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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 26, 1997 - Vol. 35 N° 35

Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi modifiant la Charte de la langue française


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Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Solange Charest, présidente suppléante
Mme Louise Beaudoin
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Thomas J. Mulcair
M. Yvan Bordeleau
M. André Boulerice
M. Gérard R. Morin
M. Geoffrey Kelley
M. Camille Laurin
*Mme Louise Caron, ministère de la Culture et des Communications
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures six minutes)

Le Président (M. Garon): À l'ordre! Comme nous avons quorum, nous allons commencer.

La commission de la culture est réunie ce matin afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Bordeleau (Acadie) remplace M. Cusano (Viau); Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Frulla (Marguerite-Bourgeoys); et Mme Simard (La Prairie) remplace Mme Malavoy (Sherbrooke).


Étude détaillée


Le statut de la langue française


La langue du commerce et des affaires (suite)

Le Président (M. Garon): Alors, comme nous en étions à la prise en considération de l'article 2, nous poursuivons la prise en considération de l'article 2.

Mme Beaudoin: M. le Président, je sais qu'hier, quand on a commencé à étudier l'article 2... Comme il y a un amendement à cet article 2, un papillon, j'aimerais peut-être, M. le Président – tout dépendant de ce que vous allez me dire – qu'on le prenne en considération au même moment, n'est-ce pas?

Le Président (M. Garon): Il y a un autre remplacement qu'on doit annoncer.

Mme Beaudoin: Ah! un autre remplacement.

Le Secrétaire: Oui. Le Dr Laurin (Bourget) remplace M. David Payne (Vachon).

Le Président (M. Garon): O.K.

Mme Beaudoin: Alors donc, il y avait un papillon, pour l'article 2, qui dit que l'article 2 est modifié par l'insertion, dans la sixième ligne de l'article 52.1 et après le mot «prix», des mots «lorsque celui-ci résulte d'un coût de production ou de distribution supérieur». Voilà.

Le Président (M. Garon): Est-ce que tous les membres ont une copie de l'amendement?

Mme Beaudoin: On en a distribué hier.

Le Président (M. Garon): Est-ce que les gens sont prêts à voter sur l'amendement immédiatement?

M. Laporte: Oui, oui, M. le Président. Oui, je pense qu'il n'y a pas de...

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement est adopté, l'amendement proposé par la ministre à l'article 2?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Garon): Adopté. Alors, nous revenons à l'article 2 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Laporte: Bien, là, est-ce que... Je ne sais pas, là. Il y a une question de procédure. Je vous ai dit tantôt, M. le Président, que je...

Le Président (M. Garon): Vous voulez présenter un amendement. C'est à l'article 2?

M. Laporte: Oui, à l'article 2.

Le Président (M. Garon): Bien, n'importe qui peut le présenter, là. Mais vous...

M. Laporte: Le problème, c'est que j'attends le texte. Puisque ce n'est pas moi qui peux le présenter, il faudrait tout de même que je donne à mon collègue le texte.

Le Président (M. Garon): On peut faire ça. Si vous voulez, on peut continuer avec l'article 3, puis on reviendra à l'article 2...

M. Laporte: D'accord.

Le Président (M. Garon): ...lorsque l'amendement sera arrivé.

M. Laporte: Oui. D'accord.

Le Président (M. Garon): C'est parce que le temps du député d'Outremont est écoulé. À moins que vous ne vouliez... Bien, il faut qu'il soit écrit pareil, de toute façon. Alors, l'article 3.

Mme Beaudoin: L'article 53 de cette charte est abrogé. Oui, le pouvoir réglementaire du gouvernement se retrouve, M. le Président, au nouvel article 54.1. C'est une modification formelle, tout simplement, parce que ce pouvoir réglementaire se retrouve un peu plus loin, tout simplement, à l'article 54.1.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 3 est adopté?

(9 h 10)

M. Laporte: Oui, ça va.

Le Président (M. Garon): Adopté. Nous passons à l'article 4.

Mme Beaudoin: L'article 54 de cette charte est modifié par le remplacement, au début, des mots «Sauf exception prévue par règlement du gouvernement, il est interdit d'offrir au public des jouets ou jeux» par les mots «Sont interdits sur le marché québécois les jouets ou jeux, autres que ceux visés à l'article 52.1,».

Est-ce que je lis le deuxième aussi? Et aussi, donc, par le remplacement, dans les troisième et quatrième lignes, des mots «ne soit disponible en français sur le marché québécois» par les mots «n'y soit disponible en français».

L'article 54 se lira alors comme suit. Je pense que c'est mieux de le lire avec l'amendement que l'on propose. «Sont interdits sur le marché québécois les jouets ou jeux, autres que ceux visés à l'article 52.1, dont le fonctionnement exige l'emploi d'un vocabulaire autre que français, à moins que le jouet ou jeu n'y soit disponible en français dans des conditions au moins aussi favorables.»

La première modification proposée est une modification de concordance avec la nouvelle règle énoncée à l'article 52.1 qui régira notamment les jeux électroniques, c'est-à-dire les ludiciels. Il a paru préférable de traiter de la même façon tous les types de logiciels, qu'ils soient des logiciels spécialisés, des jeux, etc. À toutes fins utiles, la modification proposée ne change pas la règle actuelle quant aux autres jeux. Quant au pouvoir réglementaire du gouvernement de prévoir des exceptions, il est repris au nouvel article 54.1.

La deuxième modification proposée à l'article 54 est une simple modification de forme.

Le Président (M. Garon): Il n'y a pas d'amendement, là. À l'article 4, il n'y a pas d'amendement. C'est que l'amendement est proposé par le projet de loi.

M. Laporte: Ah oui! Vous voulez dire... D'accord.

Mme Beaudoin: C'est ça. Il n'y a pas de papillon.

Le Président (M. Garon): Il n'y a pas d'amendement au projet de loi.

Mme Beaudoin: Ce n'est pas un papillon.

M. Laporte: Est-ce qu'on discute?

Le Président (M. Garon): Allez-y. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Donc, si je comprends bien, c'est le dernier paragraphe qui vient modifier... qu'on veut introduire: «Sont interdits sur le marché québécois les jouets ou jeux, autres que ceux visés à l'article 52.1...» M. le Président, est-ce que je pourrais avoir une explication sur les motifs de cette modification?

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, c'est...

Le Président (M. Garon): Oui.

Mme Beaudoin: La différence de traitement entre les jeux ordinaires puis les jeux électroniques s'explique par le fait, tout simplement, que, comme pour tout autre type de logiciel, il nous a paru préférable de ne pas fermer le marché québécois aux ludiciels lorsque ceux-ci n'existent pas en version française.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Mais, si je comprends bien, la ministre est en train de dire que les exceptions vont être obligées de venir par règlement, dans un premier temps, lorsqu'il s'agirait d'une autre sorte de jeu. Donc, même si on parle de quelque chose... Si on veut faire une exception, par exemple, pour les jeux proprement éducatifs qui exigent un vocabulaire dans une langue autre que le français, on va pouvoir faire ce genre d'exception, mais ça va exiger un règlement. C'est bien ça?

Mme Beaudoin: Les autres sortes de jeux sont prévues...

(Consultation)

Mme Beaudoin: Il y a un règlement sur les jeux éducatifs qui existe déjà.

M. Mulcair: Mais prenons une autre sorte... Il faut passer par règlement chaque fois. La question est de savoir, M. le Président – et c'est ce à quoi mon collègue d'Outremont vient de faire référence – on reconnaît comme règle, lorsqu'il s'agit de jeux modernes, si on peut dire, que, si ça n'existe pas dans une version autre que française, on ne va pas empêcher leur importation et leur distribution, comme règle générale. Mais avec les jeux qui sont toujours prévus à l'article 54, on inverse cette règle.

Mme Caron (Louise): On ne change pas la règle pour les jeux, actuellement, comme le monopoly et le scrabble, là. Ça, on ne le change pas. Ce qu'on fait, c'est que, pour les ludiciels, étant donné qu'on introduit une règle pour les autres logiciels, on dit: Bien, les ludiciels vont répondre à la même règle. Mais, pour ce qui est des autres jeux, ça reste semblable.

M. Mulcair: Je suis tout à fait d'accord que ça reste semblable au statu quo ante. Cependant, le statu quo ante, pour les jeux, édicte une règle générale qui est l'inverse de la règle générale qu'on est en train d'édicter pour les ludiciels.

Mme Caron (Louise): C'est vrai. Ce n'est pas la même règle pour les jeux vidéos versus les jeux ordinaires.

M. Mulcair: La question, M. le Président, à ce moment-là devient une question de constance, de cohérence et d'harmonie législative. Quel principe social ou légal a prévalu lors de l'édiction de cette nouvelle règle? Pourquoi avoir une règle générale qui dit que, s'il n'existe pas une version dans l'autre langue, on peut l'importer dans le cas des nouveaux jeux modernes, électroniques, et avoir la règle inverse, qui date de 1977 – on se comprend là-dessus – mais avoir la règle inverse? Pourquoi on est en train de l'inverser? Je la trouve plus logique, la nouvelle façon de faire, mais vous allez inévitablement causer des problèmes d'interprétation. La question va être de savoir si c'est ce qu'on appelle en anglais un «board game», un jeu de société et qu'il y a un microprocesseur là-dedans... est-ce que c'est l'un ou l'autre? Pourquoi avoir deux séries de règles différentes?

Mme Beaudoin: Parce que je pense qu'il faut dire que la règle pour les jeux style monopoly ou scrabble, ce que vous appelez les jeux de société, n'a pas causé véritablement de problèmes telle qu'elle existe dans la Charte de la langue française depuis, comme vous le dites, 1977, alors qu'on a voulu faire une règle différente, en effet, pour tout ce qui est électronique, tout ce qui est logiciel, ludiciel, etc., et mettre ça dans la même catégorie.

M. Mulcair: Je suis d'accord avec la nouvelle manière d'édicter...

Mme Beaudoin: Oui, je sais. Mais vous me dites: Pourquoi vous ne faites pas la même chose?

M. Mulcair: ...parce que ça ne fait pas appel à des règlements. Pourquoi est-ce qu'on ne nettoie pas? Parce qu'il y a une question simple de logique là-dedans. Si la logique veut que la règle soit celle-là, bien, qu'on l'applique. Plutôt que de continuer à exister... On ne serait pas en train de revenir sur les jeux électroniques, je comprendrais. On a un système. C'est un peu bancale, on est obligé de retourner au gouvernement, on fait des règlements. Je ne sais pas si Mme la ministre est au courant, mais, par exemple, pour refaire la langue sur le commerce et les affaires, si ma mémoire est bonne, ça a pris huit ans avant que la version «in house» qui avait été rédigée à l'OLF voie finalement le jour dans une version un peu modifiée. Mais c'est extrêmement lent, pour des raisons que j'ignore. Ça a l'air d'être une des seules lois où c'est plus facile de procéder par voie de modifications législatives en commission parlementaire, comme on est en train de le faire, que par réglementation où toutes sortes de tiraillements ont lieu à l'interne. Mais on est là. Le patient est sur la table d'opération. On constate qu'il y a une différence de principe qui est difficilement explicable. Moi, je dis: Plutôt que de s'en aller vers d'autres problèmes d'interprétation, pourquoi est-ce qu'on n'en profite pas pour avoir une règle logiquement harmonieuse?

Mme Beaudoin: M. le Président, c'est parce qu'on considère que les jeux de société sont disponibles en français et que, par ailleurs, avec les nouveaux types de jeux, eh bien, on sait qu'il y en a qui ne le sont pas et on ne veut pas imposer cette traduction instantanée ou spontanée, ou interdire l'entrée sur le marché québécois. Mais, pour les autres jeux, ils sont en français. Alors, comme la règle est là, qu'elle existe, qu'elle n'a pas posé de problème, que ça s'est fait, on peut avoir deux types différents de jeux, en quelque sorte. On met l'ensemble d'une catégorie sous le même chapeau et les jeux de société normaux qui, depuis 1977 – cette règle est là – sont traduits, ils existent en français et ça ne pose pas de problème. Alors, on ne voit pas pourquoi on changerait la règle, puisqu'il n'y a pas de problème.

M. Mulcair: M. le Président, je suis le raisonnement de la ministre; il tient, mais seulement jusqu'à un certain point. Parce que, tout en ayant raison d'affirmer que les règles actuelles n'ont pas connu des problèmes massifs d'interprétation et d'application, il ne faut pas regarder ça dans l'abstrait. Il y a des livres et des volumes qui sont écrits sur l'interprétation des lois, mais une des règles primordiales dans l'interprétation moderne des lois, c'est qu'il faut lire les dispositions dans leur contexte. Or, le contexte interne de la loi est un des paramètres primordiaux nous guidant lorsqu'on lit ou qu'on interprète une loi.

(9 h 20)

Lorsqu'un juge, éventuellement, sera appelé à se prononcer sur 54, il va le lire par rapport à 52.1, et vice versa. Et je crains que ça va juste causer des problèmes d'interprétation que d'avoir cette référence à des ludiciels ou des systèmes d'exploitation dans des jeux, avec cette règle-là. Quand est-ce que ce jeu-là est un jouet au sens de 54? Quand est-ce que ça va rentrer dans 52.1?

Je vous dis, M. le Président, que la règle générale voulant qu'on donne l'interprétation la plus ouverte en matière pénale... c'est-à-dire, on dit souvent la plus restrictive, mais, ça, ça ne veut pas dire stricte; ça veut dire restrictive dans le sens où... lorsqu'on restreint des droits du citoyen, on le donne à interprétation la plus restrictive possible. Peut-être que la ministre est en train de s'enfarger et que ça ne va pas produire le résultat aussi heureux qu'elle pense. Parce qu'il va avoir des manières de faire des jeux – et ça existe déjà, c'est facile à voir – qui rentrent aujourd'hui dans l'application de 54, mais qui vont pouvoir entrer dans le 52.1. Je ne suis pas convaincu que ça va être facile d'application.

Si la ministre et ses proches collaborateurs sont sûrs de leur affaire, on ne va pas faire les empêcheurs de tourner en rond. Mais je vous dis, M. le Président, qu'on a une préoccupation sérieuse que cette disposition serait difficilement applicable à l'égard de l'autre qui existe déjà.

Mme Beaudoin: Ça va, M. le Président. Nous, on est convaincus. Effectivement, on a une divergence d'opinions avec le député de Chomedey, mais enfin on est convaincus que ça ne pose pas de problème.

M. Laporte: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: ...moi, j'ai des suggestions à faire sur l'article 52.1 qui sont pertinents, ici. Il y a des questions que je me pose au sujet de l'article 52.1 et que je me poserais au sujet de cet ajout-là, ici.

Le Président (M. Garon): O.K. Alors, on va suspendre, si vous voulez, parce que votre amendement est prêt.

M. Laporte: Mon amendement est prêt, oui.

Le Président (M. Garon): O.K. On va suspendre l'étude de l'article 4. Et puis, c'est vrai que l'article 2 concerne l'article 52.1 auquel on réfère dans l'article 4. Alors, on va revenir à l'article 2 qu'on avait laissé en suspens, tout à l'heure, en attendant l'amendement.

Alors, l'amendement proposé à l'article... Oui. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Alors, c'est ça. Je voudrais proposer l'amendement à l'article 52.1, qui consiste, après la partie où on dit «Tout logiciel, y compris tout ludiciel ou système d'exploitation», à ajouter «vendu au détail», et on continuerait: «qu'il soit installé ou non, doit être disponible en français, à moins qu'il n'en existe aucune version française», et on ajouterait «équivalente.»

Le Président (M. Garon): Ce serait peut-être mieux de dire que vous voulez, au fond, remplacer le paragraphe 1 par le nouveau paragraphe que vous proposez.

M. Bordeleau: Si on veut.

Mme Beaudoin: Je voudrais poser une question: Est-ce que c'est les deux paragraphes que vous remplacez par celui-là...

Le Président (M. Garon): Non, non.

Mme Beaudoin: ...ou c'est seulement le paragraphe 1?

M. Laporte: Est-ce que je peux parler maintenant? Je peux répondre?

Le Président (M. Garon): Bien non. C'est celui qui... Il faut le dire, là. Parce que ce n'est pas marqué... Tout simplement... On amende quoi, là? Ce n'est pas dit.

M. Bordeleau: C'est le premier paragraphe, ici, qui est concerné.

Le Président (M. Garon): Alors, le premier paragraphe de l'article 52.1 est remplacé par le paragraphe proposé.

M. Bordeleau: C'est ça.

Le Président (M. Garon): C'est le premier paragraphe seulement. Allez-y, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bon. La raison pour laquelle cet amendement est déposé... Il y en a deux, là. D'abord, hier, à l'occasion de nos échanges, on est devenus conscients, je pense, de la difficulté qu'il y a de distinguer entre des produits grand public et des produits spécialisés. Ça a été soulevé, hier, en commission parlementaire et c'est la raison pour laquelle je suggérerais «vendu au détail», en ce sens que les produits grand public sont vendus au détail, alors que les produits spécialisés sont achetés directement chez le manufacturier. J'ai fait des consultations, hier soir, là-dessus, puis c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé. Donc, à mon avis, si on veut éviter la confusion, l'ambiguïté qu'il y a entre ces deux classes de produits, il serait peut-être préférable, il serait peut-être souhaitable d'ajouter cet amendement.

L'autre problème, c'est un problème beaucoup plus complexe. Évidemment, le deuxième paragraphe de l'article 52.1 qui dit «...possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes», c'est peut-être une porte de sortie, mais j'aurais aimé mieux le voir dans le premier paragraphe du texte, et je vais vous expliquer pourquoi. Mais c'est un peu compliqué. Autant du point de vue des logiciels, des ludiciels que des systèmes d'exploitation – et c'est certainement ce qui vous a amenée à mettre «au moins équivalentes» dans le paragraphe 2 – il y a des produits qui existent en français sur le marché, mais qui ne sont pas des produits équivalents aux produits américains.

Dans le domaine des logiciels, un exemple qu'on m'a donné hier, c'est un logiciel que je ne connais pas mais qui s'appelle Novell Group Wise, qui est un logiciel qui est fait par Novell, qui existe sur le marché francophone en français, mais dont les fonctions, dans sa version française, ne sont pas équivalentes aux fonctions dans sa version anglaise. C'est-à-dire que c'est un logiciel qui vise à gérer le courrier électronique, à gérer du calendrier, à gérer de la planification, mais, dans la version française, on gère le courrier électronique et on ne gère pas les autres fonctions. C'est la même chose que dans le logiciel Quicken. Si vous le trouviez en français sur le marché du travail... Le logiciel Quicken est un logiciel qui a une douzaine de fonctions. Dans la version française, on aurait trois, quatre ou cinq fonctions, mais pas le nombre équivalent de fonctions.

Le problème que ça pose... Il y en a deux problèmes qui découlent de ça, si la version n'est pas équivalente. Le premier problème, c'est qu'on va demander à des commerçants de stocker ou de mettre en inventaire des logiciels qui ne sont pas équivalents à la version américaine et qui, donc, seront moins vendus parce que les gens qui achètent les logiciels, les produits, en français vont présumément, si c'est des acheteurs rationnels, vouloir obtenir des versions qui soient aussi performantes que la version américaine. Premier problème. Donc, vous allez vous retrouver avec des surplus d'inventaire parce que ces produits ne se vendront pas. Le deuxième problème, c'est que, si on veut créer un marché francophone du logiciel, on est mieux de s'assurer que les produits en français qui existent sur le marché soient des produits équivalents pour créer l'attirance, pour créer le goût. Autrement, les gens vont dire tout simplement: C'est des produits de qualité inférieure, alors pourquoi les acheter?

C'est dans cet esprit-là. Un exemple d'un ludiciel, pour illustrer ce dont je parle... Lui, je le connais parce que je vois des enfants jouer avec, c'est le fameux ludiciel qui s'appelle Doom. En français, c'est un ludiciel qui contient beaucoup moins de niveaux de complexité de jeu que le logiciel américain. Donc, c'est dans cet esprit-là que j'aimerais qu'on ajoute l'expression «équivalentes», pour nous assurer que n'apparaissent pas sur le marché québécois des logiciels en français d'une qualité inférieure aux logiciels américains et qui, par conséquent, vont faire qu'on n'en créerait pas un marché du logiciel en français. C'est les motifs qui ont amené mon collègue à présenter la modification dont il vous a entretenus tantôt. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, très rapidement. Quand on parle, justement, de version française équivalente et que nous disons, au paragraphe 2, «et possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes», c'est dit, en tout cas, dans notre deuxième paragraphe, M. le Président, je pense qu'il ne faut pas limiter. Quand on dit «vendu au détail», dans notre esprit on vise, je dirais, toute la chaîne, y compris les distributeurs. On le revoit, d'ailleurs, à l'article 205.1, parce que c'est autant en louant, en offrant en vente ou en location, etc. Donc, c'est plus large que seulement «vendu au détail». D'autre part, j'ajouterais, en terminant, M. le Président, que, nous aussi, on a fait des consultations, hier, après la commission parlementaire et ces consultations auprès de l'industrie m'ont convaincue et m'ont rassurée quant à la formulation de 52.1.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Pour avoir entendu les réponses de la ministre hier, je suis un peu surpris d'apprendre ce matin qu'elle a réussi à trouver confort où que ce soit dans la rédaction actuelle de 52.1. Hier, lorsque mon collègue le député de Jacques-Cartier lui disait: Écoutez, c'est écrit «Tout logiciel», ça veut bien dire ce que ça veut dire, la ministre répondait: Non. En fait, ce qu'on veut dire, c'est tous les logiciels grand public. Mais ce n'est pas ça qui est écrit là. Alors, ça ne sert à rien...

(9 h 30)

D'ailleurs, vous le savez très bien, M. le Président, on n'a même pas le droit – et Dieu merci, quand on regarde ce qui se dit – d'amener les... Contrairement à la France où les travaux préparatoires à la rédaction et à l'édiction d'une loi peuvent servir dans son interprétation, ici, au Québec, on ne peut même pas apporter les travaux de cette commission parlementaire, éventuellement, devant un tribunal pour les faire interpréter.

La ministre nous dit, de bonne foi, je n'en doute pas une seconde, que, selon elle, «Tout logiciel» signifie tout logiciel grand public. Mon collègue le député de l'Acadie a trouvé une formulation qui, à mon sens, pourrait être applicable légalement, parce que «grand public» renvoie, encore une fois, à une notion vague et imprécise; ce serait difficile d'application et ça risquerait même d'être déclaré inopérant et inapplicable.

Donc, il parle de «vendu au détail» qui est une notion claire, précise, qui a une signification vérifiable. On n'est pas en train de changer grand-chose. On essaie juste, avec un terme clair, de donner l'effet à 52.1 qui, nous dit la ministre, est l'objectif qu'elle recherche. Si elle n'aime pas les termes «vendu au détail», si elle préfère «grand public», c'est son choix, mais il faut absolument faire quelque chose avec ça, parce que c'est faux de dire que 52.1 dit autre chose que «Tout logiciel». C'est bel et bien ça qui est écrit à 52.1.

Mme Beaudoin: M. le Président, non, je n'ai rien d'autre à ajouter que de dire qu'en effet c'est globalement et généralement, bien évidemment, les logiciels grand public, que les logiciels très spécialisés sont dans une autre catégorie, mais que ce n'est pas seulement vendu au détail, que ça peut être fait autrement. Même pour des logiciels de quelque catégorie que ce soit, ce n'est pas nécessairement que vendu au détail.

Alors, moi, je vous répète que nous préférons, en tout cas, notre propre formulation. Je ne sais pas, moi, une coopérative d'achat dans un groupe communautaire va acheter des logiciels en gros. Cette coopérative va les acheter chez un distributeur et non pas chez un détaillant, M. le Président.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Encore une fois, il faut regarder... Il y a un gros problème de structure et de cohérence interne du texte qu'on a devant nous. D'ailleurs, je me permets de souligner à la ministre qu'elle ferait bien de lire elle-même ou de faire lire les études qui ont été faites au Conseil de la langue française sur les pouvoirs réglementaires de la Charte de la langue française, parce que, plutôt que de faire le nécessaire ménage là-dedans, on est en train d'ajouter au problème.

Et je vais donner un exemple qui est tiré des articles qu'on est en train de lire. M. le Président, si on se réfère à l'article 5 du projet de loi n° 40, on constate que le gouvernement propose à l'Assemblée nationale d'adopter une législation qui prévoirait que... «Le gouvernement peut prévoir par règlement, dans les conditions qu'il fixe, des dérogations aux articles 51 à 54.»

On constate aussi, M. le Président, qu'à l'intérieur de l'article 4 on va prévoir le remplacement, au début, des mots «Sauf exception prévue par règlement du gouvernement, il est interdit...» Là, on dit dorénavant «Sont interdits sur le marché québécois les jouets ou jeux, autres que ceux visés à l'article 52.1,».

Donc, tout ça, M. le Président, ça va se faire... Les exceptions auxquelles la ministre réfère vont se faire par règlement. Est-ce que la ministre peut au moins... Pour aider cette commission à comprendre ce sur quoi on est en train de voter, est-ce qu'elle peut au moins déposer un projet de règlement qui nous montrerait son intention à l'égard de 52.1? Sinon, on est ici en train d'édicter une règle qui ne saurait jamais être appliquée, à moins de causer des gros problèmes notamment dans le domaine des affaires. La ministre le sait et elle le reconnaît ici... hier, en commission parlementaire, et à nouveau ce matin. Elle le sait. Tout le monde qui connaît le dossier le sait.

Elle dit: Ce n'est pas ça qui est visé. Ça va être d'autre chose. La seule manière, donc, d'arriver à cette autre chose, à moins de suivre mon collègue le député qui vient de proposer la modification – le député de l'Acadie – à moins de suivre là-dedans, la seule autre manière de le faire, c'est par le biais d'un nouveau règlement qui serait pris en application de ce nouveau pouvoir habilitant prévu à l'article 54.1.

Si on n'adopte pas un règlement ou on ne nous présente pas un règlement d'application sous forme de projet, les membres de cette commission, M. le Président – et je vois que vous êtes hautement sensibilisé à la question – seront en train de voter une loi qui dit le contraire de ce que la ministre prétend et son intention, et on ne saura jamais quelle va être, dans les faits, la réalité de l'application de cette loi. C'est un problème qui a été, à maintes reprises, décrié par le Parti québécois lorsqu'il était dans l'opposition, le fait qu'à l'Assemblée nationale on faisait adopter des lois où on ne pouvait pas connaître le fond, parce que tout devait venir par règlement.

Ici, on édicte une règle qui ne saurait souffrir d'aucune exception, telle que rédigée à l'heure actuelle. La ministre a clairement annoncé son intention. Tant mieux, son intention est conforme à la réalité. Mais, pour avoir vécu depuis plus de 15 ans les interprétations déjà hautement restrictives que font ceux qui sont appelés à appliquer cette loi-là, je trouve irresponsable de laisser adopter un 52.1 sans au moins avoir une indication, de la part du gouvernement, de ses intentions concernant les exceptions qui pourront éventuellement être adoptées.

M. Laporte: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je le répète à la ministre, là, mais je ne perdrai pas mon temps là-dessus inutilement. Qu'elle souhaite amender la loi par une autre expression que «vendu au détail», ça, je peux en convenir. Mais le problème est réel. Il faut voir ce projet-là globalement. Non seulement préparez-vous des articles qui touchent aux produits informatiques, mais vous mettez sur place un appareil de contrôle qui a des pouvoirs, et des pouvoirs contraignants. Ce qui va se produire si vous ne précisez pas la nature des produits dont on parle, grand public ou spécialisés, il peut se produire plusieurs choses.

Moi, je travaille chez Canadair. Je suis mécontent. J'ai, comme je vous l'ai dit hier, une bibliothèque de logiciels grande comme ça et je dis: Ça, là, «c'est-u» disponible en français sur le marché, là? Prouvez-moi que ça l'est, puis, quand vous m'aurez prouvé que ça l'est ou que ça ne l'est pas, on dira que ça reste comme ça. Ça, ça va arriver.

Il y a d'autres logiciels d'exploitation que ceux dont on parle ici. On a Windows 95 en tête. Il y a des logiciels d'exploitation qui s'appellent OS2. Il y a des logiciels d'exploitation qui s'appellent Unix. Il y a des logiciels d'exploitation qui s'appellent OS400, qui n'existent pas en version française ou dont les versions françaises ne sont pas équivalentes à la version américaine.

Il y a des gens qui vont faire des plaintes pour qu'on vérifie si les versions françaises existent et si elles ne pourraient pas être rendues disponibles, et ça va créer de grands embêtements aux manufacturiers et aux commerçants parce que vous allez vous retrouver, je vous le répète, avec du monde qui fait des plaintes sur des logiciels hautement spécialisés, vous allez vous retrouver avec du monde qui fait des plaintes sur les logiciels grand public et vous ne serez jamais capable de savoir au juste de quoi ça vire, puisque le texte de la loi est complètement... comme le disait mon collègue de Chomedey, c'est complètement ouvert, sans balises, sans cadre. Et c'est aussi la raison pour laquelle mon collègue de l'Acadie a pensé qu'il était important de marquer «équivalente». Parce que vous nous dites, Mme la ministre: Oui, mais ça se retrouve dans le paragraphe 2.

Mais, dans le paragraphe 2, ce que vous dites, c'est: Les logiciels. Vous ne parlez pas des systèmes d'exploitation. Vous ne parlez pas des ludiciels. Donc, si vous ne voulez pas mettre «équivalente» dans le paragraphe 1, puis le maintenir dans le paragraphe 2, vous allez être obligée de modifier le paragraphe 2 pour préciser qu'on ne parle pas seulement, dans ce paragraphe, de la classe de produits qui s'appellent le logiciel, mais des deux autres classes de produits que vous avez mentionnées dans le paragraphe 1.

(9 h 40)

Donc, il y a vraiment deux problèmes. Ce n'est pas frivole, comme tentative, de vous aider. Non. Il y a deux problèmes et je pense que vos réactions me laissent croire que ou bien vous ne reconnaissez pas que ces problèmes-là existent ou bien vous dites: Les problèmes existent, mais finalement on va vivre avec.

Mme Beaudoin: Non.

M. Laporte: Et, à mon avis, ce n'est pas ça qu'il faut faire.

Mme Beaudoin: M. le Président, dans le deuxième paragraphe, quand il est dit «les logiciels», ça inclut – parce que ça a déjà été défini dans le premier paragraphe – ludiciels et systèmes d'exploitation. Donc, ça, c'est très clair. C'est très clair pour les juristes. Alors, je vous répète...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Moi non plus. Je vous répète que l'objectif, M. le Président, est clair: lorsqu'un logiciel existe en français, il doit être disponible, au Québec, dans toute la chaîne de distribution. Alors, j'écoute attentivement ce que dit l'opposition. Je dis, moi aussi, M. le Président, au député d'Outremont qu'on a fait des consultations hier soir et que, tout compte fait, M. le Président, après avoir écouté, après avoir entendu que la façon dont l'article est rédigé est satisfaisante, est correcte, et puis est celle, en tout cas, que je préfère...

M. Laporte: Donc, M. le Président, on revient à la question que posait mon collègue de Chomedey: Comment, dans ce texte-là – si vous n'acceptez pas les amendements de mon collègue de l'Acadie, ça vous regarde – allez-vous solutionner le problème qui a été posé hier en commission parlementaire, à savoir la distinction qu'on fait entre les produits grand public et les produits spécialisés? Le problème reste entier.

Que vous me disiez que, légalement, «Tout logiciel» inclut tout le reste, j'en conviens; que vous me disiez que l'équivalent est prévu dans le paragraphe 2 plutôt que dans le paragraphe 1, peut-être. Si vous ne voulez pas clarifier les choses, ça vous regarde. Mais, pour ce qui est de la distinction entre des produits grand public et des produits spécialisés, elle n'est pas là, puis elle n'est nulle part dans le règlement.

Mme Beaudoin: M. le Président, on ne veut pas interdire non plus qu'il y ait des logiciels spécialisés qui soient en version française. Je veux dire, on sait bien que, de facto, c'est les logiciels grand public qui essentiellement, donc, seront en version française. Mais on ne veut pas non plus interdire. On sait qu'il y a un certain type, un certain nombre de logiciels plus spécialisés. Et puis c'est pour ça qu'on dit: Si la version française existe. Existe quelque part.

M. Laporte: M. le Président, ce n'est pas question d'interdire. Mais, tout ça, ça repose sur une représentation de la nature humaine qui baigne dans un angélisme...

Mme Beaudoin: Ah bon!

M. Laporte: ...incroyable. Vous allez avoir... On le sait, la Commission de protection de la langue française a toujours fonctionné comme ça. Il y a quatre personnes à Montréal qui passent leur vie à plein temps à essayer de trouver des incorrections, n'est-ce pas? Il va y en avoir chez Canadair. Il va y en avoir chez Téléglobe. Il va y en avoir partout. Il y a des gens qui s'évertuent à aller chercher des bibites. Et votre loi est ainsi faite que, des bibites, ils vont en sortir en masse, comme on dit.

Moi, je n'ai rien contre le fait que les logiciels soient spécialisés ou qu'on francise les logiciels spécialisés, mais je vous dis: Tout ce que ça va faire, cette absence de distinction analytique, c'est que vous allez emmerder beaucoup, beaucoup de monde si les quatre personnes en question décident de se mettre au travail et de se mettre au travail sérieusement dans le cadre d'un projet de loi comme celui-ci. C'est ça, là. On se place du point de vue d'une éthique de responsabilité, là, pas d'une éthique de conviction où on dit: Voici ce qu'on pense qui est bon, et puis la Providence s'occupera des conséquences.

Alors, c'est dans cet esprit-là qu'on dit: Écoutez, on pense que sans règlement d'accompagnement, sans modification au texte, on se retrouve devant des ambiguïtés qui risquent d'avoir des coûts sociaux et administratifs importants. Maintenant, on se sera donc fait entendre, M. le Président. Si la ministre pense que c'est préférable d'aller de l'avant, je vous l'ai dit hier: Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Alors, on s'en va toujours dans cette direction-là. Et puis, si on n'y peut rien faire, bien, tant pis!

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que vous êtes prêts à voter sur l'amendement proposé par le député de l'Acadie?

Mme Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Non.

Le Président (M. Garon): Alors, l'amendement n'est pas adopté. L'amendement est rejeté. On revient à l'article 2. Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

Une voix: Il n'est pas amendé.

Le Président (M. Garon): Bien oui, il est amendé. Il faut suivre, là. Il faut suivre le débat.

Mme Beaudoin: Par nous.

Le Président (M. Garon): Il y a un amendement proposé par la ministre qui a été adopté tout à l'heure.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Garon): L'article 2, tel qu'amendé, est adopté sur division. Nous passons à l'article 4.

Mme Beaudoin: L'article 4.

Le Président (M. Garon): C'est un article de concordance, en fait. Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Laporte: Sur division.

Mme Beaudoin: Sur division.

Le Président (M. Garon): L'article 4 est adopté sur division.

Nous passons à l'article 5.

Mme Beaudoin: Cette charte est modifiée par l'insertion, après l'article 54, du suivant: «54.1 Le gouvernement peut prévoir par règlement, dans les conditions qu'il fixe, des dérogations aux articles 51 à 54.»

Auparavant, ce principe se retrouvait à l'article 53 qui a été abrogé tout à l'heure.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 5 est adopté.

M. Laporte: Oui, adopté, M. le Président. Celui-là, vraiment, ce n'est pas la fin du monde.

Le Président (M. Garon): Nous passons à l'article 6.

Mme Beaudoin: À 5.1. C'est un papillon, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Excusez-moi. Alors, si vous voulez présenter l'amendement que vous proposez...

Mme Beaudoin: Ça concerne la Commission d'appel, M. le Président.

Le Président (M. Garon): En insérant l'article 5.1 après l'article 5 de votre projet de loi.


Commission d'appel sur la langue d'enseignement

Mme Beaudoin: C'est ça. L'article 83 de la charte est modifié par l'addition, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant: «Le gouvernement nomme un membre substitut pour agir en cas d'absence ou d'empêchement d'un des membres.»

Par cette modification, on précise que le gouvernement peut nommer un membre substitut à la Commission d'appel sur la langue d'enseignement. Les trois membres de la Commission participent aux séances, normalement, mais il arrive toutefois, parfois, que la Commission doit siéger à deux membres, ce qui requiert que la décision soit prise à l'unanimité. De plus, il est parfois difficile de planifier les séances, vu la nécessité de s'assurer de la disponibilité des trois membres. Alors, il apparaît opportun d'avoir un substitut.

M. le Président, c'est donc un substitut. C'est pour agir en cas d'empêchement ou d'absence d'un membre et permettre ainsi à la Commission de toujours siéger à trois membres.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement proposant l'article 5.1 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Laporte: Oui, ça va, M. le Président, à moins que mes collègues n'aient des objections.

Le Président (M. Garon): L'amendement proposant d'ajouter l'article 5.1 est adopté. Nous passons à l'article 6.


L'Office de la langue française

Mme Beaudoin: L'article 100 de la charte est modifié par la suppression du deuxième alinéa qui se lisait comme suit: «Il traite également des questions se rapportant au défaut de respect de la présente loi et des règlements adoptés conformément à celle-ci.» Donc, c'est à cause de la création de la Commission.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 6 est adopté? M. le député d'Outremont.

M. Laporte: L'article 6.

Mme Beaudoin: C'était la suppression, M. le Président, du deuxième alinéa de l'article 100, puisqu'il y a la création de la Commission de protection de la langue française. C'est de dire que l'Office... Dans l'article 100, on dit que l'Office traite également des questions se rapportant au défaut de respect de la présente loi et des règlements adoptés conformément à celle-ci.

M. Laporte: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: Dans la lecture du projet dans son ensemble... «Il traite également des questions se rapportant au défaut de respect de la présente loi et des règlements...» Je comprends bien que les questions de dérogation et de défaut de respect sont passées maintenant à la Commission.

Mme Beaudoin: Oui, à la Commission. C'est ça.

M. Laporte: Mais l'Office continue à traiter... Il y a tout de même des articles dans lesquels on prévoit des interactions entre l'Office et... Est-ce que c'est clair? Où est-ce que j'ai vu ça hier?

Mme Beaudoin: Je pense que oui, M. le Président.

M. Laporte: À l'article 170: «En ce qui a trait aux dossiers qui concernent une entreprise [...] la Commission les transmet à l'Office de la langue française afin que celui-ci propose à l'entreprise, s'il y a lieu, de prendre des mesures correctives – donc, que l'Office propose – dans un délai que la Commission fixe après consultation de l'Office.

«Si ces mesures ne sont pas prises dans le délai fixé, la Commission procède à une enquête.»

Donc, le pouvoir de gestion des dérogations, sinon de contrôle des dérogations, n'est pas complètement enlevé du domaine de l'Office, dans ce projet de loi là. Donc, on retire ici un article qui... En retirant cet article-là, on a plutôt l'impression du contraire, quoi.

(9 h 50)

Mme Beaudoin: Je pense que la suite, M. le Président, à laquelle le député d'Outremont vient de faire allusion, est assez claire, qu'on n'a pas besoin de cet alinéa-là puisque l'on précise exactement ce que fera l'Office, mais que le respect de la loi, c'est-à-dire les mises en demeure, toute cette dimension-là, c'est la Commission de protection... mais, en effet, que la gestion des correctifs se fera en interaction en ce qui concerne les entreprises de plus de 50 employés, c'est-à-dire celles qui sont dans le processus de certification. Donc, je pense que c'est assez clairement exprimé, quels seront les pouvoirs de l'un et de l'autre, mais que le respect de la loi comme telle, dans sa dimension juridique, appartiendra à la Commission.

M. Laporte: En tout cas, si c'est clair dans la tête de la ministre, souhaitons que ce soit clair dans la tête de ceux qui vont l'administrer, la loi. Moi, je trouvais que ce n'était pas aussi clair que ça, mais... Est-ce que mes collègues ont des commentaires là-dessus, sur ce point-là?

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 6 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Laporte: Bien, s'il n'y a pas de commentaires, on va l'adopter, oui.

Le Président (M. Garon): Adopté. L'article 6 est adopté. Nous passons à l'article 7.

Mme Beaudoin: Alors, l'article 101 de cette charte est modifié par l'addition, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant...

Le Président (M. Garon): Il y a un amendement, là.

Mme Beaudoin: Alors, avec un amendement. Donc, on disait, dans un premier...

Le Président (M. Garon): Vous devriez présenter l'article puis l'amendement en même temps.

Mme Beaudoin: Bon, l'article et l'amendement en même temps. On disait: «Le Président exerce ses fonctions à temps plein.» Et là on remplacerait l'article 7 par le suivant:

L'article 101 de cette charte est modifié:

1° par le remplacement, dans la première ligne, du mot «cinq» par le mot «sept»;

2° par l'addition, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant:

«Le président exerce ses fonctions à temps plein.»

M. Laporte: M. le Président, je pense que c'est une précision qui est apportée ici qui n'est pas, disons, souhaitable. Il n'y a jamais eu de problème, à mon avis, à ma connaissance, mais, tout de même, on fait de la prévention.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'amendement à l'article 7, à toutes fins pratiques, qui remplace l'article 7, le texte qui remplace l'article 7 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Laporte: Adopté, oui.

Le Président (M. Garon): Alors, l'article 7, tel qu'amendé, est adopté. Nous passons à l'article 8.

Mme Beaudoin: L'article 8. L'article 105 de cette charte est abrogé.

9. Cette charte est modifiée par l'insertion, après l'article 106, du suivant:

«106.1 Le président de l'Office ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt et celui de l'Office. Toutefois, cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt lui échoit par succession ou par donation pourvu qu'il y renonce ou en dispose avec diligence.»

C'est une clause usuelle dorénavant, donc, de conflit d'intérêts, qui a pour objet, bien sûr, d'empêcher que le président de l'Office se retrouve dans une situation où il doit choisir entre son intérêt personnel et l'intérêt de l'Office.

M. Laporte: Donc, ça, M. le Président, ça voudrait dire que, si le gouvernement décidait de nommer à l'Office, disons, le propriétaire d'une petite entreprise ou d'une entreprise, disons, qui serait de telle taille qu'elle deviendrait l'objet d'une réglementation de la part de l'Office, il pourrait y avoir évidemment un conflit d'intérêts, mais, si cette personne-là...

Qu'est-ce qui arrive dans le cas où c'est son épouse ou son cousin ou sa cousine qui sont dans cette condition-là? «Toutefois, cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt lui échoit par succession ou par donation pourvu qu'il y renonce ou en dispose...» Qu'est-ce qui arrive dans le cas d'un président de l'Office dont la femme est la présidente de Canadair?

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha! Je ne sais pas si Claire Beaudoin aurait bien, bien envie de devenir présidente de l'Office.

M. Boulerice: On ne va pas pénaliser quelqu'un sous prétexte qu'elle a épousé quelqu'un.

Mme Beaudoin: Non. En effet, je pense qu'il faut faire... C'est dans chaque cas, effectivement, M. le Président, je pense, qu'il faut regarder les choses, puis tous les cas théoriques, bien sûr, peuvent être mis sur la table. Mais c'est quand même une clause usuelle de conflit d'intérêts qui est maintenant inscrite, me dit-on, dans toutes les lois, ou à peu près.

M. Mulcair: À peu près. Mais la ministre a raison, c'est devenu une clause usuelle. Puis les seules places où l'«à peu près» ne s'applique pas, il y a de gros problèmes. Alors...

Mme Beaudoin: Donc, vous êtes d'accord.

M. Mulcair: Tout à fait. Complètement d'accord.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 9 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Garon): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Quand on fait, ici, référence aux intérêts directs ou indirects, est-ce que vous pouvez nous illustrer... Ça voudrait dire quoi, par exemple, un intérêt indirect? Si on exclut ce que vous avez fait tout à l'heure, la question des conjoints, c'est quoi, un intérêt indirect dans une entreprise?

Mme Caron (Louise): Indirect, ça pourrait être... À part le conjoint ici, dans quelques cas, ça pourrait peut-être être une autre firme, indirectement, qu'il peut posséder, dont il peut avoir des actions, une action de... je ne sais pas, moi...

M. Bordeleau: O.K. dans une firme qui, elle, aurait d'autres actions dans une firme...

Mme Caron (Louise): Ça pourrait être ça, comme exemple qui me vient vite, là. Évidemment, on a toujours les conflits directs plus...

M. Boulerice: C'est-à-dire, si vous me permettez...

Mme Caron (Louise): Oui.

M. Boulerice: ...il pourrait ne pas être dans la compagnie qui reçoit un contrat, mais être président-directeur général dans la compagnie sous-traitante de la première.

M. Bordeleau: Oui, c'est ce que mentionnait...

Mme Caron (Louise): C'est ça.

M. Boulerice: Là, ça devient un conflit très indirect.

Mme Caron (Louise): On pourrait peut-être, là, aussi...

M. Laporte: Comme dans le cas des holdings, par exemple.

M. Boulerice: Oui.

M. Laporte: ...bien clair...

Le Président (M. Garon): La personne qui a parlé au nom de la ministre s'appelle Me Louise Caron, du contentieux du ministère de la Culture.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 9 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Garon): Adopté.

M. Laporte: Adopté.

Le Président (M. Garon): Nous passons à l'article 10.

Mme Beaudoin: Oui. À l'article 10, il y a un papillon aussi. Alors, est-ce qu'on commence toujours par le papillon?

Le Président (M. Garon): Bien, on est rendu à l'article 10. Vous présentez votre amendement.

Mme Beaudoin: Alors, le papillon après. Donc, c'est: Insérer... Non. On le met d'abord? On le met d'abord? Ah!

Alors, on va commencer par l'article 10 comme tel.

Le Président (M. Garon): Attendez un peu, là. Je vais être bien clair, là.

Mme Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Garon): Il faut passer par l'article 10 parce que les modifications concernent les articles 10.1...

Mme Beaudoin: C'est ça.

Le Président (M. Garon): ...10.2, 10.3.

Mme Beaudoin: C'est ça.

Le Président (M. Garon): Alors, il faut commencer par l'article 10. Donc, nous prenons en considération l'article 10 et, après ça, on passera à l'amendement...

Mme Beaudoin: C'est ça.

Le Président (M. Garon): ...qui rajoute 10.1, 10.2, 10.3.

Mme Beaudoin: Alors, l'article 112 de cette charte est modifié par la suppression, dans les première et deuxième lignes, des mots «ainsi que toute personne désignée en vertu de l'article 118.1».

(Consultation)

Mme Beaudoin: Il s'agit d'une simple modification de concordance.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 10 est adopté? M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Ça va, oui.

Le Président (M. Garon): Adopté. L'article 10 est adopté. Nous passons donc... Bon, si vous voulez, on va les prendre un par un.

Mme Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Garon): Alors, d'abord, il s'agit de trois amendements, même s'ils sont sur la même page. Commençons d'abord par l'amendement qui propose l'article 10.1; après ça, on passera à l'amendement qui propose 10.2; après ça, à 10.3.

Mme Beaudoin: Très bien. Alors, l'article 113 de cette charte est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «L'Office peut aussi faire des recommandations sur les termes et expressions qu'il préconise et publier ces recommandations à la Gazette officielle du Québec.»

Alors, par l'article 10.1, on complète le pouvoir de normalisation de l'Office en énonçant expressément qu'il peut aussi recommander des termes et expressions qu'il préconise et les publier dans la Gazette officielle du Québec. La pratique existe déjà. Donc, on ne fait que formaliser une pratique existante.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement proposant l'article...

(10 heures)

M. Boulerice: J'ai une question, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Est-ce que c'est par l'inclusion de cet article que, finalement, on pourrait agir et changer des terminologies et des appellations qui n'ont absolument rien de français? Un exemple, juste au niveau du gouvernement, ministre d'État de l'Économie et des Finances, comme le ministère était une unité de mesure alors que ça devrait plutôt être le ministère d'État à l'Économie et aux Finances. Et Transports Québec n'est pas une dénomination. Transports Québec, on transporte quoi? Donc, c'est le ministère des Transports du Québec.

(Consultation)

M. Boulerice: J'attends les assurances de la ministre avant de voter.

Des voix: Ha, ha, ha!

(Consultation)

Mme Beaudoin: C'est ça, c'est un pouvoir de recommandation, je veux dire, à l'administration. Mais on présume... Je ne suis pas certaine que c'est normalisé par l'Office de la langue française, ce que vous venez de dire. Est-ce que «Transports Québec» a été recommandé par l'Office de la langue française? Et puis, est-ce que ces fautes de français dans les appellations dans l'administration ont été recommandées par l'Office? J'en doute. Encore faut-il savoir que les linguistes de l'Office de la langue française normalisent correctement les termes. Ils les recommandent à l'usage. Ils recommandent qu'on les utilise. On n'est pas obligé.

Mais ça m'a beaucoup aidée, moi. Je peux donner une petite expérience personnelle. Quand je suis arrivée en France comme déléguée générale... Les Français ne féminisent pas les titres. Alors, le ministère des Affaires étrangères de France ne voulait absolument pas écrire «déléguée générale». Absolument pas. Il s'y opposait totalement. J'ai fait appel à l'Office de la langue française pour demander: Est-ce que, justement, c'était... Est-ce que je pouvais utiliser justement le féminin? Parce que vous savez très bien qu'en France on dit «Mme le ministre», qui est un peu bizarre. Je ne comprends toujours pas pourquoi, mais, en tout cas, c'est ce qu'ils font.

Alors, oui, l'Office m'a fait une belle lettre pour me dire que «déléguée générale» était tout à fait acceptable en langue française, qu'il n'y avait aucune raison de ne pas le faire. Alors, l'Office a été très utile et, depuis ce temps-là, si jamais il y a une autre femme déléguée générale à Paris, elle pourra utiliser ce féminin. Mais c'est fort important parce que, quand on est une femme, en tout cas a priori, ici, au Québec, on veut bien que nos titres soient féminisés.

M. Laporte: Est-ce qu'on est toujours à l'article 113, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Nous sommes toujours à l'article 10.1, l'amendement proposant l'article 10.1. Est-ce qu'il est adopté?

M. Laporte: Moi, je voudrais avoir des explications de la ministre, là.

Le Président (M. Garon): O.K. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Quand on dit: «L'Office peut aussi faire des recommandations», est-ce qu'on veut faire la distinction entre recommandations et... C'est recommandé ou c'est obligatoire? Qu'est-ce qu'on veut dire par là, «peut aussi faire des recommandations sur les termes»?

Mme Beaudoin: L'Office peut – vous le savez encore mieux que moi, M. le député d'Outremont; M. le Président, le député d'Outremont le sait encore mieux que moi – faire deux choses: normaliser et...

M. Laporte: Recommander.

Mme Beaudoin: ...ou recommander, effectivement. Alors, normaliser, c'est obligatoire et il y a des recommandations qui sont donc des recommandations, à l'utilisation et à l'usage. Dans le fond, ce qu'on dit, c'est qu'on les publie, ces recommandations-là.

M. Mulcair: M. le Président.

Mme Beaudoin: Parce que l'Office normalise. Il normalise, c'est son métier, entre autres.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. D'abord, en ce qui concerne la structure du texte, c'est une aberration. On aurait un article 113, sauf erreur, qui commence par «L'Office doit», puis qui finit par «L'Office peut aussi», alors que 114 parle des choses que l'Office peut faire. C'est vraiment une hérésie au plan de la rédaction législative qu'on a devant nous.

Mme Beaudoin: M. le Président, je pense que le député de Chomedey vient d'exprimer un point de vue intéressant.

(Consultation)

Mme Beaudoin: M. le Président, ce sont les légistes qui nous ont dit que c'était le meilleur endroit pour le mettre, mais, moi, je suis prête, M. le Président, à considérer la logique de la chose et, s'il y a une proposition dans ce sens-là, à la retenir.

M. Mulcair: Moi, la proposition serait la suivante, M. le Président. Ce qu'on ferait avec le 10.1, c'est qu'il deviendrait un alinéa h de l'article 114 qui commencerait avec le verbe à l'infinitif. Ça commencerait donc par...

Mme Beaudoin: Faire.

M. Mulcair: ...«faire des recommandations».

Mme Beaudoin: C'est ça. Moi, je suis d'accord, en tout cas, M. le Président. C'est d'accord.

M. Mulcair: Alors, le projet de loi n° 40...

Le Président (M. Garon): Alors, l'article... Au fond, ce qu'on pourrait faire pour simplifier, c'est qu'il n'y ait pas de 10.1 et que l'élément qui est compris à 10.1 soit rajouté à 10.2.

M. Mulcair: Excellent!

Le Président (M. Garon): Hein?

M. Mulcair: Excellent!

Le Président (M. Garon): Alors, ça devient un troisième élément.

M. Laporte: M. le Président, c'est que, peut-être pour nos collègues, il y a toujours cette distinction entre les devoirs et les pouvoirs de l'Office.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: Et ici, dans ce cas-là, on a mis un pouvoir dans le devoir.

Mme Beaudoin: C'est ça.

M. Laporte: Alors, ce que mon collègue recommande, c'est qu'on rétablisse l'ordre.

M. Morin (Dubuc): M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Morin (Dubuc): Bien, moi, je soutiens que ce ne serait pas tant une aberration. Ce le serait si le paragraphe qu'on ajoute s'inscrivait comme g. Alors, bien sûr qu'il entrerait en contradiction avec le titre qui dit «L'Office doit».

Mais ma compréhension est à l'effet que c'est un paragraphe complet qui s'ajoute à 113. Alors, étant un paragraphe distinct qui s'ajoute dans l'article 113, on pourrait le maintenir comme ça, alors que, s'il s'inscrivait comme paragraphe g, bien sûr que là je serais d'accord avec vous qu'il entrerait en contradiction avec le titre de 113 qui dit «L'Office doit».

Donc, pour moi, ça ne serait pas une aberration tant que ça, si on l'interprète bien au niveau de la forme.

M. Mulcair: M. le Président, juste...

Le Président (M. Garon): Avez-vous la loi fondamentale, M. le député?

M. Morin (Dubuc): Oui. Enfin, j'ai le... Oui, j'ai...

Le Président (M. Garon): Avez-vous remarqué qu'à 113 ce sont les devoirs, puis, à 114, les pouvoirs de l'Office?

M. Mulcair: C'est ça. L'intitulé qui est dans la marge indique clairement que 113, l'intitulé, c'est «Devoirs de l'Office»...

M. Morin (Dubuc): Oui.

M. Mulcair: ...114, «Pouvoirs de l'Office». Alors, on a une place pour les pouvoirs, on va le mettre là.

Mme Beaudoin: Ça va. Je suis d'accord.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que vous pouvez nous représenter le...

M. Mulcair: À 10.2, l'actuel deuxième deviendrait troisième, et on ajouterait le deuxième suivant: par l'addition de l'alinéa suivant: «h) faire des recommandations sur les termes et expressions qu'il préconise et publier ces recommandations à la Gazette officielle du Québec

M. Morin (Dubuc): C'est ça, ajouté à l'article 114.

M. Mulcair: L'intitulé de 10.2 qui dit «L'article 114 de cette charte est modifié:» demeure.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Mulcair: Donc, on n'a pas besoin de le changer.

Le Président (M. Garon): Alors, on peut retirer l'article 10.1, puis on ajouterait un nouvel article 10.1.

M. Mulcair: Je tenterais de reprendre brièvement, M. le Président. Dans le 10.2 qui est là... Le 10.1 est abrogé, alors on ne le propose pas, en d'autres mots.

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire qu'il faut proposer...

M. Mulcair: Donc, le 10.2 serait renuméroté, à la fin de nos travaux, à 10.1 et se lirait comme suit:

L'article 114 de cette charte est modifié:

1° par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe b, des mots «de terminologie» par le mot «linguistiques»;

2° par l'addition de l'alinéa suivant: «h) faire des recommandations sur les termes et expressions qu'il préconise et publier ces recommandations à la Gazette officielle du Québec .»;

3° par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Les ministères et organismes de l'administration peuvent instituer des commissions linguistiques et en déterminer la composition et le fonctionnement.»

Mme Beaudoin: Ça va?

Une voix: Oui, ça va.

(10 h 10)

Le Président (M. Garon): Ça va? Alors, est-ce que l'amendement... Donc, l'article 10.1 est retiré. L'amendement ajouté à l'article 10.1 est retiré.

M. Morin (Dubuc): M. le Président...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Morin (Dubuc): ...je voudrais quand même faire un commentaire avant qu'on procède, à l'effet que ce paragraphe-là, s'il était intégré à 113... M. le Président, si ça ne vous intéresse pas, vous pouvez vous retirer.

Le Président (M. Garon): Non, non. Vous avez le droit de parole. Ça ne veut pas dire que ce que vous allez dire va être retenu, mais il va être entendu.

M. Morin (Dubuc): Oui. D'ailleurs, vous nous avez prêché la démocratie tout à l'heure.

Le Président (M. Garon): Oui, c'est ça.

M. Morin (Dubuc): Alors, appliquez-la. Parce que cet article-là fait davantage référence à toute la dimension des expressions puis de la francisation comme telle, ce que constitue 113. Moi, je l'interprète beaucoup plus... pas uniquement, je ne le restreins pas uniquement aux titres sur les devoirs et les pouvoirs de l'Office, absolument pas. Je pense qu'il faut relier cet article-là au devoir de la commission de normaliser. C'est une extension de ce que doit faire l'Office en termes de normaliser, de diffuser les expressions. On dit: Il peut même faire des recommandations, toujours sur l'aspect, sur la dimension des expressions et de la terminologie française. Donc, c'est pour ça que ceux qui ont préparé le texte, je ne suis pas certain qu'il ne l'aient pas fait volontairement de l'inscrire dans 113, puisqu'il réfère à la diffusion et à l'expression comme telle, l'aspect technique de la langue française, alors que le paragraphe 114, c'est un pouvoir très distinct de la commission. Alors, moi, c'est la distinction que je fais et j'ose croire... je pense que c'est sans doute pour cette raison qu'on l'avait conservé dans 113 alors que l'inclure dans 114, ça me paraît déphasé, même si on dit que l'Office peut, mais ce n'est pas une question de pouvoir, c'est une question de référence à la francisation comme telle. Alors, voilà ma façon de voir cet article, à l'intérieur de 113 plutôt que 114. Mais ce ne serait pas la fin du monde.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que j'ai un amendement?

M. Mulcair: Je voudrais juste savoir, techniquement, où on est rendu. Nous, on a proposé une rédaction... l'élimination de 10.1 et une nouvelle rédaction de 10.2. Si c'est ça qui est sur la table, on est d'accord là-dessus.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour retirer l'article 10.1 qui avait été antérieurement proposé?

Mme Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Garon): Oui? Alors...

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, l'amendement proposé à l'article 10.1...

M. Morin (Dubuc): Je suis contre, moi.

Le Président (M. Garon): J'ai compris.

M. Morin (Dubuc): Vous ne pouvez pas avoir compris, je ne l'avais pas dit. Je viens tout juste de le dire que je suis contre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Mais vous l'aviez dit avant. Vous pouvez l'exprimer de deux façons: en le disant et par votre vote.

M. Morin (Dubuc): Et en votant.

Le Président (M. Garon): En votant, oui. C'est ça.

M. Morin (Dubuc): Vous venez de comprendre.

Le Président (M. Garon): Alors, je suis capable de marcher puis de mâcher de la gomme en même temps, vous savez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, l'article 10.1, donc, est retiré. L'amendement proposé à l'article 10.1 est retiré. Nous passons à 10.2 et je vais demander au secrétaire de lire maintenant 10.2, tel qu'il a été proposé par un amendement du député de Chomedey.

Le Secrétaire: Alors, premièrement, par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe b, des mots «de terminologie» par le mot «linguistiques».

Le Président (M. Garon): Lisez-le au complet.

Le Secrétaire: L'article 114 de cette charte est modifié par le premièrement que je viens de lire;

2° par l'addition, après le paragraphe g, du paragraphe suivant: «h) faire des recommandations sur les termes et expressions qu'il préconise et publier ces recommandations à la Gazette officielle du Québec.»;

3° par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Les ministères...» jusqu'à «fonctionnement.».

Mme Beaudoin: C'est ça.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement proposant... l'amendement à l'article 10.2 est adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'amendement, tel que sous-amendé à 10.2, est adopté?

M. Mulcair: J'aurais un commentaire avant...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Mulcair: ...d'adopter le tout. Encore une fois, c'est une question... Je comprends l'idée de vouloir... Bon, il y a une volonté législative qui est exprimée par la phrase qui se trouve dorénavant dans le 10.2, 3°, à l'effet que les ministères et organismes de l'administration peuvent instituer des commissions linguistiques et en déterminer la composition et le fonctionnement, soit.

Le problème, c'est vraiment: Qu'est-ce que ça vient faire là? Le titre de 114, le liminaire, est «L'Office peut». Bon. L'Office, c'est l'OLF. C'est une des entités administratives prévues aux termes de la Charte de la langue française pour prévoir à son administration. On fait a, b, c, d, e, f, g, h maintenant, avec le deuxième, puis là, boum! ça arrive comme un cheveu sur la soupe.

On a un truc qui dit: Les ministères et organismes peuvent faire telle affaire. On n'est même pas dans un article qui parle des pouvoirs des ministères et organismes, on est dans un article qui parle des pouvoirs de l'OLF. Alors, c'est vraiment un problème au niveau rédactionnel. On n'est même pas sur le fond de l'idée, là. Si l'idée est valable, elle a une place. Mais, en toute logique, M. le Président, quelqu'un qui est en train de lire la Charte de la langue française, qui veut savoir: Ça «existe-tu», cette affaire-là?...

Dans mon ministère... Je suis aux Transports, puis, tout d'un coup, j'ai un smart qui se dit être le commissaire de la langue du ministère des Transports. Elle sort d'où, cette bébelle-là? Il va feuilleter la Charte de la langue française. Il ne va jamais songer à regarder dans l'article qui parle des pouvoirs de l'OLF pour savoir d'où ça sort. Faisons un article distinct, s'il le faut. Je n'ai pas de problème avec ça. C'est vraiment une question de cohérence sur le plan rédactionnel et législatif.

Mme Beaudoin: M. le Président, la raison pour laquelle ç'a été mis là, c'est qu'on parle des commissions de terminologie, donc, à l'article 114, paragraphe b, qui deviennent, donc, par le paragraphe 1, là, l'amendement linguistique, commissions linguistiques. Donc, les légistes et le Comité de législation se sont dit qu'on pouvait inscrire, à ce moment-ci, dans cet article-là: «Les ministères et organismes de l'administration peuvent instituer des commissions linguistiques et en déterminer la composition et le fonctionnement.»

Personnellement, cependant, de la même façon que tout à l'heure, par rapport à la remarque que vous avez faite tout à l'heure, moi, je ne suis pas accrochée à ce que ça se... C'est l'idée qui m'intéresse. C'est le fond de la chose. C'est cette réalité-là, en effet, moi, personnellement, à laquelle je tiens. Mais, que ce soit indiqué à l'article 114 ou dans un article particulier, puisqu'on parle des ministères et des organismes et non plus de l'Office, je n'ai personnellement pas d'objection.

M. Mulcair: Moi, M. le Président, j'ai une suggestion à faire à la ministre, que la place logique pour trouver cette idée-là est le chapitre IV: La langue de l'administration. Et on pourrait ajouter un article 29.2, dans ce chapitre-là, qui prévoirait exactement le texte qu'on a ici. Dans le chapitre de la langue de l'administration, on dit, à 29.2: «Les ministères et organismes de l'administration peuvent instituer des commissions...» Pas de problème avec ça. Mais c'est la place où on...

En toute logique, il y a une structure, dans un texte. Il y a une logique interne. Il y a des divisions, des chapitres, des livres. Qu'on le mette à la bonne place. C'est juste ça, notre propos.

Mme Beaudoin: M. le Président, l'autre possibilité, c'est que, à l'article 116, puisqu'on parle des commissions de terminologie instituées par l'Office...

M. Mulcair: Pas de problème.

Mme Beaudoin: ...on peut aussi parler des commissions de terminologie dans les ministères et organismes. Donc, il y a un tout, là.

M. Mulcair: Pas de problème.

Mme Beaudoin: Oui, c'est ça.

M. Mulcair: Mais on a une légère préférence de le mettre dans le chapitre sur l'administration. Parce que le chapitre dans lequel on se trouve ici s'appelle «L'Office de la langue française», alors qu'ici c'est le ministère des Transports, c'est le ministère de la Justice... C'est le ministère des Affaires culturelles qui va pouvoir avoir sa propre commission linguistique pour veiller aux affaires internes. Alors, la meilleure place, c'est peut-être au chapitre où on parle de l'ensemble de ces organismes-là, et pas à l'OLF. Mais c'est une question de choix.

Mme Beaudoin: Oui, parce que ça dépend si on le prend sous l'angle, justement, des commissions linguistiques ou sous l'angle de l'Office, c'est-à-dire des organismes, c'est-à-dire des ministères ou de l'Office. Moi, je préfère le prendre sous l'angle des commissions linguistiques comme telles, où il y en a à l'Office et il y en a dans les ministères.

M. Mulcair: Pas de problème. Mais je mets en garde la ministre contre une tendance tout à fait prévisible et naturelle en administration publique. C'est qu'en le mettant dans le chapitre de l'OLF, l'OLF va vouloir et va prétendre avoir à jouer un rôle important dans ces commissions-là. Parce que c'est logique. Ils vont dire: Non, non. Quand même, l'Assemblée nationale a mis ça dans le chapitre de l'OLF, c'est nous qui allons vous dire de quelle manière fonctionner.

(10 h 20)

Alors, quand je lis le texte comme ça, je me dis que la volonté législative, ce que la ministre est en train de nous dire, c'est: Laissons aux ministères le soin... Ils ont des problèmes qui peuvent varier énormément d'un endroit à un autre. Laissons-les avoir le droit et la possibilité d'instaurer une telle commission linguistique pour leurs propres besoins. Très bien, mais je pense que, d'ici à deux ou trois ans, on va avoir des histoires intéressantes où l'OLF va dire au ministère des Transports ou au ministère de la Justice c'est quoi, une commission linguistique, comment ils devraient être en train de fonctionner, alors que si on veut qu'ils relèvent le défi eux-mêmes et qu'ils s'occupent de ces questions linguistiques à l'intérieur de leur ministère, si on le met dans le chapitre sur l'administration publique, ça va être un signal clair que c'est dans les ministères que ça se passe et que ce n'est pas sous l'égide ou la tutelle – sans forcer trop sur les mots – de l'OLF.

Mme Beaudoin: Il y a quand même une relation, si je peux dire, avec l'Office. Ce n'est pas la tutelle de l'Office, mais il y a quand même une interaction.

M. Mulcair: D'accord. Ça se clarifie.

Mme Beaudoin: C'est vrai qu'on responsabilise les ministères en faisant ça, mais, si vous allez au point b concernant les commissions linguistiques, on dit que ces termes et expressions sont soumis à l'Office quelque part, en vue d'une normalisation ou d'une recommandation. Comme la relation doit être quand même présente entre l'Office et les ministères à cet égard, c'est une logique que l'on peut retenir et sur laquelle je vais revenir, je crois bien.

M. Laporte: M. le Président, les commentaires de mon collègue de Chomedey sont plus que pertinents parce que la... Mais, au fond, le problème... C'est qu'il faut encore voir le problème dans son ensemble. Je ne sais pas si la ministre sait que, dans l'histoire de l'Office de la langue française, il y a toujours eu une lutte interne entre les éperviers et les colombes, les «hawks» et les «doves», les interventionnistes durs et les modérés. Lorsqu'on voit, dans les modifications qui sont proposées – je pense à celle qu'on vient de mentionner, mais aussi dans les autres modifications qui sont proposées – à l'article 114, c'est le triomphe des éperviers sur les colombes. Parce que, effectivement, l'Office de la langue française a toujours eu des problèmes à appliquer ses commissions de terminologie dans les ministères et, là, en les mettant dans le «peut», évidemment on extensionne, disons, en sourdine le pouvoir d'intervention de l'Office alors que, si on le laissait dans le chapitre sur l'administration, à ce moment-là le ministère garde son autonomie de décision. Alors que, là, les éperviers de l'Office pourront toujours utiliser cette nouvelle formulation législative pour pouvoir exercer des pressions et pour pouvoir, en fait, amplifier leur pouvoir d'intervention.

Donc, il y a encore ici une vision de société qui est sous-jacente. Moi, je pense que ce commentaire doit être pris sérieusement en considération. J'ai aussi bien hâte qu'on discute du paragraphe b parce que, là, il y a un problème de triomphalisme des éperviers qui est très, très, très réel, et je voudrais qu'on en discute au plus tôt, M. le Président. Je souscris entièrement au commentaire que vient de faire mon collègue de Chomedey. On va revoir ce commentaire dans un contexte où la révélation nous est faite d'une façon beaucoup plus flagrante.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président – nouveau président – je crois malgré tout... J'ai bien écouté, j'ai bien entendu, je pense que l'un et l'autre peuvent se défendre, mais mon sentiment est quand même que c'est préférable de le mettre à l'article 116 parce que cette relation et cette logique... On va discuter du point b, bien évidemment, et j'entends bien ce que me dit le député d'Outremont à cet égard. Mais je maintiens malgré tout que la logique préférable est de faire en sorte que la synergie entre les ministères et l'Office, sans qu'il y ait tutelle, soit inscrite dans cet article. Voilà.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Juste un détail. Le contentieux, ici, est en train de vérifier l'opportunité de présenter une bonne version, claire et équitable pour tout le monde. On suspendrait peut-être pendant quelques minutes, le temps que madame rédige une version finale et présentable. Ça va? Quelques minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 26)

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux parce que, semble-t-il, tout le monde est prêt. Alors, Mme la ministre, nous étions à l'article 10.2.

Mme Beaudoin: Nous étions sur 10.2, M. le Président, et ce que l'on propose...

Le Président (M. Garon): Avez-vous une nouvelle version?

Mme Beaudoin: Oui, je pense que Me Caron a la nouvelle version.

Le Président (M. Garon): Bien, là, on serait mieux d'attendre. On va suspendre les travaux encore puis on va faire des copies, parce que là...

Mme Beaudoin: On va faire des copies?

Le Président (M. Garon): Oui, ça ne sera pas long. On va aller faire des copies à côté.

Mme Beaudoin: Bon. Louise, il faut faire des copies, là.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

(Reprise à 10 h 42)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux avec un nouveau texte. Alors, j'ai vu que c'est marqué 10.1. Bien, c'est un nouveau 10.1 puis un nouveau 10.2. Alors, l'article 114... On va parler de 10.1 d'abord. L'amendement à 10.1: L'article 114 de cette charte est modifié:

1° par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe b, des mots «de terminologie» par le mot «linguistiques»;

2° par le remplacement, à la fin du paragraphe g, du...

M. Mulcair: C'est un point entre guillemets, M. le Président, et un point-virgule entre guillemets.

Le Président (M. Garon): ... – à la fin du paragraphe g, oui – du «.» par «;».

3° par l'addition, après le paragraphe g, du suivant:

«h. Faire des recommandations sur les termes et expressions qu'il préconise et publier ces recommandations à la Gazette officielle du Québec .» Est-ce que vous êtes prêts à voter?

M. Laporte: Non, pas du tout, parce que, avant de traiter des questions de forme, on va traiter des questions de fond. Et, si la ministre est bien consciente de l'enjeu auquel on fait face, c'est toute une vision de société qu'elle affiche, là. Pour nous, de l'opposition, le premier paragraphe: par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe b, des mots «de terminologie» par le mot «linguistiques», c'est totalement, mais totalement et totalement inacceptable. Je l'ai dit tantôt – et là je vais devoir me répéter et essayer d'être un peu plus clair parce que la question est tout de même très complexe – il y a, à l'Office de la langue française, depuis ses origines, ce qui remonte à 20 ou 25 ans, une lutte à finir entre deux groupes de pression: les éperviers et les colombes. C'est même plus qu'une lutte entre groupes de pression, c'est vraiment une cabale organisationnelle conduite avec acharnement, patience et détermination par les éperviers pour triompher sur les colombes. Là, ce que la ministre est en train de faire, c'est de prendre parti en faveur des éperviers et en défaveur les colombes. Les éperviers, ce sont ceux qui disent depuis toujours: Ça n'est pas suffisant de créer des commissions de terminologie, il faut créer des commissions linguistiques. Commissions qui, à ma connaissance, d'ailleurs, n'existent nulle part dans le monde. Ça n'existe pas, des commissions linguistiques. Il y a des commissions de terminologie en France, il y en a en Catalogne, il y en a en Espagne, il y en a dans les pays arabes, mais je ne connais pas d'endroit où il existe ce qu'on veut appeler ici des commissions linguistiques. Parce que, une commission de terminologie, c'est un organisme dont la mission est d'intervenir sur un domaine restrictif ou restreint de la langue, à savoir le vocabulaire. Ce qu'on propose ici, c'est d'élargir l'autorité linguistique de l'Office, son pouvoir de réglementation, pour lui permettre d'agir maintenant sur tous les domaines du langage, non seulement le vocabulaire, la syntaxe, la grammaire, la norme. C'est ça, une commission linguistique.

Or, quel genre d'impact cela pourrait-il avoir? M. le Président, des études sérieuses mais inconnues, méconnues ont démontré – je pourrais les déposer devant cette commission – que le français parlé au Québec est un français plus riche que le français parlé en France. On a, par exemple, un système de voyelles, au Québec, qui contient des éléments en plus grand nombre que le système de voyelles en France. Lévi-Strauss l'a déjà dit, dans une conférence à Laval, qu'il aimerait parler le français québécois parce que c'est un français plus riche. Par exemple, il y a une étude de M. Jacques, qui est professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, une étude qu'il a faite avec son épouse, qui est aussi une linguiste, dans laquelle ils ont montré que le français du Québec – on parle du français parlé, parce que, au niveau du français écrit, la problématique est un peu différente – au niveau du français parlé, est plus riche, plus libre, contient plus de variations et de variété que le français standard. Alors, là, on se retrouve devant une décision qui va faire que les éperviers, au nom d'une idéologie linguistique de normalisation, on leur donne maintenant le pouvoir de désenrichir le parlé français au Québec en imposant certaines formes qui sont jugées souhaitables par ces éperviers, mais qui ne sont pas néanmoins celles de la grande liberté linguistique qui est véhiculée ici, au Québec, en particulier dans le peuple et dans les masses, et ainsi de suite.

Je vais vous donner un exemple. On a eu, historiquement, un grand débat là-dessus. Ça a été le débat entre «office» et «réception». On a eu un procès là-dessus, et le juge a décidé que, au nom de la préservation du patrimoine canadien-français et du patrimoine québécois, il ne fallait pas normaliser le mot «réception», mais conserver le mot «office». Je me rappelle fort bien que mon arrière-grand-père, qui était un médecin, me disait de ne pas le déranger parce qu'il s'en allait travailler dans son office, n'est-ce pas? Si vous consultez le dictionnaire Bélisle de la langue française, qui n'est pas parmi les dictionnaires les plus goûtés par la nouvelle classe moyenne, mais qui est néanmoins un de nos grands répertoires de patrimoine linguistique, on y retrouve le mot «office» et on y retrouve le mot «office» dans sa définition usuelle dans le patrimoine linguistique canadien-français ou le patrimoine linguistique québécois.

(10 h 50)

Là, ce devant quoi on se trouve, je le répète, c'est devant la tentative des éperviers de nous imposer finalement leur hégémonie, leur idéologie, ce qui a été, par exemple, très bien décrit dans un article qui a été publié, il y a quelques années, par le professeur Raynauld de l'Université de Montréal, qui est un professeur qui a fait un texte remarquable dans lequel il décrit comment ce mouvement d'hégémonie est en train de se répandre. Un mouvement d'hégémonie qui veut imposer une norme de classe au nom d'une idéologie linguistique. Si on laisse l'Office devenir le maître d'oeuvre de la langue au sens où les commissions linguistiques devraient l'instituer, on pourrait se retrouver éventuellement devant un État qui normaliserait ou qui recommanderait, dans des tests à passer par les personnes qu'on veut recruter ou dans des documents officiels, des formes grammaticales, des formes syntaxiques qui vont faire que certains individus socialisés dans certaines classes par rapport à certains autres individus vont se retrouver désavantagés. Donc, je le répète, la ministre doit en être consciente, elle est en train de prendre partie en faveur des éperviers, et, évidemment, au Parti libéral, à l'opposition officielle, nous ne supportons ni les éperviers ni les colombes. Ce qu'on veut, c'est une réglementation linguistique qui n'aille pas à l'encontre de la richesse de notre langue et de l'abondance de son patrimoine, et on est en train, maintenant, de nous créer des officines étatiques qui vont faire que des fonctionnaires vont décider que la langue que parlait mon grand-père, ou que la langue que parle Mme Bigras, de Trois-Rivières, ou que la langue que parle M. Longtin, de Saint-Jovite, n'est pas la bonne langue. La bonne langue, c'est celle des fonctionnaires. On va se retrouver avec des commissions linguistiques.

Mais, M. le Président, je vous le répète, à l'échelle internationale, c'est du domaine de l'inconcevable. La ministre nous disait tantôt que, oui, au Québec, on est favorable à la féminisation des termes, alors que, en France, on ne l'est pas, que L'Académie française s'est prononcée contre la féminisation, que le gouvernement fédéral s'est prononcé contre la féminisation. Mais, ici, il y a une question de style. On n'est pas dans le dur de la grammaire puis de la syntaxe, on est dans des réglementations, dans des points de vue, dans des opinions qui, disons, finalement, sont des questions de goût. Mais, ici, ce n'est plus des questions de goût, là, dont il s'agit, c'est de donner à un organisme étatique, d'extensionner l'autorité linguistique d'un organisme étatique dirigé par des fonctionnaires qui appartiennent à une classe sociale particulière, dirigé par une bureaucratie céleste, par une élite bureaucratique, un pouvoir de réglementation linguistique et non plus terminologique qui est, à notre point de vue, un pouvoir excessif. Il ne faut surtout pas, après 25 ans de lutte, décider comme ça, d'une façon frivole, que les éperviers ont raison et que les colombes peuvent aller se faire voir, et c'est ce qu'on est en train de faire lorsqu'on recommande ici le remplacement des mots «de terminologie» par le mot «linguistique». J'ai été suffisamment longtemps mêlé à cette question-là pour savoir de quel enjeu il s'agit et avec quelle cabale, M. le Président, on est en train de se ranger. «Cabale» au sens cabalistique, au sens des vieilles cabales cabalistiques de la tradition judaïque ancienne. C'est une cabale, et cette cabale veut nous faire accepter que l'autorité linguistique de l'Office doit être accrue. Et vous allez retrouver cette même cabale dans d'autres aspects de la loi, parce que, finalement, la création de la Commission de protection de la langue française, c'est aussi le triomphe d'une cabale contre un autre groupe de pression.

Donc, on est, mais totalement, mais profondément, mais absolument opposé à cette idée de transformer nos commissions de terminologie, qui sont des commissions de terminologie qui existent, comme je le disais, dans une quantité de pays, en des commissions linguistiques qui sont des aberrations. On ne donne pas à des fonctionnaires, à une bureaucratie céleste – pour employer l'expression de Balazs sur la façon dont ça fonctionnait en Chine impériale – l'autorité légale qui leur permet d'imposer leurs goûts linguistiques, et c'est ça vers quoi on s'en va, là, une normalisation du goût linguistique par des fonctionnaires institués d'un pouvoir de beaucoup supérieur à ce qu'ils possédaient antérieurement. Et je vous répète que tout cela n'est pas inoffensif, que tout cela n'est pas anodin parce que ça va avoir des conséquences sur les rapports sociaux, mais ça va avoir surtout des conséquences, éventuellement, sur l'épuration de notre patrimoine.

Mme Beaudoin: M. le Président, est-ce que je peux prendre la parole? Parce que là, je suis... Je dois vous dire que je suis fort heureuse de ne jamais avoir été dans aucun des organismes linguistiques. Ça me permet de raison garder, si je puis dire, après avoir entendu tout ça et d'avoir la distance nécessaire et de dire au député d'Outremont que ça ne vient même pas de l'Office de la langue française, mais du comité interministériel présidé par le sous-ministre.

M. Laporte: C'est la même chose!

Mme Beaudoin: Non! Les attaques contre la bureaucratie, qu'elles soient célestes ou terrestres, me laissent sans voix...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: ...parce que je pense que les fonctionnaires sont... Et c'est ça, un bon gouvernement, M. le Président: c'est une convergence entre une fonction publique compétente et des ministres déterminés. Et voilà, personnellement, jamais je n'attaquerai les fonctionnaires ou la bureaucratie qui font le travail que les ministres déterminent et que les ministres décident dans les ministères. En tout cas, au ministère de la Culture, c'est comme ça que ça marche, et je présume que, quand il était à l'Office de la langue française, il n'était pas dépassé ou envahi par les éperviers ou les colombes et qu'il décidait, puisqu'il en avait les pouvoirs et que c'était sa responsabilité.

Alors, je répète que c'est donc 15 sous-ministres, le comité interministériel mis en place pour appliquer la politique linguistique qui a recommandé cette modification. Puis, quand j'entends sur le patrimoine linguistique... Et puis, donc, moi aussi, mon arrière-grand-père était d'ailleurs président de la Chambre, tiens. Son portrait est dans la galerie des portraits, Auguste Tessier. Alors, mon arrière-grand-père avait certainement un patrimoine linguistique que ma mère et mon père m'ont légué, et je suis Québécoise, et Canadienne-française à l'occasion, plutôt Québécoise. Et voilà, il n'est absolument pas question de régimenter, de réglementer ou de donner ce pouvoir. Ce que l'on veut, c'est écrit textuellement, c'est d'assister les ministères en matière d'amélioration de la qualité de la langue française. Alors, je ne veux plus jamais entendre non plus l'opposition dire qu'on ne parle jamais de qualité de la langue française. Je me tue, personnellement, à en parler à chaque fois que j'en ai l'occasion. Et j'ai toujours dit que la qualité de la langue française, pour moi, c'est de se faire comprendre et entendre par les 48 pays membres de la francophonie, tout ceci avec nos québécismes, tout ceci avec notre patrimoine linguistique, mais dans un français de qualité. Alors, c'est bien écrit d'assister les ministères et organismes en matière d'amélioration de la qualité de la langue française.

Donc, la normalisation demeure de la terminologie. Là où il y a normalisation, ce n'est qu'en matière de terminologie. Il n'est pas question de normaliser la qualité ou de réglementer la qualité, c'est d'assister les ministères pour faire en sorte que cette qualité de la langue, on la retrouve de façon exemplaire dans l'administration, ce qui me semble élémentaire – en tout cas depuis que je suis ministre responsable de la Charte – et pour faire en sorte qu'à la fois, donc, le statut et l'usage s'améliorent, se perpétuent, mais que, d'autre part, il y ait une préoccupation par rapport à la qualité de la langue utilisée et employée. Et le statut et l'usage, ce n'est pas suffisant, et, quand on est Québécois, il faut avoir cette fierté de la qualité, ce qui n'exclut alors absolument pas l'utilisation et la richesse, en effet, et des voyelles et des consonnes, M. le Président.

M. Laporte: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

(11 heures)

M. Laporte: M. le Président, sur le terrain de la qualité, n'est-ce pas, nous en sommes. Le problème n'est pas là. Si on parle de qualité du vocabulaire, d'une lutte à l'anglicisme, d'une lutte à l'interférence terminologique, n'est-ce pas? On a eu un collègue, hier, qui nous a fait remarquer qu'appeler des projets de loi, ce n'était pas une façon très correcte de s'exprimer. Sur la qualité, nous en sommes. Sur la qualité, nous soutenons les efforts de la ministre et nous les soutiendrons jusqu'au bout. Mais il ne s'agit pas de ça ici. Ici, ce dont il est question, c'est de l'extension d'une autorité qui s'exerçait dans le champ terminologique à l'ensemble des autres champs de la langue. Ce n'est plus une question de qualité, M. le Président, c'est une question de réglementation du comportement d'usage et, ultimement, de l'exclusion de notre patrimoine linguistique d'un certain nombre de formes, de façons de parler. Je ne parle pas de façons d'écrire parce que, au point de vue de l'écriture, la normalisation est encore... évidemment, l'Office n'y peut rien. De toute façon, l'écriture, on a vu ce que les Français ont fait lorsqu'ils ont essayé de modifier...

Mme Beaudoin: L'orthographe.

M. Laporte: ...l'orthographe: ils se sont plantés. Mais ils ont réussi à le faire indirectement par le recours au dictionnaire et ainsi de suite.

Mme Beaudoin: Mais c'était l'accent circonflexe qui était...

M. Laporte: Mais on n'est pas en train de débattre du bien-fondé d'intervenir sur la qualité, on est en train de débattre du bien-fondé de donner aux éperviers le pouvoir de nous réglementer non seulement sur le vocabulaire, mais sur la syntaxe, sur la grammaire, je dirais...

Mme Beaudoin: C'est faux.

M. Laporte: Bien, c'est ça, les commissions linguistiques, madame.

Mme Beaudoin: Où est-ce que c'est écrit?

M. Laporte: Vous proposez qu'on change «instituer des commissions de terminologie» pour «des commissions linguistiques».

Mme Beaudoin: Mais, pour faire ce qui est écrit, M. le Président: assister les ministères et organismes en matière d'amélioration. Croyez-moi, il y a place à l'amélioration de la qualité de la langue dans l'administration. Ce que vous dites n'est pas écrit. C'est un procès d'intention, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Non, non, mais pas du tout.

Mme Beaudoin: Mais absolument.

M. Laporte: Non, je vous le dis, Mme la ministre, le chemin de l'enfer est semé des meilleures intentions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Et l'enfer est rouge.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Vous n'étiez pas là hier. Je reprends les paroles du président qui m'a bien fait savoir que tout «prononcement» sur l'enfer suppose un acte de foi. Alors, je n'ai pas dit ça, moi. Je n'ai pas parlé de l'enfer, j'ai parlé des chemins qui y menaient en supposant qu'il en existe un au bout, n'est-ce pas? Vous dites que vous créez des commissions de terminologie qui ont des intentions améliorationnistes, j'en conviens, mais les améliorations dont on parle, elles vont porter sur l'ensemble des champs de la langue, et, à mon avis, c'est ça qui n'est pas acceptable, et c'est une des raisons, probablement, pour lesquelles, lorsque mon collègue de l'extrême gauche, député... père fondateur de la Charte de la langue française... J'ai toujours des problèmes à savoir au juste à quel comté on appartient, mais, éventuellement, je pourrai surmonter cet obstacle-là.

Une voix: Bourget.

M. Laporte: Bourget. C'est une des raisons pour lesquelles, dans le texte initial de la Charte de la langue française, il y avait cette grande sagesse, parce que, sur le modèle de la réglementation linguistique à l'échelle mondiale, on créait des commissions de terminologie. Maintenant, ce qu'on est en train de faire, c'est de créer des commissions linguistiques. On dit: C'est pour améliorer les choses. Vous savez, ça n'ira pas si loin. Ne soyez pas inquiets. En d'autres mots, c'est toujours la même chose: la confiance règne. On fait confiance à nos fonctionnaires. Je ne suis pas contre les fonctionnaires, j'ai été moi-même fonctionnaire suffisamment longtemps pour savoir de quelle qualité de travail ces gens-là sont capables. Je suis en train de vous dire que les fonctionnaires, c'est une abstraction qui n'existe pas et que, à l'intérieur de la fonction publique, il y a des fonctionnaires qui sont plus pour resserrer, n'est-ce pas, les fers et qu'il y en a d'autres qui sont pour maintenir le resserrement des fers, la force des fers, tels qu'ils existent déjà.

Et, partout dans ce sacré projet de loi, et on le voit, ça commence à ressortir, à ressortir et à ressortir un peu partout, ce qu'on trouve, c'est une soumission ministérielle à une volonté de fonctionnaires interventionnistes qui, un peu comme dans la pièce de Beckett, n'est-ce pas, sont un peu au fond de la tombe et resserrent les fers. Mais non, M. le Président, on ne laissera pas resserrer les fers impunément. Et c'est ce dont il s'agit maintenant et c'est dont il va s'agir ultérieurement, lorsqu'on va se mettre à discuter de la viande du projet, où on crée cette bête dont on parlera tantôt et dont vous savez le nom. Donc, la ministre ne peut pas m'accuser d'être un anti-fonctionnaires. Je ne suis pas un anti-fonctionnaires. La ministre ne peut pas m'accuser de reconnaître, disons, la compétence de nos fonctionnaires. D'ailleurs, ce n'est pas nous, le Parti libéral, qui tapons sur la tête des fonctionnaires, c'est vous qui tapez sur la tête des fonctionnaires. Regardez, avec votre loi n° 104, ils en prennent pour un coup, vos fonctionnaires et nos fonctionnaires. Bon. Donc, ce n'est pas nous. Mais ce n'est pas une question de savoir si je suis pour ou contre les fonctionnaires, ce n'est pas une question de savoir si je suis pour ou contre la qualité de la langue, ce n'est pas une question de savoir si je suis pour ou contre l'amélioration du statut puis de l'usage, je suis pour tout ça. Et je vous dis que ce contre quoi j'en ai, c'est sanctionner la volonté de puissance des éperviers. Sanctionner la volonté de puissance des éperviers. Je l'ai vue à l'oeuvre suffisamment longtemps. Mais, évidemment, je comprends pourquoi, vous autres, ça vous laisse indifférents, vous baignez dans une idéologie étatiste, n'est-ce pas, une idéologie de la confiance, et c'est tout ça qui est le métatexte de la loi n° 40 et la vision de société qui inspire ce métatexte de la loi n° 40, et on ne peut pas, nous, comme opposition, dire: Écoutez, on se soumet parce que, finalement, c'est du bon monde.

Lisez l'article de Renaud dans la collection de textes qui a été éditée par Gagnon, de l'Université McGill, sur le développement de l'État au Québec, vous allez voir qu'il y a des forces en jeu au Québec à l'effet qu'il y a une classe qui est en train d'essayer par tous les moyens possibles de nous imposer son goût linguistique, et son goût politique jusqu'à un certain point. Et, nous, on dit: Écoutez, non, on est pour la diversité des goûts. Et ça suffit qu'il y ait une commission de terminologie qui réglemente les termes. On en est là-dessus, parce que, finalement, utiliser le mot...

Le Président (M. Garon): Une minute, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: ...comment dit-on, le mot «chiffrier» plutôt qu'un autre mot qui est en usage courant, par rapport à...

Une voix: ...

M. Laporte: Non, non, dans le domaine de la comptabilité, il y a des mots qui circulent comme ça, qui sont des mots qui circulent parce qu'il y a une interférence linguistique. Je suis en faveur de la lutte contre l'interférence, je suis pour que, comme je l'ai fait lorsque j'étais président de l'Office de la langue française, des commissions de terminologie normalisent le vocabulaire de l'actuariat au point tel qu'on le désambiguïse totalement, le vocabulaire. Et le vocabulaire qui était normalisé par l'Office est un vocabulaire de beaucoup meilleure qualité que celui qui existait antérieurement, mais, lorsqu'on veut me faire passer d'une autorité utile, nécessaire, mais néanmoins, disons, comment dirais-je, circonscrite à une autorité à tous azimuts, qui n'existe d'ailleurs nulle part dans le monde... Je vous le répète, ça n'existe pas, des commissions linguistiques dans le monde. Ça n'existe pas. Allez en France, vous allez voir, il n'y en a pas. Donc, à ce moment-là, je me dis: Écoutez, on ne peut pas. On ne peut pas. C'est qu'il faudrait qu'on épouse l'idéologie qu'il y a derrière ça, et l'idéologie qu'il y a derrière ça, c'est l'étatisme – la confiance règne dans ses rapports entre l'État et ses serviteurs – et, finalement, c'est l'idéologie des éperviers qui sont là pour dire: Purifions! Purifions! Purifions! Eh bien, moi, j'en ai marre!

Quand j'étais petit enfant, oui, on m'a fait, disons, abondamment le traitement de la purification puis du scrupule, mais ce n'est plus question, on n'en est plus là. Et c'est ça, vous êtes en train, Mme la ministre – et je termine là-dessus – de pactiser avec une cabale qui aura un pouvoir de réglementation accru, qui va diminuer la richesse de nos patrimoines et qui va finalement faire que le pauvre monde ne s'y retrouvera plus dans vos textes de loi et que les gens qui ne maîtrisent pas votre niveau de langue ou qui ne maîtrisent pas votre goût à vous puis à moi vont se retrouver en position de désavantage parce qu'il va y avoir une autorité linguistique qui va avoir décrété: Voici, cette forme est bonne. Cette forme n'est pas bonne. Cette forme est mauvaise. Cette forme sera supérieure et ainsi de suite. Moi, je suis en faveur d'une autorité linguistique, d'un pouvoir de réglementation de la langue, mais pas aux dépens de la langue, et c'est ça qu'on est en train de faire, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député d'Outremont.

Mme Beaudoin: M. le Président, je ne suis pas paranoïaque, je dois dire, pas du tout. Alors donc, je n'ai aucune inquiétude par rapport à ce que dit le député parce que les éperviers, les colombes, etc., on n'a pas su exactement de qui et de quoi vous parliez et...

M. Laporte: Je ne suis pas pour donner des noms, quoi.

Mme Beaudoin: Bon, O.K. En tout cas, il y en a de l'Office de la langue française qui sont ici, ça fait que...

(11 h 10)

M. Laporte: Je ne fais pas de la dénonciation...

Mme Beaudoin: Non? Ah bon!

M. Laporte: ...je fais de l'analyse.

Mme Beaudoin: Ah! de l'analyse. Donc, de rapport de force.

Une voix: Analysons le texte.

Mme Beaudoin: Alors, analysons le texte, nous, s'il vous plaît, et restons dans la réalité et non pas dans la surréalité de...

Une voix: De l'invention.

Mme Beaudoin: De l'invention, exactement. Et, comme le député a beaucoup de culture, je lui citerai Talleyrand: «Tout ce qui est exagéré est insignifiant.» Et là ça s'applique totalement, M. le Président.

M. Laporte: C'est exactement ce qui arrive dans votre projet, madame.

Mme Beaudoin: Mais pas du tout. C'est ce que vous dites qui est exagéré, qui est une invention et puis qui, donc, est insignifiant, puisque, c'est faux ce que vous dites, il n'y a pas de réglementation accrue. Ça ne remet absolument pas en question tout ce que vous disiez. Et, quand on regarde la réalité et le texte lui-même et non pas notre imagination, qui peut être débordante comme la vôtre, il n'y a absolument, donc, aucun problème. Et je vois aussi – parce que vous avez parlé des fonctionnaires – si je comprends bien, le dépit de l'opposition officielle qu'il y ait eu signature et que les négociations aient abouti, parce que, vendredi matin, quand on vous a eus en face de nous, j'ai compris jusqu'à quel point ça vous avait décontenancés que cette signature qui avait eu lieu pendant la nuit. Mais, ceci étant, M. le Président, je le répète, c'est un procès d'intention. Ce n'est dit nulle part dans ce qui est écrit et ce qui est dans la loi, et on ne peut pas extrapoler de ce qui est écrit ce que le député d'Outremont a dit. Et ce sera tout ce que j'ajouterai.

M. Laporte: M. le Président, vous me permettez. Écoutez...

Mme Beaudoin: Non, non.

Le Président (M. Garon): Votre temps de parole est écoulé, M. le député d'Outremont. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je pense que, effectivement, il faut regarder le fond, comme la ministre nous convie de le faire, et regarder que... Il y a une bonne vieille expression qui dit que, normalement, nous, législateurs, on n'est pas censés agir sans un but précis. Parfois, on dit même, sans que ce soit toujours vrai, que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. On est en train d'apporter une modification ici. Il y avait une situation qui existait auparavant à l'article 114 de la Charte de la langue française. On disait que l'Office pouvait «instituer des commissions de terminologie, en déterminer la composition et le fonctionnement et, au besoin, les déléguer auprès des ministères et organismes de l'administration». On était en train de changer ça. La ministre a mis l'emphase sur la terminologie, mais mon collègue le député d'Outremont a raison de faire remarquer le fait qu'on change ça. On met en place, dorénavant, des commissions linguistiques. Il faut que ça ait un sens, il faut que ça veuille dire quelque chose, puis ceux qui vont être là pour l'appliquer vont lui donner son sens. Et c'est la première remarque que je ferai à l'égard de cette modification, M. le Président, parce que, même si la ministre nous renvoie à ce qui va devenir un article 116, qui est dans la version manuscrite qu'on vient de recevoir – article aux termes duquel on peut lire deux paragraphes qui disent quelles sont les missions de ces commissions linguistiques là: c'est d'assister en matière d'amélioration de la qualité de la langue et de relever les termes et expressions qui font difficulté – la question va être de savoir comment ça va être appliqué et c'est dans les mains de qui.

Moi non plus, je ne crois pas, du moins, être paranoïaque, comme la ministre nous le disait à propos d'elle-même tantôt, M. le Président, mais j'ai aussi vécu longtemps dans le dossier de l'application des lois et notamment dans le domaine de l'application des lois linguistiques. Les préoccupations de mon collègue le député d'Outremont sont bien fondées. Je vais vous donner, peut-être, quelques exemples qui vont aider à situer le débat dans son contexte. À l'heure actuelle, il y a juste ce pouvoir sur la terminologie, mais vous savez que ça n'a pas empêché certaines tentatives, notamment au niveau de l'inscription et de l'enregistrement des raisons sociales, de venir empêcher les entreprises de choisir des noms qui avaient des variantes orthographiques pour des raisons de style et d'attraction, justement, commerciale. Je vais donner un exemple concret. Il y avait une entreprise ici, à Québec, dans le domaine de la mode qui s'appelait «Audace», et leur première tentative de faire enregistrer leur nom avec un «Ô» à la place du «Au» a été rencontrée par un refus sur la base d'une interprétation qualitative de la langue par la personne qui était là. J'ai aussi vu le mot «Sibelle» – mais en référence au caractère mythique: C-y-b-è-l-e – refusé parce qu'on disait que ce n'est pas comme ça qu'on écrit «Cybèle».

C'est ce à quoi fait référence mon collègue le député d'Outremont. Si on ne balise pas suffisamment ce qu'on est en train de faire ici, les gens qui, depuis des années, se disent: Bien, ça nous prend plus de pouvoirs à l'intérieur des organismes et des ministères pour aller faire un peu notre loi vont partir pour la gloire avec ça. Je vous avoue honnêtement, M. le Président, que, quand je deviens cynique pour ne pas dire machiavélique, je me dis: «Let them go, because for once, instead of bugging people who have an apostrophe S on their car-wash even though there is a Harvey's apostrophe S and a McDonald's apostrophe S in the same place, well, then, maybe they're gonna start becoming a big bunch of pain within the government's own ministries and bodies.» Le résultat de ça, c'est que peut-être plus de monde serait sensibilisé à l'analyse de mon collègue le député d'Outremont. Mais je pense qu'on n'est pas là pour être cynique ni machiavélique, je pense qu'on est là pour faire un travail correct en vue d'améliorer une législation qui poursuit des buts avec lesquels personne ne peut, dans notre société, s'inscrire en faux. Pas besoin de faire l'analyse du besoin d'une législation qui met en place des structures qui permettent d'arriver à une terminologie correcte. Là où on en est rendu aujourd'hui, M. le Président, ce n'est pas une question de discussion sur la terminologie correcte, c'est de savoir qui va avoir le droit de faire quoi à l'intérieur de ces ministères et organismes et, par ricochet, avec les gens du public qui viennent en contact avec cette administration-là. Je crois que, effectivement, il va y avoir des problèmes si jamais on adopte cette modification de cette manière-là sans dire plus clairement ce qui est en cause.

Je vais vous donner un autre exemple, M. le Président. On est dans le chapitre qui traite de la normalisation et de la recommandation. C'est une terminologie qui, peut-être, ne dit pas grand-chose aux gens qui ne sont pas ferrés dans l'application de la Charte de la langue française, mais, dans l'affichage public notamment, ces termes normalisés peuvent avoir une influence importante. Puis je me souviens, un jour, en discussion avec des collègues sur ce dossier, il y a quelques années, avant les modifications les plus récentes, d'avoir fait la démonstration que, entre deux raisons sociales, une qui dirait «Eastern Townships shopping center» et l'autre qui dirait «Centre d'achats des Cantons-de-l'Est», la seule et unique qui était légale au Québec c'était «Eastern Townships shopping center» parce qu'on avait normalisé le terme «Estrie» à la place de «Eastern Townships», normalisation sur laquelle on est revenu depuis lors parce que, faute d'une analyse correcte, on avait présumé que «Cantons-de-l'Est» était un calque de l'anglais «Eastern Townships» et qu'il n'y avait pas lieu de l'utiliser au Québec, alors que le système d'enregistrement des biens-fonds qui existe dans les Cantons-de-l'Est est tout à fait spécifique à l'intérieur de la province de Québec et qu'on retrouve encore, à cause des loyalistes, des terres qui sont données «in free and common socage». Donc, c'était une réalité différente dans les Cantons-de-l'Est que les gens qui étaient responsables, même au niveau terminologique, n'avaient jamais réussi à saisir jusqu'à temps que ça leur soit démontré. Pour ce qui est de «centre d'achats», «centre commercial» avait été normalisé. «Centre d'achats» était donc proscrit, et, pour ce qui est de «shopping», on a qu'à ouvrir le Robert pour trouver le mot en toutes lettres. C'était donc un mot correct.

Tout ça pour dire, M. le Président, que, avant de s'aventurer sur ce terrain-là, avant de commencer à donner un pouvoir accru, il faut regarder l'historique de ce qui s'est fait dans le domaine de la terminologie. L'Office de la langue française aurait dorénavant le pouvoir non seulement d'instituer des commissions linguistiques, mais, au besoin, de les déléguer auprès des ministères et organismes. Il existe – l'exemple vient d'être donné – un Office de la langue française qui est l'organisme principal qui chapeaute l'administration de la Charte de la langue française, mais il y a aussi une Commission de protection de la langue française qui va être proposée au prochain chapitre. Commission, pardon, de surveillance, parce que ça a déjà été la Commission de protection de la langue française. Il y a un Conseil de la langue française qui joue un rôle propre, un bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais qui s'appelle par ailleurs – les personnes désignées par le ministre en vertu de ce chapitre de la Charte – Commission d'appel sur la langue d'enseignement. On vient de voir qu'on ajoute une troisième personne. La Commission de toponymie qui vient de démontrer que ça prend une expertise particulière et valable dans ce domaine-là. Une expertise et une compétence, M. le Président. Et on a aussi des commissions linguistiques dorénavant. Alors, regardons un peu le «behemoth» qu'on est en train de mettre en place pour l'application d'une seule loi.

(11 h 20)

Et, s'il existe déjà des interprétations divergentes entre l'Office de la langue française, la Commission de protection de la langue française, voire même le Conseil de la langue française sur le sens à donner à certains termes, imaginez ce que cela va donner quand, tout d'un coup, on aura des commissions linguistiques qui sont tantôt déléguées par l'Office de la langue française, tantôt générées spontanément à l'intérieur des ministères et organismes sur cette interprétation-là. On est en train de créer des problèmes inévitables d'interprétation et d'application, et c'est ce pourquoi l'opposition officielle est en train de mettre la ministre en garde vis-à-vis ce changement-là.

Ce n'est pas rien de dire qu'on va partir de ces commissions de terminologie pour en faire des commissions linguistiques. Ce n'est pas juste dire que, dorénavant, dans l'industrie des pâtes et papiers, on va pouvoir avoir des lexiques corrects et une terminologie complète, ça va être des gens, pour le dire en bon québécois, qui vont aller mémérer dans des choses pour lesquelles je ne suis pas convaincu, malgré les assurances de la ministre, qu'ils ont tous les compétences requises. Je viens de donner des exemples, tantôt, où la Commission de toponymie, malgré la présence de personnes qui sont censées être des expertes, est complètement passée à côté du problème en ce qui concerne la dénomination des Cantons-de-l'Est. Elles avaient vraiment manqué complètement le bateau puis elles ont été obligées, des années plus tard, de constater leur erreur et de revenir là-dessus. On a d'autres exemples comme ça, parce que ça prend une expertise vraiment pointue pour faire un travail correct. On ne s'improvise pas terminologue. Il ne suffit pas, dans le domaine de la chaussure, d'envoyer un «smart» en France passer une année dans une usine de chaussures, là-bas, pour remplacer tous les termes qui étaient des calques et des anglicismes dans l'usine de la chaussure dans les Cantons-de-l'Est et d'importer toute cette terminologie-là. Ça prend un travail vraiment structuré, et ce n'est pas juste du «guessage». C'est quelque chose qui doit se faire vraiment d'une manière très correcte. Ce que je crains, M. le Président – et je ne partage pas l'assurance de la ministre là-dessus – c'est qu'il n'y ait pas les compétences requises au sein d'une telle commission linguistique et qu'on soit en train d'ériger en système des batailles de chapelle et de clocher qui vont juste perpétuer des différends d'interprétation de la Charte de la langue française, et personne ne va en sortir gagnant.

À mon sens, si on se limitait à donner à ces commissions-là un pouvoir dans le domaine linguistique et que le pouvoir de recommandation de l'Office demeurait complet, au moins, on ne serait pas en train d'éparpiller à d'autant plus d'acteurs ce pouvoir d'intervention en matière linguistique. Ça fait sans doute plaisir à certains membres, à certains des commettants administratifs, politiques ou autres de la ministre de faire cette proposition-là. Il y a toujours du donnant, donnant lorsque l'administration rencontre une ministre et dit: Voici notre liste d'épicerie qui existe depuis des années, et seulement vous allez enfin avoir le courage de mettre en place ce que d'autres, plus bornés, avec moins d'envergure que vous, Mme la ministre, n'ont jamais voulu faire. Mais, je suis sûr que vous en avez le courage, donnez-nous donc des commissions linguistiques à la place des commissions de terminologie.

Avant de faire plaisir aux fonctionnaires, je pense que le premier devoir d'un ou d'une ministre, c'est de dire: Est-ce que cette solution correspond à un problème? Est-ce que c'est la réponse à une question qui a été posée? Est-ce que, dans la vraie vie, il y a du monde qui dit, en se réveillant, au ministère des Transports: Écoutez, j'ai encore mal dormi hier soir, ce que ça nous prend, diantre, c'est des commissions linguistiques. Si seulement un «commissar» linguistique se promenait sur les étages ici, sur le boulevard Charest, là, tout d'un coup, on pourrait faire notre travail auprès de la population. Il n'y aurait plus de nids-de-poule dans les rues, il n'y aurait plus de problèmes de ponts qui s'effondrent sur la rivière des Mille-Îles, là, enfin, le ministère des Transports pourrait faire ce pour quoi il a été conçu, donner des services corrects à la population en matière de transport.

Est-ce que la ministre est vraiment en train d'essayer de nous convaincre que, avec tout ce qui existe déjà comme structure, comme bureaucratie, comme administration pour veiller à l'application de la Charte de la langue française, c'est ça que ça nous prend? Je ne pense pas, M. le Président. Et, d'ailleurs, c'était intéressant tantôt. Dans son échange avec mon collègue le député d'Outremont, la ministre n'a jamais dit: Écoutez, on a une analyse, on a un document. Écoutez, je peux vous citer chapitre et vers pour prouver pourquoi le fait de limiter ça à la terminologie a, au cours des 20 dernières années d'application de la Charte de la langue française, causé de sérieux problèmes. Voici les problèmes, on les a identifiés. Et voici la solution qu'on apporte aux problèmes. Ce n'est pas une solution à un problème qui a pu être identifié, c'est un nanane aux fonctionnaires. C'est une manière de leur donner plus de pouvoirs. C'est une manière de les laisser, oui, aller mémérer dans des ministères et organismes et dire: Ah, vous savez, à bien y penser, la manière dont on analyse ça, cette phrase dans votre lettre type aurait dû se lire comme suit, deux-points, point à la ligne. Non, ça va être l'ouverture à des discussions à n'en plus finir, et je ne crois pas que, à un moment où on est en train de couper 15 000 postes dans l'administration publique, ça ait du sens de commencer à dire: On va déléguer des commissions linguistiques pour aller jouer ce rôle-là. Il n'y a rien, à l'heure actuelle, qui empêche l'OLF et le Conseil de la langue française de jouer un rôle correct et adéquat dans ce domaine. Avant de dire qu'il faut changer la loi, faisons la démonstration qu'on a utilisé tous les pouvoirs qui sont existants et qu'il n'y a rien d'autre qu'on peut faire que ça. Mais cette démonstration manque au moment où on se parle, M. le Président.

Ce n'est pas suffisant de dire: Bien non, on veut que ce soit plus que de la terminologie. Et je suis extrêmement sensible à l'argument apporté par mon collègue le député d'Outremont lorsqu'il dit que l'idée de faire de la terminologie correctement, de déléguer auprès des entreprises dans un cas ou de l'administration dans l'autre, des gens compétents pour dresser des vocabulaires spécialisés et de faire de la terminologie, aucune difficulté à le suivre. Dire que, dans d'autres pays, ça a été nécessaire, dans d'autres langues, dans d'autres régions, pas de problème avec ça. C'est des ressources que l'État se doit de consacrer... Si on veut préserver avec l'évolution technologique et scientifique, on doit consacrer les ressources nécessaires à l'établissement d'un vocabulaire correct dans tous ces domaines-là. Pas de problème avec ça. Mais ce n'est plus là où on est rendu. Ce n'est pas des fonctionnaires dans des petites commissions qui changent les règles linguistiques. Autant je peux concevoir que, dans le domaine des pâtes et papiers, ou de la chaussure, ou de la fabrication des vêtements, ou peu importe, on puisse avoir besoin de gens compétents pour faire de la terminologie et pour la manière d'emmagasiner, de stocker cette terminologie, la manière de la mettre dans les ordinateurs, d'avoir des banques de données disponibles, que tout ça, ça requiert une expertise puis des gens corrects... Mais qui sont ces «commissars» linguistiques pour aller se promener sur les étages des ministères et dire: Voici les règles linguistiques. Pas des choix terminologiques, des règles linguistiques. À mon sens, les règles de la langue, les règles de la linguistique existent indépendamment de ces «commissars». Ces règles régissant la correction de la langue française, comme de toute autre langue, existent indépendamment de ceux qui vont aller se promener sur les étages. Alors, ils vont faire quoi, eux, si ce n'est tout simplement répandre des informations qui sont par ailleurs disponibles? Et, à ce moment-là, la question demeure tout à fait pertinente, si on n'est pas sensé, dans un cas comme celui-ci, proposer une modification sans avoir un but précis, c'est quoi le but précis qui est poursuivi en remplaçant les commissions actuelles qui visent la terminologie, comme on l'a fait remarquer, par des commissions qui viseraient une question beaucoup plus vaste, beaucoup plus large qui est linguistique?

(11 h 30)

Je me souviens, M. le Président, quand on a en parlé en Chambre, la semaine dernière, il y a plusieurs de mes collègues dont la première langue apprise et encore comprise est le français qui répétaient le mot «renforcir», et le seul mot que, moi, j'avais appris c'était le mot «renforcer». Et, après cette brève discussion en Chambre, un de mes collègues qui avait bel et bien dit «renforcir» m'a dit: Non, non, c'est un canadianisme de bon aloi, «renforcir». Et, le lendemain, il s'est fait un plaisir d'aller me chercher le dictionnaire Larousse des canadianismes, et, loin d'être un terme à proscrire, ils ont bien indiqué que, ici, depuis longtemps, c'était accepté, une manière de dire «renforcer». Je ne suis pas terminologue et, à plus forte raison, je ne suis pas linguiste. Je ne saurais, moi, surtout que le français n'est pas ma première langue... Je n'aurais jamais la prétention d'imposer à mon collègue qui m'a apporté cette page du dictionnaire Larousse... Je n'aurais jamais la prétention de lui dire qu'il n'a pas le droit de dire «renforcir», bien que, quand je regarde le dictionnaire français, le Robert , je ne trouve nullement «renforcir», je trouve «renforcer».

Alors, ça va être quoi, sur les étages des ministères et organismes? Ça ouvre vers quelles discussions et quels débats? Ça va être quoi? Ce n'est pas juste en termes de terminologie qu'il va y avoir des chicanes, ça va vraiment être en termes de structure, de manière de formuler, et je ne suis pas persuadé qu'il y a suffisamment de compétences et de compétents pour pouvoir aller effectuer ce travail-là. Je pense qu'on est en train de viser large. Le but est louable, mais le but peut être atteint plus aisément en renforçant et en clarifiant la manière d'intervenir de l'OLF dans le domaine linguistique qu'en déléguant à une multitude de commissions un pouvoir qui, nécessairement, va être appliqué différemment d'un endroit à l'autre et qui, nécessairement – et je termine là-dessus, M. le Président – va donner lieu à encore plus de divergence d'interprétation que ce qui existe déjà, à l'heure actuelle, entre l'OLF, l'éventuelle CPLF, devenue CSLF à nouveau, et le CLF. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Écoutez, je veux intervenir sur l'amendement qui nous a été proposé tout à l'heure. Bon, malheureusement, je n'ai pas suivi tout le débat qui a eu lieu à la commission, ici, sur le projet de loi n° 40, alors je ne suis pas familier parfaitement avec tous les détails du projet de loi. Mais il y a quand même, suite au dépôt de la motion d'amendement, des commentaires qui ont été faits qui m'amènent, disons, à faire certains commentaires sur cette modification qui est suggérée.

Le premier commentaire, c'est que j'écoute les arguments qu'on fait valoir de part et d'autre, et ce que j'ai de la misère à comprendre, c'est que la ministre semble nous dire: Ça ne change rien. Bien, si ça ne change rien, pourquoi on le fait? On dit: Ça ne donne rien de plus. Ça n'aura pas d'effets comme ceux auxquels on a pu faire référence, c'est-à-dire un accroissement des pouvoirs. Alors, si ça ne change rien de faire une modification, de changer le terme «de terminologie» par le mot «linguistiques», pourquoi on le fait? Il doit y avoir une raison. Ça ne se peut pas qu'on fasse ça pour rien. Alors, c'est évident qu'on peut se poser cette question-là, et, comme le disait tout à l'heure un de mes collègues, le député d'Outremont ou de Chomedey, le législateur, au fond, n'utilise pas des mots pour ne rien dire, et on ne change pas ces mots-là pour n'apporter aucun changement dans la réalité des choses. Donc, il doit y avoir, en arrière de tout ça, de cette proposition-là, des éléments qui correspondent à des pouvoirs qui seront différents, et ça, je pense qu'il faut y faire attention. On est dans un domaine, quand même, qui affecte la vie quotidienne des gens, et je pense que, à ce moment-là, il faut baliser les pouvoirs des organismes gouvernementaux ou des fonctionnaires quand on parle de la langue. Et il y a des contraintes. Sur l'objectif que le français s'améliore, je pense qu'il n'y a pas de problème là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord sur l'objectif, et ce n'est pas là-dessus qu'on en a.

Si on regarde exactement pour mieux comprendre ce qui se produit, c'est que, dans la Charte de la langue française, les articles 116 et 117, et je vais me permettre d'y faire référence d'une façon explicite... On dit à l'article 116: «Les commissions de terminologie instituées par l'Office ont pour mission de faire l'inventaire des mots et expressions techniques employés dans le secteur qui leur est désigné, d'indiquer les lacunes qu'elles y trouvent et de dresser la liste des mots et expressions techniques qu'elles préconisent.»

L'article 117: «Dès leurs travaux terminés, les commissions de terminologie soumettent leurs conclusions à l'approbation de l'Office.»

Ça, M. le Président, ce sont les pouvoirs qui existent actuellement dans les commissions de terminologie. Alors, on voit que c'est quand même limité, mais très important, parce qu'on est à même de constater, à peu près tout le monde ici, autour de la table, que le français s'est énormément amélioré au cours des 20, 25 dernières années en utilisant une terminologie beaucoup plus appropriée. On a juste à se souvenir un peu des termes qui existaient dans différents secteurs de l'activité économique il y a 25 ou 30 ans, je pense qu'on a fait beaucoup de chemin et que ça a amélioré, effectivement, la qualité de la langue au Québec de s'assurer que les termes qu'on utilise sont les bons termes et sont des termes acceptables au point de vue de la langue. Et ça, sur ce plan-là, on n'a aucun problème. La démonstration a été faite, effectivement, qu'il y a eu amélioration.

Maintenant, là, c'est autre chose. On veut changer le terme «de terminologie» par «linguistiques», et, comme je le disais tout à l'heure, on ne le fait pas sans motif, il y a sûrement une raison. Et, quand on regarde tout simplement dans le dictionnaire, à quoi on fait référence si on regarde le terme «terminologie»? On mentionne, dans le dictionnaire Robert , à terminologie: Ensemble des mots techniques appartenant à une science, à un art, à un chercheur ou à un groupe de chercheurs. Alors, ce sont les termes qu'on utilise quotidiennement, des termes techniques, scientifiques, et ça, on a voulu, par le biais des commissions de terminologie, normaliser les termes, les rendre plus français, les rendre plus acceptables, et, sur ce plan-là, je pense qu'il y a eu un travail valable qui a été fait au fil des ans. Maintenant, si on parle de commissions linguistiques, j'essaie de comprendre, parce que, à date, la ministre ne nous a pas expliqué très clairement où elle veut en venir exactement, puis on fait l'hypothèse que, si on change le terme, il doit y avoir quelque chose qui va être changé aussi dans la réalité des choses.

Si on regarde le terme «linguistique», on dit: «Étude comparative et historique des langues (grammaire comparée, philologie comparée).» Ça, M. le Président, c'est beaucoup plus large que de la terminologie. On parle de grammaire, on parle de philologie. Ce n'est pas du tout la même chose. Et là ce que ça veut dire concrètement, c'est qu'on souhaite donner des pouvoirs supplémentaires. Ça va inclure la terminologie, c'est évident, mais ça va inclure des pouvoirs sur les éléments qu'on mentionne, sur la langue, sur les us, les coutumes et l'usage de la langue. Je conçois bien que certaines commissions, au niveau de la terminologie, puissent venir raffiner l'utilisation des mots. Qu'on ait une préoccupation de ce côté-là, ça va tout à fait, excepté qu'on en arrive à vouloir élargir et donner un pouvoir à des fonctionnaires qui vont éventuellement se positionner, critiquer et donner leur point de vue sur de la grammaire. Ça doit être ça que ça doit vouloir dire parce que c'est comme ça qu'on nous propose la modification. Alors, il doit y avoir quelque chose de plus, et, à date, il faut être prudent. Il faut faire attention, à un moment donné, pour ne pas que l'État s'ingère dans des secteurs qui relèvent de la vie des individus. Une langue, ça évolue par l'usage qu'en fait sa population, et ce n'est pas l'État qui doit dicter l'évolution de la langue.

Alors, je pense, M. le Président, que, à date, malheureusement, on n'a pas eu de réponses claires sur la raison qui justifie essentiellement la proposition d'amendement que nous a faite la ministre, mais je pense qu'il faut être très prudent, et on a raison, je pense, au niveau de l'opposition officielle, de se questionner sur les intentions qui existent en arrière de cette modification et aussi sur les conséquences et les risques que ça peut apporter dans la vie quotidienne des concitoyens. Je termine sur ce point-là, Mme la Présidente.

M. Mulcair: ...appeler l'article, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Vous voulez intervenir, M. le député?

M. Boulerice: Brièvement, juste deux petites secondes, Mme la Présidente. Il est clairement évident que nos collègues d'en face s'inventent des peurs. Ils les entretiennent et, après, ils se retrouvent effrayés des peurs qu'ils ont eux-mêmes créées. Bon, il faudrait peut-être revenir à une attitude plus rationnelle.

Deuxièmement, pour répondre à M. le député de l'Acadie, quand il dit que les langues appartiennent au peuple, moi, je suis bien d'accord, mais, à ce moment-là, pourquoi toutes les grandes langues du monde se sont-elles donné, dans leur pays, des académies? Pourquoi y a-t-il une Académie française? Pourquoi en avons-nous une, nous aussi? Pourquoi y en a-t-il une en Allemagne? Pourquoi y en a-t-il une Italie, cher ami?

(11 h 40)

Une voix: ...fonctionnaires.

M. Boulerice: Oui, mais, si elle appartient au peuple.

Une voix: Oui, d'accord. Pas de problème avec ça.

M. Boulerice: Alors, pourquoi créons-nous des académies, donc? Le discours ne tient pas.

M. Mulcair: Mme la Présidente, sur le règlement, l'opposition exprime le souhait d'appeler le vote sur l'article présenté par le gouvernement.

M. Boulerice: C'est un souhait.

La Présidente (Mme Charest): Je vous rappelle que l'article 10.1, qui est l'article 114 de cette Charte, est modifié par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe b, des mots «de terminologie» par le mot «linguistiques». C'est bien ça, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui.

La Présidente (Mme Charest): Par le remplacement, à la fin du paragraphe g, du...

M. Mulcair: Mme la Présidente, si ça peut vous aider, la lecture a été faite tantôt. On peut, pour les fins du dossier...

La Présidente (Mme Charest): Vous l'avez? O.K. C'est beau.

M. Mulcair: ...se contenter de la lecture qui a été faite.

La Présidente (Mme Charest): Alors, c'est adopté?

M. Mulcair: Sur division.

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Charest): Adopté sur division.

(Consultation)

La Présidente (Mme Charest): Alors, on prend l'article 10.2, la modification....

M. Mulcair: Adopté sur division.

La Présidente (Mme Charest): Pardon?

M. Mulcair: Adopté sur division.

La Présidente (Mme Charest): Adopté sur division. Ça va.

(Consultation)

La Présidente (Mme Charest): O.K. Alors, il y a une modification, là, il faudrait quand même que vous le sachiez, c'est: «Ces commissions linguistiques instituées par l'Office ou par les ministères et organismes ont pour mission». Alors, c'est adopté sur division.

M. Laporte: Adopté sur division.

La Présidente (Mme Charest): Parfait.

Mme Beaudoin: Bon, on est rendu...

La Présidente (Mme Charest): Article 11.

Mme Beaudoin: L'article 11. Insérer après l'article 11... C'est le papillon, ça. L'article 11, excusez: Les articles 118.1 à 118.5 de cette Charte sont abrogés. Cet article abroge les articles qui concernaient les pouvoirs de vérification qui avaient été accordés à l'Office en 1993.

La Présidente (Mme Charest): Alors, on est prêt à passer au vote? Adopté?

Mme Beaudoin: Adopté.

Une voix: Adopté.

La Présidente (Mme Charest): Alors, l'article 12.

Mme Beaudoin: L'article 11.1. C'est parce qu'il y a un papillon là.

La Présidente (Mme Charest): Pardon, excusez-moi.

Mme Beaudoin: Article 11.1. Insérer, après l'article 11, le suivant:

11.1 Cette Charte est modifiée par l'insertion, après l'article 151, du suivant:

«151.1 Commet une infraction et est passible des peines prévues à l'article 205 l'entreprise qui ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées en vertu des articles 136 à 146 et 151 dans le cadre du processus de francisation qui lui est applicable.»

Alors, l'explication rapide, si vous me permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: La loi 86 n'a pas repris l'ancien article 137 qui énonçait qu'une entreprise visée qui ne détenait pas son certificat de francisation commettait une infraction. Ça avait été aboli par la loi 86. Il apparaît donc important aujourd'hui de rendre plus explicite le fait que commet une infraction l'entreprise qui ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées dans le cadre du processus de francisation qui lui est applicable.

Je peux seulement ajouter une chose, Mme le Présidente, dans le cadre de la politique de l'administration, donc de la francisation de l'administration que nous avons adoptée au gouvernement et rendue publique à la fin de l'année 1996, il est dit, donc, qu'une entreprise qui n'est pas inscrite et qui refuse de s'inscrire – on sait qu'il y a des entreprises, ça fait 10 ans, etc. – dans le processus de francisation, qui, donc, n'obtient pas, au bout de la ligne, son certificat de francisation n'obtiendra aucun contrat du gouvernement, et, donc, tout ça va dans la même ligne. C'était dans notre politique de l'administration, l'article 22: L'administration – je le lis parce que c'est important, je pense, pour illustrer – n'accorde aucun contrat, subvention ni avantage à une entreprise assujettie au chapitre 5 du titre 2 de la Charte si cette entreprise ne possède pas d'attestation d'inscription, ou si elle n'a pas fourni dans le délai prescrit l'analyse de sa situation linguistique, ou si elle n'a pas d'attestation d'application de programme ni de certificat de francisation délivré par l'Office, ou si son attestation ou son certificat a été retiré ou suspendu par l'Office. Tant que dure ce retrait ou cette suspension, les documents d'appel d'offres font mention de cette exigence.»

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. le député.

M. Mulcair: Oui, deux commentaires. D'abord, sur le fond, je crois que toute loi qui a des exigences a besoin d'avoir des sanctions, et c'est normal. Cependant – c'est là où le fond rejoint la forme dans le cas qui nous occupe ici – si on regarde l'article 205 de la Charte de la langue française – et il n'y a aucune modification proposée là-dessus – on dit: «Quiconque contrevient à une disposition de la présente loi ou à des règlements commet une infraction.» Bon. De la même manière que j'ai signalé à la ministre tantôt qu'il existe des études fouillées, détaillées par des profs d'université chevronnés sur les pouvoirs réglementaires aux termes de la Charte de la langue française, il en va de même pour – et c'était Pierre-Gabriel Jobin, si ma mémoire est bonne, dans ce cas-ci, qui avait fait l'étude – les infractions aux termes de la Charte de la langue française. On se ramasse dorénavant, Mme la Présidente, avec une quantité de dispositions au sein de la Charte de la langue française qui disent spécifiquement: Commet une infraction quiconque fait telle ou telle affaire, comme c'est le cas avec le 151.1 qu'on a devant nous. À force d'ajouter ces dispositions-là – expressio unius est exclusio alterius – on est en train de faire en sorte que c'est seulement à ces endroits précis qu'on crée des infractions. Est-ce vraiment le but recherché par le législateur dans le cas qui nous occupe? C'est loin d'être clair de notre point de vue.

Par ailleurs, je me permets de souligner que l'article 151.1, tel que rédigé, ouvre la porte à des contestations faciles, et avec un résultat qui risque de déplaire profondément à ceux qui veulent que cette loi-là puisse être appliquée, pour la raison suivante. On dit: «Commet une infraction et est passible des peines prévues à l'article 205 l'entreprise qui ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées en vertu des articles 136 [...] dans le cadre du processus de francisation...» Or, le processus de francisation en question et le cadre dans lequel cela se produit est un cadre de négociation. La question se pose, c'est: Est-ce qu'il y a une infraction à 151.1 si on enfreint quelque chose qu'on s'est engagé à faire, mais qui n'a pas été imposé? La réponse est non. Clairement. L'article 151.1, tel que rédigé, cause beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résout, et je propose la chose suivante à la ministre: qu'elle prenne le temps – parce qu'on a le temps, là – de consulter ses proches collaborateurs et qu'on passe tout de suite au prochain article, parce que, ça, cet article-là, si j'étais très cynique et si je ne voulais pas que ça s'applique, je dirais: Adopte le dans cette forme-là. Ce n'est pas applicable, ça. La personne qui a rédigé ça ne sait pas ce que c'est un processus de francisation ni le cadre de ce processus-là et ne sait pas, littéralement – ce n'est pas un reproche personnel – ne connaît pas le processus en question. Et, de la manière dont c'est rédigé là, c'est inapplicable. Ça ne va jamais marcher.

Mme Beaudoin: Oui, est-ce que vous avez...

M. Mulcair: Bien, notre suggestion, ce serait de passer tout de suite à l'article 12 et qu'on mette en suspens l'article 11.1, que la ministre suspende son amendement à son projet de loi, qu'elle prenne le temps de regarder les effets sur les deux niveaux qu'on vient de donner. Si elle se fait réconforter par l'analyse de ses officiels, tant mieux. Mais, nous, comme je vous dis, Mme la Présidente, ça ouvre une boîte de Pandore, ce 151.1.

Mme Beaudoin: Mme la Présidente, je viens de consulter – ce qu'on avait fait avant, bien sûr, d'aller d'abord au Conseil des ministres et ensuite au Comité de législation – et je vais laisser répondre, donc, la juriste. Mais c'est pour vous dire que la consultation, contrairement à ce que dit le député de Chomedey, les deux avocats présents me disent que c'est tout à fait applicable et que c'est tout à fait correct et raisonnable.

M. Mulcair: Bonne chance. On est prêt à appeler l'article à ce moment-là, Mme la Présidente.

Mme Beaudoin: Très bien.

M. Mulcair: Ça va être adopté sur division, et la ministre va vivre avec les conséquences.

La Présidente (Mme Charest): Alors, si j'ai bien compris, c'est que l'article 11.1 est adopté sur division.

M. Mulcair: Exact.

La Présidente (Mme Charest): Alors, nous passons à l'article 12.

Mme Beaudoin: L'article 12.

La Présidente (Mme Charest): S'il vous plaît.

Mme Beaudoin: Cette Charte est modifiée par l'insertion, après le titre II, du titre suivant: «Titre III, La Commission de protection...» Est-ce qu'il y a un vote ou quoi?

Une voix: C'est un quorum ou...

Une voix: Un vote.

Mme Beaudoin: Quorum? Un vote?

La Présidente (Mme Charest): Bon. Alors, nous allons ajourner.

M. Boulerice: Je m'excuse, mais j'espère que la personne la mieux informée est technicien.

Mme Beaudoin: Un vote.

La Présidente (Mme Charest): Bon. Alors, nous allons ajourner.

(11 h 50)

Mme Beaudoin: Est-ce que je peux demander une question avant qu'on parte, tout le monde, juste une petite seconde? Sine die, ça veut dire?

La Présidente (Mme Charest): Sine die. Alors, nous allons aller voter.

Mme Beaudoin: Ça veut dire qu'on va se voir au mois de mai?

Une voix: Juillet.

Mme Beaudoin: Juillet? Ha, ha, ha!

Des voix: Juillet.

Mme Beaudoin: Mais pourquoi pas cet après-midi? Ce n'est pas convoqué?

Une voix: Ce n'est pas «callé».

Mme Beaudoin: Ce n'est pas «callé».

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Garon): Alors, la commission, donc, est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.


La Commission de protection de la langue française


Institution et mission

Nous étions rendus à l'article 12. J'ai le sentiment quasiment que je devrais me faire remplacer par la députée de Rimouski parce que, quand elle a présidé, tout a déclenché d'un coup sec – je le savais qu'elle avait des talents – puis ça a avancé rapidement.

Nous sommes à l'article 12, est-ce que nous avions commencé l'étude? À l'article 12, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, oui.

12. Cette Charte est modifiée par l'insertion, après le titre II, du titre suivant: «Titre III, La Commission de protection de la langue française, chapitre I, Institution et mission». Est-ce que j'arrête ou je continue?

«157. Est institué un organisme désigné sous le nom de Commission...»

Une voix: C'est un autre article.

Mme Beaudoin: Ah! C'est un autre article, ça.

Le Président (M. Garon): Comme l'article 12 comprend toute une série d'articles, on devrait...

Mme Beaudoin: Ah! O.K.

Le Président (M. Garon): Moi, je vous propose ça, on ne peut pas étudier l'article 12 dans son ensemble, ça n'a pas de bon sens. Alors, on pourrait, à l'article 12, adopter les articles un par un, faire les articles un par un puis, à la fin, adopter l'article 12 dans son ensemble.

Mme Beaudoin: Très bien.

Le Président (M. Garon): Pardon?

Une voix: Avec les intitulés?

Le Président (M. Garon): Oui, oui, avec les intitulés, à la fin. Alors, on pourrait passer tout de suite à l'article 12 au 157 puis, après ça, on adoptera l'article 12 dans son ensemble: les intitulés, les têtes de chapitres, toute cette affaire-là.

Mme Beaudoin: O.K. Alors, donc, je lis tout simplement 157.

«157. Est institué un organisme désigné sous le nom de Commission de protection de la langue française, chargé d'assurer le respect de la présente loi.»

M. Laporte: Écoutez, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député d'Outremont.

(15 h 40)

M. Laporte: Je viens justement de recevoir un téléphone d'un de mes électeurs qui me dit qu'elle a tenté, qu'elle a appelé, téléphoné ce matin au ministère de la ministre pour se faire dire finalement: Écoutez, ce qu'on souhaite, c'est un peu de respect, ce n'est pas des méchantes choses. Ce qu'on voudrait, c'est que vous nous respectiez davantage.

Je pense que le respect n'est pas ce qui est vraiment au fond de la question ici, quoi. Enfin, peu importe, M. le Président.

Mme Beaudoin: M. le Président, est-ce que je peux, au nom de je ne sais pas de quel article, mais je n'ai pas compris. J'aimerais ça qu'il...

M. Laporte: C'est-à-dire que cette notion du respect de la loi, c'est devenu presque un motif, disons, dans le discours quotidien de vos fonctionnaires, madame.

Mme Beaudoin: Mais qui a dit ça à qui?

M. Laporte: Madame, moi, vous savez, je ne peux pas vous donner des noms, je m'en voudrais. Je ne suis pas comme ceux qui... C'est comme le ministre de la Santé et des Services sociaux qui nous dit de nous...

M. Boulerice: Non è vero e bene trovato.

M. Laporte: Enfin, je ne voudrais pas qu'on porte trop de temps là-dessus, mais je voudrais vous dire, M. le Président, que, évidemment, on est contre l'article 157. Je pense qu'il faudrait bien s'entendre ici, parce que, au départ, je pense qu'il serait opportun que l'opposition officielle affiche ses couleurs ou énonce clairement ses prémisses.

Notre opposition à l'article 157, c'est-à-dire au rétablissement de la Commission de protection de la langue française avec les pouvoirs qui lui sont nouvellement confiés, ça n'est pas une opposition technique, M. le Président. En relisant le projet de loi, hier soir, très attentivement, j'en suis venu à la conclusion que, en porte-parole responsable de l'opposition, je pourrais, disons, à la rigueur, proposer des amendements, des améliorations techniques au projet de loi, étant donné ma vaste expérience de la chose, n'est-ce-pas. Mais, c'est surtout pas sur ce terrain-là... Écoutez, j'y ai consacré 25 ans. À l'époque où j'ai commencé à me battre pour la langue française, il y en avait parmi les gens d'ici qui n'avaient même pas commencé à la parler. Alors, là, il faut tout de même qu'on s'entende.

Une voix: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je ne parle pas de vous, Mme la ministre, j'ai parlé des jeunes personnes qui sont ici, quoi. Donc, ce n'est pas sur des questions techniques qu'on s'oppose, même si, sur des questions techniques, il y a matière à opposition. Il y a des affaires là-dedans qui mériteraient d'être corrigées, dans le meilleur intérêt de la Charte de la langue française.

Non, l'opposition, c'est vraiment une opposition – je ne veux pas employer encore un mot savant – axiomatique, c'est-à-dire que c'est sur une vision de société qu'on s'oppose. Et cette vision de société entraîne toutes sortes de conséquences. La vision de société à laquelle adhère le gouvernement, elle accroît évidemment les pouvoirs coercitifs. Elle fait un certain nombre de modifications qu'on juge inopportunes et même dangereuses.

Mais, je pense que, au début – et j'essaie de le faire comprendre à nos interlocuteurs de l'extérieur – notre opposition n'est pas une opposition sur des technicalités législatives. Ce n'est pas une opposition formelle. Ce n'est pas une opposition sur un texte, même si sur certains aspects du texte, mes collègues qui sont mieux capables de le faire que moi pourront vouloir vous faire des suggestions.

Prioritairement, notre opposition, elle est sur une vision de société, cette vision de société, d'ailleurs, qui inspire tout ce projet de loi, autant le chapitre III que les chapitres sur des articles qui ont précédé. Cette vision de société qui, d'ailleurs, était assez, disons, affirmativement dénoncée par certaines personnes qui se sont présentées en commission parlementaire. Sur cette vision de société, il ne faut pas nous demander, à l'opposition officielle, il ne faut surtout pas me demander à moi, député d'Outremont, de me rallier, je ne me rallierai jamais, jamais, jamais.

Je l'ai dit tantôt à des gens qui m'interviewaient, je suis un partisan de ce que les Américains appellent le «mutual gain approach», l'approche des gains mutuels, l'approche du partenariat avec les clientèles. Et ce n'est pas évidemment ce genre d'approche sur lequel repose le projet.

Je voudrais dire, M. le Président, peut-être un peu en débordant ou en rebordant sur des questions antérieures, que, en surface, il y a des aspects de ce projet-là qui ont l'air anodins. On veut rétablir, on veut renommer certaines... La ministre nous l'a dit ce matin – je l'écoutais attentivement et puis ça m'a porté à revenir à sa politique linguistique: Écoutez, on dénomme, on rebaptise les commissions, terminologie, commissions linguistiques, mais on n'en modifie pas la mission, on n'en modifie pas la vocation. Mais, je vous le dis, madame, utilisant vos propres mots, que, si vous ne modifiez pas la vocation des commissions du point de vue légal, vous êtes en train de leur conférer un pouvoir d'action sociale – comme vous le dites dans votre politique linguistique – qui est un pouvoir d'action sociale accru et qui est un pouvoir d'action sociale dont les fonctionnaires se serviront. Vous allez encourager l'activisme de la part des fonctionnaires. Et je pense que, pour ces aspects-là en tout cas, à mon avis, c'est encore là un défaut.

J'ai dit aussi, et je le répète, que nous assistons au triomphe des faucons sur les colombes. C'est dans le chapitre III, M. le Président, que ce triomphe est consacré avec le plus de vigueur, n'est-ce pas. Aux chapitres antérieurs, on avait vu le bec de l'aigle, le bec du faucon, mais, dans le chapitre III, ce qu'on voit, c'est le faucon dans toute sa capacité de déploiement. Et ça, évidemment, c'est, encore là, qu'est-ce que vous voulez... Au moins, si c'était utile, disons, de lancer les faucons à l'attaque, on pourrait tout de même dire: Oui, mais...

Écoutez, je lisais l'autre jour un article dans un livre français, que j'ai découpé, comme je le fais souvent, pour le mettre dans mon cahier. Mme la ministre, je vais vous le citer pour que vous vous le procuriez peut-être en faire la lecture. C'était un beau livre sur la protection des droits. Il y a un beau chapitre là-dedans – je ne le retrouve pas, malheureusement – sur les délits d'ordre public. Eh bien, on en est rendu qu'on a ici une commission de protection qui, dans ses façons de procéder éventuelles, en viendra à traiter des dérogations à une charte comme s'il s'agissait de délits d'ordre public. On pénètre, on photographie, on polycopie, on vérifie, on enquête. Écoutez, tout de même, une petite affiche qui traîne dans un coin, comme disait Serge Turgeon, qui ne nous donne pas d'urticaire, ce n'est tout de même pas comme un délit d'ordre public qui est commis par les Hell's Angels. Il y a un manque de mesure dans cette affaire-là, M. le Président.

Donc, notre opposition, elle n'est pas technique, mais il y a des aspects de ce projet de loi qui, du point de vue technique, contreviendront aux intentions que poursuit la ministre. Notre opposition, elle est sur une question de fond, une question de vision de société, une question de valeur.

Donc, l'article 157: «Est institué un organisme désigné sous le nom de Commission de protection de la langue française...» Et vous aurez remarqué, M. le Président, que je ne suis pas de ceux qui abondent dans l'utilisation des termes dérogatoires pour la Commission de protection de la langue française. Je n'ai pas besoin de ça pour faire la bataille, n'est-ce-pas, mais c'est une espèce de police administrative, comme on en voit dans des documents administratifs, c'est un organisme de contrôle, c'est un organisme qui, comme on le dit ici, est chargé d'assurer le respect de la loi. Mais, je l'ai dit, c'est vraiment écraser une mouche avec un tomawak ou avec une masse. Donc, de ce point de vue là, je pense qu'il y a évidemment...

Je reviens à l'ouvrage que je mentionnais tantôt. On y disait qu'en toute chose il faut tout de même respecter un principe de proportionnalité, M. le Président.

M. Boulerice: Quel ouvrage?

M. Laporte: L'ouvrage que je mentionnais tantôt, sur les délits à l'ordre public. Quand je le trouverai, mon cher ami Boulerice, M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, il me fera plaisir de vous en remettre le titre.

(15 h 50)

Évidemment, il faut tout de même en toute chose essayer d'appliquer un principe de proportionnalité. Or, à mon avis, il y a un manque de proportion là-dedans qui est flagrant. Je veux donc qu'il soit également établi... Encore une fois, M. le Président, il ne faudrait pas que la ministre revienne là-dessus à l'occasion de nos échanges. Ce n'est pas parce que nous sommes froids, ce n'est pas parce que nous n'avons pas la passion du français, ce n'est pas parce que nous sommes des adhérents du statu quo, ce n'est pas parce que nous sommes laxistes, ce n'est pas pour toutes ces belles raisons morales que nous nous opposons à ce projet de loi, ça n'a rien à voir, quoi. Je ne suis pas un laxiste, je ne suis pas un statu quotiste, je ne suis rien de ça. La raison pour laquelle je ne peux pas sentir ce projet-là, le titre III du projet, c'est que ça sent l'illibéralisme. Je n'arriverai pas à convaincre nos partenaires d'en face de la question, ils baignent dans une idéologie étatiste, ils baignent dans une idéologie qui fait une confiance absolue à la coercition.

Toute mon expérience de haut fonctionnaire responsable de l'administration de la Charte, dont le père est ici présent, le député de Bourget, m'apprend que la meilleure façon de procéder, c'est par une approche des gains mutuels, que dans une petite proportion des cas, il a évidemment des individus et des groupes qui seront récalcitrants pour des raisons idéologiques. Mais je vous avoue que, à l'exception de certains d'entre eux qui sont de notoires opposants de la Charte de la langue française, je n'en ai pas rencontrés encore jusqu'ici. Souvent, c'est l'ignorance; souvent, c'est le manque d'information; souvent, c'est le besoin d'aide; souvent, c'est la méconnaissance technique d'un projet de loi, qui est tout de même un projet de loi relativement complexe.

Donc, je reviens encore là-dessus, ce n'est pas ça une approche partenariale, ce n'est pas ça une approche de gains mutuels. Et la ministre aura beau, M. le Président, essayer de me convaincre, moi qui connais bien ces choses et qui a été police de la langue, pour employer cette expression que je n'aime pas, je sais de quoi ça vire, la police. Elle aura beau me dire qu'on y mettra toutes les mesures, toutes les personnes, toutes les compositions, toutes les représentations, tous les bons fonctionnaires bien intentionnés, je vous dirai, Mme la ministre, que ce qui est techniquement possible est habituellement... Ce qui est légalement possible va tout simplement devenir socialement réalisé.

Donc, ce n'est pas une question de savoir si je suis bien intentionné, c'est une question de savoir que, lorsqu'on confère une autorité légale et un pouvoir coercitif à une bureaucratie, eh bien, cette bureaucratie à le penchant de s'en servir. Je pense que, dans ce cas-ci, ce n'est pas dans le bon intérêt du français, dont je souhaite une plus grande diffusion, une extension de la loyauté, ce n'est pas comme ça qu'on va arriver à fidéliser à la Charte de la langue française et à ses objectifs, qui sont évidemment des objectifs éminemment respectables.

La plus grande partie de nos concitoyens, y compris, et surtout, ceux de nos concitoyens qui ne sont pas nés dans le giron de la langue française. Il y a aussi probablement bon nombre de petits marchands, de petits commerçants francophones qui vont se retrouver mal pris parce qu'on aura mis sur place un dispositif étatique, gouvernemental, qui, comme je le dis, manque de proportionnalité et qui, je le répète – j'ai un peu fait mon lit là-dessus, la ministre ne veut pas nous entendre – va fatalement produire des effets qui seront contraires à ceux des intentions de la Charte.

C'est vrai, on n'est pas en train de créer une armée, on n'est pas en train de créer, disons, l'office américain de la protection du consommateur, on n'est pas en train de créer des bureaucraties de 5 000 personnes, mais on est en train de créer une bureaucratie de plus. On s'évertue, à l'Assemblée nationale, à dire que ce qu'il faudrait, c'est alléger les structures, diminuer le nombre des structures, diminuer le nombre des organisations. Et voici que la ministre nous en propose un de plus, alors qu'on est en présence d'un organisme, qui s'appelle l'Office de la langue française, qui, à mon avis, est un organisme de bonnes moeurs, un organisme de bonnes traditions, un organisme de grande expertise et qui pourrait très bien, au-delà de toutes les considérations de conflit d'intérêts... C'est plein d'occasions de conflits interbureaucratiques, dans ce document-là: L'Office et la Commission se consultent... J'ai assisté à ça durant des années, à des batailles de fonctionnaires qui font de la territorialité. Vous en créez, des potentiels de conflits territoriaux là-dedans, en abondance. Il faut être un peu, disons organisationnellement naïfs pour s'imaginer, encore une fois, que ce qui est légalement possible ne deviendra pas administrativement réalisable. Ça va arriver, ça.

Donc, encore là, on crée une bureaucratie de plus, alors qu'on est en train de fermer les hôpitaux, dans mon comté ou ailleurs. Évidemment, je le répète, je ne veux pas déchirer ma chemise là-dessus, on n'est pas en train d'investir des milliards de dollars, mais c'est symbolique, Mme la ministre.

L'autre aspect, évidemment, de ce projet – et je vous l'ai répété à maintes reprises – qui, à mon avis, est néfaste, c'est qu'il va faire que nous devenions la risée du monde occidental.

On mentionnait, l'autre jour, en Chambre, l'article du Boston Globe . Bien évidemment le premier ministre disait: Oui, vous savez, ça date. Oui, bien, attendez ce qui va sortir dans le New York Times , dans le New Yorker ; attendez que Mordecai monte sur son grand cheval, nous allons y goûter! On va tout simplement renforcer le vieux stéréotype, disons, du Canada français, ou du Québec, ou du Canadien français, ou du Québécois «church ridden», autoritaire, qui, finalement, plutôt que d'utiliser des approches basées sur la confiance mutuelle, la compréhension mutuelle, le bon sens, le partnership – comme vous le prêchez continuellement – les gains mutuels, décide de donner à des fonctionnaires le bâton. Plus de bâton, moins de carotte.

Alors, écoutez, sur l'article 157, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, on est là pour s'y opposer, puis on va s'y opposer. On n'en crèvera pas. Il n'y a pas de problème. Vous ne nous épuiserez pas. Mais on va tout de même faire connaître, dans toute la mesure du possible, par tous les moyens auxquels on peut avoir recours en tant qu'opposition officielle, dont les ressources sont bien inférieures à celles du gouvernement, à l'opinion publique québécoise et canadienne... Vous allez voir apparaître des choses dans le Globe , vous allez voir apparaître des choses dans le Winnipeg Free Press, ça va venir, parce que vous allez avoir fatalement un accroissement des tensions.

Henry Mintzberg, dans un article qu'il écrivait, il y a quelques mois de ça, dans le Globe and Mail faisait état de l'élévation du niveau de tension sociale que peut créer, au Québec, des initiatives pareilles. Et c'est ce qui va arriver. On va avoir plus de tension. Évidemment, on ne s'en va pas vers le four de Sarajevo, là, mais on s'en va vers des situations qui vont être de tension accrue et qui sont désavantageuses à la fois pour le français et à la fois pour le Québec.

Je vais vous donner un autre exemple bête et méchant. L'autre jour, j'ai assisté à une conférence organisée par la commission urbaine de Montréal. Vous le savez, vous êtes des gens qui êtes renseignés, informés, qui lisez beaucoup de choses, qui assistez à beaucoup de conférences puis à beaucoup de colloques, qui avez beaucoup de missions, qui allez partout dans le monde. Qu'est-ce qu'on me disait l'autre jour, à la commission urbaine de Montréal? On disait: Écoutez, actuellement, les écarts qui jouent à la marge pour la décision de venir s'implanter dans les grandes métropoles, ce ne sont pas des écarts de fiscalité, ce ne sont pas des écarts de pollution, ce ne sont pas des écarts de compétence technique, toutes les grandes métropoles font des efforts, ce sont des écarts de qualité de vie. Et lorsque vous prenez une décision dont l'effet prévisible – et là, si vous ne voulez pas accepter cette évaluation de risque là, ça vous regarde – est d'accroître le niveau d'acrimonie sociale, c'est la qualité de vie de la métropole qui va en souffrir. C'est donc la capacité d'attirer ici, à Montréal, les compétences dont on a besoin pour assurer ce dont on parle maintenant, dans le discours du budget et ailleurs, à savoir une création de richesse, un accroissement de l'emploi, une augmentation de l'investissement direct international, et ainsi de suite.

(16 heures)

On peut parler d'irritants, c'est un vieux qualificatif dont on s'est servi. On dit: Il faudrait diminuer les irritants. Oui, je comprends bien, diminuer les irritants, mais les irritants de quoi? Là, vous en avez un exemple. Vous allez créer, au Québec, une augmentation des conflits d'acrimonie entre nos communautés. Ces conflits d'acrimonie vont être évidemment projetés à l'échelle mondiale par la voie des médias. Vous allez vous retrouver avec une perception de notre qualité de vie montréalaise... parce que ce n'est pas à Saint-Jean-de-Matha que ces choses-là vont se passer ni à Saint-André-de-Kamouraska.

Une voix: Votre temps est écoulé, M. le député.

M. Laporte: Alors, je termine, M. le Président, en disant que pour toutes ces raisons, qui ne me paraissent pas être des raisons démagogiques mais des raisons d'évaluation de risque, l'opposition ne peut pas accepter comme ça, sans résister, l'article 157. Voilà.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 157 est... M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: À mon tour, M. le Président, je veux intervenir parce qu'on est maintenant dans le coeur de ce qui nous divise, des deux côtés de la table, c'est la création de quelque chose dont on n'a pas besoin. Je reviens toujours à ce thème parce que je pense qu'avant de procéder il faut regarder le côté des besoins, parce qu'il y a des inconvénients. Je vais revenir sur les inconvénients après.

Mais, avant tout, c'est quoi, les besoins? On a les études, on a les chiffres, on a les témoignages que nous avons entendus, l'été passé, des personnes qui sont venues ici pour dire que la situation linguistique est plutôt stable. On a l'avis de l'Office de la langue française qui dit qu'il n'est pas nécessaire de procéder à la création de cette Commission de protection de la langue française.

Moi, juste le constat... Parce que, moi, je demeure dans le comté qui était supposé... où il y avait la grande crise, au printemps passé, la grande crise de Fairview. Et c'est une bonne nouvelle parce que, au moins, les journalistes de la ville-centre sont venus et ils ont acheté dans nos restaurants, et tout ça, mais ils n'ont rien trouvé, parce qu'il n'y a pas de crise, il n'y a pas de problème.

Moi, quand je me promène dans les centres d'achat de mon comté, des fois, oui, il y a de petites affiches qui sont en infraction, mais, règle générale, elles sont écrites à la main. Elles disent des grands scandales comme «today's special», ou «sale», ou quelque chose comme ça. Alors, c'est vraiment, peut-être, un manque de compréhension plus qu'autre chose qui a amené les commerçants à peut-être mettre une affiche qui n'est pas tout à fait conforme. Mais, règle générale, sur l'affichage permanent, même dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal profond, on respecte les exigences de la loi.

Alors, je dis: Avant de créer une nouvelle bureaucratie, un nouvel organigramme, de louer les bureaux, de nommer un autre président, de créer tout un personnel, il faut... parce qu'on est en train de faire l'étude des crédits. On a vu le budget hier. On vit dans des temps difficiles financièrement. Alors, je pense que, comme tout législateur, il faut avoir un très bon motif avant de procéder à la création d'un nouvel organisme. C'est une règle de base. Peu importe le domaine culturel, le domaine linguistique, éducatif, je pense qu'il faut avoir une très, très bonne raison avant de procéder.

Et, comme je l'ai dit, nous avons rencontré une quarantaine, une cinquantaine de groupes, l'été passé, qui sont venus témoigner, et le consensus de la majorité des groupes était: On n'a pas besoin de ça. L'Union des artistes, la CSN, le Conseil du patronat, beaucoup d'autres groupes qui sont venus ici pour dire qu'on n'a pas besoin de ça. C'est vraiment dans les efforts, parce que c'est toujours difficile de chiffrer ça, mais les personnes qui ont regardé le problème avec les données statistiques, la conclusion: On n'a pas besoin de ça.

Alors, je pense que la première des choses, le constat, c'est: On n'en a pas besoin. Deuxième chose, et je reviens toujours à ça, c'est la différence entre une approche de confiance et une approche de méfiance. Nous avons décidé, il y a quatre ans, que c'était préférable de mettre la mission de respect de la loi à l'intérieur d'une mission plus large de l'éducation, de la persuasion, d'inciter le monde à mieux connaître c'est quoi les exigences linguistiques, ce qu'il faut faire pour respecter la Charte. Parce que, après 20 ans, après des modifications, après des changements, une grande série de règlements – et j'attire l'attention des membres de la commission, la réglementation qui découle de la loi 101, c'est compliqué – demander à nos petites entreprises, qui ont beaucoup d'autres choses à faire aussi, de maîtriser tous les articles, tous les sous-articles, les amendements, les changements de notre régime linguistique, ce n'est pas évident pour un commerce qui a des difficultés. On a juste à regarder le nombre de faillites dans notre société, de gérer une petite entreprise, à ce moment-ci, ce n'est pas évident. Alors, oui, ça arrive des fois qu'il y a des personnes qui travaillent 14, 15, 16 heures par jour, six ou sept jours par semaine, pour faire vivre une entreprise, qui n'ont pas tout compris nos règlements. Quelle horreur, M. le Président! C'est vraiment scandaleux, ça.

Alors, il faut débarquer tout un bateau, il faut envoyer des lettres d'avocat, des mises en demeure, et tout ça, pour, encore une fois, compliquer la vie, des familles, parce que, souvent, les petites entreprises ont une vocation familiale; c'est le monde qui doit essayer de faire vivre une entreprise. Et, pour ces personnes-là, au lieu de venir les aider, ce qui était notre approche, on a dit: Avant tout, on va miser sur l'éducation, les campagnes d'information, pour assurer un respect. Et, comme je l'ai dit, dans les donnés, dans les chiffres sur l'affichage, notre approche fonctionne, il n'y a pas de problème. Au contraire, on était en train de, peut-être, établir un meilleur climat.

Mais, changement de gouvernement, changement d'approche. On retourne à la belle époque de la méfiance. Et ça nous a mis et ça va nous mettre encore... Parce que si on a un groupe et que sa seule mission c'est d'assurer le respect, comment est-ce qu'on va mesurer ça? Comment est-ce qu'on va quantifier ça? C'est le nombre d'infractions, c'est le nombre de lettres d'avocat à envoyer pour justifier son existence? C'est l'évidence même: comment est-ce que je peux justifier si je n'ai rien fait? Oh! Oh! Dommage, ils vont me couper dans les crédits l'année prochaine parce que je n'ai pas travaillé. Alors, je dois faire la preuve. Je vais visiter tout le monde – au lieu de, peut-être, convaincre un nouvel arrivant au Québec, c'est comme ça que ça fonctionne, ici – je vais aller avec les lettres d'avocat, je vais aller avec les dépenses additionnelles pour une petite entreprise. Alors, ça va devenir de plus en plus difficile. Au lieu de faire l'objectif principal de cet exercice, si j'ai bien compris, la promotion de la langue française, qu'est-ce qu'on va faire? On va juste mettre un autre élément de méfiance entre le citoyen et le gouvernement. Je pense qu'il faut être contre ça. Il faut aller, plutôt, vers la persuasion, l'éducation, pour convaincre le monde que c'est nettement plus important comme ça, ici, au Québec. On a un régime linguistique à cause de notre présence en Amérique du Nord. C'est très important. Il y a certaines exigences qu'il faut respecter ici: essayer d'amener ces entrepreneurs, entre autres, à mieux comprendre notre régime linguistique fort compliqué. Alors, je pense que, en le faisant, on donne un coup de main; pas une lettre d'avocat.

Je ne comprends pas pourquoi on dit: Non, non, on va créer un organisme avec la seule vocation de faire du harcèlement. Alors, ça va être les lettres d'avocat; ça va être d'envoyer les dossiers à la justice; ça va être le monde qui arrive dans notre entreprise à toute heure, le jour, la nuit, avec des photos, avec des photocopies. On sait fort bien que les fonctionnaires sont capables, des fois, d'aller un petit peu trop loin, comme mettre «nourriture casher» dans les manchettes. Puis, ça n'a pas aidé la réputation du Québec. Et ça, ce n'est pas la faute des minorités. Ça, c'est malhabile. C'est comme les lettres qu'on a envoyées à une publication, à Montréal, The Mirror , pour leur exiger de traduire leur nom, malgré que la Charte dise qu'un journal anglophone peut avoir un nom anglophone. Mais il y des lettres d'avocat quand même qui ont été envoyées pour traduire The Mirror par Le Miroir .

Alors, ça, c'est le genre de choses qu'on a juste ça à faire dans la vie: comment est-ce que je vais compliquer la vie d'un citoyen, aujourd'hui? Ça va devenir la vocation de cette Commission de la protection de la langue française, parce qu'on va divorcer ça de la mission de l'Office, de l'éducation, le Conseil, et des choses que l'Office a faites. Alors, tout un changement d'approche. Ça va nous amener dans d'autres situations embarrassantes, comme on a fait dans le passé, parce que le monde doit dire: Je dois écrire une mise en demeure à quelqu'un aujourd'hui; j'ai la pression de le faire, à qui est-ce que je vais faire ça aujourd'hui? Je vais taper sur la tête de qui?

Je fais la comparaison, moi, avec une commettante qui est venue à mon bureau – c'est un dossier du revenu, pas de la langue – mais, tout d'un coup, elle est obligée d'expliquer tous les appels cellulaires qu'elle a faits dans sa petite entreprise il y a cinq ans. C'est beau de dire qu'il faut respecter notre loi sur la fiscalité, et tout ça, mais quand le fonctionnaire arrive... On ne parle pas de millions de dollars, ici, une différence de 100 $ entre le ministère du Revenu et la citoyenne. Elle a une entreprise qu'elle opère de sa maison, les appels à son numéro personnel, est-ce que ça fait partie des dépenses de l'entreprise ou non? Alors, pour 100 $, elle est maintenant obligée de sortir son dossier de cinq ans, consulter son comptable agréé, et tout ça. C'est incroyable, mais c'est ça qui arrive dans la vie.

(16 h 10)

Alors, maintenant, on va donner les énormes pouvoirs aux inspecteurs. On n'a pas le droit de dire «la police de la langue», si j'ai bien compris, on va parler des oignons verts de la langue, je ne sais pas, mais, quand même, ce sont des personnes à qui on va donner les billets de contravention le matin et dire: Allez! Et, un bon résultat, si tu peux vider ton carnet aujourd'hui, tu as fait une bonne job. Ça va vraiment être ça. Le monde qui a mis «today's special»; le monde qui a mis des choses écrites à la main, ça va compliquer leur vie inutilement.

Parce que, comme je l'ai dit, quand on regarde les analyses de la situation, les témoignages, il n'y a pas le besoin, il n'y a pas vraiment un manque de respect flagrant de la loi. Au contraire. Je pense que, si on continue de miser sur l'approche que nous avons mise de l'avant, de miser sur l'éducation, la persuasion, ça va porter de meilleurs fruits que d'arriver, encore une fois, avec des lettres d'avocat. Alors, je pense qu'on fait fausse route dans tout ça.

Je reviens à mon troisième point, qui est le plus important. Au-delà des questions de coûts, des questions de fonctionnement – et on va revenir dans les articles subséquents – c'est le symbole. Qu'est-ce que ça dit concernant notre société? Et, moi, je vais continuer de témoigner comment s'est perçu dans mon comté, dans la communauté d'expression anglaise, où, je pense, deux tiers ou 70 % de mon comté s'expriment en anglais: C'est un manque de confiance, c'est un symbole de division, c'est: On ne vous truste pas. Il faut créer une police, il faut scruter vos gestes à la loupe parce qu'on ne vous truste pas. Alors, je suis ici pour faire ce constat. En faisant ça, en créant une autre Commission de protection de la langue française, on divise davantage nos communautés linguistiques.

Moi, je suis Montréalais, né à Montréal, j'adore Montréal, et, quand je me promène à Montréal, on a de sérieuses difficultés. Je pense que la façon dont on va se sortir de tout ça, c'est en travaillant ensemble. Moi, je suis ici parce que je veux travailler, je veux faire avancer mon comté, ma région, ma ville. C'est vraiment une priorité pour moi. Ce n'est pas avec un symbole comme ça qu'on va faciliter la tâche. Au contraire. C'est juste au lieu de dire: Non, il faut être méfiant, on ne vous truste pas, il faut envoyer les choses qui vont compliquer la vie des personnes, dire: Travaillons ensemble. Dire des choses comme le ministre de la Métropole, comme le ministre des Relations internationales, ils sont presque en train de dire que, peut-être, c'est un avantage qu'il y ait du monde qui s'exprime, une majorité en français, mais une minorité importante qui s'exprime en anglais, à Montréal. On est presque à dire une population bilingue. Mais on n'a pas le droit de dire ce mot, non plus. Mais c'est la vérité des choses.

Quand le ministre d'État à la Métropole a dit: Une des raisons qui a attiré Abitibi-Consolidated à Montréal, c'est effectivement parce qu'on a une main-d'oeuvre qui s'exprime en anglais et en français. «Well, where I come from, that's bilingual.» Je sais qu'on n'a pas le droit de dire ça, mais c'est bilingue et c'est un avantage pour Montréal.

Je pense que, si on regarde nos concurrents, maintenant, l'ensemble des villes de l'Amérique du Nord, il faut travailler pour nous différencier pas uniquement de Toronto, ou Halifax, ou Vancouver, mais de Cleveland, de Philadelphie, de Miami, de Phoenix, et de toutes les autres villes, Denver, Atlanta. C'est quoi, notre avantage, à Montréal? Parce qu'on a un pied dans les deux camps. On peut à la fois être partie de la grande francophonie, on peut miser sur ça, on peut avoir les exportations, une main-d'oeuvre formée en français, mais, encore plus, quel autre avantage, on a un pied dans l'autre camp, qui s'exprime en anglais en Amérique du Nord. Alors, il faut miser sur ça. Il faut dire: Comment est-ce qu'on peut trouver les moyens de travailler ensemble? Ce n'est pas avec une police de la langue. Au contraire, ça devient un symbole peut-être exagéré.

Je sais que la ministre, peut-être, n'aime pas tous les cartoons qu'on trouve dans The Gazette , et tout ça. Je pense que Aislin est très heureux de son existence, parce que ça a donné de l'eau pour son moulin, pas mal. Mais, blague à part, je pense qu'il faut trouver les moyens pour rassembler. Et ça, c'est le devoir du gouvernement. Ce que le gouvernement nous présente ici va nous diviser. S'il y avait un énorme besoin, peut-être qu'on pourrait comprendre ça. Mais, comme je l'ai dit, les constats, les témoignages, c'est: On n'en a pas besoin. L'approche qui est basée beaucoup plus sur l'éducation, sur la persuasion, ça, c'est la bonne route. Mais de revenir avec les amendes et les lettres d'avocat, et tout ça, on fait fausse route et on va diviser davantage les communautés linguistiques à Montréal.

Moi, je pense, étant donné l'état fragile de l'économie à Montréal, étant donné les problèmes qu'on a vécus à Montréal, qu'on ne peut pas se permettre ce luxe. Et, dans ça, je pense que c'est Alain Dubuc, entre autres, qui a cité ça: Montréal ne peut pas se payer ce luxe des chicanes linguistiques. On n'a pas les moyens. Je pense que tout le monde veut réussir dans l'élimination du déficit, et tout ça, mais une des façons de le faire, c'est de faire travailler le monde, d'avoir un climat propice pour l'investissement, de faire avancer les choses à Montréal. Et ça va nuire, M. le Président.

Le gouvernement et le ministre n'ont fait aucune preuve du besoin. Alors, on va faire ça en cadeau pour les quelques militants de son parti qui exigent quelque chose, qui exigeaient des choses encore plus divisives. Alors, on a dit: On va donner ça. Mais, même en faisant ça, ça va nuire à nos efforts de promouvoir... surtout Montréal, je suis ici comme député de la région de Montréal. Ça va nous diviser davantage, et on n'a plus les moyens de payer ce luxe. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 157 est adopté?

Une voix: Adopté, sur division.

M. Kelley: Sur division, oui.

Le Président (M. Garon): Alors, nous passons à l'article 158. L'article 157 est adopté sur division, article 158.


Organisation

Mme Beaudoin: Oui. Donc, M. le Président: «La Commission est composée de trois membres nommés par le gouvernement, dont un président qui en assure la direction.»

Si je peux me permettre quelques remarques, ce qu'on veut faire, c'est de faire appliquer la loi, le respect de la loi, le mieux possible. Je veux vous rappeler que, quand la Commission a été abolie en 1993 et qu'on a confié à l'Office de la langue française les pouvoirs de la Commission, on a transféré exactement trois des personnes, des enquêteurs, des inspecteurs, sur plus d'une trentaine qui existaient. Le signal était donc très clair.

Je sais que le député d'Outremont, M. le Président, n'aime pas ça, mais je suis obligée d'y revenir. Honnêtement.

Ce qu'on a constaté, donc, depuis 10 ans, c'est bien évidemment le laxisme dans l'application de la loi. Il est clair pour moi, M. le Président, que ce que veut l'opposition officielle, c'est que la loi ne soit pas appliquée. Parce que c'est ça qu'ils ont fait en 1993. J'ai relu d'ailleurs les galées, enfin ce qui s'est dit à l'époque, nous étions dans l'opposition, donc vous étiez au pouvoir. Quand M. Ryan a fait ça, c'était très clair que le signal donné, c'est qu'on transfère seulement trois des personnes qui étaient membres de la Commission de protection. On ne transfère surtout pas, justement, l'ensemble des dossiers puis l'ensemble, donc, des informations. Et là, on dit: Bien, on n'applique plus la loi. Ça a été ça pendant 10 ans.

Alors, quand je parle d'incurie ou quand je parle du laxisme, je le dis aussi sincèrement que le discours que le député d'Outremont tenait tout à l'heure. En tout cas, de mon point de vue, je le dis aussi sincèrement et du fond du coeur. C'est ce que je pense. Enfin, c'est mon sentiment aussi. La dernière fois que j'ai entendu le Parti libéral – j'ai appris à parler français vers 1946, 1947, 1948, donc pas longtemps après ma naissance – défendre la langue française et toute cette dynamique dans laquelle se trouvent les francophones du Québec, en Amérique du Nord et dans le monde, c'est en 1974 quand le Parti libéral, qui était au gouvernement, a décrété le français langue officielle. Depuis ce temps-là, je ne les ai jamais entendus.

(16 h 20)

Et je rappelais hier qu'au moment de l'adoption de la loi 101, bien, les mêmes discours. Puis le député de Bourget, qui est ici présent – et le député d'Outremont y faisait référence tout à l'heure – le père de la loi 101, eh bien, je sais qu'il lui a fallu toute sa patience de psychanalyste. Je ne l'ai pas, je suis historienne, je suis plus impatiente, mais je sais que pendant les mois et les mois où il a écouté, justement, l'opposition libérale, en 1977 – et on va fêter cette année le vingtième et nous allons, comme je l'ai dit, au mois d'août, marquer cet événement qui a été extraordinairement important dans l'histoire du Québec – bien, le parti libéral disait la même chose que ce qu'on entend aujourd'hui à propos de la loi 101.

Alors, d'une part, on nous dit: Ah! On est en faveur de la promotion du français, etc., mais, dans les faits, vous avez voté contre la loi 101 en 1977. Votre chef actuel, et je l'ai dit hier aussi, a signé un appel, comme si c'était un crime contre l'humanité que de voter et d'adopter la loi 101 en 1977. Il nous a prévu tous les cataclysme et toutes les catastrophes possibles. Et, depuis ce temps-là, M. le Président, l'opposition officielle, quand ils sont au pouvoir, ils affaiblissent la Charte; quand ils sont dans l'opposition, ils nous disent: Ne faites rien, surtout pas.

Donc, c'est comme ça que, moi, de mon point de vue, je le vois. De mon point de vue de souverainiste, M. le Président, je ne me gêne pas de le dire, ça fait 25 ans, 30 ans, que j'ai mis des efforts, des énergies pour la souveraineté du Québec. Et je sais que le meilleur amendement à la loi 101, c'est la souveraineté du Québec. Là où justement la sécurité des francophones, psychologique pour les francophones, elle sera certainement rehaussée et que la souveraineté va nous permettre... M. Lévesque disait d'ailleurs – moi, je crois qu'on va avoir encore besoin, après la souveraineté, de la Charte de la langue française: Après la souveraineté, ce sera différent parce qu'on sera en sécurité, parce qu'on aura notre pays puis qu'on sera en mesure justement de marquer... Alors que, par rapport à la situation actuelle, on se retrouve au Canada avec un bilinguisme officiel, au niveau fédéral, avec la loi sur les langues officielles qui tente constamment, bien sûr, et on le voit dans la discussion sur la main-d'oeuvre actuellement, d'imposer la prédominance de la Loi sur les langues officielles sur la Charte de la langue française, sur notre propre territoire puis dans nos propres juridictions par dessus le marché, parce que la main-d'oeuvre, c'est de juridiction québécoise. Plus le signal qui est donné par le Canada, depuis toujours, que ce pays est essentiellement anglophone, bien sûr, et, maintenant, avec le multiculturalisme, j'en pense la même chose que Neil Bissoondath... Moi aussi, j'ai des lettres; moi aussi, je lis; moi aussi j'essaie de m'informer. D'ailleurs, je propose au député d'Outremont de lire l'article de Lise Bissonnette dans Le Devoir . Le Devoir , c'est très lu à Outremont. Je suis sûre que le député d'Outremont... C'est un journal très...

M. Laporte: ...

Mme Beaudoin: Moi aussi, M. le Président. Donc, nous lisons Le Devoir tous les deux et Lise Bissonnette demandait à ce qu'on lui écrive, cette semaine, pour lui donner notre bibliothèque idéale. Alors donc, je serais curieuse de voir la dizaine de livres que l'on choisirait l'un et l'autre, probablement pas les mêmes, M. le Président.

Mais ceci étant, je pense que ces signaux qui sont donnés par le gouvernement fédéral et qui placent le gouvernement du Québec et la population québécoise dans la situation que je viens de décrire, la Loi des langues officielles, pour les allophones, le multiculturalisme, non pas l'intégration, justement, à la majorité francophone, que tout ça fait en sorte qu'il faut agir et réagir.

Agir et réagir de trois façons. Bien sûr, par l'information. Ne me dites pas qu'on n'en fait pas. Je vous ai donné des exemples hier, je veux dire, très récents: Semaine du français, Mérites du français, de cet encart que l'on a distribué dans La Presse et Le Devoir .

Par la persuasion aussi. L'Office de la langue française aussi, dans toutes ses discussions avec les entreprises, procède par la persuasion, puisqu'on sait que, en ce qui concerne l'affichage commercial, il y a quasiment 95 % des infractions qui se discutent et, par la persuasion, des problèmes qui se résolvent.

Il reste par la loi. Je l'ai dit aussi hier que toutes ces approches, pour nous, sont importantes: L'approche sociale, l'approche internationale, l'approche réglementaire et législative. Donc, c'est notre point de vue.

Moi, je dis franchement que, quand j'écoute ce que dit l'opposition officielle, comme au moment de l'adoption de la loi 101, bien, voilà, ils sont contre. En fait, ils ne veulent pas que cette Charte – ils étaient contre la Charte – soit appliquée maintenant qu'elle est là.

Il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappée aussi, à la fois dans ce qu'a dit le député de Jacques-Cartier et dans ce qu'a dit le député d'Outremont, par rapport aux fonctionnaires. C'est curieux, moi aussi, j'ai été fonctionnaire assez longtemps et je n'ai pas ce mépris pour les fonctionnaires de dire – mais enfin, c'est l'impression que ça me donne: Les éperviers, les faucons, le rapport de force, la bagarre, etc. Moi, j'ai été fonctionnaire pendant... Mon Dieu, jusqu'à temps que le gouvernement libéral arrive au pouvoir en 1985. J'ai cru préférable pour ma carrière de démissionner de la fonction publique et d'aller dans le secteur privé. Pendant, donc plusieurs années. J'ai été fonctionnaire, puis, là, je vis, bien sûr, dans un milieu aussi de fonctionnaires, puisque je suis le chef de ce ministère, et j'ai pour les fonctionnaires de l'Office et pour les fonctionnaires du ministère la plus grande admiration.

J'aimerais, en terminant, citer l'ancien chef de police, comme il s'autoproclame lui-même, au moment où le député d'Outremont était président de la Commission de protection de la langue française. Il le sait très bien, puis je ne le dis même pas à la blague, il l'a été, il l'a bien fait, et moi, je ne perçois pas cette Commission autrement que de la façon dont lui l'a gérée. Il disait ceci, en conclusion du rapport 1985-1986 de ladite Commission: «La Commission de protection de la langue française a le sentiment d'avoir bien rempli la mission qui lui a été confiée par le législateur en faisant corriger des situations qui contreviennent à l'exercice des droits linguistiques fondamentaux définis par la Charte de la langue française. Elle entend poursuivre cette tâche avec tout le sérieux et le professionnalisme qu'elle a toujours manifestés». Je le sais et je le crois, et je me sers de son exemple pour le dire.

Je continue, M. le Président: «Dans la réalisation de cette oeuvre, elle s'inspirera de l'esprit de justice et d'ouverture qui, dans le passé, a sous-tendu son action dans le respect des autres communautés selon la philosophie qui se dégage du préambule de la Charte de la langue française.» M. le Président, je ne saurais mieux dire, et c'est ce que nous allons faire.

M. Laporte: M. le Président, est-ce qu'il y a un règlement qui me permet de corriger certaines des affirmations de la ministre qui s'adressent à moi et qui...

Mme Beaudoin: Non, la prochaine fois.

M. Laporte: Non? On peut dire n'importe quoi, en d'autres mots, en commission parlementaire.

Mme Beaudoin: Ce que vous faites aussi.

Le Président (M. Garon): Non, bien, je vais être franc avec vous, là...

M. Laporte: Écoutez, M. le Président, la ministre vient de nous affirmer qu'il y a du laxisme là-dedans depuis 10 ans. Eh bien, il y a 10 ans, M. le Président, j'étais président de l'Office de la langue française et je voudrais une chose: Ne répandez pas ça dans le public. M. le Président, il n'y a qu'une chose que je n'ai pas faite à l'Office de la langue française, ça a été de retirer un certificat de francisation. J'ai tenté de faire appliquer la Charte dans le domaine des municipalités. Je me suis fait crucifier par Alliance Québec, à l'époque, parce que j'ai osé retirer le certificat de Rosemère, parce que je pensais que c'était la décision qu'il fallait prendre compte tenu de l'évolution démographique et compte tenu de la loi, des ambiguïtés de la loi.

J'ai créé des services, disons, d'aide aux petites entreprises. Écoutez, le seul péché que je n'ai pas commis, à l'époque, ça a été de retirer un certificat de francisation. Et ça, je demande que... Même sous un gouvernement péquiste, c'est une impossibilité politique absolue, parce qu'on m'a déjà dit: Écoute, Pierre-Étienne, si tu fais ça, tu vas faire baisser la Bourse. Alors, j'ai dit: Écoutez, ce n'est pas ça qui est mon intention.

(16 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Alors, je veux bien qu'il y ait eu du laxisme ou que la ministre en ait vu, mais qu'elle ne me dise pas qu'il y en a eu depuis 10 ans. Il n'y en a pas eu depuis 10 ans, de laxisme. Ça, c'est une chose. Donc, ça, je ne peux pas... La ministre, elle me cite en disant: Ce que nous voulons, à la présidence de la Commission, et ce que nous allons faire dans la mission qu'on a donnée, c'est la mission que vous y proclamez. Moi, M. le Président, je vous dis une chose: On n'est pas en présence du même appareil. Si, à l'époque, en 1985, le gouvernement libéral m'avait approché pour me dire: M. Laporte, est-ce que vous accepteriez de gérer l'appareil qu'on est en train de créer? j'aurais eu des sacrés problèmes. J'aurais eu des sacrés problèmes parce que mes convictions de libéral m'auraient mis en porte-à-faux par rapport à l'article 174. Il n'y a pas d'article aussi dur dans la version de la loi qu'a instituée le député de Bourget qu'on retrouve actuellement dans la Charte de la langue, et, donc, ça, évidemment, c'est des choses que je dois... Puis, finalement, je veux dire, je n'ai aucun mépris pour les fonctionnaires, mais je n'ai pas la confiance béate du gouvernement dans les appareils bureaucratiques. Je n'ai pas de mépris pour les fonctionnaires, je ne les vois pas animés par des motifs obscurs et pervers, je vous dis que les appareils bureaucratiques ont des façons de fonctionner et que, lorsqu'on leur donne, comme ça, des pouvoirs, on prend le risque d'engendrer des conséquences qui, à mon avis, sont des conséquences prévisibles et des conséquences néfastes. Finalement, même si, en vertu du règlement, je ne peux pas, évidemment, me prononcer là-dessus parce que ça ne s'adresse pas à moi, quand j'entends le gouvernement et ses représentants nous dire que, après la souveraineté, on n'aura plus besoin de loi 101, je me dis: Vous faites dans la pensée magique, madame.

Mme Beaudoin: On n'a pas dit ça.

M. Laporte: Vous faites dans la pensée magique.

Mme Beaudoin: On n'a pas dit ça.

M. Laporte: Après la souveraineté, et je ne la souhaite pas, n'est-ce pas...

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...on aura toujours besoin...

Mme Beaudoin: Vous avez failli la souhaiter, là.

M. Laporte: ...on aura toujours besoin, au Québec, d'un encadrement...

Mme Beaudoin: Ça va arriver. Ça va arriver.

M. Laporte: ...d'aménagements linguistiques qui contribuera à soutenir les élans du français, en particulier dans le monde du travail. C'est-à-dire que la souveraineté, ce n'est tout de même pas, disons, la communion des saints. On ne se retrouvera pas le lendemain matin avec une situation où tout sera devenu possible. C'est du lyrisme, M. le Président. C'est du lyrisme. Donc, la raison pour laquelle je fais ce dernier commentaire, c'est que – et là je me place plutôt du point de vue de l'opposition – la ministre nous répète à satiété que l'opposition du Parti libéral à la loi 101 est une opposition soutenue, constante, indéfectible depuis le début. Mais non.

Mme Beaudoin: Bien oui.

M. Laporte: Ce à quoi le Parti libéral s'est opposé...

Mme Beaudoin: Vous avez voté contre.

M. Laporte: Il ne pouvait pas s'opposer à des partis. Ce à quoi le Parti libéral s'est opposé, c'est ce à quoi nous nous opposons toujours, c'est-à-dire à une vision de société qui est toujours là, qui, maintenant, est renforcée dans votre projet de loi et qui est incompatible avec les valeurs libérales. Donc, qu'il y ait eu des libéraux qui aient cru que ce qui était possible du point de vue de la francisation des entreprises n'était peut-être pas aussi possible que... Écoutez, c'est possible qu'il y ait des évaluations du possible qui aient différé, mais ce à quoi l'opposition et le Parti libéral – et des gens influents et éminents du Parti libéral – se sont opposés tout au long de leur carrière, c'est à une vision de société, ce n'est pas à la loi 101.

M. Morin (Dubuc): M. le Président, une question de règlement.

M. Laporte: Ce n'est pas la loi 101, c'est...

M. Morin (Dubuc): Question de règlement.

Le Président (M. Garon): Oui.

Mme Beaudoin: Vous avez voté contre.

M. Laporte: Oui, mais écoutez...

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): M. le Président, je vous inviterais à appliquer le règlement avec un peu plus de rigueur parce que ce à quoi a fait appel notre collègue de l'opposition, c'est sur un fait personnel, ce que nos règlements lui permettent de relever, et les règlements précisent que cette façon doit être faite dans le but de rétablir les faits, de façon très concise et que ça ne doit pas contenir d'argumentation. Alors, je pense que vous avez été très généreux dans votre application et je pense que notre collègue a eu l'opportunité de faire ce que lui permet le règlement et que ça ne doit pas lui permettre de faire un autre 20 minutes, tel que le permet le règlement aussi.

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que, je dois être franc avec vous, là, sur l'article 158, dans sa présentation, la ministre s'est écartée également.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, je veux dire, à ce moment-là, le député d'Outremont, il parle sur 158. Il avait 20 minutes...

M. Morin (Dubuc): Mais vous n'êtes pas obligé de perpétuer l'écartèlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Non, je comprends, mais je suis obligé, à un moment donné, de... Je n'ai pas empêché la ministre...

M. Morin (Dubuc): Non, non. Alors, faites attention à ça, hein?

Le Président (M. Garon): Non, mais je comprends, au fond, que, au-delà des articles, les gens expriment un peu leur conception par rapport à une section où il n'y a pas eu de débat sur cette section en particulier. Alors, ils le font au début des premiers articles. C'est évident que ça ne pourra pas être général comme ça tout le temps, mais, comme dans le cas de la ministre, elle l'a fait, je pense bien qu'il faut que je garde une certaine latitude pour permettre au député d'Outremont d'avoir la même latitude. Mais, à un moment donné, il va falloir arriver au corps des articles. Ici, le débat ne peut pas être bien long sur l'article qu'il y a là, parce qu'il se lit: «La Commission est composée de trois membres nommés par le gouvernement, dont un président qui en assure la direction.» Dans le fond, il n'y a même pas besoin de présentation à l'article. Alors, je vais essayer d'établir le même équilibre. Je sais bien qu'il va falloir arriver plus précisément aux articles, mais vous comprenez un peu la situation dans laquelle je suis, c'est d'avoir un peu en équité...

M. Morin (Dubuc): On se soumet à votre façon de faire, M. le Président.

M. Laporte: Est-ce qu'on peut intervenir sur l'article 158?

Le Président (M. Garon): Oui, oui. Là, vous étiez sur l'article 158, moi, j'ai compris, même si je vous ai...

M. Laporte: Mais j'invoquais le règlement pour faire des corrections factuelles comme mon collègue.

Le Président (M. Garon): Non, bien, je vous ai laissé parler sur l'article 158, ne vous interrompant pas.

M. Laporte: Mais j'ai...

Le Président (M. Garon): Vous avez cinq minutes et demie de faites sur 20 minutes.

M. Laporte: J'ai dit tantôt que l'opposition, le désaccord qui nous oppose, ce n'est pas un désaccord technique, c'est un désaccord de fond. Et là, en tant que membre d'une opposition qui se veut responsable, je me trouve devant un dilemme parce que l'article 158, je dois vous avouer, M. le Président, que, à mon humble avis, c'est une amélioration par rapport à ce qui existait déjà parce qu'on est en train de créer, en tout cas, une bureaucratie qu'on appelle représentative, et, si je comprends bien, il y a une espèce de conseil d'administration là-dedans. Il n'y a pas seulement un président qui est maître après Dieu, comme c'était le cas dans la version originelle de la loi, mais il y a maintenant un président qui est secondé. On ne sait pas trop, trop, par exemple, si les trois membres nommés par le gouvernement... Du président, ça, on sait que c'est un fonctionnaire à plein temps. Les deux autres, ce sont quoi? Ce sont des...

Mme Beaudoin: À temps partiel.

M. Laporte: Mais est-ce que ce sont des fonctionnaires ou...

Mme Beaudoin: Non, ils ne sont pas fonctionnaires. Ils sont nommés à temps partiel pour un certain temps, mais ils ne sont membres de la fonction publique.

M. Laporte: Mais est-ce que ce sont des personnes qui ont un statut comparable à ceux des membres de l'Office?

Une voix: Article 160.

Mme Beaudoin: L'article 160. C'est ça, le gouvernement fixe les honoraires et les allocations. Donc, c'est des gens qui sont à honoraires, M. le Président.

M. Laporte: Donc, moi, ça, cet article 158, je le répète, je trouve que c'est une amélioration, en ce sens qu'il y a maintenant plus d'équilibre, au sens où il y a un président, mais qu'il y a aussi des personnes qui sont là pour, disons, l'aider à prendre les décisions les plus judicieuses. Je m'interrogeais un peu sur le statut de ces personnes-là. Je me disais: Est-ce que ce sont des membres d'un conseil? Est-ce que ce sont, comme on le dit dans la loi, des personnes dont le statut est celui des membres de l'Office? Est-ce que ce sont des personnes qui sont à mi-temps, au sens où... Le statut des deux autres personnes me paraît manquer de clarté ici, mais c'est peut-être parce que, n'étant pas juriste, j'ai des idées plus claires...

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...que les textes de loi en témoignent habituellement, quoi.

Mme Beaudoin: Très bien. Très bien.

M. Laporte: Donc, on dit: «Seul le [...] exerce ses fonctions à temps plein. Sa rémunération, ses avantages sociaux...» Est-ce que c'est comme mes anciens collègues du Conseil?

Mme Beaudoin: M. le Président, je pense que je peux répondre à ça, en tout cas, de la façon suivante. C'est que, par exemple, à la Commission de reconnaissance du statut de l'artiste, votre ancien collègue du Parti libéral, ministre des Communications – je sais que vous ne nommiez jamais personne de partisan quand vous étiez au pouvoir, mais enfin, voilà l'exception à la règle – M. Denis Hardy, donc, est à plein temps. D'accord? Il est nommé à plein temps, puis pour cinq ans, renouvelé, bon, etc. Et puis il y a deux personnes qui sont à honoraires, donc qui sont à temps partiel et qui n'ont pas de statut de fonction publique, mais, à la différence des membres de l'Office ou des membres du conseil d'administration du Conseil de la langue française, qui sont...

M. Laporte: Ils sont rémunérés.

Mme Beaudoin: Exactement. C'est ça, la différence.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 158 est adopté? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, j'aimerais savoir les coûts additionnels, au lieu d'avoir des coûts d'administration, y compris le salaire de président. J'imagine que c'est compris, maintenant, dans le salaire de président de l'Office. Alors, de créer cette gestion distincte, ça coûte combien additionnellement?

Mme Beaudoin: Oui. Alors, actuellement, si vous voulez, donc, intégrer, là... Parce qu'il y a eu des postes de créés à l'Office de la langue française, puisque vous aviez transféré trois postes seulement. On en a créé, donc, combien?

Une voix: Quinze.

(16 h 40)

Mme Beaudoin: Quinze à l'Office de la langue française en attendant, donc, que la Commission soit créée. Donc, pour l'instant, c'est 1 100 000 $ à l'Office de la langue française, tout ce qui est intégré à l'Office puis qui va s'en aller à la Commission, et ça sera 1 500 000 $. Donc, ça fait une différence de 400 000 $.

M. Kelley: Alors, c'est 400 000 $ au lieu de garder ça à l'intérieur de... on peut nommer ça une division distincte de l'Office. Mais, au lieu de faire ça, le coût de gestion additionnel est de l'ordre de 400 000 $ pour un président. Un siège social distinct?

Mme Beaudoin: Bien, ils sont déjà séparés. C'est que les 15 qui ont été embauchés par l'Office, si vous voulez, en attendant la création de la Commission, ils sont déjà quelque part. Donc, ces loyers-là seront intégrés à la Commission, mais ils vont être un peu plus nombreux, tout simplement. Mais les loyers et les espaces existent déjà.

M. Kelley: Oui, mais les coûts de loyer, parce que ça va être distinct de l'autre, alors... Parce que, moi, comme je dis, je trouve que c'est d'autres réceptionnistes, que ça ajoute des frais de gestion importants d'avoir deux organismes distincts au lieu de mettre ça au même endroit. Parce que nous avons fait des économies en fusionnant les deux, alors j'imagine qu'il va y avoir un ajout aux coûts de gestion pour faire tout ça. Alors, j'aimerais savoir ça va coûter combien de plus.

Mme Beaudoin: 400 000 $.

M. Kelley: 400 000 $. Est-ce que, dans le processus de nomination, il y a une consultation de prévue ou ça va être uniquement à la discrétion du gouvernement?

Mme Beaudoin: C'est à la discrétion du gouvernement, ce qui n'empêche pas, évidemment, les consultations.

M. Kelley: Non, non, mais il n'y aura pas de...

Mme Beaudoin: Ce n'est pas obligatoire.

M. Kelley: Pas obligatoire.

Mme Beaudoin: Non. Ce sera une décision gouvernementale, comme dans le cas du Conseil et de l'Office et des autres organismes.

M. Laporte: Mais est-ce que j'ai bien compris, là? Est-ce qu'on est en train de dire que le budget de la Commission serait de 400 000 $?

Mme Beaudoin: Non, de 1 500 000 $, mais que, actuellement, ce qui existe, ce qui est intégré à l'Office puis qui va s'en aller à la Commission, c'est déjà 1 100 000 $ de ce qui est à l'Office même à l'heure où l'on se parle et qui va donc être transféré à la Commission. C'est 1 100 000 $. Donc, le budget total sera de 1 500 000 $, et ça fait donc la différence de 400 000 $.

M. Kelley: C'est des coûts de gestion assez importants, M. le Président. 400 000 $ pour gérer 1 100 000 $, je trouve ça dispendieux. Alors, ça coûte beaucoup d'argent pour gérer 18 inspecteurs, si j'ai bien compris?

Mme Beaudoin: Actuellement, c'est ça, mais il y en aura peut-être une petite addition supplémentaire. Les membres et quelques dépenses de fonctionnement, M. le Président. C'est un organisme qui coûtait exactement... D'ailleurs, tout à l'heure, quand j'ai lu, en 1985-1986, c'était exactement le même montant: 1 477 000 $ en 1985-1986. Et, à la toute fin, c'était 2 200 000 $. La Commission, donc, coûtait, en 1993, quand elle a été abolie, 2 200 000 $. On fait donc une économie par rapport à ce que c'était en 1993.

M. Kelley: Mais, en 1993, on a fait le constat qu'on n'en avait pas besoin, parce que nous avons examiné l'origine des plaintes qui ont été déposées à la Commission, et la vaste majorité, au-delà de 90 %, venait de ces citoyens. Et ça, c'est parmi les raisons pour lesquelles nous avons dit que nous n'en avions pas besoin. Alors, je pense qu'on revient toujours... La ministre parle de laxisme, mais, quand on regarde le monde qui se conforme à la loi, le très haut respect de la loi, c'est curieux, à la fois, elle dit qu'on n'a rien fait, mais, quand même, la loi est respectée. Alors, ça, je ne comprends pas.

Et, si je peux juste ouvrir une parenthèse sur la dernière déclaration de la ministre, l'Assemblée nationale a une autre charte qui est très importante, qui est la Charte des droits de la personne, et, dans les objections qui ont été soulevées, les cours ont confirmé après qu'il y avait effectivement des problèmes majeurs entre la Charte de la langue française et la Charte des droits de la personne. Et une des choses – et c'était la vue de M. Lévesque à l'époque – c'était de laisser les deux chartes évoluer et d'avoir les correctifs apportés, et je pense qu'une des raisons pour lesquelles on a adopté la loi 86, c'était d'essayer d'affiner cet arrimage entre les deux chartes pour assurer à la fois qu'on peut promouvoir le fait français sans brimer les droits des individus. Alors, je pense qu'on avait beaucoup de raisons à l'époque, en 1977, de se poser de sérieuses questions quant à la Charte de la langue française dans sa forme originale. Je pense que les cours, basées sur la loi québécoise, ont confirmé notre opinion et je pense que, à la suite de ces décisions, on a une meilleure charte parce que ça peut respecter les deux objectifs, c'est-à-dire qu'on peut à la fois promouvoir le fait français dans une société qui respecte à la fois des individus aussi. Alors, je pense qu'on a bonifié la loi en faisant tout ça et je pense que, ça, c'est très important de le rappeler aussi.

Mme Beaudoin: M. le Président, je veux juste dire un mot là-dessus. Une chose qui m'a beaucoup frappée, je dois dire, au moment de la commission parlementaire du mois d'août dernier, c'est quand j'ai demandé à Alliance Québec... On m'a dit que j'étais bien naïve d'avoir cru qu'Alliance Québec acceptait la Charte de la langue française et le fait qu'il n'y avait qu'une langue officielle au Québec et que c'était la langue française. Et il y a plusieurs des organismes représentant la communauté anglophone qui sont venus dire en pleine commission parlementaire que, 20 ans après la Charte et puis encore plus d'années après l'adoption de la loi 22, ils n'étaient toujours pas d'accord avec le fait qu'il y ait une seule langue officielle au Québec et que soit le français. Je dois dire que ma naïveté était grande, mais je ne pouvais pas imaginer ça. Et il y a une divergence profonde. Et, pour reciter Lise Bissonnette, quand elle disait, à propos, donc, des plans d'accès dans les hôpitaux, ce qui n'est pas notre propos aujourd'hui, mais que le Parti libéral – ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est la directrice du Devoir – fait du PLQ une sorte d'annexe d'Alliance Québec, alors, des fois, je me pose des questions sur l'attitude, en effet, du Parti libéral et de l'opposition officielle. Par rapport à la Charte, là, vous me dites: Bon, bien, la Charte est meilleure depuis que les tribunaux l'ont charcutée. Vous me permettrez de vous dire que ce n'est pas mon opinion, mais je comprends ce que vous dites, et on s'y est rangé aux différentes décisions des tribunaux, que ce soit celles concernant la clause Canada ou que ce soit celles, même, concernant, donc, l'affichage.

Le gouvernement, vous savez très bien que ça a été une discussion difficile à l'intérieur – c'est «under statement» à l'intérieur, donc, du Parti québécois – et qu'il y a eu, donc, ce gruyère, là, en bonne partie dû aux tribunaux et que ce qu'on a donc accepté et ce que j'ai moi-même défendu, enfin sous certains angles... Bon. Mais, ceci étant, je considère malgré tout que cette... ce que vous dites, si vous voulez, on diverge d'opinion profondément. Quand vous me dites: «Il n'y a pas de besoin. Pourquoi une commission de protection?» eh bien, je veux quand même vous dire – et c'était une des raisons pour lesquelles, d'ailleurs... J'ai retrouvé ça aussi dans les débats à l'Assemblée nationale en 1993, que le nombre de plaintes avait beaucoup diminué puis que c'était une des raisons, donc, pour lesquelles on pouvait l'abolir – qu'il y en a eu 3 404 cette année. Et là vous me dites: Le nombre de requérants différents. Je l'ai cherché: 1 130. Alors, ce n'est pas les trois ou quatre individus, peut-être... Je ne conteste pas. Je ne sais pas, je n'ai pas fait d'analyse là-dessus, mais, en tout cas, là, pour l'année, donc, 1996-1997, c'est 1 130 requérants différents pour 3 400 plaintes. Alors, je pense que le volume est là et puis que c'est important.

Je voudrais terminer, M. le Président, en disant qu'il y a une question qui a été posée à notre demande, récemment, par Léger et Léger sur la perception de la nécessité, donc, d'une Commission de protection de la langue française – selon vous, le Québec a-t-il besoin d'une Commission de protection de la langue française? – et qu'il y a 69 % des Québécois qui ont répondu positivement – ça fait le deuxième sondage que je vois là-dessus – et qu'il y a 78 % des francophones pour lesquels ça a été une réponse positive. Vous m'avez dit, M. le député de Jacques-Cartier, que, dans votre comté... Je reçois en quelque sorte cette information sans surprise, mais je l'apprécie à sa juste valeur et je peux vous dire que, dans le comté de Chambly, les gens sont d'accord et sont pour.

M. Laporte: M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: ...si vous me permettez, sur ce sondage que je connais bien, j'en ai même fait une analyse l'autre jour au caucus...

(16 h 50)

Mme Beaudoin: Non, ce n'est pas le même. Ce n'est pas le même.

M. Laporte: Bien oui, mais c'est la même question. Ce n'est pas le même sondage, c'est... Et, évidemment, l'effet d'acquiescence... Si on leur avait demandé: «Êtes-vous favorable à une Commission de protection de la langue française qui a telles et telles caractéristiques?» la bonne tradition libérale du Québec aurait peut-être engendré un effet d'acquiescement un peu moins fort. Mais enfin, on pourrait discuter de ça à satiété. Ce que je veux dire, ici, M. le Président, c'est qu'on peut regarder les choses d'un autre point de vue. On nous dit – et c'est pertinent à l'article dont on parle – 1 500 000 $, 400 000 $ de plus une fois que les effectifs auront été transférés. Là, il y a un problème théorique. Évidemment, moi, ma position qui est celle de l'opposition, c'est que ce qui serait de beaucoup préférable, ce serait de donner cet argent-là, ce 400 000 $, à l'Office pour lui demander d'augmenter, d'améliorer ses services d'enquête, de contrôle, et ainsi de suite, parce que – et là je ne veux pas faire de procès d'intention. Peut-être que le député de Bourget voudra me corriger à partir de sa propre expérience – lorsque la loi 101 a été votée, elle fut conçue à partir d'une position théorique qui était celle, en fait, des conseillers techniques du ministre, entre autres Guy Rocher, par exemple. Position théorique qui affirmait – c'était vraiment l'idéologie dominante en sociologie à ce moment-là chez Talcott Parsons – que l'efficacité des organisations était plus élevée si on pouvait, pour chaque fonction, créer une structure, ce que Parsons appelle la différenciation structurelle.

Donc, une bonne organisation efficace était une organisation où la fonction de contrôle était dans une structure, et ces structures étaient des structures autonomes. Or, cette théorie-là est complètement discréditée actuellement. On sait très bien que la différenciation fonctionnelle, qui était jugée plus efficace, est maintenant jugée moins efficace parce qu'elle génère des tensions interbureaucratiques, des obstacles de communication nombreux, et ça, c'est vraiment l'une des raisons fondamentales pour laquelle, moi, je me suis toujours opposé à la création de deux organismes plutôt que... Je ne parle pas du Conseil, parce que le Conseil, évidemment, ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas une question d'efficacité, c'est une question d'un organisme qui, lui, doit avoir, par rapport, évidemment, à l'application, une distance qui lui permet de faire une évaluation de politiques et de porter des jugements en toute neutralité. Mais, compte tenu de l'effondrement de la théorie – de la doctrine, parce que ce n'était pas vraiment une théorie – de la doctrine parsonienne, de l'efficacité organisationnelle basée sur la différenciation fonctionnelle et de tous les effets pervers que cette différenciation fonctionnelle s'est montrée comme étant capable de générer par la suite, je ne vois vraiment pas, pour répondre à la question que vient de poser mon collègue, sur quelle rationalité de besoins, sur quel jugement d'opportunité repose la décision de ressusciter un organisme qui avait été, disons, sacrifié, mis à mort antérieurement par le gouvernement libéral. Et je pense que c'était la bonne décision, puisque, finalement, on regroupait à l'intérieur d'une même structure administrative un ensemble de fonctions et on évitait les pathologies des conflits interorganisationnels. Et je les ai vécus, ces conflits-là à satiété. Donc, dans ce sens-là, je dis qu'il y a un autre point de vue. Le point de vue, ce n'est pas seulement de dire que ça ne coûte que 400 000 $ de plus. Le point de vue, ça peut être de dire qu'il serait peut-être beaucoup plus rentable d'investir ce 400 000 $ à bonifier l'exercice de ces fonctions de contrôle par l'Office de la langue française.

Donc, ici, on est devant une discussion un petit peu technique, mais je ne suis pas opposé à la Commission de protection de la langue française strictement pour des raisons éthiques, pour des raisons politiques – mais pas pour des raisons partisanes – pour des raisons de référence à des valeurs. Je suis aussi opposé à ça parce que ça repose sur de fausses théories, et Raymond Boudon a écrit il y a deux ans un livre sur l'idéologie remarquable, qui s'intitule L'idéologie: Comment on se convainc des idées fausses. Alors, voilà. On est tellement convaincu de cette idée fausse que la différenciation fonctionnelle crée l'efficacité que, même une fois qu'on a fait la preuve scientifique qu'elle est fausse, on continue à vouloir nous la servir, nous la servir, nous la servir. Donc, la question est bien posée. C'est toujours la question qui nous trotte derrière la tête: C'est quoi, le fondement, comment dirais-je, même philosophique, le fondement théorique, le fondement scientifique, si on veut, de la prémisse qui amène à la création de cet organisme? Et quel est le fondement qui dit que c'est mieux d'avoir trois, quatre organisations plutôt qu'une? Parce que je sais que vous allez invoquer le conflit d'intérêts, qu'il ne faut pas être à la fois juge et partie puis, ensuite de ça, que ça n'a rien à voir, c'est-à-dire que des fonctionnaires qui sont du monde qui sont commis à une bonne approche déontologique sont capables de gérer ces tensions-là, que c'est plein d'organismes au Québec qui sont à la fois des organismes de contrôle puis des organismes de mise en application, puis ainsi de suite, que c'est plein au gouvernement, puis que c'est plein à travers le monde.

Donc, il y a une question qui est toujours là sans réponse à savoir: Madame, avez-vous une bonne théorie pour prendre une décision comme ça? Moi, je n'en vois pas. Je trouve que votre théorie est fausse et je pense que j'ai essayé de vous faire comprendre en quoi elle était fausse, mais vous vous êtes persuadée des idées fausses. Donc, vous fonctionnez à l'idéologie. Alors, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je ne peux rien vous dire. Je vous dis: Écoutez, continuez comme ça. Je vous l'ai dit ce matin, le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Alors, allez-y allégrement, madame. La ministre veut s'y rendre, moi, je ne peux tout de même pas, disons, lui lancer un lasso puis l'empêcher d'y aller. Elle y va, alors qu'elle y aille. Mais la question est de savoir: A-t-on besoin de cet appareil? C'est une vraie question, et notre à réponse à nous, à l'opposition, c'est que nous n'en avons pas besoin. Prenez vos 400 000 $, je ne sais pas, moi, et achetez-vous une obligation ou un coupon, ou n'importe quoi, faites ce que vous voulez avec, mais prenez-le puis mettez-le à l'Office, par exemple pour améliorer leur parc informatique, pour assurer une gestion des plaintes qui soit plus rapide, pour donner de la formation en matière de partenariat, d'approche avec le personnel. Alors, finalement, quand on n'a pas d'argumentation théorique solide, quand on pense que, finalement, ça repose sur une vision de société, quand on sait que les choses pourraient se faire différemment et tout aussi bien puis mieux, bien, on se dit: Fondamentalement, c'est quoi, l'affaire? Si ce n'est pas des raisons idéologiques qui vous motivent, bien, c'est des raisons partisanes, puis vous voulez donner satisfaction à des groupes de pression. Et, je vous l'ai dit ce matin, je ne connais pas tous vos groupes de pression, mais il y en a un que je connais assez bien, c'est les éperviers de l'Office, les éperviers de la langue. Vous leur donnez satisfaction, alors qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je ne peux pas faire autre chose que mon devoir, quoi. Je ne peux pas faire autre chose que d'agir d'une façon responsable. Je vous aurai prévenu, puis, dans cinq ans, bien, on verra. Dans dix ans, on verra.

Je répète, M. le Président, que, sur l'article 158, qui prévoit la nomination de deux personnes capables d'assister le président de la Commission dans ses fonctions, écoutez, lorsqu'on est en présence d'un médicament qui a des effets secondaires désastreux, si on peut, par la modification de sa structure moléculaire, faire qu'il ait moins d'effets secondaires, bien, mon Dieu, c'est souhaitable qu'on le fasse, mais le médicament est dangereux de toute façon. Mais il est peut-être un peu moins dangereux, il a peut-être un peu moins d'effets secondaires maintenant qu'il en aura eus dans le passé, parce que, je vous le répète, c'est une bonne chose qu'il n'y ait pas un maître après Dieu puis que, finalement, cette personne puisse tester un peu ses idées puis aussi s'assurer qu'il y a d'autres personnes avec elle qui évaluent les décisions des fonctionnaires et qui voient que c'est à propos ou pas à propos d'agir, et ainsi de suite, et qui sont des personnes bien informées qui peuvent évidemment savoir de quoi ça revire. Donc, sur cet article-là, on ne peut tout de même pas être contre la vertu, mais ça ne change rien au problème de fond, à savoir que, sur la vision de société, on est toujours en désaccord, puis je continue à vous le dire, puis je vous le dirai, puis je le dirai à d'autres, ceux qui voudront l'entendre et le comprendre, que vous utilisez une mauvaise théorie, une théorie fausse. Alors, c'est le Québec qui en paiera la facture. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Bourget.

M. Laurin: M. le Président, le député d'Outremont m'a interpellé, et je me sens d'ailleurs interpellé depuis un bon moment par toutes ces remarques que j'ai entendues depuis ce matin. Je dois dire au départ que j'ai une très vive admiration pour le talent du député d'Outremont. Surtout sur le plan de l'association libre, c'est une richesse d'association libre qui m'éblouit au nom de mon ancienne carrière de psychanalyste...

(17 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laurin: ...et c'est vraiment extraordinaire. Ha, ha, ha! Il m'interpelle au nom de la théorie, de l'idéologie, de la théorie de Parsons, la différenciation fonctionnelle, et c'est extrêmement intéressant. Comme la discussion de ce matin sur les commissions linguistiques, vraiment, je suis ébloui par la capacité d'élaborer sur des théories et des idéologies. C'est vraiment remarquable, ça m'a fait penser, évidemment, aux discussions qui avaient cours, lors de la période des calendes de la scolastique, sur la querelle des universaux qui a occupé les scoliastes de Thomas d'Aquin durant plusieurs centaines d'années sans qu'on puisse d'ailleurs résoudre la question...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laurin: de même qu'à celle qui a eu lieu sur le sexe des anges où on allait dans toutes les directions et qui ne nous permettait pas d'en arriver à une conclusion. Et même la question: «Combien d'anges pouvaient danser sur la pointe d'une aiguille?», c'était une discussion extrêmement importante à l'époque, et, à écouter toutes ces discussions, ce matin et cet après-midi, sur la théorie de la différenciation fonctionnelle, ça me faisait beaucoup penser à ça.

Le député d'Outremont me demandait ce qui avait amené le législateur à instituer un office, d'une part, et une commission de surveillance à l'époque? Est-ce que c'était au nom de la théorie de Parsons, selon laquelle la différenciation fonctionnelle était synonyme d'efficacité? J'avoue que la pensée ne m'a jamais traversé l'idée. Ce qui nous a traversé l'idée, c'était beaucoup plus une question de bon sens non pas rase-mottes, mais quand même le sens pratique. Est-ce que l'Office de la langue française à qui était confiée la fonction de négocier des ententes de francisation avec les entreprises pouvait en même temps être perçu par les entreprises avec lesquelles il négociait comme quelqu'un qui pouvait en même temps avoir caché dans sa manche un bâton et qui pouvait exercer ainsi une sorte de chantage pour les amener à résipiscence, pour les amener à ne pas se déclarer relapses, comme aurait dit l'évêque de Londres qui a condamné Jeanne d'Arc?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laurin: En somme, c'était une distinction basée sur le fait qu'il y a des fonctions qui, à l'évidence, ne peuvent pas être liées parce qu'elles constituent une sorte d'entorse à la vérité des dialogues, à la vérité des transactions qui doivent exister entre un organisme et ceux avec qui il négocie. Et une autre raison qui nous a guidés – et également celle du bon sens – c'est que toute loi doit être appliquée, bien sûr, selon des modalités qui diffèrent, mais le principe est toujours le même. On peut toujours penser que, lorsqu'une loi est instaurée, est instituée, il y aura des infractions, que ce soit par ignorance de la loi ou que ce soit par violation explicite, délibérée de la loi et que, en l'occurrence, il faut envisager dès le départ qu'il y aura des infractions, qu'il faut prévenir les infractions et que cette fonction implique une certaine orientation, une certaine mission, une certaine perception, une certaine psychologie qui doivent s'incarner dans un organisme différent.

Et l'expérience a d'ailleurs prouvé que cela était le cas parce que, au cours des 15 années qui ont suivi l'instauration de la loi, il y a eu beaucoup d'infractions, dont les unes – la plus grande partie d'ailleurs – provenaient de l'ignorance de la loi, et les autres provenaient d'une violation délibérée. Et pas seulement sur l'affichage. Comme cette loi est très ample, a une très grande portée – elle touchait, par exemple, les ordres professionnels; elle touchait l'étiquetage; elle touchait les modes d'emploi; elle touchait les raisons sociales – les infractions ont touché plusieurs domaines couverts par la loi, et il convenait, je crois, qu'une certaine spécialisation existe à l'intérieur de l'organisme chargé de la protection des articles de la loi, ou de la surveillance des articles de loi, ou des infractions qui pouvaient survenir. Et je pense que, effectivement, cette expertise, aussi bien préventive que correctrice, s'est instaurée au fil des années au sein de la Commission de protection.

Mais je pense que je peux concourir avec la ministre pour féliciter le député d'Outremont d'avoir très bien exercé à la fois ses fonctions de prévention et ses fonctions de correction. Et il a développé cette expertise, et je ne voudrais pas priver les futurs membres de la Commission de protection d'élaborer et d'apprivoiser cette expertise au fil des années, ce qui est véritablement la garantie de leur efficacité, beaucoup plus que cette différenciation fonctionnelle qui est garante d'efficacité, qui nous vient de Parsons, qui est un sociologue éminent, mais dont les théories ont été contrariées par d'autres, ont été controversées malgré qu'il y ait encore beaucoup de tenants de la théorie de Parsons et qui pensent encore, malgré ce que dit le député d'Outremont, que son paradigme avait quand même une certaine valeur. La condamnation n'est pas aussi globale et aussi universelle que le prétend le député d'Outremont, et j'en parlais justement il n'y a pas très longtemps avec un sociologue du Centre de recherche en droit public qui me disait que cette théorie de Parsons a quand même encore une valeur qui mérite d'être discutée. Mais, encore une fois, telle n'était pas la motivation qui poussait le législateur, à l'époque, à l'instauration de cette séparation entre un office qui appliquait la loi particulièrement dans le domaine des certificats de francisation et une commission de protection qui veillait à la prévention des infractions de même qu'à la correction des infractions.

Et c'est en ce sens-là que je pense que l'instauration de cette commission correspond à un besoin. Comme pour toute loi, il faut que l'on pense prévoir des mécanismes qui permettent de prévenir et de corriger les infractions à cette loi et il en est ainsi pour toutes les lois. Bien sûr, encore une fois, les modalités diffèrent, mais le principe est toujours le même. Si une loi doit être prise au sérieux, il faut qu'elle prévoie des infractions et il faut qu'elle prévoie la correction des infractions et des conséquences qui s'ensuivent pour ceux qui font des infractions. C'est un principe général qui prévaut pour toutes les lois et c'est le bon sens, en même temps que les lois de l'humanité telles qu'on les voit se dérouler dans nos sociétés occidentales depuis 2 000 ans, qui nous amènent à rédiger dans une loi des articles qui sont consécutifs, en réalité, aux obligations nouvelles que nous faisons à des groupes de citoyens, et, en ce sens-là, ça correspond vraiment à un besoin. Que ceci provoque des tensions entre le Conseil et Office de la langue française, c'est l'expérience du député d'Outremont, mais je dirais que ça n'est pas une expérience qui découle de soi de l'instauration de deux organismes séparés.

(17 h 10)

C'est probablement la nature humaine qui agit dans ces domaines. Lorsqu'on est dans un certain domaine qui est connexe à un certain autre, il y a peut-être des gens qui ont le réflexe du clocher ou du territoire, selon les théories des anthropologistes, et qui visent à protéger leur territoire ou qui visent à ce qu'on n'envahisse pas leur territoire. C'est tout à fait dans la nature humaine, mais il en est de même pour tous les autres organismes qui agissent sur des terrains connexes, et ces tensions interbureaucratiques ne sont pas le propre des fonctionnaires qui travaillent au sein de l'Office ou au sein de la Commission de protection. On les verrait, par exemple, entre la Commission de protection de la jeunesse et la Commission des droits et libertés de la personne. On les verrait au sein des organismes qui réglementent les normes du travail et qui sont multiples, cinq ou six. Donc, c'est des tensions qui sont liées à la nature humaine, mais je pense que ces tensions, on peut parfaitement les résoudre. D'ailleurs, en s'inspirant des articles de la loi, plus une loi est claire, plus une loi répartit les missions, les fonctions d'une façon droite, juste et claire, plus le moyen s'y trouve de réduire ces tensions une fois qu'elles sont nées ou de les prévenir, et je pense que les nouveaux articles qui ont trait à la Commission de protection sont tellement clairs, sont tellement plus élaborés, profitant justement de l'expérience des dernières années, qu'on peut penser que les tensions interbureaucratiques seront beaucoup moins nombreuses, pour ne pas dire inexistantes, et que, si jamais elles se révélaient, elles pourront être résolues beaucoup plus aisément et rapidement en faisant justement appel à ces directives que constituent les articles de la loi et qui énoncent très clairement la mission d'un organisme par rapport à un autre.

Et, quant au symbole de division que cela peut paraître constituer pour certains groupes, je pense que, là aussi, il y a beaucoup d'exagération au sens que la ministre indiquait ce matin, au sens que Talleyrand utilisait quand il disait que tout excès est insignifiant. Je pense que ces tensions symboliques n'existent, au fond, que dans certains groupes. Le sondage le montre très bien, 69 % des gens sont pour le bon sens, c'est-à-dire sont pour l'instauration d'une Commission de protection qui n'est pas une police, mais qui voit simplement à l'instauration d'un mécanisme qui oblige au respect de la loi. Ce n'est pas une police au sens qu'on l'a dit, mais c'est simplement un mécanisme normal qu'on voit dans toutes les lois, et, si on emploie ce mot de «police», c'est justement le reflet de la non-acceptation, de l'hostilité latente ou explicite qui continue d'exister chez certains groupes à l'égard d'une loi et de ses mécanismes d'application. C'est une façon déguisée, en somme, de s'opposer à cette loi qui est voulue par le législateur, mais aussi par la population. On sait très bien que la loi 101 recueille encore l'approbation de la plus grande partie du Québec. C'est une façon de montrer, d'exhiber encore une opposition qui n'a pas lieu d'être, mais qui s'exprime quand même et qui se répand justement parce que l'opinion anglophone au Québec est celle qui forme l'opinion internationale en vertu de son emprise, en vertu d'une langue commune sur les grands postes de radio ou de télévision américains ou les grands journaux américains. Et ce qui se dit à l'Assemblée nationale par les opposants ou ce qui se publie dans la presse anglophone, ou la radio anglophone, ou la télévision anglophone se répercute facilement et rapidement non pas seulement aux États-Unis, mais dans les autres pays aussi, puisque les autres pays sont branchés sur la presse, les médias anglophones beaucoup plus que sur les médias d'une petite portion, 2 % de l'Amérique du Nord, qui n'a pas une audience aussi grande.

Donc, ce symbolisme m'apparaît bien exagéré, surfait, et j'y vois plutôt un reste d'opposition, de non sequitur par rapport à une loi qu'on combat avec les moyens que ses opposants ont et qui sont très puissants, puisque, encore une fois, ils contrôlent, par les médias anglophones et l'influence qu'ils ont dans le monde, l'opinion des autre grands médias du monde. Donc, je ne pense pas que ce symbolisme soit véritablement de la nature qu'on a bien voulu le dépeindre, et, même si cela était, il reste que c'est une loi, encore une fois, qui correspond à des besoins fondamentaux d'une collectivité qui s'appelle le Québec, qui a son identité et qui doit la marquer, qui doit la signifier non pas contre les autres, mais pour soi-même, pour bien marquer une identité dont elle est fière, une identité qu'elle veut non seulement préserver, mais développer, une identité rayonnante et qui ne peut s'exprimer que par une langue, la langue de la majorité, la langue française qui doit faire l'objet de représentations, de protection non seulement quant à son statut, mais également quant à sa qualité et à son développement et à son rayonnement. Et, en ce sens-là, moi, je trouve tout à fait justifié qu'on réinstaure cette Commission de protection de la langue française en la séparant de l'Office et je pense que la dépense que cela exige de 1 500 000 $ par année est très minime par rapport à la très grande valeur qu'elle comporte pour la structure d'un peuple ou l'élan, l'identité d'un peuple qui, pour des besoins de dignité, de fierté, d'appartenance, doit continuer à se développer dans le sens de ses origines et dans le sens de ce qui fait véritablement sa force et sa vitalité. M. le Président, merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, M. le député de... Pardon?

M. Laporte: Est-ce que je peux prendre la parole?

Le Président (M. Garon): Vous avez écoulé votre temps, et le député de Bourget a quasiment écoulé le sien aussi. Il y a le député de Jacques-Cartier qui a demandé la parole.

M. Kelley: Juste pour répliquer à tout ça, parce qu'on dit que c'est uniquement la communauté anglophone, mais, moi, j'ai devant moi trois éditoriaux. Le premier, c'est signé par Raymond Giroux, qui, à ma connaissance, ne fait pas partie du grand complot anglophone auquel a fait référence le député de Bourget et il dit de suite: «Le Parti québécois veut enterrer la hache de guerre avec la communauté anglophone du Québec. Le débat relancé lundi par la présentation du projet de rénovation du programme politique de la formation gouvernementale contient toutefois des éléments d'un chantage malséant qui contreviennent radicalement avec l'ouverture et la réconciliation prônées par le premier ministre.» Alors, ça, c'est Raymond Giroux qui écrit dans Le Soleil . J'ai Alain Dubuc qui, dans un article signé Langue: ridicule et mesquinerie , dit: «Les mesures annoncées par Mme la ministre sont gênantes, comme toutes les initiatives où la défense de la langue devient prétexte à la petitesse et à la mesquinerie.» Alors, encore une fois, ce n'est pas le grand complot anglophone auquel a fait référence le député de Bourget, mais ça, c'est les personnes ici. Et, sur l'utilisation du mot «police», Agnès Gruda a signé dans La Presse : «Bonjour, la police».

Alors, c'est monnaie courante. On parle comme ça en français dans la région de Montréal, on parle d'une police de la langue. Ce n'est pas inventé à l'extérieur par la communauté anglophone, c'est comme ça. Et, comme je l'ai dit, on ne peut pas se payer le luxe de créer cette police, cet inspectorat, cette commission parce que ça va nous diviser davantage, et peut-être que le moment est venu où on peut passer à autre chose, où on peut viser plutôt à travailler ensemble au lieu de toujours rouvrir un débat stérile entre les deux communautés linguistiques.

(17 h 20)

M. Laporte: M. le Président, vous me dites qu'il me reste une minute et demie?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: Écoutez, le discours du député de Bourget n'a pas changé, il est le même depuis l'origine. Il est en train d'essayer de nous dire, il nous répète que le Québec est divisé en deux clans: il y a ceux qui, comme lui et de son clan, font du transfert positif et il y a ceux qui, comme moi et comme les autres, font du transfert négatif, de la résistance, finalement. Alors, vous nous avez tenu ce discours, M. le député de Bourget, durant des mois, vous dites la même chose, c'est-à-dire: Ceux qui n'adhèrent pas du coeur aux objectifs de la Charte tels qu'ils sont ainsi définis, ce sont tout simplement de pauvres gens qui, n'ayant pas suffisamment passé de temps sur le divan du psychanalyste, sont encore prisonniers de leur résistance affective. Écoutez, là, il y a tout de même un bout. Moi, je ne suis pas un théoricien de la personnalité, je ne suis pas un psychanalyste, mais je sais néanmoins comment ça fonctionne, les organisations sociales. Vous me dites que je suis capable d'une richesse d'association qui vous étonne, moi, je vous dis, M. le Président, que le député de Bourget fait preuve d'une imagination sociologique qui n'est pas très féconde. Bon.

Moi, je regarde le projet de loi, là, et je vous ai dit tantôt qu'il y avait une chose qui était bonne, mais je vous dis – on n'est pas rendu là – qu'il y a des articles là-dedans qui vont faire, par exemple, que les tensions interbureaucratiques vont se produire, que la Commission va se retrouver dans les plates-bandes de l'Office, comme on dit en anglais, «like an elephant in a china shop». Je vous expliquerai plus tard ce que je veux dire par là, mais c'est vrai que la différenciation structurelle et fonctionnelle que vous êtes en train de recréer va faire que beaucoup de petites ententes, de petits contrats conviviaux qui fonctionnent depuis bon nombre d'années et dans le meilleur intérêt de la francisation vont être rupturés par l'apparition d'un nouvel acteur qui va aller dans les entreprises, les dossiers de l'Office, envoyer à l'Office des plaintes reçues, et le petit fonctionnaire de l'Office, le pauvre homme ou la pauvre femme, va être obligé de se représenter dans l'entreprise pour renégocier toutes sortes de choses avec ses interlocuteurs et ses clients.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, votre temps est écoulé.

M. Laporte: Je vous dis en terminant, M. le Président, qu'il y a une théorie du bon fonctionnement des organisations derrière ce qu'on dit et qu'il n'y a rien qui me convaincra – ce n'est pas le député de Bourget qui va me convaincre – que mon discours est une manifestation d'une résistance ou d'un transfert négatif à l'égard de la Charte de la langue française. Ce n'est pas le cas. Je tiens un discours qui est celui d'une personne qui essaie d'évaluer comment les organisations sociales fonctionnent et à quelles conditions elles pourraient fonctionner au mieux. Pour le reste, écoutez, je vous fais grâce de faire le ménage de ma personnalité autrement.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le député de Bourget, il vous reste 1 min 15 s. Ah! je ne le savais pas, je pensais qu'il avait droit de parole. Est-ce que l'article 158 est adopté?

Mme Beaudoin: Oui.

M. Laporte: Je pense qu'il va falloir l'adopter sur division.

Le Président (M. Garon): Sur division. L'article 158 est adopté sur division. Nous passons à l'article... Mais là ça serait bon de...

Mme Beaudoin: Excusez...

Le Président (M. Garon): Nous sommes à l'article 159, maintenant, mais ça serait bon, peut-être, de revenir plus aux articles, parce qu'on est dans...

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Alors, l'article 159:

«Le mandat des membres de la Commission est d'au plus cinq ans.

«À l'expiration de leur mandat, les membres de la Commission demeurent en fonction jusqu'à ce qu'ils soient remplacés ou nommés de nouveau.»

Il s'agit d'un article usuel, M. le Président, qui détermine la durée du mandat des membres de la Commission qui est fixée à au plus cinq ans.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, écoutez, on revient toujours au même dilemme, c'est-à-dire que je n'ai rien à ce que les présidents et les présidentes soient nommés pour cinq ans, mais...

Mme Beaudoin: Mais vous n'en voulez pas.

M. Laporte: C'est ça, on n'en veut pas, alors qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse?

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, je veux juste féliciter la ministre parce qu'elle ne répète pas l'erreur que son collègue le ministre de la Justice a faite au printemps passé avec les présidents pour l'Office des professions. On a eu toute une problématique à cause du fait qu'on a oublié le deuxième alinéa, et les personnes n'étaient pas en fonction dans les causes qu'ils ont commencé à entendre. Ils n'étaient pas capables. Moi, je connais un avocat, à Dorval, qui avait 44 causes devant lui et qui a dû attendre six mois avant d'être capable de les compléter parce qu'il était le président sortant d'un de ces panels pour entendre les plaintes concernant un ordre professionnel. Alors, je pense que c'est très important, toujours, de rappeler, parce qu'on a dû aller dans la loi n° 62, qu'il a fallu adopter ça de mémoire, avec une motion de clôture, une suspension des règles, pour corriger l'erreur du ministre de la Justice qui a causé énormément de tort à tout le monde qui était en attente, parce qu'il y avait des causes qui étaient déjà commencées à travers le Québec et qu'on a dû mettre sur la glace. Alors, même avec l'adoption de la loi n° 62, sur les 44 causes pendantes, je pense que l'avocat de Dorval auquel je faisais référence n'a pas encore complété son travail. Alors, je pense que c'est toujours un bon rappel aux personnes qui écrivent notre législation de l'importance d'inclure le deuxième alinéa, parce que, effectivement, sans ça, ça risque de causer des problèmes au moment où les mandats sont terminés. Et, comme je l'ai dit, on a l'exemple, malheureusement, du ministre de la Justice qui a peut-être légiféré trop rapidement au printemps passé, et il a laissé des dégâts à travers la province.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 159 est adopté?

M. Kelley: Sur division.

Le Président (M. Garon): Sur division. Nous passons à l'article 160.

Mme Beaudoin: M. le Président. «Seul le président exerce ses fonctions à temps plein. Sa rémunération, ses avantages sociaux et ses autres conditions de travail sont fixés par le gouvernement.

«Le gouvernement fixe les honoraires et les allocations des autres membres de la Commission.»

Si je peux donner quelques explications, c'est un article usuel. Le président exercera ses fonctions à temps plein, et ses conditions de travail seront fixées par le gouvernement, ce qui est normal. Quant aux deux autres membres de la Commission, il n'apparaît pas nécessaire qu'ils exercent leurs fonctions à temps plein. En effet, lorsqu'il y aura eu plainte, il est proposé à l'article 167 que le président puisse exercer seul les pouvoirs de la Commission. C'est pour le pouvoir d'initiative, en quelque sorte, que ce sera en Commission, donc à trois, que les décisions devront se prendre. Ils auront comme fonction, justement, de participer en collégialité avec le président aux décisions relatives aux orientations et aux initiatives de la Commission. Leurs honoraires et leurs allocations seront fixés selon les barèmes en vigueur.

M. Kelley: Est-ce qu'on peut avoir une idée des barèmes pour les honoraires et les allocations?

Mme Beaudoin: Ce n'est pas fixé, mais c'est avec le Conseil exécutif, M. le Président.

M. Kelley: Mais est-ce qu'on parle de 250 $ par jour?

Mme Beaudoin: Je pourrai vous le dire demain si vous voulez. Je crois qu'on continue nos travaux demain après-midi, on va s'informer auprès du Conseil exécutif, parce que c'est déterminé par le Conseil exécutif et c'est discuté avec le secrétaire général du Conseil exécutif. Honnêtement, je n'ai aucune idée de ce que ça représente, mais on va s'informer d'ici demain quelles sont les fourchettes, si vous voulez.

M. Kelley: Non, non, mais, si on a un budget de fonctionnement, il faut avoir une idée de combien de jours ils vont travailler par année. Il faut, au moins, avoir un estimé. Je ne veux pas le montant exact, mais est-ce qu'on prévoit qu'ils vont travailler 20 journées par année ou 100 journées par année? Il faut avoir au moins une idée. On ne se lance pas dans le noir. Est-ce qu'on a besoin de ces personnes? Peut-être qu'on peut les éliminer complètement.

Mme Beaudoin: Selon les barèmes, ça, je pense que les fourchettes sont assez connues. Le temps que ça prendra, ce qui est certain, c'est que ce n'est pas à temps plein. C'est déjà une première décision extrêmement importante que ce ne soit donc pas des gens qui sont à fonction exclusive auprès de la Commission. De dire exactement... Vous savez, pour la Commission de reconnaissance du statut de l'artiste qui est, moi, ce que je connais le mieux, c'est à peu près à mi-temps, si vous voulez.

M. Kelley: Alors, une vingtaine d'heures par semaine ou quelque chose comme ça.

Mme Beaudoin: Oui. C'est bien sûr que l'expérience va le montrer, mais, en tout cas, disons que ça existe ailleurs. Mais ça va dépendre, en effet, des initiatives que la Commission décidera de prendre. En tout cas, disons que, a priori, ce que je vous dis, c'est que c'est à peu près à mi-temps.

(17 h 30)

M. Kelley: Oui, mais, avant de créer ces postes, je pense qu'on a tout intérêt à savoir ça engage à des frais de gestion de combien? Je pense que tout le monde cherche des économies, que tout le monde recherche une gestion la plus serrée possible. Alors, si la ministre était capable, demain, de revenir et de déposer, moi, je ne dis pas un chiffre précis – je comprends que la fourchette, ça risque d'être 250 $ par jour, ou 100 $ par jour, ou 500 $ par jour – mais un estimé, au moins, du nombre d'heures par année qu'on prévoit dans la création de ces deux postes-là. Parce que leur travail va être quoi, exactement? Conseils au président ou...

Mme Beaudoin: Non, ils vont travailler avec le président, et le président, vous savez, il a les plaintes qui sont déposées par les citoyens puis il a aussi un pouvoir d'initiative. En fait, il peut prendre l'initiative sur un certain nombre de choses. Alors, ça va dépendre s'il y a beaucoup de plaintes ou s'il n'y en a pas beaucoup. Ça va dépendre du non-respect. Vous prétendez justement que peut-être qu'ils ne travailleront pas beaucoup si vous prétendez que la loi est respectée puis que le nombre de plaintes n'est pas très élevé ou etc. Bon. Alors, on ne voulait pas des gens à temps plein parce que ça nous semblait justement pouvoir être variable selon le travail à faire, qu'on ne peut pas prédéterminer de façon totalement exacte à l'avance.

M. Kelley: Mais c'est parce que, dans 167, on dit que le président peut, seul, exercer les pouvoirs. Alors, ça, c'est en cas de débordement qu'il y a deux adjoints? C'est ça qu'on est en train de créer? Ou c'est quoi, leur mandat exact?

Mme Beaudoin: C'est parce qu'on ne voulait pas... Et le député d'Outremont, M. le Président, l'a dit tout à l'heure que c'était une amélioration qu'il n'y ait pas qu'un maître après Dieu. C'est que la collégialité puisse s'exercer dans certains cas, par exemple quand le président décide de prendre l'initiative d'une enquête, parce que c'est des pouvoirs d'initiative qui existent puis qui existaient, d'ailleurs, auparavant, là, les pouvoirs d'initiative. C'est non seulement sur plainte que la Commission peut agir, mais de sa propre initiative, et, quand elle agit de sa propre initiative, elle doit le décider et le déterminer à trois plutôt qu'à une seule personne. Nous croyons que le jugement de trois personnes a plus de chances d'être équilibré que des décisions prises sur un pouvoir d'initiative, d'enquête ou encore sur des plaintes plus délicates, justement. Qu'il puisse consulter, qu'il puisse discuter avec deux autres personnes en collégialité. Alors donc, quand c'est sur l'initiative de la Commission, pour faire une enquête, ça doit être une décision collégiale. Quand c'est sur plainte, ce n'est pas nécessaire, sauf si le président trouve que la plainte en question, bon, est plus délicate et qu'il veut en discuter avec des gens.

M. Kelley: Alors, effectivement, ça va être le monde qui va essayer de trouver les moyens pour qu'il y ait du travail, pour augmenter ses honoraires, si j'ai bien compris. Je cherche à voir le besoin, encore une fois, de mettre... On a un président qui va gérer 18 personnes. Comme je l'ai dit, je trouve que 400 000 $, c'est des frais de gestion assez élevés pour gérer quelque chose de 5 000 000 $.

Mme Beaudoin: Oui, mais c'est parce qu'il n'y a pas de budget de transfert dans un organisme comme celui-là. Ça dépend quel est le point de vue. 1 500 000 $ sur un budget de 40 000 000 000 $, ce n'est pas beaucoup. Moi, mon budget, c'est plus de 400 000 000 $, alors 1 500 000 $ sur plus de 400 000 000 $, ce n'est pas beaucoup non plus. Ça dépend quel est notre point de référence.

M. Kelley: Au-delà de 25 % dans les frais de gestion, je trouve que c'est beaucoup.

Mme Beaudoin: Oui, mais c'est parce qu'il n'y a pas de budget de transfert. Ce n'est que de la main-d'oeuvre dans un organisme comme ça.

M. Kelley: Non, non, mais on cherche partout à réduire les frais de gestion pour augmenter les services à la population, si j'ai bien compris. Alors, moi, je trouve que 400 000 $... On a deux postes qu'on est en train de créer ici, et je cherche juste une idée de ce que ces personnes vont faire, c'est quoi, l'ampleur de leur tâche avant de voter sur l'article 160.

Deuxième question: Est-ce qu'on va chercher, parmi ce monde, des avocats nécessairement ou ça va être utile d'avoir un des deux avocats? Est-ce que ce serait nécessaire de spécifier ça dans la loi?

Mme Beaudoin: Non, ce n'est pas nécessaire de le spécifier, vous savez, mais c'est évident que je vais me servir de ma tête, que je vais user de mon bon jugement en me disant que certainement une des trois personnes, en tout cas à mon point de vue, très carrément, doit être un avocat. Alors, on verra laquelle et puis quand on les nommera, ces gens-là. Mais ce n'est pas nécessaire que les trois...

M. Kelley: Non, non, mais...

Mme Beaudoin: Je pense qu'on peut être sociologue, qu'on peut être historien puis on peut fort bien, donc, comprendre tous les méandres de la loi. Mais qu'il y ait un avocat, personnellement, je le souhaite.

M. Kelley: Parce ce que, comme non-avocat, c'est très rare que je vais plaider pour l'inclusion de... mais je pense quand même que les pouvoirs des inspecteurs, les pouvoirs d'inspection touchent d'autres lois aussi. Alors, je me demande si ça serait souhaitable de spécifier qu'un des trois membres doit être avocat, parce que je pense qu'il faut être sensible, comme je dis, qu'il y a les droits de la personne, qu'il y a d'autres droits qui sont en cause aussi et que, si une des responsabilités que j'essaie de dégager des tâches de ces personnes, c'est effectivement un genre de pouvoir conseil auprès du président, peut-être que ça ne serait pas mauvais, quelqu'un qui a une connaissance de la loi.

Mme Beaudoin: Je ne voudrais pas l'inclure de façon obligatoire, M. le Président. Le député d'Outremont qui était à la fois président du Conseil, président de l'Office – président successivement, bien sûr – tout en étant seulement sociologue, donc, a bien compris les méandres et les complications. Et c'est un autre sociologue qui me le souffle, M. le Président.

Le Président (M. Garon): C'est ça que j'avais compris.

Mme Beaudoin: C'est un autre sociologue.

M. Laporte: J'ai eu quelques autres penchants, n'est-ce pas? Mais, M. le Président, est-ce que... Avez-vous terminé?

M. Kelley: Oui, oui.

M. Laporte: M. le Président, écoutez, encore ici, c'est très important que notre opposition soit motivée, et là plus j'écoute la ministre, plus nos motifs se clarifient. J'ai dit, et je ne retire pas ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que la création d'un collège, c'est-à-dire d'un fonctionnement collégial, au niveau de la Commission m'apparaît être un progrès. Mais là on vient de mettre à jour – et les commentaires de mon collègue de Jacques-Cartier sont extrêmement pertinents – on vient de mettre en lumière encore plus qu'on ne l'avait fait auparavant l'un des vices cachés de toute cette législation. Nous sommes devant grand nombre de sources d'incertitude. Tant et aussi longtemps qu'on ne sait quelle sera la tâche organisationnelle de cette Commission, de cet appareil, tant et aussi longtemps qu'on ne sait pas si cet appareil sera interventionniste, tant et aussi longtemps qu'on ne sait pas s'il y aura recrudescence de l'activisme linguistique dans les rues de Montréal, tant et aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas quels sont les mandats de ces deux autres personnes, on est absolument incapable de répondre à la question du député de Jacques-Cartier, de la même façon que, ce matin, tant et aussi longtemps qu'on ne sait pas ce que la ministre veut dire par des logiciels, ludiciels, systèmes d'exploitation grand public, petit public ou spécialisés, on se retrouve devant un article auquel nous nous sommes opposés et qui est rempli d'ambiguïté. Donc, il nous place devant de nombreuses sources d'incertitude en vue d'une prise de... Mais ça, c'est très important. Il faut que vous m'écoutiez, M. le Président, je le dis «for the record». Ce n'est pas parce que, comme le disait le député de Bourget tantôt, j'ai des souffrances affectives. Je ne suis pas en train de faire de la résistance analytique, je suis en train de vous dire que ce gouvernement est en train de vouloir nous faire avaler une couleuvre, parce que c'est un projet de loi qui est riche d'ambiguïté. On ne sait pas si c'est des logiciels grand public, petit public ou spécialisé. On sait qu'il y a deux gars, ou deux femmes, ou deux personnes qui vont aider le président, mais on ne sait pas exactement ce qu'ils vont faire, on ne connaît pas leur mandat, on ne sait pas si ça va être interventionniste, activiste, on ne sait pas s'ils vont travailler 365 jours par année ou 12 jours par année, et on est en train de nous dire: Messieurs, je vous le répète, faites-nous confiance.

(17 h 40)

C'est toujours la même idéologie paternaliste du PQ, n'est-ce pas? La confiance règne. Faites-nous confiance, le monde, on va vous amener à la Terre promise. S'il faut que, en vous y amenant, on vous envoie vos petites culottes et votre chemise, faites-nous confiance. Mais là c'est très important que, nous, de l'opposition, une opposition responsable, motivions les raisons de notre refus. Et je pense à Hannah Arendt, là, qui a parlé de la banalité du mal, bien, ne nous faites pas aller avec la main dans le tordeur petit à petit en disant que c'est banal. Non, M. le Président, on est opposé à cette maudite loi là. On y est opposé pour des raisons de désaccords fondamentaux sur la vision de société qui la sous-tend, pour des raisons métalégales et, lorsqu'on va arriver, on va toujours simplement dire encore là: On vote puis on vote contre. Mais on ne peut pas voter pour parce que la ministre, elle ne nous donne pas tous les éléments pour pouvoir faire une évaluation rationnelle. Alors, je le répète, je termine là-dessus, M. le Président, c'est important qu'on sache fort bien que ce qui motive notre position ici: c'est l'éthique de responsabilité, ce n'est pas des douleurs affectives puis des refoulements émotifs et des résistances incongrues. Qu'on mette nos tripes sur la table actuellement, ce n'est pas ça, là. On a des motifs rationnels d'opposition au nom de la conception qu'on se fait de la vocation et du métier de politicien, et ça, quand on m'en parlera ultérieurement, je pourrai dire: Écoutez, nos oppositions n'étaient pas banales, n'est-ce pas? Et c'est très clair qu'on s'entend entre vous, M. le Président, et nous pour savoir exactement de quoi ça vire, notre opposition. Donc, je termine, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, je ne peux pas me retenir de rappeler que, cet après-midi, quand le député de Shefford s'est levé et a dit au vice-premier ministre qu'il faisait du théâtre, eh bien, je félicite le député d'Outremont, parce que, à côté de lui, je dois dire que le vice-premier ministre est un pâle comédien, que la palme revient au député d'Outremont qui pourra jouer bientôt, j'espère, dans ce magnifique Théâtre Outremont si on peut finir par le restaurer, par le rénover, par l'ouvrir et puis je souhaite qu'au moment...

M. Laporte: Le samedi soir, je m'en vais en campagne, puis ne vous cassez pas la tête.

Mme Beaudoin: Alors, voilà, M. le Président, après avoir entendu toute la journée puis hier le député d'Outremont, vraiment le député de Shefford – et j'espère que vous lui direz – a tort, la palme du grand théâtre ne revient pas au vice-premier ministre, mais bien au député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, j'ai toujours pensé que j'étais meilleur que Bernard Landry, de toute façon.

Mme Beaudoin: Oui, c'est ça. En théâtre, en tout cas. Heureusement que j'aime le théâtre, M. le Président. Mais, je veux dire quelque chose de plus sérieux, l'opposition officielle, qui était au gouvernement en 1993, était pas mal moins difficile, si je puis dire, à cet égard, parce qu'on me dit et on me confirme que, au moment de l'adoption de la loi 86, aucune étude n'avait été faite pour déterminer le nombre de postes qu'il serait nécessaire d'ajouter à l'Office pour que l'Office s'acquitte de son mandat nouveau. Alors, vous ne me ferez pas la leçon ici cet après-midi, vous avez fait pire encore au moment de l'adoption de la loi 86, et j'ai aussi, d'ailleurs, le Journal des débats , et, donc, sur la loi 86, même le Conseil du patronat disait que l'article 17, qui stipule que le gouvernement peut déterminer par règlement les cas, les conditions, les circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français, n'est-ce pas, n'était pas déterminé et que c'était l'ambiguïté la plus totale qui régnait. Et même le Conseil du patronat, pensez-y, dénonçait le gouvernement de l'époque et la même chose, donc, en ce qui concerne ce que je viens de vous dire sur le nombre de postes qui n'avait pas été déterminé, qui était resté complètement dans le vague à propos du transfert à l'Office et compte tenu du mandat nouveau que l'Office de la langue française obtenait par la loi 86. Alors, la morale, la leçon...

Je dois dire que j'en apprends toujours plus sur le député d'Outremont, lui-même. D'ailleurs, au fur et à mesure, je ne suis pas psychanalyste, mais enfin, depuis le temps qu'on se connaît – récent, malheureusement, mais enfin, au moment de la commission parlementaire, au mois d'août dernier et maintenant – j'apprends tout de ses lectures, j'apprends tout de ses théories, j'apprends tout de sa culture vaste. Il m'impressionne, moi aussi, comme le député de Bourget le disait tout à l'heure...

M. Laporte: M. le Président, on est en train de m'accuser d'exhibitionnisme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: On n'en sort pas, c'est le paradigme.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, le mot n'a pas été prononcé.

M. Laporte: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais dire que, dans mon esprit, tout ce que je souhaite, c'est que l'opposition soit moins imparfaite que le gouvernement. Donc, que nous ayons fait preuve d'imperfection dans le passé, n'est-ce pas, je ne ferai pas dans l'angélisme, mais encore pouvons-nous espérer que nous soyons moins imparfaits que le gouvernement. Et là je vous le dis, M. le Président, je vous le répète, en ce qui concerne la loi n° 140, vraiment, le gouvernement, il tombe dans l'imparfait du subjonctif.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 160 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Garon): Alors, nous passons à l'article 161.

Mme Beaudoin: Article 161: «Le président ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt et celui de la Commission. Toutefois, cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt lui échoit par succession ou par donation pourvu qu'il y renonce ou en dispose avec diligence.

«Lorsqu'un membre autre que le président se trouve dans la situation visée au premier alinéa, il doit, sous peine de déchéance de sa charge, dénoncer son intérêt par écrit au président et s'abstenir de participer à toute délibération et à toute décision portant sur l'entreprise dans laquelle il a cet intérêt.»

Cette disposition, M. le Président, a pour objet d'empêcher que les membres de la Commission se retrouvent dans une situation où ils devront choisir entre leur intérêt personnel et l'intérêt de la Commission. La règle diffère pour le président, qui, lui, exerce ses fonctions à temps plein. Elle lui interdit d'avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt et celui de la Commission. Quant aux deux autres membres de la Commission, il est suffisant d'obliger ceux-ci, sous peine de déchéance, à dénoncer un tel intérêt et de s'abstenir de participer à toute délibération et à toute décision sur le sujet.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 161 est adopté?

M. Laporte: Bien, c'est-à-dire qu'on revient un peu toujours au même processus, c'est-à-dire que – et c'est une blague puis ce n'en est pas une – nous, du Parti libéral, on n'irait pas jusque-là, c'est-à-dire qu'on s'entendrait avec la personne en question avant de l'engager et on lui dirait: Écoutez, monsieur, madame, vous conviendrez que... n'est-ce pas? Mais là le gouvernement fait preuve d'une telle méfiance à l'égard des individus, il a une telle capacité de soupçon qu'il est en train de nous dire que, vraiment, on va le... En tout cas, écoutez, ça fait partie de la même vision de société, ça fait partie de la même idéologie.

Mme Beaudoin: C'est usuel dans toutes les lois, M. le Président. Là, franchement, je crois que l'on exagère.

M. Laporte: Ce n'était pas dans celle-là. Ce n'était pas dans l'originelle. Ce n'était pas dans l'Office.

Mme Beaudoin: Mais, depuis quelques années.

M. Laporte: Ah, depuis quelques années, le soupçon monte.

Mme Beaudoin: Non. Pas le soupçon monte, mais... Hein?

Une voix: On l'a adopté ce matin pour l'office.

Mme Beaudoin: On l'a adopté pour l'Office, d'ailleurs, ce matin, mais c'est dans d'autres lois.

M. Laporte: Je me trompe. Je me trompe.

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Depuis quand?

Une voix: Je ne sais pas, cinq, six ans au moins.

Mme Beaudoin: Ah! depuis cinq, six ans, M. le Président. Le gouvernement libéral est le responsable.

M. Laporte: Il gouverne toujours...

Mme Beaudoin: M. le Président, c'est le Conseil des arts et des lettres que ma prédécesseure, la députée de Marguerite-Bourgeoys, a mis sur pied en 1992-1993, et on retrouve cet article infâme...

M. Laporte: Je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit ça.

Mme Beaudoin: ...dans le Conseil des arts et des lettres.

M. Laporte: M. le Président, ce n'est pas ça. Enfin, écoutez, on ne déchirera pas sa chemise là-dessus, mais...

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 161 est adopté?

Mme Beaudoin: Donc, le soupçon...

M. Laporte: La structure sociale génère...

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Est-ce que c'est juste mis comme ça ou il y a des situations potentielles? Est-ce que, dans la confection de la loi, on a dit qu'il y a un risque ou c'est vraiment...

Mme Beaudoin: M. le Président, honnêtement, les juristes nous disent, les légistes, parce que, là, je suis d'accord avec le député d'Outremont, des fois, j'ai de la misère, moi aussi, pour d'autres raisons. Ça doit être, moi, parce que mon père était juge. C'est ça qui a dû me traumatiser.

M. Laporte: Jamais, jamais je n'aurais dit ça.

Mme Beaudoin: Bon. Alors donc, ceci étant, c'est usuel depuis quatre, cinq ans, dans toutes les lois. Alors, ce n'est pas cette loi-ci en particulier.

M. Kelley: Il n'y a pas des situations qu'on prévoit?

Mme Beaudoin: Non.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 161 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Laporte: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Sur division. Nous passons à l'article 162.

Mme Beaudoin: «Le quorum est de deux membres, dont le président. En cas de partage, le président a voix prépondérante.»

M. Kelley: M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Kelley: Quorum pourquoi?

Mme Beaudoin: Pour...

M. Kelley: Non, mais je n'ai pas de référence ici. Le quorum...

Mme Beaudoin: Mais, par exemple...

M. Kelley: ...pour travailler, quorum pour... parce que, pour la décision, le président peut le faire seul, alors...

Mme Beaudoin: Non, parce que pas toutes les décisions, M. le Président... J'ai bien expliqué tout à l'heure...

M. Kelley: Non, non, j'ai compris, mais d'avoir un quorum, ça doit être un quorum pour quelque chose.

Mme Beaudoin: Oui, mais quorum pour, justement, quand un certain nombre de décisions doivent être prises. J'ai donné un exemple. Quand la Commission prend l'initiative d'enquêter, ça doit se faire en collégialité. Alors donc, à ce moment-là, il doit...

(17 h 50)

M. Kelley: Mais je pense qu'il faut être beaucoup plus explicite dans la loi parce que, à 167, on dit qu'on n'a pas besoin de quorum pour traiter une plainte, si j'ai bien compris, mais 162 indique que peut-être il faut avoir un quorum pour traiter une plainte. Alors, moi, je dis qu'il faut être beaucoup plus spécifique. C'est un quorum lorsqu'une séance... lorsqu'on discute d'une décision d'initiative qui n'est pas précisée dans la loi. C'est quoi, une initiative? C'est quoi qui est visé par tout ça? Moi, je trouve qu'un quorum qui tombe dans la loi comme ça, sans référence à quelque chose... Un quorum présuppose une séance de quelque chose, n'est-ce pas?

Mme Beaudoin: Ça va de soi, c'est usuel.

M. Kelley: Non, non, mais il faut spécifier, à ma connaissance. Est-ce que ça, c'est une rencontre de la Commission? Est-ce qu'on va fixer qu'il faut...

Mme Beaudoin: Ce n'est pas au café du coin, ça, c'est sûr. C'est une rencontre de la Commission.

M. Kelley: Oui, mais j'essaie d'être honnête, ici, pour regarder la loi. Moi, je peux dire qu'on est beaucoup plus avancé dans la question d'article par article. On a posé des questions nettement plus sérieuses que ce que l'opposition a fait quand nous avons regardé la loi 86 où, de mémoire, nous n'avons pas dépassé le premier article ou, si on en a fait quelques-uns, en tout cas, de mémoire, on n'a pas avancé beaucoup. Quorum de quoi? Est-ce qu'il y a des séances? Est-ce que ça va être prévu qu'on va se rencontrer une fois par mois, une fois par six mois?

Mme Beaudoin: M. le Président, je veux juste vous renvoyer à la Charte de la langue française, donc 108: Le quorum de l'Office est de trois membres. En cas de partage égal des voix, le président dispose d'une voix supplémentaire. Donc, c'est ça. Ce n'était pas plus précisé, puis, même au moment de la loi 86, vous n'avez pas senti le besoin, en 1993, d'amender l'article 108 pour préciser ce que vous dites. C'est là depuis 1977, et vous n'y avez pas touché vous-mêmes. Alors, le quorum de l'Office est de trois membres, bien, le quorum de la Commission est de trois membres.

Une voix: Deux sur trois.

Mme Beaudoin: Deux sur trois. Quand on dit que c'est usuel, c'est dans ce sens-là. Vous ne l'avez pas amendé vous-mêmes concernant l'Office, alors je présume...

M. Kelley: Non, non, j'ai juste posé une question. Je ne comprends pas l'hostilité des réponses, j'ai posé une question et je pense que j'ai le droit, comme parlementaire, de poser des questions.

Mme Beaudoin: Je réponds, M. le Président.

M. Laporte: M. le Président, si vous le permettez, encore là, nous n'avons pas, nous n'avons pas, nous n'avons pas, n'est-ce pas? Bien, nous n'avons pas, mais nous n'avons pas pour de bonnes raisons. Mais la raison pour laquelle – la ministre ne nous le dit pas – il y a un quorum ici, c'est que, écoutez, il y a des enjeux dans cette affaire-là. Ce n'est pas une loi inoffensive. Prenons un exemple. Une plainte est logée à la Commission de protection de la langue française au sujet du programme de francisation de Canadair. Une grosse affaire, ça, le programme de francisation de Canadair! Tel que la loi le prévoit, la plainte est traitée, examinée, vérifiée: la plainte est-elle frivole? Non, elle n'est pas frivole, et ainsi de suite. Et là on envoie à l'Office copie de la plainte, parce que c'est le dossier qui est à l'Office, et là, maintenant, la Commission a donc comme responsabilités, comme le dit la loi, de fixer un délai, de voir quelles sanctions seront appropriées. Et là on peut très bien se retrouver devant trois personnes: un président, puis deux autres personnes qui sont fondamentalement en désaccord avec la bombe, là. Donc, étant donné que cette Commission-là pourra être appelée à prendre des décisions de la plus haute importance pour la francisation, bien, la ministre, dans sa sagesse, a décidé de mettre un quorum. Alors, encore là – je termine là-dessus, M. le Président – ce n'est pas de savoir si le quorum, c'est bon ou pas, mais c'est l'enjeu qu'il y a derrière tout ça.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, on me dit qu'il y a un vote en Chambre...

M. Laporte: Alors, allons-y.

Le Président (M. Garon): ...et que nous devons suspendre les travaux.

Une voix: Ajourné.

Le Président (M. Garon): Ajourné.

M. Laporte: Ajourné.

Le Président (M. Garon): Nous ajournons les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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