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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, June 4, 1996 - Vol. 35 N° 23

Consultations particulières sur le projet de loi n° 33 - Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Lyse Leduc, présidente suppléante
M. Claude Boucher, président suppléant
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Solange Charest, présidente suppléante
M. Jean Rochon
M. Pierre Marsan
M. Régent L. Beaudet
M. Russell Copeman
M. Russell Williams
M. Lévis Brien
Mme Marie Malavoy
M. Daniel Paillé
*M. Roch Bernier, CMQ
*Mme Joëlle Lescop, idem
*Mme Michelle Lussier-Montplaisir, idem
*M. Rémi H. Lair, idem
*Mme Gyslaine Desrosiers, OIIQ
*Mme Marie Valois, idem
*Mme Lorraine Pagé, Coalition FTQ-CSN-CEQ sur le projet de loi n° 33
*M. Clément Godbout, idem
*M. Gérald Larose, idem
*M. Marc Laviolette, idem
*Mme Catherine Vallée, AQRP
*Mme Marie-Luce Quintal, idem
*M. Claude R. Bouchard, idem
*M. Jean-Marie Marcotte, FADOQ
*Mme Nicole T. Moir, idem
*Mme Theresa Firestone, AGMC
*M. John Stante, idem
*M. Richard Normandeau, idem
*Mme Louise Champoux-Paillé, LEUCAN Inc.
*Mme Linda Brisson, idem
*M. Ronald Davidson, idem
*M. Jacques Chénier, idem
*Mme Nancy Trépanier, FNACQ
*M. Daniel Germain, idem
*M. Richard Dagenais, idem
*M. Aldo Baumgartner, ACIM
*M. Yves Rosconi, idem
*M. Jacques Letarte, idem
*M. Robert Dugal, idem
*M. Jean-Luc Blais, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Vaive (Chapleau) sera remplacée par M. Beaudet (Argenteuil).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Chaque membre a eu l'ordre du jour. Alors, nous recevons, pour débuter, les représentants du Collège des médecins du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes de remarques préliminaires et qu'on procède ensuite à l'échange. Et, avant de commencer, j'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, noms et titres, s'il vous plaît.


Auditions


Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Bernier (Roch): Merci, M. le Président. Je suis le Dr Roch Bernier, président du Collège. À ma gauche, le Dr Michelle Lussier-Montplaisir, médecin de famille avec un intérêt particulier aux soins aux personnes âgées. À ma droite, le Dr Joëlle Lescop, qui est la secrétaire générale du Collège, et le Dr Rémi Lair, qui est le secrétaire général adjoint du Collège. Mes collègues participeront à la période de questions et je vous ferai une courte présentation du mémoire au début de cette audition.

Alors, si vous voulez bien, le Collège désire d'abord remercier la commission de nous permettre de participer à cette consultation sur le projet de loi n° 33. Le Collège des médecins est très sensible à toute la problématique concernant l'accès aux médicaments et déplore qu'une partie importante de la population québécoise n'ait aucune assurance couvrant le coût des médicaments. Le Collège des médecins du Québec a déjà eu l'occasion de formuler des commentaires préliminaires au comité ministériel présidé par M. Claude Castonguay. Pour ceux que ça intéresse, nous avons avec nous un certain nombre de copies du bulletin du Collège qui font état de ces remarques préliminaires auprès du comité Castonguay. Le Collège avait alors souscrit entièrement au projet gouvernemental qui visait à mettre en place un régime universel d'assurance-médicaments. Rassurez-vous, M. le ministre, nous sommes toujours de cet avis. Pour le Collège des médecins du Québec, un tel régime permettrait, en plus de corriger les inéquités du système actuel, d'améliorer l'accès aux médicaments requis par la condition des patients, première étape essentielle à l'observance du traitement pharmacologique.

Les commentaires du Collège des médecins du Québec porteront aujourd'hui particulièrement sur les aspects reliés à l'utilisation des médicaments et des divers mécanismes prévus par le projet de loi soit pour dresser la liste des médicaments dont le coût est garanti par le régime, soit pour assurer une utilisation optimale de ces mêmes médicaments.

Considérations d'ordre général, tout d'abord. Il est intéressant de constater qu'après avoir bénéficié d'un régime d'assurance-hospitalisation et d'un régime d'assurance-maladie que certains appellent assurance-santé, la population du Québec pourra finalement accéder à un régime général d'assurance-médicaments. Les médicaments étant une partie essentielle du traitement des maladies et des pathologies présentées par les patients, il est devenu impérieux de permettre à l'ensemble de la population d'y avoir accès. Le Collège est donc entièrement d'accord avec la protection de base et les conditions prévues par le régime, de même qu'avec la contribution financière exigée des patients, contribution modulée selon le revenu familial.

Le Collège, toutefois, ne se sent pas très à l'aise pour discuter ni des modalités de financement du régime, ni des rôles relatifs du secteur public ou privé dans la gestion du régime, ni du montant de la franchise, ni du pourcentage de la coassurance. Il veut cependant partager certaines inquiétudes. Il est dommage que la mise sur pied d'un tel régime survienne à un moment où l'état des finances publiques amène le gouvernement à imposer au système de santé des coupures draconiennes. Il est également surprenant de constater que l'objectif d'un tel programme soit aussi de récupérer une partie importante des coûts du régime d'assurance-médicaments actuellement géré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, alors qu'il lui a été impossible de contrôler ces coûts dans ce secteur qui a connu une inflation marquée depuis son instauration, même si, au cours des deux dernières années, il y a des éléments importants de contrôle qui semblent apparaître.

Le Collège des médecins, toutefois, est très conscient de la difficulté de financer de nouveaux programmes et espère que la contribution qui sera requise des divers groupes de la population sera suffisante pour assurer la couverture universelle qui est recherchée dans le projet de loi. Par ailleurs, il faut s'assurer que la participation financière qui sera demandée aux personnes et aux familles ne soit pas telle qu'elle entraîne une inobservance thérapeutique où les patients négligeraient, par souci d'économie, de se procurer un médicament nécessaire. Des éléments d'information seront capitaux pour assurer d'éviter ce piège et la participation des médecins à cette campagne d'information sera aussi essentielle, et vous pouvez être assurés que le Collège va la soutenir.

Conditions particulières, maintenant, qui touchent le projet de loi. Trois aspects du projet de loi seront discutés plus à fond, soit le Conseil consultatif de pharmacologie, la liste de médicaments et le Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Un quatrième aspect, la constitution implicite d'un fichier central, sera également abordé. Ces aspects seront présentés en tenant compte de la mission du Collège des médecins qui est de promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l'amélioration de la santé des Québécois. Le Collège des médecins s'acquitte de cette mission en assurant une formation appropriée aux nouveaux médecins, en s'impliquant de façon croissante dans le contrôle de la qualité de l'exercice de ses membres, notamment par l'intermédiaire de programmes de visites d'inspection professionnelle, et en jouant un rôle actif dans la mise sur pied de programmes d'éducation médicale continue.

Depuis quelques années, le domaine de la pharmacothérapie, ou des médicaments, si vous préférez, préoccupe plus particulièrement le Collège des médecins, qui a pris à cet égard plusieurs initiatives dont l'établissement d'un comité conjoint avec l'Ordre des pharmaciens, une participation active à la mise en place d'un réseau de revue de l'utilisation des médicaments en centre hospitalier et le développement de programmes ciblés visant à contrôler l'utilisation, notamment, des benzodiazépines et des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Le Conseil consultatif de pharmacologie, les articles 51 à 57. Compte tenu de l'importance de ce Conseil dans la mise à jour de la liste des médicaments, le Collège désire formuler au ministre certaines recommandations concernant sa composition. Il suggère que le président du Conseil soit, en alternance, un médecin ou un pharmacien et demande, de plus, que les quatre experts en pharmacologie mentionnés à l'article 51 du projet de loi soient respectivement deux médecins cliniciens et deux pharmaciens nommés après consultation avec le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens. Le Collège propose également que la nomination initiale des membres du Conseil prévue à l'article 52 se fasse pour des périodes différentes de façon à éviter que tous les membres ne soient remplacés en même temps.

Quelques remarques touchant la liste des médicaments, les articles 58 et 59. Compte tenu que la liste de médicaments dressée par le ministre de la Santé détermine en quelque sorte l'accessibilité de la population québécoise aux médicaments disponibles sur le marché, il apparaît important de prévoir un mécanisme d'appel qui permettrait de donner une deuxième opinion au ministre de la Santé dans les cas où l'inclusion ou l'exclusion d'un médicament sur la liste serait contestée. Aussi, le Collège suggère de créer un comité de révision composé de deux médecins et de deux pharmaciens recommandés par leur ordre professionnel et d'un représentant du public nommé par le ministre, qui en assurerait la présidence. Ce comité serait responsable d'étudier les cas litigieux et de donner un avis supplémentaire au ministre. Il est par ailleurs important que la liste des médicaments soit fréquemment révisée pour s'adapter aux changements rapides dans ce secteur.

Quelques remarques, mais non moins importantes, concernant le Comité de revue de l'utilisation des médicaments, touchant les articles 69 à 75. Le Collège estime essentiel que le Comité de revue de l'utilisation des médicaments soit implanté dès la mise en place du régime d'assurance-médicaments. En effet, selon le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments présidé par M. Claude Castonguay, le programme RUM constitue, et je le cite, «un processus structuré et continu d'évaluation de l'utilisation des médicaments par des pairs, dans un environnement précis de soins de santé, et prévoyant des stratégies d'intervention destinées à améliorer les aspects de la thérapie par les médicaments qui ne satisfont pas aux critères d'évaluation. Le but ultime de cette activité est d'atteindre une pharmacothérapie optimale.»

Le Collège est d'avis que les deux ordres professionnels doivent jouer un rôle prépondérant à l'intérieur de ce Comité, puisque certaines des fonctions qui lui sont dévolues touchent spécifiquement le contrôle de l'exercice professionnel des membres et que ce contrôle relève directement du mandat des ordres. Aussi est-il suggéré que le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens désignent leur représentant, comme cela est autorisé d'ailleurs pour le représentant des doyens des facultés de médecine et des écoles de pharmacie du Québec. Le Collège est d'accord que le président et le vice-président soient alternativement un représentant du Collège des médecins ou de l'Ordre des pharmaciens.

(11 h 30)

Quant au rôle joué par le Comité RUM, le Collège est d'accord avec la fonction générale attribuée au Comité RUM, qui est de favoriser l'utilisation optimale des médicaments, et il comprend que ce Comité doive procéder au choix des médicaments qui feront l'objet d'une revue d'utilisation et assurer l'élaboration des critères d'utilisation des médicaments choisis pour le RUM. Le Collège continue de croire qu'il revient plutôt aux ordres professionnels, en collaboration avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec et en consultation avec le Comité RUM, d'informer les professionnels de la santé des critères d'utilisation des médicaments retenus. En effet, permettre au Comité RUM d'informer directement les professionnels de la santé de ces critères d'utilisation pourrait mener à des contradictions avec les guides d'exercice déjà élaborés par les ordres professionnels sur un sujet identique et, je vous dirais, en contradiction par rapport au but ultime du Comité RUM, qui est l'utilisation optimale des médicaments. Parce que les gens ne feront pas la différence entre l'effort de contrôler les coûts versus l'effort d'améliorer l'utilisation des médicaments. Si vous voulez que cette différence-là se fasse clairement dans la tête du praticien, il faut que la commande vienne de quelqu'un dont il respecte l'intégrité, surtout vis-à-vis de la question des coûts.

Compte tenu, donc, qu'au sein du Collège des médecins et de l'Ordre des pharmaciens il existe des mécanismes d'éducation continue, nous sommes d'avis qu'il revient, de façon prioritaire, aux deux ordres concernés de développer des stratégies de formation, d'information et de sensibilisation susceptibles d'améliorer la prescription et la dispensation des médicaments, tel que vous le stipulez à l'article 70.6°. Cependant, le Collège estime aussi que toute action prise à l'égard d'un professionnel à partir de données cliniques individualisées doit être du ressort exclusif des ordres professionnels. Le Collège insiste auprès du ministre pour que la transmission des profils de prescription ou de dispensation des médicaments soit assurée respectivement par le Collège des médecins et par l'Ordre des pharmaciens et non par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. En effet, une intervention directe de la Régie ne ferait qu'augmenter la résistance des médecins et des pharmaciens à toute intervention visant à modifier leur profil d'exercice. En supportant concrètement, voire même financièrement, les ordres professionnels dans leur mandat de contrôle de l'exercice, le ministre maximisera tous les efforts déployés dans ce secteur.

Quant à l'évaluation du programme RUM, nous suggérons que celle-ci soit faite en étroite collaboration avec les deux ordres professionnels.

Finalement, le Collège des médecins partage l'avis de l'Ordre des pharmaciens quant au fait que le Comité RUM pourrait fort bien être créé par décret gouvernemental et ne requérir, en fait, aucune modification législative à la Loi sur l'assurance-maladie. Compte tenu des discussions qui ont déjà eu cours entre la Régie et nos ordres respectifs, le RUM serait un mécanisme d'évaluation géré par les pairs sous la supervision des ordres professionnels. Ainsi, le Comité RUM n'aurait qu'à communiquer ses conclusions et ses recommandations aux deux ordres qui ont non seulement l'expertise requise, mais également la capacité juridique nécessaire pour intervenir auprès de leurs membres par l'entremise du Service d'inspection professionnelle ou du Service d'éducation continue.

La dernière préoccupation du Collège vise la possibilité que soit constitué un fichier central concernant la prescription des médicaments par chaque médecin et l'utilisation des médicaments par chaque patient. Il est vrai que le projet de loi ne prévoit pas spécifiquement la constitution d'un tel fichier, mais, par ailleurs, le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments, qui est à la base du projet de loi, a rappelé que les revues d'utilisation des médicaments sont impossibles en l'absence d'une banque de données appropriée. Il semble donc évident qu'un fichier de cette nature soit nécessaire pour que le programme de revue d'utilisation des médicaments en milieu ambulatoire puisse fonctionner.

Le Collège n'a aucun problème avec la constitution d'un tel fichier, d'autant plus que nous vivons dans un système où la RAMQ exploite déjà un certain nombre de fichiers contenant des informations relatives aux bénéficiaires, aux pharmaciens, aux médecins prescripteurs et aux médicaments prescrits. Ce qui inquiète cependant le Collège est l'utilisation qu'on pourrait faire d'un tel fichier. Pour le Collège, il est primordial que ce genre de fichier soit bien balisé, bien encadré et qu'en tout temps la confidentialité des informations soit respectée. À ce sujet, des mesures doivent être instaurées pour empêcher qu'un tel fichier puisse être utilisé à d'autres fins que celles prévues par le projet de loi.

En conclusion, M. le ministre, tout comme le ministre de la Santé, le Collège croit que le projet de loi constitue une mesure sociale nécessaire à une époque où le réseau des services de santé vit une transformation profonde. De plus, le Collège ne peut être qu'en faveur d'un programme qui, tout en assurant une couverture raisonnable et équitable, met sur pied un processus dont l'objectif est d'améliorer la prescription et la distribution des médicaments requis par l'état de santé des patients québécois. Cependant, le Collège refuse, dans un tel système, d'être un simple spectateur ou un collaborateur de bas niveau. Compte tenu de son mandat de protection du public, compte tenu de sa mission de promouvoir une médecine de qualité, compte tenu aussi de son expertise dans le domaine de l'inspection et de l'éducation médicale continue, le Collège insiste pour être responsable des domaines qui relèvent de sa compétence. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Dr Bernier. Alors, je cède la parole en premier lieu au ministre de la Santé, ensuite au député de l'opposition, et Mme la députée de Rimouski a aussi demandé à intervenir. M. le ministre.

M. Rochon: Oui. Mme la Présidente, je veux d'abord remercier nos invités d'avoir accepté non seulement de nous rencontrer aujourd'hui, mais pour tout le travail et toute la collaboration qu'ils ont donnés au ministère de façon générale et singulièrement, aussi, en ce qui regarde... depuis le temps ou l'époque du comité Castonguay en regard de la préparation de ce projet. Je peux vous assurer que vous êtes pour nous des collaborateurs et des partenaires de haut niveau.

Je voudrais vous... Vous centrez une bonne partie de votre présentation sur la Revue d'utilisation des médicaments, et c'est très, très, très pertinent. C'est essentiel que toutes les discussions qu'on a déjà eues là-dedans nous amènent, au moment d'adopter ce projet de loi, à une conclusion où tout le monde se sent confortable, parce que c'est un mécanisme essentiel pour le fonctionnement du régime. J'aurais trois questions pour bien comprendre, là, ce que vous nous dites et voir comment on donne suite, trois questions en rapport avec le RUM. Vous nous dites, d'abord, à la page 7, je pense, de votre rapport, au premier paragraphe, que vous souhaiteriez – et, effectivement, l'Ordre des pharmaciens a soulevé la même question hier, la même suggestion – que le RUM soit créé dans un décret plutôt que dans la loi. J'ai rappelé à nos visiteurs de l'Ordre quelle était notre intention, et je voudrais avoir un peu votre réaction, si c'est un peu dans le sens de celle qu'ils ont eue hier.

Le choix de le mettre dans la loi était vraiment de pouvoir montrer l'ensemble du fonctionnement du système dans une même pièce de législation, pour qu'on voie bien qu'il ne s'agit pas seulement d'adopter une loi qui donne la partie purement logistique, administrative et des éléments financiers du régime d'assurance comme tel, mais qu'on voie très bien là qu'il s'agit d'un régime qui a plusieurs facettes et qui a plusieurs objectifs: d'assurer l'accès aux médicaments, d'en contrôler les coûts, d'assurer la qualité, et le reste. Il y a d'ailleurs un article qu'on va rajouter, qu'on va.... Plus clairement, on va proposer, à l'article 1 ou au début, qu'on réfère à ce qu'était notre intention, ce qu'on a dit mais qu'on n'avait pas mis dans la loi, à une politique du médicament dont le ministère et le ministre, bien sûr, auraient la responsabilité et qui inclurait différents éléments, comme, par exemple, tout le domaine de la recherche, du développement, tout le domaine de l'information et de la formation et des choses comme ça.

En plus de la politique, il apparaissait qu'il y a deux éléments très structurants pour qu'un régime comme ça, on fonctionne bien avec les objectifs dont on a parlé: le Conseil consultatif de pharmacologie, comme j'en ai parlé, et le Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Il nous semblait qu'il y avait une logique que la même législation montre l'ensemble du système. Pour les deux comités très structurants et la politique, il y avait aussi un peu une assurance de stabilité et de protection, dans un sens, si vous voulez, de retrouver ça dans la loi, quitte à ce qu'on n'aille pas dans tous les détails et qu'on aille par décret ou par règlement pour ce qui regarde le fonctionnement du mécanisme, mais d'aller au-delà du décret pour créer et donner un mandat au RUM. Je ne veux pas interpréter trop, mais la réaction de l'Ordre des pharmaciens a été, je pense, plutôt positive. Ils ne se sont pas commis définitivement, mais ils ont avoué que c'est un aspect de la question qu'ils n'avaient pas vu et qu'ils seraient prêts à le reconsidérer.

Alors, j'aimerais avoir votre réaction là-dessus. Mais, là-dessus, on peut ajuster d'un côté ou de l'autre, mais il me semble qu'on perd quelque chose si on n'a pas tout le système bien articulé dans une loi qui a toute sa cohérence.

M. Bernier (Roch): En fait, une partie des remarques qu'on vous fait dans notre rapport...

M. Rochon: Voulez-vous que je vous donne les trois questions tout de suite?

M. Bernier (Roch): Parfait.

M. Rochon: Puis vous les enchaînez...

M. Bernier (Roch): Très bien.

M. Rochon: ...parce qu'elles se relient un peu. Il faut se rappeler que, pour ce qui est des éléments qui donnent la structure de base même du RUM, si on les a dans la loi et qu'on s'est bien entendu, il y a... J'insiste sur l'aspect de la protection, je pense, qui m'apparaît important. Un décret, ça peut être vite changé. C'est peut-être bon d'avoir des choses par décret ou règlement qui sont plus au niveau de la gestion pour qu'on s'adapte à l'évolution des choses, mais, quand on veut créer quelque chose qui va être tellement une pièce structurante du système, peut-être... Bon. Vous réagirez là-dessus, mais on veut être bien sûr de voir, là, s'il y a plus d'inconvénients, dans la balance des inconvénients, s'il y en a, pour qu'on choisisse du bon côté.

(11 h 40)

Deuxième question reliée au RUM, qui est le rôle des ordres par rapport au rôle de la Régie de l'assurance-maladie dans le RUM. On a de longues discussions là-dessus. Il y a d'ailleurs un protocole, finalement, dont on a convenu avec le Collège, l'Ordre des pharmaciens et la Régie de l'assurance-maladie. Et, moi, je n'ai aucune difficulté quant au rôle, je dirais, prépondérant, sûrement, des ordres professionnels. Parce que le RUM, ce n'est pas la police du médicament, ça, c'est vraiment, comme vous l'avez très bien dit, un outil de gestion qui veut nous donner des moyens de faire l'évaluation, de faire la formation et l'information au sujet de l'utilisation du médicament. S'il y a des interventions à faire, de quelque nature que ce soit, auprès des professionnels, c'est, bien sûr, dans notre législation, les ordres professionnels qui ont non seulement ce pouvoir, mais cette responsabilité de faire ça. Ça, donc, il n'y a pas de problème quant au fond.

Dans le protocole qui existe déjà entre nous, c'est ce que la loi voulait un peu refléter, on dit, à un endroit, effectivement, que le Comité RUM, qui est présidé par un médecin ou un pharmacien, peut demander soit à la Régie, soit aux ordres professionnels, selon les circonstances, de communiquer avec les professionnels de la santé. Je pense, j'ai cru comprendre que ça a été prévu dans nos discussions pour se donner un peu de souplesse. Le Comité, de toute façon, est présidé. Alors, la présidence et la vice-présidence sont assurées par des représentants des ordres. On voulait se donner là une certaine souplesse, ici, pour certaines raisons. Selon les circonstances, ça pourrait être plus efficace que le Comité, étant d'accord, lui, demande à la Régie ou aux ordres certaines communications. Est-ce que vous êtes toujours d'accord là-dessus ou si, en y ayant repensé, vous voulez vraiment aller jusqu'au point de nous dire que la Régie, pour tout ce qui regarde les activités du RUM, jamais ne communique avec les professionnels, c'est toujours les ordres, ou si c'est plutôt quelque chose qu'il faut baliser, et quitte à le baliser correctement?

Troisième question, toujours en rapport avec le RUM. À l'article 75 de la loi, on fait le lien aussi, quand même, entre le Comité, son mandat et le ministre, où on dit: «Le Comité fournit au ministre tout renseignement qu'il requiert sur ses opérations. Le Comité soumet au ministre son plan annuel d'activités et doit, au plus tard le 31 mars de chaque année, remettre au ministre un rapport ainsi qu'une évaluation de ses activités pour l'année se terminant le 31 décembre précédent.» Vous n'avez pas fait de commentaires là-dessus. Ça va sans le dire, mais ça va mieux en le disant. Je voulais être bien sûr que vous êtes d'accord là-dessus, qu'il n'y a rien à améliorer ou à bonifier de ce côté-là.

La Présidente (Mme Leduc): Dr Bernier.

M. Bernier (Roch): Alors, on va commencer par ce qui est plus facile. On est d'accord par la... Pour répondre à la troisième question, on n'a pas de problème avec ce qui est demandé.

Par rapport à votre première question, loi versus décret, je dois vous avouer là-dessus que ce que vous nous avez dit, qu'un décret, c'est plus souple, on peut le changer facilement, c'est l'aspect qui était important pour nous, compte tenu de la façon dont certains des éléments du Comité RUM étaient libellés. Je vous avoue que, si vous acceptiez certaines des remarques et que le rôle des ordres était parfaitement bien campé par rapport à celui de la Régie, ces obstacles-là tomberaient, puis on serait d'accord à ce que ça fasse partie du projet de loi, parce qu'il y a une certaine cohérence à présenter ça comme une vue d'ensemble, et on n'a pas de difficultés avec cet aspect-là. Mais, libellé comme il était là, avec les rôles qui étaient délicats, ça semblait plus difficile. Si vous acceptez certains éléments dans ce qu'on vous propose, en tout cas, comme étant une façon de bonifier le projet, on va se rallier à ce point de vue là aussi. Il n'y a pas de raison qu'on ne se rallie pas là-dessus, d'autant plus que vous nous dites bien que l'Ordre des pharmaciens s'est quand même rallié à vos explications sur cet élément-là.

Pour ce qui est de l'autre aspect, vous avez effectivement raison. En y repensant et en se repenchant là-dessus, malgré les discussions et en comprenant bien les interventions possibles que la Régie pouvait peut-être vouloir faire dans ce domaine-là, particulièrement concernant l'aspect des coûts des médicaments, on a pensé qu'il faut absolument séparer ces deux éléments-là et qu'il faut que ce soient les ordres professionnels qui interviennent auprès des membres dans la fonction du RUM, sinon on va déformer la compréhension et la perception du rôle de ce Comité-là par rapport aux membres. Si les membres ne participent pas, c'est beaucoup plus grave que si les ordres ne participent pas. Ça va être inefficace, comme mécanisme d'impact, sur les prescripteurs, chez les médecins, qui sont ceux qui font les prescriptions pour les médicaments. Donc, on y a repensé, à cet élément-là, et c'est très important pour nous que la communication avec les membres, ce soit réservé... Et on va faire un effort important dans cette communication-là pour s'assurer que ce soit perçu comme une formation continue plutôt que de l'inspection ou des mécanismes de contrôle, pour faire en sorte que l'adhésion du plus grand nombre possible à ces mesures-là ou à ces recommandations-là soit assurée.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. M. le député de Robert-Baldwin et critique de l'opposition officielle.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente, et merci à vous pour avoir accepté l'invitation de la commission et nous avoir présenté des recommandations fort pertinentes, là, au moment où nous nous apprêtons à étudier un projet de loi aussi important.

Vous avez comme mandat, étant le Collège des médecins, de protéger le public. Vous nous avez dit tantôt que vous n'étiez pas vraiment à l'aise pour discuter des modalités du régime proposé, particulièrement les coûts au niveau des primes, de la coassurance, des franchises. Et nous savons, nous, que... Depuis que nous avons commencé les audiences publiques, eh bien, plusieurs groupes sont venus nous dire que les coûts sont extrêmement élevés. Hier, c'était le Front commun des personnes assistées sociales qui nous ont dit que ce n'était pas possible pour eux de payer le coût des médicaments, qu'ils auraient à choisir entre manger ou payer leurs médicaments. Comme vous avez toujours ce mandat extrêmement important, et c'est la raison d'être, de protéger le public, si les coûts sont trop élevés, les coûts du régime d'assurance-médicaments, comment, vous, le Collège des médecins, vous allez protéger le public?

M. Bernier (Roch): Est-ce que quelqu'un veut répondre? C'est bien sûr que, si les gens ne peuvent pas payer soit leur prime de base ou leur coassurance, indépendamment des plafonds qui ont été émis, c'est un problème réel. Mais je dois vous dire que, personnellement, après avoir regardé ça de loin, sans être un expert en comptabilité, ces éléments-là me semblent raisonnables par rapport aux coûts du régime quand on le regarde dans l'ensemble.

Ce qui est très difficile à prévoir, c'est la réaction et la perception des gens. Parce que, pour une personne âgée, par exemple, qui a 65 ans et plus, qui est habituée de payer 2 $ depuis un certain nombre d'années pour renouveler ses médicaments comme seul frais modérateur, se voir imposer une participation – elle va devoir débourser de sa poche – même si c'est 25 % du coût réel de la prescription jusqu'à un certain montant, sa perception initiale, c'est qu'elle va payer beaucoup plus cher pour ce service-là qu'auparavant, puis elle a strictement raison. Mais on ne regarde pas l'ensemble des bénéfices du système pour l'ensemble de la population. On a quand même 15 % des gens qui n'étaient pas couverts jusqu'à maintenant.

Mais comment faire accepter ça aux gens, leur expliquer de bonne foi ce qui en est? Moi, je pense qu'il y a un effort majeur d'information qui va devoir être fait, parce qu'on risque d'avoir de l'inobservance ou des gens qui ne voudront pas participer. Mais je pense que, là-dessus – et je ne fais pas de politique, là – c'est vraiment une information honnête par rapport au système puis aux coûts réels et aux avantages pour l'ensemble de la population qui va devoir être faite. Si ça c'est fait, moi, je peux vous dire que le Collège, en contrepartie, va véhiculer cette information-là auprès des médecins, va s'assurer que les médecins font un renforcement de cette information-là auprès des patients pour s'assurer de leur participation, de leur compréhension, parce que, dans le fond, on fait tout ça pour eux – j'espère, en tout cas – ce n'est pas contre les patients qu'on travaille ici, là, ce matin.

Est-ce que quelqu'un de mes collègues voudrait ajouter?

Mme Lescop (Joëlle): Moi, je dirais que c'est trouver le juste équilibre entre ce qu'on va demander comme contribution aux patients et l'impact de cette contribution sur leur consommation de médicaments. Mais je pense que faire réaliser aux gens qu'un médicament, ça coûte de l'argent à quelqu'un, en soi, c'est une bonne chose, parce que les choses qui sont gratuites, on a tendance à les banaliser. D'une certaine façon, le coût des médicaments, c'est un coût réel pour la société. Et, d'une certaine façon, une participation minime à ces coûts-là est importante, on pense, pour le patient, mais trouver le juste équilibre. Je pense que, probablement dans le début de l'instauration d'un régime, il faudra qu'il n'y ait pas d'effet pervers sur la consommation des médicaments, particulièrement chez ceux qui en ont besoin et chez ceux qui n'ont pas les moyens de payer. Mais je pense que c'est au gouvernement à s'assurer de ce juste équilibre.

Nous, notre rôle de protection du public, c'est beaucoup dans la protection du public par rapport à la qualité des soins médicaux, mais ceci, évidemment, dépasse simplement la pratique de la médecine. On est conscient de ça, mais on ne se sent pas, comme l'a dit le Dr Bernier, une compétence particulière dans l'évaluation fine de ce qui doit être exigé du patient, par rapport à l'effet pervers de ce qui est exigé de ce patient-là sur sa consommation de médicaments. Mais le principe de faire participer les gens au coût d'un médicament, on appuie ce principe-là.

(11 h 50)

M. Marsan: Je vous remercie de vos commentaires, et je pense qu'on... Sur ce sujet-là, je voudrais poser d'autres questions aussi. On peut conclure que, au début du régime, il y a un danger réel, à cause des coûts, eh bien, qu'il y ait une inobservance thérapeutique et que les patients ne prennent pas leur médication. Vous nous dites que vos médecins vont être mis à contribution. Ils vont être bien au courant pour s'assurer que les gens puissent connaître toutes les raisons pour lesquelles ils doivent prendre tel médicament. Alors, je vous remercie.

Ma prochaine question irait sur la... Est-ce que vous avez un commentaire peut-être? Excusez.

Mme Lussier-Montplaisir (Michelle): Oui. Je pense que ce n'était pas tout à fait...

La Présidente (Mme Leduc): Dr Montplaisir.

Mme Lussier-Montplaisir (Michelle): Merci. Ce n'était pas tout à fait le sens. Je ne pense pas qu'il y ait nécessairement une inobservance parce que les gens vont être obligés de payer 100 $ ou 25 % du prix du médicament. Je vous ferai remarquer que, quand on a mis le 2 $ pour les gens âgés, il y a quelques années, on a aussi présumé que, peut-être... Mais, finalement, ça n'a rien changé. Quelqu'un qui prend vraiment sa santé en main et le médecin qui est capable d'expliquer que tel médicament est nécessaire, je ne pense pas... Peut-être qu'il y a des médicaments qui vont tomber qui ne sont pas essentiels, mais, là, à ce moment-là...

M. Marsan: Vous permettez qu'on diffère d'opinion. Je pense qu'on est là pour ça, parce que, entre un patient qui doit payer, une personne de 65 ans et plus qui doit payer 2 $ et l'autre qui doit payer jusqu'à 700 $ et 800 $, on peut penser, nous, de notre côté, qu'il peut y avoir cet effet d'inobservance. Ce que je souhaite, c'est que le Collège des médecins puisse la surveiller, en tout cas, pour nous rapporter de quelle façon on peut améliorer tout cela.

Ma prochaine question, c'est concernant la liste des médicaments, particulièrement les nouveaux médicaments. Il y a des groupes, des associations de patients qui sont venus nous voir et qui nous ont dit qu'il y a maintenant des nouveaux médicaments qui sont beaucoup plus performants, qui, souvent, sont reconnus par des organisations de recherche et, à cause des coûts, qui ne sont pas listés sur le formulaire, en fait, qui ne font pas partie de la recommandation du CCP au ministre. On sait, de l'autre côté, qu'il y a des médicaments qui ne sont pas sur la liste mais qui sont payés par des régimes privés existants. Alors, comment voyez-vous... Est-ce que vous voyez la possibilité que des nouveaux médicaments, parce qu'ils sont trop coûteux, puissent ne pas être sur cette liste et, ainsi, avoir un effet majeur sur la santé des patients souffrant de maladie grave, particulièrement?

M. Bernier (Roch): Votre question est très pertinente, très importante. On a fait deux observations, dans notre mémoire, à cet effet, c'est-à-dire qui visaient un petit peu à contrecarrer certains des éléments que vous dites, notamment un comité de révision pour aviser lorsqu'il y a quelque chose qui est vraiment... qui fait l'objet d'une dissension majeure... puisse être révisé et que le ministre puisse avoir un autre avis de quelqu'un un peu indépendant des travaux comme tels du comité. Il y a un autre élément que j'oublie, ma mémoire me...

Une voix: Le comité de révision...

M. Bernier (Roch): Non, il y avait le comité de révision, mais il y avait un autre élément. Mais, peu importe, le point important là-dedans...

M. Marsan: Les régimes privés.

M. Bernier (Roch): Ah oui! C'était aussi la nécessité de réviser rapidement, fréquemment la liste, parce que l'évolution pharmacologique est très rapide, est très importante. Les compagnies pharmaceutiques, actuellement, innovent de plusieurs façons. Il y a beaucoup de changements dans la pharmacopée comme telle. Par contre, il faut que vous preniez les changements dans la pharmacopée avec un grain de sel. Ce n'est pas toujours des médicaments essentiels, ce n'est pas toujours des médicaments qui ajoutent des éléments, même s'ils coûtent plus cher, et ce n'est pas toujours... Il faut juger ça de façon extrêmement critique. Ce n'est pas des médicaments, aussi, qu'il est nécessairement souhaitable d'étendre à l'ensemble de la population. Il y a souvent des développements dans les nouveaux médicaments ciblés pour des populations très, très définies, et ce, je dirais que le projet de loi va plutôt permettre de les rendre accessibles que de les laisser à l'extérieur, s'il fonctionne bien, en tout cas dans l'esprit dans lequel il est amené. En tout cas, c'est notre compréhension à nous pour cet aspect-là. Et là je pense en particulier aux anticancéreux très dispendieux, etc., qui faisaient problème par rapport à la liste des médicaments ambulatoires. C'est une iniquité ou une difficulté qui va être réglée par le projet de loi, si on s'y prend bien.

Je suis d'accord avec vous qu'on ne pourra pas dire oui, par contre, à tout ce qui s'innove, tout ce qui prend le nom d'innovation dans le monde pharmaceutique. Il va falloir exercer un jugement critique et discret par rapport à ça. Par contre, il faudra prévoir un mécanisme d'appel au cas où les gens auraient vraiment manqué quelque chose d'important, qui serait nécessaire au point de vue scientifique, si vous voulez, pour améliorer le traitement des patients. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Marsan: Oui. Mais, pour être certain qu'on se comprend bien, nous, ce qu'on souhaite dans le projet de loi, c'est que le critère coût, lorsqu'on abordera les nouveaux médicaments, ne soit pas le critère qui soit retenu. On peut comprendre qu'avec des médicaments comparables il faut qu'il y ait une bonne logique économique en arrière de ça, mais que la performance, l'efficacité du médicament soit vraiment retenue comme étant un des critères les plus importants. Vous êtes d'accord, je pense. On s'entend bien?

M. Bernier (Roch): C'est plein de bon sens.

La Présidente (Mme Leduc): D'accord.

M. Marsan: O.K. La dernière question...

La Présidente (Mme Leduc): Une dernière question.

M. Bernier (Roch): Quelqu'un voulait ajouter quelque chose.

M. Marsan: Oui.

La Présidente (Mme Leduc): Dr Lescop.

Mme Lescop (Joëlle): Je pense que la composition du comité de révision dont on parle dans notre mémoire est extrêmement importante. Je pense que le Conseil consultatif peut être soumis à toutes sortes de pressions venant soit de groupes de patients, soit de l'industrie pharmaceutique pour introduire des nouveaux médicaments sur la liste. Mais le comité de révision, qui serait composé de cinq personnes, dont deux représentants du Collège des médecins et deux représentants de l'Ordre des pharmaciens, qui ont à coeur la protection du public dans le domaine des soins pharmaceutiques et des soins médicaux, et un représentant du public, pourrait faire peut-être abstraction des pressions qui pourraient être faites par différents groupes et regarder la problématique, justement, d'une façon nouvelle et être moins sensible à l'objectif de contrôler les coûts, mais plus à l'objectif d'offrir à la population les soins médicaux et pharmaceutiques dont elle a besoin. C'est pour ça qu'on estimerait intéressant d'ajouter ce comité de révision neutre, extérieur, qui pourrait justement regarder à nouveau et permettre de régler ces cas qui vont se présenter fréquemment et qui vont être des cas extrêmement difficiles à régler pour un ministre de la Santé.

La Présidente (Mme Leduc): Dernière question, compte tenu qu'il y a deux de vos collègues qui souhaitent intervenir.

M. Marsan: Oui, rapidement. Je vous remercie pour ce que vous venez de nous dire, parce que c'est vraiment, je pense, une excellente idée, une idée innovatrice, tout ce processus de révision. En tout cas, il y a des éléments de solution par rapport à la problématique que nous avons mentionnée.

Dernière question, sur le fichier central. Vous parlez de l'utilisation qu'on pourrait en faire. Nous, nous pensons que les gens sont toujours de bonne foi, c'est les systèmes informatiques qui ne le sont pas. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là, les dangers que peut comporter cette grande informatisation pour les patients.

M. Bernier (Roch): Bien, écoutez, je pense que c'est... Pour vous donner des exemples très simples, si la liste de médecins qui utilisent un tel médicament était connue de compagnies pharmaceutiques, vous pourriez avoir des sollicitations directes auprès des médecins pour changer, pour modifier leurs comportements en rapport avec de la promotion pharmaceutique. Ce n'est pas qu'on est contre l'information que peuvent faire les compagnies pharmaceutiques concernant leurs produits, mais c'est clair qu'elles ont un intérêt particulier à promouvoir leurs produits, puis ça, c'est le système. Actuellement, c'est contrôlé relativement, ça, sur le terrain, en tout cas, de la façon dont ça fonctionne. Ce à quoi il faut arriver, c'est qu'il faut...

Mais, moi, je n'ai pas une obsession telle de la peur de l'utilisation des informations pour s'empêcher d'utiliser des informations qui, par ailleurs, nous sont importantes pour améliorer ce qui se passe. Et c'est dans ce sens-là que, si on se donne des consignes de sécurité, si on les planifie bien, nos outils informatiques, on peut faire une utilisation vraiment judicieuse de ça: gagner du temps, améliorer ce qu'on fait et permettre des rétroactions auprès de ceux qui prescrivent de façon très rapide, ce qui est une nécessité si on veut modifier les comportements. Si, moi, je vous donne de l'information trois ans après que vous ayez prescrit le médicament à une telle personne, vous avez déjà oublié la personne et certainement le médicament que vous lui aviez prescrit, en tout cas, si ce n'est pas la personne. Il faut absolument utiliser la technologie moderne qui est à notre portée, la conditionner pour qu'on n'en fasse pas un abus, pour que ça réponde directement aux objectifs. Si ça répond aux objectifs du projet de loi, ça nous aide à faire une revue d'utilisation des médicaments plus appropriée. En tout cas, nous supportons l'utilisation de l'informatique pour ces fins-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs. Je considère votre mémoire très intéressant. Moi, je suis ravie d'avoir un mémoire aussi positif. Je ne remets pas du tout, là, ce que vous affirmez à la conclusion de votre mémoire. Au contraire, je pense que c'est partagé, compte tenu du mandat et de votre mission, qui est de promouvoir une médecine de qualité, compte tenu de votre expertise également et des obligations que vous avez toujours remplies. Je pense que c'était approprié que vous veniez nous faire partager, là, vos préoccupations et vos questions.

(12 heures)

Je vais revenir sur une question qui vous a été posée, mais j'aimerais ça qu'on en parle un petit peu plus. On a entendu, au cours des derniers jours, beaucoup de groupes qui sont venus nous dire que les gens, dans bien des cas, vont cesser de prendre certains médicaments compte tenu des coûts. Moi, j'aimerais qu'on élabore un peu, parce que je ne suis pas certaine que c'est automatique, même s'il y a un médicament qui est très dispendieux, que les gens vont cesser de le prendre.

Il me semble qu'il y a d'autres questions, d'autres relations entre le fait qu'un patient prenne ou ne prenne pas la médication prescrite. Je pense, entre autres, au niveau du confort qu'un médicament peut apporter et je pense aussi au niveau de confiance que les gens peuvent avoir par rapport au médicament qu'on leur a prescrit. Il me semble que si j'étais malade et qu'on me prescrivait un médicament, ça jouerait, quelque part, un rôle essentiel. Est-ce que je crois que ce médicament-là me fait du bien? Est-ce que je crois que ce médicament-là me stabilise dans mon état? Il y a beaucoup de choses comme ça, le niveau de confiance...

J'aurais aussi, comme réaction – et je parle à titre individuel – si j'étais malade et si j'avais des médicaments à prendre, il y aurait toute la question de la menace à la survie. Est-ce que ce médicament-là, pour moi, fait que je suis persuadée que ça va m'empêcher de mourir un jour ou l'autre, enfin, ça va retarder l'échéance? C'est dans ce sens-là que j'aimerais vous entendre. Est-ce que ces conditions-là font que... influencent aussi le fait qu'on suive, religieusement ou pas, la prescription médicamenteuse qui peut nous être donnée?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Bernier.

Mme Charest: Naturellement, je ne nie pas la part du prix...

M. Bernier (Roch): Le médicament, dans la vie des patients, ne survient pas par hasard. C'est le résultat d'une démarche, habituellement, qui est faite par un médecin compétent qui a précisé les symptômes, établi un diagnostic et qui établit un plan de traitement. Le médicament est fréquemment inclus dans le plan de traitement. Au moins les deux tiers des plans de traitement qui sont fournis par les médecins auprès des patients actuellement consistent dans l'utilisation d'un médicament. Une fois qu'on a dit ça, c'est très important pour l'aspect initial, mais c'est clair que, par la suite, les aspects des coûts entrent en jeu, et il ne faut pas négliger cet aspect-là. C'est une inquiétude qui est légitime, qui est tout à fait compréhensible, qui va affecter beaucoup d'intervenants. Est-ce que ça va être suffisant pour décourager un grand nombre de patients? Je partage un peu l'avis de ma collègue, je pense que non, surtout s'il n'y a pas de désinformation et si les médecins prennent bien soin de rappeler les raisons de l'établissement du programme, la façon dont ça touche la patiente ou le patient qui est devant nous et la nécessité de prendre les médicaments. Bien sûr, si c'est des médicaments inutiles, au point de départ, on ne devrait même pas en parler, ils ne devraient pas être utilisés.

Malheureusement, et c'est ça qu'il est important aussi de comprendre, les effets des médicaments ne sont pas toujours sensibles au quotidien. On prend des médicaments contre l'hypertension pour prévenir un événement qui va survenir dans 10, 15 ans; les gens pourraient dire: Écoutez, cette année, on n'a pas les moyens, ou: Ce mois-ci, je n'ai pas les moyens, je ne les prendrai pas. Ça, c'est le danger réel de la non-observance des médicaments, surtout lorsque les effets ne sont pas immédiatement tangibles ou accessibles.

Là-dessus, il va falloir être très vigilant, surtout par rapport à une utilisation de ce type de médicaments là. Je n'ai pas de crainte, moi, que les gens qui sont asthmatiques ne prendront pas leur pompe parce qu'ils sont... Ils ont des raisons de la prendre au quotidien. Mais, pour d'autres conditions, ça peut être plus sournois, et il faut faire attention, à ce moment-là, quel va être le comportement. Ce serait dommage que le comportement des gens, des médecins et des patients – actuellement, par exemple, contre l'hypertension, au Québec, on a réussi un effort collectif fantastique dans ce domaine-là – soit remis en cause par rapport au fait du coût des médicaments.

Ceci dit, le coût, il est réel pareil, comme disait Mme Lescop. Il s'agit de l'expliquer aux gens et de voir comment ce qui est apporté aussi, quelle sorte de règlement de problème, dans le fond, le nouveau système va permettre. À ce moment-là, les gens, si on prend le temps de les informer là-dessus, je pense que la majorité des gens devraient se rallier. Malheureusement, les conditions économiques sont difficiles et il y a beaucoup d'hypothèses dans ce qu'on dit. C'est pour ça qu'il va falloir regarder ça avec beaucoup de vigilance, ce qui va se passer, particulièrement au cours des premiers mois de 1997, après la mise en place du programme.

Est-ce qu'il y a d'autres de mes collègues qui voulaient...

Mme Charest: Je vous ramènerai à la page 6 de votre mémoire, où vous dites que vous avez développé des stratégies de formation, d'information et de sensibilisation susceptibles d'améliorer la prescription et la dispensation des médicaments. Vous avez fait, je pense, des actions concertées dans le but de mieux contrôler la dispensation des benzodiazépines et autres médicaments, ce que j'ai cru lire je ne sais pas à quelle autre page.

Vous dites cependant: «Le Collège estime aussi que toute action prise à l'égard d'un professionnel à partir de données cliniques individualisées doit être du ressort exclusif des ordres professionnels.» Si je comprends votre texte, est-ce que vous parlez des sanctions qui pourraient être éventuellement prises contre un professionnel qui n'aurait pas de profil standard par rapport à des prescriptions ou... Qu'est-ce que vous voulez dire dans cette page où vous dites que le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens doivent être parties prenantes et les seuls, quelque part, qui auraient autorité sur tout cet élément-là?

M. Bernier (Roch): À ce moment-là, madame, je vais vous répondre et je vais demander au Dr Lair de vous parler du programme des benzodiazépines, pour compléter, pour vous permettre de comprendre comment ça s'articule, tout ça.

Le point important, c'est que, si vous avez des profils individuels, si vous vous voulez donner une rétroaction au médecin concerné d'un profil d'utilisation, il va bien l'accepter ou mieux – même s'il va, au début, recevoir ça plutôt difficilement – si c'est ses pairs qui font la rétroaction que si c'est un organisme payeur ou n'importe quel autre organisme en dehors de la médecine. Le médecin, si on lui dit: Nous, on est des médecins comme toi, ce qu'on veut, c'est t'aider à améliorer l'utilisation que tu fais des médicaments; et, voici, après une revue extensive de la littérature et surtout des habitudes de prescription, on a remarqué que tu étais déviant. Voici, on te recommande tel programme pour t'aider à comprendre les raisons pour lesquelles tu devrais améliorer la façon de prescrire. Ça, ça va être beaucoup mieux reçu par rapport au médecin. Ça va être reçu non pas avec de la résistance, mais avec une idée de changer et de s'améliorer, plutôt que si c'est fait – en tout cas, c'est notre prétention, c'est notre perception – par un organisme externe. Les organismes externes, s'ils émettent des avis, le médecin va les prendre, va regarder ça et va les mettre sur le coin de son bureau. Quand le médecin reçoit une lettre du Collège des médecins concernant ses habitudes ou la tenue de son dossier, il prend ça beaucoup plus sérieusement. C'est ses pairs qui lui parlent.

Mme Charest: Un élément régulateur.

M. Bernier (Roch): C'est-à-dire que, nous, on va essayer... C'est un élément... Nous sommes un organisme qui exerce un contrôle d'exercice professionnel. Ce sur quoi il faut faire attention, par exemple, c'est peut-être ce qu'on ne dit pas assez bien, je vous l'accorde, c'est que, nous, on veut mettre l'accent sur la formation continue. On veut rendre ça positif comme message, ne pas le rendre négatif. En partant, si vous le faites faire par quelqu'un d'autre que l'Ordre, ça va être perçu négativement. C'est ça qu'on vous dit ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vais permettre une courte intervention et je procéderai à la dernière question pour le député d'Argenteuil.

M. Lair (Rémi H.): Qu'est-ce qui arrive quand on fait une revue d'utilisation? Dans le fond, on ne cherche pas nécessairement et pas du tout à punir les gens impliqués, on cherche plutôt à changer les comportements. Ce qui est fait, finalement, dans un processus de revue d'utilisation, c'est de tenter de trouver les problèmes et d'apporter des correctifs, mais des correctifs de nature positive. Alors, le projet auquel le Collège a coopéré sur les benzodiazépines, ça a été effectivement, une fois qu'on a réalisé un certain nombre de problèmes, d'amener les médecins prescripteurs à prendre conscience du problème qu'ils vivaient. Ça s'est fait par des rencontres d'un médecin avec un autre médecin pour discuter de la prescription de benzodiazépine; ça s'est fait également avec des mesures éducatives sous forme de lettres qui étaient adressées aux médecins, dans un deuxième temps, tout ça pour amener, d'une part, des éléments de formation sur la façon de prescrire des «benzo» et aussi des éléments d'information qui suivaient.

Donc le but, ce n'est pas de prendre des mesures disciplinaires, mais plutôt d'amener les médecins à changer leur comportement de prescription quand il n'était pas approprié. L'expérience que le Collège a vérifiée à ce sujet-là au niveau des benzodiazépines, ça s'est fait dans la région de Québec, ici, ça a été très positif. Ça a amené les médecins à prendre conscience de leur problème. Ça a amené des changements. Ça a amené une réduction au niveau des prescriptions de benzodiazépine chez les trois catégories de médecins qui avaient été impliquées directement dans cette analyse.

Donc, c'est un mécanisme positif qui est orienté sur, d'une part, la formation. Ça s'est fait, d'une part, avec le Service de l'éducation médicale continue du Collège et aussi avec le Service ou le bureau de la formation médicale continue de l'Université Laval. Alors, cet esprit ou ce programme de coopération entre, d'une part, la Faculté de médecine de l'Université Laval, le Collège et aussi la Régie a amené des changements de comportements, du moins dans ce qu'on a pu constater.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il me reste huit minutes pour deux interventions de députés plus les conclusions. Le député d'Argenteuil, suivi du député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier les membres du Collège d'être venus partager leurs préoccupations. Il va sans dire que les points importants que vous avez soulevés sont ceux qui se rattachent en particulier au Collège et à la profession. Vous avez soulevé celui du RUM, avec les conséquences de l'information qui va vous être transmise, mais je pense que ça revient aux médecins de se discipliner eux-mêmes. Ce n'est pas à un autre corps professionnel d'aller dire à un médecin: Tu utilises mal les médicaments. C'est votre rôle, d'ailleurs, et je ne pense pas qu'il serait souhaitable que ce soit un autre organisme qui vienne interférer dans ce mode de fonctionnement.

(12 h 10)

J'ai deux questions; je vais les présenter en même temps et vous pourrez les aborder. Vous avez soulevé tantôt la possibilité d'avoir un autre comité de révision pour les médicaments, pour la liste des médicaments, qui verrait à corriger le CCP. Le CCP, à ce que je sache, c'est un organisme indépendant. Bien qu'il ait été créé par le gouvernement, c'est un organisme qui fonctionne de façon indépendante, sérieuse. Je présume que, si vous avez des doutes, vous devez avoir des raisons qui justifient votre prise de position en suggérant un comité de révision. S'il n'y en a pas, alors je ne comprends pas la nécessité d'avoir un comité de révision pour revoir la liste, parce que le CCP, en soi, est un comité dynamique, c'est-à-dire qu'il révise ses positions régulièrement, puis, s'il y a un médicament qui a été refusé à un moment donné, peut-être que, dans six mois, ils vont l'accepter. Alors, pourquoi mettre en place une autre structure? J'ai beaucoup d'hésitation à endosser cette démarche-là, pour un.

La deuxième question, elle est à la page 6, où vous soulevez que le rôle du gouvernement... «En supportant concrètement, voire même financièrement, les ordres professionnels...» Les ordres professionnels sont des organismes indépendants qui ont à gérer leurs propres membres et qui doivent voir à la bonne pratique de leur profession. Je pense qu'en demandant ou en acceptant des argents venant du gouvernement l'Ordre perd de son indépendance. Il perdra de son rôle à l'égard de son fonctionnement en relation avec ses membres. Je ne sais pas pourquoi vous voulez avoir de l'argent du gouvernement pour exercer votre rôle, parce que le rôle que vous avez, c'est de protéger la population eu égard à la pratique médicale, et ça s'est toujours fait avec les contributions annuelles des membres du Collège et de la Corporation, anciennement. Je pense que ce serait une erreur de la Corporation ou du Collège d'accepter un support financier pour vous aider dans l'exercice de votre rôle, qui est bien spécifique dans la loi et qui vous est dévolu. Je ne vois pas pourquoi vous aimeriez avoir du support gouvernemental là-dedans.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Bernier.

M. Bernier (Roch): Je vais répondre à votre deuxième question d'abord. Moi, je pense que la question du support financier, de la façon dont, moi, je vois ça, c'est que, si vous voulez exercer la Revue d'utilisation des médicaments puis en faire quelque chose de solide... Vous savez que le programme d'utilisation – d'ailleurs, on est venu vous le dire en commission – dans un régime hospitalier coûte au moins 250 000 $ par année. Donc, ce n'est pas gratuit de mettre sur pied un programme de revue d'utilisation des médicaments. Si vous voulez l'étendre à l'ensemble des médicaments ambulatoires, c'est un exercice qui va coûter des sous quelque part. Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est: Si le ministère a de l'argent à mettre pour améliorer cet aspect-là du régime d'assurance-médicaments, il y aurait probablement une économie d'échelle et plus de résultats par rapport à ces dollars s'il l'investit dans les ordres professionnels plutôt que de le confier à un tiers externe aux ordres professionnels, puisque, comme vous le dites vous-même, c'est le rôle des collèges d'intervenir auprès de leurs membres.

Vous, ce que vous dites, d'un autre côté, c'est que, si vous acceptez d'être subventionnés par le ministère pour faire une partie de votre job, de toute façon – mais je vous dis bien qu'actuellement ce n'est pas nécessairement notre job, c'est vraiment un système nouveau à créer pour l'ensemble du virage ambulatoire – ça dépend. Ça dépend du montant puis ça dépend de l'affaire. Si le ministère est prêt à nous donner 12 000 000 $, c'est-à-dire à doubler ce que la cotisation des membres fait pour faire un projet comme ça – puis je caricature, vous savez bien que ce n'est pas possible, ha, ha, ha! – là vous pourriez...

M. Beaudet: On peut demander au ministre.

M. Bernier (Roch): ...me voir, si vous étiez un des membres du Collège, penser: Voyons, qu'est-ce qui arrive au Collège? Est-il en train de se faire acheter par le gouvernement, ou tout ça? Dans ce cas-ci, c'est qu'on veut être un partenaire parce qu'on pense que c'est important de réussir cet exercice-là pour l'ensemble des Québécois, puis on veut collaborer dans la mesure de nos moyens. Mais, si on nous donne des moyens supplémentaires, on va les utiliser pour réaliser ce qui nous est proposé, parce qu'on pense que ces choses-là sont très importantes, notamment la Revue d'utilisation des médicaments.

Pour votre première question, je...

Mme Lescop (Joëlle): C'est le comité de révision, pourquoi un comité de révision.

M. Bernier (Roch): Le comité de... Je vais demander à Mme Lescop de répondre à cet aspect-là, si vous voulez.

M. Lescop (Joëlle): Je pense que votre Conseil consultatif de pharmacologie est composé de neuf personnes, dont quatre experts pharmacologues, un pharmaco-économiste, un qui représente le ministre et un autre fonctionnaire de la Régie. Ce Conseil a pour mandat de suggérer au ministre la liste, mais c'est évident que c'est dans le cadre d'un régime d'assurance-médicaments universel qui a deux objectifs: offrir à la population une gamme de médicaments, mais aussi contrôler les coûts du programme de médicaments. On pense qu'il peut arriver qu'un groupe de neuf personnes fasse des recommandations et que ces recommandations-là puissent être contestées. Je pense que l'avenir va nous montrer que certains médicaments qui seront sur la liste et d'autres qui ne le seront pas, il y aura des groupes de pression qui vont faire des pressions auprès du ministre pour dire: Pourquoi est-ce que tel nouveau médicament, vous ne l'incluez pas, et ainsi de suite, et que ce groupe va différer d'avis d'un groupe de pression.

Ce qu'on dit, c'est qu'il peut être intéressant d'avoir un autre comité, un petit comité qui n'a pas une grosse structure, cinq personnes qui, ad hoc, se rencontrent et analysent des problématiques particulières et donnent un avis au ministre. À ce moment-là, le ministre aura un avis de son Conseil consultatif qui est constitué de par la loi et pourra avoir un deuxième avis.

Je pense que, dans la majorité des structures, il y a des comités de révision. On nous en a imposé un l'année dernière, au niveau de l'Ordre professionnel. On a des comités de révision qui permettent d'avoir un deuxième avis. Ce qu'on dit, c'est qu'un comité de neuf personnes n'aura pas toujours la vérité absolue par rapport à une liste de médicaments. C'est un processus évolutif et, à l'occasion, il serait intéressant qu'un comité de révision puisse éclairer à nouveau le ministre dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très, très court, parce que, là, je commence à avoir des problèmes.

M. Bernier (Roch): Cette question-là, si vous le permettez, M. le Président, c'est qu'on ne voyait pas ça comme un comité permanent. C'est un comité ad hoc pour régler des litiges particuliers. Ce n'est pas quelque chose qui se substitue au comité de pharmacologie. C'est quelque chose pour répondre de façon pointue à des problèmes qui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière question, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je comprends pourquoi la députée de Rimouski, tantôt, était si ravie de recevoir un mémoire aussi positif, parce que c'est, malheureusement, un événement plutôt rare depuis le commencement de notre commission. Alors, en ce sens, c'est peut-être mémorable. C'est peut-être si mémorable que le ministre va peut-être vouloir prendre de la publicité dans les journaux pour en faire l'annonce.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, votre question, M. le député.

M. Copeman: Ma question porte, M. le Président, sur la liste des médicaments. Vous avez fait référence, à la page 4 de votre mémoire, au processus d'alimenter la liste des médicaments dressée par le ministre de la Santé. Vous dites que ça détermine, en quelque sorte, l'accessibilité de la population québécoise aux médicaments disponibles sur le marché. Nous, on a soulevé ça depuis quelque temps en commission parlementaire et ça a été soulevé par beaucoup de groupes. Quand on soulève... Nous, à deux reprises, le ministre nous a accusés de frôler la démagogie parce qu'on avait soulevé des craintes que peut-être de nouveaux médicaments ne seraient pas accessibles. Là, semble-t-il, quand c'est nous autres qui le soulevons, on frôle la démagogie; quand c'est des groupes qui le soulèvent, c'est plus respectable.

Vous avez des indications, semble-t-il, ou des craintes là-dessus, et j'aimerais vous entendre. Parce que, si vous n'aviez pas eu de craintes, vous ne l'auriez pas mentionné dans le mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Ce sera la dernière intervention.

M. Bernier (Roch): Écoutez, je ne voudrais pas qu'on se répète. Je pense qu'on a déjà répondu à ce point de vue là. Les craintes qu'on disait, c'est qu'on met en place un régime qui va toucher l'ensemble des gens et l'ensemble des médicaments. Il ne faut pas se tromper. Et ça change rapidement. Il faut avoir un oeil critique et il faut se donner des mécanismes pour bien faire ce travail-là. Je ne pense pas que vous soyez moins crédibles parce que vous êtes dans l'opposition. C'est des problèmes réels qui se posent, mais je pense que, tous ensemble, si on collabore, on peut trouver des solutions à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'inviterais maintenant le député de Robert-Baldwin à faire sa conclusion.

M. Marsan: Merci. À mon tour de vous remercier bien sincèrement d'avoir accepté l'invitation et aussi d'avoir permis des échanges extrêmement importants et intéressants. J'apprécie particulièrement votre suggestion quant au mécanisme d'appel et les réserves que vous nous avez dites. Vous ne souhaitez pas avoir une structure additionnelle, je pense que c'est important.

Je retiens également – peut-être en guise de conclusion – à la page 2, que, vous aussi, vous êtes également surpris de constater que l'objectif d'un tel programme soit aussi de récupérer une partie importante des coûts du régime d'assurance-médicaments actuellement géré par la Régie de l'assurance-maladie. Alors, comme vous êtes le gardien, vous devez protéger le public, vous nous avez dit que vous alliez suivre avec beaucoup de vigilance ce dossier durant ses premiers mois et que vous pourrez intervenir s'il y a lieu. Alors, encore une fois, un gros merci pour votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. M. le ministre.

(12 h 20)

M. Rochon: Oui. Merci beaucoup pour toute cette collaboration avant, pendant et pour celle dont on aura... sur laquelle vous nous avez assurés qu'on pourra compter pour après. Moi, je trouve très intéressant l'aspect à la fois critique, mais venant de groupes comme un ordre professionnel qui, pour un projet de ce genre-là, peut se placer un peu au-dessus de la mêlée et, sans aucun conflit d'aucune nature, être capable de voir comment on peut tirer le meilleur parti de ce qu'on a, de ce qu'on connaît du domaine présentement et de ce qu'on peut faire, surtout si, comme vous le dites très bien, on décide de le faire ensemble. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant les représentantes de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous recevons maintenant les représentants de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Je vous fais remarquer que vous avez 20 minutes de remarques préliminaires avant l'échange avec les membres de la commission. J'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, noms et titres, s'il vous plaît. Merci.


Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Mme Desrosiers (Gyslaine): Merci, M. le Président. Alors, je suis Gyslaine Desrosiers, présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Je suis accompagnée de la vice-présidente, Mme Denise Lévesque-Boudreau, à ma gauche, ainsi que de Mme Marie Valois et Mme Andrée Duplantie, qui sont des conseillères au siège social de l'Ordre des infirmières.

Alors, on remercie la commission de nous recevoir pour présenter nos réflexions concernant le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments. L'Ordre des infirmières se sentait particulièrement interpellé par ce projet de loi qui propose des modifications complexes dans la dynamique des soins de santé, d'autant plus que les infirmières, soucieuses de l'intérêt de la population, assument déjà un leadership dans le déploiement du virage ambulatoire et des solutions de rechange à l'hospitalisation.

En tant qu'organisme de protection du public, on a analysé le projet de loi à partir du point de vue de la population et des consommateurs de médicaments. On l'a regardé aussi dans la perspective quant à sa capacité à résoudre les trois problèmes majeurs auxquels il doit apporter des solutions, à savoir: un, le problème d'équité dans l'accès aux médicaments lors d'un épisode de soins aigus ou l'avènement d'une maladie chronique; on l'a également regardé quant à sa capacité à répondre à deux autres problèmes à caractère plus systémique, à savoir la croissance exponentielle des coûts assumés par la société quant à l'usage des médicaments et quant à... également un autre aspect, sur le plan de l'efficacité du système de santé, c'est-à-dire concernant les effets pervers engendrés par la surconsommation des médicaments prescrits, et également l'augmentation de la consommation des médicaments en vente libre.

Il nous apparaît d'emblée, M. le Président, que, concernant l'équité, un accès plus équitable, le projet de loi semble apporter des solutions partielles qui pourraient peut-être être bonifiées, mais, concernant la croissance exponentielle des coûts assumés par la société et une recherche d'efficacité du système de santé, notamment sous l'angle de la surconsommation, le projet de loi ne nous semble pas apporter de solutions. Toutefois, l'Ordre souscrit à l'objectif du gouvernement de corriger les iniquités actuelles dans la couverture des médicaments nécessaires au cours d'un épisode aigu de maladie et de maladies chroniques.

Quelques éléments un peu plus pointus concernant l'accès raisonnable et équitable aux médicaments. On s'interroge, concernant l'article 17, sur la logique d'une assurance complète concernant les enfants. L'absence totale de frein à la consommation chez les enfants découlerait-elle du fait qu'on considère automatiquement acceptable toute prescription ou consommation utile, souhaitable et nécessaire dans leur cas? Cette mesure pourrait-elle nuire aux efforts d'éducation sanitaire et à la question de bonnes habitudes de vie dès le jeune âge en introduisant un biais économique favorable à la consommation de produits pharmaceutiques chez les enfants? Il nous apparaît que les études récentes sur la problématique de la consommation des antibiotiques et encore... également, par exemple, comme du Ritalin... On invite le ministère à réfléchir sur le fait qu'il n'y a aucune restriction concernant la couverture des enfants.

Un autre groupe, également, nous interroge, c'est la notion de jeune fréquentant l'université. Si on regarde le projet tel qu'il est là, devons-nous comprendre qu'un individu de 30 ans domicilié chez ses parents ayant des revenus supérieurs puis qui est aux études à l'université n'aurait aucuns frais à assumer, ni ses parents? Par ailleurs, un jeune qui vient de région plus éloignée, qui fréquente l'université mais qui n'est pas domicilié chez ses parents, tout en étant entièrement à leur charge, se verrait comparativement pénalisé? Alors, il nous apparaît qu'il serait préférable de considérer la notion de personne à charge plutôt que la question d'étudiant domicilié chez ses parents.

Un autre élément d'ambiguïté concernant certains articles du projet de loi. Les articles 7 et 8 nous portent à croire qu'il pourrait y avoir une zone grise permettant le déversement des coûts et des responsabilités des hôpitaux vers le nouveau régime, donc vers les consommateurs. Qu'en est-il vraiment? Comment se ferait l'arrimage entre les responsabilités de l'assurance-hospitalisation et celles du régime proposé?

Un autre élément que nous portons à votre attention, concernant l'accès équitable, et c'est pour ça qu'on parlait d'équité partielle, c'est que... Comment va évoluer la part du marché des médicaments en vente libre? Quelle en sera l'importance? Et qu'adviendra-t-il des médicaments en vente libre qui sont requis par l'état de santé des personnes, comme, par exemple, ceux qui doivent consommer énormément d'antihistaminiques dans une année, comme le Claritin, la Réactine ou enfin d'autres médicaments? Ces produits seront-ils entièrement aux frais des usagers ou seront-ils compris dans la liste des médicaments remboursables? La question reste entière. Il faut comprendre que la facture peut être très lourde chez ces personnes qui présentent des allergies. Sans vouloir faire un cas trop particulier pour eux autres, juste à titre indicatif, on se rappelle que, par exemple, le Claritin, c'est environ plus de 1,25 $ le comprimé, alors il y a des gens à qui ça peut coûter 10 $ par semaine, 120 $ pour trois mois, et ces gens-là auront en plus à s'assurer au système. Alors, la notion de couverture ou d'équité ne nous apparaît pas très claire.

Au-delà également de la mécanique générale articulée dans le texte de loi, la plupart des questions qui touchent vraiment la population... En tout cas, certaines questions demeurent entières, comme je viens de le dire: Quels médicaments seraient vraiment couverts? Vous allez me dire: C'est le problème de la liste. On questionne la mise à jour de la liste. Quels seraient les déboursés réels? Dans quelle mesure les coûts globaux du régime seraient-ils contrôlés? Et, puisque ce sont les contribuables qui font les frais de la solidarité sociale, de quels leviers disposeraient-ils? On s'interroge également sur la contribution réelle des produits pharmaceutiques aux résultats de santé. Alors, voilà autant d'éléments sur lesquels on pose des questions, et on n'a pas eu toutes les réponses.

(12 h 30)

On est beaucoup préoccupé par le fardeau financier du régime dans une période si difficile sur le plan économique. On a pu voir que dans d'autres provinces, comme la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, on n'est pas des spécialistes de comparaison de systèmes de santé, mais on a pu voir dans la documentation que ces provinces-là se sont dotées de régimes similaires à celui qui est proposé et qu'elles ont connu des scénarios qui... Au départ, ces régimes-là comportaient une franchise, une coassurance raisonnable, et la facture est devenue, en l'espace de quelques années, nettement plus élevée pour les usagers.

Alors, au moment même où le gouvernement gère un régime d'assurance-médicaments aux personnes âgées et aux personnes ayant la sécurité sociale et que le gouvernement n'a pas réussi à contrôler les coûts pour son propre régime, on se demande s'il n'y a pas un peu un chèque en blanc qui est passé à la population. Comment la population pourrait-elle accepter un fardeau financier alors qu'elle ignore les proportions qu'il pourrait prendre dans l'avenir?

Alors, en partageant le fardeau financier des médicaments avec toute la population, le gouvernement compte... enfin, on a compris que les objectifs étaient de faire d'une pierre deux coups. Même si on est bien sympathique aux problèmes budgétaires du ministère, c'est établir un nouveau programme universel en période de contraintes budgétaires et réduire les dépenses des programmes sociaux. Alors, le régime universel d'assurance-médicaments, pour la première année, coûterait 300 000 000 $ de plus à la population mais permettrait au gouvernement d'épargner plus de 250 000 000 $, selon le plan retenu.

Alors, l'Ordre des infirmières considère qu'il faut introduire une plus grande transparence dans le fardeau financier assumé par l'État et celui qui serait à la charge directe des consommateurs. Également, toujours concernant l'importance d'améliorer la transparence du projet, on pense qu'il faudrait qu'il y ait un mécanisme de reddition de comptes. Il faudrait que le Fonds de l'assurance-médicaments ait un rapport annuel qui soit présenté à l'Assemblée nationale, et cet exercice devra également donner lieu à une commission parlementaire permettant à la population de jauger l'effort social qui est demandé. On est un peu surpris qu'il n'y ait pas ce mécanisme-là, et d'autant plus que ça va être un régime mixte; on a l'impression qu'après deux, trois ans on ne saura plus trop bien qui paie quoi, et combien, surtout.

On est énormément préoccupé par le contrôle du volume et des coûts dans le marché des médicaments. La consommation des médicaments, c'est connu, est en progression constante, selon toutes les enquêtes et les données disponibles et, comme l'ont dit d'autres organismes, toute introduction de nouveaux médicaments, dans tous les pays du monde présentement, est un incitatif à l'augmentation de coûts et met en cause plusieurs acteurs. Et ces médicaments nouveaux sont parfois très coûteux et remplacent des médicaments qui avaient fait leurs preuves, et la relation coût-efficacité n'est pas toujours démontrée. Il nous apparaît que, dans le projet de loi, les mécanismes prévus pour contrôler ça nous apparaissent incomplets et insuffisants.

Alors, incomplets parce que le rapport Castonguay garantit, entre guillemets, pratiquement la croissance du coût global... en tout cas prédit, tout au moins, la croissance du coût global des médicaments d'ordonnance pour les prochaines années. Et, alors que les fonctionnaires les mieux placés, les mieux informés, ceux qui détiennent les leviers de commande de ce dossier, notamment ceux qui font déjà partie du Conseil consultatif de pharmacologie, n'ont pas réussi à contrôler l'enveloppe globale des médicaments, on est surpris que la proposition actuelle du gouvernement ne soit pas assortie d'un train de mesures, ou enfin, de mesures rigoureuses pour plafonner les dépenses.

Alors, compte tenu des limites de la capacité de payer de la population et du gouvernement, l'Ordre des infirmières recommande d'introduire dans le projet de loi des mécanismes serrés de contrôle du prix des produits et de l'enveloppe monétaire globale. Un peu comme il a été fait dans d'autres pays, par exemple en Allemagne, il y a une enveloppe globale qui est allouée à ce secteur.

Mécanismes incomplets. Les deux comités qui sont prévus au projet de loi, c'est un peu illusoire de penser que... c'est nécessaire, mais c'est un peu illusoire de penser que ces deux comités-là, à moins d'y accorder beaucoup d'argent pour les faire fonctionner, ils vont réussir à être particulièrement efficaces; tout au moins, on pense toutefois qu'ils sont nécessaires. Et on pense qu'autant le Conseil consultatif de pharmacologie que le Comité de revue de l'utilisation des médicaments devraient s'adjoindre la participation d'infirmières et également la participation de représentants des malades ou des consommateurs pour, encore une fois, un peu ouvrir sur le plan de la transparence.

Alors, nous croyons également qu'un régime d'assurance-médicaments, pour être efficace, devrait s'articuler autour – mais M. le ministre a dit tantôt, par rapport à un autre groupe, qu'il envisageait une politique de médicaments; on était très heureux de l'entendre – d'une politique et des objectifs de la politique de santé et bien-être actuellement connue au Québec. Et cette politique de l'utilisation des médicaments, bien intégrée à celle de la santé et du bien-être, devrait avoir des objectifs quant à la réduction de la consommation abusive de médicaments, devrait poursuivre le questionnement sur la pertinence des ordonnances de médicaments, particulièrement à l'égard des personnes âgées et des femmes, et devrait stimuler le développement de solutions alternatives à l'usage de médicaments.

Alors, également, au-delà du régime d'assurance-médicaments, l'éducation à la santé et à la consommation judicieuse des médicaments nécessite un engagement ferme du gouvernement. On pense que, dans le régime d'assurance-médicaments, un montant devrait être alloué à des activités d'information et d'éducation de la population en matière de consommation des médicaments. On a beaucoup parlé d'informer les prescripteurs, mais je pense qu'il devrait y avoir des argents de prévus pour l'information directe à la population, d'autant plus qu'ils vont avoir le fardeau. Il semblerait que ce serait le consommateur qui va devoir négocier avec le prescripteur la pertinence de sa prescription. Alors, je pense que la population devrait être mieux outillée pour ce faire.

Alors, en obligeant chaque personne à mettre plus d'argent dans les médicaments, on a compris que le gouvernement et le ministre de la Santé ont décidé de consolider une certaine surmédicalisation du système de santé et de favoriser la consommation de médicaments au détriment, peut-être, d'autres services alternatifs. Parce que vous savez que, dans le moment, même la prévention est en train d'être récupérée par l'industrie pharmaceutique et de devenir une question de médicaments. Est-ce vraiment ce que souhaite la population du Québec? L'Ordre des infirmières considère que la population accepterait sans doute une solidarité sociale plus large, mais assortie d'un plafonnement des coûts des médicaments au niveau actuel ou encore plus bas, reflétant ainsi les compressions imposées aux autres secteurs. Autrement, l'Ordre des infirmières serait plutôt favorable à l'option d'une assurance de type catastrophe.

Alors, en conclusion, tout en favorisant les principes d'équité mis de l'avant par le projet d'assurance-médicaments, l'Ordre des infirmières émet des réserves sur le projet soumis car le projet contient trop d'éléments inconnus, et on aurait souhaité plus de transparence dans l'exposé des principaux paramètres du régime proposé. Nous vous remercions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon. Merci, M. le Président. Comme vous faites un thème important avec la transparence, je pense qu'on est vraiment dans un processus démocratique qui vise à la transparence. Et le dépôt d'un projet de loi donne un certain bagage d'informations, et les commissions parlementaires sont là pour ça aussi, pour qu'on puisse vous entendre et échanger de l'information. Et je vous avoue, là, que cet élément-là, je le prends un peu moins bien, parce que tous les effort sont faits présentement pour que toute l'information soit disponible à tout le monde. Et on a même installé des lignes téléphoniques avec une équipe de téléphonistes à la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui peuvent informer les gens au bout de la ligne, gratuitement, pour leur dire exactement ce qui en est de la proposition du gouvernement, pour que les gens puissent se faire une idée de façon générale, y compris pour ce qui peut être leur situation particulière. Maintenant, on va prendre un certain nombre de points, là. Je pense que c'est important, au titre de la transparence, qu'au terme de cette rencontre on ait pu clarifier un certain nombre de choses.

Vous avez parlé des enfants. D'abord, là, j'ai l'impression qu'on est un peu dans une situation où ce n'est pas bon si on ne le fait pas puis ce n'est pas bon si on le fait. La préoccupation et l'intention étaient qu'on ait une approche qui peut s'intégrer dans l'optique d'une politique familiale, et que des enfants, où c'est important que... S'ils ont besoin de médicaments, surtout des enfants en bas âge, parfois pour des objectifs de nature plutôt préventive, même, ou encore plus, même si c'est aussi curatif, comme l'impact peut être énorme sur le développement de l'enfant, qu'il n'y ait, pour aucune considération, une barrière à l'accès aux médicaments pour l'enfant. Bon, évidemment, on peut toujours dire que, si c'est accessible sans aucune barrière, ça peut être plus facile d'en abuser, mais, là, il faut... Comme ça fait partie d'une prime familiale que la famille doit payer, même s'il n'y a pas de coûts au moment de l'utilisation, il nous semblait qu'on pouvait penser à d'autres moyens – puis je reviendrai là-dessus – pour contrôler un peu l'utilisation qui pourrait être abusive ou pas indiquée du médicament.

(12 h 40)

On aimerait peut-être vous entendre là-dessus, parce que je pense qu'on a un choix, là. Ou bien on restreint aussi, financièrement, l'accès pour les enfants ou on ouvre de ce côté-là, pour des raisons comme celles que je viens de vous dire, en cherchant d'autres moyens pour contrôler les abus possibles.

La question plus particulière des jeunes, à ce titre, là il y a un point qu'on va regarder. Un certain nombre de personnes ont soulevé comme vous cette notion de «domicilié» par rapport à «personne à charge». L'intention qui est là, c'est vraiment que l'enfant qui est toujours dans la famille puisse, s'il doit compléter des études au-delà de 18 ans... qu'on donne une continuation de la même protection, mais ce qui voudrait dire qu'une famille qui vit en Gaspésie, dont un enfant vient étudier à l'Université Laval ou à l'Université de Montréal, il est toujours domicilié avec sa famille et serait couvert, d'après l'article tel qu'il est là. Mais je crois comprendre qu'effectivement c'est une notion qui est peut-être un peu plus restrictive que celle de «personne à charge», et, ça, c'est quelque chose qu'on examine actuellement pour voir, compte tenu des objectifs poursuivis, s'il n'y a pas un réajustement à faire là-dessus.

Deuxième point, la question des médicaments en vente libre. Je pense bien vous comprendre lorsque vous nous dites qu'on devrait peut-être les ajouter à la liste. Bon. Là, d'abord, je ferai remarquer que c'est peut-être un peu le raisonnement qu'on faisait pour les enfants, pris sur l'autre sens, où on dit: Si les enfants n'ont pas de coûts à payer, ça peut susciter une surutilisation. Mais, là, on retourne l'argument de côté: Mais est-ce qu'il n'en serait pas aussi du même risque pour tous les médicaments qui sont sans ordonnance? S'il y en avait beaucoup qui étaient sur la liste, est-ce que ça ne pourrait pas favoriser une surutilisation de médicaments? Et, comme l'objectif d'un régime comme ça est de rendre accessibles, sans barrière quant aux coûts, les médicaments pharmaceutiquement requis, comme nous a dit l'Ordre des pharmaciens, il semblait qu'il y avait un noyau plus important à cerner.

Maintenant, ceci dit, vous avez un bon point, dans ce sens qu'il y a peut-être certains médicaments qui sont en vente libre et, comme nous l'a expliqué, entre autres, l'Ordre des pharmaciens, qui, peut-être, dans certains cas, pourraient être de bons substituts, mieux adaptés qu'un médicament d'ordonnance, qu'ils devraient peut-être être sur la liste. Et, dans ce sens-là, on prend bonne note, parce que, dans le cadre d'un régime d'assurance-médicaments, le but de la liste devient un peu différent, à ce moment-là, et il faudra des ajustements possibles, et ce sera le travail du CCP de voir ça. Mais je pense qu'il va falloir faire attention: si ça devient trop ouvert de ce côté-là, il ne faudrait pas retomber dans ce contre quoi vous nous préveniez en parlant des enfants.

Le contrôle des coûts. Là, je voudrais peut-être apporter une autre précision aussi. En tout cas, selon l'information que j'ai, je ne pense pas qu'il soit exact de dire que les régimes publics ont été des régimes où on n'a pas pu contrôler les coûts. Si on regarde ce qui s'est fait chez nous dans le domaine de la santé et des services sociaux et les régimes qu'on s'est donnés d'assurance-hospitalisation et d'assurance-santé, ça a, entre autres, donné des outils pour mieux contrôler les coûts. Maintenant, il y a peut-être quelque chose qu'on voit moins bien, là, mais je le soulève dans notre discussion. Un régime public qui veut donner un accès plus grand à un service est soumis, un peu sans défense, à ce qu'on appelle les effets clientèle. Et si la clientèle augmente, si, par exemple, pour... L'exemple le plus typique, c'est la sécurité sociale: s'il y a plus de chômage, il y a plus de gens qui sont en difficulté, la clientèle au programme augmente, peut augmenter rapidement, et ça, le régime est sans défense là-dessus. Maintenant, ça, c'est la contrepartie de l'objectif qu'on vise, c'est qu'on a un régime qui veut aider des gens qui... ou offrir un service, une accessibilité à un service pour des gens qui sont dans une certaine situation. Alors, ça, je pense que c'est important de faire attention, parce qu'un régime public dont les coûts augmentent à cause d'un effet clientèle, ça ne veut pas dire que c'est un régime qui est hors contrôle quant à ses mécanismes pour, justement, contrôler les coûts.

Bon. Maintenant, là, ma réponse au commentaire que vous faites et qui dit: Ça devrait être mieux balisé et mieux contrôlé, ce système-là. Comme il est là actuellement, il y a le rôle du CCP, qui existe déjà, où on a eu une longue expérience. Le rôle est élargi pour l'organisme, et on veut même, et certains nous le reprochent, dire que le CCP doit d'abord regarder la valeur thérapeutique, mais tenir compte aussi de l'aspect qualité-prix, et que, dans le choix des médicaments qui seront sur la liste, si on a à choisir entre des médicaments où le prix peut être différent, qu'il puisse en tenir compte, compte tenu d'abord de l'évaluation thérapeutique. Donc, il y a ce mécanisme-là.

Le mécanisme qui va être nouveau, qui existait déjà en établissement mais qui va être généralisé, la Revue d'utilisation des médicaments, c'est un mécanisme qui peut être très puissant. Et, dans d'autres régimes du genre ou un peu semblables qui ont été instaurés, avec des mécanismes de ce genre-là, on a vu une diminution d'utilisation et de consommation du médicament, nous dit-on, de 10 % et voire même de 15 % de diminution, et de diminution de médicaments pris de façon non adéquate, non appropriée, donc une meilleure utilisation. Donc, on a ce mécanisme-là aussi.

Un autre qu'on n'a pas et qui est une réponse à d'autres commentaires que vous nous faites, par exemple au niveau de l'information – ce n'est pas spécifié dans le projet de loi – l'intention était, on l'a déjà dit aussi, que, pour bien fonctionner, ce système, avec ses mécanismes de contrôle auxquels je viens de faire référence, va devoir être encadré dans une politique du médicament. Et, ça, on va proposer une modification à la loi pour y faire référence nommément, dans la loi de la politique du médicament, qui, entre autres, va inclure la question de formation, d'information à la population de même que tout le secteur, entre autres, de la recherche et du développement, par exemple. Bon.

Ceci dit et compte tenu qu'un mécanisme comme ça amène, par ses paramètres, un partage du coût avec la franchise et la coassurance, c'est un autre mécanisme qui sensibilise les gens, où on sait – ce qu'on nous dit par expérience – que, s'il y a une contribution à faire en deçà de ce que coûterait l'accès aux médicaments selon le besoin, mais qui est quand même une contribution, ça fait penser aux gens et ça contribue comme un autre mécanisme de contrôle. Bon. Il y a ça, là. Qu'est-ce qui pourrait être ajouté de plus? Si tout ça ne donne pas confiance que ça va être bien contrôlé, je pense que, moi, je serais très ouvert à proposer d'autres mécanismes. Mais, là, je vous avoue qu'on pensait avoir fait le tour du jardin et qu'on n'en avait pas identifié d'autres là-dessus.

Je m'excuse d'être un peu long, mais je termine, parce que vous avez soulevé des points très importants. Quand vous parlez de l'objectif budgétaire, vous faites référence à l'objectif budgétaire, le regrettant un peu. Encore là, je voudrais bien que vous nous aidiez à aller plus loin, parce qu'on ne s'en est jamais cachés, là: on est dans un contexte où il faut contrôler notre déficit pour pouvoir contrôler notre dette. Pour faire ça, entre autres moyens, il y a la diminution des dépenses que le gouvernement fait, et le secteur de la santé va être mis à contribution, dans une certaine mesure, parce qu'on est plus qu'à 30 % des dépenses du gouvernement. Donc, on a des choix à faire, et il semblait que de pouvoir effectivement récupérer quelque chose de l'ordre de 200 000 000 $ à 300 000 000 $ en faisant partager, mais de façon équitable, en fonction des revenus des gens, le coût du médicament, c'était une des façons avec lesquelles on pouvait agir. Remarquons que le gouvernement, par exemple, va utiliser un autre 200 000 000 $ qu'il va recycler dans le système pour permettre de compenser, pour les faibles revenus, leur prime. Donc, ce n'est pas seulement une économie. Il y a une partie, un montant de 200 000 000 $ qu'un régime comme ça permet de recycler, de certains citoyens à d'autres, pour compenser pour la prime.

Bon, si on allait... Puis, moi, je serais d'accord pour avoir un régime plus généreux. Je serais bien d'accord pour ne pas faire d'économie du tout là-dessus et rendre le régime très généreux. Mais, là, vous nous aideriez en suggérant un peu où on va faire l'économie du 200 000 000 $ à 300 000 000 $ ailleurs dans notre système de santé, parce que, à un moment, quelque part, là, les livres ne balanceront pas.

Bon, c'est un peu long, je m'arrête là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Desrosiers.

M. Rochon: Mais ce serait beaucoup plus transparent si on se comprenait là-dessus un peu plus.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bon. Alors, quelques éléments de contrepartie. Je pense qu'on est sensibles à ce que vous dites concernant les enfants. On l'a mentionné parce qu'on n'avait pas, nous autres mêmes, la solution, mais on voulait sensibiliser. Et je pense que les spécialistes qui vous conseillent pourraient peut-être trouver un équilibre. Parce qu'en fait, là, ce n'est pas une barrière à l'utilisation versus, ce que vous dites, une approche à caractère familial, et vous ne vouliez pas mettre en péril des familles à faibles revenus, etc. Mais il faut trouver un mécanisme qui va équilibrer le risque entre aucune barrière à la consommation et la surconsommation. Et les enfants, ce sont des groupes vulnérables, et le processus de consommation de médicaments chez eux... je pense que, vu d'un point de vue populationnel, je ne peux pas croire que tous les enfants du Québec sont malades. Donc, les enfants véritablement malades ne devraient peut-être avoir aucune barrière. Mais est-ce qu'on est malade quand on fait... Je ne veux pas rentrer dans des détails cliniques, mais il est connu qu'on prescrit énormément d'antibiotiques à des enfants. Est-ce qu'ils sont véritablement malades? Est-ce qu'il y a vraiment... Ça peut être ça, mais ça peut être la question du Ritalin. Il y a eu quasiment un scandale avec la prescription du Ritalin ou d'autres choses. Donc, moi, ce que je suggère à vos spécialistes, c'est de trouver un équilibre entre pas de barrière à la consommation et le risque réel de surconsommation de médicaments pour une clientèle infantile.

(12 h 50)

L'autre aspect concernant le contrôle des coûts. Vous avez parlé d'effet clientèle, à l'effet que le régime, actuellement, d'assurance-médicaments pour les personnes âgées a connu un problème de contrôle de coûts surtout dû aux effets clientèles. Moi, je ne suis pas une économiste puis je ne veux pas rentrer dans une théorie là-dessus, mais ce que j'ai pu lire – et je reviens d'un congrès international en économie de la santé – c'est que la plupart des pays ont un problème de contrôle de coût des médicaments, mais qui n'est pas uniquement dû à l'effet clientèle, qui est énormément dû à l'industrie pharmaceutique, au lobby, au problème du contrôle du coût lui-même, à la recherche, etc., bref... Et, dans la plupart des pays, on commence toujours par faire porter le fardeau du contrôle aux consommateurs en introduisant un ticket modérateur ou une coassurance, espérant que le fameux consommateur va pouvoir «dealer», excusez l'expression, avec le prescripteur en disant: Êtes-vous vraiment sûr, «j'ai-tu» vraiment besoin de ça? Mais tout le monde sait... Tous les pays qui ont essayé ça se sont aperçus que ça ne marche pas tellement, parce que, quand on vit une situation d'insécurité, on n'a pas un pouvoir de négociation avec le prescripteur.

Donc, pour revenir au contrôle des coûts, qui doit avoir le fardeau, éventuellement, de la hausse anticipée des coûts? Est-ce que c'est vraiment les consommateurs de médicaments? Comme si tout le monde au Québec n'avait que le goût de prendre et de consommer des pilules! Alors, il y a certains pays qui ont commencé à introduire des mécanismes de contrôle sur les prescripteurs, et pas des mécanismes strictement indicatifs, là, ou de formation, des mécanismes très contrôlants. Vous êtes sûrement au courant de l'expérience de l'Allemagne, qui a eu certains effets pervers, mais, quand même, qui a eu des effets significatifs en termes de baisse de l'enveloppe. Donc, de ne faire porter le fardeau futur du système que sur, en fait, les consommateurs, j'espérerais qu'il y aurait des mécanismes pour les prescripteurs et des mécanismes, également, qui concernent l'industrie pharmaceutique, qui sont des joueurs clés dans cette question-là.

Je m'excuse que vous ayez pu croire que nous n'étions pas d'accord avec les objectifs budgétaires du gouvernement. Au contraire, là, comme citoyens payeurs de taxes, tout le monde est sensible au fait qu'il y a une crise des finances publiques au Québec et que vous avez un objectif de récupération de 200 000 000 $ à 300 000 000 $. Ce n'est pas là-dessus qu'on en avait, c'était sur la contrepartie. En implantant le régime d'assurance-médicaments et en modifiant le régime de couverture pour les personnes âgées et autres, ça va vous permettre de récupérer 200 000 000 $ à 300 000 000 $, c'est parfait. Mais la contrepartie, c'est qu'on anticipe pour les années subséquentes le fait qu'il n'y a pas de plafond; c'est que le coût pour la population... C'est plutôt, là... il n'y a pas de contrepartie.

Vous aviez les moyens de contrôler les coûts et vous avez eu de la difficulté. Alors, imaginez la population, qui ne va avoir qu'à s'assurer. Comment elle va contrôler la dépense globale l'année prochaine, l'autre année, etc.? C'est pour ça qu'on vous parlait d'un mécanisme de plafond éventuel un peu selon le modèle de l'Allemagne, ou encore un mécanisme de reddition de comptes qui ferait en sorte que, une fois par année, on saurait, au Québec, quel est le montant de la facture de consommation de médicaments, autant payée par l'État que par les citoyens eux-mêmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Et merci à vous pour avoir accepté notre invitation et de nouveau nous présenter un mémoire extrêmement bien structuré. Je voudrais peut-être faire écho un peu à ce que vous dites dans votre mémoire. Vous posez un certain nombre de questions pour lesquelles on est sans réponse actuellement. On associe à ça, là, puis je ne veux pas partir de débat, mais on parle de transparence. Vous dites: Quels médicaments seraient couverts? Quels seraient les déboursés réels? Dans quelle mesure les coûts globaux du régime seront-ils contrôlés? Et, puisque ce sont les contribuables qui font les frais de la solidarité sociale, de quels leviers disposeraient-ils? Quelles seraient les mesures de contrôle de qualité et d'efficacité des coûts du régime? Quelle est la contribution des produits pharmaceutiques aux résultats de santé? Comment le système évoluerait-il? En fait, vous posez plein de questions pour lesquelles, actuellement, on est sans réponse. Mais la seule réponse qu'on nous a dite à ce moment-ci, c'est qu'il y aura dans le projet de loi 15 pouvoirs de réglementation, et le ministre nous a assurés qu'on aurait connaissance des règlements avant qu'on commence à étudier le projet article par article. Alors, nous aussi, nous sommes un peu d'accord avec votre appréciation de la situation à ce moment-ci.

Ma première question est semblable à celle du groupe qui vous a précédé: Vous avez comme mandat de bien protéger la population, et, devant les difficultés appréhendées, particulièrement au niveau du coût élevé du régime – parce qu'il y a une taxe déguisée, là, à l'intérieur de ça – eh bien, différents groupes sont venus nous dire qu'il pourrait y avoir des gens qui ne prendront pas leur médication parce qu'ils n'auraient pas les moyens de la prendre. Et nous pensons que c'est quelque chose qui peut arriver. Alors, je voulais vous demander comment vous, l'Ordre des infirmières, vous allez protéger le public, avec les coûts élevés d'un programme d'assurance-médicaments.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, écoutez, c'est pour ça que, nous autres, quand on était venu à la dernière commission parlementaire sur la consommation de médicaments, on avait une petite préférence davantage sur l'assurance type catastrophe, parce que ça concerne des gens véritablement malades. C'est que le régime universel s'appuie plutôt sur l'hypothèse que tout le monde est un malade qui s'ignore, et ça va couvrir les anovulants, ça va couvrir tout, vous savez. Bon. C'est ça qui est un peu embêtant. Évidemment, c'est une question de point de vue. Est-ce qu'on veut y aller par exception, donc les gens véritablement malades devraient avoir une couverture de médicaments, évidemment? Bon. Alors, nous autres, l'Ordre, on n'est pas un joueur, on a des opinions là-dessus et, contrairement à certains groupes, on est moins préoccupé de l'inobservance, parce que, chez les gens véritablement malades, on sait qu'il y a des comportements d'inobservance, la documentation l'a prouvé; mais la littérature scientifique démontre aussi qu'il y a un gros problème de surconsommation de médicaments. Alors, lequel est le pire dans le système de santé présentement, l'inobservance ou la surconsommation de médicaments, autant en vente libre que prescrits? Alors, il y a des groupes, particulièrement dans le moment, de femmes ou de personnes âgées pour lesquels il a été démontré... M. Castonguay, lui-même, dans son rapport, parlait... je ne me souviens plus si c'est 15 % ou 20 % d'hospitalisations chez les personnes âgées qui seraient en partie relatives à des problèmes d'interaction médicamenteuse. Alors, il y a un coût à ça. Bon, je ne veux pas faire une thèse sur la question, mais quand vous me demandez: Qu'est-ce que... Donc, l'opinion de l'Ordre penchait plus en faveur d'un régime catastrophe que d'un régime universel pour les raisons que je viens d'exposer.

Et, concernant le rôle que notre Ordre peut avoir quant à la consommation de médicaments, nous autres, c'est au niveau des pratiques cliniques des infirmières. Alors, les infirmières sont particulièrement... ont été, par le gouvernement, mises en première ligne au niveau d'Info Santé, donc on a pu avoir des actions de «counseling», d'éducation pour la santé en première ligne et, éventuellement, dans... C'est ce qu'on avait également fait valoir à la dernière commission parlementaire, c'est qu'il y a d'autres mécanismes, mais qui ne concernent pas la commission présente, sur le suivi systématique des clientèles pour mieux intégrer l'arsenal pharmaceutique au suivi des clientèles.

M. Marsan: Ma deuxième question, ça concerne un peu ce que vous nous avez dit sur l'indexation, puis vous êtes arrivés quand même assez documentés, avec des chiffres, et il y a une crainte certaine que tout le système parte en spirale et que les coûts deviennent tellement... on trouve déjà qu'ils sont élevés au moment où on se parle, avant même que le régime commence, et qu'à cause du phénomène d'indexation, bien, ça ne pourrait que s'accroître.

Vous nous parlez aussi d'une imputabilité, vous parlez d'un rapport annuel. C'est dommage, notre collègue, le député de Lévis, s'il était ici, il aurait sûrement proposé que tous ceux qui travaillent autour du régime d'assurance-médicaments soient imputables à une assemblée régionale de députés; on aurait pu sûrement en reparler. Je voudrais revenir quand même sur les mécanismes de plafond que vous suggérez. Comment ça pourrait fonctionner? Si vous voulez juste élaborer un petit peu. Comment est-ce qu'on peut mettre un plafond à des coûts qui vont être décrétés par règlement, par un ministre, après consultation avec les assureurs privés?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, nous, l'histoire du plafond, c'est que vraiment... puis, encore là, on ne veut pas s'improviser... On sait qu'il y a des personnes éminemment compétentes, des économistes, des actuaires, etc., qui se sont penchés sur la question. Peut-être que le régime proposé est un premier pas et qu'il se bonifierait par la suite, mais le modèle allemand a introduit un plafond qu'on trouve très intéressant – peut-être, j'inviterais Mme Valois à élaborer là-dessus – puis ils avaient essayé toutes sortes d'autres choses avant.

(13 heures)

Mme Valois (Marie): En réalité, l'exemple allemand, moi non plus, je ne suis pas une experte de ça, mais j'ai quand même trouvé ça intéressant, parce qu'ils avaient un problème encore supérieur au nôtre. Ils assuraient énormément de médicaments, et non seulement ils ont imposé un plafond, mais ils ont réduit la masse, ils ont forcé à la fois l'industrie pharmaceutique, mais ils ont procédé... Ça a pris beaucoup de temps, c'est pour ça qu'on voit l'ampleur de la difficulté de contrôler le phénomène.

Alors, en 1989, ils ont mis les premières balises de contrôle du système. Ça n'a pas fonctionné suffisamment. En 1993, ils ont donné un autre coup de barre, si on peut s'exprimer ainsi, ils ont créé un système qu'ils appellent «le système de prix de référence», entre autres. Alors, ils ont abaissé le coût des médicaments qui étaient sur ce système-là, mais les médicaments n'étaient pas tous sur ce système-là. Alors, c'est sûr qu'il y a eu un effet où il y a eu un déplacement vers d'autres médicaments. Parce que c'est sûr que la plupart des acteurs dans ces régimes-là – on ne peut pas se le cacher – ils cherchent la faille du système. Alors, tout le monde a ce comportement-là à tous les niveaux, sûrement, incluant le consommateur. Ils en sont venus ultérieurement à utiliser plusieurs approches. Premièrement, ils ont exigé une baisse de 134 000 000 $ de la facture provenant des prescripteurs, un autre 134 000 000 $ provenant de l'industrie pharmaceutique. En même temps, ils ont inséré plus de médicaments dans le système de prix de référence, ce qui obligeait la baisse du coût unitaire des médicaments. En plus, ils ont exigé 5 % de baisse sur l'ensemble des médicaments, excluant ceux qui étaient vendus en vente libre, qui, eux, ont eu une baisse exigée de 2 %. De plus, ils ont travaillé au niveau du consommateur en augmentant le coût de ce qu'ils appellent, eux, le coût-paiement.

Alors, c'est sûr que, nous, on n'est pas en Allemagne, on ne connaît pas la tradition. On peut difficilement voir... En tout cas, il y avait un gros problème, c'est sûr. Si on regarde leur per capita en médicaments, eux, c'est 259 $. En Grande-Bretagne, curieusement, c'est 93 $. Ce serait très intéressant... C'est sûr que ce n'est pas les mêmes choses exactement. On ne prétend pas que c'est les mêmes chiffres. Il y a toutes les méthodes de comptabilisation qui sont différentes. Au Japon, c'est 179 $. En Italie, 220 $. Je suis sûre que tous vos experts sont au courant de ça. Nous, on est des néophytes là-dedans. En France, c'est 230 $. On pense que ça pourrait même nous donner à croire qu'il n'y aurait pas de limite, quelque part. Alors, il faut en mettre une, limite. Ça forcerait possiblement les gens à – comment dire? – s'articuler autour des mesures éminemment intéressantes que vous mettez de l'avant. Ça forcerait la note, finalement, dans ce sens. Autrement, si c'est plus formatif, comme ça l'a été dans le passé, les résultats de la facture, en bout de compte, ça ne fonctionne pas facilement, à notre avis.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il me reste les députés de Nelligan, Argenteuil, Notre-Dame-de-Grâce, avant de faire la conclusion. Nous sommes à 13 heures. J'aurais besoin du consentement des deux côtés pour pouvoir continuer. Consentement. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je voudrais vous demander juste une question sur vos recommandations 3 et 4, quand vous avez recommandé la participation d'infirmières au Conseil consultatif de pharmacologie et aussi la participation d'une infirmière au Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Personnellement, j'appuie ces deux recommandations. Malgré mon grand respect pour mes collègues qui sont médecins, j'ai toujours eu une certaine réserve sur le monopole du pouvoir au niveau décisionnel. Et, là-dessus, je pense que les personnes qui sont proches de la population peuvent être très utiles dans ces décisions.

Mais je voudrais savoir un peu plus pourquoi vous avez recommandé cette participation. C'est quoi, les faiblesses décisionnelles? Où sont les lacunes? C'est quoi, les problèmes avec le CCP et le Comité de revue de l'utilisation des médicaments? Peut-être que mon commentaire peut apporter une réaction de mon collègue, le député d'Argenteuil, mais je vais laisser...

M. Beaudet: Mon tour s'en vient.

M. Williams: Son tour s'en vient. Je voudrais avoir vos commentaires. Je pense que c'est une bonne idée, mais je voudrais savoir un peu plus c'étaient quoi, vos problèmes avec ces deux comités.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, écoutez, le Conseil consultatif de pharmacologie, tel qu'il est là, ce serait un comité d'experts qu'on trouve un peu «in-breeding», c'est-à-dire médecins, pharmaciens, un économiste. On pense qu'il n'y a pas de tort à ouvrir la dynamique et permettre que... Les infirmières, on considère, nous, qu'on est des experts cliniques. On est très familières avec la consommation de médicaments parce qu'on suit des clientèles qui en consomment et on en donne, on les conseille. On va à domicile. On est très familières. Mais, en même temps, on n'est ni prescripteur ni vendeur. Donc, on pense qu'on pourrait être un élément sans conflit d'intérêts et un élément intéressant d'équilibre au niveau de ces comités-là.

Également, on a pensé que, même si ça se veut des comités dits scientifiques, il y a d'autres personnes... Parce que, nous, on a recommandé que, nous, on y soit, mais également des représentants de la population. Ça peut avoir l'air hyperdémocratique, mais ce n'est pas tellement l'idée. C'est l'idée d'avoir plus de représentants de consommateurs, que ce soient des représentants de la Fédération de l'âge d'or, des groupes très... ou des représentants de malades. On pense que les scientifiques, peut-être... D'ailleurs, on le voit, nous autres, les ordres, on a des représentants du public sur des conseils d'administration, et c'est des discussions éminemment complexes. On discute de choses comme les mémoires qu'on vient présenter en commission parlementaire, et le public, justement, je ne dirais pas dans sa naïveté, mais, justement, dans le fait qu'il soit néophyte, va souvent arriver avec la très bonne question. Alors, un expert clinique, infirmière, parce qu'elle est neutre, sans conflit d'intérêts, et davantage de présence de consommateurs, pour poser les bonnes questions.

M. Williams: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Bien, contrairement à mon confrère, le CCP est un comité scientifique. Ce n'est pas un comité qui doit juger de l'évaluation des médicaments et de leur utilisation, mais bien du bien-fondé de l'utilisation d'un médicament par un patient, sur une maladie précise. Je questionne un peu la nécessité... Non pas que l'infirmière ne soit pas bienvenue là-dessus, là, sauf que, si on ouvre la porte à l'infirmière, il faudrait ouvrir la porte au patient, et puis, là, le patient, bien, il va dire: Il faudrait avoir des gens de l'âge d'or, et des gens plus jeunes, mais ce n'est pas le but du tout du Comité.

Le but du Comité, c'est une recommandation scientifique, laquelle recommandation est faite au ministre et au ministère. Lui peut, à ce moment-là, avoir un autre comité, un comité d'utilisation, qui serait tout à fait différent. Mais, lorsqu'on parle d'une recommandation scientifique par rapport à une molécule, son utilisation par rapport à une maladie, on ne parle pas de l'utilisation par un individu, on parle du rendement d'un médicament sur une maladie donnée. Et, lorsque la recommandation par le CCP est faite au ministre ou au ministère, là, s'il y a un autre comité d'intervention pour recommander au ministre: Oui, oui, on trouve ça bon et les malades le veulent, ça, c'est un autre lieu d'activité. Parce que, si on intervient avec des éléments de consommation à l'intérieur du CCP, le CCP perd toute sa valeur. Le CCP va perdre son rôle d'indépendance par rapport et au consommateur et au gouvernement, alors l'élément utilisateur et l'élément payeur.

Je conviens avec vous qu'il y a du lobbying qui se fait à partir des entreprises pharmaceutiques. Jusqu'à date... Ça fait déjà 25 ans que le CCP existe. Jusqu'à date, on n'a pas de preuve qu'il y a eu d'intervention directe par le lobby pharmaceutique au niveau des recommandations qui ont été faites au ministre par le CCP. Alors, est-ce que vous croyez qu'on devrait mettre une autre structure qui pourrait faire du lobbying – ça en est, là, dans le fond – auprès du ministre pour l'obtention d'un médicament, ou si on doit gâter la structure du CCP actuellement et en faire un conseil beaucoup plus élargi?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Je suis certaine, M. Beaudet, quand vous dites «gâter», que vous ne pensez pas...

M. Beaudet: Bien, gâter...

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...que les infirmières viendraient gâter la sauce.

M. Beaudet: Non, non, mais...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ce n'est sûrement pas le sens de votre propos. Alors...

M. Beaudet: Non. C'est qu'on va enlever le sens scientifique au Comité.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah oui, gâter le sens scientifique. Bien, je vous dirais qu'au contraire on améliorerait la valeur scientifique, parce que je pense qu'il y a une littérature scientifique très importante, du côté de la pratique infirmière, sur l'observation clinique et les effets secondaires. Je comprends, par contre, votre propos. Vous dites: Nous autres, notre recommandation, on l'a faite sur le Comité parce que c'était le lieu décisionnel de la mise à jour de la liste. Alors, là où va se prendre la décision de la mise à jour de la liste, on pense qu'il devrait y avoir et infirmières et représentants de la population. Si le Comité ne s'en tient qu'à un avis dit scientifique, ça pourrait être un sous-comité, mais le lieu de recommandation de la mise à jour de la liste... Et, à un moment donné, ça va être et scientifique... On vient juste d'en discuter, tantôt, on a dit: Pourquoi pas le Claritin? Pourquoi pas autre chose? Ça peut aussi devenir politique. Alors, là où sera prise la décision, en termes de pertinence... Parce qu'il y a une dimension scientifique, mais il y a aussi... Au-delà de la science médicale, il y a des sciences sociales, il y a d'autres dimensions qui peuvent entrer en ligne de compte, et on pense que, sur les décisions de pertinence, il doit y avoir et infirmières et représentants de la population.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. Maintenant, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

(13 h 10)

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur la question qui a fait un peu réagir le ministre, la question de la transparence. Dans votre mémoire, votre deuxième suggestion à l'effet «d'introduire une plus grande transparence en ce qui a trait à la répartition du fardeau financier assumé par l'État et celui qui sera à la charge directe des consommateurs», c'est ce volet-là. Une proche collaboratrice a décidé d'appeler la ligne 1-888 pour poser la question: Combien ça va me coûter? question tout à fait légitime. Et cette proche collaboratrice s'est fait répondre: C'est en négociation entre les compagnies d'assurances et le ministre. Est-ce que ça répond, ce type de réponse, à votre souci de transparence?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Écoutez, on comprend qu'à ce stade-ci le parti gouvernemental n'ait pas toutes les réponses. Nos commentaires n'étaient pas dans le sens de trop mettre en boîte le gouvernement. C'était dans le sens d'améliorer la transparence et que, notamment, comme on disait, il y ait un mécanisme de reddition de comptes une fois par année, qu'on connaisse la facture. Bon. À très court terme, effectivement, pour la population, c'est un petit peu inquiétant de ne pas savoir exactement quel sera le montant de la facture, mais je pense que le gouvernement sera en mesure éventuellement de nous le dire. C'était le coût immédiat, mais le coût dans l'avenir... Alors, c'est pour ça que je pense que, comme disait M. le ministre, les commissions parlementaires, c'était effectivement un mécanisme de transparence en soi, mais on a simplement fait un certain nombre de recommandations pour améliorer la transparence, mais on l'a fait à toutes sortes d'endroits, incluant la discussion que j'avais précédemment avec votre collègue, au niveau des comités ou de la Revue d'utilisation. C'est un peu... C'est pour, disons, ouvrir le système de consommation de médicaments à d'autres groupes.

Mais on est inquiets pour la population parce que, en tant que citoyens payeurs de taxes, on ne sait pas exactement combien ça va nous coûter, c'est bien évident.

M. Copeman: Une petite courte, M. le Président, si vous me permettez. Comme vous le savez sans doute, le processus de détermination des primes, de la franchise, coassurance, est fixé par règlement. Est-ce que ça vous semble assez transparent de déterminer des paramètres, comme le ministre les appelle, aussi fondamentaux, qui vont toucher directement la population, par règlement, par l'adoption d'un règlement au Conseil des ministres qui n'est pas assujetti à un examen en commission parlementaire ou...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, effectivement, les pouvoirs discrétionnaires nous apparaissent très importants et, comme on disait tantôt, si on ne peut pas influencer le règlement puis qu'on ne sait pas, une fois par année, combien ça nous coûte, puis quelle est la facture globale, ça va commencer effectivement à être un peu piégeant pour la population. Donc, il va falloir que, quelque part, soit dans les pouvoirs discrétionnaires réglementaires, soit dans la transparence des coûts véritables, ce soit connu. Je pense que tu avais autre chose.

Mme Valois (Marie): Oui. Je trouve ça intéressant, votre question. C'est un fait qu'on s'est beaucoup intéressé à... Finalement, on a lu les journaux. On a appelé au ministère, mais on n'a pas réussi à avoir les chiffres exacts. C'est compréhensible. Je vois que c'est en évolution. Mais on regarde les journaux tous les jours. Alors... Par exemple, il y a quatre choses: la prime, la franchise, la coassurance et la contribution maximale. Une des questions qui nous préoccupent beaucoup et que, moi en tout cas, je n'ai pas vu passer dans les journaux, c'est la progressivité du régime. J'ai l'impression – puis, si vous avez la réponse, je serais très contente qu'on puisse la connaître – qu'au-delà de 30 700 $ de revenus nets, ou je ne sais trop exactement comment c'est calculé... Par exemple, une famille qui gagnerait 250 000 $ et une autre qui gagnerait 30 700 $, elles paieraient le même... Pour une maladie donnée, toute autre chose étant égale par ailleurs, elles paieraient la même chose. Alors là, à ce moment-là, c'est... C'est exact?

M. Rochon: Le même plafond.

Mme Valois (Marie): Bon. C'est-à-dire que... Bon, la même prime aussi, la même coassurance...

M. Rochon: Oui, c'est vrai.

Mme Valois (Marie): Donc, pour une maladie donnée, pour un groupe de médicaments donnés, consommés, pour une consommation égale, ils paieraient la même chose.

Alors, si quelqu'un doit consommer 2 000 $ sur 30 000 $, c'est... L'équité d'accès est différente que pour quelqu'un qui a 250 000 $ de revenus et qui consomme 2 000 $. Ça, c'est quelque chose qu'on n'a pas réussi à dire à date, mais qui nous préoccupe beaucoup. Je ne sais pas si ça répond...

Le Président (M. Boucher): Ça met fin à vos questions, M. le député. Alors, M. le député de Robert-Baldwin, pour l'opposition officielle.

M. Marsan: Oui. Alors, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Merci pour la qualité des échanges que nous avons eus. Nous retenons des choses assez importantes, je pense, votre désir de participer au régime et de faire participer également les patients, les malades, particulièrement sur les fameux comités.

Alors, je voudrais vous remercier bien sincèrement pour cette présentation.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. Maintenant, M. le ministre.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je vous remercie beaucoup aussi de votre présentation et de la discussion intéressante que ça nous a donné. Vous me permettrez, en concluant, de peut-être renvoyer la balle sur une couple de choses, vu qu'un des objectifs importants des commissions parlementaires, c'est aussi de faire progresser l'information.

Le contrôle des coûts, qui vous préoccupe beaucoup, et correctement. Parce que c'est sûr que tout ce qui est la pierre angulaire et qui pourrait être le tendon d'Achille d'un régime comme ça, c'est le contrôle des coûts. Ça, c'est très clair. Maintenant, une couple d'éléments, je pense, là – moi, je trouve en tout cas – qu'il est important d'avoir à l'esprit... Parce que l'avenir a toujours un degré d'incertitude. On ne pourra jamais contrôler parfaitement ce qui va arriver. Même les futurologues jouent avec des probabilités. Maintenant, il faut bien voir la situation actuelle par rapport à ce que nous donnera, comme situation, le régime.

Présentement, ça nous coûte 2 200 000 000 $ par année collectivement, au Québec, en régimes publics et privés, et de l'argent dépensé par les gens directement de leur poche, et pour ceux qui n'ont pas de couverture d'assurance, ça nous coûte 2 200 000 000 $, 2 300 000 000 $, et ça a été une situation où on sait que le coût – le coût, je ne dis pas juste le prix du médicament, le coût – composante prix et composante utilisation, a augmenté, on le sait, dans les 15 dernières années, de l'ordre de 15 %; dans les deux dernières années, en moyenne, de 7,5 %. La situation actuelle, il n'y a à peu près pas de contrôle sur les coûts. Tout ce qui peut arriver, c'est que tout le monde refile le coût à celui qui paie au bout de la ligne. Et, ça, bien, c'est des gens qui paient des primes, 4 500 000, dans les régimes collectifs, c'est des gens qui n'ont pas d'assurances, qui paient de leur poche quand ils ont besoin de médicaments ou bien qui s'en privent, et c'est des gens qui sont dans le régime public présentement, où c'est l'État qui paie pour eux, donc les payeurs de taxes paient pour eux.

Ceci dit, il faut voir un peu ce que le régime apporte de plus que la situation actuelle. Et là je rappellerais... je pense que ça vaut la peine de faire l'exercice, on va le refaire encore, de façon critique, pour voir si on peut ajouter d'autre chose, mais il y aura une politique du médicament, ce qu'on n'a pas présentement, le rôle élargi du CCP pour avoir un meilleur contrôle via ce que la liste peut permettre de contrôler, mais avec d'abord un objectif thérapeutique, et la Revue d'utilisation des médicaments. Tous les pays qui ont fait des approches et qui ont développé des régimes du genre, malgré les difficultés de contrôler les coûts, se sont donné par ça des moyens qui ont permis de contrôler l'utilisation du médicament pour qu'elle soit plus adéquate, donc un élément important du contrôle du coût.

Les prix. Il y a des mécanismes qui se sont développés, et, ça, c'est nécessairement à cause du champ d'interaction au niveau de l'ensemble du Canada, qui ont aussi amené un meilleur contrôle sur le coût. Alors, moi, je suggère juste, là, je soumets respectueusement qu'avec un régime comme ça, même si l'avenir garde son degré d'incertitude, on se donne des moyens qu'on n'a pas aujourd'hui pour être capable d'agir un peu plus là-dessus.

Bon, l'indexation. C'est ce qui est le point crucial, l'indexation, dans un système comme ça. Il y a quand même certaines projections qui ont été faites, il y a des analyses souvent très techniques et très pointues, mais, si vous revenez au rapport du comité Castonguay, vous allez retrouver là-dedans qu'il y a eu certaines projections qui ont été faites jusqu'en l'an 2001 pour dire: Qu'est-ce que ça donnerait par rapport aux paramètres qu'on a actuellement? Donc, on ne saute pas sans filet de sécurité. On a quand même une certaine idée sur la base de calculs qui ont été faits et de projections qui ont été faites.

Des mécanismes additionnels. Vous avez donné beaucoup l'exemple de l'Allemagne. En Allemagne, effectivement, tout le monde a regardé avec beaucoup d'attrait et de curiosité ce qu'on a fait. Il y a eu la question du prix référence que vous dites, il y a eu aussi la responsabilité qui a été mise sur les praticiens et sur les médecins, qui devaient contrôler un budget global plafonné. Ça a semblé être intéressant au début, pendant une année, si j'ai bien lu, comme expérience, mais, finalement, ça a éclaté, je pense. Selon l'information que j'ai, ça...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ça a eu seulement l'effet pervers... C'est que, quand le patient est trop malade, le médecin, étant donné qu'il ne veut pas affecter l'enveloppe... Ça a référé... L'effet pervers, mais qui, semble-t-il, malgré tout, avait une économie globale, ça a référé des cas en hospitalisation...

M. Rochon: Oui, c'est ça.

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...ça a fait augmenter, peut-être... ça a demandé un ajustement du côté de l'hospitalisation.

M. Rochon: O.K. En tout cas, moi, l'information que j'ai – je vais revérifier, là – c'est que le système, tel qu'il avait été conçu, il n'a pas pu tenir la vague à un moment donné, en plus des effets pervers. Mais on va regarder. S'il y a d'autre chose qu'on peut apprendre et qu'on peut rajouter là-dedans, on va le faire sûrement.

(13 h 20)

L'autre chose que vous soulevez, qu'il est important de préciser un peu, c'est jusqu'à quel point le régime, dépassé un certain niveau, le salaire de 30 000 $ et plus, un peu plus de 30 000 $ pour la famille, où, à partir de ça, la famille qui gagne 35 000 $ puis celle qui gagne 100 000 $ ont les mêmes paramètres: même franchise, même coassurance et même plafond. C'est vrai. Le régime veut quand même... Et je pense qu'il est quand même plus progressiste que ce qu'on a présentement, parce que, là, il y a un effort d'avoir une meilleure continuité entre les gens à petits revenus, qui sont protégés complètement de la prime en bas d'un certain revenu. Dans un créneau de revenus, il y a une prime progressive. Et, au-delà de ça, même si la prime et les paramètres sont les mêmes, il faut dire que le système va payer encore, va assumer le coût, à peu près 800 000 000 $ encore, du médicament sur 2 200 000 000 $ qu'on dépense au Québec pour la partie du régime public et pour ce qui est recyclé dans le fonds de compensation pour composer. Alors, il y a encore presque un bon 800 000 000 $ qui est fait. Et, ça, c'est payé par les taxes des gens qui ont des revenus plus élevés, qui fournissent ce fonds-là par la voie de leurs taxes. Donc, quand on regarde l'ensemble du système, là, pour être plus progressiste que ça, il faudrait avoir un système complètement public, où tout se paierait à partir des taxes. Et, là, peut-être qu'éventuellement c'est le genre de chose vers lequel on évoluera, mais ça ne semblait pas être quelque chose avec lequel on pouvait partir présentement.

Je conclurai peut-être sur un autre élément qui est important, pour qu'on se le rappelle. En plus des mécanismes qui sont là, on veut avoir une politique du médicament. Quand vous parlez des médicaments en vente libre, que vous parlez des enfants, il y a quelque chose qui reste pour moi un peu paradoxal dans tout ça, en parlant des abus possibles et, par contre, la responsabilité du prescripteur. C'est peut-être vrai que, pour les enfants, il faudra insister plus pour que ceux qui sont responsables de la prescription et de la dispensation du médicament assurent un bon contrôle puis une bonne qualité du service. Et ça, la politique du médicament devra comprendre un programme de formation et d'information très important auprès de ceux qui peuvent avoir plus de contrôle là-dessus. Donc, quelques éléments pour nous faire avancer dans le partage d'information. Je vous remercie beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie à mon tour. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, dans le cadre de notre mandat, le mandat de la commission des affaires sociales qui se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, nous recevons maintenant la Coalition FTQ-CSN-CEQ sur le projet de loi n° 33. Et je vous souligne aux gens de la commission, aux membres de la commission, que, contrairement aux autres groupes, nous avons accordé, au lieu d'une heure séparée, une heure et demie. Donc, la présentation sera de 30 minutes au lieu de 20 minutes, et nous procéderons après avec la période d'échanges. Mme Pagé, c'est vous qui commencez, j'apprécierais que vous présentiez les gens qui vont avoir à intervenir.


Coalition FTQ-CSN-CEQ sur le projet de loi n° 33

Mme Pagé (Lorraine): Alors, merci, M. le Président. Effectivement, je vous présente la délégation intercentrales qui se présente devant la commission aujourd'hui. Alors, en commençant à mon extrême gauche, Marc Laviolette, qui est vice-président à la CSN, Gérald Larose, président de la CSN, moi-même, Lorraine Pagé, présidente de la CEQ, Marc-André Gagnon, vice-président à la CEQ, Clément Godbout, président de la FTQ, et Émile Vallée, conseiller à la FTQ.

Alors, le 15 mai dernier, un mois après la publication du rapport Castonguay, M. le ministre Rochon déposait le projet de loi n° 33 qui crée un régime d'assurance-médicaments et, deux jours plus tard, il présentait les grands paramètres du régime. On peut à tout le moins constater que la démarche a été très diligente. Mais, dans notre cas, vous comprendrez que cela nous a mis dans un calendrier frisant la précipitation, puisque nous avons pris connaissance de l'orientation du projet de loi au moment même du dépôt du rapport et que nous n'avons eu que trois semaines pour procéder à un examen attentif de ce projet de loi pour préparer le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Vous comprendrez donc que c'est sur la base d'informations fragmentaires que nous avons développé le point de vue que nous vous soumettons et qu'il y a donc énormément de questions que nous allons soulever pendant cette présentation.

Je voudrais d'entrée de jeu signaler que, pour les trois centrales, l'introduction d'un régime universel d'assurance-médicaments constitue une amélioration significative de notre régime d'assurance-santé. Les raisons qui expliquent cette appréciation que nous portons, c'est tout d'abord qu'il y a plus d'un million de Québécoises et de Québécois qui, présentement, ne bénéficient d'aucune couverture à l'égard des médicaments, et ces personnes-là pourront maintenant faire face à la maladie sans se ruiner ou se priver de médicaments essentiels. Le régime de base qui est prévu constitue une protection minimale qui assure une même protection de base à tous les individus et qui protège les personnes les plus vulnérables. Les paramètres de remboursement sont généreux; dans certains cas, ils permettront même d'améliorer des régimes d'assurance collectifs. Le projet comporte certains éléments d'une politique globale de médicaments. Et, enfin, ce sont là, donc, des points positifs qu'il faut souligner et que nous mettrons en évidence tout au long de la présentation.

Mais il n'y a pas que des fleurs, il y a également quelques critiques sévères. Le projet de loi comporte des faiblesses certaines sur lesquelles nous désirons attirer votre attention, que ce soit le contenu de la liste des médicaments, les balises financières du régime, le montant des primes individuelles et familiales, les répercussions que ce régime complexe pourrait avoir sur les personnes, mais aussi sur les régimes collectifs d'assurance. Il y a également des faiblesses au chapitre du contrôle des coûts du régime et des prix du médicament. Et nous croyons également que le fardeau qui sera assumé par certaines catégories de contribuables sera beaucoup trop élevé et s'éloigne des critères d'équité et de progressivité de notre régime. Donc, la présentation que nous vous ferons mettra en évidence à la fois les points positifs du projet qui est soumis par le ministre, mais également mettra en évidence les faiblesses, en même temps que nous soulèverons certaines interrogations à l'égard de certaines questions qui nous apparaissent encore imprécises ou qui suscitent beaucoup d'inquiétude ou d'appréhension.

Tout d'abord, sur le régime universel, je le disais, c'est un régime qu'on réclamait depuis fort longtemps. C'est une étape cruciale dans l'évolution de notre système public, surtout dans le contexte où la population vieillit, où on est en train de compléter un virage ambulatoire, où les médicaments ne cessent de se développer et d'accaparer une part croissante des coûts de la santé. Mais nous croyons qu'il faut examiner l'ensemble du projet de loi en étudiant la dynamique qui va être transformée avec l'arrivée de nouveaux acteurs que sont les assureurs privés.

En effet, la mécanique du projet de loi qui est proposé repose sur l'élargissement de la solidarité du régime avec une nouvelle répartition du fardeau des médicaments, mais qui repose sur deux caractéristiques tout à fait nouvelles: on rompt avec la gratuité et on rompt avec la gestion publique d'un régime. On s'achemine vraiment vers une approche qui fait disparaître la notion de gratuité, même si elle était partielle, et qui amène l'obligation d'une contribution financière directe pour le médicament de la grande majorité des personnes dans notre société. L'autre innovation, c'est la gestion déléguée aux assureurs privés. C'est un changement radical qui est en rupture avec la philosophie générale de notre système. Et nous nous demandons bien sincèrement si, en corrigeant une injustice envers les personnes non assurées, on ne crée pas de nouvelles injustices à l'égard de certains groupes de la population, et plus particulièrement les deux groupes sur lesquels nous voulons attirer votre attention: ce sont les personnes âgées, bien sûr, et les personnes à faibles revenus, qui sont des cibles trop touchées par le gouvernement dans sa recherche d'équilibre budgétaire.

Disons d'entrée de jeu que nous sommes favorables à ce que les personnes âgées contribuent à un nouveau régime, dans la mesure de leurs moyens, toutefois. Et le partage doit être équitable entre tous les groupes de la population. Le problème consiste essentiellement à déterminer les seuils raisonnables de la contribution des personnes âgées. Alors, bien sûr, quand on passe d'un système où la contribution demandée était de 2 $ par ordonnance à un système où il y aura une contribution fondée sur le revenu, la transition est lourde pour les personnes âgées, surtout quand on applique ça dans la foulée des budgets des ministres Martin et Landry, qui ont accru de façon très importante les contributions demandées aux personnes âgées sur différents sujets.

Si on regarde de façon plus spécifique le projet qui nous est présenté, selon nos estimés, une personne âgée qui vivrait seule avec un revenu de 14 800 $ pourra voir sa contribution au régime passer d'un maximum de 100 $ par année à 926 $, soit 6,25 % de son revenu. Un couple qui a un revenu de 25 700 $ verra sa facture s'élever à 1 852 $, soit 7,2 % de son revenu. Et la proportion diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Une personne seule qui a un revenu de 30 700 $ verra la proportion des dépenses de médicaments être deux fois moindre, avec 3,01 % de son revenu, et un couple qui gagne 50 000 $ verra la contribution à l'égard de son revenu atteindre seulement 3,7 %. Alors, la pente est beaucoup trop raide pour les personnes âgées, elle n'est pas équitable pour ces personnes âgées les plus démunies. Et nous croyons, même si la formule de financement proposée par le ministre est meilleure que la formule de financement qui était proposée par le rapport Castonguay, qu'il y a moyen de faire mieux. Il faudrait que les seuils d'exonération soient haussés, que la gradation entre les seuils soit adoucie, et nous pensons qu'il faudrait envisager de fixer un maximum de dépenses, exprimé en pourcentage du revenu annuel.

Les observations que nous faisons pour les personnes âgées sont les mêmes que nous faisons pour les personnes assistées sociales. Nous croyons que la mise en place d'un plafond de 300 $ par année équivaut, dans les faits, à une coupure de prestations d'aide sociale. Le rapport Castonguay proposait de hausser les barèmes de l'aide sociale pour compenser cela, mais on voit bien que les dernières mesures ont été plus d'abaisser les paramètres de l'aide sociale. Et nous croyons que ce plafond fixé constituerait un frein à la consommation de médicaments, ce qui amènerait des personnes à se priver de médicaments nécessaires, donc à détériorer davantage leur état de santé et éventuellement à constituer une charge additionnelle pour les autres composantes du système de santé.

Dernière observation, c'est sur les enfants et les parents. Nous ne comprenons pas pourquoi nous créons deux classes de parents au chapitre du financement, ceux qui ont moins de 65 ans et ceux qui ont plus de 65 ans. Selon le projet de loi n° 33, les personnes de 65 ans ou plus couvertes par la RAMQ qui ont des enfants de moins de 18 ans ou aux études devront les assurer séparément avec un assureur privé, tandis que les autres enfants vont être couverts par le même régime que leurs parents. Alors, nous croyons qu'on doit garder tous les enfants dans le même régime que leurs parents.

(15 h 20)

Par ailleurs, le régime de base exempte totalement les enfants de moins de 18 ans ou aux études de la franchise ou de la coassurance. Nous croyons que les régimes collectifs qui couvrent actuellement les enfants en les considérant comme dépendants de leurs parents, avec une prime familiale, une franchise familiale, une coassurance familiale, dans certains cas, même, un plafond familial, constituent un bien meilleur régime. C'est celui qui est assez généralisé dans les régimes collectifs d'assurance que nous connaissons. Tout le monde s'en porte bien, c'est le cas de le dire, et nous croyons que c'est plutôt cette approche-là qui aurait dû être retenue.

Je passe maintenant la parole à M. Godbout pour continuer la présentation.

M. Godbout (Clément): Oui, je vais vous diriger tout de suite à la page 8 de notre mémoire, où nous vous disons que nous nous rallions à l'idée d'un régime mixte, mais nous aurions préféré un régime public. Mais nous mettons une condition: on trouve inacceptable que le choix du gouvernement serait d'exclure de la patinoire des soumissionnaires la RAMQ. On pense que la RAMQ devrait être capable de soumissionner au même titre que les autres du secteur privé, de façon à apporter une compétition loyale et correcte. Ce serait malheureux de mettre de côté la RAMQ, avec son expérience.

À la page 9 de notre mémoire, on résume en quelques lignes les raisons: «l'expertise annuelle de la RAMQ auprès des deux groupes de personnes vulnérables que sont les personnes âgées et celles qui sont assistées sociales; la nécessité que le système de santé couvre le médicament qui est un traitement; la nécessité de préserver le caractère public de notre système de santé; la volonté de conserver les régimes actuels des assureurs québécois sans menacer l'industrie; la nécessité de fournir une saine concurrence au secteur privé; et la nécessité d'un meilleur contrôle de l'évolution des coûts.»

Dans ce sens-là également, nous disons, dans le paragraphe qui précède le contrôle des coûts: «Par ailleurs, la réglementation afférente au présent projet de loi devra statuer que tous les assureurs devront non seulement identifier le prix du régime de base, mais également l'offrir sous forme de produit distinct.» Ce qu'on vise par ça, c'est de se prévenir contre les tactiques de vente, pour éviter un paquet de bebelles dont les gens n'ont pas besoin. On sait très bien de quelle façon ça peut se faire.

À la page suivante, à la page 10, on traite, à ce moment-là, des augmentations de prime. Il faudra quelque part trouver une façon pour une protection des coûts, parce que, s'il n'y a pas de protection des coûts puis des mécanismes pour le faire, on devra couper probablement dans l'avenir, puis on met peut-être un régime qui est dû à des accidents de parcours dans le temps, puis, finalement, on pourra peut-être avoir des problèmes importants à le faire survivre.

Dans les régimes collectifs maintenant – je suis à la page 11 – il ne faut pas oublier qu'il y a des milliers de conventions collectives qui couvrent des programmes d'assurance-médicaments. Nous avons besoin de temps pour nous ajuster, pour les négocier. Ce n'est pas vrai qu'avec des grandes multinationales, c'est avec un coup de téléphone puis, le lendemain matin, les comités de négociation sont aux tables. Ça prend du temps et de la préparation. Or, vous n'êtes pas en mesure de nous fournir présentement, par exemple, la liste des médicaments couverts, qui vont être dans la couverture. Bon. Il y a un paquet d'informations qu'on doit avoir, nous, pour être capables de s'asseoir avec les entreprises, pour dire: Voici ce qui est couvert, voici ce qui ne l'est pas, et ce que ça veut dire en termes de coût.

Deuxièmement, nous voulons attirer votre attention sur le fait que nous avons besoin, dans le projet de loi et dans la loi, d'un mécanisme de dénouement d'impasse en cas de conflit entre les parties lorsque vont arriver pour atterrir, au niveau de la convention collective, les ajustements. En ce sens, nous proposons une clause qui prévoit l'arbitrage en cas de désaccord, l'arbitrage comme nous le faisons dans un grief, l'arbitrage à travers des approches... l'arbitrage de griefs.

Les régimes ont été négociés, et, dans ce sens-là, on a de grandes préoccupations concernant les personnes âgées, comme, par exemple, les personnes à la préretraite, qu'on retrouve beaucoup, de 55 à 65 ans, ou 65 ans et plus. On risque peut-être de tomber dans une prime en fonction de l'âge. Et qu'est-ce qui va arriver avec les personnes à la retraite qui sont couvertes par le régime collectif? Est-ce qu'il n'y aura pas une façon ou une pression très grande pour eux de se diriger vers les régimes individuels? Qu'est-ce qui va arriver autour des ententes ou des discussions au niveau des travailleurs et des travailleuses quant à la protection des personnes préretraitées ou retraitées?

Nous ajoutons, à la page 14, un petit paragraphe qui dit, à notre sens, à peu près tout. Au bas de la page, nous disons: Nous devons avouer que, pour le moment, nous n'avons aucune solution à offrir à ce problème; le gouvernement non plus, puisqu'il n'avait pas prévu de problème à ce niveau-là. Il faudra donc prévoir une table de discussion spécifique à ce sujet. Raison de plus pour nous donner du temps. Il faut que le gouvernement se donne même du temps pour y penser, à ce problème-là, parce qu'il faut faire attention que les personnes âgées ne tombent pas dans un ghetto de personnes mal couvertes ou mises de côté par les autres.

La représentativité, maintenant, sur les deux comités que vous avez formés, le Conseil consultatif de pharmacologie et celui de revue de l'utilisation des médicaments. Nous proposons avec force la démocratisation. Il faut absolument qu'on soit capable d'avoir des gens représentatifs du milieu, il faut que les gens du monde ordinaire soient là, capables de défendre et de représenter les intérêts de ceux qui prescrivent des médicaments et de ceux qui en vendent. Il ne faut pas juste eux autour de conseils comme ceux-là. Et je ne pense pas que le gouvernement sera ouvert à donner au président de la FTQ la gestion du service d'accréditation; il y aurait peut-être des observateurs autour de la table ou des gens pour me conseiller. Alors, dans ce sens-là, il faudrait absolument ouvrir au niveau démocratique pour être capable de faire en sorte que les gens, que le comité consultatif soit représentatif de tout le monde, également le Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Bon.

Dans le mémoire également, nous revenons auprès de vous en disant: L'équité, les coûts, le contrôle de l'utilisation des médicaments, l'information du public, être capable de faire en sorte de démontrer que la surutilisation est dangereuse et coûteuse, tout ça devrait faire partie d'un programme d'ensemble de façon à être capable de donner un projet qui va avoir de l'avenir. Maintenant, n'oublions pas la raison pour laquelle nous appuyons votre proposition d'un régime mixte; il faudrait, et il faut absolument que la RAMQ soit sur la patinoire des soumissionnaires; et, deuxièmement, pour l'amour! donnez-nous du temps pour nous revirer de bord puis régler les problèmes que j'ai soulevés, pour lesquels nous n'avons pas et nous n'aurons pas les réponses au moment approprié, puis, finalement, on va se ramasser avec des problèmes importants. On est mieux de prendre un peu plus de temps que de se tromper.

Mme Pagé (Lorraine): M. Larose, qui enchaîne pour la conclusion. Alors, M. Larose.

M. Larose (Gérald): Avant la conclusion, je voudrais qu'on discute un petit peu de la croissance des coûts des produits pharmaceutiques en même temps que de la question de la confidentialité.

On sait que dans notre système de santé et de services sociaux, dans l'histoire récente, il y avait trois sources d'inflation. Une qui a été rapidement domptée, c'était celle des salaires. Alors, ça a commencé il y a de cela une bonne douzaine d'années; on a rapidement domestiqué cette source d'inflation. Les deux autres qui ont tiré à la traîne, c'était l'inflation du côté de la rémunération des médecins; on croit savoir que c'est de plus en plus sous contrôle. Mais celle qui n'est pas encore sous contrôle, c'est effectivement la croissance des coûts des médicaments.

Je rappelle un peu ce que le rapport Castonguay nous dit. Le Canada est le numéro un mondial au niveau de la croissance des produits pharmaceutiques, en termes de coûts. De 1984 à 1993, ça a été une augmentation annuelle de l'ordre de 11,8 %. On est le numéro deux au plan du prix «flat». Il y a seulement l'Allemagne qui nous dépasse par tête de pipe. On était, au Québec, en bas de la moyenne nationale, mais on ne s'est pas laissé faire. On produit, on est en situation de rattrapage rapide au niveau de la croissance. Il y a rien que Terre-Neuve qui nous bat. Bref, le diable est aux vaches par rapport aux coûts que ça nous coûte pour les médicaments.

Le rapport Castonguay nous précise aussi que, pour les produits brevetés après 1987, au Canada, on est en moyenne 55 % plus cher que la moyenne internationale. On nous précise aussi qu'au Québec on consomme 30 % des produits en produits génériques, alors que la moyenne canadienne est de 36 %. Bref, il y a un problème au niveau des coûts des médicaments.

(15 h 30)

On identifie quatre acteurs qui pourraient peser d'un poids très lourd pour domestiquer les coûts des médicaments: le ministre, avec la liste, il y a aussi le Conseil consultatif de pharmacologie, il y a la révision d'utilisation des médicaments, puis il y a la RAMQ et le ministère eux-mêmes.

D'abord, on veut faire la précision suivante. Ou bien donc on veut domestiquer les coûts ou bien donc on veut faire de la place aux gens qui sont intéressés par la business, et on veut être très clair. Nous, on pense que si on prend la peine de mettre en place un régime public, ou plutôt un régime d'assurance-médicaments, ça doit se faire dans le cadre du déploiement d'une politique intégrée au niveau des médicaments et il doit y avoir un «steering» dans l'application de cette politique. Ce «steering» devrait être mandaté pour mener une véritable campagne, une véritable politique concernant les médicaments, non seulement pour s'assurer que ce soient des produits sûrs, des produits efficaces, des produits abordables, mais il faudrait que l'univers des médicaments ne soit pas l'univers avec un grand U, mais que ce soit une pratique intégrée dans l'ensemble de la pratique médicale et, donc, mener un combat contre tous les effets pervers de la médicalisation de l'ensemble de notre système.

Par analogie, on pense que Mme Payette, quand elle a mis en place l'assurance-auto, eh bien, la Société n'avait pas rien qu'à comprimer les dépenses en pressant le citron des automobilistes, elle avait la responsabilité de développer la sécurité. Elle a mené de vastes campagnes, elle a imposé des normes aux fabricants; bref, elle a fait oeuvre d'éducation populaire. Eh bien, on cherche le «steering» dans le projet. On pense que le CCP, composé essentiellement de gens du milieu, peut facilement devenir la proie des lobbys qui ont un intérêt à la surmédicalisation du système, d'où notre proposition que le CCP soit un organisme public représentant tous les intérêts, pas rien que ceux des fabricants de pilules, pas rien que ceux des distributeurs de pilules, mais ceux qui ont un intérêt au développement de la santé publique. Alors, on se comprend, on veut des «pit bulls». Si vous voulez des noms, on pourra vous en fournir.

Deuxième élément. On pense que le ministre, avec le pouvoir qu'il a sur la liste, pourrait être très rigoureux pour s'assurer que ne s'ajoute pas à la liste n'importe quel nouveau médicament présenté comme tel, dont on a rien que changé l'essence. Peut-être qu'on pourrait avoir une liste qui, aussi, pratique le plus bas prix. Et, là-dessus, on peut peut-être vous souligner que le mouvement syndical se pose un certain nombre d'interrogations par rapport aux législations récentes par rapport aux produits pharmaceutiques. Quand on avait donné notre accord pour que l'industrie pharmaceutique se développe, puis on est toujours d'accord avec ça, on n'avait pas donné notre accord pour qu'ils délocalisent l'ensemble de la production en Indonésie, aux Philippines, à Taïwan puis dans les îles. En termes de jobs, on en a perdu plus qu'on n'en a créé. Peut-être qu'on a une couple de centaines de belles jobs, mais on pense qu'au niveau du développement économique, là, on a manqué le coche. Il aurait fallu être plus rigoureux là-dedans. Bref, on ne fera pas de crise d'urticaire si on revient à une pratique pour payer des médicaments qui seraient efficaces et qui seraient abordables et, donc, qui seraient de l'univers du générique.

Dernier élément là-dessus, concernant la RAMQ et le ministère. On sait que la RAMQ elle-même est un acheteur important et on pense qu'elle peut peser d'un grand poids pour effectivement domestiquer les prix des médicaments.

En conclusion sur ce volet, il y a certainement des actions pour contrôler le volume, agir sur les ordonnances, agir sur le marketing. Il se dépense deux fois plus d'argent en marketing qu'en recherche, alors on suppose que les gens sont plus intéressés à faire de l'argent qu'à trouver des solutions, enfin, deux fois plus, à tout le moins. Alors, on pense qu'il devrait y avoir des actions vigoureuses de ce côté-là et qu'il faudrait certainement agir de manière concertée pour domestiquer cette dernière source d'inflation qu'est le prix des médicaments.

Deuxième élément, la confidentialité. Je pense qu'on se rend compte qu'avec le nouveau «setup» bon nombre d'informations seront étalées dans le décor: toutes les pharmacies, tous les assureurs privés, tous les établissements, le mandat de la révision d'utilisation des médicaments; bref, disons que pas mal de données concernant la consommation des médicaments vont se retrouver un peu étalées dans le décor. On ne voit pas beaucoup, dans le projet, comment on peut attacher notre système pour faire en sorte que la confidentialité soit étanche. Tout ça est un équilibre délicat à trouver et on pense qu'il faudra mettre à contribution un certain nombre d'experts, notamment la Commission d'accès à l'information, pour s'assurer que ce genre d'équilibre là soit le plus rapidement trouvé. Et, à ne pas oublier, un interdit formel d'accès à ces informations, et à toutes les informations, aux fabricants. On estime que ce serait préjudiciable pour les consommateurs que cet accès-là soit rendu aux fabricants. On est témoin qu'ils peuvent payer bien cher pour avoir bon nombre de banques de données là-dessus.

En conclusion, M. le ministre, on est d'accord et on salue votre volonté de doter le Québec d'un régime universel obligatoire et contributif pour que tout le monde soit couvert par une assurance-médicaments. Nous insistons lourdement pour que ce régime ne devienne pas rapidement la propriété privée de l'industrie des assureurs. Nous précisons que nous croyons à la concurrence et que, en régime capitaliste, la concurrence, c'est peut-être, comme on nous le dit, la garantie d'une certaine qualité, mais qu'en régime capitaliste, si les capitalistes sont là sans concurrence, ça devient du parasitisme.

On pense que donner un bassin de clients de l'ordre de 1 200 000 personnes sans qu'il y ait option qui devrait être donnée à ces personnes de choisir entre la RAMQ et le secteur privé, c'est un cadeau qui va nous coûter cher. Et, connaissant l'expertise de la RAMQ, on pense qu'ils peuvent rapidement non seulement concurrencer, mais exercer une saine pression pour une rationalisation des coûts administratifs dans le secteur privé. Alors, il y a un élément d'économie pour la société. Donc, notre point qui veut que la RAMQ soit rendue capable d'assurer les individus, c'est capital.

Deuxième élément, il nous faut réviser la charge des coûts. On l'a dit, c'est trop onéreux pour les personnes âgées et les plus vulnérables en termes de revenus, les assistés sociaux et les petits salariés.

Troisième élément, l'élément de confidentialité, on pense que le projet n'est pas attaché, là-dessus. Quatrième élément, l'élément de démocratie, on pense qu'il faut s'assurer qu'il y ait d'autres personnes que celles du milieu. Et, dernier élément, on pense qu'on ne pourra pas attacher tout ça pour que ça s'applique le 1er janvier; il nous faudrait un minimum de temps pour finir de travailler sur cette question éminemment importante.

Voilà les quelques suggestions que nous avions à vous faire, et nous sommes prêts à en débattre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à vous poser la première question.

(15 h 40)

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour ce mémoire et cette présentation. Même si le délai a été un peu court, ça vous a donné le temps de mettre pas mal de substance. Je ne sais pas ce que ça aurait été si vous aviez eu plus de temps! Ça fait vraiment le tour de la question.

Je voudrais faire deux petites remarques, si vous permettez, et soulever deux points de votre présentation. Une première précision qui réfère un peu à ce qu'était le mandat du groupe de travail présidé par M. Castonguay. Dans votre introduction, au tout début, au début du deuxième paragraphe, vous nous dites: «Contrairement aux experts et aux compagnies d'assurances, qui ont été consultés», alors que vous n'avez pas été consultés. Alors, je voudrais juste, pour être correct, rappeler que le mandat que j'avais donné au comité Castonguay était de se situer dans la prolongation des travaux qui avaient été faits à ce moment-là. Il y avait eu l'étape du comité Demers, on se rappellera, qui avait conclu avec une de ses principales recommandations à l'effet de regarder de près la faisabilité d'un régime d'assurance-médicaments, parce qu'on ne voyait pas comment on pourrait s'en sortir autrement. Par la suite – ça, c'est en 1994 – il y a eu des travaux qui ont été faits au ministère pour examiner cette question de faisabilité par des équipes techniques qui, vers le milieu de 1995, neuf mois après, ont conclu avec un dossier que c'était effectivement possible mais qu'il y avait différents scénarios qu'il fallait examiner plus en profondeur. C'est à ce moment-là, au tout début de l'automne, septembre, octobre 1995, que j'ai demandé à M. Castonguay et à un groupe d'experts sur ces questions-là de voir avec les partenaires éventuels de l'industrie de l'assurance, des assureurs et des milieux impliqués dans la gestion ou dans les principaux aspects de la gestion du médicament, de voir comment cette faisabilité pourrait se concrétiser et comment tous ceux qui étaient impliqués, qui tenaient une partie de la solution en main, présentement, seraient prêts à concourir dans un régime, à travailler ensemble dans un régime, ce qui nous a amenés à la proposition qu'on a aujourd'hui.

Alors, je veux juste être correct là-dessus. Peut-être que j'aurais dû donner un mandat différent au comité, mais ce n'était pas le mandat du comité d'aller jusque-là. On avait plutôt prévu que, sur la base de ce qu'on verrait comme possible comme régime, c'était là qu'on déterminerait l'étape suivante. Et l'étape suivante qu'on a déterminée, ça a été de faire le projet de loi, considérant surtout le contexte budgétaire actuel, et d'aller directement en commission parlementaire pour consulter l'ensemble des gens qui peuvent être impliqués là-dedans. On aura entendu à peu près, je pense, 45 groupes. Donc, s'il y a une critique là-dessus, sur la façon de faire, je vais la prendre à mon compte parce que c'est le trajet que j'avais décidé.

Deuxièmement, il y a peut-être une petite précision qu'il est bon de se rappeler. Les exemples que vous donnez de ce que ça pourrait vouloir dire comme coûts, quand on dit qu'une personne seule qui a un revenu de 10 000 $ ou à peu près pourrait payer jusqu'à 900 $ de médicaments et qu'un couple, ça pourrait être 1 800 $, le double, on en arrive à ces chiffres-là parce qu'on additionne la prime – ce seraient donc des gens au-dessus d'un revenu où la prime serait payable au complet – et qu'en plus, pour un couple, ce seraient deux personnes qui se rendraient jusqu'à leur plafond. Donc, les deux personnes du même couple qui auraient consommé, dans l'année, au-dessus de 2 700 $ de médicaments – parce qu'il faut se rendre à 2 700 $ pour arriver au plafond de 750 $ – et, pour chacune, il faut faire ça. Alors, si une des deux personnes a consommé pour 10 000 $, ça va lui coûter 750 $. Il faudrait que les deux aient consommé jusqu'à... C'est vraiment réparti également, 50-50, la consommation, pour un total de 5 400 $.

Or, on sait qu'il y a des gens parmi les personnes âgées, l'exemple qui était donné, qui consomment plus que le plafond de 750 $ qu'on a prévu; c'est à peu près 7 % de l'ensemble des personnes âgées qui se rendent jusqu'à ce niveau-là. Il faut que les deux arrivent ensemble, dans le même couple. Là, on commence à jouer avec des probabilités pas mal plus faibles. Alors, je veux juste le rappeler, là, parce que c'est vrai que, pour certaines personnes, ça pourrait vouloir dire ça, mais, là, on en est à la toute petite minorité des gens qui seraient dans cette situation-là. Pour plus de 90 % des gens, ce ne sera jamais un scénario aussi élevé que ça.

Dans ce que vous nous dites, il y a deux choses qui me frappent particulièrement: une, parce que c'est la toute première fois qu'on l'entend, et l'autre, parce que c'est un thème qui revient assez souvent. Celle qu'on entend pour la première fois est cette suggestion que vous nous faites avec beaucoup de force, là – vous l'avez reprise, je pense, au moins deux, M. Godbout et M. Larose – que le marché des 1 200 000 personnes qui n'ont présentement pas de couverture d'assurance devrait être un marché où à la fois la Régie de l'assurance-maladie et les assureurs privés, si je vous suis bien, seraient un peu en compétition pour assurer ces gens-là. Est-ce que je comprends bien, justement? C'est ce qui serait ma question. C'est la première fois, je pense, qu'on nous fait une suggestion dans ce sens-là aussi claire. Parce qu'il y a eu effectivement une option qui avait été prise, c'est-à-dire que les assureurs privés ont le marché privé, l'État, par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, a eu un peu un rôle, entre guillemets, traditionnel d'assurer les gens qui étaient des prestataires d'aide sociale et les personnes âgées. Donc, on maintient cette répartition.

Si je comprends bien ce que vous nous suggérez pour ces 1 500 000 personnes là, vous ne suggérez pas qu'elles soient réparties entre la Régie de l'assurance-maladie et les assureurs privés selon certains types d'individus, parce que l'État a pris des groupes d'individus présentement, mais vous dites que l'ensemble devrait être simplement, littéralement en compétition, privé, public, pour faire l'ajustement.

M. Godbout (Clément): ...réponse à la page 8.

M. Rochon: Oui. C'est ça.

M. Godbout (Clément): Selon nous.

M. Rochon: Très juste. Les troisième et quatrième paragraphes.

M. Godbout (Clément): Exactement.

M. Rochon: Ce qui correspond d'ailleurs à un des scénarios qu'avait envisagés le comité Castonguay. Ça, je ne sais pas s'il y a d'autres commentaires à faire. Je n'ai pas vraiment de question là-dessus, mais je veux souligner que c'est la première fois qu'on nous arrive avec ça. Vous dites que votre argumentation est surtout à l'effet – et c'est vous, je pense, qui l'avez développée, M. Larose – à l'effet que, pour que le régime soit plus sain, il faudrait ouvrir une certaine compétition.

M. Larose (Gérald): Mais aussi, je pense que la preuve est faite que les régimes unifiés publics, au plan administratif, coûtent beaucoup moins cher. Et même, la preuve est faite que ces mêmes régimes, quand vient le temps d'imprimer des courbes aux prix des médicaments, sont plus performants pour contenir les coûts des médicaments.

Nous, on prend le risque du régime mixte, mais pas pour laisser galoper l'entreprise privée sans qu'elle ait à subir quelque concurrence que ce soit. On est meilleur «public», bien, qu'ils viennent concurrencer «public». Et, dans ce sens-là, on est convaincu que le pari de la mixité, où on vise une certaine qualité – là-dessus, on ne nie pas – bien, on pense qu'il va y avoir un plus et une bonification, y compris pour rationaliser leurs propres coûts administratifs s'ils doivent concurrencer la RAMQ. Parce que, selon les informations qu'on a – et puis, on les a entendus la semaine passée – on pense qu'on dit pas mal... on les croit. On les croit quand ils nous disent qu'au plan administratif ça va coûter plus cher que ce qu'on prévoit. Alors, on dit: Bon bien, c'est le fun de le savoir. On va faire...

M. Rochon: Avant plutôt qu'après.

M. Larose (Gérald): Voilà. On va faire de la prévention.

M. Godbout (Clément): Il y a un deuxième aspect aussi. Quand vous voulez parler des coûts des médicaments, la RAMQ est certainement mieux équipée puis elle a pas mal plus de gabarit, lorsqu'elle va vouloir négocier, que chaque assureur privément. Je veux dire, là on s'enlève un outil très efficace pour négocier les prix des médicaments puis en même temps intervenir dans le milieu, puis les gens choisiront. Mais ça ferait quelque chose, il me semble, de très sain dans le milieu de la compétitivité puis des coûts, des prix.

M. Rochon: Par contre... Moi, je vous suis très bien, là, je vois très bien le raisonnement. Par contre, vous êtes d'accord que, pour ce qui est de l'assurance collective, où les assureurs privés ont développé une bonne expérience et contrôlent bien la situation, vous êtes en interface avec eux dans le régime des conventions...

Mme Pagé (Lorraine): Ils l'ont développée avec nous.

M. Rochon: Ça, c'est bon. C'est ça.

M. Godbout (Clément): On pense que, dans le secteur de la négociation, il ne faut pas intervenir si elle est là puis si elle fonctionne bien. D'ailleurs, vous parliez tout à l'heure de la consommation des personnes âgées, de 7 %. Avec ce que vous proposez pour elles, la consommation va augmenter. Imaginez-vous si vous touchez aux régimes privés. Avec les entreprises, on va dépasser les coûts. La tension va venir trop haute.

M. Rochon: Oui.

M. Godbout (Clément): Non, mais, sérieusement, les négociations, l'expertise, c'est fait. Nous avons des compagnies d'assurances...

M. Rochon: O.K.

M. Godbout (Clément): ...qui ont développé une expertise incroyable, qui sont capables de bien gérer, nous le savons. Elles ont une marge de manoeuvre assez serrée. Si on est bien informé, ce n'est pas facile pour elles dans le contexte actuel. On ne veut pas les placer sur la voie d'évitement. Il y a des emplois là-dedans. Il y a aussi une économie importante. C'est pour ça qu'on dit: Ces régimes-là continuent. Puis, dans le régime de la protection individuelle, bien, permettez donc à la RAMQ d'amener toute son expertise et la capacité de négocier et, en même temps, d'intervenir au niveau des coûts.

M. Rochon: O.K. Le point est bon et il est bien fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Larose, un complément là-dessus?

M. Larose (Gérald): Oui. Bien, moi, je voulais rien que rajouter que l'expertise accumulée par le secteur privé dans la gestion des assurances collectives, il y a là des économies d'échelle déjà réalisées. Mais, si elles gèrent l'assurance individuelle, en termes de coûts administratifs, c'est un autre «setup», là. Alors, c'est pour ça que, avant que ça s'emballe, on aime mieux être sûr que la loi du marché va se discipliner rapidement.

(15 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Excellent. Juste pour, comme vous dites, M. Godbout, être sérieux, la consommation des personnes âgées, même avec le régime qui, tout en étant plus exigeant pour plusieurs personnes âgées, va assurer, je pense, effectivement une bonne équité, l'ensemble du régime – et j'y reviendrai tout à l'heure, je ne veux pas prendre tout le temps tout de suite – va comporter un certain nombre d'éléments de contrôle de l'utilisation. L'expérience de régimes du genre a été que ça a aidé à diminuer la consommation, surtout celle qui n'est pas adéquate, du médicament.

M. Godbout (Clément): Et l'information, je suppose?

M. Rochon: L'information, la Revue d'utilisation des médicaments et, jusqu'à un certain point aussi, ce qui est imposé aux gens en termes de paramètres de consommation, le jeu de la franchise et de la coassurance. Alors, ça, ça... Oui, la franchise, la coassurance, la Revue d'utilisation des médicaments et, aussi, l'importance de l'information. Mais je reviendrai là-dessus. Je ne veux pas prendre tout le temps tout de suite, là, pour respecter le jeu. Mais je veux revenir avec deux questions, une... L'autre point que vous avez soulevé aussi, mais qui nous est revenu souvent, sur la représentation que vous dites que vous souhaitez sur des comités comme le CCP et la Revue d'utilisation des médicaments. Et je vois très bien le point où on dit qu'un régime comme ça ne doit pas être laissé seulement aux techniciens; c'est le vieux proverbe qui dit: La guerre, c'est sérieux. Il ne faut pas laisser ça aux généraux seulement. Bon, on s'entend là-dessus.

Maintenant, on peut dire aussi et considérer que, pour être bien géré, un système comme ça, et pour que ça fasse partie, justement, d'une politique du médicament, certains mécanismes comme le CCP, le Conseil consultatif de pharmacologie, qui a vraiment un rôle très technique à jouer sur l'évaluation de la qualité thérapeutique et du rapport qualité-prix d'un médicament, et la Revue d'utilisation des médicaments, qui est un rôle, aussi, très, très, très technique de révision et d'analyse statistique des profils de consommation et d'utilisation du médicament, c'est des comités très techniques.

Ce qu'on n'a pas dans la loi – et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre – et que je considère ajouter, proposer qu'on rende plus précis, parce qu'on l'avait à l'esprit de toute façon, c'est de mettre clairement que ce régime-là est développé dans le cadre d'une politique du médicament qui devra comprendre les éléments qu'on s'attend à retrouver dans une politique, les outils pour s'assurer qu'on a des objectifs, des priorités, des moyens de contrôle des coûts, d'évaluation, qu'on atteint les objectifs qu'on a visés, qu'il y a des éléments surtout d'information et de formation qui sont une responsabilité que le gouvernement, par le ministère, assume avec ses partenaires, et certains éléments, probablement, de la politique de la recherche et développement dans ce domaine-là. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est à ce niveau-là, si le ministère se donne vraiment une politique et une organisation pour encadrer l'ensemble du système, qu'on devrait avoir l'arrimage que vous proposez, où les grands partenaires sociaux, ceux qui représentent plus les consommateurs et les utilisateurs du système, devraient avoir leurs rentrées directes plutôt qu'à des niveaux plus techniques du système? Mais, là, je comprends, comme c'était proposé, qu'on n'avait pas fait ressortir l'élément de politique, et ma question est: Si on le met clairement dans la loi et non pas seulement de rajouter, mais sans le mettre dans la loi comme on voulait le faire avant, est-ce que vous ne pensez pas que cette représentation-là pourrait être beaucoup mieux articulée et beaucoup plus forte, en termes d'impact, qu'au niveau des comités techniques? Ma première question.

Ma deuxième, vous nous dites: On est d'accord sur tout ça, on peut y aller, certains ajustements, vous nous proposez des choses intéressantes, mais les délais sont un peu courts pour mettre ça en application. Je lis bien – je ne voudrais pas faire de distorsion, de l'angle de vue d'où je suis placé – que vous n'avez pas d'objection à ce que, si on clarifie les choses correctement dans les prochains jours, quand toute l'information va être complétée – on va déposer le règlement la semaine prochaine, les paramètres, on veut attendre, pour les fixer de façon définitive, d'avoir entendu tout le monde, mais on a donné l'ordre de grandeur – on puisse adopter la loi tout de suite justement pour qu'on ait fixé les règles du jeu, qu'on ait campé l'orientation, et, là, si on n'a pas assez de six mois pour mettre ça en place, bien, qu'on voie comment on veut moduler pour la mise en application du système. Est-ce qu'on fait bien la distinction entre l'approbation de la loi et la mise en application du système? Parce que j'ai un peu peur, à un moment donné, des effets d'entraînement, que, si on dit qu'on n'approuve pas notre loi tant qu'on n'a pas senti qu'on est prêt à l'appliquer, ça veut dire qu'on ne fixe jamais aucune variable dans l'équation, et, là, ça pourrait prendre peut-être plus d'un an, là, si on se met à tout vouloir régler, y compris les questions hypothétiques, avant d'avoir campé l'orientation et les principaux moyens qu'on veut se donner pour arriver, justement, à mettre en application le système.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. Je ne sais pas qui veut répondre. M. Larose? Mme Pagé?

Mme Pagé (Lorraine): Non. C'est M. Larose parce que c'est des sections que M. Larose a abordées dans sa présentation.

M. Larose (Gérald): Alors, sur la première question, à mon avis, il n'y a pas de contradiction à faire en sorte que, dans le CCP et même dans le RUM, il y ait des éléments qui soient ventilateurs, je dirais, dans la composition de ces organismes que vous identifiez très facilement comme étant purement techniques. Je veux vous indiquer que, la liste, elle est surdéterminante par rapport au contrôle des coûts. Et, si vos sources d'information dominantes viennent, directement ou indirectement, essentiellement des fabricants... Parce que c'est ça, là. Ramasser de l'information sur les qualités des produits et sur leurs coûts, moi, je sais qui va vous donner les réponses. Le malheur, c'est que je sais qu'ils vont toujours donner les mêmes réponses ou à peu près.

M. Rochon: Excusez, si je peux, juste une petite précision là-dessus. Quand on dit que la liste est faite par le CCP, qui sont les fabricants, je ne pense pas que ce soit ça qui soit la composition du CCP, on se comprend bien?

M. Larose (Gérald): Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que les sources d'information des gens qui sont dans le CCP, même si vos gens viennent...

M. Rochon: Ah! O.K. Je vois ce...

M. Larose (Gérald): ...des pharmacies, etc., puis même des universités, nous, ce qu'on dit, c'est que, sur les médicaments, il faut sortir du cloître ou bien du laboratoire. Il faut avoir une vision un peu plus large et ne plus être terrorisé par, je dirais, le poids scientifique du médicament. Il y a beaucoup de gadgets... 90 % de gadgets pour 10 % d'efficacité, là-dedans, quand on veut regarder les vraies affaires. Alors, on pense que, s'il y avait du monde qui avait un oeil un peu distant par rapport à ces réalités-là, il y aurait peut-être des façons d'identifier des produits qui seraient plus abordables, etc.

Du côté de la révision d'utilisation des médicaments, on pense qu'il y a certainement un intérêt aussi à avoir des personnes qui ont une approche davantage en prévention, une approche davantage sociale. On ne veut pas substituer, mais c'est de s'assurer qu'il n'y a pas rien que les mêmes intérêts directs et indirects qui sont dans ces officines qui impriment les grandes politiques. Ceci étant dit, je pense que ça viendrait renforcer votre autre mécanisme qui est vraisemblablement le «steering» dont on parle, c'est-à-dire la troupe de choc qui va mener, je dirais, les campagnes d'éducation populaire et de gestion plus, enfin, intéressantes de cette pratique médicale que sont les médicaments.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Oui, terminé? Merci, M. Larose. Maintenant, le député de Robert-Baldwin, porte-parole... Oui, vous vouliez donner un complémentaire?

Mme Pagé (Lorraine): Le ministre a posé une question sur l'adoption du projet de loi par rapport à la mise en application du projet de loi. Dans le mémoire que nous vous avons soumis aujourd'hui, effectivement, il est fait état du report quant à l'application du régime. Mais nous voudrions être bien compris: Dans certains cas, si les réponses ne sont pas fournies, si les garanties ne sont pas données sur certains éléments que nous soulevons, nous croyons qu'il faut prendre le temps qu'il faut pour faire une loi qui va être opérante, qui va être structurante. Si on est capable de le faire en juin, soit, mais nous trouvons qu'il y a beaucoup de pages blanches dans le devoir pour être capable de procéder d'ici à la fin du mois de juin. À notre avis, il y a plus de pages blanches dans le dossier de l'assurance-médicaments qu'il n'y en avait dans le dossier de l'équité salariale, puis on a besoin de temps pour l'équité salariale. Alors, peut-être que ça nous prendrait aussi du temps pour bien écrire le projet sur l'assurance-médicaments.

(16 heures)

En ce sens-là, si toutes les réponses sont fournies, si toutes les garanties sont données que le projet de loi s'adopte de façon complète et en étant satisfaisant à tous égards, ça prendra quand même davantage de temps pour le mettre en opération que la date qui est prévue. Mais il pourrait bien arriver que nous soyons encore en situation de vous dire que les réponses ne sont pas suffisantes pour que le projet de loi soit adopté avant la fin du mois de juin et que, à ce moment-là, il faudrait même prévoir son adoption à la session d'automne et sa mise en vigueur un peu plus loin dans le temps. C'est un domaine où la précipitation peut avoir bien mauvais goût et, sous la recherche d'économies rapides, on peut mettre en place un système qui éclaterait assez rapidement parce que tout n'aurait pas été suffisamment prévu et les objectifs d'équité et d'efficacité pas suffisamment déterminés également. Et, en ce sens-là, nous croyons qu'il faut faire un lien très étroit entre l'adoption du projet de loi et sa mise en application.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme Pagé. J'invite... dernier commentaire.

M. Laviolette (Marc): Oui, parce qu'en matière de coûts, de réduction de coûts, le projet de loi, c'est sûr qu'il réduit à court terme, rapidement, les coûts publics, sauf que, ce qui nous inquiète, c'est les coûts privés, le contrôle de ça, c'est-à-dire ce que les citoyens ou les consommateurs vont avoir à payer, parce que, dans le fond, c'est toujours la même poche, hein, qui paie et les coûts publics et les coûts privés. Il y a beaucoup trop de zones d'ombre par rapport à l'impact sur les coûts privés au moment où on se parle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Si je comprends bien, M. Godbout, vous avez un petit commentaire aussi.

M. Godbout (Clément): C'est ça. C'est que, dans le secteur privé, on sait que les coûts vont augmenter, quand on les regarde, puis ce n'est pas certain qu'on va être capable de l'articuler avec toutes les entreprises de la même façon. Et vous regarderez tout l'aspect des préretraités et des retraités en fonction des régimes privés, il y a toute une dimension qui nous préoccupe, et également comment on fait pour dénouer les impasses. Là-dessus, il va falloir que vous apportiez certaines réponses.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je passe maintenant la parole au député de Robert-Baldwin, porte-parole en matière de santé et de services sociaux pour l'opposition.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission. Vous nous donnez un éclairage nouveau, et c'est très apprécié. Pour nous, comme pour plusieurs groupes qui se sont présentés ici et comme pour vous – et corrigez-moi – l'impression qui se dégage du projet de loi, c'est qu'on veut récupérer 200 000 000 $; c'est une taxe déguisée et c'est ça qui est la priorité, c'est une commande du Trésor, c'est une commande du ministre des Finances. Le contenu du projet? Un peu moins important. Des exemples? Nous avons questionné le regroupement des assureurs sur les coûts identifiés par le ministre. Lorsque le ministre identifiait le coût d'une prime individuelle à 176 $, les assureurs, eux, nous disaient: C'est 300 $. Lorsque le ministre nous disait qu'une prime familiale serait de 350 $, les assureurs nous disaient que, eh bien, ça va être 600 $, et, ça, c'est sans compter les franchises, la coassurance, les frais administratifs, les taxes, etc.

Aujourd'hui, vous apportez un élément extrêmement important, c'est celui de toute la renégociation des conventions collectives existantes. Et nous avons l'impression, à la lumière de ce que vous nous dites, que ça n'a pas été prévu dans le projet de loi tel que nous l'avons actuellement. Vous avez également, vous nous l'avez mentionné, demandé qu'il puisse y avoir un report pour qu'on puisse étudier sérieusement tout l'impact d'un projet de loi sur l'assurance-médicaments. Vous avez souligné, Mme la présidente, qu'en ce qui concerne l'équité salariale il y a eu un report comme tel. On dirait qu'avec ce gouvernement, quand il y a un dossier, une loi ou un projet de loi où ça coûte de l'argent, on le reporte, mais quand on veut un projet de loi qui rapporte de l'argent, ça, on le passe tout de suite. Et la crainte que nous avons actuellement, c'est d'avoir devant nous la possibilité d'un mouvement de force au Parlement pour passer à toute vapeur le projet de loi n° 33. Pourquoi? Pour récupérer le 200 000 000 $.

Ma question: Vous suggérez de reporter le projet. Si on refuse de vous écouter, quelle sera votre réaction?

Mme Pagé (Lorraine): Bien, écoutez, notre réaction, ce sera de dénoncer la précipitation dont le gouvernement aura fait preuve, parce que nous croyons qu'il y a suffisamment de questions sérieuses de soulevées au chapitre de la démocratisation, au chapitre de la confidentialité, au chapitre des sommes exigées, des personnes couvertes par le régime d'assurance, qu'il y a suffisamment de risques potentiels quant au développement du régime dans un système tout à fait novateur qui est ce programme mixte – c'est le seul régime qui fonctionnerait de cette façon dans nos dispositifs sociaux – que cela mérite qu'on prenne le temps de placer les choses correctement. Et, quand on s'engage dans une telle mesure, que nous saluons par ailleurs, nous croyons qu'il faut prendre le temps de faire les choses correctement, de mettre en place un régime qui comporte toutes les garanties de succès, de faire que ce régime-là repose sur un consensus social important, de permettre de faire tous les ajustements qu'il y a nécessité de faire, entre autres avec les régimes collectifs d'assurance, entre autres pour tenir compte de la réalité des personnes qui sont préretraitées ou retraitées et qui bénéficient de certains régimes collectifs au moment où on se parle.

Et en ce sens-là, nous croyons que le gouvernement ne doit pas être obnubilé seulement par la perspective d'économies rapides à ce chapitre. Il faut peut-être accepter de ne pas faire des économies rapides pour être capable de mettre sur pied un régime qui sera la meilleure garantie quant à la protection des médicaments pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens.

Et je veux être bien claire, au chapitre de l'assurance-médicaments, les travaux étaient commencés depuis un certain temps déjà, et nous savons que le gouvernement précédent avait aussi réfléchi à cette question d'assurance-médicaments pour mettre fin à une désassurance successive de certains médicaments qui étaient offerts à certaines clientèles fragiles. Et nous sommes convaincus qu'un régime d'assurance-médicaments, c'est ce qui nous met le plus à l'abri de la remise en question de la gratuité de certains médicaments et ce qui permet l'accessibilité aux médicaments pour toutes les franges de la population. Mais, cela étant dit, nous croyons qu'il faut faire preuve de rigueur et que la rigueur à ce chapitre s'accompagne de la prise de temps nécessaire pour faire les bons choix et adopter un projet de loi qui donne toutes les perspectives d'avenir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Autre question, M. le député.

M. Marsan: Oui. Je vous remercie, puis je trouve que c'est très, très important, le message que vous nous livrez. Ce n'est pas par ignorance, mais j'apprécierais vous demander cette question: Combien vous représentez de travailleurs, travailleuses à travers le Québec, les trois centrales ensemble? Je pense que ce serait important que tous les députés ici et le ministre sachent exactement la force de votre représentation cet après-midi.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, nous représentons à peu près 800 000 travailleurs et travailleuses, mais, quand on parle d'assurance, on représente plus que ça parce que nos travailleurs et nos travailleuses ont souvent des régimes d'assurance collective qui couvrent leur conjoint et leurs enfants. Alors, quand on fait le total du nombre des personnes que nous représentons et qui ont un intérêt direct dans toute la question de l'assurance-médicaments, eh bien, vous voyez que nous venons vous porter le message de beaucoup de Québécoises et de Québécois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Marsan: Je vous remercie, parce que je pense que c'est plus de 1 000 000, sûrement plus, même, et beaucoup plus de personnes que vous représentez, et votre message est clair: Pourriez-vous prendre le temps qu'il faut pour doter la société québécoise d'un véritable régime d'assurance-médicaments, mais en fonction d'un régime et des objectifs du régime d'assurance-médicaments.

Je voudrais vous parler également des temps partiels, des postes occasionnels, et vous savez qu'il y en a beaucoup, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Ces travailleurs et travailleuses auront à passer d'un régime à l'autre. Et, lorsque nous avons questionné le ministre sur comment ça va fonctionner... De temps à autre, certaines personnes pourraient être assurées par le biais de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, d'autres fois, ça pourrait être un régime privé. On perd l'emploi, on retourne à la Régie. Il n'y avait pas de modalités qui étaient précisées à ce moment-là. Je ne sais pas si, vous, vous avez pu faire une réflexion à ce sujet-là, mais nous pensons qu'il peut y avoir une problématique importante.

Mme Pagé (Lorraine): Quand nous disons que tout l'impact sur nos régimes collectifs d'assurance n'a pas été suffisamment étudié et que nous demandons un groupe de travail spécifiquement sur cette question, c'est entre autres pour traiter de la situation des personnes qui sont à statut précaire, qui peuvent contribuer à nos régimes d'assurance collective le temps où elles sont à l'emploi. Parfois même, la protection est prolongée pour tenir compte de périodes de cessation d'emploi, mais, à un moment donné, elle cesse, cette protection, et, effectivement, il pourrait y avoir un déplacement vers des régimes individuels.

Et toute cette problématique de l'impact sur les régimes collectifs d'assurance n'a pas été suffisamment creusée, et nous croyons qu'il faut mettre en place un mécanisme spécifique pour nous permettre de creuser la problématique, d'identifier les solutions pour permettre que le projet de loi mette en place les bonnes formules nous permettant de faire les arrimages absolument indispensables dans des situations particulières.

M. Godbout (Clément): On peut retrouver des situations, pour répondre à votre question, également des situations de double emploi.

M. Marsan: Ça aussi.

M. Godbout (Clément): Trois employeurs, ça arrive.

M. Marsan: C'est un autre...

(16 h 10)

M. Godbout (Clément): Alors, comment on transfère, comment... bon, pour ne pas qu'ils tombent en deçà? C'est des choses qui n'ont pas été regardées dans le projet, puis c'est clair qu'il va falloir les regarder. Mais il y a pas mal de monde aussi qui n'est pas couvert du tout dans ces secteurs de salaires précaires et à temps partiel. Là, bien, il y aurait avantage à ce qu'ils soient couverts.

M. Marsan: Mais le message est toujours le même: qu'on prenne le temps, qu'on les regarde comme il faut puis qu'on le règle comme il faut. C'est bien ça?

Un autre point, je pense, qui est important. Vous parlez d'une mécanique de contrôle ainsi que d'une limite aux augmentations de primes. Nous aussi, nous avons une certaine inquiétude. Déjà dans le projet de loi, vous savez qu'il y a 15 pouvoirs de réglementation, donc c'est le ministre, là, quand le Parlement va avoir arrêté autour du 21 juin, ils vont être chez-eux en été, puis là il pourra décider du prix de la prime. Pas seulement ça, il pourra aussi décider d'une augmentation basée sur une certaine forme d'indexation. Et on peut assister à une montée en spirale des prix des primes ou des changements au niveau des franchises ou encore de la coassurance sans qu'on puisse intervenir de nouveau. C'est ce qu'on dit quand on dit qu'on va voter sur un chèque en blanc, parce que le projet de loi est vraiment démuni de sa substance la plus complète, et je pense qu'il y a vraiment une difficulté, à ce moment-là.

Alors, j'aimerais vous demander: Qu'est-ce que vous entendez par un mécanisme de plafond? Comment est-ce qu'on peut limiter cette augmentation de primes, quand on sait que le ministre, quand il va avoir son projet de loi dans les mains, il part, puis c'est seulement le projet de réglementation qui va faire en sorte que les primes vont être ajustées, puis vous pouvez être certain que ça va être à la hausse.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, vous avez essentiellement les réponses en pages 20 et 21.

Avant d'aborder cette question-là, je voudrais revenir sur l'élément de démocratisation dont vous avez parlé. M. Larose en a parlé tout à l'heure. Le ministre nous a répondu: Écoutez, c'est des comités techniques, peut-être faut-il plutôt penser ça dans le cadre d'une politique générale. Mais il faut bien comprendre que les observations que nous faisons sur la démocratisation, ça ne tient pas qu'à la phase de préparation du projet de loi, ça ne tient pas qu'au fonctionnement de comités techniques.

Ce régime, quand il va être mis en place, il va connaître des évolutions, et il faut se donner des mécanismes qui garantissent le caractère démocratique de ce système. Il a beau être un programme mixte, c'est en même temps des objectifs sociaux qui doivent être poursuivis. Il faut se donner des mécanismes qui vont garantir le caractère démocratique même de l'évolution du régime pour qu'on ne soit pas devant soit des règlements dont il faut prendre connaissance par la Gazette officielle, ou je ne sais trop quoi, ou devoir se livrer de façon régulière à des exercices de commission parlementaire. Il faut vraiment introduire dans le régime des mécanismes qui vont faire place à ces lieux de débat, d'orientation des politiques pour le fonctionnement et l'évolution du régime lui-même. Et, ça, c'est des considérations qui, à notre avis, sont trop absentes au moment où on se parle, et nous voulons attirer l'attention du ministre sur cette question.

Par rapport au contrôle des coûts, c'est, entre autres, ce qui fonde notre intervention à l'égard du rôle de la RAMQ. Le jour où la RAMQ a un rôle plus actif à jouer, elle est en situation de faire les pressions à titre de concurrent, mais, je dirais, de partenaire quant à une meilleure évolution du contrôle des coûts, que ce soit le contrôle des coûts du médicament, le contrôle des coûts administratifs, et même d'engager résolument les assureurs dans des stratégies d'éducation populaire de prévention qui viennent changer les habitudes de consommation des médicaments également, parce qu'il y a là aussi des coûts qui sont importants et pour lesquels on pourrait générer des économies. Alors, mais tout ça repose beaucoup sur le rôle que la RAMQ peut jouer au sein même du régime qu'on est en train de concevoir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un complément de réponse?

M. Laviolette (Marc): Oui, sur la question de la RAMQ, je pense que ça a été bien expliqué, sur le contrôle des coûts, mais ce qui fait l'originalité de notre proposition, entre autres pour répondre à la question que tantôt vous avez posée: Qu'est-ce qu'on fait à ceux qui ont deux, trois employeurs ou qui passent d'un employeur à un autre? S'ils sont assurés à la RAMQ, le problème ne se pose plus, puisque ça les suit. Ça fait que c'est une des façons, je pense, de répondre à votre question de tantôt que d'introduire la RAMQ comme assureur de ces clientèles-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député, une autre question?

M. Marsan: Je vous remercie d'abord pour ces compléments d'information, et je pense que ça démontre encore qu'on a besoin de travailler sur le projet de loi.

Le Conseil consultatif de pharmacologie. Nous avons entendu des groupes de patients, des associations de patients qui sont venus nous voir et qui ont déjà de sérieuses difficultés à obtenir certains médicaments qui ne sont pas reconnus sur cette fameuse liste qui est faite par le CCP, qui est recommandée au ministre, qui est transmise ensuite à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous avons l'impression – et là je ne voudrais pas commencer un débat – qu'il y a un critère qui n'est peut-être pas écrit, et c'est le critère des coûts. Quand un médicament coûte cher, bien, c'est possible qu'il ne se retrouve pas sur cette liste-là. Et je prends pour exemple le médicament Betaseron, où les patients qui souffrent de sclérose en plaques sont venus abondamment nous en parler. Nous souhaitons qu'il puisse y avoir dans le projet de loi sûrement un élargissement du rôle du CCP, où on pourrait faire intervenir d'autres notions que seulement le coût, parce que, lorsqu'un médicament coûte cher, s'il doit être utilisé par un patient, bien, nous pensons que le ministère de la Santé devrait le fournir.

Eh bien, ma question, c'est qu'en lisant votre mémoire je me suis aperçu que vous souhaitez l'élargissement du Conseil consultatif de pharmacologie. Vous parlez même d'audiences publiques, vous parlez d'intégrer d'autres personnes. Je sens que vous ne voulez pas qu'on se limite seulement à l'aspect médication comme tel, mais qu'on ouvre un peu plus sur l'impact de tout ça pour les patients, et j'apprécierais vous entendre sur l'élargissement que vous souhaitez donner au Conseil consultatif de pharmacologie.

M. Larose (Gérald): Le dernier aspect que vous soulevez, c'est précisément que le CCP soit un lieu de démystification et d'éducation populaire par rapport aux médicaments. On pense que les compagnies pharmaceutiques investissent tellement d'argent pour convaincre les médecins un par un que leur produit est bon... Dans tout notre entourage, on connaît toujours un peddleur qui fait ce genre de démarchage. C'est très important pour les compagnies pharmaceutiques de développer une certaine fidélité et, en même temps, être en mesure de vendre d'autres produits.

Une voix: Le peddleur est toujours au Québec.

M. Larose (Gérald): C'est dans notre vieille culture; les chicanes de clôtures puis le peddleur qui passe, ça fait partie de la culture québécoise.

Une voix: Et Fuller Brush.

M. Larose (Gérald): Sauf que ça coûte cher. O.K.? S'il y avait ce genre de forum pour démystifier les gadgets, pour faire la démonstration qu'une aspirine qui n'a pas de chocolat dessus est aussi bonne que celle qui a du chocolat, etc., bref, démystifier ça... En même temps, faire la preuve de l'utilité de médicaments qui peuvent être chers. Mais, si, dans la population, le monde se rend compte que, même si ça coûte cher, c'est important pour tel type de maladie, il va y avoir, je dirais, un consensus social. Donc, qu'il y ait un forum, je dirais, qui ait les pouvoirs de faire des débats, de faire des audiences, des rapports, qu'on démystifie ce qui est occasion de profits alors que ça devrait être objet d'intervention médicale, je ne sais pas si on se fait comprendre, mais c'est ça qu'on voudrait réaliser.

M. Godbout (Clément): À la page 9, d'ailleurs, il y a un paragraphe qui est assez spécifique sur ce qu'on demande sur le projet de loi là-dessus, de façon que, les gadgets dont on parle et les paquets de bebelles, on mette ça un peu de côté.

M. Marsan: La page 19?

M. Godbout (Clément): Neuf.

M. Marsan: O.K. Parce qu'à la page 19 je lis... Vous faites une suggestion, là, c'est la première fois que je l'entends: «Nous réclamons que cette liste soit rendue publique avant l'adoption du projet de loi.» Je pense que ça serait extrêmement important, parce qu'il y a certains groupes qui sont venus nous parler soit de mécaniques de rappel, soit de renforcir leur représentation dans le CCP. Le ministre a même parlé d'hypothèses de regarder comment on pourrait avoir certaines évaluations de concert avec les assureurs privés, ou des choses comme ça. Je sens qu'il y a une volonté, mais ça serait extrêmement important qu'on sache dès le début quels sont les médicaments qui sont sur la liste par rapport à ceux qui n'y sont pas.

M. Godbout (Clément): C'est pour ça aussi qu'on demande qu'ils soient offerts sous forme de produits distincts. Les pilules contre le tonnerre puis les pilules de farine, là...

M. Marsan: Oui, oui. Ma dernière question, M. le Président, et je laisse le temps après, c'est le dossier de la confidentialité, que vous apportez. Vous savez qu'on aura besoin de systèmes d'information extrêmement complexes. Nous pensons que les gens, habituellement, par rapport aux systèmes, l'ensemble de la population est toujours de bonne foi; tous ceux qui ont à intervenir sont de bonne foi. Mais où on a de la difficulté, c'est les systèmes informatiques eux-mêmes. On pense qu'ils ne sont pas toujours de bonne foi et qu'ils peuvent entraîner des difficultés et même des préjudices à des gens qui auraient à les utiliser. J'aimerais vous entendre sur cet aspect de la confidentialité. Vous souhaitez qu'on ait un meilleur gardien ou qu'on ait une meilleure protection du public à ce sujet? Et c'est ce sur quoi je terminerais. Merci.

M. Larose (Gérald): En fait, ce qu'on vous a soumis, c'est qu'il y aura multiplication d'occasions d'accumuler de l'information. Bon. Les pharmaciens, les établissements le font déjà, les assureurs privés vont le faire, puis là c'est mur à mur, c'est toute la population. La révision de l'utilisation des médicaments va recueillir aussi un certain nombre d'informations. Bref, disons que le dossier médical versus la consommation de médicaments, là, tu sais, ça ne sera pas dans un coffre-fort quelque part, là, ça va être détenu par plusieurs types d'institutions. Nous, on pense qu'il faut s'organiser pour que ce système-là soit étanche, non transmissible sans autorisation, etc. Bon.

(16 h 20)

Bref, il y a un équilibre qui demeure toujours un équilibre délicat, parce que je pense que la société a le droit de savoir aussi si ça abuse ou... Bon. Puis, même pour pouvoir faire de la prévention, c'est bon d'avoir un certain nombre d'informations. Alors, il y a un dispositif à mettre en place. Si on me dit que c'est déjà fait, tant mieux, mais je ne crois pas, tu sais. Puis, pour avoir participé à des débats antérieurs en faveur de la mise en place de la Commission d'accès à l'information, disons qu'on est sur des choses quand même relativement complexes et délicates.

Deuxièmement, même au plan professionnel, nous, on dit que, si une personne malade désire se faire contre-expertiser, aller voir quelqu'un d'autre, tu sais, pour voir, tout d'un coup que ce n'est pas le bon diagnostic puis les bons traitements, etc., et que, si la nouvelle personne chez qui elle va a accès au dossier des médicaments, on pense que ça peut vaguement orienter la nouvelle personne, tu sais, puis, bref, ce qu'on recherchait comme contre-expertise, la personne pourrait être complètement possédée par le premier diagnostic. Bon.

Dans ce sens-là, la nouvelle donne avec la mise en place de l'assurance-médicaments, à notre avis, pose un défi pour s'assurer de la confidentialité, puis on ne voudrait pas que ça parte sans que ce genre de question là n'ait été réglé, parce que, sinon, là, on joue avec... Je sais bien que personne n'est intéressé à la consommation de médicaments du président de la CSN, mais tout d'un coup que... Hein? Alors...

M. Marsan: Alors, là aussi, il y aurait tout lieu de prendre le temps qu'il faut pour mettre en place les systèmes de protection voulus. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. En parlant d'équilibre, moi aussi, je dois y aller par équilibre. M. le député de Rousseau, suivi du député d'Argenteuil, et on terminera avec le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Brien: Merci, M. le Président. Mme Pagé, M. Godbout et M. Larose, d'abord, moi, j'apprécie beaucoup, comme député, de vous voir ici, en commission parlementaire, pour donner votre opinion sur le projet de loi n° 33, qui, depuis longtemps, je pense, est un des projets de loi les plus importants pour le Québec.

Ce que j'ai le goût de vous dire en passant, je voudrais féliciter, entre autres, la CSN et la FTQ pour les fonds de solidarité et le Fondaction. Je pense que, comme jamais, même si ce n'est pas le sujet aujourd'hui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, j'aimerais bien, là, pour le peu de temps qu'il nous reste, qu'on reste sur le temps.

M. Brien: Bon. Je voulais lancer un petit compliment en passant. Je m'en excuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, mais il nous reste quelques minutes, M. le député.

Une voix: On fait des compliments, puis on fait les questions. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre question le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

M. Brien: Oui, oui, oui. Bon. Non, mais l'opposition a parlé longtemps, là. Je peux quand même prendre quelques minutes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, actuellement, ça va bien. C'est 21 minutes de chaque bord. Alors, je m'occupe de ça. Je m'en occupe.

M. Brien: D'accord. Pas de problème.

M. Larose, la question s'adresserait à vous. D'abord, j'apprécie votre franc parler. Je partage aussi certaines inquiétudes, comme vous, quant au lobbying des compagnies pharmaceutiques, des compagnies, pour n'en nommer que quelques-unes, comme Frosst, Glaxo, Pfizer et co. Ce sont de puissantes multinationales, puis, moi, je veux m'assurer qu'à l'intérieur de la loi il y ait des mécanismes qui vont faire que ces compagnies-là ne contrôleront pas ou n'influenceront pas de façon importante le choix de la liste des médicaments.

Puis la deuxième question à laquelle j'aimerais que vous répondiez, c'est tout ce qui est développement et recherche chez nous. Est-ce que ces compagnies-là vont venir chercher des millions au Québec pour les investir ailleurs, puis au gré du vent décider où elles placent leur argent? Moi, j'aimerais qu'il y ait, chez nous, le maximum de retombées au Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...à nos invités que vous devriez poser les questions, mais elles sont posées.

M. Larose (Gérald): Ah! mais c'est une question très importante. O.K.?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Larose (Gérald): Nous, on s'est exprimés en accord pour qu'il y ait des efforts concertés pour le développement de l'industrie pharmaceutique au Québec, à Montréal plus particulièrement, notamment parce qu'on croit aux retombées au niveau de l'emploi. Ça a été vrai pour les laboratoires, mais, curieusement, pour la fabrication, l'ensemble s'est à peu près délocalisé. Et donc, on consent des fonds publics très importants pour la recherche, mais, pour la fabrication, ce n'est pas le Québec qui en profite.

Alors, là-dessus, nous, on dit: Il faudrait être plus serrés sur ces questions-là, un peu comme pour l'énergie par rapport à l'aluminium: c'est fort intéressant qu'ils viennent fondre l'aluminium ici à prix réduit parce qu'on donne notre électricité, ou presque, sauf qu'on serait intéressés à ce qu'ils attachent quelques contrats de transformation. Au niveau de l'emploi, c'est autrement plus producteur. Avoir une vision large et non pas pointue du développement économique, quand on réfléchit sur un secteur, c'est ça que ça voudrait dire. Alors, c'était la remarque. Alors, quand on nous dit qu'on va acheter pas du générique mais du breveté parce qu'on a l'industrie pharmaceutique à Montréal, disons, on trouve que la facture commence à être chère, là, hein, surtout si, en termes d'emplois, il n'y a pas les retombées dont on discutait. Alors, ça, c'est pour vous faire la précision par rapport... Bon.

Sur le premier élément, nous, on pense que c'est la responsabilité gouvernementale de s'assurer que l'utilisation des médicaments soit toujours une utilisation sûre, une utilisation efficace et à coût abordable. Ça, là, ça appartient à la collectivité de ne pas être la proie, de s'organiser pour qu'on ne soit pas la proie ou bien des charlatans oubedon des profiteurs. Ça, c'est une responsabilité gouvernementale. Le CCP, à notre avis, doit travailler dans cette perspective-là. Un des mandats du CCP, oui, c'est peut-être la qualité du produit, c'est peut-être tout ça. C'est important, mais, plus largement, il doit subordonner son action à l'atteinte de cet objectif de médicaments sûrs, efficaces et abordables, y compris en ayant, je dirais, la capacité d'intervenir pour que l'utilisation par la population soit, je dirais, bonne.

Et donc, c'est ce que j'appelais tantôt des campagnes d'éducation populaire ou autres interventions. Puis, ça, ce n'est pas l'entreprise privée qui va le faire, ce n'est pas les fabricants qui vont le faire, tu sais. Ce n'est même pas les pharmaciens qui vont le faire, même s'ils sont très professionnels. Dans le type de pharmacies dans lequel on est, je vous le rappelle, on est aussi dans le commerce, tu sais. Alors, si on n'a pas ce lieu de réflexion sociale et d'intervention sociale et politique, à notre avis, on va être la proie des intérêts immédiats, des intérêts commerciaux immédiats. C'est toute la différence entre la business de la maladie ou bien la responsabilité sociale de la santé.

M. Brien: Monsieur... Oui.

M. Godbout (Clément): C'est pour ça, d'ailleurs – si vous permettez – qu'on a suggéré que la RAMQ soit là. C'est une des meilleures protections qu'on peut avoir, parce que, finalement, devant les pharmacies, devant les problèmes qu'on a, le pouvoir d'achat qu'elle a, son expertise peut aider. Les multinationales vont toujours tenter d'influencer les gens comme Jean Coutu et les autres; ils vont vendre n'importe quoi sauf des remèdes. Bon. À un moment donné, qu'est-ce que voulez, c'est une réalité dans laquelle on est. Alors, les multinationales, elles vont écouter par le pouvoir qui est devant elles, et la RAMQ peut être un outil intéressant et fort efficace pour les Québécois et les Québécoises puis pour notre société.

M. Brien: M. Godbout, un outil de contrôle puis de négociation des prix.

M. Godbout (Clément): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Brien: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député d'Argenteuil.

(16 h 30)

M. Beaudet: M. le Président, merci beaucoup. J'aimerais remercier la coalition des centrales syndicales d'être venue nous présenter le dossier qu'elles défendent avec tant d'intérêt.

J'aurais deux questions. La première, j'aimerais préciser un petit peu le rôle du CCP et voir si on peut quand même maintenir la démocratisation d'un tel conseil. D'abord, la liste des médicaments, elle est suggérée par le Conseil, elle n'est pas donnée par le Conseil. Elle est suggérée au ministre et c'est lui, en dernière analyse, qui décide.

Je peux bien partager avec vous... Je vais juste vous donner trois noms, et je ne pense pas que le Conseil consultatif soit une école. Alors, si je vous parle de TPA, d'urokinase et de streptokinase, je suis sûr que je vous perds. Et je ne pense pas que ce soit l'endroit, au niveau du CCP, pour avoir des gens de la population qui ont un intérêt au système, qui vont discuter de la valeur d'un médicament. Ce n'est ni leur compétence ni leur capacité.

Par ailleurs, il devrait y avoir un élément d'intervention, comme on l'a mentionné ce matin, avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Qu'il y ait un élément d'intervention de la part de la population en général, j'en conviens, mais ça ne doit pas être au niveau du CCP. Le CCP est un comité scientifique qui doit s'adresser aux compétences qu'ils ont, c'est-à-dire les effets du médicament, comme vous l'avez mentionné d'ailleurs, les effets, le meilleur coût, qui est une chose très facile, évidemment, on a les prix, les effets et la valeur du médicament. Je ne pense pas que ce soit à la population en général d'être capable d'interpréter les données d'un médicament en particulier. Je pense que le médicament doit être sûr, doit être efficace, doit être abordable, mais, comme vous le disiez tantôt, ou bien donc on va avoir un CCP compétent, ou bien donc on va avoir un CCP qui va se comprendre, ou bien donc on aura un nouveau niveau d'intervention et de lobbying.

Je suis d'accord avec vous quand vous mentionnez que les compagnies pharmaceutiques sont là pour vendre des pilules et qu'elles font du lobbying. Elles font exactement comme les dirigeants syndicaux lorsqu'ils veulent entrer dans une entreprise: elles vendent leur salade. Je pense, comme vous, que les employés sont assez intelligents pour faire la part des choses. Il faudrait que vous prêtiez la même intention aux membres du CCP, qui sont assez intelligents pour faire la différence. Il s'agit de professionnels compétents qui sont capables d'interpréter les approches des compagnies pharmaceutiques, si elles le font. Je ne peux pas vous répondre. Je pourrais assumer avec vous, mais je n'ai pas les preuves.

Ceci dit, je pense qu'une fois qu'on assume que le CCP doit rester un comité indépendant, scientifique et tel qu'il fonctionne actuellement – ça fait 25 ans qu'il est en fonction et il fonctionne très bien – je ne vois pas pourquoi on irait aujourd'hui introduire une nouvelle notion et peut-être se prêter à un fonctionnement qui serait, à mon avis en tout cas, questionnable.

Est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'on introduise un autre comité qui puisse, à ce moment-là, être plus démocratique et introduire la notion de différents intervenants qui peuvent aller faire valoir leur point, comme le patient qui veut avoir son médicament, puis l'autre qui veut avoir telle chose, puis... Et ça, je verrais ça d'un oeil peut-être favorable, mais pas d'introduire une notion additionnelle dans le CCP.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Larose.

M. Larose (Gérald): Bon, peut-être que vous connaissez le CCP davantage que je ne le connais.

M. Beaudet: Sûrement.

Une voix: Exact.

M. Larose (Gérald): Je vous soupçonne de faire partie peut-être un peu de la profession.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Pas un peu, beaucoup.

M. Larose (Gérald): Je vous soupçonne... Je ne le sais pas.

M. Beaudet: Pas un peu. Pas un peu. Beaucoup.

M. Larose (Gérald:) Votre propos m'est évident.

Je vais vous répondre sur le terrain syndical. Vous avez certainement entendu des gens de la CSN, de la FTQ aussi, sûrement, vous parler des médecins de compagnies, c'est-à-dire ces médecins qui font servir leur compétence aux intérêts de celui qui paie. Ce n'est pas là une maladie honteuse. C'est là la vie ordinaire. La science, ce n'est pas neutre...

Une voix: Oui.

M. Larose (Gérald): ...les docteurs, ce n'est pas neutre. Les pharmaciens, ce n'est pas neutre. On est dans un rapport de force global. Ça se peut bien que, comme syndicaliste, moi, je voie toutes les affaires comme syndicaliste, mais je ne recevrai pas ça comme un affront. Moi, je vous dis que des pharmaciens, ils voient tout ça comme des pharmaciens, et puis, des docteurs, ils voient tout ça comme des docteurs, et puis qu'en cette matière de la liste des médicaments, qui est surdéterminante quant au coût global que nous allons payer... Moi, je veux discuter avec les docteurs puis avec les pharmaciens, mais je veux discuter avec des docteurs puis des pharmaciens qui ont divers intérêts. Puis ça s'adonne que des pharmaciens puis des docteurs ne sont pas là pour les pharmaciens, ni les docteurs, ni les compagnies, mais sont là pour l'ensemble de la société.

Quand on vous dit de mettre des gens, du monde ordinaire, on ne prend pas la première cruche sur le bord du trottoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larose (Gérald): Je «peux-tu» vous dire que je connais des gens, en pharmacologie, qui sont capables d'en montrer à bien des pharmaciens...

Une voix: Bien sûr.

M. Larose (Gérald): ...puis qui ont une approche qui n'est pas celle de la marchandise, et puis qui n'est pas celle du profit à tout prix, puis qui n'est pas celle du gadget, qui est celle de la santé publique et de l'économie. Moi, j'aimerais ça si la CSN puis nous autres, on est représentatifs dans la société, on pouvait faire des suggestions pour que ce genre de monde là ait voix au chapitre. Puis, en termes de qualité professionnelle, je vous garantis que vous ne perdrez pas au change. Je vous garantis ça. Même, les décisions seront davantage consensuelles que celles qui pourraient être faites par un club privé. Je ne sais pas si ma démonstration est trop tordue, mais je vais vous dire que je pense qu'il en va de notre intérêt collectif de faire en sorte que ça respire les intérêts d'un peu tout le monde.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte intervention, Mme Pagé, et je devrai passer à la dernière question tout de suite après.

Mme Pagé (Lorraine): Je voulais simplement faire remarquer au député que, malheureusement, le Conseil, bien, pas malheureusement, mais en tout cas, le Conseil n'est pas formé que de savants experts en pharmacie et en pharmaco-économie, là. Il y aura un membre qui sera désigné suite à une consultation auprès des groupes représentatifs des assureurs de personnes. Alors, qu'il y ait une ou deux autres personnes désignées à la suite de consultations auprès des groupes représentatifs de la population, je ne trouve pas que ce serait une hérésie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant le député de Notre-Dame-de-Grâce à poser une dernière et courte question, s'il vous plaît.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il me semble qu'il y a deux éléments qui accrochent avec le projet de loi. Il y a toute la notion de la rapidité avec laquelle on procède, vous en avez parlé assez longuement, pas pour revenir... J'ai envie de dire à M. Larose, qui a parlé de «steering», des gadgets et des peddleurs, que... Il y a une expression, en anglais: «Haste makes waste», et c'est ça qu'on a, on a la possibilité en tête qu'essentiellement on procède à un rythme trop vite qui va nous coûter plus cher plus tard.

Il y a un deuxième élément, pour pousser plus loin votre souci de la démocratisation, dont j'aimerais que vous discutiez: la question des pouvoirs réglementaires qui sont dans la loi. Il y a au-delà d'une quinzaine de pouvoirs réglementaires, dans la loi, qui touchent... Ce n'est pas la moindre des choses, ça touche le niveau de la prime, la franchise, la coassurance, le mode d'indexation, les pénalités pour ceux qui refusent, pour une raison ou l'autre, de s'assurer. Ça touche la liste des médicaments assurés, disponibles; ça touche les équivalences entre des régimes collectifs et le régime de base futur. La problématique que j'ai comme législateur – je ne sais pas si vous avez vécu des choses semblables dans votre expérience syndicale – c'est qu'on me demande pas mal un chèque en blanc: Faites-moi confiance, on va tout arranger ça par règlement. Mais, moi, comme législateur, je n'ai pas un droit de regard sur le règlement. C'est adopté par le Conseil des ministres. Il y a même un article, je pense, qui fait en sorte qu'on peut éviter la prépublication de certains règlements. Moi, j'ai un peu l'impression, après avoir parlé avec mes collègues, le député de Saint-Laurent, M. Cherry, et le député de Bourassa, M. Charbonneau, que, dans le monde syndical, ça ne passerait pas nécessairement, ça, avec vos membres, de dire: Faites-nous confiance, donnez-nous 15 pouvoirs de réglementation sur nos conventions collectives, on va tout t'arranger ça...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre question, M. le député, s'il vous plaît.

M. Copeman: Est-ce que le pouvoir de réglementation contenu dans la loi vous satisfait? Est-ce que vous trouvez ça normal, acceptable?

(16 h 40)

Mme Pagé (Lorraine): Quand on signalait, dans l'introduction, qu'il y a d'énormes faiblesses dans le projet de loi qui nous est soumis, parce qu'il y a trop de choses qui sont inconnues, on faisait référence à ces éléments que vous venez d'aborder, parce que, dépendamment de ce qui s'établit comme niveau de la prime ou comme liste de médicaments ou sur d'autres questions, cela peut faire la différence entre un régime qui est viable, un régime qui est équitable et un régime qui n'est pas viable et qui n'est pas équitable, et cela peut faire la différence entre être d'accord avec la mise sur pied du régime d'assurance-médicaments et ne pas être d'accord avec la mise sur pied du régime d'assurance-médicaments. Alors, c'est pour ça que, tous ces éléments, ce n'est pas que de l'information technique. On touche au coeur du régime qu'on veut mettre sur pied. C'est pour ça que nous demandons que toutes les informations soient fournies et que l'adoption du projet de loi se fasse sur la base de toutes les informations disponibles, parce que c'est déterminant sur l'appréciation qu'on porte du régime et c'est ça qui va définir s'il y a consensus social autour de cette question ou s'il n'y en a pas. Puis il faudra ensuite s'assurer d'un moment de mise en vigueur du régime qui permet de tenir compte de toutes ces réponses qui sont fournies et de l'équilibre et de la mise en application des différentes mesures.

Alors, nous ne demandons pas du temps parce que, au fond, nous sommes contre le régime d'assurance-médicaments. Nous sommes pour un régime d'assurance-médicaments. Nous sommes d'accord pour tenter l'aventure d'un régime mixte. Mais nous voulons avoir, de notre côté, toutes les garanties de succès et d'équité, et, en ce sens, il faut prendre le temps de bien faire les choses parce que c'est ce qui nous donne les véritables perspectives quant à l'avenir, en termes d'accessibilité des citoyennes et des citoyens aux médicaments et en termes d'équité dans notre régime d'assurance-médicaments et de notre régime global de soins de santé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie...

M. Godbout (Clément): Ça nous inquiète parce que, oui, il y a beaucoup de règlements qui s'en viennent qu'on ne connaît pas. Puis, si le projet de loi est passé à bride abattue par le cheval, bien, les poulains qui vont suivre iront à la même vitesse, puis, ça, c'est les règlements qui vont suivre. Et on ne pourra les accrocher un par un puis les regarder. Il faut les débattre, les regarder, les règlements, parce qu'en matière d'assurance-médicaments il faut les regarder, ça a une portée importante et c'est évident qu'on est inquiet de ça. Je pense qu'on le mentionne quelques fois dans notre mémoire. Alors, c'est pour ça qu'on dit au ministre: Bon, amenez-nous vos règlements au «PC». Maintenant, dans le cas de la décision finale à prendre, je pense que, dans une société comme la nôtre, elle relève du ministre, et, là, on est capable. Puis, s'il ne fait pas sa job, bien, on s'en occupe.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant le député de Robert-Baldwin et le ministre à conclure. Pas plus d'une minute. Une minute chacun. Je m'excuse si c'est court, ça a passé très vite. M. le député.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Merci d'abord à vous pour la qualité de la présentation et aussi de la réflexion que vous avez suscitée. Il y a beaucoup d'éléments qu'on n'a pas eu le temps de discuter. Parmi les plus importants, je pense à tout l'impact négatif du projet de loi sur les personnes démunies, sur les personnes âgées. Mais je peux vous assurer que ça va demeurer une priorité pour nous lorsqu'on va étudier le projet de loi article par article. On ne veut pas, comme vous, donner au gouvernement un chèque en blanc. On a l'impression que le projet de loi, il est vraiment vide de son contenu à cause du pouvoir des 15 règlements qui sont dissociés du projet de loi.

Nous apprécions aussi votre recommandation de reporter l'étude du projet de loi. À travers vous, c'est plus de 1 000 000 de personnes qui se manifestent aujourd'hui, qui se manifestent devant l'ensemble des députés, qui se manifestent devant le ministre et qui disent au ministre: C'est important qu'on puisse reporter; ce gouvernement vient tout juste de le faire dans une autre loi très importante, l'équité salariale.

J'aimerais vous soumettre une crainte, en terminant, M. le Président. Nous sommes en fin de session, et je pense que vous savez que, dans les fins de session – moi, je l'ai su pour la première fois l'an passé – on peut nous imposer le bâillon – c'était dans le cadre du projet de loi 83, les fermetures d'hôpitaux, où il n'y a pas eu de consultation, etc. – et on nous oblige à procéder très rapidement, des votes dans la nuit puis des choses comme ça. Je crains que ce soit ce qui pend au bout du nez encore une fois et je souhaite vraiment que vous puissiez demeurer un peu les... en protection à tout ce qui peut se passer dans les jours qui vont suivre au Parlement. Je retiens également ce que vous nous avez dit par rapport aux craintes quant au projet de loi comme tel et vos réactions. Vous avez mentionné que vous allez contester, et je pense que vous ne le ferez pas seul. Il y a beaucoup de groupes, l'ensemble des groupes qui se sont prononcés jusqu'à maintenant vont dans le même sens que vous avez mentionné aujourd'hui.

Encore une fois, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, pour la conclusion.

M. Rochon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Ça va être très bref. Il n'y aura pas beaucoup de temps. Moi, je suis bien confiant. Que le ministre fasse sa job ou pas, vous allez vous en occuper de toute façon, dans les deux cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godbout (Clément): ...

M. Rochon: Ah non. Je vous remercie beaucoup. C'est très riche de contenu, ce que vous donnez. Je suis très conscient qu'il y aura une première décision à prendre, à savoir quand on a un contenu de projet de loi qui est complet et assez consistant pour nous donner l'essentiel du régime et de son orientation et à quel moment on peut sentir qu'on a un consensus, comme vous avez dit, pour franchir cette étape et que... Ça, c'est à voir, là. On va faire diligence pour que toute l'information puisse être disponible et qu'on voie comment, dans les meilleurs délais, compte tenu de l'ensemble de la politique et des décisions qu'il y a à prendre pour tout le secteur de la santé et des différents équilibrages qu'on a à faire dans ce domaine-là... quel est le temps qui sera vraiment optimal pour franchir une première étape du projet de loi et que, par ailleurs, les deux questions se retouchent, mais ont des spécificités aussi, qu'il y a beaucoup de points en rapport avec la mise en application comme telle du projet de loi. Il pourrait y avoir d'autres calendriers aussi qu'il faudra se donner.

Vous avez soulevé des points sur lesquels on va devoir réagir assez rapidement pour dire ce que ça amène dans le débat et dans l'évolution, cette question que vous avez soulevée, pour la première fois, de l'implication de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et des assureurs privés par rapport aux non-assurés actuels et certains groupes spécifiques dans l'arrimage. Je comprends très bien qu'il y a les gens qui sont déjà assurés par le régime public; ça, c'est une chose; il y a le groupe qui sera à assurer, le 1 100 000, et il y a le groupe qui pose peut-être plus problème en termes d'application et de gestion, qui est tout l'arrimage avec les régimes de conventions, les régimes collectifs qui existent. On a donc trois étapes différentes et trois groupes où l'application du régime va se faire de façon différente. Dans chacun des cas, il faudra se donner le temps de procéder correctement.

Et sachez que je suis très soucieux... Autant je ne peux pas cacher que je suis soucieux de procéder au meilleur rythme possible, je suis très d'accord avec vous qu'on va faire attention pour que, chaque pas qu'on va faire, on n'aura pas à en reculer deux pour le faire. Ça, je suis entièrement d'accord là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je remercie...

M. Godbout (Clément): Un commentaire, M. le ministre, c'est que – en terminant – nous avons soulevé deux os dans le fromage: celui des délais et de la RAMQ. Le fait que l'opposition officielle n'ait soulevé aucun commentaire sur la RAMQ vous indique la voie à prendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les représentants de l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale à se présenter.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale. Vous avez 20 minutes de remarques préliminaires, et nous procéderons à la période des questions après. Allez-y, madame. Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP)

Mme Vallée (Catherine): Oui, sans problème. Mon nom est Catherine Vallée. Je suis présidente de l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale. J'oeuvre à titre de conseillère en réadaptation dans un hôpital psychiatrique de la région de l'Outaouais, le centre hospitalier Pierre-Janet. À ma gauche, le Dr Claude R. Bouchard, omnipraticien, qui, pour sa part, oeuvre comme coordonnateur d'un centre de jour en réadaptation psychiatrique dans la région de Rimouski, qui est membre de notre conseil d'administration et qui a déjà agi à titre de membre du Comité de la santé mentale du Québec. À ma droite, le Dr Marie-Luce Quintal – j'ai failli lui donner un autre nom – qui est psychiatre et qui est chef des services en réadaptation psychiatrique du centre hospitalier Robert-Giffard, dans la région de Québec. À mon extrême droite, M. François Lauzier, chef du Département de pharmacologie, encore une fois, du centre hospitalier Robert-Giffard.

Alors, les présentations étant faites, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir sollicité notre participation au sein...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Allez-y, madame.

Mme Vallée (Catherine): Alors, j'aimerais vous remercier d'avoir sollicité notre participation au sein de votre commission parlementaire, puisque, effectivement, elle touche beaucoup les personnes pour lesquelles nous faisons la promotion des intérêts. Il faut dire que, contrairement à nos prédécesseurs, les personnes que nous représentons ne sont ni syndiquées ni syndicables, et nous espérons fortement qu'un jour elles pourront le devenir.

Nous nous penchons davantage sur l'intégration sociale des personnes étant aux prises avec des problèmes sévères et persistants de santé mentale. Pour illustrer davantage ceux à qui on fait référence... On fait référence ici aux gens qui ont des problèmes sévères et persistants, et l'illustration la plus commune qu'on puisse en faire, c'est souvent des gens qui souffrent de schizophrénie, de troubles affectifs bipolaires, les gens qui jadis étaient institutionnalisés et qui, pour certains, le demeurent, pour qui l'intégration sociale n'est pas complétée. C'est avec les intérêts de ces personnes-là que nous venons commenter le projet de loi. Donc, nous sommes peut-être... nos intérêts sont peut-être plus basés sur les conséquences que ça aura sur les personnes que sur les mesures législatives ou corporatives qui en découlent.

(17 heures)

Tout d'abord, j'aimerais vous dire que, sur le fond, le projet d'assurance-médicaments semble réduire certaines inégalités, ce qui nous plaît, comme, par exemple, tout simplement le fait que des gens qui autrefois n'avaient pas accès à un régime d'assurance-médicaments puissent y accéder. Nous apprécions également toutes les mesures de mutualisation des risques, qui permettent justement une plus grande accessibilité à un régime d'assurance-médicaments, et nous apprécions aussi, en dernier lieu, la question que tout citoyen au Québec, peu importe qu'il ait un problème de santé mentale ou non, qu'il soit prestataire de l'aide sociale ou non, pourra recourir à ses médicaments dans la pharmacie locale de son choix sans nécessairement avoir un lieu particulier, comme certaines personnes ont à y faire face actuellement. Alors, bien que nous appréciions certains principes de base qui sous-tendent le projet de loi, il nous apparaît quand même que l'enfer peut être pavé de bonnes intentions, et beaucoup de points nous préoccupent quant à la forme et aux règlements qui sous-tendent son application.

Alors, tout d'abord, question d'être un peu plus explicite, je crois que c'est important de mettre en lumière qui sont les personnes ayant des troubles sévères et persistants. On parle ici de 3 % de la population, c'est-à-dire environ 180 000 personnes, et leurs proches. Généralement, actuellement, les gens qui ont des problèmes sévères et persistants ont peu de... l'intégration sociale auprès de cette clientèle-là qui vit un handicap et des incapacités, l'intégration à la société est quelque peu boiteuse justement à cause de beaucoup de difficultés d'arrimage entre les politiques sociales, et c'est généralement une clientèle assez laissée pour compte quand vient le temps de parler de réinsertion sociale et de réintégration sociale. C'est une clientèle qui accède difficilement au marché de l'emploi, non pas à cause de son potentiel, mais à cause des difficultés, justement, d'arrimage de nos politiques sociales. Et, dans l'ensemble, c'est une clientèle qui, les recherches le démontrent, a un potentiel de réadaptation beaucoup plus grand que celui qu'on est capable d'atteindre à l'intérieur de notre système de santé actuel.

Ce qu'ils ont de particulier également, comme d'autres groupes de personnes handicapées, c'est qu'ils doivent prendre une médication de façon continue. La médication, ici, n'est pas une mesure d'exception ponctuelle, qu'on prend de temps en temps parce qu'on a un problème de santé, c'est des doses régulières, continues, à vie. Et, dans un contexte d'assurance-médicaments, il y a à ça un fardeau économique, en plus du fardeau humain que ça sous-tend. Cette médication-là qui leur est donnée en continu, on va en discuter plus tard, mais ce n'est pas une forme de traitement qui est facile à vivre, et, dans un contexte où il va y avoir un fardeau économique associé, le coût humain de poursuivre un traitement psychiatrique va être d'autant plus grand.

L'autre chose qu'il faut aussi dire, c'est que beaucoup des gens qui ont des problèmes de santé mentale sévères et persistants sont actuellement prestataires d'un régime de sécurité du revenu, et, quand ils ne le sont pas, souvent, ils sont à la charge de leurs proches. Et, quand je parle de proches ici, je ne parle pas seulement des parents, qui constituent un lobby important, mais également des conjoints. Et, dans les faits, quand vient le temps, justement, de parler de fardeau, il va se rajouter ici une notion de fardeau économique au fardeau déjà actuel des familles qui ont à transiger avec un proche qui a des problèmes sévères et persistants. Et, pour nous, il nous apparaît impératif qu'on n'oublie pas le vécu des proches et le fardeau qu'on imposera aux proches.

En toute dernière mise en situation avant de commencer, je voudrais aussi vous souligner que, de par leur nature, les problèmes de santé mentale, généralement, la façon de les traiter n'est pas définitive, en ce sens où, quand on prescrit une ordonnance, on en prescrit souvent une série avant d'arriver à l'ajustement de médication nécessaire et avant de stabiliser un état clinique. Ça, ça veut dire que la personne qui souffre d'un problème de santé sévère et persistant pourrait recevoir plusieurs prescriptions avant d'avoir celle qui lui convient, ce qui fait que le montant de la franchise, le montant de la coassurance vont se vivre dans un espace de temps qui est beaucoup plus rapproché et qui va imposer un certain fardeau financier aux gens. Il ne faut pas oublier cette notion-là, qu'on ne traite pas la maladie mentale en une prescription ou en sachant exactement ce qu'il faut donner, mais qu'il y a beaucoup d'essais et erreurs parfois, et il y a une multiplication nécessaire des prescriptions. Ça rentre dans le contexte. C'est des gens qui auront payé une prescription, qui, deux semaines plus tard, devront en payer une autre, etc. Ça fait monter la vitesse avec laquelle on paie une franchise et une coassurance de façon très rapide, d'autant plus que les gens, de façon générale, ont des revenus très limités.

Justement pour parler de cette question des revenus très limités, il est important de préciser que, pour ceux qui ne sont pas prestataires d'un programme de sécurité sociale quelconque, on a démontré que, même dans les réseaux les plus performants de réinsertion professionnelle, de façon générale, c'est un processus qui s'échelonne sur plusieurs années avant d'être parfaitement rodé, et que beaucoup de gens vont devoir vivre avec des modalités de travail à temps partiel, et que peu accèdent au marché du travail compétitif à temps plein, ce qui fait que ça laisse les gens dans une certaine vulnérabilité économique de par la nature de leur réinsertion sociale. Il faut considérer que, pendant un grand bout de temps, en plus d'être vulnérables au niveau de leur santé, ces gens-là sont vulnérables au niveau économique.

L'autre aspect qu'il faut aussi considérer dans les remarques que nous vous ferons plus tard, c'est que, contrairement à beaucoup d'autres groupes de personnes qui ont des problèmes de santé chroniques, la différence qu'il y a pour ce groupe-là, c'est que souvent leur médication n'est pas très désirable à leur yeux, en ce sens qu'elle produit des effets secondaires extrêmement incommodants qui peuvent parfois même être plus invalidants que les symptômes eux-mêmes et causer des problèmes neurologiques irréversibles. Dans ce contexte-là, dans un contexte où on a une médication qui nous soulage mais qui, à la fois, nous cause plusieurs désagréments, pour laquelle il faut dépenser beaucoup, le contexte rend le choix de la personne un peu difficile en ce sens où... Bien, en fait, il est peut-être facilité: les gens vont avoir tendance à abandonner leur médication plutôt qu'à en payer le coût, en plus d'avoir à vivre avec des inconforts majeurs, même invalidants.

Alors, c'est dans tout ce contexte-là qu'il faut que vous considériez nos remarques. Et j'aimerais que vous portiez une attention particulière au fait que la médication n'est pas toujours désirable, de par ses effets secondaires, et qu'il est difficile parfois pour les usagers d'y voir un bénéfice immédiat compte tenu de tout le coût humain et bientôt du coût économique qu'ils auront à assumer pour la prendre. Alors, je vous laisse.

Mme Quintal (Marie-Luce): Alors, pour essayer de mieux comprendre l'impact économique que le projet de loi va avoir sur notre clientèle, on a essayé de faire une simulation avec trois ordonnances. D'abord une ordonnance avec des neuroleptiques traditionnels. Pourquoi on a choisi les neuroleptiques traditionnels? D'abord parce que c'est encore ce qui est le plus souvent prescrit. C'est sûr que c'est une médication qui a permis la sortie des malades psychiatriques des hôpitaux psychiatriques, qui permet de traiter les symptômes positifs, c'est-à-dire les hallucinations, les délires, mais qui a peu d'impact sur les effets négatifs, qu'on appelle, de la maladie, c'est-à-dire le manque de motivation, l'apathie, le manque d'intérêt. Et ça peut même diminuer la capacité d'apprentissage de cette personne-là et donner des effets neurologiques, à long terme, importants. Par contre, ils ont quand même des effets positifs, et ce sont les médicaments qui sont les plus souvent prescrits.

On a fait la simulation aussi avec deux autres types d'ordonnances qui contiennent des neuroleptiques atypiques, qu'on appelle, de la nouvelle génération. D'abord avec le Risperdal, que vous voyez; les tableaux sont à la fin du mémoire. Alors, le Risperdal, c'est un neuroleptique de la nouvelle génération qui donne beaucoup moins d'effets secondaires, qui a un impact un peu plus sur les effets négatifs de la maladie, qui est beaucoup mieux toléré par les patients, mais qui, actuellement, n'est donné que comme médicament d'exception. Il n'est pas accessible pour les jeunes qui commencent la schizophrénie. Même si on pense qu'ils devraient avoir accès à cette médication-là, elle n'est pas accessible, là, actuellement.

(17 h 10)

Nous avons pris aussi la Clozapine, qui est un autre nouveau neuroleptique, parce que cette médication-là permet de traiter des gens qui sont résistants aux médicaments traditionnels, et cette médication-là a permis à des jeunes ou à des personnes qui étaient institutionnalisées depuis plusieurs années de sortir de l'hôpital psychiatrique.

Alors, quand on a fait cette simulation-là, on s'est aperçu qu'il y avait d'abord une variation importante des coûts des médicaments pendant l'année due à la franchise qui doit être payée avant d'avoir accès à la coassurance. C'est tellement important, pour les nouveaux neuroleptiques, que c'est même impossible pour la personne de rencontrer ces coûts-là. Quand on pense, pour la Clozapine, à un total de près de 200 $ le premier mois, alors, on est certain que la personne qui reçoit l'aide sociale ne sera pas capable de payer 200 $ pour avoir sa prescription de Clozapine, pas plus que le travailleur à faibles revenus qui ne gagne pas beaucoup plus que s'il était sur l'aide sociale. Même pour les médicaments plus traditionnels comme l'Haldol, ça donnait quand même des mois qui étaient plus difficiles, les premiers mois, à cause de la franchise qui était à payer. C'est sûr qu'avec le temps le montant diminuait, mais les premiers mois étaient difficiles. Alors, cette variation-là va être difficile à rencontrer pour les bénéficiaires. Bon.

C'est sûr qu'il y a aussi une augmentation du coût total de la médication pendant l'année. Quand on pense aux bénéficiaires de l'aide sociale, pour qui la médication psychiatrique était gratuite, même si, là, il va y avoir accès quand même à des assurances, ça peut lui monter quand même à 300 $ pour l'année. Donc, c'est quand même un coût supplémentaire. Puis, si on ajoute des médicaments qui ne sont pas sur la liste des médicaments, comme les laxatifs... Ça paraît un peu bébête de parler des laxatifs; par contre, pour nos patients qui prennent des neuroleptiques, ça devient une médication très importante. Alors, ils ont à assumer le coût de ce médicament-là, qui peut être de 15 $ par mois, donc ça monte le montant à près de 480 $ par année. C'est ça. Donc, ça, c'est pour le coût total de la médication, qui va être augmenté.

C'est sûr que, pour le travailleur, avec le plafond à 750 $, là encore, les coûts vont être plus importants. La prime, naturellement, ne sera peut-être pas toujours payée. Si j'ai compris, ça va dépendre du revenu de la personne. Mais, si le revenu est suffisamment important, il faut ajouter le coût de la prime en plus du plafond et en plus de son laxatif qu'il va avoir à payer en plus, ça fait que ça peut monter à près de 1 000 $. Donc, ça devient important.

On sait que cette clientèle-là de travailleurs à faibles revenus avait accès à un programme, la circulaire «malades sur pied», qui leur permettait d'avoir leur médication psychiatrique à 2 $ par ordonnance. Donc, ça leur permet de se procurer la médication à faible coût actuellement. Mais la circulaire va être abolie, alors, ça va augmenter le coût.

Les conséquences qui nous inquiètent. D'abord, on en a parlé tout à l'heure, c'est l'arrêt de la médication. D'abord, on sait que, chez les personnes qui ont une maladie comme la schizophrénie, la fidélité au traitement, c'est une des problématiques importantes. D'abord parce que, à cause de la maladie, les gens n'ont pas l'impression d'être malades, puis, lorsqu'ils vont bien, ils ne sentent pas la nécessité de prendre la médication, une médication qui, souvent, leur donne des effets secondaires importants. Si, en plus, ça vient gruger le petit budget qu'ils ont, bien, ça va être facile de penser qu'ils vont la laisser tomber.

On sait que, exemple, la schizophrénie qui n'est pas traitée, la personne a un risque de rechute de 60 % à 80 % en dedans de deux ans. Si elle prend un neuroleptique, on vient de diminuer le risque de 20 % à 40 %. Puis, si elle reçoit un neuroleptique avec un programme de réadaptation, on peut atteindre un risque de zéro à 20 %. Alors, je pense que, comme coût social, ça devient important, parce que le coût d'une hospitalisation, qui peut être, dans un hôpital psychiatrique, autour de 210 $ par jour, ça monte vite, à ce moment-là. On peut facilement atteindre 9 000 $ ou 10 000 $ pour une réhospitalisation. Puis, s'il arrête sa médication en ressortant, bien, là, ça va être la roue qui va tourner, avec les coûts sociaux, aussi, importants que cela amène. Pour la personne, aussi, le fait d'être constamment réhospitalisée, elle va perdre l'espoir d'être capable de s'en sortir, elle va perdre l'espoir de pouvoir retourner un jour sur le marché du travail et de pouvoir vivre comme tous les citoyens de notre province.

Une deuxième conséquence qu'on voit, c'est une barrière de plus en plus haute pour les bénéficiaires de l'aide sociale qui veulent retourner sur le marché du travail. Déjà, c'est difficile pour eux de se réinsérer sur le marché du travail. Si, en plus, les médicaments deviennent très difficiles à se procurer parce qu'ils vont coûter trop cher, bien, ça va être une barrière supplémentaire pour eux pour pouvoir retourner sur le marché du travail.

L'accès restreint aux nouveaux médicaments. C'est sûr, comme on le voit dans le tableau, entre une prescription de Clozapine puis une prescription d'Haldol, la personne va dire: Moi, je suis peut-être capable de me procurer un neuroleptique traditionnel, mais les nouveaux neuroleptiques, je ne suis pas capable. Par contre, si c'était cette seule médication-là qui lui permettait de se sortir de sa maladie et de pouvoir penser sortir à l'extérieur de l'hôpital, bien, elle ne pourrait pas sortir de l'hôpital. Donc, là encore, ça va être un coût social important.

Pour nos jeunes schizophrènes aussi, ceux qui ont le plus de potentiel de pouvoir retourner sur le marché du travail parce qu'ils n'ont pas tout perdu, ça ne fait pas des années qu'ils sont malades, le Risperdal, en tout cas, les nouveaux neuroleptiques, pour ne pas faire de publicité pour les compagnies, là, mais les nouveaux neuroleptiques peuvent leur permettre de mener une vie plus intéressante parce qu'ils donnent moins d'effets secondaires, leur permettent d'apprendre des nouvelles choses, leur permettent de se sentir mieux, et ça augmente la fidélité au traitement. On n'aura pas moyen de leur prescrire ça quand on pense au coût que ça va leur coûter. Alors, je pense qu'il va y avoir un impact important pour ces personnes-là.

Mme Vallée (Catherine): Alors, en guise de conclusion, on a quand même certaines recommandations à vous soulever, ou certaines lignes directrices qu'il nous apparaît important de considérer de façon à modifier le projet de loi pour que l'accessibilité soit plus réelle et non pas symbolique. D'une part, nous croyons que, de par la nature des troubles sévères et persistants de santé mentale, les personnes devraient être exonérées des aspects contributifs du régime, particulièrement dans un contexte où notre réseau de santé n'est pas très bien outillé actuellement pour les réinsérer dans leur société. Pas parce qu'ils n'ont pas de potentiel. Soyons très clairs, les études là-dessus sont très claires, c'est des gens qui peuvent accéder à l'emploi, à des régimes d'hébergement tout à fait normaux, à l'éducation. La question est qu'on a choisi comme système, au Québec, d'investir beaucoup plus sur le traitement que sur la réinsertion sociale et qu'il y a un déséquilibre à cet égard-là.

Le Président (M. Gaulin): En terminant, s'il vous plaît.

Mme Vallée (Catherine): Oui, merci. Alors, dans les faits, je voudrais tout simplement vous souligner la nécessité de répartir les coûts sur l'année, particulièrement en ce qui concerne la franchise et la coassurance, plutôt qu'elles soient tout au début et que ça crée une charge qui force à l'abandon.

Deuxièmement, quand on change de palier, par exemple quelqu'un qui retournerait à l'emploi, plutôt qu'on considère seulement ses revenus pour voir sa contribution, on suggère qu'on regarde aussi d'autres facteurs, comme la stabilité des revenus en question, parce que, des fois, il y a des allers et retours entre les périodes d'emploi et d'arrêt d'emploi; qu'on regarde aussi le niveau de vulnérabilité de la personne de par les effets des autres politiques sociales et qu'on regarde aussi la proportion des revenus qui est consacrée à l'achat des médicaments.

Nous croyons aussi que ces critères-là devraient être examinés sérieusement quand on examine les plafonds avec lesquels les gens doivent contribuer, parce que, de passer de 300 $, pour quelqu'un qui est prestataire d'assurance sociale, à un plafond de 750 $ parce qu'on commence à travailler, la marche est plutôt haute.

Ensuite, quand on souligne, au point 4, d'avoir une liste de médicaments qui ne soit pas restrictive, on ne parle pas ici de mettre les vitamines, les suppléments, les Dieu sait quoi, de façon très ouverte, mais, quand on sait que l'utilisation des médicaments peut causer des problèmes intestinaux aussi importants que ceux qu'on connaît, le laxatif, qui est généralement un médicament tablette, devient d'office beaucoup plus nécessaire. Alors, juste de mettre un peu les choses en contexte, il y a des médicaments qu'ils se procurent sur des tablettes qui sont essentiels et qui devront être considérés dans la liste des médicaments, de même que penser aussi aux mécanismes d'exception.

Et, enfin, quant au Conseil consultatif de pharmacologie, nous sommes soucieux qu'il y ait une participation des experts concernant la psychopharmacologie, parce que c'est un domaine qui évolue très rapidement, et ce n'est pas tout le monde qui s'improvise, qui a des connaissances marquées là-dedans. Et, question que la liste comprenne des médicaments efficaces et non pas seulement des médicaments classiques, il est impératif que ces spécialistes-là soient consultés au sein du comité.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, Mme Vallée, merci, Dr Quintal. Il nous reste maintenant à passer à la période d'échanges, et je donne la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

(17 h 20)

M. Rochon: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie de votre contribution. Je pense que vous représentez un groupe de personnes, là, dont on veut vraiment voir la situation bien clairement, parce que c'est, d'une part, des gens qui ont à vivre avec un problème, une maladie chronique, comme vous le dites, donc ça s'échelonne dans le temps, et l'assurance-médicaments voudrait être un régime qui va aider ces gens-là, surtout ceux qui sont des travailleurs qui ont un petit revenu, qui, en général, n'ont aucune protection présentement et qui doivent assumer complètement le coût du médicament.

À l'intérieur de ce groupe-là, dans votre cas, il y a un élément de plus que vous nous amenez. En plus d'avoir des gens qui ont à vivre avec une pathologie chronique, vous dites que c'est des gens qui, souvent, présentement, sont ce qu'on appelle dans le système actuel des gens classés inaptes au travail pour raison de santé. Et là, ceux qui rentrent dans cette classe-là, présentement, le système, pour eux, la situation est meilleure parce que tous les médicaments sont couverts, mais on a la difficulté, vous l'avez souligné d'ailleurs, que, s'ils peuvent avoir la chance de s'en sortir pour prendre un boulot avec un petit revenu, là, tout d'un coup, c'est un changement radical. Ils doivent tout d'un coup tout payer. À moins qu'il y ait un médicament qui soit sur une liste...

Mme Quintal (Marie-Luce): Avec la circulaire «malades sur pied», ils peuvent avoir accès aux médicaments à 2 $ par prescription, pour les médicaments...

M. Rochon: Parce que c'est couvert par la circulaire «malades sur pied», c'est ça?

Mme Quintal (Marie-Luce): Oui.

M. Rochon: Mais, ça, on sait que ça fait depuis une couple d'années qu'on la tient par la peau des dents. Ce n'est pas un moyen qui peut nous porter encore longtemps dans le temps. Mais, pour tout autre médicament qui n'est pas sur la circulaire «malades sur pied», là, c'est du tout ou rien. Ou bien, classé inapte, on ne paie rien, pour quelques dollars de plus, on paie tout, puis là ça crée une situation énorme. Alors, c'est pour ça qu'il faut qu'on saisisse bien, parce que c'est un des groupes qu'on voudrait aider le plus possible, réalisant qu'on demande une contribution à ceux qui n'en ont pas du tout actuellement, mais pour pouvoir aussi partager avec ceux qui ont des petits revenus puis qui n'ont aucune protection présentement. Bon.

Il y a deux aspects que vous soulignez très justement, qui sont de plus en plus clairs dans tout ce qu'on entend. Il y a le coût total, le plafond, et il y a la modulation des paramètres par rapport à la liquidité d'argent qui est nécessaire aux gens. Et là je voudrais bien vous réentendre. Le coût total qui est proposé présentement, c'est un plafond de 300 $ par année. Ça, ça veut dire, pour se rendre à ce plafond-là, que c'est quelqu'un qui va consommer des médicaments pour 900 $: la franchise de 100 $, et, avec la coassurance de 25 $, il en faut pour 800 $ de plus, ce qui nous amène à 300 $ de plafond, et là tout est gratuit après.

Des gens qui prennent les médicaments dont vous parlez, c'est un coût annuel de combien, ça, à peu près, dont on parle? Est-ce que c'est tous des gens qui vont au plafond ou si c'est à l'intérieur de ça?

Mme Quintal (Marie-Luce): Vous dites: Combien vont aller au niveau du plafond?

M. Rochon: Oui. C'est ça. Je n'ai pas... Comme la Clozapine, par exemple. Quelqu'un qui la prend pendant toute une année, avez-vous une idée du coût?

Mme Quintal (Marie-Luce): Quand vous regardez le tableau qui est à la fin...

M. Rochon: À la fin de votre document, oui.

Mme Quintal (Marie-Luce): On regarde, pour les bénéficiaires de l'aide sociale, quelqu'un qui prend des neuroleptiques traditionnels, son total pour l'année, si on enlève les laxatifs, est de 217 $. Il ne se rend pas au plafond, à ce moment-là, avec une ordonnance qui est très moyenne.

Si on prend comme exemple le Risperdal, à ce moment-là, il va se rendre au plafond après... on n'a pas calculé combien de mois à peu près, je ne me souviens pas.

Mme Vallée (Catherine): Mais vous avez le montant par mois.

Mme Quintal (Marie-Luce): C'est ça.

Mme Vallée (Catherine): Alors, vous savez, par exemple, qu'avec le Risperdal on parle d'une prescription de 152,94 $ par mois.

Mme Quintal (Marie-Luce): C'est ça.

Mme Vallée (Catherine): Alors, très rapidement, on y va. Et puis, quand on va à la Clozapine, c'est encore la même chose.

Mme Quintal (Marie-Luce): C'est 472,96 $ par mois. Alors, ça monte assez vite, là.

Mme Vallée (Catherine): Et, dans les faits, ce qu'il est important de souligner, c'est qu'on a été très conservateurs là-dedans, parce qu'il y a aussi les effets, entre guillemets, de la stigmatisation sociale. Ces gens-là vivent des dépressions par moments, ont des périodes de désespoir, puis là on rajoute là-dessus un antidépresseur qu'on ne vous a pas foutu ici. Mais, dans les faits, il faut considérer que c'est extrêmement conservateur, ce qu'on vous a mis comme prescriptions ici. Beaucoup de gens ont d'autres...

Mme Quintal (Marie-Luce): C'est ça. On regardait, même pour les malades qui ont une maladie affective bipolaire, on peut facilement l'atteindre aussi, le plafond. On ajoute un lithium, un petit peu d'Haldol, une Ativan, une pilule pour dormir, puis ce n'est pas long, on monte. Si on ajoute un peu de Tégrétol parce que la maladie est moindrement résistante, bien, ça ne prend pas de temps qu'on a atteint le plafond.

M. Rochon: Alors, est-ce que vous nous dites qu'un plafond... Moi, je comprends, il y a une chose qui est claire, là, il faut qu'il y ait une modulation des paramètres pour que les gens ne soient pas obligés de payer 100 $ lors d'une première prescription, ou en dedans de 15 jours, ou quelque chose du genre. Ça, là, c'est clair, il faut qu'on fasse quelque chose de ce côté-là.

Maintenant, si on prend pour acquis qu'on trouve un moyen, il y a des moyens de faire ça, ça bonifie le régime, ça fait une économie moins grande, mais c'est ça qu'on veut équilibrer... Bon. Mais est-ce que vous nous dites, si, ça, c'est fait, est-ce qu'on peut penser qu'un plafond maximum pour ceux qui ont à consommer 900 $ et plus par année, un plafond de 300 $, c'est viable ou si, ça aussi, c'est trop? Et, si c'est trop, est-ce qu'il y a un autre plafond qui est acceptable, ou si vous nous dites que, de toute façon, il faut que ces gens-là restent dans la situation où ils sont actuellement, que ça ne leur coûte rien, quitte à voir comment on aide les autres étapes s'ils veulent s'en sortir, et les petits revenus, là? En admettant que, dans la mesure du possible, on demande une contribution, qu'est-ce qu'il serait, d'après vous, raisonnable de demander comme contribution à ces gens-là?

Mme Vallée (Catherine): Je peux vous dire que la plupart des... Quand on parle de sources de revenus des gens qui ont des problèmes sévères et persistants, la plupart des gens ne travaillent pas du tout. Alors, on est avec des revenus de 689 $ par mois. Payez, là-dessus, un petit loyer de 400 $, il vous reste un petit 200 $ de... Il vous reste un 200 $ pour manger, pour fumer, pour vous vêtir puis pour faire face aux impondérables. La capacité des gens qui sont prestataires d'aide sociale est extrêmement limitée.

Quand on parle, maintenant, des gens qui travaillent, la plupart vont travailler avec des modalités genre programme EXTRA ou des choses comme ça, qui leur donnent un 100 $ supplémentaire. Encore une fois, ce n'est pas la mer à boire. Les gens qui travaillent, maintenant, en milieu compétitif, travaillent souvent à temps partiel, ils vivent les mêmes caractéristiques des autres travailleurs québécois qui ont une situation économique difficile à cause du temps partiel. Et c'est pour ça que, nous, on priorise beaucoup plus... Plutôt que dire 200 $, 150 $ ou Dieu sait quoi à travers les airs, qu'on regarde vraiment la proportion des revenus qui doit être consacrée au traitement des gens. Ce n'est pas du luxe pour eux, c'est une réalité quotidienne à regarder sur l'ensemble, à établir des mécanismes de pondération sur des critères qui ne sont pas juste: Combien tu reçois par mois? mais aussi: Combien de temps tu peux garder ces revenus-là? Qu'est-ce que ça te prend comme soutien pour être capable de continuer tes démarches d'intégration professionnelle? Parce qu'un beau «stresseur» comme ça, c'est assez pour que les gens disent: C'est trop, je ne suis pas capable. Il faut être conscients de ça, là. Il y a tellement d'obstacles sociaux au retour à l'emploi que juste... tu sais, là, ça ne prend pas grand-chose en termes de «stresseur» pour que les gens reculent. C'est lourd. Ils ont tellement de barrières à monter que, dans la réalité, là, celles qu'on peut diminuer, on peut les diminuer.

M. Rochon: Oui, mais, ça, je vous comprends très bien. L'obstacle terrible présentement est même le désincitatif de retour à l'emploi parce qu'on passe d'un régime où tout est couvert au lendemain où il n'y a plus rien de couvert. Ça, c'est un des objectifs du programme, là, de faire une meilleure continuité. Donc, on veut que, quand on retourne à l'emploi, on assure une couverture qu'il n'y a pas actuellement.

Maintenant, ceci dit, comme on essaie de faire un repartage, est-ce qu'en échange de ça il y a une partie de ce qui permettrait aux gens de retour à l'emploi de ne pas toujours assumer tout le coût des médicaments, une partie de la contribution pourrait être aussi demandée à ceux qui sont présentement inaptes? Là, on a proposé un maximum de 300 $ par année. Est-ce que c'est trop? Si c'est trop, est-ce qu'on peut leur demander quand même quelque chose, ou si vous nous dites: Non, pour les prestataires d'aide sociale, c'est encore zéro de contribution, puis trouvons quand même le moyen de diminuer le coût pour les petits revenus en prenant l'argent ailleurs?

Mme Quintal (Marie-Luce): Quand on parle des prestataires d'aide sociale, vous parlez des prestataires d'aide sociale qui ont une maladie chronique et inaptes au travail, là?

M. Rochon: Je parle de ceux que vous représentez, qui ne sont pas tous prestataires d'aide sociale, mais un certain nombre le sont, si je comprends bien.

Mme Quintal (Marie-Luce): Il y en a une bonne partie...

M. Rochon: Probablement que la plupart le sont. Bon.

(17 h 30)

Mme Quintal (Marie-Luce): ...qui sont inaptes au travail. Je ne veux pas parler de tout le reste. Je ne serai pas capable de vous parler de tout le reste, mais, si je parle de cette clientèle-là, inapte au travail, avec une maladie chronique, je pense que, en tout cas, s'il y avait un montant, il faudrait que ce soit un très petit montant. Parce que, je regarde, même pour les laxatifs, là, dont on parlait, à 15 $ par mois, je sais que ce n'était pas sur la circulaire, mais, nous autres, souvent, pour qu'ils les prennent, ils étaient fournis par l'hôpital, à 2 $ par prescription, là.

Alors, je veux dire, même ça, qui n'était pas un gros montant, si on voulait que les gens les prennent et puissent ne pas rentrer à l'hôpital par l'autre porte parce qu'ils étaient en subocclusion intestinale, là, on disait: On va les payer, ça coûte moins cher que de les entrer à l'hôpital. Alors, je veux dire, pour cette clientèle-là, on sait qu'ils n'ont vraiment pas beaucoup de revenus et ils n'ont pas beaucoup d'argent à mettre là. Si on avait un plafond, moi, je ne le mettrais pas haut, en tout cas, puis je ne mettrais pas une grosse... Peut-être qu'il y ait quelque chose de symbolique, en tout cas, pour dire qu'ils paient... Quand on disait 2 $ par prescription, c'était bien juste pour dire qu'ils donnaient quelque chose à l'hôpital, parce que ça ne rentrait pas dans les coûts, mais c'était comme pour dire: Bien, ce n'était pas gratuit, mais on va vous donner un bon coup de main pour que vous puissiez vous procurer vos médicaments.

Moi, je pense que, ça, ça devient raisonnable. Je pense que la personne est capable de le payer, mais pas 300 $ par année, et pas des montants comme on avait, 62 $, 100 $ pour un mois. Ça, c'est sûr que c'est impossible.

M. Rochon: À coup de 2 $ comme ils font présentement, les gens dépensent combien pour leur médicaments présentement?

Mme Quintal (Marie-Luce): Actuellement, pour les bénéficiaires de l'aide sociale, ils ne paient rien, ou bien juste le laxatif, à 2 $ par prescription.

M. Rochon: Bon. Il n'y a que ça. O.K.

Mme Quintal (Marie-Luce): Pour ceux qui sont des travailleurs à faibles revenus, bien, là, ça peut aller à 8 $ ou 10 $ peut-être, à peu près.

M. Rochon: O.K. Merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission. Je pense que c'est toujours difficile, les patients que vous représentez ont vraiment besoin d'être privilégiés dans l'étude d'un projet de loi aussi important, qui peut toucher aux patients que vous représentez.

Nous avons indiqué à plusieurs groupes le danger qu'il y avait d'associer au coût des différentes médications, que ce soit avec une prime, une franchise, une coassurance, les frais administratifs, peut-être des taxes aussi. Tout ça mis ensemble, je pense qu'on a pu discuter avec beaucoup de groupes le danger que ça peut comporter si les gens ne prennent pas leur médication. Mais, pour vous, c'est un deuxième point, le premier point étant la fidélité au traitement à cause de la difficulté associée à cette catégorie de patients. Et j'aimerais vous entendre en parler, parce que, en plus du problème du coût, il y a le problème de la fidélité au traitement. Alors, je pense que ça commence à être extrêmement dangereux et difficile, et je m'inquiète particulièrement pour les patients lorsqu'un tel projet de loi sera adopté.

M. Bouchard (Claude R.): Oui. Sur cet aspect-là, ce que nous considérons, c'est que, dans la façon de choisir les médicaments, il faudrait qu'on puisse rendre accessibles les nouvelles molécules, les nouveaux médicaments qui ont les meilleurs effets ou le moins d'effets secondaires, qui permettent une plus facile réadaptation, une plus facile réintégration, une réintégration très tôt. On pense, bien sûr, aux jeunes personnes qui font une psychose et qui pourront donc résister beaucoup à une prise de médicaments, de neuroleptiques. S'ils ont connu beaucoup d'effets secondaires en début de traitement à l'hôpital et à la sortie de l'hôpital, lors de la première hospitalisation, ils vont rester avec cette mémoire, finalement, des effets secondaires, de tout ce qu'on peut voir, des rigidités, des torsions, des mouvements de visage, de paupières, des choses qui, finalement, augmentent la stigmatisation sociale. Et ils ne voudront plus prendre de médicaments, ou ils vont les prendre de courte durée parce qu'on va les avoir amenés, souvent avec un mandat, à l'hôpital, mais, au sortir, ils ne voudront pas. Donc, on voudrait qu'ils aient accès à un traitement qui est plus doux, qui est plus acceptable et qui leur permet de perdre moins de temps à s'insérer dans un programme de réadaptation qui va les ramener aux études, qui va les ramener dans un milieu de travail.

Et, dans ce contexte-là, on voudrait, bien sûr, qu'on insère rapidement sur la liste et qu'on rende accessibles, même s'ils sont dispendieux, les médicaments qui sont les plus efficaces dans une perspective de réadaptation; les autres sont efficaces aussi, mais dans une perspective de réadaptation, c'est-à-dire qu'ils ont le moins d'effets secondaires possible.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Ça va?

Mme Vallée (Catherine): Et, dans le même courant d'esprit, je pense que c'est important d'illustrer un peu de quoi on parle. On parle de dyskinésie tardive, c'est-à-dire de mouvements involontaires du tronc, de la langue, de la bouche, du visage, on parle de tremblements, on parle de rigidité, on parle des fois de ralentissements, d'affaissements, de difficulté à se lever, on parle de perte d'énergie, on parle d'effets secondaires qui peuvent être, aux yeux des personnes, encore plus handicapants que d'entendre des voix ou d'être délirants. Alors, dans ce contexte-là, ce qui est difficile dans la fidélité, c'est quand il y a trop d'effets secondaires. À un moment donné, entre transiger avec tous mes symptômes et transiger avec mes effets secondaires, je vais tasser mes effets secondaires puis je vais essayer de «dealer» avec mes voix puis mes délires. Et c'est un choix. Souvent, quand les effets secondaires sont trop lourds pour la personne, effectivement, c'est dur d'adhérer.

(17 h 40)

Je pense, par exemple, si, moi, je fais de l'arthrite et que je reçois un médicament qui me soulage, je vais avoir le goût de le prendre, mais, si je prends un médicament qui me donne un paquet d'autres problèmes en retour et que je trouve difficile de vivre avec ce paquet d'autres problèmes là, c'est très difficile d'avoir le goût de le prendre, au-delà de ce qu'on pourrait appeler l'autocritique, le jugement, le Dieu sait quoi. C'est pour ça qu'on devient extrêmement sensibles à cette question-là.

En plus, s'il faut que je fasse des acrobaties budgétaires pour arriver à me payer ce qu'il me faut, ça a des coûts sociaux importants en termes de rechute puis aussi en termes de «transinstitutionnalisation». Les gens vont peut-être essayer de se médicamenter à travers des substances, à travers l'alcool, à travers autre chose, soulager leur mal autrement. Et, ça, c'est une réalité qui existe beaucoup; on la voit beaucoup aux États-Unis. C'est un mouvement très clair, on a une «transinstitutionnalisation» vers les milieux d'abus de substances et vers les centres de détention, justement parce que les gens essaient de trouver des réponses ailleurs au fait que leurs médicaments ne sont plus accessibles ou si difficiles à vivre.

M. Bouchard (Claude R): Sur la fidélité, j'aimerais peut-être ajouter que, même si ça paraît des petits montants, il reste quand même que les gens nous disent qu'ils ne les prendront pas s'ils sont obligés de payer des franchises importantes. Et c'est d'autant plus vrai pour eux qu'ils ont souvent d'autres médications à prendre au comptoir, les sirops, en tout cas, plein de choses qui ne seront probablement pas dans la liste des médicaments. Parce qu'on sait que les gens qui sont porteurs d'un problème chronique de santé mentale sont aussi plus vulnérables à d'autres problèmes de santé.

Donc, il y a des coûts supplémentaires qui vont s'ajouter. Ils doivent prendre, comme tout le monde, des médicaments, mais plus de médicaments encore. Et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'ils vont les prendre tout le temps; 750 $ pour les petits travailleurs, ils vont y aller à tous les ans. Il y a des gens qui n'iront pas, mais, eux autres, c'est certain au départ qu'ils vont y aller. Alors, d'une façon répétitive, c'est un petit peu une injustice. Ils arrivent avec une injustice dans la vie puis ils en reçoivent une autre. Ils vont toujours payer, eux autres, leur pleine franchise. Ça, c'est certain.

Le Président (M. Gaulin): En dernière intervention, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je pense que vous soulevez un point de vue qu'on a déjà entendu d'autres groupes parmi les plus démunis de notre société, et vous soulevez une problématique qui, quant à moi, va au coeur du projet du ministre, à plusieurs niveaux. Moi, de façon très personnelle, je vous dis que, demander une contribution de 300 $ à quelqu'un qui est, même jusqu'au maximum, sur le soutien financier qui donne 8 400 $ par année, moi, je trouve ça inacceptable. Moi, je ne peux pas concevoir que... Si le ministre m'avait demandé la question, moi, j'aurais pu être plus tranchant que vous autres, j'aurais dit: Non, absolument pas. C'est impossible, 300 $. Et on a entendu d'autres groupes avec des problématiques semblables.

Le ministre a tenté à plusieurs reprises de parler des groupes fermés. Est-ce qu'on va, à l'intérieur de son projet de loi, commencer à traiter des groupes ou à injecter la notion de groupes fermés? Mais, là, on serait rendus à plusieurs groupes fermés. On pourrait avoir les personnes atteintes de problèmes sévères et persistants de santé mentale, comme les vôtres; on pourrait se rendre aux gens de la fibrose kystique, la sclérose en plaques. Là, on en ajoute et on en ajoute, des groupes fermés, pour lesquels, essentiellement, le ministre essaie de trouver une façon de régler des problème que, je pense, il accepte comme réels, là.

Mais ça soulève un autre point qui est, quant a moi, important: la question d'équité dans le système. Une personne sur le soutien financier, même avec un plafond de 300 $, va être appelée à consacrer à peu près 3,5 % de son revenu brut pour les médicaments. Une famille à 75 000 $ de revenu familial, avec même une prime, une franchise, une coassurance, etc., eux autres, le maximum qu'on peut concevoir, maximum, dans la pire situation, 1 300 $, ça représente en bas de 2 % de leurs revenus. Moi, je trouve ça très inéquitable.

Le fond de ma question: Est-ce que vous pensez que cette notion de groupe fermé qui a été soulevée par le ministre pourrait marcher, ou est-ce qu'il faut vraiment, comme d'autres groupes l'ont dit, exempter les personnes à faibles revenus de toute contribution, en fin de compte, pour assurer le bon fonctionnement du régime?

Mme Vallée (Catherine): On vous souligne que la première recommandation qu'on vous dit, c'est que ça n'a pas d'allure. Mais, maintenant, si on fait juste dire ça, que ça n'a pas d'allure, on ne vous donne pas toutes les conditions pour lesquelles... Si jamais vous le faites, s'il vous plaît, faites au moins attention à ça. Mais c'est clair que ça n'a pas d'allure, et en termes de fardeau, j'entends. Et, dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous que, toutes proportions gardées, il n'y a pas d'équité là.

Maintenant, quand vous me demandez: Est-ce qu'on devrait y aller par classes séparées ou des trucs du genre, c'est clair qu'il devra y avoir des mesures d'exception, parce que ce n'est pas vrai qu'en termes de fardeau et en termes de risques tout le monde est égal là-dessus. Je pense qu'il va falloir considérer les plus démunis, parce qu'on est imputables d'aider les plus démunis, je crois, comme société, si on a un tantinet de social-démocratie.

Alors, je ne sais pas si je réponds vraiment à votre question ou si d'autres ont des compléments de réponse...

Le Président (M. Gaulin): Nous sommes limités par le temps. Alors, je demanderais peut-être...

M. Copeman: ...

Le Président: (M. Gaulin): Ça va, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je demanderais peut-être au député de Robert-Baldwin de conclure, et puis, ensuite, au ministre.

M. Marsan: Oui, merci. Merci à vous d'avoir pris le temps de venir nous sensibiliser – puis je pense que c'était important – sur toutes les caractéristiques associées à la réadaptation psychosociale. Et vous avez dit quelque chose, tantôt, qui va sûrement nous permettre de réfléchir davantage: qu'à cause des coûts il y a certains patients qui ne prendraient peut-être pas leurs médicaments, et je pense qu'il faut absolument éviter ça dans le projet de loi que nous avons actuellement. Alors, je vous remercie bien sincèrement pour l'apport que vous nous donnez à l'étude de ce projet. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): M. le ministre.

M. Rochon: Oui, merci beaucoup. Je pense que vous représentez très bien un groupe de personnes qui sont vraiment au coeur de ce qu'on vise, et où l'ajustement et l'arrimage est le plus délicat à faire, j'en suis bien conscient. Et ce que vous nous dites va nous aider à essayer d'être les meilleurs juges possible dans la situation.

Le Président (M. Gaulin): Alors, je sais gré à l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale d'avoir déposé devant nous. Mme Vallée, Dr Quintal, Dr Bouchard, M. Lauzier, merci.

Alors, je demanderais peut-être aux gens de la FADOQ, Fédération de l'âge d'or du Québec, de s'approcher, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, vous autres aussi. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à la Fédération de l'âge d'or du Québec. Je demanderais peut-être à M. Jean-Marie Marcotte, président, de nous présenter celle qui l'accompagne. Vous avez 10 minutes pour déposer devant nous.


Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ)

M. Marcotte (Jean-Marie): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, je me présente, Jean-Marie Marcotte, je suis président de la Fédération de l'âge d'or du Québec. Et, à ma gauche, c'est Mme Nicole T. Moir, qui est directrice générale du mouvement.

Aujourd'hui, nous voulons vous présenter le mémoire suite à l'enquête qu'on a faite lors des assemblées générales du mouvement. La Fédération de l'âge d'or du Québec regroupe 170 000 personnes âgées de 50 ans et plus. Sa structure démocratique est constituée de 1 000 clubs et de 17 regroupements régionaux qui sont tous reconnus comme des corporations à but non lucratif possédant leur propre conseil d'administration et leurs règlements généraux respectifs. Très succinctement, le mandat de la Fédération se résume: promouvoir un concept positif du vieillissement; encourager le maintien et l'amélioration de la qualité de vie et de l'autonomie des aînés; initier et soutenir l'organisation d'activités physiques et de loisir.

Notre démarche. Le 17 avril dernier, la Fédération annonçait qu'à la suite du dépôt du rapport Castonguay elle entreprendrait auprès de son réseau une vaste consultation sur la question du régime général d'assurance-médicaments, dont beaucoup d'éléments constituaient un changement majeur pour une partie de sa clientèle, soit les personnes âgées de 65 ans et plus. Débutée le 6 mai dernier, elle a acheminé à travers ses régions un court questionnaire, dont vous trouverez un exemplaire en annexe. Les questionnaires devaient être remplis dans le cadre des assemblées générales annuelles des regroupements régionaux, et chacune des questions était accompagnée au préalable d'une courte note explicative. Les directeurs régionaux pouvaient apporter, pour chacune d'entre elles, des informations supplémentaires. À l'annonce, le 17 mai, d'un projet de loi dont les paramètres modifiaient passablement certains aspects du questionnaire initial, la Fédération a envoyé dans chacune des régions sauf une les indications nécessaires, en annexe également, afin que les directeurs puissent les spécifier de vive voix lors de la gestion du questionnaire. De plus, seules les questions 1, 2 et 3 ont été retenues.

Nous ne prétendons pas que le questionnaire et la méthodologie de cette consultation répondent à une rigueur scientifique. Nous désirions connaître le sentiment de notre clientèle quant à certains aspects de la proposition du ministre de la Santé, et nous avons estimé que cette démarche était également essentielle pour que les personnes que nous représentons aient une information, même minimale. En ce sens, nous dénonçons fortement la manière dont ce dossier d'une importance capitale pour les aînés québécois a été mené. L'annonce, coup sur coup, à un mois d'intervalle, des recommandations d'un comité d'étude, suivie de l'annonce d'un cadre législatif qui ne retient que certains aspects des premières aurait exigé que les Québécois connaissent clairement les enjeux et puissent en mesurer toutes les conséquences, particulièrement sur leurs revenus.

À quelques reprises, le ministre a rappelé que la question de l'assurance-médicaments était à l'étude depuis déjà trois ans et que son ministère travaillait depuis ce temps à l'élaboration d'une politique à ce sujet. Toutefois, comme il est indiqué dans le plan d'implantation de 1992, nous aurions été en droit de nous attendre à ce que les principes sous-tendant les orientations du ministère pour replacer le citoyen au centre d'un système de santé et des services sociaux soient respectés.

Le document en question, «Une réforme axée sur le citoyen», ne disait-il pas: Pour le citoyen-décideur, une prise de décision le plus près possible de l'action. Des citoyens au coeur de la prise de décision. Des citoyens imputables de leurs décisions. Pour le citoyen-payeur: Des citoyens qui en ont pour leur argent. Des citoyens qui doivent assurer le coût des services. À l'évidence, le projet de loi n° 33 n'a retenu des orientations que ce dernier élément.

Des constats. L'information plus que jamais nécessaire. Les résultats obtenus lors de notre consultation nous indiquent que les aînés ne seront pas farouchement opposés à l'implantation d'un régime général d'assurance-médicaments. Sur les 1 607 réponses reçues de 14 de nos régions, 60 % se disent en défaveur, mais 40 % y sont favorables. Tous, cependant, ont estimé que l'information parcellaire qu'ils avaient reçue presque exclusivement par les médias ne leur était pas suffisante pour évaluer l'impact de ce nouveau régime. Par exemple, une incompréhension totale existe sur la liste des médicaments admissibles, et certains se demandaient même s'ils devaient renoncer à la couverture des médicaments prévue par leur assurance privée ou collective.

(17 h 50)

De plus, un deuxième résultat obtenu par notre consultation nous indique que les aînés sont loin de reconnaître le bien-fondé de la responsabilité qu'aurait la Régie de l'assurance-maladie du Québec à leur égard. À la question: «Êtes-vous en faveur que les personnes de 65 ans et plus soient sous la responsabilité de la RAMQ ou pensez-vous qu'elles doivent avoir le droit de choisir entre les deux modes, assurance privée ou assurance par la RAMQ?», 59 % de nos 1 607 personnes consultées ont préféré avoir le choix. À notre avis, cette donnée ne vient que confirmer l'incompréhension qui entoure cette fois le mode de gestion du régime d'assurance-médicaments. Et nous croyons que, sur ce sujet précis, des indications simples et claires sur les conditions d'assurabilité seraient nécessaires.

Il est évident que les aînés se sentent pris au piège par les modifications que se propose de mettre en place le régime d'assurance-médicaments et qu'ils s'identifient à une clientèle captive dont on se soucie peu et qu'on place devant un fait accompli. La Fédération de l'âge d'or du Québec demande donc au ministre que l'application de la Loi sur l'assurance-médicaments soit retardée, qu'une réelle campagne d'information soit menée auprès des aînés québécois et de l'ensemble de la population, particulièrement sur la composition de la liste des médicaments admissibles et sur ses modes de révision, sur l'impact de la loi sur les régimes d'assurance privée complémentaires ou les régimes collectifs, dont plusieurs aînés bénéficient, sur la mécanique du Fonds d'assurance-médicaments, sur le mode de gestion du régime réservé aux personnes âgées de 65 ans et plus.

Le contrôle des coûts: essentiel. La consultation menée au cours du mois de mai nous a aussi permis de constater le scepticisme de nos membres quant à la capacité de l'État de mieux contrôler le coût des médicaments, qui est une des causes importantes de l'augmentation du programme de gratuité des médicaments que nous connaissons actuellement. Logiquement, nous pouvons nous interroger sur la faisabilité d'un tel contrôle qui fait l'objet de peu de mesures dans le projet de loi. Bien sûr, le Conseil consultatif de pharmacologie veille au grain, et les échanges constants qu'il entretient avec le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés peuvent également jouer un rôle. Toutefois, contrairement aux avis du comité Castonguay, nous ne voyons figurer à aucun endroit dans le projet de loi des mesures relatives à une politique de remboursement des médicaments au plus bas prix et, par voie de conséquence, à l'utilisation de médicaments génériques.

Nous vous rappelons que nous avons été la seule association d'aînés au Québec à donner son appui à la modification de la loi C-22 et à l'adoption de la loi C-91, qui étendaient la durée de protection accordée aux brevets relatifs aux médicaments d'ordonnance. Des considérations de soutien à la recherche et à l'emploi ont été au coeur de cette décision, et nous en sommes toujours convaincus. Toutefois, nous pensons qu'au-delà de ce délai de 20 ans et considérant le coût élevé des nouveaux médicaments il serait sage que le gouvernement étudie la nécessité de conserver la règle de 15 ans. En d'autres domaines d'achat, les règles de la concurrence ont déjà fait leurs preuves, et ce, au bénéfice des consommateurs. Pourquoi en serait-il autrement quand il s'agit de l'achat de médicaments?

Nous croyons qu'un meilleur contrôle des coûts des médicaments aurait un effet bénéfique sur celui des primes et de la franchise, qui sont les baromètres de la bonne santé des régimes privés et publics d'assurance-médicaments. À cet égard, nous souhaiterions que l'État adopte également les mesures d'encadrement nécessaires afin qu'une fois adopté le régime d'assurance-médicaments ne réserve pas de mauvaises surprises aux personnes qui y ont été obligées.

Et la note nous renvoie en bas. Alors que des régimes semblables à celui que veut mettre en place le Québec avaient au départ des franchises et des coassurances assez basses, elles ont depuis eu des augmentations importantes. À titre d'exemple, en Saskatchewan, la franchise est de 850 $ par famille par période de six mois, et la coassurance est de 35 %. En Colombie-Britannique, la franchise est de 600 $ par famille et la coassurance de 30 % des dépenses au-delà de la franchise, jusqu'à un plafond de 2 000 $ par année.

Le régime d'assurance collective dont bénéficient certains retraités...

Le Président (M. Gaulin): M. le président.

M. Marcotte (Jean-Marie): Pardon?

Le Président (M. Gaulin): Excusez-moi. Vous avez dépassé le temps. Si vous vouliez conclure, ce serait gentil.

M. Marcotte (Jean-Marie): Oui, monsieur. Effectivement, en conclusion, je vais vous présenter uniquement les demandes, sans les explications.

La Fédération de l'âge d'or du Québec demande donc au ministre: qu'il étudie le système de remboursement des médicaments au plus bas prix et la nécessité de conserver la règle de 15 ans; qu'il adopte des mesures d'encadrement des régimes d'assurance-médicaments privés et publics afin de comprimer les hausses éventuelles des primes, des franchises et des plafonds. La Fédération de l'âge d'or du Québec demande donc au ministre, aussi: que le régime général d'assurance-médicaments adopte des mesures d'exemption du paiement de primes, de la franchise et de la coassurance pour les enfants de moins de 18 ans, les personnes âgées recevant le maximum du supplément de revenu garanti, les prestataires de l'aide sociale inaptes au travail, les personnes âgées de 60 à 64 ans qui sont bénéficiaires de l'allocation du conjoint et qui détiennent un carnet de réclamation des médicaments; que le plafond de 500 $ pour les personnes âgées recevant partiellement le supplément de revenu garanti soit corrigé à la baisse; que des mesures d'exemption temporaires soient mises en place pour les personnes qui perdent leur emploi; que des protocoles d'accès efficaces et étanches soient adoptés avant l'implantation d'un fichier central – effectivement, c'est pour la confidentialité.

Nous vous remercions, M. le ministre, de nous avoir donné l'occasion de vous indiquer quelques-unes de nos inquiétudes et propositions. Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'elles seront entendues. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le président Marcotte. Et, précisément, je vais donner la parole à M. le ministre, et vous pourrez échanger.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Je pense qu'on va sûrement prendre en considération ce que vous nous proposez. Comme vous le savez, là, il s'agit, dans le projet de loi qui est présenté, de voir si on peut penser assurer l'accès aux médicaments à tout le monde au Québec en essayant d'assurer, d'une part, une économie sur l'ensemble de ce que ça coûte au gouvernement présentement, de sorte que, dans le total de l'économie qu'on a à faire dans le domaine de la santé et des services sociaux, l'ensemble du système y contribue et qu'aussi, du côté du médicament, on demande une contribution à tout le monde compte tenu des revenus des gens.

Bon, là, on n'aura pas le temps de discuter en détail chacune de vos propositions, mais est-ce qu'on peut comprendre que, sur le principe d'aller d'un système où on partage le coût du médicament, ou qui nous amène à assurer l'accès au médicament à un coût nul pour certaines personnes en fonction de leur âge présentement, ou en fonction de certaines maladies... C'est ça qui est dans notre système. Contrairement au système d'assurance-santé, qui donne le même accès aux mêmes services aux gens, avec une contribution en fonction de leurs revenus qui, dans le cas de l'assurance-santé, se fait par l'impôt... C'est le même principe un peu, là, qu'on veut appliquer pour l'assurance-médicaments, sauf que la contribution, au lieu de se faire par l'impôt, se fait par des paramètres d'assurance: prime, franchise, coassurance, avec des exemptions selon le revenu. On passe d'un régime où, pour le médicament, contrairement au régime d'assurance-santé, on donnait l'exemption à certaines personnes en fonction de l'âge ou de certaines maladies, comme ceux qui sont couverts par la circulaire «malades sur pied», pour passer à un système où c'est en fonction des revenus que les gens sont protégés.

M. Marcotte (Jean-Marie): Je vais laisser Mme Moir, si elle veut s'exprimer à ce niveau-là.

M. Rochon: Alors, est-ce qu'on comprend bien que, là-dessus, là, on est d'accord? Quitte à voir comment la modulation se ferait, par exemple, par rapport aux revenus.

(18 heures)

Mme Moir (Nicole T.): Je dois vous dire, M. le ministre, que j'ai fait plusieurs réunions de régions, que j'ai eu à faire remplir le sondage qu'on avait, ou la consultation – on devrait l'appeler «consultation» – que les gens, en général, ne sont pas contre, mais qu'il y a un tas d'informations, comme on vous le dit dans le mémoire, qu'elles n'ont pas, d'une part, que, même nous, en tout cas, plus à l'affût de l'information, on n'avait... Moi, j'avais un peu de difficultés à répondre par bouts de temps. Il faut bien réaliser que, pour les aînés, il vient d'y avoir une accumulation de mesures gouvernementales, fédérales et provinciales, qui touchent les aînés, que l'assurance-médicaments, même si elle a été annoncée, ça a été comme la cerise sur le sundae ou la dernière goutte qui a fait déborder le vase, que les aînés, surtout ce sur quoi ils ne sont pas d'accord, c'est les planchers établis. C'est, premièrement, quand vous dites que les aînés, maintenant, ils sont confortables financièrement et que – bien, c'est ça qui a été rapporté dans les médias; ce qu'on disait tantôt, tout ce qu'on sait, c'est ce qui a été rapporté par les médias – le plancher de 14 800 $ pour une personne et le plancher de 25 000 $ et quelques pour un couple, je pense que, tout ça, c'est ce qui heurte le plus les aînés.

M. Rochon: Est-ce que les gens ou vous, vous avez d'autres planchers qui devraient être considérés ou...

Mme Moir (Nicole T.): Non. On n'a pas réfléchi nécessairement à d'autres planchers. Ce que je vous dis, c'est que les gens disent: Voyons donc, 14 800 $, ce n'est tout de même pas le Pérou, ce n'est quand même pas tellement loin du seuil de pauvreté. La modulation entre le 10 400 $ et... bon, comment elle va se faire? D'un coup, les gens trouvent ça gros, puis je pense qu'un des... En tout cas, moi, ce que je relève, c'est que l'information n'est pas là, l'information ne s'est pas rendue. Ce n'est pas facile à comprendre, c'est complexe et c'est ça... Mais, quand on parlait, tu sais, je veux dire, oui, il y en a 60 %, là, qui ont dit: Non, on n'est pas d'accord. Moi, je leur disais: Bon, bien, si vous n'êtes pas d'accord, vous n'avez plus à remplir le restant du sondage. Mais ils ont quand même tenu à remplir le restant du sondage.

Pour eux autres, les zéro à 18 ans, c'est important. Et je vais en profiter pour souligner une chose, c'est qu'un des commentaires... Il faut dire que j'ai fait plusieurs régions éloignées – dites éloignées, hein; ce n'est pas nécessairement elles qui sont éloignées, c'est, des fois, nous. Quand on dit que les étudiants de 18 à 25 ans demeurant chez leurs parents, bien, dans ces régions-là, les jeunes qui veulent étudier doivent s'expatrier. Alors, on dit: Oui, mais il ne demeurent pas chez nous. Il demeurent bien souvent dans une famille ou en résidence, et ça coûte déjà plus cher aux parents pour que les enfants puissent continuer, mais ils ne demeurent pas à la maison. Vous voyez, peut-être que, dans votre esprit, ça compte, sauf qu'on ne l'a pas, l'information.

M. Rochon: Bien. Une brève réaction puis je laisse le plancher à d'autres, là. D'abord, ce que j'ai dit, il faut bien être clair, je suis bien conscient que les personnes âgées ne sont pas riches comme Crésus. Ce n'est pas ça qui est la question. Mais, quand on parle de changer le système pour passer d'une protection en fonction de l'âge ou d'une maladie par rapport au revenu, quitte à discuter des modulations, là, c'est que, comparativement à il y a 20 ans, globalement, comme groupe, être une personne âgée ne veut pas dire à peu près automatiquement être faible et fragile sur le plan socioéconomique. Il y a des gens, dans les personnes âgées, qui sont pauvres, il y en a qui ont des revenus très moyens puis il y en a qui sont plus à l'aise. Je pense que, globalement, c'est à peu près 30 % des personnes âgées de moins... en dessous, au niveau de ou sous le seuil de pauvreté qu'on a aujourd'hui comparativement à il y a 10 ans, ou quelque chose comme ça. Alors, c'est pour ça, et c'est ce qui nous amène à dire, à un moment donné, si...

On a, par contre, des jeunes qui n'avaient pas de problèmes de ce genre-là parce que l'emploi était facile à trouver, puis des bons emplois bien rémunérés, il y a 20 ans et même 10 ans, peut-être, et que, là, maintenant, il y a des jeunes qui sont en difficulté, et le rééquilibrage se fait sur un autre paramètre. C'est tout ça qu'on a essayé de dire. Il faut très bien distinguer, là, que ce n'est pas une classe homogène, les personnes âgées.

Mme Moir (Nicole T.): ...accepté, hein.

M. Rochon: C'est ça, oui. Je pense qu'on s'est mieux compris depuis ce temps-là. Il y aura des choses... Très vite... Oui.

Le Président (M. Gaulin): Non, je veux juste, à ce stade-ci, demander l'autorisation des deux côtés pour prolonger au-delà de 18 heures.

M. Rochon: O.K. Très brièvement. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Ça va. Je vous en prie, M. le ministre.

M. Rochon: Bon. C'est sûr qu'il y a encore de l'information à donner, comme ce que vous mentionnez, l'exemple que vous citez, des enfants qui sont étudiants après 18 ans. Ce que le projet de loi dit: c'est des enfants qui sont encore domiciliés chez leurs parents. Alors, quelqu'un de la Côte-Nord qui vient étudier à Québec, il est toujours domicilié chez ses parents. Donc, il est couvert comme si ses parents étaient à Québec.

Maintenant, ça, probablement que, dans les prochains jours, là, moi, ce qui me rassure – ça va aider sûrement, entre autres, les personnes âgées – c'est que la ligne d'information qui a été... 1-888 pour les gens à l'extérieur de Québec, là, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec... Il y a plusieurs centaines de personnes qui ont appelé dès la première journée, dont 50 % sont des personnes âgées. Alors, les gens sont curieux puis ils s'informent. Alors, j'espère que, d'ici quelques jours, une semaine, là, le niveau d'information va probablement augmenter rapidement. Merci. Je vais laisser la chance à d'autres.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci. M. le député de Robert-Baldwin, porte-parole de l'opposition.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission. Je pense que c'est très intéressant, ce que vous avez à nous dire. J'ai pris plusieurs notes. Des fois, vous dénoncez la façon dont le dossier a été mené, d'autres fois, vous avez reçu des informations parcellaires et, surtout, et c'est votre première recommandation, vous nous dites, bien: Que l'application du projet de loi sur l'assurance-médicaments soit retardée. J'aimerais de nouveau vous entendre. Quelles sont les raisons sur lesquelles vous insistez pour que ce projet de loi là soit retardé?

Mme Moir (Nicole T.): Bien, toute la question d'information qui ne s'est pas rendue. Puis je vous le dis, là, ce n'est pas du pathos qu'on fait, c'est clair, ça, puis je viens de le vivre, là, parce que la consultation s'est tenue dans les deux dernières semaines. En tout cas, ce qu'on espérerait, c'est que ce projet-là, qui est quand même – puis là, je parle personnellement – je trouve, un projet équitable pour l'ensemble de la société, si je prends ça en gros, il faut que les gens le voient dans ce sens-là aussi, puis pas quelque chose qu'on leur pousse dans la gorge et qu'on les met devant le fait accompli. Parce qu'on était, nous autres, très en accord avec la réforme ou les principes de la réforme, donc le citoyen-décideur puis le citoyen-payeur, mais au moins qu'on laisse... Oui, certains citoyens sont en train de s'exprimer à travers nous en ce moment. On représente 170 000 aînés, il y en a 1 800 000 de 50 ans et plus au Québec, et je pense qu'ils ont des choses à dire, mais ils ont aussi des choses à entendre de la part... Bon, peut-être, oui, il va y avoir... Vous parlez de la ligne téléphonique, mais il y a peut-être d'autres moyens. On est des groupes, aussi, qui pouvons donner l'information. L'été, n'y pensons pas, hein, à donner de l'information, nous autres; les clubs de l'âge d'or sont fermés, ça ne donne strictement rien, mais qu'on soit capables de rallier autour de ce projet-là...

Il me semble que, dans le projet, je ne l'ai entendu nulle part, mais il y a une certaine politique familiale ou un début de politique familiale quand on dit: Bon, les zéro à 18 ans... On a même dit aux aînés: Oui, mais les enfants qui ont des parents riches, vous êtes d'accord? Les aînés étaient d'accord avec ça. Alors, quand on dit de retarder, ce n'est pas de remettre aux calendes grecques, mais c'est de se préoccuper... Puis, à part ça, il nous semble qu'il y a des choses qui ne sont toujours pas claires.

Les assureurs ont envoyé un message très clair, puis une de nos craintes, c'est... Bon, là, il y a une franchise, il y a une prime, il y a un plafond puis il y a un plancher pour les aînés, en tout cas, pour la population, pas juste pour les aînés, pour tout le monde. Est-ce que, dans un an ou deux, parce que le gouvernement n'aura pas récupéré autant d'argent qu'il pensait récupérer ou parce que les privés sont en train de faire faillite et que le gouvernement est obligé de les sortir du pétrin, est-ce que la prime va être plus élevée, le plancher va descendre plus bas? C'est tout ça qu'on se pose comme questions, là. Il me semble que, ça, c'est des éléments importants qui ont à être... Peut-être que c'est réglé, peut-être que ça va se régler facilement, mais...

M. Marsan: Mais ce n'est pas réglé, en tout cas...

Mme Moir (Nicole T.): ...on ne le sait pas.

M. Marsan: ...pas du tout.

Mme Moir (Nicole T.): Puis là on ne vous parle pas comme des experts, hein, on n'est pas le collège des pharmaciens, des médecins, on ne vous parle pas comme experts, on vous parle avec les tripes de notre monde, donc avec les interrogations que ça leur suscite. Puis, à une population, effectivement – bon, certains vont le dire, certains le disent – qui a été, dans les dernières années, gâtée.

M. Marsan: En plus d'être inquiets par le niveau des coûts qui ne sont pas connus complètement encore, il y a des divergences assez sérieuses de l'autre côté – je pense que vous y avez fait écho – vous êtes inquiets aussi de la hausse des coûts une fois que le régime sera parti. Vous donnez même des exemples d'autres provinces et vous en faites une recommandation au ministre, de trouver une façon de comprimer la hausse éventuelle des primes, des franchises, des plafonds, etc. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Marcotte (Jean-Marie): Effectivement, sur ces hausses-là, c'est parce qu'il n'y a rien de garanti à l'effet que ça va être assuré à tel taux, et nos aînés nous posent la question: Qu'est-ce qui nous dit que ça va durer cinq ans, 10 ans au même taux puis que, parce que tout le monde participe, est-ce que ça va rester tel quel? Et c'est des choses auxquelles on ne peut pas répondre. Et, effectivement, remarquez bien, tantôt, on disait: On n'est pas au niveau médical, mais on n'est pas au niveau d'assurance non plus; on n'est pas des spécialistes là-dedans, mais on transmet les inquiétudes que nos gens ont. Et ces inquiétudes-là, au travers des questions qu'on a passées, des remarques qu'ils nous ont faites, c'est pour ça qu'on vous a suggéré ça.

(18 h 10)

Je ne sais si Mme Moir a d'autres choses à rajouter, mais c'est des inquiétudes que nos gens ont posées.

Mme Moir (Nicole T.): Les aînés se sont... Oui, plusieurs aînés ont mis des sous de côté pour leur retraire, sauf qu'il y a une limite, et les revenus de retraite, ils n'augmentent pas, hein. Alors, ceux-là qui ont des plans de compagnie indexés, ce n'est pas fort. Alors, quand ils voient que plein de mesures grugent, et grugent et grugent, bien, coudon, ils ont le droit de se poser des questions.

M. Marsan: Quand ça va arrêter. Une dernière question, M. le Président. Nous avons eu un peu plus tôt, la semaine dernière, je pense, même, les représentants de la Coalition des aînés qui, eux autres, nous ont signifié de quelle façon ce gouvernement s'attaque vraiment au portefeuille des aînés. On a eu droit, je pense, à tous les crédits d'impôt qui viennent d'être enlevés, et plusieurs autres sujets. Je voudrais savoir si, à travers le plan d'assurance-médicaments, vous trouvez que le gouvernement s'attaque trop aux aînés ou au portefeuille des aînés.

Mme Moir (Nicole T.): Bien, c'est l'accumulation. Je le disais tantôt, il y a eu effectivement une accumulation. Si on part en 1989, où l'universalité des pensions de vieillesse a été perdue, on a commencé à donner la pension de vieillesse... elle rentrait d'une main ou dans une poche puis elle sortait par l'autre. Si on prend le 2 $ sur les médicaments, c'était une mesure qui allait chercher dans la poche de aînés. Bon. Ça a été, finalement, mesure sur mesure. Et, tout dernièrement, le dernier budget Martin, le budget Landry et l'assurance-médicaments, c'est bien sûr que, coup sur coup, on touche à des revenus, comme je disais, qui bougent à peine. Puis tu ne peux pas penser, là, bien: Je vais faire mieux dans ma job de retraité puis je vais avoir une récompense en fin d'année, ou je vais avoir une promotion puis je vais avoir une augmentation de salaire. N'y pense pas, là. Et le pouvoir d'achat des retraités n'est pas stable, il baisse, avec ces mesures-là.

M. Marsan: O.K. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Rapidement, M. Marcotte.

M. Marcotte (Jean-Marie): Effectivement, nous avons eu la chance, au travers de nos réunions générales dans chacune des régions, d'avoir une idée globale de la province. Maintenant, tantôt, monsieur mentionnait la Coalition qui est arrivée, puis, effectivement, on est solidaires avec eux autres, mais, effectivement, nous autres ici, ce qu'on vous apporte, on vous apporte les remarques, les inquiétudes de nos membres étendus dans les 17 régions. Et ce n'est pas nécessairement d'un mouvement ou d'un autre, mais c'est nos membres à la grandeur de la province.

Le Président (M. Gaulin): Merci. Ça va? Conclusion, s'il vous plaît.

M. Marsan: Alors, merci à nouveau pour vous être déplacés et nous avoir fait partager beaucoup des commentaires, mais particulièrement les résultats du questionnaire extrêmement intéressant qui a été posé.

Je retiens avec vous aussi que, le projet de loi, vous recommandez qu'il soit retardé. Vous n'êtes pas le premier groupe, à ce moment-ci, qui demandez ça. Vous souhaitez qu'on l'approfondisse davantage, qu'on ait de meilleures informations, qu'il y ait moins de divergences entre le ministre et les assureurs, qu'on sache de façon plus claire exactement combien ça coûte, entre autres.

Je retiens également les recommandations que vous faites quant au plafond, peut-être de revoir ces plafonds-là. À la page 5, je pense qu'il y a une série de recommandations extrêmement importantes, et nous allons nous en inspirer lorsqu'on étudiera ce projet de loi article par article.

Alors, je vous remercie bien sincèrement pour votre présentation et pour la qualité de votre présentation.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. le ministre.

M. Rochon: Oui, M. le Président. La question des coûts. J'ai un bref commentaire, puis parce que c'est très juste comme commentaire et c'est crucial par rapport à ce qu'on fait là, comment on va contrôler les coûts et l'indexation de l'augmentation des coûts d'un système comme ça.

Moi, ce que je veux partager avec vous là-dessus, de la situation comme je la vois dans la position où je suis, c'est que ça nous coûte 2 200 000 000 $ par année au Québec, tout ce que le monde dépense; régime public, régimes privés, ceux qui paient de leur poche, c'est 2 200 000 000 $ ou 2 300 000 000 $. Le régime public, là-dessus, qui couvre 1 500 000 personnes, dont les personnes âgées, a dû faire face à une augmentation qui a été de l'ordre, si on prend juste les 10 dernières années, de presque 10 %. C'est allé en diminuant comme rythme d'augmentation, mais c'est encore, dans les dernières années, de l'ordre de 6 % ou 7 %. C'est à peu près ce qui a été en augmentation le plus. Et, dans la situation où on est actuellement, si on parle d'évolution des coûts, on a très peu de moyens de contrôler ces coûts-là, parce qu'il n'y a pas de régime comme on s'est donné dans le domaine de la santé ou de l'assurance-hospitalisation, un régime général où il y a moyen d'avoir des interlocuteurs qui peuvent établir un meilleur rapport de force. Il y a des assureurs privés pour le collectif, il y a le public pour deux clientèles, il y a des gens qui ne sont pas assurés du tout, et il y a très peu... On a des mécanismes qui peuvent être efficaces, comme le Conseil consultatif de pharmacologie, qui établit une liste, et on peut y introduire des aspects d'efficacité de médicaments là-dedans; il y a la Revue d'utilisation des médicaments.

C'est une question que vous soulevez, qu'on a en établissement, et la réponse à votre question, c'est: Oui, on sait que ça peut être transféré en ambulatoire, tout est prêt, les ordres professionnels sont d'accord et ont signé des protocoles à cet effet-là, et c'est prêt à être développé pour l'ensemble du médicament, mais, si on n'a pas un régime d'ensemble où on a vraiment l'ensemble des données et des mécanismes de contrôle, on n'a pas les moyens.

Et se donner un régime comme ça, c'est se donner un moyen de contrôle. Ça ne veux pas dire qu'il n'y aura pas des pressions pour que ça continue à augmenter. Ce que l'avenir nous réserve, on ne le sait pas, personne, mais, moi, ce qui m'apparaît clair, c'est que, si on reste dans la situation où on est là, on n'a pas moyen de le contrôler, l'avenir. Si on se donne un régime comme celui-là, là, au moins, on se donne des moyens. Il va rester à s'en servir, et à s'en servir correctement.

Vous soulevez une question aussi en rapport avec le virage ambulatoire. Pour le réussir, le virage ambulatoire, il faut un certain nombre de conditions. Le médicament en est une de celles-là, parce qu'on le sait très bien, surtout pour les personnes âgées, si les gens peuvent rester plus longtemps, plus confortablement et en toute sécurité à domicile, plus autonomes dans leurs activités, si on peut raccourcir les hospitalisations, voire éviter des hospitalisations, ce n'est pas seulement, mais c'est aussi grâce à des médicaments plus efficaces, s'ils sont pris correctement et de façon adéquate, parce qu'un médicament mal pris, ça, c'est un autre problème qu'ont les personnes âgées, mal consommer... La Colombie-Britannique a fait une étude qui est intéressante; il faudrait la faire aussi au Québec: dans l'espace d'une année, c'est 10 000 hospitalisations qu'ils ont identifiées comme causées en partie par le médicament. On a des études faites au Québec, où je pense que c'est de l'ordre de presque 20 % de consultations dans les urgences qui sont causées, en partie ou en totalité, par le médicament mal pris, mal consommé, ou des choses du genre. Donc, il y a vraiment une situation là qui, à chaque année, nous glisse dans les mains, et il y a une certaine urgence. Ça ne veut pas dire qu'il faut le faire de façon précipitée, mais il y a une certaine urgence à intervenir dans ce sens-là, parce que, les moyens, on les a, mais on ne s'est pas donné le système pour les utiliser adéquatement.

Très conscients de ce que vous nous dites, on va intensifier tous les moyens de donner l'information aux gens et on va essayer de voir, quand on sera... qu'on sent assez bien le consensus... où on en est comme consensus social pour pouvoir bouger dans les meilleurs délais possibles, parce qu'il en va du contrôle de nos coûts, et assurer l'accès à des gens qui n'ont pas du tout de possibilité actuellement.

Moi, je veux vous remercier, et à travers vous tous vos membres, en terminant, pour la réaction très responsable des personnes âgées. On était très conscients qu'un des groupes qui va encore profiter le plus du régime, c'est les personnes âgées, mais c'est un des groupes qui est le plus mis à contribution dans le régime par rapport à la situation actuelle. Et à cause, en partie, du changement de la situation financière d'une partie des gens, de changer, de passer de protection en fonction de l'âge par rapport à une protection en fonction du revenu, un des groupes qui est le plus mis à contribution, c'est le groupe des personnes âgées. Et des personnes ont réagi de façon critique, et ça se comprend, là; ce n'est pas nécessairement la meilleure nouvelle qu'on pouvait leur annoncer, mais la réaction a été vraiment, socialement, très mature et très responsable, et je vous avoue que je l'apprécie beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Alors, voilà. Il y a quelqu'un à Québec qui surveillait mon âge, il m'a vendu une carte de la FADOQ, le président Marcel Roy. Alors, mon président, M. le président, Mme la directrice générale, la FADOQ, c'est un mouvement de choc. Alors, merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 20 h 7)

La Présidente (Mme Charest): Si vous voulez bien prendre place, nous allons débuter les travaux. Bonsoir.

Alors, j'appellerais l'Association des grossistes en médicaments du Canada et ses représentants.

S'il vous plaît, nous allons commencer par entendre votre présentation, c'est-à-dire qui vous êtes, qui vous accompagne. Ensuite, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, et nous procéderons, dans un deuxième temps, à la période des échanges avec les deux parties de la commission.


Association des grossistes en médicaments du Canada (AGMC)

Mme Firestone (Theresa): Merci. Thank you. I should first apologize that I will give our brief introduction in English. My name is Theresa Firestone, I am president of the Canadian Wholesale Drug Association. On my right, I have John Stante, who is the executive director of Canadian Wholesale Drug Association, and on my left, Richard Normandeau, executive vice-president of Médis. Médis is a national wholesaler with head office in Kirkland, Québec. I apologize, I am unable to do the presentation today, it is only my second day in this position. The CWDA is very supportive of this bill. And the way we would like to proceed is that John will provide the presentation and Richard will respond to questions from a wholesaler perspective.

M. Stante (John): Bonsoir, M. le Président, mesdames et messieurs de la commission. L'Association des grossistes en médicaments du Canada, qui représente la majorité des grossistes au pays, tient à remercier la commission des affaires sociales de l'opportunité de présenter ses commentaires et d'échanger avec ses membres sur le projet de loi n° 33.

L'AGMC tient à souligner son appui à l'esprit général du projet de loi. En effet, l'AGMC appuie les principaux objectifs qui sous-tendent cette loi, notamment: Un, de viser à permettre à l'ensemble de la population de bénéficier d'un régime d'assurance-médicaments, donc de le rendre universel et accessible; deux, d'améliorer l'utilisation des produits pharmaceutiques, et, trois, d'augmenter l'efficience et l'efficacité du système.

(20 h 10)

L'industrie du médicament au Québec est caractérisée par quelque 130 fabricants, 1 500 pharmacies et 4 800 produits différents. De nos jours, la majorité des médicaments sont acheminés des fabricants aux pharmacies par le biais de grossistes et de centres de distribution intégrés à des chaînes ou des regroupements de pharmaciens. Dans le jargon du métier, ce système est connu sous le nom de distribution indirecte. Pour les besoins de ce mémoire, nous le caractériserons comme la distribution via des distributeurs.

Dans les années cinquante et soixante, la distribution se faisait surtout directement du fabricant au pharmacien. Ce mode de distribution directe est maintenant en décroissance partout en Amérique du Nord en raison de ses coûts plus élevés. Au Québec, les distributeurs contribuent de façon significative à améliorer l'accessibilité aux médicaments, que ce soient des produits d'officine ou des produits en vente libre, grâce à une logistique efficace qui permet de desservir indifféremment toutes les pharmacies situées sur le territoire du Québec, quelle que soit leur vocation ou leur situation géographique.

Les régimes de remboursement du coût des médicaments en vigueur actuellement au Québec, soit le régime public et les régimes d'assureurs privés, reconnaissent explicitement la valeur ajoutée des services du distributeur dans la distribution des médicaments, selon les dispositions contenues dans la Loi sur l'assurance-maladie. Plus spécifiquement, les articles 4 à 4.10 se réfèrent à la confection de la liste des médicaments assurés, notamment le prix ou la méthode d'établissement de chaque médicament et le montant maximum dont la Régie assume le remboursement. L'abrogation de l'article 4.2 suscite certaines interrogations de notre part quant à la reconnaissance du rôle des distributeurs et de la méthode de rémunération dans le processus de remboursement du médicament.

L'AGMC tient donc à souligner que, compte tenu de la valeur ajoutée que représentent les services rendus par des distributeurs, la reconnaissance formelle et explicite de leur rôle d'intermédiaire facilitant l'accès universel aux médicaments devrait être maintenue dans cette loi, notamment parce qu'il est un élément clé d'une plus grande efficience dans la chaîne de distribution et parce qu'il est une garantie de maintien d'un des objectifs clés de la réforme, soit que toutes les pharmacies, quelles que soient leur taille et leur localisation, paient le même prix pour leurs médicaments afin qu'en retour elles puissent assurer que tous les Québécois paient le même prix pour ces mêmes médicaments, quel que soit le lieu où ils les achètent.

Le système de financement des médicaments et, plus particulièrement, les règles de remboursement par les tiers payeurs peuvent avoir des effets importants sur la structure de distribution. L'essence de nos représentations d'aujourd'hui est de demander au législateur de s'assurer que le système que la nouvelle loi mettra en place n'aura pas un effet pervers sur le système de distribution en encourageant des pratiques inefficaces.

Nos inquiétudes sont fondées. Dans certaines provinces, l'instauration d'un régime public d'assurance-médicaments a eu comme effet d'encourager un retour vers le système de distribution directe, à l'encontre des règles les plus élémentaires de l'efficacité. Pourquoi ce retour au système de distribution des années cinquante et soixante? Parce que les règles de remboursement avaient des effets pervers. La distribution directe est beaucoup plus coûteuse que la distribution indirecte. En bout de piste, c'est le consommateur qui paierait si un tel système était rétabli au Québec.

Le rôle du distributeur est de s'assurer que chaque pharmacie du Québec, quel que soit l'endroit où elle est située, soit capable de répondre rapidement aux besoins spécifiques de chacun des clients qu'elle dessert, c'est-à-dire de livrer à quelque 1 500 pharmacies communautaires à travers le Québec une gamme complète de médicaments, et ce, en moins de 24 heures; de s'assurer que, sur l'ensemble du territoire, les Québécois aient accès en tout temps à tous les produits dont ils ont besoin par l'entremise des pharmaciens; de faire en sorte que les clients des régions éloignées du Québec ne soient pas pénalisés par des coûts additionnels de transport, des délais de livraison et des minimums de commande trop élevés.

Il est clair que la réalisation de ces objectifs d'accessibilité, de disponibilité des produits et d'efficience dépend du réseau de distribution. Deux types de réseaux sont possibles: direct ou indirect. La différence de coût entre les deux systèmes est majeure. Un système de distribution directe exige 14 fois plus de transactions-livraisons qu'un système de distribution indirecte. Dans le cas de la distribution directe, des centaines de courriers et de camions de livraison sillonneront continuellement la province pour livrer directement les commandes auprès de chaque pharmacie. Dans le cas de la distribution indirecte, sept distributeurs, incluant les chaînes, planifient l'approvisionnement hebdomadaire de 1 500 pharmacies du Québec, leur garantissant plusieurs livraisons par semaine et intégrant cette distribution à l'ensemble des produits vendus en pharmacie.

La distribution intégrée existe de nos jours dans presque tous les secteurs du commerce où se trouvent de nombreux points de vente, une gamme élevée de produits et de nombreux fabricants. La gestion efficace de la distribution a donné naissance, depuis plus de 20 ans, aux bannières et aux grandes chaînes, dont l'efficacité économique est étroitement liée aux économies réalisées par une distribution intégrée. Pourtant, la distribution directe subsiste pour les médicaments, encouragée par des régimes publics et privés d'assurance-médicaments. Il nous apparaît donc important que, sur ce point particulier, les règles de remboursement sous-jacentes à la réforme que propose le législateur n'amorcent pas un retour en arrière vers les méthodes et les inefficacités passées.

Les distributeurs ont mis en place, au Québec, une infrastructure qui leur permet d'offrir une accessibilité uniforme aux médicaments, et ce, à l'ensemble de la population du Québec: en maintenant un inventaire complet de l'ensemble des produits listés par le Conseil consultatif de pharmacologie; en investissant dans des systèmes sophistiqués et efficaces de gestion des stocks et des commandes; en offrant des livraisons quotidiennes à la majorité des pharmacies; en offrant des services de livraison d'urgence; en procédant à la collecte et au remboursement des médicaments périmés aux pharmaciens.

La distribution des médicaments via le centre de distribution est un élément essentiel pour la saine gestion de la pharmacie. Elle permet aux pharmaciens d'assurer une meilleure rentabilité sur un horizon à long terme. En conséquence, ce système contribue à maintenir un réseau de pharmacies communautaires solide et accessible à tous tout en assurant une saine compétition.

La gamme des programmes offerts aux pharmaciens par les distributeurs va au-delà des services logistiques et de gestion. En effet, des programmes de gestion pharmaceutique à l'intention des pharmaciens leur permettent d'améliorer leurs services à la population. Ces programmes les aident à jouer pleinement leur rôle de professionnels de la santé, et ce, dans un contexte où les traitements médicamenteux ont une importance de plus en plus grande dans les soins de santé et où une attention de plus en plus grande est apportée à la prévention et à l'éducation des consommateurs.

L'utilisation du réseau indirect est le mode de distribution permettant d'atteindre le consommateur de la façon la plus efficace, et ce, à cause de l'infrastructure sophistiquée rendue possible par les investissements majeurs effectués au fil des ans. En empruntant le réseau des distributeurs, les manufacturiers peuvent réduire le nombre de points de livraison et ainsi bénéficier d'économies importantes en ce qui a trait à la gestion de leurs actifs et de leurs frais d'exploitation.

Aux pharmaciens, les distributeurs proposent un guichet unique qui consiste en un système consolidé et informatisé de traitement des commandes, un système de gestion d'inventaire intégré et la simplification de la gestion financière, ce qui leur permet d'améliorer la gestion de leur inventaire tout en assurant un approvisionnement constant pour la population.

De plus, les distributeurs ont contribué à la mise en place d'un mécanisme de contrôle nécessité par l'adoption du système «prix de vente garanti-prix réel d'acquisition». Spécifiquement, les distributeurs fournissent aux autorités des historiques d'achats par pharmacie qui permettent d'assurer une meilleure intégrité au niveau des réclamations. Au Québec, environ 60 % des achats de produits pharmaceutiques se font par l'entremise des distributeurs, grossistes et chaînes. La distribution directe, qui, jusqu'à récemment, était encouragée par les pratiques de remboursement, compte encore pour 40 %, un des plus hauts pourcentages au monde.

Force est donc de constater que les Québécois ne bénéficient pas du plein potentiel d'accessibilité et d'efficience qu'offre un système d'achat indirect. Il importe donc que le projet de loi n° 33 ne contienne pas d'incitatifs qui empêcheraient la réalisation du plein potentiel des bénéfices découlant de l'utilisation du réseau indirect.

(20 h 20)

En définissant le système de remboursement des médicaments, il est primordial de s'assurer qu'il n'introduise pas d'effets pervers qui pourraient nuire aux objectifs d'efficacité et d'accessibilité visés par le projet de loi. Certains programmes font appel à des systèmes de remboursement dont les modalités introduisent des effets pernicieux qui biaisent le choix de la source d'approvisionnement. Un exemple de règle à effet pervers serait de rembourser un prix uniforme pour chaque médicament sans égard à son mode de distribution, plutôt que le prix réel d'acquisition. Une telle règle favoriserait les pharmacies de grande surface, qui exigeraient des fabricants qu'ils distribuent directement au prix du formulaire. Les fabricants se doteraient d'un système de livraison directe, d'abord pour les grandes pharmacies, qu'ils étendraient par la suite aux pharmacies de taille moyenne. Éventuellement, le système de livraison directe s'attaquerait à tous les points de vente les plus économiques à desservir directement. Les camions et les courriers recommenceraient à sillonner les routes de la province. Les distributeurs conserveraient les petits fabricants et les pharmacies de petite surface. Peu à peu, l'efficacité globale du système de distribution baisserait, et ce sont, ultimement, les consommateurs qui paieraient la note.

Il faut bien comprendre les fondements du caractère pervers de la règle. En exigeant que tous les assurés paient le même prix partout en province, quelle que soit la taille de la pharmacie, le législateur impose implicitement une péréquation entre les pharmacies, car il est évident que les coûts réels de distribution varient selon la taille et la localisation des pharmacies. Le distributeur qui charge un taux uniforme et réglementé pour la distribution fait implicitement cette péréquation. Malheureusement, par une règle de remboursement mal définie, le législateur peut permettre aux plus gros fabricants de recupérer la péréquation que paieraient les grosses pharmacies en livrant directement là où la livraison coûte moins cher. Un système inefficace vient donc de se greffer en parasite grâce à une réglementation aux effets pervers.

Les distributeurs de médicaments jouent un rôle important dans le système de transparence que veut instaurer le législateur. Ils assurent le même prix et le même service partout en province, quelle que soit la taille de la pharmacie. De plus, son tarif uniforme est réglementé par le gouvernement. Mais, pour que ce système implicite d'égalisation des coûts fonctionne, le législateur doit s'assurer que le cadre légal qu'il met en place n'a pas d'effet pervers sur le mode de distribution.

L'AGMC est en faveur d'une standardisation des modes de remboursement entre les régimes privés et gouvernementaux. Cependant, elle désire le maintien du système du PRA actuellement en vigueur dans le régime public, qui prévoit que le coût réel d'acquisition des médicaments soit remboursé au pharmacien. Dans le projet de loi qui nous a été soumis, l'article 58, conjugué à l'abrogation de la section 4.2 de la Loi sur l'assurance-maladie, laisse en suspens un certain nombre de questions en ce qui concerne la méthode de remboursement qui sera retenue.

À notre avis, le système de remboursement actuel possède deux avantages. Premièrement, c'est un système tout à fait transparent, basé sur le coût réel et qui reconnaît au pharmacien le droit de choisir sa source d'approvisionnement en fonction de ses besoins. Deuxièmement, du point de vue du pharmacien, c'est un système neutre qui, à l'encontre des modalités de remboursement en vigueur dans certaines autres provinces canadiennes, ne pénalise pas le pharmacien qui, pour des raisons d'efficacité, préfère s'approvisionner auprès d'un distributeur, puisqu'il tient compte des frais de distribution.

En conséquence, nous croyons que le système «prix de vente garanti-prix réel d'acquisition» est efficace, favorise l'accessibilité et devrait être étendu à l'ensemble du programme couvert par le projet de loi n° 33. Ce système a été mis en place en 1992, et nous croyons qu'il fonctionne très bien. Selon ce système, le fabricant doit soumettre un prix de vente garanti pour tout médicament qu'il désire faire inscrire sur la liste des médicaments assurés. Ce prix ne doit pas être supérieur à tout prix de vente consenti par le fabricant pour le même médicament, en vertu des autres programmes provinciaux d'assurance-médicaments, et doit être le même pour les ventes aux pharmaciens et aux grossistes.

En ce qui concerne le remboursement au pharmacien par la Régie, le prix remboursé est le prix réel d'acquisition, c'est-à-dire le prix payé par le pharmacien, peu importe la source d'approvisionnement. Il n'y a donc aucune pénalité pour le pharmacien qui s'approvisionne auprès du distributeur.

L'AGMC donne son appui à un système de remboursement uniforme pour tous les médicaments et qui ne pénalise pas les pharmaciens qui utilisent les services des grossistes. L'Association est d'avis que le droit des pharmaciens de choisir leur source d'approvisionnement sans encourir des pénalités doit être maintenu, compte tenu des services que les distributeurs rendent à l'industrie, en particulier aux plans de l'accessibilité et de la disponibilité des produits ainsi que des gains d'efficience produits par le système de distribution. À cet égard, la loi aurait avantage à être clarifiée par l'inclusion, à la section II du projet de loi, d'une version de l'article 4.2 de la Loi sur l'assurance-maladie.

En terminant, nous tenons à remercier la commission de l'opportunité de présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 33 et aimerions indiquer notre intérêt et notre volonté de participer à l'élaboration des règlements y afférents. Merci, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. D'abord, une clarification ou une information et, par la suite, une question. Alors, je veux d'abord vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et souhaiter la bienvenue à madame, qui commence de nouvelles fonctions, si j'ai bien compris.

Le point que vous soulevez quant à l'abrogation de l'article 4.2. Les articles 4 à 4.10 de la Loi sur l'assurance-maladie ont été repris, dans le projet de loi, comme vous l'avez noté, je pense, aux articles 58 et suivants, 58 à 68. Alors, on retrouve un transfert, essentiellement, de ce qui veut être le même contenu des articles. Mais, effectivement, 4.2 n'a pas été repris parce que notre compréhension était à l'effet que le principe de 4.2 est reconnu dans la loi, à l'article 8, deuxième paragraphe, qui devient l'article qui reconnaît le principe quant aux prix de la liste, lequel deuxième paragraphe – je m'excuse de faire ce chassé-croisé d'articles – de l'article 8 réfère à 5.8. Donc, ce qui était l'interprétation de nos conseillers était à l'effet qu'on obtenait le même résultat, mais en ayant établi le principe plus clair, d'une part, et son application, par ailleurs, d'autre part. Maintenant, ce que vous avez soulevé l'a été aussi devant cette commission par l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Alors, on reconnaît qu'il y a peut-être, dans le texte de loi, une clarification qu'on pourrait apporter et on regarde présentement une modification qui rendrait le texte encore plus clair. Parce qu'il n'a jamais été de notre intention de modifier quoi que ce soit dans ce qu'étaient les règles d'établissement du prix des médicaments. Alors, je pense que, ça, ça peut vous rassurer, de ce côté-là, il n'y a pas de modification, c'est une question de forme seulement. Et on va s'assurer de voir si on peut préciser encore le texte pour qu'il n'y ait pas de risque de mauvaise interprétation. Voilà pour le commentaire.

Ma question. À la page 10 de votre mémoire, vous référez à la question du remboursement au prix uniforme et parlez de l'effet pervers que ça pourrait avoir, parce que, en appliquant un prix uniforme, on ne reconnaîtrait pas, si je comprends bien, ce qui est en fait dans la réalité un prix différent selon les conditions de la distribution, selon les endroits, et le reste. Et vous dites que ça revient à faire un peu un système de péréquation entre les pharmacies et les endroits du Québec. Savez-vous que, de prime abord, j'aurais vu comme un avantage, en termes d'équité entre les différents endroits du Québec, qu'on ait un prix uniforme de distribution et que les endroits qui ont l'avantage, à cause de leur situation géographique ou d'autre chose, d'avoir une distribution qui, pour eux, coûte moins cher... qu'on répartisse le coût dans l'ensemble. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus quel est l'effet pervers. Est-ce que c'est pour vous que ça cause un inconvénient puis une difficulté, comme façon de fonctionner, ou si c'est pour les pharmacies et les consommateurs qu'il y a un effet caché, là, qui peut devenir pervers?

M. Normandeau (Richard): Oui. Ça crée un effet pervers pour tout le monde, en fait. Si je peux commencer... Il y a des législations qui existent au Canada où les distributeurs ou les grossistes ne sont pas reconnus comme tels. Ces gouvernements-là vont rembourser aux pharmaciens les médicaments au même prix, peu importe la source d'approvisionnement de laquelle ils achètent leurs produits. Dans ces systèmes de remboursement là...

M. Rochon: Excusez, monsieur. Quand vous dites: Peu importe la source, pourriez-vous être plus spécifique là-dessus?

M. Normandeau (Richard): Soit une source grossiste, soit une source directement des manufacturiers.

M. Rochon: Ah, O.K.

(20 h 30)

M. Normandeau (Richard): Parce qu'il y a des manufacturiers, encore, qui livrent de façon directe. Il y en a qui ont les deux systèmes, il y en a d'autres qui sont strictement via les grossistes. Ce qu'on note, c'est que, dans des législations ou dans des provinces où il y a un prix uniforme, il n'y a pas de différence entre les prix remboursés aux pharmaciens, il y a une prédominance des achats qui sont faits de façon directe par les pharmaciens. Puis ce qui arrive, c'est que les pharmaciens qui achètent directement, c'est habituellement des grosses pharmacies qui sont faciles à servir et qui ont du gros volume, ce qui laisse pour les distributeurs et les grossistes la couverture des plus petites pharmacies. Éventuellement, les coûts augmentent, au niveau de la distribution, parce que tu couvres les plus petites surfaces, plus petits volumes, etc.

C'est ce qu'on voulait faire ressortir par cet exemple-là. Un mode de remboursement où on ne reconnaît pas le prix d'acquisition réel va créer des effets qui vont avoir, à long terme, des effets d'augmentation des coûts à cause que ça va provoquer plus d'achats directement des pharmaciens aux manufacturiers que l'adoption d'une gestion d'inventaire indirecte via un grossiste ou un distributeur. Donc, c'est ce qu'on voulait dire. C'est des effets qui peuvent se démontrer à moyen terme et à long terme.

M. Rochon: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. And, on behalf of the Québec Liberal Party, we'd like to welcome you and to thank you very much for accepting this invitation from this parliamentary commission. We also wish you good luck in your mandate as president.

Je voudrais poursuivre sur la question de la responsabilité au niveau des pharmacies, des pharmaciens, mais aussi des patients. Nous avons reçu un petit peu plus tôt cette semaine l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et nous avons discuté avec eux du projet de loi qui... Ils trouvaient que ça pouvait aller même très loin, jusqu'à une espèce de nationalisation, entre guillemets, des pharmacies propriétaires. Et nous nous demandons si, à travers votre mémoire, vous n'êtes pas en train de confirmer ce que les pharmaciens propriétaires nous disaient: Tout le jeu du libre marché n'existera plus ou peu; en tout cas, la régionalisation, le transport, les distributions, toutes les lois du marchés sont abolies, à toutes fins pratiques. Et j'aimerais vous entendre compléter à ce sujet.

M. Normandeau (Richard): Je ne croirais pas que les lois du marché sont abolies, parce que, si on regarde, en bout de ligne, les survivants d'un régime qui ressemblerait à celui-là vont être les acteurs les plus performants. La compétition va continuer à régner. Il y a sept distributeurs au Québec actuellement, puis les distributeurs se doivent d'améliorer leur gestion, leurs coûts d'exploitation pour être en mesure d'offrir les services les plus abordables possible. Puis il y a aussi la pression des marchés extérieurs. Si, par exemple, des grossistes québécois, à cause d'un taux uniforme et d'un marché relativement structuré au point de vue réglementation, donnaient le service mais à un coût, disons, exorbitant, il y aurait des forces de marché extérieures. Parce que, livrer des médicaments, ce n'est pas comme livrer des pianos, ça se fait assez bien de Toronto ou d'autres provinces au Canada. Donc, il y aurait des pressions, je pense, qui viendraient faire en sorte que les taux de distribution qui seraient cotés au gouvernement refléteraient les taux du marché à l'extérieur des frontières du Québec. Je pense que les conditions de marché prévaudraient encore. C'est mon opinion.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Autre question? M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais aussi dire merci beaucoup à l'Association des grossistes en médicaments du Canada. Bienvenue ici. Vous n'êtes certainement pas des inconnus pour moi. Welcome and congratulations on your second day of your new mandate, Mme Firestone. Mais je voudrais aussi mentionner que j'ai eu une longue relation avec l'Association, avec John Stante. Et je pense que ce serait presque irresponsable de ne pas mentionner que Médis a eu la sagesse de choisir le beau comté de Nelligan pour avoir son siège social. Avec ça, je suis certainement au courant du travail efficace de l'excellente compagnie Médis. J'ai dit tout ça en guise de transparence, je n'ai rien à cacher. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quand on sent le besoin de le dire...

M. Williams: Vous avez mentionné dans votre mémoire la valeur ajoutée des grossistes. Vous avez aussi, à la page 3, parlé des pratiques inefficaces qui sont potentiellement dans le projet de loi. Je voudrais vous donner une chance d'expliquer un peu c'est quoi, cette valeur ajoutée. Souvent, pendant cette commission parlementaire, nous avons parlé d'utilisation rationnelle des médicaments, de la bonne connaissance des ordonnances et d'une bonne façon de s'assurer que tous les citoyens sont au courant de leurs médicaments. Est-ce que c'est ça qui est la valeur ajoutée dont vous parlez? Et comment les grossistes peuvent intervenir sur la livraison des médicaments et sur la valeur ajoutée?

M. Normandeau (Richard): O.K. L'objectif premier ou la raison d'être d'un grossiste en médicaments, c'est d'abord d'assurer que le médicament soit dans la pharmacie au moment où le patient en a besoin. Je vais vous rappeler juste les données qu'on vous a données dans le mémoire. Il y a 4 800 produits au formulaire; il y a 1 475 pharmacies communautaires puis il y a au-delà de 130 manufacturiers. Ça fait que, mettez ça dans l'équation, ça donne beaucoup, beaucoup de transactions.

Les grossistes en médicaments ont développé une technologie, des méthodes logistiques pour être en mesure de servir l'ensemble des pharmacies du Québec de façon efficace, et ce, sur une base quotidienne. La plupart des points au Québec, des pharmacies au Québec, reçoivent au moins une expédition par jour de médicaments. Donc, ça, ça permet aux pharmacies communautaires de maintenir des inventaires au plus bas niveau possible. En se fiant à un grossiste efficace, le pharmacien peut faire tourner son inventaire pratiquement deux à trois fois plus que s'il avait accès strictement à des achats directement des manufacturiers. Ça, c'est la première mission d'un grossiste.

La deuxième mission, c'est de faciliter la gestion de la pharmacie comme telle. Les grossistes ont développé des systèmes de traitement des commandes et de prise des commandes sophistiqués. Par exemple – je peux utiliser un exemple chez notre compagnie – on donne des logiciels interactifs au pharmacien pour qu'il puisse choisir les produits à commander. C'est traité immédiatement par traitement électronique; confirmation est reçue par le pharmacien; la livraison arrive le lendemain matin dans un bac de plastique. C'est ce genre de services de base que les grossistes offrent.

En plus de ça, il y a la consolidation des transactions. Donc, au point de vue administratif, un pharmacien qui utilise un réseau grossiste va avoir à traiter, en général, une facture par jour au lieu d'en avoir 25. Donc, tout le processus administratif est beaucoup plus simple, puis la question de gestion d'inventaire est beaucoup plus simple aussi.

Passons maintenant au deuxième volet qui est peut-être d'assister les pharmaciens à accomplir une meilleure gestion des soins pharmaceutiques. La plupart des groupes de pharmaciens au détail sont supportés par une organisation grossiste. Par exemple, vous avez le groupe Jean Coutu, il a son grossiste, Pharmaco, qui offre des services professionnels, des services de formation et de gestion à ses pharmaciens. Médis fait la même chose avec les pharmaciens communautaires. Médis, par exemple, a sous bannière environ 400 pharmacies au Québec, de très petite surface à moyenne surface. Et nous avons des pharmaciens qui procurent à ces pharmaciens-là du support en termes de formation continue et des nouvelles techniques qui doivent être déployées.

Donc, c'est de ça dont on parle. Les grossistes ont les reins solides, dans le sens de pouvoir fournir aux pharmacies communautaires le support en termes de formation, d'apprentissage et de poursuite de leurs connaissances au niveau des médicaments. Puis, aussi, la pratique se raffine. Il y a beaucoup de médicaments qui reviennent sur le marché, puis on donne un support à ce niveau-là. On ne remplace pas la pratique, on donne un support, finalement, aux professionnels de la santé.

M. Williams: Merci, M. Normandeau. Si j'ai bien compris, il y a plus ou moins sept grossistes pour tout le Québec qui livrent plus ou moins 60 % des produits pharmaceutiques et aussi qui font la livraison au moins une fois par jour, plus ou moins, en moyenne. Avec ceci, nous avons un système qui oblige l'utilisation des grossistes. Sans avoir l'information confidentielle, on peut avoir accès à de l'information assez pointue, d'une façon assez régulière, sur le nombre des ordonnances dans chaque pharmacie. Est-ce que c'est vrai? On peut voir les tendances, on peut voir: Est-ce qu'il y a, sur un territoire, plus d'ordonnances, de prescriptions pour x, y et z? Et est-ce qu'il y a eu un changement de ça? On peut facilement utiliser le réseau des grossistes pour savoir les patterns, les tendances d'utilisation. Est-ce que c'est une conclusion valable?

(20 h 40)

M. Normandeau (Richard): On peut regarder les patterns par région. Par contre, les grossistes n'ont pas accès aux informations au niveau des ordonnances, qui sont des informations personnelles. Ce qu'on a, c'est des volumes de médicaments qui sont consommés dans telle ou telle région. Puis, à ce titre-là, on fournit au Conseil de pharmacologie, sur ruban magnétique, sur une base mensuelle – c'est changé aux six mois, je crois – toute l'information des expéditions que l'on fait aux points de vente, ce qui ajoute, finalement, au niveau des contrôles sur les prescriptions.

M. Williams: On discute d'un programme gouvernemental qui coûte plus ou moins 1 000 000 000 $. C'est quoi, le pourcentage des coûts de distribution pour les grossistes et pour les ventes directes?

M. Normandeau (Richard): Je ne peux pas parler pour les ventes directes, parce que, pour les ventes directes, qui sont à peu près 40 % des médicaments, les coûts de distribution font partie des résultats des compagnies qui font la livraison directe et la distribution directe, et l'Association n'a pas accès à ces données-là. Par contre, on sait que les coûts de distribution, en général, des grossistes au Québec sont entre 4 % et 6 %; donc, on pourrait dire une moyenne de 5 % pour la livraison des médicaments à travers le Québec. Ça représente quoi en termes – je n'ai pas fait le calcul – de coût global? Mais, si on dit, par exemple, 60 % de 1 000 000 000 $: 600 000 000; on parle peut-être de 25 000 000 $ à 30 000 000 $ d'honoraires pour rétribuer le travail des grossistes, des sept grossistes au Québec. Puis c'est un chiffre, là... Je ne mettrais pas ma main sur la Bible ce soir là-dessus, mais c'est autour de ça.

M. Williams: Avez-vous quelques suggestions, comment on peut sauver un peu d'argent dans ça?

M. Normandeau (Richard): Comment on peut sauver un peu d'argent? Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que le système n'a pas atteint l'efficacité maximum comme dans d'autres pays à travers le monde. Aux États-Unis, les médicaments empruntent le réseau indirect à 90 % et seuls des médicaments très difficiles et compliqués à manutentionner vont emprunter d'autres réseaux. Dans des pays comme la Grande-Bretagne, on parle d'autour de 85 %, 90 %; la France, la même chose. À travers le monde, le réseau indirect est très bien structuré et procure une valeur, finalement, aux payeurs, que ce soit gouvernementaux ou assureurs.

Ce qu'on pense, c'est qu'au Québec on n'a pas maximisé le plein potentiel. Puis une des façons de baisser les coûts de distribution, et c'est paradoxal, c'est d'augmenter la pénétration ou l'utilisation du réseau indirect. C'est une question d'économie d'échelle. Nos camions vont déjà dans les pharmacies une fois par jour. On y va pour 60 % des produits du pharmacien; ça ne coûterait pas grand-chose d'additionnel pour ajouter 40 % dans nos caissons de plastique. Donc, il y a probablement un gain d'efficacité à aller tirer, à ce moment-là. Ce gain d'efficacité là va se retrouver probablement dans des économies réalisées à travers toute la chaîne de distribution: au niveau manufacturier, au niveau distributeur et au niveau pharmacien. Donc, il y sûrement moyen d'aller faire quelque chose de ce côté-là.

M. Williams: Deux dernières questions: Vous avez les deux partis politiques ici, vous avez le ministre, vous avez un projet de loi qui est en train de changer notre système de médicaments. Avez-vous quelques suggestions pour améliorer les garanties et les articles qui touchent la question de la distribution des médicaments partout au Québec?

M. Normandeau (Richard): En ce qui concerne le projet de loi n° 33, ce qu'on a recommandé dans notre mémoire, c'était de clarifier la reconnaissance ou la modalité de remboursement des prix d'acquisition. Le système actuel de PVG-PRA, qui a été introduit fin 1992, début 1993, a corrigé la situation. Avant 1993, les achats indirects ou via grossistes étaient en-deçà de 50 %; maintenant, on parle d'à peu près 60 %. Il y a eu une bonne croissance au niveau du réseau indirect à cause du système de PRA-PVG. Ce qu'on recommande fortement, c'est que le gouvernement, à l'intérieur du projet de loi et des règlements, reconduise la notion de PVG-PRA. On pense que cet ajout ou cette reconduction de règlements va faire en sorte de probablement rétablir une distribution indirecte dans les 80 % à 85 %, à cause du phénomène d'une liste, d'un prix et d'un payeur. On pense que la poursuite de ces règlements-là va être favorable à ce sujet-là et procurer des économies à l'ensemble du réseau.

M. Williams: Merci. Maybe I could go and ask for a little indulgence, and, since we have a new president of the Association here who has some firsthand experience in the Ontario system whether... And I understand she has effectively left the Government of Ontario. So, maybe I can ask you these questions. Do you see, have you seen, in your experience, any changes of consumption, of utilization when it comes to implementing a co-payment system that is as significant as the one being proposed here which has a deductible and a co-payment system of 25 %? Have you seen patterns change with the implementation of such a significant co-payment system?

Mme Firestone (Theresa): First, just to clarify, until last Friday, I was director of the Ontario Drug Benefit Plan and the Trillium Drug Program. Ontario's co-payment program, actually, does not come into place – it was delayed – until July 15th. But, last fall, we studied extensively, in fact, we also looked at Québec, the current model, and looked at all of the other provinces as well as models elsewhere throughout the United States. What we discovered, and again, it varies because we have to look at an individual program and all of the components... But what we discovered, it's fairly straightforward: the larger the co-payment, the bigger the decrease in utilization. At a very low co-payment, you have an initial dip in utilization, and then it bounces back.

The real difficulty is trying to find the right balance where you still provide adequate coverage at the same time as trying to deter the inappropriate utilization or the wastage. It's a very difficult balance to find. In the provinces, for example, in Saskatchewan, where they have a very, very high co-payment, they had a very dramatic decrease in utilization. But the worry is that it is so high that some people are not receiving appropriate medication. So, it is very difficult to find the balance. I don't have the firsthand experience because the program in Ontario was delayed. But, you know, certainly, the amount that is proposed appears to be reasonable. As I said, when we looked at it in Ontario, we looked at the previous Québec model, and in fact looked initially at doing – and we were unable to do – what you are actually proposing in this bill, which is to have a universal plan. So, we weren't able to go that far in Ontario. We have still a mishmash of plans.

M. Williams: Thank you. You mentioned the Trillium Program. It is my understanding that that is similar to our «malades sur pied» program in which there is a certain coverage of illnesses that require a significant amount of medication. Is that correct?

Mme Firestone (Theresa): That's not quite right. There is another program called the special drugs program which, I think, is similar to the one you described. The Trillium Program is one that is entirely based on income and it is meant for the people who are not covered under the Government program. It's based on an initial up-front payment of 4,5 % of a person's net income.

M. Williams: In your expertise, do you think it's better to deal with the problems, for instance, that you find in the special drugs program, that is covering those people that haven't been covered up till now, and spend the resources and time there, or is it better to move towards a universal program, much as we are talking about, and ask every part of society to pay, including seniors who haven't paid more than $100 maximum in Québec for years, including social assistance people? What do you think is the most – given your experience, again – effective use of government funds? Where can you best put limited dollars to make sure that they are effective?

Mme Firestone (Theresa): I actually support the universal approach, the universal plan. It probably sounds funny to come from me, given that I designed and implemented the Trillium Program which is very much the opposite of that approach. The reason is because, especially with a population the size of Québec's, you can pool across the various parties, you pool across the high utilization against the low utilization, which was the original proposal that we had looked at in Ontario. If you just do a Trillium type program, you end up with the very high users and there is a very high up-front expenditure in order to afford the program. So I would strongly support the universal program. You have consistency across the entire population and no one is overly penalized.

M. Williams: Don't tell that to the senior citizens right now!

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour une autre question.

M. Rochon: Oui, peut-être une dernière question. En ce qui concerne le remboursement, je pense qu'actuellement, si je comprends bien le système, vous majorez le prix du médicament par un pourcentage.

(20 h 50)

M. Normandeau (Richard): Le système, en fait, c'est que le Conseil consultatif de pharmacologie nous demande de soumettre nos taux de surcharge, nos taux de distribution à tous les six mois. Depuis le début de 1993, on nous a permis de baisser, mais pas de monter; donc, c'est un taux qui est soit stable ou à la baisse. Ce taux de surcharge est appliqué sur le prix de vente garanti du manufacturier. Donc, on majore le prix de vente garanti, et ce prix-là devient le prix d'acquisition du détaillant, du pharmacien; puis c'est ce prix d'acquisition qui est remboursé, plus l'honoraire professionnel, finalement. Donc, ce mécanisme-là...

M. Rochon: O.K. Mais la majoration, c'est un pourcentage du prix de vente garanti.

M. Normandeau (Richard): C'est ça.

M. Rochon: Bon. Quand on en arrive à des médicaments très spéciaux et très coûteux – il y a des gens qui sont venus nous parler du Betaseron, par exemple, on en a eu une série – fonctionner au pourcentage, ça peut devenir soit coûteux ou soit payant, dépendamment de quel côté de la barrière on est situé...

M. Normandeau (Richard): Oui. Il y a les deux côtés aussi, là.

M. Rochon: Alors, ma question, c'était: Est-ce que vous pensez que, pour certaines catégories de médicaments, il y aurait lieu d'avoir une approche différente, un forfait ou une autre façon de faire?

M. Normandeau (Richard): Oui. Je crois que votre question est très pertinente. Certains grossistes, comme Médis, vendent dans le milieu hospitalier les médicaments. Puis, dans le milieu hospitalier, il y a des médicaments à 1 000 $, 2 000 $ la dose ou le programme. Avec les hôpitaux, on a dessiné des taux de surcharge qui sont différents, ou des modalités de charges de distribution qui sont différentes et adaptées au coût des médicaments. On avait déjà parlé aux autorités, à l'époque, pour avoir peut-être deux structures de prix, peut-être avoir une limite à 400 $ ou à 300 $ le médicament, où les distributeurs pourraient coter deux taux de surcharge, un pour les médicaments élevés puis un pour les autres médicaments. On verrait ça d'un bon oeil parce que, finalement, on rétablirait réellement le vrai coût pour distribuer chacun des produits. Donc, on serait favorable à un double ou même triple mode de tarification, dépendant de la valeur des médicaments ou de la complexité de manutentionner ces médicaments-là. Oui.

La Présidente (Mme Charest): Une dernière question, M. le ministre.

M. Rochon: O.K. Peut-être une dernière. I think I will come back to you, if I may. Coming back to this comparison with the Ontario situation, you seem to have a good understanding of what we're trying to do here. And you said that the program in Ontario has been delayed. Is it for any more kind of administrative reasons or... What can you tell us about the... What seems to be the thinking and the evolution of the situation in Ontario?

Mme Firestone (Theresa): O.K. When it was announced, at the end of November, we required six months to implement it because we had to make changes to our network. We have an automated network connected, through all the pharmacies, to the Ministry. So we required the network in order to do it. The reason for the delay: It was supposed to be June 1st, but in Ontario we had a Civil Service strike for five weeks, in March. So the implementation of the co-payment was delayed for six weeks because we had no staff to work on it.

M. Rochon: O.K. But do you think that Ontario will continue with the same kind of program based on income and revenue, as opposed to a program based on diseases or anything else?

Mme Firestone (Theresa): They will definitely proceed with the co-payment; that's going forward on July 15th. There are still three programs in Ontario. There is the Ontario Drug Benefit Plan for seniors and social assistance and people in long-term care facilities. There is a second program, which eventually will have to be changed, that's the special drugs program that was referred to earlier; we pay for selected high-cost drugs for everybody. It's a universal type program with no co-payment, so things like cyclosporin for transplants, Eprex for kidney dialysis, those are covered 100 %. And then, there is the Trillium Program which is the new program which began April 1st last year, which is everybody else. And the difficulty with that program is that it was intended for people with high-cost drugs; in other words, it was for the AIDS population and for multiple sclerosis, for Betaseron, and so on.

The difficulty is in the first year. Yes, there are some of those people who are being covered, but there are many people between the ages of 50 and 65; in fact, that was the bulk of the expenditure in the first year. It was the pre-seniors who either had lost their insurance coverage or had limited coverage, or had met their limitation, a lifetime limit on insurance, so that they found themselves with low income prior to retirement and no drug coverage. So the plan you're proposing, if you had that in Ontario, would encompass all three programs and even out the coverage.

M. Rochon: Thank you.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup. Je suis heureux, comme d'habitude, de voir l'intérêt que le ministre a pour ses partenaires pancanadiens, pour les autres provinces. Avec ça, je suis toujours heureux quand il y a un intérêt pour ce qui se passe dans le reste du Canada.

M. Rochon: ...international...

M. Williams: Pousse pas trop vite, M. le ministre.

La Présidente (Mme Charest): Pas de question?

M. Williams: J'ai une question, oui, effectivement, Mme la Présidente.

I'm sorry to go away from some of the presentation from the wholesalers, but it's very interesting to continue on the comparison with Ontario. We're having some difficulty with the whole issue, in this co-payment and the collection of information, around protection of confidentiality, very private information that this Government is interested in collecting, and, on this side of the House, we're far from convinced that they have gone through the exercise adequately enough to be assured that that information is protected. Again, because... You have not implemented the program but you studied it. And rest assured that we won't tell anybody the answers, that you say what's going on in Ontario. Could you reflect at all on that, in terms of what Ontario has done in terms of protection of this very confidential information? Or was that not an issue?

Mme Firestone (Theresa): It's very much an issue in Ontario, and there are two components to it. One relates to confidentiality, just in general, of medical information. In Ontario, we have a freedom of information legislation which is extremely strict. So, what happens is in the community pharmacy the individual pharmacist only has information about the drug that's being dispensed now. If there is an interaction with an other drug, he doesn't know what that drug is, unless it's a life threatening situation. In B.C., for example, they have the entire patient profile. So Ontario has been probably the extreme, in terms of strictness on confidentiality from patient information.

The second component... And, by the way, there are some limitations to that because it restricts the pharmacist in doing an accurate drug utilization review, which you've talked about in your bill as well. The other component that has been raised more recently relates to patients income, the income levels, because, the way the program is designed in Ontario, if your income is over 16 000 $, you bump into a different co-payment group. So seniors are now concerned that the pharmacists will know their income. So the way it's been structured in Ontario is that the Government has sorted out through various methods which group of seniors will fall into either the lower income group or the higher income group. And when they go to the pharmacy, they will simply be asked for the amount of money related to their group, but the pharmacist will not have access to their personal income.

M. Williams: Merci. Thank you.

La Présidente (Mme Charest): Ça va? Oui? Alors, d'autres questions? Non? Alors, je vais demander au député de Nelligan de dire le mot de la fin pour l'opposition officielle, s'il vous plaît.

M. Copeman: Mais certainement, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour la présentation de l'Association des grossistes en médicaments du Canada. Je voudrais féliciter Mme Firestone, M. Stante et M. Normandeau pour leur présentation. Je pense que la commission en a profité sur deux niveaux. Certainement, nous avons une meilleure connaissance de votre point de vue sur la question des grossistes et toute la question de la distribution. Et, effectivement, nous avons profité de l'expérience de l'Ontario. Et je pense que, pour la première intervention que nous avons eue ce soir, c'est assez utile, parce qu'en étudiant le projet de loi n° 33 on touche tous les secteurs des médicaments, incluant la distribution. J'espère que notre relation va continuer et, certainement, quand on continuera notre mandat d'initiative, un peu plus tard, nous allons vous réinviter à discuter encore des questions sur la bonne utilisation des médicaments. So, thank you very much. Merci beaucoup pour l'effort que vous avez présenté ce soir. Continuez votre excellent travail et ne déménagez pas du beau comté de Nelligan.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, le mot de la fin par le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(21 heures)

M. Rochon: Je veux tout simplement vous remercier beaucoup pour votre contribution et pour nous avoir signalé cette question quant à l'article 4 de la Loi sur l'assurance-maladie, ce qui va nous confirmer ce que nous avait dit l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et nous permettre d'apporter les précisions nécessaires. Et j'espère que, quand on aura ce régime en place, ça va vous permettre de continuer à faire, même, un meilleur travail plutôt que de vous compliquer la vie. Bonne chance! Merci.

La Présidente (Mme Charest): Alors, au nom des membres de la commission, merci à Mme Firestone, M. Stante et M. Normandeau pour leur présentation.

J'invite les représentants de LEUCAN à prendre place. Aux représentantes de LEUCAN Inc. et aux représentants, je demanderais aux personnes de se présenter, et vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Suivra une période de questions et d'échanges de 20 minutes pour chacune des parties représentées ici.


LEUCAN Inc.

Mme Champoux-Paillé (Louise): Bien. Alors, M. le ministre, Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés, permettez-moi de vous présenter les gens.

La Présidente (Mme Charest): Oui.

Mme Champoux-Paillé (Louise): Mon nom est Louise Champoux-Paillé, je suis présidente de LEUCAN et je suis accompagnée des personnes suivantes: le Dr. Linda Côté-Brisson, pédiatre oncologue au CHUL, de Ronald Davidson, directeur général de LEUCAN, ici, ainsi que de Jacques Chénier, membre actif de LEUCAN et membre du conseil d'administration de notre association. Voilà les personnes qui m'accompagnent.

La Présidente (Mme Charest): Merci, madame.

Mme Champoux-Paillé (Louise): Alors, j'irai droit au but. Au nom de tous les enfants atteints de cancer et de leurs parents, je souhaiterais, dans un premier temps, remercier le ministre de la Santé et des Services sociaux et les membres de la commission des affaires sociales de nous avoir invités à participer à leurs travaux. Forte de ses 4 500 membres et administrée par des parents d'enfants atteints de cancer et de jeunes adultes qui ont survécu à cette maladie, LEUCAN offre soutien moral et financier à l'enfant ainsi qu'à sa famille. Grâce à la formidable mobilisation de ses membres, d'innombrables bénévoles et, au dernier compte, de quelque 40 000 donateurs, LEUCAN peut offrir un éventail de services qui viennent atténuer la souffrance morale et physique engendrée par la maladie et contribuer au financement de la recherche sur le cancer pédiatrique.

Source d'espoir et source d'inquiétudes, voilà comment nous pourrions résumer les sentiments qui nous animent après une première lecture du projet de loi sur l'assurance-médicaments. Source d'espoir parce qu'il reconnaît le principe général de l'accessibilité aux médicaments, et source d'inquiétudes parce qu'il laisse place à interprétation au chapitre de la liste des médicaments couverts par le régime général et de l'application pratique de ce régime.

Mais, avant de commenter davantage l'impact du projet de loi n° 33 sur nos enfants et leur famille, permettez-moi de vous dresser brièvement un portrait de la situation des cancers pédiatriques au Québec. Quoique les enfants cancéreux ne représentent qu'environ 1 % de tous les cas de cancer, il n'en demeure pas moins qu'un enfant sur 400 sera atteint par un cancer avant qu'il n'atteigne l'âge de 15 ans. Au Québec, bon an mal an, 283 nouveaux diagnostics de cancer pédiatrique sont établis par les médecins. Dans la majorité des cas, cette terrible maladie frappe des enfants de moins de sept ans. Les formes les plus courantes de cancer rencontrées chez l'enfant, qui diffèrent grandement de celles rencontrées chez l'adulte, sont les leucémies aiguës, les tumeurs cérébrales, les lymphomes, les neuroblastomes, les tumeurs de Wilms, les tumeurs osseuses, les tumeurs des tissus mous et, enfin, les rétinoblastomes.

(21 h 10)

Outre le stress immense d'avoir à affronter la maladie, la famille de l'enfant atteint de cancer doit assumer des coûts supplémentaires considérables pendant la période de traitement. Cette période peut s'étaler sur une période de deux ans ou plus en cas de rechute: frais de transport, de stationnement, d'hébergement, de repas pris à l'extérieur, de gardiennage, de téléphone ou autres peuvent varier entre 50 $ et 250 $ par semaine. Bien souvent, un parent devra rester au chevet de son enfant et perdra son emploi.

Au cours des années soixante, bien peu d'enfants pouvaient entretenir l'espoir d'une guérison. Aujourd'hui, il est possible de guérir au-delà de 80 % des enfants atteints de leucémie et 75 % de l'ensemble des enfants atteints d'un cancer. Ces résultats encourageants sont le fruit du travail concerté des médecins des quatre centres pédiatriques oncologiques universitaires du Québec et de la collaboration étroite avec le Pediatric Oncology Group, qui regroupe une centaine d'institutions nord-américaines, et le Dana Farber Cancer Institute, situé à Boston.

Nous pourrions nous réjouir des taux de guérison qu'il est maintenant possible d'atteindre. Mais ce cri de victoire nierait une réalité que l'on ne peut cacher: des enfants meurent encore de cancer, et tous, vainqueurs ou non de la maladie, souffrent énormément des traitements qui leur sont administrés. Combinée à la radiothérapie et à la chirurgie, la chimiothérapie et, de façon générale, la pharmacothérapie, jouent un rôle essentiel dans le traitement des cancers pédiatriques. Administrés par voie intraveineuse, intramusculaire, intrathécale lors des ponctions lombaires ou tout simplement par voie orale, les quantités phénoménales de médicaments consommés par nos enfants lors d'hospitalisations, lors de traitements dispensés en clinique externe ou à domicile ont un lien direct avec la guérison qui peut en résulter. Oui, ces médicaments sont dispendieux, oui, ils risquent de l'être encore davantage avec la découverte de nouvelles molécules sur lesquelles beaucoup d'espoirs sont fondés, mais, puisqu'il y va de la vie de nos enfants, aucune considération purement budgétaire ne doit constituer un obstacle à l'accessibilité de ces médicaments.

Les lacunes de la circulaire «malades sur pied». À l'heure actuelle, la circulaire «malades sur pied» permet aux parents d'obtenir certains médicaments à peu de frais dans le cadre des traitements prescrits en clinique externe. Présidé par le Dr Jocelyn Demers, le comité de révision de cette circulaire a clairement fait la démonstration des problèmes reliés à la circulaire pour l'usager, le centre hospitalier, le ministère et les professionnels de la santé. Non révisée depuis 1981, la liste des médicaments accessibles conformément à la circulaire est incomplète et écarte des médicaments essentiels au traitement des enfants. Pour certains de ces médicaments essentiels, des ententes administratives peuvent être conclues. Ainsi, à titre d'exemple, les hôpitaux ont obtenu des crédits spéciaux pour le G-CSF, qui est un médicament qui permet de stimuler la moelle osseuse, évitant ainsi les hospitalisations pour neutropénie et température. Ce médicament évite également les délais dans l'administration de la chimiothérapie et aide en conséquence à la guérison des enfants. Ce médicament dont la quantité prescrite varie selon le poids d'un enfant coûte jusqu'à 2 000 $ par période de trois semaines pour un enfant de 14 ans. On comprendra que très peu de parents, même assurés, peuvent assumer de tels coûts.

Les coûts d'autres médicaments tout aussi essentiels peuvent parfois être à la charge des parents. Ainsi, le Zofran, qui est un antiémétique très efficace, coûte jusqu'à 27 $ le comprimé. Quel parent voudra priver son enfant d'un médicament qui réduit considérablement les nausées et les vomissements et permet d'augmenter la qualité de vie en cours de traitement? Pour les parents qui ne participent à aucun régime d'assurance privé ou qui ne profitent pas des régimes instaurés par la Loi sur la sécurité du revenu, le cancer de leur enfant est une réelle catastrophe financière; se procurer les médicaments prescrits lors des traitements dispensés en clinique externe deviendra un véritable casse-tête.

L'assurance-médicaments, source d'espoir. LEUCAN souscrit d'emblée aux grands principes qui tissent la toile de fond du projet de loi sur l'assurance-médicaments. Universel, obligatoire et contributif, le régime proposé tend vers une plus grande équité. Ainsi, tous les parents pourront compter sur cette assurance catastrophe lors d'un diagnostic de cancer chez leur enfant. Quoique les frais non médicaux resteront toujours élevés pour une famille, l'assurance-médicaments diminuera en partie le stress causé par l'impact financier de la maladie.

Les parents dont la situation financière est déjà précaire n'auront plus nécessairement à envisager la possibilité d'avoir recours à l'assistance sociale pour leur permettre d'avoir accès aux médicaments. L'exclusion de la discrimination fondée sur l'état de santé revêt une importance particulière pour nos familles. De plus, ce principe permettra à nos enfants guéris de pouvoir bénéficier d'un régime d'assurance-médicaments rendus à l'âge adulte.

Il va sans dire que nous approuvons sans réserve aucune l'exonération pour les enfants du paiement de la franchise et de la coassurance. Puisque la majorité des enfants atteints de cancer le sont à un très jeune âge, leurs parents ont bien souvent, à cette époque de leur vie, des obligations financières qui limiteraient considérablement leurs capacités d'assumer le coût d'une franchise et d'une coassurance. LEUCAN insiste fortement pour que le législateur maintienne intégralement cette règle d'exonération. Il est clair que le retrait de cette règle aurait un impact majeur sur l'accessibilité des médicaments.

Parlons maintenant des sources d'inquiétudes. Au-delà des espoirs suscités par le projet de loi n° 33, LEUCAN ne peut taire certaines de ses inquiétudes, inquiétudes engendrées par les lacunes du système actuel et pour lesquelles le projet de loi ne semble pas apporter de solution définitive. Ces inquiétudes sont de quatre ordres. Premièrement, quels sont les médicaments inscrits sur la liste dressée par le ministre? Quel sera le rôle respectif des assureurs et des médecins à ce chapitre? Deuxièmement, le système bicéphale mis en place par le projet de loi, où assureurs et gouvernement se partagent l'administration du régime, aura-t-il un impact sur l'accessibilité aux médicaments? Troisièmement, les médicaments seront-ils accessibles au sein des établissements où sont traités nos enfants? Quatrièmement, le montant de la prime et des frais administratifs risque-t-il de limiter l'accès aux médicaments?

Les articles 8 et 58 du projet de loi précisent que les garanties du régime général couvrent «le coût des médicaments fournis par un pharmacien sur ordonnance d'un médecin [...] et qui sont inscrits à la liste des médicaments dressée par le ministre [...] selon les prix qui y sont indiqués et, pour certains de ces médicaments, aux conditions qui sont prévues par règlement du gouvernement.»

Cette liste peut également contenir «des médicaments d'exception indiqués par un règlement du gouvernement et dont le coût est couvert par le régime général dans les cas et aux conditions prévus par ce règlement, notamment en ce qui concerne les indications thérapeutiques et l'autorisation préalable requise.» La liste sera mise à jour périodiquement après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie.

Ces règles octroient au ministère de la Santé et des Services sociaux une grande marge discrétionnaire lors de l'élaboration de la liste. De plus, le gouvernement pourra, par son pouvoir réglementaire, fixer des conditions et ajouter à la liste des médicaments d'exception. Ces dispositions de la loi ne nous offrent aucune garantie que tous les médicaments requis par les protocoles de soins de nos enfants atteints de cancer se retrouveront sur la liste. Or, les protocoles de soins de nos enfants, qui sont les mêmes que ceux des enfants traités dans les centres pédiatriques nords-américains, répondent à des règles scientifiques très serrées. Ils font l'objet d'évaluations par des médecins et des pharmaciens qui ont une connaissance approfondie de l'oncologie pédiatrique. Ces protocoles de soins qui contribuent largement à sauver de la mort nos enfants ne doivent pas être mis en cause parce que des médicaments ne figureraient pas sur la liste dressée par le ministre.

LEUCAN croit que la liste des médicaments doit être dressée en tenant compte des plans de soins qui existent et selon des modalités qui soient suffisamment souples pour permettre rapidement l'ajout de médicaments rendus nécessaires par les modifications des plans de soins. Pour des raisons budgétaires, il ne faudrait pas en arriver à une situation où les protocoles de soins seraient élaborés en fonction des médicaments qui figurent sur la liste. La gestion des soins doit toujours prévaloir sur la gestion des coûts.

Appelé à conseiller le ministre lors de l'élaboration de la liste des médicaments, le Conseil consultatif de pharmacologie aura un rôle majeur à jouer; la composition de ce comité revêt donc une importance toute particulière. Or, aucun pédiatre n'y fera acte de présence. Cette présence, selon nous, est essentielle, puisque la pharmacothérapie applicable aux enfants diffère considérablement de celle des adultes. Il serait également approprié de mettre en place une structure souple, tel un sous-comité composé d'oncologues pédiatriques qui maîtrisent bien les protocoles de soins, pour assurer un lien continu avec le Conseil consultatif.

De plus, nous sommes sceptiques face à la présence au sein de ce comité d'un représentant des assureurs de personnes. En aucun temps les assureurs de personnes ne devraient avoir un pouvoir décisionnel en regard du plan de soins déterminé par le médecin. Le Conseil consultatif ne doit pas devenir un champ de bataille où les enjeux financiers limiteront l'accès à des médicaments nécessaires à la survie de nos enfants. En outre, les médicaments d'exception ne devraient jamais être accessibles sous réserve d'une autorisation de l'assureur. Les médicaments que nos enfants consomment coûtent très cher, et nous savons que ces coûts iront en s'accroissant au fil des nouvelles découvertes. Nous ne voulons pas que nos enfants deviennent les otages d'un système où la notion du profit domine celle de la guérison.

Outre les médicaments qui font partie intégrante des protocoles de soins, les enfants consomment de nombreux médicaments qui permettent principalement de contrer les effets secondaires engendrés par la chimiothérapie. Tous ces médicaments, dont les coûts cumulés sont également considérables, doivent se retrouver sur la liste des médicaments assurés. Comme le recommande le rapport du comité Castonguay, les fournitures nécessaires à l'administration des médicaments, tels, à titre d'exemple, les seringues, les tubulures et les solutés, devraient également être assurées. Dans le cadre du virage ambulatoire, les enfants recevront de plus en plus de soins en clinique externe ou à la maison. Il faut éviter que l'hospitalisation devienne la seule voie pour l'accessibilité aux médicaments.

En favorisant un système bicéphale où assureurs privés et gouvernement se partageront l'administration du régime, on risque à nouveau de faire perdurer une situation qui fait en sorte que les assureurs, les établissements et la Régie de l'assurance-maladie se renverront la balle quant à savoir qui doit payer les nouveaux médicaments dont les coûts sont élevés. Il faut éviter à tout prix que les parents soient encore pris en otage dans ce chassé-croisé. Cette problématique sera d'autant plus aiguë dans le cadre du virage ambulatoire, puisque le nombre de médicaments dispendieux qui pourront être administrés en clinique externe ou à domicile ira en augmentant. Encore une fois, la solution de l'hospitalisation, qui est beaucoup plus onéreuse, devra parfois être envisagée si le partage des responsabilités au niveau du paiement des médicaments n'est pas clairement établi.

De plus, comment interpréter le troisième alinéa de l'article 8 du projet de loi, qui prévoit que les garanties du régime général «couvrent également, dans les cas, aux conditions et pour les catégories de personnes déterminées par règlement du gouvernement, le coût de services et de médicaments fournis dans le cadre des activités d'un établissement» de santé. Les médicaments administrés en clinique externe seront-ils payés par les établissements, comme le prévoit la situation actuelle? Sinon, qui paiera les médicaments administrés lors des traitements dispensés en clinique externe? Les établissements, les assureurs privés, la Régie de l'assurance-maladie?

Pour parer à ces difficultés, le gouvernement devrait prévoir que les coûts des services et de tous les médicaments dont nos enfants ont besoin lors de traitements à l'hôpital, en clinique externe, au CLSC ou à domicile soient pris en charge par le secteur public. Toutes nos énergies devraient être consacrées à la lutte contre le cancer. Nous ne voulons pas, en tant que parents, devoir également nous battre pour que nos enfants puissent obtenir leurs médicaments. Ainsi, nous croyons que cette accessibilité aux médicaments serait mieux assurée si l'État prenait sous son aile le sort des enfants atteints de cancer. Si cette proposition ne peut être retenue, la loi ou la réglementation gouvernementale devrait prévoir, sans aucune équivoque, les responsabilités de chacun.

De plus, LEUCAN croit essentiel que tous les médicaments prescrits par le médecin puissent être obtenus à l'établissement où l'enfant se fait traiter. Diriger nos enfants vers les pharmacies du secteur privé ou, pour ceux qui demeurent en région, vers les établissements de cette région qui ne le soignent pas implique des risques considérables pour leur santé. Seuls les pharmaciens qui travaillent dans les établissements qui dispensent des services d'oncologie pédiatrique, qui, nous le souhaitons, seront de plus en plus nombreux au Québec, connaissent les protocoles des soins appliqués à nos enfants. Cette connaissance des protocoles est essentielle pour éviter, entre autres, des erreurs de posologie qui seraient tout à fait catastrophiques pour nos enfants. De plus, certains médicaments ne seront tout simplement pas disponibles dans les établissements régionaux.

Pour l'instant, nous ignorons quel sera le coût précis de la prime exigée des parents. Rien ne nous permet également de savoir qui assumera l'augmentation prévisible des coûts du régime d'assurance-médicaments. De plus, quels seront les frais d'administration exigés par les assureurs? Ces frais d'administration pourront-ils être fixés en fonction de l'état de santé d'une personne? Si nos enfants atteints de cancer devaient être assurés par le secteur privé, ce que nous ne souhaitons pas, il devrait être clairement établi que ceux dont la famille vit des difficultés financières ont néanmoins accès à leurs médicaments. La vie d'un enfant ne doit pas déprendre de la capacité de ses parents à payer une prime d'assurance ou des frais d'administration.

(21 h 20)

Finalement, il devrait être clair que les familles qui ne bénéficient pas des programmes d'assurance sociale n'auront pas à débourser directement auprès du pharmacien le coût des médicaments pour ensuite en réclamer le remboursement auprès de l'assureur. Très peu de familles peuvent assumer, même temporairement, le coût des médicaments prescrits dans le cadre du traitement d'un cancer. LEUCAN invite donc le législateur et le gouvernement à tenir compte de la réalité particulière des enfants atteints de cancer et à prévoir des règles du jeu qui mettront nos enfants à l'abri des luttes que ne manqueront pas de mener les principaux acteurs à cause des coûts élevés des médicaments oncologiques. En résumé, LEUCAN formule les recommandations suivantes.

La liste des médicaments dressée par le ministère de la Santé et des Services sociaux doit inclure tous les médicaments et fournitures nécessaires à l'état de santé de nos enfants atteints de cancer.

La présence d'un pédiatre doit être prévue au sein du Conseil consultatif de pharmacologie. Il serait également approprié de mettre en place une structure souple, tel un sous-comité composé d'oncologues pédiatriques qui maîtrisent bien les protocoles de soins, pour assurer un lien continu avec le Conseil consultatif.

Les assureurs ne doivent pas avoir le pouvoir de remettre en cause les protocoles de soins des enfants atteints de cancer. Ils ne doivent pas avoir le droit de refuser l'ajout de médicaments à la liste des médicaments ou celui de donner une autorisation pour les médicaments d'exception.

L'État devrait prendre à sa charge les coûts de tous les médicaments nécessaires aux enfants atteints de cancer. Si tel n'est pas le cas, la loi ou la réglementation gouvernementale devraient clairement déterminer les responsabilités des différents intervenants au niveau du paiement des médicaments.

Il faut que les enfants puissent obtenir tous leurs médicaments à l'établissement qui les traite.

Pour les familles qui sont dans une situation financière précaire, les primes d'assurance et les frais d'administration ne doivent pas constituer un obstacle pour l'accès aux médicaments. Aucune raison financière ne peut justifier la restriction à l'accessibilité des médicaments.

Considérant le coût très élevé des médicaments, on ne peut exiger des parents qu'ils en assument le paiement auprès du pharmacien.

Nous vous remercions de votre écoute attentive et espérons que nous aurons réussi à vous sensibiliser à l'importance, pour les enfants atteints de cancer, du projet de loi sur l'assurance-médicaments.

La Présidente (Mme Charest): Merci, madame. Maintenant, nous allons entendre le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. Merci d'avoir pris le temps et la peine de nous préparer un mémoire et d'être venus nous rencontrer. On va devoir peut-être apporter quelques précisions sur des questions ou des inquiétudes qui sont les vôtres et vous demander une ou deux questions aussi pour clarifier ce que vous nous avez dit.

C'est surtout à la page 6, je pense, de votre mémoire que vous soulevez les inquiétudes, vos préoccupations, quand vous dites: «Quels seront les médicaments inscrits sur la liste dressée par le ministre?» Présentement, on est dans une situation où on a une liste de départ qui est celle qui existe déjà, approuvée par le ministre et avec l'avis du Conseil consultatif de pharmacologie. Dans le cas qui vous intéresse plus particulièrement, je pense qu'il y avait des médicaments qui étaient couverts plutôt par la fameuse circulaire «malades sur pied». L'intention du régime, c'est d'avoir une seule liste et d'avoir autant que possible là-dessus, évidemment, tous les médicaments qui correspondraient à notre critère de nos régimes de couverture dans le domaine de la santé, et qui est le «médicalement», ou, je ne sais pas si on peut dire aussi, le «pharmaceutiquement requis», compte tenu des problèmes des gens et de ce qui est disponible. Le but du système, ce n'est pas nécessairement d'avoir tous les médicaments qui existent au monde, mais d'assurer l'accès aux gens à une liste de médicaments qui corresponde aux besoins de santé des gens.

Quand vous parlez du système bicéphale, c'est un des aspects particuliers du système qu'on propose. Compte tenu de la situation actuelle au Québec, il y a déjà 4 500 000 personnes qui sont couvertes dans des régimes collectifs privés. Mais ce que le projet veut faire, justement, c'est d'instaurer un régime général où la loi et les règlements vont déterminer des conditions de base quant à l'accès aux médicaments et vont assurer à tous l'accès à une seule et même liste. Alors, là, la gestion va être mixte, privé et public, mais pour un même système. Alors, on ne met pas deux systèmes, là, en opposition l'un contre l'autre à cet égard.

En ce qui regarde les établissements, le but du régime est vraiment de nous donner ce qu'on n'a pas actuellement, une continuité entre l'établissement, qui assume déjà et qui va continuer à assumer, dans les mêmes conditions, le coût des médicaments que les patients reçoivent lorsqu'ils sont hospitalisés, lorsqu'ils sont admis dans un établissement... Maintenant, on a un problème quand les gens reçoivent un médicament seulement sur une base ambulatoire, où ça prend des mesures spéciales. Alors, le régime qu'on a là va permettre, justement, de faire la continuité. Ou l'établissement va assumer le coût, ou ça va être transféré sur le régime, mais ça sera un des deux. On a sûrement comme objectif d'éviter que ça tombe entre deux chaises.

Maintenant, là, il y a une première question qui me vient à l'esprit. Vous demandez aussi, à la toute fin de votre mémoire, que les enfants puissent obtenir tous leurs médicaments à l'établissement qui les traite. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus ce que vous voulez dire par ça. Pour l'enfant hospitalisé, je pense, ça va de soi que tous les médicaments dont il a besoin viennent de l'hôpital, mais est-ce que vous voulez dire que, pour l'enfant qui serait retourné à domicile, au lieu d'aller à la pharmacie, c'est l'établissement qui devrait continuer à lui distribuer, à lui dispenser ses médicaments? Ça, ce n'est pas évident. Vous me répondrez à ça. Je vous en pose une ou deux autres, vous pourrez faire le tour. Bon, ça, c'est une première question.

La deuxième, le CCP. C'est sûr que, pour être vraiment complet, il faudrait peut-être 10 ou 12 spécialités, peut-être plus, qui soient représentées comme membres du CCP, ce qui deviendrait peut-être impossible pour l'efficacité du comité. Je pense que le CCP a pris l'habitude de travailler un peu avec un réseau de spécialistes dans différents domaines, si tous ne peuvent pas être représentés en même temps sur le comité. Est-ce que vous pensez que... soit le fonctionnement actuel de ce système ou une intensification des systèmes où le CCP travaillerait avec un réseau de spécialistes, au besoin, certains comités, comme ça existe pour le sida, par exemple, qu'il y ait un comité d'experts quand c'est un domaine vraiment très, très, très spécial, de sorte qu'on s'assure qu'on ait un comité de taille assez réduite, quitte à ce qu'il y ait un roulement de types de spécialistes qui s'y retrouvent et que le CCP soit toujours en lien avec le réseau qu'il se donnera et qu'il pourra gérer pour avoir accès au besoin aux types de spécialistes dont il y a besoin? Est-ce que ça serait une façon possible de gérer tout ça?

C'est les deux questions que je voudrais vous poser, pour bien vous comprendre là-dessus.

Mme Champoux-Paillé (Louise): Bien, alors, est-ce que, Dr Brisson, vous auriez l'amabilité de répondre à la première question?

Mme Brisson (Linda): À la première question, pour ce qui est de recevoir les médicaments à l'intérieur de l'établissement, c'est que, actuellement, les enfants reçoivent des médicaments de chimiothérapie qui sont «dose-dépendance». Et ce n'est pas des petits adultes, c'est des enfants. Et il y a un problème très important: qu'une pharmacie à l'extérieur de l'établissement, ne connaissant pas les protocoles, peut sous-estimer certaines doses qu'on donne ou surestimer les doses qu'on donne. Un enfant qui a 10 kilos, qui reçoit une médication qui est soi-disant... cyclosporine ou cyclophosphamide, s'il reçoit 10 fois sa dose, il peut en décéder. Si on prescrit une médication où il doit recevoir une forte dose qui n'est pas une dose courante pour les pharmaciens, le pharmacien peut décider, comme c'est déjà arrivé, de diminuer la dose de 10 %. L'enfant ne sera pas bien traité. Alors, c'est d'avoir un contrôle sur les traitements et d'être sûr que l'enfant reçoit exactement ce dont il a besoin.

(21 h 30)

Je crois beaucoup que 25 % de la population, qui est la population pédiatrique, a un certain droit d'avoir une représentativité au niveau du comité de pharmacologie. Les besoins des enfants sont très différents. C'est des besoins bien particuliers. Comme je disais, ce n'est pas des petits adultes. Ils ont des maladies qui sont différentes; même si elles portent un nom pareil chez l'adulte, c'est des maladies différentes, avec des traitements différents. Et je pense que d'avoir un pédiatre qui, lui, est un pédiatre qui regarde toute la problématique pédiatrique, que ce soit nous ou d'autres problèmes de maladie chronique chez l'enfant, on a une oreille, à ce moment-là, sur le comité. Et c'est quand même la phase un petit peu juste avant le ministre, et on aimerait bien avoir une position là où il y a une certaine autorité. Mais nous croyons qu'il doit y avoir des sous-comités, et là, des sous-comités différents pour conseiller cette personne-là. C'est quand même 25 % de notre population. Et, souvent, on s'est fait dire que la pédiatrie, elle n'a pas souvent sa place. C'est un peu ça.

M. Rochon: O.K. Une complémentaire, si vous permettez. Est-ce que vous pensez, à ce moment-là, strictement à certains médicaments comme... vous avez donné l'exemple de la cyclosporine, qui sont des médicaments un peu spéciaux quant à la force du médicament, ou si vous dites que, pour l'ensemble des médicaments que prennent les enfants, ça devrait être distribué par un hôpital pédiatrique?

Mme Brisson (Linda): Je pense que c'est vraiment l'ensemble des médicaments. Si vous regardez à la fin du document, il y a plusieurs classes thérapeutiques. Je voudrais bien qu'on puisse s'assurer que la médication soit vraiment bien donnée. Il peut y avoir des interactions médicamenteuses. Souvent, notre pharmacien va nous mettre aux aguets de... Cette médication-là peut avoir un effet secondaire, avec la chimiothérapie qu'il reçoit. Parce qu'ils ont tous les protocoles de traitement. Alors, pour nous autres, c'est une sécurité pour la famille, pour les enfants. Nous voulons bien être capables d'offrir à ces enfants-là la plus grande possibilité de guérison avec le moins d'effets secondaires possible. Nous croyons vraiment que c'est à l'intérieur des établissements, ce qui ne veut pas juste dire les quatre centres hospitaliers. On est en train d'essayer de faire une régionalisation avec de l'enseignement aux gens en région pour favoriser cette... qu'il y ait plus d'institutions qui puissent traiter nos enfants. Ces institutions-là auront les protocoles et les enfants seront traités par des médecins qui connaîtront la problématique pédiatrique.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Maintenant, nous allons passer au député de Robert-Baldwin, critique de l'opposition officielle. M. le député.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous remercier bien sincèrement, d'abord d'avoir accepté l'invitation de la commission, mais surtout pour la qualité du mémoire et la qualité des recommandations que vous nous présentez.

Moi, j'aimerais avoir votre perception du projet de loi, surtout quant aux nouveaux médicaments. Il peut y avoir des médicaments qui peuvent être acceptables suite à des projets de recherche, mais pour lesquels les coûts sont très élevés et qui ne sont pas nécessairement sur la liste qui est confectionnée par le CCP et suggérée au ministre. J'aimerais savoir les impacts, lorsqu'un médicament est disponible pour les patients, pas seulement pour le patient, mais aussi pour la famille... Quels sont les impacts que ces gens-là doivent subir, étant donné qu'ils ne sont, dans certains cas, j'imagine, pas capables de payer des médicaments qui sont extrêmement coûteux? J'aimerais aussi vous entendre... Est-ce que vous pouvez donner des exemples de médicaments et du coût de ces médicaments-là qui ne sont pas sur la liste et qui seraient extrêmement utiles et importants pour les patients actuellement?

Mme Brisson (Linda): Les médicaments qui ne se trouvent pas actuellement sur la liste sont beaucoup les classes thérapeutiques adjuvants qui aident à une amélioration de certains effets secondaires. Les médicaments, actuellement, au point de vue chimiothérapie, sont tous couverts. Nous voulons, par exemple, que, dans notre système où ce n'est pas nécessairement très sûr, la part de l'assureur... De notre côté, nous aimons beaucoup l'idée du virage ambulatoire. Les enfants vivent beaucoup à l'hôpital, et on croit qu'ils seraient capables de vivre beaucoup à la maison, avec de l'antibiothérapie intraveineuse à domicile et, même, dans un temps assez proche, de la chimiothérapie à domicile, comme ça se fait aux États-Unis, une alimentation autrement que par la bouche, parentérale, avec un tube ou ailleurs, à la maison. Alors, ces médicaments-là qui sont actuellement donnés à l'hôpital pourront être dans un contexte ambulatoire et à domicile. Alors, toute cette médication-là devra aussi pouvoir être fournie.

Nos traitements évoluent continuellement. De 20 % de survie en 1969, on est rendu à 75 %. Tous les protocoles de traitement ont, d'un protocole à l'autre, amélioré la survie de la grande majorité de ces enfants-là. Alors, on voudrait être sûr qu'on va au rythme de l'amélioration qu'on peut donner. Le médicament G-CFS, qui est un médicament stimulateur de la moelle qui empêche les hospitalisations pour les enfants, peut coûter... C'est un petit «vial» de 650 microgrammes, mais un «vial» qui coûte 150 $ par jour, qui peut être donné de sept à 10 jours – ça, c'est pour un enfant de 10 ans – et répété aux trois semaines. Alors, vous voyez, il y a des coûts énormes. Juste pour empêcher les vomissements chez les enfants – les antiémétiques, c'est les antivomissements, là – le Zofran, qui est un médicament très coûteux, cette médication-là doit être là. La médication empêche les hospitalisations. Si l'enfant ne vomit pas, meilleure alimentation, meilleur état immunitaire, meilleure possibilité de donner une chimiothérapie sans effets secondaires. Si on est capable de donner des médicaments comme l'érythropoïétine, qui est l'Eprex, qui est aussi donné pour les cas d'insuffisance rénale, on pourrait empêcher certains problèmes transfusionnels parce que ça augmente l'hémoglobine qui est souvent basse chez ces enfants-là. Sur le marché, bientôt va sortir un médicament qui empêche quelque chose d'autre, là, dans le sang, qui fait saigner les enfants. Cette médication-là pourrait être donnée et empêcher des problèmes de saignements et être obligés de donner continuellement des transfusions à nos enfants, qui coûtent cher, au-delà de 200 $ par transfusion, et qui nécessitent parfois des hospitalisations.

Alors, il y a tous les médicaments qui peuvent, qui vont se rajouter, qui vont être possibles en externe et qui vont permettre de garder les enfants à l'extérieur. Alors, G-CSF, Zofran et tous les autres médicaments, les médicaments de chimiothérapie, peuvent coûter jusqu'à 10 000 $ ou 20 000 $ par année. Une certaine partie est interne, mais, dans le proche futur, ça pourrait être externe.

M. Marsan: Madame, je voudrais continuer, mais je pense que c'est important, le point que vous faites, surtout par rapport au virage ambulatoire, où, avec une meilleure médication, ou pourrait diminuer le nombre de jours hospitaliers, mais le principal objectif serait, aussi, le retour de l'enfant, j'imagine, dans son milieu familial et son milieu de vie. Là aussi, on pourrait espérer des progrès assez importants.

Je demeure toujours avec... Je reviens au projet de loi, mais j'ai toujours la crainte que le projet de loi, tel qu'il est formulé actuellement, eh bien, qu'on n'ait pas cette chance de poursuivre un objectif de virage ambulatoire. De nouveau, je suis craintif quant à la façon dont cette liste est confectionnée. Je suis craintif. Vous mentionnez qu'on devrait avoir au moins un pédiatre, ce serait un apport ou un enrichissement pour le comité, mais, actuellement, on n'a pas ça. Je ne pense pas... En tout cas, je sais qu'il y a des améliorations qui peuvent être apportées, mais, à ce moment-ci, ce n'est pas évident que ce serait un pédiatre qui serait le médecin associé au CCP. Je voudrais vous entendre sur toute l'importance de cette participation soit du pédiatre, soit de votre association ou des professionnels de votre association, pour que, une fois pour toutes, on puisse donner une véritable accessibilité aux patients qui sont atteints d'une maladie aussi terrible.

Mme Brisson (Linda): Je pense que 25 % de la population mérite bien d'avoir une représentativité, d'autant plus qu'on sait que l'enfant a des besoins particuliers. C'est toujours très important d'avoir une personne à qui peuvent se référer d'autres associations aussi, et c'est un pédiatre, c'est un pédiatre qui a une vue générale de tous les problèmes pédiatriques, pas uniquement le cancer, là, mais tous les problèmes pédiatriques. Je pense que ce serait un ajout très important pour cette population-là.

M. Marsan: J'aurais une dernière question.

La Présidente (Mme Charest): Oui, une autre question.

M. Marsan: Oui. Je voudrais simplement revenir... J'ai été mis au courant d'un cas assez pathétique. C'est une personne qui aurait besoin du Neupogen. Est-ce que vous pouvez nous dire si ce médicament pourrait aider des patients atteints de leucémie? Est-ce que c'est un médicament qui est sur la liste actuellement? Est-ce que...

Mme Brisson (Linda): Neupogen est le médicament dont je vous parlais, qui s'appelle aussi G-CSF.

M. Marsan: G-CSF... c'est ça?

Mme Brisson (Linda): C'est une médication qui est donnée dans le but de stimuler la moelle, une fois que la chimiothérapie a agi dessus, stimuler la moelle à faire remonter les globules blancs, qui sont notre défense contre les infections. Alors, avec ce médicament-là, on peut à l'occasion éviter des hospitalisations et éviter des infections. C'est un médicament qui n'est pas sur la liste actuellement, et on a eu des aides importantes pour le payer. Je pense que ça doit être inclus dans cette médication, comme tous les autres sous la rubrique «agents hématopoïétiques». La chimiothérapie agit beaucoup sur les cellules qui se multiplient rapidement, au niveau de la moelle, les globules blancs sont là et c'est là que le G-CSF ou Neupogen agit.

(21 h 40)

M. Marsan: O.K. Et, dans le projet de loi tel que nous l'avons, ce n'est pas certain qu'il pourrait être inscrit sur la...

Mme Brisson (Linda): Je pense qu'avec une concertation avec un sous-comité...

M. Marsan: Le CCP.

Mme Brisson (Linda): ...tous ces médicaments-là seront mis sur la liste. C'est des médicaments qui sont importants.

Nous croyons aussi que, sur le Comité de revue de l'utilisation des médicaments, c'est important d'avoir un pédiatre. Tout ce qu'on ajoute à l'intérieur d'une liste doit aussi être évalué. On doit avoir un mécanisme de feedback pour évaluer les nouveaux médicaments, qui coûtent cher, pour être sûr que vraiment ils ont été efficaces et qu'ils ont joué le rôle qu'ils devaient jouer.

Alors, ce Comité-là qui devra être mis sur pied est un comité très important aussi. L'évaluation des médicaments... Toujours un feedback sur les nouveaux médicaments qui sont ajoutés, être sûr qu'ils font le rôle qu'ils sont supposés faire.

M. Marsan: J'aimerais finaliser avec un cas vraiment particulier, mais tellement important. C'est ma collègue de Marguerite-Bourgeoys qui l'a porté à mon attention. Elle a elle-même écrit au ministre de la Santé. Je ne mentionne pas le nom, mais sûrement que ça pourrait être disponible. C'est une jeune patiente qui a besoin du médicament, et le coût du médicament représente 16 170 $ par année. C'est un montant qui est considéré excessif par rapport au revenu familial.

Alors, la lettre a été envoyée par ma collègue au ministre de la Santé le 9 janvier dernier. Elle a reçu un accusé de réception en date du 25 janvier. Évidemment, la lettre demandait qu'on puisse trouver les fonds pour subventionner le Neupogen. Depuis ce temps-là, bien, on n'a pas eu de nouvelles, d'aucune façon. On a les reçus qui attestent que les coûts ont été payés. Moi, j'aimerais ça... En tout cas, peut-être que c'est un exemple, mais je pense que c'est un exemple qui représente beaucoup de patients qui sont atteints de cette terrible maladie. Cette correspondance, en tout cas, je la mets à la disposition du ministre. Je pense qu'elle peut aider la personne atteinte en question, mais aussi l'ensemble des patients qui ont cette terrible maladie.

Alors, je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, c'est au tour de la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Je vous remercie. Bonsoir. Je vais reprendre d'abord une question que le ministre a posée en commençant, mais j'aimerais avoir un peu plus d'explications. Moi, je ne suis pas pharmacienne et je ne connais pas très bien... je ne connais pas dans le détail ce métier-là. Je connais les pharmaciens seulement quand, moi-même, je vais leur demander un médicament.

Je vois bien que vous souhaitez que les pharmaciens du secteur privé ne se voient pas référer des enfants qui ont ce que vous appelez des protocoles particuliers, mais j'essaie de comprendre pourquoi les pharmaciens ne pourraient pas être bien formés et informés pour pouvoir recevoir, justement, surtout dans des régions éloignées, des enfants qui vont quitter, par exemple, un grand centre de traitement, qui vont rentrer chez eux. Comment se fait-il qu'on ne puisse pas transmettre ces informations-là? C'est quand même un métier très spécialisé qui demande de longues études. J'ai bien écouté ce que vous avez répondu à mon collègue, mais, comme je n'y connais pas grand-chose, j'aurais besoin d'être éclairée un peu plus.

Mme Brisson (Linda): C'est exactement ce que l'on veut et c'est un peu ce que LEUCAN est en train de faire: essayer de favoriser cette régionalisation-là. Il y a déjà un projet-pilote dans ce sens-là. Vous avez tout à fait raison, nous ne disons pas que les médicaments doivent être donnés dans les établissements, les centres hospitaliers, mais bien où l'enfant est traité.

Alors, si l'enfant est traité en région, avec un support qui leur a été donné au point de vue du pharmacien, du médecin, etc., avec les connaissances des protocoles de traitement, c'est exactement ce qu'on veut. Je pense que ce projet de loi là pourra peut-être favoriser ce genre de régionalisation. La difficulté actuellement, c'est que, au niveau de la circulaire, il y a des conditions variables d'accessibilité, dépendant des centres, parce que les fonds à l'intérieur des centres hospitaliers ne sont pas là pour couvrir ces frais-là. Que ce soit la circulaire «malades sur pied»... Le G-CSF ou le Zofran, c'est très coûteux. Les gens n'ont pas les argents nécessaires.

Alors, nous espérons qu'avec un projet de loi où l'accessibilité à la médication sera possible, ça va favoriser la démarche que LEUCAN fait actuellement. Nous, comme centres hospitaliers, les quatre centres hospitaliers, on est en train de travailler fort pour avoir cette régionalisation et avoir des traitements en région pour nos enfants. Favoriser l'humanisation des soins, ce que l'on pense que le virage ambulatoire va faire, ce qu'on pense que la régionalisation va faire, et une accessibilité plus facile aux médicaments va permettre ça. C'est ce que nous voulons.

La Présidente (Mme Charest): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Je veux laisser compléter...

La Présidente (Mme Charest): Oui, monsieur?

M. Davidson (Ronald): D'ailleurs, je pense qu'en matière de régionalisation, comme le Dr Côté-Brisson le disait tantôt, c'est une opportunité qui était pour LEUCAN absolument exceptionnelle, de pouvoir, depuis... un rêve qui se réalise après cinq ou six années de plaidoyers en cette faveur. Grâce au ministre de la Santé, je pense que ce rêve-là est en train de se réaliser, mais on s'aperçoit également que c'est un projet exhaustif. Aussi excitant et ambitieux qu'il soit, c'est un projet exhaustif de longue haleine, mais extrêmement nécessaire, et on peut en tâter le pouls auprès des parents en région.

En termes d'où va s'approvisionner le parent ou l'enfant pour des médicaments, je pense qu'un point absolument critique, c'est évidemment la formation professionnelle de ces gens-là, vous avez touché un excellent point, mais, également, c'est une question d'approvisionnement. Il y a beaucoup de cas pratiques de parents, ici, qui font en sorte que ce n'est pas toutes les pharmacies qui sont approvisionnées en médicaments spécialisés pour les enfants.

Mme Malavoy: ...juste avant, on aurait pu leur poser la question, mais il y a un problème de distribution aussi, j'imagine.

Mme Champoux-Paillé (Louise): Peut-être que Jacques peut reprendre ce point, en tant que parent qui a vécu cette problématique.

M. Chénier (Jacques): Je vous remercie, Mme la Présidente. Évidemment, l'aspect accessibilité des médicaments, je peux dire que, dans le fond, le but qu'on poursuit, c'est vraiment l'humanisation, pas juste des soins pour les enfants, mais aussi pour les familles. L'aspect assurance et disponibilité des médicaments est vraiment essentiel pour nous, pour diminuer le stress que toutes ces familles-là, toutes ces fratries-là vivent.

Un exemple, c'est que, personnellement, l'année dernière, en externe, mon fils avait eu besoin d'un médicament spécialisé, puis le pharmacien du coin n'avait jamais entendu parler du médicament et avait dû le commander. Je reste à l'Île-Bizard, qui est à Montréal. C'est un grand centre. Je ne parle pas de Rimouski ou de Gaspé, là. Puis il a dû commander de son grossiste un médicament dont le grossiste non plus n'avait jamais entendu parler. Je pense qu'il a dû commander une quantité tellement énorme qu'il est encore pris avec ces médicaments-là. Ça fait que c'est des coûts importants. Je pense que les posologies sont importantes. C'est pour ça que, nous, on veut que les médicaments viennent des centres qui donnent des soins en oncologie pédiatrique.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Chénier. Soit dit en passant, pour être la députée de Rimouski, peut-être que vous auriez trouvé votre médicament même à Rimouski. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chénier (Jacques): Je m'excuse, madame.

La Présidente (Mme Charest): Non, il n'y a pas de quoi. Vous savez, on n'est pas si loin que ça des grands centres, ou les grands centres ne sont pas ce que l'on croit.

Maintenant, M. le député d'Argenteuil, s'il vous plaît, votre question.

M. Beaudet: Merci, Mme la Présidente. D'abord, j'aimerais vous remercier d'être venus partager avec nous vos préoccupations quant au projet de loi n° 33. Vous avez soulevé votre inquiétude quant au fait qu'il n'y a pas de pédiatre actuellement au CCP. On pourrait entendre la même remarque à partir des gens âgés qui voudraient avoir un gériatre, et peut-être aussi des transplantés qui aimeraient avoir un transplanteur. Je ne sais pas si, dans votre expérience, dans le vécu, actuellement il y a un médicament qui vous a été refusé parce qu'il n'y a pas de pédiatre au CCP.

La Présidente (Mme Charest): Mme Côté-Brisson.

(21 h 50)

Mme Brisson (Linda): Je pense que c'est exactement ce qu'on veut éviter, qu'il y ait une médication qui ne soit pas acceptée, mais ce n'est pas vraiment dans le sens que vous le voyez. C'est vraiment 25 % de la population. Vous savez, ces 25 % de la population, c'est un quart de la population, c'est beaucoup, et je crois fermement, et on le vit à tout moment... La population pédiatrique est une grosse population qui n'a pas beaucoup de voix, hein. C'est des petites personnes avec des familles très jeunes. Elles n'ont pas de «push» politique, dans la plupart des cas, là. On voudrait, avec 25 % de la population, qu'on puisse avoir une oreille et que la problématique qui est pédiatrique, qui est réelle... Les médicaments ne sont pas donnés de la même façon. La problématique n'est pas la même. Les effets secondaires ne sont pas les mêmes. Nous aimerions bien que les médicaments soient facilement accessibles et que l'évaluation se fasse correctement.

Je ne sais pas si vous le savez, mais ces petits êtres là qu'on veut qu'ils survivent... Parce que le décès d'un enfant, là, c'est beaucoup d'années de vie perdues, 65 ans de vie perdus pour chaque enfant qui ne vit pas, et, pour les enfants qui survivent, un sur 800 jeunes adultes sera un survivant d'un cancer pédiatrique. Alors, on aimerait bien que la médication soit bien évaluée et qu'elle entre rapidement. C'est 25 % de la population. C'est vrai que tout le monde devrait avoir une voix. Je pense que 25 % de la population devraient l'avoir aussi, même s'ils sont tout petits.

M. Beaudet: Je comprends votre point, là, mais vous n'avez tout de même pas répondu à ma question. Ça fait 25 ans que le CCP existe. Avez-vous un exemple où les enfants ont été privés d'une médication parce que le CCP n'a pas voulu regarder l'application d'un médicament parce que c'était un médicament pour la pédiatrie? Parce que leur rôle, ce n'est pas pour la pédiatrie, ce n'est pas pour la gériatrie, c'est pour l'ensemble, et ils ont la capacité d'aller consulter qui ils veulent, quand ils veulent, où ils veulent. Alors, je comprends mal l'absolue nécessité qu'il y ait un pédiatre là-dessus, parce qu'on va avoir les mêmes demandes des gériatres, des transplanteurs, des cardiologues, des hématologues. On va tous les avoir. Je comprends que c'est 25 % de la population.

Mme Brisson (Linda): Je comprends et j'ai souvent entendu cette même chose, qu'il y a beaucoup de gens qui aimeraient avoir une représentation. Je pense que je ne peux pas vous le dire différemment que: Le quart de la population, c'est important, et, oui, il y a probablement des médicaments qui ont pris un peu plus de temps à arriver parce qu'on n'a pas de représentation directe. Je ne peux pas vous donner d'exemple.

M. Beaudet: J'ai beaucoup plus de réserves quant à la présence d'un représentant des assureurs sur le CCP que je n'en ai quant à l'absence d'un pédiatre, je vais vous dire. Je serais beaucoup plus inquiet, à votre place, qu'on ait introduit dans la loi qu'il y ait, par loi, la présence d'un assureur qui, dans le fond, n'a aucune compétence sur les médicaments, et son seul rôle, ça ne serait que de voir à l'application des prix. Alors, vous nous mentionnez à la toute fin – d'ailleurs, ça m'étonne un peu – qu'«aucune raison financière ne peut justifier la restriction à l'accessibilité des médicaments.» Je dois vous dire que je suis un peu inquiet de cet énoncé général, mais, en dehors de cela, l'individu qui va représenter les assureurs, ça va être son rôle. Je pense que c'est beaucoup plus là que vous devez faire vos pressions, pour qu'il n'y ait pas de représentant des assureurs.

Mme Brisson (Linda): Non. Je pense vraiment que je suis capable de vivre avec l'assureur, mais j'aimerais avoir une représentativité, non pas juste pour les enfants avec cancer, mais un représentant de ce 25 % de la population où c'est la dernière étape avant que le médicament aille sur une liste. C'est un groupe qui a une influence vraiment importante; et, personnellement, je crois que la représentativité pédiatrique, 25 %, est très importante.

M. Beaudet: Je comprends votre insistance, mais je persiste encore à vous dire que vous ne m'avez pas donné un seul exemple d'un médicament qui n'a pas été donné, en pédiatrie, sur une période de 25 ans. Merci.

La Présidente (Mme Charest): Ça va, M. le député d'Argenteuil? Merci. Donc, nous allons procéder aux remerciements d'usage. M. le député de Robert-Baldwin et représentant de l'opposition officielle, s'il vous plaît.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente, et merci à vous, surtout, pour la qualité de cette présentation. Vous nous avez fait voir des éléments qui, je pense, vont être importants au moment où on va étudier article par article ce fameux projet de loi.

Il semble exister une problématique, là, au niveau des nouveaux médicaments. Vous suggérez d'avoir un pédiatre au CCP. Moi, je comprends que c'est surtout quand on va étudier les médicaments qui touchent des maladies d'enfant, évidemment. Je ne pense pas que vous vouliez faire partie de toutes les études, mais celles qui vous intéressent, sur le cancer, vous voulez être là, et c'est comme ça que je reçois votre message. Je souhaite aussi, comme je l'ai mentionné, qu'on puisse donner suite à la demande qui a été faite, demande de remboursement pour médicaments, parce que les médicaments sont trop coûteux. On parle, dans le cas que je vous ai précisé, de 16 170 $. Alors, j'espère qu'on pourra aider et cette personne et l'ensemble des patients qui sont atteints de cette terrible maladie. Encore une fois, un gros merci pour la qualité de votre présentation.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Maintenant, nous allons entendre les derniers mots du ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bien, je veux vous remercier beaucoup de votre collaboration. Entre autres, je pense que, pour les enfants et pour les problèmes de leucémie et de cancer, surtout en ce qui regarde les enfants, la situation que vous nous décrivez illustre bien la croisée des chemins où on en est rendu. On a donné l'exemple, entre autres, du Neupogen. C'est un médicament qui est sur la liste. Il n'y a pas eu de problème quant à le voir, l'évaluer et le mettre sur la liste. Il est sur la liste des médicaments et, quand le régime va être en place, le médicament va être là. Mais il n'est pas sur la circulaire «malades sur pied», et c'est l'illustration d'un régime qui est fragmenté, c'est ce qu'on a actuellement, où il y a des gens qui sont couverts parce que c'est des prestataires d'aide sociale, ou d'autres parce que c'est des personnes âgées, ou d'autres parce qu'ils ont une certaine maladie.

Avec les coûts et la capacité de gérer trois ou quatre petits systèmes comme ça sans être capable de globaliser et de mutualiser le risque, c'est là qu'on est rendu, où il y a des médicaments qu'on peut évaluer, qu'on peut approuver. Ils sont sur la liste. Les gens qui sont capables de se les payer, ils vont les avoir, ou, s'ils font partie d'un groupe qui est couvert, ça va aller. Mais on ne peut plus fonctionner avec le régime qu'on a là. Alors, je suis content de ça parce que c'est à la fois, je pense, une bonne nouvelle pour vous et c'est une confirmation que le genre de régime qu'on se donne là, même s'il ne sera peut-être pas parfait à tous égards, il va régler justement ce genre de situations. Déjà, avec la liste qu'on a là, ce n'est pas avec la liste qu'on a surtout un problème. Ça aussi, c'est sûrement «bonifiable», comme tout le reste, mais ce n'est pas surtout avec ça qu'on a un problème actuellement, c'est avec notre mode de financement et de gestion de l'ensemble du programme.

Alors, merci beaucoup. On va tenir compte de tout ce que vous nous dites et essayer d'avoir, dans les meilleurs délais, le meilleur programme possible. Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Merci, Mmes et MM. les représentants de LEUCAN Inc., au nom des membres de la commission. Bonne fin de soirée.

Nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 58)

(Reprise à 22 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je demanderais maintenant aux représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec de s'installer tout de suite, de se préparer, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je salue les représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes de remarques préliminaires. J'apprécierais que vous vous présentiez ainsi que les personnes qui vous accompagnent.


Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

Mme Trépanier (Nancy): Bonsoir, mon nom est Nancy Trépanier. Je viens au nom de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Voici Richard Dagenais, également de la Fédération, à ma gauche, et, à ma droite, M. Daniel...

M. Germain (Daniel): Germain. Bonsoir.

Mme Trépanier (Nancy): ...Germain, pardon. Alors, merci de nous avoir invités. Je vous mentionnerais que la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec existe depuis 1978. Dès ses tout débuts, elle s'est intéressée aux problématiques des médicaments. Alors, les notions d'accessibilité et d'équité au régime universel d'assurance-médicaments revêtent, pour la FNACQ, une grande importance et constituent une préoccupation centrale justifiant notre intervention pour faire connaître notre point de vue sur le projet de loi n° 33. C'est pourquoi la FNACQ apprécie l'invitation qui lui a été faite d'être entendue par la commission des affaires sociales.

Cependant, nous déplorons que notre Fédération n'ait pu exposer ses visions du régime universel d'assurance-médicaments lors des travaux du comité mandaté par le ministre. Nous constatons, par contre, que les assureurs et les fabricants de produits pharmaceutiques ont été associés à la démarche du comité Castonguay alors que les groupes légitimement concernés, comme les associations de consommateurs ou les associations d'aînés, ne l'ont pas été. Nous souhaitons que cette façon de faire soit isolée et qu'elle ne devienne pas une pratique courante du Parti québécois.

Nous tenons également à souligner que la Fédération a toujours été en accord avec l'implantation d'un régime universel d'assurance-médicaments. Cependant, nous déplorons la précipitation dans laquelle le régime est fait et nous tenons également à souligner que la façon dont est présenté le projet de loi n° 33 remet en question la définition du régime universel d'assurance-médicaments.

Alors, au niveau de la définition du régime universel, peut-être que M. Germain pourrait poursuivre au niveau des principes d'accessibilité et d'équité que nous soulevons dans notre mémoire.

M. Germain (Daniel): Alors, merci. Bien, nous, d'abord, on est très contents que, notamment, le rapport Castonguay et le gouvernement aussi reconnaissent le caractère essentiel des médicaments. Nous, en tant qu'association de consommateurs, évidemment, c'est un point très important parce que, pour beaucoup de nos membres, maintenant, c'est considéré comme un produit essentiel.

Donc, nécessairement, au caractère essentiel des médicaments doit se retrouver une accessibilité. Là aussi, nous trouvons très pertinentes les remarques qui ont été faites dans le rapport Castonguay notamment, et nous devons aussi citer les rapports précédents, Demers et certains autres rapports qui n'ont pas été diffusés publiquement, comme le rapport Gagnon: que l'accessibilité, dans le cadre actuel, mérite une nette amélioration et qu'un régime universel d'assurance-médicaments peut être une solution acceptable pour régler différents problèmes. Bon, notamment, dans le rapport Castonguay, on soulevait la question du caractère disparate des différents régimes. Donc, on s'attend à ce qu'un projet de loi sur l'assurance-médicaments permette une meilleure intégration de tout ça. Alors, nous pensons que c'est une solution adéquate.

Cependant, pour qu'un régime universel soit instauré, à notre sens, il y a au moins quatre conditions qui doivent être respectées. Évidemment, cela dépend des définitions de «universel» auxquelles on se rattache. Alors, vous comprendrez, par le fait même, nous, ce qu'on entend par le caractère universel. Alors, la première condition, pour nous, c'est que l'accessibilité aux médicaments soit universelle, ça va de soi, que le mode de financement du régime tienne compte de la capacité de l'usager, que le mode de gestion soit assumé entièrement par l'État et que le contrôle des coûts agisse efficacement sur l'offre et la demande des médicaments.

Ce qu'on constate actuellement, c'est qu'on a un peu l'impression, notamment en se référant au rapport Castonguay, que le contrôle est beaucoup fait auprès des consommateurs, finalement. À notre avis, le consommateur ou l'usager, c'est quelqu'un qui est vraiment au bout de la chaîne, c'est quelqu'un qui est captif. On consomme un médicament sur ordonnance parce que notre médecin nous l'a prescrit. Alors, évidemment, on n'a pas grand choix et, en général, les gens se prêtent de bonne grâce aux ordonnances de leur médecin. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on demande effectivement que, du côté de l'offre, soit exercé un contrôle plus serré, mais aussi du côté de la demande. On entend par demande, évidemment, ce qu'on appelle les prescripteurs, bon, les pharmaciens, qui, dans le fond, sont les spécialistes de la question. C'est eux qui, dans le fond, sont le plus en mesure de décider de façon adéquate.

Je serais tenté de sauter tout de suite directement au chapitre des recommandations. Évidemment, dans le mémoire, on a développé de façon assez étayée différents aspects du projet de loi, différents éléments critiques. Alors, pour respecter le temps de présentation, on saute directement aux recommandations. D'abord, nos recommandations se situent à deux niveaux, je dirais: d'une part, les recommandations, ce qu'on considère qui serait utile pour un véritable régime universel; d'autre part, aussi, on a une série de recommandations qui s'adressent plus particulièrement au projet de loi. Pourquoi on sépare ça en deux? C'est que, d'une part, on n'est pas sûrs que la proposition qui est faite aux citoyens et aux citoyennes actuellement va vraiment dans le sens d'un régime universel. On se pose des questions là-dessus. Le projet de loi ne répond pas nécessairement à ces questions. Nous, ce qu'on aimerait d'abord, c'est qu'on retrouve, dans le fond, les cinq grands principes, notamment, qui ont été adoptés dans la loi canadienne de la santé, on entend les principes d'universalité, d'accessibilité, de transférabilité, d'administration publique et d'intégralité. De là découlent nos recommandations plus spécifiques.

Alors, d'abord, attendu que l'accessibilité au régime d'assurance-médicaments dépend des modes de financement et de gestion retenus, nous recommandons:

Que chaque Québécois et Québécoise soit couvert pour l'ensemble des médicaments et des produits médicalement et socialement requis par leur état de santé. Là, nous, on sent que... On parle de «pharmaceutiquement requis». On a l'impression qu'il y a une espèce de glissement. On ne retrouve pas nécessairement ça dans les rapports précédents. Nous, on pense que, du point de vue «médicalement requis», c'est plus englobant, plus général que du point de vue «pharmaceutiquement requis». D'autre part, aussi, la notion de «socialement» intègre des produits qui sont nécessaires pour les soins. On pense notamment aux pansements, aux couches dont les gens ont besoin pour les problèmes d'incontinence. Ça coûte cher. Les gens sont pris toute leur vie avec des choses comme ça. Donc, «socialement requis» aussi.

Que le financement du régime d'assurance-médicaments soit assuré par l'impôt des particuliers et les cotisations sociales payées par les employeurs et les salariés. Là-dessus, c'est que nous pensons que le régime proposé, avec prime, ne respecte pas le critère de progressivité entièrement, même en dépit des mesures qui sont proposées pour atténuer les effets sur les ménages à très faibles revenus. On ne sent pas tellement la progressivité. D'ailleurs, on pourrait peut-être mentionner, au niveau de certains graphiques... Richard, là-dessus...

(22 h 10)

M. Dagenais (Richard): À cet effet, vous avez, dans le deuxième document, à la dernière page, un graphique qui indique le pourcentage du revenu qui peut être alloué, finalement, aux médicaments. Alors, pour un ménage de deux adultes, deux enfants qui a un faible revenu, c'est-à-dire autour de 7 500 $, avec le maximum qui peut être déboursé, c'est jusqu'à 20 % de son revenu; tandis que, si on se fie à la moyenne de dépense des adultes, ça serait autour de 3,5 %, à peu près; alors que, pour les ménages d'un revenu très élevé, autour de 100 000 $ par exemple, on tombe en bas du 2 %. Alors, on passe du 20 % à 2 %, et ça devient très régressif, somme toute, comme structure, dans le cas où il y a une participation maximale au programme. Alors, ça, c'est le premier élément. Lorsqu'on dit qu'il faut se rapprocher, finalement, d'un régime plus redistributif, il faut, à ce moment-là, adapter la prime et aussi les autres paramètres d'assurance pour que ça devienne moins régressif selon le revenu des ménages.

M. Germain (Daniel): Tout en ajoutant que nous sommes convaincus... On peut se référer à certaines études, notamment la recension sur les modèles de financement et de gestion qui avait été produite par le ministère de la Santé et des Services sociaux en août 1995. On semble indiquer que c'est probablement une des façons les meilleures pour financer et que, en plus, c'est économiquement viable. Bon, c'est sûr, évidemment, il faut toucher à la question de la fiscalité. Le gouvernement a fait des promesses, là-dessus, de ne pas toucher aux impôts. On comprend que, politiquement, c'est peut-être plus difficilement soutenable, mais, par contre, économiquement, on est convaincus que cela est réalisable, et dans un respect d'équité et de solidarité sociales.

L'autre recommandation, elle a un certain lien avec la précédente, sur la question du financement, c'est qu'on demande aussi que le mode de gestion du régime d'assurance-médicaments soit entièrement assuré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous, dans le fond, ce qui nous dérange beaucoup, c'est le fait que le régime soit mixte. Ça nous pose de sérieux problèmes, parce que, au fur et à mesure qu'on a pris connaissance de certains documents, il semble que ça ne soit pas le régime idéal en termes de coûts puis aussi en termes d'équité, et ça complexifie énormément la chose. De la façon que c'est présenté, c'est que les 18-64 ans tombent sur le régime privé, sur les assureurs privés. Donc, on a comme un peu l'impression que les assureurs privés ont le beau risque et que l'État, c'est-à-dire les citoyens en général, eux, vont assumer le mauvais risque.

Si on veut vraiment un régime universel qui renforce les solidarités sociales et l'équité sociale, il me semble que c'est préférable que l'État gère entièrement le régime, d'autant plus que les données qu'on a en main semblent démontrer qu'une administration publique, en termes de coûts de gestion, est plus efficace. Alors, je crois que, au niveau de l'assurance-médicaments, on parle autour de 2 % de frais de gestion. Évidemment, dans le cas d'une assurance-médicaments, c'est évident que ça va être plus élevé, bon, à cause de tout le... Il y a beaucoup plus de paperasse autour de ça, les questions de remboursement et tout. Mais on pense tout de même que les coûts d'administration seraient plus bas. Là-dessus, d'ailleurs, on a des chiffres – tu les avais sortis, Richard? – en termes de coûts du régime. Je crois que... Pour le Québec, du côté des assureurs privés, c'était de l'ordre de... quoi?

M. Dagenais (Richard): Les données qu'on a, finalement, ça peut aller de l'ordre de 15 % à 27 %, les frais d'administration des régimes privés, alors que les estimés qui avaient été faits pour la RAMQ, finalement, la gestion pourrait être en bas de 1 %. C'est les estimés, là, ça reste à vérifier, mais, à mon sens, il y a un écart très important en termes de coûts de gestion. Et le fait d'utiliser la RAMQ, finalement, c'est qu'on utilise un régime qui est informatisé déjà et qu'il y a beaucoup moins d'interventions qui sont utilisées, parce qu'on n'a pas besoin d'envoyer de factures, etc., directement, on n'a pas besoin de payer une prime annuelle, etc., dans un régime centralisé complètement.

M. Germain (Daniel): Bon, c'est ça. En fait, ce qu'on considère aussi, là-dedans, la question, c'est qu'on offre un beau marché aux assureurs privés, dans le fond. Avec une obligation de s'assurer en sus, c'est qu'on oblige le citoyen à s'assurer. Et, pour la majorité des gens... Nous, on n'a pas fait de savants sondages sur la question, mais, en discutant avec nos membres, la réaction première de la personne, c'est dire: Bien, moi, j'ai des dépenses peut-être de 30 $ ou 40 $ de médicaments. Là, la loi m'ordonne de m'assurer. Alors, les gens, évidemment, font vite le calcul. La prime, la franchise, etc., pour la personne qui s'achète un tube de crème à base de cortisone, ça lui coûte cher, finalement. On comprend évidemment que, dans un régime assurantiel, on s'assure pour l'éventualité d'un risque. C'est clair, ça aussi. Mais, en même temps, le fait que le privé ait ça en main, bien, c'est un marché captif, un très beau marché qu'on offre aux assureurs privés.

Autre point. Attendu que le contrôle des coûts est nécessaire pour assurer la viabilité à long terme du régime et le maintien des autres services publics, nous recommandons:

Que l'offre soit contrôlée à partir d'une politique de sélection et d'achat basée sur le prix minimum et qui favorise l'achat de génériques pour l'ensemble des médicaments et des produits qui figurent sur la liste de médicaments et produits. On ajoute «produits» parce que, évidemment, on considère qu'il y a certains produits qui pourraient éventuellement figurer sur la liste. En fait, notre inquiétude, et ça, c'est une inquiétude que certains de nos membres nous ont communiquée, est à l'effet que, lorsque les gens ont... Exemple: le patient ambulatoire, les bandages et ces choses-là, les gens se posent des questions. Je vais devoir payer les bandages, ce n'est pas pharmaceutiquement requis. On comprend... Bon. Pour quelqu'un qui doit s'injecter de l'insuline, la seringue est incluse, je crois, dans la liste. Cependant, la nécessité des pansements est évidente. Après un certain nombre de jours, la personne... Beaucoup de gens pensent qu'ils vont devoir assumer ces frais, des pansements et autres choses.

Autre point. Que le gouvernement du Québec fasse des pressions au palier fédéral pour obliger le CEPMB, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, à fixer de façon plus serrée les prix des médicaments brevetés afin que ceux-ci ne dépassent pas le prix médian international. Ce qu'on constate, là encore, c'est que... Bon. On vante les mérites des organismes de contrôle des prix. Effectivement, depuis que le CEPMB existe, la hausse des prix des médicaments a toujours été inférieure à l'indice des prix à la consommation. Cependant, le Canada, de façon générale, a des médicaments brevetés qui sont plus dispendieux que pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Alors, on se demande si, effectivement, les organismes effectuent bien leurs contrôles ou s'il y a des raisons de structure du marché qui expliquent ça. On aimerait bien comprendre.

On demande aussi que le gouvernement exige du gouvernement fédéral qu'il exerce un meilleur contrôle des pratiques de mise en marché et de promotion des médicaments en révisant la loi C-91 sur la protection des brevets, en restreignant les dépenses de publicité-marketing et en limitant les taux de profit des pharmaceutiques. Là encore, il y a un élément qui est soulevé, c'est que les pharmaceutiques prétendent qu'ils dépensent beaucoup en recherche et développement. Or, là encore, on a des données qui semblent nous dire que ce n'est pas là principalement que vont les dépenses. Elles vont plus davantage du côté du marketing et de la publicité. Alors, je crois que, quelque part, les usagers, les consommateurs, les citoyens en général n'ont pas à financer par la bande les opérations de promotion des pharmaceutiques. Tout ça aussi, en même temps, pour souligner que nos destinées sont encore intrinsèquement liées avec celle du Canada. Donc, on est pris avec certaines contraintes et on espère que, du côté fédéral, ils entendent raison sur ces points.

Aussi, que le gouvernement crée un organisme de gestion de l'assurance-médicaments qui relève d'une administration multipartite où siégeraient des représentants des usagers et des consommateurs. On ne veut pas que les usagers et les consommateurs remplacent le corps médical et les experts, mais si, éventuellement, il y a des assureurs qui se ramassent sur un conseil, on aimerait bien, aussi, que les usagers et les consommateurs y soient, non pas pour décider si tel médicament doit figurer ou non sur telle liste, mais, entre autres, pour s'assurer qu'effectivement le contrôle des coûts est respecté et que les achats de médicaments se font dans l'intérêt collectif d'abord et avant tout. C'est tout simplement ça. Je pense que ça exprimerait, dans le fond, une forme de représentativité adéquate.

(22 h 20)

Maintenant, que les prescripteurs soient mieux formés sur les effets et l'efficacité des médicaments, et ça, de façon continue et critique. Ça, d'ailleurs, c'est un point qui a été soulevé, je crois, dans le rapport Castonguay, et on tenait à le revoir parce qu'on n'a pas nécessairement l'impression... Ça, c'est encore un commentaire que nos membres nous font. On rencontre un médecin et... On ne met pas du tout en doute la compétence des médecins, mais, souvent, l'usager a des réponses ou a des informations que le médecin ne lui a pas données lorsqu'il a émis l'ordonnance. Alors, c'est là que, arrivé au comptoir du pharmacien, le pharmacien lui pose un certain nombre de questions. Selon la bonne volonté du pharmacien, la liste des questions peut s'allonger, selon, évidemment, s'il doute... Il peut douter que telle personne puisse avoir des effets de contre-indication, etc., donc fait état d'une... Et, des fois, les gens s'aperçoivent que, finalement, il y a incompatibilité dans la médication, et leur médecin ne les a pas avisés. Donc, on veut qu'il y ait de la formation. Ça aussi, c'est une manière d'exercer un contrôle des coûts. Si le corps médical est vraiment sensibilisé au coût des dépenses en médicaments et qu'il fait un usage rationnel et optimal, bien, ça va avoir une incidence sur les dépenses de médicaments davantage que d'exercer un contrôle pesant sur les consommateurs, qui, comme on l'a dit tout à l'heure, sont captifs.

D'autre part, que le Conseil consultatif de pharmacologie... Et là je ne sais pas si c'est le Conseil consultatif qui doit le faire, mais, en fait, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un pouvoir exécutif pour, d'une certaine façon, contraindre les médecins et les pharmaciens à une utilisation rationnelle et optimale des médicaments prescrits. Là encore, le rapport Castonguay faisait mention du fait que certains médecins vont utiliser des... Bon. Dans le cas des traitements de l'hypertension, on utilise des nouvelles générations de médicaments très performants, mais dont l'efficacité largement démontrée est peut-être... c'est peut-être des médicaments trop efficaces pour le type de maladie à soigner. Dans le cas, évidemment, d'une hypertension – on ne parle pas d'une hypertension chronique, etc. – les traitements classiques font très bien l'affaire, alors que, dans le rapport Castonguay, on constate une hausse des médicaments qu'on appelle les statines, je crois. Vous m'excuserez, je ne suis pas pharmacien. Alors, on pense qu'il doit y avoir, là-dessus, des pressions de faites. Alors, d'une part, l'éducation, mais aussi, d'autre part, une certaine forme de contrainte.

Autre point. Que les pharmaciens soient tenus de substituer des médicaments et produits moins coûteux lorsque cela est justifié. Par contre, les pharmaciens ne devraient pas être autorisés à substituer un médicament ou un produit plus coûteux à moins que son efficacité soit meilleure et justifiée et que le consommateur en soit informé et donne son accord. Là encore, c'est le flou total. Ca, encore, c'est un point qu'on remarque. On a relevé, dans le rapport Castonguay... C'est qu'on a un peu l'impression que c'est le consommateur ou l'usager qui doit user de sa vigilance et exiger un médicament générique plutôt qu'un médicament d'origine. Évidemment, c'est bien que les gens le fassent. Moi, je le fais, personnellement, sauf que, n'ayant pas les compétences, évidemment, le pharmacien peut me répondre ce qu'il veut. Le médicament n'est pas disponible, le moins dispendieux. Il va me passer le plus cher et, moi, je n'y verrai que du feu. C'est un peu l'impression que les consommateurs et les usagers ont, je parle des gens qui se soucient un peu de leur consommation de médicaments. Évidemment, beaucoup d'usagers vont acheter en toute confiance des médicaments sans se poser de questions. Alors, on pense qu'on devrait davantage être éclairés sur ces points-là. Alors, pour l'autre série de recommandations, je repasse la parole à Mme Trépanier.

Mme Trépanier (Nancy): Alors, peut-être, ce qui serait important de mentionner, c'est que nous aimerions que la Revue d'utilisation des médicaments permette d'établir des mécanismes de vérification dans les profils de pratique des médecins et des pharmaciens. Comme il a été mentionné, le consommateur est le dernier maillon de la consommation des médicaments. Alors, les pharmaciens, les lois... Le gouvernement doit s'engager à encadrer les pratiques médicales, doit encadrer les pratiques des industries pharmaceutiques et des pharmaciens dans tout ça si on veut qu'il y ait un véritable contrôle des coûts. Il doit également y avoir une révision au niveau de la rémunération des médecins si nous voulons faire en sorte qu'il y ait un meilleur contrôle des coûts des médecins. Alors, on souhaite que le gouvernement puisse accélérer les travaux sur la possibilité de revoir les pratiques de la rémunération des médecins. On sait pertinemment que la rémunération à l'acte favorise la prescription de produits pharmaceutiques pour... On sait très bien que c'est une façon de guérir qui devient de plus en plus populaire dans l'esprit tant du consommateur que des prescripteurs. Alors, il devrait y avoir une importance rattachée à cette problématique-là.

Nous souhaitons également que les consommateurs soient sensibilisés à un usage rationnel et optimal des médicaments et des produits grâce à des programmes d'information sur l'utilisation pertinente, sécuritaire et économique des médicaments prescrits et des médicaments en vente libre. Nous souhaitons que les médicaments en vente libre soient répertoriés dans la Revue d'utilisation des médicaments de la même façon que les médicaments prescrits afin de vérifier de façon appropriée les interactions médicamenteuses.

Nous souhaitons qu'un processus étanche dans la confidentialité des renseignements personnels soit mis sur pied avant l'implantation des mécanismes de collecte et de revue d'utilisation des médicaments. Quant à nous, en aucun cas les assureurs privés ne devraient avoir accès à ces données.

Nous souhaitons également que la condition des personnes assistées sociales, des personnes âgées ainsi que de toutes autres personnes à faibles et modestes revenus ne soit pas aggravée par l'obligation de payer une prime d'assurance ou leurs médicaments. Alors, ici, il faut bien voir, faire la distinction entre le fait: Est-ce qu'on veut, par un régime universel d'assurance-médicaments, se payer des assurances ou se payer des médicaments?

Nous souhaitons également que les personnes au seuil ou sous les seuils de pauvreté qui sont reconnus soient exemptées de toute contribution; tout au plus pourrait-il y avoir une participation sous forme d'une coassurance, à condition que le plafond de contribution n'excède pas un pourcentage limite du revenu.

La FNACQ souhaite également que les parents d'enfants de zéro à 17 ans et des étudiants à temps plein âgés de 18 ans et plus soient déliés de leur obligation au paiement de quelque prime que ce soit pour leurs enfants. Il ne doit donc pas y avoir de prime familiale, comme pourrait le permettre une interprétation large de l'article 16 du projet de loi n° 33.

Nous souhaitons également que le gouvernement élargisse la substitution des produits brevetés par les médicaments génériques et applique des mécanismes d'achats regroupés pour permettre une diminution des coûts des médicaments.

Enfin, nous souhaitons que le gouvernement accélère, comme je le disais tout à l'heure, les travaux nous menant à revoir le cadre de la pratique médicale et le mode de rémunération des médecins, dans la mesure où il est démontré que les médecins à salaire prescrivent moins de médicaments que les médecins payés à l'acte. Ici, je citerais la Banque mondiale, qui déclarait, en juillet 1993, «qu'un gouvernement qui veut contrôler les coûts de son système de santé devrait encadrer la pratique du paiement à l'acte».

Alors, si vous avez des questions... Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je vous ai laissé aller plus longtemps parce que je pensais que c'était important que vous terminiez. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution. Vous avez vraiment travaillé dur; c'est presque une thèse que vous nous soumettez. Alors, on aura à en prendre connaissance peut-être un peu plus en profondeur que ce qu'on peut faire dès ce soir.

Je voudrais d'abord apporter deux précisions, si vous le permettez, et ensuite poser une question. D'abord, quant au mandat du comité Castonguay. Effectivement, le comité Castonguay avait un mandat, que je lui ai donné, qui se situait dans le prolongement des travaux qui ont été faits depuis deux ans maintenant, un peu plus que deux ans, en fait, si on inclut la période du comité Demers, du nom du Dr Demers qui l'a présidé. Ce comité avait conclu, on s'en rappellera, à une recommandation principale à l'effet de regarder de près la faisabilité d'un régime général ou universel d'assurance-médicaments pour être capable de contrôler la situation dans laquelle on est, où le mécanisme d'une couverture soit en fonction d'âge, comme on a actuellement pour les personnes âgées, ou en fonction du statut socioéconomique des gens, les prestataires de la sécurité du revenu, ou de gens qui ont une certaine maladie, comme la circulaire «malades sur pied»... qu'on avait un régime tout fragmenté qui n'était plus capable de suivre l'évolution du médicament et du coût du médicament.

À la suite de ce comité-là, il y a eu des travaux – on est à la fin de 1994, là – de faits au ministère pendant presque sept ou huit mois, au moins, par des équipes du ministère, pour explorer cette piste de faisabilité et voir si vraiment on pouvait penser à des scénarios qui montreraient que, oui, c'est pensable et c'est faisable.

(22 h 30)

Là, je voudrais apporter une première précision, je vais revenir au comité Castonguay. Ce à quoi vous référez comme le rapport Gagnon, il n'y a pas de rapport Gagnon qui existe. Il y a eu un groupe de travail au ministère, qui était dirigé par M. Gagnon, qui a regardé différents scénarios possibles de faisabilité pour qu'on puisse se faire une tête, à savoir: est-ce que la recommandation du comité Demers est une piste qu'on peut suivre? Et, sur la base de ces travaux qui ont été faits, du dossier qui a été monté, en fait, mais qui n'était pas un comité mandaté pour produire un rapport, mais, sur la base de ces travaux, c'est ce qui nous a amenés, vers le milieu de juin, juillet 1995 – donc presque un an plus tard – à pouvoir conclure que, oui, c'était faisable, mais – et j'en arrive au mandat du comité Castonguay; je pense que c'est important de voir l'évolution qui nous amène à cette rencontre ce soir – pour vraiment savoir si, parmi les scénarios de faisabilité qu'on avait, comment on pourrait vraiment faire, dans la vie réelle, là, un autre pas avec les partenaires nécessaires pour progresser dans ce domaine-là, qui étaient, d'une part, l'industrie pharmaceutique surtout, et l'industrie de l'assurance, qui était déjà là et qui occupe le terrain pour couvrir 4 500 000 Québécois, comme on le sait, avec des régimes collectifs.

Alors, on a donné un mandat à un groupe de travail qu'a présidé M. Castonguay pour vraiment aller voir sur le terrain avec les partenaires éventuels comment les gens recevaient cette idée et dans quelles conditions on pouvait... et quel genre de système on pouvait penser développer. Et, donc, le comité n'avait pas le mandat de faire une consultation générale. Ce qu'on pensait, peut-être à tort ou à raison, mais j'en prends la responsabilité, c'est qu'il fallait d'abord se faire une tête et faire une proposition. Et, sur la base du rapport du groupe Castonguay, là, on a formulé une proposition sous la forme d'un projet de loi. Et là on continue avec une consultation plus générale – on aura entendu 40 ou 45 groupes à la fin de cette semaine – pour voir comment les gens réagissent à cette proposition pour qu'on puisse voir si on continue dans cette voie-là et à quel pas.

Donc, je voulais replacer ça en séquences, là, pour qu'on comprenne bien ce qu'on lit. Les documents auxquels vous référez, il y a des documents qui existent, mais il faut distinguer, je pense, entre un travail technique à l'interne d'un ministère par rapport à un rapport de comité qui correspond à un mandat donné, et le mandat qu'avait, bien circonscrit, le comité Castonguay. Bon. Ça, ça nous a amenés, effectivement, aujourd'hui à faire une proposition. Bon.

Ce que vous nous dites essentiellement, c'est que ce que vous souhaitez, ce que vous pensez qu'on devrait avoir, c'est un régime universel public comme l'assurance-santé. Ce serait d'intégrer carrément le médicament au régime d'assurance-santé. Bon. On peut défendre cette idée-là puis, en théorie et même en pratique, ça pourrait avoir beaucoup de sens, mais la question que je veux vous poser est la suivante: Dans la réalité, il y a déjà 1 500 000 personnes qui sont couvertes par un régime public; il y a 1 100 000, 1 200 000 personnes qui n'ont pas d'assurance du tout. Là on peut se poser la question, là, si on suit votre raisonnement: Est-ce que ces gens-là devraient être couverts par le système public qui existe déjà, aussi, ou le système privé qui existe, qui, lui, est un système privé troisième groupe, qui est du collectif présentement? Bon. Disons qu'on suit votre raisonnement pour le groupe pas couvert du tout. C'est un terrain vierge où on pourrait peut-être avoir plus de marge de manoeuvre. Ça, on peut réfléchir dans le sens de ce que vous nous proposez.

Mais, pour le groupe du collectif, me semble-t-il – et c'est là ma question – la situation est un peu différente. On a une situation qui existe depuis un certain temps. Ça couvre 4 500 000 personnes. Bon. Un régime universel qui aurait quand même un caractère général imposerait une base générale à tout le monde. Tout le monde aurait accès, à l'intérieur de certains paramètres, à une même liste, à une même couverture de médicaments. Il y a déjà ça, cet aspect-là, qu'on irait chercher. Mais est-ce que, en essayant de transférer dans un régime public ce qui est couvert par du collectif présentement, on ne risquerait pas – d'abord, ça risque de ne pas être facile sur le plan de la gestion, parce que c'est des employeurs et des employés qui, au sein de conventions collectives, ont créé ces régimes-là qui assurent le médicament, qu'on voudrait standardiser un peu plus, mais d'autres choses, très souvent aussi, dans ces programmes collectifs là – de prendre de l'argent qui est déjà investi là-dedans puis qui règle une partie du problème pour simplement le recycler dans le régime public qui viendrait payer ce qui est déjà payé? Il faudrait aller chercher cet argent-là sous forme de taxe, probablement. Autrement, l'État devra trouver de l'argent ailleurs pour payer autrement ce qu'on paie déjà.

Alors, là, il m'apparaît qu'il y a deux groupes pour lesquels il faut raisonner différemment: ceux qui n'ont pas de couverture, qui iraient vers de l'individuel de toute façon, par rapport au collectif. Comment vous pouvez m'aider, là, à progresser dans ce sens-là?

M. Germain (Daniel): Je suis content que vous souleviez la question parce que, nous, c'est un point où on se pose encore beaucoup de questions.

C'est sûr qu'il y a une situation établie, il y a des droits acquis, si on peut dire, et toute la mécanique de renégocier, ça placerait le gouvernement soit dans la situation... De deux choses l'une: ou on rachète les régimes ou on attend qu'ils tombent à échéance, puis là, après ça, la loi oblige les gens à retransférer. Bon. C'est sûr qu'il y a une complication administrative. Nous, ce qu'on sent aussi, c'est qu'il y a de très fortes pressions du côté des assureurs, justement pour ne pas qu'ils perdent ce marché-là. Donc, effectivement, il y a un problème qui n'est pas facile à résoudre.

Je vais vous répondre autrement à la question. Moi, mon inquiétude, c'est les 1 200 000 Québécois et Québécoises qui n'ont pas de couverture actuellement. En théorie et en pratique, ces gens-là n'ont pas de couverture parce qu'ils et elles n'ont pas les moyens d'en avoir, de couverture, parce que, un, leur employeur n'a pas les moyens de leur payer une cotisation. On pense aux gens qui travaillent dans les magasins à rayons, les dépanneurs, tous les petits travaux du secteur tertiaire qui sont très peu rémunérés, et notamment occupés majoritairement par des femmes, un fort pourcentage de monoparentales, etc. On sait que le régime tel que proposé prévoit certaines mesures pour, disons, absorber une partie des coûts, etc. Mais ces gens-là, finalement, ont fait le choix individuel de ne pas se couvrir parce qu'ils considéraient ne pas avoir les moyens. Alors, là, une loi va leur dire: Chers citoyens, chères citoyennes, vous devez dorénavant vous assurer, payer, en théorie, 176 $ de prime, couvrir une franchise d'environ 100 $, et, après ça, on tombe sur le facteur de coassurance. Alors, comme je disais tout à l'heure, si une personne s'achète un petit tube de crème à base de cortisone, ça lui coûte cher au bout de la ligne.

Et, notamment, on a montré les courbes tout à l'heure qui démontraient que, évidemment, moins la personne gagne un revenu élevé, plus le pourcentage de son revenu est consacré à une consommation de médicaments, dans le scénario où on épuise la totalité. Alors, ces gens-là vont être forcés de contracter une assurance avec des assureurs privés. Or, actuellement, la loi, de ce qu'on en comprend, évidemment, tout ce qu'on saisit de la loi, c'est que le gouvernement va exiger de l'assureur, de l'ensemble des assureurs privés qui offrent une couverture de ce type-là, d'offrir le régime de base. On s'entend là-dessus.

Mais, moi, si j'ai bien lu, ça veut dire que, par interpolation, tout assureur a la possibilité d'offrir un régime de base avec des options. On voit actuellement l'annonce de l'assurance de la Croix Bleue. Il semble pour eux autres déjà acquis que le projet de loi va passer tel quel et, déjà, ils font l'annonce de l'assurance-médicaments. Et puis, en plus, ils ont ajouté l'assurance-voyage parce que, bon, évidemment, si j'ai bien compris aussi, la Régie ne couvre plus les frais médicaux hors du pays. Bon, on peut comprendre, là, mais, nous, ce qu'on craint, c'est que peu à peu il y ait un transfert à la pièce de services de santé sur des couvertures privées. Or, ces 1 200 000 personnes là, elles n'ont pas les moyens actuellement de se l'acheter.

Si vous saviez le nombre de ménages qui sont considérés sur le seuil de pauvreté ou juste au-dessus et qui ont déjà beaucoup de misère à ajuster et à rejoindre les deux bouts. Là on parle d'un revenu par ménage autour de 30 000 $, ces gens-là. Si on nous dit que c'est impossible de faire un régime universel pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, ce qu'on maintient qu'on souhaite... et, là-dessus, on rétorquerait aux assureurs... Les assureurs disent que ça leur assure un marché puis, en même temps, ils disent que c'est du «loss leader», comme ils disent, en même temps. Bien, de toute façon, on dit que 50 % du marché est aux assureurs québécois, et le reste, c'est les assureurs étrangers. Puis la tendance actuelle, c'est que le marché des assureurs québécois se fait gruger non pas parce qu'il n'y a plus d'acheteurs, mais c'est parce que, dans les stratégies de rachat, dans une perspective de mondialisation des marchés, eh bien, on rachète de toute façon. Alors, est-ce qu'on va sauver les assureurs pendant 10 ans, mais, après ça, de toute façon, ils vont tomber?

Alors, d'une part, il y a ça. Admettons qu'on garderait... puis toutes les complications au niveau des négociations au niveau des conventions collectives, etc. Mais les 1 200 000 personnes, est-ce qu'à tout le moins on pourrait avoir la possibilité qu'il y ait une couverture universelle assurée par l'État? Au moins, minimalement, ça, ce serait acceptable. La situation idéale pour nous, c'est que ça soit universel par rapport à «administré par l'État». Je réponds indirectement à votre question, mais c'est ça.

(22 h 40)

M. Rochon: Peut-être juste un commentaire. Alors, je vous suis très bien, là, la distinction entre les deux groupes, et on va voir comment on pourra explorer ce que vous nous suggérez.

Vous êtes revenu sur l'exemple qui a été donné, où 20 % du revenu pourrait être requis pour une consommation pour des gens qui auraient 7 000 $ de revenus. Je veux souligner qu'on est dans la petite probabilité. Parce qu'on sait que, pour se rendre à un plafond de 750 $... Parce que votre exemple, vous le faites sûrement en prenant une famille qui aurait 7 000 $ de revenus ou un peu plus et où les deux adultes, les enfants ne paient ni prime, ni franchise, ni coassurance, mais où les deux adultes, le père et la mère, consommeraient durant l'année un maximum pour se rendre à leur plafond. Or, pour se rendre au plafond de 750 $, il faut avoir consommé 2 700 $ de médicaments. Alors, on sait qu'il y a des gens qui se rendent au plafond de 750 $. Même si on prend les personnes âgées ou les prestataires d'aide sociale, qu'on connaît bien présentement, pour les personnes âgées, les plus gros utilisateurs de médicaments, c'est moins de 10 %, c'est 6 % ou 7 %, je pense, qui se rendraient au plafond, et peut-être à peu près 10 % pour les prestataires d'aide sociale. Quelque chose comme, là.

Mais pour que les deux, dans la même famille, dans la même année, se rendent à leur plafond puis qu'ils aient consommé 5 400 $ de médicaments, également partagés entre les deux à 2 700 $, on est rendu dans la probabilité très, très, très fine, là. S'il y a un gros consommateur dans la famille, ce n'est peut-être pas aussi probable que les deux vont l'être à ce niveau-là. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, là, mais je veux juste qu'on fasse attention pour ne pas qu'on donne l'impression que le régime, s'il était mis en place comme il est là, va faire qu'il y aura beaucoup de gens qui vont payer 20 % de leurs revenus en médicaments. Le cas ne va probablement pas se présenter. Alors, il faudrait faire attention, parce que, à un moment donné, on fait une distorsion de la réalité. Vous êtes d'accord?

M. Germain (Daniel): Ça, là-dessus, on comprend très bien, mais ce qu'on voulait surtout démontrer, je pense, c'est la question que la dépense... Évidemment, c'est une courbe de chiffres. C'est que la dépense est proportionnellement beaucoup plus lourde à absorber pour un ménage à faibles revenus...

M. Rochon: O.K.

M. Germain (Daniel): ...que pour un ménage qui a un revenu confortable.

M. Rochon: Bon. Alors, permettez-moi un dernier commentaire. Je suis d'accord avec vous, vous avez raison, parce que le régime est, je pense, plutôt progressif, mais il n'est pas aussi progressif que pourrait l'être un régime public qui serait payé entièrement par les taxes, où là on pourrait avoir une gradation au 100 $ près, selon le revenu, jusqu'au revenu maximum. Là-dessus, vous avez raison.

Mais peut-être juste rappeler, par exemple, qu'au-delà du revenu maximum qui entraîne une prime totale, un peu plus de 30 000 $, je pense, pour une famille, c'est vrai que la famille qui gagne 35 000 $ va avoir le même plafond, va payer la même prime que la famille qui gagne 100 000 $. Mais où il y a un élément progressif plutôt que régressif, le régime public va payer encore à peu près 800 000 $ pour les gens couverts par le régime public et va recycler là-dedans un 200 000 $, ou à peu près, pour compenser les primes des bas revenus. Et, ça, c'est payé par les taxes de ceux qui ont les plus hauts salaires. Alors, il y a donc une contribution additionnelle, par l'impôt, que font les gens qui ont un plus haut salaire qui n'est pas du tout au même niveau de ceux qui ont le salaire le plus petit. Mais je vous concède que ça n'est pas aussi parfaitement progressif qu'un régime public qui serait financé complètement par les taxes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de remercier la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Je vous remercie. Votre mémoire est très travaillé, et c'est apprécié. J'aurais une seule question à vous poser, mais je vais passer la parole à mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, par la suite. Il est le critique de l'opposition en matière de protection des consommateurs. Mais, juste auparavant, je voudrais vous demander: Vous suggérez que le mode de gestion du régime d'assurance-médicaments soit entièrement assuré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec; je voudrais savoir: Est-ce qu'il y a un problème avec les régimes privés, avec les assureurs privés actuellement? Pourquoi vous ciblez la Régie de l'assurance-maladie du Québec comme étant l'unique dépositaire de gestion à ce moment-ci?

Mme Trépanier (Nancy): Écoutez, le problème qu'on a est dans la définition du régime universel. Ça ne s'est jamais vu auparavant de parler d'un régime universel comme celui-là, qui est obligatoire et contributif. Et, dans le fond, ce qu'on fait, c'est qu'on oblige les consommateurs à se prendre une assurance privée. Alors, il n'y a pas de choix là-dedans, il n'y a pas de choix du consommateur, on oblige le consommateur à prendre une assurance privée. S'il ne la prend pas, s'il ne prend pas cette assurance, il aura des pénalités. Alors, là-dessus, on a beaucoup de difficultés. Justement, pour les personnes à faibles et modestes revenus, on a l'impression que les seuils de pauvreté reconnus n'ont pas été respectés dans l'analyse, alors qu'on sait très bien que les montants qui sont mentionnés au niveau de la participation financière des consommateurs vont affecter grandement leur budget.

On sait très bien également que les assureurs privés ne sont pas des philanthropes en soi, ils vivent grâce à une marge bénéficiaire. Cette marge bénéficiaire là, si c'était un régime financé, administré uniquement par la RAMQ, permettrait d'éliminer justement le paiement de la prime, qui est problématique, quant à nous, puisqu'elle ne répond pas du tout au principe de progressivité en fonction du revenu. Elle répond en termes de revenu préétabli qui ressemble beaucoup au supplément au revenu garanti. Par contre, le supplément au revenu garanti est loin, quand même, des seuils de pauvreté reconnus, et il y a une marge importante, là. On est rendus à regarder les principes de viabilité dans tout ça. Alors, lorsqu'on parle d'accessibilité aux médicaments et d'équité, on a l'impression que le projet de loi qui est soumis actuellement fait en sorte...

L'élan qui était lancé dans la volonté d'établir un régime universel d'assurance-médicaments était de diminuer des inéquités en fonction de la maladie des gens, etc., du lieu où ils étaient traités. Cependant, nous, ce qu'on voit, c'est que le régime proposé, il créé encore plus d'inéquités. On oblige les gens à participer à une assurance privée, il n'y a aucun contrôle de fixé, à savoir, l'an prochain ou dans deux ans, quelle sera la prime, quelle sera la coassurance. Nous, on a beaucoup de difficultés aussi au niveau du fait que, par exemple, le consommateur va devoir magasiner pour trouver son assureur. L'assureur est obligé d'offrir un régime de base. Cependant, on sait très bien qu'il y aura des espèces de «package deals», si on veut, entre guillemets, qui fourniront justement une panoplie de différents services pour améliorer le régime de base, ce qui ne permettra pas de comparaisons visibles et transparentes pour pouvoir voir quel type d'assurance correspond plus en fonction du revenu de la personne. Alors, pour nous, là, c'est très problématique à ce niveau-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue, malgré l'heure très tardive, à la FNACQ. C'est un rythme d'audiences particulier, je pense, que tout le monde peut déplorer, à un moment donné, de tous les côtés de la table, mais ça nous est imposé par les circonstances hors de notre contrôle – et, j'imagine, même le ministre, avec sa franchise habituelle, dirait hors de son contrôle aussi.

J'ai l'impression, M. le Président, si vous me le permettez, que c'est très approprié qu'un groupe voué à la défense des consommateurs du Québec témoigne devant nous, parce que, je ne veux pas parler en votre nom, là, mais, moi, j'ai nettement l'impression que les consommateurs du Québec ont besoin d'être protégés, mais surtout contre le projet de loi n° 33. Et le témoignage que vous venez de nous donner est conforme, en un certain sens.

(22 h 50)

Quelques mots très personnels. Je souscris entièrement, et comme mon collègue, député de Robert-Baldwin, à vos préoccupations au niveau de la contribution demandée des personnes, surtout des personnes à très faibles revenus, soit des prestataires de la sécurité du revenu, des personnes de 65 ans et plus, des travailleurs à faibles revenus. Nous avons eu beaucoup de témoignages très éloquents au sujet de – et je pèse mes mots, là – la misère que ça peut engendrer, l'imposition d'un déductible, d'une franchise et d'une coassurance jusqu'à 300 $, pour les personnes à très faibles revenus. Et on a fait une démonstration là-dessus cet après-midi en disant que des personnes, même au soutien financier, avec la franchise et la coassurance, vont être obligées de dépenser à peu près 3,5 % de leurs revenus bruts sur le programme d'assurance-médicaments, tandis que quelqu'un qui gagne 100 000 $, un revenu familial de 100 000 $, 75 000 $, va être appelé à dépenser à peu près en bas de 2 %, dans un cas de... Plus élevé est le revenu familial, moindre est le pourcentage du revenu qui devra être consacré à ce type de régime. Et, à cet égard, on est également sensibles à vos préoccupations concernant la progressivité, ou l'absence de progressivité dans le financement du régime.

J'ai une question très précise. À la page 13 de votre mémoire, vous parlez du fait qu'instaurer une coassurance pour responsabiliser les consommateurs est un moyen qui tient davantage de la rhétorique que d'un contrôle efficace des coûts. J'aimerais savoir simplement sur quoi vous vous basez quand vous dites ça.

M. Germain (Daniel): Bien, c'est que, de ce qu'on a lu – évidemment, on choisit nos lectures – ce qu'on constate, c'est qu'il n'y a pas de contrôle des coûts réellement sur le facteur de coassurance. Citons le cas de gens qui ont une dépendance aux anxiolytiques. C'est le cas d'un médicament où il y a une assuétude. Avec les antihypertenseurs, il n'y a pas de problème, il n'y a pas des gens qui vont se mettre à essayer de frauder les pharmaciens pour avoir davantage d'antihypertenseurs. Au niveau des anxiolytiques, il y a des cas, ça, on en a vu, des gens qui peuvent aller voir deux ou trois médecins pour se faire faire des prescriptions et se faire des cocktails. O.K.?

Donc, ces personnes-là qui ont un problème de dépendance, le facteur de coassurance, à notre sens, ce n'est pas du tout un désincitatif à consommer. Quelqu'un qui veut, qui en a besoin physiquement parce qu'il est dépendant, le 25 % de coassurance, il n'y a pas de problème pour cette personne-là, elle va le payer. Tout comme la personne, le citoyen ou la citoyenne qui n'a aucun problème de dépendance mais qui veut appliquer avec diligence l'ordonnance de son médecin. Et on sait que, selon les études, les gens sont davantage favorables à des dépenses de santé: à choisir entre deux dépenses, on accepte davantage une dépense de santé et on accepte aussi davantage une augmentation des coûts parce que, évidemment, notre santé, c'est notre bien le plus précieux. Alors, ça aussi, c'est un facteur dans lequel le consommateur est captif là-dessus.

Alors, ça, oui, il n'y a rien qui démontre effectivement que la coassurance... En fin de compte, tout ce que ça dit, c'est qu'il y a une partie du montant... Sur un plan comptable, administratif, il y a 25 % de l'ordonnance qui revient. Donc, effectivement, il y a une participation. Ça coûte moins cher à la collectivité, puisque chaque individu participe, est responsabilisé. C'est le seul commentaire qu'on peut faire. Pour le reste, moi, à partir des lectures que j'ai faites, il n'y a rien qui me démontre que ça va effectivement ralentir la consommation des gens. Si on peut continuer encore à faire trois ou quatre médecins pour se faire faire, exemple, des prescriptions de Valium et qu'il n'y aucun moyen de contrôler, les gens vont continuer pareil.

Autre point aussi que j'aimerais ajouter, une parenthèse, c'est une réponse aux commentaires de monsieur, tout à l'heure, sur la question des assureurs privés. Une chose, entre autres, qui nous inquiète, c'est qu'on parlait de «package deal» tout à l'heure. O.K.? Ce qu'on dit, dans le fond, c'est que, si on nous offre un régime de base, au niveau des assureurs privés, les gens vont se payer le régime de base. Mais là on le sent déjà dans la publicité, exemple, de la Croix Bleue – je reviens là-dessus – il y a déjà des options qu'on offre. Si les pratiques commerciales des assureurs ressemblent à d'autres types de marchés, on risque d'offrir un service de base – oui, on va l'offrir – avec des coûts administratifs sensiblement plus élevés pour le coût de base; puis, après ça, en même temps, on fait du financement pour les options. Alors, ça, ça va jouer. Il y a un caractère concurrentiel qu'on... Il n'y aura probablement pas de guerre des prix. C'est que les assureurs vont offrir des régimes de base avec des options. Mais nos 1 200 000 personnes qui n'ont pas les moyens, elles vont être forcées de prendre le régime de base et vont dire: Au diable les options! Alors, ces gens-là, on craint – je dis bien «on craint» – on n'a pas de preuve à l'effet que c'est effectivement ça qui va se passer, mais on ne voit rien dans la loi qui va restreindre, justement, les stratégies de mise en marché et de marketing des assureurs privés. Alors, ça aussi, ça peut avoir une incidence sur les coûts que les gens vont avoir à payer.

Puis c'est quoi, la notion de profit raisonnable pour l'assureur? Évidemment, les assureurs privés ne vivent pas d'amour et d'eau fraîche, et on comprend que c'est légitime, ce qu'ils demandent. Nous, par contre, ce qu'on conteste, c'est que les consommateurs doivent assumer ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière question? Oui.

M. Dagenais (Richard): ...qui ont montré que l'impact de la coassurance ou du paiement sur les médicaments, finalement, a très peu d'effet sur les choix des consommateurs. Ici, au Québec, il y a eu les 2 $ pour les personnes âgées et, après deux ans, on a observé, finalement, que la demande était revenue au niveau normal. Alors, la conclusion qu'on peut en tirer, c'est que les médicaments sont un bien essentiel. Ce n'est pas le consommateur qui, en première ligne, décide, c'est le prescripteur et aussi le pharmacien, au niveau du choix du type de médicaments. Et on s'aperçoit aussi que toute tarification affecte surtout les personnes à faibles revenus, parce qu'il y a un goulot d'étranglement. Les gens, quand ils ont payé ça, finalement, ils n'ont pas d'autres choses à faire.

Personnellement, je connais une personne qui est sur l'aide sociale, elle a 500 $ pour vivre. Cette personne-là se nourrit mal et elle se fait prescrire des vitamines, finalement, parce qu'elle a une déficience vitaminique. Alors, j'aimerais que le ministre tienne compte aussi de cet effet-là, c'est-à-dire que, s'il fait payer les gens sur le bien-être social et qui n'ont pas déjà les moyens de se nourrir correctement, vont-ils avoir le moyen d'acheter les médicaments parce qu'ils se nourrissent incorrectement? Ça, c'est un problème aussi dont on doit tenir compte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il me reste une question au député de Notre-Dame-de-Grâce, une question à la députée de Sherbrooke, et la conclusion. Et on est un petit peu en retard, alors je demanderais à tout le monde d'être assez court dans les questions et les réponses. M. le député.

M. Copeman: Les ACEF ont une grande crédibilité dans le domaine de la budgétisation, dans le domaine de la défense des familles à faibles revenus, les familles qui éprouvent des difficultés à boucler leur budget. Je pense que personne ne met en doute cette crédibilité et expertise. Vous dites que l'effet cumulé de la prime – ça, c'est à la page 17 – de la franchise et de la coassurance fait office de véritable régime catastrophique et met l'accessibilité aux médicaments en péril. Là, encore une fois, vous vous basez sur quoi en faisant cette constatation, qui est, quant à moi, très pertinente?

Mme Trépanier (Nancy): Bon. On se base sur le fait que, lorsque les coûts sont très élevés... On sait très bien, comme on le mentionnait tout à l'heure, que la santé est primordiale pour chacun des citoyens et citoyennes. La santé, c'est quelque chose qu'on veut garder. Cependant, lorsque les coûts augmentent, ce qu'on voit dans le comportement des consommateurs, et pour en avoir parlé à plusieurs et avoir lu différentes études là-dessus, on s'aperçoit qu'il se développe un véritable guide de survie en faisant en sorte que leur prescription, au lieu de prendre une pilule à toutes les trois heures, ils vont prendre une pilule par journée pour pouvoir faire en sorte de tout prendre leurs médicaments, mais d'avoir l'effet le plus longtemps possible. Alors, il y a une problématique, là, au niveau de l'inobservance médicamenteuse. Donc, on retrouve beaucoup de ces comportements-là, et il faut bien voir que ce n'est pas une économie au système d'assurance-médicaments, puisque ces coûts-là vont être reportés ultérieurement à un régime d'assurance-maladie. Alors, il y a une question, là. Lorsque les coûts sont trop élevés, la problématique, c'est que les gens vont opter pour un guide de survie qui n'est malheureusement pas nécessairement approprié pour un prompt rétablissement ou pour pouvoir stabiliser des maladies. Alors, c'est un petit peu ce qu'on voit pour les personnes à faibles et modestes revenus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

M. Dagenais (Richard): ...indiqué bien clairement, finalement, que, pour les ménages à faibles revenus, si c'est 10 % ou 20 %, finalement, en fonction du nombre de personnes qui ont besoin du maximum, qui auraient payé le maximum, finalement, c'est quand même très important, là, et ce qu'on dit... Le ministre nous dit: C'est un faible pourcentage de gens qui peuvent avoir à payer ce maximum-là. Effectivement, c'est vrai, mais c'est peut-être justement la raison pour laquelle l'État peut assumer le risque pour ces ménages-là aussi, qui sont peut-être en petit nombre, mais, à ce moment-là, s'ils sont touchés, déboursent un très gros montant, une très grosse partie de leur budget.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question, Mme la députée de Sherbrooke.

(23 heures)

Mme Malavoy: Merci. Il y a certaines de vos recommandations que je comprends bien, mais il y en a une qui m'a un peu étonnée. J'aimerais que vous reveniez dessus un peu, même si vous l'avez expliquée une première fois quand vous avez fait le bilan des recommandations. C'est la 4.19. Si je compare avec la précédente... La précédente, je comprends bien, là. Quand vous demandez que les prescripteurs soient mieux formés sur les effets et l'efficacité des médicaments, bon, je pense qu'une optique de formation, tout le monde peut comprendre que c'est bénéfique, et probablement que c'est faisable. Mais, quand vous demandez que le Conseil consultatif ait un pouvoir exécutif pour contraindre les médecins et les pharmaciens à une utilisation rationnelle des médicaments, je me demande comment ça peut se faire, un pouvoir exécutif de cette nature. Et, comme ça m'intrigue, j'aimerais que vous m'expliquiez un peu mieux comment ça peut procéder.

M. Dagenais (Richard): En fait, il y a des mécanismes, dans des pays européens par exemple, où la prescription est surveillée, et les médecins qui débordent un certain pourcentage, finalement, de la prescription moyenne sont, d'une part, informés, sont questionnés, et aussi sont pénalisés lorsqu'ils ne corrigent pas les comportements. Alors, il y a une organisation qui contrôle le comportement prescripteur, à ce moment-là.

Mme Malavoy: Ça veut dire qu'ils ont un accès à toutes les données des prescriptions de tous les médecins?

M. Dagenais (Richard): C'est ça. Il y a un système centralisé d'information.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour la conclusion.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Encore une fois, nos remerciements à la FNACQ. Comme le ministre l'a dit tantôt, il a loué le travail que vous avez fait dans le mémoire. Il est très étoffé. Quand on a commencé à faire la diffusion de votre mémoire, il y a 45 minutes, c'était un peu épeurant de voir la quantité de données et d'informations contenues, mais je pense que ça amène un éclaircissement très important au niveau de nos audiences.

M. le Président, vous me permettez un petit commentaire. Hier, on a fait référence à cette campagne de publicité que le ministère mène pour informer, semble-t-il, la population québécoise sur son projet de loi. J'ai exprimé certaines réserves hier quant à la nature de cette campagne publicitaire en prétendant qu'on ne parle nulle part, dans les annonces qui ont été placées dans les journaux quotidiens samedi, de la nature fragile du projet devant nous. On parle d'un régime qui existe, dans l'annonce, tandis qu'on est devant un projet de loi qui n'a même pas été l'objet de l'adoption de principe à l'Assemblée nationale, dont les audiences particulières ne sont pas terminées, et que la vaste majorité des groupes qui viennent nous voir disent: Il faut changer ça, il faut bonifier ça. Une campagne de publicité que, nous, on a évaluée de façon très sommaire à à peu près 100 000 $. Cent mille dollars pour une campagne de publicité, les annonces, la ligne 1-888, pour un projet qui n'est pas finalisé, qui a toutes sortes de pages blanches. Comme Mme Pagé a dit: Les devoirs, il y a des pages blanches tout partout, il faut bonifier quelque chose. Mais le gouvernement du Québec trouve 100 000 $ pour payer une publicité là-dessus à date.

Surtout, je fais remarquer, comme critique, mes derniers commentaires, M. le Président. C'est 10 fois plus que la subvention que la FNACQ reçoit de l'Office de la protection du consommateur. Si, vous, vous êtes capables, avec un dixième, de nous faire un mémoire aussi étoffé que ça, qui amène tellement d'éclaircissements, je me demande pourquoi on fait 100 000 $ de publicité dans les hebdos pour un projet de loi qui n'est même pas rendu à l'adoption de principe. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Conclusion, M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, vous allez me permettre une entrée en matière. Il y aura un autre temps où on pourra débattre, lors des crédits du ministère, pour justifier nos dépenses. Mais ce n'est pas une publicité pour un régime, là, c'est une information à la population pour leur dire qu'ils ont une ligne de téléphone où ils peuvent appeler pour avoir toutes les informations, pour avoir des réponses à toutes les questions qui peuvent se poser sur le projet de loi qui est présenté par le gouvernement.

Alors, là, il faudrait se faire une tête. À un moment donné, on va nous dire: On ne peut pas procéder parce qu'il n'y a pas assez de monde qui sont informés, il faut informer tout le monde. On informe le monde, puis on dit: Il ne faut pas informer le monde, parce qu'on dépense de l'argent pour informer le monde. Alors, à un moment donné, c'est blanc bonnet ou bonnet blanc, mais il faut se faire une idée. Et je pense qu'on dit bien là-dedans que c'est l'assurance-médicaments qui est proposée par le ministère.

Alors, je pense qu'il faut apporter la clarification que ce n'est pas de la publicité sur des programmes qui n'existent pas, c'est de l'information à la population sur une proposition du gouvernement. Vous regarderez dans la colonne de droite, l'avant-dernier paragraphe, la deuxième ligne, on dit bien qu'il s'agit du régime qui est proposé.

Ma conclusion, maintenant. Il y a un point sur lequel on n'est pas revenus, que vous avez souligné à très bon escient, qui est la question du contrôle des coûts. Et je pense que c'est très important dans un système comme ça, c'est vraiment le nerf de la guerre ou le tendon d'Achille d'un système, vous avez absolument raison. Je voudrais peut-être rappeler en concluant, de sorte que, dans vos réflexions, vous puissiez peut-être éventuellement nous aider un peu plus là-dessus, que le système qui est proposé est quand même assez bien balisé et que c'est un régime qui fait partie d'un programme. Il y a une chose qui n'est pas dans la loi, ça, je peux vous le dire, parce qu'il y a beaucoup de commentaires qu'on nous a faits qui nous amènent à penser qu'il faudrait peut-être mettre dans la loi, ce qu'on a prévu faire de toute façon, mais de prévoir dans la loi que ce régime va se situer dans le cadre d'une politique du médicament qui va prévoir tout ce qui est nécessaire en termes, par exemple, de formation des professionnels ou d'information de la population pour une meilleure utilisation du médicament, tout le domaine de la recherche et du développement, l'évaluation du régime et de l'atteinte des objectifs et de l'impact qu'on peut avoir sur la population. Il y a cette balise-là qui sera là, qui n'est pas dans la loi encore, mais qu'il faudra avoir.

Il y a quand même le Conseil consultatif de pharmacologie, dont il faut reconnaître qu'il y a là un rôle important quant au contrôle des coûts, parce que c'est le Conseil qui peut vraiment évaluer et la valeur des médicaments et la valeur qualité-prix des différents médicaments et travailler à partir d'une liste qui offre un ensemble de médicaments qui correspondent aux besoins des gens, mais qui fait que ça ne peut pas être n'importe quel médicament qui est consommé n'importe comment.

Et, finalement, le mécanisme de la révision de l'utilisation des médicaments, où les professionnels et, plus directement impliqués, les médecins en tant que prescripteurs et les pharmaciens qui sont impliqués dans la dispensation directe et du service pharmacologique et du médicament au patient ont signé un protocole, une entente avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour gérer un régime, un système de révision de l'utilisation du médicament. Et ce que vous demandiez, la question de ma collègue de Sherbrooke, le rôle possible du CCP pour intervenir auprès de professionnels qui pourraient avoir des profils de pratique à modifier, c'est plutôt par ce mécanisme de révision d'utilisation du médicament où agissent les corporations professionnelles, qui, elles, ont ce mandat dans la loi, comme corporations professionnelles, d'intervenir auprès de leurs membres, d'abord de façon positive pour les informer et mieux les former, et, au besoin, éventuellement, pour intervenir. Alors, ces mécanismes-là sont là, peut-être de forme différente que vous le suggériez. Il peut peut-être y avoir des ajustements, mais c'est loin d'être un régime sans contrôle des coûts. Encore là, je ne prétends pas que ce soit parfait, mais c'est un régime qui est très bien balisé.

Et vous me permettrez d'essayer de rectifier un peu une impression, en terminant. Ce fameux exemple de gens qui peuvent payer jusqu'à 20 %, ça n'existe pas. J'ai revérifié. Votre exemple vient à partir d'une famille: deux adultes, avec ou sans enfants, mais prenons deux adultes seuls qui auraient un revenu familial de 7 000 $. C'est très en deçà de ce que sont les prestations données aux prestataires de l'aide sociale, où deux adultes, la prestation la plus faible, aptes au travail – les inaptes ont une prestation supérieure – auraient un revenu annuel, une prestation d'aide sociale de 11 640 $. Alors, des gens, deux adultes seuls qui auraient ce niveau-là, ce n'est pas vrai. Et ces gens-là, étant des prestataires d'aide sociale, ont un plafond à 300 $, ne paient pas de prime. Alors, le plus que ça pourrait leur coûter, si chacune des deux personnes utilise le maximum, se rend jusqu'à 900 $ chacune de consommation de médicaments, ça leur coûterait 600 $, avec un plafond de 300 $ chacune, et 600 $ pour les deux. Ce qui ferait à peu près 5 % de leurs revenus.

Je veux juste qu'on fasse attention, là, pour ne pas sortir des exemples un peu fabriqués par un scénario qui est à peu près impossible. Alors, le niveau de salaire que vous dites, de gens qui ne seraient pas protégés par l'aide sociale et qui auraient à rencontrer le plafond de 750 $, ça n'existe pas par rapport à ce qu'on connaît dans la situation. Alors, c'est vrai que, déjà, payer 5 % de son revenu pour des médicaments, ce n'est pas banal, ça, je le reconnais, mais c'est pas mal différent que de payer 20 %.

Alors, merci beaucoup de votre contribution. Encore une fois, c'est un travail fouillé que vous avez fait. On va l'utiliser le mieux possible. Merci beaucoup.

(23 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, je vous remercie. On s'excuse pour l'heure aussi tardive. On apprécie votre présentation.

J'invite maintenant les représentants de l'Association canadienne de l'industrie du médicament à s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, nous recevons les représentants de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Vous avez 20 minutes de présentation et de remarques préliminaires. J'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent, noms et titres. Et, encore une fois, je remercie tous mes collègues et je vous remercie aussi d'être là à cette heure aussi tardive. Alors, bienvenue, et vous pouvez commencer tout de suite.


Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM)

M. Baumgartner (Aldo): Merci bien, M. le Président.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, nous remercions les membres de la commission de nous accueillir aujourd'hui afin de recevoir nos commentaires et suggestions dans le but d'améliorer, peut-être, le projet de loi n° 33.

Nous représentons, l'Association canadienne de l'industrie du médicament, 65 compagnies basées sur la recherche. Et j'aimerais peut-être vite vous présenter mes collègues. À votre droite, Michel Tremblay, qui est chef des affaires gouvernementales du Québec, de Hoechst Marion Roussel; à côté de lui, le Dr Jacques Letarte, médecin, directeur des affaires extérieures, de Schering Canada; à côté de moi, le Dr Robert Dugal, qui est directeur des affaires scientifiques et universitaires de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, de l'ACIM; à ma droite, à votre gauche, ici, M. Yves Rosconi, qui est vice-président des affaires extérieures, de Rhône-Poulenc Rorer, et, à l'aile gauche, Jean-Luc Blais, chef des relations gouvernementales du Québec, de Merck Frosst. Moi-même, je suis Aldo Baumgartner, le président-directeur général de Wyeth-Ayerst et membre du conseil d'administration et du comité exécutif de l'ACIM. Nous représentons tous des compagnies basées au Québec.

Nous reconnaissons, M. le Président, la volonté d'équité et de justice sociale qui est manifestée dans le projet déposé par le ministre. Nos représentations d'aujourd'hui ont deux objectifs: premièrement, que la population du Québec puisse compter sur un accès rapide à une thérapie médicamenteuse optimale, y compris les médicaments issus de la recherche; deuxièmement, que l'ACIM devienne un partenaire à part entière dans le développement et la mise en place des politiques et programmes favorisant l'utilisation optimale des médicaments. Nous vous avons remis aujourd'hui – un peu tard, je m'excuse – un mémoire de notre association. Ce que j'aimerais faire, c'est maintenant parcourir ce mémoire avec vous pour vous dire quels sont les points sur lesquels nous avons des suggestions à faire.

Je vais commencer par l'article 51, qui a trait à la composition du Conseil consultatif de pharmacologie. L'ACIM recommande qu'un représentant du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie soit membre du comité, et je vais vous donner la raison. Le Québec, à notre connaissance, est la seule juridiction canadienne qui ait su arrimer une saine politique ou gestion du programme de médicaments au développement économique du secteur pharmaceutique. Ce succès fait d'ailleurs l'envie de plusieurs autres gouvernement provinciaux. Comme le régime universel dictera les conditions d'accès au marché québécois et pour éviter des décisions qui mettraient en opposition les politiques économiques et les politiques sociales du gouvernement, il nous apparaît logique qu'un siège soit disponible d'emblée à un représentant du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui pourra mettre en perspective, si nécessaire, la vision globale du développement économique du Québec.

Ensuite, l'article 55, qui traite de la fonction du Conseil. Nous avons une suggestion à faire pour le premier paragraphe, que nous voulons changer dans le sens que: «Le Conseil a pour fonction d'assister le ministre dans la mise à jour de la liste visée dans l'article 58 et, à cette fin, de lui donner son avis sur la valeur thérapeutique de chaque médicament et la justesse des prix exigés.» Et ce que nous proposons d'ajouter: «en fonction des retombées socioéconomiques sur l'ensemble du système de santé.»

L'ACIM recommande que le Conseil puisse tenir compte de l'impact financier positif qui résulte de l'utilisation du médicament sur les autres secteurs du système de santé ainsi que de son influence sur le niveau d'absentéisme en milieu de travail. Pour les médicaments, il faut éviter la prise de décision en vase clos, qui s'avère trop souvent coûteuse dans un plan global de gestion de la santé, et pour les individus aussi bien que pour la société. Nous soulignons aussi que, dans son rôle aviseur sur la justesse des prix exigés, le Conseil pourrait éviter un dédoublement en se basant sur l'évaluation rigoureuse qui est déjà effectuée par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés au niveau fédéral.

En ce qui concerne la section II, la liste des médicaments, nous voulons peut-être faire des commentaires généraux sur la liste. L'Association canadienne de l'industrie du médicament entérine l'utilisation d'une liste unique pour le régime général. Toutefois, la liste de médicaments actuelle utilisée par la Régie de l'assurance-maladie du Québec devrait être élargie et faciliter l'inscription de nouveaux médicaments afin de répondre aux besoins de nouvelles clientèles ou patients actifs. Il est reconnu qu'une liste trop restreinte entraîne des transferts thérapeutiques coûteux.

(23 h 20)

En ce qui concerne l'élargissement de la liste, il y a d'abord les besoins des nouveaux assurés. La liste des médicaments actuelle utilisée par la RAMQ s'adresse à une population de personnes âgées et aux prestataires de la sécurité du revenu. Une liste révisée doit tenir compte des besoins des travailleurs et des enfants, du retour à pied au travail et à l'école, de la diminution de l'absentéisme, etc. Elle doit tenir compte des coûts indirects aux employeurs et du souci du maintien de la productivité. De plus, elle devrait admettre l'inclusion de médicaments de diverses formulations, selon certains critères définis de coût-efficacité, d'observance ou de fidélité au traitement, de qualité de vie et de productivité.

En ce qui concerne le virage ambulatoire, il est souhaitable de concilier en une seule liste la liste des médicaments-établissement et celle proposée par le projet de loi. Actuellement, les objectifs de gestion de la liste-établissement vont parfois à l'encontre des objectifs visés par le virage ambulatoire. La liste-établissement vise à optimiser le traitement médicamenteux en milieu hospitalier et non nécessairement pris dans l'ensemble du système de santé incluant les soins ambulatoires.

En ce qui concerne la circulaire «malades sur pied» et les programmes spéciaux, nous comprenons que la liste inclura non seulement les médicaments précédemment couverts pour les maladies incluses dans la circulaire «malades sur pied», mais également pour toutes les affections supplémentaires identifiées par le rapport du comité Demers.

Finalement, en ce qui concerne l'inclusion de produits sur la liste, à notre avis, la liste doit privilégier l'addition de médicaments plus efficients en tenant compte de leur valeur ajoutée dans un système de santé global. La liste devra inclure non seulement les médicaments dits de pointe, mais également tout produit innovateur en autant qu'il respecte des critères pharmacoéconomiques déterminés. Nous sommes favorables à court terme au maintien d'une liste d'exception visant des produits spécifiques, tels les produits très chers ou des produits à fenêtre thérapeutique étroite. Toutefois, cette liste d'exception n'aurait plus de raison d'être, à notre avis, avec l'avènement de guides thérapeutiques doublés d'une revue d'utilisation.

Laissez-moi maintenant aller à l'article 59, qui traite de la périodicité de la liste ou de la publication de la liste. Nous recommandons que la liste soit mise à jour sur une base continue et non pas périodique. Puisque le projet de loi entend créer un comité de revue de l'utilisation des médicaments, nous recommandons que le processus d'ajout à la liste se fasse en mode continu, sans date limite de soumission, ceci afin de permettre aux patients de profiter des bénéfices de médicaments innovateurs ou de pointe aussitôt que possible. Il serait en effet inéquitable pour des patients dans le besoin de retarder l'accès à de nouveaux médicaments ou à des traitements pour des raisons administratives, bureaucratiques ou financières.

En ce qui concerne le processus d'inscription à la liste, le processus devrait prévoir un mécanisme d'échanges permanent avec les fabricants. Ceux-ci pourront, le cas échéant, soumettre des renseignements supplémentaires pertinents à la prise de décision finale. Toute recommandation du Conseil ainsi que les raisons sous-jacentes devraient être communiquées au fabricant dans les 30 jours. Nous faisons ici une recommandation. Actuellement, il n'existe aucun mécanisme d'appel pour les fabricants qui se sentiraient lésés par une recommandation du Conseil et par la décision subséquente du ministre. Le cas échéant, dans la perspective où le Conseil agirait de facto comme porte d'entrée au marché québécois, un mécanisme d'appel devrait être mis en place pour faire valoir la position du fabricant.

Nous n'avons pas de commentaires sur la sous-section II, et je vais maintenant passer à la section III, qui traite du Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Et nous proposons d'apporter une précision au nom de ce Comité et d'appeler ce Comité, en fait, Comité pour l'utilisation optimale des médicaments. La raison? C'est que cette terminologie semble mieux refléter le rôle de ce Comité tel qu'il est expliqué à l'article 70. Désormais, les revues d'utilisation du médicament devraient déboucher sur une activité plus proactive face à l'introduction de nouveaux médicaments et au phénomène de l'inobservance thérapeutique.

En ce qui concerne le paragraphe 2° de cet article 69, la composition du Comité, nous proposons que, parmi les pharmaciens, au moins un pharmacien salarié soit nommé sur le Comité, un pharmacien salarié qui serait fourni sur une liste de l'Ordre des pharmaciens du Québec. La raison? C'est que les pharmaciens salariés sont des professionnels qui jouent un rôle majeur dans la distribution des médicaments et dans les avis aux patients. Ce sont eux qui, très souvent, ont la responsabilité de l'acte pharmaceutique.

Au paragraphe 5° de cet article, nous proposons également d'ajouter au Comité un représentant de la population ou un représentant des patients, si vous voulez, ainsi qu'un représentant de l'ACIM choisi parmi une liste d'au moins trois médecins ou pharmaciens proposés par l'ACIM. La raison? Comme c'est le cas dans plusieurs organismes régissant la santé et en accord avec la loi 120, nous proposons qu'un citoyen qui représente la population siège sur ce Comité à titre d'utilisateur. Il pourrait être nommé par le ministre sur la base de suggestions faites par une organisation représentative de la clientèle. De plus, les membres de l'ACIM possèdent une vaste expérience et une expertise considérable dans le domaine de l'utilisation optimale des médicaments dont ils sont les découvreurs. Nous croyons que ce bassin d'expertise peut être mis à profit, offrir des perspectives différentes et additionnelles et contribuer significativement au mandat de ce Comité.

En ce qui concerne le mandat du Comité, c'est l'article 70, paragraphe 2°. Nous voulons ajouter au paragraphe 2° ou changer la phrase comme suit: «assurer l'élaboration des critères d'utilisation et – et c'est ce qu'on aimerait ajouter – définir des stratégies visant l'utilisation optimale des médicaments, notamment en ce qui a trait à l'inobservance thérapeutique.»

Donc, d'inclure cette phrase dans le mandat du Comité. La raison? Il est bien connu, et le rapport Castonguay le réaffirme, que l'inobservance est une cause majeure du coût élevé des soins de santé à cause de ses répercussions négatives dans d'autres secteurs du système. Ce Comité peut jouer un rôle capital, notamment en favorisant la diffusion d'une meilleure information aux professionnels de la santé, en évaluant l'impact, par exemple, de formulations pharmaceutiques ou d'emballages simplifiés qui amélioreront l'observance ou la fidélité.

(23 h 30)

Après avoir étroitement collaboré avec le ministère de la Santé et des Services sociaux à l'organisation du colloque de mai 1993 sur l'utilisation rationnelle des médicaments, l'ACIM a développé avec les groupes d'intérêts concernés une campagne d'information et d'éducation visant le bon usage du médicament. L'intégration de ces efforts financiers et humains dans le cadre du Comité sur l'utilisation optimale refléterait un réel partenariat qui se laisse attendre, en fait, depuis deux ans, alors que d'autres provinces comme l'Ontario, l'Alberta, le Manitoba et, très prochainement, une province des Maritimes, ont joint leurs efforts à ceux de l'ACIM pour atteindre leurs objectifs communs.

J'aimerais commenter sur le paragraphe 6, un des mandats du Comité de développer des stratégies de formation, d'information et de sensibilisation pour améliorer la prescription. Je pense que, là aussi, l'ACIM peut jouer un rôle positif de support. Depuis plusieurs années, les membres de l'ACIM sont impliqués dans des activités de formation continue aussi bien auprès des médecins que des pharmaciens. Le contenu de ces activités est basé sur un programme scientifique régi par des règles très strictes et qui vise à permettre l'amélioration de la qualité des soins qui sont fournis à l'ensemble de la population. La majorité de ces rencontres scientifiques sont sanctionnées par des associations professionnelles pour lesquelles les participants obtiennent les attestations appropriées.

En ce qui concerne le paragraphe 8, c'est-à-dire d'assurer l'évaluation du programme de Revue de l'utilisation des médicaments, ici également, l'ACIM peut jouer un rôle positif. Les membres de l'ACIM ont développé, en fait, une expertise dans ce domaine. Dans nos sociétés, de nombreux services sont déjà en place qui pourraient être utilisés à la fois par le gouvernement et la population dans le cadre de ce processus complexe d'évaluation.

Pour terminer, laissez-moi faire quelques commentaires et recommandations sur le chapitre VII de la loi, les dispositions modificatives de la Loi sur l'assurance-maladie. À l'article 95, nous aimerions attirer votre attention sur les modes de distribution des médicaments actuellement en vigueur au Québec. Certains médicaments actuellement inscrits dans la circulaire «malades sur pied» et programmes spéciaux pourraient devenir plus difficilement accessibles par suite d'inventaires réduits ou inexistants en pharmacie communautaire. Nous comprenons que les dispositions prévues à l'article 95 tiennent compte de cette préoccupation.

L'ACIM est d'avis que l'application d'une politique unique de distribution des médicaments, soit dans les hôpitaux ou bien uniquement dans les pharmacies communautaires, ne serait pas appropriée. Elle privilégie plutôt une approche cas par cas. À ce sujet, les orientations formulées par l'Association des pharmaciens des établissements de santé, l'APES, dans son document intitulé «Les soins pharmaceutiques ambulatoires, dossier juin 1995», nous apparaissent pertinentes.

De nouveau, là, la raison de ces commentaires. Par exemple, un patient transplanté qui est sous traitement par des immunosuppresseurs pourrait être tenté de reporter son renouvellement par suite d'une coassurance élevée et ce report, ne serait-ce que de quelques jours, pourrait déclencher des événements de rejet avec les conséquences désastreuses que l'on sait. Également, les patients devront pouvoir renouveler leurs ordonnances le jour même, sans aucun délai. Conséquemment, la distribution de ces médicaments et des soins pharmaceutiques donnés par les pharmaciens communautaires devra également tenir compte des aspects associés à ces produits afin de minimiser les risques d'hospitalisation imputables, entre autres, à la toxicité, à une fenêtre thérapeutique étroite, au manque de contrôle et de suivi, aux réactions défavorables, aux interactions médicamenteuses et à l'administration particulière de ces médicaments pour obtenir un traitement optimal, dans un système d'approche coût-efficacité orienté premièrement vers le patient et ses besoins. Une argumentation similaire pourrait s'appliquer au traitement du sida et d'autres maladies.

Ceux-ci sont nos commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je passe maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, merci beaucoup pour le travail, la préparation de ce mémoire, et pour venir nous rencontrer, même à une heure aussi tardive, venant de différents endroits au Québec ou même peut-être d'ailleurs.

Je dois vous dire aussi que j'ai bien apprécié qu'au cours des deux dernières années la collaboration qu'on a établie... Vous nous dites, dans votre mémoire, que la collaboration qui pourra se continuer dans le cadre de l'application d'un régime va refléter un réel partenariat qui se laisse attendre depuis deux ans. Je ne demande pas mieux, que l'on redéveloppe encore avec... qu'on continue de développer avec plus d'ardeur le partenariat, mais, moi, j'avais cru voir, et je vois encore, le partenariat qu'on a déjà établi durant toute l'année, dans un comité de travail où vous avez collaboré, vous avez investi beaucoup de temps, où était représenté, d'ailleurs, aussi le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui se tenait d'ailleurs en contact avec le ministère des Finances et même le ministère des relations extérieures. Alors, sur cette base de collaboration, je pense qu'on devrait être capable de continuer de développer ce type de collaboration et ne pas la laisser souffrir.

Je prends bonne note de vos commentaires. On va voir comment on peut, dans toute la mesure du possible, bonifier le régime qu'on propose. Mais je voudrais vous poser une question pour nous aider un peu dans notre réflexion autour de cette question cruciale du coût du médicament. Comme vous le dites, c'est vrai qu'il y a – et le rapport Castonguay l'a assez bien résumé aussi – malgré qu'on ait eu, dans les 10 dernières années et encore dans les années récentes, dans les régimes publics, une augmentation importante du coût du médicament, cette augmentation du coût est due à différents facteurs, surtout l'utilisation où il y a eu des effets de clientèle importants, en tout cas, on le reconnaît. On reconnaît aussi que le prix du médicament, le prix comme tel, qui est, avec l'utilisation, le deuxième facteur plus important pour conditionner le coût du médicament, avec le travail du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, il y a eu une stabilisation importante, au cours des cinq dernières années surtout.

Donc, on peut s'avancer dans un régime comme ça sachant qu'il y a des mécanismes qui existent pour contrôler le prix et que, si un régime comme ça nous donne de meilleurs mécanismes pour contrôler l'utilisation pour qu'elle soit la plus adéquate possible, on le fasse dans le cadre d'une politique du médicament où sûrement on va souhaiter... non seulement tenir compte, mais souhaiter et vouloir votre collaboration pour tout ce qui concerne la formation des professionnels et l'information de façon générale. Il reste qu'on a, me semble-t-il, une nouvelle difficulté qui se présente en ce que sont – et vous y avez fait référence rapidement – les nouveaux médicaments. Et là, même si on contrôle les prix des médicaments en général, les nouveaux médicaments – et là on parle de ceux qui coûtent 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $ par année par patient, et qui semblent se multiplier – c'est un effet heureux de la recherche. Mais, dans la position de gestionnaire des fonds publics, ça pose au moins deux questions: Quels sont les critères qu'on pourrait utiliser – et je pense que ce serait important pour le travail du CCP, le Conseil consultatif de pharmacologie – pour bien reconnaître un nouveau médicament?

Parce que, d'après ce que je vois en lisant, en parlant, en écoutant, il y a nouveau et nouveau. Il y a des médicaments qui sont le produit de longues recherches, qui ont demandé des investissements importants sur de longues périodes de temps et pour lesquels il est peut-être normal qu'on s'attende à un prix élevé de ces médicaments, avec ce qu'il y a à rembourser, dans un sens, d'efforts investis et de maintenir l'effort de recherche.

On me dit qu'il y a aussi des médicaments – et je pense, comme le rapport Castonguay y fait référence aussi – qui sont peut-être un peu moins nouveaux, qui n'ont pas demandé, comme nouveaux médicaments, le même investissement, le même effort de recherche. On a, en laboratoire, manipulé, modifié un peu la molécule, mais ça n'a pas représenté du tout le même investissement. Présentement, me dit-on, ce n'est pas facile de faire la différence entre les deux. Ce n'est pas toujours évident, de la façon dont c'est présenté. Donc, est-ce qu'il y a une façon de gérer ça?

Ma deuxième question, qui est reliée à ça, les véritables nouveaux médicaments – si vous acceptez cette distinction que je fais pour le moment – qui peuvent coûter de 10 000 $ à 20 000 $ par année, vous qui êtes dans ce secteur du marché, comment on peut prévoir que ça va évoluer, ça? Est-ce qu'on va continuer d'avoir une multiplication, une accélération du rythme de production des médicaments qui vont de plus en plus coûter 15 000 $ ou 20 000 $ par année? Et, si c'est le cas, que peut-on penser faire pour éviter qu'un régime qu'on voudrait mettre sur pied, même si les prix sont par ailleurs contrôlés, risque de devenir incontrôlable parce qu'il y a une nouvelle marchandise qui, au volume, devient peut-être hors prix? Vous comprendrez que c'est une préoccupation qu'on ne peut pas ne pas avoir quand on pense essayer de faire évoluer la situation dans ce domaine-là.

(23 h 40)

M. Baumgartner (Aldo): Merci, M. le ministre, de vos questions. Avant de donner peut-être la parole à M. Rosconi pour parler spécifiquement des coûts, laissez-moi peut-être vous dire juste une chose. Au niveau des médicaments brevetés, ils représentent, au Canada, au niveau du coût total de la santé, 2,5 % des coûts totaux de la santé. Et, ça, c'est au niveau du fabricant, n'est-ce pas? Quand vous ajoutez les marges de distribution, les marges des grossistes, la rémunération des pharmaciens, etc., évidemment, le coût augmente. Mais, au niveau du pharmacien, on parle de 2,5 % du coût global de la santé.

Aujourd'hui, de plus en plus, quand vous venez avec une nouvelle molécule, vous devez faire la preuve qu'au point de vue pharmaco-économique la molécule amène une valeur, c'est-à-dire que soit elle remplace un traitement plus coûteux ou un traitement qui entraîne peut-être une qualité de vie fortement diminuée. Et, bien que la pharmaco-économie soit une science relativement nouvelle, je pense qu'en Europe, par exemple, on a utilisé des critères de pharmaco-économie depuis pas mal de temps pour établir des prix.

Maintenant, je laisserais peut-être le soin à M. Rosconi de parler un peu plus en détail de ça.

M. Rosconi (Yves): Oui. Merci. M. le ministre, pour répondre à votre première question au niveau des coûts, vous avez dit: Comment pourrait-on faire pour établir des critères pour vraiment justifier l'utilisation des produits nouveaux ou ce que vous appelez vraiment les médicaments nouveaux? En fait, il existe maintenant des facteurs, des... où la science de la pharmaco-économique devient de plus en plus cernée et de plus en plus acceptée. Le Canada a été un pays-pilote et avant-gardiste, je dirais, dans cette science. Je pense qu'aujourd'hui on a à notre disposition des mécanismes pour justifier la justesse coûts-bénéfices des produits, vraiment, que vous appelez nouveaux, dans cet ensemble-là. C'est dans ce cadre-là que non seulement le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, mais aussi les différents examens d'évaluation des technologies de la santé – il y en a un au niveau fédéral, il y en a un au niveau provincial aussi – examinent maintenant la justesse des prix de ces médicaments-là. Alors, pour nous, il commence à y avoir des programmes en place qui nous permettent ou qui permettraient à un payeur public, privé ou mixte de pouvoir évaluer de façon relativement précise la justesse des prix de ces médicaments nouveaux.

Pour ce qui est des médicaments que vous appelez nouveaux mais moins nouveaux, je comprends ce que vous voulez dire; on réfère à ça, nous, comme des «me too», en français, mais qui sont issus d'une recherche qui est bien souvent dispendieuse aussi. Je vais attirer votre attention sur le fait que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a aussi une façon de légiférer dans ces médicaments-là et d'être beaucoup moins généreux sur le prix alloué à l'introduction dans le marché de ces médicaments. Donc, vous pourriez vous attendre à avoir des prix beaucoup plus bas de ce genre de médicaments qui n'ont pas nécessairement une valeur ajoutée, comme le premier groupe que je vous ai mentionné. Donc, en fait, on pense qu'actuellement il y a une disposition de toutes les instances, autant au fédéral qu'au provincial, des outils qu'on pourrait utiliser pour mieux évaluer la justesse des prix.

Par rapport à votre deuxième question, on a... Pour ce qui est des véritables nouveaux produits, ceux que vous avez qualifiés à 15 000 $, 20 000 $ et peut-être plus chers, et il y en a de plus en plus, est-ce qu'on va arrêter, nous, comme payeurs publics? Est-ce qu'on peut se permettre de continuer d'en rembourser? Je vous ferai remarquer que ce n'est pas tous les médicaments qui embarquent sur le marché à 15 000 $, 20 000 $ et 25 000 $. Vous savez, dans le traitement, aujourd'hui, de l'hypertension, on n'a pas un médicament qui coûte 15 000 $ à 20 000 $, à ma connaissance de pharmacien, à ce niveau-là. Par contre, il y a des maladies spécifiques pour lesquelles le nombre de patients auxquels on va faire face dans le monde, au Canada ou dans les autres continents, est très petit. Absorber une recherche d'un médicament nouveau – pour le prendre dans votre sens – très nouveau, sur une petite base de patients, bien sûr, le coût par patient va être beaucoup plus élevé que pour une maladie chronique comme le diabète ou l'hypertension. Alors, je pense que, s'il va y en avoir plus, comme citoyen – je me permets de mettre ce chapeau, j'espère qu'il va y en avoir plus – ça veut dire que, si je suis malheureusement affligé d'une des maladies rares mais coûteuses, je serai au moins soigné dans cette province. Par contre, je peux vous assurer que ce ne sera pas tous les jours qu'on va avoir des médicaments de 15 000 $ à 20 000 $. Et, si c'est 15 000 $ à 20 000 $, j'espère qu'il y aura des études, derrière, qui prouveront qu'il y a une valeur ajoutée à 15 000 $ à 20 000 $, pour le prix qu'on charge. J'espère que ça répond à votre question.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le ministre, ça va? Oui. Maintenant, nous allons passer au critique de l'opposition officielle, le député de Robert-Baldwin. M. le député.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'avoir accepté de vous présenter à une heure que je n'ose même pas qualifier de tardive, elle est très avancée en tout cas. On apprécie votre présence, mais aussi la qualité de vos recommandations. Une qui me plaît particulièrement – et c'est un peu nouveau, là; on a entendu plusieurs groupes, mais c'est la première fois qu'on voit cette suggestion – c'est la mise à jour sur une base continue. Eh bien, vous dites, vous faites la comparaison avec une mise à jour périodique et vous dites qu'il serait inéquitable, pour des patients dans le besoin, de retarder l'accès à de nouveaux médicaments pour des raisons purement administratives. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur cette proposition, l'impact de cette proposition. Est-ce qu'il faut adapter de nouveaux systèmes informatisés? Comment ça devrait fonctionner un peu? Mais je trouve que c'est une recommandation qui mérite, en tout cas, à tout le moins l'attention des députés de cette commission.

La Présidente (Mme Charest): Dr Letarte.

M. Letarte (Jacques): Oui, d'accord. Le problème, c'est que, lorsqu'on se situe, en général, à deux fois par année, dans un processus de réévaluation, on comprend que, techniquement, si on veut taper juillet ou janvier, bien, dans l'exemple, là, ce qui se passe ici, au Québec, il y a un certain nombre de mois pour faire l'évaluation avant de pouvoir procéder, ce qui fait que, lorsqu'on dépasse la date limite pour la soumission des demandes, à ce moment-là, on est remis possiblement, pour la mise en marché, d'un autre six mois, effectivement, sur le formulaire, peut-être même jusqu'à 10 mois – on a 10 ou 12 mois, même, dans certains cas – entre le moment où on a l'avis de conformité et, venant d'Ottawa, la permission de mettre le produit sur le marché.

Alors, c'est la raison pour laquelle on pense que, s'il y a un processus continu, à ce moment-là, il pourrait y avoir, même, des sous-fractions ou des sous-approches, si l'on veut. Un médicament, comme M. le ministre qualifiait des «nouveaux nouveaux», qui serait vraiment un médicament qui aurait une utilité grande, à ce moment-là, pourrait passer par une voie beaucoup plus rapide et avoir un accès... ou la population pourrait y avoir un accès de façon très rapide, étant donné qu'avec l'informatisation ça pourrait être entré dans l'informatique. C'est dans ce sens-là que notre intervention, notre suggestion, ça veut dire laisser la possibilité la plus large possible à la population d'avoir accès à ces nouveaux médicaments.

M. Baumgartner (Aldo): Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

M. Marsan: Sûrement.

M. Baumgartner (Aldo): Sous le système actuel, même si vous n'êtes pas remboursé ou si vous n'êtes pas sur la liste des médicaments, vous avez accès à un nouveau médicament dès qu'il est approuvé par le ministère de la Santé. Vous pouvez être couvert par une couverture privée ou l'acheter «cash». Sous un régime universel, je pense que le régime contrôle l'accès au marché des nouveaux médicaments. Ce ne sera plus aussi facile, disons, pour l'individu d'avoir accès aux nouvelles médications, à moins qu'elles ne soient approuvées sur la liste des médicaments. Donc, je pense qu'avec ce changement des régimes une évaluation continuelle s'impose.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Oui, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Deuxième question. On va parler un peu du comité de revue de l'utilisation optimale des médicaments. Vous faites la suggestion d'avoir un représentant de la population, mais aussi un représentant de l'ACIM. Alors, je voudrais savoir de vous en quoi un représentant de l'ACIM, particulièrement, améliorerait la revue d'utilisation optimale des médicaments.

(23 h 50)

La Présidente (Mme Charest): Dr Letarte, s'il vous plaît.

M. Letarte (Jacques): Merci. Effectivement, les membre de l'ACIM sont les compagnies qui ont généré ces informations, qui ont travaillé depuis des années à développer ces médicaments, à en voir les effets positifs mais également les effets négatifs, à voir les meilleures façons, dans les investigations cliniques, par exemple, de les utiliser, les doses, les rythmes, etc. Alors, on considère que, pour développer l'utilisation optimale, nous avons participé pendant des années à ce genre d'activité là pour des médicaments bien précis. Alors, la façon ou la rationnelle derrière ce développement d'utilisation rationnelle, c'est quelque chose qui fait partie de nos activités régulières. Dans ce sens, on pense, toujours dans l'optique d'une collaboration intense entre l'industrie et les organismes gouvernementaux, que la présence de membres de l'ACIM pourrait, à ce niveau-là, avoir un apport très positif sur l'évaluation par la suite.

Il y a un autre aspect, je pense, qu'il ne faut pas oublier, c'est que, lorsqu'on se sent et qu'on est vraiment partie dans cette activité de développement d'une approche presque idéale, si on veut, mais au moins optimale de l'utilisation du médicament, nous avons aussi une longue expérience dans la transmission de l'information. Le ministre parlait tout à l'heure de... dans la politique du médicament, pour former et informer les professionnels, notre industrie a une longue, longue expérience à l'intérieur de ça et nos membres peuvent facilement servir de courroies de transmission pour ce genre d'information là auprès des professionnels. Donc, c'est, à nouveau, un partenariat qui pourrait être bénéfique, en bout de ligne, pour les professionnels, mais surtout pour les patients.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Maintenant, le député de Johnson.

M. Marsan: Excusez, il y avait un complément d'information.

La Présidente (Mme Charest): Un complément d'information? Oui, allez-y, Dr Rosconi.

M. Rosconi (Yves): Oui. J'ajouterais à mon collègue Letarte que l'industrie ne fait pas seulement de la recherche de produits. Elle les met en marché et arrête sa recherche. On génère beaucoup d'information au niveau de l'utilisation post-mise en marché, qui serait très utile, en fait, dans un contexte de revue d'utilisation. C'est de l'information qui n'est pas nécessairement disponible dans des banques de données qui seraient utilisées pour faire la revue dans un cadre formel, si l'industrie n'était pas impliquée. Deuxièmement, il y a beaucoup d'études pharmaco-économiques qui sont faites à posteriori, après un lancement, qui ne seraient pas nécessairement disponibles. Finalement, en troisième lieu, l'industrie n'est pas une industrie qui est québécoise seulement ou canadienne, mais qui a de l'expérience et de l'expertise internationale sur l'utilisation de son médicament et qui pourrait mettre cette information à contribution pour l'utilisation, au Québec, de ces médicaments. Alors, ce serait se couper d'une richesse d'information à additionner aux autres pour pouvoir en arriver à optimiser l'utilisation de ces médicaments-là.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Maintenant, le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, merci de votre présentation. Très rapidement, j'ai l'impression que mon collègue, ex-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, est très heureux de votre recommandation qu'un représentant du ministère soit sur le CCP. Je suis un petit peu embêté par cette recommandation-là parce que j'imagine que beaucoup de groupes d'intérêts souhaiteraient faire partie du CCP. Je pense qu'il y a des syndicats qui sont venus ici, des groupes communautaires, etc. Ce n'est pas évident, pour moi, que ce serait intéressant que vous soyez là. Par contre, et j'en parlais à notre collègue, le ministre de la Santé, peut-être qu'au niveau de la politique globale du médicament vous pourriez avoir un rôle important à jouer, d'une part. D'autre part – et c'est un commentaire que je fais – j'aimerais ça qu'on fasse un bilan de l'apport de l'industrie pharmaceutique au niveau de la création d'emplois au Québec – vous pourriez nous aider dans ce sens-là – parce qu'on apprend que beaucoup de médicaments sont fabriqués – je parle de fabrication – à l'extérieur du Québec, alors qu'on a l'impression qu'ils le sont ici.

M. Baumgartner (Aldo): Notre industrie représente plus de 6 000 emplois directs au Québec. Ce sont, pour une grande partie, des emplois de haute technologie. Nous représentons un apport économique d'à peu près 2 000 000 000 $ au Québec. En ce qui concerne la production, je pense que toutes les compagnies qui sont autour de cette table, presque toutes, ont des mandats de production globaux, mais je peux vous dire que ma compagnie, Wyeth-Ayerst, est probablement le plus grand exportateur de produits pharmaceutiques du Canada: plus de 160 000 000 $, dans 75 pays différents. Nous avons des mandats globaux de recherche aussi, dans nos sociétés. Donc, nos activités dépassent les frontières québécoises. Je dirai aussi que notre industrie, au Canada, a investi, l'année dernière, plus de 600 000 000 $ en recherche et développement, dont à peu près 27 % en recherche fondamentale – donc, ce n'est pas seulement de la recherche appliquée – que presque la moitié de cet investissement se fait au Québec. Donc, les investissements en recherche et développement au Québec sont deux fois plus élevés, par tête, par habitant, qu'en Ontario. Donc, je pense que nous apportons quelque chose d'important à cette province. Et M. le ministre a parlé de partenariat. Je dois souligner que, oui, nous avons eu un partenariat étroit avec plusieurs gouvernements québécois. Si je faisais allusion aux deux ans, c'est pour un programme très ciblé, et c'est l'information au public. Mais nous avons eu un partenariat, et je pense que les résultats sont un reflet de ce partenariat.

La Présidente (Mme Charest): Merci.

M. Dugal (Robert): J'aimerais apporter un complément de réponse.

La Présidente (Mme Charest): Oui.

M. Dugal (Robert): Quand nous avons organisé la visite avec la commission parlementaire dans nos usines, j'ai été même fortement impressionné, à savoir que, chez Wyeth-Ayerst, on faisait 3 000 000 000 de comprimés par année, exportés dans 65 pays à travers le monde, que Merck Frosst avait un mandat mondial et que HMR aussi travaillait très fort pour avoir un mandat mondial, et nous faisons aussi, tout de même, 50 000 000 de comprimés par année, exportés aussi.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Dugal. Si vous permettez, avec l'autorisation de l'opposition, nous permettrions au député de Prévost d'intervenir. Merci, M. le député. Alors, le député de Prévost, s'il vous plaît.

M. Paillé: Oui.

La Présidente (Mme Charest): ...complémentaire au député de Johnson.

M. Paillé: J'allais dire que, si j'étais membre de la commission puis si j'avais le droit de parole, je pourrais dire aux gens que j'appuie leur première recommandation. Parce qu'il y a eu effectivement une bonne complicité entre les gens d'ici et avec le ministre. Je veux juste indiquer aux gens de l'industrie que je continue, même après janvier 1996, d'avoir de bonnes discussions avec mon collègue de Charlesbourg et toujours ministre de la Santé et des Services sociaux.

J'aurais peut-être juste une question, sur l'importance de voir un médicament inscrit à la liste. Puis, là, vous dites qu'il faut réviser la liste de façon permanente. Est-ce que tout l'ensemble du projet de loi et, donc, de l'accès total augmente cette importance-là d'avoir un médicament sur la liste? Parce que, si tu n'es pas sur la liste, tu es mort, sans jeu de mots. Mais, à 23 h 55, on peut... Est-ce que ce n'est pas l'avis général?

M. Baumgartner (Aldo): Je passerais peut-être la parole à M. Jean-Luc Blais, c'est sûr.

M. Blais (Jean-Luc): En fait, historiquement, le fait d'être inscrit à la liste des médicaments, c'est très important pour l'accès au marché québécois, parce qu'on sait que les médecins, en général, réfèrent à cette liste-là comme étant leur liste de travail. Dans un marché mixte où, quand ce n'est pas disponible sur la liste, quand même les assureurs privés vont rembourser, prendre un peu la différence, c'est un demi-mal. Dans le cas présent, avec un régime universel, c'est vraiment l'accès total au marché québécois qui est entre les mains du Conseil consultatif de pharmacologie. À notre avis, c'est un pouvoir qui est énorme et qui a des impacts économiques qui peuvent être très, très importants sur l'industrie et aussi sur la pratique médicale.

(minuit)

Il y a eu un sondage la semaine dernière – puis je vous le mentionne pour que vous réalisiez peut-être l'impact potentiel d'une seule liste de médicaments – qui a été conduit par la firme Mercer auprès d'environ 200 employeurs dans le cadre de deux réunions séparées. On leur a demandé, dans le cadre d'un régime universel, s'ils auraient tendance à se désengager ou à utiliser la liste du gouvernement. Près des deux tiers des employeurs ont manifesté leur intention ou, en tout cas, leur désir d'évaluer cette possibilité-là. Vous comprendrez que, pour des fabricants et des découvreurs comme nous, ça nous inquiète énormément de voir le marché dans lequel on fait affaire et où on a un partenariat qui est fort intéressant risquer de devenir contrôlé par un seul comité. Le ministre a parlé d'une politique du médicament. C'est la première fois qu'on en entend parler et, dans le cadre de cette commission-ci, on nous demande notre opinion sur la loi n° 33. Et, effectivement, ça soulève beaucoup d'inquiétudes dans ce cadre-là, et c'est pourquoi on demande qu'il y ait quelqu'un de l'Industrie et du Commerce, et non pas quelqu'un de l'ACIM, au niveau du Conseil consultatif.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Blais. Maintenant, le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'ai trouvé la question du député de Prévost intéressante, et je pense que je vais continuer dans cette direction. Et j'en suis aussi; ce n'était pas surprenant, j'ai vu sa figure quand ils ont lu pour la première fois leur recommandation sur la représentation du MICT sur le CCP, et c'était assez clair qu'il était à 100 % d'accord avec ça, et j'ai trouvé ça aussi intéressant. Ce soir, encore une fois, le ministre de la Santé et des Services sociaux a démontré l'efficacité du système canadien quand il a parlé du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Ça, c'est un autre exemple du partnership, ensemble, entre le Québec et le reste du Canada.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Mais je n'insiste pas sur ça ce soir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Pas ce soir, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Actuellement, c'est intéressant que nous soyons ici à minuit avec l'ACIM, parce que vous êtes une partie de la raison pour laquelle nous sommes ici, en étudiant un programme, un régime d'assurance-médicaments, parce que vous êtes en train de présenter un dilemme assez intéressant à la société québécoise: d'avoir des produits de haute excellence, de haute qualité, mais qui sont chers, c'est en train de changer notre façon de faire de notre système de santé et de services sociaux.

J'ai deux courtes questions, parce qu'il commence à être tard, mais ma première question, c'est un peu dans la même direction que le député de Prévost. C'est bien beau de parler de toute l'accessibilité, d'être égal, d'équité, et tout ça, mais, si un médicament n'est pas sur la liste, comme maintenant le riluzole et aussi le Betaseron, le programme n'est bon à rien. Le ministre peut faire tous ses bons discours, il peut dire qu'il est un ministre fantastique, mais là vous êtes faits. Avec ça, je présume – je ne veux pas mettre les mots dans la bouche de l'ACIM – que vous allez insister pour voir la liste telle qu'amendée avant qu'on adopte le projet de loi n° 33. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que vous voulez voir la liste amendée avant qu'on accepte le projet de loi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baumgartner (Aldo): Certainement. Si on en a l'occasion, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Mais il me semble que certainement, parce que, là, sans faire de blague, il me semble que nous sommes en train de changer le système. Et je pense que M. Rosconi, ou peut-être M. Blais, a parlé du pouvoir du CCP. Nous sommes en train de changer notre système, et je pense, il me semble, que, un, on doit assurer que nous avons bel et bien établi la liste que nous sommes en train de discuter, mais aussi peut-être que ça prendrait un changement plus radical que vous avez recommandé au CCP. On doit s'assurer qu'il y a certainement transparence et aussi une bonne équité et assurance que nous allons avoir une bonne discussion et un bon critère pourquoi les médicaments sont listés. C'est pourquoi j'ai demandé, et je vais continuer d'insister, que nous ayons une copie de cette liste amendée avant d'adopter le projet de loi.

Ma deuxième question est sur le copaiement. Maintenant, le ministre veut passer une loi qui oblige à un copaiement de 25 %, une franchise et une prime, et tout ça. Mais le concept de copaiement jusqu'à 25 %, je voudrais avoir vos commentaires sur l'impact de ce système de copaiement sur votre philosophie de l'utilisation optimale. Vous avez mis beaucoup d'importance, et je voudrais vous féliciter pour ça, sur le concept d'utilisation optimale. Je voudrais avoir vos commentaires sur l'impact du copaiement sur l'utilisation optimale, parce que nous avons parlé des problèmes d'admission: 15 % de nos admissions dans nos hôpitaux sont à cause de mauvaises utilisations. C'est quoi, l'impact sur ça avec le copaiement de 25 %?

M. Rosconi (Yves): Je vais répondre à cette question. En fait, il y a plusieurs modèles internationaux qui ont analysé l'impact de copaiement, de franchise et de plafond sur l'utilisation des médicaments. Et je ne peux pas vous dire exactement quel va être l'impact d'une coassurance de 25 %. J'aurais espéré que, dans un projet de loi comme celui-là, on aurait évalué l'impact précis, parce qu'il est réel. Il y a eu, dans certains pays, un effet pervers d'une coassurance élevée sur l'utilisation, en particulier sur les médications chroniques. En particulier l'hypertension, qui est une maladie asymtomatique pour laquelle on commence à prendre des médicaments relativement jeune dans sa vie quand on est déclaré hypertensif, et, finalement, à cause d'un copaiement qui serait assez élevé, ça pourrait être un désincitatif à une personne qui souffre d'une maladie asymptomatique. Elle commence à prendre des médicaments, peut avoir même des effets secondaires et peut arrêter, finalement, sa thérapie à cause de ces coûts-là. Je ne pourrais pas dire si ce 25 % va créer de gros problèmes d'utilisation inappropriée ou d'effets pervers; on l'a vu dans certains pays qui ont été analysés, d'ailleurs, qui ont fait l'objet de nos recommandations au comité Castonguay. C'est le drapeau qu'on avait levé: Faites attention, quand vous allez fixer vos copaiements, de faire en sorte que vous ne favorisiez pas d'effets pervers dans votre système.

Alors, M. Williams, je ne peux pas vous dire exactement. Moi, je soupçonne qu'on va en avoir, des effets pervers. Je ne peux pas vous dire quelle va être l'ampleur de ces effets pervers, mais je peux vous dire où ils vont être. Ils vont être au niveau, surtout, des thérapies chroniques. C'est surtout là-dessus qu'on va les voir.

La Présidente (Mme Charest): ...député de Nelligan. Il est 0 h 3. Compte tenu que nous avons dépassé l'heure, ça me prend l'autorisation des deux parties pour poursuivre pour encore quelques minutes. Alors, ça va? Alors, allez-y, M. le député de Nelligan. Consentement accordé, alors, c'est bien.

M. Williams: Vous ne faites pas ça juste pour moi, M. le député de Prévost...

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Nelligan, nous avons le consentement. Vous pouvez y aller.

M. Williams: Très brièvement. Je voudrais continuer sur cette même piste de questions. Vous avez, si j'ai bien compris, sonné les cloches pendant votre échange avec le ministre, pendant le comité Castonguay, sur les problèmes de copaiement. Selon vous, maintenant, vous savez que le copaiement peut aller jusqu'à 750 $, plus les 200 $ de prime, ça peut aller à presque 1 000 $, particulièrement pour les personnes âgées qui ont eu leurs médicaments gratuits ou pour 100 $ maximum jusqu'à maintenant. Selon vous – parce que c'est vous qui avez dit que vous avez eu les problèmes au début avec ce concept – et votre expérience vaste que vous avez mentionnée, est-ce que vous pensez que ce copaiement est trop élevé dans le programme proposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux?

M. Rosconi (Yves): Je ne peux pas répondre à cette question-là, je ne suis pas un expert. Tout ce que j'ai fait, je vous citais des études qui ont été faites. Et je ne suis vraiment pas l'expert pour vous dire si le plafond qui est actuellement fixé est un plafond raisonnable. Je ne peux pas vous dire ça, je n'ai pas l'expertise pour vous dire une chose comme celle-là.

M. Baumgartner (Aldo): Je pense qu'il est important, dans ce contexte, d'éduquer le patient à être fidèle au traitement qui lui est prescrit. Et c'est ça, la clé, n'est-ce pas, finalement. Nous pensons que le principe de paiement direct n'est pas un mauvais principe, et de faire partager le fardeau à tous ceux qui peuvent se le permettre... Et je pense que vous avez deux moyens de le faire, c'est par les taxes ou par, justement, les paiements directs. Mais ce qui est essentiel dans ce système, c'est de mettre sur pied un programme d'information et d'éducation du patient. Et là on peut peut-être éviter, justement, des catastrophes dues à une non-utilisation des médicaments. En fait, des études qui ont récemment été publiées aux universités de Toronto et de Guelph montrent que l'utilisation à mauvais escient des médicaments ou la non-utilisation des médicaments coûte 7 500 000 000 $ à l'économie canadienne. Et des études similaires ont été faites aux États-Unis, qui résultent à des chiffres de 200 000 000 $. Donc, l'éducation du patient est très importante, et je pense que des guides thérapeutiques pour les prescripteurs, des revues d'utilisation sont importants.

(0 h 10)

M. Williams: Si vous avez 70 ans et que vous n'avez pas les moyens de payer, toute l'éducation dans le monde ne changera pas ce problème. Et j'ai peur qu'avec une franchise aussi élevée que ça, un copaiement aussi élevé que ça, nous allons causer des problèmes d'utilisation des médicaments. Mais nous allons certainement continuer ce débat plus tard. Merci beaucoup pour vos commentaires.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour une dernière intervention, une courte intervention, de courtes réponses.

M. Rochon: Un court commentaire et une courte question, Mme la Présidente. On a parlé beaucoup de l'impact et des paramètres d'un programme comme la coassurance. Moi, la littérature que j'ai vue là-dessus, l'information qu'on m'a donnée, c'est que les paramètres à la hauteur qu'on propose dans des régimes semblables ont voulu dire une diminution de l'utilisation du médicament qui a varié de l'ordre de 5 % à 15 %. Il faudrait vérifier avec vos sources.

Et c'est un peu en contrepoids avec d'autres études qui nous montrent... Il y a une étude qui a été faite à Winnipeg récemment qui montrait qu'il y avait 19 % des personnes sous médication qui étaient admises en centre hospitalier pour des problèmes causés par la médication ou une mauvaise façon de prendre la médication. On a une autre étude, aux États-Unis, qui a montré – et une au Québec aussi – que les admissions dans les urgences et les consultations externes sont de l'ordre de 15 % à 20 % pour des raisons reliées à la mauvaise utilisation des médications. De ce 15 % à 20 %, il y a un 15 % qui est hospitalisé pour le problème. En 1995, en Colombie-Britannique, on a fait une étude où on a compté 10 000 hospitalisations causées par une mauvaise utilisation du médicament, dont 90 se sont terminées par un décès.

Alors, il s'agit que le programme soit bien géré pour que la diminution de 5 % à 15 % comprenne, au moins pour une partie, les gens qui, en diminuant leurs médicaments et en les prenant mieux, évitent aussi des problèmes de santé. Ça, je pense que ça fait partie aussi des études de pharmaco-économie pour voir les effets globaux et totaux de la bonne utilisation du médicament.

Ma question. On a parlé aussi beaucoup de la liste, qui devient très importante dans un système comme ça. Présentement, on a une expérience de 25 ans et on a une liste qui est révisée deux fois par année, aux six mois. On me dit que, pour pouvoir réviser la liste aux six mois, avec le processus que ça veut dire, c'est à peu près un système de révision continuel de la liste qu'on a. Est-ce que c'est à peu près suffisant, ou vous souhaiteriez qu'elle soit révisée... À quel rythme par année, si deux fois par année, aux six mois, ce n'est pas assez? Est-ce qu'on a des expériences ailleurs où on réussit à faire mieux? Si c'est le cas, on va essayer de compétitionner ces expériences-là.

Finalement, j'ai bien compris, ou j'espère ne pas avoir compris, à la suite de l'échange qu'on a fait, que l'expérience qu'on a... On a une liste actuellement en place qui est le produit de ce qu'on fait depuis 25 ans. Je ne pense pas que quelqu'un suggère qu'on va devoir négocier une liste avant d'introduire un régime. Vous avez bien dit qu'un autre ministère pourrait être là-dessus, mais on ne veut pas faire du CCP une table de négociation de la liste avant d'introduire un régime. J'espère que j'ai bien compris ça.

La Présidente (Mme Charest): Dr Letarte.

M. Letarte (Jacques): Notre commentaire au sujet de la révision, au lieu d'être deux fois par année... probablement que notre terminologie n'est peut-être pas tout à fait juste. On ne veut pas dire que la révision ne se fait pas à un rythme suffisamment rapide ou de façon aussi intense qu'on le désirerait, ou d'une qualité qui est limitée. Bien au contraire, on reconnaît la haute qualité du travail qui est fait.

Ce que l'on croit, c'est qu'il y aurait possibilité, dans des circonstances plus spécifiques, d'émettre des suppléments. On en donne un exemple, l'Ontario le fait. Par exemple, ils ont un processus continu, ils n'ont pas une publication à date fixe – d'ailleurs, on vient de le voir récemment. Par ailleurs, s'il y a des besoins spécifiques, des suppléments peuvent être émis à presque quelque période que ce soit au cours de l'année. Et c'est un peu dans ce sens-là qu'on dit, dans le sens que la population devrait avoir accès à des médicaments, disons, comme de pointe, par exemple, ou aux «nouveaux nouveaux», sans avoir besoin d'attendre le 1er janvier ou le 1er juillet. C'est le sens de notre intervention.

M. Rochon: Bon. Je peux vous rassurer tout de suite là-dessus, parce qu'on a ce mécanisme-là. Il y a quelques mois, un mois ou deux, entre des révisions, on a rajouté le 3TC sur la liste, compte tenu de l'évolution et de la recommandation que j'ai reçue du Conseil consultatif de pharmacologie. Et on a depuis longtemps, vous le savez, j'en suis sûr, la mécanique du patient d'exception. Si, pour un ou quelques patients, il y a vraiment une situation particulière, on peut classer un patient patient d'exception et donner un accès à la liste. Encore là, on est ouvert à toute amélioration, mais je voudrais bien savoir qu'est-ce qu'il faut améliorer, parce qu'il y a un vieux proverbe qui dit: Quand ce n'est pas brisé, il ne faudrait pas commencer à réparer.

M. Letarte (Jacques): J'ai vu une philosophie différente récemment, M. le ministre, mais... il faut le casser si ce n'est pas brisé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Letarte (Jacques): Mais, effectivement, nos commentaires vont en fonction du projet de loi, et il me semble que je l'ai lu comme il faut et, dans le projet de loi, on ne prévoyait pas d'aller vers, justement, des addendums ou des choses du genre. Peut-être que je l'ai mal lu, mais ça ne m'est pas apparu évident qu'il y avait d'autres choses que la double publication, la publication à date fixe.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Letarte. Maintenant, nous allons passer aux conclusions. Alors, je demanderais au représentant de l'opposition officielle, le député de Robert-Baldwin, s'il vous plaît.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente, et merci à vous pour nous avoir transmis des réflexions extrêmement pertinentes et un mémoire avec lequel nous allons continuer de travailler, particulièrement quand nous étudierons le projet de loi article par article. Vous innovez, vous nous faites des suggestions importantes, et on voudrait aussi, en terminant, vous remercier bien sincèrement pour la contribution que le secteur pharmaceutique apporte au développement et aux investissements de l'économie du Québec. Alors, encore une fois, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, c'est au tour du ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Merci, madame. Considérant l'heure, on va être bref. Je vais simplement vous dire que, sur la base de tout ce qu'on a tenté ensemble depuis un an pour trouver des moyens de mieux gérer le médicament dans le cadre des ressources qu'on peut avoir au Québec, j'ai apprécié votre collaboration, et je peux vous assurer qu'on va continuer à procéder dans un esprit de partenariat avec l'ACIM et l'industrie pharmaceutique.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Et, au non des membres de la commission, je voudrais remercier l'Association canadienne de l'industrie du médicament pour sa participation à nos travaux. Et, donc, je déclare l'ajournement de nos travaux au 5 juin 1996, après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 11 heures ce matin. Bonne fin de soirée. Merci.

(Fin de la séance à 0 h 17)


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