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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Tuesday, March 27, 2012 - Vol. 42 N° 28

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l’intimidation et la violence à l’école


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pagé (Labelle) est remplacé par Mme Richard (Marguerite-D'Youville).

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ce matin, nous recevons la Fédération des commissions scolaires du Québec et l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires. Le temps réparti est de 15 minutes aux gens qui viennent nous présenter leurs points de vue et 45 minutes pour la période d'échange, dont 22 minutes, un peu plus de 22 minutes pour le parti ministériel, un peu plus de 18 minutes pour l'opposition officielle et quatre minutes pour le député indépendant.

Alors, nous allons débuter immédiatement, et il me fait plaisir de vous présenter Mme Josée Bouchard, qui est la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec et à qui je vais demander de nous présenter les gens qui l'accompagnent et de débuter votre présentation pour une période de 15 minutes. La parole est à vous, madame.

Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Bouchard (Josée): Avec plaisir, M. le Président. Mme la ministre, M., Mmes les députés. Alors, oui, m'accompagnent ma directrice générale, Mme Pâquerette Gagnon; Me Tremblay, Bernard Tremblay, qui est notre secrétaire général à la fédération; et Me Alain Guimont, qui est conseiller juridique.

Alors, d'emblée, oui, je vous remercie de nous accueillir, donc, pour pouvoir prendre la parole sur ce projet de loi. D'emblée, pour bien définir la position des commissions scolaires sur le projet de loi n° 56, je débute en soulignant que la mission d'une commission scolaire est non seulement d'offrir des services éducatifs aux personnes qui relèvent de sa juridiction, mais également de veiller à la qualité des services éducatifs et à la réussite de ses élèves. Pour y parvenir, la commission scolaire doit notamment s'assurer que ses écoles offrent un milieu de vie sain et sécuritaire aux élèves, c'est-à-dire un environnement où chacun d'eux peut se développer à l'abri de toute forme d'intimidation et de violence. Il est donc important, pour notre milieu, d'appuyer l'initiative du gouvernement de mettre en place des mesures favorisant la prévention des actes d'intimidation et de violence ainsi que des mesures permettant d'intervenir efficacement lorsqu'ils se manifestent.

D'entrée de jeu, rappelons que les conventions de partenariat que les commissions scolaires ont conclues avec la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport à la suite de l'adoption du projet de loi n° 88, bien, ils prévoient des mesures pour assurer aux élèves un milieu de vie sain et sécuritaire, et de nombreuses actions se réalisent déjà sur le terrain.

Ainsi, plusieurs commissions scolaires ont adopté un plan d'action qui rejoint, à bien des égards, des éléments prévus dans le projet de loi. Les parents sont sensibilisés au phénomène de l'intimidation et de la violence en milieu scolaire. Des mesures de soutien sont offertes aux élèves, et une démarche claire est proposée aux écoles lorsqu'un incident est rapporté. Quant aux écoles, elles sont très nombreuses à avoir intégré, dans leurs règles de conduite et dans leurs mesures de sécurité, des actions afin de prévenir et de traiter l'intimidation et la violence.

**(10 h 10)**

Finalement, les acteurs du réseau scolaire participent activement à la recherche de moyens pour lutter contre le phénomène dans le cadre des initiatives de l'Institut Pacifique ou des travaux menés par la table de lutte contre l'homophobie du réseau scolaire. De même, les travaux de la Table provinciale de concertation sur la violence, les jeunes et le milieu scolaire ont permis d'élaborer et d'offrir au personnel des établissements scolaires et aux corps policiers un cadre de référence qui favorise une action concertée et efficace en cas d'intervention dans notre milieu. L'application de ce cadre de référence a d'ailleurs permis à la grande majorité des commissions scolaires et de leurs écoles de conclure des ententes avec les autorités policières afin de convenir d'objectifs de collaboration communs dans les différents contextes d'intervention.

La lutte contre l'intimidation et la violence requiert une intervention concertée de tous les intervenants. La réussite et la persévérance scolaires ne dépendent pas seulement des interventions pédagogiques en classe, mais également de l'environnement dans lequel cheminent tous nos élèves.

Ainsi, la fédération salue l'objectif poursuivi par le projet de loi mais estime que les commissions scolaires doivent être associées plus directement aux actions à mener pour lutter contre ce phénomène, tout comme doit l'être le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

Une action concertée impliquant tous les paliers décisionnels doit s'articuler autour du plan stratégique de la commission scolaire, de la convention de partenariat conclue entre la commission scolaire et le ministère, de la convention de gestion et de réussite éducative conclue entre la commission scolaire et chacune de ses écoles, du plan de réussite de l'école et finalement des règles de conduite et des mesures de sécurité de l'école, des outils de concertation importants qui existent déjà.

Plutôt que de prévoir de nouveaux instruments de gestion et de contrôle pour lutter contre l'intimidation et la violence dans les écoles, les commissions scolaires soutiennent que les mesures à mettre en place pourraient très bien s'insérer dans les orientations ministérielles établies en vertu de l'article 459.2 de la Loi sur l'instruction publique. Avec des orientations ministérielles spécifiques à l'intimidation et la violence, les commissions scolaires adapteraient leur plan stratégique en conséquence, ce qui permettrait d'intervenir plus efficacement par le biais de la convention de partenariat, de la convention de gestion de réussite éducative et des règles de conduite et mesures de sécurité. Ce sont tous des outils qui permettent d'agir dans un seul et même objectif, soit la réussite des élèves dans un milieu sain et sécuritaire et de contrer efficacement l'intimidation et la violence.

De plus, au niveau de l'école, les éléments du plan de lutte contre l'intimidation et la violence devraient faire partie des règles de conduite et des mesures de sécurité de l'école de manière à en faire l'instrument clé de lutte contre ce phénomène. En s'appuyant sur les orientations et les objectifs clairement établis par la commission scolaire, les écoles et le ministère dans le cadre des conventions conclues en application de la Loi sur l'instruction publique, on s'assurerait que ces règles de conduite deviennent de véritables codes de vie de l'école, partagées, discutées et révisées annuellement.

Le réseau scolaire est présentement mobilisé pour revoir ses façons de faire, simplifier ses processus et alléger son fonctionnement afin de mieux répondre aux attentes de la population. L'introduction de nouvelles dispositions dans la loi doit donc se faire de manière à transmettre ce message de gestion intégrée et simplifiée. Ainsi, tout en réalisant l'objectif d'une prise en charge du phénomène de l'intimidation, bien, l'intégration de ces obligations aux processus de planification et de reddition de comptes déjà établis dans la loi permettrait d'éviter d'alourdir la bureaucratie, orientation clairement prise par le gouvernement et les commissions scolaires.

Le projet de loi propose également de modifier la loi actuelle afin de permettre que des sanctions pécuniaires soient imposées à une commission scolaire pour tout manquement à la loi ou ses règlements. Si l'objectif recherché est d'assujettir la lutte contre l'intimidation et la violence à cette forme de contrôle gouvernemental, la fédération s'y oppose, car non seulement le modèle à mettre en place doit s'articuler autour d'un partenariat entre tous les acteurs, mais les dispositions actuelles de la loi permettent à la ministre d'intervenir dans le cadre de la convention de partenariat, en convenant de correctifs avec la commission scolaire et, le cas échéant, en imposant des mesures additionnelles.

Il faut souligner que le problème de la violence et de l'intimidation en est un de société et que les actions du milieu scolaire devront également trouver écho dans les gestes des autres acteurs sociaux que sont notamment le ministère de la Famille et des Aînés, le ministère de la Santé et des Services sociaux, les municipalités, les corps policiers et les parents. Face à ce problème, comme à bien d'autres, le partenariat et la coordination des actions sont un gage de succès.

Bien que notre mémoire comporte des commentaires et suggestions sur plusieurs aspects du projet de loi, je me permettrai, dans le temps qu'il me reste, de traiter spécifiquement de la définition du mot «intimidation» et des références, dans le projet de loi, au protecteur de l'élève.

À l'égard de la définition du mot «intimidation», la fédération trouve important de définir cette notion dans le projet de loi. Cependant, nous croyons que cette définition devrait être resserrée afin de bien la distinguer des situations de conflit plus anodin qui existent dans tous les milieux. À ce sujet, nous croyons que la définition qui se retrouve dans le projet de loi n° 13 présenté par le ministre de l'Éducation de l'Ontario et qui réfère au caractère répété des gestes et à des éléments contextuels qui entraînent un déséquilibre de pouvoirs entre un élève et un autre pourrait inspirer le législateur québécois.

Par ailleurs, la fédération s'inquiète du rôle dévolu au protecteur de l'élève dans le projet de loi. Cette fonction, créée en 2008, s'inscrit dans le cadre de la procédure de gestion des plaintes et exige une impartialité et une indépendance qui nous semblent inconciliables avec les modifications proposées tant en matière d'évaluation des résultats de l'école au regard de la lutte contre l'intimidation qu'en matière de transmission de rapports par l'école et la commission scolaire.

De même, le fait de confier au protecteur de l'élève le soin d'assister l'élève ou les parents de celui-ci nous semble également incompatible avec son rôle actuel. Rappelons que présentement ce dernier est interpellé par l'élève ou ses parents afin de formuler des recommandations à la commission scolaire dans le cadre d'un litige qui les oppose aux autorités scolaires. Le rôle d'assistance qui précède l'intervention du protecteur de l'élève revient au personnel de la commission scolaire. Changer cette façon de faire risquerait de déresponsabiliser les acteurs de premier plan en matière de lutte à l'intimidation et à la violence qui oeuvrent dans les écoles.

Soulignons toutefois que la fédération est d'accord avec l'introduction d'un mécanisme annuel d'évaluation et la production d'un document synthèse destiné aux parents et aux membres du personnel de l'école quant aux actions entreprises. Par ailleurs, la fédération juge qu'il serait plus facile d'envisager que le rapport annuel prévu à l'article 220 de la Loi sur l'instruction publique contienne les éléments spécifiques portant sur la lutte contre l'intimidation et la violence plutôt que d'adopter annuellement un rapport spécifique portant sur la lutte contre l'intimidation et la violence, afin d'éviter de multiplier inutilement les documents à produire.

En conclusion, M. le Président, la fédération tient à réitérer son soutien aux objectifs visés par le projet de loi et salue le dépôt du projet de loi n° 56 qui témoigne que cette lutte à l'intimidation et à la violence devient une priorité nationale. D'autre part, elle croit qu'en utilisant les moyens introduits récemment dans la Loi sur l'instruction publique par le projet de loi n° 88 visant à assurer une cohérence dans les actions de l'ensemble des intervenants du réseau scolaire il est possible de contrer la violence et l'intimidation dans les écoles sans alourdir la bureaucratie. En effet, les conventions de partenariat, les conventions de gestion et de réussite éducative peuvent assurer la prise en charge collective souhaitée, gage de succès.

Évidemment, je ne saurais conclure sans souligner que l'intimidation et la violence sont des phénomènes sociaux et qu'à ce titre, tout comme d'autres problèmes de société, les actions du milieu scolaire devront trouver écho auprès de tous nos partenaires, ce sont les parents, les municipalités, les corps policiers et le réseau des établissements de santé et des services sociaux. En effet, un jeune qui est victime d'actes d'intimidation ou de violence à l'école risque également de subir le même sort à l'extérieur de l'établissement, notamment sur les réseaux sociaux, comme vous le savez, et lors des déplacements entre la maison et l'école.

De plus, bien que ce projet de loi fasse de l'école le lieu privilégié d'intervention pour contrer l'intimidation et la violence, certains phénomènes tels que la cyberintimidation et les médias sociaux débordent largement le champ d'intervention de l'école et sa capacité d'action. Les acteurs du milieu scolaire, conscients du problème de violence qui afflige notre société, sont mobilisés et prêts à pousser plus loin leurs interventions, mais force est d'admettre qu'une grande part de ce qui se passe à l'extérieur de l'école et au-delà des heures de classe leur échappe et que d'autres devront aussi mettre l'épaule à la roue. Je termine là-dessus. Merci.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme Bouchard. Nous allons immédiatement procéder à la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Mme la ministre.

**(10 h 20)**

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je veux saluer mes collègues membres de cette commission parlementaire, leur souhaiter une belle longue journée -- elle va être agréable -- et souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Merci beaucoup pour votre participation. C'est une participation cruciale dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

Mme Bouchard, je vous ai bien entendue plaider, de belle façon, là, pour dire que les différentes actions proposées dans le projet de loi devraient peut-être être plus canalisées, je vais dire ça ainsi, à l'intérieur des conventions de partenariat introduites depuis l'adoption du projet de loi n° 88.

Maintenant, Mme Bouchard, vous avez sûrement entendu circuler à travers les réseaux de l'éducation, parfois par la voix de porte-paroles syndicaux, parfois par la voix de parents, parfois par la voix de médias, le fait que l'approche sur une base volontaire, le dépôt d'un plan d'action en 2008, en fait à peu près dans les mêmes... de façon pratiquement concomitante à l'introduction des conventions de partenariat, que l'approche sur une base de partenariat pour la lutte contre l'intimidation et la violence ne semble pas avoir atteint tous les objectifs qu'on s'était fixés en 2008 par le dépôt d'un plan d'action, puisque... et je vous demande de me le confirmer, mais puisque les chiffres détenus par le ministère nous indiquent que c'est peut-être à hauteur... entre 50 % à 70 % des écoles, là, c'est variable selon le niveau secondaire ou primaire... Mais enfin, pour faire une histoire courte, il y a un certain pourcentage d'écoles, au minimum 30 %, peut-être un peu plus, qui, à notre connaissance, n'ont pas adopté d'actions ou de plan d'action de lutte contre l'intimidation.

Est-ce que vous ne constatez pas avec moi que l'approche sur une base de partenariat, testée, je vais dire ça ainsi, là, ayant subi le test de la réalité depuis 2008, semble avoir atteint son seuil avec le fait que les différentes actions ont été déployées entre 50 % à 70 % des écoles et que de penser que tout va passer dans ce sujet spécifique, là, de la lutte contre l'intimidation... que ça doit passer plutôt par des notions de partenariat, que ça a un peu atteint sa limite et que, dans ce contexte-là, l'ensemble des actions proposées par le projet de loi sont nécessaires et sont au bon endroit, là?

Donc, deux éléments. Je veux vous entendre... Je pense que c'est important dans le cadre des discussions que nous aurons pour, ensuite, l'étude du projet de loi article par article, je voudrais vous entendre m'expliquer comment vous expliquez qu'il y a des écoles au Québec qui ne semblent pas avoir emboîté le pas et comment vous m'expliquez que votre plaidoyer pour que ça passe par les ententes de partenariat... Comment vous y voyez, pour moi, là, une garantie, là, que je vais atteindre le fait que... dans 100 % des écoles, je vais bel et bien assister à une prise en charge du dossier de la lutte contre l'intimidation?

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, alors, oui, je vais débuter, puis, si les collègues autour de la table veulent prendre la parole, ça me fera plaisir de la leur laisser.

Bon, d'abord, vous savez, effectivement, on n'a pas la tête dans le sable, on a entendu tout ce qui s'est dit. Bon. Ce qu'il faut dire au départ, c'est que ce plan-là prévoit... prévoyait, bon, 6 $ par élève, en fait, pour réaliser toutes sortes de projets, hein, c'est ça qui s'est passé, là, puis c'était sur trois ans. Alors, il faut dire que, dans la majorité de nos écoles, nos commissions scolaires, des projets, là, ont vraiment été réalisés. Il ne faudrait pas donner la perception à la population qu'il ne s'est rien fait puis que c'est un échec total, ce plan-là. Moi, je n'ai pas le relevé de... Vous savez, ce n'est pas notre mandat aussi, à la fédération, d'avoir le relevé de tout ce qui s'est fait puis... ou qui ne s'est pas fait, parce qu'il semble, effectivement, qu'il y a des endroits où, bon, on n'a pas réalisé, là, les objectifs qui étaient visés.

Mais, moi, il y a une chose sur laquelle... Puis, en tout cas, peut-être que, sur les détails, vous pourrez ajouter des choses. Mais ce que je voudrais, M. le Président, que Mme la ministre et ses collègues autour de la table retiennent bien, c'est que, vous savez, cette valeur qui est... puis c'est plus qu'une valeur, c'est une pratique qui est extrêmement importante pour nous, qui est cruciale, c'est le partenariat. Dans notre réseau, de travailler en équipe, c'est important. Puis ça n'empêche pas, évidemment, des syndicats, des associations de revendiquer des choses, hein? On connaît ça, là, tout le monde ici, là. Bon. Mais il reste que, de façon générale, écoutez, dans notre réseau, c'est en équipe qu'on travaille. Bon. Alors, ça, on dit qu'il faut préserver ça et que, ce travail-là et cette... bien, cette attitude-là, on doit la conserver pas seulement entre nous, dans le réseau même de la commission scolaire, mais ça, ça doit rester aussi en termes de relations avec le ministère de l'Éducation. C'est important pour nous.

Mais, moi, ce qu'on dit, par contre, ce qu'on salue... Ce qu'on dit: Oui, vous avez, Mme la ministre, tous les outils en place, tous les dispositifs dans la convention de partenariat puis les conventions de gestion pour aller de l'avant puis réduire la bureaucratie. Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que, oui, si vous voulez en faire une obligation, une obligation même qui serait inscrite au sein de ça, bien, la porte est ouverte. Parce que là, actuellement, oui, il y a une cible, hein, dans les conventions de partenariat, qui existe là-dessus, sur le milieu sain et sécuritaire, mais, si on veut aller plus loin, préciser, bien, nous autres, on dit: Regardez, on n'a pas de problème.

Et je terminerai... parce que, pour moi, c'est très important. Dans tout cet esprit, là, de collaboration, lorsqu'on dit: Écoutez, il se pourrait que vous ayez une grosse punition, là, pécuniaire, là, si jamais on n'arrive pas aux objectifs, sincèrement, là, dans notre réseau, ce que les gens disent, c'est: Ce n'est pas une façon de faire, ce n'est pas une façon de collaborer entre le ministère... La ministre, elle a déjà tous les outils pour intervenir. Puis c'est ouvrir la porte à d'autres choses aussi, après. Si on n'atteint pas nos cibles en termes, je ne sais pas, de diplomation, est-ce que maintenant le gouvernement va dire: Écoutez, on va vous couper des budgets? Ça ouvre la porte à ça, et il faut être prudent.

Est-ce que Mme Gagnon voulait ajouter quelque chose? M. le Président, est-ce que vous permettez?

Le Président (M. Marsan): Oui, oui. Juste simplement vous identifier pour la première fois, s'il vous plaît.

Mme Gagnon (Pâquerette): Oui, Pâquerette Gagnon, directrice générale de la Fédération des commissions scolaires.

Quelques mots seulement pour un des volets de la question de Mme Beauchamp, comment expliquer que ça ne s'est pas fait à la hauteur des attentes? Un autre volet d'explications que j'ajouterais après l'intervention de Mme Bouchard, c'est qu'en 2008 est arrivé ce plan d'action là, mais c'est aussi en 2008 que sont arrivées les conventions de partenariat et de réussite ainsi que tout ce nouveau processus pour le réseau.

Ce qu'on vous laisse comme message aujourd'hui, ce qu'on veut vous dire, c'est que, maintenant qu'on a quand même quelques années -- plus de quatre ans -- derrière nous, que toutes les commissions scolaires du Québec ont signé des conventions de partenariat et que toutes les écoles l'ont fait aussi avec la commission scolaire, je pense que, si la ministre souhaitait enrichir le but 4 de la convention de partenariat en précisant nommément la question de l'intimidation et de la violence pour contrer l'intimidation et la violence, ce serait possible et ce serait pris très au sérieux. Ça l'a été, mais on n'avait pas les mêmes dispositifs, qui étaient vraiment cet encadrement. Alors, dans le fond, il pourrait être écrit clairement, et toutes les commissions scolaires du Québec, là, feraient le suivi avec les établissements.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Mme la ministre.

**(10 h 30)**

Mme Beauchamp: J'ai entendu une partie de votre réaction au moment du dépôt du projet de loi, enfin je pense qu'une partie de votre réaction et de d'autres acteurs était de dire: Est-ce qu'on n'est pas en train d'additionner des éléments d'une lourdeur bureaucratique par ce projet de loi là? Et je pense notamment au fait que le projet de loi prévoit un rapport annuel déposé à la ministre de l'Éducation par chaque commission scolaire sur la base de ce qui est demandé pour rendre publiques les actions menées dans la lutte contre l'intimidation et les résultats obtenus école par école. Je veux un peu plus vous entendre là-dessus, en vous disant que j'ai bien entendu les doléances en même temps que je considère...

Et je peux poursuivre ma réflexion, mais je considère que le dossier de la lutte contre l'intimidation a ses caractéristiques propres, dans le sens suivant: c'est un dossier où toute la recherche nous montre que c'est en dénonçant, et c'est par la divulgation publique des actes d'intimidation, et c'est par l'intervention qu'on réussit, dans la majeure partie des cas, à faire cesser des comportements d'intimidation. Et la logique qui m'habite, c'est de dire: Bien, si c'est vrai, à partir de chaque acte d'intimidation posé, que sa dénonciation puis que son... puis qu'une intervention amènent la fin du geste d'intimidation, est-ce que le même principe ne s'applique pas à grande échelle, en disant: Ça devient un enjeu de société où on est capables de faire la démonstration à l'ensemble de nos concitoyens qu'on s'en occupe, en faisant en sorte que ça soit bel et bien divulgué de façon transparente, et qu'on soit capables de témoigner par un rapport spécifique de ce qui s'est fait.

Et donc vous comprenez donc que cohabitent en moi deux volontés. Est-ce qu'elles sont contradictoires? Je ne le sais pas, j'ai besoin de votre éclairage. Je suis du camp de la lutte contre la bureaucratie scolaire, c'est des arguments qui me touchent, qui me rejoignent. Mais, par rapport au dossier de l'intimidation, je suis aussi préoccupée par le fait de dire: Est-ce que la meilleure façon que ça cesse n'est pas qu'on soit capables publiquement de donner des chiffres, de donner des statistiques, de dénoncer puis de démontrer les actions par un rapport spécifique? J'ai envie de vous dire, avec un sourire: Entre les deux, mon coeur balance. Et donc je veux votre éclairage sur cet élément-là.

Je le répète, là, pour moi, le dossier de l'intimidation a ses caractéristiques propres qui demandent peut-être, même si on est dans un processus de lutte à la bureaucratie... qui demandent peut-être ses interventions propres.

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, chaque fois que je viens débattre ici d'un projet de loi, la chose est importante. Je pense que tout le travail que les élus font est important, par rapport à la réponse qu'on veut donner à la population. Puis je pense qu'encore une fois... Puis, compte tenu aussi, évidemment, là, de la teneur, de la forte teneur, hein, de l'objet qui nous concerne ici, l'intimidation, puis qui donne parfois lieu à des événements tellement tristes, tellement malheureux, effectivement on est tout en droit de se dire: Écoutez, ça mériterait peut-être un petit plus puis un rapport de plus dans l'année.

Je voudrais rassurer, M. le Président, Mme la ministre sur le fait que, question de transparence puis de rendre compte, il n'y en a pas, de problème, on est habitués de le faire. Puis on peut le faire à travers, on pense... Parce qu'on le fait déjà, là, avec, bon, le protecteur de l'élève, vous savez, par exemple, qui agit chaque année... Les codes d'éthique et de déontologie qu'on a dans nos réseaux font en sorte qu'à chaque fois qu'il y a des plaintes elles sont traduites... rapportées dans le rapport annuel, à chaque année.

Ce qu'on dit, c'est qu'on a, encore une fois, je pense, les outils qui font que... Vous savez, la convention de partenariat puis la convention de gestion, là, et de réussite, elles nous mènent à des obligations aussi de reddition de comptes envers nos parents, la population et envers la ministre. Alors, on dit que, regardez, déjà là-dedans, oui, on pourrait prévoir quelque chose qui ferait en sorte que, oui, on puisse rendre compte.

Mais il reste qu'à la lumière des discussions, moi, que j'ai eues avec, bon, les différentes associations de directions, nos partenaires, les directions générales et tout ça, ce qu'on traduit... En tout cas, ce qu'on interprète, là, à venir jusqu'ici, là, dans ce qui est devant nous, c'est que ça demande vraiment... C'est quasiment un rapport quotidien de tout ce qui s'est passé dans l'école, et tout ça. Ce n'est pas seulement au niveau du rapport final qu'il y a un gros travail à faire, mais ce rapport final là, en fait, est précédé d'un suivi, là, à l'écrit qui est assez gigantesque, et c'est ça qui nous fait dire qu'on pense qu'on n'a pas besoin d'aller jusque-là. On pense que, oui, c'est essentiel de dénoncer, vous avez tout à fait raison, il faut que les gens se sentent responsables, hein, de... Il faut que chaque personne se dise: Moi, si je suis témoin de quelque chose ou si je vis quelque chose, je dois absolument intervenir.

Mais, pour le détail concernant la bureaucratie, j'aimerais ça une fois de plus, M. le Président, céder la parole à ma directrice générale.

Mme Gagnon (Pâquerette): Merci. J'ajouterai, Mme la ministre, à l'intérieur des travaux de... sur la bureaucratie, qui sont maintenant terminés, j'ai fait partie, moi, de l'équipe qui a travaillé plus d'un an et demi sur ce dossier-là, et une de nos recommandations -- assurément, là, que le dépôt vous a été fait ou sera fait, on est bien conscients de l'ampleur des dossiers -- une de nos recommandations, le comité, avec votre équipe, c'est d'utiliser le rapport annuel de la commission scolaire pour y intégrer l'entièreté des plans de l'école et pour, à la limite, le baliser, le préciser, le rapport annuel, mais pour que ça soit un seul document qui est accessible à la fois à la ministre, en termes de reddition de comptes, mais aussi à la population, pour ne pas dédoubler la paperasse puis la reddition de comptes.

L'importance accordée à un plan d'action ou des mesures pour contrer l'intimidation et la violence est à ce point essentielle qu'il pourrait y avoir une section bien définie, bien déterminée dans le rapport annuel, qui viendrait dire aux établissements, aux commissions scolaires: Il faut avoir cette section-là dans le rapport annuel, mais non pas... Ce qu'on vous dit de nouveau: Oui, c'est important, c'est essentiel, mais pas redonner une autre paperasse de plus. Alors, ça fait partie de nos recommandations pour diminuer la bureaucratie, Mme la ministre. Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, en fait, vous savez, que ça soit quelques pages envoyées séparément ou intégrées en ajout à un rapport annuel, ma question ne se posait pas là. Ma question, c'est: Est-ce que -- à la lecture de votre mémoire, ce qui n'est peut-être pas clair à mes yeux, là, puis on a débattu de ça avec des représentants syndicaux la semaine passée -- vous êtes en train de me dire que vous voulez que le rapport soit sur la base d'une commission scolaire ou si vous êtes en accord avec l'orientation du projet de loi qui demande qu'il y ait un portrait école par école de fait?

Et je prends juste le temps de vous dire... Quand vous me dites: Ça nous semble très lourd avec la consignation au quotidien des événements qui seraient survenus dans une école, la réponse, c'est Oui. Au moment où on se parle, l'orientation du projet de loi est de dire: Nous voulons que... Nous voulons être sûrs que tout le monde soit informé, donc qu'il y ait eu dénonciation, là, dans le sens de tout le monde est informé s'il y a eu un geste d'intimidation. Vous avez vu dans la loi, ça veut dire que le parent soit informé, les parents de l'élève intimidé, de l'élève intimidateur, que la commission scolaire, que le protecteur de l'élève soient informés. Et je suis consciente que c'est une responsabilité qu'on pourrait dire supplémentaire, et je ne veux pas du tout généraliser la chose, mais j'ai eu, moi, des témoignages, des courriels, des lettres de parents qui avaient des doléances, en disant: Je me suis adressé à mon école et j'avais l'impression qu'il ne se passait rien. Et au moins qu'il y ait un processus où les gens soient informés, que ce soit consigné, qu'on ait un portrait école par école.

Mon questionnement par rapport à la lutte à la bureaucratie était aussi par rapport à ça. J'avais cru comprendre, et peut-être que je me trompe, dans votre mémoire, que vous disiez: Laissez la commission scolaire vous faire un portrait général sur la base de la commission scolaire, à même sa reddition de comptes dans la convention de partenariat, alors que j'admets qu'au moment où on se parle la loi dit plutôt: C'est un rapport, mais école par école, de ce qui s'est passé. Ça fait que c'est plus là-dessus que je veux vous entendre. Comment... Quelle vision en avez-vous par rapport au dossier de l'intimidation, là, sur l'approche qu'on doit avoir sur la reddition de comptes dans ce dossier-là?

Le Président (M. Marsan): Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Josée): Je voudrais simplement, M. le Président, manifester notre désir d'être associés, hein, au travail qui va se faire par les écoles. C'est ça que je veux dire, ce qui est... ça doit être clair dans le projet de loi, et qu'une commission scolaire, en fait, ce n'est pas désincarné. La commission scolaire, c'est tous les établissements qui la composent. Ce n'est pas les... Les gens ont la perception que la commission scolaire, c'est un centre administratif, alors que la commission scolaire, c'est le conseil des commissaires avec, oui, des gens dans un centre administratif, qui délivrent des services aux écoles et qui évidemment sont composés de l'ensemble de leurs établissements.

Alors, vous comprendrez que, quand on parle d'un rapport dans lequel, oui, la commission scolaire pourrait, bon, traduire l'état de situation dans un rapport annuel, bien, vous comprendrez que c'est à partir de ce que les écoles vont lui manifester. Donc, il y en a... Là encore, il n'y en a pas, de problème au fait qu'on puisse décliner par école ou... il y a eu tant de, je ne sais pas, demandes cette année ou, en tout cas, d'actes... tant d'interventions. Il reste que la commission scolaire, comme je vous le dis, elle doit faire ce travail-là avec les établissements pour pouvoir rendre compte. Il y a peut-être Mme Gagnon. Vous permettez?

Mme Gagnon (Pâquerette): Je préciserai, si vous permettez. En fait, quand on fait la lecture, Mme la ministre, du projet de loi, notre crainte principale, c'est une lourdeur, effectivement, de la façon que ce sera consigné. Parce que déjà les écoles ont un processus de gestion de leur plaintes. C'est évident qu'ils l'ont, le processus. Et, en bout de piste, la deuxième crainte, c'est la sortie de cette information-là. Est-ce que ça va se traduire au Québec par un palmarès d'écoles par rapport à la violence, à l'intimidation? Ça serait bien dommage. Est-ce que ça va sortir de cette façon-là? On craint cet élément-là. Alors, on dit: Que les écoles aient un processus bien défini pour rendre des comptes et qu'ils en rendent auprès de leurs parents et ensuite vers la commission scolaire, pour son rapport annuel. Mais on ne voudrait pas tomber dans une dynamique de palmarès.

**(10 h 40)**

Le Président (M. Marsan): Merci. En terminant, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, on a eu ce débat aussi avec des représentants syndicaux. Je veux juste vous dire qu'en attendant on peut faire porter le chapeau uniquement au ministère en lui demandant un portrait national de la question de l'intimidation dans chaque école du Québec. C'est qu'à un moment donné il faut savoir ce qu'on souhaite. Il y a un proverbe chinois qui dit aussi qu'il faut faire attention à ce qu'on souhaite. Mais, en attendant, c'est ça que les gens demandent. Enfin.

Je veux vous entendre en terminant... Il reste trop peu de temps, mais j'ai absolument besoin de vous entendre sur le protecteur de l'élève. Honnêtement, il y a certaines affirmations qui m'étonnent. On parle ici du protecteur de l'élève, et vous insistez pour dire que ce protecteur de l'élève n'a pas à apporter assistance à un élève qui porte plainte. Je veux... Bien, j'ai entendu que le mot «assistance» vous irritait. J'ai compris que vous disiez: C'est à la commission scolaire à porter assistance, et que le protecteur de l'élève doit être neutre et faire ses recommandations à la commission scolaire. Ça fait que je veux vous réentendre; expliquez-moi votre vision des choses sur le rôle du protecteur de l'élève.

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, ça mérite d'être clarifié. Avant de passer la parole à Me Tremblay, si vous le permettez... Écoutez, jamais ne sera notre prétention de priver un élève du service auquel il a droit auprès d'un protecteur de l'élève.

Le Président (M. Marsan): Alors, Me Tremblay.

M. Tremblay (Bernard): Oui, alors...

Le Président (M. Marsan): Très rapidement parce que le temps s'écoule.

M. Tremblay (Bernard): Oui, rapidement. Donc, dans notre vision des choses, il y a un processus, hein, de gestion des plaintes dans les commissions scolaires, qui est encadré par le règlement, là, qui est émis par la ministre, et chaque commission scolaire a un processus et un règlement qui encadrent ça et qui prévoient que le geste d'assistance, dans notre lecture, est un geste qui doit être posé par les acteurs du milieu scolaire. Alors, notre préoccupation, c'est de s'assurer que le rôle des acteurs scolaires soit justement d'accompagner le parent ou le jeune qui a des difficultés, que ce ne soit pas perçu comme étant quelque chose qui est à l'extérieur du rôle, dans le fond, des intervenants scolaires et que c'est un tiers qui s'occupe du dossier.

Et donc le protecteur de l'élève, pour nous, il vient, il arrive en ligne de compte lorsqu'il y a un certain nombre de plaintes qui ont pu être gérées à l'interne, un certain nombre de situations qui ont été traitées à la base et qu'il intervient vraiment quand un problème persiste, et que là, effectivement, lorsqu'arrive cette situation-là, il est un peu le juge, entre guillemets, de la situation, et il peut intervenir auprès du jeune, auprès du parent, auprès de la commission scolaire, tenter un rapprochement, tenter de régler le problème. Et donc on veut garder cette indépendance-là, dans notre esprit, au protecteur de l'élève et garder la responsabilité aux gens du terrain qui doivent intervenir.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine ce premier échange, et nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole au député de Jonquière, qui est aussi le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Gagnon, Mme Bouchard, M. Guimont, M. Tremblay. Ça fait plaisir de vous accueillir, de vous recevoir sur cet enjeu extrêmement important qu'est l'intimidation.

J'ai très bien écouté votre présentation, j'ai lu également votre mémoire. Également, j'ai entendu les réponses aux questions que la ministre vous a posées tout à l'heure. Et je comprends très, très bien, de votre présentation, que vous avez un propos très fort sur la bureaucratie, sur l'importance de ne pas alourdir la bureaucratie. En même temps, je vous cite, là, dans votre mémoire, en bas de la page 6 et début de la page 7, vous dites que «les mesures à mettre en place pour lutter contre l'intimidation et la violence pourraient [...] très bien s'insérer dans les orientations ministérielles établies en vertu de l'article 459.2 de la Loi sur l'instruction publique. Avec des orientations ministérielles touchant cette question, on pourrait s'assurer que les commissions scolaires adaptent leur plan stratégique en y mettant l'emphase nécessaire, ce qui permettrait d'intervenir plus efficacement par le biais de la convention de partenariat, [...]convention de gestion et de réussite éducative et des règles de conduite et des mesures de sécurité.»

En même temps que vous dites ça, vous dites que vous êtes en accord avec le principe du projet de loi. J'essaie juste de voir qu'est-ce que le projet de loi n° 56 apporte que les dispositions déjà existantes, que ce soit via la Loi sur l'instruction publique ou ailleurs, n'apportent pas déjà. Iriez-vous jusqu'à dire, si je pousse votre réflexion dans votre mémoire, que le projet de loi n° 56 est inutile?

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, non, pas du tout. On pense qu'au contraire il vient créer une obligation, qu'est-ce qu'on... on n'avait pas ça avant. On a eu un plan pour contrer la violence dans les écoles, et tout ça, mais, avec, je pense, ce projet de loi, on vient créer une obligation, et donc ça veut dire, associée à ça, comme la ministre l'a bien exprimé tout à l'heure, donc, l'obligation aussi d'une reddition de comptes. Alors, pour le détail, est-ce que Me Tremblay peut-être voudrait ajouter quelque chose?

M. Tremblay (Bernard): Oui, effectivement, dire que, dans le fond, effectivement, la loi pourrait très bien, dans notre esprit, intégrer dans les outils actuels... mais préciser que c'est un objectif, comment dire, établi, donc, dans la loi, c'est-à-dire la lutte à la violence, qu'on le nomme et que ça fasse partie, dans le fond, de façon spécifique, là, des outils que sont la convention de partenariat, la convention de gestion.

Et j'ajouterais: La nouveauté, selon nous, c'est tout l'effort qui devra être mis dans le cadre des codes de vie, hein? Dans notre esprit, les règles de sécurité, les règles de conduite qu'il y a dans l'école, ce sont des choses qui existent dans toutes les écoles mais qui ne sont peut-être pas révisées annuellement. Ici, on utilise ce véhicule-là pour faire en sorte qu'annuellement, dans chaque école, on se pose la question: Qu'est-ce qui doit être fait? Quelles règles devrons-nous mettre pour être sûrs qu'il n'y ait plus de violence et qu'il n'y en ait pas qui se développe? Alors, pour nous, ça, c'est un élément intéressant et important, et effectivement je pense que le projet de loi, il a ce mérite-là d'amener cette réflexion-là, d'amener ces ajustements-là au cadre actuel. Mais, dans notre esprit, si on est en mesure d'intégrer ces objectifs-là, importants, dans le cadre des outils actuels, on arrive à l'objectif, et on simplifie en même temps la démarche, et on maximise, dans le fond, les outils qui sont déjà dans la loi.

M. Gaudreault: Donc, je comprends que vous constatez que, d'un point de vue politique ou social, avec un projet de loi, on envoie un signal très fort de non à l'intimidation comme société québécoise, on va dire ça comme ça, et que d'adopter un projet de loi, c'est un signal très, très fort qu'on envoie à l'ensemble de la population. Mais en même temps je comprends que ce que vous dites, c'est qu'il y a... ça amène l'obligation d'avoir des procédures, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure. Donc, si vous dites que ça amène l'obligation, c'est que vous reconnaissez qu'il y a des écoles qui ne se donnaient pas ces moyens-là de mettre en action le plan d'action dont parlait la ministre tout à l'heure.

Mme Bouchard (Josée): Tout à fait, M. le Président, c'est évident. Puis ça dépend aussi de la lecture qu'on fait dans les écoles. On n'est... Vous savez, le Québec, c'est grand. Il y a des écoles de 15 élèves puis il y en a de 2000. On ne sent peut-être pas le besoin dans l'école de 15 élèves de faire la même chose que dans celle de 2 000. Oui, Mme Gagnon, vous vouliez ajouter quelque chose.

Mme Gagnon (Pâquerette): Puis j'ajouterai: Vous savez, on a, à travers le monde de l'éducation, à travers les écoles, une multitude de plans. Et il y a aussi le plan pour contrer les drogues, il y a aussi un plan pour une saine alimentation. Les écoles ont une obligation de se donner des priorités. Et on admet que, dans certains endroits, possiblement qu'ils ne s'étaient pas donné des mesures très, je dirais, fermes, là, ou coercitives pour contrer la violence, l'intimidation.

J'ajouterai de plus que, dans la convention de partenariat -- on l'a dit tantôt, mais c'est tellement complexe, tous nos processus, là -- dans le but 4 -- il y a cinq buts -- dans le but 4, c'est: «amélioration de l'environnement sain et sécuritaire». Un gouvernement qui souhaiterait, parce qu'il y a une loi qui est adoptée, nommer dans ce but-là, en adoptant obligatoirement... ou en mettant les mots que le gouvernement souhaite, on vient de se donner une police d'assurance, parce que la reddition de comptes est tellement serrée par la suite qu'il n'y a pas une école qui y échappe.

Le Président (M. Marsan): M. le député.

**(10 h 50)**

M. Gaudreault: Oui. Écoutez, c'est juste parce que moi, je suis un tenant mordicus de la décentralisation, et, contrairement à nos amis de la Coalition avenir Québec, si je crois et si ma formation politique croit à la présence et à l'existence des commissions scolaires, c'est parce qu'elles sont en soi un pouvoir décentralisé. Elles sont absolument essentielles, inscrites à l'intérieur même des gènes du Québec.

Mais j'essaie toujours de voir le juste milieu, parce qu'en même temps qu'on dit oui à la décentralisation on s'aperçoit que parfois il y a des... il faut une intervention, je dirais, d'une instance supérieure, qui est celle du gouvernement du Québec, pour obliger certaines institutions ou certaines écoles à remplir leur objectif de lutte contre l'intimidation, par exemple, dans ce cas-là. Et je comprends que, dans les commissions scolaires, et plus particulièrement dans les milieux... dans les écoles, dans les établissements qui luttent déjà contre l'intimidation avec des beaux plans, et qui sont efficaces, bon, la loi n'amènera pas... bien, va amener des obligations supérieures, supplémentaires, ou des redditions de comptes supplémentaires. Mais on vise surtout, via ce projet de loi -- confirmez-moi si c'est ce que vous pensez -- à... on vise surtout les écoles qui ne remplissent pas présentement... ou qui ne peuvent pas, pour toutes sortes de raisons, répondre aux demandes actuelles.

Mme Bouchard (Josée): Bien, tout à fait, M. le Président. Et je dirais que -- n'oublions pas la nuance, hein, parce qu'on a dit que c'était important de le définir -- c'est que ça crée une obligation mais aussi en vertu de l'intimidation. Parce qu'actuellement il y a beaucoup de choses qui se font, il y a beaucoup de programmes, en tout cas il y en a de toutes sortes, qui contrent la violence en général, l'intimidation fait partie de ça. Mais le projet de loi vise vraiment l'intimidation. Alors, c'est pour ça que ça ajoute un plus.

Moi, je vais vous dire une chose, là... Puis, tout à l'heure, justement, quand j'ai parlé aux journalistes, ce que je leur ai dit... Quand j'ai vu ce projet de loi là arriver, puis j'ai surtout vu tout ce que ça a remué au Québec, là, tout ce qu'on a vécu, là, avec le suicide d'une jeune fille, je me suis dit: Je sens que la population est en train de se mobiliser autour de ça comme elle l'a fait, depuis quelques années, autour de la persévérance. Je termine, moi, une tournée du Québec actuellement, puis c'est cimenté, là. On sent, là, que là les gens, ils prennent ça à coeur, le décrochage scolaire, puis que c'est... Ils ont compris que ce n'était pas juste l'école. Bien, dans le cas de l'intimidation, bien, moi, je trouve que le projet de loi, il vient donner de la vigueur à tout ça puis il vient dire: Oui, il dit à la population: Effectivement, mobilisons-nous tous ensemble contre ça, c'est inacceptable.

Mais c'est pour ça que je vous dis que ce qu'il faut encore comprendre là-dedans, c'est qu'il faut trouver moyen, là, de faire en sorte qu'on n'alourdisse pas la tâche de notre monde sur le terrain. Puis ça ne veut pas dire qu'on est en train de fuir, là, les responsabilités. Au contraire, on vous dit: Regardez, on est capables d'en prendre, des responsabilités. Effectivement, comme gouvernement local, on est capables de s'assumer là-dedans, pas de problème. Alors, voilà.

M. Gaudreault: Oui, M. le Président, je voudrais changer de sujet, revenir sur la question des sanctions pécuniaires. Vous êtes très, très bien campés, là, sur cette question-là en demandant carrément que l'article 21 sur les sanctions pécuniaires soit retiré, parce que vous dites qu'il y a déjà... Je vais un petit peu dans le même sens qu'on disait tout à l'heure avec l'article 459.4 de la Loi sur l'instruction publique actuelle, qui prévoit que la commission scolaire, puis le ministre, peut convenir de correctifs, etc. Et on a eu une présentation jeudi des diverses instances de la CSQ, qui nous disaient qu'eux aussi, ils trouvent inadmissible que le gouvernement puisse imposer des sanctions, parce qu'ils trouvent que ça risque de donner un moyen, pour la ministre ou le ministre, de faire indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement.

Et là je cite leur mémoire, de la CSQ, à la page 28: «...nous trouvons inadmissible que le gouvernement puisse imposer des sanctions pour un manquement qui serait dû au sous-financement de certains services. Par exemple, une école qui n'arriverait pas à offrir tous les services requis dans un plan d'intervention auprès d'un élève en adaptation scolaire à cause d'un manque de ressources pourrait se voir imposer une sanction pécuniaire qui porterait encore plus atteinte à la quantité et à la qualité des services fournis par cette école.»

Alors, la CSQ a comme trouvé un piège, entre guillemets, qui permettrait au gouvernement de faire par la porte d'en arrière ce qu'il ne peut pas faire présentement par la porte d'en avant, je dirais, d'une certaine manière. Est-ce que vous partagez cette analyse de la CSQ?

Mme Bouchard (Josée): Il y a deux volets. Il y a le volet, je dirais, plus juridique, qui concerne la responsabilité. Mais, juste avant, je pense qu'il y a aussi, effectivement, le volet politique, et je sais que ce n'est pas l'endroit pour le faire, mais, si on débat du budget, écoutez, effectivement, vous savez, toutes ces sommes qu'on investit, puis en surplus, en termes de ressources, par exemple, aux écoles, quand on bâtit des projets, bien, c'est dans notre fameux budget, là, qui est coupé, là, administratif. Alors, effectivement, il ne faudrait pas être jugés sur cette base-là.

Et, en ce qui concerne, M. le Président, le volet plus juridique, bien, je demanderais à Me Guimont d'y répondre, si vous le permettez.

Le Président (M. Marsan): Me Guimont, si vous voulez vous présenter...

M. Guimont (Alain): Alain Guimont, conseiller juridique à la fédération.

Sans aller à l'aide financière accordée aux élèves en difficulté, si on se limite à l'intimidation et la violence, actuellement les sanctions pécuniaires que le gouvernement... que le ministère peut imposer à une commission scolaire, c'est lorsque la commission scolaire déroge à une disposition de la loi. C'est assez restrictif. Avec les modifications qui sont proposées par le projet de loi, il semble y avoir une difficulté d'interprétation qui nous laisse croire que les sanctions pécuniaires pourraient être imposées même lorsqu'une commission scolaire, sans en soi déroger à une disposition de la loi, ne rencontre pas certains objectifs.

Alors, présumons que la lutte contre l'intimidation et la violence se déroule dans le cadre des conventions mais que les sanctions administratives persistent. Alors, une commission scolaire convient d'une convention avec le ministère, avec des objectifs, des cibles. Malheureusement, les cibles ne sont pas respectées, ne sont pas rencontrées. Les propositions au niveau des sanctions administratives nous laissent penser que la ministre pourrait nous imposer une sanction pécuniaire, ce qui nous semble inadmissible parce que la lutte contre l'intimidation et la violence se fait dans un contexte de partenariat. Et actuellement la ministre a tous les outils pour répondre à des difficultés par le biais de correctifs ou de mesures additionnelles.

Donc, pour nous, les sanctions pécuniaires qui sont prévues dans le projet de loi risquent d'être applicables également dans la lutte contre l'intimidation et la violence, bien que la commission scolaire respecte toutes les dispositions de la loi. Elle les respecte, sauf que, sur le terrain, il y a une difficulté au niveau des conventions: les cibles ne sont pas rencontrées. On respecte la loi. On a conclu une convention dans l'hypothèse où les conventions contiendraient des dispositions sur la lutte. Alors, la commission scolaire respecte la loi, mais il y a une difficulté qui se présente: les objectifs, les cibles ne sont pas respectés.

Alors, nous ne voulons pas qu'une commission scolaire se fasse imposer des sanctions pécuniaires. La ministre a déjà des pouvoirs en vertu de la loi pour intervenir.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour à vous toutes et vous tous. Merci de votre contribution à cet important débat pour l'école québécoise. Je pense bien que la société en général -- vous en avez témoigné d'ailleurs -- est alertée sur cette question-là. Personne n'a le goût de perdre... qu'on perde nos enfants parce qu'on n'a pas su intervenir de façon adéquate. Et je pense que l'école, comme sur toute autre question, a souvent une responsabilité qui lui incombe, qu'elle doit partager bien sûr avec des partenaires, mais c'est le lieu où tous nos enfants vont, donc il y a une responsabilité qui lui est rattachée, sans aucun doute.

Moi, je veux revenir sur la question de la lourdeur bureaucratique. Mme la ministre disait tout à l'heure qu'elle était partagée, on va essayer de creuser un petit peu plus la question. C'est sûr que l'action sur les plans de lutte contre l'intimidation et la violence, ça se passe dans l'école. Ça se passe à partir d'un énoncé comme celui-là qui fait en sorte que le ministère de l'Éducation se situe et place l'obligation, comme vous disiez tout à l'heure, que le milieu agisse. Les commissions scolaires, donc, embarquent dans le processus, contribuent à cela et donnent les moyens, autant par le ministère que par la commission scolaire, à l'école de répondre aux besoins des jeunes.

Maintenant, tout à l'heure il a été évoqué la question des palmarès. Les gens qui me connaissent savent très bien comment j'ai lutté contre les palmarès de toutes sortes parce que ça a un effet démobilisant sur le milieu scolaire. Et je pense, moi, qu'à tous les matins les gens se rendent à l'école pour aider les jeunes, et c'est à ça qu'on doit s'associer, c'est pour ça qu'on doit travailler. Donc, je veux éviter la question des palmarès.

En même temps, compte tenu du fait que l'action se passe dans l'école, comment on fait pour être en mesure d'avoir le portrait, le diagnostic de l'école, le rapport de l'école qui est consolidé au niveau d'une commission scolaire et qui, par la suite, va au ministère de l'Éducation? Comment vous voyez ce processus-là pour qu'il n'alourdisse pas la tâche? Je comprends que vous partez par les conventions de partenariat, vous utilisez les conventions de gestion -- c'est un nouveau vocabulaire pour moi, je suis plus vieille, moi -- et vous utilisez tout ça. Disons qu'on s'en va par cette voie-là que vous proposez, comment, au niveau du ministère, on est capable d'avoir un portrait clair de nos écoles et de nos commissions scolaires? Et, si on veut mettre le doigt sur un milieu pour faire en sorte que les choses s'améliorent, comment on peut agir en toute transparence, là?

**(11 heures)**

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Josée): Mme Gagnon.

Le Président (M. Marsan): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): C'est tellement une grande question, ce que vous posez là, Mme Richard. Ça entre dans le processus d'établissement des grandes priorités de l'école, effectivement, pour établir leurs projets éducatifs et leurs plans de réussite. L'école doit faire une photo, hein, de son diagnostic, là, dans le fond, pas précisément sur la question de la violence, l'intimidation, mais elle doit le faire. Donc, on peut tenir pour acquis qu'elle devra le faire plus spécifiquement pour le dossier de l'intimidation, de la violence, mais à l'intérieur des dispositifs qu'on a déjà.

Et le conseil d'établissement, qui est au coeur de ça, cette instance, dans le fond, qui doit avoir état des lieux là-dessus, pourrait s'assurer que, dans son rapport annuel de l'école, cette situation-là est mise en évidence. Je pense qu'on a quelques mots, quelques phrases à ajouter pour rendre ça très sérieux, ça l'est déjà, mais plus obligatoire, et qui viendraient donner le même résultat. Je le dis simplement parce qu'on a peu de temps, mais je pense qu'il pourrait y avoir des travaux, là, très rapides à faire, avec notre collaboration, là, pour arriver au même résultat.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Ceci termine l'échange avec l'opposition officielle. Nous allons poursuivre, et je vais donner la parole à M. le député de La Peltrie.

M. Caire: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Vous avez dit quelque chose avec lequel j'étais partiellement en accord, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur les fameuses sanctions pécuniaires. Je comprends que que les sanctions soient pécuniaires, c'est une hypothèque, parce que ça veut dire qu'on va piger à même les budgets qui sont alloués, puis, à un moment donné, ces argents-là, il va falloir les couper ailleurs. Mais j'avais l'impression, dans votre intervention, que vous alliez plus loin, que c'était la notion de sanction qui vous agaçait, puis là-dessus j'aimerais ça vous entendre. Parce qu'une loi qui n'a pas de dent ou une obligation sans contrepartie, ça donne quoi, là?

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, si vous le permettez, en fait, ce qu'on rappelle, c'est le principe, bon, d'abord de la collaboration, là. On est tous des grandes personnes, là, puis des personnes responsables, là. Puis je pense que déjà, comme on le disait, si la ministre veut apporter des correctifs, là, qui pourraient être interprétés comme des sanctions, elle a tout le pouvoir de le faire. Moi, je n'ai pas de difficulté avec ça, là, de... si je n'ai pas fait mes devoirs, là, que, hein, il faut que je sois ramenée à l'ordre. Ça, c'est important, ça, dans n'importe quel réseau public au Québec.

Mais ce qu'on dit, là, concernant la sanction pécuniaire puis ce qui vraiment, là, nous chatouille, parce que... En tout cas, moi, je l'ai entendu dans des discussions que j'ai eues à un moment donné dans divers comités, puis je sais que c'est des idées, ça, qui circulent actuellement, puis il faut être vigilant par rapport à ça, c'est que, regardez, si on ouvre là-dessus puis qu'on commence, à travers une loi, à dire qu'on va avoir cette sanction, mais qu'elle va être d'ordre pécuniaire, là, écoutez, on est en train de dire que, bien, c'est là, là on le fait là. Mais ça pourrait peut-être dire qu'on ouvrirait la porte à d'autres aussi, à d'autres domaines. C'est ça que je disais tout à l'heure.

M. Caire: ...question, Mme Bouchard, parce que je comprends que le mot «pécunier»... Je comprends votre logique, là. Vous dites: Si vous nous imposez des sanctions pécuniaires, on coupe le budget; on coupe le budget, on coupe les services. Bon, ça, je peux vous suivre là-dessus. Mais c'est la notion qu'il n'y a pas de sanction, à quoi sert... Puis tous les projets de loi sur lesquels moi, j'ai travaillé, il y avait toujours une partie, dans le projet de loi, où, si tu ne respectes pas la loi, il y a des conséquences, il y a des sanctions. Puis j'ai l'impression que votre discours va plus loin que les simples sanctions pécuniaires puis que c'est les sanctions sous quelque forme que ce soit qui vous irritent, puis ça, c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.

Mme Bouchard (Josée): Mme Gagnon.

Le Président (M. Marsan): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): En vertu de la loi actuelle, l'article 459.4 prévoit déjà des mesures correctives si la ministre considère que les objectifs, les buts ne sont pas atteints dans les conventions de partenariat. C'est déjà prévu, il y a déjà des mesures, la ministre a déjà ces pouvoirs-là en vertu de 459. Et, en vertu de 477, elle peut annuler ou retirer une subvention aux commissions scolaires. Les deux mesures pécuniaires et d'autres types de mesures sont déjà prévues à la loi. Tout le dispositif est présent dans la Loi sur l'instruction publique actuellement. Ce qu'on dit, c'est: Pourquoi en ajouter un de plus? Si on intègre les objectifs que la ministre a pour contrer l'intimidation et la violence, que là on partage à 100 %, tout est prévu déjà dans la loi.

M. Caire: Sur un autre sujet que vous avez...

Le Président (M. Marsan): Oui, mais c'est presque terminé. Si vous voulez faire peut-être un très court commentaire...

M. Caire: Bien, en fait, rapidement, parce que vous avez parlé de la définition en disant que c'était important que la définition soit resserrée pour ne pas qu'il y ait une espèce de chasse aux sorcières qui s'installe dans la lutte à l'intimidation et qu'on confonde des cas d'apprentissage à la vie à la société qui se passent dans les cours d'école avec des cas de véritable intimidation, puis moi, je pense que ce serait important, M. le Président, qu'on puisse entendre les représentants de la fédération là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Très rapidement.

Mme Bouchard (Josée): Bien, c'est ça, on vous donne, en fait, le parallèle en Ontario, où là -- vraiment, allez voir, là -- dans leur loi, on voit très bien la bonne définition qui est accordée à ça. Puis c'est comme vous le dites, il ne faut pas tomber dans une chasse aux sorcières.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Et merci à vous, Mme Bouchard, Mme Gagnon, Me Tremblay, Me Guimont, pour nous avoir donné le point de vue de la Fédération des commissions scolaires du Québec sur le projet de loi n° 56.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec à venir se présenter à cette table. Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

 

(Reprise à 11 h 12)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec, M. Serge Pelletier, le président. Et je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous aurez par la suite une période de 15 minutes pour nous faire valoir le point de vue de votre association.

Association des directeurs généraux
des commissions scolaires (ADIGECS)

M. Pelletier (Serge): La personne qui m'accompagne, c'est Raynald Thibeault, directeur général de la commission scolaire Marie-Victorin et aussi vice-président de l'ADIGECS.

Le Président (M. Marsan): Allez-y.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, Mmes et MM. les députés, Mme la ministre, il me fait plaisir aujourd'hui d'être ici pour vous présenter le point de vue de l'association des directions générales des commissions scolaires concernant le projet de loi pour lutter contre l'intimidation et la violence.

Comme vous le savez, l'ADIGECS regroupe des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec ainsi que les directions générales adjointes de 72 commissions scolaires.

Lorsqu'on a pris connaissance du projet de loi n° 56, l'ADIGECS a formé un comité d'étude afin d'analyser le projet de loi. Ce comité a mis à contribution plusieurs directions générales de commissions scolaires au Québec. L'analyse réalisée par les membres de ce comité a par la suite été validée par les membres du conseil d'administration de notre association, d'où le présent mémoire.

Commentaires généraux. Tout d'abord, l'ADIGECS tient à mentionner au gouvernement du Québec qu'elle répond positivement à son appel de mobilisation pour contrer l'intimidation lancé le 12 février dernier. Elle l'appuie dans sa stratégie, qui se décline en quatre actions: mobiliser, communiquer, légiférer et agir.

Quant au volet législatif, l'ADIGECS accueille favorablement le dépôt du projet de loi n° 56 sur l'intimidation en milieu scolaire.

Pour l'ADIGECS, la lutte à l'intimidation constitue une responsabilité collective, puisque les situations problématiques ne se vivent pas seulement à l'intérieur du périmètre des écoles. Pour que les interventions de nos équipes soient vraiment efficaces, le soutien des parents et de la communauté en général est nécessaire. Nous avons tous le devoir de nous mobiliser pour soutenir les jeunes, les protéger et contribuer ainsi au développement d'un climat sain dans nos établissements. D'ailleurs, cette préoccupation se reflète dans la convention de partenariat liant les commissions scolaires et le MELS, relativement au but 4 de la ministre visant un environnement sain et sécuritaire.

D'entrée de jeu, nous trouvons intéressant que la définition proposée de l'intimidation ne se limite pas à l'élève. Nous sommes en accord avec les dispositions du projet de loi qui établissent des liens avec les partenaires. Nous souscrivons à l'intention de fixer les obligations de l'élève dans la loi et d'élargir les fonctions du comité des élèves en y intégrant la promotion, chez les élèves, de comportements empreints de civisme et de respect.

L'ADIGECS se montre aussi favorable aux précisions apportées aux fonctions du directeur de l'école quant à l'intimidation et à la violence. L'article 14 de la loi vient clarifier le rôle du directeur en matière d'imposition de sanctions disciplinaires, mais la loi doit -- et devrait -- lui permettre aussi d'utiliser son jugement.

Commentaires spécifiques. Après l'analyse du projet de loi, l'ADIGECS souhaite vous faire part de commentaires de divers ordres afin de bonifier le projet de loi. Notre objectif avant tout, et qui a guidé notre action, était de déterminer les moyens propres à favoriser l'adhésion de tous au projet de loi et ainsi d'assurer le déploiement, dans les milieux, d'actions pour lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Avant de vous présenter nos commentaires détaillés, nous nous permettons d'abord de vous faire part de préoccupations qui nous touchent particulièrement, en lien avec le projet de loi.

Au niveau de la définition de l'intimidation et des sanctions prévues. Pour nous, la définition proposée de l'intimidation aurait avantage à intégrer les dimensions d'intention, de répétition, de rapport de force et de lieu pour la distinguer du conflit mineur. Lors de l'application des sanctions, des facteurs atténuants devraient être considérés, tels que la reconnaissance de l'acte reproché, l'âge de l'élève et les particularités des EHDAA. Comme prévu dans le Plan d'action pour prévenir et traiter la violence à l'école, les codes de vie des écoles doivent mettre l'accent davantage sur la responsabilisation des acteurs plutôt que de miser strictement sur des mesures coercitives ou de sanction.

Maintenant, on a retrouvé, à l'intérieur du projet de loi, des éléments qui nous ont questionnés au niveau de la lourdeur bureaucratique. Plusieurs obligations de reddition de comptes qui sont proposées constituent souvent un dédoublement de mécanismes déjà prévus dans la Loi de l'instruction publique et n'ajoutent rien au traitement de l'intimidation. Une intégration de ces obligations et des actions bien coordonnées permettront d'atteindre ce résultat, tout en évitant d'alourdir la bureaucratie au moment même où nous travaillons tous à la diminuer.

La loi n° 88, les plans stratégiques des commissions scolaires, les conventions de partenariat entre chacune des commissions scolaires et le ministère, les conventions de gestion, de réussite entre chacun des établissements et la commission scolaire, les règles de conduite et les mesures de sécurité des écoles sont des points d'ancrage existants qui nous permettront de répondre à ce besoin de reddition de comptes, tout en simplifiant au minimum la reddition de comptes attendue.

Dans un autre ordre d'idées, on s'est questionnés par rapport au rôle de chacun des acteurs et on a vu, à l'intérieur du projet de loi, une possible confusion de rôles. Pour nous, le législateur semble accorder au conseil d'établissement des pouvoirs de nature administrative et pédagogique relevant plutôt du pouvoir de gestion du directeur d'école. Cette façon de faire pourrait brimer le leadership de la direction d'école et pourrait provoquer éventuellement des tensions entre les différents acteurs au moment même où la cohésion et la concertation sont essentielles au déploiement harmonieux de cette démarche.

Le projet de loi semble préconiser aussi un rôle de première intervention au protecteur de l'élève, contrairement à ce que prévoit le Règlement sur la procédure d'examen des plaintes établie par une commission scolaire. De plus, nous trouvons inapproprié qu'un document-école portant sur l'évaluation des résultats de cette démarche soit transmis au protecteur de l'élève. Le rôle du protecteur de l'élève consiste à statuer sur les plaintes qui lui sont adressées, et non pas d'être associé au processus d'évaluation établi dans chacun des milieux au regard de la lutte contre l'intimidation et la violence. Pour nous, par exemple, le conseil d'établissement devrait approuver un plan de lutte à l'intimidation et non pas l'adopter. Et effectivement le plan de lutte à l'intimidation devrait s'intégrer à l'intérieur du code de vie des écoles.

**(11 h 20)**

Maintenant, au niveau des modifications législatives à réévaluer, la proposition de conférer nommément un pouvoir au comité exécutif de la commission scolaire -- c'est comme ça qu'on l'a lu d'ailleurs, on parle de comité, mais on ne précise pas «exécutif» dans la loi -- en matière de transfert ou de suspension d'élève n'est pas nécessaire, puisque la Loi sur l'instruction publique prévoit déjà, à son article 181, que le comité exécutif exerce les pouvoirs qui lui sont délégués par le conseil des commissaires. De plus, dans plusieurs commissions scolaires, le pouvoir de transfert est déjà délégué à la direction générale, par souci d'efficacité, à même le règlement de délégation de pouvoirs.

Il en est de même du nouveau pouvoir conféré au conseil d'établissement -- ce que je vous disais tout à l'heure -- d'adopter le plan de lutte à l'intimidation, alors que le conseil d'établissement approuve déjà les règles de conduite et les mesures de sécurité contenant des sanctions. Le plan de lutte à l'intimidation pourrait s'y intégrer sans problème.

Tous les nouveaux mécanismes de reddition de comptes prévus dans le projet de loi devraient s'intégrer au rapport annuel de la commission scolaire ainsi qu'au rapport annuel de chacune des écoles à partir de la convention de partenariat et de la convention de gestion et de réussite. Ceci nous permettrait d'éviter une lourdeur administrative et bureaucratique tant décriée par les parlementaires.

Pour ce qui est de l'article 21 prévoyant une sanction administrative pécuniaire lorsqu'un manquement est constaté à une disposition de la loi ou de ses règlements, l'article 477 de la loi actuelle y pourvoit déjà.

En gros, c'est les commentaires généraux. Maintenant, on serait davantage au niveau des commentaires spécifiques en lien avec chacun des articles. Raynald.

Le Président (M. Marsan): M. Thibeault.

M. Thibeault (Raynald): M. le Président, très rapidement et sans aller dans le détail et de parcourir l'ensemble du tableau qui vous a été soumis, peut-être attirer votre attention notamment au niveau de la définition où on précise qu'il serait intéressant à ce qu'on distingue l'agression du conflit, car ce sera difficile de départager les événements relevant d'un conflit de plaintes relatives à l'intimidation. La définition devrait comprendre les éléments suivants, et, pour nous, ça nous apparaissait important: de répétition, d'auteur, rapport de force, notion d'intention de geste.

Également, une définition sur la violence qui préciserait -- parce que le projet de loi porte sur l'intimidation et la violence, mais on ne retrouve pas de définition de la violence: il s'agit de violence physique, verbale, etc. Le MELS propose une définition de la violence, sur son site Internet, qui comprend notamment les notions d'intention et de rapport de force.

Enfin, et toujours avec la définition, c'est de préciser le champ d'application. Les actes visés sont ceux se déroulant à l'école et dans le transport scolaire. Les élèves marcheurs qui quittent l'école pour aller au dîner à la maison ne seraient pas visés ni ceux utilisant les médias sociaux et à l'extérieur de l'école.

M. Pelletier (Serge): Au niveau maintenant des obligations des élèves, ce qui est certain, on a trouvé ça très intéressant que l'élève doive contribuer à l'établissement d'un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire. Pour nous, c'est un plus dans le projet de loi. Toutefois, on considère qu'on devrait ajouter les dispositions suivantes relatives à la responsabilité des parents ou leur obligation de collaboration à l'intérieur d'un processus comme celui-là. Parce qu'on n'en traite pas à l'intérieur du projet de loi, des obligations des parents et des responsabilités parentales.

M. Thibeault (Raynald): En ce qui concerne le plan de lutte contre l'intimidation toujours, on pense que ce serait intéressant d'ajouter une section qui concerne les témoins et une préoccupation à leur égard, autre élément ajouté, qui devrait comprendre des dispositions relatives à la responsabilité des parents et leur obligation de collaborer. Ce n'est probablement pas évident à faire, mais le rôle des parents est non négligeable.

Le Président (M. Marsan): Je vais vous demander, il reste trois minutes, en tout cas, si vous pouvez nous faire un court rapport. Je sais que tous les députés ont reçu votre mémoire.

M. Pelletier (Serge): Oui. On peut y aller assez rondement, M. le Président. Au niveau maintenant, je dirais, du plan de lutte, comme tel, à l'intimidation, nous, on se questionne par rapport aux éléments 6, 7 et 8, je dirais, du plan de lutte comme tel, où on parle des mesures de soutien et d'encadrement, on parle des sanctions disciplinaires et on parle du suivi à être donné. Pour nous, ce qu'il faut faire attention à l'intérieur de tout ça, il ne faudrait pas qu'on fasse en sorte d'enlever des pouvoirs et des responsabilités qui incombent aux directions d'établissement. On ne voudrait pas, par exemple, que le conseil d'établissement se substitue à la direction d'établissement dans des dossiers de cette nature-là. Je pense qu'il y a une marge de manoeuvre, et il y a aussi un leadership qui doit être assumé par les directions d'établissement.

Pour ce qui est du code de vie, on en a parlé tout à l'heure, pour nous, le plan de lutte à l'intimidation doit y être intégré.

L'évaluation du plan de lutte. Il va de soi que l'évaluation du plan de lutte à l'intimidation doit se faire milieu par milieu, doit être intégrée au rapport annuel de l'école et par la suite dans le rapport annuel de la commission scolaire, avoir, je dirais, un ensemble.

Au niveau du comité des élèves, on en a parlé tout à l'heure.

Au niveau maintenant des partenaires que sont la Santé et Services sociaux et les corps policiers ainsi que les transporteurs scolaires, on est très favorables à un partenariat, mais encore faudrait-il s'assurer que les partenaires aient les mêmes obligations que nous dans ce partenariat-là, c'est-à-dire que ce ne soient pas seulement les commissions scolaires et les milieux école qui aient la responsabilité du partenariat là, mais qu'à la fois la Santé et Services sociaux, les corps policiers et les transporteurs scolaires aient aussi des obligations en lien avec le projet de loi.

M. Thibeault (Raynald): Donc, trois éléments: le rôle du protecteur de l'élève à clarifier et au moment où il intervient, la lourdeur bureaucratique aussi nous apparaît très importante, et le rôle du conseil d'établissement, qui peut aller très loin dans la classe. Voilà.

M. Pelletier (Serge): Ça va faire le tour, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Oui. Bien, je vous remercie vraiment pour être demeurés dans le temps imparti. Et nous allons débuter immédiatement la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux juste vous dire qu'avec vous je veux en profiter... Premièrement, bienvenue. Et, deuxièmement, je vais soulever trois enjeux. Il y a toute la question de comment vous voyez la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les différents acteurs du réseau, et je vais vouloir parler de vos commentaires sur la question de l'obligation des parents... d'intervention des parents, puis, troisièmement, je veux plus vous entendre sur quelque chose de très précis, mais qui est bien important à mes yeux, c'est les mécanismes menant à la possible expulsion d'un élève, que vous commentez.

Je vais commencer par celui-là, parce qu'il y avait aussi un commentaire dans le mémoire de la Fédération des commissions scolaires, et on n'a pas pu aborder la question. Vous me dites: Le pouvoir d'expulser un élève, ça existe déjà, on ne comprend pas pourquoi vous en reparlez dans le projet de loi. Maintenant, j'imagine que vous comprenez bien que... Dans le projet de loi, en cas d'intimidation, c'est qu'on donne un délai de réponse de cinq jours, estimant que... Dans certains cas, il semble que parfois ça a été trop long.

Donc, je reprends... Je reconnais, je l'ai déjà dit, que, oui, il y a déjà au Québec le pouvoir d'expulsion d'un élève. D'ailleurs, on a été amenés à faire le commentaire parce que beaucoup de gens, lorsque l'Ontario a sorti son projet de loi, disaient: L'Ontario vient de se donner un pouvoir d'expulsion, puis il fallait expliquer qu'au Québec on l'a depuis bon nombre d'années. Mais ici l'intention dans le projet de loi, c'est la notion de réponse rapide à une situation qui devient réellement problématique et où un directeur d'école demande à sa commission scolaire... Puis ici on précise que c'est l'exécutif de la commission scolaire qui doit répondre dans un délai de cinq jours, ce qui, à mes yeux à moi, là, n'empêche pas le fait qu'une commission scolaire ou son exécutif décide, de façon légale, de donner ce pouvoir-là vers son directeur de commission scolaire, là. Tout ça se fait déjà.

Ça fait que je veux juste vous entendre sur ce mécanisme-là, sur... Est-ce que vous êtes... vous continuez à me dire: Vous n'avez pas à mettre ça dans la loi, alors qu'ici l'intention était de circonscrire un délai de réponse quand je suis devant des notions d'intimidation et de violence?

Et puis est-ce que c'est faisable? C'est parce que j'ai eu des commentaires en disant: Ça ne sera pas faisable de répondre en dedans de cinq jours. Moi, il me semble que, quand je suis devant une situation qui a atteint un tel paroxysme qu'une direction d'école en est... doit se résoudre à parler de l'expulsion d'un élève, alors que, dans la vie de tout le monde, là, ce qu'on veut, c'est que l'élève aille à l'école, là, on s'entend -- je sais que c'est dans des cas extrêmes où on doit se résoudre à parler de l'expulsion d'un élève -- est-ce qu'on ne doit pas se dire qu'on... ça demande, ça commande une réponse rapide, en dedans de cinq jours?

**(11 h 30)**

M. Pelletier (Serge): Mais moi, je pense, Mme la ministre, qu'effectivement ça demande une réponse rapide. Mais, quand on regarde le fonctionnement actuel au niveau des comités exécutifs ou des conseils des commissaires, le cinq jours dont on parle est difficilement réalisable, et de un. Et, de deux, effectivement, c'est déjà un pouvoir délégué dans plusieurs commissions scolaires.

Mais je veux quand même vous situer ça à un autre niveau. On a actuellement des pouvoirs de suspension dans les écoles. On a des pouvoirs de relocalisation aussi, puis ça existe aussi dans plusieurs commissions scolaires, tu relocalises un élève d'une école à une autre. Et tu as aussi le pouvoir d'expulsion. C'est-à-dire que, dans les faits, on pourrait suspendre un élève de son milieu école en attendant que le dossier soit analysé et traité en bonne et due forme au comité exécutif ou au conseil des commissaires, et là l'expulsion pourrait suivre par la suite, dans un deuxième temps. Parce qu'habituellement c'est de cette façon-là qu'on fonctionne dans les commissions scolaires, c'est-à-dire qu'on expulse rarement un élève comme tel, on fait un processus de suivi, on le suspend. Souvent, on lui permet d'avoir des services à la maison, un accompagnement à la maison. Et par la suite, si on s'aperçoit qu'effectivement on n'a pas d'autre recours que celui-là, on s'en va vers l'expulsion. Mais on se rappelle fort bien que l'expulsion, pour nous, c'est véritablement le dernier recours, comme vous l'avez souligné, Mme la ministre.

M. Thibeault (Raynald): Puis, peut-être pour ajouter, dans le projet de loi, on ne précise pas aussi le nombre de jours qu'une direction d'école peut suspendre. Et il y a des alternatives aussi à la suspension, donc des mesures qui sont prises au sein même des différentes écoles. Donc, le pouvoir qui appartient déjà au conseil des commissaires peut être délégué à l'exécutif, mais, comme M. Pelletier le disait, c'est quelque chose que, s'il est délégué au conseil exécutif, au comité exécutif, bien, il se réunit à tous les mois.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, encore là, je veux qu'on se comprenne bien. Vous me parlez du processus de suspension puis d'expulsion. L'article porte sur l'expulsion. Je veux dire, rien n'empêche... Ce que vous me décrivez de ce qui se fait dans la vraie vie, aujourd'hui, là, rien ne l'empêche. Une commission scolaire peut effectivement décider de suspendre momentanément un élève, analyser en profondeur la situation, trouver les bons mécanismes d'accompagnement pour remédier à la situation problématique. Mais ici l'article qui demande une réponse en dedans de cinq jours, ce n'est pas sur des demandes de suspension, c'est sur le principe d'expulser. C'est vraiment le recours ultime que tout le monde veut éviter, mais qu'on s'est toujours donné au Québec, le pouvoir de dire: Je peux expulser un élève d'une école, ce qui, comme vous le savez, amène habituellement le fait qu'on va devoir le confier à la direction de la protection de la jeunesse. Donc, je veux juste redire, là...

Je veux juste bien comprendre: Vous êtes en désaccord avec l'article? Votre argument ultime, c'est de me dire: Ce n'est pas facile de décider en dedans de cinq jours. Moi, je me dis: Quand je suis devant une telle situation, il y a sûrement des bons moyens, notamment réunions téléphoniques, nouvelles technologies, etc., pour dire: On doit décider si on procède à l'expulsion d'un élève en dedans de cinq jours. Mais moi, j'ai besoin de votre éclairage de la vraie vie, là. Mais je ne suis pas en train de parler du processus de suspension, et tout ça. L'article porte sur l'expulsion d'un élève de l'école.

M. Pelletier (Serge): Je comprends bien, Mme la ministre, sauf que ce que je veux que vous saisissiez bien, c'est qu'à partir du moment où on suspend un élève d'une école, à partir du moment qu'il est suspendu, qu'il n'a plus le droit de se rendre à l'école puis qu'il a un... il est suspendu à la maison, qu'on attende huit jours ou 10 jours pour l'expulser officiellement, dans un processus... Parce que le processus d'expulsion, c'est un pouvoir d'expulsion au niveau de la commission scolaire. Une suspension, il peut y avoir une suspension au niveau de l'école, en bonne et due forme. Ils font un rapport à la direction générale, on soumet ce cas-là au conseil des commissaires ou à l'exécutif pour l'expulsion. L'expulsion, là, c'est une décision finale.

Donc, à ce moment-ci, c'est le délai du cinq jours, moi, qui me questionne. Je me dis: Pourquoi qu'on se contraint à un délai de cinq jours dans un processus comme celui-là? À partir du moment où le jeune ou l'individu, par exemple, qui a fait de l'intimidation n'est plus à l'école, n'est plus un danger pour ses confrères et consoeurs, à ce moment-là que le processus d'expulsion se finalise 10 jours après au lieu de cinq, selon moi, ça n'apporte rien de plus au niveau du temps comme tel, déterminé, du cinq jours, là. C'est plutôt à ce niveau-là que je réagis. Mais, pour ce qui est de l'expulsion, je comprends bien, Mme la ministre, qu'on n'aura pas le choix dans certains cas, et ça se vit déjà dans nos commissions scolaires qu'on doive expulser des élèves.

Mme Beauchamp: Deux éléments; mais je ne veux pas prendre plus de temps sur ce sujet-là, on pourra y revenir lors de nos discussions dans le cadre de l'article par article. Mais je comprends votre point. Je pense que je réagis comme bien des parents d'élèves intimidés en ayant l'impression qu'à la fin ça devient moins important ou peu important de poser des gestes réels de sanction face à l'élève intimidateur. J'ai toujours l'impression qu'à la fin de l'histoire, là, on ne pose pas des gestes significatifs qui répondent à la détresse et au besoin de réponse que vivent l'enfant intimidé et ses parents et que...

Je sais que le principe de l'expulsion est un principe ultime et auquel on ne veut pas avoir recours, mais, dans certaines situations, si le directeur de l'école, après un processus de suspension, en vient à dire qu'il doit se résoudre à expulser un élève, ça fait bizarre, face à toute la communauté environnante et notamment face à l'élève intimidé et ses parents, qu'on juge que ce n'est pas important de répondre à une telle demande de façon rapide, au nom de «mais il n'est plus dans l'école». Tu sais, ça fait partie de gestes à la fois de réponse à l'élève intimidateur, mais ça fait, à mes yeux à moi, aussi partie des gestes de réparation, je vais le dire ainsi, si j'ai une histoire qui est à ce point dramatique qu'elle demande ce genre d'intervention. Je ne sais pas.

En tout cas, je finis, là, en disant: On prend bonne note que vous me dites: Pendant ce temps-là, l'élève n'est plus à l'école, donc qu'on ne s'en fasse pas trop, parce que ça ne dérange pas grand-chose le cinq jours, ou 10 jours, ou 15 jours. Habituellement, l'expulsion suit au moins la suspension. J'ai bien compris votre propos. Mais ça me fait quand même un petit peu réagir.

Mais je veux juste aborder d'autres sujets, parce qu'on va manquer de temps. Je veux revenir, et c'est important... On a eu aussi des commentaires, par exemple, du syndicat de la FAE, qui disait: Dans la loi, vous nous parlez du plan d'action qui comprend une notion de soutien vers des employés, professeurs et autres employés, victimes d'intimidation, puis on trouve que ça ne devrait pas relever d'un plan du conseil d'établissement, ça doit aller ailleurs. On est dans le domaine des relations de travail, etc., donc toute cette vision de la séquence et de... les définitions d'où les responsabilités doivent aller, dans le bon ordre, et tout ça.

Dans votre mémoire, vous avez des commentaires là-dessus. Je veux vous réentendre notamment sur deux aspects, je veux vous réentendre sur votre vision des choses des pouvoirs dévolus au directeur de l'école par rapport aux pouvoirs dévolus au conseil d'établissement. Je vais vous le dire avec un sourire, là, tantôt votre phrase qui dit: «Je dois distinguer un plan adopté par un conseil d'établissement d'un plan approuvé par un conseil d'établissement», moi, là, ça me fait réagir en disant: Excusez-moi, là, mais je ne savais pas, comme ministre de l'Éducation, qu'il fallait être à ce point précis qu'il fallait m'expliquer que je ne dois pas utiliser dans le même contexte «adopté» puis «approuvé». Honnêtement, là, si je me mets à la place d'un parent membre du conseil d'établissement, je ne suis pas sûre qu'il se dit qu'il y a une énorme différence entre «approuvé» puis «adopté». Mais je suis peut-être trop simpliste, moi. Moi, je veux juste que ça marche.

Mais dites-moi, expliquez-moi, là, ça veut dire quoi, cette précision que vous voulez apporter dans le choix des mots. Ça doit être très important, vous l'avez dit, mais je ne comprends toujours pas. Je vais vous dire bien honnêtement: Je ne comprends pas. Ça fait qu'expliquez-moi le rôle du directeur, le rôle du conseil d'établissement, et ultimement, ensuite, vos commentaires sur le protecteur de l'élève. Je veux bien vous comprendre puis bien vous entendre là-dessus.

M. Thibeault (Raynald): Peut-être sur «adopté» et «approuvé». En fait, l'emphase est davantage autour du fait que, dans le plan d'action contre la lutte, on demande qu'il y ait des sanctions alors qu'on dit que, dans le code de vie, il y a aussi des sanctions. Ça fait qu'on ne peut pas avoir deux éléments également adoptés ou approuvés par le conseil d'établissement et qui, dans les deux cas, auraient des sanctions de prévues. Donc, notre point de vue, c'est que, comme il y a déjà des codes de vie dans l'ensemble des établissements et que ces codes de vie là qui sont approuvés par le conseil d'établissement, puisqu'ils contiennent des sanctions... On n'a pas à avoir un plan d'action contre... un plan de lutte contre l'intimidation, excusez-moi, qui doit aussi avoir des mesures de sanction, parce qu'on ne peut pas avoir deux niveaux, elles sont déjà comprises dans les codes de vie approuvés par les conseils d'établissement.

M. Pelletier (Serge): La différence, Mme Beauchamp, là, pour résumer ça rapidement, peut-être vous dire que déjà la loi prévoit que le conseil d'établissement approuve le code de vie des écoles. Pour nous, par exemple, comme association, on prétend que le plan de lutte à l'intimidation devrait s'intégrer au code de vie des écoles. À partir du moment que le code de vie des écoles est approuvé par le conseil d'établissement, on pense que le plan de lutte à l'intimidation ne devrait pas être adopté, il devrait s'intégrer au code de vie et à ce moment-là être approuvé. C'est strictement au niveau de ça.

Et, pour nous, je dirais que le véhicule qui est déjà présent dans les écoles, le véhicule, c'est le code de vie des écoles. Intégrons le plan de lutte à l'intimidation à l'intérieur de ce véhicule-là et assurons-nous que le directeur d'école puisse assumer son leadership; c'est à lui, dans le fond, à promouvoir des éléments d'intégration du plan de lutte et du code de vie. Il le soumet au conseil d'établissement, qui approuve ou non la proposition qui leur est soumise. C'est à cet endroit-là qu'on le voyait. On n'en est pas sur la sémantique «adopte» ou «approuve», on en est davantage au fait qu'à partir du moment que le plan de lutte s'intègre au code de vie et que le code de vie est approuvé par le conseil d'établissement, bien, contentons-nous de l'approuver.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

M. Pelletier (Serge): Le protecteur de l'élève...

Mme Beauchamp: Oui. Puis je veux juste vous dire... Il me reste peut-être à peine huit minutes, et je vais vouloir vous parler des parents. Ça fait que, s'il vous plaît, si vous pouvez commenter rapidement sur le protecteur de l'élève.

**(11 h 40)**

M. Pelletier (Serge): Bien, sur le protecteur de l'élève, nous, on considère qu'on a déjà un processus au niveau de la politique de gestion des plaintes dans les commissions scolaires, au niveau du rôle du protecteur de l'élève. Ce rôle-là est bien défini, et on pense qu'on devrait s'en tenir à ce même rôle là. À partir du moment, par exemple, où les écoles doivent faire un rapport au protecteur de l'élève, un rapport annuel au protecteur de l'élève, on vient dire... on vient de donner un pouvoir accru au protecteur de l'élève, alors que ce n'est pas sa responsabilité première. Sa responsabilité première, c'est de répondre aux plaintes, et d'évaluer la justesse des plaintes qui lui sont soumises, et après ça de prendre position. Il ne peut pas être partie intégrante du processus puis, à la fin, porter une évaluation sur les résultats, là. Ça nous apparaît quelque chose d'inconcevable.

M. Thibeault (Raynald): Très rapidement. Si le protecteur de l'élève assiste au début de la plainte -- au début, on porte attention à un événement, à la fois la personne qui intimide et celui qui est intimidé -- et qu'un des parents n'est pas satisfait, il n'y a comme plus de recours en bout de ligne. Donc, c'est important que les démarches qui sont déjà prévues dans nos politiques de traitement des plaintes soient respectées, que le protecteur de l'élève arrive à la fin comme étant un tiers et qu'il porte assistance aux parents à ce moment-là. Mais, s'il entre en jeu dès le début des actions ou de la démarche, bien, il y a probablement un conflit d'intérêts plus tard, parce qu'il se place dans une situation délicate.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Juste un commentaire. Je ne pense pas que, dans la loi, le principe inscrit veuille que le protecteur de l'élève devient en tout temps le défenseur de quelqu'un qui porte plainte dans un cas d'intimidation. Ça demeure les principes généraux qu'on connaît face au protecteur de l'usager dans le réseau de la santé, face au Protecteur du citoyen. Il va bien sûr devoir exercer son jugement. Et j'ai l'impression que, si on avait voulu le cantonner dans un rôle d'arbitre sur est-ce que la commission scolaire a bien agi ou pas face à une plainte portée contre l'élève, on ne l'aurait pas appelé le protecteur de l'élève.

Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a quand même un principe d'accompagnement à quelqu'un qui porte plainte. Ce qui ne veut pas dire qu'il juge en tout temps la plainte recevable et qu'il devient juge et partie puis il est dans un camp. Mais il y a quand même une notion que trop souvent -- et c'est pour ça qu'on a différents principes de protecteur dans nos réseaux publics -- c'est vu comme une grosse machine, c'est vu comme un parent qui dit: Moi, j'ai l'impression que je ne suis pas entendu, pas écouté, et qu'on lui a donné un protecteur mais qui demeure... qui doit user de son jugement si la plainte a un objet réel ou pas.

Mais je veux vous entendre maintenant sur quelque chose qu'on n'a pas eu la chance de beaucoup parler avec les précédents intervenants, et c'est la question des parents. Vous avez dit: On souhaiterait que la loi aille plus loin sur l'obligation des parents de collaborer. Or, comme vous le savez... Je veux juste prendre le temps de rappeler que le projet de loi, dans au moins deux articles, interpelle directement les parents dans un sens de responsabilité. Dans l'article 4... oui, dans l'article 4, introduit par le paragraphe 75.2, on dit que «le plan de lutte contre l'intimidation et la violence doit comprendre des dispositions portant sur la forme [...] la nature des engagements qui doivent être pris par le directeur de l'école envers l'élève qui est victime d'un acte d'intimidation ou de violence et envers ses parents». Et ça dit aussi, un peu plus loin: Il est également... «Il doit également prévoir les démarches qui doivent être entreprises par le directeur de l'école auprès de l'élève qui est l'auteur de l'acte reproché et de ses parents -- donc, ici, il y a une démarche prévue auprès des parents -- et préciser la forme et la nature des engagements qu'ils doivent prendre en vue d'empêcher la répétition de tout acte d'intimidation...» Et ici le «ils» fait référence à l'élève et ses parents.

Donc, la loi dit... Comme un peu la Loi sur l'instruction publique dit que le parent a l'obligation de veiller à ce que son enfant soit à l'école, ici c'est aussi de dire: Bien, le parent... Il y a une notion d'engagement du parent, notamment du parent de l'élève intimidateur. Et donc moi, je prends juste le temps de vous dire que, personnellement, j'ai insisté auprès de nos légistes et de l'équipe du ministère pour que soit introduite cette notion que le parent de l'élève intimidateur, notamment, doit être interpellé puis que le plan d'action doit comprendre cette notion de l'engagement du parent à éviter la répétition d'un geste d'intimidation. En quoi vous voulez qu'on aille plus loin?

M. Pelletier (Serge): Bien, déjà, dans un premier temps, je pense que... De l'avoir inscrit dans le projet de loi, je pense que c'est un plus, effectivement. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'à la lecture du vécu qu'on peut avoir avec nos milieux ce qu'on s'aperçoit souvent, c'est que les parents des intimidateurs, de façon assez majoritaire, là, je pense que je dois le dire comme ça, souvent minimisent les actes de leurs enfants. Pour eux, ce n'est pas nécessairement des actes d'intimidation et de violence, c'est des conflits entre les jeunes, et on ne devrait pas s'arrêter à ça plus qu'il ne le faut.

Souvent, nos intervenants-écoles, que ce soient nos enseignants, que ce soient nos personnels de soutien technique ou encore les directions d'école, lorsqu'ils interviennent, ils se font dire ça par beaucoup de parents. Pourquoi vous intervenez là-dedans? C'est des insignifiances. Souvent, on entend ça. Et, moi, ce que je me dis, c'est qu'il faut absolument que le message porte aussi fortement au niveau des parents des intimidateurs que c'est majeur comme danger, ce qu'ils font, ces jeunes-là, et il y a des conséquences, et, ces conséquences-là, les parents vont devoir les assumer, eux aussi, comme parents de ces jeunes-là. Ils ne peuvent pas minimiser puis considérer que c'est des faits anodins.

On retrouve effectivement, dans la loi, des éléments intéressants, mais ce que je me dis... Autant on parle de responsabilisation des élèves, on retrouve ça beaucoup dans le projet de loi, «responsabilisation des élèves, du comité des élèves», etc., dans chacune des écoles, je trouvais, moi, peut-être, qu'il pourrait y avoir de la place à mettre... à y intégrer des éléments qui vont aller plus loin au niveau des obligations des parents, particulièrement au niveau des parents des intimidateurs. Moi, je pense qu'il y a quelque chose là, qu'il faut responsabiliser les parents. Mais, vous dire c'est quoi, la formule magique, là, on ne l'a pas trouvée nécessairement, mais on convient qu'il y a peut-être du travail à faire au niveau des responsabilités parentales.

M. Thibeault (Raynald): Très rapidement.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Thibeault.

M. Thibeault (Raynald): Peut-être aussi la forme de collaboration attendue des parents auprès des membres du personnel de l'établissement, qu'elle soit positive et constructive, parce qu'il arrive assez fréquemment que des parents interpellent les membres du personnel ou de la direction d'une façon qui n'est pas aidante dans le dossier, et c'est des choses qui sont plutôt enclines à favoriser l'intimidation ou à donner le mauvais exemple aux élèves. Ça fait que je pense que... Et là non plus je n'ai pas la recette magique, mais ça serait intéressant de voir à ce que cette collaboration-là ou l'information qui est véhiculée auprès des parents... que le rôle que le parent va être appelé à jouer par la suite soit constructif et positif à l'égard des membres du personnel également.

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Il vous reste à peine une minute, mais qu'est-ce que je dois retenir de vos commentaires sur la cyberintimidation? Qu'est-ce que je dois retenir avant tout, là?

M. Pelletier (Serge): Je pense que c'est effectivement une réalité nouvelle, et, dans les faits, on pense que c'est majeur comme problématique. Le questionnement qu'on a, c'est qu'il y a une partie, effectivement, qu'on peut traiter à même les responsabilités-écoles, mais il y a une autre partie qui est externe à l'école, et, à ce moment-là, au niveau des ententes, par exemple, avec des corps policiers ou autres, ça va être intéressant d'essayer de se bâtir un référentiel pour nous permettre de voir de quelle façon on peut traiter la cyberintimidation, mais en se disant: Oui, on a des responsabilités-écoles, mais il y a aussi des responsabilités au niveau de la société. C'est peut-être cette dimension-là, là, qu'il nous reste à définir et peut-être que, dans nos discussions éventuelles avec les corps policiers, ça devra faire partie des discussions.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien. Ceci termine notre période d'échange avec le parti ministériel. Avant de laisser la parole à nos collègues de l'opposition officielle, je voudrais simplement avoir un consentement pour qu'on puisse dépasser midi. Nous devrions terminer autour de 12 h 10 environ. Alors, je comprends que nous avons un consentement. Alors, nous poursuivons. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

**(11 h 50)**

M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. Pelletier, M. Thibeault. Ça fait plaisir de vous revoir après avoir été tant d'années à Jonquière. Alors, bienvenue, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je tiens à souligner l'intérêt, pour nous, parlementaires, d'avoir votre tableau, là, à partir de la page 7 et suivantes; en tout cas, je suis un visuel, je pense, et ça permet davantage d'aller à l'essentiel. Je trouve que c'est très bien fait, je tenais à le souligner ici.

Je voulais revenir sur la question du rôle du directeur d'école dans le projet de loi n° 56. Je pense que votre propos est très, très fort là-dessus. Vous intervenez souvent, vous mettez beaucoup l'accent sur cet élément-là. Et je comprends également que vous plaidez pour, je dirais, une plus grande liberté d'action au directeur d'école quant à l'exercice de son leadership pédagogique, je pense que c'est le leadership administratif en fin de compte, mais ça rejoint évidemment le leadership pédagogique dans le cas des directeurs d'école. Alors, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Parce que, la question que je me pose, quand vous dites que la loi doit permettre au directeur d'utiliser son jugement, jusqu'où on doit aller à cet égard? Parce que l'article 13 du projet de loi... en fait, l'article 14, pardon, donne le pouvoir au directeur de suspendre l'élève. Et, pour moi, un tel pouvoir de suspension doit nécessiter des balises claires quant à l'exercice de ce pouvoir. Alors, comment on fait pour trouver la bonne ligne entre l'exercice du jugement administratif et/ou pédagogique et ce pouvoir d'expulsion?

M. Pelletier (Serge): Peut-être, dans un premier temps -- et Raynald pourra compléter -- vous dire que, pour nous, à partir du moment où on a un plan de lutte à l'intimidation, où on a des sanctions prévues, ce que nous, on veut s'assurer, c'est que, dans les faits, on n'applique pas de façon systématique des sanctions mais qu'on tienne compte des réalités particulières. Et, à ce niveau-là, ce sont les directions d'établissement qui sont les mieux placées pour porter un jugement de cette nature-là.

C'est pour ça, par exemple, qu'il y a comme... Le fait, par exemple, qu'un intimidateur reconnaisse l'acte reproché, qu'il y ait répétition ou non de l'acte reproché, qu'il y ait un rapport de force puis une intention au niveau du geste, ce sont des éléments qu'une direction d'établissement peut évaluer et porter un jugement professionnel. Et je ne voudrais pas qu'on arrive avec des sanctions qui s'appliquent, là, de façon bête et méchante. J'aimerais mieux qu'on laisse la possibilité à la direction d'établissement de porter un jugement professionnel.

M. Thibeault (Raynald): Rapidement, M. le Président. Effectivement, il y a cette dimension-là. Et j'ajouterais qu'il y a une différence entre un élève de six ans et un élève de 15 ou 16 ans, il y a des différences au niveau des EHDAA, les élèves en trouble de comportement. Et toute cette latitude là est portée ou référée au jugement de la direction de l'école. Donc, on ne peut pas bâtir un livre de recettes avec telle sanction ou tel comportement attire telle sanction, l'idée étant de dire en fonction de l'âge, des caractéristiques de l'individu, du contexte, et ainsi de suite. C'est ce que fait la direction quotidiennement, de poser des gestes et d'exercer son jugement.

Donc, on... Tout en étant très favorables au projet de loi sur la violence et l'intimidation, il ne faudrait pas tomber dans un cadre trop rigide qui l'oblige à appliquer des mesures qui ne seraient pas appropriées pour l'ensemble de ses élèves.

M. Gaudreault: Donc, je comprends que vous faites confiance, c'est un acte de confiance quant aux gestes professionnels posés par les directeurs d'établissement, mais vous voulez vraiment rattacher ça, je dirais, au sens que nous donnerons, comme législateurs, à la définition des actes d'intimidation.

Alors, dans ce sens-là, est-ce que les actes d'intimidation tels que définis par le projet de loi n° 56 vous apparaissent corrects, bien définis? Est-ce que la définition vous satisfait?

M. Pelletier (Serge): On parlait, nous, si vous vous rappelez, à la page 7 de notre document, que ça serait important d'élargir la définition, actuellement, pour intégrer la dimension répétition, aussi rapport de force, notion d'intention de geste, etc., qu'on ne retrouve pas nécessairement à l'intérieur de la définition actuelle.

Mais je veux quand même prendre le temps de préciser que, pour nous, la définition actuelle de l'intimidation, c'est déjà beaucoup mieux que ce qu'on avait auparavant comme référentiel pour... lorsqu'on parlait d'intimidation. Mais, à ce moment-ci, on se disait: Ça serait peut-être intéressant d'intégrer ces dimensions-là aussi pour justement permettre à la direction d'établissement de pouvoir porter son jugement comme direction. Parce qu'à partir du moment où on restreint trop la définition de l'intimidation et qu'on ne permet pas de tenir compte de certaines particularités ça ne permet pas à la direction d'établissement de porter un jugement. Puis, à notre point de vue, c'est la direction de l'établissement qui est en meilleure posture pour évaluer chacun des dossiers.

M. Thibeault (Raynald): ...d'ajouter, M. le Président, une définition de «violence», puisque le projet de loi s'attaque aux deux. Il y en a une qu'on vous propose, qui est d'ailleurs celle du ministère de l'Éducation, Loisir et du Sport, là, qui nous convient parfaitement.

M. Gaudreault: Alors, je comprends que vous nous demandez d'essayer de trouver un délicat équilibre, je dirais, entre... un délicat équilibre, oui, entre...

Une voix: Tu fais des liaisons...

M. Gaudreault: ... -- je fais des pataquès -- entre les pouvoirs et le leadership administratif et pédagogique des directeurs et la définition quand même qu'on doit donner à l'intimidation et à la violence. Alors, on va sûrement tenir compte de vos recommandations là-dessus.

Mais, encore dans le même sens, à la page 9 de votre mémoire, donc dans votre fameux tableau, là, vous parlez de la nuance entre... en tout cas, vous appelez à une nuance entre «signalement» et «plainte», et là on fait référence à l'article 11 du projet de loi, en parlant du directeur d'école: «Il reçoit et traite avec diligence tout signalement et toute plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence.» Comment vous comprenez ça, vous, la différence entre signalement et plainte?

M. Pelletier (Serge): Habituellement, un signalement, dans ce cas-ci en tout cas, je dirais, l'évaluation qu'on en faisait, c'était peut-être une dimension moins formelle qu'une plainte en bonne et due forme. Mais un signalement, ça vient nous donner... il y a une lumière jaune qui vient s'allumer. On vient de nous signaler qu'effectivement il y a un potentiel de problématique d'intimidation; il faut la regarder de plus près, il faut suivre ça de plus près. À ce moment-là, nous, ce qu'on dit: À toutes les fois qu'il y a un signalement qu'il pourrait y avoir un dossier d'intimidation, est-ce qu'automatiquement ça fait en sorte qu'on doit faire en sorte de noter ce signalement-là, de l'inscrire dans le processus et d'en faire rapport, par exemple, à la direction générale? Pour nous, là, on pense qu'on devrait s'en tenir davantage à la dimension de plainte. Ça n'empêche pas pour autant la direction d'école de traiter toute forme de signalement et de prendre le temps d'évaluer ces signalements-là. Pour nous, c'était différent l'un de l'autre. Peut-être que, du côté du législateur, c'est peut-être la même chose, là, mais notre lecture première, nous autres, c'était à cet effet-là, qu'un signalement, c'est comme une... Dans le fond, on reçoit une information à l'effet qu'il pourrait y avoir de l'intimidation et on nous demande de fouiller davantage le dossier.

M. Gaudreault: Un bon vieux principe juridique dit que le législateur ne parle jamais pour rien dire, alors il est de notre devoir, effectivement, de bien préciser le sens que nous voudrons donner éventuellement à «signalement» versus «plainte», quitte peut-être à distinguer par différents articles dans la loi. Parce que, quand on relit l'article 11, effectivement, dans le premier alinéa, on parle de signalement et de plainte que le directeur doit recevoir et traiter avec diligence, mais, dans le paragraphe qui suit, on dit que, si le directeur est saisi d'une plainte, là il doit communiquer; mais on ne fait pas référence au signalement à ce moment-là. Alors, on peut déduire qu'il y a effectivement une nuance dans les propos du législateur à cet égard. Mais on aura peut-être à préciser davantage, ou en tout cas à revoir, là, pour que ça soit davantage clair pour l'application sur le terrain.

Je voudrais vous entendre également sur le protecteur de l'élève. Vous avez abordé tout à l'heure la question en réponse aux interrogations de la ministre. Vous dites quand même... Je trouve que vous avez des propos forts dans votre mémoire, parce que vous parlez de provoquer éventuellement des tensions par rapport, encore une fois, au leadership de la direction d'école. Vous pensez à quoi précisément?

M. Pelletier (Serge): C'est parce que, les tensions, à ce moment-là on faisait référence davantage au niveau du conseil d'établissement. En adoptant le plan de lutte à l'intimidation, le conseil d'établissement... En évaluant, par exemple, la clarté et, je dirais, la limpidité des documents présentés par les directions d'établissement, nous, ce qu'on se disait, c'est qu'à ce moment-ci il fallait faire attention, là. On travaille tous dans le même sens. Il y a des responsabilités qui incombent au conseil d'établissement, pour nous, c'est un incontournable, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a déjà des responsabilités qui incombent à la direction de l'établissement.

Dans la loi, je pense qu'on intègre des éléments de devoirs que les directions d'établissement devraient assumer, mais je veux aussi qu'on respecte les pouvoirs qui sont déjà dévolus aux directions d'établissement. Et, à notre point de vue, c'est important de s'assurer de cet équilibre-là entre les devoirs et les pouvoirs des conseils... des directions d'établissement, excusez.

**(12 heures)**

M. Gaudreault: Un autre délicat équilibre. Mais quand même je reviens quand même sur le protecteur de l'élève. Est-ce qu'on n'est pas en train d'étirer l'élastique sur son rôle, qui a été accordé au moment de la création du protecteur de l'élève qui, à la base, selon la description de son rôle, joue d'abord un rôle de médiateur? Le protecteur de l'élève doit d'abord entendre les parents, les élèves concernant des plaintes sur des services qui relèvent de la commission scolaire. En lui accordant les rôles que le projet de loi n° 56 semble vouloir lui accorder quant à l'intimidation, est-ce qu'on n'est pas en train d'étirer l'élastique sur le mandat initial qu'on voulait accorder au protecteur de l'élève? Surtout que, concrètement, sur le terrain, au jour le jour, dans la vraie réalité comme on dit, pour faire un pléonasme... Moi, en tout cas, ce que je... les protecteurs de l'élève que je connais, souvent c'est des retraités qui font ça à temps partiel, un peu comme consultants. Est-ce qu'ils auront tout ce qu'il faut pour pouvoir accorder toute l'énergie nécessaire au nouveau mandat qu'on lui accorde en vertu du projet de loi n° 56?

M. Pelletier (Serge): En tout cas, moi, j'ai entendu tout à l'heure Mme la ministre lorsqu'elle a pris soin de nous rappeler que, pour elle, l'intervention du protecteur de l'élève n'était pas faite de façon systématique dans le projet de loi. Nous, notre prétention à ce moment-ci, c'est qu'il faut faire attention pour ne pas ouvrir la porte trop grande. Que le protecteur de l'élève intervienne à l'occasion, lorsqu'il y a une problématique particulière, puis qu'effectivement les parents ont le sentiment ou ont la perception de ne pas être entendus par personne, à ce moment-là le protecteur de l'élève déjà pourrait intervenir, on peut comprendre ça, à l'occasion. Mais on ne veut pas que ça devienne une façon de faire.

Pour nous, il y a des responsabilités écoles puis il y a des responsabilités commissions scolaires. Il y a des acteurs dans les écoles, il y a des acteurs dans les commissions scolaires qui ont des responsabilités, et on doit être capables assumer ces responsabilités-là. Moi, je pense qu'une politique de gestion de plaintes fait en sorte que le directeur d'école doit traiter les dossiers qui le concernent dans son milieu, dans la mesure du possible d'essayer d'y répondre. Ce qu'on voit actuellement, lorsqu'il y a du questionnement, les gens souvent font référence à la politique de gestion de plaintes de la commission scolaire, ils communiquent avec le secrétaire général ou un responsable de la commission scolaire et leur font part de leurs récriminations. Et par la suite arrive le protecteur de l'élève, dans la très grande majorité des cas. Il peut arriver à l'occasion que le protecteur de l'élève intervienne en amont, mais c'est rare.

Nous, ce qui nous fait peur dans le projet de loi actuel, c'est qu'on semble vouloir changer cette dynamique-là, cette façon de travailler là, et on voit apparaître le protecteur de l'élève, pour nous, trop tôt dans la démarche. C'est notre prétention, là.

M. Thibeault (Raynald): M. le Président, j'ajouterais qu'il y a aussi une préoccupation à l'égard d'un biais qui pourrait s'installer si les rapports, s'ils demeurent, si les rapports établis pour chaque acte d'intimidation, qui sont rédigés par la direction et ensuite acheminés à la direction générale et au protecteur de l'élève... Il y a quand même une préoccupation à l'effet qu'un biais pourrait s'installer, au niveau du protecteur, quant au traitement des plaintes s'il reçoit l'ensemble des rapports d'intimidation, je le précise, si ces rapports-là demeurent. Et, comme M. Pelletier le disait, s'il intervient trop tôt, advenant le cas où un parent vit une insatisfaction, sa marge de manoeuvre pour intervenir devient très limitée et le place en quelque sorte en porte-à-faux.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, messieurs, de votre contribution. Je vais aller rapidement, compte tenu du temps.

À l'article 2 dans votre tableau, vous parlez d'un élément à corriger et vous parlez de préciser le champ d'application en restreignant ça à l'école et au transport scolaire. On pense... moi, je pense particulièrement à toute la question de la cyberintimidation et au fait qu'on doit avoir une personne ciblée, dans l'école, qui peut être un recours pour les jeunes qui sont menacés d'intimidation et de violence. Comment on peut... J'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette précision qui, à mon avis, est quand même assez restrictive.

M. Pelletier (Serge): Bien, il y a différentes formes d'intimidation et de violence aussi. Effectivement, c'est parce que nous, on pense qu'on a une responsabilité davantage au niveau de l'école, au niveau du transport scolaire, au niveau de ce qu'on appelle la violence physique, hein, et des cas de... physiques, davantage.

Mais, pour ce qui est de la cyberintimidation, on est conscients aussi qu'on a une responsabilité, parce qu'on a à rappeler les règles au niveau des encadrements en lien avec la cyberintimidation. On a aussi à s'assurer qu'effectivement, dans chacun de nos milieux, il y ait quelqu'un qui prenne en charge cette responsabilité-là pour s'assurer que, dans les faits, ça ne se fasse pas... Même si ça ne se fait pas à l'école, si c'est en lien avec l'école, on a une part de responsabilité, on en convient, là. Mais il pourrait arriver des cas où il y a de la cyberintimidation qui soit complètement extérieure à l'école aussi, là, et, à ce moment-là, c'est là qu'on voyait le partenariat ou le maillage avec les corps policiers, par exemple, qu'il nous apparaissait important d'établir un lien où... pour nous dire, dans le fond, où commence notre responsabilité, où elle se termine. Et c'est à ce niveau-là qu'on voit que ce n'est pas évident à trouver, une solution intelligente. Puis en même temps on est conscients aussi que, même si on se dit: Ça ne se vit pas à l'école, c'est en lien souvent avec l'école, donc il y a une responsabilité au niveau du milieu scolaire aussi là-dedans.

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: Oui. Justement, vous y avez fait mention un petit peu, le rôle de la police là-dedans, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur le rôle de la police. Et vous dites dans votre projet de loi, fort... très justement, qu'il est «dommage d'associer la notion de lutte à l'intimidation en présentant une loi à connotation punitive». Est-ce que des liens davantage étroits avec la police ne renforceraient pas l'image punitive?

M. Pelletier (Serge): Bien, moi, je pense qu'il faut rappeler aux gens qu'effectivement on a une responsabilité d'éducation, en éducation. Donc, à ce moment-là, il faut essayer de changer les comportements. Et je pense que c'est ça, l'objectif premier, là, dans notre intervention. Mais il arrive des cas extrêmes, comme le disait tout à l'heure Mme la ministre, où on n'a pas d'autre solution que d'y aller par coercition, et, à ce moment-là, nous, notre prétention, c'est qu'il va falloir définir comme il faut les champs d'activité.

Moi, je vais vous donner des exemples d'intimidation qu'on entend actuellement, là...

Le Président (M. Marsan): Rapidement.

M. Pelletier (Serge): ...des cas d'intimidation qui se vivent sur le chemin pour se rendre à l'école. On est à... Jusqu'à un kilomètre de l'école, il y a des cas d'intimidation. Nous, on se pose la question: Est-ce que c'est la responsabilité école ou s'il n'y a pas une part de responsabilité au niveau du service de police? Et, quand on a des discussions avec les corps policiers, on n'est pas nécessairement sur la même longueur d'onde dans ce type de dossiers là, et on va avoir besoin de se donner un cadre référentiel, là, pour savoir qui fait quoi.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie bien. Ceci termine cette période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant céder la parole au député de La Peltrie. M. le député.

M. Caire: Merci, M. le Président. J'aurais tellement de questions à poser à des directeurs généraux de commission scolaire. Mais j'aimerais revenir sur un élément que vous avez apporté, notamment sur le fait que le conseil d'établissement doit... aurait une responsabilité accrue par rapport au plan de lutte à l'intimidation et sur l'impact que ça pourrait avoir sur le leadership de la direction d'école, dont vous semblez dire que l'impact serait de miner ou diminuer son leadership et amener des tensions entre les deux entités, le conseil d'établissement et la direction d'école. Compte tenu du fait que le directeur d'école siège au conseil d'établissement -- même s'il n'a pas le droit de vote, il siège au conseil d'établissement -- il a quand même... il doit et il va exercer une influence sur ce qui va s'y décider. Et, de mon point de vue, il m'apparaît qu'au contraire ce serait de nature à renforcer son leadership que de savoir que le conseil d'établissement a approuvé, est d'accord avec lui et le soutient dans ce qu'il doit prendre comme mesures.

Puis, parallèlement à ça, sur l'article 10, qui, moi, m'apparaît être beaucoup plus contraignant sur le leadership d'un directeur d'école, dans votre mémoire, je vois peu de choses là-dessus, alors qu'on dit que toutes les initiatives devront être soutenues par la direction d'école, indépendamment du jugement par rapport à une initiative, jugement nécessaire. Donc là, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, dans un premier temps, pourquoi, au lieu de venir en appui, ça va venir miner sa crédibilité et pourquoi, sur l'article 10, vous restez quand même relativement discrets.

**(12 h 10)**

M. Pelletier (Serge): Par rapport au conseil d'établissement, ce qu'il faut comprendre... Pour nous, ce qui est important, il faut effectivement respecter les responsabilités des uns et des autres. Qu'un conseil d'établissement ait le pouvoir d'approuver un plan de lutte à l'intimidation, on n'a rien contre ça, là, je veux bien qu'on comprenne bien, là, on n'a rien contre ça, sauf que ce qu'on dit, c'est que ce plan de lutte là à l'intimidation devrait s'intégrer au code de vie des écoles. Donc, par la force des choses, en approuvant le code de vie des écoles, il y aurait un secteur d'activité qui serait le plan de lutte à l'intimidation qui serait intégré dans le code de vie et dont le conseil d'établissement devrait approuver le projet.

Ce qui nous rend un petit peu frileux par rapport à l'écriture actuelle du projet de loi, c'est qu'on ne voudrait pas que ça ait des effets pervers puis qu'à un moment donné il y ait des personnes siégeant au conseil d'établissement qui veulent faire de la gestion personnelle ou de la gestion de cas, alors que c'est et ça devra toujours rester la responsabilité de la direction d'établissement. Et ça, on a une crainte en lien avec ça. À partir du moment où est-ce qu'on annonce un nouveau pouvoir ou un pouvoir accru au conseil d'établissement, il faut s'assurer que ça n'ait pas pour effet de diminuer les pouvoirs existants d'un des tiers, et ce tiers-là, cette fois-ci, c'est le directeur d'établissement. Et, pour nous, ça, c'est important qu'on préserve cet équilibre-là.

On part toujours avec l'idée que les gens sont de bonne foi dans des processus comme ceux-là, mais vous êtes conscients qu'à l'occasion il peut y avoir des dérapages dans ce type de fonctionnement là, et, à ce moment-là, il faut protéger aussi le leadership de la direction d'établissement. Puis il faut éviter aussi que des gens à l'intérieur du conseil d'établissement ait des attentes démesurées. Ce n'est pas parce que tu as un code de vie puis que tu as un plan de lutte à l'intimidation que du jour au lendemain il n'y aura plus aucun problème dans une école et que c'est la responsabilité de la direction d'école à gérer tous les conflits, qu'ils soient dans la classe ou qu'ils soient au niveau de l'école, là.

Donc, les enseignants ont leurs responsabilités, le personnel de soutien a ses responsabilités, la direction d'établissement a ses responsabilités et le conseil d'établissement aussi. Mais je pense que c'est l'équilibre de tout ça, là, qu'il faut essayer de préserver. Et c'est pour ça que, pour nous, c'était important d'intégrer cette dimension-là puis de s'assurer que la direction d'école ne soit pas dans une situation où on va questionner continuellement ses actions parce qu'on n'a pas l'information pointue du suivi qui a été fait par un directeur d'école.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine nos travaux ce matin. Je vous remercie, M. Pelletier, M. Thibeault.

On m'indique que vous pouvez laisser vos documents ici. Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

 

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Cet après-midi nous recevons -- attendez, excusez -- la Fédération des comités de parents du Québec -- c'est bien ça -- et l'Association de directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec de même que la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement.

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir M. Gaston Rioux, qui est le président de la Fédération des comités de parents du Québec. M. Rioux, vous avez... vous devez nous faire une présentation d'environ 15 minutes, et nous vous demandons d'identifier les personnes qui vous accompagnent. La parole est à vous.

Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

M. Rioux (Gaston): Parfait. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je vous remercie de nous accueillir ici aujourd'hui. Je vous présente les gens qui m'accompagnent: Mme Lyne Deschamps, directrice générale; M. Ian Renaud-Lauzé, conseiller à la recherche et au développement à la Fédération des comités de parents; et M. Steve Trachy, qui agit ici en qualité de parent.

La fédération ne peut que se réjouir de l'initiative du gouvernement de se préoccuper des phénomènes de l'intimidation et plus généralement de la violence à l'école en raison des conséquences néfastes sur les individus touchés directement et indirectement, sur l'environnement éducatif et sur la persévérance scolaire.

Suite à la lecture du projet de loi n° 56, la fédération désire toutefois émettre une série de commentaires qu'elle veut les plus constructifs possible.

Notre premier point concerne la nécessaire mobilisation de tous. Comme l'a rappelé la fédération au lendemain des événements tragiques survenus au cours de la dernière année, l'intimidation, c'est l'affaire de tous. La lutte contre l'intimidation et la violence peut et doit être initiée à l'école, un milieu de vie significatif pour nos jeunes, mais elle ne peut pas s'y confiner. Les interactions entre jeunes eux-mêmes, avec des adultes et les moyens diversifiés utilisés de nos jours ne s'y cantonnent pas. La famille et la communauté ont assurément, aussi, une part de responsabilité à cet égard.

En ce sens, nous, les parents, tenons à réaffirmer notre responsabilité dans l'éducation de nos enfants. Un comportement déviant ou une situation de victimisation de notre enfant doit nous être communiqué afin que nous soyons partie prenante du développement de solutions.

D'autre part, si leur enfant est à l'origine de tels actes, les parents estiment qu'il est de leur ressort de prendre les mesures nécessaires, de concert avec les autorités, qu'elles soient scolaires ou autres, afin de régler ces situations.

Le partage d'information est donc essentiel entre le milieu touché, la famille et la communauté.

Ainsi, de manière générale, le projet de loi et la Loi sur l'instruction publique doivent faire en sorte d'éviter que la responsabilité de sanctionner les comportements d'intimidation et de violence ne reposent que sur les épaules de l'école, notamment lorsque ces comportements surviennent quand le jeune n'est plus sous la responsabilité de l'école. Le meilleur exemple est celui de la cyberintimidation, qui s'exerce souvent à la maison.

La fédération croit aussi que le projet de loi n° 56 est un outil qui doit permettre à la mobilisation souhaitée de s'actualiser au sein de l'école. À cet égard, la place des parents devrait y être renforcée. Aussi, nous croyons que l'OPP est un lieu privilégié pour susciter la mobilisation des parents.

Pour faciliter l'exercice de leurs responsabilités respectives, la fédération invite le gouvernement et l'ensemble des parlementaires à soutenir non seulement les écoles, mais également les parents et les communautés en rendant accessibles les ressources et les outils nécessaires.

Notre deuxième point concerne la nécessité de définir clairement les concepts. La fédération est d'avis que la définition de l'intimidation proposée à l'article 2 du projet de loi ne permet pas de distinguer clairement l'intimidation d'un acte ponctuel, par exemple une bataille, ou d'un conflit, ou, exemple aussi, deux élèves qui s'injurient mutuellement. Les actes concernés doivent pouvoir appuyer leurs décisions sur des balises claires leur permettant d'adapter leurs interventions selon la nature du comportement.

À notre avis, la définition proposée ignore des critères importants. Elle reflète très bien le critère agression mais ignore complètement ceux de domination et de répétition. C'est pourquoi nous estimons qu'il faille ajouter à la définition de l'intimidation le critère reflétant la nature répétitive des agressions pour la victime et le critère de la relation de domination de l'agresseur vis-à-vis de la victime.

D'ailleurs, le terme «violence» est utilisé à de nombreuses reprises dans le projet de loi sans pour autant qu'il soit défini. La nature équivoque de la notion de violence, en ce qui concerne autant la forme qu'elle peut prendre, physique ou psychologique, que le degré, des voies de fait simples aux actes létaux, appelle la nécessité de la préciser.

Notre troisième point concerne la clarification des rôles. Dans les articles 4 à 10 du projet de loi, le gouvernement donne de nouvelles responsabilités au conseil d'établissement, au personnel des écoles et aux directions d'établissement. L'élément central de ces modifications est l'adoption, dans chacune des écoles, d'un plan de lutte contre l'intimidation et la violence.

Tel que présenté, le projet de loi sème cependant la confusion dans les responsabilités actuelles du conseil d'établissement, plus particulièrement en ce qui concerne l'approbation du code de vie et la nouvelle responsabilité du conseil d'établissement d'adopter le plan de lutte contre la violence et l'intimidation.

Actuellement, l'article 77 précise que l'équipe-école élabore le plan de réussite et le code de vie pour ensuite les déposer pour approbation au conseil d'établissement. Autrement dit, le travail de l'équipe-école est accepté ou refusé par le conseil d'établissement. Le nouvel article 75.1 du projet de loi introduit l'adoption par le conseil d'établissement d'un plan de lutte contre l'intimidation et la violence. C'est donc que les membres du conseil d'établissement peuvent en modifier le contenu.

**(15 h 30)**

Pour la fédération, la nature du plan d'action fait en sorte qu'il s'agit d'un outil de mobilisation de la communauté éducative, et, pour cette raison, il est tout à fait à propos que les membres du conseil d'établissement adoptent ce plan après avoir travaillé de concert à son contenu.

Cependant, de nombreux éléments du nouvel article 75.1 recoupent des éléments qui se retrouvent normalement dans le code de vie de l'école, ou devraient s'y retrouver. Il s'avère donc nécessaire de mieux cadrer ce qui devrait appartenir au code de vie, approuvé par le C.E., et ce qui devrait appartenir au plan de lutte, adopté par le conseil d'établissement.

Ces modifications ont pour but d'isoler ce qui relève de la mobilisation et de la prévention dans le plan de lutte de ce qui touche à des modalités déjà prévues au code de vie, et cela, dans deux articles distincts, permettant ainsi d'éviter de dédoubler certaines modalités et processus. Je vous réfère d'ailleurs à notre mémoire pour connaître ce qui devrait, à notre avis, appartenir aux règles de conduite et aux mesures de sécurité. Et nous fournissions également des explications concernant certaines modifications que nous proposons au libellé du projet de loi, notamment quant à la qualité de l'information à fournir aux parents, et des précisions sur la définition d'«agresseur» et «victime».

Notre quatrième point concerne les pouvoirs. Les conseils d'établissement d'abord. Les articles 4 et 5 du projet de loi donnent de nouveaux pouvoirs réglementaires au gouvernement. Les parents sont toutefois d'avis que les éléments substantiels que le projet de loi prévoit ajouter aux articles 75.1 à 76 de la Loi de l'instruction publique sont suffisants pour permettre au conseil d'établissement d'assumer ses responsabilités de manière tout à fait adéquate et efficiente.

Les parents sont d'avis que les mesures de sécurité et les règles de conduite devraient rester sous la responsabilité de l'école uniquement. En effet, le respect de l'autonomie des conseils d'établissement dans ce domaine fait en sorte que les mesures et règles fixées reflètent bien le contexte dans lequel elles doivent s'appliquer, ce qu'une règle nationale peut difficilement faire. Par exemple, nous ne croyons pas qu'il est de la responsabilité du gouvernement de déterminer si les écoles doivent exiger ou non le vouvoiement ou imposer un code vestimentaire.

De même, les parents craignent qu'un règlement ministériel puisse priver la direction d'école de la latitude nécessaire à l'exercice de son jugement dans l'application des sanctions.

Pour la direction de l'école, l'article 11 du projet de loi donne la vive impression que, dans le traitement des plaintes, tout est noir ou blanc et qu'il n'y pas de mesure de gradation de la gravité de la situation. La direction d'école ne semble pas disposer de l'espace nécessaire pour exercer son jugement professionnel pour l'examen d'une plainte, car chaque cas est unique et doit être traité comme tel. Cet examen est nécessaire afin de départager la plainte fondée de celle qui ne l'est pas, la bêtise isolée d'un acte d'intimidation à condamner.

Quant à la responsabilité des commissions scolaires, l'article 14 du projet de loi traite du pouvoir de suspension de la direction d'école lorsque cela s'avère nécessaire dans les cas d'intimidation et de violence. Les parents sont persuadés que ce pouvoir est tout à fait nécessaire à l'exercice des fonctions de la direction d'établissement.

Cependant, les parents croient que ce serait une erreur de laisser les jeunes à eux-mêmes lors d'une suspension, et, dans ces cas, la commission scolaire devrait s'assurer de la mise sur pied de mesures d'encadrement. Ces mesures pourraient être appliquées par la commission scolaire elle-même ou par une organisation du milieu avec laquelle elle a une entente de collaboration.

À l'article 15 du projet de loi, les commissions scolaires se voient confier la responsabilité de faire un rapport annuel traitant du nombre d'actes d'intimidation ou de violence et relatant les interventions faites, avec des sections pour chaque établissement.

Les parents s'inquiètent de l'utilisation qui pourrait être faite de ces données, comme par exemple pour en faire des palmarès des écoles les plus dangereuses du Québec. Ce genre d'exercice pourrait avoir des effets néfastes allant dans le sens contraire de l'objectif poursuivi par le présent projet de loi. Ce projet de loi vise la mobilisation de tous et non pas à stigmatiser et à dévaloriser les milieux qui, pour une raison ou pour une autre, vivent plus de violence et d'intimidation.

La fédération croit, de plus, qu'un monitoring est essentiel afin d'assurer de l'avancement de la lutte à l'intimidation. Elle souhaite de plus que s'y fasse un échange des bonnes pratiques basées sur la recherche et les pratiques gagnantes.

Un mot maintenant sur le protecteur de l'élève. Le projet de loi vient modifier son rôle en élargissant son mandat. Présentement, il a pour mandat de traiter en dernier recours les plaintes individuelles provenant d'élèves ou de parents dans une commission scolaire. Il a un pouvoir de recommandation et doit faire un rapport annuel sur ses activités.

Le présent projet de loi veut que le protecteur de l'élève évalue dorénavant l'efficacité des plans de lutte contre l'intimidation et la violence de chaque école de la commission scolaire. Pour les parents, le principe de l'évaluation de l'efficacité de ces plans est une bonne idée. Toutefois, cette tâche fait appel à des compétences tout autres et ne correspond pas nécessairement au profil des protecteurs de l'élève. Il serait peut-être plus pertinent que le protecteur de l'élève évalue périodiquement la procédure d'examen des plaintes établie par la commission scolaire, car c'est par ce procédé que le parent ou l'élève peut intervenir auprès du protecteur.

Pour ce qui est de l'évaluation des plans de lutte, ce mandat devrait être confié à un autre acteur possédant l'autonomie et les compétences pour faire une évaluation du processus et des impacts de manière rigoureuse et impartiale.

En terminant, l'intimidation et la violence constituent des freins à la réussite des élèves. Se préoccuper d'intimidation et de violence, c'est l'affaire de tous. Et chaque adulte susceptible de servir de modèle aux jeunes doit lui-même donner l'exemple en interagissant avec les autres avec respect, plus particulièrement sur la place publique, de manière à inspirer un climat sain qui n'encourage pas le recours à l'intimidation. Merci de votre attention.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie bien, M. Rioux. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et des Sports. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Et bienvenue à vous tous. Merci pour votre éclairage, votre contribution. Vous comprenez que moi, en tout cas, j'aurai une oreille extrêmement attentive aux commentaires de votre fédération. Vous représentez les parents, et Dieu sait qu'on a entendu bon nombre de commentaires, parfois sous la forme de témoignages, de la réalité vécue par certains parents dont les enfants étaient victimes d'intimidation et de violence à l'école. Donc, votre contribution, elle est extrêmement précieuse.

J'ai compris votre plaidoyer en disant: Nous craignons l'aspect réglementaire qui apparaît dans certains éléments du projet de loi. Nous voulons qu'il y ait plus des éléments de respect de la réalité de chaque milieu, laisser les écoles définir de façon plus autonome, je dirais, les moyens qu'elles veulent mettre en place, et tout ça. J'écoutais ce commentaire-là et je ne peux pas m'empêcher de penser au fait que, depuis 2008 qu'il existe un plan d'action qui interpellait tout le monde, il y a un certain nombre d'écoles... Comme vous le savez, là, il y a un pourcentage, qu'on peut évaluer à 30 % à 40 %, des écoles, dépendamment du niveau dont on parle, là, mais qui, semble-t-il, n'ont pas fait de portrait de la situation dans leurs écoles ou n'ont pas posé de geste.

Si vous étiez à ma place, là... J'entends votre plaidoyer pour dire: Il ne faut pas trop encadrer de façon réglementaire, laissons les écoles pouvoir juger de la situation. Mais, quand, à la fin, sur une base volontaire, ça a donné le fait que j'ai un certain pourcentage d'écoles qui n'ont pas bougé, comment je concilie ça? Puis peut-être que je me trompe, mais, moi, il me semble, d'après ce que j'ai entendu, qu'à la fin, là, les parents veulent savoir qu'il y a au moins une sensibilité de la part des équipes-écoles, du conseil d'établissement puis que c'est clair quels sont les moyens qu'on met en place. Ça fait que je vais essayer de réconcilier ça.

Je me dis... Moi, j'entends votre appel un peu comme de dire: Laissez-les agir sur une base volontaire; il y a des obligations dans la loi, mais après ça, là, ce qu'il doit y avoir dans le plan, et tout ça, ça ne devrait pas trop être encadré de façon réglementaire par la ministre. Puis là je me dis: Est-ce que ce n'est pas ça qu'on a essayé depuis trois ans? Et est-ce que vraiment j'obtiens les résultats attendus de la part des parents?

M. Rioux (Gaston): Je comprends votre question, je comprends votre préoccupation, puis on l'accueille tout à fait favorablement -- puis j'inviterais aussi mes collègues à répondre, à compléter mes questions si nécessaire. Mais ce que je comprends aussi du projet de loi n° 56... Puis, où il a toute son importance, je vous dirais, c'est par le nivellement vers le haut. Je crois qu'il y a... Ce qui nous permet aussi, par le projet de loi n° 56, d'avoir une mobilisation importante du milieu puis une sensibilisation, qui est apportée, entre autres, par les plans de lutte à l'intimidation et la violence, qui sont inclus... qui sont adoptés par le conseil d'établissement. Je pense que c'est un lieu unique de sensibilisation et de mobilisation.

Et ce qu'on ressent dans les milieux tellement la disparité est importante dans les préoccupations, c'est qu'on a besoin aussi d'outils, d'outils pour nous permettre d'atteindre nos buts puis nos objectifs. Puis c'est sûr... Aujourd'hui, on a amené un parent avec nous, qui est une personne qui a vécu l'intimidation avec son enfant à l'école, puis il a eu des réussites même avant le projet de loi. On peut dire que c'est possible de le faire, c'est possible de mettre des actions en place, mais je crois que le projet de loi n° 56, justement, nous permet d'uniformiser et d'élever vers le haut cette mobilisation-là.

**(15 h 40)**

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, peut-être dans la foulée de ma première question, où je demandais, là... Dans le fond, la question, elle est toute simple, c'est: Jusqu'où on va dans la prescription des obligations, des objectifs que doit rencontrer chaque école, l'équilibre entre être dans un régime d'obligation d'intervention, d'obligation d'avoir un plan d'action? Et en même temps, comme je vous disais tantôt, là, moi, j'ai compris de votre intervention: C'est-à-dire, oui, mais il faut laisser de la souplesse. La réalité de chaque école...

Je veux aussi vous entendre sur le fait que, dans votre mémoire, vous avez pris le temps -- et je vous en remercie -- de nous faire une proposition qui distingue les notions de code de vie et les notions de plan d'action que doivent avoir... que devrait avoir chaque école. Et merci de l'éclairage, que je n'avais pas ce matin et que... Je comprends mieux pourquoi, ce matin, des directeurs de commission scolaire m'ont dit: Il y a une différence entre approuver puis adopter. Je ne le savais pas. Mais c'est... Je ne connais pas la réalité de chaque école, mais vous me l'avez très bien expliqué.

Je veux juste vous dire que par ailleurs, les directeurs généraux de commission scolaire, ce matin, leur position était néanmoins un petit peu différente de la vôtre, puis je veux vous entendre, parce qu'eux disaient plutôt: On devrait tout mettre ça dans le code de vie. Et je ne veux pas mettre d'autres mots dans leurs bouches, mais c'est ça que j'ai compris: On devrait pas mal tout mettre ça dans le code de vie, qui est approuvé par le conseil d'établissement.

Vous, je vois que votre proposition est légèrement différente... bien, elle est pas mal différente, en disant que vous nous faites une proposition qui confirme qu'il y a deux outils, je vais dire ça comme ça: un code de vie puis un plan de lutte. Pourquoi? Et pourquoi est-ce que je... Comment je dois soupeser ce que j'ai entendu ce matin, qui disait: Bien, pourquoi est-ce qu'on ne l'intègre pas dans le code de vie, ce plan d'action contre l'intimidation?

M. Rioux (Gaston): Je vais faire une introduction à la réponse, puis je vais laisser Mme Deschamps compléter par la suite. Mais, je vous dirais, ce qu'on a voulu séparer, si on veut, même si je n'aime pas le terme «séparer», entre le code de vie puis le plan de lutte, c'est que le plan de lutte à l'intimidation et la violence, ça a un effet... on veut qu'on y inclue tous les effets de mobilisation et de prévention. À ce moment-là, c'est important que les parents, entre autres via le conseil d'établissement... Puis, vous savez, dans le conseil d'établissement, il y a des parents, il y a des enseignants, il y a même des membres de la communauté, et, au secondaire, on retrouve même des élèves, des enseignants. Je pense que c'est un lieu unique pour mobiliser, pour sensibiliser. Donc, on croit que, dans le travail qu'on peut faire dès le départ... Parce que c'est important pour nous, les parents, d'être incorporés dans un pareil exercice dès le départ. Donc, ça ne nous arrive pas tout cuit, puis on a seulement à approuver, même si on peut retourner les gens faire leurs devoirs après, ça fait qu'on se sent beaucoup plus mobilisés.

Tandis que, par le code de vie, je crois qu'on y inclut tous les aspects techniques, du respect, des sanctions, qu'il y a à faire dans l'école, là où les enseignants peuvent... des équipes-écoles peuvent travailler ensemble pour nous émettre un document que les parents, de toute façon... ou que le conseil d'établissement aura tout le loisir de ne pas approuver ou de retourner l'équipe-école faire ses devoir, mais ça, c'est une autre chose. Je pense que c'est important, mais c'est important de concevoir que nous trouvons beaucoup plus logique que le code de vie soit plutôt inclus dans le plan de lutte à l'intimidation, c'est une suite qui nous apparaît logique.

Mme Deschamps (Lyne): En complément, peut-être indiquer que l'actuel article 76 est très, très court, actuellement. La proposition qu'on a faite, c'est d'augmenter cet article-là en précisant des éléments, ce qui vient, selon nous, baliser de manière beaucoup plus importante ce qui était là... ce qui est là présentement et permet aux milieux de vraiment s'élever un peu vers le haut. C'est pour ça qu'on dit que, si on fait ces modifications-là à l'article 76, on va donner suffisamment de balises aux milieux, balises qui sont absentes actuellement, pour permettre à chacun des milieux de prendre en compte ce qui est inévitable maintenant, c'est-à-dire tenir compte de facteurs d'intimidation et de violence à l'école. Donc, ça, c'est la première chose. Elle est là, selon nous en tout cas, la nuance, et l'importance, de dire: À partir du moment où on donne plusieurs balises pour mettre en place le code de vie, ça devient suffisant pour que le milieu se prenne en main et puisse se donner la couleur locale qu'il a besoin.

Autre élément important, on précise également là-dedans que les informations à donner aux parents, tout ce qui est technique, tout ce qui est... les sanctions... Le plus bel exemple, c'est les sanctions. Qu'on prévoie des sanctions dans le code de vie ou qu'on prévoie des sanctions et qu'on répète l'exercice pour le plan de lutte, on se dit que là il y a une efficience qui n'est pas parfaite. C'est pour ça qu'on se dit: Tout ce qui est technique, tout ce qui est déjà de toute façon prévu, à bien des égards, dans le code de vie, laissons cela de ce côté-là, avec une approbation, l'exercice qu'on connaît déjà. Et, là où ce n'est pas fait, bien, tant mieux, maintenant ça devra être fait. Parce qu'effectivement, vous l'avez dit, Mme la ministre, il y a des milieux où ce n'est pas complet. Il y a des milieux où on a oublié ou on a fermé les yeux. Ce que ça permet de faire maintenant, c'est... À chacun des milieux c'est un incontournable maintenant, les balises sont inscrites, et ils devront le faire.

Donc, c'est la nuance que nous faisons entre la mobilisation et la prévention du plan de lutte, qui est beaucoup plus large, selon nous, et permet d'intégrer beaucoup plus d'individus que seulement les acteurs présents à l'école. On peut aller plus loin avec ça et mobiliser beaucoup plus largement, d'où aussi la proposition qu'on fait de se diriger également vers l'OPP pour aider à mobiliser davantage les parents. Il y a un lien logique, là, dans la proposition.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup pour l'éclairage. Maintenant, je voudrais vous entendre de façon plus spécifique sur des éléments que peut-être vous n'avez pas eu le temps d'aborder lors de votre présentation, mais c'est ce qui est prévu dans le projet de loi en termes d'information des parents, d'intervention auprès des parents et, je dirais, d'obligation des parents.

Je le disais, là, d'un point de vue personnel, j'ai voulu qu'on interpelle les parents dans la question de la lutte contre l'intimidation et la violence. Premièrement, deux aspects: le parent d'un élève intimidé qui... j'allais dire «trop souvent», mais je ne veux pas généraliser, je ne veux pas dire «dans tous les cas», mais quand même trop souvent des parents ont pris le temps de nous écrire pour dire: Je me suis adressé... J'ai demandé de l'aide, je me suis adressé à une direction d'école, etc., et je n'avais pas l'impression, là, qu'on me prenait au sérieux ou que ça déclenchait une réaction. Et donc vous avez vu, je ne vais pas tout répéter, mais, dans la loi, il y a une série de mesures pour dire: Ça doit déclencher quelque chose en termes d'information auprès du parent. Vous avez peut-être vu sur le site Internet que nous avons mis en place... Le fait même qu'on ait demandé à M. Égide Royer de vraiment, même, dire: Il y a une procédure, là, ça devrait déclencher un type de réaction, même avant l'adoption formelle de la loi.

Puis il y a l'autre volet sur lequel je veux vous entendre. Donc, il y a le niveau, je dirais, de service, d'accompagnement, d'information par rapport aux parents de l'élève intimidé, puis ensuite je veux aussi vous entendre par rapport aux parents de l'élève intimidateur. Vous savez, donc, qu'il y a un article, dans la loi, où on dit que la direction de l'école doit informer le parent mais qu'on doit aussi obtenir l'engagement de l'élève intimidateur et de ses parents pour que cessent les comportements. Est-ce que vous trouvez qu'on va assez loin? Est-ce que vous trouvez que c'est complet? Ce matin encore, les directeurs généraux de commission scolaire nous demandaient de... nommaient le fait de dire: Bien, il faudrait encore plus nommer les obligations des parents. Et je comprends, là, dans la LIP, dans la Loi sur l'instruction publique, on a... par exemple, les parents sont interpellés en disant que les parents ont l'obligation d'assurer que l'enfant va à l'école, parce que l'école est obligatoire, donc ces notions-là de base.

Mais je veux plus vous entendre, il y a un certain, je dirais, régime légal maintenant, introduit par la loi, sur comment j'accompagne, je donne du service, je vais dire ça comme ça, aux parents de l'élève intimidé, comment je dois aller chercher des engagements de la part de l'élève... du parent de l'élève intimidateur. Comment vous jugez l'équilibre atteint actuellement à l'intérieur du projet de loi?

M. Rioux (Gaston): Je vais laisser Mme Deschamps répondre à la question.

**(15 h 50)**

Mme Deschamps (Lyne): Trois éléments. Premier élément, les éléments déclencheurs pour s'assurer qu'à partir du moment où il y a un événement qui se passe puis qu'on le dénonce il faut qu'il arrive quelque chose, effectivement c'est clair et c'est sans équivoque. La seule nuance que nous y apporterions, c'est la suivante, c'est de s'assurer que, lorsqu'une direction d'école ou un adulte de l'école est informé ou prend... ou voit un acte d'intimidation, il puisse réagir en fonction des individus qui sont en cause. Il devrait y avoir quand même une petite marge de manoeuvre pour permettre à la direction de l'école où est l'adulte de s'assurer que les actions que nous poserons ne seront pas à l'inverse de l'objectif que nous voulons atteindre, parce que quelquefois il peut y avoir des situations exceptionnelles dont il faut prendre compte dans certaines familles. Donc, ça, c'est le premier élément.

Mais effectivement il est tout à fait correct de nommer ces choses-là, parce qu'effectivement, là où il ne se faisait rien, à partir de maintenant on devra prendre acte de poser des actions. Mais il faut les faire avec un peu de nuance. Nous, on craint... En tout cas, la lecture qu'on fait actuellement, c'est que cette nuance-là d'ajustement, de porter un jugement, il est... il nous semble un peu absent. Peut-être qu'on lit mal le texte de loi, mais, tel qu'il est là, c'est ce qu'on ressent, et ça nous fait... ça nous donne un peu de crainte.

Mme Beauchamp: Juste avant, Mme Deschamps, que vous continuiez, est-ce que vous pouvez être plus explicite encore, pour moi, puis plus claire? Parce que, quand vous... Honnêtement, je ne sais pas si je décode bien ce que vous êtes en train de me dire quand vous me dites: Il faudrait laisser de la latitude parce que des fois... Là, vous avez donné un exemple, la situation familiale, mais j'ai besoin d'un exemple. Je ne suis pas certaine que je vous suis. Je ne sais pas si je comprends bien, parce que, si je pense en des termes... puis on n'en est pas tout à fait là, mais, si je pense... si je fais le parallèle, de toute façon, avec des notions de protection de la jeunesse, d'obligation d'intervention, etc., comment est-ce que je peux être en train de dire que je suis dans un univers où je dois donner de la latitude? Vous voulez... Qu'est-ce que vous êtes en train de me dire? On doit tenir compte de quoi?

J'ai lu dans d'autres mémoires où on me dit: Bien, selon si l'élève est un élève handicapé avec des difficultés d'adaptation et d'apprentissage... Il y avait un précédent mémoire où on nous met ça... on nous donnait ça comme exemple. Je n'ai pas eu le temps de poser des questions, mais, honnêtement, je ne sais pas comment réagir à ça. Est-ce que, même si un élève est handicapé ou avec des difficultés d'apprentissage, ça fait en sorte que, s'il y a des gestes d'intimidation, je dois les comprendre autrement ou ça ne déclenche pas la même sorte de réactions? Ça fait que j'aurais... Honnêtement, là, j'aurais besoin que vous soyez plus explicite pour moi pour que je comprenne bien l'avertissement que vous nous lancez.

Mme Deschamps (Lyne): Parfait. Donc, je vais vous donner un exemple vécu. Je pense que c'est probablement ce qui sera le plus parlant. Et je tiens à m'excuser parce que probablement que j'utiliserai une langue très... la plus claire possible, mais avec les conséquences que ça peut avoir, donc je m'en excuse.

Vous savez, quand il... On peut voir un acte d'intimidation devant soi, prendre le téléphone immédiatement, et appeler les parents, et dire aux parents: Bien là, bon, il s'est passé quelque chose, noter aux parents que cela vient de se passer. Alors que peut-être, dans cette cellule familiale là, c'est une famille qui est dysfonctionnelle et qu'on vient de faire en sorte que, cet enfant-là, on ne vient pas de l'aider, on vient de le mettre dans une situation précaire dans sa famille, et, le lendemain matin, il va arriver à l'école amoché.

Donc, c'est de cela dont je parle. Ce n'est absolument pas pour se fermer les yeux. Ce n'est pas ça du tout. Au contraire, c'est de prendre acte que, lorsqu'un événement malheureux est arrivé, on le voit, on en prend acte. Il faut juger de l'événement malheureux, mais également de la connaissance qu'on a du jeune et de sa famille pour ne pas essayer de créer, par une solution tampon égale pour tout le monde, un événement dont on aurait le regret. Donc, c'est simplement par rapport à cet élément-là.

Parce que, dans le projet de loi tel qu'il est libellé, ce qu'on y lit, c'est qu'à partir du moment où il y a une plainte... Puis on ne voit pas le mot «avéré», où il y aurait eu comme, la direction de l'école, un minimum d'enquête, si vous voulez, j'utilise ce mot-là, mais ce n'est probablement pas le bon, mais de vraiment s'assurer qu'il y a un problème important. Puis je pense que c'est juste cette petite nuance là. Et on ne veut surtout pas que vous interprétiez qu'il faut se fermer les yeux, ce n'est pas du tout l'objectif.

Mme Beauchamp: Si je comprends bien -- juste un commentaire, parce que je n'ai plus de temps -- c'est que vous nous invitez à ce que ce soit plus clair qu'il y a toujours un régime général qui veille au bien-être de l'élève?

M. Rioux (Gaston): Plus encadrer l'élève que le geste lui-même.

Mme Beauchamp: Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup pour cette première période d'échange. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole à M. le député de Jonquière. M. le député.

M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présence ici. Évidemment, je pense qu'autant du côté du gouvernement que de notre côté nous attendions avec beaucoup d'impatience votre présentation, parce qu'effectivement c'est un projet de loi qui est important, mais le rôle des parents est au coeur de la lutte contre l'intimidation, et j'ai le goût de vous entendre davantage là-dessus.

Et je voudrais faire un peu de pouce sur les questions que vient de poser la ministre et les réponses que vous venez de donner, parce que, depuis le début de ces consultations, nous entendons, effectivement... c'est comme variation sur un même thème, là, variation sur le thème de la marge de manoeuvre que l'on doit donner aux directions d'établissement quant à leur pouvoir ou leur capacité d'intervention dans des cas d'intimidation. Mais il y a un élément sur lequel on ne s'est pas encore penchés dans ces consultations, et, à l'article 11 du projet de loi, qui fait état du rôle du directeur de l'école en bonne partie, là, 11 et suivants, à un moment donné on parle d'un comité, on dit au dernier alinéa de l'article 11: «Le directeur de l'école doit désigner, parmi les membres du personnel de l'école, une personne chargée de coordonner les travaux d'une équipe qu'il doit constituer en vue de lutter contre l'intimidation et la violence.»

J'aimerais vous entendre là-dessus. Pour vous, qui devrait faire partie de cette équipe? Et est-ce que cette équipe devrait ou pourrait... ou aurait le rôle, justement, de soutenir les directions d'établissement dans leur marge de manoeuvre dont on parle depuis les débuts de ces consultations?

M. Rioux (Gaston): C'est sûr qu'on ne s'est pas nécessairement penchés encore, parce qu'on n'a vraiment pas eu le temps, nécessairement, de pencher sur... c'est des points précis comme ça, mais je pense qu'on comprend l'importance d'une équipe pour veiller à cette chose-là puis au plan... Puis je pense que les directions ont besoin d'appui au niveau du milieu. Cet appui-là est important. Mais ces modalités-là aussi, je crois, vont être discutées dans le plan général de lutte à la violence et à l'intimidation. Je laisserais aussi Mme Deschamps compléter.

Mme Deschamps (Lyne): Ce qui est important, c'est de pouvoir s'assurer que, dans chacun des milieux, même les petites écoles où tu as une direction puis trois bâtiments, par exemple, trois villages... Nous, on y voit peut-être là un élément intéressant, O.K.? C'est comme ça qu'on l'a vu. Mais, au-delà de ça, effectivement, malheureusement, dans le temps imparti, on n'a pas pu pousser notre réflexion beaucoup plus avant, mais c'est cet élément-là qu'on y voyait vraiment quand, dans les régions, on a des directions qui doivent superviser plusieurs écoles séparément; ça nous semble peut-être, là, une avenue. S'il fallait comprendre autre chose de ce texte-là, malheureusement on n'a pas été plus loin. Mais vous comprendrez que notre réflexion ne s'arrête pas aujourd'hui par rapport à ce document-là.

M. Gaudreault: Mais quand même, si on réfléchit un peu tout haut, on dit: «Le directeur de l'école doit désigner, parmi les membres du personnel de l'école, une personne chargée de coordonner les travaux...» On pourrait penser à qui? Est-ce que vous voyez davantage un professionnel, un enseignant? Et deuxième question: Est-ce que les parents pourraient siéger à cette équipe de lutte contre l'intimidation?

M. Rioux (Gaston): Moi, je vous dirais bien naïvement: La personne la plus compétente pour le faire. Dans le fond, ça va varier de milieu en milieu. Écoutez, dans une petite école où il n'y a même pas 20 jeunes, je ne pense pas qu'il y ait un professionnel de disponible. Ça fait que c'est une réalité. Dans des grandes écoles, il y aurait d'autres personnes. Mais je pense qu'on fait confiance au milieu en disant que... puis à la direction. Je pense que la personne la plus compétente devrait être désignée, tout simplement.

M. Gaudreault: Quand vous réfléchissez à ce que vous connaissez des milieux et du terrain, comme on dit, dans chacune des écoles, considérant également que nous plaidons pour une marge de manoeuvre plus large aux directeurs d'école et que la loi prévoit la constitution d'un comité coordonné par une personne à l'intérieur de l'école, comme on vient d'en parler, croyez-vous que c'est réaliste, tout ça? Comment on peut réellement, dans le concret, croire qu'on va être capables de lutter avec efficacité contre l'intimidation avec les ressources qui sont déjà manquantes? Est-ce qu'on ne devrait pas envisager, par exemple, dans le projet de loi... Parce que je pense que c'est jeudi, je ne me souviens plus c'est quel groupe qui le proposait, probablement la CSQ, ou peut-être la Fédération autonome de l'enseignement... Est-ce qu'on ne devrait pas envisager un article un petit peu plus... ou une disposition un petit peu plus directive quant à l'obligation d'allouer des ressources qui vont avec les nombreuses obligations qu'on amène de nouveau, là, dans un projet de loi comme celui-là?

**(16 heures)**

M. Rioux (Gaston): Je vais peut-être répondre trop largement, mais je vous dirais que le processus de lutte à l'intimidation, à la violence, ça doit déborder les murs de l'école, hein? Ce n'est pas seulement à l'école. Je pense que c'est important. Puis, oui, c'est intéressant, le projet de loi n° 56, à plusieurs égards, pour le nivellement par le haut, la sensibilisation, la mobilisation. Mais, personnellement, ça ne devrait pas s'arrêter là. Ça devrait continuer au niveau du ministère des familles, au niveau des municipalités, au niveau des corps policiers pour une mobilisation générale. Puis je pense aussi... Oui, il y a des ressources. Je pense qu'il n'y a pas personne qui va dire non à des ressources supplémentaires. Mais on peut voir aussi que, dans des milieux -- puis c'est pour ça aussi que M. Trachy est là -- on peut voir que, dans des milieux, ça fonctionne, ça fonctionne très bien avec les ressources déjà présentes. Donc, pourquoi pas?

M. Gaudreault: Je voudrais poursuivre sur cette lancée. Quand vous parlez de faire référence à l'ensemble de... plus largement, là, à d'autres acteurs, vous parlez du ministère de la Famille, vous parlez du ministère, peut-être, de la Sécurité publique, et ça m'amène à votre première recommandation, où vous dites -- dans le fond, vous faites un peu l'effet miroir par rapport à vous-mêmes -- où vous dites: La responsabilité... Vous voulez éviter que la responsabilité de sanctionner les comportements d'intimidation et de violence repose uniquement sur les épaules de l'école, notamment lorsque ces comportements surviennent quand le jeune n'est plus sous la responsabilité de l'école. Quand je dis «l'effet miroir», c'est que, dans le fond, vous dites... vous reconnaissez qu'effectivement -- puis je pense que vous avez ouvert, d'emblée, là-dessus votre présentation -- le premier responsable, c'est certainement les parents.

Et là je voudrais vous amener sur un élément sur lequel on a peut-être trop peu parlé, malheureusement, depuis le début de ces consultations, c'est sur la cyberintimidation. Parce que nous constatons que, par rapport peut-être à une époque antérieure où moi-même, j'étais élève dans des écoles, au moins, quand le jeune arrivait à la maison, l'intimidation, de façon générale, prenait fin, parce qu'il se retrouvait avec sa famille ou avec ses proches, mais là ça se poursuit avec Facebook, avec les réseaux sociaux. Comment, par rapport à la cyberintimidation et tout ça, là, qui se déroule à l'extérieur des cadres de l'école, comment vous voyez davantage le rôle des parents, et voire même les sanctions? Parce que c'est ce que vous faites, vous faites référence à ça dans l'article 1, dans la recommandation 1.

M. Rioux (Gaston): Au risque de me répéter, c'est sûr que ce que le projet de loi nous permet... Ce qu'on voulait inclure au niveau de la mobilisation, c'est la participation de l'OPP. L'OPP, c'est des parents, c'est l'organisme de participation parentale. On voudrait que... se servir... Il est déjà prévu dans la Loi de l'instruction publique pour le projet éducatif, mais on voudrait se servir de ces parents-là comme ayant un effet contaminant pour les autres parents.

Puis, par l'élaboration, au niveau du conseil d'établissement, des plans de lutte à la violence, à l'intimidation, on va en parler, de la cyberintimidation. On va informer aussi les parents. Il y a des parents aussi qui ont besoin d'information. Probablement que l'école aussi peut être une source d'éducation ou d'information, dans les réunions qu'ils peuvent avoir avec les parents, pour aller plus loin au niveau de la cyberintimidation, pour fournir des outils pertinents pour, bien, on va dire, ce nouveau phénomène.

M. Gaudreault: D'ailleurs, là-dessus, sur la cyberintimidation, nous avions déjà examiné la possibilité d'éventuellement bloquer, même, des accès Facebook, par exemple, à des élèves. Je ne sais pas si, à l'intérieur de vos recherches ou de vos contacts, même à l'international, parce que ça se fait en France... Je ne sais pas si vous avez déjà examiné ces possibilités-là et le résultat concret que ça peut avoir en France.

M. Rioux (Gaston): Humblement, personnellement, je ne peux pas répondre à cette question-là.

Mme Deschamps (Lyne): On n'a pas fait de recherche exhaustive là-dessus, quelques lectures, évidemment. Peut-être de dire que, comme n'importe quoi d'autre, on pense que c'est par l'information que tout se passe. Ce n'est pas simplement en mettant un frein, en disant: Non, ce n'est pas bon, qu'on va régler un problème. Il faut informer, il faut poser des questions. Il faut être capable d'indiquer aux gens ce que ça veut dire, c'est quoi, les impacts de cela, pour qu'on puisse nourrir puis être formés à ce phénomène-là. Si on fait juste l'interdire sans avoir un processus de formation et d'information qui vient avec, je ne suis pas certaine qu'on va gagner des points, ultimement, là.

M. Rioux (Gaston): Il y a des choses très positives dans les nouvelles technologies de l'information.

M. Gaudreault: Oui, oui. Tout à fait.

M. Rioux (Gaston): Il ne faut pas s'en priver nécessairement. Mais je pense qu'il faut sensibiliser aux parents... au rôle que les parents ont aussi de contrôler cet état de chose là.

M. Gaudreault: Juste pour votre information, là, la recommandation que je faisais référence tout à l'heure concernant l'obligation ou, si on veut, une disposition pour allouer aux écoles des sommes nécessaires pour désigner des membres du personnel dans le cadre d'un travail d'équipe, c'est la CSQ qui nous a présenté ça jeudi, et vous allez sûrement être capables de mettre la main sur leur mémoire.

Je voulais revenir sur la question du rôle du protecteur de l'élève. Bon, vous dites dans votre mémoire que vous ne pensez pas qu'il serait nécessairement le mieux placé pour évaluer le plan de lutte. Encore une fois, toujours dans le souci de ne pas accroître indûment la lourdeur bureaucratique, avez-vous une suggestion à nous faire plus précisément de qui pourrait évaluer le plan de lutte si ce n'est pas le protecteur de l'élève, à ce moment-là?

M. Rioux (Gaston): C'est parce qu'on veut toujours la personne la plus compétente puis la meilleure personne pour mettre au meilleur endroit, puis c'est sûr que, dans nos recommandations, nous ne croyons pas que le profil actuel du protecteur de l'élève corresponde au profil demandé.

M. Gaudreault: Et, comme j'ai demandé à d'autres groupes avant vous, est-ce que vous trouvez qu'on n'est pas en train d'étirer un peu le rôle du protecteur de l'élève par rapport à ce qu'on avait confié comme mandat et responsabilités au protecteur de l'élève à l'origine, là, au moment où il a été créé? Puis, dans le concret, ce que moi, je constate, c'est que c'est souvent, par exemple, des retraités qui prennent un mandat à temps partiel comme protecteur de l'élève. Est-ce qu'on n'est pas en train d'étirer un peu la sauce, là, quant à son rôle en vertu de ce qui est prévu dans le projet de loi n° 56?

M. Rioux (Gaston): Je vais laisser Mme Deschamps répondre.

Mme Deschamps (Lyne): On a fait... On est en train de terminer une étude justement, à la fédération, sur le protecteur de l'élève et on se rend compte effectivement qu'il y a des profils différents. Oui, il y a plusieurs personnes à la retraite, mais il y a également des gens qui sont en fonction, il y a des juristes, etc., il y a des gens spécialisés en intervention. Et cette préoccupation-là, elle est là et elle est très importante.

Ce qui nous préoccupe le plus dans cet ajout de mandat, c'est d'avoir deux tâches qui ne nous semblent pas compatibles à première vue. Une tâche, qui est celle définie, c'est de se préoccuper individuellement d'un parent ou d'un élève dans un cadre très précis d'une plainte individuelle. Ça, c'est facile. L'autre mandat qu'on semble vouloir lui donner, c'est un travail qui relève de l'analyse systémique des processus, des impacts, etc. À notre sens, ça fait appel à d'autres notions.

Et, si ce commentaire-là n'était pas suffisant, nous aurions par ailleurs une grande crainte, c'est que cette portion du travail là plus administrative prenne trop de place par rapport à l'objectif primordial du protecteur de l'élève tel que nous l'avions souhaité, c'est-à-dire d'être à l'écoute des parents des élèves qui ont des plaintes à formuler et qui s'inquiètent de bien des choses. Donc, on ne voudrait surtout pas mettre en péril l'objectif primordial du protecteur de l'élève en lui donnant un deuxième mandat très différent.

M. Gaudreault: Oui. Une autre question, ensuite je vais laisser la parole à ma collègue de Marguerite-D'Youville. L'article 18, concernant l'expulsion, la possibilité d'expulsion d'un élève, on a entendu, dans certains cas, que le délai de cinq jours qui est prévu était trop court. Qu'est-ce que vous en pensez là-dessus, quand la commission scolaire doit statuer sur la demande du directeur de l'école dans un délai de cinq jours?

M. Rioux (Gaston): Bien, je pense que, quand on est arrivé à l'expulsion, il s'agit d'un cas très grave. Je pense qu'il devrait y avoir des mesures nécessaires prises rapidement dans ces cas-là. Je pense que, si on arrive à l'expulsion, il y a eu tout un enchevêtrement d'étapes qui ont été faites, passant par la suspension, etc. là, qu'on ne veut pas qu'il soit... Comme je disais dans le mémoire aussi, on ne veut pas que l'enfant soit envoyé à la maison, on veut qu'il soit pris en charge aussi quand il est en suspension. Ce n'est pas un cadeau qu'on lui fait, de l'envoyer à la maison, je pense que c'est bien important. Ça se fait dans le milieu. Ça se fait à ma commission scolaire; on a Pro-Jeunesse qui s'occupe des jeunes à ce moment-là. Mais je pense que, rendu à l'étape de l'expulsion, je fais confiance aux commissions scolaires qu'ils le fassent rapidement.

M. Gaudreault: Dans le délai de cinq jours.

Une voix: Pardon?

M. Gaudreault: Dans le délai de... dans un délai de cinq jours.

M. Rioux (Gaston): Et même plus vite, s'il le faut.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Marguerite-D'Youville, la parole est à vous.

**(16 h 10)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Merci de votre contribution. Ma question est suite à la réponse de Mme Deschamps, de tout à l'heure, à une question de la ministre. Oui, c'est vrai que, quand on passe un bout de temps dans le milieu scolaire, on se rend compte souvent que des enfants perturbés et perturbants sont issus de familles dysfonctionnelles et qu'il faut y aller sur le bout des pieds, sur le bout des doigts quelquefois pour être en mesure de mettre les parents dans le coup quand il y a des problèmes à l'école.

C'est sûr que, dans une situation d'intimidation et de violence à l'école, la personne intimidée veut, les parents veulent avoir des réponses, et en même temps la direction de l'école ou l'équipe-école est prise, dans l'application de son plan de travail, à dire: Il faut informer les parents. On sait pertinemment que, dans certaines situations, ça devient très problématique d'informer les parents.

Comment vous voyez le travail à ce moment-là auprès de ce jeune-là par le biais de la direction de l'école? Parce qu'en même temps il y a des réponses à donner à ceux qui ont été blessés ou qui ont été intimidés, puis en même temps il y a des précautions à prendre pour des enfants auprès desquels... qui sont déjà en difficulté, en problème de fonctionnement social très important et par lesquels... et, si on fait une intervention auprès de la famille, on accentue ça. Et on peut même -- j'ai vécu ça dans mon école -- mettre en danger d'intimidation l'enseignant ou certains membres du personnel de l'école. Alors, comme parents, bien sûr, on veut avoir l'information, mais vous êtes représentants des parents et vous savez qu'il y a des situations où ça devient difficile: Comment vous voyez la suite des choses?

Le Président (M. Marsan): Mme Deschamps.

Mme Deschamps (Lyne): J'ai envie de vous dire ceci: Si on avait une réponse facile, j'espère qu'il y aurait quelqu'un qui l'aurait trouvée avant nous aujourd'hui, en raison de toutes les souffrances que ces enfants-là vivent quotidiennement.

Ça déborde un peu le cadre du projet de loi n° 56, mais l'un des avantages du projet de loi n° 56, c'est justement de mettre à l'ordre du jour maintenant, dans toutes les écoles du Québec, la préoccupation de se mobiliser pour contrer ce fléau. Espérons, justement, que cette mobilisation collective là, obligée maintenant, permettra à ceux et celles qui avaient oublié de s'en préoccuper qu'ils pourront s'en préoccuper maintenant. Parce qu'effectivement il y avait des milieux qui s'en préoccupaient fort bien; et, si on a l'occasion tantôt d'entendre M. Trachy, c'est un exemple positif où un milieu n'a pas attendu le projet de loi pour agir extrêmement positivement, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, ça termine cette période d'échange. Je vais maintenant donner la parole au député de La Peltrie. M. le député.

M. Caire: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous parlez, bon, de l'obligation qui est faite de faire un rapport sur les cas d'intimidation qui auraient été recensés. Vous faites part de votre préoccupation que ces rapports-là ne deviennent pas une occasion de palmarès. En même temps, moi, comme parent, là, qui a des enfants à l'école, il me semble que c'est fondamental que je sois informé de la situation à l'école, que mon jeune soit impliqué ou non, là, il m'apparaît que j'aimerais ça savoir si l'école fréquentée par mes enfants est une école où il y en a plus, où il y en a moins. Alors, puis je vais aller plus sensiblement dans la même direction que ma collègue, comment vous conciliez cette préoccupation-là que vous avez de ne pas voir les rapports devenir un prétexte à palmarès, mais ce qui, moi, m'apparaît être un droit des parents à recevoir l'information sur la situation?

M. Rioux (Gaston): Je pense que ce qu'on croit beaucoup, c'est un monitoring qualitatif plutôt que quantitatif. Est-ce que les mesures nécessaires ont été prises à l'intérieur de mon école? Je pense que c'est ça, au-delà du nombre de cas d'intimidation, moi, ce que je veux savoir comme parent: si dans mon école tout est fait, tout est prévu dans tout cas d'intimidation, si toujours... si c'est toujours pris au sérieux. Je pense que c'est ça qui rassure beaucoup plus le parent qu'un chiffre.

M. Caire: Bien, là-dessus, comme parent, là... Parce que moi, j'ai deux enfants, une au secondaire, un au primaire, deux au préscolaire qui vont entrer dans le réseau, puis je suis obligé de vous dire que, oui, je suis en partie d'accord avec vous, bien sûr, je veux savoir que l'école a bien adressé le problème puis a pris des mesures pour régler la situation, mais de savoir que des cas se répéteraient, c'est une information que j'aimerais savoir aussi, c'est une information que j'aimerais avoir aussi. Est-ce que vous ne pensez pas que les parents ont droit à cette information-là?

M. Rioux (Gaston): Si je comprends bien votre question, s'il y a des cas qui se répéteraient, est-ce que c'est l'évaluation, justement, qualitative qui va me dire, les mesures, est-ce qu'elles sont adéquates, est-ce qu'elles ont été prises adéquatement pour lutter contre x problèmes? Je pense que c'est la base d'une analyse sérieuse.

Ça fait que, si les mesures ont été prises, si le plan de lutte à la violence, à l'intimidation est appliqué de façon tout à fait correcte par tous les intervenants, si j'ai une mobilisation importante du milieu, si j'ai une compréhension des parents du rôle des parents, qu'ils peuvent avoir dans le conseil d'établissement, de leur rôle qu'ils peuvent avoir à la maison aussi, je crois que moi, comme parent, je serais tout à fait rassuré.

M. Caire: Mais en même temps, si je sais qu'il y a de nombreux cas à l'école, bien, je sais sur quoi je travaille. Si je vois que ces cas-là diminuent, c'est un indicateur d'efficacité aussi. Si je vois que ça stagne ou que ça augmente, bien, j'ai aussi une information, comme parent, là, qui me dit: Oui, la direction a pris des mesures, c'est efficace; elle a pris des mesures, c'est sans effet ou la situation se détériore. Je ne sais pas, c'est parce que j'ai l'impression que...

M. Rioux (Gaston): Il y a beaucoup d'autres chiffres à tout ça. Tout ça est interrelié. Il y a beaucoup de façons d'évaluer à l'intérieur de l'école aussi. On parle des conventions de gestion, on parle des conventions de partenariat, on parle du projet éducatif. Il y a toute cette façon-là de...

M. Caire: Les parents, les parents en général, en tout respect...

Le Président (M. Marsan): Excusez, je vais être obligé de vous arrêter. Ceci termine cette période d'échange. Et, M. Rioux, Mme Deschamps, M. Renaud-Lauzé et M. Trachy, nous vous remercions bien sincèrement de nous avoir donné le point de vue de la Fédération des comités de parents du Québec.

Et j'inviterais les gens de... les représentants de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec à venir se présenter à cette table. Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Marsan): Merci. Nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec et M. Robert Mills, le vice-président et directeur général de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. M. Mills, vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez ensuite une période de 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Association des directeurs généraux des commissions
scolaires anglophones du Québec (ADGCSAQ)

M. Mills (Robert T.): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président, membres de la commission, bonjour. Puis je veux profiter de l'occasion pour nous présenter, ma collègue et moi-même. Je suis Robert Mills, directeur général de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et ma collègue est Me Marie-Claude Drouin, secrétaire générale de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier.

Nous sommes ici pour présenter un mémoire au nom de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec, dont je suis le vice-président, et pour répondre à vos questions.

C'est avec plaisir que l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec dépose un mémoire au nom de ses membres pour répondre aux détails du projet de loi... y trouvent. Mais nous aimerions aussi faire quelques commentaires généraux quant à la loi proposée. Pour commencer, nous apprécions en principe tout effort pour améliorer la sécurité dans nos écoles et dans la vie de nos élèves. C'est quelque chose que nous prenons très au sérieux, et nous consacrons beaucoup de temps, d'efforts et de ressources pour y arriver. Nous croyons que l'enseignement ne peut se faire que dans un milieu sûr, sécuritaire et ouvert.

L'association des directeurs généraux anglophones désire vraiment travailler avec la ministre et le ministère, en faire partager son expertise sur cette question cruciale pour le bien-être et le développement des élèves. Nous croyons qu'à titre d'experts dans ce domaine nous pouvons fournir des renseignements et des conseils qui auront comme résultat la meilleure implémentation possible de ce projet de loi. Cependant, il semble nécessaire d'établir un dialogue avec des membres du ministère au sujet de certains obstacles importants que nous percevons dans la version actuelle. Soyez assurée, Mme la ministre, de notre approche positive et collaborative à ce processus.

Mme Drouin (Marie-Claude): Nous avons choisi aujourd'hui de vous présenter nos commentaires autour de six thèmes: la définition d'«intimidation», d'une mission éducative à une application coercitive, les ressources, la bureaucratie, la gouvernance et l'évolution des rôles, et finalement la cohérence avec la Loi sur l'instruction publique.

D'abord, la définition d'«intimidation». L'article 2 du projet de loi soulève quelques questions. D'abord, nous nous interrogeons sur l'absence d'une définition de la violence. Il est de connaissance notoire qu'un législateur ne parle jamais pour rien dire. Donc, les notions d'intimidation et de violence qui apparaissent dans le titre du projet de loi ainsi que dans ses articles ne pourraient avoir le même sens. Nous croyons utile, voire nécessaire de bonifier le projet de loi en y incluant une définition de la violence.

En ce qui a trait à la définition d'«intimidation», elle nous paraît incomplète. Suivant le Plan d'action pour prévenir et traiter la violence à l'école, l'ensemble des critères suivants permet de déterminer s'il est question ou non d'intimidation: l'inégalité des pouvoirs, l'intention de faire du tort, des sentiments de détresse de la part de l'élève qui subit l'intimidation et la répétition des gestes d'intimidation sur une certaine période.

Nos recommandations sur ce thème sont donc: ajouter une définition de la violence et bonifier la définition d'«intimidation» en y ajoutant notamment les critères de répétition et d'inégalité des pouvoirs.

D'une mission éducative à une application coercitive. Conformément à la Loi sur l'instruction publique, l'école est un établissement d'enseignement qui a pour mission d'instruire, de socialiser, de qualifier les élèves tout en les rendant aptes à entreprendre et réussir un parcours scolaire. Elle réalise cette mission dans le cadre d'un projet éducatif mis en oeuvre par un plan de réussite.

Nous regrettons de constater que le seul aspect du projet de loi en ligne avec cette mission se limite dans l'ajout d'activités ponctuelles ou de contenus que le ministre pourra prescrire dans les domaines généraux de formation qu'il établit. Pourtant, il est prouvé que la prévention et l'éducation sont les moyens à privilégier pour lutter contre l'intimidation et la violence.

Les commissions scolaires anglophones ont déjà implanté dans leurs écoles plusieurs mesures préventives de manière à offrir un milieu scolaire sain et sécuritaire. Il serait souhaitable que le projet de loi n° 56 nous offre les moyens de pouvoir continuer à investir dans ces mesures et surtout la possibilité d'en ajouter.

Les mesures coercitives pour gérer les cas d'intimidation et de violence dans les écoles sont déjà existantes, et elles sont appliquées. D'autres lois, et notamment le Code criminel, le Code civil du Québec qui vient encadrer la diffamation, le droit à l'image, et les chartes québécoises et canadiennes, s'appliquent également.

Les articles 4, 5, 11, 12, 14 et 18 du projet de loi mettent l'accent sur les mesures disciplinaires à adopter pour les actes d'intimidation et de violence au détriment des moyens de prévention et d'éducation. Il est vague quant aux obligations et responsabilités d'intervention de la commission scolaire et de l'école concernant les médias sociaux et la cyberintimidation.

Le projet de loi ne tient malheureusement pas compte des différentes clientèles scolaires et notamment les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage pour lesquels certaines adaptations devront nécessairement être faites. À défaut de quoi, nous pourrions nous retrouver dans l'obligation de suspendre et même d'expulser de nos écoles certains de ces élèves.

En terminant, l'association est surprise par les modifications de l'article 477. Le droit, pour le ministre, de retenir toute subvention en cas de refus ou de négligence de la commission scolaire d'observer une disposition de la Loi sur l'instruction publique existe déjà. Ce qui est proposé modifie la nature de l'article et rend son application punitive, telle une clause pénale. L'association est donc perplexe quant au message que la ministre veut transmettre aux commissions scolaires avec ce changement.

Nos recommandations sur ce thème sont donc: mettre l'accent sur l'éducation et la prévention des actes d'intimidation plutôt que sur la lutte en modifiant, si nécessaire, le régime pédagogique; plutôt que d'introduire un nouveau plan, travailler avec ce qui est déjà en place à la loi, à savoir le plan stratégique, la convention de partenariat, le code de conduite, le projet éducatif, le plan de réussite et la convention de gestion et de réussite éducative; privilégier des moyens autres que la suspension et l'expulsion de ses écoles pour les élèves commettant des actes d'intimidation en créant des solutions de remplacement qui les sortiraient du milieu scolaire et les forceraient vers des ressources spécialisées pour aborder le problème; plutôt que de dénoncer toutes les obligations auxquelles la direction d'école et les employés doivent faire face, indiquer les grandes orientations à suivre pour répondre aux besoins de la collecte de données et laisser le soin aux commissions scolaires de prendre les moyens pour y arriver; définir ce que le législateur entend à l'article 5 par «les gestes et les échanges proscrits en tout temps, quel que soit le moyen utilisé»; et, finalement, conserver l'article 477 de la loi tel qu'il est présentement libellé.

Les ressources. Le manque de ressources en anglais a toujours été un enjeu pour le réseau des commissions scolaires anglophones. Les obligations énoncées au projet de loi n° 56 nous demandent de rendre disponibles plus de ressources scolaires sans pour autant financer cet ajout.

Nous sommes inquiets de l'alourdissement des tâches de certains employés, de l'annonce faite qu'il n'y aura aucun financement supplémentaire pour l'ajout de nouvelles ressources, d'une nouvelle obligation d'apporter du soutien à des gens qui ne relèvent pas directement de la compétence de la commission scolaire et de l'incertitude quant aux services que nous pouvons espérer recevoir du milieu de la santé et des services sociaux.

L'article 11 du projet de loi parle de la formation d'une équipe pour lutter contre l'intimidation et la violence. Cet article soulève toutefois la question sur le genre de travaux qui devront être accomplis par cette équipe. Nous comprenons que cette dernière serait chargée de rédiger, en collaboration avec le directeur d'école, le rapport sommaire à être transmis au directeur général et au protecteur de l'élève pour chaque cas de plainte relative à un acte d'intimidation et de violence. Nous ne croyons pas qu'il s'agit là d'une utilisation optimale de ces ressources.

Quant à l'article 14, nous vous soumettons que des mesures de remédiation et de réinsertion sont déjà en vigueur dans nos écoles. Le problème du manque de ressources se pose lorsque la réintégration ne peut se faire à court ou moyen terme et que la commission scolaire a néanmoins un devoir d'éduquer ces élèves. La réalité géographique de certaines commissions scolaires anglophones rend impossible la possibilité de transférer les élèves dans une autre de ses écoles. D'où un besoin criant en ressources supplémentaires pour s'assurer que ces élèves puissent être réhabilités plutôt que d'être suspendus à répétition et faire partie des statistiques de décrochage scolaire ou, pire encore, de jeunes contrevenants.

Ceci étant dit, nous accueillons favorablement l'annonce d'ententes entre les corps de police et un établissement ou organisme du réseau de la santé et des services sociaux. Par contre, nous voyons là une obligation moindre pour le réseau de la santé et des services sociaux de conclure des ententes avec la commission scolaire. Pourtant, les besoins se situent principalement à ce niveau alors que les services sont inexistants dans les petites communautés ou, s'ils existent, sont offerts par du personnel qui ne parle pas anglais.

Nos recommandations sur ce thème sont donc: subventionner l'ajout de ressources au niveau école; éliminer la notion de soutien et d'encadrement pour les enseignants et quelques autres personnes victimes que l'on retrouve à l'article 4 et à l'article 17 du projet de loi; favoriser l'accès à des services du réseau de la santé et des services sociaux, plus spécifiquement en anglais et dans les régions rurales éloignées; modifier la reddition de comptes afin d'éviter que les ressources-écoles soient soumises à encore plus de bureaucratie.

**(16 h 30)**

La bureaucratie. Les commissions scolaires et les écoles ont subi, au cours des dernières années, un alourdissement de leurs tâches administratives en faisant face à plus d'exigences de la part du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, dans un contexte de réduction de ressources. Notons... Notamment le projet de loi n° 100, projet de loi n° 133 et projet de loi n° 88 en sont des exemples.

Le projet de loi n° 56 ajoute principalement à la tâche du directeur d'école sans tenir compte de la réalité opérationnelle quotidienne de gérer une école. Plusieurs commissions scolaires ayant des écoles en région rurale peuvent affecter un même directeur d'école à deux ou trois écoles sous sa responsabilité. Il serait quasi impossible pour ces derniers de pouvoir répondre aux exigences du projet de loi telles qu'elles sont édictées.

La vraie question demeure: Quel est le but recherché pour exiger la transmission au ministre, par la commission scolaire, d'un rapport annuel faisant état école par école de toute plainte si ce n'est que de créer un palmarès des écoles avec le plus d'actes d'intimidation et de violence? Et, dans ces circonstances, comment ce palmarès aiderait-il les écoles à lutter contre l'intimidation et la violence?

Nos recommandations sur ce thème sont donc: d'exiger une reddition de comptes annuelle, et laisser le soin aux commissions scolaires de gérer la collecte de données avec ses écoles, et éviter d'envoyer tout rapport et plainte au protecteur de l'élève.

La gouvernance et l'évolution des rôles. La commission scolaire a pour mission d'organiser, au bénéfice des personnes qui relèvent de sa compétence, les services éducatifs prévus par la Loi sur l'instruction publique et par les régimes pédagogiques, de veiller à la qualité des services éducatifs et à la réussite des élèves et de contribuer au développement social, culturel et économique de sa région.

Ce projet de loi impose aux commissions scolaires la manière de gérer des sujets de nature administrative et en exige une reddition de comptes exagérée. La seule entité légale étant la commission scolaire, les écoles n'ayant pas la personnalité juridique, il serait cohérent que chaque commission scolaire adopte une politique uniforme pour l'ensemble de ses écoles et que les écoles, en collaboration avec leurs conseils d'établissement, adaptent leurs codes de conduite en conséquence. Il est dommage de voir que le législateur réduit, à toutes fins utiles, le rôle de la commission scolaire à la préparation d'un rapport annuel qui se devra d'être un copier-coller des rapports transmis par chacune de ses écoles.

L'article 20 du projet de loi introduit une nouvelle notion à la Loi sur l'instruction publique, celle de permettre au ministre d'imposer des activités ponctuelles ou du contenu obligatoire dans les services éducatifs dispensés aux élèves. C'est pourtant au régime pédagogique que le ministère prescrit les programmes d'études. Nous vous soumettons qu'il ne devrait pas relever du conseil d'établissement d'approuver les activités ou contenus prescrits par le ministre, ceci relevant du champ de compétence de la commission scolaire. Le pouvoir du conseil d'établissement est déjà établi à l'article 85 de la loi quant à l'enrichissement ou l'adaptation par les enseignants des objectifs et des contenus éducatifs des programmes d'études.

L'article 14 du projet de loi se substitue au pouvoir du directeur général en autorisant le directeur de l'école à suspendre un élève pour la durée qu'il souhaite. Cet article va à l'encontre des délégations de pouvoirs des commissions scolaires voulant qu'un directeur d'école soit autorisé à suspendre un élève conformément à la durée mentionnée à la délégation de pouvoirs.

Nous tenons à dénoncer vivement qu'il ne relève pas du rôle d'un conseil d'établissement d'évaluer un plan, quel qu'il soit. L'école et son directeur sont sous la responsabilité et la direction du directeur général. Un conseil d'établissement n'a pas les outils nécessaires pour une telle évaluation.

Le Président (M. Marsan): ...deux minutes pour votre présentation.

Mme Drouin (Marie-Claude): Aïe aïe aïe! Merci. L'évolution du rôle du protecteur de l'élève est également préoccupante.

Donc, nos recommandations sur ce thème sont donc: de favoriser l'adoption d'une politique au niveau de la commission scolaire plutôt que d'adopter plusieurs plans différents au niveau école; éviter la confusion des rôles en introduisant une nouvelle notion d'activités ponctuelles et de contenus par le ministre et privilégier l'approche déjà prévue à la Loi sur l'instruction publique et au régime pédagogique; supprimer l'article 7; supprimer toute reddition de comptes, notion d'assistance et transmission de rapport au protecteur de l'élève; et supprimer, à l'article 17 du projet de loi, à l'article 220 de la Loi sur l'instruction publique, la phrase concernant l'évaluation de l'efficacité des plans de lutte par le protecteur de l'élève.

Enfin, la cohérence avec la Loi sur l'instruction publique. Je vais vous référer immédiatement aux recommandations, qui étaient: d'éviter de recréer ce qui existe déjà et de privilégier l'amélioration des éléments qui sont déjà connus et ancrés dans le milieu; de clarifier l'article 13 du projet de loi, à savoir s'il s'applique à l'éducation des adultes et la formation professionnelle; et de corriger la numérotation de l'article 10; et de modifier l'article 14 pour y indiquer que la demande du directeur se fera à la commission scolaire.

M. Mills (Robert T.): Nous espérons que ces consultations particulières et auditions publiques permettront d'évoluer vers une loi proactive et innovatrice prévoyant des solutions éducatives et le support professionnel qui, à long terme, s'avéreront plus efficaces pour la société d'aujourd'hui et demain. M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme Drouin, M. Mills, et je cède la parole immédiatement à la ministre de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Merci et bienvenue. Il y a une séquence dans nos consultations qui rend les choses intéressantes. Comme directeurs généraux des commissions scolaires anglophones, vous venez de faire un très fort plaidoyer du rôle des commissions scolaires, et on entendra par la suite la Fédération québécoise des directeurs d'établissement d'enseignement, qui vont faire sûrement un plaidoyer sur le fait que, comme directeurs d'établissement... puis les conseils d'établissement et tout ça ont aussi leur rôle à jouer. C'est qu'on aura sûrement des présentations qui nous permettront d'aller chercher un équilibre dans la position qu'on doit atteindre.

Je vais aller droit au but avec ma question. Je vais prendre le temps de lire des extraits de votre conclusion. Je vais vous demander de la commenter plus en profondeur. Vous écrivez, dans votre mémoire, pour conclure... Bien que votre association soit favorable à une loi qui vise à offrir un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, à l'abri de toute forme d'intimidation, et aussi louable que soit le projet de loi n° 56, vous dites: «il n'en demeure pas moins que ce dernier -- le projet de loi -- est réactif à la pression sociale et à la médiatisation du sujet face aux malheureux événements survenus récemment.» Puis, un peu plus loin, vous écrivez carrément: «Est-ce que ce projet de loi va bonifier le succès à l'école? Nous permettra-t-il d'obtenir des données valides et valables? Nous répondons non à ces questions. Arrêtons de vouloir légiférer le gros bon sens et de diriger notre attention ailleurs. Laissons aux administrateurs le soin d'exercer leur jugement.»

Lorsque je lis une telle conclusion, je me dis... Bien que ça commence en disant que vous êtes favorables à une loi, à la lumière de l'ensemble des considérations que vous nous invitez à avoir -- je le dis sans vouloir mettre des mots dans votre bouche, là -- moi, ma conclusion à la lecture de votre mémoire, c'est d'y voir plutôt un plaidoyer pour le statu quo au niveau de la distribution des rôles et des responsabilités, de nous dire: Nous faisons notre travail, et donnez-nous des ressources supplémentaires, puis on sera meilleurs, mais qu'un régime, un nouveau régime d'obligation d'intervention n'est pas nécessaire à vos yeux; vous me l'écrivez pratiquement en me disant que, non, ça ne changera rien. Ça fait que je veux vous entendre.

Parce que par ailleurs un bon nombre d'intervenants puis un bon nombre de témoignages qu'on a reçus nous indiquent que... S'il faut parler des moyens, bien, bon nombre de gens nous ont dit: Ça ne passe pas uniquement par l'ordre des moyens. Lorsqu'on a mis un plan d'action, sur une base volontaire, en place accompagné de moyens, nous n'avons pas obtenu toutes les retombées que nous escomptions. Et je pense que je peux prétendre que le projet de loi avec son régime d'obligation d'intervention a jusqu'à maintenant été plutôt bien accueilli et jusqu'à maintenant plutôt bien supporté.

Donc, je vous pose la question. Je vous disais, là, carrément, là... Est-ce que je me trompe, mais j'ai plutôt l'impression que vous, vous dites: Ce n'est pas nécessaire, le plan d'action proposé sur une base volontaire, il fonctionne? Et vous me l'écrivez carrément, là: «Arrêtons de vouloir légiférer le gros bon sens.» Est-ce que vous me demandez d'arrêter de légiférer par le projet de loi n° 56? Honnêtement, c'est très tentant d'en arriver à cette conclusion à la lecture de votre mémoire puis selon la présentation que vous venez de faire.

Mme Drouin (Marie-Claude): Alors, je pense que la conclusion doit se lire avec l'ensemble des thèmes qui ont été énoncés. Ce qu'on mentionne, c'est que la loi, elle est intéressante, le projet de loi, c'est intéressant, on est favorables au projet de loi. La seule chose, c'est qu'on trouve probablement qu'il y aurait lieu de l'arrimer avec ce qui est déjà en place. Il y a déjà beaucoup de choses qui sont en place en ce qui a trait au code de conduite. On en a parlé beaucoup, là, avec l'article 76, avec les conseils d'établissement, et les conventions de partenariat, et les plans stratégiques, et les projets éducatifs, toutes ces choses-là sont déjà existantes, sont déjà intégrées dans les milieux scolaires, sont déjà connues. Elles sont déjà intégrées aussi au niveau commissions scolaires. Et on regarde le projet de loi, et il n'en est pas mention, de ces outils-là qui sont déjà en place.

Et je pense que les commentaires visent plutôt à dire: Oui à des moyens et une lutte contre l'intimidation et la violence sans doute, là, c'est sûr, c'est oui, mais par contre regardons ce qui est déjà là, regardons ce qui est déjà connu, appliqué, applicable et fait, et essayons d'intégrer et de voir comment ce qui est là pourrait supporter les besoins puis ce qui veut être fait avec le projet de loi.

**(16 h 40)**

Mme Beauchamp: J'espère que vous comprenez ma réaction, c'est la suivante... Et je suis prête à vous écouter, mais ce que vous venez de me décrire, qui est déjà tout en place, eh bien c'est tout en place avec un plan d'action de lutte contre l'intimidation puis avec des ressources financières, et la conclusion, c'est qu'un certain nombre d'écoles n'ont pas bougé, et la conclusion, c'est: Oui, il y a un certain nombre de parents puis un certain état de l'opinion publique qui donnent l'impression que ce n'est pas suffisant.

Donc, je vous repose ma question... Mais c'est là que je vous disais: J'ai l'impression que vous me dites: Statu quo, on a tout pour intervenir. Mais ma question, c'est: Comment se fait-il que, dans certains milieux, des parents ou des enfants continuent à nous dire: Nous, on a l'impression qu'il n'y a pas d'intervention lorsque c'est nécessaire? Je vous le répète, je le dis respectueusement, vous avez droit à votre opinion, je veux juste bien comprendre, moi, j'ai l'impression que c'est un plaidoyer pour le statu quo, ce devant quoi je suis.

M. Mills (Robert T.): Mme la ministre, peut-être, comme j'ai commencé à dire, que... On est favorables à la loi. Et c'est peut-être à cause que, dans nos communautés anglophones, à cause de distances, il y en a beaucoup qui étaient déjà mises en place, qui étaient déjà en fonction, à cause du manque de ressources qui viennent d'une commission scolaire, qui s'appliquent directement dans les écoles. Et, quand nous écoutons les directeurs, directrices des écoles, ils sont un peu inquiets que leurs tâches deviennent plus chargées et que le fait, c'est que la commission scolaire va régler les problèmes pour eux. Nous, je pense que, dans nos communautés, il y en a beaucoup qui sont en place à cause que nous n'avons pas eu l'occasion d'avoir beaucoup de gens autour de nous. Et, quand les parents rentrent dans une école, ils n'attendent pas 24 ou 48 heures pour régler le problème, le problème est réglé ou tout à fait écouté tout de suite.

Mme Beauchamp: Enfin, j'aurais... Je vais passer à un autre sujet. Votre réponse m'amène quand même à dire: C'est comme si vous me disiez que vous estimez que, dans le réseau anglophone, en ce moment, les solutions au problème sont apportées tout de suite.

M. Mills (Robert T.): Oui, et...

Mme Beauchamp: C'est ce que j'ai... Et je continue à trouver que ça ressemble à: c'est le statu quo.

Mais enfin je vais juste vous donner l'occasion de me parler des enjeux particuliers aux commissions scolaires anglophones. Notamment, on entend, avec raison, maintes et maintes fois, les explications données sur la grandeur des territoires des commissions scolaires... de certaines commissions scolaires anglophones, des défis extrêmement importants avec des écoles qui connaissent parfois des baisses de clientèle, des écoles, par exemple, où il n'y a pas nécessairement un directeur d'école en place dans chaque établissement physique. Je veux vous entendre me parler de qu'est-ce que vous voyez comme solutions à apporter. Par exemple, dans votre mémoire, vous décrivez, par exemple, la particularité que peut amener, pour des commissions scolaires que vous représentez, l'obligation de signer des ententes avec les autorités des différents corps policiers. Donc, je suis sensible à vos propos. Maintenant, je veux voir comment... quelles pistes de solution je pourrais entrevoir qui tiendraient compte de la particularité, là, de la grandeur de territoire de certaines de vos commissions scolaires.

Mme Drouin (Marie-Claude): Vous voulez dire pour les signatures des ententes avec les organismes ou les corps de police?

Mme Beauchamp: Je le donnais en exemple. Je disais que, règle générale, vous nous décrivez souvent la situation qui était particulière avec le fait, par exemple, qu'il n'y a pas toujours un directeur dans une école. Donc là, vous me mentionnez cet exemple-là, on peut en parler, mais ma question était large sur: Quelle sensibilité voulez-vous nous voir démontrer par rapport à ces réalités où parfois vous avez des commissions scolaires anglophones qui couvrent de très, très, très grands territoires correspondant au territoire de plusieurs comtés de l'Assemblée nationale? Qu'est-ce que je dois retenir de votre message et quelles sont les pistes de solution par rapport à ça?

Mme Drouin (Marie-Claude): Je pense qu'une des sensibilités à retenir serait le fait que, pour certaines écoles, il n'y a pas d'alternative. Ce n'est pas comme si je pouvais prendre l'élève puis l'envoyer dans une autre école de la même commission scolaire trois rues plus loin. La prochaine école secondaire va être à deux heures d'autobus, et je ne peux pas le mettre sur l'autobus puis le transporter jusqu'à la prochaine école secondaire. Donc, qu'est-ce qui se passe avec ces élèves-là à ce moment-là, qui sont à problème, qui ont des problèmes et qui sont suspendus, et qu'on essaie d'offrir des ressources avec les ressources que l'on a, qu'on essaie d'offrir du soutien, qui sont réintégrés, qui sont resuspendus? Donc, ça vient qu'on a des suspensions à répétition.

Donc, je pense qu'une des sensibilités à retenir, c'est ça, c'est la réalité qu'il n'y a pas d'option. Et de là les besoins criants d'avoir les ressource extérieures avec les services de santé et de services sociaux, parce qu'ils deviennent... ils deviendraient finalement le support, ou l'autre solution, ou l'autre alternative temporaire, mais pour pouvoir nous aider, étant donné qu'on ne peut pas changer d'école. On ne peut pas: l'élève, il est où il est, là.

Mme Beauchamp: J'aimerais ça vous entendre me parler de comment ça se passe en ce moment. Parce que je le dis, là avec beaucoup... très respectueusement, à la lecture de votre mémoire, je vous le disais tantôt, là, j'ai plus, moi, lu un mémoire qui disait: Nous faisons notre travail, nous intervenons comme il le faut, nous répondons aux doléances des parents, etc. Là, vous me donnez des exemples d'enjeux. Mais je me dis: Est-ce qu'au moment où on se parle... Lorsqu'il y a les problématiques que vous venez de me décrire, comment se fait l'intervention auprès de l'élève? Est-ce qu'il y a, au moment où on se parle, des collaborations avec les réseaux de santé et des services sociaux? Vous savez que, dans la loi, on prévoit l'obligation de signatures d'ententes dorénavant.

Mais comment je concilie un signal qui me dit: En ce moment, là, c'est le gros bon sens qui règne, puis laissez-nous travailler avec le gros bon sens, et le fait que vous me dites: Bien, il y a des enjeux particuliers? Est-ce qu'on y répond aujourd'hui ou on n'y répond pas, au type, là, d'exemples que vous venez de me donner, lorsqu'un élève doit être... ou lorsqu'il y aurait une possibilité de suspension mais que c'est inapplicable dans le type de milieu dans lequel l'élève évolue? Comment ça se passe de nos jours?

M. Mills (Robert T.): Mme la ministre, la chose qui arrive -- rapidement, pour répondre à votre question -- c'est qu'avec les réalités de la distance c'est les délais qui existent dans notre réseau. Si un élève, par exemple, a eu une crise, et on le suspend pour une période de trois à cinq jours, on ne peut pas mettre en place dans un autre deux, trois ou quatre jours la prochaine étape. Il faut les trouver; et souvent ils ne sont pas évidents où ils se trouvent. Comme c'est juste... vient d'être mentionné, la prochaine école ou la prochaine école secondaire peut être, en milieu anglophone, une heure de loin. Est-ce que nous pouvons la capacité d'aller dans une autre commission scolaire, une commission scolaire francophone, par exemple, et demander de donner du support à ce jeune enfant pour une période limitée tant que nous... être capables de trouver une autre solution? C'est peut-être un exemple que je pourrais vous mettre à la question.

Et la réalité de la situation, c'est qu'on veut garder l'élève dans l'école ou dans le milieu d'éducation à 100 %. Mais où on va le placer? On appelle ça des classes... Ce n'est pas des classes d'accueil. Des «planning rooms». Je n'ai pas de nom en français, excusez-moi. Mais c'est: au lieu de mettre l'élève chez eux, on les garde dans l'école pour une période de temps. Mais, si la loi demande que l'élève soit à l'extérieur, qu'est-ce que ça veut dire? À la maison? Est-ce que c'est dans la bibliothèque dans le village avec un tutorat? On préfère de le garder. Et c'est ça que j'ai entendu que ça arrive maintenant, que le processus est en fonction qu'on le garde plus souvent qu'on le mette ailleurs.

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme la ministre.

**(16 h 50)**

Mme Beauchamp: Je veux juste vous indiquer que le principe dans la loi -- puis j'essaie de retrouver le bon article, là -- le principe dans la loi est de dire qu'un élève qui doit être suspendu ou expulsé, je veux utiliser la bonne terminologie, là, mais que ça doit être... on doit informer les parents. On doit obtenir l'engagement des parents que les gestes ne se répètent pas. Mais on dit aussi qu'on doit... O.K. On dit à l'article 14 de la loi: «Le directeur de l'école informe les parents de l'élève qu'il suspend des motifs justifiant la suspension ainsi que des mesures de remédiation et de réinsertion qu'il impose à l'élève.» L'idée ici était... Le principe ici, là, la volonté était justement de dire: L'élève ne peut pas être retourné à la maison tout simplement. Il doit y avoir des mesures de remédiation et de réinsertion qu'il impose à l'élève.

Je prends juste le temps de vous le dire pour dire: On ne... c'était ça, la volonté, en tout cas, inscrite dans la loi, ce qu'on... l'élève n'est plus tout simplement avec une impression qu'il est en congé à la maison. Je voulais juste prendre le temps de vous signaler ça dans l'article 14.

Maintenant, vous, la réalité que vous me décrivez, c'est de dire: Les mesures de remédiation et de réinsertion, vous me dites, à l'échelle de nos communautés, nos réalités nous amènent à vous dire... à nous dire qu'il peut parfois être difficile de les mettre en place. C'est ce que vous m'expliquez?

Le Président (M. Marsan): Alors, ceci terminerait notre première période d'échange, et nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole à M. le député de Jonquière. M. le député.

M. Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Mills, Mme Drouin, ça fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale.

Je dois vous avouer que j'ai sursauté à la lecture de votre mémoire et en vous écoutant sur un élément en particulier. Vous avez répété à plusieurs reprises que vos territoires sont très, très grands, et j'en suis conscient. Si je prends juste l'exemple de la commission scolaire Central Quebec, les écoles primaires, par exemple, sont à Trois-Rivières, Duberger -- ici, à Québec -- Cap-Santé, Québec, Jonquière -- chez nous, l'école anglophone à Jonquière est de cette commission scolaire -- Valcartier, Thetford Mines, La Tuque, Shawinigan, Chibougamau, Kawawachikamach -- j'imagine que c'est dans le Grand Nord du Québec. Alors, c'est un territoire absolument énorme, immense. Et vous dites, à la page 11 de votre mémoire, recommandation 15, que vous favorisez l'adoption d'une politique de lutte contre l'intimidation au niveau de la commission scolaire plutôt que d'adopter plusieurs plans différents au niveau école.

Je présume que la réalité de l'école Jimmy Sandy Memorial, à Kawawachikamach, par rapport à l'école de Duberger et de l'école Riverside, chez moi, à Jonquière, sont extrêmement différentes, ce sont des réalités extrêmement différentes. Et vous le dites vous-mêmes, je pense, vous le confirmez. Et vous dites également qu'il faut tenir compte des élèves handicapés avec des difficultés d'apprentissage et d'adaptation. Alors, expliquez-moi ça, comment vous voulez en même temps une politique à l'échelle de la commission scolaire, alors que les réalités sont tellement différentes sur un territoire aussi grand.

Mme Drouin (Marie-Claude): Comme on l'expliquait, la commission scolaire est l'entité juridique qui existe, hein? Les écoles, ça n'a pas de personnalité juridique, donc tout document qui est fait, qui a une saveur légale, ultimement, appartient à la commission scolaire.

Dans la Loi sur l'instruction publique, présentement il y a déjà place à faire des politiques. On va prendre la politique pour les élèves EHDAA, par exemple, hein, où c'est à la commission scolaire où on prend des politiques. Puis les réalités sont différentes d'une école à l'autre, comme vous venez de le mentionner, mais par contre la politique, elle est au niveau commission scolaire, elle est globale.

Et, pour répondre à la question des particularités régionales ou de chaque école, c'est pour ça qu'il y a, à l'article 76, avec l'aide du conseil d'établissement, l'approbation d'un code de conduite, et c'est à l'intérieur de ça, à ce moment-là, qu'on peut tenir compte de ces réalités plus personnelles là à l'établissement.

Donc, je pense que c'est une question d'uniformité. L'entité légale et la commission scolaire, il devrait y avoir un seul message et une seule orientation qui est donnée aux écoles. Et les écoles, à ce moment-là, de par leurs particularités d'établissement, peuvent adapter et peuvent y mettre leur propre grain de sel, là, si je peux m'exprimer ainsi, avec l'article 76 et le support du conseil d'établissement.

M. Gaudreault: Mais, en tout respect, en tout respect pour votre opinion, est-ce que vous ne trouvez pas que les réalités locales très, très différentes, par exemple, entre Québec, Jonquière, La Tuque et Kawawachikamach, c'est beaucoup plus qu'un grain de sel différent?

Mme Drouin (Marie-Claude): Les réalités vont pouvoir être adaptées, comme je disais, sur... avec l'article 76 et le code de conduite. Maintenant, il n'en reste pas moins que la commission scolaire demeure l'entité responsable, et, si on adoptait un plan par école, à ce moment-là on se retrouverait avec autant de plans qu'on a d'écoles et on se retrouverait avec des comparaisons: Bon, bien, moi, mon école, elle agit de cette façon-là, mais l'école trois rues plus loin agit de telle autre façon pour une situation qui est pareille, alors que c'est sous le même chapeau de la même commission scolaire et la même entité légale. De là la recommandation, la suggestion d'avoir une politique au niveau commission scolaire, qui est déjà quelque chose de prévu à la Loi sur l'instruction publique, d'adopter des politiques, et après ça d'avoir, au niveau école, de par ce qui est déjà existant aussi, la possibilité d'adopter... d'approuver, en fait, les codes de conduite.

M. Gaudreault: En tout cas, moi, je pense qu'un élève qui subit de l'intimidation est bien loin de l'entité juridique. Pour lui, ce qui compte, c'est qu'il ait les moyens, qu'il ait les ressources dans son école pour répondre à son cri, son cri du coeur et à son appel au secours.

Alors, j'essaie juste de voir comment on peut maximiser la mise en place de plans réels d'action... de lutte contre l'intimidation dans des milieux aussi différents qu'un milieu inuit versus un milieu régional ou rural, versus un milieu très, très, très urbain. Alors, est-ce que ça ne devrait pas passer, entre autres... Parce que vous dites, à la page 6 de votre mémoire, que la création d'un comité n'est pas nécessaire, d'un comité de lutte, là... d'une équipe de coordination sur le plan de lutte contre l'intimidation, il n'est pas nécessaire puisqu'il y a déjà des ressources qui sont affectées à la gestion des cas d'intimidation. Est-ce que vous ne croyez pas que ce comité, dans chacun des milieux, est au contraire nécessaire pour vraiment adapter le plan de lutte, comme vous le voyez, vous, fait par la commission scolaire mais qui doit atterrir de façon concrète dans les écoles?

M. Mills (Robert T.): Juste pour répondre au commencement de votre première question, concernant... Si une commission scolaire est responsable pour l'application d'un processus de loi, ça veut dire que la responsabilité devient la mienne comme directeur général, et, dans chaque école, c'est la responsabilité de moi et le directeur de mettre en place les actions nécessaires pour l'école dans la région X ou bien Y. Et souvent les écoles, elles n'ont pas nécessairement les moyens de les mettre. Mais, si la responsabilité reste avec la commission scolaire, c'est ma responsabilité de mettre en fonction les processus, les procédures pour rendre le mieux pour ce jeune-là. Et souvent, dans les écoles en région, loin, comme vous avez mentionné, ils sont peut-être soit... pas gênés, mais ils n'ont pas l'habitude de mettre... Ils ne savent pas tout, ils sont des petites écoles avec... comme vous avez dit, Mme la ministre, peut-être pas avec un directeur d'école. Qui va s'impliquer de mettre ça en fonction?

M. Gaudreault: Justement, vous parlez de votre responsabilité comme directeur général de la commission scolaire, mais aussi vous faites référence aux responsabilités des directeurs d'école. Pouvez-vous élaborer un petit peu plus sur votre vision, ou votre compréhension, ou votre appréciation de la marge de manoeuvre -- c'est un débat qu'on a eu ici à date, depuis le début des auditions, là -- de la marge de manoeuvre qui doit être laissée ou non aux directeurs d'établissement quant à l'application de l'article 11 du projet de loi, là, qui vise à donner quand même au directeur de l'école le devoir de communiquer promptement avec les parents? On lui donne quand même une obligation d'agir dès qu'un cas lui est signalé ou qu'une plainte lui est présentée. Alors, comment vous voyez ce rôle du directeur d'école? Jusqu'à quel point on doit baliser son pouvoir d'intervention?

**(17 heures)**

Mme Drouin (Marie-Claude): Je pense qu'en ce qui a trait au rôle d'informer les parents, de communiquer avec les parents, d'agir promptement lorsqu'il y a un signalement ou une plainte, c'est un rôle qu'il doit prendre, qu'il prend déjà d'ailleurs, du moins on l'espère. Et par contre l'article 11, là où on soulevait des questionnements, c'est plus dans la question de la reddition de comptes. Mais, pour ce qui est de communiquer avec les parents, de pouvoir faire un suivi, de parler, là... d'adresser le signalement et la plainte, effectivement c'est un rôle qu'il joue et qu'il doit jouer. If you want to add...

M. Mills (Robert T.): Non. C'est bon.

M. Gaudreault: O.K. Je sais que le temps file très rapidement. La même question que j'ai posée à la Fédération des commissions scolaires, à la page 5, votre recommandation n° 4, ça va me permettre de faire un peu de pouce sur ce que la ministre disait tout à l'heure, vous dites... Plutôt que d'introduire un nouveau plan, vous recommandez de «travailler avec ce qui est déjà en place à la Loi sur l'instruction publique, à savoir le plan stratégique, la convention de partenariat, le code de conduite, le projet éducatif, le plan de réussite et la convention de gestion et de réussite éducative». Alors, la question qui tue, comme on dit à Tout le monde en parle: Qu'est-ce que le projet de loi n° 56 apporte de plus que ce qui n'est pas déjà permis par ailleurs dans les autres dispositions légales?

Mme Drouin (Marie-Claude): Bonne question. Je n'ai pas analysé à l'inverse, j'ai plutôt analysé dans le sens de qu'est-ce qui était déjà prévu. Qu'est-ce qu'il apporte de plus qui n'est pas déjà prévu? Bon, bien, il y a la définition de l'intimidation qui est très intéressante. D'autre part, on a soumis des options pour la bonifier, parce qu'il y aurait peut-être lieu de la revoir. Il y a la question de la cyberintimidation et des médias sociaux, qui n'est pas adressée présentement dans les lois actuelles, mais qu'il serait très intéressant de voir adressée, avec naturellement un guide, ou en tout cas une façon d'évaluer où ça commence et où ça arrête pour la commission scolaire et pour les écoles. Parce que cyberintimidation, médias sociaux, il n'y a plus de frontière, hein? Alors, est-ce que ça veut dire qu'à ce moment-là, les commissions scolaires, il n'y a plus de frontière non plus dans leurs interventions? Ça fait qu'il faudrait clarifier ça.

Donc, tout ce qui a rapport à ces domaines-là, c'est des choses qu'effectivement le projet de loi aborde, qui sont souhaitables, souhaitées, intéressantes, qui ne sont pas traitées présentement.

M. Gaudreault: Ça va, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous poursuivons et terminons aussi en écoutant M. le député de La Peltrie. M. le député.

M. Caire: Merci, M. le Président. Dans votre intervention, dans votre mémoire, dans le fond, vous dites: Laissez faire le gros bon sens. Et je vous ai aussi entendus, dans votre présentation, dire que les conseils d'établissement n'avaient pas l'expertise pour adopter des plans de lutte à l'intimidation. Moi, j'essaie de comprendre en quoi des commissaires scolaires ont plus d'expertise ou de gros bon sens que les membres d'un conseil d'établissement. Ça, ça m'échappe.

Mme Drouin (Marie-Claude): En fait, ce n'était pas autant pour adopter les plans de lutte à l'intervention, ça; ce qu'on recommande plutôt, c'est d'en faire une politique au niveau commission scolaire. Là où on soulevait l'interrogation par rapport au conseil d'établissement, c'est dans l'évaluation de ce plan-là. Et ce qu'on soulevait, c'est plus une question de la crainte qu'en fait l'évaluation sur l'efficacité du plan, au niveau école, deviendrait peut-être ultimement, indirectement, l'évaluation de l'efficacité des employés en arrière du plan, et c'est pour ça qu'on soulevait, là, un drapeau. C'est plus dans ce sens-là, comme je disais.

M. Caire: Bien, je voudrais vous entendre là-dessus, parce que je ne comprends pas comment on peut en arriver à cette conclusion-là. Dans la mesure où on dit: On met en place un plan de lutte à l'intimidation, on peut constater si le plan fonctionne.

Puis je vais peut-être vous amener sur un autre terrain par la même occasion, parce que vous semblez être réfractaires justement à ce qu'il y ait une quantification des cas école par école, à ce qu'il y ait une reddition de comptes école par école. Vous avez semblé, vous aussi, être préoccupés par l'éventualité d'un palmarès.

Donc, j'essaie de concilier ce que vous venez de me dire par rapport à l'évaluation de l'efficacité qui pourrait se transposer vers l'évaluation des employés puis le fait qu'une reddition de comptes des écoles, par rapport à ce qui se vit sur leur terrain, ne permettrait pas justement d'avoir un bon portrait de l'efficacité d'un plan de lutte à l'intimidation.

Mme Drouin (Marie-Claude): Le plan de lutte à l'intimidation, bon, son contenu est décrit, là... -- je ne connais pas les articles exacts, attendez-moi -- l'article 75.1, mais, en fait, c'est l'article 4 du projet de loi, et ça décrit ce qu'il doit contenir, O.K.? Et on dit après ça que ça va être le conseil d'établissement qui l'adopte. On suppose que ça va être sur la proposition du directeur d'école, parce que, le restant de la loi, c'est comme ça que c'est indiqué, là. Donc, même si ce n'est pas indiqué, on suppose que ça va être comme ça. Et donc, jusque-là, comme je vous dis, outre le fait que notre recommandation est d'en faire une politique commission scolaire et, au lieu d'adopter un plan au niveau école, d'y aller sur le côté du code de conduite, ce côté-là, ça va.

Pour ce qui est de la redevance de comptes, là, école par école, ce n'est pas qu'on est réfractaires, ce qu'on est réfractaires, c'est ce qu'on en fait par après. Je pense que, pour avoir un bon portrait, il faut avoir des bonnes données et des données valides, et présentement la façon de retrouver ces données-là par le projet de loi, ce n'est pas scientifique, ce n'est pas facilement mesurable, et on se questionne finalement, ultimement, sur la validité des données recueillies et ce qu'elles vont dire, là, en bout de compte.

Le Président (M. Marsan): Un dernier mot, c'est terminé.

M. Mills (Robert T.): Juste de vous remercier et de mettre une chose sur la table, qui est une dernière chose qui est arrivée en étudiant cette loi, c'est que... La réalité de notre communauté, c'est qu'on devient de plus en plus, à cause de la technologie, plus en regardant la formation à distance, où l'école est virtuelle... et les élèves ne sont pas virtuels, mais ils travaillent à la virtualité. L'intimidation n'est jamais réelle en forme de présence, mais, comme tout le monde le savait, la technologie... Facebook, YouTube, et tout ça, deviennent de plus en plus agressifs. Et donc moi, je voudrais demander, s'il faut parler encore de cette loi, de penser, s'il vous plaît, de qu'est-ce qui arrive tant que la technologie reprend de plus en plus et rapidement un processus qui a été chez nous.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Mills, Mme Drouin. Merci de nous avoir donné le point de vue de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement à venir prendre place à cette table. Et je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement et Mme Chantal Longpré, la présidente. Mme Longpré, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez une période de 15 minutes pour nous faire votre représentation. La parole est à vous.

Fédération québécoise des directions
d'établissement d'enseignement (FQDE)

Mme Longpré (Chantal): Parfait, merci. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom des directions de la fédération québécoise d'établissements d'enseignement et des membres de son comité exécutif ici présents.

Alors, à ma droite, M. Jean-François Drouin, trésorier de la fédération; à ma gauche, Mme Lorraine Normand-Charbonneau, vice-présidente; et, juste à côté d'elle, M. Marc Brunelle, secrétaire exécutif de la fédération.

Alors, il me fait plaisir de vous présenter nos réflexions à l'égard du projet de loi n° 56 et de vous déposer notre mémoire à ce sujet.

«Cependant, l'école ne peut agir seule.» Cette phrase, d'une simplicité qui tend parfois vers l'oubli, nous ramène à l'essentiel dans la lutte contre le fléau social qu'est la violence à l'école. Cette affirmation partagée est puisée à même le plan d'action ministériel La violence à l'école: ça vaut le coup d'agir ensemble! Ce même plan qui nous rappelait alors que, pour vaincre la violence, nous devions recourir à «une approche globale, intégrée et concertée [qui] est par conséquent nécessaire, et les moyens doivent être adaptés au milieu où ils seront appliqués». D'entrée de jeu, au sein du projet de loi n° 56 sur la loi visant l'intimidation et la violence à l'école, c'est stupéfaits que nous constatons l'omission du caractère inclusif de l'ensemble des partenaires qui gravitent au sein et autour de l'école dans la lutte contre l'intimidation au Québec.

**(17 h 10)**

Pour exposer notre vision globale du projet de loi n° 56, nous proposons la présentation de quatre grands axes déterminants dans l'analyse des modifications effectuées à la Loi sur l'instruction publique. Ainsi, nous débuterons par l'exactitude de la définition de l'intimidation, nous commenterons les articles modifiés, nous aborderons la nature bureaucratique du projet de loi, et nous proposerons une avenue de solution.

Le concept d'intimidation inséré après le premier paragraphe de l'article 13 de la Loi sur l'instruction publique laisse place à une trop grande interprétation de ce qu'est l'intimidation en milieu scolaire. Le concept, tel que défini actuellement, renvoie à un spectre large qui englobe tout acte de violence à l'intérieur et à l'extérieur des murs de l'école qui, obligatoirement, devrait cibler l'ensemble de la collectivité et non pas uniquement des intervenants de l'école. Ledit concept devrait être mieux balisé puis défini de façon plus précise sur ce que sont les manifestations d'intimidation, et ce, à l'intérieur d'un cadre scolaire. L'intimidation nous laisse parfois dans les méandres des perceptions, si bien qu'une action de moquerie pour l'un devient un acte d'intimidation pour l'autre.

Si nous regardons du côté de l'avis des spécialistes de l'éducation au Québec, les recherches scientifiques des universités québécoises tendent vers une définition de l'intimidation élaborée par l'éminent professeur et psychologue norvégien Dr Dan Olweus, pionnier dans l'étude du phénomène de l'intimidation et du harcèlement dans le milieu scolaire, dont il forge le concept au début des années 70. Selon Olweus, 1991, le concept d'intimidation est composé de trois éléments essentiels: le premier, la victime doit être exposée à des actions négatives de nature physique, verbale ou émotive émises dans le but de lui faire du mal; deux, il doit exister un déséquilibre dans le rapport de force entre l'intimidateur et la victime; et, trois, la situation doit se répéter fréquemment dans la vie de la victime.

Dans l'optique de fournir un portrait détaillé de nos commentaires, nous abordons dans le mémoire les articles du projet de loi qui ont un impact direct sur l'organisation du travail et les obligations de la direction d'établissement d'enseignement et du conseil d'établissement. Pour le bénéfice de notre présentation, nous vous présentons un bref condensé.

Personne ne peut s'opposer à l'article 3 qui rappelle que l'élève doit adopter un comportement empreint de civisme et de respect envers ses pairs et le personnel. Mais ces concepts n'ont rien d'une nouveauté et se retrouvent dans les règles de conduite de nos établissements depuis fort longtemps.

L'article 4, en faisant état dans le menu détail du plan de lutte contre l'intimidation et la violence dans ses volontés de prescription, d'analyse, d'adoption, d'éléments constitutifs, de règlements, de mesures, de modalités, d'actions, de sanctions, de suivi, de ses dispositions sur la forme et la nature des engagements du directeur d'école, des démarches à entreprendre sans ressource directe dans l'école, nous laisse présager un dédoublement considérable des tâches déjà effectuées au sein des établissements scolaires.

Nous devons ensemble prendre acte et nous doter de plans d'action à l'image de nos milieux, puisque les directeurs d'école ont la responsabilité d'assurer un milieu sein et sécuritaire, exempt de violence. En ce sens, un conseil d'établissement ne devrait pas adopter un plan, mais bien avoir les pouvoirs de l'approuver. Actuellement, il se crée avec les équipes-écoles des projets, des plans, où nous innovons ensemble, toujours plus créatifs, vers la recherche de solutions pour contrer le phénomène de l'intimidation qui existe depuis toujours, mais qui est encore plus présent depuis l'avènement des médias sociaux, où les manifestations de violence prolifèrent à la vitesse du Web. La violence et l'intimidation transcendent maintenant les murs de l'école à la vitesse grand V. Comment circonscrire les manifestations d'intimidation sur les réseaux sociaux sans faire appel à l'implication et au support parental, familial et communautaire?

Prévenir et contrer «toute forme d'intimidation et de violence à l'endroit d'un élève, d'un enseignant et de tout autre membre du personnel de l'école», tel que stipulé à l'article 4, est non seulement essentiel, mais vital au bon fonctionnement d'une école et à la survie de la réussite éducative. Les directions d'école adhèrent corps et âme au principe de lutte à l'intimidation, mais exhortent le gouvernement à les entendre dans leurs revendications pour octroyer les ressources nécessaires à sa concrétisation.

Les nouveaux articles, tel que rédigés, sont trop prescriptifs. Ils laissent trop peu de place à l'autonomie du directeur d'école et aux membres du personnel afin d'agir selon les besoins spécifiques d'une situation particulière. Combinés à une définition de l'intimidation trop large, ils auraient pour effet d'obliger l'équipe-école, et particulièrement son directeur, à adhérer à une procédure bureaucratique de l'intimidation plutôt que de lutter contre le phénomène de l'intimidation lui-même. La loi actuelle prévoit déjà que chaque école doit se doter de règles de conduite, à l'article 76.

Si la loi paraît nécessaire, ces responsabilités ne peuvent pas reposer sur le dos de l'école à elle seule.

À l'article 7, il serait beaucoup plus efficient pour la direction d'école de prévoir l'intégration d'une section portant sur l'évaluation des résultats de l'école au regard de la lutte contre l'intimidation et la violence au sein même de son rapport annuel présenté et distribué à chaque année scolaire. Ainsi, le dédoublement de la production de rapports serait évité.

Quant à l'ajout du... à l'ajout prescrit, pardon, par l'article 10 du projet de loi, nous croyons que le fait que le directeur risque de ne pas appuyer certaines activités pourrait résulter en une détérioration du climat de l'école.

Dorénavant, le directeur de l'école devrait recevoir et traiter avec diligence tout signalement et tout plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence. Une fois de plus, l'article 11 amène un lourd processus bureaucratique. Nous n'avons qu'à penser au directeur d'une école secondaire de plus de 2 000 élèves qui, par cet article, devrait personnellement traiter toutes les plaintes et signalements d'intimidation. De plus, notons que le directeur d'école doit désigner une personne pour coordonner les travaux d'une équipe, alors que les tâches sont déjà définies dans les conventions collectives des différentes catégories de personnel et qu'aucune somme n'est attribuée à cet effet.

En référence à l'article 16, la collaboration avec les corps policiers est souvent indispensable, et il est tout à fait souhaitable qu'il y ait une plus grande collaboration et davantage d'ententes. Actuellement, il en existe plus de 350 conclues entre les écoles et la sécurité publique. Par contre, il n'y a aucune nécessité à reléguer à un palier supérieur la formulation des ententes avec les corps policiers, puisque les élèves se retrouvent dans l'école. La spécificité de chaque milieu nécessite la visite des policiers dans l'école afin de reconnaître les besoins qui y sont inhérents.

En ce qui a trait aux ententes que doit conclure la commission scolaire avec les établissements de santé et de services sociaux, nous nous questionnons sur la faisabilité de telles ententes, étant donné les ressources déjà limitées dans le secteur de la santé. Il vaudrait mieux que le ministère assure que les ressources soient disponibles pour l'école qui en fait la demande plutôt que de dépenser temps et énergie inutilement.

Historiquement, la direction de l'école n'a jamais eu le pouvoir d'expulser. Ce geste ultime appartient au conseil des commissaires. Déjà par le passé, des situations réglées au sein de l'établissement ont été renversées par le conseil des commissaires, mettant en doute la capacité de jugement du directeur d'école. Ainsi, l'article 18, encore une fois, demande au directeur d'école d'enrayer un fléau, de venir à bout d'une problématique d'école sans lui donner le pouvoir d'agir dans l'école.

D'un point de vue purement législatif, le projet de loi présente de bons objectifs, nobles, mais il est actuellement muni de mauvaises stratégies bureaucratiques.

Avons-nous déjà mentionné être aux prises avec trop de bureaucratie dans le système scolaire? Avons-nous déjà décrié la lourdeur bureaucratique qui incombe aux directions d'établissement? En 2008, Léger Marketing a mené pour le compte de la FQDE une étude auprès de la population sur le rôle des directeurs et directrices d'école. Les faits saillants nous apprenaient que plus des deux tiers des répondants, soit 67,5 % sur 1 004 répondants, pensent que les directions d'école n'ont pas toutes les marges de manoeuvre nécessaires pour faire de leurs établissements une bonne école. Ensuite, pour une solution la plus appropriée, 96,2 % des personnes interrogées croient que la décision doit se prendre le plus près de l'élève possible. Une enquête réalisée par la FQDE, en octobre 2009, révélait que le directeur d'école consacre 18 heures par semaine pour assister à des réunions et remplir de la paperasse. Sur une année scolaire, cela représente 720 heures, soit trois mois et demi.

À la lecture du projet de loi n° 56, la grande majorité de nos directions ont trouvé le temps de nous transmettre leurs commentaires. Nous partageons quelques-unes de leurs réflexions:

«Les directions d'école, déjà enterrées par la bureaucratie, s'éloignent encore de l'élève.»

«J'aurais souhaité que le gouvernement reconnaisse qu'il existe des situations conflictuelles présentes dans les écoles en quantité industrielle et qu'il me consulte pour savoir ce que je souhaite comme aide supplémentaire. Au lieu de cela, on nous dit quoi faire et comment le faire, sans préciser les ressources que nous aurons pour le faire.»

«C'est une intégration du plan de lutte contre la violence et l'intimidation qui aurait [davantage] à s'intégrer dans les plans de réussite des écoles et des centres.»

«L'action ne se passe pas dans les officines des centres administratifs ni dans les bureaux du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, mais bel et bien dans la cour de l'école.»

«Avec cette loi veut-on régler le problème de l'intimidation et de la violence dans les écoles ou régler un problème politique dérangeant pour le gouvernement?»

Une réflexion sociale s'impose, puisque le dépôt du projet de loi atterrit au même moment où le gouvernement prétend vouloir redonner plus d'autonomie aux établissements. Dans un communiqué de presse diffusé le 16 mars 2012, en titre Le PLQ propose un plan de lutte à la bureaucratie scolaire, vous dites souhaiter «une réduction de la bureaucratie afin de diriger davantage les ressources financières vers les services aux élèves. Ce renouvellement du fonctionnement des commissions scolaires vise à accorder plus d'autonomie aux écoles notamment pour le développement d'une vocation particulière et l'embauche de ressources spécialisées.»

Sans ressource directe dans l'école, sans avoir le pouvoir de dégager de ses fonctions une nouvelle personne chargée de coordonner les travaux d'une équipe, le nouveau projet de loi ne sera qu'un voeu pieux.

Tous s'entendent pour reconnaître la lenteur et la lourdeur d'une bureaucratie. Ainsi, à la lumière du projet de loi proposé, nous persistons à croire que l'élève intimidé aura le temps de graduer ou de décrocher avant que la bureaucratie confirme bel et bien qu'il a été intimidé.

**(17 h 20)**

Vous rendez maintenant légalement obligatoire un plan qui a déjà coûté 17 millions de dollars et qui n'a pas fonctionné par le passé. En le reconduisant sous forme de loi, vous ne forcez que les directions à remplir de la paperasse. Dresser des rapports d'actes de violence sans moyen en retour et sous peine de sanctions en cas d'omission ne nous apparaît pas une solution concrète et concertée pour vaincre réellement l'intimidation en milieu scolaire.

La lutte contre l'intimidation ne se gagnera pas sans la lutte à la bureaucratie, et, si le gouvernement semble commencer à s'en rendre compte, il faudra à son tour qu'il rende des comptes à la population afin d'éclaircir sa position. Veut-il que les directions d'école travaillent sur l'intimidation ou plutôt sur des formulaires sur l'intimidation?

La société québécoise reconnaît que le phénomène d'intimidation porte préjudice à quiconque a vécu une situation de harcèlement. Le projet de loi n° 56 en projette d'ailleurs le net reflet. Cependant, il importe à chacune des parties de ne pas enfouir sa tête dans le sable et de non seulement accepter les responsabilités qui leur incombent, mais également d'en assumer réellement la charge. Bien que cette étape semble évidente et aisée à réaliser, il n'en demeure pas moins qu'après une analyse approfondie du projet de loi les directions d'établissement semblent porter la majeure partie des responsabilités sur leurs épaules. Les directions doivent assumer leur part de responsabilités, tout comme chaque instance éducative, toutefois elles doivent le faire en collaboration avec tous les acteurs gravitant autour des élèves: les parents, les enseignants, le personnel et les camarades de classe.

Dans le portrait que nous dresse le présent projet de loi, la direction d'établissement d'enseignement se voit confier le rôle de protagoniste. Au premier plan, la direction d'école est à même de constater le film qui se déroule devant elle. L'intimidation est sur toutes les tribunes, sur toutes les chaînes et fait même figure de consensus social quant à sa lutte. Nous voulons tous la vaincre, et ce, depuis toujours. L'école se voit affublée de tous les rôles, et, si les directions d'établissement demeurent seules responsables de la solution, elles ne pourront y parvenir sans soutien. Ce projet de loi presse les directions d'établissement à agir -- ce que nous faisons déjà -- sans toutefois lui accorder plus de ressources humaines et financières. Le portrait ainsi dépeint est irréel et ne prend pas en compte l'image de l'école où se vivent et se gèrent quotidiennement des cas d'intimidation. Le présent projet de loi laisse entendre que l'école ne génère aucune solution et nécessite une prise en charge accrue et un contrôle de l'État. Il faut lui permettre...

Le Président (M. Marsan): Deux minutes.

Mme Longpré (Chantal): Merci.

Le Président (M. Marsan): Il vous reste deux minutes, madame.

Mme Longpré (Chantal): Deux minutes? Parfait, j'ai presque terminé. Il faut lui permettre d'exposer ce qu'elle réalise déjà en matière de lutte contre l'intimidation. Dans la demande excessive de compilation de situations d'intimidation et de violence, notre réflexion nous amène à proposer un angle nouveau encore jamais présenté. Si collectivement nous partagions des solutions éprouvées dans nos milieux depuis plusieurs années, des exemples de réussite, des projets novateurs, pour une fois la bureaucratie servirait la cause.

Si le gouvernement considère cette loi inévitable, elle doit servir à démontrer que l'État assure un mieux-être collectif, qu'il responsabilise les écoles, qu'il conscientise la population sur la nécessité de se tourner vers des solutions concertées, et surtout il doit rappeler que l'intimidation est l'affaire de tous. Merci.

Le Président (M. Marsan): Bien. Je vous remercie. Et nous allons immédiatement débuter cette période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Merci de votre participation à cette consultation. Je vais avoir besoin d'un certain nombre d'éclaircissements, parce qu'à mes yeux en tout cas, à la lecture de votre mémoire puis à l'écoute de vos propos, pour moi, il y a un certain nombre de contradictions que j'entends et que je veux vous permettre d'éclaircir.

Peut-être le premier élément, je vais reprendre les propos du député de La Peltrie un peu plus tôt dans la journée, c'est le fait que le projet de loi propose effectivement qu'il y ait une déclaration, qu'il y ait une transparence et qu'on rapporte le nombre de situations d'intimidation qui auraient demandé une intervention. Je l'avoue, moi, je pense que le thème de l'intimidation amène son élément de transparence, de dénonciation, incite à l'action. Vous venez de faire un très lourd plaidoyer pour dire: C'est trop de bureaucratie, tout ça. Je veux vous entendre sur le fait que... ce que vous nous disiez: Ça, c'est trop de bureaucratie, et en même temps que, lorsqu'il y a eu des éléments, dans le projet de loi, distribués vers différents partenaires... J'ai souvent l'impression que je suis plus dans une analyse d'«où sont les pouvoirs» que dans une analyse de «qu'est-ce qui est le mieux pour lutter contre l'intimidation».

Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire. Donc, vous me dites: C'est beaucoup de bureaucratie. En même temps, lorsque... Quand vous dénoncez, dans votre mémoire... De dire que vous êtes stupéfaite de voir que le projet de loi n'est pas assez inclusif, que l'intimidation, c'est l'affaire de tous, en même temps vous me dites: Le plan d'action ne devrait pas être adopté par le conseil d'établissement, il devrait juste être approuvé, en même temps moi, je me dis: Bien, le conseil d'établissement, c'est le lieu où je retrouve tout le monde. Pour moi, c'était le lieu inclusif de la communauté de l'école, avec les parents, à l'école secondaire, les étudiants, les professeurs.

Ça fait que comment je concilie le fait que vous me disiez: C'est trop de bureaucratie, mais que, quand on amène à vouloir que beaucoup de monde vous appuie dans votre rôle de direction d'école, notamment par le conseil d'établissement engagé, qui doit adopter un plan d'action, tout d'un coup, parce que ce pouvoir-là est mis là, c'est de dire: Ah, ça ne devrait pas être là, ça devrait revenir à la direction de l'école puis à l'équipe-école de proposer le plan, puis le conseil d'établissement devrait l'approuver ou ne pas l'approuver? C'est là que je dis que moi, je vois des contradictions dans la position.

Je veux aussi... Quand vous me dites: La direction de l'école... on a l'impression que le projet de loi amène à ce que la direction de l'école assume seule les responsabilités, je vais vous donner un autre exemple d'une contradiction à mes yeux, puis je veux que vous la commentiez, puis peut-être que je comprends mal, mais un autre exemple où un pouvoir a été donné à un endroit, puis là, tout d'un coup, vous le réclamez: la signature d'ententes avec les corps policiers. On dit: Ça devrait être à une commission scolaire. Honnêtement, je ne pense pas qu'un poste de police va accepter de s'asseoir avec chacune des écoles, des directeurs d'école, là. Si je pense à mon comté, à Montréal-Nord, là, de penser que je vais demander à ma directrice de mon poste de police de s'asseoir pour négocier un plan d'intervention ou une entente avec chacune des écoles de mon comté, je ne pense pas que c'est réaliste. Je pense que ça revient à la commission scolaire de s'assurer qu'il y a des liens avec les services policiers. Tout d'un coup, là, vous me dites: Ça devrait être à moi à signer les ententes avec les corps policiers.

Ça fait que j'ai souvent l'impression que je suis plus dans une... je suis... Quand le pouvoir n'est pas donné au directeur d'école, vous le réclamez, puis, à la fin, c'est de dire: Mais j'en ai trop, je suis ensevelie sous les responsabilités et la paperasse, puis je n'ai pas assez de support. C'est là où je vois des contradictions dans votre position. Ça fait que je vous donne l'occasion de m'expliquez ce que je comprends mal, sûrement, et que vous m'expliquiez pourquoi vous réclamez des pouvoirs qu'on ne vous donne pas mais qu'à la fin c'est en me disant: Vous m'en demandez trop.

Mme Longpré (Chantal): Alors, je vais vous expliquer «approuver» et «adopter». Comme les situations d'intimidation se vivent à l'école, par le personnel, je pense que le personnel et la direction sont les mieux placés pour préparer un plan et le proposer au conseil d'établissement pour approbation, ce qui ferait en sorte que, par la suite, si ça ne convient pas au conseil d'établissement, la direction aura à revoir ce plan-là en fonction des recommandations qui auront été faites au conseil d'établissement. Et, si on dit «adopter», un conseil d'établissement pourrait décider de changer complètement certaines recommandations ou certaines actions à poser dans l'école, qui pourraient porter peut-être préjudice aux façons de faire ou au fonctionnement.

Donc, c'est vraiment dans une situation de s'assurer qu'on reconnaît le professionnalisme des équipes-écoles, des directions d'établissement, qui sont capables de choisir les meilleures actions à poser, dans les limites des marges de manoeuvres qu'ils ont.

Mme Beauchamp: Bien, expliquez-moi en quoi le fait... Mettez-vous à ma place, là, je vous dis... vous écrivez que vous êtes stupéfaite qu'il manque un caractère inclusif d'un ensemble de partenaires à la loi, puis on vous dit: Un plan d'action, est-ce qu'il ne devrait pas être adopté par un conseil d'établissement, où je retrouve un ensemble de partenaires composant une communauté de l'école et la communauté élargie de l'école, avec les parents et tout ça? En quoi ça pose problème?

Je suis là, je me dis... Moi, ce que j'entends... Et sûrement, à juste titre, c'est un plaidoyer qui dit: On en a lourd sur les épaules, aidez-nous. Et je me dis: D'assurer ce caractère inclusif que vous recommandez fortement, en quoi ça nuit? Je repose ma question et je me dis... Vous me dites à la fois: Respectez mes responsabilités puis mon champ... mes pouvoirs, puis à la fois vous me dites que «vous n'amenez pas assez le monde à travailler avec moi». Mais je me dis: Le plan d'action adopté par le conseil d'établissement, est-ce que ce n'est pas une façon de vous assurer, comme direction d'établissement, que tout le monde est avec vous?

On a entendu cet argumentaire d'ailleurs, développé, je le répète, par le député de La Peltrie qui disait: Bien, c'est une façon pour la direction d'établissement de s'assurer qu'il a l'appui de tout le monde par un plan d'action adopté par le conseil d'établissement.

**(17 h 30)**

Mme Longpré (Chantal): Ça se fait par l'approbation aussi, l'adoption. Et, je dirais, la distinction entre «adopter» et «approuver»: «adopter», c'est que, séance tenante, les membres du conseil d'établissement peuvent apporter des correctifs et ne pas consulter l'équipe-école. Moi, ce qu'on... Nous, ce que nous proposons, c'est davantage qu'on l'approuve pour permettre à la direction d'école et à l'équipe-école de revenir à l'équipe-école pour être capable de revoir les recommandations du conseil d'établissement. Il n'a jamais été pensé, surtout pas, qu'approuver faisait en sorte d'exclure le conseil d'établissement de tout ce processus-là. Par contre, on voit l'importance de démontrer que l'école s'est prise en main, que l'équipe-école propose quelque chose au conseil d'établissement et, par la suite, s'il y a des modifications à faire, bien, que la direction et le personnel puissent apporter les ajustements souhaités par le conseil d'établissement.

Mme Beauchamp: Mme Longpré, vous ne serez sûrement pas étonnée, là, que vous m'entendiez, là, reprendre une citation qu'il y a eu de vous dans un journal il y a plus d'un an maintenant, lorsque le plan d'action du gouvernement était critiqué, le plan d'action 2008-2011. C'est sous la plume de Rémi Nadeau, du Journal de Québec, là, qui nous rapporte les citations suivantes. Il écrit: «Selon la présidente, Chantal Longpré, certaines écoles ont délibérément choisi de ne pas participer à l'élaboration d'un portrait national, qui aurait mis au jour l'ampleur de leur problématique et nui à leur image.» Et là il vous cite: «"Il y a des écoles qui ont eu peur d'être montrées du doigt et identifiées comme étant parmi les plus violentes" -- je ferme les guillemets -- a-t-elle [reconnu], ajoutant toutefois que -- et j'ouvre les guillemets -- "ce n'est pas en faisant semblant que ça n'existe pas qu'on va changer les choses".»

Je voulais vous rappeler cette citation parce que, lorsque j'entends votre plaidoyer, que je dois écouter, vous me dites: C'est trop de paperasse, c'est trop lourd de rapporter chacun des événements comme on nous le demande, et tout ça; vous le présentez sous l'angle de la lourdeur bureaucratique. Mais moi, je ne peux pas m'empêcher de me rappeler la citation et de me dire: Qu'est-ce qui appartient à la lourdeur bureaucratique dans ce... j'allais dire dans ce refus, là, de dire: On doit rapporter les événements, les consigner, les rapporter? Qu'est-ce qui relève de la lourdeur bureaucratique puis qu'est-ce qui relève de ce que vous-même, vous avez nommé comme étant le fait que certaines écoles, délibérément, choisissent de ne pas nommer ça de peur que ça nuise à leur image? Et vous savez comme moi qu'on a entendu d'autre monde dire ça, là, des parents... J'ai participé, comme vous, à des émissions de télévision, et tout et tout, puis on a entendu ça, là.

Ça fait que moi, je vous écoute, je veux vous écouter, je comprends vos commentaires sur la question de la lourdeur bureaucratique, mais qu'est-ce qui appartient à la lourdeur bureaucratique puis qu'est-ce qui appartient au fait de dire: Bien souvent, pour ne pas nuire à la réputation de mon école, je ne veux pas nommer ça, et je ne veux pas consigner ça, et je ne veux pas rapporter ça? Je me dois de vous poser cette question-là à la lumière de vos commentaires.

Mme Longpré (Chantal): Tout à fait, et je vous répondrais là-dessus, Mme la ministre, qu'il n'est aucunement question que les directions d'école ne reconnaissent pas ce qui se passe dans leur établissement et ne s'assurent pas de ce qui est vécu à l'intérieur de l'établissement. Là où la lourdeur bureaucratique s'installe, c'est lorsqu'il faut aller à l'extérieur de la communauté de l'école pour rapporter ces faits-là. À qui ça sert de savoir que, dans l'école X, il se passe tant d'événements par jour? Ça doit servir au conseil d'établissement, ça doit servir à la direction d'école et ça doit servir surtout au personnel de l'école pour être capable de rétablir la situation et faire en sorte de s'attaquer au principe d'intimidation, à ce fléau-là qu'on reconnaît tous.

Il n'y a pas une direction d'école dans le Québec qui ne sait pas ce qui se vit dans son établissement. On peut bien vouloir le noter, le calpiner, le calculer, est-ce qu'on a besoin de le rapporter à plusieurs instances? Et c'est quand on le rapporte à plusieurs instances que ça vient alourdir la bureaucratie. Comme direction d'école, le travail qu'on a à faire, c'est avec notre communauté, et c'est à notre conseil d'établissement qu'on a à rapporter ces faits-là, parce que c'est dans notre communauté qu'on doit ramener la situation et faire en sorte que la communauté se mobilise autour de l'école pour l'aider à supporter le fléau d'intimidation.

Mme Beauchamp: Mme Longpré, dans la communication que vous venez de décrire, je ne vous ai pas entendue nommer les parents. Donc, ce que je comprends, c'est que vous me dites... Est-ce que je comprends que vous me dites: Nous sommes d'accord pour consigner chacun des événements, nous sommes d'accord pour les consigner d'un point de vue annuel, je suis d'accord pour que ce soit communiqué au conseil d'établissement, mais je ne veux pas que ce soit communiqué à la commission scolaire? Je résume, là, c'est ça que j'ai cru comprendre. Donc, si c'est ça, ce n'est donc pas le problème de la lourdeur bureaucratique, vous consignez de toute façon. C'est plus de dire où je transmets l'information.

Et ma question est donc: De ce point de vue là, si un parent -- je reprends la question du député de La Peltrie posée un peu plus tôt aujourd'hui -- si un parent veut savoir il y a eu combien d'événements au cours des dernières années dans telle école, est-ce qu'il y a eu une prise en charge, est-ce que les événements... est-ce qu'il y a une diminution des événements, etc., est-ce que vous communiquez l'information aux parents qui la demandent ou si vous dites: C'est une information traitée à l'intérieur du conseil d'établissement, et on ne la transmet pas vers le parent? Si vous me dites: On la transmet vers le parent, à ce moment-là c'est vraiment de nature publique, puis on le transmet à la commission scolaire aussi.

Mme Longpré (Chantal): Ce que je vous ai mentionné, Mme la ministre, c'est qu'actuellement la direction d'école connaît bien son milieu. Actuellement, la direction d'école est capable de nommer ce qui s'y passe; en quantité, je ne veux pas vous l'assurer parce que probablement que, depuis 2008, il y a des écoles qui n'ont peut-être pas fait leurs portraits, parce qu'ils considèrent qu'elles le font assez bien avec les règles de conduite, les codes de vie et tout ce qu'on a à faire comme diagnostics de profil et de milieu. Et je vous dirais par rapport à tout ça: Si un parent demande, si c'est disponible, on lui transmettra.

Est-ce que la quantité est nécessaire pour assurer la qualité des interventions? Je ne pense pas. Parce qu'une seule situation peut faire en sorte qu'un parent trouve que c'est épouvantable, ce qui s'est passé. Dans une autre école, la même situation va passer sous silence. Alors, ce n'est pas en termes de quantité mais plutôt en termes de qualité qu'on doit travailler sur l'intimidation, et chaque -- chaque -- situation est individuelle et doit être traitée de façon unique.

Mme Beauchamp: Je suis désolée, je prends juste le temps de vous dire que j'entends une autre contradiction. C'est que vous me dites: Ce n'est pas la quantité qu'on doit divulguer, c'est la qualité. Mais vous venez vous-même de me dire en même temps, du même souffle: Face à un même événement, ça entraîne différentes réactions. Donc, je suis là, là, puis je me dis: Qu'est-ce que vous êtes en train de me dire?

Parce que je répète ce que... On a eu des échanges sur cet élément-là avec d'autres intervenants, les représentants syndicaux la semaine dernière, et tout ça. La notion d'intimidation est une notion particulière. Vous-même, vous étayez votre mémoire en parlant de chercheurs, et tout ça. C'est une réalité qui, par principe, dit qu'on peut aider à ce que ça cesse si, de façon transparente, on dénonce, on nomme et qu'on indique qu'il y a une intervention. C'est vrai pour chacun des événements qui survient. Et le principe que je défendais, c'est de dire: Ça doit être vrai aussi à plus grande échelle, nommer, dénoncer, dire ce qui s'est fait, montrer l'intervention.

Je veux vous entendre. Je continue à me poser la question, bien honnêtement. J'ai entendu les arguments autour du classement de palmarès d'écoles, etc. Mais est-ce que je ne suis pas devant un phénomène qui amène à ce qu'on soit capable de nommer les choses et qui amène aussi à ce qu'en respect des parents on soit capable de donner l'heure juste? Et, je vous le dis, je vous le répète, moi, ça m'avait troublée ce que vous avez déclaré l'année dernière, quand vous avez dit: Il y a peut-être une forme de résistance parce qu'on ne veut pas nuire à la réputation d'une école. J'essaie de départager ce qui appartient à une résistance, peut-être normale mais à une résistance, de ce qui appartient à ce qu'on doit faire pour le bien-être des élèves et leur sécurité. Et je me pose encore la question, moi: Est-ce qu'on ne doit pas obliger à de la transparence quand il est question d'intimidation, alors que tous, on est là en train de réclamer que chacun d'entre nous, nous dénoncions, nous nommions les choses?

Donc, quand vous me dites: Ce n'est pas la quantité, c'est la qualité, mais que, du même souffle, vous me dites: Face à un même événement, ça amène différentes interprétations, j'entends plus que vous êtes en train de me dire: On ne devrait pas non plus dire ce qui s'est passé parce que les parents peuvent interpréter ça différemment.

Mme Longpré (Chantal): Non.

Mme Beauchamp: Excusez-moi si je vous ai mal comprise, mais je continue à ne pas bien comprendre le propos, là. Qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on ne fait pas?

Mme Longpré (Chantal): Qu'est-ce qu'on fait? Chaque situation est unique, chaque situation doit être prise en compte. Donc, l'école n'a pas le choix, on doit nommer ça. C'est de plus en plus dans les médias, il y a des situations épouvantables qui sont sorties médiatiquement. On aurait peut-être préféré que ça ne se passe pas puis qu'on circonscrive ça à l'intérieur de l'école. Il faut par contre s'assurer de donner une certaine information.

Mais qu'est-ce que je vous posais comme question, c'est: À quoi ça sert que je nomme la quantité d'événements si je peux simplement nommer les événements qui se passent? Je n'ai pas besoin de savoir combien de coups de poing il y a eu dans une semaine dans la cour d'école, ce qui est important, c'est que je sois capable, comme direction de l'école, de dire: Il y en a eu, des coups de poing, cette semaine. La quantité n'est pas nécessaire. Et, par la suite, ce qui est encore plus important, et c'est ce qu'on souhaite, et c'est la solution qu'on amène, ce qu'on veut comme direction d'école, c'est faire ressortir les points positifs déjà, les enjeux qui ont été mis sur la table, ce sur quoi les directions d'école ont travaillé avec acharnement pour contrer l'intimidation, à travers les règles de conduite, à travers les codes de vie.

Alors, ce qu'on souhaite, c'est que ce projet de loi là nous... vous permette de récupérer de l'information en insérant tout ça dans ce qu'on appelle nos règles de conduite, nos codes de vie, et ça, ça va faire en sorte de ne pas multiplier la quantité de bureaucratie.

**(17 h 40)**

Mme Beauchamp: Juste une dernière question pour voir si je vous comprends bien, là. Tantôt, je vous posais la question... Vous semblez exprimer un désaccord avec le fait que l'information, même si elle était sur une base qualitative, soit transmise vers la commission scolaire. Moi, j'ai cru comprendre que vous disiez: Ça appartient au conseil d'établissement. Je répète la question: Est-ce que, pour vous, c'est une information de nature publique qui doit être communiquée à l'ensemble des parents, même un parent dont l'élève ne va pas encore à l'école mais qui voudrait savoir, même au niveau de la qualité des... Et, si oui, je me dis: Ça doit aller de façon la plus publique possible, au niveau d'une commission scolaire. Sinon, expliquez-moi pourquoi.

Le Président (M. Marsan): En terminant, parce qu'il ne reste presque plus de temps.

Mme Longpré (Chantal): Le conseil d'établissement fait en sorte de rendre toute l'information qui s'y trouve publique. Donc, la direction d'école vous dit aujourd'hui que l'importance est qu'on transmette l'information à la communauté. La communauté, c'est tout ce qui entoure l'école, ça concerne donc les parents, futurs et passés, tout ceux qui se trouvaient dans la communauté.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine cet échange. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je donne la parole au député de Jonquière. M. le député.

M. Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de votre contribution à ce débat. J'aurais une question bien simple: Êtes-vous pour ou contre l'adoption d'une loi contre l'intimidation et la violence à l'école?

Mme Longpré (Chantal): Pour.

M. Gaudreault: Et qu'est-ce qu'il devrait y avoir, dans cette loi-là, donc, en quelques mots?

Mme Longpré (Chantal): En quelques mots, un signal...

M. Gaudreault: Et à quoi doit servir cette loi-là?

Mme Longpré (Chantal): Même question, la loi doit servir à donner un signal national de l'importance qu'on doit accorder à ce fléau qu'est l'intimidation. Donc, les directions d'école, nous sommes pour cette loi, mais pas dans la forme actuelle, parce que ce qu'on pense, c'est que ça amène de la bureaucratie inutile, et il y a plusieurs endroits où on pourrait déjà prévoir ou insérer nommément l'intimidation, dans, je dirais, des documents qui sont déjà présents. Je pense aux règles de conduite, je pense au projet éducatif, au plan de réussite, je pense à la convention de gestion et de réussite éducative, je pense à tout ce qui existe comme documents que la direction d'école doit préparer. Alors, je ne vois pas pourquoi on ajouterait un autre document si on peut en insérer des pans dans ce que je viens de vous nommer.

M. Gaudreault: Donc, est-ce que je me trompe si je dis que, selon vous, le projet de loi n° 56 n'apporte rien de neuf? Iriez-vous jusqu'à dire ça?

Mme Longpré (Chantal): Ce qu'il apporte de neuf, c'est le fait de donner le signal national de l'importance qu'on y accorde. Il n'y a pas une école au Québec qui ne s'est pas... qui ne s'est jamais attaquée à l'intimidation. Peut-être qu'elle ne l'a pas réglé de la bonne façon, mais il n'y a pas une école qui ne s'occupe pas de ça, parce que sa première mission, c'est d'instruire, socialiser et qualifier.

M. Gaudreault: O.K. Mais, pourtant, si je reprends la citation que la ministre a dite tout à l'heure, dans un article de l'an passé, je comprends que vous-même, vous disiez qu'il n'y avait pas des... il y avait des directions d'école qui ont choisi de ne pas appliquer, par exemple, le plan de lutte depuis 2008. Alors, ça veut dire qu'ils s'y prenaient différemment pour lutter contre l'intimidation, à ce moment-là, dans les milieux?

Mme Longpré (Chantal): Ils l'avaient dans leurs règles de vie, dans les mesures d'urgence, dans les règles de conduite.

M. Gaudreault: Vous dites, à la page 5 de votre mémoire, quant à l'article 7, qui touche l'article 83.1 de la Loi sur l'instruction publique, qu'«il serait beaucoup plus efficient pour la direction d'école de prévoir l'intégration d'une section portant sur l'évaluation des résultats de l'école au regard de la lutte contre l'intimidation et la violence au sein même de son rapport annuel présenté et distribué à chaque année scolaire». Alors, je vous ai bien écoutée tout à l'heure en réponse aux questions de la ministre. Donc, si vous dites que ça, ça serait beaucoup plus efficient, qu'est-ce qu'il y aurait là-dedans, dans cette section du rapport, là? Vous y mettriez quoi?

Mme Longpré (Chantal): Ce qu'on a proposé, à la toute fin de notre allocution, c'est que l'école devrait obligatoirement nommer ce qu'elle met en place pour contrer l'intimidation, en fonction de ce qu'elle aura, de façon qualitative, nommé comme événements qui se produisent dans son établissement.

M. Gaudreault: Parce que vous parlez d'«une section portant sur l'évaluation des résultats de l'école au regard de la lutte contre l'intimidation et la violence». Alors, expliquez-moi comme il faut comment ça pourrait, là... avec ce que vous venez de dire en parlant des moyens, comment on peut, à ce moment-là, parler de résultats. Parce que, j'imagine, si vous parlez de résultats, vous voulez faire référence à... comme des comparaisons par rapport aux années passées. Alors, à ce moment-là, est-ce qu'on n'est pas en train de nommer, de quantifier carrément des gestes? Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction par rapport à ce que vous dites, par ailleurs?

Le Président (M. Marsan): Mme Normand-Charbonneau.

Mme Normand-Charbonneau (Lorraine): Oui, bonjour. Je peux vous répondre parce que je l'ai vécu moi-même. Tantôt, j'entendais, là, les directions générales, là, anglophones. Je suis dans un petit milieu rural où je n'ai pas beaucoup d'élèves et que je n'ai pas accès à beaucoup de services, et nous, on s'est mobilisés. Donc, ce qu'on a fait, c'est qu'effectivement, depuis l'an passé, les enfants... les ados ont une heure par jour d'activité physique avec salle d'entraînement, musculation. Il y a des activités de musique. Et, après un an, avec le conseil d'établissement, j'ai sorti des statistiques, là, pour mon conseil d'établissement. On a eu un taux, là, de 30 % d'absentéisme de moins dans ma petite école, pratiquement plus de séchage de cours, même si c'est dans un village, puis qu'on les voit passer sur la rue principale, puis on sait qui ils sont. Donc, avec mon conseil d'établissement, on a mis sur la table...

Puis, avec les parents aussi, là, lors des rencontres, on leur a dit les bonnes choses qu'on faisait dans l'école, les actions qu'on s'est mobilisés ensemble pour valoriser l'école puis lui redonner ses lettres de noblesse. Parce que le personnel m'avait dit: Lorraine, l'école, là, c'est comme si les parents n'y croient plus.

Donc, après deux ans, c'est notre deuxième année cette année, là, je peux vous dire que, d'avoir répondu aux besoins de l'élève... Parce que, quand on parle d'intimidation, il y a des besoins de ces élèves-là qui sont... auxquels on n'a pas répondu. Donc, moi, mon taux de violence a diminué dans l'école. J'en ai fait des statistiques, je les ai... Oui. Oui, ça a servi à la commission scolaire.

Moi, je peux vous dire que, dans mon école, cette année, dans ma commission scolaire, l'argent envoyé par Mme la ministre a servi à embaucher quelqu'un pour faire l'étude de situation du sentiment de sécurité, et qui n'est pas facile à... Pour des enfants de six ans, être en sécurité, ce n'est pas facile à identifier. Mais, dans mon école, je ne me suis pas occupée, là, du fait que je n'avais plus cet argent-là. On s'est mobilisés, on a essayé de répondre aux enfants par des plans, par des activités puis par des... nous, c'est la concentration sport, là, pour essayer d'aller ramener les enfants qui font de l'intimidation.

On ne parle pas tout le temps de négativisme. L'intimidation, c'est le reflet de quelque chose qui ne se passe pas chez le... qui est en difficulté, le pauvre jeune, là. Donc, nous, on y est allés par une approche positive dans un petit milieu, puis moi, je pourrais vous dire que c'est comme ça qu'on s'en est sortis, mais positivement, parce que présentement c'est très négatif de parler d'intimidation. Je veux dire, j'en fais, des interventions à chaque jour, mais, d'y aller d'un côté positif avec les parents, je peux vous dire que je suis en train de regagner, là, la confiance des parents dans mon milieu.

M. Gaudreault: Alors, je vous félicite pour vos initiatives dans votre milieu, mais je comprends que vous avez donc quantifié d'une année à l'autre, parce que vous dites que vous avez été capable de réduire vos actes de violence, vous avez été capable de réduire l'école buissonnière d'une année à l'autre et vous avez rendu compte de cela à la commission scolaire. Je reprends vos...

Mme Normand-Charbonneau (Lorraine): Je ne suis pas rendue là présentement, parce que la dame est venue passer son questionnaire aux enfants, puis on n'a pas les résultats encore. Mais je ne suis pas rendue dans la rédaction...

M. Gaudreault: O.K. Mais est-ce que tout cela vous a exigé vraiment une charge de travail supplémentaire, très bureaucratique? J'essaie juste de voir, là... Parce que je trouve ça intéressant, vous arrivez avec un cas très concret, mais vous êtes très fière de pouvoir le démontrer, c'est correct. Mais est-ce que ça, c'est beaucoup plus bureaucratique en termes de reddition de comptes que ça vous a demandée?

**(17 h 50)**

Mme Normand-Charbonneau (Lorraine): Bien, moi, ce que je vois présentement, c'est qu'après que la commission scolaire est venue, là, présenter son questionnaire puis que les enfants y ont répondu ce que le personnel me disait, c'est que toute cette situation-là où on est venus passer des tests... Parce que j'ai trois bâtiments. On parlait tantôt de milieu rural avec plusieurs établissements; j'en ai trois, primaire, secondaire. Donc, je peux vous dire que, d'avoir fait ça, je ne suis pas certaine que ça va avoir donné les résultats escomptés, moi, de s'être mobilisés avec les élèves, avec les parents, avec le milieu, avec les CLSC. Je peux vous dire que j'ai des statistiques, mais, quand on dit qu'il y a 30 % de moins d'actes de violence, c'est différent que de dire: Il y a eu 28 rapports à la récré du lundi, la première récréation. Je veux dire, c'est différent de noter des actes que d'y aller globalement puis de démontrer des statistiques.

M. Gaudreault: O.K. Mais il y a quand même une compilation qui se fait quotidiennement, si on veut, de... ou en tout cas hebdomadairement, des gestes qui sont posés dans le milieu qui est le vôtre.

Mme Normand-Charbonneau (Lorraine): Oui, c'est facile parce qu'on est avec GPI et l'éducatrice, c'est noté dans le système, puis elle pèse sur le piton, puis elle est capable de me sortir...

M. Gaudreault: O.K. En fait, ma question est plus de voir en quoi ce que vous proposez est très, très différent de ce qui est dans le projet de loi qu'on a devant nous. Qu'est-ce qui est de trop, là, si on veut, dans le projet de loi qui est devant nous?

Mme Longpré (Chantal): Qu'est-ce qu'on vous dit par rapport à quantifier, ce n'est pas nécessairement de... L'important, ce n'est pas de quantifier, mais c'est de nommer, et c'est ce que je vous dis depuis le début, il faut être capable de nommer les gestes qui se posent dans une école. Dans certains établissements, il va y avoir plus de contacts physiques. Dans une autre, ça va être des contacts verbaux. Alors, il n'est peut-être pas nécessaire de savoir qu'il s'en passe 10 par jour, mais ce qui est nécessaire, c'est qu'il s'en passe trop dans chacune des journées. Et il faut faire des interventions, parce qu'il n'y en aurait qu'un seul, quand c'est de l'intimidation, c'est toujours un geste de trop.

Et c'est là-dessus qu'on souhaite qu'une intervention se fasse et qu'on allège la bureaucratie en s'assurant que, ce qui est déjà en place comme documents dans l'école, donc le code de vie, les règles de conduite, le projet éducatif, on ne le dépersonnalise pas en y ajoutant un plan supplémentaire qui va demander à la direction de rendre des comptes non pas à la communauté qu'elle dessert, mais à plusieurs autres paliers qui ne sont peut-être pas nécessaires.

M. Gaudreault: Comment vous voyez le rôle du protecteur de l'élève tel qu'il est prévu dans le projet de loi n° 56?

Mme Longpré (Chantal): Le rôle du protecteur de l'élève vient bien sûr rassurer les parents dans, je dirais, un mécontentement face à une décision. Nous pensons qu'il est nécessaire qu'il y ait une instance à ce titre-là. Par contre, actuellement, la direction d'école ne détient pas véritablement de pouvoir pour agir correctement sur une situation. Je vous le nommais plus tôt, on ne peut pas expulser d'élève. Et on a vu souvent des situations se retrouver, même avant le protecteur de l'élève, c'est-à-dire au niveau commission scolaire, où les commissaires votaient et revenaient en arrière sur une décision, ce qui faisait en sorte que la direction d'école perdait sa crédibilité.

Il ne faut surtout pas oublier que la direction d'école, c'est la première personne qui est la plus près de l'élève quand il y a une décision importante à prendre.

M. Gaudreault: Seriez-vous d'accord pour inclure dans le projet de loi une disposition sur une forme d'engagement, je dirais, du gouvernement, d'allocation de ressources pour vraiment mettre en oeuvre un véritable plan de lutte contre l'intimidation, un peu comme l'a suggéré la CSQ, entre autres, lors de sa présentation jeudi?

Mme Longpré (Chantal): C'est ce qu'on demande depuis longtemps, des ressources supplémentaires pour s'assurer que les intervenants qui travaillent auprès des élèves connaissent bien tout ce qui concerne l'intimidation. Nous sommes les premiers à intervenir et à poser les gestes de sanction. Il n'en demeure pas moins qu'on est des directeurs d'école, et diriger une école ne veut pas dire traiter directement les plaintes. Donc, si on n'a pas le personnel nécessaire et conséquent pour travailler avec les élèves, j'ai l'impression qu'on va travailler longtemps avant d'arriver à des résultats où nous aurons l'intimidation zéro, si cela existe.

M. Gaudreault: Peut-être, juste rapidement, là, on a eu beaucoup de débats ici sur la marge de manoeuvre du directeur d'école qui doit traiter, recevoir avec diligence tout signalement, toute plainte, communiquer promptement avec les parents. Je voudrais juste vous entendre deux minutes, là, sur ce qu'est réellement, dans le concret, là, cette marge de manoeuvre que devrait avoir un directeur d'école, comment il peut par lui-même juger ou traiter des cas.

Mme Longpré (Chantal): Je vous dirais, actuellement, dans... dépendamment des situations, la direction d'école va toujours être mise au courant de la situation. Certaines situations plus graves que d'autres vont demander son intervention directe. Il faut s'assurer... Et il faut vous dire également que, lorsqu'il y a, je dirais, retrait de l'élève de l'établissement, la direction d'école va nécessairement informer les parents, mais, dans d'autres actes de violence ou d'intimidation, probablement qu'un appel, actuellement, d'un enseignant peut régler la situation.

Est-ce qu'à toutes les fois où il y a un acte d'intimidation ou de violence la direction doit informer les parents? Oui. Mais est-ce que personnellement il doit le faire? Non. Je pense que c'est une délégation qui peut se prendre à un autre niveau. Mais il ne faudrait pas en rajouter sur le dos des enseignants, parce qu'ils en ont déjà assez, et ce sont des situations qu'ils gèrent déjà de façon assez grande, étant donné qu'ils sont les premiers intervenants auprès des élèves.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre et terminer avec M. le député de La Peltrie. La parole est à vous.

M. Caire: Merci, M. le Président. Je vais me limiter à deux questions, étant donné le temps. Le premier, c'est que, ce que j'entends, vous me dites: Il faut adresser la situation qualitativement, donc dire ce qu'on fait, il faut nommer les choses, donc dire à quelle sorte d'intimidation on fait face, mais il ne faut pas le quantifier. Là, j'ai un petit peu plus de difficultés à vous suivre. Il m'apparaît, moi, que quantifier les choses, ça vous permet aussi de monitorer puis de faire un suivi de la situation: Est-ce que je suis efficace dans ma façon d'intervenir dans tel, et tel, et tel type d'intervention? Donc, j'essaie de comprendre votre hésitation à quantifier les cas, là.

Mme Longpré (Chantal): Bien, ce que je dois vous dire, c'est que je sais qu'il y a des écoles qui n'ont jamais quantifié d'une façon précise tout ça, parce qu'elles n'en ont pas les moyens, à cause des ressources. Est-ce que c'est nécessaire de le faire? Peut-être que oui, peut-être que non. Moi, je pense qu'on est capables de faire disparaître une bonne partie de ce fléau-là en ayant des gestes clairs et précis qui vont être ramenés au conseil d'établissement. Est-ce qu'on a besoin de le quantifier en termes de quantité? Je ne pense pas, parce que, je dirais, une situation ou un problème va générer de toute façon des gestes probablement indépendants de...

Tout est unique dans l'intimidation. Alors, quand on se dit qu'un élève qui fait un acte répréhensible doit être expulsé de l'école, bon, c'est facile à quantifier, là, il y en a peut-être trois, quatre par année qui font ça dans un établissement scolaire. Est-ce que j'ai besoin de les nommer et de les quantifier pour m'assurer que les interventions que je fais sont adéquates? Je ne suis pas certaine. Ce qu'il faut que je m'assure, c'est que, chaque geste d'intimidation qui est porté, je dois m'y attaquer, parce qu'il ne faut pas qu'il revienne.

M. Caire: Je vais vous poser ma deuxième question, parce que je sens que le président va m'arrêter, là. Vous parlez des critères à inclure dans la définition de l'intimidation. Bon, vous parlez évidemment de l'intention de vouloir blesser, faire mal, vous parlez de la répétition. Là-dessus, je vous suis. Mais vous parlez aussi du déséquilibre dans le rapport de force. Là, j'ai peut-être plus de difficultés. Parce qu'on s'entend que, vous et moi, il y a un déséquilibre dans notre rapport de force, là, ma carrure, la vôtre. Est-ce que ça veut dire, donc, que vous, dans un contexte d'école, vous ne pourriez pas m'intimider?

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme Longpré.

Mme Longpré (Chantal): Il faudrait poser la question au docteur qui a fait cette étude-là. Je ne pense pas. C'est trois critères qui ont été élaborés. Nous, ce qu'on souhaitait par cet exemple, c'était démontrer l'importance de baliser l'intimidation...

M. Caire: O.K., sur la balisation en général.

Mme Longpré (Chantal): ...parce que tout peut être intimidation.

M. Caire: Vous ne souhaitez pas nécessairement retrouver tous ces critères-là dans la définition?

Mme Longpré (Chantal): Non, non.

M. Caire: O.K. C'est beau.

Mme Longpré (Chantal): Mais l'intimidation, actuellement, sert à toutes les sauces, et on en a plein les bras dans les écoles.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Chantal Longpré, Mme Lorraine Normand-Charbonneau, M. Marc Brunelle et M. Jean-François Drouin.

Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

 

(Reprise à 19 h 30)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Ce soir, nous recevons la Fondation Jasmin Roy et Gai Écoute, et il me fait plaisir d'accueillir M. Jasmin Roy. J'aimerais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez une période de 15 minutes pour nous dire votre point de vue sur le projet de loi n° 56. La parole est à vous.

Fondation Jasmin Roy inc.

M. Roy (Jasmin): Parfait. Je suis accompagné de Cédrick Beauregard, qui est le directeur général à la Fondation Jasmin Roy.

Alors, premièrement, on est très heureux de pouvoir participer à cette commission parlementaire. On veut aussi souligner l'initiative de la ministre Beauchamp, parce qu'on est... on trouve ça très positif, ce projet de loi là. On trouve qu'on va vraiment dans la bonne direction, c'est un pas, un grand pas, même, dans la bonne direction.

C'est sûr que nous autres, on va faire nos recommandations par rapport à l'expertise que nous avons. On a déjà un projet pilote dans quatre écoles, qu'on a déployé depuis le mois de septembre. On vous a envoyé aussi un bilan de mi-étape du projet de la Fondation Jasmin Roy, qui n'est pas un bilan final. On ne voulait pas le rendre public pour l'instant, mais on trouve ça pertinent de le déposer à la commission parlementaire, parce qu'honnêtement c'est très positif, ce qui se passe dans ces quatre projets-là.

Honnêtement, je vais être assez bref, parce que je pense qu'autour de ce dossier-là tout le monde doit se mobiliser. Puis, je pense, autant du côté de l'opposition que côté du pouvoir, je pense qu'il faut qu'on travaille de concert, en synergie, pour pouvoir trouver les solutions, parce qu'on a quelque chose de très important sur la table présentement, puis je pense qu'il ne faut pas passer à côté.

C'est sûr que nous autres, on va vous faire quelques commentaires et recommandations parce que, comme je vous disais, à la fondation... Moi, la fondation, je l'ai créée parce que j'ai été victime d'intimidation. Et je crois que c'était pertinent parce que je sentais que, sur le terrain, il y avait une banalisation du problème et un manque de ressources, donc un manque organisationnel aussi.

On va y aller... Ce n'est pas nécessairement selon les ordres de priorité, on a fait une chronologie. On veut revenir beaucoup, nous autres, à la Fondation Jasmin Roy, sur la définition. Donc, on pense que la définition de l'intimidation doit miser beaucoup sur l'aspect répété. Donc, il faut appuyer plus le côté qu'il faut que... Pour mesurer l'intimidation, il faut qu'on soit capable de savoir que c'est des actes répétés. On pense aussi qu'il faut ajouter une définition du terme «violence» au projet de loi également, pour faire la part des choses et bien démêler chacun des problèmes.

Je suis content que Gai Écoute soit ici aussi, également, parce qu'on pense que, suite justement à la politique qui a été déposée par le gouvernement libéral l'année dernière, par rapport à la politique contre l'homophobie, on pense que c'est un avancement dans la bonne direction. Et je pense aussi qu'il doit y avoir un volet homophobie et probablement... Même, on aimerait ça qu'il y ait un plan d'action qui soit déployé à la grandeur du Québec. Parce que présentement c'est un réel problème du côté de nos garçons, l'homophobie. Je dois dire que ça se mesure à peu près partout. J'ai visité beaucoup d'écoles et je vous dirais que c'est partout. Les garçons, dans nos écoles, se traitent à coups de «fif» et de «tapette», et c'est généralisé, et ça, je trouve ça très préoccupant parce que les lois, contrairement à mon époque, ont changé aujourd'hui, et je crois qu'elles doivent s'appliquer aussi à l'école.

Nous autres, du côté de la fondation, je trouve ça important de tracer un portrait de chacune des écoles, ça va nous aider beaucoup à nous outiller, éventuellement. Mais on pense aussi -- parce que, dans nos projets pilotes, on l'a -- qu'il faut qu'il y ait un système de monitorage, donc, pour aider l'école à bien mesurer les interventions qui sont faites durant l'année. Nous autres, dans nos projets pilotes, on relance quelques fois dans l'année, deux à trois fois, dépendamment des écoles, le portrait de l'école pour mieux aiguiller l'école aussi pour pouvoir mieux travailler au sein de l'école.

Donc, supposons qu'on fait un portrait en début d'année, c'est important de le relancer peut-être en mi-année. D'où l'importance d'avoir quelqu'un qui sera libéré une journée par semaine -- je vous en parlerai un peu plus tard. Parce que c'est le fun de mandater quelqu'un, on trouve que c'est intelligent même et très pertinent de mandater quelqu'un par école, mais qu'elle soit libérée une journée par semaine pour justement pouvoir mesurer les impacts des interventions qui sont faites sur le terrain.

J'aimerais aussi, parce que ça, c'est quelque chose que j'ai vécu personnellement, mais qu'il y ait aussi un protocole de surveillance dans les vestiaires après l'éducation physique. Présentement, il y a beaucoup d'intimidation dans les vestiaires, surtout après l'éducation physique, surtout du côté des garçons. Et même, moi, pour l'avoir vécu, j'ai même eu des agressions sexuelles. Et donc je crois que ça serait important qu'on puisse faire une certaine surveillance, peut-être à deux adultes.

Je sais que présentement on ne peut pas surveiller certains vestiaires à cause justement qu'on doit conserver la sécurité des jeunes. Je pense qu'il faudrait développer. Là, je n'ai pas de solution idéale à vous proposer, mais je pense qu'il faudrait penser à un protocole de surveillance à deux adultes pour justement s'assurer qu'il n'y ait pas d'agresseur ou de prédateur sexuel qui soit dans les vestiaires. Je pense qu'il faut s'assurer aussi de la sécurité des élèves. Parce qu'honnêtement ça dérape beaucoup dans les vestiaires de nos écoles.

Désignation d'un intervenant par école. Je trouve que c'est extraordinaire ce qu'on a dans le projet de loi quand on parle de désigner quelqu'un par école, c'est même fantastique, à mon avis. C'est ce qu'on fait aussi dans nos projets pilotes. Nous, on va un peu plus loin, on libère cette personne-là une journée par semaine. Parce que je crois que, pour tracer le portrait de l'école, je crois, aussi pour s'assurer aussi d'avoir... de mobiliser toute la communauté autour... parce que ce n'est pas juste l'affaire de l'école de s'occuper de cette problématique-là, donc de créer des liens avec les policiers, les CLSC. Je crois que c'est important que cette personne-là puisse avoir du temps pour instaurer aussi des outils pédagogiques dans son école et aussi de pouvoir tracer le portrait de l'école, pour ne pas que ça revienne une tâche à la direction de l'école et que la direction soit aux prises avec une autre tâche administrative. Je pense qu'au contraire ça va faire respirer l'école, puis on va s'assurer aussi d'un résultat positif. Je pense que ça, c'est le coeur de notre recommandation. Je crois qu'il faut absolument qu'une personne soit libérée, par école, pour que ce projet de loi là soit viable.

Suspension d'élève. On parle beaucoup -- et, je pense, aussi dans la pensée populaire présentement, dans la collectivité -- on parle beaucoup des suspensions, et souvent on a l'impression que les élèves sont suspendus et qu'ils sont seuls à la maison. Je crois que c'est extrêmement important d'avoir un accompagnement à la suspension. Et je sais qu'il y a des sommes qui sont déjà allouées à ça dans les budgets. Et je pense que c'est pertinent, parce que je pense qu'une suspension assistée ou un accompagnement à la suspension donnera de meilleurs résultats auprès de certains agresseurs -- bien, «je» pense, la fondation pense, là, je prends tout personnel.

Le dossier scolaire, aussi, des agresseurs. Je pense que c'est important qu'ils puissent avoir un suivi s'ils changent d'école, et même s'ils changent de commission scolaire; des fois, les dossiers ne suivent pas. Et je pense qu'il faut que ça soit des... un peu comme certains dossiers qu'on retrouve, là, quand il y a des problèmes de justice. Je pense qu'il faut que les dossiers suivent même si on les change de commission scolaire. Je pense que c'est en tout cas, à mon avis, une des choses importantes qu'on ne retrouve pas encore beaucoup présentement sur le terrain. Je vous dirais même que, du primaire au secondaire, souvent les dossiers ne se transmettent pas.

Le rapport annuel de la commission scolaire. Je trouve... bien, nous trouvons, la fondation, que c'est bien de répertorier les actes de violence. Mais il faut aussi rester extrêmement positif, surtout que, dans certains milieux, ça va être difficile. Donc, je pense, nous pensons qu'on doit aussi répertorier le nombre d'interventions et la qualité des interventions sur le terrain.

Parce qu'à un moment donné il y a certaines écoles qui vont être aux prises avec plus de problématiques que d'autres, et donc il faut souligner surtout les bons coups aussi, et donc surtout souligner le nombre d'interventions qui ont été faites. Parce que c'est clair et précis qu'on n'arrivera pas à mettre tout ça en branle du jour au lendemain, et il faut travailler aussi sur le positif, pas juste sur le négatif. Et je crois que, si on ne fait que répertorier les actes de violence, on va peut-être aussi enlever un peu d'estime aux écoles, et ils vont peut-être toujours être dans le négatif plutôt que de dire: Voici tous les bons coups que nous avons faits. Oui, il y a encore des actes de violence, mais il y a énormément d'interventions. Et nous autres, à la fondation, on parle beaucoup d'intervention 100 % plutôt que de tolérance zéro, donc travailler beaucoup plus sur l'intervention.

Le transport scolaire aussi je crois qu'on devrait en faire mention. Présentement, les chauffeurs d'autobus, s'ils sont aux prises avec des situations, ils peuvent demander d'avoir un intervenant ou un surveillant dans l'autobus. Et je crois que, s'il y a des plaintes qui viennent du côté des parents ou d'une victime en particulier, je crois qu'on devrait pouvoir leur donner l'occasion aussi de pouvoir faire cette demande-là sur un certain laps de temps. Ça peut être aussi en partenariat avec le corps policier sous forme de brigadiers scolaires. Donc, il y a moyen de travailler, je pense, cette réalité-là autrement sans nécessairement déployer des sommes.

Les ressources financières et sanctions administratives pécuniaires. Nous avons regardé ça, à la fondation. C'est sûr que ce n'est pas notre spécialité. Cela dit, je crois que les commissions scolaires doivent être interpellées. Je crois que les commissions scolaires doivent avoir l'obligation légale de démontrer noir sur blanc que les sommes sont allouées par le ministère de l'Éducation, et du Loisir, et du Sport et qu'ils ont bel et bien été distribués dans les écoles. Et, à mon avis, la sanction administrative devrait être que le ministère de l'Éducation se réserve le droit de retirer les sommes de l'école s'ils n'ont pas été administrés adéquatement et qu'elles soient déployées directement à l'école. C'est ce qu'on demande, du côté de la fondation. En gros, c'est ça.

Alors, si vous avez des questions... Peut-être Cédrick aussi, parce que c'est lui qui a rédigé le mémoire, en collaboration avec moi, mais la grosse partie, c'est peut-être lui qui est le mieux équipé pour répondre à vos questions.

**(19 h 40)**

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Et nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Je vais céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour... bonsoir plutôt à vous deux, et merci beaucoup de cette participation à notre consultation. Mes premiers mots s'adresseront à vous, M. Roy. Je veux juste, comme ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, aussi peut-être comme vice-première ministre -- tiens, je vais utiliser ce titre-là aussi -- je veux vous remercier pour votre engagement personnel puis votre engagement public dans la lutte contre l'intimidation à l'école. Je pense, sans exagérer, pouvoir dire que, si on est ici, au salon rouge de l'Assemblée nationale, en train de parler d'un projet de loi, vous y avez votre part dans le fait que nous y sommes arrivés.

Je pense que, par le passé, le gouvernement a déposé un plan d'action, il y avait une reconnaissance de l'importance de l'enjeu, accompagné de montants d'argent, pour dire: On doit bouger. Mais, à l'évidence, comme vous m'avez entendu le dire, à l'évidence, on était rendus à une étape où on devait bonifier cela puis agir dans le régime d'obligation que vous retrouvez dans la loi.

Ça fait que je vous le dis avec beaucoup de sincérité, je veux vous remercier. Vous êtes une personnalité publique qui avez réussi, par un engagement, cet engagement personnel et cet engagement public, à mettre sur la mappe un enjeu qui frappe trop de monde et à faire en sorte qu'on soit ici ce soir ensemble.

Je prends le temps de dire que vous avez mis en place une fondation, vous avez mis en place aussi un site.

Et je pense que la problématique de l'intimidation à l'école vient chercher tout le monde, parce qu'honnêtement, je le dis comme je le pense, je pense que... bien sûr avec des intensités complètement différentes, je pense que, quand on parle de ça, comme adultes notamment, derechef on se retrouve dans notre enfance puis on se souvient de un, deux ou plusieurs épisodes d'intimidation. Mais il y a, tous, un moment où ça nous rappelle quelque chose, puis habituellement ce que ça nous rappelle, c'est qu'on a souffert puis qu'on était démuni. Et je prends juste le temps de vous dire que l'ensemble des actions que vous avez mises en place font une différence au Québec puis je voulais vous en remercier.

Maintenant, on doit donc vous écouter avec beaucoup d'attention, non seulement parce que vous avez divulgué que vous-même, vous avez été une victime, mais aussi parce que vous avez cet engagement face à la société québécoise. Puis il y a différents enjeux sur lesquels je veux vous entendre, mais, le premier enjeu, on a eu beaucoup d'échanges, à la fois avec les représentants syndicaux, avec les commissions scolaires, avec les directeurs d'établissement, sur toute la question je vais appeler ça de la divulgation, là, la question de qu'est-ce qu'on doit rendre public quand on parle d'intimidation.

Puis vous savez donc que moi, j'ai souvent dit: Le dossier de l'intimidation, il ne peut pas être traité tout à fait comme les autres, puisque, l'intimidation, la recherche nous indique qu'il faut la nommer, il faut la dénoncer, il faut intervenir. Et, je me disais, si c'est vrai pour chaque geste posé où le projet de loi dit: Il y a une obligation d'intervention, il me semble que les mêmes principes sont bons pour l'ensemble de la problématique en disant: On va demander aux commissions scolaires de nous dire école par école qu'est-ce qui s'est passé, donc tant en termes quantitatifs, là, que de nous dire qu'est-ce qui s'est passé. Mais ça amène son lot de réactions, avec certains qui disent: Le piège... puis il faut que j'écoute, ils vont dire: Le piège, c'est un palmarès, voici la liste des écoles les plus violentes au Québec, là; on imagine le titre à l'avance. Il faut que j'écoute ça.

Maintenant, je termine en disant: Là où je veux vous entendre... Parce que, pour moi, je vais le dire humblement, là, peut-être que ce n'est pas tout à fait clair. Est-ce que vous, vous faites une distinction quand vous me parlez dans votre mémoire de monitorage, quand vous me dites même: Deux fois par année, il devrait y avoir un monitorage de ce qui se passe en termes d'intimidation à l'école? Moi, là, de façon intuitive ou spontanée, si on me parle de monitorage, pour moi, ça veut dire nommer les choses, dire combien d'épisodes, ils se sont passés, puis les aspects, là... Je me souviens, on s'est déjà parlé, vous me disiez: Il faut qu'on sache, là, ça se passe-tu dans les vestiaires? Ça se passe-tu dans l'autobus? Tu sais, toutes ces questions-là. Mais, pour moi, le monitorage, ça veut dire que l'information existe en termes quantitatifs puis en... et qu'on est capable de décrire ça se passe comment dans telle école.

Or, ça amène son lot de réactions en disant: Il y a un danger à trop nommer les choses, je vais dire ça comme ça, il y a un danger à ce qu'on étiquette des écoles, etc. Ça fait que je veux bien vous comprendre. Quand vous, vous parlez de monitorage puis quand je pense à ce que les parents ont le goût de savoir, et tout ça, on est en train de parler de quoi exactement, selon vous, quand vous plaidez pour qu'il y ait un monitorage dans chaque école?

M. Roy (Jasmin): J'y vais. Premièrement, c'est vrai qu'il y a un danger à faire un portrait seulement de la violence, seulement des actes violents. Je pense qu'il y a un danger justement qu'il y ait après ça une évaluation un peu comme la liste du palmarès des bonnes écoles et des taux de décrochage. Je pense qu'il y a ce danger-là. Je pense qu'aussi c'est... En tout cas, pour avoir parlé à nos collaborateurs au centre d'éducation, tout le monde est préoccupé par ça. Donc, c'est pour ça que nous autres, on voulait mettre aussi l'emphase sur le nombre d'interventions et la qualité des interventions.

Quand on parle de monitorage, peut-être que Cédrick pourra mieux commenter que moi, mais ce qu'on veut faire aussi, c'est de plutôt mesurer ce qu'on fait sur le terrain. Donc, nous autres, à la fondation, on a fait des portraits dans nos projets pilotes. Donc, on part du portrait de l'école, et on regarde justement où on doit mettre plus de surveillance, à quel endroit on doit intervenir, qu'est-ce qu'on doit faire. Et le monitorage est beaucoup plus là pour évaluer justement si on va dans une bonne direction. Est-ce que je me trompe?

M. Beauregard (Cédrick): Oui. Si je peux rajouter sur le monitorage, en fait c'est: dans un premier temps, lorsque l'année commence, l'intervenant doit planifier un peu son année. Qu'est-ce qui doit être fait? Quelle est la définition que les élèves font de l'intimidation? Est-ce qu'ils font bien la différence entre un conflit, l'intimidation? Donc, quelle est la direction que je vais prendre durant mon année scolaire? Donc, dans un premier temps, de connaître un peu qui sont les élèves dans mon école. Est-ce qu'ils sont capables d'identifier une personne-ressource? Est-ce qu'ils connaissent les ressources qui existent? Donc, on va pouvoir aiguiller, en fait, le...

M. Roy (Jasmin): Est-ce qu'ils connaissent les agresseurs, les victimes?, plus que sur les actes de violence comme tels. Donc, est-ce qu'on est capable de reconnaître, premièrement, la personne qui est en charge, les agresseurs, qu'est-ce qui est dit dans l'école, quels sont les mots d'intimidation, quels sont les gestes commis? Puis nous autres, on traite ça de façon anonyme, puisque je pense qu'il faut beaucoup interpeller les jeunes et leur garantir l'anonymat justement pour qu'ils puissent dénoncer. On a des protocoles d'anonymat. Vous pourrez consulter le bilan, si vous voulez.

Mme Beauchamp: Je veux essayer de bien voir si je vous comprends. Vous avez sûrement vu, donc, que c'est à l'article 15 de notre loi où on dit que «la commission scolaire doit préparer un rapport annuel qui fait mention, de manière distincte, pour chacune de ses écoles, du nombre d'actes d'intimidation ou de violence qui ont été portés à la connaissance du directeur général de la commission scolaire par le directeur de l'école [...] la nature de ces actes. [Et] elle doit en outre y faire état des interventions qui ont été faites en vue d'améliorer les résultats», de l'école, en regard de la lutte. Ça fait que je veux juste savoir si je vous suis bien, parce que je pense qu'on parle de choses un petit peu différentes. Mais néanmoins, par rapport à cet article-là, est-ce que vous me dites: Oui, je devrais connaître la nature des actes? On dit: «le nombre d'actes», et ensuite: «Elle doit en outre faire état des interventions qui ont été faites en vue d'améliorer les choses.» Est-ce que vous me dites: On devrait plus s'attarder à la question de qu'est-ce qui a été fait dans chaque école, et que vous, vous me recommandez qu'on abandonne, je vais dire ça comme ça, là, l'idée que nous sachions le nombre de problématiques d'intimidation qu'un directeur d'école aura à porter à l'attention du directeur de la commission scolaire, qu'on ne rende pas ça public? Et est-ce que vous êtes quand même d'accord pour dire que, s'il y a eu une problématique d'intimidation ayant demandé à un directeur d'école d'intervenir, là, ou de s'en occuper, parce que ça peut... Est-ce que vous êtes d'accord pour dire: Ça doit être porté à l'attention de la commission scolaire?

**(19 h 50)**

M. Beauregard (Cédrick): Je pense, en fait, qu'il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, surtout dans un dossier aussi important que ça, et de dire: Oui, j'ai eu, par exemple, dans l'année, dans mon école, 10 actes d'intimidation qui ont été portés et j'ai été en mesure d'intervenir dans huit cas; voici de quelle façon je suis intervenu pour tels types d'actes qui ont été commis. Si, dans deux cas, on n'a pas été en mesure d'intervenir, il faut savoir pourquoi pour que, dans une année prochaine, on n'arrive pas avec le même résultat et qu'on soit capable d'intervenir et de pouvoir définir pourquoi qu'on n'est pas intervenu l'année précédente. Je pense qu'il faut être capable de tracer ce qui a été fait, ce qui a été bien fait, ce qui a fonctionné ou ce qui n'a pas fonctionné.

Donc, à notre avis, à la fondation, il ne faut pas le cacher. Il faut être capable de le dire, dans un processus d'amélioration de l'intervention et non dans un processus de divulguer pour divulguer, cataloguer les écoles, mais vraiment dans un processus: Non, j'ai eu 10 cas, je suis intervenu à 10 reprises. C'est parfait. C'est un score de 100 %. Donc, on le voit de façon positive et non de façon négative pour répertorier, en fait, que l'école est plus violente que d'autres.

Mme Beauchamp: O.K. Je veux juste savoir si je comprends bien. Est-ce que vous êtes en train de me dire quand même, donc... Parce qu'au début, là, on a eu des débats, ça disait: Il faudrait plutôt que ça soit un rapport de type qualitatif, qu'on ne retrouve pas le quantitatif. Vous, je vous entends quand même dire: On doit nommer tout, mais en insistant sur quelles sortes d'interventions ça a entraînées et que, s'il n'y en a pas eu, qu'on se le dise aussi. C'est plus comme ça que je...

M. Roy (Jasmin): Voilà.

Mme Beauchamp: Mais vous êtes aussi d'accord avec le fait qu'on nomme toutes les... qu'on sache combien il y a eu d'interventions ou en tout cas d'actes ayant demandé à ce qu'un directeur dise à un directeur de la commission scolaire: J'ai dû intervenir. O.K.

Maintenant, je veux aussi revenir sur votre recommandation où vous me parlez qu'on exige que, dans chaque école du Québec, une personne soit libérée une journée par semaine. Je veux plus vous entendre sur deux éléments. Le premier, c'est que je voudrais que vous en profitiez pour nous parler un petit peu plus longuement de vos projets pilotes. J'ai moi-même amené le sujet, j'ai questionné M. Réjean Parent, qui collabore à vos enquêtes, pour qu'il nous en parle un peu. Là, je ne peux pas passer à côté, il faut que je vous demande de nous en parler plus. C'est des projets pilotes intéressants.

Puis donc parlez-nous de ça et pourquoi vous insistez notamment sur la notion d'une personne libérée une journée par semaine. Mais après ça je veux aussi, quand même, vous entendre sur le fait que plusieurs intervenants, à la fois des directions de commission scolaire ou des directeurs d'école, sont aussi venus dire: Laissez une marge de manoeuvre à la direction de l'école. Puis il y a eu des exemples donnés, par exemple en disant: Il y a de toutes petites écoles, est-ce que ça demande le même type d'intervention que dans des plus grandes écoles? Ça fait que je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est vraiment nécessaire de faire une règle légale? C'est une question que je me pose. Mais je veux vous entendre nous parler surtout, là, de qu'est-ce qui se passe exactement dans vos projets pilotes.

M. Roy (Jasmin): O.K. Nous autres, premièrement, c'est la direction d'école qui mandate une personne. On ne fait pas d'ingérence. Donc, c'est la direction qui mandate une personne, qui veut bien porter le chapeau aussi, parce que c'est un dossier qui n'est pas simple, pas facile, quand on dit de libérer cette personne-là. Évidemment, tant qu'on n'aura pas fait le portrait clair de tout ce qui se passe dans nos écoles, c'est dur de mesurer si une journée c'est trop, pas suffisant. Donc, nous autres, on pense que c'est un minimum pour partir, surtout pour les premières années, pour justement être capable de tracer le portrait des écoles, ça prend beaucoup de temps, ce n'est pas simple, et aussi d'être capable de bien intervenir.

Parce que, sur le terrain, ce que je constate personnellement, parce que j'ai visité beaucoup d'écoles, c'est qu'il y a un problème organisationnel présentement. Souvent, les... Je dirais même que, dans les commissions scolaires, il y a des gens qui portent le chapeau du dossier violence et intimidation et qui ne savent même pas comment tracer présentement un portrait de leurs écoles face à ce dossier-là, et ça, c'est préoccupant. Et je vois beaucoup de problèmes organisationnels, en ce sens que présentement je sens une volonté du milieu de dire: Oui, on veut faire quelque chose de plus, et souvent... Et même, la semaine dernière, j'étais du côté de Sherbrooke, je donnais une conférence auprès des enseignants, ils me disaient: On ne sait pas quoi faire, on a besoin d'être organisés. Et je crois que cette personne-là, si elle porte le chapeau comme elle le fait dans les écoles... On a le temps aussi de faire venir, nous autres, Camille Sanfaçon, qui vient les aiguiller sur comment tracer leur portrait, sur comment s'organiser aussi, comment intervenir -- des fois, on intervient mal, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de formation... Quand ils ont leurs bacs en éducation, souvent ils n'ont pas beaucoup de formation sur comment intervenir -- donc comment on déploie sur le terrain, intervention 100 %. Et tout ça, c'est organisationnel. Et ça prend du temps, ça prend beaucoup de temps.

Et en plus il faut... Pour nous autres, ce qu'on fait dans nos projets pilotes aussi, c'est qu'il y a un comité-école. On mobilise autant les élèves autour du dossier que des enseignants, des intervenants, les parents. On travaille beaucoup sur le bénévolat. On travaille sur la communauté en entier, même à l'extérieur de l'école. Du côté de Saint-Sulpice, un projet pilote dans une école primaire, qui est exceptionnel à mon avis, ils ont même été chercher des finissants au cégep, des finissants qui travaillent... qui veulent devenir travailleur social. Et ils ont fait même un sondage auprès de la population pour savoir qu'est-ce que la population connaissait de l'intimidation, qu'est-ce qu'ils voulaient connaître. Donc, on travaille aussi à l'extérieur, parce que je crois fondamentalement que ce n'est pas qu'à l'école que revient tout le dossier de l'intimidation. Ça revient aussi à la communauté.

Donc, tout ça, ça prend du temps. Et je crois qu'une journée par semaine, présentement, avec ce que je constate sur le terrain, c'est le minimum pour qu'on puisse réussir et aller dans la bonne direction. Est-ce que tu voulais...

M. Beauregard (Cédrick): Oui, juste rajouter. En fait, on ne voudrait pas se retrouver dans une situation où on ajoute cette responsabilité-là à un enseignant ou à une personne qui est déjà en place dans l'école et que ça se retrouve sur le coin du bureau parce qu'ils sont surchargés. On le sait que les gens dans les écoles en ont déjà beaucoup à faire. Ils font un travail exemplaire, mais il faut leur donner un peu d'oxygène si on veut qu'ils s'occupent adéquatement de ce dossier-là.

C'est pour ça que nous, on demande qu'il y ait une libération. Si, après un an, on va dire, dans une petite école -- parce que vous souleviez un point -- que c'est une demi-journée, parce qu'ils ont 150 élèves, on pourra ajuster. Mais, dans un premier temps, il y a tout un travail de mise en place d'activités, de faire passer des questionnaires, d'organiser les questionnaires. Donc, il y a vraiment un travail, surtout de démarrage, qui nécessite du temps et de l'énergie, et il ne faut pas que ça se fasse sur un coin de bureau.

M. Roy (Jasmin): Je voudrais juste rajouter quelque chose, si vous me le permettez. Présentement, j'ai l'impression que, collectivement au Québec... Parce que j'ai toujours dit qu'on était une société d'avant-garde, je pense que, collectivement au Québec, on est en train de faire le même travail qu'on a fait auprès des enfants battus et de la violence conjugale dans les années 60. On a déployé, comme société, des ressources justement pour faire face à ces situations-là. Pourquoi? Parce qu'à un moment donné, comme société, on a dit que c'était inacceptable. Et justement, aujourd'hui, avec ce qu'on connaît de l'intimidation, surtout au niveau du décrochage scolaire et de la santé mentale de nos jeunes, je pense qu'il faut déployer aussi les ressources nécessaires, comme on a fait dans ces années-là pour contrer aussi la violence conjugale et la violence chez les enfants.

Mme Beauchamp: Je vous écoute, puis je vous écoute avec beaucoup de respect. Maintenant, dans vos réponses, vous indiquez vous-mêmes que, tant qu'il n'y a pas une connaissance plus fine encore de la situation dans chaque école, il est difficile de trancher sur quelle est l'intensité des efforts qu'on doit y déployer. Or, votre recommandation, je sais que je dois la lire... sûrement je dois lire entre les lignes, mais votre recommandation est de modifier un article de loi en disant «une personne en charge du dossier libérée un jour par semaine». Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, je retiens de votre commentaire... mais je ne suis pas certaine que votre commentaire s'inscrit dans une loi qui prescrit la même chose à tout le monde, dans un contexte où vous me dites en même temps: Je n'ai pas tout à fait encore la bonne connaissance de ce qu'il se passe dans chaque école, et tout ça. Ça fait que j'ai un peu le goût de vous demander...

Moi, je trouve ça intéressant, à la lumière de vos projets pilotes, ce que vous recommandez. Ça me semble être des interventions de type -- justement je veux reprendre votre expression -- organisationnel extrêmement précises, qui relèvent aussi de pouvoirs de gestion, là, dans une école, de la direction de l'école, et tout ça. Est-ce que, pour atteindre l'objectif, que je respecte, qui est de dire: Il faut éviter que ce soit banalisé, il faut éviter que ce soit un dossier mis sur le bureau de quelqu'un qui dit: Ah oui! «by the way», il faudrait bien qu'une fois dans l'année je montre que ça m'intéresse, là, puis qu'après ça c'est oublié... Est-ce que vous pouvez me recommander un autre élément que d'en faire un article de loi? Parce que, par un article de loi, je ne crois pas que ce soit le bon mécanisme. Parce que, vous savez, la loi, elle doit être intemporelle. Et là on est en train de dire que ce n'est peut-être pas assez mûr pour qu'on dise que c'est une journée par semaine dans toutes les écoles du Québec, peu importe le portrait, puis peu importe la grosseur de l'école, et tout ça. Est-ce que vous voyez un autre mécanisme qui peut nous aider à dire: Il y a une prise en charge réelle de ce dossier-là dans une école, sans que ça soit par un article de loi?

**(20 heures)**

M. Beauregard (Cédrick): En fait, un... Bon, évidemment, nous ne sommes pas légistes de notre côté. Et vous avez le pouvoir de par la suite modifier ou amender le projet de loi. Évidemment, je pense que vous comprenez le sens qu'on veut donner à cette personne... en fait à cet article de loi qui nécessite la désignation de quelqu'un pour s'occuper du dossier. Nous, l'aspect qui est vraiment important pour nous, c'est la libération, il faut que cette personne-là ait du temps. Est-ce que c'est une journée, une demi-journée? Si, dans un cadre de projet de loi, il n'est pas possible d'indiquer une journée comme ça qui est très stricte, qui s'applique à toutes les écoles, il faut au moins retrouver, selon nous, l'aspect de la libération.

Ça fait que cette personne-là, à la discrétion de la direction d'école, en fonction de sa clientèle, en fonction de son milieu, mais cette personne doit être libérée, ça doit être inclus dans sa tâche, et non un ajout à une tâche qui est déjà fort chargée. Donc, la libération peut être à la discrétion de la direction de l'école, qui connaît très bien sa clientèle, mais il doit avoir un aspect de libération, selon nous.

Le Président (M. Marsan): En terminant.

Mme Beauchamp: Je vais reprendre les propos du député de Jonquière, qui a déjà dit plus tôt dans la journée: On n'en a pas assez parlé autour de cette table, et c'est vrai, est-ce que vous pouvez commenter rapidement -- puis je sais que vous avez de l'expérience aussi là-dedans -- la problématique de la cyberintimidation et nous dire si vous jugez si le projet de loi va assez loin et comment vous voyez vraiment le rôle de l'école, et de la direction d'école, et du personnel de l'école? Je ne veux pas reprendre tout ce que la loi dit, là, mais elle le nomme à certains éléments. Mais j'ai besoin de vous entendre sur ces questions, quand vous dites: Ça concerne plus largement que juste l'école, mais en même temps l'école doit faire partie de la solution à ça aussi. Donc, je vous laisse commenter, là, sur toute la problématique de la cyberintimidation.

M. Beauregard (Cédrick): Dans un premier temps, je pense que c'est... En tout cas, nous, on a été très heureux de voir que, dans la définition, même si elle n'est pas complète, selon nous, qu'il manque des éléments, on retrouve le terme de cyberintimidation en début de projet de loi. Donc, on reconnaît qu'il y a ici un problème auquel il faut s'attaquer, un problème nouveau avec l'apparition de Facebook, Twitter, les téléphones intelligents dans les mains des jeunes à l'école.

Effectivement, il y a une responsabilité à partager dans ce dossier-là. L'école est capable d'instruire, hein, sur la façon d'utiliser de façon intelligente tous ces réseaux sociaux et ces téléphones-là, et leur faire comprendre, aux jeunes, que, lorsqu'on parle ou qu'on met des photos sur Facebook, c'est comme si on le faisait au grand public, dans la rue, devant une foule de milliers de personnes. Les jeunes n'ont pas... sont nés avec ça dans les mains, ils n'ont pas toujours cette conscience-là. Je pense que l'école peut jouer un rôle, il y a un rôle d'apprentissage à faire. Les parents sont souvent dépassés par tout ça, parce que ce n'est pas nécessairement de leur génération. L'école doit pouvoir remplir ce rôle-là. Et il y a un travail de collaboration qui doit être fait avec les parents. Les parents doivent être partie prenante de cette éducation-là, en collaboration avec l'école, c'est inévitable, de pouvoir faire en sorte qu'il y ait une continuité, en fait, dans l'approche que l'école va instaurer sur l'utilisation de ces réseaux-là. On le sait, déjà, dans certaines écoles, Facebook ou Twitter, c'est bloqué; mais je ne pense pas que ça empêche un enseignement qui est fait auprès des élèves.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine cette première période d'échange. Nous allons poursuivre avec le député de Jonquière, qui est le porte-parole en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député, la parole est à vous.

M. Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à cette commission. Et, à mon tour, je veux reconnaître le travail exceptionnel que vous faites. On entend parler de vous à travers le Québec, alors c'est en soi un signe que votre oeuvre fait des petits et contribue, à terme, à éliminer -- à tout le moins réduire, on le souhaite, éliminer -- l'intimidation. Et je veux vous manifester, particulièrement à M. Roy, toute ma solidarité, ayant été moi-même victime d'intimidation aussi dans ma jeunesse. Alors, je vous félicite pour le travail que vous faites, puis l'énergie que vous y mettez, et le talent que vous avez eu de mettre ça sur la place publique et ainsi d'en faire un enjeu de société.

J'aimerais vous interpeller particulièrement sur le sens qu'on doit accorder à l'intimidation, sur la définition qu'on doit accorder à l'intimidation et à la violence également. J'ai vu que, dans votre mémoire, vous suggérez une définition de la violence. Vous n'êtes pas le premier à nous l'amener, parce que la loi s'appelle Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école, mais bizarrement il y a comme un vide quant à la définition de la violence. J'ai vu également que vous suggérez de reprendre le terme proposé par l'Office québécois de la langue française en ce qui concerne la définition de l'intimidation.

Mais je voudrais qu'on parle un petit peu plus du fond des choses, et c'est ce que je trouve intéressant en vous recevant ce soir, parce que, sans diminuer ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, au contraire, on a beaucoup été sur la mécanique, sur l'application dans l'école, etc., ce qui est extrêmement important, mais j'aimerais vous entendre un peu plus sur la manière, malheureusement, dont se déroule l'intimidation. Évidemment, vous mettez beaucoup l'accent sur l'homophobie, et c'est correct, et je sais que c'est un phénomène qui est très répandu, trop répandu malheureusement, mais j'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus mais aussi sur les autres formes d'intimidation. Si je reprends un peu le modèle de la Charte des droits et libertés, vous savez, on parle de motifs de discrimination qui sont reliés à, justement, l'orientation sexuelle, mais il y a aussi la grossesse, l'origine ethnique, l'origine sociale, la couleur, bon, le sexe, etc. Est-ce que vous êtes capables d'identifier des motifs d'intimidation et certains qui ressortent plus que d'autres?

M. Roy (Jasmin): Je pense que c'est une question en deux volets. Tu veux apporter la définition?

M. Beauregard (Cédrick): Oui, pour la définition, en fait, évidemment, nous, on utilise, à la fondation, la définition de l'Office québécois de la langue française, surtout qu'elle met un accent précis sur le milieu scolaire. Et, comme Jasmin l'a dit en début d'allocution, on parle d'actes répétés, d'un rapport de domination d'une personne sur une autre, des mots qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi et qui sont, pour nous, très importants. Ça fait ainsi la distinction entre le conflit entre une personne... Une bagarre peut être un conflit, ce n'est pas de l'intimidation. Une violence verbale, c'est un conflit. Pour que ce soit de l'intimidation, il faut que ce soit du long terme, des actes répétés. C'est pour ça que nous, une combinaison des deux... On ne rejette pas ce qu'on retrouve dans le projet de loi, on pense qu'une combinaison des deux éléments pourrait faire une définition beaucoup plus complète et qui permettrait vraiment, là, d'englober tout ce qui touche l'intimidation en milieu scolaire.

Pour la violence, je vais laisser le soin, là, à la commission de pouvoir trouver une définition qui correspond à ce qu'est la violence. Je pense qu'on peut en trouver dans des dictionnaires terminologiques, ce n'est pas vraiment le coeur du problème. Nous, on trouvait qu'il y avait un manque, en fait, dans le projet de loi. La violence, on peut facilement trouver une définition qui va vraiment bien dire ce que ça peut être, et vous pourrez ensuite en débattre ensemble.

M. Roy (Jasmin): On est une petite fondation encore, hein, nous autres, c'est mon seul employé. Alors, je veux juste... Par rapport à votre deuxième question, par rapport à l'intimidation que l'on retrouve sur le terrain, je pourrais vous dire qu'honnêtement ce n'est pas parce que je mise plus sur l'homophobie que sur d'autres formes d'intimidation, je pense plus que ça s'inscrit dans la politique de lutte à l'homophobie du gouvernement libéral, qui a été déposée l'année passée et qui a été saluée par tout le monde.

Alors, je pense qu'au contraire il faut continuer dans cet avancement-là. Pourquoi? Parce que, du côté des garçons -- si on veut faire les grandes lignes, je vais vous les donner, les grandes lignes -- on va s'intimider beaucoup à partir de notre force physique et notre performance physique, donc: Est-ce que je suis capable de me battre? Est-ce que je suis bon dans le sport? Et automatiquement, aussitôt qu'on n'est pas bon dans le sport ou qu'on est plus faible, on est automatiquement ostracisé, on se fait traiter de fif et de tapette. Et c'est encore très présent.

Du côté des jeunes filles, et ça, c'est très préoccupant, moi, j'en ai parlé beaucoup parce que ça me préoccupe énormément... Et je crois même qu'éventuellement il faudrait faire un peu comme... et ça, j'en parle dans mon livre aussi, mais comme on fait au mois de février pour l'histoire du droit des Noirs, qu'on enseigne dans certaines écoles, je pense que, nos jeunes filles, présentement il faut leur enseigner d'où elles viennent, donc quelle est l'histoire du droit des femmes, d'où elles sont parties. Parce que présentement nos jeunes filles s'intimident beaucoup à partir de leur apparence physique et de leur réputation avec des mots tels que «pute», «chienne», «salope», «vache» -- là, excusez-moi des mots, mais je dois quand même les prononcer -- et ça, c'est très préoccupant. J'ai l'impression qu'il y a un héritage qui ne se transmet pas. Et je crois même que, dans nos écoles, on devrait aller de l'avant et enseigner justement la lutte des gais et les lesbiennes, la lutte des femmes dans notre société, parce que j'ai l'impression justement qu'elles ne savent pas d'où elles viennent. Donc, les filles, ça se passe beaucoup à partir de l'apparence physique et de la réputation; c'est pour ça d'ailleurs que 72 % des victimes d'intimidation, c'est des jeunes filles, parce que c'est plus facile de ternir la réputation de quelqu'un sur Internet.

Il y a un volet aussi qui me préoccupe beaucoup, étant moi-même bénévole à Opération Enfant Soleil depuis sept ans, c'est le volet aussi des gens qui ont des conditions particulières. Je dirais: C'est peut-être... honnêtement, je n'ai pas mesuré, mais c'est peut-être 10 % à 15 %, là, des jeunes qui vivent de l'intimidation, des jeunes qui ont des légers handicaps: une jambe plus courte que l'autre, une petite main. Des jeunes qui ont des problèmes de développement, des problèmes d'apprentissage sont souvent ostracisés en milieu scolaire. Si automatiquement on a un handicap majeur, on dirait que ça arrête les enfants.

Donc, je crois qu'il faut travailler beaucoup sur l'empathie aussi de nos jeunes et travailler beaucoup sur l'expérience de l'autre, surtout à partir de la quatrième année, ils sont capables de se mettre à la place de l'autre. C'est le portrait. Honnêtement, je fais les grandes lignes, là.

**(20 h 10)**

M. Gaudreault: Oui, oui. Bien, j'imagine, oui. Puis je sais que, dans votre mémoire, vous avez joint des annexes dans lesquelles il y a des statistiques un petit peu plus précises, là, ou le résultat d'une enquête depuis le début de l'année scolaire, par exemple, dans une école en particulier du côté de la Mauricie.

Ça m'amène à vous questionner... Ce que vous venez de me dire, de nous dire m'amène à vous questionner un peu plus sur comment vous entrevoyez le rôle des parents là-dedans. Parce que -- là, je vais à l'excès, là -- est-ce qu'on doit remettre tout entre les mains de l'école? Mais comment interpeller les parents tout en respectant évidemment leur autonomie de parents et leur liberté d'éducation des enfants puis aussi en respectant ce qu'ils sont? Mais, quand on parle, par exemple, d'homophobie ou par rapport au traitement des jeunes filles, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, par rapport également à la cyberintimidation, alors comment on peut impliquer davantage les parents dans le projet de loi ou autrement?

M. Roy (Jasmin): C'est une grande question. Premièrement, il va falloir que les parents se sentent plus interpellés. Surtout quand on parlait de cyberintimidation, je pense qu'ils ont un devoir aussi, parental, de faire plus de surveillance à la maison. On n'a pas... On ne s'est pas penchés là-dessus encore. Nous autres, on veut se pencher là-dessus l'année prochaine, parce que je veux interpeller beaucoup les parents, parce que présentement l'école essaie de se mobiliser beaucoup.

Et, pour avoir fait l'exercice tout simple avant quelques conférences... Je demande régulièrement si les parents poussent leurs... ils les poussent à se battre dans la cour d'école. Donc, on a un travail à faire collectivement face à ça aussi, de sensibilisation, parce que présentement, encore, par tradition, on dit au jeune: Bien, laisse-toi pas faire, puis ça n'aide pas non plus le personnel d'école à se mobiliser et à travailler adéquatement. Donc, il va falloir sensibiliser beaucoup la population. C'est pour ça que j'étais content, du côté de Saint-Sulpice, qu'ils fassent des études auprès de la population à savoir qu'est-ce qu'ils connaissaient de l'intimidation, et comment ils voulaient qu'on intervienne, et quels outils ils avaient besoin.

M. Gaudreault: Je voudrais revenir sur la question des ressources. Bon. Vous plaidez fortement pour un peu reprendre votre modèle, si on veut, à succès de la Fondation Jasmin Roy et d'accorder une libération, là vous parlez d'une journée-semaine, sous réserve d'adaptabilité, je dirais, dans certains milieux, dans des écoles très petites, par exemple, mais globalement une libération d'une journée-semaine. Et je voyais dans votre mémoire, justement dans vos annexes, vous parlez de l'école... je pense que c'est l'école Grand-Mère... non, à L'Ancienne-Lorette, vous dites: «Geneviève Rouillard est la personne qui a été nommée responsable du projet de lutte à l'intimidation grâce au soutien financier de la fondation.» Alors, c'est un peu ce modèle-là que vous voyez, si on veut, quand vous dites une personne qui est libérée une journée-semaine.

Première question, puis ensuite je reviendrai rapidement, si vous permettez: Est-ce que, le dernier alinéa de l'article 11, qui dit que «le directeur de l'école doit désigner, parmi les membres du personnel, une personne chargée de coordonner les travaux d'une équipe», c'est une Geneviève Rouillard que vous voyez dans cet article-là?

M. Roy (Jasmin): En effet. En effet, oui.

M. Gaudreault: O.K. Bon, maintenant, tout ça, c'est bien beau, on est évidemment tous d'accord avec ça, moi-même, je suis convaincu de ça, j'ai eu l'occasion de le dire déjà sur d'autres tribunes, mais, à partir du moment où on a des intentions, le faire atterrir ou la réalité, c'est autre chose.

On a eu des propositions, entre autres venant de la Centrale des syndicats du Québec, qui nous a proposé de faire des amendements qui diraient que le ministre devrait allouer «aux écoles les sommes nécessaires pour désigner, parmi les membres du personnel de l'établissement d'enseignement, une personne chargée de coordonner les travaux d'une équipe qu'il doit constituer en vue de lutter contre l'intimidation et la violence», donc d'inclure dans le projet de loi, carrément, une obligation en termes d'allocation de ressources. Seriez-vous d'accord avec un amendement de ce type?

M. Beauregard (Cédrick): En fait, on croit, à la fondation, que les écoles doivent avoir plus d'autonomie sur la gestion quotidienne de leurs activités, notamment en matière de lutte contre l'intimidation. Si je prends le cas, par exemple, de l'école secondaire du Rocher à Grand-Mère, le 10 000 $ qu'on a versé à l'école à titre de soutien financier pour le projet de loi... pour le projet pilote, en fait l'argent a été versé à l'école, via la commission scolaire inévitablement, mais c'est l'école qui en fait la gestion quotidienne, et c'est l'école qui a pris la décision: dans la tâche de la psychologue, sur les cinq jours qu'elle est à l'école, il y a quatre jours, elle joue son rôle de psychologue et, il y a une journée, elle est dédiée aux dossiers de lutte contre l'intimidation. Donc, c'est un choix de la direction d'école.

Évidemment, il y a un travail de partenariat qui se fait avec la commission scolaire, on le sait, le déploiement des ressources humaines sur le territoire, c'est une responsabilité des commissions scolaires, mais ultimement cette décision-là revient à la direction pour la définition de la tâche au quotidien. Donc, il y a un travail de partenariat, mais nous, on croit, à la fondation, que les écoles doivent avoir plus d'autonomie sur la gestion financière des sommes liées à la lutte contre l'intimidation, c'est eux qui connaissent la réalité au quotidien, c'est eux qui la vivent, la réalité avec les jeunes, et qui connaissent bien tous les problèmes qui peuvent se présenter. Donc, ce n'est pas nécessairement au siège social de la commission scolaire que les décisions peuvent être prises sur des actes qui peuvent être perpétrés au quotidien entre les quatre murs de l'école.

M. Gaudreault: Je suis d'accord avec vous et je pense qu'il n'y a pas mieux que l'école elle-même pour désigner qui, dans son institution, est le mieux placé. Dans une école, ça peut être le psychologue. Dans une autre école, ça peut être l'animateur de vie spirituelle et communautaire. Dans une autre école, ça peut être un prof d'éducation physique. Mais, en bout de ligne, si on dit que ça prend une journée-semaine, je veux dire, il va... Si la psychologue dont vous me parlez, elle fait quatre jours dans son travail de psychologue et une journée à l'intimidation, bien, ça veut dire qu'il manque une journée de travail de psychologue, là. Parce qu'il y a aussi des besoins à cet égard-là. Alors, est-ce qu'il n'y a pas un problème d'allocation de ressources au point de départ?

M. Beauregard (Cédrick): L'an passé, la psychologue qui est en poste à l'école de Grand-Mère, elle était à l'école du Rocher quatre jours-semaine et elle faisait une journée dans une école primaire. Donc, on a placé quelqu'un d'autre à l'école primaire, et la psychologue de l'école se consacre cinq jours-semaine à l'école du Rocher, et, il y a une journée, elle est sur le dossier de lutte contre l'intimidation. Et on permet avec le 10 000 $ qu'on a versé de compenser le salaire, organiser des activités. Ça, c'est un choix qui revient à la direction, puis nous, on maintient que c'est la direction qui doit continuer à avoir ce pouvoir décisionnel là de qui est en place, et combien de temps, et qu'est-ce qu'on fait avec l'argent.

M. Gaudreault: Oui, je suis d'accord avec vous, sauf que...

M. Beauregard (Cédrick): Mais ça peut être pour n'importe qui.

M. Gaudreault: ...vous me dites que ça a pris 10 000 $ par année pour ce prof-là... bien, pas ce prof-là, mais cette psychologue-là dans cette école-là.

M. Roy (Jasmin): Bien, nous autres, on est en projet pilote, je tiens juste à le spécifier. Un projet pilote, il faut mesurer ce qu'on fait, c'est très important. Et on devra voir aussi... Parce qu'on veut prolonger ça aussi, il faut mesurer, il faut voir aussi si c'est adéquat. Comme disait Mme la ministre tout à l'heure, peut-être que, dans certaines écoles, ça va prendre une demi-journée, peut-être que, dans d'autres écoles où le milieu est plus difficile, ça va prendre deux journées. Mais présentement ce qu'on constate, c'est toute l'organisation... il y a un problème organisationnel. Puis ça, il faut le mobiliser, et il faut le faire rapidement, parce qu'on sent très bien dans la population que les gens sont préoccupés par cette réalité-là. Donc, il faut le faire rapidement, donc avancer ça rapidement sur le terrain.

M. Gaudreault: O.K. Un autre dossier... ou une autre question plutôt. On a eu des témoignages ici qui nous demandaient... qui nous recommandaient plutôt d'étendre au secteur adulte le...

Une voix: ...

M. Gaudreault: Bien, oui, au secteur adulte ou formation professionnelle, là. Vous savez, c'est les écoles de formation professionnelle de 16 ans et plus, là. Est-ce que vous êtes d'accord avec une telle recommandation?

M. Roy (Jasmin): Nous autres, on ne couvre pas le secteur adulte, À la fondation, c'est primaire et secondaire seulement. Je crois que les adultes ont déjà assez de ressources présentement; personnellement -- là, je ne parle pas au nom de la fondation, je parle en mon nom, Jasmin Roy -- je pense que présentement il y a déjà des ressources pour les adultes. Ce qu'on manque présentement, c'est des ressources pour les élèves du primaire et secondaire, pour nous autres. Mais c'est notre priorité, c'est notre mandat, on ne peut pas vraiment aller plus loin que ça.

**(20 h 20)**

M. Beauregard (Cédrick): Mais il serait peut-être bien -- ce n'est pas une recommandation, mais on est dans un échange actuellement -- peut-être de revoir lorsqu'on... C'est certain que, lorsqu'on parle de directeur d'école, hein, on envoie un signal qu'on se limite... on oublie les établissements d'enseignement professionnels. Il serait peut-être bien de revoir la formule pour parler de directeur d'établissement et non seulement de directeur d'école. On pourrait peut-être inclure de cette façon-là les centres professionnels pour les gens de 16 ans. Mais, comme Jasmin vient de dire, ce n'est pas notre expertise, là. Nous, on est vraiment consacrés au primaire, secondaire et à la relation avec les commissions scolaires, on parle des gens... des mineurs, donc c'est plus notre champ d'expertise, à la fondation.

M. Gaudreault: Comment vous voyez le rôle de la police dans la lutte contre l'intimidation? Il y a un article dans la loi, l'article 16, qui vise à modifier l'article 214.1 de la Loi sur l'instruction publique, qui vise à créer des relations avec le corps de police qui dessert les territoires des établissements. Alors, comment vous voyez ça, le rôle de la police dans les écoles?

M. Beauregard (Cédrick): En fait, il ne faut pas le voir, je crois, d'une façon répressive, mais d'une façon positive. Il existe déjà beaucoup d'agents sociocommunautaires qui sont déjà présents dans les écoles, ils font un travail exceptionnel. Ils ont mis en place des activités, des brigades contre l'intimidation. Il y a un travail positif qui est fait avec eux. Ils ne font pas un travail de répression.

Toutefois, on se rappellera un cas en Mauricie où un jeune qui était victime d'intimidation est allé poignarder un autre jeune. Ça nécessite, dans un cas comme ça, l'intervention policière, on parle d'un acte criminel qui a été posé. Donc, il faut être capable d'intervenir rapidement.

Et on n'est pas du tout en désaccord avec la signature ou la conclusion d'une entente de partenariat avec les corps policiers, ils sont capables de transmettre de l'information, de donner des conférences à des jeunes sur des termes que l'équipe-école n'est peut-être pas en mesure de faire. Et en plus ça nous permettrait possiblement d'inclure, comme on l'a fait pour notre proposition concernant le transport scolaire, de... Par exemple, comme les brigadiers qui s'assurent de la sécurité des jeunes qui marchent pour aller à l'école, ils prendront une entente similaire d'avoir des brigadiers scolaires dans les autobus lorsque... les jeunes qui voyagent en autobus pour faire le même trajet que les jeunes qui se déplacent à pied soient aussi protégés.

Les brigadiers scolaires sont aussi un rempart parfois pour des jeunes qui sont victimes d'intimidation, qui ont un problème de sécurité. Qu'est-ce qu'on fait des jeunes qui sont dans l'autobus, qui sont dans un endroit clos? Ils ne peuvent pas sortir. Le chauffeur est occupé à conduire, et sa priorité, c'est la sécurité sur la route. Dans une demande à l'école, par une plainte d'un parent ou par la demande du chauffeur, le service de police pourrait offrir ce service-là, là, de brigadiers au sein même des autobus.

M. Roy (Jasmin): Moi, je peux juste rajouter que j'ai visité beaucoup d'écoles -- en terminant, peut-être -- mais les policiers sont assez présents dans les écoles et assez impliqués dans la majorité des milieux déjà.

M. Gaudreault: O.K. Maintenant, peut-être une dernière question, vous suggérez un accompagnement à la suspension. Bon, est-ce que vous avez quelques suggestions plus précises à nous faire à cet égard, outre de dire: On propose un accompagnement à la suspension?

M. Beauregard (Cédrick): Bien, enfin, on croit que... Évidemment, là, l'accompagnement, ce n'est pas la spécialité de notre fondation, sauf que, dans nos partenariats qu'on a avec divers organismes, dont le YMCA, on sait que le YMCA a développé ce qu'on appelle Alternative Suspension, qui permet d'accompagner les jeunes lorsqu'ils sont suspendus pour éviter qu'ils se retrouvent à la maison dans ce qu'eux-mêmes qualifient souvent de vacances, entre guillemets. Ils sont sur Internet, ils ne considèrent pas la suspension comme étant une sanction et ils ne sont pas en mesure de pouvoir comprendre la portée des gestes qu'ils ont posés.

Puis, on le dit, on ne veut pas réinventer la roue avec une proposition comme ça, mais de s'inspirer des belles histoires, des cas qui existent déjà, là, de suivi et d'accompagnement auprès des jeunes en... qui sont suspendus. Il existe, dans certaines écoles, des locaux qui permettent d'accueillir ces jeunes-là durant le temps scolaire, mais on leur fait faire du travail. Ça doit être un moment qui leur permet de réfléchir sur les actes qu'ils ont posés pour éviter que ça se reproduise lorsqu'ils réintégreront la classe.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Jasmin Roy, M. Cédrick Beauregard, pour nous avoir donné le point de vue de la Fondation Jasmin Roy.

J'inviterais maintenant les représentants de Gai Écoute à venir prendre place et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 24)

 

(Reprise à 20 h 26)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons M. Laurent McCutcheon, à qui je vais demander... et qui représente le groupe Gai Écoute. Et je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez par la suite 15 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 56.

Gai Écoute

M. McCutcheon (Laurent): M. Guillaume Fortin.

M. Fortin (Guillaume): Oui. Je suis intervenant à Gai Écoute depuis 2006. Donc, je travaille là-bas. Je reçois des appels des gens qui nous appellent. Je réponds à des courriels puis j'offre aussi le service de clavardage, de référence, donc, au sein de l'organisme.

Le Président (M. Marsan): M. McCutcheon, c'est à vous.

M. McCutcheon (Laurent): Alors, je suis le président de Gai Écoute et de la Fondation Émergence. Je suis à Gai Écoute depuis plus de 30 ans. J'ai consacré ma vie à la représentation des personnes homosexuelles et venir en aide aux personnes en difficulté.

J'ai l'habitude de cette salle, j'y suis venu pour des raisons professionnelles à plusieurs reprises -- l'an dernier, en 2011, j'ai reçu, dans cette salle, le Prix Justice Québec des mains du ministre de la Justice -- et je vous avoue que c'est la première fois que je me sens aussi démuni à venir dans cette salle, je vais vous expliquer pourquoi.

Quand j'ai vu le projet de loi, j'ai dit: Bon, je pense que Gai Écoute, on a 30 ans d'expérience, on devrait aller faire des représentations, et j'ai commencé à écrire un mémoire, et je pense que je l'ai réécrit à peu près sept ou huit fois, parce que cerner l'homophobie à l'intérieur de l'intimidation, ça m'est apparu un exercice à peu près impossible pour moi, d'arriver vraiment à cerner la problématique, la situer à l'intérieur de l'intimidation, puis voir qu'est-ce qu'on peut en faire. Donc, j'ai fait cet exercice-là en me rappelant un peu tout ce que j'avais pu vivre personnellement quand j'étais jeune et à partir des expériences de Gai Écoute, et je vais vous livrer un peu le fruit de mes réflexions.

Mais je dois vous dire, d'entrée de jeu, que nous n'avons pas de solution pratique au phénomène de l'homophobie en milieu scolaire. C'est un phénomène tellement complexe qu'on n'a malheureusement pas de solution miracle. Et, la principale particularité, je pense qu'on peut se référer... puis là peut-être que je saute des pages, mais en tout cas la définition d'un acte d'intimidation, qu'est-ce que c'est qu'un acte d'intimidation, c'est un geste, c'est quelque chose qu'on pose, alors que l'homophobie, c'est une attitude, O.K.? Et une attitude, ça se passe entre les deux oreilles, et c'est quasiment impossible de punir, de sanctionner une attitude, O.K.? Et, par rapport à l'homosexualité, c'est la problématique.

Et, quand on est victime d'homophobie, on n'est pas victime physiquement; ça peut arriver un geste d'intimidation physique comme ça peut arriver pour les autres formes d'intimidation, mais je pense qu'on s'attaque à l'identité de la personne. Et, quand on s'en prend à l'identité, c'est excessivement complexe. Et, quand on est jeune, qu'on est dans la période de développement de son identité, de son identité sexuelle, qu'on est à l'âge de la puberté... Je pense qu'on parle de ces enfants-là qui sont dans nos écoles. Donc, ils sont confrontés à la découverte de l'orientation sexuelle et au fait de devoir assumer ça dans un contexte scolaire et social qui a l'habitude de réprimer socialement l'homosexualité, pas de façon aussi manifeste qu'on le faisait quand j'étais jeune, parce qu'aujourd'hui on est plus au niveau des attitudes, alors qu'autrefois c'était beaucoup plus violent. À titre d'exemple, j'arrive de trois jours dans la région du député de Jonquière et... Pardon?

**(20 h 30)**

Une voix: ...

M. McCutcheon (Laurent): Très belle région, d'ailleurs, oui. Mais je suis revenu. Et, quand j'ai quitté... Je suis allé faire plusieurs présentations, des conférences, et à la fin j'ai dit que j'avais une tristesse, au moment de quitter, parce que, dans cette région, puis c'est la même chose dans les autres régions, on a essayé de trouver des porte-parole, des homosexuels, des gens qui pouvaient parler des réalités homosexuelles. Dans la région du Saguenay, on a trouvé une organisation illicite qui comprend 75 personnes qui se réunissent dans un village en banlieue de Chicoutimi. Il n'y a pas d'association, il n'y a pas de porte-parole, il n'y a pas d'organisation capable de parler d'homosexualité dans cette région. Il y a peut-être eu un député, à un moment donné, qui est toujours présent, qui a eu le courage de le faire, mais de façon générale c'est quand même un phénomène excessivement complexe. Donc, je vais vous parler un peu de ça.

Et, Mme la ministre, vous avez dit tout à l'heure qu'il faut nommer les choses, et je suis de cet avis, qu'il faut nommer les choses, et c'est la première recommandation que l'on fait: dans le titre du projet de loi, on propose d'y ajouter l'homophobie. Donc, c'est une loi qui devrait s'intituler Loi visant à lutter contre l'intimidation, l'homophobie et la violence à l'école, parce que, si on ne la nomme pas, j'ai peur qu'elle soit non perceptible.

Je vous parle un petit peu de Gai Écoute rapidement. On est là depuis 30 ans. On reçoit 15 000 à 20 000 appels par année. Je ne sais pas si vous allez être surpris d'entendre qu'on n'a pas beaucoup d'enfants qui nous appellent, chez nous, mais on a beaucoup de parents qui nous appellent et de parents qui nous parlent de leurs enfants homosexuels. Parce que, quand on est à la puberté, on ne téléphone pas très souvent dans les lignes d'écoute pour parler d'homosexualité, de la découverte de son orientation sexuelle. Donc, nous recevons des appels de parents qui sont inquiets.

Et j'ai recueilli... Je vous ferai part plus loin de témoignages, mais pas des témoignages de jeunes enfants victimes d'intimidation, mais de jeunes adultes, comme notre député de Jonquière nous a dit tout à l'heure, qu'il a été victime d'intimidation quand il était jeune. Donc, les gens en témoignent une fois qu'ils en sont sortis, quand ils sont devenus adultes. C'est ça, le phénomène de l'intimidation sous la forme de l'homophobie, parce que l'homophobie, c'est une forme de discrimination ou une forme d'intimidation.

Donc, comme l'a dit mon collègue, nous offrons aussi des services d'Internet, et de plus en plus nous offrons des services. Les jeunes, aujourd'hui, ne téléphonent plus, ils clavardent. Donc, on a installé des services d'aide par courriel, des services de clavardage, et nous clavardons en direct, de façon privée, avec des professionnels comme Guillaume... est ici, qui peut clavarder en direct avec les jeunes par le biais de nos programmes.

Donc, on a des banques de ressources, on a toutes les ressources qui existent au Québec qui sont dans une banque informatisée. Nous sommes à l'origine de la création de la Fondation Émergence, qui est à l'origine de la Journée internationale de lutte contre l'homophobie, qui est connue maintenant un peu partout à la grandeur le monde, c'est une création de nos organisations. On reçoit, l'été, les personnalités publiques. J'ai vu M. Gaudreault déjà, et peut-être que, l'été prochain, nous verrons la ministre de l'Éducation dans le défilé -- mais je crois que vous êtes déjà venue, hein? Oui?

Une voix: ...

M. McCutcheon (Laurent): Oui. Voilà. Donc, j'espère que vous y serez encore. On est aussi partenaire et on apprécie le programme Moi, j'agis, où Gai Écoute est inscrit dans les ressources, dans le programme Moi, j'agis, auprès des jeunes. Nous sommes à créer un registre des actes homophobes, un registre qui sera anonyme et confidentiel, de façon à ce que les gens puissent déclarer des actes homophobes ou des actes d'intimidation mais de manière anonyme et confidentielle.

Je vais vous raconter une petite anecdote qui va faire le lien. Un jour, je... avec un directeur de police de quartier qui me dit: Je ne comprends pas que les homosexuels qui sont victimes de violence ne viennent pas porter plainte. Ma réponse, c'est de dire: Je ne crois pas que les homosexuels vont aller faire leur coming out au poste de police. La même chose va se produire dans les écoles. Est-ce que le jeune garçon ou la jeune fille qui va être victime d'intimidation sur la base de son orientation sexuelle va aller porter plainte? Je doute beaucoup qu'ils puissent aller porter plainte dans un mécanisme formel comme celui-ci. Moi, j'approuve le projet de loi sur l'ensemble, je pense, et je laisserai aux autres intervenants le soin de parler des technicalités, mais, sur la base de l'orientation sexuelle, je pense qu'il n'y aura pas beaucoup de jeunes qui vont se prévaloir d'un mécanisme de plainte sur la base de l'orientation sexuelle.

Et je vous donne quelques témoignages que j'ai entendus personnellement, donc ce n'est pas les témoignages de d'autres. Jean-Luc qui dit: «Le secondaire a été pour moi un véritable enfer.» Mathieu qui dit: «Lors des cours d'éducation physique, je tremblais à l'idée de passer aux douches», ça rejoint un peu ce que Jasmin Roy a dit tout à l'heure. Joël qui dit: «Je ne voulais plus aller à l'école tellement j'avais peur. Heureusement, ma mère a compris et elle m'a laissé partir de la maison, j'avais 15 ans», et ce n'est pas une histoire, là, je connais la personne, je pourrai vous la présenter. Simon qui dit: «J'avais honte, je ne voulais pas le dire à personne.» Jean qui dit: «Je me suis fait traiter de fif et de tapette pendant des années à l'école.» Antoine qui dit: «Tous les jours, à l'école, j'avais peur.» Pierre-Luc qui nous raconte qu'il a eu une aventure avec un garçon, et, comme le garçon était costaud et sportif et que lui était plutôt délicat, après l'aventure, le garçon est allé raconter que l'autre lui avait fait des avances et a été ridiculisé pendant toute la fin de son secondaire à l'école. Et je termine avec Loïc: «Personne ne savait que j'étais gai. J'étais grand et fort, j'avais une blonde, j'étais un leader à mon école. Je ne l'ai jamais dit à personne. J'ai fait une dépression, j'ai été hospitalisé, j'ai abandonné mes études.»

Donc, les objectifs de la présentation, je pense que j'y vais rapidement, je reviens avec la question de la définition, la définition d'un acte d'intimidation. Dans le projet, on parle d'un acte, d'un geste, y compris la cyberintimidation, qui a pour but de léser une personne. Je ne crois pas que personne va commettre des gestes dans un but délibéré, hein, de blesser, d'opprimer, d'ostraciser. Moi, je pense que la définition devrait dire «un geste qui a pour effet», et je pense que ça vaut pour toutes les formes d'intimidation. Parce que, si on dit «qui a pour but de», il est très facile pour n'importe quelle personne, adulte ou jeune, de dire que «je ne voulais pas, je n'avais pas... ce n'était pas dans le but de blesser, mais j'ai blessé quand même». Moi, je pense que la définition devrait dire «qui est un geste qui a pour effet de blesser, d'opprimer ou d'ostraciser». Je pense que ce n'est pas très compliqué de changer la définition à ce niveau-là.

Donc, sur la question de l'homophobie, il y a une politique gouvernementale de lutte contre l'homophobie, il y a un plan, un plan d'action. Dans le plan d'action, le ministère de l'Éducation est interpellé, hein? Dans ce plan d'action là -- j'ai cru voir, Mme la ministre, que vous aviez un document semblable tout à l'heure, de loin, oui -- alors, dans le plan d'action, c'est le plan d'action contre la lutte contre l'homophobie, comment on va faire le lien entre l'homophobie et l'intimidation? Parce que là on préconise de mettre à la disposition des écoles... ou l'obligation des commissions scolaires des écoles, peu importe la mécanique, d'établir des plans d'action contre l'intimidation; ici, on a un plan d'action contre l'homophobie, qui est une forme d'intimidation.

Donc, c'est le même gouvernement, moi, je souhaiterais que, dans le plan d'action que le ministère... Ici, dans le projet de loi qu'on va imposer aux commissions scolaires, je pense qu'il devrait y avoir un lien qui se fait entre le plan d'action de lutte contre l'homophobie et le plan d'action pour contrer l'intimidation. C'est deux choses intimement liées qui vont s'en aller en parallèle. Donc, je crois essentiel que, dans le plan d'action du projet de loi, on ajoute une disposition à l'effet qu'on doit inclure le plan de lutte contre l'homophobie. Dans le plan d'action d'intimidation, il faut inclure, soit sous cette forme-là ou sous une autre forme... mais il est essentiel, je pense, de faire le lien entre les deux. Est-ce que mon temps...

**(20 h 40)**

Le Président (M. Marsan): Non, il vous reste encore deux minutes.

M. McCutcheon (Laurent): Oui, bon, d'accord. Alors, je vais rapidement pour aller... Je vous dis deux mots sur le suicide. Vous savez que les statistiques nous disent que la majorité... les jeunes homosexuels sont de sept à 14 fois plus représentés dans les suicides que leurs pairs hétérosexuels. Donc, en lien avec l'orientation sexuelle, il y a un taux de suicide élevé qui est constaté dans toutes les études.

Gai Écoute, nous sommes des pionniers dans ce domaine. On a fait faire une étude par Léger Marketing chez les jeunes garçons, les jeunes filles de niveau primaire et niveau secondaire, donc des groupes de discussion avec des jeunes représentatifs de l'ensemble de la société. Donc, il y a eu quatre groupes de discussion conduits par Léger Marketing sur la question de la perception des jeunes. Mais ce n'étaient pas des jeunes homosexuels, il y en avait quelques-uns à travers, mais très peu. C'étaient des jeunes... Pardon, ce n'étaient pas des homosexuels, c'étaient des jeunes hétéros. Et la conclusion, c'est de dire que les jeunes, bien qu'ils prônent des valeurs de tolérance et d'ouverture, ils se montrent intolérants envers les homosexuels. Ça, c'est la principale conclusion de l'étude de Léger Marketing. Ils utilisent des mots péjoratifs comme «tapette», «fif», etc., pour désigner des homosexuels. Il y a une intolérance envers les jeunes gais jugés trop extravagants. Les filles sont plus tolérantes que les garçons envers l'homosexualité, ça, je pense que c'est connu. Et, suite à ça, on a mené des programmes de communication.

Donc, j'arrive aux modifications proposées. J'ai parlé tout à l'heure de la définition. Je crois qu'on devrait y ajouter la question des attitudes et d'indiquer que c'est un geste qui a pour but... qui a pour effet, et non pas pour but, de blesser. J'aimerais voir aussi dans le projet de loi... Je n'ai pas vu d'obligation par rapport à l'enseignant. Je crois que... Le pivot central pour contrer soit l'intimidation ou l'homophobie, je pense que c'est l'enseignant. Et je n'ai pas vu dans le projet de loi le devoir de l'enseignant. C'est possible que ça me soit échappé, mais je n'ai pas vu de disposition particulière qui dit que l'enseignant devrait s'assurer de la mise en oeuvre du plan d'action qui va être dicté par le projet de loi.

Et je termine, je termine avec... Il y a dans les écoles, actuellement, au Québec, 70 % des écoles secondaires qui inscrivent Gai Écoute dans les ressources professionnelles. Ça veut dire qu'il y a actuellement, au Québec, 30 % des écoles qui refusent d'inscrire un service professionnel subventionné par le gouvernement du Québec, qui existe depuis 30 ans. Personnellement, on fait une opération annuelle, on écrit à toutes les écoles puis on leur demande. Et, pour moi, c'est un indice de mesure de l'homophobie que de savoir qu'il y a encore 30 % des écoles qui ne le font pas. Et voilà.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. McCutcheon

M. McCutcheon (Laurent): Il m'en restait une, je répondrai dans les questions.

Le Président (M. Marsan): Oui, sûrement. Alors, nous allons immédiatement procéder à la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre des Loisirs... la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci. Merci beaucoup, et bienvenue à cette consultation. Et merci pour votre contribution.

J'ai une première question pour vous, un premier enjeu. Et je l'avoue bien honnêtement, là: Au moment où nous avons élaboré le projet de loi, je n'étais pas consciente de cet enjeu, ça a été nommé un peu plus tôt par un autre groupe, et, en fait, si je ne me trompe pas, je crois que c'est la Fédération des comités de parents. C'est tout l'enjeu sur l'information, le fait que le projet de loi dit qu'on doit informer le parent lorsqu'un jeune a été victime d'intimidation. Et, un peu plus tôt, donc... Je ne crois pas me tromper en disant que c'est la Fédération des comités de parents qui a dit: Écoutez, il faudrait être capable peut-être de baliser ça un peu mieux, parce que parfois, peut-être, pour le bien de l'enfant, il ne faut pas que la famille soit informée -- vous me voyez venir, là.

Dans le cas de l'orientation sexuelle, je pense... Et honnêtement... Définitivement, vous connaissez ça beaucoup mieux que moi, là. Je ne veux pas avoir l'air de dire des clichés, là, d'énoncer des clichés, mais je crois que parfois, dans l'évolution d'un jeune, dans l'identification de son orientation sexuelle... Il me semble qu'on nous raconte souvent une étape où... Vous savez, on dit familièrement: Tout le monde le sait sauf lui ou sauf elle, quelle est son orientation sexuelle. Et donc ce jeune-là peut difficilement dévoiler ou nommer lorsqu'il ne le s'est pas nommé à lui-même ou à elle-même. Et on s'aperçoit que la question de l'information ou du contact avec la famille doit sûrement devenir extrêmement difficile de la part d'un membre d'une équipe-école, parce que peut-être que c'est évident à la face de tout le monde, mais ça ne l'est pas à la face du jeune lui-même, et que, s'il est loin de se l'être... de l'avoir identifié pour lui-même, bien, assurément la famille... il ne l'a pas dit à ses parents. Il n'est pas capable de le dire: il ne le sait pas.

Donc, je veux plus vous entendre sur cette réalité-là, là. Je veux dire... Puis, je le disais tantôt, bien honnêtement, moi, le principe, c'est de dire: Bien non! si un jeune est victime d'intimidation, il faut que le parent le sache, puis le parent de l'élève intimidateur, et tout ça. Puis, tout d'un coup, aujourd'hui -- moi, la consultation va avoir été précieuse sur bien des aspects, mais notamment sur celle-là -- c'est de dire: Oups! il y a peut-être un principe général à introduire dans la loi, qui est de dire que l'équipe-école ou la direction de l'école est appelée à intervenir, de prime abord, toujours pour le bien de l'enfant, et peut-être que parfois, pour le bien de l'enfant, ce n'est pas une intervention auprès de la famille qui est appropriée. En fait, ça va faire partie de ma réflexion, mais je voudrais vous entendre un peu plus sur cet enjeu-là.

Et je termine en disant: Mais par ailleurs, là, à la fin, quand un jeune, un jeune gai ou une jeune gaie, est victime, de façon répétée, d'intimidation, et, assez à l'évidence, c'est peut-être à cause de son orientation sexuelle, mais est victime d'intimidation, c'est quand même particulier de se dire que sa famille ne le saurait jamais. C'est que c'est... Je ne sais pas. Je veux vous entendre sur... Vous-même, vous disiez que vous l'avez recommencé plusieurs fois, votre mémoire. Ça me rassure, parce que ça veut dire que c'est vraiment compliqué, puis...

M. McCutcheon (Laurent): C'est très compliqué.

Mme Beauchamp: ...oui, c'est compliqué, c'est la vraie vie, en plus. C'est de la vraie souffrance, de la vraie vie, là, qui se passe. Ça fait que je veux juste vous entendre sur quels sont les meilleurs conseils que vous pouvez donner au législateur dans un tel contexte.

M. McCutcheon (Laurent): Bien, merci de poser la question. C'était la recommandation que je n'ai pas eu le temps de faire puis que je voulais faire, qui consiste à... l'aspect de déclaration des parents. Je crois qu'il ne faut pas, dans un cas d'orientation sexuelle, que le directeur... Parce que le projet de loi prévoit que le directeur de l'école doit informer les parents, hein? C'est ce que dit le projet de loi. Je crois que... Dans les cas reliés à l'orientation sexuelle, ce que je propose, c'est que le directeur de l'école, plutôt que d'aller informer les parents, il doit transmettre le dossier au psychologue ou au professionnel de l'école, qui doit traiter le dossier de manière à évaluer que, si on est dans un cas exceptionnel et que c'est rendu très loin... Comme l'exemple que vous donnez, là je pense que les services professionnels de l'école décideront, après avoir discuté avec le jeune ou la jeune fille en question: Est-ce que tu veux qu'on informe tes parents? Est-ce qu'on doit informer tes parents? Parce que, le jeune garçon qui n'a pas encore dévoilé son orientation sexuelle, je ne vois pas le directeur de l'école qui téléphone aux parents puis dire: Votre fils est gai, hein, parce qu'en définitive c'est ça qui va arriver, ou votre fille est lesbienne.

Premièrement, il faut savoir qu'il y a encore, malheureusement, dans la société, des parents homophobes qui mettent les enfants dehors quand ils sont gais. Ça existe encore. Ce n'est pas la règle, là, mais ça existe encore. Donc, on pourrait avoir une situation semblable. On pourrait avoir un garçon ou une jeune fille qui, dans une pareille situation, va être incapable d'affronter la situation par rapport à ses parents. Et là, je veux dire, on va l'enfoncer plutôt que de l'aider.

Donc, ma recommandation, c'est celle-ci, c'est que, dans un cas d'intimidation relié à l'orientation sexuelle, le directeur de l'école transmet le dossier au professionnel de l'école, qui traitera le dossier selon les circonstances et informera les parents ou la DPJ si nécessaire. Mais je ne crois pas qu'il faut que le directeur de l'école communique avec les parents. D'après moi, ce n'est pas la bonne chose à faire dans ces cas-là. Et il y a peut-être des parents... Je ne sais pas, peut-être que Guillaume peut parler de...

**(20 h 50)**

M. Fortin (Guillaume): Bien, en fait, je peux témoigner de mon expérience personnelle à la ligne d'écoute, où, par exemple, des jeunes qui nous appellent, ou qui nous envoient des courriels, ou qui viennent clavarder avec nous, il y a beaucoup de ces gens-là... de ces jeunes-là, en fait, qui sont très réticents à en parler à leurs parents justement parce qu'ils ont des parents soit qui ne sont pas ouverts à ça... Puis malheureusement, bien qu'il y ait des jeunes qui aient extrêmement envie d'en parler, extrêmement besoin d'en parler pour être authentiques avec eux-mêmes, authentiques avec les gens qui les entourent, les gens qui sont importants pour eux, ça arrive bien souvent... En fait, la majorité du temps, on doit leur dire: Fais attention, O.K., de la façon que tu vas le faire, fais attention à qui tu vas en parler, fais attention de comment tu vas en parler, parce qu'un coming out ça peut être lourd de conséquences. Justement, comme Laurent disait, il y a des enfants qui se font mettre, justement, à la rue à cause ça. Donc, je crois que, justement, c'est... En fait, mon expérience est là un peu pour appuyer ce qui est dans le mémoire, à savoir que ça ne doit pas être systématique, justement, que le directeur d'école appelle les parents pour leur dire: Écoutez, votre enfant se fait intimider parce qu'il est peut-être gai, ou quelque chose comme ça. Donc, c'est ça.

Mme Beauchamp: Merci. Par ailleurs, j'écoute très attentivement -- et j'imagine qu'on aura de bonnes discussions lorsqu'on va travailler le projet de loi article par article -- je joue un peu à l'avocate du diable, là, mais je comprends bien, il faut que j'écoute attentivement, mais en même temps on répond quoi, un jour, à un parent qui dit: Écoutez, tous les parents du Québec sont informés quand leur enfant est victime de gestes d'intimidation -- il faut comprendre l'intimidation même physique, là -- on s'en prend à mon enfant de façon physique, on compromet son intégrité physique, et vous êtes en train de me dire que, parce que mon enfant est homosexuel ou peut-être homosexuel, moi, comme parent... à cause de ça, moi, comme parent, je n'aurai jamais su que mon enfant est victime d'intimidation?

Honnêtement, là, je nous écoute et je dis: Je comprends ce que vous me dites, ça me préoccupe beaucoup, mais ce soir je ne saurais pas trop quoi répondre au parent qui dit: Écoutez, moi, je vais être le seul parent au Québec qui ne saura jamais... je ne saurai jamais que mon enfant est victime d'intimidation parce que vous avez décidé que. Et donc je ne saurais pas quoi lui répondre, à ce parent-là. Je me dis: Quand ton enfant est victime d'intimidation, il me semble que tu es aussi en droit de le savoir.

M. McCutcheon (Laurent): Bien, je pense que c'est sur le même pied, il y a d'autres services professionnels que les exemples dont on parle, où les professionnels sont contraints par le secret professionnel de ne pas divulguer même aux parents certaines situations, je crois. Et là on ne s'en remet pas de façon arbitraire, on s'en remet à des professionnels qui sont soit les travailleurs, travailleuses sociales, le psychologue de l'école qui va devoir faire une évaluation, et de porter un jugement, et éventuellement d'informer les parents si le jeune est en situation de danger, qu'il a besoin d'un soutien familial.

Mais l'idée, c'est de soustraire l'automatisme, hein? Parce que, dans la loi, c'est automatique, le directeur de l'école doit informer les parents lorsqu'un enfant est victime d'intimidation. Donc, c'est de faire tout simplement une façon spéciale de traiter le cas.

Mais ultimement je suis d'accord avec vous, je ne pense pas qu'on devrait garder la situation continuellement confidentielle. Mais tout va dépendre de l'âge du garçon, de la fille, des parents. Moi, je pense que le travailleur social, le psychologue va devoir aussi... À un moment donné, il peut parler avec les parents sans dévoiler l'orientation sexuelle. Et il faut mettre le dossier sur une voie de traitement particulière, mais qu'ultimement on arrive à l'objectif qui est visé par le législateur, de dire que les parents sont quand même les premiers responsables de leurs enfants puis qu'ils ont le droit d'être informés. Mais, vous savez, quand le remède est pire que la maladie, bien, vaut mieux ne pas prendre le remède.

Mme Beauchamp: Moi, j'entends bien ce signal. Par ailleurs, les exemples que vous pouvez donner comme... Je ne crois pas me tromper, là, je ne me suis pas informée récemment, mais prenons si une jeune fille doit... choisit de subir un avortement, si je ne me trompe pas, à partir de l'âge de 14 ans, il n'y a pas... on n'informe pas nécessairement les parents. Mais ici c'est le régime général, justement, qui s'applique, on dit: On n'informe pas les parents. Alors qu'ici c'est... le régime général veut plutôt qu'on informe les parents. Donc, c'est là que ça devient particulier.

Je retiens l'idée en fait que -- j'espère que vous serez d'accord avec moi -- il ne faut pas non plus confiner cela à la question de l'orientation sexuelle. Ce que je veux dire, c'est que ce que je retiens de l'échange que j'ai eu même plus tôt dans la journée est plutôt de veiller à ce qu'on insère peut-être, dans le projet de loi, un rappel que la direction de l'école agit toujours... fondamentalement, la première exigence, c'est d'agir en fonction de l'enfant, là, du bien-être de l'enfant, et qu'on rappelle qu'il y a ce mécanisme-là qui doit prévaloir à la suite de tous les gestes que le projet de loi prescrit, là, à poser. Ce sera en tout cas une réflexion. Mais je pense que c'est un autre... C'est un éclairage important que vous nous avez amené ce soir, que j'appelle, ça, la vraie vie, là. Mais, dans la vraie vie, c'est vrai.

M. McCutcheon (Laurent): ...intérêt de l'enfant, hein, aussi. Il faut...

Mme Beauchamp: Oui, dans l'intérêt de l'enfant. Maintenant, je veux avoir un échange avec vous sur le fait que vous nous demandez d'introduire dans le projet de loi que c'est un projet de loi de lutte contre l'homophobie en plus de lutte contre l'intimidation et la violence. Je pense que vous savez... Je pense que vous l'avez déjà reconnu que, comme gouvernement, on a posé plusieurs jalons et plusieurs gestes de façon extrêmement publique, volontaire, en présence du premier ministre, pour parler de la lutte contre l'homophobie, avec la politique et le plan d'action, que vous avez effectivement montré un peu plus tôt -- c'est ce document. Je veux vous entendre, en fait... ou je veux que vous vous mettiez à ma place. L'homophobie est un des motifs, sûrement très important et très présent, mais un des motifs possibles entraînant de l'intimidation. Mais vous savez comme moi qu'il y en a d'autres, motifs. Tantôt, le député de Jonquière en a énuméré quelques-uns. Ça peut être sur la base de la race. Donc, le racisme peut être une forme d'intimidation aussi. Ça peut être... Et là, si je veux complètement donner des...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Oui, c'est ça que j'allais dire. Si je veux donner des exemples, qui pourraient avoir l'air loufoques, mais qui sont aussi dans la vraie vie: une personne rousse. Des fois, elle est stigmatisée puis victime d'intimidation à cause de la couleur de ses cheveux. Bon, etc., là. Juste en passant, je trouve ça magnifique, là, mais, bon, c'est juste parce que c'est bien différent puis bien rare, puis donc tout ça. Donc, ce qui peut entraîner un motif de stigmatisation entraînant de l'intimidation peut être de toute nature, de toute nature: son origine socioéconomique, si je viens de la famille identifiée comme la plus pauvre du village. C'est de toute nature.

Moi, je me dis, en réaction à votre recommandation... Je comprends que vous dites: Il faut nommer les choses. Mais, je me dis, on a justement une politique québécoise, puis un plan d'action, de lutte contre l'homophobie qui répond à ce que vous décrivez dans votre mémoire comme étant de l'intimidation, mais non pas envers une personne nécessairement, mais le phénomène qui est une intimidation envers un groupe de personnes. Et on a tout des mécanismes et des actions concrètes pour ça. Ici, je suis devant un projet de loi, je dirais, d'ordre général sur la lutte contre l'intimidation et je ne saurais pas trop quoi répondre finalement à d'autres regroupements qui pourraient venir à dire: Pourquoi l'homophobie et pourquoi pas tous les autres aspects, tous les autres motifs possibles d'intimidation?

Donc, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire: Bien, la Politique québécoise de lutte contre l'homophobie, et son plan d'action, en soi est un signal social, gouvernemental de mobilisation fort qui nous amène à pouvoir ici être dans un projet de loi qui ne vise pas des interventions liées à stigmatiser un groupe, mais qui vise bel et bien à encadrer l'intervention lorsqu'une personne est victime d'un acte d'intimidation?

Je termine en voulant juste rappeler que vous avez posé certaines questions, mais, dans la loi, nous disons bel et bien que les actions qui doivent être... Le plan doit prévoir les actions qui doivent être prises lorsqu'un acte d'intimidation et de violence est constaté par un élève, un enseignant. Tu sais, je voulais juste vous dire, là: L'idée ici est une logique d'obligation d'intervention concrète autour d'une personne victime d'intimidation.

Donc, je veux juste vous entendre un peu plus. Moi, je comprends que vous avez un boulot à faire puis une cause à défendre. Je le comprends puis je le respecte vraiment. Mais est-ce que vous maintenez que c'est tout à fait nécessaire d'inscrire ça dans le titre, ou si je dois plus entendre le message qui dit: N'oubliez pas, n'oubliez pas qu'il y a aussi la lutte contre l'homophobie?

**(21 heures)**

M. McCutcheon (Laurent): Bien, je vais d'abord vous rassurer sur l'exigence de mon boulot. Vous savez, je suis bénévole depuis 30 ans. Je suis retraité et je vis de mes rentes et de mes petites économies. Je n'ai aucun intérêt personnel à faire comme boulot. Donc, je travaille depuis 30 ans parce que j'ai connu qu'est-ce que c'était que d'être jeune, par rapport à l'orientation sexuelle. J'en ai souffert, comme beaucoup de personnes en ont souffert. Mon objectif, et j'y ai consacré ma vie -- j'aurais pu faire beaucoup de sous autrement que de faire ça -- mon objectif, c'est: je ne voudrais pas que les jeunes aujourd'hui vivent ce que moi, j'ai vécu. Ça, c'est mon boulot, d'accord?

Quant au plan d'action, quant à la politique gouvernementale et au projet de loi, ce que je suggère, c'est d'inscrire dans le plan d'action une obligation de s'occuper de la lutte contre l'homophobie, O.K.? Donc, ce n'est pas inscrit dans la loi. La loi désigne quelles sont les obligations du plan d'action. Donc, ma recommandation dit -- dans le plan d'action, je pense qu'il y en a neuf, si je me souviens bien, ou huit -- d'en ajouter une, et je crois que l'école, la commission scolaire, doit avoir la responsabilité de s'occuper de la lutte contre l'homophobie.

Qu'est-ce qu'on peut répondre aux parents? Je vous ai dit que j'ai réécrit mon mémoire à plusieurs reprises parce que je trouvais ça excessivement difficile, et je suis arrivé à cette conclusion-là après avoir analysé... J'ai fait des recherches, j'ai regardé ce qu'on faisait en France, ce qu'on fait en Ontario. J'ai regardé les définitions de l'intimidation partout. Mais l'intimidation, ce sont des gestes puis qui ont des caractères répétitifs puis qui sont visibles. Bon, on peut parler de la race, on peut parler de l'origine ethnique, on peut parler de la grosseur physique ou, dans le cas de l'homosexualité... Les jeunes garçons délicats, c'est eux autres qui passent à tabac, hein, ça, c'est clair. Mais la majorité des jeunes homosexuels, là, ils ne sont pas efféminés, puis les jeunes lesbiennes, elles ne sont pas masculines, hein? Ils et elles vivent une question sociale de réprobation qui se traduit dans l'école. S'il y a un graffiti dans l'école, j'imagine qu'on va voir à l'effacer, mais on n'effacera pas la blessure psychologique que l'enfant a subie.

Donc, la distinction, je pense que tous les motifs d'intimidation que j'ai pu répertorier sur lesquels on peut poser une plainte, c'est un acte, et c'est un acte visible. Et là la distinction que je fais par rapport à l'homophobie, c'est l'invisibilité, parce qu'on ne peut pas voir, on ne peut pas toucher à ce phénomène-là. Si c'est la race, c'est la couleur, même les croyances religieuses -- les gens les affirment, hein, c'est connu -- le milieu socioéconomique, ce sont tous des facteurs qu'on est capable de poser un regard sur le geste d'intimidation. On est capable de le poser, puis ça nous amène à poser une plainte et un traitement. Mais, quand on n'est pas capable de le photographier, bien là voilà la difficulté.

Et ma recommandation vise tout simplement de dire que le projet de loi devrait dire: Dans le plan d'action, veuillez vous assurer de coordonner... je ne ferai pas le texte juridique, mais de coordonner pour que le plan d'action de lutte contre l'homophobie et le plan d'action qu'on va mettre en oeuvre dans l'école, les deux soient coordonnés, qu'ils se rejoignent à quelque part. C'est ça, l'idée. Sur la façon de le rédiger, je pense que vous avez toute l'expertise, mieux que moi, pour le faire, mais de s'assurer qu'il y ait cette connexion-là entre les deux, parce que j'ai peur qu'on échappe des morceaux dans la façon dont ça se passe actuellement.

Mme Beauchamp: Il me reste trois minutes d'échange avec vous, j'ai deux questions, je vais les poser d'un coup. Je ne suis pas certaine que je comprends bien votre expression que vous utilisez quand vous me dites: «C'est invisible.» Tantôt, on a, comment je dirais... Moi, je pense, dans tous les exemples qu'on a donnés, là, il y avait peut-être... On a parlé de la couleur des cheveux, etc., mais il y a d'autres exemples qu'on peut donner. Quelqu'un qui a un problème d'apprentissage, qui a tout simplement des mauvais résultats scolaires peut être victime d'intimidation, puis on peut se dire: Ce n'est pas visible.

Donc, je veux juste essayer de bien comprendre pourquoi vous insistez, là, alors que je me dis: Je suis dans un contexte quand même d'ordre général d'un projet de loi qui commande une chaîne, en réaction, d'interventions en cas d'intimidation. Mais je me dis: L'homophobie n'est pas le seul élément, là. Si, par «invisible», vous voulez dire que, quand je regarde quelqu'un, je ne suis pas capable de lui coller une caractéristique physique ou une... Mais je ne suis pas sûre si je vous ai bien suivi quand vous me dites: «C'est invisible.»

M. McCutcheon (Laurent): Bien, moi...

Mme Beauchamp: L'autre élément, puis juste en terminant... Parce qu'il existe la Table nationale de lutte à l'homophobie des réseaux scolaire et collégial. C'est nommé dans le plan d'action du gouvernement pour la lutte à l'homophobie. Je voulais juste savoir si vous pouvez commenter comment je fais de la place aussi au fait que cette table-là, elle est en place justement pour qu'on nomme les choses, qu'on s'occupe carrément de ce dossier-là. Comment je dois faire le lien entre cette table nationale et les recommandations que vous me faites?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, d'abord, sur la question de la visibilité, dans mon analyse, je n'en ai pas trouvé, d'autres facteurs invisibles de situation homophobe, du caractère... de situation d'intimidation du caractère de l'homophobie, parce que, même les enfants qui ne réussissent pas, ils ont des évaluations scolaires, et ça se voit, ça se constate, ça s'inscrit au dossier. Et, toutes les autres formes d'intimidation que j'ai pu répertorier, on pouvait toujours y mettre soit une image ou un constat, hein, une visibilité, alors que, sur l'orientation sexuelle... Moi, si je ne vous l'avais pas dit, probablement vous ne sauriez pas que je suis gai, là, hein? Parce que c'est quelque chose qu'on ne voit pas.

Et, quand on est jeune, qu'on est en phase... vous savez, par rapport à... Bon, je pense que je me répète, là, le développement de la personnalité, le développement de l'identité sexuelle à l'âge de la puberté, c'est quelque chose qu'on ne peut pas voir comme ça et constater, ça se vit de l'intérieur. La première fois que le jeune garçon, la jeune fille, hein... Tout le monde sait qu'est-ce que c'est que les premières palpitations cardiaques qu'on peut avoir, le coeur qui s'emballe parce qu'il y a quelqu'un qu'on a vu. Mais, si on est homosexuel, là, nos palpitations du coeur, là, on va les garder pour nous. Et ça ne se mesure pas, c'est de ça que je parle: l'invisibilité.

Ce que l'école doit faire, je pense, c'est de s'assurer que les enseignants sont bien préparés, qu'ils sont capables de faire face à cette situation-là, que les enseignants comprennent que l'intimidation, ça peut aussi... l'homophobie est une forme d'intimidation, qu'ils sachent comment on peut approcher cette problématique-là. C'est ce que je souhaite d'inscrire dans le plan d'action. Et je travaille avec la table de concertation et je suis tout à fait d'accord à ce qu'on inscrive les obligations de travail avec la table de concertation.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine notre première période d'échange. On a dépassé... On est toujours aux 23 minutes. Alors, le même temps va être disponible pour l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. McCutcheon. Merci beaucoup, M. Guillaume. Très intéressant de vous entendre. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'avoir pris le temps d'écrire, de réécrire, de réécrire ce mémoire. Et je vous comprends parce que, depuis tout à l'heure, j'essaie, moi-même, de voir comment on peut traiter toutes ces questions-là, ce n'est pas simple.

Et, par rapport aux relations avec les parents ou comment, par exemple... si on doit aviser ou non un parent que son fils ou sa fille est peut-être homosexuel, j'aimerais vous entendre un petit peu plus -- peut-être que ça va répondre à l'interrogation de la ministre quant à l'invisibilité dont vous faisiez mention -- j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur le fait que ce n'est pas parce qu'il y a des attaques homophobes que la victime est homosexuelle. Il y a des personnes hétérosexuelles... je vais prendre un exemple d'un garçon hétérosexuel mais délicat physiquement, pour reprendre votre propre expression tout à l'heure, et qui n'est pas gai, qui ne le sera jamais, mais qui sera victime d'homophobie.

Alors, je veux juste qu'on se comprenne bien, dans le sens que nous sommes ici dans l'étude d'un projet de loi qui vise à lutter contre l'intimidation et non pas à faire accepter son orientation sexuelle par des jeunes, même si ça, en soi, est un objectif qui est louable. Mais on est bien ici sur un projet de loi qui vise à lutter contre l'intimidation, et malheureusement l'homophobie est effectivement un motif important d'intimidation, mais qui s'adresse en soi à des jeunes, qu'ils soient, en bout de ligne, homosexuels ou non. Alors, je ne sais pas si vous pouvez élaborer un petit peu plus là-dessus et si vous avez eu vous-même des témoignages.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut, je dirais, désenclaver l'homophobie du caractère homosexuel de la personne. Je ne sais pas trop comment l'expliquer autrement que ça, là. On peut attaquer quelqu'un et dire: Espèce de tapette, espèce de fif puis ce jeune homme là va avoir une blonde puis ce jeune homme là va se marier éventuellement, mais c'est en soi un motif. Alors, je pense qu'il faut faire cette distinction-là quand même de façon importante.

**(21 h 10)**

M. McCutcheon (Laurent): Bien, dans les définitions, je pense que, dans... sur le plan académique ou... Dans toutes les définitions, on dit toujours: «homosexuel ou perçu comme tel», hein? Je pense que c'est ça, le vocabulaire habituel. Donc, il est possible, et ça arrive effectivement, qu'il y a des garçons qui sont plus délicats, qui sont hétérosexuels, qui vont être hétérosexuels.

Moi, je pense que la proposition qu'on fait d'orienter ces situations-là vers les services professionnels de l'école... Et il reviendra, après une évaluation professionnelle, de savoir quel est le traitement qu'on fait, s'il semble clair pour le psychologue de l'école ou la travailleuse sociale que le jeune n'est pas hétérosexuel et qu'il est d'accord à ce qu'on informe ses parents qu'il est victime d'intimidation et tout. L'idée, c'est de diriger ces situations-là vers des services professionnels plutôt que de les envoyer directement chez les parents. C'est tout simplement ça.

Parce que vous avez raison que... Et ce n'est pas tous les garçons qui sont victimes d'homophobie qui vont être homosexuels. Même chose pour les filles. Mais, vous savez, c'est plus... Ceux qui sont visés de façon directe par un acte d'intimidation, ce sont les garçons efféminés, hein? Parce que les autres, si ça ne paraît pas, bien, ils passent comme ça. Et les autres, ils sont atteints sur le plan psychologique et moral; ce dont je parlais tout à l'heure dans ma présentation. Et, ceux qui ont un caractère physique visible, c'est sûr qu'eux autres ils vont être dans la catégorie des actes d'intimidation. Je ne sais pas si... As-tu un exemple de parents, qui... tu pourrais parler?

M. Fortin (Guillaume): De parents qui nous appellent, par exemple?

M. McCutcheon (Laurent): Oui.

M. Fortin (Guillaume): Oui. Bien, souvent, les parents qui nous appellent sont très inquiets de qu'est-ce qui se passe avec leur enfant. Des fois, ils s'inquiètent par rapport au fait que cet enfant-là va être malheureux, cet enfant-là va se faire... va faire rire de lui aussi à l'école. Donc, la majorité des appels de parents, c'est ça, donc des parents qui sont inquiets, justement, de ce qui se passe à l'école. J'ai eu une mère qui m'a appelé récemment, son fils avait fait une tentative de suicide, elle était extrêmement inquiète, extrêmement bouleversée par ça. Puis, justement, elle venait... savoir un peu comment... elle voulait savoir un peu comment s'y prendre avec l'enfant. Donc, la plupart des parents sont inquiets de ce qui se passe, justement, à l'école.

M. Gaudreault: Avez-vous également une analyse ou... Est-ce que vous incluez dans l'homophobie toute la réalité qu'on nomme bisexuelle, transgenre, transsexuelle? Est-ce que vous avez également des appels là-dessus? Est-ce que vous avez des témoignages à l'effet qu'outre l'homophobie la bisexualité, la situation de transgenre, transsexuel est également l'objet d'intimidations qui peuvent porter à conséquence?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, vous savez, dans la page couverture du mémoire, je dis que, pour la question transgenre, transsexuel, on n'en a pas traité parce que c'est une problématique qui ne relève pas de l'orientation sexuelle, hein, c'est des problématiques qui relèvent de l'identité de genre, qui est une autre problématique. Donc, il faudrait avoir une autre discussion pour traiter du phénomène de transgenre, transsexuel. Je suis d'avis que, dans les prochaines années, on va voir de plus en plus de jeunes, là, trans, transgenres. La journée où les parents ou le milieu va leur permettre de s'exprimer, ils vont pouvoir s'exprimer plus facilement. Mais on n'a pas traité ici de cette situation-là.

Quant à la bisexualité, en regard de l'intimidation -- parce que, vous savez, dans notre milieu, on parle du phénomène LGBT, là, c'est lesbienne, gai, bisexuel et transgenre -- en matière d'intimidation, si une personne, un garçon ou une fille, se considère bisexuelle, il va être l'objet d'intimidation ou va subir de l'intimidation sur le côté homosexuel de sa bisexualité, et non pas du caractère hétérosexuel de sa bisexualité, hein, sinon on va parler d'autre chose, hein? Donc, quand on parle d'homophobie à l'école, le jeune garçon ou la jeune fille qui va vivre une intimidation, une homophobie sur la base de l'orientation sexuelle, ça va être sur la base de l'orientation homosexuelle et non pas sur la base de l'orientation hétérosexuelle.

M. Gaudreault: Dans la définition de l'intimidation, il y a un élément intéressant de votre mémoire où vous faites référence -- attendez que je le retrouve -- à l'intimidation -- parce que là je le cherche, là, bon, ah! -- passive, intimidation... une intimidation et l'intimidation passive. Vous parlez d'un autre type d'intimidation moins reconnu et n'ayant pas de reconnaissance légale, qui est celle dite passive. Pouvez-vous nous en parler un petit peu plus? Et comment nous pourrions l'inclure dans la définition? Parce que je vois que votre proposition de définition parle d'attitude, d'inclure la notion d'attitude. Est-ce que c'est par ça que vous trouvez que c'est suffisant pour parler d'intimidation passive? Je voudrais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. McCutcheon (Laurent): Bien, vous savez, la passivité, c'est de laisser faire. Si dans l'école il n'y a pas d'acte d'intimidation concret contre un jeune homosexuel ou une jeune lesbienne, mais que dans l'école il y a un climat, O.K., une attitude qui règne, dans l'école, où on accepte, hein, de traiter tout le monde de fif, bon, exemple, et qu'on ne réagit pas, je pense que c'est le côté passif. Parce que je reviens toujours à mon explication du début, que j'ai de la misère à transmettre moi-même, c'est le fait que le caractère invisible de la chose fait en sorte qu'on vit dans un milieu, ici par exemple, puis que personne ne voit rien, mais que moi, je perçois.

Puis là je ne fais pas d'hallucination, là, j'essaie juste de vous expliquer qu'est-ce que c'est que le phénomène de l'homophobie. Bien, dans un milieu homophobe, même si on n'est pas soi-même victime d'un acte homophobe, on va subir de l'intimidation sur le plan moral, affectif, le développement de sa propre personnalité, parce que ça nous envoie le message que la société est contre l'homosexualité. Si je vis dans la société et que je ne suis pas victime personnellement, mais que la société est homophobe, bien, nécessairement, je vais me sentir, comme citoyen, visé par le phénomène de l'homophobie, même si ce n'est pas dirigé personnellement contre moi.

C'est ce que je parlais tout à l'heure avec la ministre, c'est la question de l'homophobie de groupe, hein? Quand on vise le groupe, on vise les homosexuels. Dans une attaque quelconque, on vise les homosexuels. Quand je regarde la télé et que je vois une émission... Et je vous rappellerai Daniel Pinard avec sa sortie; il n'y avait pas personne, là, qui était victime, il n'y avait personne, mais les gens regardaient la télévision, tous les homosexuels et lesbiennes se sentaient visés sur le plan personnel. Et je pense que j'arrive, là, peut-être à faire voir mieux ce que j'essaie de dire. On n'est pas victime soi-même, mais, si je regarde la télé puis qu'il y a un message homophobe à la télé, que je suis un jeune homosexuel, on vient de m'envoyer un message assez clair que ce ne sera pas trop bon pour moi dans la société que d'être homosexuel. Et la passivité, c'est de tolérer ça.

M. Gaudreault: C'est sûr que ça interpelle beaucoup les changements de culture, les changements d'attitude. Évidemment, il faut travailler en amont de tout ça. C'est hallucinant de constater qu'encore aujourd'hui il y a des attaques homophobes, au fond, dans des milieux scolaires, alors qu'on s'imagine, peut-être un peu par méconnaissance...

Une voix: ...

M. Gaudreault: Oui, une évolution, mais aussi que les jeunes sont par définition plus ouverts ou plus tolérants envers la différence. Mais, peut-être par méconnaissance ou par effet de gang, je dirais, là, il y a effectivement de l'intimidation sur la base de l'homophobie.

Mais tout ça, ça m'amène à dire: Trouvez-vous que les enseignants et les autres intervenants dans le milieu de l'éducation ont actuellement assez d'outils, de ressources pour faire face au phénomène de l'homophobie, et de la traiter, et ses conséquences? Est-ce que vous trouvez qu'il devrait y avoir plus de formation à l'égard des profs, des futurs enseignants, par exemple, formation des maîtres à cet égard-là? Et, si oui, si vous trouvez ça, est-ce qu'il y a une... on doit en tenir compte dans l'étude de ce projet de loi? Et, sur autre chose, là, bon, on parle de l'homophobie, mais ça pourrait être sur les autres différences qui conduisent à de l'intimidation, est-ce que les profs, à travers leurs tâches très complexes et multiples, est-ce qu'ils sont assez outillés pour ça, selon vous?

**(21 h 20)**

M. McCutcheon (Laurent): Bien, je pense que, sur le plan de l'homosexualité, les profs ne sont pas suffisamment outillés. Je ne crois pas qu'ils soient suffisamment formés et informés par rapport aux réalités homosexuelles. Et ça commence à la formation des maîtres et ça se poursuit en formation continue. Mais je ne crois pas qu'ils soient suffisamment formés. Mais c'est la même chose pour d'autres professionnels aussi. Mais là, pour les enseignants en particulier, je pense qu'ils devraient savoir qu'est-ce que c'est, hein?

Il y a des organismes qui vont dans les écoles parce que les enseignants ne savent pas quoi dire aux enfants. Moi, je pense que ce n'est pas aux organismes d'aller dans les écoles, c'est aux enseignants de savoir comment composer avec l'intimidation, qu'est-ce que c'est que l'homophobie. Si les enseignants ne le savent pas dans une école, qui va le savoir? Et je pense que là-dessus... Je ne fais pas de reproche, parce qu'on en met beaucoup sur la tête des écoles et sur la tête des enseignants, mais je crois qu'il faut comprendre qu'est-ce que c'est que l'homophobie quand on est un enseignant. Parce que, dans sa classe, il y en a 10 %, selon les probabilités, puis l'enseignant, il ne le sait pas, puis il ne les voit pas. Donc, il doit être capable dans son attitude, dans son enseignement, quand il donne des exemples, hein... On parle du matériel pédagogique, on devrait avoir des exemples de couples de même sexe pour que les enfants...

Vous savez qu'il y a plein d'enfants maintenant, dans les écoles, hein, ce n'est pas eux autres qui sont homosexuels, c'est leurs parents. Il y a une association de mères lesbiennes à Montréal, il y a 1 500 membres dans cette association-là. Et il y a... Les jeunes, moi, je rencontre... Les jeunes garçons homosexuels dans la trentaine, ils veulent tous adopter des enfants. Et c'est eux qui vont adopter des enfants qui sont en difficulté, qui n'ont pas de parents pour les prendre.

Et les enfants qui sont à l'école, tu sais, puis qui disent... quand ils sont tous des petits bouts de chou puis qu'ils parlent de leurs deux mamans puis leurs deux papas, ça va bien, et tout à coup, oups! ils ne veulent plus en parler. Puis demandez aux mères lesbiennes puis vous allez avoir le verdict: les jeunes enfants ne veulent pas dire que leurs parents sont homosexuels, ils le cachent. Ils ne veulent plus emmener les enfants à la maison. Qu'est-ce qui se passe? C'est quoi, ça? C'est-u de l'intimidation? Moi, je rentre ça dans le caractère d'intimidation.

Puis je sais que ce n'est pas facile. Est-ce qu'on devrait avoir une loi sur l'homophobie? C'est une autre question. Mais, comme on est dans le milieu scolaire... Je pense qu'on est dans un champ d'action nouveau, hein? On ne parlait pas de ça autrefois, l'intimidation en milieu scolaire, on commence à en parler, on commence à s'ouvrir. Et je pense que c'est le bon moment d'inclure la question de l'homophobie, qui est un phénomène, je répète, que je considère qui est particulier, mais qu'il faut l'inclure dans ce projet de loi là.

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci pour votre contribution à cet échange. Je vais faire juste une petite parenthèse sur la situation des enseignantes et enseignants. J'ai été assez longtemps dans le monde de l'éducation pour connaître le malaise. Et la société évolue, mais il faudrait prévoir, dans nos programmes de formation des enseignantes et des enseignants, la connaissance des nouvelles réalités de nos sociétés. Et justement ces couples homosexuels dont on est appelés à recevoir les enfants, bien il y a un malaise peut-être pour répondre aux questions des enfants, mais il y a un malaise aussi dans le contact à établir avec ces parents-là. Moi, je côtoie des enseignants encore énormément et je sais comment ils ont de la difficulté. Alors, bis sur la question de la formation.

Maintenant, je veux vous... je veux aller un petit peu plus loin sur la question de l'information aux parents. Et je comprends les interrogations de la ministre qui dit: Ces enfants-là sont victimes d'intimidation, le parent qui n'en est jamais informé, comment peut-il intervenir? Mais ma question, c'est: Par le biais des messages que vous recevez ou des questions que vous recevez des parents, est-ce que vous avez des interventions de ces parents qui disent: J'aurais préféré l'apprendre de telle façon, un peu pour nous ajuster? Comment l'école peut contribuer à faire en sorte que, le parent qui ignore cette situation, mais qui, s'il le savait, serait de contribution positive, on puisse agir? Est-ce qu'il y a des indicateurs, est-ce qu'il y a des moyens? Est-ce qu'ils nous donnent dans leur message comment ils auraient voulu apprendre cette situation de leur jeune fille ou de leur jeune garçon?

M. Fortin (Guillaume): Bien, je crois que la plupart préféreraient l'apprendre par eux-mêmes. Mais qu'est-ce qu'on leur dit souvent, c'est que... Les parents, quand même, même s'ils ont des doutes par rapport à l'orientation sexuelle de leur enfant... On ne peut pas leur faire... par exemple, leur tirer les vers du nez à un point justement où l'enfant va venir à dire: Oui, mais finalement je le suis. Parce que c'est toujours un processus, donc... c'est-à-dire que ce n'est pas du jour au lendemain que la personne va dire: Ah! oui, je suis homosexuel, ça passe bien, je le dis à tout le monde. Donc, il y a, par exemple, des fois, des parents qui aimeraient le savoir, qui aimeraient faire quelque chose pour les aider. Mais il faut que l'enfant soit prêt à le faire, il faut qu'il soit... qu'il ait passé lui-même... justement, comme la ministre disait tout à l'heure, que des fois il y a plusieurs gens qui peuvent s'en douter, dans le réseau social ou dans la famille de l'enfant, mais, si l'enfant, lui, il n'est pas prêt, si, lui-même, il n'est pas certain encore de son orientation sexuelle, ça ne sert à rien de vouloir lui faire dire des choses que finalement il n'est pas prêt encore à dire.

M. McCutcheon (Laurent): Puis, dans un monde idéal, les enfants devraient être capables de dire à leurs parents qu'ils sont homosexuels. Ça, je pense qu'on va faire l'unanimité là-dessus facilement. Ça, c'est le monde idéal: le jeune garçon, à la puberté, hein, sent des palpitations, comme je disais tout à l'heure, il devrait pouvoir les partager avec ses parents, emmener son copain, emmener sa copine à la maison. Ça, c'est le monde idéal.

Les parents, je vous dirais que la très, très grande majorité des parents sont capables de comprendre et d'accepter, pas sur le coup, il y a... Habituellement, quand les parents apprennent que leur enfant est homosexuel, il y a une réaction, hein? Et, cette réaction-là, si le jeune est en période de questionnement puis que la réaction est négative, il se referme. Donc, il y a tout un milieu, il y a une préparation.

Mais, règle générale, ce que les parents nous disent: J'aurais aimé qu'il me le dise. Presque tous les parents, quand ils ont accepté, disent: J'aurais aimé que mon enfant me le dise qu'il était homosexuel. Mais il ne la pas dit parce qu'il n'était pas capable. C'est bête comme ça, hein? La raison pourquoi il ne l'a pas dit, c'est parce qu'il n'était pas capable. On est élevé, quand on est jeune, à se faire dire que ce n'est pas correct, l'homosexualité, hein? On se développe comme ça, quand on est jeune, parce que ce n'est pas correct socialement d'être homosexuel, encore aujourd'hui c'est comme ça. Donc, nécessairement, le jeune garçon, la jeune fille n'est pas capable d'arriver...

Vous savez, si on est un jeune Noir, qu'on est un jeune d'une communauté culturelle, on est plus gros, on est boutonneux, on va rentrer à la maison en pleurant, en disant: Maman, j'ai fait rire de moi à l'école parce que je suis gros, parce que je suis noir. Mais le petit gars qui est homosexuel, quand il rentre à la maison, là, il ne va pas le dire à papa puis maman parce qu'il appréhende la réaction. Voilà la différence qu'il y a entre les autres formes d'intimidation. Toutes les autres formes d'intimidation, on peut compter sur le support de la famille et des parents, alors que, pour la question de l'homophobie, on n'a pas cette assurance. De plus en plus de parents sont capables, mais ce n'est pas encore la règle. Et, la principale distinction par rapport aux autres formes d'intimidation, je crois que c'est celle-là.

Ce serait-u extraordinaire que le jeune garçon arrive à la maison: Je suis homosexuel, puis que les parents réagissent correctement. Mais il commence à en avoir, des parents comme ça. Heureusement, il commence à en avoir, des parents comme ça. Puis les parents les plus sages, qui ont des enfants qui sont des préados, moi, quand ils me demandent un conseil, je dis: Manifestez un geste, une attitude positive, puis, quand il sera prêt, votre garçon, votre fille, il va venir vous le dire, mais mettez la table, manifestez une attitude positive. C'est ce qu'il faut faire. Il faut que l'école agisse aussi de cette façon-là.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Laurent McCutcheon et M. Fortin, pour nous avoir donné le point de vue de Gai Écoute sur le projet de loi n° 56.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, après les affaires courantes, vers 11 heures, dans cette même salle, où elle poursuivra son mandat. Merci et bon retour.

(Fin de la séance à 21 h 29)

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