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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Tuesday, September 22, 2009 - Vol. 41 N° 2

Consultation générale et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 44 - Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance et du projet de loi n° 38 - Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je fais lecture du mandat. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Taillon) remplace M. Pelletier (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Marsan): Je fais rapidement lecture de notre ordre du jour, de l'agenda. À 15 heures, nous recevons le Comité national des jeunes du Parti québécois; à 16 h 30, Québec solidaire; et, à 19 h 30, en soirée, le Conseil québécois des syndicats universitaires de l'Alliance de la fonction publique du Canada au Québec.

Auditions (suite)

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir le Comité national des jeunes du Parti québécois, et le président, que je vous présente, c'est M. Alexandre Thériault-Marois. Et je vais vous demander, M. Thériault-Marois, de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez un maximum de 30 minutes pour faire votre exposé. À vous la parole.

Comité national des jeunes
du Parti québécois (CNJPQ)

M. Thériault-Marois (Alexandre): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés. Alors, je vous présente Émile Grenier-Robillard, à ma gauche, qui est porte-parole des jeunes de la Montérégie, étudiant en histoire à l'Université du Québec à Montréal, et Vincent Roy, qui est vice-président aux affaires politiques du Comité national des jeunes et étudiant en économie et politique à l'Université Laval.

Alors, vous comprendrez sur notre mémoire, là, d'abord, que le mémoire a été écrit alors que nous n'avions pas les mêmes rôles. Donc, il y a une petite modification à faire à la page couverture.

Et j'en profite également pour souligner une petite coquille à la page 8. La conclusion à la première ligne, on lit: «majorité des membres externes»; on devrait lire: «majorité des membres internes».

n (15 h 20) n

Alors, d'abord, je tiens à vous remercier de nous accueillir, de nous consulter. Et, plus globalement pour cet exercice démocratique, il va sans dire qu'on préfère ce type de consultation que le type de consultation qu'il y a eu pour le projet de loi n° 40 la semaine dernière.

Nous sommes ici en tant que Comité national des jeunes du Parti québécois, une aile jeunesse d'un parti qui a amplement participé aux débats lors de ces deux projets de loi. Peut-être expliquer quelques... brièvement pourquoi nous sommes ici. Nous sommes ici d'abord parce que nous représentons les jeunes de 16 à 29 ans, des jeunes souverainistes et sociaux-démocrates, des milliers de jeunes d'autant plus... encore plus de sympathisants qui sont, dans une bonne partie, des étudiants d'abord, mais également des jeunes qui auront à vivre avec un système d'éducation qui donnera des bénéfices pour une période de 10, 20 et 30 ans.

Ensuite, la consultation. Vous avez vu à même notre mémoire que nous ne sommes pas tant dans des termes techniques, mais bien sur des principes généraux. Nous avons consulté plusieurs jeunes dans différentes régions. On a fait des rassemblements régionaux où on a invité plusieurs jeunes à venir discuter de ce projet de loi, de l'éducation. Et donc nous venons ici présenter le point de vue de ces jeunes-là et nous allons discuter amplement des principes qui sous-tendent ces projets de loi, selon nous. Alors, je laisserais la parole à Émile pour continuer.

Le Président (M. Marsan): ...

M. Grenier-Robillard (Émile): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier de la chance que vous nous donnez de faire entendre la jeunesse québécoise dans sa diversité sur un sujet qui la concerne directement. Cet exercice de démocratie extrême, comme on a déjà dit, ne peut qu'être bénéfique si le gouvernement prend réellement en compte l'avis quasi unanime des intervenants de cette commission et ne bâillonne pas une nouvelle fois la population du Québec. Mon intervention vise précisément notre proposition d'instaurer la majorité absolue dans les conseils d'administration, d'acteurs que nous appelons les membres internes en opposition aux membres dépendants sous-entendus par les propos de la ministre. Il faut d'entrée de jeu définir les termes en jeu.

Pour nous, l'ensemble des étudiants, des professeurs, des chargés de cours et des employés constituent la communauté universitaire et collégiale dans son ensemble. Ce sont le coeur et l'âme de celle-ci. Et ils sont par le fait même ce que nous appelons les membres internes. À l'opposé, les membres externes représentent tous les membres du conseil d'administration dont la provenance est extérieure à la catégorie précédente. C'est aussi une façon plus exacte de dénommer la provenance des membres du conseil d'administration que les dénominations de dépendants ou d'indépendants. En effet, provenir du milieu des affaires n'est en aucun cas synonyme d'indépendance, pas plus que l'appartenance à la communauté collégiale et universitaire n'implique la moindre dépendance ou limitation du sens éthique ou moral.

Le noeud de notre opposition aux projets de loi nos 38 et 44 réside justement là. En effet, les membres du gouvernement semblent considérer que la seule raison à l'origine des problèmes financiers insolubles de notre réseau postsecondaire réside en une gestion malhonnête, en une mauvaise gouvernance, pour reprendre les termes de l'IGOPP et du «new public management» qui semblent avoir inspiré la ministre dans ses réflexions.

Semblant considérer que la dépendance des membres du C.A. envers leurs institutions respectives ouvre la porte aux malversations et à une mauvaise utilisation des fonds publics, les tenants des recettes simples à la mode néolibérale avaient une réponse toute trouvée: introduire le privé dans la gestion des universités et des cégeps pour gérer le tout comme une bonne business rentable soumise aux aléas de la concurrence. Et malheureusement le gouvernement libéral n'était que trop prêt à emprunter cette voie.

C'est évidemment avec une grande colère que les communautés concernées ont rejeté cette présomption d'incurie. Ce sont elles en effet et non pas les administrateurs privés qui ont à vivre au quotidien avec les conséquences des décisions prises par les conseils d'administration. Au contraire, nous considérons donc que ce sont elles qui pourront agir dans le meilleur intérêt de leur institution. De plus, c'est dans leur essence d'avoir davantage à coeur de préserver la mission particulière de l'éducation au Québec, que des entrepreneurs, voulant transformer les étudiants en clients, l'enseignement en services monnayables et l'école en entreprises profitables. Peut-être trouvez-vous que j'exagère?

Sans doute que la majorité des membres externes, ils sont dans les C.A. pour des raisons tout à fait honorables et désintéressées. Néanmoins, leur mission est d'introduire les méthodes de gestion du privé dans la gestion d'institutions publiques d'enseignement et à la longue cette façon de faire ne peut que donner les résultats que nous craignons.

Le cas de l'UQAM est à notre avis fortement révélateur. Il est à mon sens fort louable que cette catastrophe, présentement sous enquête criminelle, ait poussé la ministre à agir pour éviter que de tels fiascos se reproduisent. Néanmoins, il nous apparaît évident, à la lumière de ces événements, que les solutions de la ministre ne feraient qu'empirer la situation plutôt que la régler.

En effet, il me semble malheureusement nécessaire de rappeler à cette commission que ce sont les membres internes ou dépendants, selon la vision libérale, qui, depuis le début, se sont opposés au délire immobilier de l'administration, qui ont tiré la sonnette d'alarme au ministère ? malheureusement sans réponse avant qu'il ne soit trop tard ? et qui doivent maintenant payer pour les erreurs commises par l'ancienne direction, ses administrateurs, avec l'appui des membres externes. Est-il besoin de mentionner au passage que la firme Busac, principale développeuse du projet, a réalisé des profits substantiels dans l'opération et que ses cadres n'ont eu à subir aucune des conséquences de leur grossière incompétence?

De là, il n'y a qu'un pas à dire pour que l'UQAM, gérée en majorité par les membres internes, n'aurait pas été victime de cette catastrophe. Et ce pas, nous le faisons sans hésiter. Le danger à moyen terme est de dénaturer l'éducation du Québec, la transformant en machine à former les travailleurs confinés dans des domaines particuliers aux dépens de leur culture générale et de leur formation citoyenne, ce qui peut expliquer, par exemple, le faible taux de participation aux élections d'hier, dans Rousseau, que nous avons gagnées.

Le Comité national des jeunes du Parti québécois voit, quant à lui, l'éducation comme principal vecteur de la créativité de notre nation et comme véritable formateur des citoyens du Québec. Cessons de forcer nos écoles à vouloir fidéliser les clientèles et de tenter de gruger les clients de la concurrence et faisons enfin en sorte que l'école des Québécois et des Québécoises serve à leur épanouissement national. Ces projets de loi ne font qu'enfoncer le clou et marginaliseront les internes au point où ils ne seront plus qu'une quantité négligeable, indignes d'être consultés. Je laisse la parole à Vincent Roy.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, M. Roy.

M. Roy (Vincent): Oui. Bien, à mon tour, je salue et je remercie les députés de la commission de nous écouter aujourd'hui. Je rattraperai la balle au bond, dans le fond, à mon collègue en disant que le cas d'îlot Voyageur a donc précipité les solutions que le gouvernement libéral propose et met de l'avant aujourd'hui dans ses projets de loi. La question qu'il faut se poser, c'est la suivante: Les solutions à quoi? Est-ce si problématique que des gens de la communauté universitaire, dépendant de sa mission première qui est de développer et de transmettre le savoir, détiennent une majorité absolue? Si nos institutions scolaires se sont parfois lancées dans de mauvaises décisions administratives, peut-on réellement pointer du doigt la soi-disant surreprésentation de membres de la communauté universitaire, collégiale?

Si nos écoles se lancent dans des projets financiers aussi risqués que l'îlot Voyageur ou prennent des décisions controversées, sur lesquelles je reviendrai, les administrateurs peuvent-ils réellement être pointés du doigt comme la cause première de cette situation? Étrangement, lorsque l'actualité ressort les décisions contestées d'institutions scolaires, une tendance se dessine, et c'est presque une norme sur laquelle nos écoles se basent pour prendre leurs décisions, c'est que ces institutions, qui devraient être au coeur de notre développement, et c'est d'autant plus vrai dans un contexte de vieillissement de la population, crient famine et manquent d'argent. La vérité, c'est que l'État continue de sous-financer son réseau. Nous ne pouvons plus nous permettre cette situation. Il faut se donner les moyens de se donner les moyens.

Les conséquences de ce sous-financement sont pourtant au coeur des problèmes du réseau. Pourquoi voit-on les pavillons d'université, comme l'Université de Sherbrooke, venir s'établir à Longueuil? Pourquoi le gouvernement du Québec a-t-il décidé d'augmenter les droits de scolarité? Pourquoi ce même gouvernement a-t-il gelé l'indexation de l'aide financière aux études et l'indexe aujourd'hui en deçà des besoins des étudiants et étudiantes? Pourquoi l'Université McGill annonce qu'elle augmentera de 1 600 % ses frais de scolarité pour son M.B.A., passant de 3 400 $ à 60 000 $ le coût d'une maîtrise? Eh bien, c'est parce que l'État se déresponsabilise toujours plus et persiste à ne pas investir suffisamment dans le réseau.

Un autre exemple. Vous avez entendu parler de la bilinguisation des programmes uqamiens? Bien, interrogé, un porte-parole de l'UQAM expliquait que, si le français comme langue d'enseignement supérieur était menacé dans une des plus importantes universités francophones en Amérique et dans le monde, eh bien, c'était parce qu'elle devait attirer davantage d'étudiants, aller chercher davantage de parts de ce marché étudiant pour balancer son budget. La situation du sous-financement de nos écoles vient, cet automne, avec cette décision, de franchir une nouvelle étape. C'est notre identité comme nation qui est menacée maintenant par le sous-financement de ses services publics. Or, cette problématique centrale du réseau n'est même pas abordée, et ses solutions ignorées dans les projets de loi.

L'analyse des projets de loi nos 38 et 44 est donc, pour le Comité national des jeunes du Parti québécois, une façon d'offrir de mauvaises solutions à un problème mal compris, du moins mal cerné. Je laisserais la parole à mon collègue Alexandre.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

n (15 h 30) n

M. Thériault-Marois (Alexandre): Merci. Alors, à ce moment-ci, on a essentiellement critiqué la direction du projet de loi et les principes qui le sous-tendent, en plus de critiquer le manque de solutions que ça apporte aux véritables problèmes. Par contre, je vous amènerais au point 2.2 de notre mémoire, où l'on dit que les membres externes peuvent être bénéfiques aux institutions postsecondaires en autant qu'ils soient minoritaires. Maintenant, il faut s'interroger sur ces membres externes, sur quelle externalité ils peuvent apporter et surtout leur nomination.

Il faut comprendre que les cégeps et les universités, ça a un rôle non seulement dans l'éducation, mais ça a un rôle également dans la communauté dans laquelle ils se trouvent. On peut difficilement imaginer Sherbrooke ou encore Rimouski sans l'Université de Sherbrooke et l'UQAR, l'université à Rimouski. L'université ne doit pas être considérée comme une tour d'ivoire, elle doit être considérée comme faisant partie intégrante d'un contrat social.

Présentement, ce qu'on voit avec le projet de loi, c'est qu'on laisse la liberté de nomination des membres externes à un comité du conseil d'administration formé en majorité de membres externes du même conseil d'administration. On a un conseil d'administration qui se reproduit lui-même en nommant, selon ses propres visées, des membres externes des conseils d'administration. À mon sens, à notre sens, c'est inacceptable. On doit impérativement, dans les projets de loi, inclure des paramètres de nomination des membres externes.

Quels paramètres? Eh bien, je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure. Si on considère que l'université a un rôle dans son milieu, il faut nommer des membres externes qui viennent de différentes facettes de ce milieu social des universités et des cégeps. Pourquoi est-ce qu'on ne demande pas dans les projets de loi de diversifier et de nommer des membres... des élus locaux, ou encore des membres des milieux sociocommunautaires, ou encore des employeurs régionaux? Je prends par exemple, ici, l'Université Laval: il pourrait y avoir des employeurs des hautes technologies, parce qu'on a une grande partie de l'économie de Québec qui est dans les hautes technologies. On doit les inclure et rendre obligatoire cette diversification-là dans les projets de loi.

La parole à Vincent.

Le Président (M. Marsan): Alors, la parole est à M. Roy.

M. Roy (Vincent): Oui. Bien, l'importance de cette ouverture sur son milieu, pour nous, ça démontre bien que l'éducation, ce n'est pas un service public comme les autres: ce doit être un véritable projet de société. Comme je l'ai expliqué précédemment, le problème du réseau postsecondaire déborde largement de ses administrations. Mais ce problème ne se limite pas aux cégeps et aux universités. Éléments vitaux de nos sociétés, ces institutions et leurs problèmes influencent la réalité du Québec. De la même façon, l'ensemble des problématiques du réseau scolaire influencera en bien ou en mal notre société et les autres paliers de l'éducation, incluant le postsecondaire.

Le problème du manque de places en CPE, des ressources trop limitées pour les élèves en difficulté au primaire, le décrochage scolaire ou le manque de persévérance au secondaire sont-ils des problèmes si indépendants du réseau postsecondaire? La réponse, pour nous, c'est évidemment non. Par conséquent, l'approche qu'il nous faut adopter pour régler les problèmes du réseau ne doit plus être une approche où l'on gère ou même patche les problèmes un à un, indépendamment les uns des autres. Il nous faut développer une vision d'ensemble de l'éducation, déterminer là où on s'en va, pour mieux régler les problèmes et les limites de notre réseau.

Aujourd'hui, nous sommes, quoi, une vingtaine ici, on représente trop peu d'organisations. Il nous faudrait étaler l'exercice de consultation de cette commission parlementaire à bien plus que nous ici présents et à une vision beaucoup plus importante que l'administration de nos écoles. En fait, ce que le Comité national des jeunes du Parti québécois suggère, c'est de récupérer aussi hypocritement qu'il le faudra une idée lancée lors de la dernière campagne électorale, soit la tenue d'états généraux ou d'un sommet, si l'on préfère, sur l'éducation au Québec. Ce serait une façon démocrate et transparente de développer la vision qu'il nous faudra y donner avec les moyens que nous devrons prendre pour atteindre cette vision, ces objectifs.

Ainsi, les projets de loi nos 38 et 44 s'illustrent encore pour nous comme les éléments d'une vision à court terme qui prend la problématique des administrations comme une solution à un problème qui dépend de beaucoup plus de facteurs qu'on le sous-entend.

Je passerais la parole à M. Thériault-Marois.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Oui. En guise de conclusion, M. le Président, nous croyons donc que ces projets de loi sont une mauvaise façon de régler un problème qui semble au mieux mal compris, au pire mal identifié. Ainsi, notre mémoire se conclut en recommandant les éléments suivants ? et vous me permettez que je les répète:

1° le législateur doit s'opposer à tout projet de loi visant à marginaliser la présence de membres de la communauté universitaire ou collégiale;

2° il doit aussi s'opposer à tout projet de loi qui viserait directement ou indirectement, comme c'est le cas actuellement, une approche lucrative de nos institutions au détriment de sa mission éducative et de développement;

3° il est urgent d'abandonner une vision à court terme de l'éducation qui règle les problèmes du réseau point par point, les considérant indépendants les uns des autres ? nous suggérons donc une approche plus participative et démocratique, comme peut l'être la tenue d'un sommet sur l'éducation, comme Vincent Roy vient de le présenter;

4° et dernièrement, M. le Président, l'école doit avoir à coeur sa mission éducative et sa mission de développement des communautés en misant sur une majorité absolue de membres des communautés scolaires au sein de leurs conseils d'administration et en misant sur une diversité des membres externes afin de faire de nos écoles des partenaires de premier plan avec leurs communautés.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Thériault-Marois, M. Roy et M. Grenier-Robillard. Nous allons... Maintenant, je vais répartir le temps alloué à chacun des groupes. Vous avez eu jusqu'à 30 minutes pour faire votre exposé. L'opposition... Il y aura 30 minutes également pour le groupe formant le gouvernement, 24 minutes pour l'opposition officielle, et six minutes pour le deuxième groupe d'opposition.

Alors, sans plus tarder, nous allons entreprendre nos débats. Et je cède la parole à la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être présents aujourd'hui avec nous. Vous avez souligné avec justesse l'importance du processus qu'est une commission parlementaire. J'ai mon intuition, mon petit doigt me dit que ce n'est certainement pas la dernière à laquelle vous allez participer. Et j'ai eu l'occasion de dire la semaine dernière que, si cette commission a comme intérêt, ou en tout cas comme valeur, de réunir des jeunes comme vous, parce que vous n'êtes pas les premiers à se présenter devant nous... je me dis que le Québec évolue tellement bien parce qu'il y a... je ne suis pas certaine qu'il y a 10, 15 ou 20 ans ou même lorsque, nous, on était à l'université, on aurait pris la peine de franchir ces lieux et de donner son point de vue. Et, moi, comme ministre de l'Éducation, je dois vous dire que non seulement ça me donne beaucoup d'espoir, ça m'encourage, et je crois qu'il est primordial que cette jeune relève occupe toute la place qui lui revient. Elle a droit de parole et le droit de défendre ses convictions et ses opinions. Alors, je vous remercie d'être présents parmi nous.

J'aimerais que vous m'apportiez un certain éclaircissement. Et, dites-moi, j'ai probablement mal saisi, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous nous dites qu'un membre externe qui, selon votre perception, est issu des milieux d'affaires n'est pas indépendant. Et vous nous dites qu'un membre interne qui, selon ma perception, est dans un conseil d'administration où certains dirigeants sont membres de ce conseil et ont un pouvoir de décision, mais où ces membres internes sont aussi des employés de l'institution, vous dites: Ces membres internes ne sont pas des dépendants. Tu sais, c'est comme un peu le monde à l'envers: les externes ne sont pas indépendants puis les internes ne sont pas dépendants. Expliquez-moi votre logique.

Le Président (M. Marsan): Bon. M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): D'abord, les membres internes ne sont pas tous des employés. Il y a des étudiants qui sont membres internes. Et ce n'est pas tous la même catégorie d'employés. Il y a une diversification dans ses membres internes. Ce que l'on n'aime pas et ce que l'on a souligné, Mme la ministre, c'est que ce n'est pas parce qu'on vient de l'interne que nécessairement on est liés par les décisions que l'on va prendre et qu'on est concernés uniquement par notre cadre d'intérêt. Et ce n'est pas parce qu'on vient de l'externe que nécessairement on a une vision globale parfaite. Donc, lorsqu'on faisait notre intervention, on a reproché la chose suivante: c'est qu'il n'y a pas une dichotomie claire, lorsqu'on est un membre interne, qu'on va prendre les décisions pour son propre intérêt et que, lorsqu'on vient de l'externe, on va prendre une décision d'intérêt général.

Ce qu'on a axé... On a axé notre mémoire sur une chose bien particulière. Lorsqu'on vient de l'externe, ce qu'il faut à tout prix, c'est une diversification. On n'est pas contre le milieu des affaires. Ce qu'on veut, c'est que les membres externes... Parce que, vous savez, lorsqu'on laisse la liberté à la nomination de membres externes, bien souvent, on se retrouve avec des avocats et des comptables, des gens de firmes d'avocats et de comptables. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'il y ait des gens de divers milieux qui viennent siéger autour du conseil d'administration. C'est comme ça qu'on va avoir une véritable indépendance, c'est lorsqu'on va avoir plusieurs points de vue représentés.

n (15 h 40) n

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Actuellement, le projet de loi, l'article 4.0.17 dit: «La diversité des profils d'expérience et de compétence des membres du conseil d'administration doit être privilégiée aux fins de leur nomination au sein du conseil dans le but de permettre à celui-ci d'exercer adéquatement ses fonctions.»

Est-ce que, ça, c'est un bon article ou pas?

M. Thériault-Marois (Alexandre): C'est un...

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Oui. Excusez. C'est un bon article, Mme la ministre, mais... ce n'est tout à fait pas assez contraignant. C'est-à-dire que la diversification... Qu'est-ce que vous entendez par diversification? Ce n'est pas mentionné dans l'article de loi et ça ne contraint pas du tout le comité de travail du conseil d'administration à aller chercher une diversification. C'est-à-dire que diversification, on peut l'interpréter d'une façon très, très large et d'une façon dont on l'entend nous-mêmes. Nous, ce qu'on veut, c'est que le gouvernement établisse des balises claires sur ce qu'il entend comme diversification. Et on en suggère justement dans le mémoire. On demande qu'on pourrait établir... demander un administrateur qui est un élu municipal, un administrateur qui est issu des milieux sociocommunautaires. C'est le cas dans certains conseils d'administration de compagnies d'État ou d'autres conseils d'administration.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Donc, ce que vous souhaitez, c'est que le gouvernement établisse véritablement la composition du conseil d'administration, alors qu'il y a beaucoup de personnes qui se sont présentées devant nous... et je crois comprendre aussi que la députée de Taillon partage l'avis de ceux et celles qui disent: Il faut aussi qu'on soit capables, à travers le conseil d'administration, qu'on soit capables de conserver la spécificité et la personnalité de chaque institution. Si c'est le gouvernement qui dit: Toutes les universités ou tous les cégeps doivent avoir un élu municipal, un représentant du sociocommunautaire, un représentant, etc., si on décrit ça de façon très précise, est-ce que vous n'êtes pas en contradiction avec la députée de Taillon qui dit: À ce moment-là, on ne pourra pas préserver cette personnalité, cette spécificité et cette identification locale, régionale ou en tout cas ce lien avec la communauté dans laquelle oeuvrent les milieux? Que répondez-vous à ça?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Pas du tout, Mme la ministre. Bien au contraire. D'abord, on veut garder une majorité de membres internes justement pour garder ce caractère de spécificité des universités. Ensuite, dans les exemples qu'on vous a proposés, on va justement dans la même voie que la députée de Taillon. Lorsqu'on dit: Un élu municipal local, bien, on veut un élu municipal qui est de la ville dans laquelle se trouve l'université. Lorsque je vous parlais d'employeur local, bien, je vous parlais encore là d'un employeur qui comprend la réalité de la région dans laquelle se trouve le cégep ou l'université. Justement, justement, lorsque je veux établir ces balises-là, je veux que l'université... prendre en compte les besoins locaux dans lesquels l'institution se trouve. Et entendons-nous bien, là: premièrement, je parle d'une minorité d'administrateurs; deuxièmement, je laisse une discrétion à ce conseil d'administration de nommer des gens qui représentent le milieu dans lequel il se trouve, justement.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Donc, je comprends, et je vous rappelle que, la semaine dernière, nous avons eu des représentations dans ce sens-là. Et, si le projet de loi doit être précisé, j'ai tout à fait accepté la possibilité que le projet de loi soit plus précis à cet égard-là. Je veux juste signaler toutefois que, dans le projet actuel, pour moi, le mot «doit» est très important. C'est-à-dire que le conseil d'administration n'a pas le choix que de refléter cette diversité dont vous parlez. On verra dans la discussion sur le projet de loi article par article le type de formulation qui sera utilisé.

M. le Président, quand j'écoute, on insiste beaucoup sur... on fait beaucoup le lien entre cette loi, qui est une loi de gouvernance, et la privatisation de l'enseignement. Est-ce qu'on ne va pas un peu loin, là, quand on parle de... Est-ce que de se donner des règles claires de fonctionnement, des règles claires de prise de décision, des précisions quant au rôle et aux fonctions de chacun, est-ce que... Quel est le lien avec la privatisation de l'enseignement? Je comprends que vous dites: Les membres externes sont des gens exclusivement ou principalement du milieu des affaires et du privé, mais est-ce que vous ne trouvez pas que l'essence même de la loi sur la gouvernance et cette conclusion à laquelle vous arrivez sur le fait qu'on veut privatiser l'enseignement, c'est d'y aller un peu fort à partir du moment où vous dites dans la même phrase aussi que vous n'êtes pas contre les gens du milieu d'affaires? Expliquez-moi.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Grenier-Robillard.

M. Grenier-Robillard (Émile): Écoutez, Mme la ministre, je ne présumerai pas de vos intentions sur ce côté-là. On ne pense pas que cette loi-là, que ces projets de loi là vont privatiser l'éducation; on n'en est pas encore là. Ce que, nous, on veut par exemple confirmer, c'est que c'est l'ingérence ou plutôt l'introduction de méthodes de gestion privée dans des établissements qui, par définition même, ne sont pas des business, ce ne sont pas des établissements privés qui doivent être gérés pour faire des profits.

On peut penser au cas de l'UQAM. Pourquoi est-ce que l'UQAM s'est lancée dans l'îlot Voyageur? C'était pour faire des profits. Mais pas pour se mettre direct dans les poches, c'était pour compenser le sous-financement dont l'UQAM est affligée depuis sa fondation et qui l'oblige à trouver des nouvelles sources de financement pour pallier au déficit chronique que lui imposent les budgets que le gouvernement lui affecte.

Le Président (M. Marsan): Je reconnaîtrai maintenant Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, bienvenue, c'est bien agréable de vous entendre. J'aurais deux questions. La première qui m'embête un peu... Dans votre mémoire, à la page 5, en haut, vous mentionnez que... je ne vais pas tout lire la phrase, là, mais «...pourquoi penser que des membres externes dans les C.A. des cégeps remplaceront les parents, la direction des études et les anciens étudiants de façon efficace?»

Comment vous en arrivez à la conclusion que les anciens étudiants ne pourraient pas être de la communauté externe?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois... Oh! M. Grenier-Robillard.

M. Grenier-Robillard (Émile): En fait, c'est très simple. Je ne dis pas qu'ils ne peuvent pas être dans la communauté externe, mais avant, dans les précédentes formations des conseils d'administration des cégeps, ils avaient une place réservée. D'où là notre commentaire dans ce projet de loi.

Mme St-Amand: Ce que vous dites, c'est que, pour vous, c'est important qu'il y ait des anciens étudiants sur le conseil. C'est ça?

M. Grenier-Robillard (Émile): Bien sûr. Parce que, si on regarde dans les cégeps, à la vitesse à laquelle les étudiants passent là, à la vitesse où évolue une communauté collégiale, ce n'est pas quelques administrateurs qui ont trois réunions par année ou quatre qui vont être capables de suivre le développement de tout de façon efficace.

Le Président (M. Marsan): Ça va?

Mme St-Amand: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Je ne vois pas nulle part dans votre mémoire... J'aimerais ça vous entendre, puis c'est une question que j'ai posée à peu près à tous les groupes qui sont venus, j'aimerais ça vous entendre sur la parité. Parce que vous savez que notre gouvernement privilégie ? d'ailleurs, ce sera mis en place de façon plus rigoureuse d'ici quelque temps ? la parité hommes-femmes; il y a une loi de la parité hommes-femmes. Alors, j'aimerais ça vous entendre. Bon, vous êtes membres de l'exécutif des jeunes du Parti québécois, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, vos valeurs, si pour vous c'est important que, dans la gouvernance, on puisse retrouver aussi la parité.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Écoutez, Mme la députée, on va faire le pont avec justement la définition de la diversité qu'il doit y avoir dans ce projet de loi. Tout intérêt à ce qu'on y mette des balises claires. Vous soulevez un problème très important, qui est la parité entre les femmes et les hommes. Maintenant, je pense qu'il y a ce principe-là qui est très important, et il y a beaucoup de principes aussi de parité qui sont importants, et d'où la nécessité de mentionner clairement dans le projet de loi qu'est-ce qu'on entend par diversité.

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la députée de Trois-Rivières, allez-y.

Mme St-Amand: Je voudrais juste préciser ma question, je vais poser ma question différemment. Comme exécutif, dans vos valeurs à vous autres, est-ce que la parité hommes-femmes, c'est quelque chose que vous préconisez?

M. Thériault-Marois (Alexandre): Ça va de soi. Ça va de soi, écoutez.

Mme St-Amand: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Je vais reconnaître M. le député de Lévis.

n(15 h 50)n

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci pour la présentation de votre mémoire. Alors, moi, dans une autre vie, j'ai fait 20 ans dans le monde municipal, donc dans le milieu, et, pour moi, tout l'aspect de la composition des membres du conseil d'administration, qui vise à faire en sorte que la collectivité soit associée directement, donc, pour moi, c'est extrêmement important dans le milieu.

Et je voulais juste avoir une précision par rapport à l'intervention de la ministre tout à l'heure. Quand on dit que la composition du conseil d'administration concourt à ce que les différentes composantes de la collectivité y soit reflétées ? ça, c'est dans la loi ? quand on dit aussi que la diversité des profils d'expérience et de compétence des membres indépendants du conseil d'administration doit être privilégiée aux fins des nominations, en plus le C.A. va devoir rendre publics, sur le site Internet de l'établissement, plusieurs renseignements, donc le résumé du profil d'expérience et de compétence de chacun des membres, ce qui fait que, par rapport à la situation, par exemple, qu'on connaît, c'est que ça va être très transparent. On va savoir, dans notre milieu de vie, qui sont les membres qui siègent sur les conseils d'administration, quels sont leurs profils de compétence, ce qui va permettre à la communauté d'intervenir.

Donc, moi, à partir de ce moment-là, je voudrais savoir jusqu'où vous voudriez ? parce que, moi, en même temps j'ai fait beaucoup de développement régional et, moi, je suis en faveur des spécificités, donc qu'on respecte la spécificité aussi qui est propre à chaque collectivité ? jusqu'où vous voudriez que la loi aille pour la nomination des membres externes. Est-ce que vous iriez jusqu'à identifier carrément... il va y avoir un membre de tel groupe, un membre de tel autre groupe? Parce qu'il me semble que la loi, en tout cas dans ce que, moi, j'en ai vu, a quand même des obligations qui amènent un changement fondamental dans l'approche, à tout le moins, des membres qui vont provenir du milieu. J'aimerais ça vous entendre là-dessus pour qu'on puisse vraiment noter à la commission votre recommandation, là, plus précisément à ce sujet-là.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Monsieur, je suis étudiant en droit, si vous me permettez une petite déformation professionnelle... Ce que je vois dans le projet de loi présentement, c'est qu'il n'y a aucun... c'est-à-dire qu'on ne peut pas obliger... bien qu'il y ait de la transparence, je suis tout à fait d'accord avec vous et je trouve ça très noble. Par contre, on n'a aucune poignée pour faire respecter cette diversité. Et, si on ne s'entend pas sur le terme «diversité», alors là on est dans un blocage, parce que le terme «diversité» peut être interprété très largement.

Madame nous parlait tout à l'heure de diversité, de parité hommes-femmes. Moi, je vous parlais de membres de la communauté sociocommunautaire, etc. Donc, cette diversité-là, on peut l'interpréter de façon très large, et, si jamais on ne s'entend pas, il n'y a rien à faire, vous comprenez, il n'y a aucune poignée juridique dans le projet de loi.

M. Lehouillier: Quelle est cette poignée...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui, excusez-moi, M. le Président. Quelle est cette poignée que vous voudriez ajouter au projet de loi?

M. Thériault-Marois (Alexandre): Comme je l'ai mentionné tout à l'heure...

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois... Je voudrais juste vous rappeler, si je demande la parole pour indiquer votre nom, c'est pour nos transcripts, pour être sûr que ce qui est dit va être attribué aux bonnes personnes. Alors, c'est à vous la parole, M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Je crois, comme je l'ai dit tout à l'heure, que l'on doit inscrire dans le projet de loi des catégories de membres externes. On en a nommé tout à l'heure. Je pense que l'on peut se permettre d'inscrire dans le projet de loi un élu ou un employé municipal, un membre du milieu sociocommunautaire, un membre qui représente les employeurs.

M. Lehouillier: ...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: M. le Président, je m'excuse. Alors donc, vous iriez... Moi aussi, je suis nouveau, donc on va s'habituer. Donc, vous iriez... M. le Président, donc, si je comprends bien, vous iriez jusqu'à effectivement intégrer dans le projet de loi des catégories. Exemple: un représentant du monde municipal, un représentant du milieu communautaire, un... Vous iriez jusque-là. Est-ce que c'est ça que je comprends?

M. Thériault-Marois (Alexandre): Je pense qu'on peut le faire de plusieurs façons. On peut le faire par règlement, on peut le faire directement dans le projet de loi. Il faudra réfléchir à la façon appropriée de le faire, mais ce qui est impératif, c'est qu'on établisse des balises claires.

M. Lehouillier: O.K. Merci.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour. J'aimerais vous parler un tout petit peu et avoir votre avis sur comment devrait s'articuler le rôle du conseil d'administration dans un cégep et dans une université versus les autres instances de décision. Vous savez que, dans certains collèges, il y a des commissions, des études. À l'Université Laval, il y a un conseil universitaire. Enfin, il y a beaucoup d'autres... il y a des commissions, etc. Il y a donc beaucoup d'autres lieux. On pourrait discuter longtemps à savoir si ça s'appelle des lieux de pouvoir, mais enfin il y a certainement des lieux de consultation, sinon de pouvoir, et, à mon avis, quand même un peu, là, d'influence, d'autres lieux d'influence donc. Comment voyez-vous, là, le rôle de ces instances-là versus le rôle du C.A.?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): M. Pigeon, alors, d'abord, sans aucun doute que vous connaissez de quoi vous parlez, vous avez vous-même été mon recteur. Écoutez, bien sûr qu'il y a plusieurs organes de consultation, et lorsqu'on parle ? j'en discuterai ultérieurement ? lorsqu'on parle, par exemple, de la commission des études, comment est-ce qu'on établit les programmes, c'est vrai que là on a de la consultation, des employeurs du milieu afin de s'assurer que le programme réponde bel et bien aux demandes. Il y a aussi beaucoup d'autres organes de consultation.

Par contre, il ne faut pas se leurrer, le conseil d'administration sera le seul à avoir véritablement le dernier mot et également le pouvoir de décider, en bout de ligne. Et bien que d'autres organes soient consultatifs, ce qu'on propose, nous, c'est qu'on donne véritablement un pouvoir à la communauté de décider des orientations de cette université. Il faut aller plus loin, selon moi, qu'une simple consultation, là.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Oui, merci, M. le Président. On a employé le mot «consultation», il y a aussi un autre mot qui est beaucoup utilisé dans les universités, qui est le mot «collégialité». Comment voyez-vous, je dirais, l'articulation de la collégialité dans une université dans le modèle que vous proposez?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Je pense qu'il ne faut pas pousser trop loin notre raisonnement, dans le sens où qu'on demande qu'il y ait une majorité de membres internes, et ça, ça ne change pas. Nous, ce qu'on vient s'assurer, c'est que les membres externes soient... qu'il y ait une diversification des membres externes. Mais jamais on ne touchera au principe qu'il doit y avoir une majorité de membres internes. Ça, c'est la première base de notre mémoire, et c'est la chose... c'est la dernière chose à laquelle il faut toucher, là.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Oui, je vous comprends, mais, moi, je voulais aller plus loin, parce que le conseil d'administration, je vous comprends et je pense que tout le monde se comprend ici, là, a un rôle important, je dirais, une espèce de rôle final, mais il y a, dans les universités, tout au moins celles que je connais, il y a des mécanismes de collégialité importants ? je voulais vous amener sur ce terrain-là ? et qui ne sont pas nécessairement dépendants du conseil d'administration.

Par exemple, pour l'embauche des profs, hein, vous savez le rôle que, même à l'UQAM, par exemple, peuvent jouer les départements, et ainsi de suite, et donc mon expérience, je n'allais pas dire de pouvoir à l'université parce que ce serait faux, mais mon expérience générale à l'université, ayant tenu divers rôles, m'amène à penser qu'il y a quand même une grande somme de mécanismes qui garantissent certaines protections, qui garantissent collégialité et consultation, et, moi, personnellement, je vois difficilement comment le projet de loi interfère dans ça.

Le Président (M. Marsan): M. Grenier-Robillard. C'est bien ça.

M. Grenier-Robillard (Émile): Bien, écoutez, c'est bien sûr qu'on ne veut pas qu'un conseil d'administration décide de quels professeurs vont être engagés; ce n'est pas là son rôle. Il faut comparer des pommes et des pommes. Je veux dire, on parle de représentation justement de la communauté collégiale et universitaire à l'intérieur du conseil d'administration parce que les grandes décisions, les décisions les plus importantes et celles qui vont le plus toucher sont souvent prises à ce niveau-là.

Tu sais, on peut parler, exemple, que... pour les recteurs ? vous en étiez un ? je crois que c'est l'Université Laval, à moins que je me trompe fortement, qui est la seule qui élit son recteur, sauf que, dans le projet de loi... d'accord, non, mais, dans le projet de loi, c'est quelque chose qu'on n'aura plus le droit.

De plus, si je ne me trompe pas ? le député de Verdun m'avait dit ça pendant un débat à l'UQAM ? c'est qu'il y aurait seulement un tiers des voix qui auraient lieu au conseil d'administration, qui seraient des... Bon, c'est le député de Verdun qui m'avait dit ça. Mais néanmoins ils ont la minorité dans le nouveau projet de loi, ce qui se trouve à être un peu un bâillonnement de la communauté universitaire.

Je vous le rappelle, à l'UQAM, l'îlot Voyageur, l'exemple type, la communauté interne a tout fait pour stopper le projet. Ils ont fait même promettre de ne pas avoir à payer des coûts que le recteur avait promis. Et qu'est-ce qui s'est passé? Ils ont été bâillonnés, ça a été l'administration et les externes qui ont réussi à faire passer ce projet-là, et là, en ce moment, c'est moi qui me retrouve avec un... et les autres étudiants de l'UQAM qui se retrouvent avec des augmentations de frais de scolarité bien au-delà du dégel que la ministre a fait passer il y a quelques années.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Je comprends ce que vous me dites, mais on parlait, par exemple, là, du choix du plus haut dirigeant, là. Moi, je ne lis pas le projet de loi comme vous. On pourrait faire le débat très long, il se fera éventuellement, mais, moi, je ne lis pas le projet de loi de la même façon que vous, et le projet de loi dit bien que chaque université va garder sa spécificité puis son processus, etc.

Le Président (M. Marsan): Je pense que M. Roy a demandé la parole également.

n(16 heures)n

M. Roy (Vincent): Oui. Merci, M. le Président. Dans le fond, c'était pour compléter un peu la réponse de mon collègue, c'est de dire que, si effectivement on a des mécanismes internes dans les universités, qui servent à la collégialité, comme vous l'avez dit justement, le processus final de décision repose sur le conseil d'administration lui-même. Dans la mesure où, ces mécanismes-là, leurs voix portent dans une situation minoritaire sur les conseils d'administration, on se demande justement jusqu'à quel point est-ce que la portée de la collégialité peut être garantie si les membres internes ne sont pas en majorité absolue sur les conseils d'administration.

Si je peux un peu poursuivre la discussion sur le mémoire que nous avons déposé, il y a un autre aspect aussi de notre mémoire qu'on trouvait important, c'est-à-dire que non seulement on voulait amener des suggestions plus constructives au niveau de la façon dont est faite la loi, mais on voulait aussi amener le gouvernement sur une réflexion de se dire qu'il faudrait peut-être essayer de construire une vision plus globale de l'éducation en tenant, par exemple, un sommet sur l'éducation où, là, on pourrait réunir différents agents qui pourraient discuter donc c'est quoi, les visées du programme au lieu de prendre des points un par un, indépendamment les uns des autres. Si je pouvais entendre l'opinion de certains membres du comité là-dessus, ce serait fort intéressant. Merci.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Bon, M. le Président, juste pour terminer. Alors, en tant que jeune parlementaire, je pense que l'occasion ici, cet après-midi, est de discuter et d'écouter concernant les deux projets de loi, là, qui sont proposés, et je me sentirais mal à l'aise d'aller plus loin dans la discussion aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je suis heureuse de vous voir ici, d'abord parce que vous êtes effectivement des jeunes qui avez des choses à dire, mais aussi parce qu'il se trouve qu'on se connaît quand même fort bien, et c'est agréable de vous voir venir présenter vos idées de façon articulée et en même temps de susciter un certain débat qu'il est important d'avoir, parce que ce sont des questions honnêtement qui ne sont pas simples et dont les conséquences peuvent être importantes.

J'aimerais revenir sur une idée que vous émettez dans votre mémoire et que je partage, mais j'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur cette idée d'un... vous appelez ça, vous, un sommet sur l'éducation au Québec. Moi, je dis: il eût été préférable d'avoir au moins un débat public sur ces questions-là avant de formater tout ça dans un projet de loi. Parce que, quand c'est dans un projet de loi, on est obligés, puis on en fait l'expérience vous et moi, d'aller lire des articles et de se demander quels mots ça veut dire, «diversité de profils», par exemple.

On y reviendra tantôt, mais on est comme condamnés, entre guillemets... j'ai du respect pour les projets de loi, mais on est condamnés à un encadrement qui est extrêmement strict, puis c'est plus difficile d'avoir un débat, par exemple, au plan des grandes valeurs. Vous parlez de la question de la collégialité, je pense aussi que c'est à la base de la gouvernance classique des établissements d'enseignement supérieur, mais c'est plus difficile dans un projet de loi de parler de valeurs, parce qu'on a des textes qui sont, en principe, d'une grande rigueur.

Alors, parlez-moi un peu plus de ce que vous auriez souhaité comme débat antérieur à la formulation du projet de loi, ça veut dire portant sur quoi, avec quels acteurs, sous quelle forme. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Bien, d'abord, présentement, on parle de gouvernance des universités, mais on pourrait prendre plusieurs sujets en éducation où il est important d'avoir un plan global. Je pense que le Parti libéral se l'est fait dire par les centrales syndicales quand il était question du décrochage scolaire. On pourrait le dire également pour ce qui est de la... pour la question du financement.

L'éducation est probablement un des sujets où l'on doit le plus prendre un pas de recul et prendre en considération les opinions de tous les joueurs. Parce que, l'éducation, ce n'est pas simplement des professeurs, des administrateurs et des étudiants, mais c'est également une grande communauté qui profite de ces institutions. Par conséquent, nous, lorsqu'on voit deux projets de loi comme ceux-ci, on voit qu'on change la tête de notre système d'éducation, mais toutes les bases ne sont pas évaluées et réévaluées. Plusieurs acteurs sont venus ici pour parler de financement, on n'en parle pas, pourtant c'est ça, la base du problème.

Donc, pour nous, là, c'est sûr qu'il faut prendre un pas de recul et vraiment regarder l'ensemble du projet. Peut-être que je laisserais la parole à M. Roy pour compléter.

Le Président (M. Marsan): M. Roy.

M. Roy (Vincent): Bien, essentiellement, je veux dire, le point qu'Alexandre vient de soulever, comme quoi le sous-financement demeure encore et toujours, c'est un problème qui a des portées qui vont beaucoup plus loin que les questions des décisions administratives. Je veux dire, comme j'expliquais tout à l'heure dans mon discours, dans la présentation, le fait d'avoir des étudiants qui, à la base, déjà au niveau soit des CPE ou même des niveaux primaires, ont déjà de la difficulté à l'école, on vient en quelque sorte de ralentir notre processus d'intégration, je dirais, à l'école pour les niveaux suivants, que ce soit secondaire, collégial et même universitaire. Les décisions qu'on prend en éducation ont une portée globale pas seulement même dans le réseau scolaire, mais dans le réseau de la société en entier. Par conséquent, les directions qu'on veut donner à notre système d'éducation, c'est des directions qu'on va donner aussi à notre nation dans sa construction, que ce soit simplement comme société ou même comme pays. Donc, voilà.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: En fait, ce que vous dites, c'est que, comme les enjeux sont publics, le débat devrait être public. Comme les conséquences d'un projet de loi comme celui-là toucheront tout le monde, tout le monde, tout le monde étant quand même... quand on fait un sommet ou un forum, tout le monde étant organisé en différents types de groupes qui représentent tout le monde, entre guillemets, mais tout le monde doit être convié à la discussion avant qu'on en fasse une étude comme nous le faisons maintenant. Moi, je le souligne, parce que, bon, d'une certaine façon, c'est trop tard, puisqu'on a deux projets de loi devant nous, mais ce n'est quand même pas normal qu'on n'ait pas réussi à faire ce débat-là. Et il y a probablement des éléments que vous mettez en lumière, comme, par exemple, celui du financement de l'enseignement supérieur au Québec, qui demeureront un enjeu qui ne sera pas réglé par ce projet de loi là. Il y a d'autres éléments donc qui auront besoin d'être revus à un autre moment, et j'espère que ce ne sera pas uniquement par législation.

Je voudrais revenir sur la question du C.A. qui se reproduit. J'ai pris ce que vous avez dit, là. Je pense que ça illustre bien... ça illustre bien quelque chose. Et ce que ça illustre, c'est que les règles du jeu ? et je veux le préciser de nouveau, même si je l'ai déjà évoqué ? les règles du jeu font qu'un comité de ressources humaines composé très majoritairement de membres externes va définir un profil pour le premier dirigeant. Ce profil va être apporté au conseil d'administration composé, selon le projet de loi, à majorité de membres externes, et c'est ce conseil d'administration qui va entériner le profil. Après, on va lancer ça dans les universités pour qu'elles suivent un processus qui n'est pas le même partout, effectivement; dans certains cas, il y a un comité, dans d'autres cas, il y a un collège électoral. Mais il reste que le profil aura été déterminé par des gens essentiellement de l'externe. Et c'est vrai que, si on reproduit ça sur des années et des années, à un moment donné, il y a comme une couleur qui est donnée, qu'on le veuille ou non ? là, je ne juge pas de la pertinence et de la qualité des gens ? mais il y a une couleur qui est donnée par les gens de l'externe.

J'aimerais juste que vous réagissiez à ce que je dis, mais aussi en me disant, selon vous, c'est quoi, l'impact que ça peut avoir sur nos collèges et particulièrement sur nos universités, parce que là c'est un changement de culture plus important. Quel impact ça peut avoir, selon vous, à plus long terme?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Vous savez, dans le domaine privé, les administrateurs sont nommés par les actionnaires. Ceux qui ont intérêt dans l'entreprise ont le droit fondamental, c'est inscrit dans la loi, de nommer les administrateurs. Là, on parle d'institutions postsecondaires qui sont publiques, il me semble que c'est d'autant plus important de s'assurer que cette gestion-là respecte les intérêts de ce pour quoi elles travaillent. Ce qu'on voit dans ce projet de loi, c'est que les administrateurs n'auront jamais à faire face à un renouvellement, et jamais l'intérêt public va pouvoir venir les voir et leur dire: Vous êtes dans la mauvaise voie.

Écoutez, il y a des changements, là, dans notre société. Les employeurs ont besoin de différentes choses. Notre société a besoin de citoyens différents. Ça doit changer. Et si, comme vous dites bien, il y a une couleur qui est donnée à ce conseil d'administration là et qu'il se reproduit lui-même, comment est-ce que l'université ou le cégep va être capable de s'adapter aux changements sociaux et aux changements dans le domaine... dans le milieu du travail? Moi, ça ne me fait aucun sens qu'il ne puisse pas y avoir des gens qui ont des intérêts dans ces institutions publiques, qui puissent, un jour ou l'autre, tirer une sonnette d'alarme ou dire qu'on doit changer de direction, alors que, dans l'entreprise privée, c'est possible. Ça ne fait pas de sens, là. Peut-être qu'Émile...

n(16 h 10)n

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Grenier-Robillard.

M. Grenier-Robillard (Émile): Puis un autre point important qu'il faut quand même souligner, c'est que, dans les conseils d'administration, les membres internes ont des comptes à rendre, que ce soient les représentants étudiants qui sont élus par leurs pairs ou les professeurs envers les autres professeurs et les syndicats, les employés et les chargés de cours, même chose. C'est très important parce que, si on regarde les membres externes qui viennent de n'importe où, ils ont rarement des comptes à rendre pour les mauvaises décisions qu'ils ont prises. Quelle que soit la situation qu'ils auront prise, ils ne pourront pas être châtiés, ou perdre leur poste, ou quoi que ce soit, parce qu'ils n'ont pas de comptes à rendre à personne, sauf à eux-mêmes.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je vais poser une dernière question, ensuite je passerai la parole à mon collègue de Drummond et ensuite à ma collègue de Champlain. Je vous annonce nos tours de parole.

Je voudrais... je voudrais revenir sur la question des... de la composition du C.A. Il y a... En fait, il y a deux enjeux que vous avez soulevés qui sont réels. Il y a celui de la proportion des nombres internes par rapport aux membres externes. Leur poids relatif, c'est de ça qu'on parlait, là. Si la majorité, c'est externe, c'est sûr qu'ils ont un poids relatif important et théoriquement ils peuvent prendre des décisions, ils peuvent faire pencher la balance de leur côté. L'autre question, c'est la composition du groupe externe. D'ailleurs, vous remarquerez que de plus en plus on se met à parler d'externes plutôt que d'indépendants. On commence à nuancer le mot «indépendants», là, parce qu'à force de réfléchir on se rend compte que peut-être que «dépendants», «indépendants», ce n'était pas la bonne appellation. Alors donc, la composition de la partie externe.

Puis je veux revenir sur le fameux article qu'on a cité et qui dit: «La diversité des profils d'expérience et de compétence des membres du conseil d'administration doit être privilégiée aux fins de leur nomination...» On n'est pas rendus à l'étude article par article mais on va y venir. Moi, je comprends bien, comme vous, je crois que «doit être privilégiée» n'est pas une contrainte absolue. Un projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il définit ce qui est légal ou ce qui est illégal, ce qui est permis par la loi ou ce qui est interdit par la loi. Or, «doit être privilégiée», pour moi, laisse franchement une grande marge de manoeuvre pour se demander qu'est-ce qui est permis ou qu'est-ce qui ne l'est pas. Là-dessus, là, il y a quelque chose qu'il faudra préciser.

Mais revenez-moi, en ce qui vous concerne, sur le type de personnes que vous aimeriez voir sur un C.A., le type de personnes... Bon, vous parlez d'élus, vous parlez de milieu communautaire aussi. J'aimerais que vous me donniez des exemples peut-être du type de personnes qui pourraient avoir une pertinence pour siéger sur un conseil d'administration.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Bien, je crois que vous soulevez deux choses importantes pour ce qui est de la diversification. Premièrement, ce projet de loi là n'est pas coercitif, c'est-à-dire qu'il détermine... vous avez raison, un projet de loi détermine ce qui est illégal et légal, et ici il ne détermine rien. Ensuite, deuxième chose, c'est que l'interprétation du mot «diversité» est excessivement large, et on peut l'interpréter un peu comme on l'entend. Maintenant, l'opportunité de définir quelle doit être cette diversité-là, il faut l'utiliser à bon escient.

Nous avons parlé d'élus ou d'employés municipaux, nous avons parlé de membres des groupes sociocommunautaires. Justement, comme on me disait du côté du Parti libéral tout à l'heure, il y a une spécificité à chacune des villes dans lesquelles se retrouvent les institutions scolaires, et ces villes-là, ces régions-là font face à des problématiques qui sont différentes, excessivement différentes. Lorsqu'on parle, par exemple, d'une région éloignée, bien on parle souvent d'occupation du territoire, c'est une problématique qui est importante. Donc, par exemple, un membre du milieu sociocommunautaire qui s'occuperait d'occupation du territoire pourrait vérifier que les projets universitaires participent bien à... qu'en fait l'université occupe bien les territoires sur lesquels elle se trouve et se concentre véritablement dans la région dans laquelle elle se trouve. Ça, c'est une option qui pourrait être, pour nous, fort avantageuse.

Ensuite, pour ce qui est des employeurs locaux, encore là, il y a une économie locale dans chacune des régions, et, sans nécessairement confiner les décisions de l'université dans des domaines précis, des milieux précis, bien je pense que certains... on gagnerait à avoir des employeurs locaux qui soient définis dans la loi, et qu'on puisse les nommer.

Mme Malavoy: Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je vais reconnaître le député de Drummond. M. le député.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est amusant de vous voir ici, alors qu'en général vous me voyez dans vos institutions.

J'ai une inquiétude: que ce projet de loi, qui nous amène à regarder un certain nombre de détails fort pertinents, ne nous fasse partir après l'ombre au détriment de la vraie proie. Et je m'explique. Tout le monde est pour les principes de saine gestion et de saine administration. Et rapidement on dérive vers la notion de gouvernance et on nous présente deux lois. Le problème des universités, c'est qu'il y a un trou de 600 millions par année dans le réseau universitaire. Et au niveau des collèges, c'est 300 millions par année. C'est un grave problème de gestion. Ce n'est probablement pas un problème de gouvernance.

Lorsqu'on parle de problème de financement, forcément on arrive au problème d'accessibilité dont la ministre nous disait, il y a quelques minutes à peine, dans l'autre Chambre, que c'était la grande priorité du gouvernement. Or, vous avez soulevé un point que vous n'avez développé que trop peu à mon avis et qui me semble pertinent dans ce contexte-là, vous avez parlé de l'essaimage régional des universités qui partent d'un point pour aller à l'autre; on sait tous que c'est lié à leur financement.

J'aimerais que vous élaboriez sur cette question-là. Et j'aimerais que vous me disiez, d'après vous, pourquoi et avec quelle conséquence sur le réseau universitaire.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Roy.

M. Roy (Vincent): Bon, dans le fond, comme M. le député l'a dit...

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): La parole est à M. Roy.

M. Roy (Vincent): Merci. Comme M. le député l'a souligné, il y a effectivement un problème de sous-financement dans le réseau. Mais ce sous-financement-là, le plus absurde en plus, et qu'on évalue à 600 millions de dollars, c'est seulement pour, je dirais, la continuité du réseau, seulement pour soutenir les besoins qu'on a, année après année, pour pouvoir soutenir le réseau dans l'état actuel dans lequel est-ce qu'il est. On n'en vient même pas à vouloir aller plus loin que cette question-là, on n'en vient même pas à se dire: Si on veut réellement un système d'éducation qui est adapté aux besoins du XXIe siècle, qui est ouvert sur son milieu et qui garantit une accessibilité, pour ne pas dire plus, mais garantit son accessibilité au réseau postsecondaire puis au réseau en entier... On se retrouve, en fait, face à rien, on se retrouve face à une situation où le sous-financement nous met à un mur. On se retrouve où on ne peut même plus assurer les coûts du système et on ne peut certainement pas aller plus loin et se donner le système dont le Québec a besoin et dont le pays du Québec aura besoin dans les prochaines années.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Présentement, M. le Président, l'Université Laval est en campagne publicitaire pour aller recruter des étudiants à Montréal. Pire que ça, l'UQAC, l'Université du Québec à Chicoutimi, a un campus à Montréal pour recruter des étudiants en informatique. Quelle est la pertinence de cet essaimage, comme disait le député de Drummond? Qu'est-ce qu'on cherche exactement puis qu'est-ce que ça cache surtout? Qu'est-ce que ça cache? Pourquoi est-ce que les conseils d'administration doivent prendre de telles décisions alors que leur rôle... L'UQAC, son rôle, c'est la formation des étudiants à Chicoutimi afin de développer cette région-là. Si elle doit aller chercher du financement étatique par des étudiants recrutés à Montréal, c'est nécessairement parce qu'il y a quelque chose qui cloche. Et ce quelque chose qui cloche, je vois très mal comment on va le régler avec les projets de loi nos 38 et 44. On ne répond pas du tout à cette question, et je crois... nous croyons en fait que ça va même lui nuire, ça va même lui nuire.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.

n(16 h 20)n

M. Blanchet: Oui. Je pense que, dans le contexte d'une commission parlementaire, il ne faut pas classer les sujets entre ceux qui sont délicats et ceux qui ne le sont pas, parce qu'il faut aborder toutes les questions.

Permettez-moi, M. le Président, de prendre une citation tirée des verbatims encore tout chauds: «Je répète, M. le Président, qu'en une seule année passer de 1 600 $ à 29 500 $, M. le Président, il est évident que c'est une...» Malheureusement, là, il y a trois petits points, le mot n'est pas là. Et, je vous dis où je m'en vais, il est déraisonnable d'augmenter de 1 600 % en un an les frais de scolarité pour une formation à McGill ou n'importe où ailleurs, je suppose. Mais je me pose la question: Est-ce que ça le serait en deux ans, en trois ans, en quatre ans? Ça reste des très gros chiffres. Et est-ce que c'est comme ça que nous allons améliorer cette grande priorité qu'est l'accessibilité aux études postsecondaires pour les gens au Québec alors qu'on va avoir un grave problème de formation? Alors...

Mme Courchesne: Question de règlement.

M. Blanchet: Si vous me permettez de finir ma question, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Blanchet: En quoi est-ce que la composition modifiée des conseils d'administration des universités et des cégeps va-t-elle favoriser, selon vous, cette fameuse et prioritaire accessibilité?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): C'est bien dommage, M. le Président, mais je crois que cette modification législative apportera davantage de projets du genre, apportera davantage les institutions postsecondaires à prendre des décisions comme il a été le cas dans le cas de l'Îlot Voyageur et comme il a été le cas dans l'essaimage des campus universitaires. Si, au contraire, on garde une majorité de membres internes et qu'on établit des balises claires, pour ce qui est de la nomination des membres externes, ça me surprendrait, M. le Président, qu'un élu municipal local ou encore un employeur local pousse l'institution postsecondaire à ouvrir un campus à Montréal alors qu'il est supposé être à Chicoutimi. Malheureusement, cette modification législative non seulement ne règle rien, M. le Président, mais on va plus loin: ça l'empire, la situation.

Le Président (M. Marsan): M. Roy, vous voulez compléter?

M. Roy (Vincent): Et c'est non seulement dans une perspective de... On critique parce qu'on trouve que ce n'est pas une bonne façon de répondre aux besoins. On a voulu amener une critique constructive à tout ça. Donc, oui, on a critiqué constructivement les articles des projets de loi nos 38 et 44. Mais, partant du fait qu'on croit qu'on ne règle pas le problème fondamental du réseau scolaire, incluant le postsecondaire, nous avons voulu aussi amener une vision beaucoup plus constructive, allant plus loin, en disant qu'il va nous falloir réellement un moment où est-ce qu'on va être capables d'asseoir tous les acteurs du milieu, qui sont concernés, qui sont pertinents, pour établir les balises de ce que deviendra le système scolaire québécois des prochaines années.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Marsan): Trois minutes.

Mme Champagne: Trois minutes. Bon, bien, en trois minutes, on peut faire long. Messieurs, bonjour. Alors, heureuse de vous revoir. On a reçu à date beaucoup de mémoires. On en a lu plusieurs. Et je pense que, de façon presque unanime, on ne s'entend pas sur la parité ou l'équilibre entre l'interne et l'externe. J'oublie le mot... «indépendant». Je n'y crois pas de toute façon. On n'est pas indépendants chacun à notre façon. On a toujours un parti pris à quelque part. Donc, on est de l'interne ou on est de l'externe, et là le débat se fait là. On sait qu'on va finir par atterrir à quelque part avec ce projet de loi là. Il va sortir quelque chose de ça. On va l'étudier article par article après avoir fait, je suppose, les rencontres avec vous autres.

Une fois que cela va avoir été fait, avec les conséquences que ça aura, puis je ne peux pas les prévoir d'avance, je crois comprendre, par votre dernier propos, suite à la question de mon collègue, que vous tenez à des états généraux afin qu'on discute des questions qui vous interpellent particulièrement autant au niveau collégial qu'au niveau universitaire: c'est l'accessibilité, le financement et comment on s'en sort dans l'avenir. On va avoir un groupe bientôt qui va venir nous parler, là, de finance également dans leur mémoire, à savoir que les étudiants ont de la difficulté à arriver.

Est-ce que la façon de donner les prêts et bourses ? et mon collègue pourrait vous en parler longtemps ? la façon de les distribuer, la façon de les répartir, on est encore dans le bon timing, on est encore corrects? Est-ce qu'on ne devrait pas revoir le tout?

Je pense que ces questions-là, moi, depuis au moins une dizaine d'années, là, me sont posées, O.K., me sont posées. Donc, peu importe la conclusion, suite à cette commission parlementaire là, tenez-vous toujours aux états généraux sur l'éducation pour avoir les vraies questions qui vous préoccupent?

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, c'est M. Grenier-Robillard.

M. Grenier-Robillard (Émile): Tant que le sous-financement chronique de l'éducation va continuer à être aussi grave, à provoquer autant de problèmes dans le système d'éducation, que ce soit du CPE à l'université, tant qu'il va y avoir autant de problèmes en éducation, c'est clair que ce ne sera pas un projet de loi ou deux qui vont régler ça, mais qu'il faut impérativement des états généraux pour que la société québécoise prenne les grands moyens pour s'en sortir.

Les problèmes sont là. Ils sont majeurs. On parle de 900 millions de sous-financement. Ce n'est pas rien. Il faut que tout le monde puisse s'asseoir autour de la table, comme il a déjà été fait dans le passé au Québec. C'est une des marques de commerce du modèle québécois. Eh bien, il faut absolument que ce soit fait pour régler ce problème-là. Un sous-financement peut être viable pendant trois ou quatre ans, pendant une période de récession, en cas de gros problèmes, pas pendant 20 ans.

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): M. le Président, je pense que tout le monde... Il y a un consensus au Québec et dans la plupart des pays de l'OCDE que, si on veut briller parmi les meilleurs, là, bien il y a juste une façon, puis c'est l'éducation. On a parlé d'accessibilité, on a parlé de gouvernance, mais pour ce qui est de développer le réseau, une fois qu'on va avoir comblé le trou de 900 millions, là, bien il va falloir réfléchir également à comment est-ce qu'on va faire en sorte que les étudiants soient les plus instruits en Amérique du Nord, comment est-ce qu'on va faire que les étudiants québécois vont être les meilleurs ingénieurs, les meilleurs historiens, comment est-ce qu'on va faire en sorte que nos universités cessent de traîner de la patte mais véritablement se démarquent, si on veut que le Québec se démarque, lui.

Donc, des états généraux sur l'éducation, c'est fondamental pour régler le problème d'accessibilité, c'est fondamental pour régler le problème du sous-financement, mais c'est d'autant plus fondamental pour se démarquer et produire les étudiants les mieux instruits et les plus instruits en Amérique du Nord.

Le Président (M. Marsan): Ceci termine l'échange avec l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le deuxième groupe d'opposition et son porte-parole, le député de Chauveau, porte-parole en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Je tiens, moi, également à souligner et à féliciter votre engagement dans la cause politique, c'est une riche idée. Et je fais miens également les propos de Mme la ministre qui disait qu'il y a de fortes chances qu'on risque de vous revoir. D'ailleurs, plusieurs de vos prédécesseurs ont fait carrière en politique... font carrière en politique actuellement. Le député de Matane, Joseph Facal, André Boisclair sont tous des anciens présidents des jeunes du Parti québécois. Donc, c'est intéressant, je salue votre engagement politique.

Dans votre mémoire, vous mettez beaucoup en lumière le fait qu'on se retrouve un peu ici en raison de la catastrophe de l'îlot Voyageur, cette dérive bureaucratique, cette dérive financière dramatique qui fait en sorte que des dizaines de millions de dollars ont été perdus, se sont envolés, et vous en faites les frais aujourd'hui, c'est malheureux.

Vous soulignez à juste titre que les gens de l'interne au conseil d'administration, eux, avaient sonné l'alarme, alors que les gens de l'externe, eux, n'avaient pas vu cette dérive qui se propageait. Et je dois également vous rappeler qu'à deux reprises le ministre de l'Éducation à l'époque avait été alerté et a fermé les yeux sur cette triste réalité, et aujourd'hui vous en faites les frais. Donc, oui, c'est vrai qu'à l'interne il y avait eu des signaux d'alarme qui n'ont pas été entendus, et également au niveau du ministre de l'Éducation ces signaux d'alarme là n'avaient pas été entendus.

Ce qui m'amène également à vous parler de votre point de vue concernant la composition des conseils d'administration, quant au nombre des gens de l'externe, quant au nombre des gens de l'interne. Votre position est bien campée, est bien claire, je l'apprécie: vous souhaitez davantage des gens de l'interne. Maintenant, on va aller peut-être un peu plus précisément. Les gens de l'externe, bon, ils vont être minoritaires, selon votre point de vue, d'accord, mais jusqu'à quel point? Dans une composition, là, ce serait quoi, 25 %, 30 %, 35 % de gens de l'externe?

Et, parmi ces gens de l'externe, vous avez plaidé tout à l'heure, M. le Président, concernant l'apport des gens du groupe socioculturel... pas socioculturel, mais sociocommunautaire qui pourraient, eux, avoir leur mot à dire là-dedans. Et, eu égard aux propos que vous avez tenus tout à l'heure concernant l'emprise que peut avoir l'entreprise privée dans certaines situations, jusqu'à quel point vous seriez capables d'accueillir des gens de l'entreprise privée au sein des conseils d'administration? Et quelle est la proportion idéale que vous voyez interne-externe?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Dans les paramètres d'une vision, ce qui est important, c'est d'avoir une majorité. Donc, comme vous l'avez dit, c'est clair qu'il nous faut une majorité. Maintenant, je serais mal à l'aise de vous dire exactement 25 %, 30 %, puisqu'il y a une autre considération qui est importante, c'est une bonne proportion dans les membres internes. Parce que vous savez que, bon, c'est ça, dans les membres internes d'une institution, il y a énormément de... il y a beaucoup d'acteurs, que ce soient les employés de soutien, que ce soient les professeurs, que ce soient les étudiants, donc je crois qu'il faut faire attention pour aller chercher une bonne proportion entre ces membres internes là. Et évidemment on ne peut pas aller... avoir un conseil d'administration qui est trop nombreux. Donc, il faudra voir, mais il me semble qu'une proportion en deçà d'une demie, mais au-dessus de 20 %, serait...

M. Deltell: Les gens de l'entreprise privée...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Oui, merci, M. le Président. Les gens de l'entreprise privée, jusqu'à quel point vous êtes prêts à les ? si je me fie aux propos que vous avez tenus tantôt ? à les tolérer à l'intérieur d'un conseil d'administration?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Je crois que, lorsqu'on a cité nos exemples, on a cité trois principales catégories d'acteur: des gens de la communauté politique, des gens des communautés sociale et communautaire et des gens de la communauté des affaires. Donc, je crois, dans la même ligne, qu'on doit garder cette même proportion dans les membres externes.

M. Deltell: Bien. J'aimerais aborder un autre point avec vous...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.

n(16 h 30)n

M. Deltell: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder un autre point avec vous, mon temps file. J'écoutais attentivement votre propos, je l'ai trouvé fort intéressant et instructif. Mais vous n'avez pas parlé d'un élément... enfin, à ma connaissance, vous n'avez pas parlé, dans votre propos, d'un élément que l'on retrouve dans votre document, et il s'agit du sous-financement.

Vous faites état du sous-financement et vous dites que le sous-financement est majeur concernant les universités au Québec. Et vous l'avez dit il y a quelques minutes à peine: Si on veut briller parmi les meilleurs, il faut investir davantage dans l'éducation.

Dans votre... dans votre document, le troisième avant-dernier paragraphe, vous dites que les facteurs qui vont en sorte qu'il y a du sous-financement, c'est, entre autres, le fait que le fédéral ne subventionne pas ou, enfin, n'est pas... n'amène pas les... «...financement inadéquat causé par des restrictions financières du gouvernement fédéral ayant forcées des coupures dans le réseau à travers la foulée de la loi sur le déficit zéro».

Dans quelle mesure, selon vous, la loi du déficit zéro a eu un impact sur le financement actuel et la triste réalité dans laquelle nous sommes confrontés? Dois-je vous rappeler, dois-je vous rappeler que le déficit zéro, la loi sur le déficit zéro, est l'héritage du premier ministre Lucien Bouchard, déficit... premier ministre du Parti québécois? Qu'à l'époque son ministre responsable des Finances, c'était qui? Bernard Landry, qui deviendra plus tard premier ministre. Que des éléments majeurs du Parti québécois étaient présents, bien entendu, au sein de ce Conseil des ministres là. Qu'il y avait François Legault, qui, dois-je vous le rappeler, a fait fortune dans l'entreprise privée, et c'est tant mieux. Bravo pour lui, et bravo qu'il ait décidé après ça de s'engager dans l'arène politique, c'est formidable. Malheureusement, il n'est plus avec nous, mais, bon, c'est sa décision, et je la respecte. Qu'il y avait également l'actuelle chef de l'opposition officielle, votre chef, qui était partie prenante de la loi du déficit zéro.

J'aimerais savoir comment vous vous sentez devant une telle réalité, alors que vous décriez dans votre document, mais vous ne l'avez pas fait tout à l'heure en propos, vous décriez la foulée de la loi sur le déficit zéro? Et dois-je vous rappeler aussi que la semaine dernière, vendredi, lors de l'étude du projet de loi n° 40, eh bien, l'actuel député de Nicolet-Yamaska rappelait que l'on mettait de côté l'héritage du premier ministre Lucien Bouchard?

Quel est, selon vous, l'impact qu'a eu la loi du déficit zéro sur le financement des universités?

Le Président (M. Marsan): M. Thériault-Marois, il ne reste presque plus de temps, je vous demanderais de répondre très rapidement.

M. Thériault-Marois (Alexandre): Je vais faire rapidement. Je crois qu'on ne lit pas notre mémoire de la même façon: on ne condamne jamais le déficit zéro.

Vous savez, il y a un gouvernement qui a fait la lutte au... qui a... qui voulait arriver au déficit zéro avant celui... avant celui du Québec, et c'était le gouvernement canadien. Et comment il a atteint le déficit zéro, le gouvernement canadien? Eh bien, en coupant aux transferts aux provinces. Ça s'est appelé la réforme Axworthy, et le principal effet, le principal effet de la réforme Axworthy, ça a été quoi? Ça a été de couper dans l'argent transféré à l'éducation postsecondaire. Et le sous-financement du réseau postsecondaire, sa source, elle est là: la réforme Axworthy en 1993. C'est de là que vient le sous-financement du réseau.

Et, vous savez, le financement universitaire, là, c'est quelque chose à prendre à long terme. Ce n'est pas cette année ni l'année prochaine. Si on n'avait pas fait le... si on n'avait pas atteint le déficit zéro, bien, c'est bien dans 10 ans qu'on n'aurait plus d'argent. On paierait tellement d'intérêts qu'on n'aurait plus d'argent pour payer nos professeurs.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Je veux remercier le Comité national des jeunes du Parti québécois: M. Alexandre Thériault-Marois, M. Vincent Roy et M. Émile Grenier-Robillard.

J'inviterais maintenant le... Québec solidaire à venir se présenter à notre table. Et nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

 

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de Québec solidaire. Nous recevons Mme Françoise David et Mme Charlotte Dussault. Vous avez 30 minutes pour nous faire votre présentation. Nous sommes à l'écoute, Mme David.

Québec solidaire (QS)

Mme David (Françoise): Oui. Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Je suis Françoise David, présidente et porte-parole de Québec solidaire. Et, pour la présentation de ce mémoire et pour répondre à vos questions, je suis accompagnée de Charlotte Guay-Dussault. Charlotte est membre du Comité de coordination national de Québec solidaire. Elle complète une maîtrise en sciences politiques à l'UQAM et elle est représentante étudiante sur le C.A. de l'UQAM.

Alors, je vais simplement... nous allons toutes les deux vous rappeler ce que nous pensons être les éléments essentiels du mémoire de Québec solidaire, mémoire que vous avez lu, nous le supposons. Alors, vous rappeler peut-être d'abord qu'en matière d'éducation les trois principaux engagements de Québec solidaire sont les suivants: la réalisation de la gratuité scolaire du préscolaire à l'université, un réinvestissement important dans le réseau public pour les mêmes enfants et les mêmes jeunes et la consolidation d'une école publique qui est fragilisée par les coupures budgétaires, par le manque de professionnels et par une application souvent difficile et erratique du renouveau pédagogique. Notre objectif, c'est que l'éducation donne accès à la culture, à la citoyenneté et à la solidarité.

Plus précisément sur le sujet qui nous occupe, alors, quelque temps après la médiatisation des déboires immobiliers de l'UQAM, le Parti libéral du Québec indiquait donc avoir trouvé la solution aux maux de nos universités: la gouvernance, une sorte de recette miracle, entre guillemets, qui allait pouvoir permettre une meilleure gestion. À notre avis, il est légitime de se demander comment il se fait d'ailleurs que le gouvernement propose des modifications au fonctionnement des cégeps, puisque les projets de loi sont censés répondre aux problèmes vécus d'abord par l'UQAM, qui est une université. En fait, selon Québec solidaire, les projets de loi s'inscrivent clairement dans une volonté de mettre en place les principes de la gouvernance managériale et la nouvelle gestion publique, principes auxquels nous n'adhérons pas, c'est pourquoi la première partie de notre mémoire va en traiter. Dans un deuxième temps, on va proposer, suggérer des façons qui, à notre avis, pourraient assurer une gestion démocratique ou plus démocratique des cégeps et des universités.

n(16 h 40)n

Alors, parlons d'abord nouvelle gestion publique, privatisation et gouvernance. Le gouvernement a de toute évidence utilisé la crise financière de l'UQAM comme prétexte à l'adoption des projets de loi actuellement à l'étude. Pourtant, je pense qu'on va être nombreux à dire que la crise de l'UQAM n'a pas été causée fondamentalement par une mauvaise gouvernance mais plutôt par de graves problèmes budgétaires causés par le sous-financement et la logique managériale qui rend responsables les conseils d'administration eux-mêmes de ce manque de ressources. S'ensuit donc une compétition coûteuse entre les différentes universités pour s'arracher ce qu'on appelle la clientèle étudiante. L'UQAM étant perdante à ce jeu de dupes, la voilà contrainte de régler son problème de manque d'espace par ses propres moyens, c'est-à-dire par des formules de partenariat public-privé peu avantageuses et par l'émission d'obligations d'épargne qui viennent augmenter sa dette.

Les projets de loi nos 38 et 44, à notre avis, ne tentent pas d'instaurer une meilleure gouvernance au sein des universités et cégeps, mais visent plutôt à y apporter les préceptes de la nouvelle gestion publique. Et qu'est-ce que c'est que cette nouvelle gestion publique? Les thèmes récurrents de la NGP sont de donner une plus grande flexibilité à l'organisation du travail; accorder la priorité au client et à sa satisfaction, et non plus à l'institution; privilégier une orientation marquée vers la gestion par les résultats et l'imputabilité, et non plus vers les méthodes et procédures; procéder à une plus grande, entre guillemets, responsabilisation des travailleurs; présenter les données comptables ainsi que des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs qui mesurent l'efficience de l'institution dans l'utilisation des ressources; et la réduction des coûts de production des services publics.

Nous nous opposons à ce que les principes de la NGP guident la gestion de nos institutions en risquant vraiment de mettre au second plan les missions fondamentales des services publics. L'instauration de nouveaux indicateurs quantitatifs de performance, par exemple, pour mesurer un travail qualitatif entraîne une augmentation de la bureaucratisation plutôt qu'un allégement de la taille de l'État. Des fonds et des énergies sont investis pour mesurer l'efficacité des services publics plutôt que d'être investis directement dans ceux-ci pour qu'ils remplissent leurs missions.

Maintenant, attention, bien sûr, Québec solidaire ne s'oppose pas aux principes d'une gestion efficiente et efficace des services publics, et en particulier, dans ce cas-ci, des institutions d'enseignement postsecondaire. Ces principes doivent servir évidemment les finalités académiques, scientifiques et politiques de ces institutions. Et, pour nous, la mission première des institutions postsecondaires, c'est de fournir une éducation gratuite, universelle, accessible et de qualité. C'est sur cette base-là qu'on doit analyser leur travail.

Nous nous inquiétons aussi de diverses formes de privatisation qui sont à l'oeuvre dans les institutions d'enseignement postsecondaire ? nous ne croyions pas si bien dire jusqu'à ce que nous apprenions ce que McGill veut faire. Et, par exemple, dans le projet de loi, nous nous inquiétons de l'article 16.11, qui stipule qu'un collège peut confier la gestion des affaires courantes d'un centre collégial de transfert de technologie à une personne morale. Pour Québec solidaire, la gestion des CCTT doit se faire sous l'entière responsabilité des collèges afin de conserver le caractère public de nos institutions. Dans cette optique, on s'oppose à ce que les CCTT soient gérés par une personne morale.

À la lecture des éléments des projets de loi nos 38 et 44, il nous semble évident que le gouvernement du Québec se rallie à la définition de la gouvernance la plus répandue actuellement, qui est la gouvernance managériale. Sa première caractéristique, c'est qu'il semble qu'elle est la solution à un désenchantement de la politique visant, sans le reconnaître, à offrir une alternative à la démocratie. Dans ce modèle de gouvernance, l'État ne serait plus compétent pour gérer les services publics, c'est pourquoi il faudrait mettre en place de nouveaux modèles de gestion pour que des professionnels, entre guillemets, issus généralement des écoles d'administration publique et du milieu des affaires, puissent être administrateurs et administratrices de nos institutions publiques.

La deuxième caractéristique, c'est qu'on tente de faire croire que ce modèle de gestion va permettre une plus grande décentralisation des institutions publiques, qu'on donnerait plus de pouvoirs aux citoyens, aux citoyennes et à différents groupes de la société civile. Mais, en réalité, on entraîne plutôt une centralisation des pouvoirs entre les mains des gestionnaires.

Dans les projets de loi nos 38 et 44, ce n'est pas vrai que les pouvoirs seront maintenant mieux partagés entre des groupes qui ont différents points de vue. On constate plutôt que ceux-ci vont remettre encore plus de pouvoirs entre les mains d'un groupe, les gestionnaires des universités et des cégeps.

Les propos suivants du Pr Bernard Élie, membre du C.A. de l'UQAM pendant six ans, exposent bien qu'une augmentation des membres externes entraîne dans les faits une augmentation du pouvoir de la direction plutôt que d'amener une plus grande pluralité. Et M. Élie dit ceci: «...mon expérience m'a montré que les membres externes, par principe et par affinité, se ralliaient et soutenaient toujours la direction et reprochaient aux membres internes de ne pas appuyer [cette] direction. [...]La connivence avec la direction ne provient pas des membres internes, au contraire! D'ailleurs, plusieurs des administrateurs externes n'avaient pas lu leurs dossiers; quand ils étaient là, souvent leur enveloppe de documents n'était même pas décachetée.»

De plus, la diminution du nombre de membres internes entraîne nécessairement une centralisation des débats. En effet, le fait que les membres internes sont élus par leurs pairs pour siéger au sein des conseils d'administration entraîne une démocratisation des débats, car ceux-ci et celles-ci, les membres internes, vont bien plus souvent consulter leurs pairs sur les sujets qui seront traités, ce que les membres externes ne font pas. Cette consultation permet que les débats sortent des conseils d'administration.

La troisième caractéristique du modèle de gouvernance prôné dans les projets de loi nos 38 et 44 est que ce serait un projet neutre et apolitique. Nous croyons quant à nous que le fait de mettre davantage de membres externes au sein des conseils d'administration est un projet politique. Dans le cas des institutions d'enseignement postsecondaire, considérer que les membres externes doivent être plus nombreux et nombreuses que les membres internes signifie que l'on donne plus d'importance aux compétences des membres externes, étant très souvent reliées aux domaines économique et administratif, qu'aux aptitudes des membres internes. Cette vision est un choix politique qui tente de donner plus d'importance aux décisions administratives, c'est-à-dire que c'est comme si on disait que la gestion d'une institution ne se limiterait qu'à une gestion comptable. Toutefois, à notre avis, le rôle d'un conseil d'administration est beaucoup plus large et ne doit pas oublier de prendre en compte les missions de l'institution.

À l'heure actuelle, l'usage commun du mot «gouvernance» se fonde sur une définition héritée de l'entreprise privée et soutenue par elle. Nous avons ici une petite citation: «Le principe selon lequel les membres d'un conseil d'administration devraient être indépendants de l'organisation qu'ils administrent fait largement consensus dans le secteur privé. Il n'y a pas de raison pour que ce principe ne soit pas [appliqué] également [dans les] institutions publique», écrivait Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec, dans Le Devoir du 17 août 2009. On ne saurait être plus clair. Québec solidaire désire rappeler ici que cette supposée indépendance n'a pas empêché la multiplication des scandales comptables et autres problèmes éthiques dans les entreprises ces dernières années. Nous désirons aussi rappeler que des milliers d'organismes sans but lucratif au Québec sont administrés par des personnes qui, d'une manière ou d'une autre, sont en lien avec l'organisme, et que les cas de malversation sont très rares.

Le débat actuel porte donc sur la gouvernance managériale comme modèle de gestion, alors qu'il devrait être question de démocratie. Québec solidaire propose donc au gouvernement du Québec de parler d'organisation démocratique de nos institutions publiques.

La prochaine section de ce mémoire va permettre de mieux comprendre de quelle manière nous souhaitons démocratiser nos institutions d'enseignement postsecondaire.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Bonjour.

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Merci. En fait, le dépôt des projets de loi sur la gouvernance, c'est pour nous un moment privilégié pour se questionner sur les institutions qu'on désire avoir au Québec. À la lumière des missions des cégeps et des universités que Françoise vient d'exprimer, cette section, en fait, va dresser un portrait des positions et des recommandations de Québec solidaire pour démocratiser la gestion de nos institutions.

Pour ce qui est de la composition et du fonctionnement des conseils d'administration, en fait, l'insistance du projet de loi sur l'indépendance des administrateurs et des administratrices fixe l'attention sur un faux problème. La raison d'être des universités et des cégeps est avant tout l'accomplissement de leurs missions respectives. Une saine administration doit alors s'apprécier selon qu'elle préserve ou fait la promotion de cette mission et non au regard de l'indépendance des administrateurs et administratrices. Le problème réel réside donc dans la légitimité des administrateurs face à la mission de l'institution plutôt que dans leur indépendance en termes de relations d'intérêts.

Par exemple, rien ne prouve que, si des gestionnaires externes avaient été en plus grand nombre au sein des conseils d'administration de l'UQAM, les problèmes connus dernièrement auraient été évités. Au contraire, une augmentation de la représentation des membres de la communauté universitaire aurait sans doute aidé à éviter le fiasco de l'UQAM. Dans le cas de l'îlot Voyageur, et surtout du Complexe des sciences, malgré l'indépendance des administrateurs externes de l'UQAM, c'est leur entière confiance en la direction due à leur méconnaissance de la réalité universitaire qui a posé problème. De leur côté, les membres de la communauté universitaire ont été les premiers à décrier les plans immobiliers. Ce sont donc elles et eux qui ont eu lieu... qui ont eu, au final, plus de compétences et d'aptitudes ? pour reprendre les mots chers à la ministre ? pour gérer leur institution.

n(16 h 50)n

Dans sa recherche effectuée pour le Centre de recherche sur la gouvernance, Alain Dupuis renchérit sur la difficulté des membres externes à se positionner sur certains dossiers parce qu'ils ont une connaissance moins grande de l'institution. Il explique que l'extériorité des membres du conseil d'administration les coupe «d'une compréhension directe et profonde de ce qui se passe dans l'organisation et qui les rend totalement dépendants [de leur] recteur-gestionnaire». L'augmentation du nombre de membres externes au sein des conseils d'administration risque de faire en sorte d'atténuer largement l'opposition face à certains projets proposés par la direction.

Donc, à Québec solidaire, on s'oppose aux modifications dans les projets de loi qui visent la diminution des membres internes et prônent une majorité de membres externes au sein des conseils d'administration. On s'oppose également à l'introduction du concept de «membre indépendant» au sein des conseils et on propose plutôt l'appellation «membre externe» et «membre interne».

Aussi, quant aux membres externes, Québec solidaire est en faveur d'une composition diversifiée de ceux-ci, c'est-à-dire qu'une catégorie de membres externes ne doit pas être plus représentée qu'une autre. Les projets de loi nos 38 et 44 ne s'assurent pas que les membres externes proviennent de différents milieux, soit social, culturel, économique et de l'éducation. L'expérience tend à démontrer qu'en l'absence d'une indication claire de la loi à cet effet les représentants externes viendront majoritairement du milieu d'affaires.

Québec solidaire considère que la présence d'autres membres de la société peut être à la fois éclairante et enrichissante pour le conseil d'administration d'institutions postsecondaires. De plus, leur présence fait du conseil d'administration un lieu ouvert à la communauté et au reste de la société.

Cependant, il est nécessaire que le conseil soit composé d'une majorité de membres provenant de la communauté de l'institution. De plus, il ne doit pas y avoir d'inégalité entre les membres externes et internes, c'est-à-dire que la durée des mandats doit être la même pour tous les types de membre, sauf évidemment les membres de la direction, qui, eux, sont nommés pour... bien, finalement sont nommés pour la durée de leur emploi. On propose en fait que la durée des mandats de tous les membres des C.A. soit de deux ans et renouvelable une seule fois.

Donc, pour ce qui est de la composition des conseils d'administration au sein des universités plus spécifiquement, afin d'assurer que les universités puissent répondre à leur mission, continuer à pouvoir apporter une dimension critique et réflexive du savoir transmis et conserver leur autonomie pour développer un savoir autonome, nous proposons une majorité de membres internes au sein des conseils d'administration.

Chaque institution ayant sa propre réalité et une histoire différente, on a préféré en fait ne pas promouvoir un modèle unique pour les conseils d'administration universitaires. Par contre, on fait une suggestion, c'est-à-dire qu'un établissement d'enseignement universitaire devrait être administré par un C.A. composé de 17 à 26 membres. Il devrait avoir au moins 55 % de membres issus de la communauté universitaire, et ça, ça exclut le personnel de la direction. Par ailleurs, il devrait avoir entre un et quatre membres du personnel de la direction, dont le premier dirigeant ou la première dirigeante, soit le recteur. Finalement, les membres externes ne devraient pas former plus de 35 % du conseil d'administration et ils devraient provenir de milieux diversifiés identifiés par les universités.

Bon, nous prônons également un élargissement de la définition de «communauté universitaire» au sein du projet de loi n° 38 pour qu'il soit spécifié que font également partie intégrante de l'université les chargés de cours, les employés étudiants, le personnel de soutien et les employés professionnels, parce que, dans le projet de loi actuel, on parle uniquement de personnel de direction, de professeurs, d'employés et d'étudiants.

En fait, pour ce qui est de la composition des conseils d'administration des cégeps, bon, les cégeps, au cours de leur histoire, ont... parfois mouvementée, ont réalisé une mission colossale aussi remarquable qu'imprévue, et ces réalisations-là, à l'évidence, sont essentiellement le fait de l'enracinement et du réseautage des cégeps dans leurs milieux, particulièrement dans les régions du Québec. Il est donc difficile de comprendre les propositions du nouveau projet de loi, qui visent à diminuer le nombre et la représentativité locale des membres du conseil d'administration des cégeps. À ce sujet-là, on se questionne sur les motivations faisant en sorte que les catégories de provenance des externes soient retirées au sein des C.A. de cégep et nous souhaitons que les membres externes ne proviennent pas tous du même milieu.

On propose à cet effet-là, bon, évidemment, que les conseils d'administration de cégep soient composés d'une majorité de membres internes, et on donne un exemple. On suggère en fait qu'ils soient administrés par 17 membres, dont 11 membres internes, soit quatre étudiants, quatre professeurs, deux employés de soutien et un employé venant du secteur professionnel, deux membres de la direction et quatre externes mais de milieux spécifiques.

Pour ce qui est de la reddition de comptes et de la transparence et de l'éthique, une démocratisation des débats et une imputabilité véritable au sein des conseils d'administration collégiaux et universitaires deviennent réalité si les membres internes sont élus par leurs pairs et qu'ils les représentent adéquatement, en prenant donc la peine de les consulter et de les informer des discussions qui ont lieu sur les C.A. C'est pourquoi il est important que ceux-ci soient élus par leurs pairs et qu'ils puissent être révoqués s'ils ne semblent... ne remplissent pas correctement leur rôle au sein des conseils d'administration.

Dans cette optique, nous nous opposons à toute modification de la Loi sur l'Université du Québec et de la Loi sur les cégeps qui ferait en sorte que les membres internes siégeant au C.A. ne soient plus élus par leurs pairs. Québec solidaire souhaite qu'il soit clairement inscrit dans ces deux lois que les membres internes sont élus et peuvent être révoqués selon les modalités décidées par les instances syndicales et associatives respectives.

De plus, afin de s'assurer d'une réelle transparence, les comptes rendus des réunions ou procès-verbaux devraient êtres disponibles sur le site Internet des institutions ainsi que dans les bibliothèques.

Finalement, on croit que toute la communauté universitaire doit se positionner sur la nomination du premier dirigeant ou de la première dirigeante de l'établissement et que l'ensemble de la communauté collégiale doit se positionner sur la nomination du directeur général et du directeur ou de la directrice des études. On s'oppose donc au fait que les projets de loi stipulent que la procédure de nomination pour ces postes se fasse de manière confidentielle.

Finalement, pour ce qui est de la formation des membres des conseils d'administration, on juge aussi qu'il est important que les nouveaux administrateurs aient accès à une formation qui leur permet d'exercer leurs fonctions. Cette formation ne doit pas seulement être axée sur la gestion et l'éthique, cependant, mais devrait aussi, entre autres, porter sur le rôle du système d'éducation dans la société, la mission des cégeps et des universités, le fonctionnement des cégeps et des universités à travers le Québec et l'histoire de leurs réseaux, etc. Donc, les... Et aussi les administrateurs sortants devraient être disponibles pour assurer une transition avec les personnes qui vont les remplacer.

Pour ce qui est de la participation des femmes, Québec solidaire est satisfait évidemment de l'intention du gouvernement de susciter une plus grande participation des femmes dans les projets de loi nos 38 et 44. Toutefois, il est raisonnable de douter de la capacité du gouvernement de réaliser cette parité-là en l'absence d'un mécanisme prévu à même les projets de loi. Pour Québec solidaire, au moins 50 % des membres du conseil d'administration doivent être des femmes, et cette règle doit également être respectée au sein, d'un côté, des membres internes et, de l'autre côté, des membres externes. Cependant, il va falloir convenir d'un mode de fonctionnement pour bien appliquer ce mécanisme-là.

En terminant, on fait... pour une meilleure surveillance finalement des universités, on fait une proposition d'un ombudsman qui est un peu différent de ce qui existe dans les universités actuellement, soit d'avoir un ombudsman qui serait adéquatement financé d'abord et dont l'existence serait largement publicisée au sein des universités. Mais cet ombudsman-là devrait aussi être complètement indépendant de l'université, c'est-à-dire de ne pas provenir de l'université et de ne pas y travailler ensuite.

En conclusion...

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme David.

Mme David (Françoise): En conclusion, oui, très rapidement. En conclusion, on veut donc rappeler que les deux projets de loi que nous avons sur la table, malgré peut-être des intentions tout à fait respectables, ne nous paraissent pas, d'une part, régler les problèmes réels qui se sont... qui sont arrivés, par exemple, à l'UQAM; d'autre part, visiblement ne règlent pas non plus le problème de l'Université McGill, le problème soulevé par des membres internes, tiens, par des professeurs de l'Université de Montréal cette semaine, qui nous annoncent que leur recteur et un certain nombre de cadres vont finalement bénéficier de salaires tout à fait agréables alors que cette université est en période d'insécurité budgétaire. Donc, ça ne nous paraît pas répondre aux vraies questions, questions qui relèvent du sous-financement des universités et qui relèvent aussi d'une difficulté, visiblement, à se centrer sur la mission éducative des cégeps et des universités.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme David, Mme Dussault, pour cette présentation. Nous allons immédiatement commencer nos échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.

n(17 heures)n

Mme Courchesne: Merci beaucoup. Mesdames, ça fait grand, grand plaisir de vous retrouver, particulièrement Mme David. Il y a longtemps qu'on ne s'est pas... qu'on n'a pas échangé ensemble au cours d'une commission parlementaire.

M. le Président, par souci de très grande transparence, j'aimerais faire une mise au point. Vous voyez qu'à mes côtés ma sous-ministre adjointe a cédé sa place parce qu'elle est la soeur de Françoise David, et je veux rassurer les membres de cette Assemblée que nous avons fait toutes les vérifications requises auprès du jurisconsulte pour savoir si Mme David devait quitter la salon rouge, ce qui n'est pas le cas. Elle aurait pu rester assise à mes côtés, mais, par délicatesse et parce que, je crois... qu'elle fait preuve d'un grand professionnalisme, a fait le choix de céder sa place à notre aviseur juridique. Mais je tenais à le mentionner par souci de transparence. Je crois que c'est important que ces choses-là soient dites.

Cela dit, Mme David, je le répète, et c'est avec grand plaisir que je vais échanger sur ce projet de loi. J'ai lu attentivement votre mémoire, bien sûr. Il y a des affirmations qui m'interpellent et que je voudrais spécifier, ou en tout cas que vous m'apportiez un éclairage, notamment sur la composition du conseil d'administration. Vous nous dites, d'une part, que les conseils d'administration doivent être gérés... surtout dans les institutions publiques, et encore plus celles qui sont responsables de l'éducation, «doivent être gérés par une majorité de membres issu-e-s des communautés collégiales et universitaires qui sont ? et c'est important dans votre propos ? qui sont élu-e-s et révocables au sein de leur instance syndicale respective».

Vous nous dites ça puis ensuite, un peu plus loin, vous nous dites aussi que ces personnes internes sont totalement aussi libres de leur opinion, de leurs pensées et qu'elles sont quelque peu dissociées de ceux qui... les élus, au sens où ces personnes-là sont tout à fait capables de parler en dehors... ou de s'exprimer ou de poser des questions en dehors du fait qu'ils sont des représentants dûment élus et révocables. Et je complète ma pensée. Ça, c'est... Donc, il m'apparaît y avoir une contradiction dans le propos.

Et, d'autre part, vous nous dites que les membres externes, eux... et vous reprenez ce qu'on entend beaucoup, que ce sont des gens qui n'assistent pas régulièrement aux rencontres, ne développent pas... vous reprenez la citation, «n'ouvrent pas leurs enveloppes», sont issus du milieu des affaires, ont une approche très «managériale» de la gestion, et veulent inculquer aux établissements une gestion qui s'applique dans le secteur privé.

Et vous nous dites: Ça nous inquiète. Et j'ai le sentiment que... quand je lis votre mémoire, qu'il y a une vive opposition entre ces internes et ces externes, alors que ma question: Est-ce qu'on ne devrait pas davantage débattre et sensibiliser aussi tous ceux et celles qui sont dans ces postes, du fait que la première et fondamentale responsabilité, c'est de travailler dans l'intérêt suprême de l'institution? Et pourquoi donc apporter cette opposition-là de façon aussi forte? Et ne croyez-vous pas que, peu importent les lois, peu importent les conseils d'administration, c'est la qualité des individus que l'on choisit qui fait la différence, peu importent leur origine, leur... j'allais dire, leur origine, leur expertise, leur compétence et leur... où ils travaillent, qu'est-ce qu'ils font? Et est-ce que j'ai une fausse impression, mais seuls les professeurs... Puis vous avez une citation, vous le dites: Seuls les professeurs qui font l'université, qui y vivent, sont en mesure de défendre leurs projets?

Mais est-ce que gérer une université avec des budgets de 400, 500 millions, est-ce qu'il n'y a pas là une... Oui, c'est superimportant, les professeurs, on en convient. Pas de professeurs, pas d'universités, on est entièrement d'accord là-dessus. Mais est-ce qu'il n'y a pas là quand même une responsabilité qui fait en sorte que ce n'est pas nécessairement que les professeurs qui sont en mesure...

Moi, je sens une espèce de... Je vais vous le dire comme je le pense, parce que je ne vous connais pas bien sur le plan personnel, mais je vous connais bien sur le plan professionnel: Moi, je suis étonnée, je ressens un mépris. Moi, je me dis: Si je suis membre d'un conseil d'administration d'université, là, je ne me sens vraiment pas bienvenue, là. J'arrive avec toute ma bonne foi, ma bonne volonté, mon expérience de vie, mon expérience professionnelle, et puis je lis les mémoires qui nous sont présentés, mais je me dis: C'est comme si j'étais absolument incapable de comprendre la réalité du milieu universitaire, que ce soit sur le plan de la gestion, de la pédagogie, des choix qui doivent être faits, je le répète, dans l'intérêt suprême de l'institution. J'ai été un peu longue, mais je vous laisse la parole.

Le Président (M. Marsan): Mme David, la parole est à vous.

Mme David (Françoise): Merci, Mme la ministre. Vous avez été longue mais claire, alors je vais essayer d'être moins longue mais aussi claire, et Charlotte pourra compléter si elle en ressent le besoin. Alors, on va préciser des choses, là.

D'abord, nulle part Québec solidaire ne dit que l'université ou les collèges ne doivent appartenir qu'aux professeurs. Je pense qu'on a même plutôt dit le contraire en demandant d'élargir toute la notion de «personnel» d'un établissement non seulement aux professeurs, mais aux employés de soutien, aux étudiants travailleurs, aux professionnels, etc. Donc, non, il n'y a pas de repli sur soi, là, du côté professoral, et je ne veux surtout pas oublier évidemment, parce qu'elle va me le rappeler, les représentants étudiants.

Deuxièmement, je ne pense pas non plus qu'on ait prétendu que les membres internes dûment élus par leurs associations respectives deviennent complètement indépendants de cette association. C'est impossible et, en fait à notre avis, ce n'est pas souhaitable, au contraire. Ce que nous pensons, c'est que les membres internes doivent être élus par des assemblées de diverses sortes, là, selon l'association à laquelle ils appartiennent ou elles appartiennent, qu'ils doivent rendre des comptes et qu'ils peuvent même être révocables par leurs pairs si jamais, selon les procédures décidées par diverses instances syndicales, étudiantes, professionnelles, etc., si jamais ces gens-là ne remplissent pas leur mandat. Donc, nous ne prétendons pas à la totale indépendance des membres internes, mais ce que nous disons, c'est que les membres externes ne le sont pas plus. Même s'ils n'ont pas été élus par un corps constitué, ce sont des gens qui proviennent de divers milieux; nous les souhaitons d'ailleurs des milieux les plus diversifiés possible. Je pense que là-dessus on est très, très au clair. On souhaite que ces personnes-là reflètent les attentes, les besoins, les préoccupations de leur milieu et non seulement des milieux d'affaires. Donc, on a parlé de milieux sociocommunautaires, culturels, etc.; on pourrait rajouter élus municipaux, là. Ce n'est qu'un exemple qu'on a donné, alors ces membres externes ne sont pas non plus indépendants.

En fait, nous, ce que nous proposons, c'est d'éliminer le mot «indépendants» du vocabulaire du projet de loi parce que ça n'existe pas, ça, dans un contexte de conseil d'administration d'enseignement postsecondaire, une indépendance totale et absolue de toute opinion ou de... de tout le milieu duquel on vient; ça n'existe pas. Et, oui, pour vous rassurer, je veux ajouter que nous voulons qu'il y ait des membres externes sur les conseils d'administration, mais nous proposons cependant qu'il soient en minorité pour les raisons que nous avons expliquées.

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault, vous voulez faire un commentaire?

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Oui. Bien, en fait, peut-être pour répondre à la question sur la qualité des individus qui prime, selon vous, Mme la ministre, pour les représentants. Nous, ce qui prime comme qualité, c'est la bonne connaissance de la mission de l'institution. Et, à ce niveau-là, on considère évidemment que les membres internes connaissent mieux la mission d'une université ou d'un cégep que les membres qui viennent de l'extérieur. Cependant, ce pour quoi on trouve important qu'il y ait des membres externes, c'est parce qu'on sait pertinemment qu'il y a des gens qui peuvent être utiles et apporter effectivement une vision différente, de nouvelles idées, un point de vue, une expérience différente de celle des membres internes, mais on ne considère pas qu'ils doivent être en majorité.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. En fait, effectivement, un des grands malentendus... ou incompréhension, je devrais dire, ce n'est pas un malentendu, mais c'est une différence d'opinion importante, c'est sur le fait que les membres internes connaissent mieux que les membres externes. Au même titre que vous nous dites que des membres indépendants, ça n'existe pas, moi, je dis: Ça dépend des membres internes. Il y a des membres internes qui ne connaissent pas mieux que le membre externe ce qui se passe dans l'université, ou la façon dont ça se passe, ou comment devraient se prendre les décisions ou... ou...

Une voix: La mission.

n(17 h 10)n

Mme Courchesne: ...ou la mission, même fondamentale. Dans une université, tous ne s'entendent pas sur la mission fondamentale de cette université ou de ce collège. Il n'y a pas là unanimité.

Alors, moi, j'ai de la difficulté à suivre parce que c'est comme si, parce qu'on oeuvre dans l'université, on n'est pas à l'abri... on est à l'abri de sa propre opinion finalement, alors que ce n'est pas le cas. Et c'est pour ça que j'ai de la difficulté avec la logique... Et, partout dans les mémoires, on le retrouve ? particulièrement, là, vous reprenez beaucoup de la position syndicale ou des positions syndicales, quelles qu'elles soient ? des universités qui nous disent: Les internes comprennent mieux. Oui, peut-être, mais peut-être pas, dépendant de ceux et celles qu'on choisit pour siéger sur le conseil d'administration. Et vous dites dans votre mémoire: «Une gestion adéquate des cégeps et universités doit être fondée sur des principes de collégialité, c'est-à-dire que tous les pairs ? p-a-i-r-s, cela va de soi ? sont porteurs de la mission et conjointement responsables de sa réalisation.»

Alors, moi, je vous pose la question: Qui sont les pairs? Et est-ce que, dans cet esprit-là... dans votre esprit en fait, les membres externes peuvent être considérés comme des pairs qui sont porteurs de la mission et conjointement responsables de sa réalisation?

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Oui. Bien, d'abord, pour ce qui est de la connaissance de la mission de l'université, ce pour quoi on propose que les membres internes soient élus par leurs pairs, mais cette fois-ci donc les professeurs nommés par les professeurs, c'est parce que justement on souhaite que ces gens-là soient considérés représentatifs de ce que leur unité considère comme la mission de l'UQAM.

Si j'ai été élue à la place des personnes qui se présentaient au C.A. de l'UQAM, c'est parce que mes collègues étudiants et étudiantes ont considéré que j'allais mieux les représenter que d'autres. Donc, au niveau des représentants étudiants comme déjà au niveau des professeurs, ça se fait en assemblée de profs aussi. À ce niveau-là, oui, la communauté considère que telle personne au lieu de telle personne connaît mieux l'université.

Le problème des membres externes, c'est qu'ils ne sont pas nommés par les gens qui connaissent au départ cette mission-là ou du moins qui vivent dans le cadre de cette mission-là. C'est à ce niveau-là qu'on considère l'importance justement d'imputabilité aussi: si on considère qu'une personne, lors de son mandat, n'a pas respecté comme il faut la mission de l'université ou ce qu'on considère être la mission de l'institution, bien, on peut la révoquer à ce moment-là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je vais pousser votre logique plus loin, si vous me permettez, puis ce n'est pas du tout méchant. Mais vous dites de faire venir des membres externes... puis je... parce que je ne veux pas perdre de temps, là, mais vous dites: C'est politique, c'est un projet politique, puis vous dites même que ce projet de loi là, c'est, bon, politique au sens... On se comprend très bien sur le sens du mot «politique», mais vous l'utilisez, vous allez quand même très loin. Et, si je reprends ce que vous venez tout juste de dire, je comprends tout à fait que des représentants de professeurs, d'étudiants, de chargés de cours, peu importe, vont être élus pour siéger au conseil d'administration.

Mais, entre vous et moi, là, est-ce qu'on peut convenir que ça peut arriver qu'il y ait de la politique aussi, là, au moment où on va choisir ou élire tel ou tel représentant, là? Est-ce que vous êtes en train de me dire que, dans ces institutions-là, il n'y a jamais non plus de petits jeux de pouvoir entre eux et qu'il n'y a pas des échanges amicaux? Écoutez, là, hein, on a vu neiger, vous et moi, depuis longtemps, on est pas mal de la même... Pas vous, ma chère dame, parce que vous êtes toute jeune, je regarde Mme David.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Courchesne: Mais j'aime bien l'équilibre entre vous, j'allais dire, la jeunesse et la vieillesse, il y a une très belle chanson là-dessus. Mme David, ne vous offusquez pas, mais je trouve ça intéressant que vous y soyez. Mais, entre vous et moi, est-ce que vous admettez que... Et je comprends qu'on peut diminuer le risque en élisant des représentants, mais est-ce que vous convenez avec moi que, dans nos institutions d'enseignement, il y a aussi des jeux de coulisse, il y a aussi des jeux de pouvoir, il y a là aussi des défis au niveau du choix des personnes élues et des meilleures personnes qui seraient au conseil d'administration?

Le Président (M. Marsan): Mme David, je sens que vous voulez intervenir.

Mme David (Françoise): Oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): D'abord, Charlotte, qui a la grâce de la jeunesse, a un avantage sur moi: elle, siège au conseil d'administration d'une université, donc elle a une plus grande expérience concrète de ce domaine-là.

Écoutez, elle pourra peut-être plus concrètement parler que moi, mais il faut d'abord s'entendre sur ce que veut dire le mot «politique», dans la tête de Québec solidaire, lorsqu'on a écrit ce mémoire. Quand on parle d'un projet politique, il n'est pas question ici de politique partisane.

Mme Courchesne: Non, non, non!

Mme David (Françoise): Il est question ici d'un projet porteur de sens, hein? C'est...

Mme Courchesne: On a compris ça.

Mme David (Françoise): On a compris...

Mme Courchesne: Oui.

Mme David (Françoise): ...mutuellement. Alors, c'est le mot qu'on accorde au... c'est le sens qu'on accorde au mot «politique», c'est-à-dire un projet de loi qui relève d'une certaine école de pensée, qu'on a assez longuement expliquée, qui est une forme de gestion ou de management, diraient certains, école dont visiblement on ne se réclame pas à Québec solidaire, ou en tout cas qu'on trouve dangereuse à utiliser dans des institutions publiques parce qu'on craint très lourdement qu'on associe trop une culture managériale du privé à ce que devrait être une institution publique. Et, pour moi, l'un des meilleurs exemples de ça, c'est la concurrence féroce que se livrent les universités pour attirer des clientèles étudiantes; on est complètement dans la logique d'une espèce de libre marché où tout le monde s'arrache des clientèles.

Donc, quand on parle de projet politique, ce qu'on veut dire, c'est, ce pourrait être aussi un projet politique que de démocratiser les conseils d'administration des universités et cégeps, d'en rendre les membres majoritairement imputables à des corps constitués effectivement à l'intérieur des institutions, ce qui ne veut absolument pas dire qu'on va nier que, dans cette imputabilité et dans les rapports entre élus et les personnes qui les ont élus, il n'y a pas, à certains moments, des débats qui peuvent même être importants. Mais c'est ça, la démocratie, justement. Et c'est ça tout l'intérêt d'élire des gens qui proviennent de corps constitués, qui vont sur des conseils d'administration, qui doivent ensuite rendre des comptes. Et puis, bien, oui, s'il doit y avoir des débats parfois difficiles, il y en aura, mais la majorité prendra ces décisions.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Ma dernière question, et je laisserai la parole à mes collègues par la suite, M. le Président. Mais j'ai l'air d'insister, mais c'est très important pour moi, cet échange, je veux répéter ma question: Une fois que nous avons... peu importe, là, majoritaires, minoritaires, je fais abstraction de cela, mais, une fois que nous avons des membres internes et externes sur un conseil d'administration, et... et que je reprends la citation du mémoire, est-ce que ces membres internes, une fois qu'ils se réunissent, sont en réunion de conseil, ils ont des décisions à prendre, est-ce que vous considérez que ces membres sont tous des «pairs [et] porteurs de la mission et conjointement responsables de sa réalisation»? Est-ce qu'ils sont des pairs?

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Les membres internes reflètent la diversité de l'université ou du cégep. Oui, ils sont des pairs dans la mesure où, au quotidien, ils travaillent, ils étudient, ils vivent dans les conséquences de la mission de leur institution. Donc, à ce niveau-là, oui, ils sont des pairs, mais ça ne veut pas dire qu'ils ont tous et toutes la même opinion ou la même façon de penser une université.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Est-ce que les internes et les externes sont des pairs? C'est sûr que ceux qui oeuvrent au sein de la même institution sont des pairs. Moi, je veux savoir, une fois qu'on est en conseil d'administration, qu'il y a des membres internes et des membres externes, est-ce que les 17 personnes membres ou les 21 personnes membres forment des... constituent des pairs à vos yeux? C'est ça, ma question.

Le Président (M. Marsan): Mme David.

Mme David (Françoise): Je pense qu'en complément à ce qu'a dit Charlotte, bon, on comprend qu'évidemment les gens plus à l'interne, ils ont une vie commune, on pourrait appeler ça comme ça. Mais c'est évident que, dans notre esprit, à partir du moment où il y a un conseil d'administration qui prend ses responsabilités, qui est formé, selon nos voeux, d'une majorité de membres internes mais aussi de membres externes représentatifs du milieu où se trouvent cette université et ce cégep, c'est évident qu'à nos yeux ils doivent absolument travailler ensemble, ils doivent travailler en équipe. Bien sûr qu'on s'attend à un respect mutuel des opinions et de la diversité des expériences. Ça, ça ne fait aucun doute dans notre esprit. Et c'est pour ça...

Mme Courchesne: Je vais juste conclure...

Mme David (Françoise): ...justement qu'on veut s'assurer de la diversité des membres externes...

Mme Courchesne: Je veux juste conclure...

Mme David (Françoise): ...des gens qui viendront de différents milieux, qui porteront différentes préoccupations, je pense en particulier aux gens des régions qui en ont long à dire sur leur rapport avec les cégeps, les universités. C'est tellement important, on veut qu'ils soient là. Et c'est évident que, quand ils sont ensemble autour d'une table, il faut... il faut espérer... en fait, il faut vraiment appeler de tous nos voeux une sorte d'esprit d'équipe, là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Mme David, j'apprécie... et, vous... J'allais dire Charlotte, c'est trop familier, je m'excuse...

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

n(17 h 20)n

Mme Courchesne: ...Mme Dussault, je dois vous dire que j'apprécie beaucoup cet aspect-là, parce que ça fait plus de deux semaines... ou en tout cas je ne sais plus combien de temps que nous sommes ici, et je suis un peu agacée par ce fait, là, qu'il faille s'opposer les uns les autres, c'est-à-dire les internes, les externes, les dépendants, les indépendants.

Moi, je veux convenir avec vous qu'il y a place, au Québec et particulièrement dans le milieu de l'éducation, pour une meilleure compréhension des uns et des autres lorsque nous sommes réunis dans un conseil d'administration, et que, dans ce sens-là, peut-être, pour moi, ce que j'aime de la citation, c'est que, pour moi, un pair, il y a quelque chose... il y a une force derrière le mot «pair», si je le compare au mot «collègue», d'une certaine façon, dans un contexte de conseil d'administration qui doit se pencher sur des questions extrêmement importantes et qui demeure un corpus somme toute pas très élargi, c'est-à-dire pas très grand en nombre quand on gère 40 000... quand on reçoit 45 000 étudiants, qu'il y a, je ne sais pas, moi, 5 000, 6 000, 7 000 employés, etc., des budgets considérables et surtout une mission aussi fondamentale.

Or, j'apprécie que vous ayez accepté d'aller aussi loin dans votre... dans l'éclaircissement de cette question que je viens de vous poser, et je termine vraiment en vous disant que je suis tout à fait ouverte, et je le répète, pour préciser cet article qui parle de la diversité des expertises... des profils d'expertise et de compétences des personnes qui siégeront. Je crois là-dessus que, s'il y a un point sur lequel, à la fin de cette commission, nous allons nous entendre tous ensemble, c'est bien celui-là.

Alors, M. le Président, je cède la parole à mes collègues, et je vous remercie toutes les deux de votre participation.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vais reconnaître le député de Lévis. M. le député, vous avez la parole.

M. Lehouillier: Alors, moi aussi, je voudrais faire un petit peu de... en tout cas, vous entendre un petit peu sur «membres externes» et «internes», là, plutôt qu'«indépendants», comme vous avez dit, là, une expression que vous n'aimez pas, parce que là vous dites que les membres internes vont être élus par leurs pairs pour siéger au sein des conseils d'administration puis que ça, ça va entraîner une démocratisation des débats, car ceux-ci vont plus souvent consulter leurs pairs sur les sujets qui seront traités.

Et là, un petit peu plus loin, là vous en arrivez à proposer une répartition de 17 membres, là, qui seraient répartis comme suit: deux étudiants du secteur des sciences humaines; deux étudiants des autres programmes; deux enseignants et enseignantes du secteur des sciences humaines; deux enseignants d'autres secteurs; deux représentants pour le personnel de soutien; un représentant, une représentation pour... personnel. Deux membres de la direction: le directeur général... Et là quatre membres externes: un du milieu sociocommunautaire, un du milieu culturel, un du milieu économique puis un des universités ou des régions.

Et là, un petit peu plus loin, vous dites, dans votre mémoire, que c'est clair que, ce qui est inscrit dans les deux lois, là, ils peuvent être révoqués, ces membres-là, là, tous ceux que j'ai nommés, qui sont les 11 membres internes, ils peuvent être révoqués en tout temps.

Alors, j'essaie de m'imaginer que, moi, supposons que je représente, par exemple, le groupe culturel ou économique puis j'arrive, autour de la table, à un moment donné, à une réunion du conseil d'administration, puis là on commence. Normalement, le conseil d'administration est centré sur la mission de l'université, et là arrive, à un moment donné, un débat sur... par exemple, il y a un problème au cégep entre les étudiants et les enseignants, etc., à régler, ne risque-t-on pas de se retrouver vers un modèle où est-ce qu'à un moment donné le conseil d'administration va faire la gestion quotidienne de l'université et est-ce sa mission de le faire?

En tout cas, moi, ma crainte, ce serait ça. C'est qu'on s'embarque dans un pattern qui finit... Puis là prenons un exemple concret: il y a un débat, et là tout à coup, il y a un enseignant qui ne suit pas la ligne directrice qui est donnée par les gens qui l'ont élu à l'université. Alors, ne risque-t-on pas de se retrouver dans une approche corporative, au contraire, qui va amener des débats à n'en plus finir au sein des conseils d'administration et qui fait en sorte que les quatre personnes qui sont là, ils n'auront même plus envie d'ouvrir leurs enveloppes après la troisième réunion? Là, c'est vrai qu'ils n'auront plus envie d'ouvrir leurs enveloppes, parce qu'à un moment donné on se retrouve dans un système qui va être assez cacophonique à gérer, merci, si l'approche corporative prime sur la mission que doit avoir l'université.

En même temps, ne crée-t-on pas, à partir d'un membership comme ça... C'est juste en... questions que je vous pose, là, tu sais. C'est des questions que je me pose, moi, personnellement, parce que, moi, je suis quelqu'un qui était dans le monde municipal, très près des organismes communautaires, et tout ca, et là ne risque-t-on pas non plus de créer une université statique où, à un moment donné, tu es à l'intérieur d'une bâtisse mais tu pourrais être en Abitibi puis au Saguenay?Lac-Saint-Jean, ça ne change plus rien puisque l'environnement du milieu est ratatiné et réduit à peu près à rien en termes de membres externes qui y participent?

Parce qu'une université, elle crèche quelque part. Sinon, à partir du moment où on a des modèles où les gens internes mènent, bien, créons-nous un modèle unique, puis, à ce moment-là, toutes les universités sont pareilles, puis pourquoi ne pas les amener toutes à Montréal, finalement?

Alors, ce que je veux juste vous dire, c'est la réflexion que ça m'amène: N'assistons pas à une approche qui va faire en sorte que, un, on ne sera plus centrés sur la mission de l'université; puis, deuxièmement, non seulement on n'est plus centrés sur la mission de l'université, mais là ça va être assez cacophonique, merci, si les gens arrivent avec leur approche corporative par rapport à leur intérêt personnel au sein de l'université comme groupes.

Je comprends que c'est bien qu'ils puissent défendre leurs points de vue, mais à quel moment tout ça va pouvoir se faire, puis qui va pouvoir trancher quand il y a un débat, à un moment donné...

Le Président (M. Marsan): Alors, madame...

M. Lehouillier: ...puis qu'il y a une chicane interne à l'université? Alors, je vais vous dire une chose: Bonne chance! Alors, moi, ce que je veux juste vous dire... Est-ce que je comprends que vous voudriez que ce que je retrouve à la page 18, 11 membres internes et quatre étudiants, les enseignants, etc., vous voulez que ce soit intégré à la loi et que ce soit comme ça dans tout le Québec?

Le Président (M. Marsan): Alors, madame...

M. Lehouillier: ...bien, c'est la série de questions que je vous pose.

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Lehouillier: C'est ma réflexion personnelle, là, par rapport à ça.

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Pour ce qui est des débats internes entre groupes corporatifs, comme vous semblez les considérer, ce n'est pas au C.A. que ça... ce n'est pas au C.A. que ça se règle. Il existe plusieurs instances dans une université ou dans un cégep, des débats entre profs et étudiants, il existe des assemblées départementales pour ça, il existe des conseils académiques de département, de faculté. Au cégep, ça va être, bon, par regroupement, un conseil de faculté ou un conseil des sciences humaines, un conseil... où des étudiants et des étudiantes siègent souvent représentés par... délégués par l'association étudiante. De l'autre côté, il y a le corps professoral. S'il y a des problèmes avec des profs, c'est à cette instance-là que ça se règle, et, à cet endroit-là, les gens sont délégués comme profs, bon, de leurs départements, et ils sont délégués par leurs collègues, et ça ne pose pas de problème aux instances inférieures.

Le C.A., ce n'est pas la place pour faire des négociations syndicales, on est d'accord. Et à preuve, quand on traite d'une convention collective des professeurs, par exemple, bien les professeurs qui sont là se retirent parce que ça touche leurs conditions de salaire. Et ça, c'est tout à fait normal. Par contre, si on traite d'une entente entre la compagnie d'un des membres externes et l'UQAM, c'est drôle, là, le membre externe ne se considère pas... ne considère pas avoir d'intérêts et ne se retire pas. Ça aussi, ça pose problème. Je pense que l'indépendance doit être prise des deux côtés, et le fait d'avoir des gens délégués par leurs groupes de collègues ne change rien à ça.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ceci termine nos échanges avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'enseignement supérieur, la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Permettez-moi d'abord de dire que vraiment j'ai trouvé que votre mémoire était fort bien fait, très articulé, très documenté, très approfondi. J'ai même... j'ai même été voir certains textes que vous avez donnés en référence, et c'est vraiment très pertinent. Ça fait plaisir d'avoir un texte de cette qualité-là entre les mains.

Vous m'avez incitée à aller chercher des textes donc en référence, mais aussi tout à l'heure notre conversation m'a incitée à aller dans le dictionnaire. Alors, je ne fais pas ça très souvent, mais quand même le dictionnaire existe pour quelque chose, et j'ai été voir la définition du mot «pair» et j'ai... Il y en a plusieurs, là, mais enfin, celle à mon avis qui correspond à ce dont vous parlez, ça dit ceci: «Personne semblable, quant à la fonction, la situation sociale.» Par exemple: «"Un artiste ne peut attendre aucune aide de ses pairs"», citation de Jean Cocteau.

Donc, mon collègue sera peut-être très d'accord que je cite M. Cocteau à l'occasion de cette commission. Tout ça pour dire que «pair», c'est vraiment semblable. Alors, les pairs pour des professeurs, ce sont d'autres professeurs. Je pense qu'un conseil d'administration peut-être composé de gens qui travaillent en équipe, qui travaillent ensemble, mais ça ne peut pas être composé de pairs uniquement. Le mot «pair», c'est des gens qui sont des semblables dans une fonction similaire.

Vous abordez, dans votre mémoire, les questions vraiment sous un angle large. Et j'aimerais peut-être que vous me précisiez d'abord, en termes d'orientation générale, ce que vous dites dans les premières pages, quand vous... Vous dites que ces projets de loi visent plutôt à «instaurer les préceptes de la nouvelle [gouvernance] au sein de nos institutions».

Donc, moi aussi, ça m'intéresse de regarder ces projets de loi dans leur conception assez large, d'essayer de comprendre qu'est-ce qui est sous-jacent, à quoi ça répond, comment on voit le monde des collèges et des universités, donc de l'enseignement supérieur pour traduire un projet de loi comme celui-là. Je commencerais par une question donc un peu large.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Marsan): Mme David.

Mme David (Françoise): Oui. Merci. Écoutez, sans qu'on s'enfarge trop longtemps dans de grands débats philosophiques, il reste quand même que, lorsqu'à Québec solidaire on a voulu écrire un mémoire sur ce projet de loi, c'est vrai qu'on aurait pu simplement se contenter de dire: Oui, non, majorité internes, externes sur les C.A., ça aurait fait un petit mémoire de trois ou quatre pages et puis voilà. Mais c'était important, pour nous, de situer ce débat-là dans ce qu'on sent être pas seulement au gouvernement du Québec, mais, je dirais, en Occident et probablement dans le monde entier, cette espèce de culture qu'on voudrait nous voir adopter pour les services publics qui est une culture d'entreprise. Et ce qu'on dit là, ce n'est pas nécessairement contre l'entreprise ? ça, c'est un autre débat ? mais on dit qu'on a là deux formes d'organisation différentes.

Une entreprise est une entreprise. Remarquez, elle pourrait très bien être coopérative ? comme je vous disais, c'est un autre débat ? mais une institution publique, qui a une mission fondamentale donnée par les citoyens et par l'État, doit rester centrée sur sa mission. Ce n'est pas un endroit où on vise à faire du profit; en fait, à la limite, ce n'est même pas un endroit où on vise la rentabilité, entre guillemets, puisqu'essentiellement les subventions viennent de l'État. Il faut donc avoir des conseils d'administration remplis de gens qui ont complètement à coeur cette mission des services publics et qui sont prêts à gérer démocratiquement l'institution.

Et je trouve intéressants les débats qu'on a eus précédemment parce qu'il y a visiblement ? et je le dis en tout respect ? des écoles de pensée, ici. La nôtre, c'est celle qu'on peut gérer démocratiquement les cégeps et les universités en y associant, d'abord et avant tout, ces actrices et ces acteurs, ceux et celles qui y vivent, qui y travaillent, qui sont là à l'année longue. Et ce n'est pas une façon, en passant, de réduire l'importance du milieu dans lequel ces institutions sont enracinées, parce que je vous soumets gentiment que ceux et celles qui y vivent, qui y travaillent ou qui y étudient sont des gens des régions concernées aussi. Alors, il ne faut pas penser qu'«internes» veut dire complètement replié sur soi, et, «externes», voilà les vrais représentants de la région. Toutes ces personnes-là sont en fait légitimement des gens qui vivent quelque part, qui y travaillent, qui étudient, qui enseignent, bon, et qui ont à coeur les institutions de la région. Donc, c'est vrai que c'est une vision peut-être un peu plus large que, bon, ce que j'ai eu, durant bien des années, l'occasion de déposer en commission parlementaire, mais ça nous paraissait important pour qu'on voie si on peut se mettre d'accord sur cette école de pensée d'une démocratisation de nos institutions publiques.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, moi, je ne peux que... que renchérir. Je pense qu'on doit effectivement aborder ces projets de loi de façon large, voir à la fois qu'est-ce qui nous a menés à ça. Il y a des facteurs mondiaux, vous l'avez indiqué vous-même, il y a une tendance à la gouvernance en s'inspirant du modèle qui vient du privé mais qui a aussi été porté par des grands organes internationaux comme la Banque mondiale. Il y a aussi des facteurs précipitants localement qui font qu'on se dit: Est-ce qu'il faut mettre de l'ordre dans nos universités? Mais je pense effectivement que, si on ne comprend pas l'essence même des projets de loi, on prendra peut-être les mauvaises décisions au moment de le regarder plus finement.

Je ferais, moi aussi, une petite remarque sur la question de qui sont les gens externes et qu'est-ce que ça leur permet de voir ou de ne pas voir. Je ne crois pas qu'il faille le voir en termes de mépris par rapport à... les limitations de leur situation. Les gens de l'extérieur ont un regard de l'extérieur; c'est pour ça qu'on veut les avoir. Mais, en même temps, la connaissance profonde du milieu qu'est un cégep ou une université, ça ne peut être que les gens qui y consacrent leur vie entière, qui le connaissent finement.

Vous dites, à quelque moment, puis là encore on est dans la façon en peu large de voir les choses, mais vous dites, par exemple: Si on a moins de membres internes, il y aura plus de centralisation des débats. Vous dites: Il y aura plus de bureaucratisation. Vous évoquez également l'importance des facteurs quantitatifs, la crainte que les facteur quantitatifs dominent. Donc, j'aimerais que vous me reparliez un peu des conséquences d'avoir un poids relatif nettement plus important des membres externes sur ces questions de centralisation, de bureaucratisation.

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): En fait, sans vouloir discuter de la compétence des membres externes, évidemment, comme vous venez de le dire, les membres internes connaissent mieux une mission, la mission d'une université et sont plus à même aussi de voir tout le processus des débats, parce que...

Bon, je prends l'exemple de l'UQAM, on a des conseils académiques de faculté où on fait un premier débat sur les programmes; ensuite, ça monte à la commission des études, là aussi il y a un nouveau débat; et ça monte au C.A. pour être adopté. Donc, les gens ont une connaissance des instances précédentes; peuvent, en lisant les documents, comprendre les dynamiques qui se passent, tout ça; voir, bon, est-ce que ça a été fait dans les règles, et tout. Les externes aussi évidemment, en lisant les documents, sont là pour voir si tout ça a été fait dans les règles.

Cependant, quand on parle de centralisation, c'est que, malheureusement, quand on regarde les tendances, les représentants externes ont tendance à suivre les recommandations de la direction. Et c'est tout à fait normal comme réflexe dans la mesure où c'est la direction qui, à chaque réunion, apporte l'information. Donc, évidemment, on s'y fie.

Ça a été extrêmement malheureux dans le cas de l'îlot Voyageur. Il faut dire qu'il y a eu des mensonges, il y a eu des documents qui ne correspondaient pas à la réalité, donc des documents qui ont été déposés. Évidemment, dans ce cas-là, ça devient difficile de savoir... de tirer le vrai du faux. Cependant, les membres internes ont la meilleure possibilité d'analyse globale. C'est pour ça qu'on s'inquiète d'une grande présence d'externes, parce que, comme on l'a bien écrit, généralement ils appuient plus la direction et donc, à ce moment-là, ça concentre les pouvoirs effectivement dans les mains de la direction.

Le Président (M. Marsan): Mme David.

Mme David (Françoise): J'aimerais ajouter qu'en fait un des problèmes qu'on essaie d'apporter, Québec solidaire, dans notre mémoire, c'est qu'en fait, sinon que de penser à toute l'importance de cette culture managériale, que ce soit au Québec ou ailleurs, on n'arrive pas à déceler exactement pourquoi ce projet de loi veut-il instaurer un nouveau régime dans les cégeps et les universités avec une majorité de membres externes? Pourquoi? Et jusqu'à présent on n'a pas réussi à avoir de réponses très concrètes et précises à cette question. Sinon peut-être cette idée que, bon, comme il y a eu des problèmes à l'UQAM, il faut faire attention pour la suite des choses, mais je pense qu'à peu près tous les organismes qui sont venus ici vous ont répété inlassablement que ce sont justement les membres internes qui ont posé les bonnes questions à l'époque.

Et le pourquoi, je dirais, est encore plus pertinent lorsqu'on pense aux cégeps, cégeps qui fonctionnent, où ça va bien, où on a même, en ce moment même, des catégories de membres externes mais des catégories claires: les membres externes doivent provenir de certains milieux. Pourquoi est-ce qu'on change tout ça? Et, comme ce n'est pas clair, eh bien, on arrive à se dire: Probablement qu'il y a, derrière tout ça, une sorte de vision des choses qui serait... qui est assez courante finalement puis qui ramène un peu l'idée du privé dans l'université.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

n(17 h 40)n

Mme Malavoy: Bien, je pense que vous posez une bonne question. Je me la pose aussi, j'essaie de trouver les éléments de réponse, parce que j'ai l'impression parfois qu'il y a un modèle auquel on a réfléchi et qui a sa cohérence, l'approche managériale, qui a sa cohérence, mais que tout à coup on transpose ce modèle-là dans un univers qui fonctionnait sur un mode plus de collégialité, disons, et qui ne fonctionnait pas mal. Il y a eu des dérives, mais, bon, on peut en faire l'analyse, mais il ne fonctionnait pas mal.

Qu'on veuille que le modèle de collégialité gagne en transparence, en reddition de comptes, en compréhension d'un plus large public de ce qui se passe, je suis tout à fait partie prenante de ça, mais il y a un élément de transposition d'un modèle qui existe et qui est valable pour certains univers. Vous parlez de l'univers de l'entreprise privée; moi, j'engloberais également celui des sociétés d'État. Je peux comprendre que, dans des sociétés d'État, on ait une approche plus managériale; bon, il faudrait faire une analyse plus fine peut-être. Mais, dans le milieu de l'enseignement supérieur, j'aime bien votre dernière phrase... Bien, vous le mettez dans la conclusion, mais je trouve que cette phrase-là, elle pourrait être partout, en fait, et ce n'est pas forcément une phrase de conclusion, vous dites que la mission fondamentale, donc, de l'enseignement supérieur, c'est «la transmission de la culture et de la connaissance humaine couplée à la réflexion critique sur le devenir de notre société».

Ça, là, si on veut parler en termes plus de management, ce n'est pas évident de voir quel est le produit, hein, au bout de cette chaîne, là, c'est quoi, le produit. Ça inspire un certain... une certaine prudence, tout au moins, avant de voir quel est le produit. Donc, la question demeure malgré tout là: Pourquoi est-ce qu'on se rend à ce qui se passe dans le domaine de l'enseignement supérieur? On aura l'occasion de revenir, un peu plus tard aussi, sur l'inspiration qu'il peut y avoir dans d'autres pays. Mais, pour avoir regardé assez attentivement certains documents qui nous ont été transmis, il y a beaucoup de pays où on plaide pour que les établissements d'enseignement supérieur conservent, sinon accroissent leur autonomie au nom justement de leur mission, bon. Alors, l'énigme va demeurer encore un certain temps, mais je la partage... je partage avec vous.

J'aimerais peut-être que vous me parliez... là encore, je reste dans quelque chose qui est... qui est assez large, mais vous dites: Plus de membres externes ? vous dites ça à la page 12, je crois ? c'est «un projet politique». Donc, vous avez quand même votre petite idée de ce qu'il y a derrière tout ça, hein? Vous dites... vous dites ? je vais retrouver les termes exacts ? vous dites: «Nous croyons quant à nous que le fait de mettre davantage de membres externes au sein des conseils d'administration est un projet politique.»

Donc, connaissant quand même Québec solidaire, je sais que c'est des mots que vous avez choisis et que c'est des mots qui ont un sens. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre sur la portée de ces mots.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme David, la parole est à vous.

Mme David (Françoise): Bien, brièvement, parce que j'ai l'impression d'avoir un petit peu abordé la question tout à l'heure: quand on parle de projet politique, ce qu'on veut dire, c'est que c'est un projet qui a un sens. Ce n'est pas innocent, ce n'est pas un projet de loi qui est neutre, c'est ce qu'on veut dire précisément. Et en quoi n'est-il pas neutre? Bien, vous l'avez dit, premièrement, parce qu'il apporte vraiment cette vision managériale au sein non seulement des universités, mais des cégeps. Mais, deuxièmement, parce que, comme on essaie de l'expliquer... en fait, on va à l'encontre de ce que j'appellerais la démocratie dans ces milieux-là où c'est important que des gens soient élus à des conseils d'administration, soient redevables, aient des comptes à rendre, que les débats sortent du conseil d'administration, qu'il y ait de la transparence, que les idées soient connues pour que le débat se fasse, justement. C'est ce que, nous, nous appelons la démocratie, avec tous les risques que ça comporte, là, bien entendu. Mais c'est dans ce sens-là que nous disons que c'est un projet politique parce que, pour nous, en tout cas, il va à l'envers des valeurs que nous défendons dont l'une qui est très importante à nos yeux, c'est celle de la démocratie au sein des institutions publiques.

Et c'est sûr que je pourrais longuement effectuer des parallèles avec d'autres institutions publiques, par exemple dans le domaine de la santé ou des services sociaux, où à mon avis, depuis plusieurs années, on a complètement édulcoré tout l'aspect démocratique qu'il y avait dans la façon dont ces organismes, je pense entre autres aux CLSC, étaient gérés avec participation des employés, des usagers, usagères. Pour en avoir mis un sur pied, je me rappelle très bien ce que c'était. On a abandonné ce modèle pour se concentrer sur un modèle de centralisation des pouvoirs, finalement. Et nous le déplorons tout autant que nous déplorons ce qu'il y a sur la table en ce moment.

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Borduas.

M. Curzi: Bonjour, mesdames. Moi, je suis d'accord avec plusieurs des principes que vous défendez, en particulier celui qui dit que la démocratie doit s'exercer, qu'il doit y avoir de la transparence. Et, à cet égard-là, je suis assez d'accord aussi qu'on doit éliminer la notion de «dépendants», «indépendants», qu'on doit être donc membres externes, membres internes. Je serais même assez d'accord pour dire que je crois qu'il faut privilégier la collégialité, et on verra dans quelle proportion.

Mais, dans le fond, ce que vous dites, que c'est un projet politique, vous avez raison, c'est un projet politique qui est incarné par un parti politique. Vous présentez une option qui est claire, qui est aussi un projet politique présenté par un parti politique. On est donc confrontés à deux visions qui s'affrontent, puis je partage plusieurs de vos craintes sur le fait que la gouvernance, c'est une nouvelle idée qui peut... qui peut être extraordinairement dangereuse, puis je pense qu'elle l'est.

La question à laquelle, moi, je n'arrive pas à répondre puis qui me semble être primordiale, c'est... Prenons ça à l'envers. Imaginons qu'on arrive à un état d'équilibre entre les différentes positions dans le cas du projet de loi. On se dit: Mais pourquoi on cherche cet équilibre-là? Puis, depuis le début, on se dit: Mais à quoi ça répond? C'est quoi? La vraie... la vraie question, puis peut-être que c'est vous qui le dites, vous dites: Actuellement, «ces mécanismes de contrôle "superficiels" [...] focalisent l'attention sur ce qui est tangible, prévisible, facilement observable, quantifiable et interprétable.»

Bon, prenons une analogie. On joue au hockey, une équipe gagne, puis il y en a trois qui ont scoré, donc c'est clair. On n'est pas là-dedans, on est dans l'analyse et la compréhension d'une mission complexe. Le problème qu'on a, me semble-t-il, collectivement, et c'est vrai en éducation beaucoup, c'est qu'on arrive mal à savoir jusqu'où on va permettre qu'une démocratie complètement applicable, et jusqu'à un certain point angélique, va s'opposer à une vision comme celle des pairs, qui est tout aussi angélique.

La question est donc de savoir: Est-il possible d'imaginer qu'on puisse bonifier des phénomènes complexes? Parce que les bonifier, ça signifie qu'on trouve à la fois les mécanismes qui aident à les bonifier puis qu'on est en mesure de leur apporter un type de mesures. Autrement dit, est-ce que, dans l'éducation comme dans d'autres services, le problème n'est pas de savoir jusqu'où une société... une collectivité va générer des ressources humaines, des ressources financières, des ressources organisationnelles pour s'assurer qu'elle évolue?

Autrement dit, qu'est-ce que c'est, le facteur évolutif, dans une confrontation comme celle de politique? Est-ce que ça existe? Est-ce que vous avez poussé cette réflexion-là? Parce que, comme le disait ma collègue, l'idée, c'est de s'assurer que la mission de l'éducation, c'est recueillir, créer et diffuser le savoir de façon accessible à toutes et à tous. Oui, mais encore, concrètement... pas concrètement, dans les faits, comment arrive-t-on à s'assurer qu'une collectivité est sur cette voie-là et qu'elle est capable de reconnaître les progrès qu'elle fait ou les non-progrès qu'elle fait? Et comment peut-elle modifier les outils qui nous aident à créer cette évolution collective?

Le Président (M. Marsan): Mme David.

M. Curzi: C'est un peu complexe...

Mme David (Françoise): Voilà une question à 1 million de dollars probablement et même beaucoup plus de millions que ça. Si je l'ai bien comprise...

M. Curzi: Oui!

Mme David (Françoise): ...je vais essayer de résumer peut-être la pensée de Québec solidaire en quelques secondes, mais ce n'est pas évident parce que là on est dans le fond des choses, c'est-à-dire: a quoi sert l'éducation? Jusqu'où on veut aller, au Québec, avec l'éducation? Quel argent on est prêt à y mettre? Combien de jeunes on veut éduquer? C'est tout ça, là, qui est sur la table finalement, ce n'est pas seulement comment on va gouverner nos universités et nos cégeps.

Et là-dessus, nous autres, nous avons des positions très claires: c'est-à-dire qu'il faut scolariser bien sûr tous les enfants du Québec, il faut que tous les enfants du Québec puissent aller le plus loin possible dans leurs études, en fonction bien sûr du potentiel de chacune et de chacun. Ça veut dire, à nos yeux à nous, la gratuité scolaire, du préscolaire à l'université, incluant l'université. Mais ce que ça veut dire aussi évidemment... et je pense que, dans les prochains mois, on aura amplement l'occasion d'en débattre, tous partis politiques confondus. On va se parler de fiscalité, on va se parler forcément, puisque le gouvernement nous l'annonce, de tarification, on va se parler de la contribution des entreprises à l'effort fiscal, on va se parler de redevances sur les ressources naturelles, on va se parler d'où est l'argent au Québec et comment aller le chercher. Ça va être fondamental. Et, si on croit à l'éducation aussi bien qu'à la santé et aux services sociaux, au transport public, etc., on va se parler d'argent. On pourrait se parler aussi, bien entendu, de ce que le gouvernement fédéral devrait mettre dans la cagnotte.

n(17 h 50)n

Mais ça va être important de se parler de tout ça puis de se parler des finalités de l'éducation. Éduquer pour avoir des emplois, éduquer pour avoir un savoir, pour avoir une technique, c'est extrêmement important. Mais éduquer aussi pour développer une conscience critique, éduquer pour avoir des citoyennes et des citoyens engagés dans leur communauté, c'est tout aussi important. Et cela n'est pas toujours mesurable quantitativement. On doit rêver d'amener au cinquième secondaire l'immense majorité des jeunes Québécois, c'est clair. Non seulement on doit y rêver, mais il faut mettre en place les moyens pour y arriver. Mais c'est tout aussi important de rêver et d'agir pour que la majorité, la totalité en fait des jeunes qui vont sortir de nos écoles soient des citoyennes et des citoyens qui savent où ils vivent, comment ça marche, une société, qu'est-ce qu'on peut y faire et comment on peut s'y engager.

Puis ça, là, il n'y a pas un indicateur quantitatif de la gouvernance managériale qui va pouvoir analyser ça, il faut que ça se passe autrement, il faut développer des méthodes qualitatives d'évaluation. Donc, je suis partie du très large pour arriver au très particulier, mais votre question m'y invitait, je crois.

Le Président (M. Marsan): Il reste un petit peu plus de 1 min 30 s.

Mme Malavoy: Alors, ma dernière question va être très rapide: Est-ce que vous croyez qu'on a besoin de ces projets de loi pour faire les ajustements nécessaires en termes de reddition de comptes, de transparence?

Le Président (M. Marsan): Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Non, je ne pense pas. Il y a effectivement des modifications à faire, mais qui peuvent être apportées différemment que de modifier l'ensemble, j'ose dire, de la mission dans la mesure où là on donne aux universités et aux cégeps une mission de reddition de comptes, une mission finalement, bien, de deux colonnes qui balancent, alors que la mission, c'est justement, comme on l'a dit, l'éducation et finalement de développer un esprit critique. Donc, non, je ne pense pas qu'on va régler les fiascos financiers et les problèmes de gestion par ce projet de loi là. Je pense qu'il y aurait moins de fiascos financiers si on finançait mieux les institutions postsecondaires. Et de plus la gouvernance managériale, c'est ce qui nous a menés dans la crise économique actuelle, donc je ne pense pas que c'est le meilleur système qui soit pour gérer nos universités et nos cégeps.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Ceci termine nos débats avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant reconnaître le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Madame, madame, ça me fait plaisir de vous rencontrer, Mme David particulièrement, puisque vous êtes la coporte-parole du parti Québec solidaire. Vous savez que, moi, je rencontre quotidiennement votre coporte-parole, qui est d'ailleurs mon voisin de banquette à l'Assemblée nationale, et, comme je me plais à dire, la seule place au monde où Québec solidaire est à la droite de l'ADQ, c'est à l'Assemblée nationale quand on est assis. Là s'arrête évidemment le parallèle.

Ça me fait plaisir, M. le Président, de travailler avec les gens de Québec solidaire, parce que ça va nous permettre d'aborder le rôle que peuvent et que doivent jouer l'entreprise privée à l'intérieur des conseils d'administration de nos cégeps et de nos universités. Il y a plusieurs aspects qui ont été abordés tout à l'heure. Moi, j'aimerais, puisque mon temps est conscrit... et je pense qu'à Québec solidaire vous savez c'est quoi, le temps conscrit, on va aborder ensemble cette question-là.

Comprenons-nous bien. Nous, à l'ADQ, il n'est pas question pour nous de donner les clés des cégeps et des universités à l'entreprise privée. Mais nous souhaitons ardemment que, oui, les gens de l'entreprise privée, que, oui, nos gestionnaires, dans nos entreprises privées québécoises, aient part entière à l'intérieur des conseils d'administration des cégeps et des universités, dans leur milieu propre. Mais encore là je tiens à vous le dire, parce que je vois votre regard qui un peu s'assombrit, il n'est pas question pour nous de donner les clés, mais leur présence, à notre point de vue, est essentielle, et est souhaitée, et est profitable.

Parce que, vous savez, des gens qui gèrent des entreprises privées dans leur milieu propre, et je tiens à préciser ça, parce qu'on pense souvent, bon, c'est des grandes multinationales, à Montréal, qui savent comment ça... Non, non, mais des gens à Sherbrooke, des gens au Saguenay, des gens à Joliette, des gens dans Lanaudière, des gens de Québec, des gens partout savent c'est quoi, la texture économique de leur milieu et, oui, ont à gérer des millions de dollars dans leur entreprise et des centaines de personnes dans leur entreprise. Alors, leur savoir ? leurs connaissances, leur expertise ? doit et peut être mis à profit à l'intérieur de nos institutions publiques, et c'est pour ça que, nous, on souhaite la bienvenue à ces gens-là lorsqu'ils viennent à l'intérieur des conseils d'administration.

Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que nos institutions postsecondaires doivent développer les esprits, la conscience critique, faire des citoyens à part entière dans notre société, mais l'un n'empêche pas l'autre, et que, oui, nos institutions sont là pour former des gens qui plus tard vont travailler dans l'entreprise privée, et il n'y a pas de honte à ça. J'ai eu le plaisir de le dire l'autre fois à des gens d'une association étudiante: Vous savez, on est fiers, nous, les Québécois, lorsqu'on voit nos produits qui émergent et qui resplendissent partout à travers le monde. Que ce soit dans l'aéronautique, que ce soit dans le monde de l'informatique ou tout ça, on peut être fiers de nos gens. Et, oui, ces gens-là travaillent dans l'entreprise privée et ces gens-là ont été formés dans nos écoles. Quoi de plus magnifique que de voir des gens qui sont formés dans nos institutions et qui vont travailler dans des entreprises privées québécoises, de propriété québécoise, et qui gagnent leur vie honorablement, et qui paient des impôts, puis qui permettent justement de faire rouler l'économie et de faire vivre nos institutions postsecondaires?

Moi, je suis fier des Bombardier de chez nous. Moi, je suis fier des Beenox de chez nous. Moi, je suis fier de nos entreprises d'ici qui émergent et qui réussissent partout et qui resplendissent partout à travers le monde. Pour nous, l'entreprise privée est importante pour notre société, doit être valorisée, et si, par bonheur, ces dirigeants peuvent généreusement contribuer de leurs connaissances à l'administration correcte de nos institutions, bravo!

Et, à ce titre-là, je vous rappelle ce que vous avez dit tout à l'heure: Que ces gens-là peuvent être complètement... avoir complètement à coeur le service public et gérer démocratiquement les institutions. Oui, les gens de l'entreprise privée peuvent le faire, doivent le faire et sont les bienvenus à le faire. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Dussault.

Mme Guay-Dussault (Charlotte): Bien, écoutez, d'abord on n'est pas contre les entreprises privées et on n'est pas complètement déconnectés de la réalité. On sait pertinemment que les études servent, dans la vie, à se trouver un emploi. Ce qui nous pose problème, c'est...

Prenons l'exemple des cégeps. Si, par exemple, on forme des étudiants uniquement pour travailler dans une entreprise, spécifiquement, là ça pose problème. Ce qu'on souhaite, dans l'esprit critique, dans la création de savoir, c'est d'amener les personnes à pouvoir occuper une diversité d'emplois dans leur vie.

Donc, si on prend l'exemple du cégep Édouard-Montpetit, qui forme des gens en face, chez Pratt & Whitney, c'est extrêmement dommage parce que, si, demain matin, Pratt & Whitney ferme, ils ne peuvent pas travailler chez Bombardier parce qu'ils connaissent juste les machines de chez Pratt & Whitney. Et c'est arrivé; je veux dire, je connais des personnes à qui c'est arrivé. Donc ça, ça pose extrêmement problème.

Nous, ce qu'on dit, c'est: Gardons une mission globale de l'éducation pour que justement les personnes puissent se revirer. En temps de crise, on le voit particulièrement, il y a des entreprises qui ferment, et, bon, on offre aux travailleurs, aux travailleuses des formations pour, bon, se revirer de bord un peu, voir ce que... Bien, c'est important qu'au départ de leur parcours en éducation ils puissent déjà avoir une formation globale.

Le Président (M. Marsan): Mme David.

Mme David (Françoise): Et en complément, très rapidement, je veux simplement ajouter que c'est... Vous avez lu notre mémoire. Parmi les membres externes, on convient tout à fait qu'il puisse y avoir des gens de ce qu'on appelle les milieux socioéconomiques, donc ça ne nous pose pas de problème. Là où ça commence à poser problème, c'est lorsqu'ils sont majoritaires sur les conseils d'administration.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Québec solidaire. Je remercie Mme David, Mme Dussault.

Vous pouvez laisser les effets sur les bureaux, on va reprendre nos travaux à 19 h 30, et les portes devraient être barrées.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci et bon appétit.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 19 h 40)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre les sonneries de leurs cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Alors, nous avons... nous recevons ce soir le Conseil québécois des syndicats universitaires de l'Alliance de la fonction publique du Canada au Québec. Et, avant de reconnaître M. Alexandre Leduc, je voulais simplement vous informer que notre collègue le député de... Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Saint-Hyacinthe, c'est bien ça. Vous vous souvenez qu'on a fait le remplacement de Mme la députée de Taillon... le remplacement de M. le député de Saint-Hyacinthe par la députée de Taillon, et, ce soir, ce dernier aimerait pouvoir participer à nos travaux, et j'aurais besoin d'un acquiescement, d'un consensus pour qu'il puisse intervenir. Alors, je vois que tout le monde a beaucoup de respect pour vous, M. le député de Saint-Hyacinthe, et c'est avec empressement qu'on va apprécier vos commentaires.

Alors, je reviens au Conseil québécois des syndicats universitaires de l'Alliance de la fonction publique. Je reconnais tout de suite M. Alexandre Leduc, qui est président. Et il est accompagné de Mme Nina Laflamme, l'adjointe au directeur des sections locales à charte directe, secteur universitaire. Vous savez que vous avez 30 minutes pour faire votre présentation. Alors, ça nous fait plaisir de vous écouter. C'est à vous la parole, M. Leduc.

Conseil québécois des syndicats
universitaires de l'Alliance de la
fonction publique du Canada
au Québec (CQSU-AFPC)

M. Leduc (Alexandre): Mmes, MM. les députés, Mme la ministre, M. le Président, merci de nous accueillir dans cette enceinte de la démocratie québécoise. Ça nous fait grand plaisir d'être ici avec vous ce soir pour nous entendre sur nos propositions à propos du projet de loi n° 38. À ma gauche, Mme Nina Laflamme, étudiante à la maîtrise en relations industrielles à l'Université Laval et présidente du Syndicat des auxiliaires de recherche et d'enseignement de cette même université. Je suis, quant à ma part, président du Conseil québécois des syndicats universitaires. Je suis étudiant à la maîtrise en histoire à l'Université du Québec à Montréal et auxiliaire d'enseignant... d'enseignement aussi.

Un peu de mots avant de débuter sur le fond du problème, une présentation du... de notre groupe comme tel. L'Alliance de la fonction publique, là, au Québec, ça représente 35 000 syndiqués, qui sont majoritairement dans la fonction publique fédérale mais aussi provenant de d'autres secteurs, comme le nôtre, par exemple. Et nous sommes affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ.

Le secteur universitaire, regroupé au sein de l'AFPC sous le chapeau du Conseil québécois des syndicats universitaires, le CQSU, connaît une explosion fulgurante depuis les cinq dernières années. Né en 2004 avec les premiers auxiliaires syndiqués, le CQSU regroupe maintenant plus de 15 000 personnes syndiquées. On parle, entre autres, des campus de l'Université de Montréal, l'Université Laval, l'Université du Québec à Montréal, de l'Outaouais, de Chicoutimi, de Sherbrooke et Concordia.

Dans les faits, le CQSU est né le 15 août dernier et se veut l'aboutissement d'un long travail de concertation au sein du secteur universitaire de l'AFPC. Les travailleurs, travailleuses représentent en fait des auxiliaires, des assistants, des assistantes de recherche ainsi que des professionnels aussi de recherche qui oeuvrent dans le domaine de l'enseignement depuis des années et aussi des assistants techniques, qui font surtout du travail de soutien.

La syndicalisation massive des auxiliaires s'explique de plusieurs manières. Bien évidemment, il y a la volonté des membres d'améliorer les conditions de travail, qui est la base de la syndicalisation dans la plupart des cas, mais en filigrane se cachent d'autres facteurs liés à des changements du monde universitaire qu'il est crucial de comprendre pour savoir qui nous sommes et pour saisir notre positionnement dans ce présent projet de loi.

D'abord, le sous-financement des universités accroît la demande du travail étudiant, qui évidemment coûte moins cher que du travail de chargé de cours ou de professeur, par exemple, alors que, d'un autre côté, les hausses de frais de scolarité et les défaillances de l'aide financière aux études en accroissent l'offre.

Ensuite, nous constatons la tendance des universités à faire primer la recherche sur l'enseignement et les services à la collectivité. Dans cette mouvance, les universités font aussi prévaloir la recherche appliquée sur la recherche fondamentale, entraînant ainsi une transformation réelle du rapport à la science qui vient modifier la relation professeur-étudiant. Cette relation privilégiée justement n'est plus axée prioritairement sur la transmission de connaissances, mais sur la contribution des étudiants et étudiantes à l'agenda de recherche et d'enseignement du corps professoral. Cette situation entraîne une redéfinition de la relation professeur-étudiant pour se transformer en une relation employeur-employé. Cet état de fait contribue à fragiliser la bonne entente entre les professeurs et les étudiants et étudiantes employés. Cette transformation de l'université ainsi que la syndicalisation massive des auxiliaires vient modifier le paysage de la communauté universitaire, et nous croyons qu'une place leur revient dans la prise de décision concernant le bon fonctionnement de nos universités.

En ce qui a trait aux professionnels de recherche en milieu universitaire, ils travaillent à conceptualiser, opérationaliser et valoriser les résultats de recherche scientifique dans la société québécoise, canadienne et bien sûr internationale. Ces derniers contribuent de façon importante à la mission des universités, autant en soutenant la recherche que l'enseignement aux cycles supérieurs. De plus, le positionnement central de ces travailleurs et travailleuses dans les communautés universitaires les rend plus à même de percevoir l'ensemble des répercussions qu'une mauvaise gestion peut engendrer dans la mise en oeuvre de la mission des institutions d'éducation supérieure.

Sans plus tarder, je passe la parole à ma collègue, Nina Laflamme.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, bonsoir. Je me présente, Nina Laflamme. Je suis membre du Conseil québécois des syndicats universitaires, fondé récemment.

Je me permets d'abord de remercier la commission pour cette invitation à présenter notre mémoire. Nous sommes venus ce soir ici avec l'intention d'exposer à la Commission de l'éducation les raisons pour lesquelles les projets de loi n° 38 et 44 ne nous semblent pas être en mesure de répondre aux problèmes qui sont identifiés par la ministre dans la gestion des établissements d'enseignement postsecondaire.

Le courant idéologique qui traverse les projets de loi se répand actuellement partout sur la planète, à travers notamment des organisations comme l'OCDE qui prônent essentiellement la mise en place de politiques largement inspirées du néolibéralisme. Dans cette mouvance, les États du monde entier procèdent à des restructurations des services publics et des structures étatiques. Ils développent au passage des modes de gestion comme celui de la nouvelle gestion publique ou du nouveau management public.

Au Québec, la restructuration de l'État passe, entre autres, par une révision de la gouvernance des sociétés d'État, qu'on a vue par le projet de loi n° 53. Selon l'analyse que nous faisons, les projets de loi nos 38 et 44 s'inscrivent dans la même lignée que ce dernier.

Afin de structurer ces projets de loi, la ministre a relativement suivi les conclusions du rapport de l'IGOPP sur la gouvernance des universités du Québec qui a été déposé en septembre dernier. Ce sont des projets de loi qui nous semblent largement inspirés des principes du nouveau management public. Selon les tenants de cette école, les organisations publiques seraient soi-disant non compétitives parce que non soumises à la concurrence du secteur privé. Leur gestion pourrait aussi être caractérisée par le laxisme, considérant la taille des appareils étatiques et la dépersonnalisation qui est amenée par leur structure. Il conviendrait donc, selon des tenants de cette école de pensée, d'infiltrer les organisations publiques afin de les rendre compétitives avec des principes de gestion de l'entreprise privée.

Donc, certains éléments en fait de vocabulaire du projet de loi nous donnent des indices qui permettent de faire des rapprochements avec cette école, et ce sont des principes que nous trouvons inacceptables pour la gestion des universités au Québec.

Donc, la ministre de l'Éducation a identifié différents problèmes qui sont liés à la gouvernance, dont le manque d'imputabilité, de transparence et de principes généraux de bonne gestion. La plupart des personnes qui évoluent en éducation postsecondaire s'entendent pour reconnaître ces difficultés, en déplorant en plus le manque de démocratie au sein des instances. Malgré le fait qu'on s'entend sur l'existence de ces problèmes, les projets de loi n'obtiennent pas l'appui des syndicats que nous représentons, et en fait ils n'obtiennent que peu d'appui dans la communauté universitaire. Les prochaines minutes seront donc consacrées à expliquer pourquoi nous croyons que les projets de loi, tels que présentés, ne correspondent pas à des solutions viables pour les problèmes identifiés.

Donc, nous débuterons par la composition des conseils d'administration, ce qui est un des éléments qui a suscité le plus de controverse chez les sections locales que nous représentons. Donc, selon le projet de loi, l'indépendance se définit comme l'absence de relations ou d'intérêts avec l'établissement d'enseignement ? c'est l'article 4.0.7, de façon très spécifique ? et il appert que seules les personnes ne provenant pas de la communauté universitaire peuvent se qualifier d'indépendantes. Donc, toute personne est automatiquement... qui est employée est automatiquement en conflit d'intérêts. On se demandait si le projet de loi ne suppose pas implicitement que les membres de la communauté universitaire, en conflit d'intérêts permanent, seraient incapables d'effectuer une saine gestion de leurs établissements. Pourtant, vu d'où nous sommes, les internes sont les seules personnes qui subissent effectivement le poids des décisions qui sont prises dans les conseils d'administration.

n(19 h 50)n

Nous aimerions souligner aux parlementaires que le fait de ne pas être en relation d'emploi avec une université ou de ne pas avoir de relations financières ou commerciales avec celle-ci au moment de sa nomination ne garantit aucunement l'absence de conflit d'intérêts. Le conflit d'intérêts en question peut très bien se manifester suite à la nomination. Il pourrait survenir dans le cadre de projets immobiliers réalisés en PPP ou, dans l'intérêt de certains administrateurs, avoir certaines recherches orientées dans un sens particulier en échange d'une contribution financière. Qui plus est, le projet de loi propose que les administrateurs externes puissent se trouver en conflit d'intérêts ponctuellement tout en conservant leurs sièges.

En terminant sur ce point, nous sommes d'avis que rien ne permet en fait de faire une telle adéquation entre les mots «externe» et «indépendant» comme le fait le projet de loi, une adéquation que nous rejetons.

En ce qui concerne le fait que les administrateurs externes peuvent provenir de différents milieux, suivant le libellé du projet de loi n° 38 en particulier, nous aimerions porter l'attention des parlementaires sur la Loi sur l'Université du Québec. Donc, celle-ci prévoit que les administrateurs de tous les milieux puissent accéder aux C.A. des universités du réseau UQ. Pourtant, si on observe la composition actuelle et historique de ces conseils d'administration, la grande majorité des externes provient du milieu des affaires. Ceci nous porte à croire que la situation serait la même dans tout le réseau universitaire et que l'on verrait essentiellement des administrateurs du milieu des affaires devenir beaucoup plus présents que des administrateurs externes de toutes provenances, et ce, même si le projet de loi est libellé tel qu'actuellement. De même, il est indéniable que les administrateurs du milieu des affaires évoluent dans des paradigmes managériaux.

La mission universitaire que nous reconnaissons, c'est celle d'une université comme une institution culturelle qui a pour but de faire avancer la connaissance de manière critique et de transmettre cette connaissance à l'ensemble de la société, de sorte qu'elle puisse s'émanciper. Ajoutons à la spécificité de nos universités qu'elles ont le caractère d'être un service public.

Donc, la recherche de la connaissance, ultimement, ne peut se faire qu'avec la liberté académique. Sans cette liberté académique, la recherche se trouve orientée, soit parce que l'on juge utile de rechercher des résultats dans un sens plutôt qu'un autre, soit parce qu'on considère que l'avancement de la connaissance devrait se faire dans une discipline plutôt que dans une autre. Cette liberté académique commande que l'université puisse évoluer de manière autonome, sans ingérence d'intérêts qui viendraient pouvoir la biaiser.

C'est pour cette raison que le modèle de collégialité caractérisé par une gestion décentralisée et égalitaire fonctionne bien en son sein. Le fonctionnement collégial est différent du modèle de gestion managériale traditionnel qui préconise un rapport hiérarchique par rapport... par opposition à l'autocontrôle collégial. Donc, cette différence importante dans le fonctionnement est sujette à être incomprise par des administrateurs externes qui sont largement exposés à une culture hiérarchique des milieux d'affaires. Cela ne signifie pas que des administrateurs provenant de l'externe ne puissent jamais devenir capables de saisir le sens de sa mission ou d'exercer un bon jugement en leur sein. Ça signifie plutôt qu'un fonctionnement organique et collégial est beaucoup plus approprié à leur gestion que le hiérarchisme peut l'être.

En fait, le problème que nous avons avec des personnes provenant majoritairement de l'externe, c'est le fait qu'ils soient majoritaires et qu'ils soient votants. La nature indéterminée de la mission universitaire et des moyens de la mettre en oeuvre limite la possibilité que le managérialisme puisse améliorer l'efficacité d'une organisation comme celle-là. Pour le CQSU-AFPC, il convient de conserver un modèle de gestion collégiale des universités, ce que le projet de loi ne nous semble pas permettre.

La mission universitaire n'est pas que soutenue par les membres de la communauté interne, elle est réalisée activement par ceux-ci au quotidien, d'où leur compétence pour entendre des questions qui relèvent du C.A. Tous les corps d'emploi participent activement à la réalisation de cette mission universitaire, ce qui fait qu'ils en ont tous et toutes une compréhension particulière. Nous suggérons donc de renforcer la collégialité des C.A. universitaires en y admettant les corps d'emploi qui ne sont pas représentés, comme nos collègues les employés de soutien et les employés étudiants que nous sommes, dont la réalité ne peut être assimilée à celle du personnel régulier, académique ou non, et ne peut être non plus assimilée à des personnes ayant seulement un statut d'étudiant. Les employés étudiants voient beaucoup de pertinence à être représentés sur les C.A. universitaires, d'autant plus que plusieurs d'entre eux resteront à l'emploi des universités pour y faire carrière, par exemple dans la recherche.

Nous allons passer maintenant aux sous-comités et aux rôles du conseil d'administration. Donc, le projet de loi prévoit, à son article 4.0.33, la création de trois sous-comités, un premier sur gouvernance et éthique, un second sur la vérification et un troisième pour les ressources humaines. De même, le projet de loi prévaut... prévoit, pardon, que ces comités devront être composés d'administrateurs externes et d'au plus, donc non obligatoirement, de une personne de la communauté universitaire.

Nous trouvons que c'est là un déni de l'implication de la communauté interne. D'une part, nous nous expliquons mal les raisons d'être de ces comités, alors que les rôles que le projet de loi leur attribue nous semblent être dévolus aux C.A. eux-mêmes. Il nous semble inconcevable que le rôle du C.A. ne devienne que d'approuver le travail de ces sous-comités, comme le suppose le libellé de l'article 4.0.22, où le verbe «approuver» apparaît chaque fois qu'une fonction est octroyée à l'un de ces comités. Considérant que ces comités seront composés d'administrateurs externes et considérant la légitimité qu'on accorde aux recommandations de ces comités, le projet de loi prévoit en quelque sorte une appropriation du pouvoir aux mains de ces personnes externes.

D'autre part, nous ne comprenons pas pourquoi les membres de la communauté externe... interne, je veux dire, devraient être pratiquement exclus de ces comités, une question sur laquelle on aimerait beaucoup avoir une réponse. Plusieurs tâches qui sont confiées à ces comités nous semblent être des éléments de réflexion importants pour les C.A. universitaires, comme par exemple ce qui constitue une décision prise dans le respect de l'éthique. Il est inquiétant que des réflexions de cette importance ne soient portées que par trois ou quatre personnes et de savoir que le C.A. n'aura pas autant le mandat de se pencher lui-même sur cette question que d'approuver la réflexion qui est portée par le comité.

Nous nous demandons aussi quel sera le contenu de ces politiques éthiques et si, par exemple, le droit à la dissidence sera encore permis dans les conseils d'administration suite à l'adoption de telles politiques. Aura-t-on encore le droit de s'exprimer, par exemple, publiquement, si on est contre une décision portée par le C.A., sans que cela aille à l'encontre d'une politique éthique interne?

Un autre des rôles qui est dévolu au comité de gouvernance et d'éthique sera de dresser des profils d'administrateur auxquels de futures personnes candidates devront répondre afin d'être nommées. Ce que le projet de loi indique d'une manière implicite, c'est que la collégialité ne devrait plus être le principe assurant la gestion des universités québécoises, que des personnes répondant à des profils de compétence devraient plutôt en assurer la bonne marche. Cette façon de faire annonce clairement une professionnalisation des administrateurs universitaires, qui, majoritaires au C.A., n'hésiteront probablement pas à prolonger cette professionnalisation dans les directions d'unité et de faculté. On voit mal comment la collégialité pourrait survivre à cette façon de procéder.

Continuant sur ce point, nous aimerions souligner que ce processus de dotation des postes des conseils d'administration qui pourrait être mis en place dans les universités n'a rien de scientifique. Il en ira de la perception de trois ou quatre personnes à propos des besoins du conseil d'administration, dans un premier temps. Il en ira ensuite de la perception de trois... des membres du C.A. en ce qui concerne les personnes qui répondent à ces critères.

Finalement, n'oublions pas que la pratique établie dans le secteur privé est de cumuler la fonction d'administrateur sur plusieurs C.A. On voit mal pourquoi la réalité des C.A. universitaires serait différente si le projet de loi était adopté. Considérant cela et la subjectivité inhérente au processus de dotation, les C.A. universitaires pourraient facilement devenir un club sélect d'administrateurs externes se côtoyant sur les C.A., établissant les profils les uns des autres afin de se voir nommer. C'est possible.

Un autre comité qui devrait être formé suivant l'adoption du projet de loi serait celui des ressources humaines. La lecture de ses fonctions à l'article 4.0.41 est surprenante à plusieurs égards. On y indique d'abord que le recteur ne devrait pas être choisi pour la reconnaissance qu'il obtient parmi ses pairs, mais bien parce qu'il répond à un profil de compétence pondu par ce comité.

On pourrait comparer l'université à une ville. En fait, l'université, c'est comme une cité à l'intérieur d'une ville, c'est une cité universitaire. Elle choisit son premier dirigeant, qui est redevable d'abord et avant tout devant les personnes qui l'ont choisi.

n(20 heures)n

Les fonctions du comité seront aussi de recommander au C.A. la manière d'évaluer la performance des membres du personnel de direction supérieure. Nous trouvons cela illégitime, étant donné que les personnes qui proposeront cette méthode d'évaluation proviendront d'un tout autre milieu que celui des universités. Nous nous demandons comment il leur serait possible de proposer une évaluation de la performance des membres de la direction.

Tout aussi surprenant est le cinquième paragraphe qui parle de soumettre au C.A. les politiques concernant la rémunération et les conditions de travail des employés des universités, comme si ces éléments n'étaient pas, d'ores et déjà, dictés dans les conventions collectives de travail qui ont force légale. Dans un milieu aussi largement syndiqué que les universités au Québec, permettez-nous de spécifier que les politiques de ressources humaines sont codifiées dans les conventions collectives de travail.

Le dernier point, mais non le moindre, qui nous semble pouvoir créer des situations plus que problématiques avec ce comité est le point 8, celui où le comité, composé de membres externes, doit-on le rappeler, établira les mandats de négociation, et ce, en conformité avec les disponibilités budgétaires de l'établissement. Il n'est pas exagéré de croire qu'avec un tel libellé le législateur demande aux directions universitaires de durcir le ton lors des négociations collectives, d'exercer une pression à la baisse sur les salaires, sur les offres de salaire et sur les conditions de travail. Il est notable dans l'espèce que le comité des ressources humaines, composé de membres externes, n'aura pas à vivre avec les conséquences des conditions qu'il suggérera à travers ses mandats, pas plus qu'il n'aura à vivre avec les séquelles des conflits ou des mésententes qui pourraient survenir et rester suite aux négociations. Les membres de la direction de l'université auront à le faire, quant à eux.

Suivant notre compréhension du régime de droit collectif du travail qui prévaut au Québec, il est légitime que la partie qui a à vivre avec les conséquences découlant de la négociation collective élabore les termes des mandats. Ceux-ci ne peuvent être trop rigides; autrement, ce sera l'impasse et il n'y aura pas d'entente. Le résultat de l'entente qui se conclut entre les parties, dans le cadre du régime de droit collectif au Québec, fait foi du maintien ou du rétablissement de la paix industrielle suite aux négociations. La tierce partie que le législateur pourrait insérer dans le processus n'aurait ni à trouver une entente ni à en faciliter une. Une telle partie n'a pas de légitimité à s'immiscer dans le processus de négociation. Il est déjà parfois difficile de négocier dans les universités.

Par exemple, parfois, il peut advenir qu'il y ait des interférences avec le ministère de l'Éducation, ou, par exemple, on pourrait regarder, à travers ce projet de loi, la difficulté que ça poserait, comme quand, il y a deux ans, Quebecor était sur le C.A. de l'UQAM. Je ne sais pas si vous avez vu comment ces gens-là gèrent leurs relations de travail, mais c'est honteux. Puis en fait ce qu'on est en train de faire, c'est d'ouvrir la porte pour qu'ils puissent venir s'immiscer dans les négos collectives en fait dans les universités.

Il n'est pas illégitime que des mandats de négociation soient discutés et élaborés en C.A. dans une université, parce que celles-ci ont un fonctionnement collégial. La réalité universitaire fait en sorte que non seulement les membres de la direction auront à vivre avec les résultats de la négociation, mais il y a aussi de bonnes chances que ce soit le cas pour les autres corps d'emploi. En effet, les conditions de réalisation de travail des différents corps d'emploi d'une université s'imbriquent les unes aux autres afin de réaliser la mission universitaire. Ceci est vrai, entre autres, pour les employés étudiants qui réalisent tour à tour des tâches de recherche, d'enseignement ou d'autres tâches de support ou de soutien à différents corps d'emploi du campus et souvent sous leur direction. Nos conditions de travail sont imbriquées.

Nous aimerions finalement souligner que les salaires du personnel universitaire ne constituent pas qu'un coût mais bien aussi l'investissement par lequel la mission de l'université peut prendre vie. Afin d'éviter une centralisation du pouvoir aux mains de quelques administrateurs dans un projet de loi qui vise à obtenir une plus grande transparence et afin d'éviter une confusion des rôles, le CQSU-AFPC recommande le rejet de la création de ces sous-comités; nous proposons que les fonctions du C.A. restent au sein de celui-ci afin justement d'avoir plus de transparence dans les processus et les décisions et afin qu'un plus grand nombre d'administrateurs puissent s'exprimer sur la définition des façons de faire dans les universités.

Étant donné la spécificité de la mission universitaire dont nous avons parlé précédemment, il nous semble évident que la reddition de comptes d'une institution publique ne peut se faire que par des indicateurs financiers, et c'est là une de nos craintes. S'il est vrai que le manque de reddition de comptes et de transparence est un phénomène qui est généralisé à plusieurs universités, les solutions avancées par les projets de loi ne permettraient pas d'y remédier, selon nous.

Par exemple, dans le rapport spécial du Vérificateur général sur l'UQAM déposé en 2008, on soulignait «l'attitude irrespectueuse du recteur, du vice-recteur et du directeur des investissements à l'égard des instances universitaires [mais aussi] du ministère de l'Éducation. En effet ? et je cite ? ceux-ci ont manqué de transparence et ont fourni une information incomplète et souvent inexacte à ces instances; ils les ont pressés pour obtenir des décisions rapides ou encore ils les ont mis devant des faits accomplis. Ce comportement a certainement réduit la capacité des instances à jouer pleinement leur rôle.» Fin de la citation. Nous nous demandons ce qui, dans les projets de loi nos 38 et 44, permettrait de changer cette attitude.

Nous nous permettons également de questionner l'imputabilité de membres externes qui ne vivent pas avec la réalité des décisions auxquelles ils participent, qui peuvent même quitter le C.A. d'une université n'importe quand, et ce, même après avoir participé activement à la prise de décisions qui lui sont préjudiciables.

Le projet de loi prévoit que certaines informations devront maintenant être rendues publiques et que la tenue d'une séance d'information annuelle devra maintenant être annoncée publiquement, et ce, avant la tenue de celle-ci. Nous aimerions souligner que le titre de cette séance d'information n'est pas celui d'une assemblée générale, c'est un endroit quand même où les gens n'auront aucun pouvoir décisionnel. Donc, dans le même sens, le fait d'être informé est effectivement important. Et, même si cette rencontre en fait est une rencontre d'information, elle ne leur accorde aucun poids décisionnel.

Donc, il nous semble incongru de proposer une réforme de la gouvernance des universités sans aborder également la question de leur sous-financement...

Le Président (M. Marsan): Il vous reste à peu près cinq minutes, un petit peu moins.

Mme Laflamme (Nina): Je conclus.

Et c'est pourtant ce que les projets de loi font. N'est-ce pas le sous-financement chronique qui amène les directions d'établissements à gérer des coupures plutôt que des allocations budgétaires? Donc, est-ce que les formules mêmes du financement ne doivent pas être revues puisqu'elles sont responsables en partie de la crise? Donc, pour ces raisons-là, même si ces questions ne relèvent pas directement de gouvernance, elles y sont intimement reliées, et nous recommandons la tenue d'états généraux. Il nous semble que le contexte de ralliement qui est vraiment fort autour de la contestation du projet de loi est une fenêtre d'opportunité que la ministre peut saisir. Cette mobilisation est la preuve en fait de l'implication qui est importante pour les membres de la communauté interne et de la force de la collégialité.

Je repasse la parole à mon collègue, s'il le veut bien, pour quelques questions spécifiques.

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Il nous reste deux ou trois minutes, si j'ai bien compris?

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Leduc (Alexandre): Merci, M. le Président. Vous savez, en tant qu'apprenti historien qui fait son possible, là, mon travail, c'est d'essayer de dégager la vérité de ce qui s'est passé dans le passé justement. Et, étant un étudiant de cette magnifique université qui s'appelle l'Université du Québec à Montréal, j'ai été témoin, il y a de cela presque quatre ou cinq ans bientôt, de toute la... toute la... le périple de la dérive immobilière de l'Université du Québec à Montréal.

À chaque fois qu'on posait la question à la ministre ou au gouvernement: Pourquoi ce projet de loi là? c'était tout le temps: Il faut éviter une deuxième UQAM, il faut éviter une deuxième fois une autre dérive universitaire.

La vraie histoire, là, ce qui s'est passée, là, sur le terrain, là, sur le campus, pendant la grève étudiante de 2005, M. Roch Denis passe en glisse, en douce, son projet de l'îlot Voyageur. Pas trop de personnes qui s'en rendent compte. Arrive la rentrée de l'automne 2005, et là tout le monde, O.K.: C'est quoi, ce projet-là? On pose quelques questions. Les étudiants, les professeurs, les étudiantes, les chargés de cours, les employés de soutien, la communauté interne lèvent le drapeau rouge. Oh, oh! quelque chose qui ne fonctionne pas ici, dans les C.A., sur le terrain, à l'extérieur de l'université, dans les médias, tandis que les représentants externes soi-disant indépendants se ferment les yeux, approuvent les politiques de «fast track», hein, on passe rapidement des choses sans connaître le fond des dossiers de l'administration.

n(20 h 10)n

C'est quoi, la leçon de ça? Il me semble qu'il devrait y avoir une leçon de ça. Est-ce que, si on avait été majoritaires, les internes, là, les membres de l'université, là, est-ce qu'on aurait pu bloquer ce projet de loi là? Moi, je pense que oui. Je pense que, si on avait été majoritaires sur le conseil d'administration, votants, on aurait mis un frein, on aurait dit: Qu'est-ce qui... C'est quoi, cette chose-là? Il ne faut pas aller trop vite avec ce projet-là, il y a des erreurs fondamentales, il y a des dangers fondamentaux. Si on avait été internes majoritaires, il n'y aurait pas eu de dérive comme ça, et je trouve qu'on est dans le monde à l'envers.

Dans une certaine mesure, en présentant ce projet de loi là, on trafique l'histoire dans la mesure où est-ce qu'on ne donne pas la punition aux gens qui sont en partie coupables de cette dérive-là. Qu'est-ce qui s'est passé? Les externes se sont fermé les yeux, les internes ont bougé? Le résultat? Plus d'internes, moins d'internes sur le conseil d'administration. C'est le monde à l'envers.

Alors, je me demandais si, ce soir, la ministre était en mesure de reconnaître, une fois pour toutes, que, dans le dossier de l'UQAM, ce sont les membres internes qui ont alerté la communauté en premier. Et le corollaire: Est-ce que vous êtes prêts à reconnaître aussi que ce sont les externes qui ont approuvé, les yeux fermés, les projets immobiliers de M. Roch Denis?

Autre question sur le fond de notre présence. Vous savez que, dans nos multiples négociations dans les différents campus, on demande toujours poliment d'avoir un siège votant évidemment, là, sur les conseils d'administration. Quand on ne se fait pas rire en pleine face, on se fait répondre poliment non. En quoi... Encore une fois, la question s'adresse à Mme la ministre: En quoi les auxiliaires de recherche et d'enseignement et les professionnels ne sont pas aptes à avoir, par exemple, un siège votant sur un conseil d'administration? Merci beaucoup de votre écoute.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien, M. Leduc, Mme Laflamme. Nous allons commencer nos débats, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être parmi nous, même si nous sommes en soirée. Soyez assurés de l'intérêt de votre participation, d'autant plus que vous apportez un élément quasi nouveau; j'exagère un peu, mais j'apprécie le fait que vous représentiez beaucoup le secteur de la recherche.

Vous êtes des auxiliaires, vous travaillez à l'intérieur de vos institutions, et c'est quand même important d'avoir comme préoccupation la place de la recherche ? particulièrement, là, je parle essentiellement dans les universités, on s'entend. Et je crois comprendre, parce qu'il y a une partie de votre propos qui est un propos plus... un commentaire, je ne dirais pas, plus général, mais que nous entendons, depuis deux semaines, là, qui ressemble... le mémoire qui ressemble, à plusieurs points de vue, à ce que nous avons déjà entendu.

Mais le fait que vous travaillez plus étroitement dans le secteur de la recherche, je comprends que vos inquiétudes sont donc davantage liées à cette capacité de bien faire le lien, dans les décisions qui sont prises... de bien faire le lien entre recherche et enseignement. Vous avez des passages intéressants, à cet égard-là, dans votre dossier.

Si je pars de la situation actuelle, je comprends que vous dites: La recherche pourrait être à risque. Même actuellement, je ne sens pas que la façon de prendre les décisions, dans les universités, vous rassure par rapport à la place que se doit... que la recherche doit occuper par rapport à l'enseignement. Autrement dit, ce que je suis en train de dire, c'est qu'un conseil d'administration normalement doit gérer les ressources financières, matérielles et humaines d'une université et prendre des décisions dans ce sens-là.

La loi est très claire: le conseil d'administration n'a pas à s'ingérer dans les choix de recherche et n'a pas à s'ingérer dans le volet pédagogique ou académique. Ça, c'est, pour moi, très clair. Sauf que vous pourriez me dire que, quand on décide de la répartition des ressources, bien, ce choix de la répartition des ressources peut effectivement avoir une influence sur la mission, sur des aspects importants liés à ce genre-là.

Moi, j'aimerais que vous me disiez... parce que j'ai encore le sentiment que les membres externes ne sont pas tout à fait bienvenus, au sens où, même s'ils étaient minoritaires, quand on écrit ce qui est écrit dans les mémoires que nous lisons, ça va très, très loin, comme affirmations: ce sont des gens qui sont trop occupés, ce sont des gens qui ne comprennent pas la réalité du milieu universitaire, ce sont des gens qui ne lisent pas, ce sont des gens qui ont d'autres intérêts dans la vie que la mission de l'université. Alors, qu'on soit minoritaire ou majoritaire, l'opinion qui découle des mémoires que nous lisons, c'est que les membres externes n'ont pas... n'ont pas véritablement leur place. Et vous dites, les membres internes, eux, savent beaucoup plus et beaucoup mieux et prennent de bien meilleures décisions et sont en mesure de faire valoir leurs points de vue.

Mais là je voudrais que vous me disiez, dans le modèle que vous proposez, en quoi on pourrait mieux équilibrer cette recherche que vous souhaitez, c'est-à-dire mieux équilibrer ce que vous souhaitez, c'est-à-dire la recherche et l'enseignement.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Merci, M. le Président. Donc, oui, en effet, on pense qu'à certains égards la recherche pourrait être à risque; en fait, on l'a dit textuellement dans l'exposé; puis, oui, on pense définitivement, comme vous avez dit, que le choix de la répartition des ressources est définitivement un poids prédominant, en fait...

Une des choses à laquelle on veut répondre, c'est: Pourquoi on pense que les externes ont plus ou moins leur place en fait sur les conseils d'administration? Le fait est que ce n'est pas tant que leurs conseils ne sont pas valides. Au contraire, si c'était là leur rôle de conseiller, ce serait très bien. Je veux dire, leur présence en soi n'est pas si dérangeante. Ce qui nous dérange, c'est que ces personnes-là aient un pouvoir décisionnel prépondérant comme celui qui est prévu dans le projet de loi. C'est: leur droit de vote est majoritaire de surcroît. Donc, leur présence en soi, ce n'est pas... on ne doute pas du fait que ces personnes-là ont des compétences puis elles peuvent les mettre à bien en fait dans une université, mais de là à venir infléchir le poids décisionnel, il y a une autre mesure.

L'autre chose sur laquelle on a beaucoup insisté en ce qui touche les externes, c'est la question de... du paradigme dans lequel ils évoluent dans leur milieu. Donc, dans les milieux d'affaires, on évolue dans un paradigme où il y a un patron qui descend dans une ligne hiérarchique, qui donne des ordres et qui s'attend à ce qu'il y ait obéissance. Dans ce cadre-là, ce qui se passe sur un C.A. d'université, ça n'a rien à voir avec ça. Et on pense que cette façon de fonctionner là, qui est la collégialité, elle doit perdurer, c'est de ça qu'on est convaincus. Donc, je pense que ça complète mon propos.

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): ...la petite lumière rouge, là. Deux choses. Ce n'est pas pour rien, là, qu'on critique les externes. Je veux dire, il y a des faits qui parlent aussi, là. Le rapport du Vérificateur général 2008 qui fait... qui a calculé le taux de présence dans les conseils d'administration parle d'un taux de présence de 62 % pour les externes et de 90 % pour les internes. Je veux dire, ce n'est pas du vent, ça, c'est assez significatif, il me semble. Et la raison de ça, c'est que c'est nous qui allons subir les conséquences, à moyen et long terme, des décisions qui vont être prises, là, hein? Les gens de l'externe qui sont un an, deux ans, ils vont s'en aller, ils vont partir. Alors, nous qui sommes à l'intérieur, nous allons subir les conséquences.

Et l'autre chose aussi qui nous fait un peu... qui nous irrite sur la présence de majorité d'externes, encore une fois, là, pour reprendre les mêmes propos que ma collègue, c'est qu'on les connaît déjà, les solutions de ces gens-là, quand il y a des problèmes budgétaires. C'est les hausses de frais, puis c'est les rationalisations, les coupures de postes. C'est-u ça qu'on veut? Moi, je pense qu'évidemment, si on veut avoir une université qui a une mission puis qui est capable de l'accomplir, ce n'est pas des solutions qui sont aptes à remplir ce mandat-là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

n(20 h 20)n

Mme Courchesne: J'écoute attentivement ce que vous nous dites et je sens deux propos, c'est-à-dire que je comprends tout à fait que vous êtes contre les membres externes qui sont majoritairement représentés aux conseils d'administration, mais, en même temps, quand je lis vos propos et quand je vous écoute, vous êtes extraordinairement aussi sévères sur non seulement le rôle que ces gens-là jouent, mais vous êtes très sévères sur qui ils sont et ce qu'ils représentent. Est-ce que vous ne croyez pas que, dans toute organisation ? et là je ne parle pas d'entreprises privées, là, je parle dans toute organisation ? c'est davantage la qualité des hommes et des femmes qui sont choisis, qui représentent... qui sont sur les conseils d'administration? Parce que, quand j'écoute vos représentations, c'est comme si tous ceux qui sont à l'intérieur d'une université, eux, ils ne sont pas dans des jeux de coulisse, ils ne sont pas dans des jeux de pouvoir, ils n'ont pas... ils ne connaissent que le bien de l'institution, alors que, quand je parle à bien des professeurs d'université, croyez-moi, ou à bien des chargés de cours d'université, ou à bien des membres du personnel de soutien, ce que j'entends, c'est que tout n'est pas rose et que ces gens-là sont aussi... se questionnent énormément sur des décisions qui sont prises aussi par des membres internes. Une société n'est pas... Une société, que ce soit un microcosme universitaire ou une société en général, tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir, et tout n'est pas parfait, et tout n'est pas mal.

Et, dans ce sens-là, vous avez sûrement entendu qu'au cours des derniers jours, dernières semaines, on a beaucoup discuté de la diversité des membres qui composeraient un conseil d'administration, et j'ai manifesté clairement l'ouverture de pouvoir être beaucoup plus précis sur cet article de loi qui oblige le conseil d'administration à identifier des personnes dont les profils et les compétences et les expertises... et d'identifier des personnes qui soient issues de différents milieux et pas uniquement du milieu des affaires, et ça, je l'ai dit depuis le début. Je n'ai jamais été d'accord pour que les conseils d'administration ne reflètent que le monde des affaires et que, pour moi, c'est important de refléter la communauté où l'institution s'établit, oeuvre, et se développe, et grandit.

Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, est-ce que vous êtes d'accord avec le fait... Sûrement, vous allez me dire oui. Mais, si tel est le cas, il y a des gens avant vous qui nous disaient: Nous, on voudrait que vous soyez très, très, très directifs, très précis. On nous a même dit que la loi n'était pas assez coercitive. C'est un gros mot, ça, «coercitive». Mais soyez très précis, dites-nous qu'il va y avoir un élu municipal, qu'il va y avoir un sociocommunautaire des organismes communautaires... Tu sais, dites-nous, exactement, de façon très précise, qui composera le conseil d'administration. J'aimerais vous entendre et voir exactement où vous vous situez par rapport à cela.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Merci, M. le Président. Bien, d'abord, si on est sévères envers les externes, le projet de loi, Mme Courchesne, il est extrêmement sévère envers les internes, hein, je veux dire, ça marche des deux côtés. Sur les non-économiques, là, les externes qui viendraient d'ailleurs que du milieu des affaires, pour vous dire bien franchement: On n'y croit plus, là. Je veux dire, ça fait 40 ans que l'Université du Québec existe, c'était dans la... il y a une précision là-dessus, dans la loi de l'UQ, qu'il était supposé d'y avoir d'autres gens de l'extérieur du monde des affaires, mais, dans tous les conseils d'administration, c'est systématiquement une majorité des gens qui vient du milieu des affaires. C'est très, très rare qu'on trouve des gens ailleurs du milieu des affaires, très, très, très rare. Bon, il y a ça là-dessus.

Puis finalement, bien, je veux dire, je reviens un peu avec la... parlant de la composition du conseil d'administration, je me permets de revenir un peu sur le fait que vous n'avez peut-être pas nécessairement répondu à notre question de tantôt: Pourquoi, nous, là, les auxiliaires d'enseignement et de recherche, on ne serait pas aptes à avoir un siège votant sur ce conseil d'administration là? Pourquoi on est moins intelligents ou moins aptes à gérer une université qu'une personne qui vient de l'externe, que ce soit le milieu des affaires, des arts ou etc.? Donc, la question demeure.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): En complément ? merci, M. le Président ? en complément, j'aimerais ajouter sur la différence qu'on fait entre les externes et les internes. Comme je l'ai spécifié plus tôt, on est loin de croire que ces gens-là n'ont pas de compétences puis qu'ils ne peuvent pas apporter quelque chose aux universités, là. Par contre, il y a une différence quand même qui existe et cette différence-là, elle est effectivement dans cette dépendance. Donc, c'est vrai en fait, jusqu'à un certain point, que les membres internes sont dépendants: oui, ils sont dépendants en fait de la réalisation effective de la mission de l'université. Donc, on ne dit pas que toutes les décisions prises par tous les membres de la communauté interne sont toujours les meilleures. On ne dit pas qu'il n'y a jamais eu de jeux de pouvoir. Mais on pense que, globalement, si on adresse les processus plutôt que les cas qu'on prend individuellement, la dépendance de ces personnes-là et leur engagement envers la réussite de la mission de leur établissement fait d'eux en fait des personnes qui vont être engagées. Et, comme je le disais, ce n'est pas une question aussi personnelle que la question des processus décisionnels. Et là, ce qu'on est en train de nous dire finalement, c'est que, suivant des problèmes qui existent dans les universités, qu'on va renverser complètement le balancier en donnant en fait un pouvoir qui est indéniable à des personnes qui proviennent de l'externe non seulement en leur accordant une majorité au conseil d'administration, mais aussi en instituant des comités au sein desquels ils seront pratiquement les seuls à faire des recommandations dont on sait qu'elles ont beaucoup de légitimité pour le conseil. Donc, c'est vraiment plus en ce sens-là qu'on intervient. C'est dans le renversement du balancier qui est, il nous semble, exagéré.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre? M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Laflamme, M. Leduc, et bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Vous avez parlé un peu tout à l'heure de la relation professeur-étudiant, et j'aimerais vous entendre là-dessus. Comment voyez-vous que le projet de loi ou les projets de loi, tels qu'ils sont présentés actuellement, pourraient affecter cette relation professeur-étudiant? Et pourriez-vous d'abord nous dire est-ce que la relation professeur-étudiant que vous vivez, là, dans vos milieux respectifs, à l'UQAM puis à l'Université Laval, est-ce que c'est relativement satisfaisant, et ainsi de suite? Est-ce qu'il y a des problèmes avec la liberté académique, la liberté universitaire? Puis ensuite en quoi... en quoi les projets de loi vont, d'après vous, avoir une influence sur ça?

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Peut-être en introduction, je ne sais pas si on s'est mal exprimés, mais ce n'était pas nécessairement tant une critique du projet de loi, là, en introduction, là, si vous faites référence au segment que j'ai présenté tantôt, mais c'était plutôt pour expliquer pourquoi ces gens-là se sont syndiqués dans les cinq dernières années, c'est que justement, au-delà d'un statut de... comme, par exemple, mon directeur de recherche, bien, c'est aussi parfois mon employeur parce que c'est lui qui me donne un contrat, donc ce n'est plus la même chose que si on était... que si c'est seulement mon tuteur puis qu'il m'explique mon parcours, c'est aussi quelqu'un qui m'emploie. Alors, c'est sûr que ça a complètement changé la nature de relation avec un professeur, puis le fait d'avoir un syndicat peut protéger contre des abus qui peuvent arriver dans certaines situations.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Court complément en fait: cette relation professeur-étudiant, qui en tout cas est redéfinie dans le contexte des changements dans les universités des dernières années, cette relation-là est vraiment diversifiée. Donc, il y a des facultés où on peut observer qu'il y a une relation maître-apprenti qui est forte dans la culture puis qui continue de perdurer, alors que, dans d'autres unités, on voit ça s'effriter. C'est vraiment diversifié.

Puis, sur la redéfinition de cette relation-là en lien avec le projet de loi, je dirais qu'on pourrait en parler une partie de la soirée. Mais en fait, si on avait une discussion plus élargie, je pense que les autres corps d'emploi sous la direction desquels nous travaillons pratiquement toujours seraient également partie prenante dans cette discussion-là.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: M. le Président, merci. Est-ce que j'ai bien compris que ce que vous avez dit, c'est que le fait que vous ayez, dans certains cas, là, des relations, je dirais, financières, si je peux dire, avec ceux qui dirigent vos travaux, là, vous trouvez que ça vous place dans une situation qui est moins favorable?

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Bien, non favorable, c'est juste que ça modifie... ça dédouble la relation qu'on a avec une personne. Donc, on porte deux chapeaux, hein? Alors, on porte le chapeau d'étudiant puis là, woups! on rajoute un chapeau d'employé. D'ailleurs, on s'appelle les étudiants-employés, c'est que ça complexifie la situation. Mais, bon, là on est un peu peut-être hors d'ordre face aux propos, là, de la loi n° 38, là, mais... Je ne sais pas si tu peux rajouter quelque chose, Nina?

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

n(20 h 30)n

M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président. Vous avez soulevé, dans votre mémoire, des points que je considère importants, puis j'aimerais faire une brève petite lecture de quelques lignes que vous connaissez sûrement fort bien. Et c'est écrit ici: «La recherche de la vérité ne peut se faire réellement qu'avec la liberté académique; la liberté académique ne peut se vivre que si l'autonomie universitaire est mise de l'avant; l'autonomie universitaire ne peut être vécue que si la collégialité est le principe guide du mode de gestion universitaire.» Alors, j'aurais commentaires et questions là-dessus.

Tout d'abord, le premier segment: «La recherche de la vérité ne peut se faire réellement qu'avec la liberté académique», je crois que vous avez raison. Et j'ai eu l'occasion, lors de... Lorsqu'un théologien connu a reçu un doctorat d'honneur de l'Université Laval, ce théologien avait fait un long... un long discours de remerciement, mais il avait parlé du lien entre liberté et vérité et il avait bien insisté sur l'importance des deux. Donc, je vais me... je vais être d'accord avec vous sur ce lien-là.

Mais la suite, je me demande si on ne peut pas en discuter un peu plus. Parlons d'autonomie d'abord, puisque vous le mentionnez et que ça a certainement de l'importance. Comment, d'après vous, le projet de loi n° 44 sur les universités en particulier, là, comment ce projet-là joue sur l'autonomie universitaire?

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Merci, M. le Président. Donc, oui, je suis contente qu'on s'entende déjà sur le premier point, qui est que la recherche ne peut en fait se réaliser, du moins objectivement, qu'avec une certaine liberté. Et, liberté, on entend surtout ici financière. Mais aussi, en fait, le lien entre la liberté et l'autonomie, c'est justement... Le lien que, nous, on est allés jusqu'à faire dans le mémoire, c'était que liberté devait être corrélée avec collégialité. Et ce pourquoi on en est venus là, c'est qu'en réalité, si, d'après nous, il n'y a pas d'autonomie financière pour les universités, il y a un risque à ce que, par des financements qui arrivent de l'extérieur, la recherche soit orientée.

Dans une université, ce qu'on enseigne, c'est les résultats de cette recherche-là. Donc, en cascade, si la recherche est orientée, l'enseignement va l'être également. Puis on ne peut pas nier que la recherche, elle a une valeur au-delà de la simple... du simple développement de la connaissance. Cette recherche-là, elle a une utilité, notamment pour l'entreprise privée, on ne peut pas le nier. Puis, en fait, tant que l'entreprise privée continue d'utiliser la recherche et ses découvertes, c'est correct, mais là où ça devient délicat, c'est si on veut orienter la recherche, en disant: Bien, j'ai un intérêt pour que tel champ soit développé.

Puis en réalité on le voit déjà, ça, dans les programmes. On voit qu'il y a des fonds de recherche qui sont alloués pour des recherches dans tel sens plutôt que tel autre puis on voit également quels sont les programmes puis les disciplines qui souffrent de ce sous-financement-là ou de ces orientations de la recherche là. Ça existe déjà relativement.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président. C'est parce que... Je pense que je saisis mieux, là, ce que vous voulez dire par «autonomie». Mais, au sens... au sens du projet de loi, l'autonomie, tel que je le vois, c'est la capacité pour l'institution de prendre ses propres décisions, à l'intérieur évidemment des budgets qui sont alloués par l'État, je pense qu'on n'a pas le choix.

Mais vous avez touché un autre point mais qui n'est pas un point qui touche directement le projet de loi, qui est la question de la recherche et du financement de la recherche. Et je vous signalerai évidemment que les organismes subventionnaires subventionnent largement la recherche, que ce soit au Québec ou au Canada, sur la base de l'excellence. Et, je dirais, la partie de la recherche qui est faite avec des fonds privés, elle existe aussi. Mais, ceci étant dit, il m'apparaît que c'est un autre débat. C'est un débat qu'on peut avoir, mais c'est un autre débat.

Le projet de loi, lui, c'est sur la gouvernance, et, moi, j'insistais sur la question d'autonomie parce qu'il me semble que, dans le cas des universités, les universités choisissent elles-mêmes les membres externes, les membres internes, et donc il me semble qu'il y a autonomie à ce titre-là, donc autonomie de gouvernance, en quelque sorte. Est-ce que je... Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Bon, en commençant, c'est vrai que je n'ai pas vraiment expliqué exactement pourquoi le projet de loi donc, selon nous, brime l'autonomie. Donc, selon nous, c'est spécifiquement parce que, si le projet de loi est adopté, il y a beaucoup de choses qui vont se passer, selon l'interprétation qu'on en fait du moins, dans les comités, dans les comités qui seront composés de trois ou de quatre personnes en provenance de l'externe, peu importe leur milieu de provenance, en fait. Donc, on sait aussi parce que les membres de notre organisation qui siègent dans les conseils d'administration à titre d'étudiants, par exemple, nous ont dit que la légitimité des décisions puis des orientations qui se prennent dans ces comités-là, elle est vraiment forte pour le conseil d'administration. Donc, pour nous, en fait, si des comités comme ceux-là se mettent à déterminer des orientations, ça a un poids qu'on ne peut pas nier puis ça a une... ces décisions-là vont orienter les institutions.

Donc, pour nous, c'est à ce niveau-là en fait qu'il y a une perte d'autonomie. On est en train de dire: Prenons des gens qui ne proviennent pas du milieu universitaire, installons-les sur des comités qui vont faire des recommandations qui vont être portées au C.A. avec une légitimité de facto et demandons au C.A. d'approuver ces décisions-là. C'est un peu ça qu'on fait comme lecture du projet de loi, puis je pense que je suis claire sur le fait que ça, ça brime l'autonomie de l'institution.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Merci. Il y a quelque chose qu'on n'a pas beaucoup traité, c'est les fondations, l'existence des fondations dans les universités, qui, pour l'essentiel, reçoivent de l'argent un peu de particuliers, là, des anciens diplômés mais surtout du financement privé. Et évidemment ce financement-là privé est dédié, c'est-à-dire qu'ils ne mettent pas ça, de l'argent, dans une cagnotte générale, puis on la redistribuera comme on voudra, elle est dédiée à tel centre de recherche, tel groupe de recherche, etc.

Bon, premièrement, ça défavorise des grandes familles de la recherche universitaire. Les parents pauvres sont évidemment les sciences humaines, les communications, la gestion un peu moins, mais quand même un peu.

Deuxièmement, en financement dédié, on ne se le cachera pas, on s'attend à ce qu'il y ait des résultats minimalement favorables à l'entreprise qui a déposé l'argent pour ce financement-là. Je veux dire, c'est le retour sur l'investissement, là, c'est la logique comme ça. Ça fait qu'il y a un problème avec ça.

Puis je reviendrais sur justement la... une citation qui nous a marqués, là, quand nos collègues de l'ASSE sont passés, je pense, la semaine dernière. Mme Courchesne nous avait dit que c'était le... Le fond de votre pensée, c'était... Pourquoi il y avait des externes, c'était pour aller chercher de l'argent, aller chercher à l'extérieur, aller chercher de l'argent chez les externes, donc, si je comprends bien, chez les compagnies privées.

Alors, c'est quoi, la réponse de ça? Qu'est-ce qui... C'est quoi, le sous-texte de ça? Est-ce que ça veut dire que les privés vont venir renflouer les coffres de l'université et qu'il n'y aura plus de nouvel argent qui va venir du gouvernement... ou on va aller chercher encore le nouvel argent dans les poches des étudiants avec les hausses de frais? Qu'est-ce que ce sous-texte-là voulait sous-entendre?

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

n(20 h 40)n

Mme Courchesne: M. le Président, permettez-moi, en conclusion, juste de réagir à cela. Ce que j'ai dit la semaine dernière à l'ASSE, dans leur critique, comme vous, des membres externes, j'ai dit: Effectivement, par ailleurs, les universités et vous ? «vous» au sens large ? êtes bien contents quand les membres externes vont chercher les sous. Donc, c'est... je l'ai présenté de cette façon-là, en disant: Il faut quand même être réaliste. Les universités, y compris les professeurs, sont souvent très contents quand les membres externes du milieu des affaires réussissent à aller chercher des sommes importantes pour la croissance de l'université.

Mais là, M. le Président, je suis obligée de dire le plus clairement possible que je comprends très bien que des associations étudiantes, des syndicats veuillent... et même parfois les collègues de l'opposition, et ça fait partie du processus démocratique que nous vivons en commission parlementaire, veuillent nous amener sur la question du financement des universités. C'est sûr qu'on peut tout mettre sur le dos du financement des universités.

Moi, je rappelle que, depuis 2003 et jusqu'en 2012... en fait, depuis 2007 jusqu'en 2012, en 2007, nous avons pris un engagement de cinq ans de réinvestir 2 milliards de dollars en éducation, ce que nous avons fait. De 2003 à 2007, nous avons respecté tous les coûts de système et nous avons investi encore bien plus que les coûts de système en éducation.

Alors, pour moi, le projet de loi de la gouvernance, on peut bien en faire un projet de sous-financement des universités, mais la gouvernance, dans mon esprit, ça a un objectif: un conseil d'administration doit gérer des ressources financières, humaines et matérielles. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le député de Borduas, cet après-midi, qui l'a clairement, clairement et bien expliqué. Je pense qu'il faut être très prudent. Et, de laisser croire que ce projet de loi là cache des choses, vous avez le droit de le penser, c'est votre droit le plus strict, mais, moi, comme ministre de l'Éducation, je vais affirmer haut et fort que l'important, à ce stade-ci de la discussion dans le cadre du projet de loi, c'est de pouvoir indiquer à tous les Québécois et les Québécoises qui investissent des fonds dans le fonctionnement des universités... de leur indiquer selon quelles règles, parce que je n'ai pas d'autre mot, et, dans mon esprit, ce n'est pas hiérarchique, de parler de règles, mais de quelle façon, qui, et de quelle façon, et sous quels principes seront gérées et distribuées ces ressources.

Et je termine vraiment, M. le Président, en disant que j'ai fait bien attention pour que ce projet de loi fasse en sorte que le conseil d'administration ne s'ingère pas dans les affaires pédagogiques et académiques et ne s'ingère pas dans l'attribution des fonds de recherche ou dans la détermination des types de recherches effectuées par les universités.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Ceci termine notre premier échange avec le parti ministériel. Je vais maintenant reconnaître l'opposition officielle et la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, d'enseignement supérieur, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Leduc, Mme Laflamme. Merci d'être avec nous à cette heure quand même relativement tardive pour discuter de choses aussi importantes et fondamentales que ces deux projets de loi. Je pense que vous soulevez de bonnes questions. Je vais commencer par une chose que vous dites dans votre mémoire et qui va faire la transition avec ce dont on vient de parler.

Vous dites, à juste titre, que ce sont les conseils d'administration qui attribuent les ressources, hein, et qui définissent aussi les règles de financement de base des disciplines. Donc, les conseils d'administration, les administrateurs ont un rôle qui est central. Parce que, moi, je me souviens, par exemple, dans mon université, de débats quant à savoir quelle pondération on allait mettre dans le financement de l'État entre l'argent qui doit aller, par exemple, aux sciences appliquées par rapport à l'argent qui doit aller aux sciences humaines. Bon, quelle pondération, les universités ont une certaine autonomie. Ces discussions-là se font dans un conseil d'administration.

Puis je sais qu'on s'en est parlé aujourd'hui puis que la ministre ne voudra pas que j'en reparle probablement une troisième fois, mais ce dont on a parlé aujourd'hui, Mme la ministre, c'est des idées qui viennent à des conseils d'administration d'avoir tout à coup...

Mme Courchesne: ...

Mme Malavoy: Bien, vous n'en êtes pas sûre... Moi, je vais vous dire, je ne mettrais peut-être pas ma main au feu, mais je serais prête à parier quand même un petit dix, comme on dit, que ce sont des gens d'un conseil d'administration, probablement plus des membres externes qu'internes, qui ont eu la brillante idée que, si on avait un programme de MBA à McGill qui rapportait 30 000 $ par année par tête de pipe, ce serait une bonne idée. Bon, je dis ça en souriant, mais en même temps ce n'est pas si drôle que ça, là, O.K., ça pose aujourd'hui des questions réelles.

Alors, moi, je ne suis pas du tout de celles qui vont dire: Éliminons les gens de l'externe. Je pense que ce dont il faut s'assurer, c'est que ces gens-là soient diversifiés. Mais je me pose une question, comme vous et comme d'autres, sur le poids qu'on leur donne.

Je me permettrai juste de... je ne dirais pas «d'aggraver» ce que vous dites, mais juste d'indiquer que c'est... c'est encore plus important que ce que vous indiquez dans votre mémoire. Le 60 % de membres indépendants, c'est un minimum, mais, tel que le projet de loi est rédigé actuellement pour les universités, ça peut aller jusqu'à 75 %. O.K.? Donc, c'est beaucoup, là. Et ce que, nous, on doit se demander, comme législateurs, éclairés par vos propos, c'est: Qu'ont à faire les membres du conseil d'administration? Est-ce que c'est vrai que c'est tellement séparé des questions d'ordre académique? Moi, je pense qu'il y a des zones grises, puis en tout cas dans l'actualité, ma foi, ces jours-ci, on a de quoi justement se poser des questions.

Un élément que j'aimerais peut-être que vous me précisiez dans votre mémoire, c'est quand vous faites un lien extrêmement direct entre le sous-financement chronique... C'est à la page 5, je crois. Vous parlez du problème du sous-financement chronique de l'éducation postsecondaire ? bon, je connais la question ? «lequel est directement lié à la gouvernance des établissements d'enseignement postsecondaire».

Pouvez-vous me préciser le lien que vous faites aussi direct entre les deux? Est-ce que vous voyez à quel endroit je fais référence? C'est à la page 5, deuxième paragraphe, c'est le début. Vous dites que ces projets de loi «éludent une question cruciale, soit celle du sous-financement chronique de l'éducation postsecondaire, lequel ? ce sous-financement, donc ? est directement lié à la gouvernance des établissements [postsecondaires]». C'est parce que plusieurs sont venus dire qu'il y avait un lien entre le sous-financement et ça, mais j'aimerais... j'aimerais vous entendre, là, dans... Parce que vous dites ça de façon extrêmement claire. J'aimerais être sûre de comprendre le sens de vos propos.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Peut-être au risque de me répéter un peu tantôt avec la question des fondations peut-être, oui, il y a tout l'enjeu du fait que les gens venant de l'externe viennent avec un bagage, dirons-nous, sans vouloir trop prendre... de faire de procès d'intention, quand même un bagage idéologique, un bagage culturel, une culture d'entreprise, et ils ont le mandat, comme on en a parlé tantôt, d'aller chercher de l'argent qui sert à renflouer la marge du sous-financement qui existe actuellement pour les universités. Donc, le lien, il est très simple, il est là: ces gens-là ont le mandat d'aller chercher de l'argent, alors que ça ne devrait pas être eux qui le fassent, ça devrait être le gouvernement qui finance entièrement les universités.

Le Président (M. Marsan): Madame...

Mme Malavoy: Si vous...

Le Président (M. Marsan): Excusez. Ça va, Mme Laflamme?

Mme Laflamme (Nina): Oui.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Si vous aviez le... le loisir de composer un conseil d'administration... ne parlons pas, pour le moment, de combien ils seraient, là, quel est le pourcentage, mais d'en composer un, quel genre de membres externes aimeriez-vous voir sur un conseil d'administration, qui feraient autre chose que, par exemple, seulement aller chercher des moyens pour avoir plus d'argent?

Le Président (M. Marsan): Mme la... Mme Laflamme, s'il vous plaît.

Mme Laflamme (Nina): Merci. Donc, jusqu'à présent, dans notre plateforme de prise de position commune, ce que nous avons édifié, c'était d'avoir au moins les deux tiers des conseils d'administration provenant de la communauté interne. Et ce qu'on aurait envie de vous dire sur les gens représentant le milieu des affaires, c'est que ce seraient des personnes qui devraient être vraiment minoritaires et idéalement sans droit de vote, considérant la possibilité qu'ils ont d'infléchir la recherche et de venir participer à du financement qui peut infléchir cette recherche.

Maintenant, le débat que nous voulions faire n'était pas du tout ici aujourd'hui sur le financement. Notre propos, c'était seulement de dire qu'ils sont liés et qu'en réalité on devrait avoir un débat plus large que la simple question de la gouvernance. Et c'était la raison pour laquelle on concluait notre exposé en disant qu'on devrait avoir un débat élargi dans des états généraux, en fait. Donc, je pense que c'était... c'est notre propos.

Le Président (M. Marsan): Ça va? Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, je vais revenir quand même et je vais vous dire pourquoi je veux revenir là-dessus, parce que c'est vrai que, quand on met bout à bout ce que vous dites des membres externes, vous avez une vision assez pessimiste des choses. Vous n'êtes pas les seuls, hein, mais vous dites: C'est un club sélect de membres qui sont référés les uns par les autres. Vous dites qu'ils sont souvent effacés, etc. Bon, vous n'êtes pas les seuls à dire ça. Puis je comprends que, derrière ces qualificatifs, il y a des expériences et il y a sûrement des cas réels, là, je ne questionne pas ça, mais j'essaie de voir par ailleurs, tout en questionnant moi-même la question du poids relatif des membres externes, j'essaie de voir par ailleurs quel pourrait être le rapport intéressant, utile à la communauté universitaire, puisqu'on parle plus des universités à ce moment-ci, et d'où pourraient-ils provenir pour apporter un regard complémentaire qui puisse être critique mais en même temps constructif.

n(20 h 50)n

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Merci beaucoup, M. le Président. En fait, vous nous prenez un peu au dépourvu avec cette question-là, parce qu'on n'y croyait tellement plus, à cette... à ce père Noël, là, du fait qu'il va y avoir d'autre monde que le monde économique, on n'y croyait tellement plus qu'on n'a pas vraiment fait de liste idéale d'où pourraient venir, d'où pourraient provenir les gens autres que le milieu économique, parce que, je veux dire, on n'y croit plus, là, c'est fini pour nous.

Mais, si on est dans le sujet, bien il pourrait y avoir des citoyens, il pourrait y avoir des artistes, des gens qui viennent de la ville, de la municipalité, des gens qui viennent du cégep. Je veux dire, il y a... la coalition, ça peut être très, très coloré, ça, il n'y a pas de problème.

Là où est le danger, c'est qu'actuellement, avec le projet de loi, les nouvelles personnes qui vont venir, quand elles ne seront pas nommées par la ministre, se feront par cooptation, vraisemblablement. Et les gens actuellement qui siègent là, les... les économiques, donc on peut plus ou moins s'attendre à ce qu'ils vont choisir d'autres économiques pour venir dans le cercle d'amis.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Oui. Une dernière intervention, puis ensuite je donnerai la parole à... Enfin, c'est vous qui donnez la parole, M. le Président, mais j'offrirai un tour à mon collègue de Drummond.

Bon, je comprends que vous dites: On n'y croyait tellement plus, soit, mais, nous, on est en train de travailler un projet de loi. Il y a des gens qui sont venus, cet après-midi, nous dire: Il faudrait que ce soit plus encadré dans le projet de loi. Il faudrait qu'on nomme plus des milieux de provenance et que ce ne soit pas une diversité simplement un petit peu théorique et artificielle. Alors, moi, je suis encore à l'étape où j'ai un certain espoir qu'on puisse bonifier ce qui est là, et, de ce point de vue là, je... je ne me dis pas perdante encore pour le... encore pour le moment. Voilà.

Alors, je comprends que c'est encore à risque pour vous. Là où je vous rejoins toutefois, c'est que c'est vrai que, dans les règles du jeu actuelles... puis je ne reprendrai pas tout le raisonnement, mais il y a un danger, comme les membres externes sont majoritaires et dans les comités et au conseil d'administration, il y a un danger que, mettons, sur une période de 10 ans, on se rende compte, peut-être un peu tard, mais qu'on s'est reproduit effectivement avec des gens qui nous ressemblaient.

Et je termine juste mon intervention en disant que... bien que ce ne soit pas le même type de dossier, mais, moi, j'étais dans une université à l'époque où on avait des programmes d'accès à l'égalité pour qu'il y ait, entre autres, une correction du nombre de femmes professeures, et il y a des départements dans ma propre faculté où il n'y avait que des hommes, et la tendance était à engager des hommes quand il y avait un poste ouvert. C'est une tendance naturelle que de se reproduire s'il n'y a pas des balises entre personnes qui se ressemblent. Bon. La nature humaine est ainsi faite. De temps en temps, ça prend des lois, ça prend des codes pour être capable de préciser tout ça.

Est-ce que vous avez une réaction à ce que je dis? Puis je m'arrêterai là pour l'instant.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Merci. Oui, une réflexion peut-être un peu rapide. J'aimerais dire que, oui, c'est vrai, je comprends votre réflexion qu'on peut se reproduire quand on n'a pas de balises. J'aurais tendance à me fier sur l'histoire pour répondre. En réalité, les universités ont fait... ont passé le test de l'histoire avec le fonctionnement qu'elles ont actuellement. Oui, il y a des difficultés actuellement, oui, il y a des problèmes de gestion dans les universités, mais, malgré des problèmes, qui sont somme toute assez, quand même, récents, je veux dire, les universités ont passé le test du temps avec le modèle de collégialité qu'elles ont actuellement, donc...

Puis, moi, j'aurais peut-être juste un doute sur ce qui va se passer si, dans le projet de loi, on définit très exactement combien de personnes, de quel milieu, de quelle provenance. Juste une réflexion rapide qui me vient comme ça: Qu'est-ce qui va se passer dans un C.A. d'université si ces personnes-là, dans la région, ne sont pas disponibles, n'existent pas, ne lèvent pas la main, si quelqu'un de tel milieu très précisément n'a pas levé la main? Est-ce que le siège va être vacant jusqu'à ce que quelqu'un se manifeste ou... Comprenez-vous ce que je veux dire? Je vois comme... Je ne sais pas, je ne suis pas sûre.

Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Drummond, la parole est à vous.

M. Blanchet: Bien le bonsoir, messieurs dames. Je veux d'abord vous dire que la rédaction, la présentation et la défense de votre mémoire me semblent être d'un niveau d'articulation assez exceptionnel. Moi, j'ai trouvé ça remarquable, très compact, très dense et très structuré et articulé.

Je veux revenir un peu. Vous allez voir où je m'en viens avec ça. On parlait de ne pas trop mélanger la question du financement et la question de la gouvernance; moi, je pense qu'ultimement c'est un peu indissociable, parce que les conseils d'administration qui éventuellement seront constitués à partir de ces nouvelles lois sur la gouvernance vont commencer par gouverner un trou qui, à l'échelle du Québec, est de 900 millions de dollars. C'est un petit peu dur à contourner et c'est un petit peu difficile de faire comme si ça n'existait pas, sous prétexte que ce n'est pas mentionné.

Cet après-midi, à un autre sujet en Chambre, un ministre mentionnait que... ? et vous allez voir la comparaison ? que les PPP, ce n'est pas une philosophie et c'est un moyen et non pas une finalité. Moi, je ferais le parallèle avec ce principe de gouvernance et tous ces pendants internationaux devenus locaux. C'est censé être un moyen et non pas une finalité. Or, on sent ici, puisque ça n'a pas l'air de servir beaucoup d'autres finalités, que c'est fondamentalement philosophique. Dans cet esprit-là, l'idée d'avoir une majorité d'indépendants au conseil me préoccupe un peu, parce que ça semble très philosophique.

J'ai un problème lorsqu'on s'en prend plus ou moins directement ou ouvertement aux gens du milieu des affaires. Je suis issu du milieu des affaires. J'ai quand même des questionnements importants lorsqu'on dit qu'il faudrait que les gens externes, dont beaucoup viennent du milieu des affaires, constituent la majorité d'un conseil d'une université, j'ai une inquiétude. Et je veux revenir sur la question d'indépendance de ces gens-là.

Imaginons le cas extrême d'une personne qui est externe, issue du milieu des affaires, qui siège sur le conseil d'administration d'une université ou d'un collège et qui est également un philanthrope donateur; ça doit avoir un impact sur la relation de dépendance ou indépendance entre l'administration, l'institution et cette personne-là. Imaginons un industriel qui donne des contrats au centre de transfert technologique d'un cégep donné; sa relation avec l'institution d'enseignement est colorée par le fait qu'il donne des contrats. Ou imaginons les gens dont on parlait tout à l'heure, qui vont chercher l'argent pour le fonds qui soutien l'institution d'enseignement. N'y a-t-il pas là une forme de biais de la notion de dépendance ou d'indépendance entre l'institution et ces gens-là qui est au moins aussi importante que ce qu'on impute aux gens de l'interne, compte tenu de leurs relations?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Leduc... ou Mme Laflamme?

Mme Laflamme (Nina): C'est moi en premier.

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme.

Mme Laflamme (Nina): Merci. Merci beaucoup. Donc, j'aimerais en premier vous remercier pour votre commentaire sur notre mémoire. Merci beaucoup.

Je suis... Moi, je suis tout à fait d'accord sur les PPP et leur... ce qu'ils portent de philosophique par rapport à ce qu'ils portent en termes d'efficacité. Des exemples de PPP qui sont un succès sur la planète actuellement, je vous mets au défi d'en trouver. Je pense que j'en ai lu un pendant tout le temps que j'ai fait des lectures sur le sujet. Ce sont pratiquement toujours des flops monumentaux, et pourtant on continue de nous marteler qu'il s'agit d'un moyen pour en finir avec les déficits et les dettes publiques et pour aider au financement des États.

Donc, si... Je peux vous dire que je suis vraiment d'accord. Et, si vous voulez lire sur plusieurs exemples de PPP, je pourrais fournir des sources, il y en a beaucoup.

Donc, oui, moi, je pense que plusieurs personnes de l'externe ? puis je vais faire le lien avec les PPP ? peuvent être en conflit d'intérêts, puis en conflit d'intérêts économique, c'est flagrant, puis notamment à travers des partenariats public-privé qui pourraient se réaliser entre, par exemple, le gouvernement puis une firme qui déciderait, par exemple, de bâtir des laboratoires de recherche ou des pavillons. Puis, bon, en fait, tout ça pour dire que, quand on est une majorité de personnes sur un conseil d'administration qui croient à cette philosophie-là, bien je ne vois pas comment ces décisions-là justement vont être balisées puis je ne vois pas qu'est-ce qui va servir de rempart pour les contrer.

Puis, en terminant, sur les PPP, juste une note comme ça: à chaque fois qu'ils deviennent un... flops monumentaux, l'entreprise privée sort du dossier, souvent en ne perdant à peine que quelques plumes, alors que le gouvernement et les contribuables restent aux prises avec un projet qui est un échec et qui doit être renfloué par les contribuables.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Leduc.

n(21 heures)n

M. Leduc (Alexandre): Oui, rapidement. Je rejoins parfaitement votre idée quand vous dites que le projet de loi est fondamentalement idéologique. Quand j'ai fait l'exposé, au début, de la situation de l'UQAM, c'était ça que je voulais dire. Il me semble que les leçons qu'on aurait tirées du cas de l'UQAM, c'est qu'on aurait essayé de recalibrer à l'envers la composition d'un conseil d'administration, qu'on aurait voulu récompenser les internes, qui ont levé le drapeau rouge, et un peu punir les externes, qui ont fermé les yeux sur les dépenses budgétaires qui étaient un peu tout croches, mal ficelées. Donc, pour moi, ça me semble de l'idéologie qui ne répond pas du tout à la conséquence concrète de ce qui s'est passé sur le terrain.

Je vous rejoins quand même aussi sur l'ingérence. C'est vrai que l'ingérence, elle est parfois très subtile. Quand on parle de monétaire, là, des entreprises privées, c'est très, très subtil. C'est difficile de mettre le doigt dessus. Il y a certains exemples que vous avez sûrement déjà entendus dans d'autres exposés. Mais c'est difficile à mettre le doigt dessus.

Là où l'ingérence est claire, dans le projet de loi, c'est dans les comités. Puis malheureusement on n'en a peut-être pas assez parlé ce soir. Mais, dans les comités, ce qui se passe avec les gens de l'externe, là, qu'ils soient économiques ou pas, c'est que le conseil d'administration passe d'un rôle de surveillance à un rôle d'exécution. Comment croire que les gens, entre autres sur celui des ressources humaines, qui nous apparaît peut-être le plus aberrant... comment ne pas croire que les gens venant de l'externe aient le mandat de dire: Voici les paramètres financiers dans lesquels vous allez négocier ? un peu comme parfois le gouvernement le fait, dans les fonctions publiques, avec le front commun actuellement ? voici les paramètres, vous n'en sortirez pas. C'est là-dessus que ça se joue.

Alors, nous, on trouve que c'est déjà assez difficile de jouer contre l'université, puis parfois contre le MELS ? on l'a vu dans la grève des professeurs, l'année passée, là, ça négociait par-dessus la tête du recteur, ça allait négocier directement avec le ministère ? alors, si en plus on nous met dans les pattes des gens du privé ? on a fait référence à Quebecor tantôt ? pas intéressé du tout, moi, à avoir à négocier avec un tiers qui n'est même pas partie prenante du processus universitaire. Ça, ça devient de l'ingérence claire quant à nous.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, alors M. Leduc, Mme Laflamme, c'est ma première intervention. Donc, je vais être assez court, mais j'ai une question, une interrogation.

Vous mentionnez les trois volets, vous avez mentionné les trois volets. C'est assez clair dans votre mémoire, comme les trois volets, c'est la mission de base des universités: l'enseignement, la recherche, services à la communauté. Et j'imagine que ces missions-là, cette mission de base là, c'est la préoccupation et des gens de l'interne et des indépendants, qu'on appelle dans le projet de loi, ou aussi les gens de l'externe.

Alors, je veux élaborer. À la page 4 de votre document, vous mentionnez: «...des projets de loi 38 et 44 ne renforcerait pas l'édification d'une saine gestion, bien au contraire, leur adoption provoquerait plutôt un renforcement de la culture d'entreprise, qui consiste en une administration opaque et axée strictement sur les résultats économiques.» Moi, là-dessus, j'aimerais ça que vous élaboriez davantage pour que... J'essaie de comprendre davantage qu'est-ce qui est écrit là-dedans. Parce que ça me semble un petit peu difficile ou... comment je dirais ça, difficile à comprendre pour des gens qui viennent de l'externe, qui s'impliqueraient dans leur milieu ou dans leur communauté, comment on peut dire que ces gens-là n'ont pas... peut-être pas la fibre du rendement ou de la réussite de l'université en question, des universités.

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Vous me donnez la proposition... la possibilité plutôt, pardon, de vous citer des gens que nous avons dénoncés peut-être un peu trop dans notre rapport, soit les gens de l'IGOPP qui ont, dans une lettre, ou plutôt un mémo interne qui est paru il n'y a pas très longtemps... qui faisaient l'analyse de la crise financière et les leçons qu'on devrait en tirer en termes de gouvernance. Je vais vous lire deux paragraphes qui vont peut-être vous donner une idée de qu'est-ce qu'on semble identifier comme problème. Le paragraphe, le titre, c'est Le conseil d'administration dans la vraie vie: «Ainsi, le conseil est un ensemble, parfois disparate, de personnes aux compétences et expériences variables. Sur tout sujet controversé présenté par la direction, un ou deux membres, mieux informés sur ce sujet, pourront exprimer des avis contraires; mais si la grande majorité des membres, moins bien informés, ne suivent pas, penchent en faveur de la position défendue par la direction, les membres dissidents devront, soit se rallier avec réticence, soit faire inscrire leur dissidence au procès-verbal de la réunion.

«Les membres qui agissent ainsi à plus d'une reprise suscitent l'hostilité de la direction à leur égard et un certain inconfort chez les autres membres du conseil. Car les conseils obéissent à des règles non écrites d'étiquette et de bonnes manières. La civilité des échanges, le caractère unanime des décisions, les expressions répétées d'appui au chef de la direction et de confiance envers la direction font partie des normes de fonctionnement des conseils.» C'est signé par M. Allaire qui cherche à identifier les causes, entre autres, de la crise financière... de la culture des C.A. qui vient évidemment des cultures privées.

Avec le projet de loi et le comité d'éthique, entre autres, évidemment qu'on ne permettra pas aux gens de l'interne d'exprimer une grande dissidence face à des projets de loi ou à... pardon, à des projets immobiliers, entre autres, qui nous semblent hasardeux ou mal ficelés. Dès qu'il y aura un vote ? et ça, ça a été le cas dans certaines universités actuellement ? dès qu'il y a un vote, tout le monde se rallie, c'est le silence, et, si vous avez le malheur d'aller vous exprimer sur la place publique avec la moindre virgule contre le projet qui est sur la table, qui est adopté par le conseil d'administration, vous êtes limogé et vous êtes menacé de suspension, de renvoi du conseil d'administration. Donc, en tuant le droit à la dissidence au sein même du conseil d'administration, on se départit de la police d'assurance que représentent les gens de l'interne qui peuvent, avec les moyens techniques de recherche, etc., que possèdent leurs syndicats, entre autres, peuvent faire une recherche et critiquer, que ce soit de l'interne ou de l'externe, un projet de loi et essayer d'identifier les dangers qu'il comporte, entre autres, en matière de dépassement de coûts.

Le Président (M. Marsan): Merci. Ceci termine nos échanges avec l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le deuxième groupe d'opposition et le député de Chauveau qui est porte-parole en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Madame monsieur, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Vous êtes étudiants en histoire, je vous salue, j'ai moi-même été là il y a plusieurs, plusieurs années. Je n'irai pas plus loin dans mon suivi pédagogique, ça pourrait créer un débat, mais je vous salue comme étudiants en histoire.

Cela dit, M. le Président, j'aimerais aborder deux thèmes avec vous. Tout d'abord, vous avez parlé, encore une fois, de la question de l'UQAM. On le sait tous, tout le monde ici en est conscient, nous sommes là en raison de la dérive pitoyable de l'UQAM et de l'îlot Voyageur qui a coûté des millions, des dizaines de millions de dollars aux Québécois. Vous mentionnez que des gens au conseil d'administration avaient agité le drapeau rouge. Il faut rappeler également, malheureusement on doit le faire à chaque fois, mais il faut le rappeler, qu'à deux reprises le ministère de l'Éducation avait été alerté, mais qu'à l'époque le ministre avait fermé les yeux là-dessus, et c'est malheureux, ça a mené à la catastrophe que l'on sait.

Cela dit, vous avez dit tout à l'heure, et je veux revenir là-dessus parce que c'est intéressant, vous avez dit: Ceux qui ont agité le drapeau rouge ont été pénalisés parce que, dans le projet de loi actuel, on les retrouve moins nombreux, alors qu'ils auraient pu être plus nombreux.

Mais je vous pose la question, puisque vous êtes étudiants à l'UQAM: Ce n'est pas plutôt le fait que ce n'est pas tant la composition du conseil d'administration, donc le nombre d'externes et d'internes qui est en cause, ou bien plutôt l'incompétence des gens qui étaient autour de la table?

Le Président (M. Marsan): M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): La question comporte une partie de la réponse, si j'ai bien compris. Il y avait de nombreux articles de Mme Cauchy, du Devoir, qui avaient traité de ça à l'époque, il y a peut-être un an ou deux. Elle avait, entre autres, identifié le fait que ces gens-là n'étaient juste pas présents au conseil d'administration. D'ailleurs, elle avait identifié une personne qui, au conseil d'administration, suivant la publication de son article, oups!, cette personne-là était réapparue soudainement. Mais on peut douter de la compétence, puis je pense qu'on va peut-être se rejoindre à ce niveau-là, parce que, dans ce cas-là, comment se fait-il que les gens qui étaient de l'externe, soi-disant indépendants, ont été incapables de voir que ce projet-là menait à un désastre financier et que l'entièreté des gens qui venaient de l'interne ont levé le drapeau, ont dit: Non, non, ça ne marchera pas, on va aller dans le gouffre; ce n'est pas dit que le gouvernement va ramasser tout ça, et puis c'est nous qui allons payer la facture comme on la paie actuellement avec des hausses de frais afférents faramineuses et des coupures de poste qui ont été faites chez les employés de soutien, chez nos amis les employés de soutien? Donc, oui, moi, je comprends en effet qu'on a pénalisé les mauvaises personnes.

M. Deltell: Bien. Parce que je veux quand même mettre en lumière...

Le Président (M. Marsan): Mme Laflamme, je pense que vous voulez faire un commentaire?

Mme Laflamme (Nina): Juste un court complément. En fait, on ne pense pas strictement que c'est la question des externes qui se pose, là, il y a vraiment une question des processus. Puis on en a parlé longuement, ce soir, de comment on pense que l'administration peut devenir encore plus opaque si le projet de loi est accepté, notamment ce qu'on a discuté à travers les comités, que trois, quatre personnes en provenance... pas du milieu universitaire, au plus une personne en provenance du milieu universitaire, vont prendre jusqu'à... ce qui est prévu dans le projet de loi, jusqu'à des orientations, là. Donc, nous, on pense que ce n'est pas juste la question de provenir de l'externe, ce n'est pas juste la question de provenir du milieu des affaires, là, il y a vraiment des processus à établir aussi.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.

n(21 h 10)n

M. Deltell: Merci beaucoup. L'autre point que j'aimerais aborder avec vous... Tout d'abord je joins ma joie... ma voix, pardon, à mon ami le député de Drummond qui a salué, j'ai cru comprendre tout à l'heure, votre document et votre présentation, que, moi aussi, j'ai trouvée extrêmement intéressante, riche et dense. Comme on dit, chaque phrase était porteur, et c'était intéressant.

Par contre, je dois vous dire que j'ai été un peu déçu de vous entendre tenir des propos, je dirais, à la limite, caricaturaux concernant... un propos caricatural concernant l'entreprise privée et le monde des affaires. Et je vous vois sourire en coin et je suis content de vous voir sourire parce que ça me rassure un petit brin.

Quand vous disiez tout à l'heure que, vous savez, ces gens-là, c'est des patrons qui respectent un ordre hiérarchique, puis, quand ils donnent des ordres, il faut que ça fonctionne, vous ne pensez pas que Bombardier est devenu Bombardier parce que Laurent Beaudoin, il arrivait dans la shop, puis il donnait un coup de pied sur la canisse, puis ça marchait tout seul, tu sais. Il y a des conseils d'administration qui existent et qui sont là pour gérer ça. Tu sais, quand ils ont décidé d'investir des centaines de millions de dollars pour développer des nouveaux avions, ils vérifiaient ça, là. Ce n'était pas le genre... ils ne se levaient pas le matin en disant: Bien, tiens, on va faire ça, puis, à 10 heures le matin, c'était fait. Il faut comprendre que ça va au-delà de ça.

Et il faut comprendre aussi qu'on ne peut pas se payer le luxe au Québec de fermer les yeux sur l'extraordinaire apport que peuvent avoir les gens d'affaires, ces gens qui sont formés dans nos écoles, dans nos institutions, dans nos cégeps, dans nos universités, et qui enrichissent le Québec. Et on en a besoin, de richesse, au Québec. On n'en aura jamais trop pour justement créer de la richesse, pour que des gens travaillent, paient des impôts et puissent payer justement nos services publics qui nous sont... qui nous tiennent tant à coeur.

Donc, il ne faut pas fermer les yeux et surtout pas mettre de côté et érafler le monde des affaires; bien au contraire, leur apport est important, il est productif et il est surtout porteur d'avenir pour le Québec. C'est la vision que, nous, à l'ADQ, nous proposons.

Et vous savez que, quand ces gens-là gèrent des employés, des centaines d'employés, quand ces gens-là gèrent des dizaines, des centaines de millions de dollars, ils ont quand même une certaine expertise derrière ça. Et, quand les cégeps et les universités ont, eux aussi, des centaines d'employés et des milliers de... des millions de dollars à gérer, moi, je pense qu'il y a quelque chose à faire avec eux. Et de vouloir les égratigner comme ça, je ne pense pas qu'on se rend service.

Est-ce que vous pouvez quand même nous manifester un brin d'ouverture concernant la contribution des gens d'affaires pour le bien de la gestion de nos fonds publics?

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Leduc.

M. Leduc (Alexandre): Oui. Un petit instant. Oui. Bon. Bien, regardez, les gens du privé, là, moi, tant qu'ils paient leurs impôts à la société, moi, je n'ai aucun problème avec ça, au contraire. La caricature du privé, bon, peut-être que c'est quelque chose qui peut ressortir de notre mémoire, j'en conviens, mais je pense qu'au-delà de ça il y a l'idée que fondamentalement ? j'espère que vous pourrez peut-être le reconnaître, M. Deltell ? une université, on ne gère pas ça comme une business, quand même. C'est quand même un service public qui a une mission d'enseignement, comme on l'a dit tantôt, d'enseignement, recherche, service à la collectivité. Ce n'est pas la même chose que Bombardier, là. L'université, ça ne cherche pas à faire de l'argent. On s'entend-u là-dessus au moins? J'espère que oui, sinon on a un problème fondamental.

Puis, sur le fait que pourquoi ces gens-là s'occuperaient de nous conseiller peut-être sur les politiques de ressources humaines, bien, on se pose la question: Qu'est-ce qui ne marche pas en ce moment avec les services de ressources humaines des universités? Y a-tu un problème? Y a-tu quelque chose qui ne va pas, qu'on n'était pas au courant, qui justifie le fait qu'on rentre des privés là-dedans? S'il y a quelque chose de fondamental, ça aurait été le fun de le savoir. Sinon, moi, ce que je pense, c'est qu'on veut mettre de la pression sur les syndicats pour revoir à la baisse les demandes salariales, les demandes syndicales. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci au Conseil québécois des syndicats universitaires de l'Alliance de la fonction publique du Canada au Québec. Merci, M. Leduc, Mme Nina Laflamme, pour cette présentation.

La commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 13)


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