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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, September 21, 1999 - Vol. 36 N° 32

Consultation générale sur le projet de loi n° 67 - Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement


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Table des matières

Organisation des travaux

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Christos Sirros, vice-président
M. Normand Jutras
M. Pierre Marsan
Mme Nathalie Normandeau
Mme Manon Blanchet
M. Stéphane Bédard
* M. Ziad Nasreddine, AJMQ
* M. Daniel Baril, FEUQ
* M. Alexis Boyer-Lafontaine, idem
* M. Alexandre Richard, FECQ
* Mme Geneviève Baril, idem
* M. Jean-Hertel Lemieux, CNJ
* M. Dominic Mailloux, idem
* M. Robert Caron, SPGQ
* Mme Louise Falcon, idem
* M. Jacques Légaré, AMPAQ
* Mme Julie Ostiguy, idem
* M. Jacques Tardif, idem
* M. Alain Busque, idem
* M. Louis Roberge, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je déclare donc la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je voudrais vous rappeler que le mandat de notre commission est de procéder aujourd'hui à une consultation générale et de tenir les auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Jutras (Drummond) remplace M. Désilets (Maskinongé).


Organisation des travaux

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Le député de Rivière-du-Loup m'a signifié qu'il désirait prendre la parole et poser certaines questions à cette commission. Alors, ce matin, vous comprendrez que nous sommes en consultation générale. Le député de Rivière-du-Loup n'est pas membre de cette commission. Alors, au moment où on se parle, puisqu'on a un ordre du jour qui est fixé, très bien encadré, comme vous pouvez le constater: on a une demi-heure pour les remarques préliminaires, et normalement, à chaque groupe, chacun des partis, soit le parti ministériel et le parti de l'opposition, a droit à 20 minutes d'échanges avec le groupe, alors, moi, à ce moment-ci, j'aurais besoin d'un consentement pour pouvoir donner la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci. C'est une excellente question à clarifier au début de cette commission, car, en effet, selon le règlement, le député de Rivière-du-Loup étant membre de l'opposition, même s'il n'est pas de l'opposition officielle, le temps qu'il utilise, que ça soit pour les remarques préliminaires ou pour du questionnement lorsqu'il y a des groupes, est généralement retranché du temps imparti à l'opposition. Alors, je crois que nous devrions clarifier cela tout de suite parce que nous risquons de nous retrouver, au cours de ces séances, des fois dans des débordements ou des situations qui pourraient amener des frustrations de part et d'autre. Et je ne crois pas que ça soit indiqué dans le cadre de cette commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'était le but de ma question, M. le député de LaFontaine. Est-ce que je comprends qu'il y a consentement pour que l'opposition puisse allouer une certaine période de son temps au député de Rivière-du-Loup?

M. Gobé: Oui. Il reste à savoir de quelle façon ça va être déterminé. Moi, j'aurais peut-être... Oui, allez-y! Je vous en prie.

(Consultation)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Drummond.

M. Jutras: J'aurais une proposition à faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Qu'il dispose d'un temps de cinq minutes qui serait à même notre temps à nous, pour moitié, et sur le temps de l'opposition.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On parle de deux minutes et demie chacun?

M. Jutras: Oui, mais je pense qu'on est capable de... Est-ce que ça va? Est-ce que ça vous convient, comme proposition?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Écoutez, il y a une proposition sur la table. Est-ce que ça convient? Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gobé: Mme la Présidente, je pense que c'est une proposition qui vient du côté gouvernemental. Je crois que nous étions, aussi, prêts à concéder bien sûr au député de Rivière-du-Loup un droit de parole. Nous savons qu'il a certainement des questions intéressantes à poser. Et, comme tout parlementaire d'une formation minoritaire, on doit donc ne pas l'ostraciser dans son coin. Alors, on doit aider et participer à l'action de la démocratie. Alors, nous consentons bien sûr à la proposition de notre collègue d'allouer une période de temps au député de Rivière-du-Loup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. Il est donc convenu que le député de Rivière-du-Loup aura droit à cinq minutes au niveau des remarques préliminaires, cinq minutes au niveau des échanges avec chacun des groupes. C'est adopté? Parfait.

Je vous donne une idée un peu de l'ordre du jour de ce matin. Ce matin, nous avons quelques groupes à rencontrer. On devrait débuter avec l'Association des jeunes médecins, pour faire suite avec la Fédération étudiante universitaire du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec, et, finalement, en fin d'avant-midi, le Comité national des jeunes du Parti québécois jusqu'à la suspension.

Alors, je demanderais au premier groupe, l'Association des jeunes médecins du Québec, de bien vouloir s'approcher pour nous déposer...

Une voix: ...


Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! excusez. J'étais en train d'oublier complètement, je suis désolée. Alors, c'est vrai, on a une demi-heure de remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre, nous allons vous reconnaître pour 17 minutes et demie, en fait, sur la demi-heure.

Des voix: Non, non, 12 minutes et demie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Ça commence définitivement très bien. Alors, Mme la ministre, je vous donne la parole.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, merci, Mme la Présidente. À peu près au même moment l'année dernière, les membres de cette commission étaient réunis pour discuter de l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives. Tout au long de cette consultation générale durant laquelle plus de 40 groupes ont présenté leur position aux parlementaires de l'Assemblée nationale, le phénomène des clauses orphelin a été décortiqué et les moyens de le contrer énergiquement débattus.

Nous nous retrouvons maintenant, un an plus tard, pour discuter du projet de loi n° 67, la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, qui constitue la réponse du gouvernement à ce problème.

Par l'expression «clauses orphelin», on désigne les dispositions des conventions collectives fixant des avantages inférieurs pour les salariés embauchés après la date de signature d'une convention collective. On peut aussi lui donner une signification plus large afin d'englober les salariés non syndiqués.

Les préoccupations soulevées par les groupes de jeunes quant à l'utilisation de ce type d'arrangement sont importantes et elles doivent être examinées avec attention. En effet, certains jeunes croient que l'utilisation de ces dispositions constitue une forme de discrimination fondée sur l'âge. Que cette discrimination soit réelle ou qu'elle soit appréhendée, nous devons répondre à leurs inquiétudes en vérifiant et en intervenant au besoin pour s'assurer que tous les membres de la société soient traités équitablement.

Le ministère du Travail se préoccupe de ce phénomène depuis longtemps et depuis plus longtemps que les préoccupations ont été portées à l'attention de l'Assemblée nationale. Ainsi, il a produit, sur une base régulière, des études sur cette question dont la première date de 1988. Par la suite, d'autres recherches portant sur l'importance relative du phénomène et de ses manifestations sectorielles dans les conventions collectives furent réalisées.

Avec l'étude contenant les dernières statistiques alors disponibles sur le sujet, le ministère a produit un document de réflexion intitulé Vers une équité intergénérationnelle qui a servi comme base de discussion à la consultation de l'année dernière. Plus récemment, il a produit deux études ayant pour but de mesurer l'incidence des clauses de disparités de traitement et d'en décrire les diverses formes prises, au fil des années, dans les conventions collectives des secteurs suivants: administration municipale, commerce de détail, alimentation et manufacturier.

(9 h 40)

Par ailleurs, il était fondamental d'évaluer les impacts d'une intervention du législateur sur la création, le maintien ou la perte d'emplois. Nous avons fait une étude à ce propos, comme nous nous y étions engagés, et je la déposerai dès que mes remarques préliminaires seront terminées.

La préoccupation des jeunes à l'égard de la place qui leur est faite dans la détermination des conditions de travail n'est pas seulement une question de spécialistes. Le nombre et la diversité de la provenance des mémoires présentés lors des audiences de 1998 démontrent bien qu'il s'agit d'une question beaucoup plus large qu'il n'y apparaissait à première vue. En effet, le débat sur les clauses orphelin en cache souvent plusieurs autres beaucoup plus larges, tels que l'intégration des jeunes au marché du travail, la compétitivité des entreprises québécoises dans une économie sans frontière, le lien entre la formation académique et les emplois disponibles, l'intervention de l'État dans les rapports collectifs de travail, la distribution de la richesse dans notre société.

Ce débat ne concerne pas que les jeunes. L'enjeu, c'est aussi la place que l'on fait aux travailleurs de tous âges qui sont déjà sur le marché du travail parfois depuis plusieurs années, mais qui doivent se retrouver un emploi parce qu'ils ont perdu le leur ou parce qu'ils sont retournés aux études. Je pense, par exemple, aux femmes qui avaient un emploi mais qui ont quitté temporairement le marché du travail pour s'occuper de leurs enfants.

Si ces enjeux sont fondamentaux, ils ne doivent pas nous faire oublier l'objet de cette consultation générale: l'étude du projet de loi n° 67 qui vise à interdire les disparités de traitement fondées uniquement sur la date d'embauche entre les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement. Le projet de loi n° 67 fait donc suite aux travaux de la commission de l'économie et du travail et à un engagement du gouvernement d'intervenir pour contrer le phénomène des clauses de disparités de traitement.

À ce sujet, j'aimerais, avant d'aller plus loin dans l'explication de ce projet de loi, présenter quelques remarques d'ordres sémantique et juridique. Plusieurs groupes mentionnent, dans leur mémoire, le caractère discriminatoire des clauses orphelin. D'une part, en matière d'emploi, la Charte des droits et libertés de la personne interdit la discrimination, notamment dans l'embauche ou dans l'établissement de conditions de travail d'une personne pour l'un ou l'autre des motifs qui sont énumérés, par exemple: l'âge, le sexe, la race ou la religion. Le principe d'un salaire égal pour un travail égal y est aussi clairement énoncé.

D'autre part, la Charte reconnaît explicitement que des différences de traitement ou de salaire peuvent ne pas être discriminatoires. Le projet de loi n° 67 sur les disparités de traitement ne vise pas à dédoubler la Charte, il vise plutôt à compléter cette loi-cadre en introduisant dans une législation du travail de nouvelles protections pour les salariés. À titre d'exemple, l'application du principe d'égalité de traitement inscrit dans la Charte est prévue dans une loi spécifique à cet effet, la Loi sur l'équité salariale.

Le projet de loi n° 67 procède de la même manière. Il vise à interdire certaines pratiques de rémunération qui ne sont pas nécessairement discriminatoires ou interdites au sens de la Charte mais qui, socialement, ne sont pas souhaitables. C'est d'ailleurs pour éviter toute ambiguïté quant à la nature de la législation proposée que l'expression «disparités de traitement» proposée par la Commission de terminologie juridique a été retenue dans le projet de loi.

Cette mise au point étant faite, je présenterai maintenant le projet de loi comme tel qui a fait état des choix du gouvernement. Ce projet de loi propose une définition qui réfère aux conditions de travail visées par la Loi sur les normes du travail, une législation d'ordre public qui établit des conditions minimales de travail.

En encadrant l'interdiction des clauses de disparités de traitement dans la Loi sur les normes du travail, le législateur énonce le principe qu'il faut interdire les disparités de traitement fondées uniquement sur la date d'embauche. L'effet recherché par le projet de loi vise précisément à faire en sorte qu'à l'avenir aucune convention collective, aucun décret, aucune politique d'entreprise ne puisse avoir pour effet d'accorder à un salarié, uniquement en fonction de sa date d'embauche, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement.

Ainsi, un salarié, syndiqué ou non, visé par un contrat de travail individuel ou collectif pourra faire appel à la Commission des normes du travail en vue de faire corriger une situation qui n'est pas conforme à la loi et d'obtenir une assistance technique ou juridique efficace et peu coûteuse.

Les matières visées par le projet de loi sont le salaire, les pourboires, la durée de la semaine normale, les heures supplémentaires, les jours fériés, chômés et payés, les congés annuels payés, le repos hebdomadaire, les périodes de repas, les congés pour événements familiaux, les avis de cessation d'emploi ou de mise à pied, le certificat de travail, l'uniforme de travail lorsqu'il est obligatoire, ainsi que les primes, indemnités et allocations diverses établies par le règlement du gouvernement du Québec.

Il s'agit donc d'un projet de loi qui ne vise pas uniquement les salaires, mais toutes les conditions de travail établies par une loi qui s'applique à la très grande majorité des travailleuses et des travailleurs du Québec.

Le projet de loi n° 67 prévoit qu'une condition de travail moins avantageuse fondée sur l'ancienneté ou la durée du service continue n'est pas interdite. Par ancienneté, on entend habituellement la durée du service, généralement connue, d'un travailleur dans un emploi ou pour une entreprise. À ce sujet, il est important de rappeler que l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, une loi quasi constitutionnelle, reconnaît explicitement que la différence de salaire fondée sur ces critères n'est pas discriminatoire. En effet, l'ancienneté est une notion bien présente dans les conventions collectives. Elle reconnaît la fidélité des salariés à l'égard de l'entreprise, la reconnaissance de leur contribution à son développement et l'expérience acquise au fil des années.

Le projet de loi n° 67 n'interdit pas la modification de l'amplitude de l'échelle salariale applicable à tous les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement ou le remplacement du taux unique de salaire jusqu'alors applicable à ces salariés par une échelle de salaires.

Enfin, relativement aux matières visées, le projet de loi n° 67 stipule que les conditions de travail d'un salarié ne sont pas remises en compte lors d'un reclassement, d'une rétrogradation ou encore lors d'un accommodement particulier pour une personne devenue handicapée ou suite à une fusion d'entreprises ou à la réorganisation interne d'une entreprise. Dans ces situations, des conditions de travail temporairement plus avantageuses que celles applicables à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement sont permises par le projet de loi.

Le projet de loi prévoit une période de transition de trois ans. Cette période a pour but de permettre aux parties d'apporter les correctifs nécessaires au respect des principes qui y sont énoncés. La conjoncture économique et l'évolution des marchés continueront à inciter les entreprises à trouver des solutions originales basées sur la promptitude à réagir à des situations changeantes.

Enfin, le projet de loi n° 67 prévoit que la ministre du Travail doit, au plus tard cinq ans après la sanction de la loi, faire un rapport sur l'application dudit projet de loi. Ce rapport permettra au gouvernement d'évaluer l'effet de la législation eu égard aux objectifs visés et de décider de la suite des choses.

J'écouterai donc avec attention toutes les modifications au projet de loi qui nous seront proposées pour mieux contrer les disparités de traitement fondées sur la date d'embauche tout en préservant la souplesse indispensable aux entrepreneurs québécois qui, je le rappelle, sont des créateurs d'emplois et les piliers du développement économique du Québec. Et, comme ministre du Travail, je me dois de préserver la capacité concurrentielle des entreprises québécoises et la possibilité pour les parties de négocier des conditions de travail adaptées à la situation de leur organisation.

En terminant, avant de débuter cette consultation, j'aimerais faire part, aux membres de cette commission et aux personnes qui vont apporter leurs préoccupations devant cette commission, d'un souhait. Tous et toutes, nous devrons faire l'effort d'aller plus loin et d'aller au-delà des positions qui ont déjà été exprimées jusqu'à maintenant. J'ai lu les mémoires et je crains, après ces lectures, que chacun ne fasse que répéter des positions déjà connues. J'ai confiance au processus parlementaire. J'ai espoir que cette consultation nous fasse avancer, mais à une condition: que nous nous détournions des clips pour la télé et que nous nous tournions vers la recherche de solutions. Contrairement à ce que je lis et vois depuis deux jours dans les médias, ce dossier n'est pas relativement simple, bien au contraire, et pour le dénouer il faudra que les uns soient attentifs aux préoccupations des autres et, je le répète, que les uns et les autres évitent les raccourcis habituels.

Alors, je termine en déposant cette étude qui a été réalisée par le ministère du Travail en collaboration avec d'autres ministères, notamment le ministère de l'Industrie et du Commerce et le ministère de la Solidarité, secteur emploi. Cette étude est une étude d'impact. Évidemment, il est extrêmement difficile de mesurer tous les impacts, mais nous avons fait l'effort de les mesurer dans trois secteurs particuliers: l'administration locale, le commerce de détail, plus particulièrement les marchés d'alimentation, et le secteur manufacturier. Alors, j'espère que cette étude contribuera à bien alimenter nos débats. Merci, Mme la Présidente.


Document déposé

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la ministre. L'étude est donc déposée, elle a été distribuée. Je cède donc la parole à M. le député de LaFontaine pour 12 min 30 s.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, mesdames et messieurs, c'est un plaisir d'être ici aujourd'hui pour discuter de ce problème très important qui est la discrimination dans les conditions de travail des jeunes au Québec. C'est un plaisir, pas de discuter de la discrimination mais de ce problème. C'est un problème qui est chez nous apparu il y a plusieurs années et qui a pris son ampleur plus récemment avec les coupures budgétaires, les restrictions budgétaires du gouvernement et les ponctions dans les budgets des municipalités.

(9 h 50)

Alors, Mme la Présidente, la jeunesse d'aujourd'hui connaît, tout le monde le sait, des moments extrêmement difficiles. Pour plusieurs d'entre eux, le chômage, la pauvreté, l'insécurité et la précarisation de l'emploi sont autant de maladies qui affectent durement nos jeunes Québécois et Québécoises. C'est la pérennité de notre société et notre avenir collectif qui sont en cause et qui sont interpellés. Car, en effet, chaque fois qu'une décision difficile doit être prise dans une entreprise, c'est toujours le plus jeune qui écope le premier, c'est toujours le dernier entré qui sort le premier, pour toutes sortes de raisons.

On oublie trop souvent que, pour le commun des jeunes, le seul fait d'entrer sur le marché du travail constitue en soi un événement fantastique qu'il faudrait souligner tellement c'est difficile pour un jeune d'aujourd'hui de percer le mur du marché du travail. L'employeur avisé demandera non seulement le meilleur des diplômés, mais aussi de l'expérience. Bien souvent, le jeune travailleur a le diplôme mais pas l'expérience, ou bien l'expérience mais pas le diplôme. C'est comme ça et malgré tout – et heureusement – le Québec forme encore à grands frais des diplômés universitaires qui, trop souvent, ont de la difficulté à se trouver un emploi dans leur domaine.

Alors, aujourd'hui, Mme la Présidente, nous allons entamer ce qui est probablement un débat de société. Quelle sorte de place voulons-nous faire à nos jeunes sur le marché du travail au Québec? Voilà le débat que nous allons entamer aujourd'hui. Comment peut-on favoriser une plus grande solidarité entre les générations de travailleurs dans les milieux de travail? Comment peut-on assurer, en période de crise, une plus grande cohésion de toutes les forces vives de l'entreprise? Comment concilier l'intérêt non seulement des jeunes travailleurs qui arrivent, mais aussi des plus âgés qui ne demandent pas mieux que de contribuer à la transmission de la connaissance et de la précieuse expérience qu'ils ont acquises sur le tas au fil des années de dur labeur dans leur entreprise? Et c'est là, Mme la Présidente, un grand défi que nous allons devoir relever comme parlementaires.

Les principes qui doivent nous guider, la ministre en a parlé, sont inscrits dans la Charte québécoise des droits et libertés qui interdit la discrimination dans les milieux de travail. La date d'embauche comme seul critère distinctif a été jugée par la Commission des droits de la personne comme étant discriminatoire.

Voilà donc le principe de base que nous devons comprendre et promouvoir, non seulement interdire la discrimination, mais aussi faire la promotion de l'équité entre les générations afin d'avoir un partage plus équitable de la richesse mais aussi des moments plus difficiles à passer lorsque les cycles économiques sont différents. La discrimination, Mme la Présidente, n'est pas porteuse et chacun sait qu'elle nourrit des conflits, nuit à la productivité, sape le sentiment d'appartenance à l'entreprise, et il faut la combattre efficacement, avec intelligence et imagination.

Comme opposition, ici, nous avons l'intention d'écouter les jeunes, de questionner les situations, d'écouter aussi des entreprises, leurs ouvriers qui ont vécu des situations difficiles. Nous allons également entendre des experts en relations industrielles, des grandes centrales syndicales, des associations patronales et commerciales et, bien souvent, des gens qui vivent le phénomène de discrimination eux-mêmes dans leur entreprise ou dans leur corps professionnel.

Leurs témoignages seront importants, le dossier est en effet controversé et on sent un clivage très net. Pour plusieurs, la clause discriminatoire est une solution. Alors, il faut trouver des alternatives susceptibles de rassembler tout le monde dans la lutte contre les traitements discriminatoires à l'endroit des nouveaux ou des futurs travailleurs ou travailleuses.

La ministre s'est engagée, hier, dans un clip à la radio, à amender son projet de loi. Voilà pour nous une bonne nouvelle. Ce qui me permet de lui renvoyer aussi qu'on n'est pas ici pour faire des vidéoclips, on ne sera pas non plus ici pour faire des radioclips, et qu'il serait important, lorsqu'on a l'intention d'amender le projet de loi, que les parlementaires de la commission en soient saisis avant les gens de la radio.

Et dans quel sens, dans quelle direction a-t-elle l'intention d'apporter des correctifs? Avant, pendant ou après le Sommet du Québec et de la jeunesse? Est-ce que la ministre a l'intention d'adopter une loi bonifiée cet automne ou plus tard? Voilà des questions qui s'imposent. Car, en effet, ce projet de loi, dans sa forme actuelle, comporte très peu d'éléments permettant d'espérer que la discrimination disparaisse des milieux de travail.

Certains groupes ont raison de prétendre qu'au contraire la ministre et le gouvernement du Parti québécois, contrairement à leur engagement électoral, légalisent au lieu d'interdire plus de la moitié des clauses dénoncées par les jeunes. Tous le secteur public, parapublic, municipal, les grands réseaux de l'éducation et de la santé ne sont pas ciblés correctement par ce projet de loi là. Qu'en est-il dans les négociations actuelles du secteur public des clauses orphelin?

Il n'y a rien non plus dans le projet de loi qui favorise une meilleure cohésion entre les générations, aucun dispositif qui permettrait de déployer des mesures actives pour favoriser le maintien, l'insertion ou la création d'emplois pour les jeunes qui sont visés et victimes de telles clauses discriminatoires.

Le gouvernement ne prévoit aucun support technique ou aucune autre aide pour aider les entreprises en difficulté qui pourraient voir leurs équilibres financier ou compétitif en danger ou leur productivité perturbée par cette situation et des conflits qui en résultent entre les employés plus jeunes et les moins jeunes.

Nous espérons que les audiences publiques puissent inspirer le gouvernement qui, pour l'instant, semble manquer pas mal d'imagination. Comme la cause est juste et la proposition du gouvernement faible, l'opposition a l'intention d'entrer dans une opération de construction avec les groupes et les autorités gouvernementales pour accélérer la procédure et favoriser l'émergence d'une vraie législation efficace pour contrer la prolifération des clauses orphelin.

Je rappelle que ce même gouvernement, que nous avons en face, a lui-même légiféré dans le secteur municipal en inscrivant dans sa loi spéciale n° 414 les recettes des clauses orphelin. C'est une première dans l'histoire.

Alors, Mme la Présidente, même si nous sommes naturellement sceptiques face aux actions du gouvernement, l'opposition offre sa contribution pour que ce gouvernement corrige les erreurs commises, notamment dans les secteurs de l'éducation, de la santé et des affaires municipales. Nous espérons sincèrement que l'étude de ce projet de loi, ainsi que les travaux qui suivront, permettront aux deux côtés de la Chambre de travailler ensemble afin de trouver les meilleurs outils pour qu'enfin la jeunesse québécoise prenne toute la place qu'elle mérite dans les milieux de travail et que les clauses discriminatoires disparaissent.

Mais nous devrons, Mme la Présidente, avoir aussi toujours en tête de nous assurer que le projet de loi augmente la possibilité et la capacité des jeunes de prendre leur place sur le marché du travail. Sinon, à quoi bon légiférer si, au bout du compte, des jeunes travailleurs québécois et québécoises soient laissés pour compte ou que des pertes d'emploi soient constatées? À ce moment-là, ferions-nous acte utile envers les jeunes?

Mme la Présidente, le projet de loi ne reflète en effet nullement les conclusions des consultations sur le même sujet, tenues à l'automne dernier. La ministre devra donc se rendre à l'évidence et le modifier pour répondre aux aspirations des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, vous disposez de cinq minutes de remarques préliminaires.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Alors, merci, Mme la Présidente. La commission qui commence aujourd'hui étudie évidemment un projet de loi, un libellé de législation, pour corriger un problème. Ce à quoi, je pense, il faudra référer en commençant nos travaux, c'est aux principes qui doivent ou, en tout cas, devaient guider le gouvernement dans son action parce que généralement la rédaction de textes législatifs doit suivre la conviction qu'on a de mettre en application un certain nombre de principes.

Dans le cas qui nous occupe, le principe, c'est celui de l'équité envers les jeunes, du juste partage de sacrifices en matière de renégociation de masse salariale quand le cas est nécessaire. Et, quand on lit le projet de loi qui est devant nous, on ne peut pas comprendre sur quels principes ça s'appuie, on ne peut pas comprendre comment des clauses discriminatoires peuvent être acceptables pendant les trois prochaines années, inacceptables durant les deux suivantes et redevenir acceptables pour le reste de la vie ensuite.

Et c'est de ça, je pense, que la ministre va devoir nous parler. Son projet de loi, à date – et la plupart des groupes l'ont exprimé – est une difficile base de travail dans la mesure où on comprend qu'elle a voulu raccommoder des intérêts, mais on ne sait plus est-ce que la ministre du Travail, est-ce que le gouvernement du Québec, est-ce que le premier ministre sont pour ou contre les clauses orphelin. Ils ont posé des gestes et on ne sait toujours pas aujourd'hui est-ce qu'ils sont pour ou contre, est-ce qu'ils trouvent ça acceptable ou inacceptable. On ne le sait pas.

La ministre nous à invités. Elle a dit: Je crains qu'on répète des positions déjà connues. Je comprends qu'elle craint ça parce que les positions déjà connues de son gouvernement, c'est des engagements électoraux, puis là elle craint que les gens répètent leurs positions parce qu'elle a dit: Moi, je me garde bien de répéter mes engagements électoraux; au lendemain de l'élection, on les met de côté puis on ne les répètera pas, puis j'espère que les autres vont faire pareil, j'espère que les autres vont tous changer d'idée parce que, nous autres, au gouvernement, on a changé d'idée.

(10 heures)

Bien non. Il y a des gens qui vont venir, il y a des groupes de jeunes qui sont venus en commission parlementaire, l'an dernier, exprimer des positions de principes puis qui vont revenir cette année parce que les principes n'ont pas changé en un an, puis la situation économique des jeunes du Québec n'a pas changé en un an et qui vont venir les exprimer.

L'étude maintenant. L'étude nous arrive un peu à la dernière minute. Certainement que les gens qui ont préparé des mémoires auraient aimé l'avoir en main pour travailler sur leur mémoire parce que l'étude vient renforcer considérablement l'argumentation de ceux qui accusent la ministre de légaliser les clauses orphelin. Là, je l'ai regardée – vous me comprendrez – très, très rapidement – ça fait 10 minutes qu'on l'a dans les mains – mais, à la page 16, tableau 3, on constate que, dans les administrations locales, les administrations municipales, la ministre légalise, par le rallongement d'échelle, 40 clauses orphelin sur 56, en interdit 16.

Je pensais, moi... J'avais formulé l'hypothèse, depuis le début des travaux, que c'était à peu près moitié-moitié, que c'était environ la moitié des clauses orphelin qui étaient... Non. Dans le secteur municipal, qui est un des plus odieux parce que c'est des fonds publics qui sont gérés puis à travers lesquels on discrimine les jeunes, c'est 40 sur 56 qui sont légalisées par le projet de loi plutôt que d'être interdites. Dans le secteur manufacturier, c'est 11 sur 21 dans celles qui ont été étudiées.

Et, quand on va au tableau de la page 11 puis on regarde les sommes d'argent, les discriminations en termes d'écarts salariaux qui sont données aux jeunes, qui sont enlevées aux jeunes en fait, on s'aperçoit que le rallongement d'échelle en pourcentage est beaucoup plus pénalisant que les doubles échelles, quand on regarde les écarts, là: moins 21 %, moins 30 %, c'est des écarts qui sont encore plus considérables. Or, ça pose une sérieuse question.

L'étude, à mon avis, vient complètement mettre le clou dans le cercueil du projet de loi n° 67 en montrant à quel point les cas dont on a discuté, les cas que les jeunes ont dénoncés, les cas qui ont fait sentir à des jeunes qu'ils étaient des travailleurs de deuxième classe dans la société québécoise, bien comment ça va continuer à se maintenir. Parce que l'étude d'impact qui est faite par le ministère du Travail traduit l'ampleur du phénomène du rallongement d'échelle comme étant finalement au coeur de la problématique. Rallongement d'échelle, je le rappelle, pour les membres de la commission, qui va continuer à être permis, qui va être légalisé.

Le député de LaFontaine nous disait tout à l'heure: C'est le même gouvernement qui a proposé aux municipalités nos recettes de clauses orphelin l'année passée. Mais là maintenant il propose dans le projet de loi n° 67 une nouvelle recette. Il dit aux gens: On interdit certaines clauses orphelin, mais voici le mécanisme qu'on suggère pour vous en sortir. Puis c'est un mécanisme que, si vous l'utilisez à répétition, il va vous permettre de maintenir les clauses pendant un bon bout de temps.

Alors, c'est ce qu'on va avoir à débattre dans les jours qui viennent. Je croyais, après avoir lu Le Journal de Québec ce matin, que la ministre allait aujourd'hui être plus claire, plus ferme sur sa volonté de déposer un nouveau projet de loi, une nouvelle version. On va devoir, semble-t-il, attendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Rivière-du-Loup.


Auditions

Je demanderais maintenant à l'Association des jeunes médecins... C'est vrai cette fois-ci, vous pouvez vous approchez pour venir nous donner votre mémoire.


Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ)

M. Nasreddine (Ziad): Merci pour l'invitation. Moi, je m'appelle Ziad Nasreddine. Je suis le président de l'Association des jeunes médecins du Québec. Malheureusement, mes deux collègues n'ont pas pu se libérer de leurs tâches cliniques aujourd'hui pour pouvoir me rejoindre pour cette commission parlementaire.

Alors, c'est la deuxième fois qu'on participe à cette commission sur le même sujet. Les arguments vont peut-être être redondants par moments, mais c'est important qu'on insiste sur les diverses discriminations qui affectent les jeunes médecins. S'il y avait une compétition à avoir entre les divers groupes de jeunes pour savoir qui est touché le plus par les clauses discriminatoires, je suis sûr que les jeunes médecins seraient en tête de liste ou pas loin.

Je vais vous énumérer quelques clauses discriminatoires que les jeunes médecins ont subies depuis plusieurs années. Ce n'est pas nouveau chez les jeunes médecins et ça s'est accentué au même rythme que les autres groupes de jeunes. Et on est là aujourd'hui pour dire que les jeunes médecins sont au même titre que les autres travailleurs, ils devraient être protégés de la même façon. C'est donc des orphelins comme les autres de ces clauses discriminatoires là.

Ça a commencé en 1982 où il y avait une pénurie... de la répartition des effectifs médicaux. Donc, il y avait un problème de répartition pour les régions éloignées. Et c'est vrai que les médecins, nous n'avions pas pris à charge les régions éloignées et nous n'avons pas été, d'une façon, efficaces pour répondre aux besoins des régions éloignées.

Donc, là, on a décidé que c'étaient les jeunes qui allaient assumer cette responsabilité à eux tout seuls. Donc, on a décidé de faire un décret punitif en 1982: on a coupé les jeunes s'ils s'installaient dans les régions urbaines. Seulement les jeunes. Comme ça, il y aurait un genre de pseudo-incitatif pour les pousser à aller en régions éloignées. Mais ce n'était pas la responsabilité de toute la population médicale de partager cette responsabilité-là et de chacun aller en régions éloignées. Bien sûr que les jeunes sont plus mobiles, qu'ils peuvent aller en région plus facilement, mais ce n'est pas avec des coups de bâton... On voudrait que ça soit plutôt avec un respect de leur compétence et de leur volonté d'aller servir en régions éloignées. Ça, c'était en 1982, donc la première fois.

Après ça, c'étaient les autres tâches difficiles que la majorité des omnipraticiens ne faisaient pas assez: l'urgence, faire l'hospitalisation, la gynéco-obstétrique, la garde, les soins prolongés, les centres de soins prolongés et de gériatrie également. Toutes ces tâches-là que les omnipraticiens devraient assumer n'ont pas été assumées de façon efficace. Alors, on a dit: O.K. Encore une fois, c'est les jeunes qui vont l'assumer. Eux vont l'assumer avec une pénalité de 30 % s'ils ne les assument pas, pendant 10 ans. 30 % de leurs revenus. Au lieu de reconnaître leur compétence pour assumer ces tâches-là qui sont assez lourdes et difficiles, on décide plutôt de les couper de 30 % pendant 10 ans comme incitatif, entre guillemets, à faire ces tâches-là.

Ce qui est absurde aussi c'est que, dans les CLSC, les jeunes médecins qui sont aux CLSC sont soumis aussi à une échelle salariale, et cette échelle salariale là est soumise, elle aussi, au décret punitif dans les régions urbaines. Ça veut dire qu'il y a déjà une échelle dans les cinq premières années pour les jeunes médecins omnipraticiens dans les CLSC. Là-dessus, on rajoute le 30 % de coupure dans les régions urbaines. Ce qui arrive, c'est que les jeunes omnipraticiens sont à 59 % de leurs revenus par rapport à leurs collègues dans les CLSC de Montréal et des autres régions urbaines. Et on se demande comment ça se fait qu'il n'y a pas de médecins dans les CLSC ou comment ça se fait que les jeunes ne s'installent pas dans ces milieux-là! Mais c'est quand même assez discriminatoire, 59 % de leurs revenus par rapport aux mêmes responsabilités. Ils doivent assumer les mêmes responsabilités que leurs collègues dans ces milieux.

Après ça, en 1989, on a aussi enlevé le permis de pratique des médecins résidants, alors que eux allaient faire des activités de remplacement dans les régions où il y avait des pénuries d'effectifs. Donc, on continue à enlever des privilèges aux jeunes médecins.

L'odieux de tout, c'est en 1995. Alors que, dans les autres années, c'était au moins pour offrir un service quelconque, une tâche lourde ou les régions éloignées, qu'on faisait de la discrimination, mais, en 1995, c'était la coupure budgétaire. Donc, là, les spécialistes... ont coupé de 30 % pendant leurs premières années les jeunes médecins, et ce, peu importe le territoire. Ils étaient coupés dans tous les territoires du Québec. Donc, il n'y avait pas de but de vraiment répartir les effectifs médicaux. Et, au lieu de faire assumer l'ensemble de la coupure par tous les médecins, ce qui aurait coûté seulement 1 % à tous les médecins, on coupe de 30 % les jeunes dans leurs quatre premières années de pratique. Et, dans tous les territoires du Québec, il y avait des coupures comme ça. Donc, ça n'encourageait aucunement les médecins de cette façon-là à aller vaquer à des occupations et à des responsabilités similaires à leurs collègues.

Donc, on est là aujourd'hui pour vous dire que les jeunes médecins ont assez contribué dans toutes les tâches difficiles, dans les coupures budgétaires, et c'est le temps que tout le monde soit mis à contribution et qu'on mette tous la main à la pâte pour effectuer les tâches qui sont difficiles. Nous refusons catégoriquement de continuer à ramasser les pots cassés, à récolter les tâches que nos collègues ne veulent pas faire et à subir des coupures budgétaires non équitables.

Le projet de loi en question qui est déposé par Mme Lemieux doit être modifié, à notre avis, pour interdire les clauses discriminatoires temporaires. Parce que, éventuellement, les jeunes médecins finissent par être à 100 %, mais la discrimination qui est temporaire dure trois à quatre années et les conséquences de ces mesures punitives là sont permanentes, même si les clauses sont temporaires, pour ces jeunes travailleurs.

On voudrait que, tout en éliminant les clauses temporaires, les médecins puissent être inclus dans ce projet de loi au même titre que les autres travailleurs au Québec. Ils ont le même droit à la même protection, et c'est ça qu'on voulait vous dire. Puis, avec ce projet de loi, le gouvernement s'exclut lui-même de la loi, ce qui lui permettra de continuer à imposer les clauses discriminatoires aux jeunes médecins. Le gouvernement devrait donc donner l'exemple en interdisant les clauses discriminatoires dans ses propres ententes.

(10 h 10)

Alors, on sait que les jeunes médecins sont soumis à la Loi de l'assurance-maladie, donc ils sont exclus du Code du travail. Donc, il faudrait que ça soit modifié pour que tous les travailleurs du Québec soient protégés de la même façon.

J'arrête ici mon intervention. C'est plus bref que prévu, mais je suis prêt à prendre des questions, s'il y en a.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Nasreddine. Mme la ministre, est-ce que vous avez des interventions?

Mme Lemieux: Oui, Mme la Présidente. D'abord, deux petites remarques préliminaires au sujet de l'intervention du député de Rivière-du-Loup. D'abord, il faudrait peut-être lire l'étude avant de la commenter. Deuxièmement, son interprétation du tableau 3 est assez rapide. Le député de Rivière-du-Loup nous dit qu'il s'attendait peut-être à un nouveau projet de loi. Écoutez, il y a un avis de consultation qui a été fait sur ce projet de loi là. Moi, je crois et je respecte le processus parlementaire et je ne pense pas que c'est sage de changer les processus en cours de route. Et, comme je l'ai dit dans ma conclusion, je suis ici en position d'écoute. Je pense qu'on cherche les meilleures solutions. Alors, il faudrait s'engager dans le même processus.

Maintenant, M. Nasreddine, j'ai pris connaissance de votre mémoire et je connais vos préoccupations. Je pense que vous vous êtes exprimé depuis plusieurs mois sur ce type de questions là. Je vais vous avouer que je suis un peu... Je ne sais pas trop comment aborder cette période-là avec vous parce que vous avez effectivement une première page qui dit: Mémoire de l'Association des jeunes médecins du Québec, projet de loi n° 67, etc., daté de septembre 1999, mais, quand on se rend à la troisième page, ça s'appelle finalement Les effectifs médicaux au Québec .

Et ce que je remarque et ce que je constate... Y a-t-il un problème d'agenda? Si vous me permettez l'expression, dans le sens où ce que vous soulignez comme problèmes sont des problématiques, assez complexes d'ailleurs, de répartition des effectifs médicaux, de moyens pour s'assurer d'une répartition correcte sur tout le territoire du Québec, de pénurie dans certains cas de médecins dans certains territoires. Alors, c'est davantage ce type de problèmes là que des problèmes de coûts de main-d'oeuvre.

Je pense que vous avez compris que l'esprit du projet de loi, c'est de faire face à des situations où des entreprises vivent des problématiques difficiles de concurrence et donc où il y a un problème de coût de main-d'oeuvre. Puis la question est de savoir comment on répartit ces inconvénients qui sont vécus suite à une situation économique difficile. Alors, le projet de loi déposé est dans un régime très, très large. Vous arrivez ici avec une problématique qui est réelle, je ne la nie pas, mais je ne suis pas sûre qu'on est à la bonne place, là, vous et nous, à ce moment-ci.

Par ailleurs, vous faites un plaidoyer pour que les médecins soient considérés comme des salariés, comme tous les autres travailleurs, etc., mais vous savez qu'on a un régime qui est très différent par rapport à ça. Les médecins sont considérés comme des travailleurs autonomes, dans un certain sens. On peut bien questionner ça, mais vous mettez tout ça en cause, là. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Êtes-vous à la bonne commission parlementaire?

M. Nasreddine (Ziad): J'espère que je suis à la bonne.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Je comprends votre point de vue, mais toutes les clauses que je viens d'énumérer là sont toutes des clauses qui ont été amenées par le gouvernement. Le gouvernement doit protéger donc tous les citoyens de la même façon. Et toutes ces clauses qui ont été signées, parfois par décret parfois en négociation avec nos propres syndicats, ont été approuvées par le gouvernement et elles sont toutes éligibles, disons, à la définition des clauses discriminatoires.

Donc, si je ne suis pas à la bonne commission, je ne sais pas à laquelle je devrais m'adresser parce que c'est vraiment la commission idéale pour vraiment enrayer les problèmes de discrimination chez les jeunes médecins, surtout qu'il n'y a pas vraiment... C'est pas comme l'entreprise privée, il faut vraiment que ça soit des valeurs véhiculées par le gouvernement, qu'il donne le modèle à travers ses ententes envers ses divers travailleurs. Même s'ils sont des travailleurs autonomes, ça ne l'excuse pas pour ne pas faire l'effort de changer ses ententes pour qu'elles soient tout à fait équitables pour l'ensemble de ses travailleurs.

Et le pourquoi qu'on a amené le mémoire d'effectifs médicaux que j'ai accolé au mémoire de la commission parlementaire sur les clauses discriminatoires, c'est qu'ils nous ont toujours accusés: On ne peut pas enlever les mesures punitives chez les jeunes médecins parce que c'est toujours relié au problème de répartition des effectifs médicaux, comme si c'était la seule... nous sommes les seuls responsables de la répartition des effectifs médicaux. C'est pour cette raison-là qu'on a voulu amener des solutions au problème, pour qu'on puisse être responsable. Je veux dire, juste enlever les punitions puis au diable les incitatifs pour les régions, il faudrait qu'on amène des solutions qui soient vraiment crédibles. Et c'est pour ça qu'on a fait un grand travail d'essayer d'amener des alternatives aux mesures punitives. Donc, on ne voulait pas juste décrier les problèmes sans amener des solutions, et c'est pour ça qu'on a un volumineux document qui accompagne notre mémoire.

Et notre mémoire de l'année dernière, on n'a pas voulu le reproduire, on voulait simplement vous amener l'essentiel dans la première page, puis vous amener toutes les solutions auxquelles nous avons pensé. Parce que c'est toujours comme ça qu'ils nous disent: On ne peut pas vous enlever ça, chez les médecins, c'est toujours différent chez vous; si on enlève la punition dans les régions urbaines, là, il y aura un problème de répartition des effectifs médicaux dans les régions éloignées.

On comprend tout à fait ça et c'est pour cette raison-là qu'on veut, en même temps, en enlevant les mesures punitives, rassurer tout le monde qu'on pense à des alternatives. Et, si ça coûte cher, disons, faire des incitatifs pour les régions éloignées et que la raison, c'était une raison budgétaire, à ce moment-là qu'on puisse prendre des prochains budgets, peut-être, pour que ce soit réparti de façon équitable entre les régions urbaines et les régions éloignées et qu'on arrête la discrimination des jeunes médecins. Mais je pense que le gouvernement a un rôle très important et il peut faire beaucoup de choses encore pour les jeunes médecins et je pense que cette commission-là devrait pouvoir faire quelque chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bien, peut-être une dernière remarque. C'est sûr que la situation que vous soulignez pose toutes sortes de questions. Moi, j'en conviens tout à fait. Je pense qu'il y a des débats à avoir aussi avec vos fédérations professionnelles et différentes corporations professionnelles en cause aussi. Et vous savez que, ces derniers jours, il y a des gens de mon entourage au ministère du Travail qui me disaient que, même si on est strictement au projet de loi, la simple présence d'un projet de loi comme celui-là a beaucoup d'influence, par exemple, dans certains conflits de travail ou renégociations de conventions collectives. Ça a déjà un effet moral, si je peux m'exprimer ainsi.

Mais je persiste à croire que ce que vous soulevez, c'est un problème de répartition des effectifs, c'est une problématique qui déborde largement ce qu'on essaie de faire actuellement. Une problématique, d'ailleurs, qui est dans un tout autre régime, dans le circuit de la Loi de l'assurance-maladie où il y a déjà des cadres qui sont donnés. Moi, je vais vous dire qu'à ce moment-ci je ne vois pas comment on peut aller plus loin. Honnêtement, je pense qu'il faut que ce type de problématique là, extrêmement complexe, soit débattu aux bons endroits.

Ceci étant dit, ce que vous illustrez est pertinent, mais je ne pense pas que c'est dans une loi générale comme celle qu'on essaie d'adopter actuellement qu'on va régler le problème des effectifs médicaux. Je ne veux pas faire des raccourcis, mais c'est un peu ça dont vous nous parlez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Oui, merci. Alors, je suis d'accord que c'est vrai qu'on ne peut pas tout régler dans cette commission-là, tous les problèmes de répartition des effectifs médicaux et les problèmes qui affectent notre système de santé. C'est très complexe. Mais il y a quand même une portion qui est clairement identique à tous les autres travailleurs du Québec, c'est: en 1995, il y a eu une entente qui régit tous les spécialistes et cette entente-là est clairement une coupure budgétaire. Et c'est exactement pareil comme tous les autres secteurs: pour éviter 1 % à la masse des médecins spécialistes, on a coupé de 30 % les jeunes médecins.

Alors, ça, vraiment, c'est une entente signée par le gouvernement, et ça, c'est la responsabilité, je pense, de cette commission de pouvoir faire quelque chose pour cette entente-là qui est clairement budgétaire, qui n'a pas rapport du tout à la répartition des effectifs médicaux ni à offrir des soins à la population du tout. Donc, cette partie-là, je pense, pourrait être adressée.

Mais les autres questions, bien sûr, sont toutes des clauses discriminatoires, mais je suis sûr qu'on ne pourra pas toutes les régler, mais au moins cette partie-là est vraiment le bout de l'iceberg de ce qui existe aussi, mais cette partie-là est clairement identique à tous les autres travailleurs. Après une date précise, le 21 juin 1995, à partir de cette date-là, tous les jeunes médecins, peu importe le territoire où ils sont, ils sont coupés pour épargner à leurs collègues une baisse de 1 %. Donc, celle-là est vraiment une clause discriminatoire qu'il faut adresser et je pense que la commission peut faire quelque chose pour ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Nasreddine. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. M. Nasreddine, j'ai bien lu votre mémoire, de même que le document qui l'accompagnait, c'est-à-dire deux mémoires, le document qui s'appelle Les effectifs médicaux au Québec .

(10 h 20)

Il y a un élément intéressant quand vous parlez de jumeler, par exemple, les hôpitaux des centres urbains avec des hôpitaux régionaux, ce qui pourrait, à ce moment-là, pallier le manque de spécialistes. Ça, à mon avis, c'est une formule ou c'est une avenue intéressante à explorer pour pouvoir donner des services médicaux plus pointus ou surspécialisés. D'amener un spécialiste pendant une semaine en région, c'est préférable que de déplacer 50 personnes à Montréal.

Par ailleurs, je regarde votre document et je vais faire une comparaison avec le monde scolaire. Dans le monde scolaire, on paie les enseignants là où il y a des élèves et là où il y a des écoles où il faut aller enseigner. Dans le monde médical...

M. Nasreddine (Ziad): Là où il y a des écoles? Excusez-moi, je n'ai pas entendu votre phrase.

M. Lelièvre: J'ai dit: Dans le monde scolaire, dans les commissions scolaires, on embauche des professeurs pour enseigner là où il y a des élèves. Dans le monde médical, on est toujours à une partie de bras de fer avec le monde médical pour amener des médecins là où il faut soigner le monde, c'est-à-dire dans les régions. Quand vous me parlez des régions dites éloignées ou en périphérie, la périphérie, Laval, là, c'est à côté de Montréal. L'Abitibi, la Côte-Nord, la Gaspésie, c'est environ... La Gaspésie, c'est 1 000 km de Montréal. Donc, quand vous me parlez d'avoir des incitatifs supérieurs, dans votre mémoire... Parce que, dans le fonds, vous dites: On va enlever les éléments punitifs et on va mettre des incitatifs. Donc, toujours augmenter la masse salariale. Moi, la question que je me pose, c'est: Où ça va finir? Parce que ça ne finira jamais.

D'autre part, si vous dites que le travail d'un jeune médecin ou d'un médecin plus âgé est équivalent, il y a toujours une progression dans l'échelle salariale mais prenons pour hypothèse que vous avez raison en disant: Dès le départ, un jeune médecin qui sort de l'université, qui finit sa médecine, est reçu, a ses certificats d'autorisation de pratique, gagne le même salaire qu'un médecin à Montréal qui a 30 ans d'expérience, ne serait-il pas normal que l'on régionalise les budgets de l'assurance-maladie pour la rémunération des médecins en fonction des besoins là où ils sont, c'est-à-dire dans chacune des villes du Québec, dans chacune des régions du Québec et, à ce moment-là, que les médecins aillent dans ces régions?

Si, par exemple, il y en a 200 ou 300 de plus à Montréal qui ne veulent pas y aller, bien l'assiette que vous auriez à vous partager à Montréal serait l'assiette qui normalement rémunérerait peut-être 200 médecins au lieu de 400. À mon avis, s'il y en a 400 qui veulent rester à Montréal, bien ils se partageront l'assiette de 200, et, s'il y en a 100 qui veulent aller en région, ils vont se partager l'assiette de 100. J'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Merci. Je trouve ça très intéressant, tous les points que vous avez soulevés. D'abord, pour les régions éloignées, c'est vrai qu'il faut les assurer, comme où les élèves sont, où la population se trouve et il faut y aller. Actuellement, 22 % des jeunes médecins qui terminent vont dans les régions dites éloignées, telles que Sept-Îles ou la Gaspésie ou ailleurs, alors que 13 % de la population y réside. Et c'est sûr qu'il y a un problème de rétention éventuellement, mais ça a toujours été les jeunes qui assurent cette tâche-là. On ne dit pas qu'on va arrêter de l'assurer non plus.

Et la création d'enveloppes budgétaires en région, dans chaque région, amène le problème de clauses discriminatoires dans le sens où tous ceux qui ont déjà leur pratique active dans certaines régions, montréalaises ou ailleurs, eux, sont mobiles, alors que les nouveaux arrivés peuvent juste s'installer et n'ont plus la mobilité que les autres avaient auparavant. Donc, c'est un peu amener un problème de mobilité seulement pour les nouveaux arrivants pour qu'eux puissent combler des postes que personne ne veut faire.

M. Lelièvre: Si vous permettez, M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: C'est que, dans votre document, vous proposez une rémunération moyenne de 120 000 $ pour les omnipraticiens, à la page 16 du document. Moi, je vous dis: Si, au Québec, on donne la même rémunération à tous les médecins omnipraticiens à l'échelle du Québec, on dit c'est 120 000 $...

M. Nasreddine (Ziad): En salaire, vous voulez dire. O.K. Oui.

M. Lelièvre: ... – O.K. – mais, dans une enveloppe régionale qui détermine, par exemple, en Gaspésie, si on a besoin de 100 omnipraticiens, il y aura 1 200 000 $ pour les rémunérer. Si, à Montréal, on détermine qu'il y en a 200 ou 400 ou 600, on met une enveloppe, mais, s'il y en a plus que 600 qui veulent aller à Montréal, bien je me dis qu'ils vont se partager à 1 000 une enveloppe pour rémunérer 600. Il n'y a rien de discriminatoire là-dedans si, par exemple, on fait un choix délibéré d'aller vivre à Montréal plutôt qu'en région.

C'est ça, le but de ma question, c'est de savoir là-dessus: Le fait qu'on régionalise avec un plan d'effectif médical en région les budgets pour rémunérer le personnel médical, à ce moment-là, est-ce que, à votre avis, c'est discriminatoire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Merci. Je pense que ça va être discriminatoire. Absolument discriminatoire. Mais il y a un moyen peut-être...

M. Lelièvre: Si tout le monde a le même salaire?

M. Nasreddine (Ziad): Pardon?

M. Lelièvre: Si tout le monde a le même salaire?

M. Nasreddine (Ziad): Discriminatoire dans le sens de la mobilité. On ne parle plus de revenus, mais la mobilité est aussi essentielle. La liberté de pratique, elle est aussi essentielle pour un médecin que le revenu. Je veux dire, c'est très important qu'ils puissent avoir une mobilité. Les nouveaux médecins vont se retrouver qu'ils vont faire des études universitaires ou ailleurs ou quitter le pays pour faire des formations surspécialisées, puis ils vont trouver qu'il y a un seul poste dans une région où ils n'ont pas nécessairement besoin de ses services.

M. Lelièvre: Mais ce n'est pas ça qu'on... Ce n'est pas ça...

M. Nasreddine (Ziad): Donc, cette mobilité-là que ces collègues avaient auparavant, eux ne la retrouvent plus. Alors, c'est ça, la discrimination. Mais on est quand même responsable. On ne veut pas nécessairement toujours augmenter l'enveloppe monétaire des médecins. Les suggestions qu'on a faites dans notre mémoire, c'est que, s'il faut faire des incitatifs, si on n'a pas de budget de notre gouvernement pour créer des incitatifs meilleurs pour éliminer les clauses punitives, pourquoi pas que ce soit sur l'ensemble des médecins que ces incitatifs soient pris? C'est-à-dire que tous les médecins des régions urbaines se cotisent un 2 %, 3 % ou un 5 % pour faire des incitatifs pour leurs collègues en région. Ça ne veut pas dire qu'il faut qu'on aille chercher de nouvelles enveloppes. Ou bien les prochaines augmentations de revenus qui sont annoncées dans le secteur public dans la prochaine année, dont les médecins vont bénéficier, pourquoi ne pas prendre une portion de ces augmentations-là pour pouvoir les donner aux collègues qui veulent faire ces activités-là que personne ne veut faire?

M. Lelièvre: Je comprends que vous êtes...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé, tout en vous rappelant qu'il vous reste à peine deux minutes.

M. Lelièvre: Je comprends que vous êtes partisan d'échelles salariales différentes, des niveaux différents parce que vous me dites: À Montréal, on va créer des enveloppes pour aider aux régions. Moi, la question que je vous pose... Si tout le monde est payé sur la même base, on fait un salaire moyen – et en cabinet privé, dans le fond, c'est le nombre de visites qui détermine l'augmentation de la rémunération – alors on ne fait pas une discrimination entre Montréal, Gaspé, Chicoutimi, Val-d'Or ou le Grand Nord.

M. Nasreddine (Ziad): O.K., je comprends.

M. Lelièvre: On les met sur une base de rémunération analogue. Par contre, avec une enveloppe régionalisée, quand vous me dites que vous allez pénaliser des médecins pour aller en région, on ne vous dit pas de pénaliser les surspécialités, ça se pratique dans les centres universitaires, etc. Même des médecins spécialistes en région, il y en a beaucoup, mais il en manque puis il manque des omnipraticiens. La réponse que vous m'avez donnée, c'est comme s'il fallait déménager les élèves à Montréal pour avoir des cours aux niveaux primaire et secondaire. Ce que je vous dis, moi, c'est que, si on a un plan de répartition des effectifs selon les besoins de la population, à ce moment-là c'est normal que la rémunération suive les paniers de services.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé. Alors, je regrette, c'est tout le temps qui était alloué pour le côté gouvernemental et ministériel. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Nasreddine, bonjour. Ça me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire. Je tiens à vous féliciter, vous, bien sûr, et vos collègues qui ont pris le temps de préparer ce mémoire afin de mieux certainement informer les députés, les parlementaires, des problèmes que vous vivez. Et, quand je regarde la page 14 de votre mémoire et page 15, la suivante, force est de constater... surtout au premier paragraphe, on comprend que c'est une clause discriminatoire pure et simple: 70 % de pénalité si vous restez dans une région; vous ne l'avez pas dans l'autre.

Mais, deuxièmement, c'est encore plus discriminatoire, les jeunes médecins de famille sont soumis à une rémunération progressive qui s'additionne au décret punitif des régions urbaines. Un jeune médecin travaillant dans un CLSC de Montréal est rémunéré à 70 % d'une échelle salariale de cinq ans qui débute à 85 % et il se trouve à être rémunéré, dans ses trois premières années, à 70 % de cette échelle, c'est-à-dire 59,5 % par rapport à son collègue plus aîné, même s'il effectue les mêmes actes, voit le même nombre de patients, la même complexité de cas, partage les mêmes responsabilités, paie les mêmes assurances. Ça, c'est une clause orphelin typique.

M. Nasreddine (Ziad): Typique.

M. Gobé: Alors, moi, ça m'amène à un commentaire – malheureusement, je vais devoir le faire – c'est: Quand Mme la ministre vous dit que vous vous êtes trompé de commission, moi, je me demande si ce n'est pas elle qui s'est trompée de ministère. Parce que ce dont vous nous parlez là, c'est une vraie clause orphelin. Et elle disait dans son discours d'ouverture: Des fois – j'ai pris des notes, là – les clauses orphelin ont des impacts dans des secteurs que l'on ne connaît pas et qui peuvent être surprenants. Bien, c'est tout à fait typique, et je fais abstraction volontairement de la répartition régionale, hein, pour aller juste dans le numéro deux où là... Dans le projet de loi de la ministre, qu'est-ce qu'il faudrait changer pour éviter cette situation-là? Est-ce qu'il y a des choses d'abord qu'on peut changer? Puis, deuxièmement, d'après vous, lesquelles?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Merci pour votre intervention. C'est sûr qu'il y a des choses qui devraient être changées, parce qu'on n'est même pas mentionnés dedans du tout, les médecins, alors qu'on fait partie de la société au même titre que les autres travailleurs. Il faut absolument que nous soyons protégés de la même façon. Il ne faut pas créer des classes de société différentes, qu'on protège certains secteurs et pas d'autres, que ça soit des travailleurs autonomes ou des salariés. Il faudrait aussi s'assurer que les clauses temporaires soient aussi interdites que les clauses permanentes, les clauses temporaires ont aussi un effet permanent, donc, au même titre que les clauses permanentes qui sont interdites actuellement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est parce que, selon la rhétorique de madame, on va loin. On est prêt à légiférer pour faire en sorte qu'un boucher qui commence gagne sensiblement la même chose qu'un boucher qui a 10, 15 ans d'expérience, mais pas pour un médecin, ou un débardeur ou quelqu'un qui décharge des camions dans une épicerie. Il me semble que, en effet, si on ne crée pas deux classes de citoyens là... C'est bien deux classes, c'est-à-dire qu'on va réglementer une partie des conditions de travail dans l'activité économique, mais, vu que c'est le gouvernement qui vous paie, c'est le gouvernement qui décide, il décide de ne pas appliquer lui-même sa propre loi.

M. Nasreddine (Ziad): C'est ça.

(10 h 30)

M. Gobé: Bon. Lorsqu'elle vous dit que vous devriez en parler à un autre ministère, est-ce que vous avez eu une oreille réceptive de la part d'autres ministères à ce problème-là?

M. Nasreddine (Ziad): Ça fait depuis 1982 qu'on est soumis à diverses clauses discriminatoires typiquement orphelines et qu'on crie et qu'on décrie, et notre ministère, effectivement, il continue. On était très content d'entendre qu'il y a finalement d'autres personnes qui se révoltent dans la société et qui disent: Ça suffit, et on s'est joint pour appuyer tous ces groupes de jeunes qui sont touchés de la même façon que nous, et on est très heureux qu'il y ait finalement quelqu'un qui se penche sur ce sujet-là. On nous a toujours, donc, balayés du revers de la main dans notre propre ministère, et j'étais très heureux d'entendre qu'on va pouvoir, finalement, amener des changements qui peuvent toucher aussi les jeunes médecins.

Je voudrais amener le point que, des fois, on parle d'ancienneté, souvent, comme étant un critère pour pouvoir amener de la discrimination, alors que, pour les médecins, ce n'est vraiment pas quelque chose qui peut s'appliquer du tout, du tout, parce que, là, d'un bord, les médecins, une fois qu'ils sont en pratique... Quand il est à l'urgence, par exemple, le médecin, qu'il soit jeune ou moins jeune ou plus aîné et qu'il ait 20 ans de pratique ou 2 ans de pratique, il est aussi responsable du patient, il faut qu'il soit aussi compétent que son collègue. Parce que ce serait grave d'écrire sur l'urgence: Il y a un jeune médecin là, faites attention, évitez cette urgence-là. Alors, il faut vraiment que le médecin soit prêt, au jour un, à être aussi responsable que son collègue, être aussi compétent.

Les médecins, les jeunes qui finissent, ils sont souvent à point dans leurs études et dans leurs connaissances. Ils font, en plus, des surspécialités, des expertises que leurs collègues plus aînés n'ont pas. On ne dit pas qu'ils sont plus compétents, mais, au moins, ils le sont autant que leurs collègues. On ne regarde pas, non plus, les médecins plus aînés à la fin de leur pratique pour dire: Est-ce qu'ils sont aussi productifs, aussi à jour? Est-ce qu'on devrait faire une échelle inverse pour une population qui vieillit et dire: En vieillissant, on va faire une échelle qui diminue puis, en début, une échelle qui monte? Moi, je pense que, pour les médecins, l'ancienneté n'est pas un critère qui pourrait être utilisé pour justifier des clauses discriminatoires.

Chez les jeunes, on ne peut pas choisir, comme d'autres métiers – si on est avocat – de dire: Le cas est complexe, je le réfère à quelqu'un d'autre. Je ne peux pas dire ça en pleine nuit à l'urgence: J'ai un cas trop complexe, je te laisse aller. Il n'y a personne d'autre qui va nous supporter, on n'a pas un autre patron, c'est nous qui prenons la responsabilité à 100 %. Et, quand on est poursuivi, on est poursuivi à 100 %, on n'est pas poursuivi à 70 % parce qu'on est rémunéré à 70 %.

M. Gobé: D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je pense que vous expliquez très, très bien la situation dans laquelle vous êtes, et vous avez l'avantage d'être le premier qui témoigne, mais aussi le premier des non-assujettis à cet ersatz de projet de loi qui, comme on le verra par la suite, va certainement être... pas dénoncé, mais, en tout cas, critiqué sévèrement par les gens qui vont venir. Et, vous, vous n'êtes même pas assujetti et vous êtes le premier à témoigner. Je trouve ça très bien.

Vous faites valoir la faille complète qu'il y a dans ce projet de loi: que ça soit les médecins, les policiers, les infirmiers, les professeurs, enfin toutes les professions non assujetties au Code du travail, à la Loi sur les normes ne sont pas touchées. Il y a beaucoup de jeunes là-dedans; de plus en plus ces secteurs-là recrutent des jeunes.

Est-ce que vous seriez en faveur qu'on inscrive dans le projet de loi deux choses: premièrement, l'obligation à tous les ministères de faire l'inventaire, dans leurs organisations propres, de toutes les clauses discriminatoires et d'exception qu'il peut y avoir concernant leurs employés ou les gens qu'ils paient; et, deuxièmement, seriez-vous en faveur que l'on inscrive ces professions-là ou ces secteurs d'activité dans lesquels vous êtes comme devant être couverts par l'application d'un éventuel projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Je pense que c'est une excellente suggestion de pouvoir faire cet exercice-là, que les ministères... de faire l'exercice et de corriger aussi, bien sûr, en même temps... Oui.

M. Gobé: Bien, ça, on s'entend que ce qu'ils trouvent, c'est pour le corriger.

M. Nasreddine (Ziad): Oui. Et de rajouter, bien sûr, que ça devrait inclure tous les travailleurs, autonomes ou non, et qu'ils soient soumis ou non au Code du travail, parce que c'est ça qu'il faut absolument...

M. Gobé: Ou à la Loi sur les normes.

M. Nasreddine (Ziad): Parce que je ne suis pas sûr que la Loi sur les normes nous protège, les médecins, parce que nous sommes exclus de façon automatique du Code du travail.

M. Gobé: C'est ça, vous n'êtes pas dedans, ainsi que les autres corps de métier. Mme la Présidente, il y a mon collègue député de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, j'ai une question du député de Robert-Baldwin.

M. Gobé: Oui, qui veut parler.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. J'étais surpris tantôt quand la ministre a mentionné, tout d'abord, qu'elle était dans une position d'écoute et, dans la même phrase, que – j'ai pris note, là – vous n'étiez pas à la bonne place et que vous n'étiez pas à la bonne commission parlementaire.

Vous avez très, très bien répondu. Vous avez dit: Je suis à la bonne commission parlementaire, et c'est vrai. Et, de plus, vous avez souligné les injustices qui sont faites aux jeunes médecins. Le jour un, là, quand le médecin est gradué puis qu'il a le patient en salle d'urgence ou sur l'étage ou n'importe où, il a la même responsabilité que le plus senior de tous les médecins, et c'est exact. Alors, pourquoi est-ce que la rémunération serait différenciée?

Moi, la question que je voudrais vous poser, M. Nasreddine, c'est: À cause de cette discrimination-là, surtout depuis 1995 en particulier, où, pour des coupures budgétaires, on n'a même pas donné d'incitatifs aux jeunes à aller dans les régions, est-ce que cette discrimination-là envers les jeunes médecins, elle a entraîné des départs de jeunes médecins à l'extérieur du Québec?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Merci. Merci pour vos commentaires. Depuis 1995, les médecins qui se forment, les médecins résidents qui s'attendent à finir dans cinq ans, souvent, leurs études, il y a eu des changements, finalement, dans leur formation ou des postes qui n'ont pas été remplis. L'année dernière, il y a eu 70 postes en formation de spécialistes qui n'ont même pas été remplis du tout. Donc, il y a une bifurcation qui se fait vers la médecine de famille et on perd beaucoup de spécialistes, alors qu'on a une pénurie déjà assez importante de spécialistes depuis 1995, depuis le départ à la retraite, qui a été un départ pour des raisons budgétaires. Donc, c'est clair que les médecins, un, vont de moins en moins en spécialité.

Deuxièmement, là, on ne verra pas la répercussion immédiate sur les départs en dehors de la province. Mais tous les jeunes médecins, c'est sûr qu'ils sont attachés à rester, à donner les services au Québec, mais, à un moment donné, quand ça s'accumule à de multiples mesures discriminatoires, ils se mettent tous à faire des examens pour l'étranger, pour être éligibles éventuellement à avoir une porte de sortie. Donc, après 10 ans d'investissement dans des études et de vouloir... Ils ont tous envie de rester et, actuellement, la majorité restent, mais ils s'ouvrent tous des portes pour pouvoir éventuellement, surtout quand on entend de plus en plus qu'on veut amener des mesures très discriminatoires pour les forcer à faire des activités alors qu'ils sont très peu nombreux maintenant...

Même si on voulait les forcer, actuellement, pour chaque nouveau médecin qui sort, il y a huit postes d'ouverts partout. Il y a une pénurie tellement grave que, même, ils finissent à Montréal et ils sont sollicités de rester à Montréal. Et, même s'ils voulaient aller en région, la majorité des jeunes... Ils ont fait un sondage, il y en a 40 % qui voudraient aller pratiquer dans les régions intermédiaires ou éloignées. Mais ils sont arrachés de partout actuellement, parce qu'il y a une pénurie importante. Et là on les accuse, après ça, qu'ils ne vont pas dans les régions. Puis, avec toutes les mesures et leur longue spécialité, les jeunes, ils veulent avoir un avenir, savoir où ils vont aller, au moins pouvoir décider ça. S'ils ne peuvent pas décider ça, c'est vraiment décourageant d'aller en spécialité et d'investir autant de temps.

M. Marsan: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, Mme la Présidente. Lorsque vous nous mentionnez, dans votre description, aux pages 14, 15, de ces pénalités, que vous êtes payés 59 % et quelque chose du 70 %, si je comprends bien, c'est qu'un médecin a une pénalité de 30 % parce qu'il pratique à l'intérieur de Montréal et, par la suite, il a une autre pénalité supplémentaire?

M. Nasreddine (Ziad): Oui.

M. Gobé: J'aimerais ça que vous l'expliquiez parce que c'est quelque chose dont je veux être certain.

M. Nasreddine (Ziad): Oui. Il faut dire que...

(10 h 40)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Nasreddine, ça va.

M. Nasreddine (Ziad): Merci. O.K. Alors, il y a une première pénalité, qui est une échelle salariale – qui a été imposée dans les années quatre-vingt – de rémunération progressive sur cinq ans dans les CLSC ou dans les places où ils sont rémunérés à tarif horaire ou à salaire. C'était instauré, mais ils ont rajouté à cette rémunération progressive là... Si tu es dans une région urbaine, il y a une autre pénalité qui existait auparavant qui est de 70 % de ton revenu.

Donc, ils n'ont même pas pris la peine, au moins, d'appliquer une des deux pénalités, peut-être, ou de faire quelque chose pour que ça ne soit pas une double discrimination. C'est vraiment épouvantable, cette situation-là. Et ils sont même rémunérés, maintenant, les médecins dans les CLSC, à peu près au même revenu qu'un résident qui est en formation, avec des responsabilités de beaucoup supérieures évidemment. Donc, c'est quand même assez ridicule comme pénalité. Ça fait plusieurs années qu'elle existe, mais on n'a malheureusement pas pu la défendre. C'est pour ça que cette commission-là est très importante, pour pouvoir revoir toutes les autres discriminations qui ont eu lieu auparavant, pas juste les coupures budgétaires récentes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Est-ce que les jeunes médecins sont minoritaires au sein de l'organisation?

M. Nasreddine (Ziad): C'est comme les médecins des régions éloignées, ils sont minoritaires. Alors, c'est pour ça que nos collègues qui pratiquent en régions éloignées ont toujours le petit bout du bâton pour négocier. Quand ils négocient avec le gouvernement une augmentation de revenu, le gouvernement va toujours allouer une augmentation de revenu qui ne tient pas nécessairement compte des besoins de la population en région et des médecins qui travaillent là.

Alors, nos collègues qui négocient avec le gouvernement, malheureusement, parce qu'ils sont majoritairement dans les régions urbaines, ils oublient leurs collègues dans les régions éloignées et, au lieu d'amener les prochaines augmentations budgétaires pour amener des enveloppes vers les régions, comme vous le suggériez avant, ils vont plutôt faire une augmentation de revenu globale qui va surtout favoriser les gens en milieu urbain puis maintenir un très faible écart. Donc, les jeunes et les régions éloignées ont souvent été pénalisés dans les négociations. C'est comme n'importe quel groupe minoritaire, finalement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Mon collègue de Robert-Baldwin parlait des médecins qui peuvent quitter à cause des effets, parce qu'il y a beaucoup d'effets pervers à ces situations-là. Prenons la région de Montréal, par exemple. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a, dans l'est de Montréal en particulier, dans certaines zones – et là je parle d'un dossier connu, qui est la zone du CLSC Octave Roussin, dans le bout de l'île – pénurie de médecins, où on est passé de 21 médecins à l'urgence – il y avait une urgence au CLSC – à maintenant six ou sept, et on dit que ça équivaut à peu près à une vingtaine de milliers de personnes qui ne peuvent pas passer. Est-ce que vous pensez que c'est un des effets pervers de cette clause discriminatoire, que c'est directement lié à ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Oui, merci. Moi, je pense que c'est un effet certain de cette clause discriminatoire là, parce que les médecins, ils vont aller là où il y a du travail, c'est comme n'importe quel autre individu. S'ils ont le double de leur revenu dans la clinique à côté, dans un bureau à côté... C'est sûr qu'on a dévalorisé le travail en CLSC avec cette mesure-là. Donc, alors qu'on veut le valoriser, on veut que ça soit l'entrée du système de santé, on est complètement passé à côté en faisant cette mesure doublement discriminatoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, Mme la Présidente, merci. Donc, si je comprends bien, non seulement vous êtes discriminés – ça vous cause préjudice financier, moral aussi, parce que vous avez l'impression, probablement, de vous sentir comme des citoyens, vous l'avez dit, de deuxième classe, des gens qui, après tout, ne méritent pas leurs sept années d'études de médecine qu'ils ont faites ou alors ne méritent pas la reconnaissance financière de l'expérience qu'ils ont acquise dans des stages, enfin, ou avant de devenir médecins – mais là, en plus de ça, on découvre qu'il y a maintenant des conséquences sur les citoyens. Alors, vous êtes discriminés et, en même temps, les citoyens, donc, de l'est de Montréal se retrouvent avec une pénurie de médecins. En région, il y en a qui quittent aussi, comme mon collègue de Robert-Baldwin l'a fait très bien ressortir.

Alors, votre démonstration plaide tout à fait pour que votre corps de profession soit inclus, d'après moi, dans cette loi, tout d'abord pour vous rendre justice comme jeunes et, deuxièmement, pour faire en sorte que les effets pervers, pernicieux de cette discrimination à votre égard ne se fassent plus sentir sur la population.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il vous reste une minute pour répondre à ça avant qu'on ne passe la parole au député de Rivière-du-Loup, M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): O.K. Merci. C'est très vrai. Et, nous, nous voulons surtout montrer l'avantage à la population et que c'est dans son intérêt, bien sûr, d'éliminer ces clauses discriminatoires là, pas juste pour améliorer le sort des jeunes médecins, mais surtout aussi pour reconnaître l'effort que les jeunes médecins font pour essayer de faire toutes ces études-là et pour donner les services dans des tâches difficiles, l'urgence et les autres tâches assez complexes. Les régions éloignées ont même été touchées par la pénalité en 1995; même lorsque le jeune allait s'installer là, on l'a coupé. Donc, ces clauses-là ne nuisent pas juste aux jeunes médecins, elles nuisent aussi aux services à la population.

M. Gobé: Donc, il faut inscrire dans le projet de loi votre reconnaissance?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors... C'est terminé, M. le député de LaFontaine.

M. Nasreddine (Ziad): Absolument.

M. Gobé: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à M. Nasreddine. Je pense que la ministre ne connaît pas tellement les positions que votre Association a défendues au fil des années. Vous nous arrivez aujourd'hui avec des positions, mais, quand on connaît l'historique derrière ça, il y a une cohérence sans faille dans vos positions.

Ce à quoi la ministre réfère, ce qu'elle vous dit, finalement, c'est: Moi, j'ai préparé un projet de loi. Vous ne cadrez pas dans les limites du projet de loi, donc vous n'êtes pas à la bonne place. Et ce n'est pas un hasard si, dans mes remarques préliminaires, je disais: Des rédactions législatives, il y a des spécialistes qui peuvent faire ça. Ce sur quoi une commission, une ministre, un gouvernement doivent s'entendre, c'est sur des principes. Et, si tant est que, en termes de principes, on s'entende que le cas qui se produit... Parce que, vous l'avez bien décrit, pour sauver 1 % ou 1 % et quelque chose à l'ensemble, on a coupé les jeunes de 30 %. Si ce principe-là, on le rejette parce qu'on dit: C'est une discrimination, peut-être que ça ne rentre pas dans ce projet de loi là, peut-être qu'il faut que la ministre de la Santé en fasse un autre qui sera déposé ou qui sera discuté dans la même semaine que celui-ci, peut-être qu'il y aura trois ministères qui... Ce n'est pas grave, ça. Rédiger d'autres textes législatifs, il y a des gens qui sont des spécialistes là-dedans. Les textes législatifs sont seulement là pour appuyer une volonté politique.

Là, vous, vous mettez le test sur la volonté politique, c'est-à-dire: Le premier ministre, au moment où il a mandaté la ministre du Travail et il a enclenché le débat sur les clauses orphelin, quel message il a passé à l'ensemble du Conseil des ministres? Est-ce qu'il a dit à la ministre du Travail: Essaie de nous concocter quelque chose pour qu'on puisse se faufiler de notre engagement électoral? Ou il a dit à l'ensemble du Conseil des ministres: Là, il faut qu'on fasse l'inventaire de ce qu'il y a dans notre cour à nous autres, qu'on trouve des solutions pour le corriger, qu'on fasse une loi qui va toucher le secteur privé, qui va toucher tel type d'entreprise, qu'on règle le cas des municipalités, qu'on a encouragées, que, de façon générale – incluant, dans le cas qui nous occupe, la Régie de l'assurance-maladie, de par ses règles de rémunération – on corrige les discriminations qui sont faites contre les jeunes?

Ce qui est triste, c'est qu'on a eu dépôt d'un projet de loi, et on lit ça: Pendant une couple d'années, la ministre, elle ne veut pas qu'il y ait de clauses orphelin, mais, avant puis après ça, il pourrait y en avoir. Finalement, on a un projet de loi où on ne sait pas si elle est pour ou si elle est contre. Puis, vous, vous allez repartir aujourd'hui puis vous ne saurez pas est-ce que la ministre est favorable ou défavorable au type de rémunération dont les jeunes médecins sont victimes.

Au moins, si on peut faire, aujourd'hui, avancer quelque chose, j'aimerais que vous nous disiez... Il semble qu'elle n'ait pas eu de consultation avec la ministre de la Santé là-dessus. Elle vous dit: Vous n'êtes pas à la bonne... Est-ce que vous, à date, dans les travaux... Vous avez quand même déposé des documents qui sont assez substantiels; vous êtes en communication, évidemment, avec le ministère de la Santé. Vous avez quoi, jusqu'à maintenant, comme réponse et comme attitude de réponse de la part de la ministre de la Santé et de ses collaborateurs qui puisse éclairer la ministre du Travail, qui pourra ensuite faire des représentations à sa collègue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nasreddine.

M. Nasreddine (Ziad): Merci, M. Dumont, pour vos commentaires. La ministre de la Santé... C'est sûr qu'il y a tellement de choses qui se déroulent en même temps du côté du ministère de la Santé que... Le problème d'effectifs médicaux est un problème quotidien qu'on vit à tous les jours, dans certaines régions, on parle du fait qu'on a besoin de médecins. On a rencontré à deux reprises M. Gilles Héroux, de son ministère, pour pouvoir tenter de s'asseoir avec elle et de lui amener nos propositions et nos solutions, et il semblait comprendre la logique de nos arguments, que c'est à tous les médecins d'être responsables des effectifs médicaux, pas juste aux jeunes médecins. On avait, en plus, suggéré, donc, un système de jumelage, un système où tous les médecins pourraient peut-être, dans un hôpital moins bien nanti, être reliés à un hôpital mieux nanti en effectifs médicaux. Comme ça, on fait un corridor de services pour que ça puisse être la responsabilité de tous les médecins.

(10 h 50)

Le côté monétaire, elle comprend ça, mais on ne l'a jamais rencontrée, malheureusement, pour pouvoir savoir si elle a l'intention d'enlever complètement les clauses discriminatoires pour les jeunes médecins. Et ça fait longtemps qu'on parle au gouvernement, du côté du système de santé, pour essayer d'enlever ces clauses discriminatoires là, mais on n'a vraiment eu aucun succès.

C'est pour cette raison-là qu'on espérait que cette commission-là puisse faire en sorte qu'on passe d'une autre façon, par un autre moyen de pression, par d'autres parties du gouvernement et en s'associant à d'autres jeunes qui sont touchés de la même façon qu'on l'est... qu'on puisse amener un changement au niveau de la rémunération dans le système de santé, qui est tout à fait analogue à tous les autres ministères.

On ne voit pas pourquoi on devrait compartimenter le gouvernement, pourquoi, nous, on ferait notre propre affaire dans un coin et le système de santé, ce serait leur problème. Mais c'est la même chose, c'est le gouvernement. Nous payons tous des taxes de façon égale, mais il faut qu'on soit tous protégés de la même façon. Donc, il faut que le ministère du Travail puisse communiquer avec le ministère de la Santé pour absolument régler les problèmes au gouvernement au complet. C'est leur responsabilité, c'est pour ça qu'on paie nos représentants, pour qu'ils fassent ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Nasreddine. C'est tout, malheureusement, le temps qui était alloué au député de Rivière-du-Loup. Alors, je vais donc suspendre les travaux quelques instants pour permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 51)

(Reprise à 10 h 59)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va reprendre ses travaux. Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux membres de la Fédération étudiante universitaire du Québec ainsi qu'à la Fédération étudiante collégiale. J'aimerais que le principal porte-parole se présente et présente aussi les gens qui l'accompagnent.

Je voudrais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour effectuer votre intervention, présenter votre mémoire et que, par la suite, tant du côté ministériel que du côté de l'opposition, il y a 17 minutes et demie d'allouées à la partie ministérielle, 17 minutes et demie à l'opposition officielle et cinq minutes au député indépendant pour la période d'échanges. Alors, est-ce que vous pouvez vous présenter, s'il vous plaît?


Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. Baril (Daniel): Oui. Je suis Daniel Baril, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec. J'ai à ma droite Alexis Boyer-Lafontaine, qui est coordonnateur à la recherche socio-politique à la FEUQ; j'ai à ma gauche Geneviève Baril, qui est présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec; et Alexandre Richard, tout près d'elle, qui est attaché à l'exécutif pour les affaires sociopolitiques.

(11 heures)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie.

M. Baril (Daniel): Mme la Présidente, Mme la ministre, vous êtes des commissaires, officiellement, les gens ici?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, membres de la commission.

M. Baril (Daniel): Des membres.

Une voix: Des amis.

M. Baril (Daniel): Des amis, O.K., les gens qui me représentent. Déjà là, quand j'ai lu le projet de loi, je me suis souvenu d'un poème que j'avais déjà lu d'un poète surréaliste du début du siècle qui décrivait un couteau sans manche et sans lame. Le projet de loi lui-même, après qu'il interdit les clauses orphelin, a une série d'articles qui permettent des exceptions. Donc, en bout de piste, on se retrouve qu'on se demande bien quelle est l'intention du projet de loi: Est-ce qu'il veut interdire ou est-ce qu'il veut donner un mode d'emploi pour contourner? C'est la première impression qu'on a eue.

Déjà là, Mme la ministre, on a été un peu étonné, déçu. Ça fait déjà longtemps qu'on interpelle vos prédécesseurs, le gouvernement et, suite à l'élection, vous-même. Suite au discours du trône, on a bien vu qu'il y avait une volonté affichée de faire un mandat jeunes, on a vu aussi les consultations de cet automne et le Sommet lui-même, qui va venir en février. Donc, on s'attendait à voir des actions et à voir quelque chose d'un peu plus concret. On a souvent dit que le projet de loi sur les clauses orphelin était un signal, un indicateur de la volonté du gouvernement. Déjà là, à la première impression, ce projet-là a un peu toutes les apparences d'un écran de fumée puis, après avoir interdit les clauses, il les permet article après article.

Mes collègues, tout à l'heure, vont exposer plus en détail notre analyse du projet de loi lui-même et nos recommandations. Moi, je vais me limiter à quelques remarques générales en introduction et je leur passerai la parole après.

Tout le monde sait bien que l'économie du Québec a un peu de problèmes, depuis une ou deux décennies, à se remettre sur ses pieds puis à vraiment prendre un essor. Comme à l'habitude, c'est souvent les travailleurs qui font les frais des difficultés de l'économie. Chaque entreprise va se resserrer sur son budget, va essayer de faire des profits, va essayer de peut-être continuer à progresser, et souvent c'est les travailleurs qui, eux, en font les frais sur leur salaire la plupart du temps ou sur des surcharges de travail. Dans les dernières années, cette vilaine habitude, c'est un peu cibler les jeunes travailleurs ou même les futurs travailleurs.

Les clauses orphelin, pour nous, sont le signe, sont un peu la pointe de l'iceberg, comme on a dit l'automne dernier, d'une tendance générale qui n'est pas à la faveur des jeunes. Déjà là, il y a un problème: il y a un problème économique, il y a un problème social de respect envers les jeunes et il y a aussi un problème politique de volonté de vraiment être derrière les jeunes et de permettre à la relève... de ne pas simplement centrer sur les gens qui sont présentement au travail et qui quitteront bientôt. Mais, comme société, on a un défi: changer un petit peu de paradigme, si vous me permettez l'expression universitaire, aller d'une société de retraités vers une société de relève. Ça, c'est le défi qu'on a devant nous dans les années à venir et, déjà là, on a un premier test, ça s'appelle les clauses orphelin.

Ces clauses-là, dans le fond, sont comme une stratégie que les employeurs utilisent puis qui commence à être assez subtile et à prendre toutes sortes de formes, que ça soit le rajout d'échelons, que ça soit la discrimination envers des futurs travailleurs, dont ceux qui ne sont même pas là, que ça soit l'allongement de périodes de probation ou simplement de transformer en temporaire ce qui était permanent avant. C'est une façon assez concertée, il me semble, ou, à tout le moins, systématique de faire en sorte que tous ceux qui sont là dans le moment aient une certaine condition et une certaine réalité et tous ceux qui viendront par après aient une donne complètement différente. Ce n'est pas nécessairement toujours des jeunes, mais la plupart du temps, c'est des jeunes.

Et ce qu'on remarque de ce projet de loi là, c'est qu'il n'a vraiment pas mis ses culottes. Il n'y a personne qui s'est retroussé les manches, et on ne règle pas un problème qui est la pointe de l'iceberg. Comme je le disais, c'est souvent les travailleurs les plus privilégiés, entre guillemets, ceux qui ont la chance d'avoir une convention collective. Et là, si de ce côté-là on est en train d'abaisser la réalité et les conditions de ces travailleurs-là, il y a un effet en chaîne qui découle sur tous les travailleurs du Québec.

Donc, toutes ces sortes de tours de passe-passe qui sont employés pour faire en sorte que les futurs travailleurs et les jeunes se retrouvent dans des conditions qui sont tout à fait différentes et beaucoup moins avantageuses font en sorte qu'on est, d'une certaine façon, dans une société orpheline. C'est toute une génération qui a eu un accès à du capital, qui a eu un accès à des emplois et qui l'a eu, entre guillemets, assez facile, et qui maintenant fait en sorte que la génération qui vient après elle, elle, n'aura pas les mêmes conditions et, elle, ne l'aura pas de la même façon.

C'est au-delà des simples clauses de conventions collectives, c'est toute la relève, tous ceux qui viennent après qui, pour un très grand nombre, se retrouvent en difficulté. Donc, à quelque part, on a une génération orpheline. Et c'est plus qu'une clause qu'on vit. Et ça, c'est simplement un indicateur pour certains d'entre nous qui ont des textes qui les protègent qui s'appellent les conventions collectives. La plupart n'ont pas ces textes-là et ils vivent encore pire.

À nos yeux, ce que les patrons sont en train de faire, c'est qu'ils visent des objectifs d'abord économiques. Puis on pourrait les comprendre, si on nous demande de faire preuve de pragmatisme, de maturité: Les jeunes, pouvez-vous tranquillement vous taire et comprendre que ce n'est pas facile être chef d'entreprise, c'est encore moins facile être chef d'une multinationale, puis permettez-nous de vous en donner un petit peu moins, sinon on ne réussira pas à passer au travers les prochaines décennies... Et ces supposés leaders économiques, qui sont dans les faits des groupes de pression, réussissent difficilement à cacher que dans le fond, pour eux – puis pour en avoir parler souvent – la situation des jeunes, ce sera temporaire. Oui, on a des priorités économiques. Excusez-nous si, d'une façon marginale, vous en faites les frais. Dans quelques années, faites-nous confiance, il n'y aura plus de loi parce qu'elle va disparaître puis on va se retrouver dans un monde...

Des fois, à les écouter, on se demande si un jour on ne sera pas dans un monde de Teletubbies où tout le monde va être content, les employés vont être bien protégés. Il n'y a rien qui nous donne l'impression dans le moment que le soi-disant pacte social, qui serait une petite tape dans le dos puis une confiance pour les prochaines années, réussirait lui-même à faire en sorte que les travailleurs s'en sortent un peu mieux. Des fois, j'ai même l'impression qu'on est en train de se retrouver au début de la décennie, qu'après 40 ans d'argent pour tout le monde il faut abandonner le Québec qu'on a, on n'a plus les moyens de protéger les gens, puis on se retrouve un peu dans un processus de s'arrimer sur les pays qui sont moins développés, puis on va commencer à niveler vers le bas, niveler vers le bas. Est-ce que c'est ça qu'on veut devant nous?

C'est pourquoi, Mme la ministre, on vous demande une chose très simple. Pour nous, une loi, d'abord et avant tout, quand on a un gouvernement majoritaire, c'est une volonté politique, c'est une possibilité de décider. Peut-être que je suis idéaliste, mais, pour moi, gouverner, c'est décider. Et peu importe ce qui va se passer avec le projet de loi, ce sera une décision, d'une manière ou d'une autre, et on pourra voir qui fera les frais de cette décision-là, qui pourra en bénéficier, qui en bout de piste sera protégé par une loi de l'Assemblée nationale. Et c'est assez simple, c'est ce qu'on demande, que la décision soit à la faveur des jeunes. Dans le moment, il n'y a rien qui nous convainc que c'est le cas.

Vous nous avez, Mme la ministre, souvent entendus lier les clauses orphelin au Sommet du Québec et de la jeunesse. Ce n'est pas de la démagogie qu'on fait, ce n'est pas de la menace qu'on fait, tout ce qu'on dit, c'est: Au-delà d'un débat, au-delà d'une volonté politique, il y a des décisions qui doivent être prises. Nous, on veut que le Sommet soit un lieu de décision. Cet automne, on va faire un lieu de débat et de consensus. On a une première étape dans le moment. Même si ce n'est pas dans le processus de consultation du Sommet, ce n'est pas en divisant les travaux au travers mille et une tables qu'on peut convaincre les jeunes qu'il y a le petit corridor de la consultation et que toutes les choses autour, ça n'a pas rapport. Ça a effectivement un rapport. Pour nous, ce qui se décidera ici, ce qui se discute ici, ça fait partie de la consultation du Sommet du Québec et de la jeunesse.

Et, en guise de conclusion, pour nous, une loi, c'est une décision, puis on espère qu'elle sera à la faveur des jeunes. Je vais passer la parole à mes collègues pour une analyse plus détaillée, plus ponctuelle du projet de loi lui-même.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, lequel d'entre vous prend la parole? M. Boyer-Laflamme.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Oui, Boyer-Lafontaine.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Lafontaine. C'était près. Je vais mettre mes lunettes. Allez-y!

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Merci beaucoup. Je vous invite à prendre la feuille de recommandations qui est contenue dans notre mémoire, à la page 22. Je vais d'abord présenter les deux premières, mon collègue fera la suite, pour ensuite faire le «wrap-up» final avec la dernière proposition.

Au niveau des premières propositions, qui sont des propositions d'ordre général, c'est des propositions qui en fait correspondent aux objectifs que nous avons toujours poursuivis et au discours que nous avons mis de l'avant dans le dossier des clauses orphelin depuis le tout début des démarches et de la réflexion que nous avons faites sur cette question-là.

Et, au centre de ces principes-là, ce qu'on estimait qui devait apparaître dans un projet de loi, ce qui devait découler de l'action gouvernementale à la suite de l'adoption d'une loi contre les clauses orphelin, bien c'était de fournir, soit par le biais de la Commission des normes du travail ou par d'autres solutions dont on n'est pas nécessairement les porteurs, des recours aux jeunes qui seraient touchés, aux jeunes travailleurs, aux travailleurs de manière générale qui seraient victimes de clauses discriminatoires.

À l'heure actuelle, la Loi sur les normes prévoit effectivement un certain nombre de recours, sauf qu'à la suite, évidemment, de la réflexion qu'on a menée là-dessus les travailleurs syndiqués ne sont pas couverts par l'article 102 de la Loi sur les normes du travail.

(11 h 10)

Donc, il y a un certain nombre de problèmes à ce niveau-là. Puis ce qu'on voulait manifester encore une fois aujourd'hui devant vous, c'est la nécessité que les jeunes victimes, avant, après, pendant que le projet de loi sera effectif, s'il le devient un jour... La question des recours est pour nous centrale et on souhaiterait que, comme parlementaires, évidemment vous puissiez apporter une solution digne de l'effort que plusieurs groupes de jeunes ont mis pour signifier cette problématique-là.

Le deuxième principe, en fait, est un peu le reflet de qu'est-ce qui s'est passé dans le secteur public avec la question des clauses orphelin. Ce qu'on dit, en marge, en parallèle du projet de loi: Il est extrêmement important que dès cet automne, dès l'hiver, dans les négociations dans le secteur public, le gouvernement donne un signal très, très clair aux différents partenaires, aux différents acteurs patronaux et syndicaux, que le recours à des clauses orphelin, comme il a été le cas dans le secteur municipal, évidemment que c'est une pratique à proscrire.

Donc, deux principes généraux qui guident nos interventions, deux principes par rapport auxquels nous sommes toujours intervenus pour réclamer effectivement de l'action et des décisions. Donc, je céderais la parole, pour les propositions suivantes, à mon collègue.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Richard.

M. Richard (Alexandre): Donc, c'est ça. Comme le disaient mes collègues précédemment, sans être des experts des lois du travail, on désire intervenir au niveau des principes, ici. Donc, je vais réaliser l'analyse du projet de loi en tant que tel, les articles 1 et 3, des articles qui tendent conjointement à se porter comme des agents neutraliseurs, si vous voulez, de l'article 87.1 qui est en fait l'essence même du projet de loi, qui fait en sorte justement que la discrimination est prohibée en vertu de la loi. C'est des articles aussi qui tendent à museler un projet de loi qui s'annonce visiblement sans dents. Et, en fin de compte, on assiste clairement à une absence de volonté de la part du gouvernement à intervenir, comme l'ont dit mes collègues, finalement au niveau législatif et à placer la jeunesse au sommet de ses priorités, tel qu'énoncé lors du discours inaugural de la dernière session parlementaire.

Alors donc, on va passer au projet de loi. Prenez la page 22 du document. Propositions relatives à l'article 1. Donc, au sein de l'article 1, c'est 87.2 qui nous a accrochés. On recommande l'abolition de cet article-là, puisque... Bon. Le premier alinéa, nous, on n'a pas de problème avec ça, on ne rejette pas le concept d'ancienneté qui régit les lois du travail depuis finalement le début des relations de travail au Québec. Cependant, le deuxième alinéa laisse une brèche ouverte aux entreprises afin justement d'unir, si vous voulez, les doubles échelles qui seraient existantes, de façon à augmenter les échelons par le bas. Et, dans le fond, conséquemment, on ne sait pas ce qui pourrait arriver avec cette situation-là. Qu'est-ce qui en est pour ce qui est de la période de probation? Est-ce qu'on va laisser justement ces nouveaux employés là grimper à pas de tortue dans l'échelle salariale? Donc, c'est une question qui nous causait problème. Donc, on a recommandé l'abolition du deuxième alinéa de l'article.

Enfin, 87.3, les fusions d'entreprises. C'est le terme qui nous accrochait principalement. Nous, on constate ici un paradoxe, puisque, dans sa volonté d'éliminer les clauses discriminatoires, de rayer de la carte les clauses discriminatoires du milieu de travail, ici, le ministère permet justement, si vous voulez, la présence de ces clauses-là, puisque le ministère a déjà statué clairement que l'utilisation des clauses se fait précisément dans le cas des fusions d'entreprises, et ce, dans le document Vers une équité intergénérationnelle publié en juin 1998. Donc, on recommande le retrait, si vous voulez, du terme «fusion d'entreprises» de l'article 87.3.

Maintenant, article 3, le délai d'application. Comme je le disais en introduction, on constate une absence de volonté, puisque le problème est constaté depuis belle lurette. Il y a déjà eu une commission parlementaire à ce sujet-là au sein de la commission de l'économie et du travail, et le gouvernement déjà, au sein du projet de loi n° 414, a indiqué la voie à suivre aux entreprises, c'est-à-dire: Continuons à instaurer des clauses orphelin au sein des conventions collectives. Et en ce sens-là, justement, on recommande, nous, que le libellé de l'article ne soit plus vraiment un délai de trois ans mais bien d'un an et que, finalement, toutes les clauses soient retirées d'ici les prochaines négociations du secteur public et parapublic. Voilà! Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Richard. Alors, madame... Oui, M. Boyer-Lafontaine.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Merci. Donc, juste avant de conclure la présentation des recommandations, une dernière subsiste, et c'est la question de la clause crépusculaire. Dès l'annonce... enfin, dès le dépôt du projet de loi, la plupart des groupes jeunes ont été scandalisés de voir cette clause-là. C'est une clause enfin qu'on pourrait qualifier de plusieurs façons: de clause d'autodestruction... Nous, on estime que cette clause-là doit être retirée, Mme la ministre. Pour quelles raisons? Bien, c'est, en fait, qu'on présume, à l'avance, les effets d'un projet de loi dont on ne connaît pas encore les impacts très clairement. Donc, selon nous, cette clause-là, la clause contenue dans l'article 4 du projet de loi, devrait être retirée. Ça fait le tour des recommandations que nous proposons aujourd'hui. Donc, je laisserais la parole à Geneviève Baril.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baril.

Mme Baril (Geneviève): Bonjour, tout le monde. Nous venons de vous exposer un peu notre insatisfaction par rapport au projet de loi. Puis, bon, mes collègues, autour de moi, vous ont exposé le volet technique auquel justement on accrochait au niveau du projet de loi. Mais laissez-moi citer Matthias Rioux, en juin 1998: «Aucune disposition, peu importe la convention collective concernée, ne doit laisser place à la discrimination.» C'est pour ça qu'aujourd'hui on est revenu déposer un second mémoire.

Oui, ça nous agace, parce qu'on pensait que c'était réglé. Il y avait eu, semble-t-il, l'an passé, une sorte de consensus qui avait été fait entre les jeunes et aussi la population de façon générale au Québec, qui avait stipulé, bon, qu'on ne voulait plus de clauses orphelin. Maintenant, on se retrouve avec un projet de loi, O.K., qui, oui, effectue une intervention législative au niveau des normes du travail mais qui, par son libellé, c'est-à-dire par les cas d'exception, par les délais d'application, par les clauses crépusculaires, fait en sorte de dénaturer l'esprit du présent projet de loi. De plus, il y a un élément qui a été omis – puis un élément très important, selon nous – c'est toute la question d'un recours plus efficace, plus simple puis aussi plus rapide pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec, c'est-à-dire par rapport à la Commission des normes du travail. Puis ça, il n'y a pas eu de discussion par rapport à ça.

Présentement, la FECQ et la FEUQ ont entamé une réflexion, une réflexion sur les conditions précaires des jeunes entourant le marché du travail. Les clauses orphelin, c'est un dossier qui traîne depuis deux ans. N'ayons pas peur de mots, ça fait longtemps que ça traîne, ce dossier-là. Puis, selon nous, bien, ça représente seulement la pointe de l'iceberg, pour citer mon collègue Daniel Baril, au niveau du problème d'insertion des jeunes sur le marché du travail, parce que, comparativement à la génération précédente, la génération actuelle a beaucoup plus de difficultés. Puis on voit apparaître, au niveau de la précarité d'emploi, toutes sortes de nouveaux statuts, c'est-à-dire lorsqu'on parle du travail autonome, du travail occasionnel, etc.

Donc, présentement, ce qu'on exige, c'est que le gouvernement close le débat dès maintenant, dès cet automne, au niveau des clauses orphelin pour qu'on puisse maintenant s'attarder à d'autres problématiques qui sont tout aussi importantes, comme le Code du travail, etc. Puis on est à se demander maintenant si le Parti québécois va vraiment respecter son mandat de la jeunesse, parce que, bon, au niveau de la lenteur qui est effectuée actuellement dans le dossier, on trouve que ça n'a pas d'allure.

Puis aussi je finirais en concluant qu'on demande à la ministre comment elle entend, elle, bonifier le projet de loi pour enfin qu'il corresponde véritablement à l'esprit de ce que les groupes et la population avaient demandé. Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Baril. Alors, c'est tout le temps qui était alloué à votre groupe pour la présentation. Passons maintenant à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, merci de votre présentation. La première chose que je voudrais bien, bien mettre au clair... Je peux comprendre qu'il y a certains éléments du projet de loi qui ne vous satisfont pas, mais il reste que d'abord c'est un phénomène qui n'est pas vécu seulement ici. On a bien des choses uniques au Québec, mais on n'est pas les seuls. Il y a là un phénomène mondial, en tout cas dans les pays occidentaux, dans les pays industrialisés, que, à ma connaissance, on est à peu près le seul endroit dans le monde qui a entrepris un dialogue sur cette question-là. Moi, je ne connais pas d'endroit où il y a eu une commission parlementaire, où il y a un projet de loi, où il y a... Bon. Quand même, on a une intervention assez unique, et certains d'ailleurs sont irrités du fait qu'on ait un projet même de législation. Alors, j'espère que vous voyez aussi ça.

(11 h 20)

L'autre chose... Peut-être plus des remarques préliminaires, je reviendrai sur certains éléments plus précis. M. Baril, vous avez commencé votre intervention en disant que vous étiez déçu. Moi, je peux vivre avec ça. Mais on a un défi, hein, parce qu'on essaie de trouver une voie intelligente pour encadrer cette question-là, ce problème-là, éviter que ça prenne des proportions, que ça s'incruste, que ça s'enracine dans nos pratiques de rémunération. Mais, en même temps, le problème des clauses orphelin, c'est un petit problème dans un grand ensemble, si je peux m'exprimer ainsi.

Puis je pense que, vous-même, dans votre plaidoyer, vous incluez toutes sortes d'autres questions extrêmement pertinentes à ce moment-ci de notre vie sociale et de notre vie économique: l'intégration des jeunes au marché du travail. Et là je ne veux pas être brutale non plus, mais ce n'est pas le projet de loi des clauses orphelin qui va régler tout ce problème-là. C'est un problème qui est dans un ensemble plus large. Je suis aussi ministre responsable de l'Emploi et je suis extrêmement préoccupée à ce que les jeunes aient, premièrement, une première job dans leur vie et qu'ils acquièrent une expérience, etc. Alors, ce problème-là de l'intégration des jeunes en emploi... Puis il y a toutes sortes d'indicateurs qui nous disent que la situation, elle est difficile actuellement. Il y a des succès extraordinaires que les jeunes vivent, mais il y a aussi une fragilité. Ça fait partie des paradoxes – vous avez utilisé cette expression-là – de la période dans laquelle on est.

Donc, vous dites que vous avez des déceptions. Je vais vous le dire, puis je vous le dis sans complaisance aucune: J'en ai aussi. Parce que, là, on est à un moment clé; on est au moment où on doit pratiquement... Vous avez dit tout à l'heure, Mme Baril: Il me semblait que c'était réglé. Bien non. Il n'y en a pas, de consensus là-dessus, et il y a une difficulté à mettre nos préoccupations, ce désir d'enrayer, de contrer ce phénomène-là, de manière pratique. Je ne sais pas... Vous étudiez dans toutes sortes de secteurs, mais c'est une chose de dire: On est contre ceci ou pour cela; c'est une autre chose de codifier ça, et de l'écrire, et de tenir compte aussi de la réalité.

Alors, j'ai aussi mes déceptions parce que, moi, la vie, là, ce n'est pas blanc ou noir, c'est plus compliqué que ça. Et on n'est pas dans un film western où il y a des bons et des méchants. Je pense que c'est plus compliqué que ça. Et je me permettrai de reprendre une... Vous avez utilisé certains mots en parlant du système économique dans lequel on est – qui est féroce, ça j'en conviens. Il est féroce, c'est vrai. On est dans une économie ouverte, compétitive. Vous avez parlé de stratégie, presque de stratégie concertée et systématique de la part des entreprises. J'aimerais ça que vous passiez une partie de la journée... que vous parliez à des représentants des entreprises. Parce que c'est vrai qu'il y en a qui n'ont probablement pas toujours la sensibilité de bien examiner les choix qu'ils font dans une entreprise.

Mais je peux vous dire, moi, que j'ai parlé à des P.D.G., de grandes compagnies mais surtout de petites et de moyennes entreprises, puis ce n'est pas vrai que, lorsqu'ils négocient une clause comme ça, ils le font de gaieté de coeur, et que c'est une stratégie concertée, et qu'ils se lèvent le matin en disant: Comment est-ce que je pourrais coincer les jeunes dans mon entreprise? J'exagère un peu mon image, mais, si on ne se sort pas de ces perceptions-là qu'on véhicule les uns sur les autres... Les entreprises disent la même chose: Les jeunes ne comprennent rien. Des fois, ils nous disent ça aussi. Bon. Mais, si on ne sort pas, là, puis si on n'essaie pas de comprendre ce que les uns et les autres vivent par rapport à un dossier comme ça, on n'en sortira pas.

Je voudrais revenir sur le fait que, bon, vous avez beaucoup positionné le dossier des clauses orphelin dans toute la dynamique de l'intégration des jeunes au marché du travail, vous avez raison de le faire, mais vous rappeler, je ne sais pas si vous avez vu certaines données, que les clauses orphelin ne concernent pas que les jeunes. Il y a beaucoup de monde en recherche d'emploi. Et, quand on regarde certaines données... J'en ai sous les yeux. Peut-être qu'on peut s'obstiner un peu sur ces données-là, mais les données que j'ai, par exemple de Statistique Canada, une enquête sur la population active qui date de 1998, nous disent que la grosse proportion des gens qui sont en recherche d'emploi ont entre 30 et 40 ans. C'est près de 40 % de ceux qui sont en recherche d'emploi qui sont dans le groupe d'âge 30 à 44 ans.

Alors, quand vous positionnez la question des clauses orphelin dans le spectre des jeunes, vous avez raison, mais en même temps j'imagine que vous voyez que c'est une problématique qui concerne les nouveaux arrivants, si je peux m'exprimer ainsi, dans une entreprise. Il y en a au moins un sur deux qui ne sont pas des jeunes. Alors, je voulais voir un peu comment vous réagissez à ça.

Je finis ma grande introduction avec cette question-là, et je vais vous poser une considération à un problème très, très, très pratique. Dans le secteur de l'alimentation – c'est un secteur qui est, je pourrais dire, très affecté par les clauses orphelin, à cause de la structure économique de ce secteur-là – il y a des cas, très bien documentés... J'en ai un concret sous les yeux. J'en ai même un dans mon propre comté, où j'ai un magasin d'alimentation, que je ne nommerai pas, de quartier, qui est là depuis une bonne vingtaine d'années, qui, à cause de l'histoire, a donc une échelle salariale plus élevée que ses compétiteurs.

Dans le cas, par exemple, que j'ai ici, un supermarché, appelons-le A, qui est ouvert depuis 20 ans, son échelle salariale part de 8,50 $ à 14,10 $ de l'heure. Arrive le supermarché B, en 1997 – vous voyez le genre, je nommerai pas de compagnie, mais vous pouvez imaginer – grosse surface, gros volume, qui vient probablement de l'Ontario et qui arrive ici à peu près au salaire minimum – ils commencent au salaire minimum. Il y a donc presque un avantage pour cette nouvelle entreprise qui arrive parce qu'elle n'a pas l'histoire, elle n'est pas syndiquée, etc. Qu'est-ce qu'on dit au supermarché A pour faire face à la musique? Et, dans ce cas-ci, l'échelle salariale donc du supermarché A passe de 8,50 $ à 14,10 $ et le supermarché B, qui est là depuis moins longtemps, commence à 7,95 $ pour finir à 12,70 $. C'est bête comme question. Puis ce n'est pas pour vous coincer, là, pas du tout, mais c'est à ça qu'on doit faire face actuellement.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril.

M. Baril (Daniel): Une grosse partie de mon introduction portait sur: Gouverner, c'est décider. Et une loi, c'est une décision, c'est volontaire. C'était pour dire que le contexte que vous soulevez, je le connais, j'en suis conscient, et c'est justement pour ça qu'on a un gouvernement.

Depuis quelques années, on fait un débat sur le rôle de l'État. Au niveau économique, on dit que l'État devrait être accompagnateur, commencer à moins investir. À mes yeux, on doit faire le virage de dire: Au niveau social aussi, l'État doit être accompagnateur et commencer à mettre des règles du jeu un petit peu plus claires.

Mme Lemieux: C'est bon, ça.

M. Baril (Daniel): J'ai rencontré l'ensemble des représentants des groupes patronaux, et, dans le moment, on a un dialogue de sourds. Je comprends très bien que les gens des entreprises aient besoin de diminuer leur masse salariale. Je comprends très bien que la compétition est féroce comme vous dites et qu'il y a des gens d'autres provinces ou d'autres pays qui arrivent ici avec des mégasurfaces et, dans le fond, tuent des collectivités. Ce n'est pas le sens du débat ici, mais il y aurait un autre débat à faire aussi sur ce phénomène-là. Et l'État est quand même là. Si le but, c'est de dire: L'État fait semblant de faire une loi pour protéger quelque chose mais se retire, dans le fond, pour laisser libre cours à tout, bien qu'on le dise clairement. Et là on pourra se positionner. On continuera le dialogue de sourds mais sur des positions claires, des positions franchement dites.

Les gens des entreprises nous le disent: Dans le moment, on a un dialogue de sourds parce qu'on ne réussit pas... Et ce que je perçois de leur discours, c'est qu'ils remballent des grandes revendications de déréglementation, d'ouverture de conventions collectives, d'abolition d'articles, d'ancienneté, de gens sur les tablettes, etc., en dossier jeune: C'est bon pour les jeunes, on le fait pour les jeunes, pour leur donner des emplois. Bien, mon impression, c'est que ce n'est pas pour les jeunes qu'ils font ça. C'est simplement pour baisser leur masse salariale et tranquillement remplacer les gens à la retraite. Et ça, je le vois, le phénomène, j'en suis conscient. Mais le rôle d'un gouvernement, à quelque part, c'est d'agir et de faire en sorte qu'on nivelle au moins... ou qu'on protège le terrain de jeux sur lequel les gens s'affrontent.

Oui, je suis aussi conscient que les clauses orphelin, ce n'est pas que les jeunes, il y a des nouveaux travailleurs. On pourra faire le même plaidoyer et dire «les travailleurs» parce que je crois que ce sont tous les travailleurs qui sont victimes de cet effet, de cette conséquence de la compétition féroce. Mais, à un moment donné, il faut se demander: L'État, son rôle là-dedans, c'est quoi? Et notre interpellation vise précisément ça. Peut-être qu'on accepte le principe que l'État soit un peu plus accompagnateur, un petit peu moins interventionniste, mais ça prend un cadre social. Il faut réglementer les règles du jeu. Et c'est le but de l'État, pour nous, et c'est le but de notre intervention quand on dit: Enlevez les clauses qui défont le projet de loi et permettez d'interdire, en bonne et due forme, les clauses orphelin.

(11 h 30)

Plusieurs groupes, dont nous, ont soulevé le débat qui s'est fait au niveau de l'équité salariale. C'est le même principe, c'est le même fondement. Ça s'appelle de l'interventionnisme législatif de l'État, mais il y a un objectif quand même, et cet objectif-là, c'est le débat. Tout à l'heure, ça a été soulevé, dans la précédente présentation, que le débat est sur le fond, sur les principes, et après on se trouvera des rédacteurs pour aller traduire ça. Nous, ce qu'on dit: Le principe est dans l'article qui interdit et, par après, on bafoue le principe. Et le rôle de l'État, pour nous, c'est d'encadrer les règles du jeu puis de nous laisser jouer dedans. C'est ma réponse à votre question, Mme la ministre.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui. Mais je ne veux pas que vous soyez inquiet parce que je n'hésiterai pas... Je l'ai dit dans mon introduction que je craignais beaucoup que cette commission, nous ne fassions que répéter des positions déjà connues, et je vais me permettre de relever les contradictions de tout le monde parce que, honnêtement...

Bon. Vous parlez de l'État accompagnateur. Je trouve que c'est une formulation assez heureuse puis effectivement je suis d'accord avec le fait qu'il nous faut clarifier les règles du jeu, et c'est ce qu'on essaie de faire actuellement.

Vous me parlez de dialogue de sourds. En général, ça marche des deux bords, ça. On a toujours un petit bout, chacun, de responsabilité dans ce dialogue de sourds. Mais je reviens à ma considération pratique, je reviens à mon exemple pratique.

Je ne veux pas vous refiler le problème, mais c'est ça, les considérations pratiques qu'on a à faire. Une fois qu'on a établi le principe qu'on ne doit pas faire de conditions différenciées à partir de la date d'embauche, qu'on a... Vous, vous dites que, dans les autres articles, on annule ce principe. Moi, je dis qu'on a essayé de prévoir des aménagements qui faisaient que c'était vivable pour tout le monde, qu'il fallait avoir quand même un pied dans la réalité. Il y a plein de...

Vous savez, je suis ministre du Travail, je suis responsable aussi de... On a une direction au ministère du Travail qui s'appelle les relations de travail. On intervient dans les conflits de travail, et il y a des cas qui sont très, très bien connus où l'enjeu n'était pas la renégociation de la convention collective mais un nouveau contexte économique qui mettait carrément en péril l'entreprise. Ce n'est pas des blagues. On a eu des cas où c'était: l'entreprise, elle ferme ou elle continue, et des fois on avait même les livres devant nous et ce n'était pas des blagues.

Alors, quand je reviens avec mon exemple du supermarché A qui a un historique, probablement syndiqué, qui a des conditions de travail plus avantageuses, entre guillemets, que le supermarché B qui vient d'arriver, grande surface, qui part à peu près au salaire minimum, comment on gère ça? Je ne veux pas vous coincer. Je veux juste qu'on partage.

C'est vrai que gouverner, c'est décider, mais je pense que le poids de ce dossier-là, il appartient à beaucoup de monde. Il appartient à l'État. On a un projet de loi; on fait déjà notre bout de chemin. Il appartient aussi aux entreprises. Il appartient aussi aux syndicats. Il y a des syndicats qui le disent: On a négocié des clauses orphelin mais on a été un peu vite sur la gâchette; en y repensant, peut-être qu'on trouverait d'autres types d'aménagements. Il y a des responsabilités partagées aussi.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril.

M. Baril (Daniel): Je vais répondre en tant qu'étudiant.

Mme Lemieux: Vous êtes étudiant en quoi?

M. Baril (Daniel): En histoire des religions. Donc, je suis orphelin pour de bon jusqu'au restant de ma carrière.

Mme Lemieux: Ah! il y a une commission parlementaire sur les... Ha, ha, ha!

M. Baril (Daniel): Oui, je me suis trompé de place, Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Baril. Ha, ha, ha!

M. Baril (Daniel): C'en est une, ça aussi, une clause orphelin à...

Mme Lemieux: C'est un autre sujet, O.K.? Ha, ha, ha!

M. Baril (Daniel): Je suis d'accord. Le dialogue de sourds, je le vis intensément. Ça fait plusieurs semaines que j'ai rencontré tous les gens des différents groupes du patronat, entre quatre murs. Donc, on peut échanger en bonne et due forme, et, même là, le centre, comme on cherche tout le temps à viser dans toute société qui ne cherche pas à éclater, est difficile à trouver, et c'est pour cela qu'on renvoie la balle au législateur.

Ce que je vois aussi, c'est l'exemple que vous donnez. Il est vrai. Mais, moi, ce que je mets sur la table comme compromis, c'est de faire l'effort de me former, c'est de faire l'effort de finir ma formation puis c'est de faire l'effort, après, d'aller me retrouver sur le marché du travail et, après, contribuer. Ça, c'est ma contribution.

Si, de l'autre côté, la contribution des gens d'en face, donc les employeurs, c'est de me donner des moins bonnes conditions, c'est de me faire un petit peu plus d'argent sur ma formation, là, je pense que le deal, il ne tient plus. Le deal, il ne marche pas. Ma contribution, c'est d'être un travailleur qualifié, c'est d'être un travailleur polyvalent puis c'est d'être un travailleur qui va rapporter encore plus.

Moi, j'espère que le projet de société qu'on veut faire, ce n'est pas du nivellement par le bas, et ce qu'on me dit comme étudiant, c'est de ne pas rapporter encore plus mais de coûter encore moins puis en ayant encore plus d'expertise.

Donc, ce que je viens tout juste de mentionner, c'est: Moi, mon but dans la vie, ce n'est pas de contribuer plus par mon expertise en coûtant moins. Là, ça s'appelle une équation optimale qui avantage une personne dans le deal. Un deal, c'est avantager les deux. La projet de loi, dans le moment, on ne croit pas qu'il vise le centre parce qu'il retire tout ce qu'il met de l'avant. Et viser le centre, c'est un petit peu en donner aux deux, et je ne suis pas convaincu que ma compréhension du projet de loi, c'est ce qui se produit.

Il faut voir aussi, dans le face à face qui se produit, le dialogue de sourds entre une partie des orphelins et les jeunes... Je crois que les autres travailleurs qui sont récemment embauchés ou qui sont en insertion en emploi, c'est ceux qui ont subi la même dynamique économique, c'est des jeunes de 20 à 30 ans. Il y a des universitaires dans ce groupe-là et eux subissent la conséquence de la même cause, une mentalité économique qui a oublié le monde.

Et ce qu'on voit dans le moment, ce que je tire de votre exemple, le pragmatisme qui est appelé dans votre exemple, c'est de poursuivre sur la même voie et ce n'est pas ce que je veux faire, ce n'est pas ce qu'on veut faire.

Les universitaires, justement, ça fait plusieurs mois qu'on débat de ce qu'on veut faire dans le cadre de la grande consultation du Sommet du Québec et de la jeunesse, ce qu'on réalise, c'est que, nous, notre contribution, c'est de donner quelque chose, c'est d'être une main-d'oeuvre qui est polyvalente, qui est bien formée, et c'est ça, ce qu'on amène.

Dans le moment, les premières années de notre présence sur le marché du travail, le retour d'ascenseur qu'on a, c'est un étage vers le sous-sol, ce n'est pas un étage vers le haut. Et ça, ça envoie un signal social à quoi? Ça envoie un signal à ceux qui font l'effort d'aller à l'université et ça leur dit: Dans le fond, ta formation...

Quelque part, collectivement, on a un peu baissé les bras, on a un peu abandonné. Il y a des grandes surfaces américaines ou non québécoises qui arrivent ici, c'est dommage, il y a un fatalisme, on est là. Mais le jour où on écrira l'histoire de ces années-là, on dira: Ça a été le fun, au Québec, on a eu 40 ans d'une belle Révolution tranquille, il y avait des ressources pour tout le monde. Puis, à partir de l'an 2000, ce qu'on a réalisé, c'est qu'on ne vit plus dans un monde où c'est possible de faire de quoi. Puis ce qu'on a dit aux jeunes, c'est: Soyez pragmatiques, tassez-vous dans le coin puis attendez les années pour monter d'un échelon à l'autre.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril, je dois vous interrompre, le temps qui était imparti au côté ministériel est épuisé. Alors, je céderais maintenant la parole au député et porte-parole de l'opposition, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Baril, ainsi que les gens qui vous accompagnent, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Vous dire tout de suite que votre mémoire est très bien fait, il a été fouillé, on voit là beaucoup de recherche et de rigueur. C'est très agréable d'avoir pu en prendre connaissance et de voir que les gens qui l'ont écrit sont ici avec autant de rigueur pour en témoigner.

Vous avez abordé plusieurs thèmes. En particulier, vous avez abordé le thème de la génération orpheline: une génération a eu accès au capital, aux emplois; ceux qui viennent après sont sacrifiés. Je veux dire, c'est une génération orpheline. Ça tombe bien dans les clauses orphelin.

Vous amenez un certain nombre de suggestions pour régler ça au niveau de la législation et du travail, les conditions de travail, ce qui forcément n'est pas non plus des solutions pour l'insertion au travail. Parce que je crois qu'on ne peut pas légiférer les emplois, mais, simplement, l'activité économique peut créer des emplois, faire en sorte qu'il y ait plus de gens, plus de jeunes qui y travaillent, tout le monde est d'accord avec ça.

Sauf qu'il y a un endroit où le gouvernement peut certainement agir et où il doit agir normalement, c'est dans sa propre administration. Alors, on sait en particulier que l'accès aux jeunes dans la fonction publique est très, très marginal. Je pense que c'est 3 % de jeunes. On sait qu'il n'y a eu aucun effort qui a été fait pour donner aux jeunes Québécois et Québécoises des emplois à temps complet dans la fonction publique; normalement ils sont temporaires ou à contrat.

Ça, pourtant, c'est le gouvernement. La ministre dit: Bien, ce n'est pas la bonne commission, je ne peux rien y faire moi-même. Bien, je crois que ça commence par une volonté politique d'agir sur ses propres leviers, ceux pour lesquels on a le contrôle, qui sont ceux de sa propre administration, donc sa fonction publique.

Alors, moi, je dis qu'il est faux de dire qu'un ministre ou une ministre, quel qu'il soit dans un gouvernement, n'a pas les pouvoirs d'aider les jeunes à entrer dans l'emploi. Il a juste à regarder dans son ministère, puis à parler au Conseil des ministres, puis à mettre des normes pour faire en sorte qu'on ouvre aux jeunes la possibilité, par les concours, par le recrutement, de pouvoir y avoir accès. Alors, dire le contraire, c'est ne pas connaître la responsabilité qu'on a ou les moyens qu'on a dans un gouvernement, ou alors être à la remorque des événements. Vous prendrez la définition que vous voudrez dans ce cas-ci, mais c'est ce qu'on nous a dit.

(11 h 40)

Un des autres points que vous avez mentionnés, ce que vous demandez, c'est que le gouvernement montre l'exemple tout de suite dans ses négociations en ce qui concerne les clauses orphelin dans sa fonction publique. C'est une demande que nous faisons, que l'opposition a faite depuis le tout début que le ministre a déposé son projet de loi. Nous l'avons réitérée en début de cette commission et nous demandons, nous exigeons, nous aussi, du gouvernement, de la ministre, qu'elle fasse rapport à son gouvernement pour qu'elle commence à mettre en pratique une partie des grands principes qu'ils évoquent. Je ne parle pas de son projet de loi parce que, si on se fie au projet de loi, ils ne sont pas obligés de le faire, mais des grands principes qu'ils évoquent. N'oublions pas que ces principes ont été évoqués avant puis pendant les élections par ce gouvernement qui, à l'époque, était un parti politique en campagne électorale. Et pourquoi ils les ont évoqués?

Ils les ont évoqués parce qu'ils voulaient votre vote. Simplement, ce qu'ils voulaient, c'est que les jeunes du Québec votent pour eux, disent: Ce parti-là représente la jeunesse. Donc, on leur promet un certain nombre de choses et, grâce à cela, ils vont venir nous donner leur vote, on va être réélus. Le problème, c'est que, quand on fait ça, normalement, en politique, on a une obligation de résultat après. On a une obligation morale, au moins envers les clientèles envers lesquelles on se commet, de ce qu'on appelle en termes vulgaires «livrer la marchandise».

Force est de constater – et vous le mentionnez – que la marchandise, elle n'est pas là. Elle n'est pas là du tout. Et ce que je déplore, c'est que vous ayez été un peu abusés, peut-être pas vous en avant, mais que les jeunes du Québec en général aient été abusés dans une bagarre politique. On leur a laissé croire, on leur a fait croire, on les a incités à croire que, s'ils votaient pour le gouvernement du Parti québécois, dont madame était candidate, on réglerait le problème des clauses orphelin et qu'il n'y en aurait plus.

On peut nous dire ce qu'on veut aujourd'hui, que c'est compliqué. Je prends des notes de la ministre: Très compliqué; c'est une chose de dire qu'on est contre ci, qu'on est contre ça, mais c'est compliqué de le faire et de l'écrire dans la réalité. Voilà. C'est ça, la réponse aujourd'hui. Alors, avant la prochaine campagne électorale, la prochaine fois, demandez-leur donc qu'ils l'écrivent avant plutôt que d'avoir à l'écrire après. Ça sera peut-être plus facile de l'écrire avant, dans ce qu'on vous promettra, qu'après. Premièrement.

Si le projet de loi est présenté tel qu'il est, est-ce que, pour vous, c'est un projet de loi qui devrait passer pareil si elle ne change rien ou alors c'est un projet de loi qui devrait tomber? Et est-ce qu'on devrait, à ce moment-là, tirer la conclusion qu'il n'y a rien à faire de la part de ce gouvernement ou est-ce qu'on devrait réécrire un nouveau projet de loi?

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril.

M. Baril (Daniel): Je vais laisser mon collègue Alexis répondre sur cette question.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Boyer-Lafontaine.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): D'abord, peut-être un ou deux commentaires sur votre propre commentaire du début. Une chose qu'on n'a pas dite puis peut-être que, dans le fond, c'est important de le redire à ce moment-ci, c'est que la question des clauses orphelin, pour nous, entrait dans le cadre d'une espèce de processus plus large qui est la rénovation ou la réforme du Code du travail, toute la réflexion, en même temps, que le gouvernement du Québec veut amorcer sur les lois du travail.

Et l'impression, un peu, qu'elle nous donne, le fait qu'on ne semble pas vouloir avancer résolument sur la route d'un projet de loi qui ait des dents, c'est un peu de dire: Est-ce qu'on ne remet pas aux calendes grecques le débat à venir sur les lois du travail? Est-ce qu'on veut aller vers ce débat-là sur la réforme des lois du travail? Est-ce qu'on en a les moyens politiquement? Et je vous épargne la suite. Mais donc cette première question-là est vraiment importante à nos yeux.

La question de l'insertion, Daniel en a parlé à quelques reprises au cours de sa présentation. Les clauses orphelin ne sont certes pas comme une espèce d'ultime sommet des difficultés des jeunes à accéder à l'emploi; par contre, c'est un problème. C'est un problème social, c'est un problème que les Québécois eux-mêmes reconnaissent. Il y a eu des sondages.

Quand Mme la ministre parlait tout à l'heure de consensus, il en existe un, consensus. Quand on regarde ce que les gens pensent, les citoyens qui sont consultés par voie de sondage... On peut critiquer la méthode des sondages, mais un sondage donne une image d'un paysage social au Québec, puis ce paysage social là, ces individus-là nous disent que les clauses orphelin, ils estiment que c'est une pratique qui n'a pas lieu d'être dans une société comme la nôtre et que c'est une pratique qu'on devrait éliminer.

Dernier élément avant d'arriver à votre question: l'accès des jeunes à la fonction publique. On aura l'occasion demain d'en reparler, puisqu'il y a une commission parlementaire également qui se penche sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental et on interviendra demain, en commission parlementaire, sur cette question-là parce que c'est aussi une question qui nous tient à coeur.

Ensuite, pour arriver finalement à la question de l'engagement électoral, puisque effectivement c'est un aspect clé pour nous – puis je le dis vraiment avec une très, très grande conviction – nous avons été de ceux – les deux fédérations étudiantes – qui ont travaillé très, très fort au nom des étudiants pour obtenir des engagements, pour forcer tous les partis politiques au Québec à se positionner sur des enjeux jeunesse, des enjeux qui sont multiples, des enjeux qui sont quand même déterminants.

Puis le Sommet du Québec et de la jeunesse est un engagement, est un lieu, est une décision qui doit prendre forme et qui va prendre forme. Mais il y a également d'autres engagements. Et les clauses orphelin, dans notre esprit, étaient clairement un engagement aussi, et un engagement qu'on tente aujourd'hui de faire respecter à sa juste valeur puis de faire en sorte que l'engagement qui a été pris par le gouvernement de légiférer, et légiférer de manière complète, soit effectué. Voilà.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. Boyer. Je céderais maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure.

M. Gobé: Oui. Peut-être qu'il n'a pas répondu sur le projet de loi tel qu'il est. Est-ce qu'il est acceptable? Ou est-ce que vous l'abandonnez? Ou est-ce qu'on le réécrit? Ou alors est-ce que vous prenez acte que, enfin, vous vous êtes faits avoir un peu?

Le Président (M. Lelièvre): M. Boyer.

M. Boyer-LaFontaine (Alexis): J'ai vu, en fait, le communiqué que l'aile parlementaire libérale a fait paraître hier, je crois, sur le fil de presse. Nous, ce qu'on a mis de l'avant aujourd'hui, c'est des modifications au projet de loi. On ne considère pas, comme l'expression populaire qui dit de jeter le bébé avec l'eau du bain... On considère qu'il y a des éléments dans ce projet de loi, en particulier l'article 1, qui définit un principe, mais que le reste du projet de loi n'est pas nécessairement conforme au principe qui est fixé dans le projet de loi. Donc, retournons à la table de travail. Il y a des gens très compétents au ministère du Travail pour refaire des calculs. Donc, c'est ce qu'on souhaite puis c'est ce qu'on mettait de l'avant aussi dans notre mémoire aujourd'hui.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Donc, l'acceptation du projet de loi, l'acceptation dans son ensemble large, je veux dire, passe pour vous par le respect de vos demandes de modification ou d'annulation des articles. C'est ça?

M. Boyer-LaFontaine (Alexis): Tout à fait.

M. Gobé: D'accord. Merci. Ma collègue a quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Lelièvre): Oui, si vous permettez, la présidence va lui céder la parole, M. le député de LaFontaine. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Tout d'abord, vous me permettrez de joindre ma voix à mes autres collègues et de vous souhaiter la plus cordiale bienvenue à notre commission. Je vous félicite, dans un premier temps, pour la qualité de votre mémoire. De toute évidence, il est basé sur un argumentaire solide et rigoureux.

Évidemment, vous nous interpellez sur des questions de fond. Vous avez souligné tout à l'heure des points comme une équité intergénérationnelle, que les clauses orphelin étaient un peu l'illustration de cette inéquité-là et que les jeunes aujourd'hui, dans le fond, par rapport aux jeunes du passé, n'avaient pas la même chance d'accéder au marché du travail avec les mêmes conditions aujourd'hui. Vous parlez de pacte social. Vous avez également parlé de la nécessité de mieux protéger les jeunes.

J'ai l'impression que, sur la base de l'argumentaire que vous nous servez, on est à une espèce de croisée des chemins. Vous interpellez le gouvernement et je pense que vous interpellez la société entière à faire des choix qui seront déterminants justement pour assurer un meilleur avenir à nos jeunes, notamment.

Vous avez également parlé tout à l'heure de dialogue de sourds. Et j'aimerais savoir: De votre côté, qu'est-ce que vous souhaiteriez ou quelles seraient les avenues que vous envisagez pour qu'on puisse permettre aux parties... Parce que j'ai l'impression que, lorsqu'on parle d'une équité intergénérationnelle, ça transcende un débat purement économique. Je pense que, là, il y a une pierre angulaire qui est importante, c'est un point important.

Pour briser ce dialogue de sourds là, qu'est-ce que vous suggérez concrètement? Comment vous pensez qu'on peut justement permettre aux parties de se parler, de se rapprocher pour trouver un terrain d'entente qui soit satisfaisant pour l'ensemble des parties sur la base, donc, des obligations et des attentes de chacun?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Baril.

Mme Baril (Geneviève): Ce qu'il faut savoir, c'est... Oui, vous avez parlé de pacte social, etc., au niveau économique. Je pense que l'équité intergénérationnelle, ça se fait, d'abord et avant tout, par le respect, puis le respect ici, c'est, oui, de regarder les faits, d'exposer la situation telle qu'elle est puis de donner la chance aux jeunes, la chance qui leur revient, de prendre leur place justement dans la société. Puis actuellement, avec des mesures discriminatoires comme les clauses orphelin, les jeunes n'ont pas la même chance que la génération précédente de pouvoir accéder au marché du travail. Puis c'est ça justement qu'on dénonce.

On dit souvent: Les jeunes s'endettent de plus en plus. On dit aussi que les jeunes restent de plus en plus longtemps à la maison, chez leurs parents, qu'ils se marient davantage plus tard, qu'ils n'ont pas d'autonomie, bref. Mais pourquoi? C'est à cause, entre autres, des clauses orphelin, de la précarité aussi au niveau du marché du travail. Toutes ces petites choses là qui font justement que le jeune, ça prend plus de temps avant qu'il soit autonome dans la vie, etc. Donc, ce qu'on demande, évidemment, c'est du respect par rapport à la génération qui nous a précédés. Justement, c'est ça. On essaie de voir s'il ne pourrait pas y avoir un consensus. On est prêts à regarder davantage la question avec toutes les parties de la société civile concernées.

(11 h 50)

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure, est-ce que vous avez une autre question?

Mme Normandeau: Non, ça va. Non, merci.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je vous remercie. Tout à l'heure, avec les médecins, j'ai évoqué, comme proposition que nous entendons faire plus tard, que chacun des ministères soit obligé de faire l'inventaire des clauses d'exclusion potentielles existantes à l'intérieur de son administration, fasse rapport et qu'elles soient corrigées. Êtes-vous en faveur d'ajouts de ce genre de proposition là dans le projet de loi?

Le Président (M. Lelièvre): M. Richard.

M. Gobé: Ça touche la fonction publique.

M. Richard (Alexandre): Oui, en effet. Donc, je me permettrai de répondre à cette question-là en disant que, oui, les fédérations, effectivement, n'ont jamais été en défaveur, si vous voulez, d'une intervention législative. Je crois que vous entendiez le Code du travail et les lois des normes du travail, donc?

M. Gobé: Non. Ce que nous allons demander, c'est que tous les ministères du gouvernement du Québec et organismes du gouvernement du Québec soient tenus de faire l'inventaire des clauses d'exclusion, donc des clauses orphelin, qui peuvent exister dans leur administration générale, d'accord, dans leur fonctionnement – on a vu tout à l'heure qu'il y avait des médecins qui étaient touchés, là, ça en fait partie comme exemple – fassent rapport rapidement au gouvernement et que le gouvernement prenne les moyens de les éliminer.

M. Richard (Alexandre): Bien, je crois que ça s'inscrit dans notre proposition, justement, de réformer en un an, si vous voulez, le délai d'application. Je crois que c'était là principalement le point. Justement, les clauses discriminatoires sont présentes. Une loi, c'est universel, à ce que je sache. Et puis la loi qui va abolir les clauses discriminatoires va devoir s'appliquer, et effectivement tous les ministères auront à rendre rapport. Et puis c'est ça. Justement, on a incité la fonction publique à utiliser de telles clauses. Donc, effectivement ils auront à faire promptement rapport de l'état de leurs relations de travail et auront à corriger ça tout aussi rapidement, tout aussi promptement, donc.

M. Gobé: Est-ce qu'avant d'avoir ce rapport qui peut prendre quelques mois l'État devrait, dès sa négociation actuelle, là, avec le secteur public, dans le cas de clauses orphelin connues, d'accord, agir et les corriger tout de suite avec sa négociation?

M. Richard (Alexandre): Bien, effectivement, vous avez répété littéralement notre proposition. Effectivement, nous, on prône l'abolition... C'est un débat qui perdure depuis longtemps et puis qui perdure depuis trop longtemps déjà. Puis, dès cet automne, en fait, on réclame l'abolition pure et simple au sein du secteur public... Et ultérieurement évidemment la loi devra s'appliquer à l'ensemble des secteurs économiques et afin, justement, de rétablir l'équité interpersonnelle, puisque ce n'est pas intergénérationnel. Il y a un bémol ici.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril, vous aviez quelque chose à rajouter?

M. Baril (Daniel): En complément, on nous apprend à l'université à être exhaustif. Cette opération-là aurait dû être déjà effectuée, et aussi, dans le moment, c'est nous-mêmes, les différents groupes de jeunes, qui faisons les études, les recensions. À mes yeux, on aurait dû avoir sur la table, avant même les consultations, ce que vous demandez et on aurait pu avoir un vrai débat mais sur quelque chose d'exhaustif. Ça fait que ce que vous demandez, à mes yeux, va de soi.

M. Gobé: D'accord. Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. le député de LaFontaine, il vous reste exactement 10 secondes.

M. Gobé: Bon, bien, je vous remercie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lelièvre): Je vais céder maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. Ha, ha, ha!

M. Dumont: Merci, M. le Président. Bienvenue aux gens de la FECQ et de la FEUQ à notre commission. Vous avez référé dans votre introduction au mandat de la jeunesse. Je veux prendre 20 secondes pour faire un historique, sur une couple de décennies, sur c'est quoi, des priorités de mandat.

M. Bourassa, dans les années soixante-dix, s'était donné une couple de priorités de mandat. Il a développé la Baie-James, il a créé la Régie de l'assurance-maladie du Québec, donc a transformé par des gestes la société. René Lévesque est arrivé au pouvoir en 1976 avec des priorités de mandat. Il a adopté la loi 101, le zonage agricole, l'assurance automobile, la Loi électorale. Il a changé des pratiques de société de fond en comble, et ce, nonobstant qu'on soit plus ou moins d'accord avec chacun des points, mais c'étaient des initiatives politiques.

Le gouvernement qui est en face de nous, dans son dernier mandat, qu'on soit d'accord ou pas, avait identifié le déficit zéro comme une priorité de mandat. Dieu sait qu'on en a parlé, du déficit zéro. Il n'y a pas la moitié de l'ombre d'un citoyen au Québec qui n'a pas été touché par ça ou qui n'a pas senti cette volonté-là.

Là, on est dans le mandat de la jeunesse. On devrait sentir dans le libellé, dans le projet de loi n° 67, mais pas juste dans le projet de loi, dans ce que vous venez de décrire, M. Baril, sur l'ensemble de l'action gouvernementale, on devrait sentir cet élan.

Ce qui se passe, c'est le contraire. Dans la pratique, c'est un député d'opposition qui a amené le premier projet de loi. Ensuite, c'est les groupes jeunes qui ont soulevé les cas. C'est encore les groupes jeunes qui font le plus d'études pour montrer: Écoutez, vous oubliez tel groupe, vous oubliez tel groupe. Le gouvernement a pris un engagement électoral à minuit moins cinq, de reculons. Finalement, il arrive après puis dit: Oui, mais là on trouve ça plus compliqué qu'on pensait. La priorité à la jeunesse, je trouve qu'on ne la sent pas beaucoup.

Mais je veux vous questionner sur ce que la ministre a décrit tout à l'heure en parlant de l'effet moral. La ministre – je pense que vous étiez arrivés – en parlant aux jeunes médecins, a dit: Le seul fait d'en parler dans la société, le seul fait qu'un projet de loi soit sur la table ou qu'il soit en préparation, ça a une incidence parce que ça a un effet moral. Quand les gens arrivent aux tables de négociation, ils font plus attention parce qu'ils savent que c'est surveillé puis que c'est en discussion.

Est-ce que vous ne craignez pas l'effet moral boomerang, c'est-à-dire que, si on justifie, à l'intérieur du projet de loi, des subterfuges – on va appeler ça comme ça – ou, en tout cas, des mécanismes pour contourner la loi elle-même puis des nouvelles façons d'établir des clauses orphelin, l'effet moral va être exactement le contraire, au même titre que, là, présentement, négocier des clauses orphelin, c'est suspect un peu, si c'est légitimé par une loi, avec d'autres mécanismes, avec l'ajout d'échelons, si c'est légitimé, que l'effet moral va être justement boomerang, que ça va être un incitatif à créer des ajouts d'échelons?

Et là je vous invite... Vous n'avez probablement pas eu le temps de prendre connaissance de l'étude d'impact du ministère du Travail qui nous montre que les ajouts d'échelons, là, c'est beaucoup plus important que ce que la plupart des acteurs pensaient, puis, entre autres, dans le secteur municipal, c'est presque les trois quarts des cas qui sont sous forme d'ajouts d'échelons.

Le Président (M. Lelièvre): M. Baril.

M. Baril (Daniel): J'ai comme 30 secondes si je...

Le Président (M. Lelièvre): Non. Vous avez 1 min 30 s. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril (Daniel): O.K. Sans être un politologue, ce que je comprends des mandats qui ont été faits par les différents gouvernements, il n'y avait pas de mandats crépusculaires. Donc, les choses se faisaient. Elles ont un effet, elles ont encore un effet aujourd'hui. Si le mandat jeunes est pour avoir construit à l'intérieur, pour faire l'anglicisme, un mandat crépusculaire, bien, en tout cas, ce n'est pas ce que je souhaite, là.

L'effet moral, sans faire une boutade, en histoire des religions, on nous apprend que les paroles magiques, ça ne change pas les choses, ça n'a pas d'effet. C'est ce qu'on m'enseigne à l'université. C'est simplement ce que des gens souhaitent. Après, il faut qu'ils passent aux actes. L'effet moral des paroles, moi, je n'y crois pas. Peut-être que je suis un petit peu sceptique ou blasé par l'effet du militantisme. Mais, nous, on veut de l'action, on veut des actions morales, pas des paroles morales. En tout cas, je n'ai pas à compléter sur ça.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, malheureusement, votre temps est écoulé.

Alors, je vous remercie, au nom des membres de la commission, d'être venus présenter votre mémoire et de répondre aux questions des membres. Nous allons suspendre quelques secondes, le temps de permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 12 h 1)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission reprend ses travaux. Je souhaite donc la bienvenue au Comité national des jeunes du Parti québécois. Si le porte-parole principal veut bien se présenter et présenter la personne qui l'accompagne, tout en vous rappelant que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJ)

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Jean-Hertel Lemieux, je suis le président des jeunes du Parti québécois. Je suis accompagné, à ma droite, par Dominic Mailloux, qui est conseiller sur mon exécutif, puis il a des bonnes connaissances en matière de travail.

Alors, peut-être que je vous présenterai un petit peu qu'est-ce que le Comité national des jeunes du Parti québécois. Nous sommes des jeunes de 16-30 ans de toutes les régions du Québec et nous faisons en sorte que les dossiers jeunesse soient écoutés et entendus à l'intérieur du Parti québécois. On représente environ 25 000 membres au Québec. Le Comité des jeunes du Parti québécois regroupe encore une fois des représentants régionaux et ces mêmes représentants régionaux représentent également des multitudes de personnes, d'individus, dans nos différentes régions du Québec.

Donc, en note préliminaire, ce que j'aurais à dire aussi, c'est que les jeunes du Parti québécois avaient présenté l'an passé un mémoire conjoint avec l'exécutif national du Parti québécois. Maintenant, les jeunes ont décidé de déposer leur propre mémoire, c'est ce qu'on fait ici ce matin.

En introduction, ce qu'il faut se rappeler, c'est que nous savons particulièrement bien que le monde du travail a subi des grands bouleversements. Par contre, ces bouleversements-là ont une incidence directe sur le monde du travail et évidemment sur la condition des jeunes. Lorsque, nous, on parle évidemment de la compétitivité qui a une incidence directe sur le partage du travail, cela a résulté en l'apparition d'une iniquité – comme c'est marqué dans le mémoire – comme le phénomène des clauses orphelin. Nous, on croit essentiellement qu'il incombe justement aux décideurs politiques, sociaux et syndicaux de faire en sorte que ces fameuses clauses orphelin là disparaissent. On parle d'équité sociale.

Au-delà de ça, je crois qu'il faut faire attention, il faut respecter les jeunes du Québec. J'ai entendu précédemment les gens de la FECQ et de la FEUQ, du mouvement étudiant, soumettre leurs idées. J'ai entendu les réponses des partis politiques. On ne se fera pas de cachettes. On se rappellera qu'en 1987 les jeunes libéraux avaient pris position pour une législation sur les clauses orphelin; il ne s'est jamais rien passé. Donc, lorsque j'entends les libéraux aujourd'hui commencer à faire du verbiage là-dessus, je crois, moi, en quelque part, qu'il faut faire attention puis qu'il faut aussi être conséquent avec ce qu'on dit. Le dossier était déjà chez les libéraux en 1987 et il ne s'est rien passé.

D'ailleurs, lorsqu'on nous parle, encore une fois, de l'importance d'écouter la jeunesse québécoise, je me pose de grandes questions: alors que Jean Charest n'était présent, lors de la campagne électorale, dans aucune institution scolaire, il ne se montrait pas le visage nulle part, mais là maintenant on s'occupe des jeunes. Alors, pour nous, il y a un gros problème, encore une fois, de cohérence dans le discours.

Pour nous, le dépôt du projet de loi sur les clauses orphelin, c'est quand même un pas dans la bonne direction. Vous savez, le gouvernement du Québec et le Parti québécois, alors en campagne électorale, avaient pris un engagement très clair de déposer un projet de loi. Le dépôt a été fait. Les jeunes du Parti québécois avaient pris position, à ce moment-là, pour saluer le courage de la ministre du Travail. Nous le faisons encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas évident de faire le dépôt d'un projet de loi sur les clauses orphelin.

D'ailleurs, le parti précédemment au pouvoir n'avait même pas eu le courage de le faire, malgré les revendications de son aile jeunesse. Mais le gouvernement du Parti québécois a tenu parole, a déposé un projet de loi. Lorsque nous avons, à ce moment-là, émis un communiqué ou émis notre opinion sur le sujet, sur la question, nous avions encore une fois salué le courage de la ministre, mais également nous avions pris soin de rajouter, et c'était très clair, que le projet de loi était à ce moment-là un document de travail. C'était un document qui pouvait être sujet à modifications. Et essentiellement il était clair que, nous, nous voulions justement apporter ces modifications-là, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Comme nous ne sommes pas nécessairement non plus, bon, des experts en matière de travail – on ne se fera pas de cachette là-dessus, nous ne sommes pas des groupes, je dirais, des comités d'experts en matière de travail – nous avons quand même soumis trois recommandations. On va en parler tout à l'heure, des recommandations qui nous ont été aussi soumises, il faut le dire, par nos jeunes dans les régions du Québec, parce qu'ils ont, eux aussi, abordé la question, ont discuté dans les régions du Québec de cette question-là, des clauses orphelin. Ils n'avaient pas le choix, de toute façon, c'était tellement médiatique. Donc les jeunes ont embarqué là-dedans de façon importante et nous ont soumis des recommandations et des idées là-dessus.

Donc, contrairement à ce qu'on nous a dit, à ce dont on nous a accusés, d'appuyer sans nuance les projets de loi concoctés par la ministre, le Parti québécois et le Comité national des jeunes du Parti québécois principalement ont plutôt saisi évidemment l'occasion de participer au débat, d'amener des solutions, et c'est ce que nous faisons ce matin. Donc, c'est un projet de loi qui est perfectible, c'est ce qu'on veut faire ce matin. Et, contrairement à ce qu'on a pu lire dernièrement dans les médias, nous, on croit que c'est le moment idéal pour amener nos solutions, nos modifications, pour l'améliorer, ce projet de loi là. Et l'idée de le rejeter unilatéralement et rapidement et de le reléguer aux oubliettes, ce n'est pas une bonne idée. Enfin, on a un document sur la table. Enfin, on a un projet de loi pour travailler. Et enfin, on a des solutions à apporter pour en aider la jeunesse québécoise.

Maintenant, je vais passer la parole à mon collègue Dominic Mailloux qui va parler des recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Mailloux.

M. Mailloux (Dominic): Bonjour à tous. Comme Jean-Hertel le disait, nous, la philosophie qu'il y a derrière le travail de notre mémoire, c'est de se dire que le document qui a été déposé en juin dernier est un document qui est perfectible, et c'est en ce sens-là que les trois modifications, les trois améliorations qu'on propose dans notre mémoire, c'est en ce sens-là qu'on les apporte et c'est dans cette philosophie-là.

Donc, au niveau de notre première recommandation, notre première modification, nous, ce qu'on préconise, c'est d'abroger le deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi n° 67, celui qui concerne l'amplitude des échelles salariales et le remplacement d'un taux unique de salaire par une échelle salariale. On croit que cette modification-là s'avère nécessaire dans le sens où, à l'heure actuelle, dans sa forme actuelle, la législation permet la négociation de clauses orphelin à effet temporaire.

Il faut se rappeler que, même si ces clauses-là, disons, ou ce type de clauses là est plus subtil que la double échelle salariale permanente, ce sont des clauses qui sont quand même assez répandues et qui ont des effets pervers pour les nouveaux arrivants, les nouveaux employés. On est conscients que cette modification-là réduit d'une certaine façon la flexibilité salariale des employeurs, sauf qu'on croit qu'on a trait ici à un projet de loi qui concerne des questions de principe, et donc nous désirons prendre une position assez ferme à ce niveau-là.

La deuxième modification de notre mémoire concerne l'article 3 au niveau du délai d'ajustement, donc un délai d'ajustement qui est prévu, à l'heure actuelle, de trois ans. Nous désirons réduire ce délai d'ajustement là de trois ans à 18 mois. On comprend que ce délai-là a été fixé dans le sens où il tient compte de l'échéance de la majorité des conventions collectives qui vont venir à échéance dans les trois prochaines années. Cependant, on trouve que ce délai d'ajustement est un peu trop long. Premièrement, parce qu'il permet la négociation de clauses orphelin ou d'ententes collectives qui comprennent des clauses orphelin dans les trois prochaines années, et d'autant plus parce qu'il réduit la durée d'application de la loi seulement à deux ans, si on prend en compte que le projet de loi est adopté cette session.

(12 h 10)

Et également il faut bien comprendre qu'il y a un rapport qui est prévu dans le projet de loi et que ce rapport-là donc détermine, ou du moins les conclusions vont déterminer les modifications ou si on poursuit ou non avec la loi dans sa forme actuelle. Et on considère que, si la loi est appliquée pendant seulement deux ans, on voit mal comment un rapport peut prendre en compte tous les tenants et aboutissants, tous les effets d'une telle législation, si elle est simplement appliquée durant deux ans. C'est clair que cette modification causera des désagréments dans le sens où, probablement, si cette modification-là est adoptée, dans le fond – excusez-moi – nous, ce qu'on préconise, c'est de ramener ce délai d'ajustement là de trois ans à 18 mois. Donc, on comprend que ça va causer certains désagréments si notre modification est acceptée. Cependant, on considère que c'est un moindre mal de forcer certaines parties à rouvrir leur convention collective avant que celle-ci ne vienne à son échéance.

Finalement, notre troisième recommandation, ça concerne ce qui a trait à la clause crépusculaire, le fait que le projet de loi n° 67 meurt le 31 décembre 2004. Comme on le dit, nous, on considère que c'est une législation de principe et, en matière de principe, on croit qu'il ne devrait pas y avoir de mesure temporaire. Donc, à ce niveau-là, on est pour l'abrogation de l'article qui concerne la clause crépusculaire.

Ça fait le tour des trois modifications ou des trois recommandations que le Comité national du Parti québécois a à proposer pour le projet de loi n° 67.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Mailloux. M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Donc, on ne le répétera jamais assez, c'est écrit d'ailleurs, évidemment, dans notre mémoire. Nous saluons encore une fois le courage du gouvernement pour le dépôt du fameux projet de loi sur les clauses dites orphelin.

Nous croyons à quelque part que ce projet de loi là doit être un signal très clair pour la jeunesse québécoise, la volonté réelle du gouvernement de faire en sorte que ce mandat soit véritablement celui de la jeunesse. Vous savez qu'il y a un Sommet du Québec et de la jeunesse qui s'en vient. Nous croyons très clairement que les jeunes du Québec auraient un signal très clair, un signal net justement que le gouvernement du Québec fait véritablement de ce mandat celui de la jeunesse.

Vous savez, il faut faire attention à ce débat de société qu'on fait aujourd'hui, c'est un débat intergénérationnel aussi. Je crois qu'il faut absolument que l'ensemble des acteurs du Québec, acteurs sociaux, économiques, syndicaux, société civile, fassent en sorte réellement de prendre en compte véritablement les enjeux et l'avenir de sa jeunesse. Il faut faire attention. Au-delà des discours, au-delà des mots, il faut de l'action.

Nous, ce qu'on souhaite, c'est que l'ensemble des acteurs du Québec, des acteurs, je dirais, d'importance, si on peut employer le terme, du Québec, prennent véritablement en considération l'enjeu et surtout l'avenir de sa jeunesse, parce que très souvent, lorsqu'on entend la partisanerie politique qui embarque, veux veux pas, on a lieu de se poser de sérieuses questions. Et on s'en fait poser. Les jeunes du Québec nous posent de véritables questions, à savoir: Pourquoi le gouvernement et les partis politiques perdent de la crédibilité, les politiciens perdent de la crédibilité? Ce n'est pas pour rien, parce que les jeunes du Québec ne croient plus nécessairement à ces guerres de mots, à ces engueulades. Au contraire, eux, ce qu'ils souhaitent, c'est qu'il y ait véritablement des actions concrètes qui soient mises sur le terrain.

Le gouvernement a déjà fait un pas dans la bonne direction, selon nous, même deux pas. Premièrement, l'annonce du Sommet du Québec et de la jeunesse. Nous allons y participer. Les acteurs vont y participer aussi, les jeunes veulent y participer. Évidemment, avant ça, pour nous, l'adoption d'une loi qui va être solide, une loi qui fera en sorte justement de protéger la jeunesse québécoise, une fois que cette loi-là sera adoptée, on pourra alors parler vraiment d'une implication de l'ensemble de la société dans la cause des jeunes.

Donc, c'est essentiellement ça, notre mémoire sur les clauses dites orphelin. Nous croyons que le gouvernement du Québec a un rôle à jouer. Nous croyons que le gouvernement du Québec se doit absolument de prendre une décision nette, une décision éclairée sur la question et nous souhaitons, à la rigueur, qu'il n'oublie jamais une chose, c'est que les jeunes du Québec, c'est d'abord et avant tout l'avenir de notre société. Ce ne sont pas nécessairement malheureusement les jeunes qui détiennent actuellement les leviers de pouvoir, l'argent, ces choses-là, mais c'est la relève, et il faut absolument en tenir compte lorsqu'on prend des décisions. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Lemieux, M. Mailloux, de votre présentation. Nous allons maintenant passer à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci de votre présentation. J'ai vu que vous étiez présents à la présentation des intervenants qui vous ont précédés, du milieu de l'éducation, des associations étudiantes. Alors, vous allez comprendre que c'est un peu inévitable. Il y a un peu une continuité dans les questions, je ne recommencerai pas les questions du départ. Pour moi, c'est un processus. Parce qu'il y a des préoccupations, notamment l'article sur ce qu'on appelle la clause crépusculaire, des préoccupations que vous avez énoncées, qui le sont aussi par d'autres associations de jeunes.

Je voudrais revenir là-dessus, sur la période d'adaptation aussi, mais peut-être quand même faire... Je refais l'introduction que j'ai faite avec les associations étudiantes tout à l'heure, que l'enjeu, c'est qu'on a à trouver une manière de contenir l'émergence des clauses orphelin, d'éviter qu'elles ne s'incrustent dans nos pratiques de rémunération, nos pratiques salariales, mais que, en même temps, c'est une question qui est dans un ensemble: l'intégration des jeunes sur le marché du travail. Vos prédécesseurs ont fait une remarque similaire à ce que vous faites. Il y a beaucoup de liens qui se font avec le Sommet de la jeunesse. J'avoue que j'ai un peu de réserves qu'on combine de manière autant linéaire ces deux réalités-là. Le Sommet de la jeunesse, c'est une occasion qu'on ne doit pas, personne, rater non plus. On est en démocratie. On a un lieu actuellement pour débattre de ce projet-ci sur les clauses orphelin. On va faire les choses aux bonnes places. Et, en tout cas, faisons attention, quant à moi – c'est un commentaire bien personnel – à ce type de lien. Ceci étant dit, il y a eu effectivement beaucoup de... Je relisais cette semaine les réactions qu'il y avait eu au moment où on a déposé le projet de loi n° 67, et ce qu'on appelle la clause crépusculaire a soulevé toutes sortes de réactions.

D'abord, je demeure un peu étonnée parce que, à la formulation... Enfin, les gens l'ont interprétée comme si on annonçait d'avance qu'il y aurait une fin de législation alors que... Je me permets de vous relire l'article 4 qui dit: «La section VII.1 de la Loi sur les normes du travail, édictée par l'article 1, cesse d'avoir effet le 31 décembre 2004 ou à toute autre date déterminée par le gouvernement.» Et ce qu'on dit aussi, c'est qu'il doit y avoir un rapport déposé à l'Assemblée nationale dans... – j'évite les délais, là – mais on s'est donné un délai aussi pour évaluer. Moi, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Quant à moi, c'est extrêmement important. C'est une législation... On a vraiment un défi de bien la cerner. On est à peu près les seuls dans le monde qui se posent ces questions-là. On peut-u se donner une période, après laquelle nous nous poserons des questions de base: Quels étaient nos objectifs? Sont-ils atteints? Y a-t-il des effets non prévus? Mon collègue le député de Rivière-du-Loup tantôt parlait d'effet moral boomerang. Enfin, c'est une formulation assez délicieuse, mais il faut voir. Des fois, il peut y avoir des effets non prévus puis des fois ça donne plus que ce qu'on voulait, bon, etc.

J'espère qu'on s'entend – vous êtes assez jeunes, j'imagine que vous êtes des étudiants – à ce que, comme gouvernement, on se donne un minimum de méthode, on se donne un instrument, on se donne de la rigueur pour mesurer les effets et mesurer aussi si nos objectifs ont été atteints. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus parce qu'il me semble qu'on ne peut pas... De toute façon, on devrait le faire pour à peu près toutes les législations. Il faut se donner à un moment donné un arrêt et vérifier ce qu'on a fait dans le passé.

L'autre chose, c'est sur la période d'adaptation. Vous proposez de ramener cette période qui est proposée de trois ans à 18 mois. Pourquoi 18 mois? Je ne veux pas vous coincer, mais pourquoi pas 24 ou 22? Enfin, y a-t-il un raisonnement quelconque autour de ça, ou vous avez plus essayé de trouver une espèce de compromis?

Et, vous savez, la raison pour laquelle on a mis la période de trois ans, elle est très, très simple. On sait, parce que le ministère dispose de toutes les conventions collectives au Québec, que 80 % des conventions collectives vont être échues d'ici trois ans. Toutes les conventions collectives ne se signent pas à la même date et ne se terminent pas à la même date. Mais on sait qu'on va passer à travers... Plus du trois quarts des conventions collectives seront échues. Or, on sait que les conventions collectives qui ont été signées il y a six mois, un an, un an et demi, deux ans, dans deux mois, dans quatre mois, le sont... D'abord, on peut présumer qu'elles ont été négociées de bonne foi selon les règles du moment. Il y a un an, il y a deux ans, il n'y avait pas de projet de loi sur les clauses orphelin, il n'y avait pas de loi sur les clauses orphelin. Il est possible effectivement qu'il y ait des conventions collectives qui aient négocié ce type de clauses là, mais ça a été fait selon les règles du jeu du moment.

(12 h 20)

Alors, on trouvait que c'était une période correcte, pour faire en sorte, dans le fond, que ce qui a été négocié avec les règles du jeu du moment filent avec le temps. On sait que les trois quarts vont l'être. Et je pense que c'est important d'avoir une période de transition. Alors, j'aimerais ça vous réentendre là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): D'entrée de jeu, moi, je dirais honnêtement que ça me fait rire, d'entendre des gens trouver difficile de trouver un terrain d'entente sur la question. Vous savez, je crois que c'est un enjeu majeur, c'est un enjeu qui touche la jeunesse québécoise. Je crois qu'à quelque part il va falloir prendre des décisions et faire en sorte réellement de trouver des solutions concrètes à la question, entre autres, des clauses orphelin. C'est, je dirais, une idée personnelle.

Le lien à faire entre le Sommet et les clauses orphelin, il est réel. On n'a qu'à être sur le terrain pour se rendre compte que les jeunes font la connexion entre les deux. Donc, à ce niveau-là, je vous demanderais d'être attentifs à ça parce qu'évidemment ça peut avoir des incidences importantes, là. Les jeunes veulent du concret, les jeunes souhaitent des solutions et des solutions à long terme et non pas des solutions crépusculaires.

Tantôt, vous avez aussi abordé, puis Dominic va poursuivre, sur le projet de loi, la durabilité dans le temps. Bon. On parle d'un projet de loi sur cinq ans qui vient à échéance en 2004. Nous, il faut être sérieux. Lorsqu'on fait un projet de loi jusqu'en 2004, donc on permet une période d'adaptation de trois ans, c'est un projet de loi de deux ans qu'on nous soumet. Écoutez, là, on ne se fera pas de cachette.

Nous, c'est pour ça d'ailleurs qu'on veut que cette clause-là ou cette durabilité dans le temps, cet effet crépusculaire, pour employer les termes savants, disparaisse parce que, veux veux pas, le projet de loi qui va durer sur une période de cinq ans avec une échéance de trois ans pour s'adapter, ce n'est pas sérieux. C'est pour ça d'ailleurs qu'on soumet cette recommandation-là. On veut quelque chose de sérieux sur la table. Veux-tu poursuivre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Mailloux.

M. Mailloux (Dominic): Oui. Tout ce que j'ajouterai, c'est qu'on ne trouve pas ça incompatible, une permanence au niveau de la loi, une durabilité au niveau de la loi et une phase d'évaluation au bout de cinq ans. Ce n'est pas parce qu'on prend un temps pour s'arrêter, pour évaluer les effets de la législation, que celle-ci ne peut pas perdurer dans le temps. Comme on le dit, nous, on parle ici de mesures, on parle ici de principes, et, pour nous, quand ça a trait à des principes, on demande des mesures qui ont un effet permanent.

Au niveau, bon, du délai, pourquoi nous l'avons réduit? Je pense que Jean-Hertel l'a abordé un petit peu tout à l'heure. Si on décide que le délai d'évaluation de la loi reste au cinquième anniversaire de la loi et que le délai est de trois ans, comme on l'a dit tout à l'heure, il va se poser peut-être des problèmes au niveau de l'évaluation de tous les tenants et aboutissants de cette loi-là parce que, bon, elle va avoir été effective seulement deux ans.

La chose aussi que je rajouterai, c'est que, bon, on comprend, comme on l'a dit, que l'échéance... On nous dit: 80 % des conventions collectives viennent à échéance d'ici trois ans. Et puis qu'on ait choisi ce délai-là, en tant que tel, je le comprends. Mais aussi il faut comprendre que les conventions collectives, la durée des conventions collectives a été déplafonnée, et ça, je crois que c'est en 1994. Donc, de toute façon, je crois que c'est à Alcan qu'il y a une entente collective de 18 mois. Donc, de toute façon, on va être obligé de rouvrir certaines conventions collectives. C'est clair que ça peut être plus difficile, mais on maintient quand même notre modification de passer de trois ans à 18 mois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Peut-être une précision, je sais qu'il y a une collègue qui veut poser une question, mais des conventions collectives qui déborderaient trois ans devront s'ajuster, c'est ça que ça veut dire. Celles qui ne meurent pas, si peux dire, naturellement, là... Il y en a effectivement, des conventions collectives plus longues, ou celles qui seront signées l'année prochaine vont déborder ce trois ans d'adaptation. Donc, même celles qui seront signées dans les prochains mois, elles devront déjà tenir compte de cette loi-là parce qu'elles devront, au bout de trois ans, être «clean», si je peux me permettre cette expression malheureuse. Alors, je veux juste qu'on se comprenne là-dessus. Ce qui déborde devra s'ajuster.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'était un commentaire, je vous remercie. Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, je voulais vous poser une question sur un point que vous n'avez pas abordé dans votre présentation tantôt, mais auquel vous avez donné un petit paragraphe dans votre conclusion, c'est-à-dire revoir le mécanisme de recours, ce qui est déjà prévu à la Loi des normes du travail pour que ça soit, ou qu'on s'assure que ce soit efficace et rapide. Alors, concrètement comment vous voyez justement ce processus-là pour permettre aux gens qui se diraient victimes de clauses orphelin...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Monsieur... Lequel? M. Mailloux.

M. Mailloux (Dominic): Écoutez, on n'a pas travaillé la question très attentivement. Tout ce que je voudrais vous dire, c'est que, à l'heure actuelle, nous, on la prenait plus dans la perspective où... lorsqu'on parle d'employés syndiqués, parce qu'on dit, je crois que c'est à l'article 102 de la Loi sur les normes du travail, qu'un salarié qui est assujetti à une convention collective ou un décret, donc le plaignant, doit alors démontrer à la Commission qu'il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret.

Nous, on aimerait que, nonobstant... En tout cas, du moins en ce qui a trait aux employés syndiqués, on aimerait ça que le recours puisse se faire directement au niveau des employés. Comme je vous dis, on n'a pas tellement abordé cette question-là, on a plus fouillé les problématiques qui font l'objet de nos trois recommandations. C'est simplement une déclaration d'intention dans notre conclusion.

Mme Blanchet: O.K. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Sur cette question-là, pourquoi vous dites que ce recours-là devrait aller directement à la Commission des normes, mais en dehors des recours prévus par les conventions collectives? Vous ne faites pas confiance aux syndicats?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): C'est une excellente question. Pour avoir vécu... Moi, j'ai déjà travaillé... Je vais vous faire rapidement un petit historique de ma vie. J'ai déjà travaillé à la ville de Brossard et, à l'époque, on a eu des gros problèmes avec le syndicat des employés de la ville. Pourquoi? Parce que ce syndicat-là, très souvent, prenait les jeunes comme une monnaie d'échange lors des négociations de conventions collectives. Ça, c'est un fait et je ne nommerai pas le syndicat. D'ailleurs, ce syndicat-là a fait une conférence de presse, il n'y a pas longtemps, pour dénoncer les clauses orphelin. Mais ça, c'est un autre débat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Jean-Hertel): Donc, c'est clair que les jeunes du Québec, de moins en moins... Mais c'est sérieux, c'est pathétique, je dirais. Donc, de moins en moins, vous savez, les jeunes font confiance aux syndicats parce qu'à part de payer des cotisations syndicales ces jeunes-là ne sont pratiquement pas représentés.

Donc, nous, ce qu'on préconise à la rigueur, c'est: Pourquoi que le jeune ne pourrait pas passer directement par des recours, par la loi, sans s'empêtrer, très souvent, sur de très longues échéances, avec le syndicat, trouver les terrains d'entente, négocier? J'ai vécu ça, peut-être pas pour des problèmes aussi importants, mais aussi sur des problèmes du travail, et je vous dirais honnêtement que c'est fastidieux, c'est très long et ce n'est pas nécessairement toujours vrai que les syndicats prennent la partie de leurs employés jeunes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Si vous me permettez, M. Lemieux, il me reste quelques minutes puis je ne voudrais pas... Mais il reste que je comprends le problème que vous expliquez, mais, pour moi, ce dossier-là, il a des responsabilités partagées. Et, en même temps, je comprends, vous dites: Prenons la voie qui risque d'être la plus rapide et qui risque d'avoir le moins d'obstacles. Mais on contourne toujours là où il y a aussi des responsabilités. Je voulais juste vous faire cette remarque-là.

Parce qu'il y a bien du monde qui ont contribué à l'émergence des clauses orphelin. Mais là on passe à côté puis on dit: On va prendre le chemin le plus rapide. C'est vrai, mais on ne confronte pas là où on doit confronter aussi. Enfin, c'est une réflexion que... Voilà.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Rapidement, ce n'est pas pour rien que, dans notre introduction, on en parle, justement. Lorsqu'on parle de décideurs politiques syndicaux et de la société civile de prendre en main ou de mettre ses culottes, ce n'est pas pour rien qu'on le fait. C'est clair qu'il va falloir que les dirigeants prennent leurs responsabilités à l'égard de la jeunesse québécoise. Je crois effectivement qu'il va falloir entre autres que les jeunes, dans leurs instances syndicales, lèvent le ton, haussent le ton, mais vous savez comme moi que ce n'est pas toujours évident, surtout quand ils ne sont pas aux leviers de commande.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je reconnaîtrais maintenant le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Lemieux, M. Mailloux, je vous souhaite la bienvenue. Il me fait plaisir de vous entendre et de prendre connaissance de votre mémoire. Il a l'avantage d'être assez clair, assez résumé, mais il touche à l'essentiel, et je pense que c'est là certainement une bonne chose.

(12 h 30)

Peut-être une petite mise au point. Vous avez mentionné qu'en 1987 les jeunes libéraux, enfin, rien n'avait été fait. Il est vrai que, dans ces périodes-là, c'est des processus qui commençaient et qu'on n'a pas pu faire ou que n'a pas été fait tout ce qui aurait pu être fait. Mais on était en 1987 et nous sommes maintenant en 1999, 12 ans plus tard. Et je rappellerai qu'en 1994, lorsque, malheureusement ou heureusement, dépendamment où on se situe, le Parti québécois a pris le pouvoir. Il aurait pu très bien d'abord légiférer ou s'en inquiéter, chose qu'il n'a point faite, mais plus que cela, ils ont adopté le projet de loi n° 414, la Loi spéciale sur les municipalités, qui est le mode d'emploi envoyé aux municipalités pour établir des clauses orphelin.

Ceci étant dit, le but n'est pas là de faire un débat avec vous sur qui a tort, qui a raison, je pense que nous avons actuellement devant nous – juste remettre les choses quand même en place, là – un projet de loi. Vous faites un certain nombre de commentaires qui rejoignent en partie les commentaires des gens qui vous ont précédés, et on verra à la lecture des autres mémoires, pour ceux qui l'ont déjà fait, que vous rejoignez aussi un certain nombre de préoccupations qui sont dans les mémoires qui vont suivre.

Alors, il faut regarder surtout ce côté-là de votre prestation, et je crois que, de ce côté-là, c'est un apport positif. On verra plus tard jusqu'à quel point vous êtes prêts à le rendre positif, mais pour l'instant, en tout cas, il me semble très positif.

Moi, la première question que j'aimerais vous poser: vous avez pu entendre comme moi, ce matin, le représentant des jeunes médecins qui nous a fait part...

Une voix: ...

M. Gobé: ... – vous n'étiez pas là, O.K. – de la problématique des clauses de pénalisation et même d'exclusion qui frappent les jeunes médecins tant pour le travail en dehors de Montréal mais aussi lorsqu'ils sont dans les CLSC où ils sont... 70 % d'abord du salaire, mais, en plus de ça, il y a des clauses de pénalisation qui les touchent et ce qui fait qu'à un moment donné ils gagnent 59,6 % à peu près du salaire d'un médecin. Vous savez comme moi qu'ils ne sont pas assujettis à la loi parce qu'ils sont gérés par la loi sur les affaires sociales.

Il y a aussi les professeurs, les jeunes professeurs qui, eux aussi, ne sont pas assujettis à cette loi-là. Il y en a plusieurs autres comme ça. Alors, les jeunes pompiers, on a pu voir votre collègue M. Rebello devant la caserne de pompiers, là, de ville de Lachine, avant-hier – une très belle caserne d'ailleurs – en tout cas, un certain nombre d'autres secteurs ne sont pas assujettis et pas touchés par le projet de loi. Moi, j'aimerais savoir de vous si le projet de loi devrait inclure ces catégories de travailleurs...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Gobé: ...de jeunes travailleurs et travailleuses – je m'excuse – et des moins jeunes aussi d'ailleurs, mais des travailleurs et travailleuses?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est bien. Alors, M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci, Mme la Présidente. Bon. Je veux faire un petit aparté rapide en référence au processus commencé en 1987. C'est un peu drôle de se rabattre là-dessus pour se défendre, mais, ceci étant dit, j'ai lu hier – il y a 24 heures à peine – votre sortie de presse justement sur les clauses orphelin. Je suis surpris parce que je sens un certain ramollissement. Ça m'inquiète, honnêtement, ça m'inquiète parce que je suis habitué d'entendre mon ami M. Claude Béchard être plus virulent sur les clauses. Là, on parle de juste équilibre. C'est assez inquiétant, là.

Dans notre mémoire, on parle, entre autres, dans les conclusions, dans les pistes qu'on soulève, justement de revoir la question des jeunes médecins. C'est inclus dans notre mémoire. La façon de faire, bon, la technicalité de ça, on ne l'a pas abordée. On ne se fera pas de cachette parce que nous ne sommes pas des experts pour tout ce qui touche les questions du travail. Par contre, nous avons abordé, comme piste de solutions justement, l'idée de commencer à voir la question des jeunes médecins. C'est soulevé, comme piste de réflexion. Je crois qu'il en va encore une fois de l'intérêt de la jeunesse québécoise, de revoir l'ensemble de ces jeunes travailleurs là, de ces conditions de travail.

Pour ce qui est de la fonction publique, c'est le même principe pour nous aussi. Il faut que, dans la fonction publique aussi, on élimine ce genre de clauses discriminatoires, à l'égard des jeunes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, je vous remercie, M. Lemieux. Bon. Je suis content de voir votre préoccupation pour les jeunes médecins et les jeunes professeurs. Malheureusement, je suis un peu déçu de ne pas voir ça dans votre mémoire. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, dans votre mémoire, vous ne faites pas une recommandation comme telle à la ministre? Le projet de loi devrait inclure les catégories professionnelles qui ne sont pas dedans. À moins que j'aie mal lu, puis c'est peut-être mis un peu plus dilué ou un peu plus subtil.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Excusez-moi. Non, mais seulement concernant les jeunes médecins, c'est inclus dans le document. C'est écrit à la page 8, un, deux, trois, quatrième paragraphe, on parle des jeunes médecins. Effectivement, les autres corps de métiers, les autres professions ne sont pas inclus dans le mémoire...

M. Gobé: C'est ça.

M. Lemieux (Jean-Hertel): ... tout simplement parce que nous n'avons pas nécessairement... Nous savions que d'autres groupes de jeunes allaient y aller plus à fond. Nous, nous ne sommes pas des experts, encore une fois, à tout ce qui touche les questions du travail. Nous sommes allés pour nos trois recommandations purement et simplement. Mais ça n'empêche pas par contre que – dans nos intentions, notre volonté de voir justement une loi efficace sur les clauses orphelin – ce soient des groupes qui soient exclus pour nous, loin de là.

M. Gobé: Et les professeurs, à titre d'exemple.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Les profs, les médecins.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député.

M. Gobé: Les jeunes professeurs. Vous savez qu'il y a un regroupement...

M. Lemieux (Jean-Hertel): Tout à fait...

M. Gobé: ...de jeunes professeurs.

M. Lemieux (Jean-Hertel): ...j'en fais partie.

M. Gobé: Bon, vous voyez.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Maintenant, on sait que dans la fonction publique il y a aussi un certain nombre de gens qui sont touchés par des clauses orphelin. Le gouvernement arrive en négociations actuellement. Nous lui demandons, et les gens lui demandent, d'autres groupes lui demandent d'agir tout de suite, au moment de la négociation, pour régler les problèmes à sa connaissance. Est-ce que vous pensez que ça devrait faire partie des priorités?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Gobé: Vous ou l'autre. Lequel des deux? Je dis M. Lemieux, mais ça peut être l'autre, ça peut être M. Mailloux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui. Bien, je vais répondre à ça. Écoutez, c'est clair qu'on négocie les conventions collectives dans la fonction publique. Ça s'en vient rondement. Pour nous, là, il est clair et net qu'on veut que ce soit applicable dès maintenant. Donc, c'est clair, encore une fois, que nous voulons éliminer les clauses orphelin, les clauses discriminatoires pour les jeunes employés de l'État. Ça, c'est un fait. Donc, à ce niveau-là, nous croyons que la loi doit être adoptée rapidement justement pour s'assurer qu'il n'y ait pas nécessairement d'ententes négociées, de deals – excusez-moi l'expression – entre syndicats, patrons et tout le patatras, parce que les jeunes y croient de moins en moins.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci. Alors, je suis bien content de votre réponse en ce qui me concerne ou en ce qui concerne mes collègues probablement, surtout pour les gens qui sont à l'intérieur de la fonction publique. On voit au moins qu'ils commencent à avoir un peu des alliés.

Vous, dans votre analyse, vous faites au moins trois recommandations. D'accord? La première recommandation: l'article 2 du projet de loi... Je ne pense pas que ce soit l'article 2 d'ailleurs, hein. Je pense qu'il y a une petite erreur de numérotation. C'est parce que l'article 2, voyez-vous, c'est: «Le ministre du Travail doit, au plus tard le (indiquer ici la date correspondant au cinquième anniversaire...)». C'est plutôt 87.2. D'accord? Je pense qu'il y a peut-être un malentendu. En tout cas, juste pour... Vous demandez donc l'abrogation du deuxième alinéa qui suit. O.K.

Par la suite, vous allez en deuxièmement: L'article 3 devrait être modifié en remplaçant les mots «indiquer ici la date...» pour avoir un délai au 18e mois. D'accord? Vous avez expliqué à Mme la ministre – vous avez débattu avec elle, on ne refera pas le débat – pourquoi vous vouliez 18 mois, là, puis pour quelles choses.

Et vous terminez, à la fin, en disant: La troisième recommandation vise à abroger l'article 4 qui prévoit la cessation des effets du projet de loi n° 67.

Ça fait que, sur un projet de loi de cinq articles dont un est l'entrée en vigueur de la loi, vous en abrogez au moins deux puis vous en modifiez un. D'accord? C'est à peu près ça. Bon.

Alors, lorsque vous dites que la loi, il faudrait qu'elle soit adoptée rapidement pour que les gens de la fonction publique en profitent, est-ce qu'on parle de la loi actuelle ou de la loi que vous proposez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Nous, c'est clair que ce qu'on souhaite qui soit adopté rapidement, c'est une loi qui va être modifiée, ce n'est effectivement pas la loi actuelle. Nous avions dit, et ça avait été aussi annoncé entre autres choses par M. Lucien Bouchard, que ce projet de loi là était perfectible. Nous soumettons des modifications, les groupes de jeunes au Québec soumettent des modifications. À ce moment-là, vous irez à l'Assemblée nationale, il y aura un dépôt de projet de loi, vous ferez les débats, mais, nous, ce qu'on veut, ce qu'on souhaite, c'est que soit adopté rapidement un projet de loi qui soit modifié, pas nécessairement – et loin de celui qui est présentement sur la table – avec les modifications. C'est le jeu parlementaire qui fait son travail.

M. Gobé: Oui. Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de... Votre collègue.

M. Gobé: Oui. Peut-être, en terminant, une dernière petite question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une petite dernière, oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je trouve votre réponse extrêmement claire, très, très bien. C'est départisané cette fois-ci. Mais ça m'amène à poser la dernière question: S'il n'est pas modifié, allez-vous l'appuyer quand même? Vous allez faire quoi? Si le projet de loi n'est pas modifié du tout ou pas dans le sens que vous demandez, allez-vous l'appuyer quand même?

M. Lemieux (Jean-Hertel): La réponse est non.

M. Gobé: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui. Simplement une petite question. Bienvenue à vous deux, MM. Lemieux et Mailloux. Tout à l'heure, M. Lemieux, vous avez souligné, puis je vous cite, là: «On veut quelque chose de sérieux sur la table.» Cependant, lorsqu'on fait lecture de la conclusion de votre mémoire, à la page 8, vous admettez que «force nous est de constater que ce projet de loi n'a pas pour effet d'enrayer tous les types de clause orphelin», mais vous vous dites quand même satisfaits de l'initiative gouvernementale. Vous allez même jusqu'à la saluer, et qualifiez le geste de la ministre d'audacieux et de courageux. Pour moi, il me semble y avoir une contradiction. J'ai l'impression qu'on parle des deux côtés de la bouche en même temps peut-être. Est-ce que c'est possible de m'éclairer un peu plus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

(12 h 40)

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui, tout à fait, je peux vous éclairer là-dessus. Lorsqu'on parle de geste audacieux et courageux, c'est qu'il y a un gouvernement qui a eu le courage de déposer quelque chose sur la table, de déposer un projet de loi pour qu'il prête flanc aux critiques, aux modifications, aux ajustements. Il y a un gouvernement qui était précédemment en poste puis il n'a jamais osé le faire. Un gouvernement qui met ses culottes, c'est un gouvernement qui fait ce qu'il a à faire et qui prend réellement en compte les intérêts de la jeunesse québécoise.

Le gouvernement du Parti québécois a déposé un projet de loi. Les modifications, vous les entendez; nous, on émet trois recommandations sur la question. Donc, ça n'empêche pas, par contre, qu'on peut saluer très clairement le courage de la ministre pour le dépôt du projet de loi. Maintenant, une fois que c'est salué, on le modifie. C'est ce qu'on fait tout simplement.

C'est seulement une question de cohérence dans le discours. Il y a un proverbe qui dit: On peut mâcher de la gomme et marcher en même temps. Nous, on l'applique, tout simplement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure, avez-vous d'autres questions?

Mme Normandeau: C'est clair. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est beau. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Moi, je fais une lecture un peu différente de la députée de Bonaventure. Je pense que votre mémoire est rédigé d'une façon fort habile, fort politique, mais qui est quand même très claire.

Je veux dire: l'article 1, ça ne marche pas; l'article 3, ça ne marche vraiment pas; l'article 4, c'est encore pire. Le mécanisme de recours, vous l'avez décrit d'une façon très éloquente, très précise, tout à l'heure. Vous nous avez dit que vous n'avez pas fait toutes les recherches, mais votre réponse était complète puis étanche. C'est ça, le problème du mécanisme de recours.

Vous soulignez les oubliés et, dans votre conclusion, vous mettez la barre haute. Vous dites: «Avec une loi qui répondra efficacement à ces dernières remarques et qui tiendra compte des modifications que nous avons proposées, nous sommes convaincus que la jeunesse québécoise y trouvera son compte et que le gouvernement fera la preuve indiscutable de son attachement à l'avenir de la jeunesse.»

J'ai déjà rédigé des mémoires d'une position semblable; je sais ce que ça veut dire, un paragraphe comme ça. Ça veut dire que, dans le cas où les modifications ne sont pas là, dans le cas où la loi ne répond pas aux dernières remarques, ça questionne l'attachement réel de ce gouvernement-là envers la jeunesse québécoise.

Je trouve que vous venez certainement marquer la commission par une présentation, que les jeunes du Parti gouvernemental viennent mettre le pied à terre en des termes aussi précis et aussi clairs, sans ambiguïté, avec l'emballage qu'il faut. Je ne poserai pas de question sur l'emballage. Je sais exactement là où vous vous trouvez aujourd'hui.

Ma question, elle va être sur le recours. Je vous l'ai dit tout à l'heure: Je pense que vous avez très bien décrit le problème du recours. C'est que, dans une clause orphelin – ce n'est pas comme un mécanisme d'arbitrage régulier – un jeune conteste quelque chose qui a été signé bilatéralement dont et où le syndicat est une des parties signataires.

Dans le cas d'un grief, le syndicat prend le parti... mais, dans le cas d'une clause orphelin, c'est un peu différent. Ce n'est pas un vrai grief. C'est le syndicat qui est signataire, puis il y a un ou un groupe de ses syndiqués qui vient dire: Écoute, ce que t'as signé, ça ne fonctionne pas.

Est-ce que vous ne pensez pas, au moins pour la partie des conventions collectives, pour cette portion-là – les normes du travail peuvent couvrir d'autres cas – pour la partie qui touche les conventions collectives, qu'il serait plus simple, pour les jeunes, d'avoir, dans le Code du travail, une législation? Parce que, d'après nos lois, toute convention collective est déposée au ministère du Travail.

Si, dans le Code, une telle pratique est interdite, ce n'est pas le jeune, c'est le ministère du Travail qui dit à telle compagnie ou à telle entreprise et à tel syndicat: Vous nous avez déposé copie de votre convention collective. En vertu des lois du Québec, elle est inacceptable; vous devez reprendre vos travaux.

Donc, là, t'évites le mécanisme de recours. T'évites de mettre le fardeau de la preuve sur le dos des jeunes. Tu mets le fardeau de la preuve sur le dos des analystes qui sont au ministère du Travail et qui font, de toute façon, ce travail d'analyse là pour voir si les conventions collectives sont conformes à nos pratiques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lemieux? M. Mailloux.

M. Mailloux (Dominic): Oui. Nous, tout ce qu'on a fait... Comme je vous ai dit, on n'a pas fait d'étude très approfondie sur cette problématique-là; on l'a simplement soulevée. Je suis convaincu qu'il y a d'autres intervenants qui vont venir ici, qui vont soumettre des recommandations quant à cette problématique-là. Vous en soumettez une, et puis je pense que c'est votre rôle ici, tous ensemble, de discuter de ces différentes alternatives, et puis d'en venir à une décision.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Autre commentaire que je veux formuler. On a parlé de la clause crépusculaire, qui est une de celles qui sont le plus contestées. Je pense que vous nous avez amené une nuance qui est importante. C'est-à-dire, que le gouvernement introduise des clauses crépusculaires dans des programmes en disant: Là, on investit tant de millions annuellement dans un programme puis on va réévaluer ça dans cinq ans, c'est des choses qui se font à plusieurs endroits. Même, moi, je suis plutôt favorable à ça, parce que, quand on dépense de l'argent, il y a une tendance que l'argent se dépense à l'infini puis qu'on oublie de réévaluer.

Par contre, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de pays ou beaucoup d'endroits ou beaucoup de pratiques législatives où on va mettre une clause crépusculaire sur des principes d'équité. Si on établit, en termes d'équité, que ça devrait fonctionner comme ça, je ne pense pas qu'on puisse revenir en arrière puis mettre une clause crépusculaire sur des principes d'équité. Et c'est là, je pense, que le projet de loi, à mon avis, souffre le plus: c'est de son appui sur des principes.

Et je comprends dans votre mémoire qu'il y a encore, au Parti québécois, des gens qui rédigent... Votre mémoire n'est pas un mémoire d'ordre juridique, c'est un mémoire de principe. Vous nous dites: Il y a des choses qui sont acceptables, il y en a d'autres qui ne le sont pas, tout simplement.

En regard des principes qui vous ont animés, qui ont animé sûrement le Comité national des jeunes à obtenir avec d'autres l'engagement électoral du Parti québécois, donc qui est porté par le gouvernement maintenant, le projet de loi dans sa forme actuelle, auriez-vous l'impression qu'il se situe dans le champ des compromis ou des compromissions?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Pour nous, le projet de loi tel que déposé n'est pas un compromis et il se situe essentiellement dans le respect d'un engagement électoral. Je me répète, je crois que c'est important de le savoir puis de bien le comprendre: c'est un engagement du Parti québécois de déposer un projet de loi. Il l'a fait, le document a été déposé. Maintenant, lorsqu'il a été déposé, on nous a dit très clairement qu'il était perfectible. Nous avons soumis nos recommandations; nous souhaitons qu'il soit modifié et nous allons travailler dans ce sens-là tout simplement. Donc, pour nous, l'engagement a été maintenu là-dessus, a été respecté.

M. Dumont: Mais, pour vous, l'engagement, c'est un projet de loi. Je veux dire: le libellé exact dans le programme, c'est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est terminé, M. le député.

M. Dumont: Oui. Pas de problème.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup, je regrette, mais on vous a alloué cinq minutes, alors c'est terminé pour ce qui est de l'échange avec vous. Il reste du temps du côté des deux autres formations. Est-ce qu'il y a des questions autres? Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je veux juste revenir sur une affirmation – et puis je pourrai revenir là-dessus – du député de Rivière-du-Loup. Vous savez que l'opération dépôt des conventions collectives, au ministère du Travail, n'a pas du tout, du tout, du tout pour objet de valider, d'inspecter, de vérifier, de rebrasser les conventions collectives; c'est un strict dépôt. Et actuellement, je veux dire, ce serait même illégal, si je peux m'exprimer ainsi, de revenir sur une convention collective qui a été dûment signée.

Alors, cette avenue-là, elle cause pas mal de difficultés. Ça ne change pas tout le débat autour de ça, sur la question des recours, ça ne change pas la difficulté, mais il faut faire attention, l'opération dépôt des conventions collectives n'a pas pour objet de refaire le processus qui a été fait de libre négociation. Alors il faut être prudent.

M. Dumont: Mais, si une convention collective vous est déposée et qu'elle est illégale, elle contient des illégalités, vous allez l'accepter au ministère, vous allez dire...

Mme Lemieux: Nous n'avons pas à l'accepter ou à la refuser. La convention collective, elle est déposée.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Disons que là c'était une question d'apporter des précisions, j'ai été un petit peu plus souple. Alors, là-dessus, M. Lemieux, M. Mailloux, merci pour votre présentation. Et la commission va donc ajourner ses travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Attention. La commission va reprendre ses travaux. Nous accueillons cet après-midi trois groupes. D'abord, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec et finalement M. Fernand Morin, qui est professeur à l'Université Laval.

Nous débutons donc avec le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Alors, j'aimerais, si possible, que le porte-parole se présente, présente les gens qui l'accompagnent.

Je voudrais vous rappeler que vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire, que, par la suite, il y aura un échange, 17 minutes et demie pour la partie ministérielle, la même enveloppe pour l'opposition officielle, et cinq minutes qui ont été allouées au député indépendant. Alors, là-dessus, je vous donne donc la parole.


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Caron (Robert): Oui. Bonjour, Mmes et MM. les parlementaires. Mon nom est Robert Caron. Je suis le président du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Je vous présente les co-auteurs du mémoire du SPGQ: Mme Louise Falcon, à ma gauche, qui est la quatrième vice-présidente du Syndicat; Mme Sylvie Dubois, à ma droite, qui est agente de développement industriel au ministère de l'Industrie et du Commerce à Jonquière, et M. Dany Brown, qui est chargé de projet au Musée de la civilisation du Québec à Québec, qui sont tous deux membres du Comité des jeunes du SPGQ.

Alors, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec se réjouit de l'initiative de la ministre du Travail de déposer un projet de loi visant à contrer les disparités de traitement. Dans le respect du droit à l'égalité garanti par la Charte des droits et libertés, le législateur doit éliminer et interdire les clauses relatives au double palier de rémunération et autres clauses dites orphelin de manière à éradiquer des conventions collectives tout l'aspect discriminatoire. À cet effet, le SPGQ s'oppose de façon pleine et entière à l'odieux phénomène des clauses orphelin dont les aspects discriminatoires visent particulièrement les jeunes travailleuses et travailleurs.

Le SPGQ est le plus important syndicat de professionnels au Québec. Il représente près de 13 000 professionnels à l'oeuvre dans les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Les membres du SPGQ se dressent contre toute forme de discrimination. Par le passé, le Syndicat a mené, de concert avec le groupe des femmes et les employés à statut précaire, différentes batailles qui ont conduit à la réduction des iniquités en matière d'emploi, entre autres, la plainte à la Commission des droits de la personne en regard de six corps d'emploi discriminés, plainte qui a été déposée en 1981 et qui a été réglée il y a seulement quelques années, la titularisation d'occasionnels en 1983 et les concours réservés aux personnes occasionnelles cumulant au moins cinq ans de service, on a réglé ça en 1991, mais aussi trois ans de service, en 1995.

Lors de son congrès de novembre 1998, le SPGQ s'est prononcé en faveur d'un rajeunissement durable de la fonction publique et parapublique – une condition indispensable à la modernisation de l'État – et a suggéré au gouvernement de mettre en oeuvre les mesures favorisant la relève à long terme. Du même souffle, il a créé le comité des jeunes du SPGQ, lequel se penche sur les problématiques propres aux jeunes travailleuses et travailleurs et à leurs conditions de travail.

Le SPGQ n'a jamais négocié de clauses orphelin dans sa convention collective – dans ses conventions collectives parce qu'on en a aussi dans des sociétés d'État – et il ne s'apprête pas à le faire, ce qui, par contre, n'a pas toujours empêché certaines pratiques d'exister.

Le SPGQ reçoit positivement le projet de loi dans son ensemble mais, à ce titre, souhaite le renforcement de certains paramètres. Devant cette commission, il dénonce toutefois la volonté du gouvernement qui, au moment où il s'apprête à légiférer, cherche, par la négociation, à inscrire dans la convention collective de ses professionnels des dispositions aux allures d'une clause orphelin, c'est-à-dire l'exclusion systématique des stagiaires du programme Stages pour nouveaux diplômés et, ainsi, leur non-accès aux emplois de la fonction publique et aux conditions de travail négociées par le SPGQ.

(14 h 10)

Par ailleurs, le gouvernement tarde à régler équitablement et de manière définitive ce que le SPGQ associe à une forme de clause orphelin dans la fonction publique et parapublique, soit la problématique des faux occasionnels où la discrimination s'incarne dans des disparités en matière de statut. Le problème étant également posé dans la fonction publique et parapublique, le SPGQ s'intéresse doublement au débat entourant la problématique des clauses orphelin et entend vivement y contribuer.

Héritage malheureux des années quatre-vingt et témoignage manifeste de l'effritement du filet social, l'introduction de clauses orphelin dans les conventions collectives entraîne des clivages entre les salariés et crée des iniquités. Malgré que les contours du phénomène soient difficiles à circonscrire, les clauses discriminatoires soumettent, selon la date d'entrée chez l'employeur, les salariés à des conditions de travail moindres pour un travail équivalent que celles des employés plus anciens. Elles permettent ainsi l'embauche de nouveaux employés dans des conditions évoluant de façon parallèle avec plancher et plafond salariaux distincts ou allongent l'échelle de rémunération vers le bas, retardant ainsi l'atteinte des mêmes traitements salariaux. Qu'à cela ne tienne, la discrimination, même partielle et temporaire, demeure une discrimination.

Cette problématique fait ressortir avec encore plus d'acuité les difficultés des jeunes travailleuses et travailleurs à intégrer pleinement le marché du travail, car, au coeur du débat, se pose également la question de l'équité entre les générations. Une société ne peut tolérer, que ce soit au nom de la compétitivité des entreprises, de la souplesse des marchés ou pour toute autre raison, que les plus jeunes citoyennes et citoyens fassent l'objet d'une discrimination dans leurs conditions de travail.

Nulle négociation ne devrait permettre que les nouvelles salariées et nouveaux salariés disposent d'un traitement moindre en fonction de leur date d'embauche. Agir ainsi constituerait la non-reconnaissance des compétences et des talents des jeunes travailleuses et travailleurs en leur refusant une rémunération équitable. Ce serait là hypothéquer une génération et, par extension, la Société dans son ensemble. Le SPGQ s'y oppose pleinement.

Dans son mémoire transmis à la commission de l'économie et du travail sur la rémunération à double palier et les autres clauses dites orphelin dans les conventions collectives, en août 1998, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse conclut que ces clauses peuvent avoir un effet discriminatoire indirect affectant certains groupes de salariés et particulièrement les jeunes. La Charte des droits et libertés interdit la discrimination en matière de conditions de travail. Il n'en est pas moins difficile et coûteux pour les jeunes travailleuses et travailleurs de prouver qu'ils sont victimes de discrimination au travail. À titre d'exemple, le SPGQ aura investi des centaines de milliers de dollars pour recueillir la preuve et défendre devant la Commission des droits de la personnes la cause des corps d'emplois féminins discriminés entre 1981 et 1997.

Cependant, il nous semble que, pour contrer efficacement les clauses orphelin, la Charte des droits et libertés ne saurait suffire. Si le Conseil du patronat du Québec et les associations représentant les milieux des affaires se prononcent largement en défaveur d'une législation en regard des disparités de traitements, les groupes de jeunes et le milieu syndical, à l'instar de la CDPDJ, affirment unanimement la nécessité de légiférer. Sans constituer une véritable solution au problème d'intégration des jeunes au marché du travail, on ne saurait tolérer en toute équité la discrimination dont plusieurs pourraient faire l'objet.

Si, au Québec, en 1985, à peine 1,9 % des conventions collectives comportaient des clauses orphelin, quatre ans plus tard, leur nombre atteignait 8 % – un sommet. Malgré une baisse notable par la suite, en 1997, à l'issue de la lutte au déficit, la proportion grimpait à 6,4 % dont 17,2 % dans l'administration publique, principalement dans le secteur municipal. Une réponse passagère aux difficultés économiques? Il serait naïf de le croire et trop facile de conclure que la seule libre négociation contrecarrera une discrimination massive.

Au Canada, seulement 13 % des travailleuses et travailleurs de 24 ans et moins sont syndiqués et, par ailleurs, le taux de syndicalisation au Québec ne dépasse guère 40 % – je pense qu'il est même maintenant en deçà de 40 %. Les syndicats, qui sont parfois contraints, de conclure des ententes défavorables ne peuvent à eux seuls protéger l'ensemble des jeunes travailleuses et travailleurs. Trop de salariés ne bénéficient pas des avantages que procurent la syndicalisation et seraient laissés pour compte. De toute évidence, une législation s'impose pour l'ensemble des salariés.

Le SPGQ souscrit d'emblée à une modification de la Loi sur les normes du travail pour contrer le phénomène des clauses orphelin. Cependant, le projet de loi n° 67, déposé par la ministre du Travail, demeure incomplet et timide. Au fil de ce mémoire, le SPGQ présentera une analyse générale du projet de loi et exposera les situations particulières que vivent certains groupes, particulièrement de jeunes professionnels de la fonction publique du Québec, à savoir les stagiaires du programme Stages pour nouveaux diplômés ainsi que les personnes ayant un statut d'emploi occasionnel.

Le projet de loi se propose d'interdire une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement, en se fondant uniquement sur la date d'embauche pour ce qui concerne le salaire, la durée du travail, les jours fériés, les congés annuels, les congés pour événements familiaux, et autres normes du travail. Le législateur évite le piège de la stricte rémunération à double palier et vise un large éventail de conditions de travail en matière de disparités de traitement. Malheureusement, la loi a une portée restreinte.

Si l'article 1 offre un large champ d'application, les exceptions prévues tolèrent des disparités de traitement temporaires, notamment l'ajout d'échelons salariaux inférieurs pour les nouvelles employées et nouveaux employés. Cela affectera les plus jeunes travailleuses et travailleurs. Le SPGQ estime que ces exceptions ne sont pas justifiées.

Toutefois, ce qui surprend davantage dans ce projet de loi, c'est son allure d'étoile filante, si vous me permettez l'expression. Tous l'attendront longtemps, mais il sera rapidement échu. En effet, le délai de mise en application prévu est de trois années. Cela conduit en 2002, si la loi entre en vigueur en 1999. De plus, la loi s'abrogera d'elle-même deux années plus tard, soit en 2004. Le délai de mise en application dépassera d'une année la durée de vie effective de la loi.

Force est de conclure que ce projet de loi témoigne davantage d'une réponse politique temporaire à un débat controversé que d'une volonté de contrecarrer la discrimination qui affecte particulièrement les jeunes travailleuses et travailleurs. Pour le SPGQ, cela nous paraît tout à fait insuffisant.

Nous allons parler des Stages pour nouveaux diplômés. Les jeunes professionnels de la fonction publique et parapublique québécoise voient leur proportion diminuer au fil des ans. La faible présence des jeunes y est alarmante; la plupart sont occasionnels. Dans ce contexte, l'inégalité se reflète par l'absence de sécurité et de stabilité, voire de promotion et d'opportunités. Parallèlement, l'État est privé de l'apport d'idées nouvelles, et peu de jeunes bénéficient actuellement du transfert des connaissances de leurs aînés.

En mai 1998, le gouvernement mettait sur pied un programme de stages pour nouveaux diplômés permettant, d'ici l'an 2000, la réalisation de 400 stages d'une durée de deux ans au sein de la fonction publique, étant entendu que les stagiaires seraient de jeunes diplômés devant développer leur employabilité, leurs connaissances et habiletés de façon à favoriser leur accès à un emploi sur une base régulière.

En campagne électorale, on doublait la mise. Ce programme se voulait une tentative de réponse à l'objectif, fort louable par ailleurs, d'un rajeunissement de la fonction publique. Par contre, l'État profite de ce programme pour réduire ses dépenses salariales en maintenant le taux de traitement de ces nouvelles et nouveaux diplômés au taux offert aux étudiantes et étudiants plutôt que ceux offerts aux salariés de l'État. Par exemple, si la détentrice et le détenteur d'une maîtrise accédant à un emploi occasionnel se voit accorder un salaire d'au moins 33 000 $ en progressant dans l'échelle salariale par la suite, ces mêmes personnes ne reçoivent que 23 426 $ par année en tant que stagiaire pour un travail comparable.

Plusieurs commencent à douter de la conformité de ces stages. Certains commentaires recueillis par le Conseil permanent de la jeunesse sont éloquents, et je cite: «C'est comme si je faisais le travail d'un professionnel, il n'y a pas un autre qui a l'expertise comme moi. On fait le travail d'un professionnel mais sans la paie.» Fin de la citation.

Outre le traitement salarial, la quasi-fermeture à des emplois permanents de la fonction publique chicote les intéressés. Les stagiaires voient leurs chances de demeurer au sein de l'État s'éteindre, puisque aucun effort n'est fait pour les retenir à l'emploi après leur stage. L'État se prive des ressources qu'il a lui-même formées.

(14 h 20)

Outre les difficultés à intégrer un marché du travail où l'emploi se fait rare, quel est réellement le problème d'employabilité de ces jeunes? C'est la question qu'on pose. Y a-t-il un problème d'employabilité pour ces personnes? Diplômes universitaires en poche, ils sont triés sur le volet. Des statistiques: il y a eu 6 678 candidatures pour la première cohorte de stages où il y avait 235 stages. Un stage d'une durée de deux ans, sans protection et sous-payé, devient abusif alors que d'autres professionnels exécutent un travail similaire comme salariés. Comment peut-on expliquer qu'une personne possédant une maîtrise en gestion de projet, avec une spécialité en gestion informatique, se retrouve sur un programme de stage alors que l'État a tellement besoin de ses compétences et qu'il en paie le gros prix en sous-traitance?

Se donnant bonne presse, l'État introduit, dans la fonction publique, un nouveau statut d'emploi pour les jeunes travailleuses et travailleurs, lequel s'apparente à une clause orphelin. Pourtant, il n'en coûterait à l'employeur que 2 200 000 $ de plus pour les deux années du programme pour offrir à tous les jeunes stagiaires professionnels un emploi occasionnel comprenant les droits et avantages que cela confère, dont celui d'accéder éventuellement à un poste permanent.

Ce maquillage d'un emploi en stage résulte d'une modification de la directive sur les étudiants et les stagiaires qui soustrait les stagiaires à la définition de «salarié» visée par la Loi sur la fonction publique. Il n'y a qu'un pas pour conclure que le gouvernement prétendra que ces jeunes professionnels ne répondent pas non plus à la définition de «salarié» visée par la Loi sur les normes du travail, perpétuant ainsi les disparités de traitement et de statut dont ils sont l'objet. Cette prérogative relève du pouvoir exclusif du gouvernement, ce même législateur qui, par le projet de loi n° 67, prétend avoir l'intention de contrer les clauses orphelin.

Qui plus est, le gouvernement tente maintenant de faire signer au SPGQ une première clause orphelin en excluant les stagiaires du programme Stages pour nouveaux diplômés du champ d'application de la convention collective des professionnels du gouvernement. Le SPGQ n'a jamais signé les clauses orphelin, nous l'avons dit tantôt, et refuse de se faire complice de cette exclusion.

La modification proposée à la loi n° 67 doit également s'appliquer dans le cas de ces nouveaux diplômés faussement considérés comme des stagiaires. Le SPGQ revendique au contraire, pour ces nouvelles diplômées et nouveaux diplômés, le statut de salariés. Il demande aussi la conversion immédiate de leurs stages en postes occasionnels sur des projets spécifiques de deux ans et que cette conversion s'applique aussi aux stages déjà annoncés avec tous les avantages que le statut d'employé occasionnel confère en matière de traitement, du droit de rappel au travail, de régimes de retraite et autres conditions de travail.

Faisons le lien aussi avec les fausses occasionnelles, les faux occasionnels. Sur cette question, ce mémoire se veut bref, le SPGQ ayant déjà eu l'occasion de présenter cette problématique devant cette commission. Il existe, dans la fonction publique et parapublique, un nombre important d'occasionnels qui occupent le même poste depuis cinq ans, voire parfois plus d'une dizaine d'années. Si ces personnes jouissent de conditions de travail en plusieurs points semblables à celles de leurs collègues permanents ou réguliers, seule leur précarité apparaît permanente.

La précarisation de l'emploi semble également présente au sein de la fonction publique et parapublique. En couplant les départs à la retraite non remplacés au maintien des effectifs occasionnels, on peut conclure qu'une partie du travail accompli autrefois par des employés réguliers est maintenant effectuée par des employés occasionnels.

Dans son mémoire déposé en août 1998 devant cette commission, le SPGQ associe ce système à deux vitesses à une clause orphelin, étant tout aussi inacceptable. Ce phénomène a été mis en évidence lors de la dernière commission parlementaire de l'administration publique où il a été reconnu par tous les intervenants, y compris le Conseil du trésor. Et, malgré des promesses électorales réitérées, le Conseil du trésor ne négocie toujours pas une solution qui mettra un terme à ce problème.

Maintenant, le classement des occasionnels, une autre discrimination. Le gouvernement s'apprête à instaurer un guichet unique d'entrée dans la fonction publique, revendiqué d'ailleurs de longue date par le SPGQ, qui pourrait permettre aux personnes occasionnelles d'accéder à un poste permanent ou régulier. Ce guichet devrait établir un pont entre les employés à statut précaire et les employés permanents ou réguliers.

On me dit qu'il reste une minute, alors je vais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, je pense qu'il faudrait conclure, M. Caron.

M. Caron (Robert): Je vais procéder rapidement. Oui, je vais conclure. Alors, présentement, le recrutement avec le critère minimal d'expérience permet de contourner les règles de classement en ne reconnaissant pas les crédits d'expérience d'une personne occasionnelle au moment de son recrutement sur un poste régulier. Pour résumer, on dirait qu'on fait indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement.

En conclusion, le SPGQ se prononce en faveur d'une modification de la Loi sur les normes du travail pour contrer les clauses orphelin et souhaite cependant une législation qui couvrirait un plus large éventail de conditions potentiellement discriminatoires et, surtout, une loi qui prendrait effet rapidement et posséderait un caractère permanent. Autrement, force nous est de conclure à une réponse politique temporaire plutôt qu'à une volonté réelle de contrer efficacement le phénomène des clauses orphelin.

Alors, nous recommandons: un plus large éventail de conditions, comme je viens de le dire, potentiellement discriminatoires pouvant conduire à des disparités de traitement, ainsi que l'interdiction de conditions temporaires et transitoires conduisant à des disparités de traitement; maintenant, que l'Assemblée nationale procède à l'adoption d'une modification à la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement qui soit mise en application dans un délai de six mois suivant son entrée en vigueur et que ces dispositions possèdent un caractère permanent; que l'État accorde le statut de salariés aux nouvelles diplômées et nouveaux diplômés de la fonction publique embauchés dans le cadre du programme de stages; et enfin, que le Conseil du trésor régularise la situation des fausses occasionnelles et faux occasionnels dans la fonction publique et parapublique. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie, monsieur, c'est terminé. Nous allons maintenant passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Caron, mesdames et messieurs, merci de votre mémoire et de cette présentation. J'ai dit en introduction que j'espérais énormément que ce débat-là sur ce sujet important se fasse au-delà des positions qu'on connaît tous. Je n'ai pas l'intention du tout d'être brutale, mais je vais aller au-delà des positions que vous véhiculez.

Le premier commentaire que je vous ferais, c'est l'utilisation... Enfin, je vais faire un petit détour. J'ai longtemps travaillé sur le dossier de la violence et j'ai toujours été très prudente – je veux échanger là-dessus – à identifier toutes les situations à des situations de violence alors que ce n'était pas toujours le cas. Mon parallèle est le suivant. Vous utilisez le mot «discriminatoire» pour qualifier le programme de stages, les occasionnels, etc. On pourrait-u moduler les choses et mettre les éléments à la bonne place?

Une des remarques que j'ai faites ce matin, c'est de dire... Et j'ai fait un petit peu de sémantique, mais c'est-à-dire que la Charte des droits et libertés, ça, on en convient tous, c'est l'instrument qui établit clairement ce qui est de la discrimination et ce qui n'en est pas. Vous savez que les éléments reconnus comme étant des motifs pour lesquels on ne peut faire de la discrimination, c'est l'âge, le sexe, la race, la religion. Vous savez que le projet de loi qu'on a sous les yeux vise à compléter finalement cette loi-là et que le projet de loi n° 67 vise à interdire, à encadrer, à éviter que ne s'incrustent dans nos pratiques de rémunération des gestes qui ne sont pas nécessairement discriminatoires au sens de la Charte mais qui sont socialement questionnables, pas souhaitables. Bon. Alors, ça, je veux qu'on s'entende bien sur le choix des mots parce qu'on n'est pas sorti de l'auberge.

(14 h 30)

Vous savez, c'est un débat important qu'on fait actuellement et tout n'est pas de la discrimination. Il est possible que les choses ne soient pas souhaitables, mais je veux qu'on soit prudent par rapport à l'utilisation de ces concepts-là. Bon. Je constate là, quand je revois vos recommandations... Je n'interviendrai pas sur chacune d'entre elles. La dernière, pour la régularisation de la situation des occasionnels, je pense que la préoccupation... Il y a un signal assez clair du gouvernement qu'il y a une préoccupation. Il y a une précarité de l'emploi, il y a ce que vous appelez le phénomène des faux occasionnels dans la fonction publique. À moins que je ne me trompe, il y a des discussions actuellement. C'est sur la table de négociation. Ce n'est pas en dehors, c'est présent, cette préoccupation-là. Je ne dis pas que les solutions vont plaire à tout le monde, mais il me semble que, de la part du gouvernement, l'enjeu, il est là et il est discuté.

Mais je veux revenir sur toute cette question... Parce que vous parlez longuement dans votre mémoire du programme de stages. Et c'est là que vraiment... Je comprends parfaitement votre logique, mais j'ai beaucoup de misère à suivre ce raisonnement-là. Il y a plusieurs raisons. D'abord, vous donnez un exemple... Rappelons le sens de ce programme-là. Le sens, en gros, c'est de dire: Le gouvernement est un employeur important; on peut-u donner une occasion d'expérience de travail à des jeunes? Vous avez posé la question: Quels problèmes d'apprentissage les jeunes ont-ils? Bien, des fois, ce n'est pas nécessairement en termes d'apprentissage, mais ils sont dans le cercle vicieux de «pas d'expérience, pas d'emploi; pas d'emploi, pas d'expérience». C'est ça, le sens de ce programme-là.

Et, à moins que je n'aie pas bien compris, la sélection des projets et des candidats était en fonction de ça, où on a tenu compte de la polyvalence des apprentissages, la qualité de l'encadrement, etc. Vous soulignez un cas dans votre mémoire où il y aurait peut-être – je ne sais pas, là, je ne peux pas l'évaluer – une substitution, finalement, entre le travail du stagiaire et le travail d'un professionnel. Moi, je vous dis: S'il y a des cas, plaignez-vous. Mais il y en a combien? Est-ce qu'on me parle d'un cas ou de plusieurs?

Moi, je dirigeais un organisme public au moment où ce programme-là a été mis en branle par le gouvernement, puis je vais vous dire qu'on n'a pas pu passer n'importe quoi. Il y avait une vigilance que c'est des occasions d'apprentissage en emploi qu'on offrait à des jeunes et pas de la substitution d'emploi. Et la preuve, c'est qu'on a mis de l'argent neuf pour intégrer ces nouveaux stagiaires là. Bon. Je pense que c'est l'équivalent de 25 000 000 $, 5 000 000 $ par année, mais, peu importe, ce n'est pas ça, l'important. Un stagiaire n'est pas dans la même position qu'un employé régulier. Ce n'est pas un employé régulier. Et on peut-u avoir des stages dans la vie sans qu'on tombe tout de suite dans: C'est une clause orphelin, c'est une clause discriminatoire? J'attends.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caron.

M. Caron (Robert): Je suis prêt à répondre. Oui, oui, je suis prêt à répondre. D'ailleurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de faire des précisions. Parce que vous pouvez peut-être avoir perçu qu'on faisait un petit peu déraper le débat, parce qu'on parle de discrimination, on a parlé de la plainte devant la CDP, mais c'est un exemple qu'on a donné pour dire l'importance qu'on attache à toute situation de discrimination ou autre. Mais on n'a pas voulu dire que tous les cas qu'on amène sont des cas de discrimination, comme on n'a pas voulu dire – et on le dit assez bien dans le texte – que le cas des stagiaires, comme le cas des occasionnels, c'est des situations qu'on assimile à. On sait très bien que ça n'entre pas dans le cadre de la loi, mais on pense que ça peut entrer dans le cadre du débat qu'on fait autour du projet de loi qui est proposé.

Et on va parler tout de suite de la question des stagiaires parce que je vous dirai que ça fait longtemps qu'on se pose la question, le SPGQ, de comment ont doit réagir à ça, d'autant plus quand, depuis plusieurs années maintenant, on dit qu'on veut le rajeunissement de la fonction publique. On critique nous-mêmes le gouvernement pour dire: Il y a un vieillissement de la fonction publique; on ne voit pas poindre un rajeunissement de la fonction publique.

Et là même que je dirais qu'on rajeunit mais par défaut, c'est-à-dire qu'avec la négociation des programmes de départ volontaire on a diminué peut-être l'âge moyen. Mais vous allez convenir que ce n'est pas la meilleure façon de rajeunir la fonction publique. C'est en ayant des jeunes, comme les jeunes qui m'accompagnent, qui entrent dans la fonction publique, soit comme occasionnels ou comme permanents, dans des emplois durables, si on peut parler comme ça.

Quand le projet de stagiaires est arrivé, je vous dirai qu'on ne s'est pas prononcé trop rapidement pour le critiquer parce qu'on s'est dit: Bien, c'est un pas, c'est un pas de fait; bon, bien, il y a des jeunes qui vont venir. Je dirais, après analyse... Quand on a vu ce que ces jeunes-là faisaient – puis ce ne sont pas des gens qui sont syndiqués chez nous, vous l'avez compris – du travail qui était du travail d'occasionnel, quand on a surtout réalisé que c'étaient des personnes qui n'avaient pas de problème d'employabilité, comme on l'a dit dans le mémoire, bon, on s'est dit: Ah! pourquoi le gouvernement ne les a-t-il pas engagés avec un statut d'occasionnel? Et d'autant plus qu'on dit que, là, il y avait comme une situation gagnant-gagnant parce qu'au bout du travail d'occasionnel il y a des perspectives d'accéder à des emplois permanents éventuellement.

Quand on parle de rajeunissement durable de la fonction publique, bien, il me semble que c'est une porte d'entrée qui est pas mal meilleure que celle des stages où on leur dit en partant: Au bout du deux ans, là, «that's it, that's all», c'est terminé; vous ne travaillerez pas dans la fonction publique, en tout cas pas à partir de l'expérience... Et ce qu'on souligne évidemment, c'est les conditions de travail différentes. L'exemple qu'on donne: des occasionnels qui rentrent au premier échelon, il y a un salaire qui est déjà supérieur, et pendant... En tout cas, ils peuvent évoluer à tous les six mois dans, je dirais, la structure salariale, alors que pour les stages, à ce qu'il me semble, c'est un salaire qui est unique et qui est fixe pendant la durée du stage. Alors, nous, il nous apparaît important de dénoncer ça en disant: Des vrais stagiaires, il y en aura toujours – on est d'accord avec vous, madame, il y en a toujours eu d'ailleurs au gouvernement – mais des stagiaires de ce type-là, c'est comme si on avait inventé un nouveau niveau dans la précarité.

Là, déjà, nous, qu'on se plaignait qu'il y avait des occasionnels, des faux occasionnels depuis des années, et là on pensait que ça, c'était le plus bas, là, qu'on ne pouvait pas avoir pire que ça. Bien oui, il y a pire que ça. Maintenant, il y a les stagiaires dans la fonction publique, qui sont des professionnels, qui ont souvent des maîtrises. On me dit qu'il y en a qui ont remplacé leur patron durant l'été. Ça se peut-u! Puis vous nous dites: Plaignez-vous. Ah oui! on se plaint. Mais ça donne quoi? On peut bien se plaindre... Ça fait longtemps qu'on critique le gouvernement sur les stages, ça commence à faire un bout de temps, là, mais il n'y a rien qui a changé, puis il n'y a rien qui nous dit que ça va changer aussi au cours des prochaines années.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bon. D'abord, je veux être bien au clair, M. Caron: C'est bien évident, puis c'est troublant qu'on ait un problème d'entrée des jeunes dans la fonction publique, on a une fonction publique vieillissante. Vous avez un peu raison, on l'a un peu rajeunie. Mais on l'a prise par l'autre bout, puis... Bon. Ce n'est peut-être pas l'idéal. Mais ça, c'est un défi qu'on a tous devant nous, parce que, on le sait, on est dans un contexte où on essaie de contrôler nos dépenses, de ne pas grossir la fonction publique indûment, un contexte où ça pousse fort pour déréglementer. Certains de mes collègues disent même qu'on devrait couper la fonction publique du tiers, Bon. Il y a un défi, il y a véritablement un défi.

Ceci étant dit, un programme de stagiaires à... quoi? Il y a eu quoi? Il y a eu 200 postes, je pense, la première année, 200 quelques autres la deuxième année. Je ne veux pas être ironique, mais ce n'est pas avec ça qu'on va régler le problème du rajeunissement de la fonction publique, là. Et c'est pour ça que je vous dis: Pour moi, le sens de ce programme-là doit rester ce qu'il est, c'est-à-dire d'offrir des expériences de travail puis, dans le fond, de contribuer à l'embauche de ces jeunes-là, y compris dans la fonction publique mais éventuellement aussi dans le privé. Bon.

Quelle sera la suite de ce programme-là? Comment on va... Parce que c'est quand même des jeunes qui ont acquis une expérience. Comment ils peuvent se recycler, entre autres, se repositionner dans la fonction publique ou ailleurs? Bon. Je pense que c'est des questions qu'il nous faut continuer de débattre et d'avoir des avenues de solution. Mais le fait d'avoir un programme de stages, c'est sûr qu'il y a des zones de contact avec les emplois réguliers. Il faut toujours bien qu'ils soient dans un processus d'apprentissage, dans des positions similaires à la vraie vie, il restera toujours... Ce n'est pas parfaitement étanche, ça. Ça, j'en conviens. Puis, vous savez, il y a beaucoup de gens... Je suis aussi ministre responsable de l'Emploi; je les vois, les chiffres du chômage chez les jeunes. Puis une des difficultés – ce n'est pas la seule – c'est, pour les jeunes, de trouver un premier emploi, d'entrer dans le circuit de l'emploi.

(14 h 40)

J'ai de mes collègues, puis j'ai des gens aussi... J'ai parlé à des gens dans des grandes entreprises qui sont conscients aussi que, dans leurs propres entreprises, ils ont aussi de la misère à faire entrer des jeunes. Ils ont aussi de la misère à donner des occasions que ces jeunes-là aient des expériences de travail. Et je connais des grandes entreprises qui commencent à se dire: Il faut davantage ouvrir. Je travaille actuellement sur la question des régimes d'apprentissage dans certains secteurs. Je veux dire, il faut bien commencer quelque part. Puis, oui, il y a des zones de contact entre ce type de programme là et des emplois stables, bien intégrés. Si on n'a pas un minimum de zone de tolérance et si on tombe dans la discrimination, les clauses orphelin, comment on va se sortir de ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Bien, madame, la classification des professionnels ne date pas d'hier, elle date d'une trentaine d'années maintenant. Au départ, d'ailleurs, il y avait trois grades – trois classes, à l'époque – et la première classe, justement, c'était un stade qu'on considérait comme un stade d'apprentissage. Alors, ça, ça veut dire que ça a existé pendant combien d'années? À peu près 30 ans. Les jeunes professionnels qui arrivaient dans la fonction publique dans la classe III ou dans le grade III pendant... Maintenant, je pense que c'est les six premiers échelons. Ils sont en apprentissage. La preuve, c'est qu'on prévoit qu'ils avancent d'échelon à tous les six mois. Puis, au bout de l'échelon sept, bien là c'est des avancements annuels. Ça veut dire qu'ils ont passé la période de stage. Ça, ça a toujours existé.

Bon. Nous, on ne dit pas qu'il faut mettre à pied, congédier les stagiaires, là. Ce qu'on dit, puis je pense qu'on est dans la pertinence du débat ici, c'est que, si on parle de clauses orphelin, si on parle de système à deux vitesses qu'il faut contrer, bien il faut que le gouvernement donne l'exemple. C'est lui qui veut légiférer là-dessus. Bien, il me semble qu'il devrait donner l'exemple. Ce qu'on dit, c'est qu'il devrait convertir ces emplois-là en emplois occasionnels, ou en emplois permanents éventuellement.

Et, vous savez, ça ne coûte pas plus cher, là. Ça coûte un petit peu plus cher pour les stagiaires, on en a fait la démonstration. Pour les occasionnels, on a toujours dit que, si on voulait vraiment solutionner le problème des faux occasionnels, ça ne coûterait rien au gouvernement parce que ces gens-là sont payés déjà depuis cinq, six, sept, huit, 10... Puis on a même des records: on a un occasionnel qui a 17 ans dans un ministère, sa situation n'est toujours pas régularisée. En régularisant sa situation demain matin, ça ne coûte pas plus cher à l'employeur, là. Pourquoi on ne le fait pas?

Là, on peut aussi se plaindre. Voyez-vous, on se plaint depuis des années, et il y a eu une promesse électorale, l'année passée, le 5 novembre – on va fêter ça cette année, là – et il n'y a toujours rien de réglé. C'est en discussion aux tables de négociation. On n'a pas voulu, ici, profiter de la situation pour, comment je dirais, faire la négociation à cette commission, mais il faut dire que ça n'avance pas, ce n'est toujours pas réglé, et ça devait l'être, là, par l'annonce en campagne électorale.

Mme Lemieux: Mais, M. Caron, sur ce dernier...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre. Tout en vous rappelant qu'il reste deux minutes.

Mme Lemieux: Oui. Alors, je pense qu'on convient que, sur ce dernier point, il y a actuellement un lieu, il y a une occasion de régler le problème des faux occasionnels. Mais, bon, ce n'est pas l'objet actuellement.

Je veux juste une dernière chose. Les jeunes nous lancent beaucoup, beaucoup de messages qu'un des freins à l'entrée sur le marché du travail, c'est les rigidités des règles. Parmi ces rigidités, il y a celles aussi qui sont véhiculées par les syndicats. Je vous le dis assez... Enfin, je n'ai pas eu le temps de faire des grands détours et d'être dans la dentelle, là. Moi, je pense qu'on a des responsabilités partagées dans ce dossier-là, des clauses orphelin. Mais il y a un gros message aussi qui est adressé aux syndicats de la part des jeunes, il y a un très gros message. Et il y a une espèce d'ambivalence aussi de la part des syndicats, que je peux comprendre: à la fois protéger ceux qui y sont... Mais qu'est-ce qu'on fait de ceux qui n'y sont pas ou qui pourraient y être? Il y a quelque chose, il y a un noeud, là.

M. Caron (Robert): Bien, écoutez, moi, je pense que, dans les discussions qu'on a avec le gouvernement et même dans les négociations, on a toujours été prêt, je dirais, à revoir nos pratiques, même à regarder ce qu'il y avait dans les conventions, mais ce n'est pas ce qui fait obstacle présentement. Nous, au contraire, on dit qu'il faut régulariser la situation, dans le fond, de gens qui sont des faux occasionnels. Alors, dans ce cas-là, ce n'est pas la convention collective qui pose problème. Dans le cas des stagiaires, ce n'est pas les conventions collectives qui posent problème, je ne crois pas. Je ne crois pas, sincèrement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors...

M. Caron (Robert): Mme Falcon...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est parce que, là, le temps qui était réservé au parti ministériel est maintenant écoulé. Alors, peut-être que ça va pouvoir se poursuivre avec les autres questionnements. Je reconnaîtrais maintenant M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur, mesdames. Au nom des députés de l'opposition, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je peux vous assurer que nous avons pris connaissance de votre mémoire avec un grand intérêt. Il a la particularité d'aborder un point de vue plus gouvernemental de la situation, contrairement à d'autres groupes qui, eux, abordent des points de vue plus entreprise privée ou plus généraux du problème. Je dirais même que c'est assez pointu, car vous rentrez vraiment dans votre quotidien, dans ce que vous vivez toutes les années. Et c'est là certainement le grand intérêt que nous pouvons avoir comme éclairage, car, en effet, vous l'avez mentionné, l'État ne saurait faire autrement que de montrer l'exemple dans ce qu'il veut légiférer.

On sait d'où l'on vient, on est ici aujourd'hui parce que le gouvernement dans une campagne électorale, un peu avant, pendant et beaucoup moins après, s'est engagé à régler le problème de discrimination dans les conditions de travail pour les jeunes travailleurs. C'est évident qu'il n'y a pas juste des jeunes, mais majoritairement on peut dire que c'est des jeunes. Alors, comme toute promesse électorale, et vous avez parlé d'une autre promesse qui n'a pas été tenue, il y a quelques minutes – ou pas encore tenue ou pas encore... – il est des fois plus facile de les prononcer en campagne que de les écrire par la suite. Mme la ministre disait ce matin qu'on peut dire qu'on est pour ci, qu'on est contre ça, mais, quand il s'agit de l'écrire sur papier, ce n'est pas aussi simple que ça peut paraître.

Alors, force aujourd'hui est de constater que le gouvernement a déposé un projet de loi qui, selon les premiers témoins qu'on a entendus ici et les mémoires que nous avons lus, ne semble pas correspondre aux voeux ou aux aspirations d'une large majorité de gens qui sont touchés. Et vous en êtes, d'après ce que je crois voir. Car, si je prends... Je ne ferai pas toute la nomenclature de votre mémoire, mais simplement à la page 10, au niveau des conclusions, vous vous prononcez «en faveur d'une modification à la Loi sur les normes du travail pour contrer les clauses orphelin». Certes, je pense que tout le monde ici en est. «Il souhaite cependant une législation qui couvrirait un large éventail de conditions potentiellement discriminatoires.» J'aimerais bien que vous m'expliquiez qu'est-ce que vous voulez dire par de larges conditions – parce que, moi, j'ai une autre peut-être perception de ça – potentiellement discriminatoires. Peut-être l'expliquer aux parlementaires puis donner peut-être quelques exemples.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui. Merci. Écoutez, on faisait référence évidemment aux cas qu'on a donnés en exemple, la question des stagiaires en particulier, et peut-être s'assurer qu'on ne puisse pas faire indirectement ce qu'on ne veut pas faire directement, en tout cas... de regarder aussi les questions de statut – ça nous apparaît assez important. Ce qu'on dit aussi dans le mémoire, c'est les échelons en début de carrière. Alors, ça, ça nous apparaît aussi très important parce que c'est une pratique, me dit-on, qui est courante, qu'on ne voit pas dans la fonction publique cependant mais qui est courante. On donne comme exemple le milieu municipal dans le parapublic ou péripublic. Alors, c'est les seuls exemples qu'on a, finalement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est parce que, comme vous savez, le projet gouvernemental permet l'ajout d'échelons vers le bas. Donc, à partir de ce moment-là, c'est évident qu'il crée un autre genre de situations dans lesquelles on légalise les clauses orphelin. Est-ce que vous partagez cette opinion-là, cette vision-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui, bien, c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Je vais laisser peut-être Louise, qui voulait intervenir tantôt pour préciser des choses...

Mme Falcon (Louise): Non, c'était sur autre chose.

M. Gobé: Ça va permettre de parler. Voilà! Je sentais qu'elle avait des choses à nous dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Falcon.

Mme Falcon (Louise): Je repréciserai tantôt, s'il y a lieu. Bien, les situations, nous, qu'on vit dans la fonction publique, elles ne sont pas vraiment liées à la date d'embauche mais plutôt au statut d'emploi qu'on octroie ou qu'on n'octroie pas aux personnes. Et c'est ça qu'on a voulu inclure dans des conditions potentiellement discriminatoires. Parce qu'il faut bien voir que le programme dont il est question depuis tantôt, le programme Stages pour nouveaux diplômés, il vise exclusivement des jeunes. Il n'y a pas de vieux, passez-moi l'expression, qui se retrouvent avec un diplôme en poche et un statut de stagiaire qui ne leur donne pas droit à la même rémunération qu'un employé du gouvernement. Alors, les difficultés, on les vit par rapport au statut d'emploi. C'est la même chose lorsqu'un occasionnel obtient un poste permanent. On recalcule son salaire, et il peut arriver qu'il perde, du coup, 7 000 $ par année. Là encore, ce n'est pas sa date d'embauche qui a déterminé le problème mais le changement de statut.

Alors, nous, c'est ce qu'on vise. C'est que la date d'embauche seule ne règle pas tout. Et il y a aussi les exceptions qui sont prévues dans le projet de loi qui nous interpellaient.

(14 h 50)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, Mme la Présidente. Nous avons demandé ce matin, nous, de l'opposition, d'inclure dans le projet de loi une disposition qui verrait à obliger le gouvernement – et j'emploie bien le mot «obliger» – de faire un inventaire complet dans tous les ministères, organismes ou sociétés dépendant de lui, les sociétés d'État, afin de déterminer l'ensemble, ou le nombre, ou les cas de clauses discriminatoires qui existent. Il y en a qu'on connaît ou qu'on ne connaît pas. Comme là, les stages, personne n'avait jamais pensé que ça pouvait être une clause discriminatoire.

Ce matin, il y avait un jeune médecin qui était là avec les... En fait, ce sont des médecins qui nous expliquaient que, même s'il y avait une première clause discriminatoire de 30 % pour pratiquer en région, il y avait une autre clause discriminatoire par dessus ça, si on ne travaillait pas dans certains établissements ou dans certains...

Alors, on se rend compte que, dans beaucoup de champs d'application gouvernementale ou dépendant du gouvernement, on retrouve des clauses d'exception, discriminatoires ou orphelin, d'une manière ou d'une autre. Est-ce que vous trouvez que ça pourrait être important d'inclure dans le projet de loi cette obligation d'inventaire rapide, et avec, bien sûr, objectif de correction? Et ça inclut vos stagiaires probablement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Ouais, bien, je ne suis pas sûr qu'il faille inclure ça dans le projet de loi ou dans une loi, mais... De toute façon, je crois que... En tout cas, dans notre secteur, il n'y a pas beaucoup de cas quand même, là. Pour être honnête, on disait que nous n'avions jamais signé de clauses orphelin puis on n'a jamais été obligé de signer de clauses orphelin dans nos conventions collectives. Les cas qu'on vous présente aujourd'hui, bien il y a comme deux situations, ou trois. Sur les occasionnels, il y a deux situations, à vrai dire, la question des stagiaires. À part ça, sur des clauses non négociables, au niveau de la classification, et tout, je n'en vois pas, là. Honnêtement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que, d'après vous, le projet de loi devrait s'appliquer à d'autres groupes qui ne sont pas touchés actuellement de par la loi qui les gouverne, comme les médecins, les professeurs, entre autres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Bien, il me semble qu'il faut que cette loi ait une portée générale. Je ne suis pas juriste, là, mais il me semble qu'il faut qu'elle...

M. Gobé: Elle ne l'a pas. En tout cas, actuellement, ces groupes-là ne sont pas inclus dans la loi, vu qu'ils ne sont pas soumis à la Loi sur les normes du travail, les normes minimales. D'accord? Donc, il y a seulement les gens qui sont soumis aux normes minimales du travail et au Code du travail qui sont pris dans le champ d'application de cette loi.

En dehors, il y a la Loi sur les services de santé qui fait que les médecins... l'éducation, enfin, les policiers, les pompiers. On a pu voir M. Rebello, de Force Jeunesse, devant une belle caserne de pompiers à Lachine, en début de semaine, nous démontrer qu'entre deux pompiers qui éteignaient le même feu il y avait 10 000 $ ou 12 000 $ de différence. En d'autres termes, ces gens-là ne sont pas assujettis, hein, à cette loi-là.

Est-ce que, d'après vous, il serait souhaitable, d'un point de vue de votre perception à vous, comme professionnel du gouvernement, mais d'équité sociale aussi probablement – je ne sais pas à quoi je fais appel en vous, là – que ça soit inclus? Est-ce qu'on devrait, avant d'adopter cette loi-là, nous assurer que ces champs-là soient dedans?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui, bien, écoutez, je pense que vous le dites bien, c'est comme un point de vue d'observateur, le Syndicat. Il me semble qu'il faut que cette loi ait une portée très générale. Mais je ne peux pas en dire beaucoup plus que ça parce que, nous, on a vraiment regardé le secteur de la fonction publique et parapublique.

M. Gobé: D'accord. Je vous remercie. Là, vous parlez d'une loi qui prendrait effet rapidement et posséderait un caractère permanent, alors qui prendrait effet rapidement. On sait que la loi prend effet sur une période de trois ans. Mme la ministre s'est déjà prononcée, dans quelque entrevue ou réaction, commentaires, pour dire que, pendant cette période-là, on pourrait même négocier encore des clauses discriminatoires. Ce matin, elle disait – j'ai quelques notes là-dessus – que les entreprises qui négocieraient des conventions pendant les trois ans de transition devraient s'ajuster pour ne pas déborder le trois ans avec une clause discriminatoire. Donc, ça nous laisse confirmer qu'on peut encore en négocier pendant ce trois ans-là, hein, pour un an, deux ans, 18 mois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Gobé: Est-ce que c'est à ça que vous faites allusion quand vous parlez de «prendrait effet rapidement»?

Mme Falcon (Louise): Bien, la négociation...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Falcon.

Mme Falcon (Louise): Oui. Excusez-moi. La négociation, c'est une chose qui roule sans arrêt, hein. Alors, à partir du moment où la loi prend effet, on ne signe plus de clauses orphelin dans les conventions futures. Alors, pourquoi attendre trois ans? Ça voudrait dire que là on peut tous renouveler avec une série de clauses orphelin, et puis vogue la galère! Parce que, à un moment donné, une fois que c'est là, c'est assez difficile de revenir en arrière. Alors, nous, on dit: Ayons une loi, qu'elle prenne effet, et pour l'avenir on ne négociera plus de clauses orphelin, puis on verra celles qui existent dans les conventions qui sont déjà en cours, là, comment on peut les éliminer. Mais on n'a pas à attendre trois ans, parce qu'on en signe, des conventions, fréquemment et sans arrêt aussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Vous avez raison. Ça donne l'impression qu'on pourrait avoir un peu un système à deux vitesses, là, hein. D'un côté, on veut éliminer les clauses orphelin, on dit qu'on veut les éliminer – ça, c'est le message, le discours – de l'autre côté, on les laisse là pendant trois ans.

Après, par la suite, vous parlez d'un caractère permanent. Je présume que vous faites là allusion à la clause crépusculaire qui est dans le projet de loi qui fait que, en l'an 2004... ou sur décision du gouvernement, ce qu'elle nous disait ce matin. Mais, entre vous et moi, depuis longtemps que vous êtes dans le système – pas parce que vous n'êtes pas jeune, vous êtes jeune – vous avez dû en voir et moi aussi, on sait bien que, lorsque le gouvernement prend le temps de marquer une date quelque part, ce n'est pas pour rien. Je lisais quelqu'un qui disait hier, dans un reportage sur un accord au Kosovo: Le diable se cache souvent dans les détails.

Alors, je le prends à ce compte-là, si Mme la ministre ou son gouvernement – ce n'est peut-être pas elle, c'est peut-être quelqu'un ailleurs au gouvernement – a fait en sorte qu'on trouve dans un projet de loi, pour une première fois, dans une loi... pas une loi thématique ou une loi technique, là, hein, ce n'est pas une taxation – c'est drôle, il n'y a pas de clause crépusculaire dans les lois de taxation, ce n'est pas dit «la taxe sur un tel arrêtera en 2000 après rapport, là», ça, c'est tout le temps – mais dans une loi à caractère social, à caractère symbolique, venant d'un gouvernement qui, en campagne électorale, s'est targué de défendre la jeunesse, de leur ouvrir les portes, s'est vanté de dire: Appuyez-nous et nous allons répondre à vos aspirations, là, on se retrouve avec cette clause crépusculaire d'application.

Est-ce que, lorsque vous parlez, vous, d'une loi à caractère permanent, on pourrait aller aussi loin que dire que l'article 4 qui dit qu'après quatre ans c'est fini, il devrait être abrogé complètement et seulement aller à l'article 5 qui dit: La loi prend effet le, puis pas dans quatre ans, bien sûr, mais la date où ça va être voté en Chambre? C'est ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui. Bien, nous, évidemment, on voulait que la loi s'applique le plus rapidement possible et puis qu'elle ait, comment je dirais, une durée illimitée parce que... En tout cas, je pense que, si... Il y a des lois très importantes qui ont été adoptées au Québec au cours des dernières années. Si on avait eu des clauses crépusculaires, je pense qu'on aurait des difficultés... Je pense à la dernière, très importante, la Loi sur l'équité salariale. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui se seraient prononcés en faveur, s'il y avait eu une clause crépusculaire. À moins qu'on ne comprenne pas l'intention du gouvernement, là, à moins qu'on dise: Bon. Bien, on donne un certain temps puis, à un moment donné, on va modifier ou on va faire une autre loi qui proscrit le même type de phénomène, ça va. C'est pour ça qu'on a dit, nous: Il faut que ça soit quelque chose de permanent, parce que cette bataille-là contre la précarité, parce que c'est ça en fait, ne s'éteindra pas avec le siècle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. C'est une première. Avez-vous connaissance que d'autres lois au Québec, à caractère social, humain, qui touchent les conditions de travail, aient des clauses crépusculaires? Vous qui êtes professionnel...

M. Caron (Robert): Bien, moi, je ne suis pas juriste...

M. Gobé: Comme vous venez du gouvernement, vous devez...

M. Caron (Robert): Je ne prononcerai pas là-dessus...

M. Gobé: Vous négociez des... Non, vous n'avez pas... Moi non plus. On a essayé de trouver, mais quelquefois il peut nous en échapper. Donc, on est vraiment en avant d'une première, là. Pas une première pour éliminer les clauses mais une première crépusculaire.

(15 heures)

Quand on a lu votre mémoire, on ne peut que souhaiter que les problèmes des stages se règlent, car, en effet, on considère que c'est là une entrave aux jeunes... Premièrement, c'est une discrimination. Deuxièmement, c'est une entrave pour eux à pouvoir postuler à des postes dans la fonction publique. Et nous avons eu l'occasion de nous prononcer déjà là-dessus lorsqu'on a rencontré le Conseil permanent de la jeunesse avec M. Charest qui a fait valoir son grand intérêt à ce problème-là aux représentants du Conseil permanent qui étaient venus nous rencontrer. C'est quelque chose qui nous touche à coeur et que nous trouvons totalement abusif.

Nous considérons que des jeunes qui font un travail de professionnel, un travail équivalant à d'autres qui sont payés 40 000 $ et quelques ou 50 000 $ par année, et qui ont des conditions de travail, avec des fonds de pension, avec des protections... qui devraient être applicables au moins à tous ceux qui font ce travail-là, au moins pendant la période qu'ils le font. D'accord?

Pour ce qui est des faux occasionnels, bien là c'est une problématique en effet qui devrait être réglée puis qui n'a pas été réglée. On va souhaiter que, dans votre négociation, vous puissiez trouver l'acquiescement de la promesse électorale qui vous avait été faite, et nous ne pouvons que vous y encourager.

Mais, en terminant, peut-être que j'aurais une question. Le projet de loi, en dehors du principe de l'abolition des clauses discriminatoires, tel qu'il est formulé ne reçoit pas, donc, votre approbation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Non, il ne peut recevoir notre approbation, bien qu'on dise que c'est un pas dans la bonne direction, parce qu'il faut vraiment que le gouvernement adopte une loi pour contrer justement les clauses orphelin. Ça, je pense que c'était très important pour nous. Et, si vous me permettez de commenter un peu ce que vous avez dit sur les stagiaires... Ce qu'on veut, puis il me semble que c'est possible, c'est une solution où toutes les parties seraient gagnantes. C'est qu'il me semble que le gouvernement a intérêt à ce que, au bout de ce stage-là... On ne souhaite pas nécessairement que ça soit 100 % des stagiaires qui aient accès à des emplois occasionnels ou permanents, mais, il me semble, si le gouvernement forme ces personnes-là, que ça puisse servir à l'État puis que ça puisse servir finalement aux citoyennes et citoyens du Québec.

M. Gobé: D'autant plus que c'est la transmission de... Souvent, on parle de cette transmission de l'expérience par ceux qui sont plus anciens aux jeunes afin non seulement d'avoir une continuité, mais de leur transmettre un certain nombre d'habiletés. C'est comme ça depuis le début des siècles. Quand on étudie l'histoire de base, on apprend que, avant la technologie, avant l'administration, le forgeron apprenait à son fils ou à son apprenti à forger puis lui, un jour, prenait la relève et devenait forgeron. Il y avait une transmission du savoir. C'est comme ça qu'au départ...

Je m'excuse de faire un report qui est peut-être un peu primaire quand même, mais aujourd'hui on est dans la même situation où on coupe les jeunes de la possibilité d'avoir la transmission du savoir par leurs aînés, et, lorsqu'on la leur donne, comme dans un stage, on leur coupe la possibilité d'avoir le poste parce qu'ils ne sont pas capables d'aller appliquer sur le poste pour lequel on leur a donné une expérience. Alors, vous avez raison. Puis c'est certainement un des points qu'il va falloir toucher et pour lequel on va forcer dans le futur et avec lequel on vous supporte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Maintenant, je reconnaîtrai le député de Rivière-du-Loup. M. le député.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. D'abord, bienvenue aux gens du Syndicat des professionnels du gouvernement. Je voudrais d'abord vous remercier pour votre contribution au vocabulaire de la commission. L'effet d'étoiles filantes, c'est une fort bonne image pour décrire ce dont on parle depuis déjà quelques jours.

Je veux revenir sur la question des stages, parce qu'on ne peut pas laisser les propos de la ministre où c'était tout à l'heure, parce que le gouvernement parle des deux côtés de la bouche dans cette question-là. Quand, moi, je questionne en commission parlementaire le premier ministre sur le rajeunissement de la fonction publique, il me répond: Bien, voyons donc, le député de Rivière-du-Loup n'est pas raisonnable, là, on a fait des programmes de stages. Quand vous venez ici parler des programmes de stages, la ministre me dit: Voyons donc, vous êtes à côté de la coche, les programmes de stages, ce n'est pas du tout des gens comme dans la fonction publique, c'est juste des jeunes qui viennent pour améliorer leur employabilité. On ne peut pas à la fois se servir d'un programme, quand on est dans un dossier, pour se défendre qu'on a fait quelque chose, puis après ça dire: Ce n'est pas ça qu'on fait vraiment. Alors, il va falloir que le gouvernement choisisse qu'est-ce qu'ils sont.

La deuxième chose. Contrairement à ce que la ministre vous a dit, moi, je suis un de ceux qui croient qu'il faut donner une chance aux stagiaires, qui pensent que les syndicats qui ont fait obstruction au programme coopératif à l'Université de Sherbrooke, etc., au début, c'est malheureux. Ce à quoi vous faites référence, ce n'est plus des stagiaires qui sont aux études. Ils ne sont pas en train, dans le cadre de leur programme de formation aux études, d'aller chercher le stage final qui leur permet d'avoir le diplôme. Ils sont diplômés. On s'en va où avec ça? Est-ce que c'est les diplômés, au Québec, qui sont de plus en plus faibles?

Dans les années soixante, soixante-dix, quelqu'un rentrait, un jeune rentrait dans la fonction publique, il rentrait avec un poste normal. Durant les années quatre-vingt, le début des années quatre-vingt-dix, pour rentrer dans la fonction publique, tu ne pouvais pas rentrer comme permanent. Au mieux, tu rentrais comme occasionnel. Alors, maintenant, un jeune ne peut plus penser rentrer comme occasionnel. Au mieux, il rentre comme stagiaire. La prochaine étape, c'est quoi? Il va rentrer comme bénévole puis ensuite il va payer pour avoir son poste. Puis ensuite il va pouvoir être bénévole puis ensuite peut-être stagiaire. Mais c'est ça finalement, c'est qu'on rajoute des...

Le gouvernement parle d'échelons par le bas, mais le gouvernement lui-même rajoute des échelons par le bas parce que la porte d'entrée est de plus en plus basse. Alors, est-ce que c'est parce qu'on ne fait pas de place aux jeunes? Ou est-ce que c'est carrément, si on suit le raisonnement de la ministre... Là, il faut qu'elle parle au ministre Legault au plus vite, au ministre de l'Éducation au plus vite. Ça veut dire que les diplômes... Les jeunes dans les années soixante-dix sortaient avec un bon diplôme, pouvaient rentrer dans la fonction publique la première journée avec une vraie job. En 1999, ce n'est plus vrai. Un jeune qui sort avec une maîtrise, là, ça ne peut pas rentrer dans la fonction publique, ça ne peut pas faire la job, il faut que ça passe deux ans comme stagiaire. Alors, ça, c'est mes commentaires.

Mais je trouve très, très gros les propos de la ministre. Ce que ça me dit, par contre, c'est que le gouvernement est mal placé pour servir de modèle puis donner du leadership dans le dossier des clauses orphelin parce que lui-même se cherche. En même temps qu'il tient un discours, de l'autre côté il se cherche puis il se justifie des portes de sortie de toutes sortes de façons.

Mais vous nous parlez, dans votre mémoire, du passage d'un à l'autre, donc du passage d'occasionnel à permanent, où là il y a une passe-passe puis il y a des gens qui perdent au change en passant d'occasionnel à permanent. Puis vous nous parlez aussi que de passer de stagiaire à occasionnel, il ne semble pas y avoir de pont là. Puis je veux y revenir. On crée différents statuts. Parlez-moi des ponts entre chacun puis des difficultés que ça occasionne.

M. Caron (Robert): Bien...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui. Excusez-moi. Non, il n'y a pas de pont, ça, c'est sûr, entre les stagiaires et les occasionnels. Alors, ça, c'est...

M. Dumont: Puis il n'y en a pas de prévu?

M. Caron (Robert): Il n'y en a pas de prévu, en tout cas, à moins qu'on me contredise, mais je ne crois pas. C'est assez clair. Puis d'ailleurs je vous dirais, pour commenter ce que vous avez dit en introduction: Ça nous est apparu presque comme une astuce. C'est-à-dire que, comme on a des faux occasionnels, on a des gens qui se sont maintenus, je dirais, ou qui ont été maintenus parce que les ministères y voyaient leur intérêt aussi. C'est des gens qui ont démontré leurs compétences à titre d'occasionnels, qui ont fait plusieurs années, qui ont évolué – puis heureusement qu'on avait de bonnes conventions collectives qui le prévoyaient – qui ont eu, dans le fond, comme un plan de carrière, qui ont pu évoluer dans leur carrière. Ça a l'air drôle de dire ça, carrière d'occasionnel au gouvernement. Bien, on a vraiment eu l'impression que les stagiaires, c'est une astuce pour ne pas répéter ça. Bon. Alors, ça, de ce côté-là, c'est bloqué. De stagiaire à occasionnel, c'est bloqué.

D'occasionnel à permanent, ce n'est pas évident aussi. Je pense que vous le savez. Et là la seule façon, je dirais, de faire avancer la situation des occasionnels en équité, je dirais qu'on a trouvé depuis des années – on le dit dans notre mémoire – que c'est par des concours réservés. En 1983, je pense qu'on a négocié, mais là il y avait eu même un amendement législatif. Au début des années quatre-vingt-dix, concours réservés pour des cinq ans et plus, et là il y en a plusieurs qui ont réussi. Évidemment, ils n'ont pas eu de difficulté à se qualifier à des emplois permanents. Et, en 1995, un concours pour les trois ans ou plus, et une forte majorité de ces occasionnels-là sont devenus permanents parce qu'ils ont passé le concours, parce qu'ils étaient en emploi, parce que leur employeur, les ministères, voulait vraiment garder ces gens-là au gouvernement.

Un autre aspect – je conclus – et ça m'apparaît important...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Il faudrait faire rapidement parce qu'on achève. On a fini, d'ailleurs.

M. Caron (Robert): Oui, oui, je conclus. Mais c'est important, on ne l'a pas dit jusqu'à maintenant. Il n'y a pas seulement des stagiaires qui sont rentrés au gouvernement, il y a des occasionnels aussi qui sont rentrés et des jeunes. Pour vous donner une statistique, 342 occasionnels sur 477 qui sont rentrés depuis un an ont moins de 35 ans. Ça veut dire que c'est possible d'aller chercher, je dirais, des occasionnels et de penser qu'on va faire du rajeunissement durable au gouvernement, mais il faut qu'il y ait une volonté politique. Quand le gouvernement décide d'engager des stagiaires, il fait un choix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. C'est malheureusement tout le temps dont nous disposions. Merci pour votre participation à cette commission. Je suspends donc les travaux pour quelques minutes, le temps d'échanger les groupes.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

(Reprise à 15 h 13)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec. Alors, j'aimerais que le porte-parole principal s'identifie et identifie les gens qui l'accompagnent. Tout simplement, je vous souligne que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, que par la suite il y a un échange de 17 minutes et demie avec les ministériels, même chose du côté de l'opposition, plus un cinq minutes au député indépendant. Alors, là-dessus, je vous donne la parole.


Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec (AMPAQ)

M. Légaré (Jacques): D'accord. Alors, mon nom est Jacques Légaré. Je suis président-directeur général de l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec. Et j'inviterais mes membres et collègues à se présenter.

Mme Ostiguy (Julie): Alors, je suis Julie Ostiguy. Je suis directrice aux ressources humaines chez Aliments Carrière. Nous sommes un manufacturier de légumes de transformation dans la conserve et le surgelé. Nous possédons quatre usines au Québec et employons plus de 1 000 personnes.

M. Tardif (Jacques): Mon nom, c'est Jacques Tardif. Je suis directeur des ressources humaines pour la compagnie A. Lassonde inc., de Rougemont. Nous possédons quatre usines au Québec, au-delà de 700 travailleurs. On est mieux connus sous les marques Oasis, Fruité et différentes autres marques: Rougemont, Montrouge, etc.

M. Busque (Alain): Bonjour. Alain Busque, directeur administratif chez Nabisco ltée, Nabisco qui est une multinationale établie un peu partout dans les différents endroits du globe. Si on se limite au Québec, Nabisco compte quatre usines, on emploie environ 1 200 personnes, et les principales marques de commerce sont Aylmer, Del Monte ainsi que les bons biscuits de M. Christie.

M. Roberge (Louis): Bonjour. Louis Roberge. Je suis vice-président aux ressources humaines pour la compagnie Multi-Marques. Multi-Marques est un ensemble de boulangeries, principalement du pain, donc des boulangeries et certaines pâtisseries industrielles. Nous opérons dans plusieurs provinces, plus spécialement dans l'est, mais particulièrement, la majorité de nos usines, 12 usines au Québec, avec près de 2 000 employés qui sont au Québec, et on est mieux connus par nos marques de commerce également: POM, Bon Matin, Gailuron, ce sont nos principales marques de commerce.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Légaré.

M. Légaré (Jacques): Alors, Mme la ministre, Mme la Présidente, MM. et Mmes les commissaires, il me fait plaisir, au nom de l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec, l'AMPAQ, de venir aujourd'hui partager le point de vue des manufacturiers en agroalimentaire sur le projet de loi n° 67 modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Le gouvernement a élaboré ce projet de loi sans au préalable consulter l'industrie. Par conséquent, certaines conditions spécifiques à notre secteur d'activité ont, à notre avis, été mal évaluées. N'ayant pas toutes les réponses, mais étant conscients de l'impact négatif que le projet de loi n° 67 aurait sur l'ensemble des entreprises dans l'agroalimentaire, nous venons demander au gouvernement de ne pas déposer le projet de loi n° 67.

L'AMPAQ est le porte-parole de 450 entreprises oeuvrant en agroalimentaire et en boulangerie à titre de fabricants, fournisseurs et entreprises de fournitures de biens et services. Nos membres sont impliqués dans le conditionnement de fruits, légumes, produits connexes, tels les jus, la boulangerie. Ils font, entre autres, l'appertisation, la pasteurisation, la surgélation et la déshydratation. Les transformateurs en alimentation achètent chaque année plus de 40 % des produits agricoles du Québec. Cela engendre des revenus de plusieurs millions de dollars pour 1 500 producteurs agricoles.

Il serait important pour nous de vous situer ce projet de loi dans son contexte économique. Pour ce faire, il est utile de saisir l'environnement dans lequel nos entreprises évoluent. La mondialisation des marchés a entraîné des bouleversements majeurs dans les marchés où nous évoluons. Une vague de consolidations qui n'est pas terminée a suivi. Certaines entreprises ont dû raffermir leur position dans le marché afin de mieux faire face à une concurrence accrue.

Mais, en plus, l'industrie de la transformation alimentaire comporte ses particularités qu'il serait important de saisir avant de tabler un tel projet de loi. Une des caractéristiques spécifiques à notre industrie est que la plupart des opérations se déroulent de façon saisonnière, c'est-à-dire inégalement répartie au cours d'une année. Un fabricant peut compter jusqu'à trois saisons de productions différentes selon ses matières premières. Le recrutement de la main-d'oeuvre y est difficile et les entreprises peuvent difficilement offrir des emplois permanents, ce qui entraîne un taux de roulement élevé et une hausse des coûts en formation et en dotation. D'ailleurs, l'article 54 de la Loi sur les normes du travail reconnaît cette situation en exemptant le paiement d'heures supplémentaires pour l'industrie agroalimentaire.

Cela s'applique également aux producteurs agricoles, nos principaux fournisseurs. Une hausse des coûts des producteurs agricoles entraînerait possiblement pour nos membres de devoir s'approvisionner à l'extérieur du Québec. Inutile d'élaborer sur les conséquences financières catastrophiques pour le Québec dans son ensemble. De plus, la nature saisonnière des activités de nos membres les contraint à constituer et conserver des inventaires lourds à financer, ce qui a pour effet d'augmenter les coûts d'opération. On peut aisément imaginer leur position par rapport à des fournisseurs provenant de partout, et particulièrement des États-Unis, où les employeurs ne sont pas régis par de telles législations.

Si on ajoute à cela les lois et les taxes touchant la masse salariale des entreprises au Québec, on comprendra que toute hausse des coûts d'opération aura un impact sur les marges bénéficiaires très précaires et exigera des entreprises à revoir leur masse salariale à la baisse, voire même à questionner leur activité, tel que l'a mentionné la ministre ce matin.

L'application de cette loi à notre secteur aura des conséquences néfastes sur le niveau d'emploi et ne constituera en rien une solution aux problèmes soulevés par le gouvernement. Voici certains des effets pervers de cette loi: hausse des coûts reliés à la masse salariale diminuant la marge bénéficiaire; frein à la création de nouveaux emplois par l'obligation de rémunérer un nouvel employé au taux d'un employé permanent avec un poste permanent et des années de service; perte de la flexibilité nécessaire afin de gérer nos industries et hausse des coûts d'exploitation; iniquité pour une entreprise ayant des installations ailleurs qu'au Québec par rapport aux salaires versés à des employés effectuant une tâche similaire; ingérence du gouvernement dans les relations de travail avec l'obligation d'apporter des modifications importantes à des clauses existantes et négociées de bonne foi par les parties.

Cela aura également pour effet de menacer le climat des relations de travail qui a vu au cours des dernières années des conventions collectives ou pactes sociaux être signés sans avoir recours à autre chose qu'un processus de négociation, donc le consentement des deux parties. Nous devrons renégocier une partie de nos conventions collectives avec des employés qui ont de l'expérience, que nous avons formés et avec qui nous avons bâti nos entreprises.

(15 h 20)

Nous demeurons sceptiques en regardant les grandes lignes du projet de loi et cherchons à voir quel est le but ultime poursuivi par le gouvernement. Plusieurs questions demeurent en suspens et des réponses devront être fournies. Qui profitera véritablement de cette loi? Que fera-t-on de la relative fragilité de la paix industrielle au Québec? Comment récupérer ces coûts de production additionnels? En les refilant au consommateur? En diminuant les taux horaires et avantages de nos employés déjà en poste? Verrons-nous nos entreprises se tourner vers d'autres provinces afin d'obtenir des produits et services à cause des conditions plus avantageuses? Verrons-nous nos entreprises modifier leur processus de fabrication à la faveur de fournisseurs hors Québec? Comment les employés ayant perdu leur emploi arriveront-ils à se reloger? Vers qui les producteurs du Québec devront-ils se tourner si un de leurs principaux débouchés est fermé? Enfin, est-ce vraiment une solution au chômage chez les sans-emploi? Comment enfin le gouvernement pourrait-il se targuer d'avoir des entreprises dans un secteur donné, qui peut soutenir la concurrence au Canada, en Amérique du Nord et dans le monde, si constamment on vient alourdir leurs charges par projets de loi semblables?

En terminant, l'AMPAQ demande au gouvernement de retirer ce projet de loi et souhaite que les véritables impacts soient analysés avant qu'on aille de l'avant avec une législation aussi contraignante pour les entreprises québécoises et qui risque de ne pas fournir la solution escomptée, la création d'emplois. Nous invitons donc le gouvernement à ouvrir un véritable dialogue avec tous les intervenants par la mise en place de tables de concertation qui auront comme objectif de clairement énoncer les buts visés et d'élaborer des solutions tenant compte des spécificités de chacun des secteurs.

Alors, pour poursuivre avec des exemples concrets, j'inviterais M. Jacques Tardif à vous adresser la parole.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): Mme la ministre, messieurs, mesdames de la commission, l'adoption du projet de loi n° 67 aurait un impact au niveau de la flexibilité des entreprises. Ces clauses de disparités salariales sont une alternative permettant de s'ajuster au marché. Lorsque les salaires deviennent hors normes par rapport à ce que paie le marché, il doit s'effectuer un ajustement pour maintenir la viabilité de l'entreprise. L'entreprise doit faire face à la concurrence internationale et parfois locale par de nouvelles entreprises qui paient le prix du marché actuel et qui n'auront pas à s'ajuster, car ces compagnies ne seront pas dérogatoires par rapport à la nouvelle Loi sur les normes. Cette loi créerait également de l'iniquité en trois volets:

Premièrement, l'iniquité à l'intérieur d'une même entreprise qui possède des installations dans différentes provinces et qui n'ont pas de lois qui empêchent les ajustements salariaux selon le marché. Ce qui est le cas de notre entreprise.

Deuxièmement volet, l'iniquité versus les concurrents dans la même province et qui paient déjà un salaire égal, donc non dérogatoire, pour un poste de travail spécifique, même si le salaire payé est légèrement supérieur au salaire minimum, alors que notre rémunération, qu'on dit dérogatoire, est déjà supérieure au salaire versé par les entreprises plus récemment installées.

Troisième volet, l'iniquité versus les concurrents extérieurs à la province ou extérieurs au pays qui n'auront pas cette contrainte d'ajustement salarial et qui utilisent également des clauses de disparités salariales pour s'ajuster aux marchés locaux ou d'exportation.

Au niveau de l'intervention du gouvernement dans les relations de travail, l'adoption d'une loi viendrait intervenir dans le lot d'instruments utilisés par les parties lorsqu'elles sont devant une situation particulière et habituellement difficile. Il est important que le gouvernement ne vienne pas se substituer aux parties dans le processus de négociation et dans la façon de trouver des solutions innovatrices aux problèmes rencontrés.

Les clauses de disparités ne viennent pas toutes seules. Elles font habituellement partie d'un contexte de concessions et d'un tout qui implique généralement des pertes de bien-être pour les anciens comme pour les nouveaux salariés et qui ont été négociées et acceptées par les parties comme un compromis.

Les clauses de disparités ont permis de contingenter les hausses de la masse salariale dans la paix industrielle, de maintenir les emplois existants et de préserver les acquis des anciens travailleurs. Les nouvelles entreprises, syndiquées ou non, appliquent les conditions de travail qui correspondent à la réalité économique du marché de l'emploi prévalant au sein de l'industrie au moment de leur arrivée. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi elles n'ont pas à recourir aux clauses de disparités.

Avec le projet de loi n° 67, le législateur s'écarte du concept et du principe des conditions minimales d'emploi qui est pourtant l'objectif de la Loi des normes du travail. La conséquence des modifications à cette loi serait plutôt d'ajuster les salaires vers le haut même si les salaires sont supérieurs aux normes minimales établies. Il ne s'agit donc plus de normes minimales qui sont les mêmes pour tous les travailleurs et pour toutes les entreprises faisant affaire au Québec, mais plutôt d'un nouveau principe d'ajustement vers le haut.

Une norme maximale ou de plafond, de plafonnement, est différente d'une entreprise à l'autre. Par exemple, une entreprise qui paie pour un même poste deux salaires différents, exemple: 10 $ pour les occasionnels et 16 $ pour les permanents, devra ajuster les salariés visés à 16 $ l'heure, alors qu'une entreprise qui paie le même salaire aux salariés qui occupent un même poste, exemple: 7 $ l'heure – et c'est de cas réels que je vous parle – sans clauses de disparités, n'aura pas à ajuster ses salaires, puisqu'ils ne sont pas dérogatoires.

Puisqu'il est toujours difficile de baisser les salaires sans conflit de travail, il est plus que probable que les salaires seront ajustés à la hausse. Plus les salaires auront été élevés dans le passé et plus haut sera l'ajustement, d'où la référence aux normes maximales où le plafond est différent pour chaque entreprise selon l'historique salarial.

Les conséquences. Sans les clauses de disparités, les entreprises devront mettre de l'avant d'autres solutions pour devenir compétitives, par exemple: plus de sous-traitance, fermetures, restructurations, mises à pied, automatisation des opérations, transferts de certaines opérations à l'extérieur du Québec, négociations de réductions de salaires pour l'ensemble de leurs travailleurs. Il est imprudent que le gouvernement adopte une loi qui aura comme premier effet d'augmenter indûment la masse salariale des entreprises établies au Québec depuis longtemps, donnant ainsi un avantage concurrentiel à des compétiteurs étrangers ou locaux nouvellement établis qui paient pourtant des salaires et des avantages moindres à leurs salariés. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, monsieur... Oui, M. Légaré.

M. Légaré (Jacques): J'aimerais passer la parole à Mme Ostiguy, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Ostiguy.

Mme Ostiguy (Julie): Mon intervention sera brève, car elle se résume en une seule question. Je reviens sur un sujet dont M. Légaré a traité il y a quelques minutes.

Beaucoup des activités des transformateurs agroalimentaires sont de nature saisonnière. Nous transformons des fruits, des légumes et autres produits frais fournis par les producteurs agricoles québécois. Il y a aussi des produits dont c'est la consommation qui est saisonnière, puis je vous donne comme exemple la crème glacée, les pâtisseries de Noël, les thés glacés et autres boissons estivales. Pour ces moments, les transformateurs embauchent des employés qu'on dit saisonniers qui nous permettent de répondre à ces volumes de transformation ponctuelle.

Mme la ministre, ce qu'on vous demande, c'est que nous souhaitons une loi claire et précise qui répondra à la question: Est-ce que nos employés saisonniers sont liés par les dispositions de cette loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que ça termine votre intervention?

Une voix: Ça termine notre intervention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, je vous remercie. Nous passons maintenant, donc, à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui. Ce n'est pas simple et on débat encore. Alors, bonjour. Merci de votre présentation. Je ne veux pas vous prendre à partie, mais je vais faire deux remarques à mes collègues d'en face par rapport à des éléments qui ont été apportés tout à l'heure.

La première, juste une petite allusion – mais vraiment, c'est impossible que je ne la fasse pas – on a parlé du programme de stages du gouvernement. Il y a 7 000 jeunes qui ont signifié leur intérêt à ce programme-là. Ça veut dire quelque chose. Ça veut dire qu'il y avait une pertinence aussi à acquérir ce type d'expérience là.

Deuxièmement – le député de LaFontaine y revient souvent – les policiers, les pompiers, les enseignants, en vertu de quoi ils ne seraient pas couverts, en vertu de quoi. Le député de LaFontaine a aussi dit qu'on avait devant nous une loi à caractère symbolique. Je pense qu'effectivement, depuis ce matin, on discute beaucoup des principes, et c'est des principes qui sont importants, c'est des valeurs qui s'entrechoquent aussi, mais notre défi, c'est de faire atterrir ces principes dans la réalité.

Alors, moi, j'apprécie votre intervention dans ce sens-là, même si ça ne nous fait pas plaisir tout le temps d'entendre ce qu'on entend, mais je pense que votre intervention, elle est utile parce que ça nous permet de débattre de principes mais surtout d'essayer de les ancrer dans la réalité.

Vous avez dit: Il faudra bien mesurer les impacts de ce projet de législation. Vous savez que j'ai déposé ce matin une étude d'impact qui, je pense, fait un bon tour de piste des impacts potentiels. Évidemment, on ne peut jamais tout mesurer. On a été plus prudent, c'est-à-dire qu'on a pris les scénarios aussi. On a aussi considéré les scénarios les plus pessimistes, sans vouloir être pessimistes, mais je pense qu'il fallait aller jusqu'au bout de ce raisonnement-là.

Ce matin, il y a des jeunes qui nous ont beaucoup dit: Il y a un dialogue de sourds autour de ce sujet-là, on n'arrive pas à avancer; nous, possiblement les syndicats, le patronat, bon, tout le monde est dans ses positions, un petit peu retranché. J'espère qu'on sera tous capables de sortir des positions prévisibles.

(15 h 30)

Puis ce sur quoi je voudrais revenir avec vous, c'est les effets réels de la loi puis les effets appréhendés. Et je ne veux pas négliger du tout votre point de vue, mais je pense que ça s'est vu dans d'autres dossiers. Il y a des fois qu'on anticipe, mais ça ne se passe pas nécessairement comme ça dans la réalité. Alors, je veux essayer de bien les départager, ces effets réels, de ces effets appréhendés.

Je me rappelle, vous vous souviendrez, lorsqu'il y a eu la loi interdisant la vente du tabac dans les pharmacies, et Jean Coutu, que tous connaissent, qui est un sage, un homme d'affaires mais un sage aussi, avait dit: Je crains que ça joue beaucoup sur le chiffre d'affaires des pharmacies, etc. Et on se souvient tous de l'avoir vu il y a quelques semaines, je pense que c'était au Point , enfin, peu importe, nous avoir dit: Bien, finalement, c'était des effets anticipés mais qui ne se sont pas passés. Et, si on veut avancer dans ce débat-là, il faut être capable de bien départager les deux.

Moi, je veux bien comprendre. Vous dites, dans le fond: Nous sommes dans des entreprises qui employons beaucoup de travailleurs saisonniers, à cause de la nature, là, on peut le comprendre – récoltes, fruits, légumes, etc. – c'est assez évident. C'est quoi, le pourcentage, par rapport à l'ensemble de vos employés? L'idée n'est pas d'avoir les chiffres avec une précision parfaite, mais, grosso modo, il y a plus de travailleurs saisonniers que de travailleurs réguliers, c'est ce que je comprends. C'est quoi, la proportion?

C'est quoi, les problèmes, aussi? Vous nous dites que les travailleurs saisonniers ont un taux horaire différent des travailleurs réguliers. Ont-ils des tâches différentes? Parce que je vous rappelle que le projet de loi dit qu'on interdit des clauses de disparités de traitement en fonction de la date d'embauche. D'autres critères, ce n'est pas la date d'embauche. Je ne veux pas limiter la portée du projet de loi, mais je ne veux pas lui donner non plus ce qu'il ne veut pas faire, je ne veux pas lui donner un sens qu'on ne veut pas lui donner. Alors, c'est quoi, le problème dans votre cas? Qu'est-ce que vous anticipez? Vos travailleurs saisonniers sont payés moins cher, mais ils font-u des tâches différentes? Quelle est la nature de ce problème-là?

Et, troisième question. Je comprends, dans votre secteur, bon, la compétition est féroce, comme dans plusieurs secteurs d'activité. J'imagine qu'il y a des entreprises – ou vous ou d'autres que vous connaissez – qui ont été coincées à des moments donnés et qui ont dû rebrasser un peu leur masse salariale et qui nous donnent peut-être des exemples éloquents d'équilibre qu'elles ont réussi à trouver entre ceux qui étaient déjà là, les nouveaux... Bon.

Peut-être que vous avez des perles comme histoires, aussi, à nous raconter, parce qu'on est toujours dans les scénarios les plus catastrophiques, les plus classiques. Mais vous êtes des patrons, vous avez l'air de gens sensibles à un certain nombre de choses, les gens qui travaillent chez vous qui sont syndiqués... On connaît les syndicats aussi. Les syndicats aussi sont préoccupés par la création d'emplois. J'imagine que ça fait des miracles, tout ce monde-là ensemble, quelquefois. Alors, il y a d'autres options, aussi, non?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Busque.

M. Busque (Alain): Oui. Mme la ministre, j'aimerais répondre plus spécialement à votre deuxième question. Vous demandiez: C'est quoi, environ, la proportion d'employés saisonniers au sein de nos entreprises? Si je parle de chez nous, Nabisco, moi, je suis à l'usine de Chambly sur la rive sud de Montréal, on a un budget d'opération d'environ 35 000 000 $, les employés saisonniers comptent pour 75 % des employés au grand total.

Puis vous demandiez: Est-ce qu'il y a une raison sous-jacente au fait que ces gens-là sont payés moins cher, si on parle d'un taux horaire de base? Oui, il y en a, des raisons. C'est sûr que – je pense à quelques postes de façon spécifique – si on examine strictement la description de tâche, grosso modo, c'est à peu près la même chose. Sauf que, premièrement, il y a une nuance pour ce qui est de la durée de l'emploi. Ces gens-là sont embauchés sur une base qu'on appelle saisonnière ou temporaire, la règle du jeu est claire en partant.

Mais il y a aussi le fait que, dans le cadre des opérations industrielles modernes, les employés... Chez nous, une petite parenthèse brève, on a deux usines sur le même site: il y a la conserverie puis on a l'usine de jus Del Monte. Ça, ça fonctionne 12 mois par année de façon continue. Eux, c'est des employés permanents.

Alors, pour revenir à la différence entre les saisonniers et les autres, c'est que les autres, on ne leur demande pas de se limiter strictement à leur description de poste, mais ils exercent un rôle accru de par leur implication plus grande. Exemple, chez nous, on a des groupes de qualité totale, des groupes d'amélioration continue, de résolution créative de problèmes, puis on se prépare à ajouter aussi des groupes de valeur ajoutée. Donc, ces gens-là participent à un mode de gestion participative. Ils ont un plus grand souci non seulement des résultats, mais du bien-être de la compagnie ou plus spécifiquement de l'usine où ils travaillent.

Puis l'étude que j'ai faite, ça m'a démontré qu'environ 50 % des emplois saisonniers dans notre usine pourraient être considérés comme étant orphelin, entre guillemets. Si on ramène ça à des chiffres, parce que je suis avant tout un administrateur, on parle d'environ 140 000 heures travaillées par année pour ces gens-là, fois 50 %, ça nous ramène à 70 000 heures.

Moi, j'ai estimé que la différence dans les taux horaires serait d'environ 6 $, toujours par le haut, comme M. Tardif de Lassonde le mentionnait, et non pas par le bas. Donc, ça représenterait une augmentation de 420 000 $, ce qui est l'équivalent de 25 % de la masse salariale totale de ces employés saisonniers là.

Puis une autre statistique: le 420 000 $ d'augmentation, c'est 4 % de notre budget d'opération global pour le secteur de la mise en conserve de légumes, alors que, pour 1999, notre bureau chef nous a demandé de réduire notre budget de 2 %. Là, ici, on parle d'augmenter la masse salariale de 4 %. Donc, il y a une contradiction là.

Puis tantôt vous demandiez si on n'a pas des miracles auxquels faire référence, en termes d'implication des syndicats dans la gestion des entreprises. Chez nous, on en a eu plusieurs exemples dernièrement, sauf qu'à un moment donné le citron, il commence à être pressé fort, pas mal fort. Puis malheureusement, on l'a vu dans notre cas, chez Nabisco, on a dû procéder à la fermeture d'une usine, la biscuiterie Harnois à Joliette. L'annonce a été faite il y a quelques mois à peine. Le citron avait été fortement pressé là-bas, sauf qu'à un moment donné il n'y en a plus, de recette miracle, ou, s'il y en a, on ne l'a pas encore trouvée.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Busque.

M. Roberge (Louis): Oui, Louis Roberge. Je peux prendre le relais pour votre troisième question, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est M. Roberge.

M. Roberge (Louis): Roberge. Vous avez parlé d'option, vous avez parlé un peu aussi d'histoire vécue, vous avez parlé de principes, comment est-ce que les principes qu'on veut défendre peuvent s'appliquer dans la réalité de nos entreprises.

Je vais vous décrire une situation que nous avons vécue dans une usine à Chicoutimi, dans un domaine qui est connexe à la boulangerie, on parle de pâtisserie industrielle, un domaine extrêmement compétitif. Entre 1990 et 1996, nous avons vu notre main-d'oeuvre passer d'environ 40 salariés à 11 salariés pour nous rendre compte que, si on ne faisait rien, on s'en allait vers certainement une fermeture d'usine. On a fait une analyse détaillée, bien sûr on en faisait régulièrement, mais la situation était plus critique. Sur deux éléments, on avait un problème: le premier, manque d'agressivité par rapport à des nouveaux produits, des nouveaux concepts; deuxièmement, un coût de main-d'oeuvre non compétitif qui nous empêchait absolument d'être capable de percer les marchés, entre autres le marché canadien.

Je vous souligne en toile de fond que l'industrie de distribution alimentaire est en train de se regrouper à une vitesse accélérée. Tous connaissent les Loblaws, Provigo, Sobeys, IGA. Nous avons maintenant comme clients non pas l'épicier du coin, mais des sociétés canadiennes qui demandent des prix à l'échelle canadienne évidemment des prix. Alors, pour nous, comme manufacturiers, ça suppose être capables d'offrir un produit qui soit avec évidemment une qualité et un prix. Alors, ça, vous connaissez tous ça: ce sont les lois du marché habituelles.

(15 h 40)

Nous avons fait deux choses. Nous avons investi dans une nouvelle ligne de production, forts d'un nouveau contrat de travail qui malheureusement – et ce n'est pas facile à négocier ni pour les syndicats ni pour un patron – comportait une clause orphelin, c'est-à-dire que nos plus vieux employés conservaient – c'était notre main-d'oeuvre, notre know-how – des taux de salaires plus élevés, et les postes d'entrée avec des salaires moins élevés. Je parle ici entre 12 $ et 15 $ pour les plus vieux et 8 $ à 10 $ pour les plus jeunes.

L'an passé, cette usine-là employait 60 travailleurs, et cette année, au moment où je vous parle, il y a 100 emplois qui sont sur une base saisonnière entre le mois de juin et le mois de décembre. Mais nous avons 100 emplois maintenant à cette usine-là.

Il est sûr qu'il a fallu faire preuve d'un peu d'imagination. Il a fallu faire preuve peut-être pas de témérité, mais d'une volonté de faire des choses, de l'investissement. Mais il a fallu également être compétitifs, et cette donnée-là, on ne peut pas l'ignorer.

On ne peut pas dire: Oui, investissez, soyez créatifs, vous allez y arriver. Il y a malheureusement un prix. Il y a un prix que nos clients sont prêts à payer et, si on n'est pas compétitifs... Je vous parle d'un produit en particulier, c'est un produit qu'on n'avait jamais exporté, on parle de gâteaux aux fruits, et on a eu la capacité de sortir un produit avec un prix qui nous permettait de croître.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. J'ai M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, bonjour. Une remarque préliminaire. Je lisais dans votre mémoire qu'il s'agissait, en l'occurrence, d'un projet de loi qui était peu connu du grand public puis peu exposé aux gens d'affaires, et conséquemment peu débattu sur la place publique. Je veux, d'entrée de jeu, vous dire que je suis un petit peu surpris de cette remarque-là parce qu'on a l'impression... Certains disent que ça fait très longtemps qu'on en parle. Dans les années quatre-vingt-dix, le gouvernement libéral avait été saisi de cette question-là.

Nous, l'année dernière, on a passé en commission parlementaire je pense que c'est six jours à débattre de cette question-là. Il y a une quarantaine de groupes qui sont venus se faire entendre. Je pense que c'est quelque chose comme six, sept associations patronales qui se sont fait entendre. La ministre a déposé le projet de loi au printemps dernier. Là, on repart en commission parlementaire. Alors, il me semble, en tout cas, qu'on en a beaucoup parlé. Je voulais juste vous faire cette remarque-là.

Cependant, je me demande, quand je lis votre mémoire et quand je vous écoute, s'il n'y a pas une mauvaise compréhension de votre part de ce qu'est une clause orphelin. Peut-être que c'est moi qui ne comprends pas, là. Je vous le dis bien respectueusement. Ce qu'on veut éviter par ce projet de loi là, c'est, entre autres, par exemple, quand on fait une aménagement salarial dans une entreprise, que ça soit les plus jeunes ou ceux qui ne sont pas là qui écopent de ça.

Le projet de loi n'empêche pas des échelles salariales qui sont basées sur l'ancienneté. Et, quand vous dites que ça va entraîner un frein à la création de nouveaux emplois par l'obligation de rémunérer un nouvel employé au même taux qu'un autre détenant un poste permanent et comptant des années d'expérience, il n'y a rien qui vous empêche, même avec le nouveau projet de loi, de payer moins cher un nouvel employé, puis c'est normal. Il n'a pas d'expérience, il n'a pas d'ancienneté, il ne sait pas comment la job se fait, il est moins productif. Il n'y a rien qui empêche ça.

Puis on dirait, quand on vous écoute, que c'est comme si dorénavant ça va être interdit, ça. Ça va être encore permis. Alors, à moins que je ne comprenne pas votre raisonnement. Ce qu'on veut interdire, nous, c'est que ça soit, quand on veut faire une réaménagement salarial, seulement certaines personnes qui écopent. Et malheureusement, plus souvent qu'autrement, ce sont ceux qui vont venir parce qu'ils ne sont pas là. Donc, le syndicat est moins porté à les défendre et l'employeur, bien, aussi, ça lui fait moins de quoi. C'est des gens qu'on ne connaît pas. Alors, j'aimerais ça que vous m'expliquiez. C'est peut-être moi qui ne comprends pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): Oui. Disons que ça ferait des bons débats aussi avec nos syndicats parce que c'est évident qu'ils pensent le contraire, pour en avoir déjà discuté avec eux naturellement parce qu'on vient de négocier une convention qui, d'après nous et d'après eux, en tout cas, comporte des clauses discriminatoires.

C'est évident qu'on pense – malheureusement pour nous, ça serait le fun de dire qu'on n'en a pas – qu'il y a des clauses quand même qui peuvent peut-être rencontrer la loi. On pense qu'on a des clauses orphelin dans nos entreprises, pour en avoir négocié depuis 1992. Si, par exemple, dans le passé, quelqu'un pouvait devenir permanent après 65 jours de travail, à partir de telle date, on change la règle du jeu puis on dit: Tu vas devenir un temporaire pendant une plus longue période. C'est évident que, dans cet exemple-là, il y en a qui ont perdu. Ils sont discriminés, si on peut appeler ça comme ça.

Donc, on aimerait se faire dire, justement comme Julie l'a mentionné tantôt, par Mme la ministre qu'on ne serait pas dérogatoire puis qu'on n'aurait pas à se préoccuper. On ne serait pas ici aujourd'hui si c'était si clair que ça. C'est pour ça qu'on vous demandait de l'éclaircir, de le mettre plus clair parce que ça ne l'est pas.

On a des avis juridiques qu'on a demandés aussi là-dessus et ce n'est pas aussi clair qu'on vient de le dire, dans le cas de certains travailleurs chez nous. Parce que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Écoutez, je suis désolée, je suis obligée d'interrompre. Le temps qui était alloué à l'équipe ministérielle est maintenant écoulé. Je demanderais au député de LaFontaine s'il a des questions, des commentaires. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, madame, il me fait plaisir de vous accueillir et de passer ce temps avec vous afin d'approfondir un peu cette réflexion qui a été commencée ce matin sur ce très intéressant débat de société, un débat qui rejoint l'économique aussi et qui rejoint l'équité sociale.

Alors, je pense qu'on fait un peu, pendant ces trois jours, cette semaine, un débat qui va englober certainement plus que la double rémunération ou la détermination d'une clause orphelin. On va toucher à peu près à tous les secteurs d'activité et à peu près à tous les statuts qu'on peut trouver dans le travail. On a vu des médecins, ce matin. On a vu des professionnels du gouvernement précédemment à vous. On a vu des étudiants aussi. Et là maintenant bien on a la chance d'avoir avec nous le premier groupe patronal, dont vous êtes les représentants. Je sais qu'il y en aura d'autres.

Peut-être une question en commençant: Êtes-vous dans la coalition dont on a vu qu'ils se sont réunis hier et...

Une voix: ...

M. Gobé: ...donc vous faites partie des 10? Je pense que c'est 10 groupes qui...

M. Légaré (Jacques): Neuf associations.

M. Gobé: Neuf associations qui se sont réunies hier. Donc, on peut prendre pour acquis que, quand vous parlez, vous avez à peu près la même perception peut-être pas les mêmes réalités que tout le monde, mais le même aboutissement, en tout cas, qui est de dire que l'adoption de ce projet de loi là créerait des problèmes à votre industrie et à votre secteur économique.

Mais vous nous parlez de problèmes de compétition avec des entrepreneurs qui viendraient de l'étranger ou des locaux, des nouveaux locaux qui pourraient compétitionner d'une manière indue une de vos entreprises. Peut-être que vous pourriez nous expliquer un peu plus, en particulier un local. Pourquoi un entrepreneur local pourrait vous compétitionner sur le marché? Comment, là... C'est quoi, votre crainte, à cet effet-là? Vous qui faites, je ne sais pas, moi, un monsieur qui fait de la conserverie, des conserves d'alimentation, en quoi quelqu'un peut ouvrir puis vous compétitionner?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): Oui. Disons, en premier, peut-être terminer la réponse de tantôt. On représente également d'autres employeurs qui, eux, ont des clauses très claires qui ne sont pas reliées au saisonnier. Donc, la même question peut se poser pour l'ensemble, quand même de ceux qu'on représente ici....

M. Gobé: Ah! d'accord. O.K.

M. Tardif (Jacques): ...même si on pouvait exclure les saisonniers.

Donc, des exemples. Demain matin, je pourrais, si ça coûte trop cher pour nous de transformer, par exemple, la pomme, en ce qui nous concerne – une partie de nos activités transforment également de la pomme, il y a 900 producteurs du Québec qui nous envoient de la pomme de transformation pour faire des jus – si les coûts deviennent trop élevés, il n'y a rien qui empêche un compétiteur – et c'est déjà fait dans le même patelin où on demeure, dans la région de Rougemont – d'ouvrir une autre entreprise, même, parfois, subventionnée, puis de payer, eux, un salaire égal – le salaire minimum ou un peu plus – puis ils ne sont pas dérogatoires du tout à ce moment-là à la nouvelle loi et ils continuent à payer ce salaire-là, alors que, nous, notre moyenne horaire est de 16 $ l'heure. Vous voyez tout de suite le désavantage avec une compétition locale, à ce moment-là, très, très locale.

L'autre compétition qu'on voyait possible, c'est un exemple encore avec nous-mêmes. On a deux autres entreprises en dehors du Québec, une en Nouvelle-Écosse et une en Ontario, dans des régions où il y a des productions de pommes naturellement. Et les salaires, dans ces régions-là, avec les mêmes équipements que nous naturellement, sont plus près des salaires minimums que les salaires qu'on paie ici. Ça fait que vous voyez tout de suite, là, un exemple qu'on ne serait même pas compétitif avec nous-mêmes, notre propre entreprise.

M. Gobé: Je pense que vous venez de camper ma prochaine question. Comment nous expliquez-vous qu'on ait des salaires, dans votre entreprise ou une entreprise semblable, de 16 $ et que, dans une autre province, on ait des salaires aux alentours de 7 $, 6 $, 8 $ ou le salaire minimum pour le même genre de production, et que maintenant on soit obligé... Au Québec, on peut faire la même production avec des gens aussi gagnant 7 $, 8 $. Qu'est-ce qui explique que, vous, vous soyez à 16 $?

(15 h 50)

M. Tardif (Jacques): Bien, il y a deux raisons. Premièrement, si on recule de plusieurs années, l'entreprise est en affaire depuis 1918. Donc, c'est tout un historique, là. C'est syndical également depuis une vingtaine d'années. C'est évident que ça, ça a changé. Mais on n'a pas toujours transformé des produits agricoles. On fait également de la mise en contenants et des lignes de production aseptique, etc. Ça, c'est de la grande production.

Donc, on a les deux. On a encore la transformation des produits agricoles qui est un secteur où le marché mériterait qu'on paye à peu près aux alentours de 10 $ ou moins, alors que l'autre secteur, lui, peut se permettre de payer des salaires selon la compétition, naturellement. Ce qui est malheureux, c'est que le vrai taux à payer, c'est le marché qui le détermine, puis le vrai taux à payer, ce n'est pas celui qui est le plus haut, c'est le plus bas. C'est le plus bas qui est le vrai taux du marché. Ça fait que c'est ça qui est un peu notre problème.

M. Gobé: Oui, c'est ça. Puis je pense que la discussion est assez intéressante. Vous êtes en train de nous dire que le marché demanderait 10 $, d'accord, puis vous les payez 16 $.

M. Tardif (Jacques): C'est ça. Donc, le manque à gagner, c'est les temporaires ou les occasionnels ou l'autre groupe avec des clauses dérogatoires – qu'on appelle – qui l'absorbe. Parce que: Quelles sont les autres possibilités? Il y en a juste deux ou trois, possibilités. Est-ce qu'on augmente les coûts au consommateur? Impossible parce que la compétition est trop forte. Si vous achetez une canne Oasis à 0,99 $, même si on écrira dessus «Fait avec des clauses non dérogatoires», il n'y a personne qui va l'acheter juste pour ce plaisir de lire cette étiquette-là. Donc, ça, ça n'a pas un impact. Donc, on ne peut pas le refiler au consommateur. Il y a trop de compétition, c'est trop serré. Les Américains sont là aussi maintenant depuis quatre, cinq ans, ce qui n'était pas le cas dans le passé. Exemple: le plus gros compétiteur qu'on a au Québec, c'est Tropicana qui n'existait même pas il y a cinq ans et il a déjà quelque 20 % du marché. Il l'a pris à qui? Bien, à nous, puis à FBI, puis à d'autres entreprises naturellement.

L'autre solution, c'est de diminuer... Si on ne peut pas augmenter les prix au consommateur, qu'est-ce qu'on va faire? C'est ce que Mme Julie tantôt nous disait, c'est: Est-ce qu'on va diminuer les prix qu'on offre aux producteurs agricoles? Bien, là, on va avoir encore des belles surprises sur les autoroutes ou ailleurs parce qu'on va avoir 1 500 producteurs qui vont venir se plaindre ici que, suite à ces nouvelles lois là, on doit payer, nous, moins cher pour leurs produits. C'est la seule autre solution.

Sinon, c'est quoi? C'est pris sur des marges de profit – s'il y en a, des profits, puis les profits sont déjà très à la baisse – qui ne soutiennent même pas actuellement les investissements qu'on fait en équipement à chaque année. Ça fait que donc les trois solutions, on vient de les voir. Il n'y en a pas une des trois, ni la marge de profit, ni la diminution aux producteurs, ni l'augmentation des coûts aux consommateurs... Il reste quoi comme solution? S'ajuster aux coûts de production. On survit, ou on meurt, ou on fait d'autres choses.

M. Gobé: Peut-être deux...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je pense que vous campez bien la situation. Pourriez-vous nous indiquer quel est le pourcentage des coûts de main-d'oeuvre dans votre production?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): Ça peut varier, par exemple, beaucoup d'une entreprise à l'autre. J'aimerais peut-être passer la parole...

M. Gobé: Prenons l'exemple que... On parlait de la vôtre. Allons-y. Sans vouloir révéler de secrets industriels.

M. Tardif (Jacques): Bon. C'est assez difficile à répondre. Je ne sais pas si tu peux répondre...

M. Gobé: On l'a eu la semaine dernière sur d'autres domaines. On était ici sur l'habillement, on avait des indices de coûts publics, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Légaré.

M. Légaré (Jacques): Je n'ai pas de chiffres exacts ici à pouvoir citer. Je ne sais pas si Alain a...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Busque.

M. Busque (Alain): Oui. Pour ce qui est de Nabisco, on parle environ de 10 %, plus ou moins 2 %.

M. Tardif (Jacques): Mais c'est les seuls coûts qu'on contrôle. Il n'y a pas...

M. Busque (Alain): Oui.

M. Tardif (Jacques): Les autres, on ne les contrôle pas, on ne peut pas tellement les considérer, hein. Tout ce que je peux vous dire, c'est que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors... Excusez, là.

M. Tardif (Jacques): Excusez-moi. Ce n'est pas à moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est parce que, là, je dois vous dire qu'ici les propos que l'on tient sont transcrits. Alors, à chaque fois qu'il y en a un d'entre vous qui prend la parole, il faudrait vous identifier ou à tout le moins qu'on puisse le faire pour les besoins de la transcription. Allez-y. Qui prend la parole, là? M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): D'accord. Ce que je voulais ajouter, c'est que, peu importe le pourcentage du coût de la main-d'oeuvre par rapport au coût total, ce qui est important, c'est que juste l'effet de ces clauses dérogatoires dont on parlait tantôt, les clauses orphelin, si jamais elles s'appliquaient à nous, c'est 20 % de tous les profits de la compagnie cette année, profits nets, qui disparaîtraient. Ça fait que c'est déjà un chiffre, je pense, assez important. C'est 20 % de nos profits de l'année qui seraient...

M. Gobé: C'est parce que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Voyez-vous, ce qui m'amène à tirer une première conclusion, c'est que vous parliez tout à l'heure d'une augmentation d'à peu près 4 %, en gros, des masses salariales, des coûts salariaux, si on appliquait un projet de loi qui ferait une évaluation vers le haut des clauses orphelin existantes. Mais là...

M. Tardif (Jacques): Ça, c'est monsieur qui disait ça.

M. Gobé: ...c'est ça, on parle de principes, hein. Ça peut donner l'impression qu'on augmenterait les coûts de l'entreprise de 4 %, mais là on parle d'augmenter de 4 % seulement 10 % des coûts. D'accord? On ne parle pas... Il y a un 90 % qui, lui, n'est pas touché par cette...

M. Tardif (Jacques): Oui. Par contre, ce qu'il faut préciser...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tardif.

M. Tardif (Jacques): ...c'est quoi, les marges bénéficiaires... C'est encore à moi? Jacques Tardif.

M. Gobé: Oui, oui.

M. Tardif (Jacques): Les marges bénéficiaires qui sont de, quoi, 1 % et quelques dans l'alimentaire.

M. Gobé: Non, c'est juste pour l'éclairage... Je ne tire pas de conclusion là-dessus, je pensais... pour l'éclairage un peu, pour savoir quel est l'impact. D'ailleurs, je pense qu'on vient d'avoir un certain éclairage.

Un autre point dont vous avez parlé qui était très intéressant: les coûts des producteurs agricoles. Est-ce que vous pourriez – je ne sais pas si vous le pouvez – nous dire si la production que vous achetez – je ne sais pas, des pommes, peut-être, ou quel autre produit, des haricots, des petits pois, je ne sais pas – par rapport aux autres provinces – vous parlez de compétitivité avec les autres provinces – est-ce que les coûts sont les mêmes, je ne sais pas, une tonne de petits pois ou 10 tonnes, au Québec ou dans une autre province? Oui, allez-y, monsieur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Busque.

M. Busque (Alain): J'ai appris ma leçon, Mme la Présidente. O.K. Avant de répondre à votre dernière question, j'aimerais revenir à la deuxième précédente, quand vous parliez de compétition. M. Tardif a parlé de la compétition locale, j'aimerais parler de la compétition extérieure. Chez nous, chez Nabisco, c'est quand même quelque chose qui est très concret parce qu'on n'a pas seulement des usines au Québec mais également en Ontario et ailleurs au Canada.

Les deux usines qui sont situées en Ontario, je devrais plutôt dire des méga-usines, elles possèdent actuellement une grosse surcapacité de production. Alors, vous comprendrez facilement que... Puis notre convention collective vient à échéance le 31 janvier ici, au Québec, à l'usine où est-ce que je suis. La journée que le directeur de l'usine se présenterait au vice-président fabrication à Toronto et lui dirait: Il faut non seulement renégocier comme on le fait actuellement, mais également on parle d'une bonne augmentation de la masse salariale, à ce moment-là vous me pardonnerez l'expression, on ouvre la canne de vers. Le gars à Toronto, il ne regardera pas seulement l'opportunité, justifiée ou non, d'augmenter la masse salariale, il va aussi penser: J'ai de la surcapacité dans mes deux usines en Ontario, ne serait-ce pas là ma chance de venir boucher ce trou-là puis rouler à plein régime de manière économique?

Ensuite, pour ce qui est de votre question concernant les producteurs, encore une fois, nous, ici, à Chambly, on met en conserve des haricots et des carottes puis on paie légèrement moins cher qu'en Ontario les producteurs, très, très légèrement. Mais, par contre, il y a d'autres facteurs économiques qui viennent tout balancer ça, au bout de la ligne. Il n'y a pas seulement le prix payé à la tonne.

Ce que je peux vous rappeler très rapidement, c'est que cette année on paie chez nous 1 200 000 $ à ces producteurs agricoles là. Si la maison mère de Nabisco déménage ses activités en Ontario, qui va remplacer ce revenu-là auprès des producteurs agricoles?

M. Gobé: D'accord. Merci de votre réponse. Une autre question, vu que vous êtes tous des gens de relations de travail, relations industrielles: Vous apparaît-il possible de renégocier avec l'ensemble de vos employés une répartition équitable de la masse salariale en tenant compte d'un contexte de non-discrimination des nouveaux employés? Et quel serait l'impact, à ce moment-là? On ne parle plus de 4 %, on parle de quoi? Est-ce que c'est possible? Puis quel est l'impact?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roberge.

M. Roberge (Louis): La question est fort intéressante. Je dois vous dire que, lorsqu'on s'assoit à une table de négociation avec un syndicat, un des principes fondamentaux inébranlable, indiscutable, etc., c'est l'ancienneté. L'ancienneté, ce n'est même pas discutable. À partir de ce moment-là, comment faire pour que, lorsqu'on touche au salaire des gens... Parce qu'on peut parler de grands principes, mais, en bout de ligne, dans une négociation, ça finit toujours par le salaire. Comment faire pour convaincre nos plus anciens, nos plus vieux en général, nos plus expérimentés, qu'ils devront faire une concession au profit de leurs collègues? Débat intéressant en principe, mais, dans la vraie vie, je ne qualifierais pas un mandat comme ça d'impossible mais de pratiquement impossible.

(16 heures)

On a déjà tenté de faire ce type de négociation là pour des petits éléments comme la répartition du temps supplémentaire. Principe que défendaient des centrales syndicales. Entre la centrale syndicale et la table de négociation où on a des travailleurs qui gagnent leur vie, il y a aussi une marge importante, souvent, sans critiquer les instances syndicales.

Alors, moi, je qualifierais un peu d'utopique, si vous voulez, non pas votre question, mais la capacité que nous aurions de réussir à répartir, avec une moyenne et non pas uniquement à la hausse, dans un effort d'équité, nos salaires. Je suis assez catégorique dans ma réponse. Je pense que ça serait presque mission impossible.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, dans un contexte où il était envisagé de possibles transferts de production dans d'autres unités de fabrication, ces employés qui refusent de bouger leur... ou les syndicat, cette rigidité proverbiale, traditionnelle, on ne touche pas aux acquis, le vieux gagné, enfin, je ne sais pas quels mots les gens ont à l'esprit, mais c'est à peu près dans ces termes-là: On ne touchera pas à ça, est-ce que ce n'est pas quelque chose qui va entrer en compte ou les gens vont...

Je me rappelle, tout le monde connaît le cas de Catelli dans l'est de Montréal, vous vous souvenez, où il y avait eu un vote, je pense, de 77 % qui rejetait les offres salariales qui étaient à la baisse. La compagnie ayant fait savoir, dans les jours qui ont suivis, malheureusement, qu'elle mettait fin à ses activités et transférait sa production à Toronto – c'était tout à fait un cas que vous imagez – les travailleurs, passant outre l'organisation syndicale, ont demandé à être consultés sur les offres, et c'est passé, à 87 % ou 83 %. On a toujours Catelli dans l'est de Montréal et je ne suis pas sûr s'il y a des clauses orphelin, je pense que... Est-ce que ce n'est pas, peut-être, des solutions comme celles-là qui vont devoir se passer à ce moment-là dans un cas de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en 1 min 30 s...

M. Roberge (Louis): Oui. Je peux peut-être donner une réponse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...si vous pouvez nous donner une réponse. M. Roberge.

M. Roberge (Louis): Oui, merci. Louis Roberge. On a vécu des situations un peu comme celle-là. Une des pires situations qui peuvent arriver pour un employé ou un groupe d'employés, c'est d'être confronté à une fermeture, ou bien, si vous n'acceptez pas tel élément, c'est la fermeture. Et je vous dirais que, pour l'organisation, parce que je voudrais enlever un peu l'image, là... On a parlé des jeunes ce matin, puis je pense qu'on peut voir une image que les patrons, c'est un peu les méchants, et les jeunes, c'est un peu les pauvres petits, puis les patrons, prenant avantage un peu de leur situation, vont exagérer.

À titre de patron, je peux vous dire qu'une des pires situations à vivre pour l'entreprise, c'est de confronter un groupe d'employés à une fermeture ou bien à une baisse de conditions de travail parce que les conséquences à plus long terme, en termes de relations de travail, en termes de climat de productivité, sont là. Alors, ça peut être vu comme un gain à court terme, mais il faut voir à plus long terme, si on veut que nos entreprises prospèrent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Roberge. Maintenant, je donnerais la parole au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, je souhaite la bienvenue à tous les participants. Je dois dire que, d'entrée de jeu, j'ai une infinie sympathie pour ce que vous représentez, étant moi-même du monde agricole, sensible à l'agroalimentaire. Vous aurez compris que notre parti ne se fait pas tellement élire avec l'aide des syndicats parce que notre programme, semble-t-il, ne leur est pas populaire, plutôt favorable à la déréglementation, de façon générale, à un environnement d'affaires au Québec qui soit plus concurrentiel.

Mais, quand j'écoute votre présentation, j'en viens à me dire que la loi sur les clauses orphelin est plus nécessaire que jamais. Parce que ce que j'entends, et, vous, vous êtes là-dedans au quotidien, dans la gestion de vos entreprises, quand vous dites, presque tout le monde le dit: Des salaires, ça ne s'ajuste pas au marché... Et ça, c'est M. Légaré. D'entrée de jeu, il avait dit: Il faudrait avoir des ajustements salariaux selon le marché. Mais tout le monde l'a dit après: Des salaires, ça ne s'ajuste pas selon le marché, ça n'ira jamais à la baisse, ce qui est acquis est acquis. Donc, il est ancré très profondément dans la culture de vos entreprises que, dans les dernières années, présentement, dans les années à venir, quand on va avoir à faire des ajustements pour faire face à la concurrence, c'est les jeunes qui vont payer, je veux dire, ça semble être culturellement bétonné à l'intérieur des entreprises.

Je trouve qu'il y a une contradiction entre le fait que vous dites que vous souhaitez, en tout cas, théoriquement, des ajustements salariaux selon le marché, mais, dans la pratique, vous venez nous dire: Il faut absolument qu'on ait un mécanisme qui nous empêche de faire des ajustements salariaux. Au même titre que plusieurs ont parlé... Monsieur a parlé de créativité. Tout à l'heure, on a parlé des solutions innovatrices. Je ne veux pas être méchant, là, mais, quand on arrive dans le «crunch» puis qu'on dit: On va faire payer toute la facture par les jeunes... Bon.

Ça semble être le cas dans certaines de vos entreprises, mais, dans le cas des municipalités, quand le gouvernement dit aux municipalités: Vous allez contribuer à l'élimination du déficit, la grande partie des municipalités ont dit: Bien, on ne touche pas les acquis de ceux qui ont déjà... c'est les jeunes qui vont ramasser toute la facture, on les baisse de 25 %, les nouveaux. Peut-être que je me trompe, mais il me semble que ce n'est pas la solution innovatrice ou créative. Il me semble que c'est un peu la solution facile, de dire: Bon, on ne créera pas de conflits de travail.

Alors, je veux vous entendre là-dessus, sur ça, parce que je comprends, puis je comprends la nécessité d'une flexibilité, je comprends ça, mais là ça nous mène où si les municipalités, les entreprises, si tout le monde, au fur et à mesure qu'ils ont besoin de flexibilité – puis ils vont en avoir encore besoin, l'environnement concurrentiel mondial ne changera pas – s'il est acquis dans la culture de tout le monde, des municipalités, des organismes parapublics, péripublics, des entreprises privées que la façon de réduire ses coûts de main-d'oeuvre, c'est en y allant sur les nouveaux.

La génération qui s'en vient, son pouvoir d'achat a décru de façon spectaculaire en une décennie, une décennie et demie, puis là il va continuer à décroître. Et c'est aussi, les jeunes familles, celles qui achètent du jus. Moi, celle qui boit du jus à la maison, elle a deux ans et demi, là. Ça fait que je veux vous entendre sur cet aspect plus général, tout en comprenant la nécessité que, dans la loi, il y ait des accommodations, que votre secteur n'est pas comme d'autres. J'entends tous vos points de vue, mais je veux quand même vous entendre sur le général: On s'en va où, comme société avec ça, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Busque.

M. Busque (Alain): Oui. J'aimerais répondre à M. Dumont ce qui suit. C'est que, pour ce qui est de Nabisco Chambly, oui, on a deux départements distincts, les jus et la conserverie, sauf qu'il ne faut pas mélanger les choses. On ne parle pas les vieux contre les jeunes, ce n'est pas ça du tout. Puis, en passant, je suis tout jeune: 36 ans, toutes mes dents. C'est: Les employés saisonniers qui sont environ au nombre de 300, je vous dirais que c'est environ – là, je n'ai pas de chiffres exacts – moitié-moitié des gens...

M. Dumont: Mais c'est quand même particulier, le cas des saisonniers, là.

M. Busque (Alain): Oui, c'est ça. Mais on a aussi, à l'usine de jus, la moyenne d'âge là-dedans, elle n'est pas haute. Je dirais, au pif comme ça, 28, 30 ans, parce que c'est de l'équipement de haute technologie dont on parle, là. C'est des machines à contrôle numérique, etc. Des équipements, il y en a en partie qui sont robotisés. Ça fait qu'on a des jeunes qui sont très bien traités, à l'usine. Par contre, au niveau des employés saisonniers, on ne peut pas rémunérer ces gens-là au même taux que dans les autres départements. Le prix que le consommateur est prêt à payer pour sa boîte de haricots Del Monte, on ne peut pas se permettre de majorer les salaires à des niveaux supérieurs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très brièvement, M. Roberge. Il reste 30 secondes.

M. Roberge (Louis): Oui. Si M. le député le permet, je voudrais vous donner une perspective peut-être un peu différente. Ces solutions-là ou négociations-là sont adoptées, je vous dirais, en dernier ressort. Ce n'est pas la première chose qu'on va faire. On va couper, on va créer artificiellement deux classes de citoyens dans nos entreprises, avec ce que vous pouvez imaginer de problématiques que ça entraîne, évidemment, entre les gens, parce que les gens ne se sentent pas à l'aise de ne pas avoir les mêmes salaires. Alors, ce n'est pas quelque chose que l'industrie va faire comme solution facile. C'est des choses qu'on va faire, je pense, avec beaucoup de jugement, parce qu'on ne le souhaite pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, messieurs, je vous remercie. C'est malheureusement tout le temps dont on disposait pour votre groupe. Je vais suspendre, donc, les travaux pour quelques minutes, le temps de l'échange.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Sirros): Alors, si je peux inviter tout le monde à bien vouloir prendre place, on va reprendre cette dernière partie de nos travaux. J'invite M. Fernand Morin – je pense bien que c'est ça – à faire la présentation de son mémoire, puis on passera à la période d'échanges immédiatement après.


M. Fernand Morin

M. Morin (Fernand): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la commission de me recevoir, d'autant plus que j'arrive seul, je n'ai personne avec moi ni de mandataire à l'avant comme à l'arrière. C'est une présentation tout à fait personnelle et c'est la deuxième, puisque j'ai eu le plaisir de venir devant vous pour parler, je dirais, davantage des principes et de l'à-propos même d'une telle intervention.

Le fait, je trouve, que le gouvernement prenne sur lui de présenter ce projet de loi, prenne la relève de M. Dumont, je pense que c'est déjà significatif, que le gouvernement, suite à la première commission parlementaire, dut ou devait intervenir sur le sujet. C'est déjà un des points qu'on peut déduire de cette simple présence d'un projet de loi.

Le deuxième, c'est que, s'il y en a un, projet de loi, c'est parce qu'il y a des accrocs, c'est parce qu'il y a des problèmes. Et je pense que, s'il y a des problèmes, c'est tout à fait normal qu'on s'en occupe et qu'on s'en préoccupe, surtout.

Et troisième élément ou troisième déduction qui m'apparaît être tout à fait dans l'ordre, c'est le fait que le projet de loi reconnaît que les corrections, s'il y a lieu et là où il y a lieu d'en faire, doivent d'abord être faites par les parties. Ça, ça me paraît aussi fondamental et tout à fait respectueux de l'économie même du régime des rapports collectifs dans les cas où, bien sûr, le problème vient des conventions collectives.

Et je dirais que ce problème d'égalité de traitement, parce que c'est de ça qu'il s'agit, dans le sens le plus large du terme, est tout à fait conforme au principe d'une société libre et démocratique, tel qu'étayé, soutenu et garanti notamment par la Charte des droits et libertés mais également par plusieurs dispositions de nos lois, que ça soit l'article 93, par exemple, de la Loi sur les normes, qui établit que les normes sont d'ordre public, et, deuxièmement, par l'article 62 du Code du travail, qui donne la balise de la liberté des parties à la convention collective, à savoir qu'elles doivent respecter les conditions de travail, elles doivent respecter les normes et elles doivent respecter également l'ordre public. Donc, à mon avis, le fait que vous interveniez dans le domaine ne m'apparaît nullement surprenant et ne pourrait pas surprendre toute personne de bon sens et tout citoyen qui veut vivre dans une société libre et démocratique.

Je signalerais au départ également que, je ne sais pas si on peut appeler le livre blanc ou, de toute façon, le document présenté par le ministère en 1998 sous le titre Vers l'équité intergénérationnelle – ce qui veut dire que, quand on dit vers quelque chose, c'est qu'on n'y est pas déjà, c'était déjà un aveu qu'il y avait un problème à régler – et je citerais simplement une phrase qui m'apparaît encore tout à fait pertinente et importante pour les fins de l'étude de ce projet, et je cite: «Le ministre considère que les conventions collectives négociées librement par les parties, quelle que soit leur importance – parce qu'on peut facilement faire des multiplications aux millions – et leur secteur d'application – ce qui veut dire public comme privé – ne doivent laisser place à aucune forme de discrimination.» Et, bien sûr, c'était d'ailleurs l'idée sous-jacente que je voudrais développer d'une façon plus concrète.

(16 h 20)

Je pense que, quand on traite de cette question-là, il faut éviter, à mon avis du moins, de faire le procès de quiconque, les parties qui ont pu négocier dans le cadre des négociations des années passées. Il ne s'agit absolument pas de faire le procès de quiconque, mais de considérer qu'il y a des corrections à apporter et que les corrections doivent être apportées à ceux qui sont les auteurs des conventions collectives notamment. Et, dans ce domaine, comme dans le domaine de la justice, ce n'est pas une question d'intention, ce n'est pas des procès d'intention, c'est des questions de fait pour voir si, de fait, il y a discrimination ou pas et sans plus.

Donc, si on peut s'entendre de toutes parts sur les principes sous-jacents, il faut se demander si les moyens retenus permettent d'atteindre la fin annoncée ou déclarée parce que, autrement, ce projet de loi, si les moyens ne sont pas conformes à la fin ou ne permettent pas d'atteindre, d'une façon réaliste et pertinente, la fin, ne serait qu'une coquille vide, ne serait qu'une loi fantasmatique pour des ronrons dans les salons.

Donc, selon la méthode que vous connaissez bien, en regardant le projet article par article, je voudrais faire maintenant quelques commentaires sur les articles de ce projet. L'article 87.1, qui est l'article fondamental, l'article de base, le noyau dur, dans la mesure où il est vraiment dur. Ici, il y a un terme que je trouve tout à fait dangereux. C'est celui de «uniquement – parce que c'est la base, c'est la situation visée – en fonction de sa date d'embauche». Or, dès que vous avez le mot «uniquement», vous forcez, d'une part, celui qui contesterait... Parce que, par déformation, il faut penser que la loi sera peut-être frottée ou discutée en d'autres lieux qu'à l'Assemblée nationale. Donc, dès qu'on parle d'«uniquement», on va chercher s'il n'y aurait pas d'autres causes ou si c'est vraiment la causa causans de cette situation.

Dès que vous faites ça, vous obligez les cours – les tribunaux ne sont pas habilités à le faire – à scruter les coeurs, à voir l'intention d'une partie, s'il n'y aurait pas d'autres raisons pour lesquelles il y aurait des conditions de travail différentes. Et un employeur un peu astucieux peut en trouver des centaines, de raisons autres que celle-là ou qui s'ajouteraient à celle-là. Et, dès qu'elles s'ajoutent à celle-là, bien ce n'est plus uniquement en raison de cette date d'embauche. Et, ainsi – vrang! – l'article 87.1 décolle.

Autre point, c'est que l'article 87.1 vise les conventions. Je sais que la définition du mot «convention» à la Loi sur les normes du travail comprend à la fois «convention collective» et «contrat individuel de travail». Or, si vous regardez un peu la jurisprudence sur les jeux qui ont été faits sur ce mot, c'est qu'on a assimilé facilement «convention» et «contrat». Et je pense qu'il serait opportun de le dire d'une façon spécifique que c'est les conventions collectives et les contrats de travail au sens de l'article 2085 du Code civil et non pas simplement «convention». Et la preuve, c'est que, à l'Assemblée nationale, en 1990, vous avez changé la Loi sur les normes du travail à l'article 82 justement parce que les tribunaux avaient confondu «convention collective» et «contrat individuel». Et vous avez recorrigé ces dispositions-là pour bien montrer que «convention collective», ça n'égalait pas un contrat à durée déterminée sur les licenciements collectifs.

L'article 87.2, maintenant. Il y a là toute une série de précisions et de réserves d'exception qui se rapportent au temps. Or, la règle générale se rapporte aussi au temps. Il peut y avoir de drôles de coïncidences sur la question du temps. Mais je vais surtout attirer votre attention sur l'article 87.2, deuxième alinéa, où on parle d'une formule qui est très élégante, très jolie d'ailleurs, «modification de l'amplitude de l'échelle salariale». Moi, je vois la série de dictionnaires, des usagers des dictionnaires, des exégètes pour se demander: De quoi s'agit-il au juste? Une modification, c'est en plus ou en moins? C'est en réduction ou c'est en croissance? Comment on peut comprendre ça?

Un deuxième exemple, deuxième exception qui est ajoutée, c'est lorsqu'un employeur partirait d'un salaire unique pour aller à une échelle. Pourquoi va-t-il à une échelle salariale? Et pourquoi ce fait de partir d'un salaire unique pour aller à une échelle, ça lui donne une immunité, ça lui donne une couverture pour éviter la loi? Ça m'échappe, j'avoue, ça m'échappe, et je suis content d'apprendre des choses, même à mon âge.

L'article 87.3. Encore une exception – parce qu'il y en a cinq, hypothèses d'exception – on parle là de «temporairement plus avantageuses». C'est joli. Mais qu'est-ce que c'est «être temporairement»? On le sait après, on ne le sait jamais avant, que c'est temporaire. La vie, c'est un séjour temporaire, on le sait après, quelle est sa durée. Donc, par conséquent, c'est de la foutaise, je m'excuse de vous le dire. «Plus avantageuses»: quand on parle d'une situation plus avantageuse, tout est relatif, comme le bonheur, hein, c'est par rapport aux autres. Donc, ça sous-entend qu'il y en a d'autres qui ont des conditions moins avantageuses. Et, quand on parle d'«un salarié», évidemment l'interprétation veut dire que le «un» comprend le «plus», hein, c'est l'inverse.

Et, dans les autres facteurs – il y en a cinq – qui permettent également des portes de sortie à l'arrière de la loi, de la règle, ou très souvent du moins, toute fusion d'entreprise donne, ou permet, ou sert d'occasion à une réorganisation du travail, simplement pour réorganiser le ménage des deux parties fusionnées, et une réorganisation du travail donne également place, très souvent, au reclassement. Donc, ces facteurs sont-ils cumulatifs ou exclusifs les uns les autres? C'est pour ça que je vous dis que c'est un projet de loi à portes battantes.

Le rapport du ministre, on ne nous dit pas quel genre de rapport. Moi, je suis bien content, comme professeur, d'avoir un rapport du ministre, parce qu'on va avoir l'historique. Bon. Pour mes étudiants, ça va être très bien, ils vont avoir des beaux tableaux: avant, après, pendant, etc., mais à quoi va servir ce rapport s'il est présenté justement au terme de la vie éphémère d'un tel projet? Parce qu'on aurait trois ans de réflexion laissés aux parties, trois ans de réflexion. De deux choses l'une: ou les parties, durant ces trois ans de réflexion, corrigent effectivement leur tir, et ce qui était désiré par le projet et désirable pour tout le monde sera atteint – tant mieux – ou, au contraire, on trouvera, dans les articles d'exception, des voies et des moyens pour avaliser leur situation actuelle. Il y a des gens astucieux, vous pouvez me croire. Par conséquent, on sera devant la même situation au cours de ces trois ans.

C'est alors que le caractère éphémère du projet de loi m'apparaît inopportun, tout simplement parce que, encore une fois, de deux choses l'une. Ou la situation est réglée, puis laissons faire la section, laissons-la dormir dans la loi. Il y en a bien, des dispositions, dans les lois, qui n'ont pas un effet immédiat encore mais qui sont aussi des vigiles, des sentinelles pour le futur. Je pourrais vous en nommer des dizaines comme ça qui servent de balises. Mais on les connaît tellement bien qu'on sait naviguer entre ces balises. L'éviter, ça me paraît catastrophique. Parce que, si ce projet de loi a une raison d'être et que les effets recherchés ne sont pas atteints, à ce moment-là la raison d'être demeure, le projet de loi devrait demeurer comme tout autre projet de loi, c'est-à-dire comme toute autre loi, d'une façon indéfinie et indéterminée.

Maintenant, je voudrais souligner un autre point, c'est que ce projet ne prévoit aucun recours spécifique à l'égard des salariés victimes de ces discriminations. Or, dans les cas des conventions collectives, il faudrait qu'un des auteurs de la discrimination, le syndicat, prête main forte aux salariés pour exercer un grief, pour faire un arbitrage. Ça me paraît très fort, ça me paraît demander beaucoup d'un même syndicat. Et je pense qu'on pourrait fort bien permettre aux salariés d'avoir un recours directement à l'article 100, aux frais du syndicat, s'il y a lieu et s'il a raison de croire qu'il y a discrimination, et, dans les autres cas, d'aménager un recours en l'accrochant à l'article 124 de la Loi sur les normes du travail.

(16 h 30)

C'est pour ça que, pour toutes ces raisons, personnellement je crois qu'on pourrait fort mieux atteindre le même objectif sur lequel, quant aux finalités et quant aux principes, il ne semble pas y avoir accrochage. Je pense qu'on pourrait fort bien avoir une approche beaucoup plus simple qui consisterait simplement, d'une part, à élargir et à assouplir l'article 87.1, comme je l'ai souligné, à éliminer les exceptions, les portes arrière du projet de loi, 87.2 et 87.3, à laisser strictement aux parties 18 mois pour aviser et corriger leur tir, s'il y a lieu, si elles croient qu'il y a lieu, et à donner aux salariés accès à un recours efficace par l'article 100 ou par l'article 124, selon les cas, et enfin à donner un caractère permanent à cette loi et non pas une vie éphémère. Très éphémère, j'ajouterai. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Morin. Alors, on passera à la période des échanges en commençant avec Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Morin, merci de cette présentation. Je sais que vous êtes très préoccupé par ce sujet-là. Vous le suivez depuis longtemps. Même si, comme vous le dites, vous êtes ici sur vos propres bases, je pense que votre expertise comme professeur, elle est utile. Vous avez une grande réputation. Je dirais même qu'il y a plusieurs personnes qui sont dans le circuit politique qui ont été de vos élèves. On m'a beaucoup parlé de vous ces derniers jours.

Enfin, il y a beaucoup de choses que je pourrais reprendre avec vous, mais j'ai vu que vous étiez tout à l'heure présent et très, très, très attentif à la présentation de l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec. Je vous voyais, vous étiez attentif.

Vous dites: Il faut éliminer les exceptions. Je pense qu'on a le défi – vous l'avez compris – d'essayer d'insérer dans la réalité les principes qui sont en cause. Vous parlez d'éliminer les exceptions, d'accélérer les recours, vous avez la ligne dure. Aucune souplesse, aucun élément de souplesse. Quand vous entendez ce que vous avez entendu comme moi, les gens qu'on a entendus, on peut être d'accord, pas d'accord, mais, bon, c'est des gens qui gèrent une business et qui essaient de tirer leur épingle du jeu, qui font face à la concurrence. Même mon collègue de Rivière-du-Loup disait: On n'a pas le choix, il faut faire face à la musique; bon, attention, est-ce qu'on va juste faire porter le poids des choses difficiles sur les nouveaux entrés, les nouvelles personnes qui entrent sur le marché du travail ou dans un emploi? Mais pas de souplesse, M. Morin. Rien dans votre proposition. Rien. Ce que ces gens-là ont dit, c'est des éléments de la réalité, ça aussi.

Le Président (M. Sirros): M. Morin.

M. Morin (Fernand): Merci. D'abord, je ne connais pas de projets de loi sur le travail qui font l'unanimité. Toute loi sur le travail – on pourrait fort bien faire un tirage des journaux depuis le début du siècle – à chaque fois, c'est trop et pas assez. On est toujours dans ces deux balises. On exagère des deux côtés. Moi, entendre ce que j'ai entendu tantôt, ça ne me surprenait pas du tout, du tout. Je vais y revenir.

Là, c'est un peu différent. C'est comme si, quand vous avez, à l'Assemblée nationale, élaboré la Charte des droits et libertés, vous aviez commencé à faire des soupapes et des exceptions à chacune des règles. On n'en aurait pas eu, une charte. Ça ne serait pas une charte. Ça serait un tamis, une passoire. Il y a des principes de fond. Et, ici, Mme la ministre, c'est justement pour ça que je suis catégorique. Parce que je pense qu'il y a un principe fondamental. Et un principe, c'est comme une question de fait: c'est respecté ou ce n'est pas respecté, d'une part. Et c'est pour ça que je suis apparemment si catégorique. Pourtant, je n'ai pas tout à fait le caractère, même si j'ai des fois la voix...

Une voix: ...

M. Morin (Fernand): Non, non. Ça, c'est ma réputation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: J'en ai une comme la vôtre.

M. Morin (Fernand): Deuxième point que j'ajouterais. On a oublié. Les gens des conserveries, ils ont oublié les souplesses de la Loi sur les normes du travail, notamment l'article 54, sur la durée des heures. On ne les compte pas, les heures. Il n'y en a pas, d'heures supplémentaires dans les conserveries puis dans le travail saisonnier. On a oublié ça tantôt, hein? Et il y en a bien d'autres, exceptions particulières, et tout à fait compréhensibles d'ailleurs, sur ces points-là, parce que, quand les fruits sont mûrs, c'est le temps de les prendre; il ne faut pas attendre, c'est sûr.

Mais ce qui peut-être me stimule davantage, et c'est pour ça que je viens, ce n'est pas pour... je n'ai aucun intérêt personnel dans tout ça, vous pouvez être certains, je n'en ai jamais eu, c'est que, pour ma part, je considère que l'on demande aux nouveaux arrivants – je n'ose pas dire «aux jeunes» même s'il y a une coïncidence entre l'âge et les nouveaux arrivants – dans l'emploi de financer une partie de l'emploi puis de financer les conditions de travail que l'on maintient aux autres, et ça, ça me paraît contraire à l'égalité de traitement.

Mme Lemieux: M. Morin, je sais qu'il y a des collègues qui veulent poser des questions, mais deux petites questions, enfin, qui sont existentielles. La première: Êtes-vous en train aussi de nous dire que tout traitement différent est de la discrimination? Et, deuxièmement, elle est encore plus fondamentale: Est-ce que le coeur de l'histoire, le noeud n'est pas le fait que ce concept, le principe d'ancienneté, soit une valeur extrêmement bien intégrée? Est-ce que ce n'est pas ça, l'enjeu?

M. Morin (Fernand): Je m'excuse, Mme la ministre, mais jamais je n'aurais contesté l'exception à la Charte qui est prévue à l'article 19 sur l'ancienneté, la compétence, toutes choses étant égales par ailleurs, absolument pas, jamais, absolument pas.

Écoutez, ça fait 35 ans que je suis dans le domaine du travail. Je ne commencerai pas à discuter sur ces règles d'ancienneté. J'aurais trouvé une autre vocation, une autre fonction pour subsister dans le domaine du travail. C'est sûr, c'est fondamental. Vous l'avez d'ailleurs dans votre projet; je ne l'ai pas soulevée, hein. Vous l'avez, le premier paragraphe de l'article 87.2, là: «Une condition de travail fondée sur l'ancienneté ou la durée du service n'est pas dérogatoire à l'article 87.1.» Je n'en ai pas parlé, madame, parce que justement c'est la transposition déjà de l'article 19 de la Charte des droits et libertés, et ça me paraît tout à fait, tout à fait correct.

Je pense d'ailleurs que vous l'avez soulevé ou si c'est M. le député qui l'a soulevé tout à l'heure, à savoir qu'on semblait ne pas avoir compris cette question-là. Jamais, je pense, qu'on pourrait... Je pense même que votre projet, même si je le critique fortement, comme vous dites, n'est pas contre ça. Et je pense que c'est tout à fait normal qu'on respecte l'ancienneté, la compétence, toutes choses étant égales par ailleurs, c'est-à-dire pour un travail égal, même comme nous dit l'article 19 de la Charte, dans un même établissement, compte tenu des échanges, compte tenu des milieux culturels et autres et organisationnels.

Le Président (M. Sirros): Ça va.

M. Morin (Fernand): Je ne suis pas si méchant que ça, Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Moi non plus. Ah! j'aurais 43 autres questions, mais je vais prendre une pause.

Le Président (M. Sirros): Mais on va passer la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui, je vais commencer par la fin. D'abord, je constate que vous êtes d'accord avec le principe du projet de loi et que les amendements que vous proposez sont, dans votre idée, de nature à l'améliorer, et je prends bonne note de plusieurs qui sont intéressants. Il y en a un sur lequel j'aimerais discuter avec vous, c'est concernant le recours, parce que j'avais eu un peu le même réflexe: De quelle façon un salarié qui est victime de discrimination, à ce moment-là, va pouvoir avoir accès... Là, vous proposez le mode de l'article 124 que je trouve un peu compliqué dans le sens que... Actuellement, on a une juridiction exclusive des arbitres de griefs...

M. Morin (Fernand): Pas 124, monsieur.

M. Bédard: ...c'est ça. Et là vous dites: «De plus, on peut croire que le syndicat refuserait de s'accuser lui-même en déposant un grief sous ce chef ou qu'il pourrait soutenir que de telles disparités si elles existaient seraient parfaitement justifiées.» Sauf que ça arrive quand même de temps en temps où un syndicat... Par exemple, j'ai des cas où un syndicat va avoir à choisir entre deux congédiements ou un déplacement. Sauf que, si quelqu'un se plaint, lui, il a l'obligation de défendre le salarié qui se plaint. Et, par le biais de l'article 47.2, s'il refuse, le salarié pourra, à ce moment-là, avoir recours devant le Tribunal du travail.

Une voix: C'est juste.

M. Bédard: Alors, est-ce que vous pensez que le recours à 47.2 suffit, disons, à donner un peu une poignée puis un recours au salarié victime?

M. Morin (Fernand): Non, parce que 47.2, sur l'obligation d'une représentation juste et loyale, ne vise que trois situations: le renvoi, les mesures disciplinaires et, selon l'article 110.1, troisième alinéa, le refus de retour au travail suite à une grève ou un lock-out. Alors, ce n'est pas du tout dans ces situations.

M. Bédard: Mais, actuellement, donc autrement...

M. Morin (Fernand): Donc, à ce moment-là, il faudrait modifier l'article 47.2. Et personnellement je serais contre, M. le député. Je serais contre tout simplement parce que c'est le principe de Jésus par Marie, c'est-à-dire un vieux principe catholique.

(16 h 40)

M. Bédard: Ha, ha, ha!

M. Morin (Fernand): C'est-à-dire que vous devez aller au Tribunal du travail pour avoir l'autorisation d'aller devant un arbitre. C'est le coup du billard. Ce n'est vraiment pas ce qu'il faut faire.

M. Bédard: Mais là vous donneriez à un commissaire du travail le pouvoir effectivement de corriger...

M. Morin (Fernand): Tout à fait. Tout à fait.

M. Bédard: Est-ce que ça irait jusqu'à modifier...

M. Morin (Fernand): Bien, vous savez, l'article 124 de la Loi sur les normes prévoit ceci, c'est que vous avez accès à ce recours, sauf si vous avez un accès à l'arbitrage, sauf si.

M. Bédard: Voilà, oui.

M. Morin (Fernand): Alors, si, dans un cas donné, le syndicat refuse de prendre le fait et cause du salarié qui se plaint, bien vous avez droit à l'arbitrage, vous avez droit à l'article 124. Et l'intérêt de l'article 124, pour ma part, c'est notamment la Commission des normes du travail qui prend le dossier et qui finance la défense du salarié.

M. Bédard: Normalement, oui.

M. Morin (Fernand): Bon. Et c'est pour ça que je pense que c'est une bonne voie. Il faut faire des accommodements, bien sûr.

M. Bédard: Bien, j'imagine que, si ce n'est que concernant les pouvoirs du commissaire, il faudrait encore amender sûrement les pouvoirs du commissaire, là.

M. Morin (Fernand): On dira mutatis, mutandis, monsieur.

M. Bédard: Oui. Ha, ha, ha! L'autre élément que je voulais soulever avec vous que j'ai trouvé intéressant, c'est concernant l'interprétation du terme de l'article 87.1 par rapport au terme qui est employé qui est «uniquement».

M. Morin (Fernand): Oui.

M. Bédard: Quand vous dites, bon, «et uniquement en fonction de sa date d'embauche»... Autrement dit, parce que la réflexion que je m'étais faite, c'est que les règles d'interprétation sont faites de telle nature que, lorsqu'un remède et une loi ont pour effet de remédier à un problème, normalement l'interprétation va être en fonction justement de remédier à une situation. Sauf que ce que vous dites, est-ce que c'est simplement que l'emploi du terme «uniquement» va avoir pour effet de restreindre d'une façon très, très précise?

M. Morin (Fernand): Tout à fait. «Uniquement» est compris par les tribunaux parce qu'il y a trois, quatre articles qui comprennent cette expression, notamment l'article 422 du Code criminel, 425, et l'article du Code du travail, l'article – je ne me souviens pas lequel là – où on utilise la même expression. Mais, si vous regardez la jurisprudence, on va justement soutenir: Est-ce que c'était la seule raison? Et, dès qu'on ajoute même un doute sur une autre raison, ce n'est plus «uniquement». Et, par conséquent, on raye la solution. C'est pour ça que, à tout le moins, s'il fallait changer d'adverbe, j'ajouterais «notamment» mais certainement pas «uniquement». Mais ça, je suis dans la quincaillerie, là.

M. Bédard: «Notamment» pourrait... C'est ça. Là, ça serait les mêmes conditions que l'article, finalement, 122 et l'article 15 aussi relativement au...

M. Morin (Fernand): C'est ça.

Le Président (M. Sirros): J'ai aussi le député de Gaspé qui veut intervenir.

M. Bédard: Ah! qui veut causer. Excusez-moi. Bien, oui, là, j'avais pris...

M. Lelièvre: Merci, M. le Président.

M. Bédard: Excusez-moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Et la ministre, si j'ai le temps.

M. Lelièvre: M. Morin, on a entendu les groupes toute la journée aujourd'hui, puis les représentants des jeunes médecins. Moi, par rapport à la présentation des manufacturiers qui vous ont précédé tout à l'heure, qui nous disent que leur structure de rémunération est bâtie de telle sorte qu'elle ne sera pas compétitive si on amène tout le monde vers le haut, deuxièmement, que leur marge bénéficiaire sur les marchés est très mince et, troisièmement, qu'ils sont tributaires de capitaux extérieurs au Québec puis que là ils nous disent: Bien là, on ne peut pas s'ajuster... Vous, vous êtes professeur de relations industrielles; eux, j'ai cru comprendre que c'était des gens qui étaient formés dans le même domaine. Alors, comment vous faites pour en arriver à des diagnostics aussi différents? Eux arrivent à nous dire: Bien là on ne peut pas modifier ça. On veut maintenir une structure de rémunération avec des clauses dites orphelin. Comment on peut comprendre, quelqu'un qui est étranger à tout ça? Comment on réagit vis-à-vis de ça?

M. Morin (Fernand): Il s'agit de ne pas avoir peur.

M. Lelièvre: Je comprends, mais en plus de ça. Ha, ha, ha!

M. Morin (Fernand): Non, non, mais, vous savez, les relations industrielles, ce n'est pas une religion. Il n'y a pas de pape non plus. Et, par conséquent...

M. Bédard: Il y a des évêques en tout cas.

M. Morin (Fernand): Quelques-uns, mais ils sont discrets. Je pense que, à chaque fois qu'il y a un projet de loi du travail, à chaque fois, on va vous faire peur. À chaque fois, c'est le déluge.

M. Lelièvre: Mais...

M. Morin (Fernand): Si vous faites quelque chose, c'est le déluge.

M. Lelièvre: Mais je dois vous arrêter là. Je n'ai pas peur. Je veux juste comprendre qu'est-ce qu'on leur répond, à ces gens-là.

M. Morin (Fernand): Moi, je pense que je ne peux pas faire la relation, je ne peux pas saisir et accepter cette situation: que l'on va maintenir des conditions de travail, de concert, en copinage avec un syndicat, en offrant et en imposant aux absents le coût, le financement de ce maintien. De deux choses l'une: ou ils sont incapables de faire des affaires avec les salaires qu'ils ont ou ils ont une mauvaise gestion. Mais je ne peux pas comprendre que l'on prenne comme otages les nouveaux arrivants pour maintenir des conditions de travail.

Pour revenir avec les gens qui m'ont précédé, il est évident que les gens qui sont des employés saisonniers n'ont rien à voir avec les techniciens en blouse blanche, en sarrau blanc dans l'entreprise qui manient les opérations de conserverie et qui sont permanents. Il n'y a rien à voir entre les deux. Et la loi, votre projet de loi n'impose pas une égalité, une uniformité – je vais faire la différence avec égalité – des salaires, en dehors comme à l'intérieur de l'entreprise, pour les saisonniers comme pour les permanents. Ce n'est jamais ça qui a été prévu, ce n'est jamais ça qui a été demandé par tous ceux qui ont travaillé sur ce projet, par les jeunes qui sont en cause, jamais.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Morin. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Enfin, je pense que c'est une discussion qu'on devrait avoir autour d'une table, un peu plus décontractés. Je veux dire, théoriquement, on peut discuter longtemps, longtemps, longtemps, longtemps, mais, moi, je m'excuse, ce n'est pas la peur, c'est des éléments de réalité. Et, quand on dit qu'une loi... On a fait une étude d'impact, vous l'examinerez. Je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais on a essayé de mesurer les effets de ça.

On a évidemment été jusqu'à documenter des scénarios plus pessimistes, c'est vrai. Mais, quand on dit qu'une loi – et ça tombe sous le sens – peut avoir des effets en termes de création d'emplois et de maintien d'emplois, sachant qu'on a 2 % de chômage de plus que dans le reste du Canada, je m'excuse, mais il nous faut aussi considérer cela. Et c'est ça vraiment qui...

Je vais vous dire, M. Morin, ça me jette à terre que cet élément-là ne soit pas du tout présent aussi dans votre réflexion. Parce que, autant, moi... On commence aujourd'hui, on en a pour trois jours, de cette commission. Il y en a encore pour deux ou trois jours dans les prochaines semaines. Moi, je pense qu'il faut avancer dans ce débat-là, il faut à la fois que les jeunes, à la fois que les syndicats, à la fois que le patronat aussi... On a beaucoup posé des questions tout à l'heure, on essaie de voir: Y en a-t-il d'autres, alternatives, pour répartir des difficultés autrement dans une entreprise?

Je vois bien que les réponses ne sont pas nombreuses là non plus, j'en conviens. Mais, si on veut que ce principe-là, il ait un sens, au Québec, si on veut qu'il y en ait une, véritable équité entre les générations, il va falloir que tout le monde considère aussi les réalités de l'autre. Et ça me jette à terre que cette préoccupation-là, vous l'évacuiez. Je suis désolée, mais je suis complètement décontenancée de ça.

M. Morin (Fernand): Pour moi, un principe d'égalité, c'est un principe d'égalité et on ne doit pas y déroger. On ne doit pas mettre à la charge...

Mme Lemieux: Mais la Charte couvre...

M. Morin (Fernand): Pardon?

Mme Lemieux: La Charte est claire sur la discrimination: travail égal, salaire égal. C'est clair. Et je le disais ce matin: Notre projet de loi vise à interdire des pratiques de rémunération qui ne sont pas nécessairement discriminatoires ou interdites mais qui sont socialement non souhaitables.

M. Morin (Fernand): Mme la ministre, je n'espère pas avoir raison, absolument pas. Mais je suis convaincu que votre projet de loi, tel qu'il est, va avaliser tout simplement les pratiques actuelles, va conforter les parties dans les clauses discriminatoires actuelles tout simplement. Et je connais assez le milieu pour savoir que les articles plus importants pour plusieurs, c'est 87.2 et 87.3. Tout le reste, c'est de la frime.

(16 h 50)

Le Président (M. Sirros): On va donc, sur ça, passer la parole à M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Morin, c'est avec plaisir que je vous salue au nom de tous nos collègues. C'est avec un grand plaisir que j'ai écouté votre cours magistral.

M. Morin (Fernand): C'est une déformation.

M. Gobé: Et je pense que vous êtes certainement la personne aujourd'hui qui... Vous êtes le dernier d'ailleurs qui arrivez. On a commencé ce matin avec des exclus du projet de loi que sont les jeunes médecins, d'accord, qui, eux, ne sont pas assujettis à cette loi, et on termine ce soir avec un spécialiste en relations de travail. Je pense que la boucle va être pas mal bouclée pour aujourd'hui.

Vous avez raison quand vous parlez de principe, M. Morin. Pourquoi on est ici aujourd'hui? Pour une seule chose. Parce que, devant les demandes des jeunes, reprises à l'époque par le député Claude Béchard et le député de Rivière-du-Loup, M. Dumont, devant ces demandes répétées, devant la pression politique qui leur a été mise avant les élections – je dis bien avant la campagne électorale – le gouvernement s'est engagé, pour récupérer le vote des jeunes lors de l'élection, à légiférer et à régler ce problème d'iniquité sociale et d'injustice pour les jeunes.

À l'époque, on faisait dans le superlatif, même. Là, il y a un engagement de principe. On ne s'est pas engagé à regarder les coûts de main-d'oeuvre. Il y avait un grand principe qui était sous-jacent à tout ça, là. Les jeunes ont le droit aux mêmes droits que les autres et même les mots «d'esclavage» ont circulé à un moment donné quand on parle des jeunes qui finançaient les conditions de travail des autres qui étaient protégés. En fait, toutes sortes de... Le principe était là.

Aujourd'hui, le principe n'est plus là. On est rendu dans la quincaillerie, dans l'épicerie, et on nous demande même de comprendre, de faire des exercices là de réflexion afin de voir les coûts puis les contraintes. Qu'on dise donc la vérité à ce moment-là aux gens. Qu'on dise: Écoutez, ce qu'on vous a promis aux élections, on n'est pas capable de le tenir. On vous a beurrés. On s'est embarqué, on a parlé sans savoir qu'on ne pourrait pas le faire. Peut-être qu'on y croyait; on n'y croit plus. Peut-être... J'ouvre des voies, mais aujourd'hui on n'est pas capable de le faire. Puis le projet de loi qu'on propose là, vous avez raison, M. Morin, il va avaliser tout ça.

Donc, on le retire puis on n'en met pas, au lieu de vous conter des histoires à vous, les jeunes, et puis de faire perdre encore ce qui reste, un peu de crédibilité aux hommes politiques en général, je ne parle pas seulement du gouvernement, avec des promesses inconsidérées et des faux principes dont on parle et qu'on ne défend jamais.

La voilà, la raison pourquoi on est ici. Et voilà le problème que vous nous faites valoir. On vous dit: Vous êtes peut-être trop dur. Sur le principe et en sachant pourquoi on est ici – vous l'avez entendu comme moi – vous n'êtes pas trop dur. Vous nous rappelez à l'ordre. Vous dites: Un instant là, vous vous êtes engagés sur un principe comme gouvernants. Tenez donc vos paroles, tenez vos engagements ou dites-le donc aux gens puis ils jugeront en conséquence.

Moi, M. Morin, je crois que, dans votre témoignage, vous avez pris la peine, à la fin, de dire à Mme la ministre: Votre projet de loi va avaliser. C'est ce que le député de Rivière-du-Loup a dit, c'est ce que j'ai dit, c'est ce que l'ensemble des intervenants disent. Vous suggérez plusieurs avenues afin que ça n'avalise pas la situation actuelle.

Si la ministre ne retient pas vos recommandations, si elle ne retient pas les recommandations qui viennent d'autres groupes aussi, est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait renvoyer le projet de loi? Ou est-ce qu'on le garde comme ça puis on permet au gouvernement de dire qu'il a tenu sa promesse et ses engagements envers les jeunes?

Le Président (M. Sirros): M. Morin.

M. Gobé: C'est une bonne question.

M. Morin (Fernand): Est-ce là une question?

M. Gobé: Homme de principe.

M. Morin (Fernand): Ha, ha, ha! Non. Vous savez, je n'ai pas à me répéter. Je pense que, s'il y a coïncidence entre vos vues et les miennes, c'est que c'est simplement un accident de parcours, heureux ou pas heureux, mais je pense que, pour moi, l'égalité de traitement, je me répète, c'est un fait. Ce n'est pas une question d'intention, et ce projet, je n'en fais pas un procès d'intention aux auteurs, loin de là. Je trouve même qu'il y a eu beaucoup d'astuces dans la rédaction, au plan technique. Beaucoup.

Cependant, je pense que le danger, c'est qu'on l'étire et, peu importe ce qu'on a voulu marquer, la façon dont on va l'utiliser va justement, je dirais, consacrer la situation actuelle. Et c'est ça qui m'apparaît inacceptable. C'est ça qui est le danger, dans une société qui se veut libre et démocratique et qui reconnaît et affirme haut et clair le principe d'égalité de traitement.

On a une loi, par exemple: la Loi sur l'équité salariale. Je voyais justement un rapport fait en France, la semaine passée, sur le problème de l'équité salariale, puis ils n'osaient pas. Ils ont fini le rapport en disant: On n'ose pas intervenir d'une façon législative, mais il faut faire une action. Nous, on a osé et c'est tant mieux. Mais, sur certaines questions, il faut oser, il faut être dur, il faut être clair parce qu'un projet de loi qui est plus ou moins clair va être retenu, lu avec les yeux de chacun et pour les buts et les intentions de chacun. Et c'est ça qui est important.

Ce qui est important, c'est de dire haut et clair aux parties: Corrigez votre tir. Mais il faut que la lumière, au bout, soit bien évidente. «Il n'y a pas de bon vent pour un pilote qui ne connaît pas son port», c'est Sénèque qui le disait. Et je pense que la loi ne donne pas les bonnes indications du port où on veut arriver.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Gobé: Dans l'application de la loi – on voit qu'elle va être soumise à la Loi sur les normes – lorsqu'il y a une plainte, à l'article 102, il est dit: «Si un salarié est assujetti – dans la Loi sur les normes – à une convention collective ou à un décret, le plaignant doit alors démontrer à la Commission qu'il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret.»

Est-ce que je comprends bien? Un plaignant, un jeune qui serait assujetti à une entreprise, assujetti au projet de loi de la ministre, quelqu'un qui ne serait pas satisfait et qui se trouverait discriminé va porter plainte à la Commission des normes, et là ce qu'il est dit: «...doit alors démontrer à la Commission qu'il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret.»

Est-ce à dire qu'on peut le renvoyer, puis dire: Bien, as-tu posé tel acte? As-tu fait tel... Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque de yo-yo, là, de renvoi, en connaissant la lourdeur, à l'occasion, de notre administration, de décourager les gens d'aller se plaindre?

Le Président (M. Sirros): M. Morin.

M. Morin (Fernand): M. le député, je crois que l'avantage, ça serait d'ajouter une mention spéciale à l'article 124 pour donner un accès direct, dans ces cas, et non pas faire du slalom, si vous me permettez l'expression, avant d'arriver au recours.

Vous savez, les gens sont prudents et sages, et, par conséquent, s'il y a un recours puis que c'est clair, on va essayer de l'éviter. Mais, si c'est long et laborieux, il n'y a rien comme de faire de la procédure pour gagner du temps. Et, quand quelqu'un gagne du temps, on en fait perdre aux autres.

Et, vous savez, pour un salarié – imaginons une situation semblable, là – ça prend un front, ça prend du courage, être capable de dire: Je suis discriminé et je porte plainte. Moi, je dirais, à 90 % des cas, ça va être quelqu'un qui va la faire, la plainte, après son renvoi ou parce qu'il veut partir.

M. Gobé: J'aimerais ça aussi – vous êtes un expert – à l'article 16 de la Charte: «Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement des catégories et de classifications d'emploi.»

On a parlé beaucoup, ce matin, des jeunes stagiaires qui, nous dit-on, remplissent le rôle de professionnels. Ils disent, même: C'est nous qui avons l'expertise. On est là mais on est payé 23 000 $, alors que la personne qui était là avant nous était permanente et avait 24 000 $ ou 25 000 $. Est-ce que vous trouvez, vous, que c'est là une clause orphelin?

M. Morin (Fernand): Moi, j'aimerais...

M. Gobé: Parce qu'on nous a dit que ce n'était pas forcément ça, là.

(17 heures)

M. Morin (Fernand): Non. Je pense que, à notre première séance que vous avez tenue sur les questions de principe... Parce que j'ai essayé de trouver et de voir dans quelle mesure la Charte pouvait être prise comme socle pour critiquer les clauses orphelin. Il est difficile de trouver un texte, un article précis qui va asseoir ça, sauf le principe général, sauf, bien sûr, le préambule de la Charte, qui traite justement de l'égalité de traitement pour tous.

Mais je reviendrais à votre question en disant: Peut-être que la Commission des droits et libertés des personnes va se présenter. Je pense que ça serait une excellente question à poser: Dans quelle mesure ils ont déjà eu des plaintes? Dans quelle mesure ils ont pris quelques initiatives sous cet article 16? Et j'aimerais bien, moi aussi, les écouter.

M. Gobé: Oui. Bon. Alors, on va leur poser la question, soyez assuré, lorsqu'ils vont venir.

M. Morin, il y a dans le principe actuellement de la Charte – on parle de l'article 16, bien sûr – toute cette question du gouvernement lui-même, qui se sert d'artifices, de réglementations pour déjouer – probablement pour des raisons salariales ou d'effectif de fonction publique – le propre système qu'il a mis en place lui-même. Donc, il essaie de faire par la porte d'en arrière ce qu'il ne peut pas faire par la porte d'en avant.

Est-ce que vous ne seriez pas... Ce matin, j'émettais l'idée à l'effet qu'on mette dans le projet de loi, ou par règlement mais probablement dans le projet de loi, une disposition qui forcerait le gouvernement à faire l'inventaire, dans toute son administration et ses ministères, des clauses d'exclusion ou ce qu'on appelle des clauses orphelin, et obliger le ministre à en faire rapport dans un délai assez particulier. Parce que, si on découvre, au fur et à mesure que les gens viennent nous voir, des choses comme les stagiaires, eh bien, il doit probablement peut-être y en avoir d'autres, dans d'autres secteurs, que nous ne connaissons pas. Je crois qu'il serait peut-être, pour un gouvernement qui veut vraiment légiférer, primordial qu'il fasse lui-même le ménage dans sa propre organisation, pour montrer l'exemple aux entreprises aussi. On ne peut pas commencer à vouloir nettoyer les écuries du voisin avant de nettoyer les siennes propres.

M. Morin (Fernand): C'est pour ça que ce n'est pas par hasard que j'ai fait cette citation du livre du ministre du Travail de 1998 sur l'équité intergénérationnelle qui disait bien «quels que soient leur importance et leur secteur d'application» en parlant des conventions collectives. Alors, ça comprenait et ça devrait comprendre autant le secteur public, que parapublic, que privé. En d'autres termes, là où il y a inégalité de traitement sur la base de nouveaux arrivants, ça me paraît une injustice de base qui doit être corrigée partout, sans égard à la nature de l'employeur, puisque, depuis 1965, la reine négocie avec ses commis.

M. Gobé: Il y avait les travailleurs autonomes, mais le même principe aussi, probablement.

M. Morin (Fernand): Là, c'est qu'il n'y a pas de règle. Les travailleurs autonomes, c'est un des grands problèmes de la législation du travail actuellement. Ils sont laissés pour compte. On les baptise rapidement entrepreneurs, petits entrepreneurs, et immédiatement vous les mettez sous le régime des lois commerciales. Effectivement, peu de temps après, la seule loi qu'ils vont connaître, c'est la Loi sur la faillite.

M. Gobé: Ou de la fiscalité. M. Morin, je tiens à vous remercier de votre témoignage et à souhaiter qu'on puisse encore avoir l'occasion de recevoir vos avis et vos commentaires. Ne vous gênez pas, en ce qui me concerne, en tout cas, pour me les faire parvenir.

M. Morin (Fernand): Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Bon. Je souhaite la bienvenue au professeur Morin qui nous a fait une présentation très, très éclairante. Quelques questions pour permettre d'aller plus loin.

Bien, d'abord, je dois dire que j'apprécie, moi aussi, que vous rameniez le débat à un certain nombre de positions de principe. Parce que les gouvernements du Québec l'ont prouvé dans le passé, le parti qui est en face de nous l'a déjà prouvé à d'autres moments, alors qu'il était au gouvernement, qu'en matière d'adhésion de l'ensemble de la société à un principe le gouvernement doit être lui-même vendeur, doit faire preuve de leadership, doit inviter les gens à participer.

Alors, dans le cas présent, on est une journée à l'intérieur des travaux, on a un projet de loi qui est déposé puis on ne sait toujours pas si la ministre est favorable, défavorable. Dépendamment des groupes, elle est pour certains types de discrimination; des fois, elle est contre. Elle les défend, mais il n'y a pas de... Il faut qu'il y ait un vendeur, dans un projet de loi comme celui-là. Quand des groupes comme le patronat viennent, il faut que quelqu'un les invite à un effort social en faveur de l'équité entre les générations. Il y a le leadership politique qui doit aller avec la loi.

Clause crépusculaire. Avec votre expérience des relations de travail, je suppose que vous connaissez par coeur les lois du Québec, c'est assez évident par vos références à tous les articles de mémoire, mais vous connaissez probablement celles qui existent à l'extérieur du Québec aussi. Est-ce que vous connaissez, vous avez conscience de l'existence de lois du travail ou de lois qui font référence à des droits ou à des questions d'équité, qui ont une clause crépusculaire?

M. Morin (Fernand): Crépusculaire, c'est-à-dire éphémère?

M. Dumont: Comme celui-là, là. C'est-à-dire qu'ailleurs des lois ont été votées en matière de droits fondamentaux, de droits du travail, d'équité et qu'elles ont une fin.

M. Morin (Fernand): Bien, je dirais, monsieur... Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Sirros): Oui, oui, c'est permis, M. Morin.

M. Morin (Fernand): Oui. Je dirais qu'évidemment, par nature même, toutes les lois qu'on appelle communément, entre guillemets, les lois d'exception sont nécessairement des lois éphémères parce que c'est des lois ad hoc. Pour une raison donnée, le 24 janvier, vous devez rentrer au travail; le 26 janvier, c'est fini, hein, ça, c'est sûr par nature même. Mais des lois qui sont strictement éphémères et d'avance, je pense que je ne l'ai jamais vu personnellement, je n'ai jamais pris connaissance de ça.

M. Dumont: Le fait que le caractère soit éphémère sur deux ans, est-ce que vous ne craignez pas qu'il y ait un effet inverse? C'est-à-dire que le message n'étant pas clairement passé aux employeurs, ou aux négociateurs de façon générale, que les gens viennent... On sait que, dans ce domaine-là, dans le domaine des affaires, dans le domaine de la négociation, on ne voit pas toujours 20 ans d'avance. On se dit: On va essayer de maximiser les profits de l'année en cours, préparer un peu l'année prochaine. Mais c'est rare qu'on voit longtemps d'avance.

Dans la mesure où on a un projet de loi qui a une échéance, on dit: Bon, il va commencer à s'appliquer à l'automne 2002 puis il va finir à l'automne 2004... que les gens puissent être tentés de chercher, avec 87.2, 87.3, des mécanismes à l'intérieur de ça pour passer les deux ans? En d'autres termes, qu'on se cherche un pont pour sauter les deux ans, en se disant: Bon, bien... et que les gens ne soient pas invités véritablement à dire: Bon... quand on annonce à des négociateurs: Les clauses discriminatoires, ça ne sera plus jamais permis, que les gens s'assoient à table puis renégocient, d'une façon permanente, des solutions durables.

Le fait que la loi ait un caractère temporaire, j'aimerais vous entendre, est-ce que vous pensez que ça peut avoir cet effet de recherche simplement d'un pont pour sauter ces deux ans-là pour corriger la situation dans le temps d'une façon limitée et non pas de la corriger de façon permanente?

Le Président (M. Sirros): En conclusion, M. Morin.

M. Morin (Fernand): Merci. On peut penser – je lance un pourcentage comme ça, mais je ne crois pas beaucoup me tromper – que, dans ces trois ans de limbes, on aura à peu près 60 % des conventions collectives qui vont être renouvelées. Par conséquent, on peut fort bien, à ce moment-là, justement à cette occasion-là, durant les trois ans, lire et relire entre les mots et entre les lignes, à 87.2 et 87.3, et trouver ce qu'il faut pour passer à côté, et arriver, au bout de la cinquième année, dans le nirvana total, hein.

M. Dumont: Ha, ha, ha!

M. Morin (Fernand): C'est la possibilité, c'est sûr, et c'est pourquoi je suis un peu d'apparence catégorique, parce que c'est juste ou c'est injuste, hein, la porte est ouverte ou la porte est fermée, on ne peut pas être à demi, il n'y a pas de compromis possible dans le domaine.

Le Président (M. Sirros): Alors, merci beaucoup. Ceci va mettre fin à nos travaux pour aujourd'hui. Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 10)


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