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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, September 24, 2009 - Vol. 41 N° 4

Consultation générale et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 44 - Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance et du projet de loi n° 38 - Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Taillon) remplace M. Pelletier (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais vous faire lecture de l'ordre du jour. À 11 heures ce matin, nous recevons le Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université du Québec à Montréal; à 15 heures cet après-midi, le Syndicat canadien de la fonction publique; à 16 h 30, M. Jacques L'Écuyer et M. Paul Bernard; et, à 17 h 30, la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Auditions (suite)

Alors, nous allons procéder immédiatement. Et je suis heureux de recevoir le Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université du Québec à Montréal. Et vous savez que vous avez une période de 15 minutes pour faire la présentation et de 45 minutes pour les échanges avec les membres de la commission. Alors, je vais reconnaître la présidente, Mme Michèle Nevert, et je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre présentation. À vous la parole, Mme Nevert.

Syndicat des professeurs et des
professeures de l'Université du
Québec à Montréal (SPUQ)

Mme Nevert (Michèle): Merci, M. le Président. Donc, je m'appelle Michèle Nevert, je suis la présidente du Syndicat des professeurs à l'UQAM depuis deux ans et demi. Je suis aussi professeure au Département d'études littéraires, où j'ai exercé un certain nombre de fonctions. Se sont joints à moi André Breton, qui est professeur à l'École des médias, en congé sabbatique cette année, et qui, depuis près de 15 ans, à titre de membre de l'exécutif du syndicat ou de conseiller, suit les dossiers financiers de notre université; il y a également Jean-Marie Lafortune, qui est troisième vice-président du Syndicat des professeurs, qui est professeur à l'école des communications... au Département de communication sociale et publique.

n (11 h 20) n

Mme la ministre, Mme Malavoy, M. le Président de la commission, mesdames et messieurs, si nous souhaitons tout d'abord vous remercier d'avoir accédé à notre demande de rencontrer la commission, il nous faut vous transmettre également le désarroi et le malaise des professeurs de l'UQAM devant la démarche qui nous réunit. À l'automne 2008, en effet, avant les élections provinciales, une première loi sur la gouvernance universitaire, la loi n° 107, a été déposée à l'Assemblée nationale. Cette loi a engendré un nombre imposant de réactions négatives de la communauté universitaire. Dans les faits, tous les corps d'emploi se sont élevés contre ce projet de loi et ce qu'il sous-entendait de perte d'autonomie des établissements universitaires et de disparition de la collégialité, qui fondent leur fonctionnement depuis toujours.

Ont témoigné de ces réactions unanimes les déclarations qui se sont succédé sur une pleine page du Devoir et signées, dans un premier temps, par tous les syndicats et associations de professeurs d'universités du Québec, puis de chargés de cours, puis d'employés de soutien. À leur tour, les étudiants ont manifesté leur complet désaccord.

Or, force est de constater que, quelques mois plus tard, la nouvelle loi déposée, la loi n° 38, est un quasi-clone de la première, malgré ce désaveu unanime de la communauté universitaire.

C'est de là, mesdames et messieurs, que provient le malaise des professeurs devant ce qui nous semble être l'évidence d'un fossé entre le milieu universitaire et son ministère, devant même, certains disent, l'ampleur de ce fossé. Sur ce point déjà s'impose donc à nos yeux la nécessité de tenir des états généraux. Il faut, le plus rapidement possible, tenir une réflexion approfondie sur ce qu'est une université, sur la façon dont on la perçoit, ce qu'on attend d'elle, ce qu'on voudrait qu'elle soit et, le cas échéant, qu'elle ne doit pas accepter.

Par ailleurs, on a beaucoup entendu que le projet de loi sur la gouvernance universitaire avait été engendré par le fiasco immobilier de notre université et même qu'il avait été conçu pour éviter que de tels dérapages se renouvellent. Or, la mésaventure de l'UQAM est, bien au contraire, la parfaite illustration que la solution ne repose pas sur les membres externes, tel que le défend le projet de loi. On le sait grâce au Vérificateur général. Durant trois ans, c'est-à-dire tout le temps qu'aura duré le projet de l'îlot Voyageur, avant qu'il ne soit dénoncé, les membres du comité de vérification ne se sont jamais penchés sur le dossier. Ils n'ont jamais demandé à vérifier les chiffres qui leur étaient présentés. Ils n'ont même jamais demandé à consulter les dossiers. Or, ce comité de vérification était composé de membres externes, et même uniquement de membres externes.

En revanche, lui, le corps professoral a dénoncé le projet, votant dès le début une résolution qui s'opposait à ce projet. Permettez-moi de vous la citer: «Le Syndicat des professeurs de l'UQAM s'oppose à tout projet d'expansion immobilière comportant des effets négatifs sur le budget de fonctionnement de l'établissement. Il demande à la direction de l'UQAM de chiffrer clairement et de manière détaillée les effets que ces différents projets de développement immobilier auront sur le budget de fonctionnement de l'université.» Nous étions début mars 2006. Cette proposition a été votée à l'unanimité par 118 professeurs.

De leur côté, les professeurs qui siègent au conseil d'administration et qui ne font pas partie du conseil syndical ont été les seuls membres du conseil d'administration à poser des questions et à manifester leur inquiétude sur le projet qui leur était présenté. Dans cette perspective, nous affirmons que les déboires de l'UQAM ont fourni largement la preuve que la présence d'externes sur le conseil d'administration ne résout rien et que la solution repose au contraire sur la présence des internes, en l'occurrence sur le renforcement de la présence des internes au C.A., particulièrement le renforcement de la présence des professeurs.

Pour éviter les dérapages et les abus du pouvoir, il faut privilégier la consultation et la collégialité. Selon les principes actuels de gestion, l'on sait que la participation aux décisions est un facteur de motivation et que cette motivation est d'autant plus importante que les tâches qui ont un impact organisationnel sont complexes. On sait qu'il est plus facile d'exécuter des tâches lorsqu'il y a consultation. De plus, la gestion participative, parce qu'elle rapproche les professeurs et les étudiants, elle a un impact sur la réussite académique.

À un autre niveau, on voit mal quel professeur pourrait accepter de voter des augmentations de salaire colossales comme celles que les administrateurs de l'UQAM, par exemple, se sont octroyées récemment... de l'UdeM ? excusez-moi ? se sont octroyées récemment, ou encore les primes de départ pour le moins honteuses qui ont été allouées par McGill à certains de leurs dirigeants après 18 mois de travail. Les professeurs, eux, ils sont confrontés tous les jours à la surcharge des étudiants dans les salles de cours, à la pénurie des locaux pour les cours, pour les laboratoires de recherche, pour les groupes de recherche. Nous pensons donc qu'il faut distinguer la crise de l'UQAM, dite à l'origine de ce projet de loi, et ce que sous-entend comme vision de l'université le projet de loi n° 38.

La solution pour éviter les dérapages, les abus de pouvoir renforce, je le répète... repose, je le répète, sur le renforcement de la présence des internes. Nous pensons donc qu'il faut rejeter cette loi qui est qui plus est non nécessaire, puisqu'il existe déjà un ensemble législatif et réglementaire.

En ce qui concerne, en revanche, la vision de l'université, la solution réside dans des états généraux, et sur laquelle nous devons tenter de nous rapprocher, le ministère et la communauté universitaire.

Je vous lirai, pour finir, la déclaration que nous avions signée, tous les professeurs et tous les syndicats de professeurs et les associations que nous avions montées, le syndicat de l'Université de Montréal et nous-mêmes. Tous... les associations, donc, et les syndicats, comme je disais, ont signé la déclaration suivante: «Nous réitérons l'autonomie de chaque université, une autonomie qui repose sur une gouvernance transparente, exercée par toutes les composantes de la communauté universitaire et qui s'articule dans le respect de ses valeurs fondamentales: collégialité, liberté d'enseignement, liberté de recherche, indépendance de l'esprit, accessibilité aux études, qualité des services universitaires.

«Nous voulons et nous demandons des conseils d'administration diversifiés et représentatifs de la communauté universitaire et du milieu social ouverts à la présence d'observateurs. Nous voulons des administrateurs correctement informés des particularités de l'institution universitaire, qui n'est ni une entreprise privée ni une entreprise publique, afin de leur permettre de comprendre et de remplir leurs rôles au sein des conseils d'administration. Nous réclamons des processus ouverts et consultatifs pour les nominations aux conseils d'administration, pour le choix des recteurs et des principaux, afin de promouvoir la transparence. Finalement, nous voulons une gouvernance qui respecte la mission et les valeurs universitaires, ainsi que la diversité des établissements du réseau québécois. C'est pourquoi nous réitérons que la prise de décision dans les universités doit donner la primauté aux finalités académiques et citoyennes.»

Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose...

Le Président (M. Marsan): Oui, est-ce que vous voulez ajouter? M. Breton?

M. Breton (André): Écoutez, je suis là en particulier pour le cas où on aborderait les chiffres de l'UQAM, puisque j'ai fait l'étude des budgets...

Le Président (M. Marsan): Je comprends que la présentation est terminée. Est-ce qu'on pourrait vous demander, si vous n'avez pas d'inconvénient, de déposer votre déclaration?

Mme Nevert (Michèle): La déclaration?

Le Président (M. Marsan): Oui, si vous ne l'avez pas immédiatement, ça peut être un petit peu plus tard, on peut faire des photocopies. Vous en avez besoin, on m'indique?

Mme Nevert (Michèle): Non, non, non.

Le Président (M. Marsan): O.K.

Mme Nevert (Michèle): Celle aussi des chargés de cours et des employés de soutien, si vous voulez? Non. Celle des professeurs, très bien.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Nevert. Et nous allons immédiatement commencer nos échanges avec le parti ministériel. Et je vais reconnaître tout de suite la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.

n(11 h 30)n

Mme Courchesne: Merci, M. Lafortune, M. Breton et Mme Nevert. Il nous fait plaisir de vous retrouver ici, à Québec, à l'étude de ce projet de loi. Votre présence est certainement très... non seulement significative, mais importante. Certains diront que ces projets de loi existent uniquement à cause de ce qui s'est passé à l'Université du Québec à Montréal. C'est évident que ce qui s'est passé à l'université a eu une influence, mais il serait nettement, nettement exagéré ou faux de croire que le gouvernement s'est engagé dans cette démarche uniquement à cause de l'UQAM, parce que la ministre de l'Éducation, dans son rôle d'interlocutrice auprès des universités, est d'avis que, dans toute société ou dans... et particulièrement dans le secteur pour lequel je suis responsable, et je l'ai dit ce matin d'ailleurs à l'Assemblée nationale, je pense que c'est absolument important ? deux choses ? qu'il y ait une gouvernance qui soit rigoureuse, sérieuse et crédible, et ça, pour moi, c'est absolument important... puis j'ai oublié la deuxième chose que je voulais vous dire, qui était importante. J'y reviendrai, je m'excuse, ça va sûrement me revenir. Donc, c'est vraiment...

Et, oui, aussi la deuxième chose, bien sûr, une reddition de comptes à la communauté universitaire, ça va de soi, il y a des articles dans le projet de loi à cet effet-là, mais une reddition de comptes aussi à toute la population du Québec, puisque des fonds publics importants sont investis dans les universités.

Moi, si vous me permettez, je vais prendre... je vais plutôt aborder la page 5 de votre mémoire parce que je trouve qu'il y a des éléments importants, intéressants, mais qui mériteraient d'être précisés. D'abord, vous dites: «En demandant l'abandon [...] du projet[...], nous ne disons pas qu'il n'y a pas matière à discussion sur le fonctionnement des universités.» Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. «Mais, si nous voulons discuter, il faudrait d'abord s'entendre sur quelques prémisses.» J'aimerais que vous... Et est-ce que je dois comprendre que les prémisses dont vous parlez sont justement ce que vous avez indiqué dans votre déclaration? Est-ce que c'est à ça que l'on fait référence?

Mme Nevert (Michèle): ...

Mme Courchesne: Oui?

Mme Nevert (Michèle): En grande partie.

Mme Courchesne: Et j'aimerais en avoir une copie. Je vais revenir là-dessus parce que j'ai pris quelques notes, mais, quand j'écoute... Vous parlez de la liberté bien sûr de recherche, de la liberté d'enseigner, ça m'apparaît absolument fondamental. Vous parlez d'une diversification des membres du conseil d'administration, ce avec quoi je suis entièrement d'accord. Il me semble que... Et je l'ai... D'ailleurs, dans nos rencontres, je vous l'ai déjà mentionné autour de ma table, de dire... ça ne doit... Les membres externes ou indépendants ne doivent pas être exclusivement du milieu des affaires. Il y a déjà un article dans le projet de loi, et je voudrais que cet article soit reprécisé, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer là-dessus.

Vous demandez des administrateurs informés. Ça aussi, c'est bien sûr lié au processus de transparence. Mais est-ce que vous seriez d'accord pour dire, et la loi en parle, qu'il faut probablement, même pour des gens qui ont une notoriété, même pour des gens qui sont déjà sur des conseils d'administration, peu importe, qu'on doive exiger une formation, mais pas... Quand j'utilise le mot «formation», là, une formation du rôle et de la fonction d'un membre de conseil d'administration, mais aussi une formation, ou une information, très spécifique à la personnalité de votre université ou de chaque université. Et ça, il y a un article de loi qui exige cela.

Alors, est-ce que vous êtes d'accord qu'il y a certainement une lacune à cet égard-là? Et je veux bien que ce soit uniquement pour les gens externes, mais peut-être que, dans certains cas, ça peut être aussi applicable à des gens de l'interne. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Document déposé

Le Président (M. Marsan): Oui. Avant de vous entendre, je voudrais simplement déposer le document que vous avez accepté gentiment de nous faire parvenir. Alors, il est acceptable pour la commission et il est distribué actuellement.

Alors, Mme Nevert, je vous laisse la parole pour commencer.

Mme Nevert (Michèle): Je vais laisser parler aussi un petit peu mes collègues.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, c'est M. Lafortune.

M. Lafortune (Jean-Marie): Voilà. D'accord. Alors, éventuellement, oui, on s'intéresse à la compétence des personnes qui siégeront sur les conseils d'administration, mais ce qui nous apparaît, c'est qu'il y a un angle mort dans l'approche de la gouvernance telle qu'elle est stipulée dans le projet de loi. C'est qu'on est d'accord évidemment sur les principes de transparence, de reddition de comptes. Là où vraiment il y a accrochage, c'est sur la légitimité des décideurs, à savoir, au fond, sur leur représentativité eu égard évidemment à la communauté universitaire qu'ils doivent desservir et aux mécanismes électoraux pour les nommer. Alors, à cet effet-là, le projet de loi est insatisfaisant, puisqu'il escamote à notre avis bon nombre des mécanismes électoraux de consultation, de nomination des membres au C.A., et on estime qu'à ce moment-là on perd en légitimité donc leur nomination.

On peut aller plus loin en disant que, derrière le projet de loi, il y a comme une philosophie de lier l'université à la société et aux entreprises en faisant en sorte que des représentants notamment des milieux donc financiers, milieux des affaires soient présents et éventuellement présents majoritaires. Il y a risque à notre avis aussi d'une certaine difficulté qui ressortirait de partenariats dans lesquels, au fond, ils seraient sujets à être en situation de conflit d'intérêts.

Alors, il y a selon nous un meilleur arrimage à faire entre l'université et la société, qui passe par, au fond, une plus grande autonomie des établissements universitaires.

Mme Courchesne: Comprenons-nous bien.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Actuellement, il y a un article, dans le projet de loi, qui parle de la diversité des profils d'expérience et de compétence qui doit être privilégiée. Bon, j'admets que c'est probablement trop vaste. Mais, si on remplaçait cet article en disant que le choix doit se faire parmi des membres qui reflètent la diversité sociale et la prise en compte des visions variées des enjeux sociaux, culturels et économiques, est-ce que... Bon, puis je ne vous dis pas que ça va être rédigé comme ça. Mais, si, dans la loi, on précise qu'effectivement cette diversification pour les membres, évidemment les membres de l'université... mais qui reflètent ces enjeux-là ou qui reflètent ces milieux-là... est-ce que ça ne rejoint pas votre préoccupation?

Et, quand vous me dites... Parce que, là, dans le projet de loi, même à l'UQAM ou dans les UQ, le gouvernement nomme un seul membre après consultation. Maintenant, j'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que vous souhaitez comme mode de nomination et comme mode de consultation pour la nomination des membres? Puisque c'est le conseil d'administration qui devra définir les profils pour son université, et donc, j'imagine, ils devront consulter aussi. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous souhaiteriez?

Mme Nevert (Michèle): Ce que nous souhaitons...

Le Président (M. Marsan): Oui, la parole est à Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Oui. Ce que nous souhaitons, Mme la ministre, c'est un retrait du projet de loi. Nous pensons qu'il n'est pas nécessaire. Nous pensons que les expertises auxquelles vous faites allusion se trouvent à l'intérieur de l'université, parce que nous les enseignons, et nous pensons que, si nous renforçons notre présence au sein du conseil d'administration, les expertises vont être là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, ce que je comprends, c'est que nul besoin de vous poser des questions, si vous souhaitez le retrait du projet de loi. Est-ce que je comprends que vous ne m'apporterez pas de précisions? Je vous demande: Quel mode de consultation et de représentation... de quelle façon voulez-vous nommer?, et vous me répondez en disant: Bien, on veut l'abandon du projet de loi. Quelle autre question puis-je poser?

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Je vous ai répondu à la question que vous m'aviez posée auparavant. À celle que vous venez de poser, là, sur le mode de nomination, pour nous, il passe bien évidemment, puisqu'on a parlé de collégialité et même de cogestion parfois, il passe par des élections, des consultations au sein de l'université.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: D'accord. Donc, au sein de l'assemblée... Dans votre cas, j'oublie le nom de la... C'est une commission des... Non, ce n'est pas... Chez vous, ce n'est pas une assemblée universitaire, c'est...

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): C'est qu'il y a des assemblées pour tous les corps d'emploi.

Mme Courchesne: Bon, voilà.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, ça, je comprends. Donc, ce que vous dites, c'est que chaque candidature serait soumise à l'assemblée universitaire. C'est ça?

Mme Nevert (Michèle): Ce qu'on vous dit, c'est que...

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Oui, pardon.

Le Président (M. Marsan): Excusez.

Mme Nevert (Michèle): Nous voulons une majorité importante d'internes sur les conseils d'administration de l'UQAM et nous avons expliqué pourquoi. Ces personnes qui sont membres du conseil d'administration seront élues chacune par les catégories et par l'ensemble.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

n(11 h 40)n

Mme Courchesne: Ça, je n'ai pas de problème, Mme Nevert. Ma question n'est pas celle-là. Peu importe le pourcentage, le nombre de personnes externes. M. Lafortune dit: Nous souhaitons une diversification. Nous sommes d'accord. M. Lafortune dit: Nous souhaitons d'autres types, d'autres moyens de nomination. Moi, je veux savoir quels sont ces moyens de nomination. Qu'est-ce que vous souhaitez comme consultation? Je m'excuse, vous souhaitez des consultations, alors, pour les membres externes. C'est ça, ma question.

Le Président (M. Marsan): M. Lafortune.

M. Lafortune (Jean-Marie): Alors, d'une part, la diversification dont on fait état ne règle pas le problème de la légitimité que j'ai évoqué tout à l'heure. On aurait beau...

Mme Courchesne: On s'entend, on s'entend là-dessus.

M. Lafortune (Jean-Marie): Ce qu'on souhaite, c'est qu'effectivement... Le principe, enfin, pour nous, de légitimité, ça veut dire de représentativité des forces vives, si on veut, de l'institution et éventuellement aussi, en conjonction avec ça, des forces vives de la société, majoritairement de l'institution desservie. Alors, les mécanismes de consultation, c'est que l'ensemble de la communauté universitaire soit effectivement partie prenante de cette recommandation.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Excellent. Vous faites... À la page 5 toujours, vous dites: «L'expertise du domaine universitaire en dehors de l'université est une denrée devenue rare, depuis notamment l'abolition du Conseil des universités», j'aimerais que vous m'en parliez, et vous dites de celle de la Direction des affaires universitaires du ministère. Mais, cela dit, il y a quand même une sous-ministre adjointe responsable des affaires universitaires, là, depuis toujours, ça, ça n'a pas changé. J'aimerais que vous me parliez pourquoi vous souhaiteriez retrouver le Conseil des universités. Est-ce que vous faites référence uniquement à l'assemblée générale de l'Université du Québec ou vous parlez là du Conseil des universités, de l'ensemble des universités, puis pourquoi?

Le Président (M. Marsan): M. Breton.

M. Breton (André): Dans le passé, le Conseil des universités a joué un très grand rôle parce que c'était l'instance qui à la fois examinait l'activité des universités et notamment l'activité des programmes, il n'y avait pas de nouveau programme qui pouvait être créé sans l'agrément du Conseil des universités. C'était aussi le lieu, si on peut dire, d'expertise et de débat sur la mission universitaire et à une certaine distance du ministère ou du gouvernement, tout comme le Conseil supérieur de l'éducation. Et en fusionnant, en abolissant le Conseil des universités, on a dit: Le Conseil supérieur de l'éducation s'occupera de ça.

Il n'y a plus, pour les universitaires, de lieu de référence. La CREPUQ n'est pas un lieu de référence, hein, c'est un lobby. Donc, ce n'est pas là que l'expertise se situe, que la réflexion sur l'université se fait, c'est une réflexion sur les intérêts des principaux et recteurs. Mais donc le Conseil des universités était une institution importante, au Québec, qui a été abolie ? elle n'a pas été abolie... ça n'a pas été aboli dans toutes les provinces ? et cette abolition, qui date d'une quinzaine d'années, a fait perdre ce qui était en quelque sorte un point de ralliement pour le débat et la réflexion et qui nous aurait été fort utile dans le débat actuel. Je ne dis pas qu'il faut le récréer, mais il faut peut-être penser à le recréer.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Bien, M. Breton, en tout cas, moi, j'apprécie que vous êtes les premiers à faire référence à cela. Cet après-midi, nous allons entendre MM. L'Écuyer et Bernard, de l'Université de Montréal, qui, je crois comprendre, ont une proposition semblable, là. Je ne veux pas rentrer dans ce qu'ils nous présenteront, mais j'ai eu l'occasion de rencontrer M. L'Écuyer au préalable, on ira plus loin cet après-midi. Je veux juste simplement vous dire que ça mérite réflexion. Je ne suis pas fermée à l'idée d'explorer cette avenue-là.

Pour moi, c'est... Et vous disiez, Mme Nevert, que, dans toute prise de décision... tu sais, je crois à cet esprit que vous appelez de collégialité, mais surtout pour moi ce lien entre tous à l'intérieur d'une université. Ça, je n'ai jamais contesté ça, au contraire. Vous avez probablement vu que, dans la loi, nous rajoutons des articles pour rendre obligatoire le processus consultatif. Il y a deux articles: un qui rend obligatoire avant que le conseil d'administration prenne une décision sur des projets comme les projets immobiliers, comme la mission, comme les orientations... doive au préalable consulter la communauté universitaire et non seulement les consulter, mais fournir les documents pour que ce soit clair. Et il y a aussi, ensuite, une assemblée annuelle sur la reddition de comptes. C'est déjà là et, pour moi, ça fait référence au processus ouvert et consultatif dont vous parlez dans votre déclaration pour assurer la transparence. Donc, est-ce que vous êtes satisfaits de ces articles ou pas?

Le Président (M. Marsan): Je vais reconnaître Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Vous essayez de nous faire réagir sur des éléments de la loi pour nous faire dire: Ceci nous convient, ceci non. Écoutez, ce n'est pas qu'on ne veut pas discuter, là, mais c'est que la discussion à laquelle... que, nous, nous demandons, ce sont des états généraux, c'est quelque chose de beaucoup plus vaste que, là, dire: Écoutez, est-ce qu'on s'entend vous et nous sur la définition de diversité du conseil d'administration? Est-ce que, dans cette perspective, cet article-là peut être retenu? Alors, oui, on dit diversité, oui, on va dire aussi que nous pensons qu'il faut un équilibre hommes-femmes, oui, nous pensons... Bon.

Mme Courchesne: J'écoute.

Mme Nevert (Michèle): Oui, c'est ça.

Mme Courchesne: Écoutez, Mme Nevert, je respecte votre point de vue. Nous, comme parlementaires, nous avons un travail à faire. Notre travail, c'est d'écouter et de discuter sur un projet de loi qui est présenté démocratiquement à l'Assemblée nationale. Vous nous dites: Nous, on veut l'abandon et voilà. Je respecte cette position-là. Vous venez ici, démocratiquement, pour nous le souligner. Vous nous remettez une déclaration. Moi, j'ai pris la peine de partir de votre déclaration, et, selon moi, quand je lis votre déclaration mot à mot, je retrouve des améliorations à la situation actuelle qui sont proposées dans le projet de loi. Et quand je lis attentivement cette déclaration-là, elle rejoint en tous points, en tous points l'esprit de la loi et ce que nous souhaitons.

Nous sommes ici réunis pour entendre vos commentaires, en disant... Par exemple, M. Lafortune nous dit, et vous-même, vous dites: Écoutez, nous, nous souhaitons une majorité de gens qui proviennent de l'université. Parfait, nous l'entendons. Moi, j'en suis sur ce lien entre la loi et les principes de votre déclaration. Alors, j'aurais souhaité aller plus loin, je respecte votre point de vue. M. le Président, nous avons compris que, malgré cette déclaration... Et, dans la vie, ça prend des lois pour assumer des gouvernances. Dans une société, et j'avais ajouté une société moderne, c'est le sens de notre démarche, M. le Président. En tout respect, nous avons terminé notre demande de questions.

Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons poursuivre avec la deuxième partie qui est l'échange avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, Mme la députée de Taillon.

n(11 h 50)n

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je suis un peu étonnée des dernières paroles de la ministre. Moi, je conçois très bien qu'on vienne dire: Écoutez, il n'y a pas eu de débat public, on trouve qu'il aurait dû y en avoir un avant qu'on ait un projet de loi. Et nous, bien évidemment, on aura éventuellement à travailler le projet de loi article par article. Mais, en attendant, je trouve tout à fait normal qu'on s'inspire de la réflexion des gens qui nous disent pourquoi on aurait dû procéder autrement. Puis, moi, j'ai des questions à vous poser, tout en sachant que vous n'allez pas faire une analyse très, très pointue. Il y en a qui nous ont dit: À tel article, on voudrait changer telle chose. Vous avez une approche qui est plus globale, mais, pour moi, elle est tout à fait nécessaire et intéressante. Et donc je voudrais démarrer l'échange, puis je sais que mes collègues, qui sont nombreux, je les en remercie, ont certainement des choses également à dire.

En fait, si on prend les choses largement, comme vous le faites, moi, depuis les heures et les heures, là, que je suis en train de réfléchir à cette question-là, je vois qu'il y a deux types de débat au coeur de ce projet de loi qui n'ont pas été faits ailleurs, puisqu'il n'y a pas eu de débat public comme vous le soulevez très précisément. Il y a un premier débat qui est autour de la mission, de ce qu'est une université, de ce qu'est un cégep, mais là on parle des universités. Il y a tout un débat autour de ça. Quelle est sa mission et surtout comment la protéger? Comment s'assurer qu'un projet de loi ne vienne pas interférer avec la mission et faire que, comme nous l'ont très bien démontré hier un certain nombre de personnes... que des décisions du conseil d'administration respectent la mission académique? Parce qu'un conseil d'administration, même s'il peut y avoir un sénat, même s'il peut y avoir d'autre chose, en fin de compte, le conseil d'administration prend les décisions finales. Donc, comment respecter la mission? Ça, c'est une première question.

L'autre question qui m'apparaît de plus en plus claire aussi et problématique, même si on répondait à la première en disant qu'on arrive à la respecter, est-ce que ce genre de projet de loi permet d'introduire la rigueur que souhaite la ministre? Est-ce que ça le permet? Et là c'est un autre débat, mais il faut faire les deux en même temps. Est-ce que ça le permet? Vous avez rappelé à juste titre les déboires de l'UQAM, et je suis heureuse que vous ayez même cité les paroles des professeurs qui, à l'époque, ont dit: Un instant! Pourquoi irions-nous dans cette aventure? Et ça s'est avéré qu'ils avaient raison. Il s'est avéré que les administrateurs externes n'ont pas vu la dérive et il s'est avéré que les différents paliers de contrôle, y compris du gouvernement, n'ont pas vu non plus la dérive.

Alors, est-ce qu'un projet de loi comme celui-là, qui donne plus de place aux membres externes, indépendamment de la question de la mission, juste en termes de gestion, est-ce que c'est garant de plus de rigueur? Et, ce matin, je posais une question à laquelle je n'ai pas eu vraiment de réponse. On me dit: Un bon projet de loi sur la gouvernance, achetez-le, puis vous aurez de la rigueur. Je sais, moi, que les principes qui sont dans ce projet de loi, comme ceux sur les sociétés d'État, ne me garantiront pas qu'il n'y aura pas de dérive, entre autres sur les hausses salariales des dirigeants des universités.

Alors, j'aimerais... j'aimerais... ce n'est pas vraiment une question, mais j'aimerais que vous me développiez votre point de vue là-dessus, sur les moyens que l'on devrait prendre pour assurer plus de rigueur. Si on faisait un débat, on le ferait sur quoi, on le ferait avec qui, il aurait quelle ampleur? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vais reconnaître M. Lafortune.

M. Lafortune (Jean-Marie): Oui. Alors, peut-être sur la première partie autour de la mission, c'est qu'il y a des choses qui m'apparaissent importantes à souligner. Une confusion notable, je crois, autour des débats, là, entourant ce projet de loi, sur la notion d'autonomie universitaire. Il faut bien comprendre que l'autonomie universitaire dont on parle, nous, ce n'est pas une indépendance financière vis-à-vis des fonds publics, ce que certains colportent, parce qu'au fond ça veut dire nécessairement un rapprochement avec les milieux financiers, éventuellement une certaine dépendance d'avec le milieu des affaires pour aller chercher l'argent nécessaire pour effectivement remplir la mission universitaire.

Alors, ce qu'on se dit, c'est que la poursuite désintéressée de la vérité, c'est-à-dire au fond une liberté critique dans la recherche, dans l'enseignement, ça requiert une protection qui lui garantit son autonomie, et ça, ce sont les financements publics qui peuvent lui garantir ça. Alors, l'autonomie universitaire, c'est la garantie de la poursuite d'une mission fondamentale qui n'est au fond pas uniquement un arrimage, bien sûr, avec les besoins en emploi, les besoins liés à la croissance économique, qui sont des besoins légitimes, mais il faut quand même rappeler qu'on n'évolue pas dans une économie de marché, mais bel et bien dans une démocratie de marché, et ce qui veut dire qu'on doit conjuguer bien sûr le développement de deux séries d'aptitudes, à savoir des gens qui agiront convenablement comme citoyens et citoyennes en participant au débats publics et à l'avancement de la société, mais aussi des gens qui vont entrer dans le marché du travail, éventuellement, faire prospérer la société.

Alors, il nous apparaît là-dessus qu'il y a un glissement sur la notion de l'autonomie, qui menace la réalisation, la concrétisation de la mission universitaire fondamentale, puisque, sans autre protection qu'un financement solide... Parce que ce qu'on constate parallèlement, c'est un désengagement de l'État vis-à-vis du financement universitaire, une précarisation de ce côté-là qui entraîne bien sûr les milieux à se rapprocher d'autres acteurs de la société, à agir éventuellement ? les universités sont entrées dans cette dynamique ? ...à agir comme des acteurs économiques parmi d'autres, alors que, la mission, elle est de conjuguer le développement d'une citoyenneté active en même temps que de contribuer au développement de la société.

Alors, pour nous, les universités ne doivent pas être au service de la société au sens où on l'entend dans certains débats. Selon nous, les universités, par le travail autonome, protégé, critique, donnent malgré tout énormément à la société dans tous les champs finalement de la recherche et de l'enseignement, contribuent à faire avancer cette société. Et donc il y a, on pourrait dire, une ceinture de protection que seuls les fonds publics peuvent y apporter. Et c'est, entre autres, une des difficultés qu'on a avec le projet de loi, c'est qu'il s'inscrit dans cette dynamique de désengagement qui fait en sorte qu'à terme les missions seront dévouées et qu'éventuellement le financement ciblé, attaché, commandé pour la recherche et l'enseignement va à l'encontre d'une véritable démarche académique libre et susceptible d'enrichir la société, mais pas simplement au plan économique, mais aussi au plan social. Alors, voilà un peu, autour de la mission, ce qui m'apparaissait, moi, un peu une mise en contexte.

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Oui. Pour l'introduction de la rigueur, Mme Malavoy, la réponse est qu'évidemment nous pensons que le fait qu'il y ait une majorité d'externes et même un nombre important d'externes ne permet pas justement de rendre compte d'un travail de rigueur. On pense que c'est même l'opposé, c'est-à-dire que c'est à l'interne, qui, lui, va avoir ce regard critique et qu'il a le regard critique. Si on est revenus sur la crise à l'UQAM, c'était parce que justement c'était l'exemple type qui montrait comment ça avait fonctionné puis qui c'est qui tenait un jugement critique.

Alors, on dit: Oui, mais alors est-ce que, si on a là beaucoup de professeurs, beaucoup de représentants de l'interne, est-ce qu'on n'aura pas des positions corporatistes ou est-ce qu'on ne va pas protéger... Non. Pourquoi? Parce que, par essence, la position de l'intellectuel, c'est une position critique, et qu'au sein même de l'université, forcément, dans toutes les disciplines, c'est la diversité idéologique, la diversité des points de vue, la diversité d'analyse qui est remise en scène de façon systématique. Donc, c'est là que se font les débats, c'est précisément quand les intellectuels sont en place. Et je crois que c'est très simple, il suffit de regarder comment ça fonctionne au niveau de la recherche, au niveau des subventions qui sont octroyées.

N'importe quel organisme subventionnaire va vous dire que ça joue de façon très serrée et très dure, hein, lorsqu'il s'agit comme ça d'évaluer les projets des uns et des autres, parce que chacun y va avec sa propre théorie, sa propre façon de comprendre les choses. Donc, il est certain que c'est cette diversité-là, c'est-à-dire la diversité de points de vue, la diversité intellectuelle, c'est celle-là qui compte pour avoir une meilleure gestion et être assurés, à ce moment-là, qu'effectivement on n'aura pas les dérapages et les abus de pouvoir auxquels on a été confrontés, notamment à l'UQAM, mais ailleurs aussi. Quand on lit les journaux, on voit un petit peu comment ça fonctionne...

Alors, évidemment que, nous, on n'est pas là dans une situation de se dire: Est-ce que, tel article, on pourrait changer tel mot, tel adjectif?, et se dire: Ça irait beaucoup mieux. Non, c'est parce que, là, il y a un prémisse, au niveau de la loi, qui nous fait problème, et ce prémisse-là, c'est celui-là, c'est-à-dire de mettre la direction des universités, le fonctionnement des universités dans les mains de personnes qui viennent de l'extérieur et qui ne connaîtront pas le fonctionnement. Alors, si la question que l'on me pose, c'est de dire: Mais est-ce que, si on leur donne une formation précise sur la mission, les valeurs de telle université... est-ce que ça vous convient? Bien, la réponse, c'est: Bien sûr que ce serait la moindre des choses que les personnes qui siègent au conseil d'administration connaissent un petit peu le fonctionnement et la culture de l'université alors qu'ils y siègent. Mais j'aurais envie de dire: Je suppose que ça se passe comme ça partout dans la société, en tout cas que ça devrait être le cas. C'est quand même la moindre des choses, si on siège sur un conseil d'administration, de savoir un peu sur quelle institution on travaille et quelles sont ses valeurs et ses missions. Mais voilà.

Donc, la rigueur, nous sommes convaincus, indépendamment des personnalités des uns et des autres qui pourraient venir de l'extérieur, que c'est la collégialité qui va la maintenir et la développer.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je trouve que vous introduisez quelque chose d'intéressant qui... en fait, dans les mots que vous utilisez, intéressant de rappeler le regard critique obligé des intellectuels, comme faisant partie de leur nature et de leur travail. Bon. Est-ce que vous comprenez? Parce que, moi, je ne comprends pas. Je vais poser une question un peu simpliste, mais...

Comment se fait-il qu'on utilise les déboires de l'UQAM pour essayer de mettre plus de gens de l'externe? Moi, je ne comprends pas ce contresens. Je ne le comprends pas. Je ne comprends pas que, dans les propos publics... Puis ça revient tout le temps, et c'est... et c'est rendu que, dans l'opinion publique, hein, quand vous entendez des gens qui n'ont pas, là, forcément eu le loisir d'en discuter avec beaucoup d'arguments, vous avez cette idée que les universités, il faut les mettre au pas. Regardez ce qui s'est passé à l'UQAM et puis... Bon. Puis honnêtement, là, je m'excuse, mais, moi, j'ai l'impression que le gouvernement a utilisé ce genre d'argument, que ça a été un facteur précipitant. Ce n'est pas le seul facteur d'introduction des projets de loi, mais ça a été un facteur précipitant.

Or, ce que vous dites, ce que d'autres sont venus dire, c'est le contraire. Alors, est-ce que vous comprenez l'abus que l'on fait de cette situation?

n(12 heures)n

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert.

Mme Nevert (Michèle): Écoutez, je ne sais pas si je le comprends. En tout cas, je pourrais au moins dire comment je peux l'analyser.

Moi, pendant très longtemps, ce que nous avons entendu, et un peu partout, c'est qu'effectivement le projet de loi avait été engendré par la dérive immobilière et le fiasco de l'UQAM. Bon, ce matin, j'entends, ma ministre nous dit: Écoutez, non, c'était plus large que ça.

Alors, évidemment, ce à quoi ça me conduit en termes de réflexion, c'est la chose suivante: C'est donc de dire que, si ce n'est pas uniquement l'UQAM, c'est que donc ce dont il est question, c'est de la vision de l'université, de quelle université on veut dans la société. Et donc là je trouve que ça me ramène immédiatement à dire l'importance que nous tenions des états généraux et que nous ayons donc une véritable réflexion approfondie sur justement: Qu'est-ce que l'université? D'où elle est partie? Vers où elle va? Comment on la voit? Qu'est-ce que c'est qu'un intellectuel dans la société? Comment ça fonctionne? C'est comme ça que je le comprends, c'est que c'est une question de vision de l'université.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je vais poser encore une question. J'en aurais beaucoup, mais je sais que mon collègue de Drummond voudra peut-être en poser une après moi. Non? Ça va pour l'instant? Bon.

Vous demandez le retrait, vous demandez un débat. Vous dites aussi, dans votre mémoire: Il y a d'autres études qui disent d'autres choses. Moi, j'ai regardé avec beaucoup d'attention une annexe que l'université... que... pas l'Université McGill, c'est sa rectrice qui est présidente de la CREPUQ, mais que la CREPUQ nous a envoyée. La CREPUQ va venir présenter son mémoire un peu plus tard, on ne parlera pas du contenu maintenant, mais il y a une annexe qui a été envoyée séparément et qui fait un tour d'horizon de ce qui se passe dans le monde par rapport à cette question d'autonomie des universités. Et vraiment je l'ai regardée assez attentivement et je voudrais savoir si, quand vous dites vous-mêmes: Il y a d'autres études, c'est à ce genre de chose que vous faites référence? À quoi faites-vous référence qui pourrait nous inspirer pour justement ne pas nous fier uniquement sur la... le modèle gouvernance, qui a ses racines, on les connaît, mais nous inspirer d'autres modèles éventuellement?

Le Président (M. Marsan): Mme Nevert... Oui, M. Breton, la parole est à vous.

M. Breton (André): C'est parce qu'on a eu comme un peu... Ce qui a un peu lancé le débat, c'est le rapport de l'IGOPP. Quand on lisait le rapport de l'IGOPP, il y a deux ans, on disait: Ah bon! Il y a quelques études, en effet. Mais, dans les... nos collègues de sciences de la gestion nous disaient: Mais là il y a bien mieux que ça comme référence, si on peut dire, théorique d'auteur sur la gestion des universités, d'auteur sur les ensembles complexes. Parce que l'université est un ensemble complexe, hein, c'est très fédératif, le fonctionnement de l'université. Il y a... Quelle que soit l'organisation interne de l'université, c'est plusieurs lieux et c'est une mission globale mais fondée sur l'enseignement, la recherche, le développement de l'esprit critique. Donc, ça ne se gère pas comme une entreprise, ça se gère comme... si on peut dire, comme une université.

Donc, quand le rapport de l'IGOPP est paru, qui essayait de faire autorité et qui recommandait un meilleur mode de gouvernance, les critiques, nous, on l'a rejeté, disons, sur la base du principe qu'il fallait... en quelque sorte, qu'on allait déposséder l'université en confiant la majorité de ces décisions à un conseil d'administration formé d'externes, mais d'autres disaient: Mais c'est mal fait.

Donc, nous, on n'est pas tout à fait ici, nous trois, spécialistes de la gestion des universités, mais on entendait nos collègues dire, et depuis il y a eu quelques documents qui ont été publiés là-dessus. Il y a un collègue de la TELUQ qui a fait une revue de littérature, en disant: Ils sont passés un peu à côté, l'IGOPP. Puis il y a... Vous nous dites que la CREPUQ a une revue de littérature assez importante sur laquelle elle se serait basée, si je comprends bien, pour son mémoire; j'ai bien hâte de voir ce qu'elle... ce qu'ils ont trouvé. Mais ce n'est pas... ça ne fait pas autorité, l'IGOPP. La gestion de l'université est plus complexe que ça.

En même temps, sur un certain nombre de dossiers, écoutez, ça, c'est l'îlot Voyageur. Quand... J'étais entre deux mandats au comité exécutif, donc je n'étais pas... Mais, à un moment donné, ça a été voté vite, hein? Donc, je suis allé chercher le dossier, je l'ai lu et je me suis dit: Je n'ai pas besoin d'être spécialiste de comptabilité. Il y a une colonne revenus, il y a une colonne dépenses, et visiblement ça ne va pas. Et je me disais: Quelqu'un qui sait lire le français, qui prend la peine de lire le dossier ne va pas voter ça.

Donc, qu'est-ce qui s'est passé? On le sait assez bien. Le dossier est arrivé aux membres du C.A. le vendredi; il fallait le voter le mardi. Les professeurs membres du C.A. ont dit: On va quand même se donner un peu de temps de réflexion. Ça a été voté le lundi suivant avec le recteur en conférence téléphonique, ça été voté en 15 minutes. C'est comme ça que ça s'est passé. Ce n'est pas parce que c'est si compliqué. Si on le lit, on n'a pas confiance que ça va marcher.

Le Président (M. Marsan): M. Breton, je vous remercie. Ceci termine la période d'échange avec l'opposition officielle.

Nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, et je vais reconnaître M. le député de Chauveau, qui est le porte-parole en matière d'éducation. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à souligner vos 20 ans de vie parlementaire. C'est tout... 15 ans?

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): ...pareil.

M. Deltell: Mon Dieu! Ah bon, excusez-moi, j'étais trop emballé par... j'étais trop emballé par votre hommage, votre hommage pleinement mérité. Merci bien, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, Gérard.

M. Deltell: Alors, M. le Président, ça me fait plaisir de vous saluer. Madame messieurs, on s'est déjà rencontrés en d'autres temps, au milieu d'événements excessifs. Et je l'ai dit des dizaines de fois, à chaque fois qu'on m'a posé la question: Je veux vous dire merci, merci parce que vous m'avez permis d'exprimer une opinion contraire à la vôtre, et vous l'avez permis de façon tout à fait correcte. Je l'ai dit un peu en caricature: En d'autres temps, c'était la démocratie extrême, parce que jamais, lors d'une manifestation devant le parlement, un député n'est allé dire aux manifestants le contraire de ce qu'ils venaient... ce qu'ils venaient réclamer, mais vous l'avez permis, et la démocratie en est sortie gagnante, et je vous en remercie.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour parler d'un projet de loi qui concerne évidemment les universités. Et vous l'avez bien dit, c'est un point de vue que, nous, nous partageons: Nous sommes ici en raison de la catastrophe financière de l'îlot Voyageur. D'aucuns vont nuancer ça en disant: C'est un des facteurs; nous, nous estimons que c'est le facteur décisif qui a fait qu'on est ici aujourd'hui.

Vous avez dit, à juste titre, c'est une réalité technique que personne ne peut contester, que les gens de l'interne au conseil d'administration, eux, avaient sonné l'alarme et avaient dit: Il ne faut pas aller dans ce sentier-là. En revanche, les gens de l'externe, eux, majoritaires, ont dit: C'est beau, on y va, et ils y sont allés, avec les résultats que l'on connaît. Vous l'avez très bien défini, il y a quoi, même pas deux minutes, en disant que ça s'est fait trop vite, trop rapidement, conversations téléphoniques, pas le temps d'étudier, pas le temps de faire... d'aller au fond des choses. Résultat: la catastrophe.

Je dois vous rappeler par contre ? et ça, c'est le rapport du Vérificateur qui le dit ? qu'à deux reprises le ministère de l'Éducation, le ministre de l'Éducation du temps avaient été avisés, et lui également n'a pas pris acte de l'avertissement qui avait été donné. Résultat: bien, c'est la catastrophe que l'on connaît.

Vous dites dans votre mémoire que vous souhaitez une majorité... si j'ai bien compris, vous souhaitez une majorité de gens de l'interne, parce qu'eux, vous l'avez très bien plaidé tout à l'heure, sont à même de savoir c'est quoi, les besoins, et tout ça, puis ce sont des gens intellectuels, et tout ça. Bon. Mais la question que je me pose concernant... ? et vous avez été donc témoins de ça ? concernant la catastrophe de l'îlot Voyageur, c'est de savoir: Le problème ne serait-il pas que les gens de l'externe n'étaient pas compétents, ont fait preuve de laxisme, n'ont pas été au fond des choses plutôt que le problème du nombre, que, s'ils avaient été majoritaires ou minoritaires, ce n'est pas ça, c'est que les gens sur place n'avaient pas été... n'ont pas fait leur job, n'avaient pas été compétents? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Alors, c'est M. Breton qui prend la parole?

M. Breton (André): On voulait dire qu'on en mettrait plus, ils seraient plus nombreux, et ça irait mieux. Mais je...

M. Deltell: C'est-à-dire que, s'il y avait plus de gens de... s'il y avait plus de gens de l'interne, puisque les gens de l'interne ont sonné l'alarme, il n'y aurait pas eu cette dérive-là. Mais, moi, je me... je me pose la question. Le problème, ce ne serait pas tant le nombre que la compétence des gens qui étaient sur place, que ceux qui ont fermé les yeux ont fait preuve d'incompétence. Point. Et ce n'est pas parce qu'ils étaient de l'externe ou de l'interne, c'est parce qu'ils étaient incompétents.

Le Président (M. Marsan): M. Breton.

n(12 h 10)n

M. Breton (André): Sur ce dossier, quelqu'un qui sait lire le français, qui le lit une fois en entier ne vote pas ça. Donc, ça veut dire que ça s'est joué autrement. Je ne dis pas que les gens n'ont pas lu le dossier, mais ça s'est joué plus dans un rapport de confiance traditionnelle que les gens...

Nous, on a l'impression que les gens de l'externe votent avec le recteur à peu près les yeux fermés, hein, traditionnellement, et donc ils ont fait confiance. La critique ne vient pas exclusivement mais essentiellement de l'interne et du débat interne, qui est quotidien à l'université. Elle vient aussi du corps professoral, dont c'est un peu la mission, dans l'enseignement, le développement de la pensée critique, le développement de la recherche, de questionner ce qu'on nous présente. Et on sait que, dans ce dossier-là, c'est seulement les professeurs qui sont intervenus, d'abord pour faire retarder la décision, parce que, du vendredi au mardi, franchement c'est un peu court, il y a la fin de semaine aussi. Et, lorsqu'on a accepté de retarder la décision, on l'a remise au lundi suivant, qui n'est pas un jour habituel du... de réunion du conseil d'administration, donc un certain nombre étaient en conférence téléphonique, dont le recteur. Ça s'est voté en 18 minutes. J'ai dit 15, là; 18. C'est...

Donc, ça ne peut pas aller. On ne peut pas gérer une université sur des gros projets en faisant ce genre de gestion. Il faut renforcer par le débat collégial qui existe, il faut le reconnaître, le renforcer. En dehors du conseil d'administration, c'est le syndicat des professeurs, des associations étudiantes qui ont dit: Il faut arrêter ça, mais on a dit: Non, c'est le C.A. qui a décidé. Donc, le clivage dans le débat interne existait déjà entre le conseil d'administration et la communauté universitaire.

Le Président (M. Marsan): M. Breton, Mme Nevert, M. Lafortune, merci pour votre présentation.

Et nous allons... la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 15 heures. Vous pouvez laisser vous effets ici, on m'indique que ça devrait être barré. Alors, bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Marsan): Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.

Je voudrais rappeler que, pour notre agenda de cet après-midi, nous recevons, à 15 heures, le Syndicat canadien de la fonction publique; à 16 h 30, MM. Jacques L'Écuyer et Paul Bernard; et, à 17 h 30, la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Je voudrais rappeler, avant de débuter, le temps alloué pour la période de présentation. Pour le Syndicat canadien de la fonction publique, c'est 1 h 30 min: 30 minutes pour l'exposé de l'organisme et une période de jusqu'à 60 minutes pour les échanges; la même chose pour la Fédération des chambres de commerce; et de une heure pour MM. Jacques L'Écuyer et Paul Bernard.

Alors, sur ce, il me fait plaisir d'accueillir, en votre nom, Mme Levasseur; Mme Levasseur est la présidente du syndicat. Et je vais vous demander, Mme Levasseur, de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre exposé. Vous avez jusqu'à un maximum de 30 minutes.

Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP)

Mme Levasseur (Lucie): Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, membres députés. Je suis accompagnée, à ma droite, de Mme Danielle Lamy, directrice adjointe au SCFP, et de M. Stephan Meloche, toujours à ma droite, vice-président du Conseil provincial du secteur universitaire. Immédiatement à ma gauche, vous avez Mme Ginette Bussières, présidente du Conseil provincial des collèges, et Mme Marie-Claude Cadieux, conseillère syndicale.

Nous sommes heureux de pouvoir participer au débat entourant l'importante question de la gouvernance dans nos institutions, pardon, universitaires et collégiales, et nous vous remercions de l'invitation.

Nous pensons en effet que le secteur universitaire du SCFP, avec ses 11 500 membres appartenant aux diverses catégories de personnel, peut apporter une contribution constructive aux discussions en cours. Nos membres soutiennent quotidiennement tous les volets de la mission de chaque université et collège, et leur expertise diversifiée nous permet de dresser un large portrait de la situation et de mettre en lumière des réalités qui, pour être différentes, n'en sont pas moins complémentaires.

Dans un premier temps, je commenterai certains aspects du projet de loi n° 38; par la suite, Mme Bussières fera de même pour le projet de loi n° 44.

Il va de soi que le SCFP endosse les objectifs du gouvernement d'améliorer les règles de saine gouvernance, et ce, dans le respect de la mission des universités. Néanmoins, nous déplorons grandement le modèle de gestion centralisateur introduit par le projet de loi concernant les universités. Toutefois, avant de parler du modèle de gestion, il nous apparaît important de rappeler que nous estimons ce projet de loi prématuré.

Mme la ministre a mentionné, le 15 septembre dernier, et je cite: «...il faut être prudent quand on dit que ces projets de loi sont déposés uniquement à cause de la situation de l'UQAM. Je pense que ce serait extrêmement simpliste et réducteur de croire que nous faisons ce travail-là en réaction exclusivement au dossier de l'UQAM, qui bien sûr a causé préjudice, a entraîné des soubresauts [...] et des situations non désirables.»

Nous voulons bien croire que la dérive de l'UQAM n'est pas l'unique explication au dépôt de ce projet de loi, mais elle a certainement eu un effet déclencheur, et nous croyons que le gouvernement aurait dû déclencher... aurait dû, pardon, se pencher sur la raison de cette dérive avant de vouloir imposer un modèle de gouvernance centralisateur qui contrevient à une longue tradition pendant laquelle primait un mode de gestion participative.

La ministre l'a bien dit, la dérive de l'UQAM a entraîné des situations non désirables, des situations qui, selon nous, auraient pu être évitées si le développement de nos universités et ses véritables enjeux, notamment le mode de financement des universités, avait été examiné sérieusement.

La situation dans laquelle s'est placée l'UQAM a fait couler beaucoup d'encre. Mais il faut le dire, un nombre important de situations peu souhaitables abondent, dans nos universités, et pourraient aussi conduire à d'autres dérapages regrettables: que l'on pense à la course effrénée à la clientèle étudiante, la multiplication anarchique des centres de services, la marchandisation de la formation et le dévoiement de la recherche. Si la volonté du gouvernement était d'assurer une saine gouvernance dans nos institutions universitaires, il nous convierait à participer à des états généraux. Je reviendrai d'ailleurs sur cette question.

Vous l'aurez compris, le projet de loi ne répond pas à nos attentes, parce qu'il est trop hâtif. Une réflexion en profondeur devrait le précéder. Cela dit, nous avons tout de même étudié le projet de loi et, si la tentation était forte au départ de le rejeter en bloc, nous avons réfléchi aux moyens de le rendre recevable.

Parlons tout d'abord de la composition du conseil d'administration. Nous avons suivi les débats et nous sommes heureux de constater que la ministre a bien entendu et reçu le message quant à la représentativité des différents groupes oeuvrant au sein de l'institution. Si nous sentons une ouverture de la part de la ministre, elle n'a cependant pas pris d'engagement. C'est pourquoi nous nous permettons d'unir notre voix aux nombreuses autres qui vous ont demandé de reconsidérer cette question.

n(15 h 10)n

Les personnes oubliées dans le projet de loi font partie intégrante de la vie universitaire et participent, chacune à leur façon, à sa mission. Leur contribution au conseil d'administration est importante, car elles peuvent porter un regard complémentaire.

Passons maintenant à la question de la représentativité interne et externe. Comme dans beaucoup d'autres organisations, nos membres ont réagi fortement à la volonté du gouvernement d'imposer des conseils d'administration composés d'une forte majorité de membres externes. Nous ne pouvons passer sous silence le fait que cette recommandation a été reçue comme un véritable soufflet par les personnes qui oeuvrent à l'interne. Encore une fois, nous savons que la ministre a bien expliqué qu'il n'était pas question ici d'un manque de confiance de la part du gouvernement à l'égard des personnes issues de l'interne. Mais honnêtement, comment l'interpréter autrement quand nous savons que le projet de loi s'appuie grandement sur le rapport Toulouse? Or, ce rapport donnait à entendre que, sous prétexte que les membres internes sont concernés par le devenir, le développement de l'université, leur crédibilité serait plus sujette à caution.

À cet égard, le projet de loi a donc suscité de vigoureuses discussions au sein de notre organisation. Nous vous le disons franchement, le premier réflexe fut de demander une majorité de membres provenant de l'interne que... pardon, qu'une majorité de membres provenant de l'interne siègent au C.A. Cependant, au fur et à mesure des discussions, il nous est apparu qu'un juste équilibre entre l'interne et l'externe pouvait être acceptable en autant que le conseil d'administration reflète, d'une part, l'ensemble de la communauté universitaire et, d'autre part, toutes les sphères de la société. Si la ministre ne s'est pas engagée quant à la première partie de notre condition, nous avons toutefois pris bonne note de son engagement à amender le projet de loi afin de clarifier le caractère représentatif de la société.

Voyons maintenant la notion de «conflit d'intérêts». On pourrait discuter longuement de ce qui constitue un conflit d'intérêts et qui, de l'interne ou de l'externe, est le plus à même de se placer dans une telle situation. Nous savons que vous avez eu d'intéressantes discussions à ce sujet.

Pour notre part, nous voulons attirer votre attention sur la disparité de traitement entre les membres indépendants et les membres issus de la communauté universitaire. Il est spécifié, dans le projet de loi, qu'un membre se qualifie à titre d'indépendant à condition qu'il n'ait pas, au moment de sa nomination, de relations directes ou indirectes de nature financière, commerciale ou professionnelle susceptibles de nuire à la qualité de ses décisions, eu égard aux intérêts de l'établissement. Il est par ailleurs précisé qu'une fois nommé il doit dénoncer par écrit toute situation pouvant affecter son statut. Toutefois, le fait de se trouver, de manière ponctuelle, en situation de conflit d'intérêts n'affecte pas sa qualification.

Pourtant, les membres issus de la communauté universitaire ne peuvent avoir d'intérêts directs ou indirects mettant en conflit leur intérêt personnel et celui de l'établissement concerné. Dans l'éventualité où la situation se produirait, ils doivent y renoncer ou en disposer avec diligence. La loi autorise donc un membre indépendant à se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit d'intérêts, tandis qu'un membre issu de l'interne doit rompre les liens le rattachant à l'entreprise, l'organisme ou l'association concernée. Nous pensons que le même traitement, en matière de conflits d'intérêts, devrait s'appliquer à tous les membres du conseil d'administration.

Autre point: Les responsabilités du conseil d'administration et la création de comités internes.

La question des responsabilités du conseil d'administration est à notre avis intimement liée à celle de la création des comités internes. En effet, chacun de ces comités se voit confier des mandats dont les travaux seront approuvés par les membres du conseil. Les nouvelles responsabilités du C.A. proviennent ainsi des analyses et des documents produits par les membres des comités internes composés majoritairement des membres dits indépendants et d'au plus un membre de la communauté universitaire. Nous assistons là à une centralisation du pouvoir dont l'imperméabilité à toute influence extérieure est garantie.

Le conseil d'administration est constitué d'un ensemble d'administrateurs externes dont le mandat est d'élaborer des règles, des codes, des processus d'évaluation, de déterminer des mandats de négociation, de présider aux destinées de nos institutions et d'en assurer le plein développement, et tout cela au nom d'une saine gouvernance. De quelle manière la composition d'un tel conseil d'administration pourrait-elle paraître crédible à l'ensemble des intervenants universitaires concernés quotidiennement par la réalisation de l'accomplissement de la mission universitaire et pour qui l'efficience, l'efficacité, l'optimisation des ressources ne représentent pas qu'une simple statistique?

Certes, la volonté du législateur de former des comités internes et de confier des mandats spécifiques à un nombre limité de membres afin de permettre au C.A. de prendre une décision éclairée à la lumière d'une analyse plus fine de la situation est justifiée. Là où le bât blesse cependant réside dans le fait qu'un seul membre issu de la communauté universitaire est autorisé à y siéger. En outre, nous comprenons qu'il serait même possible qu'un membre interne... qu'il serait même possible qu'aucun membre interne n'y participe.

Par ailleurs, nous sommes en désaccord avec les pouvoirs qui sont alloués aux comités. Aucune ingérence dans la gestion quotidienne de l'institution dont les dirigeants ont la responsabilité n'est acceptable. Dans le cas contraire, cela conduirait à un véritable abus de pouvoir de la part du conseil d'administration par l'intermédiaire des comités internes. Une définition claire de leur mandat et une limitation de leurs fonctions nous apparaissent essentielles.

Aussi, notre recommandation relative à une représentation paritaire au conseil d'administration vaut-elle également pour la composition des trois comités internes afin qu'une saine gouvernance, dont le législateur est le promoteur, et... se fasse tout en collégialité et en toute transparence.

Abordons maintenant la question de la nomination du premier dirigeant. Il est primordial que le processus de consultation perdure, car il assure la collégialité à laquelle les candidats de l'externe se doivent d'adhérer. En l'absence d'une forte adhésion, le candidat sera contraint d'imposer sa vision du monde au lieu d'inspirer et, de ce fait, d'entraîner une communauté universitaire dans son sillage.

S'inspirant du rapport de l'Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques, la démarche de mise en candidature et de nomination prévue dans le projet de loi s'inscrit dans un processus où la confidentialité assure aux postulants de l'externe une discrétion absolue à l'égard de leur employeur actuel. Cette démarche leur permet aussi d'échapper à un processus de consultation qui consiste en une évaluation de leur candidature par les membres de la communauté universitaire. Il est évident que, si l'on assimile le poste de premier dirigeant à celui d'un directeur général d'une entreprise oeuvrant au sommet de la hiérarchie, il est malaisé de concevoir que de simples exécutants aient le droit d'être consultés. Ce modèle de gestion calqué directement sur celui de l'entreprise privée ne convient pas à ce lieu où le partage et le transfert de connaissances ne procèdent pas selon un modèle hiérarchisé. La quête et la diffusion de la connaissance, le développement de l'esprit critique comportent de nombreux enjeux académiques dont l'application repose en bonne partie sur l'implication de l'ensemble de la communauté.

En conséquence, nous demandons que les processus actuels de consultation et de nomination propres à chaque établissement universitaire soient respectés dans le choix de son premier dirigeant.

Au sujet de la reddition des comptes, nous croyons que l'obligation de rendre publique, sur le site Web de l'institution, une importante quantité de renseignements est une nette amélioration. Elle implique une ouverture sur la collectivité desservie et une transparence à l'égard de la communauté universitaire. Cependant, l'élaboration de ces fameux indicateurs généraux qualitatifs qui serviront à déterminer la performance d'une institution nous rend quelque peu sceptiques. Comment mesurer qu'une institution s'est acquittée de sa mission? Comment évaluer une saine gouvernance? Nous appréhendons que ces indicateurs généraux quantitatifs soient davantage pris en compte, d'autant plus que l'élaboration d'indicateurs qualitatifs commande une connaissance fine et précise de la réalité. Comment une majorité d'indépendants, outillés d'indicateurs à définir, seront en mesure de bien évaluer la performance d'un établissement?

n(15 h 20)n

Mme la ministre a précisé qu'il ne s'agirait pas d'indicateurs académiques ou pédagogiques, mais bien d'indicateurs administratifs. Nous nous questionnons sur les indicateurs administratifs. Qu'entend-on par «indicateurs administratifs»? Un indicateur est un outil de gestion réunissant une série d'informations. Quelles seront-elles?

Nous recommandons une reddition de comptes qui démontre clairement la manière dont l'institution s'est acquittée de sa mission et la manière dont les fonds publics ont été utilisés avec efficience et efficacité dans un contexte de transparence et de collégialité. Nous demandons au gouvernement de mieux définir les indicateurs de performance et de prévoir une représentation paritaire de membres indépendants et de membres issus de la communauté universitaire afin d'assurer la transparence et la crédibilité requises à une analyse de la performance de nos institutions universitaires.

Je terminerai cette partie de notre présentation en revenant sur notre demande relative à la tenue des états généraux et des raisons qui la motivent. Le projet de loi n° 38 ne répond pas aux principaux enjeux du développement de nos institutions universitaires. Il propose un changement de gouvernance de nos institutions qui ne résout en rien les problèmes auxquels les universités sont confrontées.

En quoi une majorité de membres indépendants au conseil d'administration parviendra-t-elle à résoudre la question du financement des universités qui entrave dangereusement leur développement en les orientant vers les activités les plus lucratives tant sur le plan de l'enseignement que celui de la recherche?

La dispersion des points de service et la multiplication des campus témoignent d'une mal croissance dont les coûts gonflent en raison de la duplication de l'offre dans le cadre d'une concurrence artificielle.

La chasse à la clientèle a contraint certaines universités à s'établir loin de leur région d'origine, fragilisant de ce fait l'institution mère. La délocalisation, sans qu'aucun plan d'ensemble n'intervienne, dénature le paysage universitaire et met en péril toutes les universités, autant celles qui s'endettent pour bâtir que celles qui subissent les assauts de cette rivalité inutile. Cette multiplication aléatoire, voire anarchique des points de service s'est réalisée en l'absence d'une politique des universités. Un plan de développement axé sur la concertation dans l'offre des programmes visant une complémentarité et une spécialisation des vocations aurait donné lieu à un partage plus équitable des ressources.

Le Québec a besoin d'un système universitaire dont la cohérence se définit d'abord par la complémentarité des vocations et la spécificité des missions et non par des avantages de marché. Il faut sortir le commerce du fonctionnement de l'université, il faut un financement défini sur des objectifs de société et non sur des considérations de marché.

Le mode de financement actuel crée une véritable jungle où se joue la lutte pour la survie, laquelle, nous l'avons vu, peut mener à de malheureux débordements. Ce mode de financement génère des effets pervers et des distorsions, et il devient impérieux de poser les principaux enjeux du développement des universités. Par conséquent, il faut des états généraux en vue d'établir un véritable pacte social de l'enseignement universitaire.

Je passe maintenant la parole à Mme Bussières, qui vous entretiendra du projet de loi n° 44 sur les collèges d'enseignement général et professionnel.

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières, vous avez maintenant la parole.

Mme Bussières (Ginette): Merci, M. le Président. Nous tenons d'abord à dire que nous ne sommes pas en désaccord avec l'ensemble du projet de loi, mais que nous avons certaines préoccupations concernant les sujets suivants: la composition du conseil d'administration, la composition des comités internes, le processus de nomination du directeur général et la mission des collèges. Nous réitérons le fait que nous aurions préféré que le gouvernement consulte les divers groupes intéressés avant de déposer un tel projet de loi. Nous aurions ainsi pu tenter de trouver des solutions communes sur la question de la gouvernance au lieu de le faire lors d'une commission parlementaire.

Tout d'abord, nous avons pu constater, à la lecture du projet de loi, la volonté gouvernementale de réduire le nombre de personnes siégeant au conseil d'administration. En effet, la plupart des conseils d'administration sont présentement composés de 19 personnes, mis à part les collèges ayant plus de un site qui, eux, peuvent avoir un maximum de 25 personnes. Le projet de loi ferait passer le nombre des personnes de 19 à 17. Pour ce faire, le choix a été de retirer soit un membre du personnel de soutien ou un membre du personnel professionnel non enseignant ainsi que le directeur des études. On a donc décidé de diminuer la proportion des membres internes pour atteindre cet objectif.

En tant que représentants du personnel de soutien et également en tant que citoyens ayant à coeur l'enseignement collégial, nous ne pouvons qu'être en désaccord avec cette modification qui prive le conseil d'administration d'une expertise et d'une connaissance primordiales. La présence, au sein d'un conseil d'administration, d'une personne représentant le personnel de soutien se situe, selon nous, à deux niveaux: premièrement, elle apporte une contribution indéniable dans les prises de décision; et, deuxièmement, elle permet la transmission de l'information au personnel de soutien.

Comme la plupart des groupes l'ont déjà dit, nous croyons qu'il est important que la composition d'un conseil d'administration soit diversifiée et représentative du milieu collégial; Mme la ministre a d'ailleurs montré une ouverture en ce sens. Nous croyons que la composition actuelle des conseils d'administration remplissait parfaitement ces objectifs de diversité et qu'il n'y avait aucune nécessité d'en diminuer le nombre ou d'en modifier la composition.

Il est indéniable que la participation des membres externes doit être conservée et qu'elle apporte une diversité d'opinions, de points de vue et d'expertises. Ce qui nous déçoit grandement dans le cadre... dans le projet de loi, excusez, c'est qu'en voulant améliorer la gouvernance des collèges on prend la solution de privilégier la présence d'externes au détriment des internes.

Il est également important que chaque groupe de personnel ait un représentant afin de pouvoir diffuser les décisions qui sont prises et aussi pouvoir expliquer les objectifs poursuivis et les discussions qui ont entouré cette prise de décision. Cette manière de faire remplit totalement l'objectif poursuivi par le dépôt de ce projet de loi, soit celle d'améliorer la transparence.

La transparence, c'est non seulement informer la population sur la façon dont l'argent est utilisé, mais c'est également informer les membres du personnel des décisions qui les toucheront ou qui auront un impact dans le collège où ils travaillent.

Nous sommes d'autant plus surpris de cette décision de diminuer le nombre d'internes que cela va à l'encontre des orientations ministérielles du gouvernement libéral, qui ont été rendues publiques en janvier 2005. En effet, en 2004 a eu lieu le Forum sur l'avenir de l'enseignement collégial, présidé par le ministre Pierre Reid. Lors de ce forum, environ 800 participants ont eu l'occasion de faire leurs commentaires par le biais d'Internet; 110 mémoires ont été produits; et une assemblée publique réunissant près de 400 personnes a eu lieu.

À la suite de l'analyse des mémoires déposés et des recommandations qui lui ont été communiquées, ainsi que des rencontres avec les principaux partenaires, le ministre libéral a rendu publiques, le 17 janvier 2005, les Orientations ministérielles sur l'avenir de l'enseignement collégial.

Le forum a touché plusieurs sujets tels que l'admission, la gestion des programmes d'études, les encadrements, l'organisation scolaire et la sanction des études. Mais la section qui nous a particulièrement intéressés dans le cadre de ce débat est celle de la gouvernance institutionnelle. Or, nous avons été très surpris de voir qu'en 2005, ce qui n'est pas un temps si lointain, les orientations ministérielles n'étaient pas à l'effet de diminuer le nombre de membres internes, mais bien au contraire d'en augmenter la quantité. Une des mesures proposées était la révision de la composition du conseil d'administration à l'effet d'ajouter deux enseignants aux personnes déjà présentes. Le nombre des membres du C.A. devrait donc passer de 19 à 21, selon cette orientation ministérielle. Il est à noter que le personnel de soutien et le personnel professionnel non enseignant conservaient chacun son siège.

Pourquoi alors le ministère s'est-il basé sur le rapport du Groupe de travail sur la gouvernance des universités du Québec et sur la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État au lieu de s'inspirer de leurs propres orientations ministérielles sur l'avenir de l'enseignement collégial québécois? D'autant plus que ces orientations émanent d'une consultation générale auprès de la communauté collégiale et de la collectivité et qu'il s'agit d'un document qui provient du même parti politique que celui qui dépose maintenant ce projet de loi. N'aurait-il pas été plus logique de se baser sur les orientations ministérielles axées uniquement sur l'enseignement collégial au lieu de s'inspirer de la situation vécue dans les universités et les sociétés d'État?

n(15 h 30)n

Nous recommandons donc à l'effet que le C.A. comporte une représentation équitable des membres de la communauté collégiale et des membres externes. À cet effet, nous croyons que le conseil d'administration est présentement bien équilibré et qu'aucun changement n'était nécessaire. Nous ne voyons pas en quoi le fait de réduire de deux personnes la composition des conseils d'administration vient alléger le processus ou lui permet de mieux remplir ses mandats.

Quant à l'objectif d'améliorer la transparence, nous croyons que le projet de loi apporte des améliorations significatives en demandant aux collèges de rendre publics plusieurs renseignements par le biais de leurs sites Internet. Toutefois, nous aurions aimé voir dans cette liste la publication des procès-verbaux des conseils d'administration. Présentement, certains collèges ont pris la décision de faire parvenir aux divers groupes internes les procès-verbaux, mais ce n'est pas une pratique uniforme au sein du réseau, et nous croyons que ce devrait l'être. C'est pourquoi nous recommandons d'ajouter la publication des procès-verbaux des C.A. dans la liste déjà prévue.

Concernant les comités internes nouvellement créés, nous ne sommes pas en désaccord avec leur création mais bien avec leur composition. Le projet de loi mentionne qu'ils seront composés de membres indépendants et d'au plus un membre issu de la communauté collégiale. On ne doit... On doit comprendre de cette formulation qu'il n'existe aucune obligation qu'un membre interne soit présent à ces comités. Il s'agit tout au plus d'une possibilité.

On comprend, à la lecture du projet de loi, que ces comités se verront confier l'équivalent de certaines tâches qu'effectue présentement le comité exécutif. Celui-ci est présentement composé du directeur général et des membres du C.A. élus pour y siéger. Le comité exécutif n'est donc pas nécessairement composé exclusivement d'externes comme ce pourrait être le cas avec les comités internes proposés.

Dans les faits présentement, dans nos quatre collèges, il y a au moins une personne provenant des membres internes autre que le directeur général qui siège au comité exécutif. Comme nous ne savons pas combien de personnes siégeront au total à ces différents comités, nous ne pouvons pas faire de recommandation précise sur le nombre de personnes provenant de l'interne, mais nous réitérons notre demande d'une représentation équitable des membres internes par rapport aux membres externes. Nous comprenons qu'on ne peut pas nommer un représentant pour tous les groupes du personnel au sein du collège, pour une raison d'efficacité, et c'est pourquoi nous ne demandons pas que cette personne soit nécessairement un représentant du personnel de soutien.

Concernant la nomination du directeur général, il est prévu présentement que le conseil d'administration doit prendre l'avis de la commission des études avant de nommer le directeur général et le directeur des études. On a enlevé, dans le projet de loi, la notion de consultation de la commission des études pour la nomination du directeur général, et franchement nous ne comprenons vraiment pas la raison. La commission des études étant composée d'une diversité de personnes provenant de groupes différents, nous y trouvons là une bonne façon d'être le plus transparent possible concernant la nomination du directeur général. Si une telle consultation n'existe plus, c'est le conseil d'administration, majoritairement composé d'externes, qui choisira seul le directeur général. De plus, c'est le comité des ressources humaines, encore là majoritairement composé d'externes, qui élaborera le profil de compétence et d'expérience du directeur général. Nous y voyons là une entorse au fait que la nomination du directeur général devrait recevoir l'assentiment de la communauté collégiale.

Dans un autre ordre d'idées, nous avons été surpris de voir que la mission des collèges a été modifiée par un projet de loi qui, dans son préambule, mentionne que son objectif est d'établir des principes d'une saine gouvernance, ce qui, à notre avis, est une modification majeure à la loi sur l'enseignement collégial. Mme la députée de l'opposition, Mme Malavoy, nous a d'ailleurs confortés dans notre opinion, à savoir que cette modification n'est pas sans conséquence, quand elle a dit que, lorsqu'on fait de la législation, chaque mot doit avoir un sens, et même parfois à la virgule près.

Nous croyons que l'article 6 de la loi permet déjà d'assumer tous les volets que Mme la ministre veut intégrer dans la nouvelle mission des collèges...

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières, il vous reste une minute pour conclure.

Mme Bussières (Ginette): ...soit la recherche appliquée, le transfert des connaissances et les services à la collectivité. D'ailleurs, ceux-ci sont... ont largement utilisé cette possibilité, tant dans la création de centres de technologie que dans les services offerts à la communauté.

Alors, quelle est la nécessité d'introduire ces notions à même la mission des collèges, qui, selon nous, doit clairement demeurer l'enseignement collégial? J'espère que Mme la ministre pourra nous éclairer à ce sujet. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup. Et nous allons immédiatement commencer nos échanges avec le parti ministériel, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, merci d'être devant nous. Je vous avoue que je suis très contente que vous y soyez. Durant la première semaine de nos audiences, plusieurs représentants, surtout... mais je parle davantage des collèges, parce que vous êtes la dernière à vous être exprimée, nous ont fait part du point de vue que vous soumettez aujourd'hui, et je crois sincèrement, puis je le dis en toute franchise et simplicité, que les raisons d'être des commissions parlementaires, au moment du dépôt du projet de loi, est une raison extrêmement importante, parce que j'ai effectivement démontré cette ouverture pour modifier le projet de loi et revoir cet aspect de la question au niveau de votre représentation... ou représentativité, je devrais dire.

Cela dit, quand je lis votre mémoire, vous dites, et malheureusement le... Ah oui, c'est paginé. À la page 7... Mais là je reviens au projet de loi n° 38, vous allez voir pourquoi je prends le n° 38 d'abord. À la page 7, vous dites: «En effet, l'université est une institution dont la caractéristique est d'être un service public qui se distingue, sur le plan du fonctionnement, par la collégialité, et où l'enseignement et la recherche s'appuient sur la liberté de pensée, le développement de l'esprit critique, soit la liberté académique.» Bien sûr, nous sommes entièrement d'accord. Mais deux pages plus loin, à la page 9, vous dites: «L'université n'est ni une entreprise privée ni une entreprise publique ? alors j'avoue que... ? et c'est ce que nous nous efforcerons de démontrer tout au long de notre mémoire.»

Je comprends que le mot «service public», si je comprends ce que vous écrivez, le mot «service public» est différent de l'«entreprise privée». Moi, dans mon esprit gouvernemental, qu'on dise «un organisme public» ou «une entreprise publique»... forcément offre un service public.

Alors, je veux comprendre un peu cette distinction que vous faites par rapport à l'université. Et j'imagine que vous avez cette même... ce même raisonnement pour ce qui est des collèges. Ça s'applique aussi, dans cet esprit-là, au niveau des collèges.

Si je vous pose cette question-là, là, ce n'est pas un piège, parce que vous pourriez me dire qu'un organisme public, ce n'est pas une entreprise. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, que... J'essaie de qualifier. Une institution publique, ce n'est pas une entreprise; j'essaie de qualifier, j'essaie de comprendre, parce que, très honnêtement, le fondement même de ces lois sur la gouvernance, c'est bien sûr de se doter de règles, mais c'est aussi... sur la composition, la fonction, le rôle d'un conseil d'administration, mais c'est aussi, pour moi, important de le faire dans le contexte d'une entreprise, organisation, organisme, institution ? je ne sais plus quel mot utiliser ? qui offre un service public, c'est-à-dire qui doit rendre des comptes à la population qui investit, soutient ces institutions, ces entreprises, ces organismes ou je ne sais quoi. Mais, pour moi, ce qui est important, c'est qu'il y a là l'offre d'un service public.

Le Président (M. Marsan): Mme Levasseur.

Mme Courchesne: Alors, éclairez-moi.

Le Président (M. Marsan): La parole est à vous, Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Je permettrai à Mme Lamy de répondre à cette question-là, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lamy, la parole est à vous.

Mme Lamy (Danielle): Sans faire trop de syntaxe, là, je pense que, dans notre esprit, ce qu'on voulait exprimer entre «organisme» et «entreprise», c'est de distinguer une université de la Société des alcools du Québec, qui est une entreprise, puis je pense qu'on l'écrit dans notre texte, qui vend directement des produits et des services, des produits. Une université, ça ne vend pas des bouteilles de vin, ça ne vend pas des biens, ça a une mission beaucoup plus large, et c'est cette distinction qu'on voulait faire.

Et, dans le mémoire, on dit que... On dit: «Elle se doit également de rendre ? l'université, bien sûr ? cet univers de [...] connaissance accessible à tous les milieux sociaux et culturels qui en expriment le besoin.» Alors, dans le fond, cette distinction d'«organisme» et «entreprise», on parle de service public, bon, on peut parler de syntaxe, mais c'est clair que c'est une entreprise publique, mais on voulait faire une distinction à cet égard pour bien déterminer qu'on ne vend pas des services dans une université.

On entend souvent, dans une université, que les étudiants sont devenus des clients. Pour nous, ça pose un... C'est vers cette distinction-là qu'on voulait aller pour bien camper la nature de l'activité dans une université.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je me doutais que c'était ça. Je me doutais, mais c'est parce que je trouve qu'on, comment dire...

Bien, je vais enchaîner avec ma deuxième question, parce que vous dites que «l'obligation [...] du conseil d'administration d'exercer son pouvoir dans le respect de la mission [...] comporte des enjeux qui outrepassent [cette mission]», et, moi, je veux savoir en quoi, dans ce qui est proposé dans le projet de loi... Qu'est-ce qui est proposé dans le projet de loi qui vous fait croire que le conseil d'administration irait plus loin? D'une part, parce que, très franchement, dans le projet de loi, on accorde effectivement beaucoup d'importance à la mission, mais on n'a pas changé cet article par rapport à ce qui existe déjà depuis longtemps. Or, je crois comprendre qu'on était... on était confortable avec cet article qui existait. Tu sais, on n'a pas modifié l'approche par rapport à la mission de l'université, puis je reviendrai sur la mission des collèges, mais sur la mission des universités comme telle.

Alors, dites-moi pourquoi vous croyez que le C.A. irait plus loin que d'exercer son pouvoir dans le respect de la mission de l'université.

Le Président (M. Marsan): Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Mme Lamy répondra. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lamy.

Mme Lamy (Danielle): Encore là, vous avez bien raison de nous dire que vous n'avez pas modifié la mission des universités et...

Mme Courchesne: L'article de loi.

Mme Lamy (Danielle): Oui, l'article dans la loi, pardon. Mais ce qui nous importe là-dedans, c'est un lien avec la composition du conseil d'administration. Il y a une façon de faire, dans le monde universitaire, qui est bien connue. Il y a la collégialité, il y a la place de la collectivité dans les conseils d'administration, dans l'exercice de cette mission-là. Une université, ça offre des services, ça fait de la... des... non, ça n'offre pas des services, pardon, ça fait... il y a une mission d'enseignement, une mission de recherche, il y a aussi une mission au niveau de services à la collectivité. Donc, dans ce sens-là, ça déborde le simple mandat d'enseignement.

Ce qui nous inquiète, pour nous, c'est que, dans cette composition du conseil d'administration puis cette centralisation du pouvoir, on est inquiets par rapport à la capacité du conseil d'administration de voir à l'exercice de l'ensemble de la mission universitaire. Alors, c'est à ce niveau-là, c'est cette inquiétude-là. En ce moment, les membres de l'interne apportent beaucoup, beaucoup de soutien au conseil d'administration dans l'exercice de cette... dans l'analyse et l'exercice de cette mission-là. Alors, d'avoir une majorité de membres externes, peu de membres à l'interne nous inquiète profondément par rapport à cette mission-là. Alors, c'est cet élément-là qu'on voulait faire ressortir.

Et, quand on parle de règles de gouvernance, on l'a dit et on le redit: On n'est pas contre améliorer les règles de gouvernance. On ne le dira jamais assez. Mais je pense que, chaque fois qu'on établit des règles de gouvernance, elles doivent être conformes à l'organisme auquel on l'applique, à l'institution avec laquelle on l'applique. Puis ce qu'on essaie de dire dans notre mémoire, c'est: Pour pouvoir déterminer si le mode de gouvernance proposé est le bon, c'est... regardons quelle est la mission de l'organisation. Alors, c'est pour ça que, dans notre mémoire, on a présenté la mission universitaire, puis après, techniquement parlant, on vous dit: Bien, la façon, le mode de gouvernance proposé, comme je vous l'ai dit, je me répète, nous inquiète profondément par rapport à ça.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. M. le député de Charlesbourg, la parole...

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames et monsieur. Un élément que vous avez soulevé dans votre mémoire m'a intéressé, et donc vous avez parlé de la compétition entre universités. Alors, ayant un brin d'expérience en la matière, j'ai pensé que vous pourriez peut-être aller un peu plus loin et peut-être faire des propositions concernant ce que vous appelez, là, les avatars d'un mauvais financement. Et je pense que Mme la ministre vous dirait, et moi aussi: Nous ne sommes pas ici pour discuter du financement des universités, c'est-à-dire du quantum, mais vous dites dans votre mémoire qu'il y a des problèmes de compétition entre universités, et il y a effectivement de la compétition entre universités. Et vous semblez souhaiter plus de coordination, si je comprends bien, moins de compétition.

Et donc avez-vous des suggestions à faire à ce point de vue là, je dirais, étant entendu que vous proposez quand même que les universités gardent une grande partie d'autonomie? Et comment, comment voudriez-vous ou souhaiteriez-vous que soit articulée par le ministère ou par la société en général, là, cette nécessaire coordination entre universités dans le respect donc de leur autonomie?

Le Président (M. Marsan): Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Deux personnes répondront à cette question, M. le Président: dans un premier temps, Mme Lamy, ensuite M. Meloche.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lamy, d'abord.

Mme Lamy (Danielle): Je vous dirais: La réponse est simple. Tenons des états généraux, réfléchissons sur la question, et nous aurons, à la suite de cette réflexion commune, une idée de ce que l'université au Québec... les universités au Québec doivent ressembler.

Quand on dit qu'il y a une compétition entre les universités, on ne dit pas que... on dit que, compte tenu du mode de financement des universités, il y a une compétition pour aller attraper l'étudiant, hein, ou... un étudiant. Quand on pense au... à l'Université de Sherbrooke qui vient s'installer à une station de métro de l'Université du Québec à Montréal, quand on pense à l'Université du Québec à Rimouski qui vient s'installer à Lévis, tout à côté de l'Université Laval ? je vous en cite juste deux, on a déjà préparé une étude sur cette question-là ? il y a un développement qui semble être... être dû à: si on a des campus, si on a plus d'étudiants, on va avoir plus d'argent. C'est le mode de financement qui le prévoit.

Je pense qu'il faut se poser des grandes questions. À quoi on veut que l'université ressemble au Québec? Est-ce que c'est important, de maintenir les universités en région? Est-ce que les universités doivent être complémentaires les unes avec les autres? Je pense que c'est des questions auxquelles je ne peux pas répondre seule, que le Syndicat canadien de la fonction publique... auquel il ne peut pas répondre, et c'est pour ça que, face à ce développement-là qu'on constate, qui est dû, pour toutes sortes de raisons, à la réalité de la population au Québec, aux effets pervers de certains modes de financement, on pense qu'une réflexion profonde avec l'ensemble de la société nous permettrait de mieux définir ces grandes orientations pour l'université au Québec.

Le Président (M. Marsan): M. Meloche.

M. Meloche (Stephan): Oui. Effectivement, on constate, nous autres, que la compétition est artificielle, n'est pas nécessaire, est nuisible. Ce qui passe dans le milieu, c'est que, le mode de financement actuel, excusez l'expression, mais on paie par tête de pipe. Plus les têtes de pipe sont payantes, bien... C'est ça, la cible. Donc, on cherche les étudiants les plus payants.

Ce que Danielle Lamy vous disait, c'est que la course aux étudiants, c'est un phénomène réel dans les universités. Le rectorat ne s'en cache même pas. C'est... Là, c'est anarchique, comme développement. Tout le monde fait des développements dans des régions loin de leur lieu d'origine. On développe, on bâtit, on s'endette pour bâtir. Puis en même temps, bien, les étudiants qui s'en vont dans ces nouveaux campus là ou dans ces nouveaux locaux là, bien ils n'ont pas sorti de nulle part, là, ils ont sorti d'une autre université.

Donc, ce qui est bon... Ce qui est bon? Entendons-nous: on s'endette, là. Mais ce qui est bon pour une université est mauvais pour une autre. Donc, la compétition, au lieu d'agir en complémentarité, on agit en concurrence malsaine, c'est un peu ça.

Donc, la solution qu'on aurait à vous proposer, premièrement, parce que ce problème-là, il découle effectivement du mode de financement, mais, si, après avoir revu le mode de financement, ça existe encore, bien, je pense que ça prendrait un plan de développement, un plan de développement québécois pour agir en toute complémentarité, tout simplement.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

n(15 h 50)n

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Est-ce que... Je comprends ce que vous me dites, là, et j'écoute ce que vous me dites concernant le plan de développement des universités, qui est effectivement une piste. Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une question d'accessibilité, et que ce que vous appelez le développement un peu anarchique n'est pas aussi une réponse d'accessibilité?

Une voix: À des gens qui n'y seraient pas allés.

M. Meloche (Stephan): Je pense... je pense que, si...

Le Président (M. Marsan): M. Meloche.

M. Meloche (Stephan): Oui, pardon. Pardon, M. le Président. Je pense que, si les universités avaient un mode de financement viable, elles seraient capables de fournir les services à tout le monde, ce qui n'est pas le cas.

Une voix: Mais, si je peux me...

Le Président (M. Marsan): Monsieur le... M. le député de Charlesbourg, la parole est à vous.

M. Pigeon: Oui. Moi, j'ai quand même... Si vous me permettez de rapporter, là, un certain vécu, là, je peux vous dire que, par exemple, il y a le Centre universitaire des Appalaches en Beauce que je connais bien, à Saint-Georges de Beauce, et je peux vous dire que les gens y tiennent énormément. Et il y a là des universités qui travaillent en collaboration et qui offrent des services.

Et je serais quand même prudent, là, avant de parler de développement anarchique, mais la question du mode de financement que vous soulevez, pour l'instant, là, je n'ai pas de... J'attendais que vous me fassiez une suggestion, si vous en avez une, mais...

Mme Lamy (Danielle): Bien, si vous entendez...

Le Président (M. Marsan): Mme Lamy, la parole est à vous.

Mme Lamy (Danielle): Oui, excusez. Si vous entendez de nos propos qu'on est contre le développement des antennes des universités dans les régions, on va s'exprimer autrement. On n'est pas contre ça, mais on n'est pas contre ça du tout. Puis on adhère à ce que vous nous dites, qu'il faut aller où les étudiants sont.

La question qui se pose, c'est: Pourquoi il y a quatre universités qui sont installées en Beauce? Pourquoi ces quatre universités-là ont des antennes? Pourquoi il y a... C'est ça, c'est ces questions-là auxquelles on veut répondre. Peut-être que ça... la réponse sera, bien, ces programmes-ci, mais, à un moment donné, c'est qu'il y a un développement anarchique. L'Université du Québec en Outaouais vient s'installer à Saint-Jérôme, l'Université Laval, à Québec, à Laval à Montréal. L'Université du Québec, j'ai peut-être commis une petite erreur, mais l'Université du Québec de Sherbrooke est à une station de l'Université du Québec à Montréal.

Donc, peut-être les... Ce qu'on dit, c'est que, oui, il faut maintenir des satellites en région, on en convient et on ne remet pas ça pas en question. Mais, quand on regarde le développement Rimouski, Lévis, notre inquiétude, c'est que Rimouski se vide au profit de Lévis, et ça, c'est ça qui nous inquiète et c'est ça qu'il faut regarder. Et la création du pavillon à Lévis n'a pas fait l'objet d'une analyse globale de la situation et des besoins universitaires au Québec. Et je pense qu'un temps d'arrêt, une analyse plus profonde nous permettraient d'avoir une meilleure... une meilleure...

Une voix: Coordination.

Mme Lamy (Danielle): ...coordination et offre universitaire ? merci.

Le Président (M. Marsan): M. Meloche, vous voulez faire un commentaire?

M. Meloche (Stephan): Oui. Effectivement, l'Université de Sherbrooke qui s'installe à... Longueuil?

Mme Lamy (Danielle): Oui. Qu'est-ce que j'ai dit?

Une voix: Longueuil.

M. Meloche (Stephan): À Longueuil. Toi, tu as dit «Laval» tantôt.

Mme Lamy (Danielle): Ah! j'ai dit «Laval», oui.

M. Meloche (Stephan): À Longueuil, là on ne parle plus de région, là, on s'entend. Ce n'est pas... On n'est pas en Beauce, là.

M. Pigeon: Non, mais simplement...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg, en terminant.

M. Pigeon: Je vais terminer là-dessus. Deux choses. D'abord, les centres universitaires qui se créent, ce n'est pas de la compétition, parce qu'au Centre universitaire des Appalaches les universités travaillent en collaboration. Donc, les centres universitaires sont souvent des... je dirais, des lieux de collaboration, et ça, je trouve ça particulièrement intéressant. Puis ça offre des services, et ça incite des gens à aller à l'université, et ça donne de l'accessibilité, et ça, je pense que c'est un élément, là, qui m'apparaît important dans l'affaire.

Puis je vous signale aussi... Ça peut vous intéresser, je ne sais pas si vous êtes allés voir, mais il y a eu une commission sur les universités assez large en 2004. Il y a des mémoires très intéressants qui ont été soumis.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député. Ceci termine notre premier échange avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition en matière d'enseignement supérieur et... je vais reconnaître la députée de Taillon. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Malavoy: Mesdames monsieur, bonjour. Merci d'être là et de nous éclairer avec votre point de vue, qui représente des milliers de personnes, là, j'en suis bien consciente. Et je comprends que vous représentez 14 groupes, vous avez des ramifications dans 14 établissements, donc vous avez un bon regard sur ce qui se passe.

Vous posez des questions qui sont fondamentales. Il y en a que vous posez plus spécifiquement pour les collèges, d'autres pour les universités. J'aurai des questions un peu plus pointues par rapport à l'un ou l'autre, mais un certain nombre des grands enjeux que vous abordez, vous les abordez, on pourrait dire, de la même manière, que ce soit dans l'un ou l'autre des mémoires, et c'est tout à fait correct comme cela.

Prenons ce dont nous venons de parler, sans trancher sur le fond de la question, parce qu'il peut y avoir des avis partagés, puis je ne veux pas faire le débat ici, cette question de ce que j'appelle, moi, la délocalisation des universités, qui a comme corollaire la recherche de clientèle et de financement. Bon. Qui, quel genre de personnes, dans les établissements d'enseignement supérieur, doivent discuter de cela et prendre des décisions par rapport à ça? C'est de ça qu'on parle, hein? Quand on a un projet de loi qui veut recomposer les conseils d'administration, c'est qu'on veut recomposer l'organe des décideurs. Bon.

Vous, vous dites: Il faut que ce soit... Donc, il y a un endroit où vous parlez de parité carrément, parité interne-externe, puis j'aimerais que vous me donniez justement un peu plus votre raisonnement pour dire: Dans les grands enjeux, il faut que ce soit autant des gens de l'interne, ils sont aussi valables que les gens de l'externe pour prendre des décisions.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, la parole est à Mme Lamy? D'accord.

Mme Lamy (Danielle): Bien, dans un premier temps, bon, il y avait deux volets au départ à votre question. C'est sûr que la question du financement, de l'offre de services en dehors du campus principal est reliée, quant à nous, au mode de financement. La réflexion qu'on voudrait voir se faire est plus grande. Est-ce que le mode de financement actuel est le bon? Comment on peut financer la recherche? Comment l'université peut répondre à sa collectivité? Ça, c'est des questions qui... C'est des grandes questions.

La deuxième partie de votre question est à l'effet: En quoi la composition du conseil d'administration peut mieux ou moins bien répondre à ce volet-là? Il y a une culture, il y a une façon de faire, dans les universités, où les membres externes et les membres internes sont... ont souvent été membres des mêmes conseils d'administration, et je pense qu'à ce jour ni le scandale de l'UQAM ni la gestion des autres universités ne nous permettent de remettre en question cette collégialité. Nous pensons que c'est la diversité des membres du conseil d'administration qui va nous amener à une bonne gestion et nous garantir que les missions vont être respectées. Alors, c'est par le volet diversité.

Alors, les membres internes sont là, ils ont une expertise qui est bien différente des membres externes, et le... on ne pense pas qu'il fasse... qu'il faille, pardon, remettre cet élément-là. En diminuant de façon importante, comme on le fait dans le projet de loi, les membres internes, on prive le conseil d'administration et l'institution d'un apport essentiel, essentiel à la bonne gouvernance de l'université.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon... M. Meloche, je pense que vous vouliez ajouter.

M. Meloche (Stephan): Oui, bien sûr.

Mme Lamy (Danielle): On est en complémentarité.

M. Meloche (Stephan): En collégialité.

Mme Lamy (Danielle): Voilà.

M. Meloche (Stephan): Moi, je ferais un rapprochement avec le mode... la composition du C.A. qui est proposée dans le projet de loi. Écoutez, un exemple, un exemple, là, de quelque chose qui est assez semblable: à l'Université de Montréal... Je sais qu'il y a eu des discussions, là, dans les autres commissions parlementaires; vous m'excuserez, moi, je n'y étais pas, hein, même si vous l'entendez quatre, cinq fois. À l'Université de Montréal, c'est une majorité d'externes qui sont là. Ça, c'est aux deux tiers, deux tiers externes, un tiers internes. C'est que ça, cet exemple-là de l'Université de Montréal ne nous réconforte pas du tout avec le projet de loi.

Ce qui s'est passé à l'Université de Montréal, c'est que... Vous savez peut-être que c'est l'université la plus endettée du Québec, avec 150 millions accumulés. Malgré un conseil d'administration en majorité externe, malgré la composition des trois comités qui sont proposés dans le projet de loi ? ils sont déjà là, là, les trois comités ? malgré tout ça, on est rendu à 150 millions. Il y a une partie, une grande partie, je pense, qui s'explique par le mode de financement effectivement, mais il y a une autre partie, par exemple, qui s'explique par des mauvais achats, des mauvaises décisions.

Entre autres, on a... l'Université de Montréal a acheté un couvent, qui s'appelle le couvent Jésus-Marie, qui a coûté une dizaine de millions et quelques autres dizaines de millions pour la réfection. Puis, au bout du compte, on s'aperçoit... eux autres se sont aperçus, l'Université de Montréal, que ce serait un gouffre sans fond, ça coûterait encore minimum 50 millions à remettre debout, cette bâtisse-là.

Donc, la bâtisse est à vendre, puis ça, c'est une perte peut-être de 30, 40 millions. Ça n'a pas empêché non plus d'acheter un terrain à la gare de triage qui est contaminé, qui est contaminé par toutes sortes de polluants qui vont encore coûter des dizaines et des dizaines de millions. Ça a déjà commencé.

Donc, sur le 150 millions, je ne sais pas la proportion exacte, mais il y a un minimum de 50 millions à 75 millions qui sont dus à des mauvais achats. Ça, ça a été fait sous la gouverne des externes, deux tiers d'externes. Donc, si c'est le modèle proposé, c'est inquiétant.

n(16 heures)n

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, juste en concluant ce point-là, ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas d'évidence de rigueur accrue quand on accroît le nombre de membres externes, il n'y a pas une évidence qu'on accroît la rigueur quand on accroît le nombre de membres qui proviennent de l'extérieur.

M. Meloche (Stephan): Bien, j'expliquerais peut-être ça...

Le Président (M. Marsan): M. Meloche.

M. Meloche (Stephan): Oui, pardon encore une fois. J'expliquerais ça peut-être autrement. C'est que, s'il y avait juste des internes, il nous manquerait une partie de... une partie de vision, là. S'il y avait juste des externes, même principe.

Donc, la parité, c'est une... c'est une position de compromis, d'après nous, acceptable avec tous les points de vue. La représentativité et la diversité, bien, je pense que, si on la fait comme il faut puis on l'établit selon les règles puis selon la bonne logique, bien, on met toutes les chances de notre côté pour avoir des bonnes décisions.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, je vous remercie, vous précisez... vous précisez bien.

Je vais prendre des questions peut-être un peu plus précises. Il y a un élément, je crois, que vous n'abordez pas tout à fait dans le mémoire concernant les collèges, c'est celui du directeur des études. Vous parlez de la commission des études, mais, le directeur des études, plusieurs sont venus nous dire: Écoutez, c'est tellement fondamental, la mission que représente cette personne qui préside la commission des études, qu'il faut à l'évidence qu'elle soit membre du conseil d'administration et qu'elle ait le droit de vote. C'est une des questions que nous aurons à revoir. Alors, moi, je la pose aux gens qui se sont prononcés sur les deux projets de loi, parce que je trouve que, là-dessus, on a honnêtement besoin du plus d'éclairage possible.

Et ne vous en faites pas si parfois vous répétez des choses, c'est fait pour ça. Tu sais, quand c'est répété par tout le monde, bien ça veut peut-être dire que c'est une idée à retenir, et puis, si personne n'en parle, ça veut peut-être dire que, tu sais, on peut regarder ailleurs. Donc, ne vous gênez pas pour ça.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Mme Cadieux répondra à la question, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Ça me fait plaisir. Mme Cadieux, vous avez la parole.

Mme Cadieux (Marie-Claude): Merci, M. le Président. En effet, on n'a pas mentionné, on n'a pas discuté du fait de la présence du directeur des études ou pas dans notre mémoire, mais on est du même avis que la plupart des groupes qui sont venus ici: nous croyons aussi que c'est essentiel que le directeur des études soit présent lors des séances du conseil d'administration, au même titre que le représentant du personnel de soutien, parce qu'évidemment il chapeaute plusieurs dossiers importants concernant la pédagogie, et il y a plusieurs décisions qui peuvent avoir attrait à son champ de compétence. Et, s'il n'est pas là d'office, je crois qu'il serait assez fréquemment invité de toute façon à venir donner son point de vue. Donc, on est d'accord évidemment à l'ajout et on le demande aussi, d'ajouter le directeur des études dans la composition du conseil d'administration.

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières, voulez-vous rajouter? Ça va?

Mme Bussières (Ginette): On ne l'a pas nommé tel quel, mais, quand on dit qu'on... que le conseil d'administration, sous sa forme actuelle, est correct, dans le fond on le soulignait de cette façon-là, sans parler spécifiquement du directeur des études.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: D'accord. J'ai trouvé intéressant aussi que vous rappeliez les orientations ministérielles qui prévoyaient qu'on ajoute deux enseignants. C'est bien ce que j'ai... C'est bien ce que j'ai compris? Donc, pour vous, le fait que cette recommandation ne soit pas retenue, c'est un recul, c'est... Bon, vous souhaiteriez que de fait on les rajoute, les deux enseignants?

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières.

Mme Bussières (Ginette): Ce n'est pas nécessairement qu'on voulait qu'ils se rajoutent. Le questionnement qu'on faisait, c'est de dire: Comment se fait-il qu'après une vaste consultation... Une des orientations du ministère de l'Éducation, c'était vraiment de dire de rajouter des enseignants. Ça fait que, même si on recommande le maintien, on se disait: Normalement, dans cette discussion-là, quand on revoit la gouvernance, on aurait dû tenir compte de cette orientation-là plutôt que de le diminuer, ça fait que donc de maintenir, dans le fond, le même... le même conseil d'administration plutôt que de le diminuer, compte tenu que déjà les orientations prévoyaient une augmentation, mais sans nécessairement dire que, nous, ce qu'on demande, c'est une... c'est une augmentation. On dit: Le C.A. était correct de cette... de la façon qu'il est actuellement.

Le Président (M. Marsan): Mme Cadieux, vous voulez faire un commentaire?

Mme Cadieux (Marie-Claude): Merci, M. le Président. Si on regarde également les autres orientations ministérielles sur la gouvernance institutionnelle qui a mené dans les orientations ministérielles, on nommait... on disait aussi la... on proposait la nomination de tous les membres par le ministre. Donc, on voit dans le projet de loi qu'une partie a été respectée, dans le sens où huit personnes des membres dits indépendants seraient nommées par la ministre maintenant, et trois seulement par le conseil d'administration. Donc, c'est une orientation qui semble avoir en partie été respectée. Et également on proposait la création d'un comité de gouvernance. Donc, c'est un peu dans le même sens.

Donc, on comprend que certaines orientations ont été retenues, et on se demandait pourquoi l'orientation quant à l'ajout de deux personnes enseignantes n'avait pas été retenue. Mais, comme Mme Bussières l'a mentionné, notre recommandation, c'est, à toutes fins pratiques, le statu quo sur la composition, parce qu'on pense que ça n'a jamais... ça n'a pas causé de problème réel. Et on se demandait, dans le fond: Pourquoi avoir retenu certaines orientations et pas celle-là?

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je veux être sûre d'avoir bien compris quelque chose, parce que, là, il y avait un trafic de café, qui va nous faire le plus grand bien, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: ...mais quand même, quand même, je veux être sûre d'avoir bien compris. Est-ce que je comprends que, vous, vous êtes à l'aise avec l'idée que la ministre nomme huit membres externes sur les conseils d'administration des cégeps, qui en comprendraient 11, huit sur 11? Je... C'est parce que, honnêtement, plusieurs sont venus nous dire...

Une voix: Le contraire.

Mme Malavoy: ...qu'ils trouvaient que c'était trop, qu'au contraire, comme dit mon collègue, les collèges sont mieux à même de savoir quels sont les ressources, dans leurs communautés, susceptibles de participer à un conseil d'administration. Alors, je... c'est pour ça que je veux voir si j'ai bien compris. Et pourquoi vous auriez telle avenue, alors que les autres ont plutôt dit autre chose?

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Cadieux.

Mme Cadieux (Marie-Claude): Oui. Merci, M. le Président. Dans la mesure où il y aurait un amendement proposé quant à la diversité de provenance des membres externes, on est quand même à l'aise avec le fait que ça soit le ministre qui nomme une bonne partie des gens de l'externe. On croit, encore une fois, qu'il n'y avait pas vraiment de problème présentement, et, dans la loi présentement, c'est vraiment prévu, les milieux de provenance des gens nommés par le ministre. Entre autres, on dit qu'il y aurait deux socioéconomiques, une personne provenant du milieu universitaire, une personne provenant des commissions scolaires, deux personnes choisies dans les entreprises qui ont un lien avec les programmes des collèges.

Donc, on pense que c'était quand même une bonne diversité déjà à ce moment-là. Et ce qu'on comprend de la loi présentement, c'est: il y a déjà beaucoup de gens qui sont nommés par le ministre, mais c'est des propositions de certains groupes. Certains groupes proposent quelqu'un, et c'est le ministre qui nomme. Donc, c'est déjà... il y a beaucoup déjà de personnes qui sont nommées par le ministre, donc ce ne serait pas un changement si grand pour nous.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Je vais donner la parole à ma collègue, mais je veux juste dire que je connais ce système où des groupes proposent, et le ministre décide, et ça fait tout de même une grosse différence, que la décision finale appartienne à l'État, au gouvernement, plutôt qu'aux collèges eux-mêmes. Alors, je pense qu'il y aura là-dessus un débat sûrement qu'on va poursuivre. Mais ma collègue a envie de vous poser une question.

Le Président (M. Marsan): Alors, on va reconnaître la députée de Champlain. Mme la députée.

Mme Champagne: Bonjour, mesdames monsieur. Je vais questionner au niveau des collèges. On sait qu'au niveau universitaire il est arrivé des choses, puis, même si, le lien, la ministre dit qu'ils n'avaient pas fait un lien direct, là ? puis je n'ai pas... je ne prête pas d'intentions non plus ? avec le problème qu'il y a eu à l'îlot Voyageur, il demeure que ça a peut-être été une provocation pour faire cette loi-là. Mais des gens sont venus nous voir au niveau des collèges, depuis quasiment un mois, en nous disant: On ne comprend pas pourquoi on applique cette nouvelle gouvernance-là au niveau des collèges, puis je vous entends dire: Bien, c'était correct comme ça, mais on est prêts quand même à accepter les choses. Si projet de loi il y a, aussi bien qu'il soit à notre goût, hein, que de se taire et de ne pas faire de demande comme tel.

Or, vous me dites, et c'est ce que je... c'est là-dessus que j'en ai, vous êtes... vous étiez conscients qu'il y avait déjà des nominations de faites par la ministre... ou le ministre, peu importe, là, mais c'était sur recommandation. Avez-vous l'impression que ces recommandations-là étaient respectées la plupart du temps ou pas?

n(16 h 10)n

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Bussières.

Mme Bussières (Ginette): Je pense... En tout cas, dans les collèges qui me concernent, je pense que oui, que les recommandations qui étaient faites par les différents secteurs étaient suivies par le ministère.

Mme Champagne: Donc, si je comprends...

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Donc, si je comprends bien, à partir du moment où il y aurait ce genre de chose là dans la loi, si la loi est votée, parce qu'il va y avoir une discussion après ça article par article, là...

Une voix: Une petite discussion.

Mme Champagne: ...O.K., une petite discussion là-dessus, bon, s'il y avait quelques éléments, puis que vous... il était accepté que les recommandations continuent à se faire du milieu, parce que c'est important de ne pas juste nommer selon les secteurs mais bien aussi selon des compétences. Si on met une majorité de gens de l'extérieur et qu'on en arrivait là, là, je ne sais pas le chiffre qui va tomber rendu là, là, je ne suis pas plus au courant que vous autres, là, bon, mais, peu importe ce qui va arriver, il est important que ces gens-là aient des compétences. Est-ce que vous avez un mot à dire là-dessus, la compétence des gens qu'on va nommer?

Ce n'est pas tout de dire: Un va être pris au niveau scolaire, l'autre va être pris au niveau secondaire, l'autre va être pris dans le milieu communautaire, l'autre, social. Si tu ne connais pas c'est quoi, un collège, ou tu ne connais pas... tu n'as pas une petite notion minimale... Est-ce que vous iriez jusqu'à dire: Ça va prendre absolument de la formation? Puis quelle sorte de formation?

Moi, ça m'inquiète, là. Quand on prend les gens à l'intérieur d'un collège, on suppose qu'ils ne sont pas, comme on dit, entre guillemets, innocents tout le tour puis qu'ils sont déjà impliqués depuis longtemps, donc qu'ils ont des compétences. Et je ne nie pas qu'un ex-collègue qui a déjà siégé dans un collège, qui est rendu peut-être à la retraite et qu'on ramène sur un C.A. est une personne compétente, je suis d'accord avec ça, là. Mais, si on les prend de toutes instances, qu'entendez-vous exiger au niveau formation, au niveau compétence?

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières.

Mme Bussières (Ginette): Oui. Bien, pour ce qui est de la compétence, oui, c'est vrai, ça prend des gens qui sont compétents, mais je dirais beaucoup plus des gens qui ont l'intérêt des collèges à coeur. Donc, peut-être que, oui, on peut avoir un gros C.V. avec bien des compétences et bien de l'expérience, mais qu'on n'a pas nécessairement l'intérêt des collèges à coeur. Ça fait que, moi, je pense que la sélection première qui devrait se faire auprès des membres, c'est vraiment l'intérêt des gens à siéger sur un conseil d'administration d'un collège.

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Toute petite dernière. Le nombre qui vous est proposé au niveau collégial, comme au niveau même universitaire, est-ce que vous êtes... vous avez déjà dans votre tête des possibilités de compromis ou vous dites: Non, on ne veut rien savoir de ça, on veut maintenir la majorité du collège afin de maintenir cette règle-là qui était déjà établie, et que vous trouviez correcte, puis que ça allait bien, en fait, dans les collèges, j'ai cru comprendre. C'est quoi, votre avis, là, précis là-dessus, si vous êtes rendus là, là, dans vos pensées?

Le Président (M. Marsan): Mme Bussières... Alors, c'est Mme Cadieux.

Mme Cadieux (Marie-Claude): Madame, je veux juste faire une petite précision, parce que, dans les collèges présentement, c'est majoritairement externe. Il y a 11 personnes qui proviennent de l'externe et 19 personnes au total, donc huit personnes de l'interne. Et, en ce sens, nous, à titre de compromis, évidemment, notre idéal, ce serait que le conseil d'administration soit majoritairement composé d'internes. Mais, lors de discussions, on s'est dit qu'étant donné qu'il n'y a pas vraiment... selon nous, dans les collèges, il n'y a pas vraiment de problème grave de gouvernance, on en est venus à la conclusion que le statu quo, donc le maintien de 19 personnes dont 11 sont externes nous conviendrait.

Le Président (M. Marsan): Merci. Ceci termine l'échange avec le parti de l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le deuxième groupe d'opposition et je vais reconnaître le député de Chauveau, porte-parole dans le domaine de l'éducation pour sa formation politique. M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Mesdames monsieur, ça me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale.

D'entrée de jeu, j'aimerais revenir sur un point qui avait été abordé par Mme la députée de Taillon tout à l'heure concernant la parité des membres du conseil d'administration. Je vous le dis en toute franchise, j'ai été agréablement surpris, parce qu'à ma connaissance ? on a reçu déjà plusieurs groupes ? vous êtes le seul groupe issu d'un syndicat qui ne plaide pas pour avoir une majorité des gens de l'interne. Et j'aimerais... Vous avez bien expliqué tout à l'heure, puis j'ai aimé votre propos à l'effet qu'uniquement des gens de l'interne, ça ne serait pas bon; uniquement des gens de l'externe, ça ne serait pas bon.

Alors, je comprends que vous êtes d'une équité tout à fait inattaquable. Mais pourquoi justement vous souhaitez cette équité-là, contrairement aux autres syndicats, qui, eux, privilégient une majorité de gens de l'interne?

Le Président (M. Marsan): Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Mme Lamy va vous répondre.

Le Président (M. Marsan): Mme Lamy.

Mme Lamy (Danielle): Je pense que ce qu'il faut comprendre de nos propos, dans un premier temps, pour nous, on l'a dit, je le redis: Ce projet de loi là est prématuré. Donc, ce qu'on demande, c'est... on l'a... c'est parce que ça fait trois fois que je le dis, c'est qu'on demande une réflexion en profondeur. Ça, c'est notre point... position principale. Et, comme a dit Mme Levasseur dans sa présentation, on s'est dit: On va quand même analyser le projet de loi, et on en a proposé, mais c'est une position de compromis, de discussion. Et c'est une discussion qu'on a eue dans nos structures, auprès de nos structures syndicales, et pour s'assurer qu'il y ait... qu'il y ait une représentation équilibrée sur le conseil d'administration.

Alors, on est... on a bien... Parce qu'on a suivi ce qui s'est passé ici puis on a tout... on a à peu près tout lu. Pas moi personnellement, j'en conviens, mais, à tout notre groupe, on a bien suivi les débats. C'est vrai que la majorité des représentants issus du milieu syndical ont demandé la majorité ou carrément le rejet du projet de loi. On en est bien conscients. Nous, on vous dit qu'il est prématuré, qu'il faudrait le suspendre, qu'on revoie en son ensemble le monde universitaire, et en découlera des règles de gouvernance. C'est ça, l'essentiel de notre propos.

Ceci étant dit, il y a un projet de loi, alors on a voulu être constructifs. Alors, s'il faut vivre avec ce projet de loi, ce qu'on demande, c'est: Au moins, donnez-nous la parité. Au moins, donnez-nous la parité. C'est ce qu'on dit: Au moins. C'est un minimum pour nous. Si vous voulez nous donner la majorité, on est d'accord.

Le Président (M. Marsan): M. Meloche, est-ce que vous vouliez faire un commentaire?

M. Meloche (Stephan): Je pense qu'elle m'a volé mon punch. Désolé de... si je vous déçois un petit peu, M. Deltell, mais c'est que ce que j'ai exprimé tantôt, c'est définitivement une position de compromis, comme Diane... Danielle l'a dit. J'ai entendu une question, à un moment donné, venant de la commission, dans une autre séance, qui disait: Quelle serait la composition idéale du C.A. pour vous? Bien, l'idéal, ce ne serait pas ça. Ce n'est pas un compromis, l'idéal. L'idéal, ce serait une majorité d'internes, pour nous. Par contre, comme Danielle vous l'explique, bien je pense que, si... ou comme Mme la députée le disait tantôt, si projet il doit y avoir, on est prêts à faire des compromis. Puis ça, c'est un compromis, je pense, qui serait viable.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Marsan): Deux minutes.

M. Deltell: O.K. Bon, bien, vous me décevez, mais ce n'est pas grave, là. J'apprécie grandement la franchise de votre propos puis le fait que vous soumettiez un compromis. C'est une ouverture qui vous honore complètement.

Le temps file. Je veux juste aborder avec vous un point qui m'a un petit peu chicoté. Quand vous parliez, tout à l'heure, de la course aux étudiants, que les universités se faisaient compétition, tout ça, pour aller chercher des étudiants, je comprends qu'en effet, dans toute situation, il peut y avoir des effets pervers, puis qu'il y a des dommages collatéraux, comme on dit en termes militaires, qui sont malheureux et tristes. Mais essentiellement, la course aux étudiants, ça amène quoi? Ça amène les universités à se bonifier, à se regarder, à s'améliorer puis à voir comment est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer le service qu'on offre aux élèves, comment on pourrait faire pour attirer les élèves chez nous, les meilleurs, et ça, ça se conjugue sous différentes façons.

M. le député de Charlesbourg pourrait en témoigner, il a été recteur de l'Université Laval. Il pourrait dire jusqu'à quel point des activités dites parascolaires... ou, enfin, on ne parle pas vraiment de parascolaire au niveau universitaire, là, mais para-académiques peuvent être un élément motivateur pour amener les élèves à venir chez eux, comme par exemple des clubs de sport ou des activités comme ça.

Alors, en quoi... Ne pensez-vous pas qu'ultimement la course aux élèves peut avoir du bon pour que les universités s'améliorent elles-mêmes?

Le Président (M. Marsan): M. Meloche.

M. Meloche (Stephan): Je dirais que la course aux étudiants, dans son terme plus large, ou ce que M. le député disait tantôt, le développement dans les régions, c'est sûr qu'il y a du bon partout, mais, quand c'est fait d'une manière anarchique, bien, il y a l'effet pervers, comme vous dites, M. Deltell, qui fait que ça pourrit l'ensemble du dossier quand même. Parce que certainement que ça force les universités à dire: Bien, qu'est-ce qu'on ferait de plus pour les attirer, les meilleurs services?, mais ça fait aussi un effet pervers par rapport à une autre université. C'est que, si... Ce n'est pas des entreprises privées, on l'a écrit dans notre mémoire, ce n'est pas des entreprises privées, on n'est pas dans la business, là. Ce n'est pas les besoins du marché qu'il faut qu'ils s'appliquent, c'est l'éducation puis le développement des sociétés. Je pense que c'est ça, le but. Si le but, c'est les affaires, on n'est pas à la bonne place, là.

Le Président (M. Marsan): Alors, sur ce, je remercie le Syndicat canadien de la fonction publique, plus particulièrement Mme Levasseur, Mme Lamy, M. Meloche, Mme Bussières et Mme Cadieux. Merci beaucoup.

Je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

 

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Une information: après le parti ministériel, nous écouterons le parti de la... du deuxième groupe d'opposition, et ensuite l'opposition officielle, après entente entre les partis.

Alors, il me fait plaisir d'accueillir M. Jacques L'Écuyer et M. Paul Bernard pour une période de une heure. Et vous pouvez commencer immédiatement cet exposé, vous avez 15 minutes.

MM. Jacques L'Écuyer et Paul Bernard

M. Bernard (Paul): Merci, M. le Président. Alors, nous, on a abordé le projet de loi n° 38 dans une perspective positive en vue de l'améliorer en nous appuyant sur notre expérience en la matière, fondée sur des activités ici et à l'étranger. Vous verrez que Jacques L'Écuyer, en particulier, connaît pas mal de choses à ce sujet.

Pour résumer en un mot notre argument, je vous dirais que les tendances globales de la gouvernance universitaire à travers le monde, et c'est la Banque mondiale, par exemple, qui est très active dans ce champ-là qui le dit, sont de tenter de concilier à la fois l'indispensable autonomie universitaire et en même temps un rôle pour l'État, parce que l'État est le garant de l'accès à une éducation de qualité et évidemment le garant d'un financement dont il fournit la plus grande part. Et, dans un très grand nombre de pays qui ont un système universitaire semblable au nôtre, et ça s'applique à beaucoup de pays développés, on a créé pour ce faire un corps intermédiaire qui sert de tampon en quelque sorte dans cette relation entre les universités autonomes et le gouvernement, qui a un devoir de surveillance et de gestion de ce système, et c'est ce que nous voulons proposer après un raisonnement à travers lequel on passe rapidement.

Sur la loi n° 38 elle-même, on peut dire qu'elle est d'abord et avant tout un projet de loi sur la gouvernance des universités, et, pour nous, c'est relativement différent de la gouvernance du système universitaire, et c'est le gros de notre propos. Mais un mot avant tout sur la gouvernance des universités.

On dit, dans le projet de loi, et nous sommes d'accord tout à fait, que les conseils d'administration des universités doivent faire preuve, d'une part, de compétence et d'indépendance et, d'autre part, de transparence et de collaboration avec les éléments du milieu. À cet égard, il y a plusieurs articles de loi, et on en passe encore un plus grand nombre dans notre mémoire, mais j'en rappelle quelques-uns: le 4.0.2, par exemple, qui parle de la représentativité au conseil d'administration de toutes les collectivités desservies, absolument essentiel; le 4.0.22, qui parle des critères de compétence, d'évaluation des membres du conseil d'administration et des membres de l'administration universitaire; 4.0.30, qui parle même de formation de ces gens-là.

Au plan de la transparence et de la collaboration entre les différentes composantes, une nécessité d'informer les gens sur les décisions stratégiques, tous les membres de la communauté intéressés, des consultations systématiques, des documents sur le site Web, etc., hein, on ne peut qu'applaudir à cela. Il faut évidemment, pour que ça fonctionne, que ce soit vraiment appliqué, et ça pose la question donc des moyens d'intervention du ministre au nom du gouvernement, et c'est là qu'on accède à la question de la loi n° 38 et de la gouvernance du système universitaire.

Il y a énormément de documents qui vont circuler depuis les universités vers le ministère, des rapports, des procès-verbaux, des indicateurs, et il nous semble ? c'est l'essentiel de notre position ? que le ministre est un peu placé en position réactive plutôt qu'en position proactive, c'est-à-dire qu'il va recevoir beaucoup de documents, mais il n'aura pas forcément les moyens d'intervenir en temps utile. À la fin, il faudra bien éponger un certain nombre de problèmes.

Et ne prenons qu'un seul exemple, celui de la construction des indicateurs de performance de l'université. Alors, il devrait y avoir des indicateurs quantitatifs, qualitatifs. Je me permets de dire que je suis un spécialiste des indicateurs, pas particulièrement dans le domaine universitaire; c'est loin d'être facile, O.K.? Ils devront procurer une vision d'ensemble, mais on sait qu'il y a toujours une petite tendance à en tirer quelques-uns qui nous sont favorables dans une direction, à donner des visions partielles, partiales. Il faut tout équilibrer ça. Il faut avoir des indicateurs comparables entre les institutions, sans ça ce n'est pas juste, d'une certaine façon, mais en même temps chaque institution a son histoire, ses spécificités et entend bien être jugée en partie sur des indicateurs qui tiennent compte de sa situation.

Faire tout ça, ce n'est rien de simple, et l'expérience semble révéler que les ministères, malgré leur grande compétence, sont souvent mal équipés, et c'est pour ça que des organismes comme la Banque mondiale ou les accords de Bologne, en Europe, suggèrent d'avoir des organismes spécialisés qui font ce travail.

Prenons un exemple qui va montrer la nécessité de faire face à la musique très rapidement: on est déjà en situation de croissance très atténuée des effectifs universitaires et on sait qu'on s'en va vers une décroissance importante. Or, nos universités sont financées per capita. Donc, il y a une concurrence énorme. O.K.? On voit des conséquences considérables de ça: la multiplication des campus sur le même territoire, le dédoublement des programmes, la publicité, qui n'est pas toujours mauvaise, mais parfois on a l'impression, quand on arrive à l'époque des inscriptions, qu'il y en a peut-être un petit peu beaucoup, que ce n'est pas très coordonné. Et ce qu'on n'a pas rappelé dans notre mémoire, mais on en avait discuté: très peu de coordination dans l'action des universités pour attirer les étudiants de l'étranger. O.K.? Et, pour arriver à traiter de ces indicateurs, pour arriver à faire face à des questions comme la décroissance, qui va affecter toutes nos institutions, il faut une espèce de pôle d'expertise, ce que n'a pas forcément le ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport.

Dans les accords de Bologne auxquels j'ai fait référence, au moins pour l'évaluation de la qualité, mais aussi à bien d'autres égards, on dit que la formule privilégiée, c'est de créer une espèce d'organisme tampon. Je vous le rappelle: il faut que les universités soient autonomes et il faut assurer qu'il n'y ait pas de contradiction entre ça et les responsabilités bien réelles des contribuables, à travers leur gouvernement, qui paient pour toute cette affaire-là. Pour assurer ça, il faut avoir des organismes comme ce que nous proposons, c'est-à-dire une commission de l'enseignement supérieur.

Si ça vous rappelle vaguement un conseil des universités qui a existé jusqu'à il y a 15 ans, vous êtes tout à fait en accord avec nous. J'ai parlé à plusieurs personnes. Je ne vous dis pas... Je n'ai pas de sondage, je ne vous dis pas que c'est unanime. Beaucoup de gens considèrent qu'après tout c'était probablement une erreur que de détruire cet organisme-là, et en fait un peu partout dans le monde on en crée. En Ontario, par exemple, c'est présidé par un ancien juge de la Cour suprême du Canada, etc. Ça existe un peu partout.

D'ailleurs, ça n'existe pas que dans ce domaine. Quand l'État et la connaissance se rencontrent, en général il y a une zone tampon. Les agences statistiques ont leurs propres lois. Les universités ont leurs propres conseils d'administration. Les conseils subventionnaires ont leurs propres règles de distribution des fonds et leurs conseils d'administration. Les conseils aviseurs de l'État sont nommés, en général les membres sont nommés par le ministre mais avec une marge d'autonomie. Il y a même des organismes de recherche qui dépendent de l'État mais avec une gestion à distance, «arm's length», comme on dit en latin: l'INSPQ, par exemple, le Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion sociale, etc.

Alors, c'est un peu ce qu'on propose dans ce domaine-là. Et je passe maintenant la parole à Jacques L'Écuyer, qui, lui, peut parler de ses expériences et des fonctions éventuelles de cette commission de l'enseignement universitaire... supérieur.

Le Président (M. Marsan): Oui. Avant de laisser la parole à M. L'Écuyer, je vous ai présenté comme M. L'Écuyer au tout début, alors vous êtes bien M. Bernard. Et maintenant nous allons écouter, pour la deuxième partie de l'exposé, M. L'Écuyer. Alors, la parole est à vous, M. L'Écuyer.

n(16 h 30)n

M. L'Écuyer (Jacques): Merci, M. le Président. Dans son... Dans un rapport qu'il faisait sur les grandes tendances dans la gestion des systèmes universitaires, John Fielden, qui est un expert de l'UNESCO, de la Banque mondiale, du British Council, en fait qui est consultant depuis de très longues années, disait qu'il y a un certain nombre de fonctions que le ministre doit assumer et qu'il ne peut déléguer ? de fonctions dans un système universitaire. Il indiquait, par exemple, qu'il appartient au ministre et au gouvernement de déterminer la vision et les buts du système d'enseignement supérieur, de s'entendre ou d'accepter la grandeur ? les mots anglais sont «the size and shape» ? du système universitaire, de déterminer les politiques et les objectifs du système universitaire. Donc, il s'agit des principales responsabilités; c'est non délégable, c'est des choses qui appartiennent à la ministre.

De la même façon, il y en a quelques autres qui ne peuvent être déléguées aux universités. Par exemple, d'accepter les plans stratégiques, c'est une responsabilité soit de la ministre mais qu'elle peut partager avec un organisme externe; de suivre les performances des universités, etc. Nous proposons, dans notre mémoire, que le Québec se dote, comme les systèmes semblables, comme le disait mon collègue, d'un organisme qui est capable d'appuyer le ministre dans l'exercice de ses fonctions. Et nous vous donnons, en annexe du mémoire, quatre exemples; nous aurions pu en donner beaucoup plus.

À peu près tous les États américains ont des organismes de ce type-là. Ici même, au Canada, il y a des organismes, des corps intermédiaires. Il y en a en Ontario, il y en a dans les Provinces maritimes, il y en a dans l'Ouest du Canada. Donc, c'est une pratique assez généralisée, et les raisons sont qu'il est beaucoup plus facile de réunir, à l'intérieur d'organismes comme ça, l'expertise et l'expérience, et je pense que l'exemple de l'Ontario est particulièrement frappant, à ce point de vue là, avec le juge Iacobucci qui préside et avec un ancien recteur, et pas n'importe quel, un recteur qui a dirigé trois universités, qui est le P.D.G. de l'organisation. Donc, on a affaire, si vous voulez, à des personnes de haut niveau qui sont capables d'appuyer le ministre dans son travail, qui n'est pas un travail facile, parce que les universités sont tout à fait capables de se défendre très bien, de proposer aussi des solutions, mais, pour avoir un dialogue qui est fructueux, il faut avoir l'expertise et l'appui nécessaires.

Les fonctions que nous voyons pour cet organisme: en matière de planification bien sûr, contribuer à la planification du système et s'assurer que les plans des établissements contribuent aux priorités du système; agir comme observatoire, dans le sens de suivre un peu ce qui se passe un peu partout dans le monde, donc d'agir un peu comme... oui, comme un observatoire, si vous voulez; stimuler la coopération entre les établissements.

C'est sûr qu'à l'heure actuelle la compétition est très forte, et il faut stimuler la coopération, et ça, j'en sais quelque chose parce que j'ai présidé le Conseil des universités dans les années quatre-vingt, et je peux vous dire qu'il y a des éléments de coopération que nous avons réussi à mettre en place et qui auraient été impossibles sans un organisme comme ça. Par exemple: le doctorat conjoint en administration à Montréal, le doctorat en éducation de l'Université du Québec, tout ça s'est fait à la suite de discussions et sous les pressions d'un organisme comme celui-là.

Contribuer à assurer la qualité des établissements et de leur enseignement. Cette situation, qui est maintenant requise, si vous voulez, par les accords de Bologne, cette situation d'assurance qualité, si vous voulez, se loge très bien à l'intérieur d'un organisme comme celui-là.

Et aussi informer le public sur diverses questions. Financement, par exemple: le Conseil des universités, autrefois, donnait un avis annuellement sur le financement. Bien, à l'occasion de cet avis-là, il était possible de confronter les chiffres qui sont donnés, soit par les universités, soit par les gouvernements, même. Alors, évidemment, un organisme comme... peut jeter un regard critique, peut faire des comparaisons avec l'étranger, et peut proposer des solutions.

La composition? Nous pensons à un organisme relativement léger, 10 à 15 personnes ? c'est à peu près la taille de... et un staff ou, si voulez, une équipe qui est capable de préparer les études ou les documents nécessaires, dirigée par une personne d'expérience, un peu comme ça se passe en Ontario et comme ça se passait autrefois au Conseil des universités.

La question qui est intéressante et qui nous paraît devoir se poser maintenant, c'est celle de déterminer si nous voulons une commission de l'enseignement universitaire ou une commission de l'enseignement supérieur qui engloberait et les universités et les collèges, et qui pourrait donc examiner les problématiques plus larges que simplement celles des universités. Par exemple ? on en a signalé un certain nombre dans notre mémoire ? par exemple, la collaboration en région. Les régions se dépeuplent, ce qui pose un certain nombre de questions difficiles qui appellent à de l'innovation, à de nouvelles collaborations.

Les développements récents sur le plan de la programmation, D.E.C.-bac, reconnaissance des acquis, qui est aussi une question qui touche au coeur les étudiants et qui fait que... Si vous allez en Alberta ou en Colombie-Britannique, vous avez BCCAT, qui est une commission qui favorise la reconnaissance des acquis entre les éléments du système d'enseignement supérieur. Et, enfin, différents... il y en a d'autres que nous mentionnons.

Alors, tout ça pour vous dire qu'initialement, à la base de tout notre mémoire, il y a une préoccupation réelle pour maintenir la compétitivité de notre système dans un contexte qui sera certainement difficile, en raison bien sûr du financement, en raison aussi de la baisse des clientèles, et on s'inquiète.

On s'inquiète, et je ne vous cache pas que personnellement j'ai eu l'occasion de travailler dans un milieu comme la Suisse, où... qui font face à des... qui fait face à des problématiques un peu semblables et qui a entrepris des efforts extrêmement sérieux pour pousser à la collaboration. Vous seriez absolument sidérés par la façon dont on a réussi à développer des collaborations qui permettent de resserrer, de concentrer, si vous voulez, l'expertise, et de faire qu'on a des centres qui sont vraiment compétitifs à l'échelle internationale. Voici.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie bien, et, vous reconnaissant, vous avez fait votre présentation dans le temps qui vous était réparti, exactement. Alors, je vous remercie beaucoup. Nous allons tout de suite reprendre nos échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.

n(16 h 40)n

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. L'Écuyer, M. Bernard, merci d'être là. Je dis tout de suite aux membres de cette Assemblée que j'ai eu le privilège de rencontrer ? il y a quelques mois maintenant, je crois ? M. L'Écuyer; ça fait déjà un certain temps. Et aujourd'hui, après deux semaines et demie, presque trois, je ne sais plus, très intenses d'écoute de cette commission parlementaire, je veux vous remercier sincèrement, d'abord d'être ici, mais de nous présenter une réflexion que je juge non seulement sérieuse, mais profonde. Je vous connais suffisamment tous les deux... M. L'Écuyer, je vous connais de réputation plus que je ne connais M. Bernard depuis longtemps, mais je veux vous dire que c'est une réflexion pour moi qui est très profonde et qui probablement arrive juste à point et qui m'intéresse énormément.

Dans l'histoire du Québec, nous avons créé de très grandes institutions, puis parfois, dans l'histoire du Québec, nous avons posé des gestes qui... et, 15 ans plus tard, on se dit: Peut-être qu'on n'aurait pas dû. Parce que je vous écoute et je fais le lien avec ce que nous avons entendu puis je me dis: Ça se peut que les réticences, les résistances... l'évolution dans... dans ce rapport que vous soulevez entre la ministre et les universités est peut-être due au fait qu'il n'y ait plus ce Conseil des universités.

C'est très surprenant: dans votre mémoire, qui se veut très constructif, vous parlez beaucoup du rôle de la ministre, et vous parlez beaucoup du fait... Moi, je dis avec justesse qu'elle est imputable devant la population. Quand ça va mal dans une université, c'est la faute de la ministre puis c'est la faute du gouvernement. Ça, c'est le propre de l'imputabilité. Puis il faut que ce soit comme ça. Hein, c'est correct, le député de Borduas est d'accord avec ça? Mais c'est tout à fait vrai. Sauf que, sauf que, effectivement, il faut que la ministre ait aussi cette capacité... et, vous, vous dites: d'agir et d'être proactive. Est-ce que ça ne va pas là à l'encontre de ce que réclame tant les universités, c'est-à-dire l'autonomie? Puis pas uniquement l'autonomie de l'enseignement et de la recherche, mais ce qu'on réclame, à hauts cris, depuis trois semaines, c'est aussi totalement l'autonomie de gestion. Et ce qu'on entend, c'est: Bien, effectivement, nous, gens de l'interne, sommes certainement les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour notre institution et pour l'enseignement universitaire au Québec; c'est pour ça qu'on veut être majoritaires. Or, bien sûr on va garder quelques socioéconomiques, mais on veut être majoritaires.

Vous, vous abordez l'angle de cette responsabilité ministérielle... en fait, moi, je dirais, gouvernementale, en la présence de la ministre. Et je voudrais savoir, donc, comment se fait-il que vous ne croyez pas que ça va nuire à l'autonomie des universités? Parce que vous en parlez, vous dites: C'est aussi important par ailleurs que les universités soient autonomes. J'imagine que vous voulez dire: autonomes dans leur capacité d'enseigner et de faire de la recherche. Vous me corrigerez si ce n'est pas ça. L'autre question. Je suis extraordinairement intéressée à cette conférence des universités que vous proposez parce que je crois que, si on veut être parmi les meilleurs au monde, il faut effectivement réfléchir, il faut planifier, augmenter les coopérations et avoir le courage de s'évaluer. Or, ça aussi, ce n'est pas trop, trop... On s'évalue à travers les projets de recherche. Quand on a des subventions, c'est parce qu'on est bons. Mais je n'entends pas, moi, que s'avérerait facile d'imposer des indicateurs d'évaluation de qualité... «d'assurance qualité» ? c'est l'expression que vous avez utilisée. Donc, en quoi cette conférence pourrait rassurer ceux qui ont la résistance par rapport au projet de loi? Puis j'arrête là. Je reviendrai. Je comprends que je pose des grosses questions, mais c'est que le temps est tellement court que je veux m'assurer que ces questions-là sont posées.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): Écoutez, une première chose, la question de majoritaires ou pas sur les conseils d'administration: je ne vous dirais pas... c'est une question que je trouve assez... assez curieuse. Chez nos voisins américains, c'est une condition ? une condition ? d'accréditation que les conseils d'administration soient indépendants. Et vous savez que l'accréditation, aux États-Unis, c'est fondamental. Si vous n'avez pas l'accréditation, vos étudiants n'ont pas le droit aux prêts-bourses du gouvernement. À peu près toutes les universités ont... Alors, si vous regardez, par exemple, une commission qui accrédite... il y en a sept aux États-Unis. Si vous regardez le New England, qui est notre voisin immédiat, le conseil d'administration doit comporter une majorité de personnes qui n'ont aucun lien financier avec l'université. Ça comprend des employés, ça comprend des cadres, ça comprend aussi des personnes qui feraient affaire avec l'université. Donc, vous avez tout de suite une indication. Les autres vous disent la même chose. Je pense, le Western, c'est... le terme employé: «doit être majoritairement composé de personnes étrangères à l'université». Ça n'a jamais empêché les États-Unis de développer un système d'universités hors pair. Alors, moi, je pense que c'est un faux débat et que c'est un... c'est un...

Et d'ailleurs, au Québec, depuis des années, j'ai personnellement siégé sur des conseils d'administration formés en majorité de personnes étrangères à l'université. À ma connaissance, l'Université de Montréal, au moment où j'ai siégé, était formée de personnes en majorité provenant de l'étranger. Je pense que c'est un faux débat. Le point qui est essentiel, c'est que le conseil d'administration joue bien son rôle, et, comme le disait mon collègue, que les gens soient bien formés.

La question de la formation ? vous l'abordez dans le projet de loi ? c'est quelque chose de fondamental. Et ça, je peux vous dire aussi par expérience, parce que j'ai aussi dirigé la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, j'ai rencontré les conseils d'administration, je peux vous dire qu'il y en a qui fonctionnaient bien, il y en a qui ne fonctionnaient pas bien, mais ceux qui fonctionnaient bien, en général, ils prenaient les moyens de former leurs personnes. Alors ça, si vous voulez, sur ce plan-là, cette question-là est importante.

La question d'autonomie. Écoutez, les universités ne peuvent pas prétendre qu'ils vivent en marge de la société, ils vivent dans une société. Et ça, c'est important de bien comprendre que l'autonomie, c'est une autonomie qui est nécessaire sur le plan de l'enseignement, sur le plan de la recherche, et ça, c'est... et donc les décisions doivent être prises. Il ne faut pas intervenir. L'idée, ce n'est pas... c'est d'éviter d'intervenir dans ces domaines, qui sont les domaines privilégiés de l'université.

Cependant, les conseils d'administration des universités ou des collèges, ils prennent à coeur les intérêts de leur université et de leur collège. Ils ne prennent pas les intérêts du système. Alors, posez-vous la question. Vous avez un système... Vous avez une question d'actualité: vous avez vu l'Université McGill, récemment, dire: Ah! notre M.B.A. va devenir à 30 000 $. Est-ce que vous pensez que McGill s'est intéressée ou s'est inquiétée des répercussions sur l'ensemble du système?

Mme Courchesne: Non.

M. L'Écuyer (Jacques): Bien, c'est le genre de chose qu'un conseil... Même chose, un autre domaine, par exemple, où l'ancien Conseil des universités avait à se prononcer: les développements, les nouveaux campus; on devait donner un avis là-dessus. Je vous dirais bien honnêtement que, si le conseil avait continué de travailler en tout cas comme on le faisait dans le temps, peut-être qu'on n'aurait pas eu le problème de l'UQAM.

Toutes ces préoccupations-là sont le fait que finalement les universités, quand elles sont laissées à elles-mêmes, complètement à elles-mêmes... Et j'en connais, je travaille régulièrement en Amérique latine, et je peux vous dire que c'est un drame, c'est un drame si les universités... si on ne peut pas faire... Ce qu'on fait beaucoup avec la Banque mondiale dans ces pays-là, c'est d'essayer de redonner un peu aux gouvernements la capacité d'agir, de poser des questions, de demander des comptes. Sinon, écoutez, c'est du monde... c'est des gens qui sont plein de bonne foi, mais c'est des humains, c'est des... les groupes universitaires, ce n'est pas du monde qui vit en marge.

Le Président (M. Marsan): Oui. Je vais demander à M. Bernard. Je crois, vous voulez faire un commentaire.

M. Bernard (Paul): Oui. Si, Mme la ministre, vous voulez dire que notre position, en ce mémoire, ne va pas forcément nous rendre populaires auprès de tous nos collègues universitaires, vous avez parfaitement raison, mais...

Mme Courchesne: C'est ce que je me disais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bernard (Paul): ...d'une certaine façon physique, l'université...

Mme Courchesne: C'est ce que je me disais.

M. Bernard (Paul): ...ça fonctionne bien, parce que ça ne nous empêche pas de parler. C'est comme ça, c'est un milieu de liberté et... Bon.

Un peu plus... un peu plus sérieusement, moi, je prends... j'ai tantôt pointé l'article 4.0.2. qui dit: «Le conseil doit être diversifié...» Beaucoup de gens qui soutiennent l'autonomie de l'université veulent dire par là: Il faut faire très attention que certains secteurs de la population... Parce que le monde des affaires, qui est très intéressé pour des raisons... pour ses raisons propres à l'université, n'ait pas la position dominante. Et cet article, ce qu'il dit littéralement, c'est qu'il faut qu'il y ait une diversité des intérêts, y compris... On vient d'évoquer le M.B.A. à 30 000 $, c'est très bien pour ceux qui vont l'avoir, c'était très bien pour ce secteur-là, mais ça, ça vous démolit une université.

L'université, c'est un drôle de pari où on met ensemble des secteurs payants, des secteurs pas payants, des rêveurs d'études françaises ou des sociologues comme moi avec des gens qui sont en génie, etc. On tient tout ça ensemble depuis quand même Bologne, Paris, etc., en se disant: Ces champs de connaissance ne peuvent évoluer qu'en interaction les uns avec les autres. Bon. Et tenir ce pari-là, ça suppose de ne pas laisser des intérêts particuliers contrôler l'université et assurer la diversité. Mais, pour assurer cette diversité, je pense qu'il ne faut pas que... la ministre ne peut pas intervenir en disant: Vous allez nommer un tel, vous allez faire ceci, etc. Il faut une espèce de... quelque chose comme une commission d'enseignement supérieur qui dit: Voilà dans quelles conditions, voilà comment... Bien, où est-ce qu'on en est, par exemple? Belle question au conseil d'administration: Où est-ce qu'on en est, dans le respect de la clause 4.0.2., dans les universités? Ça, c'est une bonne question.

Et, sur de l'évaluation... Bon, on est très évalués, à l'université, hein, très, très. Les subventions, les promotions, les ci, le ça... on n'en sort jamais. Nos étudiants nous évaluent, etc. Je ne dis pas que c'est parfait, mais on est quand même un milieu où on est pas mal évalués.

Ce qui m'avait frappé, moi, dans le projet de loi, c'est qu'on dit: Tout va aboutir au conseil d'administration, qui va porter jugement. Jusque-là, on est d'accord. Mais, moi, chaque fois que je vois un juge, je me dis: Mais qui juge le juge? Les mécanismes d'appel, O.K.? Et ce qui est important, c'est qu'il y ait les moyens, comme société, et je pense qu'un organisme tampon, un organisme intermédiaire est important à ce point de vue là, qui puisse dire à un conseil d'administration: Vous n'êtes pas... ça n'arrête pas là; vous aussi, vous êtes en jugement par rapport à l'endroit où vos décisions conduisent l'ensemble du système universitaire. Encore là, ça nous prend un organisme comme celui qu'on propose.

n(16 h 50)n

Le Président (M. Marsan): Bon. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Si ? je dis bien si ? nous allions de l'avant avec une telle proposition, est-ce que vous croyez vraiment, 15 ans plus tard... Puis je sais que vous connaissez bien les universités tous les deux, là; M. Bernard, vous oeuvrez encore à l'intérieur d'une, à tout le moins, puis, M. L'Écuyer, vous êtes souvent appelé à donner votre avis, puis vous les connaissez bien. 15 ans plus tard, si on revenait avec une commission de l'enseignement supérieur, est-ce que vous croyez que les recteurs ? je parle des recteurs, là, je... et la communauté universitaire, mais parlons des recteurs puisqu'ils sont les premiers dirigeants ? est-ce que vous croyez vraiment qu'ils accepteraient qu'on recrée une telle commission avec exactement les fonctions que vous décrivez dans votre mémoire?

Alors que ? je vais continuer ? alors qu'actuellement, à la CREPUQ, organisme que je respecte, avec qui je collabore, mais, quand je leur pose des questions comme celle que vous êtes en train de poser puis que je leur dis: Vous voulez être autonomes puis vous ne voulez pas que la ministre se mêle de vos affaires, alors, dites-moi, vous les recteurs, quelle est votre solution, présentez-moi une solution. Sur plein de sujets...

Écoute, je ne l'ai pas, la réponse: parce qu'ils ont de la difficulté à s'entendre, parce qu'ils veulent être autonomes, parce que, oui, ils sont en compétition. Puis honnêtement je ne peux pas accepter que ce soit juste une question de financement. Je ne peux pas accepter ça. Alors, est-ce que vous croyez que, 15 ans plus tard, ils accepteraient?

Le Président (M. Marsan): Alors, le parole est à M. Bernard.

M. Bernard (Paul): Oui. Juste une petite anecdote ? j'imagine que Jacques aura des choses à dire ? moi, personnellement, j'ai parlé à trois dirigeants universitaires, que je connais bien mais que je n'identifierai pas, et ils ont dit: Oui, l'abolition du Conseil des universités, quelle erreur. Moi, c'est... Bon, je n'ai pas de sondage, là, mais trois hauts, très hauts dirigeants m'ont dit: C'était une erreur.

Mme Courchesne: Et, à ce moment-là, est-ce que, d'après vous ? je vais pousser plus loin, je vais pousser plus loin, c'est important ? est-ce que vous croyez que les syndicats, eux, accepteraient? Parce que vous allez très loin. Prenons, par exemple, le syndicat des enseignants. Tu sais, quand on parle de... Je comprends qu'ils coopèrent. Les profs... les enseignements coopèrent entre eux pour la recherche, là. Puis je sais qu'on évolue aussi, là. Tu sais, ne prétendons pas qu'il ne se fait rien. Il se fait beaucoup de choses en coopération. Mais, quand on discute des questions de fond qui vont avoir un impact, parce que ce qui va sortir de cette commission va être public, puis la ministre, ou le ministre, va prendre des décisions, va... Normalement, le ministre, il va écouter puis il va... il va certainement... en tout cas, il y aura une pression, là. Donc, est-ce que vous croyez que, 15 ans plus tard, l'évolution ne fait pas en sorte qu'ils refuseraient d'avoir ces yeux ? très constructifs, très positifs, mais quand même ces yeux ? au-dessus d'eux?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): C'est une très bonne question. Je pense qu'il vous faudra leur poser. Mais je vous dirais la chose suivante: Pour ce qui est des recteurs, il est possible qu'ils y voient de grands avantages. On a parlé tout à l'heure de la compétition qui existe. La compétition, ça fait... ça fait bouger. Oui, ça fait bouger, mais ça fait mal, et ça peut faire très mal. Ça fait mal dans le sens où vous avez de plus en plus de difficultés à concentrer vos ressources, à maintenir, si vous voulez, un certain niveau de compétence. Vous êtes dispersés. Donc, je pense que oui, il y a des recteurs qui vont vous dire: Écoutez, ce serait bon qu'on ait une espèce d'organisme comme ça qui pourra à l'occasion faire des arbitrages entre nous, parce qu'ils en ont besoin. Si vous regardez ce qui est sorti de la commission, comment elle s'appelle, la CUP, la commission... il n'est pas sorti beaucoup de choses de ça. Malheureusement, malgré tous les efforts qui ont été mis, il s'agissait d'un effort de concertation entre les universités, ça n'a donné vraiment pas grand-chose.

Je pense que ça prend un organisme externe qui vient dire: Écoutez, il faut faire des choses ensemble; donc, il faut les convaincre. Mais, en ce qui concerne les syndicats, écoutez, ça n'aura... je ne vois pas en quoi les syndicats seraient si inquiets de la présence de... au contraire. D'abord, on peut penser qu'un organisme comme ça comprendrait une représentation du corps professoral. C'est un organisme qui pourrait à l'occasion critiquer le gouvernement, et...

Des voix: ...

M. L'Écuyer (Jacques): ...ça, les syndicats vont être tout à fait d'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Écuyer (Jacques): Alors... Bien, je parle un peu à la blague, mais je vous dirais: Je ne vois pas tellement... D'abord, un organisme comme ça, normalement, ne... disons, n'ira pas s'ingérer dans les conventions collectives, des choses comme ça, là.

Mme Courchesne: Il me reste... Il me reste peu de temps. Vous, les sages, face au projet de loi qui existe, qu'est-ce que... qu'est-ce qui, selon vous, pourrait en ce moment changer la donne face à la communauté universitaire dans sa réaction au projet de loi puisque vous semblez tout à fait d'accord avec non seulement les objectifs, mais vous êtes d'accord avec nombre d'articles de ce projet de loi? Mais, au-delà des articles, vous êtes d'accord avec les fondements, les principes mêmes qui guident ces projets de loi. Alors, qu'est-ce qui, selon vous, aujourd'hui, pourrait changer la donne? Ou qu'est-ce que vous feriez, est-ce que vous diriez: Ah! c'est ça, c'est ça? Ou si, après tout ce que vous avez entendu, vous sentez qu'il faudrait modifier quelque chose pour convaincre la communauté universitaire de l'importance de ces changements proposés? Et est-ce que votre commission serait une réponse?

Le Président (M. Marsan): Alors, un peu moins de trois minutes. M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): Très rapidement, je vous dirais un élément qui est très important, je crois, dans le projet de loi et qui a causé des préjudices, c'est qu'il faudrait redonner un rôle plus important au recteur. Le recteur, dans le projet de loi... le recteur, ça reste le... si vous voulez, le leader de la communauté universitaire, et il faudrait, de ce point de vue là, écouter attentivement ce que les gens ont à dire là-dessus. Mais je crois que, par exemple, le recteur devrait être au conseil d'administration. Il l'est, oui, il l'est dans la... Oui, oui, c'est vrai.

Mme Courchesne: Oui. Oui, oui.

M. L'Écuyer (Jacques): Peut-être aussi ? j'écoutais tout à l'heure ? peut-être aussi les vice-recteurs. Moi, j'ai été vice-président de l'Université du Québec. J'étais présent mais pas avec droit de vote.

Mme Courchesne: Oui. Ils ont droit d'être présents, M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): Ils ont droit d'être présents.

Mme Courchesne: Je vous rassure tout de suite: ils ont droit.

M. L'Écuyer (Jacques): Bon. Mais c'est des choses comme ça. Il faudrait peut-être aussi... Par exemple, lorsque vous... dans l'article de loi sur les indicateurs, il faudrait que le... le premier qui réellement peut discuter ou devrait discuter avec la ministre sur ces questions-là, c'est...

Mme Courchesne: Oui, ça, je suis d'accord... et, de rajouter le recteur, entièrement d'accord. Je l'ai rajouté. Oui, absolument.

M. L'Écuyer (Jacques): Cette dimension-là est importante.

Maintenant, la présence d'un organisme comme le nôtre, moi, je pense qu'on faisait... en tout cas, j'ai rarement eu de discussions très négatives dans le temps où j'étais au Conseil des universités, au contraire.

Mme Courchesne: Est-ce que ça pourrait rassurer?

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre, en terminant.

Mme Courchesne: Est-ce que ça... est-ce que ça... ça rassurerait ou ça changerait la réaction de plusieurs face au projet de loi? C'est ça, ma question.

Le Président (M. Marsan): M. Bernard.

n(17 heures)n

M. Bernard (Paul): ...un officier d'une autre université qui... dont la réaction, c'était: Bon, la ministre intervient beaucoup parce qu'il y a eu un problème dans une université. Nous, on gère très bien. Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Bon. Et ma réponse à ça, pour répondre à votre question, madame, c'était de dire: Écoutez, la ministre est la responsable de cette mission de la gouvernance et elle va intervenir. Ne préféreriez-vous pas qu'elle intervienne bien outillée avec l'appui d'un conseil de l'enseignement supérieur qui est capable de fonctionner correctement?

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie bien, M. Bernard, M. L'Écuyer. Ceci termine le premier échange, avec le parti ministériel. C'était pour une durée de 22 min 30 s. Maintenant, les partis d'opposition ont également 22 min 30 s, qui sont divisées de la façon suivante: 18 minutes pour l'opposition officielle et 4 min 30 s pour le deuxième groupe d'opposition.

Alors, il me fait plaisir de reconnaître le deuxième groupe d'opposition, après consentement. Et je vais reconnaître le député de Chauveau, qui est le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Mes remerciements aussi à l'opposition officielle de me permettre d'intervenir tout de suite, je l'apprécie grandement.

Messieurs, bonjour. Bienvenue. Extrêmement intéressant et instructif, votre propos. C'est dense, c'est riche, c'est stimulant. Je l'apprécie grandement.

La question de l'autonomie, je voulais l'aborder avec vous. Mme la ministre a posé les questions pertinentes, donc j'aimerais aborder avec vous un autre point.

À la fin de votre exposé, vous avez fait état de l'expérience de la Suisse, où vous avez dit qu'il y avait une situation qui est un peu similaire à celle que l'on vit actuellement, puis des mesures ont été prises, qui ont conduit à une situation bonifiée. J'aimerais vous entendre me raconter qu'est-ce qui se passait en Suisse, qu'est-ce qu'ils ont fait et pourquoi aujourd'hui ça fonctionne.

Le Président (M. Marsan): Bon, alors, M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): Écoutez, quand je vous dis... J'ai été vraiment impressionné par ce qui se passe en Suisse. Les Suisses ont réalisé qu'ils avaient besoin de leurs universités pour améliorer, si vous voulez, leur compétitivité économique. Ils sont en Europe, ils ont une économie qui a connu des hauts et des bas au cours des dernières années et ils ont choisi de miser énormément sur leurs universités pour développer leur économie. Sur ce plan-là, ils ont eu des initiatives très fortes. Et, quand je dis «très fortes», là, on parle de vraiment très...

Je vais vous donner un exemple, là, très précis. À Lausanne, vous avez côte à côte l'Université de Lausanne et, de l'autre côté de la barrière qui les sépare, vous avez l'École polytechnique fédérale, l'EPFL. Les deux établissements sont des établissements de haute qualité, hein, ce n'est pas des... Cependant, le gouvernement a jugé... le gouvernement fédéral a jugé qu'il y avait importance de concentrer encore plus leurs activités, en particulier la recherche, la formation, et il a amené l'Université de Lausanne à transférer sa Faculté des sciences à l'EPFL. Donc, c'est un transfert complet. En revanche, l'EPFL s'est délestée de tous ses professeurs, si vous voulez, de tous ses programmes dans le domaine des sciences humaines et de l'administration, qui sont confiés à l'Université de Lausanne. Ils ont été transférés à l'inverse.

Donc, vous avez développé là un centre d'expertise extraordinaire. J'ai eu l'occasion d'évaluer l'EPFL et l'Université de Lausanne, ce sont deux établissements extrêmement dynamiques. L'Université de Lausanne est un modèle européen en ce qui concerne l'assurance qualité et en ce qui concerne les sciences humaines, la statistique en particulier, les mouvements de population. L'EPFL ne serait pas ce qu'elle est maintenant s'il n'y avait pas eu ce transfert. Vous y trouvez là les meilleurs... les programmes les plus dynamiques en termes d'ingénierie, j'appellerai ça, biomédicale, mais c'est vraiment très... Alors, c'est... c'est ce genre d'interaction qui a été favorisé par le gouvernement, qui a misé là-dessus, évidemment qui a fourni de l'argent pour que ça puisse se faire.

Je ne vous dis pas que ça se fait facilement. J'ai posé la question à l'Université de Montréal s'ils pourraient faire la même chose. Ils m'ont dit: On a... On s'est battus des années pour transférer le Département de géologie qui était moribond à l'Université de Montréal à l'École polytechnique. Ils l'ont finalement fait, mais ils ont dit: On ne voudra jamais recommencer, c'est tellement douloureux, et tout ça. Mais les Suisses sont intervenus puis ils l'ont fait.

M. Deltell: Quand vous dites qu'ils sont...

Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau, rapidement.

M. Deltell: Merci. Quand vous dites qu'ils sont intervenus, c'est quoi, c'est le gouvernement qui a dit: C'est comme ça qu'on fait, suivez le chemin, sinon...

M. L'Écuyer (Jacques): Le gouvernement a mis la pression sur les deux universités pour qu'elles partagent, pour qu'elles... pour faire en sorte qu'elles voient les avantages qu'elles gagneraient à faire ça. C'est sûr que c'est très difficile parce que c'est sur le plan des personnels que c'est souvent difficile. Les universités, ils arrivent à le voir, mais, sur le plan des personnels, ce n'est pas toujours évident. Alors, il faut qu'il y ait une implication directe.

C'est le genre de chose. La CUP a essayé de faire des choses comme ça, mais elle s'est heurtée rapidement parce que personne ne veut bouger. Évidemment...

Le Président (M. Marsan): Alors, merci...

M. L'Écuyer (Jacques): ...écoutez, vous êtes professeur à l'université, on ne vous demande pas beaucoup, beaucoup, beaucoup de... Alors, c'est le genre de chose qu'on peut faire.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. L'Écuyer. Ceci termine nos échanges avec le deuxième groupe d'opposition. Je vais maintenant reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de développement et de recherche. Mme la députée de Taillon, la parole est à vous.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. L'Écuyer et Bernard. J'apprécie qu'on ait à l'occasion, dans nos personnes-ressources, des gens qui... qui viennent en leur nom. Je trouve que ça fait une variété excellente, là. Et donc je vous vois comme étant deux personnes qui avez de l'expérience mais aussi qui avez, bon, un regard non... je dirais, non teinté d'une appartenance à quelque groupe que ce soit.

Cela dit, j'ai quand même des questions sur certaines des affirmations que vous faites. Bien, d'abord, vous posez une grande question d'entrée de jeu, là, dans votre mémoire, et vous référez d'ailleurs à un document de la Banque mondiale que j'ai regardé aussi, sur les grandes tendances universitaires.

Puis ma première question, c'est: Comment peut-on, dans les faits, concilier cette tendance mondiale, puis je l'ai lu dans ce document et je l'ai lu dans d'autres, cette tendance mondiale qui dit: Si vous voulez que les universités fassent bien leur travail, si vous voulez qu'elles continuent d'être créatives ? j'ai vu ça aussi quelque part, hein? ? il faut qu'elles soient autonomes, il ne faut pas que vous leur... ? enfin, là je traduis un peu ? il ne faut pas que vous leur disiez dans le détail quoi faire, puis où aller, puis... Il faut qu'elles aient de l'autonomie, parce que, si elles n'en ont pas, elles ne pourront pas remplir leur mission. En même temps, c'est un fait qu'on donne à l'État un certain nombre de rôles, d'orientations puis de planifications.

Alors, jusqu'où va-t-on? Parce que, dit comme ça, ça ne s'oppose pas. Si j'ai l'autonomie d'un côté, les grandes orientations, les grandes politiques de l'autre, ça va pour tout le monde. Là où ça commence à être un peu plus difficile, c'est quand, entre les deux, j'en arrive à vouloir déterminer des indicateurs qualitatifs et quantitatifs de performance, d'atteinte des résultats. Alors là, il s'agit de savoir en quoi est-ce que ça pourrait menacer l'autonomie et en quoi est-ce que ça permet à la ministre et, on pourrait dire, à l'État, de façon plus globale, de jouer véritablement son rôle. J'aimerais vous entendre réagir à cette première réflexion.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. L'Écuyer.

n(17 h 10)n

M. L'Écuyer (Jacques): Bien, sur les indicateurs, écoutez, les indicateurs peuvent vous permettre de monitorer, si vous voulez, l'évolution du système universitaire. Si je me rapporte à l'an 2000, lorsque le ministre Legault de l'époque a conclu des contrats de performance avec les universités, il y avait des indicateurs. Il y en avait deux qui ont été suivis de plus près. Celui de l'équilibre financier, c'est un indicateur. Les universités doivent... ne devraient pas faire de déficit. C'est... Aux États-Unis, c'est une obligation, vous ne pouvez pas le faire, vous ne pouvez carrément pas faire ça, et ça devrait être la même chose chez nous, mais enfin... Et il y avait le taux de diplomation qui était un indicateur, qui sont des indicateurs qu'on peut suivre. L'Ontario en a aussi du même genre, l'employabilité, qui est aussi un indicateur qu'on peut suivre. Ça vous donne des... une idée, mais c'est... c'est délicat. C'est des indicateurs, ce n'est pas une évaluation, ce n'est pas... ce n'est pas une accréditation, si vous voulez, ce n'est pas une évaluation de l'université comme telle. C'est pour ça que, dans notre mémoire, nous signalons l'importance de mettre en place des mécanismes d'évaluation ou d'accréditation. De toute façon, même la CREPUQ, sur ce plan-là, est consciente qu'à l'heure actuelle, au Québec, il ne se fait pas suffisamment... et il y a un comité qui est en place pour réfléchir à cette question-là.

Mais vous avez raison de dire qu'avec les indicateurs on peut faire un bout de chemin, mais c'est très difficile, vous avez parfaitement raison, d'utiliser des indicateurs, comment dirais-je, de façon brute. Il faut essayer de comprendre qu'est-ce qui influe sur les indicateurs, et c'est dans ce sens-là qu'un organisme comme on propose peut vous aider beaucoup à faire ça, parce que normalement vous avez là des gens qui ont l'expérience, qui sont capables de penser, si vous voulez, en universitaire, d'être capable de dire: Bien, écoutez...

Écoutez, je peux vous donner une anecdote. Quand M. Legault avait fait son... je l'avais rencontré, et il m'avait dit: L'an prochain, il faut que le taux de diplomation dans les cégeps augmente de 10 %. Je lui avais dit: M. Legault, vous ne comprenez pas. Les étudiants, ils sont déjà partis. C'était un cours de trois ans, ils sont déjà... C'est la première année qu'on perd, donc vous ne verrez pas de résultat avant plusieurs années. Ce genre de chose là, vous le connaissez si vous connaissez bien le milieu, si vous avez des gens qui sont capables d'interpréter ces choses-là.

Mais ce n'est pas facile. Vous avez raison de dire que, sur la base de seulement quelques indicateurs, c'est difficile. Il faut aller plus profond. C'est pour ça qu'en Europe, le processus de Bologne, aux États-Unis, à peu près partout dans le monde, aujourd'hui, on fait de l'évaluation des universités par des organismes indépendants.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Bernard, je crois que vous voulez faire un commentaire.

M. Bernard (Paul): Oui. Sur la question des indicateurs, je lisais, en m'en venant ici, le rapport qui vient de sortir de la commission créée par le président Sarkozy, avec à sa tête M. Stiglitz et M. Sen, sur comment on mesure la performance économique et le progrès social. Et ce rapport est à la fois enthousiasmant, parce qu'il ouvre toutes sortes de nouvelles perspectives au-delà du PIB par habitant, mais en même temps il dit: C'est compliqué. Bienvenue dans le club, c'est compliqué.

Et concilier l'autonomie et le rôle de l'État, ce n'est pas facile, et il faut justement, comme l'a dit mon collègue, mettre en contexte. C'est ce qui se fait dans tous les organismes que j'ai nommés, qui ont des lois spéciales, la loi statistique, etc., on leur donne justement les moyens de dépasser un peu minorité, majorité, qui nomme, etc. L'État lui-même sent le besoin de créer ça. Il faut créer un contexte interprétatif. On peut faire pendre n'importe quelle institution avec un ou deux indices soigneusement choisis. Il faut en créer un bouquet et il faut créer autour une espèce de cadre de réflexion, et ce n'est pas dans le débat politique immédiat qu'on peut faire ça. Éventuellement, ça doit aboutir là, parce que l'État, c'est ça, mais il faut créer le cadre, et, pour ça, il faut des organismes spécialisés.

Ça peut fonctionner. Mme la ministre était autrefois ministre de l'Emploi et Solidarité, a eu... a mis en place le Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion sociale. Le ministre nomme des membres qui sont indépendants, qui proviennent de différents milieux et qui ont fait au ministre actuel des recommandations sur comment on mesure la pauvreté, puisqu'on a promis qu'on la diminuerait, et, de fait, ça va assez bien, merci. Bon. On a fait des recommandations, on s'est entendus entre nous, on a été unanimes, il y avait des scientifiques, il y avait des gens des milieux de pauvreté, etc., et le sous-ministre et le ministre se sont dits très contents et l'ont publié. C'est possible, mais ce n'est pas simple, ça prend quelques dizaines de pages, et c'est ça qu'il faut faire dans le domaine des universités.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Une des inquiétudes qui ont été soulevées à plusieurs reprises, et que je partage également, c'est... Même si vous dites, M. L'Écuyer: La question du rapport entre le nombre de membres externes et internes est un faux débat, moi, je ne partage pas votre point de vue. Je n'en fais pas un débat absolu, là, à une personne près, mais, pour moi, ce n'est pas un faux débat parce que, vous le dites vous-mêmes tous les deux, si on veut être capables d'identifier les bons indicateurs, il faut savoir de quoi l'on parle et il faut être sûr que, quand on voudra juger de ce qui se fait dans des universités, on posera les bonnes questions, compte tenu de la mission de ce type d'établissement, qui est très particulier, qui est probablement un milieu dans lequel c'est encore plus complexe que dans d'autres de mesurer la performance, ne serait-ce que parce que, dans certains cas, la performance ou le résultat se voit dans le plus long terme et non pas dans le court terme. Toute la dimension recherche, entre autres, nécessite une vision à plus long terme, et même la formation d'étudiants, surtout si c'est aux cycles supérieurs, ça suppose qu'on n'ait pas une vision d'un produit, là, qui va être immédiat comme si on était dans une chaîne de montage.

Donc, moi, je suis préoccupée que les bonnes personnes soient aux bons endroits pour juger avec pertinence de la détermination de ces indicateurs, parce qu'une fois qu'ils seront là et qu'on les appliquera ça aura des conséquences. Donc, il faut vraiment que ce soit fait avec doigté mais aussi, je dirais, toute la connaissance nécessaire à l'élaboration de ces éléments-là. J'aimerais que vous reveniez un peu sur la... cette question.

Le Président (M. Marsan): M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Jacques): Bien, j'ai dit tout à l'heure qu'à mon avis, effectivement, probablement que les personnes les mieux placées pour... Bien, il y a deux types d'indicateurs. Il y a des indicateurs financiers, et ça, je pense que le conseil d'administration va le faire très bien. Les indicateurs qui sont de nature plus directement académique, je pense que, là, il faut... Des choses comme le taux de diplomation, le taux de... ça demande l'interprétation à chaque fois, taux d'employabilité, taux de... Il faut regarder, puis il faut non seulement regarder, mais il faut regarder à l'intérieur de l'université elle-même.

Quand nous faisons des évaluations... Moi, j'en fais beaucoup, d'évaluations d'université, dans différents pays. C'est toujours... c'est toujours un paramètre qui est utilisé dans l'évaluation que nous faisons, on essaie de le mettre en contexte. C'est sûr que, si vous prenez un établissement, je le disais pour les collèges, par exemple un établissement qui dessert une population de la couronne nord de Montréal, avec beaucoup de gens qui n'ont pas la culture, qui ne sont pas d'origine québécoise ancienne, bien, vous avez souvent des problèmes particuliers qui se reflètent dans le taux de diplomation ou dans le taux... Même le taux de rétention est important. Il faut savoir interpréter ça, il faut savoir ce que l'établissement fait, et c'est ça qui est... qui est l'élément.

De plus en plus, quand on fait... quand on parle d'évaluation des universités ou des collèges, ce qu'il faut chercher à savoir, c'est si l'établissement fait tout ce qu'il faut pour assurer la qualité de ses prestations et leur efficacité, de ces prestations. C'est ça qu'il faut demander aux universités. Ça, ça ne se mesure pas nécessairement par des indicateurs très précis, mais il faut visiter l'établissement.

La semaine prochaine, je vais être au Chili pour visiter un établissement comme ça. On passe quatre jours dans l'établissement, on regarde tout ce qui va se passer et on va faire les commentaires par la suite. Mais c'est le genre de chose qui vous permet éventuellement de dire: Écoutez, on a affaire à un établissement qui fonctionne bien ou pas. Et je peux vous dire qu'en Amérique latine, l'autonomie des universités, c'est sacré, c'est dans la Constitution, et pourtant le gouvernement a réussi à imposer cette commission d'évaluation. Il l'a fait en faisant un peu comme aux États-Unis, en disant: Écoutez, si les étudiants veulent avoir accès aux prêts et bourses, moi, je vais leur garantir ça, je vais leur offrir ça en autant qu'ils fréquentent des établissements de bonne qualité.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

n(17 h 20)n

Mme Malavoy: Je vais... je vais reposer une dernière question sur les indicateurs puis je reviendrai à votre commission de l'enseignement supérieur. Je vais vous donner un exemple d'un enjeu qui ne me semble pas complètement théorique, là. Bon.

Une université comme l'Université du Québec à Montréal est une université qui rend des services importants à une clientèle de premier cycle et à temps partiel. C'est probablement dans sa mission, et c'est un choix que je trouve respectable, et c'est un choix qui coûte cher, parce que ça rapporte pas mal moins que d'avoir des étudiants aux cycles supérieurs.

À un moment donné, dans une institution, un établissement comme l'UQAM, il faut réfléchir à ces questions-là. O.K.? Dans quel sens allons-nous aller? Est-ce qu'on va continuer à rendre tel type de service ou est-ce que, pour avoir des budgets équilibrés, on va aller dans telle autre direction? Moi, ce que je souhaite, c'est que les gens qui vont avoir à décider de ces grandes orientations soient équipés pour le faire. Et, pour moi, c'est des questions majeures. Je prends l'exemple de l'UQAM, mais on pourrait prendre des exemples d'autres universités sur d'autres sujets. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Marsan): M. Bernard.

M. Bernard (Paul): Vous avez parfaitement raison de poser cela, puis je pense que c'est pour ça qu'il faut éviter d'avoir des indicateurs un peu cafétéria dans lesquels on dit: Ah, bien là, vous n'êtes pas performants, parce qu'on vous compare sur des critères qui ne sont pas... Il faut faire un savant mélange d'un certain nombre de critères qui permettent quand même de regarder si, à conditions relativement égales, les gens font quelque chose de valable avec les ressources qui leur sont consenties et puis en même temps de comprendre que les universités ne sont pas toutes pareilles. Il y en a en région, il y en a qui ont des missions différentes, etc. Composer un panier d'indicateurs et surtout l'interpréter, et des indicateurs quantitatifs et qualitatifs ? et je pense que ça... ça vise précisément ce que vous dites ? ça exige un travail qui... pour lequel il faut vraiment s'équiper, et c'est là l'idée d'avoir... comme vous l'avez dit vous-même, l'idée d'avoir la commission de l'enseignement universitaire.

Sur votre question précédente, hein, il faut découpler le débat majorité-minorité et le débat sur l'expertise. Ce n'est pas parce qu'on aura au conseil d'administration plus de gens de l'interne que... Ce n'est pas là qu'on a besoin de l'expertise pour évaluer. Jacques a donné l'exemple de commissions externes qui viennent, et, si on avait une commission de l'enseignement supérieur, ça aurait cette fonction-là. L'expertise, elle peut être là pour évaluer qualitativement et quantitativement, et même les clauses qui visent à ce que... à s'assurer que les conseils d'administration sont compétents, ouverts, transparents, etc., peuvent faire l'objet... Évidemment, un conseil de l'enseignement supérieur ne va pas venir dire: Ne nommez pas celui-là, mais évaluer jusqu'à quel point on a effectivement une représentation de toutes les composantes, jusqu'à quel point on tient compte des missions particulières, qui sont très valables, tout ça exige une expertise permanente qu'on ne peut pas trouver quand chacun tire à hue et à dia à travers des mécanismes légitimes mais qui sont des mécanismes de représentation des intérêts des institutions. Il faut quelque part mettre à table des gens qui représentent, au nom du ministre, et d'une manière semi-autonome, semi-indépendante, les intérêts de l'ensemble du système de gouvernance universitaire.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon, rapidement.

Mme Malavoy: Oui, je sais, je sais que le temps file. Vous avez parlé abondamment de la commission de l'enseignement supérieur. Ce que j'aimerais savoir peut-être, c'est: Là où ça existe ou du temps où cela existait, est-ce que c'est une commission qui a un poids, je dirais, moral important? C'est un organe consultatif, mais quel est son poids là où ça existe, et selon votre expérience?

Le Président (M. Marsan): M. L'Écuyer, il ne reste qu'un petit peu plus de une minute.

M. L'Écuyer (Jacques): Oui. Le poids est réel. Il est... La commission... Par exemple, le Conseil des universités, lorsqu'il donnait un avis sur les programmes, il était écouté à 95 % des cas.

J'irais plus loin que ça. Je vous dirais qu'à cette époque-là une université comme l'Université McGill m'invitait régulièrement à rencontrer ses cadres académiques comme président du Conseil des universités, et j'avais... et ils écoutaient ce que j'avais à leur dire.

De façon générale, je vous dirais que ça dépend évidemment beaucoup des personnes qui sont là. C'est sûr que, si vous allez en Ontario puis si vous parlez avec M. Downey, qui a été recteur de trois universités et qui est président, P.D.G. de... bien, écoutez, vous parlez à quelqu'un qui est expérimenté, vous ne pouvez pas dire n'importe quoi, là. Vous ne pouvez pas dire: Écoutez, nous, on sait quoi faire; lui aussi, il sait quoi faire. Et donc, dans ce sens-là, il y a un dialogue qui s'amorce.

C'est la même chose que je vois en Suisse, c'est la même chose que je vois aux États-Unis, parce qu'il y en a beaucoup aux États-Unis, là. Regardez dans la... dans... Vous regarderez sur le site Web, là, de SHEEA... State Higher Education Executive Officers, SHEEO, pardon, et vous allez voir toute la liste. Et regardez la composition. Dans les appendices que vous avez, vous avez la composition des gens, vous voyez que c'est des gens de haute qualité.

Le Président (M. Marsan): Bien, je vous remercie beaucoup, M. Jacques L'Écuyer et M. Paul Bernard, pour cette excellente présentation.

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Il nous fait plaisir d'accueillir la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et j'aimerais reconnaître... C'est Mme Françoise Bertrand. Mme Bertrand, vous avez 30 minutes pour votre exposé et vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)

Mme Bertrand (Françoise): Alors, bonjour. Je suis Françoise Bertrand. Bonjour à tous et à toutes. Je suis avec Caroline St-Jacques, la vice-présidente Affaires publiques et communications de la fédération. Et c'est elle, si vous le permettez, qui commencera la présentation. Et vous serez heureux, je crois, si nous sommes les derniers intervenants, parce que, nous, on pensait qu'on n'avait que 15 minutes. Ça fait que peut-être qu'on va en prendre 17, mais je pense qu'on pourra passer plus rapidement à l'échange.

Le Président (M. Marsan): Très bien.

Mme St-Jacques (Caroline): Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés...

Le Président (M. Marsan): Alors, c'est Mme Caroline St-Jacques. C'est ça? La parole est à vous.

Mme St-Jacques (Caroline): Merci. Au nom de la Fédération des chambres de commerce du Québec, nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui. Rappelons brièvement que la fédération constitue le plus grand réseau des gens d'affaires au Québec, puisqu'elle regroupe 161 chambres de commerce, soit 40 000 entreprises réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Notre mission contribue au développement économique du Québec par la liberté d'entreprendre. Le fédération fête ses 100 ans, cette année. Rappelons, parmi ses batailles menées au fil des ans, les pressions exercées dans les années cinquante sur le gouvernement afin que soit créée la commission Parent, qui devait donner lieu, par la suite, à la création du ministère de l'Éducation. Les temps ont changé, mais les enjeux demeurent, comme en témoignent d'ailleurs les débats que suscitent les projets de loi qui nous intéressent aujourd'hui.

Nous débuterons par le projet de loi n° 44 modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance. Sans vouloir sous-estimer l'importance de la formation préuniversitaire offerte par les cégeps, c'est surtout de la formation technique dont nous voulons parler. Les cégeps forment ce que l'on pourrait appeler des techniciens de haut niveau, soit des gens qui comprennent les techniques, qui savent les appliquer à une variété de situations, et qui font preuve d'autonomie au sein des équipes de travail. Dans une économie du savoir, les techniciens de haut niveau remplissent des fonctions cruciales tant dans les sciences appliquées que dans les sciences humaines et la santé. Les cégeps forment un réseau de 52 institutions présentes et actives dans toutes les régions du Québec. Ils ont aidé les entreprises et les régions à prendre le virage technologique, en formant des techniciens capables d'opérer des systèmes et de les intégrer à la vie économique et sociale. Ils ont aussi apporté un soutien à la formation continue des personnes en emploi et des chômeurs en processus de requalification professionnelle.

Bien sûr, le réseau des cégeps a des lacunes. Il n'attire pas suffisamment de jeunes dans les disciplines techniques, et le taux d'échec et d'abandon est très élevé. Malgré ces difficultés, il importe de reconnaître l'importance du réseau collégial québécois. En ce sens, la Fédération des chambres de commerce du Québec salue l'initiative de la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport de réviser de manière significative la gouvernance des cégeps.

La présentation de ce projet de loi n'est pas dictée par la nécessité de mettre fin à des situations de malversation ou de graves problèmes de gestion. Nous comprenons que le gouvernement a décidé d'appliquer à l'ensemble des institutions publiques qui relèvent de sa responsabilité des règles de gouvernance plus rigoureuses et plus conformes à l'éthique. Ces règles sont assez simples et sont largement appliquées ailleurs dans le monde, et très souvent dans le secteur privé.

Il s'agit essentiellement de constituer un conseil d'administration formé majoritairement de personnes qui n'ont pas d'intérêt direct dans l'institution, de préciser les responsabilités de ce conseil et de déterminer les modes de reddition de comptes. Il n'y a là rien de révolutionnaire, rien qui puisse constituer une menace à la vocation des établissements publics et aux services qu'ils sont appelés à rendre. En fait, il eût été pour le moins surprenant, voire injustifié, que les collèges, financés à 100 % par les fonds publics, se soustraient à ces obligations de gouvernance. Mais cette gouvernance prend une importance particulière du fait de trois grands défis auxquels seront confrontés les cégeps dans un proche avenir.

Le premier défi concerne la diminution des effectifs étudiants des cégeps. À compter de l'an prochain, le nombre d'étudiants inscrits dans les cégeps commencera à diminuer, et ce, de façon régulière et significative. Dans ce contexte, comment les collèges pourront-ils maintenir une offre de formation technique diversifiée et qualifiée... et de qualité? De toute évidence, il faudra revoir l'offre de formation et l'aménager autrement. Pour mener cette réflexion et ce débat, il faut élargir et diversifier le cercle des décideurs. C'est là où la composition des membres du conseil d'administration revêt une importance majeure. Actuellement, seulement cinq des 17 membres d'un conseil d'un cégep ne proviennent pas du milieu de l'enseignement. Le projet de loi n° 44 propose de porter ces membres indépendants de cinq à 11 membres sur 17. Selon nous, cette disposition devrait ancrer davantage le conseil d'administration dans la réalité de la région, favoriser l'expression d'une plus grande diversité de préoccupations et de points de vue, et permettre un meilleur arrimage entre les besoins de développement de la région et des services offerts par les cégeps.

Le deuxième enjeu concerne la capacité des cégeps de s'adapter à l'évolution de l'économie et au relèvement des compétences que cette évolution commande. Il est essentiel que les cégeps, avec le concours du ministère de l'Éducation, soient à l'affût des nouveaux besoins de formation d'une main-d'oeuvre appelée à travailler à de nouveaux enjeux, dans de nouvelles conditions et d'autres exigences du milieu de travail. Mais on ne pourra répondre à tous ces nouveaux besoins simplement en ajoutant toujours des ressources additionnelles. À cet égard, l'adaptation de la formation pose un défi de taille pour les directions de collèges.

Le troisième enjeu est celui de la formation continue. On peut dire sans réserve que le réseau des cégeps est nettement sous-utilisé par les entreprises, les personnes en emploi et les chômeurs. Puisqu'il y aura de moins en moins de jeunes diplômés au cégep, il faut forcément compter sur la mise à niveau et le relèvement des compétences des personnes en emploi. En ce sens, il faut, d'une part, que les entreprises et les travailleurs réalisent la contribution des cégeps dans la formation de main-d'oeuvre et aient davantage recours à leurs services. Il faut aussi que les cégeps assouplissent leur offre de formation et qu'ils soient plus sensibles aux contraintes des travailleurs et des entreprises. Là encore, les administrateurs peuvent et doivent exercer un leadership propice à favoriser le rapprochement entre le cégep et les milieux de travail de la région.

Il faut aussi mettre à jour la gouvernance des cégeps afin d'améliorer la reddition de comptes. Le projet de loi semble paver la voie à une reddition de comptes plus étendue, mais ce chapitre nous semble encore imprécis. Nous suggérons que cette reddition de comptes porte sur le nombre de diplômés, soit sur l'ultime résultat attendu.

En conclusion, pour la gouvernance dans les cégeps, la fédération appuie le projet de loi n° 44.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme St-Jacques. Maintenant, Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Merci. Passons maintenant au projet de loi n° 38 qui modifie la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance.

En tant qu'ancienne doyenne de l'UQAM et ancienne membre de l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec, vous comprendrez que j'ai quelques opinions à ce sujet, mais que c'est surtout celles de la fédération que j'exprime ici aujourd'hui.

Dans tous les pays, l'université est associée à l'innovation, à la recherche, aux sciences et même aux progrès démocratiques et à l'émancipation économique et sociale. Des études démontrent aussi que la présence dynamique d'une université est étroitement associée au développement régional. C'est pourquoi la fédération juge important de prendre position.

Les universités offrent indiscutablement un service public. Au Québec, où les droits de scolarité sont deux à trois fois moins élevés qu'ailleurs au Canada, les universités sont largement soutenues par les fonds publics. Il est donc normal qu'on applique des règles de gouvernance, d'éthique et de reddition de comptes que l'État exige des autres organismes publics.

On a beau dire que les universités constituent un monde à part, un microcosme, elles vivent tout de même dans une démocratie et sont soumises à des règles élémentaires de gouvernance. Qu'est-ce qui ferait que ces établissements se soustraient à ces obligations? Poser la question, c'est un peu y répondre. La fédération reconnaît la pertinence d'apporter, par voie législative, des précisions aux règles de gouvernance des universités. Elle soutient entièrement l'initiative de la ministre de l'Éducation et les principes défendus dans le projet de loi n° 38.

Selon nous, le changement le plus significatif concerne la composition du conseil d'administration. Actuellement, une majorité des membres du conseil est issue de la communauté universitaire. Les membres indépendants avec droit de vote, qui n'ont pas de relation de nature financière, commerciale ou professionnelle avec l'université, sont toujours minoritaires. On en compte 10 sur 25 à Laval et 13 sur 25 à McGill.

Le projet de loi n° 38 propose qu'au moins 60 % des membres votants du conseil d'administration d'une université soient des membres indépendants. Cela se traduit par une vision corporative plus large des alliances avec les milieux économiques et la société civile ainsi qu'une diversité des points de vue. Ceci dit, ces personnes devraient posséder les qualifications requises pour mener à bien leur tâche, notion absente dans la forme actuelle du projet de loi.

Aussi, et afin d'assurer la participation concrète d'administrateurs qualifiés, il est nécessaire de prévoir peut-être un mode de rémunération. En effet, si nous voulons garantir la préparation et la participation active aux réunions des conseils, il est juste de penser à des jetons de présence, par exemple.

Un autre élément qui, selon nous, devrait être considéré est la durée du mandat des administrateurs, qui devrait être de quatre ans au lieu de trois ans, afin de permettre une meilleure connaissance de l'institution qu'ils administrent.

Actuellement, nous remarquons un faible nombre de représentations externes au sein des conseils des universités, ce qui explique peut-être l'absence de critique sur trois types de comportement étrange que l'on peut observer au cours des dernières années.n(17 h 40)n

Le premier, selon nous, est celui de la frénésie immobilière. À peu près toutes les universités se sont lancées dans des projets de construction dont l'ampleur est considérable.

Le second comportement inquiétant est la création de campus hors territoire, certainement due à une course aux clientèles et qui consiste à empiéter sur le territoire de d'autres universités déjà établies. Cela reflète, selon nous, la nécessité de revoir le mode de financement des universités afin de favoriser un climat de collaboration plutôt qu'une concurrence factice. De plus, à l'heure de la crise des finances publiques, de nouvelles avenues doivent être explorées, telles les offres de formation en ligne.

Le troisième comportement, et non le moindre, est celui des déficits budgétaires, tendance lourde depuis quelques années. La question réfère aussi, il va sans dire, au niveau de financement accordé aux institutions postsecondaires. Toutefois, on ne peut se faire justice soi-même. Comment une institution publique, qui a implicitement une obligation d'équilibre budgétaire, peut-elle impunément accumuler des déficits d'exploitation, en sachant pertinemment qu'elle ne pourra pas les rembourser par elle-même? Les conseils d'administration devraient exercer une vigilance accrue à cet égard.

Le projet de loi n° 38 apporte d'importantes précisions sur les responsabilités du conseil d'administration. La liste est exhaustive. Elle contient 19 alinéas. Cela ne veut pas dire que ce projet de loi, s'il est adopté, mettra les prochains conseils d'administration à l'abri d'éventuelles errances, mais il rappelle aux membres de ces conseils et au personnel de direction des universités leurs devoirs et responsabilités.

Le projet de loi impose aussi des règles en matière d'éthique et de transparence. Si certains éléments peuvent paraître contraignants, on peut se demander toutefois pourquoi le salaire des recteurs et des vice-recteurs ne serait pas rendu public, alors que celui des sous-ministres et administrateurs d'État l'est. Encore une fois, poser la question, c'est y répondre.

Enfin, le projet de loi n° 38 modifie la Loi sur l'Université du Québec. Plusieurs observateurs s'attendaient à ce que le gouvernement révise les responsabilités du siège social de l'Université du Québec et ses relations avec ses constituantes. Cette omission étonne a priori ou, en tout cas, m'étonne a priori. On se serait attendu à ce que ces constituantes bénéficient d'une marge accrue d'autonomie et que les fonctions de supervision, d'approbation et de contrôle du siège social soient réduites en conséquence.

Je ne suis pas de ceux et celles qui prônent l'abolition du siège social de l'Université du Québec, mais après l'épisode du projet immobilier de l'Îlot Voyageur de l'UQAM, on est en droit de douter de l'efficacité des fonctions de surveillance du siège social. C'est pourquoi la fédération recommande, dès cette année, l'adoption du projet de loi n° 38. Elle recommande aussi que les conseils d'administration portent un intérêt particulier à l'égard des trois types de comportement mentionnés dans ce mémoire. Et elle demande au gouvernement d'analyser rapidement la pertinence d'accorder au siège social de l'Université du Québec un rôle de pourvoyeur de services communs aux constituantes, et que les fonctions de gestion intermédiaire soient réduites au profit d'une plus grande autonomie et d'une plus grande imputabilité des conseils d'administration et des équipes de direction des constituantes de l'Université du Québec.

Nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à la fédération et de nos points de vue et sommes disponibles à répondre à vos questions.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup, Mme Bertrand, Mme St-Jacques. Et nous allons immédiatement commencer nos échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue. Merci d'être là à cette heure plutôt tardive. Cela dit, votre présence est importante. Je commencerai avec vous, Mme Bertrand, et, je vous le dis tout de suite, je n'aurai qu'une question, parce que j'ai beaucoup de collègues qui veulent vous interroger, alors je leur... M. le Président, je laisserai la parole à mes collègues.

Mais, ma... Donc, ma question sera pour vous, Mme Bertrand. Vous avez dit: J'aurai beaucoup de choses à dire à ce sujet, parlant de... des universités notamment. J'imagine que vous avez suivi un peu les débats des dernières semaines, et vous représentez des gens d'affaires, hein, de toute évidence. Et on a justement eu des représentations à l'effet que, oui, on veut des gens externes à l'université, mais pas de... si ce sont des gens d'affaires, bien, il faut qu'ils soient minoritaires, parce qu'effectivement il n'a pas été démontré dans l'histoire de l'université que le fait d'avoir des gens d'affaires faisait en sorte que des universités étaient ? puis je vais le dire ? mieux gérées. Je n'aime pas utiliser cette expression-là, mais je vais revenir à vos trois principes, hein, c'est-à-dire les projets immobiliers, la délocalisation et les déficits, l'obligation d'équilibre.

Alors, comment expliquez-vous que, si... Parce que c'est un fait, là, ce sont majoritairement des gens d'affaires au moment où on se parle. Ce n'est pas ce que le projet de loi souhaite, et je vous le dis tout de suite, ce n'est pas ce que la ministre souhaite, la ministre ne souhaite pas qu'il y ait une majorité de gens d'affaires. La ministre souhaite et le gouvernement souhaite qu'il y ait... que les conseils reflètent les milieux sociaux, culturels, économiques de la communauté. Alors, comment expliquez-vous qu'actuellement ? et je ne parle pas que de l'UQAM ? actuellement, la majorité de gens d'affaires est incapable de respecter les trois principes?

Vous dites: Oui, il y a des problèmes de financement. C'est sûr que tout le monde peut nous ramener sur des problèmes de financement. Ce n'est pas l'objet de la commission de discuter du financement, mais il n'en demeure pas moins que c'est plus de 2 milliards de dollars que nous aurons réinvestis, puis c'est plus de 1,5 milliard dans les universités depuis 2003. Donc, il y a eu quand même des réinvestissements importants, importants. Alors, comment expliquez-vous que nous en soyons là aujourd'hui?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, je suis étonnée de votre question parce que la majorité des gens, ce ne sont pas des gens d'affaires à ce jour, ce ne sont pas des gens indépendants. À l'Université du Québec, au siège social, oui, mais pas dans les universités.

Mme Courchesne: Vous me permettez, Mme Bertrand, en toute amitié, actuellement, dans les principales universités, les externes sont majoritaires, et ce sont majoritairement des gens d'affaires.

Mme Bertrand (Françoise): À McGill présentement?

Mme Courchesne: À McGill, sur 45 personnes, la réponse, c'est oui. Peut-être pas Sherbrooke, mais Montréal, Laval, les UQ.

Mme Bertrand (Françoise): Pas l'UQ.

Mme Courchesne: Oui, oui.

Mme Bertrand (Françoise): Pas à l'UQAM, à l'UQ, au siège social, pas à l'UQAM.

Mme Courchesne: Oui, mais les autres universités du Québec, l'UQAM, oui, il y a un nombre important de membres externes.

Mme Bertrand (Françoise): Mais pas majoritaires.

Mme Courchesne: Oui. Je vais vous le dire, on les a tous. Sincèrement, la réponse, c'est oui.

Mme Bertrand (Françoise): Majoritaires au conseil d'administration?

Mme Courchesne: Absolument.

Une voix: ...

Mme Courchesne: Oui, Laval, oui, aussi.

Une voix: Non, les externes ne sont pas majoritaires.

Mme Courchesne: Non? Bien, je les ai tous.

Mme Bertrand (Françoise): Non. En tout cas.

Mme Courchesne: Bien, je les ai tous en tout cas.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, en tout cas, tout est là.

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand, la parole est à vous.

Mme Bertrand (Françoise): Oui. D'accord. C'est important non seulement d'avoir des gens indépendants, parce que c'est surtout sur ça que nous militons. On estime que c'est important que les gens n'aient pas de liens et qu'ils puissent avoir le souci des orientations, le souci de fiduciaire, parce que c'est ça, le rôle d'un conseil d'administration, ce n'est pas d'aller choisir le programme en lieu et place des experts, c'est de dire: Les programmes que nous avons, les résultats que nous avons, est-ce que c'est en lien avec la mission que nous avons et la vision qu'on doit développer et qu'on doit avoir, compte tenu les grandes tendances, et notre rôle dans la société, et les mandats qui nous sont donnés par notre loi constitutive? C'est vraiment le nerf de la guerre, je dirais, et non pas être embarqués dans une démarche où finalement on devient un peu «rubber stamping», et c'est beaucoup ça qui s'est passé, je pense, parce qu'on est en présence très souvent d'un langage très... comment je dirais, un langage et des notions extrêmement sophistiqués qui ne permettent pas toujours le dialogue le plus favorable à l'échange de points de vue et à la diversité des points de vue pour le meilleur rôle possible de l'université, compte tenu les lois constitutives qui sont données aux universités.

Moi, je ne pense pas que les déficits sont simplement la question du manque de financement de la part du gouvernement. On a aussi des structures, dans les universités, parlons de la structure syndicale, parlons des programmes qu'on ne veut pas fermer. Prenons les programmes en matière d'éthique. Il y a quelques années, c'était moribond. Aujourd'hui, ça a beaucoup de pertinence. Alors, il y a un dialogue à établir, et, si on n'a pas la possibilité d'une diversité de gens indépendants autour de la table avec les universitaires, moi, je ne pense pas que ce soit possible de s'assurer que nous avons la meilleure gouvernance possible pour l'avenir des universités.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

n(17 h 50)n

Mme Courchesne: Ça m'inquiète un peu quand vous me dites: Le langage est un peu trop sophistiqué, puis ça n'invite pas au dialogue. Il n'en demeure pas moins qu'il y a là des gens qui sont comme expérimentés, tu sais. Je ne sais pas, j'essaie de briser ce que j'appelle ces deux solitudes, là, ou... en tout cas, pas de les briser, mais surtout de les rapprocher, et je me dis: Je ne sais pas, mais est-ce que ce n'est que ça ou si c'est parce qu'il y a effectivement, sur les conseils, aussi des jeux de pouvoir qui sont importants? Il y en a beaucoup qui reprochent le lien entre les gens d'affaires et le recteur, qui est le premier dirigeant, qui est une personne importante. Vous avez dit: Bien, on est là un peu pour cautionner, puis on le fait un peu comme... un peu trop facilement.

Mme Bertrand (Françoise): Comme dans d'autres conseils, hein?

Mme Courchesne: Ah, absolument. Ah, absolument, je suis entièrement d'accord, moi, je vais aussi loin que de dire que je crois qu'au Québec on a un problème de gouvernance.

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, je ne sais pas si...

Le Président (M. Marsan): Attendez.

Mme Courchesne: Je ne parle pas des entreprises privées...

Mme Bertrand (Françoise): Non, mais...

Mme Courchesne: ...je n'ai pas à juger de l'entreprise privée, je parle dans le sens que... en tout cas, ce qu'on nous en rapporte, ce qu'on nous en rapporte est... et il n'y a jamais de fumée sans feu, puis j'ai été témoin moi-même de plusieurs expériences...

Mme Bertrand (Françoise): Écoutez...

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Bertrand, vous avez la parole.

Mme Bertrand (Françoise): ...il n'y aurait pas tant de cours sur la gouvernance actuellement s'il n'y avait pas de problème de gouvernance. Je ne dirais pas qu'au Québec c'est pire, je pense qu'on a à apprendre quel est le rôle précis d'un conseil d'administration vis-à-vis les dirigeants puis les officiers d'une organisation, soit-elle publique ou privée, et c'est le même équilibre qu'on doit garder. Le conseil d'administration doit être le fiduciaire, donc s'assurer que les orientations sont les bonnes, que les ressources utilisées permettent l'accomplissement de la mission, et fait l'analyse de risques. Et quand elle est inquiète de quelque chose, il faut soulever la question. Et ce qui me surprend... Puis c'est pour ça que, moi, ce n'est pas de dire: Ça prend juste des gens d'affaires avec un M.B.A., ce n'est pas du tout ça. L'indépendance m'apparaît importante.

Puis la deuxième chose, c'est des profils alentour de l'organisation universitaire, qui permettent des points de vue, puis de dire... de lever la main. Tantôt c'est en technologie de l'information, tantôt c'est en construction, tantôt c'est dans d'autres domaines, et ça m'apparaît extrêmement important d'avoir cette espèce de regard de prudence. Pas contre l'université, pour aider l'université, pour permettre à l'université de pouvoir accomplir son mandat de façon plus efficace, plus effective, en partenariat, au fond. Et, en ce sens-là, ça m'apparaît aussi important dans les organismes publics que dans les entreprises privées, puis, très honnêtement, c'est ça qu'on apprend présentement dans les cours que l'institut des... la société des administrateurs donne actuellement ou des directeurs de compagnies actuellement à McGill, à... puis à Laval, c'est ça qu'on enseigne et c'est ça, je pense, qu'on avait oublié, d'où l'importance qu'il faut pour l'administrateur, soit-il interne ou externe, de se préparer, travailler très fort. Pas pour devenir l'expert en lieu de l'expert, mais, si la personne est là, c'est pour apporter sa propre expertise. Et c'est transférable, nos expertises. Il y a des expertises qu'on peut avoir dans d'autres univers, qui peuvent aider l'université, pas contrôler puis comprimer l'université, aider l'université.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Mme Bertrand, Mme St-Jacques, bonsoir. Je suis très heureux d'être ici ce soir et de vous entendre. Et vous ne serez pas surprises, puisque je vous l'ai mentionné tout à l'heure discrètement, mais, dans un de vos deux mémoires, parce qu'il y en a deux, il y a un mot que j'ai beaucoup aimé, c'est «formation continue», l'enjeu de la formation continue. Et vous soulevez des points que je trouve extrêmement importants, mais vous en avez moins parlé pour ce qui est des universités et vous savez, à mon avis, là, toute l'importance que prend dans la société moderne la formation continue et, je dirais, ce qui s'ensuit, la formation à distance. Et donc j'aimerais que vous puissiez un peu préciser votre pensée, là, sur l'importance de ces enjeux-là, et comment le projet de loi actuel ou les modifications que vous allez suggérer vont permettre que ces orientations-là que vous souhaitez, là, soient mieux prises en compte.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, écoutez...

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Merci. Vous savez, à la fédération, on est très, très présents à la Commission des partenaires du marché du travail, on est très impliqués dans la formation dans les entreprises, et à mousser, et à promouvoir, et, à la fédération, on a présidé une table pour le ministère de l'Éducation... de l'Enseignement, du Sport et Loisir pour s'assurer du rapprochement des institutions d'enseignement avec l'entreprise. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui on ne peut pas dire: On fait une formation initiale puis on passe toute sa vie avec cette formation initiale. Si c'était le cas, compte tenu de l'âge avancé que j'ai, malgré mes cheveux blonds, j'ai des cheveux gris dessous, et je ne toucherais pas à l'ordinateur ni au Black, je ne serais pas sur LinkedIn, c'est certain qu'il y a plein de choses auxquelles je ne me serais pas intéressée, ni à la gouvernance.

Donc, chacun d'entre nous, dans nos milieux de travail, dans la vie de tous les jours, il faut comprendre qu'on a une responsabilité de rester à date, de regarder en avant et de se former. Or, même si, du côté d'Emploi-Québec, il y a des programmes très généreux, jamais ce ne sera aussi généreux que ce que nous avons comme richesses dans les établissements d'enseignement, et donc la formation continue ne peut pas être la seule responsabilité du milieu du travail, ça doit être dans une collaboration et un partenariat très étroit des universités, des collèges et du niveau secondaire avec les entreprises pour que l'employé devienne toujours plus performant, fasse reconnaître ses compétences, les développe, et c'est la seule façon selon nous qu'on est capables d'avoir des entreprises plus compétitives, et c'est ça, notre défi de petit nombre au Québec: si on ne devient pas plus compétitifs... Et ça, c'est un rôle aussi important à l'université que dans les collèges, c'est extrêmement crucial qu'on puisse faire les allers-retours. Si on est simplement dans des visions très silo de l'univers, je pense qu'on n'est plus du tout à la page.

Pour la formation à distance, vous savez à quel point nous sommes en retard au Québec là-dessus, c'est éhonté. Ça fait six ans que je suis à la Commission des partenaires du marché du travail, les premiers projets acceptés vraiment de façon marquée viennent d'être acceptés il y a à peu près quatre mois. C'est extrêmement... C'est sûr, Bombardier en a, hein, il y a CAE; la simulation sur ordinateur, ça existe. Mais, dans l'ensemble des foyers, dans l'ensemble des entreprises, on est vraiment très loin par rapport à d'autres juridictions. Alors, en ce sens-là, je pense qu'on a un travail à faire, et, quand il y a des administrateurs indépendants de toutes provenances, c'est ces besoins-là qu'on va pouvoir énoncer puis explorer. Comment il se fait que les universités ne se sont pas mises à cette page-là? Il y a eu TELUQ, il y a eu des initiatives de formation à distance, mais pas très répandues. On a peur de la concurrence... On n'a pas peur de la concurrence dans l'immobilier, mais on a peur de celle qui est dans la formation à distance et en ligne. Moi, je pense qu'il faut absolument réviser nos positions.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président. Et donc j'en arrive à ma deuxième question mais qui suit tout naturellement, là, celle que je viens de poser. Vous avez sûrement, puisque vous étiez là, entendu ce que les deux personnes qui vous ont précédées ont proposé, et on a discuté avec eux de la nécessaire collaboration entre universités et du rôle du gouvernement là-dessus. Et donc ce que vous dites, il me semble, touche un peu ces éléments-là. Si on veut qu'il y ait plus de formation continue, de la meilleure formation à distance, etc., je pense que de mettre nos forces en commun, c'est sûrement une excellente chose. Et donc comment voyez-vous et comment souhaiteriez-vous organiser, ce que je me permets de dire, la nécessaire collaboration entre universités et collèges d'ailleurs dans ça?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

n(18 heures)n

Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, il y a eu des premières initiatives, ce qu'on appelle les tables interordres qui existent présentement en région. Il y a vraiment des expériences déjà intéressantes. Mais, très honnêtement, il faut abandonner nos fiefs. Il faut accepter que notre défi, il est commun à faire en sorte qu'on ait une localité, une région, une société qui soit plus performante. Et en ça, si on garde chacun pour se battre pour nos subventions ou pour notre financement, ça va être très, très difficile. M. Bernard parlait... M. L'Écuyer parlait d'expériences qui avaient été communes pour certains doctorats. Bien ça, c'est en bout de piste, parce qu'on n'a jamais retourné dans le rétroviseur pour dire: Dans les programmes qui existent déjà, dans quelle mesure peut-on mettre nos forces en commun, parce que nos masses critiques ne sont plus là, puis au lieu de les avoir un peu éparpillées, on va le faire de façon marquée?

Et, moi, je ne suis pas convaincue que la CREPUQ a été capable. Je me rappelle à l'époque où Claire McNicoll était à la tête de la CREPUQ, elle était convaincue de l'importance de faire ça, puis elle n'a pas réussi à aller très loin à cet égard-là. Alors, c'est extrêmement difficile, et peut-être c'est le mode de financement. Vous savez, je me rappelle qu'en Hollande, à une certaine époque, le financement venait avec les diplômés plutôt que par les inscriptions. Alors, c'est certain que, comme dans les objectifs de gestion... Oui, c'est un changement assez majeur, mais, je veux dire, c'est certain qu'il y aurait des incitatifs pour ces concertations-là, ces collaborations, pour faire qu'on se donne des réelles masses critiques, et non pas le saupoudrage qu'on connaît, pas seulement dans ce domaine-là d'ailleurs, on le sait.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Et un dernier point et je vais laisser la parole à mes deux collègues. Il est question, dans le projet de loi aussi, de réflexion sur des indicateurs. Parce que vous avez très bien décrit le rôle d'un conseil d'administration qui doit évidemment approuver les orientations stratégiques. Mais il faut aussi avoir des balises le long du chemin. Quelle est votre vision, là, de la manière de les établir ? encore une fois, vous avez entendu les personnes qui vous ont précédée ? de la manière de les établir, de les utiliser, et de les utiliser au mieux?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): On n'a pas trop avancé sur ce terrain-là, parce que, là, on rentre dans les expertises de comment s'entendre. C'est vraiment de l'ordre politique dans le sens: Quelle est la vision, la loi constitutive? On ne s'est pas... On n'a pas fait de suppléance à ça. Nous, on dit: Si on arrive dans un conseil d'administration, les grandes orientations ont été déterminées, les indicateurs. Nous, comme administrateurs, on a la responsabilité de s'assurer qu'on les rencontre et qu'on met tous les moyens pour les rencontrer de la façon optimale. Ce n'est pas à nous, je pense... On peut faire connaître nos besoins, on peut faire connaître nos préoccupations, mais il ne faut pas tout à coup qu'un objectif d'affaires devienne l'indicateur de l'université ou du collège. Moi, je pense qu'il faut, tout en voulant contribuer puis apporter notre appui, chacun ses expertises à cet égard-là.

Le Président (M. Marsan): Alors...

M. Pigeon: Merci.

Le Président (M. Marsan): Oui. Je vais maintenant reconnaître la députée de Trois-Rivières. Mme la députée.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Bertrand, Mme St-Jacques, bonjour. Au niveau des cégeps, votre fédération accorde beaucoup d'importance à la formation technique. Moi, je proviens d'un comté qui est en région. Je peux vous dire qu'au niveau de la synergie entre nos cégeps et la communauté, particulièrement la communauté des affaires, elle est extrêmement intéressante. Et c'est vraiment un plus, chez nous.

J'aimerais ça vous entendre sur le lien que vous faites entre la communauté des affaires et la diplomation, particulièrement au niveau de la formation technique dans les collèges.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, c'était lié à notre mémoire...

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Excusez. C'est un propos qu'on avait déjà, là, depuis un certain temps. Nous sommes très alertés par ça, parce qu'on sait qu'il y a des besoins. Évidemment, on vient de vivre une récession, il y a eu des mises à pied, et puis on pense que la pénurie de main-d'oeuvre, c'est terminé, mais ce n'est pas le cas, là. La pénurie de main-d'oeuvre, elle est cruciale, elle est toujours aussi cruciale, surtout dans l'adéquation entre les ressources disponibles et les besoins des entreprises. Et on s'aperçoit qu'au niveau collégial technique la diplomation n'est pas aussi nombreuse qu'on le souhaiterait. Il n'y a pas autant d'inscriptions, parce qu'il y a moins de jeunes. Ensuite, le cours technique, qui prendrait trois ans normalement, en prend en général cinq ans, puis au bout de cinq ans, on n'a que 50 % de ceux qui s'étaient inscrits qui diplôment.

Alors, quand on sait qu'on a une question de pénurie de main-d'oeuvre, ça nous inquiète. Ce n'est pas un blâme, c'est juste une question de fait, et de dire: Est-ce qu'on peut travailler ensemble, peut-être par une alternance travail-études, est-ce qu'on peut envisager les choses différemment? C'est ça que ça interpelle d'une certaine façon. Et, oui, vous avez raison de dire qu'il y a dans certaines régions, puis dans la plupart, des collaborations entre les maisons d'enseignement puis les milieux de travail, mais ceci n'exclut pas qu'on pourrait être aussi au conseil d'administration pour s'assurer du lien jusqu'au bout.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, mesdames. Merci beaucoup d'apporter votre grain de sel et votre perception sur les projets de loi. On a eu, au cours des derniers jours, plusieurs groupes qui se sont succédé et qui ont porté une critique relativement sévère à l'égard des membres externes des conseils d'administration, à l'égard des gens de la communauté d'affaires. On a... Certains sont venus nous indiquer que, bon, les membres étaient mal préparés, qu'ils étaient désintéressés, qu'ils ne participaient pas aux réunions du conseil d'administration, participaient peu, bref. On a aussi pointé du doigt ces membres-là comme étant responsables de certains fiascos dont on connaît... Et finalement on indique que ces gens-là ne sont pas... ne participent pas pleinement, ne jouent pas leur rôle de façon correcte.

Dans votre mémoire, vous soulevez des éléments qui sont intéressants. Vous avez parlé... vous soulevez que peut-être il pourrait être intéressant de prévoir un mode de rémunération. J'aimerais ça vous entendre davantage sur les différents éléments qui pourraient emmener des gens de la communauté d'affaires à vraiment s'investir davantage au sein des conseils d'administration, s'il y a un besoin. Parce que, dans un autre élément, j'aimerais aussi avoir votre perception quant à la participation actuelle de ces membres-là au sein des conseils d'administration, au moment qui nous préoccupe. Et, par la suite, si besoin est, de quelle façon on pourrait travailler à faire en sorte que ces gens-là participent de façon peut-être plus active ou soient davantage intéressés par le rôle qu'ils ont à jouer?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, il y a sûrement des temps différents, hein. On peut penser que, par exemple, les administrateurs de l'UQAM, dans la dernière année, ont mis un temps incommensurable. Ce n'est pas le cas, j'imagine, d'administrateurs dans d'autres universités quand... peuvent avoir des difficultés, mais qui n'ont pas connu la crise et les lendemains de crise.

Maintenant, je pense qu'une des raisons qui peut faire en sorte que des gens extérieurs, d'affaires ou autres, ne sont pas toujours aussi préparés que souhaitable et ne participent pas de la même façon... Avez-vous déjà vu les documents des conseils d'administration puis des commissions d'étude des universités? C'est des romans, là. C'est beaucoup de travail et c'est très peu mâché. Et, quand je parle qu'on rentre dans un langage sophistiqué, j'entends: On parle entre gens... Ils parlent entre eux. C'est normal. Ils vivent entre eux. C'est tout à fait... Alors, pour percer ce mur du son et voir comment on peut contribuer, c'est très intimidant au départ. C'est pour ça qu'on dit d'ailleurs: Laissez le temps aux administrateurs de rentrer dans la connaissance. Quatre ans, ce serait peut-être mieux. Les dollars, ce n'est peut-être pas ça qui est le plus important, mais accueillez-les. Ça prend probablement une introduction au monde universitaire, à ce que ça veut dire, peut-être un peu plus de préparation pour un administrateur externe que pour le professeur qui est nommé, ou le vice-recteur ou le doyen qui participe, parce qu'il vit dans l'université. Je pense qu'il y a... C'est deux mondes. On a beau penser qu'on connaît parce qu'on a été étudiant un jour, c'est un monde en soi, c'est un microcosme.

Alors, je pense qu'il faut vraiment... pas se parler entre nous et pas que juste le recteur parle, mais qu'il y ait vraiment un partage. On est un conseil d'administration, que ce soit le membre professeur ou le membre indépendant, on est ensemble pour faire en sorte que l'université joue pleinement son rôle et réussisse... et réussisse dans les contextes. Alors, je pense qu'il y a probablement un processus d'intégration et d'éducation qui rend à ce moment-là les dialogues plus fluides, moins hermétiques et certainement plus contributifs à faire en sorte que l'université fonctionne mieux.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Vous avez... vous avez justement soulevé la question de la durée du mandat. Donc, vous proposez qu'un mandat soit d'une durée de quatre ans plutôt que d'une durée de trois ans. Dans le cas d'un administrateur, est-ce qu'il n'y aurait pas... Si l'administrateur est compétent, si l'administrateur est bien dans ce qu'il fait, est-ce que vous ne voyez pas actuellement, avec un mandat de trois ans tout simplement avec la possibilité de prolonger, de renouveler le mandat, un élément qui fait en sorte que la durée du mandat en soi n'est pas un enjeu?

n(18 h 10)n

Mme Bertrand (Françoise): Bien, c'est sûr qu'il peut toujours être renouvelable, le mandat, mais il nous apparaissait qu'un membre qui arrive, qui a à apprivoiser le monde universitaire, comme d'ailleurs si on s'en allait dans un monde d'électricité ou un monde... je veux dire... Quand on apprivoise un nouvel univers, il faut se donner le temps de le comprendre. Si on lève la main aux deux secondes pour interrompre les conversations, ce n'est pas productif. Si on parle à travers son chapeau, ce n'est pas plus productif. Donc, il y a un temps d'apprivoisement et d'apprentissage nécessaire, et il nous semblait que, dans cet univers-là assez complexe ? quand même, les universités, là, ce sont des institutions riches et... peut-être pas assez riches au plan financier, mais certainement riches en termes de dimension ? donc ça prend un certain temps de mise à niveau, et, pour vraiment apporter sa pleine contribution, on pensait qu'un mandat de quatre ans serait peut-être à considérer.

Le Président (M. Marsan): Merci. Ceci termine nos échanges avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la députée de Taillon qui est la critique officielle en matière d'enseignement supérieur, de développement et de recherche. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bonjour, mesdames. Merci d'être ici effectivement à cette heure. Je pense que vos deux mémoires abordent un certain nombre de questions qui sont centrales et qui méritent réflexion et sur lesquelles les avis sont relativement partagés. Bon.

Vous prenez soin de dire, en ce qui concerne les universités, il n'y a pas matière à suspicion généralisée. Vous dites aussi, je pense que c'est honnête de le dire, dans le cas de l'UQAM, ce n'est pas une question de composition de conseil qui mettrait à l'abri des errances, là, il y a d'autres problèmes plus profonds par rapport à ça.

Vous dites une chose aussi que j'aimerais que vous me précisiez un peu, que ? attendez, je vais trouver la citation exacte ? ...c'est quand vous parlez de la question de la spécificité, parce que vous dites: «Il est donc normal...» C'est le mémoire sur le projet de loi n° 38, à la page 5, en haut. Le titre d'ailleurs déjà est révélateur. Les universités: des institutions publiques pas si différentes des autres. Bon. Puis, vous dites, à la troisième ligne: «Il est donc normal que l'on applique à ces institutions, quitte à les adapter à leur spécificité, les règles de gouvernance.»

Moi, je dirais: Tout est là. Alors, «quitte à les adapter à leur spécificité», ça veut dire quoi, compte tenu de ce que vous connaissez de ces établissements?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, je pense que ma réponse, madame, c'est lié, par exemple, au fait que la perception... et je pense que c'est un fait, une université, c'est un microcosme de la société. Il y a des gens d'affaires, il y a de la danse, il y a plusieurs disciplines qui représentent, au fond, pas mal toutes les dimensions de la vie civile, et, à cet égard-là, peut-être que le principe de gouvernance ne réclame pas que ce soient conséquemment, dans les membres indépendants, tous des gens d'affaires qui ne connaissent que les finances. C'est peut-être une diversité qui permette le dialogue de façon plus intéressante, mais ça ne met pas en cause la spécificité par rapport à l'importance d'amener des administrateurs indépendants et sur l'importance d'une gouvernance qui réponde aux besoins d'une reddition et d'une responsabilité quant au rôle fiduciaire du conseil d'administration.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Ça va pour l'idée d'une reddition de comptes nécessaire. Je partage ça. Toutefois, quand on parle de spécificité, je vais vous dire, moi, ce que j'entends à titre d'exemple, parce qu'il y en aurait plusieurs. Mais, par exemple, une des spécificités, me semble-t-il, du milieu universitaire, c'est de devoir travailler sur le long terme dans plusieurs dimensions de son existence contrairement à beaucoup d'entreprises, pas toutes, là, mais beaucoup d'entreprises qui ont des préoccupations dans le court terme, par exemple des entreprises qui...

Prenons des entreprises actuellement qui exportent. Bon. Eh bien, s'il y a des problèmes majeurs aux États-Unis, comme c'est le cas, c'est du jour au lendemain, c'est du court terme. Leur exportation va chuter, leur équilibre financier devient précaire, etc. Et là il y a une obligation de résultat ou de redressement de la situation à très court terme.

Dans une université, on a bien sûr à équilibrer des budgets, mais souvent on va prendre des décisions en misant, parce qu'on n'a pas toujours une garantie de succès, en misant sur des projets dont le résultat va être inévitablement connu dans le plus long terme. C'est le cas particulièrement en recherche universitaire. Vous savez comme moi que, quand, par exemple, des organismes subventionnaires donnent des montants d'argent, c'est parce qu'ils font confiance aux personnes, ce n'est pas parce qu'ils connaissent les résultats ou ils sont sûrs qu'on va y arriver, c'est parce qu'ils ont confiance que ces personnes-là vont bien travailler. Et c'est au nom de ça qu'ils disent: Le projet se tient, la personne est crédible. Donc, cette spécificité-là, moi, j'aimerais qu'elle soit prise en compte par des gens qui vont gouverner l'université. Et je voudrais savoir si vous partagez ce point de vue et si vous le percevez.

Mme Bertrand (Françoise): Mais je dirais, madame...

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand, la parole est à vous.

Mme Bertrand (Françoise): ...qu'au fond toute organisation publique qui a dans sa mission de servir l'intérêt public doit avoir, de façon prioritaire, une vision certainement plus à long terme que la nécessité de chaque trimestre d'une entreprise. Ceci dit, je ne dirais pas qu'une entreprise... Et d'ailleurs elle se cogne la gueule un peu lorsqu'elle n'est pas capable d'avoir une vision à long terme et qu'elle est strictement sur la performance trimestre après trimestre. Et on l'a vu, par exemple, dans le secteur manufacturier, que les entreprises qui ont su passer à travers la crise manufacturière, c'est celles qui avaient vu l'importance de l'innovation, de nouveaux marchés. Donc, je ne penserais pas que la spécificité est parce qu'il y a du long terme à l'université.

Je pense que toutes les organisations se doivent d'un mixte entre le court terme et le long terme. Sûrement que l'université comme les autres administrations publiques sont plus de long terme que strictement le court terme, mais je ne vois pas en quoi, si on a un tour de table fait d'administrateurs à la fois de l'interne et d'administrateurs indépendants, il y a incapacité ou irréconciliation avec la responsabilité de fiduciaire de dire: Voici la mission de l'université, et on ne peut pas prendre que des décisions à court terme. C'est bien clair. Ça m'apparaît clair.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Vous parlez, vous utilisez vous-même, je crois, toujours le mot «membres indépendants» par rapport à «membres internes». Bon. Il y a tout un débat, là, autour de l'appellation des membres. Ce que plusieurs sont venus dire, c'est: Écoutez, «membres indépendants», dans le fond, ça laisse supposer que ces personnes-là n'auraient aucun intérêt d'aucune manière, et un regard neutre, et un regard purement de bon gestionnaire, alors que les gens de l'interne seraient tellement colorés par leurs intérêts privés qu'ils ne pourraient pas regarder les choses correctement.

Je pense qu'on peut questionner ça, plusieurs l'ont fait, mais questionner la notion d'indépendance comme étant une notion qualitative probablement un peu difficile à garantir. Alors, je veux vous entendre là-dessus.

Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, là...

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

n(18 h 20)n

Mme Bertrand (Françoise): Excusez. Mais je suis vraiment indisciplinée, je suis désolée. La règle de qu'est-ce qui est indépendant, pas indépendant, il y a des écrits là-dessus. Je ne me rappelle plus tout à fait, là, la définition, mais c'est inscrit: «Un membre indépendant est celui qui n'a pas d'intérêt.» Donc, pour un membre indépendant, ce serait quelqu'un qui n'a pas de contrat avec l'université, qui n'est pas, disons, employé de l'université, dont les membres de la famille immédiate ne sont pas dans cette situation-là. Ça ne veut pas dire que la personne, par exemple, qui est professeur ou doyen, elle, est à ce point biaisée qu'elle ne voit pas clair puis qu'elle n'a pas un jugement éclairé, ce n'est pas ça. Ce n'est pas la question d'une personne qui a un bon jugement, pas un bon jugement, c'est le caractère d'indépendance. C'est de dire: Je ne vis pas et je n'ai pas ma substance financière liée aux décisions que nous prenons par rapport à l'université. C'est ça que ça veut dire.

Donc, si j'ouvre, je ferme un programme, si je déménage, si je fais un projet immobilier, je ne suis pas touchée par ça, ce n'est pas moi. Oui, on l'est tous, parce qu'on paie des impôts, mais en dehors de ça il y a une différence entre le professeur qui... Je vais prendre un exemple dont je me rappelle. Le pavillon des sciences à l'UQAM, qui existe aujourd'hui, ça a pris des années avant que finalement il se fasse, mais ça faisait très longtemps qu'il était là. Or, quand, je ne sais pas, monsieur aurait été là, au conseil d'administration, puis qu'il y a un professeur de sciences qui est là, le professeur de sciences, il a un intérêt, il voit la vision de l'université, puis c'est son laboratoire, c'est ses étudiants, puis il sait que ça va être plus attrayant. Ce n'est pas un intérêt illégitime, c'est un intérêt légitime. Mais, l'autre personne, elle regarde, puis elle va regarder plus froidement en ce sens de dire: Est-ce qu'on en a les moyens, est-ce que ça fait partie de notre mission? Et c'est ce dialogue-là qui va permettre une décision. Ça ne veut pas dire que l'un ou l'autre a raison, c'est la discussion ensemble qui permet une décision plus balancée.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Bien, ce que vous dites, ça donne l'impression que les professeurs qui sont sur un conseil d'administration regardent ça par le petit bout de la lorgnette, d'un intérêt spécifique. Un professeur peut être de sciences ou d'ailleurs, mais peut dire: Écoutez, moi, au nom de ma compréhension des enjeux de mon université, je pense qu'on devrait aller dans telle ou telle direction. La plupart n'ont probablement pas de lien très, très direct entre les décisions prises et leur propre emploi immédiat. Sur les milliers de professeurs d'université, ce n'est pas les quelques-uns qui sont au C.A. qui vont prêcher uniquement pour leur paroisse. Ils vont prêcher pour la paroisse, je dirais, de gens qui représentent la mission d'enseignement et de recherche, mais ce n'est pas un lien... c'est rare qu'il y a un lien extrêmement direct entre le dossier qui est là et son bénéfice immédiat. Cela peut arriver, mais comme ça peut arriver pour des administrateurs externes aussi.

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, la question est justement celle-ci: Indépendant veut dire que non. Quelqu'un... C'est clair que, sur les questions de cadre financier, de conséquence à ce cadre financier là, la personne indépendante, elle va poser un regard de bon administrateur. La personne qui est touchée, parce que ça peut vouloir dire un cadre qui va être plus restreint ou moins restreint par rapport aux ressources disponibles pour sa propre fonction, pas d'une façon éhontée, là, c'est normal, mais c'est cet équilibre-là, moi, je pense. Ce n'est pas de dire un est mieux que l'autre, c'est vraiment le sens de dire: Les deux points de vue assurent qu'en tout temps, par ce dialogue-là, la décision qui est prise est la meilleure pour l'université parce qu'on a fait tout le tour de la question.

Et, si on prend, par exemple, des conditions de cadre financier, ça a beaucoup d'importance. Et je pense que... Puis ce n'est pas juste dans les universités. Dans une entreprise, quand vient la question des conditions de salaire ou, le cadre financier, est-ce qu'on crée... est-ce qu'on prend des investissements supplémentaires pour les technologies de l'information?, c'est bien évident que le directeur ou le vice-président en technologies de l'information, il n'a pas un intérêt personnel dans le sens qu'il va s'enrichir par ça, mais il a une vision, puis il a un souffle, et puis il a de l'ambition pour son organisation, puis il va l'exprimer.

Ceci dit, l'administrateur va questionner, dire: Est-ce que c'est vraiment pour le mieux-être, est-ce que c'est le besoin le plus prioritaire pour l'organisation? Et c'est ce dialogue-là, c'est là où c'est le recours d'une personne indépendante. Ce n'est pas en termes de dire qu'elle a plus de valeur, moins de valeur, et que le professeur n'en a pas, c'est juste que ça amène une dynamique, un dialogue qui est fructueux et qui fait en sorte que la décision qui sera prise, qui peut être collée à ce qu'était l'opinion du professeur, peut être une décision qui a été plus sondée, et puis, au bout de la ligne, qui, à nos yeux et selon les règles de gouvernance qu'on apprivoise et qu'on s'exerce à mettre en pratique dans les organisations, sera plus prometteuse pour les visions à court et long terme des organisations.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: Oui. Je sens qu'on ne videra pas la... on ne videra pas la question. Une chose qui m'étonne dans... non, qui ne m'étonne pas, mais que vous indiquez dans votre mémoire ? il y a quelques personnes qui l'ont dit, mais peu ? vous, vous trouvez qu'on devrait donner un jeton de présence, qu'on devrait rémunérer les membres du conseil d'administration. C'était dans la première version du projet de loi, ça a été enlevé. Est-ce que vous croyez que c'est un bon signal à donner par les temps qui courent que de payer les administrateurs à la grandeur du Québec? Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait pouvoir trouver des gens qui sont prêts à s'investir dans ce genre de tâche gratuitement? Parce que ça fait partie, pour employer un terme qu'on emploie dans les universités, de leur service à la collectivité.

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Oui, mais les professeurs, dans les services à la collectivité, sont payés pour ça, eux, ça fait partie de leur salaire. Ceci étant, je n'en fais pas un principe. On l'a dans le mémoire, et ce n'est pas le point important de notre intervention. Le point important de notre intervention, c'est dire: Ayons ça en tête. Mais une chose est certaine, c'est plus la réponse que je faisais à Mme la députée de Gatineau à savoir l'importance d'accueillir les membres externes de l'université pour qu'ils comprennent les dynamiques et qu'on essaie de présenter des documents qui sont digestibles, qu'on ne reçoit pas des briques que ça prenne tout un week-end à lire, parce que les gens justement, surtout s'ils n'ont pas de jetons de présence, ils gagnent leur vie ailleurs et ils ont déjà de nombreuses heures à fournir pour gagner leur croûte. Alors, il faut être... penser à ça et songer à ça.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy: C'est mon collègue de Drummond qui a des questions à poser.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Drummond, la parole est à vous.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Je suis issu du milieu des affaires. Je n'en ai pas moins quelques interrogations par rapport à ce qui semble des orientations philosophiques et je nous soupçonne de faire un peu d'angélisme lorsqu'on parle d'indépendance des gens au conseil d'administration, qui que ce soit. J'ai siégé sur pas mal de conseils d'administration de milieux d'affaires, de milieux environnementaux, de milieux sociaux, de différentes organisations, et, si on peut supposer que le représentant au conseil, exemple, des syndicats, va représenter les intérêts des syndicats et, ce faisant, un peu les siens, on peut aussi, dans la même logique, supposer que la personne du milieu des affaires qui siège au conseil de l'université le fait avec une connaissance précise de ce que sont ses besoins à lui en termes de main-d'oeuvre. Même chose au cégep, encore davantage au cégep. Et plutôt que de faire semblant que non, non, non, ils n'en tiennent pas compte, de leurs intérêts personnels, je pense qu'il faudrait dire qu'ils sont là dans ce but-là. Lorsqu'on forme un conseil d'administration avec un ensemble, on veut avoir les points de vue colorés par là d'où ils viennent et ce qu'ils sont, et ce serait à la limite laïc de penser que les gens ne le font pas.

Dans cette perspective-là, est-ce qu'il n'est pas préférable que justement aucun groupe spécifique ou particulier ne puisse se retrouver majorité d'une majorité dans un conseil d'administration d'université ou de cégep?

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Si je vous ai apparu angélique, ce n'est pas tellement... Je ne pense pas, parce que c'est la différence entre indépendant et puis amener une perspective. Indépendant, c'est dire: une décision qui est prise au conseil d'administration ne m'avantage pas directement, c'est ça que ça veut dire, c'est ça, être un membre indépendant. Je ne vis pas... C'est ce que j'expliquais tout à l'heure à Mme la députée de Taillon. Ce n'est pas de dire qu'il n'y a pas d'intérêt et que je n'apporte pas une perspective, sinon il n'y a pas d'intérêt à amener des gens extérieurs. C'est sûr que c'est compléter, amener une autre perspective, d'autres perceptions. Ça m'apparaît essentiel. Et la diversité des points de vue dans des organisations aussi complexes que l'université m'apparaît vraiment souhaitable, et, pour ça, je pense que, si on regarde des situations, ce n'est pas juste des gens d'affaires avec un background finances, c'est aussi des gens d'affaires avec des expériences en investissement, en construction, en immobilisations, à d'autres types de compétence, ce qui fait que le rôle de fiduciaire va avoir plus de chances de faire une analyse de risques plus poussée et que conséquemment les décisions vont en être enrichies. Est-ce que tout sera parfait? Ça, je ne ferais pas cet angélisme-là.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Mon point est à l'effet que, lorsque, par exemple, au conseil d'administration du cégep de Drummondville, siège un représentant du plus gros employeur de la région, de la ville, il va exprimer ce que sont ses besoins, et on va vouloir... je n'y suis pas mais j'assume qu'on va vouloir connaître ce que sont ses besoins pour favoriser l'adéquation entre la formation qu'on donne, de façon plus générale les orientations, et même parfois très spécifiques, et ce dont lui va avoir besoin, parce qu'il faut que ce lien-là se fasse. Il faut que la formation mène à des emplois, puis on veut les garder dans la région. On veut cet apport-là, mais on veut aussi, sur des questions complètement autres qui ne touchent pas du tout son secteur d'activité, on veut qu'il amène sa contribution. Il faut avoir les deux, mais, dans cette perspective-là, il ne faut pas supposer que quelqu'un a la capacité d'emblée de faire abstraction complètement de ses intérêts, c'est là que je n'y crois pas.

Le Président (M. Marsan): Alors, madame...

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): Excusez, excusez, excusez. M. le député de Drummond, vous avez la parole.

n(18 h 30)n

M. Blanchet: Vous êtes bien gentil, M. le Président. Je pense que c'est vrai, en effet, et je pense donc, en conséquence, que personne ne devrait occuper une masse critique trop importante ni sur ces conseils-là ni sur aucun, sauf bien sûr une entreprise privée à but lucratif avoué.

Dans cette perspective-là, je... c'est... j'ai peut-être juste mal saisi. Vous avez orienté la vision que vous aviez du cégep dans une perspective très technique. C'était vraiment... C'est comme si on faisait abstraction du fait que le cégep est aussi, pour une part très importante de sa clientèle, une transition entre le secondaire et l'universitaire, où ils vont aller chercher une formation, pour reprendre vos mots, d'encore plus haut niveau, donc avec encore davantage d'impacts et de retombées.

Dans cette mesure-là, j'ai dit qu'il faut qu'il y ait des gens d'affaires, mais il faut qu'il y ait des gens qui assurent les transitions. Donc, le siège qui semble disparaître pour les commissions scolaires me semble être une préoccupation, et j'aimerais avoir votre avis sur cette question-là.

Le Président (M. Marsan): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, nous ne nous sommes pas prononcés là-dessus. Nous, où est-ce qu'on en est, c'est que, par rapport à nos membres, ce qui les préoccupe présentement dans l'univers collégial, c'est la formation technique. Puis on a bien dit: Ce n'est pas pour écarter l'importance de la formation générale qui mène à l'université. Nos membres, les entreprises sont particulièrement inquiètes de ça. Le bassin des talents dont on a besoin actuellement n'est pas suffisant, et donc c'est un peu une reprise d'un cri d'alerte qu'on a déjà fait et qu'on refait ici. Et on dit, à cet égard-là: Une présence plus soutenue des entreprises au conseil d'administration, nous pensons que ça pourrait aider à réfléchir et aider les collèges à voir comment ils pourraient s'inscrire dans une démarche qui serait plus profitable, là, pour permettre plus de diplomation. C'est... Ça n'exclut pas l'autre question, c'est qu'on a concentré notre intervention sur ce qu'étaient les préoccupations de nos membres.

Le Président (M. Marsan): Je voudrais... C'est terminé? Voulez-vous prendre la parole?

Mme Champagne: Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Marsan): Oui.

Mme Champagne: Oui.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Mme Bertrand, Mme St-Jacques, écoutez, nous sommes, après plusieurs rencontres, toujours en questionnement, ce qui est peut-être un bon signe, hein, parce qu'on présente un projet de loi, puis, dans un projet de loi, bien, on a chacun des vues, puis c'est important de bien cerner ce qui est dit. Et, quand vous touchez, au niveau des collèges ? puis vous l'avez fait également au niveau des universités ? l'importance de l'influence des entrepreneurs, des partenaires de la région, ma collègue de Trois-Rivières le disait tantôt, Trois-Rivières est un exemple de partenariat important. Commissions scolaires, collèges privés, que ce soit l'université, il s'est créé un partenariat, et la table des partenaires est importante, et il faut qu'elle soit encore davantage importante.

Où j'ai comme un problème puis je n'ai pas la réponse, donc je vais vous la poser, la question, c'est: On n'est pas certains, on est tous convaincus qu'il n'y a pas de garantie que l'arrivée d'une majorité d'externes va nécessairement régler tous les problèmes du monde, là. Est-ce qu'on va faire un essai, puis on va se tromper, puis on va se planter? C'est quoi, l'équilibre qu'on doit atteindre dans tout ça?

Et je me disais: Même avec ce qui se passe présentement avec des groupes où l'interne est plus fort que l'externe... Parce que l'«indépendant», je n'emploie même plus le mot parce que je n'y crois même pas, on n'est personne indépendant dans la vie. On dépend de quelque chose, on a des intérêts à quelque part puis on les fait valoir un jour ou l'autre. Est-ce que le fait que ces gens-là, qui sont intelligents, qui sont là depuis, certains, plusieurs années... Pourquoi on aurait un petit peu eu l'instinct d'aller se chercher toute cette... ce partenariat autour d'eux sans qu'on soit obligé d'aller vers une majorité?

Le débat, il est là. À chacun des groupes qu'on voit, au-delà de toutes les belles choses qu'on peut se dire et de tous les avantages qu'on peut voir dans nos façons de voir, il demeure qu'il est sur le nombre de personnes, l'équilibre entre l'interne et l'externe. Je me dis: Coudon, l'interne, il vient de quelque part. Il n'est pas sorti de n'importe où. Il vit dans un réseau, il a le droit d'aller chercher du monde, d'aller chercher des observateurs, d'aller se chercher des... de l'information. Alors, pourquoi est-ce qu'on est obligé de voir tout à coup, peut-être dû à des études XYZ dont on nous a fait part... Pourquoi qu'on est obligé de le voir comme ça?

Parce que le litige, il est là, puis on dirait que... ? puis je vais encore le dire ? on dirait qu'il y a eu un événement qui a provoqué une espèce de tsunami où, là, il faut virer tout ça, puis ça inquiète les gens. Puis on ne peut pas partir avec rien que de l'inquiétude, il faut partir avec des assurances, puis on n'en a pas. Alors, pourquoi j'ai ces questionnements-là ce soir? Peut-être parce que c'est jeudi soir, mais peut-être également parce que je me dis: Il faut atterrir à quelque part, et l'inquiétude, elle est là.

Alors, il y a des régions qui se sont donné des moyens, d'autres pas. Alors, votre vision de l'arrivée massive et importante des gens du monde des affaires, dans le sens très large du terme, là, on s'entend, là, pas juste des gens d'affaires affaires, me plaît également, mais ne m'enlève pas de la tête que ça pourrait se faire autrement, dans un équilibre. Et peut-être qu'un jour je vais dire: Bien, mettons ça 50-50, puis quelqu'un tranchera, puis il s'appellera le recteur, quant à moi. Mais je le dis, je vous le soumets et j'ai le goût de vous entendre continuer peut-être mon questionnement et m'aider à m'éclairer dans tout ça, moi aussi, parce qu'on est écoutés par plus de personnes qu'on ne le pense.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, écoutez, je pense que la collaboration, le partenariat, la concertation, c'est une chose très importante qui est presque une marque de commerce au Québec. Je pense qu'on en a beaucoup. Il y a beaucoup d'instances qui favorisent ça, il y a beaucoup d'initiatives qui favorisent ça, puis il faut continuer ça.

Ce dont nous parlons ici, c'est la gouvernance comme organisme public, comme institution publique, s'assurer que le mandat de fiduciaire qui est donné au conseil d'administration, pas au personnel, pas au comité de gestion, au conseil d'administration, à qui est confié le mandat de fiduciaire, à qui on remet le financement pour s'assurer qu'en fonction d'une loi constitutive les meilleurs gestes soient posés pour que la mission soit actualisée, nous pensons que ce qui est le reflet de ce qui existe dans la société devrait être là aussi, au conseil d'administration. C'est vraiment une... Ce n'est pas de dire: On n'en a pas besoin, il y a... il y a assez de collaboration, ou: Il n'y a pas assez de collaboration, il faut qu'elle ait lieu là. C'est de dire: La gouvernance requiert que, dans une société, des institutions, soit-elles un hôpital, soit-elles une université, un collège, il y a importance à installer autour de la table les meilleures expertises pour que l'échange puisse avoir lieu et que les meilleures décisions soient prises. C'est cet esprit-là, et non pas de dire: On collabore. C'est au-delà de la collaboration, c'est dans la responsabilité des orientations, de l'imputabilité par rapport à un financement public et surtout par rapport au rôle de l'institution pour s'assurer que tout a été utilisé pour s'assurer que la mission soit accomplie.

Le Président (M. Marsan): C'est terminé? Oui. Alors, je vous remercie, Mme Françoise Bertrand, Mme Caroline St-Jacques, de nous avoir donné le point de vue de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 29 septembre, à 10 heures. Bon retour, et soyez prudents.

(Fin de la séance à 18 h 38)


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