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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, October 5, 1999 - Vol. 36 N° 35

Consultation générale sur le projet de loi n° 67 - Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Stéphane Bédard
Mme Diane Lemieux
M. Rémy Désilets
M. Guy Lelièvre
M. Jean-Claude Gobé
M. Jean-Sébastien Lamoureux
M. Mario Dumont
M. Robert Kieffer
Mme Manon Blanchet
*M. David Rheault, CJPL
*M. Jean-Pierre Dion, idem
*Mme Monique Richard, CEQ
*Mme Paule Poulin, idem
*Mme Dominique Caza, idem
*Mme Nicole de Sève, idem
*Mme Clairandrée Cauchy, CPJ
*M. Sylvain Gendron, idem
*M. Mario Laframboise, UMQ
*M. Jacques Brisebois, idem
*M. Louis-Philippe Hébert, idem
*M. Rock R. Beaudet, Le Pont entre les générations
*M. Éric Bédard, idem
*Mme Liliane Lecompte, idem
*Mme Solange Chalvin, idem
*Mme Joanne Barabé, SFPQ
*M. Daniel Michaud, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Michel Coutu, idem
*M. Pierre Bosset, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures sept minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, attention! À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte pour la commission de l'économie et du travail. Je voudrais vous rappeler que le mandat de la commission est de poursuivre la consultation générale et de tenir les auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Normandeau (Bonaventure) est remplacée par M. Lamoureux (Anjou). Merci, madame.


Auditions

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, ce matin, nous avons quatre groupes qui viennent nous rencontrer. Je demanderais au premier groupe, la Commission-Jeunesse du Parti libéral, de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Alors, vous êtes M. Rheault, je crois.

M. Rheault (David): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rheault, je vais vous rappeler tout simplement que, selon les ententes qui ont eu lieu déjà au début de cette commission, vous avez donc 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, les deux partis, l'opposition officielle et le gouvernement, ont chacun 17 min 30 s, et le parti de l'Action démocratique, le député indépendant a, à son tour, 5 minutes.

Alors, M. Rheault, s'il vous plaît, voulez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne?


Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec (CJPL)

M. Rheault (David): Oui. D'ailleurs, on a eu un changement. C'est Jean-Pierre Dion, qui est conseiller jeune homme à l'exécutif du Parti libéral du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Jean-Pierre?

M. Rheault (David): Dion...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.

M. Rheault (David): ...qui est conseiller jeune homme à l'exécutif du Parti libéral du Québec, qui m'accompagne ce matin en remplacement d'Isabelle Merizzi qui n'a malheureusement pas pu venir ce matin, qui a une obligation à Montréal.

Donc, ça me fait plaisir d'être ici ce matin pour vous parler de notre mémoire sur le projet de loi n° 67. Comme on le sait, à la Commission-Jeunesse, c'est un dossier qui nous tient particulièrement à coeur, les clauses orphelin. En fait, c'est nous, en 1987, lors de notre congrès jeunes, qui avons soulevé pour la première fois... Est-ce que ça vous...

M. Bédard (Chicoutimi): Ça ne m'étonne pas.

M. Rheault (David): Pardon?

M. Bédard (Chicoutimi): Ça ne m'étonne pas.

M. Rheault (David): Ça ne vous étonne pas? ...qui avons soulevé pour la première fois la problématique des clauses orphelin au Québec. Déjà, à l'époque, là, on se mobilisait un peu contre cette discrimination dont sont victimes en majorité les jeunes travailleurs.

(9 h 10)

Donc, le mémoire que vous allez trouver apporte quatre recommandations au projet de loi, quatre recommandations qui, en somme, rejoignent l'essentiel des recommandations des autres groupes jeunes. D'ailleurs, si, nous, on présente ce mémoire-ci ce matin, c'est d'abord et avant tout comme jeunes, pour défendre les intérêts des gens de notre génération. Puis, à ce niveau-là, je crois que les jeunes ont un discours qui est similaire, au-delà de la partisanerie politique, et c'est un peu dans cet esprit-là qu'on est ici ce matin.

D'abord, quand on regarde le projet de loi, la première modification qui, pour nous, serait importante, c'est de s'assurer que le projet de loi couvre non seulement les clauses orphelin permanentes mais également les clauses orphelin temporaires. Parce qu'à la lecture du projet de loi on se rend compte que, par son article 87.3, suite à une réorganisation interne d'une entreprise, un employeur peut recourir à des clauses temporaires, des disparités de traitement temporaires. Donc, nous, on a peur que cette condition-là devienne la norme, ne devienne qu'une simple modalité qui pourrait avoir comme conséquence directe d'aider les entreprises à continuer à recourir à des clauses orphelin. Donc, nous, on pense que ces termes-là devraient être précisés, et également qu'on devrait s'assurer que les clauses temporaires soient également interdites.

M. Dion (Jean-Pierre): Oui, je vais poursuivre. La deuxième recommandation que vous avez, à la suite, évidemment, de la première dans le document, c'est que, par rapport au projet de loi, nous, ce qu'on a proposé l'année dernière dans la commission parlementaire qui avait lieu à peu près à la même date, même commission parlementaire, sur le sujet des clauses orphelin, c'était une loi-cadre qui régirait toutes les disparités de traitement, car une loi sur les normes, entre autres, ne protège pas tout le monde. Par exemple, il y a les jeunes médecins qui ne sont pas protégés, il y a les jeunes travailleurs de la construction. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est une loi-cadre au-delà de seulement une loi particulière sur le travail afin que tous les jeunes travailleurs soient protégés.

Et, finalement, la troisième recommandation, avant que David finisse avec la quatrième, c'est que cette législation soit permanente, que ce ne soit pas comme le projet de loi actuel le propose, qu'il y ait un projet de loi qui va être en application seulement durant deux ou trois ans. Ça envoie un mauvais signal. On sait que, dans les relations de travail, ça fait plus de 10 ans, là, que les clauses orphelin, on essaie de sensibiliser les syndicats et le patronat à ce qu'il n'y en ait plus, puis ça ne fonctionne pas. Donc, là-dessus, il faut vraiment une loi rigoureuse qui ne prenne pas fin dans cinq ans. Je pense que ce n'est pas là un bon message à envoyer, et ça serait un peu, là, une solution vraiment partielle, et on pense qu'avec le temps les disparités de traitement reviendraient. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est vraiment comme toute loi habituellement, une loi qui... dans son adoption ça serait bien écrit que ça serait de façon permanente, et non seulement sur une période de cinq ans.

M. Rheault (David): Au-delà, aussi, de la problématique des clauses orphelin, nous, on pense qu'il serait temps d'avoir une réflexion sur l'ensemble de l'organisation des relations de travail parce que, les clauses orphelin, c'est un peu un symptôme d'une problématique qui est vécue, une problématique où les jeunes sont discriminés, une problématique où on fait porter le fardeau des acquis d'une génération sur une autre génération. C'est un peu comme si on cultivait l'amertume d'une génération qui se sent exclue des décisions et qui, surtout, sent qu'elle en paie le prix. C'est comme si, un peu, on lançait la serviette à la génération en disant: On est prêt à donner moins à nos enfants que, nous, on a reçu. C'est un discours qui, pour nous, semble paternaliste un peu et fataliste également.

C'est sûr qu'en période de restrictions budgétaires, en période de coupures, il y a des sacrifices à faire, mais, nous, on pense que les sacrifices ne devraient pas être portés par une génération. Et, pour nous, on a vraiment l'impression que les jeunes sont écartés des cercles de décision et sont des victimes faciles pour les gens, et que le projet de loi n'envoie pas le message, n'envoie pas l'intention qu'on veut cesser cette discrimination-là.

Je crois que, dans l'avenir, si on regarde la démographie du Québec, on va avoir des choix de société importants à faire tout le monde ensemble. Et puis, si, aujourd'hui, on commence à envoyer des messages d'iniquité intergénérationnelle, je ne crois pas que ça soit très prometteur pour l'avenir. Donc, pour nous, c'est important que ce projet de loi là serve véritablement de message pour démontrer l'intention claire – une intention qu'on ne retrouve pas – du gouvernement d'avoir une véritable politique d'équité intergénérationnelle et puis de respecter les jeunes, comme leurs aînés, dans un projet de loi qui mettrait tout le monde un peu à égalité et puis qui favoriserait l'équité et la solidarité entre les générations.

M. Dion (Jean-Pierre): Si David me permet, peut-être...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): On sait que, au-delà d'une question économique, entre autres une question de relations de travail, mais c'est également un peu une question d'ordre moral. Je ne pense pas aujourd'hui donner des leçons de morale, à personne, ici, je n'ai pas cette prétention-là du tout, sauf que c'est vraiment une question d'ordre moral, surtout qu'on sait qu'économiquement il y a plusieurs études qui se contredisent. Il y a plusieurs, entre autres, experts en relations de travail qui ont dit qu'il n'y avait pas vraiment de preuves concrètes que ça aurait des répercussions sur des pertes d'emplois. Pour nous, c'est un discours qui est très facile à tenir et très simpliste à tenir, car il y a diverses façons, là. Il n'y a pas seulement les clauses orphelin pour l'entreprise en difficulté, entre autres afin de baisser ses coûts de masse salariale. Ce n'est qu'une façon parmi d'autres, les clauses discriminatoires. Et on pense que c'est la mauvaise façon, sincèrement, car ça n'aide pas également une entreprise à être productive quand tu jalouses ton voisin ou que tu te sens discriminé dans ton emploi.

Donc, la Commission-Jeunesse, nous, ça fait depuis maintenant 12 ans qu'on milite en faveur d'une législation à cet égard-là. Les trois grands partis politiques québécois, aux dernières élections, avaient pris des engagements clairs à ce niveau-là. Les trois, quand on relit les programmes, il n'y avait pas vraiment d'ambiguïtés, on ne parlait pas de législation partielle, on parlait de législation assez rigoureuse. Donc, il y a un parti qui est au gouvernement aujourd'hui dans les trois, c'est lui qui a le pouvoir, donc on l'invite vraiment à appliquer ce en quoi les jeunes croyaient l'automne dernier, une législation rigoureuse pour qu'enfin, là, au-delà de la bonne volonté, le gouvernement joue un rôle de leadership et que les disparités de traitement salarial disparaissent du paysage des relations de travail au Québec. Je ne sais pas si David veut conclure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rheault.

M. Rheault (David): Non, on est disponibles pour les questions des...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. Nous allons donc passer à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. M. Rheault, M. Dion, bienvenue à cette commission. Vous allez dans le sens de plusieurs représentations que des organisations de jeunes ont faites. La chose qui me frappe, c'est que vous plaidez pour une législation rigoureuse, si je reprends votre expression. En même temps vous positionnez cette question-là en lien avec toute la question de l'accès des jeunes au marché du travail. Vous dites dans votre mémoire, à la page 14, que vous recommandez qu'au-delà des clauses orphelin «il y ait un véritable assouplissement de la législation et de la réglementation inhérente aux relations de travail afin que le marché du travail soit davantage accessible aux jeunes».

Vous êtes dans un parti qui prône l'allégement réglementaire. Or, plusieurs nous ont fait la démonstration, de certains milieux économiques – je pense au secteur, par exemple, de l'alimentation – qu'il y avait des risques que ce soit une réglementation qui ait des impacts négatifs en termes d'emploi. On peut bien dire qu'on n'est pas d'accord, on peut bien ignorer ça, mais, moi, j'ai entendu ça aussi. Puis il y a des choses documentées, puis, des fois, c'est troublant. Et je me pose la question: Est-ce que ça aura un impact négatif en termes d'emploi?

Alors, comment vous conciliez ces deux pôles quand même assez différents? Une loi rigoureuse mais en même temps une loi supplémentaire qui vienne – et là je reprends les propos qui ont été exprimés ici, devant cette commission – un peu à l'encontre de la liberté de négociation, qui est à l'encontre des lois du marché, etc. Comment vous conciliez ça? Ce n'est pas pour vous coincer que je vous pose la question, c'est parce que je pense que nous avons socialement ce dilemme-là à résoudre avant d'adopter une telle loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): Oui. Par rapport à cette question-là, nous, on pense que l'intervention de l'État, surtout, comme vous dites, c'est une entrave à la liberté de négociation... mais l'État se doit toujours d'intervenir pour protéger ce qu'on appelle les questions d'ordre public. Et puis, pour nous, les clauses orphelin, tout le dossier de la disparité de traitement pour les jeunes, c'est un peu une question de principe. Et puis on pense que, même dans un État où on veut que dans les relations de travail il y ait le plus de liberté possible ou qu'il y ait le plus d'assouplissement possible, le gouvernement doit quand même intervenir afin de pallier les justices et d'assurer certains principes. Et puis, nous, on pense que, le principe d'équité intergénérationnelle, le gouvernement doit intervenir afin de le préserver.

(9 h 20)

Puis, par rapport à la dernière section, comme vous émettez des interrogations parce que vous voyez quelques contradictions, nous, ce qu'on dit, c'est que les clauses orphelin, c'est un peu un symptôme du modèle actuel qui fait en sorte que les jeunes sont un peu exclus des décisions, et puis les différentes contraintes imposées, entre autres par les lois, font en sorte que ce sont les jeunes travailleurs qui paient le prix. Je vais vous donner un exemple, Mme la ministre. Si demain matin le premier ministre, M. Bouchard, passait un nouveau règlement afin de réduire de 30 % l'ensemble des employés des cabinets de ministres – vous, vous n'avez pas de contraintes dans votre cabinet, vous n'avez pas de syndicat, vous êtes libre – lesquels de vos attachés politiques partiraient en premier? Les plus jeunes, les nouveaux venus ou les moins compétents? Posez-vous la question, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je n'y répondrai pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Mais vous dites quand même: Les clauses orphelin, c'est un symptôme. C'est un symptôme de quoi? Bon. Évidemment, vous positionnez ce dossier-là dans le grand dossier de l'équité ou de l'iniquité intergénérationnelle. Puis, en même temps, on doit convenir – il faut être prudent, là – qu'il n'y a pas que des jeunes qui peuvent être pris avec des échelles salariales moins avantageuses parce qu'ils sont entrés à un moment différent. Vous savez, je ne reprendrai pas les statistiques, mais les gens en recherche d'emploi sont en grande, grande, grande partie dans le groupe d'âge de 30 ans et plus, là. On change d'emploi souvent dans notre vie, de nos jours. Alors, il n'y a pas que les jeunes. Donc, vous dites que c'est un symptôme, mais vous demandez quand même qu'on s'attaque davantage au symptôme qu'à autre chose. Est-ce qu'on a raison de s'attaquer au symptôme? Comment on travaillerait sur les causes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): On dit, première chose: Il faut que cette situation-là cesse. C'est inacceptable. Et puis, ça, on n'est pas le seul groupe jeunes au Québec à le dire. Quand l'ensemble des groupes jeunes sont d'accord sur un discours, c'est qu'il y a véritablement un problème là. Mais, au-delà de ça, il faut voir un peu les méthodes de relations de travail parce que, si les jeunes sont discriminés – je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui fasse ça de gaieté de coeur non plus – je crois qu'il y a un prix à payer, puis il y a des gens qui paient le prix qui ne sont même pas là pour être représentés lors des négociations. Donc, nous, on dit que cette situation-là, il y a quelque chose qui ne marche pas, là, puis que c'est vraiment comme exclure une partie des gens et leur faire payer le prix des fardeaux des droits acquis par une autre génération.

Puis, souvent, on nous sert le discours: Oui, mais, nous, on a fait notre bataille dans notre temps, vous ferez vos batailles dans votre temps, quand vous serez arrivés aux positions des décideurs. Donc, nous, on dit que ce discours-là doit cesser et qu'on doit vraiment assurer une place aux jeunes au marché du travail, une place équitable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bien, une dernière question, un oui ou un non: Est-ce que tout traitement différencié est de la discrimination à vos yeux?

M. Rheault (David): Pardon?

Mme Lemieux: Est-ce que tout traitement différencié, différent, est de la discrimination?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): Ça dépend toujours de ce qu'on entend par un traitement différent mais, nous, on pense qu'il y a deux échelles salariales, nous, on pense que des statuts précaires d'occasionnels qui ne sont même pas reconnus, souvent comme des stages qui ne sont même pas reconnus dans les conventions collectives, nous, on pense que lorsqu'on met à pied seulement des occasionnels, ça, c'est vraiment de la discrimination.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...

M. Dion (Jean-Pierre): Puis-je rajouter, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous vouliez ajouter quelque chose, M. Dion?

M. Dion (Jean-Pierre): Oui. Je rajouterais peut-être juste, Mme la ministre, que, si vous me dites qu'il y a une disparité de traitement pour la même tâche exactement, à 98 % du temps, peut-être, oui, c'est de la discrimination.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci. Moi, j'aurais seulement une question, une question de cohérence. J'aimerais savoir comment vous expliquez, d'une part, que vous préconisez un système de santé à deux vitesses et, d'autre part, vous voulez enrayer un système de travail qui est déjà à deux vitesses. Comment vous vous sentez là-dedans?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rheault.

M. Rheault (David): Je ne comprends pas la pertinence de cette question-là, je pense que le dossier de la santé n'a absolument rien à voir avec les clauses orphelin, mais quand même, la question est posée, je vais prendre la peine d'y répondre.

Je ne vois pas de parallèle à faire avec la proposition d'en fin de semaine – sûrement que monsieur a lu les journaux – mais, pour nous, l'objectif qu'on a quand on fait de la politique quand on est jeunes, c'est d'améliorer la société de maintenant, mais de l'avenir également. On veut voir, les décisions qu'on prend aujourd'hui, quels vont être les impacts dans une perspective de long terme parce que c'est nous qui aurons à vivre demain avec les décisions qui seront prises aujourd'hui. Et, pour ça, on dit: C'est important d'adapter nos acquis sociaux, c'est important d'adapter nos façons de faire aux nouvelles réalités. Et puis c'est dans ce sens-là qu'on dit, d'une part, qu'il faut porter des réflexions sur notre système de soins de santé, mais également, d'autre part, les questions d'équité intergénérationnelle dans l'avenir vont être très importantes, donc c'est important dès aujourd'hui d'envoyer un message clair qu'au Québec on respecte l'ensemble des générations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui. Merci, Mme...

Une voix: Mais monsieur avait un complément d'information.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah oui! M. Dion. Je m'excuse.

M. Dion (Jean-Pierre): Oui, si je peux rajouter, si on cherche un lien, là, c'est l'accessibilité à un système de soins de santé de qualité puis l'accessibilité à un emploi de qualité. C'est aussi simple que ça. Si on en cherche un, lien, c'est un lien où les malades peuvent être guéris de façon rapide dans un système de santé, puis c'est un monde du travail où les jeunes peuvent s'épanouir, un monde du travail de qualité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, dans votre mémoire, vous dites que le monopole syndical a une influence sur la présence des clauses orphelin. Jusqu'à date, durant cette commission, les organisations syndicales sont venues nous dire: Écoutez, on est toujours devant une situation très difficile. Les patrons nous disent: Si on n'accepte pas ça, ça veut dire des mises à pied, ça veut dire une réduction du temps de travail, ça veut dire des modifications dans les conditions de travail et des réductions d'embauche. Vous, vous dites: Bon, bien, non, c'est le monopole syndical dans certaines organisations qui est responsable des clauses de disparités de traitement. J'aimerais ça vous entendre. Comment vous faites pour dire ça? Parce que les patrons nous disent, d'un autre côté: Bien, les syndicats acceptent aussi de le faire, puis les syndicats disent: Nous, on est obligés de le faire. Et là, vous, vous campez votre discours en disant: C'est le monopole syndical.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): En fait, on croit que le monopole syndical est non pas le grand responsable mais a une influence sur la présence de clauses orphelin. Je vais vous donner un exemple. Le problème, la façon dont on voit ça, nous, c'est qu'il y a une masse salariale x pour un besoin d'employés y, et puis ces contraintes-là sont naturellement imposées par l'employeur. Lorsque arrive le temps des négociations, le partenaire syndical, lui, afin de protéger les acquis des gens qui sont en place, est tenté de ne pas sacrifier ces gens-là, de ne pas faire subir de coupures à ces gens-là et d'accepter d'adopter des mesures discriminatoires, des mesures moins généreuses pour les nouveaux employés en disant: C'est ça, le prix pour avoir des jobs, les jeunes. Puis, nous, ce discours-là, on n'est pas d'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que... Oui, M. Rheault?

M. Rheault (David): Je crois que, dans un monde où il y aurait moins de contraintes... Le meilleur exemple que j'ai donné, c'est celui, peut-être, des cabinets ministériels. La personne qui négocie, le ministre qui négocie sa masse salariale avec ses employés, il n'a pas de contrainte, là. Alors, nous, on croit que ces choses-là sont moins présentes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé, avez-vous d'autres questions?

M. Lelièvre: Oui, bien, peut-être juste un complément, c'est que la réduction de la masse salariale dans les cabinets de ministre et dans les bureaux de député également, la réduction, elle a été faite et on a dû composer avec ça. On l'a faite il y a trois ans passés, on a réduit considérablement le nombre compte tenu de l'état des finances publiques et du surnombre qu'il y avait antérieurement alors que nous arrivions au pouvoir.

Mais je n'ai pas de réponse concrète: Qu'est-ce que vous proposez à la ministre par rapport au monopole syndical?

M. Rheault (David): Nous, on n'a pas de position là-dessus. Tout ce qu'on fait, c'est lancer le débat, ou dire: Il faut regarder l'ensemble de l'organisation, ne pas juste dire: Ah! Il y a des clauses orphelin là, pour l'instant, on va essayer de cacher ça parce que ça peut ressortir sous une autre forme, ce problème-là.

Donc, nous, on dit que c'est important d'assurer l'équité intergénérationnelle, mais il faut aussi regarder l'ensemble des causes ou l'ensemble des principes qui peuvent avoir un impact pour créer ces situations-là. Puis, nous, on pense que dans l'organisation du travail, ce qui caractérise l'organisation du travail, c'est le monopole syndical au Québec. Puis, nous, on dit: On devrait jeter un coup d'oeil sur les conséquences de ce principe-là.

(9 h 30)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, bon, nous allons maintenant passer au député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez, en commençant, de saluer tous les députés et les collaborateurs qui sont à cette commission ce matin, vu qu'on vient de commencer. Bonjour, M. le président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral; M. Dion, bonjour.

Vous avez rappelé à juste titre que votre organisme fait depuis de nombreuses années de l'abolition des clauses discriminatoires un de ses combats, et c'est là certainement une preuve de cohérence en ce qui vous concerne. Je vois d'ailleurs à cette table un de vos prédécesseurs, qui n'est plus forcément dans la même formation politique maintenant, mais qui, lui aussi, à une époque, a certainement contribué à lancer ce débat.

Lorsqu'on lit votre mémoire, il y a un point qui revient constamment, et on le retrouve avec tous les mémoires jeunes, aussi bien avec les jeunes du Parti québécois aussi, c'est celui qui sous-entend, qui nous dit: Écoutez, est-ce que notre génération doit assumer les acquis de la génération précédente alors qu'elle n'a peut-être plus les moyens de se les payer? Et c'est à peu près ça qui ressort. C'est le principe de base, c'est de ça que nous discutons. Est-ce que c'est vrai?

La question que nous devons nous poser aujourd'hui, c'est: Est-ce qu'on doit tolérer, est-ce qu'on doit accepter que, lorsqu'une entreprise fonctionne mal ou qu'elle connaît un ralentissement économique, lorsqu'elle connaît des difficultés de compétition, de compétitivité, est-ce que l'on doit, à ce moment-là, faire porter cet état de choses sur les jeunes? Notre réponse à nous, c'est non, au Parti libéral, c'est évident. Nous sommes en accord avec votre mémoire et avec celui des autres.

Une fois qu'on a dit ça, maintenant, qu'est-ce que l'on fait? Alors, il y a le projet de loi de la ministre, qui a été apporté suite à des engagements qui avaient été pris à la dernière campagne électorale. On se rappellera que, pour gagner le vote des jeunes, ce gouvernement, suite aux pressions du Parti libéral et des gens de l'Action démocratique, s'était engagé à régler le problème, s'était engagé – et on a cité M. Bouchard à maintes reprises, à différents endroits – à régler cette injustice. Est-ce que, selon vous, aujourd'hui – je vous pose une question que j'ai posée aux jeunes du Parti québécois, que j'ai posée aux jeunes médecins, que j'ai posée à la Jeune Chambre de commerce – ce projet de loi règle cette situation et est-ce qu'il fait en sorte de répondre aux engagements et aux attentes qui avaient été suscitées lors de la dernière campagne électorale par le gouvernement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): Écoutez, M. Gobé, lorsqu'on me dit, de la part des députés ministériels, que notre mémoire reprend l'ensemble des revendications des mémoires des autres groupes jeunes, lorsqu'on voit que les groupes jeunes ont une certaine unanimité, au niveau du mécontentement, face à ce projet de loi là, il est facile pour nous de conclure, comme jeune d'abord – avant de dire qu'on est libéraux – que ce projet de loi là ne livre pas la marchandise.

On me parlait de cohérence tout à l'heure. Lorsque, en campagne électorale, on fait le tour du Québec et on promet à une génération un projet de loi pour enrayer une situation discriminatoire, moralement, on se doit de respecter cet engagement-là. Lorsque les groupes jeunes sont unanimes pour décrier cette situation-là, c'est qu'on ne l'a manifestement pas respecté. Nous, ce qu'on dit, c'est que, pour s'assurer que les gens respectent les politiciens davantage – parce qu'on voit, dans les différents sondages, que la classe politique, ce n'est pas la classe qui a le plus grand respect des gens – le respect de la parole donnée en campagne électorale, c'est fondamental, c'est la base, puis le courage, en politique, c'est de promettre ce qu'on peut faire, mais c'est surtout de ne pas promettre ce qu'on ne réalisera pas. Alors, nous, face à cette situation-là, là, on est clairs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dion, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Dion (Jean-Pierre): Si je peux rajouter, c'est qu'on sait que le gouvernement fait face à divers groupes de pression, et c'est ça, gouverner, c'est ça, choisir. Mais la seule affaire, c'est que, ceux qui travaillent sur le dossier depuis quelques années... Je veux dire, sincèrement, moi, je milite en politique à la Commission-Jeunesse depuis cinq, six ans au moins, c'est un dossier toujours d'actualité pour les jeunes qui font de l'activité, du militantisme politique... On pouvait s'attendre, connaissant le gouvernement – je ne veux pas faire de partisanerie ultime ici, de partisanerie vraiment forte, là, je pense que ce n'est pas ça, le but; le but, c'est d'avoir un bon projet de loi – on pouvait s'attendre, entre autres, à une certaine distinction. On avait peur que le gouvernement essaie, comme il le fait, de juste abolir les clauses permanentes, pas les clauses temporaires.

Quand on voit un projet de loi qui vient en application après seulement tant d'années, qui dure seulement tant d'années, qui voit sa propre disparition, après, être prévue, ce qui est assez unique là – je veux dire, j'ai seulement 22 ans, sauf que je n'ai pas vu ça souvent dans ma vie, des projets de loi qui étaient limités dans le temps, de cette envergure-là, sur une loi du travail, entre autres – ça, ça a été vraiment décevant et ça a été vraiment, pour nous, une grosse déception parce qu'on n'avait vraiment pas vu ça venir.

Donc, dans ce sens-là, en plus de la différence entre les clauses temporaires et celles qui dureront toujours, les permanentes, c'est surtout la façon dont le projet de loi a été proposé, a été amené, là. Une limitation dans le temps et son abolition qui est prévue, même, qui fait... Je pense que c'est un projet de loi qui, si adopté tel quel, ne servira pas à grand-chose, honnêtement, et on est un peu naïf si on croit que ça va changer les choses réellement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je crois que mon collègue d'Anjou a une question à poser. Je reviendrai après, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, d'accord. Alors, M. le député d'Anjou.

M. Lamoureux: Oui, merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, là, vous faites mention, je pense que la ministre tout à l'heure vous a également posé la question, à savoir est-ce que toute distinction constitue une discrimination – que le projet de loi évidemment permet des clauses orphelin dites «temporaires» par rapport aux clauses dites «permanentes». Est-ce que vous pourriez peut-être ajouter un peu là-dessus, là, pour expliquer les motivations qui visent à éliminer toute forme de... Parce que je sais que vous avez mentionné tout à l'heure la cohérence, mais juste pour bien expliquer votre point de vue là-dessus, puisqu'on veut des assouplissements, mais imposer un cadre, disons, plus strict à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): Oui. M. le député d'Anjou, vous savez, depuis quelques années, on fait vraiment une distinction entre les deux. Au début, ce n'était pas vraiment ça, en 1987, enfin, je ne crois pas, lorsqu'on en parlait, mais, au fil des années, on a vraiment commencé à voir la différence. C'est surtout les autorités gouvernementales qui l'ont vue, la différence, quand il y a eu des études, puis ça prend des moyens pour faire des études comme celles-là. Sauf qu'on se rend compte que les clauses temporaires sont encore celles qui touchent le plus de travailleurs, même si, si on veut, on parle toujours de la question de principe, ça paraît plus acceptable. Sauf que, si on est vraiment pour le principe d'abolir les clauses orphelin, si on accepte que c'est des clauses discriminatoires, je pense qu'il faut être cohérent puis il faut abolir toute forme de clause orphelin.

Je parlais tout à l'heure de loi rigoureuse. Si on veut vraiment une loi qui va changer les façons de faire, qui va obliger les syndicats et le patronat quand ils vont s'asseoir à trouver des solutions, imaginer d'autres solutions que la facile qui est de: on va protéger nos acquis, puis les prochains travailleurs, bien, eux, paieront la note de notre réduction de la masse salariale. Bien, moi, je pense que c'est un effort de cohérence. Si les clauses temporaires sont inacceptables, les clauses permanentes le sont autant, si on se base sur les mêmes raisons tout simplement.

M. Rheault (David): Et de toute façon...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Rheault.

M. Rheault (David): ...j'ajouterais, M. Lamoureux, qu'une convention collective, de par sa nature, c'est temporaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Anjou, vous avez d'autres questions?

M. Lamoureux: Non, parfait. Non, c'est tout. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Je vous mentionnerai que le député d'Anjou d'ailleurs est le plus jeune député de l'Assemblée nationale et, à ce titre-là, je crois que son intérêt est tout à fait légitime pour ces genres de question même si lui ne souffre pas de clause orphelin ou discriminatoire en cette Chambre.

M. Dion (Jean-Pierre): Moins bon stationnement. Il a peut-être un moins bon stationnement que les autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Peut-être faudra-t-il vérifier, s'informer.

J'écoutais la ministre qui vous parlait, qui disait tout à l'heure: Vous êtes conscient que c'est une loi qui vient à l'encontre de la liberté du marché, de la liberté de négociation. C'est drôle comme quoi le discours peut avoir changé depuis la campagne électorale où, là, on est rendu qu'on essaie de sensibiliser les jeunes à l'effet que, ce qu'on leur avait promis, eh bien, ce n'est quasiment pas réalisable parce que ça va à l'encontre du marché et de la liberté de négociation. Est-ce que, vous, vous ne croyez pas que la liberté de négociation devrait faire en sorte, au contraire, que, lorsqu'une entreprise connaît des difficultés ou un ralentissement économique, eh bien, que l'on fasse en sorte de négocier la répartition de la baisse de revenus, donc de prospérité, sur l'ensemble des travailleurs qui sont dans cette entreprise-là? Est-ce que vous seriez en faveur de ce principe-là? Vous ne trouvez pas que c'est peut-être ça, la vraie liberté de négociation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): Oui. Bien, oui, sauf que, là encore, comme je l'ai dit tout à l'heure, je n'ai jamais été chef d'entreprise, je n'ai jamais été chef de syndicat d'abord, sauf que, nous, ce qu'on dit, c'est que les gens syndicaux qui s'assoient avec des dirigeants patronaux... Je pense qu'il y a un amalgame de solutions possibles pour baisser les coûts d'exploitation et particulièrement ceux reliés à la masse salariale.

(9 h 40)

Donc, c'est évident que, si vous me donnez le choix entre seulement pénaliser les nouveaux futurs travailleurs, les plus jeunes travailleurs ou, je ne dirais pas pénaliser, là, mais en tout cas sauver de l'argent sur la masse salariale de l'ensemble des travailleurs, je vais préférer ça. Sauf que, nous, ici, aujourd'hui, je ne sais pas si... Si vous me donnez le choix précis entre ces deux-là, je vais choisir cette option-là, car ça me paraît être plus juste, ça me paraît être plus défendable, sauf qu'il y a plein de façons de réduire nos coûts. Chaque entreprise, qu'elle soit publique, parapublique ou privée, a ses caractéristiques propres à elle, donc, différentes applications peuvent s'appliquer. Mais c'est évident que, pour nous, la situation actuelle, la loi qui permet le recours à des clauses discriminatoires pour les futurs travailleurs, c'est elle qui est le moins acceptable. Pour les autres, je fais confiance aux dirigeants patronaux, aux dirigeants syndicaux pour trouver de meilleures solutions, des solutions plus imaginatives, plus équitables pour baisser leurs coûts de masse salariale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): M. Gobé parlait du changement de discours un peu du parti au pouvoir. Moi, je pense qu'il est important de ne pas tomber dans le discours de certaines associations patronales qui disent – et d'ailleurs je trouve ça drôle de constater que c'est rendu le discours du parti au pouvoir: S'il n'y a pas de clauses orphelin, il n'y a plus de création d'emplois; les jeunes, c'est une façon de préserver vos emplois que de vous discriminer, que de vous payer moins cher. Ce discours-là, je le trouve tout à fait inacceptable. Je trouve que c'est un aveu de faiblesse. C'est comme si on disait: On a lâché la serviette, on ne vous défend plus, puis ramassez les miettes, là, puis on verra après.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci. Dans le projet de loi actuel, on ne retrouve pas la couverture ou la protection des avantages sociaux. Le projet de loi ne traite pas de cela. Est-ce que vous pensez, vous, qu'un projet de loi qui devait veiller à régler ce problème de discrimination devrait inclure les avantages sociaux, les fonds de pension? Je m'explique. En d'autres termes, on ne pourrait pas donner des avantages moins importants ou moins forts aux nouveaux employés que ceux que les autres employés ont déjà. C'est une partie importante du revenu, ça. Qu'en pensez-vous? Ça devrait être dedans? Vous n'en parlez pas – en tout cas, je ne l'ai pas vu si vous en parlez – dans votre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): En fait, on y fait allusion, M. Gobé, à la page 8, lorsqu'on dit que l'article limite l'application du projet de loi à une certaine section de la loi qui ne tient pas compte de certaines conditions de travail, tels les régimes de retraite. Donc, pour nous, c'est important que ces réalités-là soient effectivement considérées en disparité de traitement, que ces avantages-là soient considérés, parce que ce n'est pas des conditions salariales, mais c'est vraiment des conditions de travail qui ont un impact, là, sur la qualité de vie des gens.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Dans votre présentation, rapidement, vous avez mentionné que ce n'était pas seulement les clauses orphelin comme telles, mais qu'il y avait à revoir certainement l'ensemble des lois du travail. Vous avez mentionné ça rapidement. Je sais que ce n'est peut-être pas le forum, mais c'est certainement quelque chose d'actualité parce que, en effet, les lois du travail actuelles font peut-être en sorte qu'il y ait ces clauses orphelin et peut-être des fois on est aussi bien de s'attaquer à la cause du problème pour éviter d'avoir à le guérir ou à le régler. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): Le meilleur exemple qu'on peut vous donner par rapport à ça, c'est peut-être le monde municipal, le monde municipal où les clauses orphelin sont hautement présentes, le monde municipal qui est particulièrement caractérisé par tout le verrouillage et la rigidité en matière de conventions collectives. Pour nous, on se dit que ces situations-là devraient être révisées à la lumière des nouvelles réalités économiques. Le meilleur exemple, bon, quand on pense au monde municipal, entre autres, l'article 45, qui empêche la sous-traitance, donc qui fait en sorte qu'il n'y a pas de porte de sortie, là. La convention collective, même si on a un sous-traitant, va toujours continuer à s'appliquer. Donc, pour nous, toutes ces situations-là devraient être revues.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, M. le président de la Commission-Jeunesse, vous nous parlez de l'article 45 sur la sous-traitance. Vous n'avez pas abordé le problème des jeunes dans la construction, l'accès des jeunes à la construction. J'ai cru comprendre qu'il y avait là certainement, à cause de la réglementation, des accès qui n'étaient pas faciles pour une catégorie de jeunes travailleurs. Est-ce que vous avez là-dessus des remarques ou des opinions particulières à nous faire valoir?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en deux minutes, M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): Je vais être moins long que ça, même.

Oui, c'est parce qu'on sait que le gouvernement libéral, en 1993-1994, a amené une loi, la loi 142, si je ne me trompe pas, qui a été beaucoup critiquée par l'establishment syndical, mais qui avait aussi comme but de rendre moins rigide le système d'accès, entre autres le système de cartes, puis que c'est très difficile pour un jeune aujourd'hui, même si l'industrie va mieux dans ces années-ci que les années auparavant, d'avoir un emploi, surtout d'avoir de la stabilité dans un emploi dans le domaine de la construction. Donc, il est évident qu'il faut de ce côté-là rendre moins rigide toute l'application, l'obtention de cartes, etc., de compétence, car les jeunes sont pénalisés. Et l'establishment syndical contrôle beaucoup dans ce dossier-là. Puis aussi, en terminant, l'accès des jeunes dans la fonction publique, quand on parle de travail, d'emploi pour les jeunes, qui est une notion très importante, seulement 1,36 % des employés permanents de la fonction publique sont des jeunes âgés de moins de 30 ans.

Donc, ça, pour une société qui n'a pas le transfert de connaissances, d'habiletés, etc., ça nous apparaît assez inacceptable. En 30 ans, on est passé d'un extrême complet à l'autre. Donc, on pense que, de ce côté-là, le gouvernement, surtout dans le cadre des négociations actuelles dans le secteur public, devrait faire un gros bout de chemin avec tous les syndicats pour trouver une façon que les jeunes, qui sont très compétents d'ailleurs, qui sortent par dizaines, par centaines des facultés universitaires, puissent avoir accès à la fonction publique, car c'est notre avenir de la gestion des affaires publiques qui en dépend, au-delà de l'avenir des jeunes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, dans une minute, une conclusion, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Vu qu'on a pu entendre ici les jeunes du Parti québécois dire que le projet de loi ne les satisfaisait pas, les jeunes de l'ADQ, les jeunes libéraux, la Jeune Chambre de commerce, différents groupes jeunes, si ce projet de loi ne change pas, allez-vous faire un front commun de tous ces jeunes-là, au-dessus des partis, des organisations et des establishments, pour faire valoir votre point?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): Il est évident pour nous, M. Gobé, que les clauses orphelin, c'est d'abord un enjeu générationnel plutôt que partisan. Et puis, pour nous, quand il y a unanimité des groupes jeunes, quand, nous, on est d'accord avec les jeunes péquistes pour dénoncer une situation, un projet de loi, c'est qu'il y a manifestement là un problème pour les jeunes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Rheault. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue à la Commission-Jeunesse du Parti libéral. Je reprends où vous venez de laisser. La ministre a tenu des propos tout à l'heure... Souvent, une des façons de ne pas régler un problème ou de se défiler de régler un problème, c'est d'essayer de le noyer. C'est un peu ce que la ministre fait depuis le début, elle nous dit: Les clauses orphelin, c'est juste la pointe de l'iceberg; il y a d'autres problèmes. Ça, c'est comme de dire: Oui, mon toit coule, mais ce n'est pas mon seul problème, j'ai ma fondation, j'ai les murs. Oui, mais si tu ne répares pas ton toit, il va... Alors, la ministre noie le problème, elle nous dit: Ce n'est pas un problème générationnel. Il y a des gens de tous les âges qui sont en recherche d'emploi. Je sais qu'avec Emploi-Québec les décisions qui se sont prises sont assez surprenantes en termes d'abandon ou de laisser-aller pour les gens de plus de 30 ans. Mais il n'en demeure pas moins que, de nier que le problème des clauses orphelin est un problème générationnel, c'est nier l'évidence, c'est nier 35 ou 40 groupes qui sont passés dans une première commission parlementaire l'été passé, c'est nier l'unanimité des groupes jeunes, des partis politiques, et c'est une autre façon de noyer un problème, c'est de nier l'évidence, d'essayer de confondre les gens puis de mêler les affaires.

Il n'y a jamais personne qui a dit qu'il y avait juste des jeunes. Il n'y a pas personne qui a dit ça que c'était juste des jeunes. Il y a une évidence que l'entrée sur le marché du travail est un phénomène qui est par sa nature même générationnel. Et l'iniquité dans l'entrée sur le marché du travail crée donc un fossé générationnel.

Je voulais profiter de votre passage pour rappeler la ministre à l'ordre sur ses efforts constants, alors qu'elle est supposée... elle a été mandatée par un engagement électoral pour venir régler le problème des clauses orphelin, ses efforts constants pour confondre le dossier, et après deux, trois semaines de travaux, on ne connaît toujours pas sa position, on ne sait toujours pas si elle est pour ou contre les clauses orphelin. D'ailleurs, je profite de votre passage pour réitérer la question, question qui a été souvent un enjeu. Je sais que ça préoccupe la ministre aussi. Plusieurs groupes jeunes nous ont dit: C'est supposé être le mandat de la jeunesse, il s'en vient un sommet. Est-ce que, vous, vous établissez un lien entre le Sommet de la jeunesse et la capacité de ce gouvernement-là de respecter sa parole dans le dossier des clauses orphelin?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

(9 h 50)

M. Rheault (David): M. Dumont, je pense que vous soulevez le point, puis c'est juste de le soulever parce que, lorsqu'on promet en campagne électorale, sans nuances, c'était clair, un projet de loi contre les clauses orphelin puis: Faites-nous confiance! La population du Québec vous a malheureusement fait confiance – moins qu'elle a fait confiance au Parti libéral du Québec, mais le système électoral fait en sorte que – mais ce que ça a donné comme résultat au niveau des jeunes, c'est beaucoup de déception. Et, lorsqu'on nous promet un Sommet – et on a mis ça gros également, le Sommet, pendant la campagne électorale – je pense que l'intention du gouvernement, la considération que le gouvernement a pour les jeunes, qui se manifeste dans le dossier des clauses orphelin risque également de se manifester dans la question du Sommet, et puis c'est de très, très mauvais augure pour la jeunesse québécoise.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): Si je peux juste rajouter – c'est qu'on se parle, les groupes jeunes, quand même – que ça enverrait le signal, un mauvais signal, premièrement. Deuxièmement, c'est que, si ce n'est pas réglé, si on reste avec un projet de loi qui est tel que proposé, c'est qu'on va passer le Sommet probablement à se chicaner là-dessus encore quand il y a plein d'autres enjeux qui concernent les jeunes. Donc, au-delà d'un bonbon, c'est une solution qui, en ce moment, cherche à satisfaire tout le monde, qui ne satisfait personne, qui ne réglera pas le problème. Donc, politiquement, ce n'est pas bon, puis au niveau pratique, ce n'est pas bon. Donc, en vue du Sommet, bien, il me semble que le gouvernement, ce serait une bonne chose qu'il puisse faire une bonne loi qui réglerait le problème.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, il vous reste une minute.

M. Dumont: Oui. Merci. Bien, on va prendre cette minute-là. Juste... pour le bénéfice de tout le monde, parce qu'on a tout à l'heure, dans deux groupes, là, l'Union des municipalités du Québec qui vient nous visiter. Alors, pour régler la confusion, qui avait quand même régné, une confusion importante l'année passée, quand le chef du Parti libéral avait visité l'Union des municipalités pendant que la commission siégeait. Parce que, je me souviens, le député de Kamouraska-Témiscouata avait émis un communiqué pour dire que le Parti libéral était scandalisé des clauses orphelin, et le chef du Parti libéral s'était engagé devant l'UMQ à ne pas légiférer. Alors, est-ce que vous m'autorisez, moi, à avertir l'UMQ tout à l'heure que votre position est maintenant claire et ferme et que ce que votre chef lui a dit l'année passée, elle peut oublier ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rheault.

M. Rheault (David): ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): J'étais en commission parlementaire l'année passée, M. le député de Rivière-du-Loup. Je vous autorise à dire que le Parti libéral est contre les clauses orphelin. Je ne vous autorise pas à parler au nom du Parti libéral quand même. Je pense que le député LaFontaine et le député d'Anjou vont être capables de le faire. Sauf que c'est évident que, pour nous, tant au niveau de l'Union des municipalités, il y a un travail de pédagogie à faire, peut-être. Il ne faut pas oublier non plus que le gouvernement les a incités l'année passée à... Vous vous êtes levés pour dire qu'il y en avait dans les projets de loi. Le député de Kamouraska-Témiscouata s'est levé pour dire qu'il y en avait. Puis le gouvernement et le ministre du Travail de l'époque, le député de Matane, si je me souviens bien, se sont tus.

M. Dumont: Il ne le savait pas.

M. Dion (Jean-Pierre): Il ne le savait pas. Donc, c'est ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est le temps dont disposait le député de Rivière-du-Loup. Il reste cinq minutes au parti ministériel. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bien, peut-être une réaction un peu au début de cette séance, en ce mardi. Il me semble que mes collègues de LaFontaine et de Rivière-du-Loup font preuve d'une... enfin. On a un rôle de parlementaire ici à jouer. Moi, je ne suis pas ici depuis des années, mais il me semble que ça a un sens, ça, agir comme un parlementaire. Puis il me semble que ça a un sens quand les gens prennent la peine d'écrire un mémoire, d'essayer de confronter un peu les idées qui sont admises avec d'autres propos que nous avons entendus. Les gens qui sont venus nous voir aussi, par exemple – vous étiez là comme moi – du secteur manufacturier, du secteur alimentaire, ce n'est pas des fous, ces gens-là. Ils sont venus nous exposer des éléments concrets, qui sont troublants. Puis, moi, je respecte assez les jeunes, et je ne serai pas complaisante avec personne, pour confronter ces idées-là avec eux. Alors, quand on commence à interpréter tout ce que je peux dire, parce que je ne fais que reformuler ce que j'entends, bien, moi, je trouve que je fais ma job de parlementaire et je m'attendrais que vous la fassiez aussi avec moi.

Par ailleurs, vous avez fait, M. Rheault et M. Dion, plusieurs interventions tout à l'heure sur le sens de l'engagement, etc. Peut-on convenir que, si c'était un dossier si facile que ça, vous l'auriez peut-être fait, vous, lorsque le Parti libéral était au pouvoir? Moi, j'ai repéré des propositions qui datent de 1987, relativement claires: le Congrès des jeunes demande au gouvernement du Québec de légiférer pour empêcher désormais l'apparition de nouveaux cas de clauses orphelin. 1987, il y a quelques années, le Parti libéral a été au pouvoir, puis, à ce que je sache, ça n'a pas bougé d'un iota. Et, par ailleurs, votre chef, il y a eu des moments où il a été un peu mélangé. On peut être mélangé dans la vie. Au mois d'août, au cours de l'été 1998, il a dit que ce n'était peut-être pas la meilleure manière d'intervenir. Alors, tu sais, avant de faire des leçons aux autres, peut-être regarder dans son jardin. Et je vous rappellerai que nous avons déposé un projet de loi, il y en a un sur la table. Il n'est peut-être pas parfait, il n'est peut-être pas à votre goût, mais au moins on a un point de départ. Alors, ça, j'aimerais qu'on le reconnaisse.

Et je voudrais terminer, je voudrais vous entendre là-dessus parce que, pour moi, c'est très important. Il y a des principes qu'on débat, mais il y a aussi des considérations pratiques. C'est une chose de discuter des principes, c'est une autre chose d'essayer d'inscrire ça dans une loi. Alors, je vais vous repousser sur cette question-là, parce que dans le fond vous êtes mal à l'aise avec les exceptions qui sont prévues à la loi. Je vous redonne un exemple concret, et c'est un exemple à Longueuil. Je ne nommerai pas le centre, c'est un magasin d'alimentation dont il est question, mais c'est un vrai cas: un supermarché, appelons-le A, qui existe depuis 20 ans, qui a une échelle salariale qui part de 8,50 $ de l'heure jusqu'à 14,10 $. Et puis, 20 ans plus tard, en novembre 1997, il y a un centre d'achats B qui ouvre, son échelle salariale part de 7,95 $ et elle se rend à 12,70 $ de l'heure. Qu'est-ce qu'on dit au supermarché A qui a à faire face à la concurrence du supermarché B? De fermer? De ne pas bouger son échelle salariale? C'est ça, le problème concret, c'est à ça qu'on est confronté. Je veux vous entendre là-dessus. Il faut que nous fassions tous l'effort de résoudre ces situations concrètes là.

M. Rheault (David): Par rapport...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon, alors, M. Rheault, en une minute et demie.

M. Rheault (David): Oui. Juste vite par rapport à... Madame a dit: «Le précédent gouvernement.» Juste mettre une chose au clair, Mme la ministre: Le Parti libéral du Québec n'a jamais été le promoteur, comme le parti au gouvernement actuel, des clauses orphelin, on n'a jamais généralisé cette situation-là dans les conventions collectives du secteur public comme il a été fait par l'actuel gouvernement. Et, en passant, suite au travail de la Commission-Jeunesse, le nombre de jeunes touchés est passé, de 1990 à 1994, de 25 000 à 9 000. Donc, le Parti libéral n'a pas mis le feu à ce dossier-là, comme le Parti québécois l'a fait quand est venu le temps de couper les masses salariales. Et arriver avec un verre d'eau après puis dire: On va éteindre le feu, nous, on trouve ça, au niveau de l'engagement, pas respectable.

Mme Lemieux: Vous répondez quoi, monsieur...

M. Rheault (David): Jean-Pierre.

Mme Lemieux: ...qu'est-ce qu'on dit au supermarché A?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dion.

M. Dion (Jean-Pierre): Ce qu'on dit au supermarché A, si je ne me trompe pas, au supermarché B, c'est que le supermarché B ne pourrait pas faire ça parce qu'il y a une loi qui va l'empêcher, lui, de faire des clauses orphelin.

Mme Lemieux: Non, il pourrait faire ça.

M. Dion (Jean-Pierre): Bien, si vous adoptez une loi rigoureuse...

Mme Lemieux: Non, non.

M. Dion (Jean-Pierre): D'abord, à ce que je sache, la loi à Longueuil est la même pour tout le monde...

M. Rheault (David): À moins qu'il y ait une exception dans la loi.

Mme Lemieux: Non, je veux qu'on se comprenne, là.

Mme Carrier-Perreault: Mme la ministre, 30 secondes.

Mme Lemieux: Le supermarché B, d'abord, il a le droit de s'installer où il veut. Le supermarché B établit les salaires comme il veut. Moi, je ne peux pas décréter ça, on a des règles de base, on a un salaire minimum, il décide, le supermarché B, de partir son échelle salariale à 7,95 $, ce qui est 0,65 $ de l'heure de moins que le supermarché A. Moi, je ne peux pas l'empêcher de faire ça. Mais le supermarché A, est-ce que vous vous rendez compte à quel point il est dans le trouble quand son voisin, à un demi-kilomètre, a une échelle salariale de presque 2 $ de moins? Répondez à ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...

M. Rheault (David): C'est les lois du marché, je veux dire, le supermarché B...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On termine là-dessus, M. Rheault.

M. Rheault (David): ...adaptera sa masse salariale en fonction de la compétition, mais cette adaptation-là ne doit pas se faire sur le dos uniquement des nouveaux travailleurs. C'est un principe, ça, c'est un principe que vous défendiez en campagne électorale, en passant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà, je regrette, c'est tout le temps qui nous était alloué. Je suspends donc quelques instants pour laisser le temps au prochain groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

(Reprise à 10 heures)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous reprenons donc les travaux.

Nous accueillons la Centrale de l'enseignement du Québec. Vous êtes Mme Richard? Alors, Mme Richard, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Comme vous savez, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Richard (Monique): Merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi, Mme la députée, MM. les députés. Je veux d'abord remercier la commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale de nous recevoir aujourd'hui. Et avant d'aborder le vif du sujet, permettez-moi, comme vous le souhaitez, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Dominique Caza, jeune enseignante et membre du comité des jeunes de la CEQ, qui est à mon extrême droite; Mme Paule Poulin, avocate à la CEQ, à ma gauche; ainsi que Mme Nicole de Sève, conseillère aux politiques sociales et aux droits sociaux à la CEQ.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, madame.

Mme Richard (Monique): Nous sommes conviés aujourd'hui à présenter nos commentaires sur une modification à la Loi des normes du travail en matière de disparités de traitement proposée par la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Les objectifs poursuivis par notre mémoire sont d'éviter la discrimination envers les nouveaux salariés dans une entreprise, qu'elle soit syndiquée ou non syndiquée.

La CEQ s'est toujours opposée aux clauses discriminatoires. Ainsi ne serez-vous pas surpris si, encore une fois, nous réitérons notre demande à l'effet que le Québec se dote dans les plus brefs délais de mesures législatives visant à protéger les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs, et ce, dans un souci d'équité et de justice. Nous aimerions souligner notre appréciation au fait que le ministère a retenu la proposition d'un amendement à la Loi sur les normes du travail. Ainsi que nous l'avions affirmé en août 1998, le choix de la Loi sur les normes du travail s'imposait en ce que cette loi d'ordre public détermine les conditions minimales de travail auxquelles les travailleuses et les travailleurs, syndiqués ou non syndiqués, ont droit.

Toutefois, nous aimerions apporter quelques commentaires quant au titre de ce projet de loi. Les disparités de traitement dont il est question dans ce projet de loi sont en réalité des dispositions discriminatoires appliquées de plus en plus fréquemment dans le milieu du travail. Comme d'autres dans la société québécoise, nous constatons que le recours à ces clauses discriminatoires est toujours justifié par les employeurs au nom de la compétitivité de leur entreprise ou de leur besoin de réduction des coûts de main-d'oeuvre. Cette stratégie n'est pas anodine, elle s'inscrit dans un contexte de course effrénée vers la déréglementation du travail et la réduction du rôle de l'État dans l'économie afin de favoriser la libéralisation des échanges et la mondialisation des marchés. Ainsi, nous demandons à la ministre d'État au Travail et à l'Emploi de résister à tous ces appels à ne pas légiférer sur la question des clauses discriminatoires.

Faut-il rappeler devant cette commission qu'on ne peut régler les problèmes économiques d'une société en bafouant les droits à l'égalité de traitement d'un groupe particulier? Faut-il encore une fois dire et redire que les droits fondamentaux ne doivent en aucun cas être soumis aux diktats économiques ni souffrir de limites temporelles à leur reconnaissance? Nous le croyons car, même si nous saluons l'initiative de ce projet de loi d'éliminer les disparités de traitement en fonction de la date d'embauche, force est de constater que cette initiative risque d'être inefficace si elle est appliquée telle que proposée. En conséquence, la Centrale de l'enseignement du Québec demande à la ministre de retirer sa clause crépusculaire et d'inscrire clairement dans la loi une mesure permanente.

L'autre élément que j'aimerais soulever rapidement, et qui vous sera explicité plus à fond par Mme Poulin qui m'accompagne, est la nécessité d'introduire un mécanisme de recours qui prévoie une présomption en faveur de la salariée ou du salarié. Agir ainsi ne serait pas un précédent au Québec. Déjà la Loi sur l'équité salariale prévoit qu'un employeur dont l'entreprise compte moins de 50 employés doit démontrer que les salaires qu'il détermine sont conformes à la Loi sur l'équité salariale; dans le cas qui nous préoccupe, nous n'attendons pas moins.

Pour la suite de la présentation du mémoire de notre Centrale, j'aimerais céder la parole à Mme Poulin qui vous expliquera plus en détail le sens de nos recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Poulin.

Mme Poulin (Paule): Merci. Mme la Présidente, membres de la commission, bonjour. La présente partie va porter surtout sur les aspects qui – dans notre mémoire, nous l'avons soulevé – devraient être ou revus ou améliorés. Je vous ferai grâce des aspects sur lesquels nous partageons l'objectif, mais pour ce qui est de ceux que nous voulons voir améliorer, nous les commenterons.

D'abord, il y avait trois aspects qui étaient soulevés dans le mémoire: il y avait la durée, il y avait la période transitoire et il y avait aussi les recours. Concernant la durée de vie du projet de loi, on sait que le législateur, par le procédé qu'il a employé, c'est-à-dire l'emploi d'une clause crépusculaire qui fait que, à l'avance, nous déterminons quand un projet de loi ne prendra plus effet, procédé qui a été critiqué par plusieurs intervenants lors des commissions parlementaires ici... Et on sait, en plus, que ce procédé-là en matière de lois du travail est, en tout cas à notre connaissance, pour le moins inusité. On peut comprendre que le législateur veuille éventuellement vérifier ou évaluer l'impact de sa législation mais, pour nous, c'est un procédé qui est inadmissible. Inadmissible pourquoi? Parce que l'objectif, au départ, est d'éliminer les disparités de traitement qui sont fondées sur la date d'embauche. C'est donc un objectif qui s'inscrit dans le sens de la Charte des droits et libertés sur le droit à un traitement équitable.

En ce sens, le projet de loi n° 67 doit envoyer un message clair, non équivoque, sur l'intention d'interdire définitivement, de façon permanente, des conditions de travail inéquitables fondées sur la date d'embauche. Sinon, le message qui risque d'être lancé sera à l'effet que la situation va se corriger d'elle-même après 2004, et il n'y a aucune raison qui nous porte à croire qu'il en sera ainsi. Alors, cette intervention législative là, si on veut qu'elle réponde au but poursuivi et si on veut qu'elle soit efficace, devra donc prévoir une durée permanente.

En ce qui a trait à la période transitoire, dans notre mémoire, nous avions prévu que nous étions d'accord avec la période transitoire de trois ans. Évidemment, les débats qui ont eu lieu ici ont pu enrichir dans le sens suivant: nous pensons, et c'est ce à quoi nous avions fait référence dans le mémoire, que la période transitoire doit être fonction du renouvellement de la convention collective. Et pourquoi? Parce que le renouvellement d'une convention collective, c'est le moment opportun où les parties qui sont concernées vont pouvoir enrayer les disparités de traitement qui ont pu se retrouver dans les clauses, si tel est le cas. C'est une négociation qui doit être globale parce que, ces clauses-là, lorsqu'elles sont survenues, ne sont pas survenues isolément mais dans un contexte précis, et ce n'est qu'en considérant l'ensemble des conditions de travail que les parties pourront éliminer les disparités de traitement.

Alors, nous répétons que nous souhaitons qu'au renouvellement de la convention collective la loi s'applique, et avec une limite maximale de trois ans. Ce qui veut dire que, si une convention collective se renouvelle, exemple, en juin 2000, la loi s'appliquera. Si elle se renouvelle fin 2000, ce sera le même principe, mais limite maximale de trois. Évidemment, si la durée de vie du projet de loi, telle que nous la suggérons, est permanente, la période transitoire maximale de trois ans nous apparaît beaucoup plus acceptable que telle que présentée dans le projet de loi actuel.

Maintenant, concernant les recours. Actuellement, dans le projet de loi n° 67, le droit à des conditions de travail exemptes de disparités de traitement fondées sur la date d'embauche est inséré dans la section VII, chapitre IV, ce qui a pour effet d'accorder la juridiction d'une plainte logée par un salarié pouvant souffrir d'une disparité de traitement... sa plainte se retrouve donc à la Commission des normes, et l'article qui accorde la juridiction à la Commission, qui est l'article 102, dit: Si vous êtes couvert par une accréditation, vous devez donc épuiser tous les recours avant que votre plainte soit traitée par la Commission des normes.

(10 h 10)

Notre suggestion, telle que nous l'avons faite dans notre mémoire, était d'inscrire dans la Loi sur les normes une nouvelle pratique interdite qui aurait pour conséquence, d'abord, de donner la juridiction au Commissaire du travail. Deuxièmement, le salarié n'aurait pas – parce que c'est dans les clauses 122, 123 et suivantes, et surtout 122, les pratiques interdites – à démontrer qu'il a épuisé tous les autres recours prévus par la convention collective, en l'occurrence le grief. Donc, il pourrait faire appel directement au Commissaire du travail qui, comme on le sait, est un tribunal spécialisé en relations de travail.

À cela s'ajoute qu'en matière de pratiques interdites le salarié, normalement, bénéficie d'une présomption en sa faveur, c'est-à-dire que c'est à l'employeur de faire la preuve que les conditions de travail qu'il applique sont exemptes de disparités fondées sur la date d'embauche. Comme nous vous l'avons dit précédemment, ce principe est déjà repris dans la Loi sur l'équité salariale où c'est à l'employeur de démontrer que la rémunération qu'il accorde aux emplois à prédominance féminine est tout au moins égale à la rémunération des emplois dits masculins pour travail équivalent.

Ceci, en plus – lorsque je dis «ceci», je fais référence à l'introduction d'une nouvelle pratique interdite – aurait pour effet que les salariés qui ne sont pas visés par une convention collective ou par une accréditation, ces salariés-là, non syndiqués, pourraient être représentés par la Commission parce que la Loi sur les normes le prévoit dans cette section-là, ce qui rend le recours, au niveau économique, beaucoup plus accessible. Concernant les salariés syndiqués, ils pourraient être représentés par leur syndicat, s'ils le désirent, car il existe toujours un devoir de représentation par le syndicat de prendre fait et cause pour le salarié, ou, s'ils le désirent, ils pourraient le faire eux-mêmes.

Évidemment, tout recours, pour être efficace, doit être assorti d'un délai. À notre avis, le mémoire ne reprend pas le délai précisément, mais nous aimerions attirer votre attention sur le fait que le délai devrait être assez long pour que les salariés qui sont visés par une disparité de traitement ne voient pas leur lien d'emploi menacé par un recours, c'est-à-dire que, s'ils sont en période de probation, il est évident qu'ils ne se plaindront pas. Donc, il faut permettre un temps assez long pour leur faciliter la tâche quant à l'exercice de ce recours-là.

Ça résume, grosso modo, les aspects sur lesquels nous voulions revenir, surtout au niveau juridique. Je vous passe donc maintenant Mme Dominique Caza qui est la représentante au comité des jeunes de la CEQ.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Caza.

Mme Caza (Dominique): Mme la Présidente. L'engagement de la Centrale de l'enseignement du Québec à l'égard de l'élimination des disparités de traitement est fortement appuyé par le comité des jeunes et le réseau des jeunes de la CEQ. Les recommandations soumises par notre organisation sur le projet de loi présentement à l'étude répondent à nos attentes. Certes, nous savons qu'une loi ne peut tout régler, ne peut tout contrer, mais nous croyons sincèrement que, si le gouvernement ne légifère pas sur la question de la discrimination dont sont victimes de nombreux jeunes, cette dernière va perdurer.

Depuis des années le mouvement syndical se bat pour que l'ensemble des salariés puissent travailler dans des milieux de travail exempts de discrimination. C'est une véritable course à obstacles à laquelle nous sommes soumis, car les employeurs dans leur grande majorité n'ont de cesse de développer de nouveaux mécanismes pour diminuer le plus possible leurs coûts de main-d'oeuvre. Plus encore, nous devons constamment répéter que l'État a une responsabilité majeure dans la régulation des relations de travail et que l'exercice des droits fondamentaux ne peut être soumis aux impératifs économiques.

Aujourd'hui, l'introduction des disparités de traitement dans les entreprises a engendré des tensions intergénérationnelles telles que nous en sommes venus à nous déchirer entre nous, les salariés, au lieu d'interpeller les vrais responsables de cette situation. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps ces manoeuvres. Une société démocratique se doit de respecter les droits fondamentaux de la personne. Aussi nous demandons au gouvernement du Québec d'introduire dans la Loi sur les normes du travail une mesure permanente susceptible d'éradiquer dans un délai raisonnable les clauses discriminatoires introduites dans les milieux de travail au fil des ans. L'expérience nous l'a démontré, nous ne pouvons nous fier au caractère volontaire et encore moins aux lois du marché pour assurer le respect des droits fondamentaux. Nous ne pouvons non plus cautionner l'intention gouvernementale de limiter dans le temps l'application de la mesure proposée.

Aussi, nous, les jeunes de la CEQ appuyons le mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec et demandons au gouvernement du Québec de modifier le projet de loi n° 67 dans le sens des recommandations que nous soumettons et d'oser prendre le virage de l'équité de traitement dans tous les milieux de travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Caza. Est-ce que c'est terminé?

Mme Poulin (Paule): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, Mme Richard, Mme Poulin, Mme de Sève, Mme Caza, merci de votre présentation et de votre présence. Je prends acte particulièrement des suggestions concernant toute la question de la période de transition. Pour ce qui est des mécanismes de recours, il faudra s'en reparler. Je pense que j'ai un de mes collègues qui veut explorer ça, mais ça, j'aimerais bien qu'on puisse le faire.

Écoutez, je ne peux pas – vous avez dû m'entendre tout à l'heure faire un plaidoyer sur le rôle des parlementaires – ignorer le fait que nous avons reçu à cette commission l'Association des jeunes enseignants. Ma question n'a pas du tout pour objectif de coincer personne, mais je pense qu'il y a là une expérience dont on peut tirer des leçons. Évidemment, dans leur présentation, on sentait qu'il y avait une certaine colère – enfin, je ne sais pas quelle est l'expression la plus appropriée. Je sais que ce dossier-là est devant la Commission des droits de la personne, alors nous sommes tous prudents par rapport à ça.

Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse, mais c'est plutôt le fait... Bon, ce que je comprends... parce que je ne connais pas l'ensemble des mesures qui ont été prises à l'occasion de ce brassage de la main-d'oeuvre dans le secteur de l'enseignement. J'en connais quelques-unes, mais pas dans le détail; je pense que vous serez tolérantes par rapport à ça. Mais, bon, l'Association des jeunes enseignants a fait un plaidoyer à l'effet que le gel d'échelons constituait finalement une clause discriminatoire. Ce que je comprends et ce qu'on voit – je l'ai illustré tout à l'heure aussi avec les jeunes – il y a certains cas où on a à rebrasser notre masse salariale, nos échelles salariales. Vous avez été confrontées à ça, vous en êtes arrivées à cette conclusion-là. Plusieurs nous on dit à quel point ce type de clause là – et je ne qualifierai pas la vôtre, là, je ne suis pas la Commission des droits de la personne – créait – et je pense que le témoignage de Mme Caza est assez clair, est assez éloquent à cet effet-là – des tensions envers les salariés.

Moi, j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus, le plus simplement possible. On a des exemples dans le secteur privé où il doit y avoir, où il y a un rebrassage de la masse salariale. Là c'est un exemple qui est davantage dans le secteur public. Ce n'est pas vrai que la vie, c'est noir ou c'est blanc, puis vous représentez un peu cette situation-là. Alors, si vous acceptez de partager un peu quelques impressions par rapport à ça, je pense que ça nous serait très utile.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Oui, c'est une question très sérieuse. Je pense que nous sommes à même – Mme Caza en a témoigné – de constater les conséquences et chez les jeunes et chez les autres types d'emplois dans l'enseignement parce que c'est un assortiment de mesures qui a fait en sorte qu'on en est arrivé à un règlement lors de cette discussion avec le gouvernement, bien sûr le gel des échelons, bien sûr aussi des congés de maladie coupés, bien sûr l'augmentation du nombre d'élèves au préscolaire, et ainsi de suite. Donc, une masse de mesures qui ont fait en sorte que tout le monde a été touché à un titre ou à un autre.

(10 h 20)

Cependant, les conséquences décriées par les jeunes, on les voit très bien. La Commission décidera du sort de cette plainte qui est déposée. Nous suivrons de très près ces discussions et, comme on l'a dit tout à l'heure, il y a des possibilités. La dimension de recours est aussi très importante parce que, comme organisation syndicale, évidemment compte tenu de la décision qui sera prise, il y aura possiblement des choses à faire, et on est très ouvert à regarder. D'ailleurs, dans la négociation actuelle, nos revendications sont à l'effet de corriger cette situation. Et on avait dit à ce moment-là, lors du règlement, que c'était dans une situation x que ça se faisait et qu'on avait donc des responsabilités pour corriger au niveau des congés de maladie, comme au niveau du gel des échelons, comme au niveau d'un certain nombre de mesures, les enseignantes, les enseignants du préscolaire aussi. Donc, dans cette négociation actuelle, nous sommes en revendication pour corriger cette situation.

Nous, quand on dit: On doit faire en sorte que la loi soit permanente, on constate sans nuances que les responsabilités sont partagées mais qu'en même temps, quand une organisation syndicale est en négociation, elle réagit à des demandes patronales et elle doit considérer un nombre x de situations.

Tantôt vous disiez le marché a et le marché b, dans vos exemples. Le marché b ou le marché a ont des contraintes au niveau des argents générés par une masse, par les employés, la main-d'oeuvre, les coûts de main-d'oeuvre, et on doit s'employer à trouver des solutions qui ne cibleront pas un type de personnel à l'intérieur des gens que nous représentons plus que d'autres. Alors, on est, tu sais... comment je dirais... La solution, elle n'est pas simple. Si elle était simple, on l'aurait trouvée puis on aurait évité cette situation-là.

Donc, à ce moment-là, moi, je pense que la CEQ, comme les autres organisations syndicales, le débat qui a cours présentement... chez nous aussi c'est très présent, cette discussion-là. Vous êtes en commission parlementaire, vous en débattez, mais les discussions aux autres niveaux de notre organisation sont aussi très présentes parce que les enjeux sont posés.

En même temps, je pense, moi, qu'on fait le travail pour lequel on est élu, avec les possibilités qui sont les nôtres. Et, quand on fait face à des orientations patronales, à des demandes patronales majeures de la nature de celles qu'on a dû gérer, avec les difficultés que nous impose le Code quant à la mobilisation et toutes ces réserves-là, je pense qu'on fait du mieux qu'on peut en considérant qu'il y a des situations difficiles qu'on doit gérer et qu'on a la responsabilité de gérer mais que ça n'appartient pas qu'aux organisations syndicales de gérer parce que c'est un débat... Tantôt il y a des gens qui disaient: C'est un débat de générations. Moi, je dis: C'est un débat de société qui ne doit pas prendre à partie une génération. Et ça, ça nous concerne, tout le monde. Qu'on soit employeur, qu'on soit représentant syndical, qu'on soit syndiqué, on doit, tout le monde, être de contribution dans ce débat-là pour faire en sorte qu'un projet de loi comme celui que vous présentez, premièrement soit accepté parce qu'on a aussi... On est très au courant des discussions qui ont lieu ici depuis un certain temps, puis on sait qu'il y a un type d'organisme, particulièrement le Conseil du patronat, et autres, qui n'en veulent pas. Et moi, je pense qu'on a des responsabilités comme société, autant le mouvement syndical que les employeurs, à cet égard-là, et qu'il faut que cette loi soit adoptée avec les recours donnés aux différents types. Là c'est les jeunes, ça peut être des clauses discriminatoires pour d'autres types de personnel, d'autres catégories d'emploi, et il y a donc des recours pour faire en sorte que les conditions de travail n'aient pas d'effets discriminatoires sur un groupe ou sur l'autre. S'il y a de mes collègues qui veulent compléter, n'hésitez pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre. Oui, Mme de Sève.

Mme de Sève (Nicole): J'ai lu attentivement, moi, le verbatim de plusieurs des présentations qui ont été faites ici, et j'ai constaté que vous aviez souvent sur la table le débat: Ça crée t'y de l'emploi? Ça n'en crée pas, ça en abolit. Vous voulez un peu de transparence, Mme Lemieux, par rapport à la réalité que nous avons vécue lors du gel de l'échelon qui nous a été imposé, mais de manière assez drastique par le gouvernement.

Il reste que nous étions dans l'économie d'une négociation. Quand Monique vous dit que nous avons accepté en même temps l'augmentation du nombre d'enfants au préscolaire, que nous avons accepté aussi l'abolition de journées de congé de maladie, que nous avons accepté aussi l'abolition des postes de chef de groupe dans les secteurs, nous avions un objectif qui était celui de préserver le plancher d'emploi qui nous permettait de sauver les emplois. Le fait d'augmenter le nombre, d'avoir les maternelles temps plein, oui, faisait rentrer du personnel nouveau, mais pas autant que si nous n'avions pas accepté un élément comme ça, et ce n'était pas de gaieté de coeur et, je le répète, c'est dans le cadre d'une économie d'un règlement. Ça nous a permis quand même de permettre de stabiliser, d'une part, la précarité. Et, pour nous, c'était très important parce que notre taux de précarité de suppléance était très élevé. Et, deuxièmement, ça nous a permis de préserver le plancher d'emploi. Alors, c'est dans ce sens-là, en dernier recours et avec l'objectif, comme disait très clairement Monique tout à l'heure, que nous savons qu'au bout de trois ans nous pouvons essayer de reprendre les négociations et essayer de modifier certains droits qui auraient pu être perdus. Donc, c'est dans ce sens-là. Mais une chose qui est certaine, c'est que ce n'est jamais de gaieté de coeur que nous en arrivons à prendre des orientations, mais dans le cas qui nous interpellait, nous, l'emploi était au coeur de l'enjeu. Ce n'est pas vrai dans tous les secteurs d'entreprise, mais pour nous, ça l'était, et ça a fait ses preuves.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Le temps file, puis il y a déjà une couple de personnes qui ont des questions. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Une toute, toute petite question. Je pense qu'une des choses qu'on a beaucoup entendue ici de la part des jeunes – oui, notamment des jeunes – il y a une espèce de grand reproche qui a été adressé aux syndicats. Vous dites, Mme Richard: Lorsqu'on est en négociation, on est en réaction à une offre patronale, ce qui est tout à fait vrai. Mais, en fait, le reproche qui est fait, c'est: Peut-être qu'il y a des syndicats qui ont été un peu vite sur la gâchette. Et avant d'imaginer d'autre scénarios, il faut faire face à ce type de demande là. C'est le scénario le plus rapide, finalement, qui... Enfin, je résume, là. Je ne juge pas de ça, je vous relance ce que j'entends. Je pense que, dans ces reproches-là, il y a des éléments factuels troublants, on ne peut pas les ignorer. Dans le fond, ce que j'entends de votre intervention, c'est un peu: Si vous inscrivez ça dans la loi, personne ne sera tenté de le faire et ça nous aidera tous. C'est un peu ça que vous êtes en train de dire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Oui. Quand vous dites «vite sur la gâchette», on va se resituer dans le contexte parce que ces assemblées générales là ont été faites, souvenons-nous, avec un gouvernement qui disait: 24 à 48 heures pour une loi spéciale. Alors, les assemblées, oui, c'est vrai qu'elles ont été faites rapidement, avec une préoccupation de donner toute l'information parce que ça portait sur des enjeux majeurs – des récupérations au niveau des conventions collectives, c'était très rarement vu – avec l'objectif de protéger l'emploi.

L'autre volet de votre question je l'ai échappé. J'ai réagi à la gâchette, là, j'ai oublié l'autre bout.

Mme Lemieux: Non. Bien, dans le fond, ce que je comprends... Je ne veux pas refaire le processus...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Moi, je vous revéhicule un peu les jeunes qui disent: Quand les syndicats ont à réagir à ça, les réflexes ne sont pas bons, dans le fond. Mais ce que je comprends de votre intervention, c'est: Ayons une loi claire, alors on va éviter, tout le monde, de tomber... C'est ce que je comprends.

Mme Richard (Monique): Absolument. Puis, moi, je pense que, quand on a une Charte des droits et libertés et qu'on a la possibilité au niveau d'un gouvernement de légiférer pour répondre à la protection des droits des gens, bien, il y a une opportunité qui est donnée sur la question des clauses discriminatoires, les clauses orphelin, qui est là. Et, nous, c'est dans ce sens-là qu'on appuie ce projet de loi là en soumettant un certain nombre de corrections. Et ça ne veut pas dire que les choses vont être plus faciles, mais ça veut dire que les contraintes seront là et feront en sorte que et les syndicats et les employeurs – et les employeurs – se sentiront concernés par la question de conditions de travail discriminatoires. Parce que, quand on les entend défiler ici, je ne sais pas comment ils se sentent concernés. On peut se faire poser des questions, nous, sur nos comportements, mais quand on lit ce qui se dit ici, moi, je pense qu'il y a une obligation de légiférer. Ça n'appartient pas qu'à un côté de la table, on est prêts à prendre notre bout, mais ça se partage. Alors, dans ce sens-là, je suis prête à discuter de la question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Richard. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Combien il me reste de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste à peine cinq minutes.

M. Kieffer: O.K. J'ai peut-être le temps de poser mes deux questions. Mesdames, première question, plus technique. Vous vous êtes prononcées pour un mécanisme de recours différent, soit de faire inclure les clauses de disparités au rang des pratiques interdites et, par conséquent, de permettre aux travailleuses et aux travailleurs de porter plainte au Bureau du Commissaire général du travail en vertu de l'article 123.

Considérant qu'une telle procédure donne le droit de faire appel au Tribunal du travail, et donc risque d'être beaucoup plus longue que la procédure proposée dans le projet de loi, quelle est votre vision de cette recommandation ou de cet amendement que vous voudriez voir porté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Poulin.

M. Kieffer: Ce dont je veux vous parler, là...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Groulx.

(10 h 30)

M. Kieffer: ...c'est les longueurs que ça risque d'entraîner. C'est c'est là-dessus que je veux vous entendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Poulin.

Mme Poulin (Paule): Il est vrai que, vous avez parfaitement raison, lorsqu'on va au Commissaire du travail, effectivement il y a une procédure d'appels prévue au Tribunal du travail, etc., ce qui peut allonger.

Par contre, le redressement qui est possible par le Commissaire du travail est un redressement qui risque d'être beaucoup plus efficace qu'un simple redressement au niveau monétaire strictement, parce que la Commission, ce qu'elle fait, c'est d'aller récupérer les sous et, si l'employeur ne veut pas donner les sous que le salarié aurait pu manquer, va instituer des recours au civil. Donc, est-ce que, parce qu'il y a une procédure d'appels, ça ferait en sorte que le recours à la Commission devient – de toute façon, ce n'est pas un recours à la Commission, il faut s'entendre, c'est une plainte – plus approprié parce que plus expéditif? Moi, je pense qu'il est important que ce soit balisé dans le sens que nous amenons, c'est-à-dire qu'il y ait une présomption pour le salarié.

Il n'y a pas de présomption à la Commission parce que ce n'est pas un recours; il y a une présomption quand on se retrouve au Commissaire du travail, présomption qui est à l'effet que ce sera à l'employeur de démontrer que ses conditions de travail sont en tout respect, sont exemptes de disparité de traitement, et non pas l'inverse. Parce que c'est un méchant fardeau sur les épaules d'un salarié de démontrer que la structure salariale... Il n'y a pas de salariés qui peuvent faire ça. C'est excessivement difficile. Ça, c'est un avantage.

L'autre avantage, c'est que ça élimine en partie la crainte qui a été soulevée ici concernant les salariés qui doivent épuiser leurs recours par rapport à la convention collective. Certains manifestaient un malaise là-dedans. Bon, ça élimine ça s'il y a une pratique qui est dévolue au Commissaire du travail. Nous voici avec deux avantages.

Alors, est-ce que le fait que ça peut être plus long à cause d'un délai d'appel au Tribunal du travail fait que le recours n'est plus adéquat versus la plainte à la Commission? Ça reste à évaluer, mais sincèrement, nous, nous pensions que l'introduction d'une pratique interdite d'abord donnait l'importance qu'on veut donner à cette interdiction-là – c'est vraiment un appel direct, on ne fonctionne plus de cette façon-là – et avec la présomption, avec aussi le fait que le salarié peut ou s'en aller tout seul au CT ou se faire représenter par son syndicat – parce qu'il est syndiqué, et le syndicat, son devoir de représentation en vertu de 47.2...

Est-ce que tous ces avantages-là, pour nous, militaient en faveur de l'inscription dans la pratique, même si, oui, il y a un droit d'appel? Oui, il y a un droit d'appel, et comme il y a un droit d'appel en congédiement. Tu as le droit d'en appeler, et pourtant ça allonge ton délai. Mais par contre tu sors avec une décision – en fait, le droit est prévu pour les deux parties – qui est finale, et c'est tranché.

M. Kieffer: Moi, je peux, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, il reste 30 secondes, M. le député de Groulx, ça va être plus un commentaire.

M. Kieffer: O.K. Alors, très, très rapidement, et vous l'avez mentionné dans votre réponse, on évite la convention collective de la sorte. Est-ce que les conventions collectives ne devraient pas permettre au maximum de régler ce type de problèmes là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Poulin.

Mme Poulin (Paule): Bien, elles devraient le permettre, sauf que, dans la mesure où on l'inscrit dans la Loi sur les normes et qu'on en fait un droit de base, moi, je pense qu'il est important que ce soit un recours du CT. Et vous avez eu des craintes manifestées, ici, là, par plusieurs groupes qui ont dit: Mais, oui, on est inconfortable avec le syndicat qui nous représente. Bien, par cette insertion-là, vous pourrez vous-même aller au CT, ou sinon vous irez avec votre syndicat si vous êtes d'accord à ce que le syndicat prenne fait et cause pour vous, évidemment. Ils auront le choix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Poulin, le temps qui était alloué au parti ministériel est maintenant terminé, nous allons donner la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme Richard, bonjour, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, à vous et vos compagnes, à cette commission parlementaire.

On sait que la CEQ a toujours fait en sorte d'être parmi les promoteurs d'une certaine justice ou équité sociale au Québec, en dehors de vos activités purement d'enseignement.

Mais là vous comprendrez un peu, pas mon scepticisme, mais un peu ma surprise, car je viens de reprendre, pendant que vous parliez, le mémoire qui a été déposé par l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec et, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas tellement tendres envers vous. Et selon ce qu'ils nous ont démontré, et ce qui est la réalité certainement, s'il y a un groupe qui a été victime de clauses discriminatoires, c'est bien ces jeunes enseignants là.

Alors, bon, on peut toujours envoyer la balle sur le gouvernement. Certainement, le gouvernement, on se rappellera, a lui-même montré l'exemple avec la loi 414 lorsqu'il a négocié avec les municipalités que le fait d'établir des clauses discriminatoires de salaire était une solution pour accepter la facture municipale à cette époque-là. On voit que chez vous il est arrivé avec la même chose, et vous avez consenti à signer une entente qui portait discrimination pour les jeunes enseignants.

Il n'en reste pas moins que ces jeunes enseignants aujourd'hui font un peu discordance avec vous. Et ce qu'ils disent, eux, actuellement: La CEQ se lave les mains de toute responsabilité en cette affaire, renvoie la balle au gouvernement. La CEQ écarte la responsabilité syndicale et invoque qu'il revient à l'employeur de s'assurer qu'il n'applique pas de mesures discriminatoires. Ce genre de débat cherchant à identifier les coupables ne pourrait se produire s'il y avait une législation adéquate qui protège efficacement les nouveaux employés contre les caprices les plus anciens.

Dans votre mémoire – et je vous dis ça, je vais vous dire pourquoi – on voit certaines recommandations, en particulier en ce qui concerne les recours. J'en suis; je trouve que c'est certainement une voie intéressante à suivre et je trouve que c'est là un apport de votre centrale intéressant à cette commission. Mais je ne vois rien sur le fait d'ajouter des échelons vers le bas, hein, vous ne traitez pas ça du tout. Et les jeunes enseignants, qui sont vos membres chez vous d'ailleurs, eux, lorsqu'ils sont venus, non seulement ont traité ça, mais je vais vous lire ce qu'ils disaient, je trouvais ça très intéressant: «L'ajout d'échelons vers le bas n'est pas acceptable, il vient légaliser les clauses orphelin. Une astuce pour qualifier la discrimination. Les effets seront permanents.»

Alors, ce que j'aimerais savoir, Mme la présidente, c'est: Pourquoi, vous, dans votre mémoire, qui, sous un autre rapport, apporte des mesures intéressantes et concrètes, vous ne touchez pas à cela, alors qu'on semble là être au coeur de ce qui touche vos membres, les jeunes enseignants?

Mme Richard (Monique): Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Nous ne nous attendions pas à ce que l'Association des jeunes enseignants soit tendre, mais on ne s'attendait pas plus à ce que le représentant du Parti libéral prenne une décision à la place de la Commission des droits et libertés pour dire que c'est dès maintenant des clauses discriminatoires. On vous a expliqué tout à l'heure la situation; moi, je pense qu'on va attendre la décision de la Commission, et on se conformera aux décisions qui seront édictées.

Maintenant, on peut refaire l'histoire, on peut reprendre ici tout le débat qui a eu lieu l'an dernier quand la CEQ s'est présentée, puis on va constater qu'on ne s'entend pas sur la lecture de la situation, le règlement qu'on a fait. Le pari qu'on fait aujourd'hui, ici, comme CEQ, c'est de dire: On a l'opportunité d'avoir une législation qui va permettre aux gens qui se disent victimes de clauses discriminatoires d'avoir des recours, et qu'il faut donc accentuer, au niveau du projet de loi, sur la question des recours et faire en sorte que ces gens-là aient droit au chapitre pour être entendus. C'est le pari que nous faisons.

Les recours, c'est important, Mme Poulin en a parlé tout à l'heure, on pourra y revenir. Nous, on s'en va, on dit: Il y a une situation qu'on a à gérer chez nous, à l'intérieur de notre membership, compte tenu d'un règlement qu'on a fait avec le gouvernement, il y a deux ans. Bon. On l'a constaté, la division que ça génère, compte tenu des demandes patronales que nous avions. On a constaté aussi qu'on avait une obligation de correction, dans le sens où nos revendications actuelles portent sur, particulièrement, le gel de l'échelon et autres mesures qui avaient été convenues. Donc, on travaille et on sera heureuses de l'appui du Parti libéral sur cette revendication, s'il y a lieu, dans la négociation actuelle.

Deuxièmement, les échelons vers le bas. On ne s'est pas prononcés là-dessus parce que, nous, nous considérons que, la négociation des conditions de travail, ça comporte aussi la négociation des conditions salariales. On ne peut pas dire qu'il y aura, par le biais de la négociation de ce droit de négocier les échelles salariales, un allongement par le haut ou un allongement par le bas. C'est les fruits de la négociation qui devront nous amener à convenir d'une échelle salariale qui peut subir des modifications, comme dans tous les processus de négociation que nous vivons.

(10 h 40)

Il faut évidemment faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abus. Des échelons vers le haut, habituellement ce n'est pas dénoncé; les échelons vers le bas, si on se retrouve avec deux, trois échelons puis on est capable de faire la preuve que les conditions vont être les mêmes pour tout le monde, puis que ça touche tous les employés qui auront à vivre une telle échelle salariale, puis que les choses sont convenues correctement, et pourquoi pas? Pas 20, pas 15, pas 10, mais je pense qu'on doit, à l'intérieur d'un processus de négociation, tenir compte de la situation du milieu dans lequel on se trouve et donner toute la marge de manoeuvre à ce processus de négociation des échelles salariales.

Alors, on ne peut pas dire: Ça ne se passera jamais vers le bas, ça va se passer juste vers le haut, ou ça va se passer dans des réaménagements à l'intérieur de l'échelle. C'est le processus de détermination qui va déterminer ça sur la base des mandats que nous avons en négociation et des positions d'une partie et de l'autre. Alors, on ne s'est pas prononcé là-dessus parce que ça fait partie de notre devoir de représentation de faire en sorte que la négociation des conditions de travail, ça inclut aussi les échelles salariales. On n'a pas de position définitive là-dessus parce qu'on s'en remet au processus de négociation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Je comprends, Mme la présidente. Tout d'abord, quand vous faites allusion ou vous mentionnez que le Parti libéral se prononce à la place de la Commission des droits, ce n'est pas là mon intention. Mais, comme parlementaires, nous avons été saisis d'une situation qui fait en sorte que, lors de la dernière négociation avec votre centrale et le gouvernement, 99 % des jeunes ont été touchés et 72 % des autres enseignants ont été épargnés. Alors, c'est les chiffres que nous avons dans le mémoire de l'Association des enseignants, ce qui nous a été dit.

Qu'est-ce qu'on nous dit en plus de ça? ... droit à la négociation. Laissons jouer les choses. Moi, je suis bien d'accord avec ça, mais, lorsque des enseignants membres d'une centrale syndicale viennent nous dire ici: Droit à la dissidence très limitée des organisations syndicales, menaces d'expulsion, convocations devant le comité de discipline, difficile d'avoir recours à la Loi des normes, qu'est-ce que vous répondez à ça, là? C'est vos membres qui disent ça, c'est des jeunes enseignants, ce n'est pas le Parti libéral.

Mme Richard (Monique): Oui, c'est nos membres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, madame Richard.

M. Gobé: Le Parti libéral, il reprend ce que les gens disent, constatent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Moi, ce que je vais vous dire là-dessus, c'est que dans nos instances syndicales il y a des procédures, et on fonctionne avec la loi de la majorité. Le Code du travail nous impose une certaine façon de faire que nous respectons. Nos membres ont droit au chapitre, tous les membres de la CEQ ont droit d'intervention dans les instances.

Vous me faites mention d'une situation particulière à Québec – j'ai ici la lettre du conseil d'administration. Bien sûr, ça a été vécu péniblement par les gens conséquemment à des dispositions de conventions collectives qui faisaient en sorte que le syndicat et l'employeur avaient convenu de modalités d'information aux membres de ce syndicat pour protéger l'intégrité des personnes et pour ne pas faire en sorte que les processus d'information utilisés permettent à – je ne veux pas dire n'importe qui parce que tout est utilisé, là – tous les intervenants qui le souhaiteraient d'utiliser les mécanismes d'information pour faire en sorte d'envoyer n'importe quelle information. Les choses avaient été convenues.

Ce qui s'est passé à l'assemblée de délégués, c'est qu'il y a eu des mises au point compte tenu de cette entente-là entre le syndicat et l'employeur et qu'il y a eu un mandat de la part de l'assemblée de délégués de faire en sorte que le syndicat procède avec ces gens-là.

Oui, il y a eu un comité de discipline qui s'est réuni, et aucune mesure n'a été retenue contre ces gens-là. Et la lettre du conseil d'administration, elle est ici: «Le conseil d'administration du Syndicat de l'enseignement de la région de Québec, suite à l'analyse du comité de discipline, en est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de retenir de mesures à votre endroit. Nous tenons à vous rappeler qu'il est toujours possible de faire part de vos points de vue dans nos instances décisionnelles et que le syndicat prendra tous les moyens pour que cela se fasse de la façon la plus respectueuse possible.»

Alors, c'est ça, la lettre qui a été envoyée à tous les gens, et bien sûr nous ne revendiquons pas plus l'unanimité chez nous que d'autres peuvent la revendiquer dans leurs instances démocratiques. Il faut faire avec les points de vue des gens de façon correcte dans les débats, et c'est toujours dans ce sens-là que nous avons fait appel à nos membres de se donner les conditions pour être entendus, le respect entre les personnes dans les assemblées générales, et bien évidemment on fonctionne avec des groupes qui ne sont pas en accord mais qui, dans les assemblées, ont toujours la possibilité de faire valoir leur point de vue et de renverser les décisions qui sont prises à la majorité, dans le respect des statuts des organisations syndicales.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci. Dans cette négociation qui a lieu et qui commence actuellement, là, dans le secteur public, est-ce que vous entendez prioriser le dégel des échelons pour ces enseignants-là, tel que le premier ministre s'était engagé à le faire? Et est-ce que vous pouvez nous assurer, est-ce que vous avez des principes, là, très importants pour l'équité, contre les clauses orphelin?

On commence par faire le ménage chez soi, en général. Vous le mentionnez très bien. Il y a des débats dans chacune des organisations, et je considère avec vous qu'on ne peut pas avoir unanimité. Il ne faut pas, surtout pas. Ça serait encore là peut-être un problème supplémentaire. Mais est-ce que vous pouvez nous indiquer que, si c'est tellement une priorité pour vous, il n'y aura pas de règlement tant que ça ne sera pas dégelé pour ces employés-là? Ou alors vous allez faire un règlement général puis on va continuer de négocier pour plus tard avec les jeunes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Bon, écoutez, la question du gel de l'échelon, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un enjeu dans cette négociation-ci qui est très lié au dossier de l'équité salariale, la reconnaissance de la scolarité. Alors, vous savez comment d'énergie on met autour de ce dossier-là, comment il y a d'engagement, comment on se bat et se débat pour être en mesure d'obtenir gain de cause sur toute l'application de la Loi sur l'équité salariale pour les enseignantes et les enseignants et les autres corps d'emplois. Oui, c'est une priorité.

Est-ce que le règlement va en dépendre? Ce n'est pas à moi de vous le dire. Ce que je peux vous garantir, c'est la volonté que nous avons de corriger la situation. Un règlement, ça se fait à deux, et c'est accepté ou pas par les assemblées générales, par nos membres, et c'est eux qui auront à apprécier le résultat de la négociation dans laquelle nous sommes bien déterminés à avoir gain de cause sur cette partie.

M. Gobé: Donc...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Excusez-moi, Mme la Présidente. Donc, on pourrait, à la limite, penser que la CEQ pourrait signer une entente avec le gouvernement, une convention collective renouvelée, et qu'on n'ait pas réglé ce problème-là. Donc, on continue à faire perdurer des clauses orphelin dans la prochaine convention collective des enseignants du Québec.

Mme Richard (Monique): Ce que je peux vous dire...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): ...c'est que, nous, on est déterminés à trouver une solution à cette situation-là. On l'a dit tout à l'heure. C'est sûr que l'unanimité, ce n'est pas accessible. Ça ne serait peut-être pas bon, mais de temps en temps ça ne ferait pas tort, ça. Ha, ha, ha! Je peux vous dire ça. Mais on est déterminé à obtenir un règlement là-dessus.

La division qu'on vit, là, ce n'est pas facile à gérer non plus, puis on comprend. Puis dans le sens où... Je pense que les engagements que nous avons, dans le cadre du projet de loi qui nous est proposé, font en sorte qu'on est très conscient de la situation puis qu'on veut trouver une solution. Mais ça, ça appartient aux deux côtés de la table, de la trouver, la solution. Et, nous, en tout cas, on va faire ce qu'il faut pour en trouver une, mais, là, je ne suis pas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, moi, je voudrais rappeler quand même...

M. Gobé: Moi, j'ai fini, pour l'instant, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...35.3, de faire attention, aux parlementaires qui sont ici, quand on discute d'un sujet qui est une cause pendante devant une commission. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Mme la Présidente, j'en ai fini pour l'instant. Je sais qu'il me reste un peu de temps; je prêterai peut-être le micro à mon collègue le député de Rivière-du-Loup, qui, lui, a peut-être des bonnes questions aussi à poser aux gens de la CEQ.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue aux gens de la CEQ.

D'abord, il y a une question de fait. La non-reconnaissance de la scolarité, ce que vous appelez l'équité salariale, est-ce que vous avez une recommandation de la Commission des droits de la personne qui vous dit que c'est discriminatoire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame...

M. Dumont: Est-ce qu'il y a un avis de la Commission des droits de la personne qui vous dit que c'est discriminatoire? Parce que vous nous dites que sur le gel des échelons vous ne pouvez pas prendre position sans un avis de la Commission des droits de la personne. Alors, je veux juste être certain, puis peut-être que vous pourrez nous transmettre copie de l'avis de la Commission des droits de la personne sur le sujet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Non, on n'a rien à cet effet.

M. Dumont: Donc, c'est un jugement de valeur que vous avez porté sur une situation.

Mme Richard (Monique): Effectivement.

M. Dumont: Or, c'est ce que d'autres font sur le gel des échelons. Donc, je ne peux pas comprendre que vous vous réfugiiez devant une décision future de la Commission sur cette question-là.

Mon autre question, c'est: Devant la Commission des droits de la personne, vous êtes de quel côté de la table? Du côté de votre cotisant ou vous défendez l'entente? Parce que, bon, on a devant nous les signataires d'une clause orphelin avec le gouvernement du PQ, qui, aujourd'hui, est fort repentant, semble-t-il, on attend les preuves.

Vous avez signé le gel des échelons, et je voudrais savoir, au moment d'aller devant la Commission, vous avez un cotisant ou des cotisants, un cotisant au nom d'autres qui vous versent une cotisation, donc, et vous avez le gouvernement qui défend sa position. Alors, vous êtes de quel côté de la table? Puis les avocats que vous payez défendent quel point?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Sur la Commission, sur la décision, de quel côté on est? On est du côté des droits. Alors, si la Commission des droits rend une décision qui nous interpelle à modifier nos choses, on le fera. On n'a pas...

(10 h 50)

M. Dumont: Mais les avocats que vous payez, ils défendent quelle position devant la Commission: le maintien de l'entente actuelle ou les droits de celui qui se plaint? C'est ça, la question.

Mme de Sève (Nicole): Ce que nous avons dit lorsque l'équipe de jeunes enseignants a fait son dépôt, la plainte en commission devant les droits de la personne: Nous avons comme prétention que le règlement que nous avons dû accepter est peut-être divisant dans nos rangs, mais, pour nous, nous n'avons pas la prétention de considérer que c'est une clause discriminatoire.

M. Dumont: Merci.

Mme de Sève (Nicole): C'est ça que nous avons dit. Nonobstant cela, M. Dumont, nous sommes conscientes que les effets de l'entente – parce que ce n'est pas plus évident pour les enseignantes de maternelle d'avoir un fardeau de tâche et un fardeau d'élèves dans leur classe... donc que les règlements que nous avons, nous allons tout mettre en oeuvre cette fois-ci pour essayer d'alléger à la fois la tâche des enseignantes en maternelle, réintroduire certaines journées de congé de maladie, et trouver une façon de restaurer l'échelle salariale.

Accepter des conditions différentes ne veut pas dire que c'est automatiquement discriminatoire. Il ne faudrait pas mélanger les tomates avec les oranges. Par contre, comme dit Mme Richard, si la Commission des droits en arrive à nous reconnaître comme signataires ou cosignataires d'une entente qui a de fait des effets discriminatoires mais au sens de la Charte – parce que tout le monde parle de discrimination et souvent ne sait pas de quoi il parle – et, si nous le sommes, nous allons faire nos devoirs, et nous nous attendons autant de l'autre côté. Point final, à la ligne. D'ici ce temps-là, on va attendre que la Commission se prononce.

Mme Richard (Monique): Je voulais juste ajouter une petite chose, c'est que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): ...dans le recours des jeunes, il y a des syndicats qui ont appuyé les jeunes malgré le fait qu'ils aient voté pour l'entente. Je vais vous donner comme exemple le Syndicat de l'enseignement de Champlain, mon syndicat d'origine, qui a aidé les jeunes pour déposer leurs plaintes et les a aidés aussi financièrement.

M. Dumont: Je vous sens sur la défensive...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est parce que, M. le député de Rivière-du-Loup, là, depuis quelques minutes je trouve qu'on glisse un peu beaucoup. Parce que je vais vous rappeler encore une fois le libellé de l'article 35.3...

M. Dumont: Ce n'est pas sur mon temps, ça, j'espère?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, je vais le prendre sur le mien, monsieur.

M. Dumont: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On va vous arrêter. «Le député qui a la parole ne peut parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit.»

Alors, moi, je sais que les gens qui viennent nous rencontrer peuvent dire ce qu'ils désirent dire, mais, moi, je fais cet appel-là aux parlementaires, là. C'est à nous, comme parlementaires, à qui je veux faire quand même le rappel. Alors, je vous redonne donc la parole, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Je vous remercie. Je ne voudrais surtout pas me retrouver en prison. Donc, mon autre question, parce que vous avez parlé du gel d'échelons, on va aller sur le positif que vous voulez régler maintenant. Vous savez que le premier ministre – ça devrait être déjà réglé à la première journée de négociation – et chef du Parti québécois a dit qu'il allait s'occuper de ça, que ce n'était pas idéal, qu'il allait s'en occuper.

Alors, je voudrais savoir: Dès votre arrivée, vous autres, là, à la table de négociation – je sais que ce n'est pas public tout ce qui passe – est-ce que vous avez senti cette volonté ferme, sans équivoque, issue de la plus haute direction du gouvernement, que le gel d'échelons allait être corrigé? Est-ce que vous avez senti ça d'entrée de jeu ou est-ce que c'est encore en tiraillement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Le processus de négociation actuel, je pense qu'on en a témoigné depuis le début de la négociation, c'est très difficile. Et, non, il n'y a pas de solution encore à cet égard, malgré les revendications. Alors, on entend mettre l'énergie nécessaire pour trouver une solution.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Bien, ça nous indique encore comment le gouvernement, sur le projet de loi... Puis là on apprend maintenant que le gel d'échelons, le gouvernement, d'un côté, avant l'élection s'engageait devant les jeunes, le premier ministre lui-même qui prenait des engagements, qui disait: Je vais m'en occuper personnellement, puis aujourd'hui on a devant nous une ministre qui essaie de ménager la chèvre et le chou, de sauver les meubles du mieux qu'elle peut, mais qui ne reflète pas les engagements, la parole donnée de ce gouvernement-là.

Et je pense qu'on est en train d'en avoir une autre, démonstration, mais c'était mon sentiment, que le gouvernement reculait sur ce que le premier ministre avait énoncé. Je sais que la ministre, elle, n'a pas voulu se prononcer non plus sur les négociations dans le secteur public. Elle, elle fait la promotion d'un projet de loi supposément pour éliminer les clauses orphelin, mais elle n'est même pas capable de prendre des engagements au nom de son propre gouvernement dans les négos en cours.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, je suis un peu surpris, Mme la présidente, de vous avoir entendue tout à l'heure élider un peu la question sur les échelons. Vous avez fait une sortie un peu rhétorique, là, je comprends. Mais il n'en reste pas moins que les jeunes enseignants qui sont victimes actuellement de discrimination dans votre centrale, suite à une entente que vous avez signée, vous avec le gouvernement, pour pénaliser seulement cette partie des travailleurs là afin de protéger les avantages des autres... Peut-être qu'on vous a obligés à le faire, peut-être que le gouvernement vous a forcés. Mais ce qu'ils nous disent, à nous, ces jeunes-là, c'est que cette façon de procéder, d'ajouter des échelons vers le bas, est la manière de faire, de légaliser exactement les clauses orphelin.

Alors, quand même que vous auriez dans votre mémoire des changements en ce qui concerne les recours, si de l'autre côté on légalise les clauses orphelin par l'ajout d'échelons vers le bas, à quoi ça sert? C'est un exercice académique qui fait qu'il y a une discussion entre gens qui parlent technique un peu ou de grands principes. Vous avez dit: On va souhaiter la libre négociation. Mais la libre négociation, telle que vous la mentionnez, elle fait en sorte que 99 % des – j'ai bien le chiffre – jeunes enseignants ont été pénalisés par rapport à leurs anciens.

Alors, pourquoi vous ne vous prononcez pas comme les autres groupes qui sont intéressés vraiment à éliminer le problème des clauses orphelin, qui y pensent vraiment? Pourquoi vous ne vous prononcez pas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, M. le député de LaFontaine...

M. Gobé: ...pour le gel...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine, je regrette, mais je trouve qu'on va beaucoup, un peu beaucoup loin sur une chose qui est présentement devant la Commission. Et je vous rappelle encore une fois, donc, l'article 35.3 de notre règlement, puisqu'il n'y a pas de jugement qui a été rendu au moment où on se parle. Donc, je trouve qu'on présume un peu beaucoup, là. Je vous incite à la prudence, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Ma question, c'est simple: Pourquoi, Mme la présidente, ne vous élevez-vous pas contre le fait d'ajouter des échelons vers le bas dans le projet de loi, ce qui est une légalisation selon tous les groupes qui sont venus ici? Les groupes de jeunes, les groupes de jeunes enseignants, la Jeune Chambre de commerce du Québec, ils ont dit: C'est une légalisation cachée des clauses orphelin. Mais, vous, là, vous êtes en train de nous dire: Laissons-le, on n'en parle pas. Y a-t-il encore là connivence avec le gouvernement dans votre position?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): M. Gobé, si vous trouvez que le processus de négociation des échelles salariales, c'est quelque chose de rhétorique, là, on va s'en parler. On est en négociation présentement avec le gouvernement. Ce n'est pas rhétorique, puis c'est à tous les jours que ce n'est pas rhétorique. Quand on a un mandat de négociation, qu'on doit négocier des clauses salariales, qu'on doit se remettre sur le terrain de la modification de la rémunération pour faire en sorte que les salariés de nos organisations aient droit d'être reconnus pour ce qu'ils font dans les milieux de travail, ce n'est pas rhétorique.

Et, quand on veut encadrer un processus de négociation sur les échelles salariales, je ne suis pas sûre, moi, qu'on atteint les objectifs qu'on veut. L'objectif qu'on a, c'est qu'il n'y ait pas de clauses discriminatoires, qu'il n'y ait pas de discrimination. On ne veut pas travailler sur deux échelles, trois échelles, une échelle pour une gang puis l'autre échelle pour l'autre; on veut négocier, par le biais des processus qui sont les nôtres, des échelles salariales qui vont permettre à tout le monde d'avoir ce qui leur est dû.

Alors, vous ne me ferez pas donner une position théorique sur quelque chose. La vie de la négociation nous amène à conclure des ententes qui vont faire en sorte que les droits des personnes vont être respectés puis qu'ils vont être reconnus pour ce qu'ils font au quotidien dans les services, pour ce qui nous concerne. Alors, c'est comme ça qu'on prend ça. Vous évaluez que c'est rhétorique; nous, on dit: On ne veut pas déterminer dès maintenant qu'une échelle salariale, ça ne peut se prolonger que vers le haut et ça ne doit pas tenir compte d'un possible allongement vers le bas. C'est possible sans abus. J'ai parlé d'abus.

M. Gobé: Alors, en terminant, Madame...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est terminé, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Bien, je pense qu'il me restait 45 secondes. En terminant...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste sept secondes.

M. Gobé: ...Mme la présidente, ce que je constate, c'est que vous ouvrez la porte à l'ajout d'échelons, à légaliser les clauses discriminatoires, et que vos membres en sont déjà victimes et dans le futur ils pourraient encore en être victimes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de LaFontaine. C'est terminé. Le temps est maintenant terminé. Je suspends donc les travaux quelques instants, le temps de permettre à l'autre groupe de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Lelièvre): La commission va reprendre ses travaux. Tout d'abord, bienvenue aux représentants du Conseil permanent de la jeunesse. Si vous voulez bien vous identifier pour les fins d'enregistrement et nous faire vos présentations. Par la suite, il y aura une période d'échanges. Tout en vous rappelant que vous avez une période de 20 minutes pour faire votre présentation.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

Mme Cauchy (Clairandrée): Merci. Mmes et MM. les députés, bonjour. Les gens qui m'accompagnent: tout d'abord, Rosaire Ouellet, agent de recherche au Conseil, et Sylvain Gendron, membre du Conseil permanent de la jeunesse.

Comme beaucoup de groupes que vous avez entendus – puis je pouvais lire Mme la ministre, au début des présentations, dire: On espère qu'on ne se répétera pas trop – on va essayer de ne pas trop se répéter, mais on a quand même de la suite dans les idées. Donc, on vient vous revoir pour la deuxième fois en commission parlementaire. On était venus en septembre dernier. On vous demandait d'adopter une loi qui interdirait toute pratique qui a pour effet de fixer un régime de conditions de travail inférieures pour les nouveaux ou futurs salariés qui effectuent essentiellement les mêmes tâches que les anciens.

Donc, on est heureux de pouvoir enfin se prononcer sur un projet de loi tangible. D'entrée de jeu, peut-être souligner qu'adopter une loi qui interdit réellement, une fois pour toutes, les clause orphelin comporte une bonne dose de courage puis un profond respect du principe d'égalité. Voilà environ 10 ans que le dossier des clauses orphelin est sur la place publique, deux ans que le débat est très présent au sein des partis politiques, des syndicats, des groupes de jeunes, du patronat par ricochet et dans les médias.

Habituellement, les dossiers de relations de travail se règlent entre patrons et syndicats. Quand il y a un problème, le gouvernement nomme un médiateur, puis chacun fait son bout de chemin, puis on finit par s'entendre sur un compromis. Dans le dossier des clauses orphelin, le schème, le pattern traditionnel est un peu modifié. Des jeunes, des groupes de jeunes ont parlé, ont défendu les intérêts de ceux qui ne se font habituellement pas entendre, de ceux qui ne sont pas là au moment où se signe une convention collective ou qui ne sont pas assez nombreux dans leur assemblée générale de syndicat pour faire balancer une clause orphelin. Le gouvernement n'était pas habitué à ce que les jeunes se mêlent de relations de travail, revendiquent sur un terrain qui est occupé généralement strictement par les organisations patronales et syndicales. Je ne sortirai pas la farce «un scotch, une clause», mais je pense qu'on l'a tous déjà entendue.

Au début, les jeunes n'ont pas vraiment été pris au sérieux. On a tenté de minimiser le problème, d'en réduire la portée. On a joué un peu au paternalisme en essayant de faire comprendre aux jeunes comment fonctionne la game. Bien, justement, cette game inéquitable, elle ne peut pas continuer comme ça. Il faut absolument qu'on change les règles du jeu. Les patrons et les syndicats nous ont montré depuis 10 ans, après deux débats au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, que le pacte social, il ne peut pas fonctionner, que l'autorégulation puis l'autocontrôle, ça ne fonctionne pas. On le voit, on a toujours des clauses orphelin après deux séances de voeux pieux au CCTM. L'inéquité ne doit plus être un choix de négociation. Ça ne doit plus être une possibilité.

Après le paternalisme, le patronat nous a sorti des études bâclées très peu crédibles. Même, en lisant ça, la réaction chez nous, ça a été de dire: À la place du professeur d'université qui a mis son nom en dessous, je serais un peu gêné. Un étudiant de cégep aurait fait mieux. Cette supposée étude nous dit simplement que les clauses orphelin existent ailleurs. Puis après? Elle nous explique le contexte dans lequel elles sont négociées. O.K., mais ça ne les justifie pas, ça ne les rend pas acceptables pour autant.

Puis l'étude tente de nous faire croire – et là, assoyez-vous bien comme il faut – qu'il serait plus équitable de faire payer les jeunes ou les derniers rentrés que de baisser les conditions de travail de tout le monde parce que les anciens sont habitués à leur rythme de vie. Si je comprends bien, ça serait plus équitable de couper les jeunes de 10 %, 15 %, 20 % de salaire plutôt que, par exemple, de rajouter une journée de congé non payée à tout le monde ou de baisser tout le monde de 1 % de salaire. Disons que c'est assez tordu comme raisonnement. Elle conclut finalement, sans plus d'argumentation, aux effets néfastes d'une loi qui interdirait une clause orphelin sans pour autant les démontrer et sans même argumenter. C'est assez bizarre comme raisonnement. D'ailleurs, quand on voit le patronat défendre les acquis des syndiqués, je peux comprendre le président de la FTQ de s'inquiéter quand il voit ce genre de discours là, comme on pouvait le lire dans les présentations.

Les patrons ont brandi des scénarios d'apocalypse si on interdisait les clauses orphelin: les entreprises ne seraient plus compétitives, elles déménageraient aux États-Unis, elles embaucheraient moins de travailleurs, moins de jobs pour les jeunes, comme si les clauses orphelin étaient la seule réponse aux difficultés économiques. D'ailleurs, je vous rappelle qu'on a aussi entendu ces arguments-là lors du débat sur la Loi sur l'équité salariale.

(11 h 10)

Il y a certains patrons qui ont payé de grosses firmes de communications pour orchestrer une campagne médiatique contre la loi sur les clauses. On a vu les sorties de presse d'une coalition patronale pompeusement appelée Coalition pour le maintien de l'emploi, un peu comme des pleureuses italiennes payées pour venir pleurer à un enterrement. C'est un peu l'impression qu'on avait. Le même genre de scénario qu'avant la Loi sur l'équité salariale.

Au début de la commission, le ministère du Travail a aussi publié à peu près en même temps une étude un peu plus rigoureuse que celle du patronat, mais avec certaines données approximatives par rapport au nombre de travailleurs touchés par les clauses et aux pertes d'emplois possibles. On y présente plusieurs scénarios de pertes d'emplois advenant une loi sur les clauses orphelin. Mais les auteurs, par souci de transparence, je crois, prennent soin de préciser que les pertes d'emplois pourraient être nulles si les parties trouvent d'autres moyens d'absorber les réductions de la masse salariale, en d'autres termes, si les patrons puis les syndicats se parlent un peu et sont un peu plus imaginatifs que de faire porter le poids des compressions sur les épaules des nouveaux rentrés. Donc, on peut toujours faire dire ce qu'on veut à des chiffres. Je salue l'honnêteté intellectuelle des auteurs de cette étude. C'est important de rappeler que l'équation ne se fait pas juste en termes de clauses orphelin et d'emplois perdus, il y a d'autres facteurs.

D'ailleurs, une étude réalisée au printemps dernier par un groupe de recherche de l'Université Laval sur le travail des jeunes a démontré qu'il n'y avait pas de lien significatif entre la présence de clauses orphelin et le niveau d'emploi d'une entreprise. Cependant, à certains moments, on peut voir des rapprochements entre les supposés arguments patronaux et le discours du gouvernement. Ça nous inquiète un peu. À force de crier fort, on a parfois l'impression que le patronat a su se faire entendre du gouvernement.

On a devant nous une loi qui va s'autodétruire après cinq ans, une loi qui comporte d'importantes failles. Nous tenons quand même à féliciter la ministre du Travail d'avoir enfin déposé un projet de loi. Il faut maintenant terminer le travail, bonifier ce projet de loi pour qu'il interdise réellement, une fois pour toutes, les clauses orphelin.

On a tendance à regarder ce dossier-là comme l'ensemble des relations de travail. Or, la tentation est forte de considérer le mi-chemin entre deux positions comme la plus raisonnable. Dans le cas des clauses orphelin, le milieu entre l'interdiction et le laisser-aller est encore bien loin de la solution juste et équitable. L'égalité, ce n'est pas négociable. L'injustice ne doit plus pouvoir être un choix quand on arrive à la table de négociation. Il faut enlever ça du panier de négociation. La discrimination ne se tolère pas dans une société qui a justement choisi de se doter d'une Charte des droits et libertés.

Nous analyserons maintenant article par article, grosso modo, pour ceux qui nous intéressent, le projet de loi sur les disparités de traitement. Le premier article, ça va, ça nous va très bien. Ça rejoint la définition présentée par le Conseil. Tel que le projet de loi est écrit, ça a le mérite de couvrir à la fois le salarial et le normatif, à la fois les clauses orphelin permanentes et temporaires. À notre avis, le projet de loi pourrait se terminer là, mais malheureusement il y a des éléments qui viennent par la suite.

Pas de problème non plus avec le premier paragraphe de 87.2. Contrairement à ce que plusieurs ont prétendu dans une tentative de brouiller les cartes, les jeunes ne s'opposent pas, dans ce dossier-là, au principe même de l'ancienneté, mais plutôt à des conditions de travail différenciées en fonction de la date d'embauche. Nous demandons simplement que tous les employés, peu importe leur date d'embauche, soient régis par la même échelle salariale, par le même régime de conditions de travail, y compris pour les nouveaux. Par contre, il pourrait être cependant intéressant, un peu comme dans la Charte des droits, parce que je pense que ça s'inspire clairement de la Charte des droits, l'article 19, de rajouter que ces critères doivent être communs à l'ensemble du personnel, juste pour être certain qu'il n'y a pas d'ambiguïté.

C'est au deuxième article que l'histoire se complique. Cette exception-là voulant qu'on permette des modifications de l'amplitude salariale, c'est-à-dire des rallongements d'échelle, vide de son sens le principe énoncé à 87.1 voulant qu'on interdise à la fois les clauses orphelin permanentes et temporaires. En fait, on a l'impression qu'on offre sur un plateau d'argent la recette pour contourner la loi. Cet article-là transforme un peu la loi en passoire. On retrouve, parmi les clauses orphelin, en fait de moins en moins de clauses orphelin permanentes. De plus en plus, des clauses temporaires sont introduites dans les conventions collectives. Des rallongements d'échelle vers le bas deviennent la norme quand vient le temps de discriminer les nouveaux travailleurs.

À titre d'exemple, on l'a lue, l'étude du ministère du Travail, et on s'est rendu compte que, dans les conventions analysées – on retenait strictement les conventions qui avaient une clause orphelin salariale – eh bien, il y a 70 % des clauses orphelin analysées qui sont des rallongements d'échelle. Donc, 70 %, dans le secteur municipal, des clauses orphelin analysées ne seraient pas interdites par la loi. Donc, on laisse passer les trois quarts des clauses orphelin du secteur municipal dans cette loi-là. Ça n'a pas de sens.

Pour que la loi interdise réellement les inéquités envers les nouveaux travailleurs, il faut absolument que cet article-là soit retiré, il ouvre des brèches trop importantes. On ne veut pas d'une égalité à deux vitesses. Il n'y a pas vraiment de dosage à la discrimination; il y a ou il n'y a pas de discrimination. Donc, on saurait définir une loi qui interdirait partiellement la discrimination. Dans ce cas-là, on est certain qu'il va y avoir autant de clauses orphelin, sauf qu'elles vont toutes être rédigées d'une autre façon. Le premier document du ministère du Travail précisait d'ailleurs qu'une loi partielle serait trop facile à contourner.

Pour ce qui est de l'alinéa 87.3 sur les travailleurs étoilés, qui permet l'introduction un peu d'une clause de droits acquis en cas de réorganisation d'entreprise, de fusion, reclassement, etc., à prime abord, ça ne nous cause pas trop de problème. Par contre, on aimerait ça que soit un peu mieux défini c'est quoi, «temporairement», pour ne pas que ça se rallonge, que les disparités de traitement se rallongent indûment.

Il faudrait aussi faire une petite mise en garde, là. Il faut faire attention aux fausses réorganisations d'entreprise qui pourraient créer des clauses orphelin déguisées. Je vous donne un exemple. Si, par exemple, Vidéotron décidait de créer un service de téléphonie en marketing alors qu'elle a déjà un service de téléphonie pour le service à la clientèle, avec un salaire différent pour celui en marketing, au bout de six mois on décide: ces gens-là font à peu près la même job, on fusionne les services et on conserve les doubles échelles, ça ressemblerait beaucoup à une clause orphelin. Donc, il faut faire attention à quelle sauce on utilise la réorganisation d'entreprise.

Maintenant, on arrive à un autre noeud dans le projet de loi: les délais d'application puis la clause crépusculaire. Bien, en lisant ça, on avait l'impression qu'on riait un peu des jeunes, là. À lire les articles 2 et 4, cette loi-là va passer comme une étoile filante dans la législation québécoise. L'interdiction des clauses orphelin prend effet seulement après trois ans, soit en 2002, 2003, et l'article 4 prévoit que la loi cesse d'avoir effet en décembre 2004. Donc, cette loi-là, elle durerait à peu près deux ans. C'est un peu bizarre. Il faut absolument abolir cette clause d'autodestruction; je l'appelle la clause mission impossible. Cette clause laisse planer un sérieux doute sur la volonté réelle du gouvernement de mettre fin définitivement aux conditions de travail différenciées.

Pour ce qui est du délai d'application, on aimerait ça que la signature de nouvelles clauses orphelin soit interdite dès l'entrée en vigueur de la loi pour ne pas que les conventions qui sont négociées dans le délai de grâce puissent renégocier des clauses orphelin. Ça rendrait l'application effarante. Je n'aimerais pas être à la place des gens qui vont recevoir les plaintes après trois ans. Pour ce qui est des clauses orphelin déjà présentes dans les conventions, un délai de deux ans nous semble plus approprié pour permettre aux parties de renégocier certaines parties de la convention pour trouver des mesures alternatives. D'autant plus que la plupart de ces conventions-là, il y a eu une vague de négociations il y a de ça un an. Donc, dans deux ans, on arriverait à terme.

Maintenant, il y a aussi – j'espère, je pense qu'on n'a même pas besoin de le dire, ça tombe sous le sens – dans le mandat de la Commission des normes du travail, il va falloir bien informer les employeurs, les syndicats, les travailleurs des nouvelles dispositions de la loi sur les clauses orphelin.

(11 h 20)

Maintenant, pour ce qui est des recours, le Conseil permanent de la jeunesse recommande que les plaignants, en vertu de l'article sur les disparités de salaire – «clauses orphelin», j'aime mieux ça, ça précise mieux – puissent être assistés gratuitement par un avocat de la Commission des normes du travail. Ce genre de mesure là, ça existe déjà pour les questions de congédiement sans cause juste et suffisante, article 126.1. Il y a plusieurs mécanismes, là, mais il y a une chose qui est claire, il faut que le recours soit simple, efficace et pas coûteux pour les personnes qui veulent porter plainte. D'ailleurs, j'écoutais les présentations en commission, puis effectivement ce serait un petit peu gênant d'obliger les gens à passer par leur syndicat, passer par les autres recours avant d'arriver à la Commission des normes. Il y a un petit conflit d'intérêts là-dedans.

Maintenant, la Loi des normes s'applique à certaines catégories d'emplois. Il y a beaucoup d'exceptions. Je pense, entre autres, aux médecins, à certains policiers provinciaux, à certains pompiers, en fait, tous les corps d'emplois, toutes les catégories d'emplois qui ont une loi spécifique qui détermine leur salaire. Donc, il faudrait que, dans chacune de ces lois spécifiques, on interdise les clauses orphelin, un peu dans le même esprit qu'on le fait dans la Loi sur les normes du travail.

Maintenant, en conclusion, j'aimerais amener une petite réflexion. On dit que, derrière chaque inéquité, il y a un préjugé. Alors, on se demande: Se peut-il que certains entretiennent des préjugés à l'égard des jeunes en emploi? Qu'on se permette, sur la base de certains préjugés, de faire porter le poids des compressions sur les épaules des nouveaux arrivés, des jeunes, de ceux qui sont en minorité? Se peut-il qu'on entretienne des préjugés quant aux responsabilités financières des jeunes adultes?

Si on se reporte 15 ou 20 ans en arrière, on disait sensiblement la même chose au sujet des emplois pour les femmes. On considérait qu'elles devaient seulement gagner un salaire d'appoint. Il était normal que les emplois occupés par des femmes soient généralement moins rémunérés. Quinze ou 20 ans, peut-être même un peu plus loin dans l'histoire, on ne reconnaissait pas la valeur du travail pour ce qu'il vaut, mais plutôt en fonction de la situation économique.

J'aimerais vous rappeler d'ailleurs que, pour une des premières fois au cours du siècle, la jeune génération, les jeunes d'aujourd'hui s'appauvrissent. Selon une étude du Bureau de la statistique, les jeunes d'aujourd'hui sont 20 % plus pauvres que ne l'étaient les jeunes il y a de ça 20 ans. Et, contrairement à ce qu'on pourrait croire, cet appauvrissement-là n'est pas dû au taux de chômage – qui est, cela dit, inquiétant – des jeunes, mais plutôt, toujours selon une autre étude de Statistique Canada, au faible salaire horaire des jeunes. Donc, ce n'est pas uniquement les clauses orphelin, mais les clauses orphelin peuvent contribuer à cet appauvrissement des jeunes. Alors, ça a des conséquences. Chez beaucoup de jeunes, ça peut retarder des projets à long terme, comme l'achat d'une maison ou encore la décision d'avoir un enfant.

À ce sujet, on pouvait lire, en fin de semaine dernière, dans La Presse , que le taux de natalité a diminué, en 10 ans – seulement 10 ans – de 25 %. Et les femmes ont maintenant... Au moment d'avoir leur premier enfant, la moyenne d'âge des femmes est maintenant de 28 ans. Et puis je regardais des vox pop à la télé. On interrogeait des jeunes femmes, et elles nous disaient toutes: C'est la précarité. J'attends d'avoir un emploi plus stable avant d'avoir des enfants. Ça a un impact à long terme. Dix ans, c'est très court pour une diminution de 25 %. Il faut inclure ces éléments-là dans notre réflexion sur les clauses orphelin.

En conclusion, le cas des clauses orphelin doit nous rappeler un principe de base: à travail égal, salaire égal. Et ce n'est même pas la question de l'équité, c'est la question de l'égalité. C'est encore plus «basic», là. Ce principe ne saurait souffrir de demi-mesure. Le débat a assez duré. Le temps est venu pour le gouvernement de choisir la justice, le bon droit. Puis il n'y a rien qui peut être placé dans la balance pour limiter le principe d'égalité du travail. En fait, l'égalité, ça ne devrait même pas être une possibilité à la table de négociation. Des injustices, ça ne devrait pas pouvoir être négocié. Dans notre société, on a choisi par une Charte des droits, l'égalité, ce n'est pas négociable.

Le Conseil demande donc au gouvernement d'adopter, dès le début de la prochaine session, une loi qui interdirait toute forme de clause orphelin, une loi qui éliminerait autant les clauses orphelin permanentes que temporaires, une loi qui entrera en vigueur dès sa sanction, qui laisserait deux ans aux parties pour éliminer les clauses déjà existantes, une loi qui ne s'autodétruirait pas après quelques années. Et on espère qu'on n'aura pas à traîner ce boulet-là, on le traîne déjà depuis deux ans, par exemple, jusqu'à un Sommet de la jeunesse. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, Mme Cauchy. Alors, j'inviterais Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme Cauchy, de votre présence – je salue aussi M. Gendron et M. Ouellet – et de votre présentation.

D'abord, je dois dire que j'apprécie que vous ayez lu en entier la recherche, l'étude d'impact du ministère du Travail, avant de vous prononcer. C'est une première règle importante dans la vie: vaut mieux prendre connaissance d'un ensemble avant d'en tirer des conclusions.

Il y a beaucoup de choses, il y a peut-être quelques remarques. On a eu beaucoup, beaucoup de commentaires sur la clause crépusculaire, la période de transition, le délai d'application. Juste donner une indication qu'il y a des recommandations qui ont été formulées qui sont intéressantes. Je pense qu'il y a des choses qu'on va retravailler au moment où on va tirer les conclusions de cet exercice parlementaire. C'est bien évident qu'on va retravailler des choses à ces sujets-là.

Mon Dieu, je ne sais pas comment aborder cette séance-là avec vous. Vous dites: On ne s'oppose pas à l'ancienneté. Vous parlez beaucoup d'égalité. Quand on a des employés dans une entreprise ou dans des établissements publics, ce n'est pas vrai que tout le monde est traité également. Les gens qui travaillent depuis 10 ans peuvent avoir accès à trois semaines de vacances puis ceux qui travaillent depuis deux ans vont avoir accès à une semaine de vacances. Ce n'est pas vrai qu'il y a égalité. On a reconnu, au Québec comme dans bien des sociétés occidentales, qu'il y a un certain nombre de choses qui peuvent te donner accès à, je ne sais pas si on doit appeler ça des privilèges, mais, en tout cas, des conditions de travail différentes: l'ancienneté, quand tu travailles là depuis plus longtemps, quand tu as une formation alors que l'autre n'en a pas. Vous introduisez beaucoup le concept d'égalité, puis j'avoue que je ne sais plus où tirer la ligne.

Est-ce qu'on peut avoir des vacances différentes si ça fait 10 ans qu'on travaille dans une entreprise?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Mais je vous l'ai dit, quand on veut brouiller les cartes de ce débat-là, on dit que les jeunes s'en prennent à l'ancienneté. Puis je pense qu'il ne faut pas brouiller les cartes, justement. L'ancienneté, c'est une chose. C'est normal qu'il y ait une progression... En tout cas, ce n'est pas le débat qui est sur la table actuellement. Qu'il y a une progression sur une échelle salariale, parfait, mais que l'échelle salariale soit la même pour tout le monde. Moi, là, quand je commence dans une entreprise puis je sais que mon voisin qui a 10 ans d'ancienneté, il a un mois de vacances, bien c'est normal que, moi, après 10 ans d'ancienneté, je me dise: Bien, moi aussi, je vais avoir un mois de vacances. C'est normal.

Là où on a un problème, c'est quand on a deux régimes différents. Que ce soit temporaire ou permanent, quand on a deux régimes différents, ça veut dire qu'un groupe n'aura pas accès aux mêmes conditions que l'autre groupe. Quand on dit, par exemple, que les rallongements d'échelle, ça finit tout par s'estomper, bien, excusez, mais, quand vous avez un échelon de plus au début de votre entrée, votre échelon de plus, vous le conservez, hein, puis, pendant 10 ans, vous allez avoir – je prends un cas d'un échelon qui vaudrait 2 000 $ – 2 000 $ de moins que si vous aviez l'autre échelle, si vous n'aviez pas eu de rajout d'échelon. Ça, ça a des conséquences à long terme.

Donc, un même régime de conditions de travail pour tout le monde, donc la même échelle salariale. On ne demande pas un taux unique pour tous les travailleurs du Québec, là, sinon il y aurait plus de monde à la commission parlementaire.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais il reste, Mme Cauchy, que – loin de moi de m'attendre à l'unanimité, là; on a eu une discussion tout à l'heure avec les intervenants qui vous ont précédés – il y a quand même certains groupes de jeunes qui positionnent ce dossier-là dans le contexte de la reconnaissance de l'ancienneté.

Mme Cauchy (Clairandrée): Nous, on ne le fait pas.

Mme Lemieux: C'est un débat. C'est un débat. Mais, en fait, ce que je veux vous demander, c'est: Est-ce que vous convenez avec moi – vous avez donné beaucoup d'exemples concrets, vous avez l'air de quelqu'un de pragmatique – qu'il arrive que l'échelle salariale, ce n'est pas quelque chose de fixe dans le temps, c'est quelque chose qui se négocie d'une manière périodique parce qu'on est à la fin d'une convention collective ou parce qu'il y a certains événements qui arrivent dans le contexte dans lequel une entreprise se situe?

(11 h 30)

Je reviens toujours avec mon même exemple que je vais finir par savoir par coeur: supermarché A qui existe depuis 20 ans, qui a une échelle salariale de 8,50 $ qui peut se rendre jusqu'à 14,10 $ de l'heure, qui existe donc depuis 20 ans. On imagine le scénario, des hommes et des femmes qui sont dans un quartier, qui travaillent depuis longtemps. Ce n'est pas des gros salaires, hein, il n'y a pas de luxe là-dedans. Et, oups!, arrive un géant, supermarché B, 20 ans plus tard. Et, lui, il n'est pas syndiqué, il n'a pas d'historique, il n'a pas des employés depuis 10, 15 ans dans son entreprise. Il part son échelle salariale à quelques dollars de moins. Évidemment, comme on dit, ça bouscule beaucoup le supermarché A qui est aux prises avec... Il se doit de revoir son échelle salariale pour faire face à la musique. Est-ce que vous convenez qu'une échelle salariale, ça peut bouger?

Parce que, écoutez, vous refusez... Enfin, vous n'approuvez pas cette idée d'échelons, même d'échelons vers le bas. On essaie d'encadrer, on essaie de dire: Quand une entreprise, pour toutes sortes de raisons, doit rebrasser sa masse salariale, son échelle salariale, des échelons vers le bas, ça peut faire partie des possibilités. Vous excluez ça aussi. Là, je veux dire, on a des considérations concrètes avec lesquelles on doit composer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Attention. On ne vous demande pas d'exclure les rajouts d'échelons vers le bas. Mais pas n'importe comment, par exemple. On vous demande d'abolir l'article qui vient faire une exception, l'article 87.2 qui vient limiter l'application de l'article 87.1, qui est une exception. O.K. Si on enlève cet article-là, par exemple, il serait toujours possible de rajouter un échelon vers le bas, sauf que... Je ne suis pas juriste, là, mais la façon dont on le comprend, ça serait toujours possible. Sauf que, si on rajoute un échelon vers le bas, bien, tout le monde va être évalué en fonction de ton ancienneté. Si, normalement, en fonction de l'échelle comme elle est modifiée, après un an de salaire, on gagne un salaire x, après deux ans d'ancienneté, on gagne un salaire y, trois ans, un salaire z, bien, il va falloir que tout le reste de l'échelle s'applique, puis que ça s'applique à tout le monde.

Parce que là, en rajoutant des échelons vers le bas, on dit: Pour les nouveaux qui rentrent, vous avez un échelon de plus à franchir. Mais celui qui est à l'échelon 3, il ne descend pas à l'échelon 2, lui. Son évaluation de l'ancienneté, elle ne se refait pas. Donc, on crée une double échelle temporaire en rajoutant un échelon vers le bas. Soit! Vous voulez rajouter des échelons vers le bas? Parfait, mais on va réévaluer l'ancienneté de tout le monde dans la place pour que ça affecte tout le monde, pas juste les nouveaux rentrés, pour ne pas qu'on crée une clause orphelin temporaire.

Maintenant, je peux comprendre qu'il y a des contextes – vous en avez donné un, il peut y en avoir plusieurs autres – où une entreprise a à revoir sa masse salariale. Mais pourquoi c'est juste les nouveaux rentrés qui doivent revoir leur masse salariale? Pourquoi c'est juste eux qui doivent porter le poids de l'adaptation? Il y a une limite aux droits acquis, là. Il y a une limite. C'est comme si c'était juste les jeunes qui avaient à porter le poids, et puis que le travail des autres, lui, il n'avait pas à s'adapter. On va leur demander d'apprendre les nouvelles technologies sur le marché du travail? Bien, s'il faut faire une compression, on va la porter de façon solidaire.

Les jeunes, déjà, commencent au bas de l'échelle. Puis je pense qu'on ne remet pas ici ce principe-là en cause. Mais on ne rallongera pas l'échelle vers le bas, pour qu'ils commencent encore plus bas, sans toucher au reste de l'économie de l'échelle salariale. Donc, je pense que votre exemple des supermarchés A et B, c'est un peu un faux exemple, là.

Mme Lemieux: Mme Cauchy...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mme Cauchy, je dois vous dire que c'est un vrai exemple...

Mme Cauchy (Clairandrée): Non, non, mais...

Mme Lemieux: C'est un vrai cas, ça.

Mme Cauchy (Clairandrée): ...c'est un faux problème. Je pense que M. Gendron voulait...

Mme Lemieux: Mais je veux juste vous dire que l'interprétation que vous m'avez faite, tout à l'heure... Je veux profiter de l'occasion pour être bien claire là-dessus. L'interprétation que vous m'avez faite tout à l'heure, c'est-à-dire s'il y a un rebrassage – appelons ça comme ça – d'une échelle salariale...

Des voix: ...

Mme Lemieux: J'aimerais ça qu'on s'entende. S'il y a un rebrassage d'une échelle salariale, on doit se retrouver avec une seule échelle salariale pour tout le monde. Si c'est l'interprétation que vous avez, ça tombe bien, c'est le sens du projet de loi. Si on a des clarifications à faire... Bien, écoutez, on a je ne sais pas combien de juristes qui ont travaillé là-dessus, c'est exactement le sens du projet de loi.

Oui, il peut y avoir un changement dans l'amplitude, je ne reprendrai pas la formulation. Alors, un changement dans l'amplitude, ça veut dire qu'on peut ajouter des échelons vers le bas, on peut en ajouter entre. Supposons qu'on prévoyait, l'échelle, de passer de 10 $ à 11 $, on dit: Bon, bien, à partir de maintenant, on va passer de 10 $ à 10,50 $, 11 $. Mais ce ne sera qu'une seule échelle. Ce que la loi prévoit, c'est que ces changements d'amplitude là à l'échelle salariale doivent s'appliquer à tous les salariés. C'est exactement le sens du projet de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gendron.

M. Gendron (Sylvain): En théorie, Mme la ministre, le simple rajout d'un échelon vers le bas, ça s'applique à tous les salariés, parce que ce sont tous les salariés de cette catégorie d'emploi là qui subissent ce rajout d'échelon vers le bas là. Par contre, le simple rajout d'un échelon vers le bas, ça n'affecte jamais les autres salariés qui sont déjà en emploi.

Le problème avec les clauses orphelin – et, nous, on a toujours prétendu la même chose – c'est que c'est de la discrimination en fonction de la date d'embauche. Alors, on ne change pas notre orientation là-dessus. À partir du moment où il y a une discrimination en fonction de la date d'embauche... C'est-à-dire que ceux qui sont rentrés de zéro à un an, exemple, ne seront jamais touchés par ça, le rajout d'un échelon par le bas, parce que, eux, ils l'auront déjà atteint.

Le réaménagement d'une échelle salariale qui va toucher vraiment tous les employés d'une entreprise qui travaillent depuis zéro année jusqu'à depuis 25 années dans la même entreprise, ce n'est pas une discrimination en fonction de la date d'embauche, puisque tout le monde est touché au même chef par ce remaniement-là, appelons-le comme ça.

Alors, il y a une distinction fondamentale, selon nous, entre la théorie de l'application du deuxième alinéa de 87.2, qui permettrait le simple ajout d'un échelon vers le bas parce que, en théorie, ça touche quand même tous les gens de ce secteur d'emploi là, et la pratique.

Mme Cauchy (Clairandrée): Dans la pratique, quand on rajoute un échelon, on n'évalue pas le reste de l'échelle salariale puis on ne réajuste pas. Donc, on introduit une clause orphelin temporaire, dans la pratique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie. Oui, bien, là, j'ai deux personnes qui veulent parler. Avez-vous une autre question sur le même sujet, Mme la ministre?

Mme Lemieux: Non, je me tais.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Mme Cauchy, dans votre mémoire, vous proposez l'assistance, gratuitement, dans toutes les démarches, d'un avocat pour un plaignant. Toutefois, il me semble que déjà, par la loi sur l'assistance juridique, c'est déjà en vigueur. Et, si la Commission des normes reçoit une plainte et elle la juge recevable, elle assume déjà, en tout cas en bonne partie, sinon tous, les frais d'un plaignant. Alors, sur quoi vous basez-vous pour proposer une telle démarche si, finalement, elle existait déjà?

M. Gendron (Sylvain): Mme la députée, cette démarche...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gendron.

M. Gendron (Sylvain): Merci, Mme la Présidente. C'est vrai que cette démarche-là existe dans n'importe quel recours judiciaire pour des individus qui rencontrent des critères très précis et qui rencontrent des critères qui ne sont pas nécessairement très exigeants, on parle en termes de revenus ou ces choses-là. Alors, je n'ai pas les critères exacts qui font qu'un individu sera admissible à l'aide juridique. Par contre, à partir du moment où un individu travaille à temps plein depuis deux, trois ans, je peux vous garantir, moi, qu'il ne sera pas admissible à l'aide juridique. Alors, on écarte complètement le recours à l'aide juridique.

Ce qu'on veut, c'est que... Ce recours-là, d'ailleurs... Cette assistance-là existe déjà dans la Loi sur les normes du travail en vertu d'un congédiement pour cause juste et suffisante, s'il y a une plainte. Alors, ce recours-là, on n'invente pas ça. Cette accessibilité-là existe déjà pour certaines catégories d'individu. Nous, on demanderait de rendre l'accessibilité pour les gens qui feraient une plainte en vertu de ce projet de loi là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie, est-ce que vous avez... Non? Alors, Mme la ministre.

Une voix: Non, ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste quatre minutes.

Mme Lemieux: Je vais les prendre à la fin.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! Vous allez attendre à la fin. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Madame, mademoiselle... en tout cas, Mme Cauchy, bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous voir à cette table.

Une voix: Ha, ha, ha! Ça ne se dit plus.

M. Gobé: Non? Bien, je ne sais pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Honni soit qui mal y pense... Je suis discriminatoire, hein? Il y a d'autres genres de discrimination auxquelles on devrait s'attaquer plutôt que celle-là, en tout cas.

Alors, madame, je suis content de vous voir ici. Dans votre fonction, vous avez l'habitude de rencontrer les différentes formations politiques, faire valoir le point des jeunes du Québec que vous représentez. Je dois dire que vous le faites toujours avec beaucoup d'efficacité, d'élégance, mais aussi de fermeté, et c'est peut-être les premiers mots que je tenais à vous dire.

J'irai tout de suite à une remarque que Mme la ministre vous a faite, elle a dit: J'ai vu que vous avez – on vous félicitait quasiment – vu l'étude d'impact du gouvernement qui a été déposée avant de parler. Oui, je vois que vous l'avez lue, mais je me demande si elle, elle l'a lue. Parce que, si vraiment la volonté de la ministre, c'est d'abolir les clauses orphelin, faire en sorte qu'il n'y en ait pas de clauses orphelin, eh bien, à la page 9 de son mémoire, elle trouverait exactement la situation telle qu'elle va être.

(11 h 40)

Et je vais me permettre de le lire: «D'autre part, chez les travailleurs non syndiqués, l'effet du projet de loi sera beaucoup plus difficile à percevoir et à évaluer. Les contrats de travail étant individuels, et non écrits, dans la plupart des cas, la démonstration à l'effet qu'un nouveau travailleur est victime de disparité de traitement sera difficile à faire. De plus, comme ces dispositions affectent des nouveaux employés, il serait étonnant que ceux-ci portent plainte en grand nombre auprès de la Commission des normes du travail contre leur nouvel employeur. Enfin, il est fréquent que les employés non syndiqués ne connaissent pas les conditions de travail des autres employés qui effectuent les mêmes tâches qu'eux dans le même établissement rendant, par le fait même, le constat d'une disparité impossible à faire et à démontrer devant la Commission.»

On vient de nous dire qu'une partie des travailleurs, la loi ne s'appliquera pas à eux, on ne sera pas capable de la faire valoir, la loi. C'est dans le rapport de la ministre. Elle l'a cité pour parler des pertes d'emplois, mais elle ne l'a pas cité pour nous démontrer aussi les conséquences qui peuvent arriver.

Alors, est-ce que vous croyez, vous, qu'il est juste et normal que ce projet de loi là soit fait en fonction – parce qu'on a analysé juste ça – du taux de syndicalisation propre à chacun des secteurs d'activité? Ou est-ce que le projet de loi ne devrait pas être capable de s'adapter et de protéger l'ensemble des travailleurs?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Oui. Réponse en deux volets. Le premier, quand on parle de la difficulté de porter plainte devant la Commission des normes, juste le nombre de plaintes déposées en vertu des clauses de disparité de traitement devant la Commission des droits de la personne, ça nous fait dire qu'il faut des campagnes d'information, à la fois dans les milieux syndiqués et non syndiqués, et des recours faciles pour les jeunes.

Maintenant, c'est certain qu'on était content que la loi porte sur les normes du travail, parce que ça permet de couvrir à la fois des milieux syndiqués et des milieux non syndiqués où il y aurait des politiques salariales. On s'entend, là, ce n'est pas tous les contrats individuels de travail, sinon ça devient quand même assez complexe, mais où il y aurait une certaine politique salariale. Par contre, je dois vous avouer sincèrement que ce qu'on voit, jusqu'à maintenant, le problème, il se pose beaucoup en milieu syndiqué. C'est probablement parce qu'on en entend un peu plus parler mais probablement aussi parce qu'il y en a un peu plus. Donc, ça nous apparaissait important que ça couvre très bien le milieu syndiqué et que ça couvre aussi bien le milieu non syndiqué.

Cela dit, je vois mal les aménagements qui pourraient être faits pour le milieu non syndiqué, si ce n'est d'avoir une bonne campagne d'information puis des recours faciles, accessibles, gratuits.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Donc, en ce qui concerne les recours, vous avez des suggestions à faire pour faciliter ça, pour rendre ça plus efficace.

Mme Cauchy (Clairandrée): Oui. Bien, un peu comme on le disait dans le document que vous avez reçu, que tout le monde puisse bénéficier de l'aide d'un avocat payé par la Commission des normes du travail, un peu comme l'article 126.1, et que ce soit plus facile.

Puis il y a un mécanisme aussi dans les normes qui dit qu'il faut avoir épuisé tous les autres recours possibles avant d'en arriver à la Commission des normes. Eh bien, ça, dans le cas des clauses orphelin, ce n'est pas très sensé, là. Parce que les mécanismes, par exemple, de dépôt de grief, c'est un peu discutable, là, de penser que le syndicat va lui-même remettre en question sa convention collective. S'il le fait, tant mieux, mais permettez-moi d'en douter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: D'autant plus qu'on a pu voir les jeunes enseignants venir nous dire qu'eux avaient peu de confiance dans les instances syndicales: peu de démocratisation, convoqués au conseil de discipline quand ça ne fait pas l'affaire de certains dirigeants, menace d'expulsion, enfin... Lorsqu'on voit ça, on peut aisément comprendre qu'est-ce que vous voulez dire.

Dans votre témoignage, vous nous faites valoir que le taux de natalité a diminué de 25 % en 10 ans. Je crois que c'est là une constatation importante. On sait que notre société connaît un problème majeur en termes de renouvellement, de fondation de famille, de vision enthousiaste des jeunes envers la société de s'établir. Comment vous verriez, vous, ce projet de loi là, intervenir directement pour contribuer à remédier? Je dis bien contribuer, parce qu'il n'y a pas juste ça à remédier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): O.K. Je ne ferai pas de la démagogie. Je ne vous dirai pas qu'une loi sur les clauses orphelin va faire augmenter le taux de natalité. Je ne suis quand même pas démagogue. Mais je peux vous dire, par contre, que, quand je regardais le vox pop puis que j'entendais parler de précarité, j'entendais parler de salaires, faibles salaires, de salaires difficiles, les gens attendent d'avoir des meilleures conditions de travail, meilleurs salaires, plus de revenus. Bien, je pense qu'il y a un certain lien entre la réalisation de projets à long terme puis, par exemple, des inéquités comme les clauses orphelin qui font que les jeunes ont moins de revenus disponibles, donc moins de revenus, entre autres, pour pouvoir avoir des enfants.

Maintenant, je pense que les clauses orphelin, c'est un peu la pointe de l'iceberg des conditions de travail des jeunes, mais c'est une pointe importante. Et puis il faut au moins régler ça pour qu'on puisse justement creuser plus loin dans la question de la précarité de l'emploi chez les jeunes, des conditions de travail des jeunes puis de la pauvreté qui grandit chez les jeunes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. J'aurai l'occasion de revenir. Mon collègue d'Anjou voulant poser une question, je lui cède la parole.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui. Je vais lui donner moi-même, c'est ma tâche, M. le député.

M. Gobé: Je vous demande de la lui céder, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On est en train de me voler ma job, là. Alors, M. le député d'Anjou.

M. Gobé: C'est discriminatoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est quasi ça.

M. Lamoureux: Merci, Mme la Présidente, de m'attribuer ainsi le droit de parole. Mme Cauchy, M. Gendron, M. Ouellet, tout d'abord, félicitations, je pense, pour la qualité des documents que vous avez produits devant nous, les mémoires, qui sont remplis premièrement de bonnes suggestions, d'exemples également. Tout à l'heure, la ministre a vanté votre pragmatisme; je vais le mettre un peu à l'épreuve.

Vous mentionnez, justement suite à un exemple, que, pour vous... «Cependant, afin d'éviter que des disparités de traitement se prolongent indûment, le Conseil recommande de mieux définir la notion de "temporairement" afin que la disparité de traitement soit éliminée dans les plus brefs délais et que le salaire de la minorité des employés les moins bien rémunérés rejoigne le salaire des autres.» Vous y allez par la suite d'un exemple où on pourrait artificiellement créer une clause orphelin temporaire mais qui aurait, dans le fond, le même résultat.

Je comprends que «temporairement», c'est vague et ça ne permet pas... mais j'imagine que vous devez avoir une durée ou, à tout le moins, une idée précise de ce que devrait être l'encadrement pour justement remédier à ce genre de situation là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy. M. Gendron.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je vais commencer puis... La liste de toutes les exceptions possibles à 87.3 est assez longue et elle est assez floue. Je pense qu'on serait mal aisé... On n'a pas défini précisément qu'est-ce que devait être le «temporairement», premièrement parce qu'on n'a pas les ressources que le ministère du Travail a. On n'a pas de juriste parmi notre équipe et ça demande une évaluation un petit peu plus fine. D'autant plus que la liste des situations de travailleurs étoilés est assez longue puis c'est des cas qui sont assez différents les uns des autres. Donc, on n'a pas voulu s'embarquer de façon aussi précise. Puis je pense que – je lance la balle à la ministre du Travail – ils sont capables de faire ces études-là.

Cela dit, si cette notion de travailleur étoilé reste de façon déterminée, ça peut devenir dans certains cas... ça peut s'apparenter à des clauses orphelin permanentes, à long terme. Il faut voir la façon dont la clause a été rédigée puis la façon dont la convention s'applique, là. Il y a une marge.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gendron.

M. Gendron (Sylvain): Oui. Il n'y a pas grand-chose à rajouter. Effectivement, c'est difficile de définir la notion de «temporairement», définir ce que c'est, «temporairement». Par contre, il faut qu'il existe quand même une certaine marge de manoeuvre. Alors, on ne peut pas dire: C'est trois mois, c'est six mois, parce que, dépendamment de la situation où le mot «temporairement» va trouver application, il y aura une durée différente. Sauf qu'il faudrait peut-être essayer d'encadrer d'une façon quelconque ce que ça représente «temporairement». Parce que, si on se rend à deux ans, ce n'est plus temporairement, là. Alors, on a créé une clause orphelin qui a duré deux ans.

M. Lamoureux: Dans le fond, si je peux résumer, c'est qu'étant donné que la liste est vaste et puis que ce n'est pas suffisamment encadré, si on ajoute à ça le fait qu'on y insère la notion, là, de clause temporaire, si on veut, pour vous, le résultat de ces deux imprécisions dans la loi fait en sorte que vous craignez que des clauses orphelin permanentes, on puisse réussir à en inclure dans les conventions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, il faut absolument éviter que l'exemple qu'on vous a donné, par exemple, de deux services de téléphonie qui sont créés et qui, finalement, sont fusionnés avec deux salaires différents où on se doute très bien qu'au moment où on a créé le premier service le but, c'était de les fusionner six mois plus tard, il faut absolument éviter que des exemples comme ça puissent s'appliquer.

M. Lamoureux: Parfait. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous faites une proposition intéressante à la page 8 en c. «Comme nous l'avions précisé dans notre mémoire, certaines catégories d'emplois du secteur public ne sont pas couvertes par la Loi des normes du travail. C'est notamment le cas des policiers provinciaux, agents correctionnels, des médecins, des procureurs de la couronne, etc.»

(11 h 50)

Vous en faites une proposition. On ne le retrouve pas dans le projet de loi. Les jeunes médecins sont venus nous voir. On a eu d'autres remarques de différents autres groupes. Nous en sommes, nous. De notre côté, nous sommes en accord avec cette position-là et nous demandons au gouvernement de la faire. Est-ce que, dans votre cas, c'est une recommandation qui est indispensable à votre support au projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, ce qu'on propose là, ça doit absolument accompagner le projet de loi. Ce qu'on propose là, dans le fond, ça transformera un peu le projet de loi en espèce de bill omnibus où on viendrait modifier d'autres lois qui fixent la rémunération d'autres catégories d'employés comme, par exemple, les médecins, les policiers, les pompiers, etc. Tout le monde. Il y en a, là. J'ai vu la pile, elle est grosse comme ça à peu près là. Tous les corps d'emplois, toutes les catégories d'emplois qui ont une loi spécifique qui fixe le salaire.

Mais, dans le fond, on ne peut pas l'interdire à moitié puis le laisser pour une dizaine, une vingtaine, une trentaine d'autres catégories d'emplois qui sont importantes. On a vu des clauses orphelin chez les policiers, chez les pompiers. Il y en a puis il y en a beaucoup. Puis il ne faut pas l'interdire à moitié, il faut l'interdire au complet, pour tout le monde.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Actuellement, le gouvernement est en négociations avec ses employés de l'État, ou ça commence en tout cas. Est-ce que, d'après vous, le gouvernement devrait profiter de cette ronde de négociations pour nettoyer ses écuries et régler toutes les clauses orphelin qu'il y a dans son administration?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): C'est une question?

M. Gobé: Oui.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien sûr. Puis je pense que...

M. Gobé: Parce que la CEQ n'était pas prête à dire oui, alors, je la pose à vous.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, je prends la balle au bond. Je pense que le gouvernement doit donner l'exemple, donner l'exemple en adoptant une loi complète, donner l'exemple dans ses négociations, dans les messages qu'il lance aussi aux municipalités, là. Les taux de clauses orphelin dans les municipalités, ça a grimpé énormément puis ça commence à être très, très, très inquiétant.

Donner l'exemple aussi – là je me permets de déborder un peu – en matière de précarité de l'emploi. Je pense qu'il y a les clauses orphelin, c'est un exemple de pratique inéquitable, mais il y a d'autres exemples. Puis il y a une précarité du travail dans la fonction publique. On l'a vu, les infirmières, quand elles nous disaient: Il y en a 40 % qui sont à statut précaire. Puis j'ai même lu, cette semaine, 60 %. Donc, je pense que le gouvernement a un exemple à donner dans sa propre cour en matière de précarité d'emploi. On vous prépare d'ailleurs un avis sur la précarité d'emploi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. On se rend compte – puis vous l'avez mentionné – que dans les municipalités actuellement il y a une floraison de ce genre de situation, ou une explosion en tout cas. Est-ce que vous pensez que, vu que ces municipalités vont nous dire et nous disent qu'elles n'ont d'autres recours, le gouvernement ne devrait pas procéder à des changements dans les règles régissant le travail, les relations de travail au Québec, premièrement, et, deuxièmement, dans sa fiscalité avec les municipalités, pour éviter qu'elles soient obligées d'avoir recours à des choses comme ça? Est-ce que ça ne serait pas des solutions qui seraient ouvertes là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je pense que la question de la fiscalité, je laisse ça à Mme Harel. Je pense qu'elle a beaucoup de discussions ces temps-ci là-dessus. Je vous dirais par contre que c'est vrai pour les municipalités, c'est vrai pour partout où il se négocie des clauses orphelin. Quand on dit: On n'a pas le choix, O.K., ça veut dire qu'on enlève d'autres choses de la table. Quand on dit: Il nous reste juste les clauses orphelin, ça veut dire qu'on enlève les marges de profit là où il y en a, parce que ce n'est pas toutes des entreprises qui sont sur le bord de la banqueroute – il y en a, ce n'est pas toutes – ça veut dire qu'on enlève le salaire des autres employés, ça veut dire qu'on limite aussi la possibilité d'organiser le travail différemment.

Il y a moyen d'avoir une flexibilité dans l'organisation du travail sans pour autant passer une clause orphelin. Ça peut être des journées de congé non payées. Il y a des villes où on a vu une réduction de la semaine de travail, non payée. Je pense que tout le monde était content d'avoir une heure de moins de travail par semaine. Puis il y avait un gain de productivité au total quand même.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine, il vous reste deux minutes.

M. Gobé: Merci, madame. Advenant le cas – et c'est le cas – que la législation du travail actuelle rende trop rigide un changement dans l'organisation du travail ou ne le favorise pas – dans les municipalités, je parle, d'accord, en particulier; le reste, c'est différent peut-être – croyez-vous que le gouvernement devrait donc se pencher rapidement sur des réformes, en particulier le Code du travail, afin de voir à régler ces situations qui font en sorte que les municipalités des fois ou généralement – je fais attention aux mots que je dis – n'ont d'autre choix que d'avoir recours à ce genre... ou nous disent n'avoir d'autre choix que d'avoir recours...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gendron.

M. Gendron (Sylvain): On a vu, M. le député – vous citez le cas des municipalités, par exemple – à plusieurs reprises des clauses orphelin être créées dans le domaine municipal, alors qu'on donnait des augmentations de salaire de 3 %, 4 %, 5 %, 6 % aux travailleurs plus anciens. Alors, qu'on ne vienne pas me dire que c'est la dernière option qui s'offre à nous, une fois qu'on a donné des augmentations de salaire de 3 %, 4 %, 5 %, 6 % aux travailleurs les plus anciens. Probablement que c'est vrai que c'est la dernière option qui s'offre une fois que ces augmentations de salaire là ont été données, mais, si on n'avait pas donné ces augmentations de salaire là, peut-être qu'on aurait eu d'autres options que l'adoption de clauses orphelin.

Pour ce qui est de la réforme du Code, on attend la réforme avec impatience, peut-être avec la même impatience que vous. On verra à ce moment-là s'il y a lieu de se prononcer là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Trente secondes, M. le député.

M. Gobé: Oui, en terminant, réponse au petit problème de la ministre, supermarché A, supermarché B, ce qu'elle le dit depuis une semaine, 10 jours. Bien, lorsqu'une entreprise connaît une compétition nouvelle par rapport à une autre entreprise, c'est que le marché est en train de bouger. On ne peut pas légiférer le marché, elle l'a dit elle-même. À ce moment-là, le marché s'adapte. Il me semble que, moi, si j'étais propriétaire de l'entreprise A ou travailleur, je dirais à mon patron: Bien, on va baisser nos salaires à tout le monde pour pouvoir continuer à fonctionner, compétitionner ce B qui vient nous ennuyer sur notre terrain. Je ne dirais pas: Donne-moi mon salaire à moi, puis prend donc les petits jeunes à la place pour me payer mon salaire, puis fais-les travailler moins cher. Alors, la réponse, c'est l'équité, c'est la justice, c'est que tout le monde doit participer aux profits comme à la décroissance et à la compétition.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de LaFontaine. C'était donc un commentaire. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue aux gens du Conseil permanent de la jeunesse. Je ne peux pas m'empêcher de passer le commentaire. D'entrée de jeu, vous nous avez dit que vous aviez senti qu'un certain nombre d'intervenants s'étaient présentés dans le débat comme des pleureuses italiennes qui étaient payées pour nous émouvoir. Je suis obligé de vous dire que, lors de l'ouverture des travaux, la ministre s'est ajoutée à la liste des pleureuses, parce qu'elle nous a déposé une étude puis elle nous parlait des pertes d'emploi potentielles. Alors, la ministre responsable du dossier s'est ajoutée aux pleureuses.

Je suis obligé de vous dire aussi que vous nous ramenez à un point tout à fait essentiel au niveau des catégories d'emploi qui ne sont pas couvertes par les normes du travail, dont les jeunes médecins qui, eux-mêmes, sont venus en commission et qui ont été accueillis d'une façon assez spectaculaire par la ministre qui leur a dit qu'ils n'étaient pas à la bonne place, que ce n'était pas la bonne commission, qu'ils n'avaient pas d'affaire à parler de ça ici. Alors, je comprends que vous remettez la ministre à l'ordre sur cette question-là, et je vous en remercie.

Ma question va être – j'ai abordé ça avec quelques groupes – dans l'hypothèse que le projet de loi soit adopté dans sa forme actuelle, sur l'effet moral. On dit souvent, la ministre en parlait elle-même au début: Le seul fait d'en parler, des clauses orphelin, les gens arrivent aux tables de négociation, ils sont plus prudents parce qu'ils se disent: Ça paraît mal, ça se parle dans les journaux. Les gens sont plus prudents parce qu'il y a comme un effet moral de ne pas vouloir en faire pendant que c'est en débat.

Par contre, si, dans une loi, tu introduis un mécanisme où tu dis: Voici une clause orphelin qui, elle, est acceptable – elle est tellement acceptable qu'elle est encadrée nommément dans un projet de loi – est-ce que vous ne craignez pas que ça ait un effet moral inverse? J'appelle ça «l'effet moral boomerang», c'est-à-dire que les entreprises qui n'auraient même pas pensé, la semaine passée, faire une clause orphelin vont dire: Bien, savez-vous, c'est une option, puis c'est même proposé dans une loi du gouvernement. Ça doit être bien correct, si le gouvernement nous autorise à le faire.

Donc, que ça ait exactement l'effet inverse, c'est-à-dire que la loi vienne suggérer, à des gens qui n'en auraient pas fait autrement, un mécanisme qui, dans mon esprit là... dans l'esprit de la ministre et du projet de loi tel que rédigé, n'est pas une discrimination, mais, moi, dans mon esprit, une clause orphelin qui se fait d'une manière ou qui se fait d'une autre, c'en est une quand même, puis qu'on va les suggérer là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, moi là, un mode d'emploi, une recette pour contourner la loi... Puis je lisais un peu... je pense que c'est Michel Audet de la Chambre de commerce. Des fois, quand tu lis entre les lignes, ce qu'il est venu vous dire en commission parlementaire... Ça roule dans sa tête puis il sait comment il va être prêt à la contourner la loi, là. Ils sont en train déjà de voir c'est quoi les balises puis qu'est-ce qu'on laisse dans cette loi-là. C'est gênant d'écrire dans une loi effectivement – tu as tout à fait raison – la façon de la contourner. Ça vient légitimer certaines pratiques. Et puis cette loi-là, je pense que 87.1 le dit très bien, c'est un principe, puis c'est un principe de base. Puis les trucs à la marge, à la limite, il y aura une cause devant les tribunaux, puis il y aura jurisprudence, puis, par après, on saura à quoi s'en tenir. Je pense qu'il faut se limiter à ça, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gendron.

(12 heures)

M. Gendron (Sylvain): Merci, Mme la Présidente. Bien, c'est sûr qu'il y a déjà un paquet de lois qui sont contournées par des gens qui ne... Il y a des gens, on dirait, qui travaillent juste à ça, à peu près, se trouver des façons de contourner les lois. Alors, c'est évident que, si on leur donne une façon directe dans un projet de loi de la contourner, on vient toucher au principe même de l'inéquité puis des clauses orphelin. On valide le processus de contournement en quelque sorte. Et, nous, ce qu'on dit depuis le début puis que le Conseil permanent de la jeunesse et un paquet d'autres groupes jeunes disent depuis le début: C'est inacceptable qu'il y ait des clauses orphelin. Donc, c'est encore plus inacceptable de dire comment les faire, à notre avis. Et pour ce qui est de ces cas-là, évidemment il y a l'application de la Charte qui pourrait entrer en ligne de compte. Mais il ne faut pas valider le processus sur comment les faire. C'est évident.

M. Dumont: Il y a eu un point de conflit important entre la ministre et plusieurs groupes jeunes concernant le lien, que certains groupes jeunes sont venus nous exprimer, qu'ils faisaient entre l'issue du dossier des clauses orphelin puis comment le gouvernement va respecter la parole donnée dans ce dossier-là et – pas leur participation, je ne pense pas qu'il y ait de groupes jeunes qui ont fait du chantage – leur enthousiasme, disons, à participer au Sommet. Vous autres, vous êtes un peu au carrefour des groupes jeunes. Vous lisez, vous écoutez ce qu'ils disent pour arriver à des recommandations. Comment vous percevez cette question-là, du lien qu'il y a à établir entre la conclusion du débat en cours et le Sommet de la jeunesse?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en 30 secondes. Mme Cauchy.

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, en 30 secondes, là, je pense qu'être à la place du gouvernement je serais un peu gênée de me pointer dans un Sommet quand ça fait deux ans qu'il y a un débat qui dure sur les clauses orphelin puis qu'il y a une promesse électorale de les régler. Ça montre à quelque part qu'on n'a pas fait ses devoirs. On demande aux partenaires socioéconomiques, on demande au gouvernement de faire ses devoirs, on demande aux groupes jeunes de chercher des solutions aux problématiques jeunesses; si le gouvernement se pointe là sans avoir réglé, je pense que ça regarde mal pour l'issue du Sommet. D'autant plus qu'on aurait autour de la table patrons, syndicats, qui ont signé les clauses orphelin et le gouvernement qui a laissé traîner le problème en jouant le laisser-aller.

M. Dumont: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Cauchy. Mme la ministre, il vous reste quatre minutes.

Mme Lemieux: Bien, je ferai quatre petites remarques. D'abord, vous affirmez que la loi ne s'appliquerait pas aux policiers provinciaux, aux agents correctionnels, aux procureurs de la couronne. J'ai beau chercher, je ne trouve pas du tout de référence législative à cet égard-là. Alors, si vous en trouvez... Mais il n'y a aucune raison pourquoi la loi ne s'appliquerait pas dans ces cas-là.

Deuxièmement, je tiens à dire, et je l'ai déjà dit: Les offres patronales actuelles dans la négociation actuelle ne comportent aucune clause de disparités de traitement.

Troisièmement, je voudrais – et je ne veux pas couper les cheveux en quatre, mais je trouve que, si on veut progresser dans les débats, il faut mettre les choses aux bons endroits – juste nous rappeler à tous, la discrimination définie dans la Charte des droits et libertés de la personne, ça se décrit de la manière suivante: «Toute personne a droit à la reconnaissance, à l'exercice, en pleine égalité des droits et libertés de la personne sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, sauf dans les mesures prévues par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.»

La date d'embauche ne fait pas partie de cette liste. Et M. Gendron, dans une intervention précédente, a situé clairement des clauses à disparités de traitement comme étant une forme de discrimination. Je pense qu'on peut tous convenir que ce n'est pas une pratique souhaitable, on peut même ajouter des qualificatifs comme inacceptable, mais, moi, je serais très prudente, très prudente, de conclure de cette manière-là.

Et dernière remarque que je ferais, c'est que vous avez dit, Mme Cauchy – à juste titre, je partage tout à fait cette évaluation-là – que dans le fond le dossier des clauses orphelin ou des clauses à disparités de traitement, c'est un peu la pointe de l'iceberg, je reprends votre expression. Vous avez beaucoup parlé de la précarité des jeunes par rapport à l'emploi. Je suis contente d'entendre que le taux de natalité n'a quand même pas baissé à cause des clauses orphelin. Il ne faudrait pas simplifier les débats à ce point-là, mais vous avez parlé beaucoup de précarité.

Moi, je pense qu'un projet de loi comme celui-là, on ne peut pas lui donner des vertus qu'il n'a pas. Un projet de loi comme celui-là ne nous dispense pas d'aborder des préoccupations troublantes comme la question de la précarité de l'emploi. Et je veux qu'on évite de donner ces vertus-là. Ce n'est pas vrai. C'est à la limite malhonnête de nous tous si nous lui donnons ces vertus-là. Et on a un défi, qui que nous soyons, au niveau du gouvernement, c'est très clair. La question, par exemple, de la précarité de l'emploi dans la fonction publique, c'est un enjeu. C'est bien évident.

On a un défi comme gouvernement. Les entreprises aussi ont un défi. On a eu des gens du patronat qui sont venus ici, qui nous ont dit: Écoutez, le plus grand problème, c'est l'intégration des jeunes en emploi pas mal plus que les clauses orphelin. Bien, moi, je leur ai dit: Dépêchez-vous à bouger sur ces questions-là si c'est ça, le plus grand problème. Mais je termine...

Mme Cauchy (Clairandrée): Avec tout ce que vous dites, Mme la ministre, je ne peux pas répondre en 30 secondes, là.

Mme Lemieux: Non, non, je termine. Mais les entreprises, les syndicats, les organisations ou, du mieux, les citoyens ne... C'est pour ça que ça me dérange, c'est vrai, ce lien-là avec le Sommet, parce que je trouve qu'on a un boulot substantiel à faire par rapport à des questions très troublantes que vivent les jeunes.

Mme Cauchy (Clairandrée): O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la ministre. Alors, Mme Cauchy, il vous reste très peu de temps, 1 min 30 s.

Mme Cauchy (Clairandrée): Parfait. Les technicalités d'abord. Les policiers provinciaux sont exclus de la Loi sur les normes, comme plusieurs autres corps d'emplois. Tous les corps d'emplois – si vous lisez dans la Loi sur les normes, en tout cas vous aurez le soin de vérifier plus précisément, là – toutes les catégories d'emplois qui ont une loi qui définit leurs salaires sont exclues de l'application de la Loi sur les normes. C'est à vérifier, on est certain de notre coup.

Cela dit, vous parliez de la Charte. Effectivement, la Charte dit que l'âge, le sexe, l'origine ethnique sont des facteurs de discrimination. La Commission des droits de la personne a d'ailleurs dit que dans plusieurs cas les clauses orphelin pouvaient affecter non seulement en fonction de l'âge, mais aussi en fonction du sexe parce que les femmes réintègrent le marché du travail après avoir eu des enfants ou en fonction de l'origine ethnique parce que les nouveaux immigrants s'intègrent sur un marché du travail. Maintenant, la Commission des droits nous a aussi dit: C'est difficile à appliquer, il y a une preuve statistique lourde à faire, ce n'est pas applicable. Voilà pourquoi la Commission, elle-même, des droits de la personne recommandait une loi.

Maintenant, sur la question de la précarité, c'est la pointe de l'iceberg. Imaginez si on n'est pas capable de régler la pointe de l'iceberg, comment on va s'attaquer à l'iceberg au complet? Ce n'est pas parce qu'il y a de la famine en Afrique qu'il ne faut pas se préoccuper de la faim au Québec. Les clauses orphelin, il faut s'en occuper.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Cauchy, M. Gendron, M. Ouellet, c'est tout le temps qu'on avait, malheureusement. Alors, je vais suspendre quelques instants pour laisser le temps à l'autre groupe de pouvoir venir s'installer.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

(Reprise à 12 h 9)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre les travaux. Nous accueillons maintenant l'Union des municipalités du Québec. M. Laframboise, vous êtes le porte-parole principal, si vous voulez présenter aux membres de la commission les gens qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire à la commission.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laframboise (Mario): Merci, Mme la Présidente. Je vais vous présenter tout d'abord les personnes qui m'accompagnent en commençant par ma droite: le maire de Mont-Laurier, M. Jacques Brisebois, qui est le porte-parole à l'Union en matière de relations de travail; M. Louis-Philippe Hébert, à l'extrême droite, directeur général adjoint et directeur du personnel à la ville de Beauport; et, à ma gauche, Mme Aline Laliberté, qui est notre conseillère en politique de main-d'oeuvre à l'Union des municipalités du Québec.

Donc, mesdames, messieurs, l'Union des municipalités du Québec tient d'abord à vous remercier, distingués membres de la commission de l'économie et du travail, de lui permettre de s'exprimer sur le phénomène des clauses de disparités de traitement.

(12 h 10)

Lors des consultations publiques tenues il y a un an par la commission de l'économie et du travail, l'Union des municipalités du Québec concluait dans son mémoire que le fait de légiférer pour interdire ou restreindre le recours à ce type de clauses ne ferait que neutraliser les efforts déployés par les employeurs municipaux et leurs partenaires syndicaux pour contrôler leurs coûts de main-d'oeuvre dans une optique de gestion efficace et optimale des deniers publics. De même, notre Union mentionnais, et je cite: «Nous arriverons à mettre fin à l'utilisation de ces clauses non pas lorsque nous les rendrons illégales, mais bien lorsque nous accepterons de regarder en face la réalité du système des relations de travail en milieu municipal.»

Malheureusement, rien de tout ça n'a changé. La réalité d'aujourd'hui est tout aussi criante que celle d'hier et elle affecte directement la position des municipalités en temps de négociation. Plusieurs études ont fait état des difficultés des rapports collectifs de travail rencontrées par les municipalités du Québec. Les rapports Parizeau, Mireault, Lemaire et Bédard, du nom de leur président, pour ne nommer que ceux-là, recommandaient chacun à leur tour des modifications aux lois du travail afin de permettre une réduction des coûts de production des services dans les municipalités.

Encore là, rien n'a changé. Dois-je rappeler que le rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité, aussi connu sous le nom de rapport Bédard, signale que la résolution de la problématique relative au coût de la main-d'oeuvre est un préalable à toute réforme en profondeur de l'organisation du secteur public local?

Je me limiterai à ces brefs commentaires et je laisserai à mon collègue, M. Brisebois, maire de Mont-Laurier et responsable du dossier, le soin de présenter la position de l'Union.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Mme la Présidente, Mme la ministre, MM. les députés. J'espère qu'on n'est pas des pleureuses italiennes, mais on va quand même, je pense, invoquer un certain nombre de réalités qui sont les nôtres.

Donc, l'Union des municipalités du Québec, depuis plusieurs années déjà, réclame du législateur des outils pour gérer les services publics de manière concurrentielle, tout en respectant la capacité de payer des contribuables locaux. Conformément aux dispositions de l'entente concernant la contribution municipale à l'assainissement des finances publiques, signée par le chef du gouvernement et le président de l'Union des municipalités du Québec le 23 octobre 1997, le gouvernement et les municipalités doivent conclure dans les prochaines semaines une nouvelle entente fiscale.

Bien évidemment la question des relations de travail est un élément incontournable dans ces éventuelles discussions, et en ce sens le dossier des clauses de disparités de traitement est pour nous très important. Je résumerai, au cours des prochaines minutes, les principaux irritants qui entravent le droit de gérance de l'employeur municipal, en plus de commenter certains propos de l'étude effectuée par le ministère du Travail et intitulée Vers une équité intergénérationnelle .

Mme la Présidente, nombreux sont les entraves et les irritants à une saine gestion des deniers publics lorsqu'on aborde la question des relations de travail en milieu municipal. Nous avons à de nombreuses reprises souligné les problèmes posés par l'interprétation et l'application des articles 45 et 46 du Code du travail, particulièrement en regard des contrats de sous-traitance, n'en déplaise à nos distingués amis de la FTQ.

La Loi sur l'organisation territoriale municipale accordant une protection à tous les fonctionnaires municipaux lors de fusions de municipalités et la Loi de police obligeant les municipalités à obtenir l'autorisation du ministre de la Sécurité publique pour réduire les effectifs policiers sont des exemples bien connus. La liste est encore longue, mais nous vous en ferons grâce.

Il est clair qu'une révision des structures salariales applicables aux futurs employés est principalement dictée par les pressions économiques sur nos organisations. Je pense que tout le monde connaît les écarts que nous avons dans le domaine municipal par rapport à notre marché.

En milieu municipal, l'ajustement des échelles salariales fut entrepris bien avant la loi 414, Loi concernant la négociation d'ententes relatives à la réduction des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur municipal, sanctionnée le 12 mars 1998. Lors de l'application de cette loi, les organismes municipaux et leurs représentants syndicaux devaient convenir de mesures d'économie pour réduire à la hauteur de 6 % leurs coûts de main-d'oeuvre.

Mme la Présidente, permettez-moi de signaler aux membres de la commission que l'article 9 de la loi prévoyait très clairement que les mesures d'économie découlant de l'application de la loi ne pouvaient avoir pour effet de réduire les taux et échelles de salaire applicables aux salariés qui étaient alors à l'emploi de l'organisme. En clair, si les municipalités voulaient faire des économies, ce qui était le but de l'exercice, la loi les obligeait à le faire, entre autres, au détriment des nouveaux employés.

On aura beau dire que les municipalités ont fait des économies sur le dos des nouveaux employés – parfois des jeunes, ce n'est pas toujours des jeunes – il faudra bien un jour que la ministre reconnaisse que la loi nous y invitait assez allègrement.

Ceci dit, c'est par la voie de la libre négociation qu'employeurs et syndicats ont convenu de revoir à la baisse certaines conditions de travail. Ça n'a pas été imposé par les employeurs municipaux, c'est par la libre négociation que ça s'est fait. Le «nous, on ne voulait pas ça», entendu par les syndicats, ça me fait sourire un peu. Parader devant la ministre et faire la vierge offensée en disant: Nous, on n'a jamais demandé d'ajouter des échelons, a quelque chose de ridicule pour qui veut faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle. Talleyrand disait: Tout ce qui est exagéré est insignifiant. On n'insistera pas davantage.

Mais peut-être serait-il souhaitable de mettre en relief que, par les économies escomptées sur la rémunération des nouveaux employés là où c'était nécessaire, les municipalités ont offert des programmes de départs assistés à leurs travailleurs, permettant du même souffle l'accès au marché du travail à des personnes en recherche d'emploi, notamment des jeunes. Parions que peu de participants à cette commission ont fait part de cet envers de la médaille.

En juin 1998, le ministère du Travail déposait une étude intitulée Vers une équité intergénérationnelle indiquant que le phénomène des échelles à multiples paliers était observable au Québec vers le milieu des années quatre-vingt. Et je vous rappellerai également que, dans la foulée de l'application de la loi 102, certaines villes avaient déjà introduit ces clauses orphelin là. Je me rappelle très bien d'ailleurs du maire de Saint-Léonard, M. Frank Zampino qui nous disait que ce qu'il avait négocié chez lui, c'était dans le fond peut-être une voie de l'avenir, et c'était effectivement des clauses orphelin. Mais encore une fois, c'était négocié, là, je le rappelle. Ça n'avait pas soulevé à l'époque d'ailleurs beaucoup de réactions dans ma connaissance, et je pense que peut-être ce qui est le plus rassurant, c'est que ça n'avait pas non plus été généralisé à ce moment-là.

On y lit aussi, donc, dans l'étude du ministère: «C'est à l'intérieur d'un cadre juridique s'appuyant essentiellement sur le principe de libre négociation que se sont développé diverses approches en matière de relations de travail, dont la volonté des parties patronale et syndicale de rechercher des solutions novatrices aux difficultés auxquelles elles sont confrontées.»

Mme la Présidente, que l'on soit pour ou contre les clauses de disparités de traitement ne change rien au fait que cette façon de faire a été une des mesures ayant permis d'absorber une partie des compressions de 6 % des coûts de main-d'oeuvre.

Nous ne ferons pas la genèse de tout ce dossier, mais nous rappellerons simplement l'impératif pour les municipalités d'assumer une facture de 375 000 000 $ qui s'ajoutait à d'autres précédentes qui totalisent 1 000 000 000 $, tous gouvernements confondus. Et cette facture imposée par le même gouvernement qui nous a orientés vers le recours aux clauses de disparités de traitement pour nous permettre de contribuer à l'assainissement des finances publiques. Ironiquement, la présente commission, issue de la volonté du gouvernement, nous demande aujourd'hui d'expliquer nos actions.

L'UMQ croit que le contexte prévalant en ce moment justifiait l'adoption de la loi n° 414, dans la mesure où il fallait donner aux employeurs municipaux une flexibilité plus grande dans la réduction de leurs coûts de main-d'oeuvre. Mais le contenu de cette loi, dont l'article 9, ne vient pas de nous, et ces clauses n'ont pas été imposées, elles ont été négociées. Et encore faut-il s'entendre sur ce qu'est vraiment une clause orphelin.

Et je pense qu'il faudrait, nous comme vous, éviter d'utiliser les jeunes à d'autres fins, avec d'autres objectifs que de vouloir leur rendre service et de créer des conditions qui auront, à terme, des effets peut-être contraires à ceux recherchés et que les seuls qui se seront enrichis, ce seront les avocats.

Malgré le fait que l'UMQ soit en désaccord avec une interdiction d'effectuer une révision des structures salariales en milieu municipal, s'il y a une loi, l'UMQ a plusieurs commentaires et questionnements à formuler à l'égard du projet de loi n° 67, dont le principe fut adopté le 4 juin dernier par l'Assemblée nationale, qui font ressortir certaines contradictions, à notre avis.

Donc, je laisse le président conclure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): Mme la Présidente, on vient de le voir, le milieu municipal québécois dispose de peu d'alternatives pour faire face à des situations exceptionnelles nécessitant des interventions au plan des relations de travail. Sans chercher à établir de parallèle, on peut aisément affirmer que les municipalités disposent de bien moins de moyens que bien d'autres secteurs d'activité pour faire face à des situations semblables.

Dire que le fardeau fiscal du contribuable foncier municipal a atteint son maximum est un euphémisme. En regard de ce qui précède et dans la perspective où les municipalités ont déjà été largement mises à contribution depuis un grand nombre d'années, toute obligation d'ajuster leurs échelles salariales à la hausse pourrait se traduire par une augmentation des taxes foncières ou une réduction des services offerts à la population.

L'Union avait cru comprendre que la préoccupation gouvernementale était de ne pas alourdir les contraintes des moteurs de développement économique, donc des municipalités, pour ainsi faciliter la création d'emplois et le développement de la main-d'oeuvre. Il nous apparaît clair que le projet de loi n° 67 va à l'encontre de cette volonté, puisque, même si l'objectif visé est légitime, son adoption sera contre-productive dans les résultats.

(12 h 20)

Nous demandons au gouvernement, avant d'agir pour interdire l'utilisation des clauses de disparités de traitement, de bien mesurer l'impact de son geste sur une administration municipale qui a fait, dans les 10 dernières années, plus que sa part en contribution. Nos contribuables sont vos contribuables; ils ne sont plus capables de payer. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je comprends que c'est terminé. Nous allons passer aux échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. Laframboise, M. Brisebois, M. Hébert, Mme Laliberté, je vous remercie de votre présence et je vous remercie de votre présentation, M. Laframboise et M. Brisebois.

Une première remarque, parce que vous y avez fait allusion à quelques reprises, c'est bien évident qu'une réforme municipale, quelle qu'elle soit, devra comporter un cadre légal pour permettre de gérer correctement les relations de travail. Nous aurons certainement des lieux et des forums adéquats pour en débattre. Mais j'en suis bien consciente.

Moi, je suis très contente que vous soyez là, parce qu'on a beaucoup parlé de vous dans les dernières semaines dans cette commission parlementaire. D'abord, dans ce qu'on a documenté au ministère du Travail. On a documenté la question des municipalités, pas pour pointer du doigt, mais parce que, lors de la commission parlementaire de l'été dernier, il y a certains milieux qui avaient signifié qu'ils vivaient des situations problématiques, si je peux m'exprimer ainsi. C'était le cas des municipalités, c'était le cas du secteur manufacturier et de l'alimentation. Alors, je pense que vous connaissez un petit peu nos travaux par rapport à ça.

Alors, c'est bien évident qu'on a constaté en gros – je ne veux pas reprendre les chiffres – un taux de présence des clauses orphelin en 1998 de l'ordre d'un petit peu plus que 40 %. La plupart, une bonne partie de ces clauses dites de disparités de traitement, touchaient le salaire. Donc, c'est clair que ça s'est manifesté assez vivement dans le secteur des municipalités.

Et ce dont je me rends compte... Parce que je voudrais vous entendre là-dessus. Nous savons tous qu'il y avait un cadre légal, notamment la loi 414, mais en même temps on se rend compte que toutes les municipalités n'ont pas réagi de la même manière. Il y en a effectivement que ça a été de négocier des nouveaux échelons, des échelons différents, des taux salariaux d'entrée différents, dépendamment de la date d'embauche. Il y en a aussi qui ont réagi en essayant de brasser un peu la question des fériés, des congés non rémunérés, des vacances, etc. Toutes les municipalités n'ont pas réagi de la même manière – l'idée n'étant pas qu'on doive tous faire la même chose au même moment – ce réflexe-là, de clause orphelin, n'a pas été vécu avec la même intensité, de la même manière. Comment vous expliquez ça? Et de un.

Deuxièmement, avec le recul – c'est sûr, M. Laframboise, vous dites: Vous ne nous laissez pas beaucoup de flexibilité, puis il y a des incertitudes dans la loi – deux, trois ans plus tard – parce qu'on a eu connaissance de cas dans certaines municipalités où ça s'est vécu difficilement, ça a créé du remous au sein des travailleurs et des travailleuses, hein, ça a créé des tensions; j'imagine que, comme employeur, il a fallu peut-être gérer ces tensions-là – est-ce qu'on n'a pas intérêt à trouver autre chose lorsqu'on veut réduire nos coûts de main-d'oeuvre que ce type de clause là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): Avec le recul, Mme la ministre, ça fait 10 ans que les municipalités contribuent presque annuellement par toutes sortes de transferts de factures à l'élimination du déficit de la province. Donc, les municipalités qui ne voulaient pas augmenter leurs taxes ont déjà travaillé à réduire, avec leurs employés, au long des conventions collectives, certains types d'économie dans les relations de travail. Vous en avez noté plusieurs. C'est ce qui a fait qu'avec 790 conventions collectives la commande qui était de réduire de 6 % les coûts de main-d'oeuvre n'a pas été reçue de la même façon dans chacune des municipalités. La meilleure preuve: celles qui avaient des surplus actuariels en ont profité pour aller faire l'économie là, ce qui est d'ailleurs repris par... en tout cas, au moins Hydro-Québec l'a repris au cours des derniers jours.

Donc, les efforts sont faits de façon à ce qu'on puisse utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition, quand il y en a, des moyens. Et, quand il n'y en a pas, on a dû faire le choix d'étirer les échelons. Ce qui nous semble pour nous et pour certains une situation réaliste et réalisable a fait que, sur le terrain, les jeunes ont pensé, à certaines occasions, que c'était sur leur dos que se faisait une partie de la réforme.

Il ne faut jamais oublier que pour nous la solution idéale aurait été de réduire de 6 % le salaire des employés qui sont, quant à nous, mieux rémunérés. Vous le savez, là, ce n'est pas la première fois qu'on vous dit que les employés municipaux en moyenne gagnent 28 % de plus que le secteur public et que l'entreprise privée. Donc, notre première réaction aurait été de réduire les salaires, ce que les syndicats n'ont pas voulu d'entrée de jeu et ce que le gouvernement a, lui, inscrit dans la loi comme sa priorité: Vous allez être capable de récupérer, mais il y a une chose que vous ne ferez pas, vous ne mettrez aucune personne à pied et vous ne réduirez pas le traitement salarial des employés. Ce qu'on a accepté bien malgré nous parce que ce n'est pas nous qui avons rédigé le projet de loi.

Donc, on a vécu avec cette situation-là, sauf que de dire qu'on aurait pu à certains endroits utiliser d'autres moyens, Mme la ministre, on est à bout de souffle dans le milieu municipal. La syndicalisation et les lois du travail actuelles font que notre masse salariale ne peut se réduire. Et ça, je pense que vous avez raison de nous dire qu'on aura d'autres endroits pour en discuter. Mais, pris avec le carcan législatif du travail tel qu'il est actuellement, qui donne à nos employés municipaux, quant à moi, la meilleure rémunération en Amérique du Nord, fait qu'on a un problème existentiel quand vient le temps en tout cas d'aller récupérer 6 % avec le cadre législatif actuel et les nouvelles contraintes que nous a ajoutées la loi n° 414, qui sont: ne pas réduire les salaires et ne mettre personne à pied. On n'a pas touché au plancher d'emploi, on n'a pas touché au salaire des employés, et ça a fait que dans certains endroits il y a eu quand même de la récupération sur ces clauses qu'on dit discriminatoires.

Mais par contre, sur 790 conventions collectives, 238 comportent des clauses...

Une voix: ...

M. Laframboise (Mario): ...205 conventions collectives qui comportent 238 clauses. On parle des 790, notre échantillonnage à nous, les 790 conventions collectives que nous avons examinées. Donc, ce n'est pas toutes les municipalités qui l'ont utilisée. Et encore une fois, quant à nous, ce ne sont pas toutes des clauses discriminatoires. Et là, c'est le questionnement, le grand positionnement que nous avons et les mêmes grandes interrogations: Qu'est-ce qui doit être considéré comme une clause discriminatoire ou qu'est-ce qui doit être considéré comme un échelon salarial? C'est toujours le grand questionnement. Et ça, c'est le nerf de la guerre pour vous, pour nous. Mais il reste que ce n'est pas une utilisation abusive qu'ont faite les municipalités. Je vous le répète: 205 conventions collectives sur 790, qui comportent 238 clauses orphelin.

M. Brisebois (Jacques): Peut-être un complément Mme la ministre, si vous permettez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Le législateur a la tête parfois très dure. Et je m'explique. Ça a pris, je pense, une dizaine d'années qu'on revienne constamment auprès de tous les parlementaires pratiquement pour essayer de vous faire modifier un certain nombre de choses. On vous avait indiqué qu'on avait des problèmes en relations de travail. C'était évident qu'on arriverait à ce genre de problèmes là. Au niveau du système d'arbitrage de différends, comment ça nous a pris de temps, d'énergie, d'effort pour vous convaincre de faire des modifications, qui sont des modifications à la marge finalement?

Moi, je me souviens très bien – puis certains d'entre vous étaient là – que M. Ryan s'est fait vendre l'idée que «peut» et «doit», ça voulait dire la même chose. Puis on s'est rendu compte, dans les jugements suivants, en arbitrage, que «peut» et «doit», ça ne veut pas dire la même chose dans l'esprit des arbitres. Bien, je vous dis: Si on a ces problèmes-là aujourd'hui, il y a la question évidemment de l'assainissement des finances publiques, c'est vrai, mais il y a aussi des messages qu'on a envoyés depuis des années, qui n'ont pas été compris par le législateur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

(12 h 30)

Mme Lemieux: Et sur ça aussi nous aurons à nous reparler, il y aura un lieu pour le faire. Mais deux petites remarques. Je ne veux pas faire de débat de chiffres, là, mais vous dites quand même – je pense qu'on arrive à peu près aux mêmes chiffres quand vous examinez les conventions collectives dans les municipalités sur vos bases et nous – sur plus ou moins 700, il y en a plus ou moins 200 où il y a des clauses orphelin, en gros, là.

M. Laframboise (Mario): On ne dit pas qu'elles sont orphelin, mais on dit qu'il faut les regarder.

Mme Lemieux: Les clauses de disparités de traitement, il y en a quand même quelques 500 qui les ont évitées, première remarque. Les conditions salariales, ça fait partie des conditions de travail en général, alors, tu sais, je constate que les réflexes ont été différents.

L'autre chose que je vous dirais, là, je ne veux pas être brutale mais je vais l'être un peu. Si j'étais une représentante d'un organisme jeunesse quel qu'il soit et que je vous entendais dire: Écoutez, Mme la ministre, la rémunération globale des employés municipaux est de près de 30 %, en tout cas 28 %, 29 % de plus que celle des fonctionnaires québécois, si j'étais une représentante jeunesse, je dirais: Bien oui, c'est ça, vous avez négocié ça, puis je vais reprendre votre thèse, tout le monde a négocié librement. Il n'y a pas de bons et de méchants mais il y a une dynamique de libre négociation. Vous avez négocié ça dans une période, vous avez été lousse un peu, maintenant c'est un petit peu plus difficile, mais c'est nous autres, les jeunes, qui goûtent les excès du passé, hein. Est-ce que j'aurais raison de vous dire ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laframboise.

Mme Lemieux: C'est ça que les jeunes disent.

M. Laframboise (Mario): Non, vous avez raison quand vous ne vous penchez pas, comme vous avez la chance de vous pencher, sur la question des lois du travail qui régissent spécifiquement le milieu municipal. Et ça, là, c'est ça, la vérité. La vérité, c'est qu'au moment où on se parle on ne peut faire aucune fusion municipale sans qu'on puisse mettre en jeu un seul employé. C'est ça, les lois du travail au Québec présentement. Donc, quand l'entreprise privée, Mme la ministre, fait des fusions pour économiser des sous, nous, là, c'est impossible. Et c'est ça la réalité. C'est que, quand on compare et on fait une adaptation d'un cadre, on se fie à la généralité. Et la généralité, je vous en donne un bel exemple: quand il y a des fusions qui se font dans le milieu des affaires, habituellement, il y a des économies, il y a des mises en commun, il y a des pertes d'emplois. Et dans le milieu municipal, on ne pourra jamais faire ça parce qu'il y a une loi qui s'appelle la Loi sur l'organisation territoriale qui empêche de mettre à pied un seul employé.

Donc, ça, c'est ça la réalité, et c'est ça qu'il faut que la ministre, quant à moi, dise aux jeunes, c'est que le milieu de travail municipal est un milieu qui a été surprotégé de façon législative. C'est triste que ce soit dans le cadre des négociations de 1997 qu'est sorti le grand conflit intergénérationnel. C'est triste parce que c'est le plus mauvais exemple, dans le milieu municipal, c'est le pire des exemples parce que nos employés sont surprotégés législativement, ce que vous n'avez même pas, vous, en tant que gouvernement, vous n'avez pas de carcan législatif, vous les changez, les lois.

Et quand le milieu municipal vous dit: Si vous ne voulez pas le faire, Mme la ministre, ou messieurs, mesdames du gouvernement, donnez-nous le pouvoir législatif, on va le faire, nous, vous ne voulez pas le faire. Comprenez bien, là, le milieu municipal est un milieu à part, et j'espère que vous ferez une ardente défenseur du problème que peuvent vivre les villes au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Avant de laisser la parole, je veux juste vous dire: Les questions que vous posez sur le cadre légal des relations de travail dans les municipalités sont pertinentes, et nous allons les aborder. Mais ce que je vous dis, c'est que le niveau, par exemple, de salaire des cols blancs, des cols bleus, des professionnels dans les municipalités, ça n'a pas rapport avec le cadre de relations de travail. Et ce que des jeunes vous diraient, c'est que ça a été négocié à une époque où c'était moins dur, l'argent coulait à flots, puis maintenant on leur demande de passer à la caisse. C'est ça que je vous rappelle. Il ne faut pas mêler ça.

M. Laframboise (Mario): Mais oui, mais quand vous êtes le gouvernement, vous faites des lois, Mme la ministre. En 1982, vous avez réduit vos salaires, vous avez passé une loi puis vous avez réduit vos salaires des employés de l'État. Aujourd'hui, il faudrait faire ça dans le milieu municipal parce qu'on a été exclus de la réduction de 1982. Il faudrait le faire dans le milieu municipal.

Mais ce que vous avez donné comme exemple avec la loi n° 414, c'est justement de ne pas le faire. Alors qu'il aurait été intéressant de dire à ceux qui sont surpayés: Vous auriez dû réduire de 6 % vos salaires, vous avez dit: Non, on ne touche pas aux salaires. C'est vous qui êtes la première qui aurait eu la chance de nous aider, qui avez dit...

Mme Lemieux: Je n'étais pas là.

M. Laframboise (Mario): Vous n'étiez pas là, vous êtes chanceuse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Je serais tenté de continuer sur le même sujet qu'on a abordé dans le sens que Mme la ministre l'a mentionné, les conventions collectives n'ont pas été négociées à la place des municipalités par les gouvernements. On sait aussi qu'il y a une disparité de richesse dans les municipalités. Il y a des municipalités qui sont plus riches, d'autres qui sont moyennement riches, puis d'autres qui sont relativement à l'aise, puis d'autres qui arrivent dans leur budget.

Je comprends vos difficultés, mais là où vous présentez votre argument comme étant un outil de saine gestion de maintenir une disparité de traitement, j'ai un peu de difficulté à vous suivre. En commission parlementaire, on a entendu des gens du monde patronal, du monde syndical qui sont venus nous dire: Écoutez, chez nous, on en a besoin parce que... Du côté syndical, on dit: On nous l'impose. D'autres du côté patronal vont nous dire: On en a besoin parce que nos entreprises vont peut-être faire faillite, on n'est pas compétitif. Mais, à un moment donné, il y a quelqu'un qui disait: Une municipalité, en quoi ça peut être compétitif sur le marché pour maintenir des clauses de disparités de traitement?

Moi, je comprends. J'ai regardé votre liste, là, qui est écrite à la page 4 du mémoire. Mais au bout de la ligne, est-ce que c'est le gouvernement ou c'est les élus qui doivent passer une loi pour dire: Les municipalités, les maires, vos prédécesseurs... dans le fond, vous gérez ce que vos prédécesseurs vous ont légué. Est-ce que c'est à nous de récupérer ça puis de dire: Oui, on va régler votre problème en passant une loi puis on va réduire les salaires? Moi, je ne pense pas que c'est notre devoir de le faire.

Par ailleurs, vous dites que le gouvernement vous transfère des responsabilités. Oui, mais je serais curieux de voir ce que le gouvernement transfère aux municipalités, dans le sens au niveau financier. Lorsqu'une municipalité me dit: Moi, chez nous, on a besoin de 1 000 000 $ pour construire une aqueduc. Oui, certainement, on va vous aider. Les deux gouvernements, les taxes des contribuables vont en payer les deux tiers puis la municipalité va en payer un tiers. Si on arrêtait de faire ce genre de transfert là. C'est des responsabilités exclusives des municipalités, ça. Il y a des champs de juridiction exclusifs, et pourtant, le gouvernement intervient. Et on ne vous entend pratiquement jamais là-dessus. On vous entend sur le fait que vous avez des difficultés parce que le gouvernement met des embûches.

Dans les négociations, c'est une chose. Bon. Là vous demandez la sous-traitance, vous demandez d'obtenir la sous-traitance pour pouvoir régler vos problèmes financiers. C'est donc dire comment vous allez faire pour donner à plus de personnes à des conditions différentes ce que vos employés pourraient faire à des taux plus élevés. Alors, moi, j'ai un peu de misère sur le raisonnement que vous développez pour maintenir les clauses de disparités de traitement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Bien, il reste à peu près 30 secondes sur le temps du gouvernement. Alors, M. Laframboise...

M. Lelièvre: Vous pourriez continuer sur le temps de l'opposition. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...un très fort esprit de synthèse.

M. Laframboise (Mario): Écoutez – sur le temps du gouvernement – l'objectif de tout dispensateur de services, c'est de les rendre au meilleur coût possible. Et les municipalités, on rend des services. Je classerais le modèle public québécois en trois domaines: vous avez la santé, l'éducation et la qualité de vie. La qualité de vie, là, c'est nous qui la rendons. Les ordures ménagères, les égouts, les aqueducs, c'est nous. C'est un problème de société qu'on a tous ensemble. Et ce problème-là, le carcan législatif que vous nous avez mis, la Loi sur l'organisation territoriale qui a été rédigée dans les années quatre-vingt parce qu'à quelque part il y avait des brillants qui pensaient qu'un jour il y aurait probablement des fusions municipales au Québec et qui se sont protégés par une loi pour ne pas qu'il y ait personne qui perde son emploi, ce n'est pas nous qui pouvons la changer, là. C'est impossible. Il y a juste le gouvernement qui peut faire ça.

Et c'est ça, la difficulté du milieu municipal, c'est qu'on a le pire des mondes. On rend des services comme l'entreprise privée puis on est régis par des lois gouvernementales. C'est le pire des mondes. On ne peut rien faire, on ne peut pas modifier les lois parce que c'est le gouvernement qui nous les impose, puis on ne peut surtout pas faire faillite comme une entreprise privée puis se repartir sous un autre nom. C'est ça, la vérité, là, on a le pire des mondes. Puis, en quelque part, tout le monde nous dit: Asseyez-vous puis négociez.

Des planchers d'emploi qui ont été négociés dans les années soixante-dix – vous avez raison – si vous en aviez aujourd'hui, le gouvernement, des planchers d'emploi, vous n'auriez pas pu faire une réduction de personnel comme vous l'avez faite pour atteindre votre équité fiscale. Vous n'auriez pas pu le faire, vous auriez eu un plancher d'emploi. Vous l'auriez aboli. Nous, on ne peut pas le faire. Les maires qui vous disent: Laissez-nous le pouvoir de, nous, réglementer, on va l'abolir notre plancher d'emploi. Bien non, vous ne le ferez pas, ça. Il n'y a ici aucun parti qui va vouloir le faire, là. Vous êtes tous assis là puis vous avez peur des syndicats. Moi, je pense que vous devriez commencer à avoir peur des citoyens parce que, les citoyens...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laframboise, à ce moment-ci, je suis obligée de vous arrêter, on a dépassé de presque une minute. Je donnerais donc la parole au député de LaFontaine, qui va poursuivre. Alors, peut-être que vous aurez l'occasion de revenir là-dessus.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Laframboise, madame, messieurs, ça fait plaisir de vous accueillir ici, à cette commission parlementaire. Je pense que vous faites valoir avec clarté la situation telle qu'elle se vit dans les municipalités. Je m'explique.

(12 h 40)

Vous êtes ceux qui avez utilisé le plus ou qui avez eu le plus recours aux clauses discriminatoires, aux disparités de traitement. Vous expliquez, vous nous le dites: Avions-nous un autre choix? Il y a toujours un autre choix qui existe. L'autre choix, vous dites: La flexibilité, la réorganisation du travail, la sous-traitance de certaines activités, la baisse des salaires. C'est ce que, normalement, tout administrateur privé peut dire qu'il va faire dans son entreprise lorsqu'il a des problèmes. L'entreprise privée ne le fait pas, décide, elle, de faire porter le fardeau sur les plus jeunes; ils nous disent qu'ils préfèrent ça que de négocier avec leurs syndicats. Pourtant, ils ont le droit de le faire, eux autres, la loi le leur permet, mais ils ne le font pas. Lorsqu'on pose la question aux représentants patronaux, ils disent, d'abondance et publiquement: Vous savez, c'est plus facile pour nous, c'est moins compliqué pour les jeunes. Dans les rapports de la ministre, c'est mentionné aussi, on dit que la perte d'avantages, de salaire et de confort subie par les plus âgés, par les plus anciens serait plus dure à avaler que pour les plus jeunes. Alors, tout le monde se lave les mains.

Vous, vous avez une particularité, c'est que vous pouvez nous dire que vous le feriez si on vous donnait les moyens. Bien sûr, on doit vous croire parce que, généralement, on sait que les élus municipaux, dans leur administration, ont toujours fait preuve de continuité dans leurs idées, dans leurs principes: essayer de baisser les taxes et de donner des meilleurs services aux citoyens. Donc, on n'a pas de raison de croire que vous ne le feriez pas. Alors donc, pourquoi on ne vous le donne pas? Un des exemples – vous avez parlé du plancher d'emploi – bon, le Code du travail, depuis combien de temps vous demandez la révision du Code du travail, pas de l'article 45?

Je me souviens, au congrès de l'UMQ en 1996 – vous n'étiez pas président, M. Laframboise – le premier ministre, M. Bouchard, accompagné de son ami Matthias Rioux, est allé à votre congrès, ici, au Centre des congrès à Québec. J'étais présent, j'avais été invité à titre de porte-parole, pour le travail, de l'opposition. Et qu'est-ce qu'on avait entendu? Le premier ministre, solennellement, dire: J'ai compris votre situation, et je vous promets que je vais vous donner les moyens législatifs, je vais agir afin que vous puissiez gérer vos affaires. On est, aujourd'hui, quasiment en l'an 2000, on vient d'apprendre que le Code du travail est reporté aux calendes des années 2000, à moins que ce qui est écrit dans les journaux soit faux. Bon, alors, il faudra peut-être qu'au gouvernement, à un moment donné, on fasse une rétractation et qu'on dise que M. Lessard écrit des faussetés dans La Presse . Mais, en attendant, la rétractation n'a pas eu lieu, et force est pour nous de constater que l'information que nous avons est la bonne information.

Vous, là, est-ce que vous seriez prêts – parce qu'on dit que les partenaires ne sont pas prêts, les gens ne sont pas prêts – à négocier, à revoir le Code du travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): M. Gobé, je vous dirai que je suis à l'aise parce que je suis maire d'une ville qui n'a pas négocié de clauses orphelin. Je n'étais pas personnellement très à l'aise avec ça, puis on ne l'a pas fait, effectivement, chez nous. Et je peux comprendre que d'autres qui n'avaient pas de surplus actuariel ou d'autres moyens, malheureusement, sont allés dans ce sens-là.

Je ne sais pas combien d'entre vous se sont assis à une table de négociation. Moi, ça fait 14 ans que je le fais dans ma ville, directement, où je m'implique directement, politiquement. Je peux vous dire que je n'ai pas fait disparaître le plancher d'emploi, je n'ai pas été capable, mais je l'ai réduit de 45 à 38 au cours des années. On a enlevé des vacances, on a enlevé des jours fériés. Je peux vous dire que la job, je pense qu'on l'a faite. Mais il y a des choses qu'on ne peut pas faire parce qu'on n'a pas les moyens de les faire, et ça fait des années qu'on rive les mêmes clous, qu'on demande les mêmes choses aux législateurs, et ça vous prend du temps à comprendre. C'est ce qu'on vous dit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que, si on vous donnait ces mesures, vous auriez recours à des clauses orphelin, discriminatoires, oui ou non, quand même? Vous seriez capable, contrairement... L'entreprise privée, ils nous disent, eux: On n'est pas capable de le négocier avec le syndicat. D'accord, mais ils ont le droit de le faire puis ils ne le font pas. Vous, vous dites: On n'a pas le droit de le faire, donnez-nous le droit puis on va le faire. Est-ce que vous pouvez nous dire que si, demain, la semaine prochaine, la ministre révisait son opinion puis commençait à vous donner tout ce dont vous avez besoin au niveau législatif, vous seriez prêts à faire ça?

Une voix: Je vais laisser ça à M. Hébert.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Hébert.

M. Hébert (Louis-Philippe): Moi, je pense qu'il faudrait peut-être s'entendre sur la définition de «clause orphelin». Et selon ma définition, la clause où on allonge les clauses et où on ajoute des échelons n'est pas une clause orphelin. Et même ce genre de clause là n'a pas été utilisé tant que ça par les municipalités, et c'est trop facile de dire que c'est la seule chose qui a été faite dans les municipalités. Ce n'est pas vrai. Dans les municipalités, ça fait au moins plus de 10 ans, malgré le contexte difficile que nous impose le Code du travail, où il y a des efforts très grands qui sont faits. Et les résultats commencent à arriver à un moment donné parce que la masse salariale dans les municipalités a augmenté moins rapidement, au cours des 10 dernières années, qu'antérieurement.

Tout le contexte se prête à ça, je suis d'accord. Sauf qu'il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites au niveau des municipalités. On s'est servi des surplus actuariels pour faire des programmes de mise à la retraite accélérée, et on a en même temps ajouté des échelles de salaire plus longues. Parce que, si on veut effectivement réaliser une économie, à quoi ça sert de mettre un mécanicien qui gagne 22 $ l'heure à la retraite alors qu'il a 57 ou 58 ans pour en embaucher un autre de 26 ans, s'il faut le payer aussi le même prix? On ne vient pas de faire d'économie du tout, du tout, du tout. Et c'est principalement dans ces endroits-là où il y a eu des clauses à échelons multiples qui ont été ajoutées. C'est dans les cols bleus principalement où on avait des taux uniques de salaire. L'augmentation des échelons a permis effectivement des économies dans les masses salariales au moment où on ajoutait du monde sur ça. Et le nombre d'employés dans les municipalités n'a pas augmenté vraiment, là. Effectivement, on s'est servi des surplus actuariels pour mettre à la retraite des employés plus vieux pour nous permettre d'embaucher des nouveaux employés. On avait le même nombre d'employés, sauf qu'on diminuait ainsi nos masses salariales.

Les clauses de vacances ont été révisées dans beaucoup de conventions collectives, il y a beaucoup de conventions collectives où on a mis sur pied des comités de relations de travail où on travaille sur la réorganisation du travail, où on vérifie à peu près tout ce qui peut se faire, à un moment donné, au point de vue... en autant qu'on peut être imaginatif. On a diminué les semaines de travail à des endroits; on a réorganisé les horaires de travail; on a donné des congés sans solde, à un moment donné, obligatoires, à certains groupes d'employés. Tout ça, ça s'est fait avant d'arriver aux clauses qu'on dit discriminatoires. Tout ça, ça s'est fait dans les municipalités.

Et je voudrais juste profiter de l'occasion pour ouvrir une petite parenthèse. Mme Lemieux l'a très bien dit tantôt, les cols bleus, les cols blancs et les professionnels, les études de l'IRIR nous démontrent qu'on a un écart, on est avantagé dans le milieu municipal. Puis c'est vrai que c'est les villes qui ont négocié ces conventions collectives là, sauf que qu'est-ce qui a fait qu'on a dû négocier des conventions collectives plus avantageuses dans les municipalités, c'est la remorque des arbitrages de différends qui venait nous briser, à un moment donné, les patterns et les ententes qu'on avait. Moi, j'ai vu des endroits où on avait des ententes – qui étaient très, très fragiles parce qu'elles sont tombées à un moment donné – avec des syndicats à l'effet qu'on allait diminuer graduellement. Mais, en cours de ligne, il nous arrive une sentence arbitrale, à un moment donné, dans la même ville, et là on nous la sert, la question d'équité. Et c'est tout le contexte qui fait qu'on a de la difficulté à négocier. Et on est dans un secteur public, on est dans un secteur où on a des services essentiels à rendre, et il faut rendre le service au citoyen au meilleur coût.

Et, moi, je vous dirais qu'un des problèmes actuels des municipalités c'est que nos revenus n'augmentent pas. Je le sais très bien, moi, je suis responsable du dossier du budget à la ville de Beauport, et je discute avec un paquet de monde dans les municipalités, avec un paquet de trésoriers, et nos revenus n'augmentent pas, nos rôles d'évaluation n'augmentent plus, ils baissent, et il faut qu'on contrôle, effectivement, nos coûts, si on veut rendre des services à des coûts raisonnables.

Et un coût important dans les municipalités, c'est la masse salariale, et il faut absolument qu'on prête tous les efforts possibles pour contrôler ce coût-là qui représente, grosso modo, dans l'ensemble des municipalités, plus ou moins 40 % des dépenses municipales.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci. Alors, à ce moment-là, est-ce qu'il n'est pas urgent de se pencher sur la réouverture du Code du travail et de faire en sorte de vous donner le cadre législatif assoupli que vous demandez? Et puis peut-être que vous pourriez nous dire desquels vous avez besoin d'urgence, maintenant, pour pouvoir procéder autrement, puisque la façon dont vous avez procédé maintenant, M. Laframboise, ça urge. Puis il faut faire quoi, rapidement? Sur le Code du travail, spécifiquement. Je comprends sur le reste, mais sur ça?

(12 h 50)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): Écoutez, je pourrais vous faire la liste.

M. Gobé: Bien, allez-y, je vous pose la question.

M. Laframboise (Mario): C'est parce que, effectivement, où vous avez raison, c'est que c'est important de revoir les lois du travail au Québec, surtout celles qui visent le milieu municipal. Et c'est tellement urgent que ça aurait dû se faire avant de discuter des clauses discriminatoires. Puis là, à ce moment-là, si on avait revu puis discuté des lois du travail, celles qui véritablement nous permettraient des économies, on aurait été probablement les plus grands supporteurs des jeunes au Québec. Les municipalités ne sont pas là pour se faire du capital sur les jeunes, loin de là. On est là pour rendre un service au meilleur coût possible, et on a un cadre législatif.

Puis n'oubliez jamais, la loi n° 414 est le plus bel exemple où le gouvernement, comme message à la population, c'est de dire: Vous ne touchez pas aux salaires des mieux rémunérés du Québec quand vient le temps de récupérer 6 %. Ne touchez pas à leurs salaires, ne faites pas perdre un seul emploi, à personne, trouvez quelque chose ailleurs. Et c'est là qu'on ouvre la porte à des communautés qui ont fait des efforts partout, puis qui ne voulaient surtout pas vivre le problème des clauses discriminatoires, mais qui ont dû le faire parce que ça s'est négocié puis que ça a été demandé autant par les syndicats, puis on en arrive à cette solution-là.

Et vous avez raison de dire que les lois du travail devraient être modifiées. Puis ça devrait se faire très rapidement pour qu'on puisse être capable de supporter tout ce qui pourrait s'ensuivre, y compris le fait que le jour où le milieu municipal aura des lois acceptables et pourra contrôler sa masse salariale, il se fera le plus grand défenseur des clauses orphelin. Et ça, là-dessus, c'est la réalité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, M. Laframboise. Mme la Présidente, je vais passer la parole au député de Rivière-du-Loup et je vais revenir après, parce qu'il a une question à poser, je pense.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il va vous rester 4 min 20 s, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux gens de l'UMQ aux travaux de notre commission. Tout d'abord, je dois me faire, d'entrée de jeu, le porteur d'une mauvaise nouvelle. Ce matin, la chose s'est clarifiée au passage des jeunes du Parti libéral, le député de LaFontaine l'avait faite. Quand le chef du Parti libéral vous avait rencontré l'an dernier, il vous avait laissé entendre que ce n'était pas la position de son parti que de légiférer. Alors, maintenant, c'était un écart de conduite, semble-t-il, qu'on nous a expliqué. Maintenant, il est revenu à cette unanimité qui règne.

Je suis heureux que vous fassiez, dans votre mémoire... parce que je trouve que, jusqu'à un certain point, il y a beaucoup de clauses orphelin dans le monde municipal, qui sont apparues avec la loi n° 414, difficilement justifiables, surtout quand on entend le discours du patronat qui parle de compétitivité puis qui dit: Les marges bénéficiaires sont serrées, c'est ça qui nous amène aux clauses orphelin, alors que dans le monde municipal il n'y a pas de compétition, il n'y a pas de marge bénéficiaire. Mais je suis heureux que vous preniez la peine de souligner à quel point l'entonnoir du gouvernement vous amenait vers les clauses orphelin parce que le gouvernement, dans ce dossier-là, est vite à se laver les mains puis à faire comme si. L'article 9 de la loi n° 414, le gouvernement ne s'en souvient pas, puis la ministre, dans certains cas, fait semblant qu'elle se scandalise que les municipalités aient eu recours à ça. L'article 9 – et ça augmente le mérite des municipalités qui n'ont pas fait appel aux clauses orphelin – c'était un entonnoir. On invitait, on encourageait, on suggérait aux municipalités d'avoir recours à des clauses orphelin parce qu'on disait: Tu ne peux pas aller par en avant, tu ne peux pas aller à gauche, tu ne peux pas aller à droite, il te reste quasiment juste une direction où aller. Donc, il fermait toutes les balises, sauf la réduction du salaire pour les plus jeunes.

Alors, ça, c'est important de le souligner parce que le gouvernement, aujourd'hui, bon, a pris des engagements et essaie de s'en défiler, mais il est coupable, hein. Ça ne fait pas des années, ça fait quelques mois à peine. Le gouvernement est coupable d'avoir encouragé les clauses orphelin. Et c'est le même gouvernement qui, aujourd'hui, est en train d'essayer de se défiler de son engagement électoral.

Je veux vous parler, par contre, du cas... Pour ce qui est des négociations en général, des relations de travail dans le monde municipal, je n'ai pas à vous convaincre. J'ai déjà moi-même entrepris des démarches là-dessus, et vous dire qu'on a pris des engagements électoraux et, dans notre esprit, ça devrait être fait depuis longtemps. Puis le déséquilibre qui existe en matière de relations de travail est évident puis, en passant, on l'a dit en pleine campagne électorale. Sur ça et sur d'autres choses, les gens qui votaient pour l'ADQ savaient à quoi s'en tenir, on n'a pas peur des syndicats, même en pleine campagne électorale.

Mais le cas de la ville de Laval est quand même, en matière municipale, assez frappant. Les jeunes de la ville de Laval sont venus, à la dernière commission parlementaire l'année passée, décrire des situations qui étaient, en termes de discrimination, assez évidentes. Ce qu'on comprend, c'est qu'ils ne reviennent pas cette fois-ci. Je ne sais pas pourquoi, mais ce que je sais, c'est que ça avait fait les manchettes, qu'à l'époque il y avait eu quand même des représailles importantes. En tout cas, on ne peut pas faire les liens directs, c'est difficile de les faire. Ils ont obtenu, je pense, gain de cause devant le mécanisme d'arbitrage, mais les jeunes étaient, quelques semaines et quelques mois après la commission parlementaire, sans emploi, on oubliait de les rappeler, ceux qui étaient sur une liste de rappel. Disons que ça a été un cafouillage qui ne sentait pas bon du tout. Ça a amené, en tout cas, je pense, des réflexions à l'intérieur de notre commission sur le mécanisme de recours qui est offert aux jeunes.

Et c'est ça, je voudrais vous entendre là-dessus, sur la position dans laquelle des jeunes sont placés quand leur syndicat et leur employeur négocient des clauses comme celles-là, et comment vous réagissez face au mécanisme de recours qui pourrait leur être offert.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il vous reste à peine une minute pour répondre à cette question. M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): Écoutez, face à la situation de Laval, c'est un exemple, là, que vous sortez, puis c'est bien dans le sens où il ne faut pas oublier que, malgré le transfert de 375 000 000 $ puis le fait que les municipalités devaient récupérer 6 % des coûts de main-d'oeuvre, il y avait des villes qui étaient en négociation de convention collective, là. Donc, nous, ce n'est pas comme le gouvernement, ça ne nous arrive pas une fois tous les cinq ans; nous, ça nous arrive régulièrement, c'est 790, tu as des villes qui sont en négociation. Et Laval, effectivement, en plus d'aller récupérer, avait à négocier sa convention collective, et s'est glissée là-dedans une mise à pied de personnel qui était dans la négociation de la convention collective. Puis tout ça en même temps a fait que, oui, vous avez raison, il y a des jeunes qui ont payé, puis tant mieux qu'ils aient gagné, là. C'est bien.

Quel mécanisme il devrait y avoir? Il faudrait, ensemble, se pencher sur la question. Je vous le dis, si les normes du travail au Québec permettaient aux municipalités de faire la récupération qu'elles pensent faire, nous serions les plus grands défenseurs des jeunes et de toute la possibilité que peut... Exemple, dans une municipalité en croissance peuvent s'ouvrir aux jeunes les opportunités d'emplois. Et ça, je pense qu'on est ouvert. On est ouvert à discuter d'une façon de faire qui ferait que, dans une négociation directe de convention collective, il n'y ait pas les employeurs et les employés qui en profitent pour protéger les anciens face aux nouveaux. Puis, s'il y a une organisation qui était prête carrément, dans les négociations, à réduire les salaires des anciens, c'est nous, là. C'est le gouvernement qui a dit non, et les syndicats, ce n'est pas nous. Parce que, nous, c'était clair, on avait fait toute notre défense sur l'écart et les chiffres de l'IRIR. Tout le monde le sait, nous, on était prêts à réduire les salaires.

Quand une loi nous dit: Vous ne réduisez pas les salaires, je peux-tu vous dire qu'à quelque part ça débarque les stratégies de beaucoup de négociateurs. Donc, on ne pouvait pas le faire, on s'est reviré à la dernière minute, et c'est ce qui a fait qu'il y a peut-être trop, quant à moi, de clauses orphelin qui ont été glissées dedans parce que notre impact, qui était la réduction des salaires, a été réduit par une loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Laframboise. Il reste quatre minutes, M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député, d'autres questions?

M. Gobé: Oui, certainement, Mme la Présidente. M. Laframboise, c'est très intéressant, ce que vous venez de nous dire. Moi, je partage tout à fait votre opinion. Et, quand même je ne la partagerais pas, c'est la réalité qui nous rejoint. En effet, lorsque le gouvernement a annoncé qu'il baisserait les salaires de 6 %, on a baissé certains salaires de 6 %, celui des députés, entre autres choses. Mais, lorsqu'il a fallu qu'il commence à toucher à certains de ses alliés potentiels de référendum ou d'élection, bien, il n'a rien fait. Et on voit que, dans les municipalités, il n'a pas osé arriver avec une loi qui faisait en sorte de baisser le salaire de tous les employés municipaux, comme ceux du gouvernement du Québec, de 6 %. On a préféré tergiverser, trouver des expédients, des manières différentes de passer pour ne pas s'aliéner ou craindre de s'aliéner ces alliés-là. Alors, résultat, on a fait reporter sur les jeunes, le gouvernement lui-même, et c'est les jeunes qui vont payer. Ils ne s'en rendront pas compte tout de suite, ils ne sont pas là pour l'instant, mais ils vont arriver bientôt, ils seront contents d'avoir une job puis ils ne diront pas trop grand-chose. Au niveau de la fonction publique du Québec, c'est pareil, on a fait partir les gens. Le système de santé s'est trouvé du jour au lendemain démuni: manque d'infirmières, manque de personnel qualifié. Le constat est là.

(13 heures)

On ne peut pas vous blâmer, vous, aujourd'hui, d'avoir l'ampleur de clauses discriminatoires ou de disparités salariales que vous avez. Moi, je ne suis pas prêt à faire le geste, le mouvement de vous blâmer. J'ai remarqué que certains intervenants l'utilisaient pour des raisons de compétitivité ou de profit plus élevé. Dans votre cas à vous, maintenant, vous êtes les victimes autant que les jeunes, puis je suis fier et content de vous entendre dire: Donnez-nous les moyens – puis il n'y en aurait pas eu – puis les jeunes seront bien plus contents. Alors, est-ce que c'est ça que je comprends bien?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): M. Gobé, peut-être juste une petite remarque. Je vous ferai remarquer que je peux comprendre votre opinion par rapport au gouvernement, mais je vous dirais que la loi n° 102, il y avait aussi à l'époque l'«opting out». Je pense que tout le monde est mal à l'aise par rapport à une certaine façon de faire au Québec, et je pense qu'il faut remettre ça en question actuellement.

M. Gobé: Oui, mais je partage cette vision avec vous que c'est un dossier qui est là depuis trop longtemps et qu'il faut prendre maintenant les moyens de le régler. L'un des moyens, c'est d'ouvrir le Code du travail. Maintenant, allez-vous demander bientôt sa réouverture? Allez-vous arriver bientôt avec une liste? Allez-vous officiellement... Parce que, là, ça se passe, ça se demande, mais allez-vous en faire un point, à un moment donné, du genre: Voilà, nous, nous demandons au gouvernement de se réunir? Il fait un sommet sur la jeunesse, on va-tu refaire un sommet sur le monde municipal? Je ne sais pas, mais allez-vous arriver rapidement avec des choses concrètes qui vont permettre, peut-être, d'aller dans ce sens-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste une minute, M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): En conclusion, écoutez, le gouvernement connaît très bien nos positions et les demandes qu'on a, on pourra vous les adresser également au Parti libéral, à tous les partis, là. Nous, c'est vraiment un livre ouvert.

Le message qu'on voudrait laisser en conclusion, c'est que, je le répète, le milieu municipal a servi de bouc émissaire pour les clauses discriminatoires, et ça, là, c'est vraiment très malsain pour toute la société québécoise, c'était le pire des mondes à choisir.

J'espère qu'au moins la commission servira à vous faire comprendre que les lois du travail en milieu municipal sont uniques au Québec, et ces gens-là bénéficient de protection qu'aucun citoyen, y compris les jeunes du Québec, n'ont. Et ça, j'espère que tous ensemble, pour le bien-être de tous les travailleurs du Québec et des municipalités, vous saurez, en tout cas, nous donner la marge de manoeuvre nécessaire pour qu'on encourage dans nos municipalités les jeunes à accéder à des bonnes conditions de travail, parmi les meilleures du Québec, et que vous nous donnerez les moyens de réduire notre masse salariale. C'est le message qu'on a.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci...

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 14 h 3)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission de l'économie et du travail va donc reprendre ses travaux, vous rappelant que nous sommes à procéder à une consultation générale, à tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Cet après-midi, nous accueillons trois groupes et nous débutons avec Le Pont entre les générations. Alors, M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Beaudet, vous êtes le secrétaire général, donc le porte-parole principal du groupe.

M. Beaudet (Rock R.): Pour la présentation, ça va être Éric Bédard.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Éric Bédard. Alors, à ce moment-ci, M. Bédard, je vous demanderais donc de présenter les gens qui vous accompagnent, vous rappeler aussi que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Le Pont entre les générations

M. Bédard (Éric): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors nous remercions les membres de la commission de l'économie et du travail de recevoir Le Pont entre les générations. Je voudrais vous présenter les gens qui m'entourent. Donc, à ma droite, Mme Solange Chalvin, qui a été journaliste au Devoir , qui a été fonctionnaire pour l'Office de la langue française, qui a remarqué quelques coquilles dans notre mémoire, on s'en excuse; à ma gauche, Mme Liliane Lecompte, membre fondateur du Pont entre les générations, ex-présidente de l'association québécoise des retraités, militante syndicale, infirmière de profession; et, à mon extrême gauche, M. Rock Beaudet, qui est membre fondateur du Pont entre les générations également, conseiller en relations industrielles, auteur de quelques études sur la question des clauses orphelin et sur d'autres études qui ont trait aux relations de travail. Il y a d'autres membres aussi qui n'ont pas pu venir aujourd'hui. Je pense à Marcel Pepin, ex-président de la CSN, je pense à Jacques Grand'Maison, professeur émérite en sociologie, et François Rébello, ex-leader étudiant. Je pense aussi à Solange Lefebvre, etc.

Le Pont entre les générations est né en 1997 des suites de deux événements: d'abord, le Sommet socioéconomique de Québec et une immense recherche–action qui a été menée par Jacques Grand-Maison et une équipe de recherche qui a donné lieu à la publication de quatre rapports de recherche et du livre Le défi des générations . Donc, un groupe qui est né en 1997, avec l'objectif de réfléchir aux grandes problématiques sociales au Québec mais dans une perspective intergénérationnelle.

Il y a, au Québec, un grand nombre de groupes d'intérêt, que ce soit pour défendre les intérêts des patrons, des syndicats, toutes sortes de minorités, et c'est bien qu'il y en ait autant, mais peu de groupes de réflexion se penchent sur l'idée de l'intergénérationnel, sur les problématiques dans une perspective qui rapproche les générations. Alors, c'est dans cet esprit-là que le groupe a été créé en 1997. Or, grosso modo, depuis 1997 – je vous présente ça, je crois que c'est important pour bien vous montrer que Le Pont entre les générations n'est pas né ponctuellement comme ça pour parler des clauses orphelin – Le Pont entre les générations a une démarche de réflexion qui est longue et qui est intense et qui vise différents objets.

Le premier objet de réflexion, ça a été l'équité entre les générations dans les milieux de travail. Ça a été le premier plan de travail, plan de réflexion qui a été mis en place, qui a mené à un forum tenu à l'Université de Montréal en septembre 1998, qui a mené aussi à la rédaction par moi-même de cet ouvrage, Le Pont entre les générations , qui résume l'état de nos recherches que nous avons menées sur ces questions-là d'équité entre les générations dans les milieux de travail, et aussi qui a été un peu cueillir les statistiques qui étaient disponibles – mais des fois qui n'avaient pas été réunies – d'Emploi-Québec, de Statistique Canada pour là aussi faire le point sur l'équité entre les générations dans les milieux de travail. Donc, ça, ça a été le premier volet de la réflexion du Pont.

Deuxième volet de la réflexion, nous le faisons actuellement, nous réfléchissons sur la gestion de la dette publique, sur les surplus budgétaires, sur les surplus actuariels des caisses de retraite. Nous réfléchissons à cette question-là dans une perspective, encore là, intergénérationnelle.

Donc, je reviens au premier élément de notre démarche de réflexion: l'équité entre les générations dans les milieux de travail. Alors, le premier constat que nous avons fait – ça ne prend pas un doctorat pour le faire, mais il fallait le faire, il fallait réunir les chiffres pour le faire – c'est l'extraordinaire transformation du marché du travail depuis le début des années quatre-vingt. Et c'est drôle qu'on soit ici aujourd'hui, parce qu'on avait justement mis en valeur le chiffre que Le Devoir a sorti ce matin. Dans le livre du Pont des générations , de septembre 1998, on mettait en lumière cette idée-là qu'on assiste à une précarisation extraordinaire du marché du travail. Donc, il y a là une préoccupation évidemment, et cette précarisation-là principalement attaque ou, disons, afflige la jeune génération. Ça, c'est un premier constat que nous avons fait, l'accroissement formidable des emplois atypiques, des emplois à temps partiel, des contrats, des piges. Bon. Alors, ça, c'est des chiffres d'ailleurs élaborés, mis de l'avant par Emploi-Québec. Premier constat.

Deuxième constat: une inégalité des gains entre les générations qui, elle aussi, s'est imposée. Et là on a eu recours à une étude d'un certain Morissette, de Statistique Canada – j'oublie son prénom – qui a démontré que, entre 1981 et 1988, pour ce qui est des jeunes hommes – et là on a sorti les chiffres récemment pour les jeunes femmes – les 17-24 ans ont vu leur revenu baisser de 13 % et les 45-54 ont vu leur revenu augmenter de 14 %. Alors, là encore, c'est un signal inquiétant que la précarité, l'appauvrissement ont non seulement un visage au niveau de l'origine sociale... Il est clair que, lorsqu'on est à Saint-Henri versus Westmount, on a moins de chances dans la vie de prendre part à la tarte de la richesse collective. Lorsqu'on est une femme versus un homme, on a aussi là encore un handicap qui est admis par tout le monde et qui tend à se réparer. Quand on est issu d'une minorité culturelle, là aussi, on a un handicap. Mais là on s'aperçoit que, quand on est né à une certaine époque, on a là aussi un handicap parce qu'on fait face à une précarisation du marché du travail, à une érosion, en quelque sorte, du statut de salarié, du statut de travailleur salarié. Et ça affecte principalement la jeune génération. Bon.

(14 h 10)

Alors, dans un premier temps, une fois qu'on fait ce constat-là, bien, on se dit: Dans une perspective intergénérationnelle, il faut se serrer les coudes, il faut que les aînés, les gens du milieu... la jeune génération doit se serrer les coudes, doit faire face à cette situation, à ce marché qui se transforme, à cette économie qui se transforme. On doit se serrer les coudes et on doit être solidaire. C'est extrêmement important. Et ce qu'on constate, encore là dans une perspective intergénérationnelle, c'est que cette espèce de pression, cette pression à la baisse sur les salaires, sur les conditions de vie crée des tensions immenses entre les générations.

Or, les emplois devenant de plus en plus précaires, il y a une tendance qu'on observe de dire aux plus vieux: Bien, débarrassez, là, faites de la place. Bon. Faites de la place, puis tout ce que vous avez accumulé comme formation, toutes vos expériences, ça nous intéresse plus ou moins, là. Faites de la place pour les plus jeunes. Et pour les plus jeunes: Bien, vous, vous êtes jeunes, vous avez besoin de moins d'argent, donc subissez un peu les pressions plus peut-être que les autres. Donc, ça crée un malaise entre les générations, cette situation, cette transformation de l'économie et du marché du travail. Et c'est là – je vous explique ça, là – que s'est révélée à nous la question des clauses orphelin. Donc, vous voyez un peu notre démarche de réflexion. Les clauses orphelin se sont révélées à nous comme une sorte de révélateur d'un manque de solidarité entre les générations. On ne s'est pas élevé contre les générations un matin en disant: Bon, on va s'intéresser aux clauses orphelin. Les clauses orphelin se sont révélées à nous comme un manque d'équité, un manque d'équité préoccupant, parce que, dans un contexte de précarité, il ne faut pas refiler la facture à un groupe en particulier. Il faut tous, collectivement, faire face à ces situations-là, peu importe notre âge, peu importe notre statut salarié.

Donc, les clauses orphelin, quand nous avons observé ce phénomène, nous avons tout de suite interpellé la population. Nous avons essayé de sensibiliser les gens et nous avons la prétention de croire que cette sensibilisation-là nous mène aujourd'hui à l'adoption d'un projet de loi qui, espérons-le, va diminuer le phénomène. Donc, qu'est-ce que c'est, les clauses orphelin? La clause orphelin, là-dessus, nous, on est d'accord avec la définition de la Commission des droits de la personne. La clause orphelin, c'est: discrimination en fonction de la date d'embauche. Ça, on est d'accord avec ça, et c'est la définition qui a été retenue par le projet de loi.

Alors, nous, au Pont entre les générations, on ne fait pas de distinction entre une clause discriminatoire, entre une clause orphelin temporaire ou permanente. Pour nous, il n'y en a pas de distinction, parce que la perte subie par une clause orphelin, dans notre esprit, elle est permanente. Si vous commencez à 20 000 $ par année, parce que votre syndicat vient de voter des clauses orphelin, comme ça a été le cas pour les policiers de la CUM, si vous commencez à 20 000 $ ou 25 000 $ – je n'ai pas le chiffre exact – au lieu de 30 000 $ ou 35 000 $, bien, le 5 000 $ que vous perdez, c'est un 5 000 $ que vous perdez d'une façon permanente. La perte, elle est permanente. On ne fait pas de distinction, nous, entre les deux. Donc, pour nous, voter un projet de loi sur les clauses orphelin et permettre d'ajouter des clauses, des échelons par le bas, c'est un peu un non-sens parce que, si on est contre le principe des clauses orphelin, bien, on les abolit toutes ou on ne les abolit pas. Parce que c'est ça. Et je reviens à cette idée: pour nous, c'est une question de principe.

Alors, le présent gouvernement, par exemple, a adopté une Loi sur l'équité salariale. Il ne viendrait à l'idée de personne de dire: Ça joue dur, ce n'est pas facile, l'économie est difficile, il faut donc... S'il y a des iniquités entre les femmes et les hommes, bien, c'est dommage, mais on va perdre des emplois. Mais non! C'est une question de principe: à salaire égal, travail égal, etc. Nous, on dit: C'est la même chose pour les générations. Pour une situation tendue, une situation difficile, tout le monde doit se serrer la ceinture, tout le monde doit faire des efforts. Parce que – et là je terminerai là-dessus avant de passer la parole à Liliane Lecompte – nous, on admet qu'il y a un contexte difficile. On n'est pas en train de vous dire que, non, ça n'existe pas, la compétitivité, ça n'existe pas, la mondialisation, ça n'existe pas, puis qu'on doit nier ces questions-là, pas du tout. Ce qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas de motif moral suffisant pour justifier le fait qu'on refile à ceux qui ne sont pas encore autour de la table pour se protéger, souvent c'est les travailleurs qu'on va embaucher plus tard, qu'on refile à ceux-là, qui sont souvent des plus jeunes, la facture pour des compressions qu'on juge essentielles pour le bien-être de l'entreprise ou de l'État. Alors, je passe la parole à Mme Lecompte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Lecompte.

Mme Lecompte (Liliane): Parmi les éléments de la loi qui nous laissent perplexes se trouvent entre autres les délais d'application de la loi. Nous avons été vraiment renversés en constatant à quel point cette loi tarderait à être en vigueur, et, même lorsqu'elle serait en vigueur, à quel point son existence serait fragile. La pratique veut qu'une loi entre en vigueur dès son adoption en troisième lecture. Mais, dans le cas qui nous occupe, la loi ne sera effective que lorsque la sanction aura été donnée par le lieutenant-gouverneur, et tout cela peut nous reporter jusqu'au printemps de l'an prochain, c'est-à-dire peut-être au mois de mars de l'an 2000. Une fois la loi sanctionnée, elle ne sera mise en application que trois ans plus tard, c'est-à-dire en 2003, et nous sommes très conscients que, durant ces trois années-là, des conventions collectives nombreuses seront signées et que la même loi ne serait plus en vigueur à partir du 31 décembre 2004. Si notre scénario tient la route, cette loi n'aurait donc qu'une espérance de vie de 21 mois, et, plus que ça, le gouvernement se réserve le droit de l'abroger en tout temps. Finalement, nous nous demandons si ce n'est pas se donner beaucoup de mal pour bien peu de chose.

On se demande si la volonté de combattre ces dispositions discriminatoires est vraiment très, très solide et nous avons l'impression de nous trouver plutôt face à un geste timide posé par des gens qui n'y croient peut-être pas autant que nous aurions voulu. Le Pont entre les générations aurait souhaité l'adoption d'une loi claire, ferme et applicable maintenant. Je ne sais pas quels mots utiliser pour dire à quel point nous sommes surpris de toutes ces échappatoires concernant l'entrée en vigueur de cette loi et qu'une fois entrée en vigueur elle puisse, en tout temps, être abrogée par le gouvernement. Nous nous permettons de nous interroger sérieusement sur la conviction avec laquelle cette loi a été présentée.

Il ne nous reste qu'à souhaiter que d'autres se joindront à nous en commission parlementaire afin que le gouvernement modifie ce projet de loi en lui donnant plus de mordant. Lorsqu'on adopte une loi, il faut vraiment que les changements se fassent sentir. Loin d'être la main tendue que plusieurs attendaient, cette loi risque tristement de devenir le symbole d'une société qui s'assoit sur ses acquis et refuse de se questionner. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Lecompte. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de votre part? Non? Alors, nous allons donc passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Bédard, Mme Lecompte, je salue aussi les gens qui vous accompagnent, je vous remercie de votre présentation. Vous êtes un organisme que je connais un peu: dans mon autre vie, je suivais certains travaux que vous avez faits. Je pense que la démarche que vous avez entreprise il y a quelques années est une démarche pleine de sagesse, proactive, novatrice, et il y a beaucoup de constats que vous avez faits, M. Bédard, que je partage quant au marché du travail. Je suis ministre responsable de l'emploi, responsable du travail aussi. Je pense qu'il y a un constat, là. On est dans une ère de mondialisation où on a énormément de possibilités devant nous, mais, en même temps, il y a aussi des effets à ces grands phénomènes-là pour lesquels il faut trouver des solutions réalistes et pratiques.

Dans votre mémoire, vous reprenez à plusieurs reprises l'expression qu'il y aura «une prolifération des clauses orphelin». Je ne suis pas sûre que je partage cette conclusion-là. Quand on regarde, au fil des ans... C'est documenté, au Québec, depuis le milieu des années quatre-vingt. À cette époque-là, on constatait, dans des conventions collectives... Évidemment, c'est très difficile de quantifier le phénomène dans les milieux non syndiqués parce qu'on n'a pas les données brutes, puis il n'y a souvent pas de contrat de travail écrit, et il n'y a souvent même pas de politique salariale claire. Mais on constate, dans les milieux où il y a une convention collective, qu'en 1985 il y avait à peu près 2,3 % de conventions collectives où il y avait des clauses orphelin. Ça monte un petit peu, à un moment donné, à 6,4 %. Ça redescend au début des années quatre-vingt-dix. Là, on est à peu près, plus ou moins, à un peu moins de 7 %. Est-ce qu'on peut parler de prolifération des clauses orphelin? Je vous pose la question. C'est sûr que, moi, je suis préoccupée à savoir que les clauses orphelin ne s'incrustent pas dans nos politiques salariales, mais on parle quand même d'un phénomène de moins de 7 %.

(14 h 20)

L'autre chose sur laquelle j'aimerais vous entendre – parce que j'ai bien écouté puis je comprends bien votre raisonnement – c'est comment est arrivé le dossier des clauses orphelin dans votre processus. J'imagine bien comment ça s'est présenté. Vous avez dit: C'est révélateur d'un problème d'équité, c'est révélateur de la précarité du marché du travail. Nous, ici, on l'interprète comme étant donc problématique, cette réalité-là. Mais on voit dans certains autres pays... Puis, malheureusement, je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais j'ai eu l'occasion de prendre connaissance, par exemple, de certaines politiques en France où il y a carrément un taux salarial d'entrée différent selon les âges, c'est érigé en système. Alors, j'aimerais ça aussi vous entendre là-dessus. On ne perçoit pas, on n'intègre pas ces réalités-là, on ne les interprète pas toujours de la même manière. Alors, enfin, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et troisième élément, vous positionnez, comme plusieurs, puis je peux le comprendre, le dossier des clauses orphelin en termes de problème intergénérationnel. Je peux en convenir avec vous, quoique ça ne vise pas que les jeunes. Ça vise tous les chercheurs d'emplois, puis il y en a pas mal qui sont en haut de 30 ans. Vous interprétez aussi le dossier des clauses orphelin en termes de discrimination. Alors, je vous pose la question: Est-ce que tout traitement différent est de la discrimination? Bon, j'ai des questions un peu philosophiques, mais vous l'avez abordé philosophiquement, puis ce n'est pas péjoratif quand je dis ça. Alors, nous allons philosopher ensemble.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bédard.

M. Bédard (Éric): Oui. Je vais commencer. Rock, peut-être, j'imagine, a des éléments sur le phénomène au niveau quantitatif. Évidemment, c'est un phénomène extrêmement mineur. si on parle des clauses orphelin en termes de doubles échelles salariales qui ne se rejoignent jamais. C'est tellement grossier comme phénomène – ça a été dénoncé rapidement – que ça a assez vite disparu. Ce qu'on a vu, là, je pense que Rock me corrigera, ça... Mais le phénomène qui se répand, c'est beaucoup plus subtil que des clauses orphelin à doubles échelles. C'est des doubles échelles complètement différentes quand tu entres, c'est beaucoup plus subtil. Pour nous, les échelons par le bas, c'est des clauses orphelin. Pour nous, les gels d'échelons, comme à la CEQ, c'est des clauses orphelin. Un travailleur à temps partiel qui travaille l'été dans une municipalité, qui passe de 12 $ à 8 $, puis on dit: Bien, toi, tu travailles l'été, ce n'est pas important. Ça, c'est une forme de clause orphelin. Et malheureusement – on en discutait en venant ici – la publicité faite autour de la question des clauses orphelin, qui, pour nous, est une question plus morale, même si c'est une question très matérielle, ça allume les lumières chez plein d'employeurs, paraît-il, qui disent: C'est une bonne idée, ça, je devrais essayer ça avant que la loi soit adoptée, peut-être que je vais en faire passer une couple. Donc, sur le point quantitatif, je dirais seulement ça puis je passerais la parole à Rock tout de suite.

Mais juste sur les deux éléments. Vous dites qu'en France on rentre plus tard, il y a des échelles complètement différentes pour l'âge. Évidemment, on reconnaît que, l'ancienneté, c'est quelque chose de tout à fait louable, tout à fait admissible, tout à fait normal. Lorsqu'on est plus expérimenté, on est plus payé; il n'y a pas de problème avec ça. Le problème, c'est que vous avez des patrons et des syndicats qui voient – et là on ne parle pas de tout le milieu qui n'est pas syndiqué; ça serait encore pire – qu'il y a des compressions à faire, qui sont souvent – oui, je l'admets, on l'admet – régis par un Code du travail très rigide, je pense que vous êtes plus au courant que moi là-dessus, mais qui disent: Comment est-ce qu'on pourrait se débarrasser de cette patate chaude là et qui disent... Et là arrive l'idée des clauses orphelin.

Alors, c'est moralement inacceptable, vous voyez, parce qu'au lieu de faire face à la musique tout le monde collectivement, on refile la patate à des gens qui commencent dans la vie, qui en sont à leurs premières armes, qui fondent une famille, qui veulent s'acheter une première maison. Alors, on trouve que c'est une situation très malsaine sur les relations entre les générations. Et vous savez que ça crée aussi une amertume, une hargne chez beaucoup de jeunes par rapport à leur syndicat. Ils se disent: Mais c'est qui qui nous protège dans cette boîte-là? Et ça, ça n'est pas non plus sain, parce que je pense que le syndicalisme, c'est un plus pour notre société, ça a amené des choses bien dans notre société. Il y a eu peut-être des abus, mais globalement. Là, on a un instrument de solidarité qui est comme tourné en dérision par toute une portion de la jeune génération, et c'est très préoccupant parce que ces gens-là ne sont pas défendus, à toutes fins pratiques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Au début, ce qu'il faut rappeler, c'est que le groupe, ce n'était pas qu'il y en ait 5 %, ou 10 %, ou 15 %, je suis d'accord avec vous, au niveau de la prolifération. À part peut-être dans certains milieux, dont l'alimentation et le secteur municipal, où il y en a beaucoup plus que... Il n'y en n'avait pas avant.

Et ça dépend ensuite. Le pourcentage est différent tout dépendant de la définition qu'on y apporte. Par exemple, l'autre jour, on était au Midi-15 à Radio-Canada, et il y avait M. Charland, du SCFP, qui disait que lui n'en avait pas. Et c'est clair que, si l'ajout d'échelons n'est pas une clause orphelin par le bas et qu'on ne considère que les doubles échelles, à ce moment-là, il n'y en aurait pas une dans le municipal ou, je ne sais pas, peut-être trois ou quatre villes. Mais pourtant, la définition donnée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse inclut les clauses orphelin temporaires.

L'autre effet. Quand on vérifie à une année précise les conventions collectives, on va voir l'ajout d'une échelle temporaire. Mais la même convention collective, trois ans plus tard ou six ans plus tard, il n'y aura plus de clause orphelin temporaire, puisque tout le monde aura franchi ces échelles-là. Il ne restera qu'une seule et unique échelle dans la convention collective. Et à ce moment-là, cette convention-là ne serait plus considérée contenir une clause orphelin, puisque la clause orphelin qui avait été mise dans la convention a disparu.

L'autre point, le traitement différent. Le groupe Le Pont entre les générations a toujours été très précis: on n'est pas contre l'ancienneté, on n'est pas contre les principes de permanence. Ce n'était pas le but et ce n'étaient que les clauses orphelin. Donc, c'est la même échelle pour tout le monde et non pas une deuxième échelle parallèle, c'est-à-dire une clause orphelin permanente ou une clause orphelin même temporaire, comme le cas des jeunes policiers, plus facilement illustrable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, une dernière question, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Une toute petite, toute petite, juré, juré, petite.

Dans votre mémoire, ce mémoire d'une quinzaine de pages, vous faites un grand tour de piste. Vous avez pris une page et demie sur le projet de loi. Vous avez des remarques plus précises au sujet des lettres d'application, clauses crépusculaires, etc. Est-ce que je dois comprendre que, pour le reste, vous êtes plutôt favorables?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Je vais vous répondre parce que... Autant M. Pepin qui s'y connaît mieux en conventions collectives peut-être dans le groupe... et, moi, je partage la même vision. Présentement, le projet de loi a beaucoup trop d'exceptions. On parle de fusions, de réaménagements. Vous le savez, là, n'importe quel employeur peut prendre le projet de loi tel qu'il est et en signer pour toutes sortes de raisons, une temporaire ou une permanente. Malheureusement, c'est ça. Mais il y a quand même certains points qui demandent à être peut-être un peu moins ouverts ou un peu moins évasifs pour ne pas que le gouvernement soit pris ensuite pour aller devant des tribunaux pour déterminer si, oui ou non, cette clause-là est une vraie clause orphelin. Et est-ce que cet employeur-là...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir effectivement – parce que j'ai lu votre mémoire – sur les principes. Évidemment, je pense que vous faites le tour très, très bien et je partage d'ailleurs les mêmes préoccupations, les mêmes inquiétudes entre les liens intergénérations et même l'amertume qui pourrait exister face à de telles situations. Ça, c'est un exemple, mais il y en a plusieurs autres. On pourrait donner le régime de rentes puis... On en a plusieurs effectivement qui pourraient amener, pour ceux qui auront à prendre des décisions plus tard, une attitude plus revancharde et plus inquiétante, je vous dirais, pour ceux qui gouvernent actuellement. C'est pour ça que, effectivement, en tout cas en intervenant dans les clauses orphelin, je crois que c'est un signal qu'on met fin à cette attitude-là qui a caractérisé souvent les actions d'une génération pendant assez longtemps. Sur les deux dernières pages, vous êtes assez sévères sur le projet de loi, mais il reste quand même que c'est une action concrète. On part vraiment d'un écrit avec une application qui est générale, qui n'est peut-être pas à votre entière satisfaction, mais, quand même, il faut partir de quelque chose. Je crois qu'on a un projet de loi intéressant.

(14 h 30)

Plus particulièrement, dans votre mémoire, vous faisiez état du délai d'application. Là, j'ai été un peu surpris. Vous disiez qu'il fallait que l'application soit immédiate. Et même tantôt, dans votre présentation, vous disiez, par exemple, la Loi sur l'équité salariale, alors que la Loi sur l'équité salariale n'est pas d'application immédiate mais plutôt dans plusieurs années. Je crois que c'est jusqu'en 2000 ou 2001 avant que la loi s'applique en entier. J'ai en mémoire aussi, concernant la semaine de travail, où la Loi sur les normes a diminué d'année en année pour finalement arriver à 40 heures en 2002.

Vous, vous dites: L'application immédiate. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait effectivement un délai normal? Entre trois ans et zéro, je comprends qu'il y a une marge. Mais ne pensez-vous pas que ce serait nécessaire d'avoir un délai d'application? Parce que, si on applique automatiquement, bien, là, ça rend toutes ces clauses-là illégales. Donc, là, on ne donne aucune période aux employeurs pour s'amender ni aux syndicats. Donc, là, c'est la pluie de recours qui tombe. Alors, je me demandais si vous voyiez un intérêt effectivement à ce qu'il y ait un délai.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Notre position est claire. C'est que, si la loi était adoptée, par exemple, tel que ça avait été promis par le gouvernement, dans une première année suivant un nouveau mandat péquiste – c'est ce qui nous avait été promis non pas seulement à notre groupe, mais à différents groupes de jeunes – l'idée, c'est que, si la loi était adoptée avant Noël, il faudrait que, au lendemain de l'adoption de la loi, plus personne ne puisse en signer. C'est très différent que de dire à une entreprise: Vous devez, dès demain matin, entrer en processus de négociation pour modifier la clause. Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Plus personne ne peut en signer une, que ce soit une entreprise publique ou privée. Et, deuxièmement, ça pourrait aller effectivement jusqu'à environ trois ans, c'est-à-dire, normalement, une période dite normale ou anciennement normale de trois ans, et donc au renouvellement de la convention collective.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, Mme la Présidente. Donc, le délai de trois ans, pour vous, est correct. Autrement dit, c'est simplement d'interdire maintenant, pour toute nouvelle convention collective, de signer des clauses orphelin. C'est ça le...

M. Beaudet (Rock R.): Parce que, comme Éric l'a dit, j'étais à l'assemblée générale de l'Ordre des conseillers en relations industrielles l'autre jour. Je ne nommerai personne, mais on m'a dit: Tu sais, tout ça, le débat public, ça a peut-être réveillé certains employeurs qui ne connaissaient même pas ça et qui disent: Bien, il y a de l'argent à sauver là. Oui, ce n'est pas payant à moyen puis long terme, mais, bon, moi, je suis gestionnaire de cette entreprise-là, les actions vont monter sur les trois prochaines années puis je ne serai plus là, de toute façon, dans cinq, six ans. Il y a deux côtés, hein, quand on installe un débat sur un problème semblable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Beaudet. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, Mme Chalvin.

Mme Chalvin (Solange): Oui. Si je pouvais apporter un commentaire sur les dates que vous disiez, c'est que dans la plupart des lois, effectivement, dès qu'elles ont été présentées en troisième lecture, elles sont adoptées par un gouvernement et elles deviennent en vigueur. À ce sens-là, je pense qu'on dit que ça devrait être mis en vigueur dans le sens qu'il n'y ait plus de conventions collectives qui se signent avec des clauses orphelin après la date de la promulgation de la loi. Ça, ça me semble d'une logique implacable.

La même chose qu'on ne peut pas discuter le fait, si vous voulez, de prendre trois ans après ça pour une mise en application courante. C'est autre chose. Ce n'est pas des parties de loi qui ne sont pas adoptées, ou quoi que ce soit: la loi est en vigueur, il n'y a plus de conventions collectives qui se signent.

Et la raison de ça, et ce qui nous préoccupe le plus, vous êtes au courant comme moi qu'actuellement on négocie à tour de bras dans le public et le parapublic, et on va le faire encore pour six mois à venir, et rien ne nous empêche de dire: On sait très bien qu'actuellement il y a des négociations qui se font en suggérant des clauses orphelin. Et, si elles ont la chance de passer avant l'adoption de la loi, bien, elles vont passer. Je veux dire, les syndicats, autant que les employeurs, vont signer leurs conventions collectives à un moment donné, mais il va y avoir des clauses orphelin. Donc, c'est une des raisons.

Un autre élément que j'aurais aimé amener et qui nous préoccupe aussi beaucoup, c'est l'abrogation de cette loi-là le 31 décembre 2004. C'est ce qu'on nous propose, c'est ce qui est proposé, grosso modo. Et, moi, je n'arrive pas à comprendre qu'une loi... c'est une loi d'exception, à toutes fins pratiques. On a un Code du travail au Québec. Si on a cette loi-là actuellement, c'est qu'il y a une situation d'exception. Et c'est une situation d'exception qui demande un changement d'attitude et de comportement de la part des syndicats, de la part des employeurs, de la part des gens qui sont dans les entreprises. Or, un changement d'attitude et de comportement, ça ne peut pas se régler en trois ans. C'est absolument impensable. Donc, comment ça se fait que déjà on peut prévoir qu'en 2004 tout va être réglé, qu'il n'y aura plus rien de ça? Alors, ça me semble très difficile parce que toute loi qui comporte de grands changements au niveau des attitudes et des comportements doit, à mon avis, être en possibilité de demeurer tant qu'elle n'a pas produit tous les effets désirés.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre, il vous reste 30 secondes.

Mme Lemieux: Mme Chalvin, vous dites: On négocie à tour de bras à ce moment-ci. C'est vrai, et je vous garantis, il n'y a aucune clause orphelin dans les offres patronales gouvernementales actuellement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors...

Mme Chalvin (Solange): Je peux faire un commentaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, 20 secondes.

Mme Chalvin (Solange): Je ne visais pas nécessairement la partie gouvernementale. Il y a des syndicats qui négocient et qui peuvent très bien vouloir en mettre aussi sur la table.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous passons maintenant la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, ça me fait plaisir de vous accueillir ici. Alors, j'ai pris connaissance avec un grand intérêt de votre mémoire. Je l'ai lu avant et, en ayant eu cette chance de le lire avant, lorsqu'on l'a reçu, ça nous a permis, ça m'a permis à moi, en tout cas, et à mes collaborateurs d'avoir un éclairage très direct parce que vous avez fait une enquête, hein. Je crois que vous êtes allés dans le concret et vous êtes arrivés avec des chiffres. Vous n'avez point la prétention d'avoir des grandes statistiques, vous le mentionnez d'ailleurs, selon les moyens quand même relativement restreints que vous avez, mais on sent là le sérieux d'une recherche. Et ce qu'on retrouve aussi, c'est la clarté avec laquelle vous l'écrivez. C'est simple, c'est clair, c'est facile à lire et à comprendre, et j'invite tout le monde à le lire.

Malheureusement, je pense que Mme la ministre ne l'a pas lu complètement parce qu'elle vous a posé la question, elle vous a dit: Vous en parlez dans une page, mais ça veut dire que, pour le reste, vous êtes d'accord avec le projet de loi. Mais, si elle l'avait lu, elle n'aurait pas posé cette question-là, elle aurait peut-être pu en poser une autre. Soit qu'il y ait eu un manque de temps à la fin, semble-t-il, parce que vous dites: «On ne sent pas de grande conviction, ni d'ardente volonté à combattre ces dispositions discriminatoires dans ce projet de loi.» Vous venez déjà de lui dire pas mal qu'est-ce que vous pensez de son projet de loi. «Au mieux, on y retrouve un geste timide posé par des gens qui n'y croient pas beaucoup; au pire, on est face à un mirage flou et indécis. Personne n'est dupe de ces entourloupettes.» Vous y allez fort, mais vous y allez. «Le Pont entre les générations aurait souhaité l'adoption d'une loi claire et ferme, applicable immédiatement.» Je pense que, pour moi, il ne fallait pas qu'elle ait lu ça pour vous poser ce genre de question parce que la réponse est là-dedans. Ou alors, c'est parce qu'elle voulait vous faire dire à peu près n'importe quoi.

Deuxième chose, chose qui me choque un peu. Ça me déçoit parce que, vous, vous avez pris la peine de faire une enquête. Vous arrivez ici avec des cas du Québec, vous parlez de ce qui se produit, elle vous demande de parler sur la France. Moi, je veux bien que vous parliez sur la France – j'y ai passé quelques semaines cet été, j'ai de la famille – mais ce n'est pas la France qui nous intéresse ici, c'est qu'est-ce qui se passe chez nous puis est-ce qu'on va régler les problèmes que les jeunes travailleurs, les nouveaux travailleurs du Québec, ils ont. Ah! Ça l'amuse peut-être...

Je vais y répondre, à la question. En France, là, les seules discriminations qu'il y a, c'est sur un programme particulier qui s'appelle les Emplois-jeunes qui sont des emplois temporaires dans le privé, subventionnés par le gouvernement, pour faire l'insertion des jeunes. Et ça dure un certain temps, et après le jeune quitte l'emploi. Premièrement. Et l'autre discrimination qu'il y a sur les salaires, c'est sur l'ancienneté. Mais vous n'avez rien contre ça, vous non plus, et personne.

Alors, qu'on arrête de vouloir noyer le poisson puis qu'on regarde les choses en face. Si elle n'a pas de questions à poser aux gens, qui concernent leur projet, qu'elle le dise, puis d'autres députés prendront... Le député de Rivière-du-Loup, lui, il a des questions à poser. On lui a donné cinq minutes, il en avait peut-être pour 15, 20 minutes à poser. Bon. Je trouve ça, moi, pas mal léger de la part d'une ministre qui nous dit qu'elle a la volonté, qu'elle a l'intérêt à faire des choses pour régler les clauses orphelin. Elle n'a pas du tout cet intérêt-là. Tout ce qu'elle a comme intérêt, c'est écouter les gens... Elle nous parle de marché, elle nous dit: Vous savez, les entreprises... Ce matin, elle disait à un groupe: Avez-vous lu le mémoire du Conseil du patronat? Avez-vous lu le mémoire de l'Association des manufacturiers...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, M. le député de LaFontaine. Qu'est-ce qui se passe, M. le député de Maskinongé?

M. Désilets: Oui. Une question de pertinence et de ramener ça au débat. Y a-tu des questions, le député, à poser, ou s'il n'en a pas?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, écoutez, là. M. le député de Maskinongé, je m'excuse, mais un député a quand même droit à ses propos en commission parlementaire. Alors, c'est le loisir du député. S'il veut s'exprimer durant les 20 minutes complètes plutôt que de poser des questions, c'est son choix. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Et je tiens à remercier mon collègue de Rivière-du-Loup qui, lui aussi, certainement trouve les remarques du député... Peut-être que ça vous dérange, mais, ce matin, vous avez parlé aux jeunes libéraux, vous leur avez parlé de la santé. Qu'est-ce que ça a à voir avec ça, la santé? La ministre nous parle de la France. Qu'est-ce que ça a à voir avec la pertinence du dossier? Moi, je vous parle de ce qui se passe au Québec, d'ici.

(14 h 40)

Cette commission, nous sommes en train d'étudier un projet de loi où la ministre se targue et se vante de vouloir régler une situation alors que, tout ce qu'elle fait, c'est essayer de noyer le poisson parce que... Alors, ce qu'ils ont promis en campagne électorale, ce qu'ils ont dit qu'ils étaient pour faire pour attirer le vote des jeunes afin de régler leurs problèmes, ils se rendent compte aujourd'hui, suite à des pressions qu'ils reçoivent, qu'ils n'ont plus la volonté de le faire, et donc ils essaient de trouver un projet de loi édulcoré qui va donner l'impression ou qui, espéraient-ils, donnerait l'impression aux jeunes Québécois ou à nos travailleurs qu'ils avaient maintenu leur promesse envers eux. Mais ils ne la maintiennent pas; c'est l'ensemble des groupes qui viennent ici qui nous le disent, à part quelques-uns, peut-être, qui sont alliés avec eux.

Alors, ce que l'on trouve dans votre mémoire, c'est ça. Alors, je trouve ça un peu dommage qu'on vous pose des questions, ma foi, aussi peu pointues sur ce que vous pensez, de laisser entendre, au contraire, que vous êtes pour le projet et vous demander de disserter sur la France.

Une fois qu'on a dit ça...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, écoutez, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gobé: Bien, peut-être que ça amuse la ministre, mais je ne pense pas que les gens qui prennent la peine, et tous les groupes, de faire ces choses-là trouvent ça bien amusant.

Moi, ce que j'aimerais savoir de vous: Vu que ce projet de loi là, vous le rejetez dans des termes non équivoques, un projet de loi sur les clauses orphelin, il devrait comprendre quoi pour être satisfaisant pour vous, pour les gens que vous représentez puis, d'après vous, aussi pour les autres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bédard.

M. Bédard (Éric): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Un vrai projet de loi, selon nous, pour les clauses orphelin, c'est qu'il n'y en ait plus d'échelons par le bas, il n'y ait plus de gel d'échelons de type CEQ, il n'y ait plus de conventions type policier où l'on commence à 25 000 $ parce que, là, on n'a pas d'arme puis c'est une façon déguisée de nous faire commencer... Donc, c'est que, lorsqu'il y a des compressions, tout le monde absorbe équitablement les compressions, sans distinction de date d'embauche, et que ce soit clair, que ce soit ferme, applicable immédiatement, évidemment – on se comprend – avec un délai pour ceux qui en ont déjà signé, mais applicable immédiatement. Alors, selon nous, on est pour, on est contre, mais on comprend qu'il y a une tentative, disons, de trouver un équilibre. Et, selon nous, cet équilibre-là ne résout pas le problème tel que nous, on le comprend.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Comme dans le cas de l'alimentation, il y avait une dame, l'autre jour, qui était là, qui est une représentante du conglomérat de l'alimentation, et qui me disait: Oui, mais il faut que vous compreniez, on fait face à Wal-Mart qui vient s'établir de l'autre côté de la rue – disons qu'on est un Métro – et donc la clause orphelin m'offre une certaine flexibilité pour demeurer compétitive. Ça fait que, moi, je lui ai répondu: Bien, alors, négociez avec l'ensemble des travailleurs une baisse équitable et vous serez encore plus compétitive. C'est plus dur, je le sais, mais c'est malheureusement ça.

Mme la ministre, je ne sais pas si vous avez bien été rapportée, mais, le 22 septembre, vous auriez dit: «Je pense qu'il fallait de manière responsable essayer de parer le coup et éviter le plus possible ces pertes d'emplois.» Vous commentiez l'étude. Et moi, je suis totalement d'accord, sauf que le danger dans tout ça, et vous le savez, c'est que, si on joue le jeu des pertes d'emplois possibles suivant l'adoption d'une loi sur les clauses orphelin, bien, l'impact de ça... c'est-à-dire que la réponse aurait pu être la même lorsque les femmes ont demandé une loi sur l'équité salariale ou lorsque des gens se sont battus pour le travail chez les enfants.

Si on doit obtenir un salaire équitable pour tous, il est clair qu'à court terme peut-être qu'il y aura des pertes d'emplois. Mais ça, c'est aux syndicats et aux syndiqués de voir à ce que ça ne se passe pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bédard.

M. Bédard (Éric): Merci beaucoup. Dans notre livre on cite un cas où les syndiqués ont choisi d'autres options que les clauses orphelin. Ce n'est pas écrit dans le ciel qu'on est obligé d'appliquer les clauses orphelin. Dans des cas comme à Laval, par exemple, le service des loisirs, eux autres, ils se sont assis puis ils ont dit: Je crois qu'on va tous se couper une demi-heure et puis il n'y aura pas de perte d'emplois, il n'y aura pas de clauses orphelin.

Alors, bon, évidemment, malheureusement, il semble qu'on ne puisse pas se fier au bon vouloir de tous les syndicats, et on aurait souhaité, comme vous, qu'il n'y ait pas de loi, que tout le monde dise: Bien oui, ça n'avait pas de bon sens cette histoire-là, on est tous solidaires. Il faut une loi mais, s'il y a une loi, bien, elle doit contraindre, d'une certaine façon, tout le monde à agir de cette façon-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Si mon collègue de Rivière-du-Loup veut poser des questions, je parlerai après, moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon, alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux gens de Pont entre les générations. Je veux reprendre ça, la notion de noyer le poisson, parce que c'est important et, dans votre mémoire, vous êtes le premier groupe – je l'ai lu avant de vous recevoir – dans lequel j'ai reconnu le sentiment premier que, moi, j'ai eu en regardant le projet de loi, c'est celui-là: peut-être comme s'il s'agissait d'un engagement électoral qu'il coûtait au gouvernement de respecter, un geste timide posé par des gens qui n'y croient pas beaucoup. Ajoutez à ça que, le jour – c'est rare en politique – où on s'assoit en commission parlementaire pour présenter un projet de loi, on envoie un contre-argument dans ses propres pattes. Or, la ministre a fait ça. Le premier matin, une étude, perte d'emplois. Donc elle-même, le jour où elle est supposée promouvoir un projet de loi... Tu présentes un projet de loi, tu es ministre, tu veux aller au bâton pour changer la société puis... Mais non, elle s'est envoyé elle-même une étude dans les pattes, sur les pertes d'emplois, puis elle a commenté ça toute la journée, les pertes d'emplois, une étude que vous me passerez l'obligation de commenter, là, qui disait qu'il y aurait des pertes d'emplois si les gens ne s'adaptaient pas. Or, la vie, depuis que l'humain existe, l'humain s'adapte.

Puis même chose sur la notion de noyer le poisson. D'abord, là, elle vient d'amener un nouvel élément, nouveau depuis le début, elle a nié la prolifération. On a vu pourtant des études sur le monde municipal. Or, là, non seulement elle est venu dire: Ça ne règle pas tout, ça ne vaut peut-être pas la peine de le régler, mais à matin elle est venue dire: Ce n'est peut-être pas un problème vraiment générationnel, ça. Ce n'est pas parce que l'unanimité des groupes de jeunes vient, je pense que ce n'est pas générationnel, au fond. Elle nous dit toujours: C'est-u vraiment de la discrimination? Peut-être que ce n'est pas de la discrimination. Puis là, aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de prolifération. De partout la ministre met des arguments à l'encontre, finalement, de son propre projet de loi. Alors, le sentiment que vous décrivez, d'un gouvernement qui avance à reculons, là, moi, je le partage.

Ce sur quoi je veux vous entendre, c'est l'effet moral de décrire dans un texte législatif adopté... parce que, si le projet de loi, tel quel, était adopté, il serait adopté par le gouvernement, par l'Assemblée nationale. L'effet moral de suggérer de décrire parce que, pour moi, les articles 87.2, 87.3, c'est ni plus ni moins que ça. De suggérer des façons de contourner ce qui est finalement le principe de 87.1, donc de proposer l'ajout d'échelons par le bas, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait avoir l'effet inverse? Puis là vous parliez tantôt des moyens plus subtils, là. Si le gouvernement dit: Finalement, nous, on considère que ce n'est pas des clauses orphelin, on considère que l'ajout d'échelons par le bas, c'est bien correct puis ça fait partie des pratiques normales, puis même on inscrit dans une loi que c'est légitime, que c'est légal de le faire, il y a des gens qui n'ont jamais eu recours aux clauses orphelin dans le passé, qui vont avoir une saprée belle marge de manoeuvre pour le faire, et le premier étant le gouvernement. La ministre dit: Trouvez-moi une clause orphelin dans les banques gouvernementales. Bien, le cas des médecins, ils n'ont pas l'intention de le régler. Les médecins, les jeunes médecins se sont fait dire qu'ils n'étaient pas à la bonne place quand ils sont venus ici, les agents de la paix, pas d'intention de la régler, le gel d'échelons de la CEQ, la présidente de la CEQ nous a dit à matin que le gouvernement s'est présenté à la table sans intention de le régler. En d'autres termes, est-ce qu'on n'est pas en train, peut-être, de créer l'effet inverse, si jamais on adoptait le projet de loi tel quel, de suggérer une façon de contourner le principe universel qu'on prétend défendre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bédard.

M. Bédard (Éric): Je dirais que cet article-là qui ouvrirait la porte à des échelons par le bas est aussi incompréhensible que le projet de loi dont j'oublie le numéro, là, sur le milieu municipal... hein, Roch, le projet de loi sur le milieu municipal qui envoyait la facture de 375 000 000 $ et qui disait: Touchez à tout, sauf les permanents. C'est aussi incompréhensible, c'est-à-dire qu'on ne comprend pas vraiment ce que c'est, une clause orphelin. Une clause orphelin, c'est de dire: On fait des distinctions en fonction de la date d'embauche. Alors, si, toi, tu arrives après telle date, tu n'étais pas là pour te défendre, tu n'étais pas là pour expliquer ton point de vue, mais après telle date d'embauche, ton salaire, il tombe à 25 000 $ au lieu de 20 000 $... au lieu de 30 000 $ – ça, ça serait bien. Et on dit: Bien, c'est comme ça, c'est la compétitivité. La compétitivité, elle est là pour ceux qui gagnent aussi 40 000 $ puis ceux qui gagnent 35 000 $. Ça ne veut pas dire qu'eux doivent tomber tous à 20 000 $, mais ça veut dire que tout le monde devrait mettre un petit peu ses billes sur la table et faire un effort collectif pour essayer de la régler, cette question-là.

(14 h 50)

Donc, c'est pour ça qu'on utilise des termes peut-être un petit peu durs dans le sens où on est pour ou on est contre. Mais c'est difficile de trouver, dans ce dossier-là... Puis je ne dis pas que la politique, c'est fait avec des bons et des méchants, hein. La politique, ce n'est pas juste des bons et des méchants, c'est souvent des compromis, nous en sommes conscients. On n'est pas tous des philosophes, même si on a beaucoup de respect pour la philosophie. On est très conscients que parfois il y a des lignes à trouver au milieu, mais là, on parle d'une question de principe qui est du même ordre, à notre avis, que la Loi sur l'équité salariale entre les hommes et les femmes, du même ordre. Jamais on n'a entendu quelqu'un invoquer la question de la compétitivité pour parler de l'équité entre les hommes et les femmes. J'espère qu'on ne le fera pas pour ça non plus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Bédard. C'était tout le temps qu'il y avait d'alloué à M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, M. le député de LaFontaine, il vous reste quelques minutes encore.

M. Gobé: S'il a encore une autre question à poser, je peux lui laisser un peu de mon temps, il me reste 12 minutes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! bien, écoutez, M. le député de Rivière-du-Loup, il semble y avoir une belle entente. Alors, si vous avez d'autres... Il reste neuf minutes en tout et partout, de toute façon, je tiens à vous en aviser.

M. Dumont: Bien, l'autre question où je veux aller – j'en ai glissé un mot tout à l'heure – c'est les négociations dans le secteur public parce que c'est un petit peu inquiétant d'entendre la ministre qui banalise autant de cas: – celui des médecins, celui des agents de la paix, le gel d'échelons pour les enseignants. Parce que, quand la ministre nous dit: Vous n'en trouverez pas dans le secteur public, c'est que tout ce qui existe comme discriminations qui ont été dénoncées par votre groupe, par les groupes de jeunes, elle, elle dit: Ce n'en est pas vraiment, des clauses orphelin. Pourtant, c'est des exemples. Puis vous, là, vous nous ramenez à la question de principe, puis le nom de votre organisme nous ramène à la question de principe. Quand il y a un sacrifice à faire, si c'est juste les jeunes qui le font, que la ministre décide de donner un nom à ça ou un autre nom, le résultat, l'effet est le même.

Alors, je voudrais vous entendre sur les négociations dans le secteur public. Moi, j'ai le sentiment, à l'heure actuelle, que tout ce qui existe comme – je ne les appellerai pas «clauses orphelin» – situations où c'est les jeunes qui ont ramassé la facture au lendemain des négociations, ça va demeurer, et je ne sais pas ce que votre perception...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): C'est clair que, si la loi offrait la possibilité d'ajouter des échelons par en bas, des clauses orphelin temporaires, il pourrait se passer des cas, comme ça s'est passé ailleurs, d'un ajout de trois échelons jusqu'à 12, dans certaines municipalités où il n'y en avait aucun et où ils ont augmenté jusqu'à cinq échelons. Il y a des endroits où il y en avait quatre, ils sont passés à sept, sur cinq ans. Pour atteindre le maximum, ils sont passés à sept ans. Si la loi n'est pas faite avant ça, je ne sais pas si c'est l'employeur ou les syndicats qui vont le proposer, mais ça risque d'être un ou l'autre où, d'un commun accord, on va aller chercher la marge pour obtenir d'autres augmentations salariales.

L'autre point important, c'est que...

(Consultation)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On va vous revenir.

M. Beaudet (Rock R.): Oui, oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Chalvin.

Mme Chalvin (Solange): Oui, je vais poursuivre sur l'autre point, à savoir qu'il y a... J'espère que c'est le même; en tout cas, j'en ai un autre, en ce sens que, bien sûr, il y a les conventions collectives qui se négocient actuellement, puis c'est très important, à mon avis, mais il faut penser que tout le temps que le gouvernement prend et que la commission parlementaire prend pour légiférer, il y a aussi beaucoup d'ententes entre employés et employeurs du secteur privé qui se signent partout, hein.

Quand on dit qu'il y a seulement 7 %, effectivement, c'est très possible qu'il y ait seulement 7 %, mais il y a 60 % du secteur du travail au Québec qui n'est pas syndiqué. Donc, dans ce 60 %, ça fait des milliers de travailleurs. Et inutile de vous dire que, depuis – malheureusement, c'est l'effet pervers de vouloir faire changer les choses dans une société – qu'on parle de clauses orphelin, il y a des employeurs privés qui signent avec des employés – et qui ne signent même pas, qui le font de façon verbale – qui officialisent des clauses orphelin. Et ça, ça représente un nombre de travailleurs énorme.

Évidemment, on n'a pas de chiffres parce que c'est à peu près impossible d'aller chercher des chiffres. Je pense que Mme la ministre nous l'a dit aussi, et encore, nous, comme groupe sans but lucratif, inutile de vous dire qu'on ne peut pas faire d'enquête de ce niveau-là, mais c'est extrêmement important, c'est tous les jours. Vous parlez avec vos enfants, vous parlez avec des gens, de vos collègues, vous allez vous apercevoir que, dans l'entreprise privée, c'est comme ça que ça se passe, et parce qu'il n'y a pas de syndicat pour défendre, il n'y a rien de ça, là. Et ça, c'est 60 % des travailleurs du Québec.

Alors, je souhaiterais – c'est, si vous voulez, notre demande d'accélérer cette décision – que, heureusement, ce projet de loi là touche tous les travailleurs du Québec, et non pas seulement le secteur public. Donc, c'est là aussi notre impatience, si vous voulez, à faire adopter, c'est ce qui se passe actuellement dans le privé en même temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Chez Molson, c'est ça qui s'est passé dernièrement. Il y a des jeunes travailleurs de chez Labatt qui m'ont appelé puis qui me disent encore la même chose. Il y en a qui sont arrivés avec le livre qu'on vient de publier sur les clauses orphelin, puis c'est drôle, si les jeunes ne se sentent pas touchés, je ne vois pas pourquoi il y en a un qui avait le livre puis que les autres sont arrivés autour: Ah, oui! C'est comme si... C'est vécu malheureusement, c'est ça. Puis que ce soit 10 %, 12 % ou 13 % qui touchent 20 % ou 25 %, c'est un problème qui est assez facilement identifiable et qu'on peut régler d'une manière assez simple. Alors, imaginez comment vous allez régler les problèmes de l'article 45 ou du processus d'accréditation l'année prochaine, où là vous n'aurez jamais de consensus, alors que, sur les clauses orphelin, à part les groupes patronaux dont la Jeune chambre de commerce s'est dissociée pour demander une loi sur les clauses orphelin, il y a un appui public fort. Et, si jamais il n'y a pas de loi assez forte, avec un appui fort, je ne vois pas comment vous pourrez modifier l'article 45 parce que c'est clair qu'il n'y aura jamais d'appui, de consensus public, et du patron et des syndicats, sur des points de la sorte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député d'Anjou.

M. Lamoureux: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour l'exposé que vous nous avez livré aujourd'hui puis pour votre document.

J'aurais, dans le fond, deux questions qui me viennent à l'esprit. Ce matin, on a entendu... Évidemment, il y a une vaste... La définition de ce que peut être une clause orphelin, je pense, peut être large. Je pense que vous en avez fait vous-même la démonstration. Ne serait-ce qu'avec l'originalité des gens, on a réussi à trouver des nouvelles façons de contourner ou d'imposer différents échelons, que ce soit avec les policiers, ou ainsi de suite, alors que l'on sait... Puis je pense que c'est M. Bédard qui faisait allusion au fait qu'on trouve très peu de cas où tu vas avoir deux échelles salariales complètement différentes, qui vont se poursuivre comme ça.

Là où le bât blesse, évidemment, et qu'il faut, des fois, expliquer aux gens, c'est que, quand t'es privé de 3 000 $ en rentrant, il n'y a personne qui... au bout de cinq ans, t'as beau revenir au même niveau, le 3 000 $, tu l'as perdu, et ainsi de suite.

Ce matin, il y a différents groupes qui nous faisaient mention que... entre autres Mme Cauchy du Conseil permanent de la jeunesse, elle résumait ça en disant: 87.1, ça commence bien. Le problème, c'est toutes les exceptions qu'on fait rentrer dedans. On peut même appeler ça un guide d'utilisation pour contourner la loi. Eux, ce qu'ils craignaient, c'est que c'est tellement vaste qu'il y a beaucoup de ces cas-là qui ne seront pas couverts.

Ma question pour cet aspect-là, c'est de savoir, vous, concernant le projet de loi, comment est-ce que vous réagiriez? Est-ce que vous voudriez que la ministre retire les exemptions ou qu'on réécrive le projet de loi à ce niveau-là? Ça, c'est mon premier point.

Le deuxième point. Au niveau de l'article 87.3, je vous le lis rapidement: «Pour l'application des articles 87.1 et 87.2, ne sont pas prises en compte les conditions de travail d'un salarié – et ainsi de suite – qui [...] sont temporairement plus avantageuses.» Il y a des groupes, ce matin, qui nous ont dit que ça revenait, ni plus ni moins, avec une notion vague comme «temporairement», à pouvoir instaurer des clauses orphelin qu'on pourrait qualifier de permanentes puis que, dans le fond, «temporairement» est beaucoup trop vaste, ou à tout le moins imprécis, pour faire en sorte que la législation ait assez de mordant. Je voudrais peut-être vous entendre à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il va falloir que vous ayez une réponse assez brève parce qu'il reste deux minutes. M. Bédard.

M. Bédard (Éric): Merci. On a déjà répondu à la question. On reprend la définition des clauses orphelin de la Commission des droits de la personne. Donc, ce type de clause là, c'est-à-dire discrimination selon la date d'embauche, il n'y en a plus, il ne devrait plus y en avoir, il ne devrait plus s'en signer, le plus tôt possible. Évidemment, s'il faut réécrire le projet de loi pour que ça nous mène dans un an ou trop loin, non. Je pense qu'il serait assez facile d'amender ce qui nous est présenté pour en arriver à la définition qu'on vous soumet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, M. Beaudet.

M. Beaudet (Rock R.): Un petit point d'information pour Mme la ministre. Pour ce qui est du cas de la France, vous avez quelqu'un au ministère du Travail qui avait été en France – c'est l'année dernière ou l'année d'avant – et qui a préparé un document pour le ministère, et là-dedans ça parlait de la jurisprudence dans les cas français, les cas de type clause orphelin, et où on parlait plutôt de travail égal à salaire égal. Et je pourrai vous en faire parvenir une copie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est tout le temps dont on disposait. Alors, merci bien pour votre présentation à cette commission. Je vais donc suspendre quelques instants pour laisser la possibilité à l'autre groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 15 heures)

(Reprise à 15 h 1)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Je demanderais au Syndicat de la fonction publique du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je voudrais demander au principal porte-parole de bien vouloir se présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent et vous indiquer aussi en même temps que vous avez 20 minutes qui vous sont allouées pour la présentation de votre mémoire.

Mme Barabé (Joanne): Je n'ai pas compris la dernière partie de votre phrase, pardonnez-moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)

Mme Barabé (Joanne): Bon, d'accord. Bonjour. Mon nom, c'est Joanne Barabé. Je suis secrétaire générale du Syndicat de la fonction publique du Québec. Les gens qui m'accompagnent ici sont des jeunes membres du Syndicat de la fonction publique recrutés sur le volet, triés sur le volet, je vous dirais, parce qu'il y en a seulement 14 %, de nos membres qui sont dans cette bracket de 18 à 35 ans.

Alors, à ma gauche, qui fera la présentation de l'essentiel, Daniel Michaud, à mon extrême gauche, Anne Sarrasin et, à ma droite, Michel Renaud.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, d'accord. Vous pouvez y aller.

Mme Barabé (Joanne): Alors, le Syndicat de la fonction publique du Québec, comme vous le savez sans doute, représente 40 000 personnes environ, travailleurs syndiqués, fonctionnaires, ouvriers, techniciens, personnel de bureau, à l'emploi des ministères et organismes du gouvernement provincial.

Nous comptons parmi nos membres, comme je le mentionnais tantôt, 14 % de personnel qui est dans la strate d'âge des 18 ans à 35 ans, donc qui sont les groupes cibles par excellence des clauses orphelin. Parmi ce personnel-là, 14 %, il y a 28 % de nos membres, dans les 18-35, qui se retrouvent dans le personnel à statut précaire. Alors, c'est vous dire que l'observation qu'on fait des employés du gouvernement du Québec est qu'il y a aussi surreprésentation des jeunes dans les groupes où la précarité d'emploi est la plus élevée. Je sais que ce n'est pas le propos du projet de loi n° 67, mais il reste que c'est une réalité, la précarité qui s'assimile aux problèmes discriminatoires que vivent les jeunes.

Le SFPQ a tenu à présenter un mémoire en s'associant avec les groupes sociaux, parce qu'il considère qu'il n'est pas normal dans notre société qu'on considère comme étant chose courante que les jeunes soient victimes de discrimination, sans la nommer, en fait qu'ils soient victimes de clauses différentes particulières qui semblent acceptables pour beaucoup de monde dans notre société et pas pour nous. On pense que notre société est une société de droit où les gens, les citoyennes et les citoyens, quel que soit leur âge et leurs conditions particulières, ont droit à l'égalité. On observe la volonté du gouvernement dans ce sens-là aussi par l'adoption de la Loi sur l'équité salariale et on salue au passage la volonté du gouvernement de corriger au moins les conditions salariales discriminatoires qui sont faites aux jeunes, par le projet de loi n° 67 qui nous est soumis.

Je voudrais aussi renchérir au fait que la Commission des droits de la personne a reconnu comme étant discriminatoires les clauses orphelin, dans un récent avis de 1998. Si ce n'est de discrimination directe, à tout le moins indirecte, autant à l'égard des jeunes que des femmes et des minorités, il nous semble à cet égard-là que le projet de loi n° 67 qui est sur la table ait longue vie, avec certaines corrections, cependant.

On pense aussi que la fonction publique, qui est un des plus gros employeurs du Québec, sinon le plus gros, devrait donner l'exemple et avoir un discours cohérent à cet égard-là. Je parle des stages pour les nouveaux diplômés, qui peuvent constituer à certains égards une matérialisation très concrète de ce que sont des clauses orphelin. On y reviendra tantôt.

Notre mémoire a trois objectifs. Premièrement, on veut identifier les modifications qui nous semblent essentielles, qu'on reconnaît et qu'on salue dans le projet de loi, identifier aussi certaines lacunes et rappeler l'importance pour le gouvernement d'avoir un discours cohérent dans l'ensemble de ses pratiques.

Avant d'entrer sur le fond, je voudrais vous dire que, même si on reconnaît que le projet de loi n° 67 a ses limites, dans le fond on reconnaît qu'il y a pertinence à ce que ce soit limité à certains aspects seulement, à savoir les clauses salariales, mais il nous semble que c'est un avant-goût de ce qui devrait être plus globalement la position du gouvernement par rapport à une réforme globale du Code, qui devrait mener à une réelle abolition des clauses discriminatoires. Et ça, je prends la ministre Lemieux à témoin, qui a été pendant une certaine partie de sa vie présidente du Conseil du statut de la femme. Les problèmes de discrimination, dans notre société, évidemment ne se règlent pas très facilement et très rapidement; il faut donc espérer que le projet de loi n° 67 ait une vie assez longue pour réussir à corriger les iniquités qui sont vécues par ce groupe particulier.

Alors, je cède ici la parole à M. Daniel Michaud, qui vous présentera le coeur de notre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Michaud.

M. Michaud (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Comme précisait ma consoeur, Mme Barabé, notre mémoire dans le fond ce n'est pas une liste d'épicerie, comme certains organismes pourraient faire où là finalement on dit que ce n'est jamais suffisant, c'est plus un guide, une façon d'agir où on vous donne des recommandations. En même temps, on félicite le travail de la ministre dans ce domaine, d'avoir pris au moins le temps d'agir de façon courageuse et de faire face à un problème qui est réel. C'est un réel problème qui touche les jeunes dans notre société, que sont les clauses orphelin, les clauses discriminatoires.

Je tiens juste à rappeler une étude de Statistique Canada qui s'est tenue de 1981 à 1993 et qui compare l'évolution financière des familles selon les groupes d'âge. Selon cette étude-là, de 1981 à 1993, les jeunes de 18 à 35 ans ont vu leurs revenus familiaux baisser de 20 %. Pendant la même période, les gens de 45 à 55 ans, eux, ont vu leurs revenus familiaux augmenter de 20 %. Donc, deux phénomènes dans la même période qui ne s'expliquent pas uniquement avec l'excuse de dire que le chômage a augmenté chez les jeunes. Il peut s'expliquer aussi sur le fait que les jeunes sont de plus en plus précaires dans leur emploi, ont des revenus qui sont de plus en plus bas et en plus subissent un nouvel effet depuis quelques années, surtout depuis 1989, qui s'appelle justement les clauses orphelin.

Les municipalités, les gouvernements et même les entreprises, entre autres dans le secteur de l'alimentation, ne se sont pas gênés pour faire subir le poids des coupures sur les employés à venir ou ceux qui sont les plus jeunes, qui représentent donc la tranche la plus petite à l'intérieur du corps d'emploi, donc ce qui est plus facile à faire passer la pilule.

Et ça s'est vu, entre autres, durant la coupure de 6 % sur la masse salariale qu'on a imposée aux municipalités. Ça, ça a été très flagrant. Une étude, entre autres d'un groupe de recherche de l'Université Laval, arrivait justement à cette conclusion-là, que près de 90 % des conventions collectives qui avaient été signées dans cette période-là étaient arrivées avec des clauses orphelin, ou à tout le moins certaines clauses discriminatoires sur le plan du salaire.

Nous, quand on a regardé la loi, qui est selon nous quand même un très bel effort, on remarque en échange deux modifications essentielles qu'il faudrait absolument faire d'ici la fin des travaux de la commission. La première, on remarque, entre autres, une période de transition de trois ans. Donc, on crée une loi parce qu'on remarque que sur le plan légal il y a des discriminations qui sont commises, mais on dit: Il n'y a pas de problème, pendant trois ans on peut encore les commettre; on peut à la rigueur signer une convention collective qui couvre durant la période de trois ans, puis on pourrait à la rigueur peut-être l'appliquer.

(15 h 10)

Pourtant, si on se fie à la jurisprudence du droit national ou international, en général on admet qu'à l'instant qu'on remarque une discrimination ça devient un acte qui serait illégal, donc on doit le renverser. Il n'est pas mauvais d'avoir une clause qui permet une période de transition, c'est tout à fait normal sur le plan de la gestion, de laisser le temps aux entreprises ou municipalités ou au gouvernement de se retourner, mais il ne faut quand même pas exagérer non plus.

Surtout qu'on remarque aussi que dans la loi il y a une clause crépusculaire. Donc, on donne une durée de vie à une loi pour combattre des discriminations qui sont fortement présentes dans le corps d'emploi, mais on dit: En dedans de cinq ans, ça va se régler, quand dans les faits en fait, c'est une loi qui va vivre pendant deux ans. Je ne pense pas que n'importe quelle discrimination, qu'elle soit contre les femmes, contre les minorités ethniques, se soit réglé en dedans d'un an ou deux. C'est un processus à long terme, comme disait ma consoeur. Donc, il serait important dans le fond d'éliminer la clause crépusculaire. Peut-être mettre une date où on va ramener ça en commission parlementaire pour faire certains ajustements, mais on ne peut pas arriver puis dire aux employeurs qui commettent des actes comme ceux-là ou aux municipalités: Faites-vous-en pas, c'est juste deux ans que ça va être en application; après ça, vous pourrez recommencer le bingo comme vous le faisiez autrefois.

On propose aussi certains ajouts qu'on pourrait faire à la loi, qui seraient quand même essentiels. Je pense, entre autres, à un mécanisme de recours. Ça serait important d'en avoir un qui est quand même assez précis pour éviter qu'il y ait une confusion, puis préciser aussi aux employés qui sont lésés quels seraient les recours qu'ils auraient pour arriver à défendre leurs droits. Mais ça je laisse à la ministre le bon jugement de déterminer quel serait ce recours. Je n'essaie pas de lui mettre des choses précises qui pourraient quand même la placer dans une situation où ça serait trop technique. Je vais lui laisser le bon choix d'agir en ce domaine.

Il y a aussi un autre élément qu'on remarque, c'est que, entre autres au gouvernement, il y a beaucoup de stages en milieu de travail qui se font, et dans les entreprises aussi. Il serait très bien que le législateur prenne la peine de préciser ce qu'est un stage. Je ne voudrais pas qu'on se ramasse dans une situation où – et on pense que c'est peut-être le cas au gouvernement – ça serait une autre forme de clause discriminatoire. On trouverait des employés qui coûteraient moins cher mais qu'on justifierait que ces gens-là ne feront pas partie du corps d'emploi, qu'ils sont juste des gens en stage. Ça serait très bien là-dessus de le préciser, de déterminer ce qu'est un stage, quel employé est considéré comme un stagiaire, et non pas que ce soit la porte de sortie pour les employeurs pour dire: Bien, parfait, on n'a plus les clauses orphelin, on va y aller en engageant des jeunes puis en étirant les périodes de stage. Ça, ça serait très important, selon nous.

Finalement, en conclusion, peut-être pas à l'intérieur de la loi – ça serait important que l'exercice qu'on fait soit très précis vraiment sur la discrimination qu'on fait aux jeunes, entre autres sur le salaire – mais peut-être plus tard durant une réforme à venir du Code du travail, il serait intéressant que le gouvernement montre l'exemple en parlant du cas... ce qu'on appelle, nous, le cas des faux occasionnels. Ce n'est pas normal que dans une entreprise ou dans un gouvernement on dise qu'une personne est une occasionnelle, donc techniquement une personne qui répond à un besoin à court terme, mais que dans les faits cette personne-là est cinq ans, 10 ans, 15 ans dans le même emploi puis qu'elle ne voit pas sa situation s'améliorer au fil des années. Je pense que, quand on veut faire la morale aux autres entreprises ou municipalités, il est bon que celui qui légifère montre l'exemple. Mais, comme je vous dis, ce n'est pas par la loi en tant que telle qu'on va le faire, ça serait plutôt à long terme que le gouvernement devrait s'attarder à ça.

Finalement, en résumé, les recommandations qu'on fait sont d'abord et avant tout que l'article 3 soit modifié afin de donner effet à l'article 1 dès l'adoption de la loi et précise ensuite, dans le cas des conventions déjà en vigueur, l'interdiction de signer, de reconduire ou de renouveler tout contrat collectif de travail comportant des clauses répondant à la définition de l'article 1 dès que la loi sera sanctionnée et que le dernier paragraphe, enfin, prévoie une échéance de mise en vigueur qui pourrait être de trois ans pour les conventions collectives de longue durée signées au Québec ces dernières années, de manière à ce que trois ans après l'adoption de la loi tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec bénéficient de sa protection.

La recommandation 2: Que l'article 4 du projet de loi soit purement et simplement retiré. Le droit à l'égalité est un droit permanent, inhérent à la personne humaine, et les dispositions et recours qui permettent de le faire respecter doivent aussi être permanents.

Recommandation 3: Que le projet de loi précise les mécanismes de recours, compte tenu du fait que les conventions collectives relèvent du Code du travail et que les dispositions du projet de loi n° 67 amendent la Loi sur les normes du travail. Les conflits juridiques entraînant des coûts importants lorsqu'ils doivent être tranchés par les tribunaux, il y a lieu pour le législateur de prévoir dès le départ un tel risque.

Finalement, la recommandation 4: Que le projet de loi n° 67 prévoie une définition claire du stagiaire en entreprise. À cet effet, nous nous permettons de proposer la définition suivante: Le ou la stagiaire exerce ses fonctions dans le cadre d'un programme d'études où un ou plusieurs stages doivent être réalisés pour l'obtention d'un diplôme, dans le cadre d'un stage formellement défini comme préalable à l'exercice d'une profession ou dans le cadre de programmes reconnus de stages internationaux exclusivement.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Michaud.

Mme Barabé (Joanne): Juste avant, si vous permettez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Très précisément, il nous semble que le projet de loi, reconnaissant un élément de discrimination dans la société, doit prendre des mesures universelles, ne pas être soumis à des échéances de conventions collectives, doit avoir une durée dans le temps – et ça, c'est l'observation pratique de ce qui a été fait sur le temps nécessaire à corriger les discriminations; les programmes d'accès à l'égalité pour les femmes existent depuis plus de 15 ans, et on sait que c'est loin d'être terminé en termes de correction. Les conflits juridictionnels. On a une expérience pratique par rapport au mandat de la Commission des droits de la personne par rapport au Tribunal des droits de la personne. Vous devez connaître le litige qu'il y a entre qui a droit, quand la Commission a rejeté sa plainte, de continuer au Tribunal. On est dans un vide juridique qu'il est important de ne pas reproduire ici.

Et je pense qu'il est important que le gouvernement donne un message clair pour que l'employeur n'utilise pas d'échappatoires. Ça serait trop facile de multiplier les stages, d'embaucher des salariés qui ont leur diplôme en main, qui doivent normalement rentrer sur le marché du travail sans expérience mais au plus bas échelon – ce qui est la situation actuelle – et que l'employeur, quel qu'il soit, privé ou public, par une voie détournée, lui colle une étiquette de stagiaire pour faire qu'on ne le reconnaisse pas comme un salarié avec les pleins droits des autres. Alors, c'est essentiel. Le propos de notre intervention, c'est de reconnaître une équité universelle à tout le monde. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Barabé. Nous allons donc passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, Mme Barabé, Mme Sarrasin, M. Michaud et M. Renaud, je vous remercie de votre présence, de votre présentation aussi. Quelques petites remarques, parce qu'évidemment vous ne suivez pas les travaux à chaque minute. Je suis sûre que vous avez évidemment autre chose à faire, quoique c'est bien intéressant. J'ai indiqué ce matin qu'il y a eu plusieurs commentaires sur la clause qu'on appelle la clause crépusculaire, la période d'adaptation. Je pense qu'il y a des recommandations divergentes, mais il y a des recommandations convergentes intéressantes que je vais examiner lorsqu'on va tirer une conclusion de cet exercice parlementaire.

Je sens beaucoup la toile de fond autour de la précarité de l'emploi; je pense que vous n'êtes pas les seuls à avoir cette préoccupation-là. Et on se rend compte que le dossier des clauses orphelin est habité aussi par d'autres réalités très vastes, très complexes, très réelles, très concrètes. J'espère que vous conviendrez avec moi que ce projet de loi là ne réglera pas tous les problèmes de précarité dans l'emploi. On s'entend là-dessus? C'est bien.

Une des choses que j'aimerais partager avec vous... Même si mon collègue d'en face ne veut pas se prêter élégamment à cet exercice parlementaire, moi, je veux partager avec vous un certain nombre de préoccupations qui ont été amenées par toutes sortes de participants, que ce soient des jeunes, que ce soient des organisations syndicales, que ce soient des organisations patronales. Puis, moi, j'ai tendance à dire que la vie n'est pas juste... ce n'est pas juste blanc ou noir, puis on n'est pas dans les films western où il y a des bons et des méchants. La vie est plus compliquée que ça.

(15 h 20)

Ce qu'on entend beaucoup, c'est... On a des valeurs importantes au Québec, comme l'ancienneté. On a des pratiques, par exemple, dans nos conventions collectives, comme les planchers d'emploi, comme les listes de rappel, comme ci, comme... Enfin, vous voyez un peu ce genre de pratiques là. Mais en même temps, c'est tellement tricoté serré que, quand il arrive des coups durs, quand une entreprise doit baisser ses coûts salariaux parce qu'elle fait face à la concurrence... On peut admettre ou pas ces réalités-là, mais ça arrive. Ça arrive, hein? Quand pour toutes sortes de raisons une municipalité ou le gouvernement veut mieux contrôler ses coûts de main-d'oeuvre, on est tellement dans un carcan. Ça a donné presque la dernière alternative, en tout cas ce qui nous reste à faire, à peu près tout ce qui nous reste à faire, c'est-à-dire négocier des conditions salariales dépendamment à quel moment tu arrives. Donc, on est tellement dans un carcan. On a de la misère aussi à entrer des jeunes parce qu'on est tellement dans un carcan, d'un bord et de l'autre. C'est beaucoup ça dont il a été question dans cette commission parlementaire là. Comment on se sort de ça?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Oui, merci. Dans un premier temps, je voudrais préciser qu'on répète beaucoup des données économiques pour justifier qu'on ne peut pas ou qu'on peut peu, moindrement ou à moitié régler des problèmes. Je pense qu'on ne doit pas mettre en perspective l'équité, la justice et l'économie. En tout cas, ce n'est pas le genre de société où, nous, on pense qu'on habite et ce n'est pas le genre de société dans laquelle on veut vivre.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de choses à démystifier. Quand vous parliez, il m'a passé à l'esprit un commentaire qui est venu d'un professionnel de votre ministère, je crois, qui a produit une recherche, là, que peut-être on perdrait 3 800 emplois si on appliquait les clauses orphelin comme elles sont, peut-être pas non plus. Vous savez, les projections des économistes... si vous avez déjà lu Pour en finir avec l'économisme , de Richard Langlois, vous avez dû voir que, quand on revient en arrière, sur cinq ans, des projections des économistes, on se rend compte que personne n'avait rien prévu. Et, même le krach économique qu'il y a eu il y a quelques années, il n'y a pas un économiste des grandes maisons qui avait prévu ça.

Et, quand on parle de créer un climat économique favorable pour attirer les entreprises, je vous citerais une recherche qui n'est pas une projection économique, qui est celle de KPMG, sur le choix concurrentiel des entreprises. Et au chapitre des huit grands pays, le Canada se range bon premier pour tous les classements nationaux. Et ça, cette étude-là, ce n'est pas une projection en l'air, c'est une étude qui est basée sur l'accueil qui est fait aux nouvelles entreprises en termes de coûts d'implantation, de coûts de main-d'oeuvre et d'avantages sociaux, de coûts de services, de fiscalité.

Alors, c'est une réalité que vivent les entreprises, et les coûts de main-d'oeuvre et les avantages sociaux sont là-dedans. Et pourtant le Canada se retrouve premier aux classements nationaux, devant l'Allemagne, l'Autriche, les États-Unis, la France, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni, comme étant un lieu de prédilection où tous ces coûts-là créent un climat favorable.

Alors, moi, je ne pense pas que les clauses orphelin toutes seules vont faire chavirer ce merveilleux premier rang là qu'a eu le Canada et qu'a le Québec aussi, parce qu'on est, en termes de chiffres aussi, là-dedans, à 2,1 % en bas des coûts habituels. Je pense qu'il faut remettre aussi les choses en perspective. On a un discours qui est beaucoup basé, qui donne beaucoup de crédibilité aux économistes par rapport aux atrocités où certaines choses pourraient nous mener en économie. Mais, quand on voit les vrais chiffres, les vrais sondages puis les vrais bilans, on se rend compte qu'il y a beaucoup plus de catastrophes annoncées que de catastrophes qui se passent pour vrai.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais, Mme Barabé, je sais tout ça. Ce que vous dis, c'est qu'il arrive... Je sais que je roule avec le même exemple depuis le début de cette commission parlementaire, mais j'en ai un, cas, moi, dans mon propre comté, une épicerie qui est là depuis 20 ans, qui engage des gens dans le quartier depuis à peu près 20 ans, qui évidemment est syndiquée, qui a une échelle salariale un petit peu plus haute – ce n'est pas des salaires de fous, on se comprend, là, ça va de 8 $ et quelques à 14 $ et quelques de l'heure – qui a une surface moyennement grande, et là il y a un monstre qui arrive dans le même quartier, à 0,5 km de là, qui n'est pas syndiqué, qui ne se sent redevable de rien du tout, qui part ses salaires à 6,90 $ de l'heure. Bien, ma petite épicerie dans le quartier, elle en arrache.

Alors, est-ce qu'on peut convenir qu'il arrive qu'on ait besoin de rebrasser l'échelle salariale, qu'il arrive que des fois... Parce que c'est vrai que, oui, on permettrait dans cette loi-là l'ajout d'échelons par le bas, hein, des changements dans l'amplitude, parce qu'il arrive dans la vraie vie – puis je reviens à ce que je disais, on n'est pas dans un film western – qu'il faille rebrasser l'échelle salariale parce qu'il y a des jobs qui sont en jeu. La question, c'est: L'épicerie, elle ferme-tu ou elle ne ferme pas? Et, moi, je vous dis, dans ce contexte-là... Bien, là, vous pouvez me répondre... Je veux dire, moi...

On peut jouer le jeu que vous voulez jouer, parce que tout ce que vous m'avez dit je le sais, mais on se fait aussi dire que, quand il y a des situations extrêmement serrées comme celles-là, on a tellement de carcans... Et les carcans viennent de partout. Les carcans, c'est aussi quand, des fois, les patrons nous disent: Ah! il ne faut pas de réglementation, comme si à chaque fois qu'il y avait quelque chose, c'était la fin du monde. C'en est un ça aussi. Les carcans, c'est des fois aussi l'ancienneté. Il y a des gens qui nous ont dit: L'ancienneté, c'est en train de nous enlever de l'oxygène minimal. C'est juste ça que je veux partager avec vous.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Est-ce que vous vous rappelez, Mme la ministre, de la commission Macdonald, en 1985? À cette occasion-là, le rapport de la commission disait que, si on corrigeait artificiellement les iniquités salariales qu'il y avait dans les salaires – en particulier par rapport aux femmes – on créerait un climat économique épouvantable puis les employeurs n'embaucheraient plus de femmes. Quand les programmes d'accès à l'égalité sont rentrés, quand on a commencé à parler des programmes d'accès à l'égalité, le patronat s'est alerté en disant que ça aurait un effet pervers épouvantable, que ça les mettrait dans une situation économique désastreuse. Je ne veux pas...

Mais, ça, c'est des faits. On dit que le passé est garant de l'avenir. Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a les gens qui nous alertent sur des présumées catastrophes futures qui vont arriver, puis il y a des faits qu'on peut observer. Quelque part il faut choisir entre avoir peur de l'avenir en se fondant sur des appréhensions qui sont gratuites ou hypothétiques – mettons que le mot hypothétique serait plus juste – ou en se fondant sur le passé.

L'histoire qu'on vit avec les clauses orphelin puis la situation discriminatoire des jeunes aujourd'hui, c'est exactement le même scénario que quand les gouvernements ont voulu corriger l'iniquité salariale que vivaient les femmes en milieu de travail. Puis les mêmes intervenants sont venus dire à toutes les tribunes que ça créerait une catastrophe, que ce que ça aurait pour effet, c'est qu'on n'embaucherait plus des femmes, puis ça jetterait l'économie à terre. On est 15 ans, 20 ans après, on peut-u remarquer qu'est-ce qui s'est passé? C'est ça qui devrait nous guider, qui devrait nous donner le courage d'aller plus loin, je pense.

Mais, moi, je n'embarquerai pas dans des hypothèses, il y en a trop qui en font, des hypothèses, puis qui se trompent après. Je ne m'énerverai pas avec des hypothèses qui n'arriveront peut-être pas. Je vais regarder ce qui est arrivé pour vrai dans le passé, des rendez-vous historiques qu'on a eus dans le passé, à des étapes données, avec des contextes qui se ressemblent drôlement. Puis c'est quoi que ça a donné? Ça a donné que tout le monde marche puis il y a beaucoup de femmes dans la fonction publique puis dans l'ensemble de la société, au travail, puis le monde, pas de problème avec ça, l'économie non plus.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, Mme Barabé. Mme la ministre? M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Moi, j'avais hâte de... J'avais une question bien précise à vous poser concernant le mécanisme de recours. Je voulais savoir quelle hypothèse puis quel argument vous étiez pour amener et tantôt j'ai cru comprendre dans votre présentation que vous laissiez ça à la ministre. Je vous repose la question. Je trouve que le laisser à la ministre... Avez-vous des orientations ou des lignes que vous aimeriez qu'on écrive ou qui seraient importantes de mettre dans le projet de loi? La CEQ nous en a proposé une différente ce matin, là. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de jeter un coup d'oeil dessus, là.

Une voix: Non, malheureusement pas.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Nous, essentiellement et volontairement on a laissé la porte ouverte. On pense qu'il y a des analyses très pointues à faire par rapport au choix exercé, mais essentiellement le message qu'on vous donne, c'est: évitez les conflits de juridiction, parce que ça, c'est lourd à porter, c'est lourd économiquement pour les contribuables, pour l'appareil d'État. Or, il nous semble que vous avez les experts à votre disposition pour évaluer les meilleurs recours qui puissent s'appliquer en gardant à l'esprit qu'il faut que ça soit des recours simples, efficaces, pour permettre une application universelle de la loi.

M. Désilets: Et la plus large possible.

Mme Barabé (Joanne): La plus facilitante possible.

M. Désilets: C'est beau.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. le député de Maskinongé. Alors, je céderai maintenant la parole à M. le député de LaFontaine.

(15 h 30)

M. Gobé: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour, bon après-midi. Très intéressant, madame, vos explications sur l'économie, sur les prévisions et les quelques épouvantails qu'on peut agiter à l'occasion pour essayer de faire fléchir les législateurs d'un côté ou de l'autre. Je trouve ça intéressant, d'autant plus qu'on le voit assez régulièrement dans d'autres dossiers qui passent ici, devant nous. Rappelez-vous, dans le temps, lorsqu'on discutait au Québec de l'heure d'ouverture des commerces. Il y avait eu un débat pendant deux ans. Des études de ci, des... À entendre les gens, le monde ne pourrait plus avoir de vie familiale, il y aurait des divorces, il y aurait des enfants dans la rue, les magasins fermeraient, enfin, chacun y allait de son histoire, et on a fait un débat de deux ans, au Québec, pour légiférer, imaginez, sur à quelle heure on ouvre un supermarché, à quelle heure on doit le fermer puis combien d'employés il doit y avoir le samedi à partir de telle heure, puis quelle...

M. Désilets: ...

M. Gobé: Oui, la couleur de la margarine, et on en parlait encore il n'y a pas longtemps, hein. Vous avez raison, M. le député de Maskinongé, ça transcende même les gouvernements, ça.

Alors, vous avez raison, madame. Je dis ça comme ça, mais je crois qu'il est temps qu'on arrête de se créer des peurs nous-mêmes et puis qu'on aille vers les choses auxquelles on croit. Est-ce qu'on croit réellement au principe qui a été invoqué à l'effet qu'il ne doit pas y avoir de discrimination envers les jeunes et les nouveaux travailleurs? Si, la réponse, c'est oui, bien, prenons les moyens de le faire, de le réaliser, et faisons en sorte que cela fonctionne. Si la réponse est oui devant le public ou la caméra, nous, les politiciens, dépendant de la clientèle électorale qu'on a devant nous, et puis qu'en arrière c'est: Peut-être oui, puis peut-être non, bien, là, c'est une autre histoire, mais il va falloir qu'on le dise aux gens et qu'on arrête de se cacher derrière des études et puis derrière toutes sortes de choses qui, d'ailleurs, sont contradictoires les unes des... Dans la même étude, on trouve...

Parce que, là, c'est là où je veux en venir, vous venez de toucher un point formidable. Dans votre mémoire, voyez-vous, vous nous dites qu'il y a beaucoup, des milliers d'employés de l'État qui ne seront pas touchés, que le gouvernement refuse de reconnaître quel genre de clauses discriminatoires, puis si c'en est une ou ce n'en est pas une. On le voit, là, actuellement. Dans l'étude du ministère – je l'ai lue ce matin – on nous dit une chose à peu près semblable, mais pour le secteur privé où il sera quasiment impossible de déterminer s'il y a ces clauses discriminatoires dans les secteurs non syndiqués. Puis c'est écrit, hein, je vais vous le lire.

«Les contrats de travail étant individuels et non écrits dans la plupart des cas, la démonstration à l'effet qu'un nouveau travailleur est victime d'une disparité de traitement sera difficile à faire. De plus, comme ces dispositions affectent les nouveaux employés, il serait étonnant que ceux-ci portent plainte en grand nombre auprès de la Commission des normes du travail contre leur nouvel employeur. Enfin, il est fréquent que des employés non syndiqués ne connaissent pas les conditions de travail des autres employés qui effectuent les mêmes tâches qu'eux-mêmes dans le même établissement, rendant par le fait même le constat d'une disparité impossible à faire et à démontrer devant la Commission. Ces raisons – la conclusion – font en sorte que l'étude d'impact ne porte que sur les effets prévisibles sur l'emploi à partir d'informations provenant des entreprises.»

On est en train de nous dire là-dedans qu'il sera impossible d'appliquer, quasiment, le projet de loi tel qu'il est fait là, à ce secteur-là. Bon. Si vraiment on veut faire quelque chose qui correspond au principe, moi, je crois qu'on devrait plutôt écouter les groupes qui viennent, qui nous expliquent ce qu'il y a qui ne fonctionne pas, d'après eux, dans l'atteinte de cet objectif d'équité, ce grand principe là. Et, à ce titre-là, vous faites bien de ramener les pendules à l'heure; vous êtes une de celles qui l'ont fait, sur cette fameuse étude là, de pertes d'emplois.

C'est quand même un peu paradoxal. Le jour d'une commission parlementaire, on dépose ça. Pam! Le lendemain, les titres dans les médias: «Si on adopte le projet de loi sur les clauses, 3 800 emplois seront perdus.» Bien, c'est évident que, quand on va dans le public ou on regarde les autres personnes qui sont moins informées que vous et que les groupes qui sont directement représentatifs des travailleurs, eh bien, ça jette comme une douche froide, hein. Faites une émission de ligne ouverte après, quelque part, une tribune téléphonique, vous allez voir ce que les gens vont répondre. Alors, je trouve ça dommage qu'au départ on nous parle de débat civilisé. Oui, il faut le faire civilisé, mais il y a quand même un certain nombre de choses à respecter, entre autres de ne pas commencer à désinformer ou à donner une direction à une commission comme celle-ci en déposant un mémoire qui, d'ailleurs, est contradictoire: d'un côté il dit 3 800 emplois perdus, probablement, puis de l'autre côté, bien, il nous dit qu'une partie des gens ne pourront pas être même touchés par le projet de loi. Moi, je trouve ça tout à fait... Ce que vous dites, là, moi, je trouve ça formidable, c'est clair et c'est direct.

Ceci étant dit, dans le projet de loi, vous faites un certain nombre de recommandations, et puis vous nous parlez aussi de la précarité en ce qui concerne les stages, les emplois occasionnels, les faux occasionnels. Plusieurs sont venus nous expliquer ça, nous parler de ça. Vous, vous êtes directement touchés, vous êtes le Syndicat de la fonction publique du Québec. Certains ont parlé en votre nom, peut-être, ou de vos situations. Moi, j'aimerais que, vu que c'est vous qui êtes impliqués là-dedans, vous nous en parliez puis que vous nous disiez – on sait qu'il y a certains syndicats, unités qui ont participé à la signature de conventions avec des clauses orphelin – si vous, chez vous, vous avez, à votre corps défendant ou par inadvertance, collaboré à la création de cette situation des faux occasionnels ou si, au contraire, vous travaillez pour y trouver des solutions.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

M. Gobé: Excusez-moi, c'est un peu direct comme question, mais...

Mme Barabé (Joanne): On a fait un vaste examen de conscience sur à quel point on pouvait s'être compromis nous-mêmes dans des clauses orphelin. On n'a pas trouvé de clauses comme telles qui collent, peut-être plus loin par rapport à des régimes de retraite qui sont l'objet de lois et non pas de négociation de conventions collectives.

Mais, ceci étant dit – et je ne jetterai la pierre à aucun des groupes qui ont signé des clauses de ce type-là – je pense que la législation est là justement pour ramener les pendules à l'heure. Il y a eu une époque où les femmes, dans le milieu de travail, étaient victimes de doubles standards à l'embauche dans les entreprises. Les législations ont corrigé ça, et le phénomène est en voie de disparition, sinon complètement disparu, parce qu'il y a effectivement des secteurs où c'est difficile à répertorier. Ceci étant dit, il me semble qu'à partir du moment où la loi est claire, où les messages du législateur sont clairs, il y a déjà un début de solution parce que ça se rend dans la culture populaire et ça finit par se corriger par soi-même.

Pour ce qui est de la présence des occasionnels, bon, on ne peut pas dire que c'est une clause orphelin, le fait qu'il y ait beaucoup d'occasionnels, en tout cas pas au sens de la définition de «clause salariale», clause orphelin, la présence des personnels à statut précaire qu'il y a chez nous, sauf qu'on doit effectivement faire le constat qu'ils sont très surreprésentés. Dans le membership qu'on représente, il y a seulement 6 % des 18-35 ans qui ont un statut permanent. Tous les autres sont associés à toutes les ramifications de personnel à statut précaire, contrats de plus d'un an, contrats de moins d'un an. C'est comme incontournable étant donné que l'embauche, depuis les dernières années, ne s'est pas faite dans la fonction publique, que les postes qui ont été coupés, qui ont été laissés vacants par les départs à la retraite n'ont jamais été comblés. Alors, évidemment, la fonction publique a vieilli. C'est un défaut qu'on acquiert tous avec le temps. Moi, quand je suis entrée dans la fonction publique, j'étais jeune, et, malheureusement, je ne le suis plus. Et, si on ne règle pas rapidement, je vous dirais, la situation des occasionnels dans la fonction publique, les occasionnels qui sont encore jeunes ne le seront plus dans bien, bien des années.

Bon. Ceci étant dit, on a un nombre important d'occasionnels plus d'un an et d'occasionnels moins d'un an qui s'assimilent à ce que la fonction publique avait appelé les faux occasionnels. Et on pense que, si le gouvernement titularisait, en fait, comme certains engagements politiques ont été faits avant les élections, disposait du statut de ces faux occasionnels là en les rendant permanents, comme la Commission de la fonction publique elle-même le recommandait, qui est tellement réfractaire à ce genre de disposition là habituellement, on pourrait effectivement augmenter le ratio des jeunes dans la fonction publique et réduire leur statut d'employés précaires.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est ça. Vous avez répondu à ma question avant que je vous la pose. En effet, ma question était: Est-ce qu'on n'aurait pas dû les titulariser et faire en sorte... Mais vous avez justement répondu à cette question-là.

Il y a des clauses orphelin actuellement dans la fonction publique, il y a des gens qui sont victimes de clauses discriminatoires en termes de salaires. Des disparités salariales, il y en a actuellement, hein?

Mme Barabé (Joanne): Non, on a une seule échelle salariale chez nous.

M. Gobé: Vous avez une seule échelle salariale. Donc, vous, vous n'êtes pas touchés directement?

Mme Barabé (Joanne): Bien, il y a des dispositions législatives. Je vous en cite une en exemple. Il y a une directive qui prévoit... Et ce n'est pas des choses qui sont négociées; c'est pour ça que je fais la différence par rapport à la notion de clause orphelin – on n'est pas coupable. Il y a, par exemple, une directive qui prévoit qu'à l'embauche quelqu'un, quel que soit son nombre d'années d'expérience, est plafonné à l'échelon 6. Évidemment, dans plusieurs corps d'emploi, il y a neuf ou 10 ou 12 échelons dépendamment du coefficient de difficulté et de l'expérience requise pour atteindre la plénitude de son emploi. Et les gens qui sont embauchés, même s'ils arrivent d'une autre entreprise... parce que les jeunes de 18-35 ans, là, ils ne viennent pas du berceau, quand même, en rentrant dans la fonction publique. Alors, il y en a qui peuvent avoir cumulé une expérience de 10 ans ailleurs avant d'entrer dans la fonction publique, sauf que cette expérience-là ne leur est pas reconnue, il y a un plafond à l'échelon 6. Alors, on peut effectivement assimiler ça dans la foulée des clauses orphelin, mais ce n'est pas une clause orphelin proprement dite, puisqu'elle n'a pas fait l'objet de négociation.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est ça. En d'autres termes, ce n'est pas une clause comme on rencontre dans différents autres corps professionnels, mais c'est une clause orphelin pareil, c'est une limitation...

Mme Barabé (Joanne): C'est assimilable.

M. Gobé: C'est une clause, non, de discrimination.

Mme Barabé (Joanne): Oui.

(15 h 40)

M. Gobé: D'ailleurs, on dit à ce moment-là que les jeunes ou les nouveaux travailleurs et les nouvelles employées, eux, vont rester à l'échelon 6. C'est bien ça?

Mme Barabé (Joanne): Ils ne peuvent pas entrer plus...

M. Gobé: Alors que les autres sont 7, 8, 9.

Mme Barabé (Joanne): Ils peuvent monter une fois qu'ils sont entrés. Ou, s'ils restent longtemps, ils peuvent monter au-delà de 6, mais ils ne peuvent pas rentrer en haut de 6, même s'ils justifiaient par leur expérience plus que le cinq ou six ans d'expérience.

M. Gobé: Donc, ça peut décourager des gens d'expérience à entrer dans la fonction publique. Ça les discrimine.

Mme Barabé (Joanne): Effectivement. C'est un choix que les gens font. En fait, le message qu'on reçoit, c'est que pour entrer dans la fonction publique, pour travailler dans un contexte... Parce que les gens qui rentrent dans la fonction publique, c'est souvent des gens qui croient à la mission de l'État, qui n'ont pas le goût de... Et c'est l'essentiel des positions qu'on prend, nous, comme représentants de ces gens-là. C'est qu'on croit à la mission de l'État, on croit que c'est important de la préserver. Et, quand les gens adhèrent pour entrer dans la fonction publique, ils font le compromis, souvent, des échelons additionnels qu'ils pourraient avoir en termes de reconnaissance d'expérience parce qu'ils veulent adhérer à ce grand objectif-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Peut-être que vous allez pouvoir nous éclairer. Vous, vous avez réussi, vous êtes une entité de négociation syndicale qui a fait en sorte de ne pas être amenée à signer des clauses orphelin. Pourtant, vous avez négocié vous aussi des baisses de salaire, des compressions, enfin, plein de choses comme celles-là. Je pense que vous n'étiez pas dans une bulle à part du restant des partenaires traditionnels gouvernementaux qui ont été touchés par les compressions ou les coupures. Comment est-ce qu'on explique ça?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Depuis le phénomène important des clauses orphelin, quand on regarde les notes de la Commission des droits de la personne là-dessus, on se rend compte que c'est après 1985-1988 où il y a eu le grand essor. L'embauche dans la fonction publique n'a pas été très significative dans ces années-là, et je pense que, même si on avait eu des clauses orphelin proprement dites, elles auraient eu peu d'effet parce qu'il y a effectivement eu peu d'embauche.

Mais le débat n'est pas venu chez nous. Les compressions budgétaires qui nous été imputées ont été partagées à la grandeur des effectifs.

M. Gobé: Donc, c'est encore plus intéressant d'écouter vos remarques parce que vous pouvez parler sans avoir à défendre quelque chose dans votre placard en arrière. Disons que vous n'avez pas de squelette dans votre placard, puis en même temps vous n'êtes pas concerné, ou vous ne l'avez pas été, en tout cas. Donc, c'est très intéressant de voir que le mémoire que vous nous amenez, il est un peu au-dessus de la situation que d'autres peuvent connaître.

Vous avez abordé aussi dans votre mémoire aussi le peu de jeunes dans la fonction publique maintenant. On peut dire que c'est une sorte de discrimination aussi, hein. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait prendre des mesures pour faire en sorte, en dehors de titulariser les occasionnels, d'avoir un recrutement de jeunes plus important?

Et deuxièmement, pensez-vous qu'il y aurait lieu ou intérêt pour le gouvernement à mettre en place des programmes, comme ça se fait dans certains autres pays à travers le monde, qui font que les jeunes préparent... Les nouveaux employés, généralement, ils sont jeunes. Il y a une transition qui se fait avec les anciens employés. Au lieu de faire des départs à la retraite comme il a été fait il n'y a pas longtemps, les gens restent là, travaillent deux jours, trois jours par semaine ou je ne sais pas... un certain nombre d'heures, en tout cas, à des salaires qui correspondent, et ça permet aux jeunes d'intégrer, eux, à des salaires normaux, d'accord, sur des périodes d'un an ou 18 mois le marché du travail, donc de prendre la relève dans la fonction publique. Toute cette transmission, aussi, du savoir que les nouveaux employés, vos membres... c'est une richesse, une partie du capital québécois, ça, là. Ça fait 20 ans, 25 ans, 30 ans que ces gens-là oeuvrent dans la fonction publique. C'est des gens qui connaissent le système, ils font partie du rouage. Des fois, on va dire: Il est lent, le rouage, ou il est mal graissé. Mais ça, dans toute chose il y a des améliorations à faire. Mais, règle générale, force est de constater que vos membres, la fonction publique québécoise est une partie très importante, une richesse de notre société. Et là on la laisse partir et on ne prépare pas de jeunes non plus. Alors, est-ce qu'il y a des mesures qui pourraient être prises pour faciliter ça, d'après vous?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé.

M. Gobé: Engagement et transmission de l'expérience et de la connaissance?

Mme Barabé (Joanne): Pour compléter votre phrase, je pense que les employés du gouvernement du Québec détiennent même toute l'expertise de l'État, quelque part. Et, quand les gens sont partis massivement à la retraite il y a quelques années, on a accusé le coup à l'intérieur, et la surcharge de travail que ça générait, évidemment.

Ceci étant dit, à l'époque, on croyait que le gouvernement dégagerait des sommes parce que le programme a été beaucoup plus populaire qu'on s'attendait à ce qu'il soit. On pensait qu'il y aurait effectivement des sommes qui seraient dégagées à l'époque pour permettre l'embauche de nouveau personnel. Ce qu'on a vu, c'est qu'on a embauché du personnel à statut précaire mais aucun personnel, ou très peu – n'exagérons rien – de personnel permanent qui peut penser passer une carrière.

Le constat qu'on fait, c'est qu'il y a peu de planification de ressources humaines à l'intérieur de la grande fonction publique. On fonctionne par à-coups. Il y a eu un programme en 1996, on a laissé partir du monde. En 1997, il y en a eu un autre, on a laissé partir du monde. Puis on n'a pas planifié une entrée de nouveaux effectifs où les gens pouvaient cohabiter pendant une certaine période de temps, et ça, on le déplore. Alors, c'est sûr que, s'il y avait de nouvelles mesures qui étaient mises en place, qui permettaient de faire ce parrainage, de jumeler les gens pour permettre la transmission de connaissances, ce serait certainement quelque chose d'intéressant.

Ceci étant dit, je ne voudrais pas que vous compreniez que nous avons l'intention d'utiliser à nouveau nos surplus actuariels pour couper de nouveaux effectifs parce que, les départs à la retraite, c'est nous qui les avons financés avec nos surplus actuariels. On a donné, là. Je pense que l'employeur a une mission aussi à accomplir: de renouveler ses effectifs en redonnant aux différentes missions des ministères et organismes les effectifs qui sont nécessaires pour les accomplir complètement, et non pas recourir à la sous-traitance, comme c'est le cas actuellement quand on constate qu'on n'a plus d'effectif. Et je me permets d'aller plus loin: même quand on est capable de faire la démonstration, à coût égal ou inférieur, qu'on est capable, à l'intérieur de la fonction publique, de faire ces tâches-là. Alors, ça, je trouve ça dramatique dans une mission – puis là je suis en train de déraper sur autre chose – qui est offerte par le gouvernement. C'est sûr qu'ils n'en embaucheront plus de la façon que c'est parti là parce que, quand il n'y a plus assez d'effectif, ils vont en sous-traitance, puis quand on démontre qu'on est capable de faire la job, égal ou inférieur comme coût, à l'interne, ils nous disent: On ne peut pas la faire faire à l'interne, on n'a plus assez d'effectif. Alors, c'est ce que ma mère m'a appris être un cercle vicieux.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Barabé, je vous remercie beaucoup. Maintenant, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Juste une dernière intervention pour vous dire que toute la préoccupation autour des occasionnels, et surtout le désir de, j'appellerai ça, régulariser la situation d'un certain nombre d'occasionnels, je pense que c'est une préoccupation qui est partagée par les syndicats en présence mais aussi par le gouvernement. Je pense qu'il y a un signal qui a été donné, et nous savons tous très bien que ça va faire l'objet de négociations pour trouver des solutions à tout ça, mais c'est une préoccupation qui est partagée.

Mme Barabé (Joanne): Alors, on va avoir hâte de retourner à la table de négo.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup.

J'inviterais les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. Tout d'abord, bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. J'inviterais M. le président Claude Filion à présenter les personnes qui l'accompagnent.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Oui. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Alors, merci de nous recevoir cet après-midi. D'abord, je voudrais peut-être présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, de la Direction de la recherche et de la planification et directeur de la Direction, Me Pierre Bosset, et à ma droite, de la Direction également de la recherche de la Commission, Me Michel Coutu. Alors, voilà.

Donc, en vertu de l'article 57 de la Charte des droits et libertés de la personne et conformément au mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission, comme vous le savez, de veiller au respect des principes qui sont énoncés à cette Charte. De même, l'article 71 de la Charte confère à la Commission la responsabilité d'analyser les lois du Québec pour nous assurer de leur conformité aux principes inscrits dans cette même Charte.

En ce qui concerne d'abord les principes dégagés par notre Commission dans des prises de position antérieures, je dirais que la Commission figure parmi les premiers intervenants à avoir inscrit la question des clauses de disparités de traitement sur la place publique. À plusieurs reprises, en effet, la Commission s'est prononcée sur la conformité à la Charte des droits et libertés de la personne des clauses de rémunération à double palier et autres clauses dites orphelin dans les conventions collectives. Dès 1990, nous faisions observer aux législateurs que ces clauses pouvaient avoir un effet discriminatoire sur les personnes dont l'intégration au marché du travail est récente, notamment les jeunes, au premier chef, bien sûr, mais aussi les femmes et les immigrants. Pour cette raison, nous recommandions déjà à cette époque que la Loi sur les normes du travail soit modifiée de manière à ce que ces clauses soient réputées discriminatoires.

Cette analyse juridique a été développée par la suite, en particulier dans le cadre d'un avis adopté par la Commission en avril 1998 et du mémoire présenté devant cette même commission en août 1998. Et d'ailleurs, vous trouverez en annexe à notre présent mémoire copie du mémoire que nous avions déposé à cette commission en août 1998.

Nous considérons qu'au regard de la Charte des droits et libertés de la personne les clauses de rémunération à double palier et autres clauses dites orphelin peuvent entraîner des situations indirectement discriminatoires, au premier chef sur la base de l'âge. Toutefois, dans de tels cas, une preuve statistique demeure indispensable, preuve visant à comparer la situation du groupe désavantagé, c'est-à-dire les nouveaux salariés, à celle du groupe témoin, c'est-à-dire, les salariés en place depuis plus longtemps dans l'entreprise, du point de vue du critère de l'âge. Dans la plupart des cas, de l'avis de la Commission, un écart significatif devrait être relevé, ce qui, en première analyse, révélerait la présence d'une situation discriminatoire fondée sur l'âge.

En outre, la Commission écartait comme généralement non adéquat le principal moyen de défense que les employeurs ou les syndicats sont susceptibles d'invoquer à l'encontre d'une preuve de discrimination indirecte, soit l'exception relative à l'expérience, l'ancienneté ou la durée de service. En effet, l'article 19 de la Charte exige que ces critères soient communs à tous les membres du personnel. Par conséquent, ni les clauses dites orphelin à effet permanent ni les clauses à effet temporaire ne rencontrent les exigences de la Charte québécoise, puisqu'elles ont l'une et l'autre pour effet de créer, de manière temporaire ou permanente, deux catégories distinctes de salariés au sein de l'entreprise.

Cela dit, la Commission estimait que le remède le plus approprié pour pallier l'effet inéquitable des clauses dites orphelin – il s'agit ici, je le répète, d'une position constante de notre Commission depuis 1990 – réside non pas dans les recours prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, mais exige au contraire une intervention du législateur prenant la forme d'une modification à la Loi sur les normes du travail. En effet, dans toute situation qui sera portée à sa connaissance relativement aux clauses orphelin, la Commission devra se livrer à un processus d'enquête lourd et complexe faisant appel à des preuves statistiques. Et, comme la jurisprudence n'est pas fixée en ce domaine, il faut s'attendre à ce que la démarche de la Commission soit fortement contestée par les organisations et institutions mises en cause.

Par ailleurs, et ce n'est certainement pas un hasard, très peu de plaintes ont été déposées à ce jour à la Commission, et ce, même si le phénomène des clauses orphelin concerne un nombre important de salariés. En effet, bien peu de salariés nouvellement embauchés, et cela se comprend aisément, sont prêts à prendre le risque de se mettre à dos à la fois l'employeur et l'organisation syndicale, et j'ajouterais: dès leur entrée au travail. En outre, la complexité de la démarche d'enquête que nous venons d'évoquer est un facteur supplémentaire risquant de décourager les plaignants éventuels.

Dans ces conditions, l'introduction d'une norme législative paraît à la Commission la solution la plus appropriée pour mettre un terme à la prolifération constatée, par exemple dans le secteur de l'administration municipale et dans celui de l'alimentation et du commerce, des clauses dites orphelin. Dans la perspective d'une modification à la Loi sur les normes du travail, la Commission a alors précisé, à l'occasion de la commission parlementaire d'août 1998, certains éléments que la ou les normes relatives aux clauses dites orphelin devraient comporter de manière à éradiquer tout effet discriminatoire que de telles clauses peuvent véhiculer.

En premier lieu, ces clauses se retrouvant tant dans le secteur privé que dans le secteur public, tant chez les non-syndiqués que chez les syndiqués, la Commission a énoncé qu'il est indispensable que tous les salariés, sans exception, soient protégés contre la présence de clauses orphelin.

(16 heures)

En second lieu, la Commission a insisté sur le fait que la norme législative à venir doit s'appliquer tant aux clauses temporaires qu'aux clauses permanentes. Rappelons que la clause permanente est celle qui ne permet jamais aux nouveaux salariés d'atteindre le niveau de rémunération consenti aux salariés déjà en place, alors que la clause temporaire autorise, en principe – encore que la route puisse être fort longue – les nouveaux salariés à rejoindre ce niveau plus avantageux de rémunération.

Enfin, vu la complexité de la preuve de discrimination, preuve qui occasionnerait forcément des délais d'enquête importants et, en l'absence d'une disposition législative spécifique, de longs débats judiciaires, la Commission a privilégié une modification à la Loi sur les normes du travail. En émettant cette recommandation, la Commission souhaitait bien évidemment que les salariés désavantagés par la présence de clauses dites «orphelin» disposent de voies de recours adéquates, souples, accessibles et rapides.

En somme, la Commission attache une grande importance aux aspects suivants que nous allons étudier tour à tour: le domaine d'application de la loi – syndiqués, non-syndiqués; deuxièmement, sa portée juridique – clauses temporaires, clauses permanentes; troisièmement, les aspects procéduraux – voies de recours adéquates, souples, accessibles et rapides. Alors, il nous reste donc à voir dans quelle mesure le projet de loi que vous étudiez actuellement, le projet de loi n° 67, satisfait aux critères mis de l'avant par notre Commission dans le dossier. Donc application de ces principes au projet de loi n° 67. D'abord, de façon générale, c'est avec satisfaction que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prend acte de la volonté du législateur d'intervenir pour remédier au problème des clauses de disparités de traitement. Elle souhaite toutefois formuler d'importantes observations, lesquelles suivent, relativement au projet de loi n° 67.

En ce qui concerne d'abord le domaine d'application, le projet de loi n° 67 aurait pour effet d'introduire une nouvelle section relative aux disparités de traitement à la Loi sur les normes du travail. Le nouvel article 87.1 viserait les clauses de disparités de traitement à la fois dans les conventions et les décrets. Le terme «convention», qui est déjà défini à la Loi sur les normes du travail, comprend, on le sait, un contrat individuel de travail, une convention collective au sens du Code du travail ou toute autre entente relative à des conditions de travail. À cet égard donc, le domaine d'application de la section 7, tel que projeté, rencontrerait tout à fait les attentes de la Commission, soit que l'interdiction des clauses dites «orphelin» vise tant les non-syndiqués que les syndiqués.

Maintenant, et c'est là évidemment une recommandation extrêmement importante que nous formulons à cette commission, en ce qui concerne la portée juridique du projet de loi que vous étudiez présentement. Le premier alinéa de 87.2 de la Loi sur les normes du travail, tel que projeté, introduit deux critères: l'ancienneté, ou la durée de service, mentionnée par ailleurs au second alinéa de l'article 19 de la Charte. Ces critères constituent évidemment des motifs légitimes de distinction entre les salariés. Toutefois, le projet de loi omet la mention essentielle contenue à l'article 19 à l'effet que ces critères doivent être communs à l'ensemble du personnel. Cette omission peut avoir des conséquences importantes, soit de favoriser une lecture trop large de la portée de l'ancienneté comme légitimant l'introduction de clauses créant des disparités de traitement.

Cette interprétation est malheureusement renforcée par la teneur du second alinéa de l'article sous étude. Le second alinéa, en effet, a de toute évidence pour objectif de valider les clauses temporaires de disparités de traitement, lesquelles peuvent pourtant, en pratique, conduire à des situations tout aussi abusives que les clauses permanentes, seules visées par le projet de loi. Rappelons à cet égard que le ministère du Travail, dans son document intitulé Vers une équité intergénérationnelle , affirmait avec raison, à notre avis, qu'une interdiction visant uniquement les clauses à effet permanent serait facile à contourner. Et je cite ici la page 10 du document: «Si l'on reprend l'exemple d'une interdiction visant les clauses ayant un effet permanent, il serait possible, entre autres, de la contourner en allongeant, de façon excessive, la période permettant aux nouveaux salariés d'atteindre les mêmes conditions de travail que les anciens ou en reportant indéfiniment cette étape de convention à convention.» Fin de la citation.

Il faut tenir compte également du fait que le Code du travail ne limite plus les périodes de validité des conventions collectives, celles-ci pouvant donc demeurer en vigueur pendant plusieurs années. Tel que formulé, l'article 87.2 ne peut que conduire à des situations abusives. En effet, la modification de l'amplitude de l'échelle salariale, par exemple par l'ajout de x échelons inférieurs, constitue précisément l'un des moyens utilisés pour introduire des clauses orphelin temporaires. L'abandon du taux unique de salaire peut également conduire au même résultat. Certes, garantir la flexibilité de la politique de rémunération dans les entreprises – ce qui peut exiger dans certains cas, par exemple, un abandon de la rémunération à taux unique – représente un objectif légitime. Mais en aucune manière cependant une telle flexibilité ne devrait avoir pour effet de contourner, directement ou indirectement, la norme d'équité prévue à l'article 87.1.

En ce qui concerne les aspects procéduraux, je vais demander à Me Coutu de vous faire part de l'opinion de la Commission là-dessus. Il y a deux aspects, et je vais lui laisser la parole. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, Me Coutu.

M. Coutu (Michel): Alors, quant aux aspects procéduraux, le projet de loi ne prévoit aucun moyen procédural spécifique pour soulever la question de l'illégalité d'une clause de disparités de traitement fondée sur la date d'embauche. Il faut donc s'en remettre aux voies de recours déjà prévues à la Loi sur les normes du travail. En vertu de l'article 93 de la loi, les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d'ordre public, ce qui a pour conséquence que toute disposition d'une convention ou d'un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de plein droit. Il n 'en reste pas moins que cette nullité doit bien sûr être constatée, et il appartient normalement aux salariés concernés de porter plainte à la Commission des normes. C'est l'article 102 de la Loi sur les normes du travail. Or, il y a une difficulté qui surgit ici, car les salariés qui sont assujettis à une convention collective ou à un décret doivent d'abord démontrer à la Commission des normes qu'ils ont épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret. C'est le second alinéa de l'article 102 de la loi.

La Cour d'appel du Québec, on le sait, dans une décision de 1984, Union des employés de commerce contre Bégin, a reconnu qu'un tribunal d'arbitrage était compétent pour déclarer sans effet une disposition d'une convention collective contraire à une loi d'ordre public. Il s'ensuit qu'on pourrait exiger, dans un premier temps, que les salariés victimes d'une clause de disparités de traitement utilisent la procédure de grief prévue à la convention collective, ce qui peut bien sûr les placer dans une position délicate, compte tenu du fait que le syndicat est également signataire de la convention collective. Il faut tenir compte ici du fait que les salariés qui sont susceptibles de porter plainte en matière de disparités de traitement, fréquemment, il va s'agir de salariés nouvellement embauchés ou ayant une durée de service peu importante, ce qui ne rend certes pas aisée une démarche de plainte. Enfin, même s'il y a dépôt d'un grief, il faut prendre en considération le fait que les parties à l'arbitrage, c'est l'employeur, d'une part, et le syndicat, d'autre part, ce qui peut conduire à des ententes qui ne répondent pas nécessairement aux attentes des plaignants, d'où d'inutiles pertes de temps et d'énergie.

(16 h 10)

De l'avis de la Commission, il importerait en conséquence, d'une part, de préciser que l'obligation d'épuiser des recours découlant de la convention ou du décret ne s'applique pas en matière de disparités de traitement et, d'autre part, de prévoir que la Commission des normes du travail doit faire enquête de sa propre initiative dès qu'une situation alléguée contraire à la section relative aux disparités de traitement est portée à sa connaissance.

Venons-en maintenant à la question de la période transitoire et de la cessation d'effet de la loi. La période transitoire de trois ans apparaît à la Commission exagérément longue. Elle ne se justifie pas par la complexité des constats à faire en matière de disparités de traitement, puisque ces disparités sont évidentes à la simple lecture du texte des conventions collectives. On peut bien sûr concevoir qu'une certaine période transitoire soit requise pour que les parties conviennent des amendements à faire aux conventions collectives et que l'employeur, de son côté, se prépare aux ajustements salariaux à venir. Mais il est bien évident que de telles démarches ne nécessitent pas trois années d'attente. De l'avis de la Commission, la période transitoire devrait par conséquent être beaucoup plus courte.

Quant à la cessation d'effet des normes qu'introduirait le projet de loi n° 67, l'article 4 prévoit que l'interdiction des disparités de traitement – bien sûr si le gouvernement s'en tient à la date du 31 décembre 2004 – n'aurait effet que pour une période d'environ deux années. De l'avis de la Commission, cette disposition de cessation d'effet témoigne de ce qu'on pourrait appeler «un certain optimisme» quant à l'efficacité des normes législatives projetées, en ce sens que les objectifs visés seraient atteints deux ans environ après la prise d'effet de l'interdiction des clauses de disparités de traitement fondées sur la date d'embauche. Et, même si un tel résultat devait être atteint temporairement, rien ne peut laisser croire que, en l'absence de la contrainte juridique, les employeurs, tant du secteur public que du secteur privé, ne réintroduiraient pas progressivement à l'avenir certaines clauses dites «orphelin». Donc, de l'avis de la Commission, cet article relatif à la cessation d'effet se doit d'être retiré.

Bien entendu, en formulant ces remarques, la Commission ne vise aucunement à restreindre la possibilité pour le législateur de procéder à des évaluations périodiques de l'efficacité des mesures législatives prises à l'encontre des clauses de disparités de traitement. Dans cette perspective, la Commission prend acte de l'introduction de l'article 2 du projet de loi, lequel oblige le ministre du Travail à faire un rapport au gouvernement sur l'application de ces mesures, au plus tard dans les cinq ans suivant l'adoption du projet de loi.

Alors, en terminant...

Une voix: M. le Président, peut-être que...

Le Président (M. Lelièvre): ...de consentement entre les membres?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Lelièvre): Oui. Allons-y.

M. Filion (Claude): En terminant, peut-être pour formuler de façon très précise des recommandations de la Commission au législateur, compte tenu de ce que nous venons d'exposer, notre Commission considère que, pour assurer le droit à l'égalité pour les jeunes, des modifications très substantielles doivent être apportées au projet de loi que vous avez devant vous. En ce sens, nous faisons, en ce qui concerne la substance du projet de loi, les recommandations un et deux à la page 9: que le projet de loi soit amendé lorsqu'il mentionne l'ancienneté ou la durée du service pour stipuler que ces critères doivent être communs à l'ensemble du personnel; deuxièmement, que le projet de loi soit amendé pour faire en sorte d'interdire tant les clauses temporaires que permanentes de disparités de traitement, que le second alinéa de l'article 87.2, proposé par le projet de loi, soit donc modifié en conséquence.

Quant aux recours procéduraux, comme l'a expliqué Me Coutu, qu'il soit précisé à la Loi sur les normes du travail que l'obligation pour le salarié assujetti à une convention collective ou à un décret d'épuiser des recours découlant de la convention du décret ne s'applique pas en matière de disparités de traitement, que la Commission des normes du travail a l'obligation de faire enquête de sa propre initiative dès qu'elle a connaissance d'une situation de disparités de traitement et, en ce qui concerne la période transitoire, bien, qu'elle soit réduite à une période raisonnable, et, en ce qui concerne l'article relatif à la cessation d'effet, que cet article soit retiré et qu'en conséquence l'interdiction des clauses de disparités de traitement deviennent une mesure permanente, sous réserve de ce que le projet de loi soit réexaminé bien sûr par la suite.

Or, notre Commission, M. le Président, tient à vous remercier, à remercier Mme la ministre et tous les membres de la commission de l'économie et du travail de nous avoir donné l'occasion de formuler nos commentaires. Et, conformément au mandat qui est le nôtre et qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, nous nous réservons bien sûr la faculté de faire connaître à nouveau nos observations et nos recommandations en fonction des suites que le législateur apportera à nos observations. Je vous remercie.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. le président. Nous allons maintenant procéder à la période d'échanges, et j'inviterais Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. Filion ainsi que vos collègues, je vous salue. Je vous remercie de votre présentation. D'abord, une remarque de clarification sur l'interprétation de 87.2. Je ne sais pas s'il y a quelque chose de pas clair, mais, de mon point de vue, de notre point de vue, il est très clair qu'une échelle salariale doit s'appliquer à tout le monde et que donc, s'il y a des ajouts d'échelons, ça doit s'appliquer à tout le monde, à tous les salariés, donc que les doubles échelles sont exclues, parce que ça ne s'applique pas, ce n'est pas la même échelle qui s'applique à tout le monde.

Ceci étant dit – mais, ça, on pourrait débattre, là, il y aurait des débats de juristes, peut-être, à faire, je ne sais trop – je dois vous dire: Moi, j'avais lu votre mémoire au moment des consultations en août dernier et j'ai lu ce mémoire-ci. Je dois vous dire que je suis un petit peu sous le choc et je vous explique pourquoi. Vous dites, dans le fond – j'ai plusieurs éléments – à la page 4, je crois, de votre présentation, puis je pense que ça correspond à la page 4 aussi du mémoire: «Considérant la complexité de la preuve.» Vous avez parlé donc qu'il y a une preuve statistique à faire lorsqu'on est dans le champ de la discrimination, une preuve qui occasionnerait des délais, des longs débats judiciaires. Vous dites: Bien, ça ne peut pas vraiment être dans la Charte, alors, mettons ça dans la Loi sur les normes. Bon. Je m'interroge là-dessus.

Vous dites aussi à la fin, sur le délai de trois ans, que ça vous apparaît exagérément long, que ça ne se justifie pas par la complexité des constats à faire en matière de disparités de traitement, «mais en même temps il nous faudra prouver des situations», parce que vous qualifiez les clauses orphelin... Vous dites que «les clauses orphelin peuvent entraîner des situations indirectement discriminatoires». On est dans le complexe ici, là. En matière de recours, vous dites: «La Commission des normes doit faire enquête de sa propre initiative.» Vous avez des exigences qui ne sont même pas de même niveau que les exigences qui sont faites à la Commission, à votre propre Commission, quand je regarde la loi. Vous avez des filtres, vous avez des processus, une plainte doit être écrite par un organisme. Là, vous dites: «Doit faire enquête de sa propre initiative dès qu'une situation alléguée est portée à sa connaissance.» Il me semble que la Commission des droits a toutes sortes de filtres, oui. Vous faites enquête aussi, de votre propre initiative, mais là vous ne laissez aucune chance à la Commission des normes d'évaluer ces situations-là, que vous qualifiez de complexes, où vous dites qu'une preuve complexe est en cause.

J'avoue que je suis un petit peu désarçonnée. Moi, je dis depuis le début ici que tout traitement différent n'est pas nécessairement de la discrimination. Vous avez l'air à dire à peu près la même chose, mais je vous dis que votre degré d'exigence par rapport à ça, il est vraiment très élevé. Je suis sous le choc.

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion.

M. Filion (Claude): Oui, écoutez, je ne le sais pas, peut-être que ça fait longtemps que vous étudiez les clauses orphelin ici, en commission parlementaire. On n'est pas le premier groupe. Vous les connaissez bien, les clauses orphelin. Lorsque vous dites que nous privilégions une modification à la Loi sur les normes du travail, c'est aussi l'opinion du législateur, là. C'est la façon dont les choses sont faites. C'est ce sur quoi nous discutons aujourd'hui.

Mme Lemieux: Oui, tout à fait.

(16 h 20)

M. Filion (Claude): Et en ce sens-là, je dois vous dire: C'est à mon tour, j'ai un peu de difficulté, peut-être, à saisir le message peut-être ou la question que vous voulez me poser. Je pense que la situation est relativement simple. On a, à cause des clauses orphelin – si vous permettez peut-être de vous expliquer des choses que vous connaissez déjà – une porte d'entrée vers des situations qui vont être largement discriminatoires, surtout pour des jeunes, aussi pour des femmes et pour des immigrants. Je pense qu'on comprend tous ça. Étant donné que les personnes qui vont être nouvellement embauchées dans les entreprises seront en général plus jeunes, parce que c'est le différentiel de l'âge qui est important et, en général, comme on a vu dans d'autres cas, ça peut être des femmes, également des immigrants.

Alors, à partir de ce moment-là, vous avez une situation où potentiellement, encore une fois, c'est sûr,... Parce que, la discrimination, comme on l'a toujours dit dans nos mémoires, il faut la prouver un cas à la fois, mais on a quand même une voie d'accès à une discrimination potentielle large à cause des clauses orphelin. Je pense que tout le monde en convient, à moins que... Si jamais c'est ça qui est en cause, il faudrait y revenir, là, mais je pense bien que c'est largement l'état de la compréhension du dossier des clauses orphelin. Nous, vis-à-vis ça, ce qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas un point où la discrimination devient acceptable. Il y a, pour le législateur, la nécessité d'assurer l'exercice du droit à l'égalité pour toutes les catégories de citoyens. C'est ce que nous dit la Charte qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.

Or, à partir de ce moment-là, il découle un autre choix qu'il faut faire. Bien sûr, comme il n'y a pas de degré acceptable de discrimination, il faut lutter contre la discrimination. Vous êtes en train d'adopter un projet de loi, et nos recommandations visent à faire en sorte que ce projet de loi là soit effectivement une garantie du droit à l'égalité pour les jeunes et que, dans sa facture actuelle, le projet de loi contient un potentiel, si l'on veut, de situations discriminatoires très large. C'est ce qu'on vous souligne tout simplement. Si vous me dites: On ne peut pas aller tout à fait jusqu'où la Commission voudrait qu'on aille, moi, je vais vous répondre tout simplement: Est-ce qu'il y a un degré de discrimination acceptable? Réponse: Non, parce qu'on est quand même vis-à-vis, de façon générale, un droit qui est fondamental, le droit à l'égalité pour une catégorie de citoyens qui, en l'espèce, encore une fois, sont les jeunes. Alors, nos recommandations, encore une fois, Mme la ministre, visent tout simplement à faire en sorte d'adopter le meilleur outil pour combattre une série de situations potentiellement discriminatoires dans le secteur de l'emploi.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Filion, quand vous dites, par exemple votre quatrième recommandation, que «la Commission des normes du travail a l'obligation de faire enquête de sa propre initiative dès qu'elle a connaissance d'une situation de disparités de traitement», vous avez un niveau d'exigences pour des situations potentiellement discriminatoires – je reprends vos mots – vous avez un niveau d'exigences plus grand que les exigences qui sont à l'égard de la Commission des droits de la personne. Qu'est-ce que je peux faire de cette recommandation-là? Est-ce que vous vous imaginez la difficulté de cette recommandation-là?

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion.

M. Filion (Claude): Oui, Mme la ministre, grosso modo, prendre connaissance d'une convention collective puis voir s'il y a des clauses de disparités de traitement, grosso modo, encore, voir s'il y a des clauses qui sont potentiellement porteuses de discriminations, ce n'est pas une opération qui est complexe. L'enquête, par la suite, est importante parce qu'elle va viser chacun des groupes. Mais, dans ce cas-ci, le législateur que vous êtes, dont vous faites partie, adopte une attitude qui vise à combattre les clauses orphelin puis à éradiquer la discrimination à sa source sans qu'il soit nécessaire d'examiner chaque cas en l'espèce pour des raisons qu'on a expliquées tantôt.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais, M. Filion, vous dites: Prendre connaissance d'une convention collective pour en détecter des clauses orphelin, c'est plutôt simple. L'enquête, par la suite, on peut-u convenir que ce n'est pas simple? Vous en avez des dossiers, vous n'êtes pas capable de régler ça en deux temps, trois mouvements. Pourquoi la Commission des normes pourrait faire ça? On est dans les principes, c'est vrai, mais, moi, je cherche une législation qui est vivable, qui est pratique, qui a un sens, qui peut être appliquée. C'est ça qui me déconcerte complètement.

M. Filion (Claude): Bien, écoutez, si vous acceptez nos recommandations, ça va donner, Mme la ministre, une législation qui va être applicable, appliquée, vivable, etc., puis, en plus de ça, surtout, qui va avoir la grande qualité d'être respectueuse de principes de la Charte. Et en ce sens-là, si vous me permettez, je lisais un peu les débats de la commission parlementaire, je pense que la Charte québécoise des droits et libertés doit être vue, doit être utilisée comme un outil de gestion et non pas comme un empêcheur de tourner en rond. C'est ce qu'on explique, dans nos colloques, au Conseil du patronat; c'est ce qu'on explique à nos colloques avec les centrales syndicales. Et en ce sens-là, la Charte peut devenir un outil positif pour gérer, en toute égalité, la problématique d'une négociation d'une convention collective, comme gérer son interprétation ou son application. Mais, en fait, écoutez, peut-être que j'ai mal... Je vais demander à Me Coutu, peut-être, de compléter ma réponse.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais, M. Filion, non, je pense qu'on ne se comprend pas, je ne suis pas sûre qu'on va se comprendre cet après-midi. Mais je vais vous poser la question encore plus crûment: Est-ce que, vous, vous êtes le gardien de la Charte des droits et libertés de la personne? Ce n'est pas banal. Est-ce que vous pouvez passer en revue toutes les conventions collectives au Québec pour débusquer des situations, pas potentiellement discriminatoires, discriminatoires?

Le Président (M. Lelièvre): M. le président.

M. Filion (Claude): Madame, le meilleur exemple que je peux vous donner pour répondre à votre question, c'est un dossier que vous connaissez bien, c'est le dossier de l'équité salariale. Toute comparaison est boiteuse, celle que je vais vous donner également. L'équité salariale, le législateur a choisi une loi proactive. La Commission...

Mme Lemieux: Ce n'est pas de ça...

M. Filion (Claude): Non, mais écoutez, là, si je peux me permettre de répondre.

Mme Lemieux: Non, non. Oui, oui, tout à fait.

Le Président (M. Lelièvre): Oui, allez-y, M. Filion.

M. Filion (Claude): Alors, c'est le même principe; encore une fois, ce n'est pas les mêmes réalités, mais c'est le même principe. Au lieu de prendre chaque cas puis d'arriver à demander à chaque entreprise, à la suite de plaintes... On vous a expliqué tantôt que des plaintes, les gens qui viennent nous voir, là, les nouveaux employés qui viennent nous voir, qui sont prêts à se mettre à dos rapidement – il faut le faire, là! – leur employeur puis leur syndicat, ils ne sont pas foule au Québec, puis c'est normal, il ne faut pas les blâmer. Les types sont heureux de travailler, mais encore doivent-ils être rémunérés équitablement. C'est ce qu'on dit en principe.

Alors donc, pour la Loi sur l'équité salariale, c'est le même principe, un peu. Au lieu d'arriver et d'enquêter sur chaque cas, un par un, que ça soit sur plainte ou de propre initiative, ça reste, Mme la ministre, une enquête pareil qu'il faut faire sur une base ponctuelle et avec un temps énorme. Vous avez reçu des avocats à cette commission parlementaire, si vous avez écouté les argumentations... Et, lorsque les entreprises... Bon. Alors, ce n'est pas des dossiers qui se règlent facilement. Mais, si vous adoptez une loi, comme vous êtes en train de le faire, nous, on dit: Pour que la loi rencontre l'objectif que vous visez, à ce moment-là, elle doit au minimum comporter les modifications que nous suggérons pour véritablement faire quoi, en bout de piste? Et c'est ça, l'objectif de nos recommandations: le seul objectif de nos recommandations, c'est de protéger le droit à l'égalité pour les jeunes, accessoirement pour les femmes et les représentants des minorités culturelles, et ces bassins constituants, on le sait, en général, les gens qui sont nouvellement embauchés.

Ceci dit, je pense que Me Coutu voulait ajouter quelque chose tantôt à ce que je disais.

Le Président (M. Lelièvre): Me Coutu.

M. Coutu (Michel): Oui. On pourrait partir de la question de la complexité, parce que je pense qu'on ne se comprend pas du tout sur cet aspect-là. Quand on parle de la complexité d'une plainte qui porterait sur des clauses orphelin à la Commission des droits et quand on parle de la complexité d'une plainte qui serait déposée suivant la Loi sur les normes du travail, compte tenu des amendements qu'on propose, bien évidemment, nous, on se situe dans cette perspective-là, on ne parle pas du même type de complexité.

(16 h 30)

Une plainte à la Commission... et c'est dit en toutes lettres dans notre mémoire: Nous devons établir une discrimination indirecte fondée sur l'âge. Ça veut dire que, dans chaque cas, chaque convention collective, on ne peut pas se contenter de lire le texte de la convention collective. C'est bien sûr qu'on lit le texte de la convention collective, on voit qu'il y en a une, clause orphelin, dans la convention collective, ça, ce n'est pas compliqué. Mais, nous, notre exercice est beaucoup plus compliqué que ça, parce qu'il faut établir une preuve de discrimination indirecte entre le facteur de l'âge et la distinction qui est faite suivant la date d'embauche. C'est un processus qui est long, qui est complexe, qui doit se faire entreprise par entreprise. Notre conviction – et elle est basée sur un examen qu'on a fait d'un certain nombre de situations, et ça, c'est un autre point de divergence qu'on a avec votre analyse – c'est que, dans une très grande majorité de cas, cette preuve de discrimination serait possible. En bout de compte, il serait possible de démontrer qu'il y a discrimination fondée sur l'âge.

Donc, quand on dit, d'un côté: Vous nous parlez de discrimination, mais, nous, on met de l'avant une loi pour corriger certaines situations sociales qu'on trouve inéquitables, donc arrêtez de nous parler de discrimination et de tout mélanger, non, on ne mélange pas les choses. Ce qu'on dit, ce qu'on vous explique, c'est qu'au niveau de la Commission des droits le processus de plainte va être extrêmement complexe parce que preuve de discrimination fondée sur l'âge. Si on regarde la Commission des normes du travail – je finis en une seconde – je ne dis pas que c'est facile, mais c'est certainement beaucoup plus rapide qu'à la Commission parce qu'il suffit de constater, à la lecture même d'une convention collective, qu'il y a présence d'une clause orphelin. On ne parle pas de la même chose.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. le président, M. Filion, messieurs. Je vais essayer de ramener le débat à des exemples très concrets et vous demander vos réactions en vous recommandant de donner des réponses succinctes.

Vous faites des recommandations, entre autres, à la page 6 lorsque vous parlez des clauses orphelin temporaires, et vous mettez même, par exemple, entre guillemets, par l'ajout de x échelons inférieurs. Vous donnez même cet exemple spécifique.

La ministre, ce matin, a soulevé un cas que j'ai trouvé fort pertinent pour traduire dans la réalité quotidienne ce que ça peut vouloir dire. Je vous le soumets de nouveau parce que, moi, je n'ai trouvé aucune des réponses qui nous avaient été faites ce matin efficace. Il y a deux marchés à Longueuil, un qui est établi depuis 20 ans, un qui vient de s'établir. Le marché qui est établi depuis 20 ans a une politique salariale qui va, grosso modo, de 8,50 $ de l'heure pour le premier échelon à 14 $ de l'heure pour le dernier échelon, l'échelon le plus élevé. Le marché B arrive dans le coin, en dedans de 1 km, il s'adresse à peu près à la même clientèle, et, lui, sa politique salariale débute à 7,90 $ et se rend au maximum à 12 $ de l'heure.

Compte tenu des recommandations que vous faites, spécifiquement sur l'ajout d'échelons qui diminuerait, qui permettrait de tenir compte de ce type de situation là, vous dites que c'est discriminatoire. Il y a 150 employés d'un bord puis il y en a 150 de l'autre. Quand on sait que, dans le marché de l'alimentation, les marges de profits sont minces, minces, minces, qu'est-ce qu'on fait? Au vu de vos recommandations, qu'est-ce qu'on fait face à ce type de problème là spécifique?

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion. M. Coutu ou M. Filion?

M. Coutu (Michel): Oui.

Le Président (M. Lelièvre): M. Coutu.

M. Coutu (Michel): Je peux commencer la réponse et Me Filion enchaînera. Bon. Premièrement, on dit que c'est discriminatoire, je corrige, pas dans tous les cas, comme je l'ai dit. À chaque fois, il faut une preuve statistique démontrant un lien de discrimination indirecte fondée sur l'âge. On est convaincu que, dans la majorité des cas, on pourrait faire cette preuve si on avait les ressources, le temps, etc. Mais il ne faut pas dire: De façon globale, c'est discriminatoire.

Deuxième balise. Il faut s'en remettre au texte de la Charte. À l'article 19 de la Charte, il y a un certain nombre d'éléments qui constituent, si on veut, des exceptions au principe du...

Le Président (M. Lelièvre): M. Coutu, excusez-moi. Le temps qui était imparti à la partie gouvernementale est maintenant terminé.

M. Kieffer: Vous voulez dire que je n'aurai même pas de réponse à ma question? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lelièvre): À moins d'avoir un consentement de l'opposition, vous devriez peut-être continuer tout à l'heure votre réponse à une question qui sera posée par le critique officiel de l'opposition.

Une voix: Bien, on peut au moins lui donner le temps de...

Le Président (M. Lelièvre): Bien, il y a consentement?

M. Gobé: M. le Président, on semble avoir une certaine schizophrénie de ce côté-ci avec le marché A et le marché B depuis le début de la commission. On a eu plusieurs réponses. J'aimerais avoir la vôtre maintenant et certainement celle de M. Filion. Alors, je vous donne mon consentement.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, vous avez le consentement de l'opposition pour continuer. Allons-y.

M. Coutu (Michel): Bon, juste pour terminer sur l'article 19. Il y a un certain nombre d'exceptions aux principes de discrimination, ancienneté, durée du service, expérience, etc. Donc, il faudrait voir comment, dans les deux entreprises en question, ça s'insère, tout ça, et peut-être qu'on ne passerait pas de 8,50 $ à 14 $ pour tout le monde pour l'entreprise qui est en situation d'avantage concurrentiel. Mais j'ajouterai que, par rapport à l'article 19 de la Charte qui est l'article fondamental qui prévoit un salaire égal pour un travail équivalent, bien c'est bien évident que dans l'article 19 on ne retrouvera pas d'exception qui dit que, oui, mais telle entreprise, dans une situation de concurrence où il y a un différentiel par rapport à un nouvel arrivant, ça constitue une exception valide. Ce n'est pas ça que nous dit la Charte, ce ne sont pas les normes qui sont prévues dans la Charte.

M. Filion (Claude): Peut-être pour compléter. D'abord, qu'il y ait deux échelles de salaires différentes d'une entreprise à l'autre qui sont dans le même secteur, il n'y a pas de problème avec ça. Le problème, ce sont les clauses de disparité de traitement à l'intérieur d'une entreprise, primo.

Secundo, la concurrence économique à l'intérieur d'un même secteur économique, ça a toujours existé.

Une voix: ...

M. Filion (Claude): Non, mais je veux juste compléter. Ça a toujours existé. La Charte est là pour faire en sorte que l'ensemble des activités sociales, culturelles et économiques d'une société aient lieu en respectant certaines règles du jeu. Parmi ces règles du jeu là, il y en a une qui dit: Faisons attention pour ne pas discriminer négativement à l'endroit de certaines personnes en particulier et en fonction de l'âge, donc les plus jeunes.

Or, les clauses orphelin à l'intérieur des conventions collectives font en sorte de pénaliser – vous en conviendrez – une certaine catégorie de citoyens québécois, les jeunes. Nous, on dit vis-à-vis de ça: Le droit à l'égalité est suffisamment important pour que le législateur qui est à la source de la Charte puisse y accorder toutes les garanties d'exercice dans un domaine. Je l'admets, qu'il est complexe, il n'y a pas de doute là-dessus.

D'ailleurs, vous savez, patrons et syndicats, lorsqu'ils se sont assis à la table, qu'ils ont trouvé la première clause orphelin, c'est une oeuvre d'imagination qu'ils ont faite. Ils sont capables d'en faire d'autres. Il y en a, des experts en relations de travail, autour de cette table. Il ne faut jamais sous-estimer la capacité des parties syndicale et patronale de produire des compromis qui respectent les législations.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. Filion. Je céderais maintenant la parole à M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. D'abord, M. Filion, je tiens à vous saluer, ainsi que vos collaborateurs. Je ne saurai manquer de rappeler le rôle intéressant que vous avez joué en cette Chambre à titre de député à partir de 1985, car vous fûtes en effet un de nos collègues élus avant d'aller occuper d'autres activités. C'est toujours agréable de voir revenir un collègue, même quand on n'était pas dans la même formation politique.

Une intervention qui avait précédé votre mémoire au printemps dans une communication reprise par les médias a eu comme effet de nous interpeller tous sur quelque chose de fondamental et qu'on a tendance à vouloir oublier dans tous ces débats, les contingences qu'on nous ramène, le marché A, le marché B, la zone concurrencière C contre la D, enfin la mondialisation, l'internationalisation.

Une chose évidente, c'est qu'on a une Charte au Québec qui interdit la discrimination. Est-ce qu'on s'organise, est-ce qu'on légifère pour respecter la Charte, pour la faire respecter, ou est-ce qu'on n'est pas d'accord avec dans certaines situations et, à ce moment-là, il faut le dire? Il faut donc changer la Charte et y mettre des exceptions. Vous en avez donné quelques-unes et il peut être loisible d'en rajouter. La volonté du gouvernement, si c'est ce qu'ils ont promis aux jeunes Québécois et Québécoises au moment de l'élection ou avant l'élection, c'est-à-dire de légiférer pour empêcher toute discrimination, eh bien, on doit donc respecter la Charte, premièrement, ne pas y toucher, et, deuxièmement, prendre les moyens de la respecter.

Vous en êtes les gardiens, ou les administrateurs, ou les censeurs, et c'est très bien comme ça. Vous nous donnez un certain nombre de recettes. Vous avez pris le projet de loi, vous le regardez et, à votre manière à vous, très modérée, écrite d'une façon douce un peu par rapport à certains groupes, mais vous dites exactement la même chose que les groupes.

Vous nous mentionnez que l'amplitude salariale, c'est une ouverture, c'est une échappatoire. Les recours. D'ailleurs, je crois que vous êtes ceux qui avez inspiré à peu près tout le monde sur les recours, parce que c'est en lisant votre mémoire qu'on a commencé à s'interroger sérieusement sur cette situation. Vous apportez des choses intéressantes. La Commission des normes a l'obligation de faire enquête de sa propre initiative dès qu'elle a connaissance d'une disparité. C'est très important quand on sait en effet tout le processus, la lourdeur ou les contraintes qu'un salarié peut avoir.

(16 h 40)

La période transitoire: oui. Vous ne parlez pas, par contre – peut-être que vous pourriez me le dire maintenant ou après – de si on peut continuer, dans la période transitoire, à négocier des clauses discriminatoires. Mme la ministre nous a dit que, pendant les trois ans, on pouvait encore en négocier. Elle l'a dit en cette commission, elle l'a dit en conférence de presse. Alors, ce n'est pas dans votre mémoire. Est-ce que, pour vous, ça semble tellement normal que ça ne se négocie plus à l'adoption de la loi que vous n'avez pas pris la peine de le mettre? Ou c'est un oubli. Je ne le sais pas, peut-être. J'aimerais avoir votre précision là-dessus. Il y a là, peut-être, une petite faille.

Bien sûr, puis j'aurais été surpris du contraire, et les gens qui sont ici ou qui nous écoutent seraient surpris aussi, vous nous demandez: S'il vous plaît, une loi, c'est fait pour rester. C'est fait pour être mis en application, pour donner des résultats, pas pour disparaître dans quelque deux, trois, quatre ans après ou deux ans après sa mise en application. Donc, annulez l'article qui prévoit sa disparition.

Moi, si j'étais à la place de la ministre, je prendrais votre mémoire ou je l'aurais déjà pris puis j'aurais refait mes devoirs, parce qu'après tout vous venez de mettre d'une manière élégante, polie le résumé à peu près de l'ensemble de la commission. On va voir demain. Il y a d'autres mémoires qui vont venir. On ne peut pas présumer, là, il peut y avoir des changements, mais, en gros, c'est à peu près ça. En plus, vous êtes des gens qui avez cette responsabilité-là de nous éveiller et de nous informer, nous, les élus de la population. Vous êtes certainement l'autorité la plus respectable dans ce domaine-là, parce que non partisane. Vous ne devez rien à personne et personne ne peut avoir prise sur vous avec des pressions, qu'elles soient économiques, qu'elles soient sociales, qu'elles soient politiques. C'est peut-être là l'avantage de votre situation.

Que vous poser de plus sur ce que vous avez écrit? C'est tellement clair, c'est tellement logique. Essayer d'aller chercher des... savoir pourquoi vous avez des filtres à votre Commission, vous savez, essayer de détourner l'attention en vous faisant porter une espèce de fardeau odieux en disant: Bien, vous commandez pour les autres ce que vous n'êtes pas prêts à faire pour vous-mêmes, je trouve ça un peu dommage. Je pense que c'est manquer un peu de l'appréciation du travail que vous faites et du message que vous nous envoyez, mais on peut comprendre que, dans le débat parlementaire, politique, on puisse avoir ce genre de réaction.

Alors, une question en premier, il y en aura peut-être une autre par la suite: Est-ce que vous pensez qu'on devrait continuer à négocier des clauses discriminatoires après l'adoption du projet de loi, dans le délai de transition, tel que Mme la ministre l'a déclaré, ou est-ce que vous pensez que ça devrait cesser tout de suite dès l'adoption du projet de loi?

Le Président (M. Lelièvre): M. le président.

M. Filion (Claude): À mon sens, je ne peux pas concevoir, alors qu'une loi de l'Assemblée nationale inviterait la population à énoncer des règles du jeu, que, pendant la période transitoire, on puisse négocier des clauses semblables. Moi, en tout cas, personnellement, je dois vous dire, ça me... En fait, que j'ai beaucoup de difficultés avec ça personnellement et je suis convaincu que c'est l'avis de mes collègues.

Mais, si vous voulez, je vais peut-être – parce que je sais que le temps est réduit ici – comme législateurs, si vous me permettez, profiter de votre question...

M. Gobé: Allez, je vous en prie.

M. Filion (Claude): ...pour juste ajouter une précision. Vous savez, la forme de discrimination à laquelle sont plus sensibles les Québécois et les Québécoises, c'est au travail. 70 % des plaintes que nous recevons, nous, découlent de situations vécues en milieu de travail, soit en embauche, soit sur les conditions de travail ou soit au congédiement. Parce que des discriminations, quand ça a lieu au travail, ça a un effet... d'abord, ça attaque les gens dans leur expression professionnelle, dans leurs désirs, dans leur dignité. Donc, les formes de discrimination qui concernent les citoyens qui travaillent sont, à mon sens, puis... mais disons que les Québécois sont sensibles à ça, et à juste titre.

Dans ce cas-ci, en plus de ça, on parle surtout des jeunes. Bon. Donc, jeunes au travail. C'est une combinaison qui est particulièrement... En tout cas, la Commission, c'est notre rôle, nous vous invitons, législateurs, à la plus grande prudence dans ce sens-là. Le groupe généralement visé par les clauses orphelin serait des jeunes puis ce serait au travail. Il me semble qu'il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas dans une société qui bâtit. En ce sens-là, nous invitons le législateur à considérer attentivement le présent projet de loi pour l'amener à faire en sorte de placer les jeunes comme tous les autres, sur un même pied d'égalité, surtout au travail, mais au travail comme ailleurs. Alors, voilà, c'est juste une petite, peut-être, invitation à la réflexion additionnelle que notre Commission dépose auprès de cette commission.

M. Gobé: Alors, M. Filion...

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci. Bon. On sait maintenant que c'est la Commission des normes qui sera chargée de gérer un projet de loi, probablement pas celui-là – je l'espère, parce que l'ensemble des gens ont l'air à le considérer un peu passoire – mais un projet de loi éventuel qui ne devra certainement pas faire consensus, parce qu'on ne fait pas de consensus sur l'équité, mais qui devra appliquer premièrement les principes d'équité. Est-ce que vous croyez qu'actuellement – je ne sais pas si vous pouvez me répondre à cette question-là, mais on n'a pas eu les gens de la Commission des normes devant nous, on pourrait peut-être les interroger lorsqu'ils viendront article par article sur un éventuel projet de loi – est-ce que vous pensez qu'actuellement, sous sa forme actuelle d'organisation, ils sont équipés, formés et capables d'aller où vous voulez? Vous avez demandé qu'ils fassent enquête dès qu'ils en sont saisis. Est-ce qu'il va falloir engager du personnel, former des gens différemment? Est-ce que ça amène une réforme à la Commission des normes ou ajout de personnel, de budget, enfin...

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion.

M. Filion (Claude): Je ne vais pas, là-dessus, me prononcer. Je pense qu'il faut voir administrativement parlant. C'est sûr que la Commission des normes, on l'avait dit... Quand on parlait d'amender la Loi sur les normes du travail, c'est évident que la responsabilité allait à la Commission des normes qui voit à l'application, à l'exécution de la loi. La Commission travaille évidemment dans tous les secteurs où la loi s'applique. C'est un organisme qui est comme, si on veut, un poisson dans l'eau dans ce secteur-là. Maintenant, en ce qui concerne ses capacités administratives de relever cette nouvelle portion de mandat, je pense qu'il faut voir avec la Commission et puis je laisse ce jugement-là honnêtement à être fait par les gens qui sont habilités à le faire, c'est-à-dire le gouvernement et les responsables au sein du gouvernement.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. M. Filion, nous avons pu entendre des représentants du Syndicat des fonctionnaires du gouvernement du Québec et d'autres personnes, des groupes de jeunes fonctionnaires venir nous sensibiliser aux problèmes des faux occasionnels dans le système gouvernemental alléguant qu'il y avait là discrimination potentielle, hein, le gouvernement – vous connaissez la situation, mais peut-être pour les gens qui nous écoutent – se servant du statut d'occasionnel pour faire faire par des gens des travaux ou des tâches. S'il devait les engager dans la fonction publique à temps titularisé, il devrait les payer plus cher et leur donner un certain nombre d'avantages et de protection sociale. Est-ce que vous pensez, même si ce n'est pas au sens défini du projet de loi, qu'il s'agit là de comportements qui peuvent s'apparenter à des clauses de disparités de salaire ou discriminatoires?

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion.

M. Filion (Claude): Évidemment, nous, on a étudié le problème qui était devant nous. Toute la question des statuts est une question complexe et, comme nous n'étions pas invités à le faire, nous n'y avons pas investi d'énergies. Je pense qu'il y a des points de vue qui sont exprimés. Ils méritent d'être analysés sérieusement. Moi, je ne voudrais pas que, comme position... À moins que Me Coutu veuille ajouter quelque chose là-dessus?

M. Coutu (Michel): Non. Bien, j'irais dans le même sens.

Le Président (M. Lelièvre): M. Coutu.

M. Coutu (Michel): Ce n'est pas un problème que nous avons étudié de manière spécifique, la question des statuts. On y fait un peu référence dans notre mémoire de l'an dernier. Il y a l'article 16 de la Charte des droits et libertés de la personne qui nous dit, par exemple, qu'on ne peut pas exercer la discrimination pendant la durée de la période de probation ou – plus important pour les fins de votre question – dans le cadre de l'établissement de catégories ou de classifications d'emplois. Donc, on ne peut pas exclure non plus que, dans certaines circonstances, un changement de classification de catégorie d'emploi pourrait conduire également à un constat de discrimination.

(16 h 50)

Maintenant, je n'irais pas plus loin sur cette question parce qu'on n'a pas fait une étude spécifique des problèmes que ça pose. Je dirais, a priori, certainement qu'il y a une disposition de la Charte qui permet à la Commission à tout le moins d'examiner ce genre... Et je pourrais dire aussi que, si, disons, les recommandations, idéalement, de la Commission passaient et qu'un employeur, ou un syndicat, ou les deux ensembles se disaient: Mais pourquoi ne pas utiliser à ce moment-là des classifications différentes, les nouveaux, on va les appeler occasionnels classe b, on va changer un petit peu la classification, la description de tâches, bon, je pense qu'à la limite on ferait indirectement ce que la loi interdirait de faire de manière directe. Mais, encore là, il faudrait...

Une voix: ...

M. Coutu (Michel): Juste pour répondre, un dernier petit point. C'est qu'il faudrait, à ce moment-là, non seulement faire une preuve statistique au niveau de l'âge, mais également faire une mesure d'évaluation des emplois et comparer les emplois en cause. Donc, ça serait encore plus compliqué du point de vue de la Commission pour arriver à un constat de discrimination. Mais ce n'est pas exclu.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Parce que ça semble, à la lumière de ce qu'on nous dit, être une nouvelle manière de discriminer. On parle là de jeunes, hein? On sait que l'effectif de la fonction publique en ce qui concerne les 18-35 ans est très marginal. On en retrouve, par contre, une grande proportion dans les travailleurs occasionnels ou les faux occasionnels. Bon. On leur avait promis de les titulariser avant les élections; ils ne l'ont pas été. Alors, si on leur avait promis, c'est parce que, à ce moment-là, on reconnaissait qu'il y avait là certainement un problème, qu'ils n'étaient pas traités à leur juste valeur.

On sait que le gouvernement a rentré aussi des stagiaires, pour deux ans, qui font exactement le travail que faisaient les employés titulaires, mais ils sont payés peut-être la moitié du prix. On retrouve là encore une astuce probablement de discrimination. On sait que ce n'est pas des stagiaires pour formation professionnelle comme le Barreau peut envoyer, l'Université McGill ou de Montréal pour les médecins ou pour les diététistes qui font des stages obligatoires pour formation. Ça, c'est vraiment des gens qui font un travail pendant deux ans.

Alors, on remarque que le gouvernement, d'un côté, va légiférer dans un secteur assez large mais avec une passoire puis, en même temps, bien, dans sa propre administration, il y a des situations qui ne sont pas soumises à ce projet de loi là, mais qui permettent, par la porte d'en arrière, cette discrimination.

Alors, est-ce que vous pensez qu'il serait intéressant pour votre Commission de vous pencher là-dessus et un jour de nous faire – un jour rapide, autant que possible – part de vos remarques et de vos commentaires?

Le Président (M. Lelièvre): M. Bosset.

M. Bosset (Pierre): Oui. La question des stages auxquels vous faites allusion, plus précisément les stages pour nouveaux diplômés, soulève d'intéressantes questions, c'est le moins qu'on puisse dire. Il existe un principe fondamental ici, c'est celui que prévoit l'article 19 de la Charte: salaire égal pour un travail équivalent. Et le mot important ici, c'est celui d'un travail «équivalent».

Dans la mesure où on engage, entre guillemets, un stagiaire pour lui faire faire le même travail que quelqu'un qui vient de prendre sa retraite, je pense qu'on est face à un travail équivalent. Dans la mesure où c'est bel et bien un stage, avec tout ce que ça comporte de formation, de supervision, d'encadrement, de suivi et d'évaluation, on n'est pas nécessairement face à un travail équivalent. Il faudrait faire un examen de chaque cas individuellement.

Donc, je ne porterai pas de jugement, à ce stade, sur l'ensemble du programme. Je pense que, quand même, il soulève de sérieuses questions et que ses modalités concrètes de mise en oeuvre dans chaque cas doivent être étudiées de près.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, et en terminant probablement, je crois comprendre que nous pourrions nous attendre à avoir une communication quelconque sur ces sujets-là de la part de votre Commission, à un moment donné, dans un espace de temps qui vous appartient.

M. Filion (Claude): Dans la mesure de nos modestes capacités et nos ressources.

M. Gobé: Merci. Je pense qu'il ne me reste plus de temps ou quelques secondes.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste 30 secondes.

M. Gobé: Alors, je vous remercie. Très impressionné par votre mémoire, j'encourage toujours Mme la ministre et les collègues députés à s'en servir comme d'une référence pour le prochain projet de loi qui viendra, j'espère, régler le problème des jeunes travailleurs, des jeunes travailleuses et des nouveaux travailleurs au Québec.

M. Filion (Claude): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Lelièvre): M. Filion, M. Coutu, M. Bosset, la commission vous remercie. Et nous ajournons nos travaux à demain, mercredi 6 octobre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 55)


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