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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Friday, November 5, 1999 - Vol. 36 N° 39

Interpellation : Le dossier de la libre circulation des entreprises et des travailleurs de l'Outaouais


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Bergeron): Je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Permettez-moi de vous rappeler le mandat de la commission. C'est de procéder à l'interpellation adressée à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi par le député de LaFontaine sur le sujet suivant: Le dossier de la libre circulation des entreprises et des travailleurs de l'Outaouais.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Middlemiss (Pontiac) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin); M. Cholette (Hull) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Pelletier (Chapleau) remplace Mme Normandeau (Bonaventure).

Le Président (M. Bergeron): Parfait, merci. Alors, je vous rappelle les règles de l'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellant, M. le député de LaFontaine, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi de Mme la ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle, Mme la ministre, un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusions à Mme la ministre et un temps de réplique équivalent à M. le député de LaFontaine. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Enfin, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Ainsi, comme la séance a débuté vers 10 h 5, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de midi, jusqu'à 12 h 5? D'accord? Sur ce, M. le député de LaFontaine, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, vous me permettrez de saluer les gens qui sont présents à cette interpellation, et plus particulièrement mentionner que ce matin je serai accompagné par quatre de mes collègues, soit le député de Papineau, M. Norman MacMillan, le député de Hull, M. Cholette, le député de Chapleau, M. Pelletier, et le député de Pontiac, M. Middlemiss, qui verront chacun à leur tour à faire valoir les points et poser des questions à Mme la ministre en ce qui concerne la situation extrêmement difficile que les travailleurs de leur région vivent depuis de nombreux mois.

En effet, M. le Président, on a l'impression qu'il y a une guerre qui se passe sur le dos des travailleurs et des entreprises de l'Outaouais et que plus le temps passe, plus les gens en supportent les conséquences. C'est une situation extrêmement difficile pour 5 000 travailleurs et leur famille. On sait que ce sont des gens qui ont bien souvent des maisons, des hypothèques, des enfants à l'école et beaucoup d'obligations à rencontrer et à payer. Et malheureusement s'est installé pour eux un climat d'inquiétude, d'incertitude et, pour certains, bien sûr le début de situations financières difficiles, avec tout ce que ça peut entraîner comme conséquences familiales.

Pour avoir fait une tournée avec mes collègues dans la région de l'Outaouais, j'ai pu rencontrer en effet des gens qui ont vu leurs hypothèques suspendues, des gens qui connaissent des situations de conflit à l'intérieur de la famille du fait de manque de revenus ou de situation stressante engendrée sur le travailleur, sur le père de famille, par ce manque de travail. M. le Président, donc, c'est une situation extrêmement douloureuse et difficile pour ces travailleurs et pour leur famille.

Mais c'est aussi difficile pour les entrepreneurs de l'Outaouais. Car on sait, en effet, qu'une bonne partie des entrepreneurs de l'Outaouais sont des gens qui oeuvrent de l'autre côté de la ligne de démarcation Québec-Ontario, et malheureusement, en étant exclus des marchés dans cette partie du territoire qui est très collée sur eux – c'est de l'autre côté d'un pont – eh bien, se retrouvent en difficulté, sont obligés dans certains cas de fermer leurs entreprises ou du moins de mettre des travailleurs à pied et de réduire grandement leurs activités.

Alors, M. le Président, on se rend donc compte que cette loi 17 qui a été adoptée est une loi qui est extrêmement douloureuse et difficile pour cette région et pour les gens qui y vivent. On aurait pu croire que dès l'adoption de cette loi... Parce que ce n'est pas arrivé comme ça du jour au lendemain. Ça remonte à 1996, ce débat, à peu près, décembre 1996. Il y a les premières ententes après ça, en 1998. On a commencé à avoir des difficultés. Le 1er avril 1999, il y a eu des directives ontariennes interdisant aux entrepreneurs québécois de répondre aux appels d'offres de l'administration publique de cette province. En avril 1999, après ça, eh bien, il y a eu d'autres situations qui se sont développées pour finir qu'en mai 1999 le projet de loi 17, intitulé Loi sur la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, visant à restreindre l'accès de ceux qui profitent de la libre mobilité de l'Ontario, a été déposé.

Et là, M. le Président, on regarde que ça fait plusieurs mois, ça fait de nombreux mois, et on se serait attendu que le gouvernement, bien sûr, prenne les mesures et les moyens pour très rapidement trouver une solution à ce conflit qui venait de se déclarer ou cette situation conflictuelle qui s'est développée en Ontario.

(10 h 10)

Et force est de constater qu'aujourd'hui nous sommes au mois de novembre et que, malheureusement, nous sommes toujours encore dans cette incertitude, dans cette confusion. Je dirais même que la confusion est encore plus grande, parce qu'on se rend compte que régulièrement des communications de part et d'autre, des annonces de règlement ou d'arrêt de négociations, de reprise de négociations, de transfert du dossier au bureau du premier ministre, par-dessus le dos de la ministre du Travail, de mécontentement d'une partie par rapport à l'autre, sont foison et régulièrement sont reprises par les médias, qu'ils soient les médias d'Outaouais ou les médias du Québec.

M. le Président, est-ce qu'on n'assiste pas là, la question que nous pouvons nous poser, à une confrontation? Est-ce que le gouvernement ne trouve pas, dans la recherche de ces conditions référendaires gagnantes, là, un terrain fertile et propice à démontrer confrontations et faire en sorte de créer un ressentiment des travailleurs québécois et des Québécois dans leur ensemble vis-à-vis de nos voisins de l'Ontario? Est-ce que c'est là une des raisons qui font peut-être ou qui pourraient expliquer cette inaction du gouvernement? Je souhaite que non, mais il n'en reste pas moins que nous ne pouvons pas faire autrement que de nous poser la question, car, comme je le disais, devant les difficultés que non seulement les travailleurs et leurs familles, mais les entrepreneurs et la région tout entière vivent, eh bien, on pourrait s'attendre à ce que, quand même, ça aille plus vite.

On sait maintenant que c'est vrai que la ministre a été prise, depuis quelques semaines, quelques mois, dans l'obligation de régler le cafouillage et les gâchis qu'elle a créés à Emploi-Québec et que probablement elle a dû peut-être mettre cette fois-ci des énergies pour réparer ce que son gouvernement et elle avaient défait ou omis de bien faire. Il n'en reste pas moins que c'est là quand même une chose inexplicable et inacceptable, car on ne peut pas, parce qu'on a fait un gâchis dans un domaine, laisser se créer un autre gâchis dans un autre secteur.

Alors, M. le Président, nous avons pu voir cette semaine les derniers rebondissements de cette affaire où le ministre du Travail de l'Ontario, M. Stockwell, a émis un communiqué dans lequel il annonçait qu'il y avait un règlement dans ce dossier. Alors, tout le monde était, bien sûr, très content, et mes collègues de l'Outaouais me disaient: Bon, bien, voilà, notre interpellation, c'est bien, on l'a demandée, parce que pour nous c'est très important, les citoyens de l'Outaouais nous demandent d'agir, nous voulons faire des choses pour les aider, pour faire avancer ce dossier, mais on nous dit que ça va être réglé. Bien, peut-être que l'interpellation aura quand même fini par pousser un peu tout le monde et dire: On va essayer de trouver un règlement avant d'arriver devant les députés.

Malheureusement, on a pu voir le lendemain – et la journée même d'ailleurs, ça a été fait, on a pu le trouver sur Internet – un communiqué qui émergeait du cabinet de la ministre, dans lequel elle disait qu'il n'y avait pas de règlement. Alors, vous voyez, nouvelle déception sur le dos des travailleurs et des entrepreneurs de l'Outaouais qui, eux, d'un seul coup, appelaient leur député pour dire: Ça y est enfin, ça débloque, ne lâchez pas. Vérifiez que quand même ça se passe dans le meilleur intérêt de tout le monde. Et déception, à nouveau rage un peu et amertume, bien sûr. Un peu comme si on jouait au yo-yo avec eux et qu'on leur donne quelque chose puis on leur enlève.

Alors, aujourd'hui, M. le Président, notre interpellation, va avoir les buts suivants. Tout d'abord, nous aimerions que la ministre informe les députés, en cette commission, de la situation exacte de la négociation. Nous voulons savoir quelles sont les propositions qui sont sur la table. Nous voulons savoir celles qui sont rejetées par une partie ou par l'autre. Nous voulons savoir pourquoi elles sont rejetées. Nous voulons savoir, M. le Président, si la ministre, en connaissance, si elle l'est, des propositions qui achoppent encore pour régler ce dossier, va décider elle-même de mettre toute son attention et de prendre toutes ses énergies et d'aller elle-même rencontrer son homologue du ministère du Travail afin de négocier et d'aplanir les dernières difficultés, s'il y en a qui reste. Semble-t-il qu'il y en a, parce qu'elle-même a émis un communiqué pour dire que tout n'était pas réglé.

M. le Président, nous demandons donc à la ministre de prendre ses responsabilités. D'abord, de nous expliquer, de nous faire l'état complet de la situation et ne pas se contenter de réponses qui vont aller dans le vague ou de réponses dans le style: Bien, lundi, ça reprend à négocier. Puis ça fait depuis pas mal de mois qu'on nous dit ça, et je crois que les gens ont perdu confiance dans ces messages gouvernementaux. Les gens veulent savoir exactement où nous en sommes, et c'est pour ça que nous demandons qu'elle nous fasse, aujourd'hui, le bilan complet.

Et ce que nous voulons savoir aussi, c'est si elle va se déplacer. Pourquoi on demande si elle va se déplacer? Parce que nous croyons que, lorsqu'une situation conflictuelle dans une région, dans un pays, à l'occasion, pour des raisons frontalières ou autres, se développe ou perdure en nuisant à l'ensemble des gens qui y vivent, eh bien, il appartient aux dirigeants de chacun de ces pays ou de ces régions de se rencontrer. Ce n'est pas toujours en nommant des négociateurs, des gens qui viennent de Montréal ou qui viennent de Québec, qui sont des professionnels de la palabre, que l'on règle les problèmes. On règle les problèmes lorsqu'il y a une volonté politique de les régler.

Si le gouvernement du Québec a la volonté politique de régler ce dossier-là, il a les moyens de le faire, et, s'il a les moyens de le faire, ça passe par la ministre du Travail, non pas par des lettres du bureau du premier ministre. Et, si la ministre du Travail est consciente du rôle et de la responsabilité qu'elle a dans toute cette situation, dans tout ce dossier, eh bien, M. le Président, elle devrait pouvoir nous indiquer aujourd'hui qu'elle entend très rapidement, en début de semaine prochaine, se rendre à Toronto pour aller rencontrer son homologue et s'asseoir avec lui afin de finaliser les dernières clauses qui créent problème.

Et, bien sûr, M. le Président, ceci dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises mais aussi d'une manière juste et équitable pour l'ensemble des parties. Parce que l'on sait que, si ce n'est pas équitable ni juste pour une partie ou pour l'autre, la problématique recommencera plus tard. Et il faut donc un règlement honorable et juste, que ça soit pour l'Ontario mais que ça soit aussi pour les travailleurs et les travailleuses du Québec et de l'Outaouais.

Et je crois aussi que la ministre devrait, comme les parties nous le demandent, les parties à qui nous avons parlé, que ce soient les gens de l'ADAT, que ce soient les gens de l'APCHQ à qui j'ai parlé ce matin et d'autres entrepreneurs que j'ai pu rencontrer, que mes collègues députés de l'Outaouais rencontrent régulièrement, et d'autres travailleurs... eh bien, que cette entente leur soit au moins soumise afin qu'ils voient si cela correspond à ce qu'ils attendent et à ce dont ils ont besoin, parce que, si ce n'est pas cela et vu que c'est eux qui devront la vivre, ça créera là d'autres difficultés. Alors, voilà, M. le Président, le but et la raison de l'interpellation de ce matin.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de LaFontaine. Et je laisse maintenant la parole à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Mme la ministre.


Réponse de la ministre


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je vous remercie. Je salue aussi les députés de l'opposition ainsi que les gens du ministère du Travail qui m'accompagnent ainsi que mes collègues députés. Écoutez, c'est justement parce que nous cherchons un règlement équitable et juste pour les deux parties, et dans ce cas-ci équitable et juste pour le Québec, que ce qui a été fait a été fait et qu'il y a eu des difficultés. Et je tiens d'entrée de jeu à rappeler au député de LaFontaine que, s'il y avait eu un règlement équitable, nous aurions signé une entente. Et c'est parce que ce n'était pas équitable.

Moi, je me sens gardienne, ainsi que mon gouvernement, de à la fois, bien sûr, être ouvert sur les marchés extérieurs... Je pense que c'est le sens de cette entente-là. On veut davantage de fluidité dans l'industrie de la construction et dans d'autres secteurs d'ailleurs, mais ça ne doit pas se faire au détriment d'intérêts importants pour les Québécois et Québécoises.

Je me permettrai de faire un rapide historique, je pense que c'est important de bien situer d'où on part pour saisir les enjeux d'aujourd'hui. Je rappellerai qu'une première entente a été signée entre le Québec et l'Ontario sur les achats gouvernementaux et la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction en décembre 1993 et que déjà, dans cette entente-là, les gouvernements s'étaient engagés à conclure des accords complémentaires, notamment sur la reconnaissance mutuelle des qualifications, des compétences et des expériences de travail. Et, en mai 1994, donc quelques mois plus tard, il y a eu effectivement la signature d'accords complémentaires, comme il avait été convenu dans l'entente de 1993. Un de ces accords concernait justement ce point, c'est-à-dire un engagement et de la part de l'Ontario et du Québec à élaborer un système de reconnaissance mutuelle de la qualification professionnelle des salariés.

Et je dois vous dire que sur cette question-là il y a eu des progrès extrêmement significatifs qui ont été faits au fil des ans et dans le cadre des difficultés actuelles que nous vivons avec l'Ontario.

En 1996, une deuxième entente bilatérale est signée, l'Entente sur la reconnaissance de la qualification professionnelle des compétences, des expériences de travail dans l'industrie de la construction, qui remplace donc l'entente de 1994. Alors, on peut constater que les choses ont donc évolué et, en gros, l'esprit de cette entente-là apportait une reconnaissance plus large par les autorités respectives, ontariennes et québécoises, des compétences, des expériences de travail des entrepreneurs et des travailleurs de la construction domiciliés au Québec et en Ontario. Et cette entente-là, de 1996, c'est quand même un point de départ extrêmement important, comportait différents mécanismes de résolution des différends.

(10 h 20)

Et, moi, je me rappelle très bien, quand j'ai rencontré mon vis-à-vis, dès janvier 1999, lui avoir signifié que je trouvais très dommage que les doléances de l'Ontario n'aient jamais été exprimées formellement – on avait un peu l'impression que ça sortait d'une boîte à surprise – et qu'il était très malheureux que nous n'utilisions pas les mécanismes prévus dans l'entente pour résoudre les différends, et que ça sortait littéralement d'une boîte à surprise. Vous savez, il y a certains des points qui ont été amenés de la part de l'Ontario en décembre dernier, certaines critiques de l'Ontario par rapport au Québec, qui étaient vraiment de l'ordre où on se demandait: D'où ça sort tout ça? Et j'ai reproché ça à l'Ontario.

Moi, je crois à un principe de base. Lorsqu'on signe ce type d'entente là, il doit toujours y avoir des mécanismes pour résoudre les différends parce qu'il peut y avoir des situations nouvelles qui se présentent entre les deux parties, et je crois profondément qu'il nous faut utiliser ces mécanismes-là qui sont le premier lieu qu'on doit investir quand des difficultés se présentent. Or, ça a été un premier geste de la part de l'Ontario qui a créé beaucoup de dommages. Je tiens à le dire à ce moment-ci.

Maintenant, dans l'historique... Bon. Je le disais. En décembre 1998, l'Ontario a donc déposé une série de revendications et surtout de menaces de certaines représailles de la part de l'Ontario. Et, à ce moment-là, l'Ontario à soulevé des questions nouvelles qui n'étaient pas dans l'entente, qui n'avaient pas été exprimées de manière formelle, notamment sur le camionnage en vrac.

En janvier 1999, les négociations se sont donc intensifiées parce que jusqu'à ce moment-là les mécanismes prévus dans l'entente – notamment le comité bilatéral – fonctionnaient plutôt bien. Alors là, il y a eu une intensification, évidemment, dans le but de résoudre ces enjeux. J'ai rencontré rapidement au mois de janvier le ministre du Travail de l'Ontario, et là il y a eu une accélération des rencontres des comités bilatéraux de coordination. Il y a eu même des groupes de travail spécifiques sur des questions spécifiques qui étaient amenées de la part de l'Ontario.

Évidemment, est arrivée, quelque part en mars, l'annonce de l'Ontario de l'entrée en vigueur d'une série de mesures de représailles qui ont déboulé extrêmement rapidement et qui ont donné lieu à une loi dont on reparlera tout à l'heure, le 4 mai 1999, une loi extrêmement dommageable, anti-démocratique et qui ne va pas du tout dans l'esprit de tous les accords, notamment l'accord de commerce intérieur entre les provinces. D'ailleurs, à la suite, le gouvernement du Québec a déposé deux plaintes. Alors, c'est un historique un peu rapide, mais je tenais à le faire pour bien situer le débat.

Maintenant, le député de LaFontaine semble sous-entendre que rien n'a été fait pour essayer de gérer correctement ces difficultés. Je trouve, cette accusation, qu'elle est grave et qu'elle n'est pas fondée. Bien sûr, tout ce que nous avons fait n'a pas donné les résultats escomptés, c'est bien évident, hein. On a encore un certain nombre de difficultés à résoudre. Mais je ne pense pas que l'opposition puisse nous accuser d'inaction; je n'accepte pas cette accusation. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites formellement; il y a beaucoup de choses qui ont été faites aussi sur le terrain.

Et, moi, dès... je pense qu'à mon souvenir c'est février... Une fois que j'ai eu une première rencontre avec mon vis-à-vis de l'Ontario, qui était le ministre Flaherty à ce moment-là, j'ai rencontré des gens sur le terrain à la mi-mars, en Outaouais. En fait, on était partis d'une rencontre informelle que nous avons finalement formalisée. Il y avait là des entrepreneurs de la construction de la région, il y avait là des représentants des salariés, il y avait là des élus aussi, notamment des élus municipaux – je me rappelle, le préfet de la MRC était là. Nous avons créé à partir de ça un comité de liaison avec la région justement dans le but que nous puissions progresser avec les acteurs de la région dans la résolution de ces difficultés-là. Parce que, je le répète, nous cherchons un règlement équitable pour les deux parties.

Maintenant, il est arrivé un incident cette semaine, tout le monde le sait. Le ministre du Travail de l'Ontario s'est visiblement emballé sur une question où il n'avait pas à le faire. Immédiatement, dans l'heure qui a suivi, il y a eu des communications entre les négociateurs, et de la part du bureau du premier ministre et de ma part, avec notre propre négociateur, dans le but de rétablir les faits. Nous avons averti la partie ontarienne que nous émettrions un communiqué de démenti, et je pense que c'était important de le faire. Malgré l'incident, il y a une rencontre en haut lieu lundi prochain. Et je tiens à le dire, ce n'est pas une rencontre pour reprendre les négociations, c'est une rencontre pour conclure cette négociation.

Il reste deux points en suspens. La position du Québec, elle est claire, elle est connue de l'Ontario; nous connaissons les positions de l'Ontario. En fait, les deux points, je vous les nomme: c'est la question du camionnage en vrac – et ce n'est pas sur des principes qu'il y a des désaccords, mais plus des modalités qu'il nous faut peaufiner avec l'Ontario – et évidemment, la deuxième question – et là je ne peux pas croire que l'opposition ne peut pas comprendre ça – nous demandons le retrait de l'application des articles 7 et 8 du projet de loi 17.

Écoutez, on ne peut pas accepter que le Québec soit ainsi exclu, nommément exclu. C'est discriminatoire, ce n'est pas fair play, c'est antiparlementaire, c'est tout ce que vous voulez. Alors, je ne vais pas signer un accord, ni mon gouvernement, qui comprendrait la poursuite de l'application de ces articles-là. Alors, c'est sur ces deux points que les positions sont bien connues. Quant à moi, la rencontre de lundi, ce n'est pas une reprise des négociations, ça doit être la conclusion de ces négociations. On va faire tous les efforts, d'ici là, pour que le dossier se conclue correctement dans les prochains jours.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Alors, nous entamons maintenant la partie débat. Et c'est à vous, M. le député de Pontiac, vous allez pouvoir commencer. Vous avez la parole.


Argumentation


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, il me semble que j'entendais encore la même cassette qu'on entend de la ministre depuis le début de la session 1999. C'est toujours la faute des autres. Pourtant, elle-même, elle a dit tantôt qu'on avait réussi en 1993 et 1994 à avoir une entente avec l'Ontario, et ça fonctionnait. Et pourquoi que ça n'a plus fonctionné? C'est parce que le gouvernement du Parti québécois a scrapé, comme il disait, la loi 142. La loi 142 permettait aux travailleurs de la construction résidentielle de l'Ontario de venir travailler au Québec librement. Ça n'existe plus. C'était une des conditions. Donc, lorsqu'il y avait une volonté politique d'échanger de façon équitable et juste avec nos voisins, on l'a fait comme gouvernement. On avait passé la loi 142, et on avait réussi à créer la première entente, et ça fonctionnait.

C'est le gouvernement sous le premier ministre Jacques Parizeau qui a changé la loi. Et depuis ce temps-là, M. le Président, qui en souffre le plus? Bien, c'est les gens de l'Outaouais. C'est les travailleurs de la construction de l'Outaouais. Et Dieu merci que la frontière était ouverte à ces travailleurs-là. On dit que jusqu'à 5 000 travailleurs du Québec pouvaient travailler en Ontario, sans conditions, M. le Président: pas de carte de la CCQ, pas d'inspecteur. Et ces gens-là, ça existe depuis nombre d'années. Je vais vous dire que, moi, personnellement, comme ingénieur, j'ai gagné ma vie en Ontario en étant un résident du Québec, et je n'ai jamais eu de problème. Et je rencontrais sur les chantiers de construction des gens du Québec, des gens – et heureusement, là – qui allaient chercher leur gagne-pain en Ontario, payaient des impôts au Québec.

(10 h 30)

Donc, M. le Président, c'est ça, le problème. C'est bien beau de dire, là... Lorsqu'il n'y a pas de volonté de vouloir régler le problème, on peut se parler, on peut échanger des lettres, on peut tout faire. Mais ça ne le règle pas, le problème, ça, Mme la ministre. Ça fait des mois, là. Ça va faire huit mois bientôt. Depuis le mois de décembre. Ça fait un an que vous le savez, que l'Ontario n'est pas satisfait. Ils ne sont pas satisfaits, en Ontario, de l'entente qu'on avait. Et qu'est-ce qu'on a fait? Eh bien! Je me souviens, le 28 mai, j'ai posé une question. Ah bien! On a bien hâte au 3 juin; le 3 juin, il va y avoir l'élection. Après ça, on pourra s'asseoir et on pourra parler. Mais l'élection est terminée, M. le Président. Elle est terminée, l'élection, il y a longtemps. Pourquoi? Pourquoi encore... Bien on dit: Oui, bien, lundi, là... Est-ce que c'était encore de la poudre aux yeux que lundi, ça va être final? Chaque fois qu'on interpelle ou qu'on pose une question à la ministre: Ah! bien oui, on est sur le point de régler, là, ça va se régler bientôt.

Oui, bien sûr, il y a des choses que... Regardez, on est d'accord avec la ministre qu'on ne devrait pas certainement sacrifier les Québécois. Mais je lui posais la question, moi: Pourquoi, en 1996, lorsqu'on a changé l'entente, les Québécois qui travaillent pour des compagnies en Ontario n'ont plus le droit aujourd'hui de venir travailler au Québec avec un entrepreneur de l'Ontario? Et pourtant le résident de l'Ontario, lui, il peut venir. Est-ce que c'est ça que la ministre appelle juste et équitable?

Elle doit s'en souvenir que, le 27 avril, j'ai soulevé le cas de Lucien Dagenais. Heureusement, on a réussi de peine et de misère, oui. Ce n'est pas la ministre qui l'a réglé, c'est moi avec les gens de la CCQ. Mme la ministre, est-ce que ça, c'est juste et équitable, qu'un Québécois qui gagne sa vie en Ontario, paye des impôts au Québec, lui, n'a pas le droit de travailler sur un chantier au Québec? Pourquoi? Parce qu'il est Québécois. Mais c'est quel gouvernement qui a fait ça? Quel gouvernement a changé...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Mme la ministre, ne dites pas non. C'est l'entente de 1996. Et j'ai un jugement ici, là, j'ai un jugement, et c'est la Commission qui dit exactement ça, que M. Dagenais, en 1994, oui, il avait réussi à avoir un permis. Il avait réussi à l'avoir, le permis. Mais, en 1996, parce que l'Ontario n'était pas satisfait, on a sacrifié... Vous qui nous dites: Juste et équitable... On dit: Toi, mon petit Québécois, là, on ne te donne rien. Il me semble qu'on aurait dû se battre pour ça aussi. Si vous trouvez que les articles 7 et 8, ce n'est pas juste et équitable, comment ça se fait que votre gouvernement a laissé passer une chose comme ça? Donc, ça n'inspire pas tellement confiance.

Et, M. le Président, les gens de l'Outaouais, ils sont rendus à bout. Noël s'en vient, tout ça, et ce n'est pas plus réglé. Donc, j'espère que ce n'est pas encore de la poudre aux yeux cette fois-ci, là, que lundi on pourra avoir quelque chose de positif. Merci.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Pontiac. Mme la ministre, vous avez la parole.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Oui, M. le Président, je vous remercie. Écoutez, le député de Pontiac me reproche de... enfin, il reformule mes préoccupations d'une manière un peu simpliste en disant que je prétends que c'est toujours la faute des autres. Écoutez, je n'ai pas l'habitude de porter le blâme sur les autres. On est dans le même Parlement, là. On représente les citoyens et les citoyennes du Québec. J'espère que vous reconnaissez que l'Ontario a posé des gestes extrêmement graves. À qui la faute? Mais, je m'excuse, c'est l'Ontario qui a posé des gestes graves. C'est l'Ontario qui a posé des gestes très graves. Et, vous savez, comme parlementaire, c'est particulièrement troublant de savoir qu'un Parlement a adopté une loi comme la loi 17.

Vous me dites aussi... Parce que, là, je m'interroge un peu sur qui le député de Pontiac défend. Et, je m'excuse, moi, je vais défendre les Québécois et les Québécoises premièrement. Vous me dites: Vous saviez très bien qu'on ne satisfaisait pas l'Ontario. Moi, je veux bien, on vit en communauté, on a des frontières communes, on a des intérêts communs. Bien, oui, il faut essayer de satisfaire l'autre, mais on ne va quand même pas reprocher au gouvernement du Québec de protéger aussi là-dedans les intérêts du Québec. Alors, ce n'est pas vrai qu'on va signer quelque chose sachant que l'autre a une loi extrêmement dommageable à notre égard.

L'autre chose aussi, c'est que vous faites des liens entre deux, trois dossiers. Il faut être prudent. Vous semblez dire, vous semblez faire un lien avec la loi 142. Je m'excuse, le glissement qu'il y a eu en décembre dernier, quand ça s'est mis à glisser, ce dossier-là, quand l'Ontario s'est mis à émettre des revendications qui n'avaient jamais été formulées le moindrement formellement, des revendications qui n'avaient pas été signifiées à ceux qui gèrent les différends dans le cadre de cette entente, le glissement a été au sujet du camionnage en vrac. Ça n'a pas été au sujet de la loi 142. Et c'est à cause de ce dossier-là que ça a glissé. Et malheureusement – je le dis encore – les Ontariens n'ont pas suivi les mécanismes de règlement de litige qui sont prévus à l'entente. Et ça, ça a été extrêmement dommageable.

Je voudrais terminer aussi cette intervention-là parce que, bon, je pense que, là, le député de Pontiac mélange toutes sortes d'enjeux. Dans le fond, il remet en cause un peu le système de qualification, de formation que nous nous sommes donné au Québec.

Moi, j'ai eu l'occasion d'avoir plusieurs échanges avec la Commission de la construction du Québec. Récemment, je suis allée à l'assemblée générale de l'Association de la construction du Québec. J'ai eu l'occasion de lire plusieurs données. Il y a beaucoup d'analyses qui se font actuellement sur des progrès qui ont été faits dans ce secteur-là, et on est passé d'une industrie où la main-d'oeuvre était peu qualifiée, peu reconnue, à une industrie où la main-d'oeuvre est beaucoup plus qualifiée, beaucoup plus reconnue et donc plus compétente. Et ça, je mets en garde le député de Pontiac, il ne faut pas tirer vers le bas nos concitoyens, il faut les tirer vers le haut.

Le député de Pontiac tantôt m'a parlé d'un cas individuel – on ne va pas en débattre ici – et il m'a dit: Ce cas-là, il a été réglé par moi et par la CCQ. Eh bien, tant mieux! Moi, j'ai l'attente que la Commission de la construction du Québec règle les problèmes, mais règle les problèmes dans un cadre précis. Nous devons inciter nos travailleurs de la construction à être compétents, à être formés, à être qualifiés. On ne va pas tirer cette main-d'oeuvre là vers le bas, on va la tirer vers le haut. Et on a des gains extrêmement intéressants en termes de qualification, de compétence de ce secteur-là.

Et je me suis rappelé une anecdote. Vous savez que dans les prochains jours va se tenir à Montréal le 35e Mondial des métiers et, l'an dernier, le Québec a gagné le premier prix dans les métiers de la construction. Pourquoi? Parce qu'on a une main-d'oeuvre qu'on tire vers le haut, qu'on forme davantage, qui se forme davantage. Alors, je pense que ça, c'est un acquis au Québec extrêmement important et je n'ai pas l'intention de faire des manoeuvres qui vont faire en sorte que nous allons descendre ces standards-là, nous devons les maintenir, nous devons avoir un cap sur des standards de qualité. C'est une industrie qui change beaucoup, il y a aussi là de la technologie qui entre, alors nous devons faire en sorte que ce soit une industrie qui demeure performante.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je donne la parole à Mme la députée de Crémazie. Mme la députée.


Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. Pour cette intervention, permettez-moi de rectifier certains faits. Depuis plusieurs mois, le gouvernement ontarien propage un nombre de plus de 5 000 travailleurs québécois qui travailleraient en Ontario. Toutefois, suite justement à l'entrée en vigueur de la loi 17, en mai dernier, et à la demande du comité de liaison de l'Outaouais dont Mme la ministre parlait tantôt, la Commission de la construction du Québec a accepté de faire un recensement auprès des travailleurs et des entrepreneurs québécois qui oeuvrent dans l'industrie de la construction et qui travaillent en Ontario. Bon. Ça a pris la forme d'un sondage téléphonique et ça a permis justement à la CCQ de pouvoir rassembler certains faits. Évidemment, l'objectif de l'enquête, c'était essentiellement d'identifier les personnes et entreprises qui sont principalement visées par les dernières mesures du gouvernement ontarien, soit la loi 17.

Ce qu'il faut rappeler aussi, c'est que ce n'est pas, donc, comme je le disais tantôt, 5 000 personnes qui travaillent en Ontario, mais tout au plus 2 000 personnes dont 1 500 sont en règle au Québec, donc qui peuvent travailler au Québec malgré la loi 17. Donc, la Commission de la construction du Québec est consciente qu'il y a un nombre d'environ 500 personnes, peut-être un petit peu plus, qui ont des problèmes, qui ne peuvent travailler présentement parce qu'elles ont de la difficulté à être reconnues ici et elles n'ont pas les compétences pour travailler au Québec.

Évidemment, si lundi prochain, suite à la rencontre qui se tiendra, il y avait une entente, le tout devrait revenir à la normale, sinon il faut entreprendre des correctifs ou voir à modifier certaines choses pour permettre à ces gens-là de pouvoir travailler parce que, malheureusement, ils sont sans emploi présentement.

Seulement quelques faits du sondage que je voudrais rappeler. Pour des travailleurs, il y a une population de 411 travailleurs qui ont répondu au sondage et les trois quarts de ces gens-là proviennent de la région de Hull, évidemment, de la grande région métropolitaine et, pour la plupart, plus de 70 % de ces gens-là, ils ont une expérience de plus de 10 ans en Ontario. Donc, évidemment, ils ont une expertise et ce qui se passe là-bas les empêche de pouvoir continuer à bien travailler. Au cours des deux dernières années, plus de la moitié de ces gens-là ont travaillé pratiquement entre plus de 19 et 24 mois. Et la plupart, aussi, ont un employeur qui est stable, puisque justement, au cours de cette période-là, ils ont, pour la plupart, les trois quarts de ces gens-là, travaillé pour seulement un employeur. Donc, finalement, ils ont un emploi stable... ils avaient, peut-être, plutôt un emploi stable que malheureusement ils n'ont plus maintenant.

(10 h 40)

Ensuite, aussi, bien, tout se fait dans l'ordre évidemment. C'est le secteur commercial et institutionnel qui est le plus souvent mentionné – tout comme les entrepreneurs qui ont répondu au sondage – ça se trouve être le secteur où il y a plus d'activités et seulement 20 % de ces gens-là ont travaillé au Québec. Alors, comme je le disais tantôt, c'est justement parce qu'ils ont un emploi stable auprès d'un employeur stable qui requiert leurs services la majeure partie du temps. Parce que les deux tiers de ces salariés qui ont travaillé au Québec ont justement travaillé moins de six mois au cours des deux dernières années. Alors, malheureusement, les nouvelles dispositions du travail dans la construction en Ontario empêchent ces gens... C'est-à-dire qu'avant la loi 17 ces gens-là pouvaient travailler évidemment en Ontario.

Au niveau des entrepreneurs québécois qui travaillent principalement en Ontario, bien, eux aussi viennent pour la plupart de la région de Hull. Ces gens-là n'ont pas nécessairement une licence de la Régie du bâtiment, puisqu'ils ont plutôt une raison d'affaires en Ontario et ils offrent aussi de l'emploi en Ontario.

Alors, M. le Président, comme je le disais, c'était seulement... Mon intervention était pour rappeler certains faits à l'effet que justement il n'y a pas un nombre aussi élevé d'employés québécois qui travaillent dans la construction en Ontario et que, effectivement, la Commission de la construction du Québec est consciente des problèmes vécus par certains employés étant donné la nouvelle loi, mais que, évidemment, s'il n'y a pas d'entente, on va voir à apporter des correctifs pour permettre à ces gens-là de travailler le plus tôt possible au Québec. Merci.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la députée de Crémazie. Maintenant, je laisse la parole au député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Premièrement, on doit remettre les choses en clair, sur la table. Ça fait huit mois que ça dure au minimum, et, si on est obligé d'être ici aujourd'hui pour interpeller la ministre sur une situation particulière, c'est parce que son gouvernement a été inactif dans ce dossier-là. Ils n'ont absolument rien fait, son gouvernement, elle, et aussi, M. le Président, le ministre responsable de la région de l'Outaouais, ministre qui n'a pas daigné nous honorer de sa présence aujourd'hui. Parce que le ministre en question, M. le Président, la seule façon qu'il connaît l'Outaouais, c'est lorsqu'il vomit sur Ottawa. C'est la seule façon qu'il connaît l'Outaouais, c'est quand il est capable d'aller sur l'autre côté de la rivière et juste planter les fédéraux. C'est la seule façon qu'on voit le ministre dans la région. Et la preuve, aujourd'hui, il n'a pas daigné être ici.

Il faut réexpliquer la problématique à la ministre parce qu'elle ne semble pas bien comprendre. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est qu'il y a un dossier de mobilité de travailleurs. Et l'autre dossier, c'est la question des entreprises qui doivent transiger avec le côté ontarien. Près de 5 000 personnes sont incapables de travailler présentement, près de 5 000 personnes. Pour la connaissance de la ministre – on voit comment elle connaît ça – il y a 5 000 personnes qui sont privées de travail, de l'autre côté, à cause de l'inaction de son gouvernement. Ça, ça veut dire que c'est des gens qui ne peuvent pas travailler en Ontario de par son inaction. Et là ce qu'on voit, c'est qu'on a de plus en plus d'entreprises qui ne peuvent plus soumissionner en Ontario. Le résultat net de ça, c'est qu'on a des gens du Québec qui quittent pour aller de l'autre côté et on a des entreprises du Québec qui quittent pour aller de l'autre côté. Mais ça, ça ne semble pas énerver, pas beaucoup, la ministre.

Pourtant, lorsqu'il y a des cris d'alarme ailleurs au Québec, le gouvernement est pas mal plus vite pour répondre. Prenons l'exemple de la Gaspésia. Ça a pris deux jours pour un décret gouvernemental pour tenter d'apaiser les problèmes là-bas, deux jours. Lorsqu'on regarde l'usine GM et que le ministre des Finances a rampé devant l'entreprise et a mis sur la table 360 000 000 $, ça n'a pas été très long. Lorsque ça vient le temps de l'Outaouais, bien, ça prend huit mois avant de réagir et, même encore, ce n'est pas réglé. Pourtant, nous, ce qu'on demande, ce n'est pas de l'argent. Nous, ce qu'on demande, c'est simplement le droit de travailler pour gagner nos vies, pour faire vivre nos familles. Mais ça, c'est trop demander.

M. le Président, on a vu récemment que le premier ministre est allé en voyage en Californie. On a vu aujourd'hui même, et au cours de la semaine, le ministre du Revenu, le ministre des Finances, le vice-premier ministre quitter pour l'Asie. L'objectif de ces rencontres: solliciter des emplois chez nous, tenter d'avoir des entreprises chez nous. Bien, moi, j'ai une invitation à faire au gouvernement: Venez donc faire un tour en Outaouais. Pas besoin d'aller en Asie, pas besoin d'aller en Californie, simplement venir chez nous. Réglez ce dossier-là et vous allez créer 5 000 jobs en Outaouais. Pourtant, ça, ça ne semble pas passer très bien comme message.

Pourtant, le PQ aime bien ça se comparer à l'Ontario et dire: Ah! vous savez, l'industrie de l'automobile, ça va beaucoup mieux là-bas. Pourtant, on est capable d'embaucher 10 000 infirmières. Mais, c'est drôle, lorsque vient le temps de se comparer à l'Ontario en termes de mobilité de la main-d'oeuvre, on décide de faire la sourde oreille. On oublie que de l'autre côté on peut travailler librement. On oublie que, de l'autre côté, ce n'est pas parce qu'on est un travailleur ontarien qu'on est incompétent dans le domaine de la construction. Quand on entend les gens dire: Ça fait 16 ans qu'ils travaillent de l'autre bord, ils ne méritent pas de travailler au Québec parce qu'ils ne connaissent pas ça, ça, ce n'est pas connaître le domaine de la construction. Je ne peux pas croire que, quand ça fait 16 ans qu'on travaille de l'autre côté, on est un incompétent. Mais ça, la ministre a un peu de la difficulté à comprendre ça.

Le premier ministre, hier et avant-hier, a décidé de jouer au chat et à la souris avec l'Ontario sur le dossier du Casino. Tous savons qu'une des clés de voûte de cette résolution de conflit demeure les contrats octroyés au Casino de Hull. Je lui avais dit personnellement, à la ministre, au mois de mai dernier, qu'ils le mette sur la table. Je l'implore qu'ils mettent le Casino sur la table pour dénouer l'impasse et cesser de jouer au chat et à la souris avec le gouvernement de l'Ontario, parce que, si on attend trop et les contrats sont octroyés, je vous jure que le conflit va se prolonger, et ça, pour longtemps.

M. le Président, Mme la ministre, ce qu'il faut faire, c'est arrêter de jouer avec la vie des gens de l'Outaouais, c'est d'arrêter de jouer avec les entreprises de l'Outaouais. Je vous implore de négocier une entente rapidement pour que nos gens puissent travailler, gagner leur vie, et que les gens de l'Outaouais, les entrepreneurs de l'Outaouais puissent négocier des contrats de l'autre côté. Ce n'est pas compliqué, c'est facile, mais ça prend un peu de courage politique et ça prend un peu d'eau dans notre vin. S'il vous plaît, Mme la ministre, agissez rapidement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Hull. Maintenant, Mme la ministre, vous avez la parole.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, merci. Je ne suis pas sûre que le terme «vomir» soit très parlementaire. Première remarque.

Deuxième, je voudrais juste vous rappeler un certain nombre de choses. À partir du moment où ça a glissé, à la mi-décembre dernier, je vais vous dire un certain nombre de choses qui se sont passées: 19 janvier, rencontre préparatoire des coprésidents du comité bilatéral de coordination – qui est un lieu extrêmement important, de haut niveau – afin d'examiner les points litigieux et les objectifs ciblés; 21 janvier, rencontre des deux ministres du Travail; 26 janvier, rencontre du comité bilatéral de coordination; 3 et 4 février 1999, rencontre du Groupe de travail sur l'appariement des métiers et des occupations – parce qu'il y avait un enjeu sur lequel on a progressé énormément; 8 février, rencontre, à nouveau, du comité bilatéral de coordination; 16 février, rencontre du Groupe de travail sur le harcèlement – vous savez qu'il y a eu des gestes malheureux des deux côtés; 22 février, une autre rencontre du comité bilatéral de coordination; 23 février, rencontre du Groupe de travail sur l'appariement des métiers et occupations; 3 mars, rencontre du comité bilatéral de coordination; 11 mars, rencontre du comité bilatéral de coordination; 15 mars, rencontre des sous-ministres adjoints pour poursuivre les négociations; 15 mars, mise en place par le ministre du Travail d'un comité de liaison dans l'Outaouais dans le but de faciliter, de trouver d'autres solutions dans ce conflit; 25 mars, rencontre des ministres du Travail de l'Ontario et du Québec.

Alors, écoutez, là, quand vous faites des grands plaidoyers qu'on n'a rien fait, là, alors, non, ce n'est pas réglé, mais vous ne pouvez pas nous accuser que rien n'a été fait. Et ce n'est pas réglé. Pourquoi ce n'est pas réglé? Je vais vous dire une chose très simple, le député de LaFontaine a commencé son intervention dans l'interpellation en disant: On veut savoir clairement où est-ce que ça en est. Je vais vous dire où est-ce que ça en est.

Le 25 juin, nous avons déposé une proposition finale et complète, le Québec, à l'Ontario. Il a fallu trois ou quatre semaines à l'Ontario pour passer à travers cette proposition-là. Elle l'a acceptée au cours du mois de juillet. En juin, nous avions une proposition finale de règlement complète, y compris... J'y reviendrai sur la question du Casino. Mais, là, hasard des choses, changement au niveau du gouvernement, chaque fois qu'on s'apprêtait à signer cette fichue entente, l'Ontario évoquait des nouveaux sujets. Le 25 juin, nous avons déposé une proposition complète qui a été jugée satisfaisante et puis il n'y a pas eu de signature depuis.

Moi, je pense que l'opposition devrait être consciente que le plus grand service qu'elle peut donner à ses concitoyens de l'Outaouais, c'est de s'allier avec le gouvernement du Québec. Et la pression, ce n'est pas sur le gouvernement du Québec, parce qu'on a fait ce qu'on avait à faire, on a fait des aménagements qu'il y avait à faire, on a fait des propositions de compromis, elles sont sur la table. Alors, ce n'est pas du côté du Québec que la volonté ne s'est pas exprimée, c'est du côté de l'Ontario. Et, à ce que je sache, ce n'est pas nous qui avons adopté une loi qui n'a pas de bon sens. Ce n'est pas nous. Ça s'est fait du côté de l'Ontario. Alors, je me demande bien qui, ici, les députés défendent-ils.

(10 h 50)

Par ailleurs, sur la question du Casino, le député de Hull le présente comme un enjeu. Bien sûr que c'est un enjeu, mais je vais vous dire que le 25 juin, dans notre proposition complète, le chantier du Casino, il était ouvert. Mais on ne va toujours bien pas le mettre ouvert, ce chantier-là, s'il n'y a pas une entente. La condition pour que le chantier soit accessible, en termes de soumissionnaires pour des entrepreneurs aussi ontariens, c'est que nous réglions avant. Voyons donc! Les citoyens de l'Outaouais nous reprocheraient de donner un cadeau extraordinaire, potentiel à tout le moins, à des entrepreneurs ontariens, si on n'a pas une entente.

Alors, ça a toujours été clair. Et là-dessus les communications, notamment au niveau des deux premiers ministres, ont été claires. Le Casino n'avait pas d'objection à ce qu'il soit accessible, c'est-à-dire que des entrepreneurs de la construction de l'Ontario puissent soumissionner sur les contrats à venir, mais dans la mesure où nous avons une entente. Et c'est ce que j'appelle avoir une entente équitable et juste pour tout le monde. Ce serait complètement suicidaire de ne pas régler le dossier de la mobilité de cette entente-là, de ne pas régler ça et d'offrir, entre guillemets, le Casino aux ontariens. Voyons donc! Moi, je pense qu'on doit être gardien des intérêts du Québec dans cette question-là.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je laisse la parole au député de Chicoutimi. M. le député.


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: M. le Président, vous me permettrez de renchérir sur les propos de Mme la ministre. Je vous dirai tout d'abord que j'écoutais l'intervention du député de Hull concernant entre autres... Parce que, vous savez, cette interpellation, ce matin, est très importante, elle touche des familles, il y a des gens qui sont touchés. Vous savez, je viens d'une circonscription qui est en région aussi, qui vit certains problèmes, et de voir qu'une partie de la population... On parle de tout près de 2 000 travailleurs qui sont touchés par le litige actuel. Vous savez, c'est un débat très important. Et c'est pour ça, ça touche les gens dans leur vie de tous les jours.

Alors, c'est important de tenir un langage qui est cohérent et qui est, je crois, juste. Et, quand j'entends le député de Hull remettre en cause même les missions économiques, faire un parallèle avec le dossier de Chandler et de GM alors que c'est un dossier interne... Et ce dossier-ci évidemment demande l'accord de deux parties, soit le Québec et l'Ontario. Évidemment, on prendra un décret, une loi ou à peu près n'importe quelle mesure, si on n'a pas l'accord de l'Ontario, eh bien, évidemment, il n'y a aucune solution qui peut s'appliquer. Alors, c'est pour ça que, au niveau du langage, au niveau des propos et aussi au niveau de l'argumentation, c'est important de faire preuve de rigueur. Je vous soumets ça, M. le Président.

Quant au contrat du Casino, la ministre l'a rappelé effectivement, le dossier est sur la table, on l'a offert. Et j'espère que le député ne nous demande pas d'ouvrir ce contrat-là aux entrepreneurs de l'Ontario, alors qu'eux, actuellement, nos entrepreneurs sont l'objet d'une mesure discriminatoire, soit la loi 17. Si, lui, comme technique de négociation, nous propose d'ouvrir ça sans avoir une entente globale sur le sujet, mais en même temps que les articles 7 et 8 de la loi 17 sur la mobilité de la main-d'oeuvre soient abrogés, eh bien, moi, je peux vous dire, si c'est ça qu'il propose, que j'aimerais l'entendre de sa bouche, là.

Et je peux vous dire que, en frais de technique de négociation, je ne suis pas sûr que ce serait quelque chose qui serait retenu dans nos institutions d'enseignement. Vous savez, c'est un morceau qui est gros, et on le sait. On a intérêt, tant pour les entrepreneurs de l'Ontario que du Québec, et surtout pour les travailleurs, de s'entendre. Mais il ne faudrait pas quand même donner notre pouvoir de négociation pour absolument rien. Et j'espère que ce n'est pas ce qu'il propose.

Vous me permettrez, M. le Président, aussi de vous faire état... Je parlais de la loi 17 et peut-être que, pour la population et pour nos collègues, c'était une loi un peu méconnue. Eh bien, vous savez, cette loi-là a été adoptée le 4 mai, juste avant la campagne électorale en Ontario, et c'est une loi qui a des effets très pernicieux au Québec et qu'il faut dénoncer, et j'inviterais même mes collègues à le faire.

Parce que les effets de cette loi-là sont simples, la loi impose l'obligation pour tous les entrepreneurs et les travailleurs des territoires désignés de s'inscrire au Bureau de la protection des emplois avant de soumissionner pour des travaux de construction en Ontario ou de travailler sur les chantiers ontariens. Eh bien, le seul territoire désigné par le règlement de la loi est le territoire du Québec.

Il fait aussi une interdiction aux organismes du gouvernement et à ceux du secteur parapublic d'adjuger des contrats de travaux publics à des entrepreneurs domiciliés dans un territoire désigné et, encore une fois, le seul territoire désigné est le Québec. Il interdit aux camionneurs domiciliés dans un territoire désigné de transporter des agrégats entre deux localités de l'Ontario. Alors, vous voyez, encore...

Quand j'entendais tantôt le député de... – en tant que nouveau parlementaire, il m'arrive d'oublier les comtés – le député de Pontiac ramener le débat au simple fait que c'est la loi 142 qui aurait causé tous ces problèmes-là, eh bien, vous voyez, dans la loi, on voit qu'il y a d'autres problèmes. L'origine du problème actuel n'a rien à voir avec ce qui s'est passé pour la loi 142.

Et la dernière interdiction, en résumé, M. le Président, évidemment, comme le seul territoire est le Québec, ça a un effet discriminatoire qui est inacceptable. D'autant plus que, je vous dirais, dans le contexte actuel de libre-échange en Amérique du Nord, vous savez, c'est un précédent, l'Ontario, à ce moment-là, se fait justice à soi-même. Si les Américains et les autres pays membres des traités internationaux adoptaient la même attitude qu'a fait l'Ontario, je peux vous dire que c'est un dangereux précédent qui pourrait servir contre nous.

Alors, tout en étant conscient de la situation actuelle et qu'il faut la régler, tout l'ensemble des mesures, effectivement, et des rencontres, je suis convaincu qu'on va trouver une solution avec la bonne volonté de tous. J'inviterais quand même les parlementaires de cette Assemblée à dénoncer cette attitude-là qui n'a comme effet que de faire en sorte que les négociations sont plus ardues et qui prend en otage des gens qui n'ont rien à voir avec les problèmes actuels. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Chicoutimi. Maintenant, c'est aux gens... Il me semble qu'il y a des gens qui ont quelque chose à dire. Alors, M. le député de Chapleau, c'est à vous, vous avez la parole.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. J'aimerais dire d'emblée que j'ai été assez étonné d'entendre Mme la ministre souligner dans son exposé que l'Ontario ne s'était pas servi des mesures ou du processus de règlement des différends qui existent dans l'Accord sur le commerce intérieur.

Effectivement, l'Accord sur le commerce intérieur existe. Cet accord a été conclu entre les provinces canadiennes. Cet accord est en vigueur depuis 1995 et permet à toute province de se soumettre au processus de règlement des différends. Ce qui veut dire que le Québec aurait pu soumettre une plainte pour non respect de l'Accord sur le commerce intérieur et aurait pu faire en sorte qu'il y ait une adjudication, qu'il y ait une décision qui soit rendue, et, de cette façon-là, donc, aurait pu se protéger davantage par rapport aux initiatives ontariennes qui, comme il a été mentionné, sont non seulement regrettables, mais sont également déplorées par les députés de l'Outaouais.

Je dois vous dire qu'à mon avis, dans ce débat, il y a deux grands points qui nous préoccupent, nous, dans l'opposition officielle. Le premier, c'est l'importance que – puisque le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario ont opté pour la voie de la négociation – cette négociation-là aboutisse le plus tôt possible, parce que non seulement ça fait plus de huit mois que le conflit existe, mais au surplus les victimes sont nombreuses. Il y a des victimes et nous les rencontrons nous-mêmes régulièrement dans nos bureaux de comté. Il y a des gens qui souffrent de la situation actuelle.

J'aimerais également dire que le problème est constitué de trois composantes. Tout à l'heure, Mme la ministre a mentionné le problème des camionneurs en vrac. C'est un problème majeur. Elle a également renvoyé aux articles 7 et 8 de la loi 17 qui concernent l'impossibilité pour les entrepreneurs québécois de soumettre des soumissions pour des contrats dans le domaine des ouvrages de nature publique en Ontario, ou même des sous-contrats en Ontario. C'est un problème majeur.

(11 heures)

Mais je n'ai pas entendu Mme la ministre parler de la troisième caractéristique du problème, qui est le problème des travailleurs sans papier qui vivent au Québec, qui paient des impôts au Québec, qui vont travailler en Ontario et qui, depuis déjà plusieurs mois, se voient refuser l'accès au travail en Ontario dans les chantiers de construction qui y sont tenus.

Il est également important que la population de l'Outaouais soit au courant de l'état des négociations actuellement. Et, à cet égard, je demande à Mme la ministre de soumettre, pour le profit de cette Assemblée et de l'ensemble de la population de l'Outaouais, les propositions du 25 juin 1999 auxquelles elle vient tout juste de renvoyer, auxquelles elle vient tout juste de faire référence.

Il n'est pas normal, Mme la ministre, que ce soit un négociateur de Montréal qui négocie au nom de l'Outaouais. Il n'est pas normal que, alors qu'en mars dernier vous avez créé un comité de consultation constitué de gens de l'Outaouais, prétendument en vue de vous aider dans vos négociations avec l'Ontario, les membres de ce comité-là – des gens de l'Outaouais, je le répète – ne soient pas informés de l'état actuel des négociations qui se tiennent en vase clos et qui, vraisemblablement, ne traiteront pas de toute la dynamique du problème, ne traiteront pas de toutes les caractéristiques du problème. Entrepreneurs, travailleurs et camionneurs sont affectés, et les gens de l'Outaouais veulent savoir où nous en sommes rendus. Et l'une des façons de nous tenir informés, c'est par le dépôt des propositions du 25 juin 1999.

Je dois également mentionner ceci. Je dois mentionner que les gens de l'Outaouais sont craintifs – on doit comprendre leurs craintes – qu'il puisse y avoir éventuellement un règlement – quoique certains ne l'espèrent pas pour bientôt, puisque l'histoire récente nous apprend qu'on nous a promis maintes, maintes fois des règlements dans ce dossier qui ne sont pas survenus – mais que ce règlement-là ne couvre qu'une partie du problème et ne réponde pas aux besoins réels et spécifiques des gens de l'Outaouais. Et, bien entendu, ces craintes sont d'autant plus justifiées que, comme je l'ai dit – et je le répète – les gens de l'Outaouais ne sont pas impliqués dans le processus de négociation actuellement et ne sont pas non plus informés quant à l'état réel de ces négociations, ne sont pas informés quant à l'évolution du dossier.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Chapleau. Maintenant, je laisse la parole à Mme la ministre. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, une première remarque. On reproche au gouvernement d'avoir un négociateur originaire de Montréal. Je ne sais pas s'il faut passer un test quelconque pour être négociateur. Ça ne me semble pas une remarque très, très, très appropriée.

Des voix: ...

Mme Lemieux: M. le Président, est-ce que je peux m'exprimer?

Le Président (M. Bergeron): Allez, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci. Deuxièmement, le député de Chapleau indique que l'Ontario a au contraire utilisé les mécanismes. Écoutez. L'Ontario, oui, il lui est arrivé d'utiliser les mécanismes prévus notamment à l'Accord sur le commerce intérieur, mais il n'a pas utilisé les mécanismes prévus dans l'Entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre. C'est de ça que je parle. Je dis: Quand ça a glissé, en décembre dernier, l'Ontario est arrivé avec huit ou neuf nouveaux sujets qui ne nous avaient jamais été exposés avec un minimum de clarté et qui n'avaient surtout pas été soumis au comité bilatéral de cette entente. C'est ce que je dis. Je déplore que l'Ontario... Écoutez, une négociation d'une entente comme ça qui comprend un mécanisme de résolution de différends, c'est la moindre des choses, lorsqu'il y a une difficulté, d'utiliser ce mécanisme de différends. Et l'Ontario ne l'a pas fait.

Ceci étant dit, lorsque l'Ontario a déposé sa loi et adopté, par le fait même, je le rappelle, deux jours avant le déclenchement des élections en Ontario, la loi 17, nous avons par la suite déposé deux plaintes, deux plaintes, le 30 avril 1999, pour violation des dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur en matière de marché public et l'enclenchement des procédures de règlement de différends prévues à cet accord. Et, M. le Président, je me permettrais de déposer le contenu de ces plaintes.

Bon. Alors, les plaintes, elles ont été déposées, c'est clair. Mais il est vrai que nous avons convenu – parce que ça a suscité une certaine réaction de la part de l'Ontario – que, comme il y avait une possibilité de règlement, nous en suspendrions la mise en oeuvre. Ceci étant dit, les plaintes existent toujours, elles sont là, et ça prend 24 heures pour les réactiver. Mais, à ce moment-là, parce que, oui, nous avons cru...

Et là peut-être qu'on a fait trop confiance à l'Ontario, je ne le sais pas. Le Québec s'est positionné dans une attitude de bonne foi, a fait preuve de fermeté mais d'une certaine modération parce que, rappelons-nous, les esprits étaient au plus vif. Alors, il a été convenu de suspendre l'application de ces plaintes parce qu'il y avait une possibilité de règlement. On ne va quand même pas nous reprocher de vouloir régler sur une base volontaire un dossier comme celui-là. Mais, je le rappelle, ces plaintes-là existent.

Par ailleurs, le député de Chapleau m'indique qu'il y a peut-être une partie du problème que j'ignore. Eh bien non. Je sais très bien que ça a des effets sur les travailleurs, notamment les travailleurs du Québec qui travaillent en Ontario, et nous savons qu'il y a eu des incidents très malheureux il y a peu de temps, où des travailleurs de l'Ontario se sont fait sortir de chantiers de manière pas tellement civilisée ni élégante. Mais je dirais qu'il faut quand même bien circonscrire le problème. Je vous rappellerais que, malgré les affirmations de l'opposition – d'ailleurs, je vous demanderais de les documenter – les indications qu'on a actuellement, c'est qu'on aurait à peu près 2 000 travailleurs en cause, et non pas 5 000. Mais, écoutez, si les députés de l'opposition ont d'autres données, qu'ils me les livrent. Pas les affaires écrites dans le journal. Si on est moindrement documenté, moi, je suis prête à...

Une voix: ...

Mme Lemieux: Non, je n'accuse pas de mentir. Je dis: Si vous avez d'autres sources d'information, on va les mettre en commun. Mais, nous, on évalue actuellement qu'il y a un potentiel d'à peu près 2 000. Et, quand on regarde les sources mêmes de l'Ontario, du bureau de révision, j'oublie le nom, là, le Bureau de protection de l'emploi en Ontario qui a été mis en place suite à la loi 17, les sources mêmes de ce Bureau-là nous disent qu'il y a à peu près 1 500 travailleurs de la construction québécois qui ont régularisé leur situation – alors, tant mieux, il faut se réjouir de ça, il n'y a pas des problèmes pour tout le monde – et qu'il y en aurait à peu près 200 qui auraient été expulsés en début octobre. Et là je vous rappelle aussi que c'est un geste très grave et dommageable mais qui est posé par l'Ontario.

Je termine en disant que l'entente du 25 juin, elle existe, ce n'est pas un rêve. Et vous allez comprendre que – et ça a été une entente aussi entre les deux provinces – on ne va pas la diffuser à ce moment-ci. Je pense que, dans les prochains jours, d'autres décisions pourront être prises mais pas à ce moment-ci.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je laisse la parole à la députée de Crémazie. Mme la députée.


Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. Je voudrais parler quelques instants, justement, au sujet des travaux d'agrandissement du Casino de Hull. Plusieurs de mes collègues ou le député de Hull y ont fait référence tantôt. Effectivement, le Casino de Hull a présentement un projet d'agrandissement d'une somme d'environ 200 000 000 $. Ça comprendrait un hôtel, centre de congrès, salle de spectacles, etc. Et tout ça est géré par Casiloc qui est responsable de la construction et de la gestion des immeubles pour Loto-Québec, pour la société d'État.

Loto-Québec, en accord avec l'Accord de libéralisation des marchés du Québec et de l'Ontario, est exclue d'une annexe, l'annexe B. Au contraire, elle est soumise aux lois et règlements pertinents au Québec, c'est-à-dire qu'elle doit... En fait, en fin de compte, c'est que la seule règle qui s'applique à la société d'État, c'est la politique d'achat du gouvernement, qui énumère un certain nombre de règles en matière d'achats, dont une qui précise que seules les entreprises du Québec peuvent soumissionner pour des contrats gouvernementaux.

Le premier appel d'offres qui a été fait en septembre dernier, dont les détails ont été publiés dans un quotidien de l'Outaouais en septembre dernier, portait sur deux items, et c'était aussi un appel d'offres qui était quand même préliminaire. Pour certains travaux, soit la gérance de construction, pour les études préparatoires et... possibilité que la Casiloc confie à une firme le mandat de gérance de ces travaux-là et, effectivement, que seulement les firmes ayant leur principale place d'affaires au Québec pouvaient soumissionner. Il y avait aussi un autre item, c'étaient les services professionnels. Et ça, M. le Président, j'aimerais rappeler que les services professionnels, autant au Québec qu'ailleurs au Canada, sont exclus de ces accords-là. Donc, à ce moment-là, il n'y a rien qu'on leur fait de spécial ici en ne demandant que des firmes qui font affaires au Québec.

(11 h 10)

Ces travaux-là du premier appel d'offres ne totalisent que 10 000 000 $ sur le montant total du projet. Donc, comme Mme la ministre l'a indiqué tantôt et aussi dans des communiqués de presse émis par le premier ministre, il y aura éventuellement un deuxième appel d'offres pour ce qui est de la balance des travaux de ce projet-là et possiblement que, s'il y a entente, on pourra ouvrir aux entrepreneurs ontariens. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que ce serait seulement pour le chantier des travaux d'agrandissement du Casino de Hull et non pour tous les chantiers de toutes les sociétés d'État québécoises, contrairement à ce que le ministre ontarien a affirmé dans son communiqué de presse d'il y a deux jours à l'effet que le Québec avait accédé à la demande de l'Ontario, lui garantissait l'accès aux futurs contrats de construction pour le Casino de Hull et que, également, le Québec avait accepté que tous les appels d'offres de toutes les sociétés d'État québécoises soient proposés également aux entreprises de l'Ontario.

Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que c'était un appel d'offres préliminaire, comme je le disais. Éventuellement, selon le résultat – comme on disait tantôt – des rencontres de la semaine prochaine, peut-être y aura-t-il entente. Et à ce moment-là effectivement le dossier du Casino de Hull, comme Mme la ministre l'a précisé, fait en fin de compte partie de cette entente-là. Mais ce qu'il faut comprendre et se rappeler: ce n'est que le chantier du Casino qui sera concerné pour l'ouverture aux entrepreneurs ontariens.

Donc, c'était aussi précisé et ce n'est pas nouveau, ce fait-là. Le premier ministre avait clairement indiqué à son vis-à-vis ontarien que seulement le Casino de Hull était concerné et aussi depuis plusieurs semaines sinon plusieurs mois. Donc, ce n'est pas un fait nouveau. Les gens pourront venir travailler et soumissionner évidemment seulement si, et seulement si, il y a une entente qui pourrait possiblement être réglée la semaine prochaine. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la députée de Crémazie. Maintenant, je laisserais la parole au député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: M. le Président, c'est avec impatience que je voulais pouvoir féliciter mes collègues de Crémazie et de Chicoutimi d'essayer de défendre les comtés ou les cas ou le problème de la mobilité des travailleurs sur le dos des gens de l'Outaouais.

Je ne sais pas si vous avez déjà visité l'Outaouais, mais je vous invite à venir visiter et voir vraiment c'est quoi, le problème qu'on a chez nous avec la mobilité des travailleurs. Moi, ça fait 10 ans ici que je suis à Québec comme député, et, depuis 10 ans, le gouvernement, quand on était au pouvoir, nous avons réglé le problème une fois pour toutes en 1994 par une signature avec Gérald Tremblay et le gouvernement de l'Ontario du temps.

Ça a été, comme mon collègue de Pontiac disait tantôt, complètement scrapé après l'élection de 1994 pour causer tous les problèmes dans lesquels on est aujourd'hui. Et, quand on parle des travailleurs de l'Ontario, il faudrait peut-être demander au député Jean-Marc Lalonde, député libéral de l'opposition, qui a probablement aidé à faire – excusez l'expression – sauter le dossier parce qu'il y avait des gens de l'Ontario qui ne pouvaient pas travailler sur le côté du Québec.

Que répond-on à M. et Mme Monette qui – vous ne le voyez pas de près – sont au bord des larmes parce qu'ils ne peuvent pas travailler du côté de l'Ontario pour toutes sortes de raisons? On répond quoi à M. Caron qui est en haut ici qui ne peut pas avoir sa carte de compétence qu'il essaie depuis nombre d'années... Prochainement, j'espère qu'on va pouvoir déposer une loi pour aider ces gens-là à obtenir une carte. C'est ça, le vrai problème.

On peut dire qu'il y a eu des comités. Puis je vais le nommer, puis je l'ai dit du début, puis je dis au député de Chicoutimi: Nous l'avons condamnée, la loi 17, nous. On est sorti le lendemain – on a les articles ici – les cinq députés. On a dit non à cette loi-là. On l'a dit au gouvernement. Le ministre Stockwell, je ne sais pas si Mme Lemieux lui a parlé dernièrement, mais, moi, ça fait quatre ou cinq fois que je lui parle depuis une semaine pour savoir qu'est-ce qui se passe dans le dossier. Hier, on est sorti contre une lettre de Lucien Bouchard. Je l'ai, la lettre, puis je demanderais l'opportunité de pouvoir la déposer ici, la lettre que M. Bouchard a envoyée au premier ministre de l'Ontario, M. Harris, le 25 octobre.

Tout le monde dit la même chose. On est tous d'accord pour signer l'entente, puis là, parce que M. Stockwell a dit qu'il était content, lui, que finalement il y aurait une entente puis il y aurait des négociations, M. Bouchard – pas la ministre du Travail, M. Bouchard – a condamné la sortie de M. Stockwell. C'est de la petite politique sur le dos des gens de l'Outaouais.

L'Outaouais, il faut la connaître. Nous, nous sommes très fiers de dire que nous sommes d'une région qui s'appelle l'Outaouais et qui a comme voisins les gens de l'Ontario. Des gens qui travaillent sur notre côté, des gens chez nous qui travaillent de l'autre côté, en Ontario, il n'y en a pas juste dans la construction. Il y a au-delà de 50 000 personnes de l'Outaouais qui travaillent aux gouvernements soit de l'Ontario soit du fédéral. Ce n'est pas les chiffres exacts, mais c'est sûrement près de ça.

Ça fait 30 ans que ça dure. Les gens commencent à être essoufflés, carrément. Les gens de l'Outaouais ont une fierté extraordinaire du côté de la construction. Vous avez connu les débats que les gens d'ADAT ont faits dernièrement, dont le président qui est présent ici aujourd'hui. Écoutez, on doit se réunir, on doit se rencontrer. Depuis le mois de février que, nous, les cinq députés de l'Outaouais, on demande d'éliminer ça, ces barrières-là, puis de laisser les gens travailler. Les gens de l'Outaouais hier soir, à la télévision, aux nouvelles, on remarquait des travailleurs du Québec qui travaillaient dans une ville, Arnprior, en Ontario, qui travaillaient avec leur carte mais qui travaillaient pour les gens de l'Ontario, parce qu'on doit dire la fierté, le professionnalisme, la qualité de nos travailleurs. C'est important, ça, il faut le mentionner, la qualité des travailleurs du Québec qui travaillent en Ontario.

On parle de toutes sortes de statistiques. Je peux vous en donner si vous voulez: 1 678 travailleurs qui sont enregistrés du côté de l'Ontario – je les ai, les vrais chiffres ici – il y en a un autre 2 000 ou 3 000 qui ne peuvent pas aller s'enregistrer parce qu'ils n'ont pas leur carte du Québec. C'est aussi clair que ça. On a deux exemples ici, en haut. On a même un contracteur de l'Ontario qui s'est déplacé pour venir parce qu'il a peur que ça empêche les gens aussi de l'Ontario de pouvoir travailler. Quand on veut empêcher les gens de travailler, là, bien, ça fait mal en sacrifice. Il faut lâcher...

Moi, là, quand on me parle d'ententes puis qu'on me parle de lois puis qu'on me parle de toutes sortes d'affaires mais qu'on ne parle pas des vrais travailleurs et travailleuses qui travaillent au Québec, qui travaillent en Ontario, puis qu'on met ça de côté, puis qu'on ne veut pas régler l'entente... En tout cas, moi, si j'étais de l'autre côté, ça ferait longtemps que ça serait réglé. C'est les deux ministres qui auraient dû s'asseoir à leur table. C'est les deux ministres qui auraient dû s'asseoir ensemble pour régler ce dossier-là, pas le négociateur de Montréal ni le négociateur de l'Ontario. C'est ces gens-là. Maintenant, qui est rendu qui négocie ça? C'est le premier ministre de l'Ontario puis le premier ministre du Québec. Alors, on s'en va où?

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Papineau. Alors, je laisse la parole à Mme la ministre. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que les remarques du député de Papineau appellent à différents commentaires. D'abord, il a évoqué plusieurs chiffres. Moi, j'apprécierais beaucoup qu'il les dépose. Je réitère que, nous, les informations qu'on a nous amènent à certains chiffres quant aux travailleurs concernés. C'est extrêmement difficile à documenter. Et c'est aussi extrêmement dangereux de dire n'importe quoi et de gonfler les chiffres pour donner de l'importance à son plaidoyer.

Alors, si le député de Papineau a des données, moi, je veux qu'on les partage. Nous, on a nos sources, on a les sources ontariennes. On essaie de mettre ça en relation. On essaie de bien cerner les problèmes. Puis, pour bien cerner les problèmes, il faut en général avoir les chiffres les plus sécures, si je peux m'exprimer, possible. Écoutez, il y a là une question de rigueur. Vous avez l'air à hésiter à les déposer, les chiffres. Voulez-vous les déposer?

Des voix: ...

Mme Lemieux: Bon, alors, voilà.

Des voix: ...

Le Président (M. Bergeron): Oui, Mme la ministre, s'il vous plaît. Mme la ministre, vous pouvez continuer.

Une voix: ...travailleurs. Ça, c'est les bons chiffres.

Mme Lemieux: M. le Président...

Le Président (M. Bergeron): S'il vous plaît!

Mme Lemieux: Est-ce que je peux m'exprimer?

Des voix: ...

Le Président (M. Bergeron): S'il vous plaît!

Mme Lemieux: Est-ce qu'on peut s'adresser aussi à moi un petit peu plus correctement?

Le Président (M. Bergeron): M. le député de Papineau.

Mme Lemieux: M. le Président, je ne sais pas si les députés de l'opposition sont bien énervés du fait que ce soit une femme qui s'occupe du secteur de la construction. C'est-u ça, le problème ici, là? C'est-u ça, le problème ici, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Voyons donc! Voyons donc!

Le Président (M. Bergeron): Alors, nous allons revenir à nos préoccupations. Et si vous voulez continuer, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, l'autre commentaire que ça appelle aussi, c'est que je rappelle que – et ça je me souviens spécifiquement – au printemps, lorsque le dossier était particulièrement inquiétant, j'avais demandé à la Commission de la construction du Québec de faire – je pense que les députés de l'opposition connaissent aussi bien ce système que moi, je vais le dire avec des raccourcis – du ménage dans les bassins parce que c'est la porte d'entrée du système, et je voulais m'assurer que l'espace qui allait être occupé était disponible.

(11 h 20)

Donc, il y a eu, au printemps dernier, vraiment une vérification très méticuleuse de la part de la CCQ dans le but d'ouvrir les bassins. Alors, il y a donc eu, dans le cadre de cette opération-là, 1 800 postes qui ont été ouverts, qui étaient disponibles pour les travailleurs de différents métiers, que ce soit électriciens, ferrailleurs, plâtriers, etc., dont 509 postes de manoeuvres où là les exigences quant à la qualification sont à peu près nulles.

Et curieusement – et ça, c'est pour ça que je trouve ça important qu'on documente bien les choses, parce que j'avais vraiment le sentiment que, si on ouvrait les bassins correctement, on créait de l'espace pour des travailleurs puis on leur permettait de travailler – il n'y a eu que 592 personnes qui se sont enregistrées dans le cadre de cette opération-là. Alors, là, il y a un phénomène qu'il nous faudra comprendre, mais il y avait un potentiel de près de 2 000 postes et il y en a un peu moins de 600 qui se sont enregistrées dans le cadre de cette opération-là qui a duré quatre mois, donc à peu près 30 % des postes où il y a eu des enregistrements. Alors, c'est un peu troublant, d'autant plus qu'il y avait un effort particulier pour les journaliers un peu moins spécialisés, où on demande moins de qualifications. Alors, là, il y a quelque chose, une opération qui a été faite, je pense, très correctement mais qui n'a pas donné tous les résultats qu'on aurait pu imaginer.

L'autre préoccupation, aussi, que je voudrais partager, quand j'entends les députés de l'opposition: je suis vraiment désolée que tout ce que l'opposition en tire, c'est comme si la mauvaise foi avait été exprimée du côté du Québec. Et, très honnêtement, je trouve que c'est injuste, et que c'est faux, et que le Québec – d'ailleurs vous pouvez nous le reprocher – a fait preuve à la fois d'un heureux dosage de fermeté et d'ouverture, on a donné des signes très clairs que nous étions prêts à régler. Quand on règle des dossiers comme ça, tout le monde doit faire des compromis, il y a certains compromis sur lesquels on s'est avancé, on n'a jamais refusé la moindre possibilité de résoudre des éléments plus particuliers. Alors, moi, je trouve que c'est très dommage de laisser croire que la mauvaise foi s'est exprimée du côté du Québec.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Avant de continuer, je rappelle à tous les parlementaires présents le devoir de civisme et de bienséance et, en même temps, que vous vous adressez à la présidence. Pour continuer, M. le député de Chicoutimi, vous avez la parole.


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. J'espère que le fait de venir de Chicoutimi n'atténue pas mes propos, de venir du comté de Chicoutimi plutôt que de l'Outaouais. Vous savez, je suis un Québécois et je suis solidaire de tous les Québécois, qu'ils viennent de n'importe quelle région. Je viens d'une région, alors ceux qui viennent de toutes les régions, vous savez, et pour avoir fait... Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, là, mais je trouve ça malheureux qu'on tienne de tels propos. Souvent, d'ailleurs, les gens des régions ont tendance à bien s'entendre ensemble et à partager les mêmes préoccupations. Et je peux vous dire que le sort des familles qui vivent au Québec, en Outaouais, et qui sont victimes de la situation actuelle... On est solidaire avec eux et on tente de trouver des solutions.

Des voix: ...

M. Bédard: Ça pourrait être, effectivement, des familles de notre région ou de toutes les régions du Québec. Et je crois que, comme Québécois, nous sommes solidaires, et, comme député du gouvernement du Québec, je suis solidaire avec eux.

Et tout ça pour dire, aussi... pour reprendre les propos un peu de la ministre qui faisait état que la situation actuelle n'est pas due au comportement du gouvernement du Québec. Ce qui est arrivé, c'est arrivé sous forme de provocation du gouvernement de l'Ontario qui est arrivé avec des demandes au mois de décembre qui n'avaient jamais été proposées ou abordées et il est arrivé avec un ultimatum, tout simplement, à la veille d'une campagne électorale. Vous savez, si on déduit de cette attitude qu'elle s'est faite de bonne foi, eh bien, vous me permettrez d'y apporter certains bémols.

Mais, par la suite, le gouvernement a agi et a agi à plusieurs reprises. Vous savez, j'ai compté: entre le mois de janvier 1999 et le mois de mars, il y a eu tout près de 13 rencontres entre soit les négociateurs, le comité qui a été mis en place, soit les sous-ministres, alors c'est 13 rencontres. Et déjà ce qu'on sait, c'est que les discussions avançaient. Et qu'est-ce qu'on a eu comme réponse de l'Ontario à ce moment-là? C'est simplement de déposer le projet de loi et finalement de l'adopter le 4 mai. Alors, je peux vous dire que, comme attitude constructive, là, on repassera.

Par contre le Québec, lui, ne s'est pas pris dans cette enflure de mesures et d'escalades, il a plutôt déposé effectivement la plainte. Il y a une plainte qui a été déposée au niveau du Bureau, pour pratique illégale, au Bureau du commerce intérieur pour violation de l'entente, effectivement. Mais, par la suite, on n'a pas donné suite à la plainte pour dire: Oui, nous, nous sommes de bonne foi et nous voulons arriver à une entente. Même – on en faisait état tantôt – concernant les travaux du Casino de Hull, à ce moment-là le Québec a proposé effectivement, le 25 juin, que ces travaux soient inclus, qu'on l'offre évidemment à tous les entrepreneurs y compris de l'Ontario. Alors, comme preuve de bonne foi, je peux vous dire qu'on ne peut pas demander plus.

Or, les réactions qu'on a de l'Ontario suite à ça, il y a eu d'autres rencontres qui ont suivi l'adoption de la loi, le 4 mai, qui a mené finalement... Plusieurs rencontres se sont déroulées pendant la période estivale et, finalement, on rompt les négociations alors qu'il y a eu plusieurs avancements dans les discussions. Parce que le problème, il n'est pas simple, M. le Président. Il y a divers aspects qui sont abordés, et qui sont très techniques, et qui demandent beaucoup d'interventions et, je vous dirais, de mesurer les impacts que ça peut avoir au Québec comme en Ontario.

Il y a certains aspects, là, que je vais vous nommer un peu ici qui font l'objet de discussions, soit: la reconnaissance d'un nombre accru de métiers appareillés, la reconnaissance par le Québec de travailleurs sans certificat – alors, c'est en discussion, c'est des sujets qui sont en discussion – ainsi, il y a aussi les travaux de construction spécialisés, le remboursement des droits et des frais de délivrance de la licence d'entrepreneur de construction, l'accès à la main-d'oeuvre syndiquée à des chantiers de construction, il y a aussi toute la question des permis municipaux. Parce que, M. le Président, vous savez, en Ontario, il y a les règles évidemment qu'adopte le gouvernement de l'Ontario, mais il y a aussi les règles que peuvent adopter certaines municipalités qui peuvent empêcher, effectivement, des constructeurs autres que ceux de la province de l'Ontario de soumissionner. Et je peux me tromper, mais je crois que c'est le cas, entre autres, de la ville d'Ottawa.

Alors, vous savez, ce sont des problèmes qui sont d'une nature telle que ça implique plusieurs intervenants, et je crois que, pour tous les citoyens et tous les travailleurs du Québec, il est important d'en arriver à une entente sur tous ces sujets de façon à ce que ces travailleurs-là soient protégés pour l'avenir aussi et qu'ils puissent aller travailler en Ontario.

Alors, la situation qui perdure est malheureuse pour ces travailleurs-là et je compatis avec eux, et je peux vous dire qu'il y a des députés de l'endroit qui rencontrent ces gens-là et je compatis avec eux, on a chacun nos difficultés. Je suis convaincu qu'on va arriver à une entente rapidement, mais il faut comprendre aussi toute la dynamique qui est en branle. Alors, je suis confiant. Je sais qu'il y a des rencontres prochainement et je suis confiant qu'on arrive à une entente qui va satisfaire les deux parties. Merci, M. le Président.

(11 h 30)

Le Président (M. Bergeron): Et je suis conscient que je vous ai donné 25 secondes de plus. Merci, M. le député de Chicoutimi. Alors, la parole est maintenant au député de Pontiac, qui piaffe d'impatience. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, dans ce dossier, il me semble qu'il faut retourner au tout début. La première question que la ministre a reçue du côté de l'opposition, concernant les travailleurs de la construction, les premières choses qu'elle nous a dites: Ils ne sont pas qualifiés. Ces gens-là, en Ontario, ne sont pas qualifiés. On a été obligé de le lui répéter quatre ou cinq fois avant qu'elle enlève les mots «qualifiés» «non qualifiés» de son vocabulaire.

M. le Président, croyez-vous que des travailleurs de la construction qui ont travaillé cinq ans, 16 ans pour des entrepreneurs en Ontario, que l'entrepreneur en Ontario aurait gardé ces gens-là dans l'entreprise s'ils avaient été incompétents? Je pense que c'est là... La preuve d'un bon travailleur, M. le Président, ce n'est pas d'avoir une carte de la CCQ, c'est de voir comment il exécute son travail. C'est un peu comme un ministre. C'est un peu comme un député. Est-ce que ces personnes-là rendent justice? Est-ce qu'ils s'occupent de leur monde? Bien, M. le Président, lorsqu'on commence à dire que les gens du Québec qui travaillent en Ontario, ils ne sont pas assez compétents pour avoir la carte de la CCQ, ça commence mal, M. le Président. Ça commence mal, ça.

Et tantôt elle mentionnait, Mme la ministre: On a ouvert des postes au Québec, mais il n'y avait pas preneurs. Mais est-ce qu'il n'y avait pas une condition, Mme la ministre, que ça soit un employeur du Québec qui engage ces gens-là, pendant que ces gens-là avaient des employeurs en Ontario? Si on avait ouvert ça, comme on vous l'avait suggéré, les cinq députés de l'Outaouais, d'ouvrir les bassins... Oui, si on l'avait fait... Oui, vous les avez ouverts, à une condition, madame, qu'il y ait un entrepreneur du Québec qui les engage. Il n'y avait pas d'ouvrage, madame. Oh! oui, oui, oui. Souvent, j'ai fait affaire avec M. Chartrand de la CCQ et on disait: Oui, il faut que ça soit un entrepreneur du Québec. Donc, ça, il me semble que des demi-vérités, il ne faut pas dire ça. Il y en aurait plus que les 2 000, il y en aurait bien plus que les 2 000.

Vous voyez, M. le Président, qu'on suit les dossiers. J'ai travaillé tout l'été sur ça, moi, et on l'a suggéré. Est-ce qu'on n'aurait pas pu utiliser une attestation d'expérience, comme on a fait dans la CCQ depuis nombre d'années. Il y a des gens aujourd'hui qui ont leur carte de la CCQ parce qu'ils ont eu une attestation d'expérience. Pourquoi on ne fait pas ça, puis pourquoi on n'a pas trouvé une façon que les gens du Québec qui ne peuvent plus travailler en Ontario... pourquoi on n'a pas trouvé un moyen de leur donner une carte pour qu'ils puissent aller travailler en Ontario?

Là, peut-être que les chiffres de gens qui travaillent en Ontario et qui demeurent au Québec seraient différents. C'est tout ce qu'on demande, ça, d'aider la situation. Mais qu'est-ce qu'on nous a dit: Ah! premièrement, ils ne sont pas compétents; deuxièmement, si on leur donne des cartes puis il y a moins d'ouvrage au Québec, à ce moment-là, bien, il va y avoir plus de chômeurs. Bien, il me semble, M. le Président, que, si on se basait sur la compétence des gens, c'est les plus compétents, les plus travaillants qui auraient un emploi. Il me semble qu'il est grandement temps qu'on arrive à ça.

Nous autres, les députés, ici, là, pour être élus, de quoi on a besoin? On a besoin d'être choisi par le parti politique qu'on représente et aussi que la population vote pour nous autres. Est-ce qu'on ne pourrait pas arriver, à un moment donné, en s'assurant que les travailleurs de la construction, ils sont compétents, ils sont qualifiés... Et laisser au bon jugement du consommateur, de la population de dire: M. Untel, c'est un bon électricien. Premièrement, électricien, il faut qu'il ait son certificat. M. Untel, c'est un bon ouvrier. Est-ce qu'on ne peut pas arriver à ça, un jour, au lieu de se donner un prétexte d'une carte de compétence qui réellement... Plutôt une clause de séniorité, plutôt ça.

Et c'est ça qu'on reproche peut-être à la ministre, que d'avoir dès le début dit que ces gens-là, parce qu'ils travaillaient en Ontario, n'avaient pas les compétences du Québec, on n'était pas pour diluer la qualité des travailleurs du Québec. Mme la ministre devrait réellement savoir que le consommateur ou l'employeur va seulement prendre les gens qui sont compétents. Et qu'on s'assure de ça, qu'on s'assure que la personne est qualifiée, et après ça, M. le Président, laissons au bon jugement de la population de choisir leurs travailleurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Merci de votre concision, M. le député de Pontiac. Maintenant, la parole est à vous, Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je vous remercie. Écoutez, je suis très consciente que les difficultés qu'il y a eu à résoudre correctement ce qui a été soulevé par l'Ontario dans des délais raisonnables a provoqué toutes sortes d'autres questions. En d'autres mots, on a le débat autour de l'entente de la mobilité de la main-d'oeuvre avec l'Ontario, mais ça fait ressortir d'autres questions, dont la question que le député de Pontiac vient de soulever.

En fait, toute cette question-là, de l'entente de la mobilité, a fait ressortir les difficultés, donc, des travailleurs québécois qui oeuvraient habituellement en Ontario. Évidemment, ces difficultés-là ont été accentuées parce qu'il y a eu l'effet de la loi, la loi 17. M. le Président, je rappellerai au député de Pontiac que c'est la loi 17 aussi qui a provoqué l'émergence de difficultés plus accentuées par rapport à ces réalités-là. Bon.

Alors, on a aussi vu des préoccupations qui ont été exprimées par rapport à des travailleurs qui oeuvrent au Québec mais dans une région frontalière, mais qui ne sont pas... Donc, ce que je veux dire, c'est que, oui, il y a des difficultés avec cette entente-là, sur la main-d'oeuvre, mais les députés de l'opposition de la région de l'Outaouais soulèvent aussi d'autres types de questions qui ont davantage rapport au système que nous avons qui encadre le secteur de la construction.

Dans les choses que je veux mettre au clair, je l'ai dit tout à l'heure, moi, je pense qu'on doit tirer nos travailleurs et travailleuses vers le haut. Et on a un système qui heureusement fait en sorte que nos gens sont de plus en plus formés. On a un système de reconnaissance de l'expérience. Nos éléments majeurs, c'est la formation, c'est l'apprentissage. On a quand même mis ça en place.

On a aussi un secteur qui s'est beaucoup apaisé. Le secteur de la construction a connu des drames extrêmement importants dans l'histoire. On a un secteur qui est beaucoup mieux pris en charge, et de manière paritaire. Moi, j'ai vu le renouvellement de certaines conventions dans certains secteurs dernièrement et je vais vous dire que c'est assez fascinant de voir que ça s'est fait correctement. Puis, je veux dire, l'époque où il y a eu des gestes extrêmement malheureux, elle est révolue. Alors, là, le député de Pontiac amène d'autres questions qui ont davantage rapport avec ça.

Moi, je ne veux pas, c'est clair... Je ne pense pas qu'il s'agit de remettre en cause les fondements, mais, ceci étant dit, le député de Pontiac sait pertinemment que j'ai manifesté une ouverture pour aborder ces questions-là. Cette ouverture-là, elle a été manifestée. Et vous allez me permettre de redéposer une lettre, qui a été signée par ma directrice-adjointe de cabinet, qui date de la mi-octobre. Le député de Pontiac sait qu'il y a une rencontre à la fin novembre à ce sujet-là et qu'on va commencer par le début. On va bien se comprendre, en termes d'information, on va essayer de bien cerner les problèmes. Mais le député de Pontiac sait que j'ai manifesté une ouverture. Alors, je trouve ça un peu désolant qu'il nous présente tout ça comme si on ne voulait rien faire.

On reconnaît, là, qu'il y a un noeud et qu'il faut trouver des manières de le dénouer. Puis notre défi, c'est de le faire en respectant quand même ce qu'on a construit depuis une bonne dizaine, une bonne quinzaine d'années. On peut trouver des manières modernes, on peut être imaginatif, je n'ai pas d'objections, mais il faudra aussi s'assurer qu'on n'est pas en train de se faire écraser toute une organisation qui a pris du temps à se construire, une organisation qui a mené à une certaine paix dans ce secteur-là. Mais l'ouverture, et je tiens à déposer cette lettre, elle a été manifestée clairement de ma part. Alors, je veux rassurer le député de Pontiac à ce sujet-là.

Mais ça ne change pas. Ce n'est pas parce qu'il y a un élément un peu plus litigieux qui apparaît dans ce que le député de Pontiac décrit comme situation problématique que ça change l'issue du litige et l'attitude que le Québec doit avoir dans ce litige avec l'Ontario. Et ça ne nous dispense pas, comme gouvernement du Québec, de trouver des solutions intelligentes que nous n'allons pas regretter pour la suite des choses. Nous sommes des voisins avec l'Ontario, nous devons être à la fois ouverts, mais aussi fermes sur un certain nombre de choses que nous voulons préserver.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je laisserais la parole au député de Chicoutimi. M. le député.

Une voix: ...


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Non. Effectivement, non. Je vais reprendre un peu sur les propos de la ministre, parce que j'entendais le député de Pontiac remettre en cause un peu le système actuel. Moi, ça me surprend un peu parce que le débat actuellement n'est pas sur ça. Je crois que d'ailleurs cette interpellation a servi pour informer la population sur ce qui se déroule actuellement et sur les différents échanges et sur les négociations actuelles qui se déroulent entre le Québec et l'Ontario. Et je crois que la population effectivement doit être informée.

(11 h 40)

Par contre, vous savez, la situation qui se vit auprès des travailleurs... Il y a deux problèmes qui se vivent en Outaouais par rapport aux travailleurs de la construction. Il y a ceux qui sont victimes de la situation actuelle. On parle d'environ 2 200 travailleurs de la construction qui vont travailler en Ontario sur les chantiers de construction et on parle, à ce moment-là... Il y a une mesure qui a été prise par le gouvernement ontarien à l'effet... On a même exclu 200 personnes de ces chantiers dernièrement, et on parle d'entre 500 et 700 avis de non-conformité qui auraient été émis à ce moment-là.

Deuxièmement, il y a la situation aussi vécue par les travailleurs. Vous savez, on la vit un peu dans toutes les régions du Québec où certaines personnes voudraient effectivement travailler sur la construction mais n'ont pas à ce moment-là les cartes de compétence. On connaît actuellement le système québécois. Et je crois que ses résultats, tant au niveau de la compétence qui a été dégagée mais aussi de la formation de nos travailleurs... C'est un système qui effectivement est particulier mais, je vous dirais, M. le Président, qui est aussi envié. Et ce n'est pas pour rien qu'on a reçu effectivement une reconnaissance pour dire que nos travailleurs ici, au Québec, de la construction sont des gens qui sont formés.

Ceci n'empêche pas qu'il ne faut... rien faire dans la région de l'Outaouais. Effectivement, s'il y a des gens qualifiés... Et on peut même trouver des solutions pour faire en sorte... Il y a effectivement un comité qui a été formé avec les gens d'une MRC, la MRC de Pontiac je crois, pour faire en sorte de trouver des solutions à ces travailleurs-là. Mais ça, c'est, je vous le souligne, M. le Président, un autre problème avec la dynamique qu'on vit et les problèmes qu'on a actuellement avec l'Ontario dans l'industrie de la construction. Et je suis convaincu que, avec les gens en place, avec l'aide de nos collègues de l'autre côté ainsi que les gens du ministère et de la Régie du bâtiment, nous trouverons une solution à ces travailleurs. Et c'est très important. D'ailleurs, c'est les problèmes qu'on vit un peu partout dans chacune de nos régions. Je crois que c'est important pour les familles et pour ces gens-là de leur trouver des emplois pour qu'ils puissent effectivement gagner leur vie comme toute personne au Québec.

J'aimerais aussi revenir sur la loi 17. Vous savez, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre que l'Ontario adopte une telle attitude. Et je sais que mes collègues l'ont dénoncée, mais je les invite à le refaire et à informer la population des mesures qui ont été prises par l'Ontario et de les informer – j'imagine qu'aujourd'hui ils ont eu beaucoup d'informations – pour voir toutes les démarches qui sont prises actuellement par le gouvernement du Québec et toutes les preuves de bonne foi qui sont offertes au gouvernement ontarien par le gouvernement du Québec. Je souhaite ardemment que ces ouvertures qui sont consenties puissent mener à une entente. Et j'espère que nos collègues effectivement en informeront leur population, et ceux qui sont à l'écoute aujourd'hui, je souhaite évidemment qu'ils seront informés que c'est un problème qui tient à coeur tant à la ministre qu'à tous les députés ministériels et que, si le gouvernement ontarien démontrait une même attitude, je vous dirais, d'ouverture et une attitude constructive, nous en serions déjà à une entente.

Et j'irais même jusqu'à dire – je vous dirais que j'y vais de façon posée – que, s'il n'y avait pas eu certains, disons, agendas électoraux, on n'en serait peut-être pas là actuellement. Et ça, c'est malheureux, je crois, que des populations soient à ce moment-là prises entre deux feux tout simplement – et qui n'ont rien à voir avec la situation actuelle – pour des motifs qui n'ont rien à voir avec le bien commun. Et on s'est servi de ce problème-là pour en faire un enjeu, et à des fins purement électoralistes.

Tout ça pour dire que, quand même, le gouvernement du Québec est dans une voie pour trouver des solutions. Il y a des rencontres. Je sais que la situation avance actuellement. On a même trouvé des terrains d'entente par rapport à certains aspects dont je vous mentionnais tantôt qu'ils font l'objet de discussions, et j'espère qu'à très court terme nous en arriverons à une entente avec le gouvernement ontarien. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de Chicoutimi. Pour cette partie du débat, il reste une dernière intervention avant que la ministre et le député interpellant viennent conclure. Alors, pour cette dernière intervention, le député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Là, on va revenir sur quelque chose que la ministre a dit. Elle est inquiète qu'on pense que c'est parce que c'est une femme que ça va mal. Moi, je veux la rassurer, là. Ce n'est pas parce que c'est une femme que ça va mal, c'est parce que la ministre n'est pas capable de régler ce dossier-là à cause de son incompétence. C'est pour ça qu'on n'a pas confiance dans la ministre, pas parce que c'est une femme. C'est parce que ça fait huit mois qu'elle a la chance de le régler, mais elle est incapable.

Puis là on va revenir sur des choses qui sont assez simples à comprendre, mais malheureusement le côté ministériel ne les comprend pas. Ça suffit de blâmer l'Ontario, ça suffit de blâmer les autres, ça suffit de blâmer Ottawa et les méchants Anglais. La loi 17, en préambule, fait état d'une chose assez simple. Cette loi a été adoptée en mesure de représailles à cause du traitement des travailleurs ontariens au Québec. C'est pour ça qu'elle a été adoptée.

Au moment de la loi, il y avait trois travailleurs ontariens qui travaillaient au Québec, pour un ratio de 18 travailleurs québécois qui travaillaient l'autre côté. Il y a deux raisons à ça, Mme la ministre, qui n'écoute pas présentement. Il y a deux raisons à ça. La première raison, c'est la faiblesse de l'économie du Québec. La deuxième raison, c'est à cause des barrières qui empêchent les travailleurs de venir travailler chez nous. Ce sont ces raisons-là qui ont poussé le gouvernement de l'Ontario à dire: C'est fini, la récréation, et le commerce, ça doit aller dans les deux sens. À ce moment-là, la loi 17 a été votée, loi qu'on a décriée. On l'a décriée pas parce qu'elle était comme ça dans les airs, mais on l'a décriée parce que c'est le résultat d'une inaction du gouvernement du Parti québécois.

Là, on nous dit: C'est épouvantable, le gouvernement de l'Ontario nous est arrivé par surprise. Ça fait 30 ans qu'on entend ça, M. le Président, ça fait 30 ans que la ministre entend ça, les revendications de l'Ontario. Et pourtant elle nous dit: Ils auraient dû faire appel à un mécanisme de résolution de conflits. Je vais lui rappeler que tantôt, lorsqu'elle nous exposait qu'elle avait porté plainte dans le cadre de l'Accord sur le commerce intérieur, ce qu'elle a oublié de dire, c'est que la plainte qu'elle a formulée, qu'elle a laissée lettre morte, c'est une plainte concernant les ouvrages publics. Elle n'a pas logé de plainte sur la mobilité des travailleurs. Si elle l'a fait, qu'elle la dépose. Elle est restée muette sur les travailleurs de l'Outaouais. Elle n'a pas voulu déposer de plainte, et on est à cette situation-là aujourd'hui. La ministre n'a pas déposé de plainte sur la mobilité des travailleurs. Si vous dites autrement, déposez votre plainte aujourd'hui, Mme le ministre, je vous y convoque.

Mais, dans le fond, là, on doit se demander, M. le Président, si dans toute cette affaire-là ça ne fait pas l'affaire du gouvernement du Québec d'avoir deux conséquences à son inaction. La première conséquence, c'est qu'on a des gens du Québec qui traversent et qui votent avec leurs pieds, qui traversent de l'autre côté pour aller gagner leur vie. Est-ce que ça ne fait pas l'affaire de la ministre et du gouvernement du Parti québécois en termes de conditions gagnantes pour un prochain référendum?

Et l'autre chose, est-ce que ça ne fait pas l'affaire de la ministre et de son gouvernement d'avoir encore une chicane avec les méchants Anglais, l'autre côté? Est-ce que ça ne remplit pas exactement le rôle qu'ils se sont donné de briser cette fédération, d'être seuls et maîtres à bord chez eux? Est-ce que ça ne joue pas exactement dans leur talle d'avoir une chicane avec le gouvernement de Mike Harris?

Sinon, qu'elle nous le dise qu'elle le règle, parce que là ça a assez duré. Ça fait maintenant huit mois que les travailleurs ont le couteau sur la gorge. Ça fait huit mois qu'ils sont dans l'incertitude. Ça fait huit mois qu'ils ne peuvent pas gagner leur vie à cause de l'incompétence de la ministre. Aujourd'hui, on lui donne la chance. Qu'elle se lève, qu'elle règle le dossier, qu'elle mette de l'eau dans son vin et qu'elle permette aux gens de l'Outaouais de gagner leur vie.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de l'opposition...

M. Pelletier (Chapleau): Est-ce que...

Le Président (M. Bergeron): Oui, c'est qu'il reste une minute et demie.

M. Pelletier (Chapleau): Je vais la prendre, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron): Pardon?

M. Pelletier (Chapleau): Je vais prendre la minute qu'il reste.

Le Président (M. Bergeron): Non, le temps n'est pas transférable. Est-ce que vous désirez utiliser la minute et quelques qui reste?

M. Cholette: Alors, on va lui laisser sa réponse. Prenez ma minute.

Le Président (M. Bergeron): Alors, le plus grand des mercis, M. le député de Hull. Alors, nous sommes rendus à la conclusion. Donc, selon le temps qui doit être imparti, 10 minutes ira à la ministre et M. le député de LaFontaine aura le dernier 10 minutes. Alors, Mme la ministre, vous avez 10 minutes.


Conclusions


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je pense que le député de Hull témoigne... Enfin, je pense que je ne ferai pas de commentaires sur l'attitude, finalement, en y repensant. Moi, écoutez, là, je suis ministre du Travail, c'est un dossier que j'aime énormément, qui est extrêmement difficile. Il y a une chose, je discute souvent avec des médiateurs, ceux qui ont arrêté des conflits de travail qui sont, en général, des situations lourdes de conséquences où il y a beaucoup de considérations humaines, et je leur dis souvent: N'oubliez jamais que les parties qui sont actuellement en conflit devront travailler ensemble après.

(11 h 50)

Moi, je suis consciente, je pourrais bien faire – je n'oserai pas qualifier la sortie que le député vient de faire, là – disons des éclats très virils de ce genre-là, mais nous ne devons jamais oublier que le Québec et l'Ontario, nous sommes des voisins. Et nous voulons tellement être voisins que nous essayons de convenir ensemble d'un certain nombre de règles du jeu que nous écrivons sous forme d'ententes ou autrement. Et ce n'est pas vrai que c'est à coups sur la gueule qu'on va régler ce voisinage-là.

Nous avions une entente en 1996 avec l'Ontario. Nous avons progressé, nous l'avons améliorée entre 1996 et maintenant. Malheureusement, pour toutes sortes de raisons, l'Ontario a fait part de récriminations, de revendications et elle n'a pas pris soin de le faire au bon endroit, si bien que c'est arrivé sur une scène où tout le monde a perdu le contrôle. Et ça met effectivement des gens dans une bien mauvaise situation, des entreprises aussi. On a réagi, je pense, avec le tact qu'il faut pour ce genre de chose là. Parce que, écoutez, si on va déposer une bombe nucléaire à chaque fois que l'autre, notre voisin, ne se comporte pas correctement, il n'y en aura plus, de voisinage.

Ce qui, j'avoue, me jette un peu à terre dans l'attitude particulièrement du député de Hull, c'est que le député de Hull prend partie pour le gouvernement qui viole des principes de base. On est dans un contexte de libre-échange, et le gouvernement de l'Ontario a adopté à son Parlement une loi qui contient des mesures de représailles contraires aux règles de non-discrimination qui sont contenues dans n'importe quel accord de libre-échange, qui décide, sur ses bases à lui, comme à l'époque des westerns, là, de se faire justice lui-même. Moi, j'aimerais bien savoir qui le député de Hull défend ici. Il prend partie pour ce gouvernement qui a fait ça.

Malgré ça... Parce que je vais avouer que le jour où on a vu apparaître la loi 17, là, j'imagine que personne ne peut croire qu'on était content. Et je suis une de celles qui étaient extrêmement en colère et heurtées de ce geste-là de l'Ontario. On respire, on prend sur nous puis on dit: Bon, comment on va essayer de se sortir de cette situation-là?

Alors, on a agi dignement – ce qui est tout à fait le contraire de mes vis-à-vis – malgré le fait qu'il aurait été tentant, très tentant de faire des manoeuvres aussi dommageables et indignes que ce que le gouvernement de l'Ontario a fait. Si bien que nous arrivons maintenant à la croisée des chemins. C'est clair qu'on est à la croisée des chemins. Et les interventions du ministre du Travail de l'Ontario la semaine dernière, bon, nous ont entraînés dans toute une confusion, mais finalement ça donne le signe suivant, et ça, je tiens à le dire: L'objectif, ce n'est pas de reprendre... Enfin, ce n'est pas ce type de vocabulaire là qu'il faut utiliser pour désigner la prochaine étape qu'il faut franchir. L'objectif, ce n'est pas de reprendre les négociations, les négociations ont eu lieu. L'objectif, et c'est le sens de la rencontre qui aura lieu lundi prochain, c'est de conclure une entente. Et ce n'est pas vrai que nous allons conclure n'importe quoi.

Mon collègue de Chicoutimi, tantôt, a fait état d'un certain nombre de sujets qui ont été apportés par l'Ontario et par le Québec – parce que l'Ontario n'est pas blanc comme neige non plus dans ce dossier-là – et nous savons pertinemment que, pour la plupart de ces sujets-là, il y a eu négociations et il y a entente, sur deux éléments qu'il nous faut conclure de manière finale et correcte. Et je demeure persuadée que ma responsabilité, la responsabilité du gouvernement, c'est que ce règlement-là se fasse de manière équitable et pas sur le dos des Québécois et des Québécoises. Et je dirais qu'à ce moment-ci je suis aussi estomaquée de voir que la seule proposition concrète... À part le fait que j'ai dit au député de Pontiac tout à l'heure que, oui, il y a des questions à la marge qu'il nous faut dénouer, qui ne sont pas les questions en litige avec l'Ontario, mais je ne suis pas fermée à examiner d'autres questions dans ce dossier-là de la construction.

Mais la seule proposition concrète qui vient de l'opposition, c'est d'ouvrir le chantier de Loto-Québec les yeux fermés. C'est la seule proposition concrète nous permettant de dénouer le litige avec l'Ontario. On se comprend? C'est la seule chose concrète. Écoutez, c'est complètement suicidaire. C'est dans les règles de base de la négociation: on ne va quand même pas donner une récompense à des gens qui pourraient soumissionner dans des contrats concernant le chantier de Loto-Québec, alors que ce gouvernement-là a empêché, on est en train de documenter, mais a freiné des possibilités importantes pour les entrepreneurs québécois. Il y a des entrepreneurs québécois qui se sont fait fermer la porte pas tellement élégamment, qui ne pouvaient plus soumissionner sur aucun contrat en Ontario. Alors, ce n'est pas vrai qu'on va ouvrir ce chantier-là si on n'a pas une entente dûment signée en main.

Ceci étant dit, ce qui est un peu aussi curieux dans l'histoire, c'est que toute cette question-là, du chantier de Loto-Québec, a émergé alors qu'elle était déjà connue. Ça a toujours été clair. Notamment quand j'ai parlé qu'il y a une entente, une proposition formelle qui est venue du Québec au mois de juin dernier, il a toujours été clair que, oui, il n'était pas impossible que ce chantier-là soit disponible aussi, soit accessible, en termes de soumissions à venir de la part de l'entrepreneur de l'Ontario. Alors, la seule solution, donc, proposition concrète qui a été amenée par l'opposition, c'est ça. Donc, je trouve que c'est anti-québécois. Je pense que c'est ça qui est davantage dangereux pour les Québécois et les Québécoises. Honnêtement, je suis étonnée de voir à quel point la solidarité des députés de l'Outaouais va davantage du côté de l'Ontario.

Et, je m'excuse, vous m'accusez de toutes sortes de maux, mais je n'ai jamais utilisé le vocabulaire que vous utilisez pour parler de nos voisins qui sont en Ontario. Jamais, d'aucune manière, ni ici, ni publiquement, ni dans le privé. Je suis quelqu'un de responsable. Le gouvernement du Québec est un gouvernement responsable. Le premier ministre entretient des relations extrêmement cordiales et fructueuses avec son vis-à-vis de l'Ontario, à ce que je sache. Et c'est vous qui nous imputez des motifs indignes, mais ce n'est pas nous qui les exprimons.

L'Ontario, comme le Nouveau-Brunswick, comme le Canada en entier, nous sommes des voisins, nous sommes des gens civilisés, nous avons intérêt à vivre de manière conviviale. Et, dans le dossier de la mobilité de la main-d'oeuvre, nous avons intérêt à trouver une entente qui va nous permettre une plus grande fluidité et des entrepreneurs et des travailleurs. Et, de chaque côté de ces frontières-là, nous avons avantage à le faire. Je crois que les Québécois ont avantage à le faire puis, des fois, il faut les en convaincre, et les Ontariens aussi. Et c'est vous qui nous imputez des motifs comme ceux-là. Et je vous mets au défi de trouver une seule fois où j'ai manifesté des sentiments indignes et arrogants par rapport à nos voisins. Je vous mets au défi.

Alors, je termine en disant que, pour moi, je pense que le plus grand service que les députés de l'opposition, notamment ceux qui sont dans la région de l'Outaouais, pourraient rendre à leurs concitoyens de la région de l'Outaouais, ce n'est pas d'essayer de démerder le gouvernement ontarien de ses mauvais pas, c'est d'exprimer de la solidarité par rapport à ce que le gouvernement du Québec veut faire. Le plus grand service, ça aurait été... Et d'ailleurs je n'ai pas vu beaucoup de déclarations des députés de l'Outaouais au sujet de cette loi 17, odieuse, de la part du gouvernement de l'Ontario. Je pense que les plus grands efforts des députés de l'Outaouais, à ce moment-ci, ce serait de nous aider, au lieu de strictement défendre des positions qui sont indéfendables.

Le Président (M. Bergeron): Merci, Mme la ministre. Pour le dernier 10 minutes et le mot de la fin, M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, vous me permettrez de déplorer un peu la manière dont la ministre s'adresse aux parlementaires de l'Outaouais. Car chacun en cette Chambre et dans l'Outaouais sait le rôle et l'intérêt qu'ils ont démontré à ce dossier qui concerne leurs citoyens. Mais ce n'est pas nouveau. Mme la ministre nous disait il y a quelques minutes: Je vous mets au défi de nous dire que j'ai été arrogante avec nos vis-à-vis, nos voisins. Non seulement avec les gens de l'Outaouais, les députés... Mais je veux juste la citer, quelques phrases qu'elle a dites tout au courant de l'heure où elle a pu parler. Alors, elle a dit, en commençant: Le ministre du Travail de l'Ontario s'est emballé. Il n'avait pas à le faire. Il s'est énervé. Chaque fois qu'on lui propose quelque chose, il demande des nouvelles concessions sans avoir la volonté de nous aider.

(12 heures)

On retrouve régulièrement, madame, à travers vos propos, cette espèce d'attitude qui fait que vous êtes sur la défensive ou, n'ayant rien d'autre à dire, vous allez à l'attaque envers les gens. Je crois que ce n'est pas de cette manière-là qu'on va régler le problème. Ce que les Québécois et les Québécoises, ce que les gens de l'Outaouais attendent de vous, madame, c'est que vous trouviez une solution. C'est pour cela que avez été élue dans ce Parlement, parce que vous vous êtes engagée à trouver des solutions. Et c'est pour ça que vous avez été élue au Conseil des ministres.

Vous dites que c'est un ministère, ministre du Travail, que vous aimez bien. Bien, démontrez-le, parce que ce n'est pas le ministère qu'il faut bien aimer, c'est les gens qui vont subir les règlements, les lois et les actions que vous faites et que vous ne faites pas. Et, dans ce cas-là, comme dans beaucoup d'autres domaines, vous ne le faites pas ou vous le faites mal. Et c'est ça, la situation.

Alors, ce n'est pas avec l'attitude de commencer à dénoncer le ministre de l'Ontario en disant qu'il est un irresponsable, qu'il s'est emballé, qu'il n'avait pas à le faire... Quand je veux négocier avec quelqu'un, je n'envoie pas à travers les journaux ou en commission parlementaire qu'il s'emballe. On respecte les gens, on a un dialogue et une attitude qui correspondent à ce qu'on attend des gens en face de nous, soit un résultat, soit un respect l'un vis-à-vis de l'autre.

Mme la ministre, tout au long de ces deux heures, un certain nombre de points sont revenus, des points que beaucoup de gens connaissaient et que d'autres ne connaissent pas. En particulier, le point suivant: c'est que le problème à la base de cette crise, de ce conflit que nous avons avec nos voisins, c'est la réglementation désuète des lois du travail au Québec. Vous le savez comme moi, ce sont des lois qui correspondent à d'autres périodes, à d'autres époques de notre société. La mondialisation du commerce au niveau régional, au niveau national, au niveau international fait en sorte que les rapports ne sont plus les mêmes et ne seront plus jamais les mêmes. Mais vous refusez de le voir.

Nous nous étions engagés à réformer les lois du travail, à réformer le Code du travail. Nous avions, nous du Parti libéral, du gouvernement, commencé à le faire dans les lois de la construction. Nous avions fait en sorte d'avoir une certaine ouverture, une certaine souplesse qui avait réglé cette problématique-là. On se rappellera qu'à ce moment-là on n'avait plus ce problème de mobilité avec l'Ontario. Vous vous êtes empressés, pour des raisons bassement électorales, de promettre aux centrales syndicales de scraper cette loi-là, et le résultat a été fait. Et qu'est-ce qu'on retrouve aujourd'hui? Un problème que vivent les milliers de travailleurs de l'Outaouais qui travaillent en Ontario.

Mme la ministre, vous dites que les députés n'ont rien fait. Pas d'autres solutions, pas d'autres idées que de demander qu'on libéralise les contrats sur le Casino. Mais c'est évident que ce n'est peut-être pas la meilleure manière, lorsqu'on veut négocier avec quelqu'un quelque chose, que l'on mette tout d'abord en plein milieu de la négociation des critères et des normes qui restreignent l'accessibilité. Si elles existent, il est certainement intéressant de faire savoir que ce sont des choses qui ne devraient pas avoir lieu parce que la réciprocité existe des deux côtés. On ne peut pas avoir le gâteau, le manger et puis continuer à aller chez le voisin en chercher d'autres sans rien donner un peu de sa part.

Mais ce n'est pas ça qu'ils ont fait, les députés de l'Outaouais. Ils vous le mentionnent, ils vous le rappellent, que ça existe. Et le premier ministre lui-même, dans sa lettre d'ailleurs qu'il a écrite, et dont nous avons eu copie hier, et que vous venez de distribuer aujourd'hui, lui aussi bien sûr le met sur la table. Ce n'est pas les députés de l'Outaouais qui décident tout seuls. Ils le mettent sur la table parce que les gens dans le milieu là-bas sont conscients que c'est une des conditions certainement très importantes pour dénouer cette impasse.

Mais ce qu'ils ont fait, les députés de l'Outaouais, Mme la ministre, en particulier, dès le 5 mai 1999, ils vous ont adressé une lettre, avec une copie à M. Joseph Facal, ministre responsable de l'Outaouais, qui dit: «Il y a urgence d'agir et d'amener tout ce conflit vers un dénouement positif. Pour ce faire, il faut faire preuve de flexibilité. Ainsi, nous demandons au gouvernement du Québec d'envisager l'opportunité d'abolir les bassins dans le domaine de la construction pour l'ensemble de la région de l'Outaouais. Au surplus, il faudrait que l'on émette beaucoup plus de cartes de compétence dans l'Outaouais, surtout si l'on tient compte du fait que le nombre de travailleurs qui y résident sont de toute façon embauchés sur des chantiers de construction ontariens. Par ailleurs, les examens prévus pour l'obtention des cartes de compétence devraient être conçus de façon à ne pas pénaliser indûment les salariés compétents et habiles mais déficients à l'écrit. Enfin, les heures travaillées en Ontario devraient être entièrement prises en comte aux fins de l'appréciation de la compétence des travailleurs impliqués.

«De l'autre côté – écoutez bien, là – nous demanderons formellement aux autorités ontariennes de se soumettre à un moratoire sur toute mesure coercitive à l'égard des travailleurs et entrepreneurs provenant du Québec, et ce, tant que les négociations entre le Québec et l'Ontario n'auront pas été couronnées de succès.

«Nous vous réitérons notre collaboration dans ce dossier. À cet égard, nous réclamons une rencontre avec vous dans les plus brefs délais afin que nous puissions mettre en commun nos avenues de solution et nos vues perspectives.»

Ça, Mme la ministre – je le dépose pour que d'autres parlementaires l'aient, les gens de la tribune de la presse l'aient – ça vient de battre en brèche une de vos affirmations récentes, il y a quelques minutes, que ces gens-là n'avaient rien fait. C'est faux. Je trouve ça dommage. Je trouve ça déplorable, quand vous demandez la solidarité des députés de l'Outaouais pour aider à régler un dossier, que vous alliez essayer de les dénigrer et de laisser croire à la population qu'ils ne font rien, qu'ils ne font pas leur travail. C'est de la petite et de la basse politique, Mme la ministre.

Une voix: Bravo!

M. Gobé: Et je continue, parce qu'ils ont donné suite à ce qu'ils voulaient faire. Québec, le 6 mai, M. Flaherty, ministre du Travail de l'Ontario, une lettre dans laquelle ils demandent qu'il y ait un moratoire. Et ils demandent que le gouvernement du Québec abolisse le bassin de la région de l'Outaouais. Ils ont agi et ils ont fait ce qu'ils disaient. Ils ont pris leurs responsabilités. Une lettre à en-tête de l'Assemblée nationale, au nom des députés de l'Outaouais. Chacun des députés a fait parvenir une copie au ministre. Ils ont agi, madame. Ils ont agi. Et je répète encore une fois: Je trouve vos assertions totalement déplorables, et je souhaite que vous puissiez un jour présenter vos excuses à ces députés.

Autre chose, Mme la ministre. Au début de l'interpellation, je vous ai demandé quels étaient les points qui étaient encore en suspens. Vous êtes revenue, vous avez dit: Le camionnage en vrac et les articles 7 et 8 du projet de loi 17. Mais vous n'avez pas pris la peine de les expliquer, pourquoi ils étaient problématiques. Avez-vous peur de les mettre sur la place publique, devant les gens qui sont concernés par ça, devant les pères de famille, les travailleurs, les travailleuses que vous avez cherché à minimiser dans un sondage téléphonique que je pourrais qualifier non pas de bidon mais de complaisant ou de difficile, laissant croire que ça ne touchait qu'une petite partie de la population? Avez-vous peur de le mettre sur la table?

Qu'est-ce qui vous dérange? Que la population et que l'opinion publique vous disent que vous ne faites par votre travail correctement? La population du Québec et les parlementaires qui sont ici, en cette Chambre, ont le droit de savoir maintenant pourquoi ce n'est pas réglé. Et, lorsque vous dites que le 25 juin a été déposée une entente, et qu'aujourd'hui il reste seulement deux clauses qui ne fonctionnent pas, et que c'est pour ça qu'il y a des milliers de travailleurs, de travailleuses et leurs familles qui ont des difficultés, qui éprouvent des problèmes... Vous refusez de les mettre publiques? Au moins de les mettre devant les députés, devant une commission parlementaire.

Moi, je vous demande, Mme la ministre, de faire en sorte de donner votre accord à ce que la commission de l'économie et du travail, commission parlementaire, soit saisie du dossier du conflit entre l'Ontario et le Québec en ce qui concerne la mobilité des travailleurs et des entreprises et qu'elle puisse devenir itinérante et aller rencontrer qui que ce soit qu'elle jugera utile. Peut-être que cela vous fait sourire, mais je vous parle là de députés de l'Assemblée nationale qui ont des mandats et des responsabilités de surveillance du travail du gouvernement et des ministres. Et la demande sera faite en début de semaine, madame, et je souhaite que vous lui donniez suite et que vous agissiez auprès de vos collègues de la commission parlementaire pour que, au bureau de la commission parlementaire, le comité directeur, on donne suite à cette demande. Et les gens de l'Outaouais l'attendent, cette commission parlementaire, et sont prêts à l'accueillir, bien sûr.

M. le Président, dans le peu de temps qui reste, j'aurais quelques demandes à compléter au niveau de la ministre. Tout d'abord, je demanderais à Mme la ministre de mettre rapidement en place un projet de révision des lois du travail au Québec afin de les adapter à la nouvelle réalité pour que d'autres situations comme celle-là ne se reproduisent pas dans d'autres domaines.

Je demanderais aussi à la ministre de se rendre elle-même, dès lundi – elle parlait tout à l'heure de réunion au plus haut niveau – rencontrer le ministre du Travail de l'Ontario. Il y a urgence, le temps presse pour ces travailleurs et ces travailleuses, le temps presse pour ces pères de famille, pour ces mères de famille, le temps presse pour ces entreprises et les entrepreneurs qui en sont les propriétaires que ce dossier soit réglé, que l'on n'en parle plus. Et le seul moyen par lequel nous pensons être capables de le régler, c'est quand les autorités au plus niveau se rendent pour le négocier. On voit, dans d'autres domaines, à travers le monde, que, lorsque les chefs d'État se réunissent, on trouve des solutions. Il n'y a qu'à voir actuellement dans les dossiers du Moyen-Orient qui sont bien plus compliqués que celui-là.

Et je demande aussi bien sûr que la ministre fasse en sorte que, au niveau de la formation professionnelle en Ontario, soient prises des mesures rapides. Il y a dans ce domaine-là un problème de formation professionnelle, les gens le demandent. Et bien sûr nous exigeons que toute entente qui sera signée, avant d'être signée par la ministre, soit soumise aux parties qui sont intéressées, soit les travailleurs et les entrepreneurs de l'Outaouais, afin que ceux-ci puissent être en accord avec et soient capables de vivre avec et de l'appliquer dans les prochaines années pour ne pas que d'autres problèmes resurgissent par la suite.

Voilà, M. le Président, je vous remercie. En conclusion, je terminerai en disant que la ministre n'a pas fait son travail, et nous lui demandons de le faire dès lundi matin en allant rencontrer le ministre du Travail de l'Ontario.

Le Président (M. Bergeron): Merci, M. le député de LaFontaine. Compte tenu de ce qu'on avait à faire, de l'interpellation qui s'est déroulée rondement, je vous dis que la commission a accompli son mandat, et, de ce fait, j'ajourne les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 10)


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