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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, April 9, 2009 - Vol. 41 N° 10

Consultations particulières sur le phénomène de l'itinérance au Québec


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Table des matières

Auditions

Remarques finales

Autres intervenants

 
M. Gerry Sklavounos
Mme Maryse Gaudreault
M. Nicolas Girard
M. Éric Caire
Mme Stéphanie Vallée
M. Camil Bouchard
* Mme Louise Massicotte, ASSS-Montréal
* Mme Édith Cloutier, RCAAQ
* Mme Josée Goulet, idem
* M. Marcellin Hudon, AGRTQ
* M. Alain Marcoux, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 
Note de l'éditeur:
La commission a aussi tenu des consultations particulières sur ce même sujet au cours de la première session de la Trente-huitième Législature. Ces séances se sont déroulées du lundi 28 septembre au mardi 4 novembre 2008. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!

Je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales, donc je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission: la commission est réunie afin de compléter des consultations particulières et auditions publiques commencées en automne 2008 dans le cadre d'un mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance au Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Vallée (Gatineau) remplace M. Chevarie, des Îles-de-la-Madeleine; Mme Gaudreault (Hull) remplace Mme Gonthier (Mégantic-Compton); Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace Mme Lapointe (Crémazie); et M. Lemay (Sainte-Marie?Saint-Jacques) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Kelley): Bienvenue à ces personnes qui ont fait la commission à l'automne, surtout je pense à mes collègues de Hull, de Gatineau, de Sainte-Marie?Saint-Jacques et de Gouin, qui ont participé activement à l'automne passé. C'était vraiment, dans mes 15 ans comme parlementaire, une des expériences les plus enrichissantes, le fait d'être capable d'aller à Montréal trois, quatre jours, d'aller à Gatineau, à Trois-Rivières. C'était vraiment une occasion privilégiée pour les membres de la commission pour aller sur place, de rencontrer les citoyens, les travailleurs de première ligne qui travaillent dans le domaine de l'itinérance.

n (9 h 40) n

Un des premiers témoins, le premier jour, à Montréal était l'Agence de santé et des services sociaux de Montréal, et, à la fin de nos délibérations, il restait quelques questions qu'on voulait poser.

Auditions

Alors, nous avons avec nous Mme Louise Massicotte, qui est la directrice générale adjointe. On sait qu'elle est secondée dans ses efforts par Mme Leduc, qui malheureusement avait un décès dans sa famille, alors on comprend et on veut exprimer à la famille Leduc nos condoléances pour cet événement. Mais Mme Massicotte est ici pour revenir sur certaines des questions qui ont été soulevées à ce moment puis, après ça, répondre aux questions des parlementaires. Alors, sans plus tarder, Mme Louise Massicotte, la parole est à vous.

Agence de la santé et des services
sociaux de Montréal (ASSS-Montréal) (suite)

Mme Massicotte (Louise): Alors, effectivement, lors de la présentation, les gens n'avaient pas pu aller au bout de leurs questions. Et puis, d'autre part, vous aviez soumis des questionnements pour lesquels vous souhaitiez peut-être avoir des réponses complémentaires. Je dirais d'entrée de jeu que, Mme Leduc n'étant pas avec moi, je n'ai pas la prétention de pouvoir répondre aux détails fins de certains projets, mais soyez assurés qu'on est tout à fait disposés, dans la semaine qui suit, à vous envoyer toute information complémentaire à laquelle je n'aurais pas répondu ainsi qu'à vous envoyer... On a fait une annexe à notre présentation de la dernière fois, qui voulait, en quatre volets, reprendre essentiellement des questions que vous aviez soulevées, particulièrement concernant les modes de financement, le financement des organismes communautaires, l'aperçu des engagements de l'agence de Montréal d'une façon un peu plus détaillée.

Alors, je pourrais peut-être répondre à vos questions et prendre l'engagement de déposer l'annexe dans la semaine qui suit, en y incorporant des questions qui viendraient aujourd'hui s'ajouter. Alors, je souhaiterais peut-être procéder comme ça, à moins que ce que vous préfériez, c'est que j'annonce des réponses à des questions que vous aviez posées dès maintenant.

Le Président (M. Kelley): Si vous avez quelques réponses à fournir dès maintenant, peut-être c'est plus intéressant de commencer comme ça, puis après ça nous allons retourner sur certaines des thématiques. Il y a plusieurs qui viennent à l'esprit, mais peut-être, si vous avez des éléments de réponse dès maintenant, ça va être plus facile de procéder comme ça.

Mme Massicotte (Louise): Bien, c'est clair que l'autre fois, ce qu'on disait, c'est qu'on était très favorables à une participation intersectorielle et à une concertation de tous les agents du milieu. Et on faisait la référence à notre participation au comité de liaison sur l'itinérance et notre participation au comité d'orientation et de vigie, et vous nous aviez dit: Qu'est-ce que... Le fait d'y participer, de promouvoir la concertation, pour nous, ce n'est pas assez précis sur les résultats que ça peut donner.

Donc, je ferais peut-être valoir à votre intention que cette concertation-là a mené à des projets majeurs, importants à Montréal, notamment le soutien communautaire au logement social, où on a investi, dans les dernières années, 2,1 millions, 250 000 $ dans la dernière année. Et, dans le fond, ça nous a permis d'être très actifs à ce niveau-là et de vouloir continuer, dans nos recommandations, de l'être, parce qu'on reconnaît que le soutien communautaire au logement social, c'est probablement une des modalités d'intervenir qui est la plus intéressante et qui agit vraiment de façon très significative, là, au niveau de l'itinérance.

D'autre part, on a développé des services de santé en milieu carcéral, un projet de services de santé en milieu carcéral où effectivement, quand les gens sortent de détention, il y a un lien qui est fait avec le CSSS pour que les personnes ne se retrouvent pas sans soutien pour recommencer leurs démarches dans la société.

On a un projet d'insertion des jeunes qui quittent, aussi, le milieu des centres jeunesse. Alors, avec les deux centres jeunesse, un projet pour les jeunes de 16 ans et plus, lorsqu'ils quittent, pour ne pas qu'ils soient laissés à eux-mêmes, sans services complémentaires. Donc, référence et accueil vers des CSSS, donc organiser le modèle pour ces jeunes-là, et avec déjà le constat que ce serait plus intéressant d'intervenir déjà à partir de l'âge de 14 ans.

Le centre de répit et de décompression, on avait dit que, pour la période des fêtes, dans les périodes de grand froid, il y avait une pertinence de développer ce service-là. C'est un service qui a été développé, qui a rencontré quelques difficultés de démarrage, mais c'était la première année. Et déjà on fait un bilan pour voir comment on va pouvoir dorénavant l'envisager, le programme de répit-décompression, sur une période de 12 mois. Cet hiver, ça signifiait qu'on mettait 300 000 $ pour ce programme-là, avec 30 000 $ de frais de démarrage. Mais ça s'est fait dans un milieu qui... avec Old Brewery, mais finalement il y a certainement lieu de réfléchir un peu plus à un autre milieu pour offrir le service, mais le constat est à l'effet que c'est un service qui est pertinent.

Si je veux vous laisser du temps... Parce que je vois les gens me faire des signes. C'est sûr que toute la coordination du programme IPLI, IPAC qui est devenu IPLI, est quelque chose de très, très, très important pour nous. On l'avait fait valoir l'autre fois: depuis 2001 jusqu'en 2007, il y avait eu plus de 60 millions d'investis à Montréal dans ce cadre-là; en 2007-2008 et 2008-2009, 15 millions. Et pour les deux prochaines années est annoncé un 15 millions supplémentaire, pour lequel il y a déjà eu des études de projets qui ont été faites dernièrement, et ça va permettre, le 15 millions additionnel, la poursuite de 58 projets qui offraient déjà des services directs à la clientèle, mais aussi de mettre 9,6 millions pour 57 nouveaux projets parmi 103 projets que nous avons reçus.

Donc, si vous me posez la question: Est-ce que ça, c'est une activité intéressante?, elle est plus qu'intéressante, elle est pertinente. On est contents de ça, on est contents des démarches qu'on a faites avec nos partenaires pour retenir ces nouveaux projets là. Et je prends la peine de vous dire qu'effectivement nous en avons retenu 57 nouveaux sur 103. Donc, évidemment, dans nos recommandations, c'est clair que c'est intéressant, à chaque fois qu'on est capables de mettre de l'argent supplémentaire à ce niveau-là, de pouvoir le faire, parce que le milieu est prêt à répondre et à soumettre des projets qui sont immédiatement intéressants.

On a développé aussi, en 2008, le Tribunal de santé mentale avec la ville de Montréal, et ça s'avère, après une année presque maintenant, être très intéressant. On fait un bilan extrêmement positif de ça.

Si je reviens sur le financement rapidement, je ne me rappelle pas lequel d'entre vous m'avait posé la question sur... L'enveloppe de subvention des organismes communautaires à Montréal, globalement, dans tous les programmes clientèles, est de 82 millions. Il y a 21 millions, à travers le 82 millions, qui va à la population itinérante à travers les différents programmes. Donc, c'est 25 % du programme des organismes communautaires qui est déjà consenti aux personnes démunies, itinérantes, et autres. Alors, je pourrai... Dans le document que vous je vous enverrai, vous aurez le détail de tous les organismes qui sont subventionnés à l'intérieur du programme SOC. On a des gens aussi qui ne sont pas dans le programme SOC, et au total, dans la dernière année, c'est 24 millions qui ont été investis dans le domaine de l'itinérance à Montréal.

Je dirais que, pour les autres éléments, ça avait plus trait à nos recommandations. Je pourrai peut-être y revenir dans le cadre de vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Massicotte. On va procéder maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Il nous reste environ 40... on va dire 44 minutes, alors 22 minutes des deux côtés de la table.

Peut-être, moi, je vais poser la première question. Parce que vous avez évoqué la coordination, un comité de liaison, mais un des constats, c'est: Est-ce que la main gauche sait toujours qu'est-ce que la main droite est en train de faire? Quand le ministre... le sous-ministre de la Sécurité publique est venu, vraiment, les sorties de prison, je pense, souvent on donne le numéro de téléphone et l'adresse de La Maison du Père. Est-ce que ça, c'est le meilleur qu'on peut envisager ou est-ce qu'il y a une autre façon? Les sorties des centres de la jeunesse, je pense qu'il y avait M. Hotte qui est venu ici pour témoigner.

n (9 h 50) n

Parce que ça fait partie d'un ensemble des interventions gouvernementales. Est-ce que la coordination entre les ministères est au rendez-vous? Et, si on peut améliorer les choses, qui doit prendre le «lead» dans tout ça? Parce que ça, c'est un autre débat que nous avons eu. Le sous-ministre de l'Emploi et la Solidarité sociale est venu témoigner devant la commission. Il y avait le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, il y avait la Société d'habitation du Québec. Il y a beaucoup d'acteurs dans le domaine, et chacun a ses représentants sur l'île de Montréal, dans votre région, et je pense qu'un des souhaits est qu'il y ait des améliorations potentielles pour le gouvernement à l'intérieur de ces acteurs, en premier lieu. Après ça, il y a tous les acteurs municipaux et d'autres partenaires dans le domaine. Mais on cherche de comprendre: Est-ce qu'on fait le maximum au niveau de la coordination de l'intervention gouvernementale ou est-ce qu'il y a des choses qu'on peut améliorer? Et, si oui, comment?

Mme Massicotte (Louise): Je dirais que... J'irai d'une réponse globale, là. Effectivement, je dirais que chacun des secteurs doit faire de la coordination dans son propre secteur, ce qui est déjà un défi en soi. Qu'on pense aux centres de santé avec les centres jeunesse, aux centres de santé avec les hôpitaux, avec les hôpitaux psychiatriques, qu'on pense les établissements avec les organismes communautaires subventionnés par le réseau de la santé. Alors, je veux dire, il y a énormément de coordination à faire dans nos propres réseaux.

Mais vous avez raison de dire que ce n'est pas suffisant de se coordonner entre nous, il faut aussi se coordonner avec nos partenaires, parce que les personnes que l'on rejoint et que l'on dessert sont des personnes qui ont des besoins multiples et pas juste des besoins de santé ou pas juste des problèmes d'employabilité. Et je dirais qu'il y a de plus en plus d'initiatives intersectorielles ou interministérielles, et on voit que ça donne des résultats, et que là où on avance le plus vite, c'est quand on est le mieux coordonnés.

L'exemple du Tribunal de santé mentale est quelque chose d'intéressant à cet égard, l'exemple en milieu carcéral est quelque chose d'intéressant à cet égard aussi, parce que la réalité des uns n'est pas la réalité des autres. Et, quand on met en commun nos offres de services respectives, ça nous fait voir les difficultés d'arrimage entre les services, et on est gagnant à le faire de plus en plus. Et effectivement je suis tout à fait d'accord avec vous qu'on a tout à gagner à mieux se concerter, intersectoriel et interministériel.

Le Président (M. Kelley): Parce que... Je ne veux pas voler tout le temps de mes collègues à ma droite, mais je pense, en premier lieu, le dossier de logement, on sait qu'il y a un élément de logement, mais c'est beaucoup plus complexe que juste donner des clés à une chambre ou un appartement à un individu qui a pris la décision de sortir de l'itinérance. Alors, à la fois les offices municipaux d'habitation, la Société d'habitation du Québec sont interpellés, mais ça prend un soutien chez vous, de l'agence, au niveau d'un certain accompagnement, encadrement pour aider la personne. Emploi et Solidarité sociale est interpellé aussi pour les mesures peut-être un petit peu plus tard dans le processus de réinsertion sociale, et on cherche les moyens de comment coordonner ça.

Moi, la pire chose qui arrive dans mon bureau de comté, c'est quelqu'un qui a un dossier qui tombe entre deux ministères. Peu importe le sujet, dès que deux ou trois ministères sont impliqués, c'est complexe, c'est un casse-tête. Et maintenant on parle des milliers de personnes à Montréal qui vivent dans une très grande détresse, et je cherche qui doit être le patron, qui doit être la personne qui a la responsabilité de coordonner ces efforts. On a jonglé avec beaucoup de modèles. Est-ce qu'il faut un secrétariat? Est-ce qu'il faut un autre? Moi, je ne sais pas, j'ai toujours une certaine allergie de créer encore une autre structure quand c'est déjà difficile de coordonner les structures existantes.

Mais je sais que c'est un défi de taille et je comprends fort bien: dans l'univers de santé et services sociaux à Montréal, vous avez à composer avec les salles d'urgence, le défi de recrutement des infirmières et mille et un autres sujets, et dans cet univers tombe la question de l'itinérance et le soutien qu'il faut donner. Beaucoup des éléments dépassent de beaucoup les responsabilités de l'agence, mais c'est un petit peu comment assurer une meilleure coordination de tout ça.

Mme Massicotte (Louise): Moi, je vous dirais que les expériences les plus positives que l'on ait et notre... que ce soit à l'intérieur de notre réseau ou avec nos partenaires, ce sont les modèles de coprésidence. Je trouve que de créer des structures additionnelles rend difficile la place qu'occupe cette structure-là par rapport à toutes les structures existantes, mais de reconnaître la contribution de chacun et d'obliger les gens, dans un mandat de coprésidence, à travailler sur certains éléments précis m'apparaît être plus prometteur que la création de nouvelles structures.

Et je prendrais... Par analogie, je dirais que, quand on fait la transformation en perte d'autonomie actuellement sur l'île de Montréal, le fait de travailler en coprésidence avec des responsables d'établissement, des responsables de l'agence, des responsables d'hôpitaux, ça fait en sorte que chacun est responsable du résultat global, incluant sa propre partie, mais tout le monde se sent responsable du résultat global. Alors, c'est ma façon de concevoir la concertation.

Le Président (M. Kelley): Et, coprésidence, vous envisagez qui comme coprésidents? Si je veux mettre en place une meilleure coordination de nos efforts dans le domaine de l'itinérance sur l'île de Montréal, qui sont vos coprésidents?

Mme Massicotte (Louise): Je dirais qu'actuellement, quand on pense au comité de vigie, par exemple, qui existe, c'est un comité où il y a une coprésidence. Alors, il faut peut-être se poser la question: Est-ce que tous les partenaires sont là? Est-ce que tous les partenaires qui sont là reconnaissent que ceux qui sont mandatés à assurer le suivi du dossier sont les bons coprésidents?

C'est une... Ce n'est pas... À partir du moment où les gens sont déterminés à produire un résultat, les gens généralement sont aussi consentants à ce que le mandat soit clair, les livrables soient clairs, les délais soient clairs, sont généralement consentants à être imputables du résultat. Puis, à partir... Évidemment, ils vont faire... ils vont rendre des comptes dans les limites de ce qu'ils ont eu comme moyens pour le faire, mais minimalement les gens vont rendre des comptes. Alors, moi, je trouve que c'est un modèle à privilégier.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Massicotte. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui, vos commentaires.

J'ai deux questions pour vous. Je vais commencer par la question de la judiciarisation. Je sais qu'il y a eu des différentes mesures qui ont été mises en place pour justement éviter que les personnes qui sont itinérantes ou en situation difficile de ce genre-là soient incarcérées pour des constats d'infraction pour des règlements municipaux. Il y a différentes procédures qui ont été mises en place pour que l'incarcération soit éliminée de la panoplie des mesures répressives qui existent afin de régler ce type de dossier.

Vous parlez... Vous mentionnez qu'il faudrait privilégier des initiatives telles que le Tribunal de santé mentale. J'aimerais vous entendre un petit peu sur cette question-là. J'ai une expérience d'avoir pratiqué le droit criminel, surtout à la cour municipale de Montréal qui traite un grand nombre de ces dossiers-là, où il y a beaucoup de cette clientèle ou de ces justiciables qui proviennent du milieu de l'itinérance, avec des dépendances de drogues, des problèmes de santé mentale dont vous évoquez. Il y a une certaine expertise qui s'est créée, qui existe déjà à des endroits comme la cour municipale de Montréal. Je parlerais, entre autres, des juges, qui ont une connaissance approfondie de ce type... de ce phénomène-là, les procureurs de la ville de Montréal, qui voient beaucoup de tels dossiers. Il y a l'urgence psychosociale qui est disponible, avec des travailleurs qui peuvent aller à leur rencontre, suggérer des mesures, suggérer des endroits où résider, des évaluations psychiatriques. Il y a même le service de l'aide juridique qui est disponible afin de défendre sans frais ces personnes-là.

En quoi est-ce que ce Tribunal de la santé mentale, à part le fait d'envoyer un signal qu'on fait attention à ces personnes-là ou qu'on porte une attention particulière, en quoi serait-il différent, selon vous, de ce qui existe déjà en place en ce moment? Parce que, quant à moi, il y a une expertise qui existe. Il y a des personnes et des ressources qui sont en place en ce moment. Qu'est-ce que ça changerait, ce Tribunal de la santé mentale, selon vous?

n (10 heures) n

Mme Massicotte (Louise): Le Tribunal de santé mentale, c'est un projet en expérimentation sur trois ans avec un chercheur qui en fait l'évaluation, l'idée étant que le tribunal siège à périodes déterminées dans la semaine, et les gens acceptent de se présenter à ce tribunal-là et acceptent de faire partie d'un processus où, plutôt que d'être judiciarisés, acceptent de travailler avec une équipe et prennent des engagements individuels vis-à-vis de leur situation, puis ils reçoivent de l'aide, soit de... Ils sont référés, là, par l'équipe qui est en place au tribunal. Il sont référés vers leur CSSS, ont du soutien, ont de l'aide, ont du suivi, et les gens rapportent ensuite au tribunal ce que la personne a fait comme efforts pour rencontrer les exigences, et tout. Puis, dans le fond, ce que ça fait, c'est qu'à terme, si la personne a respecté ses engagements, elle peut... il peut y avoir... on peut surseoir à... je ne sais pas comment vous diriez, là, dans votre jargon, mais peut surseoir à une mesure punitive, et autres, parce que la personne est inscrite dans un processus et que ça va bien pour elle, et autres. Et il y a un suivi qui est fait. Personne n'est obligé d'aller au Tribunal de santé mentale contre son gré. Les gens qui y vont acceptent d'être dans une démarche où ils recherchent des solutions pour ne pas se remettre dans la même situation, puis il y a un suivi qui est fait de ces dossiers-là.

M. Sklavounos: Alors, si vous me permettez une question complémentaire. Des cas plus lourds, par exemple, ou un cas où la personne refuserait... Moi, je veux dire, je crois que le système qui est en place en ce moment, oui, peut-être, d'une certaine façon, comporte des formalismes qui ne sont peut-être pas idéaux afin de pouvoir régler puis aller au fond de certaines problématiques. Par contre, l'élément de suivi, il y a l'élément de l'épée de Damoclès qui reste par-dessus la tête de la personne. Puis, juste pour vous dire, même dans le système conventionnel que nous avons en ce moment, judiciaire, il y a souvent des décisions prises par des procureurs de la couronne de ne pas porter des accusations aux fins d'un processus où il y a des suivis, où il y a des rencontres avec l'urgence psychosociale suite à une évaluation psychiatrique. Ce n'est pas quelque chose qui n'existe pas en ce moment, ça existe. Ce dont vous discutez, c'est de mettre en place un autre forum où c'est peut-être moins formel, évidemment qui ne siégerait pas à tous les jours. Et ce que je peux vous dire, c'est que des fois des personnes qui sont arrêtées ou qui viennent devant le tribunal le font le vendredi ou le samedi, et la cour municipale fait des comparutions de fin de semaine également. On ne peut pas toujours décider, lorsqu'une personne sera interceptée, qui est en situation de désorganisation, ou, des fois, c'est quasiment mieux de le garder au lieu de le laisser, parce que des fois il pose un danger pour lui-même, peut-être pour une autre personne. Alors, même ce modèle-là comporte certaines limitations, et, d'une autre façon, il y a un certain dédoublement avec ce qui se fait sur le terrain. Maintenant, je comprends le message que ça enverrait...

Mme Massicotte (Louise): C'est-à-dire que... Si vous me permettez?

M. Sklavounos: Oui.

Mme Massicotte (Louise): Pour le Tribunal de santé mentale, les gens, avant de mettre en place l'équipe, avaient été voir ce qui se passait à Toronto ? parce que ça existait déjà là-bas ? et effectivement on a décidé de l'essayer, d'avoir une salle qui est dédiée, d'avoir une équipe qui est dédiée, que les gens qui sont au tribunal sont tout de suite capables de faire des contacts avec les répondants à l'extérieur, et tout.

Alors, je vous dirais que... Je ne sais pas si vous avez eu accès au modèle du Tribunal de santé mentale et puis aux premières évaluations qui en sont faites, mais, si ça vous intéressait, je pourrais très bien vous l'envoyer aussi la semaine prochaine avec les documents supplémentaires. Parce que c'est un cadre formel dans lequel les gens sont... Il y a des critères d'exclusion, il y a des critères d'inclusion, puis effectivement les gens y contribuent d'une façon volontaire. Donc, c'est l'intérêt du modèle, parce que ça fait aussi voir que peut-être que, s'ils acceptent d'être dans ce modèle-là, il y a peut-être une issue favorable au bout de la ligne, il y a peut-être une capacité de sortir de ce... Et je ne prétendrais pas que le système actuel ne peut pas faire ça, mais je dirais que la volonté des partenaires, autant de la justice que du milieu carcéral, que du milieu de la santé, trouvait que d'offrir ça aux personnes présentait un intérêt pour elles, et c'est suivi par un chercheur. C'était demandé aussi par l'association des personnes qui présentent des problèmes de santé mentale, et autres. Alors, je vous joindrai le document.

M. Sklavounos: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull, pour une dernière courte intervention.

Mme Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Bon matin, Mme Massicotte. C'est un grand plaisir de vous retrouver à nouveau. Vous êtes venue nous rencontrer, en octobre dernier, à Montréal, et, à ce moment-là, on avait parlé du plan d'action intersectoriel en matière d'itinérance et puis de certains résultats qui en sont découlés. On parle du centre de répit et de décompression. À ce moment-là, vous alliez le mettre en place, parce que c'était une recommandation de plusieurs groupes qui sont venus nous voir. Et, tout à l'heure, vous avez dit que c'était un service pertinent mais que ce n'était peut-être pas la bonne façon de le faire, par l'entremise de Old Brewery. J'aimerais vous entendre un peu plus par rapport à votre expérience.

Mme Massicotte (Louise): C'est-à-dire qu'initialement on avait prévu de trouver un milieu, je dirais, indépendant, un milieu où les... parce que souvent les gens qui vont au centre de répit-décompression sont des gens qui sont refusés dans les autres endroits. Donc, il était prévu de trouver un endroit particulier pour les recevoir. Dans les faits, ça s'est avéré complexe, il n'y avait pas de locaux disponibles dans les temps requis, là, et cette alternative-là a été trouvée, puis c'était quand même dans une section à part. Effectivement, ça a présenté un intérêt, mais les gens avaient des réserves à y aller parce que c'était associé à un refuge. Donc, c'est cet élément-là qu'il nous faut retravailler.

D'autre part, évidemment on le partait pour la période d'hiver, parce que c'était le montant d'argent qu'on avait à investir. Donc, on s'était dit: On va l'essayer pour cinq mois. Mais, dans les faits, on réalise que... Les personnes qui y sont allées ont trouvé ça intéressant ou adéquat pour... et ont conclu qu'il y a lieu effectivement d'avoir un centre de répit et décompression 12 mois par année.

Évidemment, on est plus à l'étape de se dire: Comment est-ce qu'on va financer ça? Parce que, pour faire fonctionner à l'année, ça nous prendrait un budget de 900 000 $. On en avait 300 000; donc, on est à la recherche, là, avec les crédits de l'année 2009-2010, pour essayer de trouver une solution et financer ce projet-là qui, de notre point de vue, demeure probablement le projet pertinent. Si on avait le choix entre mettre l'argent pour faire ce projet-là ou continuer de rehausser les refuges, je dirais que c'est un... on privilégierait d'aller compléter ce centre de répit et décompression dans un milieu probablement différent puis pour lequel des discussions sont en cours avec la ville de Montréal actuellement.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Massicotte. Merci d'être là. Vous comprendrez que j'ai eu du rattrapage à faire, même si j'ai pu suivre dans les médias; j'avais énormément de lecture. Et je peux vous dire en toute franchise que je suis restée un peu sur mon appétit. Parce qu'effectivement, comme le président l'a soulevé tout à l'heure, il y a une dimension de coordination dont on doit parler quand il y a énormément d'acteurs qui gravitent autour d'une problématique et qui doivent s'investir avec les moyens qui sont les nôtres. Je ne les qualifierai pas, mais on sait pertinemment qu'on manque de moyens de toute façon et que l'itinérance, c'est une problématique sur laquelle on doit, de façon incontestable, trouver des solutions.

Dans votre document, vous parlez beaucoup d'encourager et de soutenir la concertation, de soutenir dans les limites des ressources disponibles. Vous parlez aussi d'une participation active dans différents comités de liaison, et tout ça, dans le cadre des prérogatives de l'agence. Ma question, elle est... Au-delà de l'institutionnel qui contribue en soutien aux personnes, il y a aussi les groupes de défense des droits et les groupes communautaires. Et, à la lecture, je demeure un petit peu interrogative sur: Comment l'agence travaille avec ces groupes-là? Parce qu'à mon avis ces groupes mettent en place un travail de proximité essentiel au mieux-être et à l'organisation pour les personnes en situation d'itinérance, et j'ai de la difficulté à percevoir la nature du travail de l'agence auprès de ces groupes-là.

n (10 h 10) n

Et j'ai une deuxième question. Vous parlez d'un financement de 80 millions pour les groupes communautaires, dont un certain pourcentage, autour du quart, serait dévolu à l'itinérance. Est-ce que c'est une enveloppe qui est protégée, qui est dédiée, qui est conséquente, aussi, des besoins? Et je reviendrai par la suite pour une autre question.

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Une voix: ...bien compris.

Mme Massicotte (Louise): Oui, tout à fait. Alors, bon, effectivement, pour ce qui est... dans l'organisation des services, on considère qu'il y a effectivement tous les établissements de santé, mais tout le secteur communautaire, pour nous, qui fait partie de l'offre de services, bien qu'on reconnaisse leur autonomie comme groupe. Alors ça, c'est important à positionner.

D'autre part, je dirais que la façon d'obtenir du financement du réseau de la santé passe par le Programme de soutien aux organismes communautaires. Et donc les organismes communautaires font des demandes pour être reconnus, dans ce programme-là qui est un programme connu, et font des demandes de financement. Et chacun qui est reconnu et admis va, dans le temps, obtenir un financement. Nous avons des organismes qui sont admis mais qui n'ont pas encore de financement parce que nous n'avons pas les moyens de les financer. Nous avons des organismes qui sont admis et financés et qui donc, à chaque année, reçoivent un montant d'argent qui est indexé à chaque année. C'est sûr que le Programme de soutien aux organismes communautaires dédie des montants à chaque année aux organismes, avec indexation. On a une liste de ces organismes par catégories du programme, là, et on retrouve des organismes qui traitent de l'itinérance dans plusieurs des programmes de soutien aux organismes communautaires.

Effectivement, les organismes font connaître, quand ils déposent leur rapport annuel et quand ils demandent leurs subventions, leurs besoins additionnels. Nous avons, à l'agence, un comité avec le Regroupement des organismes communautaires, on a un cadre de référence sur le mode de fonctionnement avec les organismes communautaires, et on reçoit leurs demandes de financement; je veux dire, on analyse chacune des demandes de financement. Jamais on ne va donner à un organisme plus que ce qu'il demande, mais rarement les organismes obtiennent 100 % de leurs besoins. Donc, ils sont toujours en demande supplémentaire, à chaque année.

Au-delà de ça, c'est sûr que, dans le mode de financement, il y a ce financement-là du programme SOC, puis il y a du financement par entente de service qui peut être fait aussi quand un organisme communautaire est en lien directement avec un établissement et qu'il y a une entente entre l'établissement et l'organisme communautaire, et là il y a du financement qu'on appelle hors-SOC, hors Programme de soutien aux organismes communautaires, qui vient s'ajouter. C'est ce qui fait que de 16 millions on passe à 24. On a 8 millions qui est plus par entente de service.

C'est sûr que le milieu communautaire souhaite aussi, dans les travaux qu'il mène avec nous, être financé à des seuils qu'il juge acceptables. Donc, les organismes disent: On ne veut pas que vous augmentiez... que vous donniez du financement à tout le monde avant d'avoir solidifié le financement de ceux qui sont déjà existants, au moins à la hauteur de certains seuils. Donc, il y a toute une discussion avec le milieu communautaire pour établir, à chaque année, des seuils de financement, de dire qu'un organisme qui recevait 5 000 $, par exemple, qui devrait avoir 30 000 $ pour fonctionner, on va chercher à ramener rapidement tous ceux qui sont entre 5 000 $ et 30 000 $ à 30 000 $; après ça, on va chercher à les ramener plus vers 50 000 $. Donc, il y a une progression vers le financement des organismes. Donc, ce qu'ils ont est acquis, ce qu'ils n'ont pas encore est l'objet d'analyse à chaque année.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Une autre question. Bon, encore une fois par souci de coordination et, je dirais, de cohésion, vous savez qu'il y a un bon nombre d'organismes qui travaillent auprès des personnes itinérantes, qui sont intervenus et interviennent toujours publiquement pour l'obtention d'une politique afin de contrer l'itinérance et d'agir sur la question de l'itinérance.

L'agence pense quoi de cette proposition qui propose une vision, des orientations et qui serait possiblement une clé intéressante dans le cadre de l'élaboration d'un plan de travail où les gens pourraient avoir une action de plus en plus concertée avec une vision partagée?

Mme Massicotte (Louise): C'est clair que le fait d'avoir... Il y a plusieurs éléments dans votre question. C'est clair que, pour nous, d'avoir un plan d'action en itinérance est déjà quelque chose d'absolument fondamental. D'avoir des actions interministérielles et intersectorielles qui soient la somme des plans d'action de chacun des secteurs d'activité est intéressant aussi. Mais on est dans vraiment agir rapidement dans ce secteur-là pour avoir des actions qui réduisent, là, le taux d'itinérance, et tout. Alors, je veux dire, notre préoccupation est d'être très actifs dans les plans d'action puis d'avancer dans les moyens qui sont déjà là.

L'autre élément de votre question, c'est sûr que l'itinérance, en soi, il n'y a pas un programme d'itinérance. L'itinérance est à travers différents programmes. Donc, on sait que des personnes itinérantes ont des problèmes parfois associés de toxicomanie, dépendances, des problèmes de santé mentale, de déficience physique, intellectuelle, santé mentale, donc des problèmes dans d'autres secteurs d'employabilité. Donc, c'est vrai qu'actuellement il n'y a pas une politique sur l'itinérance, parce que notre modèle d'organisation est de considérer les personnes itinérantes comme étant des personnes qui requièrent des services comme les autres personnes dans l'un ou l'autre des secteurs d'activité de la santé et des services sociaux.

Donc, je dirais que le débat est important, et, à court terme, c'est sûr que nos actions sont centrées sur le plan d'action puis la réalisation du plan d'action. Au-delà de ça, de se dire: Est-ce que, par le fait des plans d'action, on améliore vraiment la situation dans le modèle actuel? Pour moi, il y a de la place encore pour un débat sur cette question.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Collègue.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin. Alors, il faut demander le consentement parce que, techniquement parlant, il n'est pas membre de la commission, mais il y a consentement. M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. Mme Massicotte, merci pour votre présence en commission parlementaire. Je tenais à vous dire d'entrée de jeu que, pendant les consultations à Montréal, on a eu l'impression, à écouter les organismes et les groupes consultés, qu'on vous percevait, l'agence, davantage comme un observateur attentif de l'itinérance plutôt que comme un partenaire actif. Et vos propos de ce matin et ceux du mois d'octobre ne m'ont certainement pas rassuré sur l'action et l'intervention de l'agence dans le dossier de l'itinérance à Montréal. Vous le disiez vous-même, vous nous parliez tout à l'heure des cases... bon, que, l'itinérance, ça touche plusieurs problématiques. Or, les programmes semblent être faits sur des cases... dans différentes cases, et les gens de l'itinérance n'arrivent jamais à cadrer dans un programme particulier où il y a des multiplicateurs. Alors, à un moment donné, il y a une problématique qui est lourde, importante et qui prend de l'ampleur à Montréal. Il me semble que c'est à l'agence de s'adapter à cette réalité-là et non pas aux organismes de s'adapter à l'agence, et je n'ai pas le sentiment que c'est la volonté de l'agence.

Il y a des organismes qu'on a visités durant... je pense à L'Anonyme, qui est une unité mobile qui se bat depuis des années ? on a tous visité, les parlementaires ? qui a des problèmes de financement importants, qui intervient en matière d'itinérance à Montréal, qui cherche, depuis des années, à avoir un rehaussement à la hauteur de 30 000 $ du programme SOC, qui, année après année, on les change de catégorie. Là, l'année passée, c'était dans la catégorie Ressources jeunesse, c'est rendu, cette année, dans la catégorie Sida, alors que c'est des multiproblématiques.

n (10 h 20) n

Est-ce qu'un jour ou l'autre l'agence va pouvoir régler le problème d'un organisme comme L'Anonyme, qui fait un travail incontournable à Montréal? Il y a des gens dévoués pour les itinérants et pour des gens qui ont des difficultés importantes, qui sont dans la rue. Est-ce que l'agence va pouvoir régler le problème d'un organisme comme celui-là et d'autres organismes qui oeuvrent en matière d'itinérance puis qui font une différence auprès de ces gens qui ont aussi le droit à l'espoir et à la dignité?

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): C'est toujours difficile, quand on présente le financement à travers des programmes, d'avoir l'air sensible à une cause. Mais je vous dirais que... je ne sais pas si je ne trouve pas les mots justes pour vous le dire, mais, pour nous, peu importe que le groupe soit dans une catégorie ou une autre catégorie, on a une préoccupation de trouver le financement pour les groupes communautaires parce qu'on reconnaît qu'ils ont une contribution essentielle dans le bien-être, là, de la collectivité. On reconnaît ça et on cherche à les financer d'une façon importante. Et, si on regarde les pourcentages d'investissements qu'on fait dans le milieu communautaire, ils sont très importants par rapport aux réseaux d'établissement. Mais d'entrée de jeu, quand on dit: Il y a 60... il y a 80 organismes qui travaillent en itinérance à Montréal, dont 63 sont au RAPSIM ? il y en a 80 ? il est vrai, vous avez raison de dire que, sur les 80, les 80 n'ont pas le financement pour la hauteur des services qu'ils peuvent donner ou qu'ils souhaitent donner. Et notre moyen de rehausser le financement est à la limite des budgets que l'on reçoit. D'entrée de jeu, j'ai dit tantôt à madame que les budgets consentis les années antérieures sont reconduits les années subséquentes et sont indexés. Mais la capacité qu'on a de rajouter de l'argent dans ce secteur-là vient du développement que l'on reçoit.

Je vous donne comme exemple que dans la dernière année, au niveau de l'agence de Montréal, on était tellement préoccupés qu'il y ait du développement dans le secteur communautaire pour les personnes démunies qu'on a défendu auprès du ministère que, dans la catégorie qu'on avait de priorités régionales, on voulait... on avait le droit de mettre 15 % du développement qu'on recevait dans les priorités régionales. On a dit: Dans ce secteur-là, on vous demande d'avoir une action pour les personnes démunies. Et c'est comme ça qu'on est allés chercher du financement pour le milieu communautaire, l'année dernière, à partir des argents de développement qu'on a reçus.

Notre souci, je peux vous l'affirmer, c'est de soutenir le réseau de la première ligne pour qu'il s'organise et qu'il soit en lien avec le milieu communautaire et de soutenir le milieu communautaire. Les limites que l'on rencontre sont les limites des budgets qui sont déjà investis et reconduits à chaque année, sur lesquels on n'a pas vraiment la capacité de jouer, et le développement que l'on a, qu'on doit partager dans l'ensemble des priorités régionales.

Alors, vous avez raison de dire: Il nous arrive de mettre de l'argent en santé mentale. Mais on va reconnaître, en santé mentale, qu'il y a des organismes de santé mentale qui offrent des services aux personnes itinérantes. Alors, c'est clair pour nous que la façon dont les fonctionnements sont faits, on ne retrouvera pas la catégorie de financement pour les personnes itinérantes. Mais, dans notre préoccupation de donner de meilleurs services, on va aller financer tous ceux qui ont une action à ce niveau-là, peu importe où ils se trouvent dans les différents regroupements de programmes clientèles.

Le Président (M. Kelley): Il reste comme une question, alors est-ce que c'est vous ou votre collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques? Parce que souvent c'était lui, la victime de manque de temps.

M. Lemay: Oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, je veux respecter mon collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Oh! C'est gentil. J'apprécie. Merci, M. le Président, j'apprécie beaucoup. C'est vrai que je suis souvent une victime de cette commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Alors, mais ça me fait plaisir de vous saluer, saluer nos collègues. On a un petit peu froid après plusieurs mois quand on n'a pas siégé sur cette commission-là. Saluer également nos nouveaux collègues... notre nouvelle collègue qui se joint à nous.

Je n'aurai qu'une question, M. le Président, rapidement. J'aborde, dans les dernières questions, qui... qui... L'agence est la plus grosse organisation sur l'île de Montréal, c'est plus gros que la ville de Montréal. On est en droit de s'attendre à un petit peu plus de nerf, un petit peu plus d'énergie, un petit peu plus de vision en ce qui concerne cette importante problématique qui, de l'avis de tous, augmente, se complexifie. Les gens sont de plus en plus jeunes, il y a un nouveau... pas un nouveau, mais il y a un phénomène, et on va le savoir tout à l'heure, des gens vont venir nous déposer un mémoire, le phénomène des nations autochtones, également. Et effectivement on sent que l'agence est là, mais elle est là parmi d'autres, avec 6 milliards de budget, puis bien sûr il y a tout l'institutionnel là-dedans, avec un peu, j'oserais dire, M. le Président, une certaine rigidité bureaucratique. Vous l'avez dit vous-même tout à l'heure: L'itinérance ne rentre pas dans nos cases; donc, c'est assez complexe pour nous autres de traiter ça. Donc, il faudrait que l'itinérant ou l'itinérante ait malheureusement le VIH; là, oh! il y a une case, c'est parfait, on va s'en occuper. Santé mentale, oh! il y a une case, parfait. Alors, comme c'est un peu tout ça à la fois, bien là on manque un peu de souplesse pour s'adapter à cette situation-là.

J'ai une question très technique, M. le Président. Si l'agence décide de faire de l'itinérance sur son territoire une priorité d'action, est-ce que ça prend un ordre du ministre de la Santé, du sous-ministre de la Santé, du sous-ministre adjoint de la Santé, du troisième sous-ministre adjoint de la Santé, du C.A. de l'agence, du D.G. de l'agence, du P.D.G. de l'agence? Qui peut indiquer à l'agence de Montréal: S'il vous plaît, mettez l'itinérance dans vos priorités? Qui a ce pouvoir, soit politique, soit administratif, de vous donner cette autorité-là?

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): Je vous dirais que... je serais déçue de sortir d'ici et que vous ayez la perception que l'itinérance n'est pas au coeur de nos priorités. Je...

M. Lemay: J'en suis convaincu. Je suis désolé, mais ce n'est pas une perception.

Mme Massicotte (Louise): D'accord.

M. Lemay: J'en suis personnellement convaincu, madame. Je suis désolé.

Mme Massicotte (Louise): D'accord, mais j'aimerais mettre en perspective le fait que nous avons fait et nous continuons de mener des actions importantes pour contrer l'itinérance. Et, dans ce contexte-là, on travaille au soutien au logement social, on travaille au programme IPLI, on travaille au développement du milieu communautaire, on travaille au développement des centres de santé et services sociaux pour avoir, dans leurs projets cliniques, une approche pour desservir les personnes itinérantes, les reconnaître, les desservir, les accueillir, les orienter. Alors, ça fait partie d'un travail continu, de longue haleine, pour lequel nous adhérons au cadre de référence du ministère. Nous avons un propre plan d'action pour la région de Montréal, construit avec nos partenaires. Donc, nous voulons intervenir pour contrer l'itinérance. On reconnaît qu'il y a une augmentation, on reconnaît qu'il faut faire du développement non seulement pour assurer les services en fonction de l'augmentation, mais aussi pour agir en amont des problèmes qui se présentent. Alors, on a une volonté d'agir en amont dans la situation des gens qui connaissent l'itinérance. C'est clair qu'on le fait à travers les moyens que l'on a, et, pour nous, c'est... c'est... on ne se pose pas la question à tous les jours: Est-ce que je suis en train d'intervenir un petit peu en itinérance dans le programme de santé mentale, un petit peu en itinérance dans le programme des services généraux? Ce qu'on dit à nos centres de santé, ce qu'on dit à nos hôpitaux, c'est: Il faut que les personnes itinérantes reçoivent chez vous des services adéquats, qu'elles ne tombent pas entre deux chaises, qu'elles ne tombent pas entre deux ministères, qu'il y ait des liaisons.

Alors, je vous donne comme autre exemple, nous avons, cette année, développé un programme additionnel avec Maisonneuve-Rosemont... l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et le Centre Dollard-Cormier, pour qu'à l'urgence il y ait des personnes qui soient reçues, orientées, suivies, et autres. Alors, on fait des actions continues pour lesquelles il faut concevoir qu'elles s'additionnent les unes les autres dans une perspective d'avoir une approche complète pour contrer l'itinérance. Mais on va y arriver dans le temps.

n (10 h 30) n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Massicotte. Il reste deux interventions de six minutes pour les autres membres de la commission, en commençant avec le député de La Peltrie.

M. Caire: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Massicotte. Je vais poursuivre un petit peu dans la lignée de mon collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques. Vous dites que vous voulez travailler en amont pour prévenir les problèmes d'itinérance. Vous dites que c'est 21 millions de l'enveloppe qui va directement aux organismes qui travaillent au niveau de l'itinérance. Pouvez-vous me dire, de ces 21 millions là, il y en a combien qui vont à la prévention?

Mme Massicotte (Louise): Je pourrais vous l'envoyer la semaine prochaine, parce qu'évidemment l'argent qui va à la prévention souvent provient des budgets qui sont affectés à la Direction de santé publique. Alors, ils sont compris, ces budgets-là, dans le 24 millions. Je dirais que, sans trop... Je ne voudrais pas vous induire en erreur, là, mais il y a certainement, probablement, autour de 4 millions qui est en prévention, mais je pourrai vous le fournir.

M. Caire: 4 millions sur les 21 millions?

Mme Massicotte (Louise): Oui.

M. Caire: O.K., alors...

Mme Massicotte (Louise): Étant entendu que ça dépend évidemment de ce qu'on entend par «prévention», là. Mais c'est clair que, si on fait référence à la prévention à travers les programmes de santé publique, effectivement on devrait être à peu près dans ces eaux-là.

M. Caire: La prévention, là, c'est ce qui empêche quelque chose d'arriver, hein?

Mme Massicotte (Louise): Oui, oui, on s'entend.

M. Caire: Ça, c'est un cinquième de l'enveloppe totale qui va pour travailler en amont. Est-ce que vous jugez que c'est suffisant? Est-ce que vous jugez, par rapport à ce que vous venez de nous dire, là, est-ce que vous jugez que le signal est vraiment que vous travaillez en amont?

Mme Massicotte (Louise): Je dirais que c'est ce qui est consenti qui passe par ce budget-là. Ça ne veut pas dire... Évidemment, ça ne comprend pas les budgets de prévention qui sont dans les centres de santé et qui sont dans le plan d'action local de santé publique.

Alors, il y a beaucoup d'argent en prévention qui est dans les établissements. Je faisais référence à l'argent qui est dans le milieu communautaire pour agir en prévention, mais il faut ajouter à ça l'argent qui est dans le milieu des établissements pour aussi agir en amont des problèmes. Alors, au niveau des centres de santé, il y a des activités de prévention dans des équipes enfance-jeunes familles, il y a des...

Une voix: ...

Mme Massicotte (Louise): C'est ça.

M. Caire: Parce que c'est de l'argent qui transite nécessairement par l'agence, là, même si ça va au centre de santé. Avez-vous un portrait de ce que vous faites? Quand vous dites: On veut travailler en amont, est-ce que vous l'avez, le portrait de ce qui est fait?

Mme Massicotte (Louise): C'est un peu ce que monsieur disait tantôt. C'est sûr que l'agence de santé de Montréal reçoit 5 point quelques milliards par année. Dans ce montant-là d'argent, l'argent est distribué à l'ensemble des établissements de Montréal à chaque année. Donc, c'est historique, les budgets. Alors, ce n'est pas 5,8 milliards qui arrivent à Montréal et pour lesquels on peut se dire à chaque année: Qu'est-ce que je vais faire, cette année, de différent de ce que j'ai fait l'année dernière? Les budgets qui arrivent à Montréal, c'est pour payer l'Hôpital Sainte-Justine, l'Hôpital St. Mary's, tout ça, qui sont des budgets reconduits à chaque année. Après ça, on reçoit une enveloppe de développement et, dans cette enveloppe-là de développement qu'on reçoit, on prend des décisions à chaque année sur des problèmes pointus qui se présentent, des problèmes sociaux pointus qui se présentent.

M. Caire: Selon l'expérience que vous avez, est-ce que c'est une bonne façon de faire? Parce que ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que, pour l'essentiel du budget, vous prenez l'enveloppe qui arrive du ministère puis vous la redistribuez par rapport à ce que vous avez fait les années passées en indexant. Donc, ce que je comprends, c'est que vous ne posez pas la question sur la performance, l'efficacité, l'efficience. C'est-à-dire que tel organisme, tel établissement a reçu tant d'argent l'année dernière, on lui redonne le même montant indexé sans se demander si cet argent-là a vraiment bien servi, a vraiment été investi de façon efficace, performante. Vous êtes, dans le fond, une espèce de boîte à malle qui dit: Bon, bien, le ministère me donne tant, je vous renvoie tant, indexé au coût de la vie. Puis il y a une petite portion du budget sur laquelle vous êtes capables d'agir. C'est-u bien ça que je comprends?

Mme Massicotte (Louise): Le financement de la santé est fait de telle façon qu'effectivement, pour les motifs d'avoir de la permanence dans les établissements, il y a une reconduction des budgets et une indexation des budgets qui est faite à chaque année. C'est vrai pour le milieu institutionnel, établissements, c'est vrai pour le milieu communautaire. Ce qui laisse un faible pourcentage d'argent pour lequel on doit à ce moment-là se poser la question: Où va-t-on prioritairement mettre le développement? Et c'est cette activité-là que l'on fait à chaque année.

Quant à votre autre question: Est-ce qu'on agit pour développer de l'efficience et de l'efficacité dans les services? Effectivement, on agit à ce niveau-là, on regarde... Chaque établissement est tenu de déposer un rapport d'activité, est tenu de justifier ses volumes d'activité. Quand il y a une baisse d'activité, il y a un requestionnement. Il peut à ce moment-là y avoir une réaffectation des budgets, mais on en convient dans des discussions avec les établissements et les organismes concernés. Mais je vous dirai que le budget de santé du Québec est ainsi fait qu'il y a une grande partie du budget qui est une reconduction.

M. Caire: Je vous avoue que ce que vous me dites...

Le Président (M. Kelley): Très rapidement parce qu'il reste à peine 30 secondes. Alors...

M. Caire: Je l'établissais à plus que ça, M. le Président, vous m'excuserez.

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Caire: Ça fait peur un peu, parce que vous êtes en train de dire que vous êtes à établir des seuils de financement avec les organismes communautaires pour qu'ils soient en mesure de donner les services qu'ils devraient donner par rapport à un problème qu'on juge tous très important, puis, parallèlement à ça, ce que vous dites, c'est que le carcan de financement du réseau de la santé ne vous permet pas vraiment d'agir efficacement. Donc, vous êtes le témoin silencieux de l'inefficacité d'une bureaucratie administrative dans le réseau de la santé.

Mme Massicotte (Louise): Ce que je vous dirais, c'est qu'à chaque année on reçoit un budget qui est une reconduction, plus une indexation, plus un coût de système, pour payer des médicaments, des fournitures médicales. C'est un élément. On reçoit, deuxièmement, des budgets de développement. Vous savez comme moi, cette année, que les budgets de développement vont beaucoup en déficience intellectuelle.

M. Caire: Faible partie de votre budget. Votre marge de manoeuvre est inexistante, là.

Mme Massicotte (Louise): C'est une faible partie, mais c'est celle sur laquelle on a des capacités d'agir. Sinon, il nous arrive, dans des dossiers comme en perte d'autonomie ou en santé mentale, d'avoir des plans de restructuration où effectivement on avise les établissements qu'on modifie leur offre de services dans le temps, qu'on va retirer de l'argent à un pour aller le mettre à l'autre. Mais ça, ça doit faire l'objet de planification puis de concertation avec les établissements. Nous n'avons pas énormément de marge de manoeuvre sur les budgets que nous avons.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier, pour un bloc de six minutes.

M. Khadir: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Massicotte. Je voudrais prendre 30 secondes pour souligner la présence dans la salle, dans l'assistance, de quelqu'un que j'admire beaucoup ? ce n'est pas par partisanerie, rassurez-vous, c'est parce qu'il lutte depuis à peu près 30 ans sur une des causes parmi les nombreuses causes complexes du phénomène complexe de l'itinérance, c'est-à-dire le logement, le logement abordable à faible coût, logement social ? M. François Saillant.

Ceci étant dit, Mme Massicotte, permettez-moi d'abord juste de clarifier un peu certains éléments, peut-être, pour notre compréhension mutuelle. Je viens du domaine de la santé, je sais que Mme Massicotte fait beaucoup avec peu. Pourquoi peu? Parce que le système de santé au Québec, l'argent public qu'on y dépense par tête d'habitant, par rapport à notre PIB, est le plus bas en Amérique du Nord, y compris au Canada, d'accord, est le plus bas, en termes absolus, par habitant en Amérique du Nord. Il faut se rappeler de ça. Donc, on force des gestionnaires, dans le domaine de la santé, à faire beaucoup avec peu, à faire des exercices qui sont des fois impossibles à mener. Et je dis, dans... Là, je ne sais pas votre chiffre exact pour la prévention, mais, si c'est 20 %, c'est déjà beaucoup, c'est déjà beaucoup plus que ce qu'on souhaiterait un jour établir comme dépense de prévention, qui est de 5 % dans le domaine de la santé. Mais tout ça, ce n'est pas pour nous disculper. Je voudrais simplement vous donner des munitions, parce que vous faites beaucoup avec peu. Il y en a d'autres qui font beaucoup avec peu aussi, beaucoup de profits avec peu de retombées sociales, peu de retombées pour l'économie.

Parce que, quand on va discuter de ça... Vous parlez d'intersectoriel, d'intégrer les services. S'il faut intégrer les services, il faut intégrer notre compréhension des problèmes de financement, parce que c'est de financement qu'il s'agit. Nous, on demande: Pourquoi vous ne financez pas les organismes communautaires? Pourquoi on ne finance pas, par exemple, un programme de prévention, d'injection, hein, pour des sites d'injection, pour avoir des aiguilles propres? Le financement, il faut le comprendre dans son ensemble. Alors, on a déjà fait le calcul, juste ici, en commission, que ce que nous ne touchons pas en redevances des différentes ressources naturelles, c'est à peu près 9 milliards. Ce qu'on a consenti depuis 10 ans comme réductions d'impôt qui bénéficient aux plus riches, c'est un autre 10 milliards, sans parler des 2 milliards qu'on donne aux pharmaceutiques.

n (10 h 40) n

Donc, j'aimerais... C'est là, ma question: Est-ce qu'il y a un moyen pour qu'au lieu que vous priviez les organismes communautaires, les besoins pressants qu'il y a dans le domaine pour lutter contre l'itinérance, que vous fassiez un peu plus de représentations auprès du ministre pour obtenir plus de budget, c'est-à-dire que vous ne passiez pas votre temps à gérer le peu, mais à demander un peu de... Est-ce que c'est possible, vous pensez, qu'étant donné la commission, son travail sur l'itinérance, le temps est mûr pour que les gestionnaires comme vous mettiez le maximum de pression pour obtenir ce qu'il faut?

Le Président (M. Kelley): Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Louise): Je vous dirais que, lors de notre avant-dernier conseil d'administration, le milieu communautaire est venu à l'agence pour signifier leurs besoins et une demande au conseil d'administration de les appuyer dans la reconnaissance des limites de leur action, ce que notre conseil d'administration a accepté de faire. Et, à ce titre, le conseil d'administration de l'agence est intervenu au ministère de la Santé pour reconnaître ce besoin additionnel qu'ont les groupes pour aller au bout de leur action.

Alors, comme agence, on reconnaît que le milieu communautaire a besoin de financement additionnel. On reconnaît aussi que certains établissements ont les mêmes besoins. Quand on pense aux centres de santé, ils ont des besoins pour développer la première ligne et autres. Ils ont, eux aussi, des besoins. Et dans le fond notre obligation comme agence, c'est de permettre à tout le monde de se développer petit à petit avec les moyens que nous avons, puisque nous sommes dans une loi d'équilibre budgétaire par ailleurs. Donc, nous avons la contrainte d'être en équilibre budgétaire, mais nous reconnaissons que la pression est grande sur le réseau, incluant le milieu communautaire.

M. Khadir: Les centres d'injection, qu'est-ce que l'agence en pense? Parce que c'est sûr que, quand on considère que l'itinérance est intimement liée parfois à la toxicomanie, à la pauvreté, ça entraîne les conséquences donc, par exemple, contamination au VIH, hépatite C. Est-ce que, comme société, on ne devrait pas prendre, disons, le taureau par les cornes, même si c'est peut-être socialement parfois un peu difficile à faire accepter, que l'agence exerce un leadership là-dedans?

Mme Massicotte (Louise): Je dois dire qu'il y a eu différentes représentations qui ont été faites par le directeur de santé publique de l'agence à l'égard de toutes les dispositions qu'il nous faudrait prendre dans ce secteur d'activité.

M. Khadir: ...l'écoute du ministre.

Mme Massicotte (Louise): Nous ne sommes pas les décideurs quant à l'option à retenir ou les différentes options à retenir. Mais nous sommes très, très présents, via la Direction de santé publique de l'agence, à tous les débats sur cette question.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Massicotte, d'accepter de nouveau l'invitation de la commission. On a pris bonne note de votre offre de faire un complément d'information à fournir aux membres de la commission.

Et, si je peux résumer, peut-être, il y a deux... Si vous avez des réflexions additionnelles sur la notion de coordination, je pense que ce serait apprécié. Et également, même au niveau technique de la gestion du programme SOC, parce qu'il y avait beaucoup de questionnements, beaucoup d'intérêt, comment c'est géré, comment les décisions sont prises, c'est quoi, l'historique de ce domaine, parce que de toute évidence c'était souvent soulevé par les groupes qui sont venus devant la commission, alors au niveau technique, pour mieux éclairer les membres de la commission qui vont prendre ça en considération dans la rédaction du rapport final, je pense que ce serait apprécié aussi.

Alors, sur ce, merci beaucoup. Encore une fois, nos condoléances aux membres de la famille Leduc. Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants du Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec de prendre place. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 47)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande à toutes les personnes de prendre place pour le prochain témoin. Alors, on va... Il nous reste quatre personnes qui ont demandé de témoigner avant... à l'automne. On n'a pas eu le temps de les entendre à l'automne passé, alors c'est vraiment un grand plaisir qu'on peut compléter la liste des quatre témoins. Et je veux souligner que tous les témoins devant la Commission des affaires sociales sont traités d'une façon égale. Mais je suis très heureux de reconnaître le Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec et notamment sa présidente, Édith Cloutier, et sa directrice générale, Josée Goulet. Ce sont des personnes avec qui j'ai travaillé dans le passé et qui font un travail extraordinaire dans plusieurs communautés au Québec.

Alors, sans plus tarder, avec quelques mois de retard, c'est un grand plaisir pour moi de céder la parole à vous, Mme Cloutier.

Regroupement des centres d'amitié
autochtones du Québec (RCAAQ)

Mme Cloutier (Édith): Merci beaucoup, M. le Président, Mmes, MM. de la commission. Pour le Regroupement des centres d'amitié autochtones, on apprécie justement l'opportunité que cette commission nous offre de mettre en perspective une réalité qui touche les premières nations, les Inuits du Québec, en ce qui concerne le phénomène de l'itinérance.

On a soumis quelques mémoires à travers le réseau des centres d'amitié autochtones, notamment, le Centre d'amitié autochtone de Montréal a déposé lors des audiences à Montréal, le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or a envoyé son mémoire en ligne, et nous sommes ici pour vous présenter le mémoire du Regroupement des centres d'amitié autochtones, évidemment ceci en solidarité avec nos partenaires des premières nations, qui ont également fait une présentation, dont l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador ainsi que la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Alors, nous associons notre voix à celle de nos frères et soeurs des premières nations du Québec sur cette question préoccupante qui est l'itinérance.

n (10 h 50) n

Alors, nous allons vous présenter les faits saillants de notre mémoire. Ce sera suivi de constats qu'on a faits. Et on abordera donc la réalité autochtone urbaine, qui est particulière, et ma collègue Josée Goulet vous en fera la présentation. Et je pourrai aborder aussi une réalité locale de l'itinérance qui déborde les frontières des grands centres urbains du Québec, donc des villes dans les régions qui voient le phénomène de l'itinérance en émergence, alors je pourrai vous entretenir sur ce sujet. Et nous pourrons conclure, et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Alors, Josée.

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): Alors, c'est sûr qu'il y a une dimension autochtone à l'itinérance. On sait qu'il y a des problèmes québécois qui touchent la population québécoise et autres segments de la population au Québec. Mais la dimension autochtone à l'itinérance est une dimension particulière qui est vraiment propre aux membres des premières nations et qui font en sorte... qui peut être expliquée par le fait que l'inégalité sociale ne découle pas uniquement d'une situation économique, mais aussi d'une dimension sociale et politique. Et, quand je parle de dimension politique, c'est la tutelle politique que nous impose la Loi sur les Indiens.

Il y a également l'environnement social qui règne dans nos communautés, qui a engendré et qui engendre toujours un effondrement du tissu social et des relations familiales difficiles, des ruptures au niveau des liens culturels, et, pour certains, ça a représenté une migration vers les villes. Cette migration peut être un choix ou peut être une obligation. Certains vont choisir la ville pour essayer d'améliorer leurs conditions de vie, d'autres n'auront pas le choix et doivent s'exiler vers les villes pour diverses raisons.

Aussi, il faut mentionner qu'à l'intérieur de nos communautés autochtones il y a des problèmes de santé et des problèmes sociaux qui sont nombreux et qui sont complexes. De plus, si on regarde les taux ou la prévalence de la population du Québec, les premières nations affichent des hauts taux d'alcoolisme, de toxicomanie, de violence, d'abus sexuel, de suicide, etc. Donc, ça aussi, ça vient jouer un rôle au niveau des conditions de vie des autochtones. En plus de ces défis qu'on vit dans les communautés autochtones, il y a aussi des défis spécifiques que doivent rencontrer les autochtones en ville. C'est sûr que, quand on change de milieu de vie, on se retrouve dans une situation de coupure de points de repère habituels, culturels et identitaires. Nos repères ne sont plus les mêmes de la communauté vers la ville. Donc, la situation est tout à fait nouvelle et demande une capacité d'adaptation qui n'est pas, pour certains, facile.

Il faudrait mentionner que présentement, au Québec, on compte 37 % des membres des premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves. Donc, les autochtones qui arrivent en ville sont confrontés à l'isolement, à une situation, à un environnement qui leur est parfaitement étranger, des barrières difficiles à surmonter, des problèmes de langue. Pour certains, la langue traditionnelle est utilisée, d'autres, l'anglais. Donc, dans un système francophone, majoritairement francophone, c'est difficile d'avoir accès à des services adéquats et surtout, bien entendu, de faire comprendre nos besoins. Et tout ça, ça entraîne des préjugés, des manques de compréhension sur les réalités autochtones au Québec. Donc, tout ce portrait-là fait en sorte que les autochtones qui vivent dans les villes ou qui transitent ont à conjuguer avec des conditions de vie inférieures à la moyenne québécoise parce qu'on a plein de défis, plein de barrières qui ne nous permettent pas d'améliorer nos conditions de vie.

Dans les pistes de solution, on a remarqué que les solutions de même que les interventions à proposer sont complexes et exigent une approche multisectorielle et multidimensionnelle, parce qu'on remarque qu'il y a une méconnaissance généralisée de la culture autochtone tant de la part des intervenants communautaires ou du réseau que des citoyens en général. Et tout ça, naturellement, discrimine l'accès aux services pour les autochtones. Alors, j'ai fait un tour des faits saillants de notre mémoire. Mais il y a aussi des constats que j'aimerais porter à votre attention.

Je parlais précédemment de la tutelle politique qui nous maintient dans un système où... La Loi sur les Indiens, qui est toujours en vigueur, nous maintient à un niveau inférieur en nous octroyant un statut inégal et qui accentue et confère à l'État fédéral des pouvoirs sur les peuples autochtones. Donc ça, c'est une dimension vraiment qui est particulière aux membres des premières nations, le fait d'être régis par une Loi sur les Indiens qui est archaïque et qui nous considère encore comme des enfants, des pupilles de l'État fédéral.

On sait également que les autochtones urbains sont plus à risque que d'autres groupes sociaux à vivre des situations de grande pauvreté et d'itinérance, à cause des problèmes d'isolement et de marginalisation qu'on vit. Et on risque d'être exclus et de subir du racisme de façon quotidienne de par notre origine culturelle.

Pour certains, l'errance, qui est une forme d'itinérance à un stade moins élevé, pour certains, est reliée à nos modes de vie traditionnels où, dans le passé, on était des nomades, on se promenait à travers des territoires, différents territoires, selon les saisons aussi. Mais présentement ce n'est plus le cas. On ne peut pas parler du phénomène du nomadisme chez les premières nations, qui était plutôt traditionnel, quand on regarde le côté contemporain présentement. Alors, on parle vraiment d'errance. Et cette errance-là se traduit de façon actuelle en disant: On va aller loger chez des proches, de la famille, qui ont déjà des logements surpeuplés. On va rester quelque temps là, on va aller habiter ailleurs quand ce sera le temps de changer de place. Donc, ce n'est plus du nomadisme, mais vraiment de l'errance. Et il y a de l'errance familiale, ce qui est également particulier au phénomène de l'itinérance autochtone. Donc, on voit régulièrement des familles qui errent de place en place et non seulement des individus. On parle de femmes, d'hommes et d'enfants qui vont se promener d'une place à l'autre.

Et, comme je disais tantôt, c'est sûr que, dans les constats qui freinent un peu l'accès aux services, il est question de la langue. Alors, ce qu'on constate, c'est que la situation des premières nations est complexe et demande une approche vraiment multisectorielle et multidimensionnelle en fait. Alors, ce qu'on a réfléchi comme piste de solution à envisager, c'est de tenir compte de l'approche holistique des premières nations dans un contexte de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, qui repose sur des valeurs et le développement de l'économie sociale chez les premiers peuples. On trouve que cette piste de solution est une approche intégrée, globale, qui nous permettrait d'avoir une intervention beaucoup plus forte pour lutter contre l'errance et l'itinérance.

n (11 heures) n

Je pourrais vous définir rapidement ce qu'on entend quand on parle d'approche holistique. En fait, c'est de prendre en considération tous les aspects de la personne dans son environnement global et d'en tenir compte dans notre approche. Donc, toutes les particularités intrinsèques à la personne, ce qui signifie être en mesure d'agir sur sa propre vie, d'avoir un pouvoir, un sentiment de pouvoir sur sa vie, tenir compte de son histoire personnelle, de la problématique à traiter et des différentes composantes de son milieu, les valeurs, son historique familial, social et le mode de vie.

Alors, j'ai dressé brièvement les préoccupations qu'on avait apportées à l'intérieur de notre mémoire, et là je laisserais la place à Édith peut-être pour nous amener une approche beaucoup plus locale, concrète dans des actions que les centres d'amitié font quotidiennement.

Le Président (M. Kelley): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Édith): Merci. Alors, nos collègues du Centre d'amitié autochtone de Montréal vous ont présenté la réalité de Montréal. Je crois qu'on comprend que, le grand centre urbain, la population itinérante est fortement représentée par les premières nations, mais en fait ce qui se passe également, c'est qu'il y a l'émergence de l'itinérance dans des villes régionales, des villes voisines des premières nations, des villes qu'on dit à spécificité autochtone.

Je vais vous parler de Val-d'Or, en fait. Val-d'Or est au coeur du territoire traditionnel Anishnabe. On a une population autochtone importante. En fait, en 15 ans, la population de Val-d'Or a augmenté de 250 %, la population autochtone de Val-d'Or a augmenté de 250 %. En 1990, on répertoriait 2,5 % de la population qui était autochtone; aujourd'hui, Statistique Canada, en 2006, la population autochtone compte pour 6,2 %, en 15 ans.

Alors, évidemment, l'attrait d'une ville comme Val-d'Or, que, nous, on appelle la métropole autochtone du Nord, évidemment attire les Cris de la Baie-James, puisque Val-d'Or est le premier point pour les services de santé pour les Cris. En fait, je vous dirais que presque tout les bébés cris viennent au monde à Val-d'Or. Et, sur la population totale des Cris, il y a 12 000 Cris sur le territoire Eeyou, et, il y a deux ans, le conseil de la santé cri a répertorié 5 250 patients de cette nation-là qui sont venus chercher des services de santé.

En fait, je vous parle de cette réalité-là, puisque Val-d'Or est vraiment un lieu de convergence, un lieu de rencontre, un point de service. Et on pourrait parler de Val-d'Or, on pourrait parler de Sept-Îles aussi. C'est donc... Deux minutes? Alors...

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Cloutier (Édith): Pardon?

Le Président (M. Kelley): Si possible, parce que je veux laisser le temps pour l'échange avec les membres de la commission.

Mme Cloutier (Édith): Oui, tout à fait, je pense que c'est important.

Alors, je voulais vous parler d'un phénomène émergent dans des villes régionales où justement la population itinérante est vraiment formée majoritairement des autochtones à cause de cette réalité d'une ville de convergence.

Alors, c'est sûr qu'à Val-d'Or le centre d'amitié autochtone est certes le premier point de service que les autochtones utilisent, mais il y a des limites à la capacité de rencontrer des besoins émergents. On est à revoir les approches d'intervention.

Le phénomène d'itinérance dans une ville régionale comme Val-d'Or est phénomène nouveau. On parle, en moyenne... Peut-être, il y a cinq ans qu'on a vu cette réalité-là. Et d'ailleurs, en novembre, on a... le centre d'amitié autochtone a mis au grand jour le phénomène de l'itinérance. Je pense que les gens savaient qu'il se passait des... le type de phénomène, mais personne ne le nommait. Et ce que nous avons voulu faire, c'est donc de mobiliser le milieu autour de cette réalité-là.

Alors, on est dans un contexte où on a à réfléchir à des interventions, à initier des façons de faire pour justement répondre adéquatement à cette nouvelle réalité dans des villes aussi régionales. Donc, le phénomène de l'itinérance déborde des grands centres urbains maintenant au Québec. Et l'itinérance a une couleur: l'itinérance, dans les villes régionales, est représentée tristement par les premières nations.

Alors, je vais m'en tenir à ça pour le moment, parce que j'imagine qu'il y aura des questions auxquelles on pourra répondre. Et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Goulet et Mme Cloutier, pour votre présentation. On est en train de gérer le temps. Alors, 15 minutes à ma droite, 15 minutes à ma gauche, et il reste le temps pour le député indépendant.

Je veux souligner la présence du ministre délégué aux Affaires autochtones et député d'Abitibi-Est, Val-d'Or, qui est parmi nous. Bienvenue, M. le ministre.

Alors, Mme la députée de Gatineau, à vous la parole.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Vous avez mentionné l'importante migration vers les centres urbains des communautés autochtones, c'est sans doute une réalité également que les communautés rurales vivent, une migration, j'imagine, qui s'explique, entre autres, par la recherche de services... vous avez parlé de services de santé à Val-d'Or, mais également des services d'éducation.

Est-ce que... Parce qu'il y a eu, il y a trois semaines, une rencontre à Katimavik sur les différentes préoccupations, là, des communautés autochtones, dont celle que vous exprimez aujourd'hui, c'est-à-dire l'importance de contrer, de contrer les préjugés, l'importance d'éduquer les milieux urbains de la culture autochtone, les sensibiliser, faire en sorte que les contacts soient déjà plus humains, si on peut dire, entre les différents intervenants. Et, lors de cette rencontre-là, il y a eu plusieurs idées d'échangées pour tenter d'arriver avec des solutions concrètes. Parce qu'on a des grands principes, on soulève des grandes problématiques, mais concrètement, sur le terrain, il faut tenter de trouver des solutions qui vont permettre de soutenir ces gens-là qui arrivent des différentes communautés, que ce soit du Nord ou que ce soit de chez nous, à Kitigan Zibi ou Lac-Barrière, permettre à ces gens-là d'être capables de se retrouver. Et une des solutions, je crois, qui avaient été soulevées, et j'aimerais vous entendre là-dessus, c'était d'avoir dans les milieux urbains, au sein des différents organismes et pas seulement, je crois, au sein des centres d'amitié autochtones, mais au sein des différents organismes qui oeuvrent auprès des personnes démunies et des personnes itinérantes, des gens issus des communautés autochtones, donc qui sont évidemment... qui ont une connaissance du milieu, et aussi que ces intervenants-là, que les communautés ou les centres urbains puissent avoir des intervenants autochtones. Est-ce que cette solution-là, qui est concrète, qui est très terrain, permettrait à court terme, à votre avis, d'apporter une aide substantielle?

Le Président (M. Kelley): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Édith): Alors, oui, merci de votre question. En effet, toute la question des préjugés, de la discrimination, du racisme est en trame de fond dans les interventions ou dans les rapports entre les citoyens. Quand on se retrouve en ville, effectivement nous sommes confrontés à une réalité, à des barrières qu'on ne rencontre pas quand on est sous la protection naturelle de notre communauté d'origine.

Vous parlez donc de stratégies de lutte justement pour briser ces barrières-là; effectivement, moi, je crois qu'il y a... il faut identifier et travailler à différentes stratégies pour lutter contre les préjugés. Vous soulevez la question de la représentation des premières nations sur différentes instances de nos milieux; dans les centres d'amitié, on a eu cette discussion-là. Dans des centres comme à Val-d'Or, par exemple, on se questionne aussi à savoir si la participation et la présence dans les instances québécoises de notre société pourraient amener justement à cheminer vers une meilleure compréhension des réalités.

Nous, il y a plusieurs années, à Val-d'Or, et je sais qu'à travers d'autres centres on le fait aussi, c'est effectivement une façon de pouvoir sensibiliser et d'amener justement la dimension premières nations dans les décisions ou dans les orientations en matière d'organisation de services pour les autochtones. Il reste que c'est très difficile parce que, dans notre cas, nous sommes plusieurs élus et peu d'appelés. Donc, nous sommes confrontés à devenir presque des spécialistes dans différents domaines, en matière d'éducation, en matière de santé. Donc, ça nous interpelle beaucoup. Mais je crois que, oui, ça, c'est une stratégie.

Il y a aussi des stratégies au niveau de l'opinion publique. Je crois que, ça, on est la cible plus qu'à notre tour de perceptions quand on traite de la question, notamment l'incompréhension qu'on a sur les revendications territoriales que les peuples autochtones font. Je pense que ça, c'est incompris. Donc, il y a aussi toute une stratégie auprès de l'opinion publique qu'on a à faire, mais il y a aussi dans les rapports entre les citoyens.

n (11 h 10) n

Nous, on a, notamment à Val-d'Or, développé différentes stratégies. Exemple: on a ouvert un centre de la petite enfance, il y a cinq ans, qui est sous l'égide du centre d'amitié autochtone, qui a une approche culturellement adaptée mais qui est ouvert à l'ensemble de la population. Donc, ça va aussi dans le sens inverse, où la population québécoise peut être interpellée à venir vivre dans une réalité autochtone pour mieux comprendre ces réalités-là.

Mme Vallée: ...des liens? Par exemple, lorsque vous savez qu'un jeune ou qu'un moins jeune, là, quitte la communauté pour se rendre dans un centre urbain pour étudier, pour travailler, est-ce qu'il y a actuellement un soutien qui est apporté? Est-ce qu'il y a une façon, pour vous ou pour les groupes d'amitié autochtones, de suivre cet individu-là dans le milieu ou de lui apporter une aide ou de l'information en général? Est-ce que ce lien-là peut se faire à travers les différentes communautés du Québec?

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): Oui. Bien, en fait, effectivement ça fait environ trois ans ou quatre ans qu'on avait réfléchi à cette problématique, et on a travaillé en partenariat avec la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador pour voir comment on pourrait préparer les jeunes ou les moins jeunes à quitter leur communauté et s'en aller dans les villes tout en ayant les ressources accessibles. Alors, à ce moment-là, on avait mis... on avait élaboré un guide des ressources accessibles pour les différentes nations et avec les villes à spécificité autochtone pour être capables de les orienter et de les réorienter vers la communauté, au besoin. On avait appelé ça un passeport pour la réussite ou... Ça avait un terme comme ça. Et à chaque année on remet le bottin, le guide à jour. Mais c'est ça, c'est une première démarche timide qui semble quand même être prometteuse. C'est une avenue prometteuse.

Mme Vallée: Mais c'est un guide, mais il n'y a pas nécessairement... On n'est pas rendus à l'étape où on aurait une personne-ressource qui pourrait finalement être le lien ou la courroie de transmission entre le passage entre la communauté puis le milieu urbain.

Mme Goulet (Josée): Bien, pas directement. Par contre, je pourrais dire qu'il y a des liens informels qui sont présentement établis entre certains centres d'amitié et certaines communautés, donc... Mais ce n'est pas développé de façon systématique à l'intérieur du mouvement des centres d'amitié ou à l'intérieur des communautés. Mais certains centres et certaines communautés ont des liens très étroits et vont dire: Bon, dans deux semaines, quelqu'un va arriver. Pouvez-vous nous donner un coup de main pour le logement, pour l'orienter, référencer, etc.?

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Et bienvenue à nouveau. C'est votre deuxième présence ici, devant la commission. C'est toujours aussi intéressant de vous recevoir.

Et j'ai parcouru votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Et la page 11, et vous l'avez mentionné un peu tout à l'heure, Mme Goulet, vous avez fait référence à des initiatives d'économie sociale qui pourraient mener à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. J'aimerais vous entendre un peu plus par rapport à ce principe, là, que vous amenez dans votre mémoire, s'il vous plaît.

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): En fait, il y a déjà quelques années qu'on réfléchissait sur la pérennité et le développement des centres d'amitié autochtones au Québec. On sait que présentement il y a huit centres d'amitié, mais il y a des besoins dans d'autres villes où il y a des communautés autochtones urbaines qui sont mobilisées et qui veulent développer des nouveaux centres. Mais, quand on regarde la perspective de financement, elle est presque inexistante. Ça fait qu'on s'était dit: Il va falloir innover, réfléchir, et on a découvert que les centres d'amitié ont toujours fait de l'économie sociale, mais on ne la nommait pas comme telle. Alors, en ayant un terme associé à notre pratique, c'est devenu une volonté commune, collective, pour les centres, d'entreprendre le virage d'économie sociale pour assurer notre développement et notre pérennité.

En plus, on trouvait que les valeurs portées par l'économie sociale rejoignaient nos valeurs culturelles. On parle de partage, d'entraide, de solidarité, et c'est des valeurs traditionnelles des premières nations.

Donc, on a commencé à nommer l'économie sociale. On est présentement à développer un modèle autochtone en économie sociale, puisqu'on considère que l'économie sociale nous permet de créer une richesse collective mais également une richesse humaine. Et, pour les premières nations, ça devient un outil de développement économique exceptionnel.

Alors, la partie économique devient pour nous une source d'autofinancement qui permet l'autonomie au niveau de la mission des centres pour pouvoir offrir des services qui correspondent aux besoins qui ont été identifiés. Et ça crée de l'emploi, ça crée de l'emploi durable, etc. Et présentement on pourrait dire qu'au Québec les centres d'amitié emploient plus de 165 personnes, majoritairement composés d'autochtones. On mobilise plus de 200 personnes bénévoles autour de notre mission. Donc, on voit qu'on a quand même un impact positif pour les premières nations hors réserve au Québec.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Et, moi, j'ai peut-être... Parce qu'ici, avec notre premier témoin, on a vu: juste gérer les services pour les itinérants sur l'île de Montréal était déjà complexe, mais, dans le dossier autochtone, qui fait quoi est davantage, encore plus complexe, et le soutien des centres d'amitié autochtones et ces choses en général.

Et, à titre d'exemple, c'est plutôt un commentaire qu'une question, mais un dossier sur lequel Mme Cloutier, le député d'Abitibi-Est et moi on a travaillé beaucoup, c'est le Pavillon des Premières-Nations à Val-d'Or. Et, moi, je me rappelle des longues discussions qu'on a faites avec le ministre de l'Éducation à l'époque, Jean-Marc Fournier, le ministre des Finances, Michel Audet, pour, premièrement, convaincre le gouvernement du Québec qu'investir dans ce projet était intéressant, après ça aller quêter à Ottawa, Jean-Pierre Blackburn, entre autres, qui était un des ministres qu'on a dû convaincre pour ce projet. Également, et, je pense, c'est le fait intéressant, parce que, le qui fait quoi, il y avait une participation dans une campagne de financement qui était cogérée à la fois par Ted Moses et le maire Trahan, de la ville de Val-d'Or. Alors, il y a beaucoup d'intervenants, alors c'est encore plus complexe pour promouvoir un dossier éducatif.

Mais, pour l'itinérance, une des présomptions de la commission, c'est un phénomène qui est des plus importants dans nos villes. Moi, je parle comme député de la région métropolitaine de Montréal. On voit dans le carré Cabot, par exemple, face à l'église des... à l'hôpital des enfants, à Montréal, une présence de plus en plus importante. Et je ne sais pas s'il y a une réponse facile, mais comment mieux coordonner, encore une fois, nos efforts? Est-ce qu'il y a une responsabilité pour les communautés autochtones? C'est quoi... Comment interpeller le gouvernement fédéral? C'est quoi, les choses que le gouvernement du Québec peut faire mieux?

Mais c'est un univers encore plus complexe. Le dossier de l'itinérance est déjà complexe, et, je trouve, on est dans un niveau de complexité encore avancé. Mais est-ce qu'il y a des modèles? Est-ce qu'il y a des suggestions qu'on peut faire pour mieux coordonner l'effort des partenaires dans ce dossier?

Mme Cloutier (Édith): Je vais me permettre de répondre à cette excellente question. En fait, ça tombe à point, votre question, parce que ça fait longtemps qu'on réfléchit. Bon, on comprend, ma collègue vous en a fait part, la réalité urbaine au Québec, elle est très peu documentée, la réalité des autochtones, contrairement à l'Ouest. Dans l'Ouest canadien, il y a une population autochtone, en partant, qui est beaucoup plus nombreuse que la population autochtone dans l'Est du pays. Alors, ça fait longtemps qu'on vit la migration des autochtones, des communautés vers la ville, dans les provinces de l'Ouest, et donc il y a eu beaucoup d'initiatives pour documenter, et rechercher, et identifier des pistes de solution pour justement permettre à ces populations-là de vivre en tout cas en cohabitation mais aussi à travailler les problématiques. Ici, au Québec, on est encore à l'état de ne pas avoir vraiment cerné cette réalité-là.

Donc, il y a deux choses sur lesquelles, nous, on a assumé un leadership, «nous» étant le Regroupement des centres d'amitié autochtones, puisque le regroupement a été quand même reconnu comme l'interlocuteur sur les questions urbaines des autochtones par l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, par une entente de relation qui affirme que nous sommes désignés comme un interlocuteur.

n (11 h 20) n

Alors, c'est sûr qu'au niveau du gouvernement fédéral, il y a quelques années... Et nous avons justement annoncé cette semaine, d'ailleurs en présence de M. Corbeil, que le gouvernement du Canada investissait, via Santé Canada, dans un fonds de transition pour les autochtones, pour justement mieux définir la complémentarité des services en matière de santé et services sociaux du gouvernement du Québec et aussi, pour les autochtones, donc spécifiquement pour répondre adéquatement à l'arrimage des services et certainement pour que le gouvernement du Québec, via ses agences et ses CSSS, rencontrent leurs obligations populationnelles face aux premières nations qui se retrouvent dans les villes.

Alors, le Regroupement des centres d'amitié, via le centre d'amitié autochtone, nous avons obtenu une possibilité de... bien, du financement pour travailler avec le Centre de santé et services sociaux de La Vallée-de-l'Or à développer un modèle d'intégration des services en matière de santé et services sociaux. On croit que ce sera vraiment un modèle qui pourra même être exportable dans d'autres villes où se situent des centres d'amitié autochtones et des CSSS.

Maintenant, pourquoi on a fait ça dans la région de Val-d'Or? C'est qu'il y a du travail qu'on fait depuis 35 ans, à travers le centre d'amitié autochtone justement, comme vous l'avez mentionné, madame, d'être en interaction avec notre milieu pour justement amener au coeur des discussions les réalités, et les défis, et les problématiques comme l'itinérance auprès des instances et de s'assurer que les agences intègrent dans leurs plans stratégiques la dimension autochtone.

Alors, le gouvernement fédéral s'est investi à donner un soutien financier pour pouvoir travailler à l'arrimage des services, à identifier les zones de complémentarité qu'on peut avoir entre des organismes reconnus, comme les centres d'amitié autochtones, et les programmes du CSSS. Alors, moi, je crois qu'on aura certes besoin du soutien du gouvernement du Québec pour s'assurer que le projet pilote en phase de développement dans La Vallée-de-l'Or puisse être justement porteur d'espoir dans les nouvelles façons de faire et les nouvelles approches pour aborder les problématiques que sont l'itinérance, mais aussi d'autres.

Parce qu'il ne faut pas se le cacher, là, il y a une réalité: il y a un mouvement d'urbanisation des autochtones. Les autochtones quittent les communautés. Il n'y a pas de logements, il n'y a pas de travail. On fait des bébés, il y a une démographie croissante. Donc, les gens se tournent par choix, par obligation, comme Josée le disait. Ce n'est pas tout le monde qui est encore à dire: Je m'en vais à Val-d'Or parce que je veux aller à l'université.

On a encore de grands défis devant nous, mais je pense qu'il y a un modèle qui est en train de se développer qu'il faudra certes qu'on y porte attention puis qu'on le soutienne et qu'on l'appuie pour s'assurer que ce travail-là qu'on fait, donc innover dans nos partenariats avec le gouvernement du Québec via les CSSS, bien, de s'assurer que dans l'avenir ce soit justement appliqué ailleurs et qu'on puisse sensibiliser les autres réseaux et les autres agences de santé et services sociaux dans cette réalité-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et on va suivre de près le développement de ce modèle. Avant de passer la parole, je veux juste souligner également la présence du ministre de l'Emploi et la Solidarité sociale et député de Louis-Hébert, qui est parmi nous. Mme la députée de Marguerite-D'Youville, la parole est à vous.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Cloutier et Goulet. Merci beaucoup pour ce mémoire qui démontre une très bonne connaissance du dossier, surtout la clarté dans la façon de l'énoncer, ce qui nous permet de mettre le doigt sur des problématiques de façon assez intéressante.

Dans votre mémoire, vous parlez qu'il est impératif de favoriser la concertation entre tous les intervenants d'une ville. Et ma première... Ça va être une question en deux volets. La première, c'est: Comment vous qualifiez la réceptivité des villes où les regroupements, les centres d'amitié autochtones travaillent? Et comment vous voyez qu'on peut réussir à améliorer les choses, selon le jugement que vous allez poser?

Et je fais le lien avec une recommandation que vous faites de pouvoir travailler étroitement à l'élaboration du deuxième plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Alors, quand on veut être un intervenant privilégié et travailler en concertation dans les villes, bien sûr qu'il y a un lien qui peut se faire aussi dans le cadre de politiques à énoncer au niveau gouvernemental. Et j'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus, parce que je comprends de ça que vous n'avez pas participé au premier et qu'à partir d'un certain nombre de constats vous voulez faire partie du débat et de la préparation du deuxième plan de lutte à la pauvreté.

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): Bien, merci pour la question. En fait, c'est vraiment dans nos priorités des prochaines semaines et prochains mois. En fait, concernant le plan de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, on n'était pas partie prenante du premier. Par contre, on a vraiment senti l'intérêt d'être intégrés à l'intérieur du deuxième. Et on est dans les groupes ciblés pour les consultations qui sont à venir et, si je ne me trompe pas, on devrait être consultés en mai prochain pour le renouvellement du plan de lutte à la pauvreté.

C'est sûr que, quand qu'on parle d'itinérance, quand qu'on parle d'une population particulière comme les premières nations, qui sont en fait une marge dans une marge, le plan de lutte à la pauvreté devient pour nous une solution qui permettrait de déployer de façon plus globale et intégrée les différentes interventions auxquelles on réfléchit. Et également on a eu quelques discussions à ce jour avec nos partenaires de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, plus particulièrement la commission de la santé et des services sociaux, pour se dire: Bon, on a un an pour se préparer pour le renouvellement. Ne serait-il pas plus... Ça aurait certainement plus d'impact, ce serait certainement plus profitable pour l'ensemble des premières nations si on arrivait à développer des mesures conjointes sur et hors communauté.

Donc, c'est dans nos projets. Et, dans la prochaine année... Comme le mentionnait Édith précédemment, il n'y a pas d'étude qui a été réalisée, c'est une situation qu'on connaît très peu. Par contre, il est facile d'énoncer que les premières nations accusent un haut taux de pauvreté et d'exclusion sociale. On aimerait avoir certaines ressources qui nous permettraient de réaliser un portrait sommaire de la pauvreté chez les autochtones dans les différentes villes où on retrouve les centres d'amitié pour être en mesure d'apporter des solutions et des propositions, des pistes d'action pertinentes.

Le Président (M. Kelley): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Édith): Vous aviez une deuxième question, mais auparavant j'aimerais juste compléter. En fait, vous remarquerez que toute la trame de fond de notre mémoire et des mémoires, et ça a été aussi la trame de fond de toutes les revendications que le Regroupement des centres d'amitié autochtones a faites dans le cadre du Forum socioéconomique des premières nations, en fait, pour nous, il est très clair que l'amélioration de la qualité de vie des autochtones qui composent avec la réalité urbaine, bien elle est conditionnelle au déploiement d'efforts pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Pour nous, c'est un fondement sur lequel notre action repose, à travers le réseau des centres d'amitié autochtones. Et à cet effet nous avons d'ailleurs amené une proposition au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, d'ailleurs, avec M. le ministre Sam Hamad, pour identifier une façon justement de travailler, pour justement qu'on s'assure qu'on soit inclus dans le second plan de lutte à la pauvreté. Alors ça, pour nous, c'était... c'est important.

n (11 h 30) n

Vous parliez de la réception des villes face à justement la recommandation sur la concertation. Moi, je vous dirais que ça dépend des villes, ça dépend de l'historique des rapports entre les citoyens et les premières nations, ça dépend si on a... Moi, je pourrais vous dire que... Pour être directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or depuis 20 ans maintenant, je peux vous dire que la présence d'un centre d'amitié autochtone fait une différence. Nous sommes en quelque sorte des médiateurs de notre milieu à différentes instances, pas juste dans le monde social et communautaire, mais aussi au niveau des rapports entre les élus municipaux, avec les premières nations. Alors, on est vraiment comme une forme de médiateur, mais il y a du travail à faire. C'est très clair que la présence d'un centre fait une différence, parce que ça fait partie de notre mission de favoriser le rapprochement, de travailler en cohabitation harmonieuse, de lutter contre le racisme et la discrimination. Et, sur ce, je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, et on aura certes à intégrer, dans nos actions, dans nos stratégies, davantage pour favoriser le rapprochement, surtout dans les villes de convergence comme Val-d'Or, comme Sept-Îles, comme Joliette, comme La Tuque, Québec et Montréal, évidemment.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Une autre question: Est-ce que vous avez reçu une réponse du ministère quant à votre demande, et quelle est cette réponse? Et un deuxième volet à cette question: Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer au sein du comité consultatif, puisqu'il y a un comité consultatif qui est mis en place, là, pour la préparation du deuxième plan de lutte?

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): En fait, oui, on a eu quelques discussions à ce jour sur des mesures qui pourraient nous conduire au plan de lutte à la pauvreté, et on a reçu une correspondance du ministre Hamad qui confirmait, d'un bon oeil, d'avoir un dépôt de projet qui nous permettrait de se préparer pour le renouvellement du plan de lutte.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Le deuxième volet?

Mme Cloutier (Édith): Sur la question du comité consultatif de lutte à la pauvreté, j'ai été nommée sur ce comité, mon mandat venait à terme au 31 mars. Je n'ai pas demandé un renouvellement, quoique le comité consultatif est ouvert à l'accueil d'un membre des premières nations. Mais je vais avouer que... ce que j'ai trouvé difficile... Et ça revient un peu à la première question: quand on se retrouve à porter le chapeau des premières nations dans des instances, auprès d'institutions ou dans un comité consultatif qui avise le ministre sur des questions très préoccupantes et sensibles pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, comme la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, c'est difficile de faire en sorte que la question des premières nations puisse se retrouver sur l'agenda parce que... et je partage... je partageais les préoccupations ? et je les partage encore ? de mes collègues du comité consultatif. Mais j'avoue que je me suis posé la question à savoir de quelle façon que je peux mieux m'investir. Mais ça, c'est moi, personnellement puis dans mon implication, ma militance à travers le Regroupement des centres d'amitié autochtones.

Mais ça revient à ça: c'est difficile de se retrouver seule à porter les enjeux. Alors, de là, on a décidé de soumettre une proposition au ministère pour développer vraiment un volet de plan de lutte à la pauvreté et de travailler sur d'autres aspects qui vont nous permettre de justement répondre adéquatement aux besoins de nos populations.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Combien de temps avons-nous, monsieur?

Le Président (M. Kelley): Il reste six minutes.

M. Bouchard: O.K. Alors, bienvenue. Bonjour, mesdames, et bonjour à Mme Patricia Auclair, qui vous accompagne. Mes questions vont être assez courtes parce que je pense qu'il faut couvrir un ensemble d'enjeux. Ma première question concerne le financement des centres d'amitié autochtones. Quel est le niveau de financement actuel? Quelles sont les sources de financement? Quels sont les besoins pour les années futures?

Mme Cloutier (Édith): Bien, vas-y, Josée, je vais...

Le Président (M. Kelley): Mme Goulet.

Mme Goulet (Josée): Je pense que nous allons faire une réponse à deux volets. Je vais m'occuper du premier volet, Édith fera le deuxième. En fait, il y a du financement qui provient du gouvernement fédéral, via Patrimoine Canada, et il y a aussi du financement qui provient du gouvernement provincial, via le Secrétariat aux affaires autochtones. Les deux sources de financement sont du financement dédié à la mission, donc du financement de base pour les opérations des centres d'amitié autochtones. Donc, au niveau provincial, le financement de base alloué pour les centres d'amitié est d'environ 913 000 $... 913 000 $. Ça, ce total-là n'inclut pas les deux nouveaux centres en développement, qu'on vient de développer, soit Lanaudière et Sept-Îles. Et, au niveau de la contribution du gouvernement du Québec à la mission des centres d'amitié, on parle d'un financement de 455 000 $.

M. Bouchard: Alors, j'ai peut-être mal... Le premier 913 000 $, la source de ça, c'est... c'est le secrétariat ou c'est le fédéral?

Mme Goulet (Josée): C'est Patrimoine Canada...

M. Bouchard: C'est Patrimoine Canada. O.K. Donc... O.K.

Mme Goulet (Josée): ...du gouvernement fédéral.

M. Bouchard: O.K., alors. O.K. Très bien. Et le 455 000, lui, vient du secrétariat.

Mme Goulet (Josée): Du secrétariat, oui, Secrétariat aux affaires autochtones.

M. Bouchard: O.K. Et aucune de ces enveloppes ne couvre les besoins d'implantation des deux autres centres. Autrement dit, ça couvre les besoins des huit centres actuels pour leur mission de base. Je dis «couvre leurs besoins», c'est-à-dire, c'est affecté au budget des besoins, des missions de base des huit centres actuels, mais ce n'est pas affecté au développement des deux centres qui s'ajoutent désormais aux huit présents, c'est ça?

Mme Cloutier (Édith): En fait, je peux peut-être vous donner un portrait plus imagé, là. En fait, si on compare le financement de base, qui vient du programme des centres d'amitié autochtones via Patrimoine Canada, pour un centre d'amitié qui... puis on fonctionne avec des vieilles normes, mais on appelle ça un centre à six années-personnes, comme Val-d'Or par exemple, on reçoit 178 000 $.

Le Secrétariat aux affaires autochtones verse une contribution, un soutien à la mission, qui représente... pour, encore là, un centre comme Val-d'Or, ça se traduit à 56 000 $ par année. Le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or a, cette année, des revenus totaux de 3 millions de dollars. De ce 3 millions là, il y a un peu plus du tiers qui est de l'autofinancement via des activités d'économie sociale; alors, pour nous, c'est majeur. C'est sûr qu'il faut qu'on travaille à développer l'esprit d'entrepreneur social à travers notre réseau. Il y a l'autre portion, le tiers, qui représente un peu plus du tiers du financement, de programmes fédéraux. Alors donc, sur un total de 3 millions de dollars, le Québec y contribue à 55 000 $. Donc, pour nous, tout l'aspect de l'intervention, dans les villes, en matière de santé, en matière de services sociaux n'est pas adéquatement financé. D'où, pour nous, le projet que je vous parlais qui va permettre de développer des zones de complémentarité, pour nous, ça devient extrêmement important pour la pérennité du réseau des centres, mais encore davantage pour répondre adéquatement à la réalité urbaine des autochtones dans les villes.

M. Bouchard: Donc, pour être clair...

Le Président (M. Kelley): Dernière question.

M. Bouchard: Oui. Dans mon esprit... Dernière question? Ça passe vite! Dans mon esprit, ça se traduit comme suit: Puisqu'il n'y a pas de reconnaissance maintenant des gestes que vous posez en matière de santé et de services sociaux, ce que vous espérez, c'est que le fonds de transition de santé de la population autochtone, qui nous vient du fédéral et qui permettrait cette reconnaissance, vous permettrait ensuite d'aller chercher des budgets afférents à des missions reconnues en santé puis en services sociaux, c'est ça?

Mme Cloutier (Édith): En fait, ça va même plus loin que ça, c'est de dire de quelle façon qu'on peut établir des protocoles de service avec les CSSS respectifs de notre territoire, mais ça peut se traduire aussi au-delà de protocoles de service, où on a des services qu'on nous paie pour les donner. Mais c'est aussi le partage d'avoir accès aux services et à l'expertise des CSSS, notamment en matière de supervision clinique pour nos intervenants, l'accès à la formation des intervenants, d'avoir accès aux différents programmes de première ligne, de prévention.

n (11 h 40) n

Il y a vraiment à ce niveau-là, pour nous... si on doit... on ne peut pas se vouer à l'échec dans ce projet pilote là, puisqu'il faudra sérieusement remettre en question la pérennité, la viabilité d'un réseau ancré au Québec depuis 40 ans, qui répond à des services à très peu de frais pour le gouvernement du Québec, à très peu de frais. Mais, maintenant, je crois qu'on a une réalité qui vous a été exposée: la population autochtone dans les villes n'ira pas en diminuant. Et je crois qu'on ne travaille pas... on n'arrive pas qu'avec des problèmes, on vous propose des solutions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Quand j'ai fait l'octroi des temps, M. le député de Mercier, vous avez une intervention à faire en Chambre, alors je n'ai pas vraiment réservé une enveloppe, mais, si vous avez un court commentaire... Mais sinon je suis dans le rattrapage de temps, mais je vais vous donner un court commentaire, si vous voulez.

M. Khadir: D'accord. Excusez mon itinérance à moi, il faut que j'aille...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khadir: Alors, ce que j'ai compris donc ? corrigez-moi là-dessus ? qu'au coeur de votre intervention ce qu'il faut retenir, au-delà des suggestions d'action, c'est d'intégrer le mouvement des centres d'amitié autochtones comme un acteur à l'intérieur du plan d'action, d'accord, mais aussi une reconnaissance presque institutionnelle du ministère de la Santé avec des corridors de services...

Mme Cloutier (Édith): Exactement.

M. Khadir: ...et donc de budgets, c'est ça? Très bien.

Mme Cloutier (Édith): Exactement.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et, avant de terminer, j'invite tous les membres de la commission qui n'ont pas eu l'occasion de visiter le Centre d'amitié autochtone à Val d'Or de le faire. Moi, j'ai eu le privilège de le faire. Le centre de la petite enfance qui est là, c'est vraiment un bijou. Et je pense qu'au niveau des relations interculturelles et un exemple tangible de construire les ponts entre les composantes de la société québécoise, c'est un très bel exemple. Le Pavillon des premières nations, je sais que le député ministre et moi gardent des très grands espoirs comme également un autre exemple de qu'est-ce que nous pouvons faire en travaillant ensemble.

Sur ça, je vais ? merci beaucoup, Mme Cloutier, merci beaucoup, Mme Goulet ? suspendre, quelques instants, mais je vais demander au prochain groupe de rapidement prendre place au banc des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Kelley): Alors, il y a certaines traditions de cette commission, surtout au niveau de l'itinérance, c'est: la gestion de temps est toujours très difficile parce qu'on a tellement de questions et tellement d'enjeux. Alors, je vais faire un appel à la discipline de tout le monde. On est un petit peu en retard, et je sais qu'il y a des collègues qui sont attendus à 12 h 30 pour une séance de travail de la Commission des institutions. Alors, on va essayer de finir le plus rapidement possible, mais...

On a un prochain témoin, qui est l'Association des groupes de ressources techniques du Québec. Alors, je vous demande de faire votre présentation de 15 minutes ou moins, si possible, et on va partager le temps qu'il reste pour s'assurer, dans la mesure du possible, que tout le monde aura leur droit de parole, qui est l'enjeu principal pour le président, de s'assurer que tout le monde aura l'occasion de poser leurs questions.

Alors, sans plus tarder, je vais laisser la parole à l'Association des groupes de ressources techniques du Québec, représentée par MM. Marcellin Hudon et Alain Marcoux. Alors, M. Hudon... monsieur... O.K. Parfait. M. Hudon, la parole est à vous.

Association des groupes de ressources
techniques du Québec (AGRTQ)

M. Hudon (Marcellin): Bonjour, M. Kelley... M. le Président, Mmes les commissaires, MM. les commissaires, je voulais vous remercier de nous avoir invités, là, à nous présenter devant vous. Ça nous fait plaisir de venir apporter notre modeste contribution à vos travaux. On doit souligner que les travaux de la commission sont d'une grande importance et, pour les avoir suivis, d'une grande qualité, depuis l'automne dernier. Je pense que vous avez rencontré beaucoup de monde, vous avez eu, je pense, un portrait assez diversifié de ce que peut être l'itinérance... ou les visages que l'itinérance peut avoir.

Nous, notre contribution, elle est essentiellement en matière de logement. Les groupes de ressources techniques sont des organisations qui travaillent à la réalisation de logements communautaires. Quand on dit communautaires, dans notre jargon à nous, c'est essentiellement du logement coopératif ou sans but lucratif.

L'action des GRT, elle est, si on pourrait dire... elle s'inspire de l'action communautaire autonome, mais en utilisant les outils de l'économie sociale. Depuis plus de 35 ans, les GRT ont réalisé ici, au Québec, 57 000 logements communautaires, coopératifs, sans but lucratif. Ça, ça exclut, là... je n'inclus pas les logements de type public, là, HLM. 57 000 logements, ça a l'air gros, mais c'est en même temps petit, parce que c'est à peine 5 % du parc de logements locatifs. Mais ces 5 % là ont une importance très grande parce que... en tout cas, on a vu, dans ce qu'on pourrait appeler la pénurie de logements, début des années 2000, s'il n'y avait pas eu les 57 000 logements, je pense qu'il y a encore plus de gens qui se seraient retrouvés à la rue et qui auraient encore eu plus de difficultés, là, à se loger convenablement.

Nous aussi, on prend la question de l'itinérance d'une façon globale. C'est-à-dire que le logement, pour nous, toutes les interventions que l'on fait, que ce soit auprès des familles, que ce soit du logement qui soit plus spécialisé, ou les personnes âgées, que ça s'adresse en termes de construction, de rénovation ou encore de recyclage, tout ce parc-là, pour nous, contribue à réduire et à prévenir l'itinérance. On le prend de façon globale.

Vous avez eu beaucoup de chiffres jusqu'à maintenant, je vous en donne quelques-uns supplémentaires. Depuis 2002, les GRT qui sont membres de l'association ? il y en a 24, en passant, qui sont membres chez nous, et ils sont répartis sur l'ensemble du territoire québécois ? on a réalisé plus de 9 800 logements qui ont été livrés, occupés aujourd'hui; il y en a 6 000 qui sont actuellement en phase de réalisation, c'est-à-dire que soit ils sont en chantier ou tout près de l'être; et il y en a 11 500 autres qui sont en ce qu'on appelle, nous, élaboration. C'est-à-dire, comme les GRT travaillent dans leurs communautés, ils sont très impliqués: ils identifient avec le milieu des besoins et ils identifient surtout des possibilités de solution, le logement en étant un. Donc, à ce moment-là, actuellement on a pour 11 500 logements. Ça, c'est des logements concrets, là, avec des terrains, ou encore avec des groupes avec lesquels on travaille.

n (11 h 50) n

Il faut vous dire aussi que les GRT, leur contribution, elle est d'accompagner les groupes qui veulent faire des projets. Nous, on ne réalise pas nous-mêmes les projets. Ce ne sont pas nos projets, dans le sens où on n'est pas les propriétaires, et on ne fait pas de location. Nous, on va travailler avec les groupes qui vont identifier une solution. On va travailler avec eux à essayer de la réaliser, cette solution-là, le plus près possible de leurs désirs, pour servir les gens qui sont visés par le projet.

En matière d'itinérance, on a une variété d'interventions, comme je vous le disais tantôt, mais naturellement il y a, si on pourrait dire... On a travaillé d'abord avec des projets qu'on pourrait qualifier de familiaux, c'est-à-dire des familles, qu'on pourrait dire, à revenus modestes et faibles qui n'ont pas nécessairement de problématique particulière, sauf de vouloir se regrouper et solutionner ensemble, d'avoir un logement abordable et de travailler ensemble.

Avec le temps, nos interventions se sont un peu spécialisées, dans le sens où on a travaillé de plus en plus avec des groupes qui voulaient intervenir auprès de... excusez, on n'aime pas le terme «clientèles», mais avec des ménages qui vivent des situations peut-être un peu plus dramatiques ou un peu plus difficiles au quotidien.

Pour nous, on a un outil principal qui est le programme AccèsLogis. Ce n'est pas le seul. Ce n'est pas non plus... Je dois aussi préciser que, nous, on ne se voit pas comme des livreurs de programmes mais bien comme étant des acteurs du milieu qui vont utiliser tous les outils possibles, disponibles, et même en inventer s'il le faut, pour arriver à réaliser un projet le plus près possible des besoins et de la solution désirée par le groupe. Donc, le programme AccèsLogis, on l'utilise.

Il y a trois volets, vous en avez sûrement déjà entendu parler. Et je vais surtout me concentrer sur ce qu'on qualifie de volet 3, c'est-à-dire qui va s'adresser particulièrement à des ménages qui sont en situation un peu plus critique. Depuis 2002, encore là, nous, on a réalisé pour 1 800 logements livrés, c'est-à-dire qui sont occupés aujourd'hui, dont à peu près la moitié qui sont à Montréal et à Québec, c'est-à-dire, aussi, l'autre moitié, sur le reste du territoire québécois; ça veut dire dans les centres urbains et en région. Il y en a 600 autres qui sont actuellement, comme je disais tantôt, en phase de développement, qui sont sur le bord d'être réalisés complètement et livrés.

Encore là, on n'aime pas beaucoup, nous, les catégories de clientèles, mais, d'après les informations qu'on a, on peut estimer que, sur les 1 800 ou les plus de 2 000 logements qui sont réalisés ou en voie de l'être, il y en a à peu près 45 % qui s'adressent, qu'on pourrait dire, à des clientèles, ou à des ménages, ou à des personnes, des individus qu'on pourrait qualifier plus proches de l'itinérance, sur le bord ou à très grand risque d'itinérance; 45 %. Les autres, 20 % qui sont plutôt pour des... qui s'adressent surtout à des femmes qui sont victimes de violence; 10 % qui s'adressent plutôt à des jeunes; et 25 % qui s'adressent plutôt à des gens qui ont un handicap ou encore avec des problèmes de santé.

On va vous parler maintenant du développement dans son quotidien, et je vais laisser mon collègue Alain vous en parler. Alain est coordonnateur d'un GRT ici, à Québec. Il travaille à la réalisation de logements depuis huit ans et est membre du conseil d'administration de l'association.

Le Président (M. Kelley): M. Marcoux.

M. Marcoux (Alain): Merci. En fait, le coeur de notre mémoire, c'est de vous entretenir en fait des problématiques et vous apporter des solution très ciblées, là, des propositions, bien, justement, pour nous permettre, là, de mieux livrer dans le fond des projets pour les personnes, les ménages qui sont à risque d'itinérance ou qui vivent l'itinérance.

Le premier aspect qu'on veut vous amener, c'est la question de la pérennité du programme AccèsLogis. Marcellin Hudon en a parlé tout à l'heure. Actuellement, pour nous, c'est l'outil principal de développement des projets, le volet 3, qu'on appelle, dans AccèsLogis. C'est important de vous dire que le processus de développement d'un projet d'immobilier communautaire, c'est quelque chose de fort complexe et de long. C'est déjà long dans l'immobilier, mais, dans l'immobilier communautaire, c'est, je dirais, un enjeu quotidien, là, de réussir à passer à travers les différentes étapes, ne serait-ce que de trouver un terrain, ne serait-ce que d'accompagner le groupe dans l'élaboration de son projet. Mais surtout ? et c'est l'aspect peut-être le plus important ? quand on parle du volet 3 d'AccèsLogis, c'est la mixité des sources de financement.

On a le programme AccèsLogis, mais, après ça, on a le réseau de la santé, on a IPLI. Donc, tout ça ensemble fait en sorte d'allonger des fois les processus de livraison d'un projet. Ce n'est pas rare qu'on peut parler de deux à trois ans, en termes d'accompagnement, pour la réalisation d'un projet où est-ce que la ressource est ouverte et les gens occupent les logements. On nous pose souvent la question: Pourquoi c'est si long? C'est essentiellement ça, sinon qu'il y a des exigences des fois urbanistiques, d'arrondissement, les instances locales qui viennent aussi ajouter, et là-dedans le groupe de ressources techniques, avec son groupe promoteur, bien doit maintenir la flamme, si on peut dire, toujours accompagner le projet dans le but de répondre à la mission première que le groupe promoteur s'est donnée.

Considérant ces délais-là, il y a quelque chose d'insécurisant de vivre avec une situation actuelle dans laquelle le programme AccèsLogis est renouvelé, année après année, sur une base annuelle, alors qu'au départ de ce programme-là on avait des programmations quinquennales. Donc, ça nous permettait de se projeter dans l'avenir, d'accompagner un groupe qui travaille pendant deux à trois ans et savoir que, dans quatre ans, dans cinq ans, il va toujours y avoir un programme. Depuis 2005, en fait on vit, là, des programmations annuelles. Le dernier budget vient positivement de nous accorder 3 000 nouvelles unités de logement, mais on n'a toujours pas la question de la programmation sur cinq ans. Donc, une de nos recommandations, qu'on pousse depuis plusieurs années en fait, c'est que le gouvernement annonce rapidement un renouvellement pluriannuel, d'au moins cinq ans, du programme AccèsLogis.

Maintenant, concernant le programme lui-même, bon, les conditions de financement actuellement ne sont pas toujours bien adaptées à la réalité, qui, je dirais, change très rapidement, du marché, ne serait-ce que le prix des terrains, les coûts de construction. On a beau actuellement être en crise économique, dans le domaine de la construction, nous, on ne voit pas de baisse de prix de construction sur le terrain. Et la façon dont le programme est construit actuellement, le programme ne s'adapte pas très rapidement aux nouvelles conditions du marché actuellement pour augmenter les coûts admissibles pour fins de subvention. Nous, on fait des représentations auprès de la Société d'habitation; après ça, la société amène ça au Conseil du trésor et, après ça, ça passe au Conseil du trésor. Nous, ça fait déjà un an que les coûts maximaux de réalisation n'ont pas été indexés, et, lorsqu'ils ont été indexés, il y a un an, ça faisait déjà deux ans qu'on les attendait. Donc, on est comme toujours un an, si ce n'est pas deux ans, en retard sur les coûts du marché, et ça fait en sorte de rendre les groupes promoteurs, les GRT, dans des situations assez difficiles, là, quand vient le temps de boucler un budget pour réaliser le projet.

Donc, sur ce point-là, on a trois recommandations très spécifiques. À très court terme, on voudrait, pour le printemps, que la Société d'habitation augmente les coûts admissibles pour fins de subvention dans le cadre du programme AccèsLogis. On voudrait aussi que la Société d'habitation rehausse la grille de subvention d'AccèsLogis, dans le cas de projets d'achat-rénovation, à hauteur de celle qu'on a pour actuellement la construction, particulièrement les interventions à Montréal, où, avec les cadres budgétaires qu'on a là, on a de la misère à boucler des projets, là, en achat-rénovation.

Et l'autre recommandation, c'est que la Société d'habitation mette en place un mécanisme souple et régulier d'ajustement. Donc, qu'on n'ait pas nécessairement, là, à se rendre jusqu'au Conseil du trésor, mais qu'on puisse donner un pouvoir à la Société d'habitation de faire ces ajustements-là sur le terrain et que ça se fasse de façon régulière.

Autre élément important... parce que, lorsqu'on parle d'intervention auprès des ménages ou des personnes vulnérables, ce n'est pas seulement de mettre un toit sur leur tête, mais c'est aussi le soutien communautaire, donc le soutien dans la vie de tous les jours et puis dans l'accompagnement. Il est maintenant largement reconnu, là, que le soutien communautaire, c'est un élément essentiel pour faire de ces projets-là des projets qui soient aidants auprès des ménages plus fragiles. À la fin de 2007, la Société d'habitation et le ministère de la Santé et des Services sociaux, en concertation avec le secteur de l'habitation communautaire, ont adopté un cadre de gestion du soutien communautaire en logement social; il y a un budget de 5 millions qui y est consacré annuellement. Actuellement, c'est certain que, pour nous, c'est déjà un premier pas, mais ce cadre financier là est largement insuffisant, là, pour pouvoir aider même les projets qui sont actuellement en exploitation; on ne parle pas de ceux qui s'en viennent.

Mais le deuxième élément sur lequel on veut vous sensibiliser, c'est qu'actuellement il y a une problématique, je dirais, d'arrimage entre cette source de financement là pour le soutien communautaire puis nos sources de financement pour l'immobilier.

Lorsqu'on dépose des projets à la Société d'habitation, dans le cadre de ces volets-là, pour ce type de ménages là plus vulnérables, on nous demande d'avoir des assurances sur des sources de financement pour le soutien communautaire lorsqu'on va être en exploitation. C'est assez difficile, avec les agences régionales de santé et services sociaux, de leur demander de nous réserver des budgets lorsqu'un projet va peut-être se réaliser dans trois ans, mais en même temps on a besoin de cette assurance-là pour que la Société d'habitation nous permette d'engager des projets. Donc, actuellement, il y a une problématique d'arrimage, là, entre, je dirais, la Société d'habitation, le ministère de la Santé et des Services sociaux. S'il y a un aspect important sur lequel on voudrait insister sur le soutien communautaire, c'est ce besoin-là d'arrimage entre les deux, qui sont un casse-tête, là, pour les groupes de ressources techniques puis les groupes promoteurs lorsqu'on veut réaliser un projet. Donc, deux éléments: augmenter l'enveloppe au soutien communautaire; mais, deuxièmement, que la Société d'habitation puis le ministère conviennent d'un mécanisme, là, qui va garantir la disponibilité de ces sources de financement là lorsqu'on développe nos projets.

n (12 heures) n

M. Hudon (Marcellin): Un point sur la question des maisons de chambres, c'est une question peut-être qui vous a été apportée et qui circule actuellement, notamment dans les milieux communautaires. Il y a une volonté de... Il y a une préoccupation parce que, notamment dans les grands centres urbains comme Montréal ou Québec, le parc de maisons de chambres est en diminution rapide, et leur disparition pourrait contraindre nombre de personnes à l'itinérance ou au moins, en tout cas, accentuer leur précarité, je veux dire, s'ils ne sont pas capables de se trouver une autre solution. Il y a un certain nombre de groupes communautaires qui demandent d'avoir une action rapide et concertée pour sauvegarder ce parc-là.

Sans... Nous, on n'a pas nécessairement... Comme je vous disais tantôt, nous, on va aller où les groupes vont nous demander d'aller. On va travailler avec eux à réaliser les projets qu'ils vont vouloir.

Actuellement, dans le cadre de nos projets en élaboration de catégorie volet 3, parce que, comme je vous disais tantôt, nous, les interventions de volet 3, pour nous, on ne les identifie pas nécessairement itinérance, mais on pense qu'ils sont tout aussi importants l'un l'autre pour prévenir l'itinérance, actuellement on a 700 logements qui sont en phase d'élaboration et qui pourraient être déposés quand même relativement à court terme à la SHQ ou à la ville de Montréal pour réalisation. Mais, pour faire ça, si on décide de dire: On fait une action là-dessus, si le gouvernement dit: On y va puis on fait quelque chose, bien les conditions, on vous les a données tantôt: il faut absolument améliorer le programme AccèsLogis et arrimer notamment le soutien communautaire entre le développement et le ministère de la Santé.

Je vais terminer là. Et je vous remercie. Puis on va répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Je propose peut-être deux blocs de 18 minutes, les deux côtés de la table, qui va obliger un léger dépassement de temps. Je sais qu'il y a des collègues qui doivent quitter avant la fin, alors on le comprend, mais on va lancer la balle très rapidement. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Alors, merci beaucoup d'abord de la présentation de votre mémoire. Et je voudrais profiter de l'occasion... parce qu'on a un GRT dans le comté de Lévis, et je voudrais profiter de l'occasion pour féliciter les GRT pour le travail exceptionnel qu'ils font dans notre milieu, notamment au niveau du logement communautaire.

Évidemment, au niveau des argents et des budgets, je vois qu'il y a quand même une demande, là. Et c'est sûr qu'on ne peut pas réussir à y répondre entièrement, mais on sait qu'il y a eu quand même des efforts louables depuis 2003, avec les infrastructures notamment, puisqu'on sait qu'il y a eu au-delà de 3 milliards d'investissements, là. C'est quand même un redressement, un certain redressement.

Mais, moi, mon questionnement était surtout en regard d'un élément spécifique de votre mémoire qui touche les conditions de financement des programmes. Vous dites qu'ils ne sont pas toujours bien adaptés par rapport aux conditions du marché du travail. Et là vous proposez que la Société d'habitation augmente les coûts admissibles pour fins de subvention. Pouvez-vous m'expliquer, juste pour qu'on comprenne bien en quoi vous voulez les augmenter, là, en quoi ça consiste, les coûts admissibles actuellement, et nous dire de quelle façon vous souhaiteriez que ce soit augmenté?

Puis j'en aurais une autre, une deuxième, si vous permettez, M. le Président. Je la poserais immédiatement. C'est dans votre recommandation 3. Pouvez-vous m'expliquer un petit peu votre notion de, tu sais, «...rehausse la grille de subvention d'AccèsLogis pour les projets d'achat-rénovation à la hauteur de celle de la construction...»?

Alors, bref, c'est deux éléments complémentaires d'information qui pourraient aider les membres de la commission, là, dans la compréhension, au niveau des coûts admissibles, la première question.

M. Marcoux (Alain): Je vais tenter de répondre. Peut-être, M. Hudon complétera.

Le Président (M. Kelley): M. Marcoux.

M. Marcoux (Alain): Je ne veux pas tomber dans la mécanique très technique, là, du programme AccèsLogis, mais juste pour vous expliquer de façon... comment ça fonctionne. Quand on dit que la Société d'habitation subventionne 50 % des projets, en fait ce qu'elle subventionne, c'est 50 % d'un coût maximal admissible. Prenons un cas hypothétique, un deux chambres à coucher, 90 000 $, coût maximum admissible; la Société d'habitation va subventionner 50 % de ce 90 000 $ là. Ça ne veut pas dire que ça va coûter 90 000 $ pour la réalisation, ça peut être plus dans certains projets, mais ce qu'elle subventionne, c'est 50 % d'un montant x. Donc, il y a des grilles, lorsqu'on est en construction, lorsqu'on est en achat-rénovation, qui sont différentes et pour lesquelles les coûts admissibles ne sont pas les mêmes.

Nous, ce qu'on dit, c'est que cette grille-là ? c'est elle qu'on veut voir indexée ? c'est qu'elle ne suit pas actuellement l'évolution du marché économique: le coût des terrains, le coût de la construction. Donc, lorsqu'elle est indexée à tous les deux ans, bien ça fait longtemps, là, que le coût des terrains a augmenté puis qu'on a de la misère. Puis, à un moment donné, on a un goulot d'étranglement où nos projets ont de la difficulté à passer le cap, là, de l'opération.

Pour la question d'achat-rénovation, c'est que la grille prévoit des coûts maximums admissibles qui sont différents lorsqu'on fait de la construction que lorsqu'on fait de l'achat-rénovation. Les coûts admissibles sont moindres en achat-rénovation. Et actuellement ce qu'on voit sur le terrain, c'est que ce n'est pas vraiment moins cher, là, faire de l'achat-rénovation, surtout dans le type de bâtiment dans lequel on intervient des fois, dans des vieux quartiers où finalement rénover est presque aussi, des fois, coûteux que de faire de la construction. Mais donc c'est cette notion-là, là, de... Je ne sais pas si ça répond...

M. Lehouillier: Oui, oui, ça répond à ma question, parce que, moi, ce que je voulais avoir, c'est un élément important quand... pour la mise en place d'un plan d'action. Donc ça, ça m'intéressait d'avoir ces éléments-là de façon plus particulière. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Merci pour votre présentation, votre mémoire.

Vous avez fait mention, juste à la fin de votre présentation, de la question des maisons de chambres et du fait qu'il y a une diminution rapide. Vous parlez également, et on le sait tous, que ce sont des résidences qui peuvent permettre à des personnes seules de trouver du refuge temporairement, qu'il y a beaucoup de personnes itinérantes qui pourraient être hébergées dans des maisons de chambres. Il est question, au niveau... à Montréal, de rénover, construire. Dernièrement, il y a beaucoup de discussions sur la question des maisons de chambres.

J'aimerais savoir: Quel rôle pourriez-vous voir pour les GRT dans ces discussions ou dans ce projet-là qui pourrait avoir lieu?

M. Hudon (Marcellin): Les maisons de chambres dont on parle, c'est essentiellement les maisons de chambres qui sont actuellement propriété du privé. Les groupes voudraient qu'on... À cause des coûts, de l'augmentation des coûts, notamment dans les... Ces projets-là sont... Ces chambres-là sont généralement au centre de Montréal, au centre-ville ou tout près du centre-ville, donc les endroits où la valeur a beaucoup, beaucoup augmenté dans les 10 dernières années. Je pense que je n'apprendrai rien à personne: il y a beaucoup de construction, les terrains ont beaucoup augmenté, il y a beaucoup de construction de logements à Montréal depuis 10 ans, et il y a beaucoup de ces bâtiments-là qui ont été, si on pourrait dire, transférés, ils ont été rachetés. Les chambres y ont été transformées en logements standards, ou en condominiums, ou encore même, dans certains cas, en auberges temporaires pour les touristes parce qu'ils sont bien situés.

Le parc qui reste, bien il est très vétuste et il coûte très cher à cause de cette spéculation-là. Les groupes voudraient qu'on les sorte du marché puis qu'on les rénove. Les GRT, là-dedans, ils agissent comme étant... Ils vont aller travailler à faire des offres d'achat, vont sécuriser, autrement dit, l'immeuble. On va s'assurer qu'il ne sera pas vendu ou on va l'acquérir à court terme. On va faire les démarches avec le groupe pour identifier: Bon, là, c'est une maison de chambres, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on la rénove complètement? Est-ce qu'on transforme la typologie? Qu'est-ce qu'on en fait exactement? Une fois qu'on a fait ça, bien le financement de ça, comment est-ce qu'on va trouver le financement? Il y a le programme AccèsLogis, mais souvent ce n'est pas suffisant, il faut trouver d'autres formes ou d'autres sources de financement. On va travailler avec eux à ça.

Le groupe lui-même, naturellement, lui, son intérêt est généralement... En tout cas, moi, je n'en connais pas beaucoup que son seul intérêt, c'est de louer des logements ou de louer des chambres. Il veut faire une intervention, d'où le soutien communautaire. Ça fait que, lui, il va faire une... il va entreprendre des démarches auprès de l'agence pour trouver le financement nécessaire pour faire ce soutien communautaire là. Le GRT va souvent l'accompagner dans cette démarche-là.

Ça fait que le GRT, depuis le début jusqu'à la phase: on dépose le projet pour acceptation à la ville de Montréal ou encore à la Société d'habitation du Québec, l'acceptation, le développement, les plans et devis, les travaux, la reprise... on pourrait dire la prise de possession après les travaux, la gestion pendant un an, le GRT va être là dans toutes ces démarches-là. Donc, c'est pour ça que ça prend deux à trois ans généralement pour faire un projet. Est-ce que c'est plus clair?

M. Sklavounos: Oui. Et plus particulièrement, parce qu'on discute de Montréal, y a-tu des choses plus particulières, à part de ce que vous faites déjà, que vous... Y a-tu des choses plus particulières concernant Montréal ou c'est à peu près ça?

M. Hudon (Marcellin): Je ne vois pas exactement, là. C'est surtout ça.

M. Sklavounos: Oui. Ça va, ça va.

M. Hudon (Marcellin): On agit à plusieurs niveaux. Il y a les maisons de chambres, parce que... bon, les volet 3, mais on fait beaucoup aussi du logement familial et des logements pour personnes âgées en légère perte d'autonomie. Ça fait qu'on couvre à peu près, là, l'ensemble des besoins des ménages à revenus modestes, en tout cas à Montréal.

n (12 h 10) n

Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le député? O.K. Parfait. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous. Je connais votre GRT dans la région de l'Outaouais. Je crois que c'est Loge-Action Outaouais.

Ma question est très simple: Est-ce que les groupes doivent toujours passer par un GRT pour mettre un projet de l'avant? Est-ce que c'est une obligation? Est-ce qu'il y a d'autres façons de le faire?

M. Hudon (Marcellin): Bien, regardez, je ne pense pas qu'il viendrait à l'idée d'un promoteur immobilier de réaliser un projet d'importance sans engager un architecte, un ingénieur ou ce genre de chose là. Le GRT, il est là pour aider le groupe, parce que c'est quand même assez compliqué.

D'ailleurs, les GRT sont nés, dans les années soixante-dix, du besoin des groupes du milieu d'avoir une expertise du milieu, issue du milieu, avec toujours le contrôle du milieu pour justement faire ces projets-là.

Il y a eu des initiatives au début des années soixante-dix, notamment... Vous êtes ici à Québec; la rue Saint-Gabriel est un bel exemple. Les gens, les comités de citoyens se sont mobilisés pour empêcher la destruction quand même d'un parc de logements important. Ils ont voulu les transformer en coopérative ou encore en organisme sans but lucratif. Les gens l'ont fait bénévolement. Ils se sont aperçus que c'est très, très, très compliqué, et, quand ils rentraient dans leurs logements, bien là il y a d'autres gens qui venaient les voir, dire: Aidez-nous à faire un projet. Ça fait que, là, c'est là qu'est venue l'idée, autour des écoles d'architecture, notamment de Laval ici puis, à Montréal, de McGill et de l'Université de Montréal, de former des GRT à la disposition des collectivités, des communautés. Ça fait que le GRT, lui, est implanté là.

Il n'y a pas d'obligation légale, il n'y a pas d'obligation... Il y a une utilité qui est très grande.

Nous, ce qu'on dit au gouvernement, dans le cadre des programmes, je veux dire, regardez, d'abord, le programme AccèsLogis, il a été conçu, il a été négocié... il a été conçu et négocié à la suite d'une proposition que, nous, on avait élaborée de programme. On trouvait qu'il manquait quelque chose. Notre expérience des 30 dernières années nous disait: Bon, il manque quelque chose en termes de programme ici, au Québec, et on a élaboré ça puis on a déposé ça à la Société d'habitation. À partir de ça, on a réussi à convaincre le gouvernement de réaliser ce qui est devenu aujourd'hui le programme AccèsLogis, programme AccèsLogis qui est un exemple, je pense, qui est un modèle de programme. Malgré tous ses défauts, malgré toutes ses faiblesses, c'est quand même le seul qui existe qui est complet, qui réussit à intervenir aussi largement. Et au Canada on fait beaucoup de jaloux, et même au niveau international. Il y a des gens qui viennent d'Europe qui viennent nous voir puis qui trouvent que ce qu'on fait ici, c'est intéressant, justement à cause de cette intervention-là.

Puis, pour revenir aux GRT, bien, nous, on le conseille aux gens. On fait... Les trois quarts des projets sont réalisés à l'aide de GRT, puis les gens... En tout cas, nous, les échos qu'on a notamment des gens qui gèrent le programme à la Société d'habitation, ils nous disent dans l'oreille: Bien, on préfère quand il y a un GRT qui est là, c'est plus simple de faire le projet. C'est assez complexe, hein? Les gens le font de façon... Ils font l'initiative seuls.

Mme Gaudreault: Ça répond très bien à ma question. Merci.

Le Président (M. Kelley): Moi, peut-être juste une question sur votre recommandation n° 6, qui est la préoccupation du président sur la commission, mais toute la question de la meilleure coordination entre les intervenants gouvernementaux. Et ça, c'est toute la question du soutien communautaire, qui est très important à l'intérieur de ces projets. Comment est-ce que... Le mécanisme que vous avez proposé ici, pouvez-vous élaborer un petit peu sur cette notion?

M. Hudon (Marcellin): Développer du logement, bon, la nature du processus de développement immobilier puis la façon qu'on s'est... qu'on est arrangés ici, au Québec, qu'on travaille avec la Société d'habitation, c'est extrêmement décentralisé, c'est-à-dire que c'est les groupes qui font affaire, puis le programme est centralisé à Québec, dans la Société d'habitation, et les initiatives viennent du milieu. On dépose à la SHQ, qui regarde si le projet est conforme ou rentre dans le programme, et tout ça. Ça fait que, nous, on travaille avec ça. Et c'est comme on dit: une fois que les programmations sont là, on dépose les projets.

Les agences de la santé et services sociaux, je pense que, bon, ça a été dit un peu tantôt, c'est des programmes de logement, puis c'est la partie congrue de leurs activités, et ils ne fonctionnent pas de la même façon que nous autres, sur le même rythme. On n'a pas les mêmes équivalences de partenaires dans le milieu qu'on peut l'avoir au niveau de l'habitation.

Ça se développe tranquillement. C'est... Les gens, ils réussissent quand même à développer des relations au niveau local, mais ça demeure quand même assez disparate, fragile. Et, je pense, le handicap principal, c'est vraiment l'engagement du ministère de la Santé pour dans les trois ans, quand le projet va être vraiment prêt à recevoir l'argent. Et c'est là qu'on a un problème, parce que la SHQ, elle, comme elle garantit le projet, elle donne quand même des subventions pour le projet, c'est normal qu'elle dise: Nous... Parce que le projet comporte une dimension soutien communautaire. Ça fait partie du concept, ce n'est pas juste du logement, c'est aussi ça. Ça fait qu'il faut absolument que le ministère de la Santé fasse un pas à travers ça. Les deux ont des pas à faire, mais, de mon point de vue à moi, le ministère de la Santé a peut-être un pas un peu plus grand à faire actuellement par rapport à ça.

M. Marcoux (Alain): Que les agences soient capables de nous... de garantir aux groupes promoteurs que, dans le trois ans, il va avoir une enveloppe réservée pour le soutien communautaire, pour leurs projets, si nécessaire, parce que c'est une obligation aussi, en même temps, lorsqu'on dépose les projets à la Société d'habitation, de garantir que, lorsqu'on va tomber en exploitation, on va avoir les ressources pour le faire. On a vécu, nous, des projets à Québec qui se sont développés, où les gens ont tenu à bout de bras le soutien communautaire pendant des années parce qu'il n'y avait plus d'argent finalement lorsque le projet tombait en opération, puis qui ont dû, je dirais, reculer par rapport au soutien qu'ils étaient capables d'offrir. Je parle d'une maison de transition pour des femmes qui avaient vécu de la violence conjugale, où, lorsqu'ils sont arrivés à l'opération, ils n'avaient plus... ils n'avaient pas les fonds de l'agence. Donc là, ils se sont... Plusieurs maisons de femmes se sont mises ensemble pour soutenir à bout de bras le soutien communautaire. Ça ne devrait pas arriver. On devrait pouvoir avoir une garantie, là, puis cet ajustement-là entre les deux réseaux est très difficile.

Puis là on vous parle des projets liés vraiment à des clientèles ou des ménages plus vulnérables, mais, lorsqu'on est dans des volets personnes âgées en perte d'autonomie, on a des fois aussi le même problème, là. Il y a vraiment... C'est deux mondes qui ont à se parler.

Le Président (M. Kelley): Non, non, et... Non, c'est un point important, parce qu'on voit ça également dans les hôpitaux, l'achat des équipements. C'est une chose, acheter un équipement, mais les frais de fonctionnement après, de trouver tout ça, il faut mettre les deux ensemble. Alors, c'est un enjeu très important.

Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, merci, M. le Président. Donc, j'avais effectivement cette question sur la recommandation 6. Donc, mon collègue va y revenir probablement tout à l'heure.

Mais, moi, je vais revenir à la recommandation 1. Je lis dans votre mémoire, à la page 4, toute la question des délais inévitables, puis je pense que vous avez, avec beaucoup de clarté, énoncé toutes les composantes de la mise en place avec lesquelles vous devez tricoter, passez-moi l'expression, pour en arriver à des résultats. J'ai eu l'occasion d'aller sur le terrain et de voir la qualité du travail que vous faites en support aux organismes communautaires et je tiens à le souligner ici, parce que je pense que ça demande beaucoup de pertinence dans les propositions, dans la façon de faire, beaucoup de disponibilité pour travailler avec les différents groupes, et je pense que vous répondez avec beaucoup d'efficacité à tout cela, pour ce que j'en ai vu.

J'aimerais connaître un petit peu plus les conséquences d'avoir passé d'une planification sur une base quinquennale pour les budgets d'AccèsLogis à, maintenant, un financement annuel. Je ne dirais pas une «planification», parce que d'après moi c'est un manque de planification que ça génère, là. Mais les conséquences de ça, vous les voyez comment conséquemment à l'insécurité que ça amène au niveau des promoteurs?

M. Marcoux (Alain): Bien, une des conséquences importantes, c'est que, nous, on est toujours en train de se projeter deux ans, trois ans à l'avance. Actuellement, on travaille, on réalise des projets qu'on a commencé à travailler il y a trois ans. Donc là, les groupes qu'on accompagne, c'est pour dans trois ans. Et, nous, il faut trouver des terrains, il faut trouver des immeubles, il faut négocier des offres d'achat. L'argent pour acheter ces immeubles-là généralement vient du programme, donc on étire des offres d'achat sur un an, un an et demi, deux ans. Puis là on arrive au bout du compte: si on n'a pas les unités, la programmation n'est pas là, bien on le perd. Puis c'est insécurisant, parce que les groupes, la première question: Y a-tu des unités disponibles? Ça, c'est toujours la question piège. Bon, il devrait en avoir, il va avoir une programmation, mais...

n (12 h 20) n

Puis aussi, pour les groupes de ressources techniques, je vous dirais, on a beaucoup de travail sur la planche pour accompagner des projets, puis de passer, excusez-moi, là, du temps à faire la tournée des bureaux de députés, on vous aime beaucoup, mais à avoir à resolliciter, de dire: Il faut reprolonger AccèsLogis... Nous, notre mission, c'est de livrer du... d'accompagner des groupes, puis ce n'est pas... Notre mission, c'est d'aller les présenter aux députés dans chacune des circonscriptions, les projets qu'on fait, avec fierté, mais on aimerait ça de consacrer nos énergies à faire ces projets-là et non pas, à chaque année, de refaire la tournée pour sensibiliser qu'il faut reprolonger AccèsLogis. Parce qu'on pense que ce programme-là a fait ses preuves, il a réalisé des beaux projets. Puis, même s'il peut être bonifié, là, il me semble que les arguments sont là, là, pour...

Puis, ne serait-ce qu'en termes de planification économique et sociale, bien le fait d'avoir une programmation à long terme, ça permet aussi d'avoir des visions, parce qu'on intervient beaucoup avec nos milieux, avec les municipalités et on transmet aux municipalités. Eux aussi nous transmettent des orientations de développement, et, si on n'est pas capable de savoir où on est dans deux ou trois ans, c'est difficile de dire: On planifie un secteur, une rue doit s'ouvrir, faire des projets. S'associer des fois aussi avec des promoteurs privés dans d'autres projets, parce que ça arrive, puis en ne sachant pas si on va être capable de livrer la marchandise, c'est très insécurisant.

Puis les groupes qu'on accompagne, c'est des organismes à but non lucratif. Il y a des bénévoles, il y a toutes sortes de gens qui tournent autour de ces projets-là, puis avoir mis bien de l'énergie à... des fois à faire des levées de fonds... Ça peut être pendant trois ans. On fait des levées de fonds, pour finalement peut-être, au bout du compte, ne pas avoir un projet. C'est très insécurisant.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Je ne sais pas si on vous a expliqué le pourquoi de ce changement-là, je serais bien curieuse de le connaître. Mais je serais aussi très curieuse de savoir si vous avez des données quantifiables sur la perte de terrains ou de disponibilité de logements occasionnée par une mesure comme celle-là. Parce que je suis très consciente du temps que ça exige, et, quand on arrive, au bout de la ligne, à dire: Bien, ça nous échappe parce qu'on n'a pas de garantie de financement, puis que finalement on ne peut pas consolider la démarche... En tout cas, je suis un peu... très interrogative sur ces questions-là.

Mais surtout: Quels sont les arguments qui vous ont été énoncés, si ça a été fait, pour cette modification-là depuis 2005?

M. Hudon (Marcellin): Il faut dire que la dernière programmation date de 2002. À ce moment-là, il y avait eu une accélération importante du développement. C'étaient des programmations sur cinq ans. En plus d'AccèsLogis, il y avait eu un programme complémentaire, qui s'appelait Logement abordable Québec, qui utilisait une partie de l'argent fédéral. Les objectifs étaient en 2002 et 2007; en 2004, on avait déjà épuisé les budgets. Donc, à ce moment-là on a commencé à dire au gouvernement: Regardez, il faudrait déjà commencer, là, à annoncer des nouvelles programmations. Sauf que je pense que ce n'est pas encore totalement partagé par tout le monde. Il y a des efforts qui sont faits à chaque année. Ça, on les souligne puis on les apprécie. Mais ce n'est pas encore tout à fait partagé, l'idée qu'il faut intervenir en logement comme on intervient en éducation puis en santé.

Moi, il me semble que ça fait... c'est une responsabilité de la société. On peut se donner des objectifs puis les objectifs de toujours être sur du moyen et du long terme, cinq ans à 10 ans. On peut ajuster les plans d'action. Mais, moi, je pense que, le jour où le gouvernement va vraiment dire: Bon, là, on arrête de se poser la question: est-ce qu'on en fait ou on n'en fait pas?, on dit: on en fait, mais on détermine, mettons, à deux ans ou à trois ans d'avance, les niveaux d'intervention qu'on fera, les cibles d'intervention qu'on se donnera, je pense que c'est dans ce sens-là qu'on voudrait que le gouvernement...

Bon, il y a... Des gens parlent d'une politique de l'habitation. Est-ce que ça pourrait être une solution ou ça pourrait être une voie dans ce sens-là? Peut-être. Ça serait intéressant. Mais, au moins, ça ouvrirait les discussions sur justement: Comment est-ce qu'on se projette dans cinq ans ou dans 10 ans? Comment est-ce qu'on y parvient?

Là, actuellement, bien on répond aux besoins, on répond aux urgences. Et c'est extrêmement difficile pour les... notamment pour les GRT, quand les groupes viennent les voir, dire actuellement: Voulez-vous nous aider, on veut faire un projet? Là, le GRT est déjà plein les bras avec les projets qu'il a actuellement, puis là il dit: Bien là, on peut vous aider, on va faire un bout de chemin, mais il va falloir gagner des unités pour dans deux ans ou dans un an, quand on sera prêts vraiment à déposer le projet. Ce n'est pas efficace puis ce n'est pas efficient.

M. Marcoux (Alain): J'ajouterais peut-être un...

Le Président (M. Kelley): M. Marcoux.

M. Marcoux (Alain): ...un dernier petit élément pour aussi comprendre, nous, de quelle façon on vit, les groupes de ressources techniques. Nous, en fait, à part une petite subvention au fonctionnement, l'essentiel de nos revenus, c'est des honoraires d'accompagnement dans le cadre des projets. Et, nous, on travaille à risque tant que le projet n'est pas engagé par la Société d'habitation. Donc, on peut travailler pendant trois ans sur un projet, puis finalement, au bout du compte, bien, s'il n'y a pas d'unité, bien nous, je veux dire... On est des organisations, entreprises d'économie sociale, mais on a à jauger des niveaux de risque d'accompagner des projets. Puis ce n'est pas parce qu'il n'y a pas un besoin, mais en même temps on doit se poser ces questions-là comme organisation où est-ce qu'on veut survivre dans le temps. Est-ce qu'on travaille sur ce projet-là ou pas? Ça crée un... Pour les groupes promoteurs et pour les groupes de ressources techniques, c'est toujours insécurisant.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. À mon tour de vous souligner... de vous saluer, pardon.

Très rapidement. À supposer que, la commission, et c'est seulement une supposition, on réussit à s'entendre sur une politique dans un rapport éventuel, est-ce qu'on peut dire, en termes d'habitation, que le volet 3 actuel, tel qu'on le connaît... et je ne parle pas nécessairement en termes de nombre annuel, parce que, bon, on peut s'entendre qu'il n'y en aura peut-être jamais assez, mais que, le volet 3, on n'est pas obligé de refaire, réinventer la roue, et que le volet 3, qui existe déjà dans AccèsLogis, dans une politique, disons, de lutte à l'itinérance, serait un bon exemple à prendre, et de poursuivre, sinon d'améliorer éventuellement? Est-ce que le volet 3, en égard de l'itinérance, est satisfaisant comme programme de logement ou il y a des... il y aurait des choses à améliorer d'après vous, vous qui êtes experts dans le domaine, là?

Le Président (M. Kelley): M. Hudon.

M. Hudon (Marcellin): Comme je vous disais tantôt, le programme AccèsLogis a été pensé pour une intervention qui est peut-être ça de large sur le créneau de toutes les interventions en logement. C'est peut-être... Il a été au départ pensé pour ça. Avec le temps, on l'a étiré. Il a réussi à s'étirer quand même pas mal. C'est surprenant pour un programme, d'ailleurs, d'être allé aussi loin.

Par rapport au volet 3, moi, je pense que fondamentalement le programme AccèsLogis est une base de travail qui est bonne pour... vraiment pour un ensemble d'interventions. Pour la question du volet 3, il y a des ajustements à faire, notamment au niveau des coûts, au niveau du soutien communautaire, qui est peut-être l'élément le plus complexe de l'affaire. Au niveau immobilier, on peut toujours arriver à des... à réaliser quelque chose. Mais, comme je vous disais tantôt, là on rentre dans des types de projets qui ont un aspect social et accompagnement social, communautaire qui dépasse l'aspect immobilier, puis c'est cet aspect-là qui est le plus difficile puis que le programme AccèsLogis tout seul ne peut pas arriver à faire. C'est ce bout-là, là, qui actuellement, là, complique les choses dans le volet 3.

M. Lemay: J'ai le temps pour une dernière, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui, vas-y.

M. Lemay: Bon. Bien, d'abord, si j'ai du temps en masse, je vais avoir une petite question rapide qui ne vous regarde pas directement, mais, comme je sais que vous êtes bien branchés dans le milieu, et ça fait longtemps qu'on n'en a pas parlé: L'agence de Montréal a abandonné son idée d'une autre vague de désinstitutionnalisation, est-ce que je me trompe? Mais là une désins pas des gens qui étaient en institution, mais des gens qui étaient en famille d'accueil, et tout ça. Est-ce que vous en avez entendu parler? La FOHM avait parlé de ça avant les fêtes, là.

M. Hudon (Marcellin): Je ne pourrais pas, non, je ne pourrais pas vous dire.

M. Lemay: Non? O.K. Dernière question. En fait, je vous fais une hypothèse: disons que la... Parlons de l'île de Montréal, M. le Président. L'agence de Montréal, elle dit: Moi, je m'occupe des autres ministères actifs, Sécurité publique, centres jeunesse, et tout, et va vous voir, l'AGRTQ, pour dire: On négocie ensemble un plan d'action sur 10 ans pour prévoir des logements à court, moyen, long terme. On sait à peu près combien de jeunes vont sortir des centres jeunesse, on sait combien de gens sortent des centres de détention. Alors, on signe une entente ensemble.

Une voix: ...

M. Lemay: Pardon?

Une voix: On peut se projeter...

M. Lemay: On peut se projeter, disons, sur 10 ans. Est-ce que ça... Est-ce qu'en disant ça, c'est fou, on rêve en couleurs? C'est un excès de lucidité de l'agence qu'on ne se douterait pas maintenant ou... Est-ce que... Je ne dis pas que l'AGRTQ serait le bon organisme, mais il me semble, à un moment donné, il va peut-être falloir qu'on y arrive, non?

M. Hudon (Marcellin): Bien, moi, je pense qu'effectivement il faut que les agences pensent... Quand ils procèdent à des actions de ce type-là, il faut qu'ils pensent au milieu qui reçoit les gens puis, bon, il faut qu'ils procèdent en prévision, en amont.

Nous, bon, si on donne cette hypothèse-là avec les GRT, ça ne pourrait pas se faire qu'avec les GRT, il faudrait le faire avec le milieu. Nous, on peut travailler avec le milieu à faire ça.

Une voix: ...

M. Hudon (Marcellin): Oui, oui, mais c'est les groupes qui vont les recevoir. Ça se fait. Moi, je pense que ce serait quelque chose d'intéressant à faire, effectivement, là, de faire une planification sur cinq à 10 ans avec ces gens-là. Oui, moi, je pense que ce serait...

M. Lemay: Dans une perspective, vous l'aurez compris, M. le Président, de prévention, sachant d'année en année un petit peu. D'accord. Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Mercier.

M. Khadir: D'abord, moi-même, je suis nouveau ici, mais je vous souhaite quand même la bienvenue. D'accord?

Donc, ce que j'ai compris, c'est que régler le problème du logement ne règle pas tout, que l'itinérance, c'est une absence de logement, mais c'est aussi peut-être une absence de liens, c'est ça, une pauvreté de liens...

n (12 h 30) n

Une voix: C'est ce qu'on constate. Les groupes, c'est ce qu'ils nous disent.

M. Khadir: ...d'où l'idée de dire que le volet 3 d'AccèsLogis devrait être amélioré par un meilleur soutien aux groupes communautaires, à l'action communautaire qui doit accompagner ça. Je comprends?

Mais, quand même, je voudrais faire un petit calcul que j'ai compris. Donc, l'agence nous a dit tout à l'heure qu'il y a à peu près 24 millions dans le budget de l'agence pour Montréal, pour la lutte... pour les programmes qui touchent à l'itinérance. Ça, c'est par année. Donc, si on extrapole au niveau du Québec, ça fait 50 millions. Le programme fédéral IPLI, c'est 15 millions pour Montréal. Donc, à l'échelle du Québec, mettons que c'est le double, mais c'est pour deux ans, donc... J'ai fait le calcul, ça fait à peu près donc 65, 70 millions de dollars actuellement qu'on dépense. Est-ce que vous pouvez me dire... Un logement, en moyenne, au Québec, dans le programme AccèsLogis, coûte combien?

M. Hudon (Marcellin): En coûts de réalisation?

M. Khadir: En coûts de réalisation.

M. Hudon (Marcellin): O.K. Coûts de réalisation, il faut bien le préciser, on ne parle pas juste de coûts de construction, on parle de tous les coûts, c'est-à-dire l'acquisition, les professionnels, les taxes, etc. En moyenne... Parce qu'il faut dire aussi que, comme on disait tantôt, on intervient...

M. Khadir: ...de coopératives, je parle, là, de multilogements, pas l'unifamilial. C'est ça.

M. Hudon (Marcellin): Oui, oui, d'accord. Mais, dans ce qu'on fait, nous... Parce qu'on parle de logements familiaux, parce qu'on parle de tout le programme AccèsLogis ? on parle de logements familiaux, de personnes âgées en perte d'autonomie ? qui a un programme architectural qui est quand même un peu plus... mettons, qui est rehaussé, et des volets 3, qui sont quand même d'autres types de logements, où les logements sont généralement plus petits, des studios, mais aussi où il y a des espaces communautaires plus grands. En gros, je pense... En tout cas, les derniers chiffres que j'ai datent de 2005, on n'a pas eu d'information plus récente par rapport à ça, et c'était... pour les volets 3, ça tournait à ce moment-là aux alentours d'à peu près, là, 80 000 $ à 90 000 $ l'unité. 90 000 $ l'unité. C'est des petites unités, mais, comme je disais tantôt, parce qu'il y a des espaces communautaires, bien ça fait partie de l'ensemble.

M. Khadir: Donc, ça veut dire que, si à long terme on veut prévenir, parce que c'est une des meilleures interventions en termes de prévention de l'itinérance, comme ça a été formulé, beaucoup... un grand aspect du phénomène de l'itinérance est lié à l'absence d'accès à un logement abordable pour commencer même à tisser des liens, donc de régler d'autres problèmes. À long terme, là, investir pour construire des logements, quel impact ça pourrait avoir en termes de... disons... quelle réduction, en termes de pourcentage, sur le nombre d'itinérants? Je sais que les chiffres ne sont pas tout à fait disponibles, on parle de 30 000 itinérants à Montréal, qui est à peu près la moitié de la population du Québec. Est-ce que c'est la même chose partout? On ne le sait pas, mais disons... Quel pourcentage on pourrait réduire, tiens, à Montréal, si on construit... si on investit, là, l'équivalent du montant qu'on investit actuellement, le 70 millions? Parce que, si je fais mes calculs, 70 millions, là, c'est à peu près 1 000 logements, hein, grosso modo.

M. Marcoux (Alain): ...peut-être nuancer un élément, c'est que certaines des argents qu'on parle dans le réseau de la santé ou le programme IPLI, il y a de l'argent qui sert à la réalisation du logement, dans le sens du bâti et du mobilier à mettre à l'intérieur, mais il y d'autres argents qui servent en opération, donc il faut... il y a de l'argent qui sert vraiment à aider financièrement les ressources humaines, les personnes, pour accompagner, que ce soit... Si on prend... Ici, à Québec, Lauberivière a développé une ressource d'hébergement pour des gens qui étaient itinérants, qui étaient hébergés à Lauberivière mais qui, là, maintenant ont un logement, mais qui ont été dans la rue pendant cinq ans, donc ont besoin d'aide. Il y a de l'argent pour aider ces ressources-là. Donc, il faut départager financièrement les...

M. Khadir: J'essaie de comprendre. C'est que...

Le Président (M. Kelley): Un dernier court commentaire.

M. Khadir: Oui. C'est-à-dire que, si... Parce que, dans ce que j'ai énuméré comme argent, donc, il faut réduire... Ce n'est pas tout du bâti, puis je comprends. Ce que ça veut dire, c'est que quand même, bon an, mal an, on dépense à peu près 50, 60 millions dans des programmes de services aux itinérants, d'accord, pour essayer de résoudre leurs problèmes, de leur venir en aide. On doit... on ne peut pas amputer ça, c'est des besoins essentiels, on en a même besoin de plus. Mais le message que je retiens finalement, là, si je comprends votre approche, c'est que, si pendant quelques années le gouvernement dégage des fonds pour bâtir des logements, on vient à long terme diminuer considérablement les coûts récurrents qu'occasionnent ces dépenses que fait le ministère de la Santé, que fait le programme fédéral. Donc, on aurait intérêt à essayer de dégager les moyens énergiques pour construire plus de logements sociaux que les 3 000 promis, par exemple, récemment par le récent budget.

M. Hudon (Marcellin): Il faut dire que, dans les programmes qu'on a, on parle beaucoup des subventions du gouvernement, mais il n'y a pas seulement le gouvernement qui met de l'argent, il y a aussi le milieu, que ce soit par le biais des municipalités ou, encore même, par des levées de fonds privés, et les résidents qui paient un loyer, qui paient les opérations également. Ça fait que c'est une contribution de tout le monde.

Combien on économise dans le temps? Je ne pourrais pas vous le dire, mais il y a des études aux États-Unis... il y a une école de pensée qui dit: Ne pas intervenir coûte beaucoup plus cher. Puis il y a eu des évaluations qui se sont faites. De laisser quelqu'un dans la rue, ça coûte pas mal plus cher que ça. Je serais incapable de vous donner un chiffre exact, mais, nous, on est convaincus que, s'il n'y avait pas les 57 000 logements qu'on a faits depuis 35 ans, il y aurait encore plus de monde dans la rue, il y aurait encore moins de ressources, moins de disponibilité, puis les gens seraient en situation encore plus précaire.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, M. Hudon, M. Marcoux, pour votre contribution à notre réflexion. Je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30, cet après-midi. Merci beaucoup aux membres de la commission.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

 

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de compléter les consultations particulières et les auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance du Québec. Comme nous avons convenu, ça, ça va mettre fin à la phase publique, si vous voulez, de notre travail sur le phénomène de l'itinérance. Il reste deux témoins à entendre. Après ça, nous allons, comme commission, faire les séances de travail afin de s'assurer de la suite des choses. Mais ça met fin à la phase publique de nos travaux.

Nos deux derniers témoins sont Me Marie-Ève Sylvestre, suivie par Mme Céline Bellot. Alors, je pense, les deux font preuve du régime de congé parental et son influence sur la population québécoise. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Me Sylvestre pour une présentation d'une quinzaine de minutes, suivie par un échange avec les membres de la commission. Bienvenue.

Mme Marie-Ève Sylvestre

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Parfait. Merci beaucoup. Merci pour cette invitation. Et je suis très contente que la commission ait décidé de reprendre ses travaux sur l'itinérance.

J'aimerais insister sur trois éléments aujourd'hui dans ma présentation, qui ressortent de mon mémoire et aussi de mes recherches sur la question de l'itinérance. D'abord, il me semble qu'il faut s'entendre pour dresser un constat d'échec du système judiciaire et du système pénal pour gérer les conflits liés à l'itinérance. Alors que d'un côté on constate une tendance de plus en plus prononcée à avoir recours au système judiciaire et au système pénal, la recherche démontre bien que ce double phénomène de judiciarisation et de pénalisation de l'itinérance est non seulement coûteux, inefficace, mais qu'il a aussi des graves conséquences sur les droits fondamentaux des personnes itinérantes.

Le deuxième élément est que les arguments utilisés pour justifier le recours au système pénal sont à mon avis inappropriés, c'est-à-dire qu'ils ne résistent pas à une analyse sérieuse. Je vais traiter de deux arguments dont je fais état dans mon mémoire, c'est-à-dire d'abord le fait qu'on a recours au système pénal et aux mesures répressives parce qu'on a l'impression d'avoir un consensus dans la population à cet égard et, deuxièmement, le fait qu'on a souvent l'impression de punir les personnes itinérantes, de les criminaliser parce qu'on a l'impression que c'est un choix de vivre dans la rue ou que c'est un choix de commettre ces comportements dits incivils.

Et, troisième élément, je vais aborder une série de recommandations qu'il faudrait mettre en oeuvre pour mettre fin à la judiciarisation mais aussi pour aller de l'avant avec d'autres mesures davantage sociales et collectives.

Donc, d'abord, un constat d'échec du système pénal. D'abord vous dire que la judiciarisation et la pénalisation des personnes itinérantes ont eu lieu dans le contexte de la lutte aux incivilités, que ce soit à Montréal ou dans d'autres villes occidentales. C'est des politiques qui ont été adoptées dans les années quatre-vingt-dix et 2000 et qui ont eu des effets discriminatoires et continuent d'avoir des effets discriminatoires sur les personnes itinérantes. Or, c'est absolument désolant, voire inquiétant, de voir que de tous les systèmes, de tous les réseaux public-privé qui pourraient s'occuper des questions liées à l'itinérance, c'est vers le système judiciaire et vers le système pénal en particulier qu'on se tourne.

Or, à mon avis, c'est le système le moins bien équipé, le moins bien approprié pour résoudre ces questions-là. Pourquoi? D'abord, c'est un système coûteux, donc le nombre de constats d'infraction s'accumule sans pour autant qu'ils soient payés, ils engorgent le système tant correctionnel que judiciaire. Il est inefficace, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'effet dissuasif, le nombre de comportements dits incivils ne diminue pas, et pour cause, puisqu'ils sont souvent liés à des activités de survie et à l'utilisation légitime des espaces publics. Il est aussi contre-productif, c'est-à-dire qu'il produit de l'itinérance, il empêche de vraiment se poser des questions sérieuses et de voir le problème dans toute sa complexité. On a souvent l'impression que le problème est réglé lorsque c'est le système pénal qui s'en occupe, alors qu'évidemment c'est faux. Et finalement il est attentatoire aux droits fondamentaux. Donc, non seulement l'émission de contraventions porte atteinte aux droits des personnes itinérantes, mais également, une fois que ces personnes sont dans le système pénal, dans le système judiciaire, elles ne sont pas représentées et souvent leurs droits sont atteints.

n (15 h 40) n

Deuxième élément, les arguments qui justifient le recours au système pénal ne résistent pas à l'analyse. Alors, j'ai analysé deux de ces arguments-là en particulier, le premier, celui du consensus communautaire, c'est-à-dire quelque chose que j'ai souvent entendu dans le cadre de mes recherches, et les acteurs me disaient: On doit utiliser le système pénal, puisque c'est la population qui nous le demande. Alors, j'ai, dans le cadre de mes recherches auprès de la police de Montréal et en analysant plusieurs documents de consultations qui ont eu lieu à Montréal, analysé la façon par laquelle on a défini ce que la population voulait, et j'ai constaté que ce n'était pas clair du tout que, en matière d'incivilité, la population était dérangée par les comportements des personnes itinérantes. Donc, en général, les gens se plaignaient de plein de choses, notamment de malpropreté, de graffitis, de bruit, de circulation routière et de conflits avec leurs voisins, bien davantage que de conflits avec les personnes itinérantes. Et, deuxièmement, lorsqu'elles se disaient préoccupées par les actes d'incivilité liés aux personnes itinérantes, ce n'était pas clair du tout que ce qu'on voulait, c'était l'utilisation de mesures répressives.

Quant au deuxième argument, celui du choix personnel et de l'effet dissuasif, alors ça, c'est un argument que j'entends aussi beaucoup, que ce soit chez les acteurs, que ce soit dans la population en général. Alors, souvent, on va dire que les personnes itinérantes ont choisi la rue, que la rue est un mode de vie. Alors, on a presqu'une image romantique, là, de gens sans attaches, totalement libres qui finalement ont tout laissé tomber pour se complaire dans la rue. Souvent, on entend même qu'il faut arrêter de les nourrir, de leur donner de l'argent, pour ne pas encourager ce mode de vie. Alors, je me suis beaucoup attardée à ça parce qu'il me semble que le mythe du mode de vie est alimenté... est basé sur une mauvaise compréhension de la situation, une mauvaise compréhension de la réalité. Et je pense qu'il faut vraiment écouter les personnes itinérantes pour comprendre que souvent elles vont dire qu'elles ont le choix, mais qu'elles n'ont pas le choix, en même temps, dans la même phrase, dans le même souffle, souvent.

Alors, ces choix-là sont souvent faits... et toujours faits, en fait, dans des contraintes bien précises, dans un contexte social, économique, personnel, psychologique très précis. Alors, des choses comme: J'ai choisi la rue parce que c'était mieux que la violence à la maison. J'ai choisi la rue parce qu'à un moment donné, entre payer mon loyer et manger, il a fallu que je choisisse. J'ai choisi la rue dans un contexte de dépendance à la drogue, dans un contexte de problèmes de santé, etc. Et c'était pour les mêmes raisons qu'on allait justifier l'émission de constats d'infraction. Alors, on disait souvent: Puisque c'est un mode de vie, en émettant des constats d'infraction, bien on va réussir à les dissuader d'avoir recours à ce mode de vie. Alors, on va en quelque sorte pénaliser ce mauvais choix de vie qu'ils ont fait. Or, il me semble que, lorsqu'on s'attarde réellement à la réalité, on ne peut pas dissuader des gens d'avoir des comportements qui en somme répondent à leurs besoins les plus fondamentaux. Alors, qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on constate que le système pénal n'est pas la solution? Alors, au niveau des solutions proposées, d'abord, je pense qu'il faut s'entendre qu'on ne peut pas aller de l'avant tant qu'on n'aura pas réparé le tort causé par des années de mesures répressives et de judiciarisation. Et c'est pour ça que, d'abord, je recommande l'amnistie pour les personnes itinérantes qui ont accumulé des dizaines de contraventions, parfois plus. Donc, je pense qu'il faut radier les dossiers actifs, éliminer les dettes. Et il faut voir ça comme un geste de réconciliation et de solidarité.

Deuxièmement, éliminer la possibilité d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes dans ces cas-là. Donc ça, c'est une modification qui devrait être faite, assez facilement, au Code de procédure pénale. Et, pour les nouvelles contraventions, c'est très important d'émettre des directives, que ce soit au contentieux... au niveau de la cour municipale mais aussi des tribunaux et également au niveau des policiers, pour qu'on tienne compte de la situation particulière des personnes itinérantes et qu'on arrête l'émission des contraventions. Et c'est important d'émettre ces directives-là pour ne pas qu'on se rabatte sur d'autres types d'infractions comme, par exemple... le Code criminel... on a vu ça en matière de prostitution par le passé, donc c'est important qu'il y ait aussi des directives générales.

Et, pour l'avenir, je pense qu'il faut revoir la façon dont on organise l'espace public. Donc, il faut arrêter d'envoyer des messages d'exclusion et de marginalisation. Dans mon mémoire, je vous mets une photo des nouveaux bancs publics qui ont été suggérés dans l'arrondissement Ville-Marie. Il me semble que ça, c'est un mauvais message qu'on envoie.

Il faut aussi penser en termes sociaux et collectifs. Donc, évidemment, je recommande l'adoption d'une politique en itinérance. Mais je pense qu'il y a aussi plusieurs petites choses qu'on peut faire de façon immédiate. Je pense qu'on doit faire preuve d'audace et d'imagination. Il y a des moments où on fait preuve d'audace et d'imagination, et là j'ai des petites mesures dont je recommande dans mon mémoire, notamment créer des installations sanitaires publiques supervisées; deuxièmement, aider les refuges; troisièmement, exiger que les promoteurs prennent en considération la présence de personnes itinérantes. Il me semble qu'il y a là une source de financement de mesures sociales.

Et donc, en conclusion, je dirais que le système pénal est un système basé sur la répression, l'exclusion, la punition, alors qu'il faut militer en faveur de l'inclusion, du respect des droits et de la dignité des personnes itinérantes. Le système pénal est un système basé sur les individus, leurs responsabilités individuelles, alors qu'à mon avis la question de l'itinérance doit être abordée en termes sociaux et collectifs. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Me Sylvestre. Peut-être... Moi, je vais poser la première question, parce que, je pense, tous les membres de la commission comprennent le problème de la judiciarisation et, pour les personnes qui n'ont pas de sous, de donner contravention après contravention. Mais, je pense, vous avez suggéré dans votre recherche que ce n'est pas un problème. Mais on a reçu, entre autres, le YMCA de Montréal, et, je sais pertinemment, dans le Cabot Square, dans l'ouest de Montréal, il y avait un problème de bon voisinage entre les personnes, les itinérants dans le parc et les commerçants sur la rue Sainte-Catherine, juste à l'est du parc Cabot.

Et, s'il n'y a pas des alternatives, est-ce qu'il y a d'autres méthodes qu'on peut faire pour faire un meilleur arrimage entre les enjeux pour les itinérants et certains de leurs voisins? Parce qu'il y avait d'autres groupes qui sont venus devant la commission, qui ont posé... ou qui avaient un autre point de vue, et je ne sais pas si vous avez des pistes de réflexion pour s'assurer que tout le monde peut vivre ensemble dans la plus grande harmonie possible?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bon. Bien, d'abord, je dirais qu'à la lumière de toutes mes recherches, de toutes mes études, à chaque fois qu'on demande aux acteurs directement impliqués, donc que ce soient les citoyens mais également les policiers, les gens qui interviennent en première ligne, il y a beaucoup de gens qui sont d'avis qu'il faut faire quelque chose, c'est-à-dire qu'on ne peut pas non plus laisser un certain nombre de choses troubler le voisinage, mais je pense que tout le monde s'entend pour dire aussi que les solutions répressives, ce n'est pas ce qui fonctionne.

Souvent, c'est le système par défaut, souvent c'est comme ça. On va tomber dans le système pénal à défaut d'avoir une autre solution. Maintenant, je pense qu'il y a un certain nombre de choses sur lesquelles on pourrait s'entendre. Il y a de l'éducation à faire auprès du public aussi. Il y a un certain nombre de choses qui sont parfois jugées comme inciviles ou comme troublant leur expérience, leur qualité de vie, ou même, j'entends des choses comme «troubler mon expérience de magasinage»!

Alors, il y a des choses, je pense, qu'il faut... il y a un travail de sensibilisation, d'éducation auprès de la population à ce niveau-là, mais aussi je pense qu'il faut agir au niveau des structures, des infrastructures. Donc, si ce qui nous dérange... Ça dépend toujours de la problématique, mais, si ce qui nous dérange, c'est que les personnes urinent en public, bien pourquoi est-ce qu'on ne s'arrange pas pour avoir des endroits pour que ces besoins-là soient faits? Si ce qui nous dérange, c'est les seringues autour des garderies, dans les parcs, bien il y a d'autres façons aussi de voir.

Alors, je pense qu'il faut y aller problème par problème et penser en termes de structures. Mon meilleur exemple, que je donne régulièrement, c'est lorsqu'il y a eu l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le tabac et que les gens n'ont pas pu fumer dans les bars et dans les restaurants, qu'il y a eu une accumulation incroyable de mégots de cigarette dans les rues de Montréal. Alors, la solution, c'était: soit on va émettre 300 000 contraventions par jour à la population ou soit on pense intelligemment à une solution structurelle pour changer les choses. Et ce qu'on a fait, plutôt que d'émettre des contraventions, c'est d'exiger que les tenanciers de bar installent des cendriers, installent des endroits, contrôlent leur population, etc.

Donc, il me semble que, dans plusieurs domaines, on fait preuve d'imagination lorsque c'est le temps de régler des problèmes et il me semble qu'en matière d'itinérance on pourrait faire davantage. Donc... Mais ça, c'est seulement des petites mesures, évidemment, pour régler des problèmes de cohabitation au quotidien, mais, pour régler des problèmes plus larges au niveau de l'itinérance, je pense qu'il faut aussi penser en termes plus globaux, là, en termes de santé, de services sociaux, etc.

n (15 h 50) n

Le Président (M. Kelley): Et, peut-être dans le même ordre d'idées, souvent il y a beaucoup de comportements de policiers... il y a 4 000 policiers à Montréal, alors il y a beaucoup de comportements variables. Mais souvent les policiers sont obligés d'agir, suivi d'une plainte, ou quelque chose comme ça. Alors, il y a une pression sur le policier de faire quelque chose, et le policier ne sait pas trop quoi faire. Alors, est-ce qu'il y a des alternatives? Est-ce qu'il y a des choses ou des outils que nous devrons... au-delà de la formation. Je pense que vous avez mentionné la formation, et ça, c'est une piste intéressante. Mais est-ce qu'il y a quelque chose qui peut être des outils ou des alternatives pour les policiers, qui sont souvent appelés où il y a une pression de la communauté d'intervenir dans une situation? Et, au-delà de sortir les contraventions, peut-être il y a un autre moyen ou des outils qu'on peut donner à nos policiers pour faciliter leur vie, aussi.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bon. Alors, moi, je pense que d'abord il y a une question de qui fait ces interventions-là. Et, d'après ce que j'ai constaté, c'est souvent les mêmes personnes. Alors, je veux m'assurer qu'on comprenne bien que, lorsqu'on dit: On reçoit des plaintes de la population, mon analyse de la situation, c'est que ce n'est pas l'ensemble de la population qui se plaint, mais des gens en particulier et notamment, bon, les associations de résidents, des intérêts commerciaux, etc. Donc, il faut voir que ces gens-là ont un accès beaucoup plus direct à la police que d'autres. Deuxièmement, je pense que la police joue un rôle, envoie peut-être un mauvais message malgré elle, c'est-à-dire qu'à un moment donné la police a dit qu'elle s'occupait de ce genre de choses là, et donc on attire ce genre de plaintes là, évidemment.

Maintenant, en termes d'intervention, qu'est-ce qu'on peut faire? Bien, je pense qu'il y a peut-être un certain nombre de choses qu'on peut... Parce que les policiers interviennent dans toutes sortes d'autres conflits et n'utilisent pas les moyens répressifs pour les régler. La plupart des plaintes en matière d'incivilité que j'ai constatées, c'est en matière de conflits de voisinage: alors, mon voisin met ses vidanges dans mon entrée, etc., mon voisin fait du bruit. Et il y a beaucoup d'interventions policières qui se font, de résolutions de conflits qui ne sont pas répressives, qui ne mènent pas à l'émission de constats d'infraction et qui, par le passé, ont démontré des résultats, là, beaucoup plus intéressants.

Mais, c'est certain, beaucoup des policiers que j'ai rencontrés dans le cadre de mes recherches vous diront qu'eux-mêmes n'y croient pas nécessairement, à l'efficacité des mesures pénales, et aimeraient pouvoir avoir d'autres outils. Maintenant, au bout de ligne, souvent ce qu'ils nous disaient: Nous, on est la police, alors ultimement on va appliquer la loi, ultimement on va utiliser la force quand on est tannés. Mais, sinon, s'ils avaient d'autres institutions, d'autres services où on pouvait régler ces problèmes-là, je pense qu'on pourrait leur demander de les utiliser. Et, pour plusieurs d'entre eux, ce serait avec grand plaisir qu'ils le feraient.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Avez-vous regardé... C'est un peu dans le même sens de ce que vous venez de dire. Avez-vous regardé... Parce qu'au fond, là, ce que vous nous avez démontré, c'est le cercle vicieux, au fond, dans lequel sont pris les itinérants. Finalement, on fait une réglementation qui est de plus en plus sévère à leur égard, ils se retrouvent dans des endroits privés, la police intervient. Elle n'a pas le choix, parce que, là, ils sont dans la propriété privée des gens. Alors donc, ça devient très, très problématique. Mais il me semble qu'à Québec, entre autres Lauberivière... ont quand même eu des bonnes expériences avec la police de Québec qui... Est-ce que vous avez regardé ailleurs ce qui se passe, et voir un peu qu'est-ce qui pourrait être fait?

Puis mon autre volet de la question, c'est le deuxième volet: Est-ce qu'il existe des dynamiques pour essayer, je ne sais pas, moi, d'amener davantage la population à avoir une ouverture ou à être compréhensive? Je sais que, à Lauberivière, dans Saint-Roch, ça se fait, et on voit que la dynamique d'intégration dans le milieu est somme toute... je ne dis pas que c'est parfait, là, mais c'est beaucoup plus intéressant que ce que je lis dans le mémoire, ici. Donc, ne pourrait-on pas regarder ces expériences-là qui se passent dans Saint-Roch, ici, à Québec, par exemple, pour voir un peu... Et je ne dis pas que Saint-Roch, c'est parfait, là, cela étant dit, mais il me semble en tout cas que j'avais rencontré, on avait rencontré les gens de Lauberivière qui nous disaient qu'eux, ils avaient une excellente collaboration avec les services policiers. Il y a aussi... peut-être que c'est toute l'attitude de la population. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur ces deux points-là, par rapport à ça.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): O.K. Alors, merci.

Le Président (M. Kelley): Me Sylvestre.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Alors, concernant la situation de Québec, je la connais très mal, alors je ne voudrais pas me prononcer sur le cas de Québec. J'ai regardé d'autres villes canadiennes, d'autres villes américaines, même en Amérique du Sud, et il n'y a pas là énormément de modèles vers lesquels on pourrait vouloir se tourner. C'est-à-dire que, de façon générale, on a recours massivement à la judiciarisation, à la pénalisation, pour donner une fausse impression de régler un problème. Maintenant, vous avez raison d'insister sur le fait que, parce qu'on a fermé les espaces publics, parce qu'on a augmenté les restrictions aux espaces publics, les personnes itinérantes se retrouvent bien souvent dans des espaces privés ou se retrouvent peut-être concentrées à certains endroits plutôt qu'à d'autres, alors... On sait qu'à Montréal, par exemple, on a fermé des endroits vacants, on les a clôturés, on a fermé des parcs, on a transformé des places publiques en parcs, les gens ne peuvent plus y dormir. On a exclu les chiens, on a... Bon, maintenant, on veut faire des bancs sur lesquels on ne pourra même pas s'étendre.

Alors, tout ce phénomène de... ce message d'exclusion, ce message qu'on envoie aux gens, qu'ils ne sont pas les bienvenus nulle part, qu'ils n'ont pas raison d'occuper l'espace public et qu'ils n'ont pas de besoins fondamentaux à pourvoir, il me semble qu'il y a un message politique ici qui doit être envoyé et un retour en arrière sur certaines choses pour démontrer que ces gens-là ont un droit légitime à occuper les espaces publics et qu'on veut se solidariser avec eux plutôt que le contraire, là.

M. Lehouillier: Et pour l'animation du milieu et de la population, parce que souvent, lorsque les élus municipaux interviennent, c'est parce qu'ils ont des plaintes de la population, etc., là. Alors donc, comment vous voyez ça? D'abord, votre première partie de réponse est un peu décourageante, vous me dites qu'il n'y a aucun modèle nulle part et que c'est la répression partout, d'après ce que je constate, là, dans ce que vous avez vu.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bien, c'est-à-dire que c'est un réflexe assez bien aiguisé dans notre société, le réflexe pénal. Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas des expériences locales? Peut-être que vous savez mieux me le dire, par rapport à la situation de Québec, que moi, peut-être qu'il y a ces expériences de médiation, de rencontres, qu'on peut regarder. Je sais qu'il y en a eu à Montréal, avec plus ou moins de résultats. Maintenant...

M. Lehouillier: ...la sensibilisation de la population, là, est-ce qu'il y a des possibilités, par exemple, est-ce que ça a été fait, de dire ou de démontrer à la population que, si on maintient nos parcs plus accessibles, etc., finalement ils vont y gagner? Est-ce que ça, c'est fait, ce genre d'exercice là?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Non, au contraire, je pense que le message qu'on envoie... parce qu'évidemment fermer les espaces publics, ce n'est pas seulement... ça ne cause pas un problème seulement aux personnes itinérantes. Fermer les espaces publics, ça veut dire qu'il y a moins de lieux de rencontre communs dans un quartier, ça veut dire que les gens se voient moins, se côtoient moins, ont moins l'occasion de se parler, d'apprendre à se connaître et d'apprendre à se tolérer. Alors, je pense que ça, c'est sûr qu'on devrait faire un travail, mais je pense qu'au contraire on alimente cette perception que les personnes itinérantes sont des signes de désordre, sont des gens dont les comportements sont le résultat d'un choix et qu'il faut dissuader ce genre de mode de vie là.

M. Lehouillier: O.K. Moi, ça répond à mes questions. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui, alors, bonjour, Me Sylvestre. Vous avez soulevé tout à l'heure, en répondant à la question de mon collègue, une toute petite chose qui a aiguisé ma curiosité. Le mémoire que vous avez déposé s'intitule La pénalisation et la judiciarisation des personnes itinérantes au Québec, et, suite à l'intervention de mon collègue, vous sembliez dire que vous n'étiez pas très familière avec ce qui se fait dans la ville de Québec et vous aviez davantage porté votre attention sur les villes américaines, les autres grandes villes canadiennes.

Est-ce que je comprends que les données qui sont incluses à votre mémoire et les constats dressés dans votre mémoire sont des constats que vous avez pris également aux États-Unis et également dans les grandes villes canadiennes? Parlez-moi un petit peu de la méthodologie de votre recherche, parce que, là, vous avez aiguisé mes antennes.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Ça me fait plaisir de répondre à ça. Essentiellement, ce mémoire, c'est un résumé de ma thèse de doctorat, donc de cinq ans de recherches là-dessus, que j'ai faits en particulier à Montréal, donc j'ai eu un accès privilégié à plusieurs données de la police de Montréal, j'ai rencontré plusieurs patrouilleurs sur le terrain, j'ai eu accès à tous les documents internes, les sondages, les banques d'appels des citoyens, donc, à ce niveau-là, mes données en ce qui concerne Montréal sont très complètes.

Maintenant, je n'ai pas étudié toutes les autres villes québécoises, je me suis concentrée sur Montréal. Maintenant, c'est à Montréal que la problématique est peut-être la plus aiguë, et je pense que Montréal représente bien... est une bonne étude de cas par rapport à d'autres villes. Maintenant, j'ai aussi étudié ce qui se faisait ailleurs, mais de façon plutôt secondaire que primaire. Maintenant, on est en train de... moi et ma collègue Céline Bellot, on fait de la recherche aussi sur les villes d'Ottawa, de Toronto et d'autres villes canadiennes, et éventuellement on aura des... on a déjà des résultats préliminaires, mais, en ce qui concerne Montréal, mes données sont basées sur une méthodologie de recherche bien documentée, là.

n (16 heures) n

Mme Vallée: Donc, le mémoire devrait peut-être davantage s'intituler: La pénalisation et la judiciarisation des personnes itinérantes à Montréal?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Je ne crois pas. C'est-à-dire qu'à mon avis ce qui se passe à Montréal est représentatif de ce qui se passe ailleurs. C'est un bon milieu où étudier la question de la judiciarisation, c'est là où le problème se pose de façon plus aiguë, c'est là où la population itinérante évidemment est la plus considérable. Donc, je pense que les propos que je tiens, ils s'appliquent également à d'autres villes québécoises.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Diriez-vous, selon les études que vous avez faites, qu'au fond... est-ce que ça se pourrait qu'au niveau de la perception de la population... C'est pour ça que, moi, j'en ai beaucoup sur la perception, parce que j'ai déjà été élu municipal moi-même, et effectivement, moi, au niveau des itinérants, je n'ai jamais vu de gros désordres, tu sais, reliés au... Est-ce que vous pensez que les gens mélangent un peu ce qu'on appelle les désordres physiques ? propreté, graffitis et autres ? et les jeunes de fin de semaine ou autres, là, tu sais, qui à un moment donné peuvent faire un peu de bruit? Est-ce qu'on mélange tout ça ensemble avec les itinérants et là on se dit: Bon, bien, c'est toute la même affaire? Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire? Là, on est encore au niveau de la perception de la population. Parce que, si on resserre constamment, c'est parce que c'est ce que la population veut au fond, là, tu sais. C'est parce qu'il y a beaucoup de plaintes ou... etc., ou c'est tout simplement, d'après vous, une mauvaise perception de la population plutôt que...

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Je pense effectivement qu'il y a une mauvaise lecture de ce que la population veut et pense à ce sujet-là. Mon analyse des sondages, de toutes les consultations qui ont été menées, me laisse croire que les gens ont beaucoup plus de plaintes en ce qui concerne la malpropreté ou, comme vous disiez, la circulation routière, la mauvaise gestion de leur voisinage, plutôt que contre les personnes itinérantes. Et c'est intéressant, ce que vous dites: Est-ce qu'on mélange les différentes populations?

Lorsque je faisais du terrain, à Montréal, la police faisait souvent une distinction entre les sorties de bar et les personnes itinérantes. Et, pour eux, les sorties de bar, ce n'étaient pas des incivilités au même titre que celles des personnes itinérantes parce que c'étaient des gens qui étaient une population tournante, qu'ils ne voyaient plus nécessairement après un certain temps, tandis que, les personnes itinérantes, ils peuvent les identifier, ils les connaissent, ils connaissent leurs histoires de vie, ils peuvent vous en parler, etc. Et c'est des problèmes récurrents qu'ils n'arrivent pas à régler.

Donc ça, je pense qu'il y a peut-être, dans l'esprit de la population, une confusion, mais... En tout cas, c'est clair qu'au niveau des politiques de lutte aux incivilités les bagarres de bar et les incivilités liées aux autres citoyens qui ne sont pas des personnes itinérantes ne sont pas considérées de la même façon.

M. Lehouillier: Donc, vous êtes en train de...

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire.

M. Lehouillier: Oui, dernier commentaire. Parce que ça devient intéressant. Moi, je trouve ça intéressant parce que, par rapport à ça, par rapport aux perceptions, ça voudrait dire qu'un policier... par exemple, si on avait des lois moins coercitives par rapport aux itinérants, ça voudrait dire que les policiers sont en mesure actuellement, dans leur vie de quartier, de bien identifier les itinérants. Donc, ils les connaissent, ils savent qui ils sont vraiment. Ils savent que finalement, la plupart du temps, ils ne dérangent personne. Alors, est-ce que vous croyez que ça, ça pourrait être quelque chose qui pourrait être mis en place davantage, au lieu d'avoir des lois trop sévères? Donc, y aller... D'abord, ça se fait-u, y aller avec le bon sens un peu? Je n'en sais rien. Mais, s'il y a une entente avec Lauberivière et la police de Québec qui semble réussir, j'imagine qu'il doit y avoir quelque chose à faire.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Ça dépend évidemment comment on définit «personnes itinérantes». C'est sûr qu'il y a une certaine catégorie de la population itinérante qui a très peu d'interaction avec la police, parce que ce sont des gens qui sont dans la rue depuis très longtemps. Maintenant, je pense que ce serait une erreur de limiter les personnes itinérantes à ces gens qui sont là depuis 10, 15 ans, là, et qu'on peut identifier. C'est beaucoup plus large que ça, le phénomène, il y a beaucoup plus de gens qui transitent dans la rue. Mais je pense qu'en général on a une bonne connaissance du milieu, oui.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci, M. le Président. Merci, Me Sylvestre, pour votre opinion sur cette question. Moi, je voudrais vous poser une première question en ce qui a trait à la recommandation 3 que vous nous faites. Vous dites: «Nous recommandons que l'ensemble de la réglementation municipale et [les] lois provinciales ayant des effets disproportionnés et discriminatoires sur les personnes itinérantes et limitant leur occupation de l'espace public soit révisé...» Alors, vous dites, à ce moment-là, qu'il faut qu'il y ait une certaine réglementation, vous reconnaissez cela. Et vous dites: «...en concertation avec le milieu communautaire.» Et c'est là-dessus que je voudrais que vous élaboriez. Je veux voir de quelle façon vous voyez comme très importante la contribution du milieu communautaire dans la révision de ces règles-là.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bon. Alors, d'abord je reconnais, juste parce que je veux être sûre qu'on se comprend bien ici, là, ce qui est... Je me permets une parenthèse avant de répondre, là. Alors, ce qui est intéressant de Montréal par rapport aux autres villes que j'ai étudiées, notamment les villes ontariennes, c'est qu'à Montréal il y a eu très peu de nouvelles réglementations lorsqu'on a voulu s'attaquer aux problèmes des incivilités, c'est-à-dire qu'on a utilisé la réglementation qui était en vigueur, on a utilisé les lois provinciales qui étaient en vigueur. Donc, très, très peu de nouvelles mesures, à part certaines ordonnances locales récentes, contrairement où, à Toronto, par exemple, ou à Ottawa, où on a plutôt adopté une nouvelle loi provinciale pour envoyer un message. Donc, ce qui me fait conclure... ce qui me fait dire qu'on peut souvent utiliser la réglementation municipale, les lois provinciales selon les besoins du jour, et je pense qu'il faut revoir la réglementation et voir comment elle est utilisée concrètement dans le milieu, et, à ce compte-là, je pense que le milieu communautaire a une expérience sur le terrain qui est extrêmement riche et intéressante.

Mais je pense qu'il faut aller plus loin que ça, parce qu'évidemment... souvent ces règles-là, ces lois-là sont formulées en termes très généraux et elles ont été appliquées pour les besoins du jour, et donc les modifier ne va pas changer nécessairement grand-chose tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas envoyé des directives claires aux policiers et aux procureurs municipaux et provinciaux qu'il faut tenir compte de la situation des personnes itinérantes.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. J'aurais une autre question. Vous nous faites 13 recommandations, et j'aimerais savoir si... Ces recommandations-là s'appuient bien sûr sur la recherche que vous avez faite, des études que vous avez faites, mais est-ce que vous êtes à même de nous dire que certaines de ces recommandations s'appuient sur des règles, des législations, des lois, des règlements qui ont été changés et que vous êtes à même de constater l'effet positif, que ce soit ici, au Québec, au Canada, ou en Europe, ou ailleurs? Est-ce qu'il y a des recommandations qui ont déjà, ailleurs, produit des résultats? Et ils sont de quelle nature, si tel est le cas?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Alors, bien si je prends, par exemple, la recommandation en ce qui concerne l'élimination de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, je pense que l'expérience québécoise nous démontre que, lorsqu'on a éliminé la possibilité de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende en matière de sécurité routière et du stationnement, que les chiffres ont passé de 50 % d'emprisonnement pour non-paiement d'amende à 19 % en trois ans. Donc, clairement, il y a là un impact, et on sait les conséquences que peut avoir l'emprisonnement dans la vie des gens, surtout lorsque c'est à retardement, c'est-à-dire trois, quatre ans après l'émission d'une contravention, alors que peut-être que la situation dans la vie de la personne a changé complètement. Alors, je pense que ça, c'est clairement une des recommandations, par exemple, qui pourrait avoir un impact direct.

En Ontario, il n'y a pas d'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Les contraventions ne sont pas payées, il n'y a pas de moyen de les exécuter. Par contre, il y a d'autres effets négatifs à ne pas avoir... c'est-à-dire, il y a d'autres effets négatifs dans le système, c'est-à-dire que les dettes judiciaires demeurent dans le dossier des personnes et peuvent leur nuire, par exemple, le jour où ils veulent faire une demande d'aide financière, d'aide sociale, etc. C'est toujours dans leur dossier, donc ils ont toujours une dette. Par contre, elles ne font pas de prison, et il me semble que ça, c'est clairement quelque chose d'important à mentionner. Sinon...

Il me semble aussi que, si on modifiait la Loi sur l'aide juridique et on faisait en sorte que ces gens-là puissent être représentés, que ça changerait quelque chose très certainement, c'est-à-dire qu'il y aurait probablement plus de contestations de l'émission des contraventions, et donc il y aurait probablement plus de contraventions qui ne demeureraient pas au dossier de ces personnes-là. Donc, j'en prends deux, là, à tout hasard.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

n (16 h 10) n

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer Me Sylvestre. Ça me fait plaisir de vous revoir, on a eu l'occasion de se croiser, il y a plusieurs années, dans le mouvement étudiant. Je vous souhaite bonne chance pour l'arrivée de votre poupon. C'est votre premier, c'est un merveilleux moment dans notre vie.

Une voix: ...dans votre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Girard: Alors, je me permets de revenir sur certains articles, certains éléments de votre mémoire. Vous nous avez indiqué que vous avez eu droit et accès à des données du SPVM. Vous êtes allée sur le terrain, vous avez eu l'occasion d'être dans des voitures de police, donc d'aller voir avec les policiers un peu la problématique. J'imagine que, puisque vous avez eu accès aux données, vous avez eu l'occasion de faire des échanges avec les policiers, après, sur le résultat de votre thèse de doctorat, sur l'analyse que vous avez faite.

Qu'est-ce que les policiers vous ont indiqué au moment où vous avez présenté l'analyse de vos résultats? Et est-ce que, selon eux, il y a un certain nombre de gestes qui pourraient être posés pour tenter de diminuer la judiciarisation? Parce que, lors des consultations que nous avons menées à Montréal, il y a eu énormément de témoignages d'organismes communautaires sur cette problématique-là. Et on a eu l'occasion par la suite de se rendre dans d'autres villes, bon, soit Trois-Rivières, on a rencontré aussi des gens de Québec, et on se rend compte que la problématique n'est pas similaire d'un endroit à l'autre. Évidemment, à Montréal, il y a une densité de population beaucoup plus importante que dans d'autres régions, mais il semble qu'il y a eu des approches différentes.

Et ce qui me vient à l'esprit quand je vous écoute, est-ce que le problème ne se situerait pas davantage dans la façon dont on applique les règlements et les lois plutôt qu'un problème avec la loi? Donc, s'il y avait, sur un plan local, à Montréal, une approche différente, une concertation pour qu'on trouve des mécanismes de solution plutôt que d'en arriver à envoyer en prison des itinérants qui de toute façon n'ont pas les moyens... Et ce que je comprends de votre analyse, c'est que vous pensez que cette voie-là n'est pas la bonne et que ça ne fait que, je dirais, emprisonner ces gens-là dans une situation, sur le plan social, qui est encore plus difficile qu'elle ne l'est déjà à l'heure actuelle pour ces gens-là. Donc, j'aurais souhaité vous entendre à ce sujet-là.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): O.K. Merci. Alors, bon, au niveau des réactions, j'en ai eu de toutes sortes. J'ai eu des réactions de surprise, c'est-à-dire que mon analyse des banques de données des appels des citoyens, lorsque j'ai démontré qu'à mon avis ma lecture de la banque de données faisait en sorte que les plaintes, à mon avis, étaient en matière de conflits de citoyens et qu'il y avait un nombre vraiment insignifiant de plaintes directement liées aux personnes itinérantes, alors là j'ai eu une réaction de surprise. Parce qu'eux, je pense, sur le terrain, ils reçoivent des plaintes spécifiques de certains groupes, et ils ont toujours les mêmes personnes autour d'eux qui se plaignent d'un certain nombre de choses. Et donc la perception de la situation est beaucoup plus... est amplifiée, est différente de ce que c'est vraiment, la réalité, de ce que l'ensemble de la population pense au niveau de ces enjeux-là. Donc, j'ai eu cette première réaction de surprise.

Deuxièmement, lorsque j'ai indiqué qu'à mon avis on devrait mettre fin à ces comportements-là, j'ai aussi eu une réaction d'exaspération, c'est-à-dire: Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? J'ai eu des réactions comme: Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse lorsque le bureau du maire nous appelle et nous dit de vider le parc? Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse lorsqu'on a une politique contre les incivilités, lorsque ce n'est pas individuellement et localement qu'on contrôle ces politiques-là mais que ça vient... Il y a une volonté politique, là, en arrière de ça. Donc, j'ai eu de ce genre de réactions. J'ai eu aussi des réactions de: Bien, on a épuisé tous nos recours, puis ultimement, bien, nous, on est la police, alors on nous demande d'appliquer la loi.

Maintenant, en ce qui concerne l'application, je pense que c'est certain, on peut dire qu'il y a des problèmes dans l'application des lois, mais ce n'est pas seulement ça, là, c'est une absence d'alternatives, finalement, pour les corps policiers qui est le problème principal, là.

M. Girard: Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Environ sept minutes.

M. Girard: Parce qu'à la page 18 de votre mémoire vous nous dites... vous citez une donnée, vous mentionnez qu'il coûte en moyenne 143 $ par jour par personne détenue. Donc ça, c'est les dernières données disponibles que vous avez. Puis vous donnez par la suite un exemple sur des dispositions différentes de la Loi sur les infractions provinciales, de l'Ontario, il semble y avoir une approche différente. Est-ce que vous pensez que le Québec devrait s'inspirer de ça?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bien, je pense que, si on augmentait le nombre d'outils disponibles pour le système judiciaire, c'est certainement quelque chose qui pourrait être utile pour les dossiers en cours. Maintenant, l'exemple de l'Ontario n'en est pas un, en termes d'émission de constats d'infraction, puisqu'ils ont aussi des chiffres absolument astronomiques, d'après les études notamment de Céline Bellot là-dessus; donc, ce n'est pas une solution. Mais c'est clair qu'il y a davantage de flexibilité et de discrétion qui est laissée aux juges dans la loi ontarienne que dans le Code de procédure pénale, et ce serait déjà un début de pouvoir laisser une marge de manoeuvre pour régler un certain nombre de dossiers. Maintenant, ça ne mettrait pas fin à l'émission des constats puis ça ne réglerait pas nécessairement toutes les dettes, sauf dans la mesure où on aurait une directive générale à cet égard-là.

Et une des choses qui m'avaient intéressée d'ailleurs en écoutant les travaux de votre commission, c'était que, lorsque le ministère de la Justice était venu témoigner, on avait indiqué qu'il n'y avait aucune directive, alors qu'il y a des directives dans plusieurs domaines, aucune directive qui avait été émise, pensée, rédigée en ce qui concerne les personnes itinérantes. Donc, on ne savait pas du tout comment se comporter, on n'avait pas de protocole, on n'avait pas pensé à la chose. Donc ça, c'est certain que c'est quelque chose qui aide. Mais ultimement il faut régler le problème à la source, là, il faut arrêter l'émission de constats d'infraction et il faut éliminer les dettes importantes des gens, là. Puis ça, oui, 143 $ par jour par personne détenue en milieu provincial, sans compter les coûts fixes, donc, c'est énorme.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Maître, bonjour. Je vais continuer et je vais poursuivre un peu dans la réflexion que vous avez commencée tout à l'heure. La raison pour laquelle on a cette commission-là, c'est... Je ne veux pas, là, faire dire des choses qu'ils n'ont pas dites, les policiers, mais tout le monde s'entend: C'est complètement inutile, ça coûte cher, ça engorge le... Tout le... Il n'y a personne qui est venu ici qui a dit: Ça prend plus de tickets. Il n'y a personne qui a dit ça, d'aucune façon. C'est pour ça qu'on est ici, on essaie de trouver d'autres solutions.

Et ça, là-dessus, dans vos recommandations, bon, il y a des solutions légales, et tout, mais... Par exemple, M. le Président, l'agence, dans un moment de clarté, a fait son projet pilote sur un centre de crise. Je dirais à mon collègue: J'ai le parc Émilie-Gamelin dans ma circonscription. Je peux vous dire que, chez nous, ce n'est pas une perception, les problèmes dont on parle, c'est la réalité quotidienne des résidents, des commerçants et des personnes itinérantes, également. Ce n'est pas simple de garder un équilibre de droits dans tout ça, mais le droit, l'équilibre des droits, je vais y revenir.

Donc, M. le Président, à Montréal, dans le centre-ville, là, on offre... on a fait un petit projet pilote de quelques mois, un centre de crise. Mais, avant, quelqu'un en crise en pleine rue, là, bien qu'est-ce que vous voulez, c'était la prison ou l'urgence. Parce qu'il n'y a rien d'autre, il n'y a rien d'autre que ça. Mais là, en espérant... On n'est pas sûrs, hein! Ce que l'agence a dit, ils cherchent 900 000 $ pour pouvoir l'implanter à l'année. Donc, c'est un peu pour ça... les services publics prennent conscience aussi. La Sécurité publique sont venus nous dire: Écoutez, nous, on travaille fort pour éviter que les prisonniers se retrouvent à la rue. Parce que c'est le cas: les prisonniers, les gens qui sortent des services publics se retrouvent à la rue, trop souvent. C'est pour ça qu'on est ici, essayer de trouver des solutions.

Donc, ma question: Comment faites-vous, vous qui êtes avocate... On peut s'entendre que les citoyens ont des droits, qu'ils habitent... Peu importe où ils habitent, ils ont des droits, eux et elles aussi. Les commerçants, les commerçantes ont aussi des droits, les itinérants ont aussi des droits, autant les uns que les autres. Comment peut-on faire pour sauvegarder un équilibre entre tous ces droits? Moi, personnellement, je penche, entre autres, pour une augmentation du travail de rue, qui est un petit peu trop, je trouve, laissé à l'abandon. Mais ça, le travail de rue, c'est à très, très court terme, là, ça ne règle rien. Comment faites-vous pour balancer ces droits-là, qui sont aussi légitimes les uns que les autres?

n (16 h 20) n

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Bon. Alors, je pense que vous avez raison de dire que tout le monde a des droits. C'est juste que, dans la réalité... dans la réalité concrète du quotidien, il y a des gens qui ont plus de droits que d'autres. C'est-à-dire qu'il y a des gens dont les droits sont davantage respectés, dont la voix est davantage écoutée que d'autres, et ce n'est pas le cas des personnes itinérantes. Donc, je pense que ce serait déjà un bon début de respecter leurs droits, c'est-à-dire leurs droits fondamentaux à être dans l'espace public, leurs droits fondamentaux à pourvoir à leurs besoins lorsqu'il n'y a rien d'autre ultimement. Donc, je pense que ce message symbolique, cette reconnaissance-là... et c'est pour ça que je recommande l'amnistie, la radiation des dossiers et la fin de l'émission des constats d'infraction, parce qu'il me semble que ça, c'est un message symbolique de solidarité qu'on pourrait envoyer, au lieu d'envoyer constamment des messages d'exclusion.

M. Girard: Je suis d'accord avec ça.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Donc, je pense que ça commence par une reconnaissance, justement, que leurs droits sont les mêmes que ceux des autres, c'est-à-dire qu'ils auront droit d'être écoutés et qu'ils ont des demandes légitimes à faire valoir et qu'on les considère comme tels. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Très, très rapidement, une minute, «still».

M. Girard: Est-ce que, dans le fond, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'actuellement, faute de moyens ou de ressources additionnels, la solution privilégiée, bien on donne des contraventions, on les envoie en prison? Mais, tant qu'on ne trouvera pas, dans le fond, d'alternative, on va se retrouver encore dans une espèce de cercle vicieux où on donne des contraventions. Alors, il va falloir que les autorités publiques, l'agence, les ministères, tout ceux et celles qui sont impliqués à Montréal et dans d'autres villes travaillent en commun pour trouver une alternative à la judiciarisation. Parce que, là, c'est un cul-de-sac, ça ne nous mène nulle part, puis on se retrouve au point de départ, puis on n'améliore en aucun cas la situation de ces personnes itinérantes. Est-ce que c'est ce que je comprends, si j'avais à conclure, de vos propos?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): En bonne partie. C'est clair que la judiciarisation empire, produit l'itinérance. Donc, votre collègue le disait, il y a des gens qui sont emprisonnés, qui se retrouvent à la rue. Il y a des gens qui s'étaient installés dans une vie, qui s'étaient sortis de la rue et qui doivent retourner à la rue, ils doivent laisser leur logement, etc., pour aller purger du temps en prison. Donc, la judiciarisation est un cercle sans fin. Et la première chose à faire, c'est de réparer les torts qu'on a causés par des années et des années de pratique répressive, et ensuite on pourra regarder de l'avant, là. Et on va récupérer de l'argent à la fois du système judiciaire, à la fois du système correctionnel. Et, finalement, moi, ce que je suggère dans mon mémoire, c'est que, lorsqu'on a des projets dans des quartiers précis, qu'on en fasse financer une partie des infrastructures par les promoteurs immobiliers.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.

M. Khadir: Merci de me laisser la parole. Combien de minutes est-ce que j'ai?

Le Président (M. Kelley): Sept minutes.

M. Khadir: Ah, quand même! Je pensais qu'à cause de mon itinérance je ne pouvais pas...

Le Président (M. Kelley): Non, non, non...

M. Khadir: Très bien.

Le Président (M. Kelley): ...c'était juste le cas de le groupe, ce matin, qu'il y avait un petit... La parole est à vous, M. le député.

M. Khadir: D'accord. Bien, merci beaucoup. Mme Sylvestre, est-ce qu'il y a des modèles, disons, en Europe du Nord où il y a des sociétés, disons, un peu moins inégalitaires, où il y a une meilleure, disons, couverture sociale, il y a moins d'écarts sociaux, est-ce qu'on observe là des phénomènes qui peuvent nous aider, c'est-à-dire en termes d'abord d'ajustement de mécanismes, à l'intérieur du code pénal ou du Code civil, pour que les policiers, les autorités locales, les municipalités aient une latitude pour ne pas surjudiciariser le problème?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Donc, je pense qu'il y a certainement des sociétés où on incarcère moins, où on utilise moins le système pénal que la société québécoise; la société canadienne, encore pire que la société québécoise. Et je pense qu'il y a certainement des modèles... ou on peut aller voir des modèles de médiation en milieu urbain, des modèles non seulement en termes de résolution immédiate de conflits dans le quotidien, mais également au niveau des mesures sociales, à la protection sociale, qui sont mises en place, que ce soit au niveau des logements abordables, que ce soit au niveau des services de santé, que ce soit au niveau d'un revenu minimum garanti. Donc, il y a certainement là beaucoup d'inspiration, là, pour nous, là.

M. Khadir: Donc, ce serait où, par exemple, ces exemples-là? Est-ce que c'est dans le cas de la France, où des réalités économiques plus proches des nôtres... ou c'est vraiment des réalités économiques différentes où il y a une plus grande redistribution de richesse? Je veux dire, est-ce qu'il y a quelque chose de structurel là-dedans qui pourrait nous aider, au lieu d'essayer d'aborder les problèmes dans leurs effets, essayer de les aborder dans leurs causes? Est-ce qu'il y a des modèles en Scandinavie que...

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Pas que je connaisse en détail, pas en ce qui concerne la situation des personnes itinérantes en particulier, mais il me semble qu'il y a certainement des sociétés où les messages d'inclusion, les messages d'acceptation, de solidarité sont mieux lancés qu'ici, là.

M. Khadir: Une autre question. Actuellement, dans la liste de vos recommandations, dans le fond ce que j'ai compris, c'est qu'il y a une marge discrétionnaire qui est quand même à la disposition des corps policiers, mais il y a un plus grand arbitraire qui est exercé par le politique; quand vous dites que le maire appelle pour dire: Écoutez, il faut que tu vides le parc, d'accord? Donc, le policier, même s'il connaît son terrain puis il pourrait, lui, considérer qu'il ne faut pas judiciariser, il est forcé parfois à le faire.

Est-ce qu'il y a d'autres moyens que de changer la loi... Je veux savoir si vraiment le message qu'on doit recevoir, c'est qu'il n'y a pas d'autre moyen? S'il n'y a pas d'autre moyen, bien on va tous s'en convaincre puis on va faire la recommandation qu'il faut vraiment changer la loi pour que le code pénal ne laisse pas cette marge, disons, légale, qu'ensuite le politique, en étant conscient, bien l'utilise comme mesure répressive.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Je pense que c'est difficile de faire des lois de façon opaque, là. C'est-à-dire, c'est difficile de penser à une loi qui ne pourrait pas faire l'objet d'arbitraire, qui ne pourrait pas permettre justement d'avoir ce genre d'intervention là, dans la mesure où la loi existe.

Maintenant, c'est sûr que, si on interdit carrément dans la loi l'émission de constats d'infraction aussi vers les personnes itinérantes, bien, alors là, on a vu par le passé que, lorsqu'on bloque certains mécanismes légaux, alors on se tourne vers d'autres. C'est-à-dire qu'à partir du moment où le politique a un objectif, bien c'est difficile de ne pas arriver à ces fins-là. Donc, en matière de prostitution, à un moment donné on a arrêté d'utiliser la réglementation municipale, on s'est tournés vers le Code criminel. Alors, c'est encore pire. Et je ne voudrais certainement pas que ce que vous reteniez de ma présentation, ce soit: arrêtez d'émettre des constats d'infraction, mais allez-y avec le Code criminel, puisque là, ça, ça aurait des effets encore plus dramatiques. Mais je pense que c'est clair qu'il y a, dans ce dossier-là, un problème de volonté politique, là, un problème de message politique qui est lancé et qui pourrait être autre, là.

M. Khadir: Moi, dans mon comté, évidemment je n'en ai pas autant... par exemple, dans Saguenay? Lac-Saint-Jean... parce que c'est un vrai problème, et je comprends les problèmes que peuvent vivre des députés où on a ce problème-là de manière aiguë, de concilier les droits. Mais donc, il faut qu'on essaie des moyens, ou de sensibiliser nos élus locaux, municipaux, policiers, etc., pour ne pas ériger les uns contre les autres, de trouver des moyens... Mais je ne savais pas qu'il y avait un centre... Donc, il y a déjà eu, au Québec, des centres de crise, cette idée-là. Bon, est-ce que vous... Est-ce que ça rejoint... ça peut être une solution, pour vous, ces centres de crise?

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Très certainement, oui.

M. Khadir: Très bien. Parfait.

Mme Sylvestre (Marie-Ève): Parmi d'autres, probablement pas suffisant. Mais c'est certainement, dans l'immédiat, quelque chose qui est beaucoup plus acceptable que ce soit finalement le système pénal qui soit prit à gérer ces personnes-là, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Sur ce, merci infiniment à Me Sylvestre de venir partager votre expertise et le fruit de vos recherches sur cette question très importante.

Je vais suspendre quelques instants. Et je demande à Mme Céline Bellot de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

 

(Reprise à 16 h 31)

Le Président (M. Kelley): ...prendre place, s'il vous plaît.

Alors, la commission reprend ses travaux. On constate la présence de... je ne sais pas si c'est la plus jeune personne à assister de nos travaux, parce que...

Mme Céline Bellot

Mme Bellot (Céline): Elle a failli être plus jeune, si j'avais pu venir témoigner.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Oui. Mais Chloé est...

Mme Bellot (Céline): Vous avez failli l'avoir à deux mois, là vous l'avez à six mois.

Le Président (M. Kelley): Je pense que Chloé est parmi les plus jeunes. Mais, de mémoire, notre ancien collègue, le député de Berthier, on l'a rencontré par hasard, Alexandre Bourdeau, à Montréal, et il avait un enfant avec lui qui était très, très jeune, cinq ou six semaines, de mémoire. Mais, entre les deux, c'est très intéressant de... Et vous ne le savez pas, mais on voit Chloé sur l'écran de la télévision. J'ai un petit écran ici, alors elle... Pauvre Me Sylvestre ne savait pas, mais elle avait... C'est toujours difficile de partager la scène avec un enfant. Tous les acteurs vont dire que ce n'est jamais une bonne idée, parce que...

Mme Bellot (Céline): ...déloyal.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, on va céder la parole à vous, Mme Bellot, pour votre présentation.

Mme Bellot (Céline): Merci. Bonjour et merci beaucoup de nous avoir... d'avoir accepté qu'on soit entendus et d'avoir repris ces travaux de cette commission qui, pour moi... Et j'étais contente d'entendre tout à l'heure qu'enfin tout le monde s'entend sur le fait que la judiciarisation n'est pas la solution, dans la mesure où... La question de la judiciarisation m'occupe depuis très longtemps, depuis mon terrain de doctorat que j'ai fait en suivant des jeunes dans la rue. J'ai vu, à cette époque-là, émettre énormément de constats d'infraction et voir des jeunes... et, à l'époque, je n'étais pas dans la judiciarisation complètement, j'étais vraiment dans la compréhension de la trajectoire de ces jeunes-là, et j'ai vu un nombre impressionnant de jeunes ? j'y suis restée cinq ans, dans la rue, à les suivre quasiment sur une base quotidienne ? j'ai vu énormément de jeunes sortir, être dans la rue, faire du squeegee, avoir des contraventions, aller en prison, sortir et aller vers des trajectoires beaucoup plus délinquantes. Et, à chaque fois qu'on rapportait ça aux autorités publiques, on nous disait: Ce n'est qu'anecdotes. Vous avez deux, trois itinérants que vous prenez, deux, trois jeunes qui sont très caractéristiques que vous utilisez comme faire-valoir d'une hypothèse selon laquelle il y a de la judiciarisation à Montréal.

Finalement, chemin faisant, nous avons pu avoir du financement pour faire l'étude véritablement. Et je peux vous assurer que, pendant une année, la question a été: Quel est le nombre de contraventions? Personne ne savait le nombre de contraventions. Depuis, vous savez tous mes chiffres, c'est pour ça que je n'en parlerai pas, parce que tout le monde les utilise; alors, moi non plus, je ne les utilise plus. Mais tout ça pour dire qu'effectivement, à un moment donné, on a, en partenariat avec les ressources d'aide aux personnes itinérantes, fait en sorte que la judiciarisation n'est plus une anecdote mais effectivement un phénomène, et un phénomène qui non seulement se multiplie, se développe, s'accroît, avec comme conséquence un alourdissement phénoménal pour le système pénal, qui n'est plus capable de le gérer, et aussi pour les personnes itinérantes. Et c'est de cela que je veux vous parler.

Je ne vous parlerai pas de mes chiffres, tout le monde en a parlé, alors tant mieux. Au moins, il y a un agent multiplicateur qui a fait que ces chiffres ont été utilisés et utiles. Ce dont je veux vous parler, c'est: Qu'est-ce qu'il y a derrière ces constats d'infraction? Derrière ces constats d'infraction, il y a un système, qui est le système pénal, dans un premier temps. Et, deuxièmement, il y a des personnes qui sont les personnes itinérantes.

Qu'est-ce que ça veut dire que d'avoir, dans le système pénal, 45 000 contraventions qu'on ne paiera pas, qui ne seront pas payées? Ce n'est que de l'engorgement, ça ne fait que des situations où les contraventions ne sont strictement que des papiers. La procédure est strictement administrative. On ne fait que juger des personnes et les porter de la rue à la prison sans avoir entendu ces personnes-là à aucun moment du processus parce que ce serait bien trop lourd. La voie pénale est une voie qui est facilitante pour une masse de contraventions. Elle n'est pas là pour faire des droits, elle est là... elle a été créée... le Code de procédure pénale a été créé pour la sécurité routière. On est en train de juger, d'emprisonner des personnes itinérantes, les personnes les plus vulnérables de nos sociétés, à partir d'une stratégie de judiciarisation qui était liée à la sécurité routière. Lorsqu'on a enlevé l'emprisonnement pour non-paiement d'amende au Code de sécurité routière, on l'a maintenu pour les infractions municipales.

Une des choses qui m'apparaît nécessaire de faire, c'est effectivement d'élargir cette impossibilité ou de restreindre au maximum, comme on l'a fait pour le Code de sécurité routière, la question de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Ce n'est pas rien. L'emprisonnement pour non-paiement d'amende, dans la réalité des personnes itinérantes, ça signifie que les trois quarts ont fait du temps de prison. Chaque contravention, chaque billet émis par un policier vaut 15 jours d'emprisonnement. Quand vous en avez une trentaine ou une quarantaine, ça veut dire que vous allez aller passer six mois en prison pour avoir flâné, consommé de l'alcool. Ce sont les deux... ? elle entend sa mère ? ce sont les deux grandes infractions, qui ont été la consommation et le flânage. Et un des enjeux pervers du système pénal, c'est que ces législations sont soumises fortement à interprétation.

Tout à l'heure, vous aviez des débats sur qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que fait le policier. Il reste que flâner, personne n'est capable de le définir, et c'est ça, l'enjeu aussi de l'infraction pénale et de la rapidité du Code de procédure pénale, c'est que ces infractions n'ont pas les mêmes exigences au plan de la protection des droits fondamentaux. Alors, vous êtes dans un système où on accélère, on réduit les droits fondamentaux, et pourtant on aboutit à de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende et à des temps d'emprisonnement qui sont relativement importants pour ces personnes-là.

Le système actuellement a suspendu... et j'ose croire que l'effet de publication de nos données ont eu un quelconque... ont créé un débat sur cette judiciarisation. Le système actuellement, sur Montréal, fait en sorte qu'il n'y a plus... il y a une suspension des émissions de mandats d'emprisonnement. C'est la preuve, s'il en est, que le système n'est plus capable de gérer: il n'ose plus émettre des mandats d'emprisonnement. Mais aucune autre solution n'a été prévue pour ces constats qui actuellement dorment dans les banques de données de la cour municipale. Si un système n'est pas capable ? judiciaire ? de mettre fin à des situations et à des contraventions, c'est bien là qu'il n'est pas le système qu'il faut pour répondre aux besoins des personnes itinérantes.

Maintenant, du côté des personnes itinérantes, il est clair que la question du constat d'infraction et l'émission de ces constats-là, au-delà de même l'emprisonnement, c'est le premier rapport social que ces personnes-là vivent dans l'espace public. Le premier rapport social de ces personnes-là, elles le vivent avec des gens qui contestent leur présence dans l'espace public. Pensez-vous, tous les jours, et, pour avoir passé du terrain et du temps avec des personnes itinérantes dans la rue, avec tout ce que ça exige en termes de vulnérabilité, en termes de difficulté de conditions de vie, que de se voir dire: Vous n'êtes pas... on ne vous veut pas, vous n'êtes pas à votre place, alors même qu'aucune autre ressource ne leur est disponible? Quand on vit dans l'espace public, c'est qu'on n'a pas d'espace privé, et, malgré toutes les ressources existantes à Montréal, je peux vous assurer qu'il y a encore des besoins pour les personnes itinérantes. Les places en refuge ne permettront pas de répondre à tous les besoins des populations itinérantes, d'autant plus que les places en refuge, qu'est-ce qu'elles font, malgré toute leur bonne volonté? Elles offrent un toit la nuit. Ces personnes sont judiciarisées pour, la plupart du temps, le jour. Il y a très peu de places, lorsqu'on est itinérant, à fréquenter le jour.

Au-delà de ce rapport d'exclusion direct avec le policier qui vous émet votre constat pour vous dire que vous flânez, alors que la personne d'à côté peut avoir passé le même temps dans la rue que vous, mais, elle, elle ne flâne pas, elle attend un ami, elle est un honnête citoyen, vous allez avoir un processus que vous ne maîtriserez pas et une méconnaissance de ce qui se passe, de votre situation judiciaire.

n (16 h 40) n

Quand j'ai commencé à m'intéresser à la judiciarisation, c'était pour travailler avec des jeunes qui savaient avoir reçu des constats d'infraction, qui les avaient, la plupart du temps, déchirés et qui, deux ou trois ans plus tard, se disaient: Je viens d'avoir un mandat d'emprisonnement. Je sais que je suis mandat, je ne sais pas quand est-ce que je vais aller à Bordeaux. C'est ça, la réalité de la judiciarisation pour une personne itinérante. C'est une épée de Damoclès qui, à un moment donné, va faire en sorte que vous allez devoir rencontrer de nouveau un policier qui va vous dire: Vous êtes mandat d'emprisonnement, et vous emmener sans aucun autre délai en prison. Et cette situation... cette précarité dans la judiciarisation fait en sorte que la personne itinérante à aucun moment ne peut dialoguer, ne peut contester sa situation. Elle ne sait pas ce qu'elle vit, où en est son dossier et comment elle peut répondre à ses besoins. Il y a certes quelques mesures alternatives qui ont été créées au fil du temps, notamment par des intervenants ingénieux qui ont commencé à aller à la cour municipale, à discuter avec des... au moment de l'exécution du paiement d'amende, discuter avec des percepteurs d'amende ? excusez-moi, j'avais perdu le nom; des percepteurs d'amende ? pour obtenir des délais de paiement, pour obtenir une conversion en travaux compensatoires. C'est sûr que ces solutions étaient exploitées et utilisées par les intervenants lorsqu'ils accompagnaient les personnes itinérantes à la cour municipale. Mais, si tout le flot de constats d'infraction qui est actuellement dans le système devait être converti, ne serait-ce qu'en travaux compensatoires, il faudrait multiplier par 10 le temps et les heures de travaux compensatoires qui sont actuellement disponibles sur Montréal. Donc, ce n'est pas faisable.

Et la dernière chose sur les personnes itinérantes lorsqu'elles sont victimes de judiciarisation, c'est aussi le rapport social qu'on entretient avec elles en leur disant: Pour toi, la seule chose qu'on peut t'offrir, c'est la punition, c'est la sanction de ta propre existence. Le rapport d'exclusion que vivent ces personnes itinérantes chaque fois qu'elles reçoivent un constat d'infraction est réel. Elles le vivent comme étant la fatalité mais en même temps comme étant le nécessaire rapport qu'entretient la société à leur endroit. Il me semble qu'on peut faire mieux dans notre société que de dire aux personnes les plus vulnérables d'entre nous que la seule chose qu'on peut leur offrir, c'est finalement un rapport d'infraction et éventuellement la prison.

Alors, maintenant, quelles recommandations faire? Je sais bien que vous cherchez des solutions. Je suis tellement contente que vous pensez qu'il faut trouver des solutions à la judiciarisation. Les solutions, il me semble que... Et on le voit: oui, il y a eu un vent de répression; oui, toutes les villes ont utilisé la répression. On voit que la répression est en train de se déconstruire un peu partout, en Amérique du Nord comme en Europe. New York ne réprime plus du tout comme il a réprimé, comme il a été un modèle pour Montréal dans certaines années. On voit que la répression coûte cher, est inefficace, tout le monde le constate, et qu'il faut trouver des solutions.

Alors, chacun a trouvé ses solutions. Et il me semble que, plutôt que s'inspirer encore du sud, allons nous inspirer du nord. Dans le sud, on a voulu s'inspirer de la tolérance zéro qu'il y avait à New York pour la mettre en place à Montréal. Quand les Américains ont décidé que finalement ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie, on est en train, nous aussi, de reculer. Maintenant, aux États-Unis, on a développé, notamment pour l'itinérance chronique qui pose des problèmes dans la rue effectivement... Je ne suis pas en train de dire que parce qu'on ne va pas réprimer, il n'y a pas de problème dans la rue avec des personnes itinérantes; il y en a, des difficultés. Oui, il y a des difficulté de cohabitation, oui, il y a des difficultés de présence, mais en même temps la voie pénale n'est pas la solution, ne fait rien régler, ne règle rien pour personne.

Dans les villes américaines, il est en train de se développer une stratégie qu'on appelle le «Housing First», qui vise à mettre d'abord les personnes itinérantes chroniques... de les sortir absolument de la rue et de les mettre immédiatement dans un logement et, après, trouver des solutions à leurs autres besoins, à leurs autres difficultés. C'est une façon de concevoir les choses, c'est une logique fortement axée sur les services, où le logement est un service.

Vous avez la voie du nord qui dit: Non, répondre aux problèmes de l'itinérance, c'est d'abord... effectivement, c'est d'abord et avant tout sortir les gens de la rue, mais, au lieu de les sortir par une logique de services, on va les sortir par une logique de droits. On va éviter qu'ils rentrent dans la rue plutôt que d'essayer de sortir les itinérants chroniques, qui sont là depuis 10 ans. Pour éviter de rentrer des gens dans la rue et pour faire en sorte que le passage dans la rue soit le plus rapide possible et le moins dommageable possible, il s'agit de travailler en termes de droits. Ça veut dire accès à un logement, ça veut dire accès à un revenu.

Je peux vous assurer que tous les jeunes, pour en suivre depuis 10 ans, chaque fois qu'ils ont eu un revenu, chaque fois qu'ils ont eu une stabilité dans leur vie, chaque fois qu'ils ont eu un logement avec du soutien communautaire pour habiter ce logement, chaque fois qu'ils ont eu la possibilité d'être reconnus comme de véritables citoyens, ces gens-là n'ont plus eu de contravention.

Il est formidable de voir, dans les trajectoires de jeunes, comment, à certains moments de leur vie, ils ont eu énormément de constats d'infraction et comment, du jour au lendemain, ils n'en ont plus. Pourquoi? Parce que ces gens-là se sont trouvé un espace qui leur convient et en même temps qui convient à la société, et c'est ça dont il faut, à mon... c'est vers là qu'il faut aller en termes de solution, c'est de trouver des espaces qui conviennent aux deux. Et la création d'espaces qui conviennent aux deux, c'est certainement aussi de construire des espaces privés pour ces personnes itinérantes et pas seulement des espaces qui seraient des espaces de refuge ou d'hébergement. Ça passe par des stratégies de support avec du logement, comme on en a développé déjà au Québec. Il me semble que c'est la voie qu'il faut continuer de développer pour arriver à arrimer à la fois du logement et en même temps un ancrage des personnes itinérantes dans leurs communautés. Les rapports sociaux entre bons voisins se font aussi parce que tout le monde a la même place dans la communauté. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Alors, d'abord, moi, je voudrais vous féliciter pour ce très beau mémoire, très bien fait. Et je pense que vous démontrez, dans cette étude-là, de façon assez éloquente que ça n'a à peu près plus de bon sens. On constate ici juste quelques chiffres qui nous démontrent quand même, M. le Président... 150 personnes itinérantes qui ont reçu 5 998 constats au total, pour une moyenne de 40 constats par personne. C'est quand même une aberration, tu sais. Puis on voit ici, là, 216 constats d'infraction pour la réglementation, et il y a une personne qui a reçu 216 constats d'infraction. Et là, après, on arrive avec une donnée qui est tout aussi impressionnante, c'est qu'une fois tous les dossiers fermés, là, ça va avoir coûté 7 256 000 $, à peu près, pour traiter ces dossiers-là, grosso modo, là. On voit que la répression n'est vraiment pas la solution dans ce cas-là.

Alors, moi, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire, mais en même temps aussi je voudrais savoir, par rapport à l'approche judiciaire justement, est-ce qu'en même temps qu'on essaie d'améliorer les logements, de donner un espace privé... Moi, je retiens cet élément-là: c'est qu'au fond il ne faut pas juste donner des refuges aux gens, il faut peut-être leur offrir un espace privé. Moi, je retiens cet argumentaire-là qui est intéressant. Est-ce qu'on pourrait également... Il me semble en tout cas qu'au Québec il a l'air à y avoir une différence dans les fonctionnements policiers, entre autres. Est-ce qu'on aurait intérêt à accompagner davantage l'action policière par une formation beaucoup plus intensive face à l'itinérance? Est-ce que ça pourrait au moins aider?

Je vous donne un exemple, moi, que... parce que j'ai été longtemps conseiller municipal. Il y a un règlement municipal qui dit que, quand quelqu'un est en état d'ébriété sur le trottoir, tu peux l'embarquer, tu peux l'amener en prison, mais tu peux aussi simplement aller le reconduire chez lui, et tu viens de sauver des frais, puis en même temps peut-être...

Mme Bellot (Céline): ...chez lui.

M. Lehouillier: Exactement. Alors, tu sais, je me dis, il y a... Et ça, ça va souvent avec le jugement du policier. Est-ce que vous croyez qu'on a un mixte de tout ça qui pourrait être amené? Et, en même temps, je repose la question que j'ai posée tout à l'heure parce que, pour moi, elle est importante: Comment est-ce qu'on fait pour améliorer, je dirais... Parce que vous avez fait allusion à des études, au début, que j'ai trouvées fort intéressantes, par rapport à la différenciation sociale entre les bons et les mauvais pauvres, tu sais. Alors, on est rendus dans une société qui crée carrément ses exclus, et, à partir du moment où là on se dit on va en répression, ça marche un bout de temps, mais, à un moment donné, ça ne marche plus, et le système en devient même ridicule. Alors, comment on fait, là, pour concilier tout ça: espace privé pour les gens, acceptabilité aussi, tolérance, alors voilà... et formation?

Mme Bellot (Céline): Avant d'aller dans la rue rencontrer des jeunes, j'ai commencé par faire une maîtrise dans le métro, où j'ai observé les pratiques des agents du métro à l'égard des personnes itinérantes. Et, en matière de réglementation, qu'elle soit du transport ou municipal, chaque agent de surveillance, mais chaque policier a une perception, une interprétation très, très large de ce qu'il peut faire et de ce qu'il doit faire. Et je peux vous assurer qu'il y a des variabilités aussi impressionnantes que de un à 100 entre des agents qui ont le même temps de travail mais qui émettent des constats versus d'autres qui n'en émettent pas du tout. Donc, il y a une stratégie d'utilisation de la répression versus d'autres modalités d'intervention que tout policier, comme tout agent de surveillance, peut avoir.

n (16 h 50) n

Donc, oui, de la formation, c'est nécessaire, mais en même temps c'est là où, moi, je pense que, face à cette marge de manoeuvre que permet l'infraction pénale et que ne permet pas l'infraction criminelle autant, je pense que, là où on doit agir, c'est dans l'expression d'une volonté politique claire de ce qu'on veut en termes de politique. Et, si ce n'est pas clair, chacun va mettre la répression et va mettre le poids dans la répression qu'il souhaite avoir. Or, sur Montréal, pendant longtemps il a été clair que la répression était la stratégie qu'il fallait employer. Donc, les policiers, formés ou pas formés, ils utilisaient ce qu'on leur demandait d'employer, même si certains l'utilisaient moindrement. Ils les connaissent.

Me Sylvestre a dit: Les policiers connaissent... Les 150 personnes qui reçoivent... Quand vous émettez un constat d'infraction à une personne tous les trois jours, là... D'ailleurs, on se demande pourquoi pas tous les jours, parce que cette personne n'est pas itinérante que le lundi et le jeudi, elle est aussi itinérante le mardi et le mercredi, donc pourquoi elle n'a pas été judiciarisée le mardi et le mercredi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bellot (Céline): Certainement parce qu'elle est tombée sur un agent qui ne l'a pas judiciarisée, simplement ça. Mais, entre le lundi et le jeudi, il reste que c'est souvent la même personne. Quand vous arrivez à émettre 200 constats d'infraction à la même personne, vous êtes... et que personne ne vous dit: Bien, peut-être que là ça ne marche pas. Mais personne ne le sait, que ça a existé, ces systèmes-là. Le fait que ces personnes recevaient autant de constats d'infraction, personne ne le savait. Donc, au-delà de la formation, il y a la dimension politique de dire: La répression est ridicule. C'est très bien de le dire ici, mais j'aimerais ça qu'on puisse le dire ailleurs ou, en tous les cas, que je ne sois pas la seule toujours à le dire avec d'autres.

Vous avez même posé la question, puis là je reviens même comme vous l'avez posée... Mais c'est sûr qu'à Montréal il y a une situation particulière qu'il n'y a pas à Québec. Votre réglementation municipale qui donne la latitude aux policiers d'envoyer chez lui, il faut qu'il ait un chez-lui. Mais, par exemple, sur Québec, pour le connaître un peu, le protocole d'entente fait en sorte que le chez-lui, s'il n'y a pas de chez-lui, ça va être une ressource communautaire, notamment la Maison Dauphine, qui a des protocoles avec les jeunes. Mais, à Montréal, là, si le Refuge des jeunes reçoit tous les jeunes de Montréal parce qu'ils sont en état d'ébriété puis qu'on fait toute la rue Saint-Laurent qui les amène au refuge, déjà je peux vous assurer que le Refuge des jeunes, il ne va pas fermer sa porte parce que la sonnette va sonner toutes les 30 secondes. Donc, il y a des solutions qui sont adaptables à certaines villes, qui ne le sont pas à d'autres. Ça, c'est clair.

Pour l'amélioration et l'acceptabilité, il me semble effectivement qu'on est dans une société où c'est vrai que l'itinérance fait peur, c'est vrai que l'itinérance, c'est devant vous l'image de ce que vous ne voulez pas être, ce que vous ne voulez pas devenir, de ce que la société a le plus souffrant, le plus difficile, et qu'on préfère des personnes qui ont une autre apparence que celle des personnes itinérantes. Il n'en demeure pas moins que par ailleurs d'autres personnes qui portent exactement les mêmes stigmates, notamment les gens qui vendent L'Itinéraire, qui se présentent comme étant des itinérants, pour ceux-là, l'acceptabilité, y compris sur la place publique, elle est réelle. Alors, il y a des bons et des mauvais pauvres.

Alors, comment on peut arriver à faire en sorte que chaque personne itinérante ne soit pas qualifiée de bon ou de mauvais pauvre, mais qu'on considère qu'elle a un espace public, qu'elle a le droit à son espace public, mais qu'en même temps, en tant que société, on doit intervenir pour faire en sorte que cette personne-là puisse aussi avoir accès à des droits et notamment à un espace privé?

M. Lehouillier: Mais justement de quelle façon on pourrait intervenir pour, comment dirais-je, faire ces liens-là? Parce que, si la répression est encore le moyen utilisé, c'est parce que la population réclame cette répression-là, jusqu'à un certain point, j'imagine. Est-ce que j'ai raison quand je fais cette affirmation-là ou, selon vos études...

Mme Bellot (Céline): Écoutez, chaque fois que j'ai eu à discuter avec la population dans son ensemble, là, chaque fois on m'a toujours dit: Mais ça a l'air ridicule d'émettre des constats d'infraction. Je n'ai pas beaucoup de gens, effectivement vous le disiez, qui me disent: Bien oui, c'est la solution. Donc, la population qui réclame des constats, moi, je ne l'ai jamais rencontrée, et pourtant Dieu sait si je les ai présentées, mes données. Donc, je pense que...

M. Lehouillier: Oui, tout à fait. Donc, dans nos systèmes, avons-nous une fausse perception de ce que la population pense, justement?

Mme Bellot (Céline): Oui, je pense qu'on... Non, on pense que la population demande une intervention, et je suis convaincue que la population demande une intervention. Elle ne demande pas une intervention pénale, elle demande une intervention. Elle demande à l'État d'intervenir auprès des populations les plus vulnérables de notre société.

M. Lehouillier: O.K. Très bien.

Mme Bellot (Céline): Et, quand on y met le pénal, c'est nous qui le rajoutons...

M. Lehouillier: Voilà. O.K.

Mme Bellot (Céline): ...à défaut d'autre chose. Et ce que j'aimerais, c'est qu'on remplisse pour ne plus avoir à aller vers le défaut qui est le pénal.

M. Lehouillier: Merci beaucoup. Vous avez répondu avec éloquence à ma question, surtout le dernier bout, que j'ai apprécié. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme Bellot, certains... Parce qu'après avoir fait vos recherches il y a certains témoins qui sont venus ? je pense, la police de Montréal, le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Justice ? pour dire que, suite à votre constat, il y a des améliorations qui ont été faites, alors pas que la situation aujourd'hui est parfaite, mais au moins votre constat... Il y avait un tollé dans l'opinion publique. Dan Bigras, entre autres, a soutenu la cause, et tout le reste. Alors, est-ce qu'on a eu des améliorations? Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé suite aux recherches que vous avez faites?

Mme Bellot (Céline): Oui, puis j'en suis très heureuse. Oui, il y a eu des améliorations. Oui, il y a des gens, y compris des autorités publiques, qui ont dit: Oui, c'est ridicule, il faut trouver quelque chose.

La première fois que j'ai parlé aux policiers de Montréal, j'avais huit grands uniformes en face de moi qui m'ont contesté tous les chiffres: D'où vous les sortez? Pourquoi? Comment? Ça a été la première rencontre. À la sixième rencontre, on s'entendait pour dire que c'était ridicule et qu'on allait pouvoir essayer de faire quelque chose. Je l'ai constaté. Je l'ai dit autant publiquement que j'avais pu dire qu'il y avait tant de constats, autant j'ai pu dire qu'effectivement à Montréal les contraventions émises par les policiers en 2004 et en 2005 ont au moins stagné, si ce n'est un tout petit peu diminué. Donc, la montée et l'accroissement s'étaient au moins arrêtés. Par contre, ça avait explosé dans le métro. Mais ça, c'était une autre...

Et, oui, il y avait des... oui, actuellement, on en émet beaucoup trop. 6 000 ou 7 000 par an, c'est énorme; comparativement même à Toronto, c'est très important. Et, comparativement, alors on est en train de faire Calgary et Vancouver, et je peux vous assurer, les chiffres ne sont pas publics encore, mais c'est aussi beaucoup plus important qu'à Vancouver et à Calgary. Donc, oui, on en émet encore trop, mais au moins on arrête d'augmenter.

Oui, je pense que chacun a mis du sien dans ce qu'il pouvait faire, un petit peu d'alternatives, mais, quand on voit les effets négatifs, aussi importants qu'ils soient, avec des petites solutions alternatives, on ne réglera pas le problème, et c'est ce qui me semble... En fait, ma grande recommandation à la commission parlementaire, c'est que le vent, il faut vraiment... le virage, il faut vraiment le prendre. Il faut vraiment retourner... retourner complètement ces stratégies-là à l'envers.

Or, actuellement, oui, on a fait des petits gains, mais qui sont tellement minimes par rapport à ce que ça coûte pour tout le monde que ça n'en est pas vraiment. Mais j'ose espérer qu'ils vont s'accroître et que surtout on va mettre fin vraiment au fait de la judiciarisation.

Le Président (M. Kelley): Alors, au niveau de... le nombre de contraventions, est-ce que ça a baissé? Est-ce que c'est stable?

Mme Bellot (Céline): 2004, c'était le même qu'en 2002, puis 2005, c'était un tout petit peu en dessous. Mais...

Le Président (M. Kelley): Mais, 2008, est-ce qu'on a la moindre idée?

Mme Bellot (Céline): Je vais vous le dire. En 2009...

Le Président (M. Kelley): Ou 2007?

Mme Bellot (Céline): On ne les a pas, mais on va continuer à poursuivre. Mais je pense qu'effectivement sur le terrain, au moins sur les rues de Montréal, il y a moins d'émissions. Mais ce qui est paradoxal, c'est que le métro, c'est plus petit à Montréal que les rues de Montréal, on peut s'entendre là-dessus, mais il y a plus de constats d'infraction qui sont émis dans le métro qu'il y en a qui sont émis dans les rues. Donc, on est dans une... Alors, oui, ça s'est amélioré, mais en même temps ça a complètement empiré de l'autre côté.

Le Président (M. Kelley): Bon, et c'est juste ? parce qu'on a des témoignages et des personnes qui sont venues ? alors de voir où on est rendus dans cette situation et comment on peut proposer des solutions autres. Parce que, je pense, tout le monde comprend qu'il y a un cercle vicieux qu'il faut casser, mais c'est de trouver les moyens de le faire.

Parce que, comme je dis, il y a 4 000 policiers à Montréal et il y a des comportements très différents, mais je pense qu'il y en a certains qui ont une pression, soit de leur patron ou de leur communauté: Il faut faire quelque chose. Alors, ils sont un petit peu au bout de leur patience, alors ça devient un dernier recours.

Et je cherche toujours: est-ce qu'il y a d'autres outils qu'on peut donner pour s'assurer un bon voisinage? Parce qu'il y a des moments... Je reviens toujours à l'expérience du YMCA, qui a témoigné, le travail qu'ils ont fait avec les commerçants, sur la rue Sainte-Catherine vers l'ancien Forum, pour avoir une meilleure compréhension des enjeux des uns et des autres, et je ne sais pas s'il y a d'autres choses qu'on peut faire pour arriver... ou d'autres solutions qui peuvent nous amener à un meilleur bon voisinage.

n (17 heures) n

Mme Bellot (Céline): Moi, il me semble que, dans l'idée que la demande de l'intervention, elle existe, elle est là de partout, y compris de la personne itinérante qui aimerait bien sortir de sa situation aussi, là, il me semble que la création de stratégies de médiation, de stratégies de... de stratégies de médiation mais de stratégies de dialogue qui permettraient de dire comment on peut mettre fin, par exemple, à des choses très, très particulières et momentanées d'une personne itinérante qui dérange... En même temps, la plupart des personnes itinérantes ne dérangent pas. Concrètement, là, elles ne font pas du bruit, elles quêtent. Elles dérangent le paysage, mais elles ne dérangent pas... Ce ne sont pas, la plupart du temps, des gens qui sont en situation de crise.

Il y a des solutions pour des personnes en situation de crise, autres que le pénal, y compris des interventions qui restent certainement à développer, mais il y en a. Mais la personne itinérante n'est pas une personne qui est en crise 24 heures sur 24 dans la rue, et elle ne dérange que par sa présence, souvent.

Alors, oui, au-delà de la médiation qu'on peut faire pour faire en sorte aussi de dire: Bien oui, mais, quand tu attends pendant deux heures dans la rue, une autre personne a le droit aussi d'être là pendant deux heures, il me semble qu'au-delà de ça il y a des stratégies, bon, qui devraient permettre de faire en sorte qu'on développe l'intervention sociale. Je suis sûre que... Dans la logique du voisinage, de dire: On va faire en sorte que ces personnes aient un lieu de répit, un lieu d'accueil, je ne suis pas convaincue que ce sont des solutions qui sont... ou sur lesquelles la population dirait: C'est complètement déraisonnable, c'est ridicule de créer un lieu de... Elle vous dit: C'est ridicule de donner un constat d'infraction, mais je ne suis pas convaincue qu'elle vous dise... on ne les a pas entendues parce qu'on ne les a pas, ces solutions, mais qu'elle vous dise: C'est ridicule de développer du soutien social, développer du logement pour les personnes qui sont sans abri, développer de l'accès à des soins de santé, développer de l'accès à du revenu pour ces personnes-là, pas convaincue qu'elle dise autant que ce soit ridicule.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bellot. Merci de votre contribution.

Tout à l'heure, au début de votre présentation, vous avez dit avoir suivi pendant cinq ans des jeunes dans la rue. Puis je pense qu'on conçoit ou on reconnaît, tous et toutes ici, les limites de la répression et de la judiciarisation, qui ne sont pas des solutions. Je pense que, vous deux, vous l'avez assez clairement démontré.

Je vais revenir sur le rôle des policiers, parce que ce que j'en comprends, c'est que finalement il en revient beaucoup à leur façon, à leur attitude, à leur ouverture ou non-ouverture pour qualifier le genre d'intervention qu'ils vont avoir auprès des jeunes. Et ce que je comprends aussi, c'est que ça repose souvent sur leur façon d'être plutôt que sur un engagement d'un corps de police ou d'un poste qui décide d'avoir ou tel ou tel type d'intervention. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus à partir du travail que vous avez fait en termes de suivi des jeunes?

Mme Bellot (Céline): C'est vrai que les policiers ont leur marge de manoeuvre et qu'ils l'exploitent. Moi, j'ai vu des policiers donner souvent les mêmes contraventions et souvent venir au même parc et donner des contraventions, etc., voire même des situations abusives, quand il y a des jeunes qui prennent quatre ou cinq contraventions en l'espace de cinq minutes, là. Et ce n'est pas tous... Oui, ça existe. Ce n'est pas généralisé. Dans d'autres villes, par exemple, on a des enjeux de brutalité policière qui n'existent pas à Montréal. Oui, il y a des anecdotes, je vais dire, là-dessus, mais ce n'est pas une réalité, la brutalité, ni l'abus complet. Mais il n'en demeure pas moins quand même que, pour émettre 7 000 constats d'infraction aux personnes itinérantes, il faut avoir une volonté quand même stratégique de système, là. Ce n'est pas juste un ou deux policiers qui seraient trop zélés, là, il y a un peu plus. C'est pour ça que je fais attention à ma réponse, c'est parce qu'il y a un peu plus que ça, pour en émettre 7 000, disons.

En même temps, les jeunes, ce qui est le plus frappant dans l'évolution de la judiciarisation, c'est qu'il y a deux groupes. Autant les jeunes ont été ciblés au tout début de la judiciarisation, autour des années 2000, autant aujourd'hui c'est à la fois les jeunes, oui, 18-25 ans, mais c'est aussi les personnes 35... voire 35-55 ans, donc les itinérants chroniques, qui sont là depuis 10 ans, qui aussi ont été connus, qui ont vécu la rue et qui, d'un seul coup, se voient émettre des constats d'infraction comme jamais ils n'en ont reçu, alors qu'ils sont... ils ont une routine dans la rue qui est la même depuis 10 ans. Et vous vous rendez compte que quelqu'un qui a une routine de rue depuis 10 ans, qui fait la même chose, qui fréquente les mêmes ressources, les mêmes lieux puis qui, en un an, se prend 200 contraventions alors qu'il n'en avait jamais eu... Imaginez le rapport qu'il a avec la société puis imaginez, quand vous êtes un intervenant, puis que vous arrivez, puis dire: Moi, je vais t'aider, comment ça peut être difficile à vivre, ce rapport d'exclusion, au quotidien.

Et ça, là, au-delà... Et c'est pour ça que, oui, la judiciarisation existe, oui, le constat, il existe, mais il ne faut jamais oublier que derrière le constat il y a une personne qui reçoit une marque directe de rejet et de refus de ta présence dans l'espace public, et ça, c'est ça au-delà de l'intitulé qu'il y a sur le constat et au-delà de ce qui arrive à ce constat-là. Et c'est un enjeu, et socialement c'est ce qu'on fait 7 000 fois par année à Montréal.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. J'aurais une autre question. Dans votre mémoire, juste avant la bibliographie, il y a un paragraphe qui dit: «Mais, au-delà du [recours] au droit pénal comme mode d'intervention auprès des populations itinérantes, c'est la création d'une véritable politique de reconnaissance des droits de ces personnes qui devrait permettre de soutenir les mécanismes sociaux de solidarité et d'engagement à [l'égard] des plus démunis, pour que la rue, le refuge ou la prison cessent d'être leurs seuls lieux de vie possible.»

J'aimerais vous entendre...

Mme Bellot (Céline): J'ai écrit ça sur mes hormones d'accouchement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): C'est bien, c'est bien. Et...

Mme Bellot (Céline): Ça a l'air très lyrique, en tous les cas, lu comme ça.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): C'est bien, hein? Bon. Alors, j'aimerais vous entendre sur la création d'une véritable politique de reconnaissance des droits de ces personnes. Vous la voyez comment, cette politique?

Mme Bellot (Céline): Pour moi, la première chose, c'est la marque de la relation sociale. La reconnaissance passe par l'acceptation, le rapport social où on dit à un individu: Qui que tu sois, quels que soient tes problèmes, quelle que soit ton allure, tu as le droit d'être et d'exister dans notre société et donc d'être présent dans l'espace public. Ça, c'est la première reconnaissance. Il faut... Je vais y aller comme ça: derrière l'analyse actuellement des théories de la reconnaissance, il y a trois types de reconnaissance. Il y a une reconnaissance juridique, une reconnaissance sociale et une reconnaissance affective. Et la reconnaissance affective, c'est celle qui dit: Tu es quelqu'un, donc je te reconnais. Chaque fois que le policier donne un constat d'infraction, il est en train de te dire: Tu es quelqu'un, mais tu n'as pas le droit d'exister. Donc, arrêtons d'en mettre, des constats d'infraction. Déjà, on ne lui fera plus vivre cette non-reconnaissance.

La non-reconnaissance juridique, c'est celle qui dit: Tu as un constat d'infraction, on veut te réprimer, mais en plus on ne se donne même pas les moyens de t'entendre, même pas les moyens de te donner les droits fondamentaux auxquels on a tous signé, dans toutes les chartes. On va te faire une procédure accélérée qui va quand même finir par l'emprisonnement, alors qu'on a signifié, dans la société, que c'était la peine de dernier recours. Mais, pour toi, ça va être la peine de premier recours. Pas fort comme reconnaissance juridique!

Et, dernièrement, la reconnaissance sociale. La reconnaissance sociale, c'est celle qui va permettre, il me semble, de donner de la place à des relations de solidarité. Pour ça, il faut effectivement qu'on ait une stratégie où, oui, l'itinérance, c'est complexe, oui, ça renvoie à énormément de besoins, mais dotons-nous au moins de stratégies d'intervention qui vont faire en sorte qu'on va mettre de l'avant, plutôt que le refuge et la prison, du logement, du revenu et de l'accès à des soins de santé.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Merci bien. Ça va pour moi.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.

M. Khadir: Bien, en fait, j'ai répondu à la demande de Mme Bellot de la part de tous nous autres: elle en demande trop. En fait, ce que je trouve ironique, parce qu'on termine, et c'est à moi que reviennent un peu les derniers commentaires ou questions, c'est qu'on est en train de parler de cas, d'exemples que vous avez donnés, que madame... Me Sylvestre a donnés tout à l'heure, par exemple d'emprisonnement pour des gens qui ont simplement uriné, d'accord, dans l'espace public, alors qu'on sait aujourd'hui que des multimillionnaires qui ont ruiné, n'ont pas juste uriné, ont ruiné la vie de dizaines et de dizaines de milliers de familles par leur comportement économique délinquant se promènent, parfois même sont encouragés par des bonus, sont nommés à la vice-présidence de grands conglomérats financiers. Et ces mêmes gens là ont une influence prépondérante dans notre espace public, privent notre gouvernement des moyens d'action. Parce que vous dites qu'il faut adopter une logique, plutôt que de répression et même plutôt que de service, une logique de droit, ce qui vous fait dire donc qu'il faut des logements, il faut des services, il faut un accès au système de santé. Mais tout ça, ça coûte de l'argent, Mme Bellot.

Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on a recours à des moyens un peu démagogiques, genre: on coupe dans le salaire des députés? Est-ce que c'est ça, la solution? Est-ce qu'il faut, je ne sais pas, moi, couper ailleurs, dans l'éducation, pour donner là? Qu'est-ce qu'on fait? Ou est-ce qu'on coupe dans les avantages fiscaux, dans les bonbons qu'on donne à certaines industries, industrie pharmaceutique, industrie minière? J'ai appris tout à l'heure en Chambre qu'en 1994 on a baissé les redevances de 18 % à 12 %, et, même ce 12 % là, les compagnies minières nous en privent. Vous parliez de quelques dizaines de millions; il s'agit de 2 milliards de dollars en cinq ans.

Donc, qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse?

n(17 h 10)n

Une voix: ...

M. Khadir: Ah! Voilà un premier engagement.

Mme Bellot (Céline): Je n'irais pas jusque-là.

Le Président (M. Kelley): La question est posée, Mme Bellot.

M. Khadir: Parce que tout le monde...

Mme Bellot (Céline): Mais j'aime bien quand même: Naître libres et égaux en droits et en dignité, quand même. Mais je n'ai pas les solutions financières de cet ordre-là.

Mais juste une petite anecdote, parce que ce qu'il faut comprendre aussi de la judiciarisation, c'est qu'effectivement c'est un enjeu montréalais, pour la plupart, même si ailleurs il y a des tensions puis il y a des stratégies d'utilisation. Il y a des constats d'infraction qui s'émettent dans les villes, mais peut-être pas dans un phénomène aussi systémique qu'à Montréal. Mais Montréal émet des constats d'infraction. Ce sont des policiers de Montréal, à partir du budget de la ville de Montréal. Mais tout ce qui se passe après, là, ça appartient au budget du Québec. L'emprisonnement, jusqu'à preuve du contraire, pour non-paiement d'amende, il est payé à travers les budgets du Québec. Donc, là aussi, il y a une tension entre provincial et fédéral, mais ce n'était pas pour ça... provincial et municipal qui est là, mais ce n'était pas pour ça que je voulais vous répondre.

Moi, je vais vous dire quelque chose par rapport aux finances, parce que, oui, il y a des grands enjeux puis il y a des grandes délinquances économiques, oui, il y a des enjeux d'ordre fiscal, mais... et ça existe effectivement, et puis ce n'est pas mon champ de recherche...

M. Khadir: Vous n'avez pas mené d'enquête là-dessus.

Mme Bellot (Céline): ...là-dessus, mais par ailleurs ce que je sais sur la tension entre l'intervention pénale et l'intervention sociale, c'est que l'intervention pénale, elle coûte cher actuellement. Quand on dit que ça coûte 143 $ pour incarcérer quelqu'un et qu'on va incarcérer six mois quelqu'un en prison pour ça, il y a des études qui ont montré que c'est un ratio, entre du logement social support communautaire et de la prison, de un à cinq. Ça coûte cinq fois moins cher de mettre quelqu'un dans un logement avec support communautaire que de le mettre en prison. Ça, c'est clair.

L'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'au-delà de ça, même sur les alternatives, la première étude que j'ai... qu'on a réalisée, elle nous a coûté 50 000 $. C'est le fédéral qui les a donnés grâce au Secrétariat national des sans-abri. À travers cette étude-là, on a fait beaucoup de chiffres, on a donné un chiffre, le dénombrement, mais on a rencontré aussi 29 personnes itinérantes. Et, comme on n'avait pas les moyens, parce qu'on avait juste 50 000 $, de les dédommager pour leurs entrevues et comme on connaissait la situation de ces personnes-là, on leur a dit: Nous, on ne peut pas vous dédommager comme ça se fait en recherche, mais ce qu'on va faire, c'est: on va vous accompagner dans votre démarche judiciaire. On va sortir votre dossier, on va vous l'expliquer puis on va vous accompagner dans ces démarches-là.

21 des 29 personnes ont accepté d'être accompagnées. Les sept autres n'avaient pas... Il y en a sept qui n'avaient pas besoin d'accompagnement parce que tous leurs dossiers étaient fermés, malheureusement elles venaient... elles sortaient de prison, et deux qui ont refusé. Sur les 21 personnes, on est allés voir, c'étaient toutes des personnes qui avaient entre 2 000 $ à 5 000 $ de dettes, qui devaient donc tous un temps de prison parce qu'elles étaient toutes en mandat d'emprisonnement. Pour ces 21 personnes, on a obtenu des ententes communautaires et on a fait sauver au Québec plus de 70 000 $ de coûts entre le Travaux compensatoires et la prison.

M. Khadir: ...

Mme Bellot (Céline): Alors, c'est une étude qui, fédéral-provincial, a quand même permis de sauver 20 000 $. Donc, il y a des solutions aussi de jeu lorsqu'on intervient, lorsqu'on intervient sur des alternatives, qui coûtent toujours moins cher que le système judiciaire, et des interventions sociales, qui coûtent généralement moins cher que de l'intervention pénale.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, c'est le hasard qui donne que c'est vous et Me Sylvestre qui étaient les deux derniers témoins dans la partie publique de notre réflexion sur le phénomène de l'itinérance, et c'est tout à fait approprié, parce qu'au bout de la ligne vous avez parlé d'une chose très importante, qui est la question du respect. Et, je pense, il y a quelque chose que les membres de la commission ont appris, il y a une question très importante: le respect de ces personnes qui vivent dans l'itinérance, qui ont des problèmes à la fois de respect juridique, respect social, et c'est quelque chose que nous devrons, dans nos réflexions, tenir compte.

Alors, merci beaucoup. Merci pour amener Chloé pour participer indirectement à nos délibérations. Je vais suspendre, quelques instants, et on va revenir pour les remarques finales. Mais, merci beaucoup, Mme Bellot.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

 

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Kelley): Alors, j'invite les personnes de prendre place, surtout le député de Mercier, parce que c'est en sens inverse, alors ça va être vous pour un cinq minutes de remarques finales.

Remarques finales

S'il vous plaît, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Je ne prendrai pas cinq minutes du temps précieux de mes collègues, on est à la veille de Pâques. Moi, j'ai l'intime conviction, j'ai... En fait, je suis jeune dans votre commission qui se penche sur la question de l'itinérance. Je connais le problème du bout de la lorgnette du médecin résident qui a travaillé à l'urgence de Saint-Luc quelques années pour les recevoir, pour savoir qu'il y a énormément de préjugés même dans le système, peut-être même, je dirais... je dois dire plutôt: surtout dans le système médical, parce qu'on partage les préjugés de l'ensemble de la société. Parfois, on est... c'est alimenté par le fait qu'on travaille dans des milieux où c'est renforcé par certaines expériences malheureuses puis surtout un système curatif qui est souvent, je dirais, impuissant quand c'est un problème qui a une cause chronique. L'itinérance crée des situations de... des problèmes de santé qui occasionnent donc un recours fréquent, puis, au bout d'un moment, quand on se sent impuissant, bien on développe des frustrations. Et ça, ça existe.

Donc, quand j'ai vu, ce matin, la présence de la vice-présidente... non, la directrice générale adjointe du ministère de la Santé, j'ai trouvé important... Là, je n'ai pas eu le temps malheureusement, et c'est pour ça que j'en profite, je trouvais important de rappeler que, comme les problèmes d'itinérance causent des problèmes de santé, et des problèmes de santé mentaux et autres peuvent causer des problèmes d'itinérance, c'est important, dans les solutions qu'on va envisager, de tenir compte de cet aspect-là, qu'il y a un travail à faire au niveau de notre personnel médical, au niveau du personnel soignant pour une approche plus intégrée, puisque c'est un peu ça, l'approche que vous êtes en train de privilégier. Il ne faut pas assumer que, parce qu'on travaille dans le milieu de la santé, on est mieux outillés pour comprendre la dynamique de ces choses-là.

Deuxièmement, je reviens toujours à ce qui m'apparaît de plus en plus... étant donné la situation économique qu'on vit, étant donné ce qu'on apprend avec le rapport du Vérificateur général, avec toutes les informations qui circulent ici, au Québec, ailleurs dans le monde sur certaines pratiques financières fiscales abusives, des détournements de fonds, ce qu'on vient d'apprendre tout récemment à propos de l'industrie de la construction... Ce n'est pas des cas isolés, c'est une structure économique qui a donné la part très belle à des gens puissants, qui sont des acteurs importants des équilibres politiques, qui fait en sorte que c'est très difficile, même dans le meilleur des mondes, la meilleure intention, présente à l'Assemblée nationale, de bouger ces équilibres-là. C'est des acteurs puissants qui pèsent lourd. Donc, pour qu'on puisse changer, pour que, nous, comme législateurs, on puisse trouver les moyens d'aller chercher les ressources qui, tout le monde s'entend ici, sont nécessaires pour les refuges, pour le logement, pour l'accès aux services, il faut qu'il y ait un combat social, il faut qu'il y ait...

Donc, je suis heureux de voir que dans votre démarche vous avez un peu intégré le combat social en allant les voir là où ils sont, et j'espère simplement qu'on ne laissera pas échapper une si belle occasion, que, comme groupe de parlementaires, la commission puisse retourner en Chambre avec un rapport fort qui dit: Là, là, on a besoin de ça, c'est des besoins, c'est une question de droits. On va aller chercher les moyens, puisque, maintenant on sait, les moyens existent. Ils nous échappent maintenant, mais ils existent. Il faut prendre les moyens d'aller les chercher. Les moyens financiers, j'entends.

n(17 h 20)n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Il y a presque une année, la Commission des affaires sociales s'est donné un mandat pour étudier une question vaste, complexe et, par-dessus tout, cruciale: l'itinérance, la situation des sans-abri. En se donnant ce mandat d'initiative, la Commission des affaires sociales voulait consulter l'ensemble des acteurs sociaux, communautaires et étatiques, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Commission des affaires sociales a fait un bon tour du jardin. En effet, elle a rencontré une centaine de groupes depuis septembre 2009... 2008, excusez-moi.

Le Président (M. Kelley): ...au moins.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ça allait vite, hein? Ça allait vite, hein?

Le Président (M. Kelley): On est clairvoyants, mais pas si clairvoyants que ça.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ah oui, mais pas tant que ça, pas tant que ça. Bon.

Une centaine de groupes, c'est énorme, et je crois que cela montre l'importance qu'a cette problématique pour quantité de groupes issus de la société civile. Pour rencontrer autant de groupes, la commission a dû quitter l'enceinte du parlement. Elle s'est déplacée à Montréal, Trois-Rivières, en Outaouais pour entendre les gens.

Cette consultation a permis de constater, comme on pouvait s'y attendre, que le problème de l'itinérance a de nombreuses facettes. On pense ici, par exemple, à la pauvreté, à la santé mentale, à la toxicomanie, à la jeunesse, aux aînés, au logement, et possiblement bien d'autres.

La discussion que nous avons eue plus tôt aujourd'hui avec le Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec illustre parfaitement cette caractéristique. En les écoutant, on a rapidement réalisé que l'itinérance de la population autochtone est un problème particulier qui nécessitera des mesures particulières. Près de 40 % des autochtones du Québec vivent en milieu urbain. Ils sont surreprésentés parmi les personnes itinérantes, pour toutes les raisons que l'on connaît et pour aussi des raisons de rupture sociale et communautaire. Ils font aussi très souvent l'objet de préjugés et de discrimination.

Il est plus que temps que les organismes dont la mission est de veiller à leur bien-être en milieu urbain soient reconnus, notamment quant à leur rôle dans la lutte à la pauvreté. Ce matin, notamment, nous avons appris que les centres d'amitié autochtones, qui ont demandé de participer au deuxième plan de lutte à la pauvreté, ont reçu une réponse de sympathie du ministère de la Solidarité sociale. Nous espérons que cette sympathie se traduise par des gestes concrets.

Par ailleurs, comme vous le savez, nous appuyons sans réserve les revendications des groupes à l'effet que le gouvernement se dote d'une politique sur l'itinérance. Nous pensons que, dans ce contexte, une attention particulière devrait être portée aux conditions de vie des autochtones en milieu urbain. Cette politique devrait selon nous se pencher sérieusement sur les déterminants de la pauvreté et plus spécifiquement sur les possibilités qu'ils ont de se gouverner eux-mêmes, sur la réussite scolaire et professionnelle de leurs jeunes et sur l'accès à des services de santé et des services sociaux accessibles et culturellement appropriés.

On n'a pas seulement entendu des groupes communautaires, mais également des représentants des structures gouvernementales et paragouvernementales. On a même entendu deux fois l'Agence de santé et des services sociaux de Montréal. Je ne vous cacherai pas que cette dernière a soulevé de nombreuses interrogations dans les rangs de l'opposition officielle. On a peine à voir une stratégie d'ensemble dans l'action de l'agence sur l'île de Montréal. Ça semble un peu flou. Comme disait le président de la commission ce matin: Est-ce que la main gauche sait ce que la main droit fait? Je n'en suis pas convaincue actuellement.

Une voix: ...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): J'ai été assez surprise d'entendre des réponses pas tout à fait claires, je le dirais comme ça, sur les questions de financement, sur les règles d'attribution et sur la place des groupes communautaires et de défense des droits dans le plan de travail de l'agence. L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal est dotée d'un budget de 5,4 milliards. Si c'était un ministère, elle aurait le cinquième plus gros budget. Il me semble qu'on aurait pu avoir, à mon avis, des réponses plus précises, et je pense qu'on va s'employer encore une fois à les chercher. Si les deux apparitions de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal ont démontré une chose, c'est la nécessité d'un plan d'ensemble pour combattre l'itinérance, pour Montréal et aussi pour le Québec.

Cette commission, dans une prochaine étape, entreprendra la rédaction d'un rapport final au cours des prochaines semaines. Elle sera, cette réflexion, enrichie des mémoires présentés cet après-midi, où on a échangé sur toute la question de la... judiciarisation ? bien de la misère à dire ça ? ce qui nous a amenés bien sûr beaucoup de matière à réflexion, beaucoup d'informations et beaucoup d'argumentations. Et je remercie les gens qui sont venus nous présenter ces deux mémoires.

Donc, dans la rédaction de ce mémoire final, on y mettra bien sûr énormément d'énergie. Je tiens à assurer le président de la commission que j'y travaillerai d'arrache-pied. On a consulté, c'était nécessaire; il faut maintenant passer à l'action. J'espère, j'ose croire que le gouvernement s'inspirera du rapport qui émanera de cette commission et qu'il proposera rapidement une stratégie, ce dont nous avons besoin, une stratégie sur l'itinérance qui sera partie intégrante du deuxième plan d'action pour lutter... contre la lutte à la pauvreté. Le monde communautaire, certaines municipalités, certaines agences, certains groupes nous ont appuyés quant à la demande d'une politique pour contrer l'itinérance. Je pense qu'on doit absolument prendre une décision claire.

Nous avons besoin d'une vision, nous avons besoin d'orientations, nous avons besoin de travailler dans la cohésion pour faire en sorte qu'on permette aux personnes itinérantes de vivre dans la dignité, de vivre dans des conditions qui leur permettent d'être des citoyens et des citoyennes à part entière, capables de prendre la parole, d'avoir la parole et d'exercer leurs droits. Et, quand on veut avoir une vision, on ne peut pas faire le sacrifice d'une politique, qui va être la base importante et essentielle à l'établissement par la suite de plans d'action, au fil des années, qui vont nous amener vers un projet de société qui va favoriser l'intégration, qui va faciliter et qui va réunir les conditions pour des conditions de vie maximales pour tout le monde et permettre à tous et toutes qui vivent des années, des mois, des jours, des semaines difficiles de retrouver une dignité et une capacité d'intervention dans une société de droit comme celle qu'on se revendique de l'appeler. Alors, ce sont mes conclusions, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Lévis.

M. Gilles Lehouillier

M. Lehouillier: Oui. Alors donc, moi, c'est... Je suis évidemment nouveau comme député ici, mais je dois vous dire que, d'abord, je voudrais féliciter les membres de la commission qui ont mis sur pied cette initiative portant sur l'itinérance. Je trouve ça exceptionnel de pouvoir y participer. J'ai trouvé ça fort intéressant. J'ai appris beaucoup et, moi le premier, également je pense que ça m'a permis une excellente sensibilisation.

On dit que la personne en situation d'itinérance est celle qui n'a pas d'adresse fixe, n'a pas de logement stable, sécuritaire et salubre, est à très faibles revenus et ? moi, c'est l'élément que je retiens le plus ? avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de dépendances, de violence familiale, de désorganisation sociale et dépourvue de tout groupe d'appartenance. Alors, moi, à partir de là et de ce... tu sais, de ce constat qu'on a fait, moi, c'est toute l'accessibilité discriminatoire qui pour moi est très importante par rapport au plan d'action qu'on va avoir à définir. Et, quant à moi, je souhaiterais qu'on puisse s'entendre ensemble sur une stratégie qui va permettre d'abord: capacité de prévenir que des personnes se retrouvent en situation d'itinérance, donc capacité de le prévenir, des gens en ont parlé encore aujourd'hui, de cette capacité-là; accessibilité et adaptabilité des services à une clientèle atypique, donc comme les personnes en situation d'itinérance, donc accessibilité et adaptabilité des services; soutien pour favoriser l'affiliation et l'inclusion des personnes; humanité dans le traitement des méfaits, donc on en a parlé tantôt, quand on parle des interventions policières, humanité; et concertation pour une action efficace. Alors, pour moi, c'est les cinq ingrédients qui, à mon avis, m'apparaissent extrêmement importants dans toute stratégie qu'on pourrait mettre de l'avant ici, autour de la table, et qui, moi aussi, je l'espère, aura des suites concrètes au niveau de l'action gouvernementale. Merci.

Le président, M. Geoffrey Kelly

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. À mon tour, j'ai peut-être deux éléments: premièrement, la question du suivi et, le deuxième, une question de remerciements, qui sont nombreux.

Alors, je pense qu'au niveau du suivi l'engagement était toujours de travailler ensemble. Ça met fin aujourd'hui à la partie publique de nos travaux, mais on va aller continuer de mettre en place un rapport qui va faire le sommaire de qu'est-ce que nous avons entendu et, j'espère fort bien, faire des recommandations.

Il y a également les crédits et tous les ensembles. Ça, c'est juste pour rappel aux membres de la commission qu'on va commencer de siéger le 20 avril, et ça, c'est une autre occasion pour les députés de questionner les ministères, de questionner les personnes. Parce qu'on a eu des participants au comité ministériel et les sous-ministres qui sont venus témoigner. Il y avait des réponses satisfaisantes, il y avait des réponses qui méritaient peut-être une réflexion davantage de certains ministères. Alors, je pense, c'est une autre invitation pour les députés.

n(17 h 30)n

On a une nouvelle ministre déléguée aux Services sociaux, la députée d'Anjou. Sa représentante, Mme Trudel, est avec nous aujourd'hui. J'ai rencontré la ministre, elle a un engagement ferme de... Comme le ministre de la Santé et des Services sociaux a indiqué au moment du lancement de son cadre de référence, il faut améliorer la situation. Alors, je pense qu'il y a un engagement ferme des deux côtés de la table. Il faut améliorer les choses, il faut s'assurer, entre autres, d'une meilleure coordination ? je pense que c'est une des choses que nous avons constatées ? entre les instances du gouvernement, entre les gouvernements des municipalités et d'autres partenaires, qu'il y ait une meilleure coordination, concertation. Alors ça, c'est les choses que nous devrons regarder.

Il y avait toujours le volet que nous avons regardé cet après-midi, qui est la question de respect, qui est très importante. Le symbole, c'est ces fameux billets de contravention, mais c'est beaucoup plus profond que ça. Ce sont des citoyens à part entière de notre société qui méritent le respect qu'il faut à tous les citoyens.

Une des hypothèses qu'on voulait tester, dans la commission parlementaire, était une diversité des visages de l'itinérance. Et on a eu des messages à la fois de ne pas oublier le visage traditionnel, c'est un homme à Montréal, d'un certain âge. Alors ça, c'est un visage de l'itinérance dans notre société, mais nous avons rencontré les jeunes, nous avons rencontré les femmes, nous avons rencontré les personnes issues de l'immigration. Aujourd'hui, il y avait le témoignage des centres d'amitié autochtones, pour nous indiquer qu'il y a d'autres volets, il y a d'autres facettes de cette réalité que nous devrons tenir en considération. Il y a tout le lien avec d'autres phénomènes, comme la santé mentale, comme la question de la toxicomanie, l'éclatement de nos familles, le soutien ou non dans nos écoles pour les enfants en difficulté. Alors, c'est une...

On a commencé sur le phénomène de l'itinérance, mais vite ça nous a amenés sur beaucoup d'autres dossiers aussi. Mais, je pense, il y a l'urgence. Je pense que l'ensemble des membres de la commission sont conscients qu'on est en train de traverser un moment économique difficile, alors les besoins, les demandes qui sont faites auprès des organismes communautaires, les services de première ligne risquent d'augmenter, et je pense que c'est un risque réel. Et je pense que ça va mettre les travaux de la commission, le suivi du comité interministériel, le travail de la nouvelle ministre, tout ça mis ensemble, la table est mise. Et je pense qu'on a beaucoup de travail à faire ensemble. Alors ça, c'est le suivi.

Et il y a également... je pense que Mme la députée de Marguerite-D'Youville l'a mentionné, c'est le rendez-vous avec un deuxième plan de lutte contre la pauvreté. L'itinérance n'est pas identique à la pauvreté, mais il y a un lien direct entre les deux, mais c'est la pauvreté plus ou la pauvreté liée à certains autres phénomènes. Mais, comme parlementaires, on a également un rendez-vous important avec la confection d'un deuxième plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, qui découle de la loi n° 112 qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en 2002.

Ça, c'est pour le suivi. Nous allons continuer de travailler, on a beaucoup de choses à faire, et, aujourd'hui, ça met juste fin à la partie publique de nos travaux pour le moment, mais il y aura un suivi, et je veux rassurer le réseau, je veux rassurer toutes les personnes qui ont participé.

Ce qui m'amène à la deuxième et peut-être beaucoup plus plaisante tâche: des remerciements. Et je pense que le premier remerciement, c'est vraiment pour les organismes communautaires qui se sont organisés, qui ont présenté les mémoires, qui ont participé dans nos audiences en grand nombre. Je pense qu'à Montréal seule on avait 300 personnes dans les salles, alors il y avait un très grand intérêt. Je vais en oublier certains, mais je vois Marie-Claude Vézina, qui est ici, on voit Pierre Gaudreau, qui est ici, et Nathalie Rech, qui a travaillé avec Mme Laplante, de la commission, pour organiser nos travaux. Mais chapeau aux 145 mémoires que nous avons reçus, les 105 groupes témoins qui sont venus ici, et peut-être les plus courageux, les 12 personnes qui soit vivaient l'itinérance ou qui ont vécu avec l'itinérance. Je vois Jean-Pierre Béliveau, qui est en arrière dans la salle, qui est une des personnes qui a pris le courage de prendre le micro, de faire constat d'une vie qui avait ses hauts et ses bas, ses moments d'échec, ses moments de progrès et ses moments de désespoir et les moments d'espoir, et ça prend beaucoup de courage de partager ces réalités avec les membres de la commission. Moi, je viens d'une famille chanceuse, et on n'a pas de proche qui vit l'itinérance. Alors, d'avoir l'occasion de rencontrer ces personnes, de mieux comprendre leur réalité était très important. D'aller dans d'autres villes... Merci encore une fois au président de l'Assemblée nationale de l'époque, Michel Bissonnette, qui a donné le feu vert à l'idée d'aller à Montréal, aller à Gatineau, aller à Trois-Rivières visiter les organismes, La Maison du Père, le CSSS Faubourgs, d'autres groupes qui nous ont reçus, le Centre Le Havre, à Trois-Rivières. C'était vraiment très enrichissant pour l'ensemble des membres de la commission. Alors, merci beaucoup pour le milieu, merci beaucoup à toutes ces personnes.

À l'interne, on a deux personnes ici, à ma droite, qui ont pris les notes, qui ont maintenant la tâche facile de commencer de confectionner un rapport. Alors, Hélène Bergeron et Bertrand Nadeau ont assisté à l'ensemble de nos délibérations, ils ont fait un travail extraordinaire. Norma Drolet, qui est également dans la salle, qui a aidé à préparer le document de consultation. Bravo! Simon Larouche, qui est ici, qui était notre agent de communication, qui a beaucoup d'attention des journalistes, beaucoup de demandes d'entrevue. Simon a organisé tout ça avec beaucoup de brio.

Dans nos déplacements, on a ri un petit peu, mais on avait la présence d'un agent de la Sûreté du Québec, M. Bédard, Éric Bédard, qu'on aimait taquiner pas mal, mais il a fait son travail avec... Et il y avait également le soutien de Christina Turcotte et Claire Vigneault aussi qui a aidé beaucoup.

Et des personnes qui travaillent pour l'ensemble de nos commissions dans l'ombre, nos techniciens de son et notre grand ami Christian Croft et son collègue Joël qui ont déplacé tous les micros, tous les haut-parleurs et toutes les autres choses, à Montréal, à Gatineau, à Trois-Rivières, qui travaillent toujours dans l'ombre, mais c'est grâce à eux autres qu'on est capables de partager nos débats, nos réflexions avec l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Alors, merci beaucoup, M. Croft, pour votre travail.

Et le dernier remerciement, c'est notre secrétaire, qui a tout organisé tout ça, Mme Laplante, qui a fait ça avec beaucoup de brio. Alors, merci beaucoup. Merci à tous les membres de la commission, actuels et anciens, qui se sont déplacés, qui se sont dévoués. La table est mise, on a beaucoup de travail à faire pour la confection d'un rapport. Mais c'était vraiment, comme j'ai dit, dans 15 ans comme député, une des expériences les plus enrichissantes. Alors, merci beaucoup à tout le monde.

Alors, sur ça...

M. Lemay: M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Ah, ah, question de règlement, enfin!

M. Lemay: ...question de règlement. Enfin, enfin!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Bien, c'est la première fois qu'on met une question de règlement. En combien d'heures de travaux, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Beaucoup.

M. Martin Lemay

M. Lemay: Beaucoup d'heures de travaux, ce qui est exceptionnel pour l'Assemblée nationale. Mais, après tous ces remerciements, je pense qu'il faut aussi vous remercier, M. le Président, parce que vous avez... l'ancien président a accepté, mais je suis sûr que vous avez vendu la commission de belle façon.

On a reçu aussi tout ce que les ministères ont de plus haut dans la fonction publique. Donc, vous avez convaincu vos collègues de permettre, entre guillemets, là, à ces hauts fonctionnaires de venir déposer un mémoire et d'échanger avec nous sur leur vision des choses. Donc, ça aussi, c'est un défi. Parce qu'habituellement le ministre est toujours là, et là les ministres n'étaient pas là. Mais je pense qu'on a été raisonnables au niveau de l'apolitisme de la commission, mais l'exemple venait de haut à cet égard-là.

Donc, M. le Président, pour tous ces efforts que vous avez faits pour que la commission aille comme elle a été, et tous les détails techniques, et tout, qui ont été faits de façon extraordinaire par toute l'équipe qui vous entourait, et surtout la générosité avec laquelle vous avez présidé à cette commission-là, qui n'était pas une commission ordinaire, je pense qu'il faut le dire, hein, alors, au nom, je crois, je peux le dire, au nom de tous mes collègues, merci beaucoup.

On a un grand défi devant nous, de discussions pour le futur rapport, mais je pense qu'on va continuer nos discussions avec toute l'ouverture qu'on a eue tout le long de ces travaux. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et, sur ça, j'ajourne...

M. Lehouillier: M. le Président...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Lévis...

M. Lehouillier: Petit commentaire.

Le Président (M. Kelley): ...un autre... question de règlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lehouillier: Oui, me permettez-vous? Juste 10 secondes.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Kelley): Ha, ha, ha! C'est une fausse question de règlement.

M. Gilles Lehouillier

M. Lehouillier: Quand on est nouveau et qu'on participe à une commission, c'est assez impressionnant, tu sais, de voir qu'on reçoit des groupes et des gens. Et on a un privilège extraordinaire, c'est celui d'influencer ce qui vient. Et ça, moi, je trouve ça extraordinaire d'avoir ce privilège-là ici, à l'Assemblée nationale. Et on me disait au début... Bien, moi, l'image que j'avais des commissions parlementaires, bon, c'est assez ennuyeux, bon, etc. Alors, c'est tout à fait le contraire que je découvre. C'est probablement, les commissions parlementaires, ce qu'il y a de plus dynamique à l'Assemblée nationale, et ça, je le constate de jour en jour, et c'est un privilège qu'on va essayer d'utiliser à bon escient. Et, M. le Président, vous avez très bien décrit l'historique, et quelle belle aventure vous avez vécue, en passant, sur ce mandat spécifique là. Alors, voilà, c'est ce que je voulais vous dire.

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup.

Sur ça, joyeuses Pâques à tout le monde. Et j'ajourne nos travaux au lundi 20 avril, à 14 heures, dans cette même salle, afin de commencer l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Santé et des Services sociaux. Bonjour.

(Fin de la séance à 17 h 41)


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