To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, September 17, 2019 - Vol. 45 N° 18

Special consultations and public hearings on Bill 33, An Act to amend the Labour Code concerning the maintenance of essential services in public services and in the public and parapublic sectors


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean Boulet

M. Jean Rousselle

M. Alexandre Leduc

Auditions

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Association des établissements privés conventionnés (AEPC)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

Mme Monique Sauvé

*          Mme Karolyne Gagnon, CPQ

*          Mme Annick Lavoie, AEPC

*          M. Hugo Brossoit, idem

*          Mme Carmen Marcil, idem

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          M. Benoit Laurin, idem

*          M. Pascal Jean, idem

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          Mme Karine Cabana, idem

*          Mme Nancy Bédard, FIQ

*          Mme Catherine Hopkins, idem

*          M. Christian Campagna, FMRQ

*          M. Patrice Savignac Dufour, idem

*          Mme Valérie Massey, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. J'espère que vous avez passé un bel été. Bonjour et bon retour au travail officiel à l'Assemblée. Alors, écoutez, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes qui ont un téléphone de bien le fermer, s'assurer que tout est fermé.

La commission est réunie aujourd'hui afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services essentiels dans les secteurs publics et dans les secteurs public et parapublic... dans les services publics, pardon. Je me suis trompée tantôt.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Dansereau (Verchères) remplace Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Guillemette (Roberval) remplace M. Lévesque (Chauveau); et M. Roy (Bonaventure) remplace Mme Richard (Duplessis).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, écoutez, nous allons débuter cet avant-midi par les remarques préliminaires, puis ensuite nous entendrons les groupes, et le premier groupe sera le Conseil du patronat du Québec.

Nous débutons par les remarques. J'invite d'abord le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques pour une durée maximale de six minutes.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Six minutes? Merci, Mme Claire IsaBelle qui est présidente de la commission, Jean Rousselle qui est vice-président de la commission, Monique Sauvé, Alexandre Leduc. Ça me fait plaisir que nous nous retrouvions ce matin, représentants des groupes qui interviendront durant ces consultations particulières et ces audiences ou auditions publiques. Je voudrais remercier tous ceux qui vont intervenir. Ça m'apparaît tellement fondamental, dans notre processus démocratique, que des groupes aient l'opportunité de s'exprimer. Votre participation m'apparaît vraiment primordiale.

Je vais essayer de résumer assez simplement ce projet de loi là. Souvenons-nous qu'à l'origine il y avait une décision qui a été rendue par la Cour suprême du Canada en 2015, l'affaire Saskatchewan, où les syndicats plaidaient que le droit d'association étant prévu dans la charte, de limiter le droit de grève en imposant le maintien des services essentiels ou certains services essentiels en cas de grève, ça pouvait être contraire à l'exercice du droit de grève. Donc, les syndicats en Saskatchewan disaient : Le droit d'association, qui est fondamental, inclut le droit de grève. Et la Cour suprême a dit : Effectivement, c'est constitutionnellement inopérant.

Plaidant cette affaire-là de la Cour suprême au Québec, le Tribunal administratif du travail, le 31 août 2017, a jugé que l'article 111.10 du Code du travail était constitutionnellement inopérant, portant atteinte à l'exercice du droit de grève inclus dans le droit d'association qui est reconnu dans nos chartes. Cet article-là imposait des seuils minimums, un pourcentage de salariés à maintenir en cas de l'exercice d'un droit de grève. Donc, on ne peut plus, selon le tribunal, parce que c'est contraire au droit de grève qui, je le répète, est inclus dans le droit d'association.

Donc, on a... ce projet de loi là vise essentiellement à remplacer les seuils minimums par un critère général qui est celui de la santé et sécurité publique. C'est un critère qui est reconnu non seulement par la Cour suprême du Canada, dans les autres juridictions, ici et à l'étranger, de même que par l'Organisation internationale du travail. Donc, plus de seuil minimum, une appréciation dorénavant aussi par le Tribunal administratif du travail plutôt que par voie de décret, une procédure qu'on considérait beaucoup trop longue, beaucoup trop complexe, donc remplacée par une appréciation par le Tribunal administratif du travail qui va déterminer le niveau et la suffisance des services essentiels à maintenir, particulièrement dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Et, comme vous savez, les conventions collectives de travail expirent le 31 mars 2020, l'année prochaine. Donc, ça m'apparaît extrêmement important que nous agissions avec diligence pour éviter les incidences potentiellement préjudiciables pour les Québécois et les Québécoises à l'expiration des conventions collectives... si jamais il y avait exercice de droit de grève, qu'il n'y ait pas de vide juridique et les conséquences qui peuvent en découler.

Donc, il y a trois régimes de maintien des services essentiels dans le Code du travail. Un, c'est les services publics, essentiellement les villes et les sociétés de transport. Ce qu'on vient dire dans notre projet de loi, c'est que cette notion-là de service public pourra être élargie. Le tribunal pourra considérer que, dans une entreprise, même si elle n'est pas incluse dans la définition de service public, si une grève peut potentiellement porter atteinte à la santé, sécurité du public, il y aura potentiellement une obligation pour cette organisation-là de maintenir les services essentiels. On modernise aussi cette définition-là en enlevant, par exemple, entreprises de téléphone et en enlevant les agences de santé et services sociaux suite, comme vous le savez, à la création des CIUSSS et des CISSS.

Et, pour les services publics, avant, ce qu'on faisait, c'est que le ministre recommandait le maintien des services essentiels et faisait adopter, par voie de décret, par le Conseil des ministres, la liste des entreprises ou organisations qui étaient assujetties au maintien des services essentiels. Et c'est ça, cette responsabilité-là, qui va être transférée à des personnes qui l'évaluaient en amont, qui ont des ressources spécialisées pour évaluer et s'assurer de la suffisance des services essentiels.

Et, pour la santé et services sociaux, comme je le mentionnais tout à l'heure, on remplace... bien, on remplace la notion de seuil minimum ou l'application des seuils minimums par le critère général du maintien de la santé et sécurité du public.

Et, pour la fonction publique, le troisième régime, il n'y a à peu près rien qui concerne ce régime-là. Et là il y a à peu près 60 000 personnes qui sont concernées, alors qu'en santé et services sociaux, peut-être que je ne l'ai pas précisé, il y a à peu près 200 000 salariés qui sont concernés par ce projet de loi là. Alors, voilà, je suis à six minutes, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail et député de Vimont à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de quatre minutes.

J'en profite également pour rappeler... peut-être, les vacances... on l'a oublié, là, pendant les vacances, mais on ne peut pas nommer les députés par leur nom, mais bien par le nom de leur circonscription. À vous la parole, M. le député de Vimont.

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Bien, merci, Mme la Présidente. Premièrement, je suis content de vous revoir, Mme la Présidente. On revient de vacances, donc on est plein d'énergie. M. le ministre aussi, on s'est parlé tantôt, vous n'avez pas changé puis restez comme ça, c'est bien correct. Je voudrais saluer tous les collègues aussi du côté gouvernemental. Je voudrais saluer ma collègue de Fabre, collègue aussi d'Hochelaga-Maisonneuve.

Donc, je pense qu'on a un travail assez important. Oui, c'est un projet de loi qui... seulement 25 articles, mais il ne faut pas se fier que c'est seulement 25 articles. C'est vraiment... On change vraiment le Code du travail concernant le maintien essentiel des services publics et secteurs public et parapublic.

Là-dedans, vous savez, donc... Avant de commencer, j'aimerais ça remercier d'ailleurs tous les groupes qui vont nous envoyer ou qui nous ont envoyé des mémoires. C'est un travail, je dirais, de moine de le faire, bien souvent, des fois dans des temps record. Donc, merci puis merci aussi de la présence de ceux qui se déplacent, vraiment. Parce que, vite comme ça, les gens ont dit : Oui, ils ont envoyé un mémoire, mais il y a du travail en arrière de ce mémoire-là, puis je veux vraiment le spécifier, puis merci vraiment de faire ce travail-là.

Oui, aujourd'hui, on modifie... puis c'est suite, justement, comme le ministre l'a expliqué... Je pense que le ministre a fait le tour vraiment de la problématique au niveau de la décision de la Cour suprême, Saskatchewan, comme il l'a mentionné, justement, en 2015.

• (10 h 10) •

Vous savez, le lien ou la... c'est fragile, des fois, entre le maintien... parce que c'est sûr que, quand on parle de niveau santé, moi, en partant, je vais penser à mes parents. J'ai encore la chance d'avoir mes parents. On pense au niveau de santé, on va penser de leur bien-être et tout. Donc, c'est la première chose, les gens vont penser tout de suite à leur coeur, dire : Oui, mais ma mère ou ma voisine... Ils vont toujours penser... le système de santé, je pense, c'est le plus important que tu peux retrouver dans le milieu. Police, santé, tout ça, c'est des services vraiment très importants.

Par contre, il ne faut pas non plus... puis la ligne est très mince entre... parce qu'il faut protéger aussi le travailleur là-dedans. Donc, la ligne, bien souvent, est très mince entre l'exagération ou quoi que ce soit parce qu'il faut... on veut toujours préserver le droit des travailleurs, qui est vraiment très important, puis j'y crois beaucoup, mais, de l'autre côté aussi, il faut penser aussi aux gens qui ont besoin de ces services-là, puis c'est des services vraiment, on le dit, essentiels. Donc, on ne peut pas passer à côté de ces services-là. C'est des services essentiels, on en a tous de besoin, surtout... Les sentiments sont partagés, mais le moindrement que vous pensez à vos enfants, à vos parents ou quoi que ce soit, bien, c'est sûr que, là, ça vient augmenter, justement, l'importance de ces services-là.

C'est sûr qu'on va faire un travail vraiment d'opposition officielle, mais on va le faire de manière vraiment constructive, je vous le dis, M. le ministre, vraiment, parce qu'on veut vraiment essayer d'avoir la meilleure loi possible pour justement maintenir cet équilibre-là qui est fragile. Et, écoutez, de ce côté-là, je sais que je suis bien appuyé par ma collègue de Fabre, et on va faire un travail vraiment essentiel.

On a lu tous les mémoires qui... ou en tout cas pratiquement...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Rousselle : Oui. En tout cas, juste vous dire qu'on va faire un bon travail ensemble, je suis certain de ça. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Quand je dis «en conclusion», il vous reste quand même 30 secondes. C'est beau. Alors, merci. Merci beaucoup.

J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de travail et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez d'une minute.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Oh! bon, ce n'est pas long. C'est parti. Je ne ferai pas de résumé du jugement de la Cour suprême en une minute, vous me comprendrez.

D'abord, salutations à tout le monde, très heureux de vous retrouver. Ça a été un bel été aussi pour moi, alors je reviens avec beaucoup d'énergie. J'espère qu'on est prêts à débattre de toutes ces choses-là. C'est un nouveau projet de loi qui, comme le précédent qu'on a traité, répond à un jugement, hein? Alors, j'ai hâte de voir aussi un projet de loi qui va venir des entrailles du ministre peut-être sur la santé et sécurité. On l'attend cet automne. Ça va être intéressant.

Puis je terminerai, en fait, avec une très courte réflexion. L'ancienne version souvent de cette loi-là était malheureusement utilisée parfois comme une arme de neutralisation de la mobilisation des travailleurs et travailleuses qui veulent défendre des meilleures conditions de travail. Et je pense qu'il faut remercier en quelque sorte les organisations syndicales d'exister pour mener ce genre de débat là, nous questionner comme État, comme partis politiques aussi, par rapport à la manière dont on organise les relations de travail au Québec. Et on est là aujourd'hui, donc, en conséquence à un contrôle judiciaire qui a été initié par la CSN, si je ne me trompe pas. Heureux d'en débattre avec vous.

Auditions

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup. Alors, nous commençons maintenant les auditions. Je souhaite la bienvenue à Mme Gagnon et à M. Centomo du Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et je vais vous inviter, dès le début, à vous présenter avant de commencer l'exposé.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Mme Gagnon (Karolyne) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, M. le ministre de l'opposition. Alors, Karolyne Gagnon, vice-présidente, travail et affaires juridiques au Conseil du patronat. Je suis accompagnée de M. Centomo, Pietro, qui est le conseiller juridique, santé, sécurité et travail au sein du Conseil du patronat du Québec.

Alors, merci de nous accueillir aujourd'hui au sein de la Commission de l'économie et du travail et de l'Assemblée nationale. Je comprends qu'on est un hors-d'oeuvre au début de la saison. Alors, j'ai compris qu'il y avait également un 30 secondes, là, qui n'avait pas été octroyé. Je ne me permettrai pas de le prendre, mais je me permettais de faire une introduction un peu cocasse.

Alors, naturellement, le CPQ, à titre de véritable confédération québécoise, et vous le savez, demeure un des principaux interlocuteurs du gouvernement et représente effectivement des entreprises de services publics et parapublics visées par les dispositions du service essentiel. Comprenons que maintenant, puis par un biais de simplification, et le Conseil du patronat salue cette initiative, que le TAT possède dorénavant les pouvoirs pour ordonner les services essentiels, ce qui facilitera, d'une certaine façon, la rapidité au niveau des conflits de travail ou de tout... excusez-moi, des conflits de travail ou de tous les mécanismes, là, qui peuvent être mis en place dans le cadre d'un règlement ou dans le cadre d'une négociation.

Dans un premier temps, je tiens à... le CPQ tient à souligner son appui notamment en vertu des modifications apportées aux dispositions de l'article 111.0.17 qui permet maintenant à une personne intéressée de pouvoir être entendue afin de faire valoir ses préoccupations. Ici, nos remarques seront de façon beaucoup plus générale. Ce qu'on veut amener au niveau de la notion de service essentiel, c'est de se dire, parce que la loi le prévoit, quand on prend 111.0.17, qui a été modifié pour permettre qu'une personne intéressée puisse intervenir dans le cas de services essentiels... alors on veut qu'ici, autour de la table, on puisse se poser la question : Est-ce que la définition de service essentiel, quand on comprend, à ce niveau-là, une question de santé et sécurité publique, répond à tous les cas de figure qui peuvent se retrouver? Non pas pour empêcher, puis je pense que c'est important, le droit de grève... le droit de lock-out est quelque chose qui est fondamental au sein des relations de travail, mais est-ce que... En regard d'une modification, aujourd'hui, de la législation, ce qu'on veut apporter, c'est principalement de vous faire réfléchir au niveau, effectivement, de ce tiers, qui est généralement une personne qu'on dirait qu'on prendrait en otage dans un monde du travail où deux parties s'opposent et discutent, mais où ce tiers en otage... Et quand on parle de santé, on a souvent pensé à des soins directs, et je pense que le ministre de l'opposition l'avait bien mentionné, des soins directs à la personne, mais il y a aussi toutes sortes d'impacts sur la société qui peuvent également être importants.

Alors, naturellement, je ne ferai pas l'introduction, vous l'avez très bien faite, au niveau du jugement qui a donné lieu à ces changements-là. Ce que je voudrais faire, dans un premier temps, c'est bien de voir quels critères identifiés par la cour au niveau du Tribunal administratif du travail vont être considérés. Alors, quand on parle de critères, on ne tient pas nécessairement compte de toutes les situations données qui pourraient comporter des enjeux importants et fondamentaux au niveau du Code du travail. On a deux sections, on a la section II, on a la section III. Dans la section II, on vient dire que c'est un critère qui vise uniquement la santé et la sécurité du public, et dans la section III, qui était une section, auparavant, où on n'avait pas le critère de santé et sécurité publiques, on s'est aperçu que les tribunaux ont également considéré des critères importants. J'y reviendrai.

Naturellement, le CPQ représente des membres, des membres qui nous disent être satisfaits avec les modifications qui ont été apportées. Dans un cadre de leurs relations de travail, ils trouvent un juste équilibre. On représente aussi des membres qui sont des employeurs, qui sont visés indirectement par des situations où les services essentiels qui sont donnés à la population ne sont pas suffisants ou vont avoir un impact. On peut parler d'un impact économique important, un impact sur leurs travailleurs également, qui, dans une situation où les services ne peuvent pas nécessairement être disponibles, vont être mis à pied, un impact sur le citoyen comme tel.

Ce qu'on vous dit, puis on respecte Saskatchewan aussi, oui, le droit de grève est un droit — tout comme le lock-out, même si Saskatchewan n'en parle pas — est un droit qui est important, mais, si je ne m'abuse, dans Saskatchewan, on n'a pas considéré, puis la question n'était pas posée, la question des tiers au niveau d'un litige. Qu'est-ce que les tiers subissent quand on parle de services essentiels sur lesquels ils n'ont pas d'emprise à ce moment-là?

• (10 h 20) •

Alors, naturellement, il y a des questions, puis ça s'est posé souvent, surtout dans la partie III, quand les tribunaux se sont prononcés au niveau des critères qui devaient être considérés. On ne parlait pas de dignité humaine, mais vous avez, en annexe, plusieurs des critères qui avaient été mentionnés, dans le secteur public et parapublic, qui affectaient directement un tiers qui, lui... Puis on ne parle pas de n'importe quel système ici, on parle d'un système monopolistique, là, si je peux m'exprimer ainsi, un monopole dans lequel ce tiers n'a pas le choix de se tourner vers une autre entreprise pour avoir les services parce que c'est des entreprises qui sont des entreprises de monopole.

Alors, dans un cadre comme ça, et c'est la question qu'on vous pose... On ne vous dit pas que le système ne fonctionne pas. Le système fonctionne, il n'y a pas de crise actuellement, généralement, mais il y a des situations qu'on peut trouver quelquefois dans les domaines comme les domaines du transport, les domaines... mais je nommerai... Quand on arrête le port de Montréal, toute la chaîne logistique qui est reliée à un arrêt de travail, dans le cadre de deux parties pour lesquelles les règles sont claires, a un impact important au niveau de la société, un impact important au niveau, et des individus, et des clients, et des entreprises qui sont visés.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu ici de penser est-ce que la santé économique d'une entreprise n'ait pas un impact grave, non pas sur la santé, la sécurité publiques, mais sur la survie même de l'économie du Québec. C'en est une. Est-ce que les gens en position de vulnérabilité, si on prend les enfants qui ont... service de transport, l'enseignement, si on prend des gens qui... je vous nommerais également, quand on parle de cimetières, d'exhumation, du fait de pouvoir enterrer ses proches, toute la question de la dignité humaine.

Est-ce qu'on ne doit pas se poser la question... et le tribunal sera là pour l'apprécier, parce qu'on n'agira plus à titre de décret. Est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, se poser la question : Sont-ce des facteurs réellement fondamentaux, qu'on ne peut taire dans un monde comme le nôtre, où on parle qu'effectivement les parties peuvent avoir des moyens de pression de part et d'autre? Mais le coeur même demeure les gens pris en otage au niveau de la société.

Alors, on a un bon exemple, je pense, au niveau du secteur de la construction, où le gouvernement, ici, a reconnu qu'il y a une obligation, au niveau de la construction, de faire en sorte — je veux me presser — de faire en sorte, à ce niveau-là, qu'on consulte le maître d'oeuvre, qu'on consulte l'entrepreneur pour lequel il va y avoir un impact au niveau des prix. Alors, on comprend que tout un système de négociation peut avoir un impact sur un tiers, qui va faire en sorte qu'il faut soulever, à un moment opportun... Et je pense que, quand on définit la question de la personne intéressée, ça peut être également l'entreprise qui est aux prises avec ces éléments-là pour pouvoir le consulter et pour avoir un regard très large par rapport à ça.

Alors, naturellement... Puis j'ai un paragraphe, dans mon mémoire, qui dit : On ne vise pas à interdire le droit de grève. Et j'ai bien entendu le deuxième ministre de l'opposition, c'est bien comme ça qu'il se prononce, on ne vise pas à enlever ces pouvoirs-là, qui sont fondamentaux, entre deux parties. Mais ce qu'on vous dit, outre ça, quand on parle de services essentiels à la population, on ne parle pas de grève. On parle de choses qui sont primordiales et qui peuvent avoir un impact aussi grand.

Alors, on invite ici les gens autour, à la Chambre, de se poser la question. On n'a pas la réponse au niveau du CPQ, mais c'est bon de pouvoir ouvrir sur cette question-là, et c'est ce qu'on vous propose. Avant d'adopter un projet de loi, maintenant qu'on est en modification, peut-on se dire : Ouvrons la question et parlons ensemble, là, des éléments qui sont fondamentaux et qui ont été reconnus par la cour? Et je vous le dirais, dans l'affaire des juristes, parce que ça m'a particulièrement intéressée, en 2000... Je vais plus vite. En 2000, les juristes...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il vous reste 30 secondes.

Mme Gagnon (Karolyne) : 30 secondes. En 2000, les juristes ont effectivement été considérés, l'ordre, le fonctionnement de l'Assemblée nationale, et la justice comme des éléments importants.

Alors, je vous remercie et puis je vous demande, en terminant, qu'une réflexion importante se fasse au niveau de ce que constitue un service essentiel, qui est tout à fait distinct de ce qui avait été traité dans Saskatchewan. Merci bien.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour l'exposé intéressant.

Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : 16 minutes?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

M. Boulet : Donc, pour faire des échanges... Belle présentation. D'abord, je veux vous remercier, je veux remercier le Conseil du patronat du Québec pour cette belle présentation.

Je comprends que, pour le régime essentiel qui concerne les services publics, vous exprimez un confort, à tout le moins, avec le transfert de la procédure d'assujettissement actuelle, c'est-à-dire par voie de décret, à une appréciation par le Tribunal administratif du travail. Est-ce que... Moi, j'aimerais savoir comment les membres du CPQ... est-ce que vous avez sondé les membres du Conseil du patronat sur le maintien des services essentiels? Quelle est leur réaction?

Mme Gagnon (Karolyne) : Oui, les membres... En fait, le maintien des services essentiels, les règles qui étaient déjà établies demeurent, à ce niveau-là, que ça soit par décret ou que ce soit au niveau du tribunal. Si on parle de services comme tels, ce qu'on m'a dit, c'est que, généralement, la question ou l'attribution de l'appréciation de la santé et la sécurité publique posait des problèmes parce qu'elle était limitée à des soins particuliers, qui sont très justifiés, mais sur un critère plus large.

Ça fait que, quand je parle des membres, je ne vous parle pas des membres qui sont plus... des membres qui étaient satisfaits par rapport aux entreprises, là, qui ont un conflit et qui doivent effectivement, là, sauvegarder certains services essentiels. Je vous parle des membres qui, eux, par rapport à leurs entreprises, par rapport à l'organisation du travail, se sentent aux prises et se sentent en otage, aux prises avec des décisions dans lesquelles ils ne peuvent pas recevoir des services qui, pour eux, sont tout aussi essentiels parce qu'ils sont la survie même de leurs entreprises.

Alors, naturellement, ces concepts-là, quand ils ne sont pas considérés à un certain plan parce qu'ils ne peuvent pas l'être... et, devant les tribunaux, c'est toujours des critères qui sont interprétés de façon assez stricte, ont un impact sérieux qui peuvent même en venir... Puis, quand on parle de santé, on parle de santé des travailleurs aussi, parce qu'une entreprise qui ne fonctionne pas, qui ne peut pas fonctionner parce qu'on n'a pas certains biens, à ce moment-là, ou certains services... si on n'a pas de service de garde offert à nos enfants puis qu'on doit, à ce moment-là, ne pas aller au travail, ne pas pouvoir effectivement effectuer une tâche de travail, c'est tout un cercle vicieux dans lequel il y a un effet un peu plus domino, dans lequel l'impact n'a pas à être soulevé devant les tribunaux parce qu'on réduit la question des services essentiels à la santé et à la sécurité publique.

Alors, naturellement, quand les gens nous arrivent pour nous dire : On n'a pas de service autres les services pour l'école, l'enseignement, les services de garde... et ça fait en sorte que les gens, les travailleurs ne peuvent pas se présenter, à ce moment-là, c'est limité et se vit une certaine frustration de ne pas, à tout le moins, pouvoir exprimer. Je comprends qu'il y a la question des tiers intéressés aujourd'hui, mais ces tiers-là ne pourront pas ouvrir autrement que par rapport à des soins qui sont bien particuliers et qui, pour eux, sont extrêmement fondamentaux dans leur quotidien, dans leur travail, dans leur roulement de personnel et professionnel également.

Est-ce que je peux continuer? Excusez. Je ne connais pas tout à fait les procédures.

M. Boulet : Non. Merci. Je pense que ce que vous soulevez, peut-être vous souhaiteriez ou vos membres souhaiteraient que les critères d'appréciation du concept de santé, sécurité publique soient plus élargis. Vous faites référence notamment à des situations où les personnes seraient en otage, parce que, là où il y a un conflit de travail, ils sont en situation de monopole.

Je veux juste vous référer au critère qui répond au jugement rendu par le Tribunal administratif du travail dans l'affaire Flageole et qui citait Saskatchewan Federation of Labor. Puis la Cour suprême fait essentiellement sienne la définition de l'Organisation internationale du travail sur ce qu'est un service essentiel, puis là je vous cite, on dit : «Un service essentiel est un service dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population.» Et ça, c'est une définition qui est assez classique, qui est reprise constamment dans la jurisprudence non seulement au Québec, mais partout au Canada.

Évidemment, au-delà de ça, c'est vraiment du cas par cas. Il y a eu une province, je crois, c'est en Colombie-Britannique, où on ajoute, au-delà du critère du respect de la santé et de la sécurité publique, on réfère au bien-être de la population et on dit : Ça doit être tenu en compte lors de la détermination de ce que constitue un service essentiel. Mais partout au Canada et ce qui est reconnu à l'OIT, c'est vraiment la définition que je viens de vous mentionner.

Puis ce critère-là harmonise le fonctionnement du régime des services essentiels applicable aux établissements de santé et de services sociaux avec celui applicable dans les services publics. Ça fait que ça permet une cohésion qui m'apparaît totale. Et ce régime-là, je vous rappellerai qu'il est en vigueur depuis 1982. Et je n'ai pas eu de cas patent où il y a eu des expressions publiques que ça ne permettait pas une autre disposition actuelle, là, de santé et de sécurité publique, de préserver la santé et la sécurité dans un cas de grève dans un service public, parce qu'en santé et services sociaux, c'étaient les seuils minimums, et c'est ça qui a été déclaré constitutionnellement inopérant.

Ça fait que je fais ces remarques-là, là, si ça peut aider à une meilleure compréhension de ce critère-là. Le reste, moi, j'ai pris bonne note de vos commentaires. Oui, allez-y.

• (10 h 30) •

Mme Gagnon (Karolyne) : ...une remarque par rapport à ça. On comprend que c'est... bon, quand on parle de 111.16 et 111.10, c'est différent, les critères. Avant, à 111.10, on n'avait pas la notion de santé, sécurité qui nous permettait d'aller... Ici, le Conseil du patronat... puis je vous dis, il y a des membres, là, de toutes parts, et je parle au nom des deux membres. Oui, c'est vrai que lorsqu'on a déterminé santé, sécurité et sécurité publique au travail lors d'un conflit de travail, on est d'accord avec les définitions qui sont données par les tribunaux, on est d'accord avec la définition comme telle. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, puis naturellement, je n'ai pas la solution pour vous, c'est : Est-ce que c'est... surtout qu'on l'ajoute à la section III alors qu'avant on pouvait amener devant les tribunaux d'autres éléments que les questions de santé et sécurité. Parce que, si vous vous référez à l'annexe, à l'annexe on retrouve protection et prévention de la santé végétale, la santé animale, le maintien des services inhérents pour l'Assemblée nationale, on retrouve des questions d'intérêt de la justice. Alors, c'est ça que nos tribunaux ont déterminé. Aujourd'hui, dans la section III, on a un élément nouveau qui se limite à la santé et la sécurité publique.

Ce qu'on vous dit aujourd'hui, dans les deux cas, que ce soit pour la section II ou III : Est-ce qu'il y aurait lieu... parce que, quand on parle de santé et sécurité publique, on comprend bien, puis les définitions sont là, et effectivement c'est conforme à l'OIT. Mais est-ce que la santé, sécurité publique n'est pas aussi reliée d'une certaine façon au monde du travail, au monde de l'éducation, à des services... quand on parle des cimetières, à des questions de dignité humaine. C'est des valeurs également de société qui sont importantes. Alors, en limitant... puis devant les tribunaux, c'est ce qu'on fait, on se dit : Oui, mais il y a un intérêt économique. Moi, mon entreprise va devoir fermer ses portes. Ne pensez qu'à la santé psychologique des travailleurs, puisque je sais que vous y êtes très sensibles, mais un employeur qui ne peut plus, à ce moment-là, parce qu'il est pris... quand je parle de prise en otage, c'est qu'il n'y a pas un service essentiel pour lui qui lui permette de recevoir des biens puis qui lui permette de recevoir certains services, qui a un impact important au niveau de l'entreprise. Est-ce qu'effectivement la santé économique n'est pas quelque chose de fondamental, tout aussi fondamental que la sécurité et la santé des individus de façon générale? On s'en préoccupe de plus en plus. Posons-nous la question.

On ne vous soumet pas qu'il faut changer les choses, mais est-ce qu'on a bien réfléchi à cet élément-là qui, généralement, devant les tribunaux, est soulevé, mais pas soulevé longtemps parce que la première chose qu'on nous dit : Ça ne répond pas aux critères de santé et sécurité alors que c'est des critères essentiels qui avaient été longuement considérés par nos tribunaux, par le TAQ ou autrement, qui sont venus régler les questions? Puis, quand je nomme la question des juristes, c'étaient des questions qui n'étaient pas reliées à la santé ni à la sécurité. On s'est dit : Si le système de justice en place ne fonctionne plus... c'est fondamental dans une société.

Alors, naturellement, il y a des éléments autres qui devraient être considérés quand on parle de services essentiels, qui ne sont pas de l'ordre des négociations et du droit de grève et de lock-out.

M. Boulet : Totalement d'accord, puis c'est la raison, Mme Gagnon, il faut revenir à la base. Avant que le Tribunal administratif du travail apprécie et mesure la suffisance des services essentiels en s'appuyant sur le concept de santé et sécurité publique, les parties négocient entre elles les services essentiels, et c'est ça, la base. Le tribunal n'a pas à s'exprimer. C'est dans une minorité de cas que le tribunal a à s'exprimer, et les parties entre elles peuvent convenir... puis ce n'est pas dans le Code du travail, ce n'est pas obligatoire, c'est...

Par exemple, le conflit de travail qu'il y a eu à l'UQAM, les parties se sont rencontrées puis ont convenu de services essentiels à maintenir pour protéger et prévenir la santé animale puis les soins dispensés aux animaux. Et, dans ce contexte-là, les parties ont la liberté de considérer les incidences humaines, sociales et économiques. Elles peuvent... elles sont invitées, c'est ce qui est la base de notre régime de maintien des services essentiels. Les parties négocient, s'entendent, souhaitons-le.

S'il n'y a pas d'entente, le syndicat produit une liste de services essentiels, et là, s'il y a des désaccords ou s'il y a des écarts entre ce que l'employeur considère qu'il devrait constituer un service essentiel, là, il y a des représentations qui sont faites au Tribunal administratif du travail qui considère la santé et la sécurité publique. Mais on ne pourrait pas, dans le code, dire : Il faut considérer l'impact économique, les inconvénients d'un conflit, les inconforts, les... tu sais, il y en a qui plaident ça. iIs disent : Il y a un inconfort. Tu sais, à un moment donné, il faut le restreindre, je pense, à la santé et sécurité publique, ce qui n'évacue pas tout le champ des autres intérêts qui concernent, bon, les animaux, la... j'en ai, là, plusieurs exemples, là, d'ententes entre des parties sur des services essentiels, et les parties ne sont pas limitées à la santé et sécurité publique. Elles peuvent convenir et utiliser tous les critères qu'on ne peut pas imaginer, mais qui sont propres à leur environnement de travail.

Mme Gagnon (Karolyne) : Alors, sur cet élément-là, c'est sûr que la jurisprudence qui a été développée à partir de 111.10, qui aujourd'hui est rendu 111.10.1, ne parlait pas de santé et sécurité publique. Alors, on a de la jurisprudence qui a été développée. Maintenant qu'elle en parle spécifiquement, elle limite à ce champ-là qui va être beaucoup plus restrictif. Oui, les parties peuvent faire une entente. Ce dont on vous parle, c'est des tierces parties qui sont indirectement visées par ça. Alors, c'est ces personnes-là où on est sensibles.

Quand on parle du milieu économique, on dit : Bon, ce n'est pas la santé, tout ça, mais le milieu économique peut avoir un impact important. Quand je vous ai dit, dans l'économie, puis je le reprends dans mon mémoire, les chaînes de distribution, les produits sont davantage en flux continu et impliquent des projections de la demande, ça peut causer un tort irréparable au niveau de l'économie et au niveau... non pas de la santé. C'est ce que je vous dis, au niveau de la santé et de la sécurité publique, ça n'a pas d'impact, alors je ne peux pas le soulever. Mais ce tort irréparable, que je pourrais causer parce que je n'ai pas de moyen de transport adéquat pour pouvoir ramener les produits, parce que j'ai une législation qui est limitée à ce moment-là, peut, à ce moment-là, faire des dommages qui sont beaucoup plus grands.

La santé, la sécurité publique, d'office, c'est extrêmement important. Oui, on va dire puis on en discutera également par les gens qui prônent du côté du droit de grève : On ne veut pas enlever le droit de grève — le lockout, c'est important — puis on ne veut pas le dénaturer aussi. Quand Saskatchewan nous disait : Faites attention, c'est primordial, oui, c'est primordial, mais ce qu'on demande, c'est : Posez-vous la question, est-ce qu'il n'y a pas des éléments également en société, pour la survie de notre société, pour le bien-être de nos enfants ici, des gens qui travaillent, des personnes qui ont besoin de certains services, qui ne sont pas, non, une atteinte directe à la santé,sécurité, mais qui sont une atteinte directe à leur intégrité personnelle, à leur fait de fonctionner en société, à leur fait de pouvoir transiger dans un monde du travail? Et je ne nomme que ça, parce que, si je vous parle des cimetières puis qu'on ne peut pas exhumer, embaumer le corps d'une personne proche, ce n'est pas visé par la loi, mais c'est un élément, peut-être, qui n'atteint pas la santé, sécurité, mais la dignité humaine est très importante.

En limitant, dans la loi, ces termes-là, on ne peut pas soulever par la suite ces éléments qui, je suis sûre, autour de la table, font consensus comme étant fondamental... fondamentaux, pardon, mais qui sont légitimes à poser devant un tribunal qui, lui, entendra la preuve par rapport à ça.

Alors, je ne veux pas voler tout le temps de M. le ministre...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...minute à l'échange.

M. Boulet : ...débat intéressant, là, puis c'est sûr que ça remet en question l'exercice même du droit à la grève. Moi, je suis convaincu que le droit à la grève s'impose. Quand on est à une table de négociation, même si on négocie de façon raisonnée, de la même façon que le droit au lockout, c'est une façon pour les deux parties de mettre la pression sur l'autre pour accepter des conditions de travail qui sont particulières.

Et la décision de Saskatchewan, sur le fond, moi, je n'ai pas l'intention de me prononcer, mais il ne faut pas élargir le champ des critères pour se rapprocher d'une quasi-négation du droit de grève, parce que moi, je ne suis vraiment pas favorable à élargir le champ d'appréciation du TAT. Et je veux simplement rajouter que, le fait que, dans la section III, on réfère à la santé et sécurité, encore une fois, je le réitère, ça n'empêche pas les parties de considérer quelque incidence que ce soit, qu'elle soit de nature humaine, sociale ou économique, et d'utiliser des éléments extrinsèques qui élargissent ou qui rendent le critère de santé et sécurité du public plus élastique.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Boulet : Mais bon, c'est un beau débat académique, là, mais je suis totalement, encore une fois, reconnaissant pour les représentations que vous avez faites devant nous ce matin. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, au député de Vimont. Vous disposez de 11 minutes pour l'échange.

• (10 h 40) •

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, bonjour, Mme Gagnon, M. Centomo. Merci de votre présence, de un, et, de deux, merci d'avoir déposé, justement, un mémoire.

Comme je le disais plus tôt, ce n'est pas nécessairement évident. Des fois, le temps, il est court pour le produire. Donc, merci d'avoir fait un dépôt de mémoire mais de cette qualité-là aussi, parce que c'est bien beau, déposer un mémoire, mais il faut qu'il soit aussi de qualité. Je pense que vous avez réussi à tous points de vue. Donc, merci de votre présence.

Vous avez parlé tantôt de votre regroupement. Vous avez combien de membres, au total, qui font partie de...

Mme Gagnon (Karolyne) : En fait, au niveau des associations sectorielles et des entreprises que nous représentons, naturellement, c'est indirectement également, on parle de 70 000 membres et même plus qu'on représente, là, au niveau du Québec.

M. Rousselle : Puis tantôt j'écoutais les questions du ministre. Vous avez justement sûrement fait des appels, vous avez sûrement été voir vos membres, justement, pour produire ce mémoire-là.

Mme Gagnon (Karolyne) : En fait, comme je vous disais, nos membres, de façon générale, dans un premier abord, n'avaient pas de commentaire particulier, parce que les membres qui sont visés sont souvent les membres qui, eux-mêmes, vont discuter d'une entente, ne vont pas nécessairement prendre... Alors, s'ils s'entendent, ils s'entendent sur les conditions qu'ils déterminent.

Mais ce dont on parle, c'est les membres qui sont à l'extérieur du conflit de travail. Eux disent : Bien, si moi, j'ai à soulever quelque chose, je ne peux pas le faire en opposition. Je ne peux pas intervenir et aller sur une autre question que la santé, la sécurité publique, même si je le voulais.

Si les parties s'entendent... puis les parties s'entendent généralement, là, sont d'accord avec ça, ils s'entendent sur les éléments qui seront des services essentiels. Mais celui qui est à l'extérieur, puis ça peut être également tout citoyen parce que la loi le permet, ne peut pas, lui, d'office, arriver puis dire : Bien, moi, j'ai quelque chose qui est plus au niveau de la garde des enfants. Là, on va leur dire : Non, non, ce n'est pas la santé et sécurité, alors il ne pourra pas le soulever d'office en s'opposant.

M. Rousselle : Vous avez parlé comme quoi que vous n'avez rien contre le droit de grève, rien de ça, mais par contre, vous avez été sur un terrain que... je suis le même raisonnement un peu... je pense, en tout cas, le même raisonnement que le ministre.

Vous avez soulevé souvent la santé économique puis l'économie du Québec dans vos dires, là. Puis dites-moi si je fais erreur, là, mais j'ai compris ça à plusieurs reprises. Parce que, là, actuellement on parle, justement, des services essentiels dans le secteur public et parapublic, et vous, vous semblez déborder de là parce que vous semblez... Si j'ai bien compris, vous semblez déborder, dire : Oui, mais il y a des gens qui peuvent offrir des services puis, à cause que c'est des gens... parce que ça peut être des compagnies privées qui donnent des services à l'intérieur de... publics et parapublics... puis les services parapublics et publics pourraient être affectés par ça. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Gagnon (Karolyne) : Bien, c'est un des cas de figure. Naturellement, je nommais la santé économique, ça peut être également quand je parlais de dignité humaine, quand je parlais d'autres facteurs qui n'ont pas de lien avec les éléments.

Au niveau économique, quand je vous parle de santé économique, si une entreprise ferme, puis il y avait une garderie, bien, les gens qui sont au sein de service-là qui était, pour eux, essentiel sont atteints. On doit faire le bilan de : Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça va bien dans mon économie? Est-ce que le fait que je sois obligé de réduire... parce que ça arrive, ces éléments-là, parce que je n'ai pas les moyens de transport qui me permettent d'avoir les biens au niveau d'une entreprise, je n'ai pas les services qui permettent à mes travailleurs de venir travailler au niveau des transports, est-ce qu'indirectement, quand il y a certaines contraintes extérieures — je parle d'économie du Québec de façon générale — ça n'a pas un impact aussi important?

Quand je vous parle de santé, de santé du travailleur, santé de l'employeur, santé de sa business, oui, c'est un élément qui peut être... qui devrait être considéré dans certains cas.

Puis je suis tout à fait d'accord avec vous, parce que, quand on parle du droit de grève, c'est le droit de lock-out aussi. On y croit à ça. C'est la base même des relations de travail. Et, quand je vous amène ici, je ne vous amène pas pour dire : Ouvrez demain, parce que c'est le fondement même des relations de travail qu'il ne faut pas réduire à un point que ça ne soit plus efficace.

Et je suis tout à fait d'accord avec le fait que de se dire : On se pose la question, mais est-ce que dans Saskatchewan... et est-ce qu'on a amené devant les tribunaux un jour... Puis c'est pour ça que je vous ouvre la porte puis je pense qu'il y a une réflexion intéressante. Est-ce qu'on peut amener ici, autour de la table... Est-ce qu'il faut toujours se limiter à ça ou, dans certains cas, le tribunal pourrait être à même d'apprécier cet élément-là pour justement considérer que, dans des cas particuliers, hein, tu sais, on prend les cas de transport au fédéral... Bien, non, ce n'est pas santé et sécurité que de dire que la personne est aux prises en Europe puis elle n'a pas moyen de retourner, mais c'est un facteur important.

Quand je réduis cette loi-là à santé et sécurité, ce qui n'était pas dans la partie II avant, quand je le fais... santé et sécurité publique, pardon, à ce moment-là, c'est que je ne peux pas ouvrir la porte comme tiers intervenant. Je peux, entre les parties, dire : Oui, c'est vrai que c'est important, mais, comme tiers intervenant, si on me donne le droit maintenant, en vertu de 111.0.17, d'être une personne intéressée, qu'on me permette de dire c'est quoi, pour moi, qui est essentiel, puis le tribunal jugera à ce moment-là, mais qu'on ne me limite pas à un critère qui est un critère... Oui, c'est vrai que ça fonctionne, ça fonctionne de façon générale, mais on est dans une économie qui est fragile, là, on est dans un système qui est complexe au niveau des relations de travail et de plus en plus complexe, mais aussi une économie qui est fragile, où, à tout le moins, le tribunal n'aura pas à retenir l'argument du tiers, mais pourra considérer que ces éléments étaient fondamentaux et étaient tout aussi dommageables que la santé et la sécurité publique.

M. Rousselle : Parce que, là, on regarde, là, l'article 111.0.17 qui parle de «toute personne intéressée». Je suis sûr que, si on faisait le tour de tout le monde ici, là, on demanderait c'est quoi, un service essentiel pour chacun, puis je pense qu'on pourrait peut-être même avoir des différences assez importantes, je pense, juste ici.

Quand vous dites que... Vous, vous allez vraiment plus large, parce que là vous avez parlé effectivement de dignité humaine, et puis ça, je comprends ça. Comprenez-vous, là? S'il y en a un, comme je vous dis... Tout à l'heure, j'ai mentionné : S'il y en a un qui comprend ça ici, là... je suis avec mes parents, puis ce n'est pas nécessairement toujours facile. Mais quelque part, de l'autre côté, si on y va chacun sur notre définition puis on essaie vraiment de couvrir très large, comme vous le mentionnez, à un moment donné, on n'enlève pas... parce que bien beau, vous dites que vous êtes... vous n'avez rien contre le droit de grève, mais on ne s'en va pas attendre comme : Oui, je suis pour le droit de grève, mais, regarde, il ne faut pas que ça soit... il ne faut pas que tu affectes la dignité humaine, au niveau de l'économie, puis là, bon, on peut y aller, comme je vous dis, à chacun notre tour. Alentour, on pourrait en mettre beaucoup de choses. Donc, à ce moment-là, quelque part, à un moment donné, il n'y aurait plus de négociation, il n'y aurait plus de possibilité de négociation.

Trouvez-vous que je vais trop loin dans mes dires ou...

Mme Gagnon (Karolyne) : Il ne faut pas affecter, puis je suis d'accord avec vous, ce rapport de force entre les parties. C'est la base même d'une entente, c'est la base même des relations de travail.

Ce que je vous dis, ce n'est pas de... Je vous parlais de ce cas de figure au niveau économique. Je ne vous dis pas d'ouvrir sur différents facteurs. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est : Il y a peut-être des personnes vulnérables. Je trouvais que la question, là, des cimetières, du fait qu'on puisse prendre soin d'un corps, d'une personne, une question de dignité humaine... Il y a peut-être certains des services... On ne vous dit pas d'enlever tous les services, mais il y a peut-être des services qu'on peut questionner. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, puis j'ouvre la porte, là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de dire... Oui, c'est vrai, chacun peut y aller d'un cas d'espèce, d'un cas de figure.

Mais il y a un tribunal qui apprécie aujourd'hui, il y a un tribunal qui va recevoir une preuve qui va être complète puis qui va retenir ou non certains éléments. Ce qui est important dans ça, c'est que la loi le permette également. Si c'est farfelu, le tribunal va le mettre de côté, puis les... ou les parties vont s'entendre. Mais effectivement, quand on parlait... dans la construction, on demande aux donneurs d'ouvrage, parce que ça a un impact direct par la suite sur le prix des services... C'est important d'avoir une figure puis d'avoir un portrait vraiment général quand on met en place des services essentiels, non pas par rapport au droit de grève. Le service essentiel, il est pour autrui.

Alors, cet autrui-là, est-ce qu'il peut faire valoir effectivement : Moi, j'ai l'impression que, si on m'enlève ce service-là en particulier, je n'arriverai plus à fonctionner en société, que ça soit économique ou autre? Économique, naturellement, c'est un élément qui nous rattache souvent au monde du travail. Alors, c'est important, au monde du travail, de pouvoir laisser mes enfants à la garderie pour m'en aller au travail. On peut très bien dire que, si on est pris à partie, puis que ça dure des mois, c'est un élément, mais il y aura toujours le tribunal pour l'apprécier, et justement, en donnant les pouvoirs au TAQ, qui généralement le faisait... Dans la partie II, le TAQ le fait. Dans la partie I, on parlait toujours de santé et sécurité, mais, dans la partie II, on n'en parlait pas. Aujourd'hui, on impose, on limite à la santé et sécurité et on a pensé que les questions de justice... bien des cas, des éléments qui étaient importants en société ont été jugés comme des services qui étaient essentiels.

Aujourd'hui, la façon dont la loi est rédigée, là, est modifiée, on ne pourra plus se servir de ces éléments-là, parce qu'on va se limiter aux soins qui sont des soins bien particuliers de survie, puis M. le ministre l'a bien nommé. Ce qui est devant les tribunaux, qu'on retrouvait...

Quand je sens un... je ne sais pas à qui ça s'adresse. Alors...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...votre échange.

Mme Gagnon (Karolyne) : Oui. Parfait.

M. Rousselle : ...je regardais dans votre mémoire, là, vous parlez justement... «Le CPQ estime une réflexion globale nécessaire...», puis là vous parlez justement des... vous semblez avoir une inquiétude au niveau des prochaines négociations du secteur public et parapublic. Vous parlez toujours des victimes silencieuses, là, mais vous semblez avoir des craintes au niveau des futures négociations. Pouvez-vous m'expliquer un petit peu, là, c'est quoi, votre crainte?

• (10 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

Mme Gagnon (Karolyne) : Oui, 30 secondes. Bien, on a les négociations de l'État qui s'en viennent. Naturellement, au niveau des ententes qui seront faites, au niveau des discussions, si on ne peut pas mettre ça en place, il y aura peut-être effectivement des éléments qu'on ne pourra pas considérer ou pas soulever. Alors, il faut voir le... Oui, ça peut être très positif, mais, en même temps, ça peut faire en sorte qu'il y ait des éléments aujourd'hui qui ne pourront plus être pris en considération, surtout dans la troisième partie, parce qu'on va limiter tout autre secteur, comme on aurait pu le faire aussi chez les juristes en disant : Non, l'aspect de la justice...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous vous remercions. Merci pour l'échange. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais commencer par un commentaire puis après une question. J'ai beaucoup d'inconfort avec l'utilisation du terme et de l'expression «prise en otage». Je vous explique pourquoi, parce qu'une vraie prise en otage, c'est très sérieux. C'est des gens qui se font prendre au bout du fusil, qui perdent leur liberté. Alors, quand on copie-colle cette expression-là dans une relation de travail, j'ai un inconfort majeur. Alors, moi, je vous invite, je nous invite à ne pas utiliser cette expression-là. Je trouve qu'elle est vraiment inappropriée dans le cadre des discussions par rapport aux services essentiels.

Ceci étant dit, ma question... parce que, là, j'ai lu, dans votre mémoire, que vous considérez que le système fonctionne. Vous dites ça à quelque part, je pense, c'est à la page 4, le système fonctionne présentement et n'est pas en péril, mais force est de constater que beaucoup de gens ne sont pas d'opinion avec vous, là. Les syndicats ne sont pas d'opinion avec vous. Ils ont réussi à convaincre la cour que le système actuel ne fonctionne pas. Il y a peut-être eu de l'abus. Et moi, j'ai... vous avez compris peut-être avec mes remarques préliminaires que j'ai un passé syndical, j'ai encore plusieurs amis évidemment dans le mouvement des travailleurs et des travailleuses. Ils m'expliquaient récemment que, dans le cas des résidences privées conventionnées, la loi des services essentiels est tellement dure, la loi actuelle, là, que parfois il y a plus de monde sur le plancher, quand ils sont assujettis à la loi des services essentiels, qu'en temps régulier. Vous comprenez l'absurdité de la chose?

Alors, qu'on aille dans une approche qui regarde les vrais besoins réels plutôt qu'un pourcentage fixe qui n'est pas nécessairement collé à la réalité me semble être une approche intéressante. Qu'est-ce que vous avez à répondre à cette réalité-là des résidences privées, par exemple?

Mme Gagnon (Karolyne) : Bien, je trouve ça intéressant. D'ailleurs, j'ai dit que le Conseil du patronat est d'accord avec les changements législatifs. C'est de bon augure, là, qu'on puisse, cas par cas, selon le contexte, apprécier.

Je reviendrais, par exemple, sur la question de prise en otage, parce qu'effectivement, quand une personne a un service, on ne parle pas de n'importe quel service, on parle d'un service qui est essentiel, que ce soit sa santé, sécurité, que ce soit sa survie, ses besoins primaires à sa dignité. Oui, une prise en otage et les services essentiels est un bon cas de figure, je m'excuse de l'utiliser encore, mais c'est...

M. Leduc : ...par exemple, James Richard Cross

Mme Gagnon (Karolyne) : ...c'est face à cet élément-là que justement...

M. Leduc : Pierre Laporte.

Mme Gagnon (Karolyne) : ...vous dire : C'est important. Oui, la force, parce qu'ils... ne pas agir, il n'y a pas d'autre...

M. Leduc : Non, non, madame. Pierre Laporte a été pris en otage. Pierre Laporte a été pris en otage. Les gens du service essentiel ne sont pas pris en otage. Des vraies prises en otage, on en a connues, au Québec, ce n'est pas ça. Les mots ont un sens, puis je pense qu'il faut les respecter.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour l'échange. Alors, je remercie Mme Gagnon, M. Centomo, du Conseil du patronat du Québec. Merci pour votre contribution à l'audition.

Alors, nous prendrons quelques secondes, une minute ou deux pour... Nous suspendons pour pouvoir laisser la place à l'autre groupe de se présenter. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 54)

(Reprise à 11 heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, tout le monde est de retour? Avant d'être en ondes, je veux juste mentionner que le député de Bonaventure, du troisième groupe d'opposition, ne sera pas avec nous de la journée. Alors, je veux juste le mentionner.

Alors, nous pouvons aller en ondes. Donc, nous y allons.

Bonjour. Bonjour, tout le monde. Alors, nous reprenons. Nous souhaitons la bienvenue à l'Association des établissements privés conventionnés, aux membres de l'association, Mme Lavoie, Mme Marcil et M. Brossoit.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous commencerons la période d'échange. Je vous invite d'abord à bien vous présenter.

Association des établissements privés conventionnés (AEPC)

Mme Lavoie (Annick) : Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés.

Alors, je me présente, Annick Lavoie. Je suis directrice générale de l'Association des établissements privés conventionnés. Je suis accompagnée de M. Hugo Brossoit, il est conseiller en gestion et développement des ressources humaines à l'association, ainsi que Mme Marcil, qui est chef d'unité en hébergement au Centre d'hébergement du Boisé.

Alors, permettez-moi d'entrée de jeu de vous remercier, chers commissaires, pour l'invitation. Nous sommes heureux de participer à cette commission parlementaire.

L'Association des établissements privés conventionnés compte 30 membres propriétaires gestionnaires, qui représentent 57 CHSLD et deux centres de réadaptation, incluant une unité de soins palliatifs. Ils sont répartis dans 11 régions du Québec. Alors, c'est près de 7 000 résidents qui sont hébergés dans nos établissements privés conventionnés, soit environ 20 % de la clientèle hébergée au Québec. Près de 14 000 employés travaillent au mieux-être de notre clientèle, composée principalement de personnes âgées et vulnérables en grande perte d'autonomie.

Les établissements privés conventionnés font partie du réseau de la santé et des services sociaux. Ce sont des partenaires des CISSS et des CIUSSS et font partie du continuum de soins. Les établissements privés conventionnés offrent à la population des services publics qui sont gérés par le privé. Nos employés ont les mêmes échelles salariales, les mêmes avantages sociaux, et nous suivons les conventions collectives nationales de même que les décrets.

Alors, si on fait un petit topo, qu'est-ce que c'est qu'un CHSLD? Alors, c'est un milieu de vie substitut qui offre de l'hébergement, de l'accompagnement et des soins à une clientèle vulnérable qui ne peut plus vivre à domicile. Ses résidents sont en grande perte d'autonomie et leur état requiert des services intensifs, continus et de longue durée. Et j'insiste sur ce dernier point : services intensifs, continus et de longue durée.

Alors, cela étant dit, je laisse la parole à M. Brossoit qui va entrer dans le vif du sujet, et Mme Marcil, pour sa part, pourra répondre à vos questions, si ça porte sur les répercussions en établissement.

M. Brossoit (Hugo) : Alors, bonjour à tous. Tout d'abord, on va mettre la table en disant que la Loi assurant le maintien des services essentiels est primordiale pour assurer, justement, la santé et la sécurité de tous les résidents de tous les CHSLD au Québec, les privés conventionnés comme les publics. Et c'est toujours une question de trouver la balance entre le respect du droit de grève des associations accréditées et le respect des soins auxquels les résidents ont le droit de s'attendre.

Sous sa forme actuelle, du moins, avant la modification du projet de loi d'aujourd'hui, le Code du travail indiquait, pour les CHSLD, un maintien des effectifs de 90 % du personnel en place en CHSLD. Et on est très au courant, dans le fond, qu'il y a eu une décision du Tribunal administratif du travail qui vient nous obliger à modifier ça. Parce qu'à 90 % on avait trouvé le moyen de fonctionner, on était habitués à ça, mais on comprend que le statu quo n'est pas possible et donc qu'on doit modifier la loi.

Dans la modification du projet de loi, les points qu'on veut aborder, tout d'abord, c'est... On suggère de remplacer, comme point de négociation, je disais tantôt, le nombre de salariés à maintenir par unité de soins et catégories de services parmi les salariés habituellement affectés à ces unités et catégories de services. On veut le remplacer par les services essentiels à maintenir. Donc, ce qu'on doit déterminer avec une négociation avec les associations accréditées, ce sont les services essentiels à maintenir.

On dit ensuite qu'on doit respecter trois critères dans ces négociations-là, soit les services essentiels qui doivent être répartis par unités de soins et catégories de soins ou de services, le fonctionnement normal des unités de soins intensifs et des urgences doit être assuré et le libre accès d'une personne aux services de l'établissement doit être assuré.

Le retrait, dans le projet de loi, de la mention du nombre de salariés à maintenir, précédemment déterminé en pourcentage ou prédéterminé en pourcentage, laisse place selon nous à une interprétation sur ce qui doit être effectivement négocié entre l'établissement et l'association accréditée. Est-ce toujours une notion de pourcentage d'effectifs ou une détermination simple des services qui sont essentiels ou ceux qui ne le sont pas? Dans les critères qui ont été énumérés tout à l'heure, le premier critère qui implique une répartition par unités de soins et catégories de soins et de services est celui qui engendre, encore là, une certaine subjectivité, selon nous, dans les termes qui ont été utilisés. Si je vous résume, un CHSLD, quand on parle d'unité de soins, on sait de quoi on parle. Généralement, on va parler d'un étage où des résidents ont leur chambre et où leurs soins, qui sont évidemment très importants et très variés, sont donnés. On parle d'unité de soins et on sait de quoi on parle.

Par contre, lorsqu'on parle de catégorie de soins ou de services, c'est un terme qui, pour nous, est beaucoup plus vague. On croit que ça laisse un vide qui laisse place à ce que la définition même de ce qu'est une catégorie de soins va devoir être négociée avec les accréditations. Ce qui veut dire qu'on va multiplier les négociations dans chacun des établissements, à savoir, bon, bien, tout d'abord, qu'est-ce qu'une catégorie de soins et ensuite, dans cette catégorie de soins là, quels sont les services essentiels à maintenir.

On comprend d'entrée de jeu que certains services qui sont offerts dans les CHSLD peuvent paraître, des fois, moins essentiels, je vais dire ça comme ça, moins essentiels que d'autres. On peut penser tout de suite, les soins infirmiers et les préposés aux bénéficiaires, c'est essentiel. C'est des soins qui sont directement aux résidents, mais je ne pense pas qu'on doit diminuer, en fait, le travail qui peut être fait par les techniciens en loisir, les conseillers en milieu de vie, les travailleurs sociaux, les cuisiniers, les préposés à la salubrité qui font un travail qui est tout aussi essentiel dans le respect de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie des résidents.

Vous savez, les résidents des CHSLD, on l'a mentionné en introduction qu'ils sont en grande perte d'autonomie et que leur état requiert des services intensifs, continus et de longue durée, 24 heures par jour, sept jours sur sept, 365 jours par année. Ce n'est pas rien de penser que ces gens-là, en CHSLD, ça devient leur milieu de vie substitut et qu'une simple diminution des services a automatiquement un impact. On ne peut pas nier l'impact que, même avec l'ancien système, on pouvait avoir. Donc, c'est très important de se concentrer sur ce qu'on peut et ce qu'on ne peut pas diminuer en termes de services essentiels.

On peut considérer, comme je disais tantôt, une légère réduction. On a appris à fonctionner puis à fonctionner avec un pourcentage. Toutefois, dans l'éventualité où l'interprétation de la détermination simple d'un service essentiel prévaut... donc, quand je mentionnais tout à l'heure qu'on ne parle plus nécessairement d'un nombre d'effectifs à maintenir, mais de détermination d'un service essentiel, on vient prendre en considération que, si cette définition-là prévaut, que c'est simplement la définition d'un service essentiel, bien, qu'on ne peut pas retirer aucun des services qui sont donnés aux résidents présentement sans affecter leur qualité de vie, leur santé ou leur sécurité.

On aimerait également attirer votre attention sur le fait que le projet de loi implique présentement une négociation avec les associations accréditées dans chaque établissement, je l'ai mentionné tout à l'heure. Et on croit que cette multiplication de négociations là risque de créer une disparité importante dans la définition non seulement des critères d'application de la loi, mais également dans la définition des services essentiels dans chacun des établissements de santé du Québec. Ce qui veut dire que, dans un CHSLD x, on pourrait avoir des services essentiels qui sont déterminés d'une certaine manière puis, dans l'autre CHSLD à côté, on aurait d'autres services essentiels. Donc, un résident pourrait se retrouver avantagé ou pénalisé en fonction d'où il a eu la chance d'être hébergé.

Et j'aimerais souligner également qu'on est, avec le projet de loi actuel, à la remorque de la coopération des associations accréditées pour uniformiser ce processus-là de négociation dans l'ensemble du Québec. Ce qui veut dire que, si le syndicat décide de prendre le terme «catégorie de soins», le limiter soit par type d'emploi ou soit dans des définitions plus larges, on est vraiment en fonction de... à leur merci, si on veut, de déterminer ces critères-là.

Je vais... Si je passe tout de suite à mes recommandations afin d'être sûr de les dire, dans l'éventualité où la détermination des services essentiels se fait en excluant une proportion de salariés à maintenir dans les différents types d'emplois, l'AEPC recommande aux législateurs de décréter que les services offerts dans les CHSLD doivent être maintenus afin d'assurer le fonctionnement normal de ces établissements, et ce, au même titre que les services d'urgence et de soins intensifs.

On recommande également de maintenir la notion de nombre d'effectifs dans la définition des éléments à négocier pour le maintien des services essentiels afin qu'on sache exactement ce qu'on a à négocier avec les associations accréditées. Et on recommande également d'instaurer la notion de négociation nationale, dans le projet de loi, pour le réseau de la santé, afin de limiter les disparités dans la définition de services essentiels suite à une multiplication de négociations dans les différents établissements. Merci.

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'exposé. Nous débutons maintenant la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez toujours de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci pour la présentation, vraiment bien appréciée. Peut-être juste quelques explications, après ça, je pourrai vous poser une question.

Mais effectivement, on introduit l'obligation aux parties de négocier la répartition des services essentiels en tenant compte des unités de soins et des catégories de services ou catégories de soins, c'est quand même une notion qui est nouvelle. Mais d'abord, les catégories, il faut qu'une unité de soins... il faut bien comprendre que ça réfère aux soins dispensés en établissement et, de façon plus particulière, les soins intensifs, les unités de gériatrie, les soins prolongés et les soins palliatifs. La catégorie de services, ça inclut généralement des éléments qui sont à l'extérieur des soins directs aux patients, mais qui pourraient potentiellement mettre en danger la santé ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus. Et là ça fait aussi référence à l'entretien ménager, les services alimentaires, la buanderie, le transport des patients, et autres.

On ajoute la catégorie de soins pour s'assurer de couvrir des soins qui ne sont pas dispensés dans les unités de soins que l'on retrouve en établissement. Je donne quelques exemples : les soins infirmiers prodigués à domicile... par exemple, bon, il y a des soins palliatifs, là, qui sont dispensés à domicile, les soins infirmiers prodigués dans le cadre de services ambulatoires en clinique externe, les soins infirmiers prodigués dans le cadre d'un programme de désintoxication. Je pense que cet ajout-là de la notion de catégorie de soins permet de tenir compte de l'évolution des soins et services qui tendent à être dispensés dans un milieu. Donc, je pense que c'était important de le considérer dans une perspective de globalité et d'évolution, là, quant à la qualité puis la quantité des soins.

Je comprends mal, cependant, quand vous dites : maintenir la notion de nombre d'effectifs dans la définition des éléments à négocier pour le maintien des services essentiels. Bon, évidemment, avant, on parlait de seuil miminum. Dans CHSLD, on référait à 90 %. Là, est-ce que vous nous dites : Il faudrait maintenir ça comme à 100 %?

M. Brossoit (Hugo) : Bien, en fait, ce qu'on vient recommander, c'est... parce qu'à notre sens, lorsque le vocabulaire de la loi a été changé, on parlait avant, justement, de nombre de personnel à maintenir. Pour nous, c'était clair, on parle d'un nombre. Maintenant, on parle de... on doit négocier, avec l'association accréditée, quels sont les services essentiels à maintenir. Et, pour nous, c'est une définition qui est beaucoup plus large et qui pourrait porter à interprétation, donc on n'est plus nécessairement sûrs.

Et dans l'éventualité où ce serait simplement quels services essentiels sont à maintenir, bien, pour nous, c'est évident qu'on ne parle pas simplement d'un nombre. Et pour nous, c'est évident qu'il n'y a aucun service. On ne peut pas, demain matin, demander à nos cuisiniers, qui sont experts pour la nourriture et les différentes textures, d'arrêter de fonctionner, tandis que, quand on parle d'un nombre d'effectifs, bien, on peut dire : Bien, O.K., les cuisiniers, on va diminuer leur nombre d'heures par semaine, exemple, de 10 %, comme c'était le cas avant. Et là on pourra dire : Bien oui, ce service-là peut être maintenu, diminué à 90 %. Mais pour nous, c'est évident que, si on doit déterminer quels sont les services essentiels à maintenir, l'ensemble des services sont à maintenir.

M. Boulet : Il ne faut pas oublier que, dans l'affaire Saskatchewan, dont s'inspire la décision Flageole au Québec, quand on impose des nombres, ou des seuils, ou des pourcentages, c'est là que, quand on ne laisse pas ça à l'appréciation d'un tiers indépendant, comme ici le Tribunal administratif du travail, c'est là qu'on se trouve en contexte de violation potentielle d'un droit fondamental, qui est ici le droit d'association. Ça fait qu'il faut être prudent. Ça serait extrêmement risqué d'embarquer dans des impératifs qui comprennent des nombres. Donc, ça ne m'apparaît pas envisageable, là, dans le contexte jurisprudentiel que nous connaissons maintenant.

Je veux juste vous rappeler, à la lecture... je pense, c'est l'article 12 du projet de loi, on le verra article par article... ça me préoccupait quand vous disiez : Bien, les services essentiels peuvent varier d'un établissement à l'autre. Mais on prévoit, dans le projet de loi, la possibilité d'un regroupement d'établissements et d'associations accréditées qui pourront discuter de paramètres, donc des tenants et aboutissants des services essentiels, et le temps... et, selon le projet de loi n° 33, tenus aussi de considérer ces paramètres-là dans la définition des services essentiels. Est-ce que ça, vous l'avez considéré?

M. Brossoit (Hugo) : Oui, on l'a considéré, mais comme, effectivement, c'est une... je vais le dire comme ça, c'est une possibilité, en fait, de le négocier avec les différentes associations accréditées, je vous dirais qu'encore là, comme on mentionnait, on est un peu à la remorque, justement, que ces associations-là acceptent qu'on est un regroupement, qu'ils acceptent que ce soit une seule négociation, justement, pour les établissements, exemple, pour tous les CHSLD, on fait une seule négociation.

Par contre, s'ils refusent, s'ils décident, au contraire, de diviser la négociation, c'est là où la disparité peut devenir dangereuse. Puis je pense que les syndicats ont peut-être des gains à faire en termes d'augmentation de leur droit de grève. Ils sont peut-être mieux de diviser justement ça, au lieu de le regrouper, justement.

M. Boulet : Oui, mais, en même temps, notre régime d'accréditation syndicale est basé sur la notion d'établissement, là, tu sais. Je comprends que les associations patronales ont souvent tenté de décloisonner, de faire en sorte que les accréditations syndicales puissent être émises multi-établissement, ou de façon plus régionale, ou de façon plus nationale.

Mais moi, je suis quand même un partisan de l'appropriation, par les parties, de leur milieu de travail. C'est les parties elles-mêmes qui connaissent bien leur environnement de travail, qui sont en mesure de bien définir ce qui doit être maintenu ou ce qui n'a pas à être maintenu dans le cas de l'exercice d'un droit de grève. Et ce n'est pas parce qu'il y a cinq établissements qui font le même type de service que nécessairement, selon moi, les services essentiels doivent contenir les mêmes, mêmes paramètres. Ça peut varier d'un établissement à l'autre, dépendamment du profil de la clientèle, du nombre de patients.

Mais, selon plein de facteurs, il peut y avoir des variations dans la définition ou dans l'interprétation à donner sur ce que constitue un service essentiel. Moi, je suis un partisan de : Il faut faire confiance aux parties. C'est elles qui, d'abord et avant tout, doivent discuter... et de convenir d'une liste de services essentiels à maintenir.

M. Brossoit (Hugo) : Si je peux répondre...

M. Boulet : Oui, bien sûr. Oui, allez, allez.

M. Brossoit (Hugo) : Oui, excusez-moi, je ne suis pas très habitué. En fait, si je peux répondre, je pense que oui, on doit reconnaître l'autonomie, je pense, des associations accréditées des établissements de pouvoir négocier. Effectivement, ils sont les mieux placés pour connaître les réels besoins de leur établissement.

Toutefois, je pense que le risque, justement, que ces négociations-là... et on peut le voir, ne serait-ce que dans les négociations des conventions collectives au niveau des CISSS et des CIUSSS dans le réseau, il y a toujours des disparités. On a beau penser que ces disparités-là sont, oui, en fonction de la situation locale, ça peut être le cas, mais des fois, c'est des disparités qui sont seulement le résultat d'une négociation, parce que chaque négociation a ses intervenants différents qui ont chacun leur vision de ce que les soins peuvent être donnés ou de ce que les besoins peuvent être donnés.

Et, à mon sens, le risque, justement, de disparité est peut-être trop grand, et je me verrais bien mal, moi, expliquer à une famille pourquoi est-ce que, dans son cas à elle, la préposée aux bénéficiaires, par exemple, est moins présente, sa mère a dû attendre plus longtemps avant d'avoir des soins, simplement parce qu'elle est dans l'établissement X au lieu de l'établissement Y, mais... C'est un point.

• (11 h 20) •

M. Boulet : Tout à fait. Il y a ce risque-là. On est dans le domaine des relations de travail, donc il y a des dynamiques humaines. Il ne faut pas oublier que le Tribunal administratif du travail pourra même intervenir, tu sais. S'il n'y a pas d'entente entre les parties, il y a une liste, comme vous le savez, qui est soumise par la partie syndicale, mais même ça, à la limite, même si c'est entériné par le tribunal, il pourrait revenir si, dans les faits, de façon concrète, ça s'avère être insuffisant. Ça fait qu'il y a vraiment un modèle qui nous permet de s'adapter à la réalité particulière.

Mais moi, je pense que, tu sais, l'uniformité... je pense que l'unité dans la diversité est un concept de loin préférable à une espèce d'uniformité qui est imposée à tout le monde en fonction de services essentiels qui devraient être maintenus dans l'établissement X. L'établissement Y peut être confronté à des réalités humaines, sociales ou autres qui sont totalement différentes. Là, à tout le moins, on laisse la liberté aux parties de s'entendre, de négocier. On donne même l'autorité au Tribunal administratif du travail de déléguer une personne pour aider les parties à négocier. Encore une fois, il y a une diversité de réalités, il faut s'adapter. Je pense qu'il faut s'adapter, puis c'est une... En même temps, il ne faut pas non plus nier l'exercice du droit de grève dans les établissements.

Bien, écoutez, moi, j'ai pris note de vos commentaires, puis j'apprécie comment vous les soumettez, puis on va certainement faire une réflexion additionnelle sur ce que vous nous avez exposé. Moi, ça compléterait, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ça complète? Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non? Alors, merci pour l'échange intéressant.

Nous y allons donc avec l'opposition officielle, avec le député de Vimont. Vous disposez de 11 minutes.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Mme Lavoie, M. Brossoit, Mme Marcil, merci d'être ici, de un, de vous avoir déplacé, et, de deux, d'avoir fait un mémoire d'une manière assez rapide, là. En tout cas, on l'a eu avant, donc on a pu justement se nourrir de vos commentaires, et tout. Donc, merci, puis... sachant que c'est un travail souvent qui demande des petits rajustements.

C'est parce que... Je regardais, justement, vous avez tellement... vous représentez tellement beaucoup de monde, donc... puis 7 000 personnes qui reçoivent de vos soins, donc on parle de beaucoup de monde qui travaille chez vous.

Oui, c'est une nouvelle définition, on le sait tous, donc ajustements. Quand il y a une nouvelle définition, ça change des manières de faire, mais, comme le ministre l'a mentionné, bien, c'est... je pense qu'on était rendu là aussi, hein? Il faut s'ajuster avec le temps puis il faut modifier des choses.

Vous avez parlé, M. Brossoit, comme quoi c'est une loi primordiale. Moi, je pense que oui, c'en est une, parce qu'on parle de gens qui ont besoin des soins. Et puis, comme je le disais plus tôt à l'autre groupe, je peux vous en parler personnellement, j'ai des parents qui en ont besoin, des soins, donc je suis vraiment... on parle ici, côté humain, quand on parle d'un CHSLD ou quoi que ce soit. C'est des gens qui sont soit en fin de vie ou soit qui ont des besoins particuliers. Et oui, effectivement, vous avez raison, le moindrement qu'on bouge un petit peu quelque chose de leur quotidien, ça peut déranger beaucoup de choses. Ça, je suis très conscient.

Je suis conscient de ça, mais aussi je suis conscient aussi qu'il y a un droit de grève puis un droit de lock-out qui existent, puis moi, je crois beaucoup à ça, parce que c'est ça qui amène, à un moment donné, le juste milieu. Ce n'est pas toujours évident d'avoir le juste milieu, hein? À un moment donné, on est porté à tomber sur un bord ou de l'autre, mais je pense, le travail qu'on fait ici, c'est d'essayer justement de trouver le juste milieu pour que tout le monde puisse se trouver correct là-dedans, autant les gens que vous desservez, donc les gens qui ont besoin de soins, mais aussi vos travailleurs.

On le sait qu'on est dans une pénurie d'emplois actuellement, donc vous devez avoir des problèmes, sûrement. Parce que j'en entends parler, il y a des gens qui viennent à mon bureau de comté, puis j'en entends souvent parler, et justement la négociation aussi est importante pour eux, parce que c'est peut-être avec cette négociation-là que vous allez pouvoir justement les garder à votre emploi, qu'ils ne pourront pas... qu'ils n'iront pas ailleurs, comme je vous parlais.

Vous parlez de pourcentage, puis je suis le même questionnement que M. le ministre vous a posé. J'ai eu l'impression comme quoi vous dites : Écoutez, dans le fond, il ne faut pas que je touche à aucun de mes services pour donner un service correct à mon monde. La première idée qui me vient en tête, puis je relie ça avec pénurie d'emplois : Marchez-vous au minimum?

M. Brossoit (Hugo) : Bien, je vous dirais que, d'entrée de jeu, oui, la pénurie de main-d'oeuvre, on la ressent tous les jours. Je pense que des gens comme Mme Marcil pourraient en témoigner facilement de l'effort qui est fait tous les jours de s'assurer d'avoir le personnel nécessaire pour donner des soins de qualité aux résidents dans les CHSLD privés conventionnés. On le vit tous les jours. C'est un combat, en fait, de tous les jours, de s'assurer que ce soit le cas.

C'est sûr que le droit de grève, je pense que vous avez raison qu'il faut absolument s'assurer de le respecter puis de trouver le juste milieu là-dedans. Nous, on met de l'avant comme quoi, évidemment, dans toute cette balance-là, il faut toujours regarder, justement, qu'en premier lieu, ce qui est le plus important pour nous, ça va toujours demeurer les soins qui sont donnés aux résidents.

Et, en fonction de la pénurie, comme vous mentionnez, c'est sûr et certain que le droit de grève, on doit se dire : Bon, bien, aujourd'hui, on avait un droit de grève qui était planifié, on avait quelqu'un qui devait quitter, exemple, une heure, pour respecter son droit de grève, mais là, oups, on a deux absences le matin. Est-ce que, finalement, on est capable de fonctionner? Est-ce qu'on est toujours capable de fournir ces services essentiels là aux résidents dans les circonstances? Si on a à trancher, moi, je vais trancher à 100 %, tout le temps, à dire : Malheureusement, c'est le soin aux résidents qui doit être donné. Il n'y a pas de doute là-dessus.

M. Rousselle : Pour maintenir, justement, les services que... puisqu'on parle de services essentiels, effectivement, j'ai eu... parce que les gens, je pense que là, au niveau syndical, ça a changé. La mentalité, en tout cas, dans le temps que j'en faisais, là, je pense que ça a évolué, ça a changé et sur le côté patronal aussi. Je pense que les gens sont comme plus conscients des besoins, surtout les gens qui travaillent au milieu de la santé, souvent, vont avoir un côté plus réaliste aussi aux besoins des gens, puis ils vont l'analyser différemment.

En tout cas, à moins que j'ai mal compris, mais vous sembliez avoir un doute sur la négociation que vous allez avoir avec patronat et syndicat pour en arriver à une entente pour donner des bons services aux gens que vous desservez.

M. Brossoit (Hugo) : Bien, en fait, moi, je ne remets absolument pas en doute la bonne foi des associations accréditées. Pour avoir eu l'occasion de négocier avec eux à plusieurs reprises, je pense que tout le monde est capable de s'entendre, justement, sur les principes à respecter dans le cadre d'une négociation.

Par contre, là où je disais qu'il pouvait y avoir des problématiques, c'est que je pense que chaque négociation a sa réalité propre, a son ambiance, a ses intervenants qui sont différents. Donc, là où les difficultés peuvent apparaître, c'est que dans la multiplication de ces négociations-là et dans certains termes... M. le ministre, tout à l'heure, est venu nous définir sa vision de ce qui est une catégorie de services ou une catégorie de soins, mais ces définitions-là ne se retrouvent pas dans la loi, ce qui veut dire qu'à la base il va falloir qu'on s'entende, est-ce que la définition que le ministre donnait tout à l'heure, c'est effectivement ça, une catégorie de soins pour l'association accréditée ou est-ce que c'est quelque chose d'autre. Est-ce que le syndicat ne pourrait pas déterminer, dire : Bien, moi, une catégorie de soins, c'est mon technicien en loisir, en CHSLD. Les loisirs sont une catégorie de soins en soi. Et donc, on se retrouve à dire : Bon, bien, on doit négocier seulement pour le technicien en loisir en CHSLD.

Donc, la difficulté dans la négociation... dans les termes qui peuvent, selon nous, être interprétables et également la multiplication de ces négociations-là par établissement.

M. Rousselle : Je vais laisser la place à ma collègue de Fabre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est au député de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Merci, collègue de Vimont. Alors, merci pour votre présentation. Je suis très sensible à la qualité des soins aux aînés dans les CHSLD. Alors, merci d'être présents et pour votre mémoire également.

Je reviens à ce que vous avez dit tantôt puis je suis en réaction et très sensible à ce que vous venez de dire, il y a quelques minutes, dans la volonté de tous de tendre vers l'équilibre entre l'exercice du droit de grève et, bien sûr, assurer les soins essentiels. La pénurie est vraiment au coeur de ça, puis, quand je regarde votre recommandation 2, de dire l'importance de mettre le nombre d'effectifs, dans le fond, vous voulez vous assurer qu'il y a un nombre minimal, il y a un seuil plancher pour la qualité du service essentiel. Et, comme il y a pénurie, bien, si vous avez un choix difficile et déchirant à faire, vous allez assurer les services essentiels. Vous l'avez dit, là, c'est vraiment important, malgré votre bonne intention de vouloir tendre vers l'équilibre, il y a une réalité de services essentiels aux aînés qui doit être respectée à tout prix, et ça vous honore.

Moi, je veux vous demander, puis je vais parler de pénurie, dans le fond, quand le gouvernement annonce des bourses pour former les préposés, c'est... en fait, c'est 2 000 bourses par année, donc 10 000 bourses, puis on prévoit qu'il y aura 32 000 préposés nécessaires d'ici cinq ans. On n'est pas en train de régler la situation. Ça fait que je veux juste m'assurer que votre préoccupation, c'est celle-là, en lien avec la pénurie, de dire : Comment on va assurer l'équilibre entre, oui, le droit de grève auquel... bien sûr, qu'on doit honorer, et assurer des services essentiels dans un contexte de pénurie? C'est ça, votre préoccupation.

• (11 h 30) •

M. Brossoit (Hugo) : C'est sûr que, dans le contexte actuel, on ne peut absolument pas diminuer l'impact de la pénurie de main-d'oeuvre sur l'exercice des services essentiels, l'exercice du droit de grève. Et oui, au final, oui, ça fait partie de nos préoccupations, parce que la pénurie, malgré les efforts du gouvernement, on va tous les prendre, les petites choses qui peuvent nous aider à recruter plus de préposés aux bénéficiaires. Mais malgré tout, dans les mois qui vont suivre, les négociations qui vont venir, la pénurie ne sera pas réglée à court terme. Donc, c'est sûr et certain que c'est une préoccupation.

Mme Sauvé : O.K., parfait. Merci. Oui?

Mme Marcil (Carmen) : ...quand on parle de la définition de la catégorie, que c'est très important... parce que quand on dit... Tantôt, M. Brossoit donnait l'exemple, quand on arrive le matin, on est à moins deux préposés sur une unité où, normalement, il y en a six. Vous comprendrez qu'on est dans les soins de base, de vie essentielle, qu'on veut au moins qu'ils puissent tous manger chaud, c'est un droit, bien là, on va aller utiliser, dans le quotidien, des gens d'une autre catégorie d'emploi pour venir assurer ce service de base là qui est d'avoir un repas à une heure adéquate et chaud pour tout le monde.

Donc, on va utiliser la technicienne en loisirs, on va utiliser l'éducatrice spécialisée pour venir compenser. Mais si ces catégories-là... si on les définit par catégorie d'emploi, bien là... puis qu'on dit qu'eux autres, ils ne sont pas essentiels parce que c'est des loisirs, on n'est pas dans les soins vitaux, bien là, on vient de multiplier le service... le risque de sécurité pour nos résidents puis la qualité des services qu'on veut normalement leur donner. Si je peux faire une image, là, c'est pour ça que la notion de catégorie, la définition principale, que tout le monde s'entende sur c'est quoi qu'on... à quoi on réfère quand on parle de ça.

Mme Sauvé : Mais je vous entends très bien. Merci pour cette nuance. Puis j'ai entendu le ministre aussi qui était sensible tantôt à entendre votre discours. Alors, c'est une réalité dont on va tenir compte parce qu'il est question de compétence aussi associée aux services essentiels. Alors, merci beaucoup pour vos réponses. On est très sensibles à ce que vous dites. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste 25 secondes, si vous le voulez.

Mme Sauvé : C'est parfait.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous cédons la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci beaucoup. Bonjour, bienvenue. Merci d'être là.

J'ai été touché par votre paragraphe à la page 6, à la toute fin, quand vous faites un plaidoyer qui dit que l'ensemble des travailleurs dans vos établissements font partie de la mission intégrale, dans le fond. Ils sont au coeur de votre mission, puis ça, je suis d'accord, puis je fais un petit aparté pour dire : J'ai toujours traité... toujours trouvé un peu dommage des jugements qui permettaient des sous-traitances qui étaient basées sur le fait que ce n'était pas au coeur d'une mission. Tu sais, des fois, il y a des ententes qui sont faites pour dire : Ah! bien, le ménage, ça, ça peut être sous-traité parce que ce n'est pas au coeur de la mission.

Alors, moi, je trouve que votre approche de dire : Tout le monde à l'intérieur est important, c'est important. Alors, je ne sais pas si vous, vous faites affaire avec des sous-traitants, parfois, dans certains domaines.

Mme Lavoie (Annick) : Ça peut arriver. À l'occasion, on va avoir peut-être le service alimentaire qui peut être donné à l'extérieur ou l'entretien de la buanderie. Ça peut arriver.

M. Leduc : Qui ne serait pas, donc, dans ce coeur-là que vous définissez, de gens qui sont essentiels.

Mme Lavoie (Annick) : Pour certains établissements, effectivement, oui.

M. Leduc : Je comprends. Ma question, vous l'avez peut-être entendue, celle que j'ai posée à vos collègues qui sont passés plus tôt. Je vais vous la reposer.

En fait, j'ai un passé syndicaliste. J'ai encore des amis beaucoup là-dedans, et on m'a informé, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, que dans l'ancienne loi, la façon dont c'était écrit avec des pourcentages fixes, faisait en sorte que dans certains cas, pas systématiquement, mais dans certains cas, l'application de la loi des services essentiels faisait en sorte que, dans une grève, il y avait plus de monde sur le plancher qu'en temps régulier. Est-ce que vous confirmez cette information-là? Est-ce que c'est déjà arrivé dans votre réseau?

M. Brossoit (Hugo) : Moi, je vous dirais que... Ah! en tout cas, si on regarde la réalité d'aujourd'hui, l'effort de maintenir les services essentiels, les services qui sont minimaux, là, pour s'assurer que tout le monde ait une qualité de vie décente en CHSLD, c'est un effort de tous les jours. Le fait de dire, si on prend l'ancienne application de la loi, dire : On maintient à 90 %, aujourd'hui, ça n'aurait pas l'impact de dire : Ah! bien, c'est sûr, aujourd'hui, là, on va s'assurer de respecter la loi, on va... 90 % des gens et on va augmenter, finalement, le personnel qui est présentement sur place, je vous dirais que non, ce n'est pas la réalité.

Mme Lavoie (Annick) : J'ajouterais peut-être que, comme on mentionnait d'entrée de jeu, ils ont besoin... leur état de santé requiert des services intensifs et soutenus en continu. Donc, la notion d'avoir trop de personnel est évacuée, là, par ce besoin intensif.

M. Leduc : Peut-être une dernière question, rapidement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 14 secondes.

M. Leduc : Vous dites que ce n'est pas la réalité, mais est-ce que vous dites que ça n'arrive jamais?

M. Brossoit (Hugo) : Je vous dirais que présentement, ce ne serait pas ce qui arrive.

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Très bien. Merci. Merci pour l'échange pertinent. Alors, merci à Mme Lavoie, Mme Marcil et M. Brossoit.

Nous allons suspendre les travaux jusqu'à approximativement 15 h 30 ou soit après les affaires courantes. C'est bien. Merci. Bon dîner à tout le monde.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 15 h 30)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. Alors, nous sommes de retour. La Commission de l'économie et du travail reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle qui ont un appareil électronique de bien éteindre la sonnerie.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic.

Nous accueillons, cet après-midi, la Confédération des syndicats nationaux avec M. Létourneau, MM. Jean et Laurin. Je vous souhaite la bienvenue. Vous savez que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et ensuite on commencera la période d'échange avec les députés et ministre. Je vous demande de vous présenter avant de commencer votre exposé.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Bien. Alors, Jacques Létourneau, président de la CSN. Vas-y, Benoit.

M. Laurin (Benoit) : Benoit Laurin, du service juridique de la CSN. Bonjour.

M. Jean (Pascal) : Pascal Jean, je suis adjoint au comité exécutif de la CSN.

M. Létourneau (Jacques) : Alors, bien, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, messieurs dames les députés, ça nous fait extrêmement plaisir d'être ici, cet après-midi, pour être entendus sur le projet de loi n° 33. Benoit s'est présenté, mais, si c'est moi qui l'avais présenté, j'aurais ajouté que c'est lui, devant la CRT, qui a plaidé le recours des syndicats affiliés, à l'époque, à la CSN, qui a mené à la décision Flageole et qui explique la raison pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui. Donc, dans la période d'échange, gênez-vous pas, on a celui qui a porté de long et en large le dossier. Mais avant, bien sûr, d'échanger, vous faire peut-être une ou deux remarques générales, puis, après ça, je ferai le tour des modifications qu'on souhaiterait voir au projet de loi.

Évidemment, comme je viens de le dire, c'est un projet de loi qui est le fruit d'une longue bataille juridique qui a quand même duré deux ans et une trentaine de jours d'audition. Et il faut comprendre que, pour la CSN, on est une organisation syndicale qui, bien sûr, représentons des travailleuses et travailleurs dans le secteur public québécois, particulièrement dans le réseau de la santé et des services sociaux, et on en représente dans toutes les catégories d'emplois puis dans tous les secteurs d'activité. Donc, c'est un débat qui nous intéresse, bien sûr, comme représentants des travailleuses puis des travailleurs, mais on est aussi une organisation syndicale qui intervenons régulièrement sur des questions liées aux politiques publiques adoptées par les gouvernements parce qu'évidemment nos travailleurs sont aussi des citoyens et des citoyennes.

Alors, il faut dire que, comme organisation syndicale, ça fait plusieurs années qu'on dénonce ou qu'on décrie un peu l'absurdité de l'application des pourcentages dans la définition des services essentiels au Québec. Étant moi-même préposé aux bénéficiaires pendant des années à l'hôpital Charles-LeMoyne, j'ai vu des conflits de travail où il y avait plus de monde qui travaillait pendant les conflits qu'en temps normal, et ça, c'était à une époque, quand même... on parle d'il y a une vingtaine d'années, là. Alors, imaginez aujourd'hui, avec toutes les mesures de restructuration, les compressions budgétaires qui sont appliquées dans les grands réseaux, c'est clair que, comme organisation syndicale qui défendons des principes fondamentaux comme celui du droit de grève dans l'exercice d'une donnée... du renouvellement de convention collective, on a, à plusieurs reprises, dénoncé justement ce fameux principe des pourcentages, de là évidemment les recours qui ont été pris par quatre syndicats, à l'époque et qui ont fait l'objet, là, de la décision du CRT.

Je pense que c'est important aussi, pour nous, de saluer le projet de loi. On entend le ministre du Travail, à plusieurs reprises, nous dire qu'au Québec il y a des fondamentaux comme le dialogue social qui repose sur la négociation collective entre les patrons et les syndicats. Je pense que, dans la façon dont s'articule le projet de loi... puis vous allez voir les petites modifications qu'on propose, parce qu'il n'y a rien de fondamental dans ce qu'on propose. On propose plutôt de clarifier des ambiguïtés qui pourraient être introduites par le projet de loi et de clarifier la portée de la loi. Mais, pour nous, et ça s'inscrit tout à fait dans l'esprit présenté par le ministre du Travail depuis l'élection de la CAQ, nous, on croit au dialogue social, on croit à la négociation collective puis on pense que les relations entre les parties, c'est-à-dire entre les employeurs puis les syndicats, ça peut bien sûr déterminer c'est quoi, les conditions de travail mais aussi les conditions d'exercice, par exemple, dans le réseau de la santé et des services sociaux, quand il y a des moyens de pression ou qu'il y a une grève, de déterminer, en fonction de la réalité du milieu de travail, ça doit être quoi, les services essentiels. Donc, dans ce sens-là, la CSN accueille très positivement la loi.

Maintenant, vous allez le voir dans notre mémoire, là, puis on pourra échanger là-dessus, mais il y a effectivement cinq recommandations que nous adressons. D'abord, il y en a une qui vise à biffer, à l'article 111.0.17, là, la demande d'une personne intéressée devant le Tribunal administratif du travail. Nous, comme je viens de le dire, on pense que les relations de travail, les conditions de travail, la détermination de l'organisation du travail, ça doit se faire entre les parties, donc entre un syndicat et un employeur. Et on pense que, si on introduit une notion de personne intéressée, on comprend très bien qu'est-ce qui est visé par le projet, ça pourrait alourdir les processus. Parce que, tu sais, négocier les services essentiels, là, il va falloir toujours bien s'asseoir avec les employeurs pour déterminer, dans tel département, dans telle catégorie, on a besoin, alors que peut-être, dans d'autres départements ou dans d'autres catégories, on n'a pas besoin d'assurer des services essentiels à 80 % ou à 90 %. Donc, si vous introduisez, devant le TAT, des personnes intéressées par la question, ça pourrait alourdir le processus. Donc, nous, on pense que ça doit reposer sur les relations entre le syndicat et l'employeur ou la partie patronale.

La deuxième recommandation, c'est de biffer la notion d'entreprise. Bon, le code prévoit clairement, là, c'est qui qui est assujetti aux dispositions concernant les services essentiels. Je vous avoue que, quand on a préparé notre mémoire, on s'est demandé de quelle entreprise on parle. On parle de quoi? On parle d'une commission scolaire? On parle de services de garde? On parle de CPE? Bref, on trouve ça un peu large comme interprétation. Et, si tu te retrouves devant le Tribunal administratif du travail avec l'inclusion de nouvelles personnes désignées par l'application de la loi, ça pourrait poser un problème. Donc, on dit : Biffons-le ou disons clairement à qui ça s'adresse pour être capable de voir si c'est gérable ou pas gérable dans l'application de la loi.

L'autre recommandation, rapidement, qui est tout à fait en phase avec l'arrêt Saskatchewan, c'est d'intégrer les gestionnaires puis les administrateurs dans la détermination des services essentiels. Dans la pratique, ça existe déjà, et nous, on pense que, si on veut être conforme à la réalité de comment doivent s'organiser les services essentiels, en fonction de ce que l'arrêt Saskatchewan prévoit, c'est de les inclure.

Il y a deux autres recommandations que nous souhaitons. D'abord, c'est de conserver un seul délai de sept jours pour le déclenchement d'une grève. Ça peut paraître un peu technique, là, mais actuellement, si vous fixez une date de déclenchement de la grève au 8 septembre, vous devez donner un avis le 1er, puis, si jamais vous changez, en cours de route, la journée d'application de la grève, c'est un délai supplémentaire de sept jours qui doit être donné. Donc, nous, on juge que ça devient, disons, au niveau de l'application, là, quelque chose d'extrêmement lourd. On pense qu'il ne devrait... avoir un seul délai de sept jours.

Et la dernière recommandation, elle peut paraître technique, mais, pour nous, elle est quand même importante, c'est que l'article 22 de la loi prévoit que la négociation des services essentiels débute aussitôt que la loi va être sanctionnée. Nous, on souhaiterait le 1er janvier 2020, parce qu'on ne sait pas, d'abord, quand est-ce qu'elle va être sanctionnée, puis vous n'êtes pas sans savoir, M. le ministre, qu'on s'en va vers la prochaine négociation du secteur public, donc il va y avoir quand même une transition à faire, des adaptations à faire. Donc, si on veut être sûr qu'on est capables de faire correctement les affaires au niveau de l'application des services essentiels, au niveau de la négociation dans les établissements, on devrait l'appliquer au 1er janvier 2020.

Je vous avais dit que je ferais ça en cinq minutes, vous m'avez montré deux minutes, je pense que j'ai fait mon temps.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous resterait quand même 1 min 30 s.

M. Létourneau (Jacques) : On peut commencer la période de questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...pour votre exposé. Merci. Alors, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

• (15 h 40) •

M. Boulet : Merci, M. Létourneau. Merci à... félicitations, Me Laurin, pour votre succès dans ce dossier. Je savais que vous étiez impliqués dans ce recours. Et bienvenue, M. Jean. Merci pour vos commentaires qui sont extrêmement appréciés.

Juste poser peut-être quelques questions pour obtenir des précisions. 111.0.17, M. Létourneau, est-ce que vous référez au premier, ou au deuxième paragraphe, ou les deux paragraphes?

M. Jean (Pascal) : Bien, c'est ça, notre mémoire fait l'objet de cinq recommandations, M. Létourneau l'a dit. Ce qui fait référence à la partie intéressée, on la retrouve à plusieurs articles, comme on le voit dans notre recommandation n° 1, c'est énuméré. Et la recommandation 2, qui est la notion de l'entreprise, c'est au deuxième paragraphe du nouveau 111.0.17.

M. Boulet : Mais c'est parce que 111.0.17, le premier paragraphe vise un service public tel qu'apparaissant et tel que défini à 111.0.16, alors que le deuxième paragraphe vise une entreprise qui n'est pas définie dans la notion de service public et à l'égard de laquelle une personne intéressée pourrait prétendre et vouloir faire des représentations qu'un conflit, qu'une grève pourrait porter atteinte à la santé et sécurité publique, d'où ma question. Mais je comprends, là, votre réponse que vous vous intéressez aux deux points ou... Me Laurin, vous avez une précision.

M. Laurin (Benoit) : Oui, tout à fait. Alors, bien, c'est deux éléments différents. Alors, la question de la personne intéressée se retrouve effectivement au premier alinéa, et au second alinéa, et à deux autres articles qui se retrouvent un petit peu plus loin dans la loi.

Évidemment, pour le premier alinéa, comme pour le deuxième au demeurant, parce que c'est la même notion de personne intéressée, nous, on pense qu'évidemment, «personne intéressée», on pense que ça vise des groupes d'intérêts qui se présenteraient devant le Tribunal administratif pour faire des représentations concernant les services essentiels. Mais je le sais, pour en avoir vécu quelques fois à l'ancien Conseil des services essentiels, aussi pertinent soit-il d'entendre ces personnes intéressées là, généralement, ces gens-là ne connaissent pas la réalité sur le terrain, c'est-à-dire ne connaissent pas les nécessités de l'entreprise en termes de services essentiels.

Et c'est la raison pour laquelle, à tout le moins, en raison du premier alinéa, la suggestion, c'est d'enlever la notion de partie intéressée, comme au second alinéa au demeurant.

M. Boulet : O.K. Merci de vos commentaires, Me Laurin. Je vais profiter de l'opportunité qui m'est offerte pour bien préciser ce qu'est une personne intéressée, on ne réfère pas à des groupes d'intérêts quelconques. Le TAT, le Tribunal administratif du travail aura la faculté d'apprécier et de se prononcer sur l'intérêt de cette personne-là qui a des critères qui sont bien connus et établis par la jurisprudence.

Là, vous acquiescez, Me Laurin, mais c'est important de le redire, il y a trois éléments que le TAT doit considérer pour déterminer si c'est une personne intéressée. Ce n'est pas n'importe qui, là, sur le coin de la rue, là. Il faut que la personne démontre qu'elle a un intérêt direct, personnel et actuel; deux, qu'il y a une question sérieuse qui doit véritablement être résolue par le tribunal; puis enfin, le troisième critère qui m'apparaît vraiment fondamental, c'est que cette intervention-là doit être acceptée uniquement lorsque la personne démontre que ses droits sont directement affectés par la grève qui est déclenchée. Donc, c'est sûr que le corridor est extrêmement étroit et cette notion-là de personne intéressée, elle existe de façon commune et courante dans la législation en matière de relations de travail.

Je m'en vais à la troisième recommandation, quand vous dites qu'il faudrait, M. Létourneau, tenir compte des gestionnaires dans la détermination des services essentiels. Il me semble que la CSN a intenté un recours sur cette notion-là. Est-ce que c'est actuellement devant les tribunaux? Et, si c'est le cas, j'aimerais mieux ne pas trop en débattre, et, si c'est le cas, j'aimerais ça connaître devant quel tribunal ce recours-là a été intenté. Je ne sais pas si, Me Laurin, vous êtes informé de ça.

M. Laurin (Benoit) : Bon, alors, à la suite du jugement du commissaire Pierre Flageole, enfin, il y a deux choses qui lui étaient demandées, c'était de déclarer inopérants la question des pourcentages et il lui était également demandé d'invalider l'ancien article 111.10, en raison du fait que seuls les salariés de l'unité de négociation étaient appelés à donner une prestation en termes de services essentiels. Donc, on lui a demandé ça.

La réponse que le commissaire nous a donnée, semble-t-il que les dispositions actuelles du code permettent qu'on puisse utiliser les gestionnaires et les administrateurs. Mais je dois avouer bien candidement que l'opinion qu'il avait formulée était à l'encontre d'une jurisprudence assez unanime de l'ancien Conseil de services essentiels sur cette question-là.

Alors, effectivement, la question a été resoumise à la Cour supérieure. Il y a effectivement un recours qui a été déposé. Alors, quand on a l'a signifié, le Procureur général l'a appelé un recours mammouth. Alors, il est effectivement assez volumineux, et la question est effectivement redemandée à nouveau à la Cour supérieure. Mais il nous semble que notre... enfin, la compréhension commune qu'on avait du jugement Pierre Flageole, c'est que les gestionnaires et les administrateurs devaient participer à l'effort des services essentiels tant et si bien que ces personnes-là devaient quand même subir les pressions du conflit de travail.

Alors, le projet de loi utilise le terme «le nombre de salariés», alors je pense que ça peut porter à confusion sur cette question-là tant et si bien qu'il serait vraisemblablement opportun, et utile, et pertinent de mentionner, dans le projet de loi, que les gestionnaires et les administrateurs doivent participer à l'effort des services essentiels.

M. Boulet : O.K. Ça va. Donc, par respect pour la Cour supérieure, qui est notre tribunal concerné par ce recours-là, je vais éviter de faire des commentaires additionnels, mais je comprends bien le point que vous soumettez.

Quatrièmement, la quatrième recommandation... Vous savez que, dans notre projet de loi, on a modernisé la définition de services publics, on a enlevé notamment les agences de services de santé et de services sociaux. Vous savez, depuis l'intégration, la création des CIUSSS et des CISSS, ce n'était plus opportun ni approprié. On a enlevé aussi l'entreprise de téléphone. Et il nous apparaissait que cette définition-là pouvait être considérée comme étant restrictive et qu'elle pouvait, dans certains cas particuliers, être élargie à des entreprises où une grève pourrait porter atteinte à la santé et sécurité publique, d'où l'importance pour nous d'élargir cette définition-là. Est-ce que vous avez un commentaire à faire sur ce point-là?

M. Laurin (Benoit) : Je vous ai entendu parler de la quatrième recommandation. Vous voulez dire plutôt la recommandation n° 2? Le deuxième alinéa de l'article 111.0.17?

M. Boulet : Exact, oui.

• (15 h 50) •

M. Laurin (Benoit) : Oui, effectivement, comme M. Létourneau l'a dit, la proposition ou la recommandation de la CSN, c'est effectivement de biffer ce deuxième alinéa, effectivement, en fonction du fait qu'une entreprise qui n'est pas visée par l'article 111.0.16 pourrait, comme le tribunal pourrait le faire également, pourrait effectivement demander au tribunal d'être assujettie aux services essentiels et être assimilée à un service public.

Alors, c'est effectivement, à notre avis, un élargissement qui n'est quand même pas banal. Je comprends les propos que vous avez tenus tantôt sur la personne intéressée, mais est-ce que... Par exemple, dans la notion que vous dites, est-ce qu'un centre de la petite enfance ne serait pas alors une partie intéressée? Est-ce qu'un service de garde, dans une commission scolaire, ne serait pas une partie intéressée pour les fins de demander des services essentiels?

Alors, c'est la raison pour laquelle on pense que la liste exhaustive qui est prévue à 111.0.16 suffit amplement. Il n'y a pas eu de problème, historiquement, sur la liste exhaustive de 111.0.16. Le vécu de cette disposition-là fait en sorte que, comme je le dis, aucun problème n'a été soulevé et que ça pourrait justement être une occasion pour des groupes d'intérêt, là, excusez-moi si je reprends le terme, ou enfin des parties intéressées à un conflit où ces gens-là seraient d'avis que, tu sais, ils devraient être soumis à des services essentiels. Alors, en ce sens-là, on pense en réalité qu'on devrait biffer le paragraphe.

Et je finirais... simplement une observation. Alors, on permettrait à un tribunal d'assimiler une entreprise à un service public. On est tout à fait d'accord à élargir les pouvoirs du Tribunal administratif du travail, mais vraisemblablement, probablement, à un moment donné que ça prend des limites. Et je m'exprime ainsi : En droit international, lorsque vient le temps de déterminer si des entreprises devraient être soumises à des services minimums ou des services essentiels, le Comité de liberté syndicale est plutôt d'avis que les pouvoirs publics, les associations d'employeurs et les associations de salariés devraient se rencontrer et tenter d'en arriver à un accord sur ce que constitue un service public.

Alors, autrement dit, c'est une forme de discussion, négociation entre les parties prenantes, où, à l'issue de cette négociation-là, il y aurait vraisemblablement une forme d'acceptabilité qui permet alors aux législateurs d'intervenir et de ne pas laisser le Tribunal administratif faire des déclarations d'assimilation d'une entreprise à un service public.

M. Boulet : Je ne suis pas certain, Me Laurin, de bien comprendre la compatibilité entre votre position à l'effet que la définition est suffisante en soi, qu'on ne devrait pas permettre de l'élargir, et, en même temps, dire que les parties elles-mêmes pourraient s'entendre pour dire que c'est un service public, à la limite, qui requiert le maintien des services essentiels en cas de grève. Je pense que ce n'est pas compatible, ceci dit avec respect.

Et je veux simplement préciser que cette définition-là, elle doit être évolutive et pouvoir s'adapter en fonction de l'évolution de la nature de la prestation des services, notamment dans les services de santé. Puis je vais vous donner juste quelques exemples et qui vont vous faire comprendre pourquoi on veut que le TAT, qui est un tiers indépendant... et ça, c'est tout à fait respectueux de la décision Saskatchewan et de la décision dans l'affaire Flageole, vous le savez très bien.

Mais, par exemple, des services de transport des personnes handicapées par véhicule, ce n'est pas dans la définition de service public, et une grève peut avoir pour effet de porter atteinte à la santé et sécurité publique. Les organismes communautaires qui ne sont pas des établissements de santé et services sociaux peuvent, dans certains cas, dépendamment de la spécificité de l'organisme communautaire... s'il y a une grève, ça risque de porter atteinte à la santé et sécurité publique.

Il y a des entités qui offrent des services d'hébergement sans être des établissements de santé ou de services sociaux. Je pense beaucoup aux offices municipaux d'habitation, puis les centres de désintoxication, on en parle souvent.

Il y a des grèves qui peuvent avoir pour effet de porter atteinte à la santé et sécurité publique. Il me semble que cette définition-là ne devrait pas être cristallisée dans le temps, être coulée dans le béton. On devrait laisser à un tiers indépendant, qui est le Tribunal administratif du travail, le loisir et la discrétion de s'adapter en fonction, bien sûr, de la preuve qui sera soumise et des représentations des parties.

Ça fait que c'étaient mes commentaires sur cette recommandation-là.

M. Laurin (Benoit) : O.K. Allez-y.

M. Boulet : L'autre, la cinquième recommandation, c'est le 1er janvier 2020, alors que dans notre projet de loi on parle de la sanction, la date de sanction. Évidemment, comme vous le soulignez, les conventions collectives du secteur expirent le 31 mars 2020. On ne veut pas se retrouver dans un trou ou dans un vide.

On veut lancer un signal clair que, pour qu'il y ait une amorce de négociation... puis ça, on est vraiment sur la même longueur d'onde, ça appartient aux parties, mais que les parties, le plus rapidement possible, de façon diligente, amorcent les discussions pour bien définir la nature, la qualité puis la quantité des services essentiels à maintenir en cas de grève.

Et moi, j'anticipe que cette date de sanction là, avec la collaboration des partis d'opposition, soit la plus rapprochée possible pour permettre aux parties de commencer à discuter et d'éviter, là, des contentieux qui ne seraient pas opportuns pour la population du Québec.

M. Jean (Pascal) : Oui. Bien, peut-être, je vais commencer par la recommandation 5. C'est sûr que nous, dans la faisabilité de l'opération, on est conscients, là, on est tous conscients que c'est énormément de travail, autant pour les militants syndicaux, les gens qui représentent les gens qui donnent des services mais aussi pour les administrations. Et, considérant que le 30 octobre, M. Létourneau l'a dit, c'est le dépôt des demandes salariales, c'est le dépôt des demandes sectorielles, ça crée une espèce de bouchon d'étranglement. C'est un peu ça, le sens de nos recommandations.

C'est pour ça qu'on disait : Donnons-nous l'espace pour, justement, être en mesure de sensibiliser nos gens, parce que c'est une nouvelle mécanique aussi, là. On passe d'un régime où est-ce qu'on a appliqué des pourcentages, qui étaient plutôt simples d'application, à un nouveau régime. Donc, ça va nous donner aussi le temps de sensibiliser nos gens, former nos gens aussi qui auront la responsabilité au local d'appliquer ces nouveaux services essentiels là, tels qu'ils sont définis avec le critère unique de la santé et sécurité.

Puis peut-être revenir rapidement sur la recommandation n° 2, effectivement, l'entreprise visée, le deuxième paragraphe, nous, ce qu'on suggère, c'est de biffer le deuxième paragraphe et de resserrer peut-être,un petit peu l'écriture au niveau de la référence qu'on fait à 1.16 pour justement que les exemples que vous donnez, qui sont de très bons exemples, soient couverts, 1.16, sans qu'elle soit exhaustive, sans pour autant ouvrir la porte à ce qui ne devrait pas être couvert, exemple, les CPE et services de garde en milieux scolaires, etc. Ça fait que peut-être resserrer l'article au-delà de...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Le temps est écoulé.

M. Boulet : Merci à la CSN pour votre présence, pour vos brillants commentaires. Bien apprécié.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, au député de Vimont. Vous disposez de 11 minutes.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. M. Létourneau, M. Jean, M. Laurin, bienvenue dans cette enceinte. Merci d'être ici. Merci aussi d'avoir présenté, justement, ce mémoire-là qui, effectivement... Effectivement, j'ai su, justement, que vous étiez dans les débats, justement, pour amener ce projet de loi là, dans le fond, là, parce que vous avez été à la Cour suprême et tout, là... donc, en tout cas, on a lu attentivement, justement, votre mémoire.

On sait tous, puis vous le savez autant que moi et même peut-être plus que moi que l'équilibre entre... dans une grève, ou dans, peu importe, là, quand on parle de relations de travail, avec des services, des gens, bien, c'est toujours fragile, hein? La ligne est toujours mince et tout. Je parlais tantôt avec le Conseil du patronat, parce que vous avez... il y a d'autres groupes qui ont passé avant vous, ceux qui représentent aussi les CHSLD. Je sais que vous représentez... composez 1 500 syndicats, donc vous touchez large, vous représentez 4 500 lieux de travail, j'ai lu ça dans votre mémoire, c'est... Wow! vous couvrez vraiment large.

Voyez-vous un problème vraiment? Parce que tantôt, je parlais... j'avais des échanges, puis il y en a... en tout cas, ils n'ont pas dit qu'ils avaient un problème, mais les gens dans le milieu, pour en venir avec une entente, là, pour les services essentiels, entre syndical et patronal... Vous, est-ce que vous voyez... il y a des endroits que c'est plus difficile que d'autres d'avoir des ententes ou, en général, ça va bien?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je peux commencer puis tu pourras compléter, là. Mais avant 1985, les services essentiels étaient déterminés, justement, par la voie de la négociation ou de la discussion entre les administrations, donc les employeurs, et les syndicats. Et, de façon générale, le bilan qu'on en faisait, c'est qu'on a toujours réussi à s'entendre, justement, sur ce qui est essentiel puis ce qui ne l'est pas.

L'introduction des pourcentages est venue un peu, entre guillemets, tuer ce principe-là en l'appliquant de façon égale à tout le monde, alors qu'on conviendra que, dans une salle d'opération, ça se peut bien que les services soient plus essentiels que dans une buanderie ou dans une cuisine, bien qu'on comprend que l'ensemble des services doivent fonctionner.

Donc, de façon générale, on a toujours, en amont de 1985, réussi à les négocier. Donc, on ne verrait pas pourquoi, aujourd'hui, on ne serait pas capable de s'entendre, parce que, un peu comme on l'a dit dans la présentation, ceux qui connaissent le milieu, bien, c'est les travailleuses, les travailleurs puis les gestionnaires. Et effectivement, l'objectif, quand tu fais la grève, c'est d'augmenter ton rapport de force, mais d'augmenter ton rapport de force, ça ne se fait pas au détriment de la qualité des services qui sont donnés à la population. Donc, moi, je pense qu'on va être capable de faire ça, comme on est capable de négocier des conventions collectives, là. Je ne sais pas si, Benoit, tu veux ajouter ou...

M. Laurin (Benoit) : Bien, d'autant plus que, dans les services publics, les parties ont l'expérience de négocier les services essentiels, à la différence des secteurs publics, parapublics où il y a des pourcentages. Alors, au Québec, on a au moins une quarantaine d'années d'expérience dans les services publics où les parties négocient les services essentiels, et, à moins qu'on nous présente ici un événement qui est arrivé, à notre avis, historiquement, il n'y a jamais eu de problème, là.

Alors, bien sûr, des fois, c'est un petit plus long, un petit peu moins long. Des fois, on va au tribunal, des fois, on ne va pas au tribunal, mais il y a des assises jurisprudentielles qui sont connues de tout le monde maintenant. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de problème là. Tout le monde va négocier de bonne foi les services essentiels.

• (16 heures) •

M. Rousselle : Pensez-vous que... Merci de votre réponse. Pensez-vous qu'avec la pénurie d'emplois qu'on a actuellement... puis ça, vous l'avez dans toutes les sphères... parce que, là, au nombre d'endroits que vous couvrez, c'est sûr, vous l'avez. Ça, c'est certain. Mais la pénurie d'emploi, mais avec la négociation... Comprenez-vous? Parce que, là, c'est sûr que vous allez avoir une négociation avec le patronat pour en arriver à une entente, mais je sais... Je sais qu'il y a des endroits, c'est déjà serré. C'est déjà... En temps régulier, c'est serré.

Donc, comment vous allez pouvoir exercer, vous, là, votre rôle de syndicat, de représentation? Parce que vous avez droit, justement, à des moyens de pression. Vous avez droit à vous faire entendre. Donc, comment vous allez être capable de gérer tout ça, là? Comment vous allez vous en sortir là-dedans?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, c'est un peu comme je l'ai mentionné dans ma présentation, c'est-à-dire qu'on a constaté qu'il y avait plus de monde en fonction des pourcentages quand il y avait un conflit de travail qu'en temps normal. Donc, il y a là, manifestement, là, quelque chose qui ne tourne pas rond.

En même temps, quand vous posez la question sous l'angle de la pénurie de main-d'oeuvre, la prochaine négociation du secteur public, malgré tout le respect, nous, on a entendu le premier ministre dire : Les surplus ne seront pas pour les syndiqués, ils seront pour les Québécois et Québécoises. On a rappelé au premier ministre que les syndicats représentent les travailleuses et travailleurs, notamment dans le secteur public, dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et on devrait utiliser la prochaine période de négociation dans le secteur public pour procéder, justement, à des ajustements puis des bonifications qui vont permettre d'attirer du monde dans le réseau de la santé et des services sociaux, parce que, malheureusement, ça fait plusieurs années, là, que les services sont compressés dans les commissions scolaires, dans les écoles. Bon, il n'y a pas une journée où on n'entend pas parler des problématiques de remplacement. Puis évidemment, la question de la pénurie de main-d'oeuvre, elle affecte à peu près tous les secteurs d'activité au Québec.

Bien moi, je pense que, dans le cadre de la prochaine négociation du secteur public, il faut, parce que vous parlez des employeurs, là, mais c'est le gouvernement qui est l'employeur, là, il faut trouver des voies de passage qui vont répondre, justement, aux demandes puis, finalement, aux besoins qui sont exprimés par les travailleuses puis les travailleurs, qui se traduisent bien sûr par des salaires, mais qui se traduisent aussi par des conditions de travail plus générales.

Maintenant, on verra comment ira la négociation. Y aura-tu un... Je n'ai pas de boule de cristal. Ça fait que je... On n'a pas encore été convoqués par le Conseil du trésor. Alors, quand on le sera, on verra un peu comment tout ça va évoluer. Mais évidemment, il n'y a personne qui souhaite de faire... Tu sais, faire la grève, là, il n'y a pas un travailleur ou une travailleuse qui se lève le matin en disant : Je vais-tu faire la grève à soir, là. Ça n'existe pas, ça. C'est un mythe. Au contraire, même, les gens, ils veulent faire leur prestation de travail puis, dans le service public, ils la font correctement puis dignement. Mais, en même temps... Benoit faisait référence aux normes internationales du travail. Bien, le droit de grève est aussi quelque chose de reconnu, tout comme le droit de se syndiquer puis le droit de négocier une convention collective. Alors, quand il faut l'utiliser, bien, on l'utilise, tu sais.

M. Rousselle : Vous avez parlé tantôt des entreprises privées, parce que, veux veux pas, il y a des entreprises privées qui vont donner des services, justement, que ça soit dans les hôpitaux ou, peu importe, là, je veux dire. Et puis ce projet de loi là peut toucher un peu peut-être ces secteurs-là. Mais parce que... un exemple, la literie, est-ce qu'elle est nettoyée à l'extérieur? Est-ce que les repas sont faits à l'extérieur? Là, je vous donne juste des exemples. Tantôt, on parlait des exemples de gens qui vont être transportés, donc le transport de personnes qui doit aller à l'hôpital ou quoi que ce soit, là, le transport de personnes.

Mais pensez-vous qu'on devrait comme définir ou inscrire, vraiment faire une liste d'endroits pour que ça soit vraiment... qu'il n'y ait pas de dérape, un exemple, là, dans les demandes au niveau de l'entreprise privée. Je ne sais pas si je me comprends... vous me comprenez bien, là.

M. Létourneau (Jacques) : Bien, vas-y. Moi, je pense que oui.

M. Laurin (Benoit) : Oui. Alors, effectivement, je pense que, de notre côté, on a été heureux d'entendre le ministre préciser la volonté dans le projet de loi de définir ce que serait une entreprise qui serait assimilée à un service public. Mais il n'en reste pas moins que le libellé actuel semble néanmoins permettre à des personnes qui ne seraient pas visées par l'intention du projet de loi de se manifester devant le Tribunal administratif du travail et de chercher à devenir assimilé à un service public.

Maintenant, on comprend que ces personnes-là, d'une manière ou d'une autre, il va falloir qu'ils se raccrochent à une des missions des établissements qui sont visés à 111.0.16, c'est-à-dire des établissements qui sont déjà des services publics. Si on a une compréhension commune de ça, normalement, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais j'ai entendu le Conseil du patronat ce matin, j'ai entendu le mot centre de petite enfance, j'ai entendu service de garde dans les commissions scolaires. Alors, si... Il y a certainement... Si eux le comprennent comme ça, il y a d'autres personnes qui vont certainement le comprendre de cette manière-là et qui vont probablement s'essayer devant le Tribunal administratif du travail.

Alors, la question, c'est : Est-ce qu'il n'y aurait effectivement pas nécessité de préciser davantage ou de serrer le texte pour qu'on puisse faire un lien entre l'entreprise qui serait visée au deuxième alinéa et les missions d'établissements qui sont par ailleurs visées à 111.0.16? Alors, c'est probablement, effectivement... Enfin, nous, on pense que ça serait utile.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 30 s.

M. Rousselle : Bien, juste vous dire... vous avez sûrement écouté le Conseil du patronat ce matin, puis je sais que le ministre a précisé, donc, oui, ça rassure en partie. Mais eux ont même parlé jusqu'à... ils ont même été jusqu'à l'économie du Québec. Vous en pensez quoi, vous?

M. Jean (Pascal) : Bien, je ne pourrais pas répondre d'une façon plus adéquate que le ministre l'a fait ce matin, là. Effectivement, les enlignements suite à la décision en Saskatchewan sont clairs. Il y a un critère, qui est la sécurité du public, santé et sécurité du public. On se limite à ça. Autrement, ça a un effet direct sur le pouvoir de négociation puis le rapport de force, là. Donc, ça serait une trop grande ingérence sur le rapport de force puis le pouvoir qu'on peut dégager ou espérer dégager en cas de grève. Donc, évidemment, on s'en tient à... On est fort aise avec la réponse du ministre ce matin au Conseil du patronat.

M. Létourneau (Jacques) : Si on s'en tenait aux associations patronales au Québec, on n'aurait pas le droit de se syndiquer, on n'aurait pas le droit de négocier puis on n'aurait pas le droit de faire la grève. Ça fait que, je veux dire...

M. Rousselle : Je terminerais juste pour vous dire merci, merci de votre présence. Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, merci pour le bel échange. Écoutez, en l'absence du député du deuxième groupe d'opposition, ça met fin, là, si vous voulez, à la consultation. Nous vous remercions beaucoup, MM. Jean, Létourneau et Laurin, pour votre présence, et votre exposé, et la réponse aux questions.

Nous allons donc suspendre les travaux quelques secondes, question de donner... au deuxième groupe de se présenter. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 07)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous souhaitons la bienvenue aux membres de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et je vais vous demander de vous présenter d'abord, avant de commencer l'exposé.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : D'abord, merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, Mmes, MM. les députés. Je suis accompagné de Frédéric Brisson, du Syndicat canadien de la fonction publique, et de Karine Cabana, qui est du Syndicat canadien de la fonction publique également, et Marie-Anne Gilbert et Damien Lafontaine, qui sont du Syndicat québécois des employés de service, section locale 298 de la FTQ. Et moi, je suis Daniel Boyer, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous inviter à prendre la parole pour commenter le projet de loi n° 33. Vous savez, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, on représente 600 000 travailleurs, travailleuses dans de nombreux secteurs d'activité à travers l'ensemble des régions du Québec. Et la centrale compte notamment des membres qui oeuvrent dans des services publics, au sens du Code du travail, tels que... et là je ne les énumérerai pas tous, parce que je pense qu'on est présents dans l'ensemble des secteurs qui sont prévus à 111.0.16, mais on représente aussi des travailleurs, travailleuses dans les secteurs public et parapublic, dont les établissements de santé et de services sociaux. Puis la FTQ est un acteur important, bien sûr, des négociations collectives dans le secteur public et parapublic.

Au fil des années, nous sommes intervenus à de nombreuses reprises sur des enjeux qui touchent, bien sûr, les encadrements des relations de travail au Québec, mais aussi concernant les services essentiels à maintenir, notamment dans différents secteurs, mais aussi dans le secteur de la santé. La FTQ reconnaît le droit de la population d'avoir accès à un minimum de services en cas de grève dans certains secteurs d'activité, lorsque ceux-ci répondent strictement au besoin de préserver sa santé et sa sécurité. On reconnaît qu'il s'agit d'un motif légitime et raisonnable pour justifier une limitation du droit de grève, mais on est inquiets des difficultés que les dispositions actuelles du Code du travail occasionnent à ce dernier.

Puis on a constaté, au fil du temps, au fil des années, avec les dispositions actuelles du code, certains problèmes au niveau de la communication des informations, des délais qui sont parfois trop courts, des pourcentages de prestation de services dans le secteur de la santé et des services sociaux. Et tout ça brime, bien sûr, l'exercice du droit à la grève d'un grand nombre de nos membres, d'un grand nombre de travailleurs et de travailleuses au Québec.

On croit que le Code du travail doit être mis à jour pour réviser certains mécanismes au maintien des services essentiels, mais surtout on souhaite que le code soit modifié pour que soit respecté le droit à l'exercice de la grève qui découle directement de la liberté d'association. On vient de le mentionner avec la CSN, là, comme l'a reconnu la décision de Flageole, mais aussi la décision de la Cour suprême du Canada en 2015 dans l'arrêt Saskatchewan.

C'était aussi avec beaucoup d'attentes qu'on a accueilli le dépôt du projet de loi n° 33, qui doit donner suite aux recommandations du juge Flageole. On a participé, bien sûr, aux consultations organisées par le ministère. De manière générale, on doit avouer que le projet de loi présenté par le gouvernement répond de manière rigoureuse à un certain nombre des problèmes soulevés ces dernières années par les organisations syndicales en matière d'application de services essentiels. La FTQ accueille donc le projet de loi n° 33 avec satisfaction, mais souhaite tout de même émettre quelques mises en garde et recommandations. Ça fait partie de nos valeurs, là. On est des syndicalistes, on ne peut pas toujours être d'accord avec tout, quand même.

Deux principaux enjeux retiennent notre... Je vois Alexandre qui sourit, mais... Deux principaux enjeux retiennent notre attention : l'abolition des pourcentages et la négociation locale.

Donc, premièrement, le projet de loi répond de manière précise et rigoureuse aux principales objections des syndicats et du juge Flageole quant aux pourcentages de prestation de services appliqués dans le réseau de la santé et des services sociaux. En abolissant ces pourcentages au profit d'une négociation locale et en appliquant le critère qualitatif du danger à la santé et à la sécurité du public, le projet de loi lève un important obstacle à l'exercice du droit de grève et ramène l'équité avec les mécanismes qui existent déjà dans les services publics.

Pour la FTQ, cette approche reconnaît l'expertise locale et témoigne d'une grande confiance dans la capacité des parties au sein des établissements de santé et de services sociaux à s'entendre dans l'intérêt de la population, et ce, sans sacrifier le droit de grève. La centrale ne peut qu'encourager la commission à retenir cette avenue. À cet égard, il est heureux que le TAT puisse fournir aux parties locales le soutien nécessaire à la conclusion d'ententes de services essentiels adéquates, notamment avec l'accompagnement de médiateurs.

La FTQ accueille positivement la reconnaissance des associations accréditées en leur donnant accès aux informations relatives aux effectifs des établissements. Que les parties disposent des mêmes informations ne peut qu'améliorer les chances de succès des ententes concernant les services essentiels. Cependant, la FTQ estime que l'état des effectifs relatif au personnel cadre devrait également être communiqué aux syndicats afin qu'il soit pris en compte dans les discussions locales entourant le maintien des services essentiels. De plus, nous recommandons que des mécanismes d'échange d'informations similaires soient prévus dans les services publics.

Par contre, la FTQ s'inquiète que la grande confiance envers la négociation locale ne donne lieu à d'importantes disparités dans la fourniture des services essentiels si des lignes directrices générales ne sont pas proposées. C'est pourquoi nous recommandons qu'un mécanisme soit ajouté pour que les organisations syndicales et patronales — je souligne en passant que c'est le premier exercice que les parties locales vont être invitées à faire en vertu des nouvelles dispositions — soit ajouté pour que les organisations syndicales et patronales identifient des paramètres nationaux qui permettraient d'exclure d'emblée des négociations locales des enjeux qui pourraient facilement être exclus, et on aurait quelque chose de plus équitable à l'échelle du Québec. Donc, on pense aussi que ça ferait gagner du temps et une énergie très précieuse aux parties locales.

Enfin, en prévision de la prochaine négociation collective dans les secteurs public et parapublic, la FTQ s'attend à ce que le TAT dispose des ressources financières et humaines adéquates pour pouvoir soutenir et accompagner de manière optimale les parties locales qui auront à établir à temps, pour la première fois, des listes de services essentiels conformes aux nouveaux critères définis par le projet de loi.

On parle ici d'évaluer des dizaines de milliers de tâches et fonctions dans des centaines d'installations à travers le territoire. Tant pour les parties patronales que syndicales, ça va exiger beaucoup de travail en même temps que la négociation des conventions collectives elles-mêmes, et nous faisons face à une obligation de résultat. La FTQ s'attend donc à ce que les moyens nécessaires soient déployés rapidement pour que les négociations des services essentiels se déroulent dans les meilleures conditions possible, pour assurer le respect du droit à la santé et à la sécurité de la population et du droit des travailleurs et travailleuses à exercer un moyen de pression légitime.

Le second enjeu sur lequel on désire attirer l'attention de la commission concerne les pouvoirs du TAT, auquel le projet de loi confie d'importantes responsabilités. On reçoit positivement l'abandon de certains pouvoirs par le gouvernement, tel que l'abolition des décrets gouvernementaux au profit d'un pouvoir d'initiative du TAT. Compte tenu des tensions qui peuvent exister dans certaines négociations avec le gouvernement, il est heureux que certains processus soient transférés à un organisme indépendant qui s'appuie sur une jurisprudence constante et reconnue. Le processus d'assujettissement et d'observance des services essentiels ne peut que gagner en impartialité et en crédibilité. Donc, le tribunal disposera de plus de latitude pour apprécier les ententes puis notre régime gagnera en maturité et en confiance.

• (16 h 20) •

Par contre, on est inquiets que la loi permette d'assimiler des entreprises privées à des services publics. Il est problématique que l'article 3 du projet de loi donne au TAT le pouvoir d'assujettir à la pièce, de son propre chef ou à la demande d'une personne intéressée, des entreprises privées non visées, au nom d'un risque pour la santé et la sécurité. Donc, pour la FTQ, ça va à l'encontre même de l'esprit du Code du travail.

En conclusion, la FTQ est d'avis que le projet de loi n° 33 vient corriger d'importants problèmes dans la détermination et le maintien des services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic. De manière générale, il répond aux grandes préoccupations qui ont été soulevées par le jugement Flageole. Il permet aussi d'accroître l'indépendance de certains processus et accorder une plus grande confiance aux parties locales. Mais le projet de loi est encore perfectible, puis on vient de le mentionner. Donc, il y a tout à fait lieu de bonifier ce projet de loi.

Et je terminerais en disant que je tiens à vous rappeler, et vous le savez, que les conventions collectives dans le secteur public et parapublic vont venir à échéance le 31 mars prochain. Il est donc important que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible afin que les organisations syndicales et patronales se mettent à la page pour convenir, établissement par établissement, des services essentiels à maintenir en cas de grève. Il est également souhaitable que le TAT puisse rapidement mettre à leur disposition les ressources et le soutien nécessaire pour y parvenir.

Je vous remercie, et on est prêts à accueillir vos questions. J'ai une armée avec moi pour m'aider.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci pour votre exposé. Nous allons débuter effectivement la période de questions. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Oui. Merci à vous tous et toutes pour votre présence, pour vos commentaires, pour votre analyse du projet de loi n° 33. Et j'ai apprécié l'utilisation de concepts comme la rigueur, l'équité dans les services publics. Je pense qu'on est encore une fois essentiellement sur la même longueur d'onde sur le fond. Il faut remplacer les seuils par un concept qui est reconnu même par l'Organisation internationale du travail, la santé, sécurité publique. Et la définition de service public, je vais y revenir, mais je veux d'abord traiter de... le plus rapidement possible, on est totalement d'accord, puis je pense qu'on va travailler de façon transversale dans ce dossier-là avec nos collègues des partis d'opposition pour faire en sorte que la loi soit sanctionnée le plus rapidement possible pour éviter des écueils dans le processus de négociation du renouvellement des conventions collectives de travail.

Sur les ressources financières et humaines au TAT, je veux simplement vous rassurer qu'actuellement le TAT dispose de 76 conciliateurs. Il y a aussi des agents de relations de travail là-dedans, mais, sur les 76, il y en a entre 12 et 14 qui sont assignés spécifiquement à la conciliation des dossiers de services essentiels. Il y en a six à Québec puis il y en a de six à huit à Montréal. Puis, au moment des consultations préalables, le TAT n'a soulevé aucun, parce que ça a été soulevé, là, mais aucun problème de ressources relativement aux nouvelles responsabilités qui découlent de l'application du projet de loi n° 33.

Et la conciliation, vous le savez, on est tous du même avis, c'est un mécanisme efficace qui aide les parties à s'entendre sur la nature, la qualité et la quantité des services essentiels, et ça a été utilisé dans un certain pourcentage de cas. Mais vous savez qu'avec le projet de loi n° 33 cette ressource-là pourrait être assignée dès le début par le TAT, et ça a mené à une entente, c'est une statistique intéressante, entre les parties dans 81,3 % des cas au cours des 12 derniers mois. Puis, au total, 81 % des négociations des services essentiels, entre 1992 et 2007, se sont soldées par une entente entre les parties.

Et quand vous disiez, M. Boyer, c'est les parties qui sont les mieux placées, ils connaissent leurs milieux de travail, ils savent c'est quoi, les services essentiels... Puis je disais, ce matin, à des représentations d'un autre groupe que ça peut varier. Il faut faire attention à l'espèce de paramètre ou de ligne de conduite nationale qui évacuerait les particularités de chaque établissement aussi.

Et le délai moyen du temps, pour rendre une décision quant à la suffisance des services dans les 12 derniers mois, ça a été de 10 jours. Donc, quand vous saluez le caractère indépendant puis l'intervention du TAT dans la détermination des services essentiels puis quant à l'application du critère de santé, sécurité publique, je pense que le TAT a aussi fait ses preuves.

Il y a un outil supplémentaire, je vous le rappelle, là, parce qu'on parlait d'éléments à connotation plus nationale pour faciliter les négociations entre les parties, il y a la possibilité de faire des regroupements. Ça va donner une flexibilité et ça va donner la possibilité aux parties d'identifier ce que nous, on appelle des paramètres nationaux qui pourront guider le TAT dans la détermination de ce qui est un service essentiel qui permet d'assurer la santé et la sécurité publique. Donc, c'est quand même une nouvelle option qui est offerte aux parties, et je pense que ça peut donner des résultats qui sont relativement intéressants.

Entreprise privée, là, je tiens... je sens le besoin de le repréciser, on n'a pas l'intention d'élargir la définition de service public pour ouvrir la porte à tout le monde. On lève la main, on veut être un service public, et donc, s'il y a une grève, l'association accréditée devra maintenir des services essentiels, ce n'est pas le cas. Puis je pense qu'on parle bien de service public, et cette entreprise-là ou cette organisation-là devra démontrer qu'elle a une mission apparentée à la définition qui contient une certaine énumération. Ça vise, ce nouveau pouvoir là, essentiellement, à moderniser la définition, à l'adapter à l'évolution de la prestation des services, notamment dans le domaine de la santé et des services sociaux. Et on pense beaucoup aux services de transport des personnes handicapées par véhicule automobile. Ce n'est pas dans la définition de service public. Une grève pourrait avoir un impact sur la santé, sécurité publique, le TAT doit avoir la possibilité de dire : Il y a un impact, il y a une atteinte à la santé, sécurité publique. Même si vous n'êtes pas dans la définition d'un service public, vous pouvez en faire partie. Je me sers de mon pouvoir pour faire en sorte que vous soyez reconnus comme un service public, donc assujettis au maintien des services essentiels en cas de grève.

Les organismes communautaires, il y en a beaucoup qui offrent des services de première ligne qui permettent de désengorger le réseau traditionnel, mais qui ne sont pas des établissements de santé et de services sociaux et qui offrent notamment des services à domicile. Il faut que ces organismes-là aient la possibilité de faire des représentations au TAT pour être reconnus comme étant une organisation ou une entreprise où on doit maintenir les services essentiels en cas de grève.

Enfin, le troisième exemple que je donne souvent, c'est les services d'hébergement qui ne sont pas des établissements de santé et de services sociaux, offices municipaux d'habitation, les centres de désintoxication et autres qui sont, sans être dans la définition, parfois restrictive, de service public, peuvent avoir des incidences extrêmement importantes en cas de grève pour la santé, sécurité publique. C'est pour ça qu'on donne ce pouvoir au Tribunal administratif du travail d'élargir la définition. Les définitions statiques, vous le savez, les procureurs le savent très bien, ça donne lieu à des contentieux, il y a des problèmes d'interprétation ou d'application, on essaie de l'éviter le plus possible et de permettre au TAT de faire en sorte que cette notion-là puisse s'adapter.

C'étaient mes principaux commentaires, là, mais ça m'irrite un peu quand on dit service public... Il y a des appréhensions, puis je comprends que ça peut être légitime, que ça puisse couvrir à peu près n'importe quelle entreprise privée. La réponse, c'est non. Il faut vraiment qu'il y ait une atteinte à la santé et la sécurité publique.

• (16 h 30) •

M. Boyer (Daniel) : Bien, ça nous réjouit d'entendre ça, mais, en même temps, pourquoi ne pas l'écrire? Un organisme communautaire, ça se peut que ce soit un service public, puis on serait peut-être les premiers à considérer que c'est un service public. Mais ce n'est pas vrai que c'est tous les organismes communautaires qui doivent être des services publics.

Donc là, on va commencer à s'obstiner, là. Vous nous dites qu'une liste ça provoque le contentieux. Moi, je vous dis que pas de liste, ça provoque davantage le contentieux, parce que là on va tous se mettre à interpréter. Là, à moins que je vous enregistre puis que j'amène ça au TAT puis... regardez, ce que le ministre voulait, c'était ça. Mais c'est parce que ce n'est pas de même que ça marche dans vie, là. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Donc, à notre avis...

M. Boulet : Bien, les avocats le plaident souvent, M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Oui, mais moi, ce que je vous dis, il y a une liste, là. À 111.0.16, il y a une liste. Pourquoi on ne bonifie pas cette liste-là, si elle mérite d'être bonifiée? Puis, à tout le moins, ça nous permettrait de faire un débat sur ce qu'on vient ajouter à la liste.

Mais là on est un peu dans le néant, là. Là, on ne sait pas. Là, on va laisser à la discrétion d'un tribunal, demain matin, dans deux ans, dans 10 ans, d'ajouter des groupes qui pourraient être visés par des services essentiels. Puis je n'ai pas entendu le Conseil du patronat ce matin, mais je me doute de ce qu'ils peuvent dire, là, puis ce qu'ils peuvent interpréter comme service essentiel. Parce qu'à partir du moment... Si un service essentiel, c'est à partir du moment où une grève dérange, bien, tout va être un service essentiel. Tout va être un service essentiel, puis c'est là le danger.

Donc, nous, on est d'accord avec l'élargissement des pouvoirs du TAT, mais il y a une limite à l'élargissement des pouvoirs du TAT, et on pense que ça vous appartient, en tant que ministre, de déterminer qui, spécifiquement, doit être visé par des services essentiels.

Vous nous rassurez aussi quand vous nous dites que le TAT... vous avez consulté le TAT et que le TAT semble avoir les ressources. Vous me rassurez, mais, en même temps, on n'a pas connu un tel exercice, tel qu'il est mentionné dans le projet de loi, on n'a pas connu un tel exercice depuis bien longtemps, depuis 1985. Je ne sais pas ce que ça va donner avec la grandeur et la monstruosité du réseau de la santé au moment où on se parle. Je pèse mes mots quand je dis ça, mais le nombre d'installations, d'établissements, d'emplois... Écoutez, je ne sais pas ce que ça peut donner, mais c'est de l'ouvrage.

Puis nous, on est inquiets aussi, là. Autant on a dit qu'on n'était pas d'accord avec les pourcentages parce que ça portait atteinte à un sacro-saint droit de liberté qu'est la grève, autant on est aussi inquiets de l'exercice qu'on va devoir faire au niveau local. Oui, on fait confiance aux parties locales. On pense que c'est les mieux placés pour déterminer des services essentiels. Mais l'ampleur de l'exercice, là... J'espère que le TAT va avoir des ressources. On va avoir besoin de soutien là-dedans, puis nous, on va soutenir nos membres, là. Écoutez, inquiétez-vous pas, on va les soutenir. Mais l'exercice, il est périlleux, il est immense, il est... ça demande...

Puis quand on a mentionné, là... vous dites : on fait confiance aux parties locales, nous, on le répète à plusieurs reprises, là, mais on pense que pour un premier exercice, là, on devrait peut-être s'asseoir au niveau national ou régional, peu importe, puis qu'on convienne de certaines lignes d'abord. On pense ça. Pour qu'on parte l'exercice comme il faut, tout en laissant toute la latitude aux parties locales de convenir des ententes qu'elles doivent convenir... Mais il me semble qu'on partirait... Tu sais, qu'on s'entende, je ne sais pas, si ce n'est pas des paramètres de qu'est-ce qui est un service essentiel ou qu'est-ce qui ne l'est pas, à tout le moins, sur une façon de faire des... un modèle de liste, un... je ne sais pas, mais, en tout cas, aider les parties locales, autant patronale que syndicale, à faire l'exercice.

M. Boulet : O.K. C'est la raison pour laquelle, M. Boyer, dans le projet de loi, on demande qu'une personne soit assignée rapidement dans les dossiers, pour aider les parties. S'il manque de ressources, il y en a aura, des personnes additionnelles qui seront ajoutées.

Mais, je le répète, un, la plupart des dossiers se règlent entre les parties, puis, à défaut de règlement entre les parties, c'est l'association accréditée qui soumet sa liste de services essentiels. Il n'y en a pas tant que ça, des contentieux, et, quand le TAT intervient en amont, actuellement, avant le p.l. n° 33, les résultats sont non seulement satisfaisants, mais ils sont très, très rapides. Ceci dit, je ne veux pas qu'on ait peur d'avoir peur. On aura les ressources. Si c'est plus monstrueux que ce qu'on anticipe, on va s'adapter puis on va s'assurer que le TAT ait les moyens de répondre aux ambitions des parties. Donc, soyez rassurés à cet égard-là.

Sur la définition de service public, moi, je persiste à croire qu'on peut faire une énumération à l'infini, mais on ne sera pas capable de s'adapter. S'il y a une modification, par exemple, à la structure du réseau traditionnel de santé services sociaux qui pourrait nécessiter l'assujettissement de nouvelles entités qui dispensent des services fondamentaux de base, là, santé et services sociaux, on ne peut pas amender 111.0.16 à chaque fois. On ne peut pas amender la loi à chaque fois. Il faut que le TAT ait ce pouvoir-là d'apprécier et de s'assurer que le maintien des services essentiels en cas de grève s'impose en raison du concept incontournable de santé et de sécurité publique. Je pense que c'est plus réaliste de réfléchir comme ça que de penser... de faire une réflexion puis se rassurer à l'infini en faisant une énumération qui est trop longue.

Je pense que je vous entends bien. Je ne veux pas, cependant, que ça ouvre la porte à tout le monde. Il faut que ce soit une mission qui soit assimilée ou qui s'apparente à un service public, tel que l'énumération le prévoit. On essaiera, en équipe avec les partis d'opposition... je veux vraiment qu'on envoie un signal que ce projet de loi là, il faut qu'il soit clair, parce que c'est un pouvoir nouveau. Je veux qu'il soit exercé de façon respectueuse de notre marché puis je ne veux pas que... Tu sais, je le sais que le maintien des services essentiels, ça peut être vu comme une limitation à l'exercice du droit de grève, puis le droit de grève, c'est maintenant constitutionnellement reconnu, ça découle du droit d'association qui apparaît dans les chartes. Ça fait que ça, moi, je respecte ça. Que ça limite l'exercice du droit de grève, le maintien des services essentiels, je pense qu'on le reconnaît tous, puis vous le disiez dans vos remarques préliminaires, mais il faut s'assurer que ça ne soit pas ouvert à n'importe qui et de n'importe quelle manière, et ça, je vous ai vraiment bien entendus. Ça fait que merci beaucoup, hein, de votre présentation.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout? Il vous restait 54 secondes. Il reste 54 secondes, vous pouvez l'utiliser, oui.

Mme Cabana (Karine) : Rapidement, juste pour revenir sur les paramètres... et j'ai apprécié le fait que vous dites, effectivement, c'est les parties locales qui connaissent le mieux leurs établissements, leurs réseaux.

Par contre, je suis inquiète quand j'entends que ça pourrait être différent d'une région à une autre. Le service essentiel, de la façon qu'il sera dispensé, pourra être différent, effectivement, en fonction... Mais ce qui n'est pas un service essentiel dans une région pourrait n'être difficilement pas un service essentiel dans une autre région, et c'est pour cette raison-là qu'au niveau de la FTQ on propose une négociation nationale, pour s'assurer qu'on ne se retrouve pas devant le TAT et qu'on surcharge le TAT avec, au niveau local, des contestations au niveau de ce qui est un service essentiel, de ce qui ne l'est pas. Donc, ce n'est pas pour déterminer le niveau de service essentiel...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Je vous remercie beaucoup. Vous aurez probablement la chance, là, de parler lors des autres questions des autres partis. Alors, merci pour le bel échange. Nous y allons avec l'opposition officielle, avec le député de... M. Vimont... député de Vimont.

M. Rousselle : Oui, merci. Mais je suis monsieur avec, il n'y a pas de problème, là, tout va bien.

Bien, premièrement, bien, bienvenue, M. Boyer, M. Brisson, Mme Nelson, Mme Gilbert puis Mme Lafontaine. Bienvenue. Merci d'avoir préparé ce document-là. On le sait que c'est toujours un travail, je dirais, de moine, là, mais c'est vraiment toujours parler à nos membres, parler... Ce n'est pas nécessairement évident, donc... puis aussi, bien, merci, de vous avoir déplacé.

Je vous laisserais la chance de continuer. Vous étiez partie sur une envolée. Moi, je vais vous laisser la chance puis, après ça, je continuerai avec mes questions. Ça va-tu, ça?

M. Boyer (Daniel) : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Cabana (Karine) : Je vais essayer de faire ça.

M. Rousselle : Allez-y.

• (16 h 40) •

Mme Cabana (Karine) : Effectivement, je tiens à revenir sur l'importance de déterminer... Pour qu'il y ait une équité pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui reçoivent des services, il serait impensable que, dans des établissements, un service soit maintenu essentiel et que, dans un autre établissement, le même service ne soit pas maintenu essentiel.

Nous, la négociation nationale, de la façon qu'on la voit, ce n'est pas de déterminer le niveau de services essentiels. Ça, c'est effectivement une négociation strictement locale avec des réalités qui sont régionales, locales ou tout dépendant des missions. Mais, pour nous, il est important qu'on détermine, tous ensemble, les associations syndicales, les associations patronales, avant d'envoyer dans la négociation locale, ce qui ne sera pas considéré comme un service essentiel, pour qu'on évite de se retrouver constamment devant le Tribunal administratif pour déterminer est-ce que ce service, dans tel endroit, est un service essentiel ou non.

Donc, c'est à ce niveau-là qu'on veut déterminer les paramètres et rien d'autre. C'est de cette façon-là qu'on le voit et surtout pour la première phase de négociation, où on va se retrouver... Si on prend en compte, dans les nouveaux mécanismes, où les services essentiels devront être déterminés par unité et catégorie de soins ou services, quand on regarde l'ampleur des CISSS et des CIUSSS, ça représente des centaines et des centaines de services et unités de soins à faire l'évaluation. Donc, si, pour les parties locales, on pourrait en éliminer plusieurs, au niveau national, où il n'y aurait aucune négociation parce que le droit de grève s'exercerait pleinement dans ces endroits-là, on se concentrerait à vraiment négocier le service essentiel qu'on doit donner à la population dans les régions.

M. Rousselle : Merci, madame. Écoutez, je regardais ça, au niveau... parce que les... vous couvrez 6 000 membres, travailleurs, travailleuses. On sait que, dans le domaine que vous êtes, il y a pénurie d'emplois, ça, c'est certain. Des fois, à un moment donné... justement, des fois, il y a sûrement beaucoup de temps supplémentaire qui se fait à certains endroits déjà. Et j'associe ça, à un moment donné, avec un droit de grève, qui est primordial. Ça, il n'y a pas aucun problème. Mais, en même temps, pour déterminer qu'est-ce qui est faisable dans une période où les... On fait quoi, là, tu sais, dans un moment de grève? Est-ce qu'on... Déjà, il manque de personnel. Vous prévoyez ça comment avec les futures négociations, qui s'en viennent, d'ailleurs?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, ça ne sera pas simple. Je vous le dis tout de suite, ça ne sera pas simple. Puis c'est pour ça que je vois l'ampleur de la tâche de nos équipes locales. Je vois l'ampleur de la tâche, parce que déjà, on pourrait peut-être prétendre, dans certains établissements, dans certains départements, dans certains services, qu'on serait en bas des services essentiels, dans le but de ne pas entacher la santé puis la sécurité du public. Donc, c'est compliqué.

Mais, écoutez, on écoutait, là, notre collègue Jacques Létourneau, de la CSN. Je pourrais vous tenir le même discours, hein? Il faut réinvestir dans nos services publics. Cet argent-là, je ne veux pas commenter ce que le premier ministre a mentionné, mais ce n'est pas de l'argent pour les syndicats, là. C'est de l'argent pour les travailleurs et travailleuses qui prennent soin de la population. Je veux que ce soit bien clair. Et, si on ne donne pas cet argent-là, on n'attirera pas de monde, on ne retiendra pas de monde. Écoutez, il va falloir faire quelque chose, là, je l'ai dit puis je vais le répéter, sinon, ça va péter, à un moment donné. Il faut faire quelque chose pour nos services publics. C'est vrai en santé, c'est vrai en éducation. Il faut faire quelque chose.

M. Rousselle : Je regardais dans votre...

M. Boyer (Daniel) : Bien, pour avoir travaillé... Jacques Létourneau disait qu'il avait travaillé comme préposé aux bénéficiaires. Bien, moi aussi, j'ai travaillé sept ans comme préposé aux bénéficiaires, puis, je vous le dis, c'était pas mal plus simple dans mon temps que ça l'est aujourd'hui, parce que, quand je me promène un peu sur le terrain, je constate qu'il y a un alourdissement de la tâche. C'est une vocation maintenant, là. C'est vraiment une vocation.

M. Rousselle : Je regardais, puis vous avez la même suggestion que la CSN au niveau... Votre recommandation 3, dans le fond, que je viens... m'a parlé, là. C'est concernant... un avis de grève de sept jours ouvrables francs est exigé à l'association, mais vous, vous n'en parlez pas. C'est la CSN qui parle de ça et...

M. Boyer (Daniel) : Bien, on en parle à la recommandation 10.

M. Rousselle : O.K., dans la recommandation 10. Parce qu'eux autres, qu'est-ce qu'ils parlent, donc vous en parlez aussi sûrement, c'est que, si jamais, à un moment donné, tu changes d'une journée ou deux, un exemple, le début de la grève, à ce moment-là, il fallait attendre un autre sept jours, si j'ai bien compris, là.

M. Boyer (Daniel) : Il fallait attendre que la journée de grève qu'on aurait annulée, il fallait attendre qu'elle soit passée avant d'envoyer un nouvel avis, alors qu'il me semble que, si on respecte le délai qui est prévu pour donner notre avis de grève, si on annule une journée de grève puis qu'on donne un nouvel avis, il me semble qu'on respecte le délai quand même, là. C'est en autant que la partie patronale et que la population est avisée suffisamment à l'avance qu'il y aura une grève dans les services publics, dans la santé, dans les services sociaux ou dans l'éducation qu'il y aura une grève à un moment donné.

M. Rousselle : Je vais laisser la place à ma collègue de Fabre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, à vous la parole. Il vous reste cinq minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous tous, très heureuse de vous entendre.

Je vais y aller avec trois points. D'abord, je veux vous dire que j'entends très, très bien votre préoccupation face aux mots du premier ministre qui dit qu'il n'y a pas d'argent pour la négociation à venir, malgré la marge de manoeuvre. Alors, vous le réaffirmez de façon bien importante et essentielle qu'il faut réinvestir dans les services publics. Donc, je voulais vous dire que je vous entends bien.

 Comme tout ce projet de loi, il y a l'équilibre entre le droit de grève et la définition du service... du maintien des services essentiels, je vais y aller sur les deux aspects. Donc, par rapport au maintien des services essentiels, je reprends un peu tantôt la préoccupation du ministre de l'Emploi lorsqu'il a... et du Travail, évidemment, lorsqu'il a nommé l'importance de la contribution des organismes communautaires. Vous posiez la question : Est-ce que ce sont des services publics? Dans le principe, ils sont financés par l'argent public, donc, jusqu'à un certain point, ils peuvent être considérés publics.

Mais il y a une nuance à apporter. Et je pense que la porte qui a été ouverte par le ministre, de dire : Est-ce qu'on peut reconnaître les organismes communautaires dans la gestion et la réalité du maintien des services essentiels?, je pense qu'il faut se ramener aux missions des organismes communautaires. Alors, tous ne sont pas dans le même volet, tous ne sont pas dans la même orientation. On parle bien sûr des organismes d'action communautaire autonomes. Alors, je vais vous donner des exemples précis.

Il y a des organismes qui sont dans la prévention, qui sont financés au niveau de santé et services sociaux. Il y en a d'autres qui sont des milieux de vie pour les citoyens du Québec, mais il y en a qui sont vraiment dans la gestion de crise, et c'est là où je pense que le ministre tantôt mentionnait, il faut peut-être regarder ça d'un petit peu près.

Je vais vous donner deux exemples concrets. Les maisons d'hébergement pour les femmes violentées, qui vivent des crises, des situations tragiques, ça peut être une question de sécurité de la personne, bien souvent, de sécurité de la femme, la sécurité de ses enfants. Alors, je pense que ça mérite cette réflexion-là et j'espère que vous entendez un peu mon propos dans la nuance qu'il se doit.

Un autre exemple, la prévention du suicide chez les jeunes. Il y a des organismes qui ont pour mandat et mission de s'assurer de gérer une crise suicidaire et de s'assurer que le jeune est en démarche, bien sûr, soit au niveau de la santé mentale ou avec les autres ressources de la communauté.

Alors, tout ça pour dire que, dans le maintien des services essentiels, je pense qu'il faut avoir un peu cette ouverture de regarder dans la nuance et non pas de façon unilatérale, et globale, et, bien sûr, sans discernement. Mais je pense que les deux exemples que je viens de donner méritent peut-être qu'on s'y attarde un peu. Ça, c'était par rapport au maintien des services essentiels.

Pour ce qui est du droit de grève, bien sûr, je reviens à votre recommandation n° 7 et je m'attarde un peu parce que c'est un élément commun de plusieurs représentants syndicaux lorsqu'ils viennent à cette commission. Et vous avez bien mentionné, dans le fond, l'importance d'inclure l'équipe de gestion qui peut être mise à contribution dans le déclenchement de la grève. Je veux vous entendre là-dessus, sur l'importance de cette recommandation.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je vous dirais que la position historique de la FTQ, c'est que les cadres ne devraient pas travailler en temps de grève. Ça, c'est la position historique de la FTQ. Mais on est bien conscients, dans le réseau de la santé puis des services sociaux notamment, que les cadres ont travaillé dans le passé et vont continuer à le faire de toute façon.

Donc, si on veut négocier de façon correcte les services essentiels, on devrait avoir l'information correcte, de la part de l'employeur, du nombre de cadres qui vont exercer des fonctions lorsqu'il arrivera le temps où on déclenchera la grève. Comme ça, on pourra dire : Bien, si on a besoin... je ne sais pas, moi, si on a besoin, sur cinq préposés, on a besoin de trois préposés aux bénéficiaires sur l'étage, si on vient ajouter un cadre, bien là, on en a quatre. Si on a tous convenu que c'est trois, bien, ça va être trois incluant le cadre. Mais on veut savoir quel cadre va travailler et combien il y en a, de cadres qui vont travailler. C'est ça qu'on veut savoir. Donc, on veut une information transparente, là.

Puis vous avez tout à fait raison, là, le ministre avait sorti... a sorti une série d'organismes ou d'entreprises, vous en avez sorti d'autres. Vous avez tout à fait raison qu'il y a probablement d'autres entreprises, d'autres organismes qui doivent être visés par les services essentiels. Mais est-ce qu'on peut s'en jaser? Moi, je ne le sais pas. Je ne le sais pas, c'est lesquels. Je n'en ai aucune idée, c'est lesquels.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 30 secondes.

Mme Sauvé : Je vais les remercier. Je vais vous remercier pour votre ouverture à cette réflexion puis merci d'avoir précisé. Je comprends mieux le sens de votre recommandation. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Alors, nous donnons la parole maintenant au deuxième groupe d'opposition, au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Mme la Présidente, je me demandais s'il serait possible de pouvoir utiliser le temps qui ne sera pas utilisé après moi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, vous voulez parler du 2 min 45 s du troisième groupe d'opposition?

M. Leduc : Exact.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, est-ce qu'on est d'accord pour lui accorder le 2 min 45 s? Donc, ce qui lui fera un total de 5 min 30 s, si je ne me trompe pas. C'est bien ça? On lui accorde? C'est parfait, il est accordé.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour.

M. Boyer (Daniel) : On a-tu le droit d'être pas d'accord?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Leduc : Je vais changer mes questions, d'abord. Bien, bonjour, tout le monde. Bonjour. Content d'être ici avec vous.

Ma première question concerne la page 7. Vous faites référence à ma mention du lock-out puis vous expliquez, si je comprends bien, puis vous me corrigerez, là, que là on précise plusieurs choses dans le cas d'une grève, mais que la mention du lock-out n'est pas là et qu'il y a comme un danger que, si c'est un lock-out dans le conflit qui est devant nous, il n'y ait pas la même application. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce qui vous inquiète?

• (16 h 50) •

M. Boyer (Daniel) : Bien, on nous oblige à des listes de services essentiels, si on déclenche une grève, mais on n'oblige pas de services essentiels dans le cas d'un conflit qui serait un lock-out. Donc, on pense qu'on devrait tout viser. Bien évidemment, dans le secteur de la santé et des services sociaux, il est comme impensable qu'il y ait un lock-out. Mais, si on vise de nouveaux organismes communautaires, peu importe, ce n'est pas dit que ces organismes-là n'utiliseront pas le lock-out, comme ils ont le droit de l'utiliser de toute façon. Donc, si on juge qu'il s'agit d'un service essentiel, il faudrait qu'il soit soumis aux mêmes règles, c'est-à-dire déterminer une liste de services essentiels pour le bien de la population, là.

M. Leduc : Je comprends donc que si, finalement, le ministre change d'avis sur l'élargissement de l'applicabilité de cette loi-là, ce genre de requête là serait moins à propos. Dans le sens, si on reste dans les services publics traditionnels, il y a moins de danger d'un lock-out, comme vous le mentionnez.

M. Boyer (Daniel) : Effectivement.

M. Leduc : O.K. Je comprends. Recommandation n° 9, vous expliquez que vous voulez parler des grèves non continues. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu ce qui en retourne de ça? «La FTQ recommande que l'avis de grève dans les services publics et les secteurs public et parapublic permette une plus grande liberté aux associations accréditées quant à l'organisation et à l'exercice d'une grève dans le temps, en autorisant des journées de grève non continues.» C'est simplement de séparer des blocs de grève, ce qui n'est pas le cas actuellement? Ce n'est pas permis actuellement?

M. Boyer (Daniel) : Bien, c'est permis, mais là on est pris dans les délais, puis c'est ce qu'on dit aussi à la recommandation 10. C'est que ce n'est pas permis dans le sens qu'on ne peut pas aviser qu'on va faire deux blocs de deux jours de grève. Il faut commencer par faire le premier bloc, que ça passe, et là on envoie un deuxième avis. C'est ça qui est un problème. Pourquoi on ne peut pas tout faire en même temps?

M. Leduc : Simplifier la procédure, en quelque sorte.

M. Boyer (Daniel) : Bien, simplifier la procédure.

M. Leduc : Parfait. Ce matin, on a reçu les gens de l'Association des établissements privés conventionnés, et je leur ai posé la question, que j'ai d'ailleurs aussi posée au Conseil du patronat qui les précédait, à savoir si ce que j'avais entendu... un petit oiseau m'avait glissé à l'oreille que, dans certains cas, puis, en fait, M. Boyer, vous avez dit que vous l'avez expérimenté vous-même, dans certains cas, entre autres les résidences privées conventionnées, quand il y a un service essentiel qui est appliqué en raison d'une grève, il y a plus de monde sur le plancher qu'en cas régulier. Et on m'a répondu que ce n'était pas tout à fait la réalité. Ce n'est pas la réalité. C'est ça qu'on m'a répondu. Quelle est votre réalité, votre version de la réalité?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, si on se parle à l'époque où moi, j'étais préposé aux bénéficiaires, effectivement, ce n'était pas la réalité, mais c'est la réalité d'aujourd'hui, là. Quand on a du non-remplacement parce qu'on n'est pas capable de remplacer, parce qu'il y a une rareté ou une pénurie de main-d'oeuvre, on est des fois, là, la fin de semaine, des jours fériés, on est en bas des services essentiels qu'on devrait rendre au moment où on se parle, là, en vertu du Code du travail. Donc, oui, effectivement, c'est le cas. C'est effectivement le cas. Je ne vois pas pourquoi on dit que ce n'est pas le cas, parce qu'on le constate dans les milieux de travail, là.

M. Leduc : Donc, ceux qui vous accompagnent aujourd'hui sont des gens qui sont directement dans le milieu. Est-ce que c'est une pratique qui est très courante? Est-ce que c'est quelque chose qui pose des défis en matière de mobilisation aussi?

Mme Cabana (Karine) : Il est certain que, si on le prend en fonction du nombre... on garde les pourcentages qui existent à l'heure actuelle, c'est sûr que, quand on regarde ce qui se passe présentement autant dans les privées conventionnées que dans les établissements de santé, il n'est pas rare de travailler des fins de semaine, et on l'a vu souvent, là, en Estrie, c'est arrivé à plusieurs reprises, moins 10, moins 15, moins 20 préposés, alors que, si on était assujettis aux services essentiels et on était en temps de grève, ces pourcentages-là... ce chiffre-là ne serait pas acceptable. On devrait syndicalement maintenir beaucoup plus de personnes parce qu'on doit partir de la liste qui devrait être en place.

Alors, s'il devrait y avoir 10 personnes en place et que, dans la loi, on doit en maintenir neuf, à 90 %, il n'est pas rare que, de façon générale, sur les unités de soins, on travaille à six ou sept préposés aux bénéficiaires. Donc, on est en deçà de ce que la loi nous obligerait à maintenir si on était en grève. Ça, ce n'est pas rare.

M. Leduc : Est-ce qu'il y a d'autres secteurs que les résidences privées conventionnées qui vivent ce genre de dynamique là?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous avez 30 secondes.

M. Boyer (Daniel) : Dans le réseau public, là, dans les hôpitaux, dans les CHSLD, dans les CLSC. Quand j'ai mentionné tout à l'heure qu'il faut réinvestir dans nos services publics, là, bien, c'est tout à fait ça, parce que, si on ne réinvestit pas dans nos services publics, bien, on va avoir de la misère à retenir le monde puis à attirer le monde.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, ça met fin à la consultation. Je vous remercie beaucoup, les membres de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, pour votre contribution, votre précieuse contribution.

Nous allons nous arrêter quelques minutes pour donner le temps à l'autre groupe de s'installer. Merci encore. C'est bien. Au revoir.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 17 h 01)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous commençons. Nous souhaitons la bienvenue aux membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Bienvenue. Comme vous le savez, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vais vous inviter d'abord à vous présenter avant de commencer.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Mme Bédard (Nancy) : Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, tout d'abord, je tiens vraiment à vous remercier pour l'invitation à ces audiences de la commission sur le projet de loi n° 33. Donc, je me présente, Nancy Bédard, je suis la présidente de la FIQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Alors, les gens qui m'accompagnent : Roberto Bomba, qui est trésorier et puis qui est coresponsable à la négociation nationale; Catherine Hopkins, qui est conseillère juridique à la fédération; et Serge Prévost, qui est conseiller à la coordination de la négociation nationale.

Donc, nous saluons le projet de loi n° 33 puisqu'il permet d'améliorer le régime québécois de détermination des services essentiels, et ce, à la faveur d'un meilleur équilibre entre les intérêts des parties. Bien que cela puisse paraître un peu contradictoire, on croit fermement que le régime des services essentiels doit diminuer le moins possible l'impact sur la grève. La portée des revendications syndicales, vous le savez, elle est portée par nos syndicats, par nos membres et elle ne vise pas uniquement à améliorer les conditions de travail des professionnels en soins, mais elle est nécessaire pour mettre en place des conditions de travail qui leur permettent de dispenser des soins de santé humains, de qualité et sécuritaires à l'ensemble de la population, et ces revendications permettent aussi, pour nous, de préserver les services publics.

De façon plus spécifique, nous tenons à vous signifier que nous accueillons aussi favorablement les modifications qui sont apportées au régime des services publics. Le législateur témoigne d'un plus grand respect du droit à un véritable processus de négociation collective en confiant au Tribunal administratif du travail le mandat du contrôle des services essentiels. En ce qui a trait au régime concernant le secteur public, nous saluons aussi l'idée générale qu'à l'avenir les services essentiels seront déterminés par la voie de la négociation d'une entente ou encore par le dépôt d'une liste sans pourcentages prédéterminés et que l'ensemble de ce processus sera sous le contrôle du tribunal. Nous souhaitons un régime clair, bien sûr, et bien adapté à la réalité des parties. Donc, la disparition d'un pourcentage unique à maintenir dans une installation, pour nous, est vraiment un pas dans la bonne direction. Il était plus que temps qu'on révise cette façon de faire pour tenir compte des nombreuses réformes qui ont marqué le réseau de la santé, et, vous êtes à même de le constater, les installations du passé ne correspondent vraiment plus à la réalité d'aujourd'hui.

Donc, cependant, à cet égard, nous nous interrogeons quand même sur le choix des termes utilisés dans le projet de loi, sur certains termes, notamment les termes «unité de soins» et «catégorie de soins ou de services», qui ne sont pas définis actuellement ni dans le projet de loi, mais ni dans nos conventions collectives. Le choix de ces termes, à notre avis, pourrait prêter flanc à des interprétations différentes et à rendre plus complexe la détermination des services essentiels à négocier entre les parties. Donc, pour être en phase avec la réalité, la réalité de nos conventions collectives, la réalité des professionnels en soins, nous croyons plutôt que l'utilisation du terme «centre d'activité» serait beaucoup plus appropriée.

Par ailleurs, nous croyons important d'inclure dans le projet de loi que les services essentiels soient négociés entre les parties et qu'ils ne visent que les salariés de l'unité d'accréditation. Cette précision, que l'on retrouve actuellement dans le Code du travail, est absente dans le cadre de ce projet de loi. Nous saluons le retrait des pourcentages obligatoires prévus dans le Code du travail. Ce retrait permet une plus grande latitude lors des négociations entre les parties locales, en plus de rétablir un juste équilibre entre le droit de grève et les services essentiels. D'ailleurs, ces pourcentages qui étaient fixés unilatéralement ne reflètent vraiment plus le niveau réel requis pour éviter que la santé et la sécurité de la population soient menacées.

Il nous apparaît, et je ne peux l'éviter, je vais vous le dire, de souligner qu'au quotidien et en temps normal plusieurs centres d'activité et plusieurs établissements, actuellement, se permettent — on a eu la question, tout à l'heure, dans l'autre avant nous — de fonctionner avec des effectifs inférieurs à ces pourcentages requis lors d'un arrêt de travail, et ça, contrairement à ce qui vous a été confirmé ici par les EPC, les représentants des EPC ce matin, et je souhaitais vous le dire au passage. À défaut d'entente entre les parties, nous suggérons aux législateurs de prévoir une disposition qui obligerait le tribunal à faire un exercice de pondération visant le juste équilibre entre le maintien des services essentiels et le droit des salariés à la grève. Sans remettre en question l'obligation de donner un préavis avant de déclencher un arrêt de travail, on croit qu'une réduction des délais actuels prévus favoriserait un meilleur équilibre entre le droit et les obligations des parties. L'atteinte de ce juste équilibre passe aussi par une réduction des délais dont dispose le tribunal pour approuver la suffisance des services essentiels. Nous suggérons donc de passer de 90 à 60 jours.

Les parties locales auront dorénavant un rôle crucial à jouer pour la détermination des services essentiels et, pour être à même de jouer ce rôle, les parties doivent avoir en main toute l'information nécessaire. Donc, nous saluons l'introduction, dans le projet de loi, de l'obligation de communiquer aux syndicats les informations requises pour déterminer les services essentiels. Cependant, il nous apparaît primordial que cette information contienne notamment les horaires de travail et qu'elles soient transmises au syndicat local dans les 15 jours de la demande. Et si on se permet et on vous demande cette précision, c'est parce qu'à chaque fois nous devons faire de nombreuses représentations auprès des employeurs pour obtenir cette information qui est nécessaire à la réalisation et à la détermination des services essentiels.

Nous saluons la volonté du législateur de réviser le régime de détermination des services essentiels à prévoir en temps de grève afin de se conformer aux enseignements de la Cour suprême. Ces modifications redonnent un rôle stratégique aux syndicats locaux dans la détermination des services essentiels et dans la mise en oeuvre des moyens au soutien aussi de leurs revendications. Cependant, puisque le régime de négociation dans le secteur de la santé et des services sociaux comprend également les négociations locales, nous souhaitons que ce régime soit aussi révisé à la lumière de ces enseignements puisque le recours à la grève est interdit par le Code du travail et les autres lois encadrant ce régime.

Nous sommes préoccupés par les changements proposés visant les pouvoirs aussi du tribunal à reconsidérer ses décisions si les services essentiels prévus à une entente ou à une liste s'avèrent suffisants. Nous craignons que toute personne intéressée puisse demander une reconsidération de la décision du tribunal alors que la liste ou l'entente ont déjà fait l'objet d'une évaluation de ce tribunal. Nous croyons qu'il est préférable de ne pas remettre en question la décision du tribunal qui approuve la liste ou l'entente, à moins qu'il y ait des faits nouveaux. Permettre au tribunal de reconsidérer sa propre décision sans preuve de faits nouveaux ferait peser une épée de Damoclès sur les syndicats et les membres qui respecteraient et qui vont respecter de bonne foi une entente ou une liste approuvée par le tribunal. C'est pourquoi nous demandons que la décision du tribunal soit exécutoire et sans appel, sous réserve des demandes de révision, qui sont déjà quand même prévues au code actuellement.

En conclusion, les professionnels en soins que nous représentons ont toujours eu la préoccupation d'offrir à la population des soins de qualité et des soins sécuritaires. Nous ne remettons pas en cause la nécessité de maintenir les services essentiels en cas de grève. L'enjeu réel est plutôt l'ampleur de ces services. Nous accueillons favorablement la volonté de rétablir un tant soit peu l'équilibre entre les parties. Nous devons souhaiter que le tribunal reconnaisse à sa juste mesure les droits des salariés d'utiliser leur rapport de force afin d'obtenir des conditions de travail favorisant une meilleure qualité et sécurité des soins à la population du Québec. Donc, tout est une question d'équilibre.

• (17 h 10) •

Nous profitons de cette audience, en terminant, pour vous partager notre immense préoccupation quant à l'état actuel du réseau et des établissements de la santé et des services sociaux. Ces derniers fonctionnent actuellement, et ça, depuis des semaines et des mois, vraiment en deçà et en déficit important de personnel. Les nombreuses mesures d'austérité au cours des dernières années ont laissé des séquelles importantes.

Donc, au-delà du projet de loi actuellement sous étude, nous croyons que la priorité du gouvernement et du Tribunal administratif devrait être de veiller à ce que les établissements s'efforcent de se doter du nombre suffisant de professionnels en soins à tous les jours, et à tout moment, et certainement pas seulement en temps de grève.

Donc, nous souhaitons des mesures concrètes qui soient mises de l'avant rapidement afin notamment d'éliminer le recours au temps supplémentaire obligatoire et ainsi permettre aux professionnels en soins d'offrir des soins de qualité sécuritaires à la population, et ça, en tout temps au Québec.

Nous sommes à l'aube de la négociation nationale. La détermination des services essentiels fera partie du processus de négociation. Alors, nous souhaitons une entrée en vigueur rapide du projet de loi afin que les nouveaux paramètres soient connus par les parties en temps opportun. Alors, je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci à la FIQ pour la qualité de votre mémoire et de vos représentations. C'est extrêmement clair. Évidemment, vous touchez plusieurs aspects. Je comprends que, sur le fond, vous êtes d'accord avec ce projet de loi là qui, en partie, s'imposait mais, en partie, assure, je pense, un meilleur rapport de force ou un meilleur équilibre.

Puis moi, que vous référiez souvent à cette notion-là d'équilibre, j'y adhère et je trouve que le meilleur équilibre entre le maintien des services essentiels puis l'exercice du droit de grève, il réside essentiellement dans le concept de santé et sécurité publique qui est reconnu, bien appliqué et utilisé, notamment, par l'Organisation internationale du travail.

Les points un peu périphériques de votre présentation, déficit de personnel, oui, bien sûr que ça m'interpelle, hein? On vit dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre, vous savez pourquoi. La population du Québec vieillit beaucoup, les personnes en âge de travailler diminuent, puis, dans le domaine de la santé, c'est un des trois secteurs les plus déficitaires. On a souvent parlé des préposés aux bénéficiaires, des infirmiers, infirmières, puis il y a des professionnels comme les psychologues, les kinésiologues, les pharmaciens aussi, les pharmaciennes aussi. C'est un secteur qui est en déficit. On y travaille beaucoup, vous savez, puis, pour le temps supplémentaire obligatoire, on sait que ça engendre de la détresse psychologique, puis on est particulièrement sensibles à ça.

Puis ma collègue Danielle McCann, puis ainsi que ma collègue Marguerite Blais ont fait des plans d'action parallèles pour les préposés aux bénéficiaires. Vous savez ce que nous avons annoncé il y a quelques semaines, là, les bourses en collaboration avec les CIUSSS et les CISSS. Je pense qu'on essaie de faire tout ce qu'on peut puis je pense que ça va donner des résultats qui sont intéressants avec l'écoulement du temps. L'entrée en vigueur de la loi... de ce projet de loi là, bien sûr, hein, il est requis le plus rapidement possible.

Je veux m'attarder, là, si vous me permettez... puis vous pourrez me faire des commentaires additionnels, là, mais les termes «unité de soins» puis «catégorie de services», c'est important d'y référer, mais ils sont déjà utilisés dans le régime actuel. Il y a catégorie de soins qui n'existe pas, qui est un concept nouveau, mais d'abord, unité de soins, c'est important de dire que ça réfère aux soins dispensés en établissement, notamment les soins intensifs, les unités de gériatrie, les soins prolongés et les soins palliatifs.

Pour la catégorie de services, ça inclut les éléments qui sont à l'extérieur des soins directs aux patients mais qui pourraient potentiellement mettre en danger la santé ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus en cas de grève. Et là ça comprend notamment l'entretien ménager, les services alimentaires, la buanderie, le transport des patients, la brancarderie, et autres.

Le projet de loi vient ajouter la notion de catégorie de soins afin... on veut vraiment s'assurer de couvrir des soins qui ne sont pas dispensés dans les unités de soins que l'on retrouve en établissement, notamment dans les cas suivants : les soins infirmiers prodigués à domicile — bon, il y en a beaucoup, là — et de plus en plus les soins palliatifs à domicile, il y a les soins infirmiers prodigués dans le cadre des services ambulatoires en clinique externe, par exemple, l'enlèvement des points de suture, les soins de plaies et pansements, les soins de sonde ou de colostomie, l'administration de médicaments par intraveineuse et autres, il y a aussi les soins infirmiers prodigués dans le cadre d'un programme de désintoxication. À titre d'exemple, le suivi en hébergement externe peut inclure la prise et l'administration de médicaments de substitution et nécessiter le suivi par une infirmière.

Ça fait qu'on ajoute «catégories de soins», mais ça permet de couvrir aussi l'évolution des soins et services qui tendent à être donnés dans le milieu de vie, parce qu'on la sent, cette tendance-là, les soins qui sont prodigués à domicile ou dans le milieu de vie des patients. Mais je pense que ces concepts-là, «unités de soins», «catégories de services», c'est important que je fasse les références que je viens de faire, et c'était déjà dans le régime actuel de maintien des services essentiels. Et «catégories de soins», ça vise à tenir compte de l'évolution dans la nature et dans la localisation des services qui sont rendus aux patients. Et ça, c'est un concept qui est nouveau, mais je pense que mes commentaires, bien, je veux essentiellement que ça aide à préciser ce qu'on a l'intention de faire.

Le délai... Je sais que vous avez fait référence aussi au délai pour permettre au TAT... le délai dont il dispose pour... Tu sais, actuellement, si, à l'expiration du 90 jours, il n'y a pas de décision rendue par le TAT, l'entente entre les parties ou la liste de services est réputée approuvée par le TAT. Et ce qu'on a prévu dans le projet de loi, c'est qu'il ait la possibilité, le tribunal, de bénéficier d'un délai supplémentaire de 30 jours pour la première ronde de négociation, parce que ça risque parfois d'être un peu plus... il faut s'adapter à une nouvelle réalité législative et le TAT bénéficiera de ce délai-là additionnel de 30 jours.

Donc, c'étaient des commentaires, là, que je sentais le besoin d'apporter, là, surtout sur les définitions de concepts. Outre ça, je pense que je vous ai bien entendus puis je salue, moi, à mon tour votre quête incessante pour un juste équilibre entre le maintien des services essentiels et l'exercice du droit de grève.

Mme Bédard (Nancy) : Je pense que je préciserais, M. le ministre, puis ce que je souhaite porter à votre attention, c'est qu'effectivement toute notion qui n'aurait pas de définition et qui ne serait pas claire, dans cette loi-là, va complexifier... Vous savez, le diable est dans les détails, je vais le dire comme ça, et, quand on arrive pour s'asseoir avec les employeurs et surtout... là, on va vraiment conférer à nos syndicats locaux et aux établissements le fait de s'entendre. Bien, tout flou qu'il pourrait y avoir à ce chapitre-là va complexifier les travaux, et, pour les professionnels en soins et dans notre contrat de travail, et partout, nous, quand on discute des paramètres et... les notions, c'est des notions de centres d'activité.

Alors, je comprends que vous avez vos définitions. Elles ne sont pas claires pour nous, elles ne sont pas bien précisées. Cependant, il faudrait potentiellement aussi songer à préciser pour nous la notion de centres d'activité. Elle serait extrêmement importante et faciliterait beaucoup les travaux, parce que c'est vraiment avec cette notion-là qu'on travaille actuellement au niveau de tous les établissements qu'on représente.

• (17 h 20) •

M. Boulet : Oui, c'est un bon point. En même temps... puis il y a des approches, hein, qui peuvent être différentes. Moi, j'ai toujours eu la conviction que quand on veut trop définir puis quand on veut éviter que le diable soit dans les détails, on essaie de donner plus de détails puis là on se perd. Et plus il y a de mots dans une définition, plus il y a des risques d'interprétation, des problèmes d'interprétation ou d'application et des ambivalences.

Ce qui m'apparaît vraiment crucial, c'est de donner un pouvoir d'appréciation au Tribunal administratif du travail. Je comprends, il y a des concepts comme «centre d'activité», «unité de soins», mais on parlait de services publics un peu plus tôt. Il y a des définitions qui, je pense, ça doit constituer des guides qui permettent au Tribunal administratif du travail de s'adapter et de s'assurer du maintien de l'équilibre ou de rechercher l'équilibre dont vous faites souvent référence.

En même temps, on ne sera pas fermés à ce qu'il y ait des précisions pour éviter des dérapages, là, comme service... la notion de service public, là, tu sais, il y en a qui sont venus faire des représentations un peu plus tôt puis qui disaient : On ne veut pas que ça s'applique à n'importe quelle entreprise privée. Tout le monde va lever la main puis va dire : Il faut limiter le droit de grève par le maintien des services essentiels en plaidant l'atteinte ou le risque pour la santé et sécurité publique. Oui, il faut définir pour mieux orienter les parties parce que les services essentiels, je suis d'accord avec vous, ça appartient vraiment aux parties. Il faut que les définitions servent de guide, comme je l'ai dit, au Tribunal administratif du travail, mais, en même temps, il ne faut pas que le corridor soit trop étroit parce que, là, ça va avoir l'effet pervers de susciter des ambivalences puis des contentieux entre les parties, là.

Mme Bédard (Nancy) : Alors, on vous soumet notre demande, puisque nous, pour nous, on souhaite qu'il n'y ait pas une grande file au TAT parce qu'on va avoir trop d'établissements qui n'auront pas d'entente finalement où on aura besoin du TAT, parce que, pour nous, ce qu'on vous soumet, c'est que c'est un flou qui est là actuellement et c'est un risque.

Alors, je comprends vos propos, je n'adhère pas tout à fait à tout ce que vous dites pour avoir une longue expérience sur avoir établi des services essentiels dans ma carrière syndicale. Et, si on vous nomme nommément cette précision-là, c'est parce que, pour nous, elle a une importance. Et je pense que l'idée, ce n'est pas de faire en sorte qu'il y ait le moins d'ententes possibles, au Québec, avec ce nouveau projet de loi là, mais c'est qu'il y en ait le plus possible, et que le TAT, à ce chapitre-là, n'ait pas à se pencher sur ces notions-là le moins possible.

Alors, c'est pour ça qu'on vous soumet bien humblement le fait que cette précision-là pourrait, dans l'ensemble des établissements, être favorable à des ententes.

M. Boulet : J'apprécie puis je vais essayer de trouver des exemples où il a pu y avoir des flous, parce que, dans la réalité, dans la vaste majorité des dossiers, les parties s'entendent sur les contours des services essentiels. C'est rare qu'on a à intervenir pour imposer ou pour modifier soit... bien, tu sais, pas l'entente, mais la liste des services essentiels soumise par la partie syndicale. Mais je vais essayer de me figurer, là, des exemples où, sur la catégorie de soins, par exemple, il aurait pu y avoir des ambivalences. Puis là où ça risque d'affecter négativement la santé, sécurité publique, on va sûrement être attentifs, là, de façon très sérieuse.

Encore une fois, merci beaucoup, hein, pour la qualité de vos représentations. Puis j'ai apprécié aussi que vous traitiez de questions qui ne sont pas périphériques, là, quand vous parlez de rareté de personnel, puis de qualité de soins, puis de temps supplémentaire obligatoire, puis des impacts que ça peut engendrer. Ça démontre que vous êtes une fédération qui est aussi présente pour les salariés que vous représentez. Alors, je ne peux que vous dire bravo.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est terminé? M. le ministre, c'est tout?

M. Boulet : Oui, c'est complet. Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons la parole à l'opposition officielle avec le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Mme Bédard, M. Bomba, Mme Hopkins et M. Prévost, bienvenue. Bienvenue puis merci d'être présents, mais aussi d'avoir préparé le mémoire. C'est toujours un travail assez ardu, donc ça, je n'en doute même pas. Donc, ce n'est pas nécessairement évident, surtout qu'il faut toujours consulter nos membres et puis voir, dans différents secteurs, comment ça fonctionne.

Vous avez... mais justement vous m'avez entendu dans mes questions, justement, dans des autres groupes, qui me préoccupent. Le ministre en a parlé aussi parce que c'est bien beau qu'on détermine... Vous savez, on le sait tous, vous avez... on a tout autant... on a pas mal d'expérience au niveau du travail, l'équilibre dans la négociation pour les droits de la grève et les droits des usages ou des gens qui reçoivent des soins, c'est toujours fragile, hein? C'est toujours mince, quelque... à des endroits, puis il faut faire attention.

Je sais que vos membres, parce que vous avez 76 000 professionnels, donc, eux autres aussi prennent ça à coeur, donc réalisent justement que... tu sais, je veux dire, oui, j'ai besoin... moi aussi, je veux avoir des conditions de travail meilleures, et puis on travaille dans ce sens-là, mais, de l'autre côté, ils sont bien conscients puis ils sont vraiment humains, dans le sens que oui, mais j'ai des patients puis je m'en occupe. Ça, je suis... On le voit, d'ailleurs. Donc, vous n'avez pas besoin de le démontrer, je pense que la population du Québec le voit facilement.

Mais je reviens encore... oui, puis je comprends que vous avez... comme le ministre l'a mentionné à la fin, vous n'avez pas tombé, vraiment, dans le discours comme quoi, au niveau... il manque d'emplois puis tout le kit. Mais moi, je reviens toujours dans la question que j'ai posée aux autres syndicats... O.K., on sait, on est en pénurie d'emplois, on sait tous ça. Moi, où ça m'inquiète, c'est que pour préserver, justement, les droits des travailleurs et préserver, justement, le bon service aux usagers... vous, au niveau de la FIQ, vous vous situez où là-dedans? Parce que vous ne devez pas être... vous devez faire de la gymnastique, sûrement, à quelque part, à un moment donné, là, tu sais. Donc, j'aurais aimé ça vous entendre là-dessus.

Mme Bédard (Nancy) : Si je comprends bien votre question, c'est, dans le cadre de l'application des services essentiels, où on se situerait.

Bien, ce qui est bien dans ce projet de loi là, c'est de référer, justement, au niveau local et, à chacun des établissements et des syndicats locaux, le fait de déterminer les services essentiels. Donc, au moment où ça arrive, dans chacun des établissements, avec le niveau de soin de chacun des centres d'activité, ça va permettre, justement, tout cet équilibre-là entre le droit de grève et entre la sécurité et le droit de soins que nos patients ont actuellement besoin au Québec.

Alors, pour nous, ça correspond au juste équilibre que... Bien, le législateur, si on veut, puis les enseignements de la cour... le fait de conférer à chacun des établissements au lieu d'avoir des paramètres qui sont unilatéraux au Québec. Alors, on y voit là, effectivement, un élément extrêmement positif au chapitre de vos interrogations, M. le député.

M. Rousselle : Vous savez, dans la recommandation 5, vous parlez de l'article 17, réduire de 90 jours à 60 jours. Voulez-vous nous en donner un petit peu plus là-dessus?

Mme Bédard (Nancy) : Catherine, je vais te laisser...

Mme Hopkins (Catherine) : Je n'ai pas compris la question.

M. Rousselle : C'est la recommandation 5.

Mme Hopkins (Catherine) : La recommandation 5, oui?

M. Rousselle : C'est que, là, vous amenez de 90 à 60 jours. Je comprends que vous dites, en espèce, la TAT dispose... 90 jours, peut statuer sur la suffisance des services. Avant, là... Je lis un petit peu votre texte, là. Donc, j'aimerais vous expliquiez, parce que j'ai bien beau lire le texte, mais j'aimerais ça que vous m'en disiez, m'en donniez plus, là, pour que je comprenne.

Mme Hopkins (Catherine) : Bien, écoutez, notre recommandation, effectivement, est de réduire les délais dans la mesure où, en faisant les vérifications, les délais qui sont prévus au code prévoient effectivement 90 jours pour le TAT, dans le fond, une fois qu'une liste ou une entente lui est soumise, qu'elle est présumée approuvée par le tribunal.

Nous, dans le fond, ce qu'on demande, c'est réduire ce délai-là afin qu'on soit statué assez rapidement, à savoir s'il y a une impasse par rapport à la liste ou à l'entente et également qu'on sache si cette liste ou cette entente-là est approuvée par le tribunal. Donc, c'est pour ça qu'on a demandé une réduction du délai afin qu'on soit statué plus rapidement, compte tenu que le droit de grève étant un droit assez névralgique. Puis il y a aussi une question de conjoncture lorsqu'on exerce ce droit-là. On préfère être statué plus rapidement sur la situation.

M. Rousselle : Je n'ai pas vu... Merci. Je n'ai pas vu, puisque j'ai... vous avez sûrement écouté la FTQ, CSN avant vous. Eux autres, ils parlent du sept jours, justement, pour déclarer une grève, et, si jamais, à un moment donné, ils changeaient de date, eux autres, ils ne trouvent pas ça normal qu'il y ait un autre sept jours qui s'ajoute pour changer la date. Vous, vous en dites quoi là-dedans? Parce que je ne l'ai pas vu, à moins que j'ai trop... je n'ai pas regardé assez rapidement.

Mme Hopkins (Catherine) : Écoutez, par rapport, effectivement, à la question du sept jours, pour nous, ça ne fait pas l'objet, nécessairement, d'une préoccupation. C'est pour ça qu'on ne l'aborde pas. En tant que tel, le code, tel qu'il est rédigé actuellement, ne nous pose pas problème à cet égard-là.

M. Rousselle : Je vais laisser ma collègue de Fabre...

La Présidente (Mme IsaBelle) : À vous la parole.

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste cinq minutes.

• (17 h 30) •

Mme Sauvé : Cinq minutes. Alors, je vous remercie et à mon tour de vous dire à quel point votre intervention, votre présentation a été d'une grande qualité... une préoccupation sur le terrain.

Moi, je veux... puis la qualité, évidemment, de votre mémoire. Je veux revenir un peu, tantôt, sur votre préoccupation de clarifier, bien sûr, jusqu'à un certain point, la définition des services essentiels. Il y a eu un dialogue. J'ai été attentive à la conversation entre le ministre et vous, et puis la volonté d'aller, jusqu'à un certain point, préciser certains éléments.

En même temps, quand je regarde dans votre mémoire, la recommandation 4, on prend... L'hypothèse, c'est qu'il y a possibilité, dans le fond, qu'il n'y ait pas d'entente entre les parties, et là vous définissez, dans le fond, vous amenez un élément nouveau, une disposition qui devrait être ajoutée pour tenir compte d'un exercice de pondération. Et là, là-dessus, moi, j'aurais besoin de clarifications. Ça peut ressembler à quoi, la pondération, la définition de l'exercice de pondération? Et j'ajouterais, à la définition que j'aimerais entendre, tout en tenant compte de la réalité de la pénurie, parce que cette pondération-là dans l'équilibre entre le droit de grève et le maintien des services essentiels, bien, s'il y a une réalité de pénurie, ça rend l'exercice de pondération beaucoup plus ardu et difficile, alors... Puis je sais que vous êtes très concrète et je sais que vous êtes très près du terrain, ça fait que j'ai le goût de vous entendre me préciser tout ça.

Mme Bédard (Nancy) : Bien, l'idée, là, c'est qu'on sent que le législateur, au niveau du projet de loi, a voulu s'assurer d'un équilibre, hein, entre, justement, la sécurité du public et le droit aux salariés à la grève.

Ce qu'on souhaite, dans cette précision-là, c'est juste un rappel au tribunal que, quand il aura à prendre une décision sur une impasse, bien, qu'il se rappelle que, dans ses obligations, il faut qu'il y ait toujours ça dans sa balance. Donc, cet exercice de pondération là, c'est juste venir clairement, dans un texte, lui rappeler ses obligations qui, en vertu de ce que le législateur a voulu lui faire... tu sais, s'assurer qu'il y a des écrits là-dessus.

Honnêtement, dans les dernières expériences que nous avons eues, quand il y a des litiges, bien, il y a des décisions qui nous apparaissent être assez unilatérales sur le fait que, quand il y a une mésentente, bien, on va y aller tout de suite sur c'est quoi les règles. Si c'était 90 % qu'on avait statué dans un établissement, bien, ça va être 90 % sans regarder plus précisément c'est quoi l'élément qui a soulevé ce litige-là. Donc, honnêtement, c'est seulement pour faire un rappel au tribunal en mettant un élément qui considère ça, que son obligation, c'est de toujours s'assurer maintenant qu'il y ait un équilibre, et c'est ce que le législateur a voulu.

Donc, tout simplement, peut-être que ce n'est pas clair, la façon dont un exercice de pondération... mais pour nous, en l'inscrivant comme ça, c'est vraiment un rappel au TAT qu'on voulait faire.

Mme Sauvé : Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste 1 min 50 s.

Mme Sauvé : Alors, je vais compléter. Merci pour votre réponse. S'il n'y a pas d'écrit... vous avez dit, s'il y a des écrits, s'il y a des situations, s'il y a jurisprudence, mais s'il n'y a pas d'écrit... Alors, est-ce que vous pouvez me décrire une situation où ça devient... où la pondération, là, il faut la définir, presque l'inventer parce que c'est une situation unique? Est-ce que vous... puis, dans le contexte de la pénurie, là, est-ce que...

Mme Bédard (Nancy) : Bien, si je me réfère à certaines expériences qu'on a, certainement, s'il y a un litige... alors si, comme partie, on établit que, dans un centre d'activité, il devrait y avoir 60 % de services essentiels, il y a une difficulté, il y a un litige à ce chapitre-là, bien, le TAT rapidement pourrait rendre et a fait ça régulièrement dans nos expériences, a toujours rendu, si on veut, sa décision qui était favorable aux employeurs, je vais le dire comme ça. Alors, ce que l'employeur disait... On n'a pas d'équilibre entre le droit... et ce que nous, on revendiquait, pour les salariés dans notre vision, et ce que l'employeur revisait. Souvent, c'est comme on a l'impression qu'il va au plus court, il va statuer qu'est-ce qui a été demandé, qu'est-ce qui est dit, et c'est ce qui va être donné.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 30 secondes.

Mme Bédard (Nancy) : Donc, pour favoriser, si on veut, ce juste équilibre-là, on souhaite lui rappeler qu'il doit toujours pondérer entre le droit de grève et la sécurité du public. C'est un rappel dans une ligne qui, pour nous, aurait une portée extrêmement importante.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour l'échange. Nous cédons la parole maintenant au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci. Bienvenue. Content d'être ici avec vous. Merci pour votre mémoire très intéressant. Ça va nous être très utile pour l'étude détaillée qui suivra dans quelques jours, j'imagine. On va être convoqués très rapidement. Connaissant M. le ministre, il va se dépêcher à nous convoquer.

J'aimerais vous entendre sur votre recommandation n° 1, qui peut sembler un peu technique, mais je veux être bien sûr de la comprendre. Vous voulez changer les termes «unités de soins» par «centres d'activité»? Qu'est-ce que ça implique?

Mme Bédard (Nancy) : O.K. C'est un peu ce que j'expliquais d'entrée de jeu au ministre tout à l'heure. Donc, c'est juste parce qu'actuellement il n'y a aucune définition, ni dans la loi, de ce qui est proposé actuellement dans le projet de loi. Et dans nos conventions collectives, dans nos contrats de travail et dans toutes les discussions qu'on a, nous, dans les établissements de soins, c'est toujours la notion de centre d'activité, pour éviter...

M. Leduc : C'est un élément de langage, dans le fond.

Mme Bédard (Nancy) : Exactement. Et, pour éviter tout flou, pour éviter des mésententes, bien, ce qu'on souhaite, c'est que cette notion-là soit plus précise, parce que c'est cette notion-là qui correspond à notre réalité.

M. Leduc : Parfait. Des centrales syndicales qui vous ont précédé étaient un peu inquiètes par rapport à l'éventuel élargissement de l'applicabilité de la loi. Est-ce que c'est une inquiétude qui concerne un peu vos membres ou est-ce que, dans le créneau où vous êtes, c'est déjà très pointu et qu'il n'y a pas tellement beaucoup de membres qui pourraient être assujettis, en dehors du secteur de la santé et des services sociaux, à la FIQ?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, nous, on a salué le fait que les services... au niveau des services publics aussi, là, le législateur avait statué et déterminé qu'au niveau du Tribunal administratif, il y avait effectivement maintenant tout le pouvoir de pouvoir déterminer. Alors, pour nous, on a plutôt salué l'ensemble du projet de loi actuel qui nous est proposé.

M. Leduc : Parfait. Et sinon...

Une voix : ...

M. Leduc : Pardon? O.K. Le temps coule.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...restait une minute.

M. Leduc : Parfait. On a invoqué aussi la question de l'effet miroir sur les lock-outs, que, vu que ce n'est pas mentionné dans la loi, il y en a qui s'inquiètent qu'en cas de lock-out, l'invocation des services essentiels, toute la notion du danger pour la santé et sécurité du public n'aurait pas d'effet. Est-ce que c'est une préoccupation qui vous a animé aussi?

Mme Bédard (Nancy) : Catherine.

Mme Hopkins (Catherine) : Bien, écoutez, c'est sûr que ça pose la question que, dans le cas d'un lock-out, effectivement, qu'est-ce qui va advenir des services essentiels. Je dirais que c'est une préoccupation, mais on ne l'a pas nécessairement adressée, parce qu'on peut s'attendre à ce que, dans les services dans lesquels on représente nos membres, ça serait relativement étonnant qu'on se retrouve dans une situation de lock-out.

M. Leduc : Ce n'est pas arrivé de mémoire, hein, dans l'histoire?

Mme Hopkins (Catherine) : Ce n'est pas arrivé, de mémoire. Évidemment, c'est sûr qu'on se retrouve aussi dans... On représente également les membres dans des plus petits établissements, les privés. Peut-être que cette situation-là pourrait s'y produire, mais évidemment, on va se retrouver un peu comme dans ce contexte-là face à une situation nouvelle, ceci dit, mais les services essentiels, quant à nous, devraient trouver application également.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, Mme Bédard, Mme Hopkins, M. Bomba et M. Prévost, de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Merci pour votre contribution aux travaux. Très apprécié.

Nous allons donc suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

(Reprise à 19 h 32)

La Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle qui ont un appareil de bien le mettre en mode éteint ou vibration.

Alors, nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic.

Nous accueillons ce soir la Fédération des médecins résidents du Québec. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes et je vais vous demander de vous présenter avant de commencer votre exposé. C'est bien?

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Campagna (Christian) : Donc, merci, Mme la Présidente. Je me présente, moi, je suis le Dr Christian Campagna. Je suis un médecin résident et président de la belle Fédération des médecins résidents. Je suis accompagné ce soir de la Dre Valérie Massey, qui est secrétaire du conseil d'administration de la fédération, et, à ma droite, on a Me Patrice Savignac Dufour, qui est notre directeur général, et puis Mme Marie-Anik Laplante, là, juste à ses côtés, qui est notre coordonnatrice aux affaires syndicales de la fédération. Merci aussi aux membres de la commission de nous recevoir puis de nous donner l'occasion de donner notre point de vue sur le projet de loi n° 33.

Sans plus tarder, on sait que la journée a été longue pour vous tous, donc j'enchaîne. La fédération, c'est quoi? C'est une fierté pour nous. C'est 3 600 membres, 3 600 membres qui se répartissent, environ 25 % en médecine familiale, 75 % dans les autres spécialités médicales. Pour les 25 % en médecine familiale, c'est une formation qui suit l'obtention d'un doctorat en médecine, qui s'échelonne sur deux ans. Certains d'entre eux vont poursuivre vers une troisième année, qui est une minorité, par exemple, en urgence. Pour les autres spécialités, le 75 %, c'est des formations qui vont de quatre à sept ans, et puis de leur côté, eux, ils ont 59 spécialités, finalement, qui peuvent prendre part.

Des médecins résidents, ça fait quoi? Eh bien, vous en avez peut-être rencontré vous-même, mais il y en a dans tous les milieux. Il n'y en a pas juste dans les milieux universitaires. Il y en a dans plus de 48 UMF et un peu plus, même, au Québec, dans toutes les régions qui sont bien représentées. Donc, il y a des résidents vraiment partout. Des résidents, bien, on offre beaucoup de services à la population, on est présents. Il y a plus de 72 heures par semaine, là, qui sont faites par les résidents, en moyenne, puis cette moyenne-là, elle est calculée puis elle est toujours la même depuis au moins les 10 dernières années.

Donc, on participe aux diagnostics, on participe aux traitements. On est là pour faire des chirurgies, on participe aux accouchements. Bien sûr, notre niveau d'autonomie varie du début de la résidence à la fin, où, le but, c'est d'être vraiment autonomes puis d'avoir la pratique, justement, la plus sécuritaire possible puis accréditée par tout le monde. Donc, des médecins nous supervisent. Des fois, c'est d'autres résidents plus séniors qui nous supervisent, mais, au final, on est souvent aussi très autonomes dans cette pratique-là.

Donc, sans plus tarder, pour vous exposer les points un peu plus techniques du projet de loi, bien, je passe la parole à Me Savignac Dufour sur ces sujets-là.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, merci. Bien, effectivement, comme l'expliquait Dr Campagna, si l'organisation du travail dans le secteur de la santé est souvent complexe, dans le cas des médecins résidents, c'est vraiment beaucoup de choses particulières. Alors là, vous avez des postdoctorants en médecine qui pratiquent la médecine, si on veut, avec le statut de médecin résident dans pas mal tous les hôpitaux du Québec et beaucoup dans les centres universitaires, mais pas mal en périphérie, dans une cinquantaine d'unités de médecine de famille partout au Québec, et avec une situation un peu particulière qui a des impacts sur l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 33, c'est-à-dire que le travail des médecins résidents, grosso modo, est réparti, dans une année, sur 13 périodes de 28 jours.

Et ils ont un établissement employeur attitré à chaque année, mais, dans les faits, vont travailler dans une multiplicité d'installations ou d'établissements de santé, la logique étant que, comme ils ont deux chapeaux, celui de post-doctorant affilié à une faculté de médecine. L'université les déploie, les médecins résidents, dans les différentes installations et établissements de santé du Québec, mais à chaque année, règle générale, c'est en fonction de l'endroit où ils vont faire la majorité de leur stage. Ils vont être associés, au sens du Code du travail puis du sujet qui nous intéresse aujourd'hui, à un établissement employeur, sauf que leur employeur, l'établissement de santé sur lequel ils sont sur, en bon français, le «payroll», donc, va parfois ne pas les voir de l'année parce qu'ils vont être dans d'autres établissements ailleurs en province en fonction des grilles de stage déterminées par les milieux universitaires.

Donc, ça a des impacts assez majeurs sur l'organisation du travail quand on parle, par exemple, de l'organisation des services essentiels. C'est ce pour quoi, là, dans le mémoire qu'on vous a fait parvenir à la dernière minute... il y en a sûrement d'autres qui n'ont même pas eu le temps encore d'en prendre connaissance, puis on s'en excuse, mais on explique que la question d'organisation par unités de soins, par catégories de services, dans le cas des médecins résidents, ça appelle, je dirais, une prise en compte de la situation particulière, qu'on réussit à faire, à chaque négociation, dans nos ententes avec les milieux qui connaissent bien les résidents. Mais, dans le fond, les médecins résidents sont regroupés par spécialité. Dr Campagna est en gériatrie, Dre Massé, immunologie, c'est ça. Bon, on a des gens en radiologie et diagnostic, des gens en médecine de famille, et c'est, règle générale, au niveau... par spécialité qu'on va organiser et analyser, quand les parties négociantes négocient les listes de services essentiels, le déploiement des services des médecins résidents.

Donc, c'est pour ça que c'est un des points principaux qu'on vous soumet dans notre mémoire, que, par exemple, quand, à l'article 111.10.1... puis, pour l'ensemble des groupes, là, tu sais, on ne veut pas qu'un cas soit amendé pour un cas très, très, très particulier, mais on veut juste que ça soit pris en compte, que la question de déploiement des services par unités de soins, catégories de soins ou de services, on pense que, dans notre cas à nous... puis on a un cas historique qu'on vous rappelle dans le mémoire, où, par exemple, pour organiser les soins, les établissements qui sont habitués de fonctionner avec des médecins résidents... et nous avions convenu de listes de services essentiels qui faisaient que, par exemple, les résidents pouvaient faire la grève une journée sur 10 pour respecter l'esprit du 90 % qui prévalait avant l'invalidation, là, par la décision Flageole.

Et on a mis les extraits dans le mémoire, vous pourrez les lire, le tribunal nous dit, bon... a entendu et l'employeur et la partie syndicale représentée par le FMRQ en disant : Bien, vous nous avez fait la preuve et on est d'accord avec vous que c'est la meilleure façon d'établir les services essentiels. Malheureusement, la loi nous empêche de consentir à votre entente. Et l'entente a été rejetée.

Alors, on a les extraits dans notre mémoire, ce qui nous fait dire que les dispositions qui existaient dans le cas des médecins résidents n'étaient pas uniquement illégales, comme la décision Flageole l'a décidé, mais étaient même inefficaces et tout simplement inadaptées. Donc, notre crainte, c'est que... Et on est, ceci dit, très, très, très heureux de la facture générale du projet de loi n° 33. Dans le fond, nous, on trouve que c'est un excellent projet de loi, qui rencontre l'essentiel des prescriptions, si je peux dire, du tribunal du travail dans la décision Flageole sur la question, là, de la protection d'un vrai, puis ça, on pourra y revenir, d'un vrai droit de grève, l'exercice d'un vrai droit de grève. Mais, dans notre cas, on pense que la question de la façon qu'on peut organiser, par unité de services ou par unités de soins, on peut difficilement rendre compte de la réalité des médecins résidents.

C'est pour ça qu'on vous soumet que peut-être qu'il y aurait lieu de mettre une... On vous fait une proposition très humblement dans notre document, mais une façon de prévoir que le tribunal pourrait décider, dans certains cas, que c'est peut-être d'une autre façon que c'est mieux d'organiser les services essentiels dans un cas particulier. Je ne sais pas si ça s'appliquerait à d'autres groupes que nous. Honnêtement, on n'a pas fait cet exercice-là, mais c'est sûr que, dans notre cas à nous, souvent, on convenait avec les établissements de termes qui ne donnaient pas l'impression que ça contrevenait à la loi, mais tout le monde s'entendait que, dans les faits, on le ferait différemment. Mais l'entente prenait des termes pour qu'elle passe au Conseil des services essentiels, tu sais. C'est comme ça que ça se faisait. Alors, je pense que l'idéal, ça serait qu'on puisse donner encore plus de flexibilité au tribunal pour fixer la meilleure façon de répartir les services essentiels dans des cas atypiques comme le nôtre.

• (19 h 40) •

Alors, ça, c'était une des choses qu'on voulait vous soumettre. Et donc, au niveau plus... on l'a soumis aussi, au niveau plus philosophique, je pourrais dire, une des préoccupations que nous avions, c'est qu'on pense que le niveau requis de services essentiels normalement devrait varier en fonction devant quelle situation on est au niveau, par exemple, de l'exercice des moyens de pression. Je pense que tout le monde pourrait convenir que le niveau requis de services essentiels pour une grève d'une journée n'est peut-être pas le même que si on est vis-à-vis une grève générale illimitée.

Maintenant, on n'a pas de solution miracle à proposer ici à la commission. C'est une situation qui n'est absolument pas simple. On est très bien capables de vivre avec le projet de loi tel qu'il a été libellé. Je sais que 111.16, par exemple, va pouvoir permettre au tribunal de revoir, en cours de route, ses ordonnances. Alors, ça, ça pourrait être une façon.

Mais on soumettait quand même au bénéfice des membres de la commission que... est-ce que les décideurs, s'il n'y a pas entente entre les parties, vont d'emblée définir le niveau requis de services essentiels en fonction du pire des cas, par exemple, une grève générale illimitée, ou auraient une approche plus libérale d'emblée, en se disant : Peut-être que le niveau requis de services essentiels est plus bas, et quitte à revenir et à donner une autre ordonnance plus tard, si on est parti avec, par exemple, des grèves perlées et qu'on se retrouve en grève générale illimitée?

Évidemment, ce n'est pas évident à appliquer, parce qu'il n'y a aucune organisation syndicale qui sait d'avance ou qui va décider d'avance comment ils vont déployer leurs moyens de pression, s'ils doivent aller jusqu'à la grève. Mais on se disait qu'il y a peut-être quelque chose sur lequel il y aurait lieu de réfléchir sur... dans l'évolution d'un conflit. Est-ce que ça serait possible de prévoir d'avance des niveaux requis de services essentiels en fonction de la situation à laquelle on fait face, tu sais, des grèves perlées d'une journée versus une grève générale illimitée qui... à notre avis, c'est clair qu'il y a des services qui ne seraient pas essentiels dans une grève d'une journée, qui pourraient le devenir si la grève était rendue à un mois de façon continue. Ce n'est pas simple. Honnêtement, on n'a pas de solution claire, je pourrais dire législative, à vous proposer là-dessus, mais c'est quelque chose qu'on voulait apporter, une préoccupation qu'on voulait apporter à l'attention de la commission.

Sinon, il y a d'autres éléments plus techniques dans notre mémoire, là, qui ne nécessitent pas nécessairement une présentement au niveau verbal, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. C'est tout? Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc la période d'échange. Alors, M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci pour la présentation de votre mémoire, qui est bien structuré. Je comprends que, sur le fond, vous êtes bien sûr confortable avec les principaux éléments du projet de loi n° 33. Juste quelques points, là, puis au lieu de les faire tous en même temps, je vais peut-être les soulever un à un.

Quand vous référez à... plus de flexibilité, par ailleurs, est nécessaire à 111.10.1, c'est là que vous référez plus particulièrement à la répartition, hein, des services? Êtes-vous à l'aise avec les concepts d'unité de soins puis catégorie de services?

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, c'est là que... ce qu'on aurait aimé, c'est quelque chose, là... ce qu'on suggérait humblement, c'est de dire, tu sais, que ça puisse être réparti par unités de soins, catégories de services... de soins ou de services ou autrement si le tribunal serait d'avis qu'une répartition différente serait mieux adaptée à des particularités d'un groupe. Nous, on pense que, là, ça donnerait une complète flexibilité au tribunal pour des cas particuliers comme les nôtres, où nos résidents ne sont pas répartis par unités de soins ou unités de services.

Mais est-ce que ça, ça pourrait amener d'autres difficultés que, nous-mêmes, on n'a pas vues dans le déploiement pour d'autres groupes? Mais on pensait qu'humblement, de prévoir, dans le cas où le tribunal jugerait qu'il y a un cas vraiment particulier, que la flexibilité puisse être dans le texte de loi.

M. Boulet : O.K. Essayez de me donner des exemples, parce que je vais essayer de définir l'unité de soins, puis la catégorie de services, puis... Donnez-moi des exemples de ce qui pourrait aller au-delà de ça, qui pourraient peut-être nous inciter à ajouter, par exemple, la catégorie de services essentiels, là, si le tribunal le juge opportun.

Mais je dirais que l'unité de soins réfère aux soins dispensés en établissement, notamment les soins intensifs, les unités de gériatrie, les soins prolongés et les soins palliatifs. Puis la catégorie de services, les éléments qui sont à l'extérieur des soins directs au patient, mais qui pourraient potentiellement mettre en danger la santé ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus, là, c'est les services autour du coeur des activités de l'établissement. C'est l'entretien ménager, les services alimentaires, transport des patients, brancarderie, buanderie et autres.

Puis on ajoute quand même, dans le projet de loi une autre notion qui est la catégorie de soins, et ça, c'est pour couvrir tous les soins qui ne sont pas dispensés dans les unités de soins que l'on retrouve en établissement. Et là, ça réfère plus aux soins infirmiers, aux soins prodigués à domicile, notamment les soins palliatifs, les soins prodigués dans le cadre de services ambulatoires en clinique externe, puis tout ce qui est prodigué dans le cadre d'un programme, notamment, de désintoxication : hébergement externe, administration de médicaments, nécessité de suivi.

Je pense que le Tribunal administratif du travail n'est pas trop contraint. Je pense qu'il peut tenir compte de tout. Il ne faut pas oublier que primairement, ce qui compte, c'est l'entente qui est faite entre les parties, entre l'association accréditée puis l'établissement. On prend toujours pour acquis que c'est les parties qui ont la meilleure connaissance, du moins, la plus approfondie de leur environnement de travail, et qui sont en mesure de définir les tenants et aboutissants de ce qu'est un service essentiel.

Ça fait que, je ne sais pas, peut-être me donner un exemple qui va au-delà de ça puis qui réfère spécifiquement à la répartition. Parce que je vois que vous l'avez souligné à la page 6 de votre mémoire, vous dites : «ou autrement, si le tribunal est d'avis qu'une autre répartition de services essentiels serait mieux adaptée»... puis, en fait, je ne comprends pas trop, trop ce que ça veut dire.

M. Campagna (Christian) : Je pense que, pour intervenir là-dessus, il faut avoir les deux situations qui viennent ensemble.

La première situation, c'est que nos horaires ont tellement de flexibilité à l'intérieur qu'on va être apportés, justement, à travailler sur différents types d'unités une même journée puis souvent sur des unités différentes au cours de semaines qui s'entresuivent mais qui ne sont pas sur les mêmes unités, par exemple les consultations à l'urgence, puis, en même temps, tu vas gérer l'unité de l'étage. Puis certains résidents en médecine de famille vont faire de la clinique externe puis, l'après-midi, se retrouvent en soins à domicile, donc vont carrément être dans deux types de catégories d'emplois différents, dans deux milieux différents. Ça, c'est une chose.

On peut se dire : Oui, ils sont toujours dans une unité ou dans une catégorie spécifique. Cependant, quand on commence à vouloir faire des nombres puis à mettre ces gens-là ensemble pour pouvoir dire : Bien, comment on fait pour organiser les services essentiels pour sept unités ou sept catégories... puisqu'une semaine, on peut avoir trois médecins résidents qui sont en formation puis, le mois d'ensuite, on se retrouve avec zéro, par exemple, puis que c'était juste la répartition de stage, usuelle, qui a été faite pour ce milieu-là. Ça rajoute une complexité que, si on y va fragmentaire, par unités et catégories, on risque de se retrouver avec une gestion qui est excessivement difficile pour faire respecter, peu importe le chiffre qu'on va mettre sur la table, alors que, si on dit : Tous les résidents d'un tel établissement, qui sont dans tel type de résident, par exemple, ceux en médecine de famille, peu importe leur unité ou leur catégorie, ont un chiffre fixe, à ce moment-là, ça va rendre les choses beaucoup plus faciles à être administrées.

Ça, c'est un exemple que je peux donner de notre part. Je ne sais pas si, Patrice, tu as d'autres choses, mais moi, c'est comme ça que je le vois. Ça serait difficile de pouvoir spotter où tout le monde est en tout temps.

M. Boulet : ...les docteurs que les syndicats crieraient fort en disant : Vous limitez encore plus l'exercice de notre droit de grève, parce que, le médecin résident, qui va d'une unité à une autre, le tribunal est en mesure d'évaluer c'est quoi, le niveau des services essentiels à maintenir par unité. Donc, même si le médecin résident va d'une unité à l'autre, on ne pourrait pas dire : Toi... Les services essentiels sont déterminés en fonction des services, entre guillemets, pas en fonction des individus. Tu sais, le médecin résident peut faire une rotation de différentes unités de soins, mais ce n'est pas lui qui est requis de maintenir les services essentiels. C'est les services qui doivent être évalués puis mesurés par unité de soins puis par catégorie de services.

Ça fait que c'est les commentaires que je voulais vous partager... Quand vous dites : Un niveau de services essentiels évolutif selon la durée de... puis, encore une fois, je reviens au point antérieur. C'est des choses qu'on va avoir à évaluer. On va discuter. La commission parlementaire va se poursuivre après les consultations que nous faisons. On va discuter article par article puis, si jamais il y a des embûches, on verra à faire des discussions puis à apporter les correctifs qui s'imposent.

Niveau de services essentiels évolutif selon la durée de grève, ça, ça peut aussi être prévu dans une entente, puis normalement, les parties vont le discuter. Si la durée de la grève est un élément à considérer, je pense que je ne suis pas en désaccord avec ça, quand vous mentionniez : Les services essentiels peuvent être à un niveau x, si c'est une grève d'une journée, peuvent évoluer et être à un niveau y, si c'est une grève à durée illimitée, mais ça appartient aux parties. Puis, s'il n'y a pas d'entente entre les parties, on sait que la liste est produite par le syndicat, par l'association accréditée qui tient compte, évidemment, de cette durée-là. À défaut, il va y avoir des représentations qui vont devoir être faites par les parties au TAT, là. Est-ce que vous comprenez ce point-là? Oui?

• (19 h 50) •

M. Savignac Dufour (Patrice) : Oui, bien, c'est une piste intéressante, là, si les parties peuvent le prévoir, là. Notre seule préoccupation, c'est qu'il n'arrive pas ce qui nous est arrivé, nous, dans l'histoire, qu'on s'entend entre les parties, puis le tribunal nous dit bêtement après : Ah! bien, écoutez, le législateur ne m'a pas donné cette liberté d'accepter votre liste. Mais ce qu'on entend de ce que vous dites, là, moi, ça me satisfait, si les parties peuvent le prévoir d'avance et que ça puisse être entériné par le tribunal.

M. Boulet : D'ailleurs, le sens profond de notre projet de loi, c'est de se débarrasser, entre guillemets, des seuils minimums. Là, on redonne la responsabilité aux parties, clairement, d'établir le seuil des services essentiels et au Tribunal administratif du travail d'intervenir en cas d'insuffisance. On le voit à 111.16, notamment, que le tribunal peut intervenir. Puis, même si les parties ont convenu, même si les parties n'ont pas convenu puis le syndicat a produit une liste, si on est capable de faire une preuve de l'insuffisance des services, le Tribunal administratif pourrait intervenir.

Dernier point, le sens du pouvoir du tribunal d'ordonner de son propre chef. Est-ce que vous vous questionnez sur le sens de cette possibilité-là qu'a le tribunal?

M. Savignac Dufour (Patrice) : Non, ce n'est pas le sens qu'il puisse le faire de son propre chef et se saisir du dossier. L'inquiétude qu'on avait, qui est d'ordre plus de libellé juridique, c'est que dans un cas... On donne les deux exemples, là. À 111.17, par exemple, on prévoit explicitement que le tribunal peut se saisir du dossier mais après que les parties aient présenté leurs observations. Et la notion du droit d'être entendu, là, que l'ordonnance peut venir après les observations des parties n'est pas à 111.0.17. C'est juste ça qu'on soulevait, c'est d'ordre technique.

Normalement, évidemment, un tribunal rend une décision après que les parties se sont fait entendre, là. Mais on se disait : Est-ce que ça peut être interprété qu'à 111.0.17 le tribunal pourrait ne pas entendre les parties puis rendre son ordonnance, alors qu'à 111.17 c'est explicitement prévu que c'est après avoir entendu les parties? C'est la seule chose qu'on soulevait, qui est d'ordre plus technique, là.

M. Boulet : O.K. Juste une nuance qui est quand même importante. À 111.0.17, le tribunal entend les parties, permet les observations, mais là on est dans la phase avant la grève, avant l'exercice du droit de grève, alors qu'à 111.17 c'est après la grève, après que la grève ait débuté. Et on ne souhaitait pas qu'il y ait une deuxième fois possibilité d'observation. Les observations ont déjà été présentées au TAT, et, comme on est en danger de matière où on doit agir rapidement, c'est-à-dire les services essentiels, et qu'on ne voulait pas qu'il y ait de préjudice additionnel, là, à ce stade-là, il n'y a pas de nouveau la possibilité pour les parties de présenter des observations au TAT.

M. Savignac Dufour (Patrice) : ...vous confirmez notre crainte parce que, dans le fond... Je comprends très bien, puis, comme procureur, j'ai plaidé des injonctions dans ma vie, puis des fois les juges, ils nous disaient : Là, tu as 15 minutes, puis, dans 15 minutes, moi, je rends mon ordonnance puis elle va être appliquée. Ça, je comprends que ça peut exister.

Mais dans... Je pense que, puisqu'on parlait tout à l'heure de l'évolution d'une situation, si le tribunal prend la peine de réouvrir une entente qui avait été déjà convenue, c'est parce que la situation a changé. On présume qu'il devrait minimalement avoir un minimum de preuves sur qu'est-ce... à quel point la situation a changé avant de rendre une nouvelle ordonnance. Donc, je pense que...

Puis ça se gère, là. Je veux dire, un tribunal qui gère... qui agit en urgence, il convoque les parties : Dans une heure, il faut que vous soyez ici, on veut vous entendre, on vous donne 20 minutes puis on rend notre décision, je pense que ça se fait. Ça ne nécessite pas trois jours d'audience quand on est en situation d'urgence. Je pense que le droit d'être entendu, pardon, par les parties devrait prévaloir dans tous les cas.

M. Boulet : Je comprends, puis je le sais, même en matière d'injonction interlocutoire provisoire, il peut y avoir des représentations, puis après ça, quand on quitte le provisoire, qui dure 10 jours, et qu'on est au stade de l'interlocutoire ou de l'injonction permanente, il y a possibilité de faire des observations. Je vais revoir le libellé, puis si... Le tribunal pourrait, selon moi, demander aux parties de soumettre des nouvelles observations, parce que, là, la grève est déjà commencée, comme on le mentionnait, puis ça aurait pu évoluer de façon à justifier ou à rendre pertinentes des nouvelles observations.

Dans mon esprit, ça pouvait se faire, mais ce n'était pas un automatisme. Puis l'automatisme, c'est là que ça peut préjudicier les parties, mais je vais revoir le libellé. Je comprends le sens de votre intervention. Moi, ça complétait, Mme la Présidente, les remarques. Merci beaucoup de vous être déplacés et de vous être présentés en commission parlementaire.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, la parole est au député de Vimont, du groupe d'opposition officielle.

M. Rousselle : Merci. Bienvenue, M. Campagna, M. Savignac Dufour, Mme Laplante et Mme Massey. Merci d'être ici. Merci d'avoir préparé le mémoire. Je veux dire, c'est toujours un travail pas nécessairement facile. Surtout, il vous faut consulter vos membres en plus, puis... Bon, je sais bien, vous êtes... M. Campagna, vous êtes médecin, vous n'êtes pas nécessairement un avocat, mais je pense que vous êtes bien accompagné. Donc, c'est parfait comme ça.

Écoutez, je regarde ça, vous avez 3 600 membres puis vous avez mentionné tantôt que vous êtes répartis vraiment partout, dans les GMF. Est-ce que vous êtes aussi à l'intérieur des CHSLD? Est-ce que vous couvrez vraiment...

M. Campagna (Christian) : En fait, on est appelés à couvrir toutes sortes de situations. Donc, moi-même, comme résident en gériatrie, je suis amené à faire certaines rotations qui m'amènent à voir des patients en CHSLD. Bien entendu, cette catégorie de patients là est principalement vue par des résidents en médecine familiale, où eux ont vraiment des rotations plus intensives dans ces milieux-là. Mais moi, comme gériatre, je suis peut-être celui des spécialités médicales qui est le plus amené, justement, à faire des consultations de différents types dans les établissements de longue durée.

M. Rousselle : Donc, quand on parle de services essentiels, donc là on prend vraiment ce secteur-là, parce que j'ai bien compris, là, il faut... tout dépendant où on va, parce que les besoins, effectivement, changent. Puis j'ai bien compris aussi que ça change parce que, dû au fait que vous avez une rotation, donc ça change d'une manière régulière. Donc, ça, j'ai compris ça. Mais quelqu'un qui est assigné, un exemple, dans un CHSLD, à ce moment-là, au niveau services essentiels, dû au fait que le médecin de médecine familiale est là, est-ce que l'importance est moins grande ou... vous la voyez comment, vous?

M. Campagna (Christian) : Je pense qu'il est un peu précipité, à ce moment-ci, d'être capable de vraiment établir qu'est-ce qui sera effectivement un service essentiel dans chaque situation. Nous, ce qu'on reconnaît d'emblée, c'est que l'urgence et les soins intensifs sont des services essentiels qui ont été reconnus comme devant être couverts selon la capacité maximale disponible au moment où les résidents effectuent leurs stages. Pour toutes les autres disciplines puis Me Savignac, gênez-vous pas à rajouter là-dessus, je pense qu'il va falloir se pencher sur la question le temps venu, là, qu'est-ce qui est vraiment considéré comme un service essentiel.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Mais votre question illustre bien une situation particulière des résidents, c'est qu'il n'y a aucun médecin résident dont l'employeur, ce serait un CHSLD. Donc, ils sont vraiment déployés dans les CHSLD, mais ils sont à l'emploi d'une autre installation ou établissement, là, mais ils sont essentiellement dans une autre installation ou établissement. Donc, effectivement, quand on convient des listes de services essentiels, ça va être avec les établissements employeurs, au sens des médecins résidents, et il n'y a pas, corrige-moi, Marie-Anik, il n'y a pas de CHSLD dans ce cas-là, mais ce n'est pas dit que les parties ne pourraient pas par ailleurs tenir compte de ce que vous soulevez, là.

M. Rousselle : Je vous pose des questions, parce que tantôt, justement, on va y aller article par article, puis je veux comprendre aussi la complexité que vous autres, vous vivez, là, tu sais. Donc, je m'en vais aussi en région, je m'en vais en région, des hôpitaux... dites-moi, un résident chez vous, est-ce que, des fois, il devient comme le patron de la place? Est-ce que c'est lui qui est le boss? Parce qu'on le sait tous, un résident, bien souvent, est accompagné, comme vous l'avez mentionné tantôt, tout dépendant où il est rendu dans ses années d'études. Est-ce que ça se peut qu'un résident soit rendu le patron parce qu'il n'y a pas d'autre médecin dans la place?

M. Campagna (Christian) : Le médecin en exercice demeure la personne morale responsable de tous les actes médicaux qui sont posés par les résidents, peu importe le niveau de résidence, qu'on soit un résident R1 ou R7 aux soins intensifs, la responsabilité légale revient au médecin en exercice. Moi, j'ai étudié à l'Université de Sherbrooke. Mon exemple est que, quand on est en milieu plus universitaire, bien, effectivement, il y a plus de supervision. Donc, les gens vont dire : On va en région, on a l'impression d'avoir plus d'autonomie, on a l'impression que, plus vite, ils nous donnent plus de tâches à faire, puis justement on a cette impression-là. Cependant, le travail ne repose jamais essentiellement sur le résident à 100 % et le médecin en exercice en est bien conscient.

Donc, oui, il y a une particularité que les apprentissages ou les tâches peuvent être différentes concernant un milieu très universitaire comparativement à un milieu en région. Mais à qui on fait rapport, de qui nous sommes responsables, et nos tâches pour le patient, puis l'encadrement qu'on doit offrir aux patients est le même.

M. Rousselle : J'imagine, en région, ça doit souvent se faire par téléphone ou de cette manière-là.

• (20 heures) •

M. Campagna (Christian) : Puis en milieu universitaire, souvent, aussi, la révision va se faire par téléphone. Donc, la supervision directe diminue avec les grades de résidence. Parfois, on va même réviser, avec un résident plus sénior de la même discipline que nous, qui est rendu plus loin, mais la révision par téléphone n'est pas une particularité régionale. C'est vraiment, là, quelque chose qui va arriver fréquemment dans tous les établissements et installations du Québec.

Mme Massey (Valérie) : Si je peux ajouter quelques mots...

M. Rousselle : Allez-y.

Mme Massey (Valérie) : ...bien, la plupart... à l'urgence, les médecins résidents sont souvent supervisés plus directement. Souvent il y a un médecin superviseur sur place dans les urgences, mais dès qu'on sort de cette situation-là, que ce soit sur les étages ou même aux soins intensifs, dans des hôpitaux tertiaires, là, comme le CHUM, comme McGill, souvent, ça va être des résidents qui sont en charge des patients, qui vont les prendre en charge si leur état se dégrade ou se détériore, puis ça va être des supervisions téléphoniques, là. Alors, les médecins résidents sont vraiment autonomes, et actifs, et essentiels aux soins des patients la nuit.

M. Rousselle : Bien, merci de l'information, parce que comme... je sais que le ministre l'a mentionné qu'il était pour regarder le libellé pour voir peut-être que... tu sais, je veux dire, on essaie... tu sais, une règle générale, des fois, ça ne se fait pas. Tu sais, des fois, il faut y aller différemment, tout dépendant le milieu que vous couvrez.

Il me vient une autre idée. Vous, est-ce que vous couvrez aussi tout ce qui est radiographie? Parce que je sais... puis là c'est vous qui êtes médecin, moi, bien souvent, c'est moi le patient. La radiographie, bien souvent, c'est l'entrée à l'hôpital. Bien souvent, les médecins vont envoyer le monde dans une période où on cherche justement à avoir des... protéger, justement, le service aux patients. Vous en pensez quoi au niveau des règles qu'on est en train de regarder?

M. Campagna (Christian) : Encore une fois, par tout respect, loin de moi de vouloir sectorioriser chaque intervention que nous faisons, mais, par exemple, si vous voulez l'exemple de la radiologie diagnostique, effectivement, il y a des résidents qui sont de garde, hein, puis qui vont lire les différentes radiographies, puis, dépendamment des stages qu'ils ont faits et des expositions qu'ils ont eues, ils vont avoir un certain degré d'autonomie sur à dire : J'ai fait tous mes stages de scans thoraciques, donc là je me sens plus confortable, je n'ai pas besoin de réviser avec mon patron. Le patron est de garde, et c'est lui qui est responsable.

On s'entend qu'un résident qui est plus loin dans sa formation va parfois retarder certaines révisions au matin en se disant qu'il est confortable avec les décisions qui ont été prises, et elles vont toutes être révisées avec le médecin superviseur. Mais, même si on offre service de garde dans toutes ces disciplines-là, ces gardes-là ne sont pas obligatoires. On n'est pas obligés d'avoir un médecin résident de garde. Donc, par exemple, si, pour une raison x, il n'y a pas de médecin résident, puis on n'est pas en période de grève, puis qu'il y a une semaine où il n'y a pas de résident ou même un mois où il n'y a pas de résident dans un milieu, le patron va effectuer le travail par lui-même sans le support de ses résidents.

M. Rousselle : Merci. Je vais laisser la place à ma collègue.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Donc, la parole est à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste 3 min 40 s.

Mme Sauvé : Oh mon Dieu! Fantastique. Alors, merci à vous d'être ici. J'ai lu avec attention votre mémoire.

Je reviens sur les éléments de conversation que vous avez eus avec le ministre et j'ai bien entendu quand vous amenez l'article 111.10.1, quand vous ramenez l'éclairage de votre réalité qui fait en sorte que les médecins, dans le fond, vont d'un service à l'autre, et la problématique de la catégorisation par unités de soins et catégories de soins ou de services, et je suis évidemment sensible à la réalité aussi syndicale. Donc, il y a un élément auquel le ministre a répondu par rapport à votre réalité.

Mais, dans un contexte où on parle de prévisibilité puis, dans votre résidence, vous allez d'un établissement à l'autre, vous allez d'une région à l'autre, qu'on est dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, est-ce que ça ne fait pas partie de la préoccupation que vous avez dans la définition des services essentiels et à l'unité de soins? Et tout ça, dans votre réalité, comme il y a une prévisibilité qui peut être un petit peu difficile en raison de la pénurie, ça vous préoccupe dans la définition qui devra être par rapport aux services essentiels? On le voit dans les médias. On voit à quel point il y a des réalités d'urgences, de manque de résidents, de manque de médecins. Est-ce que ça fait partie de votre plaidoyer, de votre réflexion?

M. Campagna (Christian) : De notre côté, quand on considère, justement, les découvertures de services ou les manques d'effectifs sur certaines unités, il faut dire que, oui, on en est conscients, oui, on le vit, on est dans ce milieu-là à chaque jour. Cependant, ce qu'on sait, c'est que nos grilles de stages ne sont nullement affectées par les pénuries de services dans les milieux.

Donc, moi, si le collège me demande de faire trois rotations dans une unité de soins palliatifs, puis qu'il faut être trois en même temps, puis qu'ils disent : Coudon, il y a donc bien des résidents ici... On est là pour notre formation. Oui, on délivre des soins, à ce moment-là, en équipe puis on se répartit la tâche, mais, si la pénurie est à l'urgence, il n'y aura jamais un stage d'urgence parce que, soudainement, il y a plus de gens à l'urgence. Ce qui prime, d'abord et avant tout, c'est la formation.

Donc, oui, ça, on l'entend, on le comprend très bien, mais la raison qu'on a abordé l'argument, tantôt, avec le ministre, c'est parce que ce qui est le plus prévisible pour nous, c'est où on est entre telle date et telle date, qui représente une période pédagogique. Donc, ça, on sait combien de résidents sont dans quels milieux à un moment donné, mais où ils sont exactement à chaque jour et pendant chaque semaine, ça peut varier selon l'exposition dont ils ont besoin.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste une minute.

Mme Sauvé : J'avais une autre question, donc je vais y aller. Toujours dans le dialogue qui a précédé, par rapport à toute la notion de préoccupations que vous avez devant une grève qui dure plus longtemps et l'évolution du niveau de services essentiels qui est requis, vous avez entendu, le ministre a dit tantôt : On entend ça, on va peut-être regarder s'il y a des observations. J'ai vu dans votre mémoire que c'est ce que vous souhaitiez, que la réflexion s'ouvre, donc c'est une bonne nouvelle. En même temps, vous dites que vous n'avez pas de solution. Est-ce que vous êtes prêts à regarder, donc, de votre côté, des solutions?

M. Campagna (Christian) : On est disposés à regarder des solutions qui vont en ce sens-là.

Mme Sauvé : O.K., parfait. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Vous avez répondu rapidement. Alors, la parole est au deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, merci d'être là. Je voudrais commencer par la question de l'unité de soins, là. Vous avez bien expliqué, là, que ce n'est pas le terme qui vous convenait, et les gens qui vous ont précédés plus tôt aujourd'hui, là, notamment de la FIQ, avaient une préoccupation similaire, puis eux, ils ont fait une suggestion de remplacer ça par «centre d'activités». C'est leur première recommandation, d'ailleurs. Je me demandais si c'était quelque chose qui sonnait positif à vos oreilles.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Il faudrait analyser, là. Remarquez, là, non, on n'a pas eu la chance de visionner cette partie de la journée aujourd'hui. C'est peut-être intéressant. On pensait qu'on libellé plus général pour prévoir les cas de figure... mais ça pourrait être une piste intéressante. Il faudrait l'analyser. On ne l'a pas analysé, honnêtement.

M. Leduc : Vous n'étiez pas lancés dans la rédaction encore...

M. Savignac Dufour (Patrice) : Non.

M. Leduc : Parfait. Vous parlez du service essentiel, à la page 7, là, que vous craignez qu'il soit évolutif, puis je trouve que c'est une réflexion intéressante. Et justement, à la fin, dans votre dernier paragraphe, vous parlez du fait d'une grève, là, qui peut changer d'intensité avec le temps évidemment. Mais, de mon expérience, il me semble que c'est souvent... ça commence rarement par une grève générale illimitée, le jour 1, là. C'est souvent des grèves, une journée, deux journées, par-ci, par-là.

Vous, votre crainte c'était qu'il y ait deux types de grèves ou c'était l'évolution de la grève?

M. Savignac Dufour (Patrice) : Non, c'est peut-être que si d'emblée il n'y a pas eu d'entente entre les parties, par exemple, prenons ce scénario-là et que l'ordonnance est venue du tribunal, le niveau requis de services essentiels qui serait fixé par le tribunal va-t-il être en fonction du potentiel d'une grève générale illimitée? Et auquel cas peut-être qu'on aura des services essentiels qui sont plus importants que ce serait nécessaire, si on parle d'une grève d'une journée. C'est ça, notre préoccupation davantage.

M. Leduc : Parce que, que ce soit une grève d'une journée ou une grève illimitée... Dans le fond, une grève illimitée est composée de grèves de plusieurs journées collées. C'est les mêmes personnes qui ne sont pas aux mêmes places au même moment, ça fait qu'il y a une forme peut-être d'intensité dans la rhétorique d'une illimitée, mais concrètement...

M. Savignac Dufour (Patrice) : C'est plus est-ce qu'il y a un service que... si, dans un établissement donné, il y a un service qui ne serait pas donné aux patients une journée, qu'on ne mettrait pas du tout la santé et la sécurité de personne en cause, mais que si c'était une semaine ou un mois, là, on pourrait peut-être rencontrer ce critère-là. C'était plus ça...

M. Leduc : La question de la durée vient jouer un peu sur...

M. Savignac Dufour (Patrice) : Ça peut jouer sur ce qui devient plus essentiel, parce que, là, ça fait plusieurs jours que le service n'est pas donné.

M. Leduc : Je comprends. Puis avec le temps qui resterait, si vous voulez, oui, parler peut-être de la recommandation n° 6, là, la toute dernière, sur le caractère linguistique.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Oui. Bien en fait, on pense que c'est juste à un article en particulier, là. Une association n'émane pas d'une entreprise, là. L'association va représenter des salariés qui eux peut-être travaillent au sein d'une entreprise, là. C'était plus une remarque d'ordre linguistique pour 111.0.17, là. Donc, c'était une formulation qui nous a apparu étrange, là.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, merci. Merci, Mme Laplante, M. Savignac, M. Campagna, Mme Massey, de la Fédération des médecins résidents du Québec pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, la commission ajourne ses travaux au mercredi 18 septembre 2019, donc à demain, 12 h 15, afin de poursuivre l'étude du projet de loi. Alors, je vous souhaite une bonne soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 20 h 10)

Document(s) related to the sitting