selon Hydro-Québec et selon le ministère des Ressources naturelles également.

M. le Président, ce que le projet de loi n° 116 propose, c'est de protéger par voie législative et pour longtemps les acquis de la nationalisation de l'électricité dont les Québécois seuls ont supporté les coûts pendant des années. C'est ça que ça veut dire. Pour les nouvelles fournitures – parce que, à partir de 2004 et même avant, Hydro-Québec Distribution va devoir, dans son plan d'approvisionnement, prévoir de nouvelles sources d'approvisionnement, parce que, en 2004, les 165 TWh de vieille électricité, si vous voulez, ou d'électricité patrimoniale, vont être utilisés – là on va procéder par appel d'offres pour les besoins additionnels. Comment ça va marcher, d'une certaine façon? De la façon suivante: d'abord, lorsque la demande du Québec va dépasser 165 TWh, Hydro-Québec Distribution va lancer un appel d'offres – sans doute avant, pour pouvoir disposer de l'approvisionnement requis à partir de 2004. Hydro-Québec Production sera appelée à soumissionner, pourra soumissionner, participer à cet appel d'offres. Mais, pour emporter l'appel d'offres, Hydro-Québec Production devra offrir le prix le plus bas.

L'appel d'offres, évidemment, ça repose sur le prix le plus bas. C'est le prix le plus bas qui l'emporte. La concurrence pourrait venir d'autres filières énergétiques – pensons au gaz naturel, aux turbines à gaz – mais aussi de l'extérieur du Québec également. Et, pour assurer l'impartialité de cette procédure, Hydro-Québec devra se donner un code d'éthique et une procédure d'appel d'offres. Et la Régie de l'énergie va jouer un rôle dans cette nouvelle façon de faire. D'abord, elle va approuver le code d'éthique pour évidemment qu'il n'y ait pas de relations douteuses entre Hydro-Québec Production et Hydro-Québec Distribution, pour que tout se déroule conformément à une procédure régulière d'appel d'offres. Alors, le code d'éthique sera approuvé par la Régie. La Régie va surveiller, va avoir un rôle de surveillance du processus d'appel d'offres, et aussi évidemment elle aura à examiner et à approuver le plan d'approvisionnement d'Hydro-Québec Distribution.

Alors, le projet de loi n° 116 s'inscrit parfaitement dans l'objectif de la politique énergétique, c'est-à-dire assurer aux Québécois les services énergétiques requis aux meilleurs coûts possible. Et, pour ce faire, nous introduisons la concurrence entre les producteurs, comme ça se fait maintenant partout ou à peu près partout dans le monde. Et, pour continuer à se développer, Hydro-Québec Production sera soumise au test de la concurrence, donc au test de l'efficacité. Il va falloir qu'elle présente des offres avec le prix le plus bas.

Pour ce qui est du transport et de la distribution, bien, ces activités vont continuer d'être soumises à l'autorité de la Régie de l'énergie. D'ailleurs, elle a déjà amorcé ses travaux pour déterminer le tarif de transport d'électricité. Il a été fixé par le gouvernement, avant la création de la Régie, à 0,015 $ du kilowattheure transporté, mais maintenant c'est à la Régie de fixer ce tarif et il y a une procédure qui est en cours. Pour ce qui est du tarif de distribution, lorsqu'elle sera saisie d'une demande tarifaire d'Hydro-Québec Distribution, là la Régie devra établir la grille des tarifs pour l'ensemble des consommateurs du Québec – industriels, résidentiels, commerciaux et institutionnels. Les pouvoirs de la Régie de l'énergie en matière de tarifs d'électricité, de transport et de distribution sont donc maintenus.

Il y en a qui prétendent que ça va entraîner des hausses de tarifs. Bien, il faut se rappeler une chose, M. le Président, c'est qu'il y a toujours le plan stratégique. Le plan stratégique, ça, c'est le plan de l'entreprise. On y retrouve ses orientations à la fois en matière de finances, en matière tarifaire, en matière de développement de ses équipements et de ses investissements. Ce plan stratégique, il doit être approuvé par l'actionnaire. Il est également examiné en commission parlementaire à tous les deux ans et il contient une orientation tarifaire. Le gouvernement, en approuvant le plan stratégique, approuve en même temps l'orientation tarifaire. On l'approuvera bientôt, là, par décret. Quand on approuvera le Plan stratégique d'Hydro-Québec 2000-2004, on va en même temps approuver l'orientation tarifaire qui se retrouve dans ce plan stratégique là, et l'orientation tarifaire qui se retrouve dans le plan stratégique, c'est que, après 2002 jusqu'en 2004, Hydro-Québec dit: On n'augmente pas, on maintient le gel, on poursuit le gel jusqu'en 2004, jusqu'à la fin du plan stratégique. Puis, elle devra, après ça, deux ans plus tard, présenter un autre plan stratégique qui comportera forcément une orientation tarifaire.

(12 h 20)

Si Hydro-Québec, en 2002, se présente, dépose devant le gouvernement un plan stratégique pour 2002-2006 comportant des augmentations de tarifs, bien, le gouvernement pourra, en approuvant le plan stratégique, le modifier, parce que l'actionnaire qu'est le gouvernement, il peut l'approuver mais il peut aussi le modifier. Et, si le gouvernement n'est pas d'accord avec des demandes de hausse de tarifs, bien, il va modifier le plan pour que le gel se poursuive. Alors, c'est comme ça que les choses vont.

Hydro-Québec Distribution va se présenter en 2002 devant la Régie et va dire à la Régie: Nous, on ne demande pas d'augmentation, on n'a pas de demande d'augmentation, on n'en veut pas. Là, il y en a qui prétendent ou qui disent que la Régie va passer outre à cette demande puis va s'engager dans des hausses de tarifs. Bien, je ne vois pas pourquoi elle passerait outre à la proposition tarifaire d'Hydro-Québec qui est de ne pas augmenter les tarifs. J'imagine mal les intervenants aussi qui plaident souvent, qui se présentent souvent devant la Régie, que ce soient les grands consommateurs industriels ou les réseaux de... je les imagine mal se présenter devant la Régie puis dire: On ne veut pas de gel de tarifs, on veut que vous augmentiez les tarifs. Ça me surprendrait beaucoup. Donc, la proposition d'Hydro-Québec Distribution va être acceptée par la Régie. Il n'y aura pas d'augmentation de tarifs, puisque Hydro-Québec Distribution n'en aura pas demandé. Donc, le projet de loi ne comporte aucun piège. Il n'y a aucun dessein, là, inavoué. C'est toujours le gouvernement qui approuve le plan stratégique de la société d'État, y inclus les orientations tarifaires à être présentées à la Régie qui, elle, fixe les tarifs sur la base de ces demandes.

Il y a d'autres modifications également, M. le Président, qui touchent Hydro-Québec. Le gouvernement donne suite aux recommandations de la Régie et assumera tous les risques et les bénéfices qui sont reliés soit aux exportations soit aux contrats spéciaux. C'est ce que la Régie recommandait, c'est ce qui va se faire. Il appartiendra aussi au gouvernement d'autoriser les projets de production d'Hydro-Québec. Le gouvernement également confie une nouvelle responsabilité à la Régie: dorénavant, elle approuvera les normes techniques de fiabilité du réseau de transport d'Hydro-Québec.

Autre élément important, le gouvernement pourra fixer des quotes-parts et le prix maximal payé par Hydro-Québec Distribution pour certaines sources d'énergie renouvelable qu'il souhaite privilégier, comme la petite hydraulique et l'énergie éolienne. Nous avons deux avis d'ailleurs de la Régie à cet égard, et c'est évident qu'on va s'appuyer très largement sur ces avis pour déterminer des quotes-parts et dire à Hydro-Québec Distribution: Dans votre plan d'approbation, vous prévoirez tant de mégawattheures en provenance de l'éolien et tant de mégawattheures en provenance de la petite hydraulique. Le choix du fournisseur cependant va se faire par appel d'offres et par filière énergétique. Hydro-Québec Production ne sera pas dans le coup. C'est par filière que ça va se faire mais, encore une fois, par appel d'offres. Le rôle de surveillance sera exercé, encore là, par la Régie de l'énergie.

Dans le cas particulier des petites centrales hydroélectriques, M. le Président, le projet de loi ouvre aux MRC la possibilité de créer des SOCOM, sociétés en commandite, pour être partenaires financiers dans ces projets. Le projet de loi permettra aussi à un producteur d'électricité qui est générée à partir de la biomasse forestière de vendre directement cette électricité à une entreprise, dans la mesure où sa centrale sera installée sur un emplacement adjacent à l'entreprise. Cette mesure permettra de réduire les impacts environnementaux liés à l'enfouissement et à l'accumulation des résidus forestiers.

Quelques mots, M. le Président – parce qu'il m'en reste peu – à propos de la rentabilité d'Hydro-Québec. À entendre les propos en particulier de la critique de l'opposition mais de certains autres intervenants, j'ai beaucoup de difficultés à trouver une certaine cohérence dans le discours libéral. Quand son parti était au pouvoir, son parti refusait de créer une régie de l'énergie. Il n'a pas voulu. Dans l'opposition, maintenant, les libéraux nous accusent de démanteler la Régie de l'énergie. Quand ils étaient au pouvoir, les libéraux accordaient des hausses de tarifs année après année. Dans l'opposition, là, maintenant, ils exigent des baisses de tarifs. Ils n'étaient même pas capables de décider du gel, c'étaient des augmentations constantes. Là, maintenant, ils exigent le contraire de ce qu'ils ont fait.

M. le Président, au fond, tout cela n'est peut-être pas surprenant pour un parti qui réclamait des audiences à tout venant et qui se retire quand la commission parlementaire ouvre ses débats. C'est arrivé à propos du projet de loi n° 42 puis des audiences qui ont eu lieu à cet égard, à l'égard de la sécurisation du réseau de transport d'Hydro-Québec, ils sont partis. On a fait la commission, les ministériels, tout seuls. Tout cela n'est pas étonnant non plus quand la députée de Bonaventure ne cesse de réclamer le transfert des responsabilités qui incombent aux élus au profit de commissions d'enquête publique.

Expliquons les choses clairement, M. le Président. D'abord, rappelons que 1999, ça a été la meilleure année de l'histoire d'Hydro-Québec sur le plan financier, la meilleure, presque 1 milliard de bénéfice net, donc presque 500 millions de dividendes. Du jamais vu. Mais ce n'est pas exorbitant. Presque 1 milliard de bénéfice net, savez-vous que ça correspond à un rendement de 6,8 %? Ça n'a rien d'abusif. Le taux de rendement des obligations sur cinq ans, 11,6 %; sur 10 ans, 13,2 %. L'indice boursier sur cinq ans, 19 %; sur 10 ans, 13,6 %. Alors, quand on regarde ces indicateurs-là puis qu'on prend connaissance du rendement de 6,8 %, on n'est pas devant un scandale, là. Ce n'est pas un scandale, ça, du tout. En fait, ce n'est pas assez. Tout au long de son histoire, le rendement d'Hydro-Québec a été bien en deçà de ce que nous aurions pu espérer, compte tenu des millions, des milliards même qui ont été investis. C'est exact que le rendement dans la production est plus élevé, il se situerait autour de 18 % sur le marché québécois en 2001. Mais, en contrepartie, le secteur Distribution d'Hydro-Québec perd de l'argent. En 2001, le rendement en distribution sera de moins 21 %, donc c'est un rendement négatif.

Le risque de confier à la Régie l'analyse du secteur Production dans une approche selon les coûts nous est fort bien expliqué encore une fois dans le rapport Merrill, Lynch. Le taux de rendement sur la production sera diminué, c'est inévitable: au mieux, 12 %, 13 %, mais probablement plus près de 10 %. Qu'est-ce qui adviendrait alors si la Régie fixait un taux de rendement de l'ordre, mettons, de 10 % au lieu de 18 % qui est le sien présentement? Bien là Hydro-Québec se verrait dans l'obligation de s'adresser à la Régie pour demander des hausses tarifaires, ou alors d'indiquer au gouvernement qu'elle n'est plus en mesure de faire des niveaux de bénéfice net comme c'était le cas ces dernières années. C'est ça qui arriverait. Et le gouvernement n'aurait guère d'autre choix que d'autoriser Hydro-Québec à faire cette démarche, si on veut assurer la santé financière, ou encore d'accepter que la santé financière d'Hydro-Québec soit de nouveau en mauvais état. C'est ça, le choix qu'il nous resterait.

En 2001, les rendements d'Hydro-Québec dans le secteur commercial Distribution seront de 24 % et de 29 % dans le secteur institutionnel. Le secteur résidentiel, lui, a un rendement négatif de moins 5 %. Alors, c'est sûr que, si vous vous présentez devant la Régie puis que vous dites: Écoutez, j'ai un taux de rendement trop bas, il faut augmenter les tarifs distribution, qui va écoper? Le résidentiel, parce que le commercial puis l'institutionnel, ils ont des taux de rendement assez élevés en distribution, 24 % et 29 %. Mais c'est moins 5 % pour le résidentiel, alors c'est évident que c'est le résidentiel qui va écoper.

(12 h 30)

À l'inverse, cependant, si le rendement dans la production est élevé, comme c'est le cas et comme ça va le demeurer en déréglementant la production, ce qui va permettre au gouvernement d'obtenir d'ici quatre, cinq ans un rendement pour Hydro-Québec global autour de 10 % à 12 %, bien là il sera facile pour le gouvernement de dire à Hydro-Québec: Non, non, il n'est pas question de demander des hausses tarifaires devant la Régie. Le gouvernement pourra même, plus tard... Je pense que c'est ça qui va arriver, dans le fond. D'ici quelques années, le taux de rendement en production ne cessant d'augmenter, je pense que le gouvernement sera en mesure non seulement simplement de geler les tarifs, mais de les baisser, c'est ça qui va se produire, M. le Président, et, en même temps, évidemment maintenir l'interfinancement.

Une correction de l'interfinancement serait peut-être inévitable si les tarifs offerts aux autres clientèles n'étaient pas compétitifs, mais ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, les tarifs d'Hydro-Québec, encore une fois, sont parmi les plus bas des pays industrialisés. Pas juste pour le résidentiel, pour les autres catégories aussi. Alors donc, l'interfinancement n'est pas un phénomène dommageable, ce n'est pas nuisible pour les autres catégories de consommateurs.

Juste un petit exemple, M. le Président, de chez nous, à Alma, Alcan a investi 2,4 milliards – ce n'est pas rien – pour construire une aluminerie qui va produire presque 400 000 tonnes d'aluminium. Et ils ont signé avec Hydro-Québec un contrat d'approvisionnement en énergie au tarif L, tarif grande industrie. Alors, si les tarifs industriels étaient si peu compétitifs, pensez-vous qu'Alcan aurait pris cette décision-là? Jamais de la vie.

Alors, M. le Président, 1998, c'est un tournant historique parce que, à partir de ce moment-là, Hydro-Québec non seulement est en train de retrouver sa santé financière, mais en même temps elle n'augmente pas les tarifs, elle les gèle pour plusieurs années. Et, je le répétais encore une fois devant cette Assemblée en période de questions aujourd'hui, M. le Président, quand vous regardez deux colonnes, la colonne des bénéfices depuis 1975, la colonne des tarifs depuis la même date pour la même période, année après année, Hydro-Québec commence vraiment à retrouver une santé financière acceptable à partir de 1998. C'est à partir de ce moment-là qu'on peut se permettre zéro augmentation, gel, et le gel va se poursuivre jusqu'en 2004. Ça va être zéro, zéro, zéro, zéro puis, du côté financier, de bons résultats financiers, des dividendes et des bénéfices nets à un niveau raisonnable.

C'est ça, la réalité, et, je le répète encore une fois, il y a un arrimage à faire. Il y en a qui se scandalisent du fait qu'Hydro-Québec fasse des bénéfices puis des dividendes, alors que le rendement est de 6,8 %. Ce n'est pas vraiment abusif, mais ils se scandalisent de ça. Mais il faut que ce soit ça, puis même mieux que ça, si on veut que les tarifs continuent d'être gelés, d'être bas. Et, si on veut même envisager, d'ici quelques années, des baisses de tarifs, il faut que la santé financière d'Hydro-Québec soit bonne, soit saine, soit solide.

Alors, M. le Président, je voudrais conclure et inviter la porte-parole de l'opposition à aborder l'étude du projet de loi avec sérieux. Elle a été élue, elle aussi, comme nous tous, pour protéger les intérêts de l'ensemble des Québécois et Québécoises et pas seulement ceux des opposants ou des coalitions. Et, dans son discours, je l'invite à m'expliquer pourquoi le gouvernement libéral a refusé de créer une régie de l'énergie en 1993-1994, pourquoi le gouvernement de son parti a appuyé la déréglementation de la production dans le secteur du gaz naturel et qu'elle s'oppose aujourd'hui à la même déréglementation dans le secteur de l'électricité.

Je voudrais qu'elle me dise aussi clairement pourquoi la déréglementation de la production, c'est bon en Ontario, c'est bon en Alberta, en Colombie-Britannique, aux États-Unis, en Europe, en Nouvelle-Zélande, c'est bon partout, sauf au Québec. J'aimerais ça qu'elle m'explique ça. Comment il se fait que ce n'est pas bon au Québec? C'est bon partout, puis pas au Québec. Et pourquoi son parti invoque constamment la politique énergétique du gouvernement pour s'opposer au projet de loi, alors que cette politique indique clairement et en toute transparence la volonté du gouvernement d'aller vers la déréglementation et d'introduire la concurrence dans la production de l'électricité? M. le Président, la meilleure façon de protéger le pacte social, c'est d'adopter le projet de loi n° 116. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière de ressources naturelles et députée de Bonaventure. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai écouté attentivement depuis une heure le ministre des Ressources naturelles nous livrer son vibrant plaidoyer en faveur du projet de loi n° 116. Mais j'ai ici une information qui va probablement le surprendre. Nous venons tout juste de recevoir un communiqué de presse qui a été émis ce matin par le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Le communiqué a été émis ce matin, il est signé par M. Christian Haché, qui est le vice-président, et M. Jean-Paul Thivierge, qui est le conseiller. Le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois demande au ministre des Ressources naturelles de retirer le projet de loi n° 116, qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie.

Alors, ce matin, à la période de questions, lorsque le ministre des Ressources naturelles nous a dit que ses militants, lors du dernier congrès, avaient battu massivement une résolution à l'effet de préserver dans son intégralité tous les pouvoirs de la Régie de l'énergie, le communiqué de presse qui a été émis ce matin va tout à fait dans le sens contraire de l'affirmation qui a été effectuée ce matin par le ministre des Ressources naturelles. Et l'information est importante, M. le Président, vous me permettrez de lire un extrait de ce communiqué.

On nous dit la chose suivante, on demande car-rément le retrait du projet de loi n° 116 sur la base, bien sûr, de plusieurs considérants. Le premier se lit comme suit:

«Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition n° 462 du programme du Parti québécois au congrès 2000;

«Considérant les propositions adoptées à l'unanimité en septembre 1998 et en septembre 1999 pour mettre en vigueur tous les articles de la Loi sur la Régie de l'énergie telle que présentée en novembre 1996 par le ministre des Ressources naturelles, M. Guy Chevrette;

«Considérant que la Loi sur la Régie de l'énergie contient tous les outils pour permettre au gouvernement et au ministre d'agir selon des conditions ou des orientations que celui-ci peut décréter quand il le juge opportun;

«Considérant que cette loi était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence – M. le Président, vers plus de transparence, ce n'est pas l'opposition, là, qui le dit, c'est des militants du Parti québécois – et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec;

«Considérant que cette loi issue de la politique énergétique du Québec a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996;

«Considérant que tous les articles et règlements pertinents de cette loi permettent à la Régie de l'énergie de remplir son mandat selon sa mission;

«Considérant le respect que doit avoir le ministre envers les travailleurs de la Régie de l'énergie et les intervenants pour bien accomplir leur mandat et respecter la loi;

«Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.

«Le gouvernement du Parti québécois – et je vous le rappelle, M. le Président, c'est un communiqué qui a été émis ce matin par des militants péquistes, d'ardents défenseurs, donc, de la cause environnementale et du développement durable – doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, et ceux de la table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect des délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462, incluse au programme 2000 du Parti québécois.

«On annonce maintenant les états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé. Doit-on déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou les résultats qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?»

(12 h 40)

Et, évidemment, M. Haché et M. Thivierge concluent de la façon suivante: «Finalement, nous réitérons notre position:

«Que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la Loi sur la Régie de l'énergie relatives au secteur électrique ainsi que le cadre réglementaire existant, incluant les trois secteurs d'activité, incluant la production;

«Que le gouvernement mette en vigueur dès maintenant toute la réglementation pertinente pour que la Régie puisse remplir efficacement son mandat tel qu'annoncé à sa création en 1996.»

Et c'est signé M. Christian Haché, le vice-président, Jean-Paul Thivierge, conseiller pour le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois, communiqué de presse émis ce matin même, donc. Et nous avons reçu une copie de ce communiqué qui, soit dit en passant...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, si vous me le permettez, à ce moment-ci, compte tenu que ce communiqué vient d'être émis, qu'il contredit une réponse donnée par le leader du gouvernement ce matin en Chambre et qu'il faut quand même manifester un certain respect pour les instances des partis, il y aurait consentement pour que nous ajournions nos débats de façon à permettre au ministre de consulter les militants du Parti québécois quant à cette demande formelle de retrait de leur part. Je l'offre tout bonnement à mon bon ami le leader.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'inviterais la députée de Bonaventure et le leader de l'opposition également à prendre connaissance de toutes, toutes, toutes les résolutions adoptées ou rejetées au congrès, pas uniquement une. Il y en a une qui a été rejetée au congrès aussi comme motion d'urgence, massivement. J'invite la députée de Bonaventure, dont on connaît l'honnêteté intellectuelle, à en prendre aussi connaissance et à en tenir compte.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, s'il vous plaît, c'est parce que le temps que vous prenez, là, c'est du temps qui va être perdu pour la députée de Bonaventure dans son intervention. Alors, rapidement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour qu'on s'entende bien, là, la résolution du Parti québécois, du Comité national sur l'environnement et le développement durable, fait rappel des propositions. Je ne sais pas si le leader a eu le temps d'en prendre connaissance, d'où mon offre à ce moment-ci d'ajourner le débat, qu'il prenne le temps de consulter ces gens-là et qu'il clarifie à l'intérieur de son parti sa situation, qui m'apparaît plutôt fragile à ce moment-ci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, poursuivons le débat. Mme la députée de Bonaventure, si vous voulez poursuivre le débat. Nous en sommes sur le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Je vous écoute, Mme la députée.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. De toute évidence, on a touché une corde sensible auprès du ministre des Ressources naturelles. Et la réaction du ministre est probablement très décevante ce matin pour les militants et les militantes du Parti québécois, pour des gens à l'intérieur de son parti qui ont à coeur la cause de l'environnement et la cause du développement durable. Alors, je pense qu'ils se souviendront longtemps de la réponse qu'ils ont obtenue ce matin du ministre des Ressources naturelles. Et c'est une réponse, je dois vous dire, M. le Président, qui n'est pas très surprenante pour nous, du côté de l'opposition.

Alors, M. le Président, le ministre des Ressources naturelles, après des mois d'hésitations, après des mois de tergiversations, a fini par déposer son projet de loi, qui met littéralement la hache dans l'héritage que nous a légué Jean Lesage en 1962, un brillant politicien, libéral de surcroît, qui était en mesure, donc, de faire profiter à l'ensemble des Québécois de sa vision comme bâtisseur et comme libéral.

M. le Président, Jean Lesage, en 1962, a été visionnaire parce qu'il a été en mesure de sceller avec les Québécois une entente qui, depuis cette date, depuis 1962, nous garantit, à nous, les consommateurs d'électricité au Québec, à nous, les Québécois, des tarifs d'électricité qui sont bas, stables et uniformes. Ça, c'est un gain majeur sur le plan collectif et qui nous a permis, donc, comme société, de se développer et de prendre le chemin de la croissance.

Cependant, avec le dépôt du projet de loi n° 116, qui confirme l'amputation, qui confirme le retrait de pouvoirs importants à la Régie de l'énergie, c'est la première fois dans l'histoire du Québec qu'un gouvernement, d'une façon aussi cavalière, va transgresser l'héritage que nous a légué Jean Lesage. C'est la première fois, M. le Président. Alors, il ne faut pas s'étonner que, de ce côté-ci de cette Chambre, on manifeste autant notre mécontentement, parce que c'est un projet de loi qui est scandaleux.

Scandaleux, M. le Président, j'oserais même dire que c'est un projet de loi qui est hypocrite, parce que évidemment on fixe des objectifs qui semblent, de prime abord, louables, mais, comme dans à peu près tous les projets de loi un peu controversés que présente le ministre des Ressources naturelles et que présentent ses collègues, c'est un projet de loi qui cache des intentions. C'est un projet de loi qui n'est pas transparent sur les véritables objectifs que poursuit le gouvernement péquiste.

Les Québécois et les Québécoises ont aujourd'hui raison de s'inquiéter du dépôt d'un projet de loi comme celui-là. On coupe littéralement les ailes à la Régie de l'énergie, une instance qui, faut-il le rappeler, a été créée en 1996 par le gouvernement péquiste. On lui coupe les ailes en lui retranchant des pouvoirs importants avant même que la Régie de l'énergie ait pu prendre son envol. Et ça, je dois vous dire que le geste que pose le ministre en déposant son projet de loi n° 116 témoigne premièrement de son manque de vision en matière de développement énergétique, est un désaveu total à l'endroit de son propre gouvernement, à l'endroit des choix qui ont été faits par le Parti québécois, à l'endroit des choix qui ont été faits par son prédécesseur, le ministre des Transports et député de Joliette, qui était à l'époque, en 1996, le ministre responsable des Ressources naturelles.

Pour les Québécois, pour la population du Québec, c'est un recul sans précédent. C'est un retour en arrière que nous déplorons d'une façon importante. Et il n'y a pas que l'opposition qui déplore le recul que nous allons connaître en matière de gestion des affaires énergétiques au Québec, il y a les militants du Parti québécois et les environnementalistes, les consommateurs, les industriels, les écologistes. On a pu lire, au cours des dernières semaines, plusieurs éditoriaux qui en disaient long sur la réception de ce projet de loi dans la population.

M. le Président, on doit se demander si le manque de vision, bien sûr, du ministre des Ressources naturelles est un manque de vision qui est étonnant. Pour moi, ce n'est pas étonnant, parce qu'à chaque jour, dans la gestion des affaires de l'État, dans la gestion des affaires publiques, on assiste de la part du gouvernement qui est en face de nous à une gestion de piètre qualité. Quand les députés du Parti québécois vont avoir quitté cette Chambre, quand ils vont se demander, dans cinq ans, dans 10 ans, dans 15 ans: Moi, comme député, qu'est-ce que j'aurai laissé en héritage aux générations qui vont me suivre? ils seront forcés de répondre que le constat malheureusement de leurs réalisations sera, bien sûr, un constat de piètre qualité.

Les députés du Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois nous aura laissé un système de santé hypothéqué, de piètre qualité. Le gouvernement du Parti québécois nous aura laissé un réseau de l'éducation qui aura souffert d'un sous-financement chronique pendant plusieurs années, hypothéquant les services et l'éducation qui est dévolue à nos jeunes partout au Québec. Les députés du Parti québécois seront obligés d'admettre que les régions, partout au Québec, se seront battues pendant des années pour se faire entendre, donc malheureusement n'auront pas été entendues, et on aura à ce moment-là plusieurs régions qui, sur le plan économique, souffriront du manque de vision du gouvernement péquiste.

Et, s'il y a un domaine actuellement qui contient des enjeux majeurs pour le développement économique du Québec, c'est bien le domaine énergétique. Et malheureusement le choix que font aujourd'hui le ministre des Ressources naturelles et son gouvernement est un mauvais choix, M. le Président.

Cependant, je dois vous dire qu'on avait un certain espoir que le ministre des Ressources naturelles puisse nous présenter un projet de loi qui cadrait très bien avec la politique énergétique qui a été déposée par son prédécesseur, le ministre des Transports et député de Joliette. Cette politique, j'en fais abondamment référence dans les interventions que je fais ici, au salon bleu, en commission parlementaire, parce que c'est une politique importante. C'est une politique bien sûr qui a été précédée d'un vaste débat public qui a rassemblé à peu près tous les intervenants du domaine énergétique au Québec. Ces gens-là ont travaillé des mois et des mois, le débat a commencé en février 1995 pour se terminer au début de 1996. Ces gens-là ont mobilisé beaucoup d'énergie, M. le Président, pour nous offrir ce qu'eux voyaient en termes de développement énergétique, pour nous offrir leur vision, et tous les débats ont conduit à l'élaboration de cette politique, qui, en passant, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996.

(12 h 50)

Bien sûr, le ministre des Ressources naturelles, dans son allocution, reproche au Parti libéral du Québec évidemment son manque de vision, mais je tiens à lui rappeler une chose: le Parti libéral du Québec a donné son aval à cette politique. Et le titre de cette politique, L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable , est très évocateur quant aux choix qui ont été faits à ce moment-là. Et malheureusement le projet de loi n° 116, qui est déposé par le ministre des Ressources naturelles, s'inscrit tout à fait à contre-courant de cette politique qui a été présentée par son gouvernement. Vous savez, M. le Président, on est habitué, dans l'histoire, lorsqu'un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, à ce que le gouvernement qui est en place prenne des décisions qui vont à l'encontre des décisions qui ont été prises par le gouvernement précédent. Les péquistes arrivent au pouvoir, ils se dépêchent à dénigrer la gestion qu'ont faite les libéraux dans les années qui les ont précédés.

Cependant, M. le Président, ce qui est assez étonnant avec le projet de loi n° 116, c'est étonnant et surprenant, c'est que la décision qui est prise par le ministre des Ressources naturelles d'amputer la Régie de l'énergie de pouvoirs importants, d'à peu près tous ses pouvoirs, bien, ce n'est pas une décision qui a été prise par le gouvernement du Parti libéral. Le Parti québécois a décidé, en 1996, de mettre la création d'une régie de l'énergie au coeur de la politique énergétique du Québec. Puis je vais avoir l'occasion, au cours des prochaines minutes, de vous dire quelle était à ce moment-là la vision du gouvernement du Parti québécois par rapport à cette nouvelle instance qu'on voulait créer, la Régie de l'énergie.

Mais là, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois dit: Écoutez, là, je pense qu'on a fait des mauvais choix en 1996, on va prendre une décision qui va désavouer totalement ce que, nous, on a mis sur la table en 1996. Moi, j'imagine les combats épiques que le ministre des Ressources naturelles a dû avoir avec son collègue des Transports au Conseil des ministres, j'imagine les combats, les batailles épiques que le ministre des Ressources naturelles a dû avoir avec son collègue d'Abitibi-Ouest.

Je vais vous dire, M. le Président, que, depuis les débats qu'on a entourant le projet de loi n° 116, je sens que le ministre des Ressources naturelles, dans les réponses qu'il nous livre, est plutôt mal à l'aise, très mal à l'aise. Très mal à l'aise, M. le Président. Puis je le comprends. Je le comprends, le ministre a eu une commande de la part du ministre des Finances, de la part de son premier ministre, de la part du président-directeur général d'Hydro-Québec, puis ils lui ont dit: Écoute, là, on a une commande à passer, puis tu as intérêt à livrer la marchandise, parce qu'on va avoir des problèmes tantôt. Alors, j'imagine, M. le Président, que ça n'a pas dû être facile pour le ministre des Ressources naturelles de passer un projet de loi comme celui-là. Mais ça témoigne d'une chose: le gouvernement péquiste n'a pas de vision, et puis le ministre des Ressources naturelles, lui, a décidé de s'écraser devant le ministre des Finances et devant le président-directeur général d'Hydro-Québec.

Vous me permettrez, parce que le sujet est important, de revenir, M. le Président, sur les objectifs qu'on poursuivait à l'époque, en déposant cette fameuse politique énergétique. Et je vais vous dire, puis je n'étais pas présente en 1996, malheureusement – malheureusement – mais je vais vous dire, lorsqu'on lit le mot du ministre, qui est le député de Joliette, l'ancien ministre des Ressources naturelles, on s'imagine que le ministre était très fier de déposer sa politique énergétique. Le connaissant un peu, j'imagine qu'on a eu droit à une séance de pétage de bretelles en bonne et due forme. Ça fait qu'imaginez aujourd'hui sa réaction quand il apprend que son collègue veut déposer un projet de loi qui vient littéralement dénaturer la politique énergétique du Québec, M. le Président, qui vient carrément, là, désavouer la vision puis les efforts que lui a déployés pour permettre au Québec d'avoir une véritable politique de développement énergétique.

Alors, dans les objectifs qui étaient poursuivis, M. le Président, on peut lire la chose suivante: «L'objectif global de la nouvelle politique énergétique est de mettre l'énergie au service des Québécois et de construire un développement durable qui soit respectueux des générations à venir tout en tirant pleinement partie des changements en cours.» Et, M. le Président, on prend le soin de souligner qu'on a donné au concept de développement durable une acceptation très large: «Selon cette approche, le développement durable englobe les préoccupations économiques, sociales et environnementales et prend en compte la notion d'équité sur le plan individuel comme sur le plan collectif.»

Ce qu'on va voir un peu plus tard, c'est que toute la question des préoccupations économiques, sociales et environnementales, qui sont à la base de la politique énergétique qui a été déposée par le ministre des Transports en 1996, a été complètement retirée de la nouvelle, du projet de loi qui a été déposé, donc a été retirée complètement de l'autorité de la Régie de l'énergie. Ça veut dire, M. le Président, que ces fameux principes qui sont à la base de toute politique de développement durable, le ministre des Ressources naturelles a décidé de les évincer, de les évacuer complètement de l'autorité de la Régie de l'énergie.

On a pris soin, M. le Président, également, à partir de cet objectif global qui a été annoncé, qui est à la base de la politique énergétique donc, de définir quatre lignes de forces. On nous disait, dans un premier temps, qu'il s'agissait d'assurer aux Québécois les services énergétiques requis au meilleur coût possible. En deuxième lieu, on soulignait qu'il s'agissait de promouvoir de nouveaux moyens de développement économique. En troisième lieu, on soulignait qu'il s'agissait de respecter ou de rétablir les équilibres gouvernementaux. Et la quatrième ligne de force, celle pour laquelle évidemment tous les intervenants du domaine énergétique se sont mobilisés, celle autour de laquelle tous les militants et militantes du Parti québécois se sont mobilisés également, c'est de garantir l'équité et la transparence.

Garantir l'équité et la transparence. On entend souvent ça de l'autre côté de la Chambre, hein. Le ministre des Ressources naturelles nous assure que le débat va se faire dans un cadre transparent, dans un cadre d'équité. Mais la question que je lui poserais ce matin: Est-ce qu'il tiendra toujours des consultations particulières, le ministre des Ressources naturelles? Je l'invite à tenir des consultations particulières. Et ce que nous aurions souhaité, c'est un véritable débat public sur toute cette question, M. le Président.

Vous vous souviendrez la première fois évidemment, lorsque le ministre a déposé son projet de loi à l'Assemblée nationale, je lui ai demandé s'il avait l'intention de tenir des consultations en commission parlementaire. Le ministre nous a répondu: Il n'en est pas question. Mais le ministre évidemment a fait preuve d'une grande sagesse parce que, quand il a vu que son projet de loi dérapait, il a décidé de revenir sur ses pas, de revenir en arrière, donc, et d'annoncer la tenue de consultations particulières.

Je lui demande ce matin, M. le Président, si le ministre va respecter son engagement de tenir des consultations particulières ou des consultations générales en commission parlementaire. Et je suis convaincue, M. le Président, que l'opposition évidemment... je peux vous assurer que l'opposition va participer aux consultations, bien sûr. Mais je peux vous assurer que le ministre bien sûr pourrait faire amende honorable en acceptant de tenir des consultations auprès de ses propres militants, auprès des militants du Parti québécois, M. le Président.

Le ministre de l'époque, le député de Joliette, évidemment, après avoir annoncé ces grandes lignes qui constituent la force de ce qu'a été la politique énergétique, a pris le soin d'ajouter un autre élément que vous me permettrez de lire, M. le Président, parce que je pense qu'il représente un enjeu majeur pour l'ensemble des Québécois. Le ministre, à l'époque, nous a dit la chose suivante: «Grâce à l'initiative majeure que prend ici le gouvernement, il sera possible de contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public.»

Alors, imaginez, le ministre de l'époque, l'actuel ministre des Transports, nous garantissait que dorénavant toutes les questions ayant trait à la gestion du domaine énergétique au Québec allaient pouvoir se faire dans un cadre transparent où le public allait être invité à participer.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la Régie de l'énergie, en étant une instance indépendante formée d'experts, formée de régisseurs experts, lorsque la Régie est saisie d'une cause – bien sûr, pour la plupart des causes qu'elle fait – elle entend des experts. Donc, elle offre aux participants des audiences qui permettent aux groupes qui sont concernés par le sujet en question de se faire entendre. Et c'est de cette façon-là que le ministre des Ressources naturelles de l'époque a permis ou, je vous dirais, a offert la garantie aux Québécois que toutes ces questions-là du domaine énergétique allaient se faire dans un contexte donc transparent et où le public allait pouvoir participer. Cependant...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée, étant donné qu'il est 13 heures – je vous indique qu'il vous reste 35 min 15 s à votre intervention – je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Bon appétit à tous!

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour. Nous étions à débattre de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Mme la députée de Bonaventure avait déjà utilisé 24 min 45 s et elle a un maximum de 60 minutes. Alors, je vous cède la parole.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de poursuivre mon intervention de ce matin pour les plus de 30 minutes qui sont à ma disposition cet après-midi. Je vous ai quitté ce matin en vous soulignant que le projet de loi n° 116 qui est déposé par le ministre des Ressources naturelles et qui retire à la Régie de l'énergie des pouvoirs importants s'inscrit donc à contre-courant, renie les engagements du gouvernement péquiste, de son propre gouvernement, engagements qui s'étaient concrétisés par le dépôt de la fameuse politique énergétique qui a été adoptée en 1996 par le gouvernement péquiste et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

M. le Président, lorsque évidemment on lit la politique énergétique, on se rend compte que la Régie de l'énergie, ce tribunal quasi judiciaire, cette instance indépendante, avait une place importante. En fait, la création d'une régie de l'énergie était au coeur même de la politique énergétique adoptée en 1996. À la page 21 de la politique, on souligne que la Régie de l'énergie sera un organisme doté «de pouvoirs étendus, et son autorité, réelle. Pour le gouvernement – et là évidemment je cite la politique énergétique – il est essentiel que l'organisme soit crédible, indépendant, et que ses décisions soient respectées par les différents intervenants concernés.» On souligne que «cette crédibilité s'appuiera d'abord sur la possibilité pour la Régie d'adopter un fonctionnement rigoureux sur les plans du pouvoir d'enquête et du fonctionnement des audiences, ainsi que sur la compétence des dirigeants et du personnel, sur lesquels le gouvernement portera une attention particulière». Et d'ajouter que «la crédibilité de la Régie reposera également sur la nature des pouvoirs qui lui seront conférés».

Alors, lorsqu'on lit évidemment un extrait de cette politique énergétique sur l'importance, donc, d'un organisme comme la Régie de l'énergie, on se rend compte, M. le Président, que le seul fait de présenter un projet de loi qui retire des pouvoirs importants à la Régie de l'énergie contrevient d'une façon évidente, non équivoque, à ce principe qui a été annoncé à la page 21 de la politique énergétique.

En faisant nos recherches, M. le Président, on a trouvé un article intéressant qui date de septembre 1994, qui est paru, à l'époque, dans le journal Le Soleil . À l'époque, M. André Caillé était président de Gaz Métropolitain, et aujourd'hui évidemment vous savez qu'André Caillé est à la tête d'Hydro-Québec. Et ce qui est assez particulier, c'est qu'à ce moment l'actuel président d'Hydro-Québec réclamait un organisme indépendant qui contrôlerait non seulement le gaz naturel, mais aussi l'électricité. Alors, à l'époque, André Caillé se faisait l'ardent défenseur, souhaitait, il a même fait des représentations en ce sens auprès de l'ancien ministre des Ressources naturelles qui est actuellement député d'Abitibi-Ouest. Alors, c'est assez cocasse de voir que souvent l'histoire change.

Alors, ce qu'on constate, c'est que, avec le dépôt du projet de loi n° 116, le ministre, bien sûr, va à l'encontre du voeu qui avait été exprimé par son gouvernement. Mais ce qu'on peut dire, dans le fond, c'est que le renard est dans le poulailler, M. le Président, parce que le ministre des Ressources naturelles a eu un mandat clair, et son mandat, c'est de démembrer la Régie de l'énergie pour répondre à une commande de son collègue des Finances, également pour répondre à une commande du président d'Hydro-Québec. Et, lorsqu'on regarde les pouvoirs dévolus à la Régie de l'énergie, on constate que ce sont des pouvoirs importants qui garantissent à tout le domaine énergétique au Québec une régulation qui se fasse dans les règles de l'art.

J'ai mis la main sur une allocution qu'a prononcée le président actuel de la Régie de l'énergie, M. Guérin, une conférence qu'il a prononcée le 12 février 1998 et qui en dit long sur la vision qu'il avait d'une régie de l'énergie en pleine possession de tous ses moyens pour exercer tous les pouvoirs pour lesquels elle a été créée. M. Guérin nous dit ceci: «Dans le domaine de l'électricité, la Régie prend la relève du gouvernement quant à l'approbation des tarifs d'Hydro-Québec. La fixation des tarifs et des conditions de fourniture et de transport de l'électricité se fera au terme d'un processus rigoureux d'audiences publiques qui permettra à tous les intéressés de se faire entendre.» Alors, ce qu'on constate, c'est que, en retirant tout le volet production de la juridiction de la Régie de l'énergie, la Régie ne pourra plus, dans le futur, tenir ces audiences publiques qui permettraient d'assurer à tout le processus la transparence à laquelle tous les consommateurs québécois ont droit, M. le Président.

Et il rajoute un élément important sur tout l'aspect de la réglementation et de la concurrence du marché énergétique, et vous me permettrez de lire un extrait de ce discours. Il nous dit la chose suivante, le président de la Régie de l'énergie: «Au même moment où l'on parle de la libéralisation des marchés et de la déréglementation – évidemment, le ministre en fait abondamment référence – la création de la Régie de l'énergie peut sembler, a priori, à contre-courant.» Ça, c'est intéressant. Il faut cependant rappeler qu'en créant la Régie de l'énergie le gouvernement du Québec visait principalement deux objectifs. Le premier: accorder un traitement tarifaire uniforme et équitable aux compagnies distributrices de gaz naturel et d'électricité; et, deuxièmement – et c'est ça qui est le plus intéressant, M. le Président – au niveau de la fixation des tarifs d'électricité, adopter un processus décisionnel transparent, équitable, indépendant et impartial où la participation de multiples intervenants de différents milieux de la société contribuera à atteindre la protection des intérêts de tous dans la recherche de l'intérêt public.

Alors, il serait intéressant, aujourd'hui, avec le projet de loi que dépose le ministre des Ressources naturelles, d'entendre le président de la Régie de l'énergie, parce que, évidemment, le voeu ou la vision qu'a exprimés à cette époque... Puis, évidemment, l'époque n'est pas si lointaine, on parle de février 1998. Cette vision du président de la Régie de l'énergie s'inscrit tout à fait dans le respect de la vision donc du gouvernement péquiste, de tous les intervenants du domaine énergétique, qui a conduit à l'adoption de la fameuse politique énergétique en 1996.

(15 h 10)

Lorsqu'on regarde le projet de loi n° 116 de plus près, il y a un élément majeur qui retient notre attention, c'est le fait que tout le volet de la production d'électricité au Québec ne sera dorénavant plus sous l'autorité ou la juridiction de la Régie de l'énergie. Ça, M. le Président, c'est très important. Les gens qui nous écoutent doivent être conscients d'une chose. Évidemment, là, ça fait presque deux heures qu'on débat sur le projet de loi n° 116. Les gens qui nous écoutent doivent être conscients que ce projet de loi va les toucher de très près. En fait, l'adoption du projet de loi n° 116 touche à peu près tous les Québécois, tous les consommateurs d'électricité au Québec. Ce qu'on constate dans les faits, M. le Président, c'est que le gouvernement péquiste, en décidant de retirer tout volet production de l'autorité de la Régie de l'énergie, prive les Québécois du contrôle de 50 % de leurs actifs. On nous dit souvent qu'Hydro-Québec, ça nous appartient, ça appartient aux Québécois. C'est 57 milliards d'actifs. En retirant tout le volet production, on nous prive, nous, comme actionnaires d'Hydro-Québec, du contrôle de 50 % de nos actifs. Comme scénario, on n'aurait pas imaginé pire scénario.

Alors, ce que le gouvernement fait, c'est qu'il dit à la Régie de l'énergie: Écoutez, votre autorité dorénavant va s'établir seulement dans les domaines du transport et de la distribution – deux secteurs, soit dit en passant, qui sont les moins rentables à Hydro-Québec. Le volet production, on s'entend sur une chose, moi et le ministre, c'est que c'est le volet le plus rentable chez Hydro-Québec. En ce moment, sur le taux de rendement, les données de 2000, on parle d'un taux de rendement s'établissant à plus de 15 %. Et le ministre a été clair là-dessus, ce que lui et son gouvernement souhaitent, c'est augmenter le taux de rendement à 20 %, 25 %. Mais là ce qu'on dit à la Régie de l'énergie, c'est: Écoutez, on vous retire tout le volet production parce que, comme c'est le volet, chez Hydro-Québec, qui est le plus payant, on se le garde pour nous, ça. On se le garde pour nous parce que c'est le plus payant. L'objectif est clair.

Dans tous les discours que j'ai entendus du ministre des Ressources naturelles, il fait un lien très étroit entre la nécessité de retirer des pouvoirs à la Régie de l'énergie et la nécessité ou l'obligation de présenter son projet de loi sur l'obligation d'avoir un taux de rendement qui soit acceptable. Donc, pour lui, ce qui prime d'abord et avant tout, ce n'est pas la protection des intérêts des consommateurs d'électricité au Québec, c'est le taux de rendement chez Hydro-Québec. C'est ça qui est le plus important pour lui.

Il y a une chose qui m'a frappée en commission parlementaire lorsqu'on a fait l'analyse du plan stratégique, c'est que le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, la première chose dans ses interventions, le premier sujet qu'il a abordé, M. le Président, c'est le taux de rendement chez Hydro-Québec. Le président du conseil d'administration n'a pas abordé la question des tarifs pour les consommateurs, il a abordé la question du taux de rendement. Alors, pour nous, l'objectif du ministre des Ressources naturelles est clair, on veut faire d'Hydro-Québec la nouvelle machine à imprimer de l'argent. Là, c'est comme si on donnait à la Régie de l'énergie, en fait, seulement une partie du coffre à outils dont elle a besoin pour effectuer correctement son travail.

M. le Président, si vous, vous êtes un menuisier, si on vous donne du bois, si on vous donne une scie, si on vous donne des clous mais qu'on oublie de vous donner le marteau pour faire votre travail, vous allez avoir un problème, parce que le marteau, c'est un outil essentiel, c'est un élément de base pour un menuisier. Bien, la Régie de l'énergie, c'est un peu la même chose. Si on lui dit: Écoutez, là, vous êtes un organisme qui est censé contrôler Hydro-Québec, mais qu'en même temps on vous dit: Tout le volet production, ça, là, on va garder ça pour nous, ça, là, ça ne vous intéresse pas, bien, comment voulez-vous que la Régie de l'énergie fasse son travail correctement?

Ce que nous soutenons et ce que plusieurs groupes soutiennent, c'est que la Régie de l'énergie, pour rentabiliser les secteurs de transport et de distribution, qui sont les moins rentables en ce moment, pour augmenter le taux de rendement de ces deux secteurs, M. le Président, devra obligatoirement augmenter les tarifs d'électricité des Québécois, et ça, c'est le plus inquiétant. Le ministre des Ressources naturelles, il se porte en bon défenseur des consommateurs d'électricité au Québec, mais, lorsqu'il affirme qu'on aura droit à un gel des tarifs jusqu'en 2004, ce qu'il oublie de dire, c'est que, si la Régie de l'énergie avait accès, avait tous les moyens pour faire correctement son travail, les Québécois, les consommateurs d'électricité au Québec pourraient peut-être bénéficier d'une baisse de tarifs, et ça, c'est majeur et c'est fondamental.

Là, le ministre, évidemment, s'érige en bon démocrate, mais, en réalité, on n'a pas accès à toutes les données qui nous permettraient de nous convaincre qu'effectivement les consommateurs d'électricité au Québec ne peuvent pas bénéficier de baisses de tarifs. Nous, de ce côté-ci de cette Chambre, M. le Président, on ne demande qu'à avoir la vérité, on ne demande qu'à avoir un débat public transparent sur cette question. Alors, ce qui va se passer dans le futur, c'est que, comme la Régie de l'énergie ne pourra plus avoir accès à tout le volet production d'Hydro-Québec, c'est évidemment le ministre des Finances ou le ministre des Ressources naturelles qui, sur la base de leur bon vouloir, de leur bonne volonté, permettront aux Québécois de bénéficier de certaines baisses de tarifs. En d'autres termes, enfin les Québécois pourront bénéficier d'une réduction de tarifs si le taux de rendement d'Hydro-Québec Production est satisfaisant et si ça va bien sur le plan économique.

Alors, moi, je trouve que, pour une société qui s'est dotée d'un mécanisme de régulation dit moderne, dit efficace, là on recule en arrière. Et la difficulté majeure à laquelle les parlementaires étaient confrontés dans le passé, c'est justement le fait qu'ils n'étaient pas assez armés, suffisamment bien outillés pour contre-expertiser d'une façon satisfaisante, pour questionner Hydro-Québec sur les choix qu'elle faisait ou qu'elle entendait faire. Alors, le gouvernement péquiste a décidé de créer la Régie de l'énergie justement pour permettre, sur toute cette question qui est fort complexe, soit dit en passant – c'est une question qui est très complexe – à tout ce secteur-là d'être géré d'une manière transparente.

Et ce qui est le plus scandaleux, M. le Président, dans tout ça, c'est que le ministre des Ressources naturelles déploie énormément d'énergie et d'efforts pour nous convaincre du bien-fondé de son projet de loi. Mais ce qu'on constate dans les faits, c'est que le ministre des Ressources naturelles a reçu une commande. Il a reçu une commande du ministre des Finances, du président d'Hydro-Québec, il a reçu une commande également du premier ministre. C'est ce que j'ai appelé, il n'y a pas si longtemps, le «nouveau triumvirat». C'est les trois hommes forts qui vont dorénavant gérer tout le secteur du développement hydroélectrique au Québec. Alors, ça, je dois vous dire, en termes de recul sur le plan de la transparence, c'est totalement inacceptable. Et il n'y a pas que l'opposition qui dénonce cette situation; il y a tous les groupes, même les militants péquistes. Et ce qu'on constate, c'est que le ministre des Ressources naturelles actuellement fait cavalier seul. Il est le seul à être convaincu du bien-fondé de son projet de loi. C'est bien triste pour lui.

Ce matin, lors de mon discours, on a déposé ici, en cette Chambre, le communiqué qu'ont fait publier des militants péquistes et qui demandent carrément au ministre des Ressources naturelles de retirer le projet de loi n° 116, M. le Président, parce que c'est un projet de loi qui ne respecte aucunement le voeu et la volonté qui avaient été exprimés par le gouvernement. Et, pour illustrer la commande qu'a reçue le ministre des Ressources naturelles, vous me permettrez de lire un extrait du Journal des affaires qui a été publié le 26 juin 1999 et dans lequel on écrit... Vous me permettrez de citer, ça va vous permettre de mieux comprendre le contexte dans lequel le ministre des Ressources naturelles est obligé de déposer son projet de loi. L'article dit ceci, et ça, c'est daté de juin 1999, donc ça fait à peu près un an: «Il paraît de plus en plus évident que Québec se prépare à acquiescer à la demande d'Hydro. Le ministre Guy Chevrette, qui a dirigé l'élaboration de la politique de l'énergie et qui a fait voter la Loi sur la Régie de l'énergie, a été remplacé par Jacques Brassard sur qui Lucien Bouchard semble avoir plus d'influence.» En d'autres termes, c'est clair, M. le Président, les Québécois ont été exclus du deal entre le premier ministre, le ministre des Finances et le président d'Hydro-Québec, et ça, c'est inacceptable. Alors, quand évidemment le ministre des Ressources naturelles tente de nous dire qu'il se porte à la défense des intérêts des consommateurs, vous nous permettrez d'en douter.

Et, ce matin, la réponse du ministre des Ressources naturelles à la période de questions a été surprenante. Il y a 35 associations de protection des droits des consommateurs qui se sont liguées pour demander le retrait du projet de loi n° 116, 35 associations de consommateurs au Québec, de grandes associations qui représentent les millions de consommateurs au Québec. Le ministre a banalisé la mobilisation de ces 35 groupes en nous disant que ces gens-là ne représentaient pas l'ensemble des consommateurs du Québec. Or, ça, M. le Président, je dois vous dire que, moi, si je faisais partie de ces 35 associations de protection des droits des consommateurs, je serais offusquée d'entendre une chose comme celle-là. Mais il ne faut pas s'étonner d'une réaction comme celle-là, parce que, le ministre, on a l'impression qu'il est coincé avec le projet de loi n° 116. Le ministre n'a aucune marge de manoeuvre, c'est évident.

(15 h 20)

Alors, les 35 groupes sont assez sévères à l'endroit du projet de loi n° 116. En fait, les groupes en question, en plus d'exiger le retrait du projet de loi n° 116, dénoncent les prétentions du ministre Brassard à l'effet que ce projet de loi est avantageux pour les consommateurs, M. le Président. Et ils rajoutent une chose qui est intéressante: «Dans les faits, le cocktail concocté pour la fixation des tarifs d'Hydro-Québec correspond au pire scénario des consommateurs.» Alors, leur équation est bien simple: coûts cachés plus monopole de fait – parce qu'on sait qu'Hydro-Québec est en situation de monopole au Québec – plus absence d'imputabilité – Hydro-Québec qui deviendra dorénavant le seul maître à bord pour décider du développement de ses nouveaux projets – coûts cachés plus monopole de fait plus absence d'imputabilité égalent abus potentiel. Abus potentiel.

Il y a 35 associations de protection des consommateurs qui se sont liguées pour demander au ministre des Ressources naturelles de retirer son projet de loi. S'il y a des gens qui sont, en principe, censés défendre les intérêts des consommateurs, c'est bien ces gens-là. Alors, dans ce contexte, comment voulez-vous qu'on croie le ministre des Ressources naturelles quand le ministre nous affirme que sa première préoccupation, sa première volonté, c'est de protéger les tarifs des Québécois? Ce qu'on constate, c'est que le ministre des Ressources naturelles, sur la base de ses responsabilités comme ministre, a échoué. Il a préféré répondre à une commande politique, et ça, c'est inacceptable. Alors, ces associations sont inquiètes, et, pour elles, je dois vous dire qu'il s'agit littéralement d'une volte-face du gouvernement Bouchard qui, quatre ans à peine après l'entrée en vigueur de la Régie de l'énergie, s'apprête à la vider de sa substance.

Et vous me permettrez de citer un des intervenants qui affirme la chose suivante: «Si le gouvernement désire taxer nos tarifs d'électricité, qu'il ait le courage de ses actes et le fasse visière levée plutôt qu'en utilisant de faux prétextes et en privant les consommateurs québécois de leur droit de connaître l'ensemble des coûts d'Hydro-Québec et de la possibilité de débattre collectivement des choix de développement énergétique à venir.» Alors, je pense que le débat est lancé. Les militants péquistes, donc, se sont joints à la bataille que livrent les groupes en ce moment pour demander que le ministre des Ressources naturelles retire son projet de loi n° 116 et qu'on puisse aborder cette question-là en toute transparence. Alors, M. le Président, si la Régie de l'énergie n'a plus accès aux coûts de production d'Hydro-Québec, on a un problème, parce que Hydro-Québec...

Prenons un exemple. Si Hydro-Québec décidait demain matin de se lancer dans la construction de nouveaux ouvrages hydroélectriques, par exemple, pour se lancer sur le marché des exportations, hein? Hydro-Québec décide demain matin que le marché de l'exportation présente un marché intéressant. Si la Régie de l'énergie n'a plus accès à ces fameux coûts de production, quelle garantie nous aurons, nous, comme consommateurs, que nous ne financerons pas des activités destinées, vouées à l'exportation? Quelle garantie le projet de loi n° 116 nous offre pour éviter justement qu'on finance des activités vouées à l'exportation? Ça, en d'autres termes, M. le Président, si on prend ce scénario-là, ça veut dire que les consommateurs québécois subiraient une augmentation de leurs tarifs pour permettre aux Américains, eux, de payer leur énergie à des tarifs qui soient plus bas que ce qu'on serait obligés de débourser. Alors, ça, c'est inquiétant, et je dois vous dire que c'est une interrogation majeure et pour laquelle malheureusement le ministre des Ressources naturelles n'a pas eu de réponse, parce que le projet de loi n° 116 est clair à ce niveau-là: la Régie de l'énergie ne pourra plus, dans le futur, avoir de droit de regard en ce qui concerne toutes les activités liées à l'exportation, les activités de production liées à l'exportation.

La Régie de l'énergie, M. le Président, a émis un avis important auquel d'ailleurs a fait référence le ministre des Ressources naturelles ce matin. Cet avis date d'août 1998. Et, dans ces remarques, dans ce fameux rapport, c'est assez intéressant de voir quel était à ce moment-là le point de vue des régisseurs sur un éventuel retrait de certains de leurs pouvoirs. Les régisseurs ont très bien campé le scénario auquel on a droit aujourd'hui. Vous me permettrez de lire certains extraits. On nous dit que «la Régie de l'énergie souligne que l'adoption de la proposition d'Hydro-Québec entraînerait des modifications législatives substantielles à sa loi constitutive». C'est ce qui se passe. Le ministre des Ressources naturelles veut faire plaisir à Hydro-Québec, alors la Régie de l'énergie dit: Écoutez, si vous faites plaisir à Hydro-Québec, ça va avoir une influence très importante sur la Loi de la Régie de l'énergie.

En fait, on rajoute la chose suivante: «La nature et l'ampleur de ces modifications visent à exempter l'activité production de toute surveillance réglementaire et ont pour effet d'hypothéquer les moyens légaux dont dispose la Régie pour s'acquitter de ses mandats statutaires tels qu'assurer la satisfaction des besoins énergétiques et agir dans le respect du développement durable.» Elle rajoute la chose suivante: «...et qui contrevient d'une façon évidente à l'argument qu'invoque le ministre à l'effet que son projet de loi respecte la politique énergétique.» Ça, c'est la Régie de l'énergie qui nous dit ça.

«La philosophie de la politique énergétique du Québec et ses objectifs s'en trouveraient eux-mêmes compromis, puisque les mandats statutaires de la Régie constituent les principaux outils légaux pour les atteindre.» Et elle rajoute ceci: «Elle soumet de plus que les exportations et les contrats spéciaux devront faire l'objet de mécanismes réglementaires afin de s'assurer que les tarifs d'électricité des consommateurs québécois, assujettis aux règlements tarifaires, n'interfinanceront pas ces transactions.» Alors, M. le Président, la Régie de l'énergie, en août 1998, avait déjà prévu le scénario auquel on assiste aujourd'hui, et c'est dommage, parce que ce que les régisseurs nous disent dans ce fameux avis, c'est que le choix, l'orientation qu'a prise le ministre des Ressources naturelles hypothèque grandement la Régie de l'énergie, hypothèque la loi constitutive de la Régie de l'énergie. Ça, ce n'est pas l'opposition qui le dit. Évidemment, quand le ministre se plaît à rappeler les nombreuses expressions qui sont utilisées pour qualifier le démembrement auquel on fait face, j'aimerais lui rappeler que la Régie de l'énergie, évidemment sur la base de cet avis qui a été rendu en août 1998, s'objecte d'une façon importante parce que ce que la Régie nous dit, c'est que, si on lui enlève ces pouvoirs importants, son fonctionnement en sera grandement hypothéqué.

Il y a un article qui est paru récemment dans le journal Le Devoir , M. le Président, le 3 mai 2000. C'est un article intéressant, en fait, qui s'intitule Hydro: 1,5 milliard en surfacturation . Alors, il y a différents groupes au Québec qui soutiennent que, si le gouvernement péquiste avait – avait – le courage d'assumer ses responsabilités et avait le courage de tenir un véritable débat public sur la question, on pourrait peut-être faire la lumière sur la prétention qu'ont certains groupes à l'effet qu'Hydro-Québec actuellement surfacturerait les consommateurs québécois pour 1,5 milliard de dollars.

La fameuse Coalition Arc-en-ciel, pour laquelle le ministre semble n'avoir pas trop d'estime, M. le Président, une coalition qui est formée de groupes qui ne partagent pas nécessairement des intérêts qui convergent dans la même direction... Et c'est ça, la force de la Coalition Arc-en-ciel: vous avez des syndicats, des groupes de protection de consommateurs, des industriels qui ne font pas nécessairement bon ménage dans d'autres circonstances. Mais cette Coalition-là tient la route depuis plus d'un an. Si la Coalition tient la route, si cette Coalition Arc-en-ciel tient la route, c'est parce qu'il y a un problème. Alors, ces gens-là, ils parlent littéralement d'arnaque pour qualifier la situation actuelle, et on nous dit que, dans certaines sociétés, dans certaines collectivités, on déclencherait littéralement un véritable «Hydrogate». Alors, imaginez, là, c'est quand même des affirmations qui peuvent sembler de prime abord assez fortes, mais ces gens-là s'appuient sur des études, sur des rapports d'experts pour soutenir leurs arguments, pour soutenir des choses comme celles-là.

(15 h 30)

Ils soutiennent également, et sur la base d'une étude qui a été produite le 27 avril 2000, qui est une étude récente produite par des consultants en énergie et en gestion, que les consommateurs québécois auraient droit à une baisse de tarifs de l'ordre de 10 % par rapport aux tarifs qui sont proposés par Hydro-Québec. En d'autres termes, M. le Président, quand le ministre des Ressources naturelles et le président d'Hydro-Québec nous annoncent en grande pompe – c'est la nouvelle du siècle – que les consommateurs d'électricité au Québec vont bénéficier d'une baisse de tarifs, d'un gel de tarifs, ces gens-là nous disent: Non, non, non, c'est le contraire, Hydro-Québec possède toute la marge de manoeuvre nécessaire pour offrir aux Québécois une réduction de tarifs. Alors, en d'autres termes, si la Régie de l'énergie avait tous les pouvoirs nécessaires pour effectuer correctement son travail, je pense qu'on aurait une fois pour toutes réponse à nos questions, et ces groupes-là pourraient en faire la démonstration dans un contexte démocratique, et on pourrait donner raison à ces groupes-là. Mais là le ministre choisit encore une fois d'étouffer le débat, comme c'est son habitude et comme c'est l'habitude du gouvernement péquiste, parce que, en termes de transparence, de cohérence puis de vision, on a déjà vu mieux.

Une voix: ...

Mme Normandeau: Alors, ça fait réagir les députés d'en face, M. le Président, et ça, je ne suis pas du tout surprise de ça.

Le ministre des Ressources naturelles a fait abondamment référence, dans tout son argumentaire ce matin, au fameux contexte de la déréglementation dans le marché énergétique. En fait, les arguments du ministre sont simples: le ministre doit déposer ce projet de loi, puisque le marché énergétique au Québec est un marché qui s'inscrit dans une tendance mondiale. Et ce qu'on constate dans les faits, c'est qu'il y a plusieurs sociétés qui ont décidé de déréglementer leur marché. Alors, ce matin, le ministre, évidemment, a fait référence à une tendance lourde en Amérique du Nord, et le ministre est même allé plus loin, M. le Président, en parlant de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, de l'Europe, de l'Argentine.

Évidemment, on a fait des recherches de notre côté, et ce que j'aimerais lui dire, c'est que le ministre des Ressources naturelles ne peut pas comparer le marché de l'électricité au Québec avec des marchés comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Europe ou l'Argentine. On est dans deux marchés totalement différents. Et ce qu'on constate, c'est que ces pays, la Nouvelle-Zélande, l'Italie, l'Australie, le Japon, l'Espagne ou la Finlande, qui ont déréglementé leur marché le faisaient parce que les tarifs d'électricité étaient très élevés. Pour tous ces pays, déréglementer a signifié ouvrir le marché à la concurrence, M. le Président. Sauf que ce qu'on constate ici, au Québec, ce n'est pas le cas. Le ministre des Ressources naturelles en fait nous dit qu'il veut déréglementer le marché, mais Hydro-Québec est toujours en situation de monopole. En fait, ce n'est qu'à un semblant d'ouverture à la concurrence auquel on assistera avec le projet de loi n° 116.

Mais, avant de revenir plus en détail sur cette question de la déréglementation, j'aimerais lui servir l'exemple de l'Argentine, M. le Président, puisque le ministre y a fait abondamment référence ce matin. Le ministre a comparé le Québec à l'Argentine, mais c'est deux pays qui sont totalement différents. Ce que j'aimerais lui dire, c'est qu'évidemment le Québec est une classe à part, si on le compare à un pays comme l'Argentine. Au début des années quatre-vingt, M. le Président, l'Argentine était aux prises avec de graves problèmes économiques qui ont poussé le pays à couper d'importantes sommes d'argent dans tous les budgets de ses sociétés publiques. Le gouvernement argentin s'est donc retrouvé, au début des années quatre-vingt-dix, avec un réseau de services publics incapable de répondre aux simples demandes de services de ses citoyens. Alors, évidemment le contexte n'était pas très reluisant pour le gouvernement de l'époque. Ils ont été acculés au pied du mur par les marchés financiers internationaux. Le gouvernement de M. Menem, à l'époque, a été incapable de réinvestir dans les infrastructures déficientes des services publics. Alors, la solution qui s'est offerte à ce moment-là au gouvernement argentin, ça a été de privatiser plusieurs sociétés d'État, M. le Président, pour réassurer les services de base à la population.

Alors, lorsque le ministre des Ressources naturelles se sert d'un exemple comme l'Argentine pour comparer la situation du Québec à l'Argentine, je dois vous dire que ce n'est pas très rassurant parce que l'Argentine n'a pas fait que déréglementer. L'Argentine a privatisé également tous ses organismes de contrôle. Alors, moi, M. le Président, je souhaiterais vous dire une chose. C'est que, quand le ministre des Ressources naturelles se sert d'exemples comme l'Argentine, comme l'Espagne, comme l'Italie, comme le Japon, bien encore faudrait-il qu'il remette les choses dans leur contexte. Et ce qu'on constate, par exemple, c'est qu'en Finlande, en déréglementant le marché, bien on a fait en sorte que les organismes qui étaient chargés de contrôler tout le marché sont devenus encore des organismes avec plus de pouvoirs.

Alors, on a l'impression, M. le Président, que, dans la tête du ministre, là, déréglementer, ça veut dire confier moins de pouvoirs à la Régie de l'énergie, ça veut dire avoir un organisme de contrôle comme la Régie qui a moins de pouvoirs. Mais ça, probablement que c'est une équation qui est toute nouvelle pour le ministre puis qu'il a probablement inventée, parce que ce qu'on constate sur le plan mondial, M. le Président, c'est que la tendance est à l'inverse. Et le forum qui a eu lieu dernièrement, cette semaine, à Montréal, confirme la tendance à l'effet que tous les marchés qui se sont vu imposer une déréglementation, tous les États qui sont allés vers la déréglementation, donc, ont eu besoin d'un organisme de contrôle plus important, avec plus de pouvoirs pour justement éviter que les gouvernements, que le pouvoir politique s'immisce et s'ingère dans ces nouvelles questions de la déréglementation.

Alors, je vois que le temps file rapidement, M. le Président. Ce que j'aimerais dire peut-être, en terminant, c'est que, de ce côté-ci de cette Chambre, évidemment on est très inquiets sur les objectifs réels que poursuit le ministre des Ressources naturelles en présentant le projet de loi n° 116. Pour nous, c'est clair, le ministre des Ressources naturelles, avec le projet de loi n° 116, a fait une brèche importante à la politique énergétique, dans la politique de développement durable dont son gouvernement s'est doté en 1996.

L'autre chose qui nous frappe, c'est que le ministre des Ressources naturelles répond à une commande. Ça, c'est clair, M. le Président. On veut faire d'Hydro-Québec la nouvelle machine à imprimer de l'argent. Ce qu'on dit, nous: On n'est pas contre qu'Hydro-Québec fasse des profits, mais où est-ce que la barre va s'arrêter, M. le Président? Est-ce que c'est acceptable d'avoir des taux de rendement de 20 % et de 25 %? C'est la prétention, c'est le but qui est poursuivi par le ministre des Ressources naturelles et par le ministre des Finances.

Alors, la Régie de l'énergie, en se voyant amputer des pouvoirs importants, n'aura plus tous les outils nécessaires pour effectuer correctement son travail. Et, lorsque les députés, à l'Assemblée nationale, auront à voter sur le projet de loi n° 116, il serait intéressant que tous les députés le fassent d'une façon libre, parce qu'il y a plusieurs députés qui sont en face de nous qui sont très inconfortables avec le projet de loi n° 116. Ils sont très inconfortables avec le projet de loi n° 116. Je pense au ministre des Transports, qui est l'ancien ministre des Ressources naturelles. Je pense au député d'Abitibi-Ouest, qui est aussi l'ancien ministre des Ressources naturelles. Ces gens-là sont très mal à l'aise. Le ministre des Ressources naturelles est aussi très mal à l'aise avec ce projet de loi, M. le Président. Évidemment, on n'a qu'à regarder les réponses qu'il nous sert. Pas très convaincantes, soit dit en passant, parce que, de toute évidence, il n'y a pas grand groupes qui croient le ministre.

Alors, en terminant, M. le Président, le voeu que nous formulons, de ce côté-ci de cette Chambre, c'est que le ministre des Ressources naturelles donne à la Régie de l'énergie tous les pouvoirs qui lui permettront de faire un travail efficace – et tout ça, pour éviter de tomber à nouveau dans la grande noirceur – et qu'on aie un débat public, transparent, clair sur toutes les questions qui regardent le domaine énergétique au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bonaventure. Le prochain intervenant sera le député de Groulx. Alors, je vous cède la parole, M. le député.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: Alors, M. le Président, mon propos portera à peu près exclusivement sur ce que je considère être le coeur même, le noyau même du projet de loi, qui est finalement l'impact de ce projet sur le pacte social hydroélectrique québécois, dont d'ailleurs la députée de Bonaventure a fort peu parlé. Et pourtant, le ministre le mentionnait ce matin, le pacte social hydroélectrique québécois a été mis en place par deux grands hommes, qui étaient tous les deux à l'époque d'ailleurs libéraux: Jean Lesage et René Lévesque. Le pacte social hydroélectrique est à la société québécoise un des fondements les plus importants de sa culture moderne, de son niveau de vie moderne.

(15 h 40)

Mais, avant d'aller à l'essentiel, permettez-moi de corriger certaines allégations, certaines affirmations que la députée de Bonaventure a faites, entre autres au début de son intervention. Alors, elle disait: Lorsque nous aurons quitté l'Assemblée nationale, dans quatre, cinq, six, sept, huit ans, nous nous rappellerons, et elle s'adressait à nous, évidemment, les députés ministériels... «Alors, de quoi vous rappellerez-vous?», qu'elle disait. Et là, évidemment, elle identifiait ce qu'elle considère être les gestes que nous avons posés comme gouvernement et qui font en sorte, dans sa tête, que nous avons précipité aussi bien l'économie que la société québécoise dans les affres du sous-développement et de la détérioration de nos conditions de vie.

C'est drôle, ce n'est pas du tout la mémoire que je vais en avoir. Moi, quand j'aurai quitté, dans quelques années, la vie politique, je me rappellerai, entre autres – entre autres, parce qu'il y aura plusieurs autres choses – que c'est notre gouvernement qui a mis fin aux déficits successifs, déficits successifs qui avaient été accumulés au fil des neuf années – neuf années – pendant lesquelles le Parti libéral était au pouvoir.

Je me rappellerai aussi des conditions de reprise économique que nous avons mises en place depuis 1994 et qui font en sorte que, cinq ans, six ans plus tard, nous avons maintenant réduit le chômage à autour de 8 % pour l'ensemble de la province, alors qu'à l'époque des libéraux il dépassait le 13 %.

Et je me rappellerai aussi – et ça s'inscrit tout à fait dans le cadre du projet de loi présenté par le ministre – que nous avons préservé le pacte social hydroélectrique, pacte dont la députée de Bonaventure a très peu fait mention durant l'heure – ce n'est pas parce qu'elle manquait de temps – où elle s'est adressée à l'Assemblée nationale. Et je vais y revenir, à ce pacte social.

Permettez-moi, en deuxième lieu, de corriger d'autres affirmations qui ont été faites par la députée. Alors, ce matin elle nous a présenté un communiqué produit par le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois, communiqué qui n'a fait le cas d'aucune présentation devant un conseil national, d'aucune présentation devant un bureau national du Parti québécois et d'aucune présentation devant l'exécutif national. C'est le Comité national sur l'environnement qui a pris sur lui de parler au nom du parti. Je m'excuse, je suis militant de ce parti, je fais aussi partie de l'ensemble des décideurs. Je reconnais le point de vue, je ne le partage pas nécessairement.

Ça m'amène à un des points forts de son discours qui était les résolutions qui ont été discutées au congrès du Parti québécois. En fait, il y a eu deux moments au cours de ce congrès où les militants ont présenté des points de vue qu'ils voulaient voir adopter par le congrès. Dans un premier temps, il y a eu effectivement une résolution qui est inscrite maintenant au programme, un peu comme le rapport Allaire. Rappelez-vous, le rapport Allaire, sous les libéraux, autrefois, qui demandait au gouvernement de modifier 22 ou 25 champs de compétence – mes amis d'en face pourraient sûrement me le rappeler – et qui était dans le programme du Parti libéral. Je ne me rappelle pas que le Parti libéral ait mis en exécution ces éléments-là, mais ça faisait partie du programme.

Il y a eu un autre moment fort au congrès aussi, et ça a été un mandat. Alors, je ne sais pas si le Parti libéral a recours à cette procédure de mandat. Un mandat, c'est très explicite. Un mandat, c'est lorsque le congrès demande à l'aile parlementaire et au gouvernement de poser tel geste. Ça, c'est explicite. Ça, c'est un ordre que le parti donne à son aile parlementaire pour qu'il réalise tel objet.

Permettez-moi, M. le Président, de lire la proposition qui avait été déposée, sous forme de proposition d'urgence, en guise de mandat à l'aile parlementaire. Alors, et je cite: «Que l'aile parlementaire obtienne du gouvernement le maintien intégral des dispositions actuelles de la loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, relatives au secteur électrique ainsi que le cadre réglementaire existant, incluant les trois secteurs d'activité, dont la production, et obtienne un mandat populaire avant de procéder à quelque réglementation du secteur de l'énergie, et ce, conformément aux propositions adoptées lors des conseils nationaux antérieurs.»

Ça, c'est clair. Ça, c'est un ordre que le congrès donne à l'aile parlementaire, c'est-à-dire nous tous, députés du Parti québécois, qui avons été élus lors des dernières élections. Bien, ça a été battu. Coudon! ça a été battu. M. le ministre est intervenu, des militants sont intervenus, des militantes sont intervenues. Je suis intervenu parce que ça fait maintenant cinq ans que je siège à la commission de l'économie et du travail et que j'ai, entre autres, responsabilité à cette commission-là de superviser le travail d'Hydro-Québec. Je suis intervenu contre. Les militants, très, très majoritairement, M. le Président, très majoritairement ont rejeté ce mandat. Ils ont conclu que leurs représentants à l'Assemblée nationale méritaient la confiance et étaient très bien capables de prendre les décisions qui allaient dans le sens de défendre les intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec, d'autant plus, M. le Président, qu'un élément essentiel de l'argument que nous avons utilisé pour défaire cette proposition était le fameux pacte social hydroélectrique. Ils ont compris que c'était un élément essentiel, un élément constituant de notre culture et de notre nature comme peuple du Québec.

Troisième élément que j'aimerais bien corriger aussi. La députée de Bonaventure a utilisé abondamment, abondamment, elle n'a pas parlé du pacte social, mais elle a utilisé abondamment notre politique énergétique et le document que nous avions produit pour en faire part à la population. Évidemment, je n'irais jamais aussi loin, par respect pour nos institutions, que de l'accuser de mauvaise foi. Jamais. Elle a probablement oublié de lire certains paragraphes essentiels cependant lorsqu'on veut comprendre l'orientation que le législateur voulait lui donner en 1996.

(15 h 50)

À la page 21 – et ça sert un peu d'ouverture à ce que va devenir, dans la tête du législateur, la Régie de l'énergie – il y a là quelques paragraphes qui expriment, il me semble, clairement les balises que le législateur voulait donner aux modifications qu'il allait apporter à notre façon de gérer Hydro-Québec mais aussi vis-à-vis des gestes qu'il voulait poser dans le futur quant à la réglementation de l'énergie. Alors, et je cite, on dit: L'ouverture sur la déréglementation. Le premier paragraphe, et je le souligne trois fois à l'attention des députés du Parti libéral qui pourraient avoir envie, on ne sait jamais, d'avoir recours de nouveau à ce texte-là, page 21, messieurs: «En même temps qu'il met en place la Régie de l'énergie, le gouvernement définit une orientation claire et ferme en vue de déréglementer la production d'électricité – est-ce que ça a besoin de traduction, M. le Président, est-ce qu'il y en a qui se sentent incapables de comprendre le sens de ces termes qui m'apparaissent évidents? – et confie à la Régie un mandat à cette fin.»

Petit astérisque intéressant, petit astérisque qui nous renvoie en bas de page. Je cite de nouveau. Parce que, lorsque le gouvernement a produit ce document, évidemment il a consulté, hein? Alors, en bas de page, ça fait référence à la consultation sur cette fameuse déréglementation. On dit la chose suivante: «La Table de consultation insistait beaucoup, dans son rapport, sur la nécessaire ouverture à la déréglementation de l'électricité. Pour la Table, cette préoccupation pouvait être conciliée avec la mise en place d'un nouvel organisme d'encadrement du secteur énergétique.» Donc, la table ne voyait pas de contradiction, ne voyait même pas de paradoxe entre, d'une part, une ouverture à la déréglementation et, d'autre part, l'institution d'un organisme réglementaire qui s'appelait la Régie de l'énergie.

Et d'ailleurs la Régie elle-même, dans un avis que le ministre lui demandait, lui donnait en partie la réponse à la page 67 de cet avis en disant: «La tendance – et ça, c'est la Régie, ce n'est pas le député de Groulx puis ce n'est pas le ministre – observée dans l'industrie électrique nord-américaine consiste à recourir aux forces du marché pour la fixation du prix de la production de l'électricité.» Il me semble que c'est normal, il me semble que c'est comme ça que ça se passe un peu partout. Aux dernières nouvelles, nous ne sommes pas sous la couple de méchants marxistes-léninistes qui fixent ad nauseam les prix. Je veux dire, c'est les règles du marché qui régissent. De façon spécifique, cette tendance prévaut notamment dans le Nord-Est américain, nos confrères, nos voisins, et en Alberta, et son introduction en Ontario est prévue pour l'an 2000. Donc, ce que la Régie dit, c'est que, oui, la déréglementation dans le secteur de la production, c'est une tendance qui semble être commune à la plupart des fournisseurs en Amérique du Nord.

Et, pour aller un petit peu plus loin, son président, le président de la Régie encore une fois – pas le président d'Hydro-Québec, ne nous trompons pas, messieurs, le président de la Régie – la semaine dernière, le 23 mai, lors d'une émission à la station CJMF, répondait de la façon suivante à la question. Alors, vous avez le lecteur qui dit: «Le président de la Régie de l'énergie du Québec, M. Jean Guérin, estime que le projet de loi qui modifie les pouvoirs de la Régie sur la production d'électricité sera à l'avantage des Québécois.» Mais coudon! est-ce qu'on vit dans un monde différent? C'est le président de l'énergie, celui qu'on tente de saboter, celui qu'on tente de détruire, celui qu'on tente d'écraser.

Je continue: «Par ce projet de loi, le gouvernement entend favoriser la concurrence pour toute augmentation future de la production d'électricité et non confier cette fonction uniquement à Hydro-Québec. Jean Guérin estime que cette façon de faire amènera l'établissement à un prix raisonnable grâce au marché.» Et Jean Guérin lui-même d'ajouter: «Pour la nouvelle production, le gouvernement, par ce nouveau projet de loi, entend favoriser la compétition.» Mais coudon! Je pense, M. le Président, que je vais le déposer pour que la députée de Bonaventure puisse en avoir copie. Ça pourrait l'éclairer.

«À ce moment-là, il va y avoir un système d'appel d'offres pour s'assurer qu'un prix de marché est déterminé à la suite de ces appels d'offres. En conclusion, le président a affirmé que le but du gouvernement est d'augmenter la capacité de production d'électricité, et ce, au meilleur coût possible.»

Écoutez, le président de la Régie, qui est là pour veiller aux intérêts des consommateurs et consommatrices du Québec, nous dit: La tendance générale est dans ce sens-là. Et je l'appuie. Ça me semble être une opinion très crédible.

Alors, revenons au coeur du projet de loi, le fameux pacte social hydroélectrique du Québec dont la députée de Bonaventure a fait très peu mention. Je le répète pour les besoins de la population du Québec, c'est quatre éléments, le pacte social: l'obligation de fourniture sur l'ensemble du territoire – il n'y aura pas de lieux qui seront plus privilégiés que d'autres, tout le monde va avoir droit à l'électricité; l'équité tarifaire – tout le monde va payer le même prix par catégorie de consommateurs; fourniture d'électricité au plus bas prix pour les clients québécois; et, pour ce faire – et elle est là, la clé – on a recours à l'interfinancement.

Ça veut dire quoi concrètement, l'interfinancement? Ça veut dire que les grands consommateurs d'énergie, Alcan et compagnie, vont payer une partie de la facture qui va permettre aux citoyens et aux citoyennes du Québec d'avoir des prix raisonnables. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Si la députée de Bonaventure pense qu'Alcan devrait payer moins cher, c'est son droit. Moi, je pense que les citoyens et les citoyennes du Québec doivent continuer à payer moins cher, et la seule façon d'y arriver, c'est par l'interfinancement. Et la seule façon de protéger l'interfinancement, c'est de retirer de la juridiction de la Régie le contrôle sur les prix de production, parce que c'est de là que nous viennent les sous pour permettre cet interfinancement. Sinon, on va aboutir, comme l'Ontario, comme la Nouvelle-Angleterre...

Permettez-moi, en terminant, de citer quelques chiffres. Le kilowattheure rendu à la maison, 0,063 $ pour un Montréalais ou un gars de Sept-Îles, même prix; à Toronto, 0,923 $, 0,03 $ plus cher; à Boston, tiens, on n'est pas loin, 0,1657 $, 0,10 $ plus cher. M. le Président, le projet de loi vise à protéger les 0,063 $ que les Québécois et les Québécoises...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Groulx. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, Bill 116, An Act to amend the Act respecting the Régie de l'énergie and other legislative provisions.

(16 heures)

Moi, j'étais vraiment surpris de voir le ministre dans son discours ce matin parler de la cohérence, parce que, si vraiment on est devant un exemple d'un parti et d'un gouvernement qui manquent de cohérence, je pense que le projet de loi n° 116 est le meilleur exemple. Et ce n'est pas juste le député de Jacques-Cartier qui le dit, on peut voir ça un petit peu partout. Les personnes qui suivent ce dossier de près, les personnes qui ont regardé ce gouvernement à l'oeuvre dans ce domaine en arrivent à la même conclusion.

On a juste à regarder dans le Journal de Montréal ce matin, une chronique de Michel van de Walle qui parle d'«Une Régie édentée». Et je le cite parce que je pense qu'il a vraiment bien fait un sommaire de la situation. Il a dit: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.»

Et c'est ça qu'on est en train de faire maintenant avec le projet de loi n° 116. Ce gouvernement, l'ancien ministre et député de Joliette a pris une décision, que le débat sur les tarifs d'Hydro-Québec – qui est toujours un débat très, très compliqué; je vais revenir sur ça – c'est un débat qu'on ne peut pas faire devant une commission parlementaire. Et je le cite: Pour regarder tous les facteurs: à la fois les intérêts du consommateur, les intérêts des industriels, les intérêts pour le contribuable québécois, qui est d'une façon le propriétaire d'Hydro-Québec, les intérêts environnementaux et écologistes.

Au-delà de faire ça devant une commission parlementaire, qui était la pratique autrefois, nous avons dit, et je le cite, l'ancien ministre et député de Joliette: «...qu'on va mettre en place un organisme neutre qui prendra des décisions en fonction de strictes considérations d'affaires.» Et je cite l'ancien ministre: «Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques.»

Alors, c'est ça, la décision. On a dit: Au lieu que ce soit la commission parlementaire responsable qui regarde la question des tarifs à Hydro-Québec, on va créer une régie de l'énergie qui va prendre soin de faire un débat ouvert et public sur la fixation des tarifs pour Hydro-Québec. C'est une loi qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Les deux côtés de la Chambre ont donné raison – ça n'arrive pas toutes les fois – cette fois-ci au député de Joliette, et on a dit avoir en place un mécanisme transparent, un mécanisme neutre, un mécanisme qui a l'expertise nécessaire pour prendre en considération les grands éléments de comment fixer le tarif pour Hydro-Québec; ça, c'est une bonne idée et une bonne affaire.

On ne parle pas d'une décision que nous avons prise il y a 20 ans, même pas il y a 10 ans, mais c'est une loi que nous avons adoptée il y a quatre ans. C'est vraiment, je pense, toujours une régie qui est au moment de sa création, et je pense qu'il faut lui laisser la chance d'aller de l'avant et voir si le mécanisme que nous avons mis en place, qui a été mis en place suite à une grande consultation... Nous avons consulté les experts, nous avons consulté tous les groupes intéressés dans la société et nous avons décidé qu'une régie, ça, c'est une bonne idée. Une régie, c'est vraiment la meilleure façon pour s'assurer qu'il y aura un débat public, un débat ouvert, un débat éclairé sur ce dossier très, très important.

Mais qu'est-ce qu'on est en train de faire ici? C'est enlever un des trois éléments qui sont très importants pour déterminer les tarifs chez Hydro-Québec. Il y a trois grandes composantes dans la façon de déterminer les tarifs: il y a les coûts de production – nos barrages et les autres turbines qu'il faut pour produire le courant dans notre société – il y a les coûts de transport et les coûts de distribution.

Alors, qu'est-ce qu'on propose dans le projet de loi n° 116? C'est le premier élément, le coût de production ne sera plus soumis à la Régie pour la considération des tarifs. Mais ça, c'est un des éléments les plus intéressants pour le consommateur, parce que maintenant... Et c'est toujours compliqué, parce qu'on est à la fois consommateur des produits d'Hydro-Québec, mais également, comme Québécois, nous sommes actionnaires, d'une certaine façon. Parce que Hydro-Québec, toutes ses réalisations sont le fruit d'une décision prise, entre autres, par le gouvernement d'Adélard Godbout et le gouvernement de Jean Lesage de créer Hydro-Québec. Alors, ça, c'est quelque chose que, comme contribuables, nous avons dit: On va mettre de l'argent pour avoir une société d'État qui va produire l'électricité. Nous avons, comme contribuables, investi dans l'expropriation des compagnies à l'époque, nous avons continué de supporter Hydro-Québec, et aujourd'hui on arrive au moment – grâce, entre autres, aux projets qui sont la réalisation du gouvernement de Robert Bourassa – de tirer un certain profit, parce que, avec l'amortissement de ces projets existants, on tombe maintenant où le coût de production, c'est prévu, risque de baisser dans les années à venir.

Et ce n'est pas quelque chose que le gouvernement nous donne, ce n'est pas quelque chose que Hydro-Québec nous donne non plus, c'est le fruit d'une décision collective des Québécois de créer une société d'État, d'investir, d'exproprier, et maintenant on en a pour notre argent, il y a un certain retour pour notre argent. Et, au lieu de faire un débat public: Comment on va dépenser, comment on va utiliser cet argent? le gouvernement va dire: Non, non, Régie de l'énergie, on ne peut pas regarder cet élément, élément intéressant à la fois pour le gouvernement et pour le consommateur, on va mettre ça à l'abri de toute considération.

Par contre, la Régie de l'énergie peut regarder les deux autres éléments, c'est-à-dire le prix pour le transport et la distribution de l'électricité. Et là – on a juste à se souvenir au moment du verglas – on a vu que le réseau, des fois, est très fragile. Et je sais que ça, c'était un orage ou une situation exceptionnelle, mais, même l'année passée, sur l'île de Montréal, chaque fois que le vent soufflait, il y avait une panne d'électricité. Alors, je pense qu'on peut dire que le réseau est très fragile, et ça va prendre des investissements très importants pour renforcer notre réseau d'électricité. Il y a toujours le débat à faire sur l'enfouissement des lignes, entre autres, mais ça, c'est quelque chose qui va être très, très dispendieux. Ce n'est pas décidé, et je ne sais pas c'est quoi, la meilleure approche, mais ce sont des éléments qui vont être très, très dispendieux.

Mais, juste un autre exemple, dans mon comté, de la vieillesse de notre réseau. Il y a eu un accident sur l'autoroute 20, à Pointe-Claire, où un camion a frappé un des poteaux, et on a parlé de la tour de Pointe-Claire, parce qu'il y avait un poteau, comme ça, sur la rue pendant des semaines parce que Hydro ne pouvait pas trouver les morceaux pour réparer le poteau. Et ce n'était pas une ligne peu importante, c'était la ligne pour l'aéroport de Montréal. Alors, on a vu ce poteau, à un angle de 45°, supporté par deux, trois poteaux en bois, et Hydro-Québec a dû faire la recherche un petit peu partout pour trouver les morceaux pour réparer le réseau.

Alors, c'est un réseau qui est fragile, c'est un réseau qui va prendre des investissements importants pour des années à venir, et ça, la Régie de l'énergie peut regarder ça. Alors, dans le calcul des tarifs à venir, et pas à court terme... Et le ministre se vante du gel des tarifs pour les prochaines années, deux, trois années, mais on parle d'une époque où le taux d'inflation est 1 %, 1,5 %. Alors, ce n'est pas vraiment extraordinaire d'être capable de limiter ça, surtout si on prend en considération la facture, les coûts de production sont à la baisse. Alors, un gel, ce n'est pas un grand accomplissement. Et, quand il a fait les comparaisons, au début des années quatre-vingt-dix, où le taux d'inflation annuel était 13 %, 14 %, 15 %, je pense qu'on n'est pas en train de comparer les pommes avec les pommes. Mais ça, c'est un débat pour un autre jour.

Mais, pour revenir à l'essentiel, qu'est-ce que la Régie, dorénavant, peut voir, c'est uniquement les composants, les facteurs qui vont aller à la hausse, et, pour le reste, ça va être à l'abri de la considération de la Régie de l'énergie. Et, ce n'est pas moi, il y a plusieurs personnes qui ont dit: En faisant ça... Je prends, par exemple, Jean-Robert Sansfaçon, il y a deux semaines, le 15 mai, il a conclu que c'est un grand pas en arrière, parce que, en faisant ça, on privera la Régie de ses mandats les plus importants. Même son de cloche de Robert Dutrisac dans Le Devoir du 12 mai, où on parle d'une Régie de l'énergie qui est amputée de ses pouvoirs.

Alors, bref, le débat public qu'il faut avoir pour fixer des tarifs, on a vu que le pouvoir que nous avons donné à la Régie il y a quatre ans uniquement est maintenant réduit.

(16 h 10)

I think it's very important, Mr. Speaker, when we look at what we are going to do now. It's that there are three big, important elements to deciding the price of electricity for consumers in Québec: there is the cost of producing electricity, there is the cost of distributing electricity and transporting electricity.

The first element, the cost of production, is going down because the major investments that Hydro-Québec made 15, 20, 25 years ago to create hydroelectric projects in Baie-James, in Manicouagan and others, are slowly becoming paid for. So the cost of production, over 40 years, over 30 years, we have paid the debts for those investments and that is going down. No longer will the Régie de l'énergie be able to look at those costs. The only thing the Régie de l'énergie is going to be able to do is look at the cost of distribution and the cost of transportation. Those are areas that are going up. Everyone in the Montréal region has to only think back two years ago, when we had the great ice storm, to see how fragile our hydroelectric network is in Montréal. And this is an area where, if we are to look carefully at the conclusions of the Nicolet Commission, it suggested burying many of the lines on the Island of Montréal, a project that would cost billions of dollars.

So what we'll have is a new situation where the interesting things for the consumer, the lowering costs, the advantages over the investment that we as a society made 30 or 40 years ago, we're not allowed to look at that anymore because... well, that's too important for us, but when it looks the areas where the cost will go up, well, that's open for the Régie, that's open for public debate.

So I think what we have, once again, et je pense que c'est très important, parce que c'est le même comportement de ce gouvernement qu'on a vu dans plusieurs domaines récemment. C'est toute cette attitude que les Québécois sont incapables de faire un débat public. Hier, on a adopté le projet de loi n° 82. Ce gouvernement et le président du Conseil du trésor ont parlé longuement sur la transparence, sur l'imputabilité, sur la reddition de comptes, une nouvelle façon de faire. Alors, ça, c'est le beau discours de ce gouvernement, quand vraiment on est en train de changer nos façons de faire, qu'on va avoir une meilleure reddition de comptes ici, à l'Assemblée nationale, pour valoriser le rôle des députés de notre société.

Well, they can talk the talk, Mr. Speaker, but they can't walk the walk. Encore une fois, qu'est-ce qu'on voit ici, dans un débat qui est très important, parce que je suis à la fois consommateur de l'électricité mais actionnaire aussi, et il faut trouver un juste équilibre entre un prix raisonnable pour le consommateur. Personne est contre ça. Personne n'est contre le fait qu'une électricité à moindre coût est dans l'intérêt de toutes les couches de notre société. Mais je pense qu'on a tout intérêt aussi à ce qu'il y ait un rendement intéressant d'Hydro-Québec. Et ça, c'est quelque chose qui va être beaucoup plus difficile à regarder à cause des décisions qui ont été prises par ce gouvernement. Mais c'est juste l'attitude qu'on a vue dans le domaine municipal, où on dit: Les maires, les conseillers, les citoyens des municipalités, vous n'avez pas assez de maturité, vous n'avez pas les connaissances qu'il faut pour gérer votre propre ville ou municipalité. On va le faire à votre place.

On a vu ça hier soir dans le domaine des commissions scolaires. Quelque chose d'aussi fondamental que la gestion des écoles, ça va être le devoir du ministre maintenant, parce qu'on a décidé que nos commissaires scolaires sont incapables. Ils ne sont pas assez adultes, ils ne sont pas assez matures pour mener à bien un débat sur la gestion de nos écoles. On a vu ça, comme j'ai dit, de ce gouvernement, dans le comportement d'un fonctionnaire, la semaine passée, où le ministre des Finances a dit: Oh, ça, c'est quelqu'un qui n'est pas en accord avec moi, alors c'est un pas bon. On vient de voir aussi le ministre s'en prendre contre les journalistes à maintes reprises. Il a dit que ce n'était pas les bons papiers. C'est au gouvernement le devoir maintenant de corriger les papiers qui sont écrits par nos journalistes. Et même, encore plus surprenante l'intervention qu'on vient de recevoir du député de Groulx. Même les militants du Parti québécois sont des pas bons, même les militants.

Le ministre nous demande, de notre côté de la Chambre, d'être cohérents, mais nous avons tous reçu ce matin un communiqué de presse qui émane du Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Le beau sigle est là, le «Q», et tout ça, et, quand je lis le titre, c'est une demande de retrait du projet de loi n° 116, qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie. Et quand je regarde, je vais au dernier paragraphe qui est signé par le comité: Nous réitérons notre position que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la loi R-6.01, la Loi sur la Régie de l'énergie, relatives au secteur électrique ainsi que le cadre réglementaire existant, incluant les trois secteurs d'activité, incluant la production; que le gouvernement mette en vigueur dès maintenant toute la réglementation pertinente pour que la Régie puisse remplir efficacement son mandat tel qu'annoncé à sa création, en 1996.

Ça, c'est la position de leurs militants qui suivent le dossier de près, le dossier environnemental. Ils ont ajouté à ça au moins deux résolutions, qui ont été adoptées à l'unanimité, qui disent, entre autres, de permettre l'étude des projets de production d'Hydro-Québec et de confirmer la pérennité et l'autorité de la Régie de l'énergie. Alors, au niveau de la cohérence, au niveau de la transparence, on a au moins des militants qui suivent le dossier environnemental et le développement durable de près, du Parti québécois, qui sont du même avis que plusieurs journalistes, les personnes...

Je vois une manchette, un chroniqueur, Louis-Gilles Francoeur... Encore dans le domaine de la cohérence, le ministre de l'Environnement, hier, a donné un prix à Louis-Gilles Francoeur, le prix pour le Phénix environnemental, et M. Francoeur était là avec, entre parenthèses, un de mes commettants et mon député fédéral, Clifford Lincoln, l'ancien ministre de l'Environnement, qui a été également reconnu pour ses accomplissements dans le domaine de l'environnement. Alors, quand quelqu'un qu'on vient de signaler, M. Francoeur, a écrit: «Le projet de loi n° 116 constitue une désillusion magistrale pour plusieurs, y compris au sein du Parti québécois, car une des réalisations majeures du gouvernement est sacrifiée pour des raisons budgétaires»... Ça, c'est les conclusions de quelqu'un dont on vient de reconnaître la renommée dans le domaine environnemental qui dit que c'est une des réalisations les plus importantes de ce gouvernement, et on est en train de la scraper.

This, Mr. Speaker, is, I think, the most alarming charge. I think Quebeckers are able to have a public debate. I think Quebeckers are wise enough, mature enough, that we can put all the facts on the table and we can have a debate. Because there are many competing interests in this. There is an interest of the minister of Finance to get money back on his investment. Fair enough, no one contests that. There are the interests in the consumers to have the best price possible, because we all know how hard it is for Québec families to balance their budget at the end of the month. We have used electricity as a tool for job creation as well in our society, that by cheaper electricity, you know, it's not... I heard Mr... again, the MNA for Groulx... I don't think that there's a problem with Alcan creating jobs in Lac-Saint-Jean. I think it is something that has been good for the economic development of Québec. So they have an interest as well.

The environmentalists have come forward and have brought forward a debate in Québec that we have to invest more in alternative energy sources, which is an interesting debate as well. So what we have to do is have a forum, have a place, have somewhere where we can sit down and have this debate. In 1996, unanimously, this National Assembly decided that place would be the Régie de l'énergie, which would be a place where we could sit down, we could have presentations from these competing interests, and we could decide what is the fairest rate to charge Quebeckers.

This paternalistic government has decided: Oh, well, Quebeckers, you're not really capable of having that kind of debate. You're really not wise enough, mature enough. We're going to allow the Minister of Finance, the president of Hydro-Québec and the Premier to decide everything. And we really don't need an opposition party. We really don't need journalists. Clearly, we don't even need people who are willing to volunteer and take positions within the Parti québécois. Their opinions aren't worth anything. The only opinion that matters is those three, and the Minister of Natural Resources sort of waits outside the door to get his orders from the troika and put them into application.

I will join my voice with my colleague from Bonaventure in voting against Bill 116 because I think it goes against public accountability in the area of hydroelectric prices. Thank you very much.

(16 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, le prochain intervenant sera M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole au stade de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, Bill 116, An Act to amend the Act respecting the Régie de l'énergie and other legislative provisions.

M. le Président, quelques brèves remarques au sujet de l'historique de la Régie de l'énergie. Comme l'a signalé si bien la députée de Bonaventure et porte-parole de l'opposition officielle en matière des ressources naturelles et des pêcheries, et d'ailleurs signalé par le député de Jacques-Cartier, la loi qui a créé la Régie de l'énergie a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale il y a à peu près quatre ans. Pourquoi est-ce que le gouvernement est allé de l'avant avec une Régie de l'énergie? Bien, entre autres – entre autres – c'était pour faire suite à une politique énergétique que le gouvernement du Parti québécois avait développée et mise de l'avant. Et une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé d'aller de l'avant, c'était, et je cite la politique énergétique, qui s'appelle L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable , au chapitre 2. Je cite: «Il faut contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public.» Trois éléments importants: contre-expertise, transparence, participation du public. C'étaient les trois éléments, semble-t-il, qui motivaient le gouvernement, il y a quatre ans, d'aller de l'avant avec la Loi sur la Régie de l'énergie.

M. le Président, qu'est-ce que le projet de loi n° 116 fait? Ça dépend, on entend beaucoup d'interprétations différentes. Le ministre dit: Ça protège le patrimoine énergétique, ça conserve le pacte social. On a entendu, pendant la très bruyante intervention du député de Groulx, cette notion de pacte social et comment il a fallu protéger ce fameux pacte social. Mais c'est l'interprétation que donnent le gouvernement et les députés ministériels du projet de loi n° 116. Il y a une autre interprétation, qui est supportée, appuyée par beaucoup de monde, et cette autre interprétation est qu'on arrive à une régie édentée. On soustrait – là, on rentre un peu dans la complexité de la question – tous les coûts de la production, des pouvoirs d'examen de surveillance de la Régie de l'énergie, et la Régie est laissée avec, dans le calcul des tarifs, les coûts de distribution et les coûts de transport de l'électricité. Tout le volet production est soustrait de la responsabilité de la Régie de l'énergie.

M. le Président, le député de Jacques-Cartier a cité Michel van de Walle; je vais le faire aussi. Je cite, dans le Journal de Québec d'aujourd'hui: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.» C'est ça, le jugement de Michel van de Walle, que le gouvernement, avec le projet de loi n° 116, défait ce qu'il avait mis de l'avant il y a quatre ans. Là où je diverge d'opinion avec M. van de Walle, c'est quand il dit: C'est du jamais vu, cette pratique de défaire ce que le gouvernement a mis de l'avant il y a quatre ans – le gouvernement actuel. Ça, c'est faux. Ce n'est pas du jamais vu. C'est la troisième fois que le gouvernement actuel recule, révise, refait, amende, change et essentiellement recule complètement sur des décisions qu'il a prises dans un mandat précédent.

Les deux exemples, M. le Président. Les députés ministériels ont voté un ministère de la Métropole dans leur premier mandat. Ils ont créé un ministère... J'ai entendu des discours, des beaux discours de la part des députés ministériels comme quoi c'était nécessaire d'avoir un ministère de la Métropole. Mais là, M. le Président, imaginez-vous, dans le deuxième mandat, il ont décidé que le ministère de la Métropole n'était pas une bonne idée. Ce n'était pas une bonne idée d'avoir un ministère de la Métropole. Ils l'ont remis avec le ministère des Affaires municipales. Il était là avant, ils l'ont sorti puis ils l'ont remis.

Une voix: So what?

M. Copeman: Bien, so what! Ça change d'idée. C'est juste des idiots qui ne changent pas d'idée, on me dit. Mais là ça arrive... C'est une pratique courante chez le gouvernement de changer d'idée. Il y avait la commission de développement métropolitain, que les députés ministériels ont mise de l'avant avec beaucoup de fanfare. Ils ont mis de l'avant une commission de développement métropolitain pour la région métropolitaine de Montréal. Cette commission-là a été créée par législation. Ça n'a jamais été mis de l'avant, mis en vigueur. Et là, dans le deuxième mandat, le même gouvernement revient, dit: On scrape la commission de développement métropolitain puis on va de l'avant avec une autre structure.

Mais, M. le Président, en parlant d'incohérence, faut le faire. Le député de Jacques-Cartier a parlé des prix qui ont été décernés hier, ou l'Ordre national aussi. Mais je pense que le gouvernement actuel devrait gagner le prix d'incohérence. On va le donner... on va le nommer grand chevalier de l'ordre de l'incohérence du Québec à cause des décisions qu'il a prises dans un premier mandat, qu'il renverse dans un deuxième. Alors, j'imagine que le ministre des Ressources naturelles va porter ce palmarès fièrement. Grand chevalier de l'incohérence, on va le nommer, parce qu'il le mérite, M. le Président, son gouvernement le mérite.

M. le Président, le projet de loi n° 116 enlève du mandat de la Régie de l'énergie toutes les questions relatives aux coûts de production dans le calcul des tarifs. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est un peu compliqué, mais ce qu'on a compris, ce que j'ai compris, c'est qu'il y a trois facteurs qui définissent le coût, la tarification, je devrais dire, de l'énergie électrique produite par Hydro-Québec, c'est-à-dire les coûts de production, les coûts de transport puis les coûts de distribution.

M. le Président, ces trois éléments-là ont un impact différent sur la tarification. Les coûts de production sont à la baisse suite aux grands investissements de la société québécoise, et les coûts de transport et de distribution sont à la hausse. Alors, quand le ministre dit qu'on maintient des tarifs, il y a un gel des tarifs, un gel décrété par le gouvernement pour protéger des augmentations de tarif, bien, de un, M. le Président, on est obligé de prendre sa parole. C'est possible qu'un gouvernement futur, ministre d'une autre orientation que le ministre actuel, puisse changer d'idée. Ça arrive, dans le gouvernement du Parti québécois, que le ministre des Ressources naturelles change d'idée, même à l'intérieur du même mandat. Alors, personne ne peut garantir que les tarifs vont rester stables, même si le ministre des Ressources naturelles le dit présentement.

Mais, M. le Président, il y a des indications que, même s'ils sont stables, ces tarifs soient possiblement trop hauts, même s'ils sont parmi les plus bas en Amérique du Nord. Moi, je ne peux pas nier ça, je n'ai pas les données, là, mais, quand le ministre me dit qu'on a les tarifs les plus bas en Amérique du Nord, je dois prendre sa parole. J'ai tendance, à cet égard, à le croire. C'est parce que nous avons fait des investissements majeurs dans le passé, nous avons un réseau de production d'énergie qui est très efficace, et c'est naturel et normal que la population québécoise puisse en bénéficier, de tout ça.

(16 h 30)

Mais il y avait une étude faite par le Conseil international en affaires énergétiques qui indique que, si on va de l'avant avec le projet de loi actuel, si on soustrait les coûts de production, qui sont à la base des pouvoirs de la Régie de l'énergie, on pourrait parler de surfacturation invisible dont les consommateurs d'électricité feront les frais sans le savoir. Imaginez-vous, M. le Président, que, si on enlève les coûts de production, qui sont à la baisse, on peut même parler de surfacturation de 1,5 milliard. Surfacturation, ça veut dire qu'on sort de l'argent des poches des familles québécoises qui consomment de l'énergie, de l'électricité, et on l'envoie à Hydro-Québec pour qu'Hydro-Québec puisse répondre à la commande du ministre des Finances d'être une source inépuisable de ressources, d'argent pour le gouvernement du Parti québécois, et que, si on enlève les coûts de production après 2005 – parce qu'on nous dit que les tarifs sont stabilisés jusqu'en 2005 – Hydro-Québec pourrait commander des hausses globales annuelles de 5,6 %, si on suivait son scénario. Ça, c'est grave, c'est là le noeud de la question. Au lieu de parler de maintenir leur pacte social puis le patrimoine énergétique, il y a des conséquences très claires, si on procède avec le projet de loi, des conséquences néfastes en ce qui concerne la tarification de l'énergie, l'électricité au Québec, si on procède avec le projet de loi n° 116.

You know, Mr. Speaker, it's also interesting to see how people react to a bill. Now, there've been various reactions, there've been a lot of reactions. A group called Coalition Arc-en-ciel, which represents consumer groups, both industrial and domestic, it represents environmental groups, 35 consumer associations that have denounced Bill 116; all sorts of editorialists have wade in on this subject and... you know. The Minister of Natural Resources, I think, would have to admit occasionally that there are few people in Québec who are right, other than himself. You know, I can't imagine that the Minister is the only one in the Province of Québec that believes that he's right all the time. It seems to me that you have to be able to take at face value the comments of third parties, neutral parties. Editorialists don't have a particular reason to be against Bill 116, have no axe to grind, they're not a political party, they're not demagogues. We get accused of being demagogues all the times when we raise certain issues in this House. Well, there are people in Québec who disagree with the view of the Minister of Natural Resources.

Jean-Paul Gagné, le Journal des affaires , je cite: «Ce serait insensé de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer des milliers d'agents économiques et de la population de revenir en arrière.» Le Journal des affaires , samedi le 26 juin il y a un an, M. le Président. Ronald O'Narey, de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, je cite: «Il s'agit d'une boîte noire pour fixer les tarifs. Il y a beaucoup d'argent qui va entrer dans les coffres du gouvernement à cause de cela, et on appréhende aussi une hausse de tarif.» Fin de la citation. Le Devoir , vendredi le 26 mai 2000.

Jean-Jacques Samson, qui a écrit plusieurs éditoriaux là-dessus, M. le Président, je cite: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et les groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.» Vendredi, le 19 mai 2000. Et le même éditorialiste, lundi le 15, je cite: «De leur côté, les consommateurs devront assumer seuls les coûts croissants du transport et de la distribution qui serviront à la Régie pour calculer les tarifs. Voilà un abus de pouvoir de la part de l'actionnaire unique d'un monopole.»

Alors, M. le Président, les réactions s'accumulent contre le projet de loi, et la réaction la plus étonnante – pour moi, en tout cas, peut-être pas pour le député de Groulx – a été ce matin. Le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois... Parce que, ce matin, on a prétendu qu'au congrès il y avait une résolution qui était défavorable au projet de loi n° 116. Le ministre nous dit que ça a été battu massivement. Moi, je n'y étais pas, au congrès, M. le Président, je ne peux pas vous dire. Mais je peux vous dire une chose, le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois a émis un communiqué de presse. Ça, c'est un fait. Je l'ai dans mes mains. Et le communiqué de presse dit: On demande le retrait du projet de loi n° 116. C'est le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois, avec le sigle du Parti québécois dessus.

Là, M. le Président, honnêtement, après les explications du député de Groulx, ça me prend une carte routière pour comprendre le Parti québécois. Là, il dit: Oui, oui, c'est sûr. Peut-être que le député de Vimont peut m'en fournir une. Il y a le Conseil national, il y a le congrès, il y a des comités. Le député de Groulx vient de désavouer, de façon absolument étonnante, M. le Président, pour moi... Je n'ai jamais vu ça dans... Je comprends, notre carrière politique est, à date, relativement courte, ça fait juste cinq ans, tout près de six ans, qu'on va siéger dans cette Chambre, mais, moi, je n'ai jamais entendu, en cinq ans, je n'ai jamais vu, le jour même où un gouvernement propose l'adoption de principe d'un projet de loi, qu'un comité national de son parti – de son parti – émette un communiqué de presse qui rabroue le gouvernement complètement et dit: Retire le projet de loi. Imaginez-vous, c'est assez étonnant, M. le Président. Là on va dire: Bien, il ne représente pas le Parti québécois. Semble-t-il, il ne représente pas le député de Groulx. Écoutez, c'est tant mieux, mais c'est une instance officielle du Parti québécois, le parti ministériel, le parti qui gouverne le Québec si mauvaisement présentement.

Et je vais simplement lire quelques phrases de ce communiqué, M. le Président. Je cite toujours le communiqué de presse du Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois:

«Objet: demande de retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie.

«Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition n° 462 du programme du Parti québécois du congrès 2000...»

Là, ce matin, le ministre des Ressources naturelles nous a dit qu'une résolution a été battue à forte majorité, mais là le Comité national de l'environnement et du développement durable de son parti nous dit qu'il y en avait une qui a été adoptée à forte majorité. Je ne sais pas lesquelles, M. le Président. Encore une fois, je n'ai pas les transcripts du débat du congrès national du Parti québécois, mais, chose certaine, ça sème un peu de confusion. La zizanie semble être prise dans le Parti québécois.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Bien, écoute... On rit de l'autre bord, mais, quand un comité national prend la peine d'émettre un communiqué de presse qui contredit le ministre, qui demande le retrait d'un projet de loi, si ce n'est pas ça, la zizanie, je ne sais pas qu'est-ce que c'est. Ça a l'air pas mal de la zizanie, à moi, M. le Président.

Je continue: «Considérant les propositions adoptées à l'unanimité en septembre 1998 et en septembre 1999 pour mettre en vigueur tous les articles de la Loi de la Régie de l'énergie telle que présentée en novembre 1996 par le ministre des Ressources naturelles le député de Joliette...»

Il y a toute une autre série de considérants, M. le Président, mais ça se termine comme ceci: «Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie et ceux de la table de consultation qui ont proposé...» Et finalement: «...le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de l'énergie en respect des délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462 incluse au programme 2000 du Parti québécois.»

(16 h 40)

M. le Président, je ne comprends plus rien. Une instance du Parti québécois qui dit: Retire le projet de loi; le ministre, qui, j'imagine, est membre du Parti québécois, va de l'avant. C'est de la zizanie. Il faudrait que l'incohérence du gouvernement soit complètement réglée avant de légiférer plus tard.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Anjou. M. le député.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur l'adoption de principe au niveau du projet de loi n° 116 qui vise à modifier la Loi sur la Régie de l'énergie, projet de loi, dans le fond, qui a une conséquence bien simple, c'est de faire d'Hydro-Québec la machine à imprimer de l'argent; pas une machine à imprimer de l'argent pour le Québécois ou la Québécoise qui paie à tous les mois son compte d'électricité, mais une machine à faire de l'argent pour le ministre des Finances.

Malheureusement, M. le Président, c'est une attitude qu'on retrouve de plus en plus au sein de ce gouvernement-là. Est-ce que j'ai besoin de le rappeler encore une fois? Les Québécois et Québécoises, au moment où on se parle, sont les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord. Ce sont les citoyens qui paient le plus d'impôts, et on aimerait bien pouvoir leur dire que ce sont les citoyens qui ont le plus de services. Tous les jours à la télévision, on le voit avec les hôpitaux, dans les écoles, ce n'est pas le cas.

Qu'est-ce que fait le gouvernement dans ce cas-là, pour changer cette situation-là? Bien, il passe ce projet de loi. Il nous présente un projet de loi qui vise à faire en sorte de retirer, dans le fond, passez-moi l'expression, de «déplugger» la Régie de l'énergie, tout simplement. Et de lui laisser quoi?

On a assisté à une scène aujourd'hui, qui était amusante, dans laquelle ma collègue députée de Bonaventure rappelait que, cette semaine, on a assisté au ministre des Transports actuel qui revenait en arrière sur une décision du ministre des Transports de l'époque, et aujourd'hui on assiste au round numéro 2, à l'avantage cette fois-ci du ministre des Ressources naturelles qui revient en arrière, sur une décision qui avait été présentée par celui qui occupait à l'époque le poste de ministre des Ressources naturelles.

On essaie de suivre ça, nous, M. le Président, puis ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile pour nous puis ce n'est pas facile non plus pour les citoyens du Québec, qui se disent, en bout de ligne: Qu'est-ce que mon gouvernement fait, qu'est-ce que les parlementaires à l'Assemblée nationale font de façon intensive – parce que c'est important – à tous les jours pour qu'il me reste plus d'argent dans mes poches? Qu'est-ce que les politiciens au Québec font pour que je puisse dépenser plus d'argent pour mes enfants? Et ainsi de suite.

Ce n'est pas avec ce projet de loi là, M. le Président, qu'ils vont avoir une réponse. En fait, ils ont une réponse, mais ce n'est certainement pas une réponse satisfaisante pour les citoyens et citoyennes du Québec. Je l'ai mentionné, c'est une machine à imprimer de l'argent, mais malheureusement ce n'est pas pour le simple citoyen. C'est une autre façon pour le gouvernement d'aller chercher de l'argent. Et on nous sert comme argument: Vous savez, les tarifs sont gelés. Je veux bien, mais il y a plusieurs experts qui nous mentionnent que, si la Régie de l'énergie avait pu continuer à occuper et à exercer les fonctions qui lui étaient dévolues, c'est peut-être une baisse de tarif d'électricité dont les citoyens et citoyennes du Québec auraient pu bénéficier.

C'est une baisse, M. le Président, soyons sérieux, qui aurait été excessivement appréciée par le citoyen, hein? Je ne pense pas qu'il y a beaucoup de contribuables québécois qui se seraient plaints du fait que la facture d'Hydro-Québec diminue.

On se retranche derrière le fait que c'est une question de patrimoine social, mais qu'est-ce qui arrive puis qu'est-ce qu'il nous reste de plus dans nos poches, c'est ça, la grosse question. C'est la grande question que le contribuable québécois se pose tous les matins en se levant: Pourquoi?

Puis on a d'autres exemples. La semaine dernière, vendredi matin, lors d'une interpellation avec la ministre des Affaires municipales, j'ai posé une question bien simple dans le dossier des fameuses fusions forcées. Je lui a dit: Mme la ministre, je vais vous poser deux questions: Est-ce que vous allez imposer une fusion pour la municipalité que je représente, à savoir Anjou? Si oui, pouvez-vous me dire si les citoyens vont avoir plus de services ou payer moins de taxes? Je n'ai jamais eu de réponse, M. le Président.

Et c'est la question fondamentale à laquelle on est confronté, parce que ce qu'on a en commun, les députés provinciaux, les députés fédéraux, les élus municipaux, les élus au niveau scolaire, c'est qu'on va tout le temps piger dans les mêmes poches des contribuables. C'est tout le temps le même contribuable qui est appelé à contribuer et à sortir de l'argent. Et, forcément, M. le Président, on est appelé à constater que ce qui sort nous revient rarement. C'est évident.

Mais on se doit, en quelque part, d'essayer de le baisser, ce fardeau fiscal là. Et ce qui fait que les Québécois sont taxés, c'est évident, c'est les impôts, c'est les taxes, mais c'est aussi Hydro-Québec, c'est d'autres services comme ça qui font en sorte que, comme citoyen, je suis appauvri, je perds la liberté que j'ai qui est d'utiliser mon argent et de l'investir, de le dépenser comme bon me semble. Eh bien, M. le Président, il y a de nombreux gestes comme ça qui sont posés par ce gouvernement qui se refuse d'écouter la population. Je l'ai mentionné, dans le dossier des fusions forcées, la ministre a été incapable – et elle connaît très bien le secteur que je représente, puisqu'on est pratiquement voisins de comté – de me dire si mes contribuables allaient payer moins de taxes municipales ou s'ils allaient avoir plus de services.

Aujourd'hui, on en a eu un autre bel exemple au niveau des garderies à 5 $, où on nous a mentionné, dans le fond, que le contribuable québécois avait le choix, et le député de Notre-Dame-de-Grâce, je pense, de façon excessivement éloquente, l'a donné, le choix: soit que je paie plus d'impôts, près de 1 000 $, par rapport à ce que le régime ancien nous donnait lorsqu'on avait des crédits d'impôt, ou je reste à la maison parce que je n'ai tout simplement pas les moyens de donner cette somme d'argent là. C'est grave! Et puis on peut prendre un autre exemple. L'assurance médicaments, qui était censée, au début, être une mesure sociale puis qui s'est transformée, au grand dam de tout le monde, en mesure fiscale. Vous le savez, M. le Président, pour plusieurs citoyens et citoyennes du Québec, le fait de doubler les primes sur une aussi courte période, ça a des conséquences dramatiques sur le budget, qui est très serré, de bon nombre de Québécois et de Québécoises. Internet, les branchements au niveau d'Internet, un autre exemple. Ce qu'on dit au contribuable québécois, c'est: Si tu veux bénéficier de l'augmentation de l'allocation familiale que le gouvernement fédéral te retourne – comme se plaît à le dire le gouvernement, c'est notre argent – ah bien, tu vas te brancher sur Internet ou tu vas changer d'ordinateur. C'est ça, le choix, c'est ce que ce gouvernement-là appelle laisser le choix aux citoyens et citoyennes de décider ce qu'ils veulent faire.

M. le Président, il y a plusieurs mesures qui auraient pu être proposées à la place de celle-là. Comme députés, on s'en parle, puis c'est un phénomène qui se vérifie dans bon nombre de comtés. Qui sont les citoyens et citoyennes qui veulent se prévaloir de ce programme-là? C'est les gens qui sont au sommet de la fourchette, si je peux m'exprimer ainsi, au niveau de l'allocation familiale, parce que les gens qui sont en bas, les gens qui en arrachent, les gens qui ont de la misère à joindre les deux bouts, les gens pour qui le compte d'Hydro-Québec, à chaque mois ou à chaque deux mois, ce n'est pas facile puis ça représente des sacrifices qu'ils s'imposent, puis ils sont obligés de surveiller ça, ce n'est pas eux qui sont touchés par les mesures d'Internet.

On nous a sorti un paquet de justifications: On ne veut pas voir de la publicité, parce qu'il y a des accès gratuits à Internet. Est-ce qu'il y a quelqu'un dans ce gouvernement qui a pensé, plutôt que d'investir des centaines de millions pour brancher ces familles-là, d'essayer d'en faire un, site francophone où il y aurait un accès gratuit, M. le Président? Ça n'aurait pas coûté 150 millions de dollars. On aurait pu faire preuve d'une idée nouvelle: premier portail gratuit francophone. Il n'y en a pas en Europe. On aurait pu exporter cette idée-là, ça aurait été une approche constructive: On a trouvé une solution. Ça ne semblait pas être une option envisagée. Le chiffre aurait été peut-être moins gros si on avait demandé à Vidéotron ou si on avait demandé à Bell, si on avait demandé à Quebecor de créer ce genre de site là. On n'aurait pas pu faire des annonces spectaculaires de subventions. On donne des subventions, mais on s'éloigne de l'essentiel, qui est, comme députés à l'Assemblée nationale, de s'assurer à chaque jour que nos citoyens aient de plus en plus de services au meilleur coût possible. C'est ça qui devrait être la motivation des 125 députés de l'Assemblée nationale.

(16 h 50)

Je vais vous lire quelques citations, M. le Président, sur ce projet de loi là. Il y a eu des éditoriaux, il y a eu plusieurs textes d'écrits. C'est drôle, il semble y avoir une unanimité contre le projet de loi tel que proposé. Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné: Est-ce que le ministre des Ressources naturelles pense qu'il est le seul au Québec à avoir raison? Est-ce qu'il pense que son collègue qui est maintenant aux Transports a commis une erreur monumentale en octroyant à la Régie de l'énergie le mandat de s'occuper de tous les aspects de la gestion d'Hydro-Québec? Parce que, ne l'oublions pas, c'est une société d'État, on doit rendre des comptes aux citoyens et citoyennes du Québec. Et, je vous l'ai dit tout à l'heure puis je vais le répéter, on nous offre un gel, mais il aurait fallu parler de baisse, M. le Président. Il aurait fallu parler de baisse, tout comme le gouvernement l'a fait au niveau des impôts. Il ne nous a pas parlé de gel d'impôts, il les a baissés, et ça fait partie du panier.

Ici: «Ce serait insensé de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer des milliers d'agents économiques et de la population de revenir en arrière.» Jean-Paul Gagné, dans le journal Les Affaires , le samedi 26 juin 1999. Puis c'est assez direct.

Jean-Jacques Samson, du Soleil de Québec, nous dit: «M. Caillé a invoqué des raisons de concurrence pour cacher à la Régie les coûts réels de production d'électricité, et le gouvernement cautionne cette attitude avec la loi n° 116. La Régie de l'énergie s'est révélée tout à fait inutile pour contrer le yo-yo des prix de l'essence. Le même gouvernement qui l'a créée en 1996 lui coupera l'autre bras par la loi n° 116.» Il poursuit en nous disant: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement – unanimement, je le souligne, M. le Président – rejeté par les gens d'affaires et groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.»

Pourquoi on est ici, M. le Président? Pourquoi est-ce qu'on ne permet pas un débat? Pourquoi est-ce qu'on n'écoute pas ce que la population du Québec a à nous dire? C'est bien simple: parce que ce gouvernement sait ce que la population du Québec veut. La population du Québec veut obtenir une marge de manoeuvre. La population du Québec veut entendre de son gouvernement et de ses représentants qu'on va lui donner de l'air, qu'on va baisser ses impôts pour vrai, qu'on ne la taxera pas quand elle va vouloir aller se promener dans les parcs, comme on veut le faire, quand on va changer nos pneus pour la sécurité routière, justement, et qu'il n'y aura pas une taxe qui, elle-même, porte sur une taxe. C'est ça, la réalité de ce gouvernement-là, M. le Président. C'est peut-être pour ça qu'on ne veut pas...

Ce matin, on en a parlé. La députée de Bonaventure en a parlé, de la Coalition, des gens qui ont des positions qui normalement sont relativement éclatées. C'est des gens qui ont des intérêts divergents, différents. Ce ne sont pas des alliés naturels. C'est drôle, ce projet de loi là, M. le Président, a réussi à faire l'unanimité, a réussi à aller les chercher tous et chacun, eux qui représentent des intérêts différents mais qui sont rejoints par la réalité que va créer ce projet de loi là, M. le Président.

Je m'en voudrais, bien sûr, de passer sous silence le fait que le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois a émis un communiqué de presse ce jour même, aujourd'hui. Alors qu'on nous disait que tout était beau, le comité du Parti québécois qui s'occupe du champ de juridiction du ministre des Ressources naturelles lui dit par le biais d'un communiqué de presse, ce qui est relativement exceptionnel, M. le Président... Qu'on ait des débats entre nous dans un parti politique, je pense que c'est sain, mais, quand ce comité-là, visiblement déçu, désabusé de voir que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant envers et contre tous... bien, il a décidé, M. le Président, d'émettre un communiqué de presse.

J'en cite quelques extraits qui, j'en suis convaincu, vous intéressent. On nous mentionne ici: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116, qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie. Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi.»

C'est ses militants, M. le Président, qui prennent la peine de lui envoyer un communiqué de presse, au ministre, pour lui dire: Vous devez retirer ce projet de loi par respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, et ceux de la table de consultation qui ont proposé, et finalement le gouvernement du Parti québécois, qui a lui-même approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de l'énergie, en respect pour les délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition. M. le Président, j'appelle ça un jugement excessivement sévère que les militants du Parti québécois portent à l'endroit de leur gouvernement. C'est un jugement excessivement sévère que les militants du Parti québécois, que les différents groupes portent envers ce ministre qui ne cesse, dans de nombreux dossiers, de montrer qu'il est le seul à connaître la vérité.

Je vais vous rappeler un dossier évidemment qui était marquant au niveau de l'attitude du ministre des Ressources naturelles. C'est Hertel–des Cantons. Quand on a vu avec quelle désinvolture on a forcé des citoyens et des citoyennes du Québec à puiser à même leurs poches pour faire respecter leurs droits, et qu'une fois que ces droits-là ont été reconnus par les tribunaux ce ministre s'est levé, à l'aide d'un projet de loi, a pris le jugement, l'a déchiré et a dit: Voilà, c'est comme ça qu'on pense, nous. C'est nous qui sommes au gouvernement. Nous allons faire ce que l'on veut. Le citoyen n'a pas son mot à dire. On va de l'avant et c'est ainsi que ça se passe.

C'est ainsi que la population du Québec, que les Québécois et les Québécoises peuvent compter sur l'opposition officielle, peuvent compter sur le Parti libéral du Québec pour faire entendre leur voix dans ce dossier-là puis dans les autres dossiers. La population du Québec peut compter sur le Parti libéral du Québec pour dire au gouvernement du Parti québécois, au gouvernement qui est en face, que les taxes, les impôts, c'est assez. Il doit y avoir une limite. Ce qui est raisonnable a été largement dépassé. Le contribuable a droit à un répit, a droit à de l'aide, et ce n'est certainement pas avec le projet de loi n° 116 qu'on atteindra cet objectif. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Anjou. Nous allons maintenant céder la parole au député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Si je viens intervenir aujourd'hui dans le cadre du projet de loi n° 116, c'est certainement pour défendre les intérêts des Québécois, défendre les intérêts de nos contribuables, ce que ne semblent pas être prêts à faire les gens qui sont assis en face de nous. Ce qu'on peut conclure, et j'aurai l'occasion de l'expliquer un peu plus en détail, c'est que, en face de nous, on est au service du ministre des Finances. De ce côté-ci de la Chambre, on est au service des citoyens du Québec.

Essentiellement, le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, peut sembler à première vue très technique, ce qui explique peut-être, au fond, que les citoyens ne s'emballent pas nécessairement pour ce genre de projet là, mais c'est un projet de loi qui a des incidences quotidiennes dans la vie de tous les Québécois, quand on sait l'importance de l'énergie électrique au Québec.

Alors, juste résumer rapidement les objets du projet de loi. En fait, on parle d'un projet de loi où on va établir le tarif de la fourniture d'électricité; on y parle également de la possibilité pour les municipalités, si on veut, de former des sociétés en commandite avec des partenaires privés pour la mise en valeur de sites hydroélectriques de moins de 50 MW; troisièmement, il fait état de projets-pilotes réservés aux projets industriels de plus de 5 MW; quatrièmement, le projet de loi permet à la Régie d'établir, tous les trois ans plutôt qu'annuellement, les coûts d'exploitation que doit supporter un détaillant d'essence et de carburant diesel; enfin, on y apporte également certaines modifications au niveau des règles de fonctionnement de la Régie.

Alors, quand on regarde ça comme ça, ça semble plus ou moins imbriqué, si on veut, dans le vécu de nos concitoyens, mais je vais m'attarder peut-être à un aspect plus particulier qui est celui des tarifs d'électricité. Ça, on sait que tout le monde au Québec est touché par cette réalité-là. On sait que l'électricité est excessivement importante ici, au Québec, compte tenu du climat qu'on a et de la consommation importante qu'on en fait au cours de la saison hivernale.

(17 heures)

M. le Président, avant d'aller plus loin, je voudrais juste prendre quelques minutes pour faire un bref rappel historique. En 1995, il y a eu une vaste consultation qui a été tenue publiquement ici, au Québec, pour discuter du développement énergétique du Québec. Alors, c'était sous le gouvernement du Parti québécois, et les résultats de cette consultation-là, M. le Président, ça a été une politique énergétique québécoise, qu'on a publiée sous le titre de L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable .

Il y a également eu, et c'est là qu'on va se raccrocher au projet de loi n° 116, un projet de loi qui a été proposé, qui a été adopté en Chambre, qui s'appelait la Loi sur la Régie de l'énergie. Ça a été adopté en Chambre, ici, en décembre 1996, à l'unanimité, M. le Président. Nous avons appuyé ce projet de loi là parce que ça avait du bon sens et que ça protégeait les citoyens du Québec, et on le verra un peu plus loin, les gens seront à même de juger de la pertinence des commentaires que je fais à ce niveau-là.

Alors, il s'agissait essentiellement, en créant la Régie de l'énergie, de permettre qu'il y ait une contre-expertise au niveau des demandes tarifaires d'Hydro-Québec et, à ce moment-là, que ça se fasse d'une façon transparente et avec la participation du public.

Alors, on sait que, à chaque fois qu'Hydro-Québec est venue ici présenter des demandes de changement tarifaire, bien il y a eu beaucoup d'émotivité, beaucoup d'intérêt à ce moment-là, parce que ça affectait les citoyens du Québec. Alors, on voulait se donner un moyen où on ferait ces débats-là de façon publique, transparente, et qu'on aurait des gens qui auraient l'expertise pour évaluer le bien-fondé des demandes d'Hydro-Québec.

Dans ce contexte-là, M. le Président, la Régie a été créée, et la Régie, avant d'avoir tous les règlements pour mettre en application les pouvoirs qu'on lui donnait dans cette loi-là, devait présenter un avis et elle a présenté un avis qui était excessivement important, où on soutenait que, contrairement aux voeux d'Hydro-Québec à ce moment-là, les tarifs de la fourniture devaient être établis en fonction des coûts de production, de distribution et de transport.

Alors, M. le Président, c'est en tenant compte de ces trois éléments-là qu'on établit les coûts, parce que l'électricité, on la produit, on la transporte et on la distribue, et c'est l'ensemble de ces réalités-là qui font qu'on voit comment ça coûte et qu'on fixe les tarifs. Alors, ça, c'est important de retenir ça, M. le Président.

C'était ça qui était l'essentiel du projet de loi et c'était ça qui permettait à nos citoyens d'avoir une certaine garantie que ça se ferait en tenant compte de leur intérêt et que ça se ferait d'une façon publique. Alors, voilà, M. le Président, essentiellement, là, quelques points pour souligner le contexte dans lequel on se situe présentement.

Quels sont les effets réels du projet de loi n° 116 qu'on nous présente aujourd'hui, M. le Président? Le projet de loi exclut les coûts de production d'Hydro-Québec dans l'établissement des tarifs de fourniture d'électricité. On a parlé tout à l'heure des coûts de production, de transport et de distribution. Là, on exclut de la juridiction, si on veut, de la Régie les coûts de production. La Régie n'aura pas à regarder ça, ça ne la regardera plus.

Alors, le projet de loi nous dit aussi, et je vous avoue que c'est assez... en anglais, on utilise une expression, assez «tricky», assez ratoureux. On nous fait état aussi que c'est pour le bien-être des citoyens du Québec, puisqu'on va geler les tarifs. Évidemment, quand on a connu des hausses, on se dit: Bien, c'est parfait, on gèle les tarifs; il n'y aura plus d'augmentation. Alors, il faut s'entendre: il n'y aura pas d'augmentation jusqu'en 2002. Il n'y a rien qui garantit, après ça, qu'il n'y en aura pas, et vous verrez la raison pour laquelle je le mentionne.

Alors, ça, c'est les effets, au fond, qu'on nous dit qu'on va apporter avec le projet de loi. Mais, quand on dit ça, M. le Président, et je reviens aussi, avant d'aller plus loin, à la question de ce matin que ma collègue la députée de Bonaventure a posée au ministre des Ressources naturelles sur le projet de loi, et le ministre lui répondait: «Le plus bas tarif en Amérique du Nord pour les clients résidentiels, ça, ce n'est pas défendre les intérêts des consommateurs québécois? Deuxièmement, faire en sorte qu'Hydro-Québec soit une entreprise rentable, avec un taux de rendement raisonnable, qui rapporte des bénéfices à des niveaux raisonnables et des dividendes à des niveaux raisonnables.»

M. le Président, quand on regarde ça, c'est la vertu – c'est la vertu. On gèle les tarifs, on dit: On travaille dans les intérêts des Québécois, et c'est ce que le ministre essentiellement nous a répondu ce matin, quand ma collègue l'a questionné sur le projet de loi. Alors, je vous avouerai que, au niveau de la présentation, c'est présenté d'une façon attrayante. Et c'est dans ce sens-là que je dis que c'est quand même habile au plan de la manipulation, du moins, dans le projet de loi.

Alors, M. le Président, dans le projet de loi, on utilise un faux prétexte. On utilise le prétexte qu'on va garantir aux citoyens du Québec des tarifs gelés. Mais la réalité dans tout ça, c'est qu'en excluant la partie production, celle qui est la plus rentable, c'est là qu'Hydro-Québec fait le plus gros profit et c'est là la partie principale des activités d'Hydro-Québec. Ça représente au-delà de 50 % des activités d'Hydro-Québec. Et là c'est très rentable, on aura l'occasion de le voir tout à l'heure. Alors, on exclut ça, et ça, on dit: Les citoyens du Québec n'ont pas d'affaire à savoir ça. Comment c'est rentable, là, vous n'avez pas d'affaire à savoir ça. On va discuter à la Régie des coûts du transport de l'énergie et aussi des coûts de distribution qui, ces deux activités, ne sont pas rentables.

Alors, imaginez, M. le Président, on cache la partie rentable et on va venir parler aux gens de ce qui n'est pas rentable. Qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver? Et c'est de ça que les gens vont être informés. Alors, on va dire: Écoutez – puis ça, après 2002 – on a des problèmes, le transport de l'énergie et la distribution, ça coûte beaucoup plus cher qu'on pensait. On va être obligé d'augmenter les tarifs. Mais, durant ce temps-là, la partie productive, la partie où les profits sont forts, ça, on n'en parlera pas puis on ne le saura jamais. Et qu'est-ce qu'il va arriver? C'est que le gouvernement a mis la main là-dessus, par le projet de loi n° 116 il va mettre ça dans ses poches.

Qu'est-ce qu'il serait arrivé si on avait procédé avec la Régie telle qu'elle avait été prévue? Cette partie-là aurait été rendue publique, on aurait vu les profits sur cette partie production, on aurait vu les profits beaucoup moindres, sinon des déficits, sur les deux autres activités. Et là on aurait pu porter un jugement global et probablement qu'il y aurait eu une bonne partie qui aurait équilibré les autres, et, même plus, il y aurait eu des profits qui seraient restés. Et ces profits-là, ça aurait été quoi, dans l'esprit de la production d'électricité qui a toujours prévalu au Québec? C'est que, s'il y a des profits de surplus, on baisse les tarifs. Et là c'est les citoyens du Québec qui en auraient profité.

Mais, pour qu'on puisse parler d'une baisse de tarifs, il faut qu'on ait en main les trois éléments: production, distribution, transport. Et là on va voir les profits, on va être à même de voir les profits et on va pouvoir, à ce moment-là, s'apercevoir qu'on a des profits qu'on accumule. Et là qu'est-ce qu'on fait avec une compagnie qui a pour mandat de fournir de l'électricité au meilleur coût possible aux Québécois? Bien, à partir du moment où on fait des profits qui sont assez grands, on les remet aux citoyens.

Mais là ce n'est pas ça, c'est que le ministre des Finances met la main dessus, met ça dans sa poche et ça devient essentiellement une opération budgétaire. Et il va pouvoir arriver avec ça éventuellement et puis faire des cadeaux à gauche puis à droite, alors qu'on lui demandait de le remettre aux citoyens parce que c'est eux qui l'ont payé. Et l'entente qu'on avait quand Hydro-Québec a été créée, quand il y a eu nationalisation d'Hydro-Québec, c'était: la production d'électricité au meilleur coût pour les Québécois. Et là ce n'est pas ça, c'est une façon de taxer qui est déguisée, qui n'est pas visible à l'oeil, qui ne sera pas visible. Et là le gouvernement va s'accaparer de ça.

Alors, ça va sauver, au fond, des taxes, et, avec ça, le gouvernement va faire ce qu'il veut. Mais à ce compte-là, M. le Président, on pourrait faire ça dans une foule d'activités du gouvernement et récupérer les surplus et envoyer ça là, et à ce moment-là on n'en parle pas. Et le pire, c'est qu'on nous empêche, on nous empêche, les citoyens du Québec qui paient et qui font en sorte qu'Hydro-Québec fasse ces profits-là, on nous empêche de pouvoir regarder c'est quoi, les profits, au niveau de la production.

(17 h 10)

Alors, M. le Président, voilà essentiellement ce qu'il y a d'odieux dans le projet de loi. Et quelles ont été les réactions à ce niveau-là? Je pense que ça a été analysé depuis un mois, là, par de nombreux experts dans le domaine. J'aurai peut-être l'occasion – le temps passe assez rapidement – d'y faire état, mais je vais commencer d'abord par faire état de la réaction des membres du Parti québécois et aussi des manoeuvres plus ou moins douteuses du ministre des Ressources naturelles.

Je reviens à la période des questions de ce matin. À la période des questions de ce matin, M. le Président, ma collègue a questionné le ministre, et il nous a dit, et je cite: «Au congrès de mon parti, il y avait une motion effectivement qui réclamait que l'aile parlementaire ne modifie pas la Loi sur la Régie de l'énergie. Elle a été battue massivement par les 1 700 délégués présents, massivement, oui, tout à fait.»

Ce n'est pas ça qui s'est passé, M. le Président. Ce qui s'est passé, quand on regarde un communiqué de presse du 8 mai 2000... Et je vais citer quelques extraits: «Les militants du Parti québécois ont adopté une résolution hier sommant le gouvernement de donner force à tous les pouvoirs de la Régie de l'énergie.» Et je continue: «Hier, lors de la plénière du congrès national du Parti québécois, M. Brassard, appuyé par le député de Gaspé, Guy Lelièvre, est monté aux barricades pour tenter de défaire cette proposition que les militants avaient adoptée la veille afin de l'inscrire au programme du parti.» Et la proposition dont on parle: «Un gouvernement du Parti québécois mettra intégralement en vigueur les articles de la Régie de l'énergie tels qu'ils ont été adoptés par l'Assemblée nationale en décembre 1996.»

Un peu plus loin dans le même article: «Sans parvenir à convaincre les délégués, M. Brassard a soutenu que permettre à la Régie d'exercer toutes ses prérogatives à l'endroit d'Hydro-Québec mettrait fin à l'interfinancement actuel du tarif résidentiel et des tarifs commerciaux, entraînant une hausse draconienne du tarif domestique. Le délégué Jean-François Blain du Conseil régional en environnement de Montréal–Sainte-Marie a rappelé que le gouvernement avait un pouvoir de directive à l'égard de la Régie lui permettant de préserver l'interfinancement: L'actif de production d'Hydro-Québec lui procure un rendement de 23 %, un rendement très élevé qui, s'il était abaissé, permettrait de réduire l'ensemble des tarifs de la société d'État, a-t-il invoqué.»

Ici, M. le Président, on fait référence à ce qui s'est passé au Parti québécois. C'est-à-dire que le ministre a essayé de convaincre son monde. Il n'a pas réussi. Et la résolution qui demandait qu'on applique les articles intégralement, tel que ça avait été voté dans la loi de 1996 qui créait la Régie de l'énergie, c'est ça qui est passé. Et ça, le ministre le savait. Quand il nous a dit à matin que ça avait été renversé par la très grande majorité, bien c'est contraire à ce qu'il dit là.

L'autre élément qui vient s'ajouter à ça ce matin, c'est le communiqué qui a été émis par des membres de son propre parti, le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Je n'en ferai pas toute la lecture, M. le Président, mais je vais mettre en évidence certaines parties du communiqué.

Dans les considérants, on dit: «Considérant les propositions adoptées à l'unanimité en septembre 1998 et en septembre 1999 pour mettre en vigueur tous les articles de la Loi de la Régie de l'énergie telle que présentée en novembre 1996 par le ministre des Ressources naturelles M. Guy Chevrette.» Alors, ça me semble clair, ça. On veut appliquer la Régie de l'énergie telle qu'elle a été créée en 1996, et c'est ce qu'on a dit ce matin au ministre des Ressources naturelles.

Dans le même communiqué: «Considérant que cette loi était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec», et ainsi de suite, M. le Président.

On demande essentiellement qu'on maintienne la loi de 1996 et qu'on l'applique. Et on n'est pas d'accord avec les propositions d'amendement que le ministre a apportées dans le projet de loi n° 116. Et le ministre était là, il est intervenu au Conseil national ou au congrès, je ne me souviens plus comment on l'appelle. Il était là, il est intervenu, il sait qu'il s'est fait revirer de bord sur le plancher. Et il vient nous dire aujourd'hui, ce matin, que ce n'est pas vrai, ça a été battu par la majorité.

M. le Président, il y a eu deux motions qui ont été déposées au moment de cette réunion du Parti québécois au début du mois de mai au Conseil général. Deux motions ont été déposées, elles n'ont pas été battues, et deux ont été adoptées à l'unanimité. Je n'en ferai pas état, mais essentiellement celles qui ont été adoptées à l'unanimité, c'est dans le sens d'appliquer la loi telle qu'elle avait été prévue pour la création de la Régie.

Les deux autres propositions d'urgence qui avaient été présentées ont été déposées. C'est écrit ici, dans le communiqué, M. le ministre, que le Parti québécois... C'est écrit «déposé» ici. Si vous ne l'avez pas vu, votre communiqué, on pourrait vous le faire parvenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement. Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Question de règlement. Oui. Est-ce que le député était présent au congrès du Parti québécois? Est-ce qu'il sait ce qui s'est passé, vraiment?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie, veuillez poursuivre. Il vous reste deux minutes.

M. Bordeleau: Oui. Le ministre pourra vérifier son communiqué qui a été émis ce matin. Proposition d'urgence, Conseil général de Trois-Rivières du 25 avril 1999, déposée, proposition d'urgence – je ne ferai pas lecture de la proposition – déposée, une autre proposition qui concernait le décret 53-99. Alors, ça, ça a été déposé, M. le Président.

Alors, le temps passe vite. J'aurais pu faire lecture aussi des réactions qu'on a eues de la part des experts dans le domaine, et je pense à M. Francoeur du Devoir , à M. Samson. Je pense que tous les commentaires que j'ai pu voir sur ce projet de loi, M. le Président, sont négatifs, et très négatifs. On considère que c'est une arnaque que le gouvernement est en train de préparer.

C'est une commande tout simplement du ministre des Finances, et le gouvernement s'accapare de la partie la plus profitable d'Hydro-Québec, va nous cacher ça. On n'aura plus le droit de savoir qu'est-ce qui se passe là-dedans, on va mettre ça dans nos poches – le ministre des Finances va le faire – et, à ce moment-là, les citoyens, bien, on leur dira: Écoutez, la distribution, le transport, ça coûte plus cher que prévu, on est obligé d'augmenter les taux. Comment on va faire pour savoir s'ils ont raison de prétendre ça ou non, M. le Président?

Alors, voilà, M. le Président, la vraie réalité de ce projet de loi et pourquoi de façon unanime, à peu près, dans la presse, de la part d'experts... Et j'ai beaucoup de respect pour M. Francoeur, qui, depuis de nombreuses années, travaille dans ce domaine-là. Je vois le ministre qui sourit. Ils viennent de le décorer et de reconnaître sa compétence, et, quand on fait référence à l'article qu'il a écrit sur le sujet, je vois le ministre sourire. En tout cas, ça fait partie de l'incohérence du ministre.

M. le Président, dans ce contexte-là, vous allez comprendre qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi, et on va s'objecter à ce projet de loi n° 116 avec toute la force qu'on peut, et on va le faire dans l'intérêt des citoyens du Québec. Ce projet de loi, M. le Président, va être rejeté parce que les citoyens du Québec ont le droit de savoir ce qui se passe à Hydro-Québec, tout comme le Vérificateur général essaie de le faire depuis de nombreuses années avec beaucoup de difficultés. Alors, les citoyens ont le droit de savoir, et ce n'est pas les manoeuvres du gouvernement, qui veut cacher la réalité, qui vont faire en sorte que l'opposition libérale va acquiescer à ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Nous allons céder maintenant la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Oui, M. le Président. Je vous remercie. D'abord, j'aimerais supporter les dires de ma collègue la députée de Bonaventure quant à la lutte qu'elle fait contre un projet de loi qui rend la Régie de l'énergie sans pouvoir, une régie presque fantoche, et qui donne tous les pouvoirs d'augmenter les tarifs d'Hydro-Québec selon les humeurs du ministre des Finances.

M. le Président, vous savez que les humeurs du ministre des Finances sont plutôt à la hausse. On a juste à se rappeler l'augmentation de 1 % de la taxe de vente depuis deux ans. Il faut se rappeler le dernier budget, la non-indexation des tables d'impôts. Vous savez comme moi qu'on est la seule province qui n'a pas indexé ses tables d'impôts, et le ministre des Finances vient chercher bon an mal an plus de 300 millions, près de 1 milliard sur une période de trois ans. Alors, d'autres sautes d'humeur, humeur à la hausse toujours, de la part du ministre des Finances: l'assurance médicaments, ils vont faire en sorte que les personnes âgées vont voir leur prime doubler, passer de 175 $ à 350 $.

C'est la politique habituelle du donne-dédonne, M. le Président. En 1996, on avait un projet de loi que tout le monde du côté ministériel vantait: on avait cette fois une régie qui aurait pu contrôler les tarifs d'Hydro-Québec. Le ministre des Ressources naturelles à l'époque, l'actuel ministre des Transports, était vraiment heureux de son projet de loi. Aujourd'hui, on fait le contraire: on défait ce qu'on a fait. L'actuel ministre des Ressources naturelles est en train de défaire la loi n° 50, loi dont le parrain était l'actuel ministre des Transports.

Tout ça, M. le Président, sans aucun débat public. On va perdre un contrôle extrêmement important également au niveau de la Régie de l'énergie. On sent le ministre assez mal à l'aise aussi avec son projet. On sent que c'est une commande qui vient de la part du ministre des Finances.

(17 h 20)

Plusieurs ont fait état de la période de questions de ce matin, et notre collègue députée de Bonaventure demandait au ministre: «Est-ce que le ministre des Ressources naturelles est conscient que tout le monde est contre son projet – et elle citait d'abord: ses collègues – elle pensait, de toute évidence, au ministre des Transports – les militants péquistes, les écologistes, les environnementalistes, les consommateurs? Et tout ce monde-là n'acceptera jamais d'être trompé et manipulé par le gouvernement péquiste.»

Dans sa réponse, le ministre des Ressources naturelles a mentionné qu'au congrès de son parti il y avait effectivement une motion qui réclamait que l'aile parlementaire ne modifie pas la Loi sur la Régie de l'énergie. Et effectivement il nous signale qu'on avait été mal informé, que cette motion avait été battue massivement par les délégués présents et il a répété «massivement».

Je ne sais pas si à ce moment-là le ministre était au courant du communiqué de presse qui venait d'être publié par une instance importante du Parti québécois, le Comité national sur l'environnement et le développement durable, M. le Président. Ce n'est pas le Parti libéral, là, qui a émis ça, c'est vraiment le Parti québécois, et c'est daté du 26 mai de l'an 2000, aujourd'hui. Et c'est un communiqué qui est adressé à tous les médias. L'objet: demande de retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie.

M. le Président, il y a plusieurs considérants. Je ne vous ferai pas toute la lecture, mais tous les considérants demandent au gouvernement de respecter l'actuel loi n° 50, celle qui avait été présentée avec succès par l'ancien ministre des Ressources naturelles, député de Joliette. Et c'est vraiment un constat évident que ce Comité souhaitait poursuivre le travail qui était fait dans le cadre de la loi n° 50.

Je vous mentionne un extrait du texte, M. le Président, et, à nouveau, c'est le Parti québécois, des représentants qui parlent: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 – ça, c'est le projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui – qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui de plus dénature la mission de la Régie de l'énergie. Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet – ça, c'est une instance importante du Parti québécois, le Comité national sur l'environnement et le développement durable – en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une Régie de l'énergie, et ceux de la table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect – et là on mentionne – des délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition – il y a un numéro qui était associé, M. le Président, on n'est pas familier – n° 462, incluse au programme 2000 du Parti québécois.

«On annonce maintenant – c'est toujours les représentants de votre formation qui parlent – des états généraux sur la langue, un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé – on attend toujours, par exemple. Doit-on s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou le résultat qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?» Je pense que c'est quand même assez révélateur, là c'est une source qui nous vient d'une instance importante du gouvernement, une instance du Parti québécois qui dit cela.

«Finalement, nous réitérons notre position:

«Que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la Loi sur la Régie de l'énergie, la loi n° 50 – donc, on ne veut pas de ces amendements-là au Parti québécois – relatives au secteur électrique ainsi que le cadre réglementaire existant, incluant les trois secteurs d'activité qui incluent entre autres la production;

«Que le gouvernement mette en vigueur dès maintenant toute la réglementation pertinente pour que la Régie puisse remplir efficacement son mandat, tel qu'annoncé à sa création en 1996.»

M. le Président, c'est assez révélateur, et, comme on n'en a peut-être pas encore assez, on a ajouté une liste de propositions passées qui auraient été déposées, mais dont une, à notre surprise et contrairement à ce qui a été affirmé par le député de Groulx en cette Chambre où il disait que c'était seulement une opinion, qu'on ne pouvait pas parler au nom du député comme tel, eh bien, il y a une proposition pour le Conseil national de Drummondville, les 25, 26 septembre 1999, où on avait proposé que «ce Conseil national demande au gouvernement de confirmer la pérennité et l'autorité de la Régie de l'énergie, de mettre en vigueur dès maintenant intégralement tous les articles sans exception de la loi n° 50, de la Régie, pour permettre à la Régie d'agir selon ses mandats». La proposition a été faite par un M. Jean-Paul Thivierge, elle a été appuyée par M. Lavoie, et, contrairement à ce qu'on nous dit aujourd'hui, ça a été adopté à l'unanimité, et c'est signé «Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois».

M. le Président, je ne sais pas si le ministre était au courant de ce communiqué au moment où il a fait sa réponse à la députée de Bonaventure, mais j'ai l'impression qu'il ne devait pas être très, très heureux de savoir qu'une instance aussi importante du Parti québécois donnait un avis contraire à son projet de loi.

Le projet de loi confirme encore une fois la piètre qualité d'administrateur, de gestionnaire du Parti québécois. On défait un jour ce que le gouvernement avait déjà fait il y a quatre ans. Est-ce que, vous, vous êtes surpris, M. le Président? Je ne pense pas. Rappelons d'autres gâchis de ce gouvernement, pour faire ça rapidement, M. le Président, je sais que le temps passe.

Dans le domaine de la santé, on a fermé des hôpitaux sans aucune étude d'impact sur les autres services d'urgence, sur les listes d'attente ou encore sur la santé des patients, le vieillissement des patients. On a mis à la retraite de nombreux médecins, on les a payés 300 000 $, pour, tout de suite après, les rappeler, pour s'apercevoir qu'on manquait de médecins. On a mis à la retraite des infirmières extrêmement qualifiées et expérimentées, pour s'apercevoir qu'on vit, très rapidement, une pénurie d'infirmières et qu'on doit, elles aussi, les rappeler.

On a eu une attaque en règle, M. le Président, sur les personnes aînées, particulièrement dans le dossier de l'assurance médicaments, où le ministre responsable à l'époque nous disait que ce n'était pas un impôt. On l'accusait, on disait: C'est un impôt déguisé; il disait non. Mais il dit: L'argent, par exemple, le montant qu'on va enlever, on va le prendre sur votre rapport d'impôts à la fin de l'année. Alors, de toute évidence, M. le Président, c'est un autre bel exemple.

Il y en a d'autres. Dans l'éducation: sous-financement chronique de nos écoles, de nos cégeps, de nos universités. Je passe rapidement sur Emploi-Québec – mais je pourrais vous faire un discours beaucoup plus long – le cafouillage du siècle, je pense, en matière de transfert de pouvoirs du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec. Rapidement aussi, les municipalités: le non-respect du désir de la population et le désir tellement évident du gouvernement de forcer des fusions, alors que les gens n'en veulent pas. On ne veut même pas respecter, du côté du gouvernement du Parti québécois, les référendums qui sont faits en bonne et due forme, et vous savez la politique de ce parti-là, M. le Président. Quant aux impôts, je l'ai mentionné tantôt, on est avec le roi des taxes, on n'a pas arrêté de fouiller dans les poches du contribuable. Et c'est dans ce contexte qu'on inscrit la continuité de la médiocrité, médiocrité qui devient presque un système de gestion pour ce gouvernement.

Rappelons, en 1995, que le gouvernement du Parti québécois tenait une vaste consultation publique sur toutes les questions du développement énergétique, et d'un consensus dégagé de cette consultation naissait, en 1996, la politique énergétique québécoise, L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable , et l'adoption à l'unanimité de la Loi de la Régie de l'énergie en décembre 1996, qui allait créer cette instance dotée de tous les pouvoirs nécessaires, notamment, pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public. Or, la Régie de l'énergie n'a jamais, dans les faits, assumé pleinement ses pouvoirs sur Hydro-Québec, car elle devait au préalable soumettre un avis au gouvernement sur la façon d'établir le tarif de fourniture.

Alors, la loi n° 116 devient un peu, M. le Président, un retour en arrière, et je suis certain que, comme moi, vous avez fait une revue de la littérature par rapport au projet de loi controversé qui est devant l'Assemblée nationale actuellement.

(17 h 30)

Jean-Paul Gagné, du journal Les Affaires , samedi le 26 juin: «La création de la Régie de l'énergie a fait l'objet d'un large consensus partagé par l'ensemble des intervenants du milieu énergétique et par les parlementaires de l'Assemblée nationale. Ce serait insensé de soustraire Hydro de la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer de milliers d'agents économiques et de la population que de revenir en arrière.»

M. le Président, on peut continuer. L'Association québécoise des consommateurs industriels des industries forestières du Québec: «En émasculant la Régie de l'énergie, le gouvernement prive les Québécois d'une baisse de tarifs qui serait vraisemblablement consentie si la Régie avait les pouvoirs nécessaires pour contre-expertiser les coûts de production de la Société.» Mais là il n'y aura personne qui pourra contester avec une expertise certaine les demandes de hausses de tarifs de la part d'Hydro-Québec. C'est seulement le ministre des Finances et le ministre des Ressources naturelles qui auront le droit de vie ou de mort sur ces tarifs. Et on sait qu'on a eu plusieurs déclarations du ministre des Finances à l'effet qu'Hydro-Québec allait devenir une machine à piastres dans les mois, dans les années qui viennent, étant donné que les barrages seront payés.

Une autre citation, mais non la moindre, M. le Président, le premier ministre Lucien Bouchard, en juin 1997, rappelait «qu'en créant la Régie, notre gouvernement – il parlait de son gouvernement – a constitué un lieu de débat public indépendant qui était réclamé depuis une décennie». Bien, je ne sais pas qu'est-ce que le premier ministre aura à dire aujourd'hui. Alors, il n'y aura plus de débat public, M. le Président, de toute évidence, puisque ce que le gouvernement du Parti québécois voulait, c'est qu'il n'y ait plus de débat public. On n'en a pas dans le domaine de la santé, on n'en a pas avec Emploi-Québec, on n'en a pas dans le domaine de l'éducation. Alors, c'est toujours la même chose, M. le Président, un gouvernement qui n'est plus à l'écoute de la population.

«Le ministre Guy Chevrette – excusez, le ministre des Transports et député de Joliette – qui a dirigé l'élaboration de la politique de l'énergie et qui a fait voter la Loi sur la Régie de l'énergie, qui a été remplacé par le ministre des Ressources naturelles actuel sur qui M. Lucien Bouchard semble avoir plus d'influence...» Ça, c'est Jean-Paul Gagné, dans le journal Les Affaires . C'est un jugement de valeur. Alors, il semble que c'était plus difficile de faire accepter ce genre de choses là à un ministre plutôt qu'à un autre. On remplace le ministre et on passe une loi qui fait de toute évidence unanimité contre elle.

«Pour le gouvernement du Québec, la création d'une Régie de l'énergie chargée de réglementer le secteur de l'électricité constitue la meilleure façon de garantir, dans ce secteur, l'équité, la transparence dans l'analyse des tarifs et ainsi de donner suite concrètement à l'un des objectifs de cette nouvelle politique énergétique. Et la Régie est l'organisme le mieux adapté à cette fin.» Et c'était une citation de la politique énergétique du Québec, en 1996, le chapitre II.

M. le Président, on pourrait continuer très longtemps, j'ai des citations. Par exemple celle-ci, de M. Francoeur – et on sait que le gouvernement vient de décorer M. Louis-Gilles Francoeur. Seulement mentionner: «Ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque.» Non seulement une instance importante du Parti québécois qui dit ça, mais un journaliste de réputation, décoré par notre Assemblée, par le gouvernement du Québec, eh bien, confirme que l'héritage de René Lévesque dans le domaine de l'hydroélectrique est maintenant bafoué. Et je reprends quelques-uns des éléments de son article. Il insiste beaucoup sur le «sans débat public». C'est toujours «sans débat public», et on se demande toujours pourquoi le ministre ne veut pas aller de l'avant avec une commission parlementaire qui pourrait, je pense, le ramener à l'ordre et faire en sorte qu'il pourrait écouter.

Ça serait intéressant, M. le Président, simplement imaginer le Comité national sur le l'environnement du Parti québécois qui viendrait dire au ministre ce qu'il pense vraiment, ça pourrait être utile et intéressant pour tous nous autres. Ça serait instructif et ça serait très, très agréable à entendre, je peux vous l'assurer. Nous, on collaborerait beaucoup pour que la lumière soit faite dans le cadre de ces audiences.

Une autre: Le sapin patrimonial . Eh bien, cette fois, c'est toujours dans Le Devoir , Mme Hélène Baril: «L'espoir aura été de courte durée. Quatre ans, en fait. Lorsque le gouvernement du Québec a créé la Régie de l'énergie, on pensait bien que les orientations et la gestion d'Hydro allaient enfin être débattues librement. Après plus de 30 ans d'une connivence exclusive entre le pouvoir politique et son monopole, la création de la Régie marquait un changement important et nécessaire dans l'évolution du Québec. Une sorte de séparation de l'Église et de l'État.» Alors, M. le Président, on va revenir à ce qui était auparavant et on n'aura pas cette séparation, l'image qui est présentée par Mme Hélène Baril.

En conclusion, notre formation politique s'est toujours opposée à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie, en défendant son intégrité et en soutenant que celle-ci devait assumer l'ensemble de ses responsabilités prévues dans la loi. Et notre porte-parole, d'ailleurs, déposait une motion à l'Assemblée nationale, le 19 mai dernier: «Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les fait à la Régie de l'énergie toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

De toute évidence, le gouvernement du Parti québécois a dit non à cette motion, non à l'indépendance de la Régie de l'énergie. C'est pourquoi nous allons voter contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons maintenant poursuivre en cédant la parole au député de Beauce-Nord. M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. J'interviens aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, projet de loi qui modifie la Loi sur la Régie de l'énergie, projet de loi qui, soulignons-le, propose d'éliminer le droit de regard de la Régie de l'énergie sur les coûts de production d'Hydro-Québec. J'interviens pour appuyer ma collègue la députée de Bonaventure et porte-parole de l'opposition officielle aux ressources naturelles qui dénonce avec rigueur et avec raison l'absurdité d'un tel projet de loi.

M. le Président, j'aimerais faire un bref retour sur les événements antérieurs qui sont à l'origine de la Loi sur la Régie de l'énergie. En 1962, M. Jean Lesage, alors premier ministre, scellait une entente qui nous garantissait, nous, les consommateurs d'électricité, des tarifs d'électricité bas, stables et uniformes. En 1995, le gouvernement du Parti québécois tenait une vaste consultation publique sur toute la question du développement énergétique au Québec. Du consensus dégagé de cette consultation, naissait en 1996 la politique énergétique québécoise, L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Soulignons que c'est à l'unanimité qu'eut lieu l'adoption de la Loi sur la Régie de l'énergie. En effet, c'est en décembre 1996 que l'Assemblée nationale créait une instance dotée de tous les pouvoirs nécessaires, notamment pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec, selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public.

En 1998, la Régie remettait un avis sur la façon d'établir le tarif de fourniture. Une mésentente entre la vision d'Hydro-Québec et la vision de la Régie est à l'origine de ce projet de loi. Cette dernière soutenait que les tarifs de fourniture devaient être établis en fonction des coûts de production, de distribution et de transport. Par contre, Hydro-Québec soutient que ses tarifs doivent être établis sur une base de prix fixe. Le gouvernement a tranché et a privilégié la société Hydro-Québec et ampute la Régie de l'énergie d'une partie importante de ses pouvoirs avec un tel projet de loi.

Pourquoi, M. le Président, le gouvernement veut-il restreindre les pouvoirs de la Régie de l'énergie? Pourquoi lui retirer son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec, qui, soit dit en passant, est son activité la plus rentable? Pourquoi lui retirer tous les projets de développement de barrages de même que tous les contrats d'exportation? Pourquoi présenter un projet de loi qui cache des intentions, un projet de loi qui manque de transparence? Des membres de la formation politique du ministre dénoncent le non-sens de ce projet de loi. Pourquoi le ministre des Ressources naturelles ne se rallie pas à ses membres? Pourquoi fait-il l'autruche? Pourquoi se met-il la tête dans le sable?

M. le Président, encore ce matin, en réponse à une question qui lui était adressée par ma collègue la députée de Bonaventure, le ministre des Ressources naturelles a nié qu'au sein du Parti québécois l'on s'opposait à l'adoption d'un tel projet de loi. M. le Président, nous avons ici un communiqué de presse du Parti québécois, signé par MM. Jean-Paul Thivierge et Christian Haché, respectivement conseiller et vice-président du comité national sur l'environnement et du développement durable, communiqué qui demande au gouvernement de retirer ce projet de loi. M. le Président, j'aimerais attirer votre attention sur les quelques motifs appuyant leur demande.

«Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition 462 du programme du Parti québécois du congrès 2000;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec;

«Considérant que tous les articles et règlements pertinents de cette loi permettent à la Régie de l'énergie de remplir son mandat selon sa mission;

«Il devient opportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.

(17 h 40)

Toujours selon ce communiqué, il réclame du gouvernement du Parti québécois de retirer ce projet de loi, en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie et ceux de la Table de consultation qui ont proposé, et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect pour les délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition 462 incluse au programme 2000 du Parti québécois.

M. le Président, que la demande de retrait du projet de loi provienne de l'opposition officielle, c'est une chose. Mais que cette demande provienne des membres du Parti québécois, de leurs propres militants, le gouvernement devrait tendre l'oreille et respecter les gens qui les ont élus.

M. le Président, plusieurs intervenants du milieu crient au manque de transparence, notamment les écologistes, les clients du service résidentiel, les petits producteurs privés, industriels, les 35 associations de consommateurs sont tous du même avis: ils réclament le retrait de ce projet de loi.

M. le Président, j'aimerais citer un article de M. Jean-Paul Gagné, du journal Les Affaires , du 26 juin 1999, qui vient appuyer le rejet du projet de loi: «La création de la Régie de l'énergie a fait l'objet d'un large consensus partagé par l'ensemble des intervenants du milieu énergétique du Québec et par les parlementaires de l'Assemblée nationale. Ce serait insensé de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer des milliers d'agents économiques et de la population de revenir en arrière.»

Une autre citation, M. le Président: «En émasculant la Régie de l'énergie, le gouvernement prive les Québécois d'une baisse de tarifs qui serait vraisemblablement consentie si la Régie avait le pouvoir nécessaire pour contre-expertiser les coûts de production de la Société.»

M. le Président, j'ai émis beaucoup d'interrogations lors de mon intervention. Je vous avouerai bien sincèrement que les réponses ne sont pas nombreuses à l'obstination du ministre des Ressources naturelles à déposer son projet de loi. Une des raisons qui m'est venue à l'idée est la suivante. Le ministre des Ressources naturelles semble sous l'emprise de son ministre des Finances; les ministres le sont tous d'ailleurs, mais particulièrement le ministre des Ressources naturelles. Il doit le satisfaire, c'est-à-dire rentabiliser l'entreprise afin de verser des dividendes importants au gouvernement, au détriment des contribuables, faire d'Hydro-Québec une machine à faire de l'argent.

Nous, au Parti libéral, nous privilégions les contribuables. Nous, au Parti libéral, sommes opposés à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie en défendant son intégrité, en soutenant que celle-ci devrait assumer l'ensemble de ses responsabilités prévues dans la loi.

C'est pourquoi, M. le Président, j'appuierai ma collègue de Bonaventure et je m'opposerai à l'adoption du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Argenteuil. Alors, M. le député.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, nous sommes ici pour l'adoption du principe du projet de loi n° 116 qui vise à modifier la loi actuelle qui encadre la Régie de l'énergie. Alors, d'entrée de jeu, je tiens à vous mentionner que c'est un dossier qui est très controversé. Et, si le gouvernement du Parti québécois, actuellement, choisit de modifier la Régie de l'énergie, c'est qu'il y a vraiment une raison en arrière de tout ça. On pourrait peut-être faire l'analogie – on parle de l'électricité – on pourrait dire qu'Hydro-Québec a décidé de plonger le Québec dans la noirceur et de fermer l'interrupteur.

Vous savez, M. le Président, la Régie de l'énergie a été établie suite à des consultations publiques en 1996 et a fait l'objet d'un consensus. Le but de la Régie de l'énergie était fort simple, il l'est toujours, c'est vraiment d'avoir une transparence au niveau des coûts qu'Hydro-Québec charge à sa clientèle. Alors, dans les coûts, nous avons bien sûr le coût de la production, nous avons le coût de transport et nous avons également le coût de distribution. Alors, étant donné qu'Hydro-Québec est une société d'État et qu'Hydro-Québec est censé donner le meilleur service et le meilleur tarif aux citoyens du Québec, il était nécessaire d'avoir une régie qui était transparente, indépendante du politique, indépendante d'Hydro-Québec. Alors, pourquoi revoir ces règles qui ont été unanimes à l'égard de la Régie de l'énergie?

M. le Président, je pense qu'on l'a dit et on le redit: Le gouvernement qui est en avant de nous a décidé de contrôler les choses, a décidé que lui était un bon gestionnaire, que lui pouvait maintenir les taxes élevées, pouvait maintenir nos impôts élevés et que ce gouvernement du Parti québécois était pour administrer l'argent des Québécois et des Québécoises. Et on le voit tous les jours avec le ministre des Finances qui se dit très fier de participer à un gouvernement qui est très centralisateur et très interventionniste.

M. le Président, je pense qu'il ne faut pas oublier que, même à l'intérieur du Parti québécois, il y a des dissensions, il y a des contradictions puis il y a des collègues péquistes en face de nous qui ont participé à l'élaboration de la Régie de l'énergie, à sa création, qui ont participé au débat à l'époque. Et, aujourd'hui, parce que le ministre des Finances du Québec... par la volonté du gouvernement de tout contrôler ici et de tout gérer, on décide de couper l'herbe sous les pieds à la Régie et de lui laisser, en bout de ligne, que de très faibles, je dirais, interventions au niveau d'Hydro-Québec.

Vous savez, M. le Président, c'est quand même un peu drôle, la façon dont le gouvernement procède présentement. On parle d'électricité patrimoniale. M. le Président, je suis ingénieur de formation, ingénieur civil, et c'est la première fois que je vois les mots «électricité patrimoniale». Je ne sais pas si, à l'université, c'est un terme qui est utilisé. Je pense que le ministre des Ressources naturelles aurait pu se forcer un peu.

Alors, comme je vous disais antérieurement, pour fixer un prix d'électricité, nous avons le tarif de production, de transformation et de distribution. Alors, M. le Président, ce que le gouvernement se propose, c'est de fixer un nouveau prix qu'on appelle un tarif de fourniture, et on fixe un taux à l'ensemble et on dit: Ce taux-là devra être en vigueur pour les deux prochaines années et le taux ne sera plus assujetti au droit de regard que la Régie de l'énergie avait.

Vous savez, M. le Président, dans nos systèmes démocratiques, c'est important d'avoir de la transparence. Si on sort un peu du domaine énergétique, on a le Vérificateur général qui a un rôle très important. Chaque année, le Vérificateur général dépose son rapport ici, en cette Chambre. Il fait mention de cas aberrants ou de cas où il y a eu des abus de pouvoir. Et, dans le cas de la Régie de l'énergie, c'est un peu le même mandat. C'est que la Régie de l'énergie est une entité indépendante du gouvernement, quel qu'il soit.

Et, M. le Président, n'oubliez pas, à l'époque de la constitution de la Régie de l'énergie, tous les partis politiques, tous les groupes étaient unanimes à dire qu'il était nécessaire, compte tenu de la façon dont notre électricité est distribuée au Québec, sous un monopole d'Hydro-Québec, d'avoir un organisme vraiment indépendant. Et la Régie de l'énergie, c'est le gouvernement du Parti québécois qui était au pouvoir qui a appelé la loi, qui l'a adoptée en bout de ligne. Et, quelques années après, parce qu'il y a une orientation différente provenant du ministre des Finances et vice-premier ministre du Québec, on va sabrer le travail qui a été fait il y a trois ans. Je pense que ça démontre vraiment l'incohérence du gouvernement.

(17 h 50)

Et aujourd'hui on voyait la même chose à la période des questions. On a un ministre des Transports qui, il y a quelques années, a dit: Ce n'est plus nécessaire de passer un examen de conduite pour avoir le permis pour les motos. Puis, deux ans plus tard, on a un ministre qui fait l'inverse, il dit que c'est obligatoire. Mon Dieu!, M. le Président, ça n'a aucun bon sens.

Alors, je pense que la population du Québec qui suit ce dossier... Vous savez que c'est un dossier très important, ça a fait la manchette des journaux. Il y a des journalistes aussi crédibles que Louis-Gilles Francoeur qui se sont prononcés et qui ont dit que c'était une situation aberrante, que le gouvernement faisait fausse route, qu'on était pour fausser la réalité. En passant, M. Louis-Gilles Francoeur, hier, on l'a mentionné, a reçu une haute mention au niveau environnemental par le gouvernement en place ici. Alors, c'est dire que les propos de M. Francoeur sont crédibles.

Et, quand on crie au désarroi, quand on dit que c'est nécessaire que la Régie conserve son mandat actuel, je ne pense pas que ça soit farfelu, je ne pense pas que ça soit de la démagogie. Ce n'est pas juste l'opposition libérale qui l'a dit, ce sont les groupes environnementalistes, ce sont les citoyens du Québec, ce sont les spécialistes en environnement, c'est l'ensemble de la population, M. le Président.

Et regardez ici, regardez le beau document que j'ai. C'est: Communiqué de presse, Parti québécois, Conseil national sur l'environnement et le développement durable, un document émanant du Parti québécois, le même parti qui constitue le gouvernement qui est en face de nous. Et je vais vous lire des extraits, parce que là on ne pourra pas nous accuser de faire de la démagogie. C'est vraiment des membres du Parti québécois, des gens qui ont le développement du Québec à coeur et la protection des citoyens au niveau de l'énergie.

Alors, regardez ici, ça commence: «Demande de retrait du projet de loi n° 116.» Alors, ça commence bien, les partisans du Parti québécois demandent carrément le retrait du projet de loi. Pas sa modification, pas des amendements, le retrait pur et simple. Et je vais continuer au niveau du communiqué. Je vais vous lire certains passages.

Regardez ici: «Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec...» Ici, on fait référence à la Loi de la Régie de l'énergie qui existe actuellement. Et on parle de transparence et de démocratie. Ce que le gouvernement en face de nous, ce que le ministre des Ressources naturelles fait, c'est: on veut outrepasser la démocratie et on veut dans le fond tout contrôler au Québec. Ça devient presque une dictature.

Un autre considérant, M. le Président: «Considérant que cette loi, issue de la politique énergétique du Québec, a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996...» J'imagine que, si c'était unanime en 1996 – et c'est les gens du Parti québécois qui le disent, c'était unanime il y a quatre ans – ça doit être encore unanime. Par contre, M. le Président, on peut dire que l'ensemble du Québec est unanime à dire qu'il faut maintenir la Régie, maintenir le statut actuel de la Régie, les seuls gens qui sont contre, c'est les gens qui sont assis sur les banquettes en face de nous, ici. Et le principal artisan de tout ça, c'est le ministre des Finances, secondé par le ministre des Ressources naturelles.

Alors, M. le Président, ce n'est pas normal. On est élu pour défendre les intérêts des citoyens du Québec, pour voir vraiment à protéger leurs droits. On a mis en place une structure, une régie, qui est transparente. Pourquoi vouloir modifier tout ça? On nous dit que c'est au nom du... Attendez que je retrouve le terme. On parle «d'électricité patrimoniale». Il faut le dire, M. le Président, je pense qu'on aurait pu trouver mieux. Quand on est rendu à parler de patrimoine dans Hydro-Québec puis dans la Régie de l'énergie, honnêtement, mes termes sont peut-être durs, mais c'est vraiment pénible, c'est aberrant.

Alors, je voudrais vous rappeler ici ce que l'opposition libérale a fait. Il y a ma collègue porte-parole qui a déposé une motion en cette Chambre, motion qui a été carrément rejetée. Je vais vous la lire, elle est très, très simple:

«Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits à la Régie de l'énergie toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

C'est clair, net et précis. Et cette motion qui a été battue, le ministre nous a envoyé son «transcript» en fin de journée, et c'est sûr que ça a été rejeté. C'est quand même triste de voir que le mot «indépendance», quand on parle d'assurer la protection des citoyens, que le gouvernement qui est en face de nous rejette tout ça du revers de la main. C'est très triste, M. le Président.

On va revenir ici, pour vous démontrer qu'il n'y a pas juste nous qui disons que les gens du Parti québécois... mais ce n'était pas la première fois que le Parti québécois se positionnait. Ça a été dans leurs programmes électoraux. À maintes reprises, dans les programmes électoraux du Parti québécois, on parlait d'une régie pour s'assurer que les tarifs d'Hydro-Québec étaient les plus bas. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, M. le Président, on dit: On va maintenir les tarifs hauts et on va prendre l'argent d'Hydro-Québec, les profits, et on va les investir dans des tours à immeubles au centre-ville, on va les investir dans la SGF, on va les investir dans une foule de choses, parce que M. le ministre des Finances, le vice-premier ministre, est en train de bâtir son royaume. C'est ça qui arrive, M. le Président. Et j'espère qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent parce qu'il est temps que le gouvernement qui est en face de nous sorte, parce qu'il va ruiner le Québec. Et le ministre des Ressources naturelles va nous dire: Bien oui, mais on s'assure que les tarifs sont fixés. Pourquoi, M. le Président, n'est-il pas possible de baisser ces tarifs?

Et je vais vous expliquer pourquoi les tarifs pourraient baisser. La plupart des barrages qui nous fournissent de l'électricité, la plupart des lignes de transmission qui acheminent l'électricité des barrages jusqu'à nous, les grands centres, ont été construits dans les années soixante et soixante-dix. Et ces barrages-là, ces infrastructures ont été payées à ce moment-là et ont été amorties par la suite sur plusieurs années. Nous sommes à la fin des amortissements. Il y a certains ouvrages qui ont été amortis depuis belle lurette et il est donc dire que le coût de production au Québec va continuer à descendre, le coût de transport également.

Alors, quand on nous qu'on le fait au nom de la protection des citoyens, quand on dit qu'on le fait pour s'assurer d'un tarif le plus bas possible, bien, elle est où, l'astuce? Pourquoi? La Régie était là, la Régie est en mesure d'analyser ces tarifs, la Régie est en mesure de prendre le coût du barrage, d'y appliquer l'entretien et d'y soustraire les amortissements et d'arriver à un coût de production, d'y rajouter les coûts de transport et les coûts de distribution. M. le Président, il n'y a rien de compliqué, la Régie le faisait. Ce n'est pas des gens d'autres nations, ce sont des gens qui ont le développement du Québec à coeur, le souci de la protection des citoyens.

Regardez, ici, une autre proposition qui a été présentée au Parti québécois. On parle, ici, que la Régie de l'énergie, voyez-vous: «Que le Conseil national demande au gouvernement de donner suite le plus tôt possible à la résolution adoptée à l'unanimité portant sur l'avis de la Régie de l'énergie concernant la proposition tarifaire d'Hydro-Québec et, ce faisant: a, respecter le consensus social à l'effet de conserver la compétence de la Régie de l'énergie sur la production d'Hydro-Québec telle qu'elle a été confiée, à l'Assemblée nationale, en 1996 dans la Loi sur la Régie de l'énergie; b, permettre l'étude des projets de production d'Hydro-Québec, qu'ils soient hydrauliques, thermiques ou autres; permettre un débat serein sur la prudence qu'exerce Hydro-Québec.»

Alors, je pense, M. le Président... Vous me faites signe que le temps est écoulé, mais...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député d'Argenteuil, je vous mentionne tout simplement que je vais devoir suspendre les travaux dans quelques secondes. Je vous invite soit à conclure, soit à continuer ce soir à 20 heures. Alors, M. le député d'Argenteuil.

(18 heures)

M. Whissell: Alors, M. le Président, peut-être, pour conclure, quand on prend un document émanant du Parti québécois, quand on prend des citoyens, des environnementalistes, l'opposition libérale, quand tout le monde est unanime à dire que le gouvernement fait fausse route, je pense que les gens de l'autre côté de la salle devraient le prendre en considération, quand c'est vos propres militants. Alors, M. le Président, je ne peux pas être en faveur de l'adoption du principe.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil.

Sur ce, je suspends nos travaux à ce soir 20 heures, et je vous souhaite à tous un bon appétit.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 1)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonsoir à tous, si vous voulez prendre place. Alors, l'Assemblée reprend les débats sur le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Alors, je reconnais le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et député de Vaudreuil. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors je suis heureux d'intervenir ce soir sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie. Et, si je le fais, c'est pour appuyer d'ailleurs les propos de ma collègue de Bonaventure qui a illustré...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Un petit peu de collaboration. J'ai de la difficulté à entendre l'orateur. Si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Marcoux: Merci. Donc, d'appuyer les propos de ma collègue de Bonaventure et critique de l'opposition officielle en matière des ressources naturelles à l'égard de ce projet de loi en indiquant qu'il était à l'encontre des intérêts des Québécois et que ce projet de loi résultait fondamentalement d'une commande du ministre des Finances.

Évidemment, le ministre des Ressources naturelles n'est pas le seul à répondre ainsi aux commandes de son collègue le ministre des Finances. On le voit dans le domaine de la santé, par exemple, où le ministre des Finances a dit clairement, avec beaucoup d'aplomb, qu'il y avait des problèmes de gérance dans le domaine de la santé, et on peut le constater d'ailleurs. C'est à la suite de ça que sa collègue la ministre de la Santé a introduit le projet de loi antidéficit, projet de loi incohérent, inutile, évidemment, et qui ne fait que créer des problèmes, reporter l'odieux du fardeau des mauvaises décisions prises par le gouvernement sur le dos des dirigeants d'établissements hospitaliers.

Même chose avec l'assurance médicaments, M. le Président, où, il y a quelques années, le ministre de la Santé et le gouvernement ont adopté un régime d'assurance médicaments avec des primes très basses, en disant aux gens: Écoutez, ça va être très favorable; vous allez pouvoir vous assurer avec des primes qui sont relativement modestes. Même à l'automne 1998, au moment de la campagne électorale, on mentionnait que le régime serait autofinancé, qu'il n'y avait pas de problème. Et voilà qu'une année plus tard, évidemment, on dit: Maintenant, il faut augmenter les primes. Donc, le ministre des Finances dit: Il faut aller chercher de l'argent, et on va augmenter les primes des médicaments pour les personnes âgées et les autres adhérents au régime.

Donc, c'est un projet de loi qui ne tient pas compte des intérêts des citoyens, des payeurs de taxes qui, au Québec, comme vous le savez, sont toujours les plus taxés en Amérique du Nord. Et c'est un autre exemple que ce projet de loi où le gouvernement met en place des politiques, adopte des lois et, après parfois quelques mois, dépendant des circonstances, ou encore après quelques années, si ça ne fait pas son affaire, décide de modifier les politiques, de changer la loi. Et c'est ce à quoi nous assistons dans le cas du projet de loi n° 116, M. le Président.

D'ailleurs, c'est le journaliste Michel Van de Walle qui écrivait, dans le Journal de Québec , le 26 mai: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure, mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.» Et le projet vient ni plus ni moins amputer la Régie de l'énergie du coeur de son mandat.

M. le Président, peut-être faire un bref retour en arrière. Vous savez, en 1995, le gouvernement du Parti québécois avait tenu une vaste consultation publique sur toute la question du développement énergétique au Québec. Donc, il y a des consensus qui se sont dégagés de cette consultation, et ça a donné lieu, en 1996, à la politique énergétique québécoise intitulée L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Subséquemment, il y a eu l'adoption unanime d'ailleurs de la Loi sur la Régie de l'énergie, en décembre 1996, donc loi qui allait créer cet organisme doté de tous les pouvoirs nécessaires, notamment pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme qui garantissait la transparence et la participation du public.

D'ailleurs, si l'on retourne, vous savez, au document qui énonçait la politique énergétique du Québec au service du Québec, le ministre du temps, le député de Joliette, disait, dans son mot d'introduction, et je cite: «La création d'une Régie de l'énergie dotée de pouvoirs décisionnels apportera transparence et équité dans le fonctionnement du secteur énergétique québécois dans la définition des tarifs des entreprises réglementées. Sa mise en place garantira que les choix d'investissement seront effectués en connaissance de cause et que le public y participe pleinement. Les interventions de la Régie de la l'énergie permettront en même temps de s'assurer que les possibilités de mieux utiliser l'énergie sont systématiquement exploitées, que la réalisation des économies d'énergie est effectivement considérée comme prioritaire.»

Un peu plus loin, vous savez, à la page 21, on disait, et je cite: «La Régie de l'énergie sera dotée de pouvoirs étendus et son autorité, réelle. Pour le gouvernement, il est essentiel que l'organisme soit crédible, indépendant, et que ses décisions respectées par les différents intervenants concernés. Cette crédibilité s'appuiera d'abord sur la possibilité, pour la Régie, d'adopter un fonctionnement rigoureux sur les plans du pouvoir d'enquête et du fonctionnement des audiences ainsi que sur la compétence des dirigeants et du personnel, sur lesquels le gouvernement portera une attention particulière. La crédibilité de la Régie reposera également sur la nature des pouvoirs qui lui seront confiés.»

Donc, voilà ce qui était énoncé dans la politique énergétique du Québec qui a donné lieu à la création de la Régie de l'énergie. Or, M. le Président, dans les faits, la Régie de l'énergie n'a jamais pleinement assumé ses pouvoirs sur Hydro-Québec, car elle devait au préalable soumettre un avis au gouvernement sur la façon d'établir ce tarif. Comme l'avis n'a pas fait l'affaire du gouvernement, évidemment le gouvernement décide de modifier la Loi sur la Régie de l'énergie avec le projet de loi n° 116 pour retirer à la Régie des pouvoirs importants qui contreviennent aux principes qui sont énoncés dans la politique énergétique, qui avaient fait l'objet d'une vaste consultation et d'un consensus.

D'ailleurs, à l'époque, M. André Caillé, l'actuel président d'Hydro-Québec, qui était président de Gaz Métropolitain, appuyait, vous savez, la création de la Régie de l'énergie. Il était d'accord pour qu'un organisme indépendant contrôle non seulement le gaz naturel, disait-il, mais aussi l'électricité. Évidemment, M. Caillé maintenant, avec le ministre des Finances et le premier ministre, a changé son chapeau et a changé son opinion.

M. Jean Guérin, qui est le président de la Régie de l'énergie, disait: «Dans le domaine de l'électricité, la Régie prend la relève du gouvernement quant à l'approbation des tarifs d'Hydro-Québec. La fixation des tarifs et des conditions de fourniture et de transport de l'électricité se fera au terme d'un processus rigoureux d'audiences publiques qui permettra à tous les intéressés de se faire entendre.»

(20 h 10)

Donc, ce qu'on voulait, c'est de la transparence et que le public puisse participer aux décisions, M. le Président. Donc, la Régie, c'est l'organisme qui avait été conçu pour contrôler Hydro-Québec. Et Hydro-Québec, c'est un monopole. Un monopole, vous savez, que ça soit public ou privé, dans l'intérêt des citoyens et dans l'intérêt des clients qu'il dessert, c'est important qu'un organisme de régulation indépendant puisse apporter un jugement d'experts, un jugement rigoureux et crédible avec la participation des différents intervenants. Vous savez, ça a été vrai dans les télécommunications lorsque nous étions en situation de monopole. Même encore aujourd'hui, vous avez à Ottawa le CRTC qui régit, qui régularise tout ce secteur de la téléphonie et des télécommunications.

Dans la modification que le projet de loi n° 116 apporte au statut de la Régie de l'énergie, on enlève à la Régie le contrôle et la supervision du secteur le plus rentable d'Hydro-Québec, soit la production, pour laisser à la Régie la régulation des deux secteurs d'activité les moins rentables pour l'établissement de la tarification des clients d'Hydro, soit le transport et la distribution.

D'ailleurs, M. le Président, je voudrais simplement citer un extrait d'un article qui a été écrit récemment, en fait qui est paru le 19 mai, M. Jean-Jacques Samson, dans Le Soleil , qui mentionnait, et je cite: «Les clients d'Hydro-Québec, en somme l'ensemble des Québécois, ont supporté les coûts des équipements de production d'Hydro, de la Manic à la Baie James – on s'en souviendra. Leur financement s'est répercuté sur la facture d'électricité – que nous payons. Maintenant qu'ils turbinent et turbineront toujours plus de profits fort convoités, le gouvernement veut s'approprier ceux-ci – les profits – directement et laisser aux consommateurs les frais liés au transport et à la distribution qui sont appelés à croître pour sécuriser le réseau, notamment par l'enfouissement des fils. C'est l'autre court-circuit.» Fin de la citation.

Je dirais, en somme, que c'est la population du Québec qui risque d'être électrocutée sur le plan des tarifs. Et M. Samson ajoute: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.» Fin de la citation.

Évidemment, nous serions heureux que le gouvernement souscrive à cette suggestion de M. Samson, mais, connaissant son attitude plutôt arrogante et impératrice, évidemment, sans doute, encore une fois que nous serons déçus et que le gouvernement procédera même, le cas échéant, s'il est obligé, en faisant ce qu'on appelle des motions de clôture, ce qui est très dommage, vous savez, dans un projet de loi aussi important et qui touche vraiment la vie des citoyens.

D'ailleurs, vous savez, c'est un projet de loi qui est un peu hypocrite. Lorsqu'on regarde les notes explicatives, M. le Président – et, s'il y a des collègues de la Chambre qui ne l'ont pas lu, ils devraient le lire – on dit: Ce projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'énergie afin de modifier la compétence de la Régie relativement à la tarification de l'électricité, d'introduire des mesures de concurrence dans la fourniture d'électricité, d'assouplir le mode de fonctionnement de la Régie et d'élargir ses sources de financement.

On ne prescrit, on n'indique aucunement là-dedans, vous savez, que l'on soustrait à la juridiction de la Régie son secteur d'activité le plus rentable et donc qui serait susceptible d'avoir un impact sur la baisse des tarifs d'électricité dans l'ensemble de la considération de l'établissement des tarifs. Et on ne sait pas pourquoi le ministre n'est pas plus transparent et pourquoi, dans ces notes explicatives du projet de loi, il n'a pas été capable d'indiquer clairement ce qu'était le principal enjeu du projet de loi n° 116.

D'ailleurs, M. Louis-Gilles Francoeur, dans Le Devoir , mentionnait justement, et je cite: «Le Québec se retrouve, avec la loi n° 116, dans la situation paradoxale où l'existence de sa Régie de l'énergie risque de devenir un danger pour la démocratie parce qu'elle donne l'apparence d'un contrôle indépendant du jeu énergétique alors que l'on revient pour l'essentiel à l'ancien contrôle politique discrétionnaire.» C'est ça, M. le Président, avec le projet de loi n° 116.

Et, lorsqu'on regarde ce qui se passe et les discussions qui ont lieu parmi les gens du milieu qui sont intéressés dans toute cette question du rôle de la Régie de l'énergie, on peut constater que le ministre des Ressources naturelles est à peu près le seul, sous la commande du ministre des Finances et du premier ministre, à défendre son projet de loi.

Vous savez, si on prend, par exemple, M. Jean-Paul Gagné, qui déjà, en juin 1999, avait écrit un éditorial sur la Régie de l'énergie, et le titre était: Électricité: Québec mutilera-t-il la Régie? – et effectivement le ministre des Ressources naturelles est en train de mutiler la Régie de l'énergie – il concluait de la façon suivante, et je cite: «Ce serait insensé de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer de milliers d'agents économiques et de la population pour revenir en arrière.» Fin de la citation, M. le Président.

M. Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir du 15 mai 2000, dit: «La Régie de l'énergie a été créée par l'actuel gouvernement du Parti québécois dans la foulée des travaux d'une Table de consultation faisant elle-même suite à une promesse électorale.» C'est bien sûr que le Parti québécois n'en est pas à la première promesse, vous savez, qu'il vient renier, c'est évident, mais c'en est une autre, et qui se fait sans consultation, alors que le consensus qui avait été établi, lui, s'était fait dans la consultation, en 1996, M. le Président.

L'opposition au projet de loi n° 116 prend de plus en plus d'ampleur. Dans Le Devoir d'aujourd'hui, 26 mai. On dit: L'opposition au projet de loi n° 116 s'élargit. Une coalition réclame le maintien des pouvoirs de la Régie de l'électricité. «Trente-cinq associations de protection des consommateurs ont carrément réclamé le retrait du projet de loi n° 116. Selon elles, en adoptant cette législation, le gouvernement restreindra les pouvoirs de la Régie de l'énergie.»

Enfin, un autre groupe, M. le Président – ça, ce n'est pas l'opposition officielle – qui vient demander le retrait du projet de loi n° 116 qui modifie, qui ampute et mutile la Régie de l'énergie. Ça provient du Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Je pense bien qu'on ne pourra pas évidemment accuser ces gens-là d'être des partisans contre le gouvernement, j'imagine. Donc, ce n'est pas l'opposition officielle. On dit:

«Considérant les proposition adoptées à l'unanimité, en septembre 1998 et 1999, pour mettre en vigueur tous les articles de la Loi de la Régie de l'énergie;

«Considérant que cette loi était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur – évidemment, là on va redonner ça au ministre des Finances;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec [...] il devient – et je passe d'autres considérants – inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.

«Finalement, nous réitérons notre position que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la loi relatives au secteur électrique ainsi que le cadre réglementaire existant, incluant les trois secteurs d'activité, incluant la production.» C'est ça, M. le Président, que vient dire le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois.

M. le Président, l'opposition officielle s'est toujours opposée à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie et a défendu son intégrité et soutenu que celle-ci devait assumer l'ensemble des responsabilités qui lui ont été dévolues dans la loi. Aujourd'hui, on invoque le faux prétexte de vouloir préserver le pacte social et garantir aux consommateurs québécois les tarifs les plus bas possible. Mais ça, M. le Président, c'est, encore une fois, une promesse.

(20 h 20)

Je vous ai parlé tantôt de l'assurance médicaments. On avait promis aux gens il y a trois ans que les primes, c'était suffisant, que les personnes âgées, les personnes les plus démunies, des travailleurs de la classe moyenne n'auraient pas à assumer des primes additionnelles. Vois-tu, aujourd'hui, on dit: Écoutez, on va augmenter de 100 % les primes, M. le Président. Pas de 50 %, de 100 %.

Donc, je déplore énormément également que le gouvernement ferme la porte aux nombreuses représentations de l'ensemble des intervenants du milieu énergétique qui revendiquent, eux autres, le maintien des pleins pouvoirs de la Régie. Encore une fois, vous savez, on prend une politique qui a fait l'objet d'un consensus et, parce que ça ne fait pas l'affaire du gouvernement, parce que ça ne fait pas l'affaire du ministre des Finances qui dit: On veut qu'Hydro maintenant devienne une machine à imprimer des piastres, on dit: On change la loi. On change la loi sans consulter le monde, sans prendre l'avis des gens qui voudraient intervenir et exprimer leur opinion.

Alors, M. le Président, voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre le projet de loi n° 116. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Vaudreuil. Je vais céder la parole maintenant au prochain intervenant, le porte-parole de l'opposition officielle en matière des dossiers de la capitale et député de Limoilou. M. le député, je vous écoute.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président, de me donner la parole sur le projet de loi n° 116, le projet de loi n° 116 qui est la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Un projet de loi où on y retrouve 56 articles, qui peut nous sembler à première vue très anodin, mais la voie peut sembler, à la lecture du texte, complexe. La législation, M. le Président, c'est toujours un peu complexe.

Il faut savoir qu'est-ce qui se cache derrière cette complexité, derrière cette loi que le ministre des Ressources naturelles a déposée tout dernièrement, juste un peu avant la date limite du dépôt des lois qui doivent être étudiées, donc à la dernière minute. On l'a déposée, je crois, de mémoire, le 12 mai. Et là le gouvernement veut adopter cette loi pour la fin de la session. Pour quelles raisons? Quelle est l'urgence?

Alors qu'il y avait un contexte très particulier, où le gouvernement, en 1995, tenait une vaste consultation sur la question du développement énergétique au Québec, puis après un large consensus qui s'est dégagé, en 1996, il a déposé la politique énergétique québécoise L'énergie au service du Québec . Bien là ça va être l'énergie au service du gouvernement, parce que, si c'était l'énergie au service du Québec, on s'occuperait du pacte social qu'on s'est donné il y a maintenant... ça va faire, le 22 juin... un des plus grands premiers ministres que le Québec n'a jamais eu, qui est M. Jean Lesage, celui qui s'est assuré que la ressource la plus importante qu'on a au Québec, l'électricité, soit nationalisée par une élection qui était presque une élection référendaire, parce qu'il avait pris le pouvoir en 1960 et, dès 1962, on nationalisait l'électricité, ce qui devenait Hydro-Québec, M. le Président. On voulait s'assurer que la ressource la plus importante qu'on a au Québec fasse partie de ce qu'on appelle ce pacte social. Et, depuis 40 ans, on avait respecté ce pacte social.

Mais là le gouvernement en place, M. le Président, vient de rompre avec ce pacte social. Parce qu'il ne faut pas oublier que, suite à cette politique énergétique du Québec qu'il avait déposée, on avait adopté ici, à l'Assemblée nationale, de façon unanime, ce qui n'est pas toujours fréquent, plutôt rare, la Loi sur la Régie de l'énergie, et ça, ça s'est fait en décembre 1996. On lui a donné des pouvoirs, à cette Régie, mais, au fond, elle n'a jamais eu la chance d'exercer les pouvoirs qu'on lui avait donnés.

Et là, M. le Président, j'écoutais dans le discours du ministre qui nous disait: «Ai-je besoin de vous exprimer toute la fierté qui est la mienne d'entreprendre ce projet de loi n° 116», que le gouvernement va respecter ce pacte social sur la nationalisation de l'électricité. Je vais vous dire: C'est assez particulier, parce que, aujourd'hui, il y a des gens qui ont déposé un communiqué de presse, et pas n'importe qui, un communiqué de presse qui a été déposé par le Comité national sur l'environnement et le développement durable.

Une voix: ...

M. Després: De qui, M. le Président? Très bonne question que mon collègue vient de me poser, excellente question. Imaginez-vous – j'aimerais ça que les gens puissent le voir – ça vient du Parti québécois. Du Parti québécois. Savez-vous qu'est-ce qu'ils nous demandent? Ils demandent exactement ce que les députés d'opposition sont en train de dire au gouvernement. Le titre, c'est: Demande de retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie . Parce que le gouvernement vient faire quelque chose qui est très important, il vient enlever que... la Régie de l'énergie n'aura pas à évaluer l'aspect de la production. Les coûts au niveau du transport, elle va pouvoir les évaluer, au niveau de la distribution, pas de problème, elle pourra le faire – de l'électricité et du transport – mais on va soustraire l'aspect de la production. Pourquoi? Parce que c'est la partie la plus rentable.

Je ne sais pas si vous avez regardé dernièrement l'évolution... Puis je vois le président du Conseil du trésor qui, lui, s'occupe de contrôler les dépenses du gouvernement. Mais je sais que c'est un homme, c'est un comptable, un homme avisé dans les chiffres. Lui, il a vu, comme le ministre des Finances a vu, le bénéfice net des prochaines années d'Hydro-Québec, de 2000 à 2005. En 2000...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Oui. C'est quoi?

Une voix: Est-ce qu'on a quorum?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Attendez une minute. Alors, qu'on appelle les députés.

(20 h 26–20 h 27)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Nous avons maintenant quorum et nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Et je vais permettre au député de Limoilou de poursuivre son intervention. M. le député.

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. J'étais justement en train de vous dire que le président du Conseil du trésor, qui est un homme de chiffres, un comptable de formation, sait très bien, comme le ministre des Finances le sait très bien, quels vont être les bénéfices nets d'Hydro-Québec dans les cinq prochaines années, de 2000 à 2005. M. le Président, elles sont de 900 millions en l'an 2000, les prévisions de bénéfices nets. Et elles seront de combien en 2005? 1,6 milliard. Le gouvernement a compris que c'est à lui que ça va profiter; ce n'est pas aux citoyens du Québec puis aux Québécois en réduisant les tarifs d'électricité.

Dans les trois parties d'évaluation, tout ce qui touche la production, la Régie n'aura plus besoin de s'y pencher, parce que c'est l'aspect rentable d'Hydro-Québec. On sait que les coûts au niveau du transport, au niveau de la distribution d'électricité, là la Régie pourra se pencher là-dessus. Et là, M. le Président, ça permettra d'évaluer si on doit augmenter les coûts d'électricité. Le gouvernement a promis que, d'ici 2002, les tarifs seraient gelés. Le ministre a même dit: Jusqu'en 2004, 2005. Pas d'assurance totalement, mais ça ne devrait pas être trop affecté. Mais quelle assurance qu'on a pour l'avenir? Donc, les profits d'Hydro-Québec seront versés dans le fonds consolidé du gouvernement. Et ça, là, le ministre des Ressources naturelles l'a bien compris.

(20 h 30)

Mais ce qui est assez particulier... Puis ils sont assez nombreux ici ce soir, la formation ministérielle. Il faut leur donner ça. Voyez-vous, là je voulais attirer leur attention parce que je voulais leur lire ce que leur Conseil national sur l'environnement et le développement durable a émis comme communiqué aujourd'hui. Bon. Au moins, on a réussi ça, ils ont tous sorti leur lecture. Là, M. le Président, on va leur lire ça.

Il dit quoi, ce communiqué-là? Il dit de retirer le projet de loi n° 116 du gouvernement. Je suis content que le ministre soit là. Il a probablement appris la nouvelle lui aussi aujourd'hui en même temps que nous. J'espère qu'ils l'ont au moins avisé d'avance, hein? Il dit quoi, M. le Président? Je n'énumérerai pas tous les considérants, mais il dit: «Considérant que la loi qui a été votée sur la Régie – elle dit quoi, je vois le leader adjoint faire signe que oui, regardez, il va bien écouter, je suis certain, c'est un homme qui écoute – était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur;

«Considérant que cette loi qui a été créée – toujours la même loi, M. le Président – sur la Régie de l'énergie est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec – c'est ce qu'on a fait quand on a fait la consultation en 1995 et 1996;

«Considérant que cette loi issue de la politique énergétique du Québec a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale;

«Considérant que tous les articles – vous prendrez la parole après, vous, il n'y a pas de problème – et les règlements pertinents de cette loi permettent à la Régie de l'énergie de remplir son mandat selon sa mission – M. le Président, on va laisser faire les considérants, on va se rendre aux conclusions;

«Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.»

Ça, c'est émis, M. le Président – je veux le répéter parce que je pense que c'est important – par le Parti québécois, son Conseil sur l'environnement. Je ne vois pas le ministre de l'Environnement ce soir, là. Je vais vous dire, j'aurais aimé ça qu'il soit là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça fait 10 ans que vous êtes ici, M. le député, vous savez que vous ne pouvez pas souligner l'absence d'un député ou d'un ministre en cette Chambre. Vous pouvez poursuivre votre discours.

M. Després: M. le Président, ce n'était pas tellement de souligner ce fait-là. Ce que je voulais faire ressortir de la part du ministre de l'Environnement... Parce que le ministre de l'Environnement aurait dû jouer son rôle avant le dépôt de ce projet de loi. Il aurait dû intervenir, et j'ai plutôt l'impression, M. le Président... Il aurait dû intervenir dans ce projet de loi, parce que le ministre de l'Environnement, M. le Président, lorsqu'on peut lire... On va y revenir, M. le Président, ça vaut la peine.

Une voix: ...

M. Després: Non, non, ne vous inquiétez pas. Ce que je voulais, M. le Président, c'est que le ministre de l'Environnement, qui, lui, a sûrement pris connaissance aujourd'hui du communiqué de presse, aurait dû faire des interventions auprès du ministre des Ressources naturelles. Je n'ai pas l'impression que le ministre de l'Environnement, M. le Président, a joué son rôle. Il n'a pas joué son rôle du tout, parce qu'il aurait dû, lui, qui est responsable des politiques environnementales au Québec, M. le Président, intervenir auprès du ministre responsable. Il aurait dû, M. la Président, parce qu'on dit dans la loi – et c'est la note que je cherchais – qu'on soustrait également les responsabilités de la Régie des préoccupations environnementales, sociales et économiques, et elle devait en tenir compte en vertu de sa loi constitutive.

Autrement dit, le ministre de l'Environnement, M. le Président, n'a pas fait sa job. On vient de soustraire la Régie des préoccupations environnementales. Mais le gouvernement se garde une porte. Il pourra toujours par décret demander à la Régie de se pencher là-dessus. Donc, ce n'est pas pour rien que le Comité national du Parti québécois, M. le Président, vient de dire au ministre des Ressources naturelles en même temps qu'on n'a pas besoin du projet de loi n° 116. Et le ministre de l'Environnement, il n'a pas fait sa job. Il n'est jamais à la bonne place au bon moment.

Quand c'est le temps de dire à la Commission de la capitale de préparer la souveraineté du Québec pendant que ce n'est pas son mandat, quand il dit que la Commission doit se pencher sur l'aménagement des ambassades en cas d'un oui au référendum, là, il fait des déclarations. Mais là il aurait été temps, dans le cadre de ce projet de loi, d'intervenir auprès du ministre des Ressources naturelles. Quand c'est le temps d'étudier ses crédits puis qu'on lui pose des questions puis qu'il décide qu'il ne répond pas, il n'a pas fait sa job.

Bien là je viens de trouver un autre exemple dans lequel le ministre de l'Environnement... où le Comité national du Parti québécois rappelle à l'ordre le ministre des Ressources naturelles et que maintenant on va soustraire la mission environnementale de la Régie, sauf si le gouvernement décide par décret et demande à la Régie de regarder cet aspect, M. le Président. Le ministre de l'Environnement ne doit pas être très, très heureux. D'ailleurs, j'ai bien hâte qu'il vienne ici lui-même nous parler du projet de loi n° 116 et nous expliquer comment on peut maintenant soustraire la Régie de ses préoccupations environnementales. J'ai bien hâte de voir ça.

Juste pour finir avec le fameux communiqué: «Le gouvernement du Parti québécois – et je cite toujours le communiqué – doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, et ceux de la table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie.» C'est assez clair, M. le Président, c'est très, très clair.

«Finalement, nous réitérons notre position:

«Que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la Loi sur la Régie de l'énergie relativement au secteur énergétique ainsi que dans le cadre réglementaire, incluant le secteur d'activité de production.»

C'est là l'attrape du projet de loi, quand on vient soustraire l'évaluation de la production à la Régie. Occupez-vous strictement du transport et de la distribution, les secteurs qui sont les moins rentables pour Hydro-Québec. Tout ce qui est rentable, occupez-vous-en pas, le bénéfice net va augmenter, ça va faire des surplus, ça va aller dans les poches du ministre des Finances, mais ça n'ira pas dans le respect du pacte social où on s'est toujours assuré qu'on aurait les tarifs les plus bas en Amérique du Nord. Nous les avons mais pour combien de temps? Maintenant, ça n'ira pas au profit du consommateur, ça ira au profit du gouvernement.

Ça, c'est, M. le Président, une loi, quant à moi, qui pas juste au niveau du pacte social, mais au niveau de la démocratie... où, de façon unanime, par une loi qui a été votée ici, à l'Assemblée nationale du Québec, on avait convenu des pouvoirs, du mandat, de la mission que s'était donnés la Régie. Mais maintenant, encore une fois, on vient changer les règles du jeu.

C'est comme sur le projet de loi qu'on est en train d'étudier, le projet de loi n° 124 sur les affaires municipales. Il y a des règles du jeu bien établies pour fusionner les municipalités. Bien, le gouvernement vient de décider de changer la loi, de changer les règles du jeu. On ne laissera pas l'initiative aux municipalités. Le gouvernement va dicter l'initiative aux municipalités en leur disant: M. ou Mme le maire, pouvez-vous m'écrire une lettre pour me dire que vous allez vous regrouper avec telle municipalité? C'est ce qu'on appelle le grand respect de la démocratie.

On fait la même chose avec la Régie présentement. On s'était donné un mandat et là, tout d'un coup, on vient de décider de changer les règles du jeu, et ça, ce n'est pas nouveau. C'est ce qu'on appelle, ce qu'ils appelaient en 1994 «l'autre façon de gouverner» – l'autre façon de gouverner. Vous connaissez l'expression: On veut votre bien, on va l'avoir.

(20 h 40)

Tout ce qui est important, ce n'est pas les citoyens du Québec, c'est les orientations que le gouvernement se donne, qu'il se donne seul, parce que, là, il a même décidé qu'il ne respecterait pas... J'ai l'impression qu'il y a des gens qui ont dû se faire parler aujourd'hui au téléphone, les gens du Comité national sur l'environnement et le développement durable. J'ai bien hâte, comme je l'ai répété tout à l'heure, de voir venir le ministre de l'Environnement nous expliquer qu'on vient de soustraire la Régie de l'énergie aux exigences environnementales.

Je vais vous dire: C'est un petit peu décevant de voir les orientations que le gouvernement a décidé de prendre par rapport à la Régie de l'énergie. Puis on n'est pas les seuls, du côté de l'opposition, à avoir vu cette réalité-là; les éditoriaux en ont parlé. Qu'on cite Hélène Baril qui résume très bien ce que le gouvernement péquiste est en train de faire: «Maintenant que les grands projets sont achevés, que les coûts de barrages sont amortis avec le nombre d'années et que le prix de l'électricité peut baisser, voilà que le gouvernement nous fixe un tarif patrimonial.»

Le monde va avoir de la misère à comprendre ça. Un prix, c'est un prix, M. le Président. Il est stable, il monte ou il baisse. Moi, quand je vais acheter quelque chose, là, je demande le prix, je ne commence pas à me dire: C'est un tarif patrimonial. C'est-u beau, hein? En termes de communication, je vais vous dire, c'est habile, ça. Il faut le faire, M. le Président. Un tarif patrimonial. La conclusion de la citation: «C'est plutôt un sapin patrimonial qu'ils sont en train de nous passer», qu'elle dit, M. le Président, que les contribuables se font passer. Vous connaissez bien l'expression, vous. Oui, tout un sapin, M. le Président, qu'on est en train de se faire passer.

Puis il y en a d'autres. Jean-Jacques Samson, M. le Président, il dit quoi, en date du 19 mai? «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence – on dépose le 12, il faut se dépêcher – et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.» On est pressé, M. le Président.

Jean-Robert Sansfaçon, éditorial du lundi 15 mai, il dit quoi, M. le Président, juste en conclusion? «Nous voilà revenus à la case départ. Quant à la Régie, son rôle se limitera désormais à celui d'un exécutant servile des décisions du gouvernement – tout est dicté. Et, comble de l'absurde, c'est à elle qu'il reviendra de contrôler le processus d'appels d'offres pour des projets qu'elle aurait, dans certains cas, carrément refusés. Décidément, nous voilà loin des promesses de "développement durable" dont plusieurs ministres continuent de fleurir leurs beaux discours!» Ce n'est pas l'opposition qui dit ça, M. le Président, ce sont les éditorialistes qui viennent nous dire ça.

La mission d'Hydro-Québec, M. le Président, c'est d'offrir des meilleurs tarifs aux Québécois. Mais le pacte social qu'on s'était donné voilà 40 ans, le ministre des Ressources naturelles vient de le rompre. Et c'est pour cette raison que, moi et mes collègues, nous serons contre le projet de loi, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Limoilou. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Sur le même sujet, M. le député de Pontiac, je vous cède la parole.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Nous sommes ce soir à débattre le principe de la loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. À lire les notes explicatives, M. le Président, il semblerait qu'il n'y a rien là. On dit: Ce projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'énergie afin de modifier la compétence de la Régie relativement à la tarification de l'électricité, d'introduire des mesures de concurrence dans la fourniture d'électricité, d'assouplir le mode de fonctionnement de la Régie et d'élargir ses sources de financement.

À lire ça, on croirait peut-être que la Régie, c'est quelque chose qui a été créé et que ça a été mal fait. Pourtant, c'est ce même gouvernement, ce même gouvernement, en 1996, qui a créé la Régie. Et ça a été créé, M. le Président, pas du jour au lendemain, hein, il y a eu une consultation de tous les gens du milieu dans le domaine de l'énergie. Et on a dit: On veut trouver une façon où les gens pourront influencer Hydro-Québec dans la tarification de l'électricité.

Mais, M. le Président, ce n'est pas surprenant, et surtout avec le ministre des Ressources naturelles. Ce matin, notre collègue de Bonaventure a souligné que le prédécesseur du ministre des Ressources naturelles est maintenant ministre des Transports, et le ministre des Ressources naturelles était, lui, aux Transports. Et, seulement que cette semaine, on a vu que le ministre des Ressources naturelles avait éliminé les cours de conduite pour les conducteurs de motos. Et, M. le Président, il ne peut pas dire qu'il y avait unanimité. Je peux vous dire, moi, personnellement, qu'on a tenté de le convaincre, le ministre, que ce n'était pas un bon geste, ce n'était pas dans l'intérêt de la sécurité routière.

Pourtant, il nous disait: Bien, il n'y en a pas, de cours de conduite en France, il n'y a pas de cours de conduite aux États-Unis, il n'y a pas de cours de conduite obligatoire dans d'autres provinces. Donc, pour ces raisons-là, il dit: On va éliminer. C'est la seule base qu'il avait. Pourtant, M. le Président, s'il avait pris le temps de regarder la feuille de route au Québec, l'amélioration qu'on avait eue pendant nombre d'années au point de vue de la sécurité routière, il aurait peut-être conclu que le fait qu'au Québec on avait des cours de conduite obligatoires, ça avait une certaine influence sur la réduction des accidents qu'on avait eue au niveau des accidents. Donc, ça démontre que ce ministre-là, je ne sais pas si réellement il prend le temps d'examiner les choses ou est-ce qu'il accepte ce qu'on lui dit.

Parce que, encore ici, M. le Président, il semblerait que, lorsqu'on parle d'autres pays, ça semble faire son affaire, et c'est ça qui, réellement, le guide dans ses décisions. Parce que, même pour ce projet-là, il dit: L'Argentine, l'Australie, le Royaume-Uni, la Norvège, la Nouvelle-Zélande comptent parmi les pays qui ont restructuré. Mais je ne pense pas que ces pays-là avaient la même situation qui existe ici, au Québec, parce que ici, au Québec, on a le monopole sur la production d'électricité, et je ne crois pas que c'est la même chose dans ces pays-là. Je ne crois pas que c'est ça, M. le Président.

Aussi, il se pète les bretelles que nous avons la plus basse tarification de toute l'Amérique du Nord. Donc, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on va faire? Les autres pays qui ont eu ça, c'est parce que les taux étaient tellement élevés, M. le Président, ils ont dit: Il va falloir qu'on trouve une façon d'avoir de la concurrence, d'avoir des gens qui vont nous produire l'électricité à un meilleur prix. Mais ici déjà on a les prix les plus bas.

De quelle façon on va établir la tarification après? On va aller en soumissions publiques, imaginez-vous. Qui va être capable de concurrencer Hydro-Québec? Qui, au Québec ou à l'extérieur du Québec, M. le Président, peut produire l'électricité au coût d'Hydro-Québec? Personne. Personne ne peut le faire. Bien, c'est certain qu'en allant en soumissions publiques ça va monter le prix, parce que les concurrents, ils vont avoir un prix tellement élevé, Hydro-Québec va être capable d'arriver juste en dessous. C'est un peu ça, le jeu des soumissions.

Le ministre des Ressources naturelles devrait le savoir, il a été ministre des Transports. Et je suis convaincu que tous les députés dans cette Chambre sont au courant des contrats négociés pour le pavage des routes, M. le Président, qui ont été établis dans des régions. Ça a été établi pour deux raisons: premièrement, c'est qu'il y avait très peu de concurrence; deuxièmement, c'est pour permettre que des entreprises régionales puissent être capables de survivre et faire du pavage. Donc, on a décidé que, dans ces endroits-là, ça ne faisait pas de sens d'aller en soumissions publiques, M. le Président, parce que les coûts auraient été trop élevés. C'était bénéfique pour l'entrepreneur et le gouvernement du Québec, d'avoir des contrats négociés. Il y avait des balises qui étaient établies, et c'est la raison pourquoi...

Donc, il ne peut pas dire qu'il ne connaît pas ça, il a été ministre des Transports. Je suis convaincu que le ministre des Transports d'aujourd'hui, lui, l'a reconnu. Et je suis certain que le ministre a voulu puis il a toujours supporté cette façon de procéder en région pour s'assurer que les entrepreneurs des régions pouvaient continuer à survivre.

(20 h 50)

Donc, M. le Président, ça n'influence personne puis ça n'impressionne personne de dire, tu sais: Une fois qu'on va avoir utilisé l'électricité, le contrat patrimonial, on va passer à l'appel d'offres. Lorsque la demande de Québec dépassera 165 TWh, Hydro-Québec Distribution lancera un appel d'offres. Qui va être capable de soumissionner? Qui? Je l'entendais ce matin dans son discours, les gens vont peut-être produire ça avec du gaz naturel, on va peut-être le produire d'autres façons, mais le coût, là, de juste faire cette production-là va dépasser tous les coûts d'Hydro-Québec.

Donc, ça veut dire qu'Hydro-Québec, sachant fort bien que la compétition, ça va être plus que 0,0279 $ le kilowattheure, elle va dire: Regarde, ça va coûter plus cher que ça. Donc, automatiquement, ça va augmenter. Qu'est-ce qu'on va dire? Le gouvernement dit: Bien, regardez, on est allé en soumissions publiques; c'est la façon de faire. On est allé puis c'est Hydro-Québec qui nous a donné le meilleur prix. C'est eux autres qui nous ont donné le prix, donc on continue.

Donc, pourquoi tout ça, M. le Président? Pourquoi ne pas continuer avec la Régie puis nous assurer... Parce que ça, c'est de l'assurance. Aujourd'hui, on sait que c'est 0,0279 $ le kilowattheure, et ça, ça a été développé avec les années. Aujourd'hui, on se pète les bretelles que le prix est très bas. Mais c'est que, aujourd'hui, en l'an 2000, on a fini les problèmes de la récession des années quatre-vingt-dix. Hydro-Québec a réussi à payer l'investissement en capital sur les barrages, et donc aujourd'hui les dépenses sont moindres et, à ce moment-là, on peut produire l'électricité à moindre coût, on peut la maintenir. Lorsque le taux d'inflation était plus haut, c'était plus difficile.

Mais, M. le Président, ce n'est pas seulement les gens de l'opposition, ici, qui s'opposent à la loi n° 116, c'est tout le monde. Je pense que les citoyens ne réalisent pas... Ils entendent des bons discours du ministre qui dit... Puis surtout on se sert du contrat patrimonial. C'est mielleux, c'est pour l'intérêt des citoyens. On fait tout ça pour vous autres, nous autres, le bon gouvernement social-démocrate. Mais je pense qu'aujourd'hui les gens commencent à se poser des questions sur ce gouvernement social-démocrate.

Qu'est-ce qui est arrivé à nos soins de santé? Qu'est-ce qui est arrivé à notre éducation? C'est que, premièrement, on ne peut plus aujourd'hui être assuré... On remercie le bon Dieu de ne pas être malade aujourd'hui. On dit: Aïe! je suis donc content d'être en santé, de ne pas être obligé d'aller à l'hôpital. Parce que malheureusement ils ont tellement massacré le système de santé, ils l'ont tellement massacré, pour les mêmes raisons. Ils ont toujours raison. L'objectif: atteindre le déficit zéro, à n'importe quel prix, ça va nous donner les conditions gagnantes. Parce que ça a toujours été la faiblesse de ce gouvernement-là. On a toujours reproché à ce gouvernement-là qu'il n'était pas bon gestionnaire.

Donc, ils se sont donné comme objectif: atteindre le déficit zéro. Ça va nous donner une belle image de bon gestionnaire. Mais, M. le Président, à quel prix? Donc, on a commencé dans le domaine des soins de santé, dans le domaine de l'éducation, et aujourd'hui, de façon peut-être hypocrite, M. le Président, c'est les citoyens du Québec qui vont être les gens qui vont réellement être les victimes de la loi n° 116, les gens qui... Puis je pense qu'ils l'apprécient, ces gens-là, que le coût de l'électricité soit très bas.

Mais c'est ce même gouvernement là, M. le Président, qui a taxé aussi, qui a mis une taxe sur les factures d'électricité. Ils l'ont mise, c'est eux qui l'ont fait. Mais c'est toujours encore dans le sens que ça ne paraît pas, ces choses-là. Là, on va dire: C'est Hydro-Québec qui augmente les tarifs. C'est les commissions scolaires qui ont été obligées d'augmenter leurs taxes. C'est les hôpitaux qui ont fait des déficits. Pourquoi c'est toujours, toujours la faute des autres? Et souvent c'est la faute de l'opposition. Même si ça fait déjà six ans que ce gouvernement est au pouvoir, c'est encore la faute de l'opposition.

Bien, il y a une chose. Si, au Québec, aujourd'hui on a Hydro-Québec, on a des taux de 0,0279 $ le kilowattheure, c'est parce que, dans les années soixante, il y a eu un premier ministre, au Québec, qui s'appelait Jean Lesage, qui a nationalisé l'hydroélectricité. Dans les années soixante-dix, il y a eu un M. Robert Bourassa qui a dit: C'est l'hydroélectricité qu'on veut. Ce n'est pas le nucléaire, comme voulait le parti politique que représente le ministre. C'était l'hydroélectricité, et c'est ça qui nous permet aujourd'hui de bénéficier de tarifs aussi bas que ceux-là. On ne les entend pas parler de ça, mais ils vont parler de M. Bourassa, quand ça fait leur affaire, sur la séparation. On parle de M. Jean Lesage, quand ça fait l'affaire, pour la Révolution tranquille.

Mais ça, M. le Président, c'est le passé. Il faut s'occuper maintenant de l'avenir et des Québécois. Et le geste que veut poser ce gouvernement, il y a un grand risque, et surtout lorsque c'est ce ministre-là. Je vous ai mentionné tantôt les cours de conduite pour les motos. Même le virage à droite sur un feu rouge, on le lui avait suggéré il y a deux ans passés, il l'a refusé. Pourtant, aujourd'hui il va y avoir des projets-pilotes virage à droite sur un feu rouge au Québec. Pourtant, on était les seuls, M. le Président, qui ne l'avaient pas. Puis je crois que c'est dans le but non pas de réduire la sécurité routière, mais surtout pour éliminer la perte de temps, la pollution aux gens qui sont stationnés là puis qui brûlent de l'essence et qui polluent l'atmosphère.

Donc, M. le Président, c'est malheureux qu'on s'attaque à ce patrimoine qui est Hydro-Québec et toujours sous prétexte qu'on veut réellement garantir aux gens qu'il n'y aura pas d'augmentation, qu'il y a d'autres entreprises au Québec ou à l'extérieur du Québec qui pourraient produire de l'électricité à un moindre coût. C'est certain qu'on parle de maintenir le transport puis la distribution. Ça, ça va être encore Hydro-Québec. Mais c'est la production d'électricité où est... c'est là où on fait les sous. C'est la partie la plus rentable.

Aussi, M. le Président, on a permis dans certaines régions de construire de petites centrales hydroélectriques, et ces gens-là vendent leur électricité à Hydro-Québec à un certain taux. Mais ce n'est certainement pas ces gens-là qui vont être capables de faire de la concurrence à Hydro-Québec. Donc, c'est presque garanti que ça va être encore Hydro-Québec qui va être toujours le fournisseur d'électricité pour le Québec.

Mais, M. le Président, le risque de dire: On veut aller en soumissions publiques, puis je pense qu'il y a bien des gens qui connaissent cela, c'est que... On va en soumissions publiques s'il y a beaucoup de gens qui soumissionnent et qu'ils peuvent produire ce produit-là à moindre coût. Certainement, c'est avantageux, et c'est pour ça qu'on a le système. Mais il n'y a personne...

Et, M. le Président, ce n'est pas Robert Middlemiss qui dit ça, là, je vais vous lire, c'est... «In defense of his bill, Brassard argues that we are only joining the worldwide trend toward deregulation. There is indeed a worldwide trend, but its focus is on competition, not deregulation. It is only when there are vigorous competitive markets that the need for regulation diminishes. Obviously, there is no such competition in Québec. Bill 116 does open a narrow door to competition for new resources, but, compared to Hydro's 36 825 MW, they will be just a drop in a bucket for decades to come.»

(21 heures)

Qu'est-ce qu'on dit ici, M. le Président? On dit: Lorsqu'il y a beaucoup de compétition, quelqu'un peut fournir un produit à un prix équivalent, oui, ça fait du sens. Mais il dit qu'ici, au Québec, parce que le monopole d'Hydro-Québec de 36 825 MW... ça, c'est seulement une goutte dans un seau et que, pendant des dizaines d'années à venir, il n'y a personne qui va être capable de compétitionner Hydro-Québec. Et la conséquence, c'est que, n'ayant pas de compétition... Et, s'il y en a, de la compétition, eux, leur coût de production va être tellement élevé que ça donne une marge de manoeuvre. Là, ça ne sera plus établi par la Régie ou accepté par la Régie, ça va être une soumission publique basée sur qui peut offrir le meilleur prix pour la fourniture de l'électricité.

M. le Président, il y a aussi, il y a tellement de gens, de journalistes, d'éditorialistes qui ont évalué quelles étaient les conséquences et les buts qui motivaient le gouvernement à procéder. Et Jean-Paul Gagné, du journal Les Affaires , disait: «La création de la Régie de l'énergie a fait l'objet d'un large consensus partagé par l'ensemble des intervenants du milieu énergétique du Québec et par les parlementaires de l'Assemblée nationale. Ce serait insensé de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec. Ce serait se moquer de milliers d'agents économiques et de la population de revenir en arrière.» Donc, ce n'est pas un député de l'Assemblée nationale qui dit ça.

Regardez, je vous donne des citations. Le premier ministre, Lucien Bouchard, en juin 1997, rappelait qu'«en créant la Régie notre gouvernement a constitué un lieu de débats publics indépendant qui était réclamé depuis une décennie».

Et l'autre, M. le Président – ça, c'est une bonne, celle-là – «le ministre Guy Chevrette qui a dirigé l'élaboration de la politique de l'énergie et qui a fait voter la Loi sur la Régie de l'énergie a été remplacé par Jacques Brassard sur qui Lucien Bouchard semble avoir beaucoup d'influence».

Merci, M. le Président. Pour toutes ces raisons-là et pour s'assurer de protéger les Québécois, je suis d'accord avec notre porte-parole, et on va voter contre le principe, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Pontiac. Je rappelle que nous en sommes sur le débat de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître le président du caucus de l'opposition officielle et député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, la parole est à vous.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Ce soir, nous avons justement à étudier le projet de loi n° 116 avant son adoption de principe. C'est un projet de loi qui fait couler beaucoup d'encre. Plusieurs de mes collègues ont déjà parlé sur la question. Il est dommage que nous n'entendions pas aussi souvent des députés de la partie ministérielle. Disent-ils: Ça viendra. Heureusement qu'il y a encore des membres dans ce parti-là qui parlent parce que, s'il fallait à se fier à ses députés, à ses représentants en Chambre, ça serait silencieux à l'année longue.

M. le Président, la Régie du gaz et de l'électricité, qui était l'ancêtre, si on veut, de la Régie de l'énergie que nous connaissons, avait été parfois prise à partie particulièrement par les députés des deux formations politiques, particulièrement quand venait le temps d'établir la tarification de l'énergie. Lorsque le gouvernement s'apprêtait à faire en sorte de déterminer le prix de l'énergie, particulièrement de l'énergie électrique, la Régie du gaz et de l'électricité fournissait au gouvernement et fournissait à la députation en même temps – on finissait par le savoir – le prix qui était suggéré. C'est un prix qui était tamisé par la Régie, qui était entre le prix demandé par Hydro-Québec et le prix de la Régie. Il y avait un espace. Il y avait une espèce d'étude qui était faite sur les coûts d'Hydro-Québec et sur sa rentabilité.

Lorsque le nouveau gouvernement du Parti québécois est venu au pouvoir, en 1994, il est arrivé deux choses. Un nouveau ministre qui était le député de Joliette. Le député de Joliette est arrivé dans son poste un peu en matamore. La première chose qu'il a faite, il a inventé un scandale, il a inventé le scandale des petits barrages. Combien de fois on a essayé de tenter de barbouiller d'anciens ministres, d'anciens représentants de cabinet, du monde du Parti libéral du Québec dans le dossier soi-disant scandaleux des petits barrages? Le député de Joliette a essayé d'en faire ses choux gras.

La chose, toute la question s'est trouvée devant une commission d'enquête et éventuellement devant un juge. Le juge est encore plié en deux, riant des questions soulevées par le député de Joliette dans le soi-disant scandale des petits barrages. Ce que le juge a trouvé scandaleux, c'est la façon dont le député de Joliette avait, à l'époque, tenté de discréditer publiquement des gens sans avoir aucune espèce de preuve, sans avoir le long du début de la queue d'une preuve contre eux. Les gens sont sortis de cette histoire attaqués et malheureux. Heureusement pour eux, justice a été faite, et finalement ils ont été innocentés. En fait, on s'est aperçu que toute l'histoire du scandale des petits barrages n'avait été que la création d'un membre inconnu du cabinet du ministre, qui est disparu dans la brume.

Mais le ministre, un peu plus tard, reprenant son sérieux, a tenu une vaste consultation, en 1995, sur la politique énergétique. De cette consultation est ressorti un consensus, je dirais, qui a fait en sorte qu'en 1996 le gouvernement a déposé une politique énergétique. Cette politique s'appelait L'énergie au service du Québec . Et on a essayé évidemment, dans une perspective de développement durable, de faire en sorte que la politique énergétique puisse permettre, entre autres, de trouver un moyen plus neutre que la Régie du gaz et de l'électricité pour, d'une part, s'assurer de garder un certain contrôle sur Hydro-Québec. Parce que la conclusion que le député de Joliette avait eue, c'est que personne n'avait jamais finalement de contrôle sur Hydro-Québec, Hydro-Québec étant une machine extrêmement complexe, vaste. Finalement, personne au gouvernement n'avait de contrôle sur Hydro-Québec.

Puis on a institué la Régie de l'énergie en décembre 1996. Son mandat, c'était d'avoir les pouvoirs nécessaires pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec, avec un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public. Ça, c'est titré: De l'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Au chapitre 2, c'était là le mandat que la fameuse Régie de l'énergie nouvelle devait avoir. En fait, elle l'a eu. Elle a assumé ses pouvoirs sur Hydro-Québec jusqu'à temps qu'Hydro-Québec trouve ça tannant, achalant. Et la Régie, à ce moment-là, après avoir remis un avis au gouvernement dans lequel elle rejetait une proposition d'Hydro-Québec concernant l'établissement des tarifs d'électricité... Eh bien, Hydro-Québec ne l'a jamais digéré – ne l'a jamais digéré. Hydro-Québec a fait des pressions inouïes sur le gouvernement, sur le premier ministre, sur le ministre des Ressources naturelles pour faire en sorte que les pouvoirs de la Régie soient modifiés à la baisse de façon à s'assurer que la société d'État Hydro-Québec puisse recouvrer ses pouvoirs d'antan, avant la création de la Régie.

(21 h 10)

Et là on se retrouve dans une drôle de situation: changement au cabinet, le député du Lac-Saint-Jean devient ministre responsable du dossier et répond favorablement à la demande d'Hydro-Québec. La Régie soutenait, à l'encontre d'Hydro-Québec, que les tarifs de fourniture devaient être établis en fonction des coûts de production, de distribution et de transport. Ça, ça voulait dire qu'il fallait vérifier, de la part de la Régie, l'ensemble des véritables coûts d'exploitation d'Hydro-Québec. Hydro-Québec ne voulait pas parce que, évidemment, si tu regardes l'ensemble de ses coûts, ça va obliger peut-être Hydro-Québec à non pas demander un gel de ses tarifs, sûrement pas à demander une augmentation de ses tarifs. Mais même un gel est difficilement défendable parce que, depuis au moins un an ou deux, la situation économique d'Hydro-Québec devrait faire en sorte qu'Hydro-Québec demande une diminution de ses coûts. Ce n'est pas sorcier, une grande partie des investissements, de la capitalisation d'Hydro-Québec, ses barrages, par exemple, parmi les plus récents, toute la série de la Baie James, bien ils ont quasiment 30 ans, ils sont à moitié payés. C'est bien entendu qu'une grande partie des coûts relatifs à la dette d'Hydro sur ces investissements diminuent.

C'est donc dire qu'il y aurait intérêt pour le consommateur de voir à faire en sorte qu'Hydro-Québec demande une diminution de sa tarification. Or, vous n'entendez pas parler de diminution de tarification. Vous n'entendez pas parler d'une diminution de tarification. Hydro-Québec a conclu un pacte avec les membres du gouvernement pour s'assurer d'un gel des tarifs pour trois ou quatre ans.

À qui ça rapporte, M. le Président? Pas aux consommateurs, pas à ceux qui utilisent l'électricité. Je vais vous le dire, à qui ça va rapporter, ça va rapporter au gouvernement. Ça va rapporter au gouvernement parce que le gouvernement, en conservant la structure de tarifs d'Hydro-Québec pendant les deux, trois prochaines années, eh bien, compte tenu du fait que les frais fixes d'Hydro-Québec vont baisser, la marge de profit d'Hydro-Québec, elle, va augmenter. Et qui va ramasser la marge de profit d'Hydro-Québec? Qui est l'actionnaire, maintenant, d'Hydro-Québec? C'est le ministre des Finances. Le ministre des Finances va ramasser l'argent partout dans ses poches.

Est-ce qu'il va en faire profiter les Québécois? Pas cette année. Peut-être l'an prochain, peut-être une autre année. Mais, une chose est certaine, la propension du ministre des Finances à dépenser son argent à gauche et à droite, notre argent à gauche et à droite, en donnant des subventions, de ce temps-ci, à des sociétés multimilliardaires n'est pas une garantie bien, bien intéressante pour les Québécois. Pensez que l'argent qu'ils pourraient eux-mêmes conserver en ayant des tarifs plus bas d'électricité leur permettrait donc de faire des économies sur leur chauffage et sur aussi leur... Leur chauffage, en fait. Généralement, l'électricité, ici, nous sert de chauffage mais sert aussi de moyen de production pour les entreprises.

M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean rend un mauvais service à son gouvernement, à la Chambre puis à l'État du Québec. On a beau avoir inventé, comme il l'a fait, une nouvelle appellation – qui n'est pas contrôlée, j'espère – et déclarer que désormais les tarifs d'Hydro-Québec sont des tarifs patrimoniaux... On parle de la valeur patrimoniale du tarif d'Hydro-Québec. Bien, la valeur patrimoniale du tarif d'Hydro-Québec, c'est un peu gentil. Le patrimoine, on peut bien essayer de l'exercer puis de l'amener à toutes les sauces, on n'avait jamais entendu avant aujourd'hui la qualité du contrat patrimonial de l'électricité.

Il n'y a pas un gars qui élève des poules patrimoniales. Il n'y a pas un type qui fait du lait patrimonial. Même si ça fait 200 ans que la famille possède la ferme, il n'y a personne qui mange des oeufs patrimoniaux. Mais là on va avoir, nous, de l'électricité patrimoniale. Avez-vous pensé que les gens qui sont dans des secteurs du Québec dans lesquels, par exemple, on fait du bois... Il y a des producteurs de bois. Les voyez-vous en train de produire du bois patrimonial, des deux-par-quatre patrimoniaux? C'est touchant, hein? Bien, ça, c'est la vision de notre ministre député du Lac-Saint-Jean qui a créé cette nouvelle appellation de l'électricité patrimoniale. C'est assez particulier.

Et notre ministre patrimonial – lui-même est grand-père, donc possédant un patrimoine – a déterminé que c'était 0,0279 $ le kilowattheure pour l'ensemble... Parce que l'électricité non seulement est patrimoniale, mais on a aussi droit au parc patrimonial québécois qui, lui, est évalué à 165 TWh. C'est énorme. Alors, notre ministre patrimonial, après avoir déterminé la valeur du kilowattheure, eh bien, se fait, en sorte, le complice du ministre des Finances, d'Hydro-Québec et du premier ministre pour s'assurer puis pour assurer Hydro-Québec d'avoir des revenus somptuaires dans les années à venir.

Dans le fond, Hydro-Québec, c'est quoi, son rôle? Son rôle, c'est de produire de l'énergie au meilleur coût, de distribuer, de s'assurer et de garantir une qualité de distribution à l'ensemble de ses clients. Ses clients, c'est qui? Ses clients, c'est d'abord les Québécois et ensuite des clients extérieurs: l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et des États de Nouvelle-Angleterre. Bien, ses clients à l'extérieur du Québec devraient être, en principe, des clients sur lesquels Hydro-Québec fait de l'argent. Et elle en fait. Et désormais Hydro-Québec va faire encore plus d'argent avec sa clientèle et ses clients locaux, ses clients qui sont les consommateurs du Québec.

Et c'est des raisons qui ont motivé, entre autres, plusieurs éditorialistes à regarder cette question sous certains aspects. Je pense, entre autres, à Pierre April, qui disait que «le projet de loi n° 116 retire des compétences de la Régie de l'énergie l'examen de tous les contrats spéciaux, de tous les contrats d'exportation, qui seront désormais sous l'entière responsabilité du gouvernement».

Et Jean-Paul Gagné, du journal Les Affaires , disait: «Ce serait insensé – je le cite, M. Gagné – de soustraire Hydro à la compétence de la Régie pour déterminer son prix de fourniture, auquel cas il faudrait amender la Loi sur la Régie. Le mode de réglementation prévu dans cette loi fait l'objet d'un important consensus en dehors d'Hydro-Québec et, semble-t-il, en dehors du cabinet du gouvernement du Québec, du cabinet péquiste. Ce serait se moquer de milliers d'agents économiques et de la population de revenir en arrière – accuse-t-il notre ministre patrimonial. En émasculant la Régie de l'énergie, le gouvernement prive les Québécois d'une baisse de tarifs qui serait vraisemblablement consentie si la Régie avait les pouvoirs nécessaires pour contre-expertiser les coûts de production de la société.» Ça revient à dire ce que je vous disais tout à l'heure, M. le Président.

«Le premier ministre, disait Lisa Binsse de La Presse , Lucien Bouchard, en juin 1997, rappelait qu'en créant la Régie notre gouvernement a constitué un lieu de débats publics indépendant qui était réclamé depuis une décennie.» M. le Président, peut-être que ces débats étaient réclamés depuis une décennie, peut-être que le premier ministre était lui-même heureux de la création en 1997 de cette Régie, mais, une chose est certaine, le premier ministre, en 1999 et en l'an 2000, a décidé que c'en était fini des débats publics à la Régie, que c'en était fini d'une régie qui avait un contrôle sur les tarifs d'Hydro-Québec, que c'en était fini d'avoir une régie qui pouvait contrôler quoi que ce soit.

M. le Président, Peter Bradford, qui était responsable d'un service à peu près équivalant à Hydro-Québec à New York, qui est la New York Public Service Commission, disait ceci. En fait, ça s'adresse à Hydro-Québec, mais ça s'adresse de façon générale à n'importe quelle société d'État qui a un monopole. N'oublions jamais qu'Hydro-Québec est une société avec un monopole, est une société qui était un monopole d'État. Il disait ceci, M. Bradford: «The combination of a high degree of secrecy with a high degree of monopoly is very likely to lead to significant abuses, not necessarily today or tomorrow, but over time. And the reason is that there is so little accountability in such an arrangement.» Ça veut dire, ça, M. le Président, que, lorsqu'on garde un niveau de secret avec un haut niveau de monopole, il arrive généralement que l'on commette des abus, pas nécessairement aujourd'hui, dit-il, pas nécessairement demain, mais ça risque d'arriver n'importe quand. Et c'est la raison, dit-il, pour laquelle on n'est jamais véritablement très heureux de ce genre de situation lorsqu'on est représentant du public.

M. Samson du Soleil disait ceci: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et les groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.»

(21 h 20)

Jean-Robert Sanfaçon, dans Le Devoir : «Entre l'analyse de la Régie et les demandes d'Hydro-Québec, le gouvernement a tranché: Hydro a gagné! La Régie ne pourra donc pas connaître les coûts de production d'Hydro-Québec et, pour fixer les tarifs, elle devra limiter ses calculs aux coûts du transport et de la distribution de l'électricité. Pour la partie du prix de vente qui découle des coûts de production, le Québec a décrété un montant de base fixe, arbitraire, qu'il qualifie pompeusement de patrimonial et qu'il pourra seul modifier si bon lui semble[...]. Voilà un abus de pouvoir de la part de l'actionnaire unique d'un monopole. Et ce n'est pas la promesse d'un gel temporaire des tarifs qui rend la décision plus acceptable, puisque c'est à des baisses de prix auxquelles on devrait s'attendre si on laissait la Régie faire son travail[...]. Nous voilà revenus à la case départ. Quant à la Régie, son rôle se limitera désormais à celui d'un exécutant servile des décisions du gouvernement[...]. Décidément, nous voilà loin des promesses de développement durable dont plusieurs ministres continuent de fleurir leurs discours.»

M. le Président, on apprenait avec stupeur, on est le 26 mai aujourd'hui, le 26 mai 2000, communiqué de presse à tous les médias, Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois, le parti du ministre patrimonial, du ministre et député de Lac-Saint-Jean. Que demande le Comité national sur l'environnement et le développement durable? Rien de moins que le retrait du projet de loi n° 116, M. le Président. Rien de moins que le retrait du projet de loi n° 116. Ils disent ceci: «En respect des délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions qui demandent le retrait du projet de loi n° 116, pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462 incluse au programme 2000 du PQ. On annonce maintenant les états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé. Doit-on – disent-ils, les militants péquistes – déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou les résultats qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?»

M. le Président, c'est clair que, si les membres du Parti québécois qui sont députés, qui représentent des militants du Parti québécois, sont un peu sérieux, ils vont écouter leurs militants. Sinon, leurs militants ne pourront que s'asseoir sur notre responsabilité de dire non à ce projet de loi là et d'appuyer la députée de Bonaventure dans sa démarche. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Et je vais céder la parole maintenant au whip en chef de l'opposition officielle et député de Châteauguay. M. le député, la parole est à vous.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir en ce premier vendredi soir de session intensive sur le projet de loi n° 116. Comme mon collègue, j'aurai certainement l'occasion de revenir sur le communiqué du Parti québécois aujourd'hui adressé à son propre gouvernement, comme si les membres du Parti québécois venaient tout juste de découvrir ce que tous les Québécois ont découvert depuis un bon bout de temps: combien ce gouvernement-là fait de la manipulation et trompe tout simplement l'ensemble des citoyens. Et maintenant l'ensemble des membres du Parti québécois se sentent floués par la façon dont le gouvernement aborde les problèmes.

Mais, avant d'aller voir ce que nous dit le communiqué et surtout comment il répond à une des allégations du ministre des Ressources naturelles d'aujourd'hui, à la période de questions – on se souviendra qu'il a parlé, lui aussi, de leur congrès, mais pas tout à fait de la même façon, on va en parler tantôt – commençons d'abord par regarder ce qu'il y a dans le projet de loi n° 116, M. le Président. Pour ce faire, permettez-moi de vous parler d'un article d'aujourd'hui, Michel Van de Walle. Je vais lire certains extraits qui permettent de faire un peu le tour de la question. Ce n'est pas un libéral, c'est un journaliste qui explique la position. Alors, on ne pourra pas, quand même, nous taxer d'être partisans là-dessus. Et simplement vous passer quelques extraits. Ça commence comme ceci, M. le Président: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce lui-même avait bâti dans un précédent mandat.»

C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui, j'oserais dire aujourd'hui et avant-hier. Ma collègue de Bonaventure soulevait, à la période de questions aujourd'hui, le jeu de chat et de souris auquel on assiste, alors qu'il y a le ministre des Transports qui défait, ou refait, ou contrefait ce que le ministre des Ressources naturelles avait fait du temps qu'il était aux Transports – et c'était d'ailleurs très mal fait – et maintenant on a le ministre des Ressources naturelles qui défait ce qui avait été fait par le ministre des Transports, à l'époque ministre des Ressources naturelles. On assiste à un ballet ministériel où les gens s'échangent le portefeuille puis, comme ils n'ont pas d'imagination sur ce qu'ils pourraient faire, bien ils font le contraire de ce qu'ils avaient déjà fait. Alors, ils pensent que c'est comme ça qu'on va bâtir l'avenir du Québec.

Quoi qu'il en soit, c'est ce genre de gouvernement qu'on a devant nous. Michel van de Walle continue sur le projet de loi n° 116 de façon plus précise. Il dit: «Le projet vient [...] amputer la Régie de l'énergie du coeur de son mandat, soit examiner les demandes de hausses tarifaires d'Hydro-Québec en fonction de ses coûts de production de l'électricité. Le gouvernement conserve le contrôle de cette portion des tarifs la plus rentable, ne laissant à la Régie que l'analyse des demandes tarifaires liées au transport et à la distribution de l'énergie.»

Donc, il y a la production, il y a la distribution. Le journaliste dit ceci: «Mais voilà – ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, le journaliste – [...] c'est dans les secteurs du transport et de la distribution que les coûts d'exploitation seront à la hausse.» Ce qui va monter, comme coût, c'est dans le transport, dans l'exploitation, et c'est là-dessus qu'on va se baser pour établir tantôt les tarifs d'électricité. «Par contre, du côté des barrages, du côté de la production, ce devrait être l'inverse: plus les années passent, plus les coûts de construction sont amortis et les dettes qui leur sont liées diminuent.»

On nous apprend donc... C'est le journaliste spécialiste qui nous l'apprend aujourd'hui, qui décrit le projet de loi. Il dit: «Ce n'est ni plus ni moins qu'un tour de passe-passe où le gouvernement du Parti québécois va s'organiser pour que ça coûte juste plus cher.» Pas s'organiser pour que ça nous coûte moins cher, pas s'organiser pour que les consommateurs aient des avantages. Au contraire, il y a le ministre responsable des consommateurs et de la protection du consommateur, à qui on a posé la question aujourd'hui: Qu'est-ce que vous avez fait dans le dossier? Savez-vous quelle est la réponse? Rien, le néant, le silence, le mutisme. Renoncer à défendre les citoyens du Québec pour ne défendre que le ministre des Finances, le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles, le triumvirat infernal qui ne nous propose rien de moins que de voir augmenter nos tarifs d'électricité, augmenter la taxation, ce en quoi le gouvernement du Parti québécois est devenu un spécialiste.

Je continue l'article de Michel van de Walle sur le projet de loi en question aujourd'hui: «L'un des objectifs visés était de soustraire une fois pour toutes la détermination des tarifs d'électricité des débats partisans de l'Assemblée nationale et des besoins de dividendes du ministre des Finances pour équilibrer son budget[...]. Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques. Qui a dit cela? Guy Chevrette, ministre des Ressources naturelles.»

On vient tout simplement défaire le beau voeu de transparence, le beau voeu de respect des citoyens, le beau voeu de s'assurer que nous soyons les premiers bénéficiaires de notre grande richesse, l'électricité. Au contraire, M. le Président, le Parti québécois veut nous asservir, veut nous utiliser avec l'électricité pour remplir ses poches de manière à pouvoir donner son argent ensuite à des déménagements dans le multimédia ou dans la Cité du commerce électronique. Parce que c'est ni plus ni moins que ça, une politique de collecte de fonds dans la poche des Québécois pour permettre à des compagnies de déménagement de faire des sous, parce qu'il n'y a rien d'autre que ça dans leur politique de développement économique, du déménagement.

(21 h 30)

Le contexte du projet de loi n° 116 est assez simple. Alors que le voeu de tout le monde, tous les intervenants... On a voté à l'unanimité ici, M. le Président, pour faire en sorte qu'on ait les meilleurs coûts et le plus de transparence. C'était il y a deux ans. Aujourd'hui, le but du gouvernement, c'est de faire le contraire. Et tous les intervenants sont contre le gouvernement, incluant le Parti québécois.

Évidemment, je veux faire moi aussi le détour par ce communiqué incontournable et je vais commencer par vous citer la réponse du ministre des Ressources naturelles. Je sais qu'il y a des mots, M. le Président, que je n'ai pas le droit d'utiliser, je ne les utiliserai pas. Je sais cependant que le mot «faux» est possible. Je pense que le mot «fausseté» n'est pas possible, mais le mot «faux» est possible. Et je pense que le ministre des Ressources naturelles a eu tout faux, ce matin.

Il disait ceci à propos de ce qui avait été décidé au congrès du Parti québécois. En tout cas, de sa réponse, je comprends qu'il était là. Il dit ceci: «Au congrès de mon parti, il y avait une motion, effectivement, qui réclamait que l'aile parlementaire ne modifie pas la Loi sur la Régie de l'énergie. Oui, effectivement. Et je vous signale que vous êtes mal informés.» Il nous dit ça, à nous autres. On est mal informés, nous autres. On n'était pas là. On n'est pas membres du PQ. Dieu nous en garde! Mais on est mal informés. «Elle a été battue massivement – il me dit oui encore, il est encore sûr de son affaire, c'est incroyable – par les 1 700 délégués présents. Massivement, oui, tout à fait.»

La période de questions est à 10 heures, le matin. Je n'ai pas vérifié, là, ça doit être autour de 10 h 45, à peu près, dans ces coins-là. Ça n'a pas tardé. Ils sont vites. Ils font des fautes un peu dans les communiqués, mais quand même ils sont vites, au Parti québécois. Vers 11 h 15, 11 h 30, le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Ça doit être des gens qu'il connaît assez bien, quand même. Ça commence comme ceci. Ils font un communiqué à tout le monde puis ils nous disent, dans le communiqué: «Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition 462 du programme du Parti québécois du congrès 2000...»

Ça ne dit pas grand-chose, on ne sait pas c'est quoi, 462, mais ça éveille quand même un peu, on se dit: Il doit y avoir quelque chose, le ministre responsable de ce dossier-là vient juste de nous dire qu'à très forte... Comment est-ce qu'il avait dit ça? «Massivement» rejetée. Puis là on nous dit «forte majorité», l'adoption de la 462. Lui, il disait «massivement rejetée», le ministre, ce matin. Une demi-heure après, le groupe responsable de la question au Parti québécois dit: Non, non, ce n'est pas ça, adoptée à forte majorité.

Alors, je suis allé voir quelle était la 462. Ça disait ceci: «Un gouvernement du Parti québécois mettra intégralement en vigueur les articles de la Régie de l'énergie tels qu'ils ont été adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre 1996. Il adoptera aussi tous les règlements prévus à la loi et qui sont nécessaires pour que la Régie puisse exercer la totalité de sa juridiction dans une perspective de développement durable.»

M. le Président, on peut peut-être dire n'importe quoi, mais il y a des limites, quand même, à bourrer une salle, à bourrer toute une société au complet. Et je pense que le ministre s'est fait rappeler à l'ordre par ses amis membres du Parti québécois une demi-heure après. Alors, je le répète, M. le Président, parce qu'on parle du 116, mais, en même temps, je pense qu'on parle du gouvernement, je pense qu'on parle de l'allure générale du gouvernement du Parti québécois.

Et 116, c'est un exemple.

Le ministre, aujourd'hui, période de questions, tous les journalistes sont là, il fait son effet de toge, comprends-tu, il se lève: Vous ne connaissez rien. Moi, j'étais là, 1 700 délégués, massivement rejetée, cette motion-là. Massivement rejetée! Puis là on s'aperçoit qu'au contraire ce qu'on nous dit, c'est, à très forte majorité, on a dit au ministre, on a dit au gouvernement: Ne faites pas ça, ne changez pas le consensus qu'il y avait pour assurer aux Québécois les meilleurs tarifs, pour assurer aux Québécois les bienfaits de notre grande richesse, l'électricité. Le gouvernement, lui, a décidé de faire le contraire. Mais il essaie de nous tromper, il essaie de nous faire croire...

Parce que, nous, on n'était pas là, M. le Président. Alors, comme on n'était pas là, il dit: Bien, les libéraux ne s'en apercevront pas, les Québécois ne s'en apercevront pas, ils n'étaient pas là, on va leur en passer une petite vite, on va leur dire qu'elle n'a jamais passé au PQ, cette motion-là. Donc, nous autres, au PQ, on est tous solidaires, on se tient tous.

De toute façon, ils vont en manger toute une, ce monde-là, tout à l'heure, hein, je peux vous dire une chose, parce que, comme on les connaît... Vous avez vu le ministre des Finances, la semaine passée? Il y a un fonctionnaire de son ministère qui s'est amené sur un sujet qui ne faisait pas son affaire. Le ministre s'est levé, pas trop gêné, il a dit: Bien, ce fonctionnaire-là, s'il ne pense pas comme moi, sa carrière est finie. C'est assez simple. C'est-u assez court, hein? À une époque, il y avait la grande noirceur, et aujourd'hui c'est la grande terreur. C'est comme ça que ça fonctionne, avec le Parti québécois. C'est un petit peu gênant. C'est un petit peu gênant.

Personnellement, en tout cas, M. le Président, je peux vous dire une chose: Je serais très gêné, très, très gêné, si j'étais dans les souliers du ministre des Ressources naturelles en ce moment, qui nous a dit, ce matin, très exactement le contraire, l'opposé de la vérité, très exactement. Ou bien va-t-il nous dire: C'est les membres du PQ qui essaient de vous tromper? Il y en a un des deux, là. Puis je dois vous dire, M. le Président, que, s'ils ont pris la peine de réagir 15 minutes, une demi-heure après que le ministre se soit levé pour dire ça, disons que la présomption de mon côté, c'est de me fier à ceux qui ont parlé les derniers là-dedans pour corriger celui qui avait parlé le premier. Et je n'ai pas de doute que le ministre a dû placer quelques appels durant la journée – connaissant la philosophie qui anime le gouvernement – et il a dû les rappeler à l'ordre, et probablement que la politique du «toi, tais-toi» va reprendre ses droits.

Ceci étant, ce que nous disent les péquistes dans leur communiqué, un court passage: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116, qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui de plus dénature la mission de la Régie de l'énergie.»

Il y a une faute ici, là, c'est la «Régie de énergie». On s'aperçoit qu'ils sont allés assez vite pour sortir le communiqué. D'ailleurs, un peu plus loin, il y a une autre erreur, on dit «en respect les délégués du Parti québécois». J'imagine qu'on veut dire «en respect des délégués».

Mais l'idée était, ici, de passer un message, de le faire rapidement pour que le ministre sente qu'il se faisait rappeler à l'ordre, «...en respect des délégués – je vais corriger pour qu'on se comprenne – du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté – là, on a le chiffre – à plus de 70 % cette proposition 462 incluse au programme 2000 du PQ». Pas le programme de quatre, cinq ans, là, c'est le programme qu'ils viennent d'adopter.

Là, je vous rappelle, juste pour le plaisir de la chose, que le ministre nous dit que, massivement, la 462 a été battue, puis on apprend que, à 70 %, elle a été acceptée. On a tout un problème avec les qualificatifs, hein? Je pense qu'il le sait qu'il nous en a passé une petite vite ou qu'il a essayé. Je pense qu'il est au courant puis j'espère, M. le Président – je le dis en toute amitié – qu'il ne tentera pas à nouveau de nous amener sur des fausses pistes.

Nous, de l'opposition... Bon, entre nous, ici, un premier vendredi de session intensive, on peut bien se dire: Bah! c'est des libéraux, des collègues en face. Mais, dans le fond, moi, je me lève simplement pour l'ensemble des Québécois, là. C'est juste pour eux que je dis au ministre: Le petit jeu d'aujourd'hui, espérons que c'est le dernier, parce que ce n'est pas nécessaire, sous prétexte qu'on n'est pas membres du PQ, de nous cacher la vérité. Alors là on les a rappelés à l'ordre.

Et, dans le fond, ce que disent les membres du Parti québécois, c'est ce que disent tous les intervenants. Ma collègue de Bonaventure en a parlé plus d'une fois, je me demande comment ça se fait qu'à chaque fois le ministre se fâche puis il dit qu'elle ne connaît rien, alors que tout ce qu'elle dit, c'est ce que tout le monde dit, puis qu'il n'y a que le ministre... Mais pas juste lui. Non, pas juste lui. Je ne veux pas, quand même, l'isoler. Il n'est pas seul, il a deux petits copains: il y a le premier ministre puis le ministre des Finances. Ils sont trois. Triumvirat infernal. Eux autres, leur objectif, c'est simple: prendre l'argent le plus possible dans la poche des Québécois puis essayer de leur faire croire que ce n'est pas vrai qu'ils l'ont pris, l'argent, puis essayer de leur faire croire que c'est bon pour eux autres. Ça, c'est constant, on le voit se lever: Comprenez-vous, l'électricité, Hydro-Québec, c'est nous autres, c'est beau, payez plus? Payez plus, on va pomper votre argent.

Je vois qu'il y en a qui commencent à se réveiller. Pour moi, ils vont participer au débat tantôt, là. J'espère qu'ils vont participer, parce que c'est ça que le Parti québécois fait, rappelé à l'ordre par les membres. Les députés du PQ qui commencent à piauler un petit peu, il y a peut-être des membres de vos comtés qui sont là-dedans, dans ce Comité qui émet un communiqué. Vous devriez le lire. Je n'ai pas de doute que vous l'avez lu, de toute façon.

Mais la question se pose pour nous: Si tous les intervenants, tout le monde au Québec, contestent cette façon de faire, jusqu'aux membres du Parti québécois, ça va prendre quoi pour arrêter le bulldozer? Puis, si le bulldozer n'arrête pas, M. le Président, quelle conclusion on va tirer? Je vais vous dire un gros mot, là, vous me direz si j'exagère, mais, quand t'as tout le monde au Québec...

Une voix: ...

(21 h 40)

M. Fournier: Bien, je n'en connais pas un qui partage l'avis du ministre, à part peut-être le président d'Hydro-Québec. Bon. Je ne sais pas si on peut considérer qu'il est partie liée. À part lui, je n'en connais pas un des intervenants qui est pour la politique. Personne. L'opposition est contre, les groupes de consommateurs sont contre, les groupes environnementaux sont contre, tout ce qui bouge est contre. Quand t'es rendu au point que même les membres du parti qui t'ont amené à former le gouvernement sont aussi contre... Le «massivement», c'était 70 %, puis c'était à l'envers de ce que disait le ministre, contre la politique du ministre.

Quand tout le monde est contre, jusqu'à la base politique qui te permet d'être un parti ministériel, ça s'appelle-tu de la dictature, M. le Président? Ça s'appelle-tu de la dictature, quand tu es rendu au point où tu es tellement déconnecté de la base même qui te permet de prétendre de la légitimité d'exercer le pouvoir? On est certainement à des années-lumière de la démocratie, et, moi, je vous dis: Quand le bulldozer ne s'arrête pas devant toute une population qui s'érige devant lui, bien, on n'est vraiment pas loin de la dictature. Ça s'approche dangereusement. Et mettez ça l'un dans l'autre, des gestes comme ceux-là, des gestes où trois personnes pensent être les plus smart au Québec, ajoutez à ça le ministre des Finances, qui dit à tout ce qui bouge autour de lui: Vous parlez, dites comme moi. Si vous parlez et dites le contraire, votre carrière est finie.

Là, quand vous avez des gouvernements comme ceux-là... Le député de Vimont, le ministre, M. le Président, qui a de temps en temps la possibilité de répondre, pas toujours – pas toujours – parce que, même à lui, la règle du «toé, tais-toé» s'applique... Pas toujours qu'il a le droit. Et il s'anime. Il a raison de s'animer, et j'espère qu'il s'animera plus souvent au Conseil des ministres. Parce que, ce qui se passe, c'est ni plus ni moins et rien d'autre que trois personnes qui sont en fonction: le ministre des Finances, le premier ministre, le ministre des Ressources naturelles, qui décident qu'ils sont les seuls à avoir raison et qui vont le faire contre vents et marées, qui vont le faire contre tous les intervenants, qui vont le faire même si ça n'a aucun bon sens.

Mon collègue de Westmount–Saint-Louis le disait tantôt, il citait Philippe Raphals, qui est du Helios Centre for Sustainable Energy Strategies et qui disait essentiellement ceci à propos de la déréglementation dont tout le monde dit qu'elle est une tendance mondiale, et ce chercheur nous explique: On peut parler de déréglementation si on est dans un contexte de compétition. Mais, dans un contexte de monopole, est-ce qu'on a la même incitation à la déréglementation? Et, évidemment, dans ce cas-ci, on est dans un contexte de monopole. Et il fait cette entrée en matière, cette réflexion, parce qu'il fait un constat par la suite: Il y a un très grand danger d'avoir en même temps la politique du secret avec la règle du monopole.

Parce que ce qui se passe, M. le Président, c'est que tout le monde se fait avoir. Quand il y a une compétition puis qu'il y en a un qui essaie d'avoir les autres, il y a un problème, parce que la compétition le rattrape. Ça le retient, c'est une barrière, un frein. C'est impossible d'essayer d'avoir le monde, de mettre la main dans leurs poches puis qu'ils ne s'en rendent pas compte. Quand c'est un monopole, tu peux toujours tenter le coup. Ils tentent le coup, le ministre des Ressources naturelles, le premier ministre, le ministre des Finances, contre l'avis même des membres du Parti québécois. Ils tentent le coup. C'est ce qu'on fait aujourd'hui. On tente de jumeler secret, cachette et monopole pour faire en sorte que les gens, demain, tous les contribuables du Québec ne s'aperçoivent pas qu'on est en train de les tromper. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Le prochain intervenant sera M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je vous remercie. Et, comme beaucoup des parlementaires dans cette Chambre, je me sens trompé et je vais vous dire comment et je vais les prendre chacun...

Des voix: ...

M. Gautrin: Non, mais attention, je vous rappelle des choses à chacun d'entre vous. En novembre 1996, de bonne foi, j'ai voté, comme tous les membres de l'opposition, sur la recommandation du député de Saint-Laurent à l'époque, qui s'appelait Norm Cherry, pour la création de la Régie de l'énergie. Nous avons voté pour la création de la Régie de l'énergie, et je vais me permettre de rappeler, de vous rappeler, M. le Président, et de rappeler au député du Lac-Saint-Jean qui, à l'époque, était ministre des Transports, qui était donc solidaire avec ce gouvernement, des éléments du discours de M. Chevrette, qui était, lui, ministre, à l'époque, de l'Énergie. Ça serait intéressant de rappeler des mots, et j'ai ici les textes de M. Chevrette, le député de Joliette: «Cette Régie – l'honorable Guy Chevrette – constituera la pièce – écoutez-moi bien, on est en train de la démanteler aujourd'hui – maîtresse de la politique énergétique – ça va?. Nous voulons affronter aujourd'hui les défis auxquels nous sommes confrontés et nous tailler une place, la place qui nous revient.» Ça, c'était M. Chevrette qui disait ça lorsqu'il présentait ici son projet de la Régie de l'énergie.

Il plaidait aussi, M. le Président... Et c'est important parce qu'actuellement le ministre a dit: Oui, je vais revenir comme la situation était avant; Hydro-Québec pourra, sur la partie de la production, venir débattre et expliquer comment on fixera les prix. Voici ce que disait à l'époque M. Chevrette: «Est-ce vraiment sérieux – non, non – en deux jours qu'une quinzaine de parlementaires peuvent vraiment contre-expertiser les demandes de l'Hydro?» Ça ne vient pas de l'opposition, ça, M. le Président. C'était la raison pourquoi, en 1996, c'est-à-dire le 12 novembre 1996, votre collègue le député de Joliette, le membre du gouvernement le collègue du député de Charlesbourg – le député de Gouin n'était pas encore membre du Conseil des ministres, il ne participait pas encore au débat – le député de Labelle était membre du Conseil des ministres, et voici ce qu'ils ont dit: Ça n'avait pas de bon sens. Ils avaient compris à l'époque qu'on ne pouvait pas, dans une commission parlementaire, en quelques mots, réellement contre-expertiser Hydro-Québec. Et qu'est-ce qu'ils ont pensé à ce moment-là? Qu'est-ce qu'ils vont proposer? Qu'est-ce qu'ils ont dit suite à la table de concertation sur l'énergie? Ils ont dit: Voici, il faudrait une régie, et une régie qui a réellement des pouvoirs.

Et je vais aller un peu plus loin. J'ai le discours ici de M. Chevrette. Je vais vous lire encore d'autres choses. Écoutez-moi un instant, M. le Président. C'est bien important, ce que je vais vous dire. «Finalement, une autre raison qui nous amène – M. le ministre et député de Lac-Saint-Jean, écoutez ça – à créer cette régie – donc on est en train de parler, 1996, à l'époque on n'était pas en train de la châtrer complètement comme on est en train de faire aujourd'hui – c'est qu'il y a des risques – écoutez-moi bien là – de confusion dans les rôles de l'État – je répète, c'est qu'il y a des risques de confusion dans les rôles de l'État, et M. le député de Joliette continuait – le rôle, par exemple, de l'État actionnaire unique dans sa société d'État, le rôle de l'État arbitre des intérêts des consommateurs et des intérêts de l'actionnaire, le rôle de l'État régulateur, garant de l'intérêt public.»

Alors, M. le Président, à l'époque, le député de Joliette – et les membres du gouvernement, si je comprends bien, en étaient solidaires, puisque j'imagine que, quand un ministre propose un projet de loi, il a l'appui et l'aval de son gouvernement – avait réellement compris qu'il y avait danger dans la confusion des rôles, entre le rôle d'être l'actionnaire principal et le rôle de la défense des consommateurs. Et, à cet effet-là, pour fixer et régler complètement les questions des coûts – et je suis heureux de le rappeler au député de Lac-Saint-Jean – pour éviter cette confusion des rôles, le député de Joliette, alors ministre de l'Énergie, avait tâché de créer cette Régie.

Je continue, M. le Président. Il la caractérise aussi. Le député de Joliette va caractériser cette Régie: «Nous avons voulu nous doter d'une régie crédible, indépendante, neutre, efficace – je répète: une régie crédible, indépendante, neutre, efficace – disposant de toute l'autorité nécessaire, car c'est d'un tel organisme que nous avons besoin pour faire face au défi qu'impose la nouvelle conjoncture du marché.»

(21 h 50)

Quatre ans après, on est en train réellement de considérer que cette Régie, qui a fonctionné, qui a très bien fonctionné, qui malheureusement n'a pas eu les pouvoirs, toute l'autorité qu'elle aurait pu avoir sur Hydro-Québec, mais on est en train réellement de donner raison à Hydro-Québec et on met la hache aujourd'hui dans la Régie de l'énergie.

M. le Président, c'est un jour triste aujourd'hui. Comprenez-moi bien. Personne ici, en face, ne nous a expliqué, ne nous a donné la moindre raison pourquoi ce qui était bon en 1996 ne l'est plus aujourd'hui. Je vous pose la question. Pourquoi? Quels sont les intérêts cachés? Y a-t-il des choses que vous voulez actuellement, derrière, là? En 1996, votre ministre, qui est toujours membre du gouvernement, disait: Je veux d'une Régie qui soit indépendante, crédible, neutre et efficace. Elle a probablement été trop indépendante, elle a été crédible, elle a été neutre, elle n'a pas été au service complètement ni du premier ministre, ni du vice-premier ministre, ni du ministre de l'Énergie. Et, à l'heure actuelle, la solution est bien simple: parce qu'elle a réussi à assumer cette position de neutralité, bang! clac! on la coupe. C'est un jour triste.

Alors, je me permettrai de rappeler – parce que c'est intéressant, voyez-vous, de rappeler – par exemple, la Régie disposera d'un pouvoir général d'enquête et d'analyse. Elle pourra analyser les enjeux de la déréglementation du secteur de l'électricité, les prévisions, l'évolution et la réglementation en Amérique du Nord. C'était un projet emballant, et je vous rappellerai, M. le Président, que nous avons, nous, de l'opposition, à l'époque – et c'est rare, ce n'est pas courant, n'est-ce pas, que l'opposition souscrive à un projet qui était devenu un projet unanime de cette Assemblée – nous avons souscrit à ce que disait, à l'époque, le député de Joliette, le ministre de l'Énergie. Malheureusement, parce que ça commence à fonctionner, parce que ça ne suit plus réellement les diktats du premier ministre, on est aujourd'hui amené à devoir faire ce débat où c'est nous, l'opposition, qui vous rappelons quel était votre projet, qu'est-ce que vous nous proposiez à l'époque. C'est nous aujourd'hui qui sommes amenés à devoir vous le rappeler.

Je n'ai pas terminé, M. le Président, dans mes lectures. Parce que, après avoir écouté le député de Joliette, il y a un autre député dans la formation gouvernementale qui est particulièrement respecté et qui est particulièrement respecté lorsqu'on parle de questions énergétiques. Je veux parler du député d'Abitibi-Ouest. Non, mais ne riez pas. Le député d'Abitibi-Ouest, lorsqu'on parle de questions énergétiques, c'est un spécialiste, c'est quelqu'un qui a déjà d'ailleurs été ministre de l'Énergie, c'est quelqu'un qui connaît de quoi il parle. Alors, je me permets de vous rappeler ce que disait le député d'Abitibi-Ouest. Il n'est pas de notre formation politique, M. le Président, c'est le député d'Abitibi-Ouest, il y a 25 ans qu'il est élu et réélu régulièrement par ses électeurs. C'est un excellent député, c'est un excellent parlementaire. Je n'ai aucun problème sur ça. C'est quelqu'un réellement qui est respecté ici, dans cette Assemblée.

Alors, il avait six raisons à l'époque, le député d'Abitibi-Ouest, pour dire pourquoi. On aimerait l'entendre aujourd'hui pour dire pourquoi il était question d'appuyer cette question. Il faut se préoccuper du développement durable. Donc, pour lui, et la députée de Bonaventure l'a rappelé tout à l'heure, si on est en train de sabrer actuellement, comme vous êtes en train de le faire, dans la Régie de l'énergie, vous remettez en question toute cette question du développement durable. Et c'était la première priorité du député d'Abitibi-Ouest à l'époque, parce que, lui, il vient d'une région où justement les questions de l'environnement ont été importantes. Et il disait: Oui, la Régie de l'énergie va pouvoir faire en sorte que le développement de l'énergie se fasse d'une manière durable.

Deuxièmement, une société d'État... Je m'excuse, je ne fais strictement que lire et reprendre, parce que les arguments pour voter contre votre projet de loi, contre le projet de loi n° 116, ils ont été exprimés et par le député de Joliette et par le député d'Abitibi-Ouest, et il suffit seulement de retourner aux sources pour rechercher et pour comprendre pourquoi aujourd'hui il faut être contre le projet de loi n° 116. Deuxièmement, nous rappeler, à l'époque, en 1996, les raisons pourquoi lui, qui connaissait bien les questions énergétiques, disait: Il faut voter pour – à l'époque – la création de cette Régie. Une société d'État comme Hydro, qui est très importante dans le budget de l'État, a des préoccupations de dimension budgétaire. Mais, quand on a à fixer, M. le Président, une politique de tarification, un prix juste par rapport à la valeur d'un kilowatt d'électricité, ou d'un baril de pétrole, ou d'un réservoir de propane, parce qu'elle va toucher tous les secteurs énergétiques, la Régie – et il est bon qu'il en soit ainsi – sera le meilleur organisme pour fixer ces prix-là. Donc, ce que disait à l'époque le député d'Abitibi-Ouest, c'était de dire: Oui, compte tenu de la complexité de la situation, il est important qu'on ait une régie neutre pour être en mesure de fixer la tarification.

Troisièmement – il y en a six, M. le Président, et je pense que c'est très important – on ne peut, dans le futur, avoir une politique énergétique, avoir une Régie de l'énergie et avoir sectoriellement une espèce de visière latérale qui dit: Bien, nous, on est dans le domaine gazier. Autrement dit, la Régie de l'énergie, pour le député d'Abitibi-Ouest, à l'époque, c'était de dire: Il y a des arbitrages sur le plan énergétique qu'il faut faire. Et, vous le savez parfaitement, entre la production électricité, le gaz naturel, la biomasse, ou l'éolienne, ou les nouvelles énergies qui sont en train de sortir, il faut des arbitrages, et la Régie était l'organisme réellement pour faire ces arbitrages. Or, vous êtes en train, M. le Président, aujourd'hui, si on vote la loi n° 116 ... Et j'en appelle aujourd'hui aux députés ministériels qui, lorsqu'ils avaient créé cette Régie, l'avaient fait de bonne foi. Ils l'avaient fait en croyant réellement... ce qui fait que j'en appelle de vous rappeler ce que vous disiez à l'époque. Je pourrais continuer, M. le Président.

Quatrième point. Ce que je disais, c'est que dorénavant c'est la Régie qui va rendre des décisions par rapport à une juste tarification. Ce que disait à l'époque le député d'Abitibi-Ouest – je ne vous dirai pas tout ce qu'il disait – c'était que, pour avoir une tarification juste, il faut avoir un élément qui soit un organisme neutre en mesure de prendre la défense des consommateurs. C'était ça qu'on disait et qu'on a voulu faire lorsqu'on a créé la Régie de l'énergie. Et, tout à l'heure, M. le Président, je vous ai montré qu'on est en train complètement de mettre la hache dans ce projet-là.

Alors, je peux continuer, M. le Président. Et j'en ai comme ça, j'en ai 33 pages de discours... Non, non, mais, écoutez, ne riez pas, vous savez, à l'époque... Je vois certains députés ministériels, je ne fais, aujourd'hui, que me référer à vous. Je ne fais, aujourd'hui, que vous citer, je ne fais que rappeler ce que vous avez dit, ce que vous avez fait. Et je pense que, lorsque vous avez créé la Régie de l'énergie, vous répondiez à un besoin qui était un besoin réel dans la population, vous répondiez à un besoin qui était le besoin de table de concertation sur l'énergie, et nous vous avions appuyé à l'époque.

Aujourd'hui, qu'est-ce qu'il en est, M. le Président? Bien, si vous regardez le projet de loi n° 116, cette espèce de projet de loi qu'on a devant nous, on y distingue, dans les pouvoirs de la Régie... lorsqu'elle n'aura plus juridiction sur la dimension qui touchera les coûts de production, elle pourra seulement, lorsqu'elle aura à fixer le tarif juste, prendre en considération les coûts de transport. Non, mais il faut que vous compreniez, M. le Président, ça a l'air... Bon, pourquoi coûts de production, coûts de transport? Ça veut dire qu'Hydro-Québec, lorsqu'elle aura fixé ce qu'ils appellent le tarif patrimonial, ça, à ce moment-là... C'est très drôle, c'est un mot amusant, mais enfin, lorsqu'on parlera du tarif patrimonial, qu'est-ce qui arrivera? C'est-à-dire que tout ce qui était la fixation du coût de production, du prix à la production va disparaître complètement de l'autorité de la Régie. Alors, la Régie n'aura simplement qu'à se regarder après et de dire: Oui, bon, on vous dit que c'est ça, le coût de production, alors le coût de transport, c'est ceci, et on pourra fixer le prix après. Je ne sais pas si vous comprenez.

D'abord, deux choses. Ça a été démontré avec beaucoup de brio par la députée de Bonaventure: à l'heure actuelle, c'est la production qui est bénéficiaire. Si vous regardez strictement les coûts de transport, vous êtes déficitaires. Logiquement, si vous êtes strictement en train de regarder les coûts de transport, vous devez augmenter les tarifs. Et c'est parce que vous êtes en train de balancer entre les coûts de production, sur lesquels vous êtes extrêmement bénéficiaires, et les coûts de transport, où vous êtes déficitaires, que vous arrivez à avoir un tarif équilibré. Mais vous dites: Un instant, non, vous avez seulement les coûts de transport. Les coûts de transport sont déficitaires, M. le Président, et vous le savez. La députée de Bonaventure vous l'a expliqué, les coûts de transport sont déficitaires. Donc, logiquement, si on applique cette loi-là, vous allez devoir augmenter les tarifs. C'est évident.

(22 heures)

Et vous comprenez, M. le Président, à quel point, à l'heure actuelle, on est en train de sombrer dans quelque chose de grave, parce que, je dirais, il y a des périodes où des consensus se font, et je dois dire qu'autour des questions hydroélectriques notre société s'est souvent soudée autour de ces questions hydroélectriques. Et, je dois vous dire, on ne va pas essayer, actuellement, de s'arracher les primautés entre René Lévesque, Robert Bourassa, le développement du Nord. Ça a été un effort collectif et une fierté qui justifie notre développement économique collectif. Et, en général, M. le Président, c'est par consensus, parce que, les ministériels ou l'opposition, nous avons les uns et les autres à coeur le développement du Québec que nous sommes arrivés souvent à nous entendre sur le développement de ces richesses importantes que sont les richesses hydrauliques.

M. le Président, non, je ne vous remettrai pas le débat sur le nucléaire, etc. Vous avez fait des erreurs, dans le temps, mais enfin, oublions-le, ce n'est pas le but ici de jeter la pierre à personne. En général, il y a eu des grands consensus. Et, comprenez-moi bien, M. le Président, c'est à cause de ce consensus qu'on avait établi dans la société qu'on était arrivé, en 1996, après le résultat de cette table de concertation sur l'énergie, à dire: Il faut un organisme neutre, un organisme qui ne soit pas lié aux partis politiques et aux parlementaires pour, disons, normaliser, s'assurer que le développement de l'hydroélectrique se fasse sur des bases de développement durable et surtout fixer les justes tarifs. C'était ça, la base même de la Régie.

Alors, aujourd'hui, parce que... bon, pour beaucoup de raisons bien sûr Hydro-Québec verse beaucoup d'argent au gouvernement, je n'ai pas besoin de vous le dire, là. Les dividendes versés en 1999, c'était 450 millions de dollars sur des profits de 900 millions de dollars. Je peux vous le donner ici, c'était les résultats, actuellement... le rapport d'Hydro-Québec. C'est beaucoup d'argent, M. le Président, je suis d'accord avec vous. Mais ce que, nous, on disait, ce que nous, et collectivement, les parlementaires... Et, à l'époque, ça vous incluait aussi, vous, les parlementaires, parce qu'une bonne partie des parlementaires étaient élus en 1996. Vous n'étiez pas tous ministres de l'Énergie ni premier ministre ni ministre des Finances, qui maintenant veulent complètement mettre la hache sur ce qu'on avait construit. Mais, à l'époque, de bonne foi, vous avez, comme nous, dans un consensus, créé cette Régie.

Et, M. le Président, aujourd'hui, je ne peux pas accepter qu'on va mettre... arrêter, pour des raisons bassement d'équilibre budgétaire ou pour augmenter, taxer indûment par la porte d'en arrière les Québécois qui sont déjà parmi les plus taxés, qu'on aille ici vouloir retirer le pouvoir de la Régie. M. le Président, c'est extrêmement grave, ce qu'on est en train de faire aujourd'hui.

Et j'implore, j'implore les parlementaires ministériels de se rappeler – et mon collègue de Châteauguay l'a rappelé – votre propre parti, vos propres militants, les gens qui vous ont élus, les gens qui sont vos soldats, ceux qui travaillent avec vous – ils ne sont pas d'accord avec nous – ils vous ont rappelé aussi que la Régie de l'énergie, ils y avaient cru. Eux aussi, ils y avaient cru, M. le Président. Ils y avaient cru et ils disaient: Ne mettez pas la hache là-dedans. Ne coupez pas la Régie de l'énergie. Et, moi, je vous dis: Écoutez donc – bien sûr – l'opposition, mais écoutez donc vos militants. Comprenez donc que le bon sens de ce que vous aviez construit en 1996 reste aussi ce qui est le bon sens, M. le Président, et abandonnez-moi cette loi n° 116 scélérate. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je voudrais faire motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous savez, M. le leader du gouvernement, j'ai besoin d'un consentement des deux partis pour accepter de votre part une motion d'ajournement, étant donné que vous avez déjà exercé votre droit de parole dans le cadre de ce débat. Alors, je crois qu'il y a un consensus pour...

M. Paradis: M. le Président, il s'agit d'une motion qui est quand même débattable, dans les circonstances. Nous renonçons à la débattre et nous consentons.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie beaucoup. Donc, la motion d'ajournement est adoptée. Et, M. le leader, pour la suite des choses.

M. Brassard: Je vous demande d'ajourner nos travaux jusqu'à mardi 30 mai, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée? Parce qu'il peut y avoir un débat sur celle-là aussi, hein. Alors, elle est adoptée? Très bien. Alors, nous ajournons jusqu'à mardi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 5)


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