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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Monday, October 24, 2011 - Vol. 42 N° 13

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi éliminant le placement syndical et visant l’amélioration du fonctionnement de l’industrie de la construction


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures six minutes)

Le Président (M. Ouellette): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 33, Loi éliminant le placement syndical et visant l'amélioration du fonctionnement de l'industrie de la construction.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gonthier (Mégantic-Compton) est remplacée par Mme Vallée (Gatineau); M. Bérubé (Matane) par M. Dufour (René-Lévesque); M. Turcotte (Saint-Jean) par Mme Richard (Marguerite-D'Youville); et M. Deltell (Chauveau) par Mme Roy (Lotbinière).

Le Président (M. Ouellette): Bonjour à tous les collègues, M. le député de Gaspé, M. le député de Jean-Lesage, Mme la députée de Gatineau, Mme la ministre, bien entendu, M. le député de René-Lévesque, Mme la députée de Marguerite-D'Youville, Mme la députée de Lotbinière -- c'est tout un exercice aujourd'hui -- M. le député des Chutes-de-la-Chaudière et M. le député de La Peltrie que j'ai gardé pour le dessert. Pardon?

Mme Thériault: ...

Le Président (M. Ouellette): On va garder le vote pour une autre circonstance, Mme la ministre.

L'ordre du jour: aujourd'hui, nous allons recevoir, cet après-midi, trois groupes. Nous commençons par le Comité ad hoc pour la défense des droits des femmes dans la construction, représenté par Mme Sylvie Déraspe, Mme Jennifer Beeman et Mme Caroline Parent. Vous connaissez nos règles, Mme Déraspe, vous aurez 15 minutes pour nous livrer votre message, et il y aura un échange avec les parlementaires pour une période de 45 minutes.

Remarques préliminaires

Sans plus tarder, nous allons débuter avec les remarques préliminaires, et, Mme la ministre, vous disposez du temps pour vos remarques préliminaires.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Tout d'abord, vous allez me permettre de remercier mes collègues, autant les députés de l'opposition officielle, l'Action démocratique, les députés indépendants, les députés ministériels, d'être présents en commission parlementaire. Vous me permettez aussi de présenter les gens qui m'accompagnent: M. François-William Simard, qui est conseiller spécial; mon sous-ministre adjoint, M. Normand Pelletier; les gens qui sont à la table également, Me Michel Sauvé, qui est conseiller en développement de politiques au ministère du Travail; Me Jean-Martin Poisson et Me Pierre Ferland, tous deux de la Direction des affaires juridiques, évidemment.

M. le Président, vous le savez, notre gouvernement a posé, depuis deux ans, une série de gestes qui ont pour but de contribuer à assainir les pratiques dans l'industrie de la construction. Dois-je vous rappeler la création de l'opération Marteau, l'adoption de la loi n° 73 qui veut barrer la route aux entrepreneurs frauduleux, la création de l'Unité anticollusion, au ministère des Transports, qui a donné lieu au rapport de M. Duchesneau, la création de l'Unité permanente anticorruption, l'UPAC, et évidemment toutes les autres mesures qui ont été mises de l'avant par la présidente du Conseil du trésor, au ministère du Transport, aux Affaires municipales, partout là où il y a des contrats qui sont octroyés. Plus récemment, évidemment, la commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction nous permettra également de lever beaucoup de voiles, j'en suis convaincue.

**(14 h 10)**

Nous avons inscrit au feuilleton, jeudi passé, M. le Président, un nouveau projet de loi qui se lit comme suit, c'est la Loi visant à prévenir, combattre et sanctionner certaines pratiques frauduleuses dans l'industrie de la construction et apportant d'autres modifications à la Loi sur le bâtiment. Ce sera un autre projet de loi que nous aurons certainement le plaisir de découvrir cette semaine. Vous me permettrez de ne pas vous en parler parce qu'évidemment je crois que les parlementaires doivent être saisis de ce projet de loi là. On parle du titre parce qu'il est au feuilleton, mais je crois que le titre parle de lui-même. Je crois que la boucle sera bouclée.

Vous savez, M. le Président, le projet de loi n° 33, nous sommes ici simplement parce qu'il y a certaines problématiques dans l'industrie de la construction. Je crois sincèrement que, pour contribuer à assainir les pratiques dans l'industrie de la construction, nous devons également regarder les relations du travail. Vous n'êtes pas sans savoir que la loi R-20, plus communément appelée, est la loi qui régit les conventions collectives et les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Il y a eu un groupe de travail qui a été mis sur pied, qui a annoncé au printemps dernier, qui a entendu cet été 40 groupes en plus de prendre connaissance de 20 mémoires supplémentaires, qui sont venus nous faire part de certaines problématiques et de comment ça fonctionnait dans l'industrie de la construction, audiences qui se sont déroulées à huis clos, M. le Président, et je suis enchantée que ces audiences-là aient lieu à huis clos parce qu'on a pu entendre des choses qu'en temps normal on n'aurait pas entendu dans les micros. Vous comprendrez qu'il y a beaucoup de gens qui ont peur de certaines représailles. Donc évidemment, je crois que les membres du groupe de travail ont entendu le cri du coeur des gens qui sont venus cet été faire état de la situation dans les relations de travail.

Il y a des constats qui sont troublants. On nous dit nommément, et c'est écrit dans le rapport du groupe de travail, que deux droits fondamentaux des travailleurs sont attaqués: le droit au travail et le libre choix de leur syndicat. Deux droits fondamentaux des employeurs sont également brimés: le droit d'embaucher et de mettre à pied en fonction de leurs besoins et le droit de gérer leur main-d'oeuvre.

De manière générale, le projet de loi n° 33 a été quand même bien accueilli. Il est évident qu'il y a des gens qui sont contre le projet de loi n° 33; il y a d'autres personnes qui ont des opinions partagées. On entend beaucoup parler du placement syndicat, que le gouvernement veut éliminer le placement syndical pour le remplacer par de la référence de la main-d'oeuvre avec la Commission de la construction du Québec, qui est l'organisme qui est chargé d'appliquer la loi R-20. Mais également, dans ce projet de loi, M. le Président, nous allons retrouver d'autres mesures, dont exiger des associations patronales et syndicales qu'elles rendent publiques leurs états financiers et qu'ils soient vérifiés. Nous voulons modifier évidemment la composition du conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec pour instaurer une participation du public. Plus de transparence, ça n'a jamais fait de mal à personne, et c'est ce qu'on demande à nos sociétés d'État. Donc, c'est, je crois, les bonnes règles à suivre.

On veut aussi également venir modifier le régime de négociation des conventions collectives, quatre ans plutôt que trois ans, et, en faisant ça, évidemment, il faut prévoir d'autres règles au niveau des relations de travail si les syndiqués trouvent que leurs droits ne sont pas défendus adéquatement par leurs syndicats. Donc, on veut instaurer une espèce d'article 49 pour permettre justement de changer d'accréditation syndicale en cours de route.

On veut également apporter des changements au système de votation parce que tout le monde sait que d'office tous les travailleurs qui sont dans les métiers sont syndiqués. Ils sont obligés, ils n'ont pas le choix. Je crois que c'est correct, on doit négocier des conventions collectives pour nos travailleurs. Ils travaillent fort, ils travaillent durement. Je crois qu'ils ont le droit d'avoir de bonnes conventions collectives. Une spécificité en construction, très souvent, le même travailleur peut travailler pour six entreprises différentes, donc il m'apparaît important de maintenir l'obligation d'être syndiqué. Par contre, ce droit est bafoué lorsque vient le temps de changer d'allégeance.

Vous savez, M. le Président, je ne peux pas être en commission parlementaire sans parler de ce qui se passe aujourd'hui sur nos chantiers. Je trouve inacceptable ce qui s'est passé ce matin. On aura beau dire que ce n'est pas des actions concertées, lorsqu'on voit des autobus arriver ou qu'on voit des gens d'autres centrales syndicales débarquer, fermer les chantiers ou menacer les entrepreneurs, je trouve ça inadmissible. Et je vais vous faire état de différents témoignages que nous avons reçus.

J'ai un entrepreneur ici... Je pourrai le déposer. J'ai caviardé pour ne pas qu'on puisse l'identifier parce qu'évidemment il y a une question de représailles. «Les gros bras sont venus fermer notre chantier il y a quelques minutes. Au moins une centaine de travailleurs sont forcés de retourner chez eux contre leur gré. Les responsables de cette fermeture refusent de s'identifier et se présentent en portant casquettes et lunettes de soleil. Ils disent qu'ils sont la première équipe à nous demander de fermer le chantier et qu'ils sont aimables et gentils. Si le chantier n'est pas fermé rapidement, les représentants suivants seront moins polis. Ils n'arrivent pas non plus à expliquer les raisons qui motivent cette fermeture. Il s'agit, en fait, d'une grève illégale.»

J'ai une dame également qui nous a envoyé un fax. J'ai enlevé les coordonnées. «À l'attention de la ministre Lise Thériault: Je travaille sur la construction et, ce matin, j'ai dû retourner à la maison pour la semaine. Qui va payer ma semaine de travail? Car je n'ai pas les moyens de perdre une journée avec mon budget et mes deux enfants à nourrir. Je veux être dédommagée pour mes heures perdues.»

Des travailleurs non identifiés à la caméra, il y en a aussi qui disent: O.K. On ferme le chantier. Puis on a demandé pourquoi, puis ils ont dit: Je ne sais pas c'est quoi, la loi n° 33, personne ne nous a dit. On ferme les chantiers, on vous appuie. Vous allez tout perdre les chantiers -- nom de l'union -- puis, moi, ça ne me concerne pas. Je n'ai pas besoin de ça pour travailler, je n'ai pas besoin de syndicat. Je suis capable de travailler face à mon employeur. Je n'ai pas besoin d'un syndicat.

Différentes paroles. Les gens pourront se faire une opinion. S'il y a de l'intimidation, alors qu'on est à l'étude d'un projet de loi et qu'on entend les gens, je me demande ce que c'est quand les caméras ne sont pas là pour prendre les témoignages. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires.

M. Marjolain Dufour

M. Dufour: Oui. Alors, merci, M. le Président. Je tiens à vous saluer. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de travailler avec vous la semaine dernière. J'ai été nouvellement porté responsable du dossier du travail et j'ai eu l'occasion de travailler avec vous en mandat d'initiative sur le projet de loi ou sur la notion d'établissement dans les antibriseurs de grève. Alors, je pense que vous avez un bon réflexe de synthèse, alors je vous fais confiance pour mener à bien cette consultation et les travaux qu'on va avoir à faire pour les prochaines semaines. Je tiens à saluer la ministre, son équipe, les collègues de travail autant du côté ministériel que du côté de nous, l'opposition.

Alors, M. le Président, je ne veux pas jouer avec les mots, mais on a du pain sur la planche. Nous sommes dans le domaine de la construction. Vous savez, M. le Président, le projet de loi n° 33 a été déposé par la ministre voilà quelques semaines, et c'est sûr que, quand tu mets un dossier comme ça au jeu, il est clair qu'il ne faut pas attiser le feu. Et j'en ai pour compte, M. le Président, qu'on a un premier ministre -- puis je vous dis, j'adhère à ce qu'il dit à certaines occasions -- qui prône la démocratie, qui dit que, nous, les députés, les 125 députés privilégiés, on est privilégiés d'être élus par le peuple, ici, à l'Assemblée nationale. Il prône l'institution. Il arrive de voyage, puis, je vous dis ça, M. le Président, parce que j'ai eu quelques téléphones comme de quoi que c'est un peu insultant pour le monde, et de dire que le projet de loi va être adopté tel quel.

Ceux et celles qui ont demandé des consultations particulières, c'est celui qui est en train de vous regarder, M. le Président. Et, moi, je vous le dis, là, ici, là, puis j'étais content d'entendre la ministre... Je suis là pour dire un puis je suis là pour dire l'autre aussi. J'étais content d'entendre la ministre dire que ceux qui ont des solutions, là, apportez-les, on est en consultations particulières. Alors, ici, c'est la maison du peuple. Ça ne veut pas dire que j'entérine ce qui se passe aujourd'hui, je veux bien être clair. Je suis un député, je suis là pour légiférer. Mais il est clair que, quand on attise le feu, on a des résultats des fois qui font dur. Alors, je ne veux pas faire comme l'ancien leader parlementaire du gouvernement qui a dit que tout est pipé d'avance au niveau des consultations, là, ce n'est pas vrai.

On est là pour faire un travail fastidieux, puis j'en ai pour preuve, M. le Président... J'ai déjà travaillé avec des ministres, moi, puis le défunt Claude Béchard qui a été remplacé par la ministre actuelle, qui a de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui avait le dossier du Travail dans le temps... pas du Travail mais du ministère des Ressources naturelles sur le projet de loi sur la forêt qui a été repris par Nathalie Normandeau, dont... Je peux nommer son nom parce qu'elle est partie aujourd'hui. Elle a pris la relève d'un projet de loi qui était gros. Ça faisait deux ans qu'on le travaillait. Elle a fait la réécriture au complet du projet de loi. On avait tout à apprendre en commission parlementaire.

Je vous le dis, M. le Président, je n'ai pas la prétention de tout connaître dans le milieu de la construction mais j'ai la prétention de vouloir tout connaître, tout connaître les rouages de ce qui se passe là. Alors, quand on a travaillé le projet de loi avec Nathalie Normandeau, 392 articles, on a apporté 300 amendements. On a appris, un et l'autre, à travailler ensemble puis on a appris à écouter ceux qui passaient en avant de nous aussi. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il faut qu'on fasse un travail de législateur, pas envoyer le sentiment que tout est réglé d'avance. Un.

**(14 h 20)**

J'ai une déception, M. le Président. Je vous le dis, là, j'ai une déception parce que, quand on a fait une contre-proposition au leader du gouvernement pour être capables d'avoir les consultations particulières puis être capables de rencontrer du monde, à certains égards, on a eu atteinte de nos objectifs. On voulait entendre la Commission de la construction du Québec; j'ai des questions à leur poser. Je veux connaître comment ça marche dans ces bureaux-là. J'ai entendu celle qui est aujourd'hui la présidente-directrice générale faire une conférence de presse avec notre ministre du Travail qui disait... bon, qui parlait des références, qui parlait qu'elle n'a pas tous les intrants informatiques pour être capable d'opérer. Je peux-tu comprendre comment ça marche dans ce fameux monde là, moi, au niveau du placement? Un dit que c'est 15 %, l'autre dit que c'est plus que ça. Je veux me faire une tête. Les consultations particulières sont là pour ça.

La déception que j'ai, c'est que j'aurais aimé ça entendre le groupe de travail. Je vous le dis honnêtement, là, j'aurais aimé ça les entendre. Ils ont rencontré à peu près 40 personnes, 40 groupes. Ça a été quoi, le mandat? C'étaient quoi, les groupes rencontrés? C'étaient quoi, les opérations? C'était quoi, l'échantillonnage qu'ils ont fait? Bref, ça a été quoi, leurs démarches? J'aurais aimé ça les avoir. Je peux comprendre qu'ils ne sont pas là. On a la Commission de la construction du Québec, on a la ministre qui pourra peut-être répondre à certaines de nos questions.

Ce que je veux vous dire aussi, M. le Président, c'est que, dans mon passé, le monde me voit beaucoup pour un conciliant. Je suis un conciliant, moi, ce n'est pas compliqué, là. On est capables de se parler, on est capables de travailler en collégialité. Puis je vous le dis, là, mieux vaut une entente négociée qu'une loi imposée. Un travailleur heureux, c'est un travailleur productif. Quand tu es malheureux, ça brasse.

Je termine en vous disant que j'ai dans mon verbatim de signifier à ceux et celles qui veulent bien m'entendre que les commissions parlementaires, c'est de l'instruisance collective. On ne peut avoir la prétention comme député de tout connaître, mais on se doit d'avoir la prétention d'entendre et de bien comprendre. La parole, maintenant, M. le Président, est à nos intervenants. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député de René-Lévesque. Maintenant, Mme la députée de Lotbinière pour ses remarques préliminaires.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre, mes collègues, votre équipe et toutes les personnes qui ont voulu se prêter à l'exercice de la consultation, qui nous ont fait des mémoires et qui viennent les présenter. Bienvenue pour ces personnes-là.

M. le Président, je pense que le ton qui convient dans ce dossier-là, c'est le ton de la discussion et non de la confrontation. C'est le ton de l'écoute aussi, c'est le temps de l'écoute, puis c'est ici que ça doit se faire. Je ne peux pas passer sous silence ce qui se passe à la grandeur du Québec dans les chantiers de construction. Ce matin, moi-même, je recevais... on recevait un appel, ici, au parlement, un entrepreneur de mon comté dit qu'il y a des gros bras qui sont débarqués sur son chantier. Ils l'ont fermé sur la 73, en Beauce. Un entrepreneur de chez nous. Donc, ce n'est pas des fabulations quand tous les témoignages viennent de partout, ils disent la même chose. Ce sont des présomptions qui sont concordantes. On peut imaginer qu'elles soient vraies.

Je pense que j'inviterais... Moi, j'inviterais le syndicat qui est en cause à la discussion, au débat plutôt qu'au combat, et qu'ils viennent ici. Si le débat ou cette formule-là de débat ne leur conviennent pas, on en trouve une, mais qu'on discute plutôt que de se confronter et mener un combat les uns contre les autres. On a trop à faire au Québec pour se diviser ainsi.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Je sais que ça a été... ça vous a peut-être paru long, un peu, Mme Déraspe.

Une voix: ...

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière?

M. Picard: ...remarques préliminaires?

Le Président (M. Ouellette): Vous n'aviez pas de remarques préliminaires, M. le député de la Chaudière.

M. Picard: Ah non? Ah! C'est beau pour la démocratie. C'est bien. Merci.

Le Président (M. Ouellette): Vous pourrez vous reprendre dans votre merveilleux temps que vous aurez tantôt.

M. Picard: On veut savoir le temps que nous allons avoir pour...

Le Président (M. Ouellette): Vous allez avoir 1 min 30 s chacun, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président.

M. Caire: M. le Président?

Le Président (M. Ouellette): Oui, M. le député de La Peltrie?

M. Caire: Question de directive, M. le Président. Ce n'est pas la première fois qu'on siège comme indépendants sur une commission. Ce qui est usuel de faire, et il y a des précédents, M. le Président, c'est de demander le consentement de la commission pour que mon collègue puisse avoir droit à des remarques préliminaires. Et je dois vous dire qu'à ce jour ça a toujours été accordé, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Vous dites quoi, Mme la ministre?

Mme Thériault: Bien, moi, ce qu'on dit, c'est que ça n'a jamais été fait et qu'à chaque consentement, lorsqu'on va donner du temps de ce côté-là, ça enlève du temps à l'opposition. Donc, je ne voudrais surtout pas créer un précédent. Loin de moi l'idée de vous bâillonner, ce n'est pas de donner un consentement. Je pense qu'évidemment vous avez le droit à votre opinion, vous aurez l'occasion de le faire. Et je sais que vous êtes des alliés et que, vous aussi, vous voulez mettre fin au placement syndical.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Bien, peut-être, juste, M. le Président, on commence les remarques préliminaires. Ça ne nous coupera pas de temps dans les questions qu'on va avoir. Alors, peut-être prendre 1 min 30 s, deux minutes pour laisser le soin à notre collègue député de s'exprimer. Ça me conviendrait.

Mme Roy: Bien, je vais demander la même latitude.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Bien, si vous donnez de la latitude aux uns puis que, maintenant, moi, je représente quand même un parti, je vais vous demander la même latitude. C'est parce qu'à un moment donné on n'en finit plus.

Le Président (M. Ouellette): Donc, est-ce qu'il y a consentement pour les remarques préliminaires, pour que M. le député des Chutes-de-la-Chaudière puisse faire des remarques préliminaires pour une minute?

Des voix: ...

Mme Thériault: Moi, je pense que c'est du côté de l'opposition, M. le Président, pas mon temps à moi. C'est le temps de l'opposition qu'on prend.

Le Président (M. Ouellette): On est en remarques préliminaires, et effectivement... Bon, bien, je vais trancher, Mme la ministre. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, pour une minute.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre grande ouverture d'esprit. Et, tout simplement, je pense que c'est important qu'est-ce qui va se passer ici cette semaine. Quant à moi, là, les événements qui ont cours actuellement au Québec mettent en jeu la démocratie, parce que nous avons un projet de loi ici, nous sommes ici pour le discuter, le bonifier et nous allons recevoir des invités. Il semble que le point le plus problématique, c'est le placement syndical.

Moi, tout simplement, le message que j'ai à passer: Que la FTQ, que l'autre association viennent ici nous expliquer l'opportunité de conserver le placement syndical. Qu'ils nous expliquent parce que, comme tantôt le député de René-Lévesque disait, il y a des bouts qu'on comprend, des bouts qu'on ne comprend pas, et je pense que, si on nous explique clairement qu'on doit conserver le placement syndical parce que c'est bien pour l'ensemble de l'industrie, des employés et des employeurs, on va le conserver. Mais qu'ils viennent ici s'asseoir. C'est ici que ça se passe, là, ce n'est pas dans la rue. Et je termine, M. le Président, en disant qu'il y a eu un affrontement dans les médias. Ça, c'est correct, de la publicité, ça peut aller, même si elle a été dure un bout de temps. Sauf que ce n'est pas en arrêtant les chantiers qu'on va faire avancer le Québec, tout simplement. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. On arrive à vous, Mme Déraspe, et à vos invitées. Comme je vous l'ai mentionné tantôt, vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation, vous et vos collègues, que vous nous ferez le plaisir de représenter à nouveau. J'ai mentionné qui vous accompagnaient, mais je vous laisserai le plaisir de les présenter. Et la parole est à vous pour les 15 prochaines minutes.

Comité ad hoc pour la défense des droits des femmes
dans les métiers et occupations de la construction

Mme Beeman (Jennifer): Merci, M. le Président. En fait, je vais commencer, je me présenterai. Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Nous vous remercions de nous recevoir à ces auditions publiques sur le projet de loi n° 33, la Loi éliminant le placement syndical et visant l'amélioration du fonctionnement de l'industrie de la construction.

Alors, je m'appelle Jennifer Beeman. Je suis du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. À ma gauche, je vous présente Sylvie Déraspe, opératrice de pelle mécanique, formatrice en santé et sécurité, en équipement lourd ainsi que l'entretien préventif dans les entreprises. Elle est également fondatrice et responsable du comité pour la défense des droits des travailleuses dans les métiers et occupations de la construction, ainsi que militante, depuis plus de trente ans, pour les femmes dans les métiers majoritairement masculins. De plus, elle est mentor auprès d'une vingtaine de travailleuses, principalement dans la construction. À ma gauche aussi, je vous présente Caroline Parent, soudeuse haute pression, manoeuvre en bâtiment et excavation, qui ne travaille pas dans la soudure malgré sa formation.

Alors, l'industrie de la construction connaît de graves problèmes. Des systèmes de pratiques illicites se sont développés, et nous saluons la volonté du gouvernement de s'attaquer à ces problèmes. Toutefois, il y a des problèmes encore plus profonds et graves qui ne sont pas traités par les propositions dans le projet de loi n° 33. Il s'agit de la discrimination et du harcèlement graves vécus par les travailleuses mais aussi par les travailleurs de cette industrie. Nous commencerons avec un survol de la situation des travailleuses avant de nous prononcer sur des éléments dans le projet de loi n° 33.

Par ailleurs, la situation des travailleuses dans l'industrie n'est pas un problème marginal. Elle est le symptôme d'une industrie qui est gangrenée par des pratiques de contrôle d'un petit nombre de personnes qui exigent ensuite la conformité et le silence des autres. Si, ensemble, nous nous attaquons à ces problèmes, c'est toute l'industrie, les travailleuses, les travailleurs et tous les acteurs de la construction qui vont en bénéficier.

Le Québec affiche le pire taux de présence des femmes dans les métiers et occupations de la construction au Canada, de toutes les provinces, et de loin. La moyenne de présence des femmes pour tout le Canada est plus de 3 %, 4 % à l'Île-du-Prince-Édouard, plus de 6 % en Alberta, et, au Québec, le taux de présence des femmes est 1 % et il progresse à pas de tortue. Les femmes progressent dans ce secteur névralgique ailleurs au Canada, mais pas du tout au Québec.

**(14 h 30)**

De plus, le taux d'abandon des femmes dans la construction est effarant, pratiquement le double de celui des hommes. En 2008, un rapport de la CCQ sur les abandons dans le secteur montrait que 66 % des femmes qui sont entrées dans ce secteur quittent après les cinq premières années, comparativement à 36 % des hommes. C'est énorme, et pour les hommes, et pour les femmes, mais surtout pour les femmes. C'est deux tiers qui quittent avant cinq ans.

De plus, plus que la moitié des femmes ayant abandonné l'industrie ont dit avoir subi des situations de discrimination. Alors, la situation est grave et elle est un indice de la profondeur des problèmes. Alors, maintenant, je passe la parole à ma collègue Sylvie Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): M. le Président, merci. Mme la ministre. Alors, on est en train de finir une étude qu'on a faite sur le terrain, dans l'industrie, par rapport aux femmes et filles qui travaillent dans l'industrie, et qui ont quitté l'industrie, et qui veulent rentrer dans l'industrie. Et ça a été réalisé dans plusieurs régions du Québec. Ça a confirmé nos craintes énormément: des travailleuses ont témoigné avoir subi du harcèlement. Pour certaines, ça a été jusqu'à de la violence. Ça fait qu'aujourd'hui on veut dénoncer. C'est sûr qu'on veut mettre ça dans vos mains parce que, nous, on fait ce qu'on peut, mais on aimerait ça que vous régleriez... vous légifériez en ce sens.

Il est démontré qu'il y a une seule minorité qui persiste dans leur lutte jusqu'à un règlement en cour, alors que plusieurs victimes souffrent en silence, et cela par peur de représailles ou perte de contrat. Aujourd'hui, on ne se le cachera pas, c'est une journée importante, puis c'est le début d'une longue semaine pour vous, hein? Le projet de loi n° 33 n'est pas, de ce que, moi, j'ai regardé, de ce que j'ai lu, j'ai étudié, je le... c'est bien, mais ce n'est pas à la hauteur d'une société comme la nôtre. Il pourrait être encore bonifié, il pourrait être amélioré, parce qu'on doit être exemplaires, puis exempt de discrimination et de harcèlement dans l'industrie et partout au Québec, au fait.

C'est sûr qu'on va parler du placement syndical, on a une opinion là-dessus: c'est problématique. Mais je voudrais vous dire surtout, pour commencer, notre première réunion ministérielle a été le 14 décembre 2009, dans le bureau du ministère du Travail, à l'époque. C'est là qu'on a dénoncé la première fois que les syndicats bloquaient l'accès à l'industrie, et chez les femmes, et chez les hommes. Depuis, on a eu 22 réunions ministérielles dans quatre ministères différents. 12 réunions, une douzaine de réunions avec la Commission de la construction du Québec. On est rendus à notre troisième consultation publique depuis février, et aujourd'hui j'ose croire que notre pas va être au moins assez fort pour faire des changements importants, parce que ça ne peut plus continuer.

Le système de placement de la main-d'oeuvre actuel crée beaucoup trop de problèmes, aux travailleuses, mais aussi aux travailleurs. Moi, je parle pour mes filles, mais ça... règle un cas, règle l'autre cas en même temps, hein? En effet, le placement syndical fait entrer d'autres facteurs qui n'ont rien à voir avec la compétence dans le processus du placement, ce qui laisse place beaucoup à la discrimination. Effectuer du placement, ça ne cadre pas vraiment avec la mission des syndicats. Les syndicats devraient être là pour protéger leurs travailleurs, leurs membres, leurs travailleuses puis voir à leur intégrité, puis à ce que leurs droits soient respectés.

Aujourd'hui on voit... Bien, depuis des semaines, on le voit dans les journaux, mais, aujourd'hui, les chantiers sont fermés parce que les deux plus grosse syndicales, elles ne sont pas contentes. Mais elles ne seront pas contentes de nous entendre non plus, hein, on ne s'entend pas là-dessus. Mais on n'est pas antisyndicalistes, interprétez-nous pas mal. On est syndiqués, c'est correct, mais il faut qu'ils fassent leur job aussi.

Ce que je trouve le plus triste là-dedans, c'est que, si les travailleuses et les travailleurs ont lu et étudié le fameux projet de loi comme on l'a fait, puis on n'est pas des avocats, mais on a quand même pris vraiment beaucoup de temps là-dessus, puis on a passé article par article et règlement par règlement, et je peux te dire... Excusez, M. le Président. Je peux vous dire que, les travailleurs, s'ils l'auraient fait comme ça, ils verraient que finalement ils ne perdent pas grand-chose dans le projet de loi qui s'annonce. Par contre, les syndicats, on ne se le cachera pas, international... bien, excusez, conseil provincial, qu'on appelle International, puis la FTQ-Construction, eux, ont beaucoup à perdre. Ils perdent leurs placements, ils perdent aussi deux sièges, chacun un siège sur le conseil d'administration de la construction du Québec, chose très importante à leurs yeux, et je les comprends.

Pour continuer, j'ai amené avec... bien, on a amené avec nous une travailleuse de l'industrie aussi, qui va représenter, bien, qui va... pas représenter, ce n'est pas vrai, excusez, là, qui va parler un petit peu de son expérience vécue avec le groupe International. On a une travailleuse de la FTQ-Construction, qui était supposée d'être ici, on avait laissé le nom. Hier soir, elle a été obligée de se désister parce qu'elle a été à l'hôpital la veille par rapport à un problème sur la Côte-Nord. Elle a été violentée par un gars de la FTQ. Son absence aujourd'hui, c'est par rapport qu'il y avait 14 heures de route, et puis, avec les côtes et les muscles déchirés, elle ne pouvait pas se rendre pour venir témoigner.

Mais par contre elle m'a donné l'autorisation de parler de son cas. Évidemment, je vais taire son nom, vous me comprendrez, mais, si vous voulez poser des questions, je vais y répondre. Je vais juste laisser la parole à Caroline pour qu'elle puisse dire un petit bout de son vécu, puis je vais rependre ça après. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): À vous, Caroline.

Mme Parent (Caroline): M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Ça va bien aller.

Mme Parent (Caroline): Oui. Je suis un petit peu nerveuse.

Le Président (M. Ouellette): Ah! mais non. Ça va bien aller. C'est votre première fois, là?

Mme Parent (Caroline): Oui.

Le Président (M. Ouellette): Prenez un grand respir, regardez-moi, puis ça va bien aller.

Mme Parent (Caroline): Bien, je voudrais commencer par dire qu'aujourd'hui je suis une travailleuse heureuse, mais ça n'a pas toujours été le cas. Si je vous conte un petit peu mon histoire, moi, j'ai suivi un D.E.P. en soudage-montage payé par Emploi-Québec. Puis ensuite, avec les prêts et bourses, j'ai fait une A.S.P. haute pression, une spécialisation pour la soudure. Puis, en faisant ma spécialisation, j'ai suivi le cours de sécurité sur les chantiers de construction parce que c'était un projet qui m'inspirait.

Puis, après quatre ans en entreprise, l'envie de la construction puis de souder sur les pipelines, bien, c'est revenu, puis là j'avais le goût de faire ça, ça fait qu'avec la CCQ j'ai suivi un cours, Regard sur la construction. C'est un cours qui donne accès aux chantiers, mais il faut que tu prouves que tu es compétent. Ça fait que je me suis inscrite à la formation avec mes deux diplômes qui prouvaient que j'étais compétente pour aller travailler sur les chantiers. Puis, à la fin du cours, bien, on est obligés de faire un choix syndical. Puis, moi, si je voulais souder haute pression, il fallait que... le syndicat auquel il fallait que j'aille, c'était le 144, l'International. Ça fait que je les ai appelés un peu pour savoir comment ça fonctionnait. Puis, moi, j'étais nouvelle, là, dans la construction, là. Quand tu suis le cours, ils ne te disent pas tout, là.

Ça fait que je les ai appelés, puis là j'ai parlé à un représentant du local, puis, lui, il m'a dit qu'il ne me ferait pas travailler. Ça fait que je lui ai demandé... Je dis: Êtes-vous en train de dire que vous refusez mon argent puis que vous ne me ferez pas travailler? Il dit: Oui. Il dit: Tu peux bien me le donner, ton argent, si tu veux, mais tu vas tout le temps rester en bas de la liste sur le «board» puis tu ne travailleras jamais. Ça fait que j'ai été obligée d'appeler d'autres syndicats, puis, en signant avec d'autres syndicats, bien, j'ai choisi une autre occupation, ça fait qu'aujourd'hui... Bien, dans le temps, je ne connaissais pas mes droits. Je ne savais pas que j'avais le droit de me... Qu'est-ce que je pouvais faire contre ça, tu sais? Moi, on me dit qu'on ne veut pas de moi, ça fait que je fais: Bon. C'est bon, on ne veut pas de moi. Je ne sais pas qu'est-ce que j'ai le droit de faire, je ne connais pas mes droits. Ça fait que... Ouf, je suis encore stressée.

Le Président (M. Ouellette): Prenez votre temps.

Mme Parent (Caroline): Ça fait qu'aujourd'hui, malgré mes compétences, je travaille sur la construction, je suis manoeuvre sur les chantiers en bâtiment puis en excavation, puis, malgré qu'Emploi-Québec m'a payée puis le gouvernement m'a donné une bourse pour apprendre le soudage haute pression, bien, ça n'a servi à rien parce qu'aujourd'hui je ne travaille pas là-dedans. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Ça a bien été?

Mme Parent (Caroline): Oui, oui.

Le Président (M. Ouellette): Bon.

Une voix: Merci, Caroline.

Mme Parent (Caroline): Je tremble par en dedans, mais c'est correct.

Le Président (M. Ouellette): Là, vous allez avoir des questions tantôt, là, ça fait que ça va très, très bien aller. Vous allez voir, les députés vont... vous allez être très à l'aise avec les questions qu'ils vont vous poser. Mme Beeman, Mme Déraspe, continuez.

Mme Déraspe (Sylvie): Merci, M. le Président. L'expérience de Caroline est loin d'être une histoire isolée. Dans notre étude, la grande majorité ont vécu des histoires comme la sienne et encore plus dramatiques. Ça va du simple... comme j'ai déjà dit dans le passé, de la simple farce plate à la violence physique. Sur la Côte-Nord, je crois que c'est une des régions la plus gangrenée, comme elle peut dire, ma collègue, là, mais c'est vraiment... C'est très grave, là. Les filles, elles font des... La dernière que j'ai parlé, celle qui n'est pas ici aujourd'hui, elle a porté plainte à la police.

Mais il faut dire aussi que ce n'est pas évident. Elles ne travaillent pas, elles ne peuvent pas non plus gagner leurs heures pour renouveler leurs cartes. Elles ne peuvent pas non plus... Sur la Côte-Nord, ça marche comme aux Îles. Vous savez, il faut qu'elles fassent leurs timbres de chômage, puis... Excusez, c'est M. Chevarie.

Le Président (M. Ouellette): ...ça, Mme Déraspe, entendre ça.

**(14 h 40)**

Mme Déraspe (Sylvie): C'est ça. C'est mon accent. Tout ça pour dire qu'il y a vraiment un réel problème, O.K.? Nous, aujourd'hui, c'est sûr qu'on n'est pas anti-International puis anti-FTQ, là, on les aime bien. Il y a aussi des cas à la CSN, ils sont bien plus fins que les autres puis... s'ils veulent. Mais le président, il dit qu'il n'y a pas de problème, mais, moi, je sais qu'il y en a eu aussi sur la Côte-Nord qui appartiennent à la CSN. Ça fait que, finalement, il n'a pas de contrôle sur les dirigeants d'affaires, sur les agents d'affaires, sur les représentants syndicaux. Le gars qui est à Montréal, dans son bureau, il ne peut pas savoir ce que l'autre fait, à l'autre bout, tu sais, c'est comme un peu complexe.

Le placement de la main-d'oeuvre, selon nous, doit être retiré des mains des syndicats, c'est sûr. Mais on a un petit peu de difficultés à comprendre la référence de main-d'oeuvre, la façon que ça va être fait. On aimerait ça être éclairées un peu là-dessus. Et il y a un autre questionnement que je me suis posée, c'est: Qu'est-ce qui va obliger les entrepreneurs à négocier de bonne foi pour favoriser les ententes avec les travailleuses et les travailleurs? Tu sais, si... Parce qu'on ne se le cachera pas, il y a des syndicats qui ne sont pas profemmes, il y a aussi des entrepreneurs qui ne sont pas plus profemmes, qui ne veulent pas nécessairement être obligés d'engager. Puis on n'est pas beaucoup de femmes actuellement. C'est une population de 150 000 environ, travailleurs et travailleuses. Il y a à peu près 1 742 filles, ça fait qu'on peut quasiment dire que ce qui reste, c'est... Vous serez chanceux si elles restent dans l'industrie si c'est n'est pas assaini de la façon correctement. Je tiens mon temps! Excusez.

Le Président (M. Ouellette): Ça va bien. Vous avez encore une minute, là. Si vous voulez faire une conclusion, Mme Déraspe ou Mme Beeman.

Mme Déraspe (Sylvie): Ah! Pour la conclusion? Oui. Mais, attends, veux-tu rajouter quelque chose?

Mme Beeman (Jennifer): Oui. J'aimerais juste rajouter, peut-être, pour conclure, que nous sommes par ailleurs très déçues que les recommandations du rapport du groupe de travail n'ont... tout ce qui touche la... pour améliorer la situation des femmes dans la construction n'ont pas été reprises dans le projet de loi. À notre avis, ces recommandations constituaient le minimum, le point de départ pour améliorer la situation des femmes dans la construction. Entre autres, ce qui est essentiel, ce sont des recours efficaces en cas de plaintes relatives à la référence de main-d'oeuvre, des pratiques d'intimidation, de discrimination et de harcèlement. Actuellement, les recours ne sont absolument pas efficaces pour les femmes.

Mme Déraspe (Sylvie): Pour terminer, Mme la ministre... M. le Président, excusez, Mais, Mme la ministre, vous m'avez dit personnellement mais aussi publiquement que vous aviez une oreille pour les syndicats, une oreille pour le patronat, et votre coeur était aux travailleuses et travailleurs. Aujourd'hui, on vous lance un cri du coeur: Nous, les travailleuses, on n'est plus capables d'être discriminées, on n'est plus capables d'être intimidées, on n'est plus capables d'être harcelées et on n'est plus capables d'être violentées pour pouvoir travailler sur l'industrie. Il y a eu une petite qui me disait, une de mon étude, qui m'a dit dernièrement: Vous savez, on partage nos hôpitaux, on partage nos bureaux avec les gars. Comment ça se fait qu'ils ne veulent pas partager leurs chantiers?

Là-dessus, j'espère qu'on va avoir une bonne discussion, éclaircissement de tous les côtés, et puis aujourd'hui, bien, il faut vraiment régler... essayer d'apporter des nouvelles solutions parce que c'est effrayant. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Déraspe. Ça a été très intéressant. Mme Parent, vous avez fait ça comme une grande. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Vous fonctionnez par des blocs de combien?

Le Président (M. Ouellette): 22 minutes.

Mme Thériault: 22 minutes d'un coup ou si vous faites deux blocs?

Le Président (M. Ouellette): Tout d'un coup.

Mme Thériault: Tout d'un coup. Parfait. Vous allez me permettre, Mme Déraspe, Mme Beeman et Mme Parent, d'abord de vous remercier d'être en commission parlementaire, de vous féliciter parce que ça prend beaucoup de courage pour être là, et le fait de parler sur la place publique aujourd'hui, c'est probablement la meilleure forme de protection que vous ne pouvez pas avoir parce qu'on entend ce que vous dites, il restera toujours une trace de ça. Ce n'est pas quelque chose qui va se régler entre deux paires d'yeux ou entre deux paires de bras, ça, c'est évident.

Vous allez me permettre également, Mme Parent, de vous féliciter parce que ce n'est pas évident, arriver au Parlement, surtout que c'est votre première fois, de venir ici puis de dire que vous avez investi de votre temps dans une profession, dans un métier que vous vouliez exercer, puis de nous dire que vous n'avez pas été capable de travailler dans cette ligne-là, même si c'était ça que vous vouliez puis que vous étiez compétente. Moi, je suis contente que vous l'ayez dit dans le micro. Puis ça prend beaucoup de courage pour ça. J'ai vu que vous étiez nerveuse, vous étiez aussi sur le coup de vos sentiments. C'est correct. Nous autres aussi, on en a, du coeur, puis, nous autres aussi, on est capables de comprendre les messages. Puis ça prend des femmes pour faire changer les choses, comme vous, qui vont venir en commission parlementaire parler des vraies affaires. Ça ne fait peut-être pas l'affaire de tout le monde, je suis contente, c'est correct, c'est beau.

Puis vous avez aussi bien balancé votre discours. Vous n'êtes pas en train de me dire que les syndicats, c'est tous des méchants, puis qu'ils n'ont pas une job à faire. Au contraire, vous dites qu'ils ont une job à faire, mais qu'il y a des bouts aussi qu'ils ne la font pas, puis que le placement syndical peut poser problème par rapport à la discrimination. Puis, dans votre cas à vous, ça semble avoir été assez clair: il n'a même pas voulu prendre votre argent comme cotisation syndicale, vous avez été obligée d'aller vers un autre syndicat. Honnêtement, je ne peux qu'avoir beaucoup d'admiration. Je reviendrais sur vos statistiques, Mme Beeman, un peu plus tard avec l'étude.

J'ai compris également que vous étiez déçues parce que, dans le projet de loi, il n'y a pas quelque chose qui vient enchâsser les droits des femmes ou quelque chose comme ça. Et ce n'est pas par manque de volonté politique, croyez-moi. Et, s'il y a quelqu'un qui démontre qu'on a de la volonté politique, c'est bien moi. Sauf que, pour vous, évidemment, dans la loi R-20, il y a déjà la Charte des droits et libertés qui est plus forte que le reste et que c'est écrit: Pas de discrimination, notamment -- c'est une question de sexe -- pour les femmes.

Je le sais, que ça ne règle pas le problème. La charte, ça fait des années qu'elle est adoptée, les femmes ne travaillent pas plus sur le chantier. Je le sais, que vous avez fait beaucoup de réunions. Je peux juste vous dire que, vous, votre job, elle commence dans pas grand temps. Vous avez fait... débroussaillé pas mal le terrain. Votre étude, quand est-ce qu'elle va être prête, Mme Déraspe?

Mme Déraspe (Sylvie): On est dans la compilation et dans l'écriture pour la sortir d'ici quelques semaines.

Mme Thériault: D'ici quelques semaines?

Mme Déraspe (Sylvie): Oui.

Mme Thériault: Donc, évidemment, j'imagine que nous serons plusieurs ministres interpellés. Or, l'étude, les résultats, je pense que ça va vraiment nous donner une bonne base sur quoi on va pouvoir travailler pour faire en sorte que les femmes puissent prendre leur place.

Vous savez, moi, avant de faire de la politique, là, j'ai siégé sur différents conseils d'administration, puis je peux vous dire que, quand je suis arrivée à la chambre de commerce, je n'avais pas 30 ans, et qu'on était trois filles sur 24 en conseil d'administration. C'était vraiment quelque chose. Bien impressionnant. Ça fait que je comprends les jeunes travailleuses qui ont beaucoup de difficultés à faire leur place. Et tant qu'il n'y a pas de volonté des dirigeants d'intégrer les femmes, ça va toujours être difficile de le faire.

En politique, on a été capables de repousser les limites parce qu'il y a de la volonté des dirigeants puis des chefs politiques de faire de la place aux femmes. Et je rêve du jour où il y aura une femme qui sera à la tête d'une centrale syndicale qui travaille en construction; je pense que les choses vont bien changer.

Entre-temps, évidemment, je ne peux pas faire autrement que de vous demander, parce qu'il y avait une autre personne qui était supposée venir avec vous, puis vous avez dit dans vos remarques, puis ça me trouble... Puis je vais vous poser des questions, je ne veux pas rentrer dans les secrets des dieux, sauf que vous avez dit: Faire 14 heures de route avec des côtes cassées, fêlées, ce n'est pas évident non plus. Est-ce que c'est quelque chose qui s'est produit par rapport avec le monde de la construction qui a fait que cette dame-là en question a des côtes fêlées? Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de ce qui est arrivé? Et je vous poserai d'autres questions par la suite.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): Merci, M. le Président. Oui, c'est arrivé il y a une dizaine de jours. Et c'est un gars de la FTQ-Construction, son syndicat en passant, parce qu'elle est FTQ-Construction. Mais je ne voudrais pas donner du trouble à la madame, de plus, là, mais je ne nommerai pas la place sur la Côte-Nord, comme ça... Mais oui, elle a eu des muscles écrasés à coups de botte de cap d'acier, comme on peut dire, parce que le gars n'était pas content de ce qu'elle avait demandé ou de ce qu'elle avait dit. Il faut dire aussi que cette dame-là, son mari est entrepreneur spécialisé en génie civil -- j'espère que je n'en dis pas trop -- puis Rambo gère la main-d'oeuvre sur la Côte-Nord. Mettons que ce n'est pas facile ni pour les employeurs ni pour les travailleuses et travailleurs.

Chose que j'ai de la misère à comprendre, c'est que le monsieur en question, M. Gauthier, là, il était à la cour il y a deux, trois semaines; ça a été reporté au mois de novembre. Mais le temps qu'il se promène sur les chantiers, il n'y a rien de réglé, il fait le bal, il fait la pluie et le beau temps là-bas, lui.

Puis, sur la Côte-Nord, la région, je te dirais que la terreur, c'est assez grave, là, c'est même perturbant. Parce que, moi, je ne suis pas une psychologue puis je ne suis pas... tu sais, mais je les ai écoutées, je les ai entendues pleurer, je les ai entendues crier, je les ai entendues me demander: Qu'est-ce que je fais pour manger demain matin? Je sais que vous allez resserrer les règles là, bien, ça ne sera pas demain que la règle va être resserrée. En attendant, les filles crèvent de faim, là, puis les gars, il y en a aussi, là... Écoutez, la discrimination, ça... Moi, je parle pour mes petites, là, puis je parle pour les femmes du Québec, là, mais on ne se le cachera pas, ça se passe chez les gars aussi, là: si tu n'as pas la face du beau-frère qu'il aime ou que ta face ne lui revient pas, bien, il ne travaille pas plus là. Ça fait qu'il y a un grand problème de ce côté-là.

Et j'ai un peu de difficultés à comprendre, mais je sais que... Je le sais, Mme la ministre, qu'il y en a, des articles, là, de 101 à 105. On les connaît, les articles, là, qui sont dans la loi présentement, O.K.? Mais c'est plutôt difficile pour les gens de faire en sorte de premièrement porter plainte, là. Dire, juste porter plainte, c'est compliqué. Tu sais, c'est un numéro de téléphone, tu ne sais pas, il n'y a rien pour te référer, il n'y a même pas un numéro 1-800. Allez-vous penser à ça en même temps? Tu sais, je veux dire. Excusez.

Parce que la CCQ, c'est bien beau, mais ce n'est pas juste Montréal, Québec, là, c'est partout, c'est toute la province, là. Aux Îles-de-la-Madeleine, tu sais? Quand on dit que l'Île-du-Prince-Édouard, 4 %, avez-vous vu l'île comment est-ce qu'elle est grande? C'est grand comme ma main, hein, comparé au Québec. Mais tout ça, il faut vraiment voir avec qu'est-ce que vous allez mettre dans le projet de loi pour régler la situation de discrimination, violence et harcèlement, et tout ce que ça concerne.

**(14 h 50)**

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui, merci. Est-ce qu'elle a porté plainte, cette dame-là?

Mme Déraspe (Sylvie): Oui, à la police, oui.

Le Président (M. Ouellette): Vous répondez oui. Mme Déraspe, je ne veux pas vous couper, c'est parce que c'est juste pour les besoins de l'audio, puis je veux effectivement qu'on puisse être en mesure d'avoir vos réponses au verbatim. Ça fait que... Merci beaucoup. Donc, vous m'avez répondu oui, Mme Déraspe, à la question de la ministre?

Mme Déraspe (Sylvie): Je m'excuse, M. le Président. Oui, c'est ça, elle a porté plainte.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: D'accord. Concernant votre remarque, à la Commission de la construction du Québec, oui, effectivement, il y a des projets. Il y a des nouveaux projets qui sont en branle, dont des lignes pour dénoncer la discrimination dont les gens peuvent être au fait. On aura l'occasion d'entendre la Commission de la construction cet après-midi également. On leur posera des questions, qu'est-ce qu'ils font pour protéger les droits des travailleurs puis s'assurer qu'on puisse aider les gens au niveau de l'intimidation qui a lieu sur les chantiers.

Je vais peut-être poser une question à Mme Parent avant de passer la parole à mes collègues, parce que je suis sûre qu'ils ont beaucoup de questions eux autres aussi. Mme Parent, avez-vous déjà été victime d'intimidation sur un chantier?

Le Président (M. Ouellette): Mme Parent.

Mme Parent (Caroline): M. le Président, c'est déjà arrivé, mais par des ouvriers, pas par le syndicat.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Par des ouvriers. À ce moment-là, est-ce que, lorsqu'il y a eu une situation d'intimidation, vous avez été en mesure d'aller voir le dirigeant syndical sur place, votre représentant, pour lui faire état de la discrimination, de l'intimidation que les ouvriers mettaient à votre égard?

Le Président (M. Ouellette): Mme Parent.

Mme Parent (Caroline): M. le ministre. C'est arrivé une fois, sauf que je ne l'ai pas laissé m'intimider. Ça fait que je n'ai pas eu besoin d'avoir de recours puis...

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Vous ne vous êtes pas laissé faire.

Le Président (M. Ouellette): Mme Parent.

Mme Parent (Caroline): M. le Président, non, je ne me suis pas laissé faire.

Le Président (M. Ouellette): C'est bien. C'est parce qu'en vous donnant la parole de même ça vous donne du temps pour reprendre votre souffle. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Je vous félicite, parce que vous ne vous êtes pas laissé faire. Puis le message que je pense qu'on doit envoyer non seulement aux femmes qu'il y a dans l'industrie de la construction mais également les travailleurs qui peuvent être victimes de discrimination -- je parle des hommes ici -- ou d'intimidation: de ne pas se laisser faire. On sait tous qu'il y a la peur aussi, la peur de parler, la peur de subir des actes, la peur de subir des représailles. Mais, moi, je trouve que vous avez beaucoup de courage d'être aujourd'hui devant nous puis je ne peux que vous encourager à continuer, à persévérer et à sortir sur la place publique à chaque fois que l'occasion vous sera donnée. Puis je veux que vous sachiez qu'en ma personne, comme ministre du Travail, vous avez su toucher mon coeur. Merci.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe, vous aviez un commentaire, là, parce que je vous ai vu lever le doigt tantôt, là.

Mme Déraspe (Sylvie): Oui. Je veux juste rajouter pour... Merci, M. le Président. Je veux rajouter pour Mme la ministre, ce n'est pas tout le monde qui est bâti comme Caroline et moi, qui peut brasser quelqu'un puis lui dire de nous... tu sais, on peut les mettre à leur place. Il y a des madames qui n'ont pas le goût de se battre. Mais il y a des madames bien bâties, qui est... puis des messieurs bien menus. Vous me comprenez, M. le Président?

Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas donné à tout le monde. Plutôt de se battre à tous les jours pour passer... Parce que dans l'étude aussi, quand ils disent: On a passé la discrimination, après ça, il faut vivre l'intimidation puis le harcèlement. Ça fait que, rendu là, ce n'est pas tout le monde qui a le goût de se battre puis de faire sa place. Ça fait que c'est pour ça qu'il y a beaucoup d'abandons aussi. Les gens vont sortir puis ils vont dire: On va faire d'autre chose, là, tu sais. Ça fait que c'est ça que je voulais rajouter. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Déraspe. Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, merci beaucoup d'être ici. Je dois vous avouer que vous avez mis la table comme premières intervenantes dans le cadre de la consultation. Vous avez mis la table, puis on a abordé un sujet qui est peut-être un peu tabou, finalement: la présence des femmes dans le milieu de la construction.

Le gouvernement a fait des efforts pour mousser les métiers non traditionnels chez les femmes. J'ai pris connaissance de votre mémoire, qui est vraiment intéressant en passant, vous faites état... vous brossez un tableau général. Je comprends qu'en raison d'une question de temps, là, vous avez fait un exercice de synthèse cet après-midi, mais, à titre indicatif, tant pour les gens qui suivent nos travaux, les membres de la commission et les journalistes, votre mémoire est très intéressant, tant votre...

Dans les statistiques, on parle qu'il y a environ 1 900 -- environ, là -- travailleuses de la construction, des chiffres de 2010. On en a 1 147 apprentis, 317 compagnons sur un ensemble d'à peu près 152 000, plus ou moins, travailleurs de la construction dans l'industrie. Dans ces 1 900 là, on en a combien qui travaillent réellement sur les chantiers? Parce qu'on a des statistiques, on a des gens qui sont qualifiés, à qui on a reconnu des compétences spécifiques. Les statistiques sont là, c'est très peu, là, 1 900 sur 152 000, mais pratico-pratique, dans la vraie vie, là, on en a combien qui ont accédé aux chantiers?

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): Oui, mais ça, c'est une question que la CCQ va pouvoir vous répondre tantôt exactement: Combien est-ce qu'il y en a qui font leurs heures puis qui travaillent à plein temps? Moi, ce que j'ai entendu dernièrement et pendant toute l'année: les filles ont de la misère à faire leurs heures puis à renouveler leurs cartes. Il faut qu'ils quêtent, il faut qu'ils se plient en deux. Ceux qui travaillent, c'est soit ceux qui sont les plus proches des représentants syndicaux, c'est ceux qui sont... Excusez, là, il y en a qui ne seront pas contents de nous entendre, mais c'est vraiment... ce n'est pas évident. La CCQ va être plus en mesure de vous répondre que moi.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Est-ce que je comprends, là, de ce que... C'est important ce que vous dites puis c'est important qu'on mette le doigt dessus. Si tu es fine, fine, fine, tu peux avoir une job. C'est-u ça que vous êtes en train de nous dire?

Mme Déraspe (Sylvie): J'espère, M. le Président...

Le Président (M. Ouellette): Oui.

Mme Déraspe (Sylvie): J'espère que ce n'est pas ça pour vrai, là, O.K., parce que ce serait... Moi, je fais du mentorat... puis Caroline, elle peut le dire, ça fait longtemps qu'on se connaît, puis je la suis depuis longtemps. Je dis à mes petites... Mes petites, elles sont plus grandes que moi, le trois quarts, là. Mais je dis: Respectez-vous pour imposer le respect, O.K., ça, c'est une règle d'or. Si tu fais plombier, bien, habille-toi en plombier puis arrange-toi pour que le G-string, il ne sorte pas de ta culotte, O.K.? C'est ça.

Mais ce que je veux dire, de ce que j'ai entendu dernièrement, il y aurait quelques... oui, quelques... mais j'espère que ce n'est pas la majorité, là, parce que, là, on est plus bas que je croyais.

Le Président (M. Ouellette): Mme Beeman, vous vouliez rajouter un commentaire?

Mme Beeman (Jennifer): Oui. Je pense que ce qu'il faut comprendre, que c'est vraiment systémique. Et, quand il faut chercher un emploi à répétition au cours de l'année, le problème peut intervenir d'un peu partout, d'un entrepreneur ici, ou du syndicat ici, ou des collègues ici, ou... Mais ce que les femmes doivent affronter, en termes de culture, pour rester dans ce métier, lorsqu'elles sont performantes, compétentes, extrêmement productives et elles veulent juste donner leur 150 %, c'est impossible, le contexte dans lequel elles doivent naviguer, et c'est ça qui est impossible.

Alors, ça peut bien aller dans une place, mais la prochaine place, c'est là que ça va être difficile, où il y a des personnes qui bloquent la femme systématiquement. C'est vraiment un problème de culture et c'est un problème systémique. Donc, ça peut arriver un peu n'importe quand au cours du cheminement d'une travailleuse.

Mme Vallée: Comment on peut...

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Pardon. Comment on peut casser ça, ce problème systémique là? Parce que j'écoutais le témoignage de Mme Parent tout à l'heure, je sais que, dans la salle, il y a des gens, des associations syndicales. Je comprends le stress, pour une citoyenne, de venir témoigner connaissant la présence des gens qui sont là dans la salle, qui te regardent avec un regard soutenu. Mais, en même temps, un milieu de travail, ce n'est pas un ring de boxe, ce n'est pas une arène de boxe, ce n'est pas comme ça. Ce n'est pas comme ça qu'on fait les choses dans une société libre et démocratique. Ce n'est pas en intimidant les gens, que ce soient les gens qui viennent en commission parlementaire, que ce soient les parlementaires... J'ai eu du vandalisme à mon bureau, moi, vendredi: étrange coïncidence. Mais ce n'est pas de cette façon-là qu'on règle les choses.

Alors, comment vous voyez, vous, qu'on pourrait casser ce moule-là de pression, de difficultés à avancer pour les femmes dans le milieu de la construction?

Le Président (M. Ouellette): Mme Beeman.

Mme Beeman (Jennifer): Je pense que l'essentiel, c'est vraiment une approche multiple. Ce n'est pas juste une chose qui va faire la différence, c'est vraiment d'agir, tolérance zéro d'intimidation et de discrimination, et surtout des recours valables et rapides en cas de harcèlement. Un suivi pour les femmes. Il va falloir revenir à l'obligation contractuelle, aux exigences. En principe, la CCQ devrait avoir un programme d'accès à l'égalité, qui est mort depuis 10, 15 ans. Alors, il faut... mais c'est dans la loi, il faut revenir à ça. Il faut regarder tous les facteurs pour favoriser l'embauche des femmes parce que les femmes vont faire partie de la solution dans ce secteur.

Quand les femmes peuvent intégrer et rester dans un secteur, ça veut dire qu'on va avoir un secteur qui est en santé. Et elles sont vraiment une force extrêmement positive pour la culture de l'industrie de la construction.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe, vous aviez un commentaire à rajouter?

**(15 heures)**

Mme Déraspe (Sylvie): Oui. J'aimerais ajouter quelque chose. Le Programme d'accès à l'égalité que ma collègue parle est terminé depuis 2006, là. On attend toujours le rapport final, ils sont supposés de le relancer. Ils nous ont promis de le relancer, puis on est supposées d'en faire partie.

Ceci dit, là, quand vous demandez quelles sortes de pistes de solutions, nous, on a parlé avec... Bien, les quatre ministères que je vous ai dis qu'on a eu des réunions, là, il y a le Travail, bien sûr, on s'entend, il y a Emploi-Québec, il y a la Condition féminine et il y a aussi l'Éducation. L'Éducation, à l'époque -- bien, c'était au début de l'année puis l'année passée -- ils nous ont demandé: Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse dans le dossier de la construction? Il me semble... Mais il ne faut pas oublier qu'ils sont assis sur le conseil d'administration de la CCQ. C'est un des membres indépendants, hein, avec le Travail.

Et, moi, je leur ai dit: Ça part sur les bancs d'école, là. Moi, je suis grand-mère, là, en passant, là, mais les enfants, c'est vous autres qui les avez dans les mains, là. Ce qu'on dénonce aussi aujourd'hui, là, ça existe depuis des lunes, là. On ne se le cachera pas, là. Le papa qui est serré comme ça, bien, les enfants sont élevés dans la même mentalité. Ça fait que ça se reproduit de générations en générations. Et je crois vraiment qu'à l'école on devrait dire aux petits garçons, de cinq ans ou six ans: Oui, tu peux être pompier, mais tu peux être aussi infirmier. Puis la petite fille: Oui, tu peux être coiffeuse, mais tu peux être aussi charpentière. Ça commence là.

Les stéréotypes, les préjugés, on a vu des livres qui s'en allaient dans nos écoles au mois de septembre -- je ne veux pas parler contre la CCQ parce qu'on a une collaboration excellente, là -- mais il n'y avait pas les termes féminins pareil. Ils mettaient «charpentier», puis ça s'en allait dans les quatrième et cinquième années à l'élémentaire. Comment voulez-vous que les enfants se réfèrent à quelque chose de stéréotypé et vraiment... Vous me suivez? Une partie de la solution serait là: collaboration entre les ministères aussi, là. Commencez à vous parler, là. Excusez.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage, vous aviez une question?

M. Drolet: Oui. Bien, merci, M. le Président. Mes salutations aux collègues, vu que c'est ma première intervention aussi pour cette commission. Mme Parent, je m'adresse à vous parce que tout à l'heure vous avez parlé particulièrement, en tant que soudeure, du local 144 et puis qu'il avait comme -- dans mes mots à moi -- imposé le fait que ça soit seulement eux qui peuvent faire, en fait, le placement. Pourquoi pas les autres? Quatre ou cinq autres syndicats auraient pu le faire. J'aimerais ça...

Mme Déraspe (Sylvie): Mme Parent, mais il me regarde, moi, là.

M. Drolet: Excusez. Oui, je regarde Mme Parent, mais... Excusez, je vous regarde vous, parce que vous...

Le Président (M. Ouellette): Non, mais c'est sûr que c'est Mme Parent qui va répondre.

M. Drolet: Mais, c'est ça, je veux juste aller en profondeur un petit peu là-dessus puis je reviendrai avec une autre petite question par la suite, là.

Le Président (M. Ouellette): Mme Parent.

M. Drolet: Ça, ça m'intrigue un peu. Pourquoi un seulement? Pourquoi pas les autres?

Mme Parent (Caroline): Ils ont le monopole. Si j'aurais voulu, admettons, souder d'autre chose que des pipelines, j'aurais pu aller vers d'autres locaux ou d'autres syndicats. Mais, pour les pipelines, c'est tout le temps placé par le syndicat, le local 144.

M. Drolet: C'est un monopole.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage.

M. Drolet: O.K. Non, mais ça répond...

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Gaspé, vous brûlez d'envie pour les dernières deux minutes. Non?

M. Mamelonet: Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette): Bien, il reste deux minutes.

M. Mamelonet: Alors, moi, ça va être très, très rapide.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Gaspé.

M. Mamelonet: Salutations à tout le monde. Bonjour. Merci, mesdames, pour votre témoignage. C'est important et c'est assez, je dirais, révoltant ce qu'on entend aujourd'hui et en particulier le cas de Mme Parent, qui est une jeune femme qui, malgré sa formation, est incapable d'assumer son métier puis le choix qu'elle a fait de sa carrière.

Moi, j'ai une question très, très simple. Selon vous, est-ce que le placement syndical fait partie aussi des méthodes d'intimidation des syndicats pour éviter que les femmes puissent intégrer le secteur de la construction?

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe? Mme Beeman?

Mme Déraspe (Sylvie): Oui, je vais répondre si ça ne te dérange pas. Juste pour... M. le Président, juste pour clouer la boucle, je ne sais pas si vous connaissez le secteur de l'industrie. Il y a cinq centrales, O.K., il y en a deux qui marchent par locaux, dont le 144 que ma collègue parle, O.K., ma petite. Le président provincial est là, puis ça marche par locaux, par métiers. L'International a 42 locaux, si ce n'est pas 43, là, mais je suis pas mal proche de ça, et la FTQ, il y en a 17, je crois, de mémoire. Ça fait que le président est là; les locaux sont comme ça.

Moi, le placement syndical est vraiment une des premières causes de discrimination, oui. Moi, je les ai rencontrés, les présidents provinciaux, avant d'aller dans les ministères. Avant d'aller voir le premier ministre du Travail en 2009, j'ai fait mes devoirs, là. Je suis allée les voir, je leur ai demandé, aux deux présidents des plus grosses centrales... Je n'ai pas été voir les autres, j'en avais assez entendu, O.K. Mais j'ai demandé à chacun d'eux autres, International, FTQ, un, s'ils savaient le problème qui se passait chez eux, puis, deux, s'ils avaient une emprise sur les locaux, sur les dirigeants du régional. Ils m'ont dit: Pas vraiment, c'est des entités indépendantes.

Puis il y en a un des deux, là, qui m'a répondu: Bien, soyez patiente. Parce que je lui ai parlé du local 144. Moi, mes filles, elles sont sacrées dehors pas très poliment, là. Ah! Excusez, M. le Président. Non, mais tout ça pour dire que ce n'est pas très poliment. Puis je lui ai parlé de son problème, là, tu sais, puis il m'a dit tout bonnement, le président, là -- il ne sera pas content parce qu'il s'en vient ici cette semaine, là: Soyez patiente, il prend sa retraite dans trois ans. Bien, trois ans plus tard -- bien, moi, ça fait deux ans déjà que je lui ai parlé -- il est encore là, puis il n'est pas plus fin, puis d'autant plus qu'il est assis sur le siège à la CCQ. Ça fait que vous ferez ce que vous voudrez avec l'information, c'est votre problème, ce n'est pas le mien. Ça vous...

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Déraspe. Sur ces belles paroles, M. le député de Jean-Lesage... Excusez. M. le député de... Oh! Mme la députée de Marguerite-D'Youville. Excusez-moi, Mme la députée.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Pas de problème. Merci, M. le Président. Mme la ministre, chers collègues. Mesdames, merci d'être là. C'est important de vous entendre. Comme ma collègue le disait, vous mettez la table de façon très sérieuse, et je pense que, la place des femmes dans l'industrie de la construction, elle doit être réaffirmée, et c'est des pionnières comme vous qui allez bûcher cette place-là. C'est sur que, dans la fonction publique, parapublique et dans d'autres corps de métier, les choses sont plus faciles, mais il a fallu que les femmes s'engagent, et je reconnais avec beaucoup de fierté le travail que vous faites et l'importance du document que vous nous déposez aujourd'hui.

Quand on fait la somme de toutes les problématiques que vous soulevez, on a le goût de se dire: Mais, mon Dieu, par quel bout on doit prendre ça pour que les femmes aient une place réelle dans la construction? Parce qu'on sait aussi que les femmes qui investissent de nouveaux champs d'intervention dans leur travail sont des agents de changement. La façon dont les femmes traitent les questions, prennent le travail, s'investissent dans le travail, elle est différente et elle peut être porteuse de changements. Elle doit être porteuse de changements, mais encore faut-il qu'elles soient nombreuses à investir les différents corps d'emploi, particulièrement dans le milieu qui est le vôtre.

Alors, quand je me réfère à votre mémoire, je prends bien sûr conscience des programmes d'accès à l'égalité qui sont boiteux, que vous qualifiez d'inefficace. Vous soulevez, à cet égard-là, un bon nombre de questionnements. Vous parlez aussi de la rétention, c'est-à-dire du taux d'abandon qui est assez important quand on regarde le pourcentage de femmes qui quittent avant cinq ans pour des causes de discrimination, de harcèlement, de violence. Et, quand on regarde...Si on essaie de fermer la boucle, quand on constate que, finalement, les moyens de dénoncer ne sont pas très facilitants -- et ça pose en même temps toute la question du suivi de ces plaintes-là en termes de délai puis en termes d'échéance -- si on juxtapose ça avec toute la question du placement, bien, on se dit: Comment les femmes qui sont encore là ont-elles fait pour y demeurer? Parce que je suis convaincue que ça demande énormément d'engagement et de volonté, alors je salue cela.

Mais la question que j'ai presque envie de vous poser: Quelle est la pierre angulaire, pour vous, la priorité par laquelle on doit commencer le travail pour faire en sorte que les femmes aient un accès réel aux métiers de la construction? Je connais le programme... J'ai travaillé longtemps dans le milieu de l'éducation. Je connais le programme Chapeau, les filles!. On s'y est investi. Je sais que par Emploi-Québec, il y a des mesures d'emploi dans les métiers non traditionnels. Je sais qu'il y a des femmes qui réussissent, on en entend témoigner, mais on sait qu'il y en a énormément qui quittent.

Alors, on prend ça par où pour être en mesure de reconstruire quelque chose, et de vous donner la capacité d'intervenir correctement, et de protéger celles qui sont là, et de faire en sorte qu'on ouvre des portes à celles et ceux... Puis je suis convaincue qu'il y en a plusieurs qui seraient intéressés à pratiquer dans les métiers de la construction.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe ou Mme Beeman, pour commencer?

Mme Beeman (Jennifer): Je dirais, c'est relativement ça, c'est trois choses: agir maintenant, aujourd'hui, sur le harcèlement psychologique, là, là, des recours valables immédiatement sur le harcèlement parce que le système est très boiteux. C'est envoyé à la CCQ pour le moment. Le formulaire de plainte n'est pas clair. C'est quoi, le processus, le retour? C'est qui qui prend en charge la plainte? C'est quoi, le processus de traitement de cette plainte? Comment est-ce que cette personne va être... Comment est-ce que la situation va être enquêtée et la plainte traitée? Parce qu'il faut protéger les travailleuses qui sont là, maintenant.

Deuxième question: discrimination à l'embauche. On la voit. Le nombre de cas que nous avons de discrimination à l'embauche; non, on ne veut pas de femmes ici, non, on n'embauche pas de femmes, c'est hallucinant. Il faut sensibiliser et les syndicats, et les employeurs, et tout le monde, que, non, ça s'appelle la discrimination. On est en train de brimer les droits fondamentaux des personnes, et c'est inadmissible.

Puis, troisième chose, des programmes d'accès à l'égalité, c'est sûr, mais les programmes d'accès à l'égalité après les deux premiers... les deux premiers éléments. Il faut mettre ces deux en place, suivis d'un programme d'accès à l'égalité qui est fort et où on fait le suivi. Il y a des personnes qui sont tenues imputables pour les résultats du Programme d'accès à l'égalité.

**(15 h 10)**

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe avait un commentaire, Mme la députée de Marguerite-D'Youville, si vous permettez.

Mme Déraspe (Sylvie): Je vais juste rajouter quelque chose pour vous, Mme la députée. Le Programme d'accès à l'égalité, il y a eu des bons coups sur le côté de l'éducation. Vous avez été dans l'éducation, vous le savez. On ne le condamnera pas de bord en bord, O.K.? On va être fins, là.

La relance, on est d'accord. Il y a une mesure, il y a une recommandation dans le rapport du groupe de travail que je n'ai pas vraiment vue dans le projet de loi, que j'aurais aimé rencontrer là, c'est des obligations de programme de sensibilisation dans les associations patronales et syndicales: et pour les patrons, et pour les dirigeants, et pour les agents d'affaires, et pour tout le monde, là, le membre aussi, parce que ça, tantôt, ça touche les patrons, tantôt, ça touche les syndicats, tantôt, ça touche les travailleurs, les collègues de travail. Il y en a, des femmes? On va les aider, O.K.? Il y en a, des gentlemans, partout, là, au Québec. Mais il y a aussi des Brutus, il ne faut pas oublier ça, tu sais. Et ça, il faut enrayer ça. Une campagne de sensibilisation tolérance zéro parce qu'on n'est vraiment plus capables. Moi, j'ai été capable, là, ma carrière est presque finie là-dedans, ça fait que... Mais, si je ne l'avais pas dit, qui est-ce qu'il l'aurait eu dit, là, haut et fort? On ne serait pas ici pour en parler, tu sais.

Mais, une autre affaire, juste pour terminer, M. le Président, excusez, oui, la rétention. Il n'y en a pas beaucoup, de femmes. Quand vous dites 1 900, une nouvelle statistique, là, dans le Programme d'accès à l'égalité... parce que je sais que vous allez avoir la CCQ tantôt. O.K.? Posez la question. Il y avait 18 mesures, dont la mesure 15 qui allait donner une obligation après quatre ans -- c'est sur 10 ans, le Programme d'accès à l'égalité -- après quatre ans, si le programme n'était pas à leur niveau, en tout cas, à leur satisfaction, peut-être d'obliger les entreprises à... salariés et plus l'obligation d'engager la femme, O.K.? Parce que le Programme d'accès à l'égalité...

Après ça, on m'a expliqué que le droit de la personne avait... parce que le Programme d'accès à l'égalité, si on s'entend bien, c'est 100 personnes et plus, les policiers de la SQ, Communauté urbaine de Montréal, tu sais, les municipalités, et tout ça. Dans l'industrie, des communautés à 100 personnes et plus, il n'y en a pas beaucoup, là. On s'entend-u là-dessus que c'est... Cette mesure-là serait peut-être à revoir parce qu'il faut vraiment arrêter la... Il faut arrêter ça, Ça n'a plus de bon sens. On est rendus en 2011, là. On peut-u?

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Je reviens, moi, sur les recommandations, justement, que vous aviez faites au comité qui... Dans la présentation que vous avez faite, vous nous dites qu'elles n'ont pas été reprises dans le projet de loi. J'aimerais ça vous entendre sur ces recommandations-là. Vous venez d'en traiter quelques-unes, là, mais j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus. Et, quand vous dites «des recours valables», dans votre premier point, c'est quoi, des recours valables? Vous les voyez comment?

Le Président (M. Ouellette): Mme Beeman.

Mme Beeman (Jennifer): O.K. Peut-être pour commencer avec les recours valables, ça, ce n'est pas si difficile que ça parce que la Commission des normes du travail a vraiment fait un grand effort au niveau des plaintes en cas de harcèlement psychologique, et les recours marchent. En fait, je dirais, dans tous les systèmes de droit au travail, ça marche vraiment très bien. Et, sur le site, toute l'information est là. C'est vraiment exemplaire ce qui a été fait sur cette question par la Commission des normes. Donc, on a une recette qui marche très bien. On pourrait très bien reprendre... La Commission de la construction du Québec pourrait très bien suivre le modèle déjà établi parce qu'on a quelque chose qui fonctionne très bien. Donc, c'est une façon très simple, juste pour commencer le travail sur la question des recours valables pour harcèlement.

Et, en ce qui concerne les autres recommandations, on était vraiment déçues avec le projet de loi qu'il n'y a rien spécifiquement pour les femmes, de souligner l'importance que c'est inadmissible, ce qui se passe actuellement, et qu'on va agir là-dessus. C'est ça, le message qu'il faut. On ne tolérera plus cette situation à l'égard des femmes parce qu'elles en arrachent. 1 % des femmes dans les métiers et occupations de la construction, ça va mal pour les femmes.

Donc, vraiment, les recommandations qui étaient dans le rapport, c'est vraiment le minimum. Il faut... C'est un bon départ; il y a beaucoup plus à faire. Mais, quand même, d'adopter simplement ces recommandations, ça serait vraiment une excellente chose à faire.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames, bienvenue à la commission parlementaire. Merci de la contribution que vous nous apportez ici. Vous êtes le Comité ad hoc pour la défense des droits des femmes dans les métiers et occupations de la construction. Comment ça marche? Vous avez un regroupement? Il y a des cotisations? Vous vous débrouillez comment au niveau des ressources financières, des ressources humaines? Bref, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Déraspe (Sylvie): Oui. M. le Président...

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): On n'est pas financés, c'est du bénévolat. C'est moi qui a parti ça il y a deux ans, parce que j'ai dit: Aïe! Ça va faire, là! Puis j'ai été chercher le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes pour ne pas... justement, me faire appuyer, puis ne pas me faire casser les jambes non plus, parce que je savais que ça allait déranger, là. Ça a commencé comme ça, et on n'a pas été financés.

Depuis le tout début, depuis 2009, les premières rencontres ministérielles, on a eu un discrétionnaire de 2 500 $ par la Condition féminine pour aider la CCQ à relancer le programme... bien, à l'élaborer pour commencer. Élaborer le Programme d'accès à l'égalité et le relancer. Mais, au début, ils ne nous ont comme pas pris au sérieux. Aujourd'hui, ils nous prennent un peu plus au sérieux, là. Ça fait que, oui, on va travailler là-dessus, mais, inquiétez-vous pas, on ne fait pas d'argent avec ça, là. On est vraiment bénévoles, là.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Ce n'était pas une question de faire de l'argent avec ça. C'était juste que c'est un gros mandat que vous avez, puis, effectivement, si vous n'avez pas les ressources humaines et les ressources financières, c'est... bien, je vous lève mon chapeau.

Vous venez de nous confirmer que vous avez été rencontré par le groupe de travail. Le groupe de travail a procédé, juin, juillet, à peu près, peut-être une trentaine de jours, et, bon, vous venez de nous dire que vous avez une déception parce que ça ne se retrouve pas dans les 57 recommandations du groupe de travail. Quelle a été, pour vous, l'appréciation de cet exercice, de les avoir rencontrés? Parce que j'essaie de savoir comment ça fonctionnait. Je vais poser des questions à l'ensemble des groupes, mais quelle est votre appréciation de cette rencontre-là avec le groupe de travail?

Le Président (M. Ouellette): Mme Beeman. Mme Beeman?

Mme Beeman (Jennifer): Oui?

Le Président (M. Ouellette): Juste mentionner que, oui, vous avez été rencontré, parce que M. le député de René-Lévesque a interprété votre signe de tête, mais, pour le verbatim, juste confirmer que vous avez été rencontré puis répondre à sa question, s'il vous plaît.

Mme Beeman (Jennifer): Oui, en effet, le comité a été invité par le groupe de travail lors des consultations sur le fonctionnement de l'industrie. On a fait la même chose qu'on a faite partout, c'est qu'on a sensibilisé les membres du comité qui ne connaissaient pas la réalité des travailleuses. C'est vraiment méconnu, à part l'immense réseau de Sylvie, et les travailleuses se connaissent un peu entre elles, c'est vraiment un réseau. Mais les autres personnes au ministère, partout, en fait, on a fait ce travail de sensibilisation, et c'est surtout Sylvie qui a fait un immense travail. C'est de la sensibilisation partout. Et tout le monde tombent en bas de leurs chaises d'entendre les histoires de qu'est-ce qui passe aux travailleuses.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe, en complément.

Mme Déraspe (Sylvie): Oui. Complément, on a une grande collaboration, là, il faut dire, avec la Commission de la construction du Québec. Ils nous connaissent très bien, et on collabore. Ils se sont engagés dans le plan gouvernemental 2011-2015, qui a été lancé au printemps dernier, à relancer le Programme d'accès à l'égalité, mais ils ont pris plusieurs recommandations là-dedans, dont la création d'une table de travail avec tous les acteurs de l'industrie. Et ça, j'ai vraiment pesé fort là-dessus.

Donc, tous les acteurs, ça veut dire aussi les ministères, les quatre ministères. L'Éducation, ils doivent être là, tu sais. La Condition féminine, il n'y en a pas beaucoup de la condition féminine dans l'industrie, hein? Il y a la CSN qui en a une, puis c'est un gars qui s'en occupe. Puis je ne suis pas sûre qu'elle soit si féminine que ça, mais en tout cas, hein? Mais les autres, il n'y en a pas de condition féminine, là. Ça a pris des années avant qu'on ait une toilette sur les chantiers. On s'entend-u, là? Puis, si on va faire... Excusez, mais, si on va faire pipi, là, le gars, il le fait à côté de son travail, il n'a pas à se déplacer puis marcher au bout du chantier. Lui, il n'y a pas personne qui l'a vu, mais, toi, si tu vas à la «jig», là, ils te voient, puis ils te reprochent d'avoir pris ce cinq minutes là, tu sais. Ça fait qu'on peut-u, là...

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. J'écoutais ce que vous avez dit tout à l'heure par rapport à la violence et harcèlement, que je n'accepterai jamais dans n'importe quel domaine, que ce soit construction ou autre. La CCQ va probablement répondre aussi à ma question tout à l'heure, mais pensez-vous que le Commission de la construction du Québec, par rapport aux plaintes en 15 et les plaintes qui... les outils qu'ils ont, au moment où on se parle, est-ce qu'ils sont en manque de ressources humaines ou grosso modo, là, ça ne va pas assez vite? Puis je regardais vos recommandations, là, vous dites que les plaintes au niveau des relations de travail, 60 jours...

Bref, je voudrais vous entendre là-dessus. Je pense qu'il y a des délais qui sont longs à votre goût, raccourcir les délais. Mme Dérapse, j'aimerais vous entendre là-dessus. Et, soit dit en passant, Dérapse, il y en a beaucoup à Sept-Îles. J'ose croire que vous êtes une Nord-Côtière? Parce que je suis un Nord-Côtier moi-même.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): C'est Déraspe. Vous ne mettez pas le «s» à la bonne place, mais c'est correct.

M. Dufour: Ah, bon! D'accord. Alors, Mme Déraspe.

**(15 h 20)**

Mme Déraspe (Sylvie): Merci. Écoutez, la gestion de la plainte, on en a déjà discuté avec M. le Président d'ailleurs, hein, dans une autre consultation. La CCQ a essayé de nous convaincre que le système actuel était correct, O.K.? Mais il est... Selon eux autres, il n'y en a pas vraiment, de problème. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu à peu près 144 plaintes dans quatre ans. Moi, je leur ai demandé le pourquoi. Savez-vous pourquoi est-ce qu'il y a eu 144 plaintes, premièrement? Tu sais, ils ont essayé de nous convaincre. On a rencontré l'équipe de travail et les enquêteurs, ta, ta, ta, en tout cas, pour finir que, moi, je leur ai répondu que, premièrement, avant de faire une plainte, le gars ou la fille va y penser à deux fois parce qu'il fait la même plainte au même donneur d'ouvrage.

C'est géré par la CCQ. Même si c'est deux départements complètement à côté, là, qui ne se parlent probablement même pas, dans la tête des gens, là, quand ils font une plainte à la CCQ, puis que tu as deux de l'International sur le C.A., deux de la FTQ sur le C.A., un de la CSN, puis un de la... Je ne sais pas si la SQC est là. Oui, pas SQC, mais CSD est là, Patrick Daigneault, excusez. Mais tout ça pour dire que ça porte à confusion, O.K.? Nous, depuis le début, ils nous ont dit que c'était un petit peu compliqué. C'est sûr que créer une entité indépendante, c'est à y voir, c'est de l'argent aussi, mais il y a toujours...

La plainte, présentement, là, c'est soit par courriel sur le site de la CCQ ou numéro de téléphone, mais il n'y a pas de 1 800, là. Tu peux appeler au 514 mais, tu sais, c'est les ressources humaines... Bien, je ne sais pas trop, vous demanderez à la madame de la CCQ tantôt, là, ce n'est pas clair. Mais il n'y a pas de numéro 1 800 pour tout l'Est du Québec, là. Il faut que tu fasses une longue distance. La fille qui n'a pas d'argent, qui n'a rien à manger, il faut qu'elle se tape une longue distance pour appeler à Montréal, faire une plainte contre le dirigeant qui vient taper à sa porte. Ce n'est pas évident, hein?

Moi, ce que j'avais dit à l'époque, c'était que vous pourriez, en tout cas, penser à peut-être légiférer ça aussi, une gestion de plainte saine, mais surtout de pouvoir les... tu sais, de les enligner quelque part avec des ressources, là, au bout de la ligne, là, tu sais. Puis, juste pour faire la plainte, ça prend une dose parce que tu ne peux pas... tu as peur de ne pas avoir le contrat le lundi matin si tu fais la plainte, là, hein? Présentement, là, avant de porter plainte, ils vont y penser à deux fois. Puis vous demanderez le nombre de plaintes, là. Moi, ça fait déjà l'année passée que j'ai eu le nombre, là. Cette année, d'après moi, il ne doit pas y en avoir plus.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Franchement, c'est clair ce que vous dites. C'est pire que ce que je pensais. J'en avais des témoignages, j'en ai des témoignages, j'en ai moi aussi dans ma boîte de courriels, sous le couvert de l'anonymat toujours parce qu'on a peur des représailles. Mais je vous félicite d'être aussi calmes. Je pense que, moi, je bouillirais si la chaise qui est là est vide parce que cette personne-là a eu comme par hasard, hier, des représailles avant de venir ici, qui, il me semble, de ce que je vous ai compris, s'apparente à des voies de fait. C'est terrible, c'est épouvantable.

Si le système de plainte ne fonctionne pas, là, imaginez cette fille-là qui avait le courage de venir, puis qu'il est arrivé ça, puis que, pour les autres victimes... parce qu'une victime, ce n'est pas du jour au lendemain, là. Ça commence par un harcèlement psychologique, puis, après ça, ça s'en va en se dégradant, puis la personne se sent souvent inefficace, incapable, incompétente. Et puis celui qui fait le travail de représailles a souvent beaucoup d'alliés et puis il fait peur aussi autant aux témoins qu'à la victime. Avez-vous des témoins qui acceptent de venir aider ces victimes-là?

Mme Déraspe (Sylvie): ...

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Roy: Lorsqu'il y a des plaintes, est-ce que vous avez facilement des témoins pour venir vous aider à démontrer, à faire la preuve?

Mme Déraspe (Sylvie): M. le Président, je vous dirais que, moi, ils m'ont parlé, là. J'ai aussi communiqué avec la CCQ pour les mettre au courant. Mais les femmes et les filles qui vivent ça sont, un, terrorisées et elles ne veulent pas donner leur nom nécessairement. Moi, j'ai eu les témoignages en leur garantissant que ça serait sous confidentialité. Et je vais vous dire plus que ça, j'ai déjà parlé à une personne, une femme d'ailleurs, qui m'a juste demandé si mon téléphone était sans fil à la maison, O.K.? Elle a dit: Si tu es sur un sans-fil, je ne veux pas te parler parce que j'ai déjà été écoutée. Va-t'en sur un téléphone à ligne, là, tu sais, plogué sur le combiné, là. Elle ne voulait pas me parler parce qu'elle a dit: J'ai déjà été sous écoute par mon syndicat puis je ne veux pas que ça recommence. Aïe! C'est grave, là. Ça fait qu'on fait quoi avec ça?

Puis, les plaintes, si elles font des plaintes puis qu'elles ne travaillent pas dans deux semaines après, bien, qui est-ce qui leur donne à manger, à ces filles-là? Puis même à des gars aussi, là. On parle des filles, mais n'oubliez pas que votre gouvernement, qui est notre gouvernement, là, il ne s'investira pas nécessairement pour 1 900 filles -- les nouvelles statistiques, hein -- mais il va être obligé de s'investir pour 152 000 travailleurs et travailleuses de l'industrie parce que c'est des droits fondamentaux, c'est l'intégrité. Puis, si vous voulez assainir cette industrie-là qui s'en va florissante, bien, je ne comprends pas qu'on ne peut pas travailler la tête tranquille. On ne doit pas être à l'ouvrage si tu «watches» tes arrières -- excusez mon anglicisme -- si tu «watches» tout le temps tes arrières. Vous suivez ce que je voulais dire?

Le Président (M. Ouellette): Une dernière question, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Moi, je pense que ça dépasse le combat des femmes. C'est aussi un combat pour les hommes. Est-ce que vous avez interpellé la Fédération des femmes du Québec, un? Deux, est-ce que vous... Parce que c'est une question discriminatoire que de faire une discrimination fondée sur le sexe et ne pas engager, est-ce que vous avez aussi interpellé la Commission des droits de la personne?

Le Président (M. Ouellette): Vous avez droit à deux oui ou non.

Mme Déraspe (Sylvie): Merci, M. le Président. Oui, on a rencontré la présidente de la FFQ, Fédération des femmes du Québec, et on a demandé aussi... L'an passé, on a eu un contact avec la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Il reste que, tu sais, le comité, on dit ad hoc... Mais là il est plus comité qu'ad hoc, là, parce que ça fait longtemps qu'on travaille sur la question, on ne se le cachera pas, là.

Mais c'est sûr qu'on n'a pas structuré rien. On est dans l'aile du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Moi, j'avais bien beau avoir, en tout cas, toutes les données, mais il fallait que je me fasse appuyer aussi. Je ne voulais avoir trop de trouble, déjà que je trouve que... Mais ma collègue va continuer.

Mme Beeman (Jennifer): Oui, on travaille étroitement avec les groupes de femmes, la FFQ entre autres. Et il faut dire que le Secrétariat à la condition féminine, le Conseil du statut de la femme, d'autres groupes se sont prononcés sur l'importance des PAE dans l'industrie de la construction, et il y a d'autres groupes également avec... Nous sommes en étroit contact avec d'autres groupes de femmes. Ça fait vraiment consensus parmi les groupes de femmes.

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de venir témoigner ici. Deux questions très, très précises. Tantôt, vous avez parlé de votre président avec les différents locaux en dessous. Vous avez dit: Sa réponse a été d'indiquer que le problème allait se régler. Mais est-ce qu'il vous a dit qu'il le savait, qu'il y avait un problème? Tantôt, vous avez dit: J'ai posé deux questions. Mais vous n'avez pas précisé s'il a dit: Moi, je le sais, qu'il y a un problème. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): Ça n'a pas été dit comme ça, là. Ça n'a pas été dit comme ça, mais il m'a dit d'être patiente, que le monsieur en question prenait sa retraite dans trois ans.

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Au niveau de la dame qui est absente aujourd'hui, vous avez dit qu'elle a subi du harcèlement physique. Ça n'a pas été dit, à ma connaissance, je veux juste savoir est-ce qu'elle a subi ce harcèlement-là parce que les gens étaient au courant qu'elle allait venir témoigner ici ou si c'est dans le cadre du harcèlement, je dois dire, général, déplorable, là, mais... Donc, j'aimerais avoir cette précision-là.

Le Président (M. Ouellette): Je me permettrais un commentaire, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Ce que Mme Déraspe a dit tantôt, ce n'est pas du harcèlement, mais des voies de fait, et c'est très différent. Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): Ce n'est pas dans le contexte pour venir ici, non. C'est vraiment dans le contexte du travail sur la Côte-Nord et c'est un collègue de travail de la même instance syndicale.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de La Peltrie.

M. Caire: Merci, M. le Président. Merci à vous, mesdames, pour votre témoignage. Vous avez parlé tout à l'heure de M. Gauthier, dit Rambo, le sympathique, qui faisait la pluie puis le beau temps sur la Côte-Nord. Vous voulez dire quoi exactement?

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): Tu veux... Je n'ai pas compris.

Une voix: Elle n'a pas compris.

M. Caire: M. Gauthier, qu'on appelle délicatement Rambo, vous dites qu'il fait la pluie puis le beau temps sur la Côte-Nord. Vous voulez dire quoi exactement?

Le Président (M. Ouellette): Mme Déraspe.

Mme Déraspe (Sylvie): M. le Président. Il ne m'aimera pas, hein? M. Gauthier, c'est un être exceptionnel, il faut dire.

Une voix: ...

Mme Déraspe (Sylvie): Non, mais il contrôle et les travailleurs, une partie, en tout cas, une grande partie des travailleurs et il contrôle aussi une grande partie des entrepreneurs. C'est plus grave que vous pensez.

M. Caire: Vous voulez dire qu'il impose sa volonté.

Mme Déraspe (Sylvie): Oui, il impose même par tête de pipe, si on peut dire.

M. Caire: Physiquement?

Mme Déraspe (Sylvie): Oui, aussi. Bien, peut-être pas lui directement, mais il donne... Ça vient de là.

M. Caire: Il y a-tu des gens qui sont témoins de ça?

Mme Déraspe (Sylvie): Il y a des témoins... Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette): Ça va bien. Je vous écoute aller puis je pense que, le monsieur de l'audio, il est capable de comprendre, là.

Mme Déraspe (Sylvie): Ce que je veux dire, c'est sûr que témoigner contre un être comme ce cher monsieur, ce n'est pas tout le temps évident, là. Les gens sont terrorisés, là. Mais ça va de coups... Là, je ne vais pas être fine, là: la FTQ, ce n'est pas juste Rambo, là. On s'entend qu'il y en a plusieurs qui lui ressemblent aussi, là. Mais le chantier de la Romaine, là, trois femmes qui viennent de sortir, deux dans deux semaines, en ambulance, hôpital d'Havre-Saint-Pierre. Si vous voulez aller virer par là voir ce qui se passe, là...

M. Caire: Qu'est-ce qui s'est passé?

Mme Déraspe (Sylvie): Certaines violences.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député de La Peltrie. Sur ces paroles, Mme Déraspe, merci beaucoup, Mme Jennifer Beeman, Mme Sylvie Déraspe, Mme Caroline Parent, de votre présence parmi nous aujourd'hui.

Nous suspendons quelques instants, le temps que les gens de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante prennent place.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

 

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Ouellette): Êtes-vous prêts à reprendre? Nous recevons maintenant la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Mme Martine Hébert et M. François Vincent si mes notes sont correctes.

Vous avez entendu les consignes que j'ai données tantôt: vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et il y aura une période d'échange avec les députés ministériels et les députés de l'opposition. À vous, Mme Hébert.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine): Merci beaucoup. Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, distingués membres de la commission, je tiens à vous remercier de nous donner l'opportunité d'être ici avec vous aujourd'hui pour présenter l'opinion des PME sur le projet de loi n° 33.

Comme vous savez, à la FCEI, on représente... on regroupe en fait 24 000 PME au Québec, dont 3 400 sont dans le secteur de la construction. Depuis des années, on fait entendre l'opinion des PME concernant la loi R-20 et le fonctionnement de l'industrie de la construction, et je dois dire que cette opinion est importante parce qu'il faut rappeler que 83 % des employeurs de l'industrie de la construction sont des entreprises qui ont cinq employés ou moins. Donc, c'est des entreprises de très petite taille. Nos membres réclament depuis longtemps une industrie moins réglementée, une industrie plus flexible et plus compétitive. Ils demandent aussi à ce que leurs droits et responsabilités soient reconnus et respectés, notamment en ce qui a trait au droit de gérance.

Alors, je tiens à saluer l'audace dont a fait preuve la ministre du Travail en s'attaquant à de nombreux irritants, de ces irritants-là qui sont soulevés par les PME dans son projet de loi, et surtout considérant ce qu'on entend depuis ce matin, Mme la ministre, je pense qu'on doit le souligner. Et on souhaite vivement que les grands principes qui sont énoncés dans l'introduction du projet de loi vont être maintenus et adoptés avant la fin de l'année. Le Québec a trop longtemps joué à l'autruche face aux défis fondamentaux qui entourent cette industrie. Il est temps de faire le grand ménage du printemps dans la réglementation désuète de cette industrie névralgique pour le Québec, parce qu'il faut rappeler que c'est une industrie qui compte pour 14 % de notre PIB.

Bien qu'on reconnaisse les objectifs poursuivis dans le projet de loi, on estime quand même qu'il y a certaines petites améliorations qui pourraient y être apportées afin que les intentions qui sont exprimées dans ce projet de loi là se traduisent vraiment en résultats concrets sur le terrain.

Le projet de loi n° 33 a comme principal objectif d'éliminer le placement syndical. Nous saluons haut et fort, M. le Président, cette volonté gouvernementale. La situation actuelle empêche les employeurs de jouir pleinement de leur droits légitimes de gérance, en plus d'être discriminatoire pour les travailleurs et de donner lieu à plusieurs situations déplorables qui ont été amplement médiatisées encore récemment et dont on a eu plusieurs témoignages encore au cours des dernières minutes.

Le législateur a tenté à plusieurs reprises d'intervenir pour enrayer le placement syndical, et le rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction en fait d'ailleurs mention, et je cite: «Les diverses mesures adoptées par le législateur depuis la omission Cliche, dont les dernières découlent du projet de loi n° 135 [...] n'ont pas permis d'enrayer le recours aux pratiques déloyales, dont celles d'intimidation auprès des travailleurs et des employeurs.» Fin de la citation.

Pour la FCEI, le coeur du problème réside évidemment dans l'obligation de syndicalisation imposée aux travailleurs de cette industrie. Pour nous, il s'agit là non seulement d'un accroc au droit fondamental de la liberté d'association des travailleurs mais également d'une entrave au bon fonctionnement, à la productivité et à la compétitivité de l'industrie. On est donc déçus, mais on sait qu'on n'est pas dans un monde idéal. Il faut quand même le dire, qu'on est déçus que le projet de loi ne s'attaque pas à cette question fondamentale.

Bien que, dans son titre, le projet de loi vise l'élimination du placement syndical, il y a plusieurs des dispositions dans le projet de loi qui visent à encadrer la référence de main-d'oeuvre, qui, selon nous, méritent d'être renforcées ou modifiées afin que l'élimination réelle du placement syndical ne soit pas que théorique mais qu'elle soit bien exprimée dans la réalité également. L'obligation de détenir un permis pour référer de la main-d'oeuvre représente certainement un pas en avant, tout comme l'obligation de passer par le service de référence de la commission, et je pense qu'il faut le souligner.

Et, en passant, M. le Président, je m'en voudrais, en tout altruisme, de ne pas souligner que je suis contente que les syndicats pourront goûter, eux aussi, aux joies de la paperasserie dans ce projet de loi si les dispositions sont maintenues. Pour une fois que ce n'est pas juste de notre bord, ça va peut-être freiner les ardeurs de certains qui réclament toujours plus de lois imposées aux petites entreprises au Québec. Alors, fin de la parenthèse, M. le Président.

Même si le terme «placement» a été remplacé par «référence», dans un cas comme dans l'autre, le risque d'ingérence de la part d'un syndicat demeure quand même présent. Quel va être l'impact, par exemple, du refus d'un employeur des références d'un syndicat quelconque sur le climat de travail et sur la productivité des travailleurs sur un chantier? Comment est-ce qu'on peut s'assurer que les dispositions de référence de main-d'oeuvre vont vraiment mettre fin à l'intimidation et aux autres problèmes que nous connaissons tous en matière de placement syndical?

**(15 h 40)**

Certains vont répondre que le Bureau des permis de services de référence de main-d'oeuvre va pouvoir recevoir des plaintes et que les infractions vont être sévèrement punies, ce qui va assurer que des pratiques douteuses, en tout cas, ou malencontreuses, ne soient plus exercées. Soit, M. le Président, mais je vous dirais qu'encore faut-il qu'une plainte soit formulée et qu'une preuve conclue à une mauvaise pratique.

À cet égard, le rapport du groupe de travail sur la construction est claire, et je cite: «L'historique de l'encadrement du placement syndical démontre que l'adoption de peines sévères ne suffit pas. La preuve de telles infractions est difficile à faire, sinon impossible. Les données de la CCQ parlent d'elles-mêmes. Pour tout travailleur ou tout employeur, le dépôt d'une plainte ou la possibilité d'être appelé comme témoin demande une grande dose de courage, voire de témérité. À ces considérations s'ajoutent les délais inhérents au système pénal, ce qui rend, avec le temps, illusoire l'adresse d'une plainte.» Fin de la citation.

Nous nous questionnons donc sérieusement à savoir si l'adoption des dispositions sur la référence de main-d'oeuvre telles qu'elles sont libellées, même si elles sont une avancée, vont permettre d'éradiquer une fois pour toutes le problème. C'est pourquoi nous invitons le législateur à reconsidérer les dispositions sur le référencement dans cette optique.

M. le Président, on est aussi inquiets de l'impact négatif du fardeau réglementaire supplémentaire qui va être imposé aux petites entreprises si le projet de loi demeure inchangé. Il faut rappeler que le gouvernement s'est engagé à alléger le fardeau réglementaire qui pèse sur les PME, notamment, à la demande de la FCEI, en créant un groupe de travail qui est voué à cette question-là. On est donc très préoccupés par le fait que, dans ce projet de loi, dans une volonté aussi de donner plus de flexibilité aux employeurs, on veuille, dans ce projet de loi là, augmenter de façon considérable le poids administratif et réglementaire qui pèse sur les petites entreprises.

Et je vous invite à regarder la section III du chapitre IX.1, ou 9.1, dispositions contenues aux articles 63 et 65, il y a une foule d'obligations qui sont imposées aux employeurs. On comprend que les travailleurs doivent s'inscrire pour avoir accès à du travail, mais on se questionne vraiment sur la paperasse qui va être exigée aux employeurs par ces nouveaux articles. À notre avis, la Commission de la construction du Québec va posséder les informations dont elle a besoin quant au roulement de la main-d'oeuvre à travers le déclaration des travailleurs.

Avec l'adoption de ces articles-là, bien, les employeurs vont devoir obtenir un numéro d'embauche devant la commission avant d'embaucher, faire une déclaration de tous leurs besoins de main-d'oeuvre. Ils ne pourront pas embaucher un salarié s'ils ont négligé de faire une déclaration de besoins préalablement à l'embauche et ils devront aviser la commission de l'embauche, du licenciement, de la mise à pied ou du départ de tout salarié. Puis je m'arrête ici, M. le Président, parce que je suis un petit peu essoufflée; il y a beaucoup de choses dans ces articles-là qui sont exigées aux petites entreprises.

Alors, ces nouvelles obligations là, à notre avis, au lieu de faciliter la vie des employeurs dans l'embauche de travailleurs et de nous rapprocher de l'objectif de flexibilité qu'on recherche vont augmenter de façon importante le fardeau réglementaire et administratif des petits employeurs qui, rappelons-le, représentent 83 % de l'industrie.

Je pense aussi que le modèle proposé contraint les employeurs dans leur droit de gérance; en fait, ça reste la même chose. Il n'existe pas de pareil système dans d'autres juridictions en Amérique du Nord ou dans d'autres secteurs économiques. Et est-ce que l'inexistence d'un tel système empêche le gouvernement de faire respecter ses lois et ses règlements dans les autres secteurs économiques? Je pense que poser la question, M. le Président, c'est d'y répondre.

La CCQ dispose déjà des pouvoirs qui lui permettent d'offrir les outils nécessaires aux entreprises pour que celles-ci s'occupent elles-mêmes du recrutement de leurs travailleurs. Flexibilité et paperasserie, ça ne rime pas ensemble. C'est pourquoi on recommande, à la FCEI, que les dispositions qui imposent un fardeau administratif aux employeurs soient abrogées et que l'on mise plutôt sur la création d'une banque informatisée de travailleurs à laquelle les employeurs pourront se référer au besoin.

M. le Président, maintenant quelques mots sur la gouvernance de la CCQ. On a mentionné, dans notre mémoire déposé lors des consultations, au groupe de travail sur la construction, que des modifications en la matière étaient de mise parce qu'il y avait un bris de confiance qui existait entre les PME et la CCQ. On comprend qu'il y a eu des changements et des améliorations qui ont été apportés au sein de la CCQ dernièrement, mais je dirais que cette confiance-là est l'une des variables importantes non seulement pour une saine gestion de l'industrie mais aussi au niveau de la légitimité des pouvoirs qui sont conférés à une telle institution.

Notre sondage démontre aussi que les petites entreprises ne se sentent pas représentées dans les conventions collectives qui sont négociées et auxquelles elles se retrouvent de toute façon en bout de ligne toutes assujetties. La FCEI voit donc d'un très bon oeil les modifications proposées dans la gouvernance de la CCQ, notamment en ce qui a trait à l'ajout de quatre membres indépendants nommés par le gouvernement au C.A. et aussi au rééquilibrage des forces en présence. Toutefois, je me permettrais d'encourager le gouvernement à s'assurer qu'au moins un des membres indépendants puisse représenter la réalité des petites entreprises parce que ces dernières composent la majorité de l'industrie et elles font face à des défis qui leur sont particuliers.

Dans la volonté d'améliorer la gouvernance, le projet de loi n° 33 oblige le conseil d'administration à mettre sur pied aussi un comité sur la gouvernance et l'éthique. Je pense qu'on doit saluer aussi cette initiative-là aussi. On est d'avis que ça va aider à assurer une meilleure gouvernance puis à établir davantage de balises aussi en matière d'éthique.

Par contre, il faut se dire qu'il n'y a pas de panacée. Comme faisait mention le rapport du groupe de travail sur la construction, il est très difficile pour les travailleurs et les employeurs de formuler des plaintes. Ça demande, et on l'a dit tantôt, de la témérité et du courage. Dans le mémoire que nous avions déposé d'ailleurs au groupe de travail, nous avions un recommandation relative à la création d'un poste d'ombudsman. On invite donc les membres de la commission, là, à réfléchir à cette proposition-là ou à un mécanisme similaire.

Passons maintenant à la juridiction des métiers. On soutient, depuis des années, à la FCEI, que la juridiction des métiers entraîne un manque de flexibilité une manque de polyvalence, une grande rigidité, une gestion plus lourde et des coûts plus importants. Et, encore une fois, dans ce domaine-là, le Québec fait figure à part au Canada. Au Québec, il y a 26 métiers obligatoires comparativement à six en Ontario, cinq au Nouveau-Brunswick, neuf en Alberta, puis aucun en Colombie-Britannique. Il me semble qu'il y a de la construction là aussi et qu'il n'y a pas plus de maisons ou d'édifices mal construits ou peu importe. Donc, je me demande ce qui justifie qu'on ait encore besoin de 26 métiers dans le secteur de la construction.

D'ailleurs, le groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction a noté que ça fait 40 ans qu'on n'a pas revu en profondeur dans le fond... ou que les définitions de métiers contenues dans les règlements actuels ont peu évolué depuis 40 ans. 40 ans, M. le Président, est-ce qu'on s'entend que ça fait un sérieux bout de temps?

Lors des auditions, on avait d'ailleurs fait part des coûts importants engendrés par le nombre de métiers et leur cloisonnement. Une étude de l'économiste Pierre Fortin a d'ailleurs chiffré les coûts de la loi R-20 à 3,4 milliards de dollars de pertes sur le PIB, 52 000 emplois et une augmentation des coûts de la construction de 10,5 %. Il faut rajouter que cette situation peut expliquer que nos travailleurs de la construction ont travaillé aussi seulement 963 heures en moyenne en 2008 comparativement à 1 600 heures pour le travailleur québécois moyen.

C'est sûr qu'on salue le fait que, dans le projet de loi, il y a certaines dispositions qui sont enchâssées à l'effet qu'il doit y avoir une révision des métiers, de la définition des métiers, mais, ce qu'on souhaiterait, c'est d'ajouter clairement et explicitement que ces révisions doivent conduire à diminuer -- et je dis bien «diminuer», M. le Président -- le nombre de métiers ou d'occupations spécialisées pour assurer une plus grande polyvalence, parce qu'il y a une différence entre «viser» et «diminuer».

En terminant, je pense qu'on aimerait ça apporter aussi d'autres considérations qui sont pour nos membres très importantes. Elles n'ont pas nécessairement trait à des modifications législatives, mais on croit important de les partager parce qu'elles émanent de l'application de la loi R-20. Il y a des problèmes qui existent encore concernant l'assujettissement de certaines activités à la loi R-20 qui, à la base, ne l'étaient pas et ou ne relèvent pas de l'industrie de la construction. On pense notamment à la machinerie de production, une question récurrente depuis 2002, et aussi à la question des technologues professionnels. On recommande donc qu'aucun autre secteur industriel ou corps de métier supplémentaire ne soit assujetti à la loi R-20 et que la CCQ émette une directive claire en ce sens et assure le respect sur le terrain conformément à la loi et à la jurisprudence en la matière.

En conclusion, M. le Président, je vous dirais qu'il y a trop longtemps que les PME québécoises attendent une réforme en profondeur de l'industrie de la construction. Ce système unique en Amérique du Nord a des impacts négatifs sur la productivité, sur la création d'emplois, sur le développement économique du Québec et sur les travailleurs. Ultimement, ce sont tous les Québécois qui en paient le prix, un prix qui s'élève à plusieurs milliards de dollars chaque année.

On souligne donc le courage du gouvernement d'aller de l'avant avec le dépôt de ce projet de loi et on invite la ministre du Travail et les élus à intégrer nos recommandations, à aller jusqu'au bout, à ne pas se laisser influencer par les pressions qui pourraient être exercées pour que le législateur fasse marche arrière. Il en va de l'intérêt non seulement des PME, des travailleurs du secteur mais également de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Hébert. Je ne sais pas si M. Vincent -- là, il vous reste 30 secondes -- vous avez d'autres choses à rajouter ou on laisse ça pour les questions? Tout va bien, oui?

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouellette): Pardon?

M. Vincent (François): Ça a été une excellente présentation, je n'ai rien à rajouter.

Le Président (M. Ouellette): Bon. Donc, je pense que ce genre de commentaire là avait besoin d'être rajouté. Mme la ministre.

**(15 h 50)**

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Vincent, merci, Mme Hébert, de votre participation en commission parlementaire.

Petite question comme ça -- après ça, je vais vous en poser quelques rapides sur votre présentation, mes collègues également: Est-ce qu'il y a des entreprises qui sont entrées en communication ce matin avec la FCEI mentionnant qu'elles étaient victimes de moyens de pression, ou qu'il y avait des répercussions par rapport à ce qui se passait sur les chantiers, ou si vous avez des membres qui, au cours des dernières journées, vous ont parlé de leur appréhension par rapport à la révolution que l'abolition du placement syndical pourrait faire?

Mais j'imagine que vous avez des petits entrepreneurs électriciens qui travaillent sur des chantiers, des plombiers. C'est vrai pour d'autres quarts de métiers également. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, savoir ce que vos membres vous disent, vous, en général ou en particulier, à votre choix.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Écoutez, je n'étais pas au bureau ce matin. J'étais en route pour Québec, donc, malheureusement, je n'ai pas de réponse à vos questions, mais je pourrai vérifier, vous acheminer l'information, parce qu'on a un service de ressources aux entreprises auquel on reçoit à peu près 10 000 appels par année, tous secteurs confondus, ou peu importe. Donc, je vais vérifier ça puis vous le dire.

Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'on a fait notre sondage qui a présidé au mémoire que nous avons déposé au groupe de travail, il y a des membres qui nous ont envoyé des commentaires. Et je vais vous en lire un, là: «Il est grand temps que le gouvernement impose une réforme majeure au sein de l'industrie de la construction.» C'est écrit en gros, là: «Nous vivons encore dans les années cinquante et soixante-dix avec les gros bras qui font la loi partout dans les chantiers au Québec avec la peur, la violence et l'intimidation.» Ça, c'est le genre de commentaires, là, qu'on nous a soumis.

D'autres qui disent qu'«il n'est pas normal qu'un employeur n'ait pas le choix de ses employés, il faut absolument remédier à ça». «Je ne comprends pas pourquoi les syndicats ont tant de pouvoir.»«Le système encourage la magouille.»«Les employeurs devraient pouvoir engager les gens qu'ils veulent», bon, etc. Donc, oui, les propriétaires de petites entreprises, en tout cas, semblent être aux prises, là, avec le même genre de problème, membres chez nous ou pas, là, qu'on entend, qui sont largement répandus sur la place publique depuis longtemps.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, je comprends que la réponse à la question de la ministre ce matin va parvenir au secrétariat de la commission. Je comprends que la ministre est très intéressée par la réponse, mais nous aussi.

Mme Hébert (Martine): Ça va me faire... Bien oui, bien sûr.

Le Président (M. Ouellette): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, Mme Hébert. Moi, j'entends ce que vous me dites là. J'ai une question à vous poser: Est-ce que, dans tout ce qui se dit par rapport au monde de la construction: La collusion, la corruption, c'est lié au financement des partis politiques... Nous, on en a entendu de toutes les sortes, là, c'est bien évident. Est-ce que vous pensez que le fait de vouloir changer la dynamique au niveau des relations du travail, ça va venir assainir les pratiques et contribuer à ce qu'il n'y ait pas de collusion, justement, entre du placement syndical, mettons, où un syndicat pourrait être de mèche avec un entrepreneur en particulier pour avoir les meilleurs employés, les plus bons, les plus performants, ce qui fait que, son chantier, lui, il coûte moins cher, puis que, l'autre à côté, il peut avoir les moins bons, puis, lui, son chantier, il va lui coûter cher, il va manger de l'argent, si ce n'est pas payer des pénalités?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Je pense, Mme la ministre... C'est une excellente question que vous posez. Je pense que chaque geste qu'on va poser dans le sens du projet de loi n° 33 va certainement permettre de rééquilibrer certaines choses. Donc, la situation actuelle, le statu quo en matière de placement syndical et en matière aussi de juridiction des métiers, pose de sérieux problèmes. Ça fait des années qu'on en parle. On en parlait avec la commission Cliche. On en a parlé avec la Gaspésia. Nous sommes encore ici aujourd'hui pour en parler, et d'autres en ont parlé bien avant nous. Donc, je pense que ce projet de loi là est certainement un morceau important dans l'échiquier des problèmes que nous avons à régler.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. J'aimerais vous entendre un peu sur le système de référence de la main-d'oeuvre. O.K., je comprends bien votre argument où vous dites que vous ne voulez pas alourdir la tracasserie, la paperasserie, bon, tout ce qui s'appelle le côté administratif pour les entrepreneurs. Vous savez que je suis également ministre responsable de la CSST. On a, au mois de décembre, grâce à la grande collaboration de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes... à votre initiative d'ailleurs, il y a eu beaucoup de travail qui a été fait pour éventuellement mettre en place, avec Revenu Québec, la possibilité de faire des remises mensuelles sur le réalisé plutôt que sur une projection. C'est en place depuis le mois de décembre, donc en janvier 2011. Depuis ce temps, je crois que c'est beaucoup plus facile pour les gens de faire les remises au niveau CSST, d'être à jour puis de ne pas payer de pénalités. Donc, vous comprenez qu'au niveau paperasserie je suis la première à dire: Qu'est-ce qu'on peut faire pour ne pas alourdir?

Bon, je comprends bien... C'est dans le règlement qu'on va voir exactement la finalité, je comprends vos craintes. Moi, ce que je pense qu'il faut regarder également, c'est que c'est à partir de systèmes informatiques, c'est la solution qui a été avancée par le gouvernement. Je comprends également que, lorsqu'un entrepreneur a des besoins de main-d'oeuvre, en temps normal, il ferait quand même soit des téléphones, soit des annonces, il appellerait quelque part pareil, il aurait une certaine démarche à faire.

Puis le but, ce n'est pas d'alourdir. Sauf que, si tous les entrepreneurs d'un domaine cherchent en particulier une main-d'oeuvre spécialisée puis qu'on part avec une banque, exemple, de 10 personnes de disponibles, bien, la moindre des choses, c'est que l'entrepreneur qui aura trouvé la main-d'oeuvre qu'il a besoin signifie justement: Parfait, j'ai retenu eux autres, eux autres, eux autres, eux autres, pour être sûr que l'autre entrepreneur qui va passer après, qui a les mêmes besoins que lui, ne soit pas obligé de se taper toute la liste avant de trouver les personnes qui sont disponibles.

Et, de la même manière, puisque l'industrie de la construction est une industrie qui est particulière sur le principe qu'un travailleur peut avoir plusieurs employeurs au cours de l'année, étant donné la durée du travail sur un chantier, on comprendra... Pour M. et Mme Tout-le-monde, exemple un plombier qui est en train de monter quelque chose, bien, un coup que ta bâtisse, ta structure est finie puis que ta job de plomberie est faite, tu as fini, tu t'en vas ailleurs, tu embarques sur un autre chantier puis tu refais ça. Il est évident que, pour moi, dans mon esprit, si on veut que ça fonctionne, il faut également que l'entrepreneur, lorsque ses chantiers sont terminés ou cette portion-là de l'utilisation du travailleur, entre guillemets, est terminée... doit le signifier si on veut que l'autre entrepreneur à côté puisse en bénéficier.

Donc, évidemment, bon, je comprends qu'il a une démarche à faire, mais qui ne me semble pas pire que de passer une annonce dans le journal, être obligé de prendre le téléphone, d'analyser les C.V., etc.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): En principe, dans une industrie où l'employeur est libre d'engager qui il veut, il les a déjà, ses noms, là; il les a déjà, ses équipes. Ça fait qu'il n'a pas besoin de passer par un intermédiaire pour dire: Bien, moi, je veux... Il prend le téléphone puis il dit: Regarde, la semaine prochaine, j'ai une job pour vous, etc. Donc, je ne vois pas... Je comprends la préoccupation de dire... Mais, à partir du moment où le travailleur, lui, s'inscrit, affiche ses disponibilités, je ne vois pas pourquoi faire qu'on rajouterait un poids de plus puis une série d'obligations, là, qui ne sont pas minces, là. De dire, à partir du moment où le travailleur n'est plus là, à partir du moment où il y a un petit changement: Demain, bien, écoute, demain, finalement, c'est retardé, il va être obligé d'aller faire une déclaration sur le registre de la CCQ. Tel que c'est libellé là, en tout cas, ça a l'air être très, très, très lourd, Mme la ministre, et c'est ça, mon problème, il est là.

Je me dis: À partir du moment... Et je comprends qu'il y a certains métiers spécialisés, mais ces travailleurs-là, spécialisés, vont justement s'inscrire dans la banque et afficher leur disponibilité. À partir du moment où on fait ça, bien, je ne vois pas pourquoi faire qu'on imposerait en plus à l'employeur de dire: Bien, moi, je vais aussi afficher les disponibilités de ce travailleur-là. L'information va être déjà comprise là-dedans, alors...

Et je sais que vous êtes sensible à ces questions-là, parce qu'effectivement la cotisation basée sur les salaires versés, ça a été sous votre gouverne, mais je suis très, très inquiète quand je lis ces articles-là du projet de loi. Ça m'inquiète vraiment beaucoup.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci. On entend bien vos préoccupations. Je dois vous dire que l'embauche directe sera toujours permise, il n'y a pas de problème. C'est la référence de main-d'oeuvre qu'on veut éviter dans le placement syndical comme tel, là. C'est le placement syndical qu'on veut éviter. Mais, moi, je pense que l'embauche directe ne devrait pas être empêchée; au contraire, on devrait la favoriser. Mais je pense qu'on entend bien votre sensibilité par rapport au fait de ne pas alourdir, et je suis convaincue que, dans la finalité, avec la Commission de la construction du Québec, on aura certainement la possibilité de trouver la bonne piste d'atterrissage.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Peut-être juste pour compléter ma réponse, Mme la ministre, sur ce que vous venez de dire. Parce que je trouve que c'est très important de dire: L'embauche directe devrait être possible et libre de toute interférence ou de toute pression de quelque part que ce soit. Et, dans ce sens-là, je pense que le service de référence qui devrait être instauré par la CCQ devrait l'être aussi.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Gaspé.

M. Mamelonet: Effectivement, j'abonderais dans le sens de votre analyse des politiques, madame. Votre présentation était absolument exceptionnelle. Je voulais simplement... une question très courte mais qui a rapport avec un point assez important dans votre mémoire: l'obligation syndicale. Vous nous recommandez... Vous demandez qu'on retire de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre l'obligation pour les travailleurs de se syndiquer. J'aimerais que vous développiez un petit peu plus là-dessus, sur les avantages que vous voyez en fin de compte à l'abandon de l'obligation syndicale sur les chantiers, au Québec, de la construction.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

**(16 heures)**

Mme Hébert (Martine): Je pense qu'à la lumière de ce qu'on constate et de tout ce qui a été fait, produit comme rapports au fil des ans, les avantages sont assez évidents. Je vous dirais que c'est un peu étonnant qu'au Québec on ait une industrie où on dit aux travailleurs, aux gens qui veulent oeuvrer dans cette industrie-là: Tu es obligé de faire partie d'un syndicat. Il me semble en tout cas que l'esprit de la démocratie, que l'esprit aussi de la liberté d'association, c'est de dire: Bien, à partir du moment où un groupe de travailleurs, dans une entreprise, veulent se syndiquer, ils ont la possibilité de le faire. Les lois sont là, il y a des règles qui régissent ça. Mais pourquoi est-ce qu'on a...

Et notre système, là, il est assez unique en Amérique du Nord. Il n'y en a pas beaucoup là... Il n'y a pas d'autre industrie... Qu'est-ce qui justifie... Pourquoi est-ce qu'on fait ça? Qu'est-ce que ça donne de maintenir ça? Moi, je pense que la liberté devrait être respectée et la liberté d'association devrait être respectée. C'est un principe fondamental de la démocratie.

Donc, pour nous, c'est sûr que, dans un monde idéal, on aurait très certainement souhaité que le projet de loi traite de cette question-là qui est fondamentale et qui est à la base de plusieurs problématiques qu'on a, tant en matière de productivité, de compétitivité, qu'on constate, finalement, ce qu'on voit. Mais qu'est-ce qui justifie qu'on oblige des travailleurs d'une industrie à se syndiquer? Je n'en vois pas, de justification.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Gaspé.

M. Mamelonet: ...du point de vue philosophique, du point de vue politique, du point de vue démocratique. Maintenant, est-ce que vous auriez un petit peu plus de détails sur l'avantage qu'on aurait à retirer cette obligation syndicale immédiatement au Québec, de façon peut-être plus concrète?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert. Non, je pense, c'est M. Vincent, là, qui veut répondre.

M. Vincent (François): Oui. Bien, on a...

Le Président (M. Ouellette): M. Vincent.

M. Vincent (François): Il y a des études qui ont été sorties -- notamment M. Fortin, on en faisait référence dans notre mémoire -- où les coûts sont plus élevés au niveau de la construction ici, au Québec, par rapport à en Ontario. Aussi, au niveau des juridictions des métiers, il y en a beaucoup, il y en a énormément... il y a moins de flexibilité. Bien, nous, on voit que c'est une cause aussi de cette question-là dans les débats entourant la modification du vote, le fait qu'il y ait juste 6 % des travailleurs syndiqués qui votent, la prépondérance... ou le fait que, s'ils ne votent pas, ils adhèrent à...

Une voix: La présomption.

M. Vincent (François): ...la présomption de vote. À la base même, le problème, c'est qu'ils sont obligés de se syndiquer. Puis, quand on regarde par rapport à cette industrie-là puis les autres industries au Québec, on se demande pourquoi cette industrie-là est à part puis pourquoi on continue dans cet entêtement-là. Puis, nous, on dit: Le problème fondamental est là, puis voilà.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, un complément d'information? Non? Oui?

Mme Hébert (Martine): Bien, écoutez, je suis tout à fait dans le sens de mon collègue.

Le Président (M. Ouellette): C'était une très bonne réponse?

Mme Hébert (Martine): C'était une très bonne réponse. Je veux dire, ça va de soi, c'est un problème fondamental pour nous, à la FCEI. Je ne vois pas pour quoi faire qu'on oblige... C'est comme si demain matin on disait: Bon, bien, dorénavant, maintenant tous les travailleurs de telle industrie, vous allez devoir être syndiqués. Ça ne fait pas de sens, ça ne fonctionne pas. Alors, pour nous, c'est sûr que, dans un monde idéal, comme je vous dis, le projet de loi se serait attaqué à cette question-là.

Il n'y a pas de justification. Il n'y a pas de justification, et c'est une industrie qui est empreinte à une énorme rigidité, rigidité qui, comme M. Fortin... à tous égards, coûte environ 3,4 milliards de dollars, et 52 000 emplois, puis 10 % de plus en termes de coûts de construction. Donc, je ne vois pas ce qui justifie qu'on... pourquoi est-ce qu'on maintient, là, ce système-là.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Gaspé. Ça va bien?

M. Mamelonet: La réponse...

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage.

M. Drolet: Écoutez, c'est pour aller dans la même veine, Mme Hébert, de la question de mon collègue. J'aimerais juste essayer de comprendre, parce que vous représentez quand même toutes les entreprises indépendantes qui sont, bien, en fin de compte, les plus petites mais, en fin de compte, la majorité finalement comme tel aux postes. Et puis, si j'ai une spécialité, moi, puis j'ai une entreprise de cinq employés et moins, mais j'ai une spécialité bien importante, et puis ils en ont besoin sur un gros chantier -- je dis ça dans mes mots à moi, là -- et puis... c'est quoi, là, qui se passe? Est-ce que cette entreprise-là doit être syndiquée? La petite entreprise, si elle ne l'est pas puis elle doit aller travailler sur un chantier, est-ce que c'est quelque chose qui est... qui arrive, ça, ce genre de contexte là? Et puis est-ce qu'il y a des durs qui vont l'empêcher d'aller faire la spécialité en question, la petite entreprise, qui aurait ce pouvoir-là? J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est-u quelque chose que vous vivez ou que vous avez entendu?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): C'est un petit peu comme tantôt, quand je lisais les témoignages, là, qu'on reçoit de nos membres. Une chose certaine, c'est que le système, à l'heure actuelle, est extrêmement rigide, et ça, ça pose un problème. Ça pose un problème pour les petits entrepreneurs, ça pose un problème pour les moyens entrepreneurs puis ça pose un problème pour les gros entrepreneurs. Et ça, je pense qu'il faut profiter... Dans le projet de loi n° 33, il y a des dispositions, il y a des choses qui sont là qui vont permettre d'améliorer la situation, de donner un peu plus de flexibilité.

Mais, oui, il y a effectivement des employeurs de nos membres qui font appel... veulent avoir des travailleurs pour faire des travaux et qui se font imposer des travailleurs. Ça ne veut pas dire que ces travailleurs-là ne travaillent pas nécessairement bien, mais... ou mal, c'est-à-dire, mais, oui, ça arrive. Puis ils se font dire: Bien là, moi, je te dis que ce n'est pas quatre gars que tu as besoin, c'est six gars... ou six filles.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage.

M. Drolet: Bien, écoutez, M. le Président, je compléterais en vous demandant... parce que, dans votre mémoire, vous mentionnez... parce que, moi, j'aimerais aussi comprendre. Je viens du privé, moi aussi, puis il me semble que, d'avoir des contraintes comme ça, qui sont souvent aberrantes, là, dans le contexte... Puis, je vois, dans votre... «Que la Commission de la construction du Québec respecte l'obligation qui lui est conférée à l'article 30 de la loi» d'avoir un site Internet, là, qui fera en sorte que les gens... Je n'ai pas de job, je veux travailler, je veux me mettre là-dessus et que ça soit facile, que je sois capable d'aller cliquer là-dessus puis d'être capable d'avoir l'information. Vous semblez être naturellement très, très proactive là-dessus, puis je pense que, moi aussi, je le serais parce que c'est quelque chose qui est plus facile que de peut-être ne pas avoir la chance de le faire parce qu'en ce moment ça semble être contrôlé par je ne sais pas qui. C'est ça? C'est ce que vous souhaitez, si je comprends bien, hein?

Mme Hébert (Martine): Il n'y a pas...

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Oui. Il n'y a pas une industrie au Québec où on impose à des employeurs d'embaucher tel, tel, tel travailleur. Je veux dire, le problème, il est là à la base. Alors, c'est cette aberration-là qu'il faut corriger.

Et, bon, le projet de loi n° 33, comme j'ai dit tantôt, les dispositions qu'il y a là-dedans quant à la référence, le fait que le service de référence aussi va passer par une institution autre, ça marque un pas en avant. Est-ce que ça va permettre, tel que libellé actuellement, vraiment de régler le problème, d'éradiquer le problème? J'ai des doutes. On a des sérieux doutes, et c'est pour ça qu'on aimerait ça que le service de référence... que ça se fasse comme n'importe où ailleurs, dans n'importe quel autre domaine, où vous avez tantôt des associations sectorielles qui ont une liste de travailleurs disponibles, puis les gens se réfèrent à ça pour aller puiser dans une banque de noms quand ils n'en connaissent pas déjà avec... ceux avec qui ils ne font pas déjà affaire, bien, ils vont puiser dans cette banque-là, et ça se passe comme ça.

Alors, moi, je ne vois pas pour quoi faire qu'on aurait un système où on impose... C'est un droit. C'est le droit de gérance de l'employeur. C'est fondamental, là, c'est le droit de gérance de l'employeur.

Le Président (M. Ouellette): M. Vincent, un complément d'information?

M. Vincent (François): Un complément d'information. Nous, on croit que la clé réside dans l'information. Si l'entrepreneur peut avoir accès aux travailleurs qui sont spécialisés dans le domaine, qu'ils sont disponibles dans la région et qu'ils rentrent dans les critères d'embauche, alors là, s'il a accès à cette information-là, il peut éviter d'avoir accès à quelqu'un qui rentre puis qui dit: Là, il y a mes gars, c'est les meilleurs, c'est les plus efficaces, puis tu vas les engager. Si on crée la possibilité d'avoir, à tous les entrepreneurs, cette information-là, on trouve que c'est gagnant pour tout le Québec.

Puis c'est pour ça qu'on est favorables à l'instauration, d'une certaine façon, de la référence. Mais d'obliger l'entrepreneur à aller chercher un numéro, ensuite de ça aller dire: Ah! il a fallu que je le débauche, là... pas «je le débauche», que je le mette à pied, on trouve que c'est un dédoublement d'information qu'on va déjà chercher dans la déclaration du travailleur qui, lui, a intérêt à le faire parce qu'il veut avoir du travail. S'il veut du travail, il faut qu'il se mette sur la banque. S'il ne se met pas sur la banque, il n'a pas... c'est ça. Donc, la clé, c'est l'information.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Donc, je comprends que le principe, là... Dans le fond, pour juste revenir un petit peu sur le sujet de mon collègue, le principe qui est mis de l'avant dans le projet de loi, c'est-à-dire de mettre une création de banque de travailleurs indépendante de toute affiliation syndicale, peu importe aux valeurs de qui tu te rattaches, ce n'est pas ça qui domine, c'est plutôt la compétence du travailleur. Parce que, dans le fond, moi, je fais souvent le lien, là, entre un syndicat et un parti politique. C'est la même chose. Dans le fond, tu t'associes, tu t'affilies avec ceux qui vont défendre les valeurs auxquelles tu crois davantage. Et ça ne devrait pas être une question... ton affiliation politique comme ton affiliation syndicale ne devraient pas venir t'empêcher de travailler. Alors...

Mais j'aimerais ça revenir... Vous avez mentionné tout à l'heure... vous avez abordé la question des métiers, des spécialisations qui sont reconnues. Vous avez mentionné qu'au Québec on est probablement l'endroit où il y en a de plus en plus, de métiers reconnus. Est-ce que vous avez des suggestions? Parce que vous recommandez qu'on réduise, mais en même temps la spécialisation, la reconnaissance d'une spécialisation, pour un entrepreneur, pour un employeur, c'est vraiment important, ça peut faire une différence, là, sur la qualité du travail qui est produit. Auriez-vous des suggestions à mettre sur la table, là, pour cet élément-là de votre mémoire?

**(16 h 10)**

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, en deux minutes.

Mme Hébert (Martine): Merci. Absolument. Moi, je dis: Collons-nous sur l'Ontario. En Ontario, il y en a six. Bon, bien, collons-nous sur l'Ontario. Partons de 26, ramenons-nous à six, on va être très heureux, là. Je veux dire, je comprends qu'il y a certains métiers qui sont plus spécialisés, qui commandent des compétences particulières. De toute façon, ces gens-là, ils ont les qualifications pour l'exercer, ce métier-là. Et est-ce qu'on a besoin d'en avoir 26?

C'est un petit peu comme, pour moi... Je disais... On disait, l'autre jour, à la blague mais... c'est un petit peu -- c'est aberrant -- comme si, sur une ferme, par exemple, on disait: Bon, bien, maintenant, là, dorénavant, il va y avoir une spécialité pour traire les vaches, une spécialité pour nourrir les vaches, une spécialité pour conduire le tracteur, une spécialité pour réparer la machinerie. Le système... l'agriculture au Québec serait complètement paralysée.

Alors, je pense qu'il y a... entre 26 et six, il y a quand même 20 de différence. Je pense qu'on est capables de faire des efforts. Et ce qu'on souhaite dans le projet de loi, c'est que ce ne soit pas juste la révision mais la diminution des métiers qui soit clairement stipulée.

Mme Vallée: Puis en même temps je pense que ça viendrait...

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Ça viendrait réduire, si je comprends bien, un peu ce qu'on a entendu tout à l'heure en témoignage, c'est-à-dire: on a un local syndical qui détient un monopole, et, si quelqu'un qui est formé, qui est compétent ne correspond pas à l'idéal du travailleur de ce syndicat-là, bien, cette personne-là ne se place pas. Donc, votre idée vient un peu casser cette malheureuse situation.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Absolument. Et ce qu'il faut dire aussi, c'est que, l'industrie de la construction, ça a été noté, il y a une population... un bassin de travailleurs qui est vieillissant, il y a une pénurie de main-d'oeuvre importante. Il faut favoriser plus de polyvalence puis plus de flexibilité.

Je veux dire, on regardait, on dressait une liste, là, des gens qui étaient disponibles à un moment donné. Il y avait zéro soudeur dans telle... sur la Côte-Nord, il y avait neuf... bon, etc. À un moment donné, il faut décloisonner tout ça, il faut que l'industrie retrouve sa flexibilité parce que présentement c'est beaucoup trop complexe. Et c'est complexe pour rien puis ça donne lieu à paquet de situations qui sont malencontreuses, qui sont plates à plusieurs égards et qui sont improductives, finalement, pour tout le monde, à la fois pour les travailleurs... Rappelez-vous que les travailleurs de la construction travaillent beaucoup moins d'heures que les autres travailleurs dans l'économie québécoise. Ce n'est pas correct.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Hébert. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je veux poursuivre dans le même sens que certains collègues, page 6, sur: «À notre avis, il importe de le répéter, les travailleurs devraient avoir le droit de faire partie ou non d'un syndicat, [d'y] refuser d'y cotiser.» Là, on parle de formule Rand, là. Moi, à ce que je sache, quand je rentre à l'usine de l'aluminium, à Baie-Comeau, ça ne veut pas dire que tu rentres membre en règle du syndicat, mais tu paies des cotisations syndicales parce que tu as tous les avantages s'y rattachant, de la convention collective. Je veux juste que vous précisiez ce que vous voulez dire là-dedans. Sans ça, là, on vient de déchirer le Code du travail au complet, là, ce n'est pas compliqué, là. En tout cas, il y a des règles d'équilibre qu'il faut faire, alors je veux bien qu'on en parle, là, mais là c'est le pain, le beurre, puis l'argent du pain puis l'argent du beurre. Alors, je veux juste comprendre.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Écoutez, les positions traditionnelles de la FCEI et des PME, ce que les PME souhaiteraient... Et d'ailleurs les organisations patronales chez nous, je veux dire, on n'a pas de formule Rand, là. Les membres chez nous ne sont pas obligés, là, de... Chaque année, il faut qu'on travaille sur le renouvellement et qu'on... Mais on n'est pas dans un débat ici, je pense, M. le député, là... Je ne veux pas faire le débat sur le Code du travail.

Mais effectivement, oui, les positions traditionnelles de la FCEI sont à l'effet qu'on souhaite que la question de la syndicalisation obligatoire... que ça n'ait plus lieu au Québec. Et ultimement évidemment qu'on souhaiterait que la formule Rand soit abolie, mais ça, c'est un autre débat, qu'on ne fera pas ici aujourd'hui.

M. Dufour: ...comprendre.

Mme Hébert (Martine): On s'entend. On s'entend.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: J'essaie juste de comprendre, c'est dans votre mémoire. Tu sais, je vais avoir le Conseil du patronat vendredi soir, les derniers, puis ça fait longtemps qu'ils veulent ouvrir le code pour avoir des votes au niveau des accréditations puis de l'allégeance syndicale. Je veux juste vous dire qu'il y a un danger là, là, tu sais? Tu ne peux pas avoir le pain, le beurre, puis l'argent du pain puis l'argent du beurre.

Ceci étant dit, vous avez été rencontrés par le groupe de travail. Je peux-tu savoir comment ça s'est passé? Vous avez eu une convocation, vous avez déposé un mémoire, vous avez eu une rencontre avec eux. Je veux juste que vous me disiez l'ordre de grandeur de la démarche qui a été entreprise par ce groupe de travail là.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, dans un premier temps, je vais vous demander de confirmer que vous avez été rencontrés par le groupe de travail et répondre à la question du député de René-Lévesque.

Mme Hébert (Martine): Avec plaisir, M. le Président. Oui, nous avons été rencontrés par le groupe de travail. À la deuxième question, votre deuxième question, M. le député: Oui, ça s'est très bien passé. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec... Nous avons reçu une invitation, que nous avons acceptée. Nous avons échangé avec les membres du groupe de travail. Ce fut un échange extrêmement intéressant parce qu'on était en présence d'experts dans l'industrie. Moi, je représente les PME. Quand on me parle de technicalités, là, sur le terrain, comment ça se passe... Moi, je suis ici pour vous dire ce que mes membres nous disent, ils sont où, les problèmes, qu'est-ce qu'on voit, qu'est-ce qu'il faut changer.

Mais ça a été un échange extrêmement intéressant. On a déposé un mémoire, que nous avons d'ailleurs rendu public. Évidemment, les consultations étaient à huis clos, donc l'objet de nos discussions vont rester dans le huis clos, on va le respecter. Mais on a quand même déposé un mémoire cette journée-là, qu'on a publié, en toute transparence, pour énoncer ce que la FCEI avait et ce que les petits entrepreneurs du secteur de la construction au Québec souhaitaient comme changements.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Vous avez parlé des listes, des références. Il ne faut pas engorger non plus tout le système. Moi, je veux juste, là, comprendre, là. Quand je regarde le domaine de la construction... J'ai déjà eu, moi, des manifestations chez nous par rapport à la mobilité provinciale. Je parle des grands chantiers. Il y a des fois qu'il y a des employeurs qui les ont, les listes, parce que la mobilité provinciale fait en sorte maintenant que tu peux te déplacer avec l'ensemble de ton personnel.

Bref, ce que je veux comprendre, c'est que, oui, il y a des employeurs qui ont des listes, oui, il y a des organisations syndicales qui en ont aussi, oui, la CCQ risque d'en avoir aussi. C'est quoi, le fonctionnement au moment où on se parle? Parce que vous dites qu'il y a une crise de confiance des PME envers la CCQ. Ça aussi, j'aimerais que vous m'en disiez un peu plus par rapport à ce que vous notez dans votre mémoire.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): O.K. Sur la question de la CCQ, je pense qu'il faut noter qu'entre le moment où on a fait notre sondage et maintenant il y a quand même des changements, certains correctifs qui ont été apportés au niveau de l'administration. Et je pense que... De toute façon, la FCEI, on entend peut-être... probablement, là, discuter prochainement avec Mme Lemieux, lui faire part, là, de ce que nos... Beaucoup de choses par rapport à la CCQ que les membres ont comme problème tiennent beaucoup, beaucoup à la juridiction des métiers. La CCQ est chargée de faire appliquer la loi, puis il y a souvent des situations qui se produisent où en fait c'est une lourdeur administrative, c'est un fardeau.

Et, les membres de la FCEI, quand on leur a demandé: Est-ce que vous jugez que les décisions prises par la CCQ à votre égard... Comment les jugez-vous: équitables, médiocres, bonnes ou mauvaises au niveau de l'équité?, bien, les résultats n'étaient pas concluants. 38 % ont dit... 30 % ont dit: Bien, ce n'est pas très bon, 19 %, passable, puis à peu près 10 % qu'ils étaient bons. Donc, c'est sûr que ça dénote pour nous qu'il y a un problème, et qu'il y a des changements qui s'imposent, et qu'il y a des changements même aussi au niveau des inspections, là, qui sont faites sur les chantiers par la CCQ et tout ça. Bon. Ça, c'est un problème.

Ce contre quoi on en a à la FCEI, c'est les articles, là, l'ajout des articles, là, 107.9, 107.10, 107.11 puis la pénalité qui peut aller jusqu'à 14 000 $. Ça dit: «Aucun employeur ne peut embaucher de candidats salariés s'il n'a préalablement fait une déclaration de besoin de main-d'oeuvre pour un nombre», blablabla. Il y en a, là, comme ça, une page pleine. Ça, ça nous inquiète. Il me semble, il me semble qu'on devrait, comme dans n'importe quelle autre industrie mais dans ce cas-ci particulier, avoir une banque de travailleurs disponibles puis que l'employeur qui a besoin de personnes de plus parce qu'il n'y en a pas dans la région dans laquelle il travaille, parce qu'il a besoin d'une spécialité très fine, comme le soulignait tantôt Mme la ministre, bien, qu'il puisse avoir accès à une banque de noms de candidats potentiels auxquels il peut faire appel.

Les entrepreneurs aussi, on sait que, oui, la question, le principe de la mobilité existe, mais des fois ça ne se traduit pas toujours comme ça sur le terrain. Un entrepreneur qui vient de Montréal qui s'en va travailler à Baie-Comeau, bien, il peut avoir... oui, il peut avoir des problèmes. Disons les vraies choses, là, il peut y avoir des problèmes.

Une voix: ...

Mme Hébert (Martine): Hein?

Une voix: D'où l'intérêt...

Mme Hébert (Martine): Donc, d'où l'intérêt de dire: Bien, pourquoi est-ce que... Premièrement, qu'est-ce que ça va changer que les syndicats puissent faire des références sur le site Internet ou sur la banque? Ça va changer quoi? Ça va apporter quoi de plus comme plus-value, là? Il me semble que les travailleurs de la construction au Québec, c'est des gens qui sont formés, qui ont des cartes de compétence, qui sont intelligents. C'est des bons travailleurs. Je veux dire, pourquoi est-ce qu'on aurait besoin que les syndicats puissent participer à la référence? Ça, c'est notre premier problème. Puis le deuxième problème... et non pas que les travailleurs fassent eux-mêmes leur propre démarche, comme tous les autres travailleurs dans toutes les autres industries au Québec?

Et deuxièmement pourquoi est-ce qu'on veut imposer, là... On est très, très inquiets par tout le fardeau réglementaire et administratif qu'on veut imposer à nos petits entrepreneurs qui, pour nous, ne sont pas justifiés.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Alors, si je comprends bien, vous, ça ne serait même pas de référence, même au niveau des syndicats, là, ça devrait passer par l'employeur tout simplement puis la CCQ outre mesure.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): C'est-à-dire que ça devrait... il devrait y avoir... La CCQ a déjà l'obligation dans la loi de tenir un registre à jour. On ne voit pas pour quoi faire que les syndicats devraient référer à ça. Nous, pour nous... Si vous me demandez c'est quoi, la situation idéale, ce serait ça.

**(16 h 20)**

M. Dufour: À la page 2 de votre mémoire, indiqué en caractères un peu plus petits: «Les diverses mesures adoptées par le législateur depuis la commission Cliche, dont les dernières découlent du projet de loi n° 135, devenu le chapitre 42 des Lois du Québec de 2005 -- j'étais le porte-parole à ce moment-là au niveau du travail, et on parle ici de la loi n° 135 -- [...]enrayer le recours aux pratiques déloyales, dont celles d'intimidation auprès des travailleurs et [les] employeurs.»

Je l'ai ici, 135, si je ne me trompe pas. C'était la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. J'ai l'impression de revivre le même film qu'en 2005. Ça veut dire qu'il n'y a rien qui a fonctionné avec 135 au niveau de l'intimidation, au niveau de la gestion de la main-d'oeuvre?

Moi, je me rappelle, en 2005, quand le gouvernement a adopté son projet de loi... Parce que, dans le projet de loi n° 135, c'était aussi d'entériner le divorce du Conseil conjoint, qui redevenait la FTQ-Construction et l'Inter. C'était aussi les mesures pour l'intimidation et le harcèlement. On a sorti les serres de production et les résidus miniers. Ça parlait de gestion de la main-d'oeuvre. Puis il y a même eu un forum sur la productivité, si je ne me trompe pas, dans les Laurentides. Alors, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que 135, ça n'a jamais fonctionné.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Oui. Écoutez, ce que vous nous dites, c'est une citation qu'on a tirée du rapport du groupe de travail, qui en arrive à cette conclusion-là, lui aussi, pour dire, à la page 8, que «les diverses mesures adoptées [...] n'ont pas permis d'enrayer le recours aux pratiques déloyales, dont celle d'intimidation auprès des travailleurs et des employeurs». Alors, ça veut dire que c'est très important, ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, que le projet de loi n° 33 est un projet de loi très important et qu'on va avoir besoin de la collaboration de l'ensemble des élus pour aller jusqu'au bout de ce projet de loi là.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Une dernière pour passer la parole à ma collègue. Est-ce que, dans les lois que nous avons en avant de nous en ce moment -- je dis bien les lois, R-20, tout ce qui découle -- est-ce qu'il y a un élément, il y a un écrit à quelque part qui indique que c'est les syndicats qui font le placement? Est-ce que la CCQ a les outils pour être capable de faire respecter les lois qu'on a au Québec en ce moment?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Je vais... Vous allez entendre les représentants de la CCQ tantôt. Je pense que je vous invite à leur poser la question parce que je suis certaine qu'ils sont beaucoup plus compétents que moi pour répondre à votre question, là, au niveau des pouvoirs et de leur quotidien.

Cela étant, la question du placement syndical, il ne faut pas jouer à l'autruche... Puis c'est un secret de polichinelle, là, qu'il y a du placement syndical qui se fait dans l'industrie. Je pense que... Et, bon, certains disent: Ça concerne juste 15 % de la main-d'oeuvre. Bien, si ça concerne juste 15 % de la main-d'oeuvre puis que ce n'est pas si grave que ça, je me demande pour quoi faire on assiste, là, à ce qu'on voit aujourd'hui se passer sur les chantiers au Québec. Et, moi, ce que je dis: Le projet de loi n° 33, dans son titre même, vise l'élimination du placement syndicat, alors je pense qu'il faut aller de l'avant avec ce projet de loi là avec certaines modifications pour ne pas imposer un fardeau supplémentaire aux employeurs et s'assurer qu'il va y avoir un système de référence de travailleurs au Québec qui va être exempt de toute influence directe ou indirecte de qui que ce soit à part le travailleur lui-même.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: J'approfondis ma question en la posant autrement: Pourquoi on légifère... pour enlever un droit qui n'appartient pas aux syndicats, c'est-à-dire le placement syndical?

Mme Hébert (Martine): Écoutez, ce que...

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Je pense qu'on légifère aujourd'hui pour régler des pratiques qui ont cours et qu'on veut enrayer. Alors, c'est tout simplement ça. C'est des pratiques qui ont cours, on le sait, donc on légifère pour contrer ces pratiques-là, bon, pour les encadrer un peu plus. Nous, ce qu'on préférerait, c'est vraiment les enrayer complètement de façon directe ou indirecte, alors c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, à mon sens à moi, M. le député, en toute déférence.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Ça va, je vais passer la parole à ma collègue.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Madame, monsieur, merci d'être là. Moi, je me réfère à votre mémoire, en page 10, où vous parlez du cloisonnement actuel des métiers. Vous dites: «Considérant le cloisonnement actuel des métiers et les ratios compagnons-apprentis imposés, cela pose un sérieux problème qui ne fera que s'exacerber, particulièrement en région.» Vous donnez un exemple et vous concluez en disant: «Cela indique qu'une réforme en profondeur du système d'obtention des certificats de compétence et de cloisonnement des métiers s'impose.»

Moi, j'aimerais que vous alliez un peu plus loin dans vos arguments, sur votre conclusion. Parce que, si, dans certaines régions, il y a des métiers qu'on retrouve et d'autres qu'on ne retrouve pas, est-ce que la conséquence de ça, c'est de modifier le système d'obtention des certificats de compétence et de cloisonnement des métiers? Point d'interrogation. Je veux vous entendre.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Ce qu'on se fait souvent dire par nos membres, c'est que la question, par exemple... Je vais vous donner un exemple. La question du ratio compagnons-apprentis, etc., ça pose des problèmes dans certaines régions, oui, parce qu'il n'y a pas... la main-d'oeuvre n'est pas là... ou le personnel n'est pas là pour pouvoir répondre à ces exigences-là. Alors ça, oui, c'est un problème et... C'est un problème, puis ce qu'on dit, c'est que le cloisonnement des métiers... À un moment donné, là, on est rendus en 2011. Je veux dire, les gens... Je pense qu'on a des travailleurs qui sont bien formés, on a des travailleurs qui sont tout à fait capables d'être polyvalents dans l'industrie de la construction et on a un intérêt non seulement pour les entreprises, mais aussi pour l'ensemble des travailleurs de favoriser davantage de flexibilité et de polyvalence chez nos travailleurs de la construction. C'est un avantage qui est... C'est quelque chose qui est à l'avantage de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, pas juste des employeurs, là, des travailleurs aussi.

Quand on dit que, oui, il y a... En plus de ça, il y a un bassin de main-d'oeuvre qui vieillit dans l'industrie, il y a une pénurie de main-d'oeuvre qui est présente. Dans certaines régions, ça pose un problème. Je pense qu'on doit avoir un système au niveau de la juridiction des métiers et au niveau aussi de tout ce système-là au complet qu'on doit regarder pour avoir davantage de flexibilité et de polyvalence pour répondre aux besoins que nous avons aujourd'hui sur le marché du travail, dans cette industrie.

Le Président (M. Ouellette): M. Vincent, vous aviez un complément d'information?

M. Vincent (François): Bien, on dit que ça va s'accentuer, le vieillissement de la population. Après le Japon, le Québec est la place où le débalancement de la population est le plus élevé.

Puis, sur la juridiction des métiers, il y a un bon exemple qui nous a été donné, puis je voudrais vous le partager aujourd'hui parce que, moi, ça m'a frappé, pour voir, là, le cloisonnement des métiers puis le problème qu'il y a par rapport à ça. Il y a un entrepreneur qui a reçu une infraction parce que son apprenti a fait un trou dans un gyproc parce qu'il posait une porte. Comment voulez-vous poser une porte sur un gyproc si vous ne faites pas un trou dans le gyproc avant de poser la porte? Donc, la personne... l'inspecteur de la CCQ lui a donné un constat d'infraction. Il a dit: Ça n'a pas de sens. Il dit: Je vais contester. La personne lui dit: Bien, contestez. Il a perdu une journée en cour avec son employé, qu'il a payé, pour qu'en cinq minutes le juge, il dit: Vous avez raison, ça n'a pas de sens. Retournez chez vous, vous n'avez pas ce constat d'infraction là. Ça, c'est le problème de la juridiction des métiers, le fait que ce soit carré, carré puis qu'on ne donne pas la possibilité aux entrepreneurs de pouvoir faire ce qu'ils font par rapport aux apprentis, compagnons, etc.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, brièvement. Quel lien vous faites avec la formation des travailleurs ou des travailleuses dans les métiers de la construction? Parce qu'on sait pertinemment qu'au niveau de comités de formation de la main-d'oeuvre il y a des normes, il y a des règles qui régissent les différents corps de métier et qu'ils ont des plans de formation pour être reconnus, et ainsi de suite. Alors, l'incidence de votre proposition de diminution sur la formation... Et, à partir du moment où vous invoquez le flexibilité, la polyvalence, il y a aussi toutes les questions de compétences spécifiques dans des corps de métier. Comment vous liez tout ça ensemble pour être en mesure d'avoir, au bon moment, au bon poste, l'employé qui va répondre aux besoins de son employeur...

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...avec les compétences requises?

Le Président (M. Ouellette): Woups! Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Je pense que le système de formation et de qualification des travailleurs dans une industrie, que ce soit dans la construction ou ailleurs, c'est quelque chose de systémique. On ne peut pas prendre... on ne peut pas dire: On va diminuer le nombre de métiers, mais on n'ajustera pas, de l'autre côté, les formations. Sauf que, je veux dire, quand on prend le cas de notre membre, là, l'apprenti, supposément qui n'a pas le droit de faire de travaux de démolition... Mais il faut toujours bien qu'il fasse un trou, s'il veut mettre sa porte, hein? Puis est-ce que, je ne sais pas, moi, quelqu'un qui fait des travaux... un céramiste n'est pas capable de poser les quarts-de-rond une fois qu'il a fini de poser sa céramique? Je veux dire, il y a un moment donné aussi...

Mais je pense qu'il y a des ajustements nécessaires qui seront faits, puis on va laisser le soin aux autorités qui sont compétentes en matière... Moi, je ne suis pas spécialiste en formation des travailleurs de l'industrie de la construction, je suis spécialiste des PME, les problèmes que vivent les PME. Ça fait que je pense qu'à partir de moment où on va faire des changements on va réviser. Et je pense que c'est l'esprit de ce que je lis dans le projet de loi quand on dit: À partir du moment où on va réviser la juridiction, on va réviser tout ce qui s'ensuit. Ça va de soi.

Le Président (M. Ouellette): ...la députée de Lotbinière.

**(16 h 30)**

Mme Roy: Merci. Votre présentation est très différente de celle qu'on vient d'entendre avant vous. Vous l'avez probablement entendue. Il y a un point commun que vous avez. Peut-être que je vous surprends quand je vous dis ça, mais, les deux, vous dénoncez une culture du milieu, un problème systémique qui dure depuis des décennies, dans des mots différents, puis avec des exemples différents.

Le système de référence, la garantie qu'on nous donne, la garantie qu'on nous donne sur le bon fonctionnement d'un système de référence, c'est les plaintes et les amendes importantes. L'historique de tout ce monde de la construction... Puis là, on a parlé du côté employés versus syndicats, et entre eux, les travailleurs; on n'a pas parlé de tout ce qui à trait au blanchiment d'argent puis au crime organisé dans le milieu de la construction. Pensez-vous que ça a assez de dents, assez de griffes pour avoir un système de référence exempt de pratiques douteuses. «Pratiques douteuses», c'est encore quelque chose qui est un terme à définir, là.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): C'est un petit peu comme je dis depuis tantôt. Ce qu'à la FCEI on souhaiterait, c'est vraiment d'avoir un système de référence où les travailleurs vont s'inscrire et s'inscrivent eux-mêmes avec leurs disponibilités et où les employeurs qui ont besoin d'avoir accès à un tel système de référence vont aller regarder pour voir qui est disponible dans leur région: Est-ce qu'il peut y avoir quelqu'un qui peut effectuer les travaux dont il a besoin?

Pour nous, ça, là, il me semble que c'est simple, ce n'est pas compliqué. Il y en a plein qui existent déjà, hein? Je veux dire, il y a les Jobboom de ce monde et toutes les autres... Il y a Emploi-Québec aussi qui a des systèmes similaires. Il me semble que ce serait quelque chose d'assez simple, de pas compliqué. Et, ce qu'on dit, c'est qu'on veut que ce système de référence là... Mettons les choses, comment je dirais... Donc, si on veut être certains, certains, certains... Je ne dis pas: Parce que dans le projet de loi n'est pas bon. Ce qu'on a dit: Ça comportait... c'est une avancée importante.

Maintenant, si on veut être certains à 100 % d'avoir les résultats qu'on veut, bien, qu'est-ce qui justifie qu'on aurait de l'interférence de quelque côté que ce soit ou de quelque groupe que ce soit dans ce système de référence-là, que l'interférence soit directe ou indirecte? Alors, pour nous, c'est simple, c'est clair, ce n'est pas compliqué. C'est: La CCQ a les pouvoirs dans les lois et elle a même l'obligation de le faire, donnons-lui les moyens de le faire, qu'elle le fasse et que ce soient les travailleurs qui s'inscrivent sur ce site-là et laissons le marché fonctionner, quoi.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Le deuxième aspect de votre mémoire, c'est la surcharge de paperasse inutile. Vous avez quantifié votre surcharge, dans votre mémoire, à 7,2 milliards de dollars par année pour les entreprises québécoises. Puis ce qui est plate, ce qui est dommage, c'est que plus les entreprises sont petites, au niveau de ratio, plus c'est cher par employé.

Avez-vous calculé ce que la paperasse supplémentaire qu'on demande aux entreprises de la construction va coûter?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, en trente secondes.

Mme Hébert (Martine): Oui. Non, parce que notre étude porte sur les coûts globaux. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, quand je lis ça, je pense à mon petit entrepreneur qui a trois ou quatre employés, puis qu'il va falloir qu'à chaque fois que, bon, son employé ne rentre pas, une journée... il va falloir qu'il aille mettre à jour le site, tel que c'est libellé là puis que je le comprends, là. Il va falloir qu'il aille dire: Bien, là, finalement, non. Qu'il aille se demander un numéro d'embauche, que...

Savez-vous, il y a 557 formalités administratives qui sont imposées, juste au niveau provincial, aux entreprises au Québec au moment où on se parle, Mme la députée? Alors, on n'en veut pas une additionnelle. On n'en veut pas, et surtout pas une série d'additionnelles comme c'est stipulé dans le projet de loi actuellement. Je pense que c'est inutile.

Je ne vous dis pas que toutes les entreprises du Québec sont assujetties aux 557, mais, en tout, il en existe pour les entreprises de tous secteurs confondus, 557. 7,2 milliards par année que ça coûte, là c'est 7,2 milliards qui ne partent pas en fumée mais qui partent en papier. Je veux dire, je pense qu'on n'a pas intérêt à accroître ce fardeau-là si on veut plus être plus productifs, plus efficaces puis favoriser le développement économique du Québec. On n'a pas intérêt à imposer un fardeau encore plus lourd, qui est encore plus lourd, le fardeau réglementaire administratif, pour les plus petits que pour les plus gros.

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci. Vous avez quantifié, dans votre rapport, là, le fait que, si on passait de 26 corps de métier à six, là... en tout cas, le coût de tout ça, là. Est-ce que vous avez estimé l'impact financier lorsque vous dites qu'on devrait abolir des syndicats... ou abolir plutôt l'obligation de se syndiquer, et aussi de modifier, là... d'abolir le placement syndical? Est-ce que vous avez quantifié les impacts que ça aurait sur l'économie, dans un premier temps, et sur les revenus des centrales syndicales?

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Merci, M. le Président. Pour nous, c'est une question de liberté de choix, hein, d'abord et avant tout. Les données qu'on vous a fait part, dont on vous a fait part dans notre mémoire sont tirées de différentes études. Il y en a qu'on vous a citées qui sont tirées de l'étude de M. Fortin. Les données sur le coût de la réglementation sont tirées de nos études à nous, à la FCEI, de notre département de sciences économiques, avec notre économiste en chef, M. Ted Mallette.

Mais certainement, pour nous, c'est d'abord et avant tout une question de libre choix puis une question de flexibilité puis de productivité dans l'industrie. C'est aussi simple que ça. Je veux dire, on n'a pas... Je ne vois pas pour quoi faire que... Peu importe les coûts, il y a quand même un... c'est un problème fondamental.

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, pour les prochaines 30 secondes.

M. Picard: Donc, je comprends que ce n'est pas quantifié, ou vous ne voulez pas me le dire, tout simplement.

Le Président (M. Ouellette): Mme Hébert, le mot de la fin.

Mme Hébert (Martine): On n'a rien à cacher. Comme je vous ai dit, non, ce n'est pas quantifié. Les chiffres qu'on a là, les coûts que M. Fortin parle parlent de l'ensemble de la loi R-20. Alors, il faudrait voir dans son étude de façon plus détaillée. Je vous invite... On pourra vous la faire parvenir. Vous pourrez peut-être regarder la méthodologie, là, qu'il a utilisée et si on peut décortiquer ce 3,4 milliards en partie. C'est probable, mais, moi, je n'ai pas cette donnée-là avec moi aujourd'hui.

Le Président (M. Ouellette): Est-ce que les membres de la commission veulent avoir les chiffres? Ils veulent avoir les chiffres. Donc, Mme Hébert, en plus de la question de ce matin que la ministre vous a posée, dont vous allez nous faire parvenir la réponse, on aimerait avoir les chiffres dont vous venez de nous parler.

Merci beaucoup, Mme Martine Hébert, M. François Vincent, représentant la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Nous suspendons nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

 

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Ouellette): Nous repartons et nous recevons maintenant la Commission de la construction du Québec, représentée par sa présidente-directrice générale, Mme Diane Lemieux, ex-ministre du Travail, qui a sûrement demandé l'aide d'un de ses anciens collègues, qui est dans l'assistance avec nous, un autre ancien ministre du Travail et ex-député de Matane, M. Matthias Rioux. Ça fait qu'on va être en pays de connaissance. Probablement qu'il pourra vous passer des petites notes, là, parce que... si jamais il y a quelque chose qu'on oublie là-dessus.

Mme Lemieux, vous allez nous faire le plaisir de présenter les gens qui sont avec vous. Et vous connaissez nos règles: 15 minutes et... même si les gens au niveau ministériel et du côté de l'opposition ont très hâte de vous poser un paquet de questions qui ont été soulevées par les deux groupes précédents. Donc, je vous laisse la parole, Mme Lemieux.

Commission de la construction du Québec (CCQ)

Mme Lemieux (Diane): Merci, M. le Président. Vous savez que c'est toujours un honneur d'être au salon rouge. Alors, à ma gauche, François Charette, secrétaire général de la commission et vice-président aux Affaires juridiques; à mon extrême gauche, Josée Fortier, vice-présidente, Service aux partenaires; à ma droite, Audrey Murray, vice-présidente, Service à la clientèle et au développement, et à mon extrême droite, Louis-Pascal Cyr, conseiller à la présidence. Alors, je remercie les membres de la commission d'avoir invité la Commission de la construction du Québec dans le cadre du projet de loi n° 33.

Depuis 1968, le Québec a développé un régime particulier pour l'industrie de la construction. Ce régime singulier répondait aux particularités québécoises, notamment celles du pluralisme syndical. Au fil du temps, le régime s'est bonifié de programmes qui ont pour objectif de permettre aux travailleurs et aux entrepreneurs de bien gagner leur vie. Cette solidarité est à l'honneur des Québécois.

L'industrie de la construction fait face aux défis de notre époque. Elle n'a peut-être pas besoin d'une révolution mais certainement d'une évolution. Le projet de loi s'appuie sur certains fondements de notre régime qui a permis à l'industrie de se sortir de la période trouble des années soixante-dix où construction rimait avec agitation et intimidation et où les chantiers pouvaient devenir le champ de bataille de conflits intersyndicaux.

Je note que le choix des législateurs est de maintenir un certain nombre de principes, de fondements, dont celui de la syndicalisation obligatoire, qui a permis plus d'équité dans les conditions de travail sur les chantiers. Le projet de loi conserve également le rôle central de la Commission de la construction du Québec comme lieu de convergence des parties. Et le projet de loi préserve également le principe du paritarisme dans la gestion du régime.

On ne peut évidemment pas prétendre que le milieu de la construction vit les mêmes problèmes qu'il y a 40 ans, mais plusieurs indices pointent dans une direction. Nous sommes mûrs pour un nouveau chapitre de notre histoire, et c'est la délicate tâche à laquelle vous êtes conviés comme parlementaires. Après avoir analysé le projet de loi avec les yeux de facilitateur qu'est la CCQ, nous souhaitons donc faire un certain nombre de remarques et de suggestions en espérant que cela permettra de contribuer à vos réflexions.

D'abord, sur la gouvernance. La Commission de la construction du Québec n'a de sens parce qu'elle est un organisme paritaire. Le Québec a choisi de confier aux travailleurs et aux employeurs de la construction les leviers pour se prendre en main, et la suite des événements a démontré la sagesse de ce choix, parce que, au-delà des grandes questions que soulève le projet de loi dans le quotidien, la Commission de la construction du Québec, c'est plus de 1 million de transactions faites avec les travailleurs, les employeurs, les retraités, le grand public chaque année. Nous desservons 80 000 rentiers. 275 000 personnes sont assurées. Nous recevons plus de 2 000 appels au service à la clientèle par jour. Et ça, c'est le résultat de l'application des programmes et des services qui ont été convenus entre les parties.

Lorsque le Québec a fait face à des périodes de récession, les différents gouvernements se sont tournés vers la construction pour stimuler l'activité économique. Encore récemment, la capacité de notre industrie à livrer la marchandise a permis au Québec de tirer son épingle du jeu dans le contexte nord-américain difficile.

Nous constatons que le projet de loi conserve la prépondérance des parties dans la gouvernance de la CCQ. Il est important de rappeler qu'à la base la CCQ est un organisme paritaire auquel s'est greffé, au fil du temps, des mandats de nature publique. C'est le cas notamment de la lutte au travail au noir, de la lutte à la corruption, de l'accès à l'emploi ou la tenue, par exemple, du scrutin syndical. Toutes les parties n'ont pas le même degré de confort quant à l'inclusion, dans le mandat de la CCQ, de dimensions que j'appellerais d'ordre public. J'ai toutefois la conviction qu'il s'agit d'un mandat complémentaire et indissociable.

**(16 h 50)**

La présence de membres dits indépendants au sein du conseil d'administration que propose donc le projet de loi a fait réagir plusieurs: vous en entendrez certainement parler. Il est certainement souhaitable d'enrichir la gouvernance de la CCQ avec une expertise extérieure. D'ailleurs, dans la forme actuelle, le C.A. comporte quatre postes comblés par des personnes qui ne sont pas directement issues de l'industrie.

Je comprends aussi que les critères d'indépendance fixés par le projet de loi s'inspirent de ceux qu'on retrouve pour les sociétés d'État dans la loi sur la gouvernance. Vous aurez certainement des représentations à l'effet de moduler ces critères afin qu'ils tiennent compte de la réalité particulière d'un organisme paritaire. L'indépendance ne doit pas être un obstacle à la pertinence. Et je vous soumets également que traditionnellement il y a toujours eu un employé du ministère du Travail qui occupait un siège au conseil d'administration et que cette pratique, à mon point de vue, mérite certainement d'être maintenue.

Dans le même ordre d'idées, les représentants de la Corporation des maîtres électriciens et de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec ont toujours joué un rôle précieux dans la gouvernance de la CCQ. Ce serait une expertise dont il serait dommage de se passer parce que, sans enlever rien aux autres, ce sont des organismes qui ont un statut qui s'apparente à des corporations professionnelles et sont donc une valeur ajoutée.

Sur la question du placement, il s'agit, bien entendu, de la question -- une des questions -- la plus sensible du projet de loi. En tant qu'organisme paritaire, la commission se doit de préserver l'équilibre entre la partie patronale et la partie syndicale. En matière de recrutement de la main-d'oeuvre, les employeurs -- c'est le postulat du projet de loi -- doivent procéder aux embauches afin d'assurer la réalisation de leurs projets, et les syndicats doivent protéger le droit des travailleurs. Le droit de gérance et le droit au travail doivent être mis sur un même pied d'égalité.

Le désir exprimé dans le projet de loi à l'effet de renforcer le droit d'embauche des employeurs ne doit pas être l'occasion d'abus de leur part. Ce droit confère aux employeurs de lourdes responsabilités, dont celle de respecter les règles du jeu en matière d'embauche. L'industrie s'est donné des règles d'embauche afin de nous assurer d'une main-d'oeuvre qualifiée, et nous devons garder le cap.

Et, de plus -- je pense que le témoignage en début de commission a été assez éloquent -- il est du devoir de la commission d'appuyer la participation de travailleurs et de travailleuses qui historiquement ont des difficultés à intégrer l'industrie: c'est le cas des femmes, c'est le cas des communautés culturelles, c'est le cas des jeunes diplômés et ça peut être aussi le cas de travailleurs plus âgés, qui ont pourtant le droit de travailler jusqu'au moment de leurs retraites, et nous serons extrêmement vigilants à ce sujet.

L'interdiction du placement qui est au centre du projet de loi est une occasion de rééquilibrer les rôles de chacun. Et, contrairement à ce qui a pu être véhiculé, je ne comprends pas que le projet de loi prévoie que la CCQ fasse du placement. Ce n'est écrit nulle part, et ça ne serait pas une grande avancée que de remplacer un système de placement par un autre. Le vrai progrès, c'est que l'industrie se donne les moyens d'avoir un service de référence qui permet de préserver les droits de tous et chacun en toute transparence et équité.

Pour y arriver, nous avons besoin de la contribution de tous. Et, ce que nous avons besoin, c'est un système de référence conçu par l'industrie, pour l'industrie. En ce sens, le projet de loi devrait prévoir une disposition transitoire -- et j'invite les parlementaires à y réfléchir et j'émets l'hypothèse suivante: une disposition transitoire pour que, dès son adoption, les associations soient dans l'obligation de fournir périodiquement une liste des travailleurs qu'ils ont référés. La transparence doit commencer maintenant.

Sur la question de la formation et des fonds de formation, j'ai participé, en juin dernier, à la rencontre des partenaires sur L'amélioration de l'adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail qui avait lieu ici, à Québec, organisée par le ministère de l'Éducation et par la ministre de l'Emploi. J'ai constaté avec beaucoup de réjouissance que l'industrie de la construction a un système de planification de la formation de la main-d'oeuvre et qui fait l'envie de plusieurs.

L'industrie s'est donné un mécanisme, un forum pour planifier la formation de la main-d'oeuvre. Il s'agit du comité de formation professionnelle de l'industrie de la construction, qu'on appelle le CFPIC. Il s'agit là donc d'un comité paritaire, donc avec un équilibre entre la partie patronale et syndicale, et l'importance du paritarisme au sein du CFPIC, qui est aussi cruciale qu'au sein du conseil d'administration.

La proposition contenue dans le projet de loi est à l'effet d'ajouter un représentant du ministère de l'Éducation avec droit de vote. Je pense qu'il est important de maintenir l'équilibre des forces au sein du CFPIC et je vous pose la question, je vous soumets la question, à savoir: Est-ce que la composition proposée par le projet de loi ne pourrait pas mettre le représentant du ministère de l'Éducation dans une délicate position de trancher un différend entre les parties? Est-ce qu'il ne serait pas plus opportun de lui donner un statut d'observateur? Je vous invite à en prendre compte... à en tenir compte dans vos réflexions.

Les fonds de formation sont un patrimoine que l'industrie s'est donné. Ils n'appartiennent à personne, c'est un patrimoine commun, et c'est une autre illustration d'une capacité d'innovation de l'industrie qui s'est prise en main. J'ai entendu le mot «vol» en décrivant des dispositions qui sont prévues dans le projet de loi. Calmons-nous. La loi R-20 prévoit déjà que la CCQ doit administrer tout fonds que les parties jugent nécessaire aux fins de formation. Et le projet de loi émet l'hypothèse de confier l'entièreté de ces sommes aux partenaires, exclusivement aux partenaires, au sein du CFPIC en permettant ainsi par ailleurs que des vérifications, notamment du Vérificateur général du Québec, puissent assurer de son utilisation optimale.

Or, dans les faits, actuellement, une partie des sommes réservées à la formation est administrée par les comités de gestion des fonds qui sont, dans les faits, des compagnies privées qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences de reddition de comptes qu'un organisme telle la CCQ. Si bien que, dans les conditions actuelles, je ne peux pas, en tant que dirigeante d'un organisme, répondre de l'utilisation de l'ensemble des fonds. C'est comme si la CCQ avait sous-traité sa responsabilité légale, et le projet de loi vient donc corriger, par cette hypothèse, cette anomalie.

Il est toutefois essentiel que les parties aient confiance que les fonds seront véritablement consacrés à la formation. En ce sens, je vous souligne que le nouveau paragraphe 8.10° de l'article 123 de la loi qui est introduit dans le projet de loi donne une impression que le gouvernement se garde un certain droit de décider leur utilisation. Je vous invite à une clarification.

Je sais pertinemment que l'avis que j'exprime n'est pas partagé par l'ensemble de l'industrie ni par l'ensemble des membres du conseil d'administration. J'estime tout de même qu'il est de mon devoir d'alerter les parlementaires sur le fait qu'une partie des fonds échappe à des mécanismes de contrôle reconnus. Et, comme je l'ai dit tantôt, la CCQ a, dans ses instances, un comité, le CFPIC, qui est totalement paritaire, intensément investi par les parties et qui a fait ses preuves. Je ne prétends pas qu'il est parfait, mais au moins un organisme comme la CCQ dispose d'une équipe de vérification interne et est soumise à l'examen de ses livres par le Vérificateur général du Québec.

Une autre remarque au sujet du fonds d'indemnisation. Le fonds d'indemnisation est un autre exemple du flair que l'industrie a eu en 1973. Il a donc été développé, ce fonds, afin d'indemniser les salariés pour les pertes subies lors de situations d'insolvabilité d'un employeur. La hausse importante des indemnités versées au cours des dernières années soulève des inquiétudes sur la solvabilité du fonds à moyen terme. Le montant de contribution patronale n'a pas été modifié depuis 1982, alors que les indemnités versées, qui couvrent essentiellement des contributions du salaire et des contributions aux avantages sociaux, ont connu une forte croissance. La santé de ce fonds d'indemnisation ne peut dépendre d'une négociation comme c'est le cas dans la situation à l'heure actuelle. Et, tout comme les fonds de formation, il me semble qu'il apparaît judicieux de sécuriser les fonds d'indemnisation. Et je note donc que le projet de loi est sensible à la pérennité de ce fonds.

Une dernière remarque sur la question du scrutin. Le pluralisme syndical implique un choix de la part des travailleurs pour l'association qui les représente. Ce choix est effectué sous la gouverne de la CCQ, qui agit un peu comme le DGE de ce processus. Jusqu'à maintenant, ce vote était effectué de manière traditionnelle avec des bureaux de vote dans toutes les régions du Québec. Et, afin de s'assurer de la bonne conduite du scrutin, 25 % du budget consacré à ce scrutin concerne la sécurité des sites. Il a fallu engager -- la CCQ -- à l'occasion du dernier scrutin, 226 agents de sécurité.

Le projet de loi prévoit que le gouvernement aura à fixer, par règlement, la façon de mener ce scrutin à l'avenir. La CCQ a procédé à une étude de faisabilité sur les différents modes de scrutin pour mener le scrutin syndical, le vote syndical, et nous sommes venus à la conclusion que le vote postal est un moyen sûr, moins coûteux, pour permettre aux travailleurs d'exprimer leurs choix tout en limitant les possibilités d'intimidation.

Alors, je sais que vous aurez beaucoup de questions. Je vais donc compléter mon intervention en vous assurant d'abord de notre collaboration, non seulement aujourd'hui, mais tout au cours du processus, que nous aurons un représentant -- M. Cyr sera présent tout au cours des travaux -- que je vous invite... si vous avez des questions, des documents qui vous seraient utiles, nous sommes à votre disposition. Et je suis donc prête à prendre vos questions.

**(17 heures)**

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Lemieux. Je vous prends au mot immédiatement: Les membres de la commission m'ont fait remarquer que vous n'aviez pas le mémoire. Je remarque que je vous ai vue suivre ce qui pouvait ressembler à un mémoire. Pensez-vous que ça pourrait être le premier document que vous pourriez nous déposer?

Mme Lemieux (Diane): Certainement. J'en ferai une version... Dans les prochaines heures, je vous acheminerai mon texte.

Le Président (M. Ouellette): Merci beaucoup, Mme Lemieux. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Lemieux, les gens qui vous accompagnent, merci d'être en commission parlementaire. Je suis convaincue qu'on aura beaucoup d'éclaircissements par rapport au rôle que la CCQ pourra jouer. Vous allez me permettre de vous dire que j'aimerais vous entendre sur le témoignage que nous avons eu du comité ad hoc des femmes, et je vais vous parler également du placement et le système de référence. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous entendre sur les fonds de formation ainsi que d'autres points, donc je vais y aller en rafale, assez rapidement, pour permettre aux parlementaires de faire les interventions.

Le premier groupe qu'on a entendu, je suis convaincue que vous l'avez entendu vous aussi, parlait de 1 900 femmes dans l'industrie de la construction sur 162 000 travailleurs. Elles ont parlé qu'elles étaient déçues, au niveau de la loi, qu'on n'aille pas plus loin par rapport à la place des femmes. Il n'y a rien pour elles parce qu'il y a d'autres mesures qui peuvent être mises en place sans nécessairement passer par la loi. C'est l'intention du législateur, évidemment. Et on a remis en question un peu la responsabilité de la Commission de la construction du Québec lorsqu'il y a des plaintes au niveau de la discrimination. Moi, j'ai compris, bon, d'après ce qu'on nous disait, qu'il n'y avait pas de ligne 1 800, qu'il fallait contacter, pour les gens, directement la Commission de la construction du Québec.

Sachant qu'il y a des bureaux régionaux de la Commission de la construction du Québec, je pense qu'il serait peut-être sage, par mesure... de rapprocher des travailleurs, surtout dans certaines régions où on sait qu'il y a plus d'intimidation ou qu'il peut y avoir plus de situations problématiques face à la discrimination. Et je me demandais quel rôle vous entendez jouer. J'ai toujours en arrière-plan, en arrière-pensée, évidemment, que vous êtes une ancienne ministre du Travail. Bien, je me souviens que vous avez été également au Conseil du statut de la femme. Je sais que vous avez défoncé des plafonds de verre, vous avez contribué à faire défoncer des plafonds de verre et à l'avancement pour la place des femmes.

Et j'aimerais bien vous entendre sur ce que la Commission de la construction du Québec pourrait faire, un, pour faire en sorte que les femmes puissent prendre la place qui leur revient, et de quelle manière la Commission de la construction pourrait travailler en collaboration avec le comité de Mme Déraspe, dans un premier temps. Après ça, je vais vous laisser aller.

Et, au niveau du placement syndical, j'ai entendu, et ça m'a fait sourire, lorsque vous avez dit de remplacer le placement qui est fait par les syndicats. Jamais il n'est écrit nulle part de remplacer ça pour que la CCQ fasse du placement, parce qu'effectivement ce n'est pas ça. Je comprends que ce n'est pas qu'est-ce qui a été véhiculé, sauf que, vous en conviendrez, le statu quo ne peut plus tenir. Ce que nous proposons, c'est vraiment d'aller vers une banque de systèmes informatisés pour avoir le vrai portrait, l'offre et la demande, les bassins de qualification, qu'on puisse savoir comment elle est. Ça fait qu'il est évident que j'aimerais vous entendre sur comment la Commission de la construction peut mettre en place un système qui va être performant. Il a été critiqué. Tout le monde sait que, dans les dernières années, il y a eu des tentatives, et que ça n'a pas marché comme ça aurait dû marcher, donc évidemment, si vous avez des éléments de réponse à nous donner, je vais vous inviter à le faire.

Mais, d'entrée de jeu, j'imagine que la Commission de la construction du Québec est d'accord sur le principe que le statu quo ne peut pas tenir. J'entends bien aussi que les mesures de transition seront nécessaires. Je n'ai absolument aucun problème à voir une voie de passage correcte aussi, parce que du jour 1 au dernier jour... Au jour 1, il faut s'assurer qu'il y a une transition harmonieuse qui soit faite. Et je suis d'accord avec vous qu'on a besoin de la collaboration de tous, autant les employeurs, les travailleurs et des syndicats.

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Alors, merci, Mme la ministre. Bon. D'abord, sur la question de l'intégration des femmes, j'ai évidemment écouté le témoignage. C'est, bien entendu, extrêmement troublant. Ce qu'on note, c'est: depuis 1997, il y a à peu près 4 000 femmes qui sont formées dans le secteur de la construction, et il y en a un peu moins de la moitié qui sont demeurées et qui vivent de ces métiers-là. Les femmes quittent deux fois plus l'industrie que les hommes. Et, si on se compare avec d'autres provinces, on score moins bien au Québec quant à la participation des femmes dans l'industrie de la construction que dans d'autres provinces.

Je vais me permettre d'ajouter une autre dimension, parce que, pour moi, il y a certains éléments qui sont en lien. Le score sur l'intégration, par exemple, des personnes immigrantes est aussi mauvais. On intègre moins bien que d'autres provinces. L'Alberta, par exemple, a deux fois plus de gens qui ont un statut -- passez-moi l'expression -- d'immigrant qu'au Québec. En Ontario, c'est au moins une fois et demie de plus d'intégration des gens de communautés culturelles qu'au Québec. Alors, il y a comme un vrai problème.

Moi, ça me préoccupe beaucoup parce que ce sont... D'abord, les gens ont le droit de gagner leur vie correctement. Les conditions de travail du milieu de la construction, c'est des conditions convenues avec les parties puis c'est des conditions qui, je pense, sont adéquates, eu égard à l'ensemble du marché du travail. Alors, il y a un énorme problème. Et c'est la raison pour laquelle je disais: La commission doit être vigilante sur les questions d'embauche, parce qu'il faut faire des efforts particuliers, et nous ferons les efforts. Évidemment, on n'est pas les seuls à être interpellés, mais il faut avoir une compréhension très, très fine, et pour tous ces cas que je viens de citer, le grand problème, c'est la rétention sur les chantiers.

Alors, je suis en train de réactiver le plan d'action que le commission s'était donné. Je sais aussi, pour en avoir discuté avec vous, Mme la ministre, que vous regardez aussi de votre côté, parce qu'il y a des enjeux aussi gouvernementaux. Alors, j'essaie de réactiver, j'essaie... Je pense qu'avec les partenaires... Les partenaires sont conscients aussi qu'il y a des nettes améliorations à faire à ce niveau-là. Donc, ça, vous pouvez compter sur nous, là, on est en train de se remettre en mode solution par rapport à ça.

Peut-être une remarque sur la question du traitement des plaintes. D'abord, on pourra peut-être en parler à d'autres occasions, mais j'en... D'abord, ce qu'il faut comprendre, c'est que, jusqu'à récemment, il y a eu beaucoup, beaucoup de silence. Et de déposer une plainte, de formaliser un événement qui a été vécu, les gens avaient le sentiment qu'ils portaient individuellement les conséquences. Donc, oui, il y a eu bien des événements qui ont été signalés, mais il n'y a pas eu d'éléments factuels de preuve suffisamment importants pour, quelquefois, être capables de procéder à une enquête ou au dépôt carrément d'infractions.

**(17 h 10)**

Et, la bonne nouvelle, c'est qu'on a un plus grand nombre de plaintes que... maintenant. Je pense que, là, il y a une fenêtre qui s'ouvre où les gens ont envie de dire, et se sentent peut-être davantage appuyés, mais là il y a un phénomène humain qu'il nous faut observer. Et, par ailleurs, c'est évident que, comme organisation, il faut améliorer notre score quant à la gestion des plaintes. Et, moi, je reconnais... Je n'ai pas de contrôle sur le passé, j'ai du contrôle sur le présent, je reconnais qu'on a besoin de faire des améliorations. J'ai posé un certain nombre de gestes pour améliorer le traitement des plaintes. Et je veux rassurer les membres de la commission: il y a une étanchéité quant à la question du traitement des plaintes. Parce que j'ai entendu Mme Déraspe, puis je peux le comprendre, que certains se disent: Parce que c'est un organisme paritaire, ça se négocie. Je peux vous garantir que ça ne se négocie pas. Il y a une tonne de choses qui se négocient, notamment au sein des instances, au sein des différents comités, que ce soient les avantages sociaux, la formation professionnelle, le comité de placement, etc., mais des plaintes, ça ne se négocie pas, je veux rassurer les parlementaires.

Sur la question du placement... En fait, j'ai fait un peu un jeu de mots pour dire: On ne va pas remplacer un système de placement par un autre système de placement. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se sortir de la manière dont il y a du placement qui se fait actuellement -- en fait, c'est ce que je comprends de l'intention du projet de loi -- dans le but d'en faire non pas une relation privée entre une association syndicale ou un représentant syndical et un employeur. Ce que je comprends de l'intention du projet de loi, c'est de mettre de la transparence.

Mon ambition, c'est de faire, de bâtir ce système-là avec l'industrie, pour l'industrie, parce que c'est une valeur ajoutée pour l'ensemble de l'industrie. Et je sais pertinemment que certaines parties ont juste envie que la Commission de la construction se cogne sur le mur et échoue. La responsabilité de concevoir et de faire en sorte que les travailleurs qui veulent travailler puissent travailler, et que les employeurs qui veulent embaucher X, Y, Z puissent le faire, cette responsabilité-là, elle nous appartient à tous. La CCQ, elle est là pour mettre en place les outils techniques et les conditions de dialogue pour réussir.

En ce sens, j'indique aux parlementaires que j'ai déjà, évidemment... J'ai vu le contenu du projet de loi, j'ai vu aussi le contenu du rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction. Ce n'était pas bien, bien compliqué d'anticiper que cette question-là de la référence et du placement était à l'ordre du jour. Alors, je n'ai pas commencé à planifier les travaux au 31 décembre; on a commencé à regarder maintenant comment ça pourrait s'articuler.

Et on a fait, depuis une dizaine de jours, un certain nombre de rencontres avec des employeurs. On part dans une deuxième vague où on veut faire des rencontres avec des représentants syndicaux pour essayer... pour mettre sur la table un certain nombre d'hypothèses de travail sur le fonctionnement éventuel. Pour que ça soit réaliste, il faut que ça soit fluide, il faut que ça soit ouvert puis il faut que ça marche, parce qu'on ne peut pas se permettre d'avoir, par exemple, des délais d'embauche. Souvent, les chantiers se planifient à une vitesse assez folle, alors on essaie de voir comment on peut le faire évoluer, ce système-là.

Et déjà on se rend qu'il y a un certain nombre de conditions qui sont indispensables. D'abord, il faut une qualité d'information dans nos systèmes. Actuellement, 60 % des employeurs signalent, alors qu'ils ont l'obligation de le faire, mais il n'y a que 60 % des employeurs qui signalent l'embauche et la mise à pied des travailleurs. Ça veut dire qu'il y a 40 % qui ne le font pas. Comment on peut imaginer un système de référence si cette information de base -- le travailleur, il est-u disponible ou il n'est pas disponible? -- si cette information-là n'est pas à jour? Et ça, c'est un élément sur lequel -- je l'ai indiqué d'ailleurs à des employeurs -- on va serrer la vis. Il faut que cette information-là arrive à la CCQ au bon moment. Alors, ça, c'est un élément qui est important.

L'autre élément qu'on a rapidement identifié dans les premiers contacts, dans les... si je peux me permettre de parler de «focus groups», c'est le fait que c'est sûr que les outils informatiques sont là pour nous aider, ce n'est pas là pour nous nuire, mais on a quand même besoin... On sent de la part des employeurs qu'il y a besoin aussi d'un contact humain, là. Ça ne peut pas être juste une gestion de listes sur un ordinateur. Donc, on a besoin d'avoir une relation personnalisée sur ces questions-là. Voilà.

Et j'ai entendu aussi les remarques de l'intervenante précédente. Le défi, c'est d'effectivement donner de l'oxygène, de faire en sorte que les employeurs reprennent leurs responsabilités, et ne pas alourdir, évidemment, inutilement le processus d'embauche. Et, très honnêtement, je pense que tout le monde peut jouer un rôle par rapport à la référence. La CCQ peut jouer un rôle. La CCQ peut aussi, sur ses propres bases, référer, mais il peut y avoir aussi des associations. Bon, c'est le postulat du projet de loi: à partir du moment où des associations ont un permis, bien elles vont aussi contribuer à référer les personnes qu'elles jugent aptes à occuper des emplois. Et c'est la mise en commun de ces informations-là qui va donner un vrai choix aux employeurs.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: C'est beau, merci. Non, c'est beau. Je vais laisser mes collègues. Je sais qu'ils ont beaucoup de questions.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Alors, merci, Mme Lemieux. Merci d'être présente. Merci à toute votre équipe. On a entendu dans les communiqués, surtout de la FTQ, là, lorsque le projet de loi... bien, d'abord, lorsque le rapport est sorti, et, par la suite, lorsque le projet de loi a été déposé. Je pense que c'est la FTQ et l'International, si je ne me trompe pas, là, qui sont sortis et qui mentionnaient que, bien, finalement, on faisait beaucoup... un gros cas du placement syndical, parce que, dans le fond, le placement syndical, c'était juste 15 % de tout ce qui était donné, là, finalement, sur les chantiers de construction au Québec. Si c'est juste ça, sincèrement, je me demande pourquoi on fait tout le brouhaha qu'on fait aujourd'hui.

Mais, ceci étant dit, ce n'est pas là-dessus que ma question tient à aller. Je voulais vérifier avec vous, Mme Lemieux, est-ce que c'est vraiment seulement 15 %, le placement syndical, ou si c'est une réalité qui représente un chiffre beaucoup plus important dans la réalité, là, quotidienne, au Québec?

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Alors, merci, Mme la députée. Écoutez, c'est difficile... c'est difficile de porter, de donner une impression très juste sur le pourcentage parce que, comme ça a été jusqu'à maintenant davantage une relation privée, évidemment, c'est difficile de documenter ça. Alors, on a quelques indices qui, lorsqu'on les agence, nous amènent à une possibilité de plus ou moins 15 %, mais, en même temps, ça ne décrit pas les comportements qui sont décriés autour du placement, c'est... Bon.

Alors, par exemple, il y a un sondage qui a été fait au milieu des années 2000, mais qui s'adressait aux nouveaux travailleurs dans l'industrie, à qui on leur a demandé: Comment vous avez procédé pour être embauché? Et là on arrive à peu près à 8 %, mais là, c'est dans le cas d'une première embauche. 8 % de gens qui disent avoir été embauchés, entre guillemets, par ce qu'on peut appeler un bureau de placement syndical, même si ça n'a pas d'existence légale. Bon, ça, ça nous donne un indice.

Des données aussi de Statistique Canada qui datent de 2009, qui, là aussi, nous redonnent d'autres indices. Bref, je ne peux pas garantir que c'est 15 %, ça peut être un peu plus, un peu moins. Il y a un certain nombre d'autres choses qu'on sait. Il y a davantage de placements ou, donc, des gens référés spécifiquement par des organisations syndicales, par exemple dans des syndicats de métiers. Pourquoi? Je ne porte pas de jugement là-dessus, je le décris. Parce que, dans plusieurs de ces métiers, en général, les syndicats ont une majorité syndicale. Donc, ils sont en contrôle de l'information et du bassin potentiel de main-d'oeuvre. Donc, ça, ça peut expliquer... Ça, s'il y a une chose qui est sûre dans le phénomène, c'est un phénomène qui est concentré dans certains syndicats de métiers.

Par exemple, dans le domaine résidentiel, il y a moins de phénomènes dits de placement, là, tel qu'on le décrit. Pourquoi? Parce qu'il y a plus de petites entreprises, c'est plus découpé, le secteur est davantage découpé. Donc, c'est des phénomènes qui sont vraiment spécifiques à certaines réalités.

Mme Vallée: Le placement syndical, est-ce qu'il est plus présent, par exemple, sur les gros chantiers, là, comme, par exemple, les gros chantiers, les dossiers... je ne sais pas, les hôpitaux, les routes, les mines? Dans le fond, ma question va être assez claire: Est-ce qu'il y a plus de placement syndical sur les chantiers qui relèvent, par exemple, des contrats accordés par le gouvernement que par l'industrie privée?

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Je ne pense pas que la variable, c'est qui accorde le contrat, c'est plus la nature des chantiers et la nature des métiers qui sont sollicités pour la réalisation de ces projets. En fait, je n'ai pas fait cette analyse-là avec ce filtre-là. Est-ce que c'est plus des contrats du gouvernement? Je ne l'ai pas faite, cette analyse-là.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: En fait, ce n'est pas une question du donneur d'ouvrage, là, c'est plutôt que, dans les contrats des routes, on a, par exemple, des spécialités, que ce soit pour les viaducs, que ce soit pour les structures. J'imagine que ça implique des spécialités plus particulières que de construire un chalet ou faire de la rénovation, là.

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

**(17 h 20)**

Mme Lemieux (Diane): Non, vous avez tout à fait raison. Ce qu'on essaie de... ce qu'on pense qui a de l'influence sur la présence du placement, c'est un certain nombre de choses: la nature des métiers, comme je vous le disais, et le type de représentation autour de ces métiers, les secteurs d'activité. Par exemple, le résidentiel, ça semble moins présent que, mettons, l'industriel. La durée des chantiers aussi fait en sorte qu'il y a un enjeu sur la question de l'emploi: c'est-à-dire que les gens espèrent avoir un emploi à plus long terme, donc ça met plus de pression sur la question de la référence et du placement.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Je comprends aussi, comme il devrait en principe ne pas y avoir de placement syndical, en principe, comme vous disiez tout à l'heure, il n'y en a pas, de registre, là, on n'a pas de registre, on n'a pas de banque de données.

Mme Lemieux (Diane): Non. Non, et c'est la raison pour laquelle je soumets aux parlementaires une hypothèse de travail autour de la période de transition. Moi, je pense que, bon, c'est sûr que les événements d'aujourd'hui, là, ne sont pas tellement agréables, là, mais il reste qu'à la fin de la journée, là, il va falloir que ça marche. Il va falloir que le monde se parle parce que tout ce monde-là, là, ça travaille ensemble. Puis il y a des représentants syndicaux qui sont ici aujourd'hui, là, qui sont membres du conseil d'administration de la CCQ, puis, moi, je continue de leur parler parce qu'il faut que ça marche.

Alors, j'émets l'hypothèse qu'à la fin de la journée, là, il va falloir ouvrir sur un certain nombre de solutions. Et la piste que je vous soumets, c'est qu'il y a des gens qui vont vous dire qu'ils ont des résultats par rapport au placement, puis je n'en doute pas. Ouvrez vos livres, c'est ça que je propose aux parlementaires, qu'au jour 2 de l'adoption du projet de loi, il y ait une obligation légère, pas besoin d'être compliquée, que ceux qui font de la référence de manière périodique fournissent la liste des noms des personnes, fournissent les chantiers. Ouvrons le jeu.

Moi, je pense que les partenaires vont être prêts à ouvrir le jeu parce qu'il n'y a pas... Vous savez, le placement, là, je comprends tout ce qu'on peut en dire là, mais vous allez avoir aussi des témoignages d'employeurs qui vont vous dire: Bien, il y a des fois, là, moi, quand j'ai besoin de 24 personnes, là, demain matin, là, il y a un besoin d'organiser ça, ce besoin-là, il est là. Ce n'est pas le besoin qui est problématique, c'est la manière, je pense.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Puis on entend des entrepreneurs, je pense qu'il y a... tous les parlementaires autour de la table ont reçu des témoignages d'entrepreneurs de leur région disant: C'est tellement difficile, parfois, se trouver des employeurs. Si tu es chum avec le représentant syndical, avec celui qui va faire le placement syndical, ça va bien. Mais, si, pour une raison ou une autre, tu as des atomes qui ne sont pas crochus, tu n'as pas d'atome crochu, ça peut être compliqué: soit que tu n'en as pas ou tu n'en as pas des bons.

Bon, on pourrait échanger longtemps, je voulais aussi revenir... Parce qu'il y a eu tellement de communiqués puis d'échanges d'information depuis un mois et demi sur le sujet, on a reçu comme argument principal pour contester un peu les mesures qui sont mises de l'avant, on s'est fait dire: Oui, mais la CCQ, là, ce n'est pas un organisme, c'est un organisme qui est financé à 65 % par les travailleurs. Et puis, là, on utilise cet argument-là pour venir ou pour tenter d'empêcher, entre autres choses, la mise au grand jour des états financiers et puis d'autres informations du genre. Est-ce que c'est effectivement le cas? Est-ce que la CCQ est financée? Parce que j'ai des doutes, mais je n'ai pas toute l'information.

Le Président (M. Ouellette): En 20 secondes, Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): 20 secondes?

Le Président (M. Ouellette): Oui.

Mme Lemieux (Diane): Comment je vais faire ça?

Le Président (M. Ouellette): Oui, mais vous êtes succincte d'habitude.

Mme Lemieux (Diane): On pourra vous déposer un tableau, mais en fait, en gros, la CCQ, au niveau de son budget de fonctionnement... Là, je ne parle pas de l'administration des programmes comme le régime de retraite, qui sont vraiment destinés aux travailleurs, mais le fonctionnement de la CCQ, globalement, c'est à peu près 125 millions par année. La source principale pour financer ces dépenses-là, c'est un prélèvement qui est de 1,5 % de la masse salariale et qui est partagé également entre les employeurs et les travailleurs. L'autre élément important de revenus, c'est tout ce qui est... tous les revenus qui sont compensés pour gérer le programme des avantages sociaux. C'est un des autres postes importants. Dans ce cas-là, les syndicats paient pour ce service-là à 6 %, alors que les travailleurs... les employeurs paient pour 14 %.

Alors, très honnêtement, je ne sais pas trop d'où vient le 65 %, mais je ne pense pas que ce soit une information qui soit juste. Puis je complète en disant -- et c'est la raison pour laquelle je l'ai dit -- je comprends qu'il y a un inconfort, qu'il n'y a pas... tout le monde n'a pas tous le même confort au fait que cet organisme qui, à la base, était paritaire et n'exerçait que des fonctions qui avaient été l'objet de négociations... Ce n'est pas tout le monde qui a le même confort sur le fait qu'au fil des ans s'est intégré des mandats un peu plus larges que j'appellerais d'ordre public. Je le comprends et j'essaie de ménager les humeurs du milieu à ce sujet-là. Mais la réalité, c'est que c'est là qu'on est rendus. Je pourrai déposer, M. le Président, peut-être l'information sur le partage, comment c'est partagé, les coûts de la commission.

Le Président (M. Ouellette): Merci, Mme Lemieux, de devancer ma demande. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lemieux, vos collègues. Salutations. C'est important de vous entendre sur cette question-là. On entend souvent parler de vous et, durant cette commission qui vient de s'amorcer, on a déjà amplement entendu parler de vous. Je vais me référer bien sûr au premier échange que nous avons eu, avec les femmes, et qui se sont présentées, où il a été question de programme d'accès à l'égalité. Cette question-là a été soulevée avec beaucoup d'acuité, je pense, et beaucoup de pertinence, compte tenu du portrait dont vous-même, Mme Lemieux, avez fait les constats en tout début de votre intervention.

Alors, comment vous voyez le rôle de la CCQ, au-delà d'un plan, je pense, important en termes de programme d'accès à l'égalité: vos interventions tant auprès des employeurs que des syndicats pour que des engagements soient pris? On sait comment c'est difficile de changer les pratiques, de changer les mentalités, comment la situation des femmes... C'est toujours plus difficile de faire avancer les choses, mais, en même temps je pense qu'on a, là comme ailleurs, une obligation de résultat. On a réussi dans différents milieux peut-être un petit peu moins hermétiques à cette réalité-là, mais ça a demandé énormément d'énergie, même s'il y avait, dans certains secteurs, des majorités... des pourcentages de présence de femmes assez importants. Alors, comment vous voyez la suite des choses pour être en mesure de répondre aux problématiques qui nous ont été soulevées en tout début d'après-midi?

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): D'abord, à l'occasion de la révision, un peu, du plan ou de la manière de faire de la commission jusqu'à maintenant, là, c'est une belle occasion de revoir les manières de faire. Il faut un grand leadership de la commission. Il faut un leadership aussi des partenaires, puis je le sais, que ça fait un peu cliché, là, mais c'est quand même ensemble qu'on va résoudre le problème.

Je ne veux pas rentrer dans une analyse plus détaillée, mais j'ai quand même une impression forte, puis je pense que ça, c'est documenté, qu'un des principaux enjeux pour les femmes, c'est la question de la rétention. Là, il y a un noeud. Ça veut dire qu'avec les partenaires, là, il va falloir trouver des formules peut-être un petit peu plus imaginatives, et vous avez eu un témoignage, là, de coaching, d'appui, de repérer des employeurs qui ont peut-être le goût d'être un petit peu plus audacieux. Puis, tant qu'à y être, on devrait peut-être faire un peu d'intégration de communautés culturelles, ça ferait du bien. Mais il va falloir penser à ça, là, le quotidien, le «day-to-day», là, comment des femmes sur des chantiers peuvent rentrer.

Puis il y a des initiatives aussi, puis je pense qu'il y a beaucoup d'ouverture également des associations syndicales, je n'ai pas de doute là-dessus. Il va falloir partir peut-être d'une initiative très... qui amène du positivisme, pas juste décrier mais qui amène des images concrètes et qui nous permette d'avoir des succès. On soutient d'ailleurs actuellement un projet un peu dans ce sens-là dans la région de l'Estrie. Il va falloir multiplier ça, parce que c'est vrai que, parmi les moyens qui sont à notre disposition, c'est sûr qu'il y a les plaintes, les amendes, des enquêtes, les machins, mais ça, il est trop tard quand tu es rendu là. On ne l'a pas réussi, l'intégration, c'est ça que ça veut dire. Alors, ça, c'est un premier élément que je voulais vous dire. Et j'avais un deuxième élément, mais je l'ai oublié.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée...

**(17 h 30)**

Mme Lemieux (Diane): Ah! oui. Non, non, je l'ai, le deuxième élément. L'autre élément qui m'apparaît assez clair -- là, j'ouvre mon jeu sans avoir de réponse -- je pense qu'il va falloir mettre d'autres genres de compétences dans le coup. Puis on a une filière au Québec qui s'appelle la Commission des droits de la personne. Il va falloir le mettre dans le spectre de l'interprétation de la charte. Puis, bon, je n'ai pas de réponse, mais il y a peut-être aussi un partenariat à avoir. Mais on ne peut pas juste le mettre dans le spectre de l'industrie de la construction. Il y a des pratiques, là, profondément discriminatoires, qui sont très visibles parce que c'est un milieu qui est extrêmement visible, mais il y a des vrais enjeux de comment la charte est appliquée au Québec dans ce type d'emploi.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Marguerite-D'Youville. Non, M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mme Lemieux, les membres de votre... Je dirais, c'est le comité de direction ou comité...

Mme Lemieux (Diane): ...

M. Dufour: C'est ça, parce que...

Mme Lemieux (Diane): ...d'ailleurs.

M. Dufour: D'accord. Et vous avez votre conseiller avec vous. Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Alors, j'ai dit, dans mes remarques préliminaires ce matin, que j'avais tout à apprendre, que je n'avais pas la prétention de tout connaître, même dans le domaine assez large de la construction.

Une première question. Ça porte sur le comité de travail. La ministre a nommé un comité de travail avec des mandats bien définis. Est-ce que la Commission de la construction du Québec a été rencontrée par le groupe de travail?

Le Président (M. Ouellette): Donc, Mme Lemieux, réponse à la question.

Mme Lemieux (Diane): Oui. J'ai vu que vous étiez très persévérant dans cette question-là.

M. Dufour: ...

Mme Lemieux (Diane): Alors, la commission a été rencontrée à deux reprises: au début, avant les audiences, et après les audiences, c'est-à-dire précédant la période de rédaction du rapport. Et la contribution de la commission n'a pas été de... ce n'est pas... On n'a pas fait de mémoire, puis ce n'était pas un propos du type mémoire, que d'autres participants ont pu avoir. Je pense qu'on avait plus un rôle de conseil, de donner de l'information. On a davantage... fournir les statistiques. Enfin, vous voyez le genre de rôle qu'on a pu jouer. Puis ça s'est bien passé.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Ça s'est bien passé?

Mme Lemieux (Diane): Bien oui.

M. Dufour: Je suis content pour vous, d'ailleurs. Mais ça s'est fait par mode conventionnel. Je veux dire, téléphone, ou une convocation, ou...

Mme Lemieux (Diane): Oui, on a eu une... Non, on a eu deux rencontres...

M. Dufour: ...formelles.

Mme Lemieux (Diane): ...formelles, là.

M. Dufour: Parfait. Mme Lemieux, si je peux me permettre ainsi, il y a eu, voilà six ans déjà, la loi n° 135, modifiant la Loi sur les relations de travail -- on est en plein là-dedans, là -- la formation professionnelle -- vous en avez fait mention tout à l'heure -- et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. On avait aussi passé des lois sur le harcèlement, l'intimidation sur les chantiers de construction.

Pouvez-vous m'expliquer, parce que j'ai le sentiment que je revis dans le même film que j'ai vécu en 2005, c'est quoi qui n'a pas fonctionné avec le projet de loi n° 135 sur l'aspect intimidation et harcèlement? Parce qu'il y a des plaintes au moment où on se parle, mais il y a des plaintes qui étirent en longueur, on l'a vu quand le premier groupe, au niveau des représentants des femmes, sont venus nous voir tout à l'heure.

Et, sur la gestion de la main-d'oeuvre, pourriez-vous élaborer davantage là-dessus? Comment ça se fait qu'avec ce qu'on avait fait précédemment il y a des choses qui ne fonctionnent pas aujourd'hui?

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Sur la question des plaintes, particulièrement des plaintes d'intimidation, je vais passer la parole à Me Charette. Mais je redis ce que j'ai dit: Il faut que les gens acceptent de parler, il faut qu'ils acceptent d'identifier formellement les personnes qui auraient pu faire subir de l'intimidation.

Il y a quand même... Par exemple, à l'occasion de la dernière négociation de convention collective, il y a eu un épisode un petit peu plus olé olé sur les chantiers. Il y a un certain nombre de plaintes qui ont émergé de ça, sur lesquelles on est allés au bout de nos enquêtes et qui ont été déposées à la direction des poursuites pénales et criminelles. Mais il y a beaucoup... Au-delà des considérations techniques que, des fois, c'est difficile à prouver, il y a beaucoup une question de climat. Il faut que les gens déposent des plaintes, il faut qu'ils aient confiance, il ne faut pas qu'ils portent seuls les conséquences. Mais Me Charette pourrait peut-être illustrer un certain nombre de données.

Le Président (M. Ouellette): Me Charette.

M. Charette (François): M. le Président, effectivement, la difficulté qu'on rencontre dans le cadre de ce type d'enquête là, c'est d'obtenir une déclaration de la victime. Souvent, on va avoir une dénonciation qui va nous provenir de quelqu'un qui est près de la victime qui a subi l'intimidation ou la discrimination et, lors de l'enquête, on réalise que la personne qui est la première concernée ne souhaite pas se rendre à procès et témoigner, d'autant plus que le recours pénal... Parce que l'enquête qu'on fait, ce n'est pas une enquête pour réparation civile. Ce genre de recours là appartient à la CRT. Nous, on fait l'enquête pénale, on achemine le dossier au Directeur des poursuites pénales et criminelles, qui décide d'émettre les constats d'infraction ou non. Alors, ce processus-là prend un certain temps, demande de l'énergie aux gens qui sont victimes et, dans plusieurs cas, on le constate, les gens ne souhaitent pas poursuivre la démarche qu'ils ont entreprise.

Encore récemment, il y a quelques semaines, on a eu un signalement de sept personnes qui signalaient une situation où il y aurait intimidation et, lorsqu'on contacte ces gens-là pour leur expliquer un peu dans quoi ils s'embarquent, dès le départ, il y en a trois qui décident qu'on ne va pas plus loin, et, parmi les quatre autres, on a véritablement une seule personne qui dit: Moi, je vais porter plainte, mais ce n'est pas encore sûr que je vais aller jusqu'au bout. Alors, on fait face à une crainte du milieu des gens qui sont victimes, et ça, cette loi-là, ce silence-là, il cause de sérieux problèmes dans le cheminement des dossiers.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque, j'aurais juste une question avant que vous continuiez, là. Mme Déraspe nous a parlé de la difficulté à vous rejoindre ou la difficulté, là, de porter plainte, là. Je ne sais pas si vous avez un commentaire relativement à ça.

Mme Lemieux (Diane): Ça se peut que ce soit vrai. On est en train de changer ça.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: On est en train de changer beaucoup de choses, M. le Président.

Mme Lemieux (Diane): Écoutez, je ne ferai pas comme s'il n'y en a pas, de problème, là.

M. Dufour: Oui. Oui, oui. Non, je comprends.

Mme Lemieux (Diane): Regarde, la gestion des plaintes... D'abord, on a un volume plus grand, ce qu'on n'avait pas il y a quelques années. Il faut s'organiser en conséquence.

M. Dufour: Oui.

Mme Lemieux (Diane): Puis, moi, j'ai pris deux, trois décisions. J'ai mis de l'étanchéité. Je veux qu'on professionnalise davantage ces dossiers-là. On ne peut pas être... Regarde, il faut professionnaliser ce geste-là d'enquêter suite à une plainte. Il faut que j'introduise des processus de révision de certaines décisions au sein de la CCQ. On prend des décisions lourdes pour les individus. Il faut un processus de révision administrative. Pour moi, c'est tout là-dedans, là. Puis, oui, il y a de la place à amélioration, j'en conviens. Mais on a du monde compétent, dédié, puis il faut améliorer nos processus, c'est clair.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Bien, c'est ça que j'essayais d'éclaircir. Puis la question suivante... la question est la suivante: Je peux comprendre qu'effectivement il y a du monde qui ne veulent pas poursuivre les plaintes, mais est-ce qu'au niveau de l'équipe, au niveau des ressources humaines à la CCQ, ainsi que les corps policiers... suivent ou sont capables d'atteindre les objectifs de la tâche que vous avez aujourd'hui? Parce que je peux comprendre que...

Puis, aux dires de la ministre, il y avait peut-être un 125 000, 130 000 personnes qui travaillaient dans le domaine de la construction. On est rendus 160 000, il y a un pic en montant. Il doit y avoir encore plus de plaintes. Est-ce que vous avez les ressources financières et les ressources humaines pour être capables d'opérer sur le terrain?

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Écoutez, la Commission de la construction du Québec a environ, actuellement, là, plus de 1 000 employés. C'est l'industrie qui paie pour le fonctionnement de la commission, puis -- moi, j'ai un petit côté fille de mécanicien, là -- on ne peut pas ajouter des couches au gâteau, là. Tu sais, il faut prendre soin, là... On a 1 000 ressources, on est déployés dans neuf bureaux régionaux, il faut bien prendre soin des sommes qui nous sont confiées.

Ceci étant dit, pour la question des plaintes, c'est sûr qu'à court terme, là, depuis un passé récent, là, genre depuis ce matin, là, on va avoir des moments de pointe, c'est bien évident. Mais on a organisé ça, là, dans les dernières heures, pour s'assurer qu'on puisse au moins donner un feed-back à toutes les personnes qui ont signalé des événements dans les meilleurs délais.

C'est la raison pour laquelle aussi on a procédé à l'embauche de certaines personnes qui pouvaient nous aider à améliorer les méthodes d'enquête. Parce que le strict témoignage de quelqu'un, disons que c'est une stratégie qui est lourde, puis il y a d'autres méthodes complémentaires qu'on peut peut-être imaginer pour justement donner l'impression aux gens qu'ils ne sont pas seuls, là, par rapport à ça.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Alors, dans la première question que j'ai posée, oui, il y avait le harcèlement, les plaintes, mais il y avait aussi la gestion de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Il y avait eu effectivement un forum sur la productivité, il y avait des choses qui avaient avancé. J'ai pris au bond ce que vous avez dit tout à l'heure: «...piste que je souhaite ou que je vous soumets, c'est[...]. Ouvrons le jeu.» On n'a pas besoin, pour la... Ce n'est pas le besoin pour la main-d'oeuvre mais bien de la manière que ça se fait.

Au moment où on se parle, est-ce que la Commission de la construction du Québec a tous les intrants nécessaires et informatiques pour être capable de faire la référence et le placement dans l'industrie de la construction? Je vous ai vue, Mme Lemieux, avec notre ministre, faire un point de presse en disant qu'effectivement vous êtes en train de remodeler tout ça. C'est un morceau qui est gros, je comprends qu'il faut que tout le monde mette la main à la pâte.

Bref, j'ai posé une question tout à l'heure à une personne. Elle a dit: Vous la poserez à la Commission de la construction du Québec. Est-ce qu'on est en train de légiférer pour mettre dans... Est-ce qu'on est en train de légiférer et de procéder à un projet de loi pour enlever un droit que les syndicats n'ont pas...

**(17 h 40)**

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

M. Dufour: ...le placement?

Le Président (M. Ouellette): Woups!

Mme Lemieux (Diane): Oui, oui, tout à fait. Il y a eu beaucoup de remarques qui ont été exprimées ces dernières années sur le petit bout de référence que la CCQ a fait jusqu'à maintenant. C'est-à-dire que des employeurs qui, pour toutes sortes de raisons, ne voulaient pas ou ne sentaient pas nécessaire de passer par une organisation syndicale se tournaient donc vers la CCQ pour que la CCQ puisse lui référer des travailleurs. Il y a eu beaucoup, beaucoup de critiques sur la qualité de ce bout de chemin là que la CCQ a essayé de développer, et c'est des critiques qui étaient effectivement justifiées.

Bon. Ceci étant dit, moi, quand je suis arrivée, il y avait déjà un début de plan de travail qui avait du sens, là, que j'ai accéléré, ce qui nous a permis, entre autres, cet été, d'avoir une initiative, qui est modeste mais quand même relativement sympathique dans le milieu, où on a approché, notamment, les jeunes diplômés pour leur donner accès à ce service-là leur permettant d'avoir un premier emploi.

Mais je reviens à ce que je disais dans mon intervention. Si votre image, M. le député, c'est que la CCQ prenne les clés du char, ça ne peut pas marcher. Puis on ne remplacera pas un système de placement par un autre. L'opportunité extraordinaire que l'industrie a actuellement, là, quand ils vont finir par se défâcher, là, c'est que les règles du jeu vont être claires pour tout le monde, elles vont être équitables, puis les gens vont arrêter d'avoir l'impression qu'ils sont embauchés parce qu'ils sont du bon bord syndical. Les travailleurs doivent contribuer et adhérer à une association syndicale pour être dans l'industrie, mais le choix syndical ne doit pas être déterminant sur le fait d'avoir un job ou pas.

Alors, c'est ça, l'opportunité qu'on a. À partir du moment où un employeur... D'abord, réglons le problème, là. Il y a des employeurs qui n'ont pas de système de référence pantoute. Ils travaillent, en général... soit qu'ils ont déjà des travailleurs à leur emploi ou ils ont l'habitude de travailler souvent avec les mêmes travailleurs. Ceux qui n'ont pas besoin de ça, là, bien, ils n'en auront pas besoin puis ils vont procéder à l'embauche comme ils ont l'habitude de procéder à l'embauche, avec un numéro d'embauche. Ce système-là, il est connu. Ceux qui ont besoin... dit: Regarde, moi, là, je ne peux pas prendre sur moi d'appeler 50 personnes pour savoir s'il est disponible. Je n'ai pas le temps, je suis en train de planifier un chantier. C'est ces gens-là qu'il faut aider.

Puis c'est à partir de ceux et celles qui ont des connaissances de main-d'oeuvre, notamment des associations syndicales qui, selon le projet de loi, seraient évidemment tenus d'avoir un permis, qu'au moment où un employeur va dire: J'ai besoin de 24 personnes mardi prochain, en temps réel on est capables de solliciter et de mettre à contribution l'association syndicale X, Y et Z, qui vont dire: Regarde, moi, je te fais la proposition de ces personnes-là, puis l'employeur, il choisira.

Alors, moi, je comprends, là, qu'il y a des gens qui sont bien pompés, là, qui sont bien enragés, là. Une fois qu'ils vont défâcher, là, on le sait qu'on va... on sait qu'on est capables d'apporter, comme on l'a fait... comme l'industrie l'a fait dans l'histoire, d'apporter une solution qui fait qu'on est tous gagnants-gagnants. Que les syndicats se fassent reprocher des abus en matière de placement, ils n'y gagnent pas. Ouvrez les livres. Ouvrez les livres, l'industrie peut juste y gagner. C'est une opportunité.

Après ça, là, quand on aura rodé, là, le système, là, les affaires de règlement d'informatique -- je ne veux pas dire que c'est un détail, là, on se comprend, là -- mais après ça c'est là pour nous soutenir, c'est là pour nous aider. Puis la CCQ, bien là, écoutez, elle a 125 milliards de... 125 millions de frais de fonctionnement par année, là. Je pense qu'on est capables de faire quelque chose avec ça.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Il reste-tu...

Le Président (M. Ouellette): C'est terminé.

Mme Roy: Pardon? Ah! M. le Président, je pense que je vais vraiment m'adresser à vous, là, mais je m'adresse... parce que je pense que vous le savez. Quand on a des personnes qui sont violentes, elles détectent assez facilement leurs victimes. Ça fait partie du processus. Puis ces victimes-là, bien, elles sont soit perturbées, soit elles ont très peur, ou soit vraiment elles sont terrifiées. On a entendu parler du processus de plainte tantôt. Vous venez de nous dire que vous l'avez... qu'il y a un mur coupe-feu entre ce processus-là... Mais ces victimes-là qui vivent avec... je vais les appeler leurs agresseurs, jour après jour peuvent se faire dire aussi, également, que... Si tu fais ça, tu vas voir, tout le monde va le savoir, puis... Bon. Je pense qu'accompagner la victime c'est peut-être... c'est certainement bon. Que la victime ait l'impression que sa plainte va donner quelque chose, ça aussi. Mais ça prend de la dissuasion pour... concernant cette violence-là, ce harcèlement-là, puis ça, pour ça, là, ça prend des témoins.

Puis, moi, je me dis que, là, on a ciblé un chantier x, là, tantôt. On a ciblé La Romaine, la Côte-Nord, les problèmes de violence. Ce n'est pas la première fois qu'on en entend parler, là. Ce n'est pas la première fois que ça vient dans le public. Moi... Une piste de réflexion: on ne pourrait pas envoyer quelqu'un là-bas qui, comme la police communautaire que nous avons, comme les polices qui vont dans les cours d'école... pour faire des liens puis avoir... établir un lien de confiance avec les travailleurs qui sont dans ces gros chantiers là? Parce que c'est le bassin de travailleurs dans ce genre de chantiers là qui sont isolés la plupart du temps: Eastmain, Baie James, tous ces... bien, les chantiers où ils sont isolés, vivent en vase clos. C'est une société en soi, là, un chantier comme ça. Et puis, moi, je pense qu'on devrait avoir quelqu'un là pour travailler, à moins que ça se fasse déjà. Dites-moi-le.

Le Président (M. Ouellette): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Dans le rapport du... Je n'ai pas la recommandation sous les yeux, mais, dans le Rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de la construction, il y a une recommandation à l'effet que la CCQ joue un rôle de prévention sur un certain nombre de chantiers. Et le projet de loi... ce que je comprends à la lecture du projet de loi, c'est que le projet de loi émet, lance comme moyen la possibilité effectivement que la CCQ ait aussi accès aux chantiers pas juste une fois que les chantiers sont partis -- donc, on a toujours accès parce qu'on a un mandat d'inspection -- mais en amont.

Et ce qu'on émet comme... On a regardé un certain nombre d'hypothèses là-dessus. Ça fait donc l'objet du projet de loi. Et je pense qu'on est capables d'accompagner les parties, notamment pour les chantiers d'un peu plus grande taille. Notre hypothèse, c'est d'intervenir de manière préventive dans les chantiers de 25 millions et plus, qui ont une valeur de 25 millions de dollars de travaux et plus, avant, avant que tout soit placé. Et ça, c'est une nouveauté dans la loi que, moi, je salue. Je pense que ça vaut la peine de l'expérimenter.

Par exemple, la commission a ce qu'on appelle des services itinérants. Les travailleurs, ils sont partout sur le territoire. Il faut être capable d'être proche d'eux. Ils ont des questions. Des fois, il faut organiser des examens pour qu'ils puissent avoir leurs cartes de compétence, donc on se promène sur le territoire. Et ce qu'on est en train de regarder, puis on verra évidemment, à l'adoption du projet de loi, si vous retenez cette hypothèse-là, c'est qu'on ajoute ça à nos services et qu'on puisse arriver en amont puis qu'il y ait un tiers, une autre présence, qui n'est pas là pour se substituer aux parties mais qui peut répondre aux questions, aider peut-être à faire descendre, des fois, des tensions. Mais qu'il y ait un tiers. Et ça peut... L'industrie est mûre pour s'offrir ce genre d'initiative là.

Le Président (M. Ouellette): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Lemieux, pour votre présence ici, à cette commission. Tantôt, vous avez parlé que vous vouliez organiser le vote par la poste. Est-ce que... J'aimerais savoir si tous les travailleurs vont recevoir un bulletin de vote lorsque ça va être le temps de renouveler, parce que, il me semble, j'ai lu ou j'ai entendu à quelque part que peut-être que les travailleurs devront en faire la demande. Ça, pour moi... Tant qu'à moi, ça, c'est un irritant parce que les gens, quand ils sont sur un chantier de construction, ils n'ont pas le temps d'appeler ou de... à la CCQ puis dire: Moi, je veux voter, là. Puis, pour éviter qu'un travailleur qui désire changer puisse être identifié puis subisse certaines pressions, là, de... Donc, j'aimerais savoir comment vous avez pris... vous avez élaboré ce scénario-là que vous avez parlé tout à l'heure.

Le Président (M. Ouellette): En 40 secondes.

**(17 h 50)**

Mme Lemieux (Diane): Je pourrai faire appel à Mme Fortier, là, qui pourra peut-être répondre de manière plus précise.

D'abord, j'essaie d'être prudente là-dedans, mais la CCQ n'a pas à se prononcer sur le choix du mode de scrutin. Moi, ce que je comprends, c'est que le gouvernement a mis sur la table, dans le projet de loi, une autre hypothèse que le scrutin traditionnel. En prévision de ça, la ministre, à l'occasion du mandat qu'elle a donné au groupe de travail sur le fonctionnement de la construction, elle a aussi demandé à la CCQ: Pouvez-vous faire le tour d'un certain nombre de questions? Et on a fait une étude sur le scrutin syndical où on a examiné les modes de scrutin. Il n'y en a pas 50. Il y a le scrutin, là... bureau de scrutin physique, Internet puis il y a le vote par correspondance, tu sais? Alors, on a fait le tour des pratiques, on a regardé ce qui s'est passé avec... ce qui se passe ici, on a regardé le DGE. Tu sais, on n'est pas les premiers au monde à faire un vote par correspondance. Et effectivement on a commencé à regarder la mécanique qui sera l'objet évidemment d'un projet de... qui sera contenue dans un projet de règlement. On va jouer à livre ouvert. Pas nous autres qui va décider ça dans notre bureau, là; c'est un règlement du gouvernement qui va déterminer les règles du jeu de ce vote-là pour que ce soit clair et transparent pour tout le monde.

Mais, peut-être, Mme Fortier peut répondre à quelques questions sur les hypothèses qu'on a. Évidemment, à l'occasion de l'adoption du règlement, on pourrait aller plus loin. Mme Fortier.

Le Président (M. Ouellette): J'aurais bien aimé, mais elle ne pourra pas.

Mme Lemieux (Diane): Ah bien!

Le Président (M. Ouellette): Ça fait que...

Mme Lemieux (Diane): Vous êtes vraiment sévère.

Le Président (M. Ouellette): ...probablement que ces hypothèses-là, ça pourra faire partie d'une autre chose.

Mme Lemieux (Diane): M. le Président, à mon époque, les présidents étaient moins sévères.

Le Président (M. Ouellette): Oui, mais, vous savez...

Une voix: Les choses ont changé.

Le Président (M. Ouellette): C'est ça. Probablement que ça pourra faire partie d'un autre petit document que Mme Fortier pourra nous envoyer, par exemple.

Mme Lemieux (Diane): ...on va vous transmettre, peut-être, l'étude. Elle est publique.

Le Président (M. Ouellette): Merci beaucoup, Mme Diane Lemieux, présidente-directrice générale, Mme Josée Fortier, Mme Audrey Murray, Me François Charette et Louis-Pascal, qui va passer la semaine avec nous autres, représentant la Commission de la construction du Québec.

On suspend pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

 

(Reprise à 17 h 56)

Le Président (M. Ouellette): Nous reprenons nos travaux et nous recevons notre dernier groupe, et non le moindre, de la journée, les Manufacturiers et exportateurs du Québec. M. Simon Prévost, qui les représente à titre de président. Vous avez entendu nos règles, M. Prévost. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et les collègues ministériels et de l'opposition vous questionneront sur votre présentation. À vous la parole.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors, comme vous pouvez vous en douter, les entreprises que nous représentons sont directement concernées par le projet de loi n° 33. Le secteur de la construction est d'une importance névralgique pour l'économie québécoise, et je commencerai donc par remercier les membres de la commission de vouloir bien recevoir l'avis de Manufacturiers et exportateurs du Québec dans ce contexte.

Notre présence, à notre avis, va dans le sens de l'intégrité de la démarche et des intentions de ce projet de loi car, en envisageant la réforme du secteur de la construction, c'est bien, M. le Président, de l'avenir économique du Québec et de compétitivité dont il s'agit. Il est donc important de souligner cet aspect car cantonner les débats autour du projet de loi uniquement aux questions de relations de travail dans le secteur de la construction ne permettra pas à la commission de compléter sa réflexion.

Toute réforme du secteur de la construction doit être en lien direct avec les enjeux économiques du Québec. J'aimerais rappeler que tout investissement initial, privé ou public, tout projet d'infrastructure, tout développement urbain et, incidemment, le succès du Plan Nord passeront par un fonctionnement efficace et transparent du secteur de la construction.

À notre avis, M. le Président, il était plus que temps de poser l'ensemble des cartes sur table et de s'interroger sur les mécanismes qui régissent cette industrie. C'est d'ailleurs une industrie dont l'importance dépasse largement son poids dans le PIB. Les effets induits négatifs d'un fonctionnement qui, à certains égards, est problématique concernent toutes les industries du Québec. Du point de vue des entreprises manufacturières, par exemple, le dossier de l'assujettissement de la machinerie de production à la loi R-20 n'est pas un dossier isolé du projet de loi n° 33. L'issue sur cet enjeu aura un effet majeur sur la propension à investir des entreprises que nous représentons.

J'ajouterais que l'actualité qui a marqué l'industrie au cours des dernières années a, je peux vous l'assurer, un effet direct sur l'attractivité du Québec vis-à-vis des investissements étrangers. Il est devenu pressant de consolider la confiance des observateurs et des investisseurs. Il est aussi primordial que les conclusions des travaux parlementaires soulignent la responsabilité de l'industrie de la construction au sein de l'ensemble de l'économie québécoise et aussi le fait que le cadre qui en régit le fonctionnement ne doit pas pénaliser indûment la compétitivité des entreprises des autres secteurs de l'économie.

Il faut le souligner deux fois, l'importance du secteur de la construction dans l'économie et son contexte extrêmement réglementé ne lui confèrent aucun privilège. Au contraire, cela soumet ce secteur à un devoir de transparence et d'intégrité face aux autres secteurs de l'économie qui, eux, subissent de plein fouet les pressions mondiales de la concurrence. Nous n'avons pas le droit de reculer dans la réforme du secteur de la construction. Nous serons très attentifs à ce que sa mise en application se concrétise de manière ferme et effective sur le terrain.

Avant de commenter certaines dispositions particulières du projet de loi, j'aimerais clôturer ces propos introductifs en saluant le courage dont a fait preuve la ministre du Travail, Mme Lise Thériault, en déposant ce projet de loi et condamner à l'avance toute forme d'intimidation syndicale qui pourrait avoir cours sur les chantiers de construction au Québec.

Maintenant, plus spécifiquement sur les dispositions centrales, c'est-à-dire le placement de la main-d'oeuvre et l'abolition du placement syndical, nous en sommes relativement heureux, dans la mesure où les grandes lignes de ces dispositions font écho à ce que nous avions présenté au comité d'experts mandaté par la ministre l'été dernier. À notre avis, le placement de la main-d'oeuvre doit rester éloigné des organisations syndicales car l'organisation du placement manque alors de neutralité et génère des comportements ou des effets indésirables, tant pour les travailleurs que pour les employeurs.

n(18 heures)**

Comment d'ailleurs envisager la pleine liberté syndicale lorsque l'adhésion à un syndicat a un impact sur le placement des travailleurs? Cette mesure est donc centrale pour pouvoir envisager une gouvernance transparente et propice à un secteur productif. La centralisation du placement de la main-d'oeuvre au sein de la CCQ devrait faciliter une meilleure information sur le marché du travail dans le secteur de la construction. Si le système de référencement est bien orchestré, il s'avérera bénéfique à la fois pour les travailleurs de la construction et pour les employeurs. La productivité de ce secteur ne peut qu'en être améliorée.

Par contre, le projet de loi propose la création d'un Bureau des permis de service de référence de main-d'oeuvre qui délivrera donc des permis accréditant les organisations syndicales à s'insérer dans ce mécanisme de référencement. Cette proposition n'est pas compréhensible, sinon que dans une perspective purement politique visant à ménager les susceptibilités syndicales. Elle remet en cause le principe qui justifie la création de services de référence de main-d'oeuvre. La délivrance de tels permis complexifie le modèle et laisse entrevoir des situations potentiellement nébuleuses. Le placement syndical constitue une offre qui peut, en principe, influencer l'adhésion à un syndicat plutôt qu'à un autre, brimant, dans une certaine mesure, la liberté et le libre choix syndical. C'est ici la cohérence de la réforme qui est en jeu, et nous recommandons donc que soit abandonnée l'idée de la délivrance de permis aux associations représentatives des travailleurs et que seul le système centralisé de la CCQ s'occupe du placement des salariés.

Sur les notions de gouvernance, le projet de loi avance également une série d'améliorations en faveur d'une gouvernance plus nette dans ses mécanismes et qui contiennent, par ailleurs, des dispositifs de vérification et d'amélioration continues que nous soutenons. Mais, tout comme pour le chapitre du placement des travailleurs, l'efficacité et la validité de ces dispositifs vont dépendre de la fermeté et rigueur avec lesquelles ces mécanismes vont se concrétiser dans les faits. L'élément fondamental qui sous-tend l'organisation du secteur de la construction au Québec est la centralisation via la CCQ, et dont le fonctionnement est marqué par un fort paritarisme. Cette centralisation associée au paritarisme place foncièrement la CCQ dans la position inconfortable de juge et partie. En bout de ligne, la qualité de la gouvernance doit permettre à la CCQ de s'écarter des arbitrages politiques constants qui sont son lot quotidien.

Quant à la composition du conseil d'administration, MEQ est rassuré par les dispositions qui prévoient l'élimination explicite de membres indépendants ainsi que sur les comités de gouvernance et d'éthique et dans le comité de vérification. Leur neutralité devra permettre la recherche de consensus objectifs et cohérents avec une vision qui dépasse la seule confrontation patronale-syndicale et qui sera, de fait même, plus intégrée à la réalité économique du secteur de la construction et de l'ensemble du Québec.

En somme, les rééquilibrages proposés sur la gouvernance sont positifs, mais nous devons rappeler qu'ils sont aussi attendus depuis très longtemps. En ce sens, notre exigence se situe à un niveau d'efficacité et de transparence sans faille. Aucune complaisance n'est tolérable au Québec sur l'impartialité d'une institution aussi importante que la CCQ. Le ministère du Travail doit aller rapidement de l'avant dans ses propositions et surtout les maintenir avec une grande fermeté.

Un dernier élément sur la gouvernance que j'aimerais mentionner, M. le Président: la forte centralisation et la tradition de paritarisme a souvent impliqué de longs débats, et du fait du nécessaire consensus, cela peut produire des décisions dommageables car elles reposent plus sur un rapport de force entre les parties que sur les principes économiques. Ainsi, il faut préciser que la qualité de la gouvernance de la CCQ va dépendre d'une orientation clairement économique et d'une relative rapidité dans la conclusion des négociations et le règlement des litiges. Les débats à perpétuité, M. le Président, sont très dommageables pour l'économie.

En ce qui concerne le système de votation, le projet de loi reconnaît les limites du modèle actuel et propose donc un vote effectué par la poste. Nous craignons malheureusement que la mesure soit insuffisante puisque les changements de syndicats seront a posteriori connus et que, conséquemment, les risques d'intimidation avant le vote seront possiblement remplacés par d'autres types de pressions après le vote, encourageant le statu quo des travailleurs quant au choix de leur syndicat. Bien que nous comprenions la difficulté technique, aller plus loin dans le système de votation, nous proposons que soient associées à cette mesure des sanctions suffisamment crédibles pour éviter les comportement déviants et les débordements. Nous pensons, par ailleurs, que la bonne représentation de toutes les associations représentatives dans la gouvernance et les négociations collectives est à renforcer pour compromettre les tendances monopolisantes de certains syndicats.

L'adhésion obligatoire fait de la liberté syndicale un pilier du bon fonctionnement du secteur de la construction. Nous proposons donc de renforcer la liberté syndicale avec l'annulation totale de la présomption de vote et avec un vote rendu obligatoire et systématique pour tous les travailleurs, même ceux qui ne désirent pas changer d'association représentative. La liberté syndicale doit prendre de l'élan pour être effective afin de donner une chance aux associations actuellement peu représentées de se renforcer.

Finalement, l'article 38 du projet de loi prévoit qu'une entente relative à l'arbitrage soit conclue dans le cadre des négociations par au moins trois associations syndicales représentatives. À notre avis, ça va dans le sens d'une représentation moins monopolisée et, également, ça va dans le sens d'une recherche d'ententes intersyndicales plus consensuelles, ce que nous saluons.

Sur la question des donneurs d'ordres qui nous touche plus particulièrement, M. le Président, puisque nous les représentons, les articles 34 et 37 reconnaissent leur participation dans le processus de négociation, et nous en sommes très heureux. Toutefois, le projet de loi est silencieux quant à l'assujettissement des travaux de machinerie de production. À la loi R-20, nous vous rappelons qu'il est primordial que les règlements à cet égard, qui pourraient être éventuellement modifiés, répondent aux enjeux économiques et qu'ils soient basés sur le libre choix. En effet, sur cet enjeu en particulier, le problème des donneurs d'ordres n'est pas tant leur absence dans le cadre des négociations des conventions collectives que l'assujettissement comme tel de leurs travaux de machinerie de production à la loi R-20.

Enfin, le projet de loi prévoit, à tous les cinq ans, une étude sur l'évolution de l'industrie de la construction. La formule nous apparaît un peu vague, et nous pensons que le ministre du Travail devrait plus précisément demander un rapport sur la qualité de la gouvernance de la CCQ et sur le bon établissement de la liberté syndicale, qui est absolument central. Ce suivi régulier et transparent est important pour passer d'un contexte de méfiance au rétablissement d'une confiance. Ce rapport devrait explicitement tester la force et la crédibilité des mécanismes d'efficacité et de transparence.

En conclusion, M. le Président, selon MEQ, les nécessaires coordinations réglementaires d'une industrie ne doivent pas se traduire par une institutionnalisation en prenant les accents d'une monopolisation des relations industrielles et balayant de ce fait les forces vives des mécanismes de marché. L'épineux dossier d'assujettissement de la machinerie de production est un bon exemple et montre de manière éloquente à quel point une réglementation mal avisée peut mener à des institutions qui sont en contradiction avec le développement économique. M. le Président, au nom de l'avenir économique du Québec, nous exigeons une cohérence totale de la loi en regard des objectifs qu'elle poursuit et surtout, M. le Président, je m'adresse à Mme la ministre, une grande fermeté dans sa mise en application. Merci.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. Prévost. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Prévost, d'être avec nous. Merci pour vos bons mots. Évidemment, je crois qu'il y a certains points ou certains grands principes au niveau du fonds qu'on ne peut pas changer. Par contre, c'est sûr qu'on est en commission parlementaire, je pense qu'il est important d'entendre ce que les gens ont à dire. Je conviens qu'il y a un certain point où, exemple... Je vais vous donner un exemple: les fonds de formation où, dans le rapport de l'équipe de travail, ce qui était demandé, c'était que la commission s'entende rapidement avec les fonds. Nous avons décidé d'aller plus loin, parce qu'on ne rouvre pas la loi R-20 à toutes les sessions, évidemment, et, ce qu'on propose, c'est que ce soient les comités de formation, comme Mme Lemieux de la CCQ l'a expliqué. C'est sûr que si, moi, j'ai d'autres groupes qui viennent me dire: Bien, nous autres, on pense que c'est peut-être comme ça, comme ça, comme ça, et que je vois qu'il y a une piste de solution pour faire en sorte que le projet de loi soit bonifié, je n'ai aucun problème avec ça. Il faut toujours démontrer de l'ouverture, ce qui n'empêche pas la fermeté.

Quand je vous parle du fonds, évidemment, quand on parle des objectifs de transparence, de reddition de comptes, de vérification, de gestion rigoureuse, toutes les questions qui sont soulevées à l'intérieur du projet de loi, qui touchent ces questions-là, il n'y aura pas de compromis. On peut trouver des meilleures façons de faire sans aucun problème. J'entends votre point de vue, j'entends le point de vue des patronats, on va entendre le point de vue des patronats de construction, on va entendre celle des centrales syndicales, on va avoir différents point de vue, mais je pense qu'il y a certains principes ou certaines valeurs qu'on ne peut pas abandonner, et ce n'est pas mon intention.

Donc, je vous remercie beaucoup de votre appui. Par contre, je suis quand même une femme intelligente, je me dis que, quand on peut améliorer un projet de loi, il faut le faire. J'ai déjà été députée de l'opposition, je sais comment ça marche, puis c'est tellement rare qu'on rouvre cette loi-là, qu'on ne s'amusera pas à la rouvrir à toutes les sessions non plus, ça fait qu'on va essayer de faire une bonne loi.

Ceci étant dit, vous avez glissé rapidement sur les consultations des donneurs d'ouvrage par rapport à la négociation des conventions collectives, et j'aimerais vous entendre peut-être un peu plus à ce sujet, puisque, comme manufacturiers, il y a beaucoup de vos membres qui sont donneurs d'ouvrage. Vous savez que, lors de la dernière négociation, les donneurs d'ouvrage ont été consultés de manière informelle, mais elles ont quand même été consultées. Nous, ce que les membres du groupe de travail me recommandent, évidemment, c'est de faire en sorte qu'on vienne formaliser ce qui s'est fait lors de la dernière négociation. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

**(18 h 10)**

Et, autre question -- parce que je vais vous les poser d'un coup, après ça, mes collègues vont pouvoir vous en poser d'autres -- l'autre question par rapport au fait... À la toute fin de votre présentation, vous avez parlé d'analyser l'industrie de la construction à chaque cinq années. Vous avez beaucoup insisté sur la transparence, sur la reddition de comptes, la gouvernance de la CCQ. Moi, je pense que la Commission de la construction du Québec, avec la présidente qui est là, Mme Diane Lemieux... Il va y avoir certainement beaucoup d'attention sur les rapports de la Commission de la construction qui seront déposés. On sait que le Vérificateur général peut aller quand il veut. Je pense qu'on n'a pas de problème non plus à essayer d'évaluer. J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce qui pourrait être fait pour s'assurer que l'opinion qu'on a de l'industrie soit la bonne, parce qu'on prend beaucoup de décisions, notamment au niveau de la formation, au niveau des argents qui sont confiés à la CCQ. C'est les fonds de pension. Il faut être capable de voir au niveau de la main-d'oeuvre, le bassin de main-d'oeuvre par région, etc. Beaucoup de décisions qui sont prises là qui ont un impact. Les nouvelles technologies dans les métiers aussi, ça vient changer la donne. Donc, évidemment, la Commission de la construction du Québec a un rôle important à jouer.

On demande aux cinq ans parce que, présentement, il n'y a pas de... on s'en va, puis c'est correct, on a un sujet, go, on le prend, on le pousse jusqu'au bout. Mais, moi, je pense qu'il faut faire l'exercice de voir si on a d'autres problématiques pour être capables de réagir puis de ne pas attendre au bout de 40 ans, finalement, pour régler des grands enjeux que, si on avait fait l'exercice à chaque cinq ans de voir ce qui n'allait pas dans l'industrie de la construction en général, ou, au moins, avec les relations de travail, ou dans les mandats de la Commission de la construction du Québec, ou dans le R-20, bien, peut-être qu'on ne serait pas en commission parlementaire aujourd'hui.

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. D'abord, je note avec satisfaction l'intention de Mme la ministre, dans la mesure du possible, de bonifier son projet de loi. Je tiens à souligner par ailleurs que je suis totalement d'accord avec elle quand elle dit que c'est une femme intelligente.

Et, plus sérieusement, sur les deux questions qu'elle m'a posées, sur la consultation des donneurs d'ordres, effectivement, on avait eu cette discussion au comité de travail, la consultation des donneurs d'ordres. Effectivement, elle avait été informelle lors des dernières négociations qui étaient déjà un grand pas. Maintenant, on la formalise. Comme je l'avais mentionné à l'époque au groupe de travail, c'est une avenue qui est intéressante parce qu'effectivement on ne peut pas laisser simplement le hasard faire les choses. Donc, de formaliser, c'est bien.

Je vais expliciter un peu plus le sens du commentaire que j'ai fait tantôt. Maintenant, il faut que cette consultation-là -- qui se fait avant et après, en fait, hein, d'après ce que je comprends, donc avant le dépôt des propositions puis après négociation -- bien, il faut que ça soit plus qu'une séance d'information. Donc, il va falloir s'assurer que, dans les modalités, les considérations, les préoccupations des donneurs d'ordres soient vraiment prises en considération, et c'est ce qui va faire de cet exercice-là un succès.

Le point que j'avais, c'est que la grosse problématique... puis effectivement, elle n'est pas adressée, je l'ai mentionné à plusieurs reprises, et ceux qui nous ont entendus intervenir sur la question savent que c'est très important pour nos membres, la question des travaux de machinerie de production. Évidemment, ça pourrait être modifié éventuellement par voie de règlement, donc ce n'est pas dans le projet de loi. Ceci étant dit, notre préoccupation, c'était effectivement que, dans le cadre de cet aspect-là en particulier, si on assujettit les travaux de machinerie de production au secteur de la construction, ça voulait dire que, dans le fond, les donneurs d'ordres seraient, dans le fond, soumis aux contraintes de conventions collectives auxquelles ils ne prennent pas part lors des négociations. Alors, à partir du moment où on les fait participer, qu'ils sont consultés, c'est déjà une avenue intéressante.

Ceci étant dit, comme je le mentionnais, le problème, ce n'est pas tant d'être consultés, c'est qu'effectivement ils ne croient pas qu'ils devraient être assujettis par règlement au secteur de la construction. Il faut bien me comprendre aussi, quand je dis ça, et c'est bien important, je ne suis pas en train de dire que les entreprises du secteur de la construction ne sont pas capables de faire du très bon travail. C'est juste qu'effectivement, si elles sont bonnes, elles vont être choisies par les donneurs d'ordres; si elles sont moins bonnes, bien, il y aura un libre choix pour aller vers d'autres entreprises. Donc, le problème, ce n'est pas tant d'être consulté, c'est que, du côté des donneurs d'ordres, on ne voyait pas la pertinence de devoir être soumis par règlement à des conventions collectives négociées à une table où ils ne sont pas présents.

Ceci étant dit, il y a d'autres aspects du secteur de la construction qui touchent aussi les manufacturiers et les donneurs d'ordres pour les travaux de construction qui, eux, ne sont pas remis en cause. C'est clair que ça va se faire par le secteur de la construction. Donc, dans ce sens-là, même dans des projets d'agrandissement, des projets de construction de nouvelles usines, les donneurs d'ordres pourraient être intéressés, donc, à travailler avec un secteur de la construction qui va fonctionner selon des modalités de conventions collectives auxquelles ils auront pris une part, si minime soit-elle, lors de consultations qui seront formalisées.

Donc, je conclus ma trop longue réponse là-dessus en vous disant que c'est une avenue intéressante. Il va falloir voir comment ça va se concrétiser. Et, comme je le mentionnais lors de mes remarques introductives, on va être très intéressés, nous, dans l'ensemble des modalités du projet de loi, à voir concrètement, sur le terrain, comment ça va se traduire.

Sur la deuxième question sur la consultation ou l'évaluation de la situation du secteur de la construction à tous les cinq ans, disons que ce qui est prévu au projet de loi -- il faudra voir après ça comment ça se concrétise -- ça nous apparaît une intention très louable, un peu trop vague, et je soumets peut-être, M. le Président, au gouvernement que, dans les prochaines années, considérant qu'on est en train de donner un virage considérable au fonctionnement de l'industrie, peut-être qu'il faudrait regarder l'évolution avant cinq ans. Il faudrait peut-être, dans un premier temps, avoir un rapport après trois ans pour voir ce qui se passe, pour pouvoir ajuster le tir, et, après ça, aux cinq ans, ça serait bien.

Maintenant, ce n'est pas tant dans l'évaluation de ce qui se passe dans le secteur de la construction qu'il va falloir regarder, parce que, on l'a bien vu d'ailleurs lors des travaux du groupe de travail, les constats, les analyses, les problèmes qu'on vit actuellement dans le secteur de la construction ont été analysés, remarqués, décortiqués depuis 30 ans, et il n'y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil. En d'autres termes, là où le bât blesse, c'est dans la réalisation de réformes. Donc, on peut bien regarder ce qui se passe après cinq ans. J'aimerais voir, moi, que ce rapport-là, qui doit être fait de manière assez indépendante -- et je verrais bien le Vérificateur général, par exemple, se mettre le nez là-dedans -- doit pouvoir mener à des propositions d'amélioration, des pistes d'action qui devraient lier le gouvernement dans une certaine mesure parce que, sinon, on va continuer de regarder ce qui se passe et, permettez-moi l'expression, se gratter le bobo, mais ça ne donnera pas grand-chose. Donc, il va falloir que cette analyse-là soit suivie en tout état de cause par des ajustements au fur et à mesure qu'on voit l'évolution du secteur se dérouler devant nous.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Juste un petit point d'éclaircissement...

Le Président (M. Ouellette): Oui.

Mme Thériault: ...par rapport à la machinerie de production. Vous ne le retrouvez pas dans le projet de loi effectivement parce que, le dossier de la machinerie de production, nous pouvons le régler par règlement. Je veux tout simplement préciser ici qu'au niveau de la machinerie de production tout est encore sur la table. Il y a des discussions qui se poursuivent, et la décision du gouvernement n'est pas arrêtée. Donc, c'est pour ça que vous ne le trouvez pas dans le projet de loi, parce que c'est un règlement de toute façon. Merci.

M. Prévost (Simon): Merci. C'est noté.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage.

M. Drolet: Merci, M. le Président. Écoutez, j'aimerais, M. Prévost, vous revenir parce que, tout à l'heure, avec la fédération des entreprises indépendantes, en fait, on a entendu, par rapport au placement, naturellement... fait actuellement, la manière dont c'est fait. Bon, on connaît toute la problématique et tout cela. Et, eux, dans leur mémoire, mentionnaient que la Commission de la construction respecte l'obligation qui lui est conférée d'avoir un site dynamique Internet pour faire en sorte qu'il puisse y avoir une référence, des moyens de référence pour l'emploiement, pour les employés finalement, puis pour avoir naturellement une facilité de retrouver des employés compétents à des niveaux de boss et... Bon. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, voir comment voyez-vous ça, vous. Parce que j'ai entendu, dans votre présentation de tantôt -- peut-être que vous avez lu vite un petit peu -- mais que vous disiez qu'il ne fallait pas que la CCQ soit juge et partie ou... Est-ce que c'est un petit peu à l'encontre de ça? J'aimerais vous entendre là-dessus, ce placement de personnel.

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Bien, effectivement, merci pour la question, ça va me permettre de préciser, là, deux aspects de mon intervention. Je vais commencer par l'idée de la CCQ qui est juge et partie pour pouvoir revenir sur le début de votre question.

Quand on mentionne ça, c'est du fait que c'est un organisme qui doit réglementer un secteur, mais que son conseil d'administration est composé des gens qui doivent être réglementés. Donc, effectivement, à sa face même, il y a un petit problème de gouvernance là, et donc, malgré tout la bonne volonté des administrateurs, ils représentent des gens qui ensuite vont subir ou bénéficier des décisions de la CCQ. Et donc, dans ce sens-là, c'est là qu'il y avait un problème fondamental, et, nous, on a toujours demandé une plus grande indépendance de la CCQ, et on va la chercher, cette plus grande indépendance là, par l'arrivée de membres indépendants au conseil d'administration. Donc, dans ce sens-là, c'est un pas dans la bonne direction.

Je dois dire, M. le Président, que j'ai le privilège de participer à plusieurs, comment je dirais, des mécanismes paritaires au Québec, que ça soit au conseil d'administration de la CSST dont je suis membre, que ça soit la Commission des partenaires du marché du travail ou au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre... j'allais dire la commission, mais elle-même n'existe plus comme tel. Alors, on parle ici d'organismes paritaires qui ont du bon, mais qui ont aussi des limites. Mais, dans aucun de ces organismes paritaires, on ne retrouve de manière aussi criante cette idée qu'effectivement, dans un secteur donné, les décisions qui sont prises par un conseil d'administration et... Comment je dirais? C'est les pouvoirs particuliers de la CCQ qui rendent ça particulier parce qu'elle doit... C'est, dans le fond, un organisme qui, en principe, doit faire respecter les lois gouvernant les relations de travail, entre autres dans le secteur de la construction, et il y a un pouvoir, donc, d'inspection et de contrôle que d'autres organismes n'ont peut-être pas, par exemple au CCTM ou à la CPMT. Donc, dans ce sens-là, je pense que c'est un problème fondamental. Je pense que le projet de loi va régler ça en partie.

Maintenant, vous avez raison de le souligner, si, effectivement, on décide que c'est la CCQ qui doit contrôler un système de placement de la main-d'oeuvre, on peut toujours se demander: Est-ce que ce n'est pas de toute façon, encore une fois, dans une certaine mesure, le problème de juge et partie qui va se créer là, et on va juste déplacer la difficulté sans vraiment régler le fond de la question? Je pense que là, ça va être dans les modalités de ce service de référencement qu'on va trouver la réponse. Et donc, dans ce sens-là, moi, je vois ça beaucoup plus comme un mécanisme quasiment automatique où il n'y aura pas, disons, de décision quant à son fonctionnement qui soit laissée au bon vouloir des parties prenantes autour de la table du conseil d'administration.

Donc, la CCQ par contre, par son rôle central, est bien positionnée pour gérer l'offre et la demande de travail dans le secteur de la construction. Il s'agirait de mettre en place un mécanisme qu'on va savoir étanche à toute pression, que ce soit du côté des employeurs ou des pressions venant du côté des travailleurs. Et donc je pense que, de manière pratico-pratique, là, ça ne devrait pas être trop compliqué de trouver les modalités qui vont permettre d'assurer un fonctionnement optimal d'un tel système.

**(18 h 20)**

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage, pour une dernière question.

M. Drolet: Mais, par contre, vous êtes favorable, parce qu'il y a quand même eu une belle évolution dans le projet de loi qui est présenté, d'avoir des membres indépendants qui viennent, qui vont venir justement bonifier et aider justement cette transparence-là auquel la ministre veut avoir dans son projet. Je pense que c'est un ajout important pour faire en sorte que, justement, il y ait vraiment une vision différente de ce qui était autrefois, peut-être, à ce moment-là.

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci. Sur la question de la gouvernance, j'ai passé quelques minutes tantôt à en parler parce que, pour nous, c'est central. Parce qu'effectivement le placement de la main-d'oeuvre, évidemment, est aussi très important dans le projet de loi. Mais, au-delà de ça, pour nous, la question de la gouvernance est fondamentale. Et donc il y a plusieurs dispositions, puis plusieurs dispositions qui nous plaisent, et donc il y a non seulement les membres indépendants du conseil d'administration, mais il faut voir aussi le comité d'éthique, le comité de vérification où des membres indépendants vont être là aussi. Et, sur le comité d'éthique, si ma mémoire est bonne, il y aura une pluralité de membres indépendants sur ce comité-là, donc, qui devra aussi se pencher sur l'établissement d'un code d'éthique et les règles de bonne gouvernance.

Donc, dans ce sens-là, je pense qu'on atteint un certain équilibre. Parce qu'il est quand même illusoire, même si on la soulignait, puis à gros traits, même, cette question délicate d'être juge et partie, même illusoire d'imaginer une CCQ dont aucun des représentants des travailleurs de la construction ou des entrepreneurs en construction ne soit présent dans la gouvernance. Donc, ça prend une présence mais ça prend une présence balisée et, dans ce sens-là, il faudra voir comment on les choisit, ces gens indépendants là. On présume qu'ils vont être choisis avec soin. Et ça pourrait amener une bonne dose de réalisme et replacer aussi les débats dans une perspective plus globale. Parce que le secteur de la construction, comme je le disais, a un impact sur l'ensemble de l'économie, mais actuellement les débats se font dans un petit cercle, qui est le cercle mais uniquement fermé de la construction. Donc, il est absolument primordial d'élargir les débats et d'inclure d'autres joueurs, d'autres intervenants économiques dans la gouvernance de la CCQ.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Jean-Lesage... excusez, de René-Lévesque. Je m'excuse.

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. Prévost, bienvenue dans notre institution qu'est l'Assemblée nationale. Bienvenue à cette commission parlementaire. Merci de contribuer au débat qui a cours actuellement. Je vais poursuivre dans le même sens, parce que vous êtes sur une envolée, sur la gouvernance, le C.A. d'administration. Vous parlez juge et partie, les indépendants choisis, il fallait qu'ils soient choisis avec soin. Les débats sont à perpétuité. Ce qu'on retrouve dans le projet de loi, au moment où on se parle, est-ce qu'il satisfait ou vous avez encore des bémols par rapport à la gouvernance au niveau du conseil de la construction du Québec?

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, pour l'instant -- puis il faut bien se placer dans le contexte d'un projet de loi qui tente de faire des réformes quand même considérables d'un système que ça fait 30 ans qu'on essaie de réformer sans réussir à le faire -- donc, c'est clair que, nous, notre position c'est que toute proposition est perfectible. Et c'est à l'usage, un peu, qu'on verra. C'est clair qu'il y a des nouveautés, entre guillemets, avec ces membres indépendants qui seront sur les comités d'éthique et sur le comité de vérification. Il faudra voir aussi de quel genre de règles de gouvernance on va accoucher. Et aussi, comme je le disais, c'est un peu à l'usage, parce qu'on verra quelle va être la réelle capacité de ces membres indépendants de donner une nouvelle tournure aux débats et d'influer réellement sur la gouvernance de la CCQ.

Donc, à ce stade-ci, nous, on est tout à fait prêts à donner une chance au coureur. Mais, comme vous vous en doutez et comme je l'ai mentionné, on va surveiller de près qu'est-ce qui se passe sur le terrain, de telle sorte que, si, effectivement, ce n'est pas satisfaisant, vous allez nous entendre le dire. Pour le moment, on préfère se réjouir du fait qu'on va dans le sens de ce que nous souhaitions. Et on verra ultérieurement si nos espérances se concrétisent de manière satisfaisante dans la réalité, là, dans la vie de tous les jours.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, vous dites que ça fait 30 ans qu'on essaie de faire des changements. Je parlais tout à l'heure à certains groupes qu'en 2005 -- puis c'est pour ça que je disais que j'avais l'impression de revivre dans ce film-là -- il y a eu le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Pourquoi ça n'a pas fonctionné, M. Prévost? Je peux comprendre que ça fait 30 ans, là, mais je disais à un moment donné à certains groupes: Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on est là aujourd'hui? Est-ce qu'on est en train d'enlever un droit, exemple, aux syndicats, droit qu'ils n'avaient pas avant? Comment ça se fait que c'est le législateur qui fait ça, puis ce droit-là, ils ne l'ont même pas? Pouvez-vous m'expliquer ça?

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Ah! Je sens que tout le monde va être suspendu à mes lèvres. J'avais effectivement une explication satisfaisante de la situation. Je pense qu'on peut revenir même avant 2005.

Écoutez, ce qui est certain ici, c'est que ça a toujours été délicat, disons, d'essayer de réformer le secteur de la construction du fait des relations de travail particulières dans ce secteur-là, du fait aussi du pouvoir indu qu'ont eu les syndicats au fil des années, disons, de bloquer des grands chantiers, de bloquer les grands travaux. Et puis, ma foi, vous avez, avec ce qu'on a vu aujourd'hui et vendredi, peut-être une portion de la réponse à votre question: Pourquoi est-ce si difficile de faire avancer les choses? C'est peut-être parce qu'il y a une force d'inertie.

Quand vous dites que le législateur est rendu à modifier, dans le fond, donc par voie législative, une situation qui, en réalité, n'a pas de réalité législative, c'est qu'effectivement il y a eu une dérive au fil des années et peut-être un certain laissez-faire. Ce qui a peut-être manqué, et là, c'est tous gouvernements confondus, c'est peut-être la volonté réelle et effective de modifier le fonctionnement du secteur. Mais, si ça a manqué, c'est peut-être parce que, globalement, dans la population, on n'en voyait pas l'intérêt.

Là, je pense qu'on est rendus à la croisée des chemins. Je pense qu'il y a un support populaire, et vous devez le vivre, vous, de toute façon quand vous allez dans vos comtés, vous discutez avec les gens qui y habitent. Il y a effectivement un certain ras-le-bol par rapport à ce qu'on pourrait appeler une certaine inertie dans le secteur de la construction. Je pense qu'on est mûrs pour des changements. Et je pense que c'est de la responsabilité de chacun ici, autour de la table, autant les intervenants comme nous que les parlementaires, d'essayer de trouver une formule qui va effectivement remettre l'industrie dans le droit chemin et faire en sorte que les comportements néfastes...

Et ce n'est pas tout néfaste, hein, soit dit en passant, on a un secteur de la construction qui, par ailleurs, sur le plan de la qualité de son travail, est largement reconnu. Le problème n'est pas au niveau de la qualité. Peut-être au niveau des coûts, par ailleurs. C'est un débat que je ne veux pas nécessairement lancer, là. Mais, au niveau certainement des relations de travail, ça a toujours été relativement problématique. Ça l'a déjà été beaucoup plus que maintenant, mais le fait est que, 30 ans plus tard, c'était criant quand on regardait, dans le fond, le document de consultation en marge des travaux du groupe de travail. Les références qu'on nous faisait sur toutes les commissions qui se sont tenues au fil des années depuis le milieu des années soixante-dix nous démontrent bien que c'est un mélange d'inertie, un mélange de difficultés politiques à aller de l'avant, un mélange, je dirais, d'une population qui globalement s'accommodait de la situation.

Je pense que là on est rendus largement dépassés ce stade-là et qu'on a une fenêtre qui s'ouvre. Et j'invite les parlementaires à vraiment travailler fort pour essayer de bonifier ce projet de loi là pour pouvoir en faire un projet de loi qui va vraiment avoir une influence non pas juste sur le secteur de la construction, mais sur l'évolution de l'ensemble de l'économie du Québec.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Alors, vous venez de nous confirmer que vous avez été rencontré par le groupe de travail. Ça s'est fait par voie de lettre ou bien donc de la voie téléphonique, pour que la rencontre se fasse ou... Comment ça a fonctionné?

M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, je ne sais pas si je vais dévoiler des secrets d'État ici, là, mais...

Une voix: ...

M. Dufour: Vous confirmez que vous les avez rencontrés?

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost, vous confirmez, dans un premier temps, que vous avez rencontré le groupe de travail?

M. Prévost (Simon): Oui, effectivement, j'ai rencontré le groupe de travail.

M. Dufour: O.K. Non, ça va aller. Ça va aller. Et vous dites, là, un petit peu avant, que le groupe de travail vous a fait la nomenclature de toutes les lois ou de toutes les commissions, tout ce qui s'est passé puis qui a gravité autour de la construction depuis les 30 dernières années. C'est le groupe de travail qui vous disait ça?

M. Prévost (Simon): Non. En fait, ça, c'est le document de consultation du ministère qui a été produit en marge des travaux, et ça, si je ne m'abuse, c'est un document quand même public, là.

M. Dufour: Qui faisait la nomenclature de tout ça?

M. Prévost (Simon): Bien, qui posait des questions aux gens qui étaient intéressés à être consultés -- parce qu'effectivement, bien, c'était possible pour les groupes intéressés d'être consultés -- et qui donc mettait... faisait un état de situation ni plus ni moins. Donc, c'était purement factuel mais effectivement c'était suffisamment détaillé pour se rendre compte que les problèmes fondamentaux auxquels on s'attaque avec ce projet de loi là sont des problèmes, dans le fond, qui minent les secteurs de la construction depuis de nombreuses années.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

**(18 h 30)**

M. Dufour: Au niveau du placement en tant que tel, bon, vous dites, vous, là: Bon, au niveau des permis de référence, ce n'est pas compréhensible; je pense que la ministre devrait abandonner cette idée. On avait la présidente tout à l'heure de la Commission de la construction du Québec qui nous disait d'ouvrir le jeu, parce que, vous savez, je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, puis je n'ai jamais eu la prétention de tout connaître, mais il faut que je sache où est-ce que je m'en vais. Mais je vous donne un exemple. Il y en a, dans les métiers, ils ont des listes, ils fournissent, quand il y a des grands chantiers comme Sarcelle-Rupert... qui s'en allent sur La Romaine ou sur la Côte-Nord. Il y a ce qu'on appelle la mobilité provinciale, où est-ce qu'il y a des employeurs qui peuvent s'en aller en région, ce qui fait en sorte qu'il y a du monde qui viennent -- excusez-moi l'expression -- en maudit parce qu'il y a du monde de l'extérieur qui travaille puis il n'y a pas du monde chez nous qui travaille.

Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a un ensemble de listes qui se promènent d'un bord puis de l'autre, il n'y a pas de collégialité par rapport à ce qu'on pourrait avoir comme intrants pour être capables d'avoir le contrôle sur la main-d'oeuvre ainsi que les bassins. Alors, si les syndicats, eux, ne donnent pas leurs listes, si les employeurs ne donnent pas leurs listes... Parce que même la présidente nous disait qu'au niveau de l'embauche et des mises à pied il y en a 60 % que, oui, ils ont les intrants puis ils ont les informations nécessaires, mais il y en a 40 % qui ne le font pas.

Bref, vous voyez l'ouvrage qu'on a à faire au moment où on se parle pour être capables de comprendre tout le système. Est-ce que vous avez une idée là-dessus?

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Bien, écoutez, à cet égard-là, je pense que c'est difficile de comparer la situation actuelle avec la situation désirée. Et, dans ce sens-là, ce que vous venez de mentionner, effectivement, j'entendais la présidente-directrice générale de la CCQ le mentionner tantôt, effectivement, ça signifie et c'est une autre illustration que la manière dont le système fonctionne actuellement, l'information est loin d'être parfaite sur les bassins de main-d'oeuvre, sur les besoins dans différents endroits et sur la gestion de tout ça.

La raison pour laquelle, nous, on ne croit pas que ça soit une bonne idée d'avoir un système mixte, finalement, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, c'est que ça vient garder une espèce de... une possibilité que l'information demeure parcellaire et que certains employeurs ou certains syndicats, dans le fond, pour toutes sortes de raisons finalement ne transmettent pas l'information nécessaire à la CCQ.

Donc, pour éviter ça et avoir un système très clair et très transparent, je pense que ça en prend juste un, système, dans une... qui est placé, dans le fond, chez une institution qui, elle, surtout avec les effets du projet de loi, va avoir une légitimité telle qu'elle n'a jamais eue au cours des dernières années. Et là, à ce moment-là, il va falloir changer les comportements. Mais ça va nous prendre un système préalable. Et, après ça, les gens vont bien devoir changer leurs comportements, parce que sinon c'est tout le système qui va être paralysé.

Et je ne vous dis pas que ça va se faire facilement, et c'est pour ça que, nous, on exhortait le gouvernement à être très ferme et, à la CCQ, à être très ferme dans la mise en place de ça et dans la gestion quotidienne même d'un tel système, parce que, sinon, on ne s'en sortira pas.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Là, vous ouvrez un élément qui est important, parce qu'on parle beaucoup du placement syndical mais il y a aussi le fait qu'il y a des employeurs que le fait que ce soient les syndicats, quand ils ont besoin de listes ou qu'ils ont besoin d'une masse dans un bassin critique, ça fait leurs affaires aussi, là, tu sais. C'est pour ça que c'est un amalgame d'informations qu'il faut aller chercher.

Ceci étant dit, vous avez parlé tout à l'heure, ça m'a intrigué, de la grande entreprise. Un, ce n'est pas les donneurs d'ordres par rapport aux associations qui sont sur les chantiers de construction, puis vous parliez qu'ils devraient être consultés. Vous voulez dire quoi là-dessus?

M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, ça part du principe que... Dans bien des cas... Là, je parle des donneurs d'ordres, hein, mais, en fait, dans le fond, c'est tout client du secteur de la construction. Mais là on parle de chantiers majeurs. Donc, je parle des gens que je représente qui sont les grandes entreprises manufacturières.

Pourquoi ils devraient être consultés? C'est qu'en réalité ils devront... En fait... Je vais essayer de l'expliquer simplement, là. Mais c'est qu'à l'heure actuelle, si j'engage un entrepreneur, lui-même, dans le fond, va avoir des travailleurs syndiqués qui vont travailler sur un chantier, par exemple la construction d'une usine pour un donneur d'ordres Y. Bien, à ce moment-là, évidemment, les coûts de construction sont directement liés aux conditions qui sont accordées, hein, parce que le salaire, on s'entend, c'est à peu près 50 % de la facture en toutes circonstances, là, grosso modo. Donc, le coût direct de construction, O.K., est directement lié aux conditions qui sont accordées par les entrepreneurs aux salariés lors de négociations.

Et, à partir du moment où c'est un milieu qui est réglementé, que je n'ai pas le choix de prendre une entreprise qui fait partie du secteur de la construction, bien, il n'y a pas de jeu de concurrence. Donc, la moindre des choses, c'est que -- pour les grandes lignes, lors des négociations de conventions collectives -- ceux qui sont directement impactés puissent au moins être consultés.

Ceci étant dit, c'est une position de principe. Ce que les grands donneurs d'ordres disent en réalité, c'est que, pour le secteur de la construction, quand il s'agit de constructions neuves, ou de rénovations, ou d'agrandissements, ils ne remettent pas en cause le fait d'utiliser une entreprise du secteur de la construction et donc les salariés du secteur de la construction, ça va de soi. Là où le bât blesse pour les grands donneurs d'ordres... On parle ici des travaux de machinerie de production. La ministre, évidemment, a rappelé qu'on n'allait pas modifier les dispositions du règlement, que ça allait se faire après. Et, bon, on conçoit bien... De toute façon, c'est un règlement, ça va se faire par la suite.

Ceci étant dit, par la voie du projet de loi, on est en train d'introduire dans le fond une consultation qui, elle, pourrait venir enlever un certain irritant lorsqu'on parle de travaux de machinerie de production. Pourquoi on a un problème là? C'est que les travaux de machinerie de production... On parle ici d'entretien des machines, on ne parle pas de construction, on ne parle pas d'agrandissement, on parle des travaux d'entretien annuel importants, les «shutdown», comme on dit en bon français, sur la machinerie de production.

Alors, le point de vue des donneurs d'ordres, c'est que le secteur de la construction n'a aucune expertise particulière. Ils ont une expertise particulière pour construire une usine, agrandir une usine, faire une fondation, zéro expertise particulière pour faire des travaux de machinerie de production. Il se peut que des entrepreneurs en construction aient développé une expertise au fil des ans, mais il y a beaucoup d'entreprises hors construction qui sont des entreprises de maintenance industrielle qui ont aussi une expertise enviable. Et ce que les donneurs d'ordres veulent éviter, c'est que, par voie de règlement, on décide d'accorder un monopole de ces travaux-là à un secteur en particulier qui est réglementé.

Mais, si le gouvernement avait la mauvaise idée de revenir à la charge et d'imposer que les travaux de machinerie de production soient assujettis au secteur de la construction, il faudrait au minimum que les conditions dans lesquelles ça va se faire, donc les conditions entre autres négociées lors des négociations collectives... que les donneurs d'ordres qui devront subir les résultats de ces négociations-là puissent au moins être consultés. Alors, c'est ça, le sens des propos.

Mais, à la fin, c'est qu'on discute d'un élément qui ne nous satisfait pas pleinement. Parce qu'en réalité ce qui nous inquiète, nous, c'est qu'a priori, comme j'ai dit à la ministre, oui, de les consulter, c'est déjà un pas dans la bonne direction, mais on ne saura si c'était vraiment un pas réellement intéressant que lorsqu'on saura ce que le gouvernement voudra faire avec le règlement sur l'assujettissement. Et donc, là, j'ai la moitié de l'image et je ne pourrai pas, donc, me dire satisfait ou insatisfait tant que je n'aurai pas l'image complète.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Au niveau du vote, du scrutin, vous avez dit: Bon, dans le projet de loi, c'est un vote par la poste, c'est très différent du vote que nous avons actuellement, que tu t'en vas au bureau de la CCQ, puis tu vas changer, puis, si tu vas là, c'est parce que tu changes, ça fait que, là, il y a des choses qui peuvent se passer. Alors, je comprends que, moi, par rapport au vote, ça va se faire par la poste.

Mais vous dites qu'il faudrait que tout le monde vote. Ça va changer quoi à l'autre bout? Parce que, que tout le monde vote ou qu'il y en ait une partie qui vote parce qu'ils changent, bien, ça va se faire par la poste. Il n'en demeure pas moins qu'à l'autre bout, par rapport à la liste d'avant, bien, à un moment donné, ils vont le savoir, qu'ils ont changé. Je veux juste...

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Effectivement, et c'est pour ça qu'on disait qu'il y a des limites à régler ces questions d'intimidation qui étaient a priori -- ou directement a posteriori en sortant du bureau, là -- et qui peuvent se faire plus tard quand on aura vu que quelqu'un aura changé d'affiliation syndicale. Ceci étant dit, c'est une position philosophique un peu qu'on a ici par définition.

C'est-à-dire que, si on veut assurer la pleine liberté d'adhésion syndicale, il faut que la présomption de vote soit complètement annulée. Pourquoi? Parce que, par définition, la présomption de vote, disons que ça alimente l'inertie, ça alimente un système qui ne favorise pas le changement d'allégeance, d'une part. Et deuxièmement, à partir du moment où on va voter obligatoirement, nous, on espère que ça va créer une dynamique qui va faire que ce vote-là va devenir significatif, signifiant, en fait, et donc créer une espèce de dynamique, et je vous l'accorde, qui va faire sentir ses pleins effets après plusieurs années, il faut le dire, plusieurs rondes, mais qui va générer une situation où ça va être normal de voter pour son affiliation. Et, à ce moment-là, ça va peut-être créer une situation où les gens vont y penser peut-être un peu plus.

Parce que la présomption de vote, tu ne fais rien, tu restes là, puis tu ne penses à rien. Quand on t'oblige à voter, bien, tu t'assois puis tu réfléchis un peu plus. Ça va peut-être créer une dynamique où les gens vont commencer à réfléchir davantage à leur affiliation syndicale. Et, deuxièmement, il va falloir trouver une façon, et malheureusement, je ne l'ai pas là, mais, je veux dire, il faut réfléchir, et je lance l'idée, une façon aussi de trouver une manière de pouvoir punir l'intimidation qui se ferait ex post lorsqu'il y a un changement. Et là, c'est de créer un État de droit, un État où l'intimidation n'aura pas sa place. Et, je vous l'accorde, quand on regarde ce qui se passe ces jours-ci, la marche est longue, mais il faut l'entamer.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

**(18 h 40)**

M. Dufour: Une dernière, M. le Président, c'est, quand on regarde la nomenclature du projet de loi n° 33, il y a plusieurs segments: la référence, le C.A., les comités sociaux, fonds d'indemnisation, formation, durée de la convention, participation. Bref, j'arrive au neuvième, vérification financière. Est-ce que vous, M. Prévost... Le projet de loi prévoit également que les associations syndicales des employeurs sont tenues de faire vérifier leurs états financiers? Êtes-vous d'accord avec ça, vous, étaler vos états financiers?

Le Président (M. Ouellette): M. Prévost.

M. Dufour: ...qui sont à la grande entreprise, là, les associations manufacturières.

M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, globalement la grande entreprise en général est publique, donc on les connaît, on connaît leurs états financiers.

Maintenant, sur le fondement, écoutez, on n'a pas de position officielle sur cette question-là. Fondamentalement, ce qu'on pense par exemple, c'est que ça va dans le sens de plus de transparence globalement, dans l'ensemble des joueurs. Et donc il faudra voir exactement comment ça va être utilisé, qu'est-ce qui va être demandé, comment ça va se faire. Je pense là-dessus qu'il y a moyen de travailler des modalités. Sur le principe même, disons qu'on va se positionner en disant que ça semble aller dans le sens de la transparence, donc on est globalement d'accord.

Ceci étant dit, c'est une disposition particulière sur laquelle je n'ai pas d'information de mes membres quant à leurs points de vue.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: J'apprécie beaucoup la réponse, parce que, bien, vous n'êtes pas fermés, mais vous voulez qu'on approfondisse ça veut dire quoi au niveau de la transparence. J'ai bien compris, je comprends bien votre message?

M. Prévost (Simon): Oui.

M. Dufour: Parfait. Ça va.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député de René-Lévesque. Merci beaucoup, M. Simon Prévost des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Ceci, chers collègues, termine notre première journée d'auditions. Je vous rappelle que, demain matin, 10 heures, nous nous retrouverons dans la salle du Conseil législatif pour continuer nos travaux.

J'ajourne les travaux jusqu'à 10 heures demain matin. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 42)

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