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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, May 29, 2018 - Vol. 44 N° 167

Special consultations and public hearings on Bill 176, An Act to amend the Act respecting labour standards and other legislative provisions mainly to facilitate family-work balance


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

World Association of Icehockey Players Unions, division North America
(WAIPU, division North America)

Au bas de l'échelle inc.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Front de défense des non-syndiqué-e-s

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

Mémoires déposés

Intervenants

M. Pierre Reid, vice-président

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien

M. Guy Leclair

M. Marc Picard

M. Gabriel Nadeau-Dubois

*          M. Philippe-André Tessier, CDPDJ

*          Mme Sandra Slater, WAIPU, division North America

*          M. Brandon Hynes, idem

*          Mme Chloé de Lorimier, idem

*          Mme Ghislaine Paquin, Au bas de l'échelle inc.

*          Mme Victoria Raileanu, idem

*          Mme Guadalupe Macias, idem

*          Mme Louise Cordeau, CSF

*          Mme Hélène Charron, idem

*          Mme Mélanie Gauvin, Front de défense des non-syndiqué-e-s

*          Mme Anne-Marie Tardif, idem

*          M. Michel Pilon, idem

*          M. Paul Doyon, UPA

*          M. Denis Roy, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, ce que je vais faire moi-même, d'ailleurs.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille‑travail.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lamontagne (Johnson).

Auditions (suite)

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous entendrons, cet avant-midi, la Commission des droits de la personne et, par la suite, la World Association of Icehockey Players Unions, North America. Donc, pour cette deuxième audition tout à l'heure, nous aurons la traduction simultanée.

Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre...

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : ...pardon, votre présentation, excusez-moi, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous demanderais de commencer par vous nommer et nommer les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.

Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse
(CDPDJ)

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président, Mme la ministre responsable du Travail, Mmes et MM. les députés. Tout d'abord, je suis Philippe-André Tessier, je suis président par intérim de la CDPDJ. Je suis accompagné de Me Marie Carpentier et de Me Karina Montminy, conseillères juridiques au Service de la recherche de la commission. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour l'invitation faite à la commission de participer aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 176.

Je tiens à vous rappeler que la commission a pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne. Elle assure également la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics.

Conformément à son mandat, la commission a examiné le projet de loi afin d'en vérifier la conformité aux principes contenus dans la charte et de faire les recommandations qu'elle estime appropriées au gouvernement. Le projet de loi n° 176 est important et il fait suite à l'engagement du gouvernement d'apporter des modifications à la Loi sur les normes du travail, et je cite, «afin qu'elle reflète mieux l'évolution de la société dans les milieux de travail».

Plusieurs modifications proposées par le projet de loi renforcent l'exercice des droits et libertés reconnus aux travailleuses et travailleurs par la charte. Quelques-unes répondent d'ailleurs à des recommandations formulées par la commission il y a presque 40 ans. Elle estime toutefois qu'en vue d'assurer le plein respect des droits et libertés des amendements devraient être apportés à certaines dispositions du projet de loi. Au terme de son analyse, elle formule 19 recommandations qui concernent plus particulièrement la conciliation travail-famille, l'absence pour cause de violence conjugale, le harcèlement psychologique et le harcèlement discriminatoire, les agences de placement de personnel, les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires ainsi que les clauses de disparité de traitement, clauses orphelin.

En ce qui concerne la conciliation travail-famille, la commission souscrit pleinement à l'objectif poursuivi par le gouvernement parce que ce type de mesure est de nature à favoriser un plus grand respect des droits garantis à toute personne par la charte, dont le droit à l'égalité sans discrimination. Les mesures de conciliation travail-famille permettent également de renforcer la mise en oeuvre du droit des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées de recevoir de leur famille protection, sécurité et attention. Toutefois, les progrès accomplis au Québec au cours des dernières décennies en matière de conciliation travail-famille ont plutôt été timides et inégaux parce qu'ils dépendent bien souvent de l'adhésion des employeurs à cet égard. Certaines dispositions du projet de loi n° 176 apportent des améliorations notables, entre autres la reconnaissance législative du rôle de salarié proche aidant.

La commission souscrit également aux modifications apportées à la Loi sur les normes du travail qui visent aux salariés de pouvoir s'absenter en raison de certains événements liés à des responsabilités familiales ou parentales. Par contre, ces événements doivent généralement être qualifiés de graves, ce qui ne répond pas aux besoins de flexibilité exprimés par tant de personnes qui éprouvent des difficultés à concilier travail et famille au quotidien. Il importe par ailleurs de reconnaître que les difficultés à assumer les responsabilités familiales affectent tout particulièrement des catégories d'individus déjà discriminés en raison de caractéristiques qui leur sont propres ou par les caractéristiques de l'un de leurs proches, par exemple le handicap d'un enfant ou la maladie d'un parent.

De l'avis de la commission, il est nécessaire d'aller plus loin en matière de conciliation travail-famille, et c'est pourquoi elle recommande d'introduire la notion de «situation de famille» aux motifs interdits de discrimination prévus par l'article 10 de la charte. Il faut souligner, et c'est important de le dire, que le Québec demeure la seule province du Canada à ne pas protéger la situation de famille dans sa législation portant sur les droits de la personne. D'ailleurs, en 2013, la Cour d'appel du Québec a donné une interprétation restrictive au motif «état civil», lui, prévu à l'article 10, et elle a jugé que la charte ne protégeait pas la personne qui était empêchée de travailler sur certains quarts en raison de soins prodigués à son enfant qui avait une maladie chronique grave, dans le cas... en l'espèce, la fibrose kystique. Ainsi, en droit québécois, l'employeur n'est pas tenu d'accommoder la salariée ou le salarié qui se trouve dans une telle situation — et plus fréquemment, c'est une salariée — par exemple en lui offrant un horaire adapté. L'inscription à la charte du motif «situation de famille» permettrait de contrecarrer cette lacune en offrant des garanties supplémentaires quant à l'obtention de conditions de travail non discriminatoires, justes et raisonnables. En l'absence d'un tel motif, les personnes qui prodiguent des soins à leurs proches sont dans une situation nettement défavorisée quant à leur maintien en emploi.

Il importe de rappeler que l'inadéquation, voire l'absence de mesures de conciliation travail-famille peuvent contribuer à maintenir les préjudices que certains groupes de personnes subissent dans la prise en charge des besoins des proches nécessitant des soins. C'est le cas lorsqu'un membre de la famille où un proche a un handicap ou est en perte d'autonomie, ce qui requiert une présence pour prodiguer les soins quotidiens. En l'absence de mesures de conciliation adaptées de la part du milieu d'emploi, ces personnes sont bien souvent contraintes de devoir réduire leurs heures de travail, d'occuper un poste moins bien rémunéré ou qui ne correspond pas à leurs qualifications et même de prendre une retraite anticipée ou de quitter leur travail, ce qui a diverses conséquences, dont financières, et, plus particulièrement, le gouvernement en est responsable.

Agir de manière à donner plus de flexibilité au quotidien aux familles vivant des tensions plus vives en matière de conciliation travail-famille contribue à parvenir à une pleine égalité aussi entre les hommes et les femmes. À titre d'exemple, les femmes demeurent largement surreprésentées parmi les ménages monoparentaux, une situation qui comporte des défis importants pour ces femmes qui ont généralement aussi le double rôle de chef de famille et de salariée. De même, les femmes sont également plus nombreuses à assumer le rôle de proche aidant tout en travaillant. L'ajout du motif «situation de famille» à la charte et les possibilités de formuler une demande d'accommodement sur cette base offrirait, de l'avis de la commission, l'un des moyens les plus appropriés pour véritablement assurer des avancées en matière de conciliation travail-famille au Québec.

Concernant l'absence pour cause de violence conjugale, la commission reconnaît l'apport que constitue cet ajout. Étant donné les conséquences majeures sur les conditions d'emploi que cette forme de violence peut avoir pour les victimes, elle estime toutefois nécessaire d'élargir ce type d'absence lorsque la salariée ou le salarié est victime de violence à caractère sexuel dans une situation autre que conjugale et pour laquelle aucun autre congé n'est prévu à la LNT, à la Loi sur les normes du travail. Ceci contribuerait à lever certains obstacles qui perdurent quant au dévoilement et à la dénonciation de ces formes de violence.

• (10 h 10) •

Au sujet des modifications qui concernent le harcèlement psychologique, le projet de loi n° 176 viendrait préciser à la Loi sur les normes du travail que le harcèlement psychologique comprend la conduite vexatoire qui se manifeste par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel répétés, hostiles ou non désirés. Pour le gouvernement, cette précision rendrait plus explicite l'objet de la protection des salariés d'évoluer dans un milieu de travail exempt de harcèlement et d'agression et ne viendrait que formaliser ce que dit la jurisprudence. La commission n'est pas de cet avis. Le moyen choisi par le gouvernement n'apparaît pas être le plus approprié pour plusieurs raisons. Il risque d'entraîner des effets négatifs sur la protection actuellement prévue par les salariés qui sont victimes de harcèlement fondé sur le sexe ou sur les autres motifs de discrimination prohibés par la charte. En effet, les distinctions qui existent quant aux finalités des conditions de recours entre le harcèlement psychologique et le harcèlement discriminatoire justifient la proposition de la commission de ne pas adopter la modification à la définition. Par exemple, la responsabilité du harceleur, exemple un coemployé, si la victime se plaint à la commission, peut être engagée. De même, les délais de prescription pour déposer une plainte sont de 90 jours pour la LNT et de trois ans en vertu de la charte.

La commission considère que des moyens plus efficaces et porteurs que celui de modifier la définition de harcèlement psychologique doivent être mis en oeuvre pour accroître la protection des travailleurs et travailleuses contre les pratiques discriminatoires en milieu de travail, dont le harcèlement sexuel. Prioritairement, il faut renforcer la capacité de toutes les personnes appelées à intervenir dans le processus de plainte de harcèlement psychologique, de l'étape de la recevabilité d'une plainte à celui du traitement judiciaire, à appliquer les droits inscrits dans la charte. Ce renforcement peut notamment s'opérer par des formations sur ces aspects. Il faut éviter que la victime se retrouve dans des vides de juridiction. Dans les cas où elle aurait exercé un recours qui ne serait pas le plus approprié, elle ne devrait pas être privée de la possibilité de faire reconnaître ses droits et d'obtenir réparation pour les atteintes à ceux-ci.

La commission, d'ailleurs, propose de mettre en place des mécanismes de collaboration efficaces et pérennes avec la Commission des normes, de l'équité, de la santé et sécurité au travail afin d'accentuer la cohérence des actions entre les deux organismes administratifs. Les deux organismes pourraient détailler l'objet et même que les finalités, les modalités de leur collaboration dans une entente administrative. Une disposition de la LNT qui obligerait les deux organismes à formaliser un mécanisme de collaboration serait plus porteuse que celle proposée dans le projet de loi et qui vise à prévoir que la CNESST avise sans délai la commission de la réception d'une plainte qui concerne une conduite à caractère sexuel. Elle propose d'ailleurs une recommandation en ce sens.

De plus, elle formule des recommandations concernant la politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes que tout employeur serait tenu d'adopter et de rendre disponible à ses salariés. Dans un contexte où on observe, depuis plusieurs mois, une méconnaissance des concepts relatifs au harcèlement et des divers recours qui existent pour les victimes de harcèlement sexuel ou autre forme de harcèlement discriminatoire, il est nécessaire que ce type de politique réfère explicitement au harcèlement discriminatoire. En outre, la commission considère que le mécanisme d'aide qui devrait être mis en place doit être souple, accessible et efficace. Il serait donc plus approprié de parler de mécanisme d'aide et de recours que celui de traitement des plaintes, et ce, de façon à inclure toute intervention visant à faire cesser le harcèlement. Enfin, au sujet de la politique, la commission recommande de renforcer l'obligation de l'employeur quant à sa mise en oeuvre dans le milieu de travail, et ce, de façon continue, par exemple par l'organisation d'activités de sensibilisation pour l'ensemble de son personnel, d'où les enjeux de formation.

Dans un autre ordre d'idées, depuis longtemps la commission est très préoccupée de la discrimination systémique qui affecte certains groupes au travail, entre autres les personnes racisées, les femmes et les jeunes. Cette discrimination se manifeste non seulement dans l'embauche et dans la promotion en emploi, mais également dans les conditions de travail qui sont offertes. Ainsi, nous avons proposé, dans notre mémoire — et je conclus sur ces éléments — plusieurs questions relatives aux agences temporaires de placement pour les travailleurs étrangers temporaires ainsi que les clauses orphelin. Je vous remercie et je suis disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Tessier. Nous allons maintenant procéder à une période d'échange et nous commençons du côté gouvernemental. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à chacun, chacune, aux parlementaires, aux collaborateurs. Bonjour, M. Tessier, bonjour, mesdames, bienvenue au Parlement.

On va parler beaucoup, M. Tessier, certainement avec les collègues aussi, de harcèlement psychologique, de harcèlement sexuel. Il y a des gens qui nous en ont parlé un peu plus avant-hier. Là, j'ai pris une série de questions en rafale, là, parce que votre présentation était assez dense, merci. On va décanter ça une en arrière de l'autre, ces idées-là que vous nous avez...

M. Tessier (Philippe-André) : ...

Mme Vien : Non, non, mais c'est correct, c'est correct. On a compris la ligne directrice, là, mais j'aimerais que, dans un langage simple, là, puis... qu'est-ce... En fait, ce que nous proposons, nous, c'est d'inscrire le harcèlement sexuel dans la Loi sur les normes du travail. Tout le monde saisit que, notamment en raison de la jurisprudence, le harcèlement sexuel fait partie du harcèlement psychologique. Alors, qu'est-ce qui manque dans notre proposition pour vous satisfaire? Parce qu'on demande aussi dorénavant aux employeurs d'adopter une politique, de l'afficher. Les gens du monde du patronat nous disent : Il ne faut pas que ça soit lourd, là, parce que c'est souvent de petites entreprises, ils n'ont pas le staff qu'il faut, passez-moi l'expression, il faut que ça soit simple. La CNESST va les appuyer là-dedans avec un mécanisme de gestion des plaintes, là. Qu'est-ce qui manque dans notre démarche pour vous satisfaire?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, c'est un bon projet de loi, globalement, on s'entend. Cela dit, vous me parlez de politique en matière de harcèlement, depuis 2004 la commission diffuse, sur son site Web, une politique visant à contrer le harcèlement discriminatoire en milieu de travail. La commission, historiquement, depuis 1982, avec les amendements qui ont été apportés à la charte qui visaient à ajouter l'article 10.1 de la charte qui visait à contrer le harcèlement discriminatoire, pas juste sexuel, mais en vertu d'autres motifs : origine ethnique nationale, handicap, donc...

Mme Vien : M. Tessier, juste pour qu'on comprenne bien, est-ce qu'on doit saisir qu'automatiquement le harcèlement sexuel est discriminatoire?

M. Tessier (Philippe-André) : Le harcèlement sexuel... par définition, du harcèlement sexuel, c'est discriminatoire en vertu de la charte, en vertu de 10.1 de la charte. Cela dit, ce qu'on vous dit également, c'est que, quand la question a été ajoutée en 2003 dans la Loi sur les normes du travail, ce qu'il faut comprendre, c'est que le harcèlement psychologique, ajouté en 2003, visait à répondre à une demande très particulière qui était de venir limiter le droit de gérance des employeurs pour qu'on ne puisse pas abuser du droit de gérance. En 2003, quand le législateur est venu ajouter le HP, le harcèlement psychologique, à la LNT, le harcèlement discriminatoire était déjà couvert par la charte depuis 1982, et la commission avait émis une position à cet effet-là et avait dit au législateur : Soyez conscients que vous venez créer un recours par-dessus quelque chose qui existe déjà et qu'il peut y avoir une zone, ici, de friction.

Alors, c'est pour ça, moi... Puis, Mme la ministre, je veux dire, je comprends l'intention du gouvernement. Je ne vous dis pas que c'est une mauvaise intention, ce que je vous dis, c'est que, pour nous, puis c'est l'essence de notre mémoire, il y a des façons plus pérennes et plus utiles pour les citoyens... et c'est pour ça que l'article 37 du projet de loi, donc le mécanisme de passerelle, de collaboration entre les entités, pour nous, c'est beaucoup plus porteur. Parce que ce qui arrive, c'est que ce n'est pas qu'il n'y a pas de recours pour les victimes de harcèlement sexuel au Québec, il y en a, c'est juste qu'il faut que ces recours-là se communiquent, soient efficaces, que le filet de sécurité puis de protection soit bien intégré et, surtout, soit bien compris. Les notions, là, puis même pour les juristes, entre agression sexuelle, harcèlement sexuel, harcèlement sexiste, harcèlement discriminatoire, qu'est-ce qui est quoi, qu'est-ce qui... dans quelle boîte... Quand une victime de harcèlement sexuel est victime, je ne pense pas qu'elle passe beaucoup de temps à réfléchir : Je corresponds à quelle boîte dans quel organisme? Et, nous, c'est ça, notre préoccupation, c'est de dire : Plaçons-nous dans la perspective de la victime et trouvons une façon pour les organismes de collaborer entre eux pour que ça soit plus simple pour ces organismes-là.

Mme Vien : O.K. Donc, donnons-nous un cas de figure : quelqu'un est victime de harcèlement sexuel, qu'est-ce qui devrait être la chaîne de commandement?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, l'exemple facile pour ça...

Mme Vien : Que ce soit un homme ou une femme, hein, parce que ça existe envers les deux sexes.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, oui. Ah! tout à fait, tout à fait. Non, puis, je veux dire, on peut parler de la question des apprentis qui sont victimes de harcèlement en milieu de travail, on peut parler de gens... au niveau de leur race, de l'origine ethnique nationale. Donc, c'est le harcèlement discriminatoire dans son ensemble, c'est une autre de nos recommandations, on vous le dit. On ne dit pas que c'est une mauvaise chose d'avoir des politiques dans les entreprises, on dit : Très bien, mais ayons une politique qui couvre le harcèlement discriminatoire dans son ensemble, pas juste le harcèlement sexuel.

Mme Vien : Ce serait quoi, la chaîne de commandement, quelqu'un est victime de harcèlement sexuel dans son milieu de travail?

• (10 h 20) •

M. Tessier (Philippe-André) : Il faut comprendre, puis ça, c'est dans notre mémoire, les mécanismes sont différents. Le mécanisme prévu à la Loi sur les normes du travail en vertu du HP est venu, encore une fois, dans l'objectif... il y a une création... En France, le harcèlement moral... C'est de venir limiter le droit de gérance d'un employeur pour éviter qu'il abuse de ce droit de gérance là dans le quotidien. Le harcèlement psychologique n'est pas nécessairement discriminatoire à sa face même, il peut arriver des cas de harcèlement psychologique où il n'y a aucun aspect discriminatoire. Le patron qui fait juste ne pas te lâcher sur un compte rendu qu'il faut que tu sortes, à toutes les semaines, ça n'a aucun rapport avec un des motifs prévus à 10, mais c'est du harcèlement psychologique, néanmoins, O.K., parce que c'est des actes hostiles répétés dans le temps, puis, bon, on se comprend. Ça, c'est sûr et certain que, cette question-là, l'employé a 90 jours pour se plaindre. Au 91e jour, cette personne-là n'a plus de recours devant la CNESST.

Le mécanisme prévu en vertu de la charte, c'est une prescription de trois ans, donc c'est la prescription du Code civil. Donc, c'est sûr et certain que... puis ça, ça a été également documenté, il y a eu beaucoup de témoignages dans ce sens-là, notamment au forum sur les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel qui s'est tenu en décembre, les victimes, ce n'est pas nécessairement toujours... ils n'ont pas toujours un calendrier où ils ont écrit : J'ai été victime, la dernière fois, de harcèlement sexuel, puis voilà le 90e jour, c'est un petit peu plus nuancé que ça, leur vécu. Et la prescription de trois ans en vertu de la charte donne cette souplesse-là aux victimes de pouvoir peut-être, des fois, se plaindre un an, un an et demi, deux ans après les faits parce que ça a pris ce temps-là à la victime de venir au terme puis de venir... de prendre... d'être capable, finalement, de déposer sa plainte. Ça, c'est la première grande différence.

L'autre grande différence, c'est que le recours en harcèlement psychologique, il est très spécifique à l'employeur. Pourquoi? Parce que la Loi sur les normes du travail... dans sa sagesse, le législateur est venu dire : C'est pour venir gérer le comportement abusif du droit de gérance de l'employeur, donc c'est l'employeur qui va être responsable du HP, c'est l'employeur qui est toujours la partie. Il n'y a pas de condamnation contre un cosalarié, hein, c'est uniquement l'employeur qui est responsable d'assurer un milieu... même quand la plainte ne vise même pas un patron, un employé, entre deux coemployés.

Le mécanisme à la charte est beaucoup plus souple. Le mécanisme, en vertu de 49, permet au Tribunal des droits de la personne ou à tout autre tribunal de reconnaître que le harceleur, lui, cette personne-là, peut aussi, également, être condamné à des dommages moraux mais aussi punitifs parce que le but de la charte, c'est de cesser l'atteinte illicite, donc cesser le harcèlement discriminatoire à sa face même. Donc, le HP, aussi, a cette finalité-là qui est différente que celui de contrer le harcèlement discriminatoire, qui, lui, est plus nocif pour le milieu de travail, si je peux dire. Donc, il y a cet autre élément-là qui est important.

Puis au niveau, aussi, du recours, le recours, pour ce qui est du HP, prévoit une obligation de moyens pour l'employeur. Il est possible pour l'employeur de s'exonérer en disant : J'ai pris les mesures raisonnables. Dans la dynamique de la charte, ce n'est pas possible, cette exonération-là. Donc, ça fait en sorte que, nous, ce qu'on vous dit, juste... il faut faire attention, dans la lecture des mécaniques qui sont en jeu ici, du harcèlement discriminatoire versus le harcèlement psychologique, ce sont des mécaniques différentes, et de prendre des concepts qui émanent de la jurisprudence parce que... puis je m'excuse, je parle longtemps, là, mais le harcèlement sexuel, c'est une création jurisprudentielle qui vient du domaine des droits de la personne, hein? Les arrêts de principe sur la question, c'est de la Cour suprême ou de la Cour d'appel dans Habachi, c'est de la jurisprudence qui a été faite à partir de la commission de dossiers qui sont allés au Tribunal des droits de la personne, donc il faut faire attention de prendre des concepts très spécifiques à un milieu qui est le droit de la personne et de les appliquer à un autre cadre, et c'est là-dessus, des fois, tu sais... le mieux, c'est l'ennemi du bien.

Donc, c'est là-dessus qu'on vous met en garde, on vous dit : Faites attention, tout comme la commission, en 2003, a dit : On n'est pas contre l'idée d'avoir des dispositions contre le harcèlement psychologique dans la Loi sur les normes du travail, on dit juste : Faites attention parce que ça peut faire en sorte qu'il y a des gens qui vont faire un peu... qui vont mélanger les concepts, puis c'est ça qu'on constate aussi, puis ce n'est pas moi qui l'a faite, mais les chercheurs et les gens qui se prononcent sur la question.

Et d'ailleurs le Secrétariat au travail, en vertu de la politique visant à contrer les agressions sexuelles de 2015, la mesure 50, sont censés conduire des recherches là-dessus, mais on a interpelé aussi le STRAV, on est en discussion là-dessus. Pourquoi? Parce que c'est une question qui demeure entière, à savoir est-ce que la création du recours de HP en 2003 n'est pas venue un peu invisibiliser le harcèlement sexuel dans la jurisprudence, à tout le moins, du Tribunal des droits de la personne, ça, c'est clair. Et, au niveau des plaintes qui sont déposées à la CDPDJ, donc, nous, on dit juste : Faisons attention, il faut être prudent quand on fait ce genre de jeu de juridiction là. Et il ne faut pas oublier une chose, c'est que le harcèlement sexuel, il en existe un, recours, alors... Puis vous l'avez dit vous-même, la jurisprudence, également, de la CRT et du TAT l'a reconnue, la présence de harcèlement sexuel depuis 2008. Alors, c'est aussi quelque chose qui est déjà là, hein?

Puis vous me demandiez : Est-ce que le harcèlement sexuel est inclus dans le HP? Je vous cite la jurisprudence de la CRT puis du TAT, ils l'ont dit clairement, que, s'il y a une situation de harcèlement sexuel, bien, généralement, ça va être, évidemment, aussi une situation de harcèlement psychologique, là. Puis je ne veux pas faire une affirmation, là, générale, là, mais disons qu'il y a des cas très précis de jurisprudence qui l'ont illustré de façon très claire, puis ça va continuer à se faire. Il va continuer à y avoir des causes qui vont avoir un peu une intersectionnalité.

Et nous, nos plaintes, on a beaucoup de plaintes en milieu de travail. On n'est pas la Commission des normes du travail, mais c'est normal. Pourquoi? Parce que le milieu de travail est un milieu où, effectivement, il y a de la discrimination : 18.1, 18.2 de la charte, les questionnaires médicaux préembauche, les antécédents judiciaires, je veux dire, on est constamment impliqués dans des dossiers qui mettent en cause le milieu de travail. Alors, c'est pour ça qu'on vous appelle, puis nous... moi, le message que je veux vous envoyer, c'est un message qu'il faut que le législateur demande à ses organismes administratifs, qui sont la CDPDJ puis la CNESST, de collaborer puis de travailler ensemble pour protéger les travailleurs, parce que c'est ça, l'objectif.

Mme Vien : Alors, justement, vous me parlez de collaboration entre la commission des normes, l'équité salariale, santé, sécurité et la CDPDJ. Nous, déjà, dans notre projet de loi, on a introduit un mécanisme demandant à la CNESST de vous informer, là...

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait.

Mme Vien : Bon, est-ce que c'est correct, ça? Est-ce que c'est...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est un pas dans la bonne direction. Nous, on vous dit juste : Ce qui serait idéal, c'est que le principe de collaboration avec les entités soit inscrit plus formellement à 37, pas nécessairement juste un avis, mais vraiment un mécanisme de collaboration.

Maintenant, je ne suis pas légiste puis je vais laisser le travail... puis ce n'est pas le rôle de la commission d'écrire la loi, c'est juste de vous dire, tout comme on le mentionne dans notre mémoire, puis je l'ai mentionné dans mes commentaires d'entrée de jeu : Nous, ce qu'on veut, c'est vraiment qu'il y ait une collaboration puis qu'il y ait potentiellement une passerelle dans les deux sens aussi parce que ça nous arrive, des fois, de fermer des dossiers puis de les envoyer à la CNESST, mais le vice-versa, il peut être vrai. La CNESST qui reçoit un dossier que la personne a fait une plainte puis elle est hors délai, après... admettons, elle a déposé une plainte en HP de 95 jours, bien, qu'est-ce qui empêche la CNESST d'envoyer le dossier à la CDPDJ? Nous, notre prescription, c'est trois ans. Comme ça, l'idée, encore là, rappelez-vous, l'idée-phare, là, c'est que le salarié, le travailleur, la travailleuse, là, ils ne sont pas laissés dans un vide de juridiction, ils ne se font pas dire par une entité administrative de l'État : Ah! désolé, vous êtes hors délai.

Mme Vien : Est-ce que j'ai bien compris qu'au niveau du délai de la prescription ce serait une bonne idée de l'augmenter?

M. Tessier (Philippe-André) : La prescription de la...

Mme Vien : Bien, c'est-à-dire que... de permettre — je m'excuse, je me suis mal exprimée — à une victime d'avoir plus de temps pour...

M. Tessier (Philippe-André) : Pour le HP? Pour le harcèlement psychologique?

Mme Vien : Oui, oui.

M. Tessier (Philippe-André) : Ça ne fait pas l'objet de notre position.

Mme Vien : À moins que je vous aie mal compris tout à l'heure, là, vous me parliez du 90 jours ou trois ans.

M. Tessier (Philippe-André) : Moi, je vous dis juste que... Moi, je prends le 90 jours pour ce qu'il est aujourd'hui, là, puis je n'ai pas vu de modification...

Mme Vien : D'accord, c'est moi qui ai mal saisi.

M. Tessier (Philippe-André) : Le trois ans de la charte, c'est notre délai de prescription à nous.

Mme Vien : D'accord.

M. Tessier (Philippe-André) : Le 90 jours, c'est le délai de prescription prévu pour la CNESST pour déposer une plainte en harcèlement psychologique.

Mme Vien : C'est ça. O.K., parfait.

M. Tessier (Philippe-André) : Je n'ai pas vu de modification en ce sens-là.

Mme Vien : Non, non, pas du tout, non plus.

M. Tessier (Philippe-André) : D'accord.

Mme Vien : C'est moi qui vous ai mal...

M. Tessier (Philippe-André) : Je suis désolé.

Mme Vien : Non, il n'y a pas d'offense, cher monsieur. Merci beaucoup. Pour l'instant, pour moi, ça va conclure pour tout de suite. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme la ministre. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle, avec le député de Beauharnois.

M. Leclair : Merci, M. le Président. Alors, merci, mesdames, merci, monsieur, d'être là. Je crois qu'on aurait besoin de deux, trois heures pour vous questionner parce que votre mémoire touche à énormément de points, bien entendu, alors merci d'apporter certaines précisions.

J'y vais avec une première question. D'autres groupes nous ont parlé, face au harcèlement sexuel, de dire que la définition devrait être beaucoup plus claire, mieux définie dans les normes du travail. Donc, qu'est-ce que vous en pensez, de ça? Si on dit : Est-ce que ce n'est que... Je comprends, là, j'aurai d'autres questions sur la structure, mais, sur la définition, j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous trouvez qu'elle est claire? Est-ce qu'on va...

M. Tessier (Philippe-André) : Comme vous l'avez entendu dans mon propos, je pense que, pour nous, l'enjeu, ce n'est pas l'enjeu de la définition du harcèlement. La définition du harcèlement sexuel discriminatoire, elle est définie par des jugements depuis 1982, depuis les amendements à la charte, c'est assez bien connu. La notion de harcèlement psychologique, également, est définie depuis 15 ans de jurisprudence, est assez bien connue. Ce qui arrive, c'est quand on mélange deux concepts ensemble. C'est là où ça peut être un peu plus compliqué et c'est là où je vous dis, je dis au législateur : Faites attention, des fois, hein, le mieux, c'est l'ennemi du bien. On vient mélanger deux concepts, et là on peut donner beaucoup de plaisir aux juristes, mais peut-être moins de plaisir aux citoyens.

M. Leclair : O.K. Dites-moi, la collaboration entre la CNESST et la CDPDJ, vous... Croyez-vous que la CNESST, elle, elle fait le bon travail face à ces plaintes-là ou vous dites : Ça devrait être un autre créneau, mieux défini, plus clair?

M. Tessier (Philippe-André) : Je pense que tous les organismes administratifs, incluant la CDPDJ, peuvent s'améliorer, et c'est le dialogue que j'ai amorcé, d'ailleurs, avec Mme Oudar, la P.D.G. de la Commission des normes, de l'équité, de santé et de sécurité au travail. Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait plus de collaboration entre les organismes, plus de formation, plus d'échange d'information pour qu'effectivement les salariés soient mieux protégés, alors... puis je veux dire... et eux peuvent nous apprendre, et nous, on peut les aider. C'est réciproque, là, ce n'est pas à sens unique, cette collaboration-là.

M. Leclair : Mais là on parle avec... Actuellement... puis on parle, dans un futur assez rapproché, d'un nouveau projet de loi. Alors, vous, de vos yeux à vous, vu qu'on manque de temps, on ne pourra pas aller en pleine largeur sur la restructuration complète des normes. Si on s'y base, avec qu'est-ce qu'il y a dans le projet de loi, à tort ou à raison, on dit : Pour que ça soit fonctionnel, là, à partir, là... dans un mois, dans deux mois, dans trois mois, qu'est-ce que vous souhaitez qu'il soit corrigé? Vous avez parlé des transferts de dossier, et tout ça.

M. Tessier (Philippe-André) : Nous, pour ce qui est... ce qui est important, là, c'est qu'il faut que le législateur envoie un message, à l'article 37 — c'est dans notre mémoire — qu'il y ait une collaboration des mécanismes efficaces de collaboration entre les entités. Puis par la suite, bien, ces organismes administratifs là sont dotés d'une certaine autonomie administrative, puis ont des gens compétents et qualifiés pour faire des ententes qui sont des ententes administratives de collaboration. La CDPDJ a déjà ce genre d'entente là, par exemple avec le Curateur public, en vertu de l'article 75 de la charte. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, là, des ententes de collaboration des organismes administratifs. Au contraire, ça devrait être... dans un État, au XXIe siècle, qui ne fonctionne pas en silo, mais qui forme un parapluie de protection sociale pour les salariés, pour les travailleuses... bien, c'est un peu l'idée que je vous soumets.

M. Leclair : O.K. Si je résume, on ne dit pas de changer toute la structure au complet, mais de dire... une meilleure collaboration linéaire, mais là, au moins, on aurait plus d'info.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, on se comprend.

• (10 h 30) •

M. Leclair : O.K. Vous parlez, dans votre mémoire, à la page 56, de confidentialité. Donc, est-ce qu'on vit des problèmes lorsqu'il y a des transferts de dossiers de la CNESST à vous ou le contraire? Est-ce que vous avez des craintes? Vous n'êtes pas les premiers à nous parler de l'aspect confidentiel, donc j'aimerais vous entendre face à ça.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, c'est sûr qu'à toutes ces questions-là, lorsqu'on parle de plaintes, il va falloir, encore une fois, que les organismes que sont la CDPDJ et la CNESST développent un protocole très clair pour assurer la confidentialité puis assurer aussi l'information puis le consentement des personnes, hein, il va falloir être très transparents par rapport à ce processus-là.

Moi, ce que je peux vous dire pour ce qui est de la confidentialité, c'est qu'il ne faut pas oublier également... Puis là, je veux dire, l'idée maîtresse de la collaboration... Présentement, les mécanismes font en sorte que, d'un côté, des fois la CNESST va cesser d'agir dans un dossier parce que le dossier est prescrit ou la personne n'est pas un salarié au sens de la Loi sur les normes du travail, mais ne va pas nécessairement transférer... ou il n'y a personne qui va juste dire au salarié : Bien là, vous pouvez aller à la CDPDJ, parce que le fait d'être salarié ou non, à la CDPDJ, ce n'est pas grave. Nous, on est... La charte vise l'ensemble des relations, que ça soit d'emploi ou autres, atypiques, les artistes, peu importe le travail atypique, donc la charte est beaucoup plus inclusive de ce point de vue là parce qu'elle ne vise pas juste les salariés.

Alors, juste pour ça, que cette communication-là se fasse... Moi, de mon côté, en vertu de l'article 77 de la charte, encore une fois, ce que l'article dit, c'est que, quand il y a un autre recours équivalent basé sur les mêmes faits devant un autre organisme, je peux fermer le dossier. Mais ce qu'on fait, nous, à ce moment-là, c'est qu'on essaie, dans la mesure du possible, d'informer le plaignant, d'informer la victime en disant : Vous êtes allé à la CNESST, voici ce qui se passe. De facto, il y a déjà une collaboration, si on veut, implicite qui existe. Moi, ce que je vous dis, c'est que, pour assurer une véritable protection, il faut qu'elle soit explicite, il faut qu'elle soit normée, il faut qu'elle soit écrite puis il faut que ça soit une passerelle claire puis compréhensible pour tout le monde, employeurs et employés.

M. Leclair : O.K. Du coq à l'âne, je passe aux agences. Parlez-moi... On a entendu, on a questionné beaucoup de groupes sur le fait des ententes ou des responsabilités tripartites, là, face au gouvernement, à l'agence, le travailleur, celui qui embauche. J'aimerais avoir votre vision des choses. La ministre, dans le projet de loi, dit : Bien, on va partager la responsabilité. Alors, je veux vous entendre sur ça parce que, lorsqu'on dit, exemple...

M. Tessier (Philippe-André) : Sur la solidarité, par exemple, vous parlez?

M. Leclair : Oui, exact. Puis, même si on parle d'appliquer au minimum les normes du travail, donc, qui est...

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, oui, mais, comme vous avez vu, on salue ces amendements-là. Là, on est tout à fait favorables, par exemple, à la notion de solidarité pour ce qui est des plaintes pécuniaires. Ça, on est tout à fait favorables à ces mécanismes-là. Alors, oui, ça, on voit ça d'un bon oeil. Je m'excuse si je saisis mal votre question.

M. Leclair : Non, non, mais c'était pour avoir votre point de vue. Vous ne l'aviez pas spécifié dans votre mémoire.

M. Tessier (Philippe-André) : O.K. Oui, oui, on est très favorables à la chose, là, oui.

M. Leclair : Je veux vous entendre aussi... On a entendu plusieurs groupes... Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Trois minutes.

M. Leclair : O.K. On a entendu plusieurs groupes nous parler des cinq jours à l'avance qu'on met dans le projet de loi. Puis là, bien, certains créneaux, le monde récréatif, le monde touristique, le monde de la restauration, eux, ils disent : Bien, pour nous, c'est complexe à faire. Puis là, après ça, on entend tout l'autre pan qui dit : Là, écoutez, là, on est en train de sensibiliser les gens qu'il faut responsabiliser les entrepreneurs, responsabiliser les gens que la famille, c'est important, donc il faut avoir une cédule à l'avance. Alors, qu'est-ce que vous répondriez, si vous seriez législateurs, à ces gens-là qui sont dans ce milieu-là, alors qu'on comprend... Je pense, l'intention de la ministre est bien en arrière de ça, dire : Regarde, la conciliation travail-famille, c'est d'actualité, c'est là, ça va être là encore dans le futur. Je voudrais vous entendre.

M. Tessier (Philippe-André) : Ma réponse est fort simple, ajoutez les situations de famille à l'article 10 de la charte puis vous venez de régler le problème parce que vous allez avoir une approche contextuelle, individualisée à chacun des cas, qui va faire en sorte que, par exemple, si quelqu'un se retrouve pénalisé ou injustement défavorisé à cause du fameux cinq jours, ou trois jours, ou quatre jours — ça, c'est le législateur, dans sa grande sagesse, qui va décider de mettre la ligne en quelque part dans le sable — la charte, elle, elle va venir prévoir un mécanisme d'accommodement qui va faire en sorte qu'il va y avoir une souplesse.

Donc, vous, vous avez un travail, comme législateurs, de venir mettre une ligne dans le sable, et la charte, en arrière... C'est ça, la beauté de la charte, c'est qu'elle va venir, des fois, pour assurer une pleine égalité entre les citoyens, moduler, des fois, ces questions-là puis elle va venir donner un petit peu de souplesse à un écrit législatif qui, des fois, peut peut-être manquer de souplesse dans le cas par cas — puis je dis ça parce que ça s'applique dans bien des lois, les lois sont faites en fonction d'un certain cadre — puis les motifs prévus à 10 vont venir donner un petit peu de souplesse puis un petit peu de jeu aux employeurs, tout comme aux salariés, pour assurer une pleine égalité. Alors, par exemple, vous avez donné l'exemple, là, dans l'entreprise, en récréatif, mais lui, sa contrainte excessive, ce qu'il va venir dire, c'est : Compte tenu de la nature de mes obligations envers ma clientèle, bien, moi, ça, ça va être ma contrainte excessive. Donc, il va y avoir ces jeux d'arbitrage là qui vont se faire, mais dans un cadre beaucoup plus individualisé. Parce que vous me donnez... Il y a plein de groupes, il y a plein de cas individuels. L'article 10, c'est ça qui est le fun, c'est qu'il individualise, il répond à la question.

M. Leclair : Mais, tu sais, je le regarde sur un autre angle, on dit : Les gens qui ont une convention collective, la majorité des gens ont des conditions de travail, au minimum, avec les normes, et sinon, beaucoup plus souvent, au-delà des normes. Où est-ce que la ministre et où est-ce que les normes du travail sont faites pour, c'est de dire : Bien, ceux qui n'ont pas de protection, regardez, c'est le minimum. Donc là, on part de loin, là, on part des gens qui veulent abuser de l'autre, puis blablabla.

M. Tessier (Philippe-André) : Mais, dans notre mémoire...

M. Leclair : Donc, même si on change l'article 10, ces gens-là, là, dans la vraie vie, on les défend-u vraiment, autre que juridiquement, là?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, je veux dire, oui, je pense que, quand on envoie des... quand le législateur envoie des messages clairs qu'on modifie la charte, je pense que c'est un message qui, quand même, est entendu, et puis c'est sûr que les gens qui conseillent les employeurs l'entendent, ça aussi. Donc, c'est sûr qu'il y a cet élément-là qui est important.

Sur le cinq jours, vous l'avez vu, notre position dans le mémoire est très claire. On ne prend pas position sur le cinq, le quatre, le six, ce qu'on vous dit juste, c'est que ce n'est pas le salarié qui a à subir le fardeau de cette question-là parce qu'effectivement, si c'est l'employeur qui change d'idée, il faut faire attention que... Là, c'est l'employé qui, lui, avait prévu son horaire, avait prévu sa gardienne, sa garderie — les familles monoparentales — le beau-frère qui vient garder, et tout, puis là, à trois jours d'avis, il se fait dire : Ah! désolé, tu ne travailles pas. Bien là, cette personne-là, si elle avait besoin de ce chèque de paie là cette semaine-là... C'est ça, il faut faire attention à cet effet pervers là du droit de refus en vertu des cinq jours, et c'est là-dessus que nous, on vous avise.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'opposition. Alors, j'invite M. le député de Chutes-de-la-Chaudière à prendre la parole.

M. Picard : Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être là, messieurs dames. Votre recommandation 17 concernant les clauses orphelin, 17, 18, 19, là, la non-rétroactivité... mais je voudrais avoir des explications sur... lorsque vous dites qu'on devrait prévoir que ça soit les termes «accomplissant un travail équivalent», parce qu'on a reçu des gens... Nous, on dit «le même travail», là, dans le projet de loi, puis il y a une non-rétroactivité, mais vous ne pensez pas que, là, on ouvre encore beaucoup, beaucoup plus large, «un travail équivalent»? En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus, là, pour voir.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, est-ce qu'on ouvre plus large? Je veux dire, ce qu'on fait, puis c'est aux pages 64 et 65 de notre mémoire... Donc, vous l'avez vu, hein, la Loi sur l'équité salariale prévoit un travail équivalent. Donc, ce qu'on dit juste au législateur, c'est qu'il y a des termes qui sont utilisés auxquels il faut être sensibles. Il faut qu'il y ait une certaine cohérence de rédaction législative puis que les principes applicables soient les mêmes dans un cas comme dans l'autre.

Donc, c'est sûr et certain que, pour nous... L'autre élément, également, l'article 19 de la charte le prévoit, hein : «Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.» Ça, l'article 19, c'est la genèse de toute la réflexion sur les clauses orphelin, sur les clauses de disparité de traitement. Alors, nous, évidemment, notre mandat, en vertu de la charte, c'est de dire : Le législateur... L'article 19, qui est la genèse de toute l'oeuvre utile, parle de travail équivalent, la Loi sur l'équité parle de travail équivalent, peut-être que vous voulez que la Loi sur les normes dise la même chose que la charte puis la Loi sur l'équité salariale, respectueusement soumis.

• (10 h 40) •

M. Picard : Oui, c'est correct. Non, c'est beau. Non, c'est parce que moi, j'ai présenté un projet de loi, puis la juriste qui l'a rédigé, on parlait plutôt des «mêmes tâches», puis probablement que c'est la même chose du projet de loi que la ministre propose, mais je comprends.

Autre petite question. Nous avons eu certaines personnes qui sont venues nous dire qu'on devrait mieux former, mieux sensibiliser les employés de la CNESST, et également des personnes chez vous disant : On est... Ils ne se sentaient pas toujours bien compris, je vais dire ça comme ça, là. Ils arrivaient avec... puis dire... ils vivaient du harcèlement sexuel, puis là ils avaient des... En tout cas, avez-vous fait un travail... avez-vous prévu quelque chose ou vous nous dites : Non, tout va bien puis... Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, tout simplement.

M. Tessier (Philippe-André) : Moi, je peux vous dire que, depuis que je suis en poste, on a une page, sur notre site Web, qui est dédiée au harcèlement sexuel, et j'invite les gens qui nous écoutent ou les députés d'aller consulter cette page-là. Elle fait référence à l'ensemble des possibilités qui s'offrent à une victime de s'adresser à différents endroits, à différentes places, à différents organismes. C'est complexe, pour un juriste, des fois, d'arriver à l'externe et de dire : Quel est le meilleur endroit pour toi, dans les circonstances x de ton dossier, d'aller à tel endroit, hein?

Alors, je fais juste vous dire que la formation continue de notre main-d'oeuvre, de nos employés, c'est sûr que c'est nécessaire. Cela dit, c'est des mécanismes qui ne sont pas simples, c'est des mécanismes complexes et ça prend un travail, que ça soit la Commission des normes ou que ça soit pour nous, de formation puis de s'assurer que notre personnel est tout le temps au courant des derniers amendements. 151, à l'automne, a été adopté en décembre pour ce qui est des établissements universitaires. Là, on parle de modifier la Loi sur les normes du travail, alors, évidemment, le législateur, aussi dans sa sagesse, ajoute des éléments, et là, nous, après ça, il faut revenir en arrière pour former.

Donc, c'est sûr et certain que ce défi-là, il interpelle tous les organismes publics, et c'est pour ça que je reviens sur le mécanisme de passerelle et de collaboration entre les organismes. Pour moi, c'est ça aussi, je le dis dans le mémoire, là, il y a un échange de formations, il y a un échange de bons procédés, un échange de bonnes pratiques qui peut se faire, et ça, bien, ça va aider et la CNESST et nous parce que, si on se parle, on va mieux se comprendre, on va mieux savoir comment ils traitent un dossier, on va être mieux à même de conseiller le citoyen qui vient cogner à la porte chez nous, hein?

Moi, je siège au forum sur l'accès justice civile et familiale, qui découle du rapport Cromwell. C'était présidé par la juge en chef Corte, de la Cour du Québec, et maintenant c'est Me Claudia Prémont, l'ancienne bâtonnière du Québec. Et l'idée maîtresse du rapport Cromwell pour l'accès à la justice, là, c'est de dire que le citoyen doit toujours cogner à la bonne porte et c'est de dire : Il faut trouver une façon pour que des organismes administratifs et que l'État fassent en sorte que le citoyen, peu importe la porte à laquelle il cogne, il est à une bonne porte, puis on va le diriger au bon endroit, et ça, c'est un peu le sens aussi de mon message.

M. Picard : Est-ce que vous pensez qu'on devrait peut-être uniformiser les délais ou que ça soit tout le même délai? Parce que les gens, qu'est-ce qu'ils nous ont dit, bien, des fois, quelqu'un qui... ce n'est pas le même délai, il peut l'échapper, pour le 45 ou le 90, par rapport au nombre d'années, là.

M. Tessier (Philippe-André) : La commission n'a pas pris position sur ce sujet-là, il n'est pas devant vous. Maintenant, est-ce que d'avoir un délai qui est plus... disons, une meilleure information sur les délais puis un délai qui est peut-être plus compris de tous et de toutes... Maintenant, je sais que la Commission des normes a fait beaucoup de travail d'information sur les délais de 45 jours et de 90 jours. Évidemment, déjà là, en partant, il y a deux délais, mais ça, je vous avouerai que je laisse le tout à votre appréciation.

M. Picard : Merci. Votre recommandation 5, vous nous dites : «La commission recommande d'amender l'article 15 [...] afin d'ajouter, à l'article 79.1 de la LNT, l'absence pour cause de violence à caractère sexuel.» Selon votre expérience, est-ce qu'il y a eu un certain nombre de cas qui ont été portés à la connaissance de la commission? Parce que, là, on parle de congé, là, d'absence, 79.1, de 26 semaines par période de 12 mois. Je veux juste savoir d'où vient... Oui?

Le Président (M. Reid) : Il faudra une réponse dans les 10 secondes.

M. Picard : 10 secondes?

M. Tessier (Philippe-André) : Personnellement, je ne suis pas au courant d'un cas individuel, je suis désolé. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Du côté gouvernemental, il restait quelques minutes. Ça va? O.K. Alors donc, merci beaucoup pour votre présence et votre présentation.

Nous allons maintenant suspendre les travaux de la commission pour quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 47)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous voulons saluer les invités de la World Association of Icehockey Players Unions, qu'on pourrait traduire par l'association mondiale des syndicats de joueurs du hockey sur glace. Welcome to the National Assembly of Québec.

Alors, nous allons procéder par un exposé, vous allez faire un exposé d'une dizaine de minutes. Et, étant donné que l'exposé va être en anglais et que les échanges, par la suite, seront en anglais et en français, nous aurons la traduction simultanée. Je pense que tout le monde sait comment se servir des appareils. La seule précaution qu'on me demande de vous donner, c'est qu'il faut faire attention que les écouteurs ne soient pas trop près, quand ils sont branchés, des micros pour ne pas faire des sons incongrus.

Alors, nous allons commencer par vous donner la parole. Je voudrais vous demander de vous nommer et de nommer les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.

World Association of Icehockey Players Unions, division
North America (WAIPU, division North America)

Mme Slater (Sandra) : Hello everyone. I'm Sandra Slater and I'm president of the World Icehockey Players Unions, North American Division, also known as WAIPU North America. We're here today to speak out against Bill 176 as it pertains to athletes in the proposed amendments.

I'd like to address one critical issue that happened on last Friday, the 28th. WAIPU received a letter from the lawyers representing the QMJHL. This letter was an attempt to threaten us not to speak out today and to remove two videoclips from the WAIPU North American website. These videos were from the Portland, Oregon State Senate meeting on the exact same bill that you guys are hearing today. The two young men played for the WHL, and it was kind of instrumental... the testimony was instrumental in the Portland Senate's decision not to pass the bill. So, we were going to have more people with us today, but we didn't want to expose them to any threats, or intimidation, or possible litigation against them, so you're going to just listen from the three of us.

• (10 h 50) •

So, we want the Québec Government to reconsider rewriting this bill to clearly identify QMJHL players as professional ice hockey players and employees of the member clubs. This as well will allow the Québec Government to uphold an 18-year-old Canadian federal appeals court ruling that classifies the players of the CHL as employees of the member clubs and that hockey is a business. We are here today because of the courageous young players, men of the CHL-QMJHL, who have sued their employers for minimum wage violations. All the class action lawsuits filed by the players have been certified and held up under appeals courts, with the exception of Québec, where the players and employees are waiting for a court date. You'll hear today from lawyer Chloé de Lorimier, who will speak out on the legal issues associated with Bill 176 as is. You'll also hear from Brandon Hynes, a former player, and his fight for education payments.

In section 2 of your package, we have submitted an important study done by Phil Merrigan, a professor at the University of Québec and an expert on labor and employment economics with Analysis Group Montréal. This study not only points to the negative effects of the educational system within the CHL by statistics, but also surmises the Québec Government and taxpayers would benefit allowing the Government to obtain additional funding that would subsidize the cost of all students' education within the Province of Québec. In this package, we have proven to you that the CHL is a member of Hockey Canada and not a partner. This is stated by the CHL in the paperwork submitted.

We have also provided you with internal documentation from the CHL and QMJHL, which includes contracts, T4 slips, work visa, government registration, Hockey Canada bylaws and lease agreements, all which prove the CHL is a professional ice hockey league and not an amateur league. It's very important that you understand their complex scheme association.

Also, we want you to understand that the NHL-CHL agreement... The NHL is a multibillion-dollar business, and they stand to profit from this bill change as well. They currently contribute approximately 0.11% of their operational budget to the CHL to help train the young players for the NHL, and the CHL has admitted that the number... to the NHL for players. In this, they restrict players in the league under the age of 20, limiting them to $60 a week rather than earning a salary that they could... in the NHL or the ECHL.

In section 2 of the package, we submitted a study... Oh! I think I've already... Oh! yes, OK, sorry, let me come back. OK.

The CHL and its members are attempting to circumvent labor laws and civil litigation procedures. The CHL wants to appear as an amateur club to avoid paying employees as well as mitigate possible losses in the event that class action lawsuits are won. If Hockey Canada, who classifies itself as the governing body of hockey in Canada, does not recognize the CHL as a member club nor recognize the level of play as amateur or student athletes, no government at any level should want to amend a law that would classify the CHL-QMJHL as anything different from what their own contracts state and courts have already ruled on.

Past and current players should be consulted on this bill. To the best of my knowledge, there's been one meeting with the players on this topic in Québec City, and at that time the players did not agree with the bill change, and there's never been a formal follow-up done.

The facts before you show an extremely flawed, but brilliant business model that generates, every year, an estimated $300 million in total revenue for the CHL owners, but no one is paying any money to the talent, the main attraction : the players. Yet, owners, directors, staff receive salaries and bonuses totalling in millions of dollars. The business model displaces young men away from their homes at a very young age of 15 to 16, and they get traded, and every time they trade, they have to transfer into different schools, and this happens quite frequently.

As well, we'd like you to consider this : the players of the QMJHL do not agree with this bill because thousands of players, not only in Québec but across Canada and into the United States, are suing their employers for lost wages.

We have added two PowerPoint presentations within this documentation. Sorry for the many pages, but we had to do it. And that's about all I really have to say at this point and I'm going to lend it over to Brandon, who is a player.

M. Hynes (Brandon) : Dear honorable Québec National Assembly, my name is Brandon Hynes. In 2008, at the age of 15, I was a third overall draft pick to the Victoriaville Tigers. So, what really drove myself and my family to sign with Victoriaville? In the year 2007, my mother became very seriously ill, spending 260 days in the hospital, with a very slim 3% chance to live. Somehow, through a miracle, she survived, and she was obviously on disability for the rest of her life, and we all know that doesn't pay well, so this drew us to inquire a contract with Victoriaville. And that contract, because I was drafted third overall, added, in addition, $12,000 to my education package, which totaled $28,000 over five years, and this was going to seal the deal.

So, from 2008 to 2013, I spent five long years on buses traveling Québec and the Maritimes. And on these days, we were never told we had to go to school, there was no such thing as going to classes on the bus or pursue any education, if you will. When we played at home, there was no demand to go to school. So, I mean, we played 70 games of hockey, that's a lot of days you're not in school. So, let's just say I had instructors that spoke the English language, but were not quite qualified to get me a high school education. So, from there, I was left to pretty much google «how to graduate high school» and, to me, that's not how you look out for a kid's future. It's not what I was offered and it's not what I was promised.

So, from there, after I ended up at home, I had to upgrade my high school, and that also resulted in myself paying for my own education. So, then I go back to my contract, and my contract, in clause 4.5, says : You can play one year professional hockey and still be eligible for both QMJHL and Victoriaville scholarships for education. I then decided, at Christmastime, halfway through my first year, to pursue my guaranteed education, and I crossed my t's, I dotted all my i's, and that was not the case. The door was seemingly slammed to my face, I was ignored. I sent e-mails, interaction with teams and the league, and there were no responses. There was also a payment plan submitted via e-mail that was never ever followed out. So, here I am, left with my own $15,000 line of credit plus my parents' $15,000 line of credit just to get me through education. I graduate next week, and that's something to be proud of, but that's not something to be proud of also, when 35% of players only get their education package.

So, on that note, I want everybody to know that my contract was altered. And it seems to me like you would need a PhD to understand these contracts, even at 25. At 15, I had just seen the numbers and I was encouraged to play hockey. So, from there, I'd ask the question : How is this in any player's best interest? Thank you for your time.

Mme de Lorimier (Chloé) : Bonjour, chers parlementaires. Merci de nous accueillir à l'Assemblée nationale du Québec. C'est pour moi un privilège et un honneur de vous parler.

Alors, je prendrais le temps que j'ai aujourd'hui, en fait, pour vous convaincre d'éliminer l'article 1 du projet de loi n° 176, qui vise à exclure un athlète dont l'appartenance à une équipe sportive est conditionnelle à la poursuite d'un programme de formation scolaire.

En fait, j'aurai trois arguments, le premier étant que la Loi sur les normes du travail est une loi publique de direction, personne ne peut consentir à s'y exclure. Par ailleurs, cet article, en fait, crée une discrimination envers les étudiants. Par ailleurs, cet article du projet de loi crée un système cacophonique, voire arbitraire et aléatoire par rapport à certains clubs de hockey junior majeur, notamment.

Alors, relativement à l'objectif de la Loi sur les normes du travail, l'objectif est celui de protéger ceux qui n'ont pas de convention collective principalement, mais également, de manière générale, les travailleurs les plus vulnérables. La Loi sur les normes du travail, à nouveau, loi d'ordre public de direction, adoptée dans l'intérêt général de la société, dans l'espace législatif québécois, il s'agit d'un véhicule majeur de protection des travailleurs. Nul ne peut consentir à s'y exclure, tel que je le disais. On considère donc, effectivement, que cet article de loi ne cadre pas dans la Loi sur les normes du travail et dans l'ensemble du paysage législatif québécois.

Également, le choix du législateur d'adopter l'article 93 de la Loi sur les normes du travail tend plutôt à nous convaincre qu'on veut augmenter le niveau de protection des salariés non pas à diminuer la protection offerte par la Loi sur les normes du travail. Par ailleurs, on considère donc, effectivement, que l'ensemble de ce que je viens de vous dire là est incompatible avec l'esprit de la Loi sur les normes du travail, en fait, d'exclure un athlète dont l'appartenance à une équipe sportive est conditionnelle à la poursuite d'un programme de formation scolaire. L'article 1 du projet de loi n'est donc pas justifié, puis ses conséquences, inacceptables, outrepassent les aspects positifs de cet article.

Le Président (M. Reid) : Il reste encore quelques secondes.

• (11 heures) •

Mme de Lorimier (Chloé) : Oui, alors, écoutez, je veux également vous dire que ça crée une discrimination indirecte. On comprend que le statut d'étudiant a été reconnu par la Cour d'appel en 1988 comme étant une condition sociale. Donc, je veux vous dire qu'il s'agit d'une discrimination indirecte lorsqu'on vise quelqu'un sur sa condition sociale. Il faut viser vraiment les effets de la loi et non pas uniquement ses objectifs. On peut considérer alors qu'il s'agirait d'une discrimination indirecte. On peut comprendre, là, notamment, qu'un joueur... Alors, quelqu'un qui ferait la même fonction, le même emploi, aurait le même employeur, quelqu'un qui serait étudiant n'aurait pas les mêmes droits que quelqu'un qui ne le serait pas, là, dans le cadre, notamment, de la ligue junior majeur. Alors, pour toutes ces raisons, on vous demande, en fait, de ne pas adopter l'article 1 du projet de loi n° 176.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange, et nous commençons avec le côté ministériel. Mme la ministre.

Mme Vien : Merci beaucoup à vous trois de vous être déplacés à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Je vais fermer ça pour être certaine qu'il n'y ait pas de... Bien non, c'est vrai, je vais peut-être en avoir besoin pour vous écouter. Alors, merci d'être là aujourd'hui.

Évidemment, c'est un sujet sur lequel on s'est beaucoup penchés, et on se rend compte aussi que cette question-là que nous amenons n'est pas une question exclusivement réservée aux joueurs de hockey de la Ligue de hockey junior majeur, en ce qui nous concerne, du Québec, là. Mais, bien évidemment, ce que nous souhaitons, c'est de faire en sorte qu'on puisse aussi protéger les équipes dans lesquelles jouent des étudiants, par exemple, le sport universitaire amateur, hein? On n'a qu'à penser, chez nous aussi, au Rouge et Or, là, qui est... des équipes sportives de très, très haut niveau, bien sûr, universitaires. Mais on craint ici, au Québec, que de faire autrement, ça pourrait venir mettre en péril ces équipes sportives.

Par ailleurs, nous ne sommes pas les premiers au Canada à agir dans ce sens-là, plusieurs provinces avant nous ont décidé d'emboîter le pas. Aux États-Unis, il y a l'État de Washington, mais ici, au Canada, il y a la Colombie-Britannique, il y a la Saskatchewan, il y a le Manitoba — avec des nuances, là, évidemment, qui leur sont propres — le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, et s'ajoutera le Québec, si les parlementaires vont dans le sens des propositions que nous faisons. Vous êtes bien conscients qu'on s'inscrit dans une mouvance qui est canadienne?

Mme Slater (Sandra) : So, I'll answer? So, yes, we're aware of that. But, when they changed the law in the Maritimes, it was for junior hockey, not major junior hockey, and there is a very big difference between the two leagues. Major junior hockey, they're treated and they play as professionals. Junior hockey is not, they are not treated the same way, they don't work with the same budgets, they don't work on the same profit margins that the QMJHL and the CHL do operate on. So, if you look at how they changed the laws, the only government that actually changed the laws was under British Columbia, that changed it exactly as it is, but that is now under review. And the person that changed that law without having this hearing was removed from that position and fired, and that law is up for review again.

So, you need to consider the phrasing within this. It's junior hockey, not major junior hockey. If you look at the Hockey Canada bylaws, you will look in... like, part of this documentation we want you to go through, they have classifications within Hockey Canada for partners and associates. The CHL is not a partner with Hockey Canada, they are an associate, there is a difference there, because they classify them as professionals. They changed the wording in the contracts in 2014 because of the class action lawsuit for $180 million that was levied against them for lost wages. They did that in an attempt to circumvent the possibility of them losing the litigations in the class action lawsuits. And they've all been judged and held up in a court of law. So, you need to go back and review that and understand the difference between junior and major junior hockey.

And we're not arguing the point that athletes should not be protected, student athletes, but these kids are truly not student athletes. They put over 40 hours a week into playing hockey, and schooling is secondary, not the other way around, it's completely different. So, we're asking you to consider the difference between junior and major junior hockey, and the profit margins the teams make, and the budgets they work on. In junior hockey, they work with a $3 million budget; they get over $300 million in the CHL for profits. You need to consider all of this in your decision.

Mme de Lorimier (Chloé) : De surcroît, Mme la ministre, j'aimerais rajouter un commentaire un peu plus juridique. Premièrement, l'ensemble des endroits dans lesquels la mouvance s'inscrit déjà, là, n'ont pas nécessairement tous la même Charte des droits et libertés que ce qu'on a ici, au Québec. Par ailleurs, les lois du travail dans ces autres provinces, notamment, n'ont pas toute la portée que notre Loi sur les normes du travail. Puis par ailleurs ces modifications-là sont récentes dans les autres provinces, notamment, et on n'a pas encore pu évaluer tous les problèmes, toutes les situations relativement cacophoniques dont je parlais, là, qui pourraient éventuellement émaner, là, de ces changements-là, respectueusement.

Mme Vien : Oui, merci beaucoup. Alors, pour le moment, ça va conclure, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme la ministre. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois.

M. Leclair : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup d'être là ce matin. Bien entendu, je vous salue parce que vous représentez le sport amateur professionnel, semi-professionnel mondialement. Donc, j'imagine que les exemples sont durs à comparer, si on prend les gens au Québec, les gens en Ontario, les gens en Europe, les législations sont tellement différentes. Et de tenter d'avoir une ligne qui rassemble tout le monde, bien, je pense que c'est ça que vous tentez de faire, puis je le salue, je le salue, bien entendu.

J'ai un petit peu de misère avec l'enlignement que vous nous suggérez, d'enlever, de biffer complètement l'article 1 parce que, comme l'expliquait la ministre, plusieurs provinces au Canada ont déjà statué, puis on est dans ce sens-là.

Lorsque vous nous dites... vous prenez comme exemple monsieur qui est à votre gauche puis vous dites : Bien, ces gens-là pratiquent leur sport d'une manière intensive, exemple 40 heures, 30 heures-semaine. On comprend, bien sûr, rendu à un certain niveau, c'est le sport... souvent, on pallie travail-études ou sport-études. Mais qu'est-ce qu'on répond aux gens, aux Québécois qui ont venu... je prends l'exemple, ici, du Rouge et Or, qui ont venu... des professionnels, aujourd'hui ils jouent dans la ligue nationale de football, ils ont leur diplôme, ils sont médecins, puis ils ont dit... bien, eux aussi travaillaient 30, 40 heures par semaine à faire leur sport tout en faisant leurs études et, bien entendu, avec des programmes très spécifiques à eux, comme les joueurs de hockey de la ligue junior majeur. La plupart allent aux études, d'après moi, 99 % des gens.

Donc, je vois mal de dire : Les gens sont plus... les étudiants ne sont que des sportifs. J'ai de la misère à vous suivre lorsque vous prenez cette prétention-là. Je comprends que ça occupe énormément de leur temps parce que leur vrai but n'est pas juste d'avoir un diplôme et d'aller travailler dans ce diplôme-là. Leur vrai but recherché, c'est de faire de leur sport qu'ils pratiquent un sport professionnel et d'aller gagner leur vie là-dedans. Mais je pense que toutes les cohortes universitaires, autant collégiales, eux, disent : Bien, on aime bien ça avoir de meilleurs joueurs dans notre équipe. Mais je crois que, depuis quelques années, je dirais les sept, huit, si ce n'est pas les 10 dernières, toutes les équipes, en tout cas de ce que je connais, puis je suis loin d'être un professionnel à votre hauteur, mais les écoles, les cégeps, les universités se targuent et en font une annonce formelle de dire : Nous, nos joueurs terminent leurs diplômes, alors...

Mme Slater (Sandra) : Yes, but that's not the case. We're dealing with high school students, at the age of 15 or 16, signing contracts, who are owned by these leagues. They tell them when to sleep, what to eat, they're not allowed to leave the city unless they give notice. Under labor laws, this is a term for employment.

Now, also, I'm saying again, this is a difference. When there're going to college or university, their focus is on their studies, the sport is a ticket... in the USA, for the NCAA, it's a ticket to get a scholarship, it's not the main focus of the person's reason for being there. These kids are in the CHL with a dream to go to the NHL. Less than 2% of them make it, and this leaves them with no education. Brandon had to get eight more credits at the end and pay for that out of his own pocket, which amounted to about $7,000, because his high school wasn't adequate enough to get him into a university-level program.

So, we're not talking an apple and an apple, we're talking an apple and, like, a pea or an apple and an orange. We're not comparing two of the same things at all. If you want to... We're asking you to amend this to actually make it true amateur athletes and not professionals like these kids, where the focus is on the sport and not on the education. It should be the other way around. These kids end up, 98% of them, at a lower level of pay. And the way that technology is growing... I really encourage you to read Phil Merrigan's... he is... I've got like a 22 page bio on this man, about the study he did using statistics to prove the outcome of their education in the CHL. Their main focus is hockey, it's not school. These kids end up with nothing at the end of it, 98% of them, so it's not the same thing at all.

• (11 h 10) •

M. Leclair : Je n'ai pas regardé les statistiques, vous les connaissez sûrement mieux que moi, mais je vais me concentrer pour le Québec, là. Mais j'aurais aimé voir des statistiques avec un comparable mondial. Mais vous dites : Les statistiques, au Québec, 98 % des joueurs de hockey qui sortent, exemple, de la ligue junior majeur ou du collégial, parce qu'il existe du collégial et universitaire, 98 % sortent sans diplôme. C'est impossible. C'est impossible parce que tu ne peux pas aller à l'université, jouer universitaire puis ne pas y être inscrit. Il fut peut-être un temps, voilà 20 ans, là, je me souviens, c'était peut-être un peu plus cow-boy, là, les gens jouaient collégial, puis faisaient juste une session, puis ne la terminaient pas, mais ils avaient fait la saison du hockey. Mais ça, je pense que c'était quand moi, j'avais 20 ans, là j'ai 50 ans, je pense qu'aujourd'hui c'est plus sérieux que ça.

Alors, votre statistique, je ne veux pas la défier parce que je n'ai pas les chiffres pour la défier, mais, si vous me dites que les statistiques disent : 98 % des joueurs amateurs, semi-pros, puis je parle... là, vous, vous connaissez plus le hockey, bien entendu, mais je regarde football du collégial, universitaire, je ne crois pas du tout cette statistique-là, là.

Mme Slater (Sandra) : Well, it is. I am saying 98% of them do not make the NHL. Even if they're drafted, they still have a lesser chance of making the NHL, which leaves them...

M. Leclair : Sorry, I didn't understand. Moi, je voulais dire : 98% qui sortaient avec pas, pas un diplôme. Je pensais que vous aviez dit ça.

Mme Slater (Sandra) : No, no, they end up not making the NHL.

M. Leclair : O.K. Ah oui, qui n'atteignent pas la ligue nationale. Bien, bien entendu, c'est le rêve de tellement de Québécois et Québécoises, et de Canadiens, Canadiennes, et sûrement de Suisses, d'Européens, et tout. Ça, je comprends ça.

Mais où est-ce que j'ai un petit peu de misère encore à vous suivre, c'est que vous représentez, mondialement... Puis je ne vous enlève pas vos compétences. Je n'ai pas beaucoup... Il n'y a pas beaucoup de gens, au Québec, de sports qui ont venu ici, en représentations, s'asseoir puis dire : On veut être absolument entendus. Les gens disent que le projet de loi... la ministre suit les règles que la majeure partie des provinces ont adoptées. Et vous, vous faites valoir votre mémoire, puis je le comprends bien, puis vous dites : Nous, on n'est pas d'accord pour x, y raisons, puis c'est bien, puis c'est le but d'une commission parlementaire. Ce n'est pas d'avoir tout le monde qui pense comme nous ou contre nous, c'est justement de nous faire éveiller, et faire attention, et lever des drapeaux pour dire : Faites attention, on s'en va peut-être dans quelque chose qui est grave.

Alors, je retiens vraiment, de ce que vous dites, une différence, peut-être, entre, vraiment, un amateur qui est à un niveau peut-être plus postsecondaire ou en secondaire V, qui, quand même, même à ce niveau-là, même s'il joue pour le club de football de sa polyvalente — ça peut être le hockey aussi, là — lui, dans son but, c'est d'aller faire la NFL, là. Lui, il ne se casse pas la tête à dire : Je vais juste aux études puis je veux jouer pour mon école, il a des buts, des visées bien plus loin, et, oui, son intérêt focusse plus sur son sport, bien entendu. C'est le but, je pense, du sport-études, c'est de retenir les étudiants, de mieux les encadrer et leur donner le temps de pratiquer un sport qui va les attacher à l'école.

Alors, moi, je ne veux pas perdre cette vision-là de... Il y a tellement de décrocheurs. On a vécu, à une époque, avec tellement de décrochage. Puis c'est prouvé que le sport-études les maintient là. Alors, si 90 % des joueurs qui ont... malheureusement, on parle des élites, on ne parle pas de tout le monde, mais la plupart reçoivent des bourses, alors...

Le Président (M. Reid) : M. le député de Beauharnois, il reste quelques secondes pour répondre, si vous permettez.

M. Leclair : Excusez-moi, je me suis emporté.

Le Président (M. Reid) : Alors, en 30 secondes.

Mme de Lorimier (Chloé) : Oui. Il y a une petite distinction assez importante, en fait, là. Je vous entends parler de sport-études, effectivement, du Rouge et Or, etc., bien, je pense qu'on parle ici de compagnies privées. Donc, si, notamment, par exemple, pour regarder la belle ville de Québec, Les Remparts de Québec, par exemple, on parle d'une compagnie privée, alors la compagnie vient d'abord, compte d'abord, et ensuite on s'inscrit à l'école, contrairement aux Carabins, au Rouge et Or, etc., où on s'inscrit à l'université, et par la suite le sport vient. Donc, je pense que c'est une distinction majeure à faire ici, là, effectivement, dans le paysage sportif, là, au Québec, notamment.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer, maintenant, au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs. Je me questionne sur qui a l'obligation d'offrir des formations pour les équipes. Je comprends que nous, on... en tout cas, ma compréhension, c'est que les joueurs doivent suivre des formations. Et monsieur nous a dit : On n'a pas de bons professeurs, on n'a pas... en tout cas, ça n'a pas fonctionné, là. Est-ce que c'est parce qu'il y a un manque au niveau des équipes pour fournir vraiment... pour permettre aux jeunes d'avoir des formations puis qu'en bout de piste, bien, malheureusement, s'ils ne font pas la Ligue nationale, bien, ils vont avoir une formation, là?

Mme Slater (Sandra) : So, they go through hard training. They have to work out, they practice every day their games. When they're traveling — Brandon told me they travel for weeks on end — they're not going to school. Most of them do online courses and, if you're an English-speaking person in Québec, they do have a person in that room, but she can't answer their questions. They end up going on Google to find answers. He'd sit home and he was googling Google to figure out how they graduate from high school. So, these kids are coming out with a subpar education, and a lot of them... here's the kicker, a lot of them, when they turn 18... and Brandon told me this, that they end up being told they don't even have to go to school at the age of 18.

M. Hynes (Brandon) : It's their own decision.

Mme Slater (Sandra) : Yes, it's their own decision to go to school. We had another kid from the NHL, another ex-player who said that, in his last year, he only had got three credits. So, these kids aren't going to school full time, and they don't. An average person, they have to classify 15 hours of schooling in order to classify at full time, even at college or university level. These kids aren't doing that. There's a number of these... even when they come in and they're not traveling, their game days, they don't go to school, so this leaves them really struggling afterwards. And, when you consider that 98% of them don't make it, that means 98% are struggling afterwards to get their education.

Brandon was 23 years old before he ended up going back to get his eight credits. And, if you look at Phil Merrigan's study, you can see that, on average, the longer it takes them to get their high school education, the less successful they are, so a lot of them don't go back to school. And, if they get injured, then it's more of a problem for them. So, am I answering the question?

M. Picard : Oui. Oui, merci. Au niveau... Tout à l'heure, madame, vous avez invoqué le fait qu'il y avait une charte des droits ici, au Québec. Est-ce que vous avez demandé un avis juridique ou nous, on devrait la demander à la Commission des droits pour voir si cet article de loi là va respecter la charte?

Mme de Lorimier (Chloé) : Respectueusement, c'est une démarche qui pourrait être entreprise, effectivement. On pourrait vous revenir avec une confirmation à cet effet-là, là. On pourrait vous répondre plus clairement, là, par la suite, suite à la commission.

M. Picard : O.K. Merci. C'est tout pour moi.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Nous allons maintenant passer au... M. le député de Gouin, vous avez trois minutes.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors je vais aller droit au but. J'aimerais que vous expliquiez à mes collègues parlementaires quelle est différence entre jouer, par exemple, pour le Rouge et Or de l'Université Laval en tant qu'étudiant universitaire et jouer pour Les Remparts de Québec, qui sont la propriété de Québecor, ou jouer pour les Wildcats de Moncton, dans la même ligue, qui sont propriété de l'entreprise Irving, hein, des grandes d'entreprises qui ont beaucoup d'argent. J'aimerais que vous preniez le temps que j'ai pour expliquer cette différence fondamentale entre ces deux situations pour des athlètes pourtant à peu près du même âge.

Mme de Lorimier (Chloé) : Bien, premièrement, une... Bien, en fait, le premier, par rapport aux Remparts, c'est un système de repêchage, en fait, donc, comme on connaît, là. Donc, effectivement, lors du repêchage, on ne choisit pas dans quelle équipe on va nécessairement, donc on va où est-ce qu'on a été appelé, là — je ne sais pas si c'est le terme précis, là — et puis à ce moment-là, effectivement, l'inscription à l'école vient par la suite, contrairement à toutes les équipes universitaires institutionnelles qui ont été nommées, là, ici aujourd'hui, où d'abord on s'inscrit à l'université puis par la suite on peut effectivement... tout comme le sport-études, d'ailleurs, où est-ce qu'on s'inscrit à l'école et par la suite vient l'inscription à l'équipe de sport de notre institution. C'est mon commentaire.

M. Nadeau-Dubois : Parfait. Est-ce que vous diriez qu'au sens du code, donc, ces équipes-là ont à peu près le statut d'un employeur pour ces jeunes qui jouent pour leur équipe?

Mme Slater (Sandra) : Yes, and they've actually... court rulings. They stood up on two court rulings for appeals for minimum wages, and those are going through. The only other way that they could do is go to the Supreme Court now to go for another appeal, but the chances of the Supreme Court overruling two appeals is pretty slim.

So, these are for-profit businesses, $300 million a year. Many of the managers, coaches, team owners make millions of dollars from this, but none goes to the players. And even their signing, when they get their pictures taken and autographs, they don't get a piece of any of that either. They're actually signing off in their contracts that they don't own any of it.

M. Nadeau-Dubois : Et est-ce que je me trompe si je dis que la ligue junior majeur du Québec, qui est une des rares ligues de sport de cette taille-là et de ce type-là, qui ne répartit pas les revenus entre les différentes équipes, ce qui fait qu'on a certaines équipes, dont les deux exemples que je viens nommer qui sont propriétés de grandes entreprises qui font énormément d'argent, qui sont très profitables, là — je pense qu'à Moncton ils sont en train de construire un nouvel aréna d'une valeur de 100 millions de dollars — alors que d'autres équipes, dans des beaucoup plus petits marchés, elles, en effet, peuvent être peu profitables et que, donc, même à l'intérieur de la ligue, il y a énormément de déséquilibre, ce qui fait en sorte que certaines équipes sont très profitables et d'autres pas du tout?

• (11 h 20) •

Mme Slater (Sandra) : That is true. And they could do something within their own league to offset any type of minimum wage violations, they could go through profit sharing. The CHL, the Phoenix Coyotes, they were going to go bankrupt. The owners came in, bought the team and now are very successful on their own, making money on it. All they'd have to do with themselves is coming and do some profit sharing; not only that, but go back to the NHL, renegotiate the contracts, instead of 0.11% of an operation budget in the billions, ask them for more money. Right now, they get $79 million for their contract from the NHL. They have to maintain...

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci. Je m'excuse, nous avons déjà dépassé le temps que nous avions. Alors, merci pour votre participation. Thank you. Merci, Mme de Lorimier. Thank you, Mme Salter et Mr. Hynes.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 h 30.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 15 h 33)

La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille‑travail, et nous entendrons cet après-midi l'organisme Au bas de l'échelle et le Conseil du statut de la femme. Et nous recevons maintenant Mme Raileanu — je le prononce-tu bien? Oui, merci — Mme Paquin, et nous avons une autre personne... peut-être, c'est Mme Paquin, je pense, qui allez...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Mme Paquin, est-ce que c'est vous qui allez faire la présentation?

Mme Paquin (Ghislaine) : Non, c'est ma collègue Raileanu.

La Présidente (Mme Richard) : Donc, Mme Raileanu, je vais vous inviter à nous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui, à faire votre exposé. Je vous alloue un temps de 10 minutes, et par la suite suivra un échange avec les parlementaires, et je vous cède la parole à l'instant. Encore une fois, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Au bas de l'échelle inc.

Mme Raileanu (Victoria) : Merci. Alors, bonjour, Mme la ministre. Bonjour, Mmes, MM. les députés. Je vous présente mes collègues : Mme Ghislaine Paquin, responsable au service d'information à Au bas de l'échelle, et Guadalupe Macias, responsable des finances à Au bas de l'échelle.

Alors, d'abord, nous vous remercions pour l'invitation en commission parlementaire pour discuter du projet de loi n° 176. Au bas de l'échelle attend depuis plusieurs années une nouvelle réforme de la Loi sur les normes du travail, car une réforme, c'est toujours une opportunité pour développer le droit des travailleurs et des travailleuses non syndiqués, et c'est justement le principal mandat d'Au bas de l'échelle, l'éducation au droit du travail, et particulièrement à la Loi sur les normes du travail, et l'amélioration de la Loi sur les normes du travail. Au bas de l'échelle est un groupe de défense des travailleurs et des travailleuses non syndiqués qui existe depuis plus de 40 ans. Nous avons assisté à l'adoption de la Loi sur les normes du travail en 1980 et nous avons participé activement aux réformes de 1990 et de 2002.

Ensuite, nous voudrions souligner les mesures d'amélioration proposées dans le projet de loi n° 176, des mesures fort attendues, telles que l'interdiction de la discrimination salariale pour les travailleurs exerçant un emploi atypique et les travailleurs des agences, la responsabilité solidaire pour les questions pécuniaires liant les entreprises clientes et les agences de placement de personnel, l'exigence d'un permis d'opération pour les agences de placement, l'élargissement aux avantages sociaux de la protection contre les disparités de traitement basées sur la date d'embauche, l'obligation d'une politique de prévention de harcèlement psychologique dans les entreprises, le retrait de l'obligation de cumuler trois mois de service continu pour pouvoir s'absenter d'un congé de maladie et d'autres améliorations.

Nous encourageons le gouvernement de les adopter, de leur donner cours. Nous l'incitons même d'aller plus loin en adoptant les mesures que nous proposons dans notre mémoire. Nos propositions se réfèrent principalement à la protection des travailleurs précaires, ceux qui exercent des emplois atypiques, à l'encadrement de l'activité des agences de placement et à l'amélioration du recours contre le harcèlement psychologique.

Concernant les travailleurs précaires, nous proposons, dans un premier temps, d'éliminer les exclusions qui persistent encore aux articles portant sur l'interdiction de la discrimination salariale basée sur le statut d'emploi. Nous demandons le remplacement du terme «établissement» par le terme «entreprise» dans les articles 41.1 et 41.2, justement pour empêcher la création des enclaves des travailleurs payés en dessous des normes prévues dans les entreprises ou encore la prolifération du télétravail rémunéré en dessous des normes adoptées dans les entreprises.

Ensuite, nous demandons que soit mentionnés explicitement dans l'article 41.1 plusieurs statuts d'emploi, et non seulement le temps partiel, à titre indicatif et pour faciliter l'application et la compréhension de cet article par tout le monde. Aussi, nous considérons qu'il est important d'introduire, dans la Loi sur les normes du travail, des protections des travailleurs précaires non seulement contre la discrimination salariale, mais aussi pour un accès aux avantages sociaux, tels que les régimes de retraite et les assurances collectives. Il y a déjà une ouverture en ce sens avec l'interdiction des disparités de traitement basées sur la date d'embauche, article 87. Dans le but de prévoir des protections de nombreux faux travailleurs autonomes, nous demandons également la présomption simple de salariat. Celui-ci mettrait le fardeau de la preuve concernant le statut du salarié sur les employeurs. Cette mesure ferait en sorte que de nombreux travailleurs et travailleuses travaillant à l'extérieur de l'entreprise soient couverts par la Loi sur les normes du travail.

Concernant les agences de placement de personnel, nous demandons que soit élargie davantage la responsabilité solidaire entre les agences de placement et les entreprises clientes. Pour cela, il serait nécessaire de développer le principe de la coresponsabilité pour les recours contre les pratiques interdites, le congédiement sans cause juste et suffisante et le harcèlement psychologique, en plus des plaintes pécuniaires. Nous demandons également la suppression du terme «sciemment» de l'article 92.6, qui ouvre la porte à une déresponsabilisation de l'entreprise cliente et rend cet article inapplicable. Il s'agit de l'article qui se réfère à l'interdiction pour une entreprise cliente de traiter avec une agence de placement qui ne dispose pas de permis d'opération. Nous demandons aussi que soit instauré un registre public des permis d'opération des agences et que ce permis soit mis à jour régulièrement. Dans notre mémoire, nous détaillons les modalités précises pour l'obtention des permis afin de prévenir le phénomène des agences frauduleuses et non solvables. Aussi, nous exprimons le souhait que le règlement concernant les agences et les entreprises clientes soit adopté et appliqué le plus vite possible.

Concernant les agences de placement, nous voudrions également souligner quelques lacunes importantes du projet de loi, à savoir l'interdiction des clauses abusives de contrat imposée par certaines agences aux travailleurs. Il s'agit principalement des clauses de non-concurrence, qui représentent des freins à l'embauche pour les salariés des agences et empêchent la liberté de contracter. Chaque semaine, nous recevons, à Au bas de l'échelle, des appels de travailleurs et de travailleuses qui travaillent au moyen des agences de placement et qui sont aux prises avec ces clauses de non-concurrence qui les empêchent d'accepter un emploi soit d'une agence de placement concurrente, soit des entreprises clientes, et cela se passe souvent dans des conditions où les heures de travail offertes sont très limitées.

Une autre lacune du projet de loi, c'est l'absence de mesures limitant l'utilisation des travailleurs des agences à des besoins ponctuels des entreprises. Nous proposons que le délai de 180 jours soit fixé, au-delà duquel le travailleur de l'agence devient, s'il le souhaite, un salarié permanent de l'entreprise.

Concernant les améliorations que nous proposons aux recours contre le harcèlement psychologique, j'offre la parole à ma collègue Ghislaine Paquin.

• (15 h 40) •

Mme Paquin (Ghislaine) : Par rapport aux recours contre le harcèlement psychologique, on propose plusieurs améliorations aussi. D'abord, on voudrait s'assurer que l'application du recours tienne compte des droits de la personne dans le traitement des plaintes contre le harcèlement psychologique. Donc, on voudrait s'assurer que l'article, par exemple, 123.15 de la loi, qui ordonne des réparations en cas de harcèlement psychologique, rajoute un alinéa ou un paragraphe qui parlerait des réparations adéquates, des réparations du style «remèdes systémiques» que le juge pourrait ordonner. C'est des remèdes systémiques qui permettent d'empêcher que de telles situations se reproduisent encore et encore.

On demande aussi de mettre sur pied un observatoire des droits de la personne qui serait chargé de veiller au respect des droits lors du traitement des plaintes à la CNESST. Cet observatoire serait lié à la présidence, et aurait des représentants des personnes discriminées et certains experts, et donc s'assurerait qu'à chaque étape du traitement des plaintes on tienne compte de la jurisprudence ou de l'application des droits de la personne. On voudrait aussi que des formations soient offertes aux membres du Tribunal administratif du travail sur la question des droits de la personne.

Pour ce qui est de l'obligation d'une politique de prévention, on est très d'accord avec ça, ça fait longtemps qu'on le demande, mais on voudrait s'assurer qu'il y ait vraiment de très bonnes mesures de surveillance et même des mesures punitives si l'employeur ne respecte pas cette obligation, parce qu'on a vu... il y a eu des enquêtes faites par la Commission des normes du travail qui ont démontré que très peu d'entreprises avaient mis sur pied des politiques contre le harcèlement psychologique, même si c'était déjà dans la loi. Donc, on aimerait que ça soit vraiment appliqué cette fois-ci.

On aimerait aussi améliorer le recours contre le harcèlement psychologique en allégeant un peu le fardeau de la preuve, c'est-à-dire en modifiant le dernier paragraphe, qui dit qu'une seule conduite grave peut constituer du harcèlement psychologique si elle produit un effet nocif continu. On voudrait que ça soit remplacé par «si elle porte une telle atteinte», l'atteinte étant l'atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique. Ça allégerait un petit peu le fardeau de la preuve des personnes qui vivent du harcèlement psychologique.

On voudrait aussi qu'il y ait un prolongement de la prescription du délai pour déposer une plainte, parce que les victimes de harcèlement psychologique sont souvent très affectées. 180 jours, ce n'est pas toujours... je veux dire, 90 jours, ce n'est pas toujours suffisant pour se remettre un peu de toutes les émotions puis être prêt à déposer sa plainte. On demanderait de rajouter un autre délai de... 90 jours de plus, donc un délai de 180 jours pour pouvoir déposer une plainte de harcèlement psychologique.

On voudrait aussi que la Commission des normes assure un accès à un avis juridique pour les victimes. Souvent, les victimes n'ont aucune idée de ce qu'elles peuvent demander, d'autant plus que la plupart des dossiers de harcèlement psychologique se règlent à la médiation et qu'il n'y a aucune information sur le genre de règlement que les gens obtiennent. Donc, pour les aider à évaluer leurs dossiers, on aimerait qu'elles puissent avoir accès à un avis juridique de la part d'un avocat, une avocate de la Commission des normes du travail.

Puis aussi, pour terminer, on aimerait que les personnes victimes de harcèlement sexuel, parce que c'est aussi beaucoup de ça qu'il est question dans le projet de loi, elles aient vraiment le libre choix de déposer la plainte qu'elles veulent, autrement dit qu'il n'y ait aucun obstacle administratif ou législatif qui les empêcherait d'utiliser soit le recours contre le harcèlement psychologique, soit le recours à la Commission des droits de la personne ou soit la réclamation à la Division santé-sécurité du travail. Donc, on aimerait étudier toutes les possibilités d'offrir ce libre choix là aux victimes parce qu'elles ne veulent pas toutes nécessairement dénoncer un harcèlement sexuel, elles peuvent vouloir passer par d'autres recours. Alors, ça... Il nous reste encore du temps?

La Présidente (Mme Richard) : Non, vous êtes sur le temps du gouvernement, de la ministre, qui a donné son accord pour vous accorder un petit peu plus de temps.

Mme Paquin (Ghislaine) : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Vous avez terminé?

Mme Paquin (Ghislaine) : Oui, ça va, ça fait le tour.

La Présidente (Mme Richard) : Parfait. Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons pouvoir débuter les échanges. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Vien : Alors, merci beaucoup, mesdames, de vous être déplacées cet après-midi. On va aller assez rondement. Ça fait plusieurs groupes, hein, comme vous savez, là, qu'on rencontre depuis maintenant quelques jours, alors on va aller directement droit au but.

Je veux juste voir si j'ai bien compris, tout à l'heure, une information que vous avez donnée, peut-être que je l'ai mal saisie. Vous avez parlé d'introduire une protection qui n'existe pas concernant les assurances sur les régimes de retraite. Est-ce que vous souhaitez que, dorénavant, la Loi sur les normes du travail prévoie qu'un employeur doit l'offrir? Est-ce que j'ai bien compris ou on n'est pas du tout là, là?

Mme Raileanu (Victoria) : En fait, qu'est-ce qui se passe, c'est que les travailleurs exerçant des emplois atypiques au sein de la même entreprise n'ont pas accès aux avantages sociaux auxquels ont accès leurs collègues qui sont permanents, des employés réguliers de l'entreprise, et on voudrait que ces employés qui exercent des emplois atypiques aient une compensation qui soit équivalente à la contribution des employeurs à ces avantages.

Mme Paquin (Ghislaine) : S'ils ne peuvent pas avoir accès aux avantages sociaux.

Mme Vien : Effectivement. Pourriez-vous nous donner un exemple concret, là, pour qu'on image bien ce que vous nous dites, là?

Mme Raileanu (Victoria) : Ah! ça arrive chaque semaine, on reçoit des appels de travailleurs ou de travailleuses qui nous expliquent, par exemple, qu'ils travaillent pour la même entreprise depuis huit ou neuf années et qu'ils n'ont pas les accès au régime de retraite ou aux assurances collectives parce qu'ils travaillent à temps partiel, un travail... je pense, notamment, à une personne qui est secrétaire à temps partiel dans un cabinet de dentiste et puis elle, elle n'a pas les mêmes avantages que sa collègue qui exerce le même travail, mais qui est une employée à temps plein.

Mme Vien : Parfait. Parlez-moi de l'observatoire que vous souhaitez que nous mettions en place. Il observerait quoi, exactement?

Mme Paquin (Ghislaine) : En fait, il aurait un mandat d'observation et de formation, alors il s'assurerait que des dossiers de harcèlement sexuel et discriminatoire qui seraient portés à leur attention respectent tout le traitement des plaintes, respectent les droits de la personne dans toutes les étapes du traitement des plaintes.

En fait, on propose ça parce que, cinq ans après la mise sur pied du recours contre le harcèlement psychologique, on s'est rendu compte que jamais, dans les décisions, on ne retrouvait le mot «charte» ou «droits de la personne», même quand c'était des situations évidentes de discrimination, de harcèlement discriminatoire ou sexuel.

Alors, on s'est dit : Bien, comment ça se fait qu'on n'utilise pas la jurisprudence, toute la jurisprudence accumulée depuis des années sur la question du harcèlement sexuel ou discriminatoire pour évaluer les situations qui sont présentées à... à l'époque, c'était la Commission des normes du travail puis... ça fait qu'on a fait des démarches, à l'époque, pour que, bien, les avocats et avocates de la Commission des normes plaident la charte et pour que les commissaires tiennent compte aussi de la charte dans leurs décisions. Bien, écoutez, on n'a pas beaucoup de pouvoir, alors ça n'a pas donné grand-chose. On m'a dit que les formations avaient eu lieu, mais on n'a vu aucune différence, aucun changement au niveau des jugements qui ont été portés. Puis on a vu des jugements où, de façon évidente, si ce jugement-là avait été porté devant le Tribunal des droits de la personne, la personne aurait obtenu gain de cause, mais il semble que, quand on ne répondait pas aux critères plus restrictifs du harcèlement psychologique, ça n'a pas été accepté.

Juste pour vous donner un exemple parmi d'autres, c'est que, quand quelqu'un vit de la discrimination... c'est reconnu depuis longtemps dans la jurisprudence, le harcèlement discriminatoire, que c'est une atteinte à la dignité, on n'a pas à prouver une atteinte à la dignité, une atteinte à l'intégrité physique ou psychologique. Mais cette question-là n'était pas reconnue par les personnes qui traitaient les dossiers, ça fait que, souvent, des dossiers pouvaient être rejetés dès les premières étapes, là, dès l'étude du fondement de la plainte, ou plus tard, tout simplement, devant le... à ce moment-là c'était la Commission des relations du travail, maintenant le TAT.

Alors donc, on voudrait que, vraiment, à toutes les étapes, des personnes soient sensibilisées à la question des droits de la personne, puis à la jurisprudence, et tout ce qu'on a publié comme jurisprudence autour de cette question-là parce que, là, on se retrouve, 15 ans plus tard, avec un énorme vide au niveau...

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme Paquin. Peut-être des réponses plus brèves pour permettre un meilleur échange.

Mme Vien : Non, non, c'est correct. Des fois, on a l'impression qu'on jase, là, mais c'est parce qu'on est bien, mais c'est que le temps, il passe rapidement.

Vous aviez rencontré... Quand je suis entrée en poste au ministère du Travail, vous êtes un des premiers groupes, là, que mes collaborateurs ont rencontrés, et vous avez parlé du congé de compassion à l'époque, hein? Oui, c'est bien chez vous, hein? Et nous, dans le projet de loi qui est devant nous, effectivement, on vient corriger ça, c'est-à-dire que... un nombre de semaines, à 12 semaines ici, au-delà duquel vous perdez votre emploi, etc. En fait, on est venus s'arrimer sur le fédéral avec l'ajout de 26 ou 27 semaines, là. Je ne me souviens plus des détails exactement, là. Je présume que c'est quelque chose qui vous satisfait, ça, actuellement, là.

Mme Paquin (Ghislaine) : Oui, c'est un ajout intéressant. En particulier, ce qu'on trouve particulièrement intéressant, c'est l'élargissement de... ce n'est pas juste le parent qui s'occupe de la personne malade maintenant, c'est toute personne reconnue comme étant une proche aidante par un professionnel de la santé. Ça, je trouve que c'est une très belle amélioration aussi.

Mme Vien : Ce sera tout pour le moment, Mme la Présidente. Merci beaucoup, madame. On reviendra s'il le faut.

La Présidente (Mme Richard) : ...du côté de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois et porte-parole pour le travail, allez-y.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bienvenue, et merci d'être là. Bien entendu, toujours beaucoup de choses dans un mémoire puis, comme vous êtes vers la fin de nos groupes, bien, plusieurs choses qu'on a entendues, et on voit que ça se reflète. Si ça ne vous dérange pas, je vais y aller surtout, face à votre mémoire, dans les agences de placement de personnel.

Alors, vous parlez, justement, là, des emplois atypiques et des salaires, de la disparité des traitements, et tout, mais je me demande si le but de définir qu'est-ce qu'une agence et qu'est-ce qu'un emploi temporaire dont les agences pourraient fournir... parce que vous donnez des exemples en Europe, à l'extérieur, et d'autres groupes nous ont donné des exemples un peu plus près, comme l'Ontario. Je ne sais pas si vous avez vu leur définition, en Ontario.

Bien, je crois que, si on apporte ça, on vient de régler un paquet de vos inquiétudes. Si la ministre embarque à dire : On peut amender le projet de loi, et, lorsqu'elle encadrera les agences, de dire : Bien, les agences, à moins de cas spécial... Mais je pense qu'en Ontario c'était bien défini, il pouvait y avoir... une agence pouvait fournir des employés à une entreprise allant jusqu'à un an ou deux si vraiment c'est un cas très cible, très typique qui ne se fait pas normalement. Donc, on ne parle pas de quelqu'un qui est sur une chaîne de montage ou quelqu'un qui fait un ouvrage quotidien, mais on dit : On a un projet x, y qu'on veut greffer à nous, donc on va y aller avec une agence pour ces emplois-là.

Alors, j'aimerais vous entendre sur le mot... définir le «temporaire» de ces gens-là. Et est-ce que je me trompe quand je dis : On réglerait peut-être un paquet d'iniquités, là? Parce que, si la personne, elle ne peut pas être là... Comme vous donniez l'exemple tantôt d'une secrétaire qui peut être là depuis sept, huit ans puis elle dit : Bien, moi, en fin de compte, mes conditions, vu que je suis temporaire, bien, je n'ai pas le droit à ce que les autres font. Donc, si l'agence ne peut que fournir pour une période très précise ou mieux définie, bien, peut-être qu'on éviterait ça. Puis après j'aurai d'autres questions, mais j'aimerais surtout vous entendre là-dessus.

Mme Raileanu (Victoria) : Oui, bien, on comprend que, dans le monde du travail aujourd'hui qui est en transformation, les entreprises peuvent avoir des besoins ponctuels, on pense, par exemple, aux salariés qui prennent des congés de maladie et/ou qui prennent des congés parentaux ou de grossesse, alors il faut remplacer ces employeurs... ces employés, excusez-moi, de manière temporaire. On comprend l'utilité des agences de placement, mais effectivement on demande à ce que l'utilisation des travailleurs des agences soit ponctuelle, justement pour empêcher à ce que ce temporaire s'éternise et à ce que les entreprises utilisent, de manière permanente, des travailleurs temporaires et soient déresponsabilisées de cette manière. Donc, le temporaire qu'on fixe, c'est à 80 jours. Nous, ce qu'on aimerait comme terme d'utilisation maximal, comme nombre de jours maximal d'utilisation, c'est 80 jours. Au-delà de ce délai, bien, le travailleur, la travailleuse d'agence deviendrait une salariée permanente de l'entreprise s'il ou elle le souhaite.

M. Leclair : Bien, je ne voudrais pas être la personne qui va dire 78, 80 ou 82 jours, mais je comprends le sens que vous dites. Mais, lorsque j'écoute d'autres groupes qui nous ont parlé d'encadrement d'agences et de définitions d'agence, eux, ils allaient plus sur des termes un peu plus spécifiques au lieu d'y aller en nombre de jours, de dire : Si tu es temporaire... mais temporaire, exemple, je vous donne un exemple, là, c'est moins de trois mois ou moins de quatre mois, sauf exception, puis il y avait des exceptions à la règle, là. Un projet connexe, comme je vous expliquais un peu tantôt, qui vient s'affilier, ou s'agencer, ou se greffer à la compagnie, dire : On va avoir besoin de quelques spécialistes puis c'est vraiment pour un encadrement, ça peut aller jusqu'à 12, 13, 14, 15 mois.

Alors, si on va dans l'optique dont vous dites, à 80 jours, bien, on vient de faire tomber toutes ces possibilités de projet là. Est-ce que ça arrive souvent, là? Je suis loin d'être le spécialiste, mais je peux vous dire que qu'est-ce qu'on a entendu des agences, mon goût personnel est de les encadrer à double mur, là, parce que ça n'a pas de bon sens, il y a des places que c'est triste d'entendre ça. Mais moi, je ne serais pas gêné de déposer un amendement au projet de loi, là, avec un encadrement, mais je veux quand même qu'elle soit réaliste et souple, parce qu'il y a bien des gens qui ont venu, qui sont des agences puis qui ont dit : Écoutez, là, nous, on n'a pas ces problèmes-là, là. On les appelle des «fly-by-night», et tout ça, qui se sauvent puis très mal encadrés, qui n'offrent pas les normes du travail. Ces gens-là nous disaient : Mais, nous, vraiment, nos employés qu'on va chercher, c'est du ultraspécialisé, là, on peut aller chercher ailleurs, on peut aller chercher dans des créneaux très spécifiques. Donc, eux n'iront pas... ils ne feront pas toute cette démarche-là pour aller chercher quelqu'un de spécifique pour, exemple, 80 jours maximum, si on dit : On a besoin de telle spécialisation pendant un certain temps. Mais, si on vient encadrer peut-être un peu moins rigide... ou peut-être ce sera la bonne solution de mettre 80 jours, on en discutera, mais, si on vient mettre un cadre, au minimum, mettre un cadre qui définit le temporaire, bien, je me dis, en partant, on va partir d'une autre étape. Puis, plus tard dans votre mémoire, vous nous parlez de dire, dans les règles des agences, où est-ce que... je vais reprendre exactement vos termes, là, c'est dans les permis... dans les clauses abusives, que vous dites, liant les travailleurs aux agences, donc à la page 22, vous nous spécifiez «les clauses de non-concurrence [ou] de non-sollicitation» qui freinent à l'embauche après.

Donc, moi, je pense, d'encadrer sans être ultra, ultrarigide, mais avoir un encadrement qui suit la réalité de nos jours puis de donner une possibilité que les gens soient engagés, là, ça donnera la possibilité à l'employeur, la latitude de dire : Bien, tant qu'à passer par l'agence, s'il faut que je lui donne le salaire comparatif, les conditions de travail comparatives, c'est aussi bien de travailler pour moi parce que, finalement, ils m'ont déniché un numéro un, ce que je cherchais.

Mme Paquin (Ghislaine) : Ce que je me demande, c'est... Il y a des agences chasseurs de tête puis il y a les agences qui emploient eux-mêmes. Votre exemple, là, ça pourrait être plutôt une agence chasseurs de tête qui trouve la perle rare, puis la compagnie l'embauche à contrat à durée déterminée. Je ne vois pas pourquoi il faut élargir l'application des autres types d'agences... allonger le temps où ils ont droit à faire appel à du personnel parce qu'il y a des besoins spécifiques qui peuvent être remplis autrement, il me semble.

Mme Raileanu (Victoria) : Et puis aussi le problème des agences n'est pas uniquement un problème d'agences frauduleuses ou non solvables, le problème provient du fait que la Loi sur les normes du travail n'est pas tout à fait adaptée à une relation triangulaire et il y a une perte de droits pour les travailleurs qu'on observe. Alors, plus un travailleur travaillera, via une agence de placement, pour une entreprise dans une relation triangulaire, plus il va voir ses droits s'effriter et se perdre. J'ai en tête, par exemple, l'exemple d'une travailleuse d'agence qui nous appelle, elle nous dit : Je ne comprends pas pourquoi l'agence, elle fait une mise à pied de six mois pour tous les travailleurs qui atteignent leurs deux années de lien d'emploi. Mais alors, vous voyez, c'est possible pour une agence, quand le travailleur approche de ses deux années et puis il est proche d'être protégé par le recours contre un congédiement sans cause juste et suffisante... expliquer qu'il n'y a pas du travail pour l'instant, et puis le réembaucher dans six mois, et puis, comme ça, le compte recommence. Donc, plus cette situation perdure pour les travailleurs des agences, bien, plus il y a un effritement des droits des travailleurs et des travailleuses. Donc, c'est pour ça qu'on voudrait limiter.

• (16 heures) •

M. Leclair : Mais je vous comprends très bien, puis loin de ma pensée de prétendre... ou que je suis pour protéger ces longs termes là, là. Bien, à moins que ça soit très spécifique à un projet très spécifique, je suis exactement en phase avec vous. Moi aussi, je crois que, si une personne travaille pour plus d'un an, puis elle fait un emploi que les autres font, puis c'est juste pour contourner et donner des différents droits ou de discriminer quelqu'un par rapport à un autre travailleur, là, je n'embarque pas là-dedans puis je me dis : Il faut trouver un processus qui est équitable, qui remplit le besoin de l'employeur à court ou moyen terme. Ça fait qu'à un moment donné ça suffit, il devient un de tes employés, parce que, là, on appelle ça indirectement, en anglais, du cheap labor.

Je voudrais vous entendre aussi sur... toujours face aux agences, lorsqu'on dit : La responsabilité qui est tripartite avec les normes du travail, la CSST, et tout, l'agence qui dit : Bien là, ce n'est pas moi, c'est l'employeur, l'employeur qui dit : Non, moi, c'est via une agence. J'aimerais vous entendre face à ça. Comment qu'on devrait légiférer? Parce que, là, en ce moment, on s'en va vers une tendance. La ministre a dit : Bien là, on va mettre ça, une responsabilité... une coresponsabilité, là.

La Présidente (Mme Richard) : ...il reste 30 secondes, donc...

M. Leclair : 30 secondes. Ça va tellement vite en bonne compagnie, hein?

Mme Raileanu (Victoria) : Oui. On est tout à fait d'accord, c'est la bonne direction. On désire élargir le principe de la coresponsabilité pour le recours contre un congédiement sans cause juste et suffisante et contre le harcèlement psychologique ainsi que contre les pratiques interdites. Donc, le principe de la coresponsabilité doit être élargi un peu comme dans les normes ontariennes.

M. Leclair : Merci, madame... mesdames.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière et porte-parole en matière de travail.

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, d'être là cet après-midi. Vous êtes un organisme depuis... en fait, qui oeuvrez près gens, des gens qui vivent les lois que nous... qui vivent sur le terrain vraiment, là. Puis justement j'ai une question là-dessus, au niveau... à la page 41, vous parlez du travail à domicile ou le télétravail puis vous dites que vous aimeriez que la Loi sur les normes du travail interdise qu'il y ait des mesures, tout ça, de congédier, suspendre, déplacer ou d'exercer des mesures discriminatoires lorsque quelqu'un refuse de travailler à la maison si ce n'est pas prévu dans son contrat. Est-ce que je dois comprendre, avec la prémisse que j'ai faite, c'est que vous avez vécu des situations qui vous amènent à faire cette recommandation-là?

Mme Raileanu (Victoria) : Écoutez, moi... C'est la page 41?

M. Picard : Oui, 41, le télétravail à domicile ou le télétravail, le deuxième petit point.

Mme Raileanu (Victoria) : Ah! oui, oui, le travail à domicile.

M. Picard : C'est ça, exact.

Mme Paquin (Ghislaine) : Que la loi interdise à l'employeur de congédier, suspendre ou déplacer, oui, oui, O.K... qui aurait refusé de travailler alors que ce n'est pas prévu dans ses conditions de travail, c'est ça. Lorsque...

M. Picard : Je comprends le principe, je voulais savoir s'il y a des situations dont vous avez pris connaissance qui vous ont fait amener cette recommandation-là.

Mme Paquin (Ghislaine) : Mais en fait c'est tout le flou, la zone grise qu'il y a autour des employeurs qui demandent à leurs employés d'être toujours disponibles à la maison, de travailler à la maison, c'est ça, en dehors, souvent, des heures de travail prévues. Ça rejoint un petit peu...

M. Picard : ...excusez, donc c'est un droit à la déconnexion.

Mme Paquin (Ghislaine) : Oui, c'est ça, je cherchais le mot. Merci, c'est ça. Ça fait que c'est pour empêcher qu'un employé qui ne veut pas être obligé de continuer le travail à la maison, il puisse dire non si ce n'est pas comme ça que c'était prévu, de toute façon, dans son contrat de travail. Il peut y avoir des cas exceptionnels, des emplois où on exige ça parce que c'est incontournable, mais à ce moment-là on demande des indemnités, on demande d'autres compensations. Mais on ne voudrait pas que ça s'étende parce que ça vient perturber beaucoup la conciliation famille-travail. Les personnes qui sont à la maison, obligées de répondre au téléphone, s'occuper des enfants, à un moment donné, ça vient complètement... ça n'a aucun sens.

Mme Raileanu (Victoria) : Oui, oui, effectivement, la frontière entre la vie privée et le travail est de plus en plus poreuse. Et pour mettre des limites, justement, pour que le travailleur puisse concilier mieux le travail et vie privée, donc, cette mesure vient justement pour aider.

M. Picard : O.K. Merci. Autre sujet, à la page 42, je vais aborder le sujet de travail migrant, vous faites beaucoup de recommandations. Dans le premier petit point, vous indiquez que ça prendrait un traitement rapide et prioritaire des plaintes déposées. Donc, je comprends que vous avez eu connaissance de situations où le délai était peut-être trop long ou long, tout simplement, là.

Mme Macias (Guadalupe) : On parle de ces cas-là surtout parce que ce qui arrive souvent, c'est que, quand un travailleur dépose une plainte ou il essaie de faire des démarches pour protéger ses droits, souvent ils se font renvoyer chez eux dans un délai quand même assez rapide, avant même que la plainte prenne son chemin, et donc c'est dans ce sens-là qu'on demande que ce soit un peu plus prioritaire.

M. Picard : Merci. Toujours dans le même sujet des travailleurs migrants, vous parlez beaucoup des logements, puis justement, hier, on en a parlé hier avec un groupe, là, puis vous dites qu'on devrait encadrer, dans le règlement, je vais dire, l'état des lieux, l'état des services. Puis vous allez même jusqu'à dire : Ça prend des lits individuels. Encore une fois, est-ce que c'est parce que vous avez eu connaissance de choses qu'on ne devrait pas vivre au Québec?

Mme Macias (Guadalupe) : ...quand on parle, par exemple, des organismes qui viennent en aide à ces travailleurs-là puis qui vont les visiter sur les lieux du travail, qu'est-ce qu'il s'est rendu compte, c'est que, souvent, ils sont entassés à plusieurs dans une seule chambre ou dans un logement... par exemple, dans un trois et demi, il peut y avoir jusqu'à huit ou neuf personnes qui habitent là puis qui doivent partager une petite cuisinette puis une seule salle de bains pour tous ces gens-là. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on essaie d'encadrer les situations, oui.

M. Picard : À votre connaissance, ces travailleurs-là, le logement, est-ce qu'il est fourni par l'employeur ou ils paient? Est-ce qu'il y a une relation locataire... Ils paient?

Mme Macias (Guadalupe) : Bien, la plupart du temps, ils paient, mais il y a des gens que, selon la nature de leurs contrats, les lieux, l'habitation doit être fournie par l'employeur.

M. Picard : Merci. Ça va pour moi, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Mesdames, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Et je suspends la commission quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 9)

La Présidente (Mme Richard) : Donc, la commission reprend ses travaux.

Je souhaite la bienvenue aux représentantes du Conseil du statut de la femme. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je dois vous dire que vous avez un temps qui vous est alloué, de 10 minutes, pour faire votre exposé, par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Je vous invite à vous présenter, puis après, par la suite, faire votre exposé. Je vous cède la parole.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Cordeau (Louise) : Alors, bon après-midi à toutes et à tous. Je suis Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme, et je suis accompagnée de Mme Hélène Charron, qui est directrice de l'analyse et de la recherche au conseil.

(16 h 10)

Alors, sans surprise, vous savez que, depuis sa création, le conseil est préoccupé par les conditions de vie et de travail de toutes les Québécoises. Nous apprécions donc vraiment l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de présenter notre point de vue devant cette commission.

En 2016, selon l'Institut de la statistique du Québec, 53 % des personnes salariées au Québec n'avaient que la Loi sur les normes du travail pour encadrer leurs conditions de travail. En 2017, les femmes représentaient 58 % de la main-d'oeuvre rémunérée au taux du salaire minimum et gagnaient un salaire horaire moyen inférieur à 10 % à celui des hommes. Dans cette brève présentation, nous allons concentrer nos commentaires sur les dispositions relatives au harcèlement, à l'articulation famille-travail et à la proche-aidance.

Le harcèlement psychologique et sexuel au travail est inacceptable et doit être clairement sanctionné. Aucune personne à l'emploi n'est à l'abri d'abus, ni aucun secteur d'activité n'en est exempt. Les chiffres démontrent qu'en 2016 58 % des 4 400 recours en harcèlement ont été déposés par des femmes à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. Dans une enquête québécoise sur la santé de la population produite en 2015, plus du cinquième de la population de 15 ans et plus occupant un emploi rémunéré déclare avoir été victime de harcèlement psychologique au travail au cours des 12 derniers mois, 20 % des femmes estiment en avoir subi à l'occasion, c'est aussi le cas de 15 % des hommes. Près de quatre femmes sur 10 et près de trois hommes sur 10 déclarent être souvent ou très souvent victimes de harcèlement.

Le projet de loi prévoit des dispositions obligeant l'employeur à mettre en place des mesures systémiques contre le harcèlement psychologique au travail et stipule de plus que le harcèlement psychologique comprend des gestes à caractère sexuel. Comme le conseil l'a exposé dans le mémoire relatif aux violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, le processus de dénonciation est souvent très lourd pour les victimes présumées. En conséquence, nous devons nous interroger sur les actions qui seront mises en place dans les entreprises. Quels seront les outils mis à la disposition des employeurs afin de remplir adéquatement leurs obligations? Comment les plaintes seront-elles traitées au sein des entreprises? Comment s'assurer que le ou la salariée qui dénonce un comportement inapproprié sera protégée? Quelles seront les ressources affectées à la politique interne de prévention du harcèlement? Et quelle sera la formation donnée aux personnes chargées de l'appliquer?

Nous pensons que des programmes de sensibilisation et de formation sur le harcèlement psychologique et sexuel adaptés aux différents contextes de travail sont des moyens essentiels afin de favoriser le changement de culture et d'éradiquer le harcèlement. Les modifications législatives auront plus d'effet s'ils s'accompagnent d'une vaste campagne de prévention et de sensibilisation sur le harcèlement psychologique et sur le harcèlement sexuel au travail. Cette campagne devrait indiquer clairement les obligations de l'employeur et les droits des employés. Le conseil reconnaît donc qu'il est essentiel de hausser les exigences imposées aux employeurs. De plus, il salue l'intention du législateur de désigner explicitement les gestes à caractère sexuel comme du harcèlement psychologique. Il est donc essentiel d'agir de façon concrète dans les milieux de travail.

En ce qui concerne l'articulation entre le travail et la famille, le conseil apprécie les améliorations proposées par le projet de loi n° 176 relatives au congé accordé pour des raisons familiales. Quelques chiffres peuvent nous éclairer à ce sujet : les mères d'enfants d'âge préscolaire prennent presque deux fois plus de congés que les pères; une récente étude du conseil démontre que les femmes sont majoritaires parmi les 1,6 million de personnes proches aidantes au Québec — au Québec, ça représente une personne sur quatre; dans la population âgée de 15 ans ou plus, 29 % des femmes jouent un rôle de proche-aidance, ce que font 21 % des hommes; les femmes constituent 65 % des personnes proches aidantes qui dispensent de quatre à neuf heures de soins par semaine. La proche-aidance est donc une réalité de plus en plus répandue en raison du vieillissement de la population et des politiques gouvernementales favorisant le soutien à domicile. Compte tenu de l'importance et de l'utilité sociale de ce travail, il est essentiel de permettre aux personnes qui agissent comme proches aidantes d'être soutenues dans leur environnement de travail. L'inclusion de la proche-aidance comme motif d'absence prolongée est donc fortement saluée par le conseil.

Conscient de l'étendue du phénomène de la violence conjugale au Québec et de la nette prédominance de la population féminine parmi les victimes de cette violence, le conseil estime essentiel de considérer ce phénomène dans les nouvelles dispositions de la loi. Selon les corps policiers, 78 % des victimes de violence conjugale en 2015 étaient des femmes. Nous savons que les conséquences de la violence conjugale sont nombreuses pour les victimes. Elles se manifestent tant sur le plan physique que psychologique. Les impacts économiques et professionnels peuvent aussi s'avérer très lourds. Il est donc important que l'employeur soit sensible à cette réalité. Comme l'a fait valoir le conseil dans son mémoire déposé dans le cadre de la consultation sur un nouveau plan d'action en matière de violence conjugale, une réponse sociale globale et intégrée est nécessaire pour mettre fin à toute forme de violence faite aux femmes et aux filles. Le milieu de travail est partie intégrante de cette réponse sociale.

Le projet de loi spécifie que l'interdiction des disparités de traitement s'applique aux régimes de retraite et aux autres avantages sociaux. Je vous rappellerai simplement qu'en 2000, dans un avis du Conseil du statut de la femme, le conseil avait recommandé d'offrir les mêmes conditions salariales aux personnes travaillant à temps partiel ou à statut temporaire dans le même établissement. Donc, nous sommes heureux de constater que certaines recommandations à propos des disparités de traitement ont été entendues par le législateur.

La Loi sur les normes du travail couvre, en principe, les travailleuses et les travailleurs étrangers temporaires, mais ces derniers y ont peu recours dans les faits. Il était donc nécessaire que le gouvernement prenne des moyens pour encadrer les conditions de travail de ces personnes et s'assurer qu'elles soient protégées par cette loi. Le programme des aides familiaux résidants intéresse particulièrement le conseil, puisque les personnes qui sont recrutées par son intermédiaire sont à 97 % des femmes provenant de plusieurs pays. Les enquêtes statistiques ne nous permettent pas de connaître précisément les conditions de travail réelles des personnes embauchées comme travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires. Aujourd'hui, le conseil constate avec satisfaction que le gouvernement se préoccupe des conditions de travail de ces travailleuses et travailleurs étrangers. La réflexion et les enquêtes sur l'application effective de la Loi sur les normes du travail à ces personnes demeurent toutefois à poursuivre.

En conclusion, l'examen des propositions convenues dans le projet de loi nous permet de constater que plusieurs modifications législatives proposées concordent avec les recommandations formulées par le conseil à différentes époques. Par ailleurs, dans le mémoire présenté devant cette commission, le conseil salue les autres dispositions de ce projet de loi, notamment celles relatives aux vacances annuelles, aux absences en raison de la maladie d'un proche, au droit de refus d'heures supplémentaires et aux agences de placement de personnel temporaire. Celles-ci contribuent à de meilleures conditions de vie et de travail des Québécoises.

Dans le contexte de transformation continuelle du marché de l'emploi, la Loi sur les normes du travail constitue plus que jamais un rempart essentiel contre la précarisation des travailleuses et des travailleurs. Le législateur doit donc demeurer vigilant et s'adapter aux nouvelles réalités de l'emploi. En ce sens, il peut compter sur le soutien et l'expertise du Conseil du statut de la femme pour assurer de meilleures conditions de travail au Québec. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons pouvoir débuter les échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup. Bonjour, Mme Cordeau. Bonjour, madame. Bienvenue à l'Assemblée nationale, ravie de vous y rencontrer. J'aurai une question assez précise concernant le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel. La littérature et la jurisprudence nous disent que le harcèlement sexuel est compris à l'intérieur du harcèlement psychologique. Nous, on est partis avec cette prémisse-là. Et évidemment, dans le contexte dans lequel on est et on évolue actuellement, avec tout le mouvement #metoo, le forum qu'on a tenu aussi en décembre sur les agressions sexuelles, etc., on a voulu venir préciser, dans la Loi sur les normes du travail, toute la question du harcèlement sexuel.

On ajoute aussi en même temps une obligation pour l'employeur d'adopter une politique — alors, je m'en viens tranquillement vers ce que vous, vous nous proposez, donc — une politique de prévention du harcèlement sexuel. Et on vient lui dire aussi, à l'employeur : Tu vas aussi devoir mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes. De toute évidence, vous avez réfléchi à d'autres volets aussi, là, dans votre présentation, vous en avez fait mention. Qu'est-ce qui nous manque à ce niveau-là? Vous parliez de formation, par exemple, vous parlez des... Quels sont les outils que les employeurs vont mettre en place ou de quels outils pourront-ils bénéficier pour faire atterrir cette politique-là? Vos réflexions sont à l'effet de quoi? J'aimerais ça que vous développiez davantage.

• (16 h 20) •

Mme Cordeau (Louise) : Bien, l'intention du législateur est claire, là, si les modifications au projet de loi sont adoptées, à l'effet que l'employeur a des obligations qui sont maintenant très concrètes. Maintenant, dans les faits, comment ça s'applique chez l'employeur? Et je vais vous donner un ou deux exemples précis.

Nous avons choisi, le Conseil du statut de la femme, d'établir un partenariat avec la Chambre de commerce de Québec et, à partir du mois de septembre, octobre, on va faire quelques actions pour favoriser les milieux de travail sains et exempts de violence et de harcèlement. Et j'ai parlé à plusieurs dirigeantes et dirigeants d'entreprises qui me disent : On ne sait pas par où commencer, on ne sait pas comment faire ça. As-tu des modèles? Peux-tu nous recommander des choses? J'ai moi-même été en direction d'entreprise pendant plusieurs années, on sait que ce n'est jamais facile. Ça touche toujours deux personnes en emploi.

Qu'est-ce qui manque à la loi? Est-ce qu'il manque la sanction si ce n'est pas appliqué? Est-ce que la commission ne devrait pas réfléchir au suivi de cette action-là qui va être générée par le projet de loi, par la loi adoptée? Évidemment, le conseil ne s'est pas prononcé comme tel sur l'ensemble des processus, mais autant lorsqu'on était dans cette même salle en commission parlementaire sur la loi sur les violences dans les milieux d'enseignement supérieur, on a posé les mêmes questions, c'est-à-dire on a beau avoir le principe ou l'obligation de la mise en place de politiques, maintenant comment ça s'applique? Comment on va outiller les employeurs? Comment on va informer les employés, par exemple, les départements de ressources humaines? Comment les personnes qui sont en fonction seront-elles formées pour recevoir les plaintes, pour les traiter, pour les porter à l'employeur?

Il y a beaucoup de questions qui se posent, mais il ne faut pas tirer la serviette en disant : Parce que toutes les dispositions ne sont pas là, c'est comme incomplet. Mais moi, je pense qu'il va falloir qu'il y ait, étape par étape, de l'information, de la prévention, de la sensibilisation à tous les niveaux de l'entreprise, de tous les niveaux de travailleurs aux hautes directions d'entreprise.

Mme Vien : Vous savez, l'enjeu qu'on a, Mme Cordeau, dans ce dossier-là, c'est... Notre intervention s'adresse moins... je vais le dire comme ça, dans mes mots, s'adresse moins à la grande entreprise. Vous l'avez dit, vous avez vous-même dirigé une grande entreprise. Ils ont leur département des ressources humaines, souvent ils vont être outillés, ils vont avoir déjà des remparts, là, d'érigés justement pour prévenir de genre de comportement indésirable là. Nous, avec la Loi sur les normes, c'est plus la petite entreprise, là, tu sais, la PME ou la petite, la très petite entreprise qui n'ont pas, là, ces ressources-là vers qui se tourner à l'intérieur de l'entreprise.

En tout cas, moi, je veux juste vous rassurer, dans le sens où la CNESST — la Commission des normes, de l'équité salariale, de la santé et de la sécurité du travail, c'est long un peu, là — on leur a demandé très clairement de rendre ça simple pour l'entreprise pour qu'elle le fasse aussi de bon aloi, qu'elle le fasse de façon généreuse, de lui proposer des modèles en fonction, justement, du type d'entreprise. Toutes les entreprises devront le faire, mais elles n'ont pas toutes les mêmes outils, alors la CNESST est clairement mandatée, là, pour trouver des pistes d'atterrissage très simple pour la petite entreprise dans ce sens-là.

Mme Cordeau (Louise) : C'est peut-être...

Mme Vien : Oui, je vous en prie.

Mme Cordeau (Louise) : Pour compléter, à titre informatif. Dans notre mémoire, à la page 10, on parle d'une enquête qui est réalisée en 2010 par la firme CROP sur la façon dont les... pour la Commission des normes, justement, sur la préoccupation des employeurs en matière de harcèlement au travail, et 39 % des entreprises qui employaient entre 50 et 99 personnes avaient des politiques, 60 % en avaient qui emploient plus de 100 personnes — ça corrobore ce que vous dites — et la proportion tombe à 15 % dans les entreprises comptant moins de 50 employés. Alors, vous avez tout à fait raison, puis souvent les grandes entreprises, bon, quelques-unes d'entre elles sont syndiquées aussi, donc on parle aussi d'un niveau d'action qui est un petit peu différent. Mais effectivement il va falloir donner des moyens aux employeurs puis de la formation, de la formation à la fois aux employés et aux employeurs, pour connaître les devoirs et les droits, quant à moi.

Mme Vien : Vous avez raison. Savez-vous quoi? Nous, ce qui nous guide dans toute cette histoire-là, là, c'est vraiment de protéger la victime. Il n'y a que ça. Le reste, là, on va essayer de faire ça intelligemment, mais notre premier objectif, là, c'est de faire en sorte que du harcèlement psychologique et du harcèlement sexuel, là, il n'y en ait plus jamais, hein? Idéalement, c'est à ça qu'on veut arriver. Donc, on essaie en même temps de trouver des formules, des moyens, de façon conviviale pour les entreprises aussi, en sachant que ce sont souvent de petites entreprises, mais l'objectif, il est très clair, c'est de faire en sorte d'éradiquer ce cancer-là dans nos entreprises.

Mme Cordeau, je vous laisse là-dessus. On va peut-être passer aux collègues, puis, si j'ai besoin, Mme la Présidente, je reviendrai.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Beauharnois et porte-parole en matière de travail.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bonjour, merci d'être là. Merci de défendre le droit des femmes au Québec. Bien entendu, c'est de longue guerre, puis on n'a pas atteint encore cette parité, cet équilibre-là, alors je vous remercie de faire ce travail-là au nom des femmes du Québec. Puis, via plusieurs projets de loi, on tente toujours de venir mettre des dents et du mordant pour tenter d'avoir cette équité-là, malheureusement on est encore, je pense, un peu loin. Sans embarquer dans vos précisions, vous êtes sûrement plus aptes que moi à dire où est-ce que les iniquités sont toujours présentes, malheureusement, en 2018.

J'écoutais la ministre puis j'écoutais aussi... Puis je vais aller rapidement sur le harcèlement, mais je veux vous apporter aussi, après, sur les proches aidants. La ministre dit : Bien, nous, ce qu'on veut faire, c'est qu'il n'y en ait plus. Vous, ce que vous dites : Bien, on salue, on salue qu'on vient parler de harcèlement, et tout, puis qu'on veut donner un peu de mordant. Mais vous nous dites aussi... vous nous dites, gros comme le bras : Bien, c'est bien beau de mettre un titre, de clarifier tout ça, mais, s'il n'y a pas plus de mordant, de pénalités, d'accompagnement, de prévention, et blablabla, bien, on a un beau titre, on comprend qu'on veut sensibiliser, mais ça s'arrête là.

Donc, si j'y vais avec les commentaires de la ministre, qu'est-ce qu'on veut, nous, c'est qu'il n'y en ait plus, dans le monde le plus rapproché possible. Je pense que ces intentions sont louables et réelles. Donc, si on regarde le projet de loi tel qu'il est sur la table, là, on est loin de crier victoire, là, si je lis votre mémoire et je vous entends, il faudrait en rajouter un petit peu si on veut au moins dire qu'on a fait un avancement acceptable.

Mme Cordeau (Louise) : Je pense qu'il faut, d'entrée de jeu, se dire que le harcèlement psychologique existait déjà dans la loi, donc il y avait déjà des manifestations claires à l'effet qu'il était intolérable, qu'on ne pouvait pas tolérer ce genre de manifestations, de comportements inacceptables. On vient clarifier... parce que la jurisprudence l'avait fait, mais on vient clarifier en matière de harcèlement sexuel. Et je ne suis pas outillée, actuellement, pour vous dire si le projet de loi aurait dû répondre à toutes ces questions-là. Les préoccupations du conseil, ce sont les suivis qui seront donnés suite à l'adoption éventuelle de ces dispositions-là pour les rendre, effectivement... vous, vous dites «mordantes», moi, je dis «effectives» pour éradiquer le harcèlement en milieu de travail.

• (16 h 30) •

M. Leclair : Bien, on va voir, parce que la ministre nous dit qu'il y aura des règlements, des amendements d'apportés, donc, lors de l'article par article, on va regarder ce mordant-là, ou on l'appellera comme on veut, mais le but, je pense, c'est d'atteindre... le but ultime, c'est d'atteindre vraiment... qu'on n'en ait plus dans aucun milieu de travail, petites, grandes, moyennes entreprises, ça serait un résultat.

Je vous apporte sur les proches aidants. Vous en parlez un peu dans votre mémoire, mais je m'arrête surtout à votre livre que vous avez sorti sur les proches aidants il y a quelques mois, en mars 2018. Donc, ça se réfère, bien entendu, indirectement à votre mémoire aussi, mais à la page 53 de ce livre-là, vous nous faites un constat, de dire : Les avantages, surtout pécuniers, monétaires, entre les hommes et les femmes, sur tout ce qui est les... — je cherche le vrai terme, là — sur les avantages fiscaux qu'on peut y retrouver. Puis là vous faites la nomenclature avec des tableaux, là, puis ce n'est pas des paroles en l'air ou des chiffres sortis en l'air, puis vous dites : Bien là, les femmes... Là, ici, dans le projet de loi, on reconnaît les proches aidants, un peu comme dire : Le harcèlement, et tout ça, on le reconnaît, puis c'est correct, tout le monde salue ça, puis c'est bien parfait. Mais là vous, vous nous dites : En plus... pas juste de les reconnaître, lorsqu'on regarde les avantages ou les déficits fiscaux qu'il peut y avoir, il y a une disparité incroyable face à l'homme et la femme encore, là, venant du proche aidant, les exemptions fiscales qu'on peut y avoir. Alors, est-ce que vous nous tendez l'oreille ou vous levez le drapeau en disant : Bien là, c'est encore beau de reconnaître le proche aidant, de mettre des blocs, mais, vous dites, même avec les règles, il y a un désavantage fiscal terrible entre l'homme et la femme? Encore une fois, vous êtes des représentantes de la femme, puis je pense que le but, c'est de dire ici : Si on veut reconnaître les proches aidants, il faut que ça soit, encore une fois, équitable. On ne veut pas créer un autre écart entre l'homme et la femme sur des proches aidants.

Mme Cordeau (Louise) : Écoutez, il y a beaucoup d'éléments dans ce que vous nous mentionnez. Effectivement, dans le portrait statistique sur la proche-aidance que le conseil a publié, il y a un constat que l'ensemble, je dirais, des éléments qui favorisent un soutien financier à la proche-aidance au sens large, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, est peu utilisé ou pas utilisé par les proches aidants et les proches aidantes. C'est un constat. Dans le portrait, on dit bien qu'on n'est pas en mesure de dire pourquoi, c'est encore un grand questionnement que l'on a.

Dans le projet de loi qui nous concerne, on parle davantage de conditions que j'appellerais de travail, à l'effet... de congés autorisés, de reconnaissance de la proche-aidance. Et pour moi, c'est sûr qu'il y aura des questions, éventuellement, à se poser sur la façon dont on soutient la proche-aidance, proche aidant, proche aidante, à la fois au niveau des mesures de répit, à la fois au niveau des mesures qui sont constituées dans la Loi sur les normes du travail, qui... C'est quand même nouveau, là, c'est un concept qui n'existait pas. D'ailleurs, nous, on parle toujours de proche-aidance plutôt que de proche aidant ou de proche aidante pour être plus englobants, et donc je ne dirais pas que ce sont deux choses complètement distinctes parce que, lorsqu'on parle de la proche-aidance, on parle d'un statut. Mais, pour le moment, je ne serais pas capable d'arriver à des conclusions formelles sur le fait... des raisons de toutes les disparités fiscales parce qu'on sait que l'ensemble des mesures sont très peu utilisées par les proches aidants, les proches aidantes, mais on n'a pas de réponse à pourquoi elles sont très peu utilisées.

M. Leclair : J'ai le temps pour une autre question, je crois. La reconnaissance, la reconnaissance que la ministre veut mettre dans le projet de loi, comment reconnaître un proche aidant via une personne qui travaille dans le milieu médical et/ou de la santé. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous croyez que ça va limiter, ça va désavantager, avantager? Je veux vous entendre face à ça.

Mme Cordeau (Louise) : Pour bien comprendre votre question, est-ce que c'est sur la nature de la proche-aidance?

M. Leclair : Non, sur la reconnaissance. On dit que pour qu'un proche aidant soit reconnu, dans le futur, face aux normes du travail, bien, il y aura une spécialiste de la santé qui dira : Oui, effectivement, M. Leclair, vous êtes un proche aidant, vu... blabla. Donc, sur ce volet-là, comment vous le voyez, vous? Est-ce que ce doit être quelqu'un de la santé? Est-ce que c'est correct comme ça, qu'est-ce qu'on a dans le projet de loi, ou on devrait être... Il y a des gens qui nous disent : Il faut être plus vague, on a deux ans d'attente pour rencontrer notre médecin, pour avoir un billet de médecin pour se faire reconnaître.

Mme Cordeau (Louise) : Je vous avoue que le conseil ne s'est pas prononcé là-dessus. Ce qui est important pour nous, c'est la définition de la proche-aidance, qu'est-ce que ça englobe, est-ce que ça n'englobe qu'une personne qui a un lien de filiation, est-ce que ça englobe quelqu'un qui aide un parent qui est plus éloigné, est-ce que ça englobe quelqu'un qui aide un ami, un membre de la famille d'un ami éloigné, peu importe. Pour nous, la définition de la proche-aidance, c'est une définition qui est large. On sait qu'avec le vieillissement de la population ce ne seront pas nécessairement que les enfants qui vont aider, je pense qu'il faut le voir de façon plus large.

Maintenant, comment on va définir comment s'applique la proche-aidance, quelles en sont ses exigences, quelles en sont ses applications, c'est à déterminer. Mais il est clair que, pour nous, la notion de qui est un proche aidant ou une proche aidante est au coeur aussi de la façon dont on va déterminer la suite des choses.

M. Leclair : Vous dites aussi — rapidement — dans votre mémoire, le fractionnement des temps qui sont prévus pour les proches aidants et les semaines, que l'on parle, il faut que ce soit fractionnable et non un bloc pour les congés?

Mme Cordeau (Louise) : Oui, bien, de toute façon, le travail de proche-aidance, c'est... dans certains cas, lorsqu'il y a décès anticipé, on sait que ça va être une occupation qui sera à plus long terme, mais ça peut être aussi ponctuel, ça peut être des soins, ça peut être aussi un accompagnement dans des visites médicales, il peut y avoir autant de cas de figure que vous pouvez en imaginer. Donc, on ne peut pas situer la proche-aidance en disant : Ça se passe pendant six mois ou ça se passe pendant deux jours, là, c'est un peu de tout ça, je vous dirais.

M. Leclair : Merci beaucoup, mesdames.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant M. le député de Chutes-de-la-Chaudière, porte-parole du travail pour le deuxième groupe d'opposition.

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, d'être là. Je vais seulement tenter une petite réponse, là, selon moi, pourquoi les fameux crédits pour les proches aidants sont peu utilisés, là, c'est que, lors du budget, on fait un feu d'artifice, là, puis ça s'éteint avec le temps parce qu'il y a toutes sortes de petites particularités, parce qu'on pense qu'il faut que la personne aidée ait plus que 70 ans, mais il y a un autre crédit qui tient compte des revenus. Ça fait que c'est tout ça. Puis, bon, pour connaître des gens, là, qui sont proches aidants, ils regardent la définition, puis je n'en connais pas qui sont rentrés dedans, en tout cas, mais, peu importe, là, je pense que c'est une piste de solution.

Si je vais à votre mémoire à la page 11, j'aurais besoin d'une petite explication. Lorsque vous parlez de harcèlement sexuel et harcèlement sexiste... pour moi, du harcèlement sexiste, c'est de la discrimination. Est-ce que je comprends bien ou c'est une autre notion que je ne possède pas?

Mme Cordeau (Louise) : Si vous me permettez, je vais demander à Mme Charron, qui est spécialiste dans le domaine, de vous donner l'ensemble des détails afférents à cette question-là.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Charron.

Mme Charron (Hélène) : Merci. Le harcèlement sexuel désigne, en général, des gestes qui sont liés à l'attrait sexuel puis au fait de solliciter des faveurs sexuelles; le harcèlement sexiste, c'est le fait d'avoir des gestes de type sexistes qui viennent marginaliser ou fragiliser la place des femmes dans un milieu de travail. Donc, ça s'inscrit dans la même sexualisation des femmes, mais, disons, à l'effet inverse, et ça renvoie à la dimension, je dirais, systémique de ce problème-là dans certains milieux particulièrement, mais qu'on retrouve dans beaucoup d'endroits. Donc, c'est une formulation qui est assez consacrée, notamment à la Commission des droits de la personne, qui l'a utilisée à plusieurs reprises.

M. Picard : Donc, le harcèlement sexuel, les recours sont à la Loi sur les normes, puis le harcèlement sexiste, c'est la charte, c'est bien ça?

Mme Charron (Hélène) : Bien, ça pourrait si c'est pour motif de discrimination, mais ce que nous, on entend par harcèlement sexuel peut comprendre aussi ces aspects sexistes là qui sont imbriqués les uns dans les autres.

M. Picard : Merci. Au niveau... si je vais à la page 22, vous nous parlez de la Loi sur les normes, une distinction avec les aides familiales qui résident chez l'employeur, et les autres, et etc. En tout cas, vous dites qu'en 2002 vous avez fait des recommandations, vous avez soulevé ce point-là, et là, dans la révision de la loi, on n'en tient pas compte, et vous n'en faites pas une recommandation. C'est-u parce que vous avez changé d'idée ou vous dites : On ne veut pas le rajouter là? Parce qu'il y avait un problème en 2002. Pour moi, il perdure, le problème, puis vous ne faites pas de recommandation là-dessus. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Mme Charron (Hélène) : Vous faites référence à quelle recommandation, exactement?

M. Picard : C'est à la page 22 : Le Conseil du statut de la femme a pris position en faveur des aides familiales résidentes et déplorait les lacunes, la Loi sur les normes, des règlements pour établir une distinction entre les aides familiales qui résident chez l'employeur et les autres. Il faisait valoir que les aides familiales devraient être rémunérées selon un taux horaire plutôt qu'hebdomadaire. Puis là, dans le projet de loi, on ne change pas ça, à ma connaissance, puis vous ne faites pas de recommandation. C'est juste ça que...

Mme Charron (Hélène) : Bien, les conditions de travail des travailleuses migrantes résidentes nous interpellent de la même façon qu'avant. Je pense qu'on a fait le choix, dans ce mémoire-ci, de mettre vraiment l'accent sur les dimensions les plus essentielles. Nos recommandations, au conseil, qu'on a déjà formulées continuent à exister. Ceci étant dit, dans le projet de loi actuel, il y avait vraiment des nouveautés importantes sur lesquelles on voulait mettre davantage l'accent, mais c'est ce que je dirais, à ce moment-ci.

M. Picard : Mais vous savez qu'on ne la révise pas souvent, la loi, hein? Vous ne pensez pas qu'on devrait en profiter pour modifier les conditions des femmes?

Mme Cordeau (Louise) : Oui, comme vient de le mentionner Mme Charron, le mémoire, le document existe toujours, alors c'est une proposition du conseil qui existe toujours, qui est toujours en vigueur, mais on a vraiment voulu se concentrer sur les nouvelles dispositions plutôt que de reprendre l'ensemble de toutes les propositions qui avaient été émises en 2002. Elles étaient nombreuses, et plusieurs d'entre elles sont actuellement reprises, mais elles n'ont pas toutes faites l'objet de recommandations formelles dans ce nouveau mémoire là.

• (16 h 40) •

M. Picard : Merci. Est-ce que vous avez un portrait des travailleurs à domicile, migrantes, le nombre ou l'origine, de quels pays? Parce qu'hier on a reçu un groupe qui s'appelle FERME, eux, ils travaillent pour les travailleurs... ils vont chercher les travailleurs agricoles. C'est une agence de liaison, on va dire, on va appeler ça comme ça, là. Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de travailleurs, de travailleuses immigrantes dans le domaine de...

Mme Charron (Hélène) : On a des statistiques sur le nombre de personnes, c'est effectivement très majoritairement des femmes, comme Mme Cordeau le disait. Le nombre est en décroissance dans les dernières années dans ce programme particulier là. Ce qui nous manque... En fait, il y a certaines chercheures qui travaillent sur les conditions de travail des femmes dans le cadre de ce programme-là, mais on manque encore de données de type qualitatif pour vraiment mieux comprendre comment la loi parvient à s'appliquer dans ces contextes-là, quels sont les enjeux et les défis. C'est une des préoccupations du conseil depuis plusieurs années. On est très attentives aux recherches qui se font à ce moment-ci en milieu universitaire, particulièrement là-dessus. Les données statistiques sont fournies par les organismes publics, par ailleurs.

M. Picard : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : 25 secondes.

M. Picard : Ah! bien, pensez-vous... Tantôt, je vous parlais qu'il y a une agence de liaison pour les travailleurs agricoles. Est-ce qu'ils devaient... Et cette agence-là, FERME, qu'ils s'appellent, là, ils s'assurent d'une qualité de conditions de travail, là, puis de tous les... ils s'assurent que le processus se passe bien. Est-ce qu'il devrait y avoir peut-être une agence de liaison pour ces travailleuses-là?

Mme Cordeau (Louise) : Bien, moi, je vous dirais que toute mesure qui facilite et qui améliore la condition de vie des travailleuses, quelle qu'elle soit, sera appréciée.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je nous souhaite à tous une bonne fin de journée, et je suspends à commission jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 176, loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation travail-famille. Nous entendrons ce soir le Front de défense des syndiqué-e-s de L'Union des producteurs agricoles. Alors, bienvenue. Non, ce n'est pas vous, hein?

Une voix : C'est deux groupes séparés.

Le Président (M. Reid) : Ah! c'est deux groupes séparés, pardon. Le Front de défense des non-syndiqué‑e‑s... bon, parce que ma phrase est trop complexe. Je trouvais que c'était un peu... Bien, aujourd'hui, ce matin, on avait eu des noms assez compliqués aussi, hein, je pense, en particulier pour le hockey.

Alors, je me reprends. Donc, nous avons ce soir le Front de défense des non-syndiqué-e-s. Alors, bienvenue à vous. Je vous donne la parole, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de vous nommer et de nommer les personnes qui vous accompagnent avant de commencer. À vous la parole.

Front de défense des non-syndiqué-e-s

Mme Gauvin (Mélanie) : Parfait. Alors, merci beaucoup de nous recevoir dans le cadre de ces consultations sur le projet de loi n° 176. Alors, nous représentons le Front de défense des non-syndiqué-e-s, qui est une coalition qui existe depuis maintenant 38 ans, donc qui a été fondée à la fin des années 70, justement dans le cadre de l'adoption de la première Loi sur les normes du travail. On regroupe une vingtaine d'organisations communautaires et syndicales. Les membres partagent un objectif commun qui est l'amélioration des conditions de travail et de vie des personnes non syndiquées. La mission des groupes est vouée directement à la défense des personnes non syndiquées. On a aussi d'autres organisations qui réunissent ces personnes soit par secteur d'activité ou problématique. Plusieurs des organisations offrent de l'aide, donnent de l'information ou défendent les travailleuses, travailleurs. L'implication syndicale est également importante, et, au sein de la coalition, nous avons des représentants de trois grandes centrales syndicales du Québec.

Donc, depuis plusieurs années, le Front de défense des non-syndiqué-e-s lutte pour l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnes non syndiquées. Bon, nous produisons des avis, au fil du temps on a participé à plusieurs commissions parlementaires et nous menons certaines campagnes, là, notamment pour la hausse du salaire minimum au Québec. Donc, le Front de défense est un interlocuteur représentatif des travailleuses, travailleurs du Québec.

Alors, mon nom est Mélanie Gauvin, et je coordonne la coalition. Je suis accompagnée d'Anne-Marie Tardif, du Carrefour d'aide aux non-syndiqué-e-s de Trois-Rivières, et de Michel Pilon, du Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec, qui sont membres de la coalition.

Mme Tardif (Anne-Marie) : Bonjour. Tout d'abord, on aimerait vous mentionner que nous sommes tout à fait d'accord avec l'augmentation du nombre de semaines d'absence autorisées lorsqu'il se produit des événements qui impliquent des congés pour raisons familiales ou parentales. Toutefois, nous aimerions attirer votre attention sur l'article 20 du projet de loi, qui permet de s'absenter pour une période d'au plus 27 semaines sur une période de 12 mois lorsque la présence du salarié est requise auprès d'un parent, d'un enfant mineur ou auprès d'une personne qui agit à titre de proche aidant. Nous croyons que l'article 79.1 de la Loi sur les normes du travail autorisant le salarié à s'absenter au plus 26 semaines devrait être harmonisé avec les 27 semaines d'absence prévues à la modification de l'article 19 du présent projet de loi qui vient modifier l'article 79.8.1. Adopté de cette façon, le salarié aurait une meilleure protection pour prendre soin autant de lui que de ses proches.

Ensuite, nous soulignons une avancée dans l'article 17 du présent projet de loi au sujet de l'élargissement de la définition de «parent» en ce qui a trait aux congés pour raisons familiales ou parentales. Toutefois, nous tenons à souligner que l'article 79.6.1 devrait également inclure le petit-enfant. Vous savez, les grands-parents sont régulièrement appelés à prendre soin de leurs petits-enfants et sont très souvent une référence en cas d'urgence à l'école ou à la garderie. Ils sont également disponibles en cas de maladie grave ou de maladie prolongée d'un enfant.

De plus, nous croyons que ce même article, l'alinéa 2 du paragraphe 5°, devrait être remplacé par «une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant, tel qu'attesté par un professionnel oeuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux», ce qui correspond au libellé des articles 18 à 20 du projet de loi actuel. Cette formulation permet d'être plus inclusive et évite que cette application de loi soit liée à l'admissibilité du régime de prestations d'une autre loi. De plus, que l'article 18, premier alinéa, du projet de loi, en référence à l'article 79.7, soit modifié afin de préciser qu'un salarié peut s'absenter du travail avec salaire pendant 10 jours par année pour remplir les obligations reliées à la garde, la santé et l'éducation de l'enfant ou de l'enfant de son conjoint en raison de l'état de santé. On suggère qu'il y ait une banque d'heures cumulable de 10 jours soit pour remplir des obligations familiales ou pour des congés maladie, que le troisième alinéa de cette même loi, article 79.7, supprime «et prendre [des] moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise [ou] la durée [d'un] congé». Cette obligation impose un lourd fardeau de preuve pour la personne salariée, comme en témoigne la décision Honda de la Capitale du Tribunal administratif du travail. Nous croyons que l'insertion du deuxième alinéa, proposé dans le projet de loi, de l'article 18, qui oblige le salarié à informer son employeur au plus tôt possible de son absence, permet suffisamment de prévenir ces abus. Nous croyons aussi que c'est une très bonne nouvelle pour la protection au niveau des absences prévues à l'article 79.1, qui ne requiert plus trois mois de service continu, donc l'article 16 du présent projet de loi. Nous demandons toutefois que les personnes puissent avoir accès à ces congés dès l'embauche.

• (19 h 40) •

Mme Gauvin (Mélanie) : Alors, c'est moi ici qui enchaîne pour la suite. Donc, Mélanie Gauvin, du Front de défense des non-syndiqué-e-s.

D'abord, j'aimerais souligner les modifications au projet de loi qui sont prévues sur la question de l'étalement des heures. Alors, bien que nous soyons d'accord qu'il y ait un étalement des heures qui soit permis sur une base autre que quotidienne entre un employeur et une personne salariée, nous croyons toutefois nécessaire de maintenir l'autorisation de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, la CNESST, si on veut bien abréger. Donc, nous demandons que l'obligation soit maintenue. Nous avons, bon, quelques questionnements à ce sujet. Nous craignons que les travailleuses, travailleurs soient contraints d'accepter un étalement des heures ou soient victimes de représailles en cas de refus. De plus, il sera beaucoup plus difficile d'assurer une surveillance de l'application de cette disposition sans moyen pour identifier les ententes entre la personne salariée et son employeur.

Donc, ce que nous proposons, c'est que l'article 8 du projet de loi et que l'article 53 de la Loi sur les normes du travail soient modifiés comme suit, donc : «Un employeur peut, avec l'autorisation la commission, étaler les heures de travail d'un groupe de salariés ou d'un seul salarié sur une base autre qu'hebdomadaire à condition que la moyenne des heures de travail soit équivalente à la norme prévue dans la loi ou le règlement.»

Par la suite, j'aimerais aussi attirer votre attention sur l'article 3, paragraphe 2° de la Loi sur les normes du travail, donc les exclusions à la Loi sur les normes du travail, pour porter à votre attention la problématique des personnes qui travaillent sur les chèques emploi-services, donc les personnes qui vont notamment offrir des soins à domicile et qui sont rémunérées par la personne malade, donc qui reçoivent un nombre d'heures attribué par le CLSC pour aller prendre soin d'une personne. Il y a différents éléments sur lesquels elles sont plus précaires et plus fragiles et dernièrement il y a eu une décision qui a été rendue par le Tribunal administratif du travail, où on est venu exclure une travailleuse du chèque emploi-services en vertu de l'article 3, paragraphe 2° de la Loi sur les normes, puisque la plaignante exerçait ses tâches de manière ponctuelle, qu'elle ne travaillait pas à temps complet pour le bénéficiaire, que son engagement n'était pas régulier et variait selon l'état de santé de la personne. Cette exclusion a pour conséquence que la travailleuse a perdu sa plainte en vertu d'une pratique interdite.

C'est une décision tout de même qui est isolée, mais qui ne doit pas devenir la norme, et la réforme actuelle est peut-être un moment privilégié pour apporter une modification à l'article 3, paragraphe 2° de la Loi sur les normes du travail. Et ce qu'on demande, c'est que soit supprimé du paragraphe 2°, et là je vais vous le lire... en fait, c'est un peu... On demande que soit supprimé «lorsque cette fonction est exercée de manière ponctuelle, sauf si l'employeur poursuit au moyen de ce travail des fins lucratives», donc pour revenir à l'esprit de la loi initialement, qui était d'exclure, finalement, les gardiennes, les gardiennes occasionnelles, par exemple les petites voisines qui allaient garder des enfants, bon, qui habitaient proche de la maison. Donc, on demanderait que soit retirée cette phrase-là de l'article 3.2° du règlement et ainsi accorder une meilleure protection et s'assurer que les travailleuses sous le chèque emploi-services ne soient pas exclues de la Loi sur les normes du travail.

Également, pour ces travailleuses, il y a certaines autres problématiques. Notamment, on leur demande parfois de faire des formations, et elles ne reçoivent pas de rémunération pour cela, et également il y a un problème au niveau des vacances. Donc, il y a une façon de fonctionner qui est prévue, où est-ce que, bon, le CLSC s'occupe tout de même de faire une certaine gestion de ces travailleuses, Desjardins d'occupe de faire les paies, elles reçoivent un pourcentage de 4 % pour les vacances, mais malheureusement le droit aux vacances n'évolue pas pour ces travailleuses-là. Donc, on demanderait que l'intégralité de la Loi sur les normes du travail s'applique pour ces personnes et qu'ils aient le droit à 6 % de paie de vacances après cinq ans de services continus, et que cette paie-là soit versée au moment des vacances et non à chaque période de paie.

Par la suite, un autre élément sur lequel on veut attirer votre attention, c'est la question de l'horaire de travail. Bien que l'article 9.2° du projet de loi permette une relative prévisibilité de l'horaire en accordant à la personne un droit de refuser de travailler si elle n'est pas informée qu'elle est requise au travail au moins cinq jours à l'avance, cette mesure devrait tout de même être accompagnée d'une obligation de remettre l'horaire de travail cinq jours à l'avance. Donc, on se questionne un peu à savoir comment exercer un droit de refus de travailler qui aura une répercussion financière directe pour des personnes qui déjà, trop souvent, vivent dans la précarité. De plus, qu'arrive-t-il si la personne exerce son droit de refus? Quand on pense, bon, à toutes les difficultés que posent des revenus irréguliers et imprévisibles, le droit de connaître son horaire à l'avance, dans un délai raisonnable, est un peu le moins que l'on puisse demander.

Et on demanderait également qu'à l'article 9.2° du projet de règlement on ajoute, à la suite du droit de refuser, que lorsqu'un salarié exerce son droit de refus, c'est l'horaire de la semaine précédente qui s'applique parce qu'actuellement on ne voit pas, dans le projet de loi, qu'est-ce qui arrive si la personne exerce son droit de refus. Est-ce qu'elle ne travaille pas? Est-ce que c'est la semaine d'avant qui s'applique? Est-ce qu'elle peut refuser certaines heures, pas toutes les heures, etc.? Donc, il y a des zones grises, donc on demanderait d'ajouter que, si la personne exerce son droit de refus, eh bien, ça soit l'horaire de la semaine précédente qui s'applique.

En terminant, quelques mots sur la question du harcèlement psychologique et sexuel. Donc, on est très satisfaits de constater que le projet de loi met de l'avant l'obligation pour les entreprises d'instaurer une politique pour prévenir le harcèlement psychologique en milieu de travail. C'est une demande que nous avions depuis longtemps. Nous croyons à l'importance d'intervenir en amont, avant que les problèmes de harcèlement arrivent, mais nous croyons que cette obligation pourrait tout de même être accompagnée de certains moyens pour la rendre aussi plus efficace, par exemple que l'employeur soit obligé de l'afficher et de rendre la politique disponible à toutes les personnes à son emploi.

Pour favoriser le recours aussi, on demande que le délai de prescription pour le recours soit allongé de 90 jours, ou trois mois, à six mois, donc, pour laisser le temps à la personne de pouvoir faire ses démarches, mais aussi de se soigner, peut-être, avant de faire ces démarches-là. On demande aussi qu'il y ait des activités de formation à la Charte des droits et libertés qui soient prévues régulièrement à l'intention du personnel de la CNESST et finalement qu'il y ait une structure d'observatoire qui soit implantée pour veiller au respect des droits de la personne lors du traitement des plaintes et assurer l'application de la Charte des droits et libertés lors des recours de harcèlement.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Merci. Nous allons débuter les échanges.

Une voix : Peut-être que M. Pilon...

Mme Vien : Allez-y, monsieur, allez-y, allez-y.

La Présidente (Mme Richard) : C'est sur le temps de la ministre, le temps du gouvernement. Donc, je vous alloue quelques minutes, M. Pilon.

M. Pilon (Michel) : Merci. Ça ne sera pas très long. Merci beaucoup. Alors, Michel Pilon, du Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec.

Vous savez, on accueille très favorablement les obligations d'égalité de traitement entre les salariés, et l'entreprise client, et les salariés des agences, bien sûr, et la responsabilité solidaire entre les agences de placement et les entreprises clients. J'ai écouté un reportage, en octobre 2010, d'Enquête sur les compagnies de placement et je me disais, encore une fois, qu'il n'y avait rien qui avait changé depuis plusieurs années sur cette question-là. Le travail au noir dans ces compagnies de placement là était devenu quelque chose d'épidémique, et heureusement il y a quelque chose de très intéressant qu'on vient de voir dans le cadre de la loi.

J'ai eu un cas, d'ailleurs, qu'on va appeler Paolo, c'est un Haïtien qui est arrivé par le chemin Roxham et qui s'est fait prendre dans cette compagnie de placement là il y a à peu près quatre semaines, que j'ai aidé, d'ailleurs, que j'aide encore, et je peux vous dire que lui a perdu une main dans cette compagnie de transformation là et il a fallu, bien sûr, tout refaire le dossier au complet, accident de travail et ce qui va avec. Et, écoutez, c'était une compagnie au noir, avec des numéros fictifs d'assurance sociale, et, dans le cas de Paolo, ils étaient 12 dans un camion, ils étaient tous des travailleurs, des ressortissants, des demandeurs d'asile qui sont arrivés dernièrement. Alors, ce n'est pas compliqué, ils viennent les chercher à la porte, on leur dit : Allez chercher des services à Moisson Montréal ou dans une friperie, et ces requins-là se parlent, sont à ces portes-là pour venir les embrigader. Alors, ça aussi, je trouve ça assez extraordinaire, ce qui va être adopté dans le cadre de cette loi-là.

Alors, nous accueillons aussi favorablement les dispositions visant que les travailleurs immigrants temporaires, que je représente, d'ailleurs, ainsi que les obligations des entreprises à assurer un traitement rapide et prioritaire des plaintes déposées à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, effectuer des inspections chez les employeurs pour vérifier l'application des lois, autoriser les personnes à rester au Québec durant les procédures et leur accorder un permis de travail ouvert.

L'année dernière, on s'est occupé de 14 Guatémaltèques qui se sont fait frauder par une compagnie de placement. Ils étaient menacés, bien sûr, de renvoi, et heureusement on a eu une commissaire qui a bien compris la situation, et ils ont accordé des permis ouverts. Maintenant, ces travailleurs-là travaillent du côté de Saint-Rémi et gagnent très bien leur vie. Ça, ça a été assez extraordinaire aussi. Et ce qu'on souhaite de plus en plus... et c'est ce qu'on a vu, d'ailleurs, au cours des dernières années, ces travailleurs-là, par exemple, s'ils avaient un accident de travail, l'employeur leur donnait le billet d'avion pour s'en retourner. Donc, lorsqu'on voulait exercer un droit, par exemple, un congédiement illégal en vertu des dispositions de la Loi des accidents de travail, ces travailleurs-là étaient retournés dans leur pays — essayez, maintenant, de revendiquer vos droits à partir du Guatemala, ou du Honduras, ou du Mexique — ça devenait aussi de plus en plus problématique. Alors, de là, bien sûr, ce qu'on souhaite, c'est que ces travailleurs-là, bien sûr, puissent rester le temps qu'on réalise leurs droits.

Enfin, je vais terminer avec ça, les conditions d'hébergement. Les conditions d'hébergement des travailleurs et travailleuses étrangers qui viennent au Québec et qui résident, volontairement ou non, chez l'employeur, sont identifiés dans le Règlement des normes du travail, article 6. Cet article définit d'une façon très rudimentaire, pour nous, en tout cas, les conditions d'hébergement. Il pourrait cependant aller plus loin et être calqué sur le Règlement des conditions sanitaires des campements industriels ou autres, règlement en vertu, bien sûr, de la Loi sur la santé et sécurité au travail. Alors, on pourrait calquer sur un règlement similaire à celui-là, pour moi.

Nous croyons nécessaire que le règlement précise le nombre limite de personnes par chambre et par installation sanitaire — douche, bain, toilette — pour chaque habitation dans le but d'assurer un accès raisonnable de chaque travailleur ou... travailleuse et travailleur, qu'il soit du Québec ou d'ailleurs, a droit à la dignité et au respect, et, pour nous, c'est vraiment une question de santé et sécurité. Je peux vous dire que j'ai vu des situations — je termine là-dessus — où ces travailleurs-là vivaient dans des hébergements avec de la moisissure, et où on avait une douche pour 10 travailleurs, et ça devient de plus en plus problématique. Donc, il faut normer cette partie-là pour les travailleurs migrants agricoles qui viennent travailler, Mexicains et Guatémaltèques. Merci, madame.

• (19 h 50) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Merci beaucoup. Vous comprenez que vous êtes sur le temps de... je tiens juste à faire une mise au point, vous êtes sur le temps que la ministre vous alloue. Parce que, quand je commence à présider, je dis à tous les organismes qui viennent qu'ils ont un temps maximum de 10 minutes. Par la suite, avec le consentement... mais la ministre a été très, très généreuse avec vous. Mme la ministre, vous pouvez commencer les échanges. La parole est à vous.

Mme Vien : Merci. Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous trois. Merci de vous être déplacés en soirée, hein, c'est très apprécié. Ah! bien, moi, je suis contente de vous entendre, là, M. Pilon, là. Bien sûr que vous êtes porteur d'histoires qui nous donnent froid dans le dos, là, puis c'est un peu ce qui nous a convaincu, nous aussi, là, de cette urgence, là, qu'on avait, là, de procéder. Alors, il ne pouvait pas en être autrement pour nous que d'y voir puis d'apporter des correctifs dans ce secteur d'activité, là, que ce soit au niveau des agences de placement ou des agences de recrutement.

Alors, je suis vraiment contente de voir que vous trouvez qu'on est à la bonne place. Il y en a qui trouvent qu'on est sévères, mais en même temps on est les derniers au Canada à venir réguler ce secteur-là. Je pense qu'au contraire on est à la bonne place puis on va... On comprend aussi qu'il y a des compagnies qui sont sérieuses, on comprend aussi qu'il y a des gens qui sont rigoureux dans ces agences-là, mais il y en a d'autres qui sont des crapules, et il faut les redresser.

Je vais revenir avec vous, M. Pilon, mais je vais d'abord aller avec Mme Gauvin. Il est question, pour nous, peut-être, de mettre un élément de révision de la Loi sur les normes. Bon, on le sait, là, on l'a changée en 1990, on l'a changée en 2002, ça fait des longs délais, là. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?

Mme Gauvin (Mélanie) : Bien, écoutez, oui, et on espère que la prochaine réforme ne sera pas dans 15 ans comme celle-là. C'est certain que, de notre côté, ça amène à apporter beaucoup d'éléments aussi dans le cadre d'une consultation comme celle-là. Il y a des éléments non couverts par le projet de loi, il y a des éléments, par contre, qui représentent des avancées certaines. Que ce soit au niveau des agences de placement, au niveau des travailleurs étrangers temporaires, on ne peut que saluer les éléments du projet de loi. Il y a des éléments là-dedans qui sont essentiels, qui viennent d'ailleurs aussi de plusieurs études qui datent... notamment on réfère au rapport Bernier qui a été fait sur la situation de travail des personnes en situation non traditionnelle. Donc, c'est...

Mme Vien : Les proches aidants aussi, hein, la reconnaissance du proche aidant.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui, les proches aidants, tout à fait, tout à fait. Je crois que... et également l'obligation du trois mois de service continu pour avoir droit aux congés, d'avoir enlevé cette obligation-là vient protéger certaines travailleuses, travailleurs, notamment lorsqu'elles sont malades, là, du congédiement.

Donc, il y a des points très forts dans le projet de loi. Il y a des choses qui restent toutefois, selon nous, à améliorer. Il peut peut-être y avoir aussi certains aménagements qui soient faits, là, pour assurer, là, disons, complètement la protection au niveau des travailleuses, travailleurs.

Mme Vien : D'ailleurs, tout à l'heure, vous nous disiez, par exemple, les petits-enfants devraient... Parce que vous savez qu'on a élargi la portée de la famille, hein? Ça aussi, c'est quelque chose. Parce qu'on ne peut pas avoir les deux mains comme ça, là, tu sais, la famille, elle change au même rythme que la société, il faut revoir tout ça sous toutes ses coutures. Les petits-enfants seront maintenant intégrés dans la notion de famille. En tout cas, je voulais juste apporter cette précision-là.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui. C'est comme s'il y avait eu juste un petit trou. Peut-être que...

Mme Vien : Oui, ils sont là...

Mme Gauvin (Mélanie) : Ah! ils sont là déjà, oui? Les grands-parents sont spécifiés, mais, si le grand-parent s'absente pour s'occuper de son petit-enfant, il est protégé?

Mme Vien : Bien, c'est ce qu'on m'a dit. C'est ça qu'on me dit.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui, parfait.

Mme Vien : Vous nous amenez, au début de votre présentation, sur l'étalement des heures. Moi, je trouve que c'est une belle idée qu'on a apportée parce que ça satisfait les uns et les autres, hein, ça aide les entreprises à avoir un peu de souplesse. Parce que les normes du travail, ça s'adresse plus souvent qu'autrement à des petites entreprises, donc, qui ont besoin d'une certaine agilité, d'une flexibilité, puis c'est bon aussi pour les travailleurs, travailleuses qui aimeraient aussi avoir cette souplesse-là dans leur vie de famille, notamment.

Vous dites : Vous ne devriez pas enlever l'autorisation de la CNESST. Moi, je pense que... en tout cas, jusqu'à maintenant, Mme Gauvin, il n'y a pas personne qui m'a convaincu du contraire, là, je veux dire. Je vais vous en donner l'occasion encore, peut-être, de plaider votre cause là-dessus.

Mme Gauvin (Mélanie) : Bien, en fait, je vous dirais que, notamment au niveau de la conciliation famille-travail, on est d'accord que c'est une excellente mesure de pouvoir étaler ses heures, exemple, quand quelqu'un a une garde partagée. Le problème est que, si l'entente est faite entre un salarié et son employeur ou son superviseur, donc, comment s'assurer que c'est bien, par exemple, à la demande du salarié qu'on procède à l'étalement des heures?

Donc, peut-être qu'il pourrait y avoir une formule plus simplifiée pour faire une déclaration à la CNESST d'un étalement des heures. Peut-être qu'une procédure administrative plus simple pourrait être intégrée, mais s'assurer que la personne salariée ne se fasse pas flouer non plus là-dedans ou se voie imposer un étalement des heures qu'elle ne souhaiterait pas avoir, mais qu'elle se voit un peu contrainte d'accepter, de peur d'avoir des représailles de son employeur, parce que, bien sûr, quand tout est fait dans les règles de l'art, il n'y en a pas, de problème, mais on sait, et nous, on le voit quotidiennement, que des problèmes au travail, ça existe, et il y en a.

Donc, peut-être qu'il y aurait moyen de trouver une procédure allégée pour qu'au moins il y ait minimalement... la commission, soit qu'elle donne son autorisation ou qu'il y ait un moyen d'enregistrer ces étalements des heures là, qu'ils soient entendus entre les parties. Ça fait que c'est surtout pour la protection des travailleurs, disons, pour éviter que ça soit imposé et que ça soit bien volontaire des deux côtés, hein?

Mme Vien : Merci beaucoup, Mme Gauvin. M. Pilon, je vous ai dit que je vous revenais avec vous, là, mais c'est moins une question qu'un commentaire. Peut-être que vous en aurez, puis ça me fera bien plaisir de vous écouter. Vous savez qu'on va imposer un permis, hein? Il est en rédaction... En fait, le règlement qui va venir stipuler qu'est-ce qu'il y a dans le permis, etc., va être déposé en même temps qu'on va commencer l'étude article par article, ça pourrait être même cette semaine. Alors, je vous invite à être attentif, certainement que ça va vous intéresser de savoir exactement ce qu'il y aura dans le règlement, ce qui sera demandé aux agents.

M. Pilon (Michel) : Tout à fait. On a déjà commencé à réfléchir, d'ailleurs, sur cette question-là.

Mme Vien : Bien, c'est ça, si des fois vous avez déjà des trucs à nous acheminer ou des...

M. Pilon (Michel) : Éventuellement, Mme la ministre, oui, on va vous faire parvenir notre réflexion là-dessus, tout à fait, sur la question des...

Mme Vien : Éventuellement rapidement?

M. Pilon (Michel) : C'est-à-dire très rapidement, là, ça peut être... Déjà, la réflexion a été faite. Donc, je dirais, d'ici la semaine prochaine, là, on devrait être capables de vous envoyer quelque chose là-dessus.

Mme Vien : Étant entendu, effectivement, puis mon collaborateur a raison de me le dire... c'est qu'il y a toujours 45 jours de consultations, hein, pour un règlement, là, mais ça va être déposé aux collègues vendredi, les intentions, oui.

M. Pilon (Michel) : Mais, dans le mémoire aussi, on en parle, de la question réglementaire, là, donc, dans le mémoire du Front de défense des non-syndiqué-e-s, là.

Mme Vien : Parfait. Merci beaucoup à vous trois. Je vais voir. Si j'ai d'autres questions, je reviendrai.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Je cède la parole au député de Beauharnois et porte-parole en matière de travail.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, mesdames, bonsoir, monsieur. Très, très fier de vous voir et de vous entendre parce que Front de défense des non-syndiqué-e-s... que vous le sachiez ou non, pour moi, ce projet de loi là sur les normes du travail vise exactement les gens que vous défendez, les non-syndiqués parce qu'où est-ce qu'on a des conventions collectives, qu'on est mieux organisés, bien souvent ces normes minimales là sont déjà atteintes, donc pour eux, il n'y a pas un changement, mais pour vous, les gens que vous représentez plus spécifiquement, bien, c'est ça qu'on veut entendre.

Puis il y a beaucoup de sujets, je vais manquer de temps, je vous le dis à l'avance. Je passerais deux heures avec vous. Bien, je vous dirais même... Je vois votre mémoire, vous avez touché à peu près à tous les aspects, parce qu'en bonnes personnes vaillantes vous avez dit : On va parler un peu de nos souhaits, et de nos rêves, et de ce qui devrait être mis en place.

Mais je vous pose une question simple, là. Parmi tous les gens que vous représentez, que vous connaissez, les plus grandes problématiques, si je vous disais, là, un ou deux choix qu'il faudrait mettre dans les normes, qui ne régleraient pas tout, qui régleraient une majeure partie de votre problème, de vos problèmes, est-ce que vous êtes capables de m'énumérer un ou deux pour qu'on dise : Bien, au moins, face à vous qui représentez ces gens-là qu'on tente de cibler, les non-syndiqués, quelle est la pire, la pire chose ou les deux pires choses?

• (20 heures) •

Mme Gauvin (Mélanie) : Bien, écoutez, les problématiques sont très variables, hein? Il y a des personnes qui peuvent avoir une bonne rémunération, mais être victimes de harcèlement psychologique et se retrouver, finalement, être la personne qui quitte à cause de ce harcèlement-là. On pourrait dire que régler ou améliorer le recours sur le harcèlement serait la meilleure chose qui arrive à ce moment-là. On voit aussi... et là il y a des améliorations, dans le projet de loi, sur les disparités de traitement, donc, les disparités de traitement salarial. Moi, je travaille sur une base temporaire, bien, je gagne moins que M. Pilon, qui est permanent dans l'entreprise. Donc, on voit là une amélioration, quand même, sur la question des disparités de traitement parce qu'on vient, en tout cas, enlever l'exclusion de gagner plus de deux fois le salaire minimum. Puis on voit aussi que, pour les agences de placement, les travailleurs d'agence, on a un élément sur l'égalité de traitement avec les salariés de l'entreprise cliente. Donc ça, c'est des avancées qui vont faire une différence pour les personnes précaires, c'est certain, donc on voit ça comme d'un bon oeil, bien entendu. Je pense que... peut-être que Michel pourrait parler de la question des travailleurs étrangers.

M. Pilon (Michel) : Tout à fait.

Mme Gauvin (Mélanie) : Je pense que c'est quand même intéressant de voir les avancées qui ont été mises dans le projet de loi, et ça va peut-être venir prévenir aussi beaucoup d'abus, notamment quand on pense aux questions de rapatriement quand une personne est blessée ou l'aider peut-être à exercer ses droits. D'être capable de mieux identifier ils sont où, les travailleurs étrangers, que la commission ait plus de pouvoir aussi pour déposer des plaintes pour eux, c'est des avancées intéressantes, là.

M. Pilon (Michel) : Dans le cas des travailleurs agricoles, ils sont déjà au salaire minimum, alors... c'est un travailleur étranger agricole. La grande problématique, c'est surtout la question des agences, qu'on a eu certaines problématiques de ce côté-là, mais surtout, actuellement, la question d'hébergement, alors, où on a vraiment de sérieux problèmes de ce côté-là.

Je ne veux pas mettre tous les employeurs dans le même panier parce qu'il y a de très bons employeurs, je peux vous dire, qui hébergent de façon exemplaire leurs travailleurs. Mais il existe quand même des taudis, des problématiques sérieuses d'hébergement. C'est pour ça qu'on souhaite que ça soit normé, cette partie-là au sein de ces travailleurs-là. Parce que, de toute façon, les employeurs sont très contents de les avoir sur le terrain. Ils les ont 24 heures sur 24, ça travaille 14, 16 heures par jour durant l'été. Et, bien sûr, les dispositions de la Loi des normes ne s'appliquent pas à eux pour ce qui touche, bien sûr, du temps supplémentaire et ce qui reste. Donc, dans les faits, la grande question est, bien sûr, la question de l'hébergement, actuellement, là, chez ces travailleurs-là, et toute la question, bien sûr, des compagnies de placement.

Et on est aussi très heureux d'une situation sur l'égalité de traitement. Un des exemples que je vais vous donner, les travailleurs mexicains, eux, grâce à l'histoire des ententes fédérales, ne paient pas l'hébergement, les Guatémaltèques et les Honduriens paient leur hébergement. Donc, vous vous retrouvez avec des travailleurs qui travaillent au même endroit, un qui est dans une chambre, qui paie son hébergement, et l'autre qui ne paie pas son hébergement. Donc, les conditions de travail ne sont pas les mêmes en fonction, bien sûr, des ententes avec le Canada. Alors, ça, ça devient de plus en plus problématique.

Une autre chose... Ce matin, d'ailleurs, j'étais en réunion avec la sous-ministre fédérale sur la question des contrats de travail des travailleurs au niveau fédéral, bien sûr que... les contrats que les fermes signent pour avoir ces travailleurs-là, et actuellement ils sont en train de faire un règlement sur cette question de l'hébergement là. À mon avis, c'est une juridiction provinciale, ça devrait être une juridiction provinciale, et le fédéral ne devrait pas s'introduire là-dedans. Quoi qu'il en soit, il s'enligne, actuellement. Dès ce matin, on en discutait, d'ailleurs. Et d'ailleurs on était avec l'UPA ce matin, et ils vont être tout de suite après, on en a discuté, d'ailleurs, ce matin, et je pense qu'il faut faire attention, là, sur les questions de juridiction, mais on souhaite que le provincial légifère là-dessus, particulièrement sur la réglementation.

Et, pour nous, c'est une question de santé et sécurité et une question de dignité pour ces travailleurs-là. Lorsque vous vous retrouvez avec 10 travailleurs pour une douche, il y a un sérieux problème, là.

Mme Gauvin (Mélanie) : Peut-être juste mentionner qu'au niveau de la Loi sur les normes du travail on a déjà vu des modifications qui ont été faites au règlement. Notamment, maintenant, on exige que les travailleurs puissent avoir une commode. Donc, tu sais, on est dans des choses très rudimentaires, hein?

M. Leclair : Le gros luxe.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui.

M. Pilon (Michel) : Il faudrait que ça soit un petit peu plus élaboré, du moins, là, pour ce qui est de l'hébergement, ce qu'on doit...

M. Leclair : Bien, écoutez, pas pour critiquer puis pas pour faire de la politique, mais vous me confirmez que... non, je trouve ça très dommage qu'on passe ce projet de loi sur les normes à la fin d'une législation comme ça, avec du temps un petit peu restreint, pour ne pas dire extrêmement restreint, parce que je suis convaincu que la ministre, dans ses états d'âme, aimerait sûrement regarder ça en profondeur. Parce que je me souviens de ces histoires d'hébergement là, il y a environ sept, huit ans, ça débutait, puis là il y avait toutes sortes de choses. Puis, encore là, je vous suis en disant que ce n'est pas tous les agriculteurs qui font ça, bien entendu, mais que vous me dites, en 2018 qu'on vit encore ça, je n'en reviens pas.

On a parlé des agences au début de... bien, au début... tout au long de la commission parlementaire. Je suis encore assis bien, bien fermement sur ma chaise, parce que je n'en reviens pas qu'on n'est même pas capables de suivre des normes du travail. Puis là vous me parlez, dans le milieu agricole, que l'hébergement, on a peut-être fait un pas d'avant, mais il y en a qui ne sont pas plus avancés. Puis là ce que vous me dites, qu'on a besoin d'une commode... et je regardais dans votre mémoire, là, puis je ne passerai pas au travers, mais un réfrigérateur, là, quelque chose pour au moins garder leur manger, c'est très rudimentaire, là, on part de très, très loin. Mais je croyais qu'on n'avait plus ces problèmes-là.

Je vous pose une question simple, si vous êtes capables d'y répondre : Ça serait quoi, le pourcentage que vous jugez, d'après vous, là, sans avoir des chiffres... c'est quoi, le pourcentage sur les travailleurs qui viennent de l'extérieur qui vont travailler en milieu agricole? C'est-u 20 % de ces gens-là qui sont maltraités ou qui sont mal hébergés ou on parle de 50 %? Si on est capables de mettre un chiffre, juste pour nous donner une image... Parce que je comprends très bien, j'aurais la place de la ministre aujourd'hui puis je vous dirais : Bien, on ne peut pas faire à la pièce pour une personne, on tente d'englober le tout parce qu'il n'y a pas de perfection dans ce beau monde là. Donc, pouvez-vous nous sortir un chiffre, d'après vous?

M. Pilon (Michel) : Je ne peux pas venir vous donner un chiffre en tant que tel, mais, même s'il y en avait 10 %, ça serait inacceptable, de toute façon.

M. Leclair : Je suis d'accord avec vous.

M. Pilon (Michel) : Alors, pour moi, que ce soit 20 %, 30 %, ou 10 %, ou même 5 % et même 1 %, c'est inacceptable de donner des conditions d'hébergement qui ne soient pas salubres, et ça, c'est une question de santé et de sécurité. Et, à mon avis, ces travailleurs-là ont le droit à la même protection que les travailleurs du Québec, donc d'avoir le droit, bien sûr, à la santé et sécurité, là, dont le règlement, je vous disais, là, sur...

M. Leclair : Vous semblez avoir une solution, là, vous dites : Prenez la définition d'«hébergement»...

Mme Gauvin (Mélanie) : Mais, au-delà de de l'hébergement, quand même...

La Présidente (Mme Richard) : Juste une personne à la fois, s'il vous plaît, ça va être difficile. Puis il reste 1 min 30 s au député.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui. Mais, au-delà de l'hébergement, moi, je vous dirais que, tout de même, le projet de loi vient apporter certains éléments clés pour protéger ces personnes-là, viennent apporter beaucoup pour qu'elles puissent exercer leurs droits, viennent apporter de la surveillance de la part de la commission, la CNESST, la Commission des normes, qui sont tout de même des avancées importantes qui permettraient, du moins, une amélioration des conditions de travail et une amélioration de la surveillance et de la possibilité d'exercer ses droits. Donc, les conditions de logement sont prévues dans le règlement. Si vous dites que vous étudiez...

La Présidente (Mme Richard) : Mme Gauvin, je m'excuse, mais je pense que M. le député de Beauharnois... Il reste moins de 50 secondes, question, réponse.

M. Leclair : Je vous suis, mais vous me disiez tantôt : S'il y a 1 %, c'est 1 % de trop. Alors, si je me mets dans cette image-là, vous me dites : On dit qu'on va envoyer plus les inspecteurs, mais la deuxième opposition nous disait : Il y a cinq inspecteurs pour tout le Québec. Alors, en milieu agricole, là, s'il y en a un qui s'écarte, là, on va être bien chanceux.

M. Pilon (Michel) : ...disposition, là, qui va permettre, d'ailleurs, de faire plus de déclarations et plus de plaintes, éventuellement. Et ce n'est pas juste des travailleurs, dont même des... En tout cas, ce qu'on voit, c'est que des organismes pourraient déposer des plaintes.

M. Leclair : Pourraient en faire une. O.K. Merci beaucoup.

M. Pilon (Michel) : Voilà. Alors, ça change beaucoup la perspective.

M. Leclair : La dynamique.

M. Pilon (Michel) : Avant, ça prenait le travailleur pour faire la plainte. Là, un organisme pourrait en faire une.

M. Leclair : Ah oui. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Ça va? Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames monsieur. Seulement pour rassurer mon collègue député de Beauharnois, oui, c'est peut-être triste, là, nous sommes en fin de législature, là, mais il va y en avoir une autre, à partir du mois d'octobre, puis, peu importe qui formera le gouvernement, je pense qu'on devrait la réviser, la loi, là, sur une base... peut-être à tous les cinq ans pour s'ajuster au nouveau monde du marché. En tout cas, moi, c'est ma position, là.

Au niveau de... je vais revenir sur l'hébergement aussi, là, parce que c'est très préoccupant. Actuellement, il y a un règlement, là, que c'est des normes de base. Le terme que vous prenez, c'est «rudimentaire». C'est vérifié comment et par qui? Parce que nous, on nous a dit... Parce que, tantôt, mon collègue disait que j'avais dit cinq, là, c'est quelqu'un qui nous a dit ça qu'il y avait cinq inspecteurs au Québec, basés à Montréal, mais ça n'a pas été démenti. Je ne sais pas si c'est vrai ou pas, là, mais, peu importe, là. Mais actuellement le règlement, là, qui est vraiment rudimentaire, il y a-tu quelqu'un qui s'assure qu'il est appliqué? Parce que c'est beau, si on le change, si on améliore le règlement, on améliore les conditions, mais, s'il n'y a personne pour le faire appliquer, ça ne changera rien, on va se conter des belles histoires ici, là.

• (20 h 10) •

Mme Gauvin (Mélanie) : Bien, la Commission des normes du travail, il y a quelques années, a fait des enquêtes préventives durant tout un été, ils sont allés dans au-delà de 100 fermes pour aller regarder les conditions de travail, donc ils sont allés enquêter, mais ils sont allés aussi faire une cueillette d'informations. Et, suite à ces interventions qui étaient plus de nature préventive, il y a eu des modifications qui ont été faites au règlement. Mais on croit qu'il est encore possible de bonifier ces modifications-là qui ont déjà été faites. Notamment, on était venu prévoir la question de la commode, on était venu s'assurer que les travailleurs qui venaient sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés n'aient pas à payer plus que les montants prévus dans le règlement pour la chambre et la pension.

Donc, il y a encore du travail à faire de ce côté-là, et le règlement pourrait permettre de venir notamment, peut-être, calquer certaines dispositions qui sont prévues, là, sur les campements sanitaires... c'est quoi déjà...

Une voix : ...

Mme Gauvin (Mélanie) : ...les campements industriels. Donc, pour les travailleurs qui vont travailler dans le Nord, les travailleurs québécois, on prévoit des normes impeccables, on prévoit que ce doit être désinfecté, nettoyé, tout est au poil. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas s'inspirer de ça, dans le règlement de la Loi sur les normes du travail, pour venir mettre de l'avant des éléments, venir bonifier ce qui a déjà été fait il n'y a pas tant d'années que ça, là? Ça ne fait pas 15 ans, là.

M. Picard : O.K., mais, si j'ai bien compris, vous dites que, suite à l'action proactive des inspecteurs, on a modifié le règlement. Moi, ce n'est pas le règlement qui m'importe, c'est le résultat sur le terrain, là. Qu'on écrive le plus beau règlement, si on ne s'assure pas qu'il est appliqué, on ne change rien, là. En tout cas... Mais je pense qu'il y a un problème au niveau des inspecteurs, je ne sais pas si c'est dans les méthodes de travail ou si c'est le nombre, en tout cas, peu importe, mais je pense que la ministre est sensibilisée sur le sujet.

Monsieur, vous avez indiqué à plusieurs reprises... vous avez parlé de mauvaises agences ou, en tout cas, des pas gentilles, disons. C'est-u des agences de placement ou des agences de recrutement?

M. Pilon (Michel) : Des agences de placement que je vous parlais.

M. Picard : De placement?

M. Pilon (Michel) : Oui, tout à fait.

M. Picard : O.K. Parce que les agences de recrutement, eux...

M. Pilon (Michel) : C'est très différent.

M. Picard : Très différent?

M. Pilon (Michel) : Très différent.

M. Picard : O.K., c'est bon. Parce que ça, des agences... puis, même, c'est un point important du projet de loi, les agences de placement, là, pour les encadrer, pour s'assurer que ceux qui fonctionnent bien fonctionnent, puis ceux qui ne respectent pas les lois, bien, qu'ils n'existent pas, tout simplement.

Dernière question. Tout à l'heure, vous avez dit, madame, que les gens qui travaillent à semaine réduite n'ont pas le même salaire que ceux qui travaillent à temps plein. Je veux bien comprendre, là, quelqu'un...

Mme Gauvin (Mélanie) : Pas dans tous les cas. Pas nécessairement dans tous les cas.

M. Picard : O.K., mais, selon ma compréhension, normalement, si moi, je travaille deux jours-semaine, 16 heures, j'ai un taux horaire, et si vous, vous faites 40 heures, vous avez le même taux horaire. Je n'ai pas un taux horaire plus bas parce que je travaille moins. Oui, mon salaire, à la fin de la semaine, va être moindre parce que j'ai travaillé moins.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui, ça, là-dessus, je suis d'accord avec vous. Mais ce qu'on constate quand on parle de la précarité au travail et du travail atypique, c'est que les personnes qui travaillent sur une base temporaire, sur appel, qui travaillent pour une agence de placement, qui travaillent à temps partiel peuvent parfois, à cause de leur statut d'emploi ou pour des raisons x, y, avoir soit des avantages sociaux inférieurs ou des salaires inférieurs.

Actuellement, ce que le projet de loi fait, c'est qu'il vient protéger les statuts, donc il vient interdire les disparités de traitement en fonction des statuts d'emploi, mais les disparités salariales. Donc, une personne qui travaille à temps partiel devrait avoir un salaire égal à quelqu'un qui travaille à temps plein pour le même travail, on s'entend, là, avec des conditions identiques. Et puis malheureusement le projet de loi ne tient pas compte des avantages sociaux. Donc, la personne qui est sur une base permanente, parallèlement à la personne qui travaille sur une base temporaire, pourrait avoir droit au régime d'assurance et au fonds de retraite, mais pas la personne qui travaille sur une base temporaire. Mais là ce qu'on vient corriger avec le projet de loi, c'est que, du moins, la disparité salariale serait interdite, puis ce qu'on voit tout de même d'un bon oeil.

M. Picard : O.K., merci. C'est beau. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Il restait deux minutes sur le temps du gouvernement. Mme la ministre, c'est à vous la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, moi, ce que j'ai envie de dire à la commission, parce que la question des logements, ce n'est pas la première fois que c'est soulevé puis que ça me trottait dans la tête, là : La commande a été donnée, là, aux gens chez nous, là, pour regarder ça de très, très près, comment on pourrait faire atterrir quelque chose d'intelligent. Alors, si ce n'est pas cette semaine qu'on arrive avec une proposition, ça ira la semaine prochaine, là, mais on va voir jusqu'où on peut aller. Le plus loin possible qu'on le peut, on va le faire. Alors, soyez bien rassuré là-dessus, monsieur, les collègues aussi.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Mmes Gauvin, Tardif, M. Pilon, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Et je suspends la commission quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 14)

(Reprise à 20 h  17 )

La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux, et nous recevons maintenant L'Union des producteurs agricoles. Bonsoir, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous connaissez sûrement les façons de fonctionner des commissions parlementaires. Je vous invite à vous présenter, et vous avez un temps... un maximum de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite suivront les échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Doyon (Paul) : Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de recevoir L'Union des producteurs agricoles à cette commission parlementaire.

Mon nom est Paul Doyon, je suis vice-président de L'Union des producteurs agricoles et je suis aussi un producteur de lait dans la région de Chaudière-Appalaches. Je suis accompagné ce soir par M. Denis Roy, qui est notre trésorier et aussi responsable du dossier de la main-d'oeuvre pour L'Union des producteurs agricoles et spécialiste en travailleurs étrangers.

Comme on est en début de saison, on a pensé d'apporter un peu de couleurs printanières parce qu'on va en faire part également dans notre mémoire. Comme le temps de notre présentation est assez limité, je vais y aller assez rondement.

Alors, en agriculture, il y a environ 70 000 personnes qui travaillent sur les fermes, et on compte environ 45 000 salariés, dont 11 000 travailleurs étrangers temporaires, sur les 28 000 fermes au Québec. Environ 35 % des producteurs sont également des employeurs. Dans notre mémoire, nous passons en revue les éléments particuliers qui touchent l'agriculture en lien avec le travail.

Un des principaux facteurs qui nous influencent, c'est naturellement la météo. La température, à tous les jours, il faut faire avec. Juste pour vous donner un exemple, les asperges qui peuvent ne pas être prêtes à récolter dimanche peuvent croître de trois pouces par jour... jeudi de la semaine suivante, en une seule journée. Donc, quand c'est le temps de les récolter, il est important d'avoir la main-d'oeuvre qu'il faut pour le faire.

Aussi, au Québec comme dans les autres provinces, la Loi des normes du travail comporte des exemptions pour le secteur agricole. Vous les avez à la page 10 de notre mémoire. Par exemple, la semaine normale de travail de 40 heures ne s'applique pas pour le calcul du temps supplémentaire. Le repos hebdomadaire peut être reporté d'une semaine, et le salaire minimum pour les cueilleurs de fraises et framboises est converti au rendement.

Pour le projet de loi n° 176, généralement on comprend que des ajustements se font pour refléter les nouvelles tendances au Québec en ce qui touche le harcèlement psychologique et sexuel, sur les disparités générationnelles et aussi la question des aidants naturels. Ce sont des choses que l'UPA supporte, bien entendu. Néanmoins, on doit mettre en contexte que... ce qui a des incidences financières, notamment, pour toutes les fermes horticoles. On a une préoccupation, compte tenu que ce sont des grands utilisateurs de main-d'oeuvre, et il est impossible de refiler les hausses des coûts de production aux consommateurs. Reprenant toujours l'exemple de nos asperges, le consommateur qui va entrer à l'épicerie prendra un beau paquet d'asperges, mais qui a non seulement des belles asperges, mais aussi et surtout le plus beau prix, le plus bas prix. Alors, si ces asperges sont belles et proviennent du Pérou ou du Mexique, le consommateur va sûrement préférer le prix le plus bas. C'est notre réalité ici. C'est bien déplorable, mais c'est comme ça que ça se passe.

• (20 h 20) •

Maintenant, de façon plus spécifique, pour les différences du projet de loi, sur l'article 8, l'étalement des heures supplémentaires, même si on est peu touchés, on apprécie vraiment l'ouverture qui est faite pour l'étalement du temps supplémentaire pour les entreprises saisonnières.

Sur l'article 9, le refus de travail pour un horaire de cinq jours à l'avance, vous comprendrez que, dans le secteur agricole, ce n'est pas très réaliste, pour ne pas dire pas du tout réaliste. On demande que notre secteur soit exempté de l'application de cette règle.

Pour l'article 11, sur les trois semaines de vacances, le Québec prendrait la position de tête au Canada. Ailleurs, ça prend cinq ans de service avant d'avoir trois semaines de vacances. Nous avons fait l'évaluation, et, simplement pour le secteur maraîcher, de devancer la période de trois semaines de vacances annuelles va coûter plus de 4 millions de dollars par année pour payer des vacances. Dans les entreprises maraîchères, les travailleurs reçoivent une indemnité de vacances en fin de saison. Les employeurs donneront 6 % d'indemnité de vacances au lieu de 4 %, comme il se donne actuellement pour les cinq premières années. Donc, comme nous ne sommes pas capables de refiler cette facture-là aux consommateurs et que la santé financière de ces entreprises en dépend, tant que le gouvernement ne mettra pas des mesures d'atténuation d'impact financier pour le secteur horticole, notamment, nous nous opposerons à des amendements qui haussent le coût de la masse salariale pour ces entreprises-là.

Pour ce qui touche les agences de placement et les travailleurs étrangers, je vais laisser mon collègue Denis Roy pour vous en parler.

M. Roy (Denis) : Merci beaucoup. Bonsoir. Alors, l'article 33 du projet de loi introduit complètement une nouvelle section dans la Loi des normes. Donc, avec le nouvel article 92.5 pour les permis pour les agences, on signale que Revenu Québec demande déjà des attestations, et on s'attend à ce que le gouvernement fasse preuve de cohérence pour faire en sorte que les agences de placement aient une seule déclaration à faire et non deux, une à Revenu Québec et une autre à la CNESST.

Aussi sur... j'écoutais, justement, les commentaires du groupe précédent, c'est certain que les agences de placement qui exploitent les travailleurs puis qui n'offrent pas les normes minimales du travail, on est vraiment en désaccord avec ce style d'entreprises, et donc c'est certain que ces travailleurs-là doivent voir les normes du travail et le salaire minimum respectés.

Ensuite, sur 92.7, sur la définition de l'agence de placement, on comprend qu'on va avoir un projet de règlement qui va être déposé, probablement cette semaine, on est très intéressés d'y voir de près. On a formulé des commentaires à cet égard à la page 13 de notre mémoire. L'UPA opère 13 centres d'emploi agricole à travers le Québec, et c'est des... notre travail, essentiellement, on est subventionnés par Emploi-Québec, et on référence, on identifie des gens qui sont intéressés de travailler en agriculture puis on les réfère à des employeurs qui, eux, font la sélection, font l'embauche. On ne voudrait certainement pas que nos centres d'emploi agricole soient considérés comme des agences de placement. Ce n'est pas nous autres qui va les placer chez les employeurs. Alors, on espère que ceux qui ont préparé le règlement prennent ce type, donc, de travail, qui est plutôt d'aider des Québécois à se trouver des jobs sur des entreprises au Québec.

Sur le nouvel article 92.9, sur la déclaration des employeurs de travailleurs étrangers temporaires, on vous rappelle qu'essentiellement il y a 14 000 travailleurs étrangers temporaires au Québec, dont 11 000 qui sont dans le secteur agricole, on se sent particulièrement ciblés par cette mesure-là. L'UPA est impliquée dans le processus des travailleurs étrangers depuis plus de 30 ans. C'est complexe, ça touche une quinzaine d'intervenants entre le moment où l'employeur a l'idée de demander des travailleurs étrangers temporaires et que le travailleur arrive au Canada et quitte le Canada, donc il y a un nombre assez impressionnant d'intervenants. Les travailleurs étrangers temporaires, c'est à peu près moitié-moitié de Mexicains et de Guatémaltèques, et ils viennent... vous en avez eu des échanges réguliers dans la commission. Il y a deux programmes : il y a un programme pour les Mexicains, qui se distingue par le fait que les travailleurs se voient... un permis de travail ouvert d'une durée de huit mois et il est ouvert à tous les employeurs qui sont autorisés par le gouvernement fédéral, alors que les Guatémaltèques ont un permis de travail qui est spécifique à une seule entreprise, et leur mobilité est beaucoup plus difficile.

Alors, même ce matin, comme on vous le signalait il y a quelques minutes, il y a une consultation du gouvernement fédéral à l'égard de la mise à jour des programmes de travailleurs étrangers en agriculture. Et, à la fois les représentants des employeurs agricoles et des travailleurs agricoles, on souhaite une plus grande mobilité possible pour les travailleurs étrangers temporaires pour qu'ils puissent changer d'entreprise au moment où est-ce que ça convient à la fois à l'employeur ou au travailleur. Alors, les dates d'arrivée et les dates de départ sont toujours données presque à titre indicatif, et, comme le signalait M. Doyon, c'est souvent la météo qui va faire ajuster la date d'arrivée de ces travailleurs. Le projet de loi indique que les employeurs devront donner sans délai — donc, c'est les termes du projet de loi — à la CNESST la date d'arrivée des travailleurs, la durée de leur contrat de travail et la date et la raison de leur départ si ça ne coïncide pas avec ce qui est inscrit au contrat, ce qui va arriver dans pratiquement 100 % des cas, compte tenu que ce qui détermine la fin de la saison, ce n'est pas une date, c'est le gel. Donc, les employeurs vont indiquer le 15 novembre, mais, si le départ se fait le 14 novembre, bien, à ce moment-là les employeurs devraient faire de la paperasse pour informer la CNESST du départ d'un travailleur parce qu'il n'y a plus de travail, la laitue a gelé dans le champ.

Aussi, on profite de l'occasion pour signaler que le gouvernement a déjà l'information de la date d'arrivée et de la date de départ de tous les travailleurs étrangers temporaires agricoles au Québec. Ces informations-là sont données dès le départ par les employeurs, qui demandent les cartes d'assurance maladie des travailleurs, donc la Régie de l'assurance maladie a déjà cette information. Donc, si jamais le gouvernement persistait, il faudrait s'assurer quand même que le gouvernement puisse échanger l'information pour alléger le plus possible le fardeau des employeurs. Et donc, en termes d'application, ça nous apparaît aussi très difficile, les employeurs n'ont pas nécessairement les ressources administratives pour faire cette paperasse, et ça va être un problème d'application, nous en sommes convaincus.

Pour les Mexicains, comme je l'indiquais, ils changent d'employeurs. Ils vont arriver en début de saison, ils vont commencer chez un producteur d'asperges, ils vont changer d'endroit pour aller chez un producteur de fraises, ils vont aller dans la pomme, et en fin de saison, si le travailleur veut encore rester, il a huit mois pour faire son travail, bien, il risque de terminer son mandat au Canada chez un producteur de sapins de Noël qui a de la misère à remplir ses commandes pour envoyer sur le marché autant montréalais que sur le marché américain. Alors, de suivre à la trace ces travailleurs-là, c'est un défi, et nous sommes convaincus que ça va prendre une armée d'inspecteurs et de fonctionnaires pour faire le suivi nécessaire.

On profite aussi de l'occasion pour informer les parlementaires qu'Agricarrières, le comité sectoriel de la main-d'oeuvre pour les producteurs agricoles, en collaboration avec l'UPA, est à mettre en place une table de concertation québécoise sur les travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole. Seront conviés autour de la table des représentants des employeurs, des travailleurs — on a déjà des communications avec les TUAC, qui siègent déjà au sein du conseil d'administration d'Agricarrières — et des instances gouvernementales. On a signalé, d'ailleurs, ce projet qui était en route à notre dernier comité de liaison UPA-CNESST. Donc, pour cela, ça nous apparaît prématuré de mettre cet article de loi en vigueur tant que les intervenants n'auront pas échangé pour faire consensus sur des mesures réellement applicables sur le terrain et qui vont répondre aux objectifs que les parlementaires se fixent dans le nouveau projet de loi.

• (20 h 30) •

On s'oppose aussi à 92.10, le nouveau mécanisme d'enquête. Dans le fond, c'est comme... le nouveau projet de loi met en place une deuxième classe de travailleurs, donc il y a les travailleurs québécois et il y a une autre classe de travailleurs, alors que l'objectif de l'ensemble des employeurs, autant des représentants des travailleurs aussi, c'est d'intégrer ces travailleurs-là le plus possible dans la main-d'oeuvre québécoise, qu'ils aient les mêmes conditions de travail, les mêmes obligations, les mêmes droits que les travailleurs québécois. Donc, on croit qu'il y a déjà... on a identifié, à la page 15 de notre mémoire, qu'il y a des dispositions qui sont en place dans la loi qui ne sont carrément pas exploitées, qui ne sont pas utilisées. Donc, avant de modifier la loi, de faire comme des travailleurs d'une classe différente, je pense qu'il y aurait lieu d'utiliser la loi dans toutes ses possibilités avant d'en faire des modifications. Aussi, notre service juridique... des avocats, il y en a pas mal qui travaillent dans votre entourage aussi, mais ils nous signalent qu'il est fort probable que, si jamais il y avait des causes qui étaient prises contre des employeurs, avec ce nouvel article-là, bien, ça risque d'arriver avec une impasse devant les tribunaux administratifs ou les tribunaux par rapport à l'application, compte tenu qu'il n'y a pas de plaignant et il n'y aura pas de témoin, donc, dans ces causes-là.

On n'est pas contre tout dans les modifications. Le 92.11, qui est la question de la conservation ou presque la confiscation des papiers personnels, les passeports, c'est des choses qu'on est vraiment tannés d'entendre. Ça fait des années et des années que l'UPA le dit, ce n'est pas des affaires de l'employeur de prendre ces papiers-là, c'est des papiers personnels des travailleurs. Donc, on n'a vraiment aucun problème avec spécifier que les documents personnels, bien, ça relève des travailleurs et non pas des employeurs.

Et aussi, sur le 92.12, sur le fait qu'il peut y avoir des déductions de frais pour des programmes d'immigration, on vous suggère aussi... Il y a des frais du Québec qui sont imposés, le MIDI impose un certificat d'acceptation du Québec qui coûte 196 $, qui est un montant qui est avancé par l'employeur et repris en déduction de salaire parce que c'est aux travailleurs de payer ce montant-là. Donc, peut-être que le projet de loi pourrait être modifié, parce que c'est marqué de récupérer les frais pour l'immigration canadienne, mais ça, c'est le volet québécois de l'immigration... qu'il y aurait certainement lieu de bonifier le projet de loi dans ce sens-là.

Quelques mots sur la responsabilité solidaire, à l'article 34, pour la question des employeurs qui utilisent des agences de placement. Alors, sur la solidarité financière des employeurs, on considère qu'il serait vraiment plus approprié que les agences de placement déposent un cautionnement à la CNESST. Comme ça, si jamais ils sont en défaut quelque part, on n'a pas besoin d'essayer de refaire tout l'historique de comment qu'on partage une facture parmi une multitude d'employeurs pour savoir quel montant qui va leur être chargé, ça va-tu être le bon montant. On prend le cautionnement, on indemnise les travailleurs, voilà, c'est réglé et c'est aux frais de l'agence de placement.

Enfin, sur l'article 43, on observe un renversement du fardeau de la preuve. Dans le projet de loi, l'employeur, par défaut, est coupable, alors qu'actuellement, bien, c'est à l'État de faire la démonstration que le dirigeant a vraiment voulu contrevenir à la loi.

M. Doyon (Paul) : En terminant, nous vous remercions de nous avoir reçus aujourd'hui. Compte tenu qu'il y a beaucoup d'articles qui touchent les employeurs agricoles, on aurait certainement apprécié avoir été consultés de façon préalable au dépôt du projet de loi. Nous demeurons confiants que suite à nos représentations, ce projet de loi sera ajusté pour tenir compte de la réalité qui touche le secteur agricole au Québec. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. Doyon. Je dois vous dire que vous nous avez fait une belle démonstration des produits que vous pouvez cultiver, mais je vais vous demander quand même — je n'ai pas voulu vous interrompre avant — d'enlever les asperges. Elles sont très belles, mais je vais vous demander quand même de les enlever. Il y a quand même un décorum ici, à l'Assemblée nationale, et vous comprenez qu'on reçoit beaucoup de gens en commission parlementaire, donc je vais vous demander de les retirer, s'il vous plaît. Et je veux spécifier également que la ministre vous a donné du temps sur le temps du gouvernement.

Maintenant, on va procéder à la période des échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Alors, M. Doyon, bonsoir. Merci, M. Roy, aussi d'être là avec nous. Premier petit commentaire — d'abord, merci pour votre présentation — vous savez, quand on dit qu'on veut avoir les informations sur les arrivées des travailleurs étrangers et leur départ, ce n'est pas pour embêter les employeurs, ce n'est pas pour alourdir, bien au contraire, je pense que tout le monde comprend, là, l'idée qui est soutenue en arrière de ça. Si vous nous dites, effectivement, qu'il existe d'autres possibilités d'avoir l'information, comme vous nous l'avez laissé entendre... De toute façon, avec toute la brigade qui est avec nous aujourd'hui, c'est sûr que les vérifications vont être faites. Mais l'objectif, il reste entier, c'est-à-dire que ce sont des travailleurs qui peuvent devenir vulnérables et ce sont des travailleurs que je veux protéger et que nous voulons protéger, et, pour nous, il s'agit ici d'un des moyens mis de l'avant. Mais on va quand même vérifier, effectivement, là, ce qui est déjà envoyé à d'autres organisations ou à d'autres organismes gouvernementaux pour ne pas réinventer la roue puis, si on est capables d'être facilitants, on va l'être. Puis ce qu'on ne veut surtout pas, c'est d'embêter les producteurs agricoles, parce que c'est d'eux dont vous nous parlez.

Concernant l'article 9 du projet de loi, là, pour la possibilité d'un employé de refuser de travailler si, effectivement, il n'avait pas reçu son horaire cinq jours à l'avance, évidemment, il est entendu... puis ça, on l'a dit à la commission ici, ça sous-tend que des secteurs d'activité qui peuvent être liés à la température, c'est quelque chose qu'on peut ne pas prévoir. Tout le monde comprend ça, là, tout le monde comprend ça, et c'est de ça dont il est question ici. Mais je comprends que, pour vous, il y a peut-être un élément de clarté, mais c'est effectivement ce qui est couvert.

Vous vous doutez bien que je vais faire du pouce sur ce que nous a dit M. Pilon tantôt, là, ce qu'il nous recommande. D'ailleurs, en plus, il vous a rencontré, alors on va en jaser un petit peu, sur les conditions de logement. Il y a des crapules dans ce monde-là. Il y a du bien bon monde, mais il y a des crapules aussi. Qu'est-ce qu'il faut faire? Comment il faut le faire? Vous êtes d'accord avec nous, je présume, que les gens doivent être bien logés?

M. Doyon (Paul) : Non, non, il n'y a pas de doute, là, non, non, et ces gens-là doivent être dénoncés et qu'ils aient les sanctions nécessaires. On ne peut pas aller là.

M. Roy (Denis) : Mais ce qui existe déjà, c'est... Dans le fond, ce qu'on va vous éviter... Le travailleur étranger temporaire, là, c'est une situation délicate parce que c'est un programme fédéral, et, dans le fond, là, c'est le fédéral qui runne le show, entre guillemets. Et, encore au début du mois de mai, le 3 mai, la Fédération canadienne de l'agriculture avait organisé une table ronde sur les travailleurs étrangers temporaires, et la ministre de l'Emploi fédérale a participé, et je lui ai rappelé que le travail était une juridiction provinciale. Service Canada fait des inspections de conformité pour s'assurer que les travailleurs étrangers temporaires, le salaire minimum... pas le salaire minimum, le salaire... Dans le fond, le salaire des travailleurs étrangers en agriculture est déterminé par le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, ce n'est pas nécessairement le salaire minimum. Ça, c'est comme le plancher. En production laitière, par exemple, c'est 13,25 $ qui est le salaire qui est prescrit par le gouvernement du Québec pour les travailleurs étrangers qui vont travailler dans une entreprise laitière, et les employeurs s'engagent... comme, ils annoncent... c'est au minimum de 40 heures par semaine.

Le gouvernement fédéral, ils ont un objectif de faire des vérifications de conformité de 25 % des employeurs à chaque année. Et ils débarquent sur les fermes, ils vont jaser avec les travailleurs, ils vont voir la paperasse des employeurs pour s'assurer... tu sais, le registre de paie, ils vont sélectionner des travailleurs, vont dire : Sors-moi toutes les cartes de punch, les feuilles de poinçon, les registres de paie, pour s'assurer que le travailleur a effectivement fait son 40 heures. S'il y a une semaine qu'il n'a pas fait 40 heures, à ce moment-là ils vont demander des justifications. Ça peut être pour des questions de météo parce qu'il y avait... ou le travailleur n'était pas disponible.

Mais, dans le fond, le Québec a un rôle important à jouer. Et vous avez déjà des possibilités de faire ces vérifications-là parce que vous savez c'est qui, les employeurs. Le MIDI connaît tous les employeurs de travailleurs étrangers temporaires. Donc, vous avez à faire des vérifications de conformité puis vous avez le loisir et les possibilités, avec la loi actuelle... Présentement, c'est le fédéral qui fait la job et ils ne sont pas capables d'interpréter comme il faut les normes du travail du Québec. Quand ils ont des questions, les communications sont très ténues, d'après ce que j'ai compris, entre le ministère de l'Emploi et la Commission des normes ou les représentants de votre ministère pour voir comment on peut adresser les problèmes d'employeurs qui ne sont pas conformes, des employeurs délinquants. Parce que l'UPA, on n'est pas là pour supporter des employeurs qui sont délinquants, on espère et on exige de nos employeurs qu'ils vont respecter en tous points à la fois les normes du travail, c'est le minimum, et respecter les normes des programmes de travailleurs étrangers temporaires, mais ça va demander une collaboration fédérale-provinciale par rapport à l'application de ces programmes-là.

• (20 h 40) •

Mme Vien : En tout cas, trop fort ne casse pas, là, si on est capables d'apporter notre concours, on va le faire. Si le fédéral a un rôle à jouer, que le Québec a un rôle à jouer, on va l'assumer, on va assumer nos responsabilités. Puis là on va fouiller ça, savoir qu'est-ce qui existe actuellement, qu'est-ce qui est vérifié, de quelle façon et comment, effectivement, sur le terrain, les employeurs qui engagent du personnel étranger, ils se comportent, hein, c'est ça qu'on veut savoir.

Puis, peu importe c'est à qui la responsabilité, on va s'assurer que ces gens-là évoluent, travaillent dans des conditions de salubrité adéquates, et qu'ils dorment dans des lieux adéquats également, puis qu'ils ont le minimum dont ils ont besoin pour être bien, là. Je veux dire, il n'y a pas de compromis là-dessus, là. Mais je veux juste m'assurer que l'UPA, qui représente les producteurs agricoles, est d'accord avec ça puis qu'elle est d'accord si on arrive avec des propositions de... je n'ai peut-être pas le langage, je n'ai peut-être pas les termes adéquats, mais je pense que tout le monde comprend bien ce que je suis en train de dire. Si on veut mettre des critères, des balises, que vous soyez d'accord avec ça, là, c'est important.

M. Doyon (Paul) : Bien, c'est juste qu'il ne faut pas tomber dans le panneau d'ajouter des règles à tout le monde pour pouvoir attraper les crapules, comme vous les avez qualifiés tout à l'heure.

Mme Vien : Si les gens qui se comportent comme il faut se comportent déjà comme il faut, ils ne seront pas visés, là.

M. Doyon (Paul) : On dit la même chose.

Mme Vien : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois et porte-parole en matière de travail, vous avez la parole.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonsoir. Un plaisir de vous avoir comme dessert dans notre commission et des auditions, bien entendu, l'UPA.

Écoutez, j'accroche avec... Tantôt, vous nous parliez que c'est déjà prévu, dans le monde agricole, là, certaines exemptions sur la semaine de travail, et tout, et tout, et tout. Puis, à la page 9, à l'article 2.8, là, Un produit à récolter à temps, donc vous expliquez que, comme vous avez fait d'entrée de jeu de votre mémoire... de dire que les asperges, on peut attendre trois jours, puis elles vont pousser de trois pouces. Alors, quelle est votre vision pour dire : On aide, on avantage... bien, pas «on avantage», mais on aide et on comprend les producteurs agricoles? Et on devrait faire quoi, au juste, pour... Est-ce que ça prend une autre exemption pour aider cette récolte à temps? Qu'est-ce qui est le plus difficile pour les agriculteurs face aux normes, face au projet de loi, de dire : Bien là, cette norme-là, elle ne nous aide pas, elle vient encore nous attacher les mains face aux récoltes? Parce qu'on comprend très bien, là, je pense, tout le monde alentour de la table... Moi, je ne suis pas agriculteur, je ne viens pas d'une famille d'agriculteurs, mais je comprends très bien, là, que la météo est là. Donc, qu'est-ce qui vous empêche... Qu'est-ce que vous trouvez lourd là-dedans, alors que je suis convaincu que tout le monde autour de la table, on dit : Bien non, on peut bien comprendre, là, que ça peut s'échelonner sur quatre jours de plus, trois jours de plus, pour diverses raisons valables?

M. Roy (Denis) : C'est la question du refus. Notre objectif, c'est d'avoir le plus de travailleurs québécois qui travaillent sur les fermes, ce n'est pas... L'UPA, là, on est là pour avoir... On a des centres de formation professionnelle, on a des cégeps en agriculture, on n'est pas là pour juste prendre des travailleurs étrangers temporaires. Nous, l'importance, c'est d'embaucher des Québécois. Mais les Québécois, dans le milieu rural, là, dans le fond, de dire : Ah bien, je n'ai pas eu mon horaire cinq jours à l'avance puis ça fait plus que deux ans je travaille dans l'entreprise, tu ne peux pas me... tu sais, dans le fond, je veux dire, ça fait deux, trois fois qu'on a besoin de ton coup de main pour que tu viennes travailler sur la ferme, puis là tu me sors l'article des normes. Ça fait qu'on aimerait bien ça que l'article des normes dise... la question de l'horaire cinq jours à l'avance pour le secteur agricole, qu'on ne soit pas visés par cet article-là. Ça, ça nous aiderait puis ça va nous aider avec les Québécois. Et puis ça, c'est juste par le texte légal, parce que, dans la vie, la plupart du temps, tout le monde dans le milieu rural comprend ça. Quand c'est le temps des fraises, puis il a plu pendant trois jours, puis l'horaire est comme changé, je pense qu'on s'ajuste. Mais on ne voudrait pas avoir un frein, donc, pour les travailleurs, d'utiliser le plus possible des travailleurs québécois. Cet article-là, d'avoir une exemption, ça donnerait un coup de main au milieu agricole.

M. Leclair : Bien, vous voyez, nous, comme législateurs, on se retrouve sur une balance. Là, il y a vous qui dites ça, puis, je pense, tout le monde comprend cet aspect-là. Il y a les gens en restauration qui nous disent : Bien, nous aussi, là, s'il pleut, la terrasse est fermée, puis, s'il fait beau puis on est dans une zone touristique, bang! l'autobus débarque, puis là on manque de monde, on ne peut pas changer les cédules parce que, comme vous dites, il y a quelqu'un qui peut lever les normes du travail puis dire : On ne peut pas. Ça fait que, là, on regarde ce spectre-là puis on dit : Oui, ça a toute une logique, puis on suit tout ça, là. Je ne pense pas qu'il n'y ait personne d'incohérent ici.

Mais, de l'autre côté, après ça, on prend un groupe qui dit : Écoutez, là, là, branchez-vous, là, vous dites que conciliation travail-famille-études, c'est très important puis il faut concilier tout ça. Puis là, bien, on répond à ces gens-là : Oui, vous avez raison, la mère monoparentale, le père monoparental qui doit avoir un horaire pour aller chercher le petit mousse à la garderie, vous comprenez tout ça aussi.

Alors, nous, comme législateurs, on se place où, là? On dit : Bon, bien, O.K., on va mettre une exemption à l'UPA, une exemption aux restaurateurs, une exemption... Cette souplesse-là, comment on peut avoir le juste milieu sans choquer puis sans... Puis, tu sais, si je me mets à la place, là, de la personne monoparentale qui dit : Moi, là, c'est dommage, mais, si je ne sais pas mon horaire, c'est... il a deux options, il dit : Bien, moi, je n'irai jamais travailler en restauration ou je n'irai jamais travailler dans le milieu agricole parce que l'horaire est trop instable. On répond quoi à ces gens-là, là?

M. Doyon (Paul) : C'est sûr qu'il faut... Un règlement, une loi, bon, on sait comment ça marche, là, mais il faut toujours essayer d'avoir de la place pour la logique et le gros bon sens. Et puis tout ce qu'on dit... On est d'accord, là, tant et autant que vous parlez des parents monoparentaux, c'est de voir comment est-ce qu'on peut faire en sorte que ça soit le plus vivable pour tout le monde et puis que personne ne soit pris un matin pour employer un article dans les normes du travail qui vienne dire : Bien là, ça n'a pas de bon sens, c'est qui qui a mis ça là? Tu sais, c'est souvent ce qui arrive dans la vraie vie, où est-ce que, quand vient le temps d'appliquer le gros bon sens, bien, on a un article à quelque part qui dit qu'on ne peut pas le faire, c'est un défi.

M. Leclair : Je vous suis très bien. On tente de trouver des solutions à tout, mais des fois c'est plus complexe qu'on y pense. Vous dites : Lorsqu'on va encadrer lesdites agences... la caution monétaire. Est-ce qu'il y a, dans votre tête, des cautions, un montant qui a une logique par rapport au nombre d'employés qu'ils gèrent, par rapport... Comment est-ce qu'on pourrait se fier là-dessus pour dire... Parce que tout le monde autour de la table, on a été saisis, depuis le début des auditions, que les agences... justement, comme disait la ministre, il y en a des pires, il y en a des meilleures, mais nous, on vise les pires, là, on ne vise pas les meilleures. Une caution, on parle de... qu'est-ce qui serait raisonnable? Comment on pourrait traiter ça?

M. Roy (Denis) : En visant les pires, vous allez peut-être éliminer ces agences-là. Elles ne seront peut-être pas capables d'aller voir leur banquier puis d'aller lever un cautionnement, ça fait que vous allez déjà faire un certain ménage en demandant une condition comme celle-là. En référant ça aux employeurs, là, ils n'ont pas trop d'engagements financiers. Quand tu es obligé, comme entrepreneur, d'aller dealer avec ton banquier, d'aller chercher un cautionnement, le banquier... Vous allez mettre, comme législateurs, des conditions avec le règlement. Le banquier qui va se mettre au bat, là, qui va se mettre au bâton, il va se mettre au front, bien, lui aussi, il va vous accompagner dans ces mesures un peu plus... qui vont serrer les vis. Et probablement que, selon la réputation financière de l'entreprise, l'expérience, je pense que ça va vous aider à atteindre vos objectifs et ça va limiter le travail de la Commission des normes du travail pour aller fouiller partout qui a travaillé à quel endroit, comment qu'on répartit la facture. Je ne le sais pas, mettons, il y a 25 000 $ de salaires impayés, à qui qu'on refile ça, là? Bon, dans le projet de loi, il faut refiler ça aux employeurs qui ont utilisé ces travailleurs-là. L'employeur, là, il va l'avoir payé en double. Un producteur agricole qui va avoir pris une chose, là, il va l'avoir payée, son agence, pour le service qu'il a reçu puis il va repayer en double parce que son agence... lui, il n'a pas payé ses travailleurs. Il est au bat une deuxième fois, l'employeur. Ça fait que...

M. Leclair : Je vous apporte sur un autre point. Excusez-moi de vous interrompre, il ne me reste pas beaucoup de temps, que la présidente nous dit.

La Présidente (Mme Richard) : 1 min 30 s.

M. Leclair : Là, on va aller dans les bonnes agences. Il n'y a pas de perfection dans ce bon monde là, là, mais, dans les bonnes agences, là, ceux qui travaillent bien, ils suivent les normes, et tout, et tout, on est en conflit avec la responsabilité de ces gens-là, là, tu sais. L'agence, est-ce qu'elle est responsable des normes du travail de la CSST ou c'est l'employeur? Comment vous voyez ça pour nous aider? Parce que, là, la ministre, dans son projet de loi, elle dit : Bien, regardez, là, on est tannés de se faire lancer la balle, c'est à cause de Jos puis de Bine, bien là, on va dire : Les deux, ils ont leurs responsabilités. Est-ce que vous voyez qu'on est sur le bon chemin en donnant une responsabilité qui est partagée?

M. Roy (Denis) : Effectivement, je pense que la responsabilité est partagée. Si le travailleur est l'employé de l'agence, il va travailler dans un milieu de travail, ça fait que, donc, ce milieu de travail là doit être sain, doit être sécuritaire. Donc, comme propriétaire d'agence, il doit s'assurer d'avoir des clients qui ont de l'allure pour aller envoyer ses travailleurs parce que lui...

M. Leclair : Une dernière question rapide. Vous me parliez tantôt... Vous souhaitez bonne chance à la CNESST et à tout le monde de courir après les travailleurs qui ont une entrée et une sortie puis qui se promènent jusqu'aux sapins, là, vous avez donné un bel exemple. Qu'est-ce qu'on devrait faire, d'être plus souples puis de dire une date d'arrivée puis une date de départ?

• (20 h 50) •

M. Roy (Denis) : ...réponse, je pense que qu'est-ce qui vous préoccupe, ce que j'entends, parce que ça fait des années que je suis dans le domaine... vous devriez demander aux employeurs de déclarer s'ils congédient des travailleurs, puis le motif du congédiement ou le motif de... pas une mise à pied parce qu'il y a un manque de travail. C'est ça qui préoccupe. Quand des travailleurs revendiquent un droit, puis on l'a signalé tantôt, au niveau d'un accident de travail, des choses comme ça, puis que ce qu'on entend — est-ce que c'est la réalité ou la légende urbaine? — qu'il y a un billet d'avion qui a été acheté, puis qu'il a dit : En passant, tu termines ton contrat la semaine prochaine, ton vol est déjà pris, voici ton billet, alors le travailleur disparaît, je pense que c'est... Au lieu de demander des déclarations sur tous les mouvements des travailleurs, on devrait commencer par faire cibler les exceptions, là, les situations problématiques parce que le problème, il est là, il n'est pas dans... Ça va-tu toucher, combien, 10, 15 travailleurs, dans une année, sur 11 000, 14 000 travailleurs étrangers temporaires? Je pense qu'on devrait faire une mesure dans la loi qui va pour les 15 travailleurs.

M. Leclair : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. le député de Beauharnois. Maintenant, je cède la parole au député de Chutes-de-la-Chaudière et porte-parole en matière de travail pour le deuxième groupe d'opposition.

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, d'être là ce soir. Tout à l'heure, vous avez abordé, si j'ai bien compris, le coût, il y a un coût, là, pour... vous avez donné comme exemple : on change le pourcentage pour les semaines de vacances. Est-ce que vous avez évalué le coût pour vos producteurs? Tantôt, vous avez parlé d'un 4 millions, mais...

M. Roy (Denis) : Ça, c'est pour les producteurs maraîchers. Alors là, donc, pour les producteurs maraîchers, les travailleurs vont arriver en début d'année, dans le fond, bon, au mois d'avril par exemple, puis ils quittent le 15 novembre. En quittant le 15 novembre, ils ont une indemnité qui équivaut à leurs vacances, donc c'est 2 % par semaine de vacances. Donc, les travailleurs, actuellement, qui ont moins que cinq ans de service continu, ils ont une indemnité de 4 %. Là, avec la nouvelle loi...

M. Picard : Mais ça, c'est pour tous les travailleurs, là, ce n'est pas seulement les étrangers, là.

M. Roy (Denis) : Pour tous les travailleurs.

M. Picard : C'est ça, O.K.

M. Roy (Denis) : Oui. Les travailleurs étrangers, eux autres, ça leur fait comme leur prime de vacances. Ils se font payer leurs vacances parce que leur mandat est fini. Ils ne prennent pas leurs vacances, là, c'est payé. Ce n'est pas un temps d'absence, là, pour...

M. Picard : O.K., non, ça va. Non, mais le...

M. Roy (Denis) : Ça fait que c'est ça, la différence, 4 millions, dans le secteur maraîcher.

M. Picard : O.K. Il y a-tu d'autres coûts dans le secteur maraîcher?

M. Roy (Denis) : Bien, les deux journées de maladie. On a évalué à peu près à 1,7 million, après trois mois de services, deux journées de maladie payées.

M. Picard : Donc, grosso modo, c'est à peu près 6 millions?

M. Roy (Denis) : Oui.

M. Picard : Puis vous avez dit que l'industrie ne pouvait pas supporter ces coûts-là, si j'ai bien compris, dans des termes... vous n'avez pas pris ces termes-là, mais c'est ce que j'ai saisi, là.

M. Doyon (Paul) : Bien, c'est toujours difficile de refiler ces coûts-là dans le marché.

M. Picard : O.K. Mais ces entreprises maraîchères là, là, elles ont des chiffres d'affaires totaux de combien, là, juste pour me donner un ordre d'idées? Moi, je dis, là, c'est 6 millions, mais, si vous vendez pour 1 milliard... C'est 6 millions, là, je ne le sais pas, parce que j'ai lu... dans vos documents, on parle de 8,5 milliards, mais ça, c'est l'ensemble, ce n'est pas seulement les maraîchers, c'est ce que j'ai lu. J'essaie juste de voir... parce que vous dites : Il y a un... Qu'est-ce que je décode de vos commentaires, c'est que, si on ne touche pas à l'argent, on est d'accord, mais là il y a quelque chose, là, puis ça nous prendrait peut-être de l'aide. C'est juste ça que je veux comprendre, là.

M. Doyon (Paul) : À chaque saison estivale, on a, à un moment donné, dans une semaine, une annonce où est-ce qu'il arrive des produits de l'extérieur à moitié prix des produits du Québec. Ça fait que, quand on dit qu'on a toujours de la difficulté à aller chercher des coûts supplémentaires dans le marché, c'est ça qui arrive, c'est que, considérant qu'on est sur un marché nord-américain, bien, il arrive des produits d'ailleurs, et puis en période de saison, où est-ce que c'est qu'on aurait été supposés d'avoir un peu plus d'exclusivité pour nos produits, bien, il arrive cet événement-là, puis on n'est pas capables de remonter le prix du produit.

M. Picard : O.K. Mais, depuis quelques années, vous ne sentez pas que les consommateurs québécois achètent plus local, sont préoccupés par l'empreinte environnementale? Puis on voit aussi un phénomène, de plus en plus de gens qui achètent des produits biologiques, donc, puis ça, habituellement, c'est un petit peu plus cher ou c'est beaucoup plus cher. En tout cas, peu importe, là, mais c'est pour ça que j'essaie de... Mais vous n'avez pas... Le 6 millions, là, c'est-u 6 millions sur 10 millions de ventes? Non, c'est 6 millions sur 1 milliard. Vous n'avez pas ce chiffre-là juste pour nous donner une idée? Ce n'est pas une attrape, là, faites-vous-en pas avec ça, là.

M. Doyon (Paul) : C'est sûr que, quand on sonde les Québécois sur ce qu'ils souhaitent consommer, on a une certaine lecture. Quand on analyse leurs habitudes de consommation, c'est un peu différent.

M. Roy (Denis) : Le coût de la main-d'oeuvre, pour les producteurs maraîchers, c'est plus que 53 %, ça fait que toute la... Donc, ça, c'est un élément qu'on n'est pas capables de refiler, toutes les augmentations qu'il y a par rapport au 53 %. C'est pour ça qu'on dit... Tu sais, dans le fond, on s'objecte parce que ça coûte en plus, mais ce qu'on souhaite le plus, là, c'est ne pas s'objecter puis qu'on puisse avoir des aménagements. Est-ce que ça serait un crédit d'impôt? Parce que, tu sais, dans le fond, là, avoir le salaire minimum à 15 $, là, tu sais, dans le fond, ce n'est pas vivable pour ces entreprises-là, mais on n'a pas envie d'avoir un salaire, pour les travailleurs agricoles, à 12 $ ou 13 $ puis avoir un autre salaire pour les... On veut être dans la même... En même temps, on fait partie de la société québécoise, mais on espère bien que notre maïs sucré, on va être capables encore de le produire au Québec et non pas d'acheter des produits qui viennent avec des travailleurs qui sont très loin, là, des salaires qui représentent 15 $ de l'heure.

M. Picard : Exact. Je comprends.

M. Roy (Denis) : Ça fait que c'est pour ça qu'on pense que le gouvernement doit faire une réflexion plus large pour trouver des solutions pour permettre de rééquilibrer les choses.

M. Picard : On vous remercie. À la page 13, vous nous parlez... Lors de la définition d'une agence de placement, là, un centre d'emploi agricole, vous en avez parlé tout à l'heure. C'est-u un organisme sans but lucratif?

M. Roy (Denis) : Oui, c'est une division de la... Dans chaque fédération régionale de l'UPA, on a une entente régionale avec Emploi-Québec, qui subventionne pour qu'on soit capables de trouver des travailleurs qui sont disponibles. On fait des stages en milieu de travail, on fait des programmes d'apprentissage en milieu de travail pour faire de la formation continue, donc c'est pour faire la jonction entre les besoins des employeurs puis d'amener des travailleurs comme travailleurs réguliers. Il y a plus de 700 postes permanents qui sont comblés à chaque année par les centres d'emploi agricole sur les fermes du Québec. Et aussi on travaille en collaboration... à Montréal, on a un centre... Agricarrières opère Agrijob, un centre qui trouve des travailleurs qui sont intéressés...

M. Picard : Québécois et étrangers?

M. Roy (Denis) : Oui, bien, ça va être des résidents permanents ou des citoyens canadiens. Puis, à tous les matins, au métro Henri-Bourassa, au métro Longueuil, à 6 heures du matin, il y a cinq, six, sept autobus qui partent, de travailleurs qui s'en vont sur les fermes dans la couronne. Il y en a aussi à Québec qui vont à l'île d'Orléans. Ça fait que ça, c'est le centre d'emploi agricole qui organise ces transports-là pour les travailleurs.

M. Picard : O.K. Mais, dans la pratique, là, si je prends votre exemple au métro, là...

La Présidente (Mme Richard) : Moins de 10 secondes, monsieur.

M. Picard : ...un bon matin, j'arrive là puis je suis prêt à travailler, vous m'embarquez dans l'autobus?

M. Roy (Denis) : Bien, il faut s'inscrire.

M. Picard : O.K. J'essayais de faire le lien avec le FERME, hier, qui s'occupe des étrangers.

M. Roy (Denis) : Ah! il n'y a pas de lien.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution à nos travaux.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus en auditions. Et je vous remercie tous, chers collègues, je veux vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et la commission, parce qu'on a terminé, donc, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 20 h 58)

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