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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, September 23, 2009 - Vol. 41 N° 3

Consultation générale et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 44 - Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance et du projet de loi n° 38 - Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures douze minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Mme la Secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Taillon) remplace M. Pelletier (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Marsan): Merci. Je fais lecture de l'ordre du jour. À 11 heures, nous recevons l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec; à 15 heures, cet après-midi, nous recevrons l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques; et, à 16 h 30, M. Pierre Lucier, de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, il me fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec: M. François Renauld, président-directeur général, et Mme Marie-Andrée Giroux, vice-présidente du conseil d'administration.

Alors, vous avez 30 minutes pour nous exposer le point de vue de votre organisation, et, par la suite, nous avons des échanges pour un total ne dépassant pas 60 minutes. Alors, à vous la parole. Monsieur ou madame? C'est madame?

Ordre des comptables en management
accrédités du Québec (OCMAQ)

Mme Giroux (Marie-Andrée): Oui. Bonjour.

Le Président (M. Marsan): Mme Marie-Andrée Giroux. La parole est à vous.

Mme Giroux (Marie-Andrée): Bonjour. Avant tout, j'aimerais vous remercier, au nom de l'Ordre des comptables en management accrédités, de cette occasion de faire valoir notre point de vue sur les projets de loi nos 38 et 44 traitant de la gouvernance dans les universités québécoises et les collèges d'enseignement. Nous sommes heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

Je me présente, Marie-Andrée Giroux, et j'agis à titre de vice-présidente du conseil de l'Ordre des comptables en management accrédités. Dans le cadre de ma vie professionnelle, je suis également conseiller principal pour la firme CGI. Je suis accompagnée de François Renauld, président-directeur général de l'Ordre des CMA.

L'Ordre des CMA travaille en étroit partenariat avec les établissements d'enseignement pour la formation de ses membres et confie aux universités la première partie de leur cheminement vers le titre CMA. L'Ordre des CMA se sent donc interpellé par les projets de loi à l'étude puisque l'indépendance et le bon fonctionnement des établissements d'enseignement influent directement sur la formation de ses membres.

En 2006, l'Ordre des CMA a présenté à la Commission des finances publiques un mémoire portant sur la modernisation, la gouvernance des sociétés d'État en réaction à un énoncé de politique présenté par le ministre des Finances du Québec. Par conséquent, la tenue de la présente commission constitue une occasion fort prometteuse de poursuivre les travaux amorcés sur la gouvernance des sociétés québécoises et à laquelle l'Ordre des CMA entend contribuer pleinement.

Les projets de loi à l'étude suscitent un vif intérêt de la part des membres de l'Ordre des CMA puisque les problématiques qui y sont soulevées sont au coeur de notre profession. Avant de discuter des projets de loi en question, permettez-nous de brosser un bref portrait de l'ordre et des CMA.

L'Ordre des CMA compte près de 7 500 membres au Québec, dont la vaste majorité travaille pour des organisations publiques ou privées. Ils oeuvrent dans tous les secteurs de l'activité économique et majoritairement dans les secteurs des services.

Les CMA sont essentiellement des experts en gestion stratégique et financière qui réunissent l'expertise comptable et la vision intégrée de l'ensemble des fonctions vitales de l'organisation, autant d'attributs qui en font des acteurs clés dans les processus décisionnels des organisations.

De par leur rôle et leur expertise, les CMA travaillent de concert avec les hauts dirigeants des organisations, notamment sur les questions qui ont trait à la gouvernance. Les enjeux de gouvernance sont donc intimement liés au rôle et aux fonctions des CMA.

J'aimerais maintenant céder la parole à François Renauld, président-directeur général de l'Ordre des CMA, qui poursuivra la présentation de notre point de vue. Je demeurerai disponible pour répondre à vos questions par la suite.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Renauld...

M. Renauld (François): Oui, merci...

Le Président (M. Marsan): ...la parole est à vous.

M. Renauld (François): Merci, M. le Président. Alors, l'Ordre des CMA tient tout d'abord à saluer cette nouvelle initiative en matière de gouvernance qui s'inscrit dans un mouvement global beaucoup plus large, soit celui de la mondialisation des principes de gouvernance. Depuis quelques années et à la suite des nombreux scandales qui ont ébranlé plusieurs entreprises, les sociétés de partout au monde ont amorcé une réflexion en profondeur sur la gouvernance afin de mieux encadrer les dirigeants et administrateurs de ces organisations.

En 2006, comme l'a souligné précédemment Mme Giroux, le gouvernement québécois lui-même a décidé d'entreprendre une démarche similaire afin de moderniser les principes de gouvernance des sociétés d'État. Appliquer pareille réflexion à la gouvernance de nos établissements d'enseignement nous semble donc la continuité logique de cette première démarche. Tous les acteurs concernés bénéficieront de la modernisation des principes de gouvernance.

La définition plus claire des rôles et responsabilités des administrateurs ne pourra qu'améliorer l'efficacité, mieux établir l'imputabilité de nos conseils d'administration et mieux accompagner la performance des dirigeants.

En ce qui a trait à la formation des conseils d'administration, l'Ordre des CMA appuie d'emblée les nouvelles règles relatives à la formation de ceux-ci. Nous sommes d'avis qu'une représentativité adéquate au sein du conseil d'administration est essentielle au bon fonctionnement d'une organisation grâce à une meilleure compréhension des enjeux propres à son milieu. La nomination de membres qui participent activement au développement de leur communauté, de par leur emploi ou leur implication, est d'une importance primordiale.

La présence majoritaire de membres indépendants nous apparaît également indispensable. Ces membres pourront assurer la prise de décision stratégique éclairée en étant moins susceptibles de se trouver en conflit d'intérêts.

Les projets de loi à l'étude suggèrent que 25 % des membres du conseil d'administration d'un établissement d'enseignement devraient provenir de la communauté scolaire. Bien qu'élevé, ce pourcentage nous semble acceptable lorsqu'on tient compte des étudiants... représentants syndicaux appelés à siéger au conseil des établissements ainsi que du désir du gouvernement de respecter la culture inhérente à ce milieu. Nous espérons toutefois que le gouvernement saura faire preuve de discernement et de flexibilité dans l'application de ces règles afin qu'elles n'entravent pas la performance et la compétence des conseils.

Il en va de même pour la représentation paritaire des femmes. Nous sommes en faveur bien sûr d'une présence plus marquée des femmes au sein de ces instances et nous reconnaissons l'unicité des contributions qu'elles peuvent apporter à un conseil d'administration. Cependant, il importe d'établir un horizon temporel réaliste pour l'atteinte de cet objectif. Nous souhaitons également souligner que la représentation paritaire des femmes ne doit en aucun cas se faire au prix de la compétence des administratrices afin de maintenir l'efficience justement des conseils d'administration.

n (11 h 20) n

En ce qui a trait à l'indépendance, je précise que l'Ordre des CMA appuie fortement la volonté gouvernementale d'assurer l'indépendance des conseils d'administration et croit au bien-fondé de cette approche. Cependant, tel que mentionné précédemment, nous invitons le gouvernement à faire preuve de flexibilité dans l'application de ces règles afin que les conseils d'administration de nos établissements d'enseignement aient accès aux compétences et aux talents dont ils ont besoin. Il importera de juger avec discernement de la proximité des liens entre les administrateurs pressentis et l'établissement concerné afin que l'indépendance des conseils soit préservée.

Nous sommes d'avis que la nomination de membres indépendants au sein des conseils d'administration contribuera à leur représentativité et à leur performance. En leur donnant accès à une plus grande variété de compétences, les conseils seront mieux équipés pour faire face aux défis de plus en plus exigeants qu'ils auront à relever.

Parlant de compétences, soulignons que la nomination de membres représentatifs du milieu socioéconomique dans lequel évolue un établissement d'enseignement et l'obligation de compter au moins 60 % des membres indépendants permettront en principe aux conseils d'administration de disposer d'expertises et de compétences variées. Tout dépendra bien sûr du profil de compétence des membres qui seront nommés. Par ailleurs, l'Ordre des CMA est d'avis qu'il est nécessaire que les conseils d'administration soient formés de membres complémentaires pouvant contribuer de manière tangible aux décisions en mettant à profit leur expérience et leurs compétences.

Un mot sur les comités du conseil. L'Ordre des CMA croit fermement que la formation de comités au sein des conseils d'administration peut être d'une grande valeur dans la poursuite de leurs objectifs. Nous sommes donc favorables à la création obligatoire de comités de gouvernance et d'éthique, de vérification et de ressources humaines, comme on en trouve normalement dans les conseils d'administration qui s'inspirent des bonnes pratiques de gouvernance.

L'Ordre des CMA tient à réitérer l'importance de la diversité et de la complémentarité des expertises au sein des conseils d'administration. Cette importance est manifeste lors de la nomination de membres à des comités qui ont des rôles et fonctions spécifiques. L'imputabilité et l'efficacité de ces comités reposent inévitablement sur la compétence des membres qui les composent.

Cette réalité est particulièrement évidente lors de la formation d'un comité de vérification, notamment. Il est fondamental qu'un tel comité compte au moins un membre détenant une expertise comptable ou financière. Cette exigence prend tout son sens dans le cas des conseils d'administration, notamment des universités, qui peuvent avoir, il faut se le rappeler, avoir à assurer la vérification d'états financiers et de documents connexes reliés à des budgets d'exploitation et d'immobilisations de l'ordre de centaines de millions de dollars.

Par ailleurs, la vérification interne est fondamentale à la bonne gestion d'une organisation. Pour qu'elle puisse jouer son rôle, certains mécanismes doivent être mis en place afin d'assurer l'indépendance du vérificateur interne. Il est primordial qu'un comité de vérification soit formé et que la fonction de vérification interne en relève. Autrement, le vérificateur ? on comprendra le vérificateur interne ? dépendra de la volonté du dirigeant en chef de l'organisation qui sera en position d'autorité face à lui. Un tel lien de dépendance peut, on le comprendra aussi, peut rendre... peut rendre la fonction de vérification interne inopérante.

L'Ordre des CMA salue donc l'initiative du gouvernement voulant que les vérificateurs internes rendent compte au comité de vérification, bien qu'ils relèvent administrativement de la haute direction de l'établissement. Cette distinction, inspirée encore une fois des bonnes pratiques de gouvernance, nous apparaît primordiale pour maintenir la crédibilité et l'indépendance du vérificateur interne et lui donner un regard plus objectif.

L'expertise comptable d'un ou de plusieurs membres du comité de vérification permettra au comité de mieux comprendre l'information mise à sa disposition afin d'y déceler des anomalies potentielles et de pouvoir poser des questions pertinentes, notamment au vérificateur interne.

Nous appuyons tout aussi fermement la formation d'un comité d'éthique et de gouvernance qui sera chargé d'élaborer un code d'éthique, de développer des profils de compétence et de juger des conflits d'intérêts, le cas échéant.

Le comité des ressources humaines jouera aussi un rôle d'importance, notamment en étant engagé dans l'embauce... dans l'embauche, excusez-moi, du premier dirigeant de l'établissement et en encadrant les politiques de gestion des ressources humaines de l'organisation.

Aujourd'hui, ces trois comités sont indispensables au bon fonctionnement d'un conseil d'administration et, par le fait même, à celui d'un établissement d'enseignement. En bénéficiant des expertises complémentaires des administrateurs qui y sont nommés, ces comités... ces comités, dis-je, permettront au conseil d'aborder des problématiques diversifiées et de plus en plus complexes, tant en ce qui a trait à l'orientation et à l'encadrement stratégique qu'à la gestion des risques de l'organisation.

En ce qui a trait à la reddition des comptes, l'Ordre des CMA appuie l'initiative gouvernementale visant à augmenter l'imputabilité des conseils d'administration en instaurant des règles claires quant à la reddition de comptes. Ces règles augmenteront la transparence des organisations et responsabiliseront les conseils d'administration.

La tenue d'une séance annuelle d'information et de consultation publique auprès de la collectivité desservie par l'établissement pourra jouer un rôle semblable à celui d'une assemblée générale des actionnaires où ces derniers seront simplement remplacés par les contribuables. Si ce moyen est utilisé habilement, il pourra contribuer à un meilleur enracinement de l'établissement dans sa communauté et à l'aménagement d'un espace de dialogue avec les groupes qu'il dessert.

En terminant, vous comprendrez qu'il me serait difficile de ne pas dire un mot sur l'utilité de l'expertise des CMA. Nous avons mentionné plus tôt l'importance des enjeux stratégiques et de la gouvernance pour les CMA dans l'exercice de leurs fonctions. De par leur rôle, les CMA sont donc bien placés pour comprendre et analyser les enjeux auxquels doivent faire face les conseils d'administration.

Les CMA sont en grande majorité ? en fait à plus de 90 % ? associés à des organisations privées ou publiques plutôt qu'à des cabinets-conseils. Ils sont donc moins susceptibles d'entretenir des liens professionnels de type client-employeur avec les établissements d'enseignement et présentent par conséquent un important... représentent par conséquent un important bassin d'administrateurs indépendants potentiels.

Leur expertise pointue du domaine comptable fait d'eux des candidats compétents pour siéger notamment au comité de vérification, comme je l'évoquais tout à l'heure, au comité de vérification des organisations. Ils sont à même de comprendre les documents à l'étude et de poser les questions pertinentes, tant encore une fois aux gestionnaires qu'aux vérificateurs internes ou externes. Étant habitués à collaborer avec les autres cadres de leur organisation et à leur transmettre l'information financière, ils pourront contribuer à rendre les documents comptables et financiers un peu plus intelligibles pour les autres membres du conseil et des comités dans lesquels ils se trouvent.

Il nous fera plaisir de mettre... en temps et lieu, de mettre à la disposition des établissements d'enseignement une liste de candidats membres de notre ordre professionnel qui répondent aux critères recherchés, aux profils recherchés par ces organisations.

Je vais maintenant laisser à Marie-Andrée le soin de conclure.

Le Président (M. Marsan): Oui. Mme Giroux.

Mme Giroux (Marie-Andrée): Merci, M. le Président. Merci, François. En conclusion, l'Ordre des CMA accueille favorablement cette initiative gouvernementale qui permettra aux établissements d'enseignement québécois de se doter de véritables conseils d'administration. Cette démarche ne fera qu'améliorer leur gouvernance et, en fin de compte, augmenter leur indépendance et leur imputabilité.

Il sera cependant d'une importance primordiale que la flexibilité et le discernement soient au rendez-vous dans le choix des candidats afin de ne pas priver les conseils d'administration de ressources compétentes. La sélection des candidats ne devra jamais se faire au détriment de l'expertise et des compétences requises par les conseils et leurs comités.

La compétence doit être le critère primordial qui guide le choix des administrateurs. Pour ce faire, il nous apparaît raisonnable et souhaitable que les établissements considèrent la possibilité d'offrir une rémunération concurrentielle à leurs administrateurs, sans quoi plusieurs candidats qui détiennent l'expertise requise risquent plutôt d'accepter des offres du secteur privé.

L'Ordre des CMA est convaincu que la mise en place des mesures décrites dans le projet de loi à l'étude bénéficiera à tous les acteurs en présence, et nous saluons encore une fois la détermination du gouvernement à instaurer de telles mesures.

Nous vous remercions de votre intérêt. Il nous fera maintenant plaisir, à François Renauld et moi-même, de répondre à vos questions et de vous préciser de quelle manière l'expertise des CMA peut contribuer à la collectivité. Merci.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme Giroux, M. Renauld. Nous allons immédiatement commencer nos échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Giroux, M. Renauld, merci infiniment d'être parmi nous. Je vous avoue que, ce matin, votre mémoire, et je veux que... et peut-être en êtes-vous conscients, mais votre mémoire apporte un point de vue totalement différent de bien des points de vue qui ont été exprimés en commission parlementaire.

n (11 h 30) n

En fait, j'aimerais vous les résumer. Je dirais que les associations, les regroupements, peu importe comment nous les appelons, qui oeuvrent au sein des institutions d'enseignement ou qui travaillent au quotidien ou représentent des gens qui travaillent au quotidien trouvent que ce projet de loi adopte une approche managériale importante et reprochent à la ministre de l'Éducation et au gouvernement de vouloir gérer les universités... ? et parlons des universités essentiellement ? reprochent donc à la ministre et au gouvernement de vouloir gérer les universités comme des entreprises privées. On a lu des critiques extrêmement sévères à l'égard des membres externes, à l'effet que ces personnes connaissent moins bien la réalité de ces institutions et sont donc moins aptes à pouvoir comprendre l'importance de certaines... des conséquences de certaines décisions. En fait, on va aussi loin que de dire qu'on ne devrait pas utiliser le terme de «membre indépendant» et on insiste énormément pour que soit utilisé le terme «membre externe» et «membre interne».

Alors, moi, je vous écoute, j'ai beaucoup écouté depuis deux semaines. Est-ce que je me trompe si je dis qu'actuellement ce projet de loi, au Québec, met en évidence un peu peut-être, je dis «peut-être», là, je ne veux pas porter de jugement, mais met en évidence une énorme confusion sur ce que recherche la gouvernance, ce qu'est la gouvernance? Et... Et j'ai cru voir une confusion aussi entre le lieu de gestion, exprimé par les dirigeants d'une institution, et un conseil d'administration, quel est son véritable rôle.

Alors, moi, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi on en est là selon vous. J'imagine que, quand vous avez fait votre mémoire, vous avez réfléchi à ces questions-là. Vous avez probablement écouté les dernières semaines. Comment se fait-il qu'on se dise qu'une université qui a un budget d'environ 500 millions de dollars, qui a des milliers d'employés, qui joue un rôle fondamental dans la communauté et dans la société québécoise, qui a pour première mission la qualité de l'enseignement, de la transmission du savoir et de la recherche... comment se fait-il qu'on se retrouve en 2009, bientôt 2010, en train d'opposer des gens d'affaires, parce qu'on dit: Actuellement, ce ne sont que des gens d'affaires qui veulent mener l'université comme une entreprise privée, et les gens de l'interne, qui disent: Attention! Vous allez dénaturer profondément la mission fondamentale de notre institution? Comment réagissez-vous à ça?

M. Renauld (François): Je peux... Je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): Oui, la parole est à vous, M. Renauld.

M. Renauld (François): Écoutez, Mme la ministre, moi, j'attribue beaucoup de ce... de ces choses-là au fait qu'évidemment il faut être conscient, et vous en êtes certainement la première consciente, que ce qui est proposé est quand même, dans le milieu de l'enseignement, que ce soit collégial ou universitaire, une réforme majeure, un changement majeur, je dirais, qui relève beaucoup plus de la culture du milieu. Et c'est évident, selon moi, que les universités notamment n'ont pas été habituées à ce genre de chose là. Il y a des universités qui sont peut-être à des degrés divers, là, plus avancées par rapport à leur modèle de gouvernance, etc., qui tendent plus déjà vers ça, d'autres un peu moins peut-être. Mais ce que je veux dire: Dans l'ensemble, c'est... c'est un changement, je pense, majeur.

Alors, il va falloir que les gens... que, dans le fond, les gens se l'approprient, que les gens réalisent les bienfaits. Je pense qu'il y a un travail de vente aussi qu'il faudra... que tout le monde va devoir faire. Mais, qu'il y ait une réticence à prime abord, je ne suis pas trop étonné.

Maintenant, quand on parle du rôle du conseil d'administration, ça m'apparaît un peu simpliste que de simplement dire: Bien, c'est les gens d'affaires qui vont arriver puis qui vont vouloir s'approprier puis mettre le nez dans la gestion de l'université. Moi, je pense que c'est une façon très étroite puis probablement pas correcte, inappropriée de voir ça, parce que ce n'est pas du tout le cas.

Il faut se rappeler, et, en ce sens-là, les institutions, qu'elles soient universitaires ou collégiales, peu importe, une institution d'enseignement, c'est comme... et là je ne veux surtout pas banaliser, mais c'est comme n'importe quelle sorte d'organisation en ce bas monde. La seule différence, c'est qu'il y a une mission évidemment qui est particulière, il y a un certain nombre de choses, mais essentiellement c'est une organisation qui fonctionne avec différentes personnes. Il y a des rôles différents, il y a... il y a des clients, il y a des... on les appelle les étudiants, mais ce sont des clients. Il y a un processus de transformation qui doit se faire dans ces institutions-là, un processus qu'on va appeler d'apprentissage. Mais, quoi qu'il en soit, c'est une organisation qui doit être gérée pareil comme n'importe quelle autre organisation. Puis aujourd'hui, par les temps qui courent, on se rend compte que ces institutions-là sont des organisations d'une très grande importance. Il faut regarder simplement l'ampleur des budgets. Et qui paie pour ça? Bien, évidemment, ce sont des contribuables. Donc, dans notre esprit, il y a une raison encore plus importante justement de s'assurer que ces organisations-là fonctionnent d'une façon efficace avec des principes directeurs qui sont ceux qu'on reconnaît comme les meilleurs en matière de gouvernance.

Mais il faut se rappeler aussi que le rôle d'un conseil d'administration, c'est d'abord et avant tout de venir soutenir l'équipe de direction et de s'assurer qu'avec une vision un peu plus neutre, un peu plus dégagée, moins prise dans le quotidien puis moins prise dans le... le b.a.-ba de l'organisation... des gens qui peuvent arriver puis donner un éclairage puis une expertise complémentaire, on l'a dit puis on le répète, c'est très important, cette dimension-là, mais qui vont venir donner leur soutien à l'organisation pour que cette organisation-là puisse justement réaliser son plan stratégique, réaliser sa mission.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. Renauld, oui, je veux bien, mais la tradition, qui est très lointaine... Et la députée de Taillon, un jour, m'a rencontrée et m'a expliqué ça de façon fort intéressante, cette tradition qui a contribué à la création des universités ? puis on parle, là, de centaines d'années ? sur la façon de pouvoir nous assurer que cette transmission des connaissances, elle se fait de façon indépendante, elle se fait de façon où il n'y a pas d'interférence et de jugement porté sur cette mission fondamentale. Donc, c'est pour ça, et elle m'expliquait que c'est pour ça qu'il y a un principe auquel... ? puis ça, je comprends ça, je suis sensible à ça ? auquel tiennent les gens universitaires, c'est le principe de la collégialité.

Je ne suis pas sûre que j'ai encore tout à fait bien saisi, dans les remarques qui nous sont faites, quand est-ce que, la collégialité, on la veut puis quand est-ce qu'on ne la veut pas, là, mais ça, c'est un autre débat. Mais on dit: Actuellement, si les membres externes ? et j'utilise à escient «externes» ? sont majoritaires... Parce que c'est là le débat. Ils nous disent: Ah non! On est d'accord pour avoir des gens de l'extérieur, on est d'accord, parce que, oui, ils peuvent contribuer par leur expertise, leur compétence, mais il ne faut pas qu'ils soient majoritaires, parce que, s'ils sont majoritaires, ils vont brimer, et le principe et la collégialité de l'institution ne pourront plus exister.

n (11 h 40) n

Alors, moi, je voudrais que vous me disiez pourquoi vous souhaitez une majorité et, vous, vous dites «de membres indépendants». Parce que nous aurons un très gros débat, parce que, moi, les juristes et les gens... les juristes du ministère me disent: Attention, madame, parce que le principe de l'indépendance, en gouvernance, c'est fort, fort, fort important. Mais là, jusqu'à maintenant, on ne veut pas parler de ça, on veut parler externe-interne. Et donc j'aimerais que vous me disiez pourquoi vous croyez qu'une majorité de personnes extérieures soient au conseil d'administration et en quoi ce conseil d'administration... comment pourrait-il, ce conseil, respecter la collégialité dans la prise de décision, on s'entend, là, dans la prise de décision. Et expliquez-nous votre définition du membre indépendant et pourquoi c'est important de spécifier ce membre indépendant par rapport à la notion d'interne-externe.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Renauld.

M. Renauld (François): Écoutez, Mme la ministre, d'abord, au point de départ, moi, je dois vous dire, avec tout le respect que j'ai pour ceux qui prétendent le contraire, moi, la terminologie interne-externe, je pense que ça n'a rien à voir dans le débat actuellement. Et ce n'est pas une terminologie qui est appropriée, certainement pas en tout cas pour qualifier... même si on parle de membres externes, pour qualifier ce qu'on appelle des administrateurs indépendants. Alors, on peut être externe et puis être justement... ne pas être indépendant, ça, ça va de soi, mais ce n'est pas une terminologie que je favoriserais, certainement, parce que ça crée de la confusion.

Maintenant, pour revenir à votre propos sur la collégialité, moi, je pense qu'au contraire... je suis convaincu que ce dont on parle ici ne vient pas contrevenir à la collégialité, que je comprends très bien, qui peut prévaloir dans une institution comme... pas juste dans une institution d'enseignement, mais comme dans bien d'autres organisations, d'autres institutions. Cette collégialité-là, elle va pouvoir continuer de... d'être favorisée, d'être entretenue puis de prévaloir, mais elle prévaudra au niveau de ce qu'on peut appeler, peu importe la nomenclature, des comités de régie, comités de gestion. C'est le chef d'établissement qui... avec son équipe de collaborateurs immédiats, qui s'appellent des vice-présidents, des vice-recteurs, etc., et c'est là que cette... ces équipes de doyens et de responsables de programmes... Toute cette collégialité-là va pouvoir continuer d'exister, et on ne vient pas... on ne vient pas entraver ça. Ce n'est pas ma compréhension, puis c'est... je ne comprendrais pas du tout le projet de loi si je le comprenais comme ça.

Alors, je pense qu'au contraire ce sera au chef d'établissement d'arriver au conseil d'administration avec justement cette espèce de bagage, là, collégial et de dire: Voici, nous, on suggère telle orientation, on suggère telle prise de décision dans tel projet, et ça sera... il appartiendra, à ce moment-là, simplement au conseil d'administration d'en débattre, et ça forcera le chef d'établissement justement à arriver d'autant mieux préparé, d'autant plus apte à défendre le projet qui aura été discuté puis convenu, qui aura créé un consensus au niveau de ce groupe, là, collégial, si on peut dire, là.

Et, voyez-vous, je ne vois pas du tout en quoi le projet qui est sur la table présentement va venir briser ou mettre en péril cette collégialité qui... je suis le premier à reconnaître qu'elle est indispensable, encore une fois, non seulement dans une institution d'enseignement, mais aussi dans bien des organisations.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je trouve ça intéressant. Cela dit, je vais vous donner un exemple concret. Disons qu'effectivement... Parce que je suis tout à fait d'accord que le dirigeant de l'université doit au préalable travailler avec son équipe de gestion et son équipe... en fait son rectorat, mais aussi les doyens et les doyennes, hein, je pense que c'est important, puis avec en fait toute l'assemblée universitaire. Disons que le dirigeant a fait son travail, a un très beau projet entre les mains qui fait pas mal le consensus à l'interne, arrive au conseil d'administration, majoritairement occupé par des gens externes indépendants, et, parce que l'université est en déficit cette année-là, parce que l'université a une planification stratégique, a... s'est dotée d'orientations... mais ce projet-là, peut-être qu'il n'est pas tout à fait en lien, mais en même temps, surtout, il y a un déficit, il y a des choix à faire tant au niveau des ressources financières et humaines. Et là, d'après vous, comment faire en sorte de s'assurer que ce conseil d'administration va prendre la meilleure décision dans l'intérêt de la mission fondamentale de l'université et aussi, et aussi s'assurer, comme vous l'avez dit tout à l'heure... la décision se prend en respectant des cadres financiers et budgétaires?

Parce que j'imagine que... j'espère que dans cette salle, ici, et que des deux côtés de la table on est quand même d'accord qu'il faut savoir gérer des ressources financières aussi. Il y a une réalité, là, il y a une réalité qui est celle-là. Il y a des budgets qui sont à respecter. Je suis certaine que, quand les universités ne respectent pas leurs budgets... Bien, d'ailleurs, la députée de Taillon aujourd'hui même a dit, bel exemple: L'université est en déficit, puis il y a des augmentations de salaire importantes.

Alors, comment, comment on concilie tout ça avec une majorité de personnes qui ne vivent pas l'importance du projet que leur soumet le recteur de l'université?

Le Président (M. Marsan): M. Renauld.

M. Renauld (François): Écoutez, Mme la ministre, moi, je dirais, une chose qui est fondamentale, si on veut que ce... cette locomotive-là, qui est en train de se mettre sur les rails, là, cette réforme importante, cette modernisation de la gouvernance marche: il va falloir au préalable, au préalable, que tout le monde comprenne bien qu'il va falloir que ces administrateurs indépendants qui arrivent et qui ne connaissent pas nécessairement qu'est-ce que c'est, excusez-moi l'expression, la business d'une université ou d'un collège... il va falloir que ces gens-là, on les forme. Et une dimension qui est à peine effleurée dans le projet de loi, mais je comprends très bien, c'est un projet de loi, on ne peut pas tout... tout mettre là-dedans, mais une dimension qui m'apparaît fondamentale pour assurer la réussite de l'entreprise qu'il y a, qui est sur la table, c'est de s'assurer que le conseil d'administration va disposer des ressources qu'il lui faut pour justement être bien formé, bien informé et aller chercher aussi des expertises, des contre-expertises lorsqu'il le faut.

Alors, ce que je veux dire par là, c'est qu'on ne va pas inviter un M. Jos Bleau avec... qui correspond à une espèce de profil ou qui est un personnage... un homme d'affaires ou une personne d'affaires bien connue dans le coin, puis etc., puis on vient l'asseoir à la table, puis on lui envoie ses petits documents. Et, en général, les documents qui sont dans le milieu universitaire... Parce que, moi-même, j'y ai passé une partie de ma vie puis je connais quand même le milieu assez bien aussi. En général, les documents sont assez abondants, et on peut laisser peut-être des enveloppes fermées puis attendre, séance tenante on va l'ouvrir avec... lorsqu'on en aura de besoin. Et c'est sûr que, si on entretient ce modèle-là, bien on n'en sortira pas, là, tu sais. Mais, moi, je pense qu'il va falloir que les gens soient imprégnés de la culture de... et du mode de fonctionnement. Qu'est-ce que ça fait, une université? Qu'est-ce que ça veut dire, gérer des programmes?

Parce que, là-dedans, on n'est pas en train d'inventer des choses, il faut juste regarder. Puis je n'ai pas... je ne veux pas non plus faire de comparaison qui serait comme inadéquate, mais encore une fois... je regrette, mais je reviens à ce que je disais tout à l'heure: Une université, ultimement, sans banaliser, c'est comme n'importe quelle sorte d'organisation, il faut que les gens qui arrivent au conseil d'administration... Dans une entreprise publique ou privée, les gens qui siègent au conseil d'administration, très souvent on va les... leur donner de l'immersion, on va prendre... S'il s'agit d'une entreprise, exemple, manufacturière, on va envoyer ces gens-là rencontrer des directeurs d'usine, l'envoyer sur le plancher des vaches et, dans le cas de l'université ? restons avec ça ? rencontrer un doyen, qu'est-ce que ça fait, un doyen, si quelqu'un ne sait pas ce que ça fait, qu'est-ce que ça fait, un doyen, qu'est-ce que ça fait, un vice-recteur, qu'est-ce que ça fait, un recteur, et qu'ils s'approprient, à travers des rencontres, à travers un programme bien organisé de formation... Il faut que cette personne développe une familiarité avec la business dans laquelle on va l'inviter à opérer.

De sorte que, pour répondre à votre question de tout à l'heure, si le chef d'établissement arrive avec un projet pour lequel il a l'aval de toute sa... sa collégialité, de tout son groupe, peut-être que ça pourrait être surprenant qu'il se fasse revirer de bord puis se faire dire: Non, ça ne marche pas, parce qu'on aura justement des gens qui comprendront bien la dynamique, comprendront bien comment fonctionne... c'est quoi, les processus de fonctionnement de l'université, mettons, et etc. Et ça peut arriver, en bout de piste, que le conseil d'administration, comme on dit, interpelle le chef d'établissement puis lui dise, écoute: Retournez faire vos devoirs, monsieur... M. le recteur, peut-être, parce que, nous, on n'est pas satisfaits de ci ou de ça.

n (11 h 50) n

Alors, ça va forcer... et laissez-moi vous dire que c'est ça que ça va forcer. Ça va faire en sorte que les chefs d'établissement vont être d'autant plus sur la sellette, là. Si je comprends bien le projet de loi, c'est eux qui vont être au conseil d'administration. Donc, je n'arriverai pas avec mon armée de vice-recteurs puis de doyens au conseil d'administration, puis noyer la place. Je ne dis pas que c'est des choses qui se font, mais ça peut arriver. Alors là, dans cette réalité-là, c'est le chef d'établissement qui va devoir mettre ses culottes... ou sa jupe, et puis faire... faire le nécessaire.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la ministre.

Mme Courchesne: Vous m'avez... Je sais que j'ai posé beaucoup de questions en même temps. J'aimerais que vous me disiez maintenant pourquoi vous souhaitez que ces membres indépendants soient majoritaires. Est-ce que... est-ce que, par exemple... Puis là je fais vraiment la distinction avec l'entreprise privée. Est-ce que, par exemple, un modèle... un conseil d'administration plutôt qui serait composé d'un nombre, je dirais, équivalent, là, presque moitié-moitié, parce que ma question, c'est: Qui décide en cas de... Bon, il faudra... Qui a le vote prépondérant? Est-ce que c'est le président ou la présidente du conseil qui aurait le vote prépondérant?

Mais est-ce que, dans cet esprit... Parce que tout le monde qui accepte un rôle au conseil d'administration doit le faire au nom de l'intérêt suprême de l'institution, là, qu'il soit indépendant ou dépendant, là, on s'entend. Donc, est-ce que, dans le cas des collèges et des universités, ça pourrait être pensable d'avoir un conseil d'administration qui soit plus vers moitié-moitié plutôt que d'avoir une majorité de membres indépendants externes? Et pourquoi, sinon, vous voulez absolument que ce soit une majorité de membres indépendants? Puis pourquoi, à partir du moment où tout le monde doit être neutre, d'une certaine façon... On n'est jamais complètement neutre, dans la vie, mais pourquoi on ne pourrait pas tendre davantage vers l'équilibre?

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Renauld.

M. Renauld (François): Écoutez, Mme la ministre, moi, si vous me demandez mon opinion, je vais vous répondre bien franchement: Je pense que, si on essaie trop de garder une espèce d'équilibre, c'est comme ça qu'on va rendre des conseils d'administration inopérants. Si l'objectif ? et c'est ce que je comprends dans le projet de loi ? est de responsabiliser ces conseils-là, d'avoir une expertise à ce niveau-là, d'avoir des gens qui vont nous donner l'heure juste, des gens qui vont assumer leurs responsabilités, des gens qui vont faire progresser nos maisons d'enseignement, je pense qu'il faut se tenir loin de cette espèce de volonté de faire du 50-50.

Vous avez dans le projet de loi présentement 60 %. Nous sommes les premiers... Je l'ai répété à une couple de reprises tout à l'heure, nous sommes les premiers à dire: Il va falloir faire preuve de flexibilité. Ça ne s'est pas construit en un jour, tout ça, et donc il va falloir justement, si on veut favoriser l'adhésion puis changer cette culture, il va falloir... En tout cas, même si, à court terme, on est... on est au niveau proche du 50-50, ça serait probablement, dans certains cas, un certain... un bon progrès. Mais, à terme, ma position est très claire: je pense que, si on veut avoir des conseils d'administration qui sont vraiment opérants, il faut qu'il y ait une indépendance, une majorité qui soit indépendante.

Moi, j'ai comme principe qu'un étudiant... puis je n'ai rien contre les étudiants, je travaille avec des étudiants dans ma vie de tous les jours, mais un étudiant qui siège sur un conseil d'administration, qui a à prendre des orientations stratégiques qui peuvent avoir des impacts sur des programmes, des choses de même, je regrette, il est en conflit d'intérêts. Et puis on peut penser que cette personne-là, la plus honnête soit-elle, peut vouloir prendre le bien de l'institution, mais je regrette, là, moi, je suis un humain puis je pense que je ne serais pas capable de faire ça.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Vous voyez les réactions. Déjà, vous suscitez beaucoup de réactions, M. Renauld, parce que vous parlez des étudiants, mais on pourrait parler davantage des professeurs, je pense. Parce que les étudiants, à mon avis, au contraire, eux, c'est l'avenir, puis ils le vivent. Puis ils sont fort articulés. Ils sont tous venus devant nous, puis, vous savez, les étudiants d'aujourd'hui, ce n'est pas les étudiants de notre temps, là, on s'entend.

Moi, je poserais davantage la question à l'égard des professeurs, parce que je suis une qui croit que, dans ces institutions-là, puis c'est humain, il y a... il y a des syndicats puis il y a des jeux de coulisse et de pouvoir, là. Il ne faut non plus se mettre... jouer à l'autruche et se mettre la tête dans le sable.

Mais vous dites que, si c'était l'équilibre, ce serait inopérant. Ce que vous dites, c'est qu'à ce moment-là on se retrouverait avec 50 % de pour et de contre, et ce serait inopérant parce qu'on exigerait, par exemple, du président ou de la présidente de constamment trancher. C'est ça, votre point de vue sur la question.

Ce que je retiens de vos propos, puis je vais conclure, M. le Président, pour laisser la parole à d'autres, mais c'est que... et ça rejoint pas mal le fond de ma pensée: je crois qu'on a omis, au Québec... puis je ne jette la pierre à personne, mais c'est là où notre société évolue, mais on a effectivement omis de former les membres de conseil d'administration. On les nomme pour leur notoriété, leur prestige, leur capacité à faire ceci ou à faire cela, mais je ne suis pas certaine que tous ceux qui y siègent, y compris les gens d'affaires ? y compris, je le dis comme je le pense ? prennent la peine de vraiment bien comprendre cette réalité-là. Et je pense que cette commission parlementaire met nettement en évidence certaines difficultés et qu'il faudra y remédier. Et, s'il y a ce projet de loi là, c'est avec la ferme intention de faire en sorte qu'on y remédie. C'est pour ça que la formation est obligatoire. D'aucuns diront: Oui, mais quel type de formation puis qui donnera la formation?, etc., mais là, là-dessus, sincèrement, moi, je crois qu'on est capables de bien définir ces aspects-là.

Je veux vous remercier pour votre témoignage. Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Marsan): Oui, il reste à peu près trois minutes. Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Renauld, Mme Giroux, évidemment que vous apportez ce matin un éclairage assez différent de ce qu'on a vu depuis quelques jours.

J'aimerais un peu poursuivre dans le même sens que la ministre et vous entendre, parce que, dans votre mémoire, vous affirmez qu'une proportion de 25 % de membres du conseil qui seraient issus du milieu interne paraît élevée mais acceptable. J'aimerais ça que vous précisiez un petit peu plus votre pensée à cet égard-là et que vous nous disiez quelle serait la proportion idéale pour vous.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Renauld.

M. Renauld (François): Merci. Écoutez, je pense qu'effectivement on mentionne que le 25 % nous apparaît élevé mais, bon, acceptable. Je pense qu'il ne faut certainement pas aller trop loin, là, il y a encore... Entre le 25 % et l'autre 60 %, là, il reste encore une quinzaine... une quinzaine de pour cent, là, si je compte bien, et donc il y a de la place, entre autres, pour justement ce que j'appelais tantôt de la flexibilité. Puis ça va dépendre, ça va dépendre des régions dans lesquelles se trouve l'institution, ça va dépendre de différentes choses, et je pense qu'il faut garder cette espèce de souplesse là.

Mais il nous semble à nous que les paramètres qui sont dans le projet de loi, le fameux 60 % pour les administrateurs indépendants et le 25 % pour ceux qui sont... qui ne sont pas indépendants... il semblait que c'étaient des bonnes cibles, des bonnes cibles.

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Oui, une dernière question, M. le Président. J'aimerais savoir, l'ordre que vous représentez... On parle beaucoup présentement de parité hommes-femmes, vous savez que notre gouvernement en a fait une priorité. Est-ce que vous avez une opinion à cet égard-là? Est-ce que vous avez une vision quant à la parité hommes-femmes pour la gouvernance?

M. Renauld (François): Oui, tout à fait, parce qu'écoutez, encore une fois, ce dont on parle dans notre mémoire, la petite mise en garde, elle est beaucoup plus d'ordre temporel. On dit: Il faut faire attention pour ne pas que demain matin à tout prix on ait... on force les établissements à avoir cette parité. Qu'on veuille y tendre, on est tout à fait d'accord.

Et puis je prends simplement comme exemple la réalité de notre propre ordre, de notre ordre professionnel. On est 7 500, on l'a évoqué tout à l'heure. Il faut penser que, dans notre profession, il y a 20 ans, les femmes étaient tout à fait minoritaires, 14 %. On est rendu à 46 % maintenant de femmes, alors les choses ont changé. Donc, il y a un bassin chez nous actuellement, puis c'est un exemple, un bassin de ressources autant masculines que féminines qui est devenu beaucoup plus important, et puis il y a des gens là-dedans qui sont habilités justement à jouer des rôles au niveau de conseils d'administration. Alors, il y a une présence, il y a une abondance plus grande.

Il faut comprendre aussi, il faut comprendre aussi, juste rapidement, que, dans le milieu de la gouvernance, il y a maintenant des écoles, il y en a deux au Québec, deux groupes qui forment des gens, et il y a de plus en plus de gens qui vont rechercher une expertise additionnelle justement pour être aptes à siéger éventuellement puis à assumer des responsabilités, parce que ce n'est pas un privilège, là, d'être sur un conseil, c'est une responsabilité très lourde.

n (12 heures) n

Le Président (M. Marsan): Donc, je vous remercie. Ceci termine notre première période d'échange avec la partie ministérielle. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la députée de Taillon, qui est la critique en matière d'enseignement supérieur. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bonjour, M. Renauld, Mme Giroux. J'apprécie que vous soyez là. Effectivement, vous apportez un son de cloche assez différent, on l'a dit, de ce que nous avons entendu. Je vous dis, d'entrée de jeu, qu'il y a beaucoup de vos affirmations avec lesquelles je suis en désaccord, mais ça n'empêche pas que je trouve l'exercice important et nécessaire. Je dis ça en remarques préliminaires, là, pour qu'on se comprenne bien.

Bien, je vais reprendre une des questions que j'avais notées, mais que la députée de Trois-Rivières vient d'aborder. Premier élément avec lequel je suis mal à l'aise, c'est que j'ai l'impression qu'il y a, dans votre mémoire, certains, je dirais, préjugés à l'égard de certaines choses. Bon. Prenons le cas des femmes, par exemple. Vous dites: La représentation paritaire des femmes ne doit en aucun cas se faire au prix de la compétence des administratrices.

M. Renauld, je pense qu'au Québec, à l'heure actuelle, dans toutes les régions, il y a certainement assez de femmes compétentes pour qu'il y ait parité des conseils d'administration. On ne parle pas là d'une compétence pointue, dans un ordre donné, on parle d'une compétence pour siéger à un conseil d'administration. Ça fait que, moi, je n'ai aucune inquiétude. Je ne pense pas qu'en 2009, si on nomme des femmes, elles risquent d'être là juste parce qu'on a besoin d'une femme. Je pense vraiment qu'à la grandeur du Québec on a ces compétences-là.

Je trouve aussi que vous avez, je pense en tout cas, une vision que je ne partage pas concernant ce qu'on appelle les membres internes. Puis j'aimerais qu'on aie un peu un échange là-dessus. Moi, j'ai un peu bondi quand j'ai vu que, pour vous, 25 % c'était beaucoup mais c'était acceptable, bon.

Je vais vous dire pourquoi j'ai bondi. Parce que je me suis dit: Ma foi, est-ce que l'Ordre des comptables comprend ce que c'est qu'un cégep ou une université? Est-ce qu'on comprend qu'il ne s'agit pas d'une entreprise privée qui a à gérer une chaîne de travail avec, à l'autre bout, des ouvriers qui vont être dans une relation hiérarchique avec leur patron? On parle d'enseignement supérieur. On parle d'établissements qui ont comme mission de transmettre et de créer du savoir. À la limite, la pyramide devrait être inversée. Moi, je mettrais les professeurs en haut de la pyramide, parce que c'est eux qui créent ce qui va dans le sens de la mission des collèges et des universités. D'où la nécessité de respecter l'esprit de collégialité.

Alors, j'aimerais que vous me disiez ce que vous comprenez de cette mission des collèges et des universités, parce que, quand vous trouvez que 25 % c'est beaucoup, moi, j'ai l'impression, bien évidemment, que ce n'est pas assez. Mais surtout, j'ai une impression qu'il y a une incompréhension, de part et d'autre, là, de ce dont nous parlons.

Puis ? dernière image puis ensuite je vous écoute ? vous comparez la communauté universitaire à une assemblée d'actionnaires, à un moment donné. Des actionnaires, c'est des gens qui ont investi de l'argent et qui veulent en avoir pour leur argent. La communauté universitaire, ce sont des gens qui consacrent leur vie à faire progresser les connaissances. Il ne sont pas là pour un profit. Ils sont bien sûr des employés, mais ce n'est pas une assemblée d'actionnaires. Les universités ne sont pas cotées en Bourse. Donc, j'ai l'impression d'une transposition d'un langage qui vient d'un autre monde et qui ne s'applique pas à ce dont nous parlons ici. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): M. Renauld.

M. Renauld (François): Alors, Mme la députée, évidemment je souhaite peut-être rétablir certains faits. Probablement qu'on n'a pas réussi à s'exprimer de la bonne façon, là, pour se faire comprendre. Mais je veux juste repartir avec la question des compétences, là, des femmes.

Évidemment, je ne crois pas que, dans le mémoire, on mette en cause ça. Et, si vous... vous dites que, dans toutes les régions du Québec, présentement, là où on aura besoin de femmes, on sera à même de satisfaire les besoins requis pour justement avoir cette représentation égale homme-femme et donc avoir des femmes qui auront les profils... Parce que là, moi, je ne connais pas les profils, là, qui seront demandés... Parce que c'est des choses qui devront être établies; la loi fait simplement en parler, là, pour le moment. Mais, ne sachant pas exactement quels seront ces profils, quelles seront les personnes qu'on recherchera exactement avec les profils de compétence requis, je ne présume de rien. Et, si vous avez raison que le Québec abonde de ces ressources-là, bravo, nous, on va être les premiers heureux. La...

Notre intervention, dans le mémoire, est plus d'inviter le gouvernement à... de le mettre en garde contre une volonté d'y aller trop vite puis dire: Il faut absolument, là, qu'on ait 50 % des hommes et des femmes; alors, c'est plus là-dessus. Et, si, vous... encore une fois, vous avez raison, bien, bravo, puis, nous, on sera les premiers à applaudir ça. Alors, je veux d'abord revenir là-dessus.

En ce qui a trait aux membres internes de... de... que vous appelez les membres internes, donc les gens qui travaillent à l'intérieur de l'établissement, quand vous parlez de renverser la pyramide, moi, je serais le premier d'accord dans la mesure où les institutions s'autosuffisent et ne dépendent pas des citoyens, des contribuables pour obtenir les fonds requis pour opérer. Je serais très à l'aise, moi, de laisser le contrôle aux professeurs puis à tout le monde de l'université à l'interne, etc. Mais, je regrette, dans la mesure où... et là je parle presque en mon nom, puis je parle au nom des membres que je représente puis probablement de bien d'autre monde aussi, mais, dans la mesure où c'est les deniers publics qui sont là, là, il faut faire attention comment c'est géré, ces choses-là. Je regrette, moi, les universités ? je l'ai dit tout à l'heure, je me répète ? quand on regarde les ressources considérables, pas juste financières, les ressources qui sont consacrées à ces institutions-là, il faut que ce soit géré comme il faut, puis avec les plus grandes précautions, puis de la meilleure façon.

Quand on s'appelle une université, moi, je pense qu'on a un rôle modèle à jouer dans la société, puis il faut qu'à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau du conseil d'administration, que ce soit exemplaire. Et qu'une université ne s'inspire pas, encore aujourd'hui, des meilleures pratiques en gouvernance... puis là je ne suis pas en train de dire que, dans toutes les universités, c'est pourri, ce n'est pas du tout ça, mais, que des universités ne s'inspirent pas ou n'aient pas en tête les meilleures pratiques de gouvernance, ça, je trouve ça fondamentalement... je trouvais ça, tu sais, concernant, très, très concernant.

Maintenant, encore une fois, je vous dis, moi, que, si les gens... si les professeurs veulent prendre le contrôle de l'université ou gérer l'université, bravo, mais je dirais aussi en contrepartie: Assurez-vous d'avoir les fonds pour le faire, là, tu sais. Mais, dans un modèle où l'argent vient des contribuables, il y a des comptes à rendre.

Puis, pour revenir à l'exemple, là, de l'assemblée des actionnaires, c'est simplement une analogie que je faisais. J'ai dit... Ce qui est prévu dans le projet de loi, c'est qu'une fois par année l'institution organiserait une session pour justement pouvoir rendre des comptes et s'adresser donc à la population, là, qu'elle dessert, et ça, je pense que c'est un exercice qui est sain. Et c'est par analogie que je disais simplement: Ça deviendrait un peu comme la réunion des actionnaires. Mais oublions l'exemple si c'est outrageant à ce point-là.

Écoutez, moi, je pense encore une fois que l'université... puis je peux vous dire... Je ne veux pas m'attarder indûment là-dessus, mais la compréhension que, moi, j'ai des institutions d'enseignement, j'ai beaucoup de respect pour les institutions d'enseignement, d'abord personnellement parce que j'y ai oeuvré toute ma vie, et que, nous, nos partenaires, l'Ordre des CMA, nos partenaires universitaires, les 11 partenaires universitaires qu'on a au Québec, c'est des gens avec lesquels, moi, je travaille en étroite collaboration, avec lesquels l'ordre travaille en étroite collaboration. On a des protocoles d'entente, on a des modes de fonctionnement qui sont très, très, très sains puis impeccables et très utiles aussi pour la société.

Mais, personnellement, j'ai aussi siégé sur un conseil d'administration pendant 10 ou 11 ans, un conseil d'administration qui s'appelait celui de la Télé-université à l'époque, et j'ai été président du conseil. Et, moi, je peux vous dire de quoi, là, puis je pense qu'on ne révèle pas de grands secrets, mais être président d'un conseil comme Télé-université au moment où, moi, je l'ai fait, je regrette, mais c'est de la perte de temps et pour la société et puis aussi pour moi, parce que ce n'était pas un vrai conseil d'administration.

Alors, tu sais, des conseils d'administration qui ne peuvent décider de rien ou que, s'il y a une décision qui est prise, il y a des plus hautes instances ? dans ce cas-là, c'était à l'Université du Québec ? qui décident... Alors, tu sais, on fait perdre le temps de tout le monde puis on donne l'impression aux gens d'avoir un certain niveau de confort. Les gens devraient avoir un certain niveau de confort, mais on passe à côté.

Le Président (M. Marsan): Oui, merci...

M. Renauld (François): Alors, il faut tendre vers des conseils d'administration qui vont être vraiment responsabilisés.

Le Président (M. Marsan): Oui. Merci, M. Renauld. Mme la députée de Taillon.

n (12 h 10) n

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je mettrais... je mettrais à part peut-être le cas du Réseau des universités du Québec qui va nécessiter un débat en soi d'ailleurs, parce que ce que vous évoquez, là, c'est... ça peut être effectivement une difficulté, mais je veux revenir sur la question de la composition du conseil d'administration puisque c'est un enjeu majeur.

Bien entendu, on a à rendre des comptes avec les deniers publics, bien entendu. Le fait qu'il y ait des assemblées où on présente des plans stratégiques, on rend des comptes. Je pense que personne ne contestera ça dans le projet de loi. La question est de savoir: Qui est mieux placé pour prendre les bonnes décisions? C'est ça, la question.

Vous avez un préjugé extrêmement favorable envers les gens que vous appelez «indépendants». Moi, j'ai effectivement un préjugé favorable ? teinté, bien entendu, de mon expérience personnelle d'universitaire, c'est sûr ? pour les gens de la communauté interne. Je vais vous mentionner juste deux débats actuellement qui ont cours, dans toutes nos universités, qui sont fondamentaux.

Les universités sont en recherche de financement. Puis là je ne fais pas de critique à quelque gouvernement que ce soit. Elles ont des problèmes de financement, elles cherchent des moyens d'augmenter leur financement. Les universités sont à la recherche de clientèles; parce que la démographie ne suffit plus, elles cherchent des clientèles. Elles se posent donc des questions fondamentales: Est-ce qu'une université doit se délocaliser? Est-ce qu'une université doit déréglementer ses droits de scolarité? Ce sont des questions fondamentales. M. Renauld, dans ces questions-là, moi, je prends pour acquis que les gens de la communauté universitaire vont très certainement défendre les meilleurs intérêts de l'institution, et je ne prends pas pour acquis que les membres que vous appelez «indépendants» vont être à coup sûr ceux qui vont donner les meilleurs éclairages, vous comprenez? Et je pense qu'actuellement les universités qui fonctionnement à majorité avec des gens de l'interne dans leur C.A. fonctionnent relativement bien et que là où il y a eu des désastres, ce n'est pas les membres externes qui ont sauvé le navire.

Alors, je comprends ce que vous me dites, mais je n'arrive pas à l'appliquer à ce que je connais de ce milieu-là et à ce que je connais des enjeux actuels.

Le Président (M. Marsan): M. Renauld.

M. Renauld (François): Bien, écoutez, je pense... comme vous dites, là, on a des points de vue sans doute assez différents, mais je pense qu'ils ne sont pas irréconciliables. Moi, je continue de croire qu'il y a pour le moment une certaine résistance au changement, parce qu'évidemment c'est un mode de fonctionnement qui est relativement différent, il va falloir ? et je suis convaincu que la ministre le comprend déjà par les interventions qui ont été faites depuis, semble-t-il, là, depuis le début des auditions ? il va falloir qu'on y aille prudemment, de façon progressive, un pas à la fois, et tendre vers quelque chose comme ça, mais je pense... Et il va falloir aussi que les gens qui sont même les plus récalcitrants se rendent compte qu'il y a quelque chose de positif, il y a quelque chose qui va permettre... Même quand une université, comme vous dites, va bien, bien, si on peut lui permettre d'aller encore mieux parce qu'il y aura justement des gens qui arriveront de l'extérieur, qui arriveront avec une perspective différente, qui seront capables de contribuer justement au succès et en ayant moins le nez collé, à tous les jours, sur les opérations, etc., de l'organisation...

Puis, encore une fois, ce n'est pas une question, je pense, de le voir comme une opposition. Au contraire, un conseil d'administration, c'est là pour soutenir la direction, et évidemment tout ce dont on parle, les problématiques, les débats, il y a des équipes de direction, il y a des comités de régie, des comités d'administration qui peuvent justement faire leur travail, qui vont pouvoir continuer de le faire, et on va pouvoir simplement élargir ça avec des gens qui nous arrivent avec un apport extérieur.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vais reconnaître maintenant le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. J'aime bien, moi, les comptables. Personnellement, j'en ai besoin dans ma vie. Et, dans une ancienne vie, j'étais à l'Union des artistes puis j'ai dû faire appel... et on a eu une collaboration très intense avec des services comptables. Mais la grande différence, c'est qu'effectivement on n'est pas subventionnés par personne, c'est un conseil d'administration entièrement composé d'artistes qui en principe n'ont pas la réputation d'être des gens d'affaires ? pourtant, je crois que plusieurs le sont ? et on a utilisé abondamment des services comptables qu'on payait, mais on a développé une relation très... Donc, je n'ai pas de préjugé à l'égard de ce métier-là, au contraire, j'ai plutôt un préjugé favorable. Et, quand il s'agit des fonds publics, c'est évident que c'est une expertise dont on ne peut pas se passer.

En même temps, vous dites des choses des fois qui sont inquiétantes. Parce que ce que vous venez de dire, que... C'est clair qu'il y a une crainte que les membres externes, dits indépendants, et ça semble être une constatation générale, sont plus facilement influencés par la direction, pour des raisons évidentes: c'est qu'étant moins de l'intérieur ils risquent d'être... de faire, à juste titre, confiance à ceux qui dirigent les établissements. Alors là, il y a une crainte qui doit être... je ne sais pas comment vous... doit être modulée, mais elle existe.

Là où je veux vous poser une question, c'est... Je suis un peu troublé de ce temps-ci. Je regarde... Vous... vous suggérez, par exemple... Vous êtes d'accord avec l'ensemble du projet, puis, dans ce projet de loi, il y a le comité de vérification, et là ça vous touche directement.

À l'article 4.0.37, on dit: «Le comité de vérification doit compter [...] des personnes ayant une compétence en matière comptable.» C'est vous.

«Au moins un des membres du comité doit être membre de l'un des ordres professionnels [des] comptables mentionnés au Code des professions.» Ce sont vos membres.

Là, quand on lit la suite d'alinéas, on trouve le sixième qui dit: Ce comité de vérification doit «réviser toute activité susceptible de nuire à la bonne situation financière [de l'établissement] et qui est portée à son attention par le vérificateur interne ou une autre personne».

Il y a plusieurs autres articles. Le conseil d'administration... Le comité de vérification doit aviser le conseil lorsqu'il découvre des opérations ou des pratiques de gestion...

Sans vouloir entrer dans la polémique, on a des cas patents actuellement, et ça a été l'objet d'une question de ce matin. Et je vous pose la question: Est-ce qu'à l'intérieur des pouvoirs qui sont donnés au comité de vérification, où vous auriez un rôle prépondérant, que feriez-vous dans des situations comme celles qu'on découvre actuellement où des universités en situation de déficit accordent à leurs dirigeants des bonus extrêmement importants, et, sachant que c'est même leurs règles de gouvernance, et je pense que ça, c'est important de le dire, s'appliquent déjà, mutatis mutandis, là, plus ou moins, à des organismes d'État qui ont les mêmes pratiques?

On peut décider et... je veux dire, je ne veux pas préjuger de votre réponse, on peut décider que c'est justifié, ces bonus-là. Mais j'aimerais ça avoir votre avis sur un cas concret: Qu'est-ce qui fait que je devrais croire que votre avis à ce sujet-là sera un avis qui me semblerait plus approprié que l'avis, disons, des syndicats, ou l'avis des gens qui sont à l'intérieur, ou le sens commun, qui semble vouloir dire que, quand on est dans une situation de déficit ou de péril financier, on n'a pas tendance à augmenter une rémunération mais plutôt à la modérer ou à la moduler autrement?

Le Président (M. Marsan): M. Renauld.

M. Renauld (François): Écoutez, sans vouloir faire de... faire des silos, là, je dois dire, d'abord, les comptables évidemment ne se retrouvent pas nécessairement simplement au niveau des comités de vérification. Mais un comptable pourrait se... un CMA pourrait se retrouver aisément... se sentir très bien dans un comité de ressources humaines.

M. Curzi: ...

M. Renauld (François): Alors, évidemment, c'est à un comité de ressources humaines que toute cette question appartiendrait, là, la question de la rémunération des dirigeants, puis etc. Et le contexte, les comparabilités, puis etc., c'est typiquement à un comité comme ça, dans le modèle qui est proposé, qu'appartiendrait d'abord cette première réflexion sur cette question-là.

Maintenant, le comité est là pour par la suite faire des recommandations au conseil d'administration. Donc, au conseil d'administration, il y aurait aussi des gens, majoritairement, avec une représentation de gens indépendants, qui regarderaient ça bien objectivement et qui, à la limite aussi, s'ils ne sont pas satisfaits, pourraient demander qu'il y ait des travaux additionnels qui soient faits, etc., puis justifier des augmentations dans un contexte où l'organisation fait des déficits, ça peut se faire. Je ne suis pas en mesure de... Je ne connais pas les... puis je pense que ce ne serait pas pertinent de parler des cas particuliers, mais ça pourrait. Mais sauf que, si on a des membres de conseils d'administration qui sont bien au fait de l'organisation, qui sont bien formés, qui sont bien rompus à la culture puis aux façons de faire puis à la situation financière de l'organisation, bien on peut miser sur le fait que ces gens-là vont, en toute objectivité, statuer sur la question. Et ce ne sera pas fait en catimini, ce ne sera pas fait à l'intérieur d'un cercle plutôt fermé, et, je pense, c'est ça essentiellement que les gens vont pouvoir faire... un conseil d'administration va pouvoir faire, en tout cas.

n (12 h 20) n

Tantôt, au début de votre intervention, vous dites: Le conseil d'administration est habituellement influencé principalement par l'équipe de direction: le recteur, ses vice-recteurs, etc. Peut-être. Mais, précisément ce qu'on essaie de faire, puis ce qu'on essaie de faire dans toutes les formes de gouvernance un peu... qui s'inspirent des bonnes pratiques, c'est précisément de... de rendre moins... moins continue cette espèce de lien où le conseil d'administration est strictement alimenté par l'équipe de direction.

Je suis le dirigeant, moi, puis je fais le briefing à mon conseil d'administration, et ils prennent tout ce que je leur dis, puis tout est vrai, puis tout est beau, M. Renauld l'a dit. Bien, dans un modèle de gouvernance comme on parle ici, moi, ma compréhension, c'est que justement on essaie de rendre... de faire en sorte que le conseil d'administration développe une certaine indépendance par rapport à l'équipe de direction, donc que le conseil soit capable de réfléchir par lui-même et non pas parce que M. le chef de l'établissement a dit: Bien, voici, c'est ça qu'il faut faire. Alors... Puis, au besoin...

Puis, quand tantôt je parlais de ressources puis de formation, les ressources, ça veut dire que le conseil d'administration, qui n'est pas content, va être capable de dire: Écoute, nous, on va aller en consultation externe. On va aller en consultation externe puis on va avoir les ressources pour payer les consultants externes 8 000 $, 10 000 $ pour faire faire un comparable et puis faire faire un calibrage de poste, puis savoir si ce recteur-là, il doit être payé x milliers de dollars de plus ou avoir un bonus de tout. Donc, c'est ça.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Renauld. M. le député de Borduas.

M. Curzi: Bien, juste un commentaire. Vous êtes conscient cependant qu'actuellement, lorsque les règles de gouvernance... Puis je suis d'accord avec vous, le comité des ressources humaines aussi, vous pourriez... parce qu'il définit des politiques de... tu sais, de rémunération, entre autres, mais vous êtes d'accord qu'actuellement les exemples qui sont visibles, là, généralisés et que le sens commun peut analyser ne tendent pas à confirmer votre opinion. Ce qui se passe actuellement, lorsque les règles de gouvernance qui donnent cette possibilité-là à un conseil d'administration ou à ses comités... aux comités qui en dépendent d'intervenir, par exemple, dans la rémunération des hauts dirigeants, pour le moment ça ne semble pas avoir été efficace. C'est difficile de croire que, du jour au lendemain, cette culture-là va s'imposer, alors qu'elle ne semble pas...

Vous comprenez ce que je veux dire, je pense. Et c'est compréhensible aussi que des gens dont le métier est de considérer les affaires aient tendance à avoir une opinion favorable, même si la situation de l'ensemble... Je pense à la Caisse de dépôt, tu sais, il y a plein d'exemples actuellement, là, je pense à l'Université du Québec, il y a plein d'endroits où on se dit: Crime! malgré les mécanismes en place, ça n'a pas eu d'effet.

Alors, vous nous demandez en quelque sorte un préjugé favorable à votre égard, mais en même temps vous exprimez un préjugé défavorable face aux gens qui ont vraiment des intérêts à défendre à l'intérieur d'un conseil. C'est juste un... vous pouvez commenter mon commentaire...

Le Président (M. Marsan): Je sais aussi, il reste très peu de temps, et la députée de Champlain voulait faire une intervention également.

Mme Champagne: Oui, une courte intervention, M. Renauld. Madame, bonjour. Il est évident que j'ai lu et relu votre document, et c'est une phrase, à la conclusion, qui me faisait dire: Ça va définitivement nous faire jaser ? ce qui est le cas ce matin ? quand vous dites: L'Ordre des CMA accueille favorablement l'initiative gouvernementale qui permettrait aux établissements d'enseignement québécois de se doter de véritables conseils d'administration. Et vous vous doutez un peu qu'est-ce que ça sous-entend: c'est que ceux qui sont là n'étaient pas des véritables conseils d'administration.

Et j'ai beaucoup de misère également avec le mot «indépendance», à savoir est-ce que les indépendants sont si indépendants que cela? On est toujours dépendants de quelque chose dans la vie. Si tu appartiens à un organisme XYZ dans le monde des affaires, que je respecte énormément puis que je côtoie régulièrement parce qu'on en a besoin, ils vont siéger au niveau des conseils d'administration avec une nouvelle approche, je n'en doute même pas, mais tout individu, même ceux qui n'ont pas la mission dans l'âme et dans le coeur vont avoir également... peut-être avoir ce genre d'influence là.

Alors, ma question, elle est très courte, et probablement que le temps va nous permettre d'avoir une courte réponse, là. Moi, je pense qu'il va falloir tendre vers une espèce de parité, si on veut acheter une certaine paix, quitte à moduler ça avec le temps, puis que, si on s'en va en mettant de côté... en disant qu'un 25 % c'est déjà trop parce qu'ils vont être trop influencés, on va créer un litige qui n'aura pas de fin, puis on va mettre dans la tête de nos universités et de nos collèges ? parce qu'il y a les deux groupes, là, en cause présentement ? qu'en fin de compte c'est une gang de pas bons pendant 40 ans, et voilà que maintenant on va te les mettre au pas. Et je le dis comme je le pense, que c'est l'impression que ça va laisser. Il ne faudrait pas que ça laisse là... que ça reste...

Le Président (M. Marsan): ...laisser finir...

Mme Champagne: ...que ça laisse cela, et je pense que la ministre également l'a très bien dit...

Le Président (M. Marsan): Merci...

Mme Champagne: ...et très bien saisi tantôt, là.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la députée de Champlain. Le temps est écoulé, le temps avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant passer aux échanges avec le deuxième groupe d'opposition, et je vais reconnaître le député de Chauveau, qui est le porte-parole en matière d'éducation. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Monsieur, madame, ça me fait plaisir de vous saluer. Soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Je n'ai pas de cachette à vous faire que j'ai beaucoup aimé votre propos, et la plupart des choses que vous avez dites, nous sommes en accord. Et je l'ai d'ailleurs dit souvent ici, à cette table, à l'Assemblée nationale, sur l'importance de l'expérience et de l'expertise des gens de l'extérieur, des gens du milieu des affaires. Leur contribution est essentielle d'abord à l'essor économique du Québec et à la création de la richesse dont nous avons tant besoin, et, si par bonheur ces gens-là ont la générosité de vouloir s'impliquer et s'engager à l'intérieur de la gestion de nos organismes publics, ils sont les bienvenus. Au cours des derniers jours, on a accueilli, à cette table, des gens qui avaient une opinion franchement contraire. Ça fait du bien à entendre. Je n'irais pas jusqu'à dire: Ça a été de la musique à mes oreilles, parce qu'un de mes prédécesseurs a dit ça. Alors, je lui laisse cette exclusivité-là.

Maintenant, il y a deux points que vous avez mentionnés qui m'ont un peu... je ne dirais pas «surpris», mais, disons, qui ont attiré mon attention. Tout d'abord, quand vous dites que vous avez siégé, là, au sein d'un conseil d'administration et vous nous avez dit en toute candeur et en toute franchise que c'est une véritable perte de temps, malheureusement c'étaient les craintes que, nous, à l'ADQ, nous avons, depuis des années, à l'effet qu'il n'y a plus aucun sens de la responsabilité au Québec, et qu'il est temps que notre société, notre nation se ressaisisse par rapport à ça et procède au redressement national nécessaire qui est de rendre responsables et autonomes les conseils d'administration et chacune de nos entités. Votre témoignage va exactement dans le sens que ce que, nous, nous dénonçons depuis trop de temps. Donc, je le salue.

Par contre, quand vous avez dit: Vous savez, les étudiants qui siègent aux conseils d'administration, ils ne sont pas... ils sont des humains, et tout ça, donc ils vont... ils ont un préjugé favorable, oui, je suis entièrement d'accord avec vous, mais c'est pour ça qu'ils sont là, justement. Ils sont là parce qu'ils représentent quelque chose à l'intérieur d'une institution, et on a besoin de ce son de cloche pour qu'après ça globalement une opinion puisse émerger et soit intéressante.

Maintenant, mon temps est court, je veux juste vous poser une question. Vous savez qu'on est ici essentiellement en raison d'une grande catastrophe financière, soit la dérive financière et bureaucratique de l'Îlot Voyageur, qui a coûté des dizaines de millions de dollars à l'État québécois. Plusieurs nous ont dit que toutes celles et ceux qui avaient envoyé le drapeau rouge... signalé le drapeau rouge en disant: Ça ne va pas bien, il faut faire attention, c'étaient des gens de l'interne, et les gens de l'externe, eux, dans le conseil d'administration, avaient un peu fermé les yeux là-dessus. J'aimerais vous entendre là-dessus. Et, dans un deuxième temps, est-ce que, selon vous, le projet de loi va permettre d'éviter d'autres catastrophes comme l'Îlot Voyageur?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Renauld.

M. Renauld (François): Bon, je pense, répondons d'abord à votre dernière intervention, là, l'Îlot Voyageur. Bon, écoutez, je pense qu'il n'y aura jamais rien qui va nous garantir... ce n'est pas un projet de loi, ce n'est pas des règles qui vont garantir ça, mais je pense que ce qu'on a là va nous permettre probablement de se sécuriser beaucoup plus par rapport à ce genre de situation là.

Parce qu'à travers ça il faut se rappeler que fondamentalement ? puis ce qu'encore une fois un projet de loi ne peut pas faire ? c'est qu'à la base de tout ça il y a des valeurs fondamentales qui doivent être véhiculées dans la société puis dans... auprès... dans ces conseils d'administration, des valeurs vraiment intrinsèques qui appartiennent donc par définition à des individus, des valeurs d'honnêteté, de transparence, d'éthique, etc., et ça, les règles ne font pas ça. Alors ça, c'est assez fondamental, puis, je pense, ça fait partie du choix des profils qu'on aura à faire puis des gens qu'on aura à amener sur les conseils d'administration parce que ça, c'est l'exécution, puis c'est vraiment là qu'on aura l'heure juste par rapport à ça.

Maintenant, quand vous parlez des étudiants, je me permets de revenir sur le propos. Moi, je n'ai rien contre les étudiants. Au contraire, je vis avec des étudiants; les candidats à la profession de CMA, ils sont au départ des étudiants. Alors, c'est mon pain quotidien. Mais les étudiants, leur place, ce n'est pas sur un conseil d'administration, on va leur faire une place encore, là, puis on est d'accord avec ça, mais on ne va pas leur donner le contrôle du conseil d'administration.

Si on veut écouter les étudiants, puis je pense que l'institution doit écouter ses étudiants, ce sont ses clients, comme une entreprise va sonder ses clients, va avoir de la rétroaction, mais comment ça fonctionne? On prend cette rétroaction-là, cette température des clients et puis on l'amène là où elle doit amener... là où elle doit être amenée: à un comité de direction, etc. Puis on va faire rapport au conseil d'administration, on va dire: Voici ce que nos clients pensent, voici la réaction, voici la rétroaction de nos clients. Mais ils n'ont pas besoin de siéger puis de conduire les destinées de l'organisation.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau, il reste un petit peu plus de une minute.

M. Deltell: Oui. Bien, je ne reviendrais pas là-dessus, mais je veux revenir à ma question précédente concernant l'interne et l'externe. Je reviens sur la question de l'UQAM parce que c'est pour ça qu'on est ici. Puis je comprends que c'est vrai que personne n'est à l'abri de catastrophes, mais quand même, comment vous expliquez le fait que tous les gens de l'interne avaient envoyé le drapeau rouge et tous les gens de l'externe avaient fermé les yeux? Comment vous expliquez ça?

Le Président (M. Marsan): M. Renauld, rapidement.

M. Renauld (François): Écoutez, rapidement, moi, je n'étais pas là, évidemment, vous comprendrez, puis je ne veux pas nécessairement intervenir là-dessus, mais la question à se poser, c'est: Est-ce que les gens de... que vous appelez de l'externe, est-ce que ces gens-là étaient vraiment au courant? Est-ce qu'ils avaient l'information adéquate qui était véhiculée? Parce que c'est ça qu'il faut s'assurer.

n (12 h 30) n

Quand on va vouloir s'inspirer des bonnes pratiques de gouvernance, la contrepartie de ça, c'est qu'il va falloir que les gens des conseils d'administration soient, comme je l'ai dit tantôt, bien formés mais bien informés aussi, puis au fait des...

M. Deltell: ...imputables?

M. Renauld (François): ...bien, oui, imputables! Mais on est imputables dans la mesure où justement où on sait de quoi on parle. Donc, c'est ça.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Je remercie l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec. Je remercie M. François Renauld, Mme Marie-Andrée Giroux.

Et je vous informe de ne pas laisser vos effets personnels dans la salle, il y a un caucus, je pense.

Et là-dessus la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci et bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et également sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Alors, nous poursuivons les travaux que nous avons commencés ce matin et nous accueillons aujourd'hui l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, et chacun des deux partis ? parce qu'on va travailler, les deux partis, ensemble cet après-midi ? aura droit à une période d'échange de 30 minutes qui suivra la présentation de l'Institut de la gouvernance pour une période maximum de 30 minutes. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir, et je demanderais à M. Nadeau, le directeur général, de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de commencer votre présentation.

Institut sur la gouvernance
d'organisations privées et publiques
(IGOPP)

M. Nadeau (Michel): Je vais passer la parole à M. Yvan Allaire, président du conseil de l'institut.

Le Président (M. Marsan): Excusez-moi, je voulais juste rectifier quelque chose avant de vous laisser la parole. Alors, c'est vraiment 1 h 30 min. Ce que j'ai voulu dire, c'est que vous aviez une demi-heure pour votre présentation, et chacun des partis, le parti ministériel et l'opposition officielle, aura également 30 minutes pour débattre et pour échanger avec vous. Alors, de nouveau, je vais laisser la parole à M. Allaire.

M. Allaire (Yvan): Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, je vous présente bien sûr Michel Nadeau, à ma droite, qui est le directeur général de l'institut, et, à ma gauche, Jean-Marie Toulouse, d'ailleurs jusqu'à récemment directeur des HEC, qui est professeur et qui est le président du groupe de travail qui a produit et rendu public, le 18 septembre 2007, un rapport sur la gouvernance des universités.

n (15 h 10) n

En fait, notre intervention aujourd'hui s'inspire de ce rapport qui proposait un certain nombre de principes de gouvernance. Nous invitions les universités à faire l'examen de leur gouvernance à la lumière de ces principes. Nous ne croyons pas qu'une loi soit nécessaire, puisque la ministre aurait pu demander aux universités de dire comment elles allaient ajuster leur gouvernance à ces principes, mais enfin c'est... le principe de la loi est une façon directe d'amener ce résultat.

Je pense que, par ailleurs, il est important de baliser dès le départ notre propos et notre intention comme institut. Il est pour nous essentiel, je dirais même le message essentiel de notre rapport, que l'autonomie des universités sera préservée par une gouvernance de haut niveau...

Le Président (M. Marsan): Excusez. Est-ce que c'est possible d'avoir... d'augmenter le son, s'il vous plaît? Excusez, M. Allaire, la parole est à vous de nouveau.

M. Allaire (Yvan): Oui. Alors, la pierre angulaire de notre rapport, le rapport du groupe de travail de l'IGOPP, est à l'effet qu'une gouvernance de haut niveau constitue la meilleure garantie d'autonomie universitaire. Un conseil d'administration légitime et crédible devient le rempart protecteur de cette autonomie. Alors, à plusieurs endroits, à plusieurs moments, on a entendu dire que cette agitation autour de la gouvernance des universités mettait en péril l'autonomie des universités. Nous croyons que c'est tout à fait le contraire, que c'est avec une faible gouvernance que l'autonomie des universités sera en péril. Plus sa gouvernance est forte, crédible, plus l'autonomie est ainsi protégée.

Il est également un aspect qui a fait beaucoup parler, c'est l'indépendance. Nous recommandons une forte majorité de membres indépendants au conseil des universités. Nous croyons que cela est essentiel pour que justement cette autonomie soit bien protégée et que cette indépendance prenne la forme d'une représentation de gens crédibles, qui connaissent l'universitaire mais qui ne sont pas évidemment des gens internes à l'université en particulier. On a parfois tenté d'interpréter cette notion d'indépendance comme signifiant des gens qui ne connaissent rien à l'université et qui se retrouvent au conseil de l'université; loin de nous, puisque nous insistons sur le fait que l'indépendance n'est qu'une condition nécessaire et non suffisante. Ce qui est important à un conseil, c'est sa crédibilité, la crédibilité de ses membres. La crédibilité, c'est un mélange de compétence et de fiabilité que l'on accorde aux membres du conseil.

Je vais demander à Jean-Marie de passer rapidement les principaux... les principales recommandations de notre mémoire en ce qui concerne les universités, et nous reviendrons par la suite sur les cégeps, puisqu'on a aussi produit un mémoire sur les cégeps.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Toulouse, la parole est à vous.

M. Toulouse (Jean-Marie): Alors, merci beaucoup de nous recevoir. Alors, je voudrais juste continuer dans la logique que M. Allaire vient d'esquisser. Dans le mémoire, on passe... après avoir parlé de cette question d'autonomie, on passe à la gouvernance qu'on a appelée une gouvernance adaptée au monde universitaire. Et ici il y a quelques idées fondamentales qu'on essaie d'exprimer. Cette gouvernance-là, elle est fortement teintée par comment... par quel... par le processus qu'on utilise pour établir la stratégie des institutions. Et ceci met en cause à la fois qui est l'acteur principal de la stratégie, comment la stratégie est déterminée et quels sont les rôles des acteurs dans cette stratégie-là.

Et, pour être beaucoup plus précis, on indique dans le rapport qu'une stratégie d'une institution universitaire ne peut pas être la stratégie du conseil, c'est d'abord et avant tout la stratégie du recteur ou des membres de l'institution. Le conseil reçoit la stratégie, la regarde, fait ses commentaires, mais il n'est pas l'acteur qui fabrique la stratégie. L'acteur qui fabrique la stratégie doit être le recteur, mais il ne peut pas le faire seul, et ça, c'est important à comprendre autant pour les cégeps que pour les universités. Il faut trouver une façon de concevoir la stratégie qui permet aux acteurs de l'institution universitaire d'être des... l'intervenant majeur dans la confection de la stratégie.

Et évidemment, parmi ces intervenants majeurs, ça pose toute la question du rôle des professeurs par rapport au rôle des autres acteurs. Et c'est clair que tous les acteurs ne sont pas de même niveau dans une institution universitaire, et, dans le cas des cégeps comme dans le cas des universités, les professeurs ont un rôle spécial à jouer en particulier sur la stratégie, et c'est une des caractéristiques importantes du monde universitaire, et il faut que le... on espère que le projet de loi va bien refléter ça et s'éloigner de l'idée que c'est une stratégie du conseil qui est comme décidée et avalisée par le conseil. Le conseil reçoit la proposition stratégique du... ça a été corrigé dans le nouveau projet d'ailleurs, reçoit la proposition et la discute, mais retourne ça au recteur pour finalement intégrer les commentaires et finalement l'approuver de façon finale pour que ce soit celle de l'institution.

Le deuxième aspect, évidemment c'est le choix des dirigeants. Dans le cas des universités en particulier, si vous allez dans la vie de toutes les institutions universitaires, vous allez toujours remarquer que la période qui correspond à celle où on va choisir un nouveau recteur est une période intense pour plusieurs raisons, mais ça symbolise à un autre niveau l'importance clé de cet acteur clé. Et, au niveau de la gouvernance, ça veut dire que le comment on arrive à choisir cette personne dans les processus, c'est extrêmement important. Et le processus doit être tel qu'il va permettre de reconnaître qu'on a choisi la personne la plus compétente, mais aussi qu'on l'a fait en accordant à cette personne-là toute la légitimité dont elle a besoin pour exercer son rôle.

Et on revient souvent, M. Allaire l'a mentionné tout à l'heure, sur l'importance de ces deux concepts qui sont la compétence et la légitimité. C'est important dans le monde universitaire parce que le recteur ne peut pas agir s'il est perçu comme non légitime par la communauté. C'est extrêmement difficile d'agir autrement, alors donc, dans ce choix des dirigeants.

L'autre point qu'on soulève évidemment, c'est la coordination des actions. Dans la structure de certaines institutions universitaires québécoises, il y a des instances supérieures parallèles, et l'existence d'instances supérieures parallèles pose un problème qu'il faut résoudre, qui est le problème de la coordination. Ça veut dire... Prenons des modèles.

Selon les modèles d'université, si vous avez un sénat et un conseil d'administration, les deux ne peuvent pas marcher en parallèle jusque vers l'éternité. À un moment donné, il faut qu'il y ait une certaine coordination. Le comment de la coordination, ça ne nous appartient pas de choisir. Je crois que les institutions sont capables de le faire. Mais la nécessité de coordonner, c'est ce qu'on voulait suggérer. Parce que, si vous avez trois ou quatre instances souveraines dans une entreprise, dans une institution, un jour ou l'autre, vous allez avoir des difficultés d'articuler les souverainetés. Et il faut trouver une façon pour que ces souverainetés s'articulent, s'intègrent les unes aux autres. Il y a plusieurs façons, mais ce n'est pas à nous de les choisir.

Et la dernière caractéristique de ce qu'on a appelé, dans le rapport, une gouvernance universitaire concerne la reddition de comptes. Et la reddition de comptes, ce qu'on a proposé dans le rapport qu'on avait écrit et ce qu'on reprend dans le rapport qu'on a déposé, c'est le principe d'une reddition complète et transparente. Le mot «complet» réfère aux volets d'activité d'une institution et de façon plus concrète réfère en général à ce qui est écrit dans la mission de l'institution. Alors, dans la mission des universités en général, vous avez à peu près toujours les trois mêmes composantes: l'enseignement, la recherche avancée et le service à la communauté. Et la même question va se poser pour les cégeps, j'en parlerai tout à l'heure.

Et évidemment, donc, il faut que la reddition de comptes parle de ces éléments qui sont dans les missions puisqu'elles sont... la mission est supposée de refléter ce que l'institution est supposée de faire dans la société, sa contribution. Donc, la reddition de comptes doit se référer à ça. Et on a ajouté «transparente», transparente dans le sens qu'elle doit... on doit la faire à tous les acteurs de l'institution, mais avec deux petits caveats. On fait la reddition de comptes, mais il faut, en même temps qu'on le fait, permettre une discussion avec les parties prenantes. Ça ne sert à rien de faire une reddition de comptes dans le journal ou sur le site Web. Ce qu'il faut faire, c'est une reddition de comptes avec les gens qui sont dans l'institution.

Et là vous avez toutes les questions: Est-ce que vous incluez tous les groupes? C'est à discuter dans chacun des cas. On a suggéré qu'au moins tous les groupes majeurs doivent avoir la chance de recevoir de la part du recteur la reddition de comptes et avoir la possibilité de débattre, de discuter de la reddition de comptes. Et c'est dans cette discussion-là qu'il risque d'y avoir un ferment de la vitalité de l'institution et surtout de permettre aux gens de savoir où est-ce qu'on s'en va avec la stratégie qu'on a avancée.

n (15 h 20) n

L'autre question évidemment qu'on a abordée, c'est les membres du C.A. L'indépendance, M. Allaire vient d'en parler. La diversité, on en a parlé également. La légitimité, et l'indépendance, et la crédibilité, ça va ensemble, on ne peut pas séparer ces choses-là. Beaucoup de gens n'ont vu... n'ont lu que ce paragraphe-là en arrêtant après le mot «indépendant», ils n'ont pas regardé «compétence» et «légitimité». Il y a des gens qui souhaiteraient être au conseil d'une université et qui n'ont aucune compétence pour y être, et il faut avoir l'honnêteté de le leur dire. Et il y a des gens qui voudraient y être et qui n'ont aucune légitimité pour y être. Alors, il faut trouver une façon que ces trois aspects-là se conjuguent pour choisir les personnes qui vont être là.

Évidemment, en termes de taille, on a aussi répété ce qu'on avait recommandé dans le rapport des principes de groupe de travail, des conseils qui sont d'une taille raisonnable pour qu'on soit capables de travailler, entre 12 et 20, 24 personnes, ça devrait permettre d'avoir des conseils normaux. Évidemment, dans certains pays, on a vu les conseils aller jusqu'à 60 membres. En général, ce n'est pas des conseils très efficaces, ce genre de chose. Il en reste... Au Québec, on est... il ne faut pas trop lever la tête, parce qu'au Québec on a un cas de 40. Alors, il faut bien... Nous autres aussi, on a des choses à réfléchir.

On a parlé des comités, alors les comités... Le projet de loi est resté assez proche des recommandations qu'on avait formulées. Ce qu'on a dit essentiellement dans ces recommandations, c'est d'identifier quels comités, identifier clairement leurs mandats, on retrouve cet esprit-là dans les projets de loi. Il y a juste une petite chose qu'on a soulevée, dans le rapport, concernant le comité de vérification: l'obligation de déclarer par écrit si on constate une irrégularité. On soulève qu'il faut manier cet outil avec beaucoup de délicatesse, parce que, si on rend ça public, souvent l'enquête va s'arrêter là, parce que... bon, vous savez pourquoi.

Et évidemment, dans le projet de loi, ça se termine aussi par des mesures transitoires. Ce qu'on a essayé de dire dans le rapport, c'est que le temps de la transition nous semble un peu court. Ça, c'est un jugement que chacun peut poser. On croit que laisser un petit peu plus de temps aux universités pour s'adapter à ce qui est dans le projet de loi serait probablement une mesure utile et qui permettrait peut-être que tranquillement un certain nombre de choses prennent leur place.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Toulouse. M. Allaire.

M. Allaire (Yvan): Oui. Juste un dernier point avant de passer aux cégeps, enfin le mémoire sur la loi sur la gouvernance des cégeps. L'institut, en juin 2009, a pris position sur la question de... le conseil constitué... le rôle, la place des femmes au conseil. Ce que l'institut... la conclusion à laquelle le groupe de travail, formé sur ce thème-là... c'est 40 % de femmes, 40 % d'hommes, le 20 % devant... reflétant les caractéristiques, la culture, les circonstances aussi, de ne pas s'aligner mathématiquement sur un 50 %, ça rend les choses très difficiles, mais d'avoir des masses critiques, parfois ça peut être 60 % de femmes, 40 % d'hommes, mais essentiellement les masses critiques, on a vu ça ailleurs, que ça rend la... ça rend cette gestion de la présence significative des femmes ? et, dans quelques années, on dira des hommes ? à des conseils d'administration plus facile à gérer.

Sur la... notre mémoire sur les cégeps, Michel, tu peux d'abord...

Le Président (M. Marsan): M. Nadeau, la parole est à vous.

M. Nadeau (Michel): Merci bien, M. le Président. Alors, dans le cas du projet de loi n° 44, nous avons repris un peu les mêmes principes que dans le cas du projet de loi n° 38, ces principes d'une bonne gouvernance. Il faut dire, il faut rappeler que l'Institut sur la gouvernance travaille avec cinq groupes... cinq groupes, cinq publics particuliers: les PME québécoises, tout le domaine de la santé ? nous avons visité pas moins de 84 CSSS où nous avons donné une formation de six heures sur la bonne gouvernance, nous allons voir de façon très active ce que le projet de loi sur la gouvernance du système de santé va annoncer bientôt ? dans le domaine de l'éducation, dans le domaine des comités de placement dans les régimes de retraite, et finalement, naturellement, les sociétés d'État. Donc, ces principes-là, que nous retrouvons dans notre mémoire sur les cégeps, sont les mêmes, c'est-à-dire ceux d'une majorité d'administrateurs indépendants, la séparation des rôles entre le président du conseil et le président.

Sur le cégep, je dirai deux choses en particulier. La structure des cégeps régionaux, ce conseil d'administration qui chapeaute un autre conseil d'administration, c'est une structure très lourde et qui sera très difficile à gérer. Or, nous croyons que deux conseils d'administration ne devraient pas être superposés, d'autant plus qu'il y aura 21 membres, c'est ce qui va faire de très gros conseils de ces cégeps régionaux, de Lanaudière en particulier. Or donc, nous croyons qu'il devrait y avoir, au niveau du cégep régional, comme les autres cégeps... mais, si on veut donner une structure au niveau des cégeps constituants, ça devrait être un comité aviseur qui pourrait fournir des réactions au conseil d'administration du cégep régional.

Pour ce qui est de la mission, la mission évidemment, c'est le défi du conseil d'administration, formuler une mission qui est adéquate. Or, le projet de loi n° 44 ouvre deux avenues intéressantes: celle de la recherche appliquée et celle des services à la collectivité pour les cégeps. Nous n'avons pas d'objection à ce que ces deux fenêtres soient maintenant accessibles pour les cégeps, mais il est important, selon nous, qu'on définisse bien, que le gouvernement précise bien ce qu'il entend par la recherche appliquée. Évidemment, les établissements universitaires vont être un petit peu sensibles à cette arrivée des cégeps dans ce champ qu'ils occupent en bonne partie jusqu'à maintenant. Or donc, il faudrait préciser les attentes du gouvernement, du ministère, par rapport aux cégeps dans ce qui a trait à la recherche appliquée.

Il en va de même pour ce qui est des services à la collectivité. Encore une fois, c'est une expression qui entre très bien dans le triple mandat des établissements universitaires, mais là, lorsqu'on le retrouve dans le cas des cégeps, ça a probablement sa raison d'être, mais il faudrait voir, encore une fois, comment ce concept est complexe et comment le ministère, le gouvernement devrait le préciser pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, que les attentes soient les mêmes un petit peu partout.

Or, nous reprenons, dans le reste de notre rapport, quatre points sur la gouvernance des conseils d'administration, la gouvernance des différents comités de cégep, la gouvernance de la commission des études et finalement tout l'aspect de la reddition de comptes. Je vais demander à Jean-Marie Toulouse peut-être de mentionner quelques mots sur ces quatre points.

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui, merci. Alors, évidemment, sur la mission, donc on vient d'en parler. Évidemment... Peut-être un aspect important qu'on ajoute dans le rapport sur les cégeps, ça concerne encore le processus stratégique. Il y a dans le projet de loi des aspects qui sont un petit peu difficiles à comprendre, et on croit que... À la fois dans le cas des cégeps comme dans le cas des universités, qui doit prendre en charge le processus stratégique? C'est le directeur général, hein. Fondamentalement, c'est lui ou elle qui doit prendre ça en charge.

Et, deuxièmement, le comment établir la stratégie, il est là aussi très important. Et le comment... Dans le cas des cégeps, on a introduit une idée qui est... Il faut consulter... Le plan stratégique financier fait l'objet au préalable d'un comité consultatif représentatif de la communauté collégiale. Nous vous suggérons de remplacer ça tout simplement par une consultation de la communauté collégiale. Au fond que... Parce qu'un comité consultatif... Un directeur général qui ne consulte qu'un comité consultatif dans un monde où vous avez... où les acteurs principaux sont, au fond, des professeurs, il est extrêmement important de s'assurer que la stratégie est structurée pour leur laisser la place qui leur revient et laisser la place aussi aux autres acteurs. Et cette idée de consulter un comité consultatif, là, c'est embêtant au niveau de la stratégie. Parce qu'il ne faut jamais oublier que, dans le cas des cégeps et dans le cas des universités, l'implantation de la stratégie repose fondamentalement sur la tête des professeurs dans les deux cas. Comme dans le cas des hôpitaux, l'implantation de la stratégie repose sur la tête des médecins. Alors, on ne peut pas les tenir à l'extérieur de la fabrication du processus stratégique, et c'est pour ça qu'on suggère de revenir à ça.

n (15 h 30) n

Et évidemment, dans le quoi, quel est le contenu du plan stratégique, il y a déjà un certain nombre d'idées qui sont mentionnées. On intègre l'idée que le plan de réussite doit faire partie du plan stratégique. Ça m'apparaît un peu une tautologie avec l'orientation stratégique comme telle, parce que je ne vois pas un cégep qui ne se donnerait pas, par exemple, dans son plan stratégique, des objectifs de diplomation pour chacun de son... hein, chacun des deux côtés. Et je crois qu'à ce moment-là les autres mesures qu'on retrouve habituellement dans les plans de diplomation... dans le plan de réussite scolaire, ce n'est peut-être pas nécessaire dans le plan stratégique, ça peut exister à côté.

Au niveau des comités, on a suggéré un certain nombre de petits ajustements qui ne sont pas des choses majeures. Évidemment, le principe fondamental qu'on a suivi dans ces commentaires qui concernent les comités, c'est souvent de s'assurer que les comités font le travail préparatoire dont le conseil aura besoin quand il va s'acquitter de certaines des tâches. Par exemple, quand on dit: «Le conseil va évaluer la compétence des membres» ou bien quand on...

Pensez au comité de vérification, par exemple, quand on arrive sur les dimensions financières. Ces comités-là doivent faire le travail d'alimenter le conseil qui aura ce qu'il lui faut quand arriveront les discussions là-dessus. Et, dans quelques cas, ce n'est pas tout à fait assez clairement indiqué. On a l'impression que c'est le conseil qui doit faire ce travail-là, alors qu'en fait c'est... Le conseil le fait après... en recevant la recommandation des comités appropriés. Ça s'applique pour le comité de gouvernance encore, ça s'applique aussi pour le comité de ressources humaines. C'est un petit peu technique, mais c'est important, parce que, dans la vie quotidienne, c'est ces choses-là qui souvent posent... Vous savez, les Anglais ont une belle expression, hein. Le diable est à quelque part très particulier pour les Anglais, puis il est dans les détails, et ça, c'est un exemple important de ça.

La commission des études, on souligne... on vous avait... on avait mentionné déjà, on répète cette même chose: la loi est muette sur le comité... la commission des études, et on vous suggère de penser à l'idée de peut-être préciser les pouvoirs de la commission des études et surtout de porter une attention spéciale à qui a accès à la commission des études, qui devrait être là, qui devrait être là. Et je préfère, au fond, vous laisser un peu comprendre pourquoi cette recommandation-là, il ne m'appartient pas de... En tout cas, on y reviendra, si vous voulez, mais on est convaincus qu'il y a une importance à faire attention à qui va s'asseoir à cette commission-là pour qu'elle joue son rôle de comité des études. Et aussi ça va permettre de clarifier un irritant dont vous avez sûrement entendu parler. Actuellement, les directeurs de commissions des études siègent au conseil. Dans le nouveau plan, ils ne siègent pas. Je crois qu'une des façons de résoudre cet irritant, c'est de préciser les pouvoirs et préciser qui va là. Ça va simplifier les choses et, à ce moment-là, ce sera plus facile à gérer.

Et le dernier point évidemment qu'on soulève, c'est la reddition de comptes. Évidemment, c'est le même principe qu'on utilise, qu'on avait utilisé pour les universités: reddition de comptes complète et transparente. Cependant, comme le projet de loi est assez spécifique dans la mission, et qu'il ajoute le concept de recherche appliquée, et il ajoute également le concept de service à la communauté, et il précise aussi différentes composantes de la mission au niveau de l'enseignement, ça, ça va avoir comme conséquence directe qu'il devra y avoir reddition de comptes sur ce qui est écrit dans cette mission-là. Parce que, quand on décide de quoi on va parler dans la reddition de comptes, la première question qu'on fait... la première chose qu'on fait, quand on est une université ou un cégep, c'est qu'on regarde qu'est-ce qu'il y a dans la mission. Et on dit: Au fond, la société s'attend que je réponde de ces choses qu'il y a là. Et alors, là, on a ajouté différents éléments, donc.

Je vous souligne, à la fois pour les cégeps comme pour les universités, une question qui est difficile au niveau de la reddition de comptes et qui le sera pour beaucoup de gens, c'est la partie service à la collectivité, parce que c'est une partie plus... qui a plusieurs ramifications, un petit peu plus complexe à évaluer. Et souvent on va avoir tendance, dans certaines institutions, à regarder, si vous prenez les universités, la recherche et l'enseignement et on passe vite sur le service à la collectivité. Dans ce cas-ci, on l'introduit pour les cégeps, il est déjà là pour les universités. Ça va amener les institutions, et le ministère, et le gouvernement à réfléchir sur comment on va, dans la reddition de comptes, s'adresser à cette question du service à la communauté.

À partir du moment où on le met là, on n'a pas le choix. Il est mis dans la mission, donc il faut en parler dans la reddition de comptes. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie pour votre présentation. Nous allons immédiatement commencer nos échanges avec le parti ministériel, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Je dois vous dire que vous faites une présentation qui est très dense et, en même temps, vous y avez apporté un élément de synthèse qui suscite très franchement plusieurs questions. Alors, j'irai rapidement droit au but, et mon entrée en matière sera la suivante: C'est que vous avez dû prendre connaissance, là, des débats, depuis maintenant plus de deux semaines, à l'effet que ce projet de loi est un projet de loi qui tout simplement reprend ce que d'aucuns appellent une culture, une organisation très managériale et qui reflète un peu la façon de gérer les entreprises privées. Et plusieurs intervenants ont dit: Bien, au fond, la ministre de l'Éducation et le gouvernement, la seule chose qu'ils ont faite, c'est qu'ils ont pris le rapport de l'IGOPP, et puis ils l'ont transformé en loi. Et on a été témoins de remarques et de critiques assez sévères à cet égard-là, notamment du fait que vous soutenez que la composition du conseil d'administration doit être, doit refléter une majorité d'administrateurs indépendants. Et les personnes qui sont venues jusqu'à maintenant... Et je crois comprendre que nos collègues de l'opposition sont d'accord avec le fait qu'on ne devrait pas parler de membres ou d'administrateurs dépendants ou indépendants, cette notion d'indépendance heurte, et souhaiteraient que nous puissions davantage parler de membres externes et de membres internes.

Évidemment, nos légistes nous mettent en garde contre une telle tendance, parce que nous sommes en train... Et ce que nous souhaitons, c'est de définir clairement, le plus possible, mais je dirais clairement, des règles de gouvernance. On ne doit pas confondre la gouvernance avec la gestion de l'entreprise. On a voulu nous amener beaucoup sur ce terrain-là.

On nous a dit aussi que les membres indépendants... Et je regarde la composition de votre institution, de votre institut, je le dis amicalement, mais il n'en demeure pas moins que la composition de votre institut reflète le milieu des affaires essentiellement. Et la crainte, puisque nous semblons copier votre rapport, c'est de dire: Bien, un peu ce qui existe actuellement, les conseils d'administration seront composés très majoritairement de gens d'affaires, même si, dans la loi, nous avons... et j'ai ouvert la porte pour préciser ce que sera la diversité, etc. Mais ils disent: Nous, là, selon la tradition, bien, ceux qui oeuvrent quotidiennement dans l'université sont vraiment les personnes qui peuvent le mieux comprendre le sens de la mission de l'enseignement, et nous sommes tout à fait inquiets de perdre cette collégialité. M. Allaire parlait de la garantie de l'autonomie, imaginez-vous quand on est rendus à l'autonomie. Mais là, moi, je veux vous amener sur le terrain de la collégialité.

M. Toulouse, vous l'avez vécu, vous dites: C'est le recteur qui doit porter la planification stratégique. Mais, quand je vous écoute, ça m'inquiète un peu, parce que très franchement je suis sensible à la nécessité de préserver cette collégialité-là. Alors, qu'est-ce qui va garantir à la communauté universitaire... Parce qu'on dit que les liens entre les membres indépendants et le recteur sont beaucoup trop étroits, ou avec la direction de l'institution, ces liens-là sont trop étroits. Alors, dans vos propos, là, je ne retrouve pas cette... ces éléments qui pourraient être rassurants par rapport à la capacité des dirigeants ? moi, je ne parle pas juste du recteur, je parle des dirigeants ? d'aller non seulement consulter le corps professoral ou la communauté universitaire, mais plus que ça, il faut que ces gens-là adhèrent. On ne peut pas... Vous avez utilisé, M. Toulouse, le mot «consulter», mais est-ce que ce n'est pas un peu plus que consulter, si on veut aller chercher cette nécessaire adhésion sur des enjeux primordiaux?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Toulouse, la parole est à vous.

n (15 h 40) n

M. Toulouse (Jean-Marie): Je vais juste essayer d'aller un peu plus loin dans ce que j'ai dit. Dans le rapport, en fait, dans celui-ci comme dans le précédent, on a essayé de préciser des endroits où la communauté universitaire doit intervenir, hein, et la communauté au sens large, au sens collégialité universitaire, et il y a trois endroits où... à notre avis, il y en a quatre, mais les trois principaux où on croit qu'ils doivent agir de façon assez claire, le premier, évidemment, c'est sur la stratégie.

Et, je vais vous dire, quand j'ai utilisé «consultation de la communauté», ça veut dire... dans le texte qu'on a écrit, c'est marqué: «S'assurer d'une participation active des membres de la communauté universitaire.» Et donc ce qu'on veut dire par là, c'est que la communauté doit participer à élaborer et à dire le quoi de la stratégie, sous le leadership, entre guillemets, du recteur. Et là, ça, c'est très important que ça soit comme ça, parce qu'il faut un engagement, et il y a une expression anglaise, là... et je m'excuse, c'est celles-là qui me viennent aujourd'hui, ce qu'on appelle le «buy-in» d'une stratégie, il faut que la communauté adhère à la stratégie qui est sur la table. Et, pour amener une communauté universitaire à adhérer, on ne fait pas juste une consultation derrière la porte, faisant semblant qu'on a parlé à tout le monde, il faut qu'on parle aux gens de façon significative, et c'est là que les acteurs principaux de l'institution ont beaucoup à dire. Penser aux choix de disciplines, penser aux priorités de recherche, penser à toutes ces choses qui vont se refléter dans un plan stratégique, il faut que la communauté académique parle significativement quand on travaille sur ça. Évidemment, quelqu'un doit intégrer, c'est la job du recteur ou de la rectrice, hein. Donc ça, c'est un point important, et c'est pour ça qu'on insiste tant sur cet élément de la stratégie.

Le deuxième endroit où la communauté doit intervenir, c'est dans le choix du recteur. Et encore une fois on dit: Il faut s'assurer que le processus va garantir une légitimité. Cette légitimité, elle doit être réelle et perçue par les acteurs. Sans aller dans les détails, vous avez connu, moi aussi, des situations où, dès qu'un recteur a été nommé, on a dit: Il n'est pas légitime. Quand vous regardez pourquoi on dit ça, en général, ça veut dire que le processus qui a mené à sa nomination, on ne l'accepte pas, on ne l'a pas débattu, on ne l'a pas... Tout ce qui s'est passé pour arriver à ce choix-là, entre guillemets, est perçu comme problématique. Hein? Un processus qui est perçu problématique ne peut pas donner une légitimité à l'acteur choisi. Et là, encore une fois, il faut que la communauté intervienne sur cet élément-là, parce que c'est elle, perceptuellement, qui va définir la légitimité.

Et l'autre endroit qui, pour nous, est majeur, c'est au niveau de la reddition de comptes, parce qu'entre vous et moi la reddition de comptes, au fond, c'est un retour sur le succès de la stratégie. Ça a fonctionné ou ça n'a pas fonctionné, la stratégie. Et là il faut encore donner la parole à la communauté, parce que la communauté, elle le sait si, oui ou non, la stratégie fonctionne, elle le sait, parce qu'elle le sent à tous les jours, parce qu'elle le vit à tous les jours. Donc, il faut lui permettre de dire au recteur, au président du conseil: Nous, là, cette stratégie-là qu'on a supportée, on est très contents des résultats...

Une voix: ...

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui, je vais juste compléter. On est très contents des résultats ou on n'est pas satisfaits des résultats que ça donne, et il faut que ça se dise dans le contexte d'une reddition de comptes claire, transparente, complète où ces choses sont abordées, et non pas juste une fois à tous les six ans quand on change de recteur.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Toulouse. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Oui. Je comprends bien, M. Toulouse, mais vous apportez deux exemples: la planification stratégique, le choix du recteur. Prenons des exemples connus où ça s'est fait correctement dans les communautés. Les communautés disent: Nous, c'est cette planification stratégique, c'est ce recteur, arrivent au conseil d'administration composé majoritairement d'administrateurs indépendants, dans ce cas-ci ou la majorité des cas, issus du milieu des affaires, et là le conseil d'administration, parce que c'est une majorité d'indépendants, dit: Non, non, non, nous, ce n'est pas ça qu'on veut, et ils font fi de ce que la communauté veut. Je veux dire, ça, ce sont aussi des exemples vécus.

Une voix: ...

Mme Courchesne: Bien sûr. Comment on se met à l'abri de ça?

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est arrivé dans quelques universités au Québec et hors Québec, ce genre de situation, et ça a été des situations très malheureuses, parce que le conseil, au fond, qui fait ça ne respecte pas la communauté, au fond, ne respecte pas le recteur qu'il a nommé et choisi, et ce n'est pas comme ça que ça doit... C'est pour ça qu'on dit... on a essayé de choisir les mots, quand on a dit ça, on a dit: Le conseil reçoit la stratégie, l'examine, fait ses commentaires, et ça, ça veut dire que, si, par exemple, disons, il n'est pas d'accord, il doit... le recteur doit retourner à la communauté pour parler de ça. C'est ça que ça veut dire.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je comprends très bien, M. Toulouse, mais comprenons ensemble qu'actuellement c'est ce qui inquiète profondément la communauté universitaire. Parce qu'il n'y a pas un seul exemple, il y a plusieurs exemples. Alors, moi, je vais pousser plus loin en vous disant: Est-ce que... J'aimerais que vous portiez, le mieux possible, là, sans personnaliser... Mais est-ce que je me trompe si je dis qu'au Québec actuellement il y a vraiment un problème de gouvernance au niveau de nos institutions publiques?

Ce que je veux dire par là, c'est que... Est-ce que c'est un... Est-ce que c'est parce qu'il y a une méconnaissance des rôles et fonctions? Est-ce que c'est parce qu'il y a un manque de formation des administrateurs? Est-ce que c'est parce que les personnes qui acceptent, souvent, des personnes prestigieuses, avec énormément de notoriété, qui ont connu de grands succès dans notre société, est-ce que c'est parce qu'ils acceptent mais une fois sur place se désintéressent? Parce qu'on se fait dire que ces membres indépendants sont trop occupés, ne connaissent pas... ne sont pas bien placés puis ne connaissent pas comment se vit l'université, ne lisent que peu leurs documents. Mettez-vous à ma place, ministre de l'Éducation qui aimerait bien que ce projet de loi soit adopté mais qui reçoit ces commentaires.

Et, vous savez, je sais que ça se passe aussi comme ça. Je suis une grande fille, je vois le terrain, je vois comment ça se passe. Alors, vous, là, qui êtes quotidiennement plongé dans les meilleures pratiques de la gouvernance, qu'est-ce qu'il faut faire pour concilier deux points de vue qui semblent inconciliables?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): ...qu'on a dit dans le document et qu'on va répéter. Les administrateurs doivent être des personnes qui assument leurs responsabilités. Hein? Si des gens ne viennent pas et ne lisent pas leurs documents, ils ne rencontrent pas leurs responsabilités. Et puisque vous abordez cette question-là, je vais la pousser aussi un cran plus loin. Il y a des membres internes qui ne lisent pas leurs documents aussi, quand ils viennent au conseil, hein. Il faut faire attention quand on lance cette pierre. Elle a deux côtés, la pierre. Et il y a des gens qui pensent qu'ils savent tout ce qu'il y a dans ces documents-là, donc ils n'ont pas besoin de les lire. Ça, ça s'applique de toutes les façons, et il faut vivre avec cette réalité-là.

L'absence présumée beaucoup plus grande des administrateurs externes, ça se peut. Mais, moi, dans les conseils universitaires que j'ai connus, ce n'est pas ça que j'ai connu. Il y en a peut-être, mais, moi, ce n'est pas ça que j'ai connu. Quand j'ai parlé avec les gens des universités, il y en a quelques-uns qui ont soulevé ça, mais ce n'est pas la majorité qui a soulevé ça, hein. Il y a des cas comme ça. Il y a des illustres inconnus, mais c'est pour ça qu'il y a un comité de gouvernance, il y a des illustres absents, et le rôle du comité de gouvernance, de temps en temps, c'est de dire au président du conseil: Ces deux personnes-là sont trop absentes, vous devriez leur dire ou d'être présents ou de se retirer. Et c'est la beauté d'un comité de gouvernance. Ce n'est pas... Personne n'a l'odieux de faire ça. Le comité de gouvernance a cette responsabilité-là de veiller à ce que la participation et la contribution des gens soient correctes et conformes.

Alors, juste avant de céder...

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Allaire...

M. Toulouse (Jean-Marie): Je voulais juste mentionner une autre chose, Mme la ministre.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Toulouse, en terminant.

M. Toulouse (Jean-Marie): Il y a une autre question que vous posez. Il y a une chose qui est plus difficile pour les membres externes, mais c'est aussi difficile pour les gens internes. Dans le cas des universités comme dans le cas des cégeps, il y a une mission qui est spécifique et qui est dans les textes, et il y a des gens qui n'ont pas lu souvent qu'est-ce qui est écrit dans la mission. C'est pour ça qu'on a dit: Cette mission-là doit être rappelée régulièrement, remise sur la table, utilisée pour guider des discussions, parce que c'est comme ça qu'on va réussir à résoudre ça.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Toulouse. M. Allaire.

n (15 h 50) n

M. Allaire (Yvan): Oui. Je pense que l'institut a été créé justement parce qu'il y a une carence de gouvernance au Québec, dans les institutions publiques et privées. Et un des problèmes parmi plusieurs, c'est que l'on trébuche, volontairement ou non, sur les termes, sur les mots, sur le lexique. Les termes «externe», «interne» étaient utilisés pendant de nombreuses années dans le secteur privé. On s'est rendu compte qu'«externe» ne permettait pas de dire: Mais est-ce qu'il est indépendant de la direction? Il est externe, il ne travaille pas pour l'entreprise, il ne travaille pas pour l'organisation, mais est-il vraiment indépendant de l'organisation, même s'il n'y travaille pas? Donc, on s'est rendu compte que les mots «externe», «interne» ne permettaient pas de faire cette nuance-là. Mais, nous, mais continuellement, partout, en tout, dans tous nos documents, nous insistons sur «le conseil doit être légitime et crédible».

Et l'indépendance, pour nous, n'est qu'une condition nécessaire et non suffisante de la légitimité. Je suis légitime au moins parce que les gens savent que je n'ai pas d'intérêt personnel dans ce qui se passe au conseil de cette organisation. Mais est-ce que je suis crédible? Et, si on ne va pas chercher la crédibilité ? et c'est vrai dans le secteur privé, c'est vrai dans les entreprises qui pensent être les mieux gouvernées ? lorsque le conseil n'a pas la crédibilité et ne connaît pas à fond la substance de... de quoi il y retourne dans cette entreprise, ils sont de mauvais gouverneurs. C'est la même chose bien sûr dans le milieu universitaire comme dans le milieu privé ou dans le milieu hospitalier, lorsque ce sera le temps d'en parler.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je vous poserais une dernière question, parce que je voudrais laisser mes collègues... je voudrais laisser à mes collègues la chance de vous questionner. Mais je vais donc aller du côté des cégeps. Quand vous dites... vous nous recommandez d'être beaucoup plus précis sur la composition de la commission des études, et son rôle, et tout ? et, M. Toulouse, vous dites même que, si on le faisait différemment dans le projet de loi, ça réglerait encore cette absence du directeur des études du conseil d'administration ? j'essaie de comprendre comment, parce qu'encore une fois la décision finale sur ce dont ont besoin les enseignants se prend quand même au conseil d'administration sur les grandes répartitions budgétaires. Donc... Et ce droit de vote pour le directeur des études au conseil, c'est la façon de pouvoir vraiment porter haut et fort le poids de la commission des études.

Franchement, si, moi, j'ai suggéré qu'on exclue du conseil le D.E., c'est parce que je ne veux pas que le conseil d'administration se mêle des questions académiques et pédagogiques, et, au niveau des universités, je ne veux pas qu'il se mêle non plus de ce qui est une bonne recherche, quelle recherche et s'il y a l'argent pour la recherche; je trouve que, ça, ça peut être laissé à ceux qui en ont la responsabilité pour préserver cette mission.

Alors, est-ce que le fait, dans une loi, d'aller aussi loin, ça n'ouvre pas la porte à justement cette ingérence? Et, M. Allaire, vous disiez: Je ne comprends pas pourquoi on a besoin d'une loi. Moi, je vous dirais que les ministres se succèdent, et habituellement les lois ont une pérennité beaucoup plus grande, et que c'est important de pouvoir camper des principes de gouvernance dans une loi.

Mais, cela dit, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi vous souhaitez que nous allions aussi loin au niveau de la commission des études.

M. Toulouse (Jean-Marie): Je pense que c'est le point...

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): Le point qu'on soulève, ce n'est pas tout à fait ce que vous avez reflété dans votre question. On ne vous dit pas: Donnez un siège, au conseil d'administration, au président de la commission des études; ce n'est pas ça, le point. On dit: Faites attention au mandat de la commission des études et faites attention à qui peut siéger ou doit siéger à la commission des études.

Vous savez, si vous prenez le parallèle avec les universités, ceux qui ont des sénats, ceux qui ont des assemblées universitaires, ceux qui ont des conseils académiques, là, parce que les mots ne sont pas les mêmes partout d'une institution à l'autre, ces choses-là sont précisées dans les documents législatifs, en général, et il y a... Alors, on vous dit: Pensez à la possibilité d'être un petit peu plus précis sur les pouvoirs de la commission des études et qui on souhaiterait... vous souhaiteriez qui soient là. C'est ça, le point. Ça ne veut pas dire... Ça, si vous pensez qu'il est mieux que le président de la commission des études ne siège pas au conseil, ça, ce n'est pas...

Le Président (M. Marsan): Merci. Merci, M. Toulouse. Je vais céder la parole à M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel): Juste pour compléter. Encore une fois, vous avez retenu, au niveau du conseil d'administration, l'idée du profilage, d'avoir un profil de membres, d'expertise, de crédibilité et de légitimité; pour nous, c'est ça qui est essentiel, c'est d'avoir des gens crédibles et légitimes, des gens qui se connaissent, qui sont dévoués à l'organisation, qui peuvent évaluer l'interne.

L'interne ne peut pas s'évaluer lui-même. C'est un concept des années soixante-dix, ça. La collégialité, le consensus, tout ça, on gérait ça comme des coopératives. On s'aperçoit maintenant que, dans l'intérêt public, lorsque le financement est aux 4/5 des fonds publics, il faut s'assurer que l'institution réponde aussi aux besoins de l'ensemble des populations.

Donc, ce qu'on dit au niveau de la commission des études: qu'il y ait un bon profil des membres de cette commission-là, qui répondent au besoin de la spécificité de la commission des études.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Pour conclure là-dessus, l'article 17 de la loi est assez clair sur le mandat de la commission. Mais vous venez dire une chose importante, M. Nadeau. Moi, je trouve que vous allez loin quand vous dites qu'on gère un peu comme les coopératives des années soixante-dix, là. Ça, je trouve ça un peu sévère, ça va un peu trop loin.

Mais vous avez dit une autre chose importante. Vous dites: L'interne ne peut pas évaluer l'interne. Ça, je suis assez d'accord avec ça. C'est un peu... Moi, j'ai le sentiment, depuis deux semaines, que les gens d'interne ne pensent pas qu'ils peuvent être en conflit d'intérêts. Le conflit d'intérêts, ce n'est pas uniquement, pour moi, dans ce cas-ci, un avantage pécuniaire qu'on retire sur des décisions. Un conflit d'intérêts, c'est parce que notre employeur... on veut une promotion, on veut une chaire de recherche, on veut ci, on veut ça, je veux dire. C'est humain, ça existe, puis etc. Et s'évaluer soi-même, je comprends ça.

Vous retournez ça, mettons, disons, au comité de gouvernance, que ce soient les membres du conseil d'administration, ou le comité de ressources humaines, qui va donner des paramètres d'évaluation, etc. Mais là ce qu'on va nous dire, c'est que, si les comités de gouvernance et les comités de ressources humaines sont composés majoritairement de membres indépendants, bien, au fond, c'est la logique inverse qui s'applique. C'est que, là, si on évalue un membre du conseil d'administration au comité de gouvernance, composé majoritairement par des membres indépendants, bien, c'est la même... c'est le même problème. Alors, oui... Bien, je vous rapporte ce qu'on me rapporte. Donc, comment on fait pour changer ces perceptions? Et pourquoi la perception, actuellement, c'est de dire que les membres, les administrateurs indépendants ne peuvent pas être objectifs, et que seuls les gens des... les universitaires sont, eux, objectifs, parce qu'ils créent, vivent et sont le coeur? Moi, là, expliquez-moi comment je fais.

Le Président (M. Marsan): M. Allaire.

M. Allaire (Yvan): Ah! Mais je n'essaierai pas d'expliquer comment on fait. Mais certainement notre propos doit bien être clair. Les membres du conseil tirent leur légitimité de plusieurs sources. Il y a la légitimité qui vient du fait d'être indépendant de l'université et il y a la légitimité qui vient d'être un membre de l'université à part entière, d'être un professeur. Il y a donc plusieurs légitimités au conseil. Il faut faire attention à ça. Le mot «indépendant» ne permet pas cette nuance, mais «légitimité» le permet.

Et ça a été toujours notre point. Et je pense qu'on est continuellement... continuellement à battre le même clou, à frapper sur le même clou, et de dire: Les conseils et les comités du conseil sont consultatifs au conseil. Ils ne sont pas décisionnels. C'est le conseil qui décide. Les membres des comités font un travail, font rapport au conseil, et c'est le conseil qui décide, et donc le conseil ne perd pas l'autorité qui lui revient sur la nomination de membres au conseil, ou sur toutes autres matières, puisque l'autorité ultime, l'autorité décisionnelle ne réside qu'au conseil, et non pas dans les comités.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel): Je pense que, Mme la ministre, vous abordez la question d'un profond changement de culture organisationnelle au Québec. Et ce que vous vivez dans le domaine de l'éducation, dans le cas des PME, c'est la même chose. Dans le cas des comités de retraite, il y a deux membres indépendants, puis on s'en vient aussi sur une parité. Dans les... Or donc, dans tous les autres domaines, dans le domaine de la santé ? je pense que M. Bolduc va arriver avec un projet ? et ça, c'est au Québec et partout ailleurs en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, et ailleurs dans le monde. Mais c'est cette question: Vous êtes à la tête d'une organisation, vous devez rendre des comptes. Or, il y a...

L'État a confié la formation, la recherche, les services à la collectivité à des établissements universitaires qui ont été créés, tout ça. Il y a des gens qui, quotidiennement, remplissent ce rôle-là. Ces gens qui remplissent quotidiennement ce rôle-là doivent être imputables devant quelqu'un. Ils doivent être imputables devant des tiers. Alors, si on veut avoir un Québec concurrentiel et performant, il faut que nos institutions rendent des comptes à quelqu'un sur leur mandat. Et ça ne peut pas flotter en l'air comme ça, que la haute direction, le personnel se rend des comptes à lui-même.

Évidemment, on va s'autogratifier. Dans un contexte comme ça, il est important d'avoir des gens experts, compétents, qui ne sont pas seulement des gens d'affaires. Nous, des professeurs retraités, des gens qui dirigent dans d'autres domaines, des administrateurs compétents, il y a... Nous donnons de la formation, le Collège des administrateurs donne de la formation en gouvernance, mais des gens qui ont un vécu, qui ont un vécu de gestion de grandes organisations, qui sont... qui ont été à la tête de grandes organisations, notamment.

Alors, je pense que le conseil d'administration reçoit le rapport de l'interne, l'interne est présent, il y a des échanges, mais il faut bâtir au Québec des organisations concurrentielles.

n (16 heures) n

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Trois-Rivières, la parole est à vous.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Merci pour vos mémoires. Vous apportez un nouvel éclairage de la gouvernance, et, comme vous avez une bonne expérience en cette matière, je voudrais juste qu'on aille un petit plus loin sur ce que vous disiez.

Comment ça se fait qu'au Québec les gens qui viennent... la majorité des gens qui sont venus nous parler depuis le début des consultations nous parlent de l'importance d'une forte représentativité de l'interne, hein, particulièrement... autant au niveau des universités, je pense, que des collèges, alors qu'aux États-Unis on voit très souvent l'inverse? Qu'est-ce... C'est quoi, ce phénomène-là? Il y a certainement quelque chose qui sous-tend ça. Est-ce que vous avez étudié ça? Est-ce que vous êtes capables de nous expliquer... je ne sais pas comment le qualifier, mais cette crainte-là qu'on sent présentement?

Le Président (M. Marsan): M. Allaire.

M. Allaire (Yvan): Bien, écoutez, je pense qu'on a... C'est un changement assez important et, comme tout changement, ça suscite des appréhensions. Nous disons dans notre texte qu'on comprend certaines des appréhensions, perte de... crainte de perte, crainte de perdre de l'autonomie universitaire, crainte qu'éventuellement, oui, il y ait une mainmise du milieu des affaires sur l'université. Enfin, notre propos dans le rapport que nous avons rendu public dans ce mémoire et dans le texte de la loi, autant que nous la... que nous l'interprétons, on pense que ce sont des craintes non fondées, mais en même temps elles font partie d'un bagage et d'une certaine conception de l'université dont on fait état, nous, à la page 8.

Et il faut dire en passant que, Jean-Marie et moi, nous avons ensemble probablement 70 ans de vie universitaire et presque la plus grande partie de ça comme professeurs et non pas comme administrateurs universitaires, et non pas comme administrateurs d'entreprise. Et donc je dois dire que cette définition qui est là, une conception noble et attrayante de l'université, d'avoir une communauté de chercheurs, etc., moi, c'était ma conception de l'université quand je suis entré, il y a très longtemps, à l'université, et c'était simple. Elle était beaucoup plus simple, moins... pas compliquée. On avait des petites facultés, 400 étudiants, etc., à l'Université de Sherbrooke à l'époque. Maintenant, c'est devenu complexe, diversifié, ramifié, et donc... et donc cette vision-là qui nous... encore une fois, que l'on... que l'on avait en nous et qui est extrêmement noble, elle nous semble maintenant, nous universitaires, hein, nous universitaires depuis longtemps encore, d'ailleurs... maintenant doit céder la place.

Et il y a le principe important: une gouvernance doit respecter la règle simple que personne ne devrait être juge et partie dans l'attribution et l'utilisation des fonds publics. Et je pense que ça, ça fait partie de la trame qui amène une gouvernance, et qui amène une gouvernance imputable, imputable puisque la grande partie des fonds publics... les fonds viennent du public.

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): ...vous voulez intervenir? Je voudrais vous avertir: il ne reste seulement qu'une minute à nos échanges avec le parti ministériel.

M. Toulouse (Jean-Marie): Très bien. Alors, deux petits commentaires en réponse à votre question. Puisque vous référez à d'autres pays, une des raisons, c'est qu'on a dit, dans le premier rapport: Il y a, dans ces institutions, des gens où les questions qui les guident, c'est toujours la même chose: Ce que nous sommes en train de faire, est-ce que c'est conforme à notre mission?, et qui posent toujours cette question-là. Malheureusement, dans nos institutions ici, cette question-là n'est pas fréquente. Quand on fait des développements immobiliers, pour spéculer sur des terrains, je ne sais pas si on s'est posé la question: Est-ce que c'est conforme à notre mission, de faire ça? Il faut que cette question soit posée, et, en général, ceux qui la posent le plus, c'est ceux qui sont moins dans institution, parce qu'ils sont comme les gardiens de ça, hein? Et c'est pour ça qu'on a insisté là-dessus.

Le deuxième, c'est un commentaire de Mme la ministre: Le conflit d'intérêts, pour certaines personnes, n'existe que pour les autres, n'existe jamais pour eux. La réalité de la vie, ce n'est pas comme ça. Le conflit d'intérêts, ça existe pour tout le monde.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Ceci termine notre échange avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement. Mme la députée de Taillon, la parole est à vous.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'apprécie beaucoup que vous soyez là, d'abord parce que vous êtes les inspirateurs de ces projets de loi et aussi parce que je reconnais qu'il y a beaucoup de précisions dans ce que vous avez déposé. Toutefois, vous n'êtes pas, vous non plus, sans soulever certains débats, ne serait-ce que par les derniers mots que vous avez relevés, puis je vais commencer par ça, parce qu'on est dans des questions qui me tiennent à coeur mais aussi, me semble-t-il, qui sont très importantes, c'est-à-dire que, si on fait des erreurs, pour les 20 prochaines années, je pense qu'on risque de se retrouver pas au bon endroit au Québec. Je sais que vous avez la même préoccupation, j'ai la même, mais il s'agit de savoir quel est le meilleur chemin pour se rendre là où on veut aller.

Je me permets de reprendre tout de suite ce que vous indiquez à la page 8 du document sur les universités, justement cette conception noble et attrayante de l'université, communauté de chercheurs et d'enseignants. Bon, vous le dites avec une certaine ironie, mettons.

Dans vos propos, tout à l'heure, vous vous êtes référés, entre autres, aux années soixante-dix, que je connais bien parce que j'ai commencé mes études universitaires à ce moment-là, mais, moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que ça ne date pas des années soixante-dix, ça a des siècles, cette conception, ça a des siècles. Les établissements d'enseignement supérieur, particulièrement les universités, se sont construits à travers... à travers les âges et les pays du monde occidental, et d'autres probablement, avec cette idée que la mission dont on parle ici est telle qu'elle doit donner une très large place aux gens qui ne sont pas des employés comme des ouvriers dans une entreprise mais aux gens qui sont des transmetteurs de connaissances et des créateurs de connaissances. Bon. Alors ça, ça impose, me semble-t-il, un regard particulier et donc beaucoup de prudence.

Je ne crois pas que la vertu soit absolue d'un côté ou de l'autre et je ne crois pas qu'on puisse la décréter non plus. Mais la question, pour moi, c'est de savoir: Quelles doivent être les proportions? Il ne s'agit pas de dire: Vive l'autogestion avec uniquement des profs. Puis la vraie autogestion, à l'époque où j'étais étudiante, on souhaitait que ce soient les étudiants, d'ailleurs, même pas les profs, on trouvait que c'était trop embarrassant. Mais je ne rêve pas de ça. Je suis absolument en accord avec l'idée qu'il faille une reddition de comptes, qu'il y a des deniers publics qui sont en cause, que la communauté large doit être consultée, mise dans le coup, qu'elle doit avoir de l'information, absolument d'accord avec ça.

Là où je ne vous suis pas, puis très sincèrement, là, ça fait quand même déjà pas mal d'heures qu'on réfléchit à ça, c'est dans ce lien que vous faites, ce lien inéluctable que vous faites entre une proportion nettement majoritaire de membres externes ? on pourra faire la discussion sur «indépendant» et «externe» ? par rapport aux membres qui proviendraient de la communauté universitaire. Vous faites un lien comme si ces choses-là garantissaient un regard plus juste, plus légitime, plus conséquent, plus honnête, peut-être plus pertinent, peu importe, et là-dessus j'ai du mal à faire ce lien-là puis je n'en vois pas totalement la démonstration. Je commencerais par ça.

M. Nadeau (Michel): Moi, je...

Le Président (M. Marsan): Monsieur... M. Nadeau.

n (16 h 10) n

M. Nadeau (Michel): D'accord. Alors, juste pour revenir aux années soixante, c'est vrai que l'histoire de l'université et de son autonomie, ça remonte à des siècles, comme il y a, depuis des siècles... les souverains, le régime seigneurial, il n'y avait pas de... il n'y avait pas de reddition de comptes, il n'y avait pas d'imputabilité.

Nous laissons ce principe sacré de la recherche universitaire et tout ça à la commission des études pour les cégeps. On l'isole, on la protège, c'est des petites fleurs qu'il faut protéger, cette créativité universitaire. Par contre, ce sont aussi des organisations, et des organisations qui doivent... dont on doit jauger par rapport à l'effort public qui y est apporté, dont on doit juger la performance.

On ne dit pas que la majorité des gens doivent imposer... des membres externes doivent imposer une culture. Non, il y a des échanges. Le principe d'un conseil, c'est: il y a une asymétrie de l'information, il y a un déséquilibre de l'information. Vous avez des professeurs et des étudiants qui sont 40, 50, 60 heures par semaine dans le monde universitaire, dans la communauté collégiale et, de l'autre côté, vous avez des gens qui essaient de comprendre, des gens qui sont férus à la gestion de l'organisation, qui sont compétents, qui sont crédibles, et, de l'échange des deux, on discute, hein, au sein d'un conseil d'administration, on essaie d'avoir une vision éclairée sur qu'est-ce que doit être la mission de l'université, comment on doit annuellement mettre en place le programme, comment on doit évaluer les gens qui dirigent l'université.

Alors, c'est tout simplement ça. Donc, ce n'est pas... on ne va pas à l'autre extrémité. Ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir, entre des gens qui n'ont pas la même information, des échanges. Et ça, actuellement les membres externes n'ont pas beaucoup de poids parce que la culture dominante des conseils est tellement forte, parce que les gens de l'interne ont tellement une grande longueur d'avance qu'ils ne... que les gens de l'externe sont complètement perdus. Alors là, c'est ça qu'il faut rétablir comme équilibre. Et, dans... dans tous les autres domaines, ça fonctionne. On met un statut particulier, là, sur la recherche, la créativité, mais ça demeure une organisation, on gère des dizaines, des centaines de millions de dollars, et il doit y avoir une reddition de comptes. En 2009, toute organisation humaine qui gère des fonds publics doit rendre des comptes, doit avoir des étalons de mesure. On doit mesurer, dans ces trois... ces trois volets, les progrès réalisés d'une année à l'autre.

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): Je voudrais juste ajouter deux commentaires à ce qui vient d'être dit. Le modèle collégial, Mme Malavoy, est un modèle historique, vous avez raison, mais la très grande majorité du vécu de ce modèle s'est passée dans le cadre d'institutions religieuses et de communautés religieuses à travers le monde. Les Églises on créé les universités, les communautés ont créé les universités. Les Jésuites sont encore l'institution qui dirige le plus d'universités à travers le monde.

Il ne faut jamais oublier que, dans cette structure-là, il y a une structure de gouvernance et de direction, parce que le père supérieur ultime, le pape noir... ou mère supérieure ultime est toujours là, et elle surveille, et elle surveille. Il ne faut jamais oublier que ce modèle-là est accompagné de ça. Et ce n'est que depuis 50 ans ? 50 ans ? que les universités québécoises sont des institutions laïques, hein, et il y en a... Celle qu'il y a ici, là, à Québec, depuis le plus longtemps, elle a été plusieurs années dans ce modèle que je viens de décrire. Et c'était une autre sorte d'intervenant, mais il y avait un intervenant suprême qui surveillait. Et on est passé à un modèle laïque, et je n'ai aucun problème avec ça, mais, passant à un modèle laïque, on a... on a à retravailler ce modèle de la collectivité et trouver comment le faire.

Et il y a une université qui a écrit un rapport qui... dans lequel elle réfléchit sur sa propre gouvernance, où elle dit textuellement la chose suivante: Le modèle collégial nous a bien servi pendant... ? je ne vous dirai pas le nombre d'années, parce que vous allez deviner l'université, puis je ne veux pas que vous fassiez... vous faire faire ça ? pendant les années où on a vécu là-dessus, ce modèle nous a bien servis, mais aujourd'hui, ce modèle, il n'est pas... il n'est plus capable, il n'est plus adapté à nos besoins. Et pourquoi, quand vous regardez l'explication de cette université? C'est à cause de ce que M. Nadeau vient de dire: L'université moderne est extrêmement complexe.

Moi, j'ai dirigé HEC et je peux vous dire diriger HEC, diriger l'Université Laval, diriger n'importe quelle institution comme ça, c'est plus complexe que bien des grosses entreprises privées, beaucoup plus complexe...

Le Président (M. Marsan): Madame...

M. Toulouse (Jean-Marie): ...il faut trouver comment faire avec ça.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Moi, je suis, messieurs, une bonne partie de votre raisonnement. Je ne veux pas retourner au Moyen Âge et je ne veux pas retourner à une approche élitiste où il n'y a que les... les élus de Dieu presque qui peuvent s'instruire. Je ne veux pas retourner là. Je suis d'accord qu'il y a des balises à se donner, je suis d'accord qu'il doit y avoir beaucoup plus de transparence dans ce qui est fait et je suis consciente aussi ? et je le souhaite, qu'on le maintienne ? que c'est de l'argent public qui finance en grande partie nos enseignements... nos établissements d'enseignement supérieur. Ça, j'y tiens absolument.

Là où je suis inquiète... Je vais prendre un exemple. Je le prends... Je ne veux pas exagérer sur cet exemple-là, mais quand même on en a parlé hier. Bon. L'Université McGill, pour laquelle j'ai un profond respect, dans laquelle je salue la qualité et la performance, comme les autres universités, a des questions et de recherche de clientèle et des questions de recherche de financement nouveau. On apprend ? et je ne veux pas faire la polémique là-dessus, mais c'est juste une illustration ? que l'idée leur vient qu'ils pourraient déréglementer un programme régulier de M.B.A.

Moi, je suis une universitaire et j'imagine très bien le genre de discours que j'aurais eu assise autour de la table d'un conseil d'administration devant une telle question, mais je me dis: Pour que ce soit rendu si loin, il y a dû y avoir des gens qui ont trouvé que c'était une bonne idée. Et ma crainte, c'est que ce type de logique prenne le pas. Ma crainte n'est pas que des gens arrivent avec un regard autre, bousculent les habitudes, disent aux universitaires: Vous êtes en vase clos. Je n'ai pas de crainte. Là où j'ai une crainte, c'est quand je me dis: La décision finale va être prise par ces gens-là.

Puis j'ajoute tout de suite, parce que je sais que malgré tout le temps file, mais j'ajoute tout de suite une autre question que j'ai et qui me dérange profondément dans le projet de loi sur les universités, c'est ce que j'appelle le principe de la reproduction. C'est un principe cher à Pierre Bourdieu, dont je célèbre la mémoire, parce qu'il est mort depuis quelques années, mais le principe est le suivant: c'est-à-dire qu'on a des règles telles que les gens se reproduisent entre eux. Alors, quand vous avez, pour être précise, un comité des ressources humaines composé très majoritairement de membres externes qui définissent un profil de recteur qui va être approuvé par un conseil d'administration composé très majoritairement de membres externes, vous vous reproduisez entre vous. Vous déplacez le problème. Vous trouvez qu'il y avait un poids trop grand à la communauté universitaire, et là, à mon avis, on donne un poids trop grand au milieu externe. J'arrête là avant de m'enflammer plus avant.

M. Toulouse (Jean-Marie): Je vais répondre à la première partie puis je vais laisser...

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Toulouse. M. Allaire, hein, je pense, M. Allaire a demandé la parole, alors...

M. Toulouse (Jean-Marie): ...la partie qui est plus difficile. Moi, je vais prendre la plus facile.

Le Président (M. Marsan): Excusez. Juste un instant, s'il vous plaît. Je pense que c'est M. Allaire qui a demandé la parole.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui, O.K., pas de problème.

M. Allaire (Yvan): Je pense qu'un des problèmes, c'est de présumer que les membres dits indépendants... ou externes, si vous préférez, remarquez, mais indépendants sont homogènes. Ils ont une seule opinion et, par leur définition, ils sont externes ou indépendants, ils sont tous toujours d'accord sur les... toute question. Alors, la réalité de fonctionnement des conseils, où il y a, dans le secteur privé, 95 % d'indépendants au conseil: les débats sont souvent féroces et sont souvent avec des opinions très partagées. Pourtant, ce sont tous des indépendants autour de la table.

Donc, je pense que le fait qu'il y ait des gens qui soient là dits indépendants ou dits externes, ça ne... sur toute question, comme celle que vous soulevez à propos de McGill, je suis certain qu'il y aurait des opinions différentes, surtout si on n'associe pas, deuxième association, que le fait d'être indépendant, ça veut dire provenir du milieu des affaires. Ça, je ne sais pas d'où c'est venu, cette notion qu'indépendant ça veut dire venir, provenir du milieu des affaires.

Mme Malavoy: ...souvent le cas.

M. Allaire (Yvan): Non, mais, c'est... c'est aberrant. C'est contraire à toute notre proposition.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): Je voudrais juste donner deux commentaires à votre... la première partie de votre proposition. Vous savez, je vais vous dire, vous raconter une chose qu'on nous a dite, je ne vous dirai pas de qui ça vient: Que le gouvernement nous donne l'argent, nous sommes capables de l'administrer et on sait très bien faire. Le seul problème, c'est que c'est comme si personne n'a le droit de questionner l'usage qu'on fait de l'argent dans ce modèle-là, et les parlants de cette chose étaient des internes, en d'autres mots des gens qui étaient des employés de l'université. Leur idéal, c'était: Que le gouvernement nous envoie un chèque, on sait quoi faire avec. On dit, notre message: Soyons prudents. Ceux qui ne reçoivent pas d'argent, peut-être qu'ils vont être utiles à ces gens-là pour soulever des questions de quel usage qu'on va en faire. Donc, c'est un exemple comme celui que vous avez...

Maintenant, vous abordez le cas de McGill. Je n'ai pas suivi le détail, mais je vais vous dire deux choses. Premièrement, pourquoi on a mentionné la nécessité de coordonner? C'est parce que, dans les universités québécoises, il y a une hypothèse qui est la suivante: l'académique, c'est le sénat ou la commission universitaire, et l'argent, c'est le conseil. Il n'y a pas de telle chose qu'une décision qui est 100 % académique et une décision qui est 100 % argent. C'est toujours mêlé, ces deux affaires-là. Et, quand on dit: Il faut qu'il y ait une coordination, c'est ça que ça veut dire.

Et je reviens à l'exemple de McGill. Moi, ma question, c'est: Est-ce que le sénat s'est prononcé là-dessus? Parce qu'à McGill il y a un sénat, et le sénat, il est académique. Donc, avant de faire des commentaires, là, il faudrait savoir: Est-ce que le sénat a parlé? S'il n'a pas parlé, ce qu'on dit, là, ici, là, nous, c'est que le sénat aurait dû parler, parce qu'il n'y a pas de décisions qui sont purement académiques et il n'y a pas de décisions qui sont purement administratives. Comment? J'ai vu un très bel exemple de ça dans une université anglaise, vraiment anglaise, de comment arriver à faire ça, mais il faut que l'administratif et le... et tous les autres aspects, donc les conseils souverains, se parlent. Il faut trouver comment...

n (16 h 20) n

Le Président (M. Marsan): Merci.

M. Toulouse (Jean-Marie): ...et les traditions universitaires donnent des pistes pour trouver, choisir parmi les comment.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Toulouse. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je vais... Je vais revenir à une question de base que vous avez vous-même, M. Toulouse, abordée en commençant et que j'avais bien lue dans votre rapport, dans sa conclusion. Puis honnêtement je trouve ça important.

Même si on a deux projets de loi sous les yeux, vous avez dit d'entrée de jeu: On n'a pas besoin de projet de loi. Ce que vous avez indiqué, c'est... Ce qui ne voulait pas dire: On n'a pas besoin de la rigueur des 12 principes que nous énonçons. Mais, moi, ce que j'avais compris dans cette formulation de votre conclusion, c'est: Nous voulons qu'il y ait un examen extrêmement sérieux des universités quant à leur gouvernance. Puis là ne discutons pas de points éventuellement d'accord ou de désaccord entre vous et moi sur les contenus, là, mais vous aviez 12 principes et vous disiez: Bien, laissons aux universités le soin de faire leur examen de conscience, évidemment pas seules dans leur champ, là, mais avec, bon, une certaine obligation de rendre des comptes sur le résultat de cet exercice. Et j'en comprenais qu'il y avait là aussi une façon de dire: Bon, elles ne sont pas toutes pareilles, elles n'ont pas toutes la même histoire, elles n'ont pas toutes les mêmes clientèles, elles n'ont pas toutes la même culture. Donc, au lieu d'arriver avec une loi qui va dire: Dorénavant, tout le monde pareil, on ferait peut-être mieux de leur... de les inviter à faire un exercice rigoureux, certes, mais tout de même variable selon leurs propres particularités.

J'aimerais que vous reveniez là-dessus, parce que je trouve que c'est quand même un élément de votre rapport qui était majeur puis qui a complètement glissé, parce qu'on se retrouve avec deux projets de loi assez costauds et qui vont assez dans les détails.

Le Président (M. Marsan): M. Allaire.

M. Allaire (Yvan): C'est moi qui ai rappelé cet élément de rapport. Ce que le groupe de travail proposait, c'est une série de principes, ces principes nous semblant, parce que le groupe de travail était composé de plusieurs représentants d'université, recteurs et ex-recteurs, n'est-ce pas... nous croyions que ces principes étaient valables pour toutes les universités, mais nous n'étions pas en mesure d'examiner justement chacune et de savoir comment ils pourraient être nuancés, aussi le rythme, le rythme d'implantation. Et donc nous avions recommandé que ces principes soient... que nous soumettions soient évalués par les universités, qu'ils fassent état cependant à la ministre de comment ils voyaient ces principes s'appliquer ou pertinents pour leurs propres institutions et comment elles souhaitaient les adopter, selon quel rythme, évidemment laissant toujours le loisir de promulguer une loi si cette démarche-là ne menait pas à des conclusions satisfaisantes, c'est-à-dire que, si on était toujours... si cette démarche n'était pas... ne menait pas à un mouvement important d'amélioration de la gouvernance, je pense qu'à un moment donné il faut l'imposer. Nous croyions qu'il y avait une telle étape, c'était... c'était l'opinion du groupe de travail au moment où le rapport a été déposé, et nous en faisons état dans notre mémoire ici.

M. Nadeau (Michel): Par contre...

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel): ...je pense que nous assistons à un grand débat de société actuellement entre le modèle dans le domaine de la santé et de l'éducation, c'est-à-dire que, dans les années soixante, nous avons bâti des structures centralisées, bureaucratiques à partir de ministères, et il y avait des structures régionales universitaires, cégeps, hôpitaux, CSSS, etc. Dans le cas des universités, il y avait un travail entre les parties internes et les fonctionnaires du ministère. Ce qu'on propose aujourd'hui, la gouvernance, c'est la... Si vous croyez vraiment à la décentralisation, si vous croyez vraiment à la décentralisation, ça prend un modèle sérieux, rigoureux comme celui que... avec une majorité de gens qui n'appartiennent pas au milieu interne.

Il y aura des risques. Il y a un risque, quand on fera le pari de la décentralisation, de dérapage. Oui, ça peut arriver, mais est-ce qu'on veut garder une structure qui actuellement est mi-chair, mi-poisson, qui n'est pas mesurée par personne, dont la performance est très discutable, ou encore une fois on veut faire le pari de donner aux établissements une... un conseil d'administration robuste, discipliné, rigoureux qui formule des visions, qui formule une mission, qui évalue les cadres, et qui nomme, et qui renvoie lorsque l'objectif n'est pas atteint?

C'est un pari de société qu'on doit faire, et je pense que le Québec est prêt dans à peu près tous les domaines à cette ouverture, à prendre ce risque de donner à la population, à la population, pas aux petits groupes internes, à la population le soin de diriger ces organisations.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, on n'aura pas le temps d'aller au fond du débat sur ce qu'on appelle la décentralisation. Je comprends très bien le lien que vous faites. Je comprends même d'ailleurs mieux, à l'aide de ce que vous me dites, certaines remarques très précises que vous faites quant au projet de loi, en disant: Il ne faut pas aller trop loin, que la ministre reçoive tous les procès-verbaux et tous les documents. Je comprends que vous dites: Bon, gardons quand même de l'autonomie. Ça, j'ai... j'ai noté ça.

En même temps... Je vais juste finir là-dessus, parce que je veux parler un petit peu des cégeps. Je me permets de penser qu'il y a autant de présupposés de vertu dans le modèle que vous défendez que dans le modèle actuel, et il est... ce n'est pas exempt de présupposés. O.K.? Et donc, à un moment donné, il y a des choix qui devront être faits.

Moi, je ne me sens pas à l'aise pour appliquer... Ce n'est même pas mutatis mutandis, hein, c'est quasiment sans distinction un modèle qui est un modèle d'entreprise, de société d'État, d'université. Il y a... On dirait qu'il y a, pour moi, une différence de nature entre ces types d'organisation, ce qui ne veut pas dire qu'on doit fermer la porte et ne pas rendre de comptes.

Mais en tout cas on aura l'occasion de toute façon ? on en a encore pour un moment ? de discuter là-dessus. Mais je vous fais... Est-ce que je vous inspire des réactions?

Une voix: Oui, je...

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Allaire, et ensuite M. Toulouse.

M. Allaire (Yvan): Le mutatis mutandis, non, je pense que les principes qui ont été retenus sont des principes qui ont été éprouvés. Il y a toujours un substrat de... conceptuel et de croyances derrière tout ce qui est fait, hein, n'est-ce pas? Ce n'est pas... Il n'y a pas de théorie absolue.

Cependant, je vous fais remarquer que, dans le secteur privé, puisque vous parlez d'une transposition presque intégrale, il n'y a pas de... il n'y a pas de... d'employé, même pas de dirigeant qui siège au conseil, à part du P.D.G. Il y a un conseil d'administration, il n'y a aucune représentation autre des gens de l'entreprise, sauf le P.D.G, et même souvent même pas le P.D.G., et donc... et ainsi de suite. Quant à la nomination du P.D.G., où évidemment le conseil le fait, donc un conseil essentiellement composé d'indépendants nomme le P.D.G. dans toutes les entreprises, il n'y a pas de processus d'évaluation des enjeux, une démarche de consultation auprès de la communauté. Mais, oui, il y a beaucoup d'éléments qui sont très différents de ce qui est proposé ici. On retient ce qui nous semblait les balises les plus essentielles, les plus fondamentales et peut-être les mieux éprouvées de la gouvernance.

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse.

M. Toulouse (Jean-Marie): Deux commentaires. Le premier, c'est qu'affirmer que ce que nous avons proposé, c'est copie conforme de ce qui se fait dans le secteur privé, ce n'est pas... c'est un peu poussé, parce que ce n'est pas vrai. Et ce n'est pas ça, la gouvernance d'une entreprise privée.

Et je vais vous donner deux choses qui font la distinction: la mission dans une entreprise privée qui est là pour faire des profits, c'est une chose, et la mission d'une université, c'est autre chose. Pourquoi on a commencé avec la mission et les traditions, le rapport auquel vous faisiez allusion, c'était justement pour ça, c'est pour refléter le fait que, dans ces institutions-là, il y a un cadre qui vient de la mission qui est un peu la demande sociale par rapport à ça, qu'on n'a pas dans le cas des entreprises privées. Et aussi, au niveau de toutes sortes d'autres éléments, comme M. Allaire vient de le mentionner, ce n'est pas... ce n'est pas la même chose.

Et bien sûr aussi, par ailleurs, on peut... Vous parliez tout à l'heure des... de la question de légiférer ou pas; il y a une petite porte dans la législation qui n'a l'air de rien mais qui va être extrêmement importante pour la suite des choses. Celui ou celle qui a rédigé... parce que, nous, on ne sait pas qui a écrit, hein, a, avec, à mon avis, tout à fait sagesse, décidé de laisser les indicateurs de performance, les indicateurs à la discussion entre les universités...

Mme Courchesne: ...c'est bibi.

n (16 h 30) n

M. Toulouse (Jean-Marie): ... ? bon, bien, bravo! ? entre les institutions et le ministère. Et je peux vous dire, Mme Malavoy, que cette discussion-là va être extrêmement importante, parce que c'est là qu'on va faire l'appariement entre les missions puis les mesures, au fond. Et, pensez, là, ça va poser la question de mesurer la vocation sociale des universités. Il va falloir répondre à ça.

Actuellement, il n'y a pas beaucoup de choses. On a fait faire, au niveau de l'institut, une étude sur cette question-là, et c'est une étude qui soulève 50 questions plutôt que d'en répondre. Mais pour nous dire que, oui, il faut... La première réponse de cette étude, c'est: Oui, il faut s'adresser à la vocation sociale dans la reddition de comptes. Maintenant, comment on mesure? Ça, c'est tout une autre question.

Et peut-être aussi que les universités, étant donné leurs différences, n'ont pas besoin d'avoir toutes les mêmes mesures. Ils n'ont peut-être pas besoin d'avoir toutes les mêmes mesures. Mais il y a une chose qu'à mon avis ils ne peuvent pas éviter, c'est de parler de la formation, de parler de la recherche et de parler du service à la communauté. Il faut qu'ils parlent de ces trois choses-là. Comment? On peut débattre, et peut-être qu'il y a là beaucoup de souplesse qui va être utile.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: M. Toulouse, vous faites référence à un article qui indique que «les universités devront, avec la ministre, établir des indicateurs qualitatifs et quantitatifs», je crois.

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est ça.

Mme Malavoy: Alors, ça permet ce que vous dites, mais ça peut aussi par ailleurs être inquiétant. Tout à l'heure, M. Nadeau parlait de décentralisation. Ça, ce n'est pas de la décentralisation, que la ministre directement, pour chaque université, définisse des indicateurs de performance qualitatifs et quantitatifs. C'est une mesure de contrôle. Elle est... C'est un choix qui est fait là. Mais, je veux dire, ce n'est pas une mesure qui, à l'évidence, va dans le sens de la décentralisation.

Puis, si vous me permettez, je vais poser aussi une autre question par rapport à la décentralisation, mais concernant les cégeps, parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps. C'est le fait... C'est une chose que les cégeps ont regretté quand ils sont venus s'exprimer, c'est que la ministre puisse nommer, sur les 11 membres externes de leurs conseils d'administration, huit de ces membres. Et ils disent: Nous connaissons la réalité de nos régions, nous voulons, nous, des gens non pas nommés par la ministre et par Québec, mais des gens qu'on va identifier nous-mêmes. Ça aussi, ça irait dans le sens d'une décentralisation.

Le Président (M. Marsan): M. Toulouse, la parole est à vous.

M. Toulouse (Jean-Marie): Le choix des membres au niveau des cégeps, nous sommes tout à fait d'accord avec ce commentaire et nous avons d'ailleurs attiré l'attention de la commission sur le fait que ça en fait beaucoup à nommer dans le cas des cégeps, hein. Et on a mis expressément les nombres pour illustrer comment ça devient un petit peu compliqué, là, quand on nomme à gauche et on nomme à droite, et ça fait beaucoup de monde. Et il y a peut-être des solutions alternatives, ça, ça en est une. Mais ce serait... ce serait sage, à notre avis, qu'effectivement il y ait d'autres personnes qui nomment les instances. Ce qu'on avait mentionné d'ailleurs dans le rapport concernant les universités, on avait mentionné qu'il n'est pas nécessaire que les gens qui arrivent au conseil soient nommés par une seule et même instance. C'est ça, le principe auquel vous vous référez, et il n'y a aucun problème avec ça, on est tout à fait d'accord avec ce principe-là. Alors, il n'y a pas de difficulté là.

Et maintenant... tout à l'heure, quand vous avez repris la parole après sur les indicateurs de performance, je pense que je n'ai pas été clair, je n'ai jamais dit que la ministre choisirait les indicateurs de performance. Entre vous et moi, on est mieux de respecter ou de débattre, de discuter ce que les universités vont proposer que de choisir pour elles. Ça ne veut pas dire qu'on n'en parle pas à la ministre. Qu'on en parle à la ministre, ça ne me dérange pas, mais, je pense, ma priorité à moi serait qu'on accepte, au fond, ce que les universités proposent.

Là où je verrais que la ministre peut intervenir, c'est si, vous, dans votre université, vous ne voulez pas parler de la recherche. Là, je pense qu'elle doit intervenir, en disant: Je regrette, c'est dans la mission. La même chose pour le cégep. C'est, en d'autres mots, revenir sur les fondements de la mission. Mais, sur le quoi, il y a assez de souplesse et il y a assez de façons pour le faire ? d'ailleurs, j'ai fait beaucoup de travail avec les cégeps sur cette question-là ? où il y a des possibilités d'arriver à des choses satisfaisantes pour les cégeps et satisfaisantes pour le ministère, le gouvernement, au fond, mais dans lesquelles le choix pèse plus du côté de l'institution que du côté du ministère.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Allaire, M. Nadeau, M. Toulouse, pour les représentations que vous avez faites au nom de l'Institut de la gouvernance d'organisations privées et publiques.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

 

(Reprise à 16 h 39)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux, et nous accueillons M. Pierre Lucier, de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture. M. Lucier, vous savez comment se déroulent nos travaux, alors vous avez une présentation d'un maximum de 30 minutes, et ça va nous faire plaisir de vous écouter.

M. Pierre Lucier

M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. Je vous remercie, vous-même et puis les membres de la commission, Mme la ministre, de m'accueillir ici.

J'ai constaté que le nom de la commission a été modifié, je trouve ça extrêmement plein de sens, éducation et culture. En grec comme en allemand, les deux langues maternelles de la philosophie, c'est le même mot qui est employé, «paideia», culture, éducation, de même qu'en allemand d'ailleurs, «Bildung».

n(16 h 40)n

Je ne suis pas ici pour jouer au gérant d'estrade. Je suis de ceux qui pensent que ceux qui partent doivent s'en aller, c'est ce que je fais. Je voudrais simplement, en toute convivialité, essayer de contribuer à vos travaux, puisque la chose universitaire et collégiale et l'éducation en général, ça correspond à mes intérêts et mes passions les plus profondes, je dirais, avant, pendant et après avoir occupé des fonctions dans l'appareil de l'État.

Je dois faire une déclaration d'intérêt au point de départ. J'ai une très grande idée de l'université, une très, très grande idée de l'université, et aussi du service public. Alors, j'ai essayé d'étudier cette histoire universitaire avec beaucoup de... de précision. J'ai visité des dizaines d'universités, partout dans le monde, et je n'ai fait que développer cet attachement.

Quant au fond, vous aurez compris que le mémoire que j'ai soumis à titre individuel, je dois le souligner, est en appui aux visées de fond des projets de loi, c'est-à-dire quand il est question d'impartialité, d'indépendance, de loyauté, de prudence, de diligence, ou encore d'efficacité, d'efficience, transparence, responsabilité, imputabilité. Ce sont des éléments et des points de repère qui sont au-dessus de toute discussion. Vous aurez compris aussi que je suis en appui sur des précisions relatives aux responsabilités des conseils d'administration, sur la parité hommes-femmes, sur l'utilité des trois comités proposés, de même que sur les règles de divulgation et aussi sur les rapports triennaux que la ministre prévoit déposer.

Je n'ai pas discuté pour ma part de l'opportunité d'une législation. J'ai tenu pour acquis qu'il y aura une loi, me disant qu'un gouvernement qui le dépose... dépose un projet de loi deux fois sur une thématique qui rejoint l'appui populaire, je me suis... j'ai pris pour acquis qu'il y aurait un projet de loi, de sorte que je me suis contenté de soulever un certain nombre de questions sur des éléments qui peut-être pourraient être mieux traités. Dans certains cas, c'est attirer l'attention sur des fils à attacher peut-être, sur certaines vérifications à faire ou encore sur l'explicitation de certains concepts.

J'ai choisi de vous soumettre six questions. J'ai six cibles. C'est un choix. Il aurait pu y en avoir d'autres. La première est de type atmosphérique, je dirais. Je souhaite attirer l'attention de la commission sur le fait que le concept même de gouvernance et même de saine gouvernance est très fortement connoté. Il a des... C'est un concept qui suggère d'autres concepts, et ça tient beaucoup au contexte d'émergence du concept. Vous savez qu'il a été remis vraiment sur la scène par Mme Thatcher et ensuite repris par les organismes internationaux, de sorte qu'il y a, au-delà des vertus de la gouvernance, il y a dans l'utilisation du concept, et du concept de saine gouvernance... Parce que ça laisse entendre que peut-être avant on avait de la gouvernance mais elle n'était pas saine. C'est une manière de confisquer le mot, d'une certaine manière. Donc, il faut savoir que c'est connoté, et il me semble que ce n'est pas étranger aux réticences qu'on peut observer concernant cette perspective-là.

Parce qu'avec ce concept de gouvernance, et le contexte de son émergence, on se rend bien compte qu'il y a une série de... je dirais, de valeurs, une série même d'affirmations implicites, une série de préférences, j'oserais dire, qui sont charriées par le concept. C'est évident qu'il y a, autour de cette entreprise de saine gouvernance dans les organismes internationaux notamment, une préférence pour l'externe par rapport à l'interne, une préférence pour la hiérarchie décisionnelle plutôt que la collégialité, sur la discrétion des embauches plutôt que sur les élections, sur les paradigmes culturels, qui sont plutôt les paradigmes culturels de l'entreprise. Et la preuve en est que, dans le cas présent, nos projets de loi sont un peu des décalques de la loi n° 53, donc, sur la gouvernance dans les sociétés d'État. C'est connoté aussi par l'approche concernant la parité hommes-femmes. Beaucoup de discours sur la gouvernance nous disent: Oui, mais il faut être prudent, vous savez, il ne faut peut-être pas tout de suite 50-50, et ainsi de suite.

Il y a donc une sorte de doctrine implicite autour du concept de gouvernance. Je dis «doctrine», parce qu'il y a presque une orthodoxie. L'IGOPP lui-même nous dit qu'il y a 12 principes, il faut les prendre tous; ce que j'ai appelé amicalement du «tout-ou-rien-isme». Et donc il y a tous les signes, disons, d'une perspective qui en vaut d'autres. Il n'y a pas de quoi nécessairement déchirer sa chemise, mais il faut être clair sur les objectifs qu'on poursuit. Et je me permets d'attirer l'attention de la commission sur l'utilité qu'il y aurait... peut-être est-il trop tard, mais du côté des notes explicatives, ou dans le projet de loi lui-même, ou dans ce qui l'accompagne, qu'on soit très clair, qu'on ne débarque pas avec une gouvernance alors qu'il n'y en avait pas, comme si c'était un commencement absolu. Parce que je crois que ce sont ces connotations-là qui nourrissent les réticences.

D'autant plus que, concernant par exemple le débat externe-interne, on se trouve finalement à dire aux gens à qui on avait déjà dit que ce serait bien que ce soit l'interne, on vient leur dire qu'il faudrait changer ça. Alors, il n'y a pas de modèle absolu, mais c'est évident, là, que, dans le débat, il y a des connotations parasitaires. Et je trouve important d'attirer l'attention de la commission. S'il y avait moyen, d'une manière ou de l'autre, d'être tout à fait au clair sur les objectifs que nous poursuivons, ça pourrait simplement rendre le débat, peut-être, plus fécond.

La deuxième cible de réflexion que je soumets à la commission concerne ce que j'ai appelé le caractère essentiellement académique, excusez le mot, de la «business» universitaire. Le mot «académique» est un anglicisme, comme vous le savez. Je l'ai employé quand même, à mon corps défendant, pour ne pas qu'on... pour bien indiquer un type de réalité qui n'est pas traduit par des concepts comme «universitaire», «scolaire» ou «pédagogique». Ce qui est en cause ici, c'est la spécificité de l'institution universitaire. Bien sûr, on dit, on répète, que l'objet, c'est l'enseignement supérieur, la recherche, les services à la collectivité. Mais c'est la seule mention que fait le projet de loi, au fond, du «core business» de l'université.

Quand on observe les chartes, lois, règlements, statuts, on s'aperçoit que le conseil, il décide de tout. Le menu quotidien d'un conseil d'administration, il est... D'abord, il est toujours, d'une manière ou de l'autre, suprême. Et quand l'IGOPP parle de mécanismes de coordination, il veut dire, au fond, qu'il faut qu'à un moment donné il y en ait un qui tranche. C'est prévu explicitement dans certaines chartes, comme à McGill ou à Laval. C'est prévu, ça. Donc, il y a des mécanismes de coordination, mais, à la fin, il y en a un qui tranche. Donc, un conseil d'administration, dans une université, il décide de choses académiques, fondamentalement. C'est pour ça d'ailleurs que nos... la plupart de nos chartes et de nos... même de la loi de l'UQ, explicitent ce que c'est que l'objet enseignement supérieur et recherche.

C'est quoi? C'est élaborer des programmes, c'est adopter des programmes, décider d'en ouvrir, d'en fermer, d'en maintenir. C'est de décerner des diplômes. C'est de déterminer en priorité des secteurs disciplinaires. C'est de décider où vont se faire les embauches de professeurs. C'est décider quels types d'équipements.

n(16 h 50)n

Bon. Alors, il y a une espèce d'explicitation de l'objet propre de l'université, qui, me semble-t-il, serait intéressante à faire. Il faut décliner un peu cette mission d'enseignement supérieur, et de recherche, ou de services à la collectivité, parce que le conseil d'administration, c'est de ça qu'il décide. Il décide des questions académiques. Et ce n'est pas de l'ingérence, c'est son travail. C'est lui qui a l'ultime mandat. Et dans toutes les chartes, ça finit par être lui. Et donc ça veut dire que, ce conseil-là, il ne flotte pas à côté d'institutions qui auraient des prérogatives académiques propres. Il finit toujours par trancher. Et de sorte qu'il m'apparaît... il m'apparaîtrait normal, en tout cas souhaitable, et même souhaitable, que notre projet de loi dise plus clairement cela: que les gens qui vont être appelés à siéger sur un conseil d'administration s'en viennent gérer une chose, la chose universitaire. Ils viennent traiter de programmes, et tout ça.

Même les orientations stratégiques. C'est quoi, les orientations stratégiques d'une université? C'est... Quand on y regarde de près, les planifications stratégiques, elles nous disent dans quel secteur l'université va se développer, à quel cycle elle va faire des choses, quel type d'équipement elle va privilégier, quel type même d'objet elle va privilégier. Donc, on est en plein... en pleine question académique. Donc, ce n'est pas une épicerie, ce n'est pas Loto-Québec. Donc, il y a un objet propre, et le conseil d'administration est appelé à y circuler abondamment et à prendre des décisions. Quand le projet de loi nous parle... nous dit que les choses doivent se faire dans le respect de la mission, je soumets humblement qu'il faudrait qu'il dise plus que ça. C'est bien le minimum, le respect de la mission, il faut qu'il la promeuve, la mission, il faut qu'il la réalise, il faut qu'il la défende aussi au besoin.

Il faut dire que la loi dans laquelle s'insère cette loi du projet de loi n° 38, et c'est vrai aussi... mais c'est surtout vrai pour 38, vient dans une loi qui est un peu une loi fourre-tout, en fait, où nulle part la mission universitaire n'est définie. Au départ, en 1989, c'était une loi qui voulait protéger l'appellation d'origine contrôlée. Qui a le droit de s'appeler université? On détermine ça. En 1995, il fallait faire quelque chose sur la divulgation des rémunérations des chefs, donc on a fait ça. Là, il faut quelque chose sur la gouvernance, puis on fait ça. Le résultat, c'est qu'on pourrait... enfin, on pourrait profiter de cette insertion d'un chapitre sur la gouvernance pour dire quelque chose de plus, pour décliner la mission universitaire et, au fond, nous faire saisir aussi quels sont les objets sur lesquels le conseil d'administration doit se prononcer.

Et plusieurs de nos chartes, et/ou la Loi de l'Université du Québec, précisent que tout ça, c'est dans un contexte de respect des libertés académiques et d'autonomie. Autrement dit, ce qu'un conseil d'administration d'université a à gérer, c'est la chose académique dans un contexte de liberté académique. Alors, c'est important parce que ça peut avoir des conséquences énormes sur les profils des gens qui pourraient siéger correctement à un conseil d'administration. Ce n'est pas pour rien que l'histoire des universités a montré une forme... des formes variées, mais des formes constantes de collégialité, même dans les régimes ecclésiastiques.

Le mot même «université» en latin médiéval, il veut dire «rassemblement», universitas magistrorum ac discipulorum, c'est un rassemblement de maîtres et d'étudiants. Et le recteur a toujours été défini très, très souvent comme un primus inter pares, c'est le premier parmi les égaux. D'ailleurs, on a encore ça dans la tradition anglo-saxonne, c'est le principal. C'est le principal quoi? C'est le prof principal. McGill prévoit que le principal, s'il ne l'est pas déjà, il va être nommé prof, parce que c'est vraiment ça, la structure du monde universitaire.

Alors, il me semble qu'il y aurait intérêt ? c'est le sens de mon deuxième bloc de réflexion ? s'il était possible d'en dire un peu plus sur la mission à la lumière des chartes, un peu plus sur la mission pour montrer que les objets qui sont traités au conseil d'administration ne sont pas interchangeables avec les objets qui sont traités dans des entreprises ou dans des sociétés d'État qui n'oeuvrent pas en éducation. Ça a des conséquences, ça, par exemple, sur la discussion que je n'ai pas voulu faire mais qui va sûrement se présenter concernant le porte-parole.

La tradition universitaire veut que ce soit le recteur qui soit le porte-parole de l'université. Il est même parfois appelé le président de l'université. Alors, la loi semble prévoir que le président du conseil aura des choses aussi à faire, je pense qu'il va falloir regarder ça, comme il va falloir regarder aussi la compatibilité de la discrétion concernant l'embauche avec tous les processus électifs qui ne datent pas des années soixante-dix, hein. Les universités ont neuf siècles en arrière et elles durent. Donc, il y a là des éléments, me semble-t-il, d'explicitation de la mission, qui rendraient service, qui pourraient peut-être être de nature à rassurer du monde.

Le troisième élément de réflexion concerne le concept d'indépendance. Moi, pour ma part, je n'ai pas voulu, je n'ai pas voulu m'embarquer dans le débat du nombre et des proportions. Je vous dirai, pour avoir pratiqué pendant de nombreuses années ce genre de conseil, d'une certaine manière, c'est assez secondaire parce que ça ne fonctionne pas à coups de votes. Bon. Et, interne ou externe, vous avez une répartition tout à fait, j'allais dire, des talents, des capacités et des compétences qui correspond à ce qu'on trouve dans la nature, de part et d'autre. Bon.

Mais il me semble que c'est un... on ne dit pas tout quand on définit l'indépendance seulement par rapport à l'établissement. Il y a d'autres types de dépendances. Ça pourrait être plus large. On signale qu'il y a des dépendances financières, commerciales, professionnelles, mais il pourrait y en avoir d'autres aussi de type politique, idéologique, et ainsi de suite. Il me semble que, pour préserver l'indépendance de l'université, parce que c'est encore plus important de préserver l'indépendance de l'université que l'indépendance de l'administrateur, il me semble qu'on aurait intérêt à préciser peut-être ces concepts-là. On les a... on a beaucoup identifié indépendant et externe, mais tout le monde à l'externe n'est pas nécessairement indépendant. Il l'est au sens où ils ne sont pas des employés. Mais, par exemple, quand la Chambre de commerce nomme deux membres sur le conseil des Hautes Études commerciales, quand l'archevêque de Montréal en nomme deux sur le conseil de l'Université de Montréal, est-ce qu'on parle de... C'est externe, mais est-ce que c'est dépendant? Ou, quand on définit comme membre externe sur le conseil de Polytechnique le recteur de l'Université de Montréal, c'est le recteur de l'université affiliante, alors il ne fait pas partie des employés mais il n'est pas en contexte d'indépendance.

Même chose pour la diversité. Vous savez, c'est... il y a actuellement, dans certaines lettres patentes, des spécifications qui sont étonnantes à cet égard-là. Par exemple, à l'École de technologie supérieure, on précise: sept personnes venant du milieu industriel. Oui, je comprends, parce que, selon le slogan de l'ETS, c'est Le génie pour l'industrie, mais on est loin de la diversité souhaitée. Ou encore, à Polytechnique, on va préciser qu'il faut que ce soient des ingénieurs. Bon. Alors, il me semble qu'il y a là une... peut-être des clarifications concernant le concept même d'indépendance. C'est peut-être un peu étroit que de lier ça seulement à la dépendance de ceux qui sont sur le «payroll»; c'en est une assurément, mais il y en a d'autres, formes de... il y a des indépendances, disons, qui... il y a des dépendances qui ne sont pas celles seulement de la liste de paie.

Et, dans cette perspective-là, moi, j'ai soulevé deux points spécifiques. On exclut le personnel du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, moi, je pensais que ça allait de soi, mais est-ce que ça voudrait dire que ce serait mieux qu'on nomme des gens du Trésor, des Finances, de la Santé ou... La loi n° 53 sur les sociétés d'État exclut tous les fonctionnaires. Et, si on exclut seulement Éducation, Loisir et Sport, ça veut dire qu'il pourrait y en avoir d'autres. Bon. Alors, c'est... Il me semble que, là, tant qu'à faire cette précision-là, on pourrait aller jusqu'au bout et adopter ce qu'il y a dans la loi n° 53.

C'est la même chose pour le lien philanthropique qui est d'emblée défini comme n'étant pas de la dépendance. Bien, ça peut donner lieu à des situations étranges. Est-ce que, parce que je fais un don important à une université, j'ai le droit d'un ticket au conseil d'administration qui va me donner la possibilité d'aller voir comment ils utilisent le don que j'ai fait? Disons que c'est étonnant. Puisqu'on parle d'indépendance, voici une forme de dépendance qui n'est pas celle du «payroll» mais qui est quand même réelle, me semble-t-il.

n(17 heures)n

Le quatrième point que j'ai... sur lequel j'ai voulu attirer l'attention, c'est celui des dépendances ecclésiastiques résiduaires. Je ne veux pas insister outre mesure là-dessus, ce n'est pas un débat sur la déconfessionnalisation, mais j'attire l'attention sur le fait que ces dépendances, ces liens juridiques peuvent... entrent en conflit direct avec un certain nombre de clauses qui sont dans le projet de loi n° 38 et qu'il va falloir... Je ne pense pas qu'on puisse régler ça simplement en disant: Notre loi s'applique quoi qu'il en soit des chartes, des autres lois. Je crois que ça va être un peu plus compliqué que ça.

On peut toujours dire: C'est théorique. Non, ce n'est pas théorique, et il y a des... et ça ne l'est surtout pas quand il y a des périodes de difficultés. Il y a des gens qui disent parfois que le gouverneur général au Canada, c'est théorique, mais on a vu une situation où ça a pris trois heures de conversation avec un premier ministre pour savoir si la Chambre serait dissoute ou si on allait offrir à d'autres de former un gouvernement. Donc là, ce n'est pas théorique, là, il y avait un pouvoir réel. Et je crois qu'on peut dire qu'il y a, dans ces liens résiduaires, des possibilités de... ou de conflit, ou d'accrochage, ou d'incompatibilité, en tout cas.

Le cinquième bloc de réflexion concerne l'Université du Québec. La loi n° 38, ce n'est pas le lieu de discuter de l'ensemble de l'avenir de l'Université du Québec, mais la loi n° 38 pose des jalons qui vont instituer des dysfonctions, et il me semble qu'il y aurait lieu de revoir cela.

La loi n° 38 applique aux seuls établissements de l'Université du Québec, et non pas à l'Assemblée des gouverneurs, les nouvelles règles de gouvernance, donc leur donnant un statut, d'une certaine manière, plus à jour, et l'Assemblée des gouverneurs va rester sur l'ancienne méthode. Bon. Mais en même temps l'Assemblée des gouverneurs, pour le moment, est la seule instance qui a les pleins pouvoirs universitaires. Il n'y a pas 10 établissements universitaires à l'université... il y a des établissements universitaires, mais les pouvoirs universitaires complets ne sont, pour le moment, qu'à l'Assemblée des gouverneurs. Tous les autres ont des pouvoirs soumis, bon, ou partiels.

Alors, en donnant un statut renouvelé sans rien prévoir pour l'Université du Québec, il me semble qu'on introduit des dysfonctions, et on donne aussi des signaux ambigus en ayant quand même des clauses spéciales concernant trois nominations au conseil d'administration, concernant la fixation du traitement des dirigeants, comme si l'Université du Québec était plus publique, plus d'État, je ne sais trop. Je suis de ceux qui pensent que ça, ça ne résiste pas à l'analyse, on aurait d'autres spécifications pour une université carrément publique ou une université d'État. Et il me semble qu'en procédant sur ces thématiques-là sans avoir un plan de match plus global sur l'Université du Québec... il me semble qu'on met... qu'on procède à l'envers, bon, et qu'on va se retrouver dans des... devant un certain nombre de faits accomplis mais pas vraiment accomplis. Et je ne veux pas ici soupeser le mérite relatif des différentes thèses, tout est... tout est possible, puis l'important, me semble-t-il, est de faire les choses correctement et de façon harmonieuse, bon, avec un plan. Et c'est pour ça que ma recommandation est... serait de surseoir temporairement, comme tout sursis, de surseoir à l'application ou, à tout le moins, d'appliquer aussi à l'Assemblée des gouverneurs ces... les mêmes règles de gouvernance et surtout pas de donner des signaux à l'effet qu'il y a des... qu'il y a des gestes spéciaux que le gouvernement doit accomplir vis-à-vis de l'Université du Québec.

Et ce n'est pas non plus parce qu'éventuellement ce serait l'opinion majoritaire des chefs d'établissement du réseau. On peut comprendre pourquoi ils pensent de cette manière-là maintenant, mais encore faut-il faire les choses correctement. Et encore une fois je n'ai... je n'avance aucune hypothèse sur quel pourrait être ce plan de match, mais je dis seulement qu'il me semble qu'on aurait intérêt à faire ça globalement.

Je reviens sur la chose... sur le deuxième élément sur la mission universitaire. Je me rends compte que j'ai sauté cet élément-là, mais il est pourtant très... il est évident dans mon mémoire. Ça concerne, oui, ça concerne l'exclusion du personnage académique numéro un de l'université du C.A., donc du vice-recteur académique. C'est différemment... Bon, c'est différemment mesuré et prévu dans les chartes et dans les lois. Dans le cas de l'Université du Québec, c'est prévu même dans la loi; dans d'autres cas aussi. Dans d'autres cas, ils sont là comme membres ayant droit de parole sans être membres de plein droit, et ainsi de suite. Mais il me semble qu'il y a, dans l'exclusion du vice-recteur académique du conseil d'administration, une exclusion, je dirais... a priori, quelque chose qui ne correspond pas bien à l'esprit même de... à la mission de l'université puis à l'esprit même qui doit animer l'exercice de cette mission-là.

Et enfin, en sixième lieu ? je termine là-dessus ? je vous ai proposé un certain nombre de réflexions sur les... la loi, le projet de loi n° 44, qui, d'une certaine manière, vont dans la même ligne, et, là aussi, il me semble qu'il y a matière à réflexion, et je crois qu'il faut remettre en question l'exclusion des directeurs des études. D'ailleurs, je pense que... j'ai cru entendre que les cégeps le souhaitaient aussi. Mais il me semble que, là, on glisse et on s'éloigne en tout cas d'une vision solide, même si elle est traditionnelle, d'une maison d'enseignement, me semble-t-il.

Et j'ai soulevé la question des collèges privés. Je sais que c'est une énorme question, mais... les collèges privés subventionnés, mais on ne voit pas bien pourquoi il n'y aurait pas lieu de prévoir un certain nombre... si on en prévoit pour tous les autres, qu'on ne prévoit pas un certain nombre de règles de gouvernance renouvelées pour les collèges privés subventionnés. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Pierre Lucier, de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture. Nous allons ouvrir, commencer nos échanges, et je vais reconnaître d'abord, pour le parti ministériel, la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Lucier, qui eût dit, il y a 20 ans, 25 ans, lorsque nous nous sommes connus, qu'un jour nous nous retrouvions dans cette position, vous assis à cette extrémité de la table, alors que toute votre carrière vous avez été habitué d'être assis plutôt à la gauche du ministre. C'est drôle, la vie, hein, parfois? Parfois, la vie nous présente de ces revirements étonnants.

Mais ça me fait bien plaisir de vous retrouver. J'ai lu votre mémoire, je vous y retrouve, c'est le Pierre Lucier que j'ai toujours connu. Et ce dont je ne doute mais absolument pas, c'est de votre amour profond, votre dévouement, votre... en fait toute cette carrière que vous avez eue, que vous avez consacrée. Et j'insiste sur cet amour profond pour l'éducation d'abord comme valeur première d'une société, comme mission de l'État. J'y reviendrai, mais, pour vous, je vous connais suffisamment pour savoir que c'est bien plus que ça, c'est un engagement. Et je sais que vous avez cet amour profond et ce respect pour l'institution tant au niveau de son histoire, et je suis certaine que vous êtes d'accord avec la députée de Taillon qu'il y a là une histoire de plusieurs siècles, et vous avez un grand respect pour cela parce qu'en plus vous connaissez bien cette histoire-là. Et donc ce mémoire reflète un peu cet engagement que vous avez.

Il y a... Moi, je vais poser deux questions et je vais laisser la parole à mes collègues. Mais, quand vous utilisez, à la page 14... et vous nous avez dit tout à l'heure que l'expression «dans le respect de la mission universitaire», vous dites: Bof! ça veut dire tout et son contraire, tout et rien, et vous dites: Ça devrait être remplacé par «des désignations plus incisives et plus proactives relativement à la promotion et à la défense de la mission universitaire», bien, il y a deux choses, c'est-à-dire qu'on doit respecter... Tu sais, la définition de la mission universitaire et son respect, c'est une chose; la promotion et sa défense en est une autre, à mon avis.

Moi, je voudrais que vous soyez plus précis. Moi, je voudrais mieux comprendre ce que vous voulez dire par «des désignations plus incisives et plus proactives».

n(17 h 10)n

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui, merci. Je vous remercie de... Je remercie Mme la ministre de cet écho personnel. C'est vrai: au-delà des années, la vie est ainsi faite qu'on se retrouve.

Gérer une institution dans le respect de la mission universitaire, moi, je dirais que c'est un minimum. S'il fallait qu'ils ne respectent pas ça...

Mme Courchesne: ...bien d'accord.

M. Lucier (Pierre): Bon. Donc, c'est un minimum. Mais justement c'est un minimum. Je trouve l'expression un petit peu minimaliste, autrement dit, respecter ça. Mais des membres de conseil d'administration, d'après moi, ils... ils l'enfourchent, la mission, hein? Ils l'endossent, la mission. Ils la promeuvent, la mission. Ils la défendent, la mission.

Autrement dit, être plus proactif ou incisif, c'est d'aller au-delà du minimum du respect. J'aurais souhaité ? bien, écoutez, hein, tout se discute ? j'aurais souhaité quelques verbes plus incisifs, parce que, tu sais, «respecter», bien, oui, mais disons que c'est minimal. Mais c'était le sens de cette remarque-là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Donc, c'est probablement... Je comprends. Est-ce que vous êtes d'accord avec M. Toulouse que le recteur... Parce que la mission, oui, c'est... elle va venir de l'interne. Moi, je n'aurais pas de difficulté, par exemple, au même titre que la planification stratégique, que la communauté universitaire propose au conseil d'administration la mission de cette université, de cette autre université. Je crois à la personnalité, à la spécificité de certains... des universités. Toutes n'ont... Toutes ont des missions peut-être semblables, mais il peut y avoir à l'intérieur des missions des caractéristiques qui leur sont propres qui peuvent être énoncées.

Mais ce que vous dites, c'est qu'effectivement, un conseil d'administration, on pourrait dire dans la loi qu'un conseil d'administration doit aussi en faire la promotion et la défense. C'est ça que je comprends?

M. Lucier (Pierre): Oui, de la porter.

Mme Courchesne: De la porter.

M. Lucier (Pierre): Oui, il faut qu'ils la portent, là.

Mme Courchesne: Je comprends ça très bien. Par ailleurs, vous dites que, dans la répartition des pouvoirs et des devoirs de représentation externe du président du conseil d'administration et du premier dirigeant, vous voulez qu'on clarifie ces pouvoirs-là, parce que vous dites: C'est le dirigeant qui est le seul porte-parole officiel de l'établissement universitaire. C'est un peu embêtant s'il est le seul porte-parole officiel. Est-ce que ça veut dire qu'il est le seul à en faire la promotion? Tu sais ce que je veux dire?

M. Lucier (Pierre): Non, non. Non, non.

Mme Courchesne: Non, je comprends la nuance.

M. Lucier (Pierre): Ça, c'est dans les relations publiques, hein? Oui, oui.

Mme Courchesne: Oui, mais les relations publiques, ça va loin ? M. le Président, vous me permettez ? parce que j'ai vécu l'expérience que, par exemple, le président du conseil d'administration ne doit pas parler à la ministre. Ça, on n'accepte pas ça dans le milieu universitaire. Non, non, mais, regarde, vous le savez très bien, parce que c'est seulement le recteur qui doit établir les liens avec la ministre de l'Éducation, le ministre de l'Éducation.

Je veux voir, parce que, pour moi, ce n'est pas qu'une question de relations publiques, là. Je pense que, quand on parle de ce dossier de gouvernance et du rôle des membres du conseil d'administration, de vouloir préciser les rôles et pouvoirs du président par rapport à celui du premier dirigeant, pour moi, il faut que ça aille bien au-delà de la relation publique quand on veut définir, porter au sens que vous le dites, promouvoir et défendre la mission. Ça fait que je voudrais juste qu'on se comprenne là-dessus.

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui. Bien, ce n'est pas une thèse que je soumets. J'observe que, dans la plupart des chartes et des statuts, c'est le recteur qui est le porte-parole officiel. Il n'y en a pas deux.

Mais là, écoutez, un porte-parole officiel, c'est quand c'est... c'est quand ça compte, hein? Moi, je pense qu'il y a beaucoup de dirigeants américains qui peuvent s'adresser, bien, à beaucoup de monde à beaucoup d'instances, et tout ça, mais... Là, aujourd'hui, aux Nations unies, c'est le président Obama, parce que, là, on est au sommet, là, bon. Alors, il faut distinguer ça.

Le projet de loi introduit une sorte de pouvoir, de statut de porte-parole officiel aussi, d'une certaine manière, au président du conseil ? et là on n'en est pas dans les relations avec les ministres, tout ça, là ? de porte-parole officiel, d'une certaine manière, parce que, lui, il a des gestes à poser. Alors, il faudrait préciser ça pour ne... de façon à ce qu'on ne se retrouve pas avec deux porte-parole. Là, on pourrait être embêtés, tu sais.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je comprends ça. Cela dit, pour nous, quel pourrait être le niveau de représentation externe du président de conseil? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que ça pourrait être, la représentation externe d'un président de conseil? Est-ce que le président de conseil, il est là uniquement pour présider le conseil d'administration et qu'en dehors de ce lieu qu'est le conseil d'administration il n'a plus de rôle? Quel est son rôle, au président du conseil? Est-ce que... Quel est son rôle entre... dans le lien qui est à faire entre l'université, par exemple, ou le collège et la communauté?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Bien, moi, je pense qu'il a un rôle de... d'appui public, hein, de présence publique, d'appui public. D'ailleurs, dans plusieurs cas, le président du conseil est en même temps chancelier. Bon. Alors, le... Donc, ça définit une espèce de mission globale de présence publique et d'appui à l'institution, mais ce n'est pas à lui à annoncer des... C'est ça que je veux dire, là, et...

Mme Courchesne: O.K. Ça, j'accepte ça.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre... Oh! Excusez.

M. Lucier (Pierre): ...en général, ils le font bien. Mais, dans la mesure où on introduit quelque chose par la loi, je pense qu'on aurait intérêt à définir, parce qu'il pourrait arriver des cas... je ne donnerai pas d'exemple, là, mais il pourrait arriver des cas où l'harmonie n'est pas là et il pourrait y avoir des annonces contradictoires ou des points de vue qui ne... qui s'accordent mal, alors que, disons, la tradition universitaire et nos chartes indiquent que c'est plutôt le recteur qui est le... le porte-parole.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Oui. Mais en même temps, tu sais, s'il y avait une situation de crise où il n'y a plus d'harmonie entre le recteur et le conseil d'administration, là c'est évident que les deux vont faire valoir leurs points de vue sur la place publique, on s'entend. Mais là on est dans une situation exceptionnelle.

M. Lucier, vous dites... Quand vous parlez de la dépendance et de l'indépendance, vous dites que «tout compte fait, il faut se demander si ne sont pas ainsi occultées de multiples autres dépendances possibles», mais vous dites: «Cela vaut aussi pour les membres issus de la communauté universitaire, qui n'ont pas davantage à se considérer et à se comporter comme des porte-parole de leurs instances associatives.» Vous dites aussi que «l'indépendance absolue n'existe pas ? on est d'accord ? personne n'est de nulle part». On est d'accord. «En revanche, certaines spécifications pourraient constituer des moyens indirects de favoriser l'indépendance des administrateurs, à commencer par l'affirmation nette que ceux-ci doivent être "représentatifs" bien davantage que des "représentants" de leur groupe ou [leur] milieu d'appartenance.»

Or, hier, Québec solidaire, par l'entremise de sa présidente, Mme David, est venu devant nous en disant... et la dame qui était avec elle, Mme Dussault, était très, très affirmative là-dessus, en disant: Pour nous, il est très important que les membres internes soient dûment élus par leurs associations. Mais comment on peut être élu et rejoindre votre point de vue qui dit qu'on ne doit pas se considérer comme des porte-parole de leurs instances associatives? Moi, si je suis membre d'un syndicat puis que j'élis un professeur ? je prends l'exemple des professeurs, je pourrais prendre l'exemple de d'autres ? je m'attends, comme membre de ce syndicat-là, quand j'élis cette personne-là... c'est qu'elle va représenter mon instance associative puis elle va... elle va être, au conseil d'administration, un porte-parole de mon instance associative, alors que, vous, vous dites: Non, ils ne devraient pas être... ils ne devraient pas se comporter comme tel. Alors, comment... Expliquez-moi, là, comment on peut concilier ça.

M. Lucier (Pierre): Je pense que...

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Je pense vraiment qu'ils doivent être plus représentatifs que représentants, parce que... Un cas limite: vous pourriez transformer votre table de conseil d'administration en une table de négociation. Bon. Il y a une différence entre être représentatif dans le cas des profs, par exemple, des points de vue des professeurs, même de... je dirais, des doctrines générales du syndicat et être là... d'aller chercher ses mots d'ordre syndicaux avant de venir siéger. Ça... Et je l'ai vu dans la pratique, ça se passe souvent très bien, ça, et correctement, parce qu'il y a aussi la... dans un conseil d'administration, il y a des forces latérales qui jouent. L'appartenance au conseil finit aussi par amener des gens à prendre une certaine distance non pas par rapport à des positions, mais par rapport à des attitudes, et il me semble qu'il y a quelque chose là. Une fois que quelqu'un est au conseil d'administration, il a les mêmes devoirs que des externes, là, hein? Il doit porter la mission, les intérêts supérieurs, et tout ça. Mais en même temps on espère qu'il représente bien les...

n(17 h 20)n

Mme Courchesne: Des profs.

M. Lucier (Pierre): ...des profs, la pensée générale, tout ça, mais pas nécessairement qu'il va chercher ses mots d'ordre syndicaux avant la réunion. Il me semble que...

Et ça peut se pratiquer, ça. Moi, c'est une doctrine que je prônais avec assez de succès, et j'ai observé qu'effectivement... Moi, je n'ai jamais eu de problème avec les représentants étudiants, profs. Jamais. J'ai peut-être été chanceux, mais... Et ce n'était pas du tout une attitude d'affrontement, mais en même temps on s'attend... évidemment il faut que ce soit fiable pour un conseil d'administration. Si les profs qui sont là ou les étudiants qui sont là sont des originaux ou des ovnis qui ne nous permettent pas de savoir ce que pensent les profs, les étudiants, là on est dans la misère. Mais on souhaite qu'ils soient représentatifs.

«Représentant», c'est très fort, «représentant», hein? Ça veut dire que vous tenez pratiquement vos mots d'ordre d'ailleurs.

Alors, c'est ça. Écoutez, c'est du souhait, ça, hein? Je pense qu'il n'y a pas moyen de légiférer sur cette chose-là. Mais effectivement il y a eu, dans beaucoup d'institutions, beaucoup d'attentes concernant la capacité de ne pas transformer le conseil d'administration en table de négociation, tu sais.

Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais maintenant reconnaître le député de Charlesbourg, et ensuite, le député de Lévis. M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. M. Lucier, bonjour. J'ai aussi lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et, moi, j'aurais tout simplement quelques questions de précision, là, sur certains aspects.

À la page 7, là, juste avant les recommandations, où vous avez décrit un peu les origines de ce qu'on appelle couramment maintenant la gouvernance, bon, et ainsi de suite, et... la dernière phrase dit: «Cette distance critique ne peut que favoriser l'adhésion à certaines valeurs qui, par-delà ces idéologies étroites, méritent d'être promues.» De quelles valeurs parlez-vous à ce moment-là?

M. Lucier (Pierre): Bien, c'est celles qui sont...

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Excusez-moi. C'est celles qui sont mentionnées dans la loi et qu'on a d'emblée et d'entrée de jeu quand on parle de transparence, d'indépendance, de loyauté, de prudence, de diligence, efficacité, efficience, transparence, responsabilité, imputabilité. En fait, ce sont des valeurs qui méritent d'être promues, ça, et je pense que tout le monde voudrait que nos institutions fonctionnent le mieux possible, hein? Bon, ça... Donc, il y a... il y a un noyau, là, qui est très, très solide par-delà les connotations idéologiques du concept de gouvernance, mais on aurait intérêt à les décaper un peu, parce qu'actuellement je crois que ça fait obstacle.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Mais je comprends donc que vous adhérez à ces valeurs-là, et ça pose... ça ne vous pose pas de difficulté.

M. Lucier (Pierre): ...d'emblée.

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Je vous l'ai dit d'emblée.

Le Président (M. Marsan): O.K. M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Une deuxième question de précision. À la page 11, on parle à la fin, là, d'autonomie universitaire, de vérité, d'indépendance. Pourriez-vous juste préciser pour nous, là, comment vous voyez l'articulation entre ce qu'on appelle globalement l'autonomie universitaire et en même temps ce qu'un ancien professeur comme moi appellerait la liberté universitaire?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Bien, un appelle l'autre, hein? Les libertés académiques concernent le droit d'enseigner et le droit d'apprendre, donc ça concerne les individus. Un prof d'université, dans nos... dans la tradition occidentale, peut, est libre d'enseigner, hein? Et il va être confronté à la communauté, il va devoir se défendre s'il est trop hurluberlu, mais il y a une liberté académique, on ne viendra pas lui dire quoi penser. Ça, je pense que c'est acquis.

Mais cette liberté académique, elle ne pourrait pas s'exercer correctement sans une autonomie institutionnelle qui va avec, parce que ça pourrait vouloir dire: Moi, je suis bien libre, dans une institution, de dire ce que je veux, d'avoir telle position, mais, si mon université n'est pas autonome, ça veut dire qu'un coup de téléphone, je ne sais pas, là, quelqu'un d'affaires, un politicien pourrait dire: Vous ne pourriez pas faire taire votre prof hurluberlu, là? Non, ça s'est déjà vu à d'autres époques, hein, plus maintenant, parce que... parce qu'on adhère à ces valeurs de liberté académique. Mais ça prend une certaine autonomie aussi qui rend possible de gérer.

Moi, je n'ai pas peur du mot... du mot «autonomie», hein? Bon. Bon, on n'est pas dans un contexte d'ingérence de contenu, là, dans... au Québec, hein, on n'est pas du tout, du tout là-dedans. Moi, je n'ai jamais eu connaissance de ce genre de réalité là. Qui peut se plaindre de ne pas pouvoir enseigner ce qu'il veut enseigner? Tu sais, on est en... Mais c'est justement parce que ça se réalise qu'il ne faut pas cesser de marteler ça, parce qu'il faut protéger ça comme la prunelle de nos yeux.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Un autre... Un autre point que je voudrais soulever, à la page 12, et qui a été soulevé par les personnes qui vous ont précédé à cette table, c'est la question de l'articulation entre le conseil d'administration puis les autres instances. Et vous avez assez de vécu dans les universités pour savoir que les autres instances peuvent être, je dirais, porteurs de sens... porteuses de sens. Ça peut être très lourd, ça peut être démocratique. Enfin, on peut en parler beaucoup, mais le projet de loi, tel qu'il est présenté, in fine accorde les pouvoirs au conseil d'administration, mais on ne peut se soustraire des autres instances, qui ont leurs valeurs. Alors, comment voyez-vous cette articulation entre ces instances-là?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Au bout du compte, là, ceux qui parlent de coordination finissent par accorder un pouvoir prépondérant à une instance. La charte de l'Université Laval, que M. le député connaît bien, prévoit des cas de divergence entre l'instance académique suprême et le conseil et propose une mécanique, hein, ils sont obligés de faire un comité conjoint. Mais, au bout du compte, qui tranche? Le conseil. C'est la même chose à McGill et partout ailleurs. Dans le cas de l'Université du Québec, l'Assemblée des gouverneurs, écoutez, entérine, elle entérine ce que le conseil des études... Bon, elle pourrait ne pas entériner et dire: Écoutez, est-ce que vous pourriez regarder ça de nouveau, parce que... Bon.

Alors donc, la coordination, vous savez, au bout du compte, ça finit toujours par être... Bien sûr, on peut favoriser le dialogue, on peut discuter, tout ça, mais, au bout du compte, quelqu'un va trancher. Et nos chartes là-dessus, là, je trouve que la loi n° 38 n'apporte rien de nouveau; nos chartes sont d'une clarté. Vous lirez... À Concordia, par exemple, c'est clair, c'est vraiment l'instance suprême qui décide de tout, y compris en matière académique. Mais ce n'est pas étonnant parce que c'est ça, les objets d'un conseil d'administration d'université. Ils ne traitent pas de... de cordes de bois, ils traitent de questions académiques.

Alors, écoutez, il me semble que nos... Et je ne sais pas pourquoi exactement l'IGOPP a soulevé cette question-là. Je crois que, dans certains cas, ce n'est pas clair, ce n'est pas clair, là, qu'ultimement quelqu'un peut trancher, mais, dans la plupart des cas, c'est clair. Alors, c'est parce qu'il y a beaucoup d'instances, hein, dans plusieurs universités, alors c'est souvent ciselé, c'est souvent... À Sherbrooke, il y a beaucoup d'instances, hein, la... En tout cas. Et alors il faut ciseler les rapports, hein? C'est sûr.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Je retiendrais cette dernière phrase: Il faut ciseler les rapports. C'est vrai que ce n'est pas simple, mais je voulais vous entendre là-dessus.

J'ai un dernier petit point à la page 17, concernant la diversité des profils. Alors ça, c'est un point qui a été quand même beaucoup discuté ici, et encore une fois l'IGOPP et d'autres... en fait presque tout le monde semblait s'entendre sur le fait qu'un bon conseil d'administration, je dirais, indépendamment d'interne-externe, là, on doit avoir une diversité de profils.

De la manière dont vous écrivez votre texte, on sent une certaine réticence à la manière dont le projet de loi est établi. Est-ce que... Aimeriez-vous préciser ce que vous entendez par comment aller vraiment dans cette question de diversification des profils pour que ça fasse sens?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

n(17 h 30)n

M. Lucier (Pierre): Oui. Écoutez, c'est que la diversité prise seule, ça peut être une diversité de misère, ça peut être très divers mais inadéquat. Alors, il me semble qu'il faut... il faut qu'on ajoute des éléments de compétence.

Bon, l'Université de Sherbrooke, dans ses tout derniers statuts, qui viennent d'entrer en vigueur, s'est livrée à une espèce de description, là, d'un certain nombre de profils. Je ne veux pas consacrer ça, mais ça montre qu'il y a matière à réflexion. Et ça, ça peut amener... la diversité va amener des questions sur des... un certain nombre de conseils actuels. Par exemple, des exemples que je connais, là, directement, les lettres patentes de l'ENAP prévoient que les membres du conseil d'administration, c'est fondamentalement ou des fonctionnaires ou des gens qui exercent des postes dans des organismes... bon. On peut dire: Bien, c'est normal, ils forment des... Bien oui, mais ce n'est pas très diversifié. À l'ETS, tu sais, c'est sept du milieu industriel. Ça ne fait pas très communautaire, ça. Bon. Alors donc, la diversité, oui, mais, moi, je voulais ajouter aussi diversité reliée aux compétences, parce que, sinon... C'est divers, c'est bien agréable, mais c'est...

Et la vraie compétence qui est demandée, finalement, c'est la capacité de comprendre la chose universitaire. On ne demande pas nécessairement des diplômes. Encore que, comme je le... je l'ai écrit, un président qui a une scolarité faible puis qui signe des diplômes de doctorat, il devrait avoir une petite gêne. Mais ça, c'est de la coquetterie de vieil universitaire, là. Mais, sans aller jusque-là, il faut qu'il y ait une connaissance correcte des enjeux de l'université et des rapports avec son propre champ d'expertise. Là, il y a place pour une diversité que...

Bien sûr, bien oui, il faut être divers, mais... C'est parce que la diversité, quand elle n'est pas traitée en fonction de la compétence, elle est sans grand intérêt. Parce qu'on pourrait tous être diversement dans la misère.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Je vais céder la parole au député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Merci.

Le Président (M. Marsan): M. le député.

M. Lehouillier: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'en profite également pour ? M. le Président, si vous le permettez ? pour émettre quelques commentaires sur les mémoires précédents qu'on a entendus, qui m'ont rassuré, finalement. Parce que, moi, comme je l'ai déjà dit, j'ai fait 20 ans de politique municipale et j'ai travaillé 25, 30 ans dans le développement régional, et je peux vous dire une chose: Notre société, elle a évolué. Et, si, dans les années soixante, soixante-dix, on avait l'État-providence, aujourd'hui, les régions, ce qu'ils veulent, à partir du moment où on a implanté, un peu partout au Québec, nos universités, nos cégeps, c'est super, c'est extraordinaire ce que les fonctionnaires ont fait de l'État, puis en même temps ceux qui siégeaient sur les conseils d'administration. Mais maintenant on est dans une société qui est complètement... qui a complètement évolué. Nous avons, dans chacune des régions, des profils d'expérience puis des compétences qui... ils sont maintenant capables de se prendre en main. Or, les universités et les cégeps ne sont pas des institutions statiques, c'est des institutions qui doivent évoluer, et ça, ça a été bien amené tout à l'heure par les intervenants qui nous ont précédés.

Alors, moi, ma grande question, la question que j'ai envie de poser, M. Lucier... Je sais que vous n'avez pas voulu vous prononcer trop, trop, sur «membre externe» versus «membre interne». Mais je vous donne l'exemple de ce qui nous a été présenté hier, où on nous disait, à un moment donné, que l'augmentation des membres externes au sein des conseils d'administration est une erreur, et que les conseils d'administration doivent être gérés par une majorité de membres issus finalement de l'interne et des membres issus de l'interne qui seraient révocables par leur instance syndicale. Alors, essayez de vous imaginer l'épée de Damoclès qui pend sur ces gens-là qui s'en vont sur un conseil d'administration, s'ils ne défendent pas les intérêts corporatifs de leurs milieux respectifs.

Alors, partant de là, on s'est retrouvés dans une situation où on arrive, en bout de piste, où on nous dit: Bien, justement, comme les membres internes sont les meilleurs pour gérer l'université puis en assurer la suite, on propose, sur le conseil d'administration, 13 membres qui viennent de l'interne et quatre membres qui viennent de l'externe. Or, à partir de ce moment-là et à partir du moment où l'objectif, il ne faut pas l'oublier, là ? et c'est ça que la population réclame, la population réclame une reddition de comptes complète et transparente du conseil d'administration ? croyez-vous vraiment... si, vous, vous êtes externe et que vous faites partie des quatre membres externes, quelle va être votre influence sur le milieu universitaire ou du cégep par rapport à une majorité de 13 membres qui sont des gens de l'interne, qui vont en même temps siéger sur les comités essentiels... sur la gouvernance et l'éthique, ils vont dire eux-mêmes s'ils sont éthiques ou pas; au niveau de la vérification, ils vont dire eux-mêmes s'ils se vérifient bien ou pas; au niveau des ressources humaines, ils vont dire eux-mêmes s'ils gèrent bien leurs ressources humaines ou pas. Alors, moi, à partir de ce moment-là, j'ai comme un problème par rapport à ce qu'on s'attend de nos institutions publiques. Et le gouvernement, au cours des dernières années, axe beaucoup ses interventions justement sur la richesse extraordinaire dans les régions que sont les ressources humaines compétentes avec beaucoup d'expertise.

Alors, à partir du moment où, dans la loi, on a une diversité de profils d'expérience et de compétence des membres indépendants puis à partir du moment où on oblige, on dit: On va rendre ça public puis, si ces profils-là ne font pas votre affaire, vous pouvez intervenir... Alors, moi, je vous demande, M. Lucier, ceci: Croyez-vous vraiment... Parce que, moi, je vais vous dire, là, quand je vois ça, savez-vous à quoi ça me fait penser? Je me dis: Sommes-nous face à des comités de régie interne? Puis, j'imagine, dans les universités puis dans les cégeps, il doit y avoir des comités de régie interne qui se réunissent, tous les lundis matin, pour dire: Bien, voici, bien, voilà les problèmes de gestion qu'on vit.

Alors, moi, à partir de ce moment-là, j'ai comme un peu de misère avec ça, par rapport à l'évolution de notre société d'aujourd'hui. Puis ce qu'on a besoin aujourd'hui, on ne veut plus que les employés gèrent l'université parce que ce n'est plus des conseils d'administration, c'est des comités de régie interne élargis, on ajoute trois, quatre personnes pour la forme. Alors, moi, je me dis: Si on veut intéresser des gens compétents pour les amener à l'université, il faut qu'ils soient en mesure aussi d'établir des orientations stratégiques. Allons-nous être capables, uniquement avec des gens à l'interne, d'établir des orientations stratégiques d'avenir pour nos universités et nos cégeps en faisant fi du milieu? Alors, c'est la question que je vous pose.

Le Président (M. Marsan): M. Lucier, en une minute. Il nous reste une seule minute à nos échanges.

M. Lucier (Pierre): Bien, ce n'est pas ma proposition. Ce n'est pas du tout ma proposition. Actuellement, on a les deux modèles, hein? On survit avec deux... Il y en a où c'est la dominance interne; d'autres, la dominance externe. Bon, moi, je plaide pour la compétence de l'ensemble. On a parfois des prédominances externes ou internes à un près, hein? On a différents modèles. Moi, je serais capable de vivre... comme dirigeant d'université, je serais capable de vivre avec n'importe quel de ces modèles-là, d'une certaine manière. Mais, moi, ce n'est pas ma proposition, là, c'est presque une proposition-test, ça, hein, parce que ça ne correspond pas du tout à l'état actuel des choses, pas du tout; 13 à 4, là, je ne pense pas que j'ai vu ça quelque part.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Lucier. Ceci termine nos échanges avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Merci, M. Lucier, merci d'être là, et, je dirais vraiment, d'entrée de jeu, d'élever le débat à ces hauteurs. Je pense que votre mémoire est très substantiel, extrêmement fouillé, bien documenté, très intéressant. Il va même au-delà de ce qu'on attend d'un mémoire, là, à travers 50 autres, dans une consultation publique. Je me suis permis d'ailleurs de le regarder une première fois dès que j'y ai eu accès, parce qu'on a accès, avec le site Greffier, aux mémoires dès qu'ils sont déposés, évidemment sous embargo. Alors, j'avais déjà pu en apprécier le contenu et j'apprécie que justement votre vaste expérience vous permet de donner un point de vue, vous le dites bien, de quelqu'un qui est partie mais en même temps qui a un regard qui peut nous éclairer et nous aider à prendre les meilleures décisions possible.

Vous avez dit, dès le début de votre texte, et je le crois aussi: «Les discours [...] sur la gouvernance ne sont pas neutres». Autrement dit, ils ne peuvent pas revendiquer, eux, d'être neutres contre d'autres. C'est ce que je comprends. Vous avez même utilisé le mot que je vais reprendre ici: Il y a un «catéchisme» de la gouvernance, bon, entre guillemets.

M. Lucier (Pierre): Oui.

Mme Malavoy: Mais tout simplement pour dire: Il y a une tendance, voire une mode à croire que des principes de gouvernance dont vous avez rappelé les origines sont comme des garanties de bien commun et que, si on les applique, on va régler les problèmes de gouvernance, bon. Moi, je suis assez d'accord avec vous qu'il ne faut pas essayer de parler de neutralité en ces matières.

Vous avez pris soin ? puis ce serait ma première question ? vous avez pris soin de dire qu'il y a des choses qu'il faudrait préciser dans le projet de loi. Vous parlez... Entre autres, c'est votre première recommandation, vous demandez que «soient précisées et enrichies les notes explicatives relatives aux objectifs des projets de loi». Vous aimeriez que l'on dise quoi ou qu'on ajoute quoi aux objectifs?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

n(17 h 40)n

M. Lucier (Pierre): D'abord, de proposer de modifier les notes explicatives, ce n'est probablement pas très fonctionnel; les notes explicatives disparaissent, comme on sait. Bon. Mais j'ai été très frappé en lisant les notes explicatives: On va «établir des principes de saine gouvernance», tu sais? Oui, mais au fond, c'était une gouvernance qui avait été établie par le même législateur, il y a un certain nombre d'années, dans la plupart des cas. Donc, c'est cette impression de débarquer avec une nouvelle affaire, et maintenant ça va être sain, avant ce n'était pas sain. Et ces objectifs-là, on sait, il y en a qui les ont réduits, suite d'une crise institutionnelle particulière, bon.

Il me semble qu'on pourrait lever, oui, le débat, et qu'est-ce qu'on vise quand on fait ça? Or, c'est une mise à jour d'un certain nombre de choses. Ce n'est pas de dire qu'avant il n'y avait pas de gouvernance ou pas de saine gouvernance, maintenant il y en aura? Non. Il y a... On veut changer... et... de clarifier les objectifs qu'on poursuit, et l'objectif, j'imagine, n'est pas de tasser les gens de l'interne, hein? Vous savez... Bon, parce qu'il y en a beaucoup qui ont eu cette impression-là. D'autant que la plupart de nos chartes renouvelées ou de la Loi de l'Université du Québec avaient été établies sur la valorisation de l'interne. Qu'on s'en souvienne, hein, et là on nous dit: Bien là, ce n'est plus ça. Et c'est correct que ça ne soit plus ça. Mais est-ce qu'on pourrait être clairs sur les objectifs qu'on poursuit? Ce n'est pas un débarquement vertueux qui... comme s'il n'y avait pas des règles du jeu, que le même législateur a établies d'ailleurs.

Alors, est-ce que c'est dans les notes explicatives? Je pense que ce n'est pas très fonctionnel comme proposition, mais c'est là que j'avais lu le texte qui avait frappé mon attention. Est-ce que ça peut se dire dans un premier article de loi, hein: Ce projet de loi vise telle, telle, telle chose? Ça arrive, ça, je l'ai vu dans la loi n° 53, il y a quelque chose... qui montrerait vraiment et avec plus de modestie peut-être ? mais ça, on est dans l'atmosphère, là, hein ? avec plus de modestie, qu'est-ce qu'on veut faire avec la loi. Ce n'est pas la fin du monde, mais ce n'est pas rien non plus, et ça ne veut pas dire qu'avant on était tous des gogos.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Vos dernières paroles sont très explicites. Je comprends donc que ce que vous souhaitez, c'est qu'on ne donne pas l'impression qu'il y a une rupture, là, qu'il y a comme un redressement tellement majeur à faire que dorénavant on va avoir des principes de bonne gouvernance, puis avant ça allait un peu à vau-l'eau.

M. Lucier (Pierre): Finies les années soixante-dix, donc finies les folies.

Mme Malavoy: Moi, d'ailleurs, j'ai honnêtement une sensibilité particulière aux années soixante-dix parce que je fais partie de cette génération qui a étudié, à la fin des années soixante, début soixante-dix. Ça fait que c'était la belle époque de bien des expérimentations. Mais je ne pense pas que ça ait nui au Québec de toute façon que cette génération de gens qui croyaient qu'on pouvait changer le monde. Alors, j'ai vieilli, mais je le crois encore un petit peu, ma foi.

Je reviens à votre... à votre texte, M. Lucier. Vous recommandez également qu'on précise les objets, les pouvoirs spécifiquement universitaires comme constituant la responsabilité centrale de l'institution universitaire. Je comprends que vous ne voulez pas que ça échappe, là, qu'il y a quelque chose qui est vraiment très particulier à ce milieu-là, et vous voulez qu'il en soit fait mention. Là encore, je vous dirais: On va le dire comment, ou on le dirait où, ces choses-là qui vous semblent centrales?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): On est amenés à dire que l'objet, c'est enseignement... enseignement, recherche, service à la collectivité, là, comme font la plupart des chartes, hein? Mais la plupart des chartes épellent cela, hein? Elles déclinent ça, en disant: Bien, c'est adopter des programmes de formation, c'est décerner des diplômes, c'est... et dans le respect de la liberté, puis tout ça. Presque toutes nos chartes ou nos... la Loi de l'Université du Québec épelle un peu cet objet si laconiquement défini comme étant l'«enseignement supérieur et la recherche». Alors, est-ce qu'il y a moyen, puisque... Nulle part ailleurs, dans cette loi-là, ça n'existe... Encore une fois, c'est une loi un peu fourre-tout, hein, qui est née avec l'histoire, hein, la loi des... sur les établissements universitaires. Je rappelais les principales dates, mais jamais on a eu l'intention de dire ce qu'était la mission universitaire. Donc, elle est comme en retard sur la plupart de nos chartes. Et il me semble que ce n'est pas inutile de rappeler ces affaires-là, que la business de l'université, là, c'est des programmes d'études, c'est du savoir, c'est des disciplines, c'est des diplômes à décerner, c'est... Hein, c'est ça, concrètement.

Alors, cette petite déclinaison n'a pas besoin d'être un roman. Il me semble qu'on pourrait prendre exemple peut-être sur un certain nombre de nos chartes pour, en quelques lignes, le rappeler, ça. Dans le contexte de respect des libertés académiques et d'autonomie institutionnelle, je pense que c'est faisable, et je suis sûr que les juristes peuvent trouver ça. En tous les cas, il y a des exemples. Ce n'est pas pour rien que nos chartes spécifient, l'épellent un peu, hein, c'est parce que c'est très important. Et quelqu'un qui arrive dans un conseil d'administration d'université, il faut qu'il sache qu'il va gérer ça, hein? Il va approuver des programmes, il va décider peut-être d'en fermer, d'en ouvrir, de faire des développements sélectifs, et ainsi de suite. On est dans l'académique, là.

Le Président (M. Marsan): Mme la...

M. Lucier (Pierre): Alors, il me semble que ce serait utile... Comme je vous disais, comme le font la plupart de nos chartes.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je le comprends bien. Je vais poursuivre sur la question académique, comme vous dites. Je sais, moi aussi, que c'est un anglicisme, mais je trouve qu'il est bien pratique. Alors, hein...

M. Lucier (Pierre): C'est ça, oui.

Mme Malavoy: ...on va continuer de l'utiliser un petit peu. Là, j'ai une question qui me préoccupe dans votre position. Bon, vous dites que le C.A. ? là je vous suis tout à fait ? de toute façon, il va finir par gérer l'académique parce qu'il dirige un établissement d'enseignement supérieur dont c'est la mission. Donc, on peut bien dire qu'il va s'occuper, je ne sais pas, moi, des développements immobiliers ou qu'il va s'occuper des localisations, tu sais, mais il va finir par gérer l'académique parce qu'on ne peut pas en sortir, c'est l'objet principal. Vous souhaitez d'ailleurs qu'on le précise mieux.

C'est pour ça que j'ai du mal à comprendre que, pour vous, le poids relatif des membres externes, ça n'ait pas d'importance. Puisque les gens vont avoir à prendre des décisions d'ordre... de nature académique, pourquoi pouvez-vous en même temps dire: Il pourrait y avoir une majorité de membres externes? Puis je redis et je le dis à l'occasion, mais quand même, dans la façon dont le projet de loi est formulé actuellement, ça peut être jusqu'à 75 % de membres externes. Alors, pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas des inquiétudes à avoir que tant de gens puissent avoir finalement le dernier mot sur les orientations d'une mission académique?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui. Bien, d'abord, il y a le poids des instances internes, hein? Ça prend de bons motifs pour aller contre un sénat ou un conseil des études ou des choses comme ça. Mais plus spécifiquement, votre... pour répondre à votre question, je dirais que c'est pour cette raison-là, moi, que je parle tout de suite de compétence. Moi, je vous dirai que je peux vivre avec beaucoup d'externes qui connaissent ça. Il y a des gens qui connaissent ça. Je... je ne veux pas dire que, vous et moi, on ferait de bons membres d'un conseil d'administration. Pourquoi pas? Mais, à ce moment-là, le danger est beaucoup... est de beaucoup réduit.

On a tout vu dans des conseils, hein? Écoutez, on pourrait donner des dizaines d'exemples. Il y a des gens qui ne connaissent rien là-dedans et qui n'apprennent pas. Ça arrive, hein? Bon. Il y a des gens qui... qui... des gens qui connaissent peu mais qui apprennent, et il y a des gens qui connaissent ça. Alors, c'est pour ça que ce n'est pas seulement l'indépendance qui est importante ou le caractère externe, c'est la compétence aussi, et la compétence définie comme étant une compétence qui concerne aussi la chose universitaire.

Moi, je ne serais pas très inquiet si, dans les membres externes, il y avait des gens qui sont crédibles, à ce point de vue là. Bon. Il me semble que ça, c'est plus important que le nombre. D'ailleurs, dans des conseils ? écoutez, j'en ai présidé de toute nature ? d'abord, c'est très rare qu'on vote, hein? C'est très rare, mais il faut prévoir que ça peut arriver, hein? Et ce n'est pas le nombre qui fait le poids. Il y a des... Souvent, les conseils vont graviter autour de deux, trois personnes, non pas parce qu'ils parlent tout le temps, mais parce qu'il y a une espèce de halo de leadership dont... parfois de bons sens, de... et...

Alors, moi, je n'ai pas voulu m'embarquer dans cette dynamique... je ne dis pas «abstraite», mais je trouve que ce n'est pas ça qui est le vrai problème; c'est plutôt de la nature, disons, de l'indépendance et de la compétence. Mais c'est sûr que, si on allait vers des extrêmes à l'externe, on s'éloignerait de beaucoup du modèle universitaire, disons, le plus... qui a fait ses preuves en Occident, bon, surtout sur des questions académiques.

Je comprends que beaucoup de nos... la plupart de nos chartes disent bien... là il y a juridiction exclusive ou, bon, des instances académiques sur un certain nombre de questions, mais, au bout du compte, c'est toujours le C.A. qui va trancher et décider, toujours. Moi, je n'ai pas de souvenir, à l'Université du Québec, où l'assemblée des gouverneurs est allée contre une proposition du conseil des études. Je n'ai aucun... pas de souvenir de ça, parce que les choses ne se posent pas comme ça. Donc, il y a un respect, ça va de soi, puis au fond les membres externes, ils ont un double respect parce qu'ils disent: Là, bien, si les savants ont regardé ça, là, on va respecter ça, là, bon. Mais ce serait important que, dans les externes, il y ait des gens qui connaissent la chose universitaire assez pour pouvoir aussi discuter de cela à l'occasion.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon ou... Oui, d'accord.

Mme Malavoy: Je vais terminer sur cet aspect-là puis ensuite je...

Le Président (M. Marsan): Oui, allez-y, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: ...donnerais à ma collègue...

Je comprends que, puis je le respecte tout à fait, vous disiez: On devrait se concentrer sur la compétence. Il reste qu'on introduit de façon uniforme, avec ces projets de loi, surtout en ce qui concerne les universités, là ? c'est de ça que je parle plus précisément en ce moment ? on introduit quelque chose de nouveau par rapport à la tradition, dont vous dites vous-même qu'elle a fait ses preuves, bon. Donc, il faut qu'on y aille avec une certaine prudence, parce que jusqu'ici il y a une tradition qui, ma foi, mérite peut-être des ajustements. Mais vous disiez tout à l'heure: La gouvernance n'est pas si catastrophique de façon généralisée qu'il faille un redressement monstre, des ajustements à faire. On le conçoit.

Là où je ne sais pas comment traduire, dans un projet de loi, ce que vous dites, c'est quand vous parlez de compétence, parce que bien sûr je vous suis quand vous m'indiquez qu'à la limite le plus important, c'est la compétence, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. Je suis d'accord aussi quand vous dites qu'il n'y a pas que voter et puis il y a ce que j'appellerais influencer, avec le poids que quelqu'un peut avoir, mais cette notion de «compétence», comment pouvons-nous la garantir dans le projet de loi, comment pouvons-nous l'encadrer, comment pouvons-nous avoir une certaine conviction que ce ne sera pas des nominations qui ne tiendront pas compte suffisamment de la compétence?

Puis c'est plus exigeant, la compétence, que juste la provenance. On peut bien dire: On veut avoir quelqu'un de tel ou tel milieu. Ça, c'est une chose, mais la compétence dont vous parlez, qui est centrale, comment la garantir?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): La garantie, c'est difficile, mais on pourrait peut-être en parler, on pourrait peut-être en définir quelque chose, et ça peut servir de balise, mais, au bout du compte, ce n'est pas une garantie, mais en dire suffisamment pour que ça puisse servir de point de repère. C'est un petit peu comme l'indépendance, il y a des gens qui vont devoir porter un jugement pour savoir si quelqu'un est indépendant ou pas, si j'ai bien compris. Donc, il n'y a pas de garantie dans la loi, mais la principale garantie qu'on se donne, c'est d'en parler, c'est de la définir, c'est de la mentionner, un peu comme on disait tantôt pour la liberté académique, ou le domaine institutionnel, ou les objets de la mission, c'est déjà beaucoup que d'en parler. Les garantir, moi, je ne penserais pas qu'on puisse aller jusque-là, mais...

C'est des questions de dosage, hein, mais tout comme, disons, il y a 40 ans, on a convenu qu'il fallait plus d'internes, on a expliqué ça au monde, ça n'allait pas de soi pour tout le monde. On peut aussi expliquer que, dans les temps que nous vivons, dans la culture où nous sommes, que ça peut se faire différemment et que ce n'est pas punitif, cette affaire-là, que là... Notre question de dosage, évidemment, si on bascule... encore que, dans certains cas, on l'a, hein? Mais il n'y a pas de garantie de succès de... Les universités à forte dominante externe ne fonctionnent pas mieux que celles qui ont des dominances à l'interne. Je pense que ce serait très difficile de faire un classement avec cette référence-là. On peut tout voir, et ce n'est pas parce que des membres sont externes qu'ils prennent toutes les meilleures décisions qui font le... qui nous satisfont. Même comme organisme public, on en a eu au moins quelques exemples cette semaine, c'est tous des cas où les conseils sont majoritairement externes et même, dans certains cas, nommés par le gouvernement. Donc, ce n'est pas une garantie soi. Garantir, c'est difficile, c'est très difficile.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Champlain, la parole est à vous.

Mme Champagne: Merci, M. le Président. M. Lucier, c'est un plaisir de vous recevoir. Je dis que, un peu comme les collègues ont dit, votre mémoire est rempli de sagesse. Et vous n'allez pas dans la technique ou dans la technicalité à savoir le nombre, du combien, du comment, mais bien dans la sagesse, et je l'apprécie grandement. Et votre première recommandation, elle va dans ce sens-là, hein? Alors, je me permets un commentaire puis ensuite une question.

Quand vous dites que les principes de saine gouvernance, et ma collègue en a un petit peu parlé, au regard de la gestion des établissements, quand on en parle, ce n'est pas suffisant de déclarer qu'il faut établir des principes de saine gouvernance parce qu'on établit de nouvelles règles. Parce que les règles étaient déjà là. Puis il ne faut pas être blessant pour ceux qui étaient là avant. Et je pense que, si on a eu autant de mémoires... Et je le fais comme commentaire parce que je pense que ça rejoint également votre mémoire: si on a eu autant de mémoires où les gens ont été très, très heurtés, se sentant tassés, c'est parce qu'ils n'ont pas décelé ou peut-être pas vu, de façon assez claire, ce qu'il faudrait peut-être faire dans le projet de loi, s'assurer qu'il n'y a pas de... je dirais, ce n'est pas sacré, cette histoire-là, à savoir que ça prend absolument une majorité à tous crins pour donner une meilleure gestion puis de meilleurs résultats dans les universités, parce qu'il y a des beaux succès, comme il y a peut-être des insuccès.

Et cet élément-là dont vous avez reparlé avec ma collègue il y a quelques minutes seulement me rejoint grandement. Puis j'aimerais ça que, dans notre sagesse de législateurs, on en arrive à produire un projet de loi qui ne heurte pas tout ce qui a été fait et bien fait, puis ce qui a été mal fait, bien, on le corrigera. Et ce n'est pas facile d'en avoir cette garantie-là, j'en conviens.

Où là je veux vous amener, c'est sur le lien qu'on fait... parce qu'on a deux projets de loi, cégeps et universités, que vous connaissez fort bien, et, quand on a établi des règles de gouvernance dans les deux, on a senti d'énormes différences quand ils sont venus nous faire leur présentation. Or, est-ce qu'on doit, à votre avis à vous, et c'est là-dessus que j'en ai, établir des mêmes règles en établissant des mêmes paramètres pour ces deux entités-là qui ont l'air de fonctionner à la fois de façon semblable, mais à la fois aussi de façon fort différente?

Alors, comment s'y retrouver, nous, dans ça, qui allons devoir étudier définitivement, à mon avis, un projet de loi avec un paquet d'articles, là, pour en arriver à concocter quelque chose qui tienne la route et qui donne des résultats, surtout des résultats, pour ne pas qu'on reprenne l'exercice, là, à tous les deux ou à tous les trois ans? Alors, j'aimerais vous entendre sur cette espèce de comparaison que, vous-même, vous voyez dans une gouvernance cégeps, universités.

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): D'abord, l'entreprise législative générale actuelle est de faire le tour des institutions, si je comprends bien, là. Il y en aura peut-être en santé maintenant; donc, on fait le tour. C'est de la Laurentide pour tout le monde, comme disait l'autre, là. Bon. Mais c'est sûr que, dans le cas des cégeps, surtout des cégeps, on est presque avec des collèges d'État. Il manque juste le lien d'emploi directement avec le gouvernement, sinon ce seraient des collèges d'État. Donc, ils sont déjà très, très boulonnés d'une certaine manière; je pense, c'est ce qu'ils ont dit aussi. Bon. Maintenant, par ailleurs, ils sont aussi les premiers à vouloir être dans la parade, si je peux dire, à vouloir aussi être traités comme l'ensemble des institutions.

Je crois que les problèmes ne se posent pas de la même manière dans le cas des cégeps, hein? D'abord, ils ne font pas leurs programmes, ils ne signent pas leurs diplômes, c'est... le gouvernement signe les conventions collectives. Il y a déjà toute une série d'encadrements. D'ailleurs, c'est ce qu'ils ont dit: ils trouvaient qu'il y en avait déjà beaucoup. Bon. Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas moyen de dire quelque chose sur la gouvernance? Moi, je pense qu'il y a moyen de dire quelque chose, mais c'est sûr qu'il va falloir s'adapter à ça. Moi, j'ai obtenu personnellement la référence à la mission, enfin, des choses qui conviennent aussi, et la présence du directeur des études. Mais c'est évident que c'est déjà très, très boulonné, le système des collèges, très, très, très boulonné. Alors, d'une certaine manière, si ça ne fonctionne pas à notre goût, c'est... on doit y être pour quelque chose, c'est très boulonné.

Et là en fait, si je comprends bien, le ministre va nommer même plus de monde qu'il en nommait, hein? D'après mes calculs, c'est un de plus. Bon. C'est un choix, il n'y a pas d'absolu là-dedans. Mais, en même temps, on n'a pas perçu un tollé épouvantable à l'effet que les cégeps devraient être exclus de l'entreprise. Mais c'est sûr que ça n'a pas la même... ça n'a pas la même portée, ça n'a pas la même nécessité. Et, d'une certaine manière, heureusement qu'il y avait, dans le projet de loi, d'autres spécifications, notamment sur la mission, qui, elles, sont bien reçues, qui permettent de poser les problèmes autrement. Mais ça, c'est une lecture de citoyen, là.

n(18 heures)n

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, mon autre question, c'est sur l'importance que vous donnez au retour... ou du moins au fait qu'on conserve, pas retour mais conserver le vice-recteur académique, comme vous parlez également du directeur des études, à savoir de leur importance d'implication, parce qu'il y a des décisions académiques qui se prennent effectivement au conseil d'administration, tout en ayant des comités de base qui font leur travail et qui font des recommandations, puis qui sont bien connus, puis qui sont... en tout cas qui sont bien reçus normalement par un conseil d'administration. Moi aussi, pour avoir siégé à plusieurs... sur plusieurs conseils d'administration, il est rare que, dans des conseils bien organisés, sans que ce soit nécessairement de la collusion, il y ait des votes à tous crins et des batailles à finir quand les gens de la base dans les comités, qui sont vraiment, je dirais, les vrais décideurs, arrivent avec des dossiers bien montés, bien ficelés et bien présentés.

Par contre, ça prend des gens qui vont poser les bonnes questions, par exemple. Et ça ne prend pas des conseils d'administration qui sont aveugles ou, comme on a dit, à peu près à tous les deux jours, là, qui arrivent avec des enveloppes fermées, en écoutant sagement puis ensuite en repartant sans avoir vraiment de connaissances.

Donc, ce que j'en dis, c'est que l'importance que vous accordez autant pour le vice-recteur académique que pour le directeur des études, le voyez-vous tout autant dans un autre nom, dans une autre façon au niveau des collèges?

M. Lucier (Pierre): Le directeur des études des collèges? Oui, absolument, ah oui.

Mme Champagne: ...tout autant.

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Excusez-moi, M. le Président.

Mme Champagne: Oui, allez-y, allez-y.

M. Lucier (Pierre): Oui, oui. Bien, d'ailleurs, j'en parle spécifiquement dans le cas des collèges et je crois qu'il faut laisser le directeur des études là, parce que c'est ça qui reflète aussi la structure même de l'institution. Moi, j'ai été étonné de voir qu'on largue aussi facilement. Si je comprends bien, même mes anciens collègues recteurs ont été... sont prêts, si je comprends bien, à larguer le vice-recteur académique. Ça m'étonne.

Mme Champagne: Juste une petite chose que...

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: ...un petit commentaire, je vais passer la parole à ma collègue: Il ne faudrait pas être d'une pureté à outrance, de telle sorte qu'on élague le sens même ou les raisons pour lesquelles on a un cégep ou une université, et d'enlever ces personnes-là qui ont un lien académique important serait dommageable effectivement. Merci, M. Lucier.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. C'est parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, et il y a toute une question que vous abordez, vous êtes le seul à l'aborder, c'est la question des universités qui ont un caractère canonique. Puis c'est une question que je connais un petit peu, parce que l'Université de Sherbrooke, où j'ai passé quand même du temps, est effectivement une université canonique.

Alors, vous dites: «Il n'y a rien de honteux à être canoniquement reconnu, mais, en l'occurrence, et si les mots ont du sens, on doit reconnaître qu'il y a là des pouvoirs difficilement compatibles avec l'esprit et la lettre des dispositions prévues dans le projet de loi n° 38.» Et vous prenez vraiment la peine de faire un tour d'horizon très fouillé de la situation de toutes les universités.

J'ai appris beaucoup de choses en lisant ça, mais j'aimerais quand même que vous me disiez: Et donc, en conséquence, est-ce que ça veut dire que cet aspect-là doit être absolument revu ou qu'on doit revoir le projet de loi à la lumière de ces liens avec les autorités ecclésiastiques? On fait quoi, là, une fois que vous avez donc mis en lumière cet élément problématique?

Le Président (M. Marsan): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui. Sans entrer sur le fond, bien, je pourrais vous dire que, oui, il est temps que ça cesse, mais ça, c'est une autre question. Il faut au moins que le législateur soit conscient de cela et que l'article 4.8, je pense, qui dit que ça s'applique indépendamment de... Je pense que c'est 4.8, hein? Enfin, je ne pense pas qu'on puisse régler la chose de cette manière-là. Bon.

Moi, je n'ai pas voulu entrer dans le débat sur statut confessionnel ou canonique mais plutôt d'attirer l'attention sur les incidences directes qu'il y a entre ces liens juridiques et la gouvernance. Qu'arrivera-t-il demain matin? Est-ce qu'on dira à l'archevêque de Montréal: Vous ne nommez plus deux représentants au conseil d'administration ? ça serait bon qu'il le sache avant que... Hein? Bon ? ou, quand on... est-ce qu'on apprendra à l'archevêque de Sherbrooke qu'il n'a pas à confirmer la nomination du recteur, ou à l'évêque anglican de Québec qu'il n'a pas à nommer les membres de la corporation?

Moi, je ne souhaite pas maintenir, là... Ce n'est pas ça, ma question, c'est: Il me semble qu'il va falloir que le législateur règle ça d'une manière ou de l'autre, parce que ça va interférer, ça va interférer. C'est un dossier qui est complexe, mais je pense que ça... ça va interférer. Et, si la réponse est de dire: Bien, il n'y a rien là ? si vous me permettez l'expression ? non, non, c'est juste du protocole, bien, alors là, s'il n'y a rien là, autant qu'il n'y ait rien. Mais, sinon, il faudra prévoir la chose.

Mais là il me semble que le projet de loi ne prévoit pas ça. Parce qu'il y a beaucoup d'incidences sur la gouvernance telle qu'elle est promue dans le projet de loi n° 38, hein, sur la nomination des membres, et tout ça, des... Il va falloir rendre ça compatible, d'ailleurs comme il va falloir rendre compatibles les spécifications sur la nomination des dirigeants avec toutes les chartes et les règlements concernant les élections.

La plupart des universités ont... sauf quelques-unes, ont prévu des mécanismes qui font que les candidatures ne sont pas secrètes, puisqu'elles sont soumises au peuple, hein? Alors, si la condition, c'est de... si on introduit une nouvelle obligation de garder ça secret, on va avoir des problèmes. C'est sûr qu'on va avoir de gros problèmes. J'imagine mal les communautés universitaires renoncer à leur capacité ou d'élire ou de se prononcer publiquement sur les programmes d'action des différents candidats, même si l'individu vient d'une... d'un poste d'où il est gênant de dire qu'on veut partir.

Alors, c'est le même genre de... disons, de fil qui pourrait dépasser. Moi, j'ai tenu à attirer l'attention là-dessus, parce que, là, on est dans la gouvernance. Alors, ça ne pourra se régler d'un trait de plume, je suis sûr de ça.

Le Président (M. Marsan): Il reste moins d'une minute, Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je vais simplement vous remercier, M. Lucier. Mais je crois quand même que toute cette question de lien des universités avec des autorités ecclésiastiques, ce n'est pas le propos de ce projet de loi, mais il faudra bien un jour qu'on regarde ça. Parce que vous dites: Il n'est pas honteux d'être canoniquement reconnu, mais c'est peut-être un peu désuet. Alors, il faudra peut-être un jour regarder aussi ces questions-là et changer peut-être certaines... certains types de lien. Ça irait peut-être dans le sens de la laïcisation de nos établissements d'enseignement.

Mais ce n'est pas le propos d'aujourd'hui. Donc, merci beaucoup pour votre présence auprès de nous.

Le Président (M. Marsan): Alors, Pierre Lucier, de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture, merci pour votre présentation.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 8)


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