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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, October 12, 2000 - Vol. 36 N° 85

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Documents déposés

Auditions

Intervenants

 
M. Christos Sirros, vice-président
M. Guy Lelièvre, président suppléant
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Jacques Brassard
Mme Nathalie Normandeau
M. Robert Benoit
M. Rémy Désilets
* M. Harvey Mead, UQCN
* M. Louis Bélanger, idem
* M. Jean-Guy Rioux, RESAM
* M. Gilles Michaud, idem
* M. Gérard Szaraz, idem
* M. Pierre Baril, idem
* M. Rodrigue Potvin, FQGZ
* M. Hugues Power, idem
* M. André Carrier, Industries John Lewis ltée
* M. Damien Allard, idem
* M. Jean Nazair, municipalité régionale de comté de Matane
* M. Michel Barriault, idem
* Mme Geneviève Constancis, idem
* M. Denis Brière, Faculté de foresterie et de géomatique de l'Université Laval
* M. Michel Dessureault, idem
* M. Guy Raynault, CRD Laurentides
* Mme Denise Julien, idem
* M. Marc Bergeron, groupe de bénéficiaires de CAAF de la région de l'Outaouais
* M. Jacques Roberge, idem
* M. Pierre Vézina, idem
* Mme Murielle Angers-Turpin, UMQ
* M. Marc Tétreault, idem
* M. Roch Sergerie, idem
* M. Yvon Leclerc, ACLDQ
* M. Michel St-Pierre, idem
* M. Lucien Lessard, Scierie Norbois inc.
* M. Guy Fortin, idem
* M. Michel Lessard, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Sirros): J'ai constaté que nous avons quorum. Alors, j'aimerais inviter tout le monde à prendre place pour qu'on puisse déclarer la séance ouverte. Je vous rappelle que le mandat de la commission, c'est de poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine) et M. Brodeur (Shefford) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

Documents déposés

Le Président (M. Sirros): Merci. J'aimerais peut-être, avant qu'on commence, déposer aussi deux documents que nous avons reçus de l'Association des industries forestières du Québec, tel que demandé, hier, par la députée de Bonaventure. Je vais les déposer à la secrétaire, et ils seront transmis aux membres concernés et à tous les autres, évidemment.

Auditions

Alors, aujourd'hui, nous allons procéder ce matin avec l'Union québécoise pour la conservation de la nature, et ce, jusqu'à 12 h 30 ce matin pour suspendre par la suite et ajourner vers 18 heures, cet après-midi.

Alors, nous avons déjà en place, ici, des représentants de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. M. Mead, peut-être que vous pouvez également introduire la personne qui vous accompagne. Vous connaissez les règles du jeu: il y a 45 minutes qui sont mises à la disposition de votre groupe, 15 pour la présentation et une trentaine de minutes d'échanges par la suite entre les deux parties, ici, présentes. Alors, M. Mead, la parole est à vous.

Union québécoise pour la conservation
de la nature (UQCN)

M. Mead (Harvey): Merci beaucoup. Harvey Mead, président de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, et Louis Bélanger qui est le président de notre commission forêts. J'aimerais très brièvement vous faire une présentation de l'ensemble de notre activité et par la suite passer la parole à Louis.

Il y a trois ans et demi, j'ai participé au nom de l'UQCN, de façon formelle avec l'Association des industries forestières, à une conférence de presse pour les féliciter de leur travail en matière d'assainissement dans les usines. C'est une question de traitement secondaire en milliards de dollars investis. En même temps, j'ai dit: J'espère que ça ne prendra pas 25 ans pour que je puisse participer à une conférence de presse avec les industries pour les féliciter du travail en forêt.

L'automne suivant, dans le magazine de l'UQCN, Franc-Vert, j'ai signé un éditorial suite à une réunion de notre commission forêt où nous avons lancé un cri du coeur à la population signifiant que nous avions beaucoup de préoccupations en matière de forêts. La commission forêt, qui était derrière cet éditorial-là, est composée d'une quinzaine de forestiers et de biologistes et d'autres experts dans des domaines attenant à la foresterie, et quand nous intervenons, donc, ce n'est pas avec des philosophes seulement, comme je suis, mais avec du monde du milieu, et je souligne ça.

Suite à la publication de l'éditorial et aussi à des contacts avec l'industrie qui n'ont pas abouti à la création d'un processus de concertation, nous avons poursuivi notre réflexion, nous voyons des problèmes, et nous avons donc décidé d'élargir la portée de l'intervention et nous avons formé la Coalition sur les forêts vierges nordiques que vous avez entendue hier. Aujourd'hui, nous nous présentons comme membres de la Coalition, mais au nom de l'UQCN seule.

Et j'aimerais vous souligner qu'il y a deux ou trois préoccupations, même plus, que nous soulignons depuis au moins trois ans, et, en dépit du fait que la réaction à la publication, en 1997, de nos interventions a été plutôt forte, on voit maintenant qu'il y a une reconnaissance de l'industrie et du gouvernement qu'il faut réduire les coupes. Nous avons dit, il y a trois ans: On coupe trop. Nous avons dit, il y a trois ans, qu'on va trop loin vers le nord, la forêt nordique est très sensible, différente. Nous voyons maintenant une publication du ministère des Ressources naturelles qui identifie provisoirement une limite nordique pour l'exploitation qui exclurait, dans sa version actuelle, des CAAF déjà alloués. Donc, nous croyons que ça nous donne raison. Et nous avons souligné, depuis à peu près 15 ans, l'absence ou la pauvreté du réseau d'aires protégées ici, au Québec, et le gouvernement, avec le ministre Brassard et deux autres ministres ? Chevrette et Bégin ? a signé maintenant une intention de développer une stratégie de protection des aires protégées.

Alors, nous venons ici, ce matin, assez critiques de ce qui est proposé dans le projet de loi, mais assez convaincus que nous avons bien vu la situation, il y a trois ans, et nous croyons que la situation reste toujours préoccupante. Et avec ça, je passe la parole à Louis.

Le Président (M. Sirros): Alors, allez-y, M. Bélanger.

M. Bélanger (Louis): Alors, l'enjeu de cette commission parlementaire est fort bien ciblé dans le préambule du projet de loi. Je cite: «Ce projet de loi a pour objet d'établir de nouvelles règles destinées à régir l'aménagement durable des forets principalement en ce qui concerne les forêts de l'État.» Il faut bien comprendre les implications de cet enjeu-là. Il ne s'agit plus, actuellement, de simplement bonifier l'aménagement forestier classique, tel qu'il est défini dans la loi actuelle. L'aménagement durable des forêts est un nouveau concept de foresterie, un nouveau concept qui fait l'objet de négociations formelles aux Nations unies, depuis huit ans, puis qui est à la base de plusieurs systèmes de certification environnementale. Faire de l'aménagement durable des forêts consiste plus précisément à mettre en place une nouvelle foresterie qui respecte un ensemble de critères internationaux. Critères qui, effectivement, font maintenant partie du préambule de l'actuelle Loi sur les forêts.

n(9 h 40)n

Alors, pourquoi est-ce si important de mettre en place un aménagement qui soit reconnu par tous comme étant durable? Premièrement, parce que c'est le voeu de la population qui est le propriétaire de la forêt publique. Les consultations publiques ont clairement démontré que c'est ce type de foresterie qui répond aux aspirations des Québécois et Québécoises.

Deuxièmement, il faut changer nos pratiques forestières avant que ça explose en forêt. Il est urgent d'établir une foresterie qui soit acceptable pour la population avant que les tensions entre groupes d'utilisateurs ne se transforment en confrontations. Il ne faut pas attendre que ça vire en guerre des bois, comme c'est actuellement le cas en Colombie-Britannique.

Troisièmement, un aménagement durable va devenir vital pour l'économie forestière du Québec. L'accès des produits forestiers du Québec aux marchés va dépendre d'une foresterie qui puisse être certifiée. C'est déjà commencé aux États-Unis avec des groupes comme Home Depot qui exigent qu'on leur vende des bois certifiés.

Finalement, la réputation internationale du Québec va dépendre de plus en plus de la réputation de sa foresterie. Il faut être bien conscient qu'à l'extérieur du pays la forêt québécoise et canadienne est vue comme un patrimoine mondial, un patrimoine qui mérite en conséquence un aménagement forestier de qualité.

Alors, quelles sont les exigences d'une foresterie durable au niveau international? Une foresterie durable implique qu'un régime forestier québécois respecte les six critères qui définissent, au Canada et au niveau international, ce qu'est un aménagement durable. Or, les consultations de 1998 ont clairement démontré que notre régime forestier présente de graves lacunes dans au moins trois de ces six critères-là.

En premier lieu, la conservation de la biodiversité n'est pas assurée par la foresterie québécoise actuellement. Le Québec est l'une des dernières provinces canadiennes où la planification forestière n'a pas à établir d'objectifs de protection de la biodiversité. Nulle compagnie forestière n'a identifié ces impacts de son plan d'aménagement sur la faune et la biodiversité et encore moins n'a identifié des mesures d'atténuation. On est vraiment une des dernières. Au Nouveau-Brunswick, ils le font depuis 10 ans.

En deuxième lieu, la gestion intégrée des ressources demeure une approche marginale au Québec, de l'aveu même du ministère des Ressources naturelles dans son bilan d'il y a deux ans. En cette matière, le Québec a un retard surprenant. L'aménagement intégré est à la base de la Loi des forêts nationales américaines depuis 1960 et une pratique courante de la foresterie européenne depuis encore plus longtemps. Et c'est d'autant plus surprenant que l'aménagement intégré constitue un moyen privilégié pour augmenter les retombées socioéconomiques des forêts.

En troisième lieu, la population, actuellement, ne peut participer adéquatement à la préparation des plans d'aménagement avec le processus de consultation actuel. Le MRN, dans son bilan, reconnaît lui-même les lacunes du processus de consultation qui se traduisent par une très faible participation populaire. Effectivement, c'est très difficile de participer à un processus qui est tellement discret qu'à peu près personne n'est au courant qu'il y en a un. La question qu'il faut alors se poser est de savoir si, oui ou non, le projet de loi va permettre de corriger ces lacunes reconnues par tous pour ces trois critères. Et, à ce niveau-là, malheureusement, l'UQCN ne peut être que déçue du contenu du projet de loi.

Cette commission doit savoir que le projet de loi que nous étudions ne peut assurer un aménagement durable des forêts québécoises. Il assure un meilleur aménagement forestier classique, oui, mais n'assure pas ce que, au niveau international, on considère être le minimum vital pour être considéré durable.

On retrouve, bien sûr, un certain nombre de mesures intéressantes telles que le principe d'établir une limite nordique, les mesures pour protéger les écosystèmes exceptionnels, les mesures pour disperser les coupes, une certaine forme de concertation obligatoire. Toutefois, ces mesures sont généralement de nature superficielle et ne sont pas suffisantes pour corriger fondamentalement les lacunes soulevées.

Ainsi, l'absence d'une volonté affirmée, dans le projet de loi, d'implanter la gestion intégrée des forêts est une très grande déception pour le Québec alors que ça fait 10 ans de tergiversation qu'on essaie de le faire. Le MRN ne s'est même pas donné la peine d'en faire un objectif du régime forestier. Le projet de loi se contente d'instaurer un processus de concertation qui se limite en plus à un groupe restreint d'intervenants. De plus, le gouvernement entend déléguer cette responsabilité de concertation à l'industrie. Pour nous, c'est une abdication des responsabilités du gouvernement et du ministre en tant que fiduciaire de la forêt publique. Même l'industrie forestière reconnaît que la gestion intégrée doit relever de l'État. C'est le seul qui a la légitimité de faire les arbitrages.

Par ailleurs, le projet de loi constitue une déception majeure en matière d'implantation d'une foresterie écologique permettant de conserver la biodiversité. On indique bien, dans un document, que le MRN pense établir une démarche visant l'intégration des objectifs de maintien de la biodiversité au plan de l'aménagement, mais, en fait, le projet de loi n'établit aucune obligation législative en ce sens, comme il le fait, par exemple, pour la future politique de consultation.

Enfin, la politique de rendement accru, telle que décrite dans le document d'information, semble représenter un recul majeur par rapport à la stratégie de protection des forêts en favorisant maintenant l'artificialisation de la forêt naturelle.

Enfin, l'UQCN doit bien constater que le processus de consultation, qui est reconnu pour son inefficacité, n'a pas été corrigé pour la peine, alors que le processus de concertation qu'on parle d'établir est basé sur l'exclusion de groupes entiers. En fait, le processus proposé par le MRN de participation de la population à la gestion ne répondrait même pas aux exigences du système de certification établi pour le Canada par l'Association canadienne des normes. Même l'Association des industries forestières du Québec avait proposé un processus, il y a déjà plusieurs années, qui est de bien meilleure qualité que ce qui nous est présenté dans le projet de loi. C'est d'ailleurs à la base de l'expérience du GEAI à Jonquière qu'on retrouve d'ailleurs comme exemple dans un des documents du ministère.

Nous sommes d'autant plus surpris du caractère timoré du projet de loi qu'il existe un fort consensus parmi les intervenants du milieu forestier sur l'urgence de corriger ces lacunes pour ces trois critères. Même l'industrie forestière donne son accord de principe sur le besoin d'assurer une gestion intégrée des ressources forestières sous responsabilité gouvernementale.

En conclusion, nos recommandations pourraient se synthétiser en un principe général. La nouvelle loi des forêts doit engager formellement la responsabilité du ministre et du ministère des Ressources naturelles vis-à-vis l'implantation d'un aménagement durable. Les critères d'aménagement durable ne doivent plus être relégués au préambule de la loi, mais bien en former la trame constante.

On a présenté dans notre mémoire par ailleurs une série de recommandations plus concrètes portant sur des articles ou des éléments plus particuliers. Ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Bélanger et M. Mead. Alors, on passera à la période des échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Juste une question d'abord, courte, d'entrée de jeu, sur le rendement accru. Comment pouvez-vous affirmer aussi péremptoirement que la politique de rendement accru va artificialiser les forêts, alors qu'elle n'est pas encore conçue?

Le Président (M. Sirros): M. Bélanger.

M. Bélanger (Louis): J'ai bien dit... Si on se fie sur les documents qui nous ont été présentés pour la consultation, ils nous disent que le rendement accru doit être basé sur trois traitements sylvicoles, c'est le reboisement, le regarni et l'éclaircie précommerciale. C'est là-dessus, sur cette base-là... Donc, trois traitements dont en particulier le reboisement et le regarni qui nous amènent à l'artificialisation. Et nulle part dans le document qu'on nous fournit on fait référence à la stratégie de protection des forêts dans le premier document. Et c'est sur cette base-là qu'on a des inquiétudes importantes à ce niveau-là.

M. Brassard: Du regarni, du reboisement, et l'autre...

M. Bélanger (Louis): L'éclaircie précommerciale.

M. Brassard: On en fait depuis des années au Québec. C'est donc dire qu'on est en train d'artificialiser les forêts québécoises.

M. Bélanger (Louis): Sous une certaine forme. D'ailleurs, il y a des débats importants sur l'éclaircie précommerciale. Ça, ça a un impact sur la faune.

M. Brassard: Vous proposez l'adoption d'une charte sur le paysage et le développement d'une politique d'aménagement visuel. Par contre, vous ne dites rien sur les propositions visant l'adoption de nouvelles stratégies de répartition des aires de coupe et aussi l'intégration des objectifs de maintien de la biodiversité aux stratégies d'aménagement. Ça veut dire quoi, une charte sur le paysage et le développement d'une politique d'aménagement visuel?

n(9 h 50)n

M. Bélanger (Louis): C'est quelque chose qui existe depuis 1972 aux États-Unis, dans les forêts nationales américaines, puis que la plupart des autres provinces, certainement l'Alberta et la Colombie-Britannique, ont adopté déjà depuis la fin des années quatre-vingt. Actuellement, le paysage n'est même pas reconnu formellement dans aucune loi comme étant une ressource. Pourtant, tout le récréotourisme est basé sur cette ressource-là. Et dans cette approche-là, il n'y a pas de stratégie de mise en valeur des paysages au Québec et de mesures cohérentes qui respectent les règles de l'art pour les protéger et rendre compatibles la foresterie et le récréotourisme. L'industrie forestière même, dernièrement, a dit que ça devait être une priorité en termes d'acceptabilité sociale. Une charte, premièrement, reconnaîtrait l'importance économique et patrimoniale des paysages; deuxièmement, essaierait d'établir les principes de base, basés sur la science connue, pour finalement aboutir à des recommandations de saine pratique.

M. Brassard: Est-ce que, de la même façon que la Coalition, vous recommandez que les superficies en aires protégées au Québec soient portées à 12 % du territoire?

Le Président (M. Sirros): M. Mead.

M. Mead (Harvey): Dans le mémoire, nous faisons référence à 8 % qui est reconnu mondialement. De façon générale, ce que nous constatons, c'est que le Québec est extrêmement pauvre, actuellement, dans les 1 %, 2 %, 3 %, selon la façon de calculer une aire protégée. Le colloque sur la nordicité de l'an dernier nous permettait d'entendre Christian Mercier, professeur de foresterie et d'écologie forestière, proposer 15 %. Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait un processus qui soit intégré dans l'aménagement et dans le développement de la politique forestière, un processus qui nous démontre que nous avons conservé des territoires représentatifs de notre biodiversité. Ça n'existe pas. Vous avez signé avec les deux autres ministres une stratégie qui, d'ici un an, est censée commencer le processus de sélection des territoires. Et, dans un communiqué que nous émettons aujourd'hui, nous soulignons qu'il y a un manque de cohérence entre la volonté d'adopter les modifications à la Loi sur les forêts et l'adoption d'une ligne nordique, d'un réseau d'aires protégées élargi, etc.

Alors, que ce soit 12 %, 15 %, 8 %, on ne veut pas faire de cela le point de mire de notre questionnement et de notre intervention. Ce qui est essentiel et ce qui n'existe pas au Québec, c'est un réseau d'aires protégées qui protège la biodiversité de façon telle que, deux choses, premièrement, il ne disparaisse pas en raison d'un feu quelconque et, deuxièmement, il permette de faire le contrôle des activités forestières, surtout dans les régions nordiques où nous expérimentons actuellement, comme nous l'avons fait dans le sud il y a 100 ans ou depuis 100 ans. Alors, 12 %, 8 %, 15 %, ce n'est pas ça le point majeur. Mais, vraiment, vous avez dit 8 % dans la proposition de stratégie. Ça, c'est un minimum.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Vous recommandez d'élargir à tous les intéressés la participation à l'élaboration des plans d'aménagement forestier. Vous recommandez également d'introduire dans ces PGAF les impacts environnementaux des activités d'aménagement selon les six critères d'aménagement durable.

M. Bélanger, comme vous êtes directement impliqué dans la gestion de la Forêt Montmorency, j'aimerais savoir quels sont les mécanismes que vous avez mis en oeuvre pour réviser ou revoir votre PGAF dans la Forêt Montmorency. Est-ce que vous tenez compte des impacts environnementaux et est-ce que vous avez mis en oeuvre un processus de consultation élargi?

M. Bélanger (Louis): Tout à fait. Depuis à peu près, formellement, trois ans qu'il y a un comité élargi, une table de concertation qui suit. Nous avons essayé de suivre les exigences de la certification de l'aménagement durable établies par l'ACNOR, l'Association canadienne des normes, dans laquelle on a les MRC, les Hurons, les étudiants, les travailleurs, les ministères qui participent à la table de concertation de la Forêt Montmorency qui a autorité sur le plan d'aménagement à ce niveau-là.

Au niveau des évaluations environnementales, bien là, je veux dire, c'est peut-être un peu facile. Étant une forêt d'enseignement et de recherche, c'est normal qu'on le fasse. Alors, nous, en termes hydrologiques, ça fait depuis 30 ans qu'on a un bassin de recherche pour voir l'impact de la foresterie sur l'eau. On a établi, en collaboration avec la FAPAQ et le MRN, une série de projets d'évaluation d'impacts des pratiques forestières sur la faune et ces interventions-là font en sorte qu'on est en train de changer certaines pratiques forestières, certaines façons dont on fait, par exemple, l'éclaircie précommerciale. Et, actuellement, on est en train d'intégrer ça dans la rédaction, cette année, d'un nouveau PGAF.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. Mead.

M. Mead (Harvey): J'ajouterais juste que la notion d'évaluation d'une ressource d'une telle importance et d'une activité économique d'une telle importance nous paraît primordiale, et le mémoire ne fait que dire: On ne le fait pas actuellement et nous le considérons essentiel.

Louis vient de vous suggérer qu'il y a des modèles très limités de la Forêt Montmorency, mais ce qui est primordial, c'est que ça couvre une énorme partie du territoire et il n'y a pas de processus d'évaluation. Nous le reconnaissons ailleurs, nous espérons que le gouvernement va le reconnaître maintenant dans ce domaine.

M. Brassard: Qu'est-ce que vous voulez dire par processus d'évaluation? Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut introduire au contenu du PGAF l'obligation d'identifier les impacts environnementaux des activités d'aménagement. C'est ça que vous dites. Mais là vous parlez de processus d'évaluation. Vous voulez dire que, dans l'élaboration des plans, ça devrait être assujetti au processus d'évaluation environnementale?

M. Mead (Harvey): Là vous utilisez un terme technique, et on ne se réfère pas à un processus particulier. Mais il faut qu'il y ait...

M. Brassard: La prise en compte.

M. Mead (Harvey): Excusez?

M. Brassard: La prise en compte des impacts environnementaux. C'est ça que vous dites.

M. Mead (Harvey): Oui.

M. Brassard: Pas nécessairement de recourir au processus légal d'évaluation environnementale.

M. Mead (Harvey): Je ne pense pas que le mémoire le fait de cette façon formelle. Non.

M. Brassard: Bien. Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Mead, M. Bélanger, bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Ce que je retiens essentiellement de votre mémoire, c'est que vous êtes très déçus du fait que le projet de loi ne vise pas à atteindre les objectifs d'aménagement durable de nos forêts. Alors, ce qu'on comprend de votre position, c'est que vous estimez que le ministre est complètement dans le champ pour ce qui est de l'atteinte des objectifs au niveau de l'aménagement durable de nos forêts.

Vous êtes déçus et vous avez soulevé un certain nombre d'éléments, un certain nombre de lacunes. Tout à l'heure, M. Bélanger, vous faisiez référence, par exemple, au niveau de la conservation de la biodiversité, qu'on n'avait aucun élément qui nous permettait effectivement de bien contrôler notre faune, toute la biodiversité dans nos forêts. M. Mead, tout à l'heure, vous nous avez dit: Écoutez, il y a un manque de cohérence à l'intérieur du gouvernement pour ce qui est notamment des aires protégées.

Et nous, ce qu'on constate actuellement, c'est le fait qu'on n'entend ni le ministre de l'Environnement ni le ministre responsable de la Faune et des Parcs. Pourtant, c'est des ministres qui sont interpellés avec le ministre des Ressources naturelles pour ce qui est de l'établissement d'une véritable politique d'aménagement intégré.

Vous avez également ajouté, M. Bélanger, tout à l'heure: Il faut changer nos pratiques dans le domaine forestier avant que ça explose en forêt. Et j'aimerais que vous puissiez nous en dire davantage parce qu'il y a plusieurs intervenants qui sont venus effectivement dénoncer le fait qu'en matière d'aménagement durable le projet tel qu'il est proposé de toute évidence ne nous permettra pas d'atteindre ces objectifs.

Quand vous nous dites: Écoutez, si on ne fait rien, ça va exploser en forêt, c'est donc dire qu'il y a des pressions telles sur le terrain qu'il faut absolument changer d'orientation ou changer de cap. Est-ce que c'est possible de nous donner des exemples concrets où le couvert de la marmite est à la veille d'exploser?

M. Bélanger (Louis): Dernièrement, on a vu une émission sur Le Point où le dossier des pourvoiries est un dossier où il y a des conflits même médiatisés depuis facilement sept ou huit ans. Il y a un directeur régional du ministère des Ressources naturelles qui a eu le courage, à un moment donné, dans la Mauricie, de dire que dorénavant on ne donnera plus de permis de coupe s'il n'y a pas une entente écrite entre les industriels et le pourvoyeur. C'est la seule région où on retrouve ça actuellement parce que c'est après exploser. Ce directeur régional le voyait comme la solution ultime.

Et d'ailleurs, ça a enclenché tout un processus, les industriels me disant clairement que le fait qu'il y ait une obligation permettait aux ingénieurs forestiers d'aller dire à leurs patrons: C'est ça, il y a nécessairement une certaine augmentation de coûts. Mais c'était de dire: Ou on accepte ces augmentations de coûts ou on n'a pas accès au territoire. Choisissez! Et finalement, ça a été une pression. Cette exigence régionale a fait en sorte que les industriels ont amorcé un processus intéressant.

n(10 heures)n

Je ne parle pas du dossier autochtone que tout le monde connaît, avec le dossier des barrages, continuellement, mais j'ai un directeur de zec dans la région de Lanaudière qui m'a dit dernièrement, après encore une émission sur Le Point, que ce n'est pas dans 10 ans qu'il va voir une guerre chez eux, elle est déjà commencée. Et les conflits, il dit: J'ai tous les problèmes du monde à contrôler, par exemple, mes chasseurs d'orignaux et autres de ne pas faire de manifestation.

Un dernier exemple. Dans le Bas-Saguenay, des municipalités avec un dossier associé à une scierie, avec un projet de forêt habitée qui n'arrivait pas à se réaliser, avec des conflits avec un industriel, avec des maires obligés de dire aux gens: Non, non, non, on ne bloquera pas la route. Alors, ces pressions-là, on les sent... Où on est chanceux actuellement au Québec, c'est que les gens cependant se parlent encore. On n'est pas encore rendus aux insultes puis aux injures. Et c'est pendant que le monde se parle encore que c'est plus facile de trouver des solutions. En Colombie-Britannique, les gens ont été prêts à faire de la prison. À Clayoquot Sound, il y a 800 personnes qui ont fait de la désobéissance civile pour... Il ne faut pas se rendre là, puis tout le monde est perdant en termes tant social qu'économique, et plus on va attendre de faire ces modifications-là, tant que la population n'aura pas confiance, on risque d'avoir ces conflits.

Mme Normandeau: Vous estimez qu'on est à une espèce de croisée des chemins, dans le fond.

M. Bélanger (Louis): Tout à fait. Ça fait 10 ans... Le COMPADR, en 1988, demandait au ministère d'établir un processus de gestion intégrée pour les réserves fauniques. Douze ans plus tard, le processus n'est pas encore en place et, là, ça fait 12 ans que le monde attend puis commence à être impatient.

M. Mead (Harvey): Vous me permettrez d'ajouter l'autre côté de la médaille. Nous proposons la tenue d'une enquête publique depuis plus d'un an maintenant, et ce n'est absolument pas en critiquant le processus de commission parlementaire que nous respectons intégralement, mais on a un exemple qui mérite d'être regardé. Le ministre de l'Environnement a donné un mandat au BAPE, il y a 15 mois, il y a un an et demi maintenant, sur le dossier de l'eau. Une crise a éclaté en Ontario et il y a des crises potentielles partout au Québec. Le ministre, le gouvernement maintenant a en main un rapport de 700 pages qui a été fait, en consultant la population de toutes les régions, par une commission indépendante et qui couvre un domaine extrêmement complexe. Ce que nous disons, c'est que la complexité et l'envergure du dossier forestier sont similaires. Vous n'avez pas les moyens de voir l'ensemble de cette complexité-là et pourtant, il y a urgence. Et donc, nous pensons qu'une enquête publique qui permettrait, premièrement, à tout le monde d'être écouté, mais qui pourrait être faite...

On a l'exemple de la stratégie de protection des forêts où le ministre des Ressources naturelles et le ministre de l'Environnement ont donné un mandat conjoint au BAPE. Que ce soit le BAPE ou que ce soit une autre instance, le Québec a une très belle réputation en matière de consultation sur les dossiers d'envergure. Donc, votre question: il y a urgence et il y a moyen de voir à ce que, d'ici un an, un an et demi, il y ait un rapport indépendant pour que le gouvernement puisse vraiment voir clair.

Mme Normandeau: Pour vous, le BAPE pourrait mener une enquête comme celle-là, c'est ça, au niveau forestier?

M. Mead (Harvey): Il pourrait donner suite à ce qui a été fait avec la stratégie de protection des forêts, ça a très bien marché, à mon avis ? j'étais là, dans le temps. Oui.

Mme Normandeau: Bien. Une autre question porterait sur la possibilité forestière. M. Bélanger, tout à l'heure, dans votre introduction, vous avez affirmé: On coupe, on a peut-être coupé un peu trop. Et je prends à témoin, à la page 26 de votre mémoire, vous affirmez une chose qui est assez surprenante, et je vous cite, vous nous dites: «Nous connaissons des cas précis où c'est le ministère des Ressources naturelles qui a exigé des industriels de modifier à la hausse la possibilité forestière.»

M. Bélanger (Louis): Charlevoix.

Mme Normandeau: Alors, c'est grave, quand vous dites ça, parce que vous nous dites, dans le fond: Les chiffres sont truqués.

M. Bélanger (Louis): C'est que, là, il y a toujours un débat. Je vais revenir. Le calcul des possibilités, c'est à peu près ce qui est le plus difficile dans l'art de faire de la foresterie. Il y a tellement de critères, il y a tellement d'hypothèses qu'il y a toujours un élément de complexité à faire un calcul de la possibilité. Et là on peut, comme je vous dis des fois, être un petit peu plus conservateur ou être plus optimiste quand on le choisit. Dans certains cas, quand on dit que le ministère reprend le calcul des possibilités, ce n'est pas une garantie qu'on va prendre cette vision plus conservatrice, plus prudente, du calcul de la possibilité.

Et on l'a vécu, ces dernières années, dans Charlevoix, où la compagnie a fait un calcul de possibilités et le ministère est revenu à la hausse, pour différentes raisons, discutables, justifiables dans certains cas. Je ne dirais pas, non, je ne dirais certainement pas... ils n'ont certainement pas trafiqué les chiffres, pas du tout. Mais, dans l'interprétation qu'on en fait, dans ce cas-là, on a senti l'impression que le ministère avait tendance à peser sur le gaz pour accélérer l'utilisation économique, peut-être pour forcer la compagnie à exploiter là où la compagnie jugeait que c'était inéconomique d'aller exploiter; il peut y avoir plein de raisons. Mais c'est un cas d'augmentation. Puis il y en a eu d'autres.

Mme Normandeau: Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que le ministère, dans certains cas, a des scénarios beaucoup trop optimistes au niveau du calcul de la possibilité?

M. Bélanger (Louis): C'est clair. Puis quand on demande au ministère les chiffres, ils ne peuvent pas nous les donner. On a demandé au ministère des Ressources naturelles de nous donner le chiffre de ce qu'on appelle l'effet possibilité: Quelle est la possibilité qui est basée sur les travaux sylvicoles de l'avenir? Ce qu'on nous a répondu, au MRN, c'est que, à une certaine époque, on le calculait puis on pouvait le donner. Ce chiffre-là n'a pas été évalué depuis nombre d'années, donc le chiffre est inexistant. Alors, ça, c'est grave. En termes purement professionnels, c'est une lacune grave de la façon de calculer la possibilité.

Mme Normandeau: Ça veut dire quoi, ça, concrètement?

M. Bélanger (Louis): C'est que, par exemple, dans certains territoires, on se permet de couper, aujourd'hui, plus de bois, dans l'espoir que les travaux sylvicoles vont nous donner des rendements pour boucher des ruptures de stocks dans 10, 15, 20, 30 ans basés sur des traitements sylvicoles dans lesquels on n'a pas la moindre idée de ce que vont être les rendements, parce qu'on ne l'a jamais vraiment fait sur tout une révolution. Et, normalement, dans cette situation-là, la prudence dirait: Bien, on va être très conservateur dans l'évaluation de notre rendement accru. Il y a quelqu'un qui nous a dit qu'on estimait, dans des traitements d'éclaircie précommerciale, des rendements supérieurs au meilleur peuplement naturel qu'on retrouvait dans ce territoire-là. Ça, c'est ce que j'appelle être un optimiste, des fois, un peu extravagant. Et si on n'est pas capable d'essayer d'évaluer un plan d'aménagement pour essayer d'évaluer ça... Comme professionnel, j'ai essayé, puis je suis incapable de le faire en lisant les documents actuels. C'est caché dans des numéros de formules et autres, là; on n'est pas capable de trouver ce chiffre-là. Et plusieurs professeurs à la Faculté de foresterie et d'autres demandent au ministère d'être transparent à ce niveau-là. Dans les faits, possibilité que les chiffres soient clairs, que les forestiers qui signent ces plans-là signent quelle est la proportion de leurs possibilités basée sur ces travaux sylvicoles là.

Mme Normandeau: Une dernière question peut-être, M. le Président, si vous permettez. À l'heure où on parle beaucoup de transparence, là, vous venez de faire référence à une situation où, effectivement, il n'y a aucune limpidité dans les données qui sont disponibles. C'est ce que vous nous dites?

M. Bélanger (Louis): Tout à fait, il n'y a aucune limpidité, quoi que ce soit dans le calcul actuel de la possibilité.

Mme Normandeau: Merci.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre, il vous reste cinq minutes et demie.

M. Brassard: Oui. Combien?

Le Président (M. Sirros): Cinq minutes et demie.

M. Brassard: Oui, bien, je reprends sur le même sujet. C'est inquiétant, ce que vous nous dites là: vous formez des ingénieurs forestiers. Alors, vous êtes en train de nous dire qu'ils ont une formation tout à fait lacunaire, défaillante, qu'ils n'ont pas des outils appropriés pour faire leur travail? En forêt Montmorency, le calcul de possibilités, vous devez le faire à peu près de la même façon qu'on le fait au MRN ou sur tout le territoire? Avez-vous une méthode plus efficace?

M. Bélanger (Louis): Pour répondre à votre question, M. le ministre, il y a deux volets à votre question. Un, un volet en termes d'outils, ce n'est pas une question d'outils. Les outils, que ça soit... on pourrait toujours vouloir des meilleurs outils, mais ce n'est pas ces éléments-là qui sont en question. C'est: comment on utilise les outils qui est un problème. Et, deuxièmement: Quelle est la transparence, l'imputabilité, l'explication aux autres gens de notre calcul de la possibilité?

n(10 h 10)n

Et je ne suis pas le seul, l'Ordre des ingénieurs forestiers, d'ailleurs, fait des remontrances aux ingénieurs forestiers sur la façon dont on calcule et sur la façon dont on fait rapport sur le calcul des possibilités. On fait une recommandation évidente sur: Nous proposons, dans ce contexte-là, que la loi spécifie, dans un calcul de possibilités, le contenu obligatoire qu'on devrait retrouver dans le plan. Et vous avez raison, ce n'est pas une critique à la formation mais c'est la critique de la pratique des ingénieurs forestiers au Québec. Tout à fait.

M. Brassard: Bien, j'imagine que, dans ce cas-là, comme vous êtes à la Faculté de foresterie, vous vous efforcez de les former mieux?

M. Bélanger (Louis): Ce n'est pas encore une question de formation. C'est une question de la façon que les forestiers qui travaillent pour l'industrie et pour le ministère font rapport. Actuellement, on réalise que les documents qui sont remis à la population sont illisibles; un auditeur aurait de la misère à se retrouver, et que là, c'est clair qu'il y a la qualité des documents qui doit s'améliorer. Par ailleurs, il y a une attitude générale, chez les ingénieurs forestiers, en termes de prudence élémentaire, face au calcul de la possibilité qui, comme groupe, là, est fortement questionnable, et ce n'est pas juste le régime forestier qui doit être réviser, c'est la pratique des ingénieurs forestiers comme groupe. Et c'est clair qu'on sensibilise, plusieurs professeurs de la faculté sensibilisent très bien nos étudiants à ce niveau-là ? ne vous inquiétez pas à ce niveau-là ? et on en parle régulièrement, là, à nos collègues ingénieurs forestiers. Ce n'est pas de sitôt... Et vous remarquerez, le propre bilan du ministère des Ressources naturelles le dit.

Si vous lisez le bilan de votre ministère ? puis c'est ce qui nous a réveillé, à l'Union québécoise pour la conservation de la nature ? ils ont fait un sondage. Ils ne disent pas auprès de qui mais ils disent que 40 % des fonctionnaires et responsables des industriels, ils ne disent pas qui, là, puis quel est le nombre, mais ils disent que 40 % ne pensent pas que le processus actuel permet de respecter le calcul des possibilités. C'est un problème reconnu chez les... Il y a un effet, là... Chez les ingénieurs, on se sent questionné et remis en question actuellement par toute cette question-là, et c'est clair qu'on a à faire nos devoirs.

Moi, je pense qu'un ministre responsable des Ressources naturelles devrait justement se protéger et c'est pour ça qu'on fait une recommandation que, dans la loi, il devrait indiquer les critères de qualité minimum qu'un calcul de possibilités devrait avoir pour que les ingénieurs forestiers le respecte.

M. Brassard: Merci, oui. Alors, comme vous formez des ingénieurs forestiers, est-ce que la Faculté de foresterie est en mesure de nous indiquer quels seraient ces critères?

M. Bélanger (Louis): Dans les premières consultations publiques, Jean Bégin et Guy Lessard ont proposé un mémoire avec cette liste de critères-là. Nous, nous en avons repris dans une de nos recommandations.

M. Mead (Harvey): Je peux juste...

M. Brassard: Je vous signale que j'ai vécu deux expériences, récemment, en Gaspésie, à Chandler et à Rimouski, où... Moi, je ne suis pas ingénieur forestier, mais ce que j'ai pu constater dans les évaluations et les calculs de possibilités du ministère, c'est la prudence. Parce que, si on avait pris en compte les calculs des industries, ce n'est pas ce que j'aurais annoncé, là. Ça aurait été pas mal plus optimiste. Et il y a eu un gros litige, un gros différend avec les industriels, entre autres sur la portée d'un travail sylvicole particulier qui est l'éclairci commercial, hein, un gros litige, et la prudence était du côté du MRN.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre. M. Mead.

M. Mead (Harvey): Nous ajouterions seulement que vous entrez directement, avec ces commentaires-là, M. le ministre, en ce qui nous concerne, la raison d'être d'une enquête publique. C'est un des éléments où, justement à cause de ces conflits sociaux... On n'est pas ici pour mettre en cause la compétence des ingénieurs forestiers, mais il y a un contexte de travail pour ces gens-là que nous mettons en question, et je pense que ça peut clarifier un peu ce que Louis disait. Ce n'est pas pour dire que c'est des incompétents, c'est des gens qui travaillent dans un contexte qui est à changer.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Bélanger, M. Mead, merci d'être ici. Je pense que la commission a appris énormément de votre passage ici, aujourd'hui. C'est heureux que vous soyez venus comme regroupement d'à peu près tout ce qu'il y a d'environnementalistes au Québec.

Nous avons déploré, dès le début de la commission ? je tiens à vous le mentionner ? que le ministre de l'Environnement et que le ministre de la Faune soient absents de cette commission. Il nous semblait que tout ça aurait été avec le discours du ministre. Mais, malheureusement, ces gens-là n'étaient pas là.

Vous nous parlez, dans votre mémoire, du rendement accru; je veux revenir là-dessus. Le ministre vous a posé une question avec des gros yeux. Il était un peu choqué que vous lui mentionniez que vous n'étiez pas d'accord avec ça. Nous, on n'a pas de gros yeux, en tout cas, moi, je n'ai pas des gros yeux, parce que je veux entendre ce que les gens ont à dire sur le rendement accru.

Est-ce que vous avez des exemples, ailleurs au monde, où on s'est lancé dans un processus comme celui-là et où ça n'a pas si bien fonctionné que ça? Est-ce que les exemples que vous pourriez nous donner sont heureux en ce qui a trait au rendement accru? Et je voudrais juste ajouter que, au même moment où le ministre dit à tout le monde: Les CAF, il n'y en aura plus, il n'y aura plus d'augmentation de CAF ? ce que vous demandez dans votre mémoire d'ailleurs ? au même moment, il leur laisse sous-entendre qu'avec le rendement accru ils auront effectivement plus de bois. Et il y a en quelque part, encore là, où je pense qu'on est après se conter des histoires.

Le Président (M. Sirros): M. Bélanger.

M. Bélanger (Louis): Pour donner des exemples, oui, il y a des territoires où il y a des beaux résultats en termes de rendement accru. On n'a qu'à penser à la Suède, d'un côté, à la Suisse, d'un autre. Cependant, ces deux pays-là ont pris deux stratégies diamétralement opposées depuis un siècle. Les Suédois sont allés vers une artificialisation de leurs forêts, donc, plantation, souvent les essences exotiques, ce qui fait maintenant qu'ils connaissent une crise de biodiversité puis une remise en question de leur foresterie.

De l'autre côté, les Suisses, ça fait un siècle qu'ils font du rendement accru mais basé sur ce qu'ils appellent une foresterie proche de la nature en travaillant avec la régénération naturelle. Et, eux aussi, ils ont eu des bons résultats.

Alors donc, le rendement accru, il y a différentes façons de le faire. Ce que, nous, nous demandons, c'est que, si on embarque dans une stratégie de rendement accru, un, que ça se fasse plus sur le modèle si on prenait le suisse que sur le modèle suédois basé sur la régénération naturelle, comme le dit la stratégie de protection des forêts, mais également que, lorsqu'on travaille au rendement accru, on soit conscient maintenant des impacts. À l'époque, en Europe, on n'était pas conscient des impacts sur la biodiversité puis sur la faune, et là, on se réveille puis on prend les mesures.

Actuellement, l'éclaircie précommerciale, qui est un des traitements utilisés beaucoup au Québec, a des impacts significatifs sur la faune. Et, la question, ce n'est pas de dire: On ne fait plus d'éclaircie précommerciale, mais il y a certainement des mesures d'atténuation qu'on pourrait mettre en place pour baisser cet impact-là sur le gibier. C'est cette attitude-là qu'on veut. Ça, ça n'a pas été écrit en toutes lettres.

Ce qu'on demande, c'est que la stratégie de rendement accru soit basée sur les principes et la stratégie de protection des forêts qu'on considère comme étant un grand acquis du Québec actuellement puis dans lequel le Québec effectivement peut faire la leçon à beaucoup d'autres pays dans le monde avec sa stratégie de protection des forêts.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. le député d'Orford, il vous reste deux minutes.

M. Benoit: Très bien. Vous dites, à la page 9 de votre mémoire: Ce processus de concertation proposé dans le projet de loi ne répond pas aux exigences minimales des standards internationaux en aménagement forestier durable. Quelles sont ces exigences minimales des standards internationaux?

M. Bélanger (Louis): L'ACNOR a travaillé particulièrement beaucoup les principes qui devraient être à la base. Et un des principes, là, c'est le principe d'ouverture et non d'exclusion. Et il est possible de baser un processus de certification qui permet à l'ensemble des parties prenantes, comme ils disent, de participer. Il y a des processus pour que ça soit fonctionnel. Et, au Québec, on l'a démontré avec le projet-pilote du GEAI. À l'époque, c'était Abitibi Price, à Jonquière, qui a mis en place un exemple tellement intéressant qu'il est cité dans un des documents du MRN comme exemple à suivre.

De façon opérationnelle, on n'aurait qu'à s'inspirer du processus que l'Association des industries forestières du Québec avait soumis, il y a quatre, cinq ans, je pense, maintenant. Si ça, c'était établi dans la loi, on serait beaucoup plus proche de ce qui est exigé par l'Association canadienne des normes. Et ils ont produit un immense document sur... Parce que la concertation est un processus qui n'est pas nouveau, là. Aux États-Unis, ils en font depuis 10 ans. Les sciences sociales ont bien circonscrit ce qui fait un bon processus de concertation d'un autre qui risque d'échouer. Ce qu'on espère, c'est que ce professionnalisme-là, de sciences sociales, soit mis pour faire un processus de consultation et de concertation qui suit les règles de l'art. Et, au Québec, on a les experts pour le faire. On a quelques expériences au Canada également; on n'a qu'à s'inspirer de ça.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la période de temps que nous avions allouée. Oui, M. Mead. Très brièvement.

n(10 h 20)n

M. Mead (Harvey): Oui, en terminant, je voudrais tout simplement demander la permission, M. le Président, de déposer des pétitions qui ont été signées à l'intérieur de l'UQCN, lors d'un envoi à nos membres et aux gens qui soutiennent l'organisme ? environ 8 000 personnes. Il y a eu une réponse d'environ 25 %, ce qui, pour nous, est une indication de l'intérêt que porterait la population en général et que porte la population.

Document déposé

Le Président (M. Sirros): Merci, on va la considérer comme déposée. Si vous la laissez là, on va s'en occuper. Alors, merci beaucoup.

Avec ça, on va suspendre quelques instants afin de permettre au Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec de bien vouloir prendre place. On va suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 21)

 

(Reprise à 10 h 23)

Le Président (M. Sirros): J'invite les membres à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Alors, MM., Mmes les députés, nous sommes avec le deuxième groupe que nous avons ce matin, le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec.

Je pense que c'est M. Rioux qui représente le groupe. Je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous connaissez un peu les règles du jeu. Je pense qu'il y a eu une petite entente à ce que vous ayez 20 minutes de présentation et seulement 12 minutes et demie de période de questions par parti, si je comprends bien, si c'est le cas. Alors, ça va fonctionner comme ça.

Regroupement des sociétés d'aménagement
forestier du Québec (RESAM)

M. Rioux (Jean-Guy): Ça va être plutôt le contraire.

Le Président (M. Sirros): Plus de périodes de questions?

M. Rioux (Jean-Guy): Dix de présentation, 20 de...

Le Président (M. Sirros): Et 17 minutes et demie par personne d'échanges. D'accord. Alors, je vais vous limiter à 10 minutes de présentation, donc. Alors, allez-y, M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): Je suis accompagné, à l'ouest, de M. Pierre Baril, directeur général de la Société sylvicole des Laurentides; à l'est, de M. Gilles Michaud, directeur général de la Société d'exploitation des ressources de la Vallée, et au centre, de M. Gérard Szaraz, directeur général de RESAM.

M. le Président, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition, MM. les députés membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir en audience, aujourd'hui. Comme je suis persuadé que vous avez bien lu notre mémoire, je vous propose, M. le Président, de résumer notre position en une dizaine de minutes pour laisser plus de temps aux échanges.

C'est avec un vif intérêt que le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec présente son point de vue sur la mise à jour du régime forestier. RESAM regroupe les 44 groupements forestiers du Québec appartenant à plus de 22 000 propriétaires de lots boisés.

Ces organismes de gestion en commun sont présents dans toutes les régions du Québec habité et ont une expertise précieuse en aménagement des forêts privées et publiques depuis près de 30 ans. Les groupements mobilisent annuellement le travail d'environ 7 000 personnes construisant la forêt de demain, que ce soit les travailleurs sylvicoles ou les propriétaires exécutant eux-mêmes les travaux. Ceci permet à nos sociétés de réaliser 25 % de la totalité de l'aménagement forestier au Québec, forêts privées et publiques confondues.

Notre perspective pour analyser les orientations proposées est que l'aménagement forestier représente une pièce maîtresse du développement durable des forêts. Nous partons du principe que la vitalité des forêts repose notamment sur une industrie d'aménagement forestier dynamique, viable et reconnue. Rappelons que ce secteur représente 15 000 personnes, de 600 à 800 PME, un marché annuel qui avoisine le milliard et qui approvisionne l'industrie des produits du bois dont la valeur des livraisons dépasse les 17 milliards.

Notre position est claire. Elle vise la mise en place de conditions favorisant la production des ressources forestières du Québec habité. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous entendons, par «Québec habité», le territoire d'appartenance des municipalités rurales couvrant les boisés privés et environ 15 % de la forêt publique voués à la production du bois.

À l'égard de la forêt publique habitée, il nous apparaît fondamental de faire une démarcation claire entre la fonction d'aménagement forestier et celle d'approvisionnement en bois des usines de transformation, ce qui n'est pas le cas présentement. En effet, la fonction d'aménagement est confiée en quasi-exclusivité aux détenteurs de permis d'usine de transformation des bois et ne peut se réaliser que dans la perspective restreinte des effets des traitements sur la possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu.

Nous tenons à souligner ici que nous ne réclamons pas, dans le contexte actuel, un régime d'exclusion où l'industrie forestière serait confinée à la transformation. Nous ne prônons pas non plus que les fonctions de récolte et de sylviculture soient dissociées, ce qui irait à l'encontre d'un sain aménagement forestier.

Notre point de vue se situe plutôt dans une optique d'inclusion, optique d'inclusion où les responsabilités d'aménagement forestier pourraient aussi être assumées par d'autres entités que les titulaires de permis d'usine; optique d'inclusion où l'aménagement forestier pourrait aussi se réaliser sur la base d'un territoire forestier désigné, plutôt que sur l'attribution d'un quota de volume de bois d'une essence donnée.

Optique d'inclusion où il serait aussi possible de mettre en valeur d'autres ressources que le bois. Optique d'inclusion, enfin, où les retombées socioéconomiques sur le milieu pourraient aussi constituer des objectifs explicites de l'aménagement. On comprendra ainsi que nous ne visons pas à dissocier l'aménagement de l'approvisionnement, mais, plutôt, pouvoir réaliser l'aménagement sans être obligatoirement et uniquement attachés à l'approvisionnement des usines dans un marché captif.

Après 15 ans d'un régime axé sur le développement économique et sur la croissance et la stabilisation de l'industrie de la transformation, il faudra se préoccuper de la consolidation de l'industrie de l'aménagement forestier. Le rôle d'exécuteur, de sous-traitant évoluant sur un horizon à très court terme, induit par le régime forestier, n'est propice ni à la valorisation des travailleurs forestiers, ni au développement des entreprises vouées à l'aménagement, ni à la stabilisation des communautés dépendantes de la forêt. Le régime forestier doit donc évoluer pour s'inscrire résolument dans une perspective de développement durable. C'est pourquoi il est nécessaire de diversifier plus qu'à la marge les modes de gestion de la forêt publique.

Une autre remarque générale concernant une approche inclusive est de considérer la gestion forestière dans une perspective qui englobe les forêts publique et privée. À cet égard, nous déplorons la place marginale qu'occupe la forêt privée dans le régime forestier. De plus, le clivage entre ces deux modes de tenure a pour conséquence de se fermer à des opportunités qui permettraient d'obtenir un tout qui soit plus grand que la somme des parties.

Avez-vous déjà entendu parler de chicanes de clocher entre les forêts privée et publique ailleurs qu'au Québec? Cette situation malheureuse est un frein à la compétitivité de notre industrie qui est, rappelons-le, une dimension importante du développement durable.

Depuis le début des audiences de cette commission, vous avez eu l'occasion d'entendre plusieurs groupes préoccupés par la précarité de l'industrie de l'aménagement forestier. Ils s'interrogeaient également sur la capacité d'un mode de gestion ? celui des CAF ? à répondre en quasi-exclusivité au défi du développement durable des forêts publiques.

Un bon nombre d'intervenants, dont des industriels forestiers, ont reconnu qu'il fallait valoriser les travailleurs forestiers, que les entreprises d'aménagement devaient opérer sur un horizon plus long que des contrats saisonniers, et que le rôle de simple exécutant, dans un cadre normatif rigide, n'était pas propice à l'épanouissement de ce secteur.

n(10 h 30)n

Même si plusieurs de nos recommandations vont au-delà d'un simple ajustement au régime forestier, nous croyons néanmoins qu'il est possible d'avancer sur la voie du changement dans le respect des règles du jeu actuelles. Oui, nous sommes convaincus qu'il est possible d'imaginer un mode de tenure sur la base d'un territoire forestier désigné, complémentaire au CAF, qui permettra l'intensification de l'aménagement forestier, tout en respectant les garanties d'approvisionnement de l'industrie et l'accès à une ressource de qualité produite à un coût compétitif.

Considérant notre point de vue d'aménagistes, nous retenons cinq orientations proposées par le MRN qui sont susceptibles d'accentuer le virage de l'aménagement durable des forêts. Il s'agit de la gestion participative, du contrat d'aménagement forestier, de l'intensification de l'aménagement forestier, de la gestion adaptée et de l'application du principe de coresponsabilité. Nous accueillons favorablement ces mesures, à la condition qu'elles puissent évoluer concrètement dans le sens de l'instauration d'une véritable culture de l'aménagement forestier.

Si vous aviez quelque chose à retenir de notre mémoire, je vous dirais de ne pas oublier les quatre recommandations suivantes, soit:

1° Reconnaître formellement et responsabiliser les aménagistes de la forêt en tant qu'acteurs de premier plan pour relever le défi de l'intensification de l'aménagement forestier;

2° Associer les parties intéressées, particulièrement aux échelons régional et local, dans le processus décisionnel par la mise en place de structures de concertation;

3° S'engager résolument dans la voie d'un aménagement forestier axé sur une sylviculture d'amélioration des peuplements et non seulement sur celle du rendement soutenu;

4° Prendre en compte le facteur humain dans l'établissement des valeurs des traitements sylvicoles autant en forêt publique qu'en forêt privée.

Pourquoi est-il important de prendre en compte le point de vue des aménagistes forestiers? Tout simplement parce que les faiseurs de forêts sont là pour relever le principal défi du régime forestier, soit de produire plus de bois sur un territoire moindre afin de répondre à la fois à la rareté croissante de la matière ligneuse et aux besoins multiples de la société envers le milieu forestier.

Nous sommes conscients que la commission parlementaire n'est qu'une étape d'un processus d'amélioration. En définitive, c'est dans les règlements, les directives et dans les relations quotidiennes qui en découleront que le changement se produira. Ceci n'exclut pas le besoin d'un leadership, d'une vision que nous attendons du ministre des Ressources naturelles, en particulier pour le développement de l'industrie de l'aménagement forestier. Un projet de loi, aussi parfait qu'il soit, ne peut pas se substituer à la volonté politique de faire avancer les choses. Plus que jamais, il faut passer de la parole au geste. Pour notre part, nous tenons à réaffirmer notre engagement à contribuer de manière constructive à l'aménagement durable des forêts du Québec. Nous continuerons à y mettre les efforts requis et nous réitérons notre entière collaboration à cet égard au ministre des Ressources naturelles et aux intervenants du secteur. Merci.

Le Président (M. Sirros): Vous êtes mieux que votre parole, vous vous en êtes tenu à neuf minutes et demie. Alors, merci beaucoup. Alors, M. le ministre va commencer les échanges avec vous.

M. Brassard: Bien, je vous remercie, M. Rioux et messieurs. RESAM est évidemment une organisation fortement impliquée en matière d'aménagement forestier à travers tout le Québec. Quand on regroupe votre organisation aux coopératives forestières, ça constitue un acteur majeur ? je pense qu'on peut le dire ainsi ? dans l'aménagement forestier parce que... D'abord, je suis un peu étonné de voir dans votre déclaration que vous déplorez la place marginale qu'occupe la forêt privée dans le régime forestier compte tenu que, depuis le sommet de 1995, il y a toute une série d'amendements à la loi sur la base de consensus, d'ailleurs: création des agences de mise en valeur, mise en oeuvre de programmes de soutien. Ça m'étonne un peu que vous affirmiez une pareille chose, que la forêt privée soit marginalisée. J'ai de la difficulté à comprendre cette affirmation. Pourquoi dites-vous cela?

Le Président (M. Sirros): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): C'est qu'on trouve qu'on en parle très peu dans le projet de loi de révision du régime.

M. Brassard: Oui, c'est vrai, peut-être, dans le projet de loi n° 136, qu'on en parle très peu. C'est parce que les amendements et les modifications à la Loi sur les forêts concernant la forêt privée et découlant du sommet de 1995 ont été adoptés par l'Assemblée nationale et intégrés à la loi. Alors, c'est pour ça qu'on n'y revient pas, c'est quelque chose qui a été fait.

Bon, ceci étant dit, quand vous parlez de reconnaissance formelle des aménagistes de la forêt en tant qu'acteurs de premier plan dans la loi, dans le projet de loi, j'ai de la misère à voir ou à concevoir un libellé. Comment ça se traduirait, cette reconnaissance formelle? Je ne suis pas certain que le bon véhicule, c'est la loi. Qu'est-ce que vous voulez dire par reconnaissance formelle des aménagistes? Parce que les sociétés d'aménagement de même que les coopératives, au fil des ans, depuis une dizaine d'années, ont considérablement progressé, pris beaucoup d'expansion dans ce secteur de l'aménagement forestier, ils sont devenus dans beaucoup de cas les mandataires de détenteurs de contrats d'approvisionnement qui leur ont confié la tâche de mettre en oeuvre les stratégies d'aménagement. Qu'est-ce qu'il faudrait faire de plus pour qu'il y ait cette reconnaissance formelle que vous réclamez?

M. Rioux (Jean-Guy): La reconnaissance et la valorisation viendraient du fait de la responsabilisation. À l'heure actuelle, vous savez que ce sont les détenteurs de CAAF qui sont responsables de l'aménagement forestier et que les organismes qui oeuvrent en forêt publique sont plutôt considérés comme des sous-traitants.

M. Brassard: Oui, c'est vrai, c'est les détenteurs de CAAF, parce que c'est eux qui ont signé le contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Alors, qu'est-ce que vous souhaiteriez, à ce moment-là, comme changement pour en arriver à cette responsabilisation, à cette plus grande responsabilisation?

M. Michaud (Gilles): Bien, il peut y avoir plusieurs hypothèses. Il est sûr que la question est très pertinente. Je pense que les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier en forêt publique, actuellement, sont basés sur des ententes contractuelles bipartites entre des industriels transformateurs de bois qui ont des obligations d'aménagement sur des volumes de bois déterminés. En tant qu'aménagistes, nous, qui avons une mission, depuis longtemps, depuis fort longtemps, d'aménagement, il pourrait y avoir... c'est une hypothèse, mais il pourrait y avoir des ententes tripartites où on associerait également davantage le milieu. Je pense qu'il faut en tenir compte. On en tient compte de plus en plus, mais pourquoi ne pas aller jusqu'à une concertation réelle et même régionale au niveau de la gestion d'ententes d'approvisionnement et surtout sur l'aspect aménagement? Donc, une entente tripartite entre aménagistes, transformateurs et, bien sûr, le gouvernement, qui est imputable au bout de tout ça, il y a peut-être là une nouvelle formule qui mériterait... ou qui ferait peut-être avancer davantage une gestion plus participative au niveau de la forêt publique.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Michaud. M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Comment ça se passerait concrètement? Parce que vous demandez que les parties intéressées soient associées, particulièrement aux échelons local et régional, dans le processus décisionnel, et vous parlez de structures de concertation. Concrètement, à quoi ça pourrait ressembler? Et le territoire, je dirais, de base, ce serait quoi? Ce serait la MRC ou... Quelle forme ça prendrait concrètement, ce que vous proposez?

n(10 h 40)n

M. Szaraz (Gérard): Alors, je pourrais peut-être répondre. Vous vous souvenez sans doute, les groupements forestiers du Bas-Saint-Laurent sont venus, il y a à peu près deux semaines, aborder ce sujet, et on parlait, disons, comme référence, plus que nécessairement une transposition pure et simple des agences de mise en valeur de la forêt privée, tout simplement pour souligner qu'il pourrait être intéressant d'avoir une structure où les principaux partenaires ? on parle de trois partenaires, et il pourrait y en avoir d'autres ? travaillent ensemble pour fixer un certain nombre d'objectifs, modalités et responsabilités mutuelles. On pourrait également penser à ce type de structure qui permettrait de définir un certain nombre de règles du jeu applicables dans le milieu en particulier, que ça soit lié aux considérations forestières comme telles, le milieu spécifique, une région donnée, comme le milieu socioéconomique également. Donc, une latitude accrue permettant de définir un certain nombre de règles du jeu adaptées aux situations régionales où les intervenants, dont les aménagistes, pourraient être partie prenante.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Brassard: Est-ce que ces structures ou ces forums de concertation seraient appelés à s'impliquer dans le processus d'élaboration des plans généraux?

M. Szaraz (Gérard): Il y a plusieurs formules. On regarde, par exemple, du côté de l'Outaouais, la Corporation gestion Forêt de l'Aigle qui est un modèle où ils ont un territoire sous leur responsabilité. D'autres modèles, par exemple, on a travaillé dans le Bas-Saint-Laurent avec Alliance des Monts. On parle de rendement accru, des structures peut-être plus simples. Je ne pense pas que l'idée, c'est de fixer une forme ou une modalité de concertation qui soit reproduite partout, mais elle peut s'adapter selon, finalement, l'intérêt également des parties en jeu de travailler ensemble et jusqu'où on pourrait aller.

M. Brassard: Concernant le rendement accru, vous vous montrez très favorables à cette solution pour rendre plus productive la forêt, et, selon vous, ça doit reposer principalement ? c'est votre troisième recommandation ? sur une sylviculture d'amélioration des peuplements. Vous voulez parler des plants, entre autres des plants à croissance rapide? Qu'est-ce que vous entendez par une sylviculture d'amélioration des peuplements pour...

M. Szaraz (Gérard): Je pourrais répondre également à cette question.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. Szaraz.

M. Szaraz (Gérard): Dans le cadre actuel, on a une sylviculture, rappelons-le, axée sur une sylviculture de rendement soutenu, donc des traitements qui ont une relation avec le maintien d'une possibilité forestière. Nous pensons que, si nous nous dirigeons vers l'intensification de l'aménagement, il y a d'autres aspects qui vont devoir être tenus en compte. On peut parler de l'amélioration des peuplements, qui pourrait avoir pas nécessairement un effet à court terme sur la possibilité, mais qui aurait pour effet d'enrichir le patrimoine forestier, une sylviculture qui pourrait mettre en valeur également des espèces peut-être moins convoitées. On pense à toute la situation de la forêt feuillue, forêt mixte. On peut parler également, dans cette optique, d'une sylviculture axée sur la qualité du bois pour la seconde transformation. On peut penser également à une sylviculture qui tient compte d'autres ressources. Donc, enrichir la notion de sylviculture pour englober de façon plus grande les dimensions, les diverses facettes de l'aménagement forestier, tenant compte également des situations, des préoccupations et des besoins des intervenants du milieu.

M. Brassard: Une dernière question. Je n'ai pas constaté, dans votre mémoire ni dans votre intervention, une quelconque inquiétude ou préoccupation relativement à l'application de la TPS-TVQ sur le Programme d'aide à la mise en valeur des forêts privées. Est-ce que votre inquiétude est disparue?

M. Rioux (Jean-Guy): Pas du tout. On vous remercie d'ailleurs, M. le ministre, d'avoir su prolonger le moratoire dont nous bénéficions actuellement. Et on serait toujours très intéressés à savoir si vous pensez que des mesures seront prises pour lever définitivement cette menace qui pèse toujours sur les propriétaires aménagistes.

M. Brassard: J'en ai discuté avec le ministre du Revenu ? c'est lui qui est directement impliqué ? je peux vous dire que nos échanges vont nous conduire à apporter des amendements à la Loi sur les forêts, ce qui va permettre ainsi à mon collègue de modifier son interprétation quant à l'application de ces taxes au Programme de mise en valeur. Alors, ça aurait pour effet, à ce moment-là, d'apporter une solution permanente à cette problématique.

M. Rioux (Jean-Guy): Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le président, M. Rioux, M. Szaraz, M. Michaud également, M. Baril, bonjour. D'entrée de jeu, j'aimerais saluer, suite à l'excellente annonce que vient de vous faire le ministre, que, si ce n'était des efforts soutenus de RESAM, évidemment parce que ça a été préoccupation pour les propriétaires, la TPS, la TVQ... Félicitations à vous d'avoir réussi à convaincre le ministre du bien-fondé de donner un peu de souplesse, là, pour permettre à vos propriétaires de souffler un peu.

Écoutez, tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, et je pense qu'on s'attendait à ce que RESAM, bien sûr, compte tenu du nombre de groupements que vous représentez, s'intéresse au projet de loi n° 136. Un élément qui est au coeur de votre mémoire, c'est l'aménagement aux aménagistes, et j'ai eu la chance d'assister à votre dernier congrès à Maniwaki, et, M. le président, M. Rioux, évidemment, clamait haut et fort ce slogan, L'aménagement aux aménagistes, et j'aimerais qu'on puisse revenir sur ce point-là qui me semble, à mon sens, majeur et pour... Vous illustrez de façon aussi assez claire toute la place qu'a prise l'aménagement au fil des ans, vous parlez même d'industrie de l'aménagement. Alors, c'est donc dire que vraiment, là, il y a une activité économique extrêmement importante qui tourne autour de l'aménagement.

À la page 7 de votre mémoire, vous faites référence au fait qu' «il est vital de faire une démarcation ? et je vous cite ? claire entre la fonction d'aménagement forestier et celle d'approvisionnement des usines». Alors quand, M. Rioux, vous nous dites L'aménagement aux aménagistes, on se dit: Est-ce que RESAM propose qu'on dissocie, dans le CAAF, deux A, l'approvisionnement de l'aménagement? Là, ce que j'ai compris de votre présentation, vous favorisez davantage une approche sur l'inclusion plutôt que l'exclusion, mais, concrètement, comment tout ça pourrait s'articuler? Parce que ce que j'ai compris des visites que je fais sur le terrain avec les groupements, c'est que vous êtes dans un... À chaque année, dans le fond, vous êtes tributaires des contrats qui seront signés, et, bon, ce que vous souhaiteriez, c'est d'avoir davantage, plus de sécurité pour vous permettre de vous développer. Vous êtes... Vous l'avez souligné tout à l'heure, M. Michaud: On est des sous-traitants. Quand on parle de reconnaissance, j'imagine que vous souhaiteriez être reconnus à votre juste valeur, et ça, concrètement, ça passerait par quoi? Et là je fais référence à la page 14 où vous parlez d'un contrat d'aménagement forestier et j'aimerais que vous puissiez nous en dire davantage parce qu'on a l'impression que c'est une espèce de révolution à laquelle vous nous conviez, là, en parlant d'aménagement aux aménagistes. Est-ce que c'est possible de nous en dire un peu plus?

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): Je vais en dire un petit mot, puis Gérard va compléter. C'est que ce que nous revendiquons, c'est d'être reconnus comme des partenaires, non seulement comme des exécutants. On voudrait, dans cette philosophie d'inclusion, qu'on soit considérés comme des partenaires et que nous puissions jouir d'une certaine stabilité. Si on compare, par exemple, un contrat d'aménagement qui se joue sur une saison, comparé à un CAAF, à deux A, qui se joue sur cinq ans ou 25 ans, il y a tout un monde. Et je vais laisser Gérard compléter.

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz.

M. Szaraz (Gérard): En fait, la révision du régime forestier, avec les principes du contrat d'aménagement forestier, celui du rendement accru ou de l'intensification de l'aménagement forestier, est porteuse de certains éléments qui, nous sommes convaincus, peuvent nous faire progresser sur cette voie.

Évidemment, le contrat d'aménagement forestier tel que nous l'entrevoyons va un petit peu plus loin que ce qui est proposé. On pense qu'il y a trois facteurs importants. La notion de territoire attachée au contrat d'aménagement forestier nous semble essentielle pour... Comme aménagistes, réaliser l'aménagement sur la base d'un volume ponctuel, noyé dans une unité d'aménagement, est très difficile même avec le principe de coresponsabilité. Alors, comme aménagistes, on pense que la notion de territoire associée au contrat d'aménagement forestier devrait prévaloir. Ce serait également une occasion de ramener certaines idées de forêt habitée, que ce soit le territoire d'appartenance des municipalités.

Le deuxième point du contrat d'aménagement forestier lié aux objectifs, il y a, bien sûr, les objectifs de rendement soutenu associés à l'attribution d'un volume, mais ça pourrait être l'occasion d'y introduire les objectifs d'intensification d'aménagement, donc de pouvoir confier à l'entité bénéficiant du contrat d'aménagement forestier également de développer le principe d'intensification d'aménagement dans ces zones à proximité des zones habitées.

Et, en troisième lieu, pouvoir explorer ? le ministre, également, donne une certaine marge de manoeuvre dans le principe de gestion adaptée ? définir un certain nombre de paramètres, de règles quant à l'aménagement forestier pour pouvoir réaliser une sylviculture ? peut-être celle qu'on connaît un peu plus en forêt privée ? une sylviculture plus intensive, plus fine, d'enrichissement du patrimoine.

n(10 h 50)n

On pense également que ce contrat, si un territoire était défini sur des aires communes ou des unités d'aménagement, pourrait et devrait être harmonisé avec les détenteurs de droits sur le territoire, donc ne viendrait remettre en question le calcul de possibilité sur l'ensemble de la zone, ne reviendrait pas remettre en question les attributions, viendrait en complémentarité. D'ailleurs, je pense que Louis Bélanger mentionnait tout à l'heure que l'Association de l'industrie forestière avait déjà proposé dès 1992 l'idée d'un contrat d'aménagement intégré des ressources. Il y a plusieurs concepts, là, depuis une dizaine d'années qui vont un petit peu dans ce sens-là, alors on pense qu'il est possible, dans un principe d'amélioration continue, si on veut, d'avancer sur cette voie-là pour permettre de définir ces zones d'aménagement intensif qui pourraient satisfaire et l'intérêt d'aménagistes comme les groupements forestiers tout en respectant les règles du jeu.

Mme Normandeau: Mais à ce moment-là...

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: M. le Président, merci. Mais à ce moment-là... Bien, vous répondez à une partie de ma question. Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que le contrat d'aménagement forestier serait associé à un territoire mais ne remettrait pas en question les responsabilités du bénéficiaire de CAAF. Mais comment réussir, dans le fond, à... À ce moment-là, est-ce que le bénéficiaire de CAAF, qui, actuellement, fait à la fois de l'aménagement et de l'approvisionnement, verrait ses responsabilités, en termes d'aménagement, retirées? Parce que vous parlez d'harmonisation, là, j'essaie concrètement de voir comment ça pourrait s'articuler.

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz.

M. Szaraz (Gérard): Alors, je dirais, on maintiendrait les règles du jeu actuelles. Si on parle du rendement soutenu comme une des facettes de l'aménagement forestier, la responsabilité du rendement soutenu aux détenteurs de permis d'usine serait maintenue. Ce que le bénéficiaire, si on veut, du contrat d'aménagement forestier viendrait faire en superposition, c'est la gestion des ressources associées à l'intensification de l'aménagement forestier. Et on n'exclut pas non plus, ça se fait déjà dans certaines régions... Les liens entre les aménagistes forestiers et les détenteurs de permis d'usine qui ont des contrats d'aménagement vont assez bien pour qu'on réalise déjà des travaux. Appelons-la la recette de base. Il y a même groupements qui font la planification. Donc, dans certaines zones, il pourrait y avoir, disons, un maillage, un arrimage beaucoup plus fort que simplement les industriels avec le rendement soutenu et les aménagistes avec l'intensification de l'aménagement. On pourrait même en venir à penser ultimement à ce que l'aménagiste du contrat d'aménagement forestier soit également l'aménagiste unique dans une aire commune. Ça peut se faire dans certaines zones, là, il y en a qui sont prêts à avancer sur cette voie-là.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Alors, pour assurer une meilleure sécurisation de vos budgets, puisque le CAAF, un contrat, a une durée de vie de 25 ans, est-ce qu'à ce moment-là le contrat d'aménagement forestier pourrait avoir une durée de vie jusqu'à 25 ans? Est-ce que c'est ce que vous demandez? Comment on pourrait intervenir justement pour vous assurer, là, d'une durée de vie qui soit satisfaisante?

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): Ce que l'on dit, c'est au minimum cinq ans, mais, idéalement, si 25 ans est possible, c'est encore mieux. Parce que planifier à court terme en foresterie, ce n'est pas évident. C'est un travail de longue halène, et puis le temps est un facteur très important en foresterie.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Il y a d'autres joueurs qui sont venus nous faire part de leur vision. Il y a d'autres joueurs qui sont très importants dans le domaine de l'aménagement forestier. Je pense notamment à la Conférence des coopératives et je salue les représentants de la Conférence qui sont ici, M. Beaulieu, M. Lessard et M. Babin. Il y a également REXFOR... Rexforêt, maintenant, qui travaille au niveau de l'aménagement. Alors là, il y a plusieurs groupes qui se positionnent, parce que, évidemment, chacun vient faire ses représentations. Mais comment on peut concilier les intérêts de chacun dans le contexte actuel? Et c'est très louable que vous revendiquiez l'aménagement aux aménagistes, mais, compte tenu du nombre de joueurs, est-ce que c'est possible de concilier... Est-ce qu'il y a de la place, dans le fond, pour tous les joueurs? Est-ce que c'est possible de concilier tous les intérêts de chacun?

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): La réalité terrain fait en sorte que ces organisations-là existent. Ça fait qu'on ne peut pas nier ça, c'est un fait. Mais je crois qu'il y a facilement possibilité de cohabitation. Étant donné l'expérience de chacun, l'historicité de leur développement, il y a certainement moyen de concilier tout ce monde-là qui sont tous intéressés, dans le fond, par l'aménagement de nos forêts.

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz.

M. Szaraz (Gérard): Oui. J'ajouterais: Dans le fond, ce qui est important, il y a de la place pour les aménagistes qui se donnent des outils pour travailler de manière durable, donc qui s'acheminent sur la voie de la certification, par exemple, de leur pratique, qui s'acheminent également vers l'accréditation professionnelle de leurs travailleurs sylvicoles, et on est convaincus que, si le contexte du marché de l'aménagement forestier se démarque un peu comme par le passé... logique de plus bas soumissionnaire, comme on dirait, des contrats octroyés uniquement sur la base du coût, mais ils viennent reconnaître la plus value que les organismes peuvent avoir en termes de certification, en termes de compétences, en termes de durabilité dans le milieu. On n'a aucun problème à travailler... Ce qui nous inquiète... On parle des coopératives ou Rexforêt, on n'a pas de problème, c'est plutôt, peut-être, une certaine classe d'entrepreneurs forestiers de passage, qui ont une durée de vie généralement assez courte, qui tournent les coins un peu rond et qui forcent le marché à niveler par le bas, puis là on ne réussit pas à travailler de façon durable. C'est plutôt cet aspect-là. Puis, je pense, et les coopératives et les groupements, on travaille très fort et dans le volet de certification de nos pratiques et dans le volet de l'amélioration des compétences et reconnaissance des travailleurs, c'est ce qui va nous démarquer, puis il y a certainement de la place pour tout le monde.

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): Oui, peut-être en complément. Si l'intensification de l'aménagement forestier se fait, s'il y a une augmentation des budgets disponibles, il va y avoir encore plus de place pour tout le monde.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui. Puisque vous avez ouvert la porte, M. Szaraz, sur les travailleurs forestiers, les travailleurs sylvicoles, j'aimerais ça, qu'on puisse en parler un peu, parce que c'est un sujet de discussion qui est revenu à plusieurs reprises, les travailleurs sylvicoles. Et ce que j'ai constaté en rencontrant plusieurs groupements, c'est que plusieurs souhaiteraient améliorer les conditions, par exemple, salariales de leurs travailleurs, mais les conditions dans lesquelles sont octroyés les budgets, une année à la fois, font en sorte que l'amélioration de leurs conditions salariales est très, très difficile. Comment vous voyez... Est-ce que vous estimez qu'on doit augmenter... améliorer leurs conditions de travail, leurs conditions salariales? Quelle est votre vision par rapport aux travailleurs forestiers?

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): On peut dire en ouvrant, là, que, si les coûts réels de l'aménagement forestier sont justement évalués, ça va tout de suite améliorer la condition des travailleurs. C'est un gros problème pour nous autres. Si on regarde dans la forêt privée, par exemple, on est obligés de donner même plus que l'on reçoit pour donner des conditions dignes à nos travailleurs. Ça fait qu'il y a la reconnaissance des coûts, là, qui est à l'origine du problème parce que, à l'heure actuelle, souvent, ce n'est pas l'organisme qui fait l'aménagement qui fixe les montants qui sont attribués à l'aménagement.

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz.

M. Szaraz (Gérard): J'ajouterais que l'amélioration des conditions de vie va de pair avec compétence et avec reconnaissance professionnelle et sociale. On prend l'exemple, souvent, des gens qui travaillent dans les garderies, il y a 10 ou 15 ans, c'était un métier qui n'était pas reconnu ni valorisé. Aujourd'hui, il y a une formation, les gens sont reconnus, il y a un salaire qui va en conséquence. Alors, de la même façon, on doit cheminer pour permettre aux travailleurs forestiers d'améliorer leurs compétences, compétences pas juste en termes de productivité, mais également en santé, sécurité, et faire face aux besoins de l'aménagement multiple des forêts.

Également, reconnaissance professionnelle par une certaine forme d'accréditation permettant une reconnaissance des acquis d'une entreprise à l'autre et, évidemment, conditions de vie, rémunération et autres aspects, tous les éléments sont liés. Et je pense que le train est en marche. Depuis quelques mois, on travaille, divers intervenants, ensemble, notamment un comité interministériel qui a été mis sur place pour examiner toute la question du développement de la main-d'oeuvre. Alors, le mouvement est en marche, mais il faut tenter de l'accélérer dans la mesure du possible.

Mme Normandeau: Tout à l'heure, M. le président, vous avez parlé de la reconnaissance des coûts et en insistant sur le fait que ce ne sont pas les groupements qui fixent les coûts. Est-ce que la solution au problème, justement, ne passerait pas par une réévaluation de ces coûts-là? J'imagine que vous travaillez avec d'autres intervenants, où est rendue votre réflexion, dans le fond, par rapport à cet aspect-là? Ça me semble être un élément important, la reconnaissance des coûts.

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux.

M. Rioux (Jean-Guy): Je vais laisser Gérard compléter.

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz.

n(11 heures)n

M. Szaraz (Gérard): On sait qu'en forêt publique, en forêt privée également, la question de la valeur des traitements sylvicoles est souvent associée à une boîte noire. On sait qu'il y a plusieurs choses qui sont incluses dans cette boîte noire, on ne sait pas trop... Et je pense qu'il y a eu un effort continu, d'ailleurs, à réévaluer la productivité. Déjà, connaître la productivité de divers traitements est important. Vous avez entendu des gens de Charlevoix, de Mont-Laurier parler également des problématiques particulières terrain, que ce soit les déchets ou les pentes, que les traitements devraient tenir compte des variabilités. Peut-être qu'en moyenne la valeur est intéressante mais, dans certains cas, elle n'est pas suffisante.

Alors, oui, il faut travailler. En forêt privée également, depuis plus d'un an, les partenaires sont associés à se trouver des façons de déterminer les coûts réels, et il y a des améliorations dans certains cas. Je pense que j'aimerais peut-être passer la parole à Pierre Baril qui, aux Laurentides, a fait un travail intéressant à cet aspect.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril.

M. Baril (Pierre): Disons qu'il y a une préoccupation importante, comme Gérard disait, depuis une couple d'années. Les travailleurs veulent se donner les meilleurs moyens pour essayer de valoriser le travail qu'ils font, puis je pense que, au bout de la ligne, c'est d'essayer d'établir des paramètres sur lesquels on peut au moins justifier ce bon travail-là puis essayer de déterminer un peu... y mettre des chiffres. Parce que, finalement, lorsqu'on est «payé», entre guillemets, avec des subventions, une aide financière, lorsqu'on fixe le prix, on vient déterminer d'avance un petit peu le salaire que l'individu va avoir.

Donc, c'est important de revoir un peu cette grille-là, de déterminer un petit peu le travail, parce que ce travail-là, je pense qu'il a augmenté considérablement depuis les dernières années. On essaie maintenant de le valoriser, puis je pense que c'est également la pierre angulaire de la réussite de tous les travaux d'aménagement qui se font en forêts, autant publique que privée. Donc, si on ne se donne pas les meilleurs moyens ou les moyens pour avoir un niveau d'excellence au niveau de nos travailleurs forestiers, on va avoir de la difficulté à atteindre ce qu'on désire avoir en termes de retombées en forêts publiques.

Je donnerais l'exemple, là, lorsque vous, vous êtes «sous-traitant», entre guillemets, pour Bombardier, Bombardier exige, de votre part, que vous soyez accrédité ISO. Donc, il y a des conditions minimales que Bombardier doit fixer. Je pense que l'État, qui fixe présentement un peu un standard d'excellence en forêt, qui est redevable à la population, doit tenir compte également des conditions qui sont offertes à ces ouvriers-là, de façon à avoir une gamme complète, si vous voulez, autant en industrie où tu as des gens qui ont la possibilité d'être bien formés, d'avoir des ouvriers sylvicoles qui sont capables d'être bien rémunérés, de faire valoir leur travail puis d'être fiers du travail qu'ils accomplissent.

Mme Normandeau: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, le temps qui était imparti, du côté de Mme Normandeau, députée de Bonaventure, est épuisé. Vous aviez un complément, rapidement, peut-être, M. Rioux?

M. Rioux (Jean-Guy): Oui. Juste pour dire que, à l'heure actuelle, ce qui serait intéressant, ce serait d'avoir les moyens d'intéresser la relève et d'assurer une préretraite aux travailleurs. Les travailleurs du monde forestier travaillent à forfaits, et si ça ne paraît pas intéressant, la relève n'est pas facile à assurer et puis le passage à la retraite est pénible.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. Rioux. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. Un peu dans la même foulée, dans la même poussée, je pense, pour intéresser la relève, d'abord, oui, ça prend de la compétence, mais pour la reconnaître, ça prend aussi de la formation, ça prend des cours reconnus, attitrés, pour que le travailleur puisse, avec un diplôme, dire: Woup! Moi, je peux aller ailleurs après mais mon diplôme est reconnu partout où je vais aller. Ça lui donne une fierté puis une crédibilité reconnue à l'ensemble du Québec puis l'ensemble des travailleurs. Je sais qu'on travaille à ce niveau-là, mais, je suis d'accord, il faut aller plus vite parce que le temps presse.

Vous faites mention dans votre rapport de... je reviens aussi avec le prix de la ressource qui doit refléter la pleine valeur du travail; c'est un peu comme on vient de souligner. Comment est déterminé le coût réel, présentement, sur le travail? Et, par la bande, en même temps, quelles modifications doit-on apporter pour relever le coût pour revenir au même constat de tantôt si on veut reconnaître la compétence, mais il faut que le salaire vienne avec, puis du cheap labor, ça n'a pas sa place non plus, là. Donc, qu'on met une compétence, mais il faut réévaluer aussi en fonction de la qualité de l'ouvrage qu'il y a à faire.

Donc, actuellement, on évalue ça de quelle manière? De quelle façon on pourrait modifier ou varier l'évaluation du coût réel pour que ce soit un peu plus intéressant pour le travailleur à embarquer dans l'aménagement?

Le Président (M. Lelièvre): M. Szaraz?

M. Szaraz (Gérard): Pour répondre à ça assez simplement, je dirais, étant donné que nous sommes tributaires, autant en forêt privée qu'en forêt... si on parle des traitements sylvicoles d'une grille de taux. Alors, ce qui est octroyé aux travailleurs, c'est un pourcentage de cette grille qui tient compte évidemment aux divers frais, CSST et autres; donc il y a une partie de ce taux. Le taux augmente, donc la rémunération augmente.

Ce qui est important, peut-être, de souligner ici, c'est que la valorisation du travailleur forestier, la rémunération également est associée très étroitement à la valorisation de l'aménagement forestier, la valorisation de la fibre également. C'est pour ça que les aménagistes qui ont une préoccupation de produire du bois, à valoriser la ressource forestière, à valoriser les peuplements forestiers, on pense qu'en donnant l'emphase sur cet aspect-là la valorisation des gens qui y travaillent va également suivre.

Si la ressource forestière est un coût à minimiser et que les stratégies de développement dans une perspective financière visent à minimiser ce coût, on va se trouver toujours, en bout de ligne, ceux qui écopent... On est en particulier préoccupé par l'augmentation des mesures de contrôle où l'AMBSQ mentionnait que ça pourrait occasionner des coûts supplémentaires de 5 $ à 7 $ du mètre cube. On sait très bien que ce 5 $ à 7 $ du mètre cube va devoir être absorbé par quelqu'un. Les aménagistes sont inquiets parce qu'il va être absorbé en partie sur le prix du bois, donc, et possiblement sur les contrôles, les ententes liant les aménagistes avec les industriels. Donc, on se sent préoccupé par cette notion de coût additionnel associé au contrôle, les répercussions que ça pourrait avoir sur les entreprises d'aménagement, et ultimement, sur les travailleurs également.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui? Là, monsieur a un complément, je pense.

Le Président (M. Lelièvre): M. Rioux. Ah! M. Dubé.

M. Baril (Pierre): Je voudrais juste ajouter un petit peu par rapport à ce que Gérard disait. Je pense que cette notion fondamentale là, on la voit un petit peu plus présentement. Pour un aménagiste, livrer du bois dans une usine, c'est un revenu; pour un industriel, avoir du bois dans son usine, c'est une dépense. Puis je pense que c'est un peu ça, la difficulté qu'on a présentement avec cette situation-là.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Rioux, M. Dubé, M. Szaraz, M. Michaud, on vous remercie. Malheureusement, le temps est écoulé. Les discussions sont très intéressantes, et je vous remercie, au nom de la commission, d'être venus faire ces représentations. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. Je constate que les représentants de la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs sont déjà en place. Alors, bienvenue devant cette commission. Et je vous inviterais à vous identifier et à donner vos fonctions pour les fins d'enregistrement du Journal des débats.

Alors, vous disposez également d'un temps de 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et par la suite, il y aura les échanges, sur une période de 10 minutes, de chaque formation politique. Alors, je vous invite à procéder.

Fédération québécoise
des gestionnaires de zecs (FQGZ)

M. Potvin (Rodrigue): Merci. Mon nom est Rodrigue Potvin. Je suis gestionnaire de la zec Onatchiway-Est et secrétaire-trésorier de la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs.

Je suis accompagné, à ma droite, de Mme Suzanne St-Amour, notre directrice générale, et par M. Hugues Power, notre ingénieur forestier.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, chers amis, je tiens tout d'abord à remercier la commission de bien vouloir entendre la FQGZ. Notre mémoire individuel se veut un complément au mémoire commun du Regroupement des organismes fauniques. Nous vous rappelons que c'est avec fierté que nous avons présidé ce groupe de travail. Nous appuyons fortement les recommandations qui y sont incluses.

La FQGZ est un organisme sans but lucratif regroupant 61 des 62 zecs de chasse et de pêche. Les zecs sont réparties dans 12 régions administratives et 29 MRC. Elles couvrent 47 000 km², soit 6 % de la forêt québécoise. Situées en territoire public forestier, les zecs vivent quotidiennement l'exploitation de la matière ligneuse. En 1998, les zecs comptaient 37 000 membres fréquentant ses territoires sur une base régulière et accueillaient, au total, quelque 250 000 utilisateurs.

L'enquête de 1995 sur la pêche récréative au Canada cite 1 197 000 jours de fréquentation sur nos territoires. De plus, les jours-chasse sont estimés à 500 000. Au cours de 1998, les zecs ont généré 10 millions de revenus autonomes, auxquels il faut ajouter 1,6 million en provenance de divers programmes. Toujours en 1998, ces sommes ont été investies directement en région. Cette année, nous employons 630 personnes, majoritairement sur une base saisonnière, mais durable.

Par sa formule de gestion unique au monde, le gouvernement du Québec a remis aux citoyens une partie de ses responsabilités de gestion faunique. Le 11 décembre 1999, nous avons présenté le bilan de cette gestion au ministre responsable de la Faune, M. Guy Chevrette. Nous avons non seulement bien géré la faune, mais aussi, bien géré les ressources financières. Nous avons travaillé en partenariat avec nos communautés respectives.

Pour le bénéfice des membres de la commission, nous déposons copie de notre bilan. Nous avons prouvé que nous sommes ceux qui ont le plus investi dans les aménagements fauniques, favorisant ainsi la reproduction des populations aquatiques indigènes. C'est, de plus, dans les zecs qu'il se récolte le plus d'orignaux au kilomètre carré et le cheptel est toujours stable après plus de 20 ans de gestion.

Après un bilan fort positif, nous avons retenu deux orientations pour guider nos actions futures. Celles-ci consistent à satisfaire la nouvelle demande pour des produits récréotouristiques en milieu naturel, autres que la chasse et la pêche, et de jouer un rôle moteur dans le développement du plein air. Dans cette optique, pour nos membres, la gestion intégrée des ressources est incontournable.

Le présent mémoire soulève un certain nombre de problèmes de cohabitation vécus par les gestionnaires de zecs. Des exemples terrain y sont présentés et des hypothèses de solution vous sont proposées. Vous y retrouverez 19 recommandations traitant des infrastructures routières, du Programme de mise en valeur du milieu forestier, de notre engagement personnel dans les dossiers forestiers, du règlement des normes d'intervention en milieu forestier, de biodiversité et de récolte des volumes ponctuelle.

Nous traiterons aujourd'hui principalement de trois thèmes, soit les infrastructures routières, le Programme de mise en valeur du milieu forestier et notre engagement à soutenir nos membres dans leur démarche de participation à la gestion forestière. Il nous fera cependant plaisir de répondre à toutes vos interrogations.

L'accessibilité au patrimoine forestier et la gestion intégrée des ressources passent inévitablement par le développement et le maintien d'un réseau d'infrastructures routières convenable et sécuritaire. Présentement, les chasseurs et les pêcheurs sont les seuls à supporter le coût d'entretien de ces équipements sur le territoire des zecs.

Les zecs dépensent annuellement 1,6 million pour l'entretien des infrastructures routières. Cette somme, considérable, compte tenu du budget limité de nos organismes, n'est malheureusement pas suffisante pour assurer le maintien de l'accessibilité. Il est impossible d'en demander plus à nos membres. Une augmentation de la tarification aurait pour conséquence de diminuer la fréquentation, et donc, nos revenus. Il nous semble que tous les utilisateurs du réseau routier forestier devraient contribuer à son entretien, y compris les entreprises et les institutions qui l'utilisent.

Lorsque l'héritage du passé nous oblige à remplacer des infrastructures lourdes, nous devons respecter les mêmes normes que l'industrie. Soit dit en passant, des rumeurs circulent à l'effet que, parfois, l'industrie préfère ouvrir de nouveaux chemins plutôt que de refaire un ancien pont. Nous écopons donc d'un double problème, en plus de subir une nouvelle perte d'habitat faunique. Cette situation justifie à elle seule notre demande de participer à la planification annuelle de l'aménagement forestier. De plus, nous demandons qu'une planification plus détaillée du réseau routier soit exigée dans le plan général.

La FQGZ désire aussi vous rappeler que, dans le cadre du rapport de la Commission de la protection des forêts, les commissaires se sont dits préoccupés de la construction et de l'entretien du réseau routier forestier. Même si ces remarques datent de 1991, elles sont toujours d'actualité. Elles confirment toute la complexité du dossier relatif à la voirie forestière. Afin d'éviter les conflits ultérieurs, ils recommandaient, à l'époque, que le financement des travaux de voirie devrait être réglé au stade de la planification forestière. Compte tenu de la complexité du dossier, la FQGZ vous recommande fortement de doter le milieu forestier d'une politique adéquate.

Pour la FQGZ, qui est, rappelons-le, un organisme sans but lucratif, la redistribution des richesses provenant du milieu forestier vers toutes les activités s'y pratiquant constitue un enjeu de première importance. Le Regroupement des organismes fauniques le signale à plusieurs reprises dans son mémoire. Malheureusement, le projet de loi reste pratiquement muet sur ce sujet. Dans l'optique de la gestion intégrée des ressources, il est justifié de penser qu'une bonne proportion de l'enveloppe régionale devrait être réinvestie sur les terres publiques. Force est de constater que, présentement, ce programme ne répond pas aux besoins des associations gestionnaires de zecs. À titre d'exemple, à la MRC du Fjord-du-Saguenay, on a longtemps exclu du programme l'entretien des infrastructures routières, et seulement 7 % des sommes allouées étaient attribuées aux zecs.

Les différentes expériences vécues par nos membres démontrent que la gestion actuelle ne favorise pas nos organismes, et ce, dans plusieurs régions. Dans les Laurentides, à la suite d'un premier refus de financement d'un projet par l'industrie locale, les règles d'attribution des sommes ont été changées, ou encore, en Mauricie, l'achat de roténone pour restaurer les populations aquatiques sera classé inadmissible dès 2001. L'industrie ne se gêne pas pour nous dire: En 2001, nous n'aurons pas droit aux phytocides, donc, vous n'aurez pas droit à la roténone.

Encore dans les Laurentides, sur présentation d'un projet à l'industrie, nous nous sommes fait demander une lettre garantissant que nous ne toucherions pas à la possibilité forestière. Dans au moins deux cas, des projets jugés admissibles par Forêt Québec n'ont carrément pas été endossés par l'industrie. À la suite du célèbre cas du projet des trappeurs, le financement extérieur à la région a été, osons le dire, encadré en haut lieu, pour ne pas dire exclu.

Cette situation, pour nous, est inacceptable tout autant qu'elle n'a pas sa place. En aucun cas, l'industrie ne devrait exercer une influence sur le choix d'un projet, puisque les montants qu'elle verse ne lui appartiennent pas. En Outaouais, comme dans d'autres régions, une grande partie de l'enveloppe du programme demeure dans le milieu municipal. Pour la FQGZ, il est primordial qu'une portion appréciable du programme retourne aux terres publiques.

Notons également la différence de critères d'admissibilité d'une région à l'autre. Les personnes présentes sur les comités de sélection des projets proviennent, en minorité, du milieu faunique ou en sont carrément absentes. Conséquemment, la FQGZ propose que les fonds du programme de mise en valeur du milieu forestier appartenant à l'État soient rapatriés et que le MRN en fasse la gestion.

Il est entendu que, pour mettre en place la gestion intégrée sur le territoire des zecs, des efforts devront être consentis de la part de tous les partenaires du milieu forestier. Déjà, la FQGZ a, à son emploi, des ingénieurs forestiers et des aménagistes du territoire qu'elle met à la disposition de chacun de ces regroupement régionaux. Les ingénieurs forestiers sont chargés d'épauler les gestionnaires de zecs en ce qui concerne les dossiers relatifs à la foresterie. Ces professionnels pourront participer aux réunions des tables de concertation, vulgariser l'information auprès des gestionnaires de zecs, et le cas échéant, proposer des solutions alternatives afin que la planification tienne compte des habitats fauniques et des secteurs sensibles des zecs.

Les aménagistes du territoire ont pour mandat de préparer les plans de développement récréotouristique. Avec de tels plans, les zecs seront mieux armées pour participer à la planification de l'aménagement forestier. Par la confection d'un plan de développement échelonné sur plusieurs années, les gestionnaires se donneront les moyens de prévoir avec une plus grande efficacité leurs besoins et les impacts des interventions sur le territoire. De cette façon, le risque d'hypothéquer le potentiel récréotouristique et faunique sera minimisé.

La FQGZ croit que, dans une démarche de gestion intégrée des ressources, il est essentiel que chaque acteur du milieu connaisse bien son secteur d'activité afin de transmettre l'information pertinente aux autres acteurs et partenaires. Pour que la démarche soit un succès, l'échange des renseignements entre les différents utilisateurs est nécessaire. Pour les zecs, les plans de développement récréotouristique seront un excellent moyen pour faire connaître leurs futurs besoins et pour faire preuve d'esprit proactif en ce qui concerne la gestion du milieu forestier. Nous osons croire que le programme de mise en valeur du milieu forestier soutiendra, en priorité, notre démarche, et nous vous remercions de votre écoute.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup. Alors, j'inviterais M. le ministre à échanger avec vous.

M. Brassard: Merci, M. Potvin, Mme St-Amour, M. Power. D'abord, on constate évidemment, dans votre mémoire, une très forte préoccupation à l'égard du réseau routier dans les territoires de zecs. Est-ce que ce qu'on propose est en mesure d'atteindre peut-être pas tous vos objectifs mais certains de vos objectifs en cette matière, puisque, comme vous le savez, dans la préparation des plans des bénéficiaires, vous serez impliqués, dès le départ, avec un certain nombre d'autres intervenants dont les pourvoiries?

Et est-ce qu'il n'y a pas là la possibilité d'en arriver à inclure, dans le plan général, une planification détaillée du réseau routier, dans un contexte de gestion intégrée des ressources? Est-ce que ces mesures législatives vous permettraient d'atteindre cet objectif?

n(11 h 20)n

M. Potvin (Rodrigue): Je pense que, dans un premier temps, c'est un pas dans la bonne direction. Alors qu'avant il n'y avait aucune obligation d'être impliqué dans la démarche à l'étape initiale, présentement, on va être présent. Sauf que, dans le plan général, c'est quand même une perspective à long terme, et dans ce fait, présentement, en tout cas, de la manière que, nous, on entrevoit ça, il n'y a pas de planification détaillée du réseau routier.

Et, alors que, dans la planification annuelle, c'est à ce moment-là qu'on pourrait plus facilement intervenir, et il n'y a pas d'exigence réglementaire pour qu'on soit présent au niveau planification. Ceci étant dit, ça, c'est au niveau planification puis on sait l'incidence que la planification peut avoir sur les coûts pour les zecs.

À titre d'exemple, on peut avoir des forestières qui nous arrivent à la dernière minute, si on est absent, et ouvrir des routes dans des secteurs où, pour nous, ça va nous imposer des coûts supplémentaires, tant au niveau de l'accès au territoire qu'au niveau des patrouilles pour faire appliquer la réglementation en ce qui concerne la chasse et la pêche. Donc, si on n'est pas présent plus tard dans la démarche, d'une façon plus officielle, on ne peut pas réagir et on ne peut pas passer nos commentaires sur les différents accès ou les différentes routes qui pourraient être ouvertes.

Dans un premier temps, ça, c'est au niveau de la planification du réseau. Mais l'absence d'une politique ? puis vous voyez qu'une politique de voirie forestière, pour nous, est importante ? fait en sorte que, présentement, les pêcheurs et les chasseurs, après que les forestières se retirent, sont les seuls à entretenir le réseau routier, et pour nous, ça devient un fardeau. On le fait pour nos membres, parce qu'on veut maintenir l'accessibilité puis on veut quand même maintenir la pratique de l'activité, sauf que ça devient insupportable du fait que les chasseurs et les pêcheurs sont les seuls à en assumer le fardeau, alors qu'il y a une multitude d'utilisateurs, que ce soit d'autres utilisateurs privés ou des utilisateurs institutionnels, de même que l'industrie.

Et je pense qu'il faut peut-être regarder le réseau routier en forêt sur une perspective à long terme. Je pense que c'est la pierre angulaire du développement, actuel, récréotouristique que l'on veut établir à l'intérieur des forêts, mais c'est aussi l'outil le plus important, je crois, pour l'utilisation de la forêt à long terme dans 20, 30, 40, 50 ans d'ici. Alors, je pense que, de laisser ça en plan, sans plus ou moins de coordination et de support dans la manière que ce réseau-là va être entretenu après que les forestières se retirent, ce n'est pas nécessairement la bonne chose à faire.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Vous avez la responsabilité, comme gestionnaires de zecs, de préparer, sur le plan faunique, des plans d'aménagement. Est-ce que ce serait, selon vous, envisageable qu'on puisse arrimer les deux processus dans un même cheminement? Vous allez être impliqués dans le processus d'élaboration des plans généraux. Vous avez, vous-mêmes, un plan d'aménagement faunique à concevoir.

Est-ce que vous pensez que ce serait envisageable qu'on puisse arrimer les deux et intégrer les deux processus dans une perspective de gestion intégrée des ressources? Évidemment, ce serait, sans doute, un bon moyen concret de vraiment pratiquer la gestion intégrée des ressources. Qu'est-ce que vous pensez de cette piste-là?

Le Président (M. Lelièvre): M. Potvin.

M. Potvin (Rodrigue): Moi, je pense que c'est primordial et je pense que c'est la manière de voir la gestion intégrée des ressources. Je pense que, effectivement, ça permettrait aussi aux zecs d'avoir une vue plus à long terme de leur développement faunique et de l'intégrer d'une façon complète avec l'infrastructure qui est, pour nous, l'élément le plus essentiel à l'accessibilité au territoire. Effectivement, on verrait ça d'un très bon oeil.

M. Brassard: Oui. Juste une dernière question. Je suis un peu étonné de votre point de vue, de votre position concernant le programme de mise en valeur, particulièrement le volet II; évidemment, c'est celui-là dont vous parlez. Parce que, je dirais, c'est une opinion quasi généralisée, à peu près partout, sur tout le territoire québécois que la façon de faire, c'est-à-dire la régionalisation de l'application de ce programme fait l'affaire de tout le monde.

Vous faites un peu bande à part, là; je trouve ça un peu étonnant que vous vous inscriviez en faux face à cette façon de faire qui, jusqu'à votre déclaration, m'apparaissait faire consensus dans tout le Québec. Pourquoi? Ça ne fonctionne pas? Vous ne réussissez pas à obtenir ce que vous considérez comme votre juste part?

Le Président (M. Lelièvre): M. Potvin.

M. Potvin (Rodrigue): Pour répondre rapidement à la question, effectivement, je pense que les zecs ne retirent pas leur juste part des fonds de ce programme-là. Je pense qu'à la base la gestion régionale est une chose qui était très positive. Sauf que, dans les critères ou dans l'encadrement que l'on donne à la gestion du programme, c'est sûr qu'on ne veut pas dire... je ne pense pas que le gouvernement veuille dire aux élus locaux comment faire leur travail. Sauf qu'on se rend compte ? puis au Saguenay, c'est une chose, puis en Mauricie, c'est une autre, dans les Laurentides, c'est une autre ? qu'il y a beaucoup de règles d'exception qui sont faites, et conséquemment. les zecs, entre autres, peut-être, sont pénalisées à cause des décisions qui sont prises par les décideurs locaux.

Et si l'approche de laisser ces fonds-là être gérés en région est la bonne, puis je crois foncièrement, personnellement, que ce n'est pas une mauvaise décision, sauf que l'encadrement que l'on doit accorder à la gestion de ces fonds-là devrait être revu. En tout cas, selon nous, ce n'est pas normal que, vu que la majorité des fonds des droits de coupe viennent des TNO, les municipalités s'approprient de la majorité de ces fonds-là pour l'investir sur des territoires municipalisés.

Je regardais dans la liste, entre autres, d'une des zecs où on a pris cet argent-là pour développer des parcs municipaux, des sentiers pédestres à l'intérieur d'un parc municipal, alors que les zecs n'ont pas assez d'argent pour réparer les ponts qui sont fermés par le ministère des Ressources naturelles. Alors, il y a des aberrations, dans certaines régions.

Je pense que la responsabilisation est bonne, mais je pense que c'est peut-être... Si la responsabilisation doit demeurer, l'encadrement doit être amélioré pour faire en sorte que des choses de même ne se passent pas.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. Potvin. Je vais passer maintenant la parole à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Mme St-Amour, M. Potvin, M. Power, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Évidemment, ce qu'on retient, c'est que vous avez une très grande préoccupation au niveau de tout le réseau routier.

En fait, vous demandez deux choses au niveau du réseau routier. Premièrement, d'avoir une politique de gestion du réseau routier, une politique de voirie forestière. Et, ce que vous nous dites, ce matin, c'est que, dans le fond, les moyens, pour les zecs, à travers tout le Québec, sont nettement insuffisants pour avoir un réseau routier qui assure, d'une part, l'accessibilité à la population du territoire public, et d'autre part, la sécurité des utilisateurs.

Ma question est très simple: Comment on pourrait financer? Parce que, évidemment, il y a des coûts extrêmement importants qui découlent de l'implantation de politiques comme celles-là. Qui pourrait financer des politiques comme celles-là ou des investissements futurs dans le réseau routier, sur le domaine de nos territoires publics en forêt? Est-ce que vous avez imaginé une façon de financer le développement du réseau routier?

Le Président (M. Lelièvre): M. Potvin?

n(11 h 30)n

M. Potvin (Rodrigue): Je pense que, foncièrement, on est d'accord, nous, avec le principe de l'utilisateur-payeur. Et ça, je pense qu'on l'a prouvé, présentement, et on paie notre bonne quote-part, nous, les pêcheurs et les chasseurs. Mais on est aussi d'accord que tous les utilisateurs... à partir de ce principe-là, on pense que tous les utilisateurs qui utilisent le réseau routier forestier devraient aussi en défrayer les coûts d'entretien. Et, dans cette optique-là, l'industrie, les institutions, les autres utilisateurs de villégiature, à part les pêcheurs et les chasseurs, devraient être aussi mis à contribution. Et, par le développement d'une politique vue de très haut, tout le monde pourrait être mis à contribution dans l'élaboration de cette politique-là et, financièrement, la supporter. C'est bien sûr que l'État, à court et à moyen terme, est un utilisateur important, et on s'attend aussi à ce que l'État reconnaisse son rôle et participe financièrement au support de ce réseau routier là, mais tous les utilisateurs doivent payer leur quote-part, en fonction des moyens qu'ils ont, naturellement.

Mme Normandeau: Bien. Parce que certains intervenants sont venus nous dire que le développement, par exemple, du réseau routier en forêt pourrait être assuré par le Fonds forestier. Mais, vous, vous nuancez un peu plus, en disant: Bien, allons-y selon le principe de l'utilisateur-payeur, et pas uniquement se fier à une source de financement, qui est le Fonds forestier.

M. Potvin (Rodrigue): Effectivement. Je pense qu'on n'est pas en désaccord à payer ce qu'on peut payer, mais on est un peu en désaccord à ce que le principe ne soit pas équitable. On voudrait que les autres paient aussi et, de ce fait, qu'on ait un réseau routier qui aurait un caractère un peu plus permanent. Présentement, sur les zecs, puis je vais vous citer un petit exemple. Lorsque j'arrive sur ma zec, moi... on a un bon réseau routier parce qu'on prend plus que les revenus des droits de circulation pour être capable d'avoir un réseau routier acceptable, sauf que, pour se rendre à notre zec ? excusez l'expression ? c'est l'enfer. On a 33 kilomètres de route qui n'est pas ou peu entretenue et qui empêche les gens d'avoir accès à notre territoire, alors que c'est une route principale forestière et que, si on avait une politique forestière en matière de voirie forestière, bien, il y aurait des acteurs qui... Puis on paie déjà, hein, la zec où je suis membre, pour entretenir en partie la route qui donne accès à notre territoire, mais on est les seuls ou presque les seuls à défrayer les coûts, alors que, s'il y avait une politique, bien, on pourrait identifier, classifier le réseau forestier, et, en fonction de la classification, faire en sorte que les différents intervenants paient leur quote-part.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Un autre élément qui a retenu notre attention, c'est à la page 10 de votre mémoire, sur la reconnaissance des traitements sylvicoles à valeur faunique.

Dans un contexte où on parle beaucoup d'aménagement forestier durable, de protection de la biodiversité, ce que vous nous dites, dans le fond, c'est qu'à l'heure actuelle il n'y a aucun crédit sylvicole qui permet de faire des traitements pour préserver la faune. Il y a une série de recommandations que vous formulez pour amender le Règlement sur les normes d'intervention, le fameux RNI, qui est un peu une espèce de code de sécurité routière, si on peut appeler ça comme ça, là, en forêt. J'aimerais ça que vous puissiez nous en dire davantage là-dessus, parce que je dois vous dire que c'est assez étonnant de constater qu'à l'heure actuelle on ne peut pas faire de travaux qui nous permettraient effectivement de protéger la faune.

Est-ce que c'est possible de nous dire dans quel... puis, dans le fond, concrètement, sur le terrain, là, comment ça se traduit le fait qu'on ne puisse pas faire des traitements, avoir des crédits dévolus à des pratiques qui nous permettraient de protéger la faune?

Le Président (M. Lelièvre): M. Power.

M. Power (Hugues): Oui. Peut-être un exemple qui me vient à l'esprit, c'est l'éclaircie précommerciale avec conservation des valeurs fauniques. C'est un traitement qui pourrait être appliqué sur certains territoires, bien, sur les territoires où est-ce qu'il y a de la gestion faunique. Parfois, il y a des ententes entre les gestionnaires du territoire faunique et les gestionnaires de la matière ligneuse pour appliquer de tels traitements. Mais, comme ces traitements-là ne sont pas permis pour les crédits de droits de coupe, bien, l'industriel refuse de les appliquer. Alors, c'est un peu ça qu'on essaie d'expliquer dans cette partie-là du mémoire, c'est qu'on voudrait que, en fin de compte, la ressource faunique puisse être reconnue comme une ressource forestière puis qu'on puisse avoir accès à des crédits de droits de coupe pour effectuer ces traitements-là.

Mme Normandeau: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Est-ce que vous sentez, de la part des bénéficiaires de CAAF, des industriels qu'ils ont une volonté de faire les traitements qui s'imposent, mais que, parce qu'ils n'ont pas d'incitatifs pour le faire, malheureusement, ils ne le font pas?

Le Président (M. Lelièvre): M. Power.

M. Power (Hugues): Oui, dans plusieurs cas, c'est des choses qui arrivent.

Mme Normandeau: Bien. Justement, en rapport avec cette recommandation à l'effet d'amender ou de réviser le RNI, vous souhaiteriez que le ministère des Ressources naturelles justifie par écrit les raisons de son refus de donner suite aux ententes intervenues entre les détenteurs de CAAF et les gestionnaires fauniques. Est-ce que c'est possible de préciser un peu plus ce que vous entendez par là?

Le Président (M. Lelièvre): M. Power.

M. Power (Hugues): Oui. C'est arrivé à quelques occasions, notamment en Maurice, que le gestionnaire de territoires fauniques et le bénéficiaire de CAAF s'étaient entendus pour appliquer certaines modalités différentes pour mieux protéger l'environnement. On parlait surtout des bandes riveraines, l'élargissement des bandes riveraines, et puis, malheureusement, quand est venu le temps de le faire approuver par la direction régionale du MRN, ça a été refusé.

Mme Normandeau: Et quelles sont les raisons qu'on a évoquées à ce moment-là pour refuser?

M. Power (Hugues): Je ne pourrais pas vous dire quelles sont les raisons qui ont été...

Mme Normandeau: Mais votre intervention est intéressante, parce qu'on parle beaucoup de régionalisation dans les interventions, laisser plus de latitude aux intervenants sur le terrain, quand on parle de gestion intégrée. Plusieurs intervenants sont venus nous dire: Écoutez, il faudrait peut-être s'entendre. Ça nous prend des balises provinciales, mais sur le plan régional, de définir les objectifs qu'on souhaite atteindre et... Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est qu'à l'heure actuelle le ministère refuse effectivement d'accorder de la latitude aux intervenants sur le terrain. C'est ce que vous nous dites?

Le Président (M. Lelièvre): M. Power.

M. Power (Hugues): Je ne crois pas que ce soit le cas tout le temps. Je crois que ce sont des situations qui peuvent se présenter, puis on veut juste éviter que... juste avoir une sécurité finalement. C'est un peu dans ce cadre-là qu'on a fait cette proposition-là. Quand on parle de justifier par écrit, on est bien conscient que le ministère est responsable de protéger la ressource de la forêt, puis on est conscient aussi que ce doit être lui qui a un peu un droit de veto sur les traitements qu'on peut y faire, mais on veut juste que, lorsque c'est refusé, ce soit justifié.

Mme Normandeau: Bien.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste environ 45 secondes.

Mme Normandeau: Ah! Bon, mais c'était simplement une précision...

Le Président (M. Lelièvre): Excusez-moi, une minute.

Mme Normandeau: ...sur la quatrième recommandation à l'effet que vous souhaiteriez que la Société de la faune et des parcs soit partie prenante des décisions. Est-ce qu'on doit comprendre que... Quand vous parlez de décisions, à quelles décisions vous faites référence? Et, si oui, est-ce qu'on comprend que la Société de la faune et des parcs n'est pas du tout impliquée dans le processus qui vise à protéger, au niveau des traitements sylvicoles, la valeur faunique, par exemple?

Le Président (M. Lelièvre): M. Power.

M. Power (Hugues): Nous autres, ce qu'on veut, c'est que la Société de la faune et des parc soit plus impliquée au niveau de l'aménagement forestier, notamment quand on élabore les plans d'aménagement forestier.

Mme Normandeau: Bien. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste encore une minute, j'avais mal vu le chronomètre.

Mme Normandeau: Non, ça va. Je n'ai plus de question.

Le Président (M. Lelièvre): Ça va? M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): En vous rappelant qu'il vous reste environ 1 min 30 s.

M. Désilets: Ha, ha, ha!

Une voix: Fais ça vite.

M. Désilets: On va essayer de faire ça vite. Bonjour. Moi, je reviens, dans votre mémoire, à la page 11, au dernier paragraphe. Vous dites: «Compte tenu que les sommes d'argent du Programme de mise en valeur du milieu forestier appartiennent à l'État, la Fédération québécois des gestionnaires de zecs propose que le ministre rapatrie la gestion des fonds de ce programme.» Et vous rajoutez: «À notre avis, il revient aux élus de gérer les fonds publics.»

La question qui me vient à l'esprit quand je lis ça... on essaie de régionaliser, de donner plus de pouvoir aux régions, de décentraliser puis que les gens, dans chaque région, puissent administrer d'une façon correcte, pas de tapis mur à mur, là, mais que chaque région se prenne en main. Puis, quand je lis ça, je comprends le contraire. Je voudrais que vous m'expliquiez un peu le sens dans lequel vous avez écrit ce petit paragraphe, qui est important de sens.

Le Président (M. Lelièvre): M. Potvin.

n(11 h 40)n

M. Potvin (Rodrigue): C'est à cause principalement des inégalités qu'on a vécues, nous, des disparités qui existent d'une région à l'autre. J'avais répondu, je pense, tantôt essentiellement à la question, mais on n'est pas contre le fait que les argents, que les décideurs régionaux, que les décideurs locaux aient le dernier mot, sauf que, si on se rend compte ? puis c'est ça effectivement qui est arrivé, les exemples qu'on vous a cités, c'est des exemples vécus terrain ? qu'avec le vécu ça crée des problèmes au niveau de certaines organisations, on n'a pas... Nous, on n'a pas ou très peu de pouvoir au niveau des MRC, au niveau des CRCD.

Si les gestionnaires locaux ne tiennent pas compte, dans leurs décisions, de tous les intervenants et ont eux aussi une optique de gestion intégrée des ressources et ne l'appliquent pas dans leurs décisions, bien, il y a certains intervenants qui vont être laissés pour compte. Et nous, ce qu'on dit, c'est que, compte tenu de l'expérience vécue, les fonds devraient être gérés par l'État. Mais, s'ils ne sont pas gérés par l'État, peut-être que l'encadrement pourrait être amélioré pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'inégalités importantes qui soient créées dans l'utilisation de ces fonds-là.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup. M. le député de Maskinongé. Maintenant, M. le ministre.

M. Brassard: Une remarque à faire suite aux questions de la députée de Bonaventure. Ça me semble important de la faire. Il existe depuis de nombreuses années une entente administrative entre le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement et maintenant FAPAQ, la Société de la faune et des parcs, une entente administrative en vertu de laquelle tous les plans quinquennaux, tous les plans annuels d'intervention des bénéficiaires de contrats d'aménagement et d'approvisionnement sont transmis et à l'Environnement et à la Société faune et parcs avant approbation, et on n'approuve pas tant qu'on n'a pas reçu... On reçoit leurs avis et il arrive très souvent qu'on apporte des modifications à la fois aux plans quinquennaux et aux plans annuels suite aux avis soit venant de l'Environnement, soit venant la Fondation de la faune.

Alors, je dis ça parce qu'on a l'air de penser ou de laisser croire que et l'Environnement et la FAPAQ sont complètement exclus ou ne sont pas parties prenantes des processus, de la mise en oeuvre et des plans annuels et des plans quinquennaux, ce qui n'est pas le cas. Et on tient compte de leurs avis.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre. Alors, M. Potvin, Mme St-Amour, M. Power, on vous remercie d'être venus présenter vos observations devant la commission. Et nous allons suspendre quelques instants afin de permettre aux Industries John Lewis ltée de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 11 h 43)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentants des Industries John Lewis ltée à se présenter pour les fins d'enregistrement de nos débats. Et, par la suite, vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire vos observations puis chaque groupe parlementaire dispose également d'un temps de 10 minutes pour échanger avec vous. Alors, je vous inviterais immédiatement à procéder.

Industries John Lewis ltée

M. Carrier (André): Alors, merci beaucoup. Mon nom, c'est André Carrier, je suis ingénieur forestier, directeur de l'usine des Industries John Lewis à La Tuque. Mon collègue, à ma droite, c'est Damien Allard, aussi ingénieur forestier, responsable de notre dossier forestier, dossier d'approvisionnement, dossier des travaux sylvicoles.

Alors, j'enchaîne avec notre présentation. Peut-être un petit mot sur les Industries John Lewis. En fait, c'est une usine à La Tuque qui emploie environ 175 personnes en usine, une soixantaine en forêt. La principale production de l'usine, en fait, notre raison d'être, c'est la production de menus articles de bois à usage unique. En simple, si vous brassez votre café avec un petit bâtonnet en bois ou si mangez un Popsicle ou de la crème glacée avec un petit bâtonnet en bois, c'est pratiquement nous autres qui l'a fabriqué si vous le mangez en Amérique du Nord. On exporte 85 % de notre production en Europe, en Asie, en Australie et on a le marché canadien au complet et on est un joueur mondial à ce niveau-là. Alors, les Industries John Lewis, on détient un CAAF dans la région de la Haute-Mauricie. Et, depuis l'avènement des CAAF, l'organisation de la compagnie s'est orientée, s'est articulée pour répondre à ses obligations. Alors, l'historique a fait qu'on s'est adapté, puis ce qu'on a remarqué, puis je vais paraphraser ce qu'on a présenté comme mémoire, durant cette adaptation-là, ce qu'on a pu remarquer, c'est que les règles se sont précisées et on souligne, entre autres, que les coûts d'approvisionnement se sont accrus dans l'ordre de 25 % de 1992 à 1996.

En fait, le mémoire qu'on désire vous présenter, c'est celui de l'ADSFQ, parce qu'on y a participé. Alors, on souligne à peu près tout ce qui est dans ce mémoire-là. Par contre, on aimerait profiter de l'occasion pour vous souligner les points qui sont très particuliers à notre industrie.

La raison de notre existence comme industriels qui fabriquent ce produit-là dans cette niche-là, qui est, avouons-le, très particulière, c'est la présence, puis on n'ira pas par quatre chemins, d'une essence, bouleau blanc, de qualité. À l'instar de bien d'autres types d'industries, notre industrie fabrique un type de produit sans aucune classe de qualité. C'est-à-dire, un bâton de Popsicle, c'est un bâton de Popsicle. Il n'y en a pas différentes classes. Alors, ce qui sous-tend ça, c'est encore la présence de bouleau blanc de qualité. Je vous soulignerai à cet effet qu'Industries John Lewis, c'est une industrie qui est presque centenaire, puisque M. Lewis est arrivé au Canada au début du siècle. C'est implanté, cette industrie-là, depuis l'après-guerre, autour des années quarante-cinq, puis elle a fait le tour du Québec, de l'Abitibi au Lac-Saint-Jean, pour son approvisionnement. Présentement, on est cantonné, on est organisé dans la région de la Haute-Mauricie. Alors, on est très lié à la qualité de l'essence en question.

Par rapport à la nouvelle loi que vous proposez, je vous résumerai ainsi nos préoccupations. Tout ce qui a trait à cette caractéristique-là qui sous-tend notre industrie, c'est-à-dire la qualité du bouleau à papier, est primordial. Je vais vous souligner certains points qui nous préoccupent. La connaissance des volumes possibles, avec toutes les définitions qu'on peut lui attribuer dans votre proposition, entre autres les volumes accrus, les volumes optimums, la possibilité forestière en fonction de la connaissance réelle qu'on a non seulement du volume de l'essence, mais de la qualité, les attributions additionnelles qu'on peut rencontrer dans les propositions de la nouvelle loi, les modes d'attribution additionnelle. On parle aussi d'attribution ponctuelle. Notre crainte là-dedans, c'est d'éviter de distribuer une ressource sans connaître exactement sa qualité. Quand on parle d'attribution de fibres, pour nous, c'est un vocable qui est difficile à comprendre parce qu'on vise une attribution de qualité. C'est notre raison d'être. Alors, par opposition à une attribution de fibres, nous, on verrait bien une attribution de volume en termes de qualité, quand on attribue soit ponctuellement soit additionnellement des volumes, que ce critère de qualité là soit d'abord connu et bien distribué, en favorisant une consolidation.

n(11 h 50)n

John Lewis est, relativement parlant, un petit bénéficiaire. Alors, dans sa législation, quand on parle ? là, je fais référence à la page 2 de notre mémoire ? de l'intégration de l'ensemble des activités, on est participant à toutes les tables sur lesquelles on peut participer en tant que bénéficiaire. On voit d'un bon oeil la présence des autres utilisateurs à ces tables-là. C'est une très bonne façon d'impliquer les gens et, fondamentalement, cette volonté qui est, d'après nous, essentielle, c'est devenu nécessaire pour permettre à chacun une meilleure connaissance des besoins et obligations de tous les utilisateurs du milieu forestier et, par le fait même, de mieux profiter de cette ressource-là. Par contre, pour arriver à ce niveau d'intégration, on anticipe des contraintes plus ou moins constructives dans la loi que vous proposez. On pense qu'il faudrait la participation du ministère, qui possède aussi les connaissances forestières. Le ministère, en tant que propriétaire de la ressource, est présent et est représentant du grand public pour assurer la protection et le développement de tous ces secteurs d'activité là, parce que c'est lui qui, en fin de compte, les permet. Il pourrait éviter les exagérations et les points d'intérêt trop individualistes.

De plus, les moyens financiers pour répondre aux demandes des différents milieux devraient être contrôlés de façon à mieux investir les sommes qui sont parfois importantes. Le système qui est proposé nous apparaît être encore un système où la négociation et le compromis de diviser en deux, on prend la moitié de la solution... parfois la compétence ou la connaissance sont mises de côté. Évidemment qu'on favorise ce qu'on appelle un peu partout l'utilisateur-payeur, puis c'est à ce niveau-là que la participation des autres à cette table-là élargirait les connaissances.

Alors, je reviens jusqu'à un certain point sur cette notion de qualité, qui est cette raison qui nous permet d'exister. Il y a une préoccupation de notre côté sur les formes possibles d'attribution que le gouvernement semble vouloir se donner. Notre sentiment d'appartenance, je mentionnais tantôt... on a appris à vivre avec cette nouvelle loi. Je pense que le sentiment d'appartenance de l'industrie est essentiel à une saine participation de cette dernière. Quand on convainc nos patrons de débourser des sommes, c'est certainement avec une optique à long terme. Si John Lewis est presque centenaire ? les industries John Lewis sont une industrie centenaire presque ? c'est parce qu'on a su, les différentes personnes qui ont composé cette compagnie-là ont su s'adapter et voir à long terme. Je pense que ce n'est pas différent de ce temps-ci.

Alors, concernant tous ces travaux à long terme, la responsabilité pour les attributions ou les attributions qui seront de nature ponctuelle et non à long terme, sanctionnées par un CAAF,

C-A-A-F, on perçoit que ça revient au gouvernement d'assurer la longévité, les aspects à long terme de ces attributions-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier, à ce stade-ci, nous devons procéder aux échanges. Je vous inviterais, M. le ministre, à prendre la parole, et vous pourrez compléter, s'il y a des éléments que vous n'avez pas soulignés avec emphase, y revenir.

M. Brassard: Merci, M. Carrier, M. Allard, de votre participation à cette commission. Et vous exprimez, je pense, un point de vue tout à fait unique, compte tenu de la nature de votre production.

Je reviens à des éléments que vous n'avez pas nécessairement touchés. Quand vous parlez de crédits sylvicoles et que vous insistez beaucoup... vous avez insisté beaucoup évidemment pour que vous puissiez avoir accès à une ressource de qualité, et c'est le bouleau blanc qui est l'espèce que vous recherchez, et vous dites que les faibles volumes de feuillus de qualité à l'hectare ne génèrent pas suffisamment de redevances pour assurer une sylviculture permettant d'aménager ces superficies qui produisent un fort pourcentage de résineux.

Alors donc, vous oeuvrez sur un immense territoire, si je comprends bien, plusieurs aires communes, et vous récoltez le bouleau qui se retrouve à travers généralement des peuplements d'épinettes ou de sapins, de résineux. Et je voudrais vous entendre là-dessus: Comment peut-on faire... Vous dites: Les produits sylvicoles d'un industriel ne devraient pas être limités par son enveloppe de redevances forestières. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que ça signifierait concrètement pour le ministère des Ressources naturelles et surtout pour le ministre des Finances.

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

M. Carrier (André): Alors, pratiquement, quand on se retrouve avec un certain montant de droits de coupe à payer en fonction toujours du volume récolté, alors quand ce volume-là ne réussit pas à couvrir l'ensemble des travaux sylvicoles en termes de crédits ? on s'entend tout le temps ? l'industrie a recours, en fait, ces industriels-là qui n'ont pas assez de crédits sylvicoles ont recours à un emprunt de crédits auprès des bénéficiaires qui paient des droits de coupe et n'ont pas suffisamment de travaux sylvicoles pour niveler le montant. Autrement dit, en termes simples, les gens de résineux ne paient pas tous leurs droits de coupe en crédits sylvicoles, si on s'en tient strictement à leurs travaux. C'est un peu l'inverse dans le cas du bouleau blanc où les volumes... les droits de coupe correspondant à ces volumes-là, il n'y a pas assez d'argent pour traiter suffisamment d'hectares par rapport à ce qui est injecté comme critère dans les plans généraux. Alors, on a plus de sylviculture à faire pour maintenir l'essence que les crédits auxquels on a droit quand on contemple strictement parlant nos crédits, nos droits de coupe. Alors, on fait référence, à ce moment-là, à des industriels qui ont un surplus de droits de coupe à payer par rapport aux traitements sylvicoles qu'ils ont à faire. Est-ce que je suis clair?

M. Brassard: Oui, mais actuellement ça se pratique. Sur une même aire commune, il peut y avoir ce genre de transfert ou d'échange. Ça ne vous satisfait pas ça, c'est ce que je comprends. Vous ne trouvez pas ça satisfaisant.

M. Carrier (André): Actuellement, c'est une chose qui rend dépendant les plus petits payeurs de droits de coupe dans le sens où on doit s'entendre...

M. Brassard: Le lien de dépendance.

M. Carrier (André): ...avec une tierce partie.

M. Brassard: C'est le lien de dépendance qui vous embarrasse, là, c'est le lien de dépendance à l'égard des détenteurs de CAAF de résineux qui doivent accepter évidemment de faire ce transfert de crédits.

M. Carrier (André): C'est ça. C'est un intermédiaire additionnel.

M. Brassard: Donc, vous souhaiteriez que ce transfert puisse se faire sans qu'il y ait besoin du consentement des autres détenteurs.

M. Carrier (André): Entre autres. C'est un intermédiaire additionnel qui n'a vraisemblablement, d'après nous, aucune raison d'être dans le système.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Carrier, M. Allard, bonjour et bienvenue à cette commission. Merci pour la présentation de votre mémoire.

Je retiens, d'entrée de jeu, le premier élément auquel vous faites référence sur l'intégration de l'ensemble des activités. Alors, vous faites référence, j'imagine, à la fameuse gestion intégrée des ressources, et j'aimerais savoir, d'une part, combien d'utilisateurs se retrouvent sur votre CAAF? Parce que vous avez dit tout à l'heure: Notre CAAF est petit. Avec combien d'utilisateurs, d'autres usagers vous devez composer à chaque jour? Et, deuxièmement, ce que vous nous dites, dans le fond, pour faciliter l'intégration entre les intervenants, là, vous rappelez le ministère et le ministre à leurs devoirs et vous leur demandez de prendre leurs responsabilités. Parce que ce que vous nous dites, dans le fond, c'est qu'on est souvent laissés à nous-mêmes pour faciliter cette intégration-là et vous affirmez que le système proposé semble être encore un système de négociations et de compromis où la compétence et la connaissance sont mises de côté. Qu'est-ce que vous voulez dire par une affirmation comme celle-là? Qu'est-ce qu'on doit comprendre?

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

n(12 heures)n

M. Carrier (André): Alors, pour nous situer, effectivement, on a peut-être un petit CAAF, mais on a un très grand territoire qui s'étend de Parent à la réserve de Portneuf. En gros, là, ça vous donne une idée de l'ampleur. On est à présent sur sept aires communes différentes. En termes de nombre d'autres utilisateurs, je n'ose pas avancer un chiffre, mais il y en a beaucoup, beaucoup. On est participants à toutes les tables puis, quand on a des opérations localisées, on a des contacts avec les personnes en place. Alors, cette négociation-là se fait toujours, j'oserais dire, à l'amiable, dans la plupart des cas, sans règles bien établies, où bien souvent l'industrie est prise à partie pour soit défrayer, soit être le leader, soit être la personne qui s'adapte pour intégrer le ou les autres utilisateurs. Alors, ce sont des règles ad hoc. Quand ça va bien, ça va bien. Ça va, la plupart du temps, bien, mais, quand on oeuvre, au niveau législatif, la porte à autant d'interventions de tous les intérêts, on pense qu'il y a place à ce qu'il y ait un propriétaire de la table assis à cette table-là.

Puis le propriétaire, en l'occurrence, c'est l'État, qui peut faire intervenir d'autres niveaux de préoccupation que les intérêts, comme on dit, très particuliers qui peuvent surgir à tout moment ou les tendances qui ne sont pas voulues par l'ensemble de la population. Alors, c'est probablement pour rajouter un élément de démocratie dirigée, si on peut employer ce terme-là, et faciliter le débat dans d'autres cas où éventuellement on pourrait percevoir des difficultés à s'entendre. Ça pourrait aussi fixer une certaine uniformité dans l'adaptation qu'on veut faire de cette loi-là au niveau régional.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Bien. Quand vous nous parlez que la compétence et la connaissance sont mises de côté... Puis là vous faites référence au fait que c'est souvent l'industriel qui doit, dans le fond, soit, je ne sais pas, faire les compromis, débourser de l'argent, ou je ne sais pas trop quoi, mais à quoi vous faites référence exactement quand vous parlez de compétence et de connaissance?

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

M. Carrier (André): Beaucoup de discussions de cette nature sont imprégnées d'émotivité. On veut, par exemple, ne pas faire de chemin dans tel secteur pour toutes sortes de raisons invoquées sans pour autant analyser le problème, situer exactement, au niveau d'une analyse détaillée, de quoi il s'agit et ensuite prendre une décision. La plupart de ces discussions-là, de terrain, de ces ententes-là, si on est pour les reproduire à grande échelle, je pense qu'en bout de ligne il faut que ça soit bâti sur la réalité, la connaissance.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: La connaissance, en l'occurrence, la compétence. Est-ce que c'est arrivé dans des situations où vous n'avez pas réussi à vous entendre? Parce que vous avez dit tout à l'heure: La plupart du temps, ça fonctionne, on a des ententes ad hoc ou des règles ad hoc. Est-ce que dans certaines situations c'est arrivé où c'était très difficile? Puis, si oui, de quelle façon vous avez réglé le différend, le litige?

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

Mme Normandeau: Est-ce que vous avez été confrontés à une situation où c'était impossible de vous entendre avec les autres utilisateurs?

Le Président (M. Lelièvre): M. Allard.

M. Allard (Damien): Il y a à peu près tout le temps des ententes. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'ententes, sauf que, des fois, comme on dit dans le mémoire, il y a des compromis qui font bizarre. C'est peut-être un peu drôle à dire, mais, dépendamment c'est qui, qui a le chalet sur quel lac puis dépendamment des moyens qu'il utilise, la décision puis l'entente peuvent être très différentes. Alors que, de façon forestière puis, je dirais même, sans être un spécialiste, de façon faunique, cette réponse-là, selon moi, devrait être complètement différente, c'est des situations qu'on vit quand même fréquemment.

Mme Normandeau: Bien. Donc, vous y allez à la pièce, selon la demande, et là je comprends un peu plus, quand vous parliez de connaissances et de compétences, tout à l'heure.

M. Carrier (André): En fin de compte, ce qu'il faut, je pense, éviter à une grande échelle, ce sont des décisions ou des compromis qui vont à l'encontre des règles établies ou des connaissances établies au niveau faunique, dans un premier temps. Puis, dans un deuxième temps, bien, autant que possible, connaître la situation particulière. Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un chalet sur un bord de lac, il peut être question d'une population de chevreuils dans un tel secteur, etc. Alors, ce n'est pas seulement des petits cas isolés de chalets, mais on peut éventuellement entrevoir des discussions beaucoup plus élargies avec les autres partenaires. On parle de la faune, on parle de l'environnement, on parle de tout ce qui est possible.

Mme Normandeau: Bien. Merci, M. le Président. Peut-être une dernière question qui porterait sur la page 3, au niveau de la production forestière, et qui fait référence à la production de tiges de qualité. Vous souhaiteriez qu'on mette de l'avant de nouvelles techniques sylvicoles, justement, qui permettraient l'augmentation de bois de qualité ? et là, bien sûr, votre position rejoint celle du Centre de service aux réseaux d'entreprises de Mont-Laurier, qui a insisté sur le fait qu'on devait effectivement tabler sur la qualité, notamment au niveau de la production du feuillu, et de l'Association déroulage et sciage de feuillus du Québec également, qui est venue tenir le même discours ? et vous nous parlez qu'on devrait augmenter nos efforts de recherche.

Quel est l'enjeu, pour une entreprise comme la vôtre, de tabler sur une sylviculture qui permettrait effectivement d'avoir des tiges plus de qualité? Quel est l'enjeu pour vous autres?

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

M. Carrier (André): L'enjeu est primordial, puis on a déjà ciblé ça comme enjeu au niveau de la remise en production des parterres de coupe en termes de régénération de bouleaux à papier. La sylviculture, entre guillemets, du bouleau à papier, ce n'est peut-être pas la sylviculture, au Québec, qui a pignon sur rue dans tous les manuels. À l'heure actuelle, la connaissance au niveau bouleau à papier, niveau régénération, est, j'oserais dire, un petit peu en effervescence. De notre côté, on participe et on a participé à plusieurs volets, volet I... Cette année encore, on est participants dans un programme avec l'IQAFF, l'Institut québécois d'aménagement de la forêt feuillue, puis l'enjeu, pour nous, c'est vraiment, à ce niveau-là, de développer une façon rentable, entre guillemets, d'atteindre nos objectifs par rapport à nos obligations de CAAF au niveau de la régénération.

Alors, c'est assez pointu. On a une essence pointue, on demande une recherche pointue à ce niveau-là. Et, on participe aussi activement, on a des gens chez nous, puis on fait affaires avec différents organismes.

Mme Normandeau: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Bonaventure. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur un point. Vous en avez parlé tantôt, durant la présentation de votre mémoire et, avec la députée de l'opposition, vous avez aussi fait... c'est concernant l'importance d'avoir quelqu'un en région, là, du ministère qui vienne siéger aux différents comités pour aider à... Vous parlez même d'une démocratie dirigée, là. Autant vous dites que l'intégration des activités de tous les utilisateurs est essentielle et même nécessaire ? ça, c'est important, vous voulez que, dans les régions, les gens puissent continuer à travailler ensemble puis à trouver des solutions ensemble ? vous demandez que quelqu'un du ministère vienne jouer le rôle d'une espèce d'arbitre. Est-ce que cet arbitre-là, vous le voulez avec un pouvoir décisionnel, ou simplement, comme vous avez laissé sous-entendre tantôt, un modérateur, ou encore quelqu'un qui a le droit de parole pour orienter le débat, mais ça s'arrête là? Et, en même temps, est-ce que c'est quelqu'un du ministère des Affaires municipales, quelqu'un de Terres et Forêts, quelqu'un du... Quel type d'individu vous voulez avoir sur la table pour essayer de bien faire valoir les enjeux de tout le monde?

n(12 h 10)n

Le Président (M. Lelièvre): M. Carrier.

M. Carrier (André): Je pense que le terme «arbitre», ce n'est peut-être pas exactement ça qu'on a au premier stade des discussions. L'arbitre va rentrer en ligne de compte seulement en bout de ligne. L'exercice qui, à notre avis, devrait être fait avant et auquel on demande au gouvernement de participer, c'est plus en termes d'un leader de discussion, et un leader ayant une partie prenante au débat parce que c'est, en bout de ligne, lui qui octroie un grand nombre de privilèges aux utilisateurs. Alors, ne serait-ce que pour constater où vont ces privilèges, comment est-ce qu'ils sont utilisés et comment l'interaction entre tous ces privilèges-là fonctionne, on ne voit pas comment ça peut se faire sans que celui qui les donne, ces privilèges-là, ne soit pas impliqué dans la discussion. Alors, c'est un leader en premier, mais un leader qui a un parti pris dans la discussion.

M. Désilets: Est-ce que ça pourrait être quelqu'un, exemple, du CRD, là, quelqu'un qui...

M. Carrier (André): C'est sûrement quelqu'un au premier niveau qui comprend les parties en cause. Alors là, la technicalité ou la représentativité, ça peut être ça. Ça peut être ça, sauf qu'il faut que le ministère lui octroie le mandat de le représenter dans ce sens-là. Alors, c'est un intervenant, mais qui représente la partie publique.

M. Désilets: Je trouve quand même intéressante votre proposition, parce que j'ai fait un petit peu ce rôle-là chez nous, là, quand arrive le temps de coupe sur le bord de... en forêt un peu partout, puis, pour dénouer un peu l'impasse, là, j'ai fait un peu ce rôle-là. Ça a effectivement dénoué beaucoup, mais je ne peux pas, comme député, intervenir partout. Je trouve votre proposition quand même intéressante, mais difficilement aussi applicable, là, il faut que les gens du milieu aussi se prennent en main.

M. Carrier (André): C'est ça. Ça, c'est certainement une des premières étapes, il faut que milieu se prenne en main, mais, une fois que toutes ces personnes-là se prennent en main et font valoir chacun des droits qui leur ont été octroyés, il y a quand même une étape subséquente. Puisque la porte est ouverte pour que tous ces gens-là se rencontrent sur une table éventuelle pour cohabiter, il faut quand même qu'il y ait un processus prévisible et planifiable pour que les gens puissent faire valoir chacun leurs droits et que ce ne soit pas une redécouverte négociée à chaque fois. Alors, je pense que, dépendant du niveau de discussion, il devrait y avoir différents représentants des parties.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Carrier, M. Allard, on vous remercie d'être venus devant cette commission présenter vos observations.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à la municipalité régionale de comté de Matane de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

 

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. Bienvenue devant cette commission. J'inviterais les représentants de la municipalité régionale de comté de Matane à se présenter en indiquant leurs fonctions pour les fins d'enregistrement de nos débats. En vous rappelant que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et chaque groupe parlementaire, d'un temps de 10 minutes pour échanger avec vous. Alors, je vous invite à procéder immédiatement.

Municipalité régionale de comté de Matane

M. Nazair (Jean): Oui. Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Nazair. Je suis maire de la municipalité de Sainte-Paule et représentant de la MRC de Matane. M'accompagnent aujourd'hui Mme Geneviève Constancis, qui est ingénieure forestière à la MRC de Matane et M. Michel Barriault, secrétaire-trésorier et directeur général de la MRC de Matane.

M. le ministre, madame, messieurs, je voudrais, dans un premier temps, vous remercier de nous donner l'opportunité de venir exprimer nos commentaires ou renforcer peut-être les commentaires qu'on avait déjà exprimés dans notre mémoire. On n'a pas du tout l'intention de relire le mémoire, vous l'avez déjà reçu. On aimerait par contre peut-être insister sur certains points qui, pour nous, semblent très importants et puis sur lesquels je pense qu'il serait opportun d'apporter des informations supplémentaires.

Pour bien comprendre notre situation dans la MRC de Matane, il faut comprendre que la forêt occupe 90 % de notre territoire, et 70 % de ce territoire forestier est en tenure publique. Donc, pour nous, la révision du régime forestier prend toute une importance compte tenu de l'importance de la forêt sur notre territoire.

Évidemment, quand on parle de la forêt publique dans la MRC de Matane, on pense bien sûr à la réserve de Matane qui est un vaste territoire, un vaste territoire où à tous les ans on va chercher ou on va récolter plus de 300 000 m³. Donc, c'est quand même un bassin important, mais c'est également un bassin où on retrouve sept aires communes. J'en profite pour vous signaler que dans le mémoire on parle de cinq aires communes, alors qu'en réalité il y en a sept. Il y a cinq aires communes qui relèvent de la direction régionale du Bas-Saint-Laurent et deux aires communes qui relèvent de la direction régionale de la Gaspésie.

Également, on tient à vous dire que le fameux film qui a tant fait fureur au Québec il y a quelque temps, pour nous, ce n'était pas nécessairement une nouveauté. Ça fait déjà plus de 10 ans que dans la MRC de Matane on a dénoncé la surutilisation, la surexploitation de la forêt. On a fait des démarches, on a contacté des industriels, il n'y avait rien à faire. On a convoqué les médias d'information, on a vu quelques résultats. Mais ça, ça fait déjà plus de 10 ans. Ça fait que, quand M. Desjardins a sorti son film, dans le fond il n'avait rien inventé. On n'en a pas la paternité, mais, dans le fond, c'est des choses qui auraient peut-être dû être dénoncées auparavant. Remarquez que ce n'est pas tout bon, là, ce qui est fait dans ça, il y a évidemment des abus, mais il y a toujours quand même des choses, je pense, qu'on doit dire, et ça a été fait voilà déjà 10 ans, même plus de 10 ans dans la MRC de Matane.

Et, suite à nos dénonciations dans le temps, il y a le BAPE qui est venu faire un tour, qui est venu voir qu'est-ce qui se passait sur la réserve Matane. Il y avait plus de 250 cordes ? à l'époque, c'étaient des pitounes de quatre pieds ? plus de 250 tonnes de bois qui se perdaient le long du chemin. C'était plein de piles de cèdre qui se perdaient le long du chemin. Puis, quand on entend dire que la fibre est rare, bien ça fait drôle, ça fait vraiment drôle. Mais, juste pour vous dire, ce que le BAPE a signalé en 1991 dans son rapport: «À l'initiative de la MRC de Matane, la Commission a pu visualiser certaines pratiques d'exploitation forestière inadéquates conduisant à du gaspillage de bois, à la destruction de sites récréatifs et à de vastes zones dégradées par des travaux de voirie et des opérations de récolte.» Donc, ça veut dire qu'il y a eu des abus, puis, malheureusement, 10 ans plus tard, quand on retourne sur la réserve Matane, on constate qu'il y en a encore des abus. Dernièrement, on est allés sur la réserve Matane et on a vu encore la fameuse fibre qui est si rare, qui est en perdition actuellement.

n(12 h 20)n

Tout ça pour vous dire que, au niveau de la MRC de Matane, nous supportons la démarche qui est entreprise actuellement au niveau du ministère des Ressources naturelles. Nous appuyons M. Gilbert Delage, qui est directeur du bureau régional du Bas-Saint-Laurent. Nous l'appuyons dans sa décision d'imposer des baisses d'allocation sur notre territoire. Nous l'appuyons, parce que, si vraiment la fibre est si rare, comment expliquer qu'il y a tant de gaspille? Comment ça se fait qu'on laisse tant de fibre à la traîne d'un bord puis de l'autre?

Également, on pense que ce n'est qu'un début et on pense qu'éventuellement le ministère devrait aller plus loin. Il nous reste une ressource. Il nous reste une ressource dans la MRC de Matane, c'est la forêt. On ne voudrait pas que la ressource forestière disparaisse comme le poisson de fond a disparu en Gaspésie. Pour nous, c'est très important de conserver cette ressource parce qu'il y va de l'avenir de notre région. Juste pour vous illustrer jusqu'à quel point la forêt peut être importante, il y a 10 % des emplois à temps plein dans la MRC qui sont dépendants de la forêt. Ça veut dire, au total, que 9 % de tous les emplois occupés dans la MRC relèvent de la forêt. C'est également le secteur primaire le plus important de toute notre MRC. Donc, pour nous, la forêt, c'est une question vitale.

Également, nous souscrivons d'emblée aux modifications qui sont proposées concernant la protection des sites exceptionnels. On veut les exclure des calculs de possibilité, et on adhère à ça d'emblée. On a également vécu une mauvaise expérience de ce côté-là dans la MRC de Matane, une vieille forêt, une vieille forêt exceptionnelle qui a été découverte dans un CAAF, et on a demandé un moratoire à ce sujet-là. D'ailleurs, on en parle dans le mémoire, mais c'est juste pour renchérir un peu. Et puis, bien entendu, en voulant bien faire, on est allé enlever ce qui est le caractère de base d'une vieille forêt, on est allé y faire des interventions pour analyser la vieille forêt. Or, une vieille forêt se distingue justement par le fait qu'il n'y a jamais eu d'interventions. On est allé intervenir, on est allé couper du bois dans la vieille forêt pour l'analyser. Donc, on y a comme enlevé son caractère de forêt exceptionnelle.

On a également une inquiétude concernant la vérification des travaux qui pourrait être faite par l'industrie. On a une certaine difficulté à comprendre comment on pourrait être juge et partie. L'industrie va avoir à faire des travaux, bien c'est un employé de la compagnie qui va avoir à aller apprécier la qualité des travaux. Le patron risque peut-être, à un moment donné, de faire un chèque à l'employé puis dire: Je t'ai fait ton chèque, mais ce chèque-là, il est bleu.

Il y a comme une difficulté, de la même façon qu'on a une difficulté également au niveau du mesurage, le mesurage des bois qui est actuellement fait à l'usine par l'industrie. Pourquoi est-ce que le mesurage ne serait pas fait d'une autre façon? Le bois est coupé, il arrive à l'usine, il est mesuré par l'industrie. Il y a comme une difficulté. Puis, quand on parle de rajouter le système d'autovérification à ça, bon, on a comme l'impression que c'est donner un autre pouvoir supplémentaire. Ils vont faire leurs propres vérifications, ils font déjà leur mesurage, ça crée comme des difficultés pour nous.

J'ai commencé en vous signalant que chez nous, dans notre MRC, il y a sept aires communes. Et, quand on nous parle d'augmenter ou de fusionner les aires communes, on s'objecte catégoriquement à cette proposition. On s'y objecte parce que, en fusionnant des aires communes, on va tout simplement augmenter artificiellement la possibilité forestière des industries, qui vont pouvoir exploiter un secteur, l'exploiter à fond, réaménager un autre secteur. Donc, ça veut dire qu'il y a des secteurs qui risquent d'être désavantagés, qui risquent d'être laissés à eux-mêmes, donc où il n'y aurait pas de renouvellement de la fibre, où on risque de voir des secteurs devenir complètement, tout simplement, dégradés. D'ailleurs, on l'a déjà vécu et on le vit encore actuellement par des aires communes qui sont immenses et puis qui couvrent deux, trois MRC.

Également, un dernier point qu'on mentionne rapidement dans notre mémoire, c'est, actuellement, certaines expériences qui se vivent dans la MRC de Matane. Dans la MRC de Matane, actuellement, il y a trois expériences, je pense, qui, en tout cas, soit dit sans orgueil, sont très intéressantes. Une première expérience, c'est une collaboration, un partenariat qui s'est établi entre la MRC, une société d'exploitation et un industriel, la compagnie Alliance. Dans le cadre des forêts habitées, quand on a voulu implanter des fermes forestières ? et puis qui, d'ailleurs, sont implantées ? les employés de la société d'exploitation, bien, avaient des craintes de perdre leurs emplois. On a pris le temps de s'asseoir avec la société d'exploitation, de s'asseoir avec la compagnie Alliance et de former... sous forme de partenariat, consolider une vingtaine d'emplois. Donc, ça veut dire qu'il y a des travailleurs forestiers qui travaillent avec des industriels un peu en rendement accru. Ça consolide des emplois, et c'est une chose, je pense, qui aurait avantage à être diffusée. Ça permet vraiment d'aller dans le rendement accru, ce que, malheureusement, trop souvent, les industriels oublient.

On a également l'expérience des fermes forestières. On a actuellement six fermiers forestiers qui vivent de l'exploitation des fermes forestières et il y a également une expérience de forêt communale qui se vit dans la municipalité de Sainte-Paule. Tout ça, ça se déroule dans les lots intramunicipaux, ce qui m'amène à vous dire que, pour nous, dans la MRC de Matane, on souhaiterait faire une distinction quand on parle de la forêt publique. Il y a la forêt publique intramunicipale et il y a la grande forêt publique. Que les CAAF, C-A-A-F, soient surtout en grande forêt publique, pas de problème, on n'a aucune objection. Sur la forêt publique qui est actuellement municipalisée, il existe des CAAF, et l'expérience qu'on vit actuellement avec l'industrie Alliance et la collaboration de la Société des Monts, pour nous, elle est très valable, très viable, et on pense que c'est une chose qui pourrait se répéter ailleurs. Mais ça, c'est important que le ministère poursuive dans sa délégation de pouvoirs des lots intramunicipaux vers les municipalités, ce qu'on vit actuellement dans la MRC de Matane.

Le Président (M. Lelièvre): M. Nazair, je m'excuse à ce stade-ci de vous interrompre. D'une part, j'ai besoin d'un consentement pour que nous puissions dépasser 12 h 30. Consentement. Et, d'autre part, je comprends que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire, faire part de vos expériences, et c'est très intéressant, mais, dans le cadre de la période d'échanges que nous aurons immédiatement avec chaque groupe parlementaire, vous aurez l'opportunité de compléter. Alors, j'inviterais M. le ministre à échanger avec vous.

M. Brassard: Alors, M. Nazair, M. Barriault, Mme Constancis, bienvenue à cette commission et merci pour votre participation.

Concrètement, vous êtes une MRC, évidemment, à qui on a délégué la gestion des lots intermunicipaux, vous l'avez indiqué tout à l'heure, et où il se vit des expériences de forêt habitée, d'une part, et aussi de fermes forestières. Alors, je pense que vous êtes un peu avant-gardistes à certains égards. Vous l'avez abordée, la question, mais j'aimerais justement profiter de l'occasion de ces échanges pour vous permettre d'aller plus loin. Comment vous vivez cette délégation de gestion? Comment vous l'opérez, cette délégation de gestion? Quelle est votre planification? Comment vous pratiquez sur les territoires qu'on vous a délégués ce que vous souhaiteriez voir apparaître sur une plus grande échelle?

Le Président (M. Lelièvre): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Bien, on pourrait probablement vous répondre sur deux plans, là. Il y a le plan administratif, je pense que M. Barriault pourrait vous répondre. Puis, après ça, l'envers de la médaille, quelqu'un qui profite de ça, je pourrais rajouter ça tout à l'heure si vous permettez. Peut-être que M. Barriault, pour la partie administrative...

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Barriault.

n(12 h 30)n

M. Barriault (Michel): Il y a trois projets de forêt habitée chez nous: les fermes, le projet Alliance des Monts et le projet de forêt communale de Sainte-Paule. Celui des fermes forestières, ce n'est pas depuis la signature de la convention de gestion territoriale qu'on expérimente le projet, on vient de terminer notre quatrième année et on a signé l'entente l'an passé. La problématique à laquelle on est confrontés, c'est qu'on ne peut pas faire de planification à long terme, c'est toujours des petits projets avec des petits budgets, et avec des délais courts où on nous demande d'expérimenter. Alors, qu'on veuille voir plus loin, développer nos projets, faire des plans de développement, à long terme, on n'est pas capable parce qu'on est limité toujours dans le temps et toujours avec des petits budgets.

Chez nous, on a un territoire, le territoire sur lequel on a implanté des fermes forestières, on devait en principe implanter au-delà de 20 fermes forestières sur ce territoire-là, mais il avait tellement été exploité qu'on n'a pu en implanter que seulement six.

Ce que M. Nazair disait tout à l'heure au niveau du projet Alliance-des-Monts, celui-là, on voudrait le voir extensionner sur le territoire et l'exporter à l'extérieur du territoire de la MRC de Matane. Ils font des travaux d'aménagement pour du rendement accru, mais ça prend la participation financière du ministère. Ce n'est pas uniquement à partir des droits de coupe générés par les travaux sur ce territoire-là que la SER des Monts, en collaboration avec Alliance, peut réaliser ce genre de projet là.

Et le projet Alliance, je pense, entreprendra sa dernière année, et ce projet-là doit être, selon nous, exporté sur l'ensemble du territoire. S'il est exporté sur l'ensemble du territoire de CAAF en territoire municipalisé de la MRC de Matane, la MRC de Matane ne revendiquerait pas la gestion des lots intras, ceux qui sont sous CAAF en territoire municipalisé, parce que le projet Alliance-des-Monts, selon nous, est une expérience qui est concluante et qui a démontré au cours des dernières années que c'était rentable. Mais si ce projet-là ne devait pas se poursuivre, la MRC de Matane, comme le disait M. Nazair, on revendiquerait qu'on nous confie la gestion de ces lots-là qui sont sous CAAF, mais en territoire municipalisé, pour les mettre en valeur et faire travailler le monde chez nous.

Parce qu'on vous le dit dans le mémoire, je pense, il se coupe tout près de 300 000 m³ sur la réserve de Matane, mais ça ne crée pas un emploi sur le territoire de la MRC de Matane, c'est des gens de l'extérieur qui viennent le couper et il est transformé dans des usines à l'extérieur du territoire de la MRC de Matane. On ne veut pas être chauviniste puis empêcher ou mettre des barrières pour ne pas que le bois sorte, là, ce n'est pas ça qu'on veut faire, mais on veut, par exemple, qu'en territoire municipalisé où il y a des CAAF que nos citoyens de nos villages puissent gagner leur vie avec ça et, par le fait même, peut-être arrêter ou freiner l'exode des jeunes à l'extérieur de notre région.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Pour le bénéfice des quelques-uns qui nous écoutent, peut-être, le projet Alliance-des-Monts, c'est un projet sur territoire sous CAAF, n'est-ce pas. Donc, c'est Alliance, c'est l'entreprise Produits forestiers Alliance qui a accepté de conclure un accord, une entente avec la MRC ou un groupe d'aménagement, un organisme d'aménagement de la MRC.

M. Barriault (Michel): La Société d'exploitation des ressources des Monts en collaboration avec la MRC de Matane. C'est ce qui a permis de libérer les territoires qui étaient sous aménagement avec la Société d'exploitation pour nous permettre d'expérimenter les fermes forestières et de repositionner la SER des Monts sur un CAAF.

M. Brassard: C'est donc cette Société qui est responsable, sur une bonne partie du territoire, à la fois de la récolte et de l'aménagement.

M. Barriault (Michel): Exact.

M. Brassard: O.K. Je reviens à un autre aspect. Un des changements qu'on veut introduire dans la loi, c'est de faire en sorte que des MRC soient impliquées dès le départ du processus d'élaboration des plans, pas juste à la fin, consulter à la fin, comme c'est le cas présentement, mais qu'elles participent au processus d'élaboration des plans. Est-ce que vous pensez que cette façon de faire comporte des avantages et comportera des retombées bénéfiques et se traduira par un meilleur aménagement de la forêt, qui, comme vous le dites, occupe 90 % de votre territoire?

Le Président (M. Lelièvre): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Si, effectivement, la MRC est impliquée dans la préparation, c'est sûr qu'on va y voir des bénéfices parce qu'on va pouvoir apporter des notions peut-être un peu différentes ou pas uniquement de l'exploitation forestière. On veut vraiment tendre vers le multiressource, et on a vécu tellement de mauvaises expériences dans ce sens-là.

Quand on parle des sites récréatifs, le secteur qu'on appelle le Mont-Blanc, bien, aujourd'hui, c'est vrai qu'il est blanc, il n'y en a plus de bois dessus, il a été coupé, ça a été rasé. Il y avait un autre site où la SEPAQ se prépare à investir plusieurs millions. Il a fallu faire des mains et des pieds pour empêcher que ce secteur-là soit coupé. Donc, c'est bien évident que, si on est partie prenante de la préparation des plans, on va pouvoir apporter cet élément-là dans la préparation des plans et puis faire en sorte d'agir un peu comme répondant de la population dans cette démarche.

Actuellement, on consulte les plans. On a fait des démarches pour avoir tous les plans qui nous soient présentés, mais c'est bien évident que, quand les plans nous sont présentés, tout est fait, tout est prêt. On n'a comme plus le choix de dire: Bien, coudon, c'est fait. Mais, par contre, si on est partie prenante de la préparation, ça va être vraiment différent, et on va sûrement en retirer des bénéfices au niveau de la MRC.

M. Brassard: Parce que vous avez raison de dire: Pourquoi les MRC? Pourquoi cet amendement concernant les MRC, cette implication des MRC? Dès le départ, c'est parce que j'estime que la MRC est un forum démocratique, donc représentatif de la population, et sera en mesure, de son côté, de mettre en place des mécanismes de concertation pour faire en sorte que, dans les plans en préparation, on tienne compte, comme vous venez de le dire, de diverses dimensions ? récréotouristique, faunique, environnementale ? et pas seulement de la dimension matière ligneuse.

Le Président (M. Lelièvre): M. Barriault ou...

M. Barriault (Michel): Oui. Simplement pour vous dire que ça fait 10 ans que la MRC intervient et ça fait 10 ans que la MRC, de façon systématique, d'année en année, fait la vérification des plans annuels des industriels, et c'est ce qui nous a permis, au cours des années, d'empêcher certaines choses. Le problème auquel on est confronté...

M. Brassard: Oui, sauf que c'était après coup. En vertu de la loi, vous devez être consultés une fois que les plans sont faits.

M. Barriault (Michel): Exact.

M. Brassard: Évidemment, vous étiez vigilants, vous êtes intervenus. Vous avez sans doute provoqué des changements, mais c'est évident que c'est de beaucoup préférable que vous interveniez dès le départ dans le processus.

M. Barriault (Michel): Puis le problème auquel on est confronté, c'est l'accès à cette information-là. M. Nazair vous disait qu'on a sept aires communes: deux qui relèvent du bureau de la Gaspésie, cinq du Bas-Saint-Laurent. Quand je veux consulter les plans annuels qui touchent les deux aires communes qui relèvent du bureau de la Gaspésie, je me farcis quatre heures de route pour aller consulter parce qu'on ne veut pas m'envoyer copie des plans annuels, et je me refarcis quatre heures de route pour revenir chez nous. C'est l'accessibilité à l'information qui est déficiente et, dans ce sens-là, il faut qu'il y ait quelque chose de fait. Et les gens se plaignent de ne pas être suffisamment informés et consultés, et avec raison, parce qu'on ne nous livre pas l'information facilement.

M. Brassard: Juste une dernière remarque. C'est intéressant, ce que vous dites là, parce que j'aurai à élaborer une politique d'information et de consultation. Alors, ce que vous me dites sur l'accès à l'information m'apparaît important, il faudra en tenir compte dans une politique de consultation et d'information, que toute l'information soit disponible et accessible.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. le maire, M. Nazair, Mme Constancis, M. Barriault, bonjour. Après ces longues heures de route, merci d'être ici avec nous en commission et de nous livrer votre vision entourant le projet de loi n° 136. Votre mémoire tourne autour de deux éléments qui me semblent majeurs: le fait que vous souhaiteriez que les communautés locales soient plus impliquées dans le développement forestier; vous faites référence au fait qu'il y a peu de place, pratiquement aucune place, pour la forêt habitée dans le projet de loi qui a été déposé; et deuxièmement, c'est toute la protection de la forêt publique, et on comprend que la forêt dans la MRC de Matane, c'est extrêmement important, il y a une activité économique qui découle de la forêt qui est non négligeable pour votre MRC.

Évidemment, il y a des informations-chocs, je vous dirais, qui sont contenues dans votre mémoire et, au cours des dernières semaines, on a entendu parler évidemment beaucoup des visites qui ont été faites sur le terrain ? et qui ont été médiatisées ? chez vous, sur l'état de la forêt dans la MRC de Matane. Et ce que vous nous avez dit tout à l'heure, M. le maire, c'est que, depuis 10 ans, vous lancez haut et fort un cri du coeur, un cri d'alarme à l'effet que la forêt dans votre secteur est surexploitée. Bon, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on coupe plus que la possibilité forestière le permet.

n(12 h 40)n

J'aimerais ça que vous puissiez m'en dire un peu plus là-dessus parce que, dans le cadre des travaux de cette commission, évidemment on entend toutes sortes de choses, les points de vue sont différents évidemment d'où on se situe, et ce qui est inquiétant, dans un contexte comme celui que vous exposez, où vous avez constaté qu'il y avait de la surexploitation sur votre territoire, c'est qu'en bout de ligne c'est le ministère des Ressources naturelles évidemment qui autorise les industriels à faire des travaux, c'est le ministère qui approuve les plans. Alors, on se questionne et on se dit: Dans le fond, quelles ont été les failles et à quelle étape les failles ont pu être constatées?

Alors, j'aimerais ça que vous puissiez m'en dire un peu plus, M. Nazair, et me dire quel impact ça a pour les communautés de la MRC de Matane, le fait effectivement qu'on ait coupé au-delà de la possibilité, qu'on ait surexploité votre forêt chez vous.

Le Président (M. Lelièvre): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Bon. Bien évidemment, vous comprendrez que je ne suis pas ingénieur forestier, donc je n'ai pas les connaissances techniques ni professionnelles pour pouvoir élaborer énormément sur ça. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que...

Mme Normandeau: ...sur le terrain.

M. Nazair (Jean): Pardon?

Mme Normandeau: Dites-nous ce que vous voyez sur le terrain.

M. Nazair (Jean): Oui. Bon, bien, ce que je vois, c'est que, actuellement, sur la forêt publique de la MRC de Matane, il ne reste que 25 % de la forêt qui est résineuse. Ce 25 % là, je ne pourrais pas vous le départir par strates d'âge, mais je sais qu'actuellement on s'en va définitivement vers une rupture de stock en résineux sur la réserve de Matane. Si je regarde ailleurs que sur la grande forêt publique, c'est une forêt qui est à dominance feuillus, on parle de 70 % à 75 % même 80 % de feuillus. On sait que ce qui intéresse actuellement l'industrie, c'est le résineux, le résineux qui est exploité, qui a été surexploité, parce que, avant ça, la forêt dans la MRC de Matane était quand même plus proportionnée. Si on en est rendu à 25 %, c'est sûr qu'il y a quelqu'un qui a donné des autorisations. C'est sûr qu'actuellement il y a abus, mais il reste qu'on a des gens qui exploitent cette forêt-là d'une façon éhontée, qui nous disent qu'il y a un manque de fibre puis qui laissent de la fibre partout à la traîne, en bon français. C'est ça, la situation: ils la gaspillent, la fibre. Puis on a des preuves de ça. Il s'agit d'aller circuler sur la réserve. On n'est pas les seuls à l'avoir dénoncé, vous l'avez dit, tout le monde le dénonce.

Également, c'est le fait que ces industries utilisent la fibre du résineux, M. Barriault vous le disait tout à l'heure, il y a très peu ou à peu près pas de résidents de la MRC de Matane qui travaillent sur ce secteur-là et, en plus de ça, le résineux est exploité en dehors du secteur. Dans la MRC de Matane, on a deux usines qui utilisent le feuillu. Mais, comme il y a très peu de contingents qui sont donnés en feuillu, une grande partie du feuillu vient d'autres MRC. Et finalement, bien, nos travailleurs forestiers, ils font quoi? On les a heureusement par des projets comme les fermes forestières, comme par le projet Alliance-des-Monts, par la forêt communale de Sainte-Paule et puis ainsi de suite, d'un bord puis de l'autre. Dans le fond, la situation, c'est ça.

Je ne pourrais pas vous donner, vous dire de chiffres précis sur les possibilités forestières. Actuellement, les seuls chiffres qu'on peut avoir, c'est les possibilités qui ont été calculées soit par les industriels ou par le bureau régional; on n'en a pas d'autre. Mais il s'agit de circuler sur la réserve depuis un certain nombre d'années... Je me souviens, quand j'allais sur la réserve pour aller à la pêche ou à la chasse, que je passais dans des endroits qui étaient très feuillus puis, aujourd'hui, je passe dans le désert; le désert dans le bois, bien entendu, là. Quand vous passez, puis c'est des grands champs complets puis c'est juste des petits arbustes, bien, il y a quelque chose qui s'est passé là. Puis il n'y a pas de repousse.

Mme Normandeau: Mais est-ce qu'il y a des efforts qui sont faits au niveau du reboisement? Est-ce que vous voyez sur le terrain une régénération? Est-ce que vous voyez que ça pousse? Quand vous parlez de désert...

M. Nazair (Jean): Tout à l'heure, quand on s'objectait à la fusion des aires communes, dans le fond, c'est ça, le problème, c'est que les aires communes sont tellement vastes que l'industriel va aller exploiter un secteur qui est dans une autre MRC, il va réaménager dans ce secteur-là et puis il va répondre aux normes du RNI parce que, lui, sa possibilité forestière est répartie sur un très vaste territoire, et puis il doit faire tel niveau de reboisement, et puis des choses de ce genre-là, puis il va répondre sauf que, pendant qu'il va travailler dans un secteur, bien, il y a toute la balance de son aire commune qui va être négligée. Puis c'est malheureusement le cas actuellement.

Ça fait que c'est pour ça que, nous, on s'objecte à l'agrandissement ou aux fusions des aires communes parce que le territoire dévolu aux industriels va être encore beaucoup plus vaste, il va avoir une possibilité forestière encore plus grande, ils vont pouvoir en profiter encore davantage pour dire: Nous autres, on va se concentrer sur tel secteur, le secteur le plus près de leur moulin. Puis remarquez que je ne les blâme pas, je serais à leur place et probablement que je ferais la même chose parce qu'il y a une question de rentabilité, on comprend ça, sauf qu'il faudrait également qu'il y ait une partie d'imputabilité dans ça et puis que ces gens-là aient une responsabilité sur toutes les dimensions de leur aire commune.

Mme Normandeau: Vous vous butez également à l'autocontrôle des industriels ? vous y faites référence à la page 5 de votre mémoire ? et vous affirmez que vous avez fait évidemment de nombreuses visites sur le territoire de la réserve faunique de Matane. Vous vous interrogez sur les performances des travaux qui ont été réalisés par l'industrie et leurs impacts réels sur la possibilité forestière. Alors, qu'est-ce que vous avez vu, encore de ce côté-là, en termes de qualité des travaux qui ont été effectués pour, dans le fond, remettre en question? Parce que, effectivement, c'est prévu dans le projet de loi.

Le Président (M. Lelièvre): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Oui, ou...

Le Président (M. Lelièvre): Mme Constancis.

Mme Constancis (Geneviève): Oui. Bien, si je pouvais dire seulement... Pour ce qui est des travaux de voirie, tout ce qui touche la voirie forestière, on a souvent des mauvais travaux. Peut-être qu'ils respectent certaines normes du RNI, mais pas toutes les normes en ce qui a trait aux grosseurs de ponceaux et tout ça. Donc, ce sont des chemins qui, deux, trois ans plus tard, sont complètement défoncés, ne sont plus praticables. Puis ça entraîne évidemment de la sédimentation dans les cours d'eau et tout ce qui en découle.

Puis il y a aussi, peut-être, quelque chose qui est choquant pour l'oeil, c'est quand on a des territoires à 500 m, 600 m d'altitude qui ont été coupés à blanc, puis que l'industrie s'est suffi du nombre de souches avant la coupe. Donc, ils n'ont pas reboisé, il y avait 60 % de régénération naturelle suite à la coupe de... un an plus tard ou, je ne sais pas, quelque chose comme ça. Donc, il n'y a pas eu de reboisement de fait. Je sais qu'ils ont débuté cette année, ils ont commencé à faire des regarnis un peu partout, mais ça ne fait pas des territoires qui sont bien beaux parce qu'il y a un arbre par-ci, par-là. Ça respecte le RNI parce qu'il y a le nombre de souches, le nombre d'arbres avant coupe ? je ne sais plus le terme, là, mais... Ça, c'est un problème qui... On commence à y remédier, mais ça fait des territoires complètement... où ça prend 10, 15 ans avant d'avoir des pousses.

M. Nazair (Jean): Dans le fond, ces travaux-là, s'ils avaient été faits selon les anciennes méthodes et puis que la vérification opérationnelle avait été exécutée par le ministère, comme ça se faisait auparavant, probablement que ces travaux-là auraient été refusés, si ça avait été par d'autres. Ou encore, si c'était des travaux qu'aujourd'hui ? exemple, les fermiers forestiers ou à la forêt communale de Sainte-Paule ? on exécutait, fort probablement que l'ingénieur forestier de la MRC refuserait parce qu'ils ne sont pas conformes à ce qu'on attend d'une bonne exploitation forestière. C'est vraiment, là, excusez l'expression, galvaudé.

Mme Normandeau: Merci. Je n'ai plus de questions.

Le Président (M. Lelièvre): Vous n'avez plus de questions? Alors, M. Nazair, M. Barriault et Mme Constancis, la commission vous remercie d'être venus présenter vos observations, et j'ajourne les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

 

(Reprise à 14 heures)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission de l'économie et du travail va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons, cet après-midi, tout d'abord, la Faculté de foresterie et de géomatique de l'Université Laval.

Alors, messieurs, bonjour. Bienvenue à cette commission. Si la personne responsable veut bien, avant de nous faire la présentation du mémoire, nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter ce mémoire.

Faculté de foresterie et de géomatique
de l'Université Laval

M. Brière (Denis): D'accord. Alors, Mme la Présidente de la commission, M. Brassard, autres membres de la commission, d'abord, je vous présente mes collègues qui se joignent à moi pour vous présenter nos recommandations, cet après-midi, sur le régime forestier québécois. À ma droite, vous avez Michel Dessureault, vice-doyen à la Faculté de foresterie et géomatique, et à ma gauche, vous avez Michel Boulianne qui est directeur du Département de géomatique à la Faculté.

D'abord, soulignons que la mission de l'Université Laval est d'appuyer le développement de la société québécoise en offrant une formation de qualité et en contribuant au développement des connaissances. C'est dans ce contexte que s'inscrit le mandat de la Faculté de foresterie et de géomatique, plus spécifiquement au niveau des sciences forestières et de la géomatique.

Notre mission comporte aussi un volet international dans les deux matières soit la formation et la recherche et développement. J'attire votre attention sur le fait que la Faculté est la seule à offrir, au Québec, des programmes de baccalauréat conduisant à la pratique de la profession d'ingénieur forestier et d'arpenteur-géomètre. À cet égard, la Faculté a donc une vocation unique en son genre.

Il est important de retenir que l'ingénieur forestier est le professionnel qui a la responsabilité légale, en vertu de la Loi sur les forêts, de préparer et d'approuver les divers plans et rapports d'aménagement forestier. La formation universitaire de l'ingénieur forestier est donc un élément-clé dans l'application de la loi et elle fait appel à l'intégration d'une multitude de connaissances sur le milieu forestier. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que l'ingénieur forestier, en tant que membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, a l'obligation de protéger les intérêts de la société québécoise dans l'exercice de ses fonctions professionnelles.

Avant de procéder au contenu de nos recommandations, nous vous présentons brièvement les activités de la Faculté. Je cède donc la parole à Michel Dessureault qui va vous faire une brève description des activités de la Faculté de foresterie et de géomatique. Michel.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dessureault.

M. Dessureault (Michel): Merci, Mme la Présidente. La Faculté de foresterie et de géomatique compte présentement 30 professeurs en foresterie. Avec la Faculté de foresterie de l'Université de Colombie-Britannique, elle est l'une des plus importantes écoles de foresterie de niveau universitaire parmi les huit qui existent au Canada et jouit d'une réputation fort enviable à travers le monde. En géomatique, la Faculté compte 17 professeurs et est également dans le peloton de tête à l'échelle canadienne.

Au niveau du baccalauréat, nous accueillons environ 400 étudiants en foresterie et 150 en géomatique. À la maîtrise et au doctorat, nous avons environ 120 étudiants en foresterie, et une quarantaine en géomatique.

La Faculté est très active en recherche et développement dans à peu près tous les aspects de la foresterie et de la géomatique. Les activités de recherche y sont fortement structurées, ce qui permet d'offrir une formation aux études avancées de très haute qualité qui attire un grand nombre d'étudiants étrangers. En effet, la Faculté compte plusieurs groupes et centres de recherche. Mentionnons entre autres le Centre de recherche en géomatique, dont les travaux ont, en passant, grandement impressionné le premier ministre Bouchard, lors de son passage à l'Université Laval, l'été dernier, et le Centre de recherche en biologie forestière. Ces deux centres sont reconnus et financés par le FCAR depuis de nombreuses années.

La Faculté a également été l'hôte d'une chaire industrielle en géomatique appliquée à la foresterie qui a contribué au développement d'outils géomatiques spécifiquement adaptés à la gestion des forêts et des opérations forestières. Plus récemment, l'obtention du réseau GEOIDE, dans le cadre du programme fédéral de réseaux de centres d'excellence, est venue confirmer la prédominance de l'Université Laval en géomatique non seulement au Québec, mais à travers le Canada.

La Faculté est aussi au coeur de nombreux partenariats. Mentionnons le site expérimental routier de l'Université Laval, grâce à une subvention de 750 000 $ de la Fondation canadienne pour l'innovation, obtenue conjointement avec la Faculté des sciences et de génie; des infrastructures de recherche en géomatique agricole, grâce à une subvention de 8 millions de dollars de la Fondation canadienne pour l'innovation, obtenue en collaboration avec de nombreux intervenants du milieu agricole; plusieurs autres chaires, ainsi qu'une coopération de R & D en ligniculture, impliquant les partenaires universitaires, gouvernementaux et industriels.

Pour donner une formation pratique adéquate aux futurs ingénieurs forestiers et conduire des travaux de recherche grandeur nature, la Faculté a la responsabilité d'une forêt d'enseignement et de recherche, la forêt Montmorency. Cette forêt expérimentale est unique au Québec, parce qu'on y a développé, depuis 35 ans, une approche avant-gardiste d'aménagement intégré des ressources forestières dont on peut, aujourd'hui, mesurer les bénéfices. La forêt Montmorency joue donc un rôle de premier plan dans la foresterie québécoise.

Ce tableau donne une idée de l'ampleur de nos activités de recherche, avec environ 150 projets et un financement qui oscille autour de 6 millions de dollars par année.

Voilà donc un bref aperçu des activités de la Faculté de foresterie et de géomatique. Je repasse la parole à M. Brière, qui enchaînera avec les commentaires sur le projet de loi n° 136.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Alors, merci, Michel. Mme la Présidente, ce n'est pas notre intention de revenir sur chacun des points dans notre mémoire. Nous présenterons seulement quelques réflexions globales sur le projet de loi, pour, ensuite, se concentrer sur deux aspects plus directement liés au mandat de la Faculté, soit la formation et la recherche.

Dans nos commentaires généraux, nous souhaitons insister sur cinq thèmes. D'abord, la gestion participative. La Faculté appuie l'objectif d'améliorer la participation des intervenants du milieu dans la gestion des ressources forestières. Concrètement, nous recommandons la mise en oeuvre d'une politique de concertation. Pour la développer, nous proposons la formation d'un comité neutre constitué d'un représentant du gouvernement et d'autres acteurs du milieu forestier, dont le milieu universitaire, qui aurait le mandat de déposer ses recommandations au ministre dans les six mois suivant l'adoption de la loi.

Le deuxième thème, intimement lié au premier, est la gestion intégrée. Pour permettre la réalisation de la gestion intégrée, nous croyons que les objectifs de mise en valeur et d'aménagement doivent être définis pour l'ensemble des ressources du milieu forestier et non seulement que pour la matière ligneuse. Par ailleurs, cet engagement n'apparaît pas clairement dans le projet de loi. Pour assurer le passage opérationnel à l'aménagement intégré des ressources, la Faculté croit que l'instauration d'un guichet unique au sein de l'État, pour gérer l'utilisation du territoire en fonction des multiples usages et usagers, contribuerait grandement à l'atteinte des objectifs du régime forestier.

Par ailleurs, la Faculté est préoccupée par l'ampleur des responsabilités en matière de gestion intégrée que le projet de loi semble donner aux bénéficiaires. La réalisation de la gestion intégrée doit être le fruit d'une collaboration de tous les intervenants du milieu. Pour assurer le succès, il apparaît essentiel que le gouvernement prenne en charge un premier palier de la gestion intégrée, principalement le niveau de la planification. C'est une responsabilité qui ne peut être déléguée, selon nous.

Nous aimerions finalement souligner que la géomatique jouera un rôle-clé dans la réalisation de la gestion intégrée et de l'aménagement forestier durable. Nous attirons donc votre attention sur la section 8 de notre mémoire qui explique les divers rôles que pourra exercer la géomatique et certaines limites ou lacunes auxquelles il faudra pallier dans les meilleurs délais. Par le biais de la Chaire industrielle en géomatique appliquée à la foresterie, au cours des 10 dernières années, la Faculté a développé une solide expertise en la matière.

Le troisième thème est le calcul de la possibilité forestière. La Faculté est d'accord avec le fait qu'il appartient au ministre de déterminer les rendements possibles et les objectifs de production de matière ligneuse. Cette tâche doit être empreinte de grande transparence, en plus d'avoir des bases scientifiques solides. Il est crucial, pour que le rendement réel rejoigne le rendement escompté, que l'aménagiste connaisse le contexte d'application et de validité des hypothèses retenues. La Faculté accueille aussi très favorablement la perspective d'une augmentation significative des inventaires forestiers en vue de la planification et suite aux interventions sylvicoles. Ces données sont essentielles pour réduire les marges d'erreur dans les calculs de possibilité forestière et de rendement.

Quatrième thème, le rendement accru. La Faculté estime qu'il est impératif d'accentuer la production de matière ligneuse au Québec, surtout dans un contexte de rareté grandissante d'approvisionnement en fibre, de concurrence internationale et du besoin de compléter le réseau des aires protégées. Cette marge de manoeuvre additionnelle aurait des retombées importantes sur la société québécoise.

Un des principaux défis de la stratégie retenue sera de maintenir l'esprit du régime quant aux objectifs de maintien de la biodiversité et de gestion intégrée des ressources. À cet effet, la Faculté recommande de ne pas se restreindre à une vision de rendement accru, mais plutôt d'assurer un déploiement spatial de la stratégie qui tiendra compte du respect des autres valeurs associées à la forêt, et cela, à diverses échelles d'intervention. Voilà pourquoi nous recommandons de viser une politique d'intensification de l'aménagement forestier. Nous vous offrons le concours des spécialistes de la Faculté pour participer au développement de cette stratégie.

n(14 h 10)n

Dans le contexte d'une politique d'intensification de l'aménagement, la Faculté tient à souligner l'importance particulière qui doit être accordée à la qualité des bois qui seront issus des efforts sylvicoles additionnels. La Faculté a déjà amorcé, en collaboration avec Forintek, une étude concernant l'impact des conditions de croissance des arbres sur la qualité des bois.

Le cinquième thème, l'amélioration continue de la gestion forestière et l'aménagement. Pour appuyer l'atteinte des objectifs de rendement, de protection et de mise en valeur, la Faculté estime impératif de resserrer les liens entre la recherche et l'amélioration continue des normes et activités sylvicoles. À titre d'exemple, les chercheurs de la Faculté offrent leur collaboration pour participer aux discussions entourant la mise à jour du manuel d'aménagement forestier.

La Faculté accueille très positivement l'engagement de procéder à l'identification d'indicateurs de performance en ce qui a trait à la qualité des travaux et à l'atteinte des objectifs d'aménagement. C'est essentiel pour suivre, analyser et gérer l'état de nos forêts. Dans une perspective de gestion intégrée, ils devront couvrir la production et la protection de l'ensemble des ressources forestières. La Faculté offre, encore une fois, sa collaboration à cet égard.

Dans un souci d'amélioration continue, la Faculté propose, par ailleurs, la création d'un groupe de travail permanent qui aurait le mandat d'examiner le suivi global des activités d'aménagement forestier au Québec et de faire des recommandations au ministre. Ce groupe devrait être constitué de professionnels internes et externes au ministère, de façon à maximiser l'apport d'expertises pertinentes et la transparence du processus.

Nous avons constaté que plusieurs intervenants ont parlé d'audits externes indépendants ou de vérifications faites par une instance à définir, soit ombudsman ou Vérificateur général du Québec. Nous avons cru bon d'y réfléchir un peu avant de vous rencontrer aujourd'hui, et s'il y a intérêt, il me fera plaisir d'aborder ce sujet à la période de questions. À cet effet, nous avons d'ailleurs inclus un tableau dans les documents qui vous ont été distribués au début de la rencontre.

En conclusion de ce thème, l'amélioration continue, la Faculté propose la création, par le gouvernement, d'un comité consultatif permanent du secteur forestier qui, relevant directement du ministre, aurait le mandat de faire les recommandations d'ordre stratégique sur les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux du monde forestier québécois.

J'aimerais aborder maintenant les deux thèmes plus directement reliés au mandat de la Faculté, soit, premièrement, la formation. Le projet de loi n° 136 préconise la gestion par résultats. Cette approche suppose qu'une grande importance soit accordée à la formation de base et continue de l'ingénieur forestier, notamment par le transfert des connaissances qui découlent des efforts de R & D en matière de foresterie et de géomatique. Nous constatons que ces considérations sont à peine effleurées dans le projet de loi.

La Faculté propose que la Loi sur les forêts inclue des dispositions spécifiques pour inscrire le support particulier du ministre à l'égard de la formation de base de l'ingénieur forestier, dans la perspective où celui-ci est légalement responsable de l'application de plusieurs modalités de la loi. À cet effet, la Faculté propose l'ajout d'un article au chapitre V du titre 1, que l'on retrouve à l'Annexe I de notre mémoire.

La Faculté estime que le ministère doit se doter d'une stratégie identifiant ses orientations en matière de formation des professionnels qui, dans leur quotidien, sont appelés à assurer la mise en oeuvre de la politique forestière québécoise. En tant que seule institution universitaire québécoise à offrir le programme de formation professionnelle des ingénieurs forestiers, la Faculté souhaiterait contribuer à l'élaboration de cette stratégie gouvernementale. D'autres ministères pourraient être impliqués dans cette démarche, en particulier: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie et même l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. De son côté, la Faculté propose l'ajout, sur ces comités de programmes, le représentant du ministère ou d'autres personnes pouvant contribuer à faire le lien avec les objectifs de la loi.

Deuxième thème, la recherche et l'intégration des connaissances. La Faculté s'explique mal que le projet de loi n° 136 fasse si peu mention de R & D. De plus, la Faculté déplore que l'article 170.2 élimine toute référence spécifique à la recherche dans les composantes du fonds forestier. De vos commentaires, faits en septembre dernier, devant cette commission, M. le ministre, nous comprenons que vous êtes ouvert à ce que la recherche fasse l'objet de mention spécifique. Nous vous appuyons fortement dans cette direction.

Que ce soit en matière d'aménagement, de géomatique, de concertation, d'économie forestière ou autre, la majorité des dispositions inscrites dans le projet de loi n° 136 impliquent qu'il faudra intensifier, de façon significative, les efforts de R & D et d'intégration de connaissances. La Faculté est d'avis que si cette commande ambitieuse ne reçoit pas l'encadrement législatif nécessaire, l'atteinte des objectifs prévus par la révision du régime forestier risque d'être compromise.

La Faculté invite, par ailleurs, le ministre à doter le secteur forestier d'une politique de recherche forestière et à s'assurer qu'un engagement à cet effet soit inscrit dans la Loi sur les forêts. Cette politique devrait inclure des précisions quant au rôle que devraient jouer les divers acteurs en matière de recherche et d'acquisition de connaissances et quant aux moyens qui y sont consentis. Sur cet aspect, nous avons proposé l'ajout d'un article au chapitre V du titre 1 qu'on retrouve à l'annexe de notre mémoire.

Un dernier élément crucial portant sur le financement de la R & D. La Faculté propose une disposition dans la Loi sur les forêts à l'effet qu'au moins le tiers des sommes versées dans le fonds forestiers soit dédié à la recherche forestière. Il nous apparaît également fondamental que ces fonds soient versés en fonction des priorités de recherche définis conjointement par le ministre et le Conseil de la recherche forestière du Québec. Sur ces points cruciaux, la Faculté propose l'ajout d'un alinéa à l'article 114, de même que l'ajout de l'article 73.7, en page 27 de notre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je suis désolée, mais les 15 minutes que vous aviez sont présentement...

M. Brière (Denis): Il me reste un paragraphe, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour qu'il puisse terminer son paragraphe? Oui, il y a consentement; alors, vous pouvez poursuivre.

M. Brière (Denis): Alors, Mme la Présidente, en conclusion, nous aimerions insister sur un point qui ne relève pas du projet de loi mais plutôt de la réussite du régime. Nous voulons saisir l'occasion pour signifier l'importance d'un rapprochement entre les professeurs et chercheurs de la Faculté et le gouvernement, tout particulièrement avec les représentants du ministère des Ressources naturelles. Ce partenariat plus étroit permettrait de jumeler les expertises complémentaires et d'améliorer l'intégration des connaissances.

En prime, les retombées sur la formation des futurs ingénieurs forestiers ne pourraient être que positives. La Faculté entend continuer de cette façon à contribuer à faire du Québec un chef de file mondial en matière de gestion et d'aménagement durable des ressources forestières. Ceci fait partie de la mission de la Faculté de foresterie et de géomatique de l'Université Laval. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Brière. Nous passons donc à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Alors, merci beaucoup, M. Brière, M. Dessureault, M. Boulianne, au nom de la Faculté de foresterie et de géomatique de l'Université Laval, de venir échanger avec les membres de cette commission sur la révision du régime forestier.

D'abord, en premier lieu, M. Brière, peut-être en profiter pour vous souhaiter un bon mandat, un mandat fructueux comme doyen de la Faculté, puisque vous commencez à peine votre mandat.

J'aurais évidemment plusieurs questions. Mais, d'entrée de jeu, d'abord, vous l'avez signalé, c'est évident que, en matière de recherche, on va libeller ou trouver un nouveau libellé à la disposition, à l'article de la loi pour que... Ce n'était pas notre intention, de toute façon, d'évacuer la recherche de la loi. On va faire en sorte qu'elle s'y retrouve de façon explicite.

M. Brière (Denis): Bravo, M. le ministre!

M. Brassard: Deuxièmement, d'abord, les divers critères pouvant être utilisés pour procéder à des attributions de volumes. Alors, nous, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait des critères relatifs à l'environnement, des critères forestiers aussi, bien sûr, et on propose d'y ajouter le critère de la performance industrielle. Et vous avez une position qui me surprend un peu et pour laquelle, d'ailleurs, j'aimerais avoir des explications ou des clarifications, parce que vous demandez qu'on mette en veilleuse le volet ou le critère de la performance industrielle lorsque vient le temps de déterminer ou de fixer les attributions pour des détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement. Votre motif, c'est que nous n'avons pas les connaissances et les techniques, actuellement. En tout cas, elles sont insuffisantes pour bien utiliser ce critère de la performance industrielle.

n(14 h 20)n

J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui sont fort satisfaits qu'on ajoute aux critères existants ce critère de la performance industrielle. Évidemment, il y a quelques industriels qui rechignent un peu, mais, dans l'ensemble, ça a été très bien accueilli. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez la position de la Faculté à cet égard.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Oui. Sans avoir plus de détails sur les critères de performance qui seront utilisés, la raison d'une mise en veilleuse, c'est de pouvoir développer quand même des techniques et des façons d'évaluer la performance industrielle en relation avec l'attribution des volumes de bois disponibles au Québec. C'est qu'il y a une multitude de facteurs qui font que c'est difficile d'évaluer cette performance-là, selon nos chercheurs.

Premièrement, il y a une très grande variabilité au niveau de la ressource première, la matière première qui est acheminée aux différentes usines, surtout en ce qui concerne le sciage. Et, pour avoir eu un peu d'expérience dans ce secteur-là et comme les gens qui font des stages aussi à la Faculté dans différentes industries, lorsqu'on regarde la venue de nouvelles technologies et aussi la formation de la main-d'oeuvre, dépendant à quel moment on va aller évaluer cette performance-là, je pense qu'il faudrait avoir des nuances qui soient quand même assez importantes. Or, au niveau technique, on dit qu'on n'est pas assez outillé dans le moment. Je pense qu'il faudrait que ça fasse l'objet d'une étude très particulière, à savoir comment est-ce qu'on serait capable d'évaluer cette performance-là au niveau des industriels.

Aussi, je crois que, si on veut évaluer la performance basée sur des indicateurs au niveau des industriels, que ce soit la production de copeaux, dans les scieries ou que ça soit l'utilisation d'une plus grande technologie au niveau des pâtes et papiers, là aussi, je pense que ça devient un peu difficile de comparer les bilans de chacun des industriels en question. De relier l'approvisionnement à cette performance-là deviendrait quelque chose d'assez difficile à atteindre si on n'a pas une grille très bien définie pour le faire.

La Faculté n'est pas contre le fait de le faire, mais on se dit qu'il faut être prudent dans la façon dont on va exercer ces critères de performance là pour les industriels. Il faut que ce soit des critères très objectifs et non pas subjectifs, M. le ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Oui. J'en conviens, je pense que votre argument se tient. Mais je pense qu'il faut quand même profiter de l'occasion pour amender la loi, quitte à ne pas la mettre en vigueur jusqu'à ce qu'on soit bien outillé pour l'appliquer. Parce que sinon, ça nous oblige à revenir devant l'Assemblée nationale et tout le processus législatif.

L'autre question que je voudrais vous poser, ça concerne le rendement accru. Vous vous montrez très favorables au rendement accru ou à l'aménagement forestier intensif, tout en indiquant évidemment que cela doit se faire dans le respect des objectifs de maintien de la biodiversité puis de respect de la stratégie de protection des forêts, ce avec quoi je n'ai aucune difficulté, aucun problème. Je pense que la politique qu'on va concevoir va devoir respecter la stratégie de protection des forêts, respecter les objectifs de maintien de la biodiversité. Ça m'apparaît évident. Il faut éviter les erreurs que certains pays scandinaves ont commises, par exemple, à cet égard. Donc, augmenter le rendement, oui, mais sans qu'on tombe dans les erreurs commises par certains pays.

Mais là où, encore une fois, j'ai un peu de difficulté à comprendre votre position, c'est relativement au partage des volumes qui se dégageront ultérieurement, au fil des années, disponibles, suite à une politique d'aménagement intensif. Vous demandez qu'on inscrive, nommément dans la loi, que la moitié de ces volumes soit répartie ou accordée aux bénéficiaires actuels de contrats d'approvisionnement et d'aménagement. Puisque une politique d'aménagement intensif sera financée entièrement par l'État, c'est une orientation qui est d'ores et déjà arrêtée, ce sera financé par l'État. Alors, comment pouvez-vous expliquer que la moitié de ces volumes-là soit accordée ou attribuée aux détenteurs de contrats actuels?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Premièrement, on va faire une référence à la loi n° 150 où tous les volumes étaient réservés aux industriels à ce moment-là, les volumes accrus, avec non-paiement de droits de coupe.

Si vous faites référence à notre mémoire, M. le ministre, cette recommandation-là est venue dans un cadre de partenariat avec l'industrie, avec ceux qui vont quand même faire les travaux sur le terrain. Et, si vous voulez avoir une contribution de la part des gens de l'industrie et des intervenants dans le milieu pour le rendement accru, je crois que vous devez, en tant que responsable des forêts, vous adjoindre la collaboration des gens qui exercent des travaux sur le terrain. Notre proposition ne sous-entendait pas que tout était payé par l'État. S'il y a 50 % qui va à l'utilisateur éventuel, je crois que les travaux devraient être payés à 50 % par l'utilisateur éventuel, définitivement.

Une autre façon qu'on pourrait regarder aussi ces volumes-là, M. le ministre, comme il se produit dans d'autres provinces, les volumes additionnels pourraient aller ou être dirigés vers des activités de deuxième transformation, ce qui serait aussi très louable au niveau de l'industrie. Comme vous le savez, en Colombie-Britannique, lorsqu'il y a un transfert de propriété des industries, il y a 5 % des volumes de CAAF qui sont retenus, et si on veut les ravoir, la seule façon, c'est d'aller dans la seconde transformation.

Alors, je pense qu'il y a des façons de s'allier aussi les participants ou les utilisateurs pour faire en sorte que cette formule-là ? et c'est la discussion qu'on a eue à la Faculté ? puisse bien fonctionner avec les intervenants du milieu, M. le ministre.

M. Brassard: Oui, je suis d'accord avec votre objectif que ça se fonde sur un partenariat, mais aussi, envisager qu'au moment où il y aura des volumes disponibles on puisse davantage, par exemple, comme vous le dites, les orienter vers la deuxième et troisième transformations; je pense que c'est une idée intéressante. Ça ne veut pas dire non plus que les bénéficiaires de contrats actuels ne recevraient pas une certaine partie de ces volumes, ce n'est pas exclu non plus, si le besoin est vraiment identifié.

Mais j'hésite à inscrire dans une loi... c'est des éléments, à mon avis, qui devraient plutôt faire partie de la politique, se retrouver dans une politique. Mais, inscrire, nommément dans une loi, une obligation, en quelque sorte, légale que telle proportion de volumes disponibles, suite à une politique d'aménagement intensif, est automatiquement accordée aux détenteurs actuels, je vous avoue que j'ai des hésitations. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. À ce moment-ci, je céderais donc la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Brière, M. Dessureault et M. Boulianne, bonjour, bienvenue à cette commission.

De toute évidence, votre apport aux travaux de cette commission est important puisque vous nous apportez évidemment un éclairage nouveau et qui est apprécié, d'autant plus que vous êtes des experts dans le domaine de la foresterie. On l'apprécie grandement.

Ma première question portera tout de suite sur un élément, qui est au coeur même de la mission de la Faculté, qui fait référence à la formation des ingénieurs forestiers, et à la page 24 de votre mémoire, vous faites référence à une recommandation et vous souhaiteriez qu'on puisse édicter, donc, qu'on puisse faire référence, dans la Loi sur les forêts, à des dispositions spécifiques pour avoir une formation de base, une formation continue pour nos ingénieurs. Cette recommandation-là, à notre sens, est importante, parce que les ingénieurs forestiers sont responsables de la mise en oeuvre, bien sûr, de la politique, à chaque jour. Et, ce matin, avec l'UQCN justement, on avait un débat là-dessus. On faisait référence aux calculs de la possibilité forestière, c'était très intéressant.

n(14 h 30)n

J'aimerais ça, que vous puissiez nous dire, M. Brière et vos collaborateurs ? M. Dessureault et M. Boulianne ? quelle est cette urgence qui fera en sorte qu'on puisse dans une loi inclure une politique de formation de base, une formation continue pour nos ingénieurs? Quelle sera la différence dans la mise en oeuvre... en quoi, dans le fond, on pourrait améliorer la mise en oeuvre de notre politique avec des ingénieurs, où on aurait une formation de base, une formation continue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dessureault.

M. Dessureault (Michel): Je vais tenter de répondre à votre question. Je pense qu'il faut partir peut-être d'une comparaison et, je dirais, essentiellement du coût de formation d'un ingénieur forestier. J'ai vu des chiffres, il n'y a pas tellement longtemps, qui nous disaient entre autres que, dans le contexte universitaire, le coût de formation d'un ingénieur forestier était plus élevé que celui d'un ingénieur et se situait en fait à mi-chemin entre celui d'un ingénieur et celui d'un médecin. Par contre, dans le système universitaire traditionnel, on est considéré comme faisant partie du groupe des sciences et donc on est assujetti aux mêmes critères pour la distribution des ressources.

Et je prendrai comme exemple le fait que, pour garantir une formation de qualité pour un ingénieur forestier, on doit avoir recours à certains équipements, comme la forêt expérimentale, la forêt Montmorency, qui génère quand même des coûts importants. Ça explique en partie pourquoi c'est plus coûteux. Alors, c'est un peu dans ce contexte-là qu'on fait cette suggestion, c'est-à-dire de supporter de façon particulière la formation des ingénieurs forestiers.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée.

Mme Normandeau: Est-ce que les ingénieurs, les diplômés de chez vous, dans leur pratique de tous les jours, vous disent qu'ils font face à certaines difficultés dans l'application de la politique de la loi parce que justement ils n'ont peut-être pas tous les outils en main pour faire correctement leur travail? Est-ce qu'il y a des besoins dans ce sens-là qui vous sont exprimés, sur les difficultés d'application? Parce que, évidemment, les ingénieurs, ils doivent avoir une certaine pression, hein, à chaque jour, sur le terrain, compte tenu... ils apposent leur sceau, sur l'approbation des plans, et tout ça, au niveau des plans et des travaux d'aménagement forestier. Donc, il y a vraiment une responsabilité importante de l'ingénieur.

Alors, dans ce sens-là, les ingénieurs, est-ce que vous êtes en contact avec eux? Est-ce qu'on vous exprime quotidiennement les difficultés auxquelles ils sont confrontés?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Avec l'expérience, peut-être limitée, que j'ai à la Faculté, je peux vous répondre de cette façon-là, étant dans le milieu forestier depuis au moins 25 ans. Et la raison pour laquelle je veux y répondre, c'est parce que j'ai été sur les comités de l'Ordre des ingénieurs forestiers aussi. Je pense que ces questions-là de pratique sont amenées plutôt à l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, qui ont comme mission de protéger le public, plus que la Faculté. Je pense que la formation de l'ingénieur forestier est la plus complète possible, avec les moyens que nous avons. Tout peut être amélioré, et c'est la raison pour laquelle on veut que le projet de loi protège cette formation-là sous tous ses aspects. Mais, au niveau des problèmes que l'ingénieur forestier peut rencontrer, habituellement, c'est apporté au niveau de l'Ordre des ingénieurs forestiers, parce que je l'ai vécu moi-même.

Mme Normandeau: O.K. Mais ce qu'on retient quand même, c'est que vous auriez besoin d'équipement additionnel bien sûr pour assurer une formation plus pointue auprès des étudiants qui fréquentent votre Faculté. C'est ce qu'on retient.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): À cet effet-là, je crois que, même si je suis nouveau doyen, c'est une discussion que j'ai eue avec mon collègue Michel Dessureault à maintes reprises depuis quelques mois. La difficulté, dans un environnement universitaire comme ça, où le coût de la formation d'ingénieur forestier est un peu plus élevé, c'est, lorsqu'il y a des coupures, bien, nous, on doit former un ingénieur qui doit répondre à une loi. Alors, on ne doit pas le former à moitié, on ne peut pas. C'est comme un médecin, si on le formait puis au-dessus des épaules on ne lui donne rien, là... Alors, comme formation, il faut lui donner une formation complète. Et, lorsqu'il y a des coupures au niveau universitaire ? et ça vient du ministère de l'Éducation, ça fait partie de la société québécoise ? bien, nous, on en souffre. On a perdu huit ou neuf professeurs, dans les cinq dernières années, et ça, ça affecte notre capacité d'éducation. Alors, dans ce contexte-là, c'est difficile d'assurer quand même une formation toujours... et d'améliorer cette formation-là. Et, surtout avec les nouvelles exigences qu'un régime comme celui-là, nous pensons, va apporter, ça demande quand même des efforts supplémentaires au niveau de la formation et de recherche et développement.

Et dans votre question, ce n'est pas simplement au niveau formation, mais c'est au niveau aussi recherche et développement. Parce que la recherche et développement crée un encadrement à nos étudiants qui fait que les étudiants sont mieux formés s'ils sont dans un encadrement de recherche et développement à l'intérieur de la faculté.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée.

Mme Normandeau: Bien. Mon autre question porterait sur la page 9 de votre mémoire, au niveau du fameux calcul de la possibilité forestière. Vous avez deux recommandations à l'effet d'assurer une plus grande transparence quant aux hypothèses de simulation qui sont retenues pour effectuer les calculs et vous invitez également le ministère des Ressources naturelles à la prudence dans le calcul de la possibilité forestière.

Alors, ce matin ? je fais encore référence à l'UQCN ? M. Bélanger nous disait que, dans certaines situations, le ministère était peut-être un peu trop optimiste dans son calcul de la possibilité forestière. Évidemment, j'aimerais aussi apporter des précisions. Premièrement, quand vous parlez de prudence, vous faites référence à quoi, très précisément? Et, dans la première recommandation, quand vous parlez de transparence dans les hypothèses de simulation, à quoi également vous faites référence? Parce que, ce matin, on nous disait: Les ingénieurs forestiers arrivent et ont de la difficulté à se retrouver dans tout ça, là, parce que, de toute évidence, il n'y a pas de limpidité dans les hypothèses de simulation qui sont fournies. Alors, si vous pouvez nous préciser le sens de vos deux recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): M. Dessureault va d'abord entamer la réponse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. Dessureault.

M. Dessureault (Michel): Quand on parle de calculs de possibilités, on doit comprendre qu'il y a une quantité assez importante de facteurs qui influencent ces calculs-là, des facteurs, en fait, qui font référence à toutes sortes de conditions qui varient sur le terrain, et on sait très bien qu'on ne peut pas avoir ou maîtriser parfaitement tous ces facteurs-là. On ne les connaît pas tous et donc on doit, jusqu'à un certain point, faire des hypothèses. Et, plus on doit faire d'hypothèses, bien, plus on a des chances de se tromper aussi.

Et donc, ce qu'on dit, c'est que, compte tenu qu'on doit faire des hypothèses ? on n'a pas le choix, on ne peut pas avoir une connaissance absolue et parfaite du territoire québécois pouce par pouce ? il faut, dans la mesure où on doit faire des hypothèses, on doit aussi, dans la même mesure, être prudent et ne pas considérer que le chiffre qu'on obtient au bout, c'est la vérité absolue sans, pratiquement, marge d'erreur. Et, en fait, le niveau de prudence, en termes plus mathématiques, je dirais, pourrait être directement associé au niveau d'incertitude qu'on a avec les facteurs de départ. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on parle de prudence, on doit absolument tenir compte de la qualité des données qui rentrent dans le système pour associer à la réponse qu'on obtient un facteur d'insécurité, si vous voulez. Alors, c'est ce qu'on veut dire.

Mme Normandeau: Mais, quand vous parlez de transparence dans les hypothèses de simulation qui servent au calcul de la possibilité forestière, à quoi très précisément vous faites référence? Parce que, quand on parle de transparence, évidemment votre recommandation sous-tend qu'il y a un manque de transparence, à l'heure actuelle, dans les hypothèses qui sont retenues ? vous y avez fait référence tout à l'heure, M. Dessureault ? il y a toute une série de paramètres qui sont retenus, mais à quoi précisément vous faites référence? À quelles difficultés les ingénieurs se butent, là, quand vous parlez de transparence ou de nécessité d'avoir une plus grande transparence?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brière.

M. Brière (Denis): Oui. Dans l'établissement du calcul de possibilités, ce qu'on entend par transparence, on entend que les hypothèses qui sont mises sur la table doivent être expliquées et, en même temps aussi, qu'il doit y avoir une certaine transparence au niveau de l'application dans différentes strates de la forêt québécoise. Et c'est à ce niveau-là que la faculté aimerait participer un peu plus, avoir plus d'information et devoir contribuer à l'établissement de la possibilité forestière par les différents calculs.

Naturellement, les facteurs de sécurité qui sont à l'intérieur de ça, ce n'est pas une science très précise. Ça, on le sait. Je suis sûr qu'aujourd'hui les ingénieurs d'Hydro-Québec ne font pas le design de leur taux d'Hydro-Québec de la même façon qu'avant le verglas. Alors, il y a eu des choses qui se sont produites, et on s'ajuste avec. On est dans un milieu naturel, un milieu dynamique. Ce qu'on évoque ici, c'est qu'au niveau de la Faculté il y a beaucoup de recherches qui se font, et interuniversitaires, qui font qu'on pourrait avoir une plus grande contribution dans la transparence au niveau du calcul des possibilités.

Mme Normandeau: Bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En vous rappelant qu'il reste trois minutes à votre formation politique.

n(14 h 40)n

Mme Normandeau: Oui, il me reste trois minutes. Peut-être une question encore sur le calcul de la possibilité, parce que, à mon sens c'est majeur, hein, il y a plusieurs régions forestières qui ont été touchées. Évidemment, je pense à la Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent, il y a des diminutions d'approvisionnement importantes. On arrive, sur certaines aires communes, à des diminutions de 68 %; en Gaspésie, 34 %. Et là, moi, je me dis: Dans un contexte comme celui-là, il faudrait peut-être s'interroger au niveau du calcul qu'on fait de notre possibilité quand on arrive à des écarts aussi considérables.

De votre côté, par rapport aux outils dont on dispose actuellement justement pour établir le calcul de la possibilité, en considérant que ce n'est pas une science exacte, ça, je le comprends très bien. Mais est-ce que vous considérez que les outils que le ministère, que les ingénieurs ont à leur disposition ou que le coffre à outils dont ils disposent est suffisant pour avoir un calcul qui soit le plus fidèle à la réalité? Est-ce que, de ce côté-là, vous pensez qu'on pourrait améliorer des choses?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, M. Brière.

M. Brière (Denis): On pourrait certainement améliorer les choses, Mme la députée, mais, dans un sens, comme je l'ai dit tantôt, c'est évolutif. Et, si on veut évoluer, il faut avoir deux paramètres: un, il faut comprendre exactement ce qui se passe, donc la transparence qu'on a émise est basée sur des faits scientifiques. Donc, avoir plus de connaissance de notre forêt à travers le Québec pour ne pas appliquer des choses qui se passent dans la forêt du sud du Québec et les appliquer, par exemple, dans le nord du Québec sans appliquer les bons facteurs sans une bonne connaissance de la forêt. Et je crois que, avec les recherches qu'on fait, on peut établir un éventail de possibilités d'utilisation de certains facteurs, mais jusqu'à une certaine limite. Il faut établir ces limites-là selon les différents écosystèmes au Québec.

Alors, ça, cette amélioration-là, c'est une augmentation de la connaissance de la forêt finalement, en général, pour pouvoir mieux appliquer tout simplement au niveau des inventaires, parfois au niveau de l'intensification des inventaires. J'ai eu cette expérience-là dans le passé. L'inventaire, dans certaines régions, n'est pas assez précis pour donner une image réelle de la possibilité forestière. Ça peut être surévalué ou sous-évalué, mais il y a des facteurs comme ça. J'en nomme un, mais je ne voudrais pas qu'on fasse une panoplie avec ça. Il y en a un, mais il y a plusieurs autres facteurs qu'il faut bien peser avant de les utiliser dans certains peuplements forestiers au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. M. le député de Gaspé, tout en vous rappelant qu'il reste, de votre côté aussi, trois minutes à votre formation politique.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer d'être très rapide. Aux pages 6 et 7, vous parlez des nouveaux contrats d'approvisionnement forestier, des nouveaux modes d'attribution des bois et vous émettez des réserves quand même très importantes à l'effet que ça peut amener au morcellement de la gestion du territoire. Par contre, je connais beaucoup de gens qui étaient heureux de voir cette mesure appliquée dans le sens qu'ils pouvaient aller récolter des volumes de bois chez d'autres preneurs qui n'en voulaient pas, d'autres utilisateurs de la forêt, donc les détenteurs de CAAF ayant du résineux majoritairement.

Et là vous faites une recommandation d'être très prudent et, d'autre part, de limiter les volumes à 100 000 m³ pour ces bénéficiaires. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi une telle recommandation? Parce que je comprends qu'il y a de l'aménagement forestier à faire par la suite, mais 100 000 m³, on n'a pas toujours ça sur des essences qui ne sont pas récoltées par certains industriels.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Brière.

M. Brière (Denis): Premièrement, vous n'avez pas fait mention des autochtones. Je pense qu'on a une ouverture complète vis-à-vis les autochtones à cause de leur développement socioéconomique et je pense que c'est important, dans la loi, que le ministre puisse permettre à des autochtones, sans avoir une usine dans leur cour, de pouvoir utiliser les ressources forestières.

Dans le 100 000 m³, le raisonnement derrière ça est une question de morcellement de territoire, comme vous l'avez dit, et aussi, je pense, de masse critique lorsqu'on a une opération forestière. S'il y a des volumes qui sont disponibles d'un bénéficiaire ou des bénéficiaires dans une aire commune ou ce qui va devenir des unités d'aménagement, je pense que, si, ces volumes-là, il y en a d'autres qui veulent en profiter, c'est de les ajouter à... Il faut faire une différence entre la transformation et l'opération. On peut les ajouter à l'opération forestière actuelle, si on parle de 5 000 ou 10 000 m³, à la place d'essayer de mettre en branle toute une autre organisation pour exploiter 5 000 à 10 000 m³. Alors, je pense que, dans ce contexte-là, du point de vue strictement économie forestière, il faut faire attention au niveau échelle et au niveau morcellement du territoire parce que, si on morcelle trop le territoire, je pense qu'on va affaiblir le niveau d'aménagement forestier au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très rapidement, M. le député.

M. Lelièvre: Très rapidement. Donc, vous seriez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Trente secondes.

M. Lelièvre: Seriez-vous d'accord ou suggérez-vous qu'on impose à l'industriel, par exemple, qui est bénéficiaire du résineux, de récolter les autres essences qu'il laisse sur le terrain? Il y a des gens qui sont venus nous dire: Bon, bien, le bouleau, ils n'en veulent pas, ils l'écrasent puis ils passent à côté, puis ils ramassent...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Brière.

M. Brière (Denis): Ça se fait déjà dans les aires communes. Il y a des gens bénéficiaires de résineux qui récoltent pour les gens de feuillus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. C'est malheureusement tout le temps dont on disposait. M. Brière, M. Dessureault, M. Boulianne, merci de cette participation à notre commission. Là-dessus, je suspens les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

 

(Reprise à 14 h 47)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, nous allons reprendre les travaux. À ce moment-ci, nous accueillons les représentants du Conseil régional de développement des Laurentides. Alors, M. Raynault, Mme Julien, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire avant de passer à la période d'échanges. Alors, là-dessus, je vous cède donc la parole.

Conseil régional de développement
des Laurentides (CRD Laurentides)

M. Raynault (Guy): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre Brassard, Mmes et MM. les membres du comité, M. Kieffer, que j'ai vu, député de Groulx, député de chez nous, merci de votre invitation.

Je vous présente tout de suite Denise Julien. Je pense que vous la connaissez déjà un peu. Elle s'est présentée mardi passé devant vous. En entrant ici dans la salle, j'ai vu qu'elle était connue évidemment des gens des Laurentides, mais aussi de l'ensemble du Québec. Denise représente, au conseil d'administration chez nous, notre spécialiste en forêt, la forêt publique, le siège n° 25. Dans mon cas, je suis directeur général adjoint au CRD Laurentides. Je suis responsable des dossiers économiques, alors donc le tourisme, l'agriculture, la forêt. Alors, vous aurez compris que je suis le généraliste des deux. Alors, la spécialiste à ma droite et le généraliste dans mon cas. Donc, j'ouvre et je fais l'introduction.

C'est toujours intéressant de passer en commission parlementaire, pour deux raisons. D'une part, ça nous permet de redire un peu ce qu'on a écrit dans notre rapport de consultation et, d'autre part, dans notre mémoire déposé cet été. Et finalement, surtout, je pense aujourd'hui d'échanger avec les membres de la commission sur des questions qui sont plus pointues. Ça nous permet de se parler un peu.

Donc, notre présentation de 15 minutes sera faite de la façon suivante. Je présenterai très succinctement le CRD des Laurentides, la région des Laurentides, je vous situerai le contexte du dépôt du mémoire et vous parlerai de la forêt des Laurentides comme enjeu crucial de notre économie. De son côté, Mme Julien va parler du régime actuel, des acquis amenés par le régime actuel, présentera les recommandations de notre organisme. On finira évidemment par la conclusion.

n(14 h 50)n

J'aimerais vous dire que, bon, vous connaissez les CRD, vous êtes sûrement membres d'un CRD de votre région, vous avez déjà rencontré d'ailleurs des CRD ici, à votre table. Le CRD des Laurentides, c'est un organisme qui a maintenant 33 ans. Les CRD, dans certains cas, sont encore plus vieux que ça. Nous avons 340 organismes qui sont membres chez nous. Et pour nous, c'est important, c'est-à-dire qu'on représente la majorité des municipalités des Laurentides, on représente une grande partie des gens d'affaires, on représente une grande partie des organismes communautaires. Seuls les organismes sont membres chez nous. Notre conseil d'administration est composé de 48 personnes. C'est un conseil d'administration moyen pour un CRD. Et évidemment, comme tous les CRD, nous devons établir une planification stratégique, administrer les fonds, faire la promotion et la défense des intérêts de la région et s'assurer de certaines consultations pour les ministères, faire la concertation des différents intervenants.

Quant à la région des Laurentides, bien, c'est une région qui est quand même importante. Je pense que c'est la quatrième plus importante du Québec en termes démographiques. On couvre un territoire de 23 000 km², 95 municipalités, et c'est sûrement une des belles régions du Québec aussi au niveau touristique. Puisque le domaine forestier public couvre près de 75 % de notre région, la réalité forestière y est distincte et elle est distincte tant au niveau du peuplement, c'est-à-dire que, chez nous, il y a du feuillu et du résineux de qualité, elle est distincte au niveau de la main-d'oeuvre aussi, la diversité des utilisateurs, du développement industriel. Et pour nous, la forêt est un enjeu crucial, reconnu dans notre planification stratégique de 1995 et encore reconnu dans notre planification stratégique de l'an 2000. C'est sûrement pour cette raison que, lors de la consultation en 1998, on a été capable d'aller chercher 33 mémoires. Beaucoup de gens se sont présentés devant nous en consultation. Il me fait plaisir de vous dire, en regardant les chiffres, que nous sommes parmi les régions où il y en a eu le plus, de mémoires. On est équivalent un peu aux gens de l'Outaouais, avec 33. Donc, on a eu le troisième plus haut taux de participation lors des tournées régionales.

C'est important pour nous, la forêt. Alors, c'est pour ça qu'on prend le temps d'avoir une bonne écoute à Mme Julien, au niveau du conseil d'administration, et on essaie, lorsque le temps nous le permet, lorsque les gens veulent bien nous inviter, de déposer ou de présenter nos différences avec les autres régions du Québec. Alors, voici, c'est aussi clair et, j'espère, court que ça pour ma présentation, et je laisse, si vous voulez bien, Mme Julien continuer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Julien.

Mme Julien (Denise): Alors donc, ce qu'on vous présente aujourd'hui, c'est ce qui est ressorti de cette consultation-là. Ce n'est pas nécessairement des commentaires directement sur le projet de loi comme tel.

Donc, à la lumière des mémoires qui ont été déposés puis des opinions qui ont été exprimées au cours de la consultation et suite aux discussions qui sont intervenues au sein du conseil d'administration et du comité exécutif du CRD Laurentides, le CRD était d'avis que le régime forestier actuel s'est avéré à l'usage un puissant levier de développement socioéconomique pour les Laurentides. Il leur a offert un cadre propice au développement de synergie entre les acteurs qui gravitent autour du milieu forestier et il leur a réuni des conditions favorables pour que les efforts déployés par les intervenants forestiers, les élus municipaux et le CRD Laurentides puissent aboutir à des acquis tangibles. À titre d'exemples, on peut souligner l'introduction d'un mode de financement stable et récurrent des travaux sylvicoles, la transformation locale d'une portion plus grande des bois récoltés en région, la création d'emplois nouveaux en forêt et le développement d'une expertise tant en formation de la main-d'oeuvre forestière ? il y a eu un développement extrêmement important chez nous au niveau de la commission scolaire Pierre-Neveu et du cégep de Saint-Jérôme ? qu'en planification et en aménagement des forêts feuillues et mélangées.

C'est pourquoi le CRD Laurentides recommande au gouvernement et au MRN que le projet de mise à jour serve d'abord à consolider ces acquis, mais aussi à développer et à perfectionner un outil qui, somme toute, s'est montré efficace sur le terrain. Dans cette perspective, le CRD recommande que les modifications qui pourraient être apportées au régime actuel prennent en compte la spécificité de la forêt des Laurentides qui est fondamentalement une forêt feuillue et mélangée, que le caractère productif de la forêt soit reconnu, que le lien organique entre l'aménagement de la matière ligneuse et sa transformation soit maintenu et que les garanties d'approvisionnement dont jouissent déjà les bénéficiaires de CAAF ne soient pas affectées par les éventuels changements.

En ce qui concerne la reconnaissance du caractère productif de la forêt, ce qui inquiète autant les intervenants forestiers sur forêts privées et publiques que les populations des MRC ressources, c'est l'attitude des nouveaux résidents et des villégiateurs qui font pression sur les conseils municipaux et sur Forêt Québec pour empêcher toute forme d'exploitation forestière, le syndrome de Saint-Zénon, comme on dit chez nous.

Le CRD Laurentides recommande également que le milieu de la sylviculture bénéficie d'un soutien accru et que l'on favorise l'intensification des travaux sylvicoles dans la perspective d'améliorer la production de la forêt en volume et en qualité. Enfin, le CRD est favorable à l'application du principe de résidualité sur la forêt publique. Le CRD recommande aussi que des transformations soient apportées aux processus de gestion du régime forestier en vue de les simplifier et de les alléger. Dans la même veine, le CRD recommande que les orientations de gestion du régime soient révisées afin qu'elles passent du mode normatif, qui prévaut actuellement, vers un mode axé sur l'atteinte d'objectifs et que l'approche de gestion sectorielle passe vers une approche de gestion intégrée.

Au sujet de l'intégration multiressources, le CRD Laurentides insiste sur la nécessité d'établir un préalable visant à reconnaître une valeur à chacune des ressources du milieu forestier et de statuer sur leurs perspectives d'émergence vers le marché ? ça, ça nous apparaît extrêmement important ? chaque ressource devant payer pour sa mise en valeur et sa remise en production soit en vertu du principe de l'utilisateur-payeur, qui est une forme, mais ça peut être aussi par la prise en charge collective visant le développement durable des régions et de ressources.

D'autre part, constatant l'absence de participation de la population et son ignorance du cadre de gestion de la forêt, le CRD Laurentides recommande que le MRN fasse un effort substantiel de vulgarisation dans ses communications en général. Comme les gens disent: En forêt, ce n'est pas simple. Qu'il élargisse la participation du public et celle des divers utilisateurs de la forêt en recourant à un zonage clair et en mettant en place un mécanisme de concertation et de décisions participatives qui permettra aux intervenants d'être consultés en amont et ainsi de pouvoir prendre véritablement part aux décisions qui touchent leurs intérêts dans la gestion du régime forestier. Il recommande en outre que les MRC puissent occuper une place, un espace plus grand dans la gestion du régime forestier, de manière à pouvoir mieux jouer le rôle qui leur est dévolu en matière d'aménagement du territoire. Et à cet égard, le CRD recommande également au MRN de reconnaître les MRC comme lieux privilégiés de réception de pouvoirs délégués. À ce sujet, il souhaite une accélération du processus de délégation des pouvoirs vers les MRC, notamment en ce qui a trait aux territoires publics intramunicipaux et aux droits fonciers sur terres publiques.

Enfin, le CRD demande au MRN d'apporter des clarifications au concept de forêt habitée pour éliminer la confusion qui l'entoure et qui entrave sa mise en valeur. Il faut dire que notre territoire à nous est déjà beaucoup une forêt habitée, avec le nombre d'intervenants et le nombre d'utilisations qu'on y retrouve. Quant au rôle de l'État, le CRD Laurentides est d'avis qu'il doit demeurer le maître d'oeuvre de la gestion forestière dans un plus grand climat de consultation et de concertation avec les utilisateurs de la forêt. Dans cette perspective, il insiste fortement pour que le MRN clarifie les rôles des intervenants et qu'il centre ses propres responsabilités autour de l'établissement des orientations du régime forestier, de sa réglementation, de l'attribution des ressources et de la reddition des comptes.

Enfin, alors que les conditions d'emploi des travailleurs forestiers devraient constituer un enjeu majeur de la mise à jour envisagée, le CRD Laurentides déplore qu'elle soit à toutes fins pratiques occultée du projet gouvernemental. La forêt n'étant pas uniquement un réservoir de ressources pour ses utilisateurs, mais également un milieu où vivent des être humains, le CRD Laurentides recommande que l'État se préoccupe davantage de cette dimension en commençant par mesurer l'impact de certaines dispositions de ses lois et règlements sur les travailleurs forestiers et sur les entreprises qui les emploient. Il faut se rappeler que la région des Laurentides, c'est une région forestière productive depuis sa colonisation. C'est le terrain du curé Antoine Labelle et, chez nous, c'est très présent, ce souvenir du curé. La relation des colons avec la forêt a toujours été une relation complexe. La forêt, c'est tout à la fois l'ennemi du colon en même temps que son gagne-pain; un lieu de misère, mais aussi une source d'approvisionnement, de richesse et de liberté; le territoire d'affrontement des colons et des concessionnaires; un lieu d'attrait pour les touristes tout en étant un lieu d'appartenance pour les populations qui y vivent.

Aujourd'hui, c'est à la fois la cour de récréation de Montréal et du jet-set international et l'assise du développement industriel des MRC-ressources du territoire. L'harmonisation des usages dans la région des Laurentides n'est donc pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène dynamique en constante évolution. Dans ce contexte, nous pensons que la consultation que le ministre des Ressources naturelles compte entreprendre devrait, selon nous, viser à nous doter collectivement d'une vision claire du développement durable des forêts et de l'industrie des produits du bois afin que celle-ci serve de balise à la conciliation des usages. Cette consultation devrait également être conçue de telle sorte qu'elle permette à tous les participants de mesurer les enjeux sociaux, économiques et environnementaux des propositions qui vont y être discutées et de s'entendre sur les mesures de transition qui devront être mises de l'avant pour en atténuer les impacts.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, pour conclusion.

M. Raynault (Guy): Pour conclure. Alors, vous aurez compris que c'est un résumé du rapport de consultation qui a été déposé à l'automne 1998. Ce n'était pas possible, pour le conseil d'administration, de déposer un mémoire sur le projet de loi spécifique au courant de l'été.

Alors, ça reprend quand même bien, je pense, le résumé d'une consultation qui s'est faite quand même relativement d'une façon assez large chez nous, dans les Laurentides. Alors, merci.

n(15 heures)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Raynault, Mme Julien. Alors, M. le ministre, pour la période d'échanges.

M. Brassard: Merci. M. Raynault et Mme Julien, que nous revoyons pour la deuxième fois; merci de votre présence, de votre participation. Vous avez indiqué... et vous nous l'aviez dit, la dernière fois, Mme Julien: Vous savez, la forêt des Laurentides et particulièrement le territoire de la MRC Antoine-Labelle, le préfet nous a dit un peu la même chose: C'est la cour de récréation des Montréalais, et vous savez, il a ajouté cette fois-ci, du jet set international. Ha, ha, ha!

Je comprends pourquoi. C'est la présence évidemment d'un centre de ski de grande envergure. Ça veut dire à ce moment-là que c'est une forêt très habitée: beaucoup d'usagers, beaucoup de villégiature, des pourvoyeurs, des chasseurs, des pêcheurs, donc, la dimension récréotouristique aussi est très, très développée, beaucoup de monde.

Donc, ce n'est pas évident, la conciliation des usages. L'harmonisation, la cohabitation, ça devient un défi important à relever. Je constate cependant que vous y travaillez depuis quand même un bon moment. Vous n'avez pas attendu le projet de loi pour le faire. Quand on discutait avec le préfet de la MRC Antoine-Labelle, entre autres, ces jours-ci, il nous a fait la démonstration que vous avez pris de l'avance ? si vous me permettez l'expression ? en matière de cohabitation.

Alors, ma question est bien précise, étant donné que votre mémoire évidemment n'aborde pas de façon très, très précise les dispositions du projet de loi n° 136. Vous connaissez cependant les dispositions quant à ce qu'on appelle une participation des intervenants dans la préparation des plans généraux, une politique de consultation également. Est-ce que vous pensez que ces dispositions-là vont faciliter ? ce que vous pratiquez déjà, de façon remarquable ? davantage la cohabitation et la conciliation entre les divers usagers?

Mme Julien (Denise): Nous, on en est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Julien.

Mme Julien (Denise): Je m'excuse, madame. Oui, on en est vraiment persuadé. D'ailleurs, on considère que la loi... si on fait la liste des recommandations qui étaient faites par le CRD, lors de la consultation, donc, je veux vous dire, ce qui a fait consensus au niveau de la région... il faut s'apercevoir que les intérêts sont très divergents à l'intérieur de cette région-là, mais il y avait ce consensus-là qui s'est dégagé; c'est quand même un consensus fort, selon nous.

Il y a beaucoup d'éléments qui sont à l'intérieur de la révision du régime ou du projet de loi qui viennent répondre à certaines des recommandations qui étaient là. Et, pour ce qui concerne l'harmonisation des usages, je pense qu'il y avait deux éléments dont on a discuté un petit peu, l'autre jour, puis qui sont des éléments importants. C'est la nécessité, pour le ministre, de préciser véritablement ce qu'il entend par une gestion participative.

Quelles sont les balises de cette gestion-là? Quels sont ses participants? À l'intérieur de quel cadre tous les participants s'inscrivent? Et quelles en sont les règles du jeu et comment on décide à la fin? Quels vont être les valeurs en fonction desquelles... et les critères qui vont amener à une prise de décision? Ça, je pense que c'est important. C'est la première chose.

La deuxième chose, c'est de bien baliser les niveaux de consultation. Alors, on vous avait recommandé, nous, de faire une distinction ? et je pense que le CRD, là-dessus, est parfaitement d'accord ? entre une consultation sur des objectifs, sur des orientations, sur des valeurs qu'on porte tous ensemble, qui peut se faire au niveau national et régional, et sur des choses qui sont l'opérationnalisation au niveau des territoires. Et je me souviens qu'à une de vos questions l'autre jour on n'a pas répondu de façon suffisamment claire; je voudrais juste revenir là-dessus.

Quand on avait proposé, nous, le plan quinquennal dynamique, c'est qu'une des notions qui nous apparaît importante dans l'harmonisation des usages, c'est le temps. Ça prend du temps pour s'entendre et avoir l'espace pour s'entendre. Et c'est pour ça qu'on vous proposait d'avoir une planification très précise sur deux ans, pour avoir le temps d'identifier clairement sur le terrain: on va aller où? On va faire quoi? De quelle façon? Et, s'il y a des éléments de contrainte, qu'on ait du temps pour le régler à l'intérieur de ces deux années-là. Or, ça nous donne plus de temps que d'être à la dernière minute, année par année, sans voir venir à l'intérieur de ça. Ça, ça nous apparaît une première chose.

La deuxième chose qui m'apparaît essentielle, c'est qu'au niveau des orientations il y a les MRC, les représentants des associations, des groupes qui, eux, sont très intéressés à avoir une perspective un peu plus large: cinq ans, 25 ans. Quand on arrive sur le terrain, là, il y a concrètement des gens concernés: il y a une zec, il y a une pourvoirie. Et, nous, parce qu'on a une forêt extrêmement variée, on intervient de façon très, très sporadique un peu partout sur le territoire.

Donc, il faut être capable de dire aux gens: Toi, si tu es concerné, l'année prochaine, on planifie d'aller sur ton territoire, viens t'asseoir avec nous autres et on va discuter de comment ça va se passer, et on va intégrer ta part de planification.

Donc, c'était les deux choses. Premièrement, on disait: Au niveau des plans généraux, on a les représentants qui ont des intérêts sur une planification plus large; au niveau des plans quinquennaux dynamiques, on avait ce qu'on appelait, nous autres, entre guillemets, les «intendants du territoire», ceux qui ont des droits, ceux qui exercent une responsabilité ou un mandat de gestion sur ce territoire-là ? zecs, pourvoiries, MRC, trappeurs, etc. ? et ces gens-là, dépendant du territoire sur lequel on intervient, s'assoient puis se mettent ensemble pour intervenir.

Pour se mettre ensemble pour intervenir ? c'est l'étape suivante ? il faut avoir tous des outils. Vous parliez tantôt de l'outil, du coffre à outils de l'ingénieur forestier. C'est sûr qu'il doit s'élargir, tranquillement pas vite, plus vont se raffiner les travaux qu'il aura à faire. Et donc, en contrepartie, il devra aussi assumer des responsabilités qui viendront avec le choix de ces divers outils-là.

En échange, les autres utilisateurs, que ce soit le pourvoyeur, le gestionnaire de fonds, le gestionnaire de toutes sortes de choses qu'on retrouve, de MRC, n'importe quoi, doivent aussi pouvoir avoir ces outils d'inventaire et ces outils de remise en production, connaître bien leurs propres ressources pour savoir quelles sont les contraintes et pouvoir les intégrer avec les autres. Et c'est là qu'on vient avec l'idée que les autres ressources devraient aussi émerger sur un marché. Pas nécessairement être tarifées, mais avoir une valeur, qu'on leur reconnaisse une valeur et qu'elle puisse contribuer à leur remise en production.

Donc, on pense que, si on est capable de se donner du temps, d'identifier les gens qui ont directement des intérêts sur le terrain et qui donc, peuvent faire des compromis, et de se donner des balises, savoir de quoi on parle, on décide de quoi, à l'intérieur de quel cadre, moi, je pense que l'harmonisation des usages est fort probable. On la fait déjà, chez nous. On ne vous dit pas que c'est simple, mais c'est des choses qui s'apprennent et qui se développent, et c'est faisable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Raynault, vous vouliez ajouter.

M. Raynault (Guy): Oui, je voudrais rajouter un peu sur le jet-set. Évidemment, on ne parle pas nécessairement des gens de Montréal, et évidemment, Mont-Tremblant, avec un investissement de 1 milliard, ça paraît, dans une région. Mais c'est assez extraordinaire de constater qu'il y a aussi des gens qui viennent faire du tourisme d'aventure et qui viennent de la France, qui viennent de l'Espagne, qui viennent du Japon et se retrouvent dans notre forêt, et ce, d'une façon assez importante, avec aussi beaucoup d'argent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le ministre, vous aviez d'autres questions?

M. Brassard: Oui. Précision quant à ce que vous appelez votre «plan quinquennal dynamique». Est-ce que vous prévoyez, relativement à ce plan quinquennal dynamique, consulter les différents intervenants ou plutôt les faire participer à l'élaboration? Parce qu'il y a une distinction à faire entre la consultation et la participation. Alors, ça prend quelle forme, leur implication? C'est une participation ou une consultation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Julien.

Mme Julien (Denise): Les deux.

M. Brassard: Les deux?

Mme Julien (Denise): Les deux. Ceux qui seraient au niveau de la participation, c'est ceux qui sont les intendants, donc, ceux qui ont des mandats de gestion ou des opérationnalisations sur le territoire.

La FAPAQ a des ententes avec des pourvoyeurs, des choses comme... Tous ceux qui, de la part du gouvernement, ont reçu un mandat, comme nous, on reçoit un mandat pour la matière ligneuse, ont reçu un mandat pour d'autres ressources, ces gens-là participent à l'élaboration.

Maintenant, ce plan-là, annuellement, serait soumis à la consultation pour qu'on ait aussi le point de vue de tout le monde. Nous, on fait déjà une consultation annuelle; la loi ne nous oblige pas à faire ça. Mais on la fait, la consultation annuelle, parce que ce n'est pas possible autrement. Ce que les gens se posent, comme question, c'est: Vous allez venir comment? Vous allez faire quoi? Vous allez être où, exactement? Et nous, ce qu'on veut savoir, c'est: Vous, vous avez quoi, comme contrainte? Vous voulez quoi, exactement? Quelles sont vos préoccupations? Il faut se comprendre, hein?

M. Brassard: Vous la faites annuellement...

Mme Julien (Denise): Annuellement.

M. Brassard: ...vous dites, la consultation.

Mme Julien (Denise): Oui.

M. Brassard: Et est-ce que ça a pour effet, je dirais, de retarder les choses?

n(15 h 10)n

Mme Julien (Denise): Bon. On vous disait aussi... C'est ça. Quand on vous dit qu'il faut que ce soit clair, ce sur quoi on peut consulter et que ce soit clair, ce sur quoi on peut faire des compromis et quel est le moment où il y a une prise de décision, c'est là qu'on vous disait que, nous, on ne voulait pas tomber dans une impasse où on pourrait être pris en otage.

Je vais vous donner un exemple, O.K.?, c'est un exemple qui s'est passé chez nous. Bon, on fait ces consultations-là, annuelles. Il y a un groupe de villégiateurs sur forêt publique, chez nous, au lac des Cornes, qui a décidé qu'il ne voulait pas d'exploitation forestière. Eux, ils sont sur forêt publique, ils ont un permis de villégiature sur forêt publique. L'exploitation ne se faisait pas chez eux, là, elle se faisait sur une pointe mais dans leur paysage, par coupe de jardinage, c'est-à-dire un arbre sur trois. Donc, on n'allait pas détruire le paysage. Mais, eux, leur valeur profonde était qu'il ne faut pas faire d'exploitation forestière. Donc, à partir de là, on n'a pas de possibilité de s'entendre, on est dans un gouffre.

On a négocié pendant deux ans avec ces gens-là pour faire des compromis, pour dire: On ne va pas venir à telle date, on va passer le chemin à tel endroit, on va faire telle, telle chose. Total de ça: ils ont refusé jusqu'à l'émission du permis annuel et ils ont fait affaires le Protecteur du citoyen qui a exigé une conciliation. La conciliation a fait que le permis annuel n'a pas été émis, et 800 personnes ont été en chômage pendant une période d'un mois. Pour nous, là, c'est toute l'économie de la région qui est fermée.

J'aurais pu vous amener les gens de la Caisse populaire, des dépanneurs; c'est le crédit de tout le monde. Bien, en tout cas, je ne vais pas vous raconter des histoires de misère. Mais, nous autres, on a du travail, on a des travailleurs professionnels. On est très préoccupés de leur donner des conditions de travail qui font que ce sont des travailleurs qui peuvent exercer leur métier, élever leur famille et être des contribuables sérieux dans leur région. Résultat de la conciliation: le conciliateur a dit que les forestiers en avaient donné trop, aux demandes des villégiateurs. Et, finalement, on s'est retrouvé que les villégiateurs ont trouvé que la job, une fois faite, était mauditement une belle job puis que, dans le fond, ce n'était pas si pire, hein? Moi, je ne veux plus vivre ça. J'ai du monde, chez nous, ça travaille. Je veux qu'on se donne un système, qu'on ait le temps de concilier et qu'on sache quoi on concilie, puis...

M. Brassard: Qu'il n'y ait pas de droit de veto.

Mme Julien (Denise): ...comment on décide, qui décide.

M. Brassard: Pas de droit de veto.

Mme Julien (Denise): Pas de droit de veto, c'est ça. C'est juste ça, on cherche un mécanisme qui va permettre une harmonisation. Et, moi, je pense que l'harmonisation est faisable quand les règles du jeu sont claires. Si on pense qu'on peut en demander tout le temps plus puis on dit: On s'essaie, on s'essaie, puis qu'il n'y a pas de balises, il n'y a pas de responsabilité. C'est pour ça qu'on dit que, dans les gens qui viendront au niveau du plan quinquennal, c'est des gens qui ont des responsabilités sur ce terrain-là; ces gens-là sont sérieux. Eux autres aussi, ils ont des entreprises; eux autres aussi, ils sont capables de comprendre les contraintes des autres.

Dans la consultation annuelle, on les prend, on peut répondre ou ne pas répondre si des choses sont inconciliables. On ne pourra jamais répondre à quelqu'un qui dit: Je ne veux aucune exploitation forestière. On peut concilier, mais on ne pourra pas dire: On ne le fera pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Bonaventure. Mme la députée.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente, M. Raynault, Mme Julien. Rebonjour, dans le cas de Mme Julien; bonjour, M. Raynault, merci d'être ici, et surtout, merci d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire.

Mais, ce que je retiens, c'est que vous déplorez le fait que vous n'ayez pas eu pratiquement de temps, évidemment, pour rédiger un mémoire plus détaillé, compte tenu des délais que le ministère vous a accordés.

Écoutez, il y a plusieurs éléments que je retiens, mais un qui est contenu à la page 4 et qui fait référence... et vous le formulez sous forme de recommandation. Vous demandez qu'on puisse simplifier tout le processus lié à la gestion du régime forestier. En fait, vous parlez de simplification, vous parlez d'allégement, dans certaines normes, j'imagine. Je vous cite, vous dites: »dans certains cas, de supprimer leur caractère contre-productif.»

J'aimerais ça, que vous puissiez nous préciser davantage. Quand vous parlez de caractère contre-productif, c'est donc dire que ça a un impact sur le plan économique dans votre région. Est-ce que c'est possible de nous donner des exemples concrets où le régime en place se traduit, dans les faits, par des actions contre-productives dans votre région?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Julien.

Mme Julien (Denise): Moi, je pense que c'est en train de changer énormément, mais c'est un peu ce qu'on vous disait au niveau de la boîte à outils. O.K.? Quand on a commencé à faire de l'aménagement dans nos forêts, le manuel d'aménagement, on vous l'a dit, était très axé sur les résineux, moins axé vers les feuillus. Alors, quand un travailleur sylvicole rentre en forêt, qu'il a le choix entre un chêne et un petit sapin, puis que la norme dit que c'est le sapin qu'il faut favoriser, le travailleur forestier, lui, ça lui fait bien mal au coeur. Donc, lui, il veut que la norme s'assouplisse. Il veut être capable d'avoir plus de marge de manoeuvre pour juger du mieux-être du peuplement et de l'amélioration de sa qualité. C'est un petit exemple, là, de ce que les gars nous disent, tu sais, quand ils sont dans le bois.

Maintenant, je pense que, nous autres, avec la direction régionale, chez nous, on a travaillé très fort et avec les chefs d'unité de gestion, justement pour assouplir ça, mais il reste que toute la gestion est dans un encadrement législatif, et donc, il y a des outils qui sont incontournables. C'est pour ça que, nous autres, entre autres, au niveau de notre groupe, on demandait qu'au niveau du manuel d'aménagement il y ait un comité sur les feuillus qui voie à déployer la boîte à outils qui va être disponible pour l'aménagement des feuillus. Alors, c'est un peu dans ce sens-là, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Raynault.

M. Raynault (Guy): Oui, un peu sur notre mémoire. Dans ce cas-là, ce n'est pas tellement le temps, c'est la date. Dans un organisme comme le nôtre, lorsqu'on demande de déposer un mémoire au mois d'août, bien, on ne peut pas vraiment faire une réunion du conseil d'administration durant l'été.

J'étais quand même heureux de voir que, malgré ça, on s'en est sorti en faisant un mémoire qui reprend le rapport de consultation et que nous étions parmi les premiers à vous le déposer. Je pensais, j'ai vu ça dans l'horaire, 2M, je me suis fait expliquer que c'est le deuxième mémoire qui a été déposé. Alors, on s'en est sorti.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: Bravo!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée.

Mme Normandeau: Tout à l'heure, vous parliez, Mme Julien, vous faisiez référence aux conditions d'emploi des travailleurs forestiers et vous nous en avez parlé un peu lors de la présentation, il y a quelques jours déjà. Et là vous nous dites, dans le fond: Ce qu'on souhaiterait, c'est que le ministère puisse mesurer les impacts de certaines dispositions qui sont contenues dans la loi et dans les règlements pour nos travailleurs forestiers.

C'est un sujet, je vous dirais, qui revient de plus en plus, là, plus les jours passent, ici, à la commission, et on s'entend tous pour dire que c'est extrêmement important d'avoir des mesures, des dispositions qui favorisent, dans le fond, nos travailleurs sylvicoles et qui rendent ce travail-là plus attrayant.

Quand vous nous dites: Il faudrait peut-être avoir un mécanisme qui nous permettrait de mesurer l'impact pour nos travailleurs sylvicoles, quel mécanisme on pourrait mettre en branle justement pour mesurer l'impact de l'adoption des lois puis... parce que vous y avez fait référence tout à l'heure. Ça devient de plus en plus compliqué, hein, pour le travailleur sylvicole, quand il est sur le terrain, de faire ses choix. Il y a même un intervenant qui nous a dit: Le travailleur sylvicole est comme une espèce de mini-ordinateur. Il doit avoir un paquet d'informations, de contenu, là, dans sa mémoire, pour faire les bons choix parce qu'il n'y a pratiquement pas de place à l'erreur pour le travailleur sylvicole sur le terrain. Alors, quels seraient les mécanismes qu'on pourrait mettre en branle justement pour éviter ou pour avantager, je devrais dire, nos travailleurs sylvicoles?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Julien.

Mme Julien (Denise): Tantôt, vous aviez M. Brière, là, qui vous disait: Il faut faire attention à des prises de position ou des choix politiques ou législatifs qui vont amener un trop grand morcellement de l'intervention sur les territoires.

Les travailleurs forestiers sont devenus des professionnels. Comme en agriculture, on est passé d'une agriculture artisanale, où on mêlait à la fois des activités de cueillette des bois avec des activités de cueillette de petits fruits, de chasse en forêt puis avec un peu d'agriculture puis ça faisait une survie. Ça n'existe plus, ça, dans nos régions, à nous. Les agriculteurs sont devenus des professionnels et les forestiers sont devenus des professionnels.

Si chaque village veut avoir sa propre exploitation forestière, si chaque, je ne sais pas, moi, intervenant faunique veut faire sa propre intervention forestière sur son territoire, le résultat de ça, ça va être de morceler énormément le travail qu'il y a à faire au niveau de la remise en production des forêts. Et, nous, une grosse partie du travail passe par la récolte. Il y a une partie du travail sylvicole qui est du reboisement ou qui est du dégagement, de l'éclaircissement commercial, etc. Mais, nous, 62 % de notre travail, ça se fait par des coupes de jardinage. Donc, ça veut dire que le travail du travailleur sylvicole, c'est d'aller identifier l'arbre, et ensuite, de le récolter sans blesser les autres, etc.

Tu vois, quand, moi, j'ai commencé à travailler avec la Coopérative forestière des Hautes-Laurentides, en 1978, on était capable d'offrir trois mois de travail par année. Maintenant, on offre 10 mois de travail par année. Donc, on est devenu... avec des véritables professionnels.

Au niveau du travailleur sylvicole comme tel, on leur offrait peut-être deux mois et demi; maintenant, on leur offre six, des fois, sept mois de travail par année. C'est le reboisement sous la neige qui n'est pas tout à fait au point, tu sais. Mais, à part de ça, là, on commence à être meilleur.

n(15 h 20)n

Mais, quand on veut faire ce genre de choses-là, il faut être capable de répartir les gens sur le terrain et de leur dire: L'intervention qu'on va faire là, on roule au 20 ans ou 25 ans sur les territoires. Si j'ai juste un tout petit territoire, je vais pouvoir offrir quoi? Chaque année, peut-être trois semaines, un mois, un mois et demi de travail? Alors, le travailleur, il faut vraiment y penser aussi. Moi, le mécanisme, c'est dans le sens de dire: Si je mets ce nouvel élément là en place, c'est quoi, l'impact sur les travailleurs.

Actuellement, on se préoccupe beaucoup à dire: C'est quoi, l'impact sur l'entreprise, c'est quoi l'impact sur la forêt? Il manque juste l'autre bout, là: c'est quoi l'impact sur le travailleur comme tel? Lui, comment il va pouvoir s'établir à l'intérieur de ça? Alors, moi, ce n'est pas tellement un mécanisme dans le sens d'une organisation ou d'autre chose mais une mesure, un indicateur qui mesure aussi non seulement: j'ai-tu respecté l'environnement, j'ai-tu respecté l'économie? Oui, mais j'ai-tu respecté le monde? Puis, le monde, c'est le travailleur pour moi, beaucoup, beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Raynault.

M. Raynault (Guy): Oui. Je rajouterais que, malgré un taux de chômage avoisinant les 7 %, chez nous, un taux d'activité d'à peu près 65 %, c'est surtout dans le sud du territoire que les jobs se font et c'est presque le plein emploi. Dans le nord du territoire, on essaie de faire travailler nos gens le plus longtemps possible, et c'est une belle avenue; la forêt les fait travailler 10 mois par année. Ça aide beaucoup.

Mme Julien (Denise): Ça fait que, nous autres, on trouve qu'il faut faire une grosse, grosse différence entre... parce que, tu sais, quand l'assurance chômage a été changée, puis là, il y avait toute l'image extrêmement négative du travailleur saisonnier dépendant, là. Il ne fallait pas que tu dises chez nous parce que... Bon, bref, nous, on a fait une distinction entre des saisonniers professionnels, tu sais, du monde qui se cherche une petite job puis qui retombe sur le chômage puis tout va très bien, et des travailleurs professionnels qui ont un métier saisonnier; ça, ce n'est pas pareil.

Puis le travailleur professionnel qui a un métier saisonnier, lui, il est à la base de toute une gang d'activités économiques régulières qui sont celles en industrie, qui sont celles dans toutes sortes de choses. Il génère un travail absolument extraordinaire. Donc, lui, il faut pouvoir le respecter, parce que c'est lui qui sort à -40°C, l'hiver, pour aller chercher vos arbres, hein, puis ce n'est pas tout le monde qui va vouloir faire ça, puis c'est le travailleur sylvicole qui va dans le bois, dans le mouche noire pour les reboiser, les arbres. Ils aiment ça, ils ont une fierté énorme par rapport à ce travail-là, mais ça prend des conditions minimales. Donc, moi, tout ce que je dis, c'est que ça prend des indicateurs qui tiennent compte d'eux autres, la même chose quand on tient compte des autres paramètres quand on mesure l'application d'un élément dans une loi.

Mme Normandeau: Merci, ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va. Alors, Mme Julien, M. Raynault, merci pour votre participation à cette commission. Je vais là-dessus suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 23)

 

(Reprise à 15 h 24)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc reprendre les travaux. Nous accueillons maintenant le groupe de bénéficiaires de CAAF de la région de l'Outaouais. Alors, messieurs, bienvenue à cette commission.

Je vous rappelle, vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Et, avant de faire cette présentation, j'aimerais que la personne responsable se présente et nous présente les personnes qui l'accompagnent.

Groupe de bénéficiaires de CAAF
de la région de l'Outaouais

M. Bergeron (Marc): Oui, Mme la Présidente. Mon nom est Marc Bergeron, de la compagnie Bois Oméga ltée. À ma gauche, j'ai M. Pierre Vézina, du Groupe Brunet, et à ma droite, M. Jacques Roberge, des Industries Davidson inc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Vous pouvez procéder, monsieur.

M. Bergeron (Marc): Mme la Présidente, M. le ministre, Mme, MM. les députés, mesdames, messieurs, nous vous remercions de nous permettre d'exposer la position d'un groupe d'intervenants de la région de l'Outaouais.

Les intervenants forestiers que nous représentons regroupent des industriels oeuvrant dans la transformation des matières ligneuses de toutes catégories et dont la production englobe des produits très variés, tout comme les forêts de notre région. Comme ces entreprises détiennent des allocations sur les terres publiques sous forme de CAAF et qu'elles partagent souvent les mêmes territoires, qu'elles participent à l'aménagement, à la gestion et à l'exploitation forestière de ces mêmes territoires et qu'elles tentent de solutionner les mêmes problèmes, elles ont tenu à se regrouper pour vous faire part de leurs préoccupations communes.

L'industrie de la transformation des feuillus de l'Outaouais compte pour 30 % du volume de feuillus transformés au Québec, ce qui en fait la région la plus importante à ce niveau. Compte tenu que les forêts de l'Outaouais sont majoritairement composées de forêts feuillues du type inéquien, les modes de traitement et l'exploitation des arbres qui la composent sont fortement différents de ceux de la forêt équienne. On a plutôt recours aux méthodes de jardinage dans ce type de forêt, et ces méthodes nécessitent des pratiques d'extraction des tiges beaucoup plus complexes. On y prélève, en moyenne, 30 % du volume à la fois, ce qui correspond à environ un arbre sur trois, et le prélèvement est échelonné sur des rotations de 20 ans. De plus, afin d'éviter de blesser les tiges en période de sève, alors qu'elles sont plus sensibles justement aux blessures, l'extraction est pratiquée sur des périodes plus restreintes, étant limitées, en gros, entre la fin juillet et le milieu mars, car ces blessures provoqueraient une baisse de qualité des tiges. Aussi, ces méthodes de récolte se réalisent à plus petite échelle et sont beaucoup plus coûteuses qu'en forêt boréale.

Ce type de forêt bien particulier a subi certaines perturbations lors de ses premières exploitations au début du siècle, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui les tiges de bonne qualité sont rares. Le traitement dicté par le ministère des Ressources naturelles favorise l'extraction des tiges de qualité inférieure dans le but d'augmenter, pour le futur, la qualité du peuplement. Cette pratique prive l'industrie forestière de billes de sciage d'une qualité supérieure, alors que l'extraction de ces billes lui permettrait de générer une meilleure qualité de produit qui est jugée essentielle à son bon fonctionnement et au maintien de sa rentabilité.

Les forêts de l'Outaouais se situent, pour la plupart, à proximité des milieux urbains. Alors, le territoire qu'elles recouvrent est assujetti à de fortes pressions pour une utilisation intensive par les populations environnantes, situation qui provoque souvent des conflits d'utilisation du territoire. Le partage des routes forestières est un élément sensible qui cause de gros maux de tête aux exploitants forestiers, car elles sont fortement sollicitées par une multitude d'intervenants, et ce sont les exploitants qui assument les frais pour les construire et les entretenir, sans toutefois ne recevoir aucune compensation financière de la part du gouvernement ni des autres utilisateurs. Je cède la parole maintenant à M. Roberge.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roberge.

M. Roberge (Jacques): Mme la Présidente, la multitude de détenteurs de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier sur un même territoire entraîne un mode de gestion beaucoup plus complexe qu'en forêt résineuse, là où on ne retrouve généralement qu'un ou deux intervenants par aire commune. En forêt feuillue, il est impératif d'obtenir son approvisionnement au moment opportun pour pouvoir en conserver la fraîcheur. Il est chose courante de retrouver, dans une même aire commune, de quatre à 14 industriels différents qui ont, chacun, leurs préoccupations et leurs contraintes. Toutes ces contraintes coûteuses ont un impact sur le coût de la matière ligneuse et sur la rentabilité des entreprises en place.

Les intervenants de l'Outaouais veulent vous dire que nous voulons, comme détenteurs de CAAF, conserver notre place dans la gestion et l'exploitation des forêts de notre région. Nous avons la prétention de bien faire notre travail et de rencontrer nos obligations de détenteurs de CAAF. Nous avons un grand besoin de matière première provenant des terres publiques, et tout en respectant les droits des autres utilisateurs, tout en respectant les principes de biodiversité, du respect de l'environnement, nous voulons extraire cette matière première en qualité et en quantité pour satisfaire les besoins de nos usines et de nos marchés. Nous ne croyons pas qu'il faille confier l'exploitation de nos forêts à d'autres intervenants que les détenteurs de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier. Nous faisons ici référence à la notion de contrats d'aménagement forestier.

Comme nous vous l'avons dit précédemment, il est déjà difficile de s'entendre entre nous, exploitants forestiers, compte tenu du nombre d'intervenants impliqués dans le processus de gestion et d'extraction de la matière ligneuse, qu'il est difficile de croire que nous réussirons en introduisant d'autres intervenants forestiers à la table des discussions. Nous recherchons un vrai partenariat avec l'État pour la gestion et l'exploitation des forêts de notre région.

Avant l'avènement des CAAF, les forêts feuillues et pins n'avaient pas de vrai statut et elles ont été perturbées, et dans bien des cas, la qualité des bois y est présentement déficiente. Elles n'ont pas bénéficié des programmes de «backlog», comme ça a été le cas pour les forêts résineuses. Ensemble, nous devons travailler à les reconstruire, tout en permettant à nos entreprises de pouvoir continuer à bien opérer et à générer les profits nécessaires à leur survie.

Compte tenu du peu de temps qui nous est alloué, nous vous ferons part de nos principales demandes. Je cède la parole à M. Vézina.

n(15 h 30)n

M. Vézina (Pierre): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vézina, vous pouvez y aller.

M. Vézina (Pierre): Nous croyons qu'il est temps d'élaborer un zonage du territoire forestier afin de protéger la forêt elle-même, de même que tous les efforts d'aménagement consentis par le gouvernement lui-même et ceux de l'industrie.

Nous réclamons une révision des taux de traitement sylvicole afin d'obtenir la vraie valeur des travaux que nous effectuons déjà. Nous réclamons en plus la vraie valeur pour les travaux qui s'effectueront dans le cadre de la mise en place de nouvelles mesures, afin de tendre vers le rendement accru que nous ne connaissons pas encore et dont la valeur devra être rajustée en fonction de l'expérience.

Nous voulons tenir des inventaires forestiers adéquats correspondant aux conditions particulières des forêts de notre région, afin d'éliminer tous les désagréments que nous connaissons au niveau de la planification des activités de récolte et d'intervention en forêt. Nous voulons effectuer les inventaires d'intervention demandés par le ministère, mais nous croyons que tous les inventaires forestiers doivent être défrayés à même le fonds forestier. Nous ne sommes pas favorables à l'instauration d'un nouveau mode d'allocation de bois à des personnes ne possédant pas d'entreprise de transformation. Les bois non utilisés par une entreprise doivent faire l'objet d'une entente de gré à gré entre les bénéficiaires d'un même territoire afin de conserver l'harmonie. Dans notre région, l'acériculture est très peu développée sur les terrains privés; 1,7 % des érablières à capacité acéricole. Ils nous est difficile d'admettre qu'il y a un besoin de développement des érablières localisées sur terres publiques. Nous admettons encore moins la demande formulée par la Fédération des acériculteurs exprimée dans son mémoire déposé en septembre. Nous sommes totalement opposés à une telle approche.

La révision des territoires pour la région de l'Outaouais doit être abordée en tenant compte des particularités de notre région, telles que décrites dans notre introduction. Une telle révision pourrait avoir des conséquences néfastes sur toute l'harmonie de la région. Le calcul de la possibilité forestière est un exercice qui doit, à notre sens, s'exécuter en collaboration avec les bénéficiaires de CAAF et le ministère. Présentement, le ministère a le dernier mot dans ce calcul. Il n'est donc pas nécessaire, à notre avis, de changer la loi, nous optons beaucoup plus pour un travail de partenariat que nous cherchons depuis longtemps.

Nous sommes prêts à partager une responsabilité collective sur les activités de planification, mais nous sommes d'avis que les responsabilités de récolte sont de nature et de responsabilité individuelles. Une modification des plans et rapports allant dans le sens de pouvoir faire accepter deux années d'intervention permettrait de solutionner bien des problèmes que nous vivons avec difficulté.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion s'il vous plaît, M. Vézina. On va pouvoir continuer lors des échanges.

M. Vézina (Pierre): Oui. O.K. Notre région, de par sa situation géographique et à cause de sa composition forestière, est riche en écosystèmes exceptionnels, puis on vous demande de prévoir des situations... dans les cas de forêts exceptionnelles, d'avoir peut-être une procédure qui nous permettrait de ne pas avoir à perdre des ressources financières.

M. le ministre, MM. les députés, MM. les sous-ministres, Mme la Présidente, nous vous remercions de nous avoir écoutés et nous sommes disposés à répondre à vos questions. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, messieurs. Je vais donc exaucer vos voeux en cédant tout de suite la parole au ministre pour la période d'échanges.

M. Brassard: Oui. Merci beaucoup, d'abord, MM. Vézina, Roberge et Bergeron, d'être venus nous rencontrer pour nous exposer vos problèmes ou la façon dont vous voyez la révision du régime forestier.

Une première question concernant le zonage que vous proposez. Tout à l'heure, on discutait avec des représentants du CRD des Laurentides, et ils nous ont longuement expliqué comment ils s'y prenaient pour concilier les usages, harmoniser les activités, bref en arriver à une cohabitation acceptable. Vous, votre solution, c'est le zonage. J'aimerais vous entendre là-dessus, comment vous voyez ça. Ça veut dire que, là où il y a des villégiateurs, on les laisserait tranquilles, ce serait zoné villégiature, pas d'interventions forestières? Vous pensiez à quoi et ça signifie quoi exactement, votre proposition de zonage?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Oui. On n'est pas contre la cohabitation avec les autres intervenants de la forêt, c'est qu'on investit beaucoup dans l'aménagement forestier, on investit beaucoup dans l'infrastructure. On a une forêt qui est située au sud de l'Outaouais. Il y a beaucoup de différents utilisateurs, villégiateurs, trappeurs, tous les types d'utilisateurs, là, qu'on retrouve en milieu forestier. Ce qu'on préconise, c'est qu'on veut avoir quand même une certaine garantie que les forêts qu'on a aménagées, on va pouvoir aller les exploiter plus tard. On ne veut pas que ce soit exclusif à l'exploitation forestière, mais qu'on lui donne quand même peut-être un statut prioritaire, à l'exploitation forestière, tout en considérant, par exemple, les autres revendications des autres utilisateurs. Ça fait que c'est une approche de première venue, puis, de cette approche-là, c'est officiel qu'il va y avoir des discussions avec les autres utilisateurs, mais on veut qu'ils soient très sensibles à nos revendications puis au rôle économique que l'industrie apporte dans la région de l'Outaouais.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: M. Bergeron a des choses à ajouter, je pense.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bergeron, vous vouliez ajouter?

M. Bergeron (Marc): Oui. Juste pour compléter ce sur quoi Pierre vient de nous parler, c'est qu'en fin de compte le zonage, c'est une priorisation. On ne veut pas faire un zonage exclusif, comme on l'a fait en agriculture, où on a des zones vertes, des zones blanches et c'est très rigide. C'est un zonage qui va permettre de focusser ? si vous me permettez l'expression ? pour certains secteurs, qu'on puisse mettre tous ensemble nos efforts pour faire avancer la foresterie ou faire avancer la faune, ou l'environnement, ou quoi que ce soit. Mais ça va nous donner un plan, un peu comme un plan d'aménagement d'une municipalité. On se donne des priorités, on se donne des objectifs puis des plans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Donc, dans certaines zones, priorité à la dimension forestière; dans d'autres zones, la priorité ou la primauté serait accordée disons à la villégiature. C'est un peu de cette façon-là que vous voyez ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roberge.

M. Roberge (Jacques): On veut dire par là, dans certaines zones, on pourrait s'entendre avec les utilisateurs, pourvoyeurs ou zecs que, durant la période de chasse, les opérations forestières ou le travail forestier sont déplacés dans des zones qui faciliteraient le travail de tout le monde. C'est dans ce sens-là.

Puis, tout à l'heure, Mme Julien parlait de plan quinquennal dynamique, puis, dans le cadre d'un plan quinquennal dynamique, voir en avant, avoir deux ans à l'avance, on ne serait pas pris à la dernière minute avec des pressions de zecs ou de pourvoyeurs, dire: Bon, vous coupez chez nous, là. C'est la même chose pour... M. Vézina a parlé tantôt d'écosystèmes forestiers exceptionnels, il faudrait prévoir à l'avance. Souvent, un industriel fait des inventaires forestiers. Bien, dans le cas des forêts de feuillus et pin, on fait de l'inventaire forestier mur à mur dans tous les secteurs, on remet ces inventaires forestiers là au ministère pour analyse, et l'analyse permet au ministère de découvrir ou de localiser un site forestier exceptionnel, puis, de par le fait même, il va nous dire: Bien, vous ne pouvez pas opérer là, il y a un site forestier exceptionnel, c'est nous qui l'avons trouvé. Là, il faut déplacer nos opérations puis faire des infrastructures pour aller ailleurs, puis on n'est pas compensés pour ça. Si on était sur un quinquennal dynamique, deux ans à l'avance, on pourrait voir venir.

n(15 h 40)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, une autre question concernant... Vous dites dans votre mémoire qu'il faudrait profiter de l'occasion de la mise en place d'un nouveau mode de confection des plans généraux d'aménagement pour y introduire des principes de certification forestière. J'aimerais que vous précisiez vos attentes à cet égard. Et est-ce que la coresponsabilité que l'on retrouve dans le projet de loi... la coresponsabilité des bénéficiaires sur une même aire commune, est-ce que ça aurait des chances de favoriser davantage cette certification par unité d'aménagement ou par aire commune?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Vous aimeriez que la certification vienne favoriser justement une coresponsabilité qui n'est pas individuelle?

M. Brassard: Non, c'est l'inverse. C'est l'inverse. Ha, ha, ha!

M. Vézina (Pierre): Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est l'inverse. C'est que le concept de coresponsabilité qu'on introduit dans le projet de loi, c'est que les bénéficiaires de contrat d'aménagement sur une même aire commune sont coresponsables du plan d'aménagement et d'approvisionnement en même temps, évidemment, que des travaux d'aménagement et des travaux sylvicoles. Ils sont coresponsables du respect de leur planification conjointe et commune. Est-ce que ce principe de coresponsabilité, selon vous, ça vous aiderait ou ça favoriserait ce que vous souhaitez, là, c'est-à-dire la certification forestière que...

M. Vézina (Pierre): Ça pourrait faciliter...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): ...la certification forestière, mais c'est au niveau des opérations forestières en tant que telles. Chacun a sa façon de faire les opérations, on a un respect à apporter au niveau de la réglementation sur les normes d'intervention. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on fait affaire avec beaucoup de contracteurs forestiers, on a la responsabilité que ces contracteurs forestiers là fassent un travail selon la réglementation, puis ça varie beaucoup d'un contracteur à l'autre sur la régularisation des interventions, et tout.

Moi, j'aimerais mieux qu'on garde peut-être en place un système de pénalité puis qu'il y ait une responsabilité plutôt individuelle au niveau des contracteurs forestiers ou du mandataire d'opérations qui va faire les interventions. Mais je crois qu'avec le temps on pourrait, considérant aussi qu'on est dans une forêt très, très complexe, peut-être tendre vers une forme de certification, puis c'est avec essai-expérimentation puis avec expérience. Puis je ne suis pas convaincu qu'on est capables de le faire à l'année un, mais je suis convaincu qu'on peut le faire progressivement.

M. Brassard: Comme vous êtes plusieurs sur une même aire commune ? c'est le cas, hein? ? ...

M. Vézina (Pierre): Oui.

M. Brassard: ...puis que, souvent, vous ne récoltez pas la même espèce...

M. Vézina (Pierre): On fait des coupes intégrées, le mandataire d'opérations a à récolter toutes les essences du même arbre et aussi les arbres qui ont d'autres produits pour l'ensemble des bénéficiaires. Ça fait qu'on fait des coupes intégrées. On a récolté... Ce n'est pas individuellement, chaque produit, où le mandataire vient intervenir pour ce produit-là, il vient intervenir pour tous les produits.

M. Brassard: Les coupes sont intégrées...

M. Vézina (Pierre): C'est ça.

M. Brassard: ...est-ce que les travaux d'aménagement le sont aussi?

M. Vézina (Pierre): Oui.

M. Brassard: Bon. Alors, dans ce cas-là, c'est presque, en pratique, la coresponsabilité que vous pratiquez.

M. Vézina (Pierre): C'est une forme de coresponsabilité, oui, mais c'est au niveau de la coresponsabilité au niveau des opérations terrain, qui est difficile à gérer. Puis, comme je vous le dis, il va falloir avoir un certain temps pour bien roder ce système-là.

M. Brassard: M. Bergeron, oui.

Le Président (M. Lelièvre): M. Bergeron.

M. Bergeron (Marc): Oui, si vous permettez. C'est pour ça que dans notre mémoire on a divisé ça en deux parties, parce que, au niveau pratico-pratique, quand un contracteur forestier scrape ? excusez l'expression ? une calvette, puis elle est mal faite, puis elle ne correspond pas aux normes, c'est difficile, même au niveau légal, même au niveau affaires, de demander à tout le monde de payer pour ce contracteur-là. On est très ouverts à travailler ensemble puis de concert au niveau de l'aménagement puis des opérations forestières dans une aire commune, mais d'aller jusqu'au niveau des opérations au jour le jour puis d'être coresponsables, on trouve ça difficile un petit peu. C'est comme si vous nous demandiez... Sur une même rue, dans une ville, il y a 10 personnes qui habitent la rue. Mon voisin ne paie pas ses impôts, donc vous me demandez de payer les impôts à sa place.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Bergeron, je me dois de céder maintenant la parole à la députée de Bonaventure, le temps alloué au ministre est épuisé.

Mme Normandeau: Il est écoulé. Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Merci d'être avec nous. Merci pour la présentation de votre mémoire. Ce qu'on comprend, c'est que vous avez un forêt qui est particulière, hein, qui est complexe au niveau des traitements que vous devez y faire, également de l'exploitation de la récolte, et vous nous exprimez très clairement que ça, ça a une incidence directe sur la productivité de vos entreprises et vous faites référence au fait que souvent ça se traduit par des baisses de profits. Et, à la page 7 de votre mémoire, vous formulez certaines attentes à l'égard du gouvernement. Pour vous permettre, si je peux utiliser l'expression, de souffler un peu plus, vous souhaiteriez que le gouvernement apporte un peu plus d'assouplissement au niveau de la gestion des fameux CAAF ? les CAAF, deux A, bien sûr ? des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, et vous souhaiteriez qu'on puisse procéder à la révision des droits de coupe et des crédits d'aménagement, tout ça, bien sûr, en lien avec vos spécificités, là, sur le plan régional.

Quand vous parlez d'assouplissement de la gestion des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, j'aimerais ça que vous puissiez nous préciser davantage ce que vous entendez, parce que jusqu'à maintenant ce que les intervenants sont venus nous dire... Bien, plusieurs enfin. Plusieurs intervenants sont venus nous dire que les redevances ne sont peut-être pas assez élevées, qu'on devrait apporter plus de contrôle en forêt. Alors, vous, vous venez nous dire: Un instant, pour assurer notre compétitivité, là, nous, on a peut-être des problèmes avec les règles du jeu, là, qui existent actuellement. Est-ce que c'est possible de nous en dire davantage là-dessus?

Le Président (M. Lelièvre): M. Bergeron.

M. Bergeron (Marc): Juste un petit mot, je vais passer la parole à Pierre qui est vraiment le... ou aux gens qui sont les spécialistes. Mais nous, ce qu'on veut induire comme approche avec l'assouplissement, c'est qu'on veut avoir un partenariat plus étroit avec le gouvernement, on veut travailler plus étroitement avec les gens du ministère. Il y a beaucoup d'expertise contenue dans le personnel, le capital humain qu'on a dans nos entreprises. Ils ont beaucoup d'expérience terrain. Si on peut la faire partager aux gens du ministère dans les régions, même ici, à Québec, et faire une bonne synergie, on va sauver du temps, on va sauver de l'argent, et la forêt va être mieux gérée. C'est un peu dans ce sens-là qu'on voudrait avoir un assouplissement des CAAF, qu'on ait une meilleure collaboration, une collaboration peut-être plus profonde. C'est ça qui va peut-être nous aider un peu. Peut-être que Pierre pourrait...

Le Président (M. Lelièvre): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Merci. À un niveau plus technique, on vient de terminer, là, le processus de confection des plans généraux d'aménagement forestier. Ça a été assez ardu. Comme vous avez pu voir aussi, on a une forêt assez complexe, très diversifiée, tous les produits, toutes les essences, tous les types d'aménagement, puis il est introduit, dans les nouveaux plans généraux d'aménagement forestier, des nouveaux types de traitement, des traitements différents de la coupe de jardinage, parce qu'on rentre de plus en plus dans des peuplements... Dans nos interventions, on a des peuplements plus pauvres qui demandent d'autres types d'interventions pour assurer une régénération, et tout. On a deux nouveaux traitements, là, qui sont en place, qui sont la coupe de jardinage par trouée puis la coupe de jardinage par parquet ? excusez-moi le côté technique ? puis, actuellement, au niveau faisabilité économique de ces traitements-là, il n'y a rien qui a été développé du côté du ministère comme du côté de l'industrie pour l'application de ces types de traitement là.

On ne sait pas comment ça vaut en ce moment, au niveau des crédits d'aménagement, pour réaliser ces travaux-là. Ça fait qu'il va y avoir un travail qui va être fait par l'industrie, parce que c'est encore l'industrie qui va avoir l'odieux de réaliser ces travaux-là en forêt. Ça va coûter plus d'argent, mais, au niveau des crédits, on ne sait pas encore quelle orientation ça va prendre. Ça fait que ça va être essai-expérimentation, puis cet essai-expérimentation là, en essayant peut-être d'alléger un peu plus les contrats ou les normes, ça va nous permettre peut-être de trouver des moyens pour l'appliquer. Mais on est vraiment à l'état embryonnaire, puis c'est très, très, très complexe. Ça fait que c'est une façon pour nous, là, d'exprimer ce point-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Roberge, est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose?

M. Roberge (Jacques): Oui. Assouplissement, à notre sens, veut aussi dire plus de travail conjoint, parce que souvent on dépose des données au ministère, on est vérifié, on revérifie le ministère, et puis on peut vérifier deux, trois fois, quatre fois pour finir par aller ensemble sur le terrain régler le cas. Je pense que, si on pouvait aller ensemble sur le terrain au départ, de part et d'autre on sauverait des sous.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

n(15 h 50)n

Mme Normandeau: Bon, le message que vous avez envoyé est clair, vous avez parlé tout à l'heure de synergie avec le ministère des Ressources naturelles. J'imagine que vous vous parlez, là, le ministère et l'industrie. Et puis, si je fais référence plus spécifiquement au fameux calcul de la possibilité forestière et à l'exercice qui a conduit à la mise à jour des plans généraux d'aménagement forestier, vous avez été assis avec le ministère. Enfin, on l'a vu dans certaines régions, le ministère s'est assis avec l'industrie, ils se sont entendus sur un certain nombre de paramètres. Bon, je prends, par exemple, la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, il y a eu une vingtaine de réunions pendant un an, un an et demi, et là le ministère a cheminé avec l'industrie. Bon, le reste de l'histoire n'a pas tellement fait l'affaire de l'industrie, mais je suis un peu surprise quand vous parlez de synergie, parce que, pour moi, il me semble que ça va de soi que le ministère doit travailler avec vous autres. Ce n'est pas ce que vous nous dites dans les faits.

Le Président (M. Lelièvre): M. Bergeron.

M. Bergeron (Marc): Ce n'est pas tout à fait ça, Mme la députée. Ce qu'on dit, c'est qu'on espère qu'il va y avoir plus de synergie, mais il y en a déjà. Nous tous, on a participé puis on participe encore régulièrement à des comités qu'on appelle «MRN?industrie», on est en communication constante avec les gens du gouvernement. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on espère que, dans le futur, avec la nouvelle Loi des forêts, ça va être encore meilleur parce qu'on a encore beaucoup de choses à améliorer. Vous savez, il n'y a personne de parfait ici bas, sur terre, puis on espère toujours, la nouvelle journée qui s'en vient, qu'on va être un petit peu meilleurs, pas pires qu'hier. Donc, c'est ça que je voulais dire tout à l'heure lorsqu'on parlait de synergie. Il y en a déjà, parce que tout le projet de loi sur les forêts a été fait en collaboration puis en consultation avec beaucoup de personnes à travers le Québec, puis pas juste les forestiers, beaucoup de gens.

Le Président (M. Lelièvre): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Merci. Le dernier processus qu'on vient de faire au niveau de la confection des PGAF, ça n'a pas été facile avec les fonctionnaires responsables de la confection des PGAF. L'une des raisons, c'est qu'on a une possibilité forestière à respecter, mais on nous demande de faire des interventions qui peuvent avoir un impact économique assez sévère au niveau de la réalisation de ces interventions-là. Puis on essaie de sensibiliser beaucoup les fonctionnaires à ce niveau-là, puis souvent ils nous répondent: Bien, c'est la réglementation, c'est la loi, puis il faut s'en tenir à ça. Ça fait qu'il faudrait peut-être y aller sur des façons plus progressives d'appliquer des traitements ou des situations de ce genre-là. Puis je compare ça un petit peu à l'industrie des pâtes et papiers qui a eu, quoi, cinq, six ans pour mettre en place un système de traitement des eaux parce qu'elle polluait. C'est un petit peu le même principe, selon nous, au niveau forestier. Surtout avec le type de forêt qu'on coupe, il faudrait avoir un peu plus de souplesse pour appliquer des nouveaux traitements, souplesse économique puis souplesse opérationnelle.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui, une dernière intervention. Mais, quand vous parlez de souplesse économique et opérationnelle ? ça, on l'a entendu beaucoup ? évidemment une souplesse opérationnelle, notamment, qui permettrait de faire des interventions qui respecteraient le caractère spécifique de chacune des régions.

À la page 37 de votre mémoire, une recommandation qui fait référence à la prise en considération de la nécessité qu'ont les entreprises de se certifier, de certifier leurs produits ? évidemment, on pense à tout le processus de certification environnementale ? et vous souhaiteriez, dans le fond, que le ministre prenne en considération cette obligation de votre part ou cette nécessité, là, de votre part de vous certifier, mais qu'il puisse prendre en considération cette nécessité-là dans quel sens? Est-ce qu'on vous accorderait des crédits, une compensation quelconque? Comment ça se traduirait, dans le fond, la reconnaissance ou la prise en considération des efforts que vous déployez au niveau de la certification?

Le Président (M. Lelièvre): M. Bergeron.

M. Bergeron (Marc): Avant tout, j'aimerais juste soulever un petit point, préciser une chose. Dans le domaine du feuillu et du pin, qui sont deux essences nobles, le potentiel de valeur ajoutée est énorme. On peut multiplier la valeur, 1 $ à l'extraction de la forêt... multiplier par 10, ce qui n'est pas le cas dans l'épinette. Donc, c'est important pour nous que les efforts soient faits pour qu'on puisse aller le plus loin possible, donner le maximum de valeur ajoutée à nos produits qui viennent du feuillu et du pin.

Et, la certification environnementale va dans le même sens, ça nous permet d'accéder à des marchés mondiaux beaucoup plus facilement. Parce que nos concurrents ne sont pas de l'autre bord de la rue, ils sont au Chili, avec le radiata pine, ils sont en Nouvelle-Zélande, en Australie. La Russie, qui se relève de ses cendres, a beaucoup de bois puis elle s'en vient assez rapidement de notre côté. Donc, il faut être très proactif. Donc, la certification, c'est important pour nous, c'est sûr que ça entre dans le processus.

Je vais laisser, si vous le permettez, M. le Président, Pierre Vézina continuer sur la certification.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Comme M. Bergeron disait, nous, dans le domaine où on est, on fait beaucoup d'exportation, puis notre clientèle nous demande de plus en plus d'expliquer d'où vient ce bois-là. Encore, toujours la même chose, forêts complexes, traitements complexes à appliquer, puis on trouve que, si on réussit à faire des interventions qui répondent soit au rendement soutenu, aussi à toutes les activités qui peuvent se produire en forêt... Je pense que, si on peut avoir le sceau d'une certification, ça serait peut-être la meilleure façon d'appliquer.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Bergeron, M. Vézina, M. Roberge, au nom de la commission, je vous remercie d'être venus présenter vos observations.

Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Union des municipalités de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 56)

 

(Reprise à 15 h 57)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, madame, messieurs, bienvenue à la commission qui étudie présentement le projet de loi n° 136.

Dans un premier temps, je vous inviterais à vous présenter, pour les fins d'enregistrement de nos débats, avec vos fonctions, et vous rappelant que vous disposez d'un temps de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec chaque groupe parlementaire, 15 minutes chacun.

Alors, je vous inviterais à débuter.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Mme Angers-Turpin (Murielle): Merci, M. le Président. Alors, je suis Murielle Angers-Turpin, mairesse d'Amos et membre du conseil d'administration de l'UMQ. À ma droite, M. Marc Tétreault, maire de Carleton et aussi membre du conseil d'administration de l'UMQ; et, à ma gauche, M. Sergerie, conseiller aux politiques à l'UMQ, qui m'accompagne.

Alors, je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mesdames et messieurs, de nous offrir cette opportunité, finalement, de vous parler, de vous transmettre notre point de vue concernant le projet de loi n° 136.

Je n'élaborerai pas très longtemps, l'UMQ regroupe 271 membres et parle au nom de 70 % de la population du Québec. Alors, voilà.

Au cours des dernières années, les pratiques sylvicoles ont fort évolué, ce qui a permis à l'industrie forestière québécoise de demeurer compétitive. C'est ainsi que de nombreuses entreprises ont modernisé leurs installations et amélioré leurs pratiques sylvicoles pour les adapter aux nouvelles conditions rencontrées dans l'industrie. Cependant, ces changements ont entraîné un lot de désagréments: fermetures d'entreprises, licenciements, diminution de l'activité économique dans certaines régions, exode de la population, etc. Pour les municipalités mono-industrielles, ce genre de restructuration constitue souvent une catastrophe.

Compte tenu de l'importance du sujet pour plusieurs de ses membres, l'UMQ a décidé de vous faire part de ses commentaires concernant le projet de loi.

Le ministère des Ressources naturelles entend apporter certaines modifications au régime actuel de gestion de la forêt publique. En ce sens, l'UMQ se questionne sur les retombées réelles de certaines de ces modifications pour le développement des communautés locales.

En premier lieu, l'Union s'interroge sur le bien-fondé de la concentration des pouvoirs décisionnels entre les mains du ministre. Depuis quelques années, certaines régions expriment le souhait de pouvoir participer activement à la gestion des ressources de leur milieu. Le projet de loi, dans son ensemble, déçoit à ce titre, puisque, pour l'essentiel, on se contente d'y conférer un rôle de consulter aux MRC, sans plus.

À propos du processus de consultation, le projet de loi prévoit dorénavant que les intervenants du milieu qui y sont nommément identifiés seront consultés au début du processus d'élaboration ou de modification des plans généraux d'aménagement forestier. On retrouve parmi ces intervenants les MRC. L'UMQ reconnaît qu'il s'agit là d'une amélioration, puisqu'elles participeront plus directement à l'aménagement de leur territoire. Toutefois, l'UMQ suggère plutôt de reconnaître aux MRC un statut similaire à celui des bénéficiaires des CAAF ? à deux A ? ou à ceux des conventions ou des contrats d'aménagement forestier, donc les CAF à un A. Cependant, il faut préciser que l'importance et la qualité de leur implication seront tributaires des ressources humaines et financières qu'elles pourront affecter à ces fonctions. Enfin, on n'y reconnaît pas le statut d'intervenant aux municipalités, ce qui, pour l'UMQ, constitue une erreur. L'Union estime que l'on devrait les inclure, puisque plusieurs d'entre elles gèrent des territoires immenses qui comportent bien souvent des terres du domaine public.

Au sujet du rendement accru, l'Union appuie ce concept. Les mesures mises de l'avant par cette recommandation devront viser à maintenir, voire même améliorer la qualité et la quantité de matière ligneuse, tout en favorisant la biodiversité et le maintien de la qualité des sols. Cependant, l'UMQ tient à souligner les problèmes qu'une telle politique risque d'entraîner relativement à la coexistence d'usage. En effet, le ministre souligne la nécessité d'augmenter la productivité des forêts qui comportent un bon potentiel. Ces forêts sont généralement localisées à proximité des usines et donc des municipalités. Cependant, ces territoires constituent généralement un lieu de prédilection pour divers autres usages tels que la récréation, la villégiature et le tourisme, ce qui se justifie par la proximité des agglomérations. L'intensification des travaux sylvicoles à ces endroits peut créer des tensions entre ces usagers, d'où la nécessité d'adopter une approche intégrée de l'aménagement et de la gestion des ressources de ces milieux. À ce titre, les MRC et les communautés locales pourraient constituer des intervenants de premier ordre, d'où l'intérêt de les impliquer davantage lors de la confection ou de la modification des plans généraux.

Dans un autre ordre d'idées, en incluant les activités liées au contrôle des travaux sylvicoles dans celles admissibles au Fonds forestier, l'UMQ reconnaît que le ministre se dote d'un moyen de financement additionnel pour exercer une surveillance accrue de la ressource. Cela ne doit toutefois pas provoquer un désengagement financier du MRN de ces activités. Il serait malheureux que cette modification ne provoque qu'un changement quant à la source de financement.

En ce qui concerne le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, l'UMQ considère qu'il s'agit d'un programme très intéressant. En effet, il encourage le multiusage de la forêt et le maintien, voire la création d'emplois. L'UMQ désire donc que ce Programme soit maintenu dans son intégralité.

Maintenant, je vais laisser la parole à Marc Tétreault, maire de Carleton.

M. Tétreault (Marc): Il faut tout d'abord préciser qu'une erreur d'interprétation est survenue lors de la rédaction du mémoire sur le projet de loi n° 136. L'interprétation qui fut donnée au terme «réserve forestière» lors de la lecture des documents d'information consistait en «lieu affecté à la conservation d'êtres ou de choses que l'on veut conserver». Il fallait plutôt lire ce terme de la manière suivante, «le fait de garder pour l'avenir».

Dans le document d'information publié en 1998 par le ministère des Ressources naturelles, il est indiqué qu'au moment de l'adoption de la Loi sur les forêts le seul objectif visé par le gouvernement en créant les réserves forestières était de conserver une marge de manoeuvre pour favoriser certains projets industriels. On y ajoute que, si le ministre veut favoriser l'aménagement des aires forestières, il peut consentir un ou des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Dès lors, le statut de réserve forestière devient caduc.

n(16 heures)n

Cette information modifie la position de l'UMQ sur la question de l'aménagement forestier du Québec. L'UMQ estime inacceptable que le ministère propose de déléguer la gestion des réserves forestières aux MRC pour mieux la leur retirer au moment où les fruits de cette gestion seront mûrs pour la récolte. En effet, qu'adviendra-t-il de ces réserves lorsque la forêt qui s'y trouve aura atteint sa maturité? Est-il probable que l'on y concède un ou des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier? Cela signifie alors que l'on permettrait à un industriel de bénéficier des résultats de la gestion exercée par une MRC et de mettre en péril les autres travaux de mise en valeur de ces territoires qui auront été effectués. L'UMQ voyait dans cette délégation un outil de développement économique, une possibilité pour le milieu de s'impliquer activement dans l'aménagement d'une partie de son territoire forestier et de bénéficier des retombées de cette gestion.

À cela s'ajoute la problématique des aires protégées. Le MRN annonce dans son document d'information son intention d'augmenter la superficie des aires protégées. D'ailleurs, à ce sujet, le ministère de l'Environnement nous informe que 2,8 % du territoire québécois est sous cette tenure actuellement. Son objectif est d'augmenter la superficie de ces aires à 8,8 % du territoire, et il s'agit là d'un objectif ambitieux. Cependant, quels seront les territoires visés par un tel exercice de désignation? Les réserves forestières seront-elles visées? Pourrait-il y avoir des conventions d'aménagement forestier sur ces territoires?

On sait, à ce moment précis, que la majeure partie de la forêt québécoise fait actuellement l'objet de CAAF, et le ministère ne dispose que d'une marge de manoeuvre limitée pour d'éventuels projets locaux de développement. Que restera-t-il de cette marge de manoeuvre lorsque le ministère de l'Environnement aura atteint son objectif de conservation de 8,8 % du territoire québécois? De l'aveu même du ministre, le contrat d'aménagement forestier ne sera vraiment utile que lorsque la possibilité forestière le permettra, c'est-à-dire à plus ou moins long terme. De plus, il signale que ces CAF ne pourront s'appliquer qu'à une ou plusieurs unités d'aménagement, d'une part, et qu'à des volumes de bois qui n'ont pas déjà été attribués en vertu d'un CAAF. D'autre part, il est évident que le ministre ne peut allouer deux fois le même bois. Cela signifie alors que, entre une demande pour un CAF et une autre pour un CAAF, le ministre favorisera automatiquement les CAAF.

Comme nous l'avons signalé dans notre mémoire, il faut tempérer quelque peu l'utilité des outils proposés par le projet de loi. Le contrat d'aménagement forestier ne sera utile que lorsque la possibilité forestière le permettra, c'est-à-dire à plus ou moins long terme. La convention d'aménagement forestier, pour sa part, ne pourra être utilisée que s'il reste des réserves forestières sur lesquelles elle peut être attribuée. Il existe actuellement une pression énorme sur la forêt québécoise, que ce soit pour son exploitation ou sa conservation, les aires protégées. La solution passe inévitablement par le rendement accru, qui devrait théoriquement satisfaire certaines attentes de la population et des industries dans le futur. Toutefois, il ne faudrait pas leurrer la population avec des outils de développement économique qui sont à toutes fins pratiques inutilisables à brève échéance. De toute évidence, on ne peut plus compter, à court terme, sur l'activité forestière traditionnelle comme catalyseur économique assurant le développement économique des communautés qui en dépendent. Cette cruelle réalité est d'autant plus marquante en Gaspésie, pour laquelle le ministère vient d'annoncer une diminution des allocations de bois. Après le poisson, peut-être la forêt. Bien qu'il s'agisse de programmes intéressants dans leur forme, ces outils ne pourront servir, à brève échéance, à redynamiser l'économie déclinante de certaines régions. Bien qu'ils puissent trouver théoriquement une raison d'être dans 25, 30 ou 40 ans, lorsque la nouvelle forêt, fruit du principe de rendement accru, sera mûre pour la prochaine récole, ils ne participeront pas à solutionner les problèmes criants de dévitalisation que vivent actuellement ces communautés. Il est donc temps d'identifier de nouvelles avenues de développement pour ces milieux.

Le Président (M. Lelièvre): M. Tétreault, malheureusement... Vous avez 10 minutes?

Une voix: Quinze minutes.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous encore cinq minutes. C'est parfait.

M. Tétreault (Marc): Un fonds de diversification alimenté à partir d'une partie des redevances forestières pourrait être opportun dans les circonstances. Ce genre de fonds aurait comme avantage d'utiliser la forêt, du moins ce qu'il en reste, comme levier de développement économique pour aider certaines collectivités à se sortir du cercle vicieux de la monoindustrie.

Par ailleurs, le plus récent document de consultation ne fait plus état de concepts de forêt habitée. L'UMQ déplore ce fait, d'autant que plusieurs de ces projets ont eu par le passé un impact appréciable et structurant pour certaines communautés. Elles leur ont permis en plus de réapproprier une partie de leur forêt. Pour l'UMQ, il s'agit là d'un pas en arrière. Le projet de loi devrait plutôt leur reconnaître un caractère permanent. De plus, ces projets de forêt habitée rencontrent un certain nombre de difficultés, du fait de l'absence de reconnaissance légale du concept. Cette absence de statut brime d'ailleurs leur expansion. Il serait souhaitable que le ministère songe à légiférer afin de pallier cette situation.

Bien que le projet de loi n° 136 reprenne quelques concepts sous-jacents au projet-pilote de forêt habitée, celui-ci n'offre pas les opportunités ni les possibilités de développement économique que proposait le cadre des projets de forêt habitée. Il est dommage que le ministère, qui est l'instigateur de ce concept, l'abandonne désormais. Tous reconnaissent l'importance d'utiliser la forêt de façon plus intégrée. De plus, le ministre reconnaît que les communautés locales expriment le souhait de s'impliquer activement dans le débat sur l'aménagement du territoire forestier. Les projets de forêt habitée permettaient d'atteindre ces objectifs tout en octroyant à certaines collectivités locales la gestion de l'ensemble des ressources de la forêt. Toutefois, loin de poursuivre dans cette direction, le MRN entend revenir à une gestion centralisée de la ressource. L'UMQ s'inquiète d'un tel revirement.

Abordons maintenant l'épineuse question des fonds de diversification. La commission Bédard proposait qu'un fonds régional alimenté entre autres par le versement d'une partie des redevances prélevées sur les ressources naturelles soit constitué. L'UMQ ne croit pas, pour sa part, qu'il soit nécessaire de créer de nouveaux fonds. Actuellement, le ministère des Régions a mis sur pied des fonds voués au développement économique local et régional via les CRCD et CLD. Cependant, l'idée d'alimenter ces fonds à même les redevances prélevées sur les ressources naturelles demeure une avenue intéressante, puisqu'elle en assurerait le financement à long terme. Cette approche permettrait d'assurer aussi la permanence d'outils de développement et de diversification économique nécessaires à la région.

Je laisserais le soin à Mme Angers-Turpin de conclure.

Mme Angers-Turpin (Murielle): En conclusion, M. le Président, l'UMQ partage le désir du gouvernement d'augmenter la productivité des forêts en optimisant l'utilisation que l'on en fait et en y intensifiant l'aménagement. De plus, bien que le projet de loi n° 136 introduise de nouvelles approches de gestion de la forêt, l'UMQ doute que les bénéfices attendus de ces nouveaux outils participent réellement à redresser l'économie de plusieurs communautés.

Par ailleurs, il est déplorable de constater le peu de confiance qu'accorde le ministère aux collectivités locales, puisque l'essentiel de la gestion des activités forestières sera faite à Québec, ce qui ne laisse aux régions que peu de place pour intervenir efficacement sur les décisions qui seront prises à cet égard. Une mesure théoriquement intéressante, proposée provient de la possibilité qu'il y ait une délégation de la gestion des réserves forestières en faveur d'intervenants locaux. Pour l'instant, la superficie des réserves actuelles laisse perplexe sur la contribution réelle d'une telle mesure. De plus, le fait que ces réserves soient conservées pour être ultimement allouées à des bénéficiaires de CAAF ou de CAF amène l'UMQ à se questionner sur l'opportunité d'une telle mesure.

Enfin, l'un des principaux problèmes du développement régional origine de l'absence de coordination entre divers ministères. Cela constitue un frein à l'élaboration d'une politique de développement régional cohérente. À cet égard, le ministre des Régions élabore actuellement une politique de la ruralité dont l'objectif est de créer un contexte propice au développement. Toutefois, l'implication des ministères constituera sans nul doute un élément essentiel à la réussite de cette politique.

n(16 h 10)n

Finalement, ne serait-il pas temps de revoir le rôle des forêts sous une optique de création d'emplois plutôt que simplement comme source d'approvisionnement des grandes industries. L'UMQ ne croit pas que les mesures proposées par le projet de loi tel que soumis généreront de nombreux emplois à moyen ou à long terme. Rappelons qu'entre 1991 et 1996 il a fallu augmenter de 45 % le volume de bois récolté pour une augmentation du nombre d'emplois de 10 % dans le secteur de la foresterie. En ce sens, le moment ne serait-il pas venu de revoir l'importance de l'implication des acteurs du développement et peut-être d'identifier de nouvelles avenues de développement qui participeront à revitaliser le tissu économique de plusieurs communautés?

Voilà en quelques mots l'essentiel des propos que l'UMQ a abordés avec vous aujourd'hui. Nous sommes maintenant disposés à échanger avec les membres de la commission et à répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, madame, je vous remercie. M. le ministre.

M. Brassard: Alors, merci, Mme Angers-Turpin, M. Tétreault, M. Sergerie, représentants de l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, pour votre présence parmi nous et votre contribution également aux travaux de cette commission.

J'avoue que certaines parties de votre mémoire m'ont un peu surpris. Vous affirmez que le ministre se donne trop de pouvoir. Mais il y a déjà, depuis que la commission a commencé ses travaux, toute une série d'intervenants qui sont venus nous dire: La forêt, n'oubliez pas que c'est un patrimoine collectif. À partir du moment où c'est un patrimoine collectif, ça appartient à l'État au premier chef d'en assurer la gestion. Et, quand on parle d'État, bien, concrètement, ça veut dire que c'est le ministre qui est responsable de la gestion de la forêt. On ne peut pas prétendre que la forêt est un patrimoine collectif et puis accepter de dilapider, ou d'abandonner, ou de renoncer, de la part de l'État, à ses responsabilités en matière de gestion. Je comprends mal votre raisonnement. Ça ne veut pas dire cependant qu'il ne faut pas impliquer des intervenants locaux et régionaux comme partenaires dans la gestion et dans l'élaboration de la planification de l'aménagement de la forêt et des plans d'aménagement. Ça, ce n'est pas incompatible et ce n'est pas contradictoire. La décision ultime appartient à l'État. À partir du moment où c'est un patrimoine collectif, où c'est une propriété collective, la décision ultime, à bien des niveaux, appartient à l'État.

Je constate que les MRC, c'est un progrès considérable. Actuellement, ce qu'on fait, les plans sont préparés par les bénéficiaires. Puis, une fois qu'ils sont faits, on les soumet à la consultation. Les MRC peuvent les regarder, les examiner puis se prononcer. Là, ce qu'on va faire, c'est que les MRC vont être appelées à participer pleinement à l'élaboration de ces plans. Ça m'apparaît être un progrès important. Ça veut dire que les points de vue, la vision des MRC en matière d'aménagement de la forêt, tout cela doit normalement être pris en compte dans les plans d'aménagement qui seront élaborés.

Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites que la MRC n'a pas un statut acceptable dans le processus, qu'elle devrait avoir un statut similaire aux bénéficiaires de contrats d'aménagement? À partir du moment où il s'agit d'élaborer un plan d'aménagement et d'approvisionnement, un plan général, vous revendiquez pour la MRC un statut similaire, égal, semblable à celui du bénéficiaire. Qu'est-ce que ça signifie, ça, pour vous?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Angers.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Oui, merci. D'abord, effectivement, dans le mémoire, on le mentionne d'ailleurs, on dit que les municipalités ne sont que consultées et n'ont pas le même statut que les bénéficiaires de CAAF, entre autres, et les municipalités ne sont pas dans le processus. Alors, ce qu'on déplore, c'est le manque d'implication du niveau près de la base. Parce qu'on dit, on est d'accord aussi, que la forêt, c'est un bien public et le public n'est qu'informé. Alors, dans notre mémoire, on en parle, des différents éléments. Mais on est d'accord qu'on doit protéger le territoire, qu'il doit y avoir un contrôle de gestion qui doit être fait par le ministre, mais on ne veut pas être juste consulté. Mais de ne pas avoir de poigne ? excusez-moi l'expression ? plus directe au même titre que les bénéficiaires... Et, en ce sens, j'aimerais peut-être que M. Sergerie complète mon information.

M. Sergerie (Roch): Bonjour, mesdames et messieurs. L'idée qui sous-tend un peu cette position-là, c'est de revoir le rôle des MRC, pas de les revoir fondamentalement, mais de ne pas oublier que les MRC ont un rôle au niveau de l'aménagement du territoire généralement et qu'il y a beaucoup d'enjeux relativement à l'aménagement du territoire concernant les MRC. Qu'on parle des secteurs où est-ce qu'on parle de faire du rendement accru, ces secteurs-là, habituellement, sont près des agglomérations. Ce sont les secteurs qui sont le plus souvent utilisés par la population pour des activités de villégiature, de tourisme ou autres. Et puis ce qui arrive, à un moment donné, c'est que, lorsqu'il y a une mauvaise planification des travaux forestiers dans ces secteurs-là, il y a des tensions énormes que doivent gérer les MRC.

Et puis de les faire participer complètement et activement au même titre que les autres dans l'élaboration des plans d'aménagement forestier, ça serait une avenue qui serait intéressante parce que, à ce moment-là, toute cette perspective-là serait réellement prise en considération pas seulement à titre de consultation où c'est que les gens ne sont pas nécessairement liés par les positions que la MRC va apporter... mais vraiment lui permettre de participer en rapport avec la nature des travaux sylvicoles qui vont avoir lieu, peut-être pas nécessairement sur l'ensemble du secteur, parce que, dans certaines MRC, les créneaux(?) sont immenses, mais à tout le moins dans les secteurs les plus stratégiques pour elles au niveau de la gestion du territoire ? c'est surtout dans cette optique-là que la proposition a été faite ? et puis aussi d'amener les municipalités à être consultées, parce que, je veux dire, il y a certaines municipalités dont les trois quarts de leur territoire relèvent du domaine public. Donc, elles, elles devraient pouvoir, à tout le moins, dire leur mot également sur ces questions-là. C'est dans ce sens-là, mesdames et messieurs, que l'intervention a été faite.

M. Brassard: Là, je pense qu'il y a sûrement un malentendu, parce que les MRC ? les municipalités, on y reviendra tantôt ? ne seront pas consultées; elles vont participer dès le début du processus à l'élaboration des plans.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Jusqu'à la fin?

n(16 h 20)n

M. Brassard: C'est le projet de loi, ça. Actuellement, elles sont consultées. Après, une fois que le plan est fait, ce qu'on veut faire par le projet de loi, c'est comme le dit l'article 54: «Afin d'être en mesure de prendre en considération les intérêts et préoccupations d'autres utilisateurs du territoire de l'unité d'aménagement et de prévenir les différends concernant la réalisation des activités d'aménagement forestier, les bénéficiaires doivent ? doivent, donc il y a obligation ? inviter à participer à la préparation du plan ? pas consulter ? général.» Bon, il y a une liste, là, d'intervenants. Et les MRC, c'est le premier organisme qui se retrouve dans la liste de l'article 54. Alors, je ne sais pas si on s'est mal compris, là, mais c'est exactement ce que vous venez d'indiquer, monsieur...

Une voix: Sergerie.

M. Brassard: ...Sergerie, qui va se concrétiser à partir du moment évidemment où le projet de loi sera adopté par l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Sergerie.

M. Sergerie (Roch): Dans ce cas-là, je vais vous demander une précision. Moi, dans l'optique que j'avais, c'est que les industriels vont devoir inviter les MRC, comme vous dites, à émettre leurs récriminations ou peu importe... pas leurs récriminations, mais plutôt leur... en tout cas, faire leur point sur la question de l'aménagement du territoire. Ils vont devoir amener leurs préoccupations ? c'est le bon terme que je cherchais ? pour que ça soit intégré dans les plans d'aménagement.

M. Brassard: Quand ils sont invités, là, le plan, il n'est pas fait.

M. Sergerie (Roch): Non, non, non, ça, je suis d'accord. Mais ce que je veux dire, c'est pour l'élaboration...

M. Brassard: Contrairement à ce qui existe actuellement.

M. Sergerie (Roch): Oui, mais pour...

M. Brassard: Actuellement, quand le plan est terminé, là, on consulte. Ça, c'est une consultation. Ce qui est prévu, ce n'est pas une consultation, c'est une participation au processus d'élaboration du plan: MRC, communautés autochtones, quand il y en a, et les gestionnaires de territoires fauniques, zecs, pourvoiries ou réserves fauniques. Alors, évidemment on n'accorde pas cependant une espèce de droit de veto, là, à cette liste d'intervenants, mais ils sont impliqués ensemble dans le processus et, s'il y a des différends, évidemment il devra y avoir un effort pour en arriver à régler ces différends ou ces litiges. Mais, normalement, le plan qui va être le fruit de ce processus-là, devra contenir les vues, les visions, les points de vue, répondre aux besoins et aux attentes exprimés par la MRC, entre autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sergerie.

M. Sergerie (Roch): Oui. Non, je comprends votre position. Mais, ce que nous on voulait faire exactement, c'est les asseoir avec les industriels, mais pas seulement que... ce n'est pas que les industriels, au moment de l'élaboration de leur plan, vont voir telle, telle, telle personne, qu'est-ce qui se passe avec vous, quelles sont vos préoccupations, on va les intégrer aux plans généraux, c'est de les amener à s'asseoir avec eux.

M. Brassard: Oui, tout à fait, c'est exactement ça qui doit se produire. Alors là il y a peut-être un malentendu, mais ce que...

M. Sergerie (Roch): ...complète du plan d'aménagement.

M. Brassard: C'est une espèce de table ou de forum qui va se créer où le bénéficiaire évidemment va être là, mais où la MRC va être là également. S'il y a des pourvoyeurs, ils vont être là aussi, à cette table-là. S'il y a des zecs, les gestionnaires de zecs vont être là puis, s'il y a une communauté autochtone, bien, le conseil de bande y enverra son délégué. Puis c'est ce forum-là ou cette table-là qui va enclencher, je dirais, le processus d'élaboration du plan puis qui va suivre et participer à toutes les étapes d'élaboration du plan.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sergerie.

M. Sergerie (Roch): Dans ce cas-là, vous nous rassurez. C'était surtout pour éviter finalement qu'on ne fasse que prendre... au moment du début des travaux, on dit aux intervenants: Venez nous dire ce que vous avez et, nous, on va travailler pour les intégrer. Nous, c'était tout simplement s'assurer... parce que, dans le document, ce n'était pas tout à fait clair et, nous, c'est seulement... on faisait ce point-là pour dire: On ne veut pas seulement faire part de nos préoccupations. Ce qu'on veut, c'est y être pour voir si c'est bel et bien intégré dans le sens qu'on entend.

M. Brassard: Et c'est, en tout cas... c'était notre volonté aussi de faire exactement ce que vous souhaitez.

M. Sergerie (Roch): D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.

M. Brassard: J'ai droit à une autre question? Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, il vous reste quatre minutes.

M. Brassard: Il me reste quatre minutes. Juste une courte question sur le rendement accru. Vous vous montrez d'accord avec le rendement. Curieusement, je ne sais pas sur quelle base vous en arrivez à la conclusion que, oui, il faut du rendement accru ou de l'aménagement intensif, particulièrement dans nos régions forestières, près des zones habitées, mais ça n'aura pas des retombées économiques importantes, en termes de création d'emplois, ça ne sera pas très significatif. Sur quoi vous vous basez pour affirmer cela?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Angers-Turpin.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Oui. Alors, bien sûr on se prononce, oui, pour le rendement accru et d'ailleurs d'autres intervenants sont venus aussi. Sauf que, même si on accroît le potentiel, le capital d'un certain territoire de la forêt, il restera toujours que la technologie est toujours de plus en plus performante et, à ce moment-là, même s'il y a du rendement accru, il n'y a pas nécessairement une création d'emplois qui est directement proportionnelle au rendement qui est dévolu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: En forêt, sûrement. Cependant... parce que aménager plus intensivement la forêt, ça veut dire plus de travaux sylvicoles, ça veut dire plus de travaux d'aménagement, plus de reboisement. Donc, en forêt, c'est sûr que ça va se traduire par plus d'emplois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme...

M. Brassard: Mais, vous voulez dire, vous, c'est qu'au moment où les volumes additionnels ? mais ça, ça va être assez loin, là, dans plusieurs années ? vont arriver, lorsqu'on les transformera, compte tenu des progrès technologiques, ce ne sera pas tellement créateur d'emplois... mais pas en forêt.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Sur l'ensemble, finalement.

M. Brassard: Oui, oui.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Effectivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord, je vous remercie. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente, Mme la mairesse, Mme Angers-Turpin, M. Tétreault, maire de Carleton, M. Sergerie, bonjour. Vous me permettrez de saluer spécialement le maire de Carleton, qui est maire évidemment à la municipalité de Carleton, dans le comté de Bonaventure que je représente ici, à l'Assemblée nationale. Alors, tout d'abord, merci d'être ici. Merci de nous faire part de votre vision à l'endroit du projet de loi n° 136 et on comprend bien l'importance que le développement forestier, pour une association comme la vôtre, pose sur le potentiel de la forêt pour les communautés locales. Je pense, vous l'avez très clairement exprimé.

Vous déplorez également le fait qu'on laisse très peu de place, dans le fond, à certains projets qui permettraient aux communautés locales de bénéficier des retombées en matière forestière, et je fais référence notamment aux fameux projets de forêt habitée. Vous déplorez le fait que le ministre, dans le fond, que le gouvernement, malgré les promesses qui avaient été annoncées, fait très peu de place, ne fait pratiquement aucune place à ce concept-là dans le projet de loi qui a été déposé.

Avant d'aller peut-être plus à fond sur cette question-là, j'aimerais vous rassurer et vous dire que le constat que vous avez fait à l'effet que le ministre se réserve beaucoup de pouvoir dans le projet de loi, c'est un constat que, nous aussi, on a fait de notre côté, et c'est un constat également qui a été fait par d'autres intervenants. Et j'aimerais qu'on puisse revenir sur la discussion que le ministre entamait avec vous sur le fait que les MRC vont être impliquées en amont dans le processus d'élaboration des plans généraux d'aménagement forestier. On vous écoutait attentivement et on est allé voir le projet de loi n° 136, le projet de loi qui a été déposé, les articles 54 et 55. Effectivement, ce que le ministre vous a dit, c'est vrai. Les MRC vont être impliquées dans le processus d'élaboration des plans. Mais le problème, lorsqu'on lit la loi, c'est que les bénéficiaires ne seront pas obligés de tenir compte de vos préoccupations. Alors, ça, c'est un élément important et c'est dans ce sens-là qu'on comprend votre inquiétude.

M. Sergerie (Roch): Alors que, nous, on était également pour la participation, mais vraiment complète, des MRC dans les questions d'aménagement du territoire forestier, pour qu'on ne soit pas seulement que... vous savez, qu'on prenne en considération nos préoccupations, mais qu'on les intègre réellement mais concrètement.

Mme Normandeau: Parce que l'article de loi est très clair. On prend l'article 54, on doit prendre en considération les intérêts et les préoccupations des autres utilisateurs, puis on fait l'énumération des utilisateurs en question: les municipalités régionales de comté, les communautés autochtones. Et l'article 55, on nous dit: «Les bénéficiaires transmettent au ministre, avec le plan général, un rapport identifiant les personnes ou organismes invités à participer à son élaboration et ceux qui ont effectivement participé.» Donc, dans le fond, de toute évidence, on ne tiendra pas compte des préoccupations des MRC.

Évidemment, il ne faut pas négliger la bonne foi des entreprises, des bénéficiaires de CAAF, parce que, sur le terrain, on se rend compte que, concrètement, il y a des bénéficiaires qui s'entendent très bien avec les autres utilisateurs. Mais, dans la loi, ce qu'on constate, effectivement, c'est qu'il n'y a aucune mesure de prévue là qui permettrait de tenir compte légalement de vos préoccupations.

Je souhaiterais revenir sur les fameux projets de forêt habitée, et vous y faites évidemment référence. On a reçu ici, à cette commission, l'Association des régions du Québec, Solidarité rurale, plusieurs organismes qui déplorent le fait que le gouvernement, effectivement, laisse très peu de place aux projets de forêt habitée. Et vous déplorez le fait qu'il y a eu un revirement là à 180 degrés de la part du gouvernement actuel sur la place qu'on réserve aux projets de forêt habitée. Alors, j'aimerais ça que vous puissiez nous dire l'importance pour une association comme l'UMQ, pour une organisation comme l'UMQ, de mettre de l'avant des projets de forêt habitée.

M. Tétreault (Marc): Nous, qu'est-ce qu'on trouve là-dedans...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tétreault.

n(16 h 30)n

M. Tétreault (Marc): ...ce qu'on trouvait intéressant au niveau de la forêt habitée, c'était un outil qui permettait, nous pensons, le plus efficacement possible, de faire ce qu'on appelle une gestion intégrée des ressources. Et, à partir de ça, bien, on trouve que c'était intéressant de continuer à soutenir cette mesure-là.

Il est vrai que, quand on parle de forêt habitée, il peut y avoir différents modèles. Ça, il y a des avantages, des inconvénients, il y a peut-être des choses à améliorer. Mais on aimerait ne pas abandonner cette idée de travailler davantage à peaufiner ou à raffiner le concept de forêt habitée, donc, rendre les gens plus près de leurs ressources forestières, donc, de toujours maintenir ce souci de préserver cette ressource et peut-être de voir différents types d'usage. C'était ça, qu'on trouvait intéressant. Et, en nous disant qu'on abandonne ce concept-là, bien, on trouve ça inquiétant.

Comment on peut assurer l'intégrité des ressources ou de la gestion intégrée des ressources? Ça, ça nous préoccupe grandement. Encore une fois, je dis: Il peut y avoir différents modèles, on reconnaît qu'il peut y avoir une flexibilité, un raffinement. Mais, dans ce qu'on voit actuellement dans le projet de loi, on ne sent pas une volonté d'aller plus loin ou comment on peut nous assurer ou rassurer les gens des communautés que, effectivement, on va établir une gestion intégrée des ressources sans forêt habitée?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Angers-Turpin.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Moi, j'ajouterais: Si on veut être cohérent avec le fait qu'on dit que la forêt, c'est un patrimoine collectif puis qu'on y croit, bien, on croit aussi que ce concept-là devrait revenir dans le projet de loi, tel qu'il y était auparavant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci. Vous faites référence, dans votre mémoire, à la dernière page ? à la page 17 ? à l'absence de coordination qui existe sur le plan gouvernemental entre les différents ministères, et vous dites: Cette absence de cohérence ou de coordination, dans le fond, se traduit par un frein au niveau de la politique de développement régional. Bien, vous faites référence au fait que le ministre des Régions est à élaborer sa politique sur la ruralité qui, je le répète, devait être déposée en juin et qui n'a pas encore été déposée.

Est-ce que vous considérez que la future politique de ruralité devrait trouver ses assises dans le domaine forestier? Est-ce que vous pensez qu'on aurait intérêt justement à baser, à avoir une politique sur la ruralité dont la forêt serait au coeur de cette future politique?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Angers-Turpin.

Mme Angers-Turpin (Murielle): Je pense que le développement des régions passe par ces ressources, les ressources de chacune des régions. Alors là on parle de la forêt, et bien sûr, la forêt devrait être tenue en compte, puisque c'est une richesse, une ressource mais aussi une richesse naturelle de beaucoup de régions au Québec.

Et, en ce sens-là, si les différents ministères ne s'arriment pas pour justement faire du développement durable en région, du développement durable à partir des ressources naturelles, on se demande comment on va pouvoir avoir une vraie politique de ruralité au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sergerie, M. Tétreault.

M. Sergerie (Roch): Non. Je dis: M. Tétreault parle en premier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tétreault.

M. Tétreault (Marc): Nous, ce que nous disons, c'est que, pour assurer le développement d'une communauté, actuellement, on fait référence aux études sur le développement régional ou le développement rural qui est prôné par différents groupes de recherche dont le GRIDEQ qui est rattaché à l'Université du Québec à Rimouski.

Il faut transférer l'ornière de développement non pas sous un vocable sectoriel mais vraiment sur une base territoriale. Et ça, qu'est-ce que ça fait? Ça fait que, quand l'unité de référence, c'est le territoire, bien, on intègre tous les paramètres et les composantes de ce territoire-là et on en fait une optimalisation, de ces différentes ressources là.

Ce n'est pas pour mal faire. Ça, je pense qu'il faut le comprendre. Mais l'histoire nous démontre puis les différentes politiques de développement rural et régional ? il y a beaucoup d'exemples éloquents de ça ? font que, si la réflexion ne se fait que sur une base sectorielle, bien, il peut y avoir des décisions peut-être optimales pour le secteur ? là, on parle de secteur forestier ? peut-être pour le secteur forestier. Mais, transposées sur le territoire, bien, là, ça bogue.

Donc, c'est pour ça que nous disons, nous: Si on veut élaborer vraiment une politique de développement de la ruralité, vu que c'est à ça qu'on fait référence, oui, il va falloir lui donner un pouvoir important. Sans ça, on répéter les risques. Pas nécessairement qu'il va y avoir les mêmes erreurs, mais il risque de maintenir, parce que la mécanique est la même, que les erreurs se répètent. Et ça, c'est ce que nous disons. Donc, c'est non seulement rattaché... en faisant référence à votre point: oui, la forêt pourrait être importante, comme la pêche peut être importante dans certains secteurs, comme le tourisme, comme l'agriculture, et là, c'est toutes les composantes du milieu. C'est simplement ça que nous disons. Peut-être qu'au niveau municipal étant donné nos mandats, bien, on est obligé, essentiellement, de gérer différents paramètres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sergerie.

M. Sergerie (Roch): Juste pour compléter ce que les représentants de l'UMQ on dit. L'histoire de la politique de la ruralité, à un moment donné, ce qui arrive, c'est qu'on suggère aussi une certaine participation, mais vraiment proactive, des milieux dans la gestion de leurs ressources, mais vraiment impliquée complètement.

L'exemple des forêts habitées, c'en était une, expression. Les forêts habitées, c'est un territoire qui était, comme, pas donné mais mis à la disposition de certaines MRC, et ces MRC là, de concert aussi avec l'industrie dans les cas où il y avait des CAAF, géraient l'ensemble du territoire.

Les forêts, c'est un aspect du développement régional et c'est un aspect qui existe présentement, que des communautés doivent vivre avec, actuellement. Pour certaines, ça fait mal; pour d'autres, ça fait moins mal, c'est sûr. Mais c'est que c'est un élément parmi tant d'autres qui devrait être inclus dans la politique de la ruralité, et si le ministère des Régions prône la gestion des ressources par les milieux, mais que la responsabilité de la gestion de ces ressources-là dépend d'un autre ministère, si le ministère ne fait rien, vous savez, c'est une question de champ de compétence, à la limite. C'est dans ce sens-là.

Juste une question à propos des forêts habitées que vous avez soulevées tout à l'heure, l'utilité de cette forêt habitée là aussi, c'est vraiment de favoriser, mais vraiment au maximum, l'harmonisation des usages dans les milieux surtout périurbains, là où il y a le plus grand risque de tension. Parce que, même si certaines municipalités ou certaines MRC collaborent étroitement avec des industriels dans l'aménagement des territoires où on trouve beaucoup de villégiature et beaucoup de tourisme, ce n'est pas le cas partout. Et, dans certaines autres régions, il y a des tensions. Je le sais pour l'avoir vérifié auprès de certains de mes collègues qui travaillent au niveau de l'inspection et de l'aménagement de l'urbanisme. Donc, le type de travaux sylvicoles a une importance au niveau de cette tension-là.

Vous avez un beau chalet sur le bord d'un lac, le tour du lac est protégé, puis tout le tour du lac, il n'y a plus rien. Bien, là, vous savez, il y en a qui aiment ça, la chasse, puis ils aiment ça...

Une voix: La trappe.

M. Sergerie (Roch): ...la trappe. Mais, à un moment donné, je veux dire, les types de travaux aussi doivent s'adapter. Ce n'est pas nécessairement de la mauvaise foi de l'industrie; ce n'est pas ce qu'on dit non plus. On n'a jamais dit que l'industrie avait une mauvaise foi là-dedans, mais c'est une question d'arrimer un peu aussi toute la question de l'aménagement du territoire, et puis les MRC, c'est leur domaine d'expertise. Pourquoi ne pas les impliquer?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, M. le député de Gaspé, tout en vous rappelant qu'il reste deux minutes à votre formation.

M. Lelièvre: J'avais laissé mon droit de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): De parole.

M. Lelièvre: ...au ministre. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement, il reste deux minutes. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: En deux minutes, j'ai surtout des clarifications à apporter concernant le processus d'élaboration des plans généraux. Il y aura ? puis je pense que ça complète ce que j'ai dit ? une participation, dès le départ, et ensuite, qu'est-ce qui se passe?

Ensuite, le plan est déposé avec un rapport indiquant qui a participé à l'élaboration du plan; est-ce qu'il y a des différents? S'il y a des différents, quels sont ces différents? Ça implique qui? C'est un rapport et ce rapport est rendu public, et avec le plan, ça fait l'objet, après ça, d'une consultation publique.

Là, il y a deux possibilités: soit que je nomme un conciliateur ? si les litiges sont importants ? un conciliateur qui va tenter de rapprocher les parties et de régler le litige, ou alors, il y a une possibilité, pour le ministre également, d'apporter des modifications au plan, tenant compte et prenant en compte les litiges.

Alors, je pense que c'est important aussi de regarder la suite, pas uniquement le processus d'élaboration mais ce qui suit aussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.

n(16 h 40)n

M. Sergerie (Roch): On avait évalué cet aspect-là aussi au moment de faire ce commentaire-là. Ce qui arrive, à un moment donné, c'est que, veux veux pas, on place le ministre aussi dans une situation un peu inconfortable qui peut ? je ne dis pas qui va arriver, parce qu'on ne le sait pas encore ? mais qui peut le mettre dans une situation finalement où il va devoir trancher entre l'intérêt de l'un et l'intérêt de l'autre, en bout de ligne. Donc, c'est pour ça que, nous, on disait...

M. Brassard: Nommer un médiateur.

M. Sergerie (Roch): Oui.

M. Brassard: Nommer un médiateur, ce que je fais de temps à autres, et ça fonctionne très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui?

Mme Angers-Turpin (Murielle): Ça va éliminer nos préoccupations, M. le ministre.

M. Brassard: Oui? Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, madame, messieurs, merci pour votre participation à cette commission.

Là-dessus, je vais suspendre, quelques instants, les travaux, le temps de permettre au prochain groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

 

(Reprise à 16 h 42)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous accueillons donc, maintenant, l'Association des centres locaux de développement du Québec. Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission.

Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, que, par la suite, il y aura une période d'échanges. Mais, auparavant, j'aimerais que la personne responsable du groupe, le porte-parole, en quelque sorte, puisse se présenter et aussi nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Association des centres locaux
de développement du Québec (ACLDQ)

M. Leclerc (Yvon): Bonjour. Je suis Yvon Leclerc et je suis président de l'Association des centres locaux de développement et également président du centre local de développement de la Côte-de-Beaupré, où j'habite.

Mon voisin, M. Michel St-Pierre, qui est président du CLD de la MRC Rocher-Percé; le directeur général du CLD de la MRC Rocher-Percé, Steve Dufour, et Pierre Drapeau, qui est directeur de l'Association des centres locaux de développement du Québec.

Écoutez, rapidement, parce que le gros de notre présentation sera faite par M. St-Pierre, l'Association des CLD essaie de regrouper et de représenter, au mieux de ses compétences, les CLD du Québec. Nous disons souvent que la mission de l'Association, c'est de renforcer la compétence, la performance et l'autonomie des CLD. Nous avons voulu mettre en pratique cette assertion, en demandant à une communauté locale, représentée par le CLD de la MRC Rocher-Percé, de venir dire à cette commission parlementaire, sur le renouvellement du régime forestier, comment ils vivent ça dans leur milieu, et on tirera des conclusions par après.

Alors, Dr St-Pierre, parce qu'il est médecin; il est aussi maire de Chandler, il est orthopédiste, mais c'est aussi un homme de bois, comme vous allez pouvoir le constater.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs, dames de la commission, je remercie beaucoup l'Association des CLD d'être leur représentant dans le document. Je connais un petit peu le bois parce que j'ai été élevé dans le bois. Mon père était bûcheron; il avait un moulin à scie, mais c'était encore à la vapeur à ce moment-là. Aujourd'hui, ça me permet de revenir aux sources. Je ne vais pas lire le mémoire, parce que j'espère que tout le monde l'a lu. Je vais simplement faire des commentaires et ajouter des choses à ce moment-là.

D'abord, dans le mémoire, on situe un peu la MRC Rocher-Percé. C'est un peu au niveau de la forêt, représentative aussi, probablement, des MRC des régions, mais, nous, on a certaines particularités. Par contre, on a le taux de chômage probablement le plus élevé au Québec. On est probablement la plus pauvre MRC des 97 MRC du Québec, et, nous, on a trois secteurs principaux d'industrie: la pêche, il ne nous en reste plus. On a le tourisme, qui est en voie de développement, et on a la forêt, qui vient d'être coupée de 20 % à 30 %. C'est un peu nos particularités actuellement.

C'est pour dire que la forêt, actuellement, vu qu'on n'a même plus la pêche, est très importante. On a vu se vider la mer, en avant de chez nous, et on a des craintes, au niveau de la forêt, avec cette diminution-là de 20 %. C'est pour ça qu'on parle aussi, aujourd'hui, ? si on peut dire ? de stopper l'hémorragie. La population est très consciente de ce qui se passe, surtout avec la pêche et aussi avec la fermeture de la Gaspésia, et de ce qui se passe actuellement dans la forêt pour nous autres.

Je voudrais faire mes commentaires au niveau du projet de loi. Pour ma part, je trouve que c'est un très grand pas en avant qui se fait actuellement avec le projet de loi. Je ne veux pas lancer des fleurs; j'essaie d'être le plus objectif possible. Le pot arrivera tout à l'heure, si vous le prenez comme des fleurs. Mais je pense que c'est un grand pas dans les cinq points, et, nous, on est d'accord avec ces points-là. On fera nos commentaires un petit peu plus loin.

On a marqué, dans notre document aussi, qu'il faut être visionnaire. On a lu aussi, hier soir, un article de journal qui demandait au ministre d'être visionnaire. C'est un petit peu le reproche global que je fais, en général, au document. C'est qu'on réagit au passé, on essaie de corriger les lacunes, mais il faut fonctionner avec une vision d'avenir puis on dit: On s'en va là. À ce moment-là, c'est beaucoup plus facile de fonctionner. Mais c'est déjà énorme, ce qui se fait actuellement, puis c'est pour ça que le projet de loi, je trouve, dans l'ensemble, est très, très bon. Le seul gros problème, par contre, pour notre part, nous, c'est comment ça va être appliqué pour pas que ça attende cinq ans que les mesures arrivent.

Il y a eu ? on ne parlera pas d'erreurs, mais peut-être ? des petites lacunes dans le passé. Dans le temps du ministre Côté, bon, au niveau des CAAF, on avait gardé peut-être une réserve de 20 % à ce moment-là. Cette réserve-là, dans les années 1995, je pense qu'elle a été maximalisée à à peu près 100 %. Je ne dis pas du tout qu'il y a de la surcoupe, là; qui a été maximalisée, et je ne fais pas un reproche à ce moment-là. Mais, actuellement, au niveau de la coupe, il nous est arrivé des pépins, que ce soit la tordeuse, que ce soit du chablis ou d'autres choses, et on est obligé de couper parce qu'on avait maximalisé notre coupe. Et c'est ce qui nous arrive aujourd'hui.

La tordeuse était là, des années 1975 jusqu'en 1990; il y a eu les feux de forêt. On en a connu, nous ? il y a toujours des feux de forêt ? à Bonaventure, récemment, il y a quelques années, mais, par contre, on a parlé... Le ministre, quand il est venu récemment nous voir, nous disait que, au niveau des industriels ? et on le voyait dans les articles et les communiqués de presse ? ils ne sont pas en cause dans la coupe de bois.

Nous, la population est dans le bois tous les jours et voit qu'est-ce qui se passe. On se permet de douter un petit peu des statistiques comme quoi les industriels ne sont pas en cause. Ce n'est pas tout à fait notre réalité, nous autres. D'ailleurs ? je pourrais vous le laisser ? justement en fin de semaine, dans Le Trans-Gaspésien, il y a un article où c'est des gens d'une MRC qui vont faire de la plantation dans l'autre MRC et qui déclarent l'exploitation lamentable ? qui n'est pas attribuable à la tordeuse ou au feu ? qui est attribuable aux industriels. D'ailleurs, il y a des industriels qui ont eu des grosses coupes, actuellement, chez nous, et pourtant, bon, la tordeuse n'est pas là depuis 1990. Deuxièmement, il n'y a pas eu de feu dans ces CAAF, et ils se voient coupés de 60 %. On peut se demander d'où ça vient, cette coupe-là.

Nous, qu'est-ce qu'on voit, par contre, puis qu'est-ce qu'on voudrait amener ici? On s'aperçoit qu'il y a deux types d'industries dans notre région, pour la Gaspésie, et probablement que c'est applicable au Québec. Il y a les grosses industries puis les petites industries, puis les intérêts de chacun, je ne crois pas que ce soit les mêmes. On en a des exemples, mais ce n'est pas une règle absolue, là. Les grosses industries, elles, bon, elles font quand même des profits sur l'ensemble de toutes leurs industries, et la forêt, elle, dans leurs CAAF, on est prêt à dire qu'ils sont assez bien «managés», leurs CAAF.

n(16 h 50)n

Par contre, la petite industrie, elle, souvent, ça fait 10 ans, puis elles sont là pour 20 ans, et c'est de faire du profit. Puis, comme on s'aperçoit aussi, la surveillance dans la forêt est plus ou moins adéquate. C'est comme si on envoyait le loup dans le poulailler puis: tu as le droit de prendre 10 poules, et surveille-toi. C'est un petit peu ça qu'on pense, au niveau de la petite industrie. Il y a des conflits d'intérêts. Elles veulent peut-être faire plus d'argent, les grosses industries en font beaucoup, mais elles «managent» mieux puis elles en mettent mieux dans leur CAAF.

Les besoins de surveillance actuellement. Bon, je suis heureux de voir que, dans le projet de loi, on augmente les façons de faire de la surveillance. Le ministre, quand il nous dit: Ah! les industries gèrent bien leur CAAF, puis il n'y a pas de pertes, avec les statistiques qui nous le prouvent. Qu'est-ce qu'on ne comprend pas, par contre, dans le projet de loi, c'est qu'il y a tant de mesures pour mettre à l'amende celles-là qui ne sont pas correctes. Si ça allait si bien, je pense qu'on n'imposerait pas toute la liste de mesures. Peut-être que la surveillance n'est pas aussi adéquate que les statistiques veulent le montrer.

La population dans tout ça, elle, voit qu'est-ce qui se passe. On dit: Le ministère, il a peut-être besoin plus de surveillants. La population est là puis elle va dans le bois tous les jours puis peut amener des choses. Et on peut se retourner rapidement pour contrôler la coupe des CAAF.

Il y a eu, c'est sûr, d'autres lacunes aussi, puis je l'admets, comme les logiciels qui n'étaient pas à point, etc. Ça, c'est des lacunes qui ont manqué. Il semble que ça s'améliore de plus en plus.

La forêt aussi. Nous, qu'est-ce qu'on présente dans le document, c'est que ce n'est pas seulement la matière ligneuse. On s'en aperçoit de plus en plus.

Alors, dans le projet de loi, si on prend les cinq points, quand on parle de coresponsabilité, on dit: Bravo! Mais on dit: Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que ça dans la responsabilité; on le verra un petit peu plus tard. Quand on parle de rendement accru aussi, je pense que ça viendra par une meilleure organisation, pas une gestion seulement par le haut.

Le deuxième point, la participation accrue, d'accord. Mais, aussi, dans le projet de loi, on mentionne l'information, et ça, c'est un point que je veux amener: la grosse information. Oui, il faut informer la population.

Je peux simplement dire un petit mot au sujet de Richard Desjardins. J'y ai été dans le bois, moi. Encore lundi passé, je passais la journée dans les CAAF. Et, ce que je veux dire, c'est qu'il y a deux côtés de la médaille. Puis j'ai vu des CAAF bien exploités. Mais, quand on regarde sur les aires, quand il y a des pousses de un pied, deux pieds, même 10 pieds, dans les airs, ça paraît une coupe à blanc. Mais, quand on est sur le terrain, le problème, c'est qu'il y en a trop, de pousses, des fois, justement le besoin d'éclaircir.

Le troisième point au sujet des CAF, C-A-F là, c'est excellent. Je trouve ça excellent puis je trouve ça même visionnaire. Ça rentre dans le cadre visionnaire.

Le quatrième point, augmenter les contrôles. Ça aussi, je dis: Bravo! Et, surtout aussi, les infractions qui vont être publiques; ça, c'est excellent.

Le cinquième point, la protection du milieu. Dans la matière ligneuse, je suis d'accord, il faut protéger, mais il faut aussi... Maintenant, on a le récréotouristique. Et, juste une petite mention, la pollution visuelle, c'est ce qui frappe le plus les gens. La réalité, c'est une autre chose, mais la pollution visuelle est très importante.

Dans notre document, nous, on présente qu'il faut une gestion multiressources. La forêt, ce n'est pas seulement une matière ligneuse, mais il faut la protection de l'écosystème. On donne des exemples ici: fosse au saumon qui a été saccagée, des coupes à blanc dans les réserves fauniques, le lac Madeleine ? je suis sûr que le ministre n'ira pas passer ses vacances là, quand il y a, en face du chalet, une coupe à blanc ? et il y en a beaucoup d'autres, exemples.

Ça veut dire qu'il y a eu un manque, quand même, de gestion et il y a eu du dérapage. On appelle ça, nous, des histoires d'horreur. Et ça frise un petit peu l'irrespect de la population et de son environnement.

Notre deuxième point, c'est la gestion conjointe. Nous, on ne veut pas seulement l'implication, comme le ministre Brassard nous dit, mais on veut un engagement. Juste une petite histoire: demain matin, peut-être en déjeunant, le ministre Brassard va s'en rappeler à son déjeuner ? la différence entre un oeuf et du bacon: l'oeuf, la poule s'est impliquée; mais, le bacon, le porc s'est engagé. Nous, on veut s'engager avec le ministère. C'est dans ce sens-là. On veut une responsabilité partagée. Je pense que c'est légitime, surtout dans le contexte de notre économie. Ha, ha, ha!

On parle de faire reconnaître nos schémas d'aménagement de la MRC; intégrer notre plan d'exploitation et d'aménagement qui sort dans le plan d'action du CLD; impliquer les élus municipaux dans la MRC; établir nos propres objectifs locaux, spécifiques, avec un centre de coordination au niveau de la MRC. On veut fonctionner, avoir un centre de coordination local par la MRC qui gère la ressource. On peut avoir un ingénieur forestier qui est objectif et non pas un ingénieur forestier qui appartient... qui est payé par les compagnies de coupe. Puis on veut augmenter la surveillance, aussi. Mais il faut des moyens, puis c'est pour ça qu'on demande le partage de la redevance et d'avoir une modulation loco-régionale.

Dans la gestion multiressources, on veut impliquer le récréotouristique. Et, au niveau d'un CLD, récréotouristique, c'est des emplois aussi, puis on tant besoin d'emplois dans notre MRC, et je pense, partout. Création d'emplois au niveau récréotouristique, création d'emplois au niveau de la gestion de la forêt.

Dans la modulation des normes, au niveau des petites industries, on peut faire une gestion à la fine pointe au niveau des rivières, ce n'est pas seulement 20 m, mais 60 m peut-être, dépendant, puis, comme je dis, la pollution visuelle, on peut mieux la contrôler.

Au niveau des redevances, on a besoin de moyens pour agir ? les redevances qui reviennent au niveau local. Ça fait qu'il faut développer une approche de gestion intégrée des ressources entre le gouvernement et les MRC pour un développement durable. Nous, qu'est-ce qu'on propose, c'est un projet-pilote. Je n'élaborerai pas, parce qu'il ne reste pas assez de temps. Si le ministre veut que j'élabore un peu plus tard, je pourrai élaborer. mais on demande un projet-pilote où, justement, tout ce qui est dans le projet de loi et même le plus qu'on veut mettre pour aller plus loin, pourrait facilement être appliqué dans un projet-pilote qui pourrait commencer très rapidement.

C'est l'essentiel de ce qu'on voulait dire ici. On est très éprouvé ? la forêt. Mais, quand même, c'est un bon pas en avant, puis on tient à féliciter ? même si ce n'est pas parfait ? le ministre pour l'élaboration de son projet de loi, et on offre notre collaboration et même notre... pas notre implication, mais notre engagement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. St-Pierre. Alors, on va poursuivre avec la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Je comprends que vous choisissez le bacon plutôt que les oeufs.

M. St-Pierre (Michel): On est prêt.

M. Brassard: Bon. Vous souhaitez, vous proposez, vous voulez que le milieu soit véritablement et réellement impliqué dans la gestion forestière. Bon, le milieu, ça veut dire, sans doute, le monde municipal, le monde récréotouristique. Enfin, ça veut dire un bon nombre d'intervenants, la population aussi, dans son ensemble. On est d'accord avec ça.

On a introduit, dans le projet de loi, un certain nombre de dispositions qui, je le pense, veulent atteindre cet objectif-là, de l'implication du milieu, bon. Les MRC participeront à l'élaboration des plans généraux. Il y aura consultations, une politique de consultation du public, des mécanismes pour régler les différends, les litiges. Bref, il y a toute une série de propositions: possibilité de programmes particuliers, d'adaptation des normes, dans certains cas ou dans certaines circonstances.

Vous avez examiné tout ça. Est-ce que vous pensez que l'objectif de l'implication réelle du milieu dans la gestion forestière va être atteint avec les mesures et les dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi? Une fois qu'il sera adopté puis qu'on les aura mises en oeuvre, est-ce que vous pensez que cet objectif-là sera atteint? Si c'est oui, bon, bien, tant mieux. Mais, si c'est non ou si c'est un oui avec des nuances ou des réserves, alors, qu'est-ce qu'il faut faire de plus pour que cet objectif de l'implication du milieu soit pleinement atteint?

M. St-Pierre (Michel): D'abord...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Oui, merci. D'abord, justement, comme vous dites, vous impliquez davantage les MRC, et c'est une très belle ouverture.

n(17 heures)n

Pour répondre à votre question, c'est un oui très mitigé, parce que je ne crois pas que ça va assez loin. Ça va se réaliser peut-être dans quatre, cinq ans; ça va peut-être atteindre l'objectif dans quatre, cinq ans. Mais, à court terme, je crois que ça va être difficile, ça va être lourd, parce que, justement, les MRC ne sont pas assez impliquées. Si elles étaient davantage impliquées, immédiatement, je parle peut-être un petit peu plus régionalement, pour la Gaspésie, parce que, comme nos deux industries qui nous restent, c'est la forêt et le tourisme, déjà dans le tourisme, dans les activités récréotouristiques, on a fait un gros effort pour se coordonner. Quand on dit impliquer la population, c'est via les MRC. Parce que c'est sûr que, si on a 50, 75 personnes, ça ne fonctionnera pas. Mais, via les MRC, il y a déjà des comités de regroupement pour le récréotouristique qui ont déjà fonctionné et qui fonctionnent de plus en plus.

Ça fait qu'au niveau de la MRC, c'est un moyen de concentrer les présidents des associations récréotouristiques et, premièrement, de leur faire comprendre le jargon de la forêt ? parce que je suis loin d'être sûr que, quand on parle que la population est informée, elle comprenne ce qui se passe dans la forêt ? de mieux la comprendre, qu'est-ce que c'est, les CAAF, puis comment c'est géré aussi, et même qu'est-ce qui se passe actuellement dans la forêt, quand on parle de différentes coupes, de coupes précommerciales, etc., et de passer l'information aussi à la population. Je pense que ça va être une voie beaucoup plus directe et à court terme pour arriver aux objectifs d'impliquer davantage les MRC, même dans la gestion, toujours sous l'autorité gouvernementale, les objectifs gouvernementaux, mais pour certaines parties, comme même la surveillance, que ça soit fait par la région ? ça va être de la main-d'oeuvre même gratuite ? concentré vers les MRC qui vous fournissent les renseignements et toutes les statistiques, etc., et qui peuvent vous dire aussi les ajustements qui peuvent être faits rapidement, la voie de communication, rapidement.

Dans les industriels, actuellement, il y a des problèmes. Qu'on prenne simplement... Actuellement, on fait la coupe en rectangle et on parle d'ajuster, de faire la coupe en losange parce que ça évite davantage le chablis. À ce moment-là... Ça fait déjà quelques années, ça. Les industriels le voient aujourd'hui, mais le temps que ça se rende au ministère, que ça réagisse, etc., ça peut prendre cinq ans, six ans, sept ans, alors que là, par les MRC, directement, les ingénieurs forestiers, dans la forêt, vont là, puis on peut diriger ça beaucoup plus rapidement et réagir beaucoup plus rapidement. On a beaucoup moins de perte de bois à ce moment-là et on peut améliorer très rapidement. C'est dans ce sens-là, les MRC.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Leclerc, vous vouliez ajouter.

M. Leclerc (Yvon): Rapidement, je dirais au ministre que, moi aussi, je serais dans le jambon, parce que je trouve qu'il faut s'engager, il faut voir l'évolution de l'application du régime. Vous parlez de consultation sur le plan, mais, lorsqu'on a rempli la fosse à saumon dans la rivière York, il était trop tard. Et la consultation a beau être faite avant, mais c'est l'application du régime, la surveillance, le contrôle, c'est ça qui est important. On n'a pas vraiment de... Je n'ai pas de réponse. C'est sûr que la MRC présente, c'est bien. Le CLD, le conseil d'administration du CLD offre quand même un beau rassemblement, un beau regroupement des forces d'une communauté. Il y a des gens... Le vice-président du CLD, qui est pharmacien, peut faire de la motoneige... Enfin, beaucoup de gens peuvent être intéressés à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine forestier ainsi qu'à son exploitation. Mais c'est le contrôle de l'application des mesures. Ça, je pense que, si la population locale pouvait être davantage impliquée, peut-être qu'on éviterait certaines bêtises, peut-être qu'on pourrait se retourner plus vite, peut-être que... Mais je n'ai pas vraiment de réponse.

M. Brassard: Comment ça pourrait se faire, ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Bien, à ce niveau-là, ici, c'est...

M. Brassard: Que les citoyens soient en mesure de transmettre rapidement des informations concernant des manquements, des lacunes, des fautes, des erreurs à la Direction régionale du ministère pour qu'il y ait une réaction plus rapide. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Leclerc.

M. Leclerc (Yvon): Ça pourrait être ça. Je vous dis bien humblement que je n'ai pas de réponse. Mais on constate, et dans le mémoire de nos amis de la MRC Le Rocher-Percé, des failles importantes qui pourraient sans doute être corrigées. On l'a constaté, ils l'ont constaté. Donc, ça peut être corrigé, mais avant que ça se fasse, pas lorsqu'il est trop tard.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Messieurs, merci d'être ici. Ma première question va aller à M. Leclerc. Dans le mémoire que vous présentez, je vais vous reposer une question que vous posez dans le mémoire.

D'abord, je veux excuser Mme Nathalie Normandeau qui est la porte-parole en foresterie. Comme vous savez, dans nos formations politiques, on a une fois tous les deux, trois ans ce qu'on appelle un congrès des membres; 4 000 membres, dans notre cas, se sont réunis en fin de semaine. Mme Normandeau, qui vient de la Gaspésie, est la vice-présidente de ce congrès et, à cause de ce congrès en fin de semaine, elle est prise dans toutes sortes d'activités préparatoires au congrès, ce qui explique qu'elle a dû nous quitter. Mais elle voulait s'excuser auprès de vous, messieurs.

Ceci dit, M. Leclerc, dans le mémoire que vous présentez, vous nous posez une question: Est-ce vraiment plus difficile de vider la forêt de bois que de vider la mer de morues? Je vous repose la question: Est-ce qu'on peut penser que ça peut se produire? M. Leclerc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Leclerc.

M. Leclerc (Yvon): Je vais laisser le maire de Chandler et le Gaspésien répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Actuellement, avec ce qui se passe ici, la commission parlementaire, le projet de loi, je pense qu'on est sur la bonne voie pour éviter ce qui s'est fait avec la pêche. À ce moment-là, ma réponse est que je ne pense pas que la forêt... La forêt va survivre, pas comme la pêche.

M. Benoit: Pourriez-vous nous parler... Vous qui avez vécu de très près la situation du CAAF de la Gaspésia, qu'est-ce qui s'est passé? Où est-ce qu'on a échappé le ballon? Quel a été le problème et quelles en sont les conséquences maintenant?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Je suis un peu embêté par votre question parce que justement le CAAF de la Gaspésia, actuellement, je crois que c'est peut-être un peu un modèle. Je l'ai visité. Puis qu'est-ce que je vois? Il y a un gros problème là-bas, c'est que la terre est tellement bonne qu'il n'y a pas besoin de transplantation. Ça pousse trop puis le problème, c'est de faire de l'éclaircie précommerciale parce que ça pousse très, très bien.

C'est bien géré actuellement, c'est un coupeur unique. Actuellement, qui coupent? C'est les anciens bûcherons de la compagnie Gaspésia qui se sont organisés en coopérative. Ils sont les seuls à couper. Le CAAF est distribué actuellement de façon ponctuelle, mais ils sont coupeurs uniques. Ils ont de l'expertise, c'est des professionnels maintenant, puis je pense que c'est très, très bien comme ça, et ça devrait continuer. Dans les CAAF, ça devrait être des professionnels, comme on l'a déjà mentionné tout à l'heure, d'autres intervenants, parce que, eux, ils savent de quoi ils parlent, ils veulent le conserver, le CAAF, et ils le gèrent très adéquatement. Ils devraient le couper pour les industriels et sortir les industriels de la coupe de bois pour les mettre peut-être à la deuxième et troisième transformation, aux scieries, à la première, deuxième et troisième transformation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci. La baisse d'approvisionnement, au ministère, on nous a dit, tous néophytes tant que nous sommes, que c'était grandement dû au chablis et à la tordeuse. Est-ce que c'est votre lecture, vous qui êtes un résident de ce coin de pays, qu'effectivement ça a été grandement causé par le chablis et la tordeuse, cette baisse d'approvisionnement qu'on a dans votre coin de pays?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Je pourrais dire que la tordeuse, c'est fini depuis 10 ans, mais, comme le dit le ministère, c'est vrai que ça a eu une répercussion sur les jeunes pousses. En partie la tordeuse, en partie les feux de forêt aussi, en partie le chablis, quoiqu'on soit peut-être une cause du chablis aussi, de la façon dont on fait les coupes, puis là on est en train de réajuster. Il faut se réajuster vite pour...

Et, nous, qu'est-ce qu'on pense, il y a probablement une partie des industriels ? on n'est pas prêts à accepter la réponse du gouvernement ? qui exagèrent et c'est pourquoi, nous, quand on parle de surveillance, je crois que la surveillance devrait être faite à l'arrivée à la scierie pour contrôler ? et le gouvernement même aurait plus de redevances à ce moment-là ? que tout est déclaré.

M. Benoit: Quand vous dites que les compagnies ont exagéré, est-ce que je dois comprendre que les compagnies exagèrent dans la mesure où elles ont la permission du gouvernement d'exagérer? Est-ce que...

M. St-Pierre (Michel): Je suis sûr qu'elles n'ont pas la permission du gouvernement. Non, c'est les moyens de contrôle de ces compagnies-là qui peut-être sont à améliorer parce qu'il peut s'en passer ? ce n'est pas toutes les compagnies ? du bois, comme ça, sans que... puis le gouvernement y perd aussi dans les redevances.

n(17 h 10)n

M. Benoit: À la page 12, vous nous parlez des redevances forestières. D'autres régions l'ont fait. M. Charest, qui vient de terminer une tournée des régions, est revenu avec ce message-là au gouvernement en disant qu'on devra reconnaître que les matières premières qui viennent des régions, il y en a un bout qui devrait rester financièrement dans les régions. Vous dites très clairement, à la page 12, dans votre mémoire, comment ces sommes-là, en supposant que le ministère acquiesce à cette demande-là... Et je rappelle au ministre d'ailleurs que ça a été un des grands constats de Bélanger-Campeau, pour avoir fait Bélanger-Campeau, où non seulement on a parlé de décentralisation vers des régions de l'appareil gouvernemental, mais pas juste décentraliser, mais donner des pouvoirs et donner de l'argent aux régions et s'organiser pour que les régions puissent avoir l'argent qui vient de leurs ressources naturelles. Enfin, dans un processus historique, probablement qu'on le verra un bon jour.

Ceci dit, comment vous voyez l'utilisation de ces sommes-là advenant ces redevances forestières qui pourraient rester en partie chez vous? Est-ce qu'elles iraient vers la recherche? Est-ce qu'elles iraient vers le développement de l'industrie? Comment vous voyez ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Merci. Si on part avec l'idée, comme on disait, d'impliquer davantage, d'engager, de nous engager pour aider le gouvernement à gérer la forêt, avec nous, cet argent-là serait dépensé sous différentes formes. Premièrement, peut-être pour participer à la gestion plus pointue avec peut-être l'engagement d'un ingénieur forestier qui deviendrait beaucoup plus objectif qu'engagé par les compagnies, et l'autre chose, cet argent-là serait redistribué, géré par la MRC et redistribué dans la forêt pour le récréotouristique, pour amener plus de monde à participer dans la forêt et aussi amener des redevances au gouvernement via le tourisme, par un autre ministère.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Vous nous avez parlé de point de vue, de panorama. Vous n'êtes pas les seuls, beaucoup de gens sont venus nous parler effectivement de ces coupes qui ont fait que le paysage en prend un coup. Il n'y a pas de politique effectivement de panorama au Québec. Certains pays l'ont, certains États américains l'ont, nous, on ne l'a pas. Certaines provinces l'ont, nous, on n'a pas vraiment de politique. Mais est-ce qu'il y a quelque chose qui empêche une MRC chez vous de se donner une politique de panorama ou d'approche visuelle de l'environnement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): On peut se donner une politique d'environnement, mais est-ce qu'on a les pouvoirs ? peut-être que la loi maintenant va nous permettre d'avoir des pouvoirs ? pour vraiment la faire respecter? Parce que, pour la population, c'est ça qui choque le plus. Quand on comprend mieux, quand on est mieux informé... Moi, ça m'a permis, la commission parlementaire, de mieux m'informer. Je suis loin d'être contre les coupes à blanc bien gérées, si je peux dire, mais ce qu'il y a, c'est qu'il faut respecter l'aspect visuel. C'est ce qui choque le plus la population et avec raison. Avec raison! Si, en avant de votre chalet, on allait faire une coupe à blanc, on vient de détruire le paysage, puis c'est catastrophique. Mais les coupes à blanc peuvent être faites tout en respectant le développement récréotouristique, ceux qui passent dans des paysages où ils n'ont pas à voir des coupes à blanc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Vous avez terminé votre présentation presque en demandant au ministre de vous demander de nous parler de votre projet-pilote, et je vais le faire. J'aimerais ça en entendre parler de votre projet-pilote, moi.

M. St-Pierre (Michel): Je vous remercie. C'est un peu le résumé de ce que j'ai dit. D'abord, au niveau de la forêt elle-même, tout à l'heure je parlais d'un coupeur unique pour des CAAF entiers ou des grandes parties, parce que c'est beaucoup plus facile de contrôler la coupe à ce moment-là et il y a un seul responsable au lieu d'avoir 10 responsables.

Deuxièmement, au niveau des MRC, participer à la gestion parce que c'est facile de faire des comité conjoints et restreints, si je peux dire, avec tous les intervenants dans le développement récréotouristique et de donner des orientations. Premièrement, d'abord leur faire comprendre qu'est-ce que c'est, la forêt, du point de vue de la matière ligneuse, pas seulement du point de vue récréotouristique puis, je veux dire, l'information. Et au niveau des MRC, c'est là qu'il y aurait une partie de la gestion sous la supervision du gouvernement avec un ingénieur forestier qui surveille vraiment attentivement. Ça fait que la MRC surveille, coordonne, participe et gère à ce niveau-là, gère les investissements, les redevances.

Puis, comme j'avais oublié tout à l'heure de le dire, dans la deuxième et troisième transformation, pour aider les industries qui font de la première transformation, à partir de la deuxième et troisième transformation, on suggère même que les CAAF soient assujettis à une deuxième et troisième transformation. La MRC verra aussi à appliquer les normes gouvernementales et la modulation régionale aussi.

Et troisièmement, au niveau des industries, bon, qui auraient des CAAF, elles ne seraient pas dans la forêt, mais elles seraient vraiment dans la première, deuxième et troisième transformation. C'est à ce niveau-là que... Et il y a la MRC, aussi, qui est importante.

Puis je pense que le public a besoin de comprendre qu'est-ce qui se passe dans la forêt, les coupes à blanc, etc. Je pense que, si le public comprenait davantage, on accepterait beaucoup plus facilement les coupes à blanc qui, je pense, sont une bonne forme de coupe, mais actuellement on se rebelle face à ça parce qu'on est mal informé. Ce n'est pas facile de donner l'information. Le gouvernement peut faire des beaux dépliants, etc., la population ne les lira pas. Mais nous, au niveau de la MRC, quand on voit actuellement, nous autres, les camions de bois qui passent, de bois rond, etc., tout le monde trouve ça épouvantable. Bien, à la prochaine séance du conseil, moi, je vais leur expliquer, aux gens, puis je pense qu'ils vont accepter, un coup que c'est expliqué. Nous autres, on peut donner à la population, à la base, les bonnes informations puis pourquoi c'est comme ça. À ce moment-là, quand on comprend, la population va accepter puis il va y avoir une meilleure coopération dans tout le domaine forestier.

C'est dans le sens: coupeur unique dans le bois, MRC et industriels surtout dans la deuxième et troisième transformation. Ce qui pourrait se faire rapidement. Nous autres, au niveau du CAAF de la Gaspésia, on pourrait le partir quand même assez rapidement, et le gouvernement, comme projet-pilote, pourrait nous suivre très étroitement, et je pense que ça peut aboutir, le projet de loi, à l'appliquer très rapidement et à s'ajuster très rapidement.

M. Benoit: Une dernière question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Dr St-Pierre, vous dites: Le projet de loi va améliorer les choses. Que bien nous soit fait, au Québec, si c'était le cas, et nous le souhaitons tous. Mais il faudrait partir d'une croyance, il faudrait faire un acte de foi, vous et moi, en se disant qu'on connaît la situation, l'évaluation exacte de la foresterie au Québec. Et beaucoup de gens sont venus nous dire qu'on ne connaissait pas la situation exacte de la foresterie au Québec et beaucoup de gens nous ont demandé effectivement une enquête indépendante, soit via les médias, je pense au regroupement des évêques du Québec, aux syndicats. Même les papetières sont venues nous dire qu'elles avaient de la misère à vendre leurs produits en Europe parce qu'on questionnait énormément l'utilisation de nos forêts.

Est-ce que vous êtes un de ceux qui prétendent qu'on devrait effectivement avoir une enquête absolument neutre, pas politique comme ici, cette commission politique, mais bien une enquête absolument neutre, comme on a fait sur le verglas, comme on a fait sur l'eau, comme on a fait sur d'autres sujets, au Québec, et que nous sachions exactement quelle est la situation de la foresterie au Québec?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Vous dites qu'ici c'est politique, c'est vous qui le dites. Moi, de toute façon, je ne suis pas venu ici du côté politique, je suis venu ici vraiment du côté de la population.

Quand on parle d'enquête publique, pour ma part, je ne pense pas qu'il faille aller jusque-là. Il y a eu, en 1998, beaucoup de documents, 500 documents. On a la possibilité de s'exprimer actuellement. On veut une enquête publique parce qu'on pense qu'elle est surexploitée. Peut-être, si tous les gens ? je ne sais pas s'ils ont fait comme moi ? ceux qui sont venus présenter ici, s'ils avaient passé, depuis un mois, leurs journées à se plonger dans toute l'information qu'on a... Je serais porté à croire que l'information est valable. À ce que je vois à partir des informations et ce que j'ai vu sur le terrain, ça coordonne assez, sauf pour certains petits points, comme j'ai dit tout à l'heure. Mais je n'irais pas jusqu'à une enquête publique. Au contraire, je travaillerais tout de suite...

L'enquête publique, je pourrais dire pourquoi elle est demandée, c'est parce que les gens sont mal informés ou pas informés. Moi, c'est ça que je pense. Il manque d'information, et je doute que le gouvernement puisse donner assez d'information pour satisfaire les gens. Nous, les MRC, à la base, on peut la donner. Et c'est pour ça que je dis: Passez par nous. On a appris, nous autres, à comprendre la forêt, et quand on la comprendra comme nous, maintenant, on la comprend... Je pense qu'il n'y a pas besoin d'enquête publique. Je pense que ce que fait le gouvernement actuellement est très bien, même si, pour notre part, nous, on dit: Ce n'est pas assez, ce n'est pas assez loin, et il ne nous implique pas assez. Mais je pense que la voie est par là. L'information est très, très importante, et c'est un gros manque dans tout ça.

M. Benoit: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour et bienvenue à la commission.

n(17 h 20)n

Dans vos représentations, il y en a une sur laquelle vous insistez beaucoup, c'est la question du retour des redevances forestières au niveau des territoires de MRC et, en même temps, leur territoire de référence, mais vous parlez aussi des communautés locales. Depuis trois semaines, on reçoit des organismes, des personnes, des entreprises, il y a des gens qui viennent nous voir puis nous disent: Bon, chez nous, on ne peut pas prétendre qu'on veut garder tout le bois, parce qu'il y a une partie qui vient de l'Ouest, du Nord, un peu de chez nous, puis on transforme ça chez nous, puis ensuite, ils s'en vont au Sud avec. Alors...

Dans la proposition que vous faites, est-ce que vous partagez également entre toutes les MRC d'un territoire donné, d'une région, ou vous allez cibler, par exemple, comme vous le mentionnez, distribuer localement à l'égard des territoires faisant l'objet de prélèvement de leurs ressources forestières? Et je m'explique. Ici, par exemple, dans l'Outaouais, ou en Abitibi, ou en Gaspésie, il y a des communautés, sur un territoire de MRC, qui n'ont aucune usine de transformation et dont le bois sert à faire fonctionner une usine dans une MRC voisine. Est-ce que je dois comprendre que la MRC d'où provient la matière première sera la seule à bénéficier des redevances? M. Leclerc ou M. St-Pierre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): C'est une question pertinente, parce que vous savez que le CAAF, chez nous, est partagé entre deux MRC dont vous êtes le député. Et c'est justement ça. Quand on parle de redevances et quand on parle de distribution de ces redevances-là, justement, c'est qu'il faut que les deux MRC en profitent, et surtout quand un CAAF est sur deux MRC. Et il y a des façons de faire aussi; je pense qu'il s'agit de se parler et de s'entendre. Une partie peut avoir comme une scierie, faire de la première transformation, du séchage, puis, peut-être, 50 km ou 100 km plus loin, dans l'autre MRC, qu'ils peuvent faire la deuxième et troisième transformation. Il y a des emplois sur les deux MRC, et chacun reçoit des redevances de façon équitable. L'important, c'est de créer de l'emploi dans les deux MRC et de partager, surtout quand un CAAF chevauche deux MRC ou trois MRC.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Mais, dans votre exemple... Je comprenais, moi, que, par exemple, une MRC qui n'a aucune usine de transformation mais qui seulement pourvoit à l'approvisionnement d'une autre usine sur un autre territoire, c'étaient les territoires qui n'avaient aucune usine de transformation, on compensait pour le fait qu'ils n'avaient pas d'usine de transformation, et que l'autre, bénéficiant de retombées économiques importantes parce qu'il y a une usine de transformation, de l'emploi, etc., ces communautés-là ne partageaient pas également les redevances. C'est ça que je comprenais. Mais là vous me dites: Non, c'est toutes les MRC.

Je voudrais aller sur un autre élément du projet de loi. On a introduit dans le projet de loi les contrats d'aménagement forestier, avec un a, qui donnent la possibilité d'attribuer à une entreprise qui n'a pas d'usine des volumes de bois. J'aimerais vous entendre là-dessus, voir qu'est-ce que vous pensez de cette orientation du ministère.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Pierre.

M. St-Pierre (Michel): Moi, je trouve que c'est une excellente orientation. Comme je l'ai dit au tout début, ça rentre dans notre perspective de visionnaires, si je puis dire, je pense qu'on n'aura pas le choix de s'en aller vers là. Pour ma part, l'important... Comme je disais tout à l'heure, un coupeur de bois unique sur une superficie, c'est beaucoup mieux que 10 coupeurs. Et peut-être que ces coupeurs de bois là, s'ils rentrent à l'intérieur d'un CAF, ils n'ont pas d'usine, eux, mais ils peuvent couper pour les industriels à ce niveau-là.

L'autre chose, c'est que peut-être, dans certaines communautés, il pourrait y avoir aussi ce CAF-là, ce contrat d'aménagement forestier, sans avoir nécessairement de scierie. On peut prendre l'exemple de Gaspé. Actuellement, ils en ont seulement une sur leur territoire, dans le grand Gaspé. Je pense que, pour vraiment rentabiliser la forêt au maximum, la transformation du bois, cette mesure-là est une mesure très adéquate et d'avenir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé, assez rapidement, parce qu'il reste deux minutes.

M. Lelièvre: Deux minutes. Vous avez parlé tout à l'heure du CAAF de la Gaspésia. Comme vous, je suis d'accord pour dire que c'est un des territoires qui a été peut-être le mieux géré en Gaspésie, parce que, ce qu'on nous dit, c'est qu'on va recommencer à couper du bois là où, il y a 50 ans, on a débuté. Donc, la matière ligneuse, l'aménagement forestier, tous les travaux qui ont été faits ont permis à la forêt de se régénérer.

Et je voudrais savoir... Vous avez une recommandation au niveau des paysages. Est-ce qu'il y a... Je sais que la MRC avait un projet de parc régional, à un moment donné. Est-ce que ce projet-là est toujours présent ou si c'est quelque chose que vous avez mis de côté en...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. M. St-Pierre puis M. Leclerc, et très rapidement, s'il vous plaît.

M. St-Pierre (Michel): Ce projet-là est toujours là sauf que, actuellement, il a été un peu gâté par de la coupe à blanc sur la réserve. C'est ce qui est malheureux. C'est un des exemples qu'on donne dans notre document. Mais le projet est toujours là sauf que, pour avoir une réponse du gouvernement pour aller de l'avant dans ça, ça a pris 18 mois et, à ce rythme-là, on ne sera plus là quand ça va se réaliser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Leclerc, vous vouliez ajouter? Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Leclerc (Yvon): Oui, pour conclure, pour dire que j'ai beaucoup aimé la question de M. Benoit au sujet de la politique du paysage et de la politique de l'environnement parce que ça concerne l'ensemble de la population qui vit sur un territoire. Pour vivre sur celui de la Côte-de-Beaupré, c'est clair que tout le développement touristique autour du mont Sainte-Anne, enfin, la forêt, c'est un bien public. Et on le retrouve, ce plan, en principe, dans le schéma d'aménagement de la MRC. Puis, avec la mise en place des CLD et le forum, le regroupement des forces qu'on trouve autour de la table, eh bien, la phase développement, c'est de passer de l'aménagement au développement.

C'est pour ça que je voudrais dire au ministre, en terminant, que nous allons consulter nos membres et on va lui écrire, en réponse à la question qui est posée, sur la façon d'exercer l'engagement de la communauté dans la surveillance de l'application du plan. Parce que ce n'est pas seulement un plan de coupe, c'est un plan d'exploitation et de mise en valeur aussi de la forêt, et ça concerne tout le monde. Alors, on va y revenir. On va vous écrire, M. le ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposions. Alors, messieurs, je vous remercie pour votre participation à cette commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 28)

 

(Reprise à 17 h 29)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre nos travaux. M. Lessard, M. Lessard et M. Fortin, alors bienvenue à cette commission. Nous accueillons donc les représentants du groupe Scierie Norbois inc. Alors, vous connaissez la procédure, je pense. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Scierie Norbois inc.

M. Lessard (Lucien): Je vais essayer de faire vite. Mme la Présidente, MM. les députés ? donc, je vais couper un petit peu ? mesdames, messieurs de la commission parlementaire, nous tenons d'abord à vous remercier de nous permettre de participer à cette commission parlementaire afin de vous exprimer nos points de vue sur le régime forestier actuel et la réforme que vous proposez.

Comme vous le savez, M. le ministre, j'ai été comme vous membre de la commission parlementaire sur les forêts alors que j'étais député de l'opposition de 1970 à 1976. Nous nous sommes alors battus contre l'ancien régime des concessions forestières dont les principes, intangibles alors, ont commencé à s'effondrer sous l'administration de l'ancien ministre libéral Kevin Drummond. Il n'est donc pas dans mes intentions, alors que je représente aujourd'hui une compagnie qui transforme des produits forestiers, de vous demander de redonner aux compagnies le contrôle qu'elles ont déjà eu sur la ressource ligneuse.

n(17 h 30)n

Les objectifs. Nous souscrivons entièrement aux objectifs du ministère des Ressources naturelles d'une utilisation polyvalente de la forêt au profit de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Pour ce faire, il nous faut améliorer l'ensemble de la gestion forestière pour en accroître la productivité tout en s'assurant d'y préserver la diversité biologique.

La forêt est un bien public qui appartient à tous les Québécois et Québécoises, et nous y incluons les autochtones, comme Québécois, au même titre que nous. Aussi, devons-nous nous assurer d'une meilleure transparence de la gestion et y associer l'ensemble de la population aux décisions qui la concernent. Si nous voulons répondre adéquatement à cet objectif, il faudra développer des moyens simples d'informer le public et de vulgariser l'information.

Malheureusement, une bonne partie de notre population considère encore l'industrie forestière comme une ennemie. Pour un certain nombre, ils y ont laissé leur santé sans y avoir trouvé la sécurité financière pour leurs vieux jours. Aussi, est-il nécessaire de maintenir nos efforts afin de valoriser le travail des travailleurs forestiers et d'améliorer leurs conditions de travail.

En ce sens, L'Erreur boréale de Desjardins n'a pas eu que des effets négatifs. Au contraire, ce document, exagéré, mais quand même représentatif d'une certaine réalité, a permis de sensibiliser la population à l'importance de la ressource forestière et à la nécessité d'en sauvegarder la richesse.

Mais il ne faut pas non plus crier au loup. La ressource forestière est une ressource renouvelable qu'il faut utiliser rationnellement et dont la récolte est nécessaire non seulement pour l'activité économique qu'elle engendre, mais aussi pour en assurer sa pérennité. Les méthodes d'exploitation se sont considérablement améliorées depuis quelques années et les ressources forestières sont utilisées beaucoup plus adéquatement. Mais ne nous cachons pas qu'il reste beaucoup à faire. Il y a donc encore des améliorations possibles, et c'est l'objectif de cette réforme à laquelle nous souscrivons, nous sommes heureux de nous associer.

La réforme. La gestion participative, M. le ministre, comme vous l'avez affirmé, comme vous l'affirmez dans votre document, nous y sommes favorables. Mais, cependant, il va falloir que les gens puissent être informés de ce qui se passe, à un moment donné, si tu veux, dans la forêt, éviter certaines cachettes. Par exemple, des informations importantes nous sont cachées actuellement sous prétexte qu'elles sont propriété des compagnies titulaires de CAAF. Exemple: le bois récolté par rapport au bois attribué. Alors, si on veut que la consultation publique ne soit pas de la frime, il va falloir donner les informations à la population.

L'octroi des droits sur les ressources. Le CAAF. Lors de la consultation publique de l'automne 1998, nous avons dénoncé énergiquement le fait que le bois non récolté, excluant le 15 % prévu à l'article 92.0.1 de la loi actuelle des forêts, ne puisse être accordé à d'autres bénéficiaires. Cette aberration privait le gouvernement de millions de dollars en droits de coupe, tout en empêchant d'autres entreprises de se développer. Nous avions alors affirmé, dans de nombreux documents envoyés au ministère, qu'en vertu de l'article 8 de la loi actuelle le bois non récolté demeurait la propriété du ministère. Mais notre interprétation n'a pas été retenue, c'était la décision du ministère. Mais, cependant, nous en profitons pour remercier le ministre d'avoir au moins répondu positivement à nos demandes, à la suite des délais qui étaient prévus. Mais les délais nous ont fait perdre des milliers de dollars qui ont mis en péril l'avenir de notre usine et les 80 emplois qui y étaient rattachés à ce moment-là.

Nous ne souhaitons donc pas que d'autres usines vivent les mêmes problèmes, alors qu'elles sont en manque de matière première. Pour éviter une telle situation, nous avions proposé que le ministre se garde une réserve de bois qu'il pourrait accorder, selon certaines conditions, aux usines qui ont utilisé la totalité de leur approvisionnement et qui performent, tant sur le plan environnemental que sur l'utilisation rationnelle de la ressource.

Le CAAF. Nous disons, Mme la Présidente, que nous avons beaucoup de difficultés à comprendre, et contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, qu'on y introduise un nouveau mode d'attribution du bois. On voit difficilement l'avantage d'un tel mode, d'autant plus, Mme la Présidente, que le ministère a déjà certaines difficultés à contrôler ceux qui ont déjà, en fait, des CAAF, actuellement. Ce qu'on craint, c'est qu'on crée des aventuriers de la coupe forestière, parce que l'entreprise qui a un CAAF est intéressée à maintenir la pérennité de ce CAAF-là, ce qui ne sera pas nécessairement le cas des contrats d'approvisionnement forestier.

Permis de récolte ponctuelle. Bon, les droits imposés aux titulaires. Selon le principe énoncé dans la Loi sur les forêts, les droits de coupe sont fixés en relation avec la valeur marchande du bois sur pied. Comment est fixée la valeur marchande? Nous avons de la difficulté à comprendre que les droits de coupe ne cessent d'augmenter ? 250 %, depuis 1995 ? alors que le prix du bois varie assez peu depuis quelques années et a même diminué.

Est-ce que l'on tient compte du prix américain ou du prix canadien? On sait que le système des quotas a créé deux prix, favorisant considérablement les industries qui possèdent des quotas. Or, les quotas ont été accordés sur une base historique, défavorisant les nouveaux arrivants sur le marché ou ceux qui vendaient exclusivement sur le marché canadien. Certains industriels n'ont pas de quota alors que d'autres peuvent avoir jusqu'à un pourcentage assez élevé de leur production. En général, ce sont les petits producteurs non intégrés qui sont les plus pénalisés. Il y a là une concurrence déloyale aux dépens des plus petits. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra des quotas après 2001. Mais, si les quotas étaient maintenus, il nous semble que l'on devrait en tenir compte dans l'établissement des droits de coupe. Le calcul est aussi d'une complexité telle que personne n'y comprend à peu près rien, à l'exception peut-être de ceux qui le gèrent, puis encore là, on se pose des questions.

Trois minutes, bon, merci, madame, bon. L'aménagement forestier, bon, on dit: «L'aménagement constitue l'élément essentiel»; j'en conviens. Je cite le document du ministère. Ce qu'on dit, essentiellement, c'est que, O.K., on peut être plusieurs bénéficiaires sur le même territoire. Mais, vous savez, le petit bénéficiaire comme Scierie Norbois ne peut pas avoir... Vous dites vous voulez nous mettre également responsables. Une petite entreprise comme Norbois peut difficilement donner des ordres, pour ne pas la nommer, à une entreprise qui s'appelle, par exemple, Uniforêt.

Protection de l'environnement, nous sommes d'accord. Les écosystèmes forestiers exceptionnels. Encore là, Mme la Présidente, nous reconnaissons que certains systèmes doivent être protégés. Alors, nous sommes d'accord avec le ministre. Mais on veut dire actuellement que, si, là-dedans... On dit essentiellement qu'il peut arriver justement qu'on puisse enlever, à des industriels, une partie de leurs territoires, ou en fait, réduire, comme on le fait actuellement, les droits de coupe pour une autre loi, comme la loi de l'environnement, etc., puis on dit: On va compenser équitablement. Donc, je voudrais savoir que veut dire «équitablement». Notre expérience passée avec le ministère nous incite à la plus grande prudence à ce sujet. On a plutôt évalué l'équité de façon unidirectionnelle, d'après l'expérience que j'ai obtenue. D'ailleurs, la loi n° 50 prévoit une certaine compensation dans ces choses-là.

Et, de plus, je souligne, M. le ministre, comme je l'ai déjà dit, que, avec le nouveau système que nous aurons sur la Côte-Nord concernant l'entente commune, ça peut créer des problèmes très, très sérieux pour les entreprises.

Le financement de la gestion des forestières. Je passe les milieux nordiques, M. le Président, étant donné le temps qui s'écoule. Alors, nous disons encore une fois, puis je le vois encore: Le ministre, dans son discours d'introduction, proposait 15,5 millions sur trois ans provenant de l'obligation faite à tous les bénéficiaires de contribuer au fonds forestier. C'est encore une augmentation qui va coûter énormément cher. Moi, je dis, M. le ministre: Il va falloir, un jour ou l'autre, tenir compte que nous ne sommes pas toutes des grosses entreprises intégrées, qu'il y a des petites usines. Dans votre région, d'ailleurs, M. le ministre, comme dans toutes les régions qui ont, littéralement, un peu comme les citoyens pour les taxes, le cou coupé; elles ne sont plus capables de faire de la concurrence. Alors, il me semble qu'une usine qui commence il faudrait la laisser souffler un petit peu avant de l'étouffer, en partant.

Alors, la conclusion, Mme la Présidente, nous souhaitons, en fait, que le ministre tienne compte de nos recommandations, puis je suis disponible pour répondre à vos questions, de même que mes deux amis. Vous voyez que c'est une usine qui est dynamique mais qui est administrée par des jeunes: Michel, qui est directeur général, puis M. Fortin, qui est directeur des coupes forestières.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Lessard.

M. Lessard (Lucien): J'ai bien respecté mon temps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous avez respecté votre temps, c'est très bien. Alors, puisque, là, vous avez présenté, finalement, les gens qui vous accompagnent, je suis persuadée que plusieurs de nos téléspectateurs... il y a des gens qui nous écoutent, probablement, à cette heure-ci, qui vous ont reconnu, vous, mais c'est important aussi qu'ils puissent reconnaître les gens qui vous accompagnent.

Alors, à ce moment-ci, je vais donc procéder à la période d'échanges. M. le ministre.

n(17 h 40)n

M. Brassard: Oui. Bien, d'abord, merci de votre présence, MM. Lessard, père et fils, et M. Fortin, également, qui les accompagne. Votre point de vue est, sans aucun doute, intéressant parce que c'est le point de vue d'une petite entreprise, une scierie indépendante. Alors, on tient beaucoup, comme commission parlementaire, à avoir aussi le point de vue des petites entreprises. Il y a des gros qui ont défilé aussi devant nous. C'est un point de vue qui est aussi légitime et intéressant, mais c'est important d'avoir le point de vue également des petites entreprises, entre autres des petites entreprises de sciage.

Juste quelques informations préliminaires. D'abord, quand vous dites: Il y a certaines informations qui sont manquantes, et si on veut qu'il y ait une participation du milieu, une implication du milieu dans le processus d'élaboration, de la planification de l'aménagement, il faut avoir toute l'information disponible puis une information aussi compréhensible et accessible.

Et, quand vous dites, par exemple: Il faut connaître les bois récoltés par rapport au bois attribués, ça, c'est une chose qui va être corrigée par la suite, et on a obtenu, je dirais, l'aval de la Commission d'accès à l'information. Ça va faire maintenant partie intégrante des rapports annuels de chaque détenteur de CAAF. Il devra indiquer ces informations-là; je pense que ça va être fort utile pour tout le monde.

L'autre élément également dont je voulais parler, ça porte sur les coûts additionnels qui résulteraient de l'application des modifications de la loi qu'on retrouve dans le projet de loi n° 136. Vous affirmez que les ajustements à la loi augmenteront vos frais d'opération de l'ordre de 5 $ par mètre cube, ce qui est pas mal, ce qui est beaucoup. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre-là? J'imagine que vous avez fait une certaine analyse ou une certaine évaluation. Comment vous êtes arrivés à ce chiffre-là?

M. Lessard (Lucien): Je vais demander à M. Fortin de répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Fortin.

M. Fortin (Guy): Oui, ça va me faire plaisir de répondre du mieux de ma connaissance. C'est bien entendu que ce chiffre-là, c'est un estimé qu'on a fait. Pour le faire, on s'est basé... il y a eu des documents de l'industrie aussi de plusieurs régions qui ont été faits où on évaluait des coûts supplémentaires rattachés au nouveau régime forestier, entre autres la dispersion des aires de coupe qui amènerait quand même une infrastructure supplémentaire à ce qu'on a déjà, c'est-à-dire qu'il faudrait construire des chemins beaucoup plus longs qui devraient être entretenus beaucoup plus longtemps que ce qui se passe aujourd'hui. C'est une des raisons du coût assez important.

Aussi, on parle du fonds forestier qui serait augmenté justement pour financer les activités du ministère, ce qui fait que, pour nous autres, c'est difficilement acceptable de dire que le fonds forestier servirait à financer les activités normales du ministère, les activités de surveillance entre autres. C'est surtout sur des points comme ça qu'on s'est basé pour en arriver à une estimation de 5 $ du mètre cube.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: O.K. Donc, c'est évidemment approximatif, mais, en prenant en compte ces divers éléments ? voirie forestière, contribution accrue au fonds ? vous arrivez à ce chiffre-là, qui est approximatif, plus ou moins 5 $. C'est ça qui ressort de votre analyse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Fortin.

M. Fortin (Guy): Oui. Excusez-moi. C'est difficilement quantifiable, précisément. Mais, selon les informations qu'on a, c'est bien entendu qu'il y a beaucoup d'inconnues, mais c'est au mieux qu'on peut arriver, comme estimé, à environ 5 $ du mètre cube.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lessard, vous vouliez ajouter.

M. Lessard (Michel): Oui, bien, c'est pour renchérir un petit peu. C'est que, c'est sûr que c'est bien évident qu'à chaque année même si on regarde les trois dernières années, depuis qu'on est propriétaire de l'entreprise Scierie Norbois, on fait juste regarder au niveau des redevances forestières puis des augmentations, et on ferait la moyenne de ces années-là puis on n'aurait pas de difficulté à arriver à ce montant-là. Donc, je pense que ce montant-là, d'évaluation, est quand même raisonnable et puis ça peut être plus haut, ça peut être plus bas. Mais, moi, je pense que, déjà, on va avoir... peut-être en janvier M. le ministre va déposer justement la nouvelle grille de tarification forestière, et puis, on ne sait jamais, au niveau des augmentations qu'est-ce qui peut arriver. C'est des choses, en tout cas, qu'on a évaluées, là, au niveau de notre entreprise, parce que, à chaque année, ça fait mal.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Je connais évidemment votre saga comme entreprise pour en arriver à obtenir finalement un CAAF convenable. Mais vous avez noté cependant que le ministre se donne une marge de manoeuvre à partir des attributions ponctuelles, ce qui est très difficile actuellement, à tout le moins, en attendant que la période quinquennale se complète.

Entre-temps, vous avez remarqué qu'une marge de manoeuvre pas mal plus grande sera accordée au ministre pour donner des permis ponctuels sur des CAAF dont le détenteur ne récolte pas pleinement les volumes qui lui sont attribués. Alors, on n'aura pas à attendre cinq ans avant de faire des attributions à caractère ponctuel, puis au bout de cinq ans, bien, là, on pourra réajuster. Je pense que vous aviez raison de le signaler.

Mais vous vous interrogez aussi très sérieusement sur l'application du principe de coresponsabilité qu'on veut introduire dans le contexte. J'ai l'impression qu'un peu plus puis vous évoquiez la fable de La Fontaine, Le pot de terre et le pot de fer. Ça vous inquiète, en ce sens-là, d'être associé à un gros. Votre ressentiment, c'est que la coresponsabilité va être très inéquitablement partagée.

Comment, alors, peut-on en arriver autrement à atteindre cet objectif-là, de faire en sorte que, sur une aire commune, tous les bénéficiaires de contrats d'approvisionnement soient ensemble et élaborent ensemble un plan d'aménagement? Si ce n'est pas la coresponsabilité, ça pourrait être quoi? Une société conjointe d'aménagement? Comment on pourrait faire pour atteindre l'objectif?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lessard.

M. Lessard (Michel): Oui, merci. Actuellement, ce qui se fait présentement, c'est sûr que tous les plans sont déposés en accord avec tous les bénéficiaires, à travers la même aire commune, les plans d'aménagement, que ce soit les plans annuels de récolte ou les plans quinquennaux ou les plans généraux.

Nous autres, ce qu'on dit, c'est sûr qu'on ne veut pas être responsables, au niveau de la responsabilité, des faits et gestes qu'une entreprise va effectuer sur un territoire commun à notre entreprise. Pour nous, c'est difficile aussi de faire respecter... comme petite entreprise, de dire: Bien, écoute, nous autres on a un mode de coupe présentement qu'on est en train de développer, que ce soit la coupe de protection de la haute régénération, et puis, on dit à cette entreprise-là: Tu t'en vas vers ça, et puis, on voudrait, nous autres, que ce soit ce mode de coupe là qui soit appliqué. Ça va être difficile, pour une petite entreprise comme nous autres, d'imposer, peut-être, ces mesures-là aux plus grandes entreprises. Nous autres, comment on voyait ça, c'est que le régime actuel, en tout cas, l'intégration des activités, lorsqu'elle peut se faire, il le permet, et puis quand des plans d'aménagement sont déposés, tous les bénéficiaires d'une même aire commune les signent. Par contre, quand on arrive sur le mode opération ou d'application de traitement sylvicole, je pense qu'il faut que chaque entreprise soit jugée individuellement. On est prêt à être responsable des... parlons des faits et gestes qu'on peut faire au niveau de notre territoire forestier. On assume nos responsabilités mais on n'est pas prêt à assumer les responsabilités des autres entreprises.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Messieurs Lessard et Fortin, merci d'être ici avec nous. Je vais excuser notre porte-parole en matière de foresterie, Mme Nathalie Normandeau, qui est retenue à l'extérieur pour les deux dernières présentation, aujourd'hui. Et elle vous salue; elle aurait aimé être ici.

Dans votre mémoire, M. Lessard, vous dites, à la page 3, que le ministre devrait se garder une réserve qu'il pourrait accorder selon certaines conditions. Quelles sont ces conditions-là, et est-ce que vous avez, dans votre pensée, par exemple, une deuxième et troisième transformation, ce dont beaucoup de régionaux nous ont parlé, depuis le début de la commission?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lessard.

n(17 h 50)n

M. Lessard (Lucien): Le problème qu'on a vécu, c'est que, sous différents prétextes et en tenant compte aussi des circonstances du temps, sur la Côte-Nord, en particulier ? parce que, dans toutes les autres régions, actuellement, il reste quasiment juste sur la Côte-Nord où il y a encore du bois disponible, du résineux disponible ? on a décidé, à la suite, en fait, de différents faits historiques qui sont venus, même du temps du Parti libéral de M. Bourassa, quand on a lancé la ITT, et ces entreprises-là, ayant eu des difficultés, on a quand même accordé presque la totalité du bois qui était disponible à ce moment-là à une entreprise, et en relation, je comprends, avec son potentiel possible de transformation.

Or, cette entreprise-là, que je ne veux pas identifier comme telle, ne pouvait pas transformer ce bois-là, parce que toute entreprise comme telle, lorsqu'elle commence ses opérations, avant de roder etc... Je vois assez rarement une entreprise qui coupe immédiatement son bois, dès le début de la première année.

Alors, moi, ce que je dis à ce moment-là, c'est qu'on accorde du bois à cette entreprise-là ? un CAAF normal ? mais que le ministre se conserve... Dans ce temps-là, par exemple, il aurait pu se conserver un 500 000 m³ ou 600 000 m³ de bois, afin, soit de l'accorder à cette entreprise-là, si, par exemple, il y a une bonne productivité, si l'entreprise, en fait, le transforme, son bois, ou à d'autres entreprises. Parce que le système actuel ne permettait pas ? et je suis content de voir que le ministre prévoit maintenant ponctuellement d'en accorder ? selon la loi, interprétée par le ministère ? quant à moi, je contestais cette loi-là ? à une autre entreprise, alors que le bois n'était pas récolté, le bois n'était pas coupé. De telle façon que le gouvernement du Québec a perdu des millions de dollars, et non seulement il a perdu des millions, mais qu'il y a de nombreux emplois et des entreprises qui n'ont pas été capables de se développer parce que le bois était littéralement gelé par cette entreprise-là.

Alors, ce qu'on dit, nous autres, on dit au ministre: Accorde pas tout le bois dans une région; gardez-vous-en une partie pour répondre aux besoins des entreprises qui en auront besoin.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous vouliez ajouter, M. Lessard?

M. Lessard (Michel): Oui, au niveau des conditions, sur quelle forme de conditions ça pourrait être. Bien, on l'avait noté en bas de la page 3.

Alors, ce qu'on dit, nous autres, c'est les usines qui performent autant sur le plan environnemental que sur l'utilisation rationnelle de la ressource. On sait qu'on évalue les entreprises annuellement. À chaque année, on a à remplir un bilan de nos opérations de scierie et puis ce bilan-là permet d'évaluer les entreprises en termes de rendement, l'utilisation rationnelle de la ressource.

Donc, on dit: Ces volumes de bois là pourraient être attribués à ces entreprises-là en premier ou qui performent sur le plan environnemental tant au niveau forestier, qui font des belles coupes forestières ou ces choses-là.

Quand on revient, pour la deuxième et la troisième transformations, c'est sûr que, pour nous autres, Norbois, c'est une entreprise qui essaie de se développer pour une première transformation; on n'est pas rendu à cette étape-là. C'est sûr que c'est dans nos plans, mais on essaie présentement de... Ça fait que c'est peut-être un volet qu'on a moins touché, pour regarder justement la deuxième et la troisième transformations de la ressource, parce qu'on essaie de se développer initialement. Après ça, on regardera vers ces volets-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Un peu plus loin dans votre mémoire, vous dites: «Le calcul est aussi d'une complexité telle que personne n'y comprend à peu rien, à l'exception peut-être de ceux qui le gèrent.» Puis vous continuez en disant que, même ceux-là, vous en doutez, parce qu'il y a un certain nombre de décisions qui vous sont imposées et que vous vous doutez fort qu'ils comprennent les chiffres.

D'un, il y a 41 % des fonctionnaires au ministère ? c'est un sondage qui fut fait ? qui disaient qu'ils doutaient finalement des chiffres du ministère. De deux, aujourd'hui, on a eu des ingénieurs forestiers, le premier groupe qu'on a reçu ce matin, qui, lui, nous ont dit à peu près la même chose que vous, qu'ils avaient bien de la misère à comprendre ça. Et là je me suis dit: Moi qui ne connais rien là-dedans, s'il faut que les ingénieurs forestiers aient de la misère à lire ces calculs-là, le commun des mortels, il doit avoir bien de la misère, lui.

Alors, ceci dit, comment ces chiffres-là devraient-ils être présentés? Tout le monde s'entend pour à qu'il ne comprend pas les calculs, qu'il a de la misère à les lire; il n'y en a pas un qui est venu nous dire que c'était très limpide, ça, là. Comment ça devrait être présenté pour qu'on comprenne et peut-être jusqu'au dernier citoyen de la société finalement qui comprenne? Parce que c'est un bien public, hein? Ça n'appartient à personne, ça, ça appartient à tout le monde, et si ça appartient à tout le monde, tout le monde devrait être partie prenante à la compréhension de cette propriété-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lessard.

M. Lessard (Lucien): Je vous avoue que votre question est très difficile. Ce qu'on constate actuellement, c'est que, pour l'ensemble des industriels, en tout cas, c'est de la bouillie pour les chats. On vous dit dans notre mémoire aussi qu'on n'est pas venu ici pour solutionner tous les problèmes, surtout une petite entreprise comme la nôtre. Mais je pense qu'il va falloir prendre des gens... On dit que 41 % des fonctionnaires ne comprennent rien. Comment voulez-vous que, nous autres, on comprenne quelque chose?

C'est complexe, je l'admets, parce que chaque région, chaque territoire est différent, et là, c'est tellement divisé, il y a tellement de territoires que, même dans une petite entreprise qui est juste à côté de la nôtre qui est plus grande, bien, elle va payer tant du mètre cube, puis nous autres, on va payer un autre prix très élevé par rapport... Alors, je vous dis, c'est très complexe. Mais, cependant, il va falloir trouver un moyen, puis ça, écoutez, je ne suis pas capable de vous le dire aujourd'hui parce que je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais trouvez un moyen pour simplifier ça.

On nous dit, au ministère: Oui, mais tout le monde est satisfait de la façon dont on fixe les droits de coupe. Je ne suis pas sûr, sûr, moi. Je suis dans le milieu depuis quelques années, puis je m'en vais à l'Association des manufacturiers de bois de sciage puis on se parle entre nous autres, puis je vous avoue qu'il y en a une moses de gang, en tout cas, particulièrement dans les petits, qui ne comprennent rien.

Il faut comprendre une chose aussi, M. le député, c'est quand le gouvernement nous impose des droits de coupe, pour une petite scierie qui n'est pas intégrée, ça fait mal. Mais, pour une grosse entreprise comme la Consol, l'Abitibi ou la Donohue, etc., ça fait pas mal moins mal. Mais, nous autres, une augmentation, sur une année, de 250 000 $ de plus en droit de coupe, ça nous fait mal. C'est la différence entre survivre ou rentrer dans le trou.

M. Lessard (Michel): Moi, ce que j'aimerais ajouter là-dessus, c'est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, monsieur.

M. Lessard (Michel): ...quand on dit, dans notre mémoire aussi, que, les gens du ministère, on se demande s'ils comprennent, c'est que quand on reçoit la facture, quand quelqu'un envoie une facture, il est capable de nous l'expliquer. Donc, on appelle, nous autres, à notre bureau régional puis on n'est pas capable d'avoir ces informations-là. Ce qu'ils nous réfèrent, ils disent: Ce n'est pas nous autres qui avons monté le modèle; appelez à tel numéro. C'est ce qu'on vit présentement, régionalement.

Puis, pour renchérir avec ce que M. Lessard vient de dire, c'est que, au niveau des grandes entreprises, nous autres, on a une entreprise qui est non intégrée, puis le jour où... ce qu'on a vécu, au cours des deux dernières années, c'est qu'il y avait des accumulations de copeaux sur les parterres des scieries puis les prix des copeaux étaient très bas. Alors, les droits de coupe augmentaient, mais on n'avait pas plus cher pour nos copeaux.

Donc, les entreprises qui étaient intégrées, pour eux autres, les droits de coupe augmentaient. Par contre, elles pouvaient se reprendre avec les copeaux qui étaient relativement bas. Nous autres, on ne peut pas se reprendre. On est une entreprise de bois de sciage, puis ce qu'on vit, c'est des augmentations au niveau des redevances forestières. Des fois, on trouve que ça s'applique... c'est plus dur pour nous autres que pour une grande entreprise.

Mais c'est bien évident qu'il n'existe pas de système parfait. On a soulevé beaucoup de questions puis on a rencontré les gens du ministère là-dessus puis ils ont donné des informations, mais c'est difficilement compréhensible comme système de redevance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà. C'est tout le temps dont on disposait. MM. Lessard, M. Fortin, merci de votre présentation.

Votre présentation termine finalement notre commission pour aujourd'hui. Je vais donc ajourner les travaux à demain matin, 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 17 h 58)



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