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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, December 11, 2001 - Vol. 37 N° 69

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Alors, nous allons immédiatement débuter les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: ...M. le Président.

Projet de loi n° 66

Le Président: Bien. À l'article d du feuilleton, M. le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi présente le projet de loi n° 66, Loi modifiant la Loi sur les élections scolaires. M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les élections scolaires afin de préciser et de compléter les règles régissant le processus électoral applicable à l'élection des commissaires des commissions scolaires.

En premier lieu, le projet de loi fixe au premier dimanche de novembre, au lieu du troisième, la date de la tenue, à tous les quatre ans, du scrutin électoral scolaire. Il précise de plus les règles d'inéligibilité d'une personne à un poste de commissaire et réduit de 75 à 44 jours la durée de la période électorale.

Le projet de loi confie au Directeur général des élections le mandat de fournir aux commissions scolaires qui le lui demandent toute l'assistance dont elles ont besoin dans l'organisation et la tenue du scrutin électoral scolaire. Le projet lui accorde de plus le pouvoir de faire enquête sur l'application des règles relatives notamment au processus électoral, au financement des candidats et au contrôle des dépenses électorales.

Le projet de loi modifie les règles relatives à la révision de la liste électorale scolaire au cours de la période électorale, notamment en indiquant dans quels cas il y aura révision, en précisant le processus de révision et en prévoyant qu'il y aura communication des changements apportés à la liste entre les différentes commissions scolaires anglophones et francophones dont le territoire se recoupe en tout ou en partie.

Le projet de loi introduit des dispositions prévoyant le financement des candidats ainsi que le contrôle des dépenses électorales. C'est ainsi qu'il prévoit qu'un candidat qui désire solliciter ou recueillir des contributions et faire des dépenses concernant son élection devra obtenir une autorisation à cette fin. Le projet prévoit également que seul un électeur pourra faire une contribution et que celle-ci ne pourra dépasser 1 000 $ pour chacun des candidats autorisés. Le projet édicte de plus que seul un candidat autorisé pourra faire ou autoriser des dépenses électorales et que le montant de celles-ci sera limité. Le projet oblige également tout candidat autorisé à produire un rapport financier ainsi qu'un rapport de dépenses électorales, mais maintient le droit pour un candidat d'obtenir, à certaines conditions, un remboursement de ses dépenses électorales.

Le projet de loi modifie enfin la forme du bulletin de vote et prévoit que les commissions scolaires pourront faire l'essai de nouveaux mécanismes de votation conformément à une entente intervenue avec le ministre de l'Éducation et le Directeur général des élections.

Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi?

Des voix: ...

Le Président: Adopté. M. le leader, à nouveau.

M. Brassard: L'article e maintenant, M. le Président.

Projet de loi n° 70

Le Président: Bien. À l'article e du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la justice administrative relativement au renouvellement du mandat des membres du Tribunal administratif du Québec et à leur rémunération. Il introduit des dispositions semblables à l'égard des membres de la Commission des lésions professionnelles, de la Régie du logement et de la Commission des relations du travail.

Ce projet de loi vise également à introduire diverses mesures procédurales permettant de mieux encadrer le déroulement de l'instance devant le Tribunal administratif du Québec et de diminuer les délais.

Ce projet de loi propose enfin l'adoption de modifications de concordance omises lors de l'adoption de lois antérieures.

Mise aux voix

Le Président: Bien. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi?

Des voix: ...

Le Président: Bien, adopté. M. le leader du gouvernement. M. le leader.

M. Brassard: M. le Président, maintenant l'article g.

Projet de loi n° 207

Le Président: Bien. En rapport avec cet article, j'ai reçu du Directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 207, Loi modifiant la Loi constituant en corporation l'«Association d'hospitalisation du Québec». Le Directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport. Et, en conséquence, M. le député de Lotbinière présente le projet de loi d'intérêt privé n° 207, Loi modifiant la Loi constituant en corporation l'«Association d'hospitalisation du Québec».

Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée d'abord accepte d'être saisie du projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission
des finances publiques

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que la ministre des Finances et à l'Économie en soit membre.

Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Dépôt de documents

Le Président: Adopté. Au dépôt de documents maintenant, M. le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.

Message du lieutenant-gouverneur

M. Simard (Richelieu): M. le Président, un message du lieutenant-gouverneur signé de sa main.

Le Président: Bien. Alors, chers collègues, la lieutenant-gouverneur transmet à l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires n° 1 pour l'année financière se terminant le 31 mars prochain, 2002, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, et elle recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée. Et c'est signé: L'honorable Lise Thibault. Alors... M. le ministre, oui.

Crédits supplémentaires n° 1
pour l'année financière 2001-2002

M. Simard (Richelieu): Qu'il me soit permis de déposer les crédits supplémentaires n° 1 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2002.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission plénière

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour déférer les crédits supplémentaires 2001-2002 en commission plénière afin que l'Assemblée les étudie et les adopte conformément à l'article 289 du règlement.

Le Président: La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

n (10 h 10) n

Le Président: Adopté. Alors, toujours au dépôt de documents, maintenant, M. le ministre des Transports et ministre responsable de la Faune et des Parcs.

Rapport annuel de la Société
des établissements de plein air

M. Chevrette: M. le Président, je dépose le rapport annuel 2000 de la Société des établissements de plein air du Québec.

Le Président: Alors, le document est déposé. Mme la ministre d'État à la Famille et à l'Enfance.

Rapport annuel du ministère
de la Famille et de l'Enfance

Mme Goupil: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 2000-2001 du ministère de la Famille et de l'Enfance.

Le Président: Bien. Alors, ce document est déposé. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Document du Secrétariat
aux affaires intergouvernementales
canadiennes intitulé les Positions
du Québec dans les domaines constitutionnel
et intergouvernemental de 1936 à mars 2001

M. Facal: Oui. M. le Président, je dépose un ouvrage de référence produit par le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et intitulé les Positions du Québec dans les domaines constitutionnel et intergouvernemental de 1936 à mars 2001.

Le Président: Alors, ce document est déposé. Bien.

Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions maintenant, M. le Président de la commission des institutions et député de Portneuf.

Étude détaillée du projet de loi n° 180

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 2 et 4 octobre 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 180, Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d'assurer la protection des personnes. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de la commission des institutions est déposé. M. le Président de la commission de l'économie et du travail, maintenant, et député de Matane.

Étude détaillée du projet de loi n° 43

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 7 décembre dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 43 qui modifie la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. La commission a adopté le texte du projet de loi sans amendement.

Le Président: Bien. Alors, le rapport de la commission est déposé. M. le Président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.

Étude détaillée du projet de loi n° 56

M. Vallières: M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 29 novembre, 6 et 7 décembre 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur la Commission de la capitale nationale. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de commission est également déposé.

Avant de procéder à la période de questions et de réponses orales, je vous avise que nous allons tenir par la suite deux votes... Nous allons plutôt avoir... c'est ça, deux votes reportés: un sur la motion sans préavis du ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration proposant que l'Assemblée nationale souligne le 15ième anniversaire de l'adoption de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales; la seconde, la motion de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole qui propose de modifier le projet de loi n° 60, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.

Alors, nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales, mais auparavant M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, simplement une question d'information, M. le Président. Vous avez écrit au secrétaire général vendredi dernier, suite à la période de questions, à propos de l'incident qui impliquait le ministre de la Justice et la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, considérant que tout ne s'est pas déroulé suivant les règles qui sont généralement convenues au salon bleu. Je veux simplement savoir de la présidence si vous avez obtenu des réponses satisfaisantes aux questions que vous avez adressées.

Le Président: J'ai déjà indiqué, je pense même publiquement, que, après vérifications que j'ai moi-même faites, effectivement, la caméra... donc que les gens qui avaient le contrôle de la caméra n'ont pas à ce moment-là respecté les règles qui sont en vigueur à l'Assemblée nationale. Pour la suite des choses, j'ai demandé au secrétaire général de faire le nécessaire pour qu'une directive soit émise afin que dorénavant les règles soient utilisées, respectées scrupuleusement. Bien. Alors, nous allons... M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vois que le leader de l'opposition a copie de la lettre que vous adressez au secrétaire général, ce qui n'est pas mon cas.

M. Paradis: Je peux peut-être dépanner la présidence, M. le Président. J'ai reçu copie de la lettre par l'intermédiaire du député de Chomedey, qui est mentionné dans la lettre; c'est à lui que la copie a été acheminée.

Le Président: En fait, si je me rappelle bien, la réponse a été, en fait, la lettre a été envoyée au secrétaire général avec copie au député qui était intervenu pour poser la question d'information. Mais je pourrai faire parvenir aux deux leaders...

Questions et réponses orales

Bien. Nous allons aborder la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.

Actions envisagées pour répondre
aux besoins des personnes âgées

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci. Merci, M. le Président. M. le Président, le gouvernement a reçu deux rapports accablants dans l'espace de quelques jours au sujet de la situation des personnes âgées au Québec. Il y a eu le rapport du Vérificateur général du Québec qui fait grand état, M. le Président, du fait que le gouvernement avait entre les mains des recommandations qu'il a reçues il y a environ sept ans et pour lesquelles il n'a pas donné de suite ou presque pas. Et sept ans, M. le Président, là, c'est, avouons-le, là, assez long comme période de temps, là, pour qu'un gouvernement réagisse à une situation qu'il connaissait très bien.

À cela s'ajoute un rapport qui est encore plus accablant dont le titre, c'est L'exploitation des personnes âgées, un rapport rédigé par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et qui décrit en détail une situation qui est désolante au Québec et qui touche directement les personnes âgées.

Le gouvernement a eu des questions là-dessus la semaine dernière. L'opposition officielle a soulevé cette affaire-là, cette situation-là des personnes âgées au Québec à plusieurs reprises au cours des dernières années.

Moi, J'aimerais savoir de la part du premier ministre, ce matin, quelles instructions il a données à son ministre de la Santé et à son gouvernement pour que le gouvernement agisse et cesse de blâmer les autres et qu'on puisse traiter avec dignité les personnes âgées au Québec.

Le Président: M. le premier ministre

M. Bernard Landry

M. Landry: Alors, d'abord, je n'ai pas eu besoin de donner instruction, parce que, pour ce qui est du court terme, le ministre a réagi avec vigueur. D'ailleurs, il répondrait mieux que moi ce matin, puisqu'il est spécialisé dans ces questions, mais il est allé inaugurer un groupe de médecine familiale à Montréal, une de ses excellentes initiatives d'ailleurs, pour laquelle il faut plutôt lui rendre hommage.

Mais ça ne règle pas la question des personnes âgées. Comme tous les rapports le démontrent, au Canada comme au Québec d'ailleurs ? vous en avez eu encore, présentés hier ? nous assistons à un vieillissement de la population sans précédent. Le Québec a eu le record de l'espèce humaine pour la démographie galopante, et, par un retour du pendule, qui n'est pas unique au Québec, on est dans les plus bas, ce qui a un impact évidemment direct sur le nombre d'inactifs par rapport au nombre d'actifs et ce qui fait monter nos coûts d'une façon exorbitante et ce qui change aussi la culture sociétale par rapport aux personnes âgées.

Et dans le rapport que dénonce... qu'invoque le chef de l'opposition et qui dénonce certaines pratiques, il y a malheureusement des comportements privés. Certains de nos compatriotes, malheureusement, devant cette nouvelle vague de demandes de personnes âgées, à cause du vieillissement de la population, n'ont pas les comportements exemplaires que la tradition québécoise avait établis. La tradition québécoise, c'est qu'on s'occupait des personnes âgées souvent à leur domicile. Et cette tradition perdure d'ailleurs dans bien des cas, où les personnes âgées sont à leur domicile, sans aide ou avec aide, et qui se débrouillent beaucoup mieux. Mais ceux et celles qui n'ont pas de famille tombent souvent entre les mains de catégories de locateurs et de gens qui les abritent et qui n'ont aucune préparation culturelle à cette fin. Ce n'est jamais arrivé dans notre histoire qu'il y ait eu autant de personnes âgées.

Alors, ça a créé une situation grave que le ministre s'est empressé de dénoncer. Il y a fait face, il a nommé un commissaire et il fera encore plus avec les moyens dont nous disposons.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est loin d'être rassurant, ce que le premier ministre nous répond ce matin. D'ailleurs, j'ai un peu de difficulté à le suivre, là. Il parle de changement de culture. Je ne sais pas à quoi il veut en venir exactement eu égard à la société québécoise, là, ou les citoyens du Québec. Il avait entre les mains un rapport qui date d'il y a sept ans, avec des recommandations; son gouvernement a à peu près choisi de l'ignorer. La commission Clair, dans le rapport qu'ils ont publié il y a de cela déjà un bon moment, parlait d'assurer l'équité entre les régions, parlait d'un plan de rattrapage budgétaire à un niveau acceptable pour l'intensité des soins aux personnes âgées en CHSLD. Ça, c'est dans le rapport Clair. Il y a eu le rapport du Vérificateur général du Québec. On a le rapport maintenant de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Et, il y a environ un an, à l'Assemblée nationale du Québec, l'opposition déposait un rapport, cette fois rédigé par des gens qui travaillent dans des centres d'hébergement et de soins de longue durée de la région de Montréal. Et là il ne s'agit pas de soins privés, il s'agit de soins qui sont donnés en centre d'hébergement et de soins de longue durée qui sont directement sous votre responsabilité. Et, dans le rapport en question, ils font une description en détail de ce que ces gens-là vivent dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée qui sont sous votre autorité.

n (10 h 20) n

Et je vais vous en citer quelques extraits, parce qu'on l'a déjà cité à l'Assemblée nationale du Québec. C'est pour ça que je prends la peine de vous le relire à nouveau, parce qu'on ne peut pas dire aujourd'hui que vous ne le saviez pas. Et, dans la description de ce qu'on retrouve dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, sous la responsabilité du premier ministre actuel, voici ce qu'on nous dit: «Utiliser une culotte superabsorbante ou ajouter un pad à la culotte d'incontinence pour obtenir une meilleure absorption et diminuer la nécessité d'une tournée de change.» Ça, c'est la façon dont votre gouvernement a accepté qu'on traite les personnes âgées.

«Installer trois ou quatre bénéficiaires l'un à côté de l'autre pour les nourrir en même temps durant la période des repas. Profiter du fait qu'un résident soit sur la toilette pour le laver. Mélanger les aliments, potages et purées, pour gagner du temps.»

La liste est très longue, M. le Président. Le premier ministre le savait depuis très longtemps. Vous avez choisi de ne rien faire. Ce que je veux savoir, c'est: À partir d'aujourd'hui, pour l'avenir, quelles instructions allez-vous donner à votre ministre de la Santé et des Services sociaux pour qu'on n'accepte plus au Québec qu'on traite les personnes âgées de la façon dont vous l'avez toléré jusqu'à aujourd'hui?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Il y a dans la question du chef de l'opposition officielle des éléments d'une grossière inexactitude et, en plus, il y a du non-dit qui témoigne de la façon dont il juge le système de santé au Québec.

Commençons par le non-dit. Ça fait deux questions qu'il pose, là. Il y a eu un budget fédéral hier.

Des voix: Ah!

M. Landry: Comment se fait-il que le chef de l'opposition n'en a pas parlé? C'est un scandale d'Halifax à Vancouver, dénoncé par tous les premiers ministres. L'Ontario a fait de la publicité dans les journaux la semaine dernière. Nous en avons fait, en coopération avec eux d'ailleurs, parce qu'on a copié leur publicité, et elle était pourtant d'une clarté absolue.

On parle de santé? Oui, on parle de santé. Comment se fait-il que le ministre fédéral des Finances s'est levé hier, qu'il a fait son exposé budgétaire... Il sait tout ce que vous venez d'évoquer. Et ce que vous venez d'évoquer, c'est aussi commun en Ontario et dans les Maritimes, et pour les mêmes raisons. Parce qu'en même temps que la population vieillissait ? et ça rend la responsabilité fédérale double ? en même temps que la population vieillissait ? donc tout ça était à prévoir et à voir ? le gouvernement fédéral s'est lavé les mains et il a évacué de 50 % de contribution, à 0,14 $ dans 1 $.

Si le chef de l'opposition officielle avait la sincérité qu'il prétend avoir en matière de santé, n'aurait-il pas été décent qu'il fasse allusion à ce scandale qui est survenu hier à Ottawa?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée Marguerite-Bourgeoys, en question principale.

Poursuite du mandat
de dirigeants de sociétés d'État

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: En principale, M. le Président. On prenait connaissance hier, dans un article de La Presse, que le premier ministre s'apprête à ou remanier ou remercier plusieurs présidents de sociétés d'État. Pour la plupart, M. le Président, leur mandat est loin d'être terminé, loin de là. Dans le cas de Jean-Claude Scraire, il lui reste trois ans quatre mois; dans le cas de Gaétan Frigon, la Société des alcools du Québec, un an quatre mois; dans le cas du président d'Investissement-Québec, Louis Roquet, trois ans sept mois; dans le cas de Jean-Yves Gagnon, de la Société de l'assurance automobile du Québec, trois ans quatre mois; et, dans le cas de la Commission des normes du travail, Jean-Marc Boily, un an un mois.

Pourquoi le premier ministre essaie de faire porter les ratés de son gouvernement sur les épaules des dirigeants d'organismes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Premièrement, si l'opposition veut s'amuser à commenter cette espèce de rumeur, à faire cette espèce de spéculation, c'est son affaire. Moi, je vais me borner à réparer une injustice qui a été commise à l'occasion de ces rumeurs et de ces ragots, envers M. Jean-Claude Scraire, dirigeant de la Caisse de dépôt, dont j'ai fait l'éloge ici à plusieurs reprises. On n'a qu'à aller voir au Journal des débats. Et je vais la refaire, cette note, en me servant des fiches dont je me suis déjà servi d'ailleurs, avec quelques éléments nouveaux. Parce que c'est vraiment grave d'aller dire que nous désapprouvons la gestion de Jean-Claude Scraire.

J'ai beaucoup d'admiration pour Jean-Claude Scraire. Il a été nommé par un gouvernement du Parti québécois, et nous ne nous sommes pas trompés, et on devrait en être félicités. En 2000, la quasi-totalité des marchés boursiers étrangers ont perdu entre 10 et 30 % de leur valeur. Grâce à sa prudence, la Caisse de dépôt a dégagé, malgré tout, un rendement global de 6,2. La Caisse de dépôt et placement du Québec a été nommée meilleur gestionnaire de fonds de sa catégorie en Amérique, et c'est largement dû à la saine gestion de Jean-Claude Scraire, qui nous a rapporté des rendements exceptionnels, de un, et qui a déployé autour de la Caisse de dépôt ce qui aurait dû être fait depuis très longtemps: un réseau de filiales qui a investi dans l'économie et qui fait que l'économie du Québec aujourd'hui connaît le succès qu'elle connaît.

Alors, je remercie, puis j'espère que M. Scraire va être content aussi de cette intervention de l'opposition officielle, parce que ça permet de rétablir les choses et de réparer partiellement l'injustice qui est commise envers ce grand commis de l'État.

Le Président: Mme la députée.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le premier ministre est en train de confirmer qu'il va laisser tous ces gens, ces présidents de société, à leur poste jusqu'à la fin de leur mandat?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Je suis en train de confirmer que le gouvernement n'est pas ingrat et est capable de reconnaître les mérites de gestionnaires. Et je suis en train de confirmer que, si vous voulez vous amuser aux rumeurs, votre champ pour vous amuser est infini. Mais ça vous empêche de faire votre travail sérieux entre-temps.

Le Président: Mme la députée.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Ma question est très simple, M. le Président, en additionnelle: Je demande au premier ministre s'il est en train de nous confirmer que tous ces présidents de société vont demeurer en poste, puisqu'ils sont tous... ils ont tous été choisis ou renommés par lui et, par conséquent, sont manifestement tous compétents.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, par lui, c'est une faute juridique. Certains sont nommés par le gouvernement, par le Conseil des ministres. Alors, je comprends que vous êtes dans l'opposition, et vous y êtes pour longtemps, alors ça vous importe peu de savoir comment le gouvernement fonctionne. Vous n'avez pas besoin de vous former à cette discipline, c'est une expertise dont vous n'aurez aucun besoin.

Cela dit, je ne confirme ni n'infirme des rumeurs. Vous aimez ça, vous amuser avec des rumeurs, libre à vous. Mais vous ne servez ni le Québec ni même vos intérêts partisans. Le monde aimerait mieux vous entendre parler de choses réelles. Le chef de l'opposition se lève, il ne dit pas un mot du budget fédéral. Mais la critique se lève, commente des rumeurs. En voilà une opposition travaillante, une opposition productive!

Le Président: M. le député de Westmount? Saint-Louis, en question principale.

Rentabilité de projets d'investissement
de la Société des alcools du Québec

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Il y a deux ans, vous vous en souviendrez, le ministre des Finances de l'époque, qui est maintenant premier ministre, appuyait un projet qu'il qualifiait... qu'il chérissait beaucoup, c'était le musée du vin, à 8 millions de dollars l'espèce, le Taj Mahal n° 1. Le premier ministre d'aujourd'hui disait, à l'époque, que ce projet était pour être d'une rentabilité exemplaire, extraordinaire.

Le premier ministre de l'époque, M. Bouchard, plus...

Une voix: ...modeste.

M. Chagnon: ...plus modeste peut-être et surtout plus sérieux, dans le sens que, voulant protéger les argents qui pouvaient cette fois-là servir à justement aider des personnes âgées, aider des enfants, aider des malades, a justement fait en sorte de mettre sur la glace ce projet du Taj Mahal 1.

Or, ce projet est revenu au printemps, sous la forme d'un plus petit projet de 4,6 millions de dollars. La ministre des Finances, qui est toujours ministre des Finances, nous a dit que la taille du projet a été revue pour s'assurer justement de sa rentabilité. Elle nous avait alors, le 1er juin dernier, promis de nous envoyer toutes les études financières, le plan d'affaires et les études confirmant la rentabilité de ce projet. Nous sommes rendus le 11 décembre, et, oups! on a dû oublier, nous n'avons rien reçu confirmant le commencement du début de la rentabilité du projet du Taj Mahal 2.

Est-ce que la ministre pourrait enfin nous dévoiler ces études de rentabilité?

n(10 h 30)n

Le Président: Mme la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, c'est un peu étonnant d'entendre les questions de l'opposition ce matin, alors qu'à Ottawa on a déposé hier un budget qui n'en est pas un, qui est absolument décevant, inacceptable. Et il me semble que ça devrait être le moment privilégié pour qu'ici l'opposition dénonce l'attitude du gouvernement, alors qu'on fait de la démagogie, M. le Président!

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Rien pour les infrastructures, rien pour la santé, M. le Président. On nous annonce depuis des mois... Le ministre de la Santé expliquait, en réponse à une question, que, dans un document d'Ottawa, on avait établi en premier lieu, là, sur la première ligne du haut, lorsqu'on envoyait de l'information à la population, c'était la santé. Or, dans les faits: zéro sou, zéro sou pour les soins à la population!

Le député de Westmount?Saint-Louis s'inquiète d'un projet ? je croyais d'ailleurs que les documents lui avaient été envoyés, je vais m'assurer que ce soit le cas, M. le Président... Cela étant, il fait de la démagogie et il le sait. Le projet proposé par la Société des alcools du Québec, la SAQ, M. le Président, est un projet, oui, que nous voulons rentable, qui est un projet modeste, qui comprend une partie muséale. Et la ministre de la Culture m'indique que toutes les évaluations faites à ce jour louangent le projet pour sa qualité, M. le Président. Et, dans les faits, les investissements consentis seront rentables, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, il semble que la ministre des Finances ait rapidement oublié que le premier ministre, celui qui l'a nommée déjà ministre, M. Bouchard, se montrait satisfait, lui, des coupures qui étaient déjà faites au gouvernement fédéral dans le même domaine.

Mais, M. le Président, est-ce que la ministre, qui est si fière de sa rentabilité mais qui cache promptement ses documents, pourrait aussi ajouter toutes les études de faisabilité ou les études financières, le plan d'affaires, les études qui confirment la rentabilité du nouveau siège social que la Société des alcools s'apprête à construire sur la rue De Lorimier pour entre 15 et 20 millions de dollars ? il faut croire qu'on en a, de l'argent; vous vous plaignez beaucoup, mais, de l'argent, on en a pas mal ? 15 à 20 millions de dollars pour loger la dizaine de nouveaux vice-présidents que la Société des alcools s'est nommés depuis trois ans, peut-être aussi en même temps le local assez... le gymnase qui est à côté du bureau du président et qui concerne les équipements de mise en forme, et le tout, madame... le tout, M. le Président, le tout, le tout sur... le tout sur un terrain contaminé, le tout sur un terrain contaminé? J'aimerais avoir ces études le plus rapidement possible.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Dites n'importe quoi, il en restera toujours quelque chose. Un gymnase, M. le Président! Une petite pièce de quelques mètres carrés où on retrouve quelques équipements, M. le Président, on retrouve quelques équipements disponibles pour le personnel, M. le Président, là c'est devenu un gymnase.

J'ai demandé à la SAQ, je leur ai demandé de devancer leurs investissements pour qu'ils contribuent à l'amélioration de l'économie du Québec, à la création d'emplois au Québec, M. le Président. Et, à cet égard, la SAQ n'a pas attendu mes demandes pour me livrer des revenus trois fois ce qu'avait livré le parti de l'opposition lorsqu'il était au pouvoir et qu'il avait la responsabilité de la SAQ, M. le Président. C'est comme ça qu'on mesure la rentabilité d'une entreprise: ses rendements. C'est autant d'argent que je peux investir en santé, qu'on peut investir en éducation, qu'on peut investir dans les priorités du gouvernement du Québec.

Oui, il y a des investissements que la SAQ va faire. Ils sont justifiés, M. le Président. Ils ne sont pas luxueux. Ils rapportent dans tous les cas. Et, M. le Président, je vais continuer à appuyer cette Société qui a accompli sa tâche de façon exceptionnelle, remarquable. Et c'est ça qu'on devrait nous dire de l'autre côté. On devrait se réjouir de leurs résultats plutôt que d'essayer de la dénigrer à chaque fois qu'on se lève ici, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Je constate que l'ancienne ministre de la Santé défend mieux la SAQ que les personnes âgées.

Des voix: Bravo!

Le Président: Et, moi, je constate que vous ne posez pas votre question de façon réglementaire. M. le député.

M. Chagnon: Évidemment, M. le Président, je pourrais vous demander: «Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?», mais je ne le ferai pas.

M. le Président, est-ce que la ministre est consciente du fait que l'investissement qu'elle demande à la Société des alcools, qui est à la hauteur de 15 à 20 millions, pour agrandir son siège social est le fruit de décisions qui ont été prises par les administrateurs actuels de la Société des alcools qui ont triplé sinon quadruplé le nombre de vice-présidents et de cadres supérieurs dans cette Société? Et, quand madame nous parle du gymnase, le gymnase, cette salle d'exercice qui est absolument incontournable comme besoin chez ces hauts fonctionnaires, est-ce qu'elle sait que le terrain sur lequel on veut construire ce futur siège social est un terrain contaminé?

Et, deuxièmement, je lui rappelle que la Société des alcools, dans ses deux premiers exercices financiers cette année, a vu effectivement augmenter ses ventes, mais ses profits n'ont pas été là. Ses profits ont été presque nuls.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Bon. Alors, il s'enfonce, le député, selon moi, à mesure qu'il parle, mais il faut déterrer ça par couches successives. Dans sa première question, il a dit une chose fausse au sujet de mon prédécesseur, M. Lucien Bouchard. Mais le député de Westmount?Saint-Louis n'a aucune responsabilité là-dedans, il reprenait une fausseté qui avait été dite par son chef, son chef, le chef de l'opposition officielle, qui, par son rapport Charest, avait provoqué le départ de Bouchard du gouvernement conservateur. Il pourrait lui laisser la paix maintenant et, quand il cite, le citer convenablement.

Le 5 décembre 2001, le 6 décembre plutôt, le chef de l'opposition, prétendant citer Lucien Bouchard, a dit ceci en cette Chambre: Lucien Bouchard donnait raison au gouvernement fédéral de faire les coupures qu'il devait faire et affirmait que celui-ci avait eu raison de faire les coupures qu'il avait faites. C'est ce qu'il a dit puis c'est ce qui a inspiré votre fausse affirmation ce matin. Sauf que c'était...

Une voix: ...

M. Landry: Oui, je vais vous le démontrer, là, par a + b. C'était tronquer de façon incroyablement injuste la pensée de Lucien Bouchard, qui continuait... Alors, il aurait fallu que le chef de l'opposition, pour être juste, continue. Le premier ministre de l'époque avait poursuivi en ajoutant: «Mais, lorsque ce n'est plus une question d'atteindre le déficit zéro ? au moment où il parlait ? et qu'accumuler des surplus par des coupures draconiennes devient un moyen pour le gouvernement fédéral d'empiéter sur les juridictions provinciales, et qu'il les met de côté, bien, alors, cela devient absolument abusif et absolument inacceptable.»

Quand Lucien Bouchard était dans cette Chambre, il se défendait tout seul. Maintenant, quand vous allez l'attaquer indirectement, nous allons, par gratitude et par estime pour lui, le défendre à chaque fois.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que le premier ministre a pris connaissance, M. le Président, de l'ensemble des déclarations de son prédécesseur, M. Bouchard? Je vais lui relire ce qu'il avait dit. Pour vous donner la citation complète ? il en a donné une partie ? ce qu'il a dit, le mois de juillet 1998, c'est ceci, et je cite: «Et, moi, j'ai été de ceux qui ont été assez silencieux vis-à-vis des coupures fédérales du côté des transferts, parce que, moi aussi, je comprenais qu'il fallait que le fédéral supprime son déficit. Je le comprenais, je pensais que c'était une politique qui était correcte», fermez les guillemets, M. le Président. Alors, voilà la citation complète. Le premier ministre en a donné une partie.

Je tiens à préciser au premier ministre que j'ai fait un combat, moi, à ces coupures-là dès l'instant où elles étaient annoncées par le gouvernement fédéral, contrairement à lui puis contrairement à son prédécesseur. Mais, juste pour informer le premier ministre ? parce qu'il n'est pas toujours à date ou à jour dans ses abonnements dans les médias, on le sait, ça ? au mois de septembre 2000, alors que son prédécesseur concluait une entente dans le domaine de la santé avec Jean Chrétien, il déclarait sa satisfaction, à ce moment-là, de la signature d'une entente avec le premier ministre fédéral, et je cite, du Journal de Québec du 12 septembre 2000: «Le premier ministre Jean Chrétien n'a pu s'empêcher d'esquisser un sourire de satisfaction quand Lucien Bouchard l'a remercié personnellement de sa patience et son soutien au cours de sa brève allocution devant les membres de la presse», M. le Président, qui ont tous été témoins de la bonne déclaration de son prédécesseur.

Mais il y a mieux que ça, M. le Président, et je vais terminer là-dessus, parce que là je pense qu'il y a une différence fondamentale entre le premier ministre actuel et son prédécesseur: «Le premier ministre ? c'est toujours dans Le Journal de Québec, le 12 septembre ? Lucien Bouchard affirme avoir placé l'intérêt des patients avant la promotion de la souveraineté du Québec.» Est-ce que ce n'est pas ça, la différence entre lui et son prédécesseur?

n(10 h 40)n

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, oui, il y en aurait une, connexion entre santé et souveraineté. Si nous disposions de 100 % de notre assiette fiscale, on aurait exactement, cette année, 5 milliards de plus pour la santé. Vous devriez comprendre ça.

Les pays souverains comme l'Angleterre et la France, ils ne vont pas quêter à Bruxelles pour faire marcher leur Sécurité sociale ou le National Health Service. C'est ça qu'une nation responsable fait: elle paie des impôts et elle s'occupe de la santé. Et c'est ça qui est au coeur du projet de la souveraineté du Québec: que nous maîtrisions nos impôts et taxes.

Des voix: Bravo!

M. Landry: Non, mais... Non. Est-ce que l'Irlande... est-ce que l'Irlande, que le chef de l'opposition affectionne beaucoup, un petit pays admirable de 5 millions d'habitants, est-ce que l'Irlande enverrait la moitié de ses taxes ailleurs pour ne pas les ravoir pour s'occuper de la santé des Irlandais et des Irlandaises? Est-ce que l'Angleterre fait la même chose?

Alors, non seulement vous ne comprenez pas l'absurdité de la situation présente, mais vous voulez l'aggraver par votre proposition constitutionnelle inacceptable. Alors que le rapport Castonguay et toute la tradition québécoise depuis 1960 est à l'effet que le Québec doit être maître d'oeuvre de la santé, vous proposez la cogestion. Ce que nous avons le devoir de gérer, nous, ici, à l'Assemblée nationale du Québec, vous voulez le cogérer avec le gouvernement central et les autres provinces du Canada. C'est un recul inadmissible et ça aggraverait encore une situation très grave dans la santé. C'est ça, M. le Président, la réalité.

Et, en plus, bien, vous venez de recommettre la même faute. Moi aussi, 10 fois sinon 100, j'ai dit de Paul Martin, et du gouvernement fédéral, qu'il avait le devoir d'équilibrer ses finances publiques parce que ça nuisait à l'ensemble du Canada, y compris au Québec, parce que, comme citoyens québécois, nous avons à payer cette dette. Sauf qu'on a toujours dénoncé vigoureusement, ce que le chef de l'opposition aurait dû faire lui-même, que ces coupures fédérales se sont faites en enlevant de l'argent pour la santé à toutes les provinces, y compris au Québec. Et c'est exactement ce que Lucien Bouchard a dénoncé en disant: «Abusif et inacceptable». Je redis que le chef de l'opposition a travesti la pensée de son ancien collègue et ancien premier ministre du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, encore.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre a parlé de recul. On sait où il est, le recul. Le recul, le Vérificateur général du Québec en a parlé dans son rapport qu'il a publié la semaine dernière, alors que le Québec est au dernier rang des dépenses per capita. Ça, c'est son Vérificateur général du Québec qui l'affirme.

L'autre recul, M. le Président, il est pour les personnes âgées au Québec. Le vrai recul dont il devrait se préoccuper et dont il devrait parler, les instructions qu'il devrait donner, c'est par rapport aux personnes âgées du Québec. Je lui rappelle, M. le Président, les rapports qui ont été rendus publics, qui parlent de contention physique et chimique, de gavage de personnes âgées, le port obligatoire de culottes d'incontinence, les plaies de lit, les carences au niveau de l'hygiène.

Comment le premier ministre peut nous expliquer que sa ministre actuelle des Finances défendait, il n'y a pas très longtemps de cela, à l'Assemblée nationale, le fait qu'on donnait seulement un bain par semaine à des personnes âgées dans les centre d'hébergement de soins de longue durée, qu'elle défendait ça, et qu'aujourd'hui elle défend avec encore plus de vigueur des dépenses à la Société des alcools du Québec? Où sont vos priorités? Est-ce que c'est la souveraineté ou les personnes âgées?

Des voix: Bravo!

Le Président: Je voudrais, avant de céder la parole à Mme la vice-première ministre, rappeler peut-être une petite règle que certains de mes collègues semblent avoir oubliée. La présidence se lève, à l'égard des applaudissements, quand une intervention est terminée. Pendant une intervention, si des collègues de celui qui parle ou de celle qui parle applaudissent, le temps des applaudissements est compté dans l'intervention. Alors, j'aimerais pouvoir présider en toute tranquillité, en n'ayant pas l'impression de heurter à chaque fois un groupe parlementaire parce que j'applique une règle que j'applique depuis six ans et demi.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. J'aimerais entendre le chef de l'opposition avec le même ton se tourner vers Ottawa, vers M. Martin, et lui demander ce qu'il a fait, lui, pour les personnes âgées du Québec, ce qu'il a fait pour les malades qui attendent sur des listes, M. le Président. Rien, zéro, M. le Président, avec notre argent. Non, il nous a coupé des fonds dans les transferts. Il nous laisse démunis avec la moitié des moyens, M. le Président, dont nous disposons et que nous utilisons au mieux.

Nous avons chaque année rehaussé l'aide aux personnes âgées. Nous avons rénové, remis aux normes, amélioré les milieux de vie des personnes âgées. Des dizaines de centres d'hébergement et de soins de longue durée ont été corrigés en ce sens-là. On a investi dans les équipements, on a investi dans la formation, M. le Président. Je n'ai jamais dit d'ailleurs, M. le Président, que c'était acceptable, certains traitements que l'on faisait aux personnes âgées. Personne ici n'a jamais dit ça. On travaille à les corriger, M. le Président.

Et le chef de l'opposition, s'il voulait vraiment nous aider, devrait avec nous se tourner vers Ottawa et dire, d'ailleurs sa députée l'a dit tellement timidement hier, M. le Président, et dire: C'est inacceptable, inadmissible, ce que vous avez fait à l'égard des soins de santé. Et, quand le chef de l'opposition nous dit qu'au Québec on met moins d'argent per capita, peut-être qu'il devrait refaire quelques petits calculs et se rappeler qu'en Alberta, que dans les Maritimes on paie les infirmières, on paie les médecins 10, 15, 20, 25 % de plus que ce que l'on paie ici, au Québec. Quand vous dégonflez de ces sommes, nous versons les mêmes montants...

Des voix: ...

Mme Marois: ... ? attention ? nous versons les mêmes montants aux personnes âgées, à d'autres soins que... qui se versent en termes de services au per capita à la population québécoise, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Avenir du régime d'assurance médicaments

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. On devrait recevoir, si j'ai bien compris, cet après-midi ? au moins le ministre, on espère que ça va être rendu public pour tout le monde ? le rapport Montmarquette sur l'assurance médicaments. Le ministre de la Santé soutient depuis quelque temps qu'il y a quelques hypothèses qui sont envisagées, des hypothèses très rassurantes: en fonction de la première, c'est la population qui va financer le fiasco du gouvernement; en fonction de la deuxième, c'est la population qui va financer le fiasco du gouvernement; en fonction de la troisième, c'est la population qui va financer le fiasco du gouvernement. Il y en a une quatrième qui est encore plus intéressante: on est dans un régime qui est complètement planté, mais on va à l'étendre à tout le monde.

Ma question au premier ministre, elle est relativement simple: Est-ce qu'on croit comprendre, maintenant qu'il y a eu toutes ces études, que tout ce brasse-camarades, que toutes ces consultations pour préparer le terrain, pour justifier le fait que c'est des fortunes supplémentaires que les citoyens du Québec vont devoir sortir de leurs poches pour financer le fiasco du gouvernement... Est-ce qu'il peut nous dire: Est-ce qu'il, au minimum, exclut l'hypothèse d'étendre ce régime à l'ensemble de la population?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je pense qu'il y a un mauvais choix de mots de la part du député de Rivière-du-Loup. Il a parlé de fiasco. Est-ce que c'est un fiasco que 1,5 million de personnes qui n'avaient aucune couverture pour les médicaments avant en aient une maintenant, aujourd'hui? Ce n'est pas un fiasco. C'est un immense succès. Et le gouvernement progressiste qui a mis de l'avant ce régime qui est le meilleur au Canada espère de toutes ses forces le maintenir et l'améliorer. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons ce débat de société qui est nécessaire.

Il ne faut pas parler au passé des études, là, le rapport Montmarquette, nous allons l'avoir. On dit le plus grand bien de ce rapport, et il devra être commenté sans passion dans tous les éléments de notre société. Le gouvernement croit que nous devons garder ce régime, encore une fois, et l'améliorer. Mais, si nous voulons garder ce régime et l'améliorer, devant l'explosion des coûts des médicaments qui est une des problématiques, plus le vieillissement de la population qui est une autre, il faudra lui faire des aménagements. Et les experts qui l'ont conçu... Claude Castonguay lui-même a fait une série de propositions dans des articles dans les journaux dernièrement. Ça va s'ajouter à l'excellente réflexion Montmarquette, et le gouvernement avisera.

n(10 h 50)n

Mais ce que le ministre a dit... Et c'est dommage qu'on fasse porter tellement de questions sur la santé alors qu'on savait qu'il était absent, puis il est absent pour faire son devoir d'État, là, d'aller lancer des groupes de médecine familiale. C'est dommage. J'espère que vous reposerez ces questions demain. Mais d'ores et déjà chaque citoyen et citoyenne responsable du Québec doit se pencher sur cette question de notre régime de médicaments. Selon le gouvernement, il faut le sauver. Mais il faut que ce soit une oeuvre collective, une oeuvre de solidarité et une oeuvre consentie dans la générosité.

Le Président: M. le député.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Comment le premier ministre peut parler d'un succès alors que ceux qui l'ont mis en place... L'ancien ministre de la Santé nous répondait à l'Assemblée, il y a quelques années à peine: 175 $ par personne, il n'y en a pas, de problème, il n'y en aura pas, d'augmentation spectaculaire; tout est planifié, tout est prévu. Le même ministre nous disait, le même ministre nous répondait en Chambre: La RAMQ va offrir l'assurance médicaments à un coût bien meilleur qu'aucune entreprise privée pourrait offrir, alors que, depuis ce temps-là, ça augmente. Ça a augmenté de plus de 100 %. C'est rendu à 385 $, et ça s'en va allègrement vers le 500 $, qui est chargé à des travailleurs autonomes, à des gens qui travaillent à contrat, à des gens qui ont de faibles revenus, qui ne sont jamais sûrs de leurs revenus et qui vont payer plus en assurance médicaments sur leur rapport d'impôts qu'en impôt lui-même.

Alors, ma question: Comment le ministre peut parler d'un succès avec un régime dont les coûts sont hors de contrôle et qui fait porter un fardeau énorme sur une partie de notre population?

Tant qu'à faire, je vais poser une deuxième question: Étant donné que ce monde-là finance largement des subventions aux compagnies pharmaceutiques, parce que son gouvernement refuse d'aller vers les médicaments génériques, est-ce qu'il ne devrait pas aussi s'attaquer à la réelle problématique de l'augmentation injustifiée du coût des médicaments puis de ne pas faire payer le monde qui ne sont pas les plus riches de la société pour des subventions aux compagnies pharmaceutiques?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Le député de Rivière-du-Loup, qui ne parle que d'argent, alors que c'est un élément important, mais autant que je sache il est père de famille, comme plusieurs d'entre nous sommes parents et grands-parents, comment peut-il ne pas considérer comme un succès le fait que 300 000 enfants n'avaient pas de couverture et en ont aujourd'hui, que plus de 1 million de personnes, enfants ou adultes, n'avaient aucune couverture et en ont aujourd'hui? Qu'est-ce qu'ils faisaient avant? Ils se saignaient à blanc. Il y a des médicaments très chers. Ils étaient victimes de l'injustice de la maladie, qui est une des composantes de la condition humaine, puis en plus étaient victimes de l'injustice d'un État qui n'avait pas une couverture convenable pour les médicaments. Aujourd'hui, le Québec a la meilleure au Canada.

Cela dit, dans les facteurs qui rendent ces régimes difficiles à gérer, oui, il y a la hausse du coût des médicaments. Les génériques, là, attention, il y en a beaucoup, de génériques qui sont en vente. Vous avez vu la mésaventure générique à Ottawa, là, ce qui est passé la semaine dernière, il y a deux semaines, où le gouvernement du Canada s'est déshonoré par rapport à sa politique d'achat de médicaments? Ce n'est pas comme ça que ça marche ici, au Québec. Et il est vrai, il est vrai que notre gouvernement, il est vrai que notre gouvernement a soutenu la recherche et le développement en matière de médicaments. Mais qu'est-ce qu'on veut? On veut être encore à l'aspirine puis aux 222 ou on veut avoir les meilleurs médicaments du monde? On veut ça, puis on les veut aussi à des prix raisonnables, ce qu'on fait avec l'industrie, avec un travail acharné de part et d'autre.

Le Président: M. le député de Chapleau maintenant, en question principale.

Financement des maisons de jeunes

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. M. le Président, on a beaucoup entendu parler d'Ottawa ce matin, mais ce serait bon de savoir comment le gouvernement assume ses propres compétences. Et, à cet égard, justement on sait que le gouvernement a fait beaucoup de promesses lors du Sommet du Québec et de la jeunesse qui a été tenu ici même, à Québec, en février dernier, et que, depuis ce temps, le gouvernement essaie par différentes façons de trouver des raisons, des prétextes, devrais-je dire, pour ne pas respecter ses engagements. Invoquant la présente récession économique, le premier ministre s'est même permis récemment de traiter les jeunes du Québec d'enfants gâtés.

Eh bien, M. le Président, depuis le mois de février 2001, deux lettres ont été envoyées aux différents responsables qui se sont succédé au poste de ministre délégué à la Protection de la jeunesse. Par ces lettres, deux organismes de la ville de Gatineau, soit Ado jeunes et La Pointe aux Jeunes, qui offrent des services aux jeunes en détresse, demandent au gouvernement tout simplement de respecter ses engagements, à savoir d'augmenter de 10 000 $ le financement annuel accordé aux maisons de jeunes recevant de 10 000 à 75 000 $ par année. M. le Président, les deux lettres sont demeurées sans réponse et les deux groupes n'ont même pas eu droit à un accusé de réception.

Ma question s'adresse à la ministre donc responsable de la Protection de la jeunesse: La ministre peut-elle aujourd'hui s'engager à faire en sorte que son gouvernement honore ses engagements qui ont été pris il y a maintenant plus de 10 mois auprès de la jeunesse québécoise et honore ces engagements-là dans les plus brefs délais?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, je suis fort étonnée de la question du député, puisque l'année dernière il y a eu effectivement des investissements majeurs dans les maisons de jeunes. Je crois qu'on a eu un rehaussement, de mémoire, M. le Président, un rehaussement d'environ 10 000 $ dans les maisons de jeunes qui étaient des maisons de jeunes reconnues dans les régies régionales, par le biais des régies régionales. Alors, je suis fort étonnée de la question. Il y a eu l'année dernière des investissements importants dans la jeunesse du Québec, en sus évidemment de tous les investissements que nous avons faits et de tous les développements qu'il y a eu dans tout le secteur jeunesse.

Alors, quand nous recevons du courrier, nous envoyons des accusés de réception, M. le Président. Alors, je verrai à voir... S'il y a manque de contact avec ces maisons de jeunes, s'il y a besoin de plus d'information, je verrai à voir à ce que le ministère les contacte, et on aura une discussion avec eux.

Le Président: M. le député.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, est-ce que la ministre réalise que ma question vise une situation un petit peu plus générale que la seule question d'Ado jeunes et La Pointe aux Jeunes, et c'est tout le problème des maisons de jeunes qui ont plusieurs points de services? Ces maisons de jeunes là, parfois, ont un budget total qui dépasse 75 000 $, mais chaque point de services néanmoins a un budget de moins de 75 000 $. Si vous considérez donc le budget de chaque point de services, vous êtes censée offrir les 10 000 $ additionnels pour chaque point de services à la maison de jeunes en question. Si vous considérez le budget global, à ce moment-là, ces maisons de jeunes là qui ont plusieurs points de services, comme c'est le cas dans ma circonscription, sont pénalisées par rapport aux autres.

Je vais donc vous dire: Quel est votre choix et quelle attitude vous entendez adopter pour favoriser au maximum, favoriser au maximum les maisons de jeunes au Québec, et particulièrement dans mon comté?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, je comprends que le député est un bon défenseur de ce comté; il vient de me demander de favoriser les maisons de jeunes dans son comté. Peut-être que les mots lui ont échappé. Mais j'ai bien dit, M. le Président, qu'il y a eu des investissements l'année dernière dans les maisons de jeunes et qu'au fur et à mesure que nous développons de la marge de manoeuvre en santé nous favorisons ? et j'ai particulièrement, particulièrement travaillé très fort dans le secteur jeunesse cette année ? nous favorisons les investissements dans le secteur jeunesse.

Et, d'ailleurs, dans tous les investissements que nous avons faits récemment, quel que soit le secteur, je pense aux investissements en déficience intellectuelle, déficience physique, tout récents, nous ciblons des enfants; des investissements dans le secteur jeunesse et CLSC, nous ciblons les enfants. Alors, M. le Président, mon intention: oui, au fur et à mesure que nous avons de la marge de manoeuvre interne, puisque, à l'externe, à Ottawa, on a zéro dollar, au fur et à mesure qu'à l'intérieur des budgets gouvernementaux nous déplaçons des sommes, nous investissons dans le secteur jeunesse. C'est là mon intention encore, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin maintenant, en question principale.

Maintien de l'équilibre budgétaire

M. Pierre Marsan

M. Marsan: Oui. M. le Président, dans les crédits supplémentaires déposés ce matin, nous apprenons que l'écart entre le montant des crédits supplémentaires et le relèvement annoncé des dépenses de programmes sera compensé par des dépenses moins élevées que prévu dans l'ensemble des autres programmes.

Le président du Conseil du trésor est-il en train de nous dire qu'encore une fois cette année il y aura des coupures, des compressions? Et, par souci de transparence, est-ce qu'il peut nous dire dans quels ministères?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): Eh bien, en quelques minutes, le critique de l'opposition a fait sa lecture des crédits supplémentaires. Mais, malheureusement, nous aurons l'occasion au cours des prochaines heures de corriger tout ça. Mais je vais quand même lui donner une petite... je vais quand même...

Des voix: ...

n(11 heures)n

Le Président: M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Oui. M. le Président, on aura l'occasion au cours des prochaines heures de préciser ces choses. Mais quelques indications au critique de l'opposition qui est curieux ce matin de savoir comment nous allons arriver à l'équilibre budgétaire en ayant ces crédits supplémentaires. Il y a 123 millions des sommes concernées qui sont immédiatement dues au fait que les taux d'intérêt sont beaucoup moins élevés cette année, et il y a 154 millions de diverses mesures mécaniques, de crédits périmés, de provisions pour créances douteuses, qui n'auront pas lieu. Alors, M. le Président, nous aurons l'occasion, pendant quelques heures, de détailler exactement comment nous nous assurons que les sommes prévues soient présentes sans avoir à faire de compressions dans les différents ministères.

Le Président: Bien. Cela complète pour aujourd'hui la période de questions et de réponses orales.

Votes reportés

Motion proposant de souligner l'anniversaire
de l'adoption de la Déclaration sur les relations
interethniques et interraciales

Je vous rappelle que nous avons deux votes reportés actuellement. Alors, nous allons d'abord procéder au vote sur la motion sans préavis présentée par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 15e anniversaire de l'adoption de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Landry (Verchères), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Marois (Taillon), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Cliche (Vimont), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Julien (Trois-Rivières), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Portneuf), M. Legendre (Blainville), Mme Maltais (Taschereau), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Boisclair (Gouin), M. Morin (Nicolet-Yamaska), Mme Lemieux (Bourget), Mme Goupil (Lévis), M. Legault (Rousseau), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), Mme Papineau (Prévost), M. Boucher (Johnson), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), Mme Caron (Terrebonne), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Simard (Montmorency), M. Lachance (Bellechasse), Mme Charest (Rimouski), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Beaumier (Champlain), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Laprise (Roberval), M. Geoffrion (La Prairie), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé), M. Duguay (Duplessis), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Boulianne (Frontenac), M. Côté (Dubuc), M. Bergeron (Iberville), M. Labbé (Masson).

M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), Mme Rochefort (Mercier), M. Gobé (LaFontaine), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), Mme Beauchamp (Sauvé), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), Mme Boulet (Laviolette), M. Marcoux (Vaudreuil), Mme Gauthier (Jonquière), M. Cholette (Hull).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Est-ce qu'il y a des députés contre cette motion? Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 109

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est adoptée à l'unanimité.

Adoption du principe du projet de loi n° 60

Maintenant, nous allons procéder au vote sur la motion qui propose l'adoption de principe du projet de loi n° 60, qui est la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Alors, que les députés en faveur de cette motion...

Des voix: Même vote.

Le Président: Il semble que ce ne sera pas le cas, M. le leader du gouvernement.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Landry (Verchères), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Marois (Taillon), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Cliche (Vimont), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Julien (Trois-Rivières), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Portneuf), M. Legendre (Blainville), Mme Maltais (Taschereau), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Boisclair (Gouin), M. Morin (Nicolet-Yamaska), Mme Lemieux (Bourget), Mme Goupil (Lévis), M. Legault (Rousseau), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), Mme Papineau (Prévost), M. Boucher (Johnson), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), Mme Caron (Terrebonne), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Simard (Montmorency), M. Lachance (Bellechasse), Mme Charest (Rimouski), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Beaumier (Champlain), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Laprise (Roberval), M. Geoffrion (La Prairie), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé), M. Duguay (Duplessis), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Boulianne (Frontenac), M. Côté (Dubuc), M. Bergeron (Iberville), M. Labbé (Masson).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), Mme Rochefort (Mercier), M. Gobé (LaFontaine), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount? Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), Mme Beauchamp (Sauvé), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), Mme Boulet (Laviolette), M. Marcoux (Vaudreuil), Mme Gauthier (Jonquière), M. Cholette (Hull),

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 64

Contre: 45

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 60 est adopté.

Nous allons maintenant aller aux motions sans préavis. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Arseneau: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale...»

n(11 h 10)n

Le Président: M. le ministre, si vous voulez bien, on va attendre quelques instants. Alors, rapidement, si les collègues qui doivent quitter la salle peuvent le faire rapidement...

M. le ministre, juste avant d'aller aux motions sans préavis, je crois que la leader adjointe du gouvernement avait une motion de renvoi à faire, je crois.

Renvoi à la commission
de l'aménagement du territoire

Mme Carrier-Perreault: Écoutez, alors je ferais motion pour que le projet de loi n° 60 soit appelé en commission, la commission ? excusez-moi; un instant, M. le Président, j'ai un blanc de mémoire ? la commission de l'aménagement du territoire, c'est ça, et que, bien sûr, la ministre responsable de ce projet de loi soit membre de la commission pour l'occasion.

Motions sans préavis

Le Président: Adopté. Très bien. Alors, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation maintenant, sur votre motion sans préavis.

Féliciter les gagnants du concours Jeunes
agriculteurs d'élite du Canada

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Les agriculteurs et agricultrices du Québec apprécient aussi le calme. Je sollicite donc le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite Gilbert Beaulieu et Johanne Dubé, de la ferme Filiber, à Petit-Matane, qui se sont mérité le titre de Jeunes Agriculteurs d'élite 2001 samedi soir dernier, à Saint-Hyacinthe.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Mme Carrier-Perreault: ...sans débat.

Le Président: M. le leader.

M. Paradis: M. le Président, je vois le ministre de l'Agriculture qui a fait ses recherches de façon exhaustive et qui a préparé minutieusement quelques notes dont il voudrait faire bénéficier l'ensemble des membres de cette honorable Assemblée. Le député d'Argenteuil, quant à lui, a travaillé aussi consciencieusement que le ministre de l'Agriculture. De notre côté, nous ne souhaitons pas bâillonner le député d'Argenteuil. J'invite donc Mme la leader adjointe du gouvernement à ne pas bâillonner le ministre de l'Agriculture dans un cas qu'on n'aborde pas assez souvent à l'Assemblée nationale du Québec, les jeunes agriculteurs. Je sais que les gens vont vous en tenir rigueur si jamais vous décidiez de bâillonner votre ministre.

Mme Carrier-Perreault: M. le Président, le ministre était présent aussi samedi soir. J'imagine que le député d'Argenteuil aussi. En tout cas, de toute façon, le message est passé, donc il y a consentement que ce soit adopté sans débat.

Mise aux voix

Le Président: Bien. Adoption sans débat. Très bien. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement... Ah! une autre motion sans préavis. Je m'excuse. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. Avec le consentement de la Chambre, j'aimerais que nous puissions présenter et débattre de la motion sans préavis suivante:

«En cette journée de solidarité organisée par la Société québécoise de l'autisme, que l'Assemblée nationale encourage le développement de l'expertise dans le traitement et le développement des soins aux personnes autistes, particulièrement dans la gestion des troubles de comportement, et qu'elle enjoigne le gouvernement d'améliorer les services en milieu familial.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Non, il n'y a pas de consentement. On a reçu la motion très tard, alors, ce matin. Selon les règles, qu'il la représente demain, M. le Président, on verra.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: La motion a été acheminée dès 9 heures ce matin. C'est aujourd'hui qu'a lieu la marche, là, par respect pour ces personnes. Et j'insiste également auprès de ma collègue la leader adjointe du gouvernement à l'effet que le chef de l'opposition souhaiterait également s'exprimer quelques minutes sur cette importante motion. On sait que c'est un sujet qui lui tient à coeur, il revient périodiquement à la période de questions et il souhaiterait profiter de l'occasion...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Non, M. le Président, pas de consentement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Alors, cette motion sans préavis n'est pas retenue. Y a-t-il d'autres motions sans préavis?

Mme Carrier-Perreault: Oui, monsieur...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Procéder à des consultations particulières
concernant l'indemnisation des personnes
accidentées reconnues coupables
d'actes criminels

Mme Carrier-Perreault: Alors, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement élabore des pistes de solution à l'égard de l'indemnisation des personnes accidentées reconnues coupables d'actes criminels et qu'à cette fin elle entende la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse mardi 12 février 2002, de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Toujours au chapitre des motions sans préavis?

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons maintenant passer à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, s'il vous plaît.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 11, Loi constituant une réserve budgétaire pour l'affection d'excédents, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures. Et cette même commission procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi concernant La Financière du Québec, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 51, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail aujourd'hui, mardi, le 11 décembre 2001, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de compléter l'étude du huitième rapport sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Avis de sanction

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Honneur le lieutenant-gouverneur, aujourd'hui, à 14 heures. Alors, ceci termine les affaires courantes.

Affaires du jour

Nous allons maintenant débuter les affaires du jour, et j'inviterais Mme la leader adjointe du gouvernement à bien vouloir procéder.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Alors, je vous référerais donc à l'article 31.

Projet de loi n° 46

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 31 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie du vêtement. Alors, y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport de la commission de l'économie et du travail? Alors, je céderais la parole au député de Mont-Royal. M. le député.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Voici. Alors, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi n° 46, loi qui, comme vous venez de le dire, modifie diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie du vêtement.

Alors, M. le Président, pour comprendre ce projet de loi que nous propose le gouvernement du Parti québécois, il faut remonter assez loin. Il faut remonter en 1996. 1996, vous vous souviendrez que le gouvernement avait décidé de tenir un sommet sur l'économie et l'emploi auquel avaient été conviés les intervenants du milieu syndical, les intervenants du milieu patronal évidemment et aussi les intervenants gouvernementaux. Alors, durant ce Sommet, plusieurs décisions ont été entérinées, et une de celles-là, c'était que tous s'engageaient à revoir la réglementation au Québec, car, comme on le sait, M. le Président, la réglementation est fortement présente au Québec. Alors donc, on s'entendait pour dire qu'il est essentiel de revisiter tout l'aspect de la recommandation et particulièrement ce qu'il convenait d'appeler les différents décrets de convention collective qui étaient en vigueur. Il y en avait un extrêmement grand nombre.

n(11 h 20)n

Dans cette même foulée, suite justement au Sommet sur l'économie et l'emploi, avait été créé ce qu'on a appelé le Groupe conseil sur l'allégement réglementaire, et ce même Groupe conseil, qui a fait un travail, je pense, assez important et imposant, recommandait fortement au gouvernement justement encore une fois d'abolir les décrets, et ça, c'était quelques années après... environ en 1998, quelques années après ce Sommet sur l'économie et l'emploi dont j'ai parlé plus tôt, qui, lui, avait eu lieu en 1996. Alors donc, ce Groupe conseil décidait de recommander fortement au gouvernement d'abolir les décrets. Donc, c'est dans cette même veine, c'est dans cette orientation que s'applique ou arrive la loi n° 46.

Par contre, je dois admettre, M. le Président, que la prédécesseure du ministre du Travail, la députée de Bourget, la députée du Travail actuelle... la ministre, la députée de Bourget avait proposé justement dans cette même veine là le projet de loi n° 47. À ce moment-là, il portait le numéro 47. Ce projet de loi, justement, décidait de dire: Dans l'industrie du vêtement, il y a une partie de l'industrie du vêtement qui est soumise aux décrets et il y a une partie qui ne l'est pas, soumise aux décrets, et avait donc décidé d'éliminer les décrets pour la partie de l'industrie du vêtement qui donc était couverte par les décrets.

Je vous rappelle, M. le Président, que les décrets couvraient l'industrie de la chemise pour hommes et garçons. Le décret couvrait aussi l'industrie de la confection pour dames, celui de l'industrie de la confection pour hommes, et, finalement, le quatrième et dernier décret, c'était sur l'industrie du gant de cuir. Donc, je vous rappelle que la ministre du Travail précédant le ministre actuel avait décidé, donc, d'aller dans la veine du Sommet socioéconomique et aussi du Groupe conseil sur l'allégement réglementaire et avait décidé de proposer, dans son projet de loi n° 47, qu'on abandonne le décret pour ces quatre sections de l'industrie du vêtement. Et donc, à ce moment-là, ç'aurait été plus conforme avec l'ensemble de l'industrie du vêtement au Québec. Ça se serait conformé, ni plus ni moins, à la partie qui n'est pas soumise à aucun décret, qui compte pour à peu près la moitié du chiffre d'affaires de toute l'industrie du vêtement.

Et, à ce moment-là, quand la ministre du moment avait décidé d'aller de l'avant et de mettre en application... d'abandonner les décrets dans l'industrie du vêtement, l'industrie du vêtement elle-même s'était compromise, elle avait dit: Bien, écoutez, si on abandonne le décret de l'industrie du vêtement, ces quatre secteurs-là, on pourrait créer jusqu'à 8 000 emplois. Or, on sait que, bon, ça n'a pas eu lieu immédiatement, mais déjà il y a eu de nombreux emplois créés dans l'industrie du vêtement au cours des dernières années, partiellement évidemment grâce à la situation économique qui est extrêmement florissante en Amérique du Nord. Et on sait que l'industrie du vêtement du Québec est assez bien reconnue au niveau de la qualité de ce qu'ils produisent en Amérique du Nord. Alors donc, tout était mis en place pour justement abandonner le décret de l'industrie du vêtement. Il y avait eu, en 1996, ce Sommet sur l'économie et l'emploi, suivi du Groupe conseil sur l'allégement réglementaire en 1998, et la ministre du Travail d'alors, la députée de Bourget, avait donc décidé d'aller de l'avant et d'abolir, donc, ces quatre décrets. Et la date qu'elle avait précisée pour l'abolition de ces quatre décrets-là, c'était le 30 juin de l'an 2000, c'est-à-dire l'an passé, il y a environ un an et demi de ça. Donc, c'était un geste en avant et qui coïncidait avec l'orientation qu'on voulait se fixer au Québec et que le gouvernement du Parti québécois, je dois admettre, voulait se fixer.

Sauf que ce que la ministre avait dit à ce moment-là, c'est: O.K., on ne peut pas abandonner les décrets d'un seul coup, on ne peut pas faire ça d'une façon brutale, il faut donner la chance aux gens, des gens de l'industrie du vêtement, c'est-à-dire la partie patronale et la partie syndicale, de s'asseoir ensemble et de développer une entente ou des ententes qui seraient susceptibles de les régir dans l'avenir. Alors donc, on s'était donné une période de 18 mois, une période transitoire, qu'on a appelé une espèce de période tampon, où on permettait à cette industrie justement de s'asseoir et d'essayer de négocier, de s'entendre sur des conditions qui seraient appliquées maintenant dans cette industrie, industrie qui, comme vous le savez, M. le Président, est quand même fragile, fragile au niveau des emplois et fragile aussi en termes de possibilité de concurrencer sur une base nationale et même internationale. Alors donc, une période de 18 mois tampon.

À la fin de cette période-là, bon, au terme de cette période, le gouvernement se gardait toujours évidemment la possibilité de fixer de façon plus ou moins... de façon permanente, je m'excuse, des conditions minimales de travail pour les travailleuses de cette industrie. Parce qu'il faut vous rappeler, M. le Président, que c'est une industrie qui est surtout... qui utilise une main-d'oeuvre qui est à toutes fins pratiques presque exclusivement féminine, et donc cette période de transition s'avérait nécessaire.

Malheureusement, M. le Président, durant cette période de transition, les deux parties n'ont pas réussi à se rejoindre, c'est-à-dire ne se sont pas entendues sur une entente pour arriver justement à avoir une convention collective qui remplace ces fameux décrets. Je vous rappellerai d'ailleurs que, durant cette période-là, le rôle qu'auraient dû jouer le ministre du Travail et le gouvernement du Parti québécois, c'est justement de s'informer comment ça allait, ces négociations-là, si ça avançait ou si ça n'avançait pas. Mais non, ce qu'on a fait, c'est qu'on est resté assis et on n'a pas bougé, et, au bout de 18 mois, malheureusement, M. le Président, on est obligé de constater que ces gens-là, malheureusement, ne se sont pas entendus. C'est comme à peu près deux dialogues de sourds. Les demandes syndicales sont extrêmement élevées et les offres patronales sont extrêmement basses.

D'ailleurs, je vous rappellerai, M. le Président, que, lors du dépôt du projet de loi n° 47, auquel je référais tantôt, par la ministre du Travail précédant le ministre actuel, lors du dépôt du projet de loi n° 47, l'opposition libérale... Et en particulier le député de LaFontaine, que je vois ici présent en cette Chambre, avait mentionné qu'il était fort, à son avis, il était fort peu probable que les patrons et les syndicats de cette industrie arrivent à s'entendre. Alors donc, aujourd'hui, force est de constater que le député de LaFontaine avait, il y a deux ans, trois ans maintenant, entièrement raison de dire que, justement, cette industrie ou les patrons et les syndicats de cette industrie n'arriveraient pas à s'entendre.

Ce que je trouve de déplorable, M. le Président, dans cette situation, c'est qu'on n'a pas écouté le député de LaFontaine, qu'on n'a pas écouté l'opposition libérale qui disait que ça va être difficile que ces gens-là s'entendent. Et on aurait dû, à ce moment-là, intervenir dans le dossier préalablement pour essayer d'accélérer ou de faire accélérer, ce que le ministre va nous dire qu'il prévoit faire dans l'avenir. Alors, on aurait dû essayer d'accélérer ou de faire en sorte que ces gens-là puissent s'asseoir ensemble, aient une même vision, parce que, tantôt je vous le disais, c'est une industrie qui est précaire. Elle est précaire pour tout le monde. L'industrie ne peut pas être précaire juste pour les patrons. Elle ne peut pas être précaire juste pour les travailleuses. Elle est précaire pour tout le monde. Et, demain matin, M. le Président, ils vont faire face à une concurrence encore plus forte, concurrence internationale encore plus forte.

En commission parlementaire, les patrons sont venus nous dire qu'ils se préparent. Je ne sais pas comment ils font, mais ils disent qu'ils voient venir... qui va rentrer dans ce domaine-là, avec des salaires extrêmement bas et des conditions de travail qu'on ne peut pas accepter ici. Alors donc, il faudrait donner l'opportunité aux patrons justement d'investir dans cette industrie, d'investir dans leurs usines afin d'améliorer la productivité des travailleuses du domaine du vêtement, particulièrement les quatre secteurs dont on parle. Alors, c'est important, M. le Président.

On va donc continuer à maintenir ? parce que, le projet de loi, ce qu'il nous propose, c'est de reporter cette période transitoire ? alors on va donc maintenir cette espèce d'insécurité et du point de vue des patrons qui vont dire: Bien, on n'est pas pour investir, on ne sait pas ce qui va arriver dans 24 mois d'ici... Alors donc, à ce moment-là, M. le Président, en même temps qu'on maintient l'insécurité au niveau patronal, on maintient également l'insécurité au niveau des travailleurs, parce que ces deux choses-là sont intimement liées. On ne peut pas dire qu'on maintient juste l'insécurité à un des deux niveaux. C'est conséquent. Il va de soi que c'est et pour l'un et pour l'autre.

n(11 h 30)n

Alors donc, les patrons n'investiront pas parce qu'ils ne savent pas vers quoi ils vont déboucher dans 24 mois, et les employés vont évidemment être très inquiets de leur situation qu'on peut calculer, dans certains cas, en tout cas, de précaire.

Le ministre a eu une proposition, une proposition de la Commission des normes, et le ministre avait trois choix. Il avait trois choix. Il aurait pu décider... accepter les propositions qui lui ont été faites par la Commission des normes, c'était une alternative qui se présentait à lui. Il pouvait aussi décider de fixer lui-même les normes qui devraient s'appliquer, ou encore laisser la loi sur les normes prendre force, ou encore prolonger la période de transition. Alors, ce que je déplore, moi, c'est que le ministre est allé vers la voie de la facilité, il a, ce qu'on appelle souvent, pelleté en avant, c'est-à-dire qu'il n'a pas pris de décision alors qu'il avait eu des recommandations substantielles de la part de la Commission des normes, et ces recommandations pouvaient peut-être être discutables, mais rien ne l'empêchait de décider d'aller de l'avant. Alors, ces recommandations touchaient le salaire, les conditions de travail, les heures de travail, etc.

Donc, la Commission des normes a fait vraiment son travail et elle a dit: Voici ce que, nous autres, on propose sur chacun des six secteurs sur lesquels il devait s'asseoir et s'étendre et décider ou recommander au ministre. Alors, le ministre a décidé qu'il n'acceptait pas les recommandations. Puis je comprends que l'industrie était loin. Dans l'industrie, les patrons étaient assez loin des demandes syndicales, les offres patronales étaient assez loin. Sauf qu'il y a une chose qu'il faut remarquer, c'est que je pense que la Commission a été quand même assez ouverte et a très bien compris la précarité de cette industrie, et les propositions de la Commission s'approchaient plus, si vous me permettez, M. le Président, à la lecture, s'approchaient plus de la position patronale que de la position syndicale. Alors, le ministre a décidé, lui, qu'il restait assis sur la clôture et qu'il pelletait en avant.

Alors donc, on peut reprocher deux choses au gouvernement du Parti québécois. La première, c'est de ne pas avoir accepté et reconnu que les interventions du député de LaFontaine étaient justifiées, en ce sens que cette industrie, il y avait peu de chance qu'elle s'entende, premièrement, donc... Et ils sont partis puis ils ont dit: Bien, vous avez 18 mois pour vous organiser ensemble et développer une nouvelle convention collective. Alors, on n'a pas fait de suivi, on ne s'est pas assuré que justement le terrain soit fertile pour que ces gens-là puissent se rencontrer, puissent discuter et se rapprocher les uns des autres. Alors, premièrement. Ça, c'est la première étape.

La deuxième étape, c'est qu'on reporte de 24 mois. Mais j'ose espérer qu'en reportant de 24 mois le ministre va nous promettre que là il va s'impliquer et que son ministère va s'impliquer pour justement aider à favoriser qu'une entente... que les deux parties finissent par voir la même situation et finissent par arriver à une entente. D'ailleurs, le ministre, en commission parlementaire, nous a parlé... Il devait reporter de 30 mois ce délai de 18 mois, donc 48 mois en avant à partir de juillet 2000. Il a baissé ça ? et on l'en remercie, c'est une faible ouverture mais, quand même, une ouverture ? il a baissé ça à 24 mois. Alors, il reporte donc non plus de 30 mois mais de 24 mois et, bon, les articles tiennent compte de ça pour de la concordance. Alors, en reportant de 24 mois, ce que le ministre nous explique, les raisons pour lesquelles il reporte de 24 mois, c'est que le ministère de l'Industrie et du Commerce, conjointement avec le ministère du Travail, font ou feront, devrais-je dire, une étude pour l'ensemble des décrets, pour voir qu'est-ce que ça donne d'avoir des décrets versus ne pas en avoir.

Ce qui m'inquiète dans ça, M. le Président, c'est que, là, ce que le ministre d'aujourd'hui est en train de nous dire, c'est que sa prédécesseure, l'ancienne ministre du Travail, elle, était allée de l'avant sans nécessairement avoir ces études-là, puisque, si on nous parle que les études vont être faites dans l'avenir, durant cette période de 30 mois, alors donc, la députée de Bourget, ancienne ministre du Travail, avait... Pas 30 mois, excusez-moi, 24 mois, je me corrige. Durant donc ces 24 mois on va faire cette étude sur les décrets, qu'est-ce que ça donne, versus pas de décret. Alors, c'est donc dire que la ministre du Travail, anciennement, n'avait pas fait cette évaluation-là et donc s'était lancée tête première ? c'est-u ça qu'on est en train de nous dire? ? s'était lancée dans ce projet de loi pour abolir les décrets d'une façon purement frivole, sans données pour appuyer ses interventions.

Alors, M. le Président, on n'est pas contre. On n'est pas contre de permettre ? je veux bien que vous le compreniez ? aux gens de cette industrie-là de se rapprocher l'un et l'autre, patrons et syndicats. On est sûrement en faveur du fait qu'ils doivent avoir la même vision à long terme de leur industrie et où leur industrie s'en va. Sauf que, ce qui nous inquiète, c'est si on n'a pas fait là... ou si, du côté gouvernemental, on n'a pas fait le travail dans les 18 derniers mois, qu'est-ce qui nous prouve qu'on va le faire dans les 24 prochains mois?

Alors, M. le Président, encore une fois, on n'est pas contre, mais on veut souligner le fait que, si le ministre et son ministère ne s'impliquent pas personnellement, ce ne sera pas long que ça va rester dans la même situation et, dans 24 mois d'ici, on sera en face... devant la même situation, c'est-à-dire les patrons offriront peu par rapport à la position syndicale, et la position syndicale sera extrêmement élevée par rapport à la position patronale, et on devra... Qu'est-ce qu'on devra faire? On devra soit prendre une décision ou refaire, comme le ministre fait actuellement, c'est-à-dire repelleter encore en avant. Alors donc, il est important que les gens de cette industrie soient éclairés par le ministère du Travail, éclairés, si possible, aussi par l'étude dont on nous parle, comme je viens de parler, étude qui me surprend, parce que j'aurais pensé, moi, que la députée de Bourget, quand elle a déposé son projet de loi n° 47 dont je vous parlais plus tôt, elle aurait dû avoir des données qui lui disaient que c'était la bonne chose à faire. Alors, si je suis extrêmement surpris, ce que le ministre du Travail actuel est en train de nous dire, c'est qu'on ne les avait pas, ces études-là, puisqu'on va aller les faire, on va aller les faire conjointement avec le ministère d'Industrie et Commerce.

Alors, somme toute, M. le Président, on est favorable à ce report, mais, de grâce, on supplie le gouvernement, pour une fois, de s'impliquer personnellement et de travailler avec cette industrie précaire, qui le sera probablement encore plus dans les années à venir, pour faire en sorte que les gens voient la même situation et réussissent à s'entendre pour le plus grand bien et des entreprises qui y oeuvrent et surtout des travailleurs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Toujours sur le rapport de la commission de l'économie et du travail, je céderai maintenant la parole au député de LaFontaine. Alors, M. le député.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, en effet, lorsque je vois aujourd'hui le projet de loi n° 46, je ne peux m'empêcher de faire un rapide retour en arrière, car, il y a maintenant trois ans, en 1999, j'avais le privilège, comme porte-parole de l'opposition au ministère du Travail, eh bien, de travailler sur ce dossier-là particulièrement. Et, lorsque j'écoutais mon collègue le député de Mont-Royal faire un peu tout ce résumé de la situation, je ne peux que souscrire avec lui que le gouvernement a agi à cette époque-là comme nous le disions, comme nous l'avions prévu, mais surtout comme nous le mettions en garde, eh bien, M. le Président, sans raison vraiment valable, sans avoir fait d'études, sans s'être assuré que les gestes qu'il allait poser en abolissant les décrets étaient les gestes qu'il fallait poser. Et j'en ai là comme preuve, M. le Président, que les chiffres, et les chiffres parlent par eux-mêmes. M. le Président, depuis maintenant 18 mois, ou deux ans bientôt, nous avons les mêmes conditions de travail, les mêmes salaires, les mêmes réglementations envers les travailleuses de l'industrie du vêtement dans ces quatre décrets: la chemise pour homme, la confection pour femme, la confection pour homme, le gant et la confection pour enfant, M. le Président, eh bien, les mêmes conditions de travail, les mêmes salaires qu'il y avait au moment des décrets, parce qu'il y a une période de transition... eh bien, malgré ça, il s'est créé 15 000, au-delà de 15 000, et, je pense, 17 000 emplois dans cette industrie.

Alors, M. le Président, il n'est pas vrai que, à l'époque, cette manière de fonctionner ait été un frein puissant à la création d'emplois ou au développement de l'industrie. Simplement que le gouvernement avait décidé, dans sa période de sommets, qu'il fallait donner un exemple de déréglementation et on avait ciblé ces quatre groupes-là. Et ces quatre groupes-là, M. le Président, ce sont des travailleuses, ce sont des femmes qui sont réparties dans les régions, des travailleuses parmi les plus fragiles de notre société. Je me souviens, moi, les travailleuses sont venues ici, en commission parlementaire; elles ont témoigné devant les députés, elles ont expliqué c'est quoi qui était pour leur arriver, et à leur industrie aussi bien sûr, si le gouvernement allait de l'avant. Eh bien, M. le Président, le gouvernement est allé de l'avant, et on se rend compte aujourd'hui que ça a déstabilisé l'industrie, ça a déstabilisé ce secteur d'activité.

n(11 h 40)n

Et non seulement ça, maintenant ils veulent faire des études, des études que nous réclamions à l'époque, nous avons réclamé à cor et à cri des études: Démontrez-nous-le, trouvez-nous les études, arrivez avec des justifications. On avait tout cela, semble-t-il, mais on n'a jamais rien vu, M. le Président, et on a agi de force contre l'opposition qui disait: Attention, vous allez probablement créer des torts très importants à des travailleuses et à des travailleurs, mais surtout des travailleuses qui sont réparties dans des petites unités de fabrication, des petites entreprises, dans la Beauce, dans le comté de Bellechasse, dans l'Est de Montréal, M. le Président, dans certaines régions de l'Estrie. Des petites entreprises, on ne parle pas de grosses usines. Des gens qui avaient comme cadre de fonctionnement le décret.

Le décret, on se rappellera c'est quoi. Le décret, ça a été mis en place au début du siècle, M. le Président, par un Québécois, un évêque québécois, M. le Président, qui avait vu ce modèle en Europe, pour justement faire en sorte de permettre aux travailleurs et aux travailleuses de s'organiser à l'intérieur de certains champs d'activité sans être obligés de passer par la syndicalisation. C'était ça, au départ, les décrets, et ça a très bien servi dans beaucoup de domaines, certes depuis les années 1932, maintenant, où les derniers décrets avaient été mis, avaient été faits, M. le Président.

Le monde a évolué, la société a évolué, la manière de fonctionner a évolué, le commerce a évolué, il est devenu international, les fabrications sont devenues éclatées à travers le monde. Donc, il y avait lieu, M. le Président, certainement de revoir le fonctionnement de ce système, il y avait lieu de le réactualiser, de le moderniser, de le rendre plus... comme un cadre plus dynamique. Mais ça ne voulait pas dire mettre la hache là-dedans, sabrer et puis tasser les travailleuses de l'autre côté. Parce que, en même temps, n'oublions pas que, lorsqu'on coupe les travailleurs et les travailleuses quelque part, c'est bien beau dire: Ah! on va faire plus de profits quelque part. Mais ce n'est pas forcément vrai parce que qu'est-ce qui se produit dans ces cas-là? Une travailleuse qui est payée moins cher, qui n'est plus satisfaite du travail, eh bien, elle ne le fait plus, son travail.

Et, dans ces domaines-là en particulier, ça prend de la connaissance, ça prend de l'expérience professionnelle, ça prend du know-how. Pourquoi? Il est vrai qu'au Québec on crée des emplois dans la mode, on crée des emplois dans la confection, parce que, au Québec, les travailleuses québécoises sont les spécialistes, elle font un travail de très bonne qualité, elles font un travail de qualité supérieure à ce qui se passe à travers le monde. Il est vrai qu'en Asie il y en a qui le font aussi. Mais on pourra acheter quelque chose qui est fabriqué en Asie et quelque chose qui est fabriqué au Québec, vous allez voir toute une différence. Alors, nous, on n'est pas dans le bas de gamme au Québec. On est dans le moyen et haut de gamme. Et c'est là un créneau, une niche très intéressante, parce que ça rapporte une plus-value économique, parce que ça se vend à l'exportation. Il y a donc des retombées très importantes que, dans le bas de gamme, à peu près n'importe quel pays en voie de développement ou en développement est capable de faire de la confection de bas de gamme. On en trouve à bon marché à différents endroits. M. le Président, ça, c'est la richesse du Québec et les travailleuses québécoises de ce domaine.

Et là on nous a dit: Non, parce que, vous savez, on ne sera plus compétitif, ça ne marchera plus, il va y avoir une catastrophe, puis on s'engage à créer 8 000 emplois. Bien, ça n'a rien changé, puis de 8 000 emplois, il s'en est créé 17 000, et peut-être un peu plus maintenant. Alors, pourquoi le gouvernement s'est entêté? Pourquoi le gouvernement a tenu absolument à le faire? Parce que le ministre, qui est maintenant premier ministre, qui était à l'époque à Industrie et Commerce, le ministre Bernard Landry, premier ministre du Québec, eh bien, lui, il l'avait promis aux patrons pour montrer qu'il était dans une société pour leur faire plaisir, pour fonctionner avec eux. C'était l'époque où il fallait donner l'image d'un gouvernement qui fonctionne avec l'entreprise privée. Puis on a sacrifié ces gens-là. C'est les seuls qu'on a coupés d'ailleurs. On n'a pas baissé... on n'a pas changé l'article 45 du Code du travail. On n'a pas fait en sorte, M. le Président, de diminuer certaines contraintes syndicales. On n'a pas touché les planchers d'emploi dans les municipalités. On n'a rien fait de tout ça. Ça, ça aurait allégé le système, les relations de travail, ça aurait donné probablement de l'oxygène à nos entreprises québécoises, à nos municipalités pour mieux administrer puis avoir moins de dépenses. On n'a pas touché à ça. On est allé taper en plein sur un groupe de petites dames, hein, qui sont réparties partout, qui n'étaient pas organisées, peu organisées, on les a même décriées. On a laissé entendre que c'était peu productif, que c'étaient des mal administrés, qu'il y avait toutes sortes d'histoires qui se passaient dans ces comités, M. le Président, paritaires. Bien, c'est ces gens-là qu'on a ciblés parce que vous voulez donner l'exemple, la symbolique. Et ils ont arrêté après ça, hein. Ils ont arrêté. Le copain de la FTQ a dit: Aïe! touche à ces petites dames là, nous autres, elles ne sont pas syndiquées avec nous autres, ça ne dérange pas, mais touche pas à nous autres, touche pas à notre monde, à nous autres, sinon tu vas voir. Et ils ont arrêté.

Alors, aujourd'hui, on se rend compte que ce qu'on avait prévu est arrivé. D'abord, il n'y a rien qui a changé avec les conditions de travail qui sont encore en vigueur, premièrement. On a détruit, on a défait un système d'organisation du travail de concertation et de consultation avec les uns et les autres. On a touché à tout le système de formation professionnelle qui pouvait faire... parce que les comités paritaires avaient cette mission-là aussi, et on a défait, M. le Président, quelque chose qui fonctionnait, au Québec, relativement bien, mais qui devait malgré tout, comme je le disais, être modernisé, être refait et être actualisé.

Et là on nous arrive, on dit: Bon. Bien, voilà, on repasse un nouveau projet de loi et on demande un autre 30 mois parce qu'on n'a pas réussi à trouver la solution. Bien, oui, mais la solution, c'est quoi? Je vais vous la donner, la solution, moi. La solution, c'est qu'on prend les travailleuses ? la solution; ce n'est pas «ma» solution, mais c'est «la» solution en tenant compte de la philosophie du gouvernement ? puis c'est de réduire leur salaire de moitié. C'est à peu près ça, là. La solution, c'est de faire des femmes qui ont 25 ou 30 ans de travail dans ce domaine-là et qui, même si elles travaillent pour plusieurs employeurs à différentes périodes de leur vie, peuvent se permettre d'avoir une caisse de vacances, de congés, comme si elles avaient un seul employeur, ce qui leur permet, après 35 ans, d'avoir quatre semaines de vacances.

Mais la solution qui est proposée, c'est qu'on leur coupe ça: elles auront deux semaines comme tout le monde, elles perdent leur ancienneté. La voilà, la solution. Bien, c'est sûr qu'elles n'en veulent pas, ces femmes-là; puis elles ont raison de ne pas en vouloir. Je défie n'importe qui dans cette Chambre de vouloir enlever des avantages durement acquis à des travailleurs et des travailleuses, et même à nous autres, alors qu'on touche là des gens extrêmement qualifiés, des gens qui sont extrêmement expérimentés, puis on leur dit: Maintenant, on vous traite comme si vous n'aviez plus d'ancienneté, vous n'avez plus rien. Bien, ils ne voudront pas. Bien là, le gouvernement, il s'en rend compte, puis il repasse la loi, puis il fait le statu quo. Alors, il devrait...

Puis là ils vont faire une étude. Vous savez, quand ils font une étude... Puis je suis surpris que ce n'est pas Roger Nicolet qui fait l'étude. Vous allez voir, il va nous ressortir Roger Nicolet, à un moment donné. Il a fini sur les ponts à Montréal, bientôt, là, ils vont le mettre sur ça. Ça va faire sa cinquième ou sixième étude. Pendant ce temps-là, il fait une belle vie, lui, avec ça.

M. le Président, le gouvernement devrait se rendre compte qu'il a erré, il s'est trompé, qu'il n'est pas allé dans la bonne direction. Au lieu de dire qu'il va faire des études, il devrait très rapidement revoir dans quel cadre on peut faire fonctionner cette industrie-là, puis dans quel cadre on peut reconnaître que c'est une industrie qui est très particulière, qui est éclatée, qui travaille dans différents ateliers, dans différents endroits géographiques. Et, M. le Président, il aurait pu se rendre compte que, pour succéder aux décrets maintenant, hein, aux comités paritaires, bien ce sont les syndicats, et qu'en ce faisant, eh bien, il a fait en sorte de redonner tout un marché à la syndicalisation au Québec, dans lequel les syndicats étaient dans beaucoup de cas absents. Parce qu'ils n'avaient pas besoin d'être syndiqués, dans la majorité des cas; lorsqu'on a été dans un comité paritaire, ça se passait ensemble.

Alors, la preuve la plus totale, M. le Président, de l'amateurisme du ministre du Travail à l'époque. Je ne sais pas, le nouveau ministre, qu'est-ce qu'il va faire. Il a hérité du dossier. Je ne suis pas prêt à le blâmer, lui, mais il était au Conseil des ministres quand même, il devait le savoir. Ça s'est discuté au Conseil des ministres, j'espère, cette affaire-là, qu'on était pour sabrer les avantages sociaux, sabrer les conditions de travail, sabrer les salaires de ces travailleuses, puis qu'en même temps on déstabiliserait cette industrie-là, qu'on mettrait l'incertitude et puis que ça ferait un peu une situation difficile et pas tellement dynamique et progressive pour tous les intervenants qui oeuvrent là-dedans. Il devait le savoir. Bien, je souhaite, M. le Président, que le nouveau ministre fasse en sorte de mettre un terme à ça et trouve la solution pour les travailleurs et travailleuses...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le ministre, vous avez droit à une intervention de cinq minutes après chacun des intervenants.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, d'accord. Je vous mentionne tout simplement que, lorsqu'on travaille sur les rapports de commissions parlementaires, le ministre qui dépose a droit à une intervention de cinq minutes après chacun des intervenants. Alors, je vous l'offre. Alors, M. le ministre du Travail.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, merci, M. le Président. Je crois que tout a été dit deux fois plutôt qu'une au sujet de ce projet de loi, mais je vais utiliser le temps de réplique qui m'est accordé pour apporter certaines précisions à la suite des deux dernières interventions qu'on vient d'entendre.

Ce qui est arrivé il y a 18 mois, lorsque ma collègue qui occupait les fonctions de ministre du Travail à l'époque a accepté la proposition des parties, qui était à l'effet, en échange de l'abolition des décrets dans ce secteur du vêtement, de plutôt élaborer ce qu'on a appelé à l'époque un contrat social dont conviendraient les parties patronale et syndicale, qui tiendrait compte de la condition des travailleurs, des travailleuses surtout dans ce domaine, et qui tiendrait compte aussi des besoins de l'industrie et du développement de l'industrie.

n(11 h 50)n

On a souligné que les travailleuses sont, comparativement à l'ensemble du secteur manufacturier, un groupe plus fragile: c'est des femmes essentiellement, il y a beaucoup d'immigrantes parmi ces femmes, le niveau de scolarité est moins élevé que dans l'ensemble de l'industrie manufacturière et le niveau de rémunération aussi est moins élevé. La moyenne du niveau de rémunération est environ de 9,70 $, je pense, en moyenne, alors que, dans l'ensemble du secteur manufacturier, il est à peu près de 15,50 $ ou quelque chose du genre, là, comme proportion. Donc, il faut tenir compte des travailleuses, mais, par contre, il faut tenir compte de l'industrie qui est dans une situation de compétition très difficile aussi.

Les parties avaient convenu d'établir un contrat social, et la Commission des normes du travail avait été identifiée pour présider à leurs travaux. Et la ministre qui me précédait dans ces fonctions leur a fait confiance. C'est ce qu'il fallait faire, M. le Président.

Bon, pour différentes raisons, on a convenu qu'on ne fera pas de procès, là, mais on doit constater que les parties n'ont pas réussi à s'asseoir, n'ont pas réussi à convenir de ce contrat social. La Commission des normes m'a fait un rapport, mais, contrairement à ce que le député de Mont-Royal a dit, le rapport ne permet pas de statuer sur l'avenir. Si c'est vrai que, pour certaines conditions de travail, les congés annuels, les jours fériés, les congés pour événements familiaux, les parties sont relativement prêtes, qu'on pourrait avoir une voie de passage, pour la question du salaire, ce n'est pas le cas. Les syndicats demandent un salaire minimum dans cette industrie de 8,50 $. Pour l'industrie, on est prêt à aller à 7,10 $. Il y a un écart énorme qui ne permet pas de prendre une décision rapidement. Et la Commission des normes du travail recommande au ministre de faire une étude d'impact de la décision quant au salaire qui serait convenu dans ce secteur-là avant de prendre une décision. Alors, c'est ce que nous faisons.

Maintenant, pour la prochaine étape, nous avons bien convenu ? et c'est le sens du projet que nous avons déposé ? que le travail sera fait par le ministère du Travail, sera fait de façon gouvernementale avec le ministère de l'Industrie et du Commerce qui travaille, lui, sur l'ensemble du secteur manufacturier pour qu'on ait vraiment une solution d'avenir, M. le Président, et on va le faire évidemment le plus possible en collaboration avec les parties. La porte est ouverte.

On a bien calculé, en resserrant les délais, que l'Industrie et Commerce a besoin d'à peu près une année, terminera son étude d'ensemble du secteur manufacturier à la fin de 2002. Il faudra sûrement faire des consultations à la suite de cette étude. On se donne un six mois pour ça. Là, on sera prêt à réglementer, mais il y a une autre consultation sur le règlement. On se donne à peu près un autre six mois. Donc, on ne voit pas comment on pourrait resserrer plus que deux ans, à moins que les parties s'assoient et conviennent d'une voie plus rapide sur la base d'un consensus d'aller plus rapidement. La porte sera toujours ouverte à cet effet. Et, si on peut aller plus vite parce que les parties sont prêtes à aller plus vite, sont prêtes à établir ce contrat social, on le fera, M. le Président.

Maintenant, ceci dit, là, on est vraiment sur une voie pour arriver, arriver à une conclusion et proposer une voie d'avenir qui tiendra compte de la situation des travailleuses et des travailleurs et de l'industrie, mais on a convenu, à la suite des travaux de la commission et grâce à l'excellente collaboration qu'on a eue par ceux qui sont venus nous rencontrer et des députés des deux parties en commission, que, au cours des prochains mois, sur un délai de trois à quatre mois, sur la base de certains témoignages que nous avons eus, nous aurons un travail accéléré pour améliorer les modalités d'application du règlement actuel. Et on pense qu'au moins à très court terme la façon de vivre dans l'industrie pourrait être beaucoup assouplie comparativement à la situation actuelle.

Et ce n'est pas vrai de dire que nous laissons l'industrie dans l'instabilité. Au contraire, les conditions pour les deux prochaines années sont celles auxquelles cette industrie est habituée présentement, que nous maintenons pour éviter des soubresauts. Et nous allons nous assurer que des solutions d'avenir vont être élaborées en profondeur et seront vraiment porteuses pour l'avenir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Nous allons maintenant céder la parole au député de Vaudreuil. M. le député, vous avez un temps de parole de 10 minutes.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir d'intervenir et de faire quelques commentaires sur le projet de loi n° 46 qui vient modifier diverses dispositions législatives, là, qui touchent les décrets dans le secteur de l'industrie du vêtement.

On se rappellera, M. le Président, que les décrets de conventions collectives sont nés en 1934. À ce moment-là, ça s'appliquait à beaucoup de secteurs industriels et graduellement, au cours des années, dans l'aluminium, dans beaucoup de secteurs de transformation. Subséquemment, au cours des années quarante est arrivé le premier Code du travail qui a également évolué et qui est devenu une pièce de législation sociale importante. Et puis, également, nous avons eu la Commission... les normes du travail qui n'existaient pas non plus en 1934. Donc, en 1934, il n'y avait que la voie des décrets de conventions collectives, là, pour ajuster ou pour établir des rémunérations autrement qu'uniquement par ententes individuelles entre les employeurs et les employés dans les endroits où il n'y avait pas de syndicat.

Au cours des années, donc, avec le Code du travail, la Loi sur les normes, l'évolution de l'industrie, la mondialisation, la demande pour une plus grande flexibilité et une adaptation de la compétitivité pour nos entreprises pour continuer de créer des emplois, on a commencé, et surtout au début des années quatre-vingt-dix, début de... fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, à remettre en question ces décrets de convention collective compte tenu, notamment, du nouveau Code du travail et de la Loi sur les normes du travail, qui n'existaient pas, comme je le mentionnais, en 1934. Et, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi en 1996, à ce moment-là il y a eu un engagement de revoir la réglementation en vigueur au Québec, et dans une perspective d'allégement. Et puis, notamment, il était convenu de revoir tout ce qui touche les décrets de convention collective qui, pendant un certain temps ? fin des années trente, début des années quarante ? se sont appliqués à beaucoup de secteurs, mais, au cours des années cinquante, il y a beaucoup de secteurs qui ont été soustraits, qui se sont soustraits aux décrets de convention collective à cause du Code du travail et de la Loi sur les normes du travail.

Donc, subséquemment il y a eu un rapport du groupe-conseil sur l'allégement réglementaire, qui a été remis au premier ministre en mai 1998 et qui, entre autres, traitait des décrets de convention collective et qui recommandait, pour ce qui est des décrets s'appliquant dans le secteur manufacturier ? il y avait le verglas, on se rappellera, et tout ce qui touche la fabrication des fenêtres, entre autres, également dans le meuble et dans l'industrie du vêtement ? de revoir la législation touchant les décrets de convention collective. Et le gouvernement a décidé, en 1999, de présenter le projet de loi n° 47 pour abolir les décrets de convention collective tels qu'ils existaient à compter du mois de juin 2000.

Il est bien sûr qu'il fallait assurer une transition. Tout ce secteur de l'industrie du vêtement d'abord comporte des milliers d'emplois au Québec, pas seulement dans la région de Montréal, mais dans beaucoup d'autres régions; on parlait tantôt de la Beauce, ma région natale, où il y en a beaucoup, d'entreprises, d'industries dans le domaine du vêtement, et ça touche également, donc, beaucoup d'entreprises et plusieurs petites et moyennes entreprises dans ce domaine-là.

Alors, pour ce qui touche la confection pour hommes, confection pour dames, chemises pour hommes et garçons et les gants de cuir, le projet de loi n° 47 prévoyait l'abolition des décrets de convention collective à compter du 30 juin 2000, mais la mise en place de règles transitoires pour une période de 18 mois. Donc, ça permettait de maintenir des conditions de travail pour les employés ? parce que, dans ce domaine-là, beaucoup d'ailleurs d'emplois, 75 %, je pense, sont des emplois féminins ? d'assurer une transition et puis également permettant aux employeurs de s'ajuster graduellement. Et on prévoyait, on demandait aux employeurs et aux employés de s'entendre sur, après ça, un régime qui viendrait s'établir à la fin de la période de transition de 18 mois. Il n'y a pas eu d'entente, pour diverses raisons. Je pense que le ministère du Travail et le ministre ne se sont pas impliqués beaucoup dans ce dossier-là, de sorte qu'on arrive et il n'y a pas d'entente entre les deux parties, c'est-à-dire les employeurs et les employés.

À ce moment-là, selon la loi, le ministre avait trois choix. Premièrement, fixer lui-même les conditions de travail selon les recommandations de la Commission sur les normes du travail. Et la Commission sur les normes du travail, M. le Président, a fait des recommandations au ministre, a fait des recommandations en date du 5 septembre 2001, et elle lui proposait, donc, des conditions sur les différents aspects qui touchent les conditions de travail des employés, la durée de la semaine normale de travail, les jours fériés, etc., et également certaines options en ce qui a trait... le salaire minimum, les... et des options également touchant les taux de salaire.

n(12 heures)n

Évidemment, le ministre, M. le Président, aurait pu, je pense, fixer lui-même et choisir l'une ou l'autre des options qui étaient proposées par la Commission sur les normes du travail dans son rapport, dans son avis du 5 septembre 2001. Évidemment, le ministre aurait pu également laisser la Loi sur les normes du travail s'appliquer, ou encore, l'autre option, et c'est celle qu'il a choisie, M. le Président, c'est de prolonger la période de transition. Et, de prolonger la période de transition, malgré ce que le ministre vient nous dire, c'est pelleter par en avant, M. le Président. Et, quand le ministre nous dit: Non, ce n'est pas de maintenir une période d'instabilité ou une période d'insécurité à la fois pour les employeurs et les employés, bien, je voudrais simplement lui rappeler, M. le Président, que c'est une industrie qui devient également de plus en plus technologique, dans l'industrie du vêtement, si nous voulons être concurrentiels, et ça représente un secteur d'activité économique important au Québec, beaucoup d'emplois. Donc, c'est essentiel, ça, de maintenir la croissance dans ce domaine-là.

Bien, pour développer une entreprise, surtout dans notre monde d'aujourd'hui, il faut investir. Les employeurs doivent investir, M. le Président, ils doivent ajouter, ils doivent mettre des fonds. Et, qui que ce soit, si vous avez été un petit peu dans l'entreprise, M. le Président, bien, avant d'investir, vous voulez savoir un peu quelles sont les conditions prévisibles qui vont s'appliquer dans votre secteur. Donc, pour les employeurs, quand le ministre nous dit: Non, il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'instabilité, bien, les employeurs, ils ne savent pas, là, quel régime, dans 24 mois d'ici, s'appliquera, comment ça fonctionnera.

Et il y a également aussi ? je pense que le ministre devrait le reconnaître ? une insécurité du côté de l'employé également, M. le Président, donc insécurité qui va se prolonger pour une période additionnelle de 24 mois. Je comprends que le ministre ait l'impression que nous pouvons avoir... comme il y a peu d'implication, comme il décide de ne pas choisir non plus d'appliquer l'une ou l'autre des recommandations de la Commission sur les normes du travail, il veut différer le problème. Probablement que dans d'autres secteurs, M. le Président, vous savez, avant les élections, il faut faire attention, il faut essayer de calmer tout le monde puis de ne pas provoquer de réactions parfois, d'un côté ou de l'autre. Et je pense que ça, ce n'est pas d'assumer le leadership, et, à mon avis, ça va être préjudiciable pour le développement de l'ensemble de ce secteur industriel au Québec, à la fois pour les employeurs puis également pour les employés, M. le Président, parce qu'il y va également de la création d'emplois, tout en maintenant des salaires qui permettent aux gens de vivre adéquatement et de gagner des revenus qui sont corrects, M. le Président.

Donc, je trouve ça déplorable que le ministre n'ajuste pas, reporte encore une fois la décision. Ça fait penser un peu à l'assurance médicaments, M. le Président, où le ministre du Travail actuel, alors qu'il était ministre de la Santé, nous disait, en septembre 1998, avant les élections: Vous savez, la prime d'assurance médicaments à 175 $, il n'y a pas de problème, posez-vous pas de questions là-dessus, c'est suffisant pour financer le système. Un an après, ça ne fonctionnait plus, et là la prime devenait insuffisante, de sorte qu'on est maintenant avec une prime de 385 $, qui s'en va vers les 500 $.

Ça, M. le Président, je pense donc qu'il aurait été important que le ministre puisse prendre position, puisse déterminer les règles qui vont s'appliquer, que les employeurs vont connaître, que les employés également, et qu'on ne reporte pas encore une fois la discussion. Donc, tout en étant d'accord avec le projet de loi tel qu'il est, je pense que c'est une solution de pis-aller dans les circonstances pour le développement de cette industrie importante au Québec, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vaudreuil. Alors, M. le ministre du Travail, vous avez droit à une intervention jusqu'à cinq minutes. M. le ministre.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vais me permettre de prendre quelques minutes pour river le clou qui a été, que j'ai voulu planter tout à l'heure à la suite de la dernière intervention. On dit qu'il y avait trois possibilités pour la ministre. D'abord, peut-être suivre les recommandations de la Commission des normes du travail à la suite de cette période de 18 mois, même si la Commission n'a pas réussi à amener les parties à travailler ensemble. Les recommandations qui ont été faites... Et je le redis, si, sur cinq des normes ? qui sont les congés annuels, les jours fériés, les périodes de repos, les congés pour événements familiaux et la durée de la semaine de travail ? on pouvait trouver probablement un rapprochement sur la plus importante, je pense, le salaire, l'écart entre 7,10 $ et 8,50 $ de l'heure, demandé soit par l'industrie, soit par les syndicats, est énorme, et la Commission des normes du travail recommande au ministre une étude d'impact plus approfondie pour connaître quelles seraient les conséquences d'un choix entre cet écart qui est demandé par les parties. Alors donc, ce n'est pas une solution, même sur la foi de la recommandation de la Commission, de procéder immédiatement sans connaître les conséquences de la décision qu'on prendrait.

Deuxième possibilité, nous dit-on: Le ministre aurait pu laisser aller à l'application de la Loi des normes du travail le régime général des normes du travail. Or, dès le début, au moment de la décision de l'abolition des décrets, il a toujours été dit clairement par le gouvernement, et celle qui a occupé ces fonctions avant moi a toujours été très claire là-dessus, en commission parlementaire et ailleurs, pour dire qu'on reconnaissait que, pour ce secteur de l'industrie du vêtement, on ne pouvait pas ne pas reconnaître des conditions particulières en regard des six normes auxquelles j'ai fait référence. Autant sur une base historique que la condition vulnérable du fonctionnement de ce secteur, il faut des conditions particulières et il n'a jamais été question qu'on s'en remette carrément à l'application générale des normes du travail. Donc, ce n'était pas une solution non plus.

Troisième possibilité, qui est celle de prendre un peu plus de temps pour faire le travail qui n'a pas été fait et le faire correctement, un délai de 24 mois, c'est un risque de manque de stabilité... Je pense que ce n'est pas vrai, M. le Président, je le redis: Il y a une partie de cette industrie qui est effectivement syndiquée et, pour la partie syndiquée, il y a des conventions qui sont en renouvellement présentement, et les choses vont continuer normalement. Pour la partie qui n'est pas syndiquée ? et c'est à peu près 70 % de l'industrie, c'est beaucoup des petites entreprises ? on maintient le régime qu'elles avaient auparavant. Donc, il n'y a pas de surprise. Et, si les parties veulent aller plus vite pour fixer l'avenir, elles sont invitées à s'impliquer, et, au lieu de 24 mois, si les parties en arrivent vite à une entente, ça pourra être plus court. Donc, on n'impose pas aux parties d'attendre de façon passive un avenir incertain; on les invite à travailler avec nous, à le faire dans les meilleurs délais. Et ce qu'on leur dit, c'est que, de toute façon, on aura trouvé une solution dans 24 mois, peu importe ce qui arrivera, parce qu'on va travailler sur une base gouvernementale dans ce cas-là, M. le Président.

Alors, ce que je pense qu'on fait, M. le Président, c'est qu'on agit à la fois de façon respectueuse pour les parties, autant syndicales que pour l'industrie, dans ce cas-ci, et qu'on agit aussi de façon responsable, pour ne pas prendre de décision dont on ne connaîtra pas les impacts et les effets et après avoir vraiment regardé toutes les parties de la question, encore une fois, avec toute la collaboration que nous souhaitons de la part des parties dans ce cas-là, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Sauvé. Madame, vous avez droit à un temps de parole de 10 minutes.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. M. le Président, d'entrée de jeu, je veux également redire au ministre: J'espère qu'il a bien compris le message lancé jusqu'à maintenant par les représentants de l'opposition officielle, qui était donc un message que nous allions ultimement appuyer le projet de loi n° 46. Mais il est important pour nous de rappeler le contexte dans lequel on se doit maintenant de voter ce projet de loi, et, selon nous, c'est un contexte qui décrit le fait que nous sommes devant un gouvernement qui a choisi de ne plus prendre de décisions. Et il ne faut pas s'étonner de ça, puisque le premier ministre lui-même, à la suite des dernières élections partielles du 1er octobre, l'a dit publiquement. Il a annoncé publiquement le fait que son gouvernement, son cabinet, était invité à ne plus faire d'interventions qui pouvaient provoquer certaines irritations dans la population. Il faut dire, M. le Président, que le message des élections partielles du 1er octobre a été un message assez puissant, assez clair du fait qu'il y avait des irritants pour la population du Québec dans la gestion du gouvernement du Parti québécois. Et devant ce fait, bien, le premier ministre a dit: Bien, on ne fera plus de législation dérangeante, on ne veut plus irriter la population. C'est presque arriver à dire, M. le Président, que: Bon, on ne fera plus rien pour la gouverne du Québec.

n(12 h 10)n

Et, pour moi, le projet de loi n° 46, comme l'a d'ailleurs expliqué mon collègue le député de Vaudreuil, c'est une illustration de ça. Nous, on doit appuyer ce projet de loi parce que c'est un pis-aller. Il y a là une forme de protection d'une industrie qui est une industrie précaire, comme l'a aussi longuement expliqué mon collègue de Mont-Royal à travers les étapes de l'adoption de ce projet de loi. Donc, devant une industrie qui est une industrie fragile, une industrie précaire au Québec, on se doit bien sûr d'appuyer un projet de loi comme le projet de loi n° 46. Mais, par ailleurs, nous sommes devant un projet de loi du pis-aller. Nous sommes devant l'illustration d'un gouvernement qui ne veut plus gouverner, qui ne veut plus prendre de décision et qui dit tout simplement, par projet de loi: Bien, on va prolonger une période de transition qui va nous permettre pendant ce temps-là... Parce que je vous rappelle que, 24 mois ou 30 mois, là, il va y avoir des élections au Québec avant cette période-là. Ça veut donc dire que le gouvernement a décidé de se laver les mains d'une intervention dans l'industrie du vêtement, parce que, 24 ou 30 mois d'ici, M. le Président, il y aura des élections au Québec.

Donc, ce que fait le gouvernement par le projet de loi n° 46, c'est qu'il nous dit qu'il ne veut pas décider, qu'il ne veut pas intervenir. Parce que, lorsqu'on additionne tout ça, M. le Président, lorsqu'on voit ce qui est arrivé dans l'industrie du vêtement, il faut calculer la période de transition, là, ça donne 18 mois, ceux qu'on vient de passer depuis 1999, plus les 30 mois prévus dans le projet de loi n° 46.

Le gouvernement du Parti québécois est en train de dire que, sur une période de 48 mois, de quatre ans ? ça, c'est un mandat d'un gouvernement ? bien, on aura prévu que c'est une période de transition pour l'industrie du vêtement. Belle façon de ne prendre aucune décision pendant tout près de quatre ans.

Et, M. le Président, moi, je voulais intervenir sur ce projet de loi parce que je représente une circonscription, la circonscription de Sauvé, où l'industrie du vêtement est une industrie présente. Un des plus gros employeurs de Montréal-Nord est une industrie dans le secteur du vêtement. C'est tout près de 900 personnes, 900 employés qui, chaque matin... Ils passent d'ailleurs devant mon bureau de comté. Chaque matin, en fin d'après-midi, je peux voir ces personnes prendre l'autobus, se rendre à leur travail, finir de longues journées de travail. Et, comme on l'a aussi souvent mentionné, c'est une industrie, l'industrie du vêtement, c'est une industrie où les postes sont majoritairement occupés par des femmes. Je les vois, M. le Président, comme je vous dis, de la fenêtre de mon bureau, et c'est aussi, dans la région de Montréal particulièrement, des emplois occupés par des représentants des communautés culturelles.

Je vais vous dire, je me sens donc, comme députée, comme représentante de cette population de Montréal-Nord, vraiment concernée par l'avenir de l'industrie du vêtement. Et je le dis aussi à titre de députée de la région de l'est de l'île de Montréal, M. le Président. Car, l'est de l'île de Montréal, on le sait, est une région qui a connu une conversion économique, qui est une région basée sur la grande entreprise et qui s'est transformée depuis 20 ans vers une région dont l'économie et la création d'emplois est basée maintenant sur la PME.

Dans ce contexte-là, dans l'est de l'île de Montréal, ce qu'on a traditionnellement ? là, je vous parle dans les années quatre-vingt ? ce qu'on appelait les «secteurs mous» étaient des secteurs très présents dans l'est de l'île de Montréal: le meuble, le vêtement, la chaussure, etc. Et ça a été extrêmement intéressant et révélateur de voir que, entre autres avec l'Accord du libre-échange, eh bien, ces secteurs que, dans les années quatre-vingt, on considérait comme des secteurs mous... On croyait, M. le Président, que l'industrie du vêtement, de la chaussure, du meuble, que ça, là, on était un peu condamné à voir ces industries partir, par exemple, pour le Mexique. Eh bien, on a vu que, au contraire, dans le cadre des accords de libre-échange, grâce entre autres à la qualité de la main-d'oeuvre qu'on pouvait avoir à Montréal, au Québec, grâce bien sûr aussi à la technologie qu'on était capable d'introduire dans nos entreprises, on a pu voir que l'industrie du vêtement, M. le Président, a finalement été, dans les années quatre-vingt-dix, une des industries créant le plus d'emplois, M. le Président, au cours des dernières années sur l'île de Montréal.

Donc, vous comprendrez qu'à titre de représentante du comté de Sauvé, de Montréal-Nord, mais également à titre de députée ayant eu des responsabilités en termes de présidence du caucus des députés de l'est de l'île de Montréal lorsque je suis arrivée comme élue en cette Assemblée, je crois qu'il est d'importance qu'on se penche sur cette industrie du vêtement.

Donc, M. le Président, je vous disais et je voulais rappeler à l'attention du ministre le fait que nous nous prononcerons en accord avec le projet de loi n° 46 mais que, pour nous, il est important de rappeler le contexte dans lequel ce projet de loi est débattu. C'est donc un contexte où, en 1996, lors du Sommet du Québec sur l'économie et l'emploi, bien, l'industrie du vêtement est venue dire qu'elle pouvait créer jusqu'à 8 000 emplois si on allégeait la réglementation dans son secteur.

Le Groupe conseil sur l'allégement réglementaire a donc étudié cette question et a fait des recommandations au gouvernement pour abolir certains décrets qui encadraient cette industrie, tout en demandant au gouvernement de s'assurer de protéger les avantages des travailleurs lors de cette période, dans la période de l'abolition des décrets.

Ce que ça a donné, M. le Président, c'est en 1999, c'est l'introduction du projet de loi n° 47, où effectivement le gouvernement prévoyait l'abolition de quatre décrets. C'étaient les décrets sur l'industrie de la chemise pour hommes et garçons, la confection pour dames, la confection pour hommes et l'industrie du gant de cuir. Ça couvrait environ 50 % des travailleurs du secteur du vêtement. À ce moment-là, M. le Président, déjà on prévoyait une période de transition de 18 mois pour que cette industrie soit en mesure de négocier des conditions de travail semblables à celles assurées par les décrets, et le projet de loi n° 47 prévoyait que le gouvernement se gardait la possibilité de fixer de façon permanente des conditions minimales de travail pour les travailleurs et travailleuses de cette industrie.

Donc, M. le Président, au moment où on a adopté le projet de loi n° 47, l'opposition officielle a été contre ce projet de loi parce que, d'avance, on était extrêmement sceptique sur les chances, les probabilités que les patrons et les syndicats de cette industrie s'entendent sur des normes minimales de travail. Par contre, le gouvernement a dit: Bien, écoutez, on va adopter le projet de loi n° 47 et on se donne 18 mois, et on se donne 18 mois. Puis, il a même introduit dans la loi le fait que... Parce que c'était ça, le sens de la loi, M. le Président, n° 47, c'était de dire: Bien, au bout de 18 mois, si l'industrie n'a pas réussi à s'entendre, nous nous donnons le droit, nous, d'intervenir comme gouvernement pour fixer les conditions minimales de travail pour les travailleurs et travailleuses de cette industrie. M. le Président, on aura compris que c'était une façon pour le gouvernement, bien sûr, si on peut dire, de faire pression, de mettre un contexte de négociation, en disant aux gens: Bien, vous êtes mieux de vous entendre, puisque le gouvernement peut intervenir.

Finalement, les intervenants dans le dossier n'ont pas réussi à s'entendre, et c'est à se demander si le message envoyé par le gouvernement n'a pas fait en sorte que les gens ne se soient pas entendus, puisqu'on arrive aujourd'hui devant un projet de loi qui fixe ? et, tantôt, M. le Président... Je veux dire... porter correction à ce que j'ai dit, parce que je me suis méprise en ramenant les dispositions initiales du projet de loi à l'étude, qui prévoyaient une transition de 30 mois, alors que ça a été ramené à 24 mois. Et je viens de le voir dans mes notes. Donc, je veux corriger cette méprise. Mais je veux donc vous indiquer, M. le Président, que finalement le gouvernement ramène une période de transition avec laquelle on va devoir voter en faveur, parce que sinon c'est créer un très grand climat d'incertitude.

Mais je tiens à vous rappeler, M. le Président, que c'est une autre façon pour le gouvernement, par le projet de loi n° 46, d'illustrer le fait qu'il ne veut plus rien faire, qu'il ne veut plus gouverner, qu'il ne veut plus prendre de décisions. Et le ministre aura beau nous parler d'études qu'il doit faire pour approfondir la question, ça fait déjà depuis 1996 qu'on parle d'une nouvelle gouverne dans le monde de l'industrie du vêtement, et c'est regrettable qu'on en soit...

Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, madame. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Sauvé. Alors, nous allons maintenant céder la parole... Alors, comme il n'y a plus d'intervenants, le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie du vêtement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, s'il vous plaît.

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, article 35.

Projet de loi n° 63

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 35 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant le Code du travail et la Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Alors, y a-t-il des interventions sur le rapport de la commission de l'économie et du travail? Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir cette fois-ci d'intervenir sur le projet de loi n° 63 qui, comme vous l'avez dit, modifie, d'une part, le Code du travail, mais aussi la modification qui avait été apportée au Code du travail qui instituait, elle, la Commission des relations de travail.

n(12 h 20)n

Alors, M. le Président, c'est un projet de loi qui est absolument inutile. En fait, ce projet de loi là aurait été utile s'il avait été inclus au projet de loi n° 31 initialement. Si le ministre du Travail avait fait son ouvrage convenablement au départ, on ne serait pas aujourd'hui ici, debout, en train de parler sur le projet de loi n° 63. Alors, ce projet de loi n'apporte que des corrections à quelque chose qui n'a pas été fait quand on a déposé le projet de loi n° 31, c'est-à-dire le projet de loi modifiant le Code du travail et instituant la Commission des relations de travail.

Un peu d'historique, M. le Président. Vous vous rappellerez que le député de Matane, alors qu'il était ministre du Travail, dans les années 1997, 1996, avait déjà promis une refonte fondamentale du Code du travail, une refonte fondamentale, de A à Z. Alors, il nous a promis ça. On a attendu. Après les élections de 1998, il n'était plus ministre du Travail. On a eu une autre ministre du Travail, et elle aussi nous a promis des modifications, etc., qu'on n'a pas eues, encore une fois, et finalement elle a déposé des modifications. Mais on a rechangé de ministre, et là on nous a déposé le projet de loi n° 31.

Le projet de loi n° 31, je vous rappellerai, M. le Président, était là pour modifier le Code du travail. Il y avait en tout, dans ce projet de loi, 219 articles. Quand on a travaillé en commission parlementaire, et je pense que le ministre sera d'accord avec nous autres, on a essayé de travailler le plus positivement possible à l'égard de ce projet de loi. Parce que, changer le Code du travail, c'est quelque chose de fondamental, essentiel à la vie des entreprises et à la vie des travailleurs du Québec. Alors, on a pris tout le temps qu'il fallait pour bien analyser et bien comprendre chacun des articles. Malheureusement, on a à peine eu le temps de passer à travers la moitié des articles proposés dans cette modification-là du projet de loi n° 31, modification encore une fois qui modifiait le Code du travail. Alors, on a passé à peine à travers 50 % des articles du projet de loi n° 31. Et, par la suite, le gouvernement a décidé de mettre ce projet de loi, un projet de loi essentiel, fondamental, de mettre ce projet de loi dans le bâillon. Il n'est donc pas surprenant aujourd'hui qu'on commence à voir des projets de loi pour corriger, à additionner au projet de loi n° 31. C'est ce qu'on voit aujourd'hui. Et c'est dans ce sens-là, M. le Président, que je dis que, si le ministre du Travail avait fait son travail comme il faut, on ne serait pas obligé de faire ce projet de loi là aujourd'hui, il aurait été déjà inclus dans le projet de loi n° 31, projet initial qui modifiait, lui, le Code du travail.

Alors, déjà, M. le Président, quand on a parlé du projet de loi n° 31, vous vous rappellerez, M. le Président, que l'opposition officielle avait demandé des consultations publiques en commission parlementaire. Malheureusement, le gouvernement a décidé de faire autrement et nous a offert seulement des consultations particulières de gens qui avaient été triés sur le volet. Ça aurait donc été important d'entendre tous les intervenants potentiels qui avaient quelque chose à dire, qui pouvaient s'exprimer et qui avaient un vécu qui aurait aidé le projet de loi modifiant le Code du travail, c'est-à-dire le projet de loi n° 31. Mais non, on a préféré court-circuiter le système, court-circuiter en ce sens qu'on a juste fait intervenir quelques personnes triées sur le volet, donc des consultations particulières, au lieu d'une consultation générale qui aurait permis de consulter beaucoup plus de gens.

Finalement, comme je le disais tantôt, en commission parlementaire, en dépit du travail fondamental que l'opposition a essayé d'accomplir sérieusement, parce que, nous, on réalise qu'un Code du travail, c'est quelque chose d'essentiel à la vie de l'entreprise québécoise mais aussi à la vie fondamentale de tous les travailleurs du Québec... Et ce projet de loi n° 31, malheureusement, n'a même pas touché à des articles aussi fondamentaux que l'article 45 et 46, que les entreprises réclament depuis tellement longtemps, l'article 45 et 46 que les fusions municipales forcées... auraient aidé ces nouvelles municipalités. Ces nouvelles municipalités sont prises par le carcan de l'article 45 et 46 et elles ne peuvent pas sous-traiter, elles ne peuvent pas challenger, ne peuvent pas se défendre d'égal à égal avec leurs syndicats, et, en conséquence, ce qui va arriver, M. le Président, quand on va voir ou qu'on va vivre les fusions municipales, ce qui va arriver, c'est qu'on va arriver à faire ce qu'on appelle en bon français du «cherry picking», c'est-à-dire qu'on va aller chercher ce qu'il y a de mieux dans toutes les conventions collectives, et puis on va monter ça, et ça va faire une convention collective encore plus dispendieuse que celles avec lesquelles nous sommes pris dans le moment.

Alors, le projet de loi n° 31 est un projet fondamental sur lequel on n'a pas mis l'effort, d'une part, et sur lequel on n'a pas permis à l'opposition justement d'entendre les parties et toutes les parties intéressées, et finalement de faire le travail en commission parlementaire. Je vous rappelle ce que je vous disais tantôt. On a réussi à parler ou à discuter seulement sur à peu près 50 % des 219 articles qui nous étaient présentés. Et je suis sûr, M. le Président, que vous admettrez avec moi que finalement, 219 articles reliés au Code du travail, ça aurait été essentiel que nous prenions le temps de les regarder individuellement, un à un.

Alors, ce projet de loi, maintenant, si je viens plus spécifiquement au projet de loi n° 63, justement nous parle des commissaires du travail qui sont présentement à l'emploi du ministère du Travail et qui désireraient faire application pour devenir commissaires dans cette nouvelle Commission des relations du travail, alors cette nouvelle Commission qui entrera en fonction probablement entre le printemps et l'automne prochains. Donc, c'est absolument normal. On est, soit dit en passant, M. le Président, d'accord avec le projet de loi. C'est important d'avoir une section qui regarde les gens qui déjà travaillent comme commissaires du travail et leur donner l'opportunité de redevenir commissaires du travail à l'intérieur de cette nouvelle Commission.

Alors donc, le processus que le gouvernement propose, nous sommes d'accord avec, c'est-à-dire que ce serait sous l'égide du secrétaire général associé, qui, comme vous savez, est responsable des emplois supérieurs au ministère du Conseil exécutif. Alors, cette personne, ce secrétaire général, aura la responsabilité de former un comité, comité qui sera formé évidemment du président de la Commission des relations de travail, ce nouveau président à être nommé sur cette nouvelle Commission, alors... d'une part, et, deuxièmement, une personne du milieu juridique et deux personnes du milieu des relations de travail. On peut présumer et on ose espérer que les deux personnes du milieu des relations de travail viendront... d'une part, une personne viendra, on espère, du côté syndical et l'autre personne viendra, on l'espère également, du côté patronal.

Alors, M. le Président, donc, ce comité devra donc demander des curriculum vitae à chacun des commissaires qui sont présentement à l'emploi du ministère et devra évaluer la performance de ces gens-là, regarder ce qu'ils ont fait, leur vécu, etc., leur c.v., et devront décider si ces gens-là sont aptes à poursuivre le travail de commissaire dans le cadre de cette nouvelle Commission des relations de travail. Sinon, sinon ? et c'est ce que le projet de loi dit ? bien, la Commission aura une responsabilité. Ça fait que la Commission, sa responsabilité sera d'avoir l'ouverture d'informer les gens qui n'auront pas été retenus, de les informer justement des raisons pour lesquelles leur candidature n'a pas été retenue. Je vous rappelle que c'est important d'agir ainsi, puisque ce sont déjà des gens qui sont déjà commissaires du travail à l'intérieur présentement du ministère du Travail.

Alors, fondamentalement, M. le Président, nous ne sommes pas en défaveur de cette loi-là. Nous sommes juste déçus du fait que le travail a été tellement bâclé lors du projet de loi n° 31, lors de la modification au Code du travail. Nous sommes tellement déçus que nous sommes obligés aujourd'hui d'intervenir, de regarder, de passer du temps à analyser ce projet de loi n° 63 qui, comme je vous le disais au début, absolument inutile, si le travail avait été bien fait par le ministre du Travail il y a de ça six mois, alors qu'il nous proposait de modifier d'une façon assez substantielle la Commission des relations de... pas la Commission, le Code du travail, qui créait la Commission des relations de travail.

n(12 h 30)n

Mais, encore une fois, M. le Président, je me répète, mais je tiens à vous dire que, oui, on a fait des changements dans ce projet de loi n° 31. On n'a pas fait tous les changements qu'on aurait dû faire, comme, par exemple, les articles 45 et 46 qui auraient dû être «implimentés» ne serait-ce que pour satisfaire et pour aider les nouvelles municipalités créées par les fusions forcées ? oublions les entreprises demain matin, deux secondes ? ne serait-ce que pour les municipalités, les nouvelles municipalités créées, les nouvelles villes créées par les fusions forcées auraient bénéficié grandement... Et d'ailleurs on parlait tantôt de M. Nicolet, le rapport Nicolet le disait clairement: «Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de modifications aux articles 45 et 46, c'est inutile de penser à faire des fusions municipales qui vont être rentables pour le citoyen, parce que finalement le but d'une fusion, si ce n'est pas pour le bien du citoyen, soit pour diminuer ses taxes ou améliorer ses services, c'est inutile de le faire, à notre point de vue.»

Alors, M. le Président, comme je vous disais tantôt, malheureusement, ce projet de loi est inutile, mais nous sommes d'accord qu'il vient aider ou ajouter quelque chose qui n'a pas été couvert par le projet de loi n° 31, qui a été déposé il y a maintenant environ six mois. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Mont-Royal. Je céderai maintenant la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, vous avez un temps de parole de 10 minutes.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président, chers collègues...

M. Kieffer: ...

M. Béchard: ...prendre... Pardon? Vous voulez parler? Pas de problème. Après, mon cher collègue de Groulx, ça me fera plaisir de vous laisser votre 10 minutes.

M. le Président, je vais prendre quelques minutes pour parler sur le projet de loi n° 63, un projet de loi qui vient modifier le Code du travail, et pour rappeler aussi, quand même, un bon souvenir. Le Code du travail et le milieu du travail, ça a été mon premier dossier comme porte-parole, quand j'ai été élu en 1997, et, à l'époque, j'ai eu la chance ou... la chance, disons, hein, d'être le critique du député de Matane, qui était le ministre, à l'époque, du Travail. On avait parlé, bien sûr, du Code du travail. On a aussi beaucoup parlé à ce moment-là, vous vous en souviendrez, des clauses orphelin, et c'est un débat qui a pris beaucoup de place à cette époque-là, en 1997-1998. Et, dans le temps et dans les livres, je dirais, du ministre du Travail de l'époque, ça a donné lieu à de bons débats assez intéressants.

Sur le Code du travail comme tel, effectivement, le projet de loi qu'on a devant nous finalement, c'est la suite du projet de loi n° 31. Le projet de loi n° 63, quand on le regarde puis on analyse... Je suis allé en commission parlementaire pour voir ça avec mon collègue de Beauce-Nord, qui a fait un excellent travail en commission parlementaire à ce niveau-là. Et ce projet de loi là que nous avons devant nous aujourd'hui, dans le fond, M. le Président, c'est le résultat de notre façon de légiférer, c'est le résultat de la hâte que nous avons eue en fin de session, au mois de juin dernier.

Et je me souviens un soir où, vers 10 h 15, 10 h 30, on a décidé de suspendre les travaux ? on n'avait pas la moitié des travaux de faits encore sur le projet de loi n° 31 ? d'arrêter tout ça, de dire: Bon, on rentre ça dans le bâillon puis on le passe dans le bâillon. Je me souviens, mon bon ami le collègue de Gaspé était extrêmement déçu à ce moment-là, lui qui voulait continuer et continuer jusqu'à épuisement, il s'est ramassé, lui aussi, obligé de sortir de la commission parce qu'on venait de lui dire que c'était terminé. Et c'est un peu ça qui arrive, parce que la modification du Code du travail, au-delà des rendez-vous manqués, au-delà du fait que... Bon, on peut dire que le Code, malgré plusieurs tentatives, que ce soit de mon collègue de Matane, qui à l'époque avait eu des rapports autant sur le Code que sur l'article 45, 46, que sur... sa successeure aussi, qui avait annoncé, hein, en grande pompe une réforme du Code du travail, puis que ça allait brasser, puis que ça allait changer. Finalement, il ne s'est pas passé grand-chose, hein. On est abouti au printemps dernier avec le nouveau ministre du Travail, et le projet de loi n° 31 qui... je le rappelle, on n'a pas eu le temps de le regarder au complet en commission parlementaire.

Et c'est important d'amener ça parce que le Code du travail, c'est un outil qui est fondamental, qui est extrêmement important, mais qui, en même temps, n'est pas simple: n'est pas simple de par sa nature, n'est pas simple de par son application aussi et n'est pas simple pour probablement plusieurs raisons. Mais une de ces raisons-là, c'est que, en plus d'être complexe, le Code du travail doit être le reflet non seulement d'une société mais aussi et surtout d'un équilibre, d'un équilibre entre le milieu patronal, un équilibre aussi entre les travailleurs.

Et, à chaque fois que cet équilibre-là bouge un petit peu ? je pense que le ministre s'en rend compte depuis quelques mois ? il y a énormément de pression, d'un côté ou de l'autre, pour ramener l'équilibre. Et ça, ça fait que, effectivement, ça devient probablement très difficile de légiférer parce que, aussitôt que tu veux aller d'un côté, bien là, c'est l'autre côté qui te le ramène et vice versa. C'est un secteur qui est extrêmement complexe et où l'équilibre est fondamental. L'équilibre est fondamental mais aussi la modernisation. Et ça, c'est une des déceptions que la plupart des gens ont eues, l'été dernier, sur le projet de loi n° 31, c'est-à-dire: Est-ce une véritable modernisation qui tient compte de l'actuelle évolution de l'économie du marché du travail et des nouveaux courants économiques qu'on observe autant au Québec, au Canada, que dans le monde? Et ça, là-dessus, bien, il y a plusieurs personnes qui sont demeurées sur leur faim. Elles sont demeurées sur leur faim parce que, comme mon collègue le disait ? de Mont-Royal ? tantôt, on n'a pas eu droit à des consultations générales, ce fut des consultations particulières, et, à ce niveau-là, on n'a pas vraiment pu aller au bout de l'exercice comme tel pour voir vraiment ce que tous les gens en pensaient.

Effectivement, on n'a pas touché à l'article 45, 46. Il y a beaucoup de gens qui avaient des attentes, aussi des appréhensions, bien sûr, M. le Président, mais on n'a pas touché à cet aspect-là. Donc, on se retrouve dans une situation où on a le projet de loi n° 31, le printemps passé, qu'on n'a pas eu le temps d'en faire la moitié, qui a beaucoup d'amendements. Parce que, j'ose imaginer ? c'est sûrement la raison ? à chaque fois qu'on arrive puis qu'on fouille dans le Code du travail au niveau de la législation, bien, plus on avance, plus on trouve des choses, puis on dit: Est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter ça en même temps? Ce qui fait qu'on arrive aussi avec beaucoup d'amendements. Mais, quand on n'a même pas le temps de regarder en commission parlementaire, comme ce fut le cas l'été dernier, bien, ce qui arrive en bout de ligne, c'est que, par la suite, il faut revenir, il faut revenir à la charge comme on le fait actuellement avec le projet de loi n° 63.

C'est sûr que le projet de loi n° 63, à chaque fois, je pense... Tant qu'il n'y aura pas une réforme en profondeur du Code du travail, à chaque fois qu'on va avoir le mot «Code» du travail dans une loi, on va toujours dire que c'est un rendez-vous manqué, on va toujours dire qu'on passe à côté d'une véritable et nécessaire modernisation et qu'on n'a pas pris le temps ou on ne s'est pas donné la peine de vraiment aller au fond des choses. Inutile de vous dire qu'au niveau du projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 63, avec ses quelques articles, ses trois, quatre articles, ce n'est pas ce projet de loi là non plus qui se veut une réforme en profondeur du Code du travail.

Bien sûr, ça amène des modifications au niveau de la nomination du président de la Commission des relations de travail, des ajustements. Au niveau de l'article 2, quand on parle de la nomination, du processus de nomination comme tel, ce qui est intéressant de voir, on essaie toujours d'avoir une certaine parité entre le monde du travail et le monde syndical. Quand on regarde ce qui est amené dans l'actuel projet de loi à ce niveau-là, c'est intéressant de voir qu'on veut des gens qui représentent le monde du travail, mais on ne vise pas nécessairement cette parité. Parce que, quand on dit que le président ou le vice-président vont être nommés, de la Commission des relations de travail, et qu'en plus ça prend une personne du milieu juridique, deux personnes du milieu des relations de travail aussi, qui auront à en faire partie, on ne dit pas: Est-ce que ce doit être des personnes qui viennent du milieu patronal ou du milieu syndical?

Donc, l'ensemble des personnes ? puis ça, on en a parlé en commission parlementaire déjà et, comme c'est le rapport de la commission, on va vous en jaser un petit peu aussi ? donc, l'ensemble des personnes, M. le Président, pourraient venir soit de la FTQ ou soit du monde du patronat comme tel, pourvu qu'ils représentent quelque part le milieu juridique et deux personnes du milieu des relations de travail. Il n'y a rien qui dit que ça doit être partagé soit dans un côté ou dans l'autre. Donc, à ce niveau-là, on a eu de bonnes discussions là-dessus.

L'autre élément qui a été présenté et qui a soulevé beaucoup de questions de la part de mon collègue de Beauce-Nord, c'est la question du prolongement qui a été un amendement qui a été présenté pour permettre au gouvernement, en raison de travaux reliés à l'implantation, de prolonger d'au plus deux ans, portant ainsi de cinq à sept ans la durée maximale du premier mandat administratif du premier président de la Commission des relations de travail. Une telle prolongation devrait toutefois être mentionnée dans l'acte de nomination. L'amendement prévoit en outre que la durée du mandat du président à titre de commissaire serait prolongé d'autant.

La raison qui a été donnée à ça, c'est que, vu que c'est l'implantation d'un nouvel organisme, bien, vu que c'est dans les premières phases, il faut donner plus de temps au président pour procéder à la mise en place comme telle, au rodage, si on veut, de l'organisme, sauf que les doutes que nous avons là-dessus, c'est de dire: Si on passe de cinq à sept ans, est-ce que cinq ans, ce n'est pas suffisant pour vraiment faire les premiers rodages et voir si tout se passe bien et si tout est correct? Est-ce que ce n'est pas assez, cinq ans? Pourquoi ça prend ce deux ans-là de plus?

Une des grandes questions qu'on a, surtout quand on voit le grand ménage que le premier ministre veut faire à la tête des sociétés d'État, c'est: Coudon, est-ce qu'on est en train de se dire: Vu qu'on est en fin de régime de l'autre côté, on va placer notre monde, il faut qu'il soit là le plus longtemps possible? Est-ce que ce n'est pas le véritable objectif au-delà de l'implantation, au-delà du rodage, au-delà des premières étapes nécessaires? Est-ce que ce n'est pas parce qu'on se dit: On est en fin de régime, les gens qu'on nomme, il faut les nommer le plus longtemps possible?

n(12 h 40)n

Donc, ce n'est pas clair, pour nous, le pourquoi qu'on doit passer de cinq ans à sept ans en ce qui a trait au mandat du premier président. Et mon collègue de Beauce-Nord me disait qu'il pensait, un moment donné, que le ministre allait reculer. Il pensait qu'il allait le ramener à la raison puis dire: Écoutez, un mandat de cinq ans, c'est assez pour voir comment ça marche, c'est assez pour voir comment ça se passe, puis quels sont les impacts de ce qui se passe. Mais non, on est demeuré avec ça. On comprend que ça va être inscrit que c'est une durée maximale, que c'est uniquement pour le premier président comme tel. Mais, quand même, ces deux années de plus, là, est-ce qu'elles sont vraiment nécessaires? Et ça, c'est un des points qu'a soulevés mon collègue avec beaucoup de brio. Et, moi, là-dessus, je partage les mêmes doutes que mon collègue. Même si on est en implantation, je pense qu'une durée de mandat de cinq ans, c'est assez pour voir comment ça fonctionne. Mon collègue de Gaspé me fait signe que oui, qu'il est d'accord avec moi. Non. J'avais mal perçu votre signal.

Donc, M. le Président...

M. Lelièvre: ...de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Le député de Kamouraska-Témiscouata me prête des propos que je n'ai pas tenus. Je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec lui. J'ai juste dit que j'étais en désaccord avec lui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Gaspé. Immédiatement après la fin de l'allocution du député de Kamouraska-Témiscouata, en vertu de notre règlement, vous pourrez immédiatement répliquer au député. S'il vous plaît!

M. Lelièvre: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais, M. le député, M. le député de Gaspé, le règlement vous dit... M. le député de Gaspé, je tiens à mentionner qu'en vertu de votre règlement je vais immédiatement, dès la fin de l'allocution du député de Kamouraska-Témiscouata, vous céder la parole, et vous pourrez vous-même rectifier les faits. Alors, M. le député de Kamouraska.

M. Béchard: ...une minute, j'imagine.

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Béchard: Je veux juste... Pour rassurer mon collègue de Gaspé, j'avais perçu qu'il était d'accord avec moi par ses signaux que... Non, c'est vrai, la perception, des fois, hein, ça change. J'avais perçu qu'il était d'accord avec moi quand je disais qu'un mandat de cinq ans pour procéder à l'implantation d'un organisme, c'était assez. Si je l'ai choqué là-dedans, je m'en excuse. Je pensais que, par ses signaux, il était d'accord avec moi. Donc, je vais retirer le fait qu'il était d'accord avec moi. Malgré ma tentative de lui tendre la main, bien, il n'est pas d'accord avec moi, alors que voulez-vous?

Mais uniquement pour terminer là-dessus, pour vous dire, M. le Président, que ce projet de loi là, c'est dommage parce qu'on est obligé de revenir pour terminer quelque chose qui était commencé et, malgré qu'il y ait des points là-dedans qui ne sont pas majeurs, je pense que c'est sur l'ensemble de l'élément qu'on doit se poser des questions. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Gaspé, vous désirez rectifier certains faits? Alors, à vous la parole, M. le député.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. C'est que mon collègue de Kamouraska-Témiscouata mentionnait dans son allocution que j'étais d'accord avec lui qu'un délai de cinq ans aurait été suffisant pour assurer une transition normale dans l'implantation de la structure pour laquelle nous débattons. Alors, M. le Président, je n'ai jamais dit au député de Kamouraska que j'étais en accord avec lui. Je ne lui ai jamais dit que j'étais en désaccord. Il interprète et il dit des demi-vérités.

Alors, M. le Président, je peux vous dire que j'ai appuyé ce projet, qu'il y a des questions pratiques pour lesquelles on doit l'adopter, pour assurer, dans le fond, la présidence du tribunal de... la présidence... de pouvoir être en mesure, de pouvoir compléter et, après la période de sept ans, il y aura un renouvellement de mandat pour une période d'une durée inférieure.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Gaspé.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, la réplique, la correction se doit d'être brève et il n'y a pas de réplique de la part du député, en l'occurrence.

Alors, M. le député de Beauce-Sud maintenant, vous avez également un droit de parole de 10 minutes. Alors, M. le député.

M. Poulin: ...M. le Président, Beauce-Nord.

Le Vice-Président (M. Pinard): Beauce-Nord, excusez-moi.

Une voix: ...

M. Normand Poulin

M. Poulin: Comme c'est effrayant! M. le Président, j'interviens sur l'adoption du projet de loi n° 63, Loi modifiant le Code du travail et la Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives.

Rappelons, M. le Président, que cette loi vise à préciser des règles concernant la nomination du Commissaire du travail à titre de Commissaire à la nouvelle Commission des relations de travail. Elle modifie également le Code du travail pour remédier à une omission dans le texte anglais d'une disposition relative aux services essentiels dans la fonction publique.

Le ministre, M. le Président, après avoir promis et retardé la réforme du Code du travail à de multiples reprises depuis 1997, le gouvernement déposait finalement, le 15 mai 2001, le projet de loi n° 31. Malgré les demandes répétées de l'opposition officielle, le gouvernement avait refusé de procéder à des consultations générales et s'en était tenu à des consultations particulières. Malgré l'importance du projet de loi, lors des consultations, certains groupes avaient émis des craintes concernant le processus de sélection et de renouvellement du mandat des commissaires de la nouvelle Commission. La loi n° 31 a été adoptée dans un bâillon ? il faut s'en rappeler, M. le Président. Le ministre mentionnait en commission qu'il y a plusieurs dispositions de cette loi qui entreraient en vigueur en 2002. Je me pose la question: Pour quelle raison, à ce moment-là, on a vraiment accéléré le processus d'adoption du projet de loi n° 31, alors qu'on aurait pu procéder de façon à étudier en commission parlementaire les articles, article par article, pour permettre d'avoir un projet de loi beaucoup mieux valorisé et chercher d'améliorer dans sa présentation et éviter du même coup de bâillonner l'opposition libérale?

Le projet de loi n° 31 a été adopté avec une telle hâte que plus de la moitié des dispositions n'ont même pas été étudiées en commission parlementaire. Il n'est pas surprenant que le gouvernement doive aujourd'hui revenir devant l'Assemblée nationale pour corriger certaines lacunes de sa loi.

M. le Président, le projet de loi n° 63, en fait, c'est trois articles, trois articles de loi. Lors des travaux en commission qui se sont déroulés, on a eu le droit à plusieurs amendements. En fait, cinq amendements ont été déposés concernant ce projet de loi n° 63. Puis certains d'entre eux ont été discutés, on pouvait, on va dire, s'entendre sur la correction ou les amendements qui nous étaient apportés, mais il y en a un, parmi les amendements qui nous ont été déposés, qui a retenu notre attention. Il s'agit, à l'article 2.2, de:

L'article 221 de la loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, du suivant: «En raison des travaux requis pour l'implantation de la Commission des relations de travail, le gouvernement peut prolonger d'au plus deux ans la durée maximale du premier mandat administratif du premier président de la Commission, prévue à l'article 137.41 du Code du travail, édicté par l'article 63 de la présente loi.»

Jusque-là, cet amendement nous convenait, nous, de l'opposition officielle, mais ce qui suit, M. le Président, on ne pouvait être d'accord avec l'amendement: «Dans ce cas, l'acte de nomination du premier président doit faire état de cette prolongation et la durée du premier mandat, à titre de commissaire, du premier président de la Commission est prolongée d'autant.»

En fait, si on explique l'amendement qui a été déposé par le ministre, c'est que l'amendement proposé a pour objet de permettre au gouvernement, en raison des travaux reliés à l'implantation de la nouvelle Commission des relations de travail, de prolonger d'au plus deux ans, la portant ainsi de cinq à sept ans, la durée maximale du premier mandat administratif du premier président de la Commission des relations de travail. Une telle prolongation devrait toutefois être mentionnée dans l'acte de nomination. L'amendement prévoit en outre la durée du mandat du président à titre de commissaire serait prolongée d'autant, c'est-à-dire sept ans.

Pourquoi, M. le Président, prolonger ce mandat-là de deux ans? On se l'explique mal. Nous, on a déposé en commission parlementaire un sous-amendement qui aurait permis au ministre, au gouvernement en place de prolonger le premier président, son mandat, d'une durée de deux ans ou tout simplement de renouveler son mandat pour une période de cinq ans. Puis on s'explique mal, c'est que le ministre a discuté, hésitait, on va dire, à prendre notre sous-amendement et à en tenir compte. Vraiment, on aurait cru, à un certain moment donné, que le ministre aurait répondu à la demande de l'opposition, mais tel n'en fut pas le cas, M. le Président.

Et nous trouvons malheureux... Parce que, dans l'ensemble des autres points, comme mon collègue de Mont-Royal en faisait part, on était assez d'accord avec les amendements qui avaient été apportés, avec les correctifs du projet de loi n° 63, qui venaient ni plus ni moins corriger les maladresses du projet de loi n° 31 qui nous avait été déposé en toute hâte. Mais pour ce qui est de l'article 2.2, eh bien, pour nous, ça devenait inacceptable, parce qu'on donnait dans notre sous-amendement toute la latitude au ministre de pouvoir prolonger le mandat du président. Puis on s'explique mal pourquoi il n'a pas accepté notre sous-amendement à son projet de loi.

n(12 h 50)n

M. le Président, nous sommes déçus que le ministre n'ait pas accepté le sous-amendement qui lui aurait donné toute la latitude pour reconduire la personne nommée pour cinq ans, pour lui permettre de prolonger le mandat du président de la Commission de deux ans. Ce sous-amendement aurait permis de rejoindre directement les objectifs visés. Pourquoi, M. le Président, tenir mordicus à une nomination de sept ans pour assurer la transition d'un premier mandat des commissaires? On ne peut se l'expliquer. Nous croyons que notre sous-amendement aurait répondu aux besoins de la situation. Devant ce refus, même si, lors du principe, on était d'accord avec ce projet de loi, on ne peut être contre le projet de loi n° 63. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord. Nous allons maintenant céder la parole au député de LaFontaine. Alors, M. le député. Vous avez droit à un temps de parole de 10 minutes, M. le député.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, je vous remercie, M. le Président.

Une voix: ...

M. Gobé: Oui, en effet. Je ne pense pas que j'aurai de misère, M. le ministre, parce que, comme vous le savez, j'ai été quelques années responsable des dossiers du travail pour l'opposition. Et d'ailleurs, je vais vous dire d'entrée de jeu que j'y ai eu un grand plaisir. J'ai connu plusieurs ministres, en particulier le député de Matane qui, comme ministre du Travail, a essayé par tous les moyens de réformer le Code du travail. Et là on parle du Code du travail justement. Je n'aurais jamais pensé revenir un jour, redevoir parler aussi rapidement sur le Code du travail en tout cas.

Et je me souviens très bien le député de Matane nous dire à un moment donné, dans une déclaration qu'il avait faite: Bon, j'ai lu le Code du travail, je l'ai lu dans ma limousine entre Québec et Matane, et tout est prêt, les consensus sont là, enfin, puis on va procéder rapidement. Et on était là, en 1995, et il faut dire que malheureusement on a dû attendre en 2001 pour avoir une réformette du Code du travail. Ce n'était vraiment pas une réforme, hein? Vous en conviendrez avec moi, qu'il n'y a pas eu grande transformation; on a tergiversé sur les articles 45 et 46. Bon. La sous-traitance. Ça n'a pas touché les dispositions importantes de ce Code. On a essayé de faire quelque chose sans vouloir déranger d'un côté le monde syndical, de l'autre côté le monde patronal.

Remarquez bien que c'est une question d'équilibre. Le Code du travail, après tout, c'est une question d'équilibre, c'est ce qui doit régir les rapports entre les travailleurs et les employeurs. Mais il n'en reste pas moins que le Code du travail au Québec date de nombreuses années et, comme toutes les pièces législatives, comme toutes les lois... Précédemment, je vous parlais, M. le Président, des décrets, les décrets 1932, 1934. Eh bien, au lieu de les abolir bêtement, bien, je pense qu'on aurait peut-être dû les réformer, les réactiver, les moderniser, les remettre au niveau de l'activité économique et industrielle du travail que nous avons maintenant, puis en tenant compte des nouveaux facteurs, du nouveau contexte. Non, on a préféré l'abolir. C'est symbolique, ça faisait plaisir. Et, par contre, au niveau du... Ça faisait plaisir à certaines personnes qui donnaient par là l'impression de déréglementer, enfin, de faire différentes choses. Mais on n'a rien déréglementé après tout parce que, depuis ce temps-là, on a toujours les mêmes normes, on a toujours les mêmes salaires puis les mêmes conditions de travail qu'il y avait dans le temps. Alors, on n'a rien changé puis on les repousse pour 30 mois. Bon. Et là on a par contre une belle occasion de montrer qu'on voulait faire quelque chose pour alléger, pour faciliter l'exercice du travail dans le Québec. Hein? C'est le Code du travail. Il y a longtemps que les gens demandaient que le gouvernement se penche là-dessus.

Et je parlais du député de Matane, qui d'ailleurs était, selon moi, un excellent ministre du Travail, qui a toujours essayé de défendre et de voir à ce que les droits des travailleurs ne soient pas sacrifiés à des modes ou à des périodes où le gouvernement semblait entendre les chants des sirènes de la droite et, bon, le député de Matane, lui, vaillamment et des fois difficilement, eh bien, a toujours été là pour maintenir une certaine direction, ce qui a empêché, à un moment donné, probablement, les réformes qui voulaient être faites.

Parce que je me souviens très bien, moi, qu'il était question à un moment donné de changements qui n'auraient peut-être pas été dans l'intérêt des travailleurs et travailleuses au Québec. Alors, par la suite, bon bien, lui, il n'a pas pu le faire. Alors, ils l'ont remanié à un moment donné. On se rappellera, alors que le premier ministre... on parlait à l'époque de l'assujettissement du câblage et de la machinerie de production, hein. Vous vous souviendrez de cette question posée en Chambre et où le député de Matane, ministre du Travail, se lève et dit: Mais oui, nous étudions, vous savez, la possibilité, peut-être, d'assujettir la machinerie de production, hein, dans les décrets de la construction. Eh bien, le premier ministre se lève et dit: Il n'en est pas question, c'est non. Alors, rabrouant son ministre, le faisant asseoir, il n'avait pas juste sa veste qui était devenue rouge, je pense que lui aussi, et je le comprends, le pauvre, il venait de se faire dire, désavouer publiquement par son premier ministre dans un dossier extrêmement sensible et qui avait un impact important dans la capacité des gens de s'organiser en termes de relations de travail avec leurs employeurs et aussi en termes de qualité de rémunération, de conditions de travail, et tout ça.

Ils l'ont remanié. Là, le projet de Code du travail que le ministre avait dit qu'il était prêt, il y avait les consensus, et tout ça, on va agir rapidement, bien, il a été remis sur une tablette. Et là on s'est retrouvé avec une autre ministre, hein, une ministre du Travail, la députée de Bourget, qui, elle, ayant peu ou pas d'expérience dans ce domaine-là, eh bien, a décidé qu'il fallait, oui, réformer le Code du travail puis au printemps suivant, et que le printemps suivant, elle déposait un document disant qu'elle étudiait la manière... qu'est-ce qu'elle devait faire comme réforme. Ça a traîné, ça a traînaillé, il y a eu un projet qui a été avorté en 1999, un autre en 2000, et ça n'avançait pas, ça n'avançait pas, on voyait qu'il n'y avait vraiment pas de consensus dans la société.

Et pourquoi? Bien, c'est simple pourquoi: c'est parce que le gouvernement n'a pas pris la peine, M. le Président, et vous allez comprendre pourquoi je vous dis ça, il n'a pas pris la peine de faire une vaste consultation publique, il a préféré s'en tenir à des consultations privées, hein, comme on fait dans certains domaines, ici, en cette Chambre, avec lesquelles je suis d'accord pour certaines choses. Mais, dans le cas d'une réforme comme le Code du travail, il aurait été probablement beaucoup plus productif et intéressant pour les gens qui cherchaient à faire évoluer, pas cette montagne, je dirais, mais ce bloc très important de réglementations de toutes sortes qui régissent les droits de tous et chacun, et les obligations de tous et chacun aussi dans le milieu du travail, eh bien, d'avoir une consultation publique, un peu comme des états généraux, où les gens auraient pu venir s'exprimer, les spécialistes en relations de travail, des simples travailleurs, des professeurs d'université, des représentants syndicaux bien sûr, des représentants patronaux bien sûr, mais aussi des patrons. Parce que ce n'est pas vrai qu'il y avait unanimité chez tous les membres des mêmes syndicats. Je me souviens, moi, avoir vu des présidents de syndicats me dire: Je ne suis pas d'accord avec ce que le président de ma centrale présente en avant. Ils me donnaient des papiers: Tiens, M. Gobé, nous, notre section, notre syndicat, on a voté contre ça, on n'est pas d'accord. Il y avait le diktat des organisations et des organismes qui a fait en sorte que ce débat n'a pas eu lieu.

Alors, on a eu la réformette qu'il fallait parce que, justement, ce n'était pas appuyé par la volonté forte de tous les intervenants et de tous les gens qui peuvent être concernés. Alors, on essaie de balancer entre les organisations. Toujours le diktat qu'on a au Québec entre les organisations. D'un côté, on met un, on met le a; de l'autre côté, on met le b. En tout cas, à un moment donné, c'est le patronat; à un moment donné, c'est le syndicat. Puis là on dit: Bon, on commence à tirer à la corde, là. Il y a une équipe qui tire d'un bord, puis l'autre de l'autre bord, puis on tire, on essaie d'amener l'autre sur la ligne du milieu. Puis là le gouvernement, à un moment donné, est au milieu là. Puis, des fois, bien, il va donner un petit coup de pouce pour tirer la corde en arrière puis, des fois, il la lâche, puis l'autre, il remonte. Ce n'est pas comme ça qu'on gouverne, M. le Président. On gouverne, c'est parce qu'on a une vision, parce qu'on croit que les choses doivent être faites, et puis on gouverne, M. le Président, pour le futur, pas pour répondre simplement à des situations ponctuelles du rapport de force parce qu'il y a une élection puis, bon, on ne veut pas mettre la centrale syndicale ou les travailleurs contre nous. Alors là on va aller plus de ce côté-ci de la corde; à un moment donné, l'élection est passée, puis là, bien, pour donner une belle image avec les entreprises, une image qu'on est un gouvernement qui est proche des entreprises, bien là on va tirer un petit peu sur la corde des patrons. Bien, ce n'est pas une manière de gouverner, ce n'est pas une politique.

Puis on le voit, parce que, lorsqu'on a déposé le projet de loi n° 31, M. le Président, qui a été adopté très vite d'ailleurs, hein, adopté rapidement, à un moment donné, bon, consultations en commission parlementaire, c'est fini, ce n'est plus le temps de travailler là-dessus, hein, et on a passé le projet comme beaucoup d'autres projets, hein, de manière, je ne dirais pas arbitraire, ce n'est pas le mot, mais en force, eh bien, on a oublié un certain nombre de choses. Puis là on en découvre, des choses, hein! On en découvre. On a un projet de loi, le projet de loi n° 63, pour deux articles, hein, version anglaise, une omission concernant la possibilité de modifier une décision de la Commission lorsque les parties s'entendent, la version anglaise.

n(13 heures)n

Alors, M. le Président, vous comprendrez que... Bon, l'article 2 du projet de loi, on parle aussi de la nomination, M. le Président, des commissaires. Là encore, je me souviens, moi, que le Barreau avait envoyé une lettre. Le Barreau avait envoyé une lettre pour dire: Attention! La nomination des commissaires, elle va se faire d'une manière arbitraire et ça va dépendre... ils vont être redevables au processus politique. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Ce n'est pas sûr. Est-ce que c'est la bonne manière de fonctionner? Est-ce qu'il faut être dans un syndicat et puis il faut être dans une organisation patronale pour être nommé commissaire à cette Commission? Bien, ce n'est pas évident que ce soit dans le meilleur intérêt. Est-ce qu'il n'y a pas des experts, des spécialistes, des universitaires qui sont liés ni à un ni à l'autre qui pourraient occuper ces postes et qui devraient occuper ces postes comme des vrais professionnels? Moi, je crois que oui. C'est dans ce sens-là qu'on aurait dû regarder aussi, mais on ne regarde pas dans ce sens-là. On va se retrouver, M. le Président, avec le même genre de fonctionnement que nous avons maintenant, bon, dans les relations de travail. Alors, est-ce que ça aura changé quelque chose?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Votre temps de 10 minutes est maintenant écoulé. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Non.

Mise aux voix du rapport

Alors, est-ce que le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant le Code du travail et la Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté...

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...sur division. Alors, considérant l'heure, nous allons maintenant suspendre nos travaux, et je vous invite à revenir nous voir cet après-midi, à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon après-midi à vous tous. Si vous voulez prendre place, vous asseoir.

Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je vous référerais donc à l'article 13 de notre feuilleton.

Projet de loi n° 64

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 13, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil. Alors, M. le ministre de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, je vous cède la parole.

M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je soumets donc à cette Assemblée pour qu'elle en adopte le principe le projet de loi n° 64 intitulé Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil.

Alors, il s'agit ici, M. le Président, d'un projet de loi qui modifie le Code civil du Québec afin de permettre au directeur de l'état civil d'exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte de l'état civil ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt au dossier. C'est un projet de loi qui confère également au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement des documents ou renseignements que peut fournir une personne pour obtenir une copie d'un acte d'état civil ou un certificat.

Et enfin, le projet de loi fait obligation au ministre responsable de l'état civil de faire rapport au gouvernement de l'application de cette loi au plus tard cinq ans après la sanction du projet de loi. Le rapport sera déposé dans les 30 jours suivants devant l'Assemblée nationale ou, si elle ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise des travaux.

M. le Président, conjointement à l'inscription du projet de loi à notre feuilleton et conformément aussi à l'engagement que j'avais pris, j'ai également remis à l'opposition officielle le projet de règlement. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'avoir un échange très fructueux en commission parlementaire, le 28 novembre dernier, qui a permis d'enrichir le projet de règlement que je vais soumettre au Conseil des ministres pour approbation. M. le Président, je souligne qu'il est exceptionnel de transmettre les règlements à l'opposition avant l'adoption d'un projet de loi, qu'il est exceptionnel de discuter d'un projet de règlement en commission parlementaire avant l'adoption de principe et que, de surcroît, seront intégrés au projet de règlement des amendements directement issus des suggestions de l'opposition. Je pense qu'il faut savoir le reconnaître et l'apprécier.

Je rappelle par ailleurs que, le 8 novembre dernier, cette Assemblée, par l'adoption du projet de loi n° 47, était déjà venue colmater une brèche dans le Code civil du Québec. Cette brèche permettait à quiconque de se procurer un certificat pour toute personne inscrite au registre de l'état civil. Depuis la sanction du projet de loi n° 47, le 9 novembre dernier, le directeur de l'état civil ne peut donc désormais délivrer un certificat qu'aux personnes qui sont mentionnées à l'acte ou aux personnes qui y justifient de leur intérêt.

Lors de l'étude du projet de loi n° 47, nous avions convenu d'y retirer les dispositions qui font l'objet du présent projet de loi afin qu'elles soient débattues lorsque le projet de règlement serait disponible. Celui-ci étant maintenant disponible et ayant même été étudié en détail en commission parlementaire, il nous faut donc aller de l'avant avec les présentes modifications législatives qui s'avèrent nécessaires afin de donner au directeur de l'état civil les balises et les pouvoirs qui lui permettront de ne délivrer les copies d'actes et les certificats qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui peuvent justifier leur intérêt. C'est le sens fondamental du projet de loi qui est devant nous.

Maintenant, qu'est-ce qu'on y trouve, dans ce projet de loi? Bien, essentiellement, en premier lieu, celui-ci stipule que le directeur de l'état civil peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou d'un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt. C'est ici une disposition qui est tout simplement le corollaire de l'obligation que le Code civil fait au directeur de l'état civil de ne délivrer les copies d'actes et les certificats qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou y justifient leur intérêt.

n(15 h 10)n

En deuxième lieu, le projet de loi confère au gouvernement un pouvoir réglementaire afin de déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne pour certifier son identité ou son intérêt. Bien sûr, nous aurions pu laisser au directeur de l'état civil toute la discrétion de décider seul des documents ou renseignements qu'il juge nécessaires pour vérifier l'identité ou l'intérêt d'un demandeur. Il nous est apparu cependant plus sage de fixer, par voie réglementaire, les balises générales qui guideront autant le directeur de l'état civil, dans l'exécution de son travail, que l'ensemble de la population, à titre de demandeur des documents de l'état civil. Cela nous est apparu d'autant plus nécessaire que nous sommes en présence d'un équilibre difficile à établir et à maintenir entre le libre accès d'un citoyen à ces documents de l'état civil et l'obligation qui est faite au directeur de l'état civil de ne délivrer ces documents qu'aux seules personnes qui y sont mentionnées ou qui y justifient leur intérêt.

Et, finalement, comme je l'ai souligné en introduction, le projet de loi introduit l'obligation pour le ministre responsable de l'état civil de faire rapport de l'application de cette loi au plus tard cinq ans après sa sanction.

Je tiens cependant, en conclusion, M. le Président, à rappeler que nous ne sommes pas ici en présence d'un projet de loi qui suspend des droits et libertés fondamentaux de citoyens ou qui confère des pouvoirs de surveillance sur les citoyens. Bien au contraire, nous sommes ici en face d'un projet de loi qui vise à réserver l'accès aux documents qui sont à la source de l'identité des citoyens qu'aux seules personnes directement concernées ou qui justifient de leur intérêt. Et c'est une disposition qui est ici la résultante des préoccupations et commentaires que j'ai reçus lors de l'étude du projet de loi n° 47 et qui ont également été exprimés lors de l'adoption de mesures législatives par d'autres gouvernements aux prises avec une problématique similaire, dans la foulée des événements du 11 septembre dernier.

Je convie donc cette Assemblée à compléter ce qu'elle a amorcé par l'adoption du projet de loi n° 47 en adoptant cette fois-ci le principe du projet de loi n° 64, et j'invite également l'opposition à poursuivre l'étude de ce projet de loi dans le même esprit de collaboration qui a prévalu lors de l'étude du projet de loi précédent. Je vous remercie infiniment, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, et je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'accès à l'information et députée de Jonquière. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, comme il a été mentionné, le projet de loi n° 64 s'appelle Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil. Ce projet de loi, M. le Président, se veut évidemment dans le but de modifier les articles 148 et 151 du Code civil afin de resserrer pour quiconque la possibilité d'avoir une copie d'acte ou de certificat, M. le Président.

Pourquoi, M. le Président, pareil projet de loi? Évidemment, ce projet de loi fait suite aux événements du 11 septembre 2001, où, suite aux événements du 11 septembre 2001, M. le Président, on a identifié deux problématiques majeures qui permettaient à quiconque de pouvoir fausser et prendre l'identité d'un tiers, M. le Président. Tous se rappellent d'une émission Le Point qui a passé en mai dernier, M. le Président, où on a pu facilement prendre... où on a pu prendre l'identité d'un tiers simplement parce que, au niveau des registres d'état civil, on avait omis d'inscrire que tel individu était décédé, M. le Président.

Les deux problématiques qui ont donc été identifiées majeures sont évidemment au niveau de l'authenticité des données que détient le directeur des ressources... le directeur pas des ressources humaines, le directeur de l'état civil, M. le Président. Et évidemment, la deuxième problématique, c'était la trop grande permissivité que le Code civil permettait. J'aimerais, M. le Président, vous lire l'alinéa un de l'article 148 dont il était question. Le 148 disait que «le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt; il délivre le certificat à toute personne qui en fait la demande», M. le Président.

On peut comprendre que le libellé même de l'alinéa un de l'article 148 était d'une permissivité sans aucune contrainte. Toute personne qui se présentait au bureau du directeur ou qui faisait une demande de certificat pour quiconque avait droit de recevoir une copie de certificat, M. le Président. C'est à cet article 148, alinéa un, que le gouvernement a voulu s'attaquer, M. le Président. Nous sommes d'accord, l'opposition officielle, pour corriger cette problématique, sans... en y ajoutant des règles, bien sûr, sans toutefois les alourdir, parce qu'il faut bien comprendre qu'au Québec la très, très grande majorité des Québécois, des Québécoises qui demandent copie du certificat de... ou copie de leur acte, M. le Président, sont des gens de bonne volonté, sont des gens qui ont besoin d'avoir pareil document, M. le Président.

Il est vrai, M. le Président, il est vrai que l'opposition officielle a, dans la mesure du possible, apporté son appui et sa collaboration pour modifier le Code civil, M. le Président, mais ce qui nous rebute dans le projet de loi n° 64 actuel, M. le Président, ce qui nous rebute et qu'on ne peut passer sous silence, c'est la façon dont le gouvernement s'y prend pour apporter, référer les possibilités, les règles d'attribution, M. le Président, prévues aux articles 148 et suivants du Code civil. Ce qui nous rebute, M. le Président, c'est particulièrement l'article 2 du projet de loi n° 64 qui dit que l'article 151 de ce Code, modifié par l'article 27 du chapitre 21 des lois de 1996 et par l'article 14 du chapitre 47 des lois de 1999, est de nouveau modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou un certificat.»

En fait, M. le Président, ce qui choque l'entendement de l'opposition officielle, c'est qu'on puisse, par règlement, M. le Président, qu'on puisse insérer des dispositions au Code civil non pas par la voie législative, mais par règlement. Je m'explique, M. le Président. Vous conviendrez avec moi que le projet de loi, à son article 2, est quand même assez vide comme sens; on dit que le gouvernement pourra, par règlement, déterminer des documents ou renseignements qu'il peut fournir. Où, M. le Président, allons-nous trouver les renseignements et les documents que le gouvernement pourra exiger dans un règlement d'application, M. le Président? À notre sens à nous, M. le Président, c'est contre le sens même, c'est contre toute l'économie de notre Code civil, M. le Président. Il aurait été souhaitable... Et, M. le Président, il aurait été souhaitable qu'on y inclue, dans le projet de loi n° 64, à notre avis, quels étaient les documents et les renseignements que le gouvernement entendait exiger, rendre exigibles pour une personne qui demande une copie d'un acte ou d'un certificat.

M. le Président, malheureusement, ce gouvernement a une tendance, une tendance malheureuse à vouloir modifier le Code civil du Québec en y introduisant des articles que l'on peut appeler des coquilles vides pour bonifier par des règlements d'application. Or, cette façon est tout à fait à l'encontre de l'économie même de la tradition québécoise, la tradition juridique québécoise, M. le Président. Combien de fois, en cette Chambre, avons-nous entendu le premier ministre, ses collègues ministres, ses collègues députés parler de la société québécoise, que le Québec était une nation, que nous étions fiers de notre tradition civiliste, M. le Président? Nous, de l'opposition officielle, nous sommes fiers de cette tradition. Nous sommes particulièrement fiers de cette oeuvre qu'est le Code civil du Québec, M. le Président, et c'est pourquoi nous nous opposons à ce qu'on puisse banaliser l'essence, l'économie de notre Code civil en y insérant des articles vides de sens pour légiférer par règlement.

n(15 h 20)n

Vous comprendrez, pour nous, qu'il est fort essentiel de comprendre la dynamique qui se passe, M. le Président. Le Code civil est l'armature juridique des Québécois et des Québécoises. Or, cette façon de légiférer, M. le Président, en y intégrant, par amendement, des articles qui ne veulent rien dire parce que bonifiés par des règlements d'application vient faire en sorte qu'on banalise toute l'économie de notre Code civil.

Le Code civil, M. le Président, je vous le répète, est pour ainsi dire la pierre maîtresse de toute notre législation québécoise. Au Québec, notre fondement juridique, c'est le Code civil qui est la législation complète par elle-même. Combien de fois, M. le Président, combien de fois des plaideurs, combien de fois les tribunaux se réfèrent au Code civil pour interpréter toute autre législation du Québec? Combien de fois, M. le Président, on a interprété des dispositions du Code du travail par l'économie du Code civil. C'est notre règle, c'est notre pierre d'assise juridique, le Code civil, M. le Président.

Or, nous ne pouvons, M. le Président, accepter tel... dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 64, non pas parce que nous sommes contre les balises qu'on veut apporter pour l'accessibilité des certificats, des copies de certificats, mais parce que nous sommes contre le moyen utilisé par le gouvernement de le faire par règlement.

Permettez-moi, M. le Président, de vous lire et de faire miens les propos tenus par le Barreau du Québec lors d'un mémoire que le Barreau a déposé concernant la Loi modifiant le Code civil, le projet de loi n° 50. Le Barreau du Québec disait que: «Le Code civil, en vigueur depuis au moins huit ans, constitue la pièce législative maîtresse qui régit les relations de droit privé au Québec. Si l'on compte les travaux de l'Office de révision du Code civil, son adoption s'est échelonnée sur plus de 20 ans. Il s'agit de l'assise majeure sur laquelle repose notre tradition civiliste. On le considère à juste titre comme une loi fondamentale qui ne doit être modifiée que lorsque vraiment nécessaire et uniquement dans le cadre d'une réflexion globale. Il avait d'ailleurs été unanimement jugé opportun, lors de son adoption en décembre 1991, de confier à un organisme indépendant, voué à la réforme du droit, le soin d'élaborer de façon cohérente et planifiée une actualisation permanente de son contenu. La loi créant l'Institut de réforme du droit a bien été adoptée, mais son entrée en vigueur n'a jamais été promulguée.»

Le Barreau du Québec met en doute cette pratique qu'a le législateur depuis quelques années de modifier le Code civil sur certaines questions particulières sans que l'on sache vraiment pourquoi ces questions deviennent soudainement prioritaires, alors que plusieurs autres articles ambigus ou déficients mériteraient aussi l'attention du législateur. Le Barreau du Québec disait, M. le Président: «On nous soumet fréquemment des amendements au Code qui veulent apporter une solution à un problème spécifique et ponctuel. Le Code civil ne constitue pourtant pas une loi comme les autres visant à couvrir un aspect précis d'une réalité juridique bien spécifique. Il se veut plutôt un énoncé des principes généraux applicables à des situations générales de droit privé. Les solutions envisagées par les amendements législatifs peuvent parfois régler des problèmes ponctuels identifiés, malheureusement, souvent au détriment de la solidité de l'édifice juridique qu'est ce nouveau Code en changeant radicalement les principes de droit civil depuis longtemps reconnus. Les impacts de l'application des autres chapitres de la disposition du Code semblent trop souvent mal évalués.»

M. le Président, j'ai vérifié auprès du Barreau du Québec quelle était leur position par le fait qu'on puisse prendre cette tendance de vouloir amender le Code civil en y introduisant des articles de loi qui nous réfèrent à de la réglementation et, évidemment, M. le Président, la réponse est écrite dans leur mémoire. On est contre cette façon de faire. On est contre cette façon de faire, M. le Président, parce que le Code civil du Québec, au Québec, ce n'est pas quelque chose de banal, c'est quelque chose d'extraordinaire qui fait que le Québec s'est toujours distingué, M. le Président, par sa législation qu'est le Code civil.

Je pratique le droit depuis 22 ans... 23 ans déjà, M. le Président, et, au début de ma pratique, il n'y avait pas de règlements d'application dans le Code civil, M. le Président. Le seul endroit où on trouve un règlement d'application, c'est au niveau des registres... de l'application des registres, les registres fonciers, les registres des immeubles et des meubles, M. le Président. On a des règlements d'application par rapport à ça, mais, nulle part, à part ça, n'y retrouve-t-on de règlements d'application.

M. le Président, le ministre vous a dit qu'effectivement nous avions étudié le projet de règlement auquel fait allusion l'article 2 du projet de loi n° 64, M. le Président. Or, comme il vous l'a dit, effectivement, de chaque côté de la Chambre, nous avons étudié le projet de règlement. L'opposition officielle a pu apporter les corrections ou encore les amendements qu'ils voulaient y voir apportés, mais un fait demeure, M. le Président, que le projet de règlement est un projet de règlement qui sera adopté par le Conseil des ministres sans que nous, de ce côté de la Chambre, puissions y intervenir.

Pourquoi, si on veut être transparent, M. le Président, si on veut évidemment donner un sens à la législation qu'on fait... pourquoi, à ce moment-là, ne pas introduire les documents, les renseignements auxquels on fait référence dans le règlement d'application dans le Code civil même, dans l'article 2 du projet de loi, M. le Président? On pourrait facilement, à mon sens, M. le Président, à l'article 151, y introduire à quoi on fait référence au lieu d'écrire, comme on le prévoit, que le gouvernement peut, par règlement, déterminer les documents.

Le Code civil n'est pas un outil législatif qu'on va amender comme cela, M. le Président. C'est tellement vrai, M. le Président, que, lorsqu'il y a eu la réforme du Code civil, l'opposition officielle, qui forme le gouvernement aujourd'hui, avait comme subordonné son appui à la réforme majeure du Code civil par une législation qui donnerait... qui créerait l'Institut québécois de réforme du droit, M. le Président.

J'ai fait quelques recherches ce matin et j'ai regardé dans les galées qu'est-ce qui s'était dit au niveau, effectivement, de cet Institut québécois de réforme du droit, qu'est-ce qu'on en disait à l'époque, en décembre 1991, M. le Président. Alors, le ministre de la Justice de l'époque, M. Rémillard, disait que «le projet de loi 406 qui nous est soumis aujourd'hui vise à créer l'Institut québécois de réforme du droit. Ce projet de loi donne suite aux engagements que j'ai pris devant cette Assemblée en juin dernier, lors de l'adoption du principe du projet du Code civil du Québec. Tel que je l'ai alors mentionné, l'expérience du projet de réforme du Code civil entrepris il y a plus de 35 ans nous enseigne qu'il est souhaitable de maintenir une structure permanente vouée à la révision et à la modernisation régulière du droit au Québec», M. le Président. Le ministre de la Justice disait toujours que «la création d'un tel organisme devrait donc répondre aux besoins de réforme et de développement de nos règles de droit en tenant compte des réalités économiques, sociales et juridiques de la société québécoise en évolution constante, M. le Président, que l'on pense à une reconnaissance du testament biologique et à la propriété des embryons, etc.»

Le ministre disait: «Afin de lui permettre de réaliser pleinement son rôle, le projet de loi n° 406 propose de doter l'Institut des pouvoirs qui l'amèneront à procéder aux recherches et aux consultations nécessaires à l'élaboration de rapports et à la formulation de recommandations dans différents domaines juridiques. De plus, le projet de loi prévoit, à l'instar des commissions de réforme du droit constituées par d'autres autorités législatives, que l'Institut pourrait, de sa propre initiative, soumettre à l'approbation du ministre de la Justice des sujets qu'il lui semblerait opportun d'étudier ou qui pourraient lui être présentés par des personnes ou des organismes intéressés. Cette approbation devrait assurer une meilleure coordination entre les projets de recherche à entreprendre et les besoins des ministères sectoriels», M. le Président.

Que répondait à cela, M. le Président, l'opposition officielle, qui est maintenant au pouvoir? Par la voix de sa porte-parole officielle, qui est Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, celle-ci disait que, pour elle, pour l'opposition officielle, que le projet de loi n° 125 de la réforme du Code civil était intimement lié à l'avènement du projet de loi qui créait l'Institut, M. le Président. Madame de l'opposition officielle disait: «Nous lui avons dit ? en parlant du projet de loi de la réforme du Code civil ? que nous envisagions de refuser, par tous les moyens permis qui étaient à notre disposition, de terminer l'examen du projet de loi si nous n'avions pas l'assurance de la création d'un tel institut québécois de réforme du droit.» Elle disait, M. le Président: «C'est évident que nous considérons que la vie va trop vite maintenant et qu'il ne faut plus laisser à des lois statutaires qui sont adoptées à la pièce, parfois même en marge sinon à l'encontre du Code civil, le soin d'ajuster notre droit à la réalité de la société», M. le Président.

n(15 h 30)n

M. le Président, de tout temps, en cette Chambre, on a reconnu la spécificité du Code civil. On a reconnu que cet outil que les Québécois et les Québécoises se sont donné depuis plusieurs siècles, M. le Président, était une pierre angulaire de notre réalité juridique. Lors de la grande réforme de 1991, M. le Président, tous les membres de cette Chambre avaient reconnu cette spécificité. Tous les membres de cette Chambre avaient reconnu qu'effectivement le Code civil était à ce point un outil si important pour les contribuables, pour les justiciables québécois et québécoises, qu'il nous fallait créer, créer un organisme qui s'appellerait l'Institut québécois de réforme du droit, M. le Président. Évidemment, cette loi est entrée en vigueur... a été adoptée, pardon. La Loi sur l'Institut québécois de réforme du droit a été adoptée, M. le Président, sauf que, pour des raisons que j'ignore, le législateur ne l'a jamais mise en vigueur. Pour quelles raisons, M. le Président? Je l'ignore complètement, sauf qu'il aurait été pertinent d'avoir cet Institut qui, au fil des années, aurait pu travailler sur des modifications à apporter et qui aurait eu une meilleure vue d'ensemble sur tout l'aspect qu'est la législation du Code civil.

Pourquoi? Nonobstant, et n'en déplaise à certains députés ministériels, M. le Président, on doit référer, on doit référer à ce que je pense être les meilleurs spécialistes au moment où on se parle pour nous guider concernant les modifications du Code civil, c'est le Barreau du Québec. N'en déplaise à certains députés ministériels, le Barreau du Québec a, dans son mandat et dans sa structure, le devoir de représenter l'intérêt du public. Et c'est dans ce sens-là... et c'est pourquoi nous devons se tourner vers eux pour connaître quelle est leur position, quelle est leur vision des projets d'amendements que le législateur doit apporter, M. le Président. Or, je vous le répète, il est inconcevable, M. le Président, qu'on puisse prévoir de modifier, d'amender les articles prévus au Code civil en y introduisant des articles, dans un projet de loi, qui sont vides, qui sont des coquilles vides, parce que la substance des amendements, on la retrouve dans un règlement d'application. Quelle incohérence juridique, M. le Président! Quelle incohérence!

On dit souvent que «le législateur, dans sa sagesse»... alors, permettez-moi de vous dire que dans ce cas-ci le législateur est incohérent, parce que le Code civil, c'est du droit substantif, M. le Président. Or, la façon dont on veut y introduire les modifications, M. le Président, on va le vider de son contenu pour le bonifier par des règlements d'application. C'est incohérent, parce que le contenu, on doit le retrouver là-dedans, M. le Président.

C'est comme ça, c'est comme ça qu'on enseigne à tous les étudiants du Barreau, à tous les étudiants en droit de première année, M. le Président, en première année puis deuxième année, troisième année et au Barreau, puis, j'imagine, à la Chambre des notaires par la suite, M. le Président. C'est comme ça. C'est comme ça qu'est constitué notre Code civil.

Le Code civil au Québec, c'est là qu'on y retrouve le droit substantif. Or, M. le Président, on y dit, à l'article 2 du projet de loi n° 64, que l'article 151... et j'aimerais peut-être, pour notre gouverne, vous le lire: À l'article 151, il est donc prévu que «Le ministre responsable de l'état civil peut désigner des personnes pour signer et assurer la publicité du registre sous l'autorité du directeur de l'état civil. Le ministre donne avis de sa désignation à la Gazette officielle du Québec.

«Les mentions additionnelles qui peuvent apparaître sur les constats et les déclarations, les droits de délivrance des copies d'actes, de certificats ou d'attestation et les droits exigibles pour la confection d'un acte ou la consultation d'un registre sont déterminés par règlement d'application pris par le gouvernement.»

Or, M. le Président, ce qu'on pourrait y inclure, à l'article 151, c'est évidemment que le législateur... que le directeur des registres pourra exiger une copie d'un acte, il pourra exiger des renseignements et les documents nécessaires qu'on retrouve au règlement d'application, M. le Président.

On pourrait très bien y inclure, dans la loi actuelle, si tant est qu'effectivement on croit que c'est d'une importance fondamentale, à quoi on fait référence lorsqu'on veut introduire dans la législation les documents qui devront être nécessaires, les documents ou les renseignements que le directeur peut exiger de quiconque demande une copie. C'est pour ça... c'est ainsi, M. le Président, qu'on pourrait y inclure, dans notre Code civil... qu'on pourrait y lire, M. le Président, qu'«une personne qui demande une copie d'un acte de l'état civil ou d'un certificat délivré par le directeur de l'état civil peut démontrer son identité au moyen de deux des documents suivants», et reprendre le libellé des documents auxquels on fait référence au projet de règlement.

On pourrait, bien évidemment, lire aussi dans le projet de loi et qui serait inclus dans le Code civil, M. le Président, pour pas que le justiciable ait à... Il n'y a rien de pire, hein, M. le Président, que de lire un projet de loi qui nous réfère à un règlement. Je veux dire: On s'y perd, M. le Président. Or, ce n'est pas comme ça que notre société juridique québécoise a été conçue. Nous, on avait été habitués à avoir des textes complets, substantiels dans les mains. Or, avec le Code civil, M. le Président, quiconque devrait être capable, être en mesure, en lisant notre Code, de savoir c'est quoi dont j'ai besoin comme documents pour aller chercher une copie de mon certificat de naissance. On devrait y lire ça, dans le Code civil, pas référer à un article du Code civil qui nous réfère à un règlement d'application, M. le Président, ce n'est pas ça, l'économie de notre droit.

On devrait pouvoir lire dans le Code civil que l'un des documents fournis doit contenir une photographie du demandant. Ce n'est pas compliqué, on pourrait pouvoir y lire ça, M. le Président. On pourrait pouvoir y lire aussi quelles sont les personnes qui peuvent être répondants de l'identité d'un demandeur, M. le Président, on pourrait pouvoir y lire ça.

On prévoit que ce soit un membre de l'Assemblée nationale ou du Parlement du Canada, on prévoit que c'est un juge d'une cour de justice, on prévoit que c'est un maire, un conseiller municipal ou un conseiller d'arrondissement; on prévoit que c'est un membre d'un ordre professionnel d'expertise exclusif; on prévoit que ça peut être le directeur général d'un établissement de santé ou de services sociaux; on prévoit qu'il s'agit du directeur d'une école primaire ou secondaire, du directeur général d'un collège d'enseignement général et professionnel et d'un établissement d'enseignement privé reconnu par le ministère de l'Éducation ou d'un recteur ou d'un doyen d'une université; on prévoit que ça peut être un commissaire à l'assermentation; on prévoit qu'un membre d'un corps de police peut être une personne qui peut attester, M. le Président, ou encore un agent local d'inscription ou autre fonctionnaire nommé en vertu des lois relatives aux autochtones, Cris, Inuits, Naskapis ou par les membres de ces communautés, et que la déclaration d'un répondant est tout à fait gratuite.

M. le Président, à l'article 4 du règlement, on indique quelles sont les personnes... qu'une personne qui demande une copie d'un acte de l'état civil ou un certificat sur lequel elle n'est pas mentionnée, ou pour le compte d'une autre personne, doit fournir, en plus des documents démontrant son identité, l'un des documents suivants...

M. le Président, sur ce projet d'article 4, l'opposition officielle avait des réserves importantes, et, évidemment, comme c'est par règlement, on a bien pu dire ce qu'on voulait dire, M. le Président. Lorsque ça va se décider au Conseil des ministres, ils ne nous appelleront pas pour dire: Mme la députée de Jonquière, c'était quoi, hein, votre appréhension concernant le projet de règlement, à son article 4? Vous comprendrez ça. Sauf qu'à cette Assemblée, ici, on pourrait en discuter. On pourrait en discuter et peut-être même convaincre le parti ministériel de l'à-propos de nos représentations, effectivement, M. le Président, dans son article 4 tel que libellé.

C'est donc dire que, dans le cadre de leurs fonctions, dans le cadre de leur mandat, M. le Président, à chaque fois qu'un... ? je vais parler des avocats, parce que c'est cette corporation-là que je connais le mieux ? ...prend des procédures de divorce ou de séparation de corps, on doit produire nos pièces justificatives, et généralement, M. le Président, ce sont les avocats mandatés pour prendre les procédures qui demandent au directeur copie des certificats de naissance des parties, copies du certificat de mariage, copie du certificat de naissance des enfants, c'est nous qui le faisons dans le cadre de notre mandat généralement.

n(15 h 40)n

Lorsqu'on lit l'article 4, M. le Président ? parce qu'il faut voir aussi qu'un avocat qui fait pareille demande dans l'exercice de ses fonctions, dans l'exercice de son mandat, pour un client ou une cliente, il le fait pour un tiers ? alors on dit, à cet article 4: «Une personne qui demande une copie d'un acte de l'état civil ou un certificat sur lequel elle n'est pas mentionnée ? évidemment, c'est le cas de n'importe quel avocat qui le fait dans le cadre de son mandat ? ou pour le compte d'une autre personne doit fournir ? la personne, donc l'avocat ? en plus des documents démontrant son entité, l'un des documents suivants: un mandat ou une procuration, un jugement d'ouverture d'un régime de protection, une déclaration justifiant son intérêt à obtenir la copie d'un certificat demandé», M. le Président.

Or, ce qui choque aussi mon entendement dans ce libellé, M. le Président, c'est qu'on devra en plus démontrer, on devra en plus fournir des documents démontrant notre identité. Pensez-vous sincèrement, M. le Président, qu'un avocat qui ouvre 300 dossiers de divorce va fournir son identité à chaque fois, des documents qui attestent de son identité? Voyons donc! C'est ridicule, ça. C'est vivre dans un vase clos, sans penser aux conséquences de la législation. C'est surtout ne pas savoir comment ça se passe dans la vraie vie, M. le Président. Or, des pareilles demandes faites par des avocats, des notaires, ça se fait régulièrement, M. le Président. Généralement, le monde... Et je ne pense pas que ce soit les membres de ces corporations professionnelles qui fassent problème... qui ont nécessité des amendements tels que celui projeté au projet de loi n° 64, M. le Président. Je ne pense pas que ce soit les membres de ces corporations professionnelles qui fassent problème.

Alors là on leur demande... à chaque fois qu'on va faire une demande pour des clients, M. le Président, on devra justifier c'est qui on est. M. le Président, franchement, c'est d'alourdir de façon incommensurable, beaucoup plus importante qu'on le pense, M. le Président, alourdir toute la procédure qu'un avocat ou un notaire doit faire dans son bureau. Et ça, c'est le justiciable en bout de ligne qui en paie le coût puis qui paie pour ça, M. le Président. Et évidemment, on ne devrait pas retrouver ça ni dans un règlement d'application, M. le Président, et on ne retrouverait sûrement pas ça dans le Code civil, M. le Président. On ne retrouverait pas ça dans le Code civil, parce que dans le Code civil, M. le Président, on a comme pris la mesure et l'importance aussi des actes et des agissements faits par les membres d'une corporation professionnelle, qu'ils soient notaires ou avocats, M. le Président.

Or, je peux comprendre... je ne peux pas m'imaginer, M. le Président, qu'on puisse introduire un règlement d'application de cette nature, et c'est pourquoi il serait important qu'on puisse en discuter, M. le Président, dans la législation, qu'on y apporte les amendements, qu'on y apporte, M. le Président, ce qu'on comprend des documents qui sont nécessaires pour justifier de notre intérêt, M. le Président, qu'on y apporte, M. le Président, le nom des personnes qui peuvent être habiles pour reconnaître une personne, M. le Président, dans un projet de loi qui sera introduit dans notre Code civil. Bien, nous, de l'opposition officielle, on en est, M. le Président, on en est, on serait d'accord avec ça, M. le Président, évidemment avec les réserves que nous vous avons apportées. Effectivement, il y aurait à parfaire l'éventail qui nous est fourni dans le projet de règlement, encore une fois, M. le Président. Mais, généralement, M. le Président, c'est de la façon, c'est de la forme... Parce qu'on traite le Code civil de façon cavalière, M. le Président, on le vide de son contenu, M. le Président.

Je ne sais pas, au moment où on se parle, si les députés ministériels et les ministres prennent toute la mesure des conséquences de la façon dont ils amendent le Code civil, M. le Président. Au risque de me répéter, je vous dirais qu'on est en train de vider petit à petit, M. le Président... Et ce n'est pas la première fois, hein? Ce n'est pas la première fois qu'on se le fait dire par des corporations professionnelles, on est en train de vider petit à petit le Code civil de son contenu, de son essence, le vider de... pour en faire une loi, une loi qui ne va vouloir rien dire. On va en faire une loi où on va retrouver la substance, M. le Président, dans des règlements d'application.

On ne peut pas accepter ça, M. le Président. On ne peut pas accepter cette façon de faire, parce que ça va à l'encontre de nos traditions juridiques québécoises, M. le Président. Depuis... Je n'oserai pas m'aventurer, parce que mes notions d'histoire sont... mais, depuis le début de la... que nous sommes la société québécoise, M. le Président, depuis le plus loin que je puisse remonter... Ça nous vient de notre passé qui nous vient de France... On est tellement fiers de notre Code civil, on est tellement fiers de notre passé civiliste, et moi, M. le Président, je suis fière de ça aussi. Je suis fière. Je suis fière de notre passé civiliste, de nos traditions, M. le Président. Je suis très heureuse de pouvoir, au Québec, travailler avec un outil qui est le Code civil, M. le Président, parce qu'on y retrouve tout là-dedans, M. le Président.

Lorsque le législateur s'est attardé à un travail, de longs mois, de longues heures, de longues années même, lors de la réforme du Code civil, en 1991, M. le Président, cela a donné encore une... C'était un beau document, M. le Président, c'était un beau projet de loi. Le Code civil, je pense, a reçu l'approbation de tous les intervenants, qu'ils soient du milieu juridique, qu'ils soient au niveau de la société civile, partout, les gens ont été heureux du travail fait, parce qu'il correspondait, M. le Président, à notre réalité québécoise. Ça, les gens étaient fiers de ça. Les gens étaient fiers. Même si on devait retourner, pour plusieurs d'entre nous, sur les bancs d'école pour revoir, revoir nos notions de droit civil, M. le Président, on était heureux parce que c'était un bel outil de travail. Je pense que, au Canada, on est les seuls à pouvoir s'enorgueillir d'un pareil outil de travail, M. le Président.

Je trouve ça spécial. Je vous dirais, je trouve ça spécial que... Spécial et pas, parce que, qu'on soit de l'opposition officielle, on est tous... Et je pense que c'est une bonne démonstration qu'on fait cet après-midi, que, nonobstant les idées séparatistes des députés ministériels, c'est quand même nous, hein, de l'opposition officielle qui doit les ramener, je veux dire, qui doit leur taper sur les doigts, leur dire l'importance de cet outil-là, de ne pas banaliser le Code civil, de ne pas faire du Code civil, M. le Président, une loi quelconque, vide de contenu, qui retrouve toute son essence dans des règlements d'application. C'est assez particulier, M. le Président, qu'on doive les ramener à l'ordre sur cet aspect important de la réalité de la société québécoise, M. le Président.

M. le Président, ce n'est pas la meilleure façon de légiférer, M. le Président. Et je comprends, là, que le contexte social, le contexte international nous dicte, là, des règles qui nous disent aussi qu'on doit référer certains aspects, certaines directives qui doivent être émis... Ça, je peux comprendre ça puis je pense que... Et c'est de cette façon qu'on a travaillé avec le gouvernement, M. le Président, l'opposition officielle s'est montrée d'accord. On a été ouverts, on a donné toute la collaboration qu'on pouvait apporter au projet de loi, M. le Président, et ça s'est fait de façon franche, sans équivoque, je pense, M. le Président. Et, évidemment, on était très conscient, on est très conscient que le gouvernement canadien mettait de la pression sur le gouvernement québécois. Mais on n'est pas là pour juste faire plaisir au gouvernement canadien; on est là aussi pour nos contribuables, hein? On est là aussi pour donner le meilleur.

Et, dans la précipitation, M. le Président, à mon avis, on est en train de faire une erreur, une erreur importante, et on ne doit pas s'enliser dans cette erreur-là. Je pense qu'on peut reprendre nos travaux, M. le Président, il n'y a pas péril en la demeure. On est capable, on a du temps, on pourrait avoir un certain recul, reprendre nos travaux, M. le Président, et y introduire dans un projet de loi qui modifierait le Code civil mais en laissant la substance dans le Code civil, M. le Président, et non pas dans un règlement d'application. Il me semble que c'est primordial, et ce serait, je pense, dans la bonne tenue des choses, parce que, M. le Président, on est... on a un outil qui nous a toujours permis de nous distinguer dans cette société canadienne, M. le Président, c'est le Code civil. Et je pense qu'on devrait prendre le temps de se rasseoir, et il n'y aurait pas personne, là, qui en mourrait demain matin.

Comme le disait le ministre, M. le Président, il n'y a pas, dans ce projet de loi, des choses qui vont faire en sorte qu'on va pouvoir mettre... il n'y a pas de notion de coercition dans ce projet de loi, M. le Président. Alors, d'autant plus, pourquoi pas le faire dans les règles et dans le respect de notre tradition civiliste, M. le Président? C'est juste cela, mon propos. Je pense qu'on devrait revoir ensemble le projet de loi, faire en sorte, M. le Président, faire en sorte qu'il soit reformulé ou faire en sorte qu'on y réintroduise les notions de «document», de «personne déclarant», ce qui serait accepté... à laquelle pourrait se référer le directeur des registres, M. le Président. À ce moment-là, on pourrait réintroduire ça dans un projet de loi qui serait... et on pourrait le lire. L'article 151, au lieu d'avoir trois paragraphes, il y en aurait quatre, il y en aurait cinq. So what, M. le Président? Sauf qu'on retrouverait dans notre Code civil, M. le Président, toute l'information nécessaire. C'est comme ça, M. le Président, que le législateur s'était appliqué, dans les années... fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, à voir la... à refaire la réforme du Code civil du Québec, M. le Président.

n(15 h 50)n

On ne peut pas faire en sorte de banaliser tout un travail qui a été fait de longues années, qui a produit un... qui a été... qui a produit un document que tout le monde a applaudi au Québec, M. le Président. Donc, on ne peut pas banaliser tout ça parce qu'on va amender ponctuellement; on fait des petits amendements par ci, on fait des petits amendements par là. Le Code civil, M. le Président, c'est ? je le dis avec beaucoup de respect ? pour notre monde, pour les justiciables, c'est notre Bible, M. le Président. C'est notre Bible, ça, le Code civil. On doit... toute la substance de notre droit québécois, M. le Président, se trouve là-dedans, hein? Alors, c'est pour ça que je vous dis qu'il ne faut pas faire en sorte qu'on puisse amender de façon ponctuelle, sans vue d'ensemble, un pareil ouvrage, M. le Président. Et, pire que ça, ce qu'on est en train de faire, M. le Président, c'est non pas qu'on est en train d'amender sans vue d'ensemble tout l'ensemble de l'oeuvre, M. le Président, mais c'est... là, on est en train de vider, vider notre oeuvre, M. le Président, pour y introduire des articles de loi complètement vides de sens, sans... complètement vides de sens si on ne les réfère pas au règlement d'application, M. le Président.

Ce n'est pas comme ça qu'on légifère au Québec, M. le Président. Ce n'est pas comme ça que la tradition québécoise en matière de législation a été conçue, M. le Président.

Or, M. le Président, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire en sorte, ensemble, de reprendre le travail. Ce n'est pas pire que ça, M. le Président, puis on aurait le temps de le faire. Et je pense que, sincèrement, on pourrait y introduire des modifications, M. le Président. Entre autres, on pourrait y voir aussi des modifications qui permettraient des discussions beaucoup plus élaborées sur les modifications qu'on pourrait y voir au niveau du nombre de personnes habilitantes, M. le Président, et au niveau des documents aussi, et évidemment respecter les mandats des membres des corporations professionnelles, M. le Président, qui, à mon avis, ne sont pas respectés par l'article 4 du projet de règlement. C'est l'essence même de notre propos, M. le Président.

Évidemment, l'opposition officielle, même si fondamentalement on souhaite effectivement qu'on réfère les règles, M. le Président... Ça, on en convient, M. le Président, on est tout à fait d'accord qu'on doive référer les liens pour empêcher, M. le Président, empêcher qu'au Québec on soit la plaque tournante des gens qui veulent prendre l'identité d'une autre personne ou encore qu'on soit la plaque tournante, là, de faux papiers, M. le Président. Ça, on en convient. On prend... On a vu qu'est-ce qui s'était passé le 11 septembre, on est aussi connectés, là, sur ce qui se passe dans le monde, M. le Président, ça, on peut vous l'assurer. Mais, en ce faisant, M. le Président, on ne doit pas le faire dans la précipitation. La précipitation n'est jamais bonne conseillère, M. le Président.

Ces projets de loi là sont importants, et je pense qu'ils transcendent la partisanerie politique. On l'a démontré, M. le Président, le ministre l'a dit, on y a apporté toute la collaboration nécessaire. Mais, à notre sens à nous, M. le Président, on devrait revoir les travaux. On devrait revoir les travaux pour y introduire des notions, des notions importantes au niveau de restreindre l'accessibilité des documents, des certificats de naissance, M. le Président. On pourrait y réintroduire des règles facilement, à l'intérieur même, et ça deviendrait même... Ça ferait partie de l'ensemble du Code civil, en introduisant ces règles-là de restriction à l'intérieur du Code civil, M. le Président. Le Code civil serait, encore une fois, un document qui en ferait un tout. Tout le monde sortirait gagnant, M. le Président, tout le monde. Les justiciables en sortiraient gagnants, et ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde, M. le Président, et évidemment la communauté internationale en serait fort aise.

M. le Président, pour toutes ces raisons, compte tenu que, quant à nous, particulièrement, M. le Président, l'article 2 du projet de loi, qui, je vous le rappelle, M. le Président, ne réfère à rien finalement... On dit que «le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou d'un certificat», M. le Président. Nous, tout ce qu'on souhaite, M. le Président, c'est être en accord avec le gouvernement du Québec, être en accord en y introduisant ces règles à l'intérieur de l'article 2, qu'on ne réfère plus à de la réglementation, M. le Président, parce que, je vous le répète, M. le Président, quand on réfère continuellement à la réglementation, M. le Président, c'est-à-dire qu'on vide le contenu même, l'essence même... Et le Barreau le disait, M. le Président, le Code civil, au Québec, c'est notre pierre angulaire, la pierre d'assise de toute notre législation. Elle doit être complète en elle-même, M. le Président. Or, quand on fait, par petit projet de loi, petit projet de loi, petit projet de loi, qu'on vient altérer, M. le Président, l'oeuvre qu'est le Code civil, il va faire en sorte qu'à un moment donné on va se retrouver avec un Code civil vide de sens, qu'on se retrouvera avec un Code civil qui ne veut plus rien dire pour nous, et on devra faire, comme n'importe quel autre justiciable des autres provinces, aller vers les règlements d'application, M. le Président. Ça, ça serait à mon avis un affront à notre tradition de juristes, M. le Président. Ça serait un affront à nos traditions civilistes. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Jonquière. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, et je vais céder la parole à M. le responsable de l'opposition officielle en matière de sécurité publique. M. le député de Saint-Laurent, la parole est à vous.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Vous me voyez particulièrement ravi d'intervenir sur le projet de loi n° 64 qui concerne une disposition qui va modifier deux articles dans le Code civil du Québec. Vous me voyez particulièrement ravi de prononcer ce discours-là devant vous. Devant vous, M. le Président, parce que je sais combien vous avez aimé le droit et je sais combien vous avez aimé le Code civil.

Je pense que ? ce n'est un secret pour personne qui vous connaît bien ? vous avez entrepris votre carrière professionnelle dans un métier autre que celui de juriste, à la ville de Montréal. Nous nous sommes d'ailleurs connus à cette époque-là, vous et moi, et je me souviens que je m'étais fait la réflexion: Que ce jeune homme est brillant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: ...et que ce jeune homme devrait donc songer à embrasser la profession du droit, parce qu'il aurait très certainement un bel avenir. Et je me souviens vous en avoir fait part à l'époque, et vous avez effectivement... Vous êtes une vocation tardive, M. le Président. Vous avez embrassé la profession du droit de façon tardive. Vous avez décidé de faire votre cours de droit alors que vous aviez déjà commencé votre vie professionnelle. Et, moi, je vous ai vu, alors que vous étudiiez à l'université en droit, travailler en même temps à la ville de Montréal pour gagner vos études. Vous étiez déjà, si ma mémoire est bonne, déjà à ce moment-là, père de famille. Alors, vous travailliez, vous alliez à vos cours de droit. Et ça, pour moi, c'est la preuve de ce que je viens de mentionner, que vous avez aimé le droit.

Vous aimez le droit. Nous sommes tous... nous nous réjouissons tous que votre carrière d'avocat vous ait mené vers ce fauteuil, et nous souhaitons d'ailleurs que ce fauteuil vous le rende bien dans un prochain gouvernement. Mais vous avez aimé le droit, M. le Président, et vous avez étudié le Code civil et vous avez aimé le Code civil.

Malheureusement, malheureusement, il faut se rendre compte que le ministre responsable des Relations avec les citoyens n'a pas le même amour que vous pour le Code civil, parce qu'il fait aujourd'hui quelque chose qui est exceptionnel en regard du Code civil, et j'y reviendrai un petit peu plus tard.

Je suis aussi ravi de prononcer ce discours-là non seulement devant vous qui avez tant aimé le droit, mais également devant le député de Dubuc, M. le Président, qui est... et qui a été nommé la semaine dernière adjoint parlementaire du ministre de la Justice. Le député de Dubuc qui est un notaire de profession, M. le Président. Et je pense que, là, le gouvernement a reconnu non seulement son talent de parlementaire, mais également le fait que la profession de notaire qu'il a exercée pendant plusieurs années lui a valu sans aucun doute cette nomination d'adjoint parlementaire au ministre de la Justice...

M. Boulerice: ...

M. Dupuis: Pardon?

M. Boulerice: Les gens de robe.

M. Dupuis: Les gens de robe, dit le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. Je viendrai à vous tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(16 heures)n

M. Dupuis: Il y en a pour vous aussi. Je veux donc cependant enjoindre le député de Dubuc, adjoint parlementaire au ministre de la Justice, de poser comme premier geste professionnel, dans sa nouvelle responsabilité d'adjoint parlementaire au ministre de la Justice... lui demander de poser un acte qui n'est pas facile, celui de dire au gouvernement auquel il appartient: Ne commettez pas ce péché ? si je peux me permettre d'employer cette expression ? ce péché de nature juridique que d'introduire dans le Code civil une disposition de droit substantif qui va se retrouver dans un règlement. C'est faire injure au Code civil mais c'est aussi faire injure, M. le Président, à tous ces gens qui ont travaillé d'arrache-pied à la réforme du Code civil, comme l'a mentionné la députée de Jonquière tantôt, et qui, dans la réforme du Code civil, se sont bien gardés, à l'exception d'une disposition dont on parlera tantôt mais qui est une disposition de forme, qui se sont donc bien gardés, dans la réforme du Code civil, d'introduire dans cette loi fondamentale des principes que ce gouvernement-là applique dans toutes ses lois, c'est-à-dire légiférer par voie de règlement.

Alors, M. l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice, député de Dubuc, vous pouvez aujourd'hui poser, dans votre premier geste professionnel de votre nouvelle responsabilité d'adjoint parlementaire, un acte de courage, celui de dire à votre gouvernement, au ministre des Relations avec les citoyens: Vous faites fausse route dans le projet de loi n° 64.

Mais je vais essayer, M. le député de Dubuc, de vous donner un allié dans cette représentation que vous allez faire auprès du ministre des Relations avec les citoyens, et je vais aussi demander au député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, qui s'est intéressé aux questions de droit civil dans les dernières années, de près... Souvenons-nous, souvenons-nous de sa bataille de longue haleine, qu'il a gagnée avec le consentement de l'opposition, sur toutes les dispositions relatives aux conjoints de même sexe. Une bataille qu'il a menée et qu'il a gagnée, et pour laquelle nous devons lui rendre hommage. Il en a entrepris une deuxième, bataille, dans un projet de loi qui a été déposé la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, à peu près au même effet, sur l'union civile. Le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques a donc, hein, au cours de ses années de parlementaire, sur ces questions-là en particulier, étudié, voulu donner un sens et donner suite à des dispositions de nature civile.

Ça faisait son affaire dans ces dossiers-là, au député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, qu'on ne dénature pas la loi fondamentale qu'est le Code civil, et même qu'on y ajoute des dispositions. Il le respectait, le Code civil, je suis certain qu'il le respecte toujours, et ce respect-là doit absolument faire en sorte qu'il fasse des représentations à son collègue le ministre des Relations avec les citoyens pour qu'on n'introduise pas dans le Code civil une disposition qui permet de légiférer par règlement.

M. le Président, pour les gens qui seraient tentés de nous écouter cet après-midi... Et, contrairement à ce qu'on pense, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, il y en a beaucoup plus qu'on pense qui nous écoutent. Moi, je pense, entre autres, chez nous, au conseiller municipal Rolland Bouchard, M. le Président, qui nous écoute, qui me le dit de façon régulière. Malheureusement, M. Bouchard, à partir du 1er janvier, qui est conseiller municipal au moment où on se parle, à cause des fusions forcées, se voit obligé de vaquer à d'autres occupations que celle de conseiller municipal, et il commence à se pratiquer en nous écoutant, M. le Président. Alors, je lui rends hommage d'avoir la patience de nous regarder.

Un autre conseiller municipal qui nous écoute: Ronald Moreau. Sa santé l'empêche de vaquer à ses occupations, et il me dit qu'il nous écoute régulièrement parce qu'il se renseigne. Il ne nous écoute pas pour voir le député de Saint-Laurent, il ne nous écoute pas pour voir le député de Jeanne-Mance, il nous écoute parce qu'il veut se renseigner sur ce que nous faisons dans cette Chambre à coeur de journée. Quand on dit chez nous: On ne peut pas vous voir, on est à Québec, on est à l'Assemblée nationale, on légifère... Et on invite les gens à nous regarder, à voir ce qu'on fait. Ce qu'on fait après-midi, dans ce projet de loi là, c'est la chose suivante: un projet de loi qui est déposé pour modifier le Code civil afin de resserrer les règles au sujet des gens qui viennent demander, hein, des certificats de naissance ou des documents de l'état civil qui témoignent de leur état civil.

Pourquoi? Le contexte, c'est lequel? Ce n'est pas compliqué, le contexte, c'est celui de l'après 11 septembre. Tout le monde a vu dans les journaux que, suite aux attaques à New York du 11 septembre, on a dit, à tort ou à raison ? moi, je pense que c'est à tort ou ça peut être en partie à tort ou en partie en raison ? qu'il y avait au Canada un certain nombre de gens qui réussissaient à obtenir des documents officiels émanant du Québec, qu'ils se servaient de ces documents-là pour obtenir un passeport canadien, pour ensuite traverser la frontière américaine et aller sur le territoire des États-Unis possiblement tenter d'accomplir des actes terroristes. Au fond, ce qu'on a dit, c'est: Les terroristes, ils entrent aux États-Unis par la voie du Canada parce que c'est plus facile au Canada d'obtenir des documents officiels. Moi, je ne veux pas discuter cet après-midi si c'est vrai ou faux, cette assertion-là, je pense qu'on a vu dans les dernières semaines... D'abord, les terroristes qui ont perpétré l'acte infâme au World Trade Center, à New York, je pense qu'il a été démontré que ces gens-là étaient aux États-Unis de façon légale depuis un certain temps. On ne parlait pas nécessairement de ces gens-là, mais on a vu chez nous effectivement des terroristes ou des terroristes allégués avoir réussi à obtenir des documents officiels au Québec pour ensuite obtenir des passeports canadiens.

Donc, on veut resserrer ces règles-là pour pas que les gens qui n'ont pas droit d'obtenir des documents officiels du Québec ? certificat de naissance ou tout autre document de l'état civil ? ne puissent le faire. Alors, le gouvernement, en accord avec le gouvernement canadien et en accord avec le gouvernement des États-Unis... Tous les gouvernements ont décidé d'essayer de resserrer les règles d'obtention de ces documents-là. C'est dans cette suite-là que le ministre des Relations avec les citoyens modifie le Code civil pour forcer des gens qui voudraient obtenir des documents de l'état civil à prouver leur identité, à démontrer pourquoi ils veulent l'obtenir.

Et on sait très bien que certaines personnes se présentent au directeur de l'état civil et représentent d'autres personnes et demandent d'émettre des documents au nom de ces autres personnes là. La députée de Jonquière, à juste titre, a parlé de certains procureurs qui se présentent au bureau de l'état civil pour obtenir des documents. Donc, il y a des documents qui... Il y a des personnes, pardonnez-moi, qui se présentent au bureau de l'état civil pour obtenir des documents pour d'autres personnes. Ce qu'on dit dans le projet de loi, ce qui est dit, c'est: On va resserrer ces règles-là et on va exiger des gens qui se présentent au bureau de l'état civil de démontrer leur intérêt puis, deuxièmement, de prouver leur identité et de prouver... et de démontrer les raisons pour lesquelles ils veulent obtenir ces documents-là. Ce que la députée de Jonquière a dit est tout à fait exact et tout à fait sensé; nous, on ne va pas faire de difficultés au gouvernement pour accomplir ces gestes-là, parce que, nous aussi, on croit que, lorsqu'on obtient un document de l'état civil, une preuve de qui nous sommes, il faut que ce soit une preuve qui révèle la vérité, et il n'y a pas de problème à demander que des gens soient obligés de démontrer leur intérêt ou obligés de démontrer leur identité aux fins d'obtenir ces documents-là. Ça va, il n'y a pas de problème.

n(16 h 10)n

Là où le bât blesse, M. le Président, et c'est ça qu'on dit au ministre des Relations avec les citoyens, c'est: Si vous décidez d'amender le Code civil, le Code civil, ce n'est pas n'importe laquelle de nos lois, c'est une loi charnière. Elle fait partie, je dirais, de notre patrimoine, elle vit... On vit le Code civil à tous les jours, on est régis à tous les jours par cette loi qui contient, dans le fond, tous les rapports qui nous lient les uns aux autres, y compris les rapports qui pourraient devenir litigieux. Cette loi-là... Ce qu'on dit, nous autres, cette loi-là, le Code civil, il doit être complet en soi. M. le Président, ce n'est pas à vous que je vais apprendre que des dispositions du Code civil qui sont contestées devant les tribunaux, il y en a une tonne. Donc, malgré le fait que le Code civil, dans la plupart de ses dispositions, est complet, il naît des litiges suite aux dispositions qui y sont contenues. À plus forte raison, M. le Président, s'il faut que le législateur se mette à dire dans le Code civil: Bien, voici, le gouvernement pourra faire des règlements qui ne sont pas contenus dans le Code civil, et tout le monde sera lié par le règlement. Ça n'a pas de sens d'agir de cette façon-là.

Il faut que le Code civil demeure... soit et demeure une loi qui est complète en soi. Le régime juridique... Pour ce qui concerne l'obligation qui va être faite aux gens, lorsqu'ils vont se présenter devant le directeur de l'état civil, de démontrer leur identité par certains documents, des documents d'ailleurs qui devront contenir une photographie pour qu'on soit capable d'identifier la personne, ou, alors, un régime qui fait en sorte que, lorsqu'on se présente pour une autre personne, il faut justifier la demande. C'est ça, le régime juridique. C'est la loi plus le règlement, le régime juridique. Pourquoi faire, d'une part dans le Code civil, une disposition qui réfère à un règlement qui n'est pas contenu dans le Code civil?

Moi, j'ai noté tantôt, dans le discours du ministre des Relations avec les citoyens, la chose suivante. Il a dit... et ça, là... ça, malheureusement, c'est insultant pour l'opposition. Il dit: On a consenti à... L'opposition officielle nous a demandé d'avoir le règlement d'application. On a consenti à ça, on l'a fourni en commission parlementaire et on l'a étudié, mais c'est exceptionnel de le faire. Il l'a dit dans son discours: C'est exceptionnel que le gouvernement fournisse à l'opposition le règlement en même temps qu'on cherche à faire voter la loi; ce n'est pas insultant à peu près, ça!

Parce que le régime juridique, quand on vote une loi et que le gouvernement dit: On se donne le pouvoir de faire des règlements dans cette loi-là, ça fait partie du régime juridique. Ça ne serait que normal que l'opposition, lorsqu'on veut lui faire voter une loi dans laquelle on dit: Le gouvernement se réserve le droit de faire des règlements, et ce ne serait que normal que ce règlement, qu'on va faire adopter, soit également, lors de la commission parlementaire, apporté à l'opposition pour qu'on puisse regarder quel sera le régime juridique. Le régime juridique, c'est la loi et les règlements. Donc, le ministre a dit: C'est exceptionnel qu'on fournisse le règlement à l'opposition.

Nous, on a toujours dit... Moi, je me suis fait toujours fort, je sais que le député de Chomedey l'a fait ad nauseam, la députée de Jonquière va le faire ad nauseam dans ses commissions parlementaires, on a toujours insisté pour que le gouvernement, lorsqu'il se donne le pouvoir de légiférer dans une loi pour faire des règlements, on a toujours exigé, en commission parlementaire, que les règlements nous soient fournis, à ce moment-là. Pourquoi? Parce que, plus souvent qu'autrement, c'est dans le règlement que les citoyens vont trouver leur modus vivendi, ce n'est pas dans la loi. Or, c'est important que les citoyens... et que l'opposition soit le chien de garde de ce que la loi va demander aux citoyens, dorénavant.

Donc, on a toujours demandé, mais le gouvernement l'a toujours refusé. C'est parfaitement conforme, cette attitude-là, du gouvernement, avec tout le reste de ce qu'ils sont. On n'écoute pas la population, on ne renseigne pas la population. La population qui veut être consultée n'a pas de réponse. L'opposition qui veut avoir les règlements d'application ne les a pas, c'est conforme.

Dans ce cas-là, ils l'ont donné. Ils l'ont donné parce que la fin justifie les moyens. Ils savaient, eux, que le gouvernement canadien en avait besoin, de cette loi-là. Ils savaient que le gouvernement canadien insistait pour avoir cette disposition-là parce que le gouvernement américain insistait aussi pour l'avoir, la disposition.

Alors, dans ce cas-là, exceptionnellement, comme dit le ministre, on a fourni le règlement à l'opposition. Puis qu'est-ce qui est arrivé? Il l'a dit aussi, dans son discours: On a étudié le règlement en commission parlementaire. Savez-vous quoi? L'opposition a fait des suggestions d'amendements tellement pertinentes qu'on les a incluses dans le règlement. Ce qui démontre, à mon avis, que le gouvernement devrait toujours... lorsqu'on lui demande de déposer le règlement, quand il veut déposer une loi dans laquelle il dit: On se réserve le droit de faire des règlements, le gouvernement devrait toujours déposer le règlement, parce que c'est utile de l'avoir.

M. le Président, dans le cas qui nous occupe, c'est quoi, le règlement qui va être adopté éventuellement puis que le ministre refuse de mettre dans le Code civil? de mettre dans le Code civil? Alors, c'est le règlement qui va déterminer, lorsque vous arrivez, vous, au bureau de l'état civil pour dire: Je n'ai pas mon certificat de naissance. Mon nom, c'est Michel Bissonnet; je n'ai pas mon certificat de naissance et j'en ai besoin, de mon certificat de naissance, parce que, possiblement, vous voulez faire une demande de passeport un peu plus tard. Bien, le règlement, il prévoit les documents que vous pourrez fournir au soutien de votre identité: votre permis de conduire, votre certificat de citoyenneté canadienne, un document où il y a une photo pour qu'on démontre votre identité. Et il va falloir qu'il y ait sur ce document, donc, votre photo, votre adresse, et il est possible que vous ayez besoin d'un répondant sur votre identité, le règlement prévoit à quelles conditions une personne pourrait être répondant.

Ce n'est pas sorcier, M. le Président, ce qu'on demande, ce n'est pas compliqué. Ce qu'on dit au ministre, c'est: Le Code civil est une loi fondamentale, le Code civil est la loi, celle la plus importante qui régit nos relations entre les citoyens au Québec. Cette loi doit être complète, ce qui veut dire qu'elle ne doit pas comporter de règlements à l'extérieur, on lui demande d'incorporer le règlement dans la loi fondamentale qu'est le Code civil.

Vous savez, M. le Président, le ministre nous dira: Il y a un précédent à l'article 151, on prévoit un règlement. Mais je vous soumettrai que l'article 151 est compris dans la section VI, la section VI s'intitulant: Des pouvoirs réglementaires relatifs à la tenue et à la publicité du registre de l'état civil. L'article 151, ce n'est pas un article de droit substantif, c'est un article de forme, c'est un article de procédure. Or, le ministre veut y introduire la phrase suivante, dans l'article 151: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou un certificat.» Ça, M. le Président, c'est du droit substantif, ça devrait faire partie du Code civil et non pas d'un règlement d'application. Et c'est ce que j'avais à vous soumettre. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 64, quant à l'adoption de son principe, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, et je cède la parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le député, la parole est à vous.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, Bill 64, An Act to amend the Civil Code as regards requests for civil status documents.

M. le Président, comme mon introduction du titre vient de l'indiquer, on est dans un système juridique au Québec, et en Ontario, au Manitoba, et au Nouveau-Brunswick, et au fédéral, qui est bilingue. Ça, on le sait. C'est aussi biculturel, c'est-à-dire que ça tire ses sources tantôt en France, avec le code Napoléon, le Code civil français, la coutume de Paris avant ça, et d'Angleterre, avec ce qu'on appelle, en français, la «common law». C'est donc non seulement bilingue et biculturel, mais c'est bijudiciaire.

Le fondement même, comme je viens de l'indiquer, du système de droit civil du Québec, c'est le Code civil qui a connu, il y a sept ans maintenant, sept, huit ans, une refonte majeure qui avait pour but d'actualiser notre Code civil, mais on a réussi à garder la forme. La différence fondamentale entre notre système de droit civil, inspiré du droit français, puis le système anglais, qui existe partout ailleurs en Amérique du Nord, sauf la Louisiane, qui a non seulement un «Civil Code», mais aussi un Code civil, qui a non seulement un «Code of Civil Procedure», mais la Louisiane a bel et bien une version française, aujourd'hui encore, de son Code de procédure civile... Hormis le Québec et la Louisiane, tout le reste de l'Amérique du Nord suit le système britannique, d'inspiration britannique, qui s'appelle la «common law».

La différence fondamentale entre les deux, je tiens dans mes mains le Code civil du Québec qui contient, comme mon collègue de Saint-Laurent vient de l'indiquer, l'ensemble des règles de base régissant nos rapports entre nous, que ce soit notre état civil, que ce soit le mariage, que ce soient les différents contrats, les obligations qui nous lient, les uns, les autres, les actions qui peuvent être entreprises si on cause du tort ou du dommage à quelqu'un d'autre, tout ça, c'est réglé en un seul document.

Le système anglais est considérablement différent. La source première du droit, ce sont les décisions des tribunaux, c'est-à-dire la jurisprudence, «the case law». C'est-à-dire qu'en Angleterre les juges interprètent la loi, mais surtout basée sur un système qu'on appelle «stare decisis», ce qui est du latin, pour «laisse ta décision là, respecte la décision». Donc, les gens apprennent leurs droits à travers les différentes décisions des tribunaux.

n(16 h 20)n

Différence fondamentale qui se reflète, par ailleurs, normalement, dans la forme de rédaction législative. Il y a des experts comme Michel Sparer, Robert Auclair, qui est avec l'Association des usagers de la langue française... et Daniel Jacoby, lorsqu'il était sous-ministre à la Justice, en avait écrit beaucoup là-dessus, sur la différence entre la rédaction que l'on retrouve notamment dans une juridiction de «common law», où on a tendance à tout décrire, et un style de rédaction que l'on retrouve plus dans un pays de droit civil, comme en Allemagne, ou en France, ou en Italie, où on va avoir tendance à légiférer plutôt par principes.

Le problème avec le projet de loi n° 64, M. le Président, c'est que c'est mi-figue, mi-raisin. C'est ni un système de droit propre au droit civil ni la «common law» du droit statutaire. Encore, si on désirait absolument avoir ce genre de renvoi à un pouvoir réglementaire, on aurait pu le faire dans une loi spécifique, mais définitivement pas et surtout pas à l'intérieur du Code civil. C'est une erreur fondamentale.

Pour montrer à quel point le Parti québécois a fait défaut de respecter ce Code civil du Québec, je vais me permettre de vous lire d'un trait un article de l'actuel Code civil du Québec tel que trituré, tel que torturé par le gouvernement du Parti québécois avec une législation qu'il a produite. C'est un seul article. Vous êtes avocats, confrères, vous connaissez comme moi le Code civil, on trouve des articles courts. Je vais vous lire un classique:

«2278. Lorsque le contrat prend fin, l'association est liquidée par une personne nommée par les administrateurs ou, à défaut, par le tribunal.»

Ça, c'est un article classique, ça exprime une idée. C'est pour ça qu'on a cette subdivision, on a des livres, on a des chapitres, on a des tomes. Mais on a l'ultime unité, qui est l'article dans le Code civil.

Je vais vous lire un article, résultat de l'intervention du Parti québécois, et en particulier du ministre de la Justice d'alors, le député de Laval-des-Rapides, aujourd'hui ministre de la Sécurité publique. Je vous le lis d'un bout à l'autre, un seul article. C'est l'actuel article 21:

«Un mineur ou un majeur inapte ne peut être soumis à une expérimentation qui comporte un risque sérieux pour sa santé ou à laquelle il s'oppose alors qu'il en comprend la nature et les conséquences.

«Il ne peut, en outre, être soumis à une expérimentation qu'à la condition que celle-ci laisse espérer, si elle ne vise que lui, un bienfait pour sa santé ou, si elle vise un groupe, des résultats qui seraient bénéfiques aux personnes possédant les mêmes caractéristiques d'âge, de maladie ou de handicap que les membres du groupe. Une telle expérimentation doit s'inscrire dans un projet de recherche approuvé et suivi par un comité d'éthique. Les comités d'éthique compétents sont institués par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou désignés par lui parmi les comités d'éthique de la recherche existants; le ministre en définit la composition et les conditions de fonctionnement qui sont publiées à la Gazette officielle du Québec.

«Le consentement à l'expérimentation est donné, pour le mineur, par le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur, et, pour le majeur inapte, par le mandataire, le tuteur ou le curateur. Lorsque l'inaptitude du majeur est subite et que l'expérimentation, dans la mesure où elle doit être effectuée rapidement après l'apparition de l'état qui y donne lieu, ne permet pas d'attribuer au majeur un représentant légal [...] le consentement est donné par la personne habilitée à consentir aux soins requis par le majeur; il appartient au comité d'éthique compétent de déterminer, lors de l'examen d'un projet de recherche, si l'expérimentation remplit une telle condition.

«Ne constituent pas des expérimentations les soins qui, selon le comité d'éthique, sont des soins innovateurs requis par l'état de santé de la personne qui y est soumise.»

Il y a au moins une quinzaine d'idées différentes là-dedans. Ça pourrait avoir fait l'objet d'un projet de loi distinct, et pourtant, avec un marteau, on a décidé qu'on allait enfoncer toutes ces différentes idées là à l'intérieur de l'article 21 du Code civil actuel. J'ai pris la peine de lire cet article-là, M. le Président, pour illustrer notre propos aujourd'hui. Du côté de l'opposition officielle, comme mon collègue le député de Saint-Laurent vient de le dire, comme ma collègue la députée de Jonquière vient de le dire, on comprend ? c'est devenu un lieu commun, mais on va le répéter ? il n'y a plus rien de pareil depuis le 11 septembre 2001. C'est vrai, il va falloir qu'on se rende compte qu'il y avait des failles dans les différents systèmes qui existaient et il faut tout faire pour éviter que des gens avec la pensée ainsi tournée puissent en profiter.

Étant donné l'importance du sujet, M. le Président, auriez-vous l'obligeance de vérifier si on a le quorum?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

n(16 h 25 ? 16 h 27)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, et M. le député de Chomedey va poursuivre son intervention.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, j'étais en train de mentionner que l'article 21, tel que modifié par une législation proposée par le gouvernement du Parti québécois, représente malheureusement ce qui est en train d'arriver à notre Code civil du Québec. Aussi, malheureusement, le projet de loi n° 64 s'inscrit dans la foulée de cette même attitude et approche envers cette loi de base dans un système civiliste comme le nôtre.

On aura remarqué, dans l'exemple que j'ai donné... Et on parlait de conditions de fonctionnement qui sont publiées à la Gazette officielle du Québec. On avait eu un très long débat sur cet article-là en commission parlementaire disant que ça allait encore une fois contre l'économie générale du Code civil, le génie du droit civil que de prévoir des renvois à d'autres documents si on veut comprendre ce qui est écrit ici, à l'intérieur du Code civil. Ce n'était pas un règlement stricto sensu. C'était néanmoins un renvoi externe à quelque chose qui était publié à la Gazette officielle du Québec.

Force nous est de constater que, même cette hésitation qu'avait le législateur péquiste de prévoir un renvoi direct à des règlements, d'avoir de la législation déléguée, bien, cette réticence est maintenant dissipée, et, avec le projet de loi n° 64, on propose carrément de prévoir des renvois à de la législation déléguée dans un article du Code civil. Je me permets de lire, M. le Président, que... À l'article 2 du projet de loi n° 64, on lit ceci: L'article 151 de ce Code ? le Code civil ? modifié par les différents articles de 1996 et 1999, est de nouveau modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou d'un certificat.»

n(16 h 30)n

M. le Président, c'est vraiment problématique. Pour les gens qui nous écoutent, ce n'est pas toujours une distinction qui est évidente, mais je vais quand même tenter de faire la distinction pour que le monde puisse nous suivre sur un détail assez technique. Ici, à l'Assemblée nationale, les parlementaires, les élus du côté ministériel, ceux qui sont au pouvoir, et du côté de l'opposition, on vote les lois. Une fois une loi votée ici, à l'Assemblée nationale, il faut que cette loi soit sanctionnée par la lieutenante-gouverneure. Et, une fois sanctionnée, elle va entrer en vigueur un certain nombre de jours plus tard, devenir applicable, à moins que la loi prévoie autrement. C'est-à-dire parfois le gouvernement doit justement prendre un règlement, un décret disant: Ça entre en vigueur à telle ou telle date. On entend souvent dire ? puis les journalistes, parfois, font cette erreur, puis on l'entend nous-mêmes ? on entend dire: Le gouvernement a adopté telle ou telle loi. On l'entend souvent, celle-là: Oui, le gouvernement conservateur, en Ontario, a fait adopter telle loi. «Fait adopter une loi», c'est encore possible parce qu'il propose la loi à son Parlement. Évidemment, un gouvernement, c'est-à-dire le côté ministériel, ne peut pas adopter une loi; il peut juste proposer l'adoption d'une loi ici, en Chambre.

Parce que nos vies sont de plus en plus compliquées, parce qu'il y a un nombre infiniment large d'activités que le gouvernement tend à vouloir réglementer d'une manière ou d'une autre, les lois, de plus en plus, contiennent le cadre de référence, et le détail d'application est laissé pour un autre type d'instrument législatif qu'on appelle un règlement. Donc, quand on dit: Les lois et les règlements gouvernant telle et telle affaire, c'est vraiment deux instruments différents. La loi a été adoptée ici, en Chambre; le règlement est pris ? pour utiliser le terme exact ? le règlement est pris par le gouvernement. C'est-à-dire qui? Ça veut dire le Conseil des ministres adopte les règlements et les met en vigueur.

Ici, il y a deux problèmes dans le projet de loi n° 64. Dans un premier temps, on propose de modifier un article 148 de manière à ajouter la chose suivante: «Le directeur peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt.» Lisons-le attentivement encore, M. le Président: «Le directeur peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte [...] qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité». On ne précise rien; c'est de la discrétion pure et absolue. Et autant les événements du 11 septembre requièrent une réponse circonstanciée, mûre, réfléchie de cette Assemblée, autant ces mêmes événements ne doivent pas devenir un prétexte pour réduire des droits sans qu'on ait fait la démonstration de la nécessité de cette réduction de nos droits. Alors, nous, M. le Président, sommes d'avis que le projet de loi n° 64 fait une erreur lorsqu'il accorde une telle marge de discrétion, d'arbitraire à un fonctionnaire.

On n'a qu'à se rappeler... si les gens veulent se rappeler d'un exemple récent, concret, ils vont peut-être comprendre pourquoi l'opposition est si inquiète avec ce genre d'ouverture, que la personne décide quasiment de son propre chef exactement ce que l'autre personne doit produire pour avoir son certificat de naissance, par exemple. Rappelez-vous, M. le Président, des événements entourant la tentative de certains parents de choisir des noms originaux pour leurs enfants. Le nom qui avait fait le plus de lignes, sans doute, dans les médias, c'était le nom «Spatule», qui avait été choisi par certains parents. M. le Président, lorsque le législateur avait prévu que le directeur ? le même directeur ? avait le droit de mettre son nez dans ce qui est normalement une affaire privée d'une famille, c'est-à-dire le choix du nom de leur enfant, nous, les législateurs, on avait pris bien soin de dire: Si le nom choisi risque d'exposer l'enfant à du ridicule, c'est quelque chose qui exige énormément de jugement, énormément de subtilité et énormément de sensibilité, dans une société large, libérale, cosmopolite, multiethnique, multilinguistique comme la nôtre.

On se souvient aussi que la même personne avait décidé de refuser d'inscrire le nom «Tomàs» parce qu'on n'aimait pas l'avoir vu écrit avec un accent sur le «a», qui était issu de l'orthographe brésilien. Curieux, ça! C'était allé devant les tribunaux, puis les tribunaux ont forcé le gouvernement de reculer là-dessus. Je rappelle cet événement parce que, lorsque, nous, on a mis ça par écrit, les législateurs, on a dit: On va confier ça à quelqu'un juste au cas où, vraiment, il y a des parents qui s'apprêtent à faire une vraie folie; utiliser une grossièreté comme nom pour un enfant, on va s'assurer quand même qu'il y a une sorte de rempart contre ce genre d'abus là.

Ce qu'on a eu à la place, c'était quelqu'un sans jugement qui voulait substituer son jugement au jugement des parents. C'est ça qui arrive quand on donne une trop grande discrétion à quelqu'un, quand on l'encadre mal. Je crains, M. le Président, que la même sorte de mauvais jugement de la part d'une personne à l'intérieur de l'administration risque de produire des résultats abusifs. Je crains qu'il y ait des gens, à cause de leur origine ethnique, linguistique, la couleur de leur peau, leur origine religieuse, se fassent contraindre... Ils auront à faire face à des obligations de produire plus de documents. Ça va être plus difficile, si on donne autant de discrétion. Et, ça ne devrait pas être aux citoyens de demander le redressement du tort, c'est à nous, législateurs, aujourd'hui, de regarder le problème, de le reconnaître, de le comprendre et d'essayer de faire en sorte que ces situations n'arrivent pas.

Aussi, malgré le fait que le ministre a exceptionnellement ? pour reprendre son propre terme ? prévu qu'il va déposer le règlement, il n'y a aucune raison de procéder par voie réglementaire. Encore une fois, c'est trop facile de le changer. Il n'y a pas suffisamment de garanties que les libertés des individus au Québec seront respectées. Soyons clairs, M. le Président, dans une société où au-delà de 90 % des gens sont issus d'une même religion et d'une même langue et sont membres de la même communauté ethnique d'origine, c'est sûr et certain que les gens qui ont des papiers qui émanent des églises dans les endroits au Québec puis qui viennent consulter ces choses-là, ils vont avoir plus... C'est une évidence, ils vont avoir plus de facilité à obtenir ces documents-là.

C'est quand la couleur de notre peau va être différente, quand notre origine va être dans un autre pays, quand nos enfants vont avoir été inscrits dans d'autres endroits dans le monde que ça va devenir de plus en plus compliqué. Et ça, ça devient une discrimination systémique inhérente, et ce n'est pas, pour nous de l'opposition... Ce n'est pas une situation que l'on souhaite, et je crois que c'est la première occasion qu'on a comme législateur, au Québec, depuis les événements du 11 septembre, d'assumer nos responsabilités, de dire: Pas de problème, mais ici, au Québec, on ne donnerait pas des discrétions exorbitantes de notre droit commun habituel, on ne laisserait pas à quelqu'un décider de son propre chef qu'est-ce qui est nécessaire ou pas dans un cas ou dans un autre. Et on ne laisserait surtout pas au gouvernement le droit de décider, sans revenir dans cette Chambre, un pouvoir réglementaire.

J'ai entendu beaucoup de hauts cris de la part de certaines forces qui se considèrent progressistes face à une loi qui relève d'un autre Parlement, le Parlement fédéral à Ottawa. Je partage beaucoup leurs craintes, M. le Président, et je trouve qu'il n'y a pas eu une analyse suffisamment sérieuse. Mais ça, c'est à un autre niveau, ce n'est pas une loi qui était devant cette Assemblée. Le projet de loi n° 64, ça relève de l'Assemblée nationale du Québec. Puis, oh! j'ai hâte d'entendre le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, une personne qui a passé sa carrière à clamer haut et fort, et avec raison, la nécessité pour ce Parlement de respecter les droits individuels, j'ai hâte de l'entendre se prononcer sur le niveau de discrétion accordé aux fonctionnaires, aux technocrates et au gouvernement par le projet de loi n° 64. Pour notre part, on est contre, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est avec fierté que je m'adresse à vous aujourd'hui en relation avec l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, Bill 64, An Act to amend the Civil Code as regards requests for civil status documents.

n(16 h 40)n

M. le Président, premièrement, les notes explicatives nous disent que ce projet de loi modifie le Code civil afin de permettre au directeur de l'état civil d'exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte de l'état civil ou d'un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt. M. le Président, le projet de loi confère également au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement des documents ou renseignements que peut fournir une personne pour obtenir une copie d'un acte d'état civil ou un certificat.

M. le Président, ce projet de loi vise à modifier les articles 148 et 151 du Code civil du Québec afin de mieux contrôler l'émission par le directeur de l'état civil des certificats d'état civil. Et c'est raisonnable, dans les temps que nous avons passés récemment, qu'on est très prudent et qu'on vérifie les articles qui concernent l'émission par le directeur de l'état civil des certificats d'état civil.

M. le Président, le droit civil québécois appartient à la famille des droits codifiés. Le Code civil du Bas-Canada de 1866 a mis ensemble les différentes sources du droit privé québécois. La nouvelle codification de 1994 n'a pas changé. Elle a continué dans le même esprit mais en apportant un sens moderne au droit et en l'adaptant aux nouvelles réalités sociales et économiques. Le Québec, par son Code civil, présente une originalité certaine à l'égard du reste de l'Amérique du Nord. En effet, les autres provinces canadiennes et tous les États-Unis, à l'exception de Louisiana, ont un régime de droit civil non codifié. On l'appelle, M. le Président, «common law».

Dans notre Code civil, la règle de droit dans une société doit être une vision d'une même société qui l'établit de sa règle sociologique, économique et politique. En fait, si on lit le Code civil, on peut même voir une réflexion de notre société, de notre système sociologique, économique et politique. Notre Code civil de 1866 et de 1994 nous donne d'une manière juste les règles de droit fondamental touchant les personnes, la famille, les biens et les obligations avec certains esprits très importants, notamment l'individuel et la liberté des personnes humaines, et protège les intérêts des particuliers, intérêts qui sont limités en autant que le respect d'intérêts collectifs, sociaux ou familiaux supérieurs, l'exige.

Alors, vraiment, dans le Code civil, on doit protéger la personne humaine, on doit protéger les intérêts de la personne humaine, sa liberté, mais avec l'aspect du respect des intérêts collectifs sociaux ou familiaux. En fait, M. le Président, on doit trouver la vraie balance entre la protection des libertés de l'individuel, et la protection de notre société, et le bien-être de notre société. Et vraiment le projet de loi devant nous essaie ? et c'est le défi ? d'avoir une balance entre la protection de la liberté de l'individuel et la protection de la collectivité. Et, le 30 octobre dernier, le gouvernement péquiste a présenté le projet de loi n° 47 qui avait le même objet que la présente loi. Mais, dans ce projet de loi, nous, de l'opposition officielle, de l'aile parlementaire libérale, ont exprimé notre déception sur les questions de dispositions réglementaires qui se trouvaient dans ce projet de loi et plus particulièrement sur la nature des documents que le directeur de l'état civil pourrait exiger des personnes qui feraient une demande de certificat.

Alors, le projet de loi n° 47 a été scindé et les dispositions du projet de loi se rapportant à l'article 151 du Code civil ont été rayées du projet de loi n° 47. Et le projet de loi n° 47, Loi modifiant le Code civil en matière de documents d'état civil, Bill 47, An Act to amend the Civil Code as regards civil status documents, a alors été sanctionné le 9 novembre 2001. Et le projet de loi, M. le Président, qu'on veut adopter aujourd'hui modifie le Code civil afin de restreindre la délivrance de certificats de l'état civil aux seules personnes qui y sont mentionnées ou qui justifient leur intérêt. Alors, vous voyez qu'on prend des manières pour protéger qui peut avoir copie des documents de l'état civil et qu'on restreint la délivrance de ces documents à seulement deux catégories de personnes: ceux qui sont mentionnés dans les documents ou ceux qui peuvent justifier de leur intérêt.

Alors, M. le Président, on a modifié l'article 148 du Code civil du Québec par le remplacement du premier alinéa, qui se lirait comme suit:

«148. Le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte ou un certificat qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt.»

Therefore, Mr. Speaker, henceforth somebody who wants a document of the nature of a birth certificate, a death certificate, a document of civil status must be the person himself, who is mentioning, for example, a death certificate, or somebody who can justify of their interest in obtaining that document. And this is fine, and it's a fine rule to establish, and a fine amendment to the Civil Code of Québec.

M. le Président, dans le passé, dans le même alinéa, le directeur de l'état civil pouvait délivrer des certificats à toute personne qui en faisait la demande. Anybody who would appear before the director could obtain the document, upon paying the required fees, without proving that he or she was a person mentioned in the document or without proving that he or she had an interest in obtaining that document. Henceforth, a person who appears and requests a copy of the document will have to prove that he or she is mentioned in the document or has an interest. We must give to the director of civil status the rules by which proof can be made that he or she is the person mentioned in the document or that he or she has a particular interest.

Alors, maintenant, M. le Président, dans ce domaine, on doit démontrer au directeur de l'état civil qu'on est la personne mentionnée dans le document ou on doit justifier notre intérêt. Maintenant, nous avons devant nous le projet de loi n° 64, qui en quelque sorte est la deuxième partie du projet de loi n° 47. M. le Président, l'article 148 du Code civil du Québec est de nouveau modifié par l'addition, à la fin du premier alinéa, de la phrase suivante, et je cite: «Le directeur peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt.»« Fin de la citation de cet article.

n(16 h 50)n

M. le Président, cette disposition permettrait au directeur de l'état civil d'attester l'identité du demandeur ou de son intérêt de la façon dont il juge à propos. M. le Président, c'est raisonnable qu'on donne au directeur le pouvoir d'exiger les documents ou les renseignements nécessaires. Mais, M. le Président, si on lit l'article, il y a un pouvoir qui est donné au directeur qui est vraiment absolu, on dit qu'il peut demander les documents nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt. Et, moi, je prétends qu'on doit indiquer le mot «raisonnable». Qu'on lui donne la façon juste d'appliquer la loi pour cet article, ça va, M. le Président, mais la phrase nous dit que le directeur peut exiger d'une personne les documents ou les renseignements nécessaires. Je demande si ce ne serait pas plutôt plus prudent si on utilisait le terme «raisonnablement» pour dire que le directeur peut seulement demander les documents ou les renseignements nécessaires.

What I'm suggesting here is that although we are giving to the Director of Civil Status the right to require certain documents in order for him to ascertain that the person himself is the person making the request or that he has a reasonable interest, I would appeal that the word «reasonable» should be added to the article to say that the Director will carry out his authority in a reasonable manner.

M. le Président, l'article 2 modifie l'article 151 du Code civil par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant. De l'alinéa suivant, et je cite: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou un certificat.» Fin de citation de cet article. Le problème avec cet article, c'est le fait que le gouvernement, par règlement, peut déterminer les documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou un certificat.

M. le Président, nous, de ce côté de la Chambre, sommes contre une modification au Code civil du Québec qui fait référence à un règlement du gouvernement qui peut être changé de temps en temps. M. le Président, comme je vous ai mentionné, une des caractéristique du Code civil de 1866 et de celui de 1994 est la question de la liberté de la personne, et en protégeant les intérêts des particuliers. M. le Président, alors pourquoi est-ce que le gouvernement banalise le Code civil en faisant référence, dans un article de notre Code civil, qui est la base de notre système judiciaire, au fait que le gouvernement du jour peut à son gré faire des changements à un article par un simple règlement?

Our Civil Code is not something which should be able to be modified by a simple by-law, by a simple règlement issued by the Conseil des ministres on any Wednesday morning. Our Civil Code is the basis of our legal system here, in the Province of Québec, our basis of our democratic system here, in the Province of Québec, and nobody should be able to amend the Civil Code other than the Québec National Assembly. As the article is drafted now, un simple règlement par le gouvernement, par le Conseil des ministres, peut modifier le Code civil du Québec, ce qui est inacceptable. M. le Président, ce gouvernement péquiste prend le Code civil du Québec, la fierté de notre système légal, d'une façon beaucoup trop banale.

M. le Président, le Barreau du Québec, un ordre professionnel dans notre système professionnel, un ordre de distinction, un ordre qui a émis des opinions dans notre système judiciaire, et des opinions qui sont valables, des opinions qui sont respectées, a émis une opinion, et, je vous avoue, c'était en relation du projet de loi n° 50, mais il a émis une opinion en relation de notre Code civil du Québec et en relation des amendements que nous pouvons faire à notre Code civil du Québec. Et je tiens à vous lire un passage pris d'un document intitulé Commentaires du Barreau du Québec sur la Loi modifiant le Code civil, Projet de loi n° 50, en date de novembre 2001. Alors, c'est une opinion très récente et donc... Et j'espère que le ministre de la Justice va écouter cette opinion avec diligence et sera attentif aux propos du Barreau, que nous jugeons une opinion de grande importance. Et le Barreau nous dit, et je cite... Et je vous avoue que c'est une longue citation, mais ça vaut la peine de l'écouter, car cette citation est à la base de notre opinion qu'on doit changer l'article qui est devant nous qui permet au gouvernement de modifier notre Code civil par règlement.

Et le Barreau nous dit que: «Le Code civil, en vigueur depuis moins de huit ans ? c'est le nouveau Code civil ? constitue la pièce législative maîtresse qui régit les relations du droit privé au Québec. Si l'on compte les travaux de l'Office de révision du Code civil, son adoption s'est échelonnée sur plus de 20 ans ? M. le Président, vingt ans. Il s'agit de l'assise majeure sur laquelle repose notre tradition civiliste. On le considère à juste titre comme une loi fondamentale, une loi fondamentale qui ne doit être modifiée que lorsque vraiment nécessaire et uniquement dans le cadre d'une réflexion globale, bien mûrie, et après avoir évalué tous les impacts possibles. Il avait d'ailleurs été unanimement jugé opportun lors de son adoption, en décembre 1991, de confier à une organisation indépendante vouée à la réforme du droit le soin d'élaborer de façon cohérente et planifiée une actualisation permanente de son contenu. «La Loi créant l'Institut de réforme du droit a bien été adoptée, mais son entrée en vigueur n'a jamais été promulguée. Le Barreau du Québec ? et je continue ma citation ? met en doute cette pratique qu'a la Législature depuis quelques années de modifier le Code civil sur certaines questions particulières sans que l'on sache vraiment pourquoi ces questions deviennent soudainement prioritaires, alors que plusieurs autres articles ambigus ou déficients méritaient aussi l'attention du législateur, notamment dans les domaines du droit commercial», etc.

Et le Barreau continue en disant qu'«on ne doit pas faire des changements banals au Code civil sans une réflexion majeure de notre société, sans une réflexion majeure de nos discussions et sans l'appui et l'approbation de l'Assemblée nationale de Québec.»

Therefore, Mr. Speaker, the basis of our objection to this bill is the fact that they use the word «règlement», which means that the Government of Québec can modify a particular article in the Civil Code without going through a full examination and without presenting the modification in question to the Québec National Assembly.

We, of the Official Opposition, respect the opinion of the Bar; we agree with the opinion of the Bar. The Bar is right, que le gouvernement ne doit pas avoir la chance pour faire un amendement à un article du Code civil de Québec, qui est la plus importante pièce de législation du droit dans notre société démocratique, sans que cet amendement soit réfléchi dans une manière juste et correcte.

Alors, M. le Président, nous, de l'opposition officielle, allons maintenir notre opposition à ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. La prochaine intervenante sera Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais, M. le Président. joindre ma voix à celle de ma collègue la députée de Jonquière et critique en matière d'accès à l'information et à mes collègues qui m'ont précédée pour intervenir sur le projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil.

n(17 heures)n

M. le Président, c'est toujours important pour nous, les parlementaires des deux côtés de la Chambre, d'être très préoccupés lorsqu'il est question de modifier le Code civil. On sait très bien que le Code civil, c'est une assise principale de notre droit, de notre système juridique, et ce projet de loi n° 64, M. le Président, il a d'abord été déposé sous une autre forme, le projet de loi n° 47, Loi modifiant le Code civil en matière de documents d'état civil, qui a été présenté le 30 octobre dernier. Et finalement, M. le Président, à la lecture, on s'était rendu compte, parce que, nous aussi, on est conscients du contexte dans lequel ce projet de loi, cette pièce de législation a été amenée... Et de bonne foi, M. le Président, on a voulu concourir à ce qu'on puisse avoir effectivement des balises pour s'assurer que les documents, et particulièrement les documents émanant du directeur de l'état civil, puissent être remis aux personnes qui sont directement concernées. Parce qu'on sait très bien, M. le Président, qu'il y a eu un certain trafic et certains abus.

Donc, le projet de loi n° 47, Loi modifiant le Code civil en matière de documents d'état civil, la note explicative est très brève, il y a deux articles: Ce projet de loi modifie le Code civil afin de restreindre la délivrance de certificats d'état civil, par le directeur de l'état civil, aux seules personnes qui y sont mentionnées ou qui justifient de leur intérêt. Et donc, M. le Président, l'article 1 de ce projet de loi vient modifier l'article 148 du Code civil. Et, M. le Président, à l'analyse, on s'est rendu compte que, finalement, ce projet de loi n'allait pas nulle part et qu'il ne répondait pas aux objectifs qu'on s'est fixés par la nécessité peut-être d'amener une législation.

Et quelques semaines après, on a eu, M. le Président, un nouveau projet de loi, le projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil. Et ce projet de loi, M. le Président, avait pour objectif justement de modifier le Code civil afin de permettre au directeur de l'état civil d'exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte de l'état civil ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt. Le projet de loi confère également au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement ? par règlement ? des documents ou renseignements que peut fournir une personne pour obtenir une copie d'un acte d'état civil ou un certificat. Donc, vous le voyez, M. le Président, le projet de loi n° 64, qui est un peu une métamorphose du projet de loi n° 47, qui lui n'est allé nulle part, ce projet de loi, il est de quatre articles, mais essentiellement les deux derniers... il y en a un qui est finalement la mise en vigueur, et l'article 1... l'article 2 constitue la substance du projet de loi.

Alors, qu'est-ce que dit l'article 1 du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil: L'article 148 du Code civil du Québec, modifié par l'article 1 du chapitre 41 des lois de 2001, est de nouveau modifié par l'addition, à la fin du premier alinéa, de la phrase suivante: «Le directeur ? ici, on entend par là le directeur de l'état civil ? peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt.»

L'article 2, M. le Président, fait aussi partie du problème. C'est que l'article 2, lui, vient modifier l'article 151 du Code civil. Et ça se lit comme suit: L'article 151 de ce Code, modifié par l'article 27 du chapitre 21 des lois de 1996 et par l'article 14 du chapitre 47 des lois de 1999, est de nouveau modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant ? et je cite: «Le gouvernement peut, par règlement ? par règlement ? déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou un certificat.»

Et ça, M. le Président, tout le noeud du problème est là. Mais rappelons d'abord le contexte dans lequel ce projet de loi ou du moins ces tentatives de projet de loi ont été amenées. C'est le contexte, M. le Président, du 11 septembre. Aujourd'hui, on est le 11 décembre, ça fait trois mois que la tragédie du World Trade Center et du Pentagone a eu lieu. On sait que ça a fait des victimes innocentes par centaines, et que, M. le Président, cette tragédie nous a ouvert les yeux sur la vulnérabilité de notre démocratie mais aussi sur la vulnérabilité de notre système institutionnel, de notre système de droit, puisque, M. le Président, il s'est avéré qu'un certain nombre de terroristes étaient... voyageaient avec des passeports canadiens ? évidemment, des passeports canadiens trafiqués ? et qu'à la base de l'obtention de ces passeports il y avait les certificats de naissance. Parce qu'une des pièces qui est demandée pour constituer le dossier de l'état civil, c'est, bien entendu, le certificat de naissance, et ce certificat de naissance est délivré par le directeur de l'état civil, au Québec. Et donc, ça, c'est un aspect, c'est un petit voile qu'on a levé sur une réalité, M. le Président, qui est malheureusement parmi nous, hein, qu'on a vécue d'ailleurs de façon dramatique. Et donc, le projet de loi tente d'apporter des correctifs à ce problème.

Il va sans dire, M. le Président, que toutes les questions relatives au trafic des pièces d'identité... Parce qu'il s'agit ici finalement de s'approprier l'identité de quelqu'un d'autre, de passer pour quelqu'un d'autre afin justement de commettre des actes sans être nécessairement appréhendé, comme tel. Mais je me permets, M. le Président, dans la foulée des événements que nous avons vécus, que nous continuons de vivre, ne serait-ce que dans le prolongement de ces événements, que le trafic est réel, bien que ce ne soit pas nécessairement une pratique généralisée, mais c'est une réalité. Sauf qu'il ne s'agit pas de tuer une mouche avec un marteau.

Donc, le projet de loi n° 64, M. le Président, s'attaque à deux dispositions du Code civil, soit l'article 148 et l'article 151. L'article 148, particulièrement l'alinéa un de l'article 148, stipule, et je cite, que: «Le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt.» Autrement dit, lorsqu'on regarde ça de près, dans l'état actuel des choses, toute personne qui en fait la demande, soit parce qu'elle se présente au bureau du directeur de l'état civil, soit parce qu'elle en fait une demande, et même en ligne sur Internet, elle pouvait ? elle pouvait ? M. le Président, obtenir copie du certificat ou de l'attestation de l'acte qu'elle voulait ou qu'elle a demandé.

On sait que, depuis, M. le Président, le gouvernement a décidé de débrancher le service en ligne pour les certificats et les actes du directeur de l'état civil, mais il n'en demeure pas moins que les préoccupations sont toujours là. Donc, l'alinéa un, tel que libellé dans le Code civil, est assez permissif, d'autant plus que, au directeur de l'état civil, M. le Président, il n'y a pas de vérification qui est faite. Il n'y a donc pas de contrainte ni de contrôle, il suffit de s'adresser et de demander une copie, et la pratique voulait qu'on puisse les obtenir.

Donc, M. le Président, sur ce point-là et à la lecture des événements que nous avons connus, que nous avons vécus, l'opposition officielle est d'accord, en principe, qu'on puisse resserrer les contrôles en ce qui a trait à l'article 148, alinéa un, du Code civil, de façon à ce qu'on sache exactement qui demande l'acte ou le certificat de l'état civil, du directeur de l'état civil, et à quelles fins évidemment cette demande est faite.

n(17 h 10)n

Mais, tout en étant d'accord sur le principe, c'est malheureusement en rapport avec les modalités, la façon dont le gouvernement veut procéder pour y arriver. Or, le gouvernement, M. le Président, dans l'article 2... Et le ministre responsable du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qui a déposé ce projet de loi, M. le Président, vient, dans l'article 151, M. le Président, poser un geste grave, parce que l'article 151 stipule que «le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou d'un certificat».

Nous sommes en train de modifier le Code civil. On sait ce que ça veut dire que le Code civil, M. le Président; c'est un fondement juridique important. Il y a eu, je crois il y a huit ans, une refonte du Code civil. On s'est entendu, M. le Président, qu'on ne modifie pas le Code civil à la légère et surtout pas par règlement. Parce que, si on s'amuse à ouvrir des petites fenêtres dans le Code civil, bien on n'aura plus le fondement juridique sur lequel reposent un bon nombre de législations au Québec, M. le Président. Donc, c'est là une des critiques fondamentales.

Et, de bonne foi, encore une fois, M. le Président, l'opposition officielle s'est prêtée aux règles du jeu, nous avons été en commission parlementaire, on nous a déposé le fameux règlement, M. le Président, par lequel le gouvernement va déterminer quels sont les documents et les renseignements que peut fournir une personne qui fait la demande pour avoir un acte ou un certificat du directeur de l'état civil, et nous avons procédé à l'étude de règlement en six points. Et je dois vous dire, M. le Président, qu'à chaque étape de l'étude du règlement les collègues, à la commission parlementaire, et le ministre lui-même, on se posait des questions sur les interprétations que chacun d'entre nous, chacun, chacune, donnait à ce règlement-là. Alors, M. le Président, on ne peut pas modifier le Code civil, qui est une pièce maîtresse, qui est finalement la base même de notre système juridique, à partir d'un règlement qui... De toute évidence, une dizaine ou une douzaine de députés autour d'une table, en commission parlementaire, ne parvenaient pas à avoir la même compréhension de chacune des dispositions de ce règlement.

Sans compter, M. le Président, que le Barreau du Québec, d'ailleurs, a été assez clair là-dessus lorsqu'il s'est prononcé sur l'importance du Code civil, M. le Président, et je me permettrais de vous citer un mémoire que le Barreau a déposé, M. le Président, en ce qui a trait à la modification du Code civil lorsqu'il était question de la loi n°... le projet de loi n° 50. Et, le Barreau disait ceci, je voudrais vous en citer un extrait parce que c'est très édifiant: «Le Code civil...» C'est le Barreau qui parle dans le mémoire relatif au projet de loi n° 50. Je cite: «Le Code civil, en vigueur depuis au moins huit ans, constitue la pièce législative maîtresse qui régit les relations de droit privé au Québec. Si l'on compte les travaux de l'Office de révision du Code civil, son adoption s'est échelonnée sur plus de 20 ans. Il s'agit de l'assise majeure sur laquelle repose notre tradition civiliste. On le considère à juste titre comme une loi fondamentale qui ne doit être modifiée que lorsque vraiment nécessaire, et uniquement dans le cadre d'une réflexion globale. Il avait d'ailleurs été unanimement jugé opportun, lors de son adoption en décembre 1991, de confier à un organisme indépendant voué à la réforme du droit le soin d'élaborer de façon cohérente et planifiée une actualisation permanente de son contenu. La loi créant l'Institut de réforme du droit a bien été adoptée, mais son entrée en vigueur n'a jamais été promulguée.»

Voilà, M. le Président, un point de vue avisé, qui est celui du Barreau du Québec, qui se prononce sur l'importance que représente le Code civil du Québec et qui nous dit: On ne peut pas commencer à entrer dans le Code civil comme dans une auberge espagnole, que c'est plus important, le Code civil, pour les législateurs, et qu'il faudrait, M. le Président, à chaque fois qu'il y a un amendement, le regarder dans une approche globale pour savoir qu'est-ce que ça représente, c'est quoi, les impacts, M. le Président, et même accorder cette responsabilité de modifier le Code civil à une instance indépendante. Tout ça, M. le Président, indique à quel point c'est important pour le Barreau de s'assurer que, lorsqu'on touche au Code civil, on y touche parce que c'est justifié et parce que c'est nécessaire.

Or, M. le Président, l'article 2 du projet de loi n° 64 fait en sorte que le projet de loi lui-même devient comme une coquille vide. C'est une coquille vide parce que, d'un côté, on dit que le directeur peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ? parce qu'on est là, on est dans les vérifications de l'identité ? ou pour vérifier son intérêt. Mais d'un autre côté, l'essentiel même du projet de loi, c'est-à-dire la documentation et les renseignements, bien là, ça va être déterminé par règlement.

Et c'est là, M. le Président, que l'opposition officielle estime que le gouvernement n'a pas fait ses devoirs, parce qu'on ne peut pas modifier le Code civil par un simple règlement, n'est-ce pas. Je vois arriver le ministre de la Justice, et il me donne raison en hochant de la tête. Alors, c'est très important, M. le Président, que l'on ne touche pas à cette pièce maîtresse qui est le Code civil de façon aussi banale et aussi improvisée que par voie réglementaire. Parce qu'il faut se rappeler que le règlement, lui, il est adopté, M. le Président, derrière des portes closes par les membres du Conseil des ministres, alors qu'une modification législative, lorsqu'elle est inscrite dans un projet de loi, eh bien, les parlementaires des deux côtés de la Chambre ont le loisir de se prononcer là-dessus. Ils peuvent apporter des modifications, ils peuvent apporter, M. le Président, des bonifications, et lorsqu'on adopte le projet de loi, quand c'est en dehors du bâillon, hein, quand c'est par voie normale, M. le Président, la démocratie tranche, et on peut être pour et on peut être contre, mais, quand même, les parlementaires font leur devoir. Et on a la tête tranquille de savoir qu'on n'a pas modifié le Code civil de façon improvisée, de façon... par voie de règlement.

D'autant plus, M. le Président, que le règlement lui-même, qui s'intitule: Règlement sur la délivrance de documents de l'état civil, que nous avons regardé en commission parlementaire, je vous dis, on n'a pas réussi à nous entendre sur un certain nombre de dispositions, et le ministre lui-même n'avait pas les réponses à toutes les questions qu'on posait, à telle enseigne qu'il y a des pans entiers de ce projet de loi qui sont restés sans réponse, et le ministre se devait de nous revenir pour compléter l'information.

Alors, M. le Président, soyons sérieux, soyons sérieux, le projet de loi n° 64, il touche à l'assise même de notre système juridique, le Code civil. On ne peut pas le modifier par simple règlement. C'est pour cette raison, M. le Président, que l'opposition officielle, malgré la bonne volonté de vouloir collaborer, malgré la compréhension du contexte dans lequel on vit, M. le Président, on ne peut pas souscrire au projet de loi n° 64 tel que libellé. Je vous remercie.

n(17 h 20)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, M. le Président, je vous remercie beaucoup de me reconnaître. En effet, M. le Président, nous débattons depuis le début de l'après-midi d'un projet de loi fort important, un projet de loi qui, comme plusieurs de mes collègues ont eu l'occasion de l'exprimer ou de l'expliquer en cette Chambre, découle des événements que nous avons connus, particulièrement à New York, dans l'État de New York, mais aussi ailleurs, en ce qui concerne le terrorisme et particulièrement l'utilisation par des groupes terroristes, donc des groupes qui sont voués à la lutte armée ou la destruction des individus et des biens dans la société et du système en général, bien, par l'utilisation par ces gens-là de papiers d'identité, comme à titre d'exemples, des passeports ou des permis de conduire ou tout simplement des cartes d'identité lorsque ça s'avère, dans certains pays, eh bien, non légal, obtenu frauduleusement, et, bien souvent, à partir de documents officiels.

En d'autres termes, M. le Président, tout le mode sait cette histoire. On a vu le terroriste qui avait été arrêté à la frontière américaine, qui venait du Québec, qui était en possession d'un vrai passeport, un vrai faux passeport, devrais-je dire, qu'il avait obtenu en ayant été dans un cimetière, relevant un nom d'une personne décédée sur une pierre tombale et ayant fait une demande pour obtenir un certificat de naissance. Avec ce certificat de naissance là, eh bien, cet individu et ce groupe ? un groupe d'individus parce que, là, il s'agissait d'un réseau très, très bien organisé ? ont réussi à obtenir des pièces d'identité et des papiers d'identité qui leur permettaient de circuler. Entre autres, il s'agissait en particulier d'un passeport canadien.

M. le Président, pourquoi cela a-t-il été possible? Simplement parce que la façon d'obtenir ici, au Québec, traditionnellement un certificat de naissance, un acte d'état civil, était assez simple. Il s'agissait d'envoyer une lettre et de donner l'endroit où on était né, et on obtenait assez facilement ce genre de pièce. Et c'était là la clé, la porte d'entrée à tout le réseau, à tout le système d'obtention de papiers d'identité.

Alors, M. le Président, le Parti québécois, bien sûr, qui est au gouvernement a dû intervenir, a été interpellé, et le ministre a décidé de changer le Code civil. Il a dit: Bon, on va rapidement agir, et il est arrivé avec un premier projet de loi, ce projet de loi, M. le Président, qui était le projet de loi n° 47. Le projet de loi n° 47, les porte-parole de notre parti politique ont rapidement fait valoir au gouvernement qu'il y avait un certain nombre de lacunes dans ce projet et qu'il fallait absolument aller plus loin, faire d'autres choses, modifier cela. Et, bien sûr, c'est ce que le gouvernement a retenu, et il est arrivé aujourd'hui avec le projet de loi n° 64 qui se veut une réponse de nos recommandations, nos interrogations ou de nos remarques, dirais-je même, en ce qui concernait peut-être cet effet, cette législation vis-à-vis le gouvernement.

Alors, sur le principe, M. le Président, c'est évident qu'il n'y a personne en cette Chambre qui ne peut être contre le principe de faire en sorte que l'on puisse renforcer les conditions pour obtenir ces certificats de naissance ou ces certificats de l'état civil qui, comme je l'expliquais précédemment, lorsque vous les avez, vous ouvrent la porte à beaucoup de choses.

Alors, personne ne peut être contre ça, mais ça ne peut pas se faire n'importe comment non plus, M. le Président. Et on a l'impression que le gouvernement agit toujours de façon un peu... en catastrophe ou un peu rapide et sans regarder vraiment toutes les possibilités d'intervention. Et là, on parle pour le Code civil, mais il y a beaucoup, beaucoup d'autres domaines dans lesquels, auxquels on pourrait parler.

Donc, ce matin, nous avions un projet de loi qui était le projet de loi sur l'abolition... pour pouvoir donner un 30 mois de plus de délai de transition aux travailleurs de la couture et de la confection au Québec en ce qui concerne le régime transitoire de salaires, de conditions de travail, M. le Président. Eh bien, pourquoi on fait ça? Parce que le gouvernement, il y a quelques années, a décidé, comme ça, pour soi-disant régler un problème de déréglementation des affaires dans la mode, d'abolir les décrets, ni plus, ni moins.

Bingo! Un beau matin, il s'est levé, il est arrivé là. Il dit: On fait un symbole, puis on abolit les décrets. 50 % des travailleurs et travailleuses, mais surtout les travailleuses du Québec dans ce domaine-là, se sont vues plus de protection, plus d'organisation de relations de travail. On a mis un 18 mois de transition, et, M. le Président, on se rend compte qu'après ce 18 mois il n'y a rien qui est réglé et c'est même, au contraire, un peu la cacophonie ou un peu une situation difficile et problématique dans ce domaine-là.

Et là on passe un projet de loi, pour continuer un autre 30 mois, les mesures transitoires, parce qu'à l'époque ? soi-disant ? il y avait eu urgence pour régler ces situations. Et là on se retrouve un peu avec la même chose. Là, le gouvernement arrive puis embarque dans le Code civil, change les articles du Code civil puis ne regarde même pas si ça peut avoir un impact sur l'ensemble de la mécanique du Code civil.

Moi, je ne suis pas avocat, je suis député. Bien sûr, j'ai un certain nombre d'années d'expérience ici, j'ai vu beaucoup de lois. Et j'ai aussi eu la chance, la grande chance de travailler dans ma jeunesse comme attaché de presse du ministre de la Justice, Jérôme Choquette, qui est un très, très grand ministre de la Justice d'ailleurs qu'on a eu au Québec, je dirais peut-être parmi les plus grands, au crédit duquel on peut avoir un grand nombre de réformes importantes qui sont les Petites créances, l'aide juridique, en particulier, la Charte des droits et libertés du Québec aussi. Un homme qui avait une vision de l'organisation de la justice.

Et, lorsque, généralement, je dois prendre la parole sur des sujets comme celui-là, moi, je ne suis pas avocat, je me fie bien sûr à toutes les discussions que nous avons dans nos comités de travail avec les collègues, avec les députés, je me fie aussi, bien sûr, aux spécialistes que nous consultons, je me fie au Barreau du Québec ? et puis on y reviendra sur le Barreau du Québec, M. le Président, dans quelques minutes. Mais j'ai toujours un peu par réflexe d'appeler mon ancien patron et toujours très ami Me Jérôme Choquette, qui est maintenant avocat, 73 ans, et qui pratique encore le droit, et je lui pose la question: Qu'est-ce que vous pensez de ça? Et, très souvent, lorsqu'il regarde la façon dont ce gouvernement légifère la justice, il a comme une espèce de réaction un peu d'impuissance en disant: Mais il touche à ça un peu comme un cuisinier qui arriverait puis qui dirait: Bien, tiens, il manque une cerise sur le haut, puis il manque une tranche d'orange sur le bas du gâteau, puis un peu de crème fraîche par ci, et puis un peu de couleur verte là pour faire plus beau, sans avoir vraiment le plan d'ensemble, sans savoir vraiment qu'est-ce qu'ils font. Et on retrouve ça, me dit-il, dans beaucoup de domaines lorsque le gouvernement actuel touche à la justice.

Et ce n'est pas juste lui qui le dit d'ailleurs. Vous savez, M. le Président, que le Barreau du Québec s'est permis de faire un certain nombre de remarques, de la même façon que Me Choquette. Et que disent-ils ? ils se rejoignent là-dessus: C'est qu'il devrait y avoir un organisme, il devrait y avoir quelque chose qui existe dans notre société qui soit indépendant des partis politiques, bien sûr, et qui verrait à faire en sorte que le Code civil soit mis à jour, modernisé ou adapté au fur et à mesure que ça devient nécessaire, et que ce ne soit pas forcément les politiciens qui doivent le faire, mais bien sûr, après, que ce soit envoyé aux politiques pour le discuter, parce que, après tout, c'est nous qui représentons la légitimité du peuple, et on sait que le Code civil, la légitimé du peuple ou de la société repose grandement sur le Code civil. Le Code civil codifie les relations entre les citoyens, entre les gens, entre le commerce, les commerçants, entre les acheteurs. Enfin, c'est tous des principes d'intérêts généraux. Depuis 1886 que ça existe, le Code civil et, bon, ça a été modifié en 1992. Je me souviens, en 1993, nous étions au gouvernement à ce moment-là, et il y a eu de grandes, grandes commissions parlementaires qui ont duré énormément de temps et sur lesquelles beaucoup de députés se sont penchés pour travailler dessus.

Mais je crois qu'on devrait retenir cette proposition, cette suggestion du Barreau et qui est celle aussi, bien sûr, de notre ancien collègue Jérôme Choquette, qui dit qu'on devrait, M. le Président, mettre en application la loi créant l'Institut de réforme du droit. Quand on sait que cette loi a bien été adoptée, puis ça n'a jamais été mis en vigueur, il n'a jamais été promulgué. Pourquoi il n'a pas été mis en vigueur? Pourquoi il n'a pas été promulgué? Est-ce qu'on peut penser que le gouvernement actuel, les ministres se réservent le droit de tripatouiller un peu dans le Code civil à l'occasion, quand ça fait leur affaire, ou simplement pensent-ils qu'ils sont au-dessus de toute... ils sont tellement connaissants, ils sont tellement forts, tellement brillants dans leurs connaissances qu'ils peuvent faire à peu près ce qu'ils veulent, quand ça leur tente et, M. le Président, ils n'ont pas besoin de cet Institut de réforme du droit? Alors, ce serait peut-être une solution à ce genre de problématique, M. le Président.

D'autant plus que le Barreau ? et je reviens sur le Barreau maintenant ? le Barreau, qu'est-ce qu'il dit, le Barreau? Lui, il dit: «Cette pratique que le législateur a de modifier le Code civil sur des questions particulières, sans qu'on sache vraiment pourquoi ces questions deviennent absolument prioritaires, alors que plusieurs autres articles ambigus ? dans le Code civil ? et qui sont aussi déficients à l'occasion mériteraient qu'on se penche sur eux.» Eh bien, en nous disant ça, M. le Président, il nous démontre clairement, le Barreau nous indique clairement que nous n'allons pas dans la bonne façon, nous n'allons pas dans la bonne direction.

n(17 h 30)n

Et pourquoi le gouvernement réagit comme ça? J'écoutais le ministre parler tout à l'heure. Il avait l'air de dire: Vous savez, on a fait tout ce que le Parti libéral demande. On a fait ci, on a fait ça. Et là on avait même mis les règlements avant, en commission parlementaire, c'était de l'inédit, et on vous le montre... cherchant à défendre un peu, comme s'il se sentait obligé d'aller faire la preuve qu'il ne fait pas quelque chose qui n'est pas bien. M. le Président, c'est peut-être justement parce qu'ils se rendent compte que ce n'est pas de cette façon-là qu'on doit procéder qu'il se sent dans ses petits souliers, comme il semblait l'être.

Alors, on nous arrive toujours en plus, hein, à la fin... vers les fins de session, comme ça, avec ces genres de projets, et on nous dit toujours: Bien, écoutez, on n'a pas le choix, si vous ne l'adoptez pas, ça ne sera pas en vigueur, puis là, bien, il y aura tel problème qui va surgir, puis vous en serez les responsables, et c'est vous qui aurez à porter tout l'opprobre de cette situation, hein? Et ça, c'est une tactique... Ou une tactique... Ce n'est même pas ça, une tactique, c'est une façon de faire du gouvernement, et on le voit régulièrement, année après année, à chaque fin de session. Pourquoi est-ce qu'on doit toujours attendre la fin, attendre que le temps... que l'horloge tourne inexorablement, hein, pour essayer de nous faire adopter ces choses-là, M. le Président?

Alors, M. le Président, la plus grande inquiétude qu'il peut y avoir, c'est justement l'impact, l'impact de ces changements sur l'édifice du Code. Est-ce qu'on ne va pas se retrouver un peu plus tard, dans le futur, avec des dispositions qui ne correspondront plus ou qui auront été un peu déviées de leur objectif principal parce qu'on le change comme ça, à la pièce, régulièrement? Moi, je crois que oui et je pense que je ne suis pas le seul à le penser. Et, si je pensais que j'étais le seul à le penser, bien je me dirais: Après tout, c'est peut-être eux qui ont raison. Mais je crois que non et je crois que c'est quelque chose de tellement important, le Code civil, que ça ne devrait pas être sujet à l'arbitraire, à un moment donné, non plus du gouvernement. Parce que qu'est-ce qui arrive? Quand vous prenez l'article 151, quand on arrive à l'article 151, M. le Président... Il y a deux articles, hein? Je ne l'ai pas mentionné, dans le projet de loi, mais il y a le 148 puis le 151. Bien, le 151, M. le Président, il va permettre aussi au ministre de changer les dispositions par règlement. Ça veut dire qu'on va faire des règlements pour le Code civil. M. le Président, est-ce que le Code civil est fait pour être modifié ou être interprété par règlement? Moi, je ne crois pas, je n'ai pas vu personne qui a plaidé, à part le gouvernement, dans cette direction-là. Et d'autant plus que le ministre dit: Bien, on les a montrés, les règlements. Oui, mais qu'est-ce qui empêche d'en adopter d'autres, des règlements? Un règlement, ce n'est pas immuable, hein? Un règlement, il y a un qui est maintenant, mais qu'est-ce qui empêche de faire un autre règlement et de le mettre, pendant 30 jours ou 60 jours, en prépublication ou en publication, hein, dans des périodes... Et, comme on l'a vu, le gouvernement le fait à l'occasion, hein? Aussitôt après la période des fêtes, là, le dernier Conseil... Ou avant la période des fêtes, le dernier Conseil des ministres, on adopte un décret, et puis: Let's go, on y va. Et, bon, les gens ne sont pas là, et on se réveille un beau matin avec ce genre de réglementation.

Bon, c'est le gouvernement qui choisit ça, là. Nous, M. le Président, est-ce qu'on doit absolument, tout le temps, être derrière le gouvernement et supporter la façon de faire du gouvernement lorsqu'on n'est pas d'accord avec? Moi, je crois que non. Je crois qu'on peut être d'accord avec le gouvernement sur les grands principes de l'administration d'une société. Les grands principes des réformes, les grands principes, M. le Président, d'égalité, de justice, ça, oui, je crois qu'on partage ça, généralement, des deux côtés de la Chambre. Ce qui nous différencie, c'est que le gouvernement, M. le Président, lui, essaie d'administrer ou de gérer ces grands principes là à sa façon à lui, et ce n'est peut-être pas toujours la façon que nous ferions.

Nous, nous sommes des gens qui avons la prétention d'être plus proches, plus à l'écoute des besoins réels des citoyens, hein? Pour nous, ce n'est pas le citoyen qui est au service de l'État, ce n'est pas le citoyen qui est au service ou dépendant de la machine, c'est la machine et l'État qui doit être au service des citoyens. C'est ça, la différence entre nous, et on le voit dans toutes les lois de ce gouvernement. Vous remarquerez que, depuis les... je pense, cinq, six dernières sessions, M. le Président, il n'y a pas eu une fin de session où le gouvernement n'a pas passé des bâillons, n'a pas bulldozé l'opposition. On a eu des dizaines de lois dans des bâillons, des projets de loi déposés avec des séries, des 250 amendements même pas étudiés, avec trois minutes pour le porte-parole de l'opposition pour pouvoir prendre connaissance de ça, déposés à la dernière minute. C'est comme ça qu'ils gouvernent et c'est comme ça, M. le Président, qu'on se retrouve et que les citoyens se retrouvent avec des lois qui ne correspondent pas à la réalité, ne correspondent pas à leurs intérêts principaux, et même qui sont contre-productifs pour le gouvernement. Et il est obligé, par la suite, d'amener des lois pour les amender en disant: Bien, on a une omission.

Ce matin, on en avait encore une. Il fallait amender un projet de loi, qui avait été adopté il y a à peu près un an et demi, sur deux articles, M. le Président. Si, à l'époque, au lieu de mettre le couperet, le bâillon ou d'avoir amené ça à la dernière minute, comme ils le font maintenant, comme ils le font toujours, bien, on avait pris la peine de les étudier, eh bien, ce matin, on n'aurait pas été obligé de faire ça probablement, parce que l'opposition ? moi, je le sais ? l'opposition fait son travail. L'opposition aurait étudié, aurait vu ces choses-là, aurait eu le temps de les faire, hein, aurait eu le temps de voir le problème, aurait convaincu le gouvernement. À la fin, il aurait fini par comprendre lui aussi et, M. le Président, eh bien, il l'aurait changé, il aurait fait en sorte que la loi aurait été conforme au grand principe que le gouvernement semble vouloir évoquer et auquel, bien souvent, nous concordons.

Alors, en ce qui concerne les pièces d'état civil, oui, oui, tout à fait d'accord, on ne peut pas donner des pièces d'état civil, des certificats de naissance à n'importe qui n'importe quand. Ça, c'est évident. Maintenant, lorsqu'on dit que le directeur de l'état civil pourra demander un certain nombre de documents pour justifier de l'intérêt de la personne qui veut l'obtenir, oui, mais lesquels documents? De quelle façon? Est-ce que ce qu'on nous dit maintenant, ça va être ça encore ou est-ce que ça va être modifié? Est-ce qu'il va pouvoir, tout à l'heure, aller plus loin, entrer dans la vie personnelle des gens? Est-ce qu'on va protéger l'intimité de la vie privée des citoyens? On n'en est pas sûr.

Alors, moi, M. le Président, je regrette encore une fois qu'on ne puisse pas, dans un domaine aussi important, quand même, qui est celui de la sécurité, eh bien, appuyer ce projet de loi là. On en appuie le principe, mais le projet comme tel, comme mes collègues l'ont si bien dit, eh bien, malheureusement, on va devoir voter contre.

Et là je vois le gouvernement. Il va dire: Oui, oui, oui. Bon, ils votent contre. Ils ne sont pas pour permettre de sécuriser nos frontières, pas pour permettre d'avoir un contrôle sur l'identité ou sur la délivrance de papiers d'identité. Bon, on aura de la difficulté avec nos voisins américains ou avec les Canadiens. Vous pourrez être les responsables de certaines situations qui pourraient se développer si, par hasard, il n'y avait pas ce contrôle que nous faisons, hein. Vous êtes des irresponsables. Vous faites de la petite politique.

Mais non, M. le Président, nous ne faisons pas de la petite politique, pas du tout, M. le Président. Au contraire, ce que nous faisons, M. le Président, c'est mettre le gouvernement en garde et lui dire: Il ne s'agit pas d'agir à tout prix et n'importe comment. Dans une société comme celle du Québec, on ne peut pas décider, du jour au lendemain, hein, parce qu'on a une pression extérieure, bien, qu'on bulldoze tout. Il y a d'autres moyens d'agir comme ça, il y a d'autres moyens de faire en sorte qu'on puisse arriver au même résultat. Mais le ministre ne semble pas vouloir les prendre et, malheureusement, on a essayé de le convaincre, on a essayé de lui expliquer. Ça a pris deux projets de loi, imaginez, M. le Président, ça a pris le projet de loi n° 47, hein, et là il voulait absolument le passer, puis je le voyais parler encore, là, puis il semblait nous dire: Oui, mais j'ai tout fait pour vous donner ce que vous aviez besoin, puis là vous n'êtes encore pas contents, puis là il faudrait reconnaître qu'il y a de l'inédit, puis on a vraiment, vraiment agi. Mais, M. le Président, s'il avait vraiment agi, il n'y aurait même pas de difficulté, hein, le projet de loi serait déjà passé, serait déjà adopté. Mais c'est parce qu'il n'a pas vraiment fait tout qu'est-ce qu'il devait faire. Il n'a pas écouté le Barreau, il a joué lui-même comme s'il était le seul et unique capable de trouver les solutions aux problèmes de notre société et qu'il n'y avait pas d'autres personnes, d'autres groupes et d'autres façons de faire ou de penser.

Mais, aussi, M. le Président, il fait preuve comme certains juristes semblent dire ? et, moi, je le crois aussi, je regarde ça avec le bon sens ? il fait preuve d'un peu de légèreté ou du moins d'insouciance vis-à-vis de la façon dont on se traite ou se comporte dans la réforme du Code civil, hein? On est vraiment, là, M. le Président, à la pièce, hein; on est vraiment là... Très régulièrement, il nous arrive avec quelque chose. Ça fait trois, quatre fois, je pense, qu'on amende le Code civil, depuis les derniers mois. Alors, ça prouve qu'il y a vraiment là un problème.

Alors, pourquoi pas mettre, M. le Président, en place l'Institut de la réforme du droit? Pourquoi pas promulguer la loi pour pouvoir la mettre en application et puis travailler avec ces gens-là? Puis ils vont arriver avec des solutions, ils vont arriver avec des propositions, ils vont arriver avec des réformes. Et là, bien, nous, comme législateurs, je présume que nous aurons à ce moment-là beaucoup plus de facilité à faire notre travail non seulement dans le respect de l'édifice du Code civil comme je le répète, là, de 1886. Il y a un seul État en Amérique du Nord où il y a le Code civil, c'est le Québec, hein? Le reste, c'est le «common law», c'est les lois... c'est le système anglophone. Nous, c'est le système francophone qui date de Napoléon, M. le Président, et j'en suis très fier. Mais encore faut-il le préserver et ne pas le dénaturer. Alors, merci, M. le Président.

n(17 h 40)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. M. le député de Verdun sera le prochain intervenant. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Et je vais essayer de vous expliquer brièvement où est la situation et où chacun des partis se situe.

Il y a eu, suite aux événements du 11 septembre, une prise de conscience, des deux côtés de la Chambre et par l'ensemble des parlementaires, que l'on pouvait très facilement et même trop facilement se procurer des documents d'état civil. C'est-à-dire, jusqu'à ce que le ministre intervienne, on pouvait soit par Internet, soit par courrier, écrire en disant: Je suis M. X, né à tel endroit, et le directeur de l'état civil vous transférait un acte d'état civil ou un certificat d'état civil, un certificat d'état civil, si vous permettez.

Là, à l'heure actuelle, devant cette situation importante et d'urgence, et je dois le dire, avec beaucoup de responsabilité... des fois, il faut reconnaître au gouvernement, lorsqu'ils font des choses avec responsabilité... Avec responsabilité, le ministre est arrivé en disant: Il faut intervenir pour éviter que ceci se produise, c'est-à-dire que n'importe qui puisse usurper l'identité de quelqu'un qu'il n'est pas lui-même.

Alors, qu'est-ce qu'a fait le ministre? Il a immédiatement, M. le Président, fait un premier choix qui a été de stopper, par mesure administrative, l'émission, par voie Internet, c'est-à-dire voie électronique ou par voie postale, de certificats d'état civil. Il avait besoin aussi très rapidement d'une pièce législative pour justifier cette démarche du directeur de l'état civil. Nous avons collaboré de part et d'autre, c'est-à-dire la députée de Jonquière, qui était notre porte-parole, le ministre et l'ensemble des membres de la commission, pour s'entendre sur une modification du Code civil, à savoir d'ajouter, après l'article 148, les mots: «Le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte ou un certificat qu'aux personnes qui y sont mentionnées ? c'est-à-dire celle qui est sur l'acte ou qui est mentionnée sur l'acte, c'est-à-dire le père et la mère ? ou à celles qui justifient de leur intérêt.» Et justifier de l'intérêt, il s'agissait de la curatelle, pour quelqu'un qui était soumis à la curatelle, ou de quelqu'un qui agissait pour un tiers, et on faisait plus spécifiquement référence, à l'époque, au Barreau, M. le Président.

Le projet de loi, à l'époque, comportait d'autres articles qui reviennent aujourd'hui dans le projet de loi n° 64, mais ce premier article était absolument nécessaire pour pouvoir réglementer et colmater le trou qu'il pouvait y avoir quant à l'émission des certificats et des actes d'état civil. L'opposition a pleinement collaboré pour qu'on sépare le projet de loi, que l'on adopte le projet de loi n° 47 avec célérité. Et, vous le savez, M. le Président, vous vous rappelez, on a, dans cette Chambre, accepté de suspendre les règlements, d'adopter, ce qu'on appelle dans notre langage 1-2-3, le premier article de ce qui était la loi n° 47 à l'époque, mais seulement le premier article, à savoir: «Le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte ou un certificat qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt.»

Je dois dire de plus que le ministre s'était engagé, devant cette Assemblée, à émettre et à discuter avec les parlementaires des règles qu'il voulait voir... ou qu'il allait édicter, par règlement, pour que... la façon dont le directeur de l'état civil pouvait savoir que la personne qui était devant lui ou qui demandait un acte d'état civil était bien une personne mentionnée sur l'acte d'état civil. Ce n'est pas une chose aussi simple que vous... Imaginons que vous perdiez l'ensemble de vos pièces d'identité: permis de conduire ou autres. Vous devez vous en faire obtenir d'autres, et là il faut que vous puissiez justifier que vous êtes bien la personne que vous prétendez être.

Alors, on a débattu, en commission parlementaire, M. le Président, et le ministre a raison lorsqu'il fait ce point-là, on a débattu des règles qui pouvaient être utilisées par le directeur de l'état civil pour s'assurer que la personne qui était en face de lui était bien la personne qui était mentionnée sur l'acte ou le certificat d'état civil ou des règles à appliquer pour s'assurer que la personne avait un intérêt qui justifiait la demande d'un tel certificat, c'est-à-dire qu'elle pouvait être membre du Barreau qui avait une cause... On faisait référence particulièrement dans le cas de divorce où très souvent les avocats ont besoin, pour constituer le dossier, d'avoir l'ensemble des pièces d'état civil de chacune des parties.

On avait convenu, M. le Président, à l'époque de référer les autres questions dans un autre projet de loi qui fait l'objet aujourd'hui du débat. Et, je tiens donc à assurer ici cette Chambre et ceux qui nous écoutent, nous avons pleinement collaboré pour essayer de colmater au plus rapidement la brèche que nous avions vue à l'intérieur du processus d'émission des certificats et des actes d'état civil.

Le projet de loi n° 64, M. le Président, vient... est une suite, en quelque sorte, au projet de loi n° 47. Alors, le projet de loi n° 64 se compose de trois articles. Je vous dirai tout de suite, de quatre articles, puisque le dernier article, c'est sa date de promulgation. Je vous dirai que, parmi ces articles, trois ne nous posent aucun problème, à l'opposition.

Et je vais vous les répéter. Le premier article, M. le Président, vient compléter la modification que nous avions faite au Code civil avec la loi n° 47. Je me permets de vous le rappeler, M. le Président, on modifiait l'article 148 en ajoutant les choses suivantes: «Le directeur de l'état civil ne délivre la copie d'un acte ou d'un certificat qu'aux personnes qui y sont mentionnées ou à celles qui justifient de leur intérêt.» Ce projet de loi, qui, dans son article 1, est sujet à débat, rajoutera après: «Le directeur peut ? les mots sont importants, ici ? exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse des documents ou renseignements nécessaires pour vérifier son identité ou son intérêt.»

Donc, on est là, à l'heure actuelle, dans le premier article qui va modifier le Code civil, arrivé à dire: Le directeur de l'état civil peut demander à une personne qui... exiger d'une personne qui fait une demande d'un certificat qu'elle lui fournisse, d'une manière ou d'une autre, la preuve qu'elle est bien une des personnes mentionnées sur le certificat. Je vous permets de vous rappeler, M. le Président, que les personnes qui sont mentionnées sur le certificat, c'est soit, d'une part, l'individu lui-même soit ses ascendants, à savoir son père ou sa mère. On se comprend jusqu'ici.

Voici le point, l'article 3... Je vais continuer sur les points qui ne nous posent pas de problème. L'article 3 de ce projet de loi, M. le Président, précise que le ministre responsable de l'état civil fera rapport périodiquement à la Chambre de l'application de cette loi. L'article 4, M. le Président, va venir édicter, préciser quand cette loi va entrer en vigueur.

Le problème vient de l'article 2. Et, réellement, je m'adresse au ministre de la Justice dans le cadre de l'article 2. Le problème vient de l'article 2 qui stipule, qui rajoute: L'article 151 de ce Code est modifié par l'article 27 du chapitre 21 des lois de 1996 et par l'article 14 du chapitre 47 [...] est de nouveau modifié par l'addition [...] «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer des documents ou renseignements que peut fournir une personne qui demande une copie d'un acte ou d'un certificat.»

n(17 h 50)n

Alors, vous voyez le corpus... et le problème est très technique, mais je suis sûr qu'un légiste, comme mon collègue le député de Louis-Hébert, comprendra ça. Le problème, il vient, M. le Président, qu'une loi comme le Code civil ne peut pas contenir, à l'intérieur d'un article, un article qui, pour s'appliquer, fait référence à un règlement du gouvernement. De surcroît, je me permets de plaider devant cette Chambre qu'il n'y a pas besoin même de cet article dans la loi, car, strictement par mesure administrative, la suite qui découle de l'article 1, où dans l'article 1, on donne un pouvoir général au directeur de l'état civil, on dit au directeur de l'état civil: Il peut exiger, d'une personne qui fait la demande, de lui fournir la preuve qu'il est bien une personne mentionnée sur l'acte, le certificat ou l'acte d'état civil...

Il suffirait, d'après moi, d'une directive administrative ou d'une règle administrative du directeur de l'état civil approuvée par son ministre, disant: À l'heure actuelle, pour obtenir ou pour faire valoir ou pour justifier mon intérêt ou pour justifier que je suis la personne qui est nommément mentionnée sur le certificat ou sur l'acte d'état civil, j'ai... Et je pourrais vous rappeler ce... sur lequel on a convenu de part et d'autre, hein? Le débat n'est pas sur ce qu'on doit demander, c'est qu'on demande que la personne fournisse deux pièces d'identité avec sa photo, si jamais elle ne les a pas toutes perdues, c'est-à-dire une carte d'assurance maladie, un passeport canadien, un certificat de citoyenneté canadienne, un permis reconnu où on demande aussi, si jamais elle a tout perdu ses pièces, qu'elle puisse avoir deux répondants qui attestent de son identité devant un notaire ou un commissaire à l'assermentation, et, parmi ses répondants, on fait une liste des répondants qui correspondent grosso modo aux répondants qui sont demandés par le bureau qui émet les passeports ou qui sont justifiés pour pouvoir attester de l'identité d'une personne.

Vous savez, M. le Président, que, lorsque vous demandez un passeport, il y a un certain nombre de personnes qui peuvent attester de la validité de votre demande. Il y en a une liste, que ça aille depuis votre directeur de caisse populaire ou de banque, le maire, un conseiller municipal, un membre d'un corps policier, un membre des corps d'un certain nombre de corporations professionnelles: avocats, notaires, médecins, enfin, il y avait un certain nombre de personnes que l'on retrouve actuellement dans le règlement.

Mon point n'est pas, M. le Président, de dire: Il ne faudrait pas qu'il y ait des règlements, il faudrait laisser tout flotter complètement par hasard. Mon point est que ces pièces qui pourraient être demandées pourraient être une directive administrative, émise par le directeur de l'état civil, une fois que l'on a confié au directeur de l'état civil, par l'article 1...

Et je pense qu'il n'y a pas de problème sur l'article 1. On dit dans l'article 1: «Le directeur ? de l'état civil ? peut exiger d'une personne qui demande la copie d'un acte ou un certificat qu'elle lui fournisse les documents.»

Alors, il est clair, vous comprenez bien, que, quand on dit «le directeur», bien, le directeur, c'est la personne, et il y a ensuite des personnes qui travaillent pour lui, et, lui, pourrait, à l'intérieur de ce qu'on appelle «le directeur», c'est-à-dire l'organisme qui émet les certificats, émettre une règle administrative qui pourrait être acceptée par le gouvernement au fait que les pièces qui sont demandées pour faire valoir son identité sont les pièces sur lesquelles nous avons eu, ici, un certain consensus.

Ce qui est gênant, M. le Président, c'est le point purement technique, le point purement technique dans une loi ou dans un... une loi, on vienne modifier le Code civil ? ce qui n'est pas absolument impossible, de modifier le Code civil, on l'a fait bien des fois, et déjà, cet article 151 a déjà été modifié en 1996 ? ce n'est pas qu'on vienne modifier le Code civil, mais que, dans le Code civil, qui est quand même une loi fondamentale, disons, de notre société, c'est un élément de notre spécificité, si l'on puit dire, de la société québécoise, on fasse référence à un règlement pour pouvoir appliquer un article. Il me semble, M. le Président, que le Code civil devrait se tenir in se, c'est-à-dire par lui-même, être une pièce législative qui ne devrait pas faire référence à des règlements pour qu'on comprenne la portée d'un article, mais, bien au contraire, fait, énonce des principes à caractères généraux.

Donc, cet article 151, puisqu'il fait actuellement... ne peut avoir un sens que lorsque le gouvernement peut, par règlement, et peut modifier après la portée de l'article 2, lorsqu'il, de fait, modifie l'article 151 du Code civil, M. le Président, vient faire ce qui, sur le plan purement parlementaire, me semble difficilement acceptable, vous comprenez? On ne peut pas, on ne peut pas, dans notre corpus législatif, M. le Président, avoir, à l'intérieur de notre loi, une loi aussi fondamentale que celle du Code civil, donner un pouvoir réglementaire au gouvernement et ne comprendre un article du Code civil qui, à la lecture d'un règlement du gouvernement, pourrait être modifié. Même si, dans le cas qui nous occupe, même si, dans le cas qui nous occupe, je comprends la logique du ministre, qui dit: Bon, écoutez, les règlements, je vous les ai montrés, je vous les ai donnés, c'est des règlements du bon sens, on en a discuté de part et d'autre, mais essayez de les modifier, je ne discute pas vraiment sur la... actuellement, M. le Président, et sur la pertinence d'avoir, de resserrer actuellement les règles d'émission des certificats et des actes d'état civil. Ce n'est pas le but de notre propos. Nous avons collaboré complètement avec le ministre lorsqu'il s'est agi d'adopter rapidement l'article, de modifier l'article 148 du Code civil pour colmater la brèche, nous sommes d'accord, nous avons regardé ensemble quels étaient, grosso modo, les règles administratives qui seraient pertinentes de mettre de l'avant lorsqu'on voudrait ou on veut actuellement faire preuve qu'on est bien une personne mentionnée sur un acte d'état civil, mais il me semble qu'inclure dans le Code civil actuellement une référence directe à un règlement est une mesure qui est, strictement sur le plan du travail d'un législateur, une mesure qui me semble difficilement acceptable.

Et, comme je vous l'ai précisé, il me semble, M. le Président, qu'on pourrait facilement contourner cette difficulté en éliminant purement et simplement du projet de loi cet article 2, une fois que l'on a affirmé le principe qui est un principe sur lequel, je crois, de part et d'autre, on est d'accord. C'est qu'une fois que, pour obtenir un acte d'état civil, c'est-à-dire quelque chose qui dit que vous êtes bien monsieur X, Y, Z... le directeur de l'état civil ou, virtuellement, son employé peut exiger que vous soyez bien une des personnes dont le nom est inscrit sur l'acte qu'il va vous émettre. Et on pourrait avoir une règle administrative à l'intérieur du directeur de l'état civil qui préciserait, M. le Président, qu'on fonctionnerait de telle ou telle manière, qu'on serait en mesure d'émettre un acte à quelqu'un qui ferait preuve de telle... soit qu'il a une pièce avec photo soit une attestation devant notaire, et d'attester qu'il est bien monsieur X ou monsieur Y.

Mais, et je terminerai là-dessus, M. le Président, c'est vraiment sur ce point-là. Il faut bien qu'on comprenne ici la position des parlementaires de l'opposition. Les parlementaires de l'opposition ici ne critiquent pas le gouvernement pour avoir colmaté une brèche qui était béante, ne critiquent pas le gouvernement pour avoir mis de l'avant des mesures pour, disons, restreindre l'émission des actes d'état civil et des certificats d'état civil.

Nous sommes actuellement opposés, M. le Président, au fait que l'on modifie... qu'on introduise dans le Code civil des articles qui peuvent être modifiés simplement par règlement du gouvernement. C'est ce phénomène-là, ce point-là, M. le Président, qui... Et j'en appelle actuellement au juriste qu'est le ministre de la Justice pour qu'il voie actuellement la difficulté qu'il y aurait avec cet article 2 du projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, s'il vous plaît, vous nous appelez...

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, nous allons donc poursuivre sur l'article 13.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 13 de votre feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil.

Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 64?

M. Cholette: Est-ce qu'on peut suspendre, M. le Président? Parce que je ne croyais pas qu'on commençait avec ça.

Le Vice-Président (M. Pinard): À votre demande, je peux suspendre quelques instants.

M. Cholette: Oui. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 3)

 

(Reprise à 20 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes et MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir. Quant aux autres, continuez. Ha, ha, ha!

Alors, nous poursuivons. Et nous étions, lorsque nous avons suspendu pour quelques instants, qui s'est révélé quand même quelques minutes, alors nous étions à l'article 13 de votre feuilleton. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 64?

Mise aux voix

Donc, comme il n'y a pas d'autres interventions, le principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant le Code civil en matière de demande de documents d'état civil, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration en soit membre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, si vous voulez bien appeler...

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, je vous référerais donc à l'article c de notre feuilleton.

Projet de loi n° 71

Présentation

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article c du feuilleton, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole présente le projet de loi n° 71, Loi modifiant la Loi sur le traitement des élus municipaux.

Alors, y a-t-il consentement pour déroger à l'article 53.2° de notre règlement? Consentement. Alors, Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'introduire dans la Loi sur le traitement des élus municipaux certaines modifications relativement aux règles qui régissent le versement des allocations de départ et des allocations de transition à des élus municipaux dont le mandat en cours au conseil de leur municipalité est interrompu à la suite d'un regroupement ou d'une annexion totale.

Le projet de loi prévoit à cet égard que les élus municipaux, visés par un programme de compensation pour mandat écourté parce qu'ils ne deviennent pas membres du conseil de la nouvelle municipalité, sont réputés, aux fins du versement des allocations de départ et de transition, membres du conseil de leur ancienne municipalité jusqu'à la fin de la période couverte par ce programme de compensation.

Le projet de loi prévoit, d'autre part, que les élus des anciennes municipalités, qui deviennent membres du conseil de la nouvelle municipalité, ne pourront recevoir les allocations de départ ni les allocations de transition qui leur sont dues par suite de la cessation de leur fonction de membre du conseil de l'ancienne municipalité avant la fin de leur mandat de membre du conseil de la nouvelle municipalité.

Enfin, le projet de loi prévoit que l'allocation de transition ainsi reportée ne pourra s'ajouter, le cas échéant, à toute autre allocation de transition décidée par la nouvelle municipalité que jusqu'à concurrence du maximum applicable globalement aux deux périodes et prescrit par la loi.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, votre projet de loi est déposé. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Vous en avez une copie? Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement?

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président, on m'indique qu'il y aurait consentement pour qu'on puisse procéder immédiatement à l'adoption du principe du projet de loi.

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, vous appelez l'article c de notre feuilleton où Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 71, Loi modifiant la Loi sur le traitement des élus municipaux.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 237 de notre règlement prévoyant un délai d'une semaine entre la présentation d'un projet de loi et l'adoption du principe d'un projet de loi? Consentement? Consentement.

Alors, y a-t-il des interventions maintenant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 71? Alors, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et également députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, c'est une législation qui a été l'objet d'une annonce qui s'est faite par la voix, je pense, de plusieurs membres de cette Assemblée. J'ai eu, à la fin du Conseil des ministres la semaine dernière, l'occasion d'annoncer également à l'opinion publique que nous avions décidé de procéder à des modifications à la loi sur la rémunération des élus municipaux. Je rappelle que cette loi sur la rémunération des élus municipaux comprend diverses dispositions dont une portant sur une allocation de transition et une autre portant sur l'allocation de départ.

Ce sont des allocations qui ont été introduites par le gouvernement précédent à l'occasion de l'adoption, dans le cas de l'allocation de transition, d'une loi en 1988 et, concernant l'allocation de départ, d'une loi en 1992. Alors, j'ai pris grand soin, M. le Président, de relire les débats qui ont entouré l'adoption de cette loi, présentée par l'actuel député de Laporte et introduisant dans le dispositif des élus municipaux une allocation de transition, et cette allocation de transition prévoit l'équivalent de huit mois de rémunération après une durée de quatre années continues, donc, comme élu municipal.

En 1992, le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor, M. Daniel Johnson, qui ne siège plus parmi nous et qui a été chef de l'opposition, a introduit, le 13 novembre 1991 ? on parle toujours de la loi de 1992 parce qu'elle a été mise en vigueur en 1992 ? une loi modifiant la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux et la Loi sur le traitement des élus municipaux. Alors, l'allocation de départ, qui est une allocation qui a fait couler beaucoup d'encre aussi, récemment, dans les journaux, en fait, c'est une allocation qui a été introduite afin de compenser en partie la réduction des crédits annuels de pension auxquels les participants au régime de retraite des élus municipaux avaient droit.

Alors, c'est donc une législation qui était un complément au régime de retraite des élus municipaux désavantagés par les règles d'agrément fiscal qui avaient été introduites par le ministère fédéral de l'impôt sur le revenu. Alors, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dissiper cette impression, d'abord, que c'est l'actuel gouvernement ou moi-même qui aurions, dans l'ensemble de la réorganisation municipale, introduit ces allocations; elles l'ont été par le gouvernement précédent. Elles l'ont été à deux occasions, en 1988 par le ministre des Affaires municipales de l'époque, l'actuel député de Laporte, sous forme d'allocation de transition, et en 1992 par le président du Conseil du trésor de l'époque et qui fut chef de l'opposition. Et, si c'est lui plutôt que le ministre des Affaires municipales qui a fait adopter le projet de loi 402 portant justement sur l'allocation de départ, c'est parce que cette allocation de départ vient compenser la réduction de crédits, en fait, annuels des pensions pour les participants au Régime de retraite des élus municipaux.

Alors, je lis d'ailleurs la présentation qu'en a faite M. Daniel Johnson il y a maintenant 10 ans, n'est-ce pas? C'était en 1991, cela fait 10 ans ce mois-ci. Alors, je lis ceci: «Cette loi modifie d'abord la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux afin d'harmoniser le régime de retraite prévu par cette loi avec les règles découlant de la réforme fiscale en matière d'épargne-retraite.» Et, finalement, ce dont il s'agit, c'est donc cette allocation de retraite.

n(20 h 50)n

Alors, ce que la loi n° 71, que j'ai déposée ce soir, prévoit... ce qu'elle prévoit, c'est qu'il ne puisse pas y avoir concurrence de versement aux mêmes élus d'allocation de pension et d'allocation de départ, puisque, concurremment, les années de service calculées pour les fins de l'allocation de transition ou pour les fins de l'allocation de départ seront simplement additionnées, comme s'il y avait eu continuité de service au sein de la même municipalité, et cette continuité de service, en fait, fera en sorte qu'après 26 années de service, si tant est que l'élu municipal complète ses 26 années de service, il aura droit, au terme de ce mandat de 26 ans, à son départ, à une allocation équivalent à une année de salaire. Et je rappelle que cette allocation de départ après 26 années de service est justement celle introduite par Daniel Johnson pour compenser la réduction qui avait été introduite par l'impôt fédéral sur le revenu au Régime de retraite des élus municipaux.

Et, donc, il y aura aussi, à la fin du mandat dans la nouvelle municipalité, au moment de quitter, la possibilité de toucher l'allocation de transition qui est une allocation versée depuis 1988, à la suite de l'adoption d'un règlement par une municipalité. Donc, ce n'est pas une allocation qui est automatiquement versée, il fallait qu'un règlement soit adopté pour qu'une telle allocation puisse être versée au moment de la fin d'un mandat d'un élu. C'est l'équivalent, après quatre années de service, d'une allocation de huit mois, équivalant à huit mois de salaire.

Alors, M. le Président, je rappelle que le 15 novembre 2000, il y a déjà un an, au moment où je déposais le projet de loi n° 170, loi qui aura permis la mise en place des nouvelles grandes villes de Montréal, Longueuil, Lévis, Gatineau et... Montréal, Longueuil, Lévis, Québec et Gatineau. Alors, je rappelle que j'avais prévu, dans le... au moment du dépôt de cette loi, qu'il ne puisse plus y avoir adoption d'un règlement d'allocation de transition de façon à ce que les villes susceptibles d'être regroupées ne puissent s'avantager en adoptant un tel règlement, mais, bien évidemment, il n'était pas question, cependant, rétroactivement, de retirer aux villes qui avaient déjà adopté ce règlement le bénéfice, pour leurs élus, en fait, de... les bénéfices qui y étaient rattachés.

Enfin, il y a même des membres de cette Assemblée nationale qui ont eu l'occasion de toucher à la fois leur allocation de transition et leur allocation de départ. Par exemple, le député de Hull, qui est ici présent, aura...

M. Cholette: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Hull, je vous écoute.

M. Cholette: Question de fait personnel. La ministre vient d'induire la Chambre en erreur encore une fois. La ministre vient de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, si c'est pour une rectification de fait, vous devez attendre la fin de l'allocution de la ministre et, par la suite, vous allez corriger ça en vertu de notre règlement.

Alors, Mme la ministre des Affaires municipales, je vous invite à poursuivre, s'il vous plaît.

Mme Harel: Merci, M. le Président. En fait, ce qu'on m'a indiqué, c'est qu'il y avait plusieurs situations, plusieurs cas de figure, comme on dit communément, plusieurs situations qui se sont présentées, notamment celle du député de Hull qui, conseiller municipal dans la ville de Hull, se présentant et étant élu à l'Assemblée nationale, a pu, en 1999, au moment où il siégeait comme député ici, à l'Assemblée nationale, au moment où il cotisait également au régime de retraite des députés également, se voir verser cette allocation de 9 000... un peu plus de 9 000 $ qu'il avait accumulée légitimement... qu'il avait accumulée légitimement au moment où...

Une voix: ...

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Moi aussi, j'en ai une. Là, madame... Madame, s'il vous plaît! Madame, s'il vous plaît! Lorsque... Si vous avez à vous adresser à quelqu'un, c'est à la présidence et non pas établir des dialogues à cette Assemblée. Alors, s'il vous plaît. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, simplement sur une question de règlement, l'article 32 prescrit le décorum dans cette Assemblée. Et, à toute évidence, nous sommes nombreux à l'avoir entendu, je ne répéterai pas ici les propos que le député de Hull tient à l'endroit de ma collègue Louise Harel, mais il me semble bien simplement qu'il a accumulé suffisamment de défaites ces derniers temps pour faire preuve d'un peu plus de modestie et devrait être...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre! M. le leader adjoint du gouvernement, si vous avez entendu des propos, moi, je n'ai pas entendu ces propos. Et, à partir de ce moment-là, lorsque le président n'entend pas certains propos... À ce moment-là, il ne peut pas sanctionner quoi que ce soit. Alors, moi, j'écoute actuellement Mme la ministre des Affaires municipales et je vous prierais, Mme la ministre, de bien vouloir poursuivre. Et j'inviterais tous les gens en cette Assemblée d'écouter religieusement les propos de l'un et de l'autre. Et, s'il y a des choses à corriger, ça se fera en temps et lieu. Alors, Mme la ministre...

M. Boisclair: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: ...de cette Assemblée n'ont pas à écouter ni les propos de l'un ni de l'autre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame, s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame, s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame, s'il vous plaît! Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Simplement, M. le Président, corriger une de vos affirmations. Les membres de cette Assemblée n'ont pas à écouter les propos de l'un ou de l'autre, ils ont d'abord à garder le silence, à écouter la personne à qui vous avez donné le droit de parole. Et c'est à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve à qui vous avez donné le droit de parole. Et les autres collègues, particulièrement le député de Hull, devraient se la fermer pour une fois.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

Mme Harel: ...M. le Président, qu'il y a certains propos qu'il est préférable de ne pas entendre parce qu'ils ne sont pas dignes d'un membre de cette Assemblée nationale. Alors, ils ne sont pas dignes d'être dits ni d'être entendus, en fait.

Il vaut mieux poursuivre et rappeler que, donc, il y a eu à la fois de nombreux exemples où des députés qui ont siégé dans cette Chambre, suite à un mandat municipal, ont pu à la fois tirer, disons, bénéfice de la rémunération de député et de leur éligibilité au régime de retraite des députés tout en se voyant verser les allocations pour des mandats à d'autres niveaux d'administration publique ou de gouvernement.

J'en veux également la preuve, par exemple, de notre ex-collègue de Viger, qui nous aura quittés pour devenir membre du conseil exécutif de la nouvelle ville de Montréal, à qui nous avons souhaité la meilleure des chances et tout le succès possible. Et je l'ai assuré de ma pleine et entière collaboration. Et, en toute légitimité, il aura donc à la fois cette rémunération d'élu municipal membre du conseil exécutif, éligible également au régime de retraite des élus municipaux, tout en se voyant verser, après 20 années de service ? nous avons été élus, lui et moi, en 1981, il y a déjà 20 ans ? tout en se voyant verser, comme je le mentionnais, l'allocation prévue à la Loi sur les conditions de travail et le régime de retraite des députés, l'allocation de transition qui est l'équivalent, donc, je pense, d'une rémunération d'un an. En fait, j'ai pris connaissance de tout cela. Je n'avais pas eu encore l'occasion moi-même de le vérifier, pour moi-même, M. le Président, étant, de façon continue, députée depuis 20 ans.

n(21 heures)n

Alors, je dis donc qu'il y avait une omission. Malgré la législation nombreuse, on nous a beaucoup reproché, surtout à l'occasion du débat dans cette Assemblée sur le projet de loi qu'on appelle omnibus, en fait, le projet de loi n° 60, qui est actuellement à l'étude ici, à l'Assemblée, et qui, pendant des semaines... Toutes les dernières semaines, nous avons vu presque tous les jours des parlementaires de l'opposition faire reproche au gouvernement et me faire reproche, à moi, en particulier, d'avoir fait trop de législation. On a brandi, comme un mantra, d'une manière répétitive, incantatoire, que nous avions fait adopter des législations qui contenaient plusieurs dispositions et que nous avions introduit des modifications. Par exemple, on a répété à satiété que, dans le projet de loi n° 170, il y avait eu des centaines de modifications introduites, en oubliant cependant que ce projet de loi concernait cinq municipalités ? Montréal, Longueuil, Québec, Lévis, Gatineau ? et que les dispositions qui étaient introduites par le projet de loi ou modifiées par les amendements au projet de loi étaient des dispositions qui étaient répétées cinq fois et que, donc, pour avoir une idée exacte et non pas boursouflée ? comme l'a fait l'opposition ? du volume de législation, il faut, dans les lois que nous avons fait adopter, les diviser par cinq, puisque nous constituions cinq municipalités dotées chacune d'une constitution qui est l'équivalent d'une charte.

Alors, ça a été répété ici. À force d'être répété, on peut penser que c'est la réalité, alors que, finalement, il en était bien autrement, M. le Président, parce que ces dispositions présentées dans les projets de loi adoptés dans la réorganisation municipale l'ont été pour s'assurer que les législations étaient sur mesure, adaptées, avec des adaptations justement singulières pour des villes, mais c'est certain qu'il y avait un très, très important tronc commun qui constitue la charte de chacune de ces villes.

Je rappelle, M. le Président, que le porte-parole de l'opposition en matière d'affaires municipales a énoncé ici même, dans cette Chambre, que cette omission devait être corrigée le plus rapidement possible, et il a clairement exprimé qu'il était prêt à donner son concours pour que ce le soit en 24 heures, dans une seule journée. Alors, voilà, je le cite, en fait le député de Hull disait ceci: «Si le gouvernement a l'intention d'interdire que des gens qui ont été réélus puissent toucher la prime de départ, qu'il dépose clairement un projet de loi. Je lui offre le concours de l'opposition officielle. On va siéger jusqu'à minuit, s'il le faut, et vous allez avoir notre accord. On va régler la question ? il était prêt à le faire la journée même. Si c'est ça, votre intention, on est d'accord avec vous. Réglez ça aujourd'hui.» Alors, c'est vraiment un engagement qui m'a réjouie. Je n'étais pas habituée à ce niveau de collaboration depuis trois ans maintenant que j'occupe cette fonction, que j'ai cette responsabilité. Ça m'a réjouie d'autant plus que je me trouvais, au moment où ces paroles ont été dites ici, à l'Assemblée, en conférence fédérale-provinciale sur l'habitation.

Vous savez, M. le Président, que nous avons résolu d'intervenir énergiquement, vigoureusement pour nous assurer qu'il allait y avoir 9 000 nouveaux logements construits dans les deux prochaines années, 9 000 nouveaux logements qui vont être offerts à des ménages à faibles ou moyens revenus. Et, pour ce faire, M. le Président, je peux compter sur un budget généreux, le budget de la ministre d'État aux Finances et à l'Économie qui alloue 500 millions de dollars au chapitre de l'habitation, 355 millions pour la prochaine année. Alors, c'est considérable et c'est un beau défi, un défi que le milieu coopératif, communautaire, municipal est prêt à relever. Et, à l'occasion de cette conférence fédérale-provinciale sur l'habitation qui se déroulait pour la première fois depuis 15 ans au Québec, à Québec, dans la ville de Québec, je peux vous dire qu'on a fait des progrès extrêmement importants.

Je profite de l'occasion pour vous le dire, M. le Président, parce que tantôt on va me faire grief de ne pas avoir été ici ou de ne pas avoir déposé ce projet de loi auparavant, alors que j'ai l'occasion de vous expliquer que... En même temps, on me fait grief de ne pas intervenir suffisamment en modifiant les législations. Oui, il y en avait beaucoup à faire. Il y avait énormément à faire. Avec l'héritage vétuste d'un droit municipal poussiéreux qu'ils nous avaient laissé, il y avait énormément à faire. Et c'est évidemment chapitre par chapitre, M. le Président, la modernisation entreprise au niveau des élections municipales... Vous savez qu'il a fallu corriger l'état du droit municipal en matière d'élections municipales. Quand on est arrivés, il y avait encore des élections clé en main qui dépouillaient les citoyens de leur droit démocratique de s'assurer que les élections se déroulaient avec toutes les règles de la démocratie. Il a fallu, M. le Président, vraiment moderniser le droit municipal, et ce n'est pas terminé, il y a encore beaucoup à faire.

Je disais donc que j'étais en conférence fédérale-provinciale et que nous avons pu, à cette occasion, réaliser des progrès considérables dans le sens des objectifs du Québec, des objectifs pour s'assurer que le Programme à frais partagés de logement abordable du fédéral serait véritablement un programme qui s'adresserait aux ménages à faibles et moyens revenus.

Alors, je vais terminer ici, M. le Président, en vous disant que j'ai consulté la Table Québec-municipalités. J'ai reçu l'avis écrit de l'Union des municipalités du Québec de même que la Fédération québécoise des municipalités qui, toutes deux, m'ont assurée de leur appui entier pour mener à bien, là, la réalisation de ce que nous poursuivons en termes de modifications à l'allocation de transition et de départ des élus. Alors, je peux compter sur l'appui du monde municipal. J'espère pouvoir enfin, pour une fois, compter sur l'appui de l'opposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors... Oui, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: M. le Président, la ministre vient de faire référence à un document. En vertu de l'article 214, est-ce qu'elle pourrait avoir l'amabilité de le déposer en Chambre pour qu'on puisse tous le lire?

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame.

Mme Harel: M. le Président, je ne les ai pas avec moi. Je les ai au cabinet. Alors, ça me fera plaisir, certainement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et également députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Je céderais maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière d'affaires municipales, M. le député de Hull. Est-ce que vous désirez, avant de commencer votre intervention, vous prévaloir de votre règlement pour rectifier certains faits? M. le député de Hull.

M. Cholette: À plusieurs reprises, M. le Président, la ministre répète des faussetés, que ce soit ici ou sur les ondes d'une radio montréalaise, en faisant allusion à l'effet que j'aurais touché une allocation de transition. On peut voir le degré de connaissance de la ministre des Affaires municipales. Au conseil municipal de Hull, les membres du conseil municipal n'ont pas droit à une allocation de transition. Alors, encore une fois, la ministre dit à peu près n'importe quoi.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame, pas au niveau de ce règlement-là. Alors...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous acceptez une question en vertu de 273?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui? Alors, nous sommes toujours sur un point de règlement et non pas au début de l'allocution dont vous avez 60 minutes de temps de parole. Alors, madame.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. le Président. Est-ce que le député de Hull peut nous indiquer si le 9 094 $ ou 994 qu'il a reçu l'était au titre de l'allocation de départ?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député.

M. Cholette: Oui, c'est une allocation de départ que j'ai reçue en 1998, puisque j'ai quitté en 1998. Mais, lorsqu'on est ministre, on ne peut pas faire des erreurs comme ça. Ce n'était pas une allocation de transition, et, comme elle disait à CKAC, je ne suis pas parti en 1994. Je comprends qu'elle me voit dans sa soupe depuis ce temps-là, mais elle a dit, et je cite: Cholette a touché son allocation de transition puis son allocation de départ en 1994, quand il a été élu à l'Assemblée nationale. J'ai été élu en 1998, à l'Assemblée. Je n'ai pas eu d'allocation de transition. Voilà.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, maintenant, M. le député de Hull, je vous cède la parole et vous avez un temps de parole de 60 minutes, si vous le désirez. Alors, M. le député.

M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Savez-vous, M. le Président, je suis assez étonné. Je m'attendais, je m'attendais à ce que la ministre se lève aujourd'hui pour remercier l'opposition officielle, pour dire: Merci d'avoir souligné à l'Assemblée nationale quelque chose qui est absolument inconcevable, de payer des primes de départ, des allocations de départ et des allocations de transition pour des élus qui restent en poste. Et, grâce au premier ministre du jour, le ministre des Transports ? une bonne chance qu'elle n'était pas en Chambre, mais grâce au ministre des Transports... Il s'est levé puis il dit: Vous avez raison, ça n'a pas de bon sens. Et là il a passé une commande. Il a passé une commande au Conseil des ministres et surtout à la ministre des Affaires municipales: Tu vas régler ça. Et aujourd'hui on voit le résultat de cela. Bien à contrecoeur, je suis convaincu, la ministre nous dépose aujourd'hui une autre pièce législative liée aux fusions forcées, admettant complètement son erreur, à la limite l'oubli et même l'incompétence, et nous dépose donc une pièce législative qui vient modifier, qui vient corriger le laxisme de son gouvernement en matière législative, en matière de fusions forcées.

n(21 h 10)n

Faisons un bref retour, M. le Président, parce que ça vaut la peine. Alors, la ministre a parlé de ça tantôt, de la loi n° 170, puis elle trouvait que ce n'était pas si pire que ça, la loi n° 170. C'est ça, la loi n° 170: 1 066 articles, 1 066 articles qui ont été amendés par 361 amendements en pleine nuit, au mois de décembre passé, presque un an jour pour jour. De l'improvisation pure, M. le Président.

Si ce n'était pas suffisant, on a procédé, dans les jours qui suivaient le mois de décembre 2000, à une autre modification législative, parce que, voyez-vous, 170, là, qui faisait des fusions forcées partout sur le territoire du Québec, qui touchait plus de la moitié du monde, c'était mal fait, la ministre avait mal fait ses devoirs. Si, ça, ce n'était pas suffisant, un cartable de trois pouces ? vous voyez l'épaisseur ? si, ça, ce n'était pas suffisant, on a déposé le projet de loi n° 29, M. le Président, 29, à la session qui a débuté en mars 2001: 250 articles, 250 articles. On est arrivé à la fin de la session, comme si ce n'était pas suffisant, les 250 articles du projet de loi n° 29 qui venaient modifier 1 066 articles qui avaient été modifiés par 361 amendements, si ce n'était pas suffisant, le projet de loi n° 29, on a vu 404 amendements arriver au projet de loi n° 29, M. le Président. Si ce n'était pas assez épais, 404 amendements, et, M. le Président, vous nous avez forcés de voter en liasse ces amendements, avec un élastique. Vous avez dit: Vous ne pouvez même pas les lire. Mais voyez-vous ce que ça donne, tout ça, M. le Président? Ça donne des lois toutes croches, toutes croches qui permettent, par exemple, à des élus qui restent en poste d'avoir des allocations de départ.

Là, la ministre, elle se trouvait bien bonne, avec deux projets de loi si mal ficelés, qu'elle est obligée de déposer un nouveau projet de loi, qui s'appelle le projet de loi n° 60, qui est encore à l'étude présentement, avec 143 articles, et il y a d'autres amendements qui arrivent. M. le Président, avec tout ça, et je ne vous fais pas part, là, du projet de loi n° 124 qui modifiait notamment la relation avec les employés dans les villes, le projet de loi n° 137, le projet de loi n° 150, toutes des pièces de législation qui touchaient aux fusions municipales forcées, mais on arrive avec un événement où on voit de façon évidente que la loi a été... Il y a une modification qui a été oubliée pour empêcher les élus municipaux qui étaient dans des villes fusionnées de force auparavant et qui ont été réélus à de nouveaux conseils de toucher, donc, des allocations de départ et de transition. Nous avons soulevé cette question en Chambre, et, comme je le disais tantôt, le ministre des Transports qui agissait comme premier ministre cette journée-là a dit candidement: Ça n'a pas de bon sens.

Mais, avant d'aller plus loin, parce qu'il y a toutes sortes de déclarations intéressantes de la ministre dans ce dossier-là, avant de parler de ce qu'elle a dit, je voudrais vous expliquer c'est quoi, ça, des allocations de départ, des allocations de transition, parce que, de façon évidente, la ministre n'en a aucune idée, elle ne sait pas de quoi elle parle. La preuve, tantôt, elle était encore mêlée. Elle n'en a absolument aucune idée. Et je soupçonne, je soupçonne qu'elle a fait ce projet de loi n° 71 à contrecoeur. Elle ne le souhaitait pas vraiment. Le Conseil des ministres lui a dit: Ce n'est pas acceptable, il faut changer ça. Et aujourd'hui elle est obligée de siéger au salon bleu de l'Assemblée nationale, à 9 h 15, un mardi soir, puis ça ne lui tente pas. C'est ça que je soupçonne, moi, M. le Président.

Alors, c'est quoi, ça, les allocations de départ et les allocations de transition? Vous allez voir que ce n'est pas compliqué quand tu le comprends. Ce qui se conçoit bien s'explique bien. On a peut-être plus de difficultés du côté ministériel à l'expliquer. Une allocation de départ, c'est pour tous les élus du Québec, hein? Il n'y a pas de décision du conseil municipal là-dedans. Une allocation de départ, c'est: Tu calcules deux semaines de salaire par année de service, maximum un an de salaire. Et ça, c'est la dernière année de salaire que tu utilises pour la méthode de calcul. Et ça, c'est un élu, en bon droit, comme la ministre expliquait tantôt, pour compenser le régime de pension, qui a droit de toucher une allocation de départ une fois qu'il partira.

Maintenant, l'allocation de transition. L'allocation de transition, c'est quoi, ça? Bien, c'est une allocation pour permettre à quelqu'un en poste de faire une transition de la vie publique vers d'autres fonctions. La loi dit quoi? La loi dit qu'un conseil municipal a des décisions à prendre. Il peut dire: Non, je n'en verse pas, d'allocation de transition. Il peut dire: Je la verse au maire, ou, si sa municipalité a 20 000 personnes et plus, il peut dire: Je la verse au maire et aux membres du conseil. Certaines municipalités... Notamment, la ville d'Aylmer, en Outaouais, a décidé de se prévaloir de cette disposition pour offrir une allocation de transition au maire et au conseil municipal, ce qui n'est pas le cas dans plusieurs autres municipalités. La décision donc revient au conseil de décider si, oui ou non, il y aura allocation de transition.

Ce calcul est dicté par la loi. Ce n'est pas une décision municipale, le calcul, c'est une décision du gouvernement du Québec. Le calcul, M. le Président, c'est: huit mois de salaire, huit mois... On recommence. Pardonnez-moi. Deux mois de salaire par année de service, maximum huit mois de salaire. Ce n'est pas compliqué: deux mois de salaire par année de service, maximum huit mois de salaire.

Ce qui est important là-dedans, c'est les plafonds. Le plafond de l'allocation de transition, c'est huit mois, puis le maximum d'allocation de départ, c'est un an. Ça, c'est correct, ça va bien, c'est normal. Les élus ? je n'ai pas de problème avec ça ? ont droit à une allocation de départ et de transition lorsqu'ils quittent la vie publique.

Mais, M. le Président, le problème avec le gouvernement, c'est qu'il voulait leur donner l'allocation de départ et de transition alors qu'ils sont encore en poste. Des primes pour du monde qui partent alors qu'ils restent, ça n'avait pas de bon sens. Ça n'avait pas de bon sens, il fallait modifier la loi. Et, quand on a soulevé ça à l'Assemblée nationale et on a dit à la ministre: «Écoutez, là, des allocations pour du monde qui partent alors qu'ils restent en poste, trouvez-vous ça bien normal?», une chance que la ministre n'était pas là puis que c'est le ministre des Transports qui a répondu. Puis, lui, il n'a pas eu peur de dire: Savez-vous, M. le député de Hull, je pense vous avez raison. Ça n'a pas grand bon sens.

Ce n'était pas pourtant compliqué, M. le Président. Il fallait juste modifier l'article 31.1 de la Loi sur le traitement des élus. Ce n'était pas compliqué, là, on avait juste à rajouter une ligne. Parce que cet article-là dit quoi? En termes français, ça dit: Si quelqu'un est maire pendant quatre ans, il se présente encore puis il est réélu pour un nouveau mandat, bien le simple fait d'avoir gagné un deuxième mandat, ça ne présuppose pas qu'il vient de quitter ses fonctions. Or, il n'a pas le droit à l'allocation de transition entre les deux élections.

On avait juste à modifier ça, M. le Président, pour permettre donc aux villes fusionnées de force de ne pas être obligées de vivre à travers ce genre de scénario. Bien non! Parmi toutes les législations que la ministre a concoctées, parmi tout ce qu'elle a fait, elle a réussi à passer à côté. Posons-nous la question: Est-ce par oubli ou de façon volontaire? Posons-nous la question: Croyez-vous vraiment, vous, M. le Président, que la ministre qui patauge dans ce domaine-là depuis deux ans, qui a des légistes au ministère qui travaillent jour et nuit pour pondre la législation, qui a l'UMQ dans le décor, qui a la FQM dans le décor, qui parle aux maires qui ont revendiqué ces fusions forcées là, pensez-vous vraiment que la ministre ne le savait pas? Pensez-vous vraiment que c'est un simple oubli?

Moi, je pense qu'il y a certaines déclarations qui vont trahir sa pensée. Lorsqu'on a soulevé ça, ça a fait les manchettes. Le 30 novembre, dans un journal qu'elle aime bien citer, on a un titre qui dit ceci: La ministre Harel ne fera rien contre les allocations de départ aux élus. Rien. Elle trouvait ça bien correct. Pas de problème avec ça. «La ministre des Affaires municipales Louise Harel ne fera rien pour empêcher que des allocations de départ soient versées en janvier aux élus qui ont été reconduits au sein des nouvelles villes fusionnées.» Et je cite: «Je ne me prononce pas à savoir si cette situation représente un problème ou non, a déclaré la ministre au journal Le Droit. Seulement, il était impossible d'abolir ces allocations parce que ça aurait été injuste pour les élus qui n'ont pas été réélus ou qui ont quitté.»

Ça, là, ce n'est pas la huitième attachée politique du bureau de la ministre qui, peut-être, a fait une déclaration un peu évasive. C'est la ministre des Affaires municipales qui, confrontée à une situation inacceptable, s'en va dire: J'ai réfléchi à tout ça. Je sais de quoi je parle. Je sais exactement ce que je fais dans ce dossier-là. Et je vous dis, entre guillemets, que je ne veux pas me prononcer si c'est bon ou si ce n'est pas bon, mais je vous dis que c'est impossible d'abolir ces allocations parce que ça aurait été injuste pour les élus qui n'ont pas été réélus ou qui ont quitté. Ça, c'est la ministre qui dit ça. Voyez-vous pourquoi j'ai des doutes, moi, M. le Président, à savoir vraiment si elle l'a oublié?

n(21 h 20)n

Ça va plus loin. Elle continue. Elle en rajoute. Regardez bien ça, Mme Harel soutient qu'il était impossible d'amender la loi. C'est ça qu'on fait aujourd'hui. Il n'y a pas deux semaines, c'était impossible pour elle; puis aujourd'hui c'est possible. C'est drôle. Alors, elle dit: «C'est impossible d'amender la loi pour empêcher les nouveaux élus de toucher aux allocations dès maintenant tout en permettant aux élus qui ont été défaits ou qui quittent de recevoir leur chèque. Ce serait du "spot zoning" et ça aurait été souvent invalidé par les tribunaux, soutient la ministre.» On peut-u nous le dire tout de suite, là? La loi qu'on va adopter, ça va-tu être invalidé par les tribunaux? C'est-u pour ça qu'on va veiller ce soir ensemble? Pour se ramasser en cour, puis ça va être invalidé? C'est la ministre qui disait ça. Ce n'est pas l'opposition. Ce n'est pas la huitième attachée politique au bureau de la ministre. La ministre dit: Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas faire cette loi-là, ça va être invalidé par les tribunaux. M. le Président, je suis inquiet. Je suis inquiet comme législateur. Qui dit vrai? La ministre du 30 novembre ou la ministre d'aujourd'hui? Il faudrait peut-être se poser la question.

Mais peut-être que c'est un bon ami à elle qui l'a convaincue. Quand le maire de Québec a été confronté à ça, bien on a dit: M. L'Allier, qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? Vous avez été réélu dans la nouvelle ville de Québec. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que vous trouvez ça normal, correct que vous touchiez à des allocations de départ alors que vous avez été réélu? Alors, le maire de Québec nous dit ceci: «Le maire L'Allier a réagi avec virulence. "Je trouverais ça scandaleux que des élus qui ont été réélus dans une nouvelle ville touchent à la fois une prime comme s'ils étaient partis et un salaire comme s'ils étaient encore là."» Ça, c'est le maire de Québec qui dit ça, un bon ami du gouvernement et de la ministre.

Alors, dans le même article, j'ai la ministre qui dit: Je ne ferai rien parce que tout est correct, je ne ferai rien parce que la loi serait invalidée devant les tribunaux, je ne ferai rien parce que c'est du «spot zoning», puis on a le maire de Québec qui dit: C'est scandaleux! Bien, nous, on pense que le maire de Québec avait raison. Il avait raison, c'était scandaleux. Et, grâce au premier ministre désigné de ce jour, le ministre des Transports, on a réussi à avoir un amendement législatif. Mais une chance que ça ne reposait pas dans les mains de la ministre. Elle s'était prononcée. Elle n'est pas d'accord avec son projet de loi. C'est ça qui rend tout cet exercice si nébuleux. On va y revenir tantôt sur le texte de loi. Vous allez voir ça comment c'est écrit.

D'ailleurs, si je continue dans le journal LeDroit, M. le Président, Pierre Jury, éditorialiste au journal, disait dans la même édition, et le titre, c'est Les primes de départ, il disait ceci: «Si aucune loi n'est enfreinte dans le dossier des primes de départ des élus de la nouvelle ville de Gatineau, il y a quelque chose de franchement irrégulier dans toute cette histoire. Mme Harel doit revoir ce chapitre. Elle doit corriger ce flou législatif dans la direction du gros bon sens et redonner à la notion d'une prime de départ tout son sens, et pas un sens qui les fait passer comme des profiteurs qui se vautrent dans l'auge à dollars de fonds public. Cette prime, les élus y ont droit, plus tard, à leur départ, pas avant.» Ça, c'était dans la même journée que la ministre disait: Il n'y en a pas, de problème. Il n'y en a pas, de problème. Ou bien elle le savait très bien puis elle avait convaincu ses collègues que c'était une bonne idée de donner des primes de départ à quelqu'un qui reste ou bien elle l'a oublié. Mais, moi, je n'y crois pas, M. le Président. Je n'y crois pas.

M. le Président, d'ailleurs, quand je vous parlais du ministre des Transports qui agissait... Lorsqu'on l'a interrogé à la période des questions, un matin, la semaine dernière, il nous disait ceci: «Il ne peut y avoir à la fois une prime et une continuité de travail, estime le ministre. C'est clair qu'il s'agit d'une question d'éthique pour celui ou celle qui la touche, à savoir: Doit-il recevoir une prime de transition en même temps qu'il continue à travailler dans le monde municipal?» Ça, c'était la question du collègue de la ministre. Ça, M. le Président, on n'est pas loin, là, on est le lendemain de la déclaration de la ministre qui dit: Je trouve ça correct, moi, de payer à des élus une prime de départ alors qu'ils restent en poste. Elle, elle a dit que c'était correct, puis le ministre des Transports, lui, il dit: Ça n'a pas de bon sens.

On a un ministre régional, nous, M. le Président, en région, le président du Conseil du trésor, et il nous dit ceci: «Sylvain Simard a, pour sa part, souligné qu'il ne faisait pas de sens que des personnes toujours en poste encaissent des primes de départ.» Si un sujet en Outaouais fait l'unanimité, bien c'est que la population ne comprend pas. C'est clair, la population ne comprenait pas qu'on puisse donner des primes de départ à du monde qui reste. Je vous rappelle, ça, c'est le 3 décembre. C'est trois jours après que la ministre ait dit: Je n'en ai pas, de problème avec ça. Moi, là, comme ministre des Affaires municipales, je veux la verser, la prime. Je trouve ça correct que des maires qui vont gagner maintenant 130 000 puissent toucher une allocation de départ et de transition parce qu'ils ont quitté leur ancienne ville. Ça, c'est la même ministre qui, aujourd'hui, se lève et dit: Savez-vous, je l'ai oublié. M. le Président, je n'y crois pas. Je n'y crois pas un seul instant.

M. le Président, dans la même foulée, on voit dans Le Soleil, de Québec: Les nouveaux élus forcés de toucher leur prime de départ. Et c'est les maires qui disent: Non, non, non, je ne veux pas l'avoir. Jacques Langlois, Jean-Paul L'Allier disent: Il n'en est pas question. Ce sont les maires qui disent: Ça n'a pas de bon sens, la loi québécoise, là, faites quelque chose. Puis, si vous ne faites rien, on n'y touchera pas, parce que ça n'a pas de bon sens. Il y a juste la ministre qui pousse ça, il y a juste elle qui dit: Ça a bien du bon sens, je suis d'accord avec ça, M. le Président. La ministre nous a dit ça, rappelons-nous-le, hein? La ministre a dit ça: On va verser des primes de départ à du monde qui reste.

D'ailleurs, les présidents de comités de transition, les gens qui ont été nommés par la ministre, qui sont payés par la ministre, qui sont redevables à la ministre, qui d'ailleurs vont avoir un beau party pour eux autres vendredi ici, là ? les fonctionnaires qu'on paie 1 000 $ par jour, on va les inviter à l'Assemblée nationale, puis la ministre va leur dire merci pour leur travail très fidèle, très, très fidèle au gouvernement, parce que c'est à peu près la seule notion qui est importante pour le gouvernement ? bien ils nous disaient ceci, hein, les gens des comités de transition nous disaient toutes sortes de choses à l'effet que c'est une nouvelle ville, même Québec est une nouvelle ville. La loi dit qu'ils ne peuvent pas renoncer à leur prime de départ. Leur ancienne municipalité serait obligée de leur remettre un chèque et un T4 en plus, confirme le juge Richard Beaulieu, président du comité de transition de Québec. Ça va bien, on va émettre un T4. Ça, c'est correct parce qu'ils touchent de l'argent. Mais le président du comité de transition en remet, lui, hein, il dit: On est obligé d'émettre le chèque, puis je vais émettre un T4, puis c'est ça, puis c'est correct. Ça a-tu du bon sens? Bien non, ça n'a pas de bon sens. On a une ministre qui, elle, dit: Ah, il n'y a pas de problème, l'allocation de départ, c'est parfait.

M. le Président, le 6 décembre, encore dans le journal LeDroit, on voit que, suite à l'annonce de la ministre, qui a fait un point de presse un peu laconique, qui nous disait un peu la larme à l'oeil: «Bien, écoutez, je me suis trompée», elle a essayé d'expliquer ça, il y a presque aucun journaliste qui a bien compris ce qu'elle voulait dire parce qu'elle non plus ne le comprenait pas, et elle a tenté d'expliquer qu'il y aura du cumul puis pas de cumul, puis ils vont y toucher à la fin, mais comment on va le calculer, elle ne le sait pas. Puis elle ne le sait pas encore, d'ailleurs. Et là on a des titres qui nous disent: Bien, le bon sens a prévalu. Mais ça, c'est grâce à l'intervention de ce côté-ci de la Chambre, là, parce que, si ça avait été juste la ministre, on les aurait versées, les primes de séparation, les primes de départ aux gens qui étaient en poste. Ça, c'est clair.

Alors, on dit dans LeDroit que «le bon sens aura finalement prévalu dans le dossier des primes de départ versées aux élus municipaux. La pression médiatique déclenchée par la série de reportages publiée notamment dans LeDroit aura eu raison du peu d'empressement d'abord manifesté par la ministre Louise Harel pour corriger une situation où plusieurs maires, notamment le maire de Hull, plusieurs conseillers élus à la nouvelle ville de Gatineau pouvaient en toute légalité ? parce que c'était une question québécoise, pas municipale ? passer à la caisse et empocher une prime de départ. Alors, Mme Harel a choisi la bonne voie en empruntant le chemin suggéré par son collègue Guy Chevrette et le maire de Québec L'Allier. Toutefois, ses hésitations de départ nous rappellent la nécessité de conserver une vigilance constante sur l'utilisation des deniers publics.»

Et ça, c'est peut-être la meilleure leçon qu'on doit tirer de tout cela, M. le Président, la question de surveiller les deniers publics. Parce que, si on avait laissé faire la ministre, je vous le rappelle, elle était d'accord, je vous le rappelle, elle dit... Elle soutenait qu'il était impossible d'amender la loi. Je ne vous parle pas d'il y a quatre ans, je vous parle du 30 novembre 2001. La ministre, dans ce dossier-là, nous a dit: «Il est impossible d'amender la loi pour empêcher les nouveaux élus de toucher aux allocations dès maintenant tout en permettant aux élus qui ont été défaits ou qui quittent de recevoir leur chèque. Ce serait du "spot zoning", et ça a été souvent invalidé par les tribunaux, soutient la ministre.»

n(21 h 30)n

Savez-vous ce qui est encore pire, M. le Président? C'est que la ministre a fait, le 6 décembre, six jours après, une entrevue avec Paul Arcand, avec Paul Arcand, concernant justement ces allocations, et Paul Arcand lui disait: Mme la ministre... Paul Arcand lui dit... Non, mais c'est marqué là, et il cite LeDroit: «Mme Harel soutient qu'il est impossible d'amender la loi pour empêcher les nouveaux élus de toucher aux allocations dès maintenant.» Et la ministre répond: «Alors, je vous dis, M. Arcand, que nous avons trouvé le moyen de proposer une suspension, jusqu'à la fin du mandat électif de la nouvelle ville, du versement de l'allocation de départ et, s'il y a lieu, parce que ça dépend des règlements municipaux de chacune des anciennes municipalités, du versement de l'allocation de transition qui va se faire à la terminaison du mandat des élus, des nouveaux élus des nouvelles villes.» Et Paul Arcand lui dit: «O.K., mais, donc, vous avez changé d'idée depuis vendredi passé» ? l'article que je viens de vous lire. Et la ministre répond: «Bien, écoutez, je ne sais si... Je ne veux pas commenter un article de journal.» Là, Arcand dit: «Bien, on parle de vous, on vous cite, Mme la ministre.» Mme Harel dit... Mme la ministre dit: «Oui, d'accord. Mais est-ce que vous pensez toujours que ce qu'on lit dans les journaux est conforme à ce qu'on dit, monsieur?»

La ministre a renié sa parole, ce qu'elle avait dit dans le journal. Pourtant, c'est entre guillemets. Je n'ai pas vu de rétractation. La ministre, sur les ondes de CKAC, est allée dire: Savez-vous, là, LeDroit , c'est un torchon, ce n'est pas vrai ce que j'ai dit là-dedans. Mais elle n'a pas eu le culot d'appeler LeDroit pour dire... Contrairement à ce qu'elle fait concernant les allocations de départ de certains membres de cette Assemblée, elle n'a pas eu le culot d'appeler LeDroit pour dire: Ce n'est pas vrai... vous m'avez citée, ce n'est pas vrai ce que j'ai dit.

La ministre, elle le sait très bien, c'est ce qu'elle a dit. Elle ne voulait pas changer la loi. Elle voulait permettre aux élus qui ont été réélus de toucher des primes de transition puis des allocations de départ, elle le souhaitait. Elle le souhaitait. Et là elle est prise dans toutes ces choses. Elle est prise dans des histoires dans des journaux, elle est prise avec la radio. Elle tente de sortir ? pardonnez-moi l'expression ? de ce merdier, parce que la ministre n'avait pas ou pas voulu voir ce qui s'en venait.

Et aujourd'hui on se ramasse avec un projet de loi qui est hors délai, et grâce au concours de l'opposition officielle, M. le Président, il faut le souligner, grâce au concours de l'opposition officielle, nous avons donné notre accord pour que la ministre dépose un projet de loi aujourd'hui pour protéger, justement, pour protéger les contribuables du Québec, qui sont lourdement affectés par tout ce processus de fusions municipales.

Vous le savez très bien, c'est maintenant connu, tout le monde le sait très bien, ces calembours, là, ces histoires qui ont été racontées aux citoyens, on voit très bien, notamment dans la région de Québec, que ça ne tient pas. Ce qui a été promis ne tient plus, M. le Président. Les allocations de transition... c'est-à-dire les coûts de transition, ne sont pas couverts comme la ministre l'a dit, les économies au niveau des taxes ne sont pas au rendez-vous, les économies d'échelle pour les villes fusionnées se sont évaporées comme l'eau...

Une voix: Comme neige au soleil.

M. Cholette: ...comme neige au soleil, hein, se sont évaporées. Alors, il n'y a aucune promesse qui a été retenue, qui a été réalisée. Et là la ministre se sent un peu prise, parce que, elle, elle souhaite donner des allocations de départ à du monde qui reste en poste. Le Conseil des ministres l'a renversée sur cette question-là. Ça ne fait pas son affaire.

Et là, M. le Président, on arrive dans le vif du sujet, on arrive au projet de loi. On arrive au projet de loi. Ça aurait été si simple, M. le Président, de prendre le texte et faire simplement un amendement, rajouter un paragraphe, en disant: Pour les fins de l'article 30 et puis 31, quelqu'un qui continue un mandat d'élu dans une ville fusionnée de force, eh bien, on ne considère pas qu'il a quitté. Or, il n'a pas droit à son allocation; il y touchera, avec le cumul des années, à la fin. Ça aurait été facile. Ah! mais ce n'est pas ça que le gouvernement a décidé de faire. Il a décidé de compliquer tout ça, a décidé de prendre plusieurs paragraphes pour tenter d'arranger ça.

Et je vais vous lire, M. le Président, qu'est-ce que j'en comprends de ce projet de loi. Puis d'ailleurs ça aurait été intéressant ? la ministre peut bien parler de la Table Québec-municipalités ? ça aurait été très intéressant de voir les avis de l'UMQ et de la FQM. Mais, dans sa grande transparence, évidemment, la ministre n'a pas déposé aujourd'hui ces avis. Elle les a gardés à son cabinet pour priver l'Assemblée justement de ces précieux conseils.

Alors, M. le Président, évidemment ça explique c'est quoi, une nouvelle puis une ancienne municipalité. Ça, c'est assez simple. Ensuite, ça nous dit ceci. Ça nous dit que, si quelqu'un, quelqu'un... Prenons un exemple concret pour la discussion. Quelqu'un a été élu il y a quelques années pour un mandat de quatre ans. Son mandat est écourté en raison des fusions municipales forcées. Il restait deux ans à son mandat. Eh bien, l'article 31.3 dit: Il est clair que cet élu va toucher de toute façon un salaire pour rester chez lui pour les deux prochaines années. Ça, on avait vu ça dans un projet de loi qui s'appelle 170. Alors, l'élu, lui, il reste chez eux puis il gagne son salaire d'élu en restant confortablement assis chez lui.

Soit dit en passant ? la ministre aime ça se comparer à l'Ontario ? ce n'est pas ça qui est arrivé en Ontario pour les élus qui se présentaient et qui se sont fait battre. C'est ça qui arrivait pour les gens qui restaient chez eux, qui ne se présentaient plus. Mais quelqu'un qui se présentait puis qui se faisait battre, en Ontario, ne touchait pas à ce salaire pour la terminaison du mandat. Alors, ici, on est très généreux avec l'argent du monde. Alors, on paie ces élus pour rester chez eux. Mais l'article 31.3 dit: Et, si ce n'était pas suffisant, on va comptabiliser ces deux années pour fins du calcul de l'allocation de départ et de transition. Ça, c'est le but de l'article 31.3. M. le Président, ensuite, on dit, à l'article 31.4...

Et, soit dit en passant, j'aurai plusieurs questions, je l'avertis tout de suite, là. En commission parlementaire ? je lui dis tout de suite, là ? je vais lui poser des questions sur le lien qu'il y a entre 31.3 et l'article 233 du projet de loi n° 170. On voit un faux-fuyant important de la part des responsabilités gouvernementales pour compenser les villes pour payer ces salaires. L'article 233 a un lien avec 31.3, je vous le dis tout de suite. J'espère qu'elle ne sera pas étonnée lorsque je lui poserai la question.

Ces montants que Québec devait payer sont diminués du montant de l'allocation de transition. Pourquoi est-ce que le gouvernement fait ça? Est-ce que c'est pour forcer la main aux municipalités à augmenter leur contribution? Est-ce que c'est pour se délester de responsabilités financières? On voit là un exemple concret où le monde municipal est pris en assaut par le gouvernement en se privant... en privant, donc, le monde municipal de sommes qui avaient été accordées, des sommes accordées. Et on voit, par des dispositions législatives, notamment à 233 de cette loi-là puis à 31.3 de celle qui est devant nous, de la loi n° 71, que le gouvernement va se délester de responsabilités financières envers les villes.

À 31.4, M. le Président, ça dit que ? le gros bon sens ? nous allons... c'est-à-dire les villes vont verser des allocations de départ une fois, une fois qu'ils auront quitté, que ces élus auront quitté. Ça, c'est le gros bon sens. Et je suis content de voir que la ministre et le gouvernement se rangent derrière nos arguments. C'est nous qui avons fait ces recommandations-là au gouvernement, pour dire: Ça n'a pas de bon sens, paie les primes de départ et les allocations de transition à la fin du mandat, lorsque l'élu quittera. Et une chance que ce n'est pas juste la ministre. Je vous rappelle, la ministre, elle était d'accord pour payer ces primes pendant qu'ils étaient encore en poste. C'est grâce à l'opposition si on va toucher ces primes-là à la fin du mandat, M. le Président.

Maintenant, on a aussi une disposition, à cet article-là, qui règle la question du calcul de ces indemnités, l'indemnité, particulièrement l'allocation de transition. Parce que ça, c'est un grand oubli, M. le Président, dans le projet de loi, il n'y a pas de disposition qui qualifie ou qui explique le mode de calcul, sur quelle base de rémunération, qui explique le mode de calcul pour l'allocation de départ. Pas un mot. Nous allons questionner la ministre là-dessus, M. le Président, parce que, selon moi, c'est un autre vide, c'est un autre vide juridique, où on n'en parle pas. Est-ce que ça va être au salaire de fin? Est-ce que c'est au salaire moyen? Est-ce que c'est au salaire des années avant la nouvelle ville ou après la nouvelle ville? Quel est le mode de calcul? Un autre oubli de la ministre. Évidemment, elle ne sera pas capable de nous l'expliquer, elle n'est pas capable de nous expliquer ces choses-là, elle va être obligée de le demander à ses fonctionnaires. Je vous avertis, là, on est bons joueurs, je vous le dis, là, on va poser cette question-là, M. le Président. Je peux-tu être plus clair que ça? Je ne pense pas.

Ensuite, le projet de loi poursuit et qualifie donc la méthode de calcul pour l'allocation de transition en spécifiant qu'on va utiliser la rémunération de l'ancienne municipalité pour faire ce calcul.

Une autre disposition, à 31.5, parle évidemment du calcul de l'allocation de transition s'il y avait une nouvelle allocation de transition dans la nouvelle ville. L'important, dans cet article-là, c'est que le montant maximum prévu de huit mois est maintenu; et j'espère qu'on va nous le confirmer. L'important, c'est de maintenir le plafond de huit mois. Le calcul est peu important. L'important, c'est de maintenir le plafond de huit mois, et c'est ce que je souhaite que la ministre nous confirme en commission parlementaire.

n(21 h 40)n

Finalement, le dernier paragraphe nous dit qu'un élu qui aurait vu son salaire baisser, qui était maire jadis, qui devient conseiller municipal, qui voit donc son salaire baisser, peut utiliser une disposition de la loi pour lui permettre de choisir, entre deux montants d'allocation de transition, celle, évidemment, qui est la plus élevée, puisqu'on peut considérer ça comme un droit acquis, considérant que, s'il n'y avait pas eu fusion, c'est le montant qu'il aurait touché.

C'est ma compréhension du projet de loi, M. le Président. Ce que je viens de faire est une formule assez innovatrice. C'est rare que c'est l'opposition qui vous explique le projet de loi. Mais, puisque la ministre est incapable de vous l'expliquer, bien, je me sentais un devoir de le faire. Et, si jamais je me trompe dans l'interprétation, j'espère que la ministre saura rétablir les choses et nous expliquer concrètement quels seront les impacts de ce projet de loi, quels seront les coûts, M. le Président, combien d'élus sont touchés par ça, il y a combien d'élus qui vont s'en aller chez eux puis on va payer à rester chez eux pour la fin de leur mandat, combien ça va coûter en allocations de départ, combien ça va coûter en allocations de transition, est-ce qu'il y a des cas types qu'il faut regarder avant d'adopter ce projet de loi. Ce sont toutes des questions, M. le Président, qu'il faut regarder.

M. le Président, comme je vous dis, j'ai bien hâte aussi de voir l'avis de l'Union des municipalités du Québec et de la Fédération québécoise des municipalités. Ce sont des unions importantes, ce sont des regroupements importants de municipalités, et ils se sentent coincés là-dedans. Évidemment, ils négocient toujours avec la ministre, alors on peut comprendre qu'ils hésitent avant de dire que la ministre est dans le champ. Mais, d'un autre côté, ils défendent leurs membres. Puis, d'un autre côté, ils veulent protéger l'intérêt de leurs membres. Parce que l'important, ce n'est pas d'enlever les allocations de départ et de transition, comprenons-nous bien, ce n'est pas de les enlever, mais c'est de rendre à César ce qui revient à César au moment opportun, c'est-à-dire à la fin du mandat électif, pas en cours du mandat électif. Alors, la ministre a semblé avoir beaucoup de difficultés à comprendre cette notion. De façon évidente, lorsqu'elle faisait des déclarations dans les journaux, elle se disait à l'aise, confortable, avec le fait qu'elle verse... bien, c'est-à-dire qu'elle force les villes, parce que ce n'est pas elle, ce n'est pas le gouvernement du Québec, c'est les municipalités, à même vos impôts fonciers, à même vos taxes municipales qui paieraient ces allocations de départ et ces allocations de transition pour du monde qui sont encore en poste.

Alors, vous allez comprendre, M. le Président, que nous avons réclamé à hauts cris des amendements législatifs. Et nous les avons aujourd'hui. Je m'en réjouis. Je m'en réjouis. Et je vous le dis d'office, M. le Président, nous allons être d'accord avec le principe, nous allons être d'accord avec le principe de ce projet de loi là, on va voter en faveur. Puis on va tout faire, là, pour permettre une étude rapide de ce projet de loi là. «Rapide» ne veut pas dire «aveugle», on va bien se comprendre. Parce que je connais assez la ministre des Affaires municipales pour ne pas lui donner de chèque en blanc. Ça, là, elle nous a assez prouvé, M. le Président, là, de quoi elle était capable que je n'ai pas l'intention, mon groupe parlementaire non plus n'a pas l'intention de donner un chèque en blanc à la ministre des Affaires municipales. On a vu, parmi l'ensemble des pièces de législation, qu'est-ce que ça a donné, des mauvaises surprises. D'ailleurs, pourquoi on est ici aujourd'hui nous donne la preuve que c'est de la pure improvisation. Si je suis debout aujourd'hui, c'est parce qu'elle n'a pas fait une bonne job, c'est parce qu'elle a oublié des choses.

Et vous allez comprendre mon droit de réserve, ma prudence, quand je vois un projet de loi déposé par une ministre qui n'y croit même pas, qui a été forcée de déposer ce projet de loi là contre elle. Le Conseil des ministres lui a dit: Tu vas le déposer parce que ça n'a pas de bon sens, ça va assez mal au Québec, là, on a assez de misère avec les fusions municipales, tu ne nous donneras pas d'autre misère avec ça, tu vas corriger la situation; des primes de départ pour du monde qui reste, ça n'a pas de bon sens. Mais je pense qu'elle n'est pas bien, bien à l'aise de déposer ce projet de loi là. Conséquemment, nous allons être prudents. Nous souhaitons, nous souhaitons l'adoption de ce projet de loi là en autant qu'il protège les citoyens d'abord et les élus du monde municipal ensuite. Ce sont les deux critères. Ce n'est pas compliqué pourtant, deux critères.

Les citoyens, là, ils en ont jusque-là de payer des taxes municipales. Ce n'est pas vrai qu'on va permettre à du monde de payer des primes de départ alors qu'ils restent. Puis les élus, ils ont des acquis, ils ont des droits, ils ont des droits de prime de départ, puis on doit protéger ça. Ce sont les deux objectifs pour lesquels on va se battre. Puis on va être vigilants, on va être prudents et on va prendre le temps nécessaire pour le regarder comme il faut. La ministre aurait pu le déposer beaucoup plus tôt. Elle a choisi 9 heures, mardi soir. C'est son choix, c'est le choix du gouvernement. Nous allons prendre le temps nécessaire pour le regarder, M. le Président.

Alors, je vous répète, en terminant, qu'il est clair que nous avons l'intention d'appuyer le principe de ce projet de loi. Nous pensons qu'il est légitime. Nous pensons qu'il répond à un besoin évident, puisque nous l'avons soulevé en Chambre. Je suis déçu de voir que la ministre n'a aucune sorte de reconnaissance pour le travail fait par l'opposition officielle. Mais c'est légendaire à elle, on s'en souvient, on s'en souviendra. On sait très bien de quel bois elle se chauffe. Mais, M. le Président, si on est encore capables aujourd'hui de protéger l'intérêt des citoyens dans un dossier comme celui-là, c'est parce qu'on a toujours, toujours, de ce côté-ci, on a toujours été vigilants. Et, pour nous, l'important, la première préoccupation que l'on défendait, c'était le citoyen d'abord. Et, pour nous, le citoyen doit être au coeur des décisions du gouvernement. Et malheureusement pour ce gouvernement, le citoyen est bien, bien, bien loin de toutes leurs préoccupations. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole au député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière d'affaires... de la métropole. Alors, M. le député.

M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je pense que, collectivement, on doit remercier le député de Hull pour le travail qu'il a fait dans ce dossier. Grâce à lui et suite à lui, grâce à des articles de journaux, des éditoriaux, des bulletins de nouvelles télévisés, des entrevues corsées avec la ministre des Affaires municipales, suite à des interventions du député de Joliette, ministre des Transports, qui agissait comme premier ministre pendant deux jours, à la suite des questions du député de Hull, la ministre des Affaires municipales a dû se raviser, revenir en arrière sur une décision qu'elle avait déjà prise, c'est-à-dire de permettre ces allocations de transition et ces allocations de départ à des élus qui étaient reconduits dans leur fonction d'élu. Ça a pris les interventions du député de Hull, M. le Président, pour ramener à l'Assemblée nationale du Québec, auprès du gouvernement, le gros bon sens, pour finalement avoir un projet de loi qui corrige ces choses. Et je crois qu'on lui doit beaucoup de gratitude, au député de Hull, pour le travail qu'il a fait.

M. le Président, ça en dit long, très long sur cette ministre des Affaires municipales qui commet erreur par-dessus erreur, par-dessus erreur qui coûte cher aux contribuables du Québec. Je vous rappelle le projet de loi n° 170. Elle a été obligée de se donner, à l'article 9 du projet de loi, le pouvoir de venir corriger ses propres lois, sachant sa capacité de commettre des erreurs. L'article 9 du projet de loi n° 170 disait très bien que le gouvernement pouvait, par décret, venir corriger ou suppléer à toute omission. M. le Président, il s'agit d'une omission, selon la ministre des Affaires municipales.

Il faut être bien mal, bien mal pris, comme la ministre des Affaires municipales, pour tenter ce qu'elle a tenté de faire au début de son allocution: de dire que c'était la faute, dans le fond, du gouvernement précédent. Combien de fois, combien de fois est-ce qu'on a entendu, des ministres qui étaient mal pris, qui ne savaient plus quoi répondre, répondaient: C'est la faute du gouvernement fédéral ou c'est la faute du gouvernement précédent? Elle en était rendue là, la ministre des Affaires municipales. Comme si le gouvernement précédent, le gouvernement libéral, avait même envisagé des fusions forcées. C'est quelque chose, c'est un problème qu'elle a elle-même créé de toutes pièces par son incompétence, M. le Président. Et là elle essayait d'imputer ça à de la législation antérieure et en disant que, dans le fond, elle n'y était pas pour vraiment grand-chose dans cette affaire-là.

Voyons donc, M. le Président, ce n'est pas le discours qu'elle a tenu auprès de journalistes qui la questionnaient lorsque le dossier commençait à devenir chaud. Parce que, comme disait le maire de Québec, M. L'Allier, et je cite les propos de M. L'Allier: «Je trouverais ça scandaleux que des élus qui ont été réélus dans une nouvelle ville touchent à la fois une prime comme s'ils étaient partis et un salaire comme s'ils étaient encore là.» C'est pourtant exactement cela que la ministre des Affaires municipales voulait faire.

n(21 h 50)n

Il a fallu la rappeler à l'ordre, M. le Président. Combien de personnes l'ont rappelée à l'ordre? Ultimement, ça a été celui qui agissait comme premier ministre en Chambre, pour dire: Je vais saisir le Conseil des ministres de ce problème-là. Ça veut dire que la ministre des Affaires municipales, elle avait décidé de ne pas saisir le Conseil des ministres parce que, comme ministre, elle avait décidé que c'était acceptable pour elle, qu'elle était en accord avec ça, que c'était impossible de déposer de la législation pour venir corriger ça. Et pourtant, M. le Président, le projet de loi que nous avons ce soir sous les yeux, le projet de loi n° 71, vient précisément faire ce que la ministre des Affaires municipales disait était impossible de faire. Alors, vous vous imaginez l'embarras de la ministre des Affaires municipales. C'est son collègue ministre des Transports qui, lui, voyant le tollé devant lequel son gouvernement était placé, a dit: Ça n'a pas de sacré bon sens, je vais saisir le Conseil des ministres du problème, alors que la ministre des Affaires municipales, elle, avait décidé de ne pas saisir le Conseil des ministres de ce problème-là.

Puis le problème, il était manifeste. Ça a roulé pendant des jours et des jours et des jours, M. le Président. Ça a fait la une du journal LeDroit. Ça a fait des articles dans tous les journaux du Québec. C'était la nouvelle dans les grands bulletins de nouvelles. Et la ministre des Affaires municipales ? et c'est à ce moment-là qu'on voit à quel point elle est rendue déconnectée de la réalité ? elle n'était pas en mesure de voir le problème qu'elle créait. Elle n'était pas en mesure de constater que ça n'avait pas de bon sens de verser une prime de départ à quelqu'un qui ne part pas. Elle, c'était correct de verser une prime de départ à quelqu'un qui ne part pas. Ça allait à l'encontre du sens même d'une prime de départ. Et là, mal prise, aujourd'hui, dans son discours, l'embarras, M. le Président, là, elle essaie des faux-fuyants, en disant: Bien, vous savez, ce n'est pas vraiment de ma faute, il y avait de la législation qui était là antérieurement, adoptée en 1988, adoptée en 1992. Aïe, ça ne colle pas, ça! Ça ne colle pas, ça! Elle est allée même aussi loin que de tenter de faire des reproches au député de Hull. Et heureusement que, à nouveau, il l'a corrigée sur deux faussetés qu'elle énonçait elle-même, ici même, en cette Chambre.

M. le Président, ce qui est important pour les citoyens... Ça, c'est une nouvelle erreur de la ministre des Affaires municipales. Mais, moi, ce qui m'inquiète, là, c'est ce qui va se passer à partir du 1er janvier 2002. Si elle est capable de faire des erreurs dans des dossiers aussi simples et aussi banals que ceux-là, imaginez les erreurs de calcul, d'improvisation au niveau des comptes de taxes des citoyens, au niveau des comptes de taxes des citoyens.

Rappelez-vous l'évolution. Au début, c'était des baisses de taxes pour tout le monde. Par la suite: Il y aurait peut-être des augmentations de taxes pour très, très peu de citoyens, mais de toute façon ça ne dépasserait jamais une augmentation de 5 %. Par la suite, on est arrivé avec des études, des documents qu'on a déposés à l'Assemblée nationale. Pour Montréal, on disait: 97 % des citoyens vont voir leur compte de taxes baisser. Ultérieurement, on apportait d'autres modifications à la loi pour dire que: Savez-vous, le 5 %, ça ne tient plus trop, trop; ça va pouvoir dépasser le 5 %. Et là, ultimement, on se rend compte que le comité de transition n'était pas en mesure de livrer ce que la ministre des Affaires municipales disait qui devait être livré, c'est-à-dire une baisse de taxes pour neuf citoyens sur 10 à Montréal. Ça ne dépassera même pas un citoyen sur deux, M. le Président. Puis, quand vous ajoutez par la suite les petits tours de passe-passe du comité de transition, où on ajoute des taxes d'eau pour certains propriétaires, pour certains locataires, là, on constate, M. le Président, qu'on est très, très, très loin de ce que la ministre et son gouvernement avaient promis au départ.

Alors, mon inquiétude, M. le Président, c'est que, ce soir on l'a pincée, on l'a poignée puis on a dit: Il faut que tu apportes des correctifs à ça, mais là on est devant une série de législations, ce sont les citoyens qui vont payer pour ces fusions forcées. Les citoyens, ça va sortir de leurs poches. Ils vont payer plus cher pour moins de services parce que la ministre a mal fait ses devoirs, n'a pas étudié les différentes études qu'on a portées à son attention, où on lui disait: Il n'y a pas d'économie d'échelle, tel que vous le prétendez, ce n'est pas vrai, ça, c'est de la foutaise. Pourtant, elle nous a tous embrigadés, comme le député de Charlesbourg nous avait embrigadés dans sa réforme de la santé, M. le Président. La même, même, même chose! Chez nous, M. le Président, il a fermé l'Hôpital général de Lachine en disant qu'on allait transformer ça et qu'il y aurait des lits de longue durée pour remplacer les lits de courte durée parce qu'il y en avait beaucoup trop sur le territoire de l'île de Montréal. Il fallait procéder à cette réforme-là, fermer des lits de courte durée pour ajouter des lits de longue durée, M. le Président. Dans le comté de Marquette, on les attend encore cinq, six ans plus tard, les lits de longue durée. Il n'y en a pas eu, ils n'en ont pas créé. C'est une réforme qui dérape. C'est la même chose avec la réforme municipale, tout comme la réforme de l'éducation. Ce sont des réformes qui dérapent parce que le gouvernement ne fait pas bien ses devoirs.

Combien de fois on entendait, ici, dans le mandat de 1994 à 1998, que la réforme était planifiée dans les moindres détails. Dans les moindres détails, tout était planifié. Six ans plus tard, chez nous, dans le comté de Marquette, M. le Président, on attend toujours. On me dit que c'est la même chose au niveau de l'hôpital de Bellechasse, qui a été fermé. Je n'ai pas à vous en convaincre, M. le Président, vous avez vécu vous-même la même situation dans votre comté de Saint-Maurice, au niveau de l'hôpital à Shawinigan, les problèmes que vous avez vécus pendant tout un été. Faute du gouvernement en place, M. le Président!

Des projets de loi qui doivent être corrigés par des amendements, les amendements qui doivent être corrigés par de nouveaux projets de loi, mêmes projets de loi qui sont corrigés par des amendements et, encore plus loin, un nouveau projet de loi, le 71, qui vient corriger deux projets de loi, deux séries d'amendements. Et, si ce n'était pas suffisant, M. le Président, on adopte par voie de décret combien de corrections à des projets de loi que le gouvernement nous fait adopter sous le coup du bâillon, à toute vapeur, alors qu'on n'a même pas la chance de voir et de lire les amendements.

Alors, comme le disait le député de Hull, nous allons être en accord avec le projet de loi n° 71 parce que c'est le gros bon sens que nous avons demandé, qui devait primer, malgré le refus de la ministre des Affaires municipales. Heureusement que le ministre des Transports, qui agissait comme premier ministre, a compris le gros bon sens et a obligé sa collègue à venir déposer un projet de loi qui vient corriger les affaires. Mais cependant, M. le Président, tout comme le député de Hull et, je suis convaincu, tout comme le député de Limoilou, moi, je ne fais pas confiance à la ministre des Affaires municipales. Combien de fois nous l'avons prise à induire la Chambre en erreur, à dire des choses qui ne tenaient pas debout? Ce soir même, M. le Président. Combien de soirs, combien de fois on a dû la corriger? Même la présidente du comité de transition de Montréal avait dû la corriger, à un moment donné, parce qu'elle disait des choses qui étaient fausses en cette Chambre.

Et par la suite, on peut avoir, nous, nos joutes parlementaires, mais ce qui est inquiétant, c'est pour les contribuables qu'on représente ici, à l'Assemblée nationale, qui, eux, vont faire les frais de décisions prises par une ministre qui n'a pas toute la compétence voulue pour bien gérer ses dossiers. Ça occasionne des problèmes, des erreurs, et les contribuables vont devoir payer pour ces choses-là, M. le Président. On ne peut pas cautionner ça. On va donner notre aval et notre accord au principe, mais on verra par la suite.

Tout comme le député de Hull, moi, je veux savoir combien ça va coûter, tout ça. La ministre, j'espère qu'elle va nous donner des chiffres, qu'elle va nous dire qu'on a fait certains calculs. Si jamais la ministre nous dit: On n'a pas calculé, on ne sait pas combien ça va coûter, bien là ça va m'inquiéter drôlement. Mais je pense qu'elle a le devoir de donner ces informations-là pour que nous puissions adopter une loi en toute connaissance de cause, sans qu'il y ait des surprises.

n(22 heures)n

Combien de fois les journalistes, une fois que la loi est adoptée, découvrent des choses, des anomalies, découvrent des choses bizarres dans la loi? Mais là la ministre est un petit peu coincée parce qu'elle n'a pas tout à fait vu ça.

M. le Président, il y a des problèmes avec la forme, il y a des problèmes avec le fond, il y a des problèmes avec la réforme des affaires municipales et de l'organisation des municipalités au Québec, et la ministre, elle est bien, bien, bien mal placée pour faire la morale à l'opposition, M. le Président.

Alors, tout comme mon collègue le député de Hull, en accord avec le principe, mais maintenant on va faire une étude, par exemple, intelligente des dispositions pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière d'affaires de la métropole.

Je céderais maintenant la parole au député de Limoilou, M. le député, et également critique officiel de l'opposition en matière de capitale nationale. M. le député.

M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président, de me donner la parole sur le projet de loi n° 71.

Vous ne serez pas surpris, encore un projet de loi sur le monde municipal, M. le Président. On a un gouvernement qui a beaucoup de fascination pour le monde municipal. Ça fait deux ans, M. le Président, qu'ici, à l'Assemblée nationale du Québec, on discute, session après session, de projets de loi sur le monde municipal, M. le Président. Et ça a commencé, M. le Président, avec la loi, vous vous en rappelez, la loi n° 124, M. le Président, 124 qui était le projet de loi sur la réorganisation du monde municipal, M. le Président, qui venait donner certains pouvoirs à la ministre, certains pouvoirs à la ministre, de permettre de faire des fusions, M. le Président, de demander aux municipalités de se fusionner; c'était à la demande de la ministre et, si elles ne le font pas, on peut le faire par décret, M. le Président.

Après ça, M. le Président, on est venu déposer le projet de loi n° 170 puis on a décidé d'aller plus loin. On a dit, au fond, au grand monde municipal, hein, aux grandes municipalités: Vous allez vous regrouper; on va vous le dire, vous n'avez plus besoin de nous écrire, on va déposer une loi puis on va vous dire qui se regroupe, à Québec, à Montréal, en Outaouais, M. le Président, à Longueuil, M. le Président, au Saguenay; il n'y a pas de problème, on va vous dire comment vous regrouper. Ça fait que ça, on a vu ça dans la loi n° 170, 170, M. le Président, où il y avait 1 066 articles, 361 amendements, M. le Président. On n'en a jamais discuté, jamais discuté. La ministre a déposé des amendements en pleine nuit. On n'a jamais été capable de les lire, jamais capable. On a pris un vote ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Pourtant, on fait tout ça, et le gouvernement qui est en face de nous n'a jamais, jamais, jamais, à la dernière campagne électorale, discuté du monde municipal. Je n'ai pas vu ça, nulle part, dans le programme du Parti québécois. Personne n'a vu ça. Ils ont tellement pas vu ça que le président du caucus du Parti québécois et député d'Abitibi-Ouest, M. le Président, quatre jours avant la prise du pouvoir, le 11 septembre 1994, trois jours avant: Il n'est pas question de faire de fusions dans la région de la Capitale, il n'est pas question de ça, on n'en a jamais discuté, ce n'est pas dans notre programme politique.

M. le Président, on se ramasse aujourd'hui avec des gens qui sont au pouvoir, qui se sont fait élire, qui ont décidé de faire une réorganisation dans le monde municipal sans jamais en parler dans leur programme politique, sans informer totalement la population ? je vais vous faire l'exercice ? et sans jamais, M. le Président, consulter les citoyens et le payeur de taxes, M. le Président. Jamais. Jamais le Parti québécois n'a parlé dans son programme politique du monde municipal. Pourtant, à toutes les sessions, ici, à l'Assemblée nationale, on discute du monde municipal, M. le Président. C'est de même après chaque session.

On a eu le 124, on a eu le 170, M. le Président, puis là on a eu le 29. Le 29, savez-vous c'était quoi, M. le Président? C'était 250 articles avec plus de 400 amendements. On les a adoptés ici, à l'Assemblée nationale, de nuit. Savez-vous combien de temps on a discuté des amendements? Jamais, M. le Président. On n'a jamais eu le temps d'en discuter. Mais le gouvernement est pressé, tellement pressé, M. le Président, qu'on fait des amendements. Mais le 29, il venait modifier le 170.

Imaginez-vous que, cette session-ci, on étudie le projet de loi n° 60, un autre projet de loi. Ça, M. le Président, c'est ce qu'on appelle un bill omnibus. Ça, c'est une espèce de projet de loi qui vient modifier, dans ce cas-là, 16 autres lois. C'est une espèce de parc où on vient modifier plusieurs lois, encore là à cause de la réforme du monde municipal puis de choses qu'on a oubliées, M. le Président. Ça fait que, là, voyez-vous, ce soir, M. le Président, on a une nouvelle loi. Le délai est passé, le 15. On a une nouvelle loi, la loi n° 71. On a encore oublié quelque chose, M. le Président. On a encore oublié quelque chose puis, cette fois-là, ça concerne la Loi sur le traitement des élus municipaux. Et pourquoi cette loi, M. le Président? Toujours à cause des fusions du monde municipal.

M. le Président, ça fait deux ans ici, à l'Assemblée nationale, session après session, qu'on étudie des projets de loi du monde municipal. Il est tellement bien attaché, ce projet de loi là, M. le Président, là, on a eu le 170, on a eu le 124 avant, on a eu le 29, on a le 60, on est rendu à 71. Puis, à chaque fois, on vient ajouter des choses ou corriger des choses qu'on a oubliées. C'est bien attaché, M. le Président! Je comprends pourquoi les députés ministériels de la région de Québec ne voulaient pas se promener sur le terrain, comme on dit, M. le Président, dans la population, dans les rencontres de comités de citoyens.

Je vois la députée de Lévis qui me fait signe que oui. C'est de valeur, elle n'a pas traversé la Rive-Nord. Elle est restée de l'autre côté du fleuve. Elle a pris le pont, mais juste dans un sens; elle a oublié de le retraverser de l'autre côté. Son collègue qui était assis là tantôt, le député de La Peltrie, lui, là, il a été tellement convoqué souvent régulièrement dans les municipalités de son comté ? je vois le député de Matane qui me regarde ? jamais, M. le député de Matane, vos collègues de la capitale, de la région de Québec ne se sont déplacés pour rencontrer les citoyens. C'est drôle, hein? Ils avaient mis une condition sine qua non, une condition sine qua non en point de presse pour dire qu'il n'y aurait pas aucune augmentation de taxes, sinon ils n'endosseraient pas le projet de loi; ils l'ont endossé, M. le Président, les ministres de la région, comme les députés de la région. Quand ça a été le temps d'aller informer les citoyens parce qu'eux avaient des questions, ils avaient des assemblées publiques, on est absent.

Je peux vous dire une chose, M. le Président: À la prochaine campagne électorale, ils n'auront pas trop, trop le choix, il va falloir qu'ils rencontrent, cette fois-là, la population, M. le Président. Ils vont avoir des comptes à rendre dans bien des dossiers que le gouvernement a gérés, mais, entre autres, dans celui du monde municipal. Puis les gens vont leur dire: Un, quand on a voulu aller vous voir, M. le député, vous étiez où? J'ai essayé de vous rencontrer, je n'ai pas été capable. On vous a invité à une assemblée publique, vous avez dit non. On vous a demandé de nous consulter, vous avez dit non.

M. le Président, je vais vous dire, à une campagne électorale, c'est un peu dur de se cacher. Je vais vous dire une chose, je les invite, les députés de la région, M. le Président, en campagne électorale, dans le comté de Limoilou, s'ils veulent venir, la ministre y compris. Je vous promets une chose: ils vont être mieux de rester dans leur comté. Ils n'auront pas grand temps pour se promener. Ils n'auront pas grand temps pour se promener. Ils vont être mieux d'aller rencontrer les citoyens parce que les citoyens ont des choses à leur dire sur la façon qu'ils gèrent le Québec.

Vous rappelez-vous du thème L'autre façon de gouverner? Hein, vous vous rappelez de ça, vous, M. le Président. Et le thème de l'autre campagne J'ai confiance. Je peux vous dire une chose, les gens les attendent. Ils vont l'avoir, leur réponse, M. le Président. Juste avec le dossier du monde municipal, c'est la sixième loi, M. le Président. Pourquoi qu'on a le dépôt de cette loi-là aujourd'hui, là? Je vais vous le dire. Ce n'est pas trop compliqué, M. le Président. Ça a l'air qu'il y a eu un oubli, puis un oubli assez majeur. Mon collègue le député de Hull, le 30 novembre dernier, M. le Président, il a posé une question en Chambre, suite à une déclaration de la ministre, M. le Président. C'était dans le journal LeDroit du 30 novembre 2001. Le titre du journal: La ministre Harel ne fera rien contre les allocations de départ des élus. Je peux vous citer l'article, M. le Président.

Je vais vous expliquer, je vais faire une parenthèse, ce n'est pas compliqué. C'est quoi, la problématique, M. le Président? C'est que, dans la loi actuelle, on a eu une nouvelle élection, il y a des gens qui ont décidé de se représenter, d'autres qui ont décidé de ne pas se représenter. On prévoit dans la loi, M. le Président, qui est la Loi sur le traitement des élus municipaux, que vous avez le droit soit à une allocation de départ, M. le Président, et, dans certains cas, une allocation de transition. L'allocation de départ, M. le Président, c'est quoi? C'est bien simple, il faut avoir fait deux années de service, et vous avez le droit à deux semaines de salaire par année de service, avec un plafond, M. le Président, qui peut aller jusqu'à un an. Donc, il faut 26 années de service pour avoir le droit à un an en ce qui concerne une allocation de départ. Vous avez fait deux ans, vous avez le droit à quatre semaines, M. le Président. Puis, dans des cas, on permet aux municipalités d'avoir une allocation de transition, mais ça doit se faire par résolution du conseil municipal pour permettre aux élus, M. le Président, de passer de la vie publique à une vie privée, M. le Président, une allocation de transition qui permet, pour chaque année de service, toujours avec un minimum de deux ans... vous avez le droit, M. le Président, à deux mois par année de service. Mais il y a un plafond, et c'est huit mois, puis il faut qu'il y ait une résolution du conseil de ville pour y avoir accès, autant aux conseillers que le maire, M. le Président.

n(22 h 10)n

Ça fait que, voyez-vous, M. le Président, il y avait une nouvelle organisation territoriale que ce gouvernement a décidée, qu'il a imposée à la population, M. le Président. Et là, à l'élection, il y a des gens qui ne se représentaient pas puis il y a des gens qui se représentaient. Ceux qui ne se représentaient pas, le cas était réglé, c'est-à-dire qu'ils avaient droit à une allocation de départ, une allocation de transition. Mais il y a des gens qui ont décidé de se représenter. S'ils étaient battus, ils ont toujours le droit à l'allocation de départ puis à l'allocation de transition. Il y a des gens qui ont été élus, et la loi leur permet de toucher une allocation de départ, une allocation de transition s'il y a une résolution de la ville puis de toucher le nouveau salaire, M. le Président.

Nous, on a dit, puis mon collègue le député de Hull a dit: Ça n'a pas de bon sens. Le maire de Québec, qui est un bon ami de la ministre des Affaires municipales, a dit lui-même: Ça n'a pas de bon sens.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement. Auriez-vous la gentillesse de vérifier si nous avons quorum, étant donné l'importance du sujet sous étude, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez appeler des députés, s'il vous plaît.

n(22 h 12 ? 22 h 13)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons reprendre. Comme il y a actuellement des commissions, le quorum est de 13 en cette Chambre. Alors, M. le député de Limoilou, si vous voulez bien poursuivre.

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, comme je vous disais, M. le Président, mon collègue le député de Hull a voulu interpeller la ministre par rapport à cette situation. On s'est dit: C'est impensable, vous allez continuer à être un nouvel élu dans la nouvelle ville et, en même temps, M. le Président, vous allez avoir le droit à une allocation de départ puis à une allocation de transition.

Ça fait que, voyez-vous, la journée du 30 novembre, dans LeDroit, le journal titrait: La ministre Harel ne fera rien contre les allocations de départ des élus. Je veux vous citer, M. le Président, une couple de paragraphes, parce que c'est important, là. C'est juste pour que vous compreniez, là, quelle était l'attitude de la ministre dans le dossier.

Une voix: M. le Président, question de règlement...

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez appeler les députés, s'il vous plaît, monsieur. Appelez les députés!

n(22 h 14 ? 22 h 15)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons, tout en vous rappelant que vous avez un droit à un temps de parole de 20 minutes. Alors, M. le député de Limoilou.

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Notre forum augmente. Les députés ministériels vont venir à l'Assemblée.

M. le Président, je vous disais: «La ministre Harel ne fera rien contre les allocations de départ des élus. La ministre des Affaires municipales, Louise Harel, ne fera rien pour empêcher que les allocations de départ soient versées en janvier aux élus qui ont été reconduits au sein des nouvelles villes fusionnées.» Je vais la citer maintenant, M. le Président. Elle dit: «Je ne me prononce pas à savoir si cette situation représente un problème ou non, a déclaré la ministre au Droit hier, seulement il est impossible d'abolir les allocations, parce que ça aurait été injuste pour les élus qui n'ont pas été réélus ou qui ont quitté.»

M. le Président, c'est assez clair, la ministre ne savait même pas elle-même si c'était un problème ou pas. Il y a effectivement un problème. Ceux qui ont quitté, il n'y en n'a pas, de problème; vous leur donnez l'allocation de départ puis l'allocation de transition. Mais ceux qui sont réélus, M. le Président, c'est des fonds publics, c'est l'argent des contribuables. Elle, elle disait: Je ne vois pas s'il y a un problème ou pas, M. le Président. Imaginez-vous! Savez-vous comment elle s'en est aperçu, que c'était un problème? C'est parce que c'est le député de Hull qui s'est levé à la période des questions cette journée-là puis qui a posé la question. Elle était absente. Une chance qu'elle était absente. Le premier ministre était absent cette journée-là. Donc, ça a été le premier ministre de la journée, qui était le ministre des Transports, le député de Louis-Jolliet, qui s'est levé, et du même coup, M. le Président, il a compris, lui. Il a très bien compris. Il a dit: Oui, on va prendre la question, on regarde ça, ça n'a pas de bon sens. C'est ça qu'il a répondu. Lui, il a compris le problème.

Il l'a amené où, M. le Président? Au Conseil des ministres. Le Conseil des ministres a dit à la ministre: Mme la ministre, ça n'a pas de bon sens. Ça n'a tellement pas de bon sens que le maire de Québec lui-même l'a déclaré: On ne peut pas; on collectera notre allocation de départ ou notre allocation de transition la journée, M. le Président, qu'on ne se représente plus, que notre carrière est terminée, ou qu'on sera battu à une élection. Ce n'est pas plus compliqué que ça, M. le Président. Mais c'est juste pour vous démontrer à quelle vitesse, depuis deux ans, on étudie ici, nous, les législateurs, qui avons été élus, M. le Président, et qu'on nous a imposé, loi après loi, la 170, la 29, la 60, M. le Président, des amendements déposés, loi après loi, qui viennent modifier d'autres lois. Pas le temps de lire les articles, on fait ça en pleine nuit. On impose, on bâillonne. On bâillonne les comités de citoyens, on bâillonne la population, on bâillonne les parlementaires, M. le Président.

Oui, sur le fond de cette loi-là, c'est grâce à l'opposition, M. le Président, qui a interpellé la ministre, puis la ministre ne savait même pas si c'était un problème. Je suis content de voir que le député de Louis-Jolliet... de Joliette, qui est le ministre des Transports, s'en soit aperçu. Une chance qu'il a dit: Oui, on va regarder ça, il y a un problème. Oui, M. le Président, je suis fier de voir que, effectivement, la ministre a fini par reconnaître le problème puis qu'il y a une loi déposée, parce que la situation était insensée, impensable. Oui, M. le Président, on est prêt à étudier le projet de loi, oui, on est d'accord avec le principe du projet de loi, mais c'est juste pour vous démontrer, M. le Président, depuis deux ans, à quel rythme ici, à l'Assemblée nationale du Québec, on essaie, loi après loi, de corriger les erreurs de la réforme du monde municipal, M. le Président. Puis je comprends pourquoi il y a des erreurs, M. le Président. Les législateurs doivent étudier les lois qui sont préparées par les gens qui travaillent au ministère de la Justice, au ministère des Affaires municipales. Il y a des légistes qui sont là. M. le Président, je vais vous dire une chose: À la vitesse que les choses sont déposées, qu'elles sont approuvées, qui doivent être débattues ici, à l'Assemblée... Débattre, il faut dire, un grand mot, quand les lois n'ont pas été bâillonnées dans la 170, comme je vous disais, avec le nombre d'amendements qu'il y a eu...

M. le Président, la même chose pour la 29. Bien, il nous arrive, excusez l'expression, des trous dans les lois et, effectivement, on est encore obligé de déposer une loi, puis on a donné notre consentement parce que c'est nous qui avons soulevé ça, M. le Président, c'est le député de Hull, qui est le critique aux Affaires municipales, qui l'a fait. Ça fait que, oui, M. le Président, on va être d'accord avec le principe de la loi, sauf qu'on va prendre le temps avec la ministre en commission parlementaire de s'assurer que la situation est bien couverte, que les choses sont bien écrites, que les amendements, on a le temps de les voir, M. le Président, et pour être sûr que demain matin, dans 24 heures ou dans 48 heures, il n'y a pas une nouvelle erreur, un nouveau trou dans la loi, M. le Président. C'est ça que l'opposition officielle veut faire avec le projet de loi n° 71.

Mais, encore là, M. le Président, je vous dirai que, depuis le début que ce gouvernement a décidé de s'engager dans les réformes du monde municipal, on est continuellement dans une période d'improvisation d'un gouvernement qui a décidé, jour après jour, d'imposer sa volonté. Oubliez-le jamais, parce que le citoyen ne l'oubliera pas à la prochaine campagne électorale, sans jamais avoir été informé, sans jamais avoir respecté ses droits et sans jamais avoir été consulté sur la réforme du monde municipal. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Limoilou. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 71?

Des voix: Non.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le principe du projet de loi n° 71, Loi modifiant la Loi sur le traitement des élus municipaux, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

n(22 h 20)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission
de l'aménagement du territoire

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre des Affaires municipales et de la Métropole en soit membre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre peut-être quelques instants, le temps de permettre à ma collègue, ministre des Affaires municipales... Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous désirez qu'on suspende quelques instants?

M. Boisclair: Bien, juste... On va procéder, M. le Président, avec l'article 6 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 49

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 15 novembre 2001, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec.

Alors, lors de la suspension ou de l'ajournement du débat, il restait neuf minutes à Mme la députée de La Pinière pour compléter son intervention. Alors, Mme la députée, neuf minutes à votre allocution. Madame.

Mme Fatima Houda-Pepin (suite)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je vais les prendre, M. le Président, ces neuf minutes, avec grand intérêt pour rappeler, tout d'abord, M. le Président, parce que mon intervention a été faite le 15 novembre dernier sur l'adoption de principe, rappeler d'abord le contexte, très rapidement, dans lequel nous procédons à l'étude du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec.

Ce contexte est celui de la crise du logement, particulièrement, M. le Président, le logement social. Ce projet de loi, aussi, est entamé alors qu'il y a une entente de principe entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral pour les transferts de l'enveloppe du logement abordable, une enveloppe de 162 millions de dollars, M. le Président, sur 680 millions de dollars pour l'ensemble du Canada.

Il faut rappeler aussi que le logement abordable, la fameuse entente, les paramètres de ce programme ne sont pas encore définis au moment où l'on se parle. Il faut également rappeler, M. le Président, que ce 162 millions de dollars va s'ajouter au budget qui est alloué à AccèsLogis ainsi qu'aux autres contributions des niveaux municipaux et également les milieux qui vont contribuer également pour construire tous ensemble 9 000 nouvelles unités de logement, M. le Président. Or, il se trouve qu'actuellement, sur la liste d'attente des personnes qui sont à la recherche d'un logement à loyer modique, il y a plus de 20 000 personnes, et le chiffre est conservateur. Il manque donc, M. le Président, 11 000 unités de logement lorsque, durant les deux prochaines années, on aura procédé, si tout va bien, à la construction des fameuses 9 000 unités de logement.

Il y a un grand absent, M. le Président, ici, c'est le secteur privé. Le projet de loi n° 49 n'en souffle mot et la ministre non plus, M. le Président. Or, le privé est un partenaire important parce que la crise du logement est due essentiellement au fait qu'il n'y a pas de logement disponible. On l'a vu même durant la crise, M. le Président, le pic de la crise durant le mois de juillet, début du mois de juillet, fin juin, début juillet, lorsque la ministre a mis de l'avant une solution ponctuelle qui est celle de mettre à la disposition des familles mal logées des suppléments de loyers, on n'a pas été capable, M. le Président, de répondre à tous les besoins pour la bonne raison qu'il n'y avait pas d'unité de logement disponible. Donc, le secteur privé, c'est le secteur qui est, M. le Président, complètement absent de ce projet de loi, particulièrement lorsqu'on parle de logement abordable où il ne s'agit pas seulement du logement social au sens traditionnel du terme. On parle ici de logements qui sont à un niveau plus modique pour des familles qui ont des revenus relativement modestes, mais quand même pas très faibles.

M. le Président, suite à l'intervention que j'ai faite le 15 novembre dernier, nous avons eu une consultation particulière le 3 décembre dernier, consultation d'ailleurs qui a été demandée par l'opposition officielle, et nous avons entendu huit groupes. Et ça a été fort utile, M. le Président, d'entendre les groupes sur le projet de loi n° 49, parce que, finalement, dans ce projet de loi, il y a différentes dispositions qui, à prime abord, pourraient même se lire indépendamment les unes des autres. Et nous avons donc été éclairés par les opinions qui nous ont été exprimées et nous avons pu nous rendre compte aussi du questionnement et des interrogations que les groupes soulèvent par rapport à ce projet de loi.

D'entrée de jeu, disons qu'il y a un consensus sur certaines choses, notamment l'obligation qui est faite par le projet de loi n° 49 aux offices municipaux d'habitation de mettre sur pied un comité consultatif de résidents dans les OMH, M. le Président. Particulièrement, les OMH de 2 000 logements et plus, à loyer modique, devront constituer des comités de secteur. Nous avons donc entendu, notamment, la Fédération des locataires des HLM du Québec, qui sont venus plaider pour cette disposition, mais, en même temps, qui ont présenté également des modifications dont on a bien pris note, M. le Président. Et l'opposition officielle accueille favorablement cette disposition.

Et il y a également un point dans le projet de loi qui concerne le pouvoir d'exception de la Société d'habitation du Québec. C'est un pouvoir qui lui permet de mettre de l'avant des programmes et des mesures spéciales dans des circonstances exceptionnelles. Ça reste, M. le Président, à préciser, puis j'ai l'intention que ces précisions soient apportées lors de l'étude article par article.

Également, M. le Président, le projet de loi prévoit la délégation à un tiers de l'administration des programmes de la Société d'habitation du Québec. Et là encore, il y a des questionnements parce que, lorsqu'on délègue des pouvoirs, il faut savoir, M. le Président, dans quelles conditions et il faut surtout s'assurer, pour nous, comme parlementaires, que les impératifs de la transparence et de l'imputabilité sont sauvegardés.

Le projet de loi n° 49, M. le Président, constitue également une agence en prévision des transferts du parc locatif, surtout pour les coopératives, transferts du fédéral, M. le Président. Là encore, lors de la consultation, nous avons entendu des groupes qui nous ont dit: Oui, on est favorables. Mais nous avons aussi entendu d'autres groupes qui questionnaient l'ajout d'une autre structure alors qu'au Québec on a une Société d'habitation du Québec qui peut aussi entreprendre ce type de mandat.

Essentiellement, M. le Président, le gros du projet de loi tourne autour de l'article 9, notamment en ce qui a trait à l'élargissement des pouvoirs des offices municipaux d'habitation. Et ça encore, on est dans le contexte des fusions, parce que ce pouvoir qui est conféré aux offices municipaux d'habitation s'inscrit dans le cadre des fusions municipales, lesquelles fusions ont conduit aussi aux fusions des offices municipaux d'habitation. Et là encore, M. le Président, nous avons entendu des groupes qui sont venus nous dire que cette disposition était très discutable. Ils ont exprimé des préoccupations, notamment en ce qui a trait à l'expertise des offices municipaux d'habitation qui s'engageraient dans le développement du logement, non pas du logement social encore une fois à loyer modique, mais aussi dans le logement au sens du terme «abordable».

On a également, M. le Président, questionné ou on s'est préoccupé et on s'est interrogé sur la possibilité d'un favoritisme institutionnel, puisque les offices municipaux d'habitation ont une proximité avec les municipalités, qui pourraient s'avérer comme des maîtresses d'oeuvre dans ce dossier.

Également, M. le Président, on a questionné le fait du retour du public dans le logement et surtout la question des coûts, ça a été soulevé à quelques reprises, et, évidemment, la place des GRT, les groupes de ressources techniques, la place des coopératives, la place des OSBL et du secteur privé dans les nouveaux développements du logement abordable. Et on s'est questionné si cette synergie va se faire dans la complémentarité ou dans la compétition.

Et finalement, M. le Président, un autre point d'interrogation, c'est le fonds de développement. On sait que, dans le cadre des fusions, il y a des fonds de développement qui vont se constituer. Et les groupes ont interrogé, M. le Président, le fonctionnement de ce fonds, comment les fonds vont être alloués, sur quelle base, et ainsi de suite.

Alors, M. le Président, mon temps coule, vous me faites signe. Je voudrais vous dire que, sur le principe, l'opposition officielle a offert sa collaboration, mais nous avons beaucoup de questions, M. le Président, et je vais profiter de la période subséquente pour qu'on puisse bonifier le projet de loi dans l'intérêt public, M. le Président. Je vous remercie.

n(22 h 30)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de La Pinière, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission des institutions et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la Loi sur la Société d'habitation du Québec. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, qu'actuellement sévit, à Montréal et dans l'ensemble du Québec, de graves problèmes de logement, et il y a tout lieu de voir à améliorer la situation de ceux qui ne peuvent pas ou ne sont pas dans la possibilité d'avoir ou de payer un logement.

Mais, lorsque j'ai traversé ce projet de loi, M. le Président, je l'ai trouvé plutôt un projet de loi de structures plutôt qu'un projet de loi qui règle les problèmes de ceux qui veulent avoir accès à un logement à prix modique. Et, comme l'a rappelé avec beaucoup de pertinence ma collègue de La Pinière, le problème du logement, c'est qu'on manque de logements. Et on manque de logements parce qu'on n'a pas construit assez de logements. Et on n'a pas construit assez de logements, bien, parce qu'il n'était plus intéressant de construire des logements. Alors, devant cette espèce de tautologie, le projet de loi ne vient apporter aucune, aucune réponse.

Néanmoins, néanmoins, M. le Président, comme l'a rappelé ma collègue, le projet de loi sur strictement la question qui touche les sociétés, la Société d'habitation du Québec et les offices municipaux d'habitation, le projet de loi amène certaines améliorations sensibles, minimes mais sensibles, et, M. le Président, soulève quelques questions que je vais essayer de rappeler à la ministre.

Commençons par les choses positives, parce qu'il faut être positif dans la vie. Le projet de loi, M. le Président, crée quelque chose qui a été demandé depuis longtemps. C'est à la fois les comités consultatifs de résidents et les comités de secteur. Je crois qu'il y a là, M. le Président, une initiative extrêmement intéressante qui va permettre aux locataires des unités de logement à prix modique de pouvoir participer directement à la gestion et d'une manière non pas seulement ad hoc, parce que des comités de résidents, il en existe déjà sur une base bona fide, M. le Président, mais sur une base formelle. Et je dois dire que nous n'avons aucun problème avec ces deux articles qui vont permettre aux résidents des logements à prix modique de pouvoir participer directement à la gestion.

Ce n'est pas le même point de vue pour l'ensemble des articles du projet de loi, et je vais soulever un certain nombre de problèmes. Le premier problème va rentrer à l'article 9, M. le Président, et particulièrement à 2°, au deuxième alinéa, l'article 3.1b. On confie aux offices municipaux d'habitation, en plus d'acquérir, de construire, rénover des immeubles, administrer les immeubles d'habitation dont l'administration est confiée à la curatelle, d'administrer les immeubles d'habitation appartenant à la Société immobilière du Québec, mettre en oeuvre toute activité à caractère social et communautaire favorisant le mieux-être de sa clientèle, donc toutes des activités qui sont dans un mandat normal d'un office municipal d'habitation, on confie, au point b, le programme... d'administrer tout programme d'habitation dont la gestion lui est confiée par la Société ou la municipalité.

Et là est le point où le bât blesse. Ces offices municipaux d'habitation sont principalement dévolus et ont comme principale fonction, M. le Président, de s'occuper du logement à prix modique. On crée ces offices municipaux d'habitation pour s'occuper des logements et de s'occuper des logements où la personne ne paie pas la totalité du loyer ? parce qu'elle n'est pas capable de payer la totalité du loyer, elle ne paie seulement qu'une fraction de ses revenus au titre du loyer ? et c'est le but même des offices municipaux d'habitation.

Ils ne sont pas faits pour gérer tous les programmes qu'on pourrait concevoir sur le plan de l'habitation. Je crains, je crains, M. le Président, que, si on étend trop les pouvoirs des offices municipaux d'habitation, cela se fasse au détriment d'une politique de développement des logements à prix modique. Et parce qu'on... Et ma collègue de La Pinière a abordé la question des logements abordables. Le principe d'étendre trop la fonction et la mission des OMH ou des offices municipaux d'habitation peut avoir pour effet pernicieux de les amener à s'occuper d'autres fonctions que strictement le développement des habitations à prix modique. Et, M. le Président, c'est une tendance avec laquelle nous ne pouvons pas être d'accord.

Et je m'étonne d'ailleurs de voir ça dans le projet de loi, connaissant notre ministre de l'habitation qui, à moins que je ne le sache, était dévolue à la construction et au développement des habitations à prix modique. Et je crains que ses fonctionnaires lui aient passé rapidement un... qui s'insère dans ce projet de loi et qui vient rendre cette loi avec un caractère qui pourrait être... un caractère tout à fait pernicieux dans la mesure où il retirerait l'emphase que les offices municipaux d'habitation doivent mettre sur le logement à prix modique.

Donc, questionnement sur cette extension de responsabilités des OMH. Pour nous, et ma collègue de La Pinière l'a rappelé tout à l'heure, les offices municipaux d'habitation doivent se concentrer essentiellement sur leur mission fondamentale, à savoir le développement des unités de logement à prix modique et non pas voir à une politique globale du logement, le logement abordable ou le logement qui est dévolu pour des classes de population différentes de celles qui ont droit normalement au logement à prix modique.

Je voudrais, M. le Président, soulever une autre problématique qui n'est pas sans m'inquiéter, et je veux parler de l'article 15 et de la création d'une agence. Et vous savez à quel point... Aujourd'hui, j'étais en commission parlementaire et j'ai entendu la ministre des Finances critiquer la création d'agences qui sont apparues dans le dernier budget fédéral. Je vois ici que nous créons... La même tendance à créer des agences réapparaît. Nous aussi, même si la ministre critique la création des agences par son collègue le ministre des Finances fédéral, nous voyons apparaître aussi dans cette loi une agence, une nouvelle agence. Et je me permets de vous lire, M. le Président, l'article 90.0.2: «Aux fins de l'administration de tout accord conclu avec le gouvernement du Canada relativement aux programmes de logements coopératifs ? on s'entend évidemment, des accords qu'il y a entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada sur le logement coopératif ? y compris un accord conclu avec la Société en vertu de l'article 90 ? qui est tout à fait correct ? le gouvernement peut créer une agence et prévoir les conditions relatives à sa mise en place et à son fonctionnement. Cette agence est une personne morale...»

n(22 h 40)n

Alors, vous voyez, M. le Président, encore là, le gouvernement se départit en quelque sorte de ses responsabilités envers une agence, c'est-à-dire que ça va être quelque chose qui sera moins imputable devant les parlementaires. C'est une façon de gérer qui m'inquiète énormément dans la mesure où cette agence va être un écran entre la ministre qui doit prendre des décisions et les parlementaires devant lesquels elle est responsable.

Alors, c'est bizarre, M. le Président, je me pose des questions quant à la cohérence de ce gouvernement qui, du même souffle, s'en va critiquer le gouvernement fédéral qui, vous l'avez d'ailleurs remarqué hier dans le budget, a créé un certain nombre d'agences et le fait que, dans son projet de loi pour gérer justement les ententes avec le gouvernement fédéral, ils ont recours, eux aussi, à une agence. Alors, M. le Président, j'aurais besoin... Et je comprends que, même si nous sommes en faveur du projet de loi qui est devant nous, parce que, comme je le rappelais au début, il amène certaines améliorations sensibles au fonctionnement de la Société d'habitation du Québec, nous aurons à nous questionner sur la question des agences.

Reste un autre point de vue qui est le point de vue de la délégation, la délégation de pouvoirs que la Société d'habitation du Québec peut faire, et je me permets, M. le Président, de vous rappeler, dans les notes explicatives: «Le projet de loi habilite également la Société d'habitation du Québec à déléguer à un tiers l'administration de ses pouvoirs qui pourraient lui être confiés.» Alors, il y a toujours une vision, de notre point de vue, quant à l'imputabilité, c'est-à-dire la possibilité de devoir rendre compte devant les parlementaires des manières dont est gérée une société comme la Société d'habitation du Québec.

Alors, si on fonctionne et si on comprend le projet de loi, la ministre, dans ses fonctions, va pouvoir confier des responsabilités à la Société d'habitation du Québec ? et nous sommes d'accord avec cette question-là, je pense qu'il n'y a pas de discussion entre nous ? mais cette même Société pourra déléguer à un tiers l'administration de certains des programmes. Alors, vous voyez, on sera donc maintenant avec une double distance entre les parlementaires qui questionnent avec beaucoup d'amitié la ministre de la Métropole et des Affaires municipales, responsable du projet de loi, et qui, elle, dira: Oui, mais la Société d'habitation du Québec, j'en suis responsable devant cette Chambre, mais il y a encore une troisième personne à qui la Société d'habitation aura délégué certains éléments d'administration des différents programmes, M. le Président. Alors, sur la cohérence, sur la manière de fonctionner, nous nous posons d'énormes problèmes qui ont... pas seulement les problèmes que l'opposition soulève, mais qui ont déjà été soulevés par les personnes qui sont venues témoigner en commission, comme l'a rappelé ma collègue la députée de La Pinière.

Alors, M. le Président, pour les parlementaires de l'opposition, on a toujours l'énorme problème de faire, lorsqu'on nous propose un projet de loi qui n'est pas un projet de loi que nous aurions présenté... Comprenons-nous bien, ce n'est pas le projet de loi que nous aurions présenté. Néanmoins, M. le Président, c'est un projet de loi qui améliore sensiblement la situation actuelle tout en ayant, tout en créant un certain nombre de problèmes. Alors, l'appui que l'opposition officielle va donner au projet de loi... Et vous avez bien compris, M. le Président, dans l'intervention de ma collègue de La Pinière comme dans notre intervention, nous allons voter en faveur du projet de loi au moment, disons, de sa prise... du principe du projet de loi. Il y a, de notre part, un vote en faveur de ce projet de loi, et ce, comme je vous l'ai rappelé, parce qu'il améliore la situation.

Mais, une fois que nous nous sommes prononcés en faveur du projet de loi, il appert de bien comprendre que nous soulevons aussi un certain nombre de questions. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, mais aussi pour le bénéfice des parlementaires ici présents, avec qui nous aurons à travailler en commission, et pour le bénéfice de la ministre, il me semble important de les rappeler. Le questionnement est limité à trois grands points.

Le premier point est l'extension des pouvoirs des offices municipaux d'habitation, en particulier le 3.1b. Évidemment, c'est un petit article, mais il étend considérablement les pouvoirs des offices municipaux d'habitation. Et, comme je l'ai rappelé au début de mon intervention, M. le Président, il me semble que ceci risque d'avoir un effet pernicieux sur le développement du logement à prix modique.

Deuxièmement, il me semble que l'utilisation d'une agence pour gérer les ententes Québec-Canada, en tout ce qui touche le logement coopératif, n'est probablement pas le véhicule le plus optimal pour gérer de telles ententes, et on aurait pu rester à un véhicule où les ententes auraient été gérées de ministère à ministère. Donc, questionnement de notre part sur l'article 15 qui introduisait dans la loi un article 90.0.2.

Et, enfin, M. le Président, un questionnement important de notre part sur toute cette question liée à la délégation, c'est-à-dire à la délégation des pouvoirs que la Société d'habitation du Québec aurait, des pouvoirs sur le plan administratif, bien sûr, pour pouvoir déléguer à un tiers.

Alors, M. le Président, ceci résume en quelques points notre position: un soutien au projet de loi, un soutien au projet de loi, mais un soutien conditionnel à ce projet de loi, un soutien conditionnel à ce projet de loi et une étude approfondie, article par article, que ma collègue la députée de La Pinière, qui est porte-parole de ma formation politique sur ce sujet, et les parlementaires de l'opposition, qui, j'en suis sûr, l'accompagneront en commission parlementaire, vont faire sur les trois questions que je me suis permis, M. le Président, de soulever.

Alors, en résumé, je ne peux que dire que nous allons voter, presque à regret, en faveur de ce projet de loi au moment de l'adoption de principe, parce que les éléments... la balance, disons, la balance des inconvénients par rapport aux éléments positifs fait en sorte que l'ensemble des éléments positifs qui sont à l'intérieur du projet de loi l'emportent sur les éléments qu'on pourrait... que j'ai d'ailleurs soulevés, qui sont des éléments à effets pernicieux dans le projet de loi. Mais, après une étude et un débat dans notre formation politique, il nous a semblé que, même si nous ne faisions pas un énorme pas en avant avec ce projet de loi, il était préférable de faire ce petit pas que de ne faire aucun pas du tout. Alors, même si c'est un petit pas, dans ce petit pas... nous allons accompagner la ministre dans ce petit pas tout en pensant que nous aurions souhaité pouvoir faire un grand pas avec elle dans une autre direction et que les points qui sont à l'intérieur du projet de loi et qui sont à effets assez pernicieux vont pouvoir être éliminés dans l'étude article par article. Et je connais d'ailleurs le sens social de la ministre et je ne suis pas sûr qu'elle ne sera pas sensible aussi au type d'arguments que je me suis permis de soulever actuellement.

Alors, je termine là mon intervention, M. le Président, en disant que nous allons voter donc en faveur de l'adoption de principe de ce projet de loi, adoption de principe que nous faisons quand même avec toutes les réserves que je me suis permis de faire. Merci, M. le Président.

n(22 h 50)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, et je reconnais le prochain intervenant, il s'agit du porte-parole officiel de l'opposition en matière de transport métropolitain et de tourisme. M. le député de LaFontaine, la parole est à vous.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, nous parlons là d'un projet de loi extrêmement sensible, un projet de loi qui, pour un grand nombre de nos concitoyens, de nos compatriotes, particulièrement dans la grande région de Montréal, devrait revêtir une grande importance. Car vous n'êtes pas sans savoir, et je crois que l'ensemble des collègues le savent, que nous avons connu et nous connaissons encore, dans la région métropolitaine, la région au sens large de Montréal, une pénurie de logements, particulièrement de logements sociaux, de logements abordables. Et force est de constater, M. le Président, que les familles québécoises, les familles qui ont des revenus modestes, qui bien souvent ont des enfants, ou même qui sont des familles monoparentales, avec un seul support pour faire vivre la famille, eh bien, que ces gens ont de la difficulté à trouver des logements.

Il y a aussi, M. le Président, toute la dimension du logement, la difficulté pour les nouveaux arrivants et les gens des communautés ethniques, des communautés culturelles à Montréal aussi d'avoir accès à certains logements. Moi qui viens d'une circonscription située dans le nord-est de Montréal, mais à forte connotation ethnique, assez diversifiée, M. le Président, je peux vous dire qu'assez régulièrement, assez souvent et plus précisément depuis les derniers mois, eh bien, un certain nombre de citoyens particulièrement d'origine haïtienne sont venus me voir me disant: M. Gobé, M. le député, nous avons de la difficulté à trouver un logement; nous sommes une famille, nous avons trois enfants; je travaille, mon épouse travaille, puis, lorsque nous arrivons pour vouloir se loger, nous loger, eh bien, c'est difficile ou alors ils nous demandent des loyers extrêmement élevés que nous ne pouvons pas payer sans mettre, pas en péril, mais sans compromettre la qualité de vie de notre famille.

Alors, M. le Président, vous allez dire: Comment cette chose-là peut-elle arriver au Québec, dans le Québec moderne d'aujourd'hui? Simplement, c'est parce que, eh bien, il y a une rareté du logement. Le parc locatif, dans certains cas, a vieilli. Les gens n'ont pas forcément un intérêt pour aller se loger dans ce parc. Il y a certains immeubles ou certains éléments de ce parc qui ont vieilli, certains édifices sont barricadés, ou sont insalubres, ou ne sont pas rénovés par leurs propriétaires qui, devant des contraintes qu'ils trouvent, pour eux, excessives ou difficiles à assumer, eh bien, préfèrent laisser leur immeuble vacant et ne pas engager de frais et de dépenses pour le rendre habitable dans des conditions acceptables par certaines clientèles. Alors, M. le Président, c'est une réalité aussi qu'on ne saurait occulter, il faut regarder cette réalité-là.

La réalité du logement à Montréal, ce n'est pas simplement changer des structures de l'office d'habitation du Québec et ce n'est pas seulement changer les structures de financement. On ne peut pas simplement dire: On passe du financement des HLM à l'aide de logements à multipropriété comme les coopératives, enfin comme les OSBL et ces choses-là, M. le Président. Il faut regarder qu'il y a une partie de la crise qui vient du fait que le marché locatif des privés... les propriétaires ne sentent pas toujours un grand intérêt à investir ou à réinvestir dans ce qu'ils ont actuellement et d'autres ne sentent pas l'intérêt ou ne voient pas l'intérêt à investir dans un parc de logements neufs.

Et, lorsqu'on sait que le gouvernement fédéral s'est retiré, depuis 1994 maintenant, hein, du logement, particulièrement dans les HLM à Montréal, au Québec en particulier, bien, M. le Président, on regarde aujourd'hui avec un peu aussi une clientèle qui a évolué, une clientèle qui est un peu plus... moins... ou un peu plus... ou beaucoup moins à l'aise qu'elle pouvait être à l'époque. On sait que le Québec... La courbe d'appauvrissement des Canadiens du Canada par rapport aux Américains a baissé; bien, celle du Québec aussi par rapport à ce qu'on était avant, eh bien, a baissé aussi.

Alors, on s'attendrait, M. le Président, à ce que le gouvernement prenne les mesures pour répondre à ces problématiques, en particulier la problématique de l'investissement privé dans le logement. Alors, on a vu dernièrement, avec les lois... le projet de loi qui a été apporté en commission parlementaire en particulier, les reproches et les remarques des propriétaires, et il n'y avait rien dans ce projet de loi là qui était pour les inciter à donner un nouveau dynamisme et à réinvestir dans ce domaine-là.

Et, M. le Président, on voit aussi le gouvernement qui dit: Bon, bien, moi, je n'investis plus dans les HLM. Il est vrai, M. le Président, il est vrai que les expériences qui ont été faites au Québec, mais aussi dans d'autres pays, dans d'autres endroits à travers le monde, soit la construction massive de logements HLM concentrés dans un même territoire géographique, ça a pu créer un certain nombre de problèmes. Certains ont dit: Bon, ça a créé des ghettos. Je n'aime pas tellement le mot «ghetto», mais ça a créé certainement des concentrations de résidences où les gens qui étaient des gens à revenus modestes se retrouvaient et ça a développé, dans certains cas, des cadres de vie pas tellement intéressants pour la majorité des citoyens. Ça a apporté beaucoup de délinquance, beaucoup de... des clientèles un peu plus sensibles au chômage ou à la perte d'emploi, les jeunes dans la rue, une certaine délinquance.

Et je regarde ce qui se passe dans la région de Charleroi, en Belgique. Dernièrement, on pouvait voir dans un bulletin de nouvelles sur TV5, région de Charleroi, où, dans certains lotissements ? ils appellent ça des lotissements ? eh bien, de HLM, même les forces policières ont de la difficulté à y aller, parce qu'on refuse d'y aller parce qu'on se retrouverait avec des situations de violence, des situations extrêmement difficiles.

Alors, c'est sûr qu'au Québec on a eu la chance de ne pas aller jusque-là, de ne pas faire ces grands, grands ensembles, ces villes uniques, là, où l'on trouve 40 000, ou 25 000, ou 50 000 résidents qui sont tous dans des HLM, hein? On a eu cette chance-là. On n'est pas allé jusque-là, bien que, par contre, dans certains secteurs de Montréal, on est allé pas loin de là. Mais, M. le Président, peut-être parce que le gouvernement fédéral a coupé son financement ou parce que, lorsqu'il y avait le ministre des Affaires municipales, M. Claude Ryan, le gouvernement libéral a essayé de changer un peu cette politique qui était la création de ces concentrations de HLM, eh bien, on a évité ça, et c'est tant mieux. Parce que, moi, je crois et nous croyons aussi, au Parti libéral, que la solution du logement social ne réside pas à regrouper les gens de même condition dans le même espace en les classant dans des grandes tours ou dans des blocs-appartements de piètre qualité, le plus grand nombre possible, et en essayant de se donner bonne conscience avec ça. Nous croyons au contraire qu'il faut faire en sorte qu'il y ait un éparpillement le plus large possible des gens qui ont besoin de logement, et quitte à ce que le gouvernement vienne les aider avec des aides, avec des allocations.

Et, M. le Président, il y a un certain nombre de programmes qui ont été mis en place. Je me rappelle, dans les années... Moi, j'ai été élu en 1985, et une des préoccupations à l'époque du gouvernement libéral, des députés, c'était justement de faire en sorte de permettre aux gens, aux Québécois, aux Québécoises, et particulièrement je parle du caucus de l'est de Montréal... Et, vous, M. le Président, qui êtes d'une circonscription de Montréal, vous avez vous-même participé à ces débats qui faisaient en sorte que vous nous disiez, vous nous indiquiez: Ce qu'il faut faire, ce n'est pas dépenser l'argent pour construire un HLM, c'est donner aux gens la possibilité d'aller louer un appartement, appartement privé. Et, si l'appartement était un peu plus élevé par rapport à leurs moyens, leurs revenus, bien, donnons-leur une allocation, donnons-leur une aide. Et je crois que c'était là certainement une très bonne solution et qui a permis à ce moment-là à un certain nombre de gens, à beaucoup de gens, beaucoup, à des milliers, des dizaines de milliers de Québécois et de Québécoises d'aller se loger dans le logement privé sans pour autant être concentrés dans ces grands centres de HLM.

Et je sais, M. le Président, que, vous-même, vous avez été un des ardents défenseurs de ça. Vous avez toujours fait en sorte que l'argent public serve à aider les gens, à aider les familles à se loger où ils voulaient se loger, dans les endroits qui étaient disponibles, qu'ils soient du privé ou qu'ils soient du public.

Sauf que le problème maintenant, c'est que, quand même qu'on a l'allocation-logement, quand même qu'on a le supplément au loyer, M. le Président, ça existe, ce sont des choses qui existent, mais on ne peut pas en profiter, pas tout le temps, parce qu'il n'y a plus de logements disponibles. Et le problème, il est là. Le vrai problème est là, puis la loi n° 49 ne règle pas ça. Ça ne touche pas à ça du tout.

La ministre, bon, elle change, elle change les structures puis elle dit: On va faire une agence puis on va récupérer avec le fédéral tel montant, telle chose. Vous allez voir que ça va finir par une chicane. Tout à l'heure, elle va nous dire qu'elle n'a pas eu assez puis que le fédéral ne nous donne pas ce qu'on devrait avoir. Ça va finir comme ça. On va finir avec de la petite politique, mais on n'aura pas réglé le problème du logement.

n(23 heures)n

Le problème du logement, pour le régler, bien, il faut encourager la construction, encourager la construction privée, puis il faut aussi qu'il y ait des programmes de supplément de loyer puis des allocations de logement pour permettre aux gens, justement, de pouvoir en profiter et faire en sorte que ceux qui vont louer, les propriétaires, eh bien, sentent qu'ils ne construisent pas pour rien.

Alors, c'est tout le débat d'une société. Est-ce qu'on doit loger... Est-ce que, comme société, on a la responsabilité de voir à ce que nos concitoyens soient logés adéquatement? Moi, je crois que oui. Nous croyons aussi, au Parti libéral, que oui. Je pense que, vous aussi, vous croyez à ces choses-là. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas prendre les moyens? Oui, si nous croyons qu'on doit, comme société, qu'on a cette responsabilité-là de loger les citoyens, de loger particulièrement les familles qui sont en difficulté, qui ont des revenus parmi les plus faibles, eh bien, on doit le faire, et si on croit aussi qu'on doit ouvrir le logement aussi aux gens des communautés culturelles, des communautés ethniques, hein, qui se voient refuser des logements parce que, quand il y a pénurie, bien, on refuse plus facilement le logement, M. le Président.

On devrait donc faire toute cette étude sur toute... Il n'y en a pas eu. On n'a jamais pris la peine. Le gouvernement nous annonce régulièrement des études sur à peu près tout puis n'importe quoi. Est-ce qu'on a pris la peine de faire une étude sur l'efficacité des mesures pour le logement social au Québec? Est-ce qu'on l'a fait? Non, on ne l'a pas fait, M. le Président. On n'a pas regardé, les sommes investies dans les HLM, qu'est-ce que ça avait donné comme résultat, les sommes investies dans les coopératives, dans les OSBL, les sommes investies dans le supplément au loyer, dans l'allocation au logement, tous ces argents-là, combien on donne par année et puis c'est quoi, le résultat, puis est-ce que c'est la meilleure façon de procéder. On ne l'a pas fait. Alors, pourquoi on ne fait pas ce débat? Pourquoi le gouvernement ne prend pas la peine de faire ce débat? On se pose la question.

Ça fait sept ans qu'ils sont ici. Au bout de sept ans, M. le Président, on se retrouve avec une crise du logement, une crise du logement. On a un gouvernement social-démocrate en face de nous, le gouvernement qui... Je me souviens, moi, M. le Président. Je suis arrivé ici en 1971, 1972. En 1973, campagne électorale. Celle qui est devenue ministre aujourd'hui, là, l'égérie de la social-démocratie se battait pour les travailleurs, se battait pour à peu près tous les gens qui semblaient avoir des problèmes. Il fallait construire des logements sociaux, il fallait tout faire. Ils sont au pouvoir, M. le Président, ça fait sept ans. Et aujourd'hui on nous dit: Il y a une crise du logement. Mais qu'est-ce qu'ils ont... Ils ont-u oublié ce qu'ils nous disaient pour venir ici, quand ils se sont fait élire, ou simplement, M. le Président, ils ne l'ont pas oublié, mais ils n'ont rien fait? Je ne le sais pas. Mais, n'empêche, c'est une réalité pareil. C'est une réalité. Parce que, lorsqu'on est vraiment... si on est vraiment social-démocrate dans une société, notre première préoccupation, c'est de faire en sorte que les classes les moins favorisées ou celles qui sont les plus sensibles ou les plus fragiles, eh bien, puissent avoir accès à un minimum de services, que ce soit le logement, que ce soit l'éducation, que ce soit la santé, que ce soit les personnes âgées dans les CHLD.

Et qu'est-ce qu'on retrouve dans ce gouvernement? Elle est où, leur social-démocratie? Ou alors c'est une social-médiocratie, pour ne serait-ce que paraphraser un animateur de radio de Montréal. Je ne le sais pas, M. le Président. Je pose la question. Je ne me permets pas de leur dire que c'est cela. Mais, pour beaucoup de nos concitoyens, ça devient la social-médiocratie. Si on regarde les personnes âgées dans les CHLD, un bain par semaine, est-ce que c'est ça, la social-démocratie? Est-ce que c'est ça, le paradis terrestre qu'on leur promettait, hein? C'est ça, l'égalité qu'on leur promettait? Ce n'est pas ça, M. le Président. Quand on regarde les travailleuses du vêtement, de la confection, qui se sont fait couper leurs conditions de travail lorsqu'on a aboli les décrets, hein, est-ce que c'est ça, la social-démocratie, M. le Président? Ce n'est pas ça. M. le Président, lorsqu'on voit des gens qui n'ont pas de logement puis qu'ils sont obligés d'aller squatter des écoles ou des édifices à Montréal, est-ce que c'est ça, la social-démocratie? Ça ne l'est pas, M. le Président.

Des voix: ...

M. Gobé: M. le Président, j'entends quelques personnes, là-bas, faire quelques remarques. Elles ont le droit de le faire. Et, moi, j'ai le droit de faire les miennes aussi. Moi, je constate, je regarde les choses. Est-ce que c'est ça, M. le Président, la social-démocratie, lorsque vous sortez des écoles avec des diplômes qui n'ont plus aucune signification, qui ont de la difficulté à vous mettre sur le marché du travail, quand vous sortez des écoles, M. le Président, que... À un point tel que les classes moyennes québécoises, les classes ouvrières sont maintenant rendues à payer 2 500, 3 000 $ par année pour envoyer leurs enfants à l'école privée parce qu'ils jugent que le système qu'on leur donne, qu'on leur offre, payé par leurs impôts, par leurs taxes, ne correspond pas aux critères jugés nécessaires pour que leurs enfants puissent se trouver une place dans la société plus tard. C'est ça, la social-démocratie, M. le Président? C'est ça qu'on a voulu faire rêver aux Québécois? Bien, ce n'est pas ça, d'après moi, M. le Président.

D'après moi, M. le Président, la social-démocratie, c'est quand on fait en sorte de donner à tous les Québécois et tous les Québécoises les outils et les moyens qui sont nécessaires pour eux, d'abord, pour vivre d'une manière très confortable. Alors, prenons l'exemple des personnes dans les CHLD, hein, les personnes âgées, les gens qui ont bâti le Québec, des gens qui ont travaillé au Québec, hein, qui ont fait en sorte que, nous, nous sommes là aujourd'hui, hein? Eh bien, on ne les parque pas dans des endroits, M. le Président, où on n'est même pas capable de leur donner les services minimaux, hein? On a vu le rapport, le chef de l'opposition a cité le rapport hier qui est sorti sur l'exploitation des personnes âgées. C'est ça, la social-démocratie? C'est là qu'on en est rendu? Elles sont où nos grandes prêtresses, nos grands prêtres de l'égalité des Québécois et des Québécoises des années soixante, soixante-dix? Ça fait 30 ans, M. le Président, qu'ils nous amènent avec ces clameurs, avec ces slogans, avec ces grands discours. On en est rendu là.

Et pourquoi j'en parle maintenant, c'est parce qu'on est rendu là aussi dans le logement. Ils n'ont pas vu venir, ils n'ont rien fait, ils n'ont pas pris la peine, M. le Président, de prévoir, et on a la situation que nous connaissons. Et, oui, il y a une crise, oui, il y a un problème du logement. Lorsqu'on parle maintenant du logement abordable, M. le Président, le logement abordable, on parle de 700 $ et plus par mois de loyer. C'est ça, le logement abordable? Mais qui, qui, si on regarde le revenu moyen des familles québécoises, particulièrement dans les grands centres urbains, eh bien, la région de Montréal, l'Outaouais, la région de Sherbrooke, qui est capable, comme famille, avec un revenu de 35 000 $ par année, hein, avec deux enfants, de payer 700 $ à 800 $ de logement par mois, M. le Président? Après ça, il faut payer le chauffage, il faut payer l'électricité, il faut payer l'automobile pour se rendre au travail, il faut payer les habits pour les enfants, il faut payer l'assurance médicaments. C'est ça? On est rendu... C'est ça, la social-démocratie? C'est ça? C'est vers ça qu'on s'en va?

Bien, M. le Président, moi, vous me permettrez de dire qu'on va voter pour le projet de loi, oui, parce que, comme disaient mes collègues, c'est un petit pas en avant, c'est quelque chose... Mais c'est un petit pas qui ne règle pas la situation, comme tous les projets de loi qui sont amenés par ce gouvernement. Ils ne font que mettre des plasteurs, ils ne font que trouver des solutions ponctuelles, des solutions qui sont... à court terme, qui peuvent sembler intéressantes, mais qui, sur le moyen et le long terme, ne règlent pas les vrais problèmes et qui font en sorte que les problèmes vont perdurer, ils vont même s'amplifier. Et on retrouve dans toutes les activités, on retrouve dans...

On le voyait ce matin, un autre projet qui démontre très bien que ce gouvernement ne pense qu'à court terme et réagit... le projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 64 sur les changements à l'état civil, hein, pour obtenir les documents à l'état civil. On va charcuter le Code civil, comme ça, là, sans tenir compte de l'ensemble de l'édifice, de tout l'équilibre de ce Code ? et vous êtes avocat, vous devez le savoir, M. le Président ? même à l'encontre des recommandations du Barreau. Pourquoi? Parce qu'on découvre d'un seul coup qu'il y a des failles et il y a des trous dans la manière d'obtenir des certificats de naissance, qui permettent d'obtenir par la suite un certain nombre de papiers officiels illégalement ou, du moins, de faux vrais papiers ou de vrais faux papiers, en tout cas. Et là on réagit, on ne bouge plus, tout ça. Bien, c'est l'image et c'est la manière de ce gouvernement.

Je le mentionnais tout à l'heure, on parlait de l'abolition des décrets. Il y a aussi le Code du travail, M. le Président. On avait un projet de loi ce matin qui était deux articles sur le Code du travail. Le Code du travail, la réforme du Code du travail, c'est une réformette. Ça faisait tellement longtemps qu'on en parlait qu'ils ont fini par ne plus rien faire parce qu'ils ont eu peur d'aller déranger leurs amis dans les syndicats. Eh bien, ils sont arrivés, lorsque le projet de loi a été déposé, ils ont arrêté la commission parlementaire. Il restait 100 et quelques articles à étudier, des amendements. On a tout passé ça rapidement dans la moulinette. Et, M. le Président, aujourd'hui, bien, on nous amène encore des projets de loi... un projet de loi pour justement dire: Il y a une omission à tel article, pour changer ci et ça.

Bien, c'est comme ça qu'ils agissent. Ils agissent en fonction de la clameur publique ou des sondages. Ils n'agissent pas pour vraiment gouverner. Ces gens-là nous ont dit qu'ils avaient des idées, ils avaient, M. le Président ? et je vais terminer là-dessus ? soi-disant des principes et un projet de société. Et tout ce qu'on se retrouve: avec des gens qui ont seulement un intérêt, celui d'essayer de se faire réélire et de se maintenir au pouvoir pour profiter du système. Ça, M. le Président, c'est les Québécois et les Québécoises qui en paient le prix, et c'est dommage, et ça nuit aussi beaucoup à la crédibilité du discours politique envers nos concitoyens.

n(23 h 10)n

Alors, M. le Président on va voter pour ce projet de loi là, un peu, comme disait mon collègue de Verdun, parce qu'on n'a pas d'autre choix et puis parce que c'était un petit gain. Mais ça ne règle rien, ce n'est pas ça qu'on devrait avoir, c'est une vraie réforme puis une vraie politique d'habitation pour les Québécois puis les Québécoises.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de LaFontaine, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du projet de loi n° 49, quant à son adoption de principe, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec. Et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition en matière d'industrie et commerce, leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le député, la parole est à vous.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, bill 49, An Act to amend the Act respecting the Société d'habitation du Québec. As I often said, Mr. Speaker, whatever else that might be, it's not an English statute when it starts that way. Mais, quoi qu'il en soit, M. le Président, malgré ce que je viens de dire, je dois d'emblée dire que, pour une rare fois, je trouve que la traduction, cette fois-ci, du projet de loi est excellente. On fait l'utilisation de termes tout à fait modernes et à jour. Very nice to see a statute properly translated into the English, for a change, Mr. Speaker. And I congratulate the people who are responsible for coming up with the translation «stakeholder» for «intervenant», which is very modern terminology, quite right. And it's a refreshing change from what we're used to. Most of our statutes, the English version is written in a somewhat arcane language that I choose to refer to as «translation ease».

M. le Président, le projet de loi sous étude comporte plusieurs articles qui visent à créer des structures. Dans un premier temps, on prévoit à l'article 15 une nouvelle agence. Ça, ce serait dans le cas d'une entente avec le fédéral, mais il n'y a rien qui nous dit que la Société d'habitation du Québec n'aurait pas pu assumer cette fonction elle-même. Je prends cet exemple dès le départ pour dire à quel point la formation politique dont je fais partie, le Parti libéral du Québec, qui est l'opposition, diffère du gouvernement non seulement sur le plan constitutionnel, ça, c'est un lieu commun... Tout le monde comprend, à moins d'être caché dans une grotte, depuis les 30 dernières années, les gens comprennent que les gens en face souhaitent, c'est leur option, c'est l'article 1 de leur constitution, ils souhaitent séparer le Québec du reste du Canada. C'est leur but avoué, et ça, c'est la partie facile. Mais la partie un peu plus compliquée, c'est de comprendre d'autres différences de fond qui nous séparent.

Ici, on est en train soi-disant de parler de logement social. Mais, plutôt que de voir à ce que chaque sou disponible pour le logement social soit dépensé pour le logement social, on va proposer la création de nouvelles structures. Ça, c'est un modèle qui se répète dans de nombreux domaines. Vous n'avez qu'à regarder le nombre de réponses qu'on reçoit à la période des questions, où tantôt le ministre de la Santé, tantôt le ministre de l'Éducation, en réponse à des questions, disent: Bien, on a réglé le problème, on a créé un autre comité. Plus d'infirmières dans l'Outaouais? Pas de problème, on a envoyé un fonctionnaire là-bas pour regarder ça.

Chez nous, à Laval, on a un hôpital, Cité de la santé, on a quatre CLSC puis on a un hôpital qui s'occupe de la réhabilitation. M. le Président, on a une régie régionale d'au-delà de 80 personnes. Il y en a quelques-uns qui s'occupent de santé publique, mais, là-dedans, il y a au-delà de 70 personnes qui font de l'administration. C'est ça, mettre de l'argent dans les structures plutôt que dans les soins directs à la population. C'est ça, mettre des argents dans la réforme d'un programme. Le ministre de l'Éducation, il se lève en Chambre et il dit: Regardez les résultats, le Québec s'est très, très bien placé au niveau international dans les examens standardisés. Youpi! Qu'est-ce qu'il fait entre-temps? Il scrape le programme existant qui a donné lieu à ces résultats-là. Puis il n'est même pas capable de nous dire quand est-ce qu'on va avoir des livres, des manuels scolaires pour soi-disant apprendre son nouveau système. C'est ça, la différence de fond entre nos deux côtés.

De notre côté, avant de mettre un sou dans les structures, dans les bureaucraties, dans l'administration, on va s'assurer que les besoins de base sont rencontrés. Non seulement le projet de loi, ici, traite soi-disant de logement social et crée la possibilité d'une nouvelle agence, à l'article 15, M. le Président, mais il y a quelque chose de tout à fait exorbitant. Oui, on parle de créer des comités consultatifs de résidents et, dans certains cas, des comités de secteurs, d'autres structures, M. le Président, d'autre argent, puis, au lieu de construire des logements pour des familles qui en ont drôlement besoin au Québec, et notamment dans la grande région de Montréal, on va créer d'autres structures.

Mais je vous invite à regarder avec nous, M. le Président, l'article 3 du projet de loi, et vous vous souviendrez de notre débat, cet après-midi, sur un autre projet de loi qui prévoyait que, dorénavant, le Code civil allait avoir des règlements d'application. Ça va vous rappeler quelque chose, quand vous regardez l'article 3, qui prévoit ceci: L'article 3.1 de la loi, qui est modifié par l'insertion, après le quatrième alinéa, du suivant:

«Toutefois, lorsque des circonstances exceptionnelles, l'imposent...» Circonstances exceptionnelles de l'avis de qui? Discrétion absolue, licence totale de déterminer qu'on va contrevenir à la loi, la changer, la vider, la détourner, il n'y a aucune balise, c'est aussi simple que ça. «Toutefois, lorsque des circonstances exceptionnelles l'imposent, la Société ? la Société d'habitation ? peut, avec l'autorisation du gouvernement...» Mais, entendons-nous bien, ce n'est pas un règlement, ce n'est pas un décret, ce n'est pas une publication à la Gazette officielle du Québec, aucune des garanties, d'habitude, qui existent dans notre société pour s'assurer qu'une décision est prise ouvertement. Nul n'est censé ignorer la loi, M. le Président? Mais comment est-ce qu'on peut savoir si quelqu'un peut se lever du jour au lendemain et dire: À bien y penser, il existe des circonstances exceptionnelles. C'est quoi? Une campagne électorale, par exemple? C'est quoi? Ils vont pouvoir évacuer le sens de la loi, avec ce pouvoir discrétionnaire.

«La Société peut, avec l'autorisation du gouvernement, mettre en oeuvre tout programme spécial ? ce n'est pas défini ? ou apporter toute modification a un programme existant ? changer la loi, changer ce qui existe déjà ? afin de tenir compte de ces circonstances exceptionnelles.» Alors, ils se lèvent un matin, ils disent: Il y a des circonstances exceptionnelles, je vais tout changer les programmes qu'on a discuté en Chambre, qu'on a prévus ouvertement à la Gazette officielle du Québec, qu'on a édictés par voie réglementaire au vu et au su de tout le monde, puis vous n'auriez pas un mot à dire.

«Les conditions ou règles d'attribution peuvent alors différer ? regardez bien, là, "les conditions ou règles d'attribution": qui va avoir un appartement, comment on va déterminer qui peut le recevoir ? de celles prescrites aux règlements...» Un règlement, par définition, c'est neutre, M. le Président, c'est non discriminatoire. C'est une des garanties de notre liberté. Mais on dit: La législation se fait en Chambre, mais on peut faire des règlements d'application, hein? On dit souvent «les lois et les règlements», le monde ne fait pas toujours la différence. Les lois sont votées ici, en Chambre, au Parlement: ouverture, démocratie, publication, entrée en vigueur, toutes les étapes pour que le monde le suive. Ici, oups! tout ça, ça vient de prendre le bord, ils peuvent changer tout ça.

«Les conditions ou règles d'attribution peuvent alors différer ? alors, s'ils ont décidé qu'il y avait des circonstances exceptionnelles ? de celles prescrites aux règlements pris en vertu de la présente loi. La Société, doit dans son rapport annuel d'activités, faire état de l'utilisation de ce pouvoir...» Big deal! Un an plus tard... parce que c'est souvent plus qu'un an plus tard parce que, rappelez-vous, le rapport annuel est préparé dans les x mois de la fin de l'exercice. Le Parlement ne siège pas. S'il y a une élection ou d'autres circonstances, ça peut être reporté un an plus tard. On ne saurait même pas quelle sorte de grenouillage il s'est fait avec les règlements normalement existants là-dedans.

«La Société doit, dans son rapport annuel d'activités, faire état de l'utilisation de ce pouvoir d'exception et des raisons qui en ont justifié l'utilisation.» Regardez bien, M. le Président, aucune obligation de se justifier d'avance. Prérogative royale pour la ministre. Plus de 200 ans de l'existence du parlementarisme ici, au Québec, et voilà où on en est venu, avec ce gouvernement du Parti québécois. Allez, oublie les lois, oublie les règlements, c'est bien trop encombrant! Justifier une dérogation? Voyons donc, on est des péquistes. Quand, nous, on décide que quelque chose a besoin d'être changé, on va le changer. Que ce soit écrit dans une loi ou dans un règlement, on s'en fout, on va le changer. Puis on ne vous dira pas d'avance pourquoi on a choisi de le changer. Dans l'autre rapport annuel qui va sortir à la fin du prochain exercice, qui serait déposé dans les x jours du début de la prochaine session parlementaire, vous lirez pourquoi on a décidé de le changer. De toute beauté, ça!

Les gens qui sont sur des listes d'attente pour du logement social, M. le Président, ils ont le droit à un traitement équitable, ils ont le droit d'être traités selon des normes qui s'appliquent à tout le monde. Ça, c'est une invitation à toutes sortes de tripotages, c'est une invitation ouverte à contourner les règles existantes, et on ne le saura pas tant que ça n'a pas été publié dans le rapport annuel de la SHQ.

n(23 h 20)n

J'ai essayé de voir s'il y avait des exemples ou des modèles de ce genre de recours à une notion vague et floue, à un pouvoir exceptionnel, un pouvoir d'édicter, comme ça, sans autorité, sans le devoir de rendre des comptes, et on en trouve très peu.

The closest thing I came to finding that had anything to do with this, Mr. Speaker, is the emergency power. Of course, we all remember Lord Pearce's speech in the majority in the Burmah Oil case. Lord Reid was of a similar view. They were saying... And I'll read from Lord Reid's speech in Burmah Oil, Mr. Speaker, so that you'll be able to follow with us. It goes to say: «It has been suggested that some greater right arises in an extreme emergency, but it would be very strange if the law prevented or discouraged necessary preparations until a time when it would probably be too late for them to be effective. But, as I shall try to show later, there are some kinds of action for which the need only arises in an extreme emergency in the face of the enemy, and there the position is different.

«There is difficulty in relating the prerogative to modern conditions. In fact no war which has put this country in real peril has been waged in modern times without statutory powers of an emergency character.»

On a décidé, dans cette cause, que le gouvernement n'avait pas un droit absolu de prendre la propriété privée et de la détruire, qu'il devait une compensation. Et ça, c'était dans le cadre que je viens de donner, un cadre autrement plus sérieux que celui qui est devant nous aujourd'hui.

Aussi, M. le Président, on peut se rappeler que le Conseil privé a maintenu le pouvoir de l'exécutif de prendre de l'action au terme d'un octroi de pouvoir tout aussi large que celui devant nous, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, dans la cause Co-operative Committee on Japanese Canadians and the Attorney General of Canada. Puis, encore là, M. le Président, je vais me permettre de citer une partie de la décision. Cette fois-ci, il s'agit de Lord Wright: «Under the British North America Act property and civil rights in the several provinces are committed to the provincial legislatures, but the Parliament of the Dominion, in a sufficiently great emergency such as that arising out of war, has power to deal adequately with that emergency for the safety of the Dominion as a whole. The interests of the Dominion are to be protected and it rests with the Parliament of the Dominion to protect them. What those interests are, the Parliament of the Dominion must be left with considerable freedom to judge. Again, if it be clear that an emergency has not arisen, or no longer exists, there can be no justification for the exercise or continued exercise of the exceptional powers.»

M. le Président, regardez ce qu'on a devant nous. On n'est pas dans un état de guerre ou de crise aussi aiguë et évidente que les causes en question, et, même là, depuis lors, tous les commentateurs qui ont regardé la manière qu'on a exercé ces pouvoirs exorbitants à l'époque les critiquent vertement. Frank Scott, l'éminent constitutionnaliste, a même écrit, parce qu'il était par ailleurs un très grand poète, a écrit un poème dénigrant ce recours, ce renvoi à ces pouvoirs d'exception. On appelait ça The Emergency Doctrine, la doctrine de l'urgence. Et, dans le poème en question, il disait, en gros: «Emergency! Emergency! Give us an emergency!» Alors, tu n'as qu'à sortir cette incantation et tu pouvais faire ce que tu voulais.

Évidemment, ça va à l'encontre de tout ce que l'on chérit dans un système parlementaire basé sur la primauté du droit. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, la primauté du droit? Ça veut dire que nos droits et les limites à ces droits sont encadrés par un processus démocratique exprimé sous forme d'une loi. C'est ici, dans cette Chambre, qu'on décide ces choses-là, M. le Président. Ce n'est pas à un ministre assis dans son bureau de dire: Bien, as-tu vu ce qu'on a réussi à adopter avec le projet de loi n° 49? C'est super! D'ici à l'élection, on peut enlever tout ce qui nous enquiquine, on peut changer les règles d'attribution, on peut donner les appartements à nos copains, on peut faire ce qu'on veut, on n'aura même pas besoin de se justifier au préalable. On n'aura qu'à donner une petite indication ? puis ça va être après les prochaines élections ? on n'aura qu'à donner une petite indication de ce pour quoi on a décidé qu'on n'appliquait plus la loi.

À tout bout de champ ? vous l'avez vu aussi, M. le Président ? il y a des gens qui administrent des lois, qui aimeraient bien décréter des moratoires. On entend celle-là souvent: Le ministre Untel a décrété un moratoire de l'application de telle, telle affaire. Ah, oui? En vertu de quoi? Il n'y a pas... Ça n'existe pas, pour un ministre, de décréter un moratoire. Il y a différents pouvoirs dans notre système. Nous, on est, ici, le législatif; ce qu'on appelle l'exécutif, c'est le Conseil des ministres; et finalement, évidemment, il y a le judiciaire, les juges, les tribunaux indépendants, autonomes. L'exécutif doit rendre des comptes au législatif. Ils n'ont pas le droit de changer une loi.

Mais c'est précisément ce que l'article 3 du projet de loi projette de faire, de donner carte blanche pour écarter en tout ou en partie les normes régulières d'attribution prévues aux termes d'une loi. C'est tout à fait exorbitant des pouvoirs normaux dans tout Parlement qui se respecte. C'est inadmissible, ce que le gouvernement est en train de faire ici, avec l'article 3, M. le Président, inadmissible. Et c'est le même jour où on est allé à l'encontre d'un principe de base contenu dans notre Code civil. C'est-à-dire que le Code civil, c'est la loi qui régit les relations entre les citoyens, c'est notre loi de base dans un système basé sur le droit civil français. Puis là on va avoir des dispositions habilitantes à l'intérieur du Code civil pour renvoyer à l'adoption ou la prise de règlements. Ce n'est pas comme ça que ça marche, un Code civil, par définition. Et ce n'est certainement pas comme ça que les lois doivent marcher: donner un chèque en blanc. Le ministre ose se présenter dans cette Chambre, présenter un projet de loi où on s'auto-octroie le pouvoir de faire ce qu'on veut avec la volonté du peuple. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président.

Et je vous avoue que, si les gens de l'autre côté, qui se gargarisent d'expressions où ils vantent la démocratie, la social-démocratie, comme mon collègue le député de LaFontaine le mentionnait tantôt, s'ils réfléchissaient quelque peu au dérapage que cet article représente dans notre société, je suis convaincu qu'il y a des personnes de l'autre côté qui se réviseraient et comprendraient que l'article 3 ne devrait pas faire partie de notre législation au Québec. Mais on est venu tellement loin, avec le Parti québécois, au cours des dernières années et surtout au cours des derniers mois. Et on le voit à tous les jours, c'est cette arrogance, c'est cette suffisance. D'être rendu à proposer dans un projet de loi qu'on peut se lever un bon matin et décider qu'est-ce qui s'applique et qu'est-ce qui ne s'applique pas, c'est l'apothéose, c'est l'ultime illustration de cette arrogance gouvernementale de fin de régime du Parti québécois.

C'est pour cette raison, M. le Président, que je vais me permettre de faire une motion, en vertu de l'article 100 de notre règlement, pour l'ajournement du débat. Comme vous le savez, en vertu de l'article 100, cette motion peut être proposée à tout moment de la séance et ne peut l'être qu'une seule fois. Et, M. le Président, je pense que ça risque de nous donner l'occasion, ou de réitérer notre objection profonde vis-à-vis de cet article 3, ou de donner l'occasion à mes collègues d'en face de bien réfléchir au contenu du projet de loi n° 49 et de changer leur idée là-dessus. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre motion d'ajournement est recevable. Alors, c'est une motion qui est en vertu de l'article 100. Est-ce que vous avez des commentaires? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je comprends que, plutôt que de débattre de la motion, nous pourrions l'adopter. Et j'en profiterais par la suite pour proposer d'ajourner nos travaux à demain.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Cette motion d'ajournement du débat proposée par M. le député de Chomedey est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 12 décembre 2001, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, la motion d'ajournement est adoptée. Donc, les travaux reprendront demain, le 12 décembre, mercredi, à 10 heures. Et bonne soirée à tous!

Ajournement

(Fin de la séance à 23 h 30)