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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Tuesday, February 15, 2011 - Vol. 41 N° 53

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 82 - Loi sur le patrimoine culturel


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements: Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert (Prévost) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous passons à l'ordre du jour. Ce matin, nous avons le privilège d'accueillir les représentants de Pointe-à-Callière, Musée d'archéologie et d'histoire de Montréal, et ensuite le Conseil des monuments et sites du Québec.

Auditions (suite)

Nous allons immédiatement débuter, et je vais céder la parole à Mme Francine Lelièvre. Je vais lui demander de nous présenter la personne qui l'accompagne, et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.

Pointe-à-Callière, Musée
d'archéologie et d'histoire de Montréal

Mme Lelièvre (Francine): Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Je vous présente Sophie Limoges, qui est responsable... directrice chez nous de la conservation et de l'éducation.

Alors, bonjour, tout le monde. Au nom de Pointe-à-Callière, je vous remercie, je remercie la commission de nous accueillir dans le cadre des consultations publiques relatives au projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel.

Nous saluons cette décision du gouvernement qui, pour nous, constitue une avancée considérable par rapport à la loi, qui avait déjà 40 ans, sur les biens culturels, celle de 1972. Tout de suite, d'emblée, je voudrais dire que nous considérons qu'il y a déjà des éléments très... il y a des éléments très positifs dans le projet de loi. En particulier, ce que nous avons noté, c'est: l'élargissement de la loi au patrimoine immatériel et aux paysages; l'approche du développement durable de la loi; l'approche de commémoration des personnages, des lieux, des événements; l'élargissement et le rehaussement des responsabilités des villes dans la loi; le renforcement des mesures de protection; l'ajout à la ministre et aux municipalités d'un pouvoir d'ordonnance; l'ajout de plans de conservation; et l'autorisation de la ministre pour des excavations dans des sites protégés.

Nous allons vous parler aujourd'hui plus spécifiquement de notre proposition d'enrichir la loi concernant l'archéologie au Québec. On y a trouvé quand même quelques faiblesses. Mais, juste avant d'entrer dans le jeu de ce sujet très spécialisé, nous allons nous présenter brièvement.

Pointe-à-Callière est un musée évidemment d'archéologie et d'histoire de Montréal qui est un organisme à but non lucratif fondé en 1992 dans le cadre du 350e anniversaire de la fondation de Montréal. C'est le legs historique laissé par la ville, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Il est construit sur le lieu de fondation de la métropole, dans le quartier historique du Vieux-Montréal. C'est un complexe muséal qui regroupe trois sites archéologiques, une crypte archéologique et cinq bâtiments, dont l'un classé historique et un patrimonial. Pointe-à-Callière est avant tout un lieu historique classé par Québec et reconnu d'envergure nationale par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada à cinq reprises pour cinq de ses composantes. C'est le seul dans ce cas-là au Canada, et il est le seul grand musée d'archéologie au Québec et au Canada. Les collections qui sont issues de ces sites dépassent le million de pièces. Sa mission: préserver le patrimoine, faire connaître, faire aimer l'histoire, l'archéologie et tisser des liens régionaux, nationaux et internationaux avec tous ceux et celles qui sont préoccupés d'histoire, d'archéologie et d'urbanité.

**(10 h 10)**

Le patrimoine culturel, pour nous, c'est une source de connaissances et d'identité. Il concrétise de façon tangible notre histoire. Le patrimoine ancre solidement l'identité d'un peuple sur un territoire; il en dessine la personnalité. Le patrimoine historique est l'ensemble des biens possédés que nous avons hérités de nos ancêtres. Il établit un lien entre les générations passées et les générations présentes par la mise en valeur de ces biens transmis et les propriétés collectives. Il exige de mobiliser des valeurs et des ressources pour pérenniser ces réalités anciennes tout en leur conférant une modernité continue. À travers son patrimoine archéologique en particulier, on peut suivre l'évolution d'un lieu, comprendre les changements sociaux, découvrir les relations entre les groupes et leur territoire. L'archéologie révèle l'esprit d'un lieu autant que son histoire. Elle met en valeur la mémoire collective.

La loi a 40 ans; l'archéologie a 40 ans au Québec. Nous sommes... C'est une discipline qui est extrêmement jeune. Alors, nous voulons vraiment saluer l'effort qui a été fait dans la Loi des biens culturels, en 1972. Au niveau de l'archéologie, la loi a véritablement réussi à professionnaliser la recherche archéologique. Des équipes de chercheurs existent désormais, y compris des firmes privées, des écoles de fouille, dans les universités, un réseau d'institutions sur le patrimoine. On a maintenant un inventaire informatisé, une réserve, un centre de doc. Nous connaissons maintenant les zones archéologiques prioritaires. De gros pas ont été faits en avant, et ça a incité aussi la formation universitaire en archéologie.

L'activité archéologique demeure encore peut-être trop largement confidentielle, peu connue, et la majorité des villes se sentent toujours incompétentes en cette matière, alors que l'archéologie ne peut plus être dissociée de l'aménagement du territoire, lequel est de la responsabilité des villes.

En ce qui a trait à l'archéologie, nous notons, par rapport à la loi... enfin, le projet de loi, nous notons avec beaucoup de satisfaction le maintien des dispositions de la Loi sur les biens culturels à l'endroit de l'archéologie. Nous notons également avec satisfaction qu'une municipalité pourra désormais, avant d'accorder un permis, exiger des fouilles ou des relevés archéologiques dans une zone d'intérêt patrimonial inscrite à son schéma d'aménagement ou d'urbanisme. Nous laisserons aux organismes plus spécialisés tels Archéo-Québec et l'Association des archéologues du Québec de nous parler de l'ensemble de l'archéologie au Québec. Nous allons davantage nous concentrer sur la contribution que Pointe-à-Callière pourrait apporter à l'avenir de l'archéologie et à l'enrichissement du projet de loi en proposant des solutions concrètes.

État de situation, rapidement. Au Québec, aujourd'hui, nous avons près de 9 000 sites archéologiques. Chacun d'entre eux a livré un certain nombre d'artefacts qui donnent 5 000 collections archéologiques, et, si on veut être concret encore plus, environ 5 000 boîtes, simplement celles qui sont préservées à la réserve du ministère de la Culture. Il existe... Le laboratoire et la réserve d'archéologie du Québec offrent actuellement deux services essentiels à la communauté: la gestion et la conservation des biens archéologiques et un espace de consultation et de travail sur les collections.

Je veux vous parler un petit peu de l'accès aux collections. La masse croissante... Vous savez, entre 1972 et aujourd'hui, on peut dire que c'est 9 000 sites qui ont été identifiés, c'est énorme. Donc, la masse croissante des collections nous oblige, en tant que société, à revoir la place qu'elles ont occupée jusqu'à tout récemment et à imaginer ce que nous voulons qu'il advienne de cette incroyable source d'information. Le ministère gère cette collection provenant de sites archéologiques propriétés de l'État et privés. Actuellement, les collections sont accessibles aux chercheurs qui en font la demande pour fins d'étude et aux musées qui désirent emprunter certains objets. Or, l'immense majorité de ces artefacts sont restés entreposés depuis leur découverte, parfois depuis plusieurs décennies. Nous croyons qu'en bénéficiant d'une meilleure visibilité et d'une plus grande accessibilité, non seulement ces collections généreraient des retombées culturelles et économiques considérables pour les régions concernées, mais de surcroît elles contribueraient à la protection de la ressource archéologique. Nous maintenons que les collections archéologiques ont une valeur éducative. Plus les gens vont les connaître, plus les gens vont être conscients, plus les citoyens vont être les principaux protecteurs de l'archéologie.

L'importance... Pensons simplement aux autochtones. Leur passé a pour principale source documentaire, quand elle n'est pas la seule... c'est les sites et les collections archéologiques. Tout ce qui est préhistoire, ce n'est que par l'archéologie. Donc, les collections archéologiques sont un moteur de connaissance quasi inépuisable, mais qui nécessite un programme d'action. Ce n'est pas évident: analyse, numérisation, informatisation, publication, exposition. Il devient urgent de revoir le mode de gestion de ce patrimoine pour en tirer un meilleur parti.

La protection des sites archéologiques maintenant. À la section VI du projet de loi, le gouvernement reconduit les dispositions de la Loi sur les biens culturels quant aux fouilles et aux découvertes archéologiques. Ces dispositions sont indispensables. Afin d'ajouter à la protection, le gouvernement a prévu à l'article 64 d'exercer un contrôle sur l'excavation dans les sites du patrimoine. Cet ajout est important. Tout comme dans le régime d'ordonnance, aux articles 76 et 148, le gouvernement et les municipalités peuvent ordonner des fouilles archéologiques. Cela est également un plus.

Enfin, dans les nouveaux pouvoirs confiés aux municipalités à l'article 150, ceux-ci pourront désormais prévoir les cas où des autorisations seraient requises, pour la réalisation d'un projet, de procéder à des fouilles ou des relevés. Cette dernière disposition comporte un grand intérêt pour les villes qui disposent d'une expertise en archéologie. Après avoir pris connaissance d'un certain nombre de mémoires lors de la consultation sur le livre vert, ils nous apparaît que ces dispositions nouvelles ne suffisent pas à assurer une forme de protection aux sites archéologiques. Nous comprenons que le gouvernement, malgré le contrôle, ne pourra jamais protéger 9 000 sites. Un, on n'aura jamais les ressources pour le faire. Donc, c'est dans ce cas que nous croyons qu'il faille largement miser sur le développement de la connaissance, la sensibilisation et la mise en valeur ainsi que sur l'habilitation des villes pour accroître cette protection qui, d'autant plus, est de proximité.

À cet égard, nous formulons trois recommandations au gouvernement. En réalité, nous voulons, pour résumer, donner un peu plus de lumière et donner de la vie à l'archéologie au Québec, essentiellement par le réseau, en mettant en commun le réseau, les partenariats.

Alors, en termes de conservation et de recherche. En conservation, il y a évidemment des grands corpus de collections, dont celle qu'on vous a parlé tout à l'heure, et on pense que de regrouper des corpus de collections pourrait être un atout. Quant à la recherche, c'est très simple, là. Il y a un leadership à prendre, mais il n'y a aucune institution qui peut faire toute la recherche. C'est un monde, alors je pense que la seule façon d'y arriver, graduellement, c'est en développant des partenariats avec les institutions mandatées pour faire la recherche, c'est-à-dire les universités. Alors, l'ensemble des universités au Québec devraient être mises à contribution, et je pense qu'ils ne demandent pas mieux. Enfin, nous, notre expérience des 18 ans démontre -- on a travaillé beaucoup avec les universités, évidemment les quatre universités de Montréal et l'Université de Sherbrooke -- fait qu'on réalise -- même avec Rimouski -- que les universités sont avides de développer des partenariats, parce qu'en faisant la recherche leurs étudiants en maîtrise et en doctorat ont une chance qu'on puisse faire par la suite de la diffusion.

Mettre en valeur les collections. Alors, la mise en valeur des collections, c'est l'atout principal pour faire connaître et faire aimer l'archéologie et préserver l'archéologie. Nous, on y croit. On a travaillé, il y a plusieurs années, en archéologie subaquatique avec des gens de la Côte-Nord et on a réalisé à quel point il y avait une méconnaissance, un manque de sensibilité. Les gens allaient et ils prenaient des... ils trouvaient, en plongée sous-marine, des objets et se les appropriaient. Ils n'avaient pas la conscience, la connaissance de l'importance de ce patrimoine qui était collectif. Et le travail qu'on a fait avec eux était exceptionnel, et aujourd'hui, dans ce secteur, les gens protègent leur propre patrimoine.

**(10 h 20)**

Alors, la mise en valeur, elle devrait se faire d'une façon... rendre l'archéologie accessible, visible et compréhensible. On dit que la responsabilisation passe par l'appropriation et une meilleure connaissance des enjeux. Alors, je pense qu'on peut commencer par la numérisation, rendre accessible, avec les nouvelles technologies, la connaissance des collections. Il y a beaucoup d'autres façons. Évidemment, une fois qu'ils sont numérisés, informatisés, il existe des systèmes, que ce soit Artefacts Canada, la SMQ, donc accessibles à tout le monde, à tous les musées, qui pourraient aussi les emprunter. Inutile de vous dire l'importance des expositions, des publications sur l'archéologie, des synthèses qui peuvent être faites. Le cas des Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent où on a 30 ans de recherches archéologiques sur 200 sites archéologiques -- on a préparé une synthèse et on a réalisé une exposition qui circule à travers le Canada et qui va bientôt aller en Europe -- c'est incroyable, ce patrimoine autochtone, 1350-1600, qui a été totalement méconnu, ce que ça a pu apporter.

Les jeunes, l'éducation. Les programmes éducatifs, que ce soit Archéologues d'un jour ou Jeunes Découvreurs, la fascination des enfants pour l'archéologie, c'est... Quand on voit leurs yeux, leurs grands sourires, on sait qu'ils ne regarderont plus jamais les trésors de leur grand-mère ou encore leur ville de la même façon. C'est 100 000 jeunes que nous accueillons par année, 50 000 en scolaire et 50 000 qui viennent en famille. Et, dans nos études de clientèle, quand on pose les questions aux visiteurs: Qu'est-ce qui vous a amenés à visiter le musée? Est-ce que c'est une publicité? Quoi?, 12 % nous répondent que ce sont les enfants, lorsqu'ils sont allés à l'école, qu'ils sont venus en scolaire, qu'ils ont ramené leurs parents les fins de semaine. Alors, je pense qu'il y a de l'avenir, il y a de l'espoir.

Évidemment, dans les moyens aussi de communication qu'on peut utiliser, c'est sûr qu'on doit aussi utiliser les nouvelles technologies, on doit rejoindre les jeunes par ces moyens, mais ce qu'on leur apporte lorsqu'ils viennent chez nous, c'est l'authenticité, l'objet. Ils sont fascinés. Ils ont tellement... ils vivent tellement dans un monde un peu virtuel que, quand ils arrivent, ils peuvent avoir accès, toucher des choses très concrètes, ils sont fascinés.

Alors, évidemment, il y a une expertise qui est développée autant chez nous, en conservation in situ... Vous savez, nous gérons des sites archéologiques... le lieu de fondation de Montréal, de 1350 à aujourd'hui, sur le bord du fleuve, avec une nappe phréatique très proche qui... dans une problématique de conservation assez particulière: le premier cimetière de 1643, donc des sols en plein centre d'un édifice; avec 400 000 visiteurs qui dégagent du CO2; enfin, une rivière canalisée qui circule à l'intérieur; des liants, des joints de toutes les périodes historiques. On peut dire qu'on a eu, pendant les 18 ans, des défis à relever. Et on a développé de l'expertise. Il y a eu énormément de travail de recherche qui a été fait, qui a été fortement reconnu par de nombreux prix au niveau mondial, international, sur la capacité à conserver des sites in situ. Il ne faut jamais oublier, on en a 8 000 ou 9 000 au Québec.

Notre spécialité, c'est des partenariats: partenariats au niveau de la recherche, partenariats... Vous avez juste à regarder nos rapports annuels, vous avez des pages de partenaires. Donc, on croit, nous, que c'est la seule façon de travailler quand on a peu de ressources.

Et je continue sur... Donc, on est prêts à mettre à la disposition notre expertise pour les organismes et pour les municipalités. Alors, c'est sûr que les municipalités ont plus de... auront plus de pouvoirs, mais plus aussi de responsabilités, ce qui nous amène à offrir: Pourquoi ne pas accompagner les municipalités par un centre d'expertise, que ce soit au niveau de la conservation, au niveau de la recherche, au niveau de la diffusion?

Et je termine en proposant, je dirais, deux textes, enfin, que nous soumettons à Mme la ministre, qui pourraient être inclus dans la loi.

Alors, nous proposons que soit introduit au chapitre des pouvoirs généraux du ministre un article de loi. Indiquer à titre... simplement libeller à titre indicatif: «Le ministre peut octroyer un mandat national en matière d'archéologie à une institution qui dispose de l'expertise pour le faire. Il lui appartient d'établir la portée et l'étendue de ce mandat.»

En second lieu, nous croyons qu'il faut soutenir les réseaux locaux en archéologie et fournir aux municipalités une expertise opportune qui leur permette d'adopter des règlements relatifs aux fouilles et aux relevés archéologiques sur leur territoire en mettant en place un centre national en archéologie en amont de la mise en vigueur de la loi.

Alors, nous proposons un deuxième texte: «Le ministre peut mettre en place un centre national d'expertise en archéologie et en confier la gestion à l'institution qui dispose de l'expertise professionnelle pour l'assumer. Il appartient au ministre d'établir les responsabilités de ce centre.»

Je conclus en disant que nous reconnaissons la pertinence d'adopter une nouvelle loi sur le patrimoine culturel. De par la nature de ce mémoire, nous notons cependant que nous proposons certains amendements à la loi. Nos propositions visent à renforcer le soutien aux municipalités en matière d'archéologie et, pour une meilleure visibilité de l'archéologie, une mise en valeur en ajout aux mesures de protection. La responsabilisation passe, pour nous, par l'appropriation.

Le patrimoine archéologique est identitaire, il est fragile, il est non renouvelable et pourtant historiquement essentiel. La nouvelle loi devrait refléter cette dimension et devrait affirmer la détermination du gouvernement du Québec à préserver et à transmettre aux générations actuelles et futures les valeurs fondamentales qui en découlent dans un souci de pérennité.

Nous espérons que les quelques points soulevés et les propositions seront utiles à Mme la ministre, et nous vous offrons notre entière collaboration pour donner suite à ces actions.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Lelièvre. Nous allons débuter immédiatement nos échanges, et je vais donner la parole à Mme la ministre des Communications, de la Culture et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci beaucoup, madame, d'être ici ce matin. C'est très agréable de vous entendre parler d'archéologie, et c'est vrai qu'il se développe une passion pour toute la question archéologique au Québec. Et on le voit avec le Mois de l'archéologie qui, je pense, sensibilise beaucoup, beaucoup les gens, et particulièrement, comme vous l'avez dit, les enfants. Les enfants sont très, très friands d'archéologie, et c'est très agréable de les voir.

D'ailleurs, je veux vous féliciter pour l'exposition, l'été dernier, que vous avez faite... tenue à Montréal sur des objets de l'île de Pâques, que j'ai visitée incognito pour pouvoir aller me... prendre un bain de foule. Ça a été tout un bain de foule parce que c'était vraiment... Il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde. J'ai remarqué beaucoup de touristes, aussi, américains qui ont visité en même... bien, le jour où je suis allée, et également les enfants qui étaient absolument fascinés.

Alors, félicitations pour cette exposition qui était tout à fait exceptionnelle et toutes les autres que vous faites, évidemment, et aussi pour les nombreux prix que vous avez remportés.

Vous nous parlez du centre national d'expertise en archéologie. Ce centre national, vous le voyez comment? Qu'est-ce que vous avez en tête? Est-ce que ce serait de doter le musée Pointe-à-Callière d'un centre national d'expertise en archéologie, en fait, de donner une autre mission à Pointe-à-Callière? Est-ce que c'est ce que vous avez en tête?

Mme Lelièvre (Francine): Ce que nous avons en tête, dans le fond, c'est d'élargir la mission de Pointe-à-Callière. Nous considérons qu'après près de 20 ans nous avons touché à peu près toutes les facettes de l'archéologie, autant au niveau de la conservation, le in situ, les collections, évidemment la recherche, la diffusion sous toutes ses formes, et on s'est dit que, compte tenu que nous sommes le seul grand musée d'archéologie au Québec, nous pourrions offrir cette expertise à l'ensemble du Québec. Alors, c'est d'élargir la mission en collaboration étroite, évidemment, avec le ministère de la Culture qui définirait l'ampleur de ce mandat qu'il pourrait nous octroyer dans un souci de partenariat, de travailler en réseau et de soutenir, je pense, le projet de loi et les municipalités.

Mme St-Pierre: Comment le voyez-vous en termes d'effectifs? Est-ce que, sur le plan de, aussi... Parce que j'imagine que ça nécessiterait des locaux.

**(10 h 30)**

Mme Lelièvre (Francine): Nous le voyons en deux volets. Nous considérons qu'il y aurait la prise en charge au niveau de la gestion de la collection gérée par le ministère de la Culture ainsi que les collections privées. Vous savez, au Québec, la totalité des collections, des grandes collections, ont été octroyées en mandat à des institutions muséales, que ce soit la collection des beaux-arts octroyée au musée des beaux-arts de Québec, la collection d'art contemporain au Musée d'art contemporain et la collection ethnographique au Musée de la civilisation. La seule collection qui s'empile dans un entrepôt, c'est la collection archéologique. Je pense qu'il y a 40 ans nous n'avions pas les infrastructures et l'expertise peut-être au Québec pour procéder autrement. Maintenant que le gouvernement du Québec a contribué à créer une institution-phare en archéologie, phare au Canada, alors je pense que le contexte est mûr, le contexte est favorable à ce qu'on donne un peu plus de lumière à ces collections archéologiques.

Le centre d'expertise, c'est quelques personnes, c'est d'essayer, je dirais, de donner des outils. Alors, c'est, je pense... Nous, on a fait un très gros travail de politique de gestion de collections archéologiques, de modes d'acquisition, de, je dirais, s'assurer de tous les moyens pour préserver des sites du monitorage, des programmes en cas de sinistres, enfin surtout des aspects... que ce soient les aspects sécurité, les aspects techniques, les aspects recherche, conservation. Alors, je me dis: Pourquoi on n'en ferait pas bénéficier les autres lieux, les autres institutions, les villes avec qui on pourrait développer des partenariats, des ententes? En réalité, on dit: On offre ce service.

Ce que ça implique comme ressources, c'est très modeste. Nous sommes un musée très modeste, Mme la ministre. On a toujours été habitués... Enfin, moi, personnellement, je viens de la Gaspésie, alors on se débrouillait avec peu de chose, et c'est un peu le cas aussi de Pointe-à-Callière. Nous sommes... Vous savez que, Mme la ministre, nous ne sommes pas un musée accrédité, donc non soutenu au fonctionnement par le gouvernement du Québec mais plutôt par la ville de Montréal. Alors, je dirais, nos contributions publiques ont toujours été très modestes. Par contre, nous réalisons beaucoup. Alors, c'est un peu dans cet esprit qu'on se dit, et j'ai toujours dit à mon personnel: On ne pourra jamais... Non, on n'aura jamais les ressources pour tout faire ce qu'on veut faire, il faut essayer de le faire avec les autres. J'ai travaillé en partenariat.

Mme St-Pierre: Oui. Je pense que le gouvernement du Québec a bien reconnu votre mission récemment en investissant 20 millions de dollars. Je pense qu'il faut le souligner.

Mme Lelièvre (Francine): Tout à fait, au niveau des immobilisations.

Mme St-Pierre: Il faut souligner également que les contribuables québécois doivent être au courant de cet apport financier là. Vous êtes un musée de la ville de Montréal; vous n'êtes pas un musée du gouvernement du Québec aussi. C'est la ville de Montréal qui contribue à votre fonctionnement. Donc, il y a de l'argent aussi de l'État, mais qui vient de la ville de Montréal dans votre fonctionnement.

Mme Lelièvre (Francine): ...juste. Nous sommes un OSBL, pas nécessairement un musée de la ville de Montréal comme... au même titre que le Centre d'histoire ou le Musée de Lachine. Nous sommes un musée autonome comme la majorité des musées, mais nous recevons une contribution annuelle de la ville de Montréal. Et, au niveau des immobilisations des projets, le gouvernement du Québec nous appuie. D'autant plus, nous avons, dans ce cadre-là, un projet d'expansion, et la phase I vient d'être annoncée par vous-même, Mme la ministre.

Et j'avoue que nous sommes dans une salle historique ici aujourd'hui devant, enfin, ce personnage historique, Louis-Hippolyte La Fontaine, qui a été le chef d'État avec, enfin, M. Baldwin, dont vous venez, M. le Président... de votre comté. Et j'ai remarqué qu'il était très jeune, hein, il est devenu chef du gouvernement à 34 ans. Mais les fouilles archéologiques, les chantiers de fouilles que nous commençons cette année, les trois chantiers de fouilles, il y en a un que c'est vraiment sur le site du premier Parlement du Canada-Uni où La Fontaine et Baldwin étaient, si on peut dire, co-chefs d'État. Alors donc, pour nous, ça veut dire quelque chose, ça veut dire beaucoup, et nous vous remercions, Mme la ministre, de nous donner cette opportunité de pouvoir faire ce grand chantier de fouilles.

Alors, pour revenir à votre question sur, je dirais, le centre d'expertise, oui, ça demande des locaux, oui, ça demande un peu de ressources humaines, mais modestement. Je pense qu'on peut travailler ensemble à regarder... selon les mandats, d'y aller par étapes, d'y aller graduellement et d'essayer de travailler en réseau.

Alors, ce n'est pas des ressources énormes, je pense, qu'on peut identifier pour y arriver. C'est plus une infrastructure qui existe et qu'on pourra utiliser davantage. On en fait, des expositions, à chaque année, alors on pourrait en faire un peu plus, mettons, en archéologie du Québec plutôt qu'en histoire de Montréal par exemple. On les fait déjà. Des publications, on est déjà en train... on travaille déjà avec des maisons d'édition.

Au niveau international, on pourrait assurer un certain rayonnement aux collections archéologiques du Québec, à tout le patrimoine du Québec. On a un réseau international. Et c'est parce qu'on est un musée d'archéologie qu'on a réussi, avec une légitimité, à aller chercher des trésors de l'humanité que beaucoup de grands musées au Canada avaient essayé d'obtenir et qu'ils n'avaient pas obtenus. Donc, notre caractéristique d'être un musée d'archéologie est aussi, je dirais, un point positif.

Quant à des locaux, c'est sûr qu'étant construits sur des sites historiques et archéologiques nos locaux sont toujours réduits, mais on pense... on est en train de faire une étude de potentiel et on pense qu'il y a possibilité d'allier une sauvegarde de bâtiments patrimoniaux de grande importance et de peut-être joindre, je dirais, les fonctions de mise en valeur du patrimoine archéologique.

Mme St-Pierre: M. le Président, je pense que mon collègue, mon adjoint parlementaire, a des questions, alors je vais lui laisser la chance d'en poser. Merci.

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Lévis, la parole est à vous.

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire et, surtout, la qualité du travail que vous faites, parce que je vois que vous avez reçu quand même 76 prix d'excellence, dont 12 internationaux, ce qui est quand même exceptionnel. Donc, félicitations! Je vois également que vous avez développé une grande expertise.

Mme Lelièvre (Francine): Je vous remercie au nom de mon équipe.

M. Lehouillier: Merci beaucoup. Alors, je vois que vous avez, en fait, deux éléments majeurs dans votre mémoire, qui sont d'ailleurs en gras dans votre texte, et vous proposez les modifications suivantes: «Le ministre peut octroyer un mandat national en matière d'archéologie à une institution qui dispose de l'expertise pour le faire. Il lui appartient d'établir la portée et l'étendue de ce mandat.» Et vous proposez également la mise en place d'un centre national d'expertise, comme la ministre le soulignait tout à l'heure. Sauf que je regarde, au Québec actuellement, il y a à peu près 400 institutions muséologiques et il y a à peu près 125 musées, là, reconnus par le ministère là-dessus.

Alors, ma question est la suivante, c'est: Est-ce que la Société des musées appuie votre démarche? Parce que j'imagine que vous vous voyez comme étant ce centre d'expertise là. Et on sait également que le Musée de la civilisation, à Québec, a en main des collections qui sont... dont ils sont fort fiers. Donc, ne croyez-vous pas que vous allez relancer un débat Québec-Montréal comme au hockey au niveau du centre national? Alors donc, pour que les téléspectateurs, ceux qui nous écoutent, comprennent bien, alors je veux juste voir pourquoi vous voyez, à ce moment-ci, la pertinence d'intégrer ça dans un projet de loi, alors que, semble-t-il, en tout cas à moins que vous me disiez le contraire... Est-ce qu'il y a eu une concertation de faite entre les institutions muséologiques au Québec sur cette question-là? C'est un peu ma question.

Mme Lelièvre (Francine): Vous avez plusieurs volets à votre question.

M. Lehouillier: Oui, c'est ça.

**(10 h 40)**

Mme Lelièvre (Francine): Enfin, je vais essayer de m'en souvenir. Quant à la Société des musées québécois -- j'ai une lettre ici, elle est sûrement à quelque part, elle date de l'an dernier -- oui, nous avons un appui de la Société des musées québécois au niveau du mandat national en archéologie. Pourquoi? Pour toutes les bonnes raisons que je vous ai expliquées tout à l'heure. Il n'y a pas un grand choix de... Il y a quelques institutions en archéologie au Québec. On peut les compter sur les doigts de notre main, mais ce sont des petites institutions, souvent des sites historiques.

Loin de nous de vouloir lancer le débat sur le hockey Montréal-Québec, surtout pas, quoique c'est très tendance dans le moment. Nous sommes conscients quand même de la sensibilité des collections. Parce qu'il y a deux pôles importants en archéologie, à part les régions, qui sont un peu plus disséminées. Il y a deux pôles vraiment importants, c'est Québec et Montréal. Alors, je pense qu'il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître. Et, nous, dans notre approche, on a toujours essayé de considérer qu'au point de départ une collection archéologique devrait rester dans les lieux où elle a été trouvée.

L'archéologie, la seule façon, je pense... La meilleure façon de connaître l'environnement, de faire parler une collection archéologique, c'est en connaissant très bien les sites qui ont permis de les trouver, de les identifier. Chaque couche apporte son message. C'est la façon, je dirais, la technique de connaissance. Donc, l'idéal serait que les collections archéologiques demeurent partout d'où elles sont issues.

Ceci étant dit, on ne peut pas mettre en valeur les 8 000 sites archéologiques ou les 9 000 du Québec, et ils ne sont pas tous d'égale importance. Il y a des choix à faire. Et il y a aussi des collections privées, des promoteurs, des gens, des propriétaires de collection qui trouvent, je dirais, des artefacts archéologiques sur leur terrain et puis ils ne veulent pas nécessairement les conserver, et puis ils transforment le lieu d'une façon commerciale ou autre. Alors, ils les cèdent pour être gérés par le gouvernement. Donc, entre l'idéal et la réalité, il y a des corpus de collections.

Nous, on se dit que, pour éviter, je dirais, des difficultés d'accessibilité aux grandes collections, nous proposons qu'il y ait deux lieux où on pourrait avoir accès aux collections, dont, je dirais, la région de Québec, peut-être l'Est du Québec, et puis la région de Montréal et peut-être l'Ouest du Québec. Je vous tranche ça un petit peu rapidement, mais notre objectif est vraiment d'accélérer ou d'accentuer l'accessibilité. Alors, je pense que le but n'est pas de tout déménager à Montréal.

Et, aujourd'hui, si on regarde les musées, les musées utilisent très peu la collection archéologique. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas la connaissance. Les collections ne sont pas numérisées, alors que toutes les autres collections sont numérisées. Nous, comme musée, quand on a besoin des collections du British Museum, bien, on regarde... On ne va pas au British Museum fouiller dans leur réserve, on regarde sur les banques de données et puis on connaît leurs collections, donc on est en mesure de demander le prêt de trois, cinq ou huit pièces. Alors, on travaille comme ça à l'échelle mondiale. Pourquoi on ne travaillerait pas comme ça à l'échelle... chez nous?

Donc, ça, je pense que c'est faisable. Et, en numérisant, on va rendre accessible à beaucoup plus de monde en région, aux institutions muséales, et les chercheurs... parce qu'en réalité ceux qui vont dans la réserve pour vraiment vouloir toucher l'objet, puis le regarder, puis l'analyser, ce sont des chercheurs, ce sont ceux qui travaillent sur un projet particulier, précis. Alors, la fréquentation de la réserve se fait en fonction des projets. Donc, il peut y avoir toutes sortes d'ententes, un prêt pendant 10 ans à l'université qui travaille sur un corpus, puis après, bon, ils sont retournés à la réserve... à une réserve. Je pense qu'il y a des ententes, des modalités qui peuvent être faites. Pour moi, ce n'est pas une problématique. Quant au Musée de la civilisation, bien, je pense qu'ils font un excellent travail et ils sont... Je ne connais pas vraiment trop leurs projets, mais je sais qu'ils sont en demande d'une réserve, et une demande de réserve, je crois que c'est complémentaire à notre projet.

M. Lehouillier: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Moi, ça éclaircit davantage notre réflexion. Merci beaucoup de ces commentaires. Est-ce qu'il y a du temps pour une question?

Le Président (M. Marsan): Non, c'est terminé, M. le député de Lévis, et je vous remercie.

Nous allons poursuivre, et je vais donner la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député de Drummond, la parole est à vous.

M. Blanchet: Mesdames, bonjour. Moi, si j'avais à vous saluer, je le ferais au nom de mes enfants, qui sont des habitués du musée de la Pointe-à-Callière. Pour eux autres, c'est simplement «le musée»: «Papa, quand est-ce qu'on va au musée?» Quand on vient à Québec, c'est celui de la civilisation, mais en général, c'est le vôtre. Et d'ailleurs, dans l'exposition sur la rue Sainte-Catherine, pour parler de hockey, vous avez un masque, si je ne m'abuse, c'est celui de Jacques Plante.

Mme Lelièvre (Francine): C'est exact.

M. Blanchet: Donc, on peut rester dans le hockey un peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: Je n'élaborerai pas beaucoup sur le mandat national, sauf pour mentionner que je pense que l'idée mérite une réflexion approfondie, compte tenu de la complexité et de la dispersion des objets et de l'expertise, mais je crois que mon collègue veut revenir là-dessus, alors... et ça soulève aussi toute la question de la place des musées dans la formulation de la loi telle qu'elle existe présentement. Donc, je pense que c'est un élément très important.

Je veux revenir, par contre, sur la question de la dispersion des moyens et des expertises. La loi présume, doit présumer que les moyens... mais je n'élaborerai pas sur les moyens financiers, mais que les gens à qui on transfère des responsabilités, normalement les municipalités, disposent des moyens financiers pour assumer ces responsabilités-là. Ça reste à être démontré.

Par contre, il faut aussi présumer que les municipalités auront accès à une expertise -- et, dans le cas présent, c'est l'inquiétude que je soulève -- pour faire en sorte que les municipalités du Québec, en particulier les plus petites et même les moyennes, soient capables d'assumer ce genre de responsabilités. Est-ce qu'elle existe, cette expertise-là? Est-ce qu'on a les moyens humains de ce projet?

Mme Lelièvre (Francine): Pour le moment, cette expertise existe dans les grandes villes, existe dans certaines villes comme Lévis. Enfin, tu sais, ça existe à quelque part, mais très peu dans l'ensemble des municipalités. Je vais laisser la parole à ma collègue pour peut-être en...

Le Président (M. Marsan): Mme Limoges.

Mme Limoges (Sophie): Alors, effectivement, il y a des archéologues dans deux... dans les grandes villes, Montréal, Québec. En région, par contre, il y a des experts qui s'y trouvent soit à travers les firmes privées, des professionnels autonomes, à l'intérieur de certaines institutions également. Donc, il y a des experts un petit peu partout, évidemment, mais il n'y a personne qui est nécessairement mandaté pour aider les municipalités en région.

Nous, à travers le centre d'expertise, ce serait de tisser des liens entre tous ces experts et de faire en sorte qu'on ait une vision d'ensemble sur l'archéologie et qu'on développe ensemble, les experts et le centre d'expertise, des outils qui viendraient en soutien, qui viendraient en accompagnement aux municipalités qui se voient confier de nouvelles responsabilités.

M. Blanchet: O.K.

Mme Lelièvre (Francine): Je pourrais peut-être ajouter... On est... C'est sûr qu'on ne peut plus aujourd'hui dissocier l'archéologie de l'aménagement de territoire, et c'est comme un peu logique que les législateurs confient aux instances municipales, par la loi déjà là, par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme... Alors, on dit que... Moi, je considère que -- c'est dans la même foulée que le patrimoine culturel -- il y a des segments qui puissent être confiés à des villes. Québec n'est pas le seul à faire ça, on sait que déjà l'Australie l'a fait, le Japon et, si ma mémoire est bonne, la Grande-Bretagne.

Mais on comprend l'hésitation des villes, parce qu'il y a une absence d'expertise. Nous, aujourd'hui, on parle d'archéologie, mais ça va être vrai pour les paysages, ça va être vrai pour d'autres aspects de la loi. C'est pour ça que, nous, on se dit: C'est peut-être indispensable d'apporter des appuis, de rassurer les villes, et c'est dans cet esprit qu'on vous proposait qu'il y ait au Québec un centre d'expertise.

Il est très important que les responsabilités soient claires, et à tous les niveaux de responsabilité. Le centre d'expertise ne viendra pas enlever les responsabilités du ministère de la Culture, ni les responsabilités des grandes villes, ni les responsabilités des MRC. Mais je pense qu'on peut et on doit indiquer aux gestionnaires de l'aménagement puis de la culture qu'il y a des recours. Ils doivent avoir des recours et ils peuvent avoir des recours à de l'expertise externe. C'est le cas des bureaux de conseil en urbanisme, par exemple, là, en ingénierie; ça pourrait être la même chose en archéologie.

**(10 h 50)**

M. Blanchet: Je me permets de mentionner que je suis tout à fait d'accord avec le principe de la décentralisation. D'une part, rapprocher la ressource et l'expertise de l'usager, de la personne qui ira le voir ou qui l'administrera, c'est en général sain. C'est d'autant plus vrai en archéologie. On enlève toujours une partie du sens d'un objet ou d'une pratique lorsqu'on l'éloigne du milieu auquel il est une adaptation au sens anthropologique du terme. Donc, effectivement, je ne peux qu'être très d'accord.

Cela dit, le projet de loi et les réflexions parlent beaucoup d'inventaire, et on a parlé des limites qu'il faut mettre à quelque part là-dedans. Une des hésitations que j'ai, c'est qu'en archéologie, en particulier au Québec, on découvre régulièrement des nouveaux sites, et, s'il y a une valeur et un intérêt très variables d'un site à l'autre, il y a encore la possibilité que des sites fort intéressants soient trouvés. Et, si, sous prétexte d'arrêter un exercice pour être capable de faire un inventaire, on le circonscrivait dans le temps, est-ce qu'on ne risquerait pas d'exclure ou de limiter l'accès à cet inventaire couvert et protégé à de futures trouvailles?

Mme Lelièvre (Francine): Peut-être que je ne comprends pas l'essence de votre question, mais un inventaire n'est jamais terminé. Les sites archéologiques, si on en a trouvé près de 9 000 en 40 ans, vous pouvez vous assurer qu'on va en trouver d'autres dans les prochains 10 ans, 20 ans. Alors, un inventaire, c'est, je dirais, un outil.

Vous savez, j'ai travaillé plusieurs années au gouvernement du Canada, à Patrimoine Canada, dont Parcs Canada, à Québec, et puis on s'est posé les questions, je dirais, assez sérieusement sur comment arriver à faire des choix, à définir des priorités puis à... Alors, on s'est défini très, très, très fort sur l'ensemble des thèmes qu'on pouvait retrouver dans une société, de la représentativité et du sens. Alors, on s'est... À un moment donné, on s'est dit: Ouais, des sites militaires, des forts qu'ils nous abandonnent, on commence à en avoir suffisamment. Par contre, il y a des secteurs comme la pêche en Gaspésie, où ça n'a jamais été touché. Donc, il y a des... Un inventaire, ça sert à réfléchir, ça sert à préparer des analyses, définir qu'il faut des analyses. Puis, une fois qu'on a des analyses, on devrait être capables de faire de la diffusion, mais essentiellement de gérer, de prendre des bonnes décisions et de prioriser des choses.

On est une société qui ne sera jamais superriche. Et, comme dans n'importe quel secteur, je pense qu'il faut avoir... il faut faire des choix, mais des choix avec rigueur. Et, en archéologie, dans le moment, on ne peut pas faire de choix parce qu'on ne connaît pas.

M. Blanchet: Je vous précise ma pensée. Lorsqu'on parle, par exemple, de patrimoine bâti, on dit qu'il va falloir mettre une limite à quelque part, sinon on ne sera pas capables de dresser un inventaire et de le gérer, parce que ça vient avec des dépenses, hein? Il y a une implication financière. On ne peut pas mettre cette limitation-là sur des trouvailles futures, donc, en archéologie. Donc, il faut avoir une espèce de nuance, je suppose.

L'autre élément, il y a des sites qu'on ne retiendra pas. Exemple, des forts, on commence à en avoir pas mal. Est-ce que la loi ne devrait pas s'assurer que, lorsqu'un site sera, passez-moi l'expression, abandonné, il faut d'abord au préalable que l'ensemble de la connaissance qu'il contient soit extraite -- autrement dit que ce ne soit pas juste une région, une municipalité qui dise «c'est correct, on ne le garde pas» -- avant que les historiens et les archéologues aient pressé le citron de toute la connaissance historique et archéologique qu'il contient. Est-ce que la loi devrait contenir ça?

Mme Lelièvre (Francine): On est tout à fait d'accord avec vous. C'est exactement ce que je disais. Il faut connaître. Pour connaître, il faut faire des analyses avant de décider. Alors, oui. Même nous, on est un musée d'archéologie et on est en train de rénover un bâtiment. Recyclage. Du recyclage de bâtiment. On va faire... On fait des fouilles archéologiques dans le sous-sol. Est-ce qu'on va tout garder? Je pense qu'on va tout documenter. On va vraiment faire toutes les analyses. On va avoir la connaissance et, après, on fera un choix: qu'est-ce qu'on garde puis qu'est-ce qu'on ne gardera pas.

Alors, c'est la même chose pour l'ensemble, je pense, du patrimoine archéologique. La démarche est la même que pour le patrimoine bâti. Je pense qu'il faut faire des choix, mais, je reviens, avant, il faut vraiment connaître, il faut analyser et avoir la capacité de décider. Oui, il faut... Est-ce qu'on doit le mettre dans la loi? Je pense qu'on a mis plusieurs mesures dans la loi. La question se pose toujours: Qu'est-ce qu'on met dans la loi puis qu'est-ce qu'on ne met pas dans la loi? Est-ce que ça peut être des mesures? Est-ce que ça peut être un plan d'action, un plan de... Il y a déjà des indications dans la loi où, dans certains cas...

J'avais relevé un certain nombre d'articles qui sont des mesures. Si on a fait le choix, le gouvernement a fait le choix de les mettre dans la loi, c'est parce qu'ils veulent lui accorder toute l'importance qu'elles méritent. Ils veulent lancer un message à la population et aux citoyens. Dans cet esprit-là, je... c'est pour ça que ce que, nous, on recommande, c'est que ce soit dans la loi: pour leur donner plus de force.

M. Blanchet: Merci. Je vais laisser la parole à mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, la parole est au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques. M. le député.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Pour l'information de mes collègues, le musée de Pointe-à-Callière est dans ma circonscription électorale, la partie sud-ouest donc, où a été fondé Montréal.

Je vais aller rapidement parce que le temps passe très, très vite. L'archéologie, on pourrait en parler longuement. Au-delà des films d'Harrison Ford, c'est aussi Schliemann, Evans, et tous les grands découvreurs des trésors de l'Antiquité qui ont des histoires tout à fait fascinantes.

Ce que je retiens... parce que le temps manque, mais ce que je retiens un peu, c'est un petit paragraphe de votre page 6, et je vais vous poser des questions assez précises, même un peu simplistes. Et vous m'en excuserez, c'est pour bien comprendre le fond de votre mémoire. À l'heure actuelle, qui décide: Là, il y a des recherches? Que ce soit en Abitibi, à Montréal, à Québec ou en Gaspésie, qui décide: Là, il y a des recherches archéologiques?

Le Président (M. Marsan): Mme Limoges.

Mme Limoges (Sophie): Alors, qui décide là où il y a des recherches? Il y a, je pense, différentes personnes. D'abord, il y a des intérêts de recherche par les universitaires qui vont s'intéresser à des thématiques ou à des régions particulières. Donc, ça, c'est déjà une. Il y a aussi évidemment les projets de recherche de fouilles archéologiques qui sont générés par les projets de développement, de développement urbain ou les barrages, tout ça. Donc, ça, c'est une autre possibilité.

Maintenant, ne fait pas des fouilles qui veut sur le territoire. Évidemment, il faut avoir une formation en archéologie, et l'émission des permis archéologiques est faite par le ministère de la Culture, par les archéologues qui gèrent évidemment ce secteur-là à Québec et à Montréal: Québec pour l'Est et Montréal pour toutes les interventions qui sont faites dans l'Ouest de la région. Il y a aussi Parcs Canada pour les terrains fédéraux.

M. Lemay: ...qui appartiennent au... Donc, ultimement, on peut dire qu'il y a une certaine centralisation parce que Québec doit émettre un permis de fouilles, avec les conditions évidemment qui s'accompagnent de tout permis émis par un organisme public.

Mme Limoges (Sophie): Oui.

M. Lemay: Qui paie ces recherches-là? Encore là, est-ce que c'est selon... Est-ce que c'est l'université, Hydro-Québec dans le cas de barrages? Donc, c'est...

Mme Limoges (Sophie): Le ministère des Transports.

M. Lemay: Le ministère des Transports si c'est sur ses territoires.

Mme Limoges (Sophie): Le ministère de la Culture pour certains programmes ou encore certaines villes aussi où il y a des recherches. Il n'y a pas beaucoup d'exemples au Québec, mais on en a quelques-uns où des promoteurs se sont impliqués également au niveau du financement. Je pense notamment à la famille Price, avec l'Auberge Saint-Antoine, ou au Domaine Longwood, à Lévis, où... Ça, c'est encore de rares exemples.

M. Lemay: Donc... Excusez-moi, je vous bouscule un peu parce que le temps manque. Donc, ce je comprends, c'est que, très souvent, les permis sont émis suite à une demande à cause de travaux ou autres. Donc, il n'y a pas, disons, une analyse globale de la situation au Québec, et là les permis s'émettent suite, bien sûr, à des travaux mais suite aussi à une vision globale des choses. Et on devrait peut-être mettre nos ressources de ce côté-là à la place de suivre seulement les organisations qui, elles, demandent des permis à cause de travaux qu'elles ont à faire, par exemple.

Mme Limoges (Sophie): Exactement. Bien, le milieu de l'archéologie aimerait, hein, pouvoir arriver à faire une planification, avoir une vision d'ensemble, planifier, programmer. On en est là maintenant.

M. Lemay: Bien, c'est ce que je comprends de votre... à la page 6: «Les travaux menés par les chercheurs sont d'excellente qualité mais ils procèdent d'initiatives de chercheurs sans égard parfois à une planification -- d'où mes questions, là -- concertée avec les réseaux de recherche et de diffusion.»

Ma dernière question simpliste: Où vont les découvertes, les trouvailles, les trésors que découvrent les archéologues lors de leurs travaux?

Mme Limoges (Sophie): Il y a plusieurs lieux de tombée. Alors, évidemment, la majorité, c'est aux laboratoires, réserves gérées par le ministère de la Culture, ici, à Québec. Il y a aussi... Au moment des fouilles, les universités en ramènent dans leurs institutions pour fin d'analyses. Par la suite, elles sont redéposées au ministère. Et il y a aussi... On a une problématique aussi au Québec, il y a des ententes qui sont prises avec des propriétaires aussi de terrains, plusieurs collections privées sont déposées au ministère, mais il y a aussi des collections privées qui demeurent dans les résidences des propriétaires. Ça aussi, c'est une problématique.

M. Lemay: Est-ce que... Je ne sais pas combien de temps il reste?

Le Président (M. Marsan): En terminant.

**(11 heures)**

M. Lemay: En terminant, bon. Bien, est-ce que les fouilles de Parcs Canada s'en vont dans des institutions fédérales à ce moment-là?

Mme Limoges (Sophie): Oui, Parcs Canada a une réserve ici, à Québec, aussi pour gérer cette ressource-là, toutes les collections qui proviennent de leurs terrains.

M. Lemay: Ce qui explique peut-être, en terminant, M. le Président, que toutes les archives du Parlement du Bas-Canada, pour ce qu'il en reste en tout cas, suite à l'incendie de 1849, se retrouvent à Ottawa et non pas ici, à Québec. Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lelièvre, Mme Limoges, je vous remercie pour nous avoir présenté le point de vue sur le projet de loi n° 82 du Musée d'archéologie et d'histoire de Montréal, Pointe-à-Callière.

J'inviterais maintenant les représentants du Conseil des monuments et sites du Québec à venir prendre place à notre table et je vais suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

 

(Reprise à 11 h 3)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Conseil des monuments et sites du Québec, représenté par Mme Louise Mercier, qui en est la présidente. Mme Mercier, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.

Conseil des monuments et
sites du Québec (CMSQ)

Mme Mercier (Louise): Alors, bonjour. Bonjour, Mme la ministre, bonjour, MM. et Mmes les députés. Je vous présente mes collègues: à ma toute gauche, Robert Pelletier, qui est membre du conseil d'administration et architecte en pratique privée au Centre-du-Québec; M. Charles Méthé, qui est membre du conseil d'administration et également membre de notre comité Avis et prises de position de l'Est; mon collègue Robert Mayrand, qui est agent de liaison du comité de prises de position de l'Est. Voilà.

Alors, d'abord, j'aimerais vous présenter notre organisation. Le Conseil des monuments et sites du Québec est un organisme privé à but non lucratif qui oeuvre depuis 1975 à protéger, mettre en valeur, faire connaître le patrimoine bâti et les paysages culturels du Québec. Cette mission se traduit par: des actions d'éducation et de sensibilisation auprès des jeunes publics et auprès du grand public; des actions de diffusion, par le biais du magazine Continuité, qui est le seul magazine de patrimoine au Québec; par la formation offerte au milieu patrimonial et aux professionnels sur l'outil de la caractérisation, entre autres; des actions de représentation auprès des élus et des décideurs d'innombrables dossiers de protection et de sauvegarde et sur des problématiques d'aménagement urbain.

L'organisme est également propriétaire d'un site classé exceptionnel, la maison Henry-Stuart, ici, à Québec, qui est classé tant pour l'immeuble, son site, son jardin, son intérieur, sa collection. C'est un des rares cas de classement mur à mur. Nous en sommes très fiers. C'est moi qui l'ai demandé à la fin des années quatre-vingt, ce classement, et nous l'assumons parfaitement. Nous sommes également un musée reconnu, non financé et nous avons un statut, pour cette maison, à l'échelle fédérale.

Nous sommes en réseau avec tous les intervenants en patrimoine au Québec. Nos administrateurs proviennent de toutes les régions du Québec et représentent les grandes disciplines liées au patrimoine: ils sont architectes, architectes paysagistes, urbanistes, historiens, historiens de l'art, muséologues, gestionnaires culturels, archéologues, consultants en patrimoine.

Deux comités Avis et prises de position, qui regroupent des experts du domaine du patrimoine, siègent toutes les six semaines pour étudier des dossiers et des questions de protection et de sauvegarde du patrimoine au Québec. Ces dossiers nous sont transmis par les citoyens, par des groupes déterminés à assurer la pérennité de leur patrimoine de leur milieu.

Nos membres sont des citoyens, des organismes, des municipalités, des MRC et des professionnels en patrimoine. Cette longue expérience sur le terrain de 35 ans nous a permis de constater de nombreuses lacunes dans la gestion et la préservation de notre patrimoine culturel au cours des dernières décennies. C'est en tablant sur cette expérience que nous avons participé à la réflexion générale pour doter le Québec d'une politique du patrimoine bâti, et j'aimerais ici rappeler quelques actions dans ce sens.

Je remonte à 1982 où le Conseil des monuments et sites du Québec a adopté la Charte de conservation du patrimoine québécois, la déclaration de Deschambault. Et, dans cette charte, on pouvait lire -- je vous cite un petit paragraphe qui, quand même, donne le ton: «Cette notion élargie du patrimoine englobe [...] tous les éléments de notre civilisation considérés non seulement un à un, mais au sein d'ensembles historiques culturels, traditionnels ou, plus simplement, représentatifs de l'adaptation de l'homme à son milieu. Elle inclut ainsi la notion du paysage culturel, témoin des relations du milieu construit avec le milieu naturel.» On était en 1982.

En 1985, le CMSQ, c'est l'acronyme qu'on adopte, se prononce sur la modification de la Loi sur les biens culturels, qui donne des pouvoirs accrus aux municipalités en faisant valoir l'importance de l'expertise et des ressources financières associées à ses nouveaux pouvoirs. En 1989, le conseil collabore avec la Direction du patrimoine du ministère en vue de la création d'une politique du patrimoine. En 1992, le conseil récidive dans le cadre de l'adoption de la politique culturelle et fait valoir l'importance d'une politique du patrimoine. En 1999, l'organisme participe à la consultation du groupe de travail Arpin et dépose un document de réflexion intitulé Éléments pour une politique du patrimoine bâti. En 2008, le conseil participe à la consultation sur le livre vert et dépose un mémoire. Également, donc, pour ce projet de loi, vous avez en main le mémoire que nous avons déposé l'automne dernier.

Autant d'actions qui démontrent notre intérêt pour le Québec, pour le patrimoine du Québec et pour que le Québec se dote des outils qui pourraient réellement assurer l'avenir du patrimoine québécois. Nous avons toujours fait preuve de cohérence dans notre réflexion et de persévérance dans notre action, et notre action terrain nous offre tous les jours l'occasion de constater les lacunes des outils à la disposition des intervenants et les pertes infligées à notre patrimoine culturel. Nous aimerions que les choses changent pour le mieux, et c'est pour ça que nous vous faisons part aujourd'hui de notre réflexion.

Alors, d'entrée de jeu, dans notre mémoire, vous avez pu voir des exemples concrets, avec des images, des images couleur, je pense que les images valent mille mots. Nous étions curieux... En fait, dans l'exercice qu'on s'est donné en début de ce mémoire, c'est... Nous étions curieux de voir comment le projet de loi, les nouveaux éléments amenés dans la loi changeraient vraiment les choses dans l'application sur le terrain. Et l'analyse que nous avons menée sur certains dossiers récents, en comparant l'application de l'ancienne loi et de la nouvelle, nous a démontré que très peu de choses vont changer dans les faits, que les améliorations souhaitées ne se réaliseront probablement pas pour différentes raisons qui sont déjà prévisibles.

Je reprendrais le cas du Moulin du gouffre, à Baie-Saint-Paul. C'est un moulin qui était classé depuis les années soixante, qui avait un carnet de santé à partir du moment où le ministère a fait un carnet de santé. Pour 1 000 raisons, ce bâtiment s'est dégradé et sa structure s'est affaissée en 2008, et nous pensons que, malgré les nouveaux outils qui sont proposés, le cas ne serait pas différent aujourd'hui, même en mettant à l'amende les propriétaires qui, de toute façon, n'auraient probablement pas été capables de payer cette amende. Voilà.

**(11 h 10)**

Le cas de Chez Henri, à Gatineau, Chez Henri, un immeuble commercial qui a été racheté par un promoteur privé qui voulait développer le site. Ce bâtiment avait été cité en 2002 par la ville de Gatineau. C'était le seul bâtiment cité de la ville. Le promoteur est allé rapidement et a démoli une grande partie du bâtiment avant que la ville ait pu réagir. La ville a pris tous les moyens -- enfin, le ministère aussi -- pour mettre à l'amende, donc, les fautifs. Les amendes sont... Le maximum de ce que la loi permet à l'heure actuelle, représente, réparti, à peu près 130 000 $. 130 000 $ sur un projet de 6 millions, je pense que ça fait partie des profits et pertes du promoteur et, de toute façon, le promoteur, le premier promoteur, a fait faillite, et le second, qui s'est vu attribuer les amendes, les a portées en cour. Donc, je ne pense pas que la question soit résolue avant un assez long laps de temps, et, pour la ville de Gatineau, c'est une perte.

Je vous donnerais, dans le cas du paysage culturel, l'exemple du canal de Grenville, qui est en Outaouais. Ce canal appartenait au fédéral, qui l'a cédé au gouvernement provincial. Le gouvernement provincial l'a cédé lui-même à la municipalité de Grenville. C'est une petite municipalité -- 1 500 habitants -- qui n'arrive pas à assumer les frais que ça représente simplement de maintenir en état cet élément, qui est un élément caractéristique du paysage du milieu. Nous ne pensons pas que la nouvelle loi, même avec la protection des paysages qu'elle annonce, change quoi que ce soit pour ce site. Mais enfin on peut se tromper, mais on en verra la démonstration.

Je vais reprendre ici les huit recommandations que nous faisons simplement en étoffant un peu l'énoncé de ces recommandations-là, et, après, nous pourrons prendre vos questions à cet effet-là.

Donc, en vue de bonifier le projet de loi qui nous est présenté -- nous sommes d'accord, bien sûr, avec le fait que la Loi sur les biens culturels est désuète et qu'il faut la modifier -- le Conseil des monuments et sites fait huit recommandations, la première étant que le ministère doit définir clairement une vision d'ensemble en matière de protection du patrimoine qui devrait forcément s'incarner dans une politique du patrimoine, et celle-ci devrait être adoptée en amont d'une nouvelle loi pour protéger le patrimoine culturel du Québec.

Pour le bénéfice de tous, cette politique devra établir les principes généraux, les stratégies, les orientations qu'entend prendre le gouvernement en matière de patrimoine culturel. Un plan d'action détaillé devra suivre pour la mise en oeuvre de cette politique et de la nouvelle loi qui en découlera. L'ensemble des ministères du gouvernement, les instances locales et régionales, le milieu associatif, les citoyens, les institutions d'enseignement doivent partager une vision commune clairement énoncée afin d'éviter les décisions arbitraires fondées sur une mauvaise interprétation de la loi. Et nombreux ont été les groupes, à ce que j'en ai entendu, qui ont dit la même chose devant cette commission, soit: qu'il faut un cadre de référence extrêmement clair pour éviter l'éparpillement et les interprétations fausses de ce que veut dire la loi.

Le patrimoine devrait faire partie de toutes les grilles d'analyse des projets, comme l'environnement en fait partie la plupart du temps.

Deuxième recommandation: le ministère doit intégrer les études de caractérisation des paysages culturels au lieu de l'inventaire comme principal outil de connaissance du patrimoine territorial et des paysages culturels, non seulement dans le cas de la désignation des paysages comme il est dit actuellement dans le projet de loi. La connaissance approfondie du milieu et de son évolution permettra d'adapter la réglementation nécessaire au contrôle des transformations, de mieux encadrer les projets de développement et finalement de préserver l'identité des lieux. La caractérisation s'applique à toutes les échelles bâties du tissu urbain du territoire, l'arrondissement historique, le paysage.

En fait, l'inventaire peut se comparer à une série de photos et témoigne d'un état au moment où on a pris le cliché, mais elles ne peuvent jamais dire pourquoi et comment le lieu a évolué dans le temps et vers quoi il pourrait évoluer de façon à préserver l'identité des lieux. Donc, l'impact de l'inventaire est limité tandis que la caractérisation offre la connaissance qui peut permettre effectivement de contrôler des transformations et de permettre le développement, même en milieu patrimonial très sensible.

Troisième recommandation: la loi doit privilégier une approche multisectorielle et une concertation interministérielle pour mettre en commun les mécanismes appropriés pour assurer la protection du patrimoine. Les livres verts avaient laissé entendre que la révision de la Loi sur les biens culturels ne pouvait se faire sans tenir compte des autres lois de portée générale ou connexe adoptées depuis, c'est-à-dire la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur la qualité de l'environnement, la loi sur la conservation des paysages naturels, la Loi sur le développement durable et enfin la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Au premier chef, la LAU et la LPTA sont deux lois qui devraient être harmonisées avec la Loi sur le patrimoine culturel. Elle offrent toutes deux des opportunités non négligeables pour préserver le patrimoine. La Loi sur le développement durable est un bon exemple en matière de concertation et d'engagement interministériels. Tous les ministères sont concernés par le patrimoine culturel et devraient prendre part à ce chantier collectif et identitaire.

Quatrième recommandation: le ministère doit de toute urgence se préoccuper de la faiblesse généralisée de la connaissance du patrimoine au Québec et doit se soucier du peu d'accès à une expertise professionnelle spécialisée par les municipalités et les MRC. La loi devrait exiger des compétences en patrimoine et en aménagement de la part de la majorité des membres des conseils consultatifs d'urbanisme et des conseils locaux de patrimoine qui auront à prendre des décisions éclairées pour assurer la pérennité du patrimoine. La bonne volonté ne suffit pas. L'expertise existe au Québec, il faut la reconnaître, la publier et la développer.

Cinquième recommandation: le ministère doit supporter les acteurs locaux et régionaux, les municipalités, les MRC, les organismes en patrimoine, les citoyens par un financement adéquat et un support technique professionnel approprié -- l'accès à la main-d'oeuvre spécialisée, aux professionnels spécialisés dans le domaine du patrimoine, à la formation, par exemple -- l'objectif étant de développer de nouvelles compétences locales qui auront une incidence directe sur la qualité des interventions à long terme.

Sixième recommandation: le ministère doit se soucier des propriétaires de biens patrimoniaux. Ils ont des obligations mais ils doivent aussi avoir du soutien. Leur tâche n'est pas simple, et il ne faut pas oublier que tous n'ont pas les ressources que commandent la nature et l'état de leurs biens. Le ministère de la Culture doit explorer rapidement toutes les mesures qui peuvent leur venir en aide et les inscrire dans la loi.

Le ministère doit offrir un réel support aux propriétaires afin que le patrimoine devienne une plus-value et non un poids à ceux qui en ont la responsabilité, que ce soit par le biais de crédits d'impôts, d'aide directe, d'exemption de taxes foncières, de frein à la hausse de l'impôt foncier sur le bâtiment restauré, d'accès à des ressources-conseils professionnelles spécialisées en patrimoine. L'abolition de la réduction de la taxe foncière dans le projet de loi est un mauvais signal envoyé aux propriétaires. Aucune mesure fiscale n'a été mise de l'avant au Québec depuis 39 ans pour assurer la préservation du patrimoine, contrairement à de nombreux pays qui usent avec succès de ces outils pour réduire le fardeau des propriétaires. Et la seule mesure existante est abolie à partir de 2012.

Septième recommandation: le ministère doit maintenir les mécanismes de veille pour éviter que les biens disparaissent et ne doit pas faciliter le mécanisme de déclassement ou de décitation d'un bien patrimonial, en maintenant tous les niveaux d'avis actuels afin d'éviter les situations désolantes où le propriétaire laisse dépérir un bien pour demander son déclassement ou sa décitation.

Point 8: la loi ne peut réduire à la simple commémoration le patrimoine immatériel. Elle doit reconnaître et valoriser la spécificité des savoir-faire des métiers traditionnels du bâtiment qui sont garants d'interventions adéquates sur le bâti ancien. Il faut absolument profiter de cette loi pour reconnaître enfin des droits spécifiques aux gens de métier du bâtiment traditionnel et assurer leur accès aux chantiers patrimoniaux. Si ce dossier était simple, il serait réglé depuis longtemps, nous en sommes très conscients, mais laisser traîner le problème ne le résoudra pas. Il faut une volonté politique pour modifier les règlements et lois qui contraignent actuellement la transmission des savoir-faire et la restauration du patrimoine bâti.

En conclusion, cette nouvelle loi qui guidera toutes les actions pour les prochains 30 ans ne pourra connaître le succès dans son application que si elle adopte une approche multisectorielle et que si les expertises nécessaires sont reconnues et appuyées. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme Mercier, présidente du Conseil des monuments et sites du Québec. Nous allons immédiatement débuter nos échanges, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

**(11 h 20)**

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci d'être là ce matin parmi nous. Je vais vous dire que, lorsque j'ai lu votre mémoire, j'ai mal digéré mes toasts parce que je trouve que vous êtes tout à fait... Vous êtes injustes dans ce que vous dites, d'abord. Quand on lit ce document, c'est comme si absolument rien... il n'y avait absolument rien de bon dans ce projet de loi.

Notre démarche a été une démarche rigoureuse. Il y a eu le livre vert. Je suis allée partout au Québec, j'ai mené toute une tournée de consultations. Nous avons eu 200 mémoires pour cette tournée de consultations. Pour cette commission parlementaire ici, nous avons 52 mémoires, et je pense qu'il n'y en a aucun qui arrive au niveau du vôtre. Et je le dis en tout respect, je respecte les opinions des autres, je respecte... Mais la façon dont vous traitez ce que les gens du ministère ont fait dans la rédaction de ce projet de loi là, là, je vous dis, ce n'est pas la ministre qui ne le prend pas, là, c'est... Je ne le prends pas, au nom de tous ceux qui ont travaillé sur ce projet de loi là. Et je trouve que c'est injuste, que c'est un mémoire qui ne rend pas justice au projet de loi.

Moi, je suis très ouverte quand les gens viennent nous dire: Bien, on pourrait apporter telle amélioration, telle amélioration, sur un ton qui est respectueux. Le ton de ce mémoire... D'ailleurs, ici, dans votre résumé, vous parler des décennies... «La LBC avait déjà quelques possibilités en [...] le ministre au fil des décennies a très peu utilisé cette option pour de multiples raisons: politiques, légales, d'image probablement.» C'est un procès d'intention, ça.

Moi, là, depuis que je suis ministre, j'ai classé beaucoup de choses: j'ai classé le monastère des Ursulines à Québec, j'ai classé le monastère des Augustines. Ma prédécesseure a classé le monastère des Carmélites. J'ai classé Habitat 67. J'ai classé la maison de Félix Leclerc. On poursuit notre démarche de classement et de protection.

Au Québec, nous avons, en termes de monuments et sites classés ou reconnus: 626 monuments ou sites classés et arrondissements historiques ou naturels qui englobent 10 000 édifices; des aires de protection décrétées, nous en avons 125; des biens ou ensemble mobiliers classés ou reconnus, 188 regroupant plus de 55 000 objets; monuments historiques cités par les municipalités, 597 regroupant plus de 2 000 édifices; des sites du patrimoine constitués, on en a 176.

Nous avons, au fil des ans, depuis que la loi a été adoptée, au fil des ans et ça a été de gouvernement... S'il y a un sujet, je pense, qui a dépassé la partisanerie politique, c'est bien le sujet du patrimoine au Québec. Parce que, de gouvernement en gouvernement, il y a toujours eu des efforts qui ont été faits pour protéger le patrimoine au Québec.

Alors, malheureusement, M. le Président, je n'ai pas de question. Merci.

Le Président (M. Marsan): Est-ce que... M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Moi, j'aurais quelques questions touchant, entre autres, le patrimoine immatériel. Alors, sur le patrimoine immatériel, vous dites que la proposition crée une césure entre deux types de protection du patrimoine. L'organisme... Vous affirmez, en fait, qu'en confinant le patrimoine immatériel à la seule commémoration le projet de loi évite d'ouvrir l'épineuse question de la protection de la valorisation des métiers du bâtiment ancien. Sauf que, dans la définition du patrimoine immatériel qui est proposée dans le projet de loi, il est permis au ministre de désigner des pratiques qui sont associées à la construction et à la restauration de maisons anciennes. Moi, je voudrais voir aussi... Puis le patrimoine culturel immatériel est défini de la façon suivante: «Les savoir-faire, les connaissances, les expressions, les pratiques et les représentations [fondées sur la tradition] qu'une communauté ou un groupe reconnaît comme faisant partie de son patrimoine culturel et dont la connaissance, la sauvegarde, la transmission ou la mise en valeur présente un intérêt public.»

Je voudrais que vous me disiez en quoi ce que vous dites... Qu'est-ce qui empêche dans la loi, là... Si on regarde les articles touchés, qu'est-ce qui empêche précisément de faire ce que vous dites là?

Mme Mercier (Louise): Je vais répondre puis mes collègues pourront ajouter. Dans un premier temps, je comprends votre frustration, Mme la ministre, mais vous avez un regard, nous en avons un autre, qui est celui du terrain, qui est celui de l'action quotidienne. Nous discutons avec beaucoup de gens dans les milieux. Ce que nous apportons ici, c'est un propos qui n'est quand même pas que le mien ce matin, qui est un propos qui rencontre beaucoup de préoccupations, et le patrimoine du Québec ne peut pas se limiter aux seuls objets classés, reconnus par une citation. Le patrimoine, c'est beaucoup plus large que ça. C'est l'expression de la culture. C'est aussi la petite maison vernaculaire qui fait partie d'un patrimoine de proximité, qui fait partie du paysage culturel d'un village.

Cela dit, pour répondre à votre question, M. Boutillier, un des grands problèmes, les gens de l'association des propriétaires et amis de maisons anciennes, la semaine dernière, le soulignait, c'est que c'est la difficulté de trouver les artisans qui sont aptes à travailler sur le bâti ancien et qui ont toutes les connaissances et toute l'expertise pour le faire. Les travailleurs de la construction, qui ont un processus de formation à l'intérieur du bâtiment industriel, ne peuvent pas transposer leurs connaissances sur le bâti traditionnel.

Et, au Québec, on a laissé aller cette expertise-là en savoir-faire des métiers traditionnels du bâtiment, parce qu'on n'a pas été capables de protéger, finalement, ces travailleurs-là dans le grand ensemble que forment les travailleurs de la construction. Et je pense que le projet de loi ne parle pas... Enfin, moi, je l'ai lu à fond, on l'a tous lu à fond, on a fait un travail très sérieux. Nulle part on ne dit que ces savoir-faire trouveront une protection quelconque dans l'avenir proche.

Et ça demande des modifications à la loi sur le travail, des modifications d'accès aux chantiers pour ces travailleurs-là. Là-dessus, il y a des exemples. Je pense qu'on peut en soulever quelques-uns. Quand un travailleur n'a pas d'accès au chantier pour déposer des vitraux, par exemple, qu'il doit travailler dans son atelier... Depuis le début des années 2000, il a accès au chantier pour les reposer. Mais enfin c'est toute une réflexion qu'il faut avoir. Je ne vous dis pas qu'on a des solutions faciles et je ne vous dis pas que c'est simple, ça demande beaucoup d'écoute et beaucoup de travail pour réussir à solutionner ce problème-là. Mais, si le problème des savoir-faire, de la préservation des savoir-faire au Québec n'est pas solutionnée, dans quelques années, nous n'aurons plus personne pour travailler sur les bâtiments anciens. Et on s'entend qu'une maçonnerie de masse, ce n'est pas la même chose qu'un solage en béton et que ça prend une expertise particulière pour faire les interventions.

Donc, il faut, dans le patrimoine immatériel, reconnaître les savoir-faire des métiers traditionnels et trouver une voie pour eux. Je ne sais pas si quelqu'un...

M. Lehouillier: Bien, M. le Président, c'est juste pour signaler que justement l'article 2 du projet de loi est clair, puis je ne vois pas encore en quoi ça empêche ce que vous venez de dire. C'est que c'est possible de reconnaître ces savoir-faire-là, là. Ce n'est pas exclus dans la loi, là. Alors donc, si on commence à faire la nomenclature de tous les savoir-faire, on va en avoir des milliers, là, à indiquer dans le projet de loi. Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il me semble que l'article 2 est clair.

Cela étant dit, moi, j'avais une autre question sur... quand vous dites... sur les municipalités, là. Vous parlez des paysages culturels patrimoniaux, et, moi, j'ai été élu municipal pendant 20 ans. Alors donc, vous dites que le processus pour la reconnaissance des paysages, des paysages culturels patrimoniaux est complexe et que c'est... Vous dites: Pourquoi les municipalités s'engageraient-elles dans un processus complexe? Bien, moi, je veux vous dire que, quand je regarde le projet de loi, au niveau des paysages, on ne peut pas, en se levant demain matin puis en claquant du doigt, demander la reconnaissance d'un paysage culturel, le résultat à l'autre bout va être nul. Moi, quand je regarde le projet de loi, et là je vous parle comme ancien élu municipal, bien, ça prend vraiment, au niveau au moins d'une MRC ou des municipalités qui sont sur le territoire concerné, un consensus, sinon vous ne réussirez jamais à protéger ces territoires-là. Mais dites-moi donc en quoi ce projet de loi là puis... le processus est si complexe que ça, compte tenu du fait que, moi, ça m'apparait comme étant minimal. Il y a même d'autres gens qui sont venus nous dire, dans les mémoires, qu'on devrait être encore plus exigeants. Alors, en quoi vous considérez ça complexe?

Mme Mercier (Louise): M. Méthé va répondre à votre question.

Le Président (M. Marsan): M. Méthé, la parole est à vous.

M. Méthé (Charles): En tant qu'élu municipal aussi, puis on est confrontés à ces situations-là, je suis un élu du Bas-Saint-Laurent, et, bon, je peux vous rappeler... Je peux vous raconter un peu ce qui s'était passé, par exemple, avec les parcs éoliens, les projets de parcs éoliens qui avaient été proposés, et tout ça. On n'avait pas d'outils, à l'époque, pour être capables de caractériser ce qu'était un paysage; on n'en a pas beaucoup plus à l'heure actuelle. Et ça a soulevé tout le débat, effectivement, des gens qui voulaient avoir des éoliennes chez eux, ceux qui n'en voulaient pas, et tout ça.

Alors, imaginez maintenant qu'on veuille lancer une désignation de paysage dans un territoire qui est largement agricole. On procède presque par expropriation du droit de certains producteurs dans ce cas-là. La mise en place de ces systèmes-là va être extrêmement complexe. Les outils les plus efficaces, à l'heure actuelle, sont sans doute ceux sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire, qui permettent par les PIIA éventuellement d'encadrer les perspectives. On ne les a pas nécessairement beaucoup utilisés dans le monde municipal pour ça dans des grands espaces. Mais la loi, à l'heure actuelle, ajoute une autre couche au lieu de permettre peut-être l'harmonisation entre les différentes lois, entre celle sur l'aménagement et celle sur le zonage agricole, et c'est ce qu'on... Et on ne fait pas une critique, l'intention est excellente, mais, dans les faits, l'application va être extrêmement difficile.

Je vous donne un cas concret si vous...

M. Lehouillier: Dites-moi donc quelle couche qui est ajoutée, là.

M. Méthé (Charles): Bon, quand on parle de la protection des paysages culturels, O.K., on veut aller dans un territoire rural, alors comment est-ce qu'on va réussir à faire un consensus autour de ça, alors qu'on n'a pas défini exactement ce qu'on veut protéger, alors qu'on n'a pas donné de ligne directrice autour de tout ça et qu'on n'a pas défini les tenants et aboutissants de ça pour quelqu'un qui gagne sa vie dans le paysage?

Je reviens à ce que Louise disait tout à l'heure aussi: Est-ce qu'on fait simplement un constat sur ce qu'est le paysage ou si on prend en compte l'évolution du paysage? Les paysages évoluent, on ne pourra pas les figer, surtout dans les grandes surfaces. On est des fiduciaires, entre autres, dans la vallée du Saint-Laurent d'un système cadastral qui était tout à fait unique, qui a forgé le paysage humain. On n'a pas défini, dans ça, de direction qui nous permet de le reprendre.

Et je reviens à des expériences du passé qui ont été tentées, entre autres l'idée des paysages humanisés. Il y a eu deux cas qui ont été tentés au Québec, dont un sur L'Isle-Verte où je suis conseiller municipal, et ce projet-là qui était rempli de très bonnes intentions n'a jamais pu être appliqué. Et notre crainte, c'est que l'intention qui est derrière ici, si elle ne s'appuie pas sur d'autres outils qui viennent effectivement d'une concertation des différentes lois qui gèrent le territoire, on ne pourra pas ajouter cette dimension culturelle là extrêmement facilement. C'est ça, le problème.

Il faut qu'on puisse donner des guides très précis sur ce qu'on veut protéger, sur ce qu'on veut caractériser, et ça, je pense que c'est l'idée d'avoir une démarche en amont qui va permettre de dire: Cette loi-ci, voici maintenant... les intentions concrètes sont de protéger ces éléments-là du paysage. On ne le sent pas à l'heure actuelle.

On est très contents qu'on se prête à ce principe-là, on espère pouvoir l'appliquer mais, honnêtement, dans une perspective de pratique sur le terrain, on ne voit pas comment on pourra l'appliquer. Et c'est un peu le problème à l'heure actuelle, on n'a pas tous les outils pour pouvoir pousser cette démarche-là, qui est tout à fait intéressante, mais on n'a pas les outils pour faire cette harmonisation-là sur le territoire.

**(11 h 30)**

M. Lehouillier: Mais est-ce que c'est le propre d'un projet de loi d'intégrer tous les outils? Parce qu'il va y avoir des guides de produits à l'intention des municipalités, des MRC. Le ministère, les directions régionales vont accompagner les municipalités. Je vous donne un exemple: dans Charlevoix, ils vont en reconnaître, des paysages. Ça prend d'abord une volonté politique pour le faire, premièrement. Deuxièmement, après ça, il y a des pratiques qui vont être... Mais en quoi vous dites que ce projet de loi là est trop complexe? Parce que vous dites que le projet de loi est complexe, puis c'est ça que j'essaie de comprendre.

M. Méthé (Charles): Non, on ne dit pas qu'il est complexe. On dit que..

M. Lehouillier: Mais peut-être que...

M. Méthé (Charles): L'intention politique est très importante, mais il faut aussi avoir une... Il faut avoir une connaissance scientifique.

M. Lehouillier: Mais voyez...

M. Méthé (Charles): Et, à l'heure actuelle, la base sur la compréhension des paysages, elle n'est pas clairement établie...

M. Lehouillier: Mais qu'est-ce que vous voyez... Qu'est-ce que vous aimeriez voir ajouté dans le projet de loi à ce moment-là?

M. Méthé (Charles): Bien, écoutez, quand on parle d'une politique du patrimoine, c'est justement être capable de dire: Quels sont les paysages qu'on veut protéger au Québec? Mouillons-nous. Écoutez, on habite... On est légataires, on est fiduciaires d'un paysage humain unique. On l'a pas défini encore. On peut demander à une municipalité d'en protéger un petit bout, mais je pense qu'il faut qu'il y ait une intention globale qui permet de dire: C'est dans la vallée du Saint-Laurent où ce paysage-là est encore concret, il faut avoir une vision plus globale que simplement la repousser aux municipalités.

Les municipalités et les MRC sont sans doute les meilleurs agents pour le faire, mais il faut qu'il y ait un chef d'orchestre autour de tout ça, et cette réflexion globale là, elle n'est pas sous-jacente encore à l'heure actuelle.

M. Lehouillier: O.K. Alors, ce que vous voudriez, c'est qu'il y ait une espèce de guide au-dessus des municipalités qui détermine ce que les municipalités doivent faire et ne pas faire?

M. Méthé (Charles): Écoutez, le meilleur exemple...

M. Lehouillier: Moi, personnellement, je mets des réserves là-dessus parce que je pense qu'au niveau de la reconnaissance des paysages c'est la volonté politique d'abord, mais c'est sûr que, je suis d'accord avec vous, on n'est pas tous des experts.

Mais j'en viens à une autre question qui est dans le même ordre: Sur l'article 155 du projet de loi, vous dites qu'il faut exiger des compétences en patrimoine et en aménagement de la part de la majorité de membres des comités consultatifs d'urbanisme et des conseils locaux de patrimoine. Et là, quand on touche l'article 155, on dit que le conseil local du patrimoine est composé d'au moins trois membres nommés par le conseil de la municipalité, O.K.? Moi, j'ai été membre d'une commission consultative pendant 15 ans, j'ai réalisé le plan d'urbanisme de la ville de Lévis en 1990, j'en étais responsable puis, quand je suis arrivé là, je ne connaissais strictement rien en urbanisme. Sauf qu'on avait des experts qui étaient présents sur nos conseils, nos comités consultatifs. Est-ce que vous dites qu'il faut que les membres qui vont siéger dorénavant sur les commissions consultatives aient des formations en patrimoine, en archéologie, puis en tout ça, là?

M. Méthé (Charles): Si vous permettez, juste un petit point avant, comme élu, maintenant, on me demande d'avoir un cours en formation sur l'éthique; je pense que, quelqu'un qui arrive sur un CCU, la moindre des choses, c'est qu'on puisse l'équiper d'une façon minimale. Il y a des formations qui sont disponibles, et je pense que c'est ça, l'idée, c'est d'encourager les gens, dans cette optique-là, d'aller chercher un minimum de connaissances pour être capables d'être des intervenants efficaces.

Mme Mercier (Louise): Peut-être que...

M. Lehouillier: Et vous proposez quoi, dans le projet de loi, à ce moment-là? C'est quoi, votre proposition pour le projet de loi?

M. Pelletier (Robert): Bien, regardez, un...

Le Président (M. Marsan): Monsieur...

Mme Mercier (Louise): Pelletier.

M. Pelletier (Robert): Regardez, un des constats qu'on fait au niveau de la formation des CCU dans les... Je peux comprendre, dans les grandes villes comme Lévis, qu'il y a suffisamment d'expertise pour être en mesure de s'allier des gens au niveau des comités consultatifs d'urbanisme, mais, si je prends l'exemple de la municipalité d'où je viens, 70 000 habitants, regardez, un CCU sur deux, il y a des dossiers où, moi, comme architecte, je présente un dossier, donc je ne peux pas y siéger. L'urbaniste ou les deux urbanistes de la ville ont aussi des dossiers à présenter, donc n'y siègent pas, et les gens qui reçoivent les informations commencent à avoir un peu de formation parce qu'elle est maintenant disponible sur le territoire, mais, je peux vous dire, il y a 15 ans, là, ce n'était pas joli. On n'était pas capable de dialoguer avec ces gens-là.

On donne, par le projet de loi, également un... Le rôle du conseil local du patrimoine sera dévolu au comité consultatif d'urbanisme, lorsqu'il en existe un. Je crois que c'est se priver d'expertise au niveau des comités locaux du patrimoine parce que, dans des milieux comme le mien, les gens spécialistes... le responsable de la Corporation Rues principales ne peut pas siéger au CCU parce qu'il est dans un organisme paramunicipal, mais aurait tout à fait sa place au niveau du conseil local du patrimoine parce qu'a participé à la réalisation d'inventaire, a participé à des caractérisations, des choses comme ça.

Donc, au niveau de la formation des comités locaux du patrimoine, on devra aller chercher les forces du milieu et, dans les petits milieux, ces gens-là sont souvent en pratique privée, donc appelés à présenter des projets au niveau des comités consultatifs d'urbanisme. Donc, on ne devrait pas, à mon avis, associer ces deux éléments-là ensemble.

Et, au niveau des comités consultatifs d'urbanisme, je suis conscient qu'il y a 20 ans ou il y a 15 ans il y avait peut-être très peu de formation disponible; il y en a maintenant. On devrait avoir des formations minimales, un peu comme M. Méthé le disait.

M. Lehouillier: O.K.

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Bien, c'est juste pour savoir... Je veux juste... Moi, tu sais, c'est bon, là. Je ne dis pas que les points que vous soulevez ne sont pas corrects, mais en quoi ça doit être dans un projet de loi? Parce que je vous explique: au niveau de la commission d'urbanisme, l'objectif, c'est d'encourager la participation citoyenne, pas la participation d'un privé qui est bon en archéologie, peu importe... Ça peut être ça aussi, là, je n'ai rien contre ça, mais d'abord et avant tout, c'est la participation citoyenne. Et là il y a des experts qui sont formés soit par le ministère et autres. Puis le ministère en donne, des formations un peu partout aussi, là. Alors, ce que je veux juste dire: Le projet de loi comme tel, vous proposez d'ajouter quoi par rapport à ce que vous dites là? C'est quoi, le libellé que vous feriez?

M. Pelletier (Robert): Le projet de loi mentionne d'avoir minimalement trois membres issus du conseil. Il pourrait aussi y avoir un nombre minimal de personnes dont le champ de pratique ou le champ de connaissances est en lien avec le patrimoine. Malgré tout le respect que je dois aux gens dans mon coin, on a des gens qui devraient minimalement avoir une formation. Pas l'ensemble. Je comprends très bien qu'il faut qu'on ait des citoyens, de M. et Mme Tout-le-monde sur les comités, mais il faut qu'il y ait, à même les comités, une certaine expertise pour comprendre le langage et le bagage requis pour faire l'analyse de ces dossiers-là.

M. Lehouillier: Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Pelletier. Je cède maintenant la parole au député de Drummond, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications.

M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs dames. D'entrée de jeu, je pense que l'exercice auquel nous nous appliquons vise à regarder vers l'avant et à améliorer -- regarder vers l'avant semble être une thématique à la mode ces temps-ci au gouvernement -- donc, regarder vers l'avant et améliorer le projet de loi. Dans cet esprit-là, vous avez le droit à vos opinions, elles sont parfaitement légitimes, fussent-elles déplaisantes. Et, pour ma part, je ne me permettrais pas d'attaquer ou de présumer d'opinions politiques ou d'attaquer la légitimité de gens qui viendraient endosser le projet de loi. Donc, pour ma part, j'ai un petit malaise.

Cela dit, dans un premier temps, je veux mentionner que l'idée de la concertation interministérielle, comme on le fait en termes d'environnement, ce n'est pas faire comme le développement durable parce que ça fait partie du développement durable. Le patrimoine et la culture font partie intégrante de la notion de développement durable, comme l'économie sociale d'ailleurs.

Avez-vous pris connaissance de la notion -- vous verrez où est-ce que ça recoupe ce que vous avez fait comme exercice -- du mandat national tel que décrit par les gens qui vous ont précédés? Et que pensez-vous de cette notion-là pour mettre à la disposition de l'ensemble des intervenants régionaux des formes d'expertise qui, autrement, pourraient leur faire défaut ou comme outil pour rendre accessible?

Mme Mercier (Louise): Je pense qu'effectivement il faudra être très conscients des ressources et des expertises dans le milieu et trouver une forme... réfléchir à une forme qui pourra être dans la souplesse, offrir sur le terrain des outils à ceux qui interviennent.

Je vais vous donner juste un exemple puis, je ne sais pas, peut-être que les gens du ministère y ont réfléchi, je n'en ai aucune idée. Moi, j'ai eu des échanges assez importants, au cours des deux dernières années, avec des conseils de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement en France. C'est un modèle. C'est un modèle qui vaut ce qu'il vaut, mais je vous dirais que ce modèle-là a été identifié dans la loi sur l'architecture en 1976 et qu'il a doté finalement chaque région de la France d'un comité d'architecture, d'urbanisme et d'environnement pour faire en sorte qu'il y ait des meilleurs projets d'architecture dans le milieu, qu'il y ait un support patrimonial aux collectivités locales et régionales et également au niveau de l'environnement, surtout avec les préoccupations de développement durable.

Ce que je veux dire, ce modèle-là a fait ses preuves. Il y a de l'action qui se fait localement, régionalement, et c'est une structure qui s'est déployée dans 99 régions sous les conseils régionaux là-bas. C'est un modèle.

Je pense qu'ici il y a de la place à réfléchir à des nouveaux modèles, à des nouvelles façons de faire les choses, que ce soit en ayant un centre de ressources centralisé... Mais, moi, je pense beaucoup qu'il faut être proches, proches des terrains, proches des territoires. Et bon, enfin, moi, j'explorerais ce modèle-là de conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement ici, qui prendrait je ne sais pas quelle forme, mais, peu importe, c'est de donner dans les milieux une expertise qui peut leur servir dans leur prise de décisions.

Parce que, quand on revient à la question des conseils consultatifs d'urbanisme, pour en connaître, pour connaître plusieurs personnes qui font partie, dans différentes régions, de ces conseils-là, souvent ce qu'ils disent: Bien, on est tous pleins de bonne volonté, mais on a très, très peu de connaissances ou de guides, finalement, pour prendre nos décisions. Et ce sont ces gens-là qui prennent... qui déterminent les conditions des PIIA, qui sont quand même assez contraignants pour les gens qui habitent dans les zones désignées. Alors, il faut que tout ça se fasse avec le meilleur éclairage possible, et je pense qu'il est temps effectivement de voir de quelle façon on peut offrir cette expertise et cet éclairage-là sur le terrain.

**(11 h 40)**

M. Blanchet: Je vous remercie. J'ai mentionné, lors d'une présentation précédente, le danger que des autorités municipales, à défaut d'expertises adéquates, prennent de mauvaises décisions, posent des gestes inappropriés qui viendraient nuire ou détruire du patrimoine. Vous mentionnez une hypothèse de ce type aussi dans votre mémoire. Pour donner de la substance à cette notion, vous avez des cas, des exemples de mauvaises décisions ayant été prises par manque d'expertise dans les régions.

Mme Mercier (Louise): Oui. Nous, en fait, on est souvent le premier lieu où les gens s'adressent quand ils ont un problème dans leurs milieux, alors effectivement on a plusieurs, plusieurs exemples. Je vous donnerais peut-être l'exemple de l'Auberge Grand-Mère, par exemple, qui a été démolie pas loin de dans l'indifférence. C'est très dommage: c'est un bien qui avait été cité par la municipalité, qui était un des biens les plus représentatifs, qui n'était pas en bon état, qui demandait effectivement des travaux majeurs mais qui n'était pas non plus complètement... détérioré au point qu'on puisse dire qu'il n'y avait aucune... qu'on n'avait aucune capacité de le... au moins de le mettre en protection et de le protéger. Je vous dirais que le bâtiment finalement a été détruit, et c'est bien dommage.

Et la municipalité a décidé, après ça, de faire un inventaire de son architecture, de ses bâtiments patrimoniaux après. Et on le voit assez souvent finalement, après un cas qui les a mis vraiment dans l'embarras, pour lequel ils n'étaient pas outillés, les municipalités se disent: Ouh! Là, il faudrait peut-être commencer à réfléchir sur de quelle façon on pourrait protéger ce secteur-là ou protéger les bâtiments identifiés. Je ne sais pas si l'un de vous deux veut...

M. Méthé (Charles): Si vous permettez. Le CCU est une institution extraordinaire: c'est une implication citoyenne, vous l'avez soulevé tout à l'heure, M. Lehouillier. C'est absolument fabuleux. Mais on peut voir, même dans une MRC, d'une municipalité à l'autre, bon, que certains CCU ne sont pas actifs, certains ne sont pas complets. Je pense qu'on doit aux gens qui s'impliquent dans les CCU de leur fournir la formation, de les encadrer et de les aider, et ça encore, ça fait partie de ce qu'on disait tout à l'heure. Et ce n'est pas un reproche à la loi, c'est de dire qu'avant de l'appliquer il faut pouvoir définir un corpus de choses qu'on veut. Bon. La connaissance a à être définie encore. La loi est un outil de l'application, mais il devrait résulter d'une prise de connaissance plus grande de ce que sont les paysages, de ce qu'est l'architecture en région, de ce qu'est tout ça, et les CCU sont la cheville ouvrière pour le moment de l'application de ça.

Et je reviens encore à ça, la protection des paysages culturels est une idée fantastique, mais elle ne peut pas se faire sans être arrimée, surtout en milieu rural, avec les pratiques sur l'aménagement du territoire, sur la loi sur l'urbanisme, et c'est les pratiques aussi sur le zonage agricole.

Et je reviens, pour conclure là-dessus, à un exemple encore sur un parc éolien, qui avait été lancé dans la région de Rivière-du-Loup à l'époque, qui a lancé le débat, qui a vraiment allumé le débat un peu partout, et ce n'est pas l'idée d'être pour ou contre l'éolien, pas du tout, mais les municipalités se sont ramassées à l'époque à réagir sans code... sans cadre de référence: Quel est l'impact d'un parc éolien? Qu'est-ce qu'on doit protéger?

Je prends l'exemple de la MRC de Rivière-du-Loup qui, je pense, a fait un travail exceptionnel à cette époque-là, vu les outils qu'ils avaient. Ils ont réussi finalement à définir qu'il y avait des marges le long du fleuve qui devaient être protégées, il y avait des corridors de vue qui devaient être protégés. Mais ils ont dû créer de toutes pièces des outils pour pouvoir définir leurs modes d'intervention dans ce contexte-là. Avec les pressions du développeur qu'ils avaient sur le dos, ça a été extrêmement difficile; ils s'en sont tirés pas mal. Mais je vous assure que, s'ils avaient eu d'avance les outils qui permettaient de réfléchir, d'encadrer ce que veut dire, par exemple, la protection des paysages, ils auraient pu agir plus efficacement, plus rapidement aussi, et on n'aurait peut-être pas eu les débats plus acrimonieux dans la population qu'on a pu avoir. Alors, j'essayais juste de voir encore dans ce contexte-ci comment on vient protéger un paysage culturel. Si c'est un grand paysage rural, sans avoir l'acquiescement des cultivateurs, des producteurs agricoles qui sont là, je vous assure, ça va être quelque chose d'assez complexe. Si on n'a pas défini ces paramètres-là de façon plus précise avant, il ne s'en appliquera pas, comme ça s'est passé avec le principe des paysages humanisés qui, hélas, n'ont pas fonctionné. Et c'était une idée extraordinaire, mais elle n'a pas pu être appliquée.

Alors, on ne dit pas que ce n'est pas une bonne idée, on la veut, cette idée-là, mais il faut qu'on se donne les outils qui vont permettre son application pour ne pas que ça reste simplement un coup d'épée dans l'eau.

M. Blanchet: Avant de passer la parole à mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques, une dernière question. Je vous amène ailleurs. Vous êtes souvent consultés par des municipalités qui ont des enjeux, des questions patrimoniales, notamment au niveau des églises en dehors des centres urbains, des communautés qui voudraient vouloir se les approprier, qui veulent des changements, qui veulent s'attaquer à cet enjeu-là donc de garder leurs églises comme centres de leurs communautés. Lorsque vous rencontrez ces gens-là, est-ce que vous avez devant vous des gens qui disent: «On sait comment ça marche, voici qu'est-ce qu'on veut puis, la loi, il n'y a pas de problème» ou des gens un peu désemparés qui disent: «Écoutez, aidez-nous, on ne sait pas trop où s'en aller, on ne sait pas à quoi on a accès, on ne sait pas ce que ça vaut, on ne sait pas comment ça va coûter, remettre ça d'aplomb, on ne sait pas quelle forme d'aide et d'expertise auxquelles on pourrait avoir accès»? J'aimerais savoir l'état d'esprit des gens que vous rencontrez dans ces communautés-là.

M. Méthé (Charles): Si vous permettez, juste une seconde, je peux vous répondre là-dessus sous trois perspectives, d'abord comme élu municipal où on a récupéré les biens de la fabrique dernièrement parce qu'ils n'avaient plus les moyens de la maintenir. Alors, on est confrontés à ce problème-là: Comment peut-on les sauver? Comment peut-on leur trouver un usage? Je suis comme consultant, parce que je le fais comme consultant aussi, avec d'autres municipalités qui ont le même problème, mais effectivement on est souvent désemparés. Et ensuite on le fait parce qu'on est des bénévoles qui sont passionnés par le patrimoine, on le fait à titre de conseil aussi.

Et c'est toujours la même chose. On est désemparés, on ne sait pas nécessairement par où le prendre, c'est des sommes énormes. Remettre un bâtiment, par exemple, à des fins publiques a des implications énormes qui dépassent souvent les capacités des petites municipalité, les capacités financières des petites municipalités. Alors, Louise, si tu permets.

Mme Mercier (Louise): Bien, en fait, l'expérience qu'on a aussi sur le terrain... Bon, les questions qui nous arrivent, souvent, nous permettent de diriger les gens vers les bonnes ressources. C'est souvent une des premières des actions qu'on a, c'est-à-dire de diriger les gens vers le Conseil du patrimoine religieux, vers les directions régionales du ministère, leur expliquer quels sont les types de statut qui existent, quels sont les potentiels, quel est le potentiel, aussi, d'une église, par exemple, dans un milieu donné, d'une église de la taille ou de l'envergure dont il serait question par exemple.

Mais notre connaissance aussi du territoire puis le fait qu'on ait des antennes partout nous permettent de mettre les gens en relation d'un milieu à un autre, nous permettent de dire, par exemple, à des gens de la Montérégie: Écoutez, dans le coin de Kamouraska, on a fait tel travail sur l'église, vous pouvez... Donc, on sert beaucoup de réseau finalement, à mettre les gens en réseau pour qu'ils prennent connaissance des expériences qui se sont déroulées ailleurs.

C'est sûr que, sur la question des églises aussi, on a eu une position... Ce n'est pas un dossier dans... On ne s'intéresse pas particulièrement au patrimoine religieux, parce qu'il y en a beaucoup au Québec qui s'y intéressent et qui ont développé de grandes compétences à ce niveau-là.

Mais je vous dirais que, dans les prises de position qu'on a prises souvent, c'était de dire aux gens: Écoutez, transformer une église pour en faire du logement, c'est une mauvaise idée parce que ce n'est pas le type de bâtiment... un type de bâtiment qui s'y prête. Il y a donc de nouvelles... une réhabilitation qu'on pourrait dire plus type de ce type de bâtiment là finalement que de transformer ça en condominiums ou en appartements qui ne seront ni des bons appartements ni des bons condominiums. Mais les gens pensent souvent à cette solution-là parce que c'est un bâtiment de grande envergure, mais finalement le fait que ce soit un bâtiment qui n'est pas sériel, donc qui n'est pas déjà subdivisé, ça pose de graves problèmes.

Donc, je pense que notre rôle est beaucoup de mettre les gens en contact avec d'autres qui ont eu des expériences similaires et d'essayer de leur fournir l'information pour qu'ils puissent cheminer le mieux possible avec le projet de réhabilitation de leur bâtiment.

Le Président (M. Marsan): M. Pelletier.

**(11 h 50)**

M. Pelletier (Robert): Oui. Merci. Peut-être pour rajouter, j'ai trois dossiers sur lesquels je travaille avec des communautés actuellement, justement pour qu'ils puissent se réapproprier l'utilisation de l'église qui est finalement l'élément générateur de la trame du village. Les villages se sont créés parce qu'il y a eu des églises, et les églises se sont créées parce que les gens ont voulu créer des petites communautés.

Dans les trois cas, le premier constat qui a été fait, ça a été à l'effet que ces bâtiments-là, à partir du moment où les paroisses sont prêtes à s'en départir, sont grevées d'un déficit d'entretien phénoménal. Donc, on a vraiment étiré au maximum la sauce du bâtiment en faisant le strict minimum pour pouvoir l'utiliser. Et, quand les communautés, les petites communautés de 1 000 ou 1 200 habitants se ramassent avec une facture, avant même d'avoir pensé à changer l'usage du bâtiment, de 350 000 $, 400 000 $, 500 000 $, ils regardent la montagne et ils la trouvent immensément haute.

Et ce n'est pas une critique envers ceux qui possédaient ce patrimoine-là, mais il faudrait s'assurer que les propriétaires des biens patrimoniaux actuels, qu'ils soient religieux ou autres, soient en mesure de léguer ce patrimoine-là aux générations futures et non pas tout simplement le laisser se détériorer. Donc, c'est dans ce sens-là que des guides clairs puis une volonté... Puis vraiment, dans la recommandation où on fait part du soutien aux propriétaires, le cas d'exemption foncière des biens religieux, des églises de paroisse n'a pas eu l'effet escompté quant aux résultats d'entretien. Ça prend un incitatif, à mon avis, un peu plus direct à ce niveau-là parce que ce que je constate quand j'ai à intervenir dans des dossiers spécifiques de récupération d'église à des fins communautaires, c'est qu'on se bute dès le départ, avant même de pouvoir le transformer au bénéfice de la communauté, à un déficit d'entretien important. Donc, est-ce que l'ensemble du patrimoine se verra réserver le même sort? Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent à ce que ce ne soit pas le cas, et une vision claire, et un développement adéquat, et un bon soutien au niveau des propriétaires de biens patrimoniaux nous apparaissent essentiels.

Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais céder la parole au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui, merci, M. le Président. Comme mon collègue, moi aussi, je trouve ça triste, la réaction de la ministre. Je pense que du choc des idées jaillit la lumière, et c'est un message envoyé aux groupes: Si vous n'êtes pas d'accord avec la ministre, vous allez passer au cash. Je trouve ça... Je trouve ça un peu triste d'envoyer ce message-là. Parce qu'il faut comprendre l'espoir qu'a suscité le dépôt de cette loi. Et, s'il y a des gens qui trouvent que cette loi manque un peu d'envergure, personnellement, je suis d'accord avec eux. Je l'ai dit lors de ces travaux, on est 100 ans en retard en ce qui concerne le patrimoine et l'histoire. Est-ce que c'est la faute personnelle de la ministre? Bien non, M. le Président. Est-ce que je dis que le ministère est incompétent? Bien non, M. le Président. C'est des années et des années de retard, et là il y a des gens qui espéraient que, grâce à ce projet de loi, on reprendrait un peu de ce retard. Et, personnellement, moi, M. le Président, je reste sur mon appétit et, ceci dit sans partisanerie, comme la ministre l'a souligné tout à l'heure.

Je vais donner trois exemples, très rapidement. Louis Jolliet, un des plus grands découvreurs de l'histoire du monde, M. le Président, il a sa maison natale ici, en bas. Il y a une petite plaque commémorative. Vous entrez dans sa maison, vous sortez de là, vous ne savez pas plus qui était Louis Jolliet, qui a découvert le Mississippi. Vous ne le savez pas. Il y a plus de statues de Louis Jolliet au Wisconsin ou en Illinois qu'il y en a ici, et je pourrais dire du père Marquette également. Donc, ça, c'est la première chose. Et ce projet de loi là peut-être nous aurait amenés à moderniser cette vision-là que nous avons de notre histoire.

L'autre exemple -- j'ai d'ailleurs écrit à la ministre là-dessus: Honoré Mercier, un de nos plus grands premiers ministres, a sa maison natale à Sainte-Anne-de-Sabrevois. Le ministère fait ce qu'il peut, il envoie 2 000 $ à la petite municipalité, c'est tout ce qu'il y a. Là, le fédéral va venir acheter ça dans deux ans, trois ans. Est-ce que c'est sa maison natale, pas sa maison natale? Il n'y a même pas de débat là-dessus. Donc, sa maison est là, il y a quelqu'un qui a écrit... J'ai été visiter ça. Vous sortez de la visite, il n'y a pas un livre, il n'y a pas... il n'y a rien. Donc, vous sortez de là, vous ne savez pas plus qui était Honoré Mercier que quand vous êtes entré. Vous savez que c'est sa maison natale, mais c'est tout. Il n'y a pas de document, il n'y a pas de dépliant, ils engagent une étudiante avec des subventions du fédéral, qui est très bien, qui est très, très... qui a des bonnes intentions, mais vous sortez de là, vous ne savez pas qui était Honoré Mercier. Donc, est-ce que c'est la faute personnelle de la ministre? Bien non. Bien non, ça n'a rien à voir. Est-ce que le ministère est incompétent? Bien non, probablement que le ministère fait ce qu'il peut avec ce qu'il a. Il envoie 2 000 $ par année à Sainte-Anne-de-Sabrevois.

Troisième exemple, si vous voulez savoir qui était Honoré Mercier, Louis Jolliet, je pourrais en nommer des milliers comme ça, vous allez sur le site du ministère, à moins qu'il y ait eu des rénovations depuis quelques mois, bien, il n'y a rien. Vous tapez les noms puis il y a une ligne, deux lignes, des fois quelques paragraphes. Bon, vous allez sur le Dictionnaire biographique du Canada, là, vous savez un peu qui sont ces gens-là. Mais, tant qu'à ça, si on est toujours obligés de s'en référer au fédéral, bien, on va fermer le ministère puis on va dire au fédéral: Occupez-vous donc de la culture et de l'identité nationale des Québécois. C'est ça, M. le Président, que je comprends du mémoire. Et, bien sûr, tout ça, ça s'articule dans de la protection des subventions. Mais qu'il y ait des gens qui disent que ça manque un petit peu d'envergure, personnellement, moi, je suis d'accord avec ça. Je suis d'accord avec ça, et on aura le débat en temps et lieu, article par article.

J'ai donné ces trois exemples-là, vous en donnez dans votre mémoire aussi, de cas très particuliers. Je donne d'autres types de cas. Donc, avec ce dépôt de ce projet de loi, je pense qu'il est normal qu'on est très... et avec toute la consultation qu'il y a eu, c'était normal que les gens... que tout ça a suscité un espoir.

Donc, j'aurais une question, M. le Président, ceci étant dit. Est-ce qu'il faut faire en sorte, pour en arriver justement à atteindre les espoirs qui sont les nôtres d'une vraie politique patrimoniale au Québec... Est-ce qu'il faut... il va falloir centraliser tout ça au ministère? Comment vous voyez l'organisation, disons, sur le territoire du Québec, que ce soit le patrimoine, le paysage? Le paysage, c'est quelque chose d'intéressant aussi. Alors, comment vous voyez ça? Est-ce qu'il faut tout centraliser au ministère ou est-ce qu'il faut qu'il y ait des organisations régionales ou autres qui coordonnent tout ce grand chantier, grand chantier qui devrait être ambitieux, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme Mercier.

Mme Mercier (Louise): Oui. Bien, dans un premier temps, ce n'est certainement pas au ministère de tout centraliser. Je pense que ça doit venir de la base, ça doit venir des citoyens, ça doit venir des groupes et des municipalités, de leurs élus locaux. Je pense toutefois que c'est au ministère, au gouvernement, à l'État de donner la vision d'ensemble de ce vers quoi on veut... ce qui compte pour nous, ce vers quoi on veut aller, quels chantiers on se donne collectivement pour la protection et la valorisation de notre patrimoine au Québec. Mais je pense que c'est un grand chantier collectif et que nous sommes tous des acteurs de ce chantier-là à la mesure de nos moyens, à la mesure de nos compétences, et je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté, mais il y a beaucoup de dilution, à l'heure actuelle, et c'est un des problèmes. Charles, tu veux continuer là-dessus?

M. Méthé (Charles): Si vous permettez. Sur le paysage, c'est un bon exemple. Je pense que... On dit: On veut désigner les paysages culturels patrimoniaux, je pense que le ministère doit être l'initiateur. Quels sont les paysages prioritaires à protéger? Ces paysages-là, règle générale, dépassent les limites des villages, des villes. Il faut qu'on soit capable effectivement d'en faire un grand chantier national, il faut qu'on soit capable de faire des MRC, des municipalités le relais de cette protection-là d'une vision globale, et je pense qu'il y a une complémentarité qui est à jouer entre tout ça.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Mercier, M. Méthé, M. Pelletier, M. Mayrand, de nous avoir fait connaître votre point de vue sur le projet de loi n° 82.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 16 février 2011, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 11 h 57)

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