Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, January 19, 2021
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Vol. 45 N° 67
Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety regime
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Intervenants par tranches d'heure
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures trente-trois minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de
l'économie et du travail ouverte. La commission est réunie virtuellement afin
de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de
sécurité au travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Roy
(Bonaventure).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous
entendrons, par visioconférence, les groupes suivants : le Conseil du
patronat du Québec, le Conseil du statut de la femme et l'Union des producteurs
agricoles.
J'invite maintenant M. le ministre du
Travail, l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. J'invite
également tous ceux qui ne parlent pas de bien fermer votre micro. Merci.
Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais d'abord saluer mes collègues du parti gouvernemental,
mes collègues des partis d'opposition, profiter aussi de l'occasion pour
remercier de leur collaboration des personnes qui sont très près de moi dans
cette commission parlementaire, Anne Racine, qui est ma sous-ministre
adjointe, Antoine Houde, qui est directeur des politiques,
Carole Bergeron, qui est directrice générale à la V.P. prévention, CNESST,
François Lamoureux, qui est président du conseil consultatif travail et main-d'oeuvre,
et Fanny Cantin, qui est la directrice adjointe de mon cabinet.
Écoutez, je pense que c'est un rendez-vous
important qui est attendu depuis des années, la modernisation du régime de
santé et sécurité du travail au Québec. Évidemment, il y a deux lois qui sont
concernées : une santé et sécurité du travail, qui concerne les moyens de
prévention à mettre en place dans les environnements de travail, et une
deuxième loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, qui
concerne la réparation ou ce qu'on appelle plus communément l'indemnisation des
travailleurs qui ont des accidents de travail ou des maladies professionnelles.
Au Québec, on a besoin d'avoir un régime
qui est moins coûteux. On a besoin d'avoir un régime qui permet à nos
travailleurs d'être plus en santé. On vit un phénomène de pénurie de
main-d'oeuvre depuis des années, c'est essentiel qu'on se donne un régime qui
correspond à la modernité dans laquelle baigne le Québec. Vous savez qu'en 1979
et 1985, quand ces deux lois-là ont été adoptées, nous étions…
M. Boulet : ...phénomène de pénurie
de main-d'oeuvre depuis des années. C'est essentiel qu'on se donne un régime
qui correspond à la modernité dans laquelle baigne le Québec. Vous savez qu'en
1979 et 1985, quand ces deux lois là ont été adoptées nous étions reconnus
comme étant progressistes au Québec. Maintenant, on a pris énormément de
retard. C'est extrêmement crucial de se mettre à jour, de se comparer, et de ne
pas craindre de mettre à jour nos mécanismes de prévention, et s'assurer que
notre régime d'indemnisation soit le plus accessible possible.
Évidemment, quand on parle d'une
modernisation de la nature de celle que nous amorçons, il y a des intérêts
variés. C'est la raison pour laquelle il va falloir compter beaucoup sur le
dialogue social, sur la collaboration des travailleurs, des employeurs, des
parties syndicales. On amorce une consultation, ce matin, qui va nous permettre
d'entendre des points de vue extrêmement variés. Soyons tous soucieux et
sensibles à ces points de vue là. On est ici pour écouter, pour collaborer,
pour bonifier le projet de loi et s'assurer qu'il répond bien à nos impératifs,
tant du côté des employeurs que du côté des travailleurs.
Il y a, au coeur de cette
modernisation-là, bien sûr, le volet prévention, l'accessibilité au régime
d'indemnisation, le soutien apporté aux travailleurs. Pour moi, c'est
extrêmement fondamental qu'on diminue le plus possible les risques de
chronicisation des lésions professionnelles. Il faut s'assurer d'un retour
prompt de nos employés dans leur milieu de travail. C'est bénéfique pour eux,
pour leur famille, pour leur santé, pour les employeurs. Il faut le faire de
manière respectueuse des droits et des obligations de chacun.
Il y a à peu près quatre millions de
travailleurs qui sont concernés par cette modernisation. On a l'intention de
s'assurer que les mécanismes de prévention et de participation permettent à
94 % des travailleurs québécois d'être protégés, alors que c'est 25 %
actuellement. On va s'entretenir de violence conjugale, de stagiaires, des travailleuses
domestiques, de prise en charge des risques psychosociaux. N'oublions jamais
que la santé et sécurité, ça appartient au milieu de travail, puis ce ne sera
pas imposé par... ni par nous ni par des lois.
Souvent, je fais le parallèle avec
d'autres lois qui établissent des standards minimums. Ces lois-là sont un
plancher, n'empêchent pas les parties d'aller au-delà de ça. Mais il y a des
obligations qui sont, selon nous, des incontournables pour nous permettre de
faire de la prévention de façon correcte, de façon respectueuse, avec la
diminution de la fréquence et de la gravité des lésions professionnelles. Parce
qu'à la fin de la journée, ce qu'on vise, c'est que le...
M. Boulet : ...qui sont, selon
nous, des incontournables pour nous permettre de faire de la prévention de
façon correcte, de façon respectueuse, avec la diminution de la fréquence et de
la gravité des lésions professionnelles, parce qu'à la fin de la journée, ce
qu'on vise, c'est que le taux de lésions professionnelles diminue, qu'il y ait
moins de lésions professionnelles, que ça coûte moins cher et qu'on ait les
mécanismes les plus modernes pour s'assurer d'avoir des environnements de
travail qui soient sains et sécuritaires.
Enfin, dernier commentaire, discutons de
manière raisonnée et on va tous ensemble atteindre notre objectif de donner au
Québec un régime qui est moderne et qui est respectueux de ce qu'on est
capables de faire au Québec en santé et sécurité. Merci, tout le monde, et
bonne commission.
• (9 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous invitons maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle et député de Nelligan à faire ses remarques préliminaires pour une
durée maximale de quatre minutes.
M. Derraji : Mme la
Présidente, M. le ministre et collègues de l'Assemblée nationale, bonjour. Ces
jours de consultations particulières que nous entamons sont attendus depuis
très, très longtemps, tant par les travailleurs que par les employeurs, la
communauté médicale et les divers organismes oeuvrant en prévention et au
soutien des Québécois. Moderniser le régime de santé et sécurité au travail
s'est avéré l'ascension d'un Everest que l'on espère réussir cette fois pour le
bien des Québécois d'aujourd'hui, mais surtout pour ceux de demain.
Léguerons-nous de meilleures mesures de prévention? Hériteront-ils d'une autre
carte bancaire sans crédit? Voilà quelques-unes de mes préoccupations.
À mes préoccupations s'ajoutent celles des
plus de 20 groupes qui nous ont partagé leurs inquiétudes dès le dépôt du
projet de loi le 27 octobre dernier. C'est la première fois depuis que je
suis député qu'autant de groupes se manifestent avec un tel empressement avant
la consultation. Je les remercie vivement de leur engagement envers
l'amélioration du régime d'avoir pris le temps de nous contacter.
Le projet de loi n° 59 est une
brique, il est complexe. Il aura des effets bénéfiques et peut-être aussi des
effets néfastes sur l'ensemble de la société québécoise pour des décennies à
venir. Il est donc de notre devoir de lui accorder le temps, la rigueur et
l'écoute requis. Je tiens à remercier le ministre d'avoir répondu favorablement
à ma demande et d'avoir ajouté une demi-journée additionnelle qui nous
permettra d'entendre cinq autres groupes.
Maintenant que nous y sommes, j'aimerais
partager quelques commentaires préliminaires sur les quatre thèmes présentés
lors du briefing technique le 30 janvier dernier. Nous saluons
l'élargissement des mesures de prévention à la quasi-totalité des milieux de
travail québécois. Nous partageons toutefois leurs préoccupations quant à la
méthodologie utilisée pour assigner des niveaux de risque au milieu de travail
sur la base de demandes d'indemnisation à la CNESST et non sur les risques
réels et latents associés à ces emplois.
Par exemple, selon cette classification,
les hôpitaux généraux sont classés à faible risque quand on sait que la
surcharge du travail amplifiée par la pandémie est endémique. On aurait
apprécié que cet important projet de loi ait été revu et relu à la lumière de
sept premiers mois de la...
M. Derraji : ...sur les risques
réels et latents associés à ces emplois. Par exemple, selon cette
classification, les hôpitaux généraux sont classés à faible risque, quand on
sait que la surcharge du travail amplifiée par la pandémie est endémique. On
aurait apprécié que cet important projet de loi ait été revu et relu à la
lumière des sept premiers mois de la pandémie qui aient précédé son dépôt. La
pandémie nous a appris qu'il y a des risques qui ne peuvent pas être éliminés,
mais le projet de loi ne tient pas compte de cette réalité.
Concernant l'accès au régime
d'indemnisation, nous comprenons l'économie qui pourra se faire en limitant
l'accès à l'indemnisation, mais l'exposition... l'explosion des coûts ne semble
pas découler exclusivement du nombre de demandes d'indemnités. Les délais de
traitement, le manque de collaboration pour adapter les postes de travail,
accommoder et réintégrer le travailleur, le vieillissement de la population
sont quelques facteurs contributifs que l'on doit considérer, tout comme nous
devons considérer les risques que nous reconnaissons, tel celui des pesticides
sur la santé et la sécurité des travailleurs agricoles, mais qu'on ne veut pas
reconnaître à titre de maladie professionnelle. Alors, on peut se demander quel
est le coût réel de l'autonomie alimentaire dont nous rêvons. Retenons que le Québec
ne reconnaît pas toutes les maladies professionnelles reconnues par
l'Organisation internationale du travail et l'OMS.
Quant au soutien apporté aux travailleurs
ayant subi une lésion professionnelle et à leur employeur, on constate le rôle
accru de la CNESST et des CIUSSS via leur personnel désigné d'intervenants en
santé au travail et le retrait de l'expertise des médecins du réseau de la
santé publique en santé au travail. On espère qu'un tel changement, si maintenu,
sera accompagné de critères de qualification et de compétence scientifique. Il
s'agit après tout de la santé de nos travailleurs.
Enfin, sur les autres modalités du régime,
nous espérons comprendre pourquoi, après des années de réunions du comité
consultatif, il y a uniquement 18 sur 47 recommandations contenues dans l'avis
de 2017. Encore une fois, c'est la santé et la sécurité des Québécois et la responsabilité
et les moyens de nos entrepreneurs dont il est question aujourd'hui. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, député de Nelligan. Nous invitons maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
M. Leduc : Une minute, Mme la
Présidente, c'est rapide. Sur la forme, d'abord, évidemment qu'on aurait
préféré des audiences plus longues, hein? La réforme des normes du travail, il
y a quelques années, avec eu six journées d'audiences, nous n'en aurons que
trois et demie. La dernière, là, il y a la... les oppositions l'auront arrachée
in extremis. Bon, c'est fait maintenant. Je m'attends à ce que M. le ministre
poursuive sa bonne habitude de nous communiquer d'avance ses amendements, parce
que, là, ça ne sera pas facile, étudier tous ces articles, et aussi qu'il nous
annonce s'il veut étudier en blocs ou de manière numérique les amendements et
les articles que nous aurons à travailler dans les prochaines semaines.
Sur le fond maintenant, Mme la Présidente,
je vais me concentrer, moi, de mon côté, sur l'aspect prévention dans les
premières séances d'aujourd'hui, surtout sur la question du programme Maternité
sans danger, qui est trop souvent remis en question — ça, ça
m'inquiète beaucoup — et aussi sur les catégories de risque qui sont
introduites par M. le ministre. On avait des attentes très élevées sur le
projet de loi, on voulait que ça couvre tout le monde. Mais là, en introduisant
des catégories de risque, avec plus ou moins d'accès à de la prévention, ça me
semble une...
M. Leduc : …séance d'aujourd'hui,
surtout sur la question du programme maternité sans danger qui est trop souvent
remis en question, ça, ça m'inquiète beaucoup et aussi sur les catégories de
risques qui sont introduites par M. le ministre. On avait des attentes très
élevées sur le projet de loi, on voulait que ça couvre tout le monde, bien là,
en introduisant des catégories de risques avec, plus ou moins, d'accès à de la
prévention, ça me semble une patente à gosse un peu mal ficelée qui pénalise
certains secteurs, qui avaient fait des gains dans le passé, et qui risque de
discriminer les femmes par rapport aux enjeux de santé et sécurité. Alors, je
vais être très attentif à ça, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le député. Nous poursuivons cette fois-ci… et nous donnons la parole
au troisième groupe d'opposition avec le député de Bonaventure. Vous disposez,
vous aussi, d'une minute.
M. Roy (Bonaventure): Un gros 60
secondes. Merci, Mme la Présidente. Écoute, ça me rappelle un peu la commission
sur les pesticides, on va assister à une polarisation des débats, et c'est déjà
débuté dans les médias, où on voit les acteurs qui préconisent une
déréglementation à se manifester et, d'un autre côté, on voit que certains
groupes sont stupéfaits et ont démontré une inquiétude très importante par
rapport à une détérioration significative de la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs au Québec et travailleuses.
Donc, j'ai confiance au ministre pour
arriver à une posture d'équilibre et d'écouter tout le monde, comme il l'a dit
dans son introduction, dialogue et collaboration. Donc, je vous prends au pied
de la lettre, M. le ministre, donc nous allons avoir des échanges cordiaux,
mais on va se dire les choses comme elles sont. Bons travaux à tous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci beaucoup pour vos remarques préliminaires. Nous allons débuter maintenant
les auditions. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Conseil du
patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc d'abord à vous présenter et ensuite à
présenter ou à commencer votre exposé.
(Visioconférence)
M. Blackburn (Karl) : Alors, merci
beaucoup. Je me présente Karl Blackburn, je suis le président et chef de
direction du Conseil du patronat du Québec.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Et Yves-Thomas Dorval, je suis président
exécutif du conseil d'administration du Conseil du patronat du Québec. Merci.
M. Blackburn (Karl) : Alors, M.
le ministre, Mmes et MM. les députés, depuis le nombre d'années que nous
soumettons et que nous souhaitons mettre, enfin, à jour le régime québécois de
santé et sécurité du travail, notre présence aujourd'hui peut difficilement
être plus appréciée. Nous travaillons, depuis plusieurs années, à proposer des
voies d'amélioration, et j'espère que, cette fin d'année, la modernisation
pourra avoir lieu. J'aimerais d'abord saluer votre travail, M. le ministre,
pour cette réforme tant attendue. La modernisation du régime est devenue
essentielle notamment parce que le monde du travail a changé, mais également
parce qu'avec le temps cette loi a été interprétée si largement que ce régime a
dévié de sa mission première pour devenir un régime à vocation sociale, dont
les coûts demeurent entièrement assumés par les employeurs. Mentionnons, par
exemple, les conditions suivantes qui font partie du régime d'indemnisation
alors qu'elles n'ont aucun lien avec le travail : maladies intercurrentes,
programme de maternité sans danger, élargissement…
M. Blackburn (Karl) : ...pour
devenir un régime à vocation sociale dont les coûts demeurent entièrement
assumés par les employeurs. Mentionnons, par exemple, les conditions suivantes
qui font partie du régime d'indemnisation, alors qu'elles n'ont aucun lien avec
le travail : maladie intercurrente, programme de maternité sans danger,
élargissement des travailleurs visés pour des catégories d'emploi non représentées
par un employeur déterminé.
D'entrée de jeu, le CPQ confirme qu'il
appuie les objectifs que vous poursuivez dans ce projet de loi, que je pourrais
résumer en ces mots : un régime moins coûteux, plus efficace et une
main-d'oeuvre en santé, l'amélioration du soutien aux travailleurs et
employeurs, la prévention comme culture de travail, un retour au travail prompt
et durable pour éviter la chronicité et un régime flexible et évolutif.
Afin de bien remettre en perspective les
fondements du régime de santé et sécurité, il importe de rappeler que ce
régime, qui est assumé à 100 % par les employeurs du Québec, est avant
tout un régime d'assurance qui repose principalement sur l'indemnisation du
travailleur sans égard à la faute. Évidemment, la prévention y joue aussi un
rôle déterminant, mais j'y reviendrai plus tard. Afin de maximiser cet exercice
de réflexion qui doit faire de notre régime de santé et sécurité un modèle
enviable et compétitif avec celui des autres provinces, certains ajustements
sont proposés dans notre mémoire. Ces recommandations visent surtout à prendre
en compte l'évolution des milieux de travail pour s'assurer d'une gestion
responsable du régime de santé et sécurité avec comme toile de fond la volonté
de se donner les moyens d'atteindre une juste indemnisation des travailleurs de
manière efficiente et équitable. Mais aussi, il faut mettre en place les
mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité des
travailleurs.
• (9 h 50) •
De plus, la gestion des... réclamations,
pardon, et du régime s'inscrit souvent en marge des objectifs premiers du
régime sous plusieurs aspects. Parmi les exemples les plus frappants, on
retrouve le programme de recherche d'emploi de 52 semaines pour ceux qui sont
contraints de changer de travail alors qu'ailleurs au pays on prévoit une
période de soutien allant de 12 à 16 semaines. Un autre exemple de dérive est
sa générosité qui est telle que certains travailleurs à temps partiel,
contractuels ou saisonniers, lors de lésion professionnelle, recevront une
indemnisation plus élevée que le salaire gagné au travail, ce qui ne fait aucun
sens.
Nous réitérons que la modernisation du
régime de la santé et sécurité doit prendre en compte les principes inhérents à
un régime d'assurance en santé et sécurité du travail, dont les suivants :
un régime qui ne pénalise pas les employeurs ni les travailleurs pour des
situations non reliées au travail telles que les conditions personnelles, ou si
c'est un tiers qui est responsable, ou parce que le délai du traitement est
indu; un régime avec une tarification adéquate suivant un principe de
classification par secteur d'activité économique, incitative avec un régime
basé sur l'expérience et compétitive en comparaison des autres provinces; une
indemnisation juste et...
M. Blackburn (Karl) : …ou parce
que le délai du traitement est indu. Un régime avec une tarification adéquate,
suivant un principe de classification par secteur d'activité économique,
incitative avec un régime basé sur l'expérience et compétitive en comparaison
des autres provinces. Une indemnisation juste et adéquate, par exemple un
remplacement de revenu reflétant la moyenne des salaires du travailleur lors de
l'événement. Pour les dossiers de longue durée et pour certaines situations, la
notion de remplacement de revenu devrait être remplacée par une notion de perte
de capacité de gain. Enfin, une indemnisation sans aucune possibilité
d'enrichissement afin de favoriser la prévention et un retour à l'emploi. Ces
principes sont à la base même du régime de santé et de sécurité du travail qui
est avant tout un régime d'assurance qui se doit d'être efficace, responsable
et équitable.
J'aimerais rappeler les conclusions du
rapport indépendant de Morneau Shepell, publié la semaine dernière et qui
démontre que notre régime est clairement le plus généreux au pays concernant la
durée et le montant des indemnisations, alors qu'il est également le moins
compétitif, notamment quant au délai de traitement des dossiers et de retour au
travail. On y démontre, chiffres à l'appui, que notre régime coûte beaucoup
plus cher aux employeurs du Québec comparativement à ceux des autres provinces,
et, sous plusieurs aspects, le Québec est bon dernier quant aux coûts de la
réparation et le nombre de dossiers non réglés. Il faut corriger le tir et rapidement.
Il doit également être un régime punitif qui comporte des conséquences en cas
de non-collaboration d'une partie ou d'une autre dans le cadre du processus de
retour au travail. Il s'agit ici de la trame de fond de nos réflexions.
Vous proposez des mesures qui visent à
ramener rapidement les travailleurs dans le milieu du travail afin d'éviter,
entre autres, la chronicité. Nous ne pouvons que saluer cette approche. À cet
effet, nous insistons sur l'importance de voir à ce que l'ensemble des dispositions
proposées forment un atout cohérent et que l'employeur puisse jouer un rôle
central pour assurer la sécurité des lieux de travail et contribuer ainsi à un
retour optimal dans le milieu du travail. En matière de prévention, nous
croyons que votre approche devrait toujours chercher à favoriser la pleine
collaboration autant de l'employeur que de l'employé. Nous réitérons que
la prise en charge par le milieu de travail est un des principes fondamentaux
du régime de santé et de sécurité du travail au Québec.
À cet effet, pour les entreprises de plus
de 20 travailleurs, vous limitez leur marge de manoeuvre quant au choix du
mécanisme de prévention qui implique la participation des travailleurs. Or,
leur prise en charge est le moyen… le meilleur moyen d'assurer le filet de
protection le plus adapté à leur réalité. Si jamais il devait ne pas y avoir
d'entente entre l'employeur et les travailleurs, plutôt que d'imposer les
règles, nous pensons que des modalités devraient être indiquées dans des guides
de la CNESST et non fixées mur à mur dans une réglementation lourde. Par
ailleurs, l'idée d'exiger l'élaboration d'un programme de prévention complet
pour un petit employeur de moins de 20 employés ne…
M. Blackburn (Karl) : …plutôt
que d'imposer les règles, nous pensons que des modalités devraient être
indiquées dans des guides de la CNESST et non fixées mur-à-mur dans une
réglementation lourde. Par ailleurs, l'idée d'exiger l'élaboration d'un
programme de prévention complet pour un petit employeur, de moins de 20
employés, ne tient absolument pas compte de sa réalité.
De plus, à notre avis, toute imposition du
mécanisme de prévention devrait se limiter aux employeurs se retrouvant sous un
certain seuil de performance et non, obligatoirement, à tous les employeurs
oeuvrant dans un secteur jugé à risque. Actuellement, un employeur très
performant ayant peu d'accidents et aucun accident grave sera soumis au même
mécanisme de prévention qu'un employeur ayant un mauvais dossier. C'est cette
notion de performance de l'employeur qui devrait déterminer si un employeur
doit ou non être soumis à des mécanismes de participation et non à la notion du
niveau de risque par secteur d'activité.
Tout en matière de prévention, toujours en
matière de prévention, pardon, nous croyons qu'il serait pertinent d'ajouter
d'autres obligations aux travailleurs afin de confirmer le rôle qu'ont ces
derniers dans la prévention des accidents de travail et des maladies
professionnelles. Le but d'une telle recommandation n'est pas de déresponsabiliser
les employeurs, au contraire, mais surtout de renforcer le rôle des
travailleurs comme partie prenante à la prise en charge de la prévention dans
les activités quotidiennes des employeurs.
Le régime de réadaptation des travailleurs
ayant subi une lésion professionnelle doit également être revu en profondeur.
Le régime actuel ne favorise pas le prompt retour au travail des travailleurs,
ce qui contribue significativement aux importants coûts que doivent supporter
les employeurs. Le rôle du médecin traitant, l'assignation temporaire et
l'encadrement du retour au travail sont des thèmes au coeur même de la
réadaptation. Des modifications législatives sont souhaitables en lien avec ces
derniers sujets énumérés. Par exemple, ailleurs qu'au pays, on compte sur
plusieurs professionnels de la santé afin de voir aux différentes étapes de
réadaptation et de retour au travail. Le Québec est la seule à tout remettre
dans les mains d'un seul médecin alors que cette situation entraîne des délais
qui peuvent s'avérer néfastes pour le travailleur. Le projet de loi prévoit
ajouter de nouvelles responsabilités administratives au rôle du médecin
traitant dans la gestion de leurs lésions professionnelles de son patient.
Cette situation sera un frein à la réadaptation et au retour au travail.
Aussi, le projet de loi prévoit que le
rôle de l'employeur dans la mise en oeuvre de ses mesures se limite uniquement
à offrir sa collaboration selon les besoins identifiés par la CNESST. Puisque
le processus…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Blackburn?
M. Blackburn (Karl) : Oui?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Blackburn, il vous reste 10 secondes.
M. Blackburn (Karl) : J'achève
dans quelques secondes.
Puisque le processus de réadaptation
implique fréquemment pour les travailleurs d'un retour en emploi, l'employeur
est la partie la mieux placée pour évaluer, adapter et collaborer la réussite
du plan au retour du travail actif du salarié indépendant. Bien humblement,
nous sommes d'avis que la cinquantaine de recommandations que nous vous
soumettons correspondent aux ajustements nécessaires qui doivent se retrouver
dans le p.l. n° 59 pour enfin procéder…
M. Blackburn (Karl) : ...pour
évaluer, adapter et collaborer la réussite du plan au retour du travail actif
du salarié indépendant. Bien humblement, nous sommes d'avis que la cinquantaine
de recommandations que nous vous soumettons correspondent aux ajustements nécessaires
qui doivent se retrouver dans le p.l. n° 59 pour
enfin procéder à la modernisation du régime et ainsi rejoindre la volonté gouvernementale
de procéder à la modernisation du régime de santé et sécurité, qui, avec le
temps, est devenu désuet, inefficace, inéquitable et coûteux. M. le ministre,
vous pouvez compter sur notre plus complète collaboration pour y parvenir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais saluer M. Blackburn et vous
remercier d'avoir préparé ce mémoire. Autant le ton que l'approche, qui
transparaît de ce mémoire-là démontrent la volonté du Conseil du
patronat d'avoir un régime, au Québec, qui est inclusif, qui est
moderne, qui est compétitif. Puis d'ailleurs on en faisait grandement état, du
rapport de Morneau Shepell, on pourra y revenir un petit peu plus tard.
Mais j'aimerais aussi saluer Yves-Thomas
Dorval, qui vous accompagne. Yves-Thomas, j'ai eu le grand bonheur de
collaborer avec lui pendant des années, il vous précédait au Conseil
du patronat, mais il était aussi membre du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, donc il a été présent lors notamment de la
production du rapport qui a été soumis en 2017, l'autre, qui a été soumis en
2019. Et constamment, quand on parle de paritarisme au Québec puis de l'importance
du dialogue social, Yves-Thomas a été au coeur de nos discussions. Il a, je le
disais, récemment, une connaissance fine du régime de santé et sécurité et des
principaux paramètres que vous avez vus dans le projet de loi n° 59.
Donc, merci encore une fois
Vous référez souvent à la compétitivité,
eu égard notamment à l'assignation temporaire. Allons-y par sujet. J'aimerais
ça, vous entendre sur l'assignation temporaire, qu'est-ce que vous pensez et qu'est-ce
qui pourrait être fait pour accroître la compétitivité de notre régime. Parce
qu'évidemment l'assignation temporaire, c'est une prérogative de l'employeur,
ça permet un retour un peu plus rapide au travail, avant, bien sûr, la
consolidation, parce que ça peut être fait dès le début de l'absence pour
lésions professionnelles. Est-ce que, selon vous, il y a... ce mécanisme-là
vous apparaît essentiel pour éviter, un, la chronicisation, et diminuer les
coûts du régime?
• (10 heures) •
M. Blackburn (Karl) : Si je
peux me permettre, et bien évidemment je vais demander à M. Dorval de pouvoir
compléter, mais je veux quand même réitérer l'importance auprès des membres de
la commission du travail qui a été fait par le Conseil du
patronat du Québec depuis les derniers mois...
10 h (version non révisée)
M. Boulet : …mécanisme-là vous
apparaît essentiel pour éviter, un, la chronicisation, et diminuer les coûts du
régime.
M. Blackburn (Karl) : Si je
peux me permettre, M. le ministre, et bien évidemment je vais demander à M.
Dorval de pouvoir compléter. Mais je veux quand même réitérer l'importance,
auprès des membres de la commission, du travail qui a été fait par le Conseil
du patronat du Québec depuis les derniers mois. À partir du moment où vous avez
déposé le projet de loi, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos
membres, avec les associations sectorielles, pour arriver à vous présenter et à
vous proposer des mesures qui correspondent, selon nous, encore une fois, bien
humblement, aux ajustements que doit comporter le projet de loi pour le rendre,
je dirais, le plus efficace, et ainsi faire une modernisation. Et comme vous
l'avez mentionné d'entrée de jeu dans votre allocution tout à l'heure, nous
avons le privilège ce matin de pouvoir compter sur l'expérience et l'expertise
de M. Dorval qui, depuis les nombreuses dernières années, a été au coeur du
monde du travail et, dans ce sens-là, je l'inviterais, bien évidemment, à compléter
la réponse.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, merci pour vos bons mots.
Bon, on va… je vais laisser ça de côté pour le moment, pour aller rapidement à
votre question. Écoutez, l'assignation temporaire, tout comme les autres
éléments de retour au travail, c'est un élément essentiel pour permettre aux
travailleurs de reconnecter avec le marché du travail, ou de ne pas perdre
contact avec le marché du travail. Donc, ça, c'est très important.
Au Québec, on est la seule
législation en Amérique du Nord à avoir confié, entre autres, un rôle d'avis
prépondérant du médecin pour certains aspects, pour plusieurs aspects,
plusieurs articles de loi. Ça, ça veut dire qu'un spécialiste comme le médecin,
qui est très bon pour diagnostiquer, est très bon pour aider l'employeur… le
travailleur, pardon, à recouvrer la santé, à se réadapter, puis l'accompagner,
il devient une personne clé alors que, dans les faits, il ne connaît pas
nécessairement le milieu de travail dans lequel opère le travailleur. Donc, un
des éléments qui est intéressant dans le projet de loi, on arrive aussi avec
l'obligation de remplir des formulaires, où on va parler des questions de
capacités fonctionnelles du travailleur, parce qu'actuellement, le régime fait
en sorte qu'on joue au Ping-Pong. Alors, si le travailleur est retiré du marché
du travail, puis que l'employeur veut lui offrir une assignation, il faut que
le médecin, ultimement, rende une décision puis, en plus de ça, elle est
exécutoire. Donc, ça fait en sorte qu'on joue au Ping-Pong, alors que le
médecin, ce n'est pas sa spécialité, lui, d'administrer un régime. Lui, sa
spécialité, c'est la médecine, c'est les soins ou les sciences de la vie, ce
n'est pas l'organisation du travail.
Donc, le projet de loi amène
quelque chose d'intéressant, mais le rôle est encore trop prépondérant à ce
niveau-là. Mais ça, c'est un élément important, quand on parle d'assignation
temporaire, M. le ministre, tantôt on faisait le lien, entre autres, là, avec
le programme maternité sans danger. Hein, maternité sans danger, ça ne veut pas
dire que la personne est complètement retirée du milieu du travail. On peut lui
assigner des tâches qui vont lui permettre de continuer à contribuer, sans
nécessairement être exposée, par exemple, à des contaminants ou à des éléments
dynamiques qui font en sorte que ça peut mettre à risque la personne qui est
enceinte ou l'enfant qui va naître, ou lorsque la personne allaite l'enfant qui
est allaité. Alors, dans ces considérations-là, il n'y a pas de problème, sauf
que…
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …permet de continuer à contribuer sans nécessairement
être exposé, par exemple, à des contaminants ou à des éléments dynamiques, qui
fait en sorte que ça peut mettre à risque la personne qui est enceinte ou
l'enfant qui va naître ou lorsque la personne allaite l'enfant qui est allaité.
Dans ces considérations-là, il n'y a pas de problème. Sauf qu'on regarde dans
les statistiques, or, l'assignation temporaire n'est pas beaucoup utilisée.
Puis, juste en passant, M. le ministre, c'est important à savoir, hein, que
70 % des travailleuses qui bénéficient du programme maternité sans danger
au Québec sont dans le secteur public. Puis, le secteur public, en passant, ne
contribue que 25 % des coûts du système, alors c'est les entreprises
privées qui financent le système public. Et s'il y a de l'assignation
temporaire à faire, je pense que l'État, en partant, devrait lui-même regarder…
Et on regarde dans le cas de la COVID, on n'a jamais vu autant de demandes de
maternité sans danger, actuellement, ou de retraits préventifs, qu'à cause de
la COVID, et c'est normal, c'est normal. Mais il y a tellement de besoins dans
le système pour réaffecter ces gens-là dans des tâches, par exemple d'enquêtes,
de vérifications, de traçabilité, etc., mais, ça, là-dessus, les efforts ne
sont pas nécessairement là. Mais, encore une fois, le bât qui blesse, c'est
surtout l'incapacité de l'employeur d'avoir le fin mot de la capacité de
pouvoir proposer une assignation temporaire sans être obligé de jouer au
ping-pong avec un avis du médecin traitant, qui devient exécutoire.
M. Boulet : Et j'aimerais ça,
maintenant, vous entendre, un peu, sur le processus de réadaptation. Quand on
parle de diminution de coûts, ça implique nécessairement un retour prompt au
travail, le plus rapidement possible. Et il y a ce qu'on appelle des
conseillers en réadaptation qui travaillent à la CNESST. La réadaptation, dans
le régime actuel, n'est accessible que lorsque la lésion professionnelle est
consolidée, bon, avec atteinte et limitations. Maintenant, on prévoit, dans le
projet de loi, que l'adaptation puisse être accessible à quelqu'un avant sa
période de consolidation et j'aimerais entendre, sommairement, votre opinion
sur ce point-là.
M. Blackburn (Karl) :
J'aimerais, si vous me le permettez, M. le ministre, revenir, essentiellement,
sur le rapport qui a été rendu la semaine dernière, indépendant, de Morneau
Shepell, qui, encore une fois, fait la démonstration que le régime du Québec,
comparativement aux autres régimes à travers le Canada, en termes de
réadaptation, prend beaucoup plus de temps en ce qui a trait de permettre au
travailleur de revenir sur le marché du travail, ce qui, en soi, est non
productif et non souhaitable pour le travailleur. Alors, je pense qu'il faut
garder ces éléments-là en tête. Et pour rassurer le député de Bonaventure, on n'arrive
pas avec des idées de polarisation, mais, au contraire, notre volonté, au
Conseil du patronat du Québec, c'est de trouver des façons pour moderniser le
régime et rejoindre, ainsi, les objectifs que vous poursuivez. Et encore une
fois, bien humblement, la cinquantaine de propositions que nous vous faisons
reflètent ce qui se passe sur le terrain et ce qui devrait être considéré dans
notre projet de loi pour le rendre ainsi et le moderniser.
Mais pour l'exemple beaucoup plus précis
que vous posez, je demanderais, encore une fois, à M. Dorval, peut-être, d'y
aller avec un exemple concret de ce que ça veut dire…
M. Blackburn (Karl) : …et
encore une fois, bien humblement, la cinquantaine de propositions que nous vous
faisons reflètent ce qui se passe sur le terrain et ce qui devrait être
considéré dans le projet de loi pour le rendre ainsi et le moderniser. Mais,
pour l'exemple beaucoup plus précis que vous posez, je demanderais encore une
fois à M. Dorval peut-être d'y aller avec un exemple de… concret de ce que
ça veut dire.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Bien, en fait, Mme la Présidente, ce qui
est intéressant et on appuie l'idée que le gouvernement a. Toute la littérature
scientifique, hein, toute la science démontre que plus rapidement on réintègre
un travailleur qui a une lésion, mais de manière sécuritaire. Là, c'est très
important qu'on n'interprète pas le propos de dire on réintègre rapidement,
alors que la lésion pourra s'aggraver par exemple ou que si c'est une question
de soins psychologiques, par exemple, que la personne on la réintègre trop
rapidement sur le marché du travail. La question n'est pas là.
La question est de garder un lien avec le
travail et on félicite le ministre d'arriver avec des volontés, des
orientations qui vont dans ce sens-là. Encore une fois, c'est toujours dans les
moyens où est-ce qu'un moment donné on confie à gens de la CNESST parfois, puis
là je vais parler pas nécessairement de la réadaptation, mais je vais parler
par exemple du retour en emploi, quand il s'agit d'un emploi convenable. Bien,
là, on confie dans le projet de loi des responsabilités à un fonctionnaire
d'une organisation que je respecte beaucoup, écoutez je siège au conseil
d'administration puis j'ai la capacité d'apprécier tout l'effort qui a été fait
par les gens à l'interne, mais c'est l'employeur qui peut réorganiser le
travail, par exemple, pour fournir un emploi convenable, ce n'est pas un
fonctionnaire, que ce soit dans un ministère ou dans une commission, qui peut
savoir comment et la gestion, là, le droit de gestion, là, c'est quelque chose
de fondamental dans notre système qui est reconnu par les lois et là, dans le
projet de loi, on va un peu trop loin.
De faire en sorte que l'employeur, le
travailleur fasse partie, n'oublions pas ça, le travailleur doit faire partie
de la solution et encore là, on voit beaucoup d'obligations sur l'employeur,
beaucoup de responsabilités que la CNESST se donne, mais on ne voit pas de
mesures qui obligent le travailleur à participer à ces efforts-là, alors que
dans les autres provinces on a ça. Alors, ces éléments extrêmement importants,
on vous appuie totalement, M. le ministre, là-dessus. Il faut juste, hein,
ajuster un petit peu soit le verbatim soit aussi qui est responsable de quoi et
quand on a des droits, c'est important au Québec les droits, les
responsabilités vont avec. Ça y compris pour l'employeur, y compris pour le
travailleur.
M. Boulet : Très, très bien
compris, hein. Évidemment, il y a aussi ce qui m'a un peu fasciné, c'est de
lire dans le rapport Morneau Shepell que pour l'indemnité et pour l'année de
recherche d'emploi, là, quand on réfère à l'emploi convenable, là, quand la
personne ne peut réintégrer ni son emploi ni un emploi équivalent, c'est qu'au
Québec il y a réintégration dans un emploi à peu près dans le dernier mois de
l'année de recherche d'emploi, alors que dans les autres provinces, il y a un
retour en emploi beaucoup plus rapide. Ce qui, évidemment, diminue encore les
risques de chronicisation des lésions professionnelles. Je trouve que c'est un
rapport qui est extrêmement…
M. Boulet : …c'est qu'au Québec,
qu'il y a réintégration dans un emploi, à peu près dans le dernier mois de
l'année de recherche d'emploi, alors que, dans les autres provinces, il y a un
retour en emploi beaucoup plus rapide, ce qui, évidemment, diminue encore les
risques de chronicisation ou des lésions professionnelles. Je trouve que c'est
un rapport qui est extrêmement intéressant. Un petit point qui est… je ne suis
pas certain, puis quand vous vous référiez à ça, pour les lésions
professionnelles qui engendrent une absence de plus longue durée, vous parlez
d'une modification d'un passage du remplacement de revenu à une perte de
capacité de gain. J'aimerais juste ça que vous me donniez une précision
sommaire sur ce point-là, parce que j'aurais une autre question, par la suite,
aussi.
• (10 h 10) •
M. Blackburn (Karl) : D'abord,
M. le ministre, c'est davantage relié au travailleur saisonnier ou travailleur
temporaire, par exemple, qui suite, malheureusement, à une blessure ou une
incapacité de poursuivre. En fonction des paramètres actuellement, le critère
de la perte de revenu d'emploi, c'est elle qui va préconiser, donc le
travailleur sera reconnu comme étant un travailleur à plein temps, ce qui, dans
les circonstances, n'est pas tout à fait souhaitable. Et, pour arriver à
permettre de faire une distinction, il faut le voir en deux temps. À plus court
terme, justement, pour reconnaître le salaire perdu, mais à plus long terme si
jamais l'incapacité du travailleur s'avérait être plus longue ou vraiment… là,
il faudrait le voir sous une perte de capacité de générer des revenus à long
terme. Et c'est vraiment une distinction qui est importante à faire à
l'intérieur du projet de loi.
M. Boulet : Clair, merci pour
la réponse. Enfin, pour la prise en charge par le milieu, évidemment, c'est un
principe qui apparaît constamment dans le projet de loi. Je vous ai entendu
dire, M. Blackburn, qu'en cas de défaut d'entente entre les parties… parce
qu'on comprend bien qu'un projet de loi ou une loi, c'est un minimum, on peut
aller au-delà de ça, pour la fréquence, par exemple, des comités de santé, de
sécurité, qui est un mécanisme de participation des travailleurs. Les partis
peuvent convenir, peuvent négocier, peuvent s'entendre. À défaut d'entente,
vous référiez à… bon, est-ce qu'on réfère à un règlement? Est-ce qu'on réfère à
la CNESST? J'aimerais ça, juste, que vous me précisiez : Qu'est-ce qu'on
fait? Qu'est-ce que vous souhaiteriez qui soit fait par les partis, les
employeurs et les travailleurs, dans les cas où il n'y a pas d'entente, par exemple,
sur les mécanismes de participation des travailleurs.
M. Blackburn (Karl) : Bien,
comme M. Dorval l'a mentionné, puis je pense, comme vous l'avez réitéré
également dans votre présentation, M. le ministre, c'est une responsabilité de
tous, et des travailleurs, et des employeurs d'arriver à mettre en place les
mécanismes qui vont assurer cette sécurité dans le monde du travail. Nous, ce
qu'on a présenté tout à l'heure, dans notre présentation, mais ce qui est
davantage détaillé dans le mémoire, c'est au niveau de s'il n'y a pas
d'entente. Au lieu d'arriver avec une imposition, par exemple, de la CNESST,
qui ne connaît pas nécessairement… sans vouloir enlever à la capacité…
M. Blackburn (Karl) : ...cette
sécurité dans le monde du travail.
Nous, ce qu'on a présenté tout à l'heure,
dans notre présentation, mais ce qui est davantage détaillé dans le mémoire,
c'est au niveau... s'il n'y a pas d'entente. Au lieu d'arriver avec une
imposition, par exemple, de la CNESST, qui ne connaît pas nécessairement, sans
vouloir enlever à la capacité puis à la connaissance des travailleurs de la
CNESST, mais qui ne connaît pas nécessairement la réalité sur le terrain en
fonction de certaines entreprises, ce qu'on souhaite, d'abord et avant tout, ce
serait d'avoir un guide qui viendrait, à ce moment-là, outiller, et les
employeurs, et les travailleurs pour l'élaboration de mesures de prévention. Et
à ce titre, on pense qu'un guide qui viendrait guider les actions serait
préférable que d'une application mur à mur, peu importe le secteur d'activité
reconnu par les employeurs et par les employés, également.
M. Dorval
(Yves-Thomas) :Écoutez, je peux peut-être
rajouter un élément. Vous savez, dans les autres provinces, la plupart du
temps, quand on a des mécanismes de représentation, le milieu de travail va
décider, ou c'est défini à l'avance, c'est un comité de santé et sécurité ou un
représentant en santé et sécurité, un représentant des travailleurs. Au Québec,
on a la ceinture, les bretelles, etc., parce qu'on oblige les deux mécanismes.
Le milieu de travail, il est bon pour être capable de définir ça. Et je suis
certain, Mme la Présidente, qu'un procureur ou un ministre qui a regardé des
conflits de travail sait que la pire chose... Il faut que la décision vienne du
milieu de travail, entre les deux parties, travailleurs, employeur. La minute
où c'est imposé, ça crée un climat de relations de travail extrêmement négatif.
Vous savez, quand on arrive avec des
règlements, avec un minimum, là, le minimum est très généreux, au Québec, dans
à peu près tout. Ça fait en sorte que le début de la négociation, c'est
toujours pour en avoir davantage. Il y a un problème, de ce côté-là, puis c'est
pour ça qu'on définit, il faut faire attention au règlement qui impose des minimums,
d'une part. D'autre part, la démonstration est que quand le milieu de travail
arrive à des décisions, puis il faut le forcer parfois à prendre des décisions,
bien, on arrive à des résultats beaucoup plus intéressants, beaucoup plus
participatifs.
M. Boulet : Mon temps est
expiré. J'aimerais ça, simplement, vous remercier, Karl, Yves-Thomas.
Évidemment, j'aimerais ça, saluer toutes les personnes du Conseil
du patronat qui ont contribué à la rédaction du mémoire. Et au plaisir
de vous rencontrer bientôt, mais soyez certains d'une chose : on va
continuer de collaborer avec les partis d'opposition, on va bonifier ce projet
de loi là puis on va s'assurer que les milieux de travail aient l'outil
législatif qui leur permet d'atteindre leurs objectifs. Merci, Karl, merci,
Yves-Thomas. À bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour le bel échange. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de
Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Essayez, s'il vous plaît, de bien
respecter votre temps. Merci.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, merci beaucoup pour votre rapport. Je seconde tout ce
qui a été dit sur vous deux, sur le Conseil du patronat.
J'ai 11 minutes, droit au but. Le ministre ouvre la porte à la bonification
de son projet de loi, je note très bien ça. Ma première question à vous
deux : Le Conseil du patronat dénonce l'augmentation des
coûts du régime, la facilité d'y avoir accès, le rôle prépondérant du médecin
traitant et le fait que, dans le cas du programme Pour une maternité sans
danger, les coûts...
M. Derraji : ...le ministre
ouvre la porte à la bonification de son projet de loi, je note très bien ça. Ma
première question à vous deux : Le Conseil du patronat
dénonce l'augmentation des coûts du régime, la facilité d'y avoir accès, le
rôle prépondérant du médecin traitant et le fait que, dans le cas du programme
Pour une maternité sans danger, les coûts soient supportés par l'ensemble des
employeurs. Donc on parle 70 % des réclamations proviennent du
secteur public. Avez-vous une proposition dans ce sens, sachant que les
employeurs contribuent, mais c'est 70 % de ce régime est utilisé par le
secteur public?
M. Blackburn (Karl) : Bien, si
je peux commencer un élément de réponse, M. le député, et par la suite
M. Dorval pourra certainement en ajouter. Si on prend, par exemple, le
programme de maternité sans danger, c'est un programme qui est unique en
Amérique du Nord, qui est sous la responsabilité des employeurs du Québec,
alors que ce programme devrait être davantage un programme social, donc qui
devrait être pris en charge, entre autres, par l'assurance-emploi. C'est une
des propositions que nous faisons pour éviter que l'entièreté de ce programme,
qui représente plus de 215 ou 219 millions par année, ne soit à la simple
responsabilité des employeurs parce qu'on... N'oubliez pas, le programme de
santé et sécurité est 100 % assumé par les employeurs.
L'autre élément que vous avez mentionné,
M. le député, fait référence à certaines comparaisons. Je pense, encore une
fois, que le rapport de Morneau Shepell qui a été rendu public la semaine
dernière, un rapport indépendant, est venu vraiment démontrer de façon
éloquente la différence importante qui existe sur certains des points que vous
avez mentionnés en termes de coûts, en termes d'efficacité, en termes de
productivité sur des différences importantes du coût du régime du Québec versus
celui de d'autres provinces comparables. Et, dans ce sens-là, le gouvernement,
l'opposition et les membres de l'Assemblée nationale doivent s'inspirer de ces
comparaisons pour moderniser le régime.
Et j'inviterais M. Dorval à
continuer, là, je dirais, les éléments de réponse pour précis à la question que
vous avez posée.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Bien, pour les questions de coûts, Mme la
Présidente, la principale raison, d'abord, notre régime admet plus facilement
des lésions qu'ailleurs, donc l'admissibilité est beaucoup plus large
qu'ailleurs quand on se compare avec d'autres provinces. L'intervention du
médecin traitant fait en sorte aussi que le temps de... le processus, voire
même des contestations judiciaires, etc., prennent beaucoup plus d'espace. Vous
savez que c'est le seul endroit en Amérique du Nord où le régime, ce n'est pas
l'adjudicateur, c'est-à-dire ce n'est pas l'agent d'indemnisation qui prend la
décision, là, soit de retour au travail ou autre, là, c'est souvent influencé
par l'avis prépondérant du médecin traitant. Partout ailleurs, c'est l'ensemble
des intervenants qui doivent décider. Puis à la fin, le responsable, que ce
soit la Société d'assurance automobile, que ce soit dans une compagnie
d'assurance, que ce soit dans les autres commissions santé et sécurité au
travail à travers le Canada, c'est toujours l'administrateur du régime qui
prend la décision finale...
M. Derraji : C'est très clair.
Désolé, parce que je n'ai que 11 minutes et j'ai plein de questions, je
veux profiter de votre présence. Donc, juste pour conclure cette partie, vous
voulez que les 219 millions que coûte ce programme, que ce n'est plus
CNESST, mais c'est plus l'assurance-emploi qui prend en charge ce volet. Est-ce
que j'ai bien...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …qui prend la décision finale…
M. Derraji : C'est très clair,
désolé, parce que je n'ai pas 11 minutes et j'ai plein de questions, je veux
profiter de votre présence. Donc, juste pour conclure cette partie, vous voulez
que les 219 millions que coûte ce programme, que ce n'est plus la CSST,
mais c'est plus l'assurance-emploi qui prend en charge ce volet. Est-ce que
j'ai bien compris?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Bien, maternité sans danger, là, il faut
comprendre qu'il n'y a pas de discussion, il faut que les personnes enceintes
soient protégées contre des substances, des éléments du travail qui pourraient
affecter la mère ou l'enfant d'ailleurs. Ça, il n'y a pas de discussion là-dessus.
Le problème qu'on a, dans les autres provinces, ils sont couverts, puis les
femmes sont couvertes, hein? Quand la vie… et qu'il faut que la personne soit
retirée du travail, tombe sur l'assurance-emploi, financée à 60 % par les
employeurs, 40 % par les travailleurs. Elles sont couvertes ailleurs, sauf
que ce n'est pas un programme régi par le régime d'assurance de santé et
sécurité au travail…
M. Derraji : C'est excellent.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …payé à 100 % par les employeurs.
M. Derraji : C'est excellent,
pour moi, c'est très clair, et j'espère que les collègues aussi, M. le ministre
a bien noté votre réponse. Je vais revenir au mécanisme de prévention. Vous
proposez que les mécanismes de prévention soient déterminés en fonction de la
performance de l'employeur et non des risques. Ma question est très
simple : Pouvez-vous nous donner des exemples sur lesquels vous basez cette
proposition? J'ai entendu ou j'ai cru comprendre, vous ne voulez pas du
mur-à-mur, mais concrètement ça veut dire quoi, sur le milieu de travail,
sachant que vous siégez sur le conseil d'administration de la CNSST? Donc, vous
avez vu pas mal de cas de figure, de récalcitrants, si on peut dire, ce serait
quoi, votre proposition concrète?
• (10 h 20) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Si vous me permettez, M. Blackburn, je vais
répondre. Le fait est que le régime, à ce moment-ci, au niveau de la
prévention, est axé sur des secteurs et, vous-même, hein, il y en a parmi les
membres de la commission parlementaire qui ont énoncé que certains secteurs
devraient être couverts, d'autres ne le sont pas, etc., ou par rapport, vous
avez dit, aux risques, il y a un élément de risque qui est important, là, en
prévention, il n'y a pas de doute là-dessus, les programmes de prévention
doivent tenir compte de ça. Cependant, lorsqu'on arrive à déterminer des
mécanismes de prévention, il y a beaucoup d'employeurs qui font très bien les
choses à leur manière avec leurs travailleurs, avec le milieu de travail. Ils
n'ont pas besoin… nécessairement, les employeurs ou les milieux de travail où
il y a peu d'accidents, surtout peu d'accidents graves, parce qu'ils s'occupent
bien.
Alors là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on
vient imposer par réglementation des mécanismes, ça, c'est des objectifs de
moyen, non pas des objectifs de résultat. Toutes les campagnes d'assurance,
hein, sont basées, en général, les moyens, les cotisations sur l'expérience.
Alors, si vous avez une mauvaise expérience, bien, on va vous dire : Il
faut que vous mettiez en place tel, tel, tel moyen ou il faut que vous mettiez
en place tel, tel élément puis ça va vous coûter plus cher. Ici, on dit :
Non, non, que tu fasses une bonne job ou non, le milieu de travail, là, c'est
les deux, hein, c'est les travailleurs puis les employeurs, je ne suis pas en
train de dire juste les employeurs, travailleurs, employeurs. Si tu fais une
bonne job, pourquoi quelqu'un d'autre viendrait dire : Non, non, ce n'est
pas comme ça qu'il faut que tu le fasses, c'est différemment? Là, ce qu'on dit,
c'est beaucoup plus intéressant d'axer les décisions, les catégories, les gens
où on applique ces moyens-là…
M. Dorval
(Yves-Thomas) : ...bonne job ou non, le milieu de travail, là,
c'est les deux, hein, c'est les travailleurs puis les employeurs. Je ne suis
pas en train de dire juste les employeurs, là, travailleurs et employeurs. Si
tu fais une bonne job, pourquoi quelqu'un d'autre viendrait dire : Non,
non, ce n'est pas comme ça qu'il faut que tu le fasses, c'est différemment?
Alors, ce qu'on dit, c'est : C'est beaucoup plus intéressant d'axer les
décisions, les catégories, les gens où on applique ces moyens-là non pas sur
des critères mur à mur, mais davantage sur l'expérience de chaque employeur.
M. Blackburn (Karl) : Si je
pouvais me permettre, M. le député, d'ajouter un exemple, vous savez, par
secteur... Je peux vous donner un exemple concret d'une entreprise forestière
qui avait tellement à coeur la santé et sécurité de ses travailleurs qu'elle
n'a pas hésité, à un moment donné, de fermer la production et d'arrêter la
production dans l'usine parce qu'il y avait eu plusieurs petits incidents dans
les mois précédents, et les statistiques jouaient contre l'employeur et les
travailleurs. Parce que plusieurs petits incidents veut dire probablement un
manque de vigilance, probablement un manque de sécurité. Alors, l'entreprise a
pris une décision extrêmement importante de dire : Nous allons arrêter la
production, nous allons revoir, avec les travailleurs, avec chacun d'eux,
individuellement, les règles et les mesures de sécurité auxquelles ils sont
souscrits, pour eux, mais pour leurs collègues. Et par la suite, lorsque chacun
d'eux aura fait, je dirais, l'analyse et l'évaluation, on reprendra la
production.
L'usine n'a pas fait de vente, donc a
perdu des profits, les travailleurs n'ont pas été rémunérés. Et à une réponse à
un journaliste... qui a été posée à l'effet que si j'avais été le mari, ou le
président de syndicat ou la fille du président de syndicat, je serais en furie
contre l'entreprise... et la réponse de l'entreprise était : Au contraire,
si j'étais le père, le frère ou le mari du travailleur, je serais fier que mon
employeur ait tellement à coeur sa santé et sécurité qu'il est prêt à perdre
des ventes pour maximiser la responsabilité de sa sécurité. Et dans ce sens-là,
c'est une responsabilité de tous, et des travailleurs, et des employeurs.
M. Derraji : Bien, merci, M.
Blackburn. Vous parlez du domaine que vous connaissez très bien, le domaine
forestier, donc je vous remercie pour cet exemple qui illustre très bien la
problématique que je viens de soulever.
Une autre question. Vous préconisez le
retrait des médecins du réseau de la santé publique en santé au travail. Donc,
est-ce qu'une telle recommandation sert bien les nouveaux employeurs qui seront
soumis au régime de santé et sécurité au travail qui possède l'expertise? Et
proposez-vous le retour du médecin de l'employeur?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Mme la Présidente, en fait, on ne propose pas
le retrait du médecin, là, ou du spécialiste en santé au travail. Ce qu'on dit,
c'est qu'il faut le mettre dans l'endroit propice où il peut contribuer le
plus. C'est-à-dire de regarder, par exemple, au niveau scientifique, quels sont
les éléments qui peuvent être des contaminants, les agresseurs, etc. Donc, il a
un rôle. Quand on regarde.
Quand on a parlé, au tout début, au niveau
de la prévention, on a dit : C'est important d'associer toutes les parties
prenantes, hein, c'est ça que M. Blackburn a dit tout à l'heure. Les parties
prenantes, ça inclut la santé au travail. Ce n'est pas exclu, sauf qu'on
revient toujours au principe de la décision. Ultimement, c'est l'employeur qui
doit réorganiser son travail, c'est l'employeur qui doit mettre en place les
mesures, et le travailleur doit contribuer à ça, et les avis de santé au
travail sont très...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …inclut la santé au travail. Ce n'est pas
exclu. Sauf qu'on revient toujours au principe de la décision. Ultimement,
c'est l'employeur qui doit réorganiser son travail, c'est l'employeur qui doit
mettre en place les mesures, et le travailleur doit contribuer à ça, et les
avis de la médecine de santé au travail sont très importants. Mais je veux
juste confier quelque chose, aussi, sur la capacité du réseau. Vous savez, je
siège au conseil d'administration de la CNESST. Ça fait au moins cinq ans,
hein, que le réseau de santé au travail ne peut même pas dépenser la subvention
qui lui est octroyée parce qu'il n'y a pas assez de ressources à l'interne pour
couvrir tous les éléments qu'ils doivent couvrir. Donc, il faut faire appel à
toutes les parties prenantes, à toutes les spécialités, y compris santé au
travail, qui ont une expérience et une expertise extraordinaires, mais pas… ça
ne doit pas être prépondérant.
M. Derraji : Mais… donc,
maintenant, avec ce que vous venez de dire, le projet de loi n° 59 accorde
des pouvoirs accrus à la CNESST. Vous, vous siégez au niveau de la CNESST,
pensez-vous qu'on rajoute énormément de choses sur la table de la CNESST?
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Oui. Si vous prenez l'analyse d'impact qui a été faite, on sous-estime de
beaucoup, beaucoup. On augmente tous les coûts, hein, c'est-à-dire on réduit
tous les coûts. Par exemple, on va calculer les coûts sur trois ans puis on
augmente tous les bénéfices sur 10 ans, sans compter que la majorité des
lésions, etc., vont être… vont arriver de toute façon parce qu'elles n'ont pas
trait à des mécanismes de prévention. Mais ce que vous dites est très
important, c'est qu'on a les moyens pour aider, pour mettre en place les
ressources nécessaires. L'idée, c'est de faire s'assurer que l'employeur ne
perde pas sa place, que le travailleur ait aussi ses responsabilités et que
l'ensemble des parties prenantes, des spécialités puissent concourir puis qu'à
la fin c'est l'administrateur du régime qui doit prendre la décision au niveau
de l'admissibilité ou de l'indemnisation, etc.
M. Derraji : M. Dorval…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci…
M. Derraji : Je vais juste
remercier, Mme la Présidente, M. Dorval, M. Blackburn. Merci beaucoup
pour la qualité des documents que vous avez envoyés. Soyez rassurés par rapport
à notre grand intérêt, qu'on va essayer de faire tout ce qu'on peut pour
préserver ce régime. Merci encore une fois pour la présence.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 45 s. Alors, est-ce que le député d'Hochelaga-Maisonneuve
est avec nous?
M. Leduc : Oui. Bonjour, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour.
M. Leduc : Bonjour, M. Blackburn. Bonjour, M. Dorval. Deux…
peut-être un commentaire puis une question. Premièrement, sur le programme
maternité sans danger, je suis toujours un peu étonné du retour de cette
cabale-là, là. Il me semblait que c'était dossier réglé. On oublie tout le
temps de dire que si quelqu'un se retrouve en maternité, en retrait préventif,
là, c'est parce qu'il n'a pas été capable d'avoir élimination du danger à la
source, qui est dans votre cour, et d'une assignation d'une tâche temporaire,
qui est aussi dans votre cour. C'est suite à ces deux échecs-là de votre part
que quelqu'un se ramasse en retrait préventif. Puis vous dites qu'il y a
70 % des retraits qui se font dans le secteur public. Bien, il ne faut
peut-être pas oublier aussi que, dans le secteur public, c'est 80 % des
salariés qui sont syndiqués, alors que, dans le secteur privé, on est plus dans
le 15 %, 20 %. Peut-être que ça serait une explication, hein? Les
gens connaissent mieux leurs droits et appliquent plus leurs droits lorsqu'ils
sont…
M. Leduc : …part que quelqu'un
se ramasse en retrait préventif. Puis vous dites qu'il y a 70 % des
retraits qui se font dans le secteur public, bien, il ne faut peut-être pas
oublier que, dans le secteur public, c'est 50 % des salariés qui sont
syndiqués, alors que, dans le secteur privé, on est plus dans le 15-20 %,
peut-être que ça serait une explication, hein. Les gens connaissent mieux leurs
droits et appliquent plus leur droit lorsqu'ils sont syndiqués. C'était mon
commentaire, ma question est plus sur l'aspect, votre recommandation numéro b…
la lettre b plutôt, vous demandez, dans le fond, à ce que les corps d'emploi,
les secteurs d'emploi, qui ont une bonne performance, ça soit dédouané de
certaines obligations en matière de prévention, mais je trouve ça étonnant
parce que la notion même de prévention, c'est de s'assurer qu'il y ait aucun
danger. Et, si ça va… parce que la logique est bizarre, est-ce qu'il va falloir
d'attendre que ça l'aille mal avant de faire la prévention? Si ça va bien dans
un secteur parce qu'ils appliquent la prévention, bien, il faut continuer à
appliquer la prévention. Il ne faut pas baisser les niveaux de prévention, donc
n'attendons pas que ça l'aille mal pour faire de la prévention, gardons-la pour
tout le monde. Après ça, il faut-il qui… avoir des niveaux de risque ou des
niveaux d'application de tout un chacun, c'est une bonne question. Mais je trouve
que c'est une drôle de logique.
M. Blackburn (Karl) : Bien, si
je peux me permettre rapidement. D'abord, vous laissez entendre que le
Programme de maternité sans danger, c'est quelque chose auquel, nous, on
n'accorde pas d'importance, c'est faux. Ce qu'on dit simplement, c'est que ce
programme-là est davantage un programme social, donc devrait être absorbé par
des programmes sociaux et non par des programmes de santé et sécurité, qui eux
sont financés à 100 % par les employeurs du Québec.
Et l'autre élément, ce qu'on mentionne par
rapport à l'aspect que vous soulevez sur l'aspect de santé et sécurité, il faut
reconnaître que certaines entreprises, certains employeurs sont très
performants dans leur secteur d'activité. Alors, il faudrait s'inspirer de ces
éléments-là de performance au lieu d'arriver avec… je dirais des applications
mur-à-mur, sur certaines mesures, qui ne viendraient pas reconnaître cette
capacité ou cette qualité de performance. Et je pourrais peut-être demander à
M. Dorval de compléter la réponse.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Bien, merci. Écoutez. D'abord, pour la notion
de prévention, en fait, lorsqu'on a moins d'accidents et moins d'accidents
graves, c'est parce qu'on a en place des mécanismes ou des moyens de
préventions. Là, on parle de mécanisme légiféré, réglementé avec des
obligations, par exemple de représentativité, etc. Nous, ce qu'on dit, là, ce
n'est pas qu'il ne doit pas y avoir des moyens de prévention… puis en passant,
là, c'est faux de dire qu'il n'y a que… quelque chose comme 25 % seulement
de… je ne me souviens plus du chiffre exact, là… de gens qui sont couverts…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Dorval, vous savez que votre temps est écoulé, hein?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Ah! Je m'excuse. Juste pour vous dire que tous
les employeurs hors groupe prioritaire, qui sont en mutuel ont des obligations
de prévention, c'est juste que les moyens sont différents.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avons, merci pour l'échange.
Nous poursuivons maintenant avec le député
Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s. Alors, respectez le temps, s'il vous
plaît. Merci.
• (10 h 30) •
M. Roy
(Bonaventure)
:
Vous êtes trop généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Blackburn et Dorval,
ce n'est pas la première fois que nous avons des discussions, on a déjà croisé
le fer. D'entrée de jeu, élément d'information, aussi, au Québec, on est les
champions en termes de contestation juridique. Donc, éventuellement, il va
falloir évaluer les coûts que ça apporte, aussi, aux entreprises qui… pour qui
certains acteurs…
10 h 30 (version non révisée)
M. Roy (Bonaventure)
:
…Dorval, ce n'est pas la première fois que nous avons des discussions, on a
déjà croisé le fer. D'entrée de jeu, élément d'information, aussi, au Québec,
on est les champions en termes de contestations juridiques, donc,
éventuellement, il va falloir évaluer les coûts que ça apporte, aussi, aux
entreprises… Pour certains acteurs, c'est une industrie extrêmement
florissante, bon.
Dans votre mémoire, vous faites valoir le
mythe de l'autorégulation, hein? Vous préconisez une déréglementation en
faisant valoir l'instauration d'un guide de bonnes pratiques. Donc, c'est votre
travail, vous le faites au Conseil du patronat, vous
faites votre job. Vous voulez disqualifier et disloquer la fonction régulatrice
de la Santé publique. Tout à l'heure, vous avez dit que vous ne vouliez pas ça,
mais si je vais dans votre mémoire, vous dites : «Nous devons éliminer les
interventions de la Santé publique dans le milieu de travail.» C'est clair.
Moi, je vais vous amener sur un article
qu'il y a eu dans le… une entrevue, ce matin, à Radio-Canada où la Santé
publique a des inquiétudes par rapport aux conflits d'intérêts potentiels des
médecins qui seraient engagés par les entreprises, qui auraient le mandat…
parce qu'on élimine la Santé publique, donc des gens indépendants, on embauche
des médecins qui ont le mandat de prescrire les programmes de prévention, mais
ils peuvent aussi avoir le mandat de contester les demandes d'indemnisation.
Est-ce que vous ne craignez pas de voir des conflits d'intérêts potentiels de
médecins à l'intérieur des entreprises? Et si oui, est-ce que ça ne prendrait
pas des garde-fous?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Si M. Blackburn le permet…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…
Une voix
: Je laisse
mon temps à M. Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : La question du médecin traitant, là, c'est que
si c'était la solution miracle, on le verrait au Québec, puis c'est la seule
province qui a ça. Le médecin traitant a des responsabilités. Quand on dit,
dans notre mémoire, qu'il faut enlever les interventions en milieu de travail,
on ne dit pas que la contribution de la santé au travail ne doit pas être là en
termes d'information, en termes de prédire, de prescrire des éléments de santé
publique, des éléments de santé globale. Ce qu'on dit, c'est que l'intervention
de quelqu'un dans le milieu de travail, ça relève du milieu de travail et non
pas de gens qui sont à l'extérieur.
Vous avez parlé de conflit d'intérêts,
c'est le plus bel exemple, pourquoi on a un problème au Québec? Vous avez parlé
de surcontestations et de litiges, c'est exactement pour ça. Vous savez, quand
on pose la question aux associations de médecins, quand on pose la question aux
médecins traitants : C'est quoi, son enjeu principal, en médecine du
travail? C'est de protéger sa relation de confiance client-prescripteur. C'est
ça, son premier… un de ses éléments importants. Vous parlez de conflit
d'intérêts, bien à ce moment-là, le conflit d'intérêts est aussi vrai entre le
médecin traitant puis son employé, versus un régime de santé et sécurité au
travail. Là, on vient dire…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Attention, M. Dorval, le temps est écoulé, alors, merci. Alors je
remercie M. Blackbrun et M. Dorval pour votre contribution à la commission.
Nous suspendons quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci beaucoup. On ne pourra pas se serrer la
main, alors…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Non, alors à la prochaine.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …éventuellement. Au revoir, tout le monde.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Au revoir.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : …au revoir, tout le monde.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Au revoir.
M. Blackburn (Karl) : Au
revoir.
M. Boulet : Merci à vous deux.
M. Blackburn (Karl) : Merci,
au revoir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous accueillons le prochain groupe, mais attention on n'est pas
en ondes. Est-ce que le prochain groupe est là avec Mme Cordeau et… ah,
ils ne sont pas là, là, hein? O.K., vous devez les accepter d'abord. Parfait,
merci.
Là, je profiterais… je profiterais à tout
le monde pour mentionner de m'épingler ou en fait d'épingler, là, la présidente
parce que… pour monsieur… M. Derraji, M. Roy, monsieur… également de…
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Il faut qu'on respecte, si possible, le temps.
Alors, si vous m'épinglez, vous allez pouvoir voir le deux minutes qui
reste ou le 30 secondes qui reste. Est-ce ça vous va? J'ai M. le
ministre aussi, la consigne s'adresse à vous. Si vous m'épinglez, vous allez
pouvoir voir, au moins, le temps qui vous reste. Est-ce que ça vous va?
M. Derraji : Mme la
Présidente, aucun problème. C'est les… c'est juste les remerciements à la fin,
on est tous limités avec le temps. On doit tous s'adapter. Il y a des groupes
qui ont fait un travail extraordinaire. Je pense que de prendre le temps, par
respect, de les remercier à la fin… important. C'est juste par respect à ces
gens qui s'adaptent aussi en temps de COVID. Donc, c'est la seule chose qu'on
vous demande bien gentiment. Le ministre l'a fait au début pour remercier le
groupe. Je me suis permis aussi de remercier le groupe parce que… vous voyez,
hein, ce n'est pas évident, hein…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est pour ça que j'avise aussi le ministre pour ne pas qu'il donne un mauvais
exemple.
M. Derraji : Bon, voilà, ça
commence avec lui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Est-ce qu'ils sont là? Alors, le nouveau groupe est avec nous. Attendez, nous
ne sommes pas encore en ondes. Mme Cordeau, vous êtes là?
Mme Cordeau
(Louise) : Je suis là. Bon matin.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Bonjour, moi… Parfait. Bonjour, Mme Cordeau, je vous
vois bien. Mme Julien, est-ce que Mme Julien est là?
Mme Julien
(Mélanie) : Bonjour. Oui, je suis là.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Moi, je ne vois pas encore. Est-ce que vous la voyez?
Est-ce que les deux, vous allez intervenir? Je présume que oui.
Mme Julien, je ne vois pas votre caméra. Vous l'avez vous? Ah, oui.
Oui, pas bien notre affaire. Participants, attendez. Oui, mais Cordeau,
Cordeau, il n'est pas là. Cordeau, parfait. Je viens de vous épingler. Julien,
je ne vois pas Julien. Elle est soumis… c'est Mélanie?
Mme Julien (Mélanie) : Oui,
moi, je vous vois bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Non? Ah, c'est bête. Je suis allée en bas. Donc, inviter… ah, Mélanie. Parfait.
Merci…
(Reprise à 10 h 39)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue aux représentantes du Conseil du
statut de la femme.
Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges.
Toutefois, je vous invite à vous présenter avant de commencer votre exposé.
• (10 h 40) •
Mme Cordeau
(Louise) : Bon matin. Bonjour à tous les membres de la
commission, Louise Cordeau, je suis présidente du Conseil du statut de la femme
et je suis accompagnée de Mélanie Julien, qui est la directrice de
l'analyse et de la recherche par intérim au conseil.
Alors, aujourd'hui, le conseil intervient
sur le projet de loi n° 59 visant à moderniser le régime de santé et de
sécurité du travail…
Mme Cordeau
(Louise) : …bonjour à tous les membres de la commission,
Louise Cordeau, je suis présidente du Conseil du statut de la femme et je
suis accompagnée de Mélanie Julien, qui est directrice de l'analyse et de
la recherche par intérim au conseil.
Alors, aujourd'hui, le conseil intervient
sur le projet de loi n° 59 visant à moderniser le régime de santé et de
sécurité du travail. Il salue l'intention du gouvernement de concrétiser cette
tâche colossale, considérant les changements significatifs dans le monde du
travail et de l'ensemble de notre société. Vous l'aurez deviné, le conseil
souhaite que les modifications législatives introduites avec le projet de loi
n° 59 tiennent pleinement compte des réalités des femmes, et ces réalités
ne sont pas forcément les mêmes que les hommes. Cette affirmation peut sembler
banale, mais gardons-la à l'esprit. Ces différences sont d'ailleurs rapportées
dans le Plan d'action en santé et bien-être des femmes que le ministère de la
Santé et des Services sociaux a rendu public. De nombreux spécialistes du Québec
et d'ailleurs l'affirment : On ne peut réfléchir à la santé en général et
à la santé et à la sécurité du travail en particulier sans considérer les
différences biologiques et sociales entre les femmes et les hommes. C'est sur
la base de ce constat que le conseil a examiné le projet de loi n° 59. Ce
dernier contient des dispositions législatives significatives dans l'intérêt
des travailleuses. Des pistes d'amélioration demeurent cependant nécessaires.
Je m'attarderai à cinq sujets. Le
premier concerne le personnel domestique, on le sait, majoritairement composé
de femmes et qui sont souvent issues de l'immigration. Donc, le projet de loi
n° 59 prévoit l'élargissement de la couverture de la loi au personnel
domestique. Cette intention rejoint d'ailleurs des recommandations antérieures
du conseil et fait écho à la nécessité de mieux reconnaître ces emplois souvent
sous-estimés et sous-évalués. Le projet de loi impose toutefois les limites
d'admissibilité en fonction du nombre d'employeurs et du nombre d'heures
travaillées. Ces critères excluent de facto des personnes qui travaillent à
temps partiel ou qui ont plusieurs employeurs. Nous pensons par exemple aux
personnes qui permettent le maintien à domicile des personnes aînées, malades
ou en situation de handicap. Le conseil recommande donc de retirer ces critères
limitatifs. De plus, le conseil recommande que les employeurs des travailleuses
et des travailleurs domestiques ne soient pas dispensés de tenir un registre
des accidents considérant qu'il s'agit d'un moyen reconnu pour améliorer la
prévention des risques.
Notre deuxième sujet traite de la
reconnaissance des maladies professionnelles propres aux femmes. Le projet de
loi prévoit différents moyens pour déterminer les maladies professionnelles.
Pour atteindre leurs objectifs, ces différents mécanismes doivent considérer
les différences entre les femmes et les hommes. Reconnues par les spécialistes,
elles s'expliquent notamment par le fait que je vais vous donner quelques
exemples qui semblent évidents, peut-être : certains emplois sont occupés
par une large majorité de femmes, on pense évidemment à la santé et à
l'enseignement; les femmes qui occupent un emploi à prédominance masculine
doivent parfois composer avec un équipement encore inadapté à leur morphologie…
Mme Cordeau
(Louise) :…par le fait que… et je vais
vous donner quelques exemples qui semblent évidents, peut-être. Certains
emplois sont occupés par une large majorité de femmes, on pense évidemment à la
santé et à l'enseignement. Les femmes qui occupent un emploi à prédominance
masculine doivent parfois composer avec un équipement encore inadapté à leur
morphologie. On pense, par exemple, aux pompières : leurs gants et les
bottes de travail. Certaines recherches, de plus, ont démontré que les femmes
et les hommes réagissent différemment à des situations de stress au travail, ou
à l'exposition à des contaminants chimiques. Et finalement, plusieurs
recherches sur les risques de maladies et de lésions professionnelles, et sur
la santé en général, portent davantage sur des sujets ou des secteurs d'emploi
occupés majoritairement par des hommes.
Prenons un exemple concret. Le projet de
loi ne reconnaît toujours pas le cancer du sein comme une maladie
professionnelle des pompières, alors qu'il est reconnu ailleurs au Canada. Mais
le cancer des poumons, du larynx, de la peau et de la prostate y est nommément
désigné. Il est donc impératif que les maladies et les lésions professionnelles
propres aux femmes soient reconnues. Pour ce faire, il faut recourir à une
analyse différenciée selon les sexes dans le processus menant à
l'identification des maladies et des lésions professionnelles. Il s'agit d'une
avenue riche de bénéfices, comme le fait valoir le Haut Conseil à l'égalité
entre les femmes et les hommes en France, et je les cite : «La prise en
compte des interactions entre sexe et genre dans le domaine de la santé a des
retombées majeures en termes de connaissances scientifiques, de prise en charge
médicale, de traitement, de prévention et de réduction des coûts de santé.» Le
Conseil recommande donc que cette ligne directrice soit énoncée dans le projet
de loi, notamment eu égard au mandat du comité scientifique et dans les
obligations des comités des maladies professionnelles et, de plus, que soit
revue la liste des maladies professionnelles.
Notre troisième sujet concerne les
mécanismes de prévention et de participation dans les secteurs à prédominance
féminine. Le Conseil salue la volonté du gouvernement d'étendre les mécanismes
de prévention et de participation à l'ensemble des secteurs d'activité
économique. Il constate, cependant, que le moyen d'évaluation qui a été
privilégié ne permet pas de refléter les risques qui affectent les
travailleuses de certains secteurs à prédominance féminine. Comment peut-on
justifier que des hôpitaux, des établissements de soins de santé à domicile et
des écoles soient associés à un faible niveau de risque. Nous savons que c'est
dans ces domaines que s'observent les plus hauts taux de lésions attribuables à
la violence physique. Selon la Commission des normes de l'équité, et de la
santé et de la sécurité du travail, en 2018, près de 80 % des lésions
acceptées attribuables à la violence physique surviennent dans les milieux de
la santé et de l'enseignement. Le Conseil recommande donc de revoir les niveaux
de risque associés aux différents secteurs d'activité.
Notre quatrième sujet traite de
l'évaluation des risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Sur
la base d'analyses produites ces dernières années…
Mme Cordeau
(Louise) : ...dans les milieux de la santé et de l'enseignement.
Le conseil recommande donc de revoir les niveaux de risque associés aux
différents secteurs d'activité.
Notre quatrième sujet traite de l'évaluation
des risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Sur la base
d'analyses produites ces dernières années, le conseil s'attarde à trois
principaux enjeux. D'abord, les conditions d'admissibilité au programme. Le
conseil se préoccupe de la situation des femmes qui sont exclues du programme
Pour une maternité sans danger. Il est certes heureux de constater que le
projet de loi permet aux stagiaires d'y avoir désormais accès. Les
travailleuses domestiques, les travailleuses autonomes dont l'entreprise n'est
pas constituée en personne morale, notamment dans le milieu agricole ou
entrepreneurial, en sont toutefois toujours exclues. Nous pensons qu'une
réflexion en marge des travaux de cette commission devrait être effectuée afin
d'élargir le programme à ces travailleuses.
Le second enjeu concerne l'équité dans
l'évaluation des risques. Le conseil est soucieux que l'établissement de
protocoles prévus au projet de loi donne lieu à une équité dans l'évaluation
des risques tout en conservant la possibilité pour la professionnelle ou le
professionnel chargé du suivi de grossesse de formuler les recommandations qui
tiennent compte de l'état de santé de la travailleuse et des conditions
spécifiques à l'exercice de son emploi. Par ailleurs, l'établissement de
protocoles ne peut être conçu comme un exercice figé dans le temps, étant donné
le développement des connaissances sur les risques afférant au marché du
travail. C'est pourquoi le conseil recommande d'ajouter la mise à jour des
protocoles aux responsabilités du directeur national de santé publique.
Le troisième enjeu est le soutien aux
employeurs afin qu'ils mettent en place des mesures permettant d'éviter les
risques, tout en maintenant les travailleuses en emploi. Plus de 40 % des
travailleuses enceintes ou qui allaitent sont retirées de leurs emplois sans
être réaffectées. Cette réaffectation pose forcément des défis dans certains
milieux de travail. Le conseil recommande donc d'ajouter au contenu des
programmes de prévention l'identification des dangers pour les travailleuses
enceintes ou qui allaitent.
Et finalement notre dernier sujet traite
de la protection des travailleuses victimes de violence conjugale. Parmi les
obligations prescrites à l'ensemble des employeurs pour protéger la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur, le projet de loi ajoute celle de prendre
des mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de
travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la
violence conjugale ou familiale. Il rend ainsi explicite la responsabilité de
l'employeur en matière de protection des travailleuses et des travailleurs sur
les lieux de travail. Cette responsabilité s'ajoute, aux yeux du conseil, à
celle d'offrir un soutien aux employés victimes de violence, même lorsque
celle-ci ne se manifeste pas sur les lieux de travail. Cette disposition, que
nous saluons, affirme l'importance de lutter collectivement contre la violence,
incluant la violence conjugale, dont les femmes...
Mme Cordeau
(Louise) : ...afin d'offrir un soutien aux employés victimes de
violence, même lorsque celle-ci ne se manifeste pas sur les lieux de travail.
Cette disposition, que nous saluons, affirme l'importance de lutter
collectivement contre la violence, incluant la violence conjugale, dont les
femmes sont majoritairement victimes.
Le conseil est cependant préoccupé par les
mesures que les employeurs devront prendre afin s'assurer cette protection sur
les lieux de travail. Ils devront être soutenus pour reconnaître les signes de
la violence conjugale, encourager les signalements et protéger adéquatement les
victimes. Ce soutien est d'autant plus nécessaire que les manifestations de la
violence conjugale en milieu de travail prennent des formes variées. De plus,
le télétravail vient renforcer le contrôle exercé sur les victimes et amplifier
les risques de violence, tout en limitant la capacité d'action des employeurs.
L'expertise en la matière existe. Les
maisons d'hébergement, les centres de femmes, les centres d'aide aux victimes
criminelles savent comment intervenir et accompagner les victimes. Dans cette
perspective, le conseil recommande d'ajouter au contenu des programmes de
prévention les mesures à suivre dans l'éventualité où une travailleuse ou un
travailleur est victime de violence conjugale, incluant...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme Cordeau, en conclusion. Vous avez déjà dépassé votre temps.
Mme Cordeau
(Louise) : Donc, nous souhaitons que la Commission des normes,
de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail fournisse des outils pour
guider les employeurs.
Donc, vous aurez compris que des
ajustements doivent être apportés au projet de loi qui modernise le régime de
santé et de sécurité du travail afin qu'il considère pleinement les réalités
des femmes dans le marché du travail et que notre société bénéficie de
l'engagement de l'État québécois envers l'égalité entre les femmes et les
hommes.
Merci beaucoup de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour votre exposé. Alors, nous allons suspendre quelques instants avant
de commencer la période d'échange.
Alors, nous suspendons quelques instants,
merci.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 11 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous recommençons. Comme nous avons eu un petit pépin, je demanderais si
nous avons le consentement pour prolonger la séance de ce matin à quelques
minutes plus tard. Alors, j'y vais en ordre, je dois avoir votre autorisation,
votre consentement. M. le ministre?
M. Boulet : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Le député de Mégantic?...
11 h (version non révisée)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…consentement pour prolonger la séance de ce matin à quelques minutes plus
tard? Alors, j'y vais en ordre, je dois avoir votre autorisation, votre consentement.
M. le ministre?
M. Boulet : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Le député de Mégantic? Député de Mégantic, le micro?
M. Jacques : Consentement, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Député de Nelligan?
M. Derraji : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Député d'Hochelaga-Maisonneuve?
M. Leduc : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Député de Bonaventure?
M. Roy (Bonaventure): Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Excellent. Alors, quand nous avons quitté, Mme Cordeau venait de terminer son
exposé. Alors, nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. La
parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s. Je vous invite
à bien respecter le temps du 16 min 30 s. Merci.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais remercier et féliciter Mme
Cordeau, Mme Julien, puis toute l'équipe qui a collaboré à la rédaction du
mémoire du Conseil du statut de la femme et vous dire à quel point la réalité
féminine en milieu de travail fait partie, bien sûr, non seulement de nos
réflexions, mais vous avez souligné, dans les cinq sujets, vous avez fait
référence notamment aux travailleuses domestiques qui n'étaient pas couvertes,
qui ne sont pas couvertes dans le régime actuel. Vous avez parlé du cancer, je
vais y revenir un peu plus loin. Vous avez parlé des stagiaires, les stagiaires
n'étaient pas couverts, notamment les stagiaires d'observation qui seraient
dorénavant, bien sûr, avec l'adoption potentielle de ce projet de loi là,
couverts, et la violence conjugale, je vais y revenir.
Mais, dans un premier point, parlons des
travailleuses domestiques, parce que c'est une nette prépondérance féminine,
beaucoup de ces personnes-là sont totalement vulnérables, sont originaires
aussi, de façon majoritaire, des Philippines notamment. Vous dites : Il ne
devrait pas y avoir de… Vous savez, on a fait beaucoup d'examens comparatifs
avec les autres régimes applicables aux travailleuses domestiques au Canada et
ailleurs, et ça requiert un certain encadrement, en termes de nombre
d'employeurs et de nombre d'heures, pour s'assurer qu'il y ait une certaine
continuité dans les environnements de travail. Quand vous dites : Il ne
devrait pas y avoir de critère limitatif, Mme Cordeau, est-ce que vous dites
notamment : Il ne devrait pas y avoir aucun nombre d'heures ou aucun
nombre de semaines, aucune régularité de travail de la part des travailleuses
domestiques? Ça, c'est le premier volet de ma question.
Puis deuxièmement, qu'est-ce qu'on ferait,
par exemple, de quelqu'un qui vient simplement tondre la pelouse ou quelqu'un
qui vient simplement, de façon sporadique, garder les enfants? Puis il y en a
beaucoup de travailleuses domestiques, mais qui le font, de façon régulière,
qui sont des personnes à temps plein, là, ou à peu près à temps plein, mais il
y en a qui pourraient ne le faire que sporadiquement…
M. Boulet : …exemple de quelqu'un
qui vient simplement tondre la pelouse ou quelqu'un qui vient simplement, de
façon sporadique, garder les enfants? Puis il y en a beaucoup de travailleuses
domestiques, mais qui le font de façon régulière, qui sont des personnes à
temps plein, là, ou à peu près à temps plein, mais il y en a qui pourrait ne le
faire que sporadiquement. Qu'est-ce que vous me répondez à cette question-là?
Mme Cordeau
(Louise) : Est-ce qu'on m'entend, c'est bon?
M. Boulet : Oui.
Mme Cordeau
(Louise) : Alors, vous avez raison, M. le ministre, c'est un
grand enjeu et c'est un niveau de difficulté qui est fort important. Mais, je
vais vous donner un exemple qui… dont on parle dans le mémoire, mais qu'on n'a
pas pris la peine de parler trop longtemps dans la présentation. Les
travailleuses domestiques ou les travailleuses qui profitent du programme
chèque emploi-service, qui assure des services auprès des personnes malades ou
handicapées, qui sont rémunérées aussi, au niveau gouvernemental, et qui sont
couvertes s'il y arrive des accidents ou des lésions professionnelles. Ces
personnes-là, souvent, continuent à travailler pour le même employeur, donc, la
personne handicapée ou malade, parce que les services ne sont pas suffisants.
On veut faciliter, par exemple, le maintien à domicile des personnes dans notre
société, ça veut dire que d'autres personnes doivent aller les aider. Et ces
personnes-là, durant le temps de travail où elles sont reconnues pour le
programme chèque emploi-service, sont protégées et si elles travaillent un
nombre d'heures additionnelles, elles ne sont pas protégées s'il arrive un
accident sur les lieux de travail. Puis, si je continue ma réflexion, c'est que
leur indemnité sera calculée sur ce que ces personnes reçoivent, eu égard au
programme chèque emploi-service, et non pas au total d'heures travaillées. Ça,
c'est un exemple qui pourrait, peut-être, être plus facile à encadrer
Je suis d'accord avec vous qu'il y a
beaucoup de cas de figure où, finalement, les travailleuses domestiques, qui
sont majoritairement des femmes, travailleurs et travailleuses domestiques, ont
un employeur pour lequel c'est difficile… l'employeur ne cotise pas, là, on le
sait que c'est un régime, c'est un régime contributoire aussi. Mais, il reste
que le travail domestique tel qu'il est défini dans la loi, actuellement, à
temps plein, parce que c'est de ça dont on parle, il y a plusieurs personnes
qui effectuent du travail domestique qui ne peuvent pas en bénéficier, là.
M. Boulet : Oui, je comprends,
mais vous comprenez en même temps, Mme Cordeau, un, je le répète, là, on a fait
une avancée considérable parce qu'il n'y avait pas de couverture avant. Puis,
deux, ça nous apparaissait fondamental de prévoir que ces personnes-là devaient
travailler un minimum d'heures par semaine et un certain nombre d'heures
consécutives, un certain nombre de semaines consécutives pour s'assurer, là, de
bien…
M. Boulet : ...parce qu'il n'y
avait pas de couverture avant. Puis, deux, ça nous apparaissait fondamental de
prévoir que ces personnes-là devaient travailler un minimum d'heures par
semaine et un certain nombre d'heures consécutives, un certain nombre de
semaines consécutives pour s'assurer, là, de bien protéger les personnes qui font
un travail domestique, là, de façon un peu plus régulière.
Deuxième sujet, cancer du sein pour les
pompières. C'est extrêmement intéressant, parce que je pense qu'il faut se
redonner l'opportunité de dire qu'actuellement les maladies professionnelles
présumées sont dans une annexe. Maintenant... Puis une annexe, bien,
évidemment, ça fait partie intégrante de la loi puis ça se modifie beaucoup
plus difficilement, alors que maintenant ce sera un règlement. Et il y a un
comité de scientifiques, donc des experts qui vont émettre des avis. Là, on a
rajouté neuf cancers, notamment pour les pompiers et les pompières. Le cancer
du sein, à titre d'information, si le comité de scientifiques basé sur
l'évolution des connaissances scientifiques et médicales à l'échelle
internationale fait une recommandation que ce cancer-là du sein, il est reconnu
comme étant lié au travail de pompière, bien sûr, ce sera une recommandation,
un, qui sera rendu public, et éventuellement suivi, là, par le ministre. Mais
je tenais à vous rassurer qu'on n'a pas négligé les neuf cancers qui ont été
rajoutés, bien, ça tenait compte de l'unanimité qui s'était dégagée, là, à
l'échelle internationale. Puis je sais que ça peut exister dans certains pays,
mais c'est certainement quelque chose qui est... et que nous allons
éventuellement considérer.
Mme Cordeau, les stagiaires, bon,
évidemment, vous avez parlé d'un protocole. J'aimerais ça que vous me reparliez
du PMSD, notamment en ce qui concerne le protocole qui va être un guide de
référence, qui va faire état des connaissances scientifiques. Vous demandiez si
ce guide-là allait être coulé dans le béton. Est-ce que c'est l'objet de votre
intervention?
Mme Cordeau
(Louise) : C'est-à-dire qu'il y a plusieurs facteurs. Et un des
éléments, c'est de dire : Des protocoles vont être élaborés par le
directeur de la santé publique. Il nous semble important que ces protocoles-là
soient mis à jour. Je pense que ça peut avoir l'air assez simple, mais pour ne
pas considérer que c'est un format qui est là, qui est bon, qui existe pour
tout le temps.
Et, si vous me permettez, je demanderais à
Mme Julien de compléter. Elle a travaillé cet aspect-là de façon plus
approfondie. Alors, si vous le permettez, elle pourrait vous donner plus
d'explications.
M. Boulet : Bien sûr.
Mme Julien (Mélanie) : Oui,
merci. Alors, pour venir compléter la réponse de Mme Cordeau, j'ajouterai
qu'en ce qui concerne les protocoles, ce qui nous importe, en fait, c'est qu'on
sait, en vertu de l'ensemble des analyses qui ont été effectuées sur la
question, qu'il y avait quand même un certain nombre de disparités dans
l'évaluation des risques pour les...
M. Boulet : ...bien sûr.
Mme Julien (Mélanie) : Oui.
Merci. Alors, pour venir compléter la réponse de Mme Cordeau, j'ajouterai qu'en
ce qui concerne les protocoles, ce qui nous importe, en fait, c'est qu'on sait,
en vertu de l'ensemble des analyses qui ont été effectuées sur la question, qu'il
y avait quand même un certain nombre de disparités dans l'évaluation des risques
pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. C'est un constat qui est mis
en relief dans différentes études. Et ce que nous, on souhaite, c'est que
l'élaboration des protocoles permette justement une plus grande équité dans
l'évaluation des risques.
En même temps, ce que l'on souhaite, c'est
que ces protocoles-là n'en arrivent pas à une standardisation et qu'on ne
puisse plus considérer les cas de santé propres à chacune des femmes ou les
conditions de travail propres à chacune des femmes. Parce que souvent, c'est
aussi un cumul de risques qui fait en sorte que la travailleuse enceinte ou qui
allaite peut difficilement continuer dans l'exercice de son emploi tel qu'il
est de façon régulière. Alors, ce que nous, on souhaite, c'est que... oui, l'établissement
de protocoles, mais tout en laissant une certaine marge de manoeuvre à la
professionnelle ou au professionnel qui est en charge du suivi de la grossesse
de la femme pour évaluer les conditions qui sont propres à cette femme-là.
• (11 h 10) •
M. Boulet : Oui, Mélanie,
c'est un excellent point. Les protocoles, oui, ils vont être... il n'y a rien
d'enraciné, puis le directeur national de la santé publique va considérer
l'évolution pour assurer une équité, là, dans ce que vous appelez... dans
l'évaluation des risques. Ça, pour moi... ça m'apparaît extrêmement
fondamental.
Puis deux, ce n'est pas parce qu'il y aura
un protocole national que ça va enlever une marge de manoeuvre, mais ça va être
un outil de référence qui vous nous dire où nous en sommes rendus dans les
connaissances scientifiques, les environnements de travail typiques qui
constituent un danger pour la femme enceinte ou pour son enfant, l'enfant à
naître, en raison de son état de grossesse. Je pense, Mélanie et Louise, vous le
soulignez bien, je pense que le but, c'est vraiment qu'il y ait une meilleure
équité et un accès qui soit tout à fait équitable, là, peu importe où on se
situe au Québec.
Je vais profiter de votre présence pour,
bon... La violence conjugale, c'est un concept qui, bon, on avait... j'avais eu
l'opportunité de discuter avec des spécialistes en matière de violence
conjugale. Ce qu'on dit, bon, évidemment, je pense qu'il faut reconnaître que
ce concept-là est reconnu, l'impact de la violence conjugale en milieu de
travail, et où on dit : Si l'employeur doit ou est raisonnablement en
mesure de savoir qu'une personne qui travaille pour lui est victime de violence
conjugale... J'aimerais ça, bénéficier de votre expertise, Mélanie, Louise,
pour partager les cas, les exemples de personnes, bon... Une femme qui est dans
son environnement de travail, c'est quoi, les signes, les symptômes qui
permettent à un employeur d'être alerté et d'intervenir?
Mme Cordeau
(Louise) : Je pense que les symptômes sont nombreux, ils
peuvent être aussi différents que ce que vivent les femmes. Mais je pense que
le fait, par exemple, qu'il y ait de...
M. Boulet : …les signes, les
symptômes qui permettent à un employeur d'être alerté et d'intervenir.
Mme Cordeau
(Louise) : Je pense que les symptômes sont nombreux, ils
peuvent être aussi différents que ce que vivent les femmes, mais je pense que
le fait, par exemple, qu'il y ait de l'absentéisme au travail, qu'il y a des
pertes de concentration, qu'il y ait quelqu'un qui se referme sur elle-même,
évidemment, les coups, c'est plus apparent, mais il y a toute la violence
psychologique aussi. On parle de violence conjugale, donc violence conjugale,
on… de la violence psychologique aussi et c'est pourquoi, dans le mémoire, on
parle d'outiller les employeurs.
Et si, M. le ministre, je peux faire une
référence, lorsque, dans les entreprises, on a commencé à parler de harcèlement
psychologique ou de harcèlement sexuel sur les lieux de travail, c'était
difficile pour les employeurs d'intervenir lorsque quelqu'un arrivait puis
disait : Je suis victime de harcèlement psychologique, par exemple. Et on
a vu, au fil du temps, les employeurs se sont dotés de politiques,
d'interventions pour qu'à la fois les travailleurs, les employeurs sachent
comment intervenir.
Et intervenir en matière de violence
conjugale, on le disait, il y a des spécialistes qui savent très bien comment
outiller les employeurs. Et on voyait, puis on ne l'a pas intégré dans le
mémoire, mais les CAVAC, entre autres, ont un guide en matière de violence
conjugale qui pourrait inspirer plusieurs employeurs parce que la difficulté…
les manifestations de violence sont nombreuses puis l'attitude des victimes est
différente les unes des autres et le fait, aussi, d'être capable d'en parler,
ça aussi, ça constitue un enjeu majeur.
Alors, si les… majoritairement les femmes
savent que dans leur milieu de travail, il existe des dispositions, des
dispositifs… puis là, on pourrait en parler de nombreuses actions que
l'employeur pourrait prendre pour protéger la victime sur les lieux de travail,
mais au-delà de ça, tu sais, on peut parler d'accommodements, on peut parler de
sécurisation des lieux, on peut en nommer plusieurs hypothèses, mais ce qu'il
faut retenir, c'est dans la mesure où cette disposition-là est tellement
importante et fondamentale, il ne faut pas croire parce qu'on le dit dans la
loi, parce qu'on l'énonce : On va régler le problème, puis bon…
Et je me mets à la place de l'employeur
qui a maintenant cette responsabilité-là, cette obligation-là, et c'est pour ça
que, nous, on propose que dans… à travers les programmes de prévention, on
puisse se doter d'outils d'intervention qui ne seraient pas… comment je vous…
qui ne seraient pas uniques dans chacun des milieux de travail, qui seraient
spécifiques à chacun des milieux de travail, c'est-à-dire qu'on…
Mme Cordeau
(Louise) : ...propose que, dans... à travers les programmes de
prévention, on puisse se doter d'outils d'intervention qui ne seraient pas...
comment je vous... qui ne seraient pas uniques dans chacun des milieux de
travail, qui seraient spécifiques à chacun des milieux de travail. C'est-à-dire
qu'on n'a pas un seul outil d'intervention ou de prévention, mais qu'on puisse
savoir, à la fois les travailleurs, les travailleuses, les employeurs, les
comités santé et sécurité, les syndicats, si on parle de violence conjugale à
l'intérieur de notre entreprise, qu'est-ce qu'on fait, comment on accompagne,
comment on outille. Et à partir du moment où la loi va prévoir cette disposition-là,
et on la souhaite vivement, je pense qu'il faut donner des outils aux
employeurs pour intervenir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre, il ne reste que 1 min 20 s à l'échange.
M. Boulet : D'accord. Merci,
Mme la Présidente. Je vais en profiter pour remercier énormément le Conseil du
statut de la femme, encore une fois, pour la qualité de vos commentaires, de
vos représentations. Puis je le répète, il faut que ce soit maintenu dans nos
discussions, quand on va faire l'étude détaillée article par article, de
toujours avoir en tête l'incidence des environnements de travail ou des
mécanismes qu'on va mettre en place sur la réalité. Mais je pense que les
travailleuses domestiques, les stagiaires, la violence conjugale est autre, là.
Les cancers ou les maladies professionnelles présumées, je pense qu'on a fait
des pas considérables en avant.
Et juste un dernier point, Mme Cordeau.
Quand il y a d'autres maladies professionnelles présumées qui sont plus
spécifiques à la réalité féminine, il faudra certainement avoir l'opportunité
d'échanger et de faire progresser aussi les travaux de ce comité de
scientifiques là qui pourra éventuellement être formé.
Ça fait qu'encore une fois je vous salue,
content de vous avoir revues, même si c'est de manière virtuelle, Mélanie,
Louise, puis au plaisir de vous rencontrer bientôt. Bye, bye.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec
le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je vous invite à m'arrêter à la huitième minute parce que mon
collègue Carlos va continuer avec une autre question.
Mesdames, bonjour. Excellent rapport, rien
à dire. J'aimerais bien juste faire un rappel, surtout à l'ensemble de nos
collègues, et je compte sur la partie gouvernementale, avec la présence de
femmes à l'intérieur de notre commission, et rappeler un principe qui est très,
très cher au gouvernement du Québec. Et je vais le lire et je vais vous
demander votre point de vue :
«Le gouvernement du Québec s'est
d'ailleurs engagé à implanter dans ses pratiques, pour poursuivre sa marche
vers l'égalité entre les femmes et les hommes en 2007... Dans le Plan d'action
en matière d'analyse différenciée selon les sexes 2011-2015, le gouvernement
prévoyait précisément de mettre en oeuvre des mesures pour...
M. Derraji : …vous demandez
votre point de vue : «Le gouvernement du Québec s'est d'ailleurs engagé à
implanter dans ses pratiques pour poursuivre sa marche vers l'égalité entre les
femmes et les hommes, en 2007, dans le plan d'action matière d'analyse différenciée
selon les sexes 2011-2015, le gouvernement prévoyait précisément de mettre en
oeuvre des mesures pour prévenir les lésions professionnelles chez les
travailleuses et favoriser la gestion de la santé et de la sécurité dans les
milieux de travail qui les accueillent.»
La première question. Vous avez soulevé un
point extrêmement important, c'est la différence entre les pompiers et les
pompières. Malgré les études démontrant le lien de cause à effet, je peux qu'il
y a… est-ce qu'on peut dire qu'il y a lien de causalité par rapport au cancer
du sein chez les pompières? Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes déçus quand vous
entendez que par rapport au cancer du sein pour les pompières, on va envoyer ça
chez le comité des maladies professionnelles, tandis que pour les hommes
pompiers on reconnaît leurs maladies professionnelles?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, je pense que ce qui est
important, c'est de retenir que le cancer du sein doit être reconnu comme un
cancer qui affecte directement les pompières. Il est évident que cette
reconnaissance-là s'est faite ailleurs au Canada, donc nous ce qu'on souhaite
c'est que le cancer du sein soit reconnu comme une maladie professionnelle des
pompières. Maintenant, nous savons qu'à travers la loi, il y aura des
mécanismes qui vont permettre de le reconnaître et c'est ce qu'on souhaite
ardemment.
M. Derraji :
Parlons des mécanismes, Mme Cordeau. Le comité… vous avez vu la
composition des articles, j'en suis sûr et certain. Avez-vous un échéancier par
rapport à la mise en application? Et, ce serait quoi votre réponse aux
pompières qui vont vous demandez aujourd'hui pourquoi le cancer du sein pour
les pompières n'est pas encore pris en considération malgré les… la quantité
des études ?
Mme Cordeau
(Louise) : Bien, je vous dirais que dans la
mesure où ce cancer est reconnu au Canada, on souhaiterait que ce soit fait le
plus rapidement possible.
M. Derraji :
Donc, le plus tôt possible, ça veut dire que vous voulez que lors de l'étude
article par article qu'on pense à ce qu'il y a un regard particulier à la
lumière de ce cancer. Est-ce que j'ai bien compris, Mme Cordeau?
Mme Cordeau
(Louise) : Vous avez bien lu notre mémoire.
• (11 h 20) •
M. Derraji : Oui
et c'est très clair. Parlons d'une autre situation, Mme Cordeau, les
Québécoises représentent 50 % de la population et 57 % de la
population active. On estime à plus de 2,4 millions de femmes au travail.
Pourtant, dans un régime qui a pour mandat de protéger la santé et la sécurité
de tous, leurs spécificités ne sont pas tenues en compte. Est-ce que vous
pensez que ce projet de loi a vraiment appliqué les règles de l'ADS ?
Mme Cordeau
(Louise) : Les règles de l'ADS, on pourrait en
parler longtemps. Les règles de l'ADS, c'est tant… c'est dans tous les
secteurs. On pourrait se demander, dans toutes les modifications législatives,
comment on a appliqué l'ADS, alors… je pense que l'ADS, et nous l'avons dit, ce
processus d'analyse là est essentiel à travers l'ensemble des réalités des
travailleuses et on doit le prendre en compte à travers toutes les…
Mme Cordeau
(Louise) : ...législatives, comment on a appliqué l'ADS. Alors,
je pense que l'ADS, et nous l'avons dit, ce processus d'analyse là est
essentiel à travers l'ensemble des réalités des travailleuses, et on doit le
prendre en compte à travers toutes les législations.
M. Derraji : Et, en votre nom,
et je... j'invite aussi les autres collègues présents autour de la table de
garder ce principe lorsqu'on va commencer l'étude article par article.
Une autre question. Si... À votre avis, si
le programme Pour une maternité sans danger était couvert par l'assurance-emploi
au lieu d'une indemnité du revenu, est-ce que les femmes enceintes et qui allaitent
auraient les mêmes droits et privilèges?
Mme Cordeau
(Louise) :Malheureusement, je ne peux pas
vous répondre. On ne s'est pas attardées sur le financement du programme, mais
sur son application pour les travailleuses enceintes et qui allaitent.
M. Derraji : O.K. Parlons maintenant
du financement du régime. Quel est le meilleur moyen de faire en sorte que des
employeurs particuliers participent au financement du régime? Je ne sais pas si
vous avez abordé cette question lors de votre analyse.
Mme Cordeau
(Louise) : Mais tantôt, on en parlait un peu, qu'il y a
certaines femmes, par exemple, qui sont des travailleuses autonomes, des travailleuses
dans le milieu agricole, qui sont propriétaires d'entreprises agricoles qui ne
sont pas assujetties ou couvertes. Donc, ce qu'on a mentionné, c'est qu'on
invitait peut-être à l'extérieur du forum de cette commission-là à une
réflexion sur la meilleure façon de faire en sorte que ces femmes-là, qui
contribuent à l'essor économique du Québec, puissent aussi être couvertes en
matière de santé et sécurité au travail.
M. Derraji : O.K. Mme la
Présidente, combien il me reste de minutes?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quand même 5 min 30 s.
M. Derraji : O.K. Je vais
céder la parole à mon collègue Carlos, il va commencer le volet... un autre
volet, et je vais revenir par la suite.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, le député de Robert-Baldwin, vous êtes là?
M. Leitão : Je suis là. Très
bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes Cordeau et Julien, merci d'être
là et merci d'avoir préparé ce mémoire. Moi, je voulais aborder un sujet que je
trouve qui est très important, qui est celui du personnel domestique. Bon. Je
diviserais ça en deux parties : une partie, disons-le, technique de...
bon, de critères limitatifs d'indemnisation... Très bien, on en discutera
longuement pendant l'étude détaillée. Mais je veux aborder un autre aspect
que... dont souvent on ne parle pas, mais que c'est une réalité, ça existe,
c'est-à-dire l'exploitation et l'abus. Donc, beaucoup de ces femmes, parce que
ce sont des femmes, sont victimes de cela. C'est une réalité ici dans mon comté
comme ailleurs au Québec. Donc, ça existe. Alors, selon vous, quel est le rôle
de la CNESST dans la prévention de la violence et de l'abus faits aux
travailleurs domestiques...
M. Leitão : ...de cela. C'est
une réalité ici, dans mon comté, comme ailleurs au Québec, donc ça existe.
Alors, selon vous, quel est le rôle de la CNESST dans la prévention de la
violence et de l'abus faite aux travailleurs domestiques? Je ne vois pas ici de
critère d'indemnisation, on en discutera après, mais tout simplement dans la
prévention et même l'inspection de ces lieux de travail là.
Mme Cordeau (Louise) :
Écoutez, ce n'est pas un aspect qu'on a regardé directement dans le cadre du projet
de loi. Mais mon premier... ma première réaction est de vous dire : C'est
la communication. Parce que ces travailleuses, et on l'a dit tantôt d'entrée de
jeu, souvent issues de l'immigration connaissent très, très, très peu leurs
droits. Parfois, elles ne parlent pas ni français ni l'anglais. Et comment
arriver, dans ces milieux de travail, à leur faire connaître leurs droits et la
façon dont on traite les travailleuses et les travailleurs au Québec, c'est un
enjeu majeur. Et ça se passe dans les résidences privées.
Il y a plusieurs obstacles. Mais moi, je
pense que... puis je n'ai pas réfléchi longtemps, mais comment on outille les
femmes immigrantes lorsqu'elles arrivent au Québec, par exemple, et qu'elles
seraient en emploi comme travailleuses domestiques? Comment on leur fait
connaître quelles sont les réalités du Québec? Je n'ai pas de connaissance personnelle,
peut-être qu'on le fait, peut-être que ça existe, et je ne le sais pas. Mais
pour moi, c'est une des voix de prévention.
M. Leitão : Très bien, merci.
Oui, en effet. Mais pensez-vous que, dans le cadre du projet de loi, que la
CNESST a les ressources, ressources humaines appropriées pour adresser ces
questions-là? Moi, j'ai l'impression que non, mais c'est mon impression. Est-ce
que vous êtes du même avis? Est-ce qu'on devrait leur procurer des ressources
additionnelles pour qu'ils puissent vraiment jouer ce rôle-là?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, je connais bien l'organisme que je dirige.
Il est difficile pour moi de porter un jugement sur un organisme pour lequel je
n'ai pas de connaissance personnelle de la gestion. Mais il est évident qu'il y
a un rôle de prévention, qu'il y a un rôle d'information puis qu'il y a un rôle
aussi d'action qui doit exister au sein de la CNESST.
M. Leitão : Oui. Et je
mentionne cette question parce que, connaissant un peu... ici, je regarde M. le
ministre, connaissant un peu la machine gouvernementale, il y a un peu la
tendance de dire : Bon, écoute, ça, ce n'est pas moi, c'est le ministère
de l'Immigration; non, ce n'est pas moi, c'est un autre ministère, c'est un
autre département. Je pense qu'ici il y a une belle occasion pour qu'un
organisme gouvernemental public comme la CNESST prenne un rôle de leadership
dans ce domaine-là...
M. Leitão : …et en quoi la
tendance de dire : Bon, écoute, ça ce n'est pas moi, c'est le ministère de
l'Immigration, non, ce n'est pas moi, c'est un autre ministère, c'est un autre
département. Je pense qu'ici il y a une belle occasion pour qu'un organisme
gouvernemental public comme la CNESST prenne un rôle de leadership dans ce
domaine-là, qui est très important. C'est… vraiment, il ne faut pas se cacher,
là, ça existe, ça existe, ces questions de violence et de harcèlement. Vas-y,
collègue.
M. Derraji : Et dans le même
sens, mon cher collègue Carlos…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste qu'une minute. Alors, attention, une minute.
M. Derraji : Oui. Dans le même
sens, vous soulevez les situations de précarité vécues par ces nombreuses
travailleuses domestiques, et vous proposez que l'employeur particulier tienne
un registre des accidents. Et c'est là ma question, dans le même sens que mon
collègue : Est-ce à l'employeur ou à la CNESST que reviendrait cette
obligation? Et comment s'assurer que cet effet dissuasif entraîne une meilleure
prévention? En fait, la situation est très complexe : la machine
gouvernementale, les travailleuses domestiques qui viennent d'arriver au
Québec, l'enjeu de la langue. Comment vous voyez des solutions, d'une manière
très concrète, Mme Cordeau?
Mme Cordeau
(Louise) : En fait, le registre des accidents
existe dans les entreprises, les entreprises sont tenues de maintenir à jour un
registre des accidents qui permet une meilleure prévention, parce que,
nécessairement, lorsqu'on a un registre de nos accidents, on peut évaluer.
Est-ce que c'est un événement isolé, est-ce que c'est répétitif, est-ce que ça
se produit avec les mêmes personnes, est-ce que c'est dans les mêmes corps de
travail ? Bon, il y a plusieurs exemples qui sont possibles, et le
registre des accidents, la façon dont le projet de loi est actuellement
formulé, les employeurs de travailleuses et de travailleurs domestiques ne sont
pas tenus de garder à jour un registre des accidents. Mais c'est un des outils
qui peut aider à la prévention en milieu de travail.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour le bel échange. Nous devons
poursuivre. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de deux minutes 45 secondes.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour Mme Cordeau, Mme Julien, bienvenue. Je vais
prendre le peu de temps qui m'est imparti pour parler des catégories de risque,
je l'ai fait dans mon mot d'ouverture. C'est quelque chose que je trouve bien
regrettable, j'espérais comme… dans votre mémoire, que l'ensemble des salariés
soit entièrement couvert, l'ensemble des salariés, évidemment les hommes comme
les femmes. Vous critiquez, vous semblez critiquer en tout cas, cette
catégorisation des risques pour toutes sortes de raisons, notamment les
phénomènes de sous-déclaration des types de maladies qui ne sont pas
nécessairement tout le temps bien étudiées, ou bien comprises. J'aimerais juste
aller un peu plus loin. Donc, vous proposez quoi? Est-ce que vous proposez
qu'on revienne à l'ensemble des mécanismes de prévention pour toutes les
catégories?
Mme Cordeau
(Louise) : Si vous permettez, je vais demander à
Mme Julien de compléter.
• (11 h 30) •
Mme Julien (Mélanie) : Bien
sûr. En fait, ce qu'on recommande, c'est de revoir la catégorisation des
risques. Effectivement, que dans le projet de loi, il y a un niveau de risque
qui est attribué à chacun des plus de 300 secteurs d'activités…
11 h 30 (version non révisée)
Mme Cordeau
(Louise) : ...si vous permettez, je vais demander à Mme Julien
de compléter.
Mme Julien (Mélanie) : Bien
sûr. En fait, ce qu'on recommande, c'est de revoir la catégorisation des
risques. Effectivement que, dans le projet de loi, il y a un niveau de risque
qui est attribué à chacun des plus de 300 secteurs d'activité, et c'est à
partir de ces niveaux de risque là que vont être établies les obligations des
employeurs à l'égard des mécanismes de prévention et de participation.
Et nous, ce qu'on remarque, c'est que...
en fait, on questionne les niveaux de risque qui sont associés aux différents
secteurs d'activité, notamment ceux associés aux secteurs à prédominance
féminine, comme... les hôpitaux, les écoles, les services de soins de santé à
domicile sont associés à un niveau de risque faible. Et nous, ce que l'on... en
fait, on questionne cette catégorisation-là, puisqu'on sait que ces secteurs-là
sont à risque. Mme Cordeau le soulignait lors de son allocution, il y a des
risques de lésions attribuables à la violence physique. Ce sont dans ces
secteurs-là où se trouve le plus grand nombre de lésions qui sont rapportées.
Alors, on questionne cette association de niveau de risque faible. Et ce que
l'on souhaite, c'est que cette évaluation-là soit revue pour mieux tenir compte
des risques qui affectent les secteurs à prédominance féminine.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
30 secondes.
M. Leduc : Pouvez-vous
rapidement nous expliquer le phénomène de sous déclaration?
Mme Julien (Mélanie) : ...
Mme Cordeau
(Louise) : En fait...
Mme Julien (Mélanie) : Pardon.
Allez-y, Louise.
Mme Cordeau
(Louise) : Il y a plusieurs éléments, par exemple, la peur de
perdre son emploi, l'espoir de guérir aussi, en se disant : Ce n'est pas
si grave, probablement que je vais guérir. Le fait aussi d'être jugé par des
collègues, le fait de ne pas trop savoir comment remplir des déclarations. Il y
a plusieurs éléments qui font en sorte que les femmes déclarent moins les
accidents que les hommes.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de
Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci, Mme la Présidente. Écoutez, quand tu passes le dernier, souvent, les
enjeux sont exploités. Mais je vais revenir sur l'enjeu de mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve, sur les stratégies retenues pour définir le niveau de
risque des secteurs.
Écoutez, j'ai un tableau en avant de moi
qui est très parlant et qui nous semble induire une forme de discrimination
sexiste dans les emplois à dominance féminine dans le projet de loi, là, avec
les critères actuels pour définir les niveaux de risque. Puis le tableau va
être présenté cet après-midi par un autre groupe, mais je vais me permettre de
le citer. On parle d'un niveau faible de 72 %... 73 % pour les femmes
et de 53 % pour les hommes, niveau élevé, 6,7 % chez les femmes,
21 % chez les hommes. Quand je regarde les statistiques d'absentéisme du
domaine de la santé, c'est phénoménal, on parle, de la fin octobre à la fin
novembre, là, de 3 millions d'heures d'absentéisme, et, malgré tout, on
continue de dire que le réseau de la santé est à faible risque. Moi, je
reviens sur l'enjeu. Si on continue avec une méthode d'analyse à partir...
M. Roy (Bonaventure): …c'est phénoménal,
on parle de la fin octobre à la fin novembre, là, de 3 millions d'heures
d'absentéisme et, malgré tout, on continue de dire que le réseau de la santé
est… Moi, je reviens sur l'enjeu, si on continue avec une méthode d'analyse à
partir des débours, est-ce qu'on ne craint pas une discrimination sexiste dans l'évaluation
des risques des secteurs de travail?
Mme Cordeau
(Louise) :Actuellement, on constate
effectivement, puis c'est ce qu'on démontre dans notre mémoire, que le secteur
de la santé et de l'éducation sont nettement sous-estimés, sous-évalués par
rapport aux risques. Peut-être, vous parliez des débours, on parle des débours
dans les 10 dernières années, le marché du travail s'est transformé, le secteur
tertiaire a augmenté. On sait aussi que toutes les réclamations, en matière de
violence conjugale, de violence psychologique, de harcèlement, il y a 10 ans,
on en parlait beaucoup moins. Lorsqu'on voit les chiffres, les réclamations
actuellement, dans les cinq dernières années, c'est énorme. Qu'est-ce qu'elles
étaient dans les cinq années précédentes? Je ne connais pas les chiffres. On
sait aussi qu'un des facteurs qui a exacerbé tout ça, on pense, entre autres, à
la pandémie, le secteur de la santé et de l'enseignement sont les secteurs qui
sont les plus vulnérables et les plus touchés.
Alors, c'est clair que dans le calcul, à
travers les débours des 10 dernières années, ces éléments-là n'ont pas pu être
pris en compte. Alors, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur la
classification de ces niveaux de risque là, et on sait que de la classification
va dépendre leur application en termes d'années. Donc, plus la classification
est faible, plus l'application sera lointaine dans le temps. Alors, ça aussi,
il faut le prendre en considération, mais définitivement le secteur de la santé
est majeur.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Cordeau, merci, Mme Julien, pour votre contribution aux travaux de
la commission. Nous suspendons quelques instants, le temps d'accueillir le
nouveau groupe. Alors, merci.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons les travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux
représentants de l'Union des producteurs agricoles, pardon. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes et je vous inviterais, avant de commencer
votre exposé, de bien vous présenter.
M. Caron (Martin) : Tout
d'abord, bonjour à tout le monde. Je me présente, Martin Caron, je suis
producteur laitier et céréalier à Louiseville, en Mauricie, et vice-président
de l'UPA provinciale.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Denis.
M. Roy (Denis) : Bonjour,
Denis Roy, je suis trésorier et directeur finances et main-d'oeuvre
agricole à l'Union des producteurs agricoles.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, alors vous pouvez commencer votre exposé.
M. Caron (Martin) : Merci
bien. Bien, nous remercions les membres de la commission pour nous permettre de
présenter au niveau du projet de loi relativement à la loi n° 59.
D'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que tous les producteurs agricoles
sont préoccupés par la santé et la sécurité au travail. Tous savent que les
dangers sont omniprésents dans nos fermes, c'est pourquoi l'UPA accorde de
l'importance.
À titre d'exemple, bien, l'UPA travaille
en partenariat avec la CNESST a mise sur pied un service de santé et sécurité
du travail, a créé une mutuelle de prévention, a… propose des webinaires sur la
prévention puis a développé un projet de prévention agricole plus pour mieux
s'informer sur leurs obligations et améliorer la prévention dans leurs fermes.
Et aussi, on a mis en place une table de concertation sur la santé et sécurité
et mieux-être en agriculture, à laquelle nous avons convié tous les principaux
intervenants du milieu. Donc, la santé et la sécurité du travail, c'est
important pour l'UPA puis c'est important pour nos entreprises, pour nos
producteurs, pour nos travailleurs et pour nos familles et nos communautés. Le
projet de modernisation du régime de la santé de travail interpelle notre
organisation de nos membres. Cependant, l'applicabilité des mécanismes de prévention
et de participation proposés semble problématique à plusieurs égards.
Parlons tout d'abord de la réalité des
entreprises agricoles. La majorité des entreprises agricoles du Québec sont des
petites entreprises familiales où vie professionnelle et vie privée cohabitent.
Selon le recensement de 2016, 10 744 des 28 919 fermes
employaient 55 866 salariés, dont 34 % à temps plein, 12 %
à temps partiel et 54 % de façon saisonnière ou temporaire. Dit autrement,
37 % des fermes du Québec cotisent à la CNESST et on a, en moyenne, trois
employés réguliers à leur emploi. On comprend donc que très peu d'entreprises
agricoles disposent des ressources internes spécialisées en prévention.
La nature du travail agricole nécessite
peu…
M. Caron (Martin) : ...saisonnières
ou temporaires. Dit autrement, 37 % des fermes du Québec cotisent à la
CNESST et ont, en moyenne, trois employés réguliers à leur emploi. On comprend
donc que très peu d'entreprises agricoles disposent des ressources internes
spécialisées en prévention. La nature du travail agricole nécessite peu
d'employés réguliers à l'année. Pour la quasi-totalité des fermes, les
propriétaires sont donc les premiers travailleurs. Un fort contingent de
travailleurs occasionnels temporaires à certaines périodes de l'année est
toutefois requis.
Autre particularité de l'agriculture, nous
travaillons avec du vivant. Nous sommes soumis aux aléas de la météo et nous
contrôlons difficilement le calendrier de production. La production agricole
est fortement encadrée. La gestion des divers programmes en place est très
lourde à porter pour les producteurs. Toute exigence additionnelle va empirer
cette situation. Le caractère particulier de la production agricole nécessite
qu'on aborde autrement l'organisation de la prévention. On parle de
modernisation proposée, le secteur agricole ne se retrouve pas.
Bien que l'UPA appuie fortement les
initiatives de prévention à la ferme, les mesures proposées dans le projet de
loi semblent inapplicables chez presque tous les employeurs agricoles du
Québec. Qu'on parle de programme de prévention, de plan de prévention, de
représentant à la santé et sécurité, de comité en santé et sécurité au travail,
c'est difficilement envisageable en agriculture. En plus de poser des
contraintes additionnelles, le projet de loi alourdit de façon substantielle le
fardeau des entreprises agricoles, et on sait, naturellement, au niveau du
coût, que ça coûte plus cher s'assurer au niveau du Québec, comparativement aux
autres provinces. Le processus d'élaboration et la mise en place de programmes
de prévention est complexe et nécessite une expertise dont ne disposent pas les
producteurs. L'UPA ne peut appuyer les dispositions actuelles sur le projet de
loi, sachant que les producteurs ne seront pas en mesure d'y donner suite.
Nous demandons plutôt des mesures ciblées.
On parle de mécanismes inadaptés pour les employeurs agricoles. Prévoir un
travailleur agissant comme représentant en santé et sécurité au travail dans
chacune des fermes n'est pas réaliste. Cette difficulté se retrouverait
amplifiée si la mise en place d'un comité de santé et sécurité était requise
pour toutes les fermes qui emploient 20 travailleurs et plus. Les 15 000
travailleurs étrangers temporaires limitent également le bassin de candidats en
mesure de parler à la fois français et espagnol, ce qui forcerait le recours au
personnel-clé des entreprises, ce qui aurait un effet contreproductif. Le
nouveau règlement sur les maladies professionnelles, qui omet les maladies
liées aux pesticides, alors que cet aspect a été largement documenté ces
dernières années, faisant même l'objet de modifications réglementaires ailleurs
dans le monde, le projet de loi n'en parle pas.
Le projet de loi présente quelques mesures
de soutien qui sont toutefois nettement insuffisantes. Environ 1 000
employeurs agricoles, soit 10 %, sont membres d'une mutuelle de
prévention, ce qui leur permet d'obtenir des services de soutien, des
programmes de prévention, laissant près de 10 000 employeurs qui ne bénéficient
d'aucun soutien de la sorte. Sans parler des 18 000 fermes qui ne sont pas
visées par...
f
M. Caron (Martin) :
…insuffisantes. Environ 1 000 employeurs agricoles, soit 10 %, sont
membres d'une mutuelle de prévention, ce qui leur permet d'obtenir des services
de soutien des programmes de prévention, laissant près de 10 000
employeurs qui ne bénéficient d'aucun soutien de la sorte, sans parler des
18 000 fermes qui ne sont pas visées par la CNESST. Pour nous, soutien
offert doit favoriser l'amélioration, la prévention pour l'ensemble des
29 000 fermes du Québec. Il faut s'assurer que la santé et la sécurité de
toutes les personnes qui travaillent et qui vivent sur les fermes. La santé,
sécurité en agriculture dépassent le cadre de travail. Elle doit réfléchir… et
soutenue dans une perspective plus large.
Cinq demandes de l'UPA. Nous sommes
convaincus que le secteur agricole nécessite d'aborder autrement l'organisation
de la prévention. C'est dans ce contexte que nous formulons nos demandes.
D'abord, reconnaître le caractère
particulier du secteur agricole qui est composé de petites entreprises qui ont
peu d'employés réguliers à leur emploi, la production ne peut pas être
interrompu. Nous pouvons difficilement arrêter la nature.
Revoir les niveaux de risque proposés et
attribués, car ils ne concordent pas avec la réalité de la majorité des
entreprises agricoles. 90 % des entreprises agricoles n'ont pas
d'accident, l'application des niveaux de risque dans une approche mur à mur
représente aussi une charge trop importante en lien avec les mécanismes
prévention qui sont associés.
L'UPA demande que soit modifié l'article
146 et 148 du projet de loi afin que les entreprises agricoles soient exemptées
de soumettre, systématiquement, des programmes de préventions et des plans
d'action. À la place, nous proposons que ces plans d'action soient demandés aux
employeurs qui rapportent des accidents. En agissant ainsi, on obtiendrait,
collectivement, plus rapidement les améliorations en prévention, et
logiquement, une diminution des lésions professionnelles. Nous demandons aussi
à la mise en place d'un fonds… consacré à l'élaboration de fiches de bonnes
pratiques en matière de… la loi devrait permettre à des groupes d'employeur,
embauchant des travailleurs qui effectuent des activités de même nature,
d'élaborer ensemble un seul programme de prévention.
Pour ce faire, nous demandons d'appuyer
financièrement la mise en oeuvre sectorielle, volontaire, des mécanismes de
prévention et la participation proposés. Cette formule a déjà fait ses preuves
dans le milieu agricole, où divers services ont été développés, tant par l'UPA
que ses affiliés, pour soutenir des entreprises agricoles, pour atteindre des
cibles des différents réglementaires auxquels qu'elles sont soumises.
Concernant le projet de règlement sur les
maladies professionnelles, nous demandons de réviser la liste des maladies reconnues
pour y ajouter celles associées à l'exposition pesticide. Par ailleurs, en lien
avec le recours aux pesticides, un fonds spécial devrait être créé afin
d'indemniser toutes les personnes travaillant dans les fermes du Québec, y
compris dans les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST.
Enfin, la particularité du secteur
agricole, où seulement 37 % des fermes sont inscrites à la CNESST,
nécessite qu'on y accorde des ressources d'aide et de prévention. Nous
demandons la mise en place et le financement de comité spécial, gouvernement du
Québec et UPA…
M. Caron (Martin) : …qui ne
cotisent pas à la CNESST.
Enfin, la particularité du secteur
agricole, où seulement 37 % des fermes sont inscrites à la CNESST,
nécessite qu'on y accorde des ressources d'aide et de prévention. Nous
demandons la mise en place et le financement d'un comité spécial, gouvernement
du Québec et UPA, dont la mission serait similaire à celle des associations
sectorielles paritaires en prévention. Les différents ministères, organismes
concernés par la santé et la sécurité en milieu agricole devraient y
collaborer. L'UPA est d'avis que la particularité du monde agricole justifie
amplement ces demandes. Toutes les personnes qui interviennent ou vivent dans
les fermes du Québec doivent être protégées. Il est nécessaire d'élargir la
vision de la santé et de la sécurité dans les fermes, où milieu du travail et
milieu de vie se confondent. Il faut y faire face sur tous les angles en y
associant des acteurs clés, influences et de changement. Merci bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. Caron pour votre exposé. Nous allons commencer la période
d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
• (11 h 50) •
M. Boulet : Merci, Martin,
merci, Denis Roy, pour, encore une fois, votre présence virtuelle, la qualité
de votre mémoire puis votre intérêt pour les producteurs agricoles québécois.
Martin, on est en plus de la même région, ça fait que contents de se revoir.
Ça me préoccupe beaucoup, bien sûr, la
réalité du monde agricole québécois, puis, encore une fois, il y a des
dispositions qui sont intéressantes dans le projet de loi n° 59, mais
j'aimerais ça vous, peut-être, partager quelques informations, des réponses qui
m'ont été données à des questions que j'ai soumises à la CNESST.
De 2010 à 2018, la CNESST a accepté
218 cas de maladie professionnelle pour le secteur agricole, puis il y a
seulement six de ces cas-là qui ont pour agent causal un produit chimique, puis
les pesticides ne sont pas directement spécifiés. Puis c'est sûr que dans la
classification dans le secteur de l'agriculture, puis Martin, c'est une donnée
que vous avez fournie, il y a environ 11 800 établissements, puis le projet
de loi les met en fonction des niveaux de risque. Puis 68 % des
établissements sont à risque élevé. C'est surtout l'élevage, là, de porc, de
bovin, volaille, mouton puis autres types d'élevages. Il y a évidemment des
activités de soutien aux cultures agricoles puis il y a 34 % qui sont dans
un niveau d'un risque moyen, culture de légumes, de fruits, en serres et autres
cultures agricoles.
Première question, Martin, tu sais, je
comprends qu'il y a 37 % qui cotisent, il y en a beaucoup, beaucoup,
beaucoup qui ne cotisent pas, puis vous dites : Les mécanismes de
prévention, si je vous comprends bien, devraient être facultatifs, alors que
les niveaux de risque…
M. Boulet : ...première question.
Martin, tu sais, je comprends qu'il y a 37 % qui cotisent, il y en a
beaucoup, beaucoup, beaucoup qui ne cotisent pas, puis vous dites, les
mécanismes de prévention, si je vous comprends bien, devraient être
facultatifs, alors que les niveaux de risque sont élevés ou moyens. Comment
vous voyez ça de faire en sorte que les mécanismes de prévention ne soient pas
obligatoires? J'aimerais juste que vous me donniez quelques précisions
là-dessus.
M. Caron (Martin) : Bien, M.
le ministre, bien, merci de la question. Puis peut-être préciser, de ce
côté-là, c'est pour ça qu'on demande d'avoir un comité puis qu'on puisse
travailler sur le côté sectoriel. C'est vraiment d'amener quelque chose
d'obligatoire. Et on a déjà commencé à travailler soit avec les éleveurs de
porcs, ou les producteurs laitiers, ou les producteurs de grains, entre autres,
par rapport à différents risques. Et sachant que les personnes, les producteurs
n'ont pas les gens, au niveau de... avec la compétence sur le terrain, et sont
demandés pour d'autres obligations, on se dit : Il faut être capables
d'établir, du côté sectoriel, des... travailler avec nos groupes, et présenter
des plans d'action qui pourraient être cheminés, et que les gens pourraient travailler,
entre autres.
Mais c'est de là, pour ça qu'on se disait,
avec le projet de loi, d'obliger tout de suite puis d'avoir ça là. Les gens
n'auront pas les compétences directement, et c'est pour ça qu'on veut amener ce
volet-là. Il faut vraiment prendre le secteur agricole vraiment différent, là,
là-dedans.
M. Boulet : Puis, Martin,
aussi, à titre d'information, oui, dans le projet de loi n° 59,
on a... on va permettre au secteur agricole de former ce qu'on appelle une
association sectorielle paritaire. Il y en a dans plusieurs secteurs d'activité
au Québec, ce qu'on appelle des ASP, et le mandat de ces associations
sectorielles paritaires, c'est notamment d'encadrer, de faire de la formation,
d'aider à mettre en place notamment des mécanismes de prévention. Mais ça, je
pense que ça peut être un grand bénéfice. Puis je vous le donne à titre
d'information parce que ça va découler encore une fois de l'application d'un
des articles qui apparaît dans le projet de loi n° 59.
Je vous ai entendu, Martin, parler de
mesures ciblées. Est-ce qu'il y a de quoi... Est-ce que... Comment vous
définissez ça, des mesures ciblées? Est-ce que ça fait référence à ce qui est
sectoriel ici?
M. Caron (Martin) : Oui,
exactement, puis je pourrais laisser peut-être Denis intervenir là-dessus. Mais
pour revenir, M. le ministre, à l'ASP, il faut réaliser quelque chose. Dans
l'ASP, bien, on a juste 37 % qui cotisent à la CNESST, et nous, on veut
s'assurer de la sécurité. C'est pour ça qu'on demande un fonds, qu'on se dit qu'il
faut vraiment avoir un comité avec le gouvernement et de s'assurer d'investir
ce montant-là. Parce que vous comprenez que moi, en tant que producteur puis en
tant que représentant, je veux protéger l'ensemble des producteurs.
Mais, Denis, je ne sais pas si tu veux
répondre au niveau du côté ciblé?
M. Boulet : C'est un bon point
parce que, moi aussi, ça me préoccupe qu'il y ait peu... Évidemment, c'est
beaucoup des petits, des petites entreprises familiales, mais qu'il y en ait
peu qui soient inscrites au régime...
M. Caron (Martin) :
…montant-là parce que vous comprenez que, moi, en tant que producteur puis en
tant que représentant, je veux protéger l'ensemble des producteurs.
Mais, Denis, je ne sais pas si tu veux
répondre au niveau… du côté ciblé?
M. Boulet : C'est un bon point
parce que, moi aussi, ça me préoccupe qu'il y ait peu, évidemment c'est
beaucoup des petits, des petites entreprises familiales, mais qu'il y en ait
peu qui soient inscrits aux régimes de protection à la CNESST, là, en vertu de
la LATMP, là, notamment. Il va falloir trouver, certainement, avec l'UPA des
stratégies de promotion, des bénéfices découlant de l'inscription aux régimes
de la CNESST, mais…
Oui, Denis?
M. Roy (Denis) : Bien, du
fait, il y a un point extrêmement important, puis Martin a mis la table, là,
c'est 37 % des entreprises qui doivent cotiser à la CNESST. Le fardeau, le
fardeau administratif pour les producteurs agricoles est déjà très grand pour
les normes de salubrité, les normes environnementales, etc. Et s'ils ne… Donc,
c'est de la main-d'oeuvre familiale et ils n'ont pas à s'inscrire comme
employeur parce que ça, là, dès qu'une entreprise s'inscrit comme employeur,
là — ça, on l'a déjà faite l'analyse — le fardeau
administratif d'être employeur versus être non-employeur avec de la
main-d'oeuvre familiale, c'est le jour et la nuit en termes de fardeau. Ça fait
que, c'est ce qui explique, on aurait beau faire la promotion de s'inscrire à
la CNESST, se déclarer comme employeur, mais il y a tellement de fardeaux
administratifs, qui sont reliés à ça, qu'au niveau économique, c'est
pratiquement impensable.
Nous, on est des apôtres de la prévention,
on est hautement préoccupés par les accidents, puis, là, ce que vous avez dans
les statistiques, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Quand que, des fois, la
CNESST va répertorier quatre ou cinq décès dans le milieu agricole alors que,
régulièrement, notre revue de presse va dénombrer 15 à 17 décès par année. Ça
fait que, ça, c'est le message qu'on donne au gouvernement, on est contents
d'être en commission parlementaire pour vraiment dire : Il faut faire un
partenariat spécial pour le secteur de l'agriculture. Oui, les ASP, on a
ouvert, on a d'excellentes relations, on a un comité de liaisons spécifiques,
UPA-CNESST, sur la prévention et on apprécie hautement notre collaboration avec
la CNESST. Mais, comme le signalait M. Caron, on ne peut pas mettre le fardeau
du financement d'un ASP sur 37 % des producteurs. Et notre action veut se
faire plus large, ça fait que, il faut dépasser, nous, on veut faire tomber ces
frontières-là.
Et, sur la prévention, quand qu'on dit de…
C'est très bien que le projet de loi table sur la prévention, il faut en faire.
C'est pour ça que l'UPA, on a mis en place une mutuelle de prévention. On ne
veut pas, on ne veut pas discuter de réparations, on ne vient pas vous faire
une bataille sur les indemnités, etc. Nous, on veut faire de la prévention, on
veut éliminer les accidents à la source et quand Martin disait : C'est
important, la prévention des entreprises puis la sécurité sur nos fermes, nos
entreprises, nos familles… puis une ferme, là qui, son propriétaire meurt dans
un accident, bien ça fait qu'une entreprise qui ferme carrément ses portes, qui
a un impact directement dans nos…
M. Roy (Denis) : …qu'on veut
éliminer les accidents à la source et quand Martin disait : C'est important,
la prévention des entreprises et la sécurité sur nos fermes, nos entreprises,
nos familles… puis une ferme, son propriétaire meurt dans un accident, ça peut
être une entreprise qui ferme carrément ses portes, qui a un impact directement
dans nos petites communautés rurales. Donc, on veut vraiment faire de la
prévention et on n'exempte pas non plus tout le monde des plans de prévention.
Vous avez signalé, c'est comme en agriculture, plus que la bête, le troupeau…
plus que la bête est grosse, plus la cotisation est grosse, parce que c'est
certain que de se faire tasser par une grosse vache, ce n'est pas pareil comme
se faire tasser par un petit mouton. Ça fait que vous voyez vraiment l'exemple
au niveau de la cotisation, ça se reflète aussi, mais il y a des accidents dans
seulement… des déclarations dans seulement 10 % des cas.
Ça fait que c'est pour ça qu'on vous
dit : Regardez, on va avoir beaucoup plus d'impact sur le taux de
cotisation si on demande un complément de prévention, un plan d'action sur ceux
qui réclament, ça, ça fait partie, je pense, c'est notre recommandation 3. Donc,
regardez, tu as une réclamation, il y a un accident chez vous, on veut avoir un
plan d'action. On ne t'impose pas nécessairement le plan de prévention, même si
tu es un producteur de lait qui est un secteur à risque, si toi, tu n'as pas eu
d'accident puis tu n'en as pas chez vous, bien, on ne te mettra pas ce
fardeau-là sur les épaules, parce qu'un plan de prévention, on est ouvert, on
veut le faire de façon sectorielle. Les éleveurs de porcs ont déjà consacré beaucoup
de temps pour préparer des fiches de prévention, on veut travailler avec nos
groupes spécialisés. Les producteurs de lait, on voudrait faire un plan de
prévention générique pour les producteurs de lait, que ce soit déployé sur le
terrain, dans toutes les entreprises, parce que les producteurs, là, ils n'ont
pas le temps, ils n'ont pas l'expertise, ils n'ont pas les moyens de se payer
un expert qui va développer un plan sur mesure pour eux.
Ça fait qu'on veut développer un
partenariat absolument avec le gouvernement pour que ce ne soit pas juste le
producteur de lait qui cotise la CNESST, on veut aller livrer partout. On vous
fait un genre de cri du coeur, là, on veut avoir des gens du MAPAQ alentour de
la table, puis on veut avoir les gens du ministère de l'Emploi, du Travail, on
veut avoir le ministre de la Santé, on veut vraiment avoir des milieux de
travail plus sécuritaires pour toutes les familles agricoles et tous les
travailleurs agricoles du Québec.
• (12 heures) •
M. Boulet : Denis, on est
vraiment, si je peux dire, sur la même longueur d'onde, puis je pense que le
projet de loi n° 59, dans la mesure où un de ses piliers fondamentaux,
c'est d'améliorer la prévention dans les milieux de travail au Québec, il faut
que ça vous concerne. Et je suis éminemment sensible à ce que vous dites, puis
je ne peux que vous féliciter d'avoir mis en place la mutuelle de prévention.
Et éventuellement, avec une association sectorielle paritaire et le lien que
vous avez avec la CNESST, on va certainement en parler avec nos amis du MAPAQ
et voir à trouver des façons de faire qui visent à accroître le niveau
d'inscriptions, faire plus d'éducation puis s'assurer d'une meilleure
indemnisation puis…
12 h (version non révisée)
M. Boulet : …avec la CNESST, on
va certainement en parler avec nos amis du MAPAQ et voir à trouver des façons
de faire qui visent à accroître le niveau d'inscription, faire plus d'éducation
puis s'assurer d'une meilleure indemnisation, puis de beaucoup plus de prévention.
Puis je trouve, Denis, que l'idée, là, des fois je me dis, tu sais, quand on
parle des protocoles nationaux, ça fait peur mais, des fois, d'avoir un guide
de référence, de prévention, pour le domaine agricole, ça peut être un immense
bénéfice.
Bénéfice… je trouve que c'est une excellente idée.
Je veux juste revenir sur deux
sujets : parkinson, Denis puis Martin. Je veux simplement vous mentionner
qu'il y a eu un rapport de l'Institut de recherche Robert-Sauvé, qui est
l'IRSST, là, au mois de juillet 2020, puis les revues de la littérature sur le
lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson ne sont pas unanimes. Mais
éventuellement, le comité de scientifiques, il va revoir, de façon épisodique,
la liste des maladies professionnelles présumées, dans la mesure où… de la
littérature. Ça pourra faire partie des maladies qui sont ajoutées dans la
liste, et le faire connaître, éventuellement, pour s'assurer que les personnes
qui ont… développent la maladie de Parkinson à cause de l'utilisation des pesticides
soient correctement protégées par les indemnités de la CNESST.
Dernier point, Martin et Denis, je ne sais
pas qui peut me le mentionner. On parle beaucoup des travailleurs étrangers
temporaires dans le domaine agricole. C'est des travailleurs, souvent, qui sont
vulnérables, puis ils sont protégés par notre régime d'indemnisation. Il faut
le dire, là, je me fais souvent poser la question : Est-ce qu'ils sont
couverts? Oui, ils sont couverts. Est-ce que vous m'avez parlé, là, de la
barrière linguistique? Est-ce que, du côté de l'UPA, il y a des pratiques qui
sont promotionnées pour permettre aux TET, aux travailleurs étrangers
temporaires, d'aller, de surmonter ces barrières-là et d'avoir accès aux droits
qui sont prévus dans nos lois en matière de santé, sécurité, puis
d'indemnisation? Est-ce qu'il y a de quoi de particulier ou de quoi qu'on
pourrait peut-être penser?
M. Caron (Martin) : Je vais…
si tu veux y aller, Denis.
M. Roy (Denis) : Oui, Bien,
M. le ministre, sur l'ajout des maladies professionnelles liées à l'utilisation
des pesticides, il n'y a pas beaucoup de déclarations, pas beaucoup de
réclamations, mais le fait que les maladies liées à l'utilisation des
pesticides ne soient pas sur la liste, ça ajoute un fardeau aux travailleurs ou
à la personne qui voudrait prétendre à une réclamation. Il y a un fardeau
énorme, parce qu'il n'y a pas comme le bénéfice du doute. C'est inscrit… par
exemple, si l'amiantose n'était pas inscrite sur la liste, le travailleur
devrait faire un… il y a un fardeau de la preuve supplémentaire par rapport à
un autre travailleur. Et il y a une sous-déclaration, parce qu'il y a seulement
37 % des entreprises qui sont inscrites. Donc, c'est certain que nous,
notre demande se fait… on voudrait que tous les travailleurs, qu'ils soient
inscrits ou non à la CNESST, puissent avoir accès à une indemnité s'ils ont un…
M. Roy (Denis) : …Et il y a
une sous-déclaration, parce qu'il y a seulement 37 % des entreprises qui
sont inscrites. Donc c'est certain que, nous, notre demande se fait… on
voudrait que tous les travailleurs, qu'ils soient inscrits ou non à la CNESST,
puissent avoir accès à une indemnité s'ils ont un préjudice lié à l'utilisation
des pesticides. Ça, c'est pour le point sur les pesticides.
Les travailleurs étrangers temporaires… Je
vais profiter du plateau d'argent que vous m'offrez, puis aussi à titre de
ministre du Travail. Ce qu'on demande depuis longtemps, l'UPA, là… On a mis en
place une table de concertation sur les travailleurs étrangers temporaires en
agriculture, on est un leader au Canada, et le gouvernement du Québec devrait
mettre en place un numéro 1 800, rapidement, qui va recevoir toutes
les préoccupations des travailleurs étrangers temporaires. Heureusement que la
commission des normes et la… a fusionné avec la CNESST, parce que, là, on peut peut-être
avoir juste un numéro. Mais encore, vous allez recevoir, je pense, les gens de
la commission des droits de la personne, ça, c'est un autre type de
préoccupation qui interpelle, aussi, les travailleurs étrangers temporaires.
Donc il faudrait, vraiment, ça fait longtemps qu'on le demande, le gouvernement
du Québec devrait prendre le leadership, offrir un numéro 1 800 en
espagnol disponible jusqu'au moins 22 heures pendant la période intensive
pour faire un service de première ligne. Il faut que les travailleurs… on leur
a montré leurs droits, on a fait des affiches, l'année passée, parce que la
période de 32 heures de repos consécutif n'était pas nécessairement
appliquée, et la liberté de circulation, aussi, en cas de COVID-19, là, on a
des enjeux importants avec les travailleurs étrangers temporaires. On a un
excellent partenariat avec les représentants des travailleurs, et nous, là, on
veut que les employeurs agricoles, là, on soit les meilleurs employeurs
possibles pour ces travailleurs-là. Il faut que ce soit une expérience
positive, pour eux et leur famille, de venir travailler au Québec. Donc le
gouvernement du Québec, vous devriez mettre en place une ligne unique, un
service de première ligne pour ces travailleurs-là pour les orienter…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bien…
M. Roy (Denis) : …pour
réclamer comme il faut leurs droits et en lien au plan de travail.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Roy. Il reste 15 secondes, M. le ministre, rapidement.
M. Boulet : Oui. Puis les
outils de la CNESST sont multilingues, là. Il y a la possibilité d'avoir accès
à de l'information en espagnol, là, ou dans d'autres langues, là, en tenant
compte des besoins des TET. Merci beaucoup, excellente présentation, Martin,
Denis. Bravo. Puis on aura certainement l'occasion de se reparler. Et je pense
qu'on partage tous le même objectif d'accroître la prévention dans le domaine
agricole. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez
toujours de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci, messieurs, pour l'excellent rapport que j'ai devant moi.
Vous m'avez confirmé, encore une fois, la pertinence de vous écouter, vous
entendre, aujourd'hui. Et à la lumière de votre présentation, mais surtout les
réponses que vous avez ramenées, là je…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...toujours de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci, messieurs, pour l'excellent rapport que j'ai devant moi.
Vous m'avez confirmé encore une fois la pertinence de vous écouter, vous
entendre aujourd'hui. Et, à la lumière de votre présentation, mais surtout les
réponses que vous avez ramenées, là, je comprends pourquoi vous êtes désolés de
ne pas avoir été consultés... avant la rédaction de ce projet de loi, c'est
bien noté dans votre mémoire.
Écoutez, ma première question, c'est par
rapport aux mutuelles. Vous nous mentionnez qu'en termes de prévention en santé
et sécurité au travail, plusieurs employeurs agricoles sont membres d'une
mutuelle de prévention. Le p.l. n° 59 ne
mentionne pas ces mutuelles comme des options viables pour des secteurs
particuliers. Donc, ma question : Est-ce que... recommanderiez-vous au gouvernement
d'introduire les mutuelles de prévention comme une mesure de prévention
adéquate et opportune dans les secteurs qui, comme l'agriculture, sont
saisonniers ou ont un manque à la fois de main-d'oeuvre ou une main-d'oeuvre
étrangère? Si tel est le cas, demanderiez-vous quand même que le secteur
agricole ne soit pas soumis aux mesures de prévention telles que proposées par
le ministre dans son projet de loi n° 59?
M. Caron (Martin) : Très
bonne question. Denis, si tu veux commencer, puis je compléterai.
M. Roy (Denis) : Parfait.
Alors, les mutuelles de prévention, c'est vraiment quelque chose de très
intéressant. Cependant, je vais émettre une certaine réserve, parce que, dans
le jargon, on parle... il y a des mutuelles de prévention, mais il y a d'autres
mutuelles qui sont... on les appelle des mutuelles de contestation. Alors,
elles contestent la réclamation, conteste l'affectation des montants. Et donc
il faut choisir son partenariat. Ce n'est peut-être pas chaque mutuelle, toutes
les mutuelles que je pourrais donner le même bulletin, si vous me permettez
l'expression.
Mais ça pourrait... Même si en
disant : Bon, si vous êtes dans une mutuelle, on vous exempte du temps de
prévention, pour moi, ce n'est pas... on n'accepterait pas cette
proposition-là, si j'ai bien saisi votre... On revient sur : Vous avez eu
un accident, on veut avoir un plan d'action... Parce que, quand qu'il y a un
accident du travail, il y a une communication qui se fait entre la CNESST et
l'employeur. Et alors là ça pourrait être à eux, ces employeurs-là... On veut
avoir un plan d'action en lien pour éviter que ce genre d'accident là se
reproduise dans votre entreprise. Ça, c'est ce qu'on préconise.
Et les programmes de prévention, bien, à
ce moment-là, oui, on le souhaite, mais on n'est pas rendu à l'accepter, de
l'imposer partout parce que ce n'est pas réaliste dans la formule actuellement
sur la table.
M. Caron (Martin) : Si je
peux compléter très rapidement, c'est que la mutuelle, c'est un des outils qu'on
a ouverts face à nos producteurs. Et il faut être capables de segmenter aussi
nos marchés et nos clients aussi. Ça fait que donc c'est un produit qu'on
soutient, qu'on a offert parce que c'est un beau produit en même temps. Mais je
pense qu'on n'est pas rendu à dire qu'on met une obligation...
Mais il faut réaliser...
M. Caron (Martin) : ...des
outils qu'on a ouverts face à nos producteurs. Et il faut être capable de
segmenter aussi nos marchés et nos clients aussi. Ça fait que, donc, c'est un
produit qu'on soutient et qu'on a offert parce que c'est un beau produit en
même temps, mais je pense qu'on n'est pas rendus à dire qu'on met une obligation
là-dessus.
M. Derraji : J'ai compris.
M. Caron (Martin) : Mais il
faut réaliser par contre que la mutuelle nous amène à développer une expertise quand
même très intéressante.
• (12 h 10) •
M. Derraji : Oui. C'est très
clair, et malheureusement je n'ai pas beaucoup de temps et j'ai plusieurs
questions. Mais là, j'essaie juste de vous suivre, parce que je lis votre
rapport, vous dites : «La portée du projet de loi est vaste. Nous nous
sommes surtout concentrés sur les nouvelles obligations de prévention qui,
comme mentionné, sont difficilement applicables à notre secteur.» Donc, vous
dites aujourd'hui : Les mesures présentées par le ministre dans son projet
de loi sont difficilement applicables. J'ai essayé de vous ouvrir une porte
pour les mutuelles, comme mentionné, vous m'avez très bien répondu. Donc, c'est
à oublier, je vais l'enlever de ma table de dessin. Mais est-ce qu'on
comprendre que tout ce qui a été proposé aujourd'hui dans ce projet de loi ne
vous concerne pas par rapport à la prévention telle que présentée aujourd'hui?
M. Caron (Martin) : Bien, aujourd'hui,
dans les demandes qu'on a faites... Puis je pense que la demande que j'ai
ramenée au ministre, notre première demande, c'est de travailler au niveau des
échanges sectoriels et de travailler sur un consensus sectoriel. C'est là notre
proposition, entre autres, qu'on soit capables de travailler ça «sectoriéral»
et qu'on donne des outils à nos producteurs directement concernés dans les
champs, qui n'ont peut-être pas le temps, pas l'expertise, mais qu'on va être
capables d'aller chercher cette expertise-là avec les secteurs, et là on a
parlé de différents secteurs, que ce soit au niveau du végétal, maraîcher, tout
ça. Il faut outiller nos gens, et on est habitués de travailler comme ça, côté
agricole, vraiment en lien avec nos affiliés, là, et ça, ça a une portée, là.
M. Derraji : O.K., excellent,
c'est très clair. Vous notez aussi un oubli majeur dans la liste des maladies
professionnelles, et, comme vous aussi, je suis un peu surpris, parce que la
littérature scientifique et les méta-analyses sont là. D'ailleurs, vos
collègues du Parkinson Québec... D'ailleurs, je vous invite à lire ce rapport,
c'est un excellent rapport qui relate les faits scientifiques, surtout une très
bonne méta-analyse, donc soit les maladies via l'exposition des pesticides.
Donc, est-ce que vous êtes déçus?
M. Caron (Martin) : Moi, je
vous dirai, quant à ce côté-là, la première des choses, on a eu une rencontre
avec Parkinson Québec, et on a différentes rencontres au niveau des
communications. C'est sûr, je vous dirais, qu'on est déçus, parce que j'ai
parlé à des producteurs, des producteurs présentement qui sont atteints de
Parkinson et qui voient qu'est-ce qui se passe, je donne l'exemple, en France
entre autres, là, où est-ce que c'est reconnu. Et là, on se dit : Bon,
bien, on tombe avec un comité scientifique. Moi, je suis bien d'accord à ce
qu'on y va avec les aspects scientifiques, mais là, le temps presse là-dessus,
et nos gens vraiment le demandent. Et, sur les communications que j'ai eues
avec les producteurs qui sont atteints de ces maladies-là présentement, ils ne
sont face à rien, là, ils n'ont pas d'aide présentement. Ça fait que c'est un
cri du coeur qu'on a.
M. Derraji : Mais je tiens...
Je l'entends et je partage votre cri de coeur avec les membres de la
commission, et surtout le ministre, et je tiens à vous dire que, moi aussi, je
suis déçu de ne pas voir ça dans le projet de loi. Si l'ajout des maladies
liées à l'exposition des pesticides n'est...
M. Caron (Martin) : …sont face
à rien, là, ils n'ont pas d'aide présentement.
M. Derraji : Mais je tiens…
M. Caron (Martin) : C'est un
cri du coeur, puis on a…
M. Derraji : Je l'entends et
je partage votre cri de coeur avec les membres de la commission, et surtout le
ministre, et je tiens à vous dire que moi aussi, je suis déçu de ne pas voir ça
dans le projet de loi.
Si l'ajout des maladies liées à
l'exposition des pesticides n'est pas fait au cours de l'étude article par
article… parce qu'on va tout faire pour essayer, hein, de convaincre le
ministre et l'ensemble des membres de l'ajouter. Donc, on va tout faire, on
vous promet ça. Dans quel délai espérez-vous que ce risque, que… soit inclus.
Donc, c'est quoi le délai raisonnable selon vous?
M. Caron (Martin) : Bien, un
délai raisonnable, moi, c'est le plus rapidement possible. Je comprends qu'il y
a peut-être des étapes, mais il reste que nos gens, nos producteurs qui sont
atteints, qui ne sont face à rien présentement, là, il faut être capable de les
soutenir, là.
Et c'est sûr que les discussions qu'on a
eues avec différentes organisations est là, là, est importante. Mais d'autant
plus, je rajouterais quelque chose, c'est que présentement, là… puis juste vous
faire le constat, présentement, on a des programmes pour la santé et bien-être
des animaux. On a ça présentement, des programmes où est-ce que les producteurs
pourraient aller chercher du financement. Quand on parle des EPI, les
protections au niveau des équipements de protection individuelle, bien là, on
n'a pas de programme.
Donc, pour la santé et bien-être au niveau
de nos producteurs, productrices, on n'a rien. C'est pour ça qu'on disait qu'on
voulait interpeller les autres ministères aussi, entre autres le ministère de
l'Agriculture, entre autres, pour regarder ces aspects-là et donner des outils
à leurs producteurs en protection. Pas juste quand il y arrive une
problématique, mais en protection…
M. Derraji : Vous avez raison,
M. Caron. Un autre volet que j'ai vu dans votre rapport, vous mentionnez un
fonds spécial pour les indemnisés, donc pour les personnes travaillant dans les
fermes, incluant les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST.
Donc, est-ce que vous proposez que ce ne
soient que les entreprises agricoles, peu importe leur taille, qui le financent?
M. Caron (Martin) : Denis, je
vais te laisser aller.
M. Roy (Denis) : Bien, je
pense que la demande… regardez, pour l'instant, on ne s'avancera pas sur le
financement. On comprend qu'une ASP pourrait être financée en partie par des
employeurs via les mécanismes réguliers de cotisation, mais sur les autres
entreprises, on a des attentes par rapport au gouvernement pour le financement
de la partie complémentaire.
M. Derraji : Avez-vous un
exemple concret, un ordre de grandeur?
M. Roy (Denis) : Non, on
n'est pas… regardez, on est ici pour ouvrir le dialogue, pour mettre un comité
spécial, pour faire reconnaître notre secteur, ses particularités compte tenu
qu'il y a tout près de 63 % des entreprises qui ne sont pas couvertes par
la CNESST. On veut vraiment… on est heureux de vous rencontrer pour que le
dialogue se fasse rapidement et de façon constructive pour la santé de tous les
gens qui travaillent et qui sont sur les fermes du Québec.
M. Derraji : Nous aussi, nous
sommes très heureux de vous rencontrer. Mme la Présidente, est-ce qu'il me
reste quelques minutes?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, c'est ça, j'allais vous dire : Il vous reste
1 min 50 s.
M. Derraji : Excellent. Bien,
je vais aller droit au but. Vous mentionnez, dans le paragraphe 3, les
demandes de l'UPA, qu'il y a une information erronée. Selon l'UPA, les…
M. Roy (Denis) : ...sur les
fermes du Québec.
M. Derraji : Nous aussi, nous
sommes très heureux de vous rencontrer. Mme la Présidente, est-ce qu'il me
reste quelques minutes?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, c'est ça, j'allais vous dire : Il vous reste
1 min 50 s.
M. Derraji : Excellent. Bien,
je vais aller droit au but. Vous mentionnez, dans le paragraphe 3, les demandes
de l'UPA, qu'il y a une information erronée. Selon l'UPA, les codes SCIAN,
11.11 jusqu'à 11.53 se sont vu attribuer des niveaux de risque erronés, et ceci
devrait être révisé. La majorité des entreprises agricoles... donc une
estimation conservatrice montre qu'il s'agit de 90 % des entreprises
agricoles n'ont pas de réclamation pour des lésions professionnelles. Est-ce
que vous pouvez élaborer rapidement, s'il vous plaît?
M. Roy (Denis) : Oui. Alors,
très rapidement, c'est que c'est ça, la cotisation est très élevée. C'est vrai
que quand il y a des accidents, il y a des coûts, mais il n'y en a pas beaucoup,
d'accidents, ça fait que pourquoi mettre une étiquette élevée de risque à tout
le secteur quand il y a moins que 10 % des entreprises? Ça fait que c'est
pour ça que nous, dans notre évaluation, on n'aurait pas dû se voir attribuer
la cote de risque élevé, compte tenu du faible nombre d'accidents.
M. Derraji : Donc, entre
autres, vous devez une exemption et que le secteur agricole... d'y soustraire,
donc qu'on vous enlève de ce niveau de risque. Est-ce que c'est une demande
claire de votre part?
M. Roy (Denis) : Oui. On veut
être ajustés, on ne veut pas être reconnus dans le risque élevé puis avoir les
mesures de risque élevé pour ces entreprises-là. Et on veut qu'on exige des mécanismes
de prévention qui soient adaptés, comme on le demande. Au lieu d'un programme
de prévention à tous les producteurs laitiers, bien, que ce sera à ceux qui a
des accidents qui auront des plans d'action spécifiques à déposer pour éviter
que ça se reproduise à nouveau.
M. Derraji : Merci, messieurs,
et notre porte, elle est grande ouverte, continuons nos échanges pour améliorer
le projet de loi, surtout pour nos agriculteurs. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous continuons, nous poursuivons avec le
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. J'aimerais
continuer un peu sur la discussion que mon collègue a commencée avec vous sur
le niveau de risque, discussion qu'on avait aussi un peu plus tôt ce matin avec
le Conseil du patronat. Puis toute la logique de la
prévention est en question ici, puis je comprends que c'est des défis qui sont
importants pour votre secteur, mais en même temps, est-ce que la logique... de
dire : On n'a pas beaucoup de cas, donc on devrait baisser la garde, en
quelques sorte, on devrait baisser l'exigence de sécurité d'un cran ou deux
n'est pas contradictoire avec le principe même de précaution, de prévention,
qui fait probablement que vous avez peut-être, donc, des résultats intéressants
dans la plupart des établissements? N'y a-t-il pas une certaine contradiction
là?
M. Caron (Martin) : Je vous
dirais... Si je peux me permettre, je vous dirais que non, parce que la
première des choses... qu'est-ce qu'on dit, c'est que la prévention, on y
tient, puis on est là, puis juste les exemples qu'on a vous a donnés de
qu'est-ce qu'on travaille... Mais si on applique une mesure puis qu'on
dit : Il y a une obligation, mais que les producteurs, productrices ne
l'utilisent pas, on va avoir le sentiment, tu sais, là, de ne pas être cohérent
par rapport à ça, parce que les gens ne l'utiliseront pas. Et, c'est pour ça
aujourd'hui qu'on est vraiment contents...
M. Caron (Martin) : …mais si
on applique une mesure puis qu'on dit : Il y a une obligation. Mais que
les producteurs, productrices ne l'utilisent pas, on va avoir le sentiment, tu
sais, là, de ne pas être cohérent par rapport à ça, parce que les gens ne
l'utiliseront pas. Et, c'est pour ça aujourd'hui qu'on est vraiment content
d'assister à cet échange-là pour vous dire : Ce n'est pas une façon de
faire. Ce n'est pas en passant avec ces obligations-là, c'est pour trouver une
autre façon de faire puis s'assurer que nos producteurs, productrices vont
l'appliquer dans les champs. Et je reviens encore sur les propositions qu'on
travaille sur le côté sectoriel, on va faire beaucoup plus rapidement de chemin
et beaucoup plus rapidement de chemin au niveau de la prévention en autres,
parce que l'idée c'est d'arriver avant qu'il y ait des lésions ou des accidents
en autres, là.
M. Roy (Denis) : Puis, je
rajouterais, là, regardez, il y a quand même une disparité dans les
sous-secteurs au niveau de l'indice des risques et c'est de la question de
importance de la réclamation versus la fréquence de réclamation, donc c'est une
combinaison des deux et on… pour nous, là, vraiment pas, ne pas baisser la
garder. On veut vraiment monter la garde sur toutes les entreprises, mais on ne
veut pas nécessairement le faire dans les mécanismes qui sont mis sur la table
actuellement.
On veut vraiment le faire avec nos
fédérations affiliées : les producteurs maraîchers du Québec, les
producteurs de porc, les producteurs de bovins, toutes les productions. On veut
vraiment se faire des plans de prévention puis on veut être supporté, là, il y
aura… il faudra y avoir, faut mettre les sous pour être capable de développer
des produits qui ont de l'allure puis il va falloir aussi avoir des gens qui
sont des conseillers en prévention qui vont aller visiter les fermes pour
dire : Bon, bien regardez, là, chez vous on fait un genre d'audit, là,
puis là il faut améliorer telle affaire, telle, affaire, telle affaire. Par
exemple, il y a… on a encore de facteurs…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, merci, M. Roy.
M. Roy (Denis) : Merci
beaucoup.
M. Caron (Martin) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le temps que nous disposions avec M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous y allons maintenant… nous laissons la parole au député de Bonaventure.
• (12 h 20) •
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Vous disposez de 2 minutes 45 secondes.
M. Roy
(Bonaventure) :
Toujours généreuse Mme la Présidente. Bonjour, messieurs Roy et Caron.
Écoutez, moi je me souviens en commission parlementaire où le ministre de
l'Agriculture nous avais dit, puis je l'avais interpellé là-dessus, il allait
intervenir auprès de son collègue, le ministre du Travail, pour faire valoir
les enjeux liés à l'utilisation des pesticides, on pourrait même vous sortir
l'extrait vidéo et audio, et là ce qu'on peut voir, c'est que la maladie de
Parkinson n'est pas dans la liste. Je reviens sur cet enjeu-là, j'ai siégé sur
la commission des pesticides. Pourtant, en Suède et en France, on reconnaît la
maladie. Donc, la littérature scientifique là-bas est claire, il y a un lien.
Pourtant, ici, oups, on n'est pas encore capable d'arriver à avoir des liens
puis à soutenir les agriculteurs qu'on a rencontrés lors des auditions et
surtout aussi des agronomes. Donc, ça touche pas mal de monde.
Est-ce que… bon, c'est sûr que là c'est un
constat, donc il faut poursuivre le combat. Je pense que les gens de
l'opposition avec moi sont d'accord avec. Je vais… donc, on a parlé de ça, je
vais aller sur un autre enjeu. On veut sortir la direction de la Santé
publique…
M. Roy (Bonaventure)
:
...des agronomes, donc ça touche pas mal de monde. Est-ce que... Bon, c'est sûr
que là, c'est un constat, donc il faut poursuivre le combat, je pense que les
gens de l'opposition avec moi, là, sont d'accord avec...
Donc, on a parlé de ça, je vais aller sur
un autre enjeu. On veut sortir la direction de la santé publique de la
prévention dans le domaine... bon, dans le monde du travail actuellement et on
veut permettre aux entreprises d'engager des médecins privés qui peuvent...
Bon. Est-ce que... Là, j'essaie de faire le lien avec le domaine agricole, mais
ça voudrait dire aussi, si on va dans ce... vers ces orientations-là, ça
voudrait dire que les entreprises qui voudraient... Je sais que vous élaborez
des plans de prévention. Est-ce que ça voudrait dire aussi que ça serait des
coûts supplémentaires pour les agriculteurs qui voudraient faire affaire avec
un médecin? On parle des grandes entreprises agricoles, peut-être des
porcheries. Est-ce que vous êtes pour ou contre cette exclusion de la direction
de la santé publique dans la planification de la santé et de la sécurité des
travailleurs au Québec?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 50 secondes.
M. Caron (Martin) : Bon,
bien, regardez, bien, merci de la question. Denis, je vais te laisser y aller parce
qu'il reste 50 secondes.
M. Roy (Denis) : Oui. Alors,
regardez, on a toujours un penchant pour la Santé publique, ils font un
excellent travail. Cependant, je veux peut-être nuancer les dernières
recommandations qu'ils ont fait qui touchent la COVID-19 pour les travailleurs
étrangers temporaires, c'est complètement inapplicables. On leur a passé le
message. Donc, mais ça nous fait toujours plaisir, on a élaboré des beaux
partenariats avec la santé au travail, la Santé publique. Et on n'est pas rendu
à les sortir du dossier.
M. Roy (Bonaventure) :
Vous avez passé le message. Merci.
M. Caron (Martin) : Oui. Et
l'INSPQ fait partie de notre table qu'on a présentement, qu'on a mise en place
sur la santé et sécurité, là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est bien, c'est tout. C'est tout le temps que l'on disposait. Je vous
remercie beaucoup, M. Caron, M. Roy, pour votre contribution à la
présente commission.
Compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Alors, encore une fois, merci,
M. Caron, merci, M. Roy.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bienvenue. Bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. La commission
est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et
les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi
modifiant… ou modernisant, plutôt, le régime de santé et de sécurité au travail.
Cet après-midi, nous entendrons cinq groupes :
d'abord, l'Union étudiante du Québec, le Conseil d'intervention pour l'accès
des femmes au travail, Parkinson Québec, l'Alliance du personnel professionnel
et technique de la santé et des services sociaux et Mme Rachel Cox.
Alors, nous commençons, nous débutons en
souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Union étudiante du Québec.
Bonjour. Je vous souligne que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et
après nous pourrons commencer les échanges virtuels. Pour commencer, je vous
invite d'abord à vous présenter, chacun et chacune, et ensuite vous pourrez
tout de suite débuter votre exposé.
Mme Marcil (Jade): Merci beaucoup. Donc,
bonjour à toutes et à tous. Je suis Jade Marcil, présidente de l'Union
étudiante du Québec pour le mandat 2020‑2021. Je vais laisser mon collègue se
présenter.
M. Blaney
(William) : Bonjour. Je m'appelle
William Blaney. Je suis coordonnateur aux affaires sociopolitiques à l'Union
étudiante du Québec.
Mme Marcil (Jade): Donc, d'abord, nous
sommes vraiment très heureux et heureuse d'être présents aujourd'hui devant
vous pour vous présenter l'objet de notre mémoire remis dans le cadre de
l'étude du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de
santé et de sécurité au travail. D'abord, nous allons présenter la
mission de l'UEQ et ensuite nous allons aborder quelques aspects de cette
réforme qui nous sont très importants.
Donc, l'Union étudiante du Québec
représente 91 000 universitaires à travers la province. L'UEQ travaille à
améliorer la condition étudiante sous toutes ses formes, et ce, depuis 2016.
Nous travaillons en étroite collaboration avec des associations étudiantes
membres et les associations étudiantes non membres afin de développer des
recherches sur la condition étudiante qui peuvent porter tant sur le soutien
académique et les services offerts dans les milieux universitaires que sur
l'amélioration de la condition étudiante, plus largement, comme les conditions
financières, les conditions de logement ou même les conditions de travail en
milieu de stage, et ce, depuis notre création.
Aujourd'hui, nous sommes présents et
présentes pour parler justement des conditions d'encadrement légal des
stagiaires en milieu de travail qui sont non rémunérés puisque les stagiaires
qui sont rémunérés par leur milieu de stage font déjà partie intégrante de la
catégorie des travailleurs dans les…
Mme Marcil (Jade): …ou même les conditions
de travail en milieu de stage, et ce depuis notre création. Aujourd'hui nous
sommes présents et présentes pour parler, justement, des conditions
d'encadrement légal des stagiaires qui sont non rémunérés puisque les
stagiaires qui sont rémunérés par leur milieu de stage font déjà partie
intégrante de la catégorie des travailleurs dans les différentes lois qui
régissent les conditions de travail. Donc, il existe plusieurs problématiques
quant à l'encadrement des stagiaires qui sont non rémunérés. Afin d'y remédier,
l'Union étudiante du Québec, et la Fédération étudiante collégiale du Québec, a
mis en place une campagne à l'hiver 2019 qui visait, justement, l'amélioration
des conditions de stage. Dans cette campagne, il y a eu création de trois
chantiers afin d'améliorer les conditions des stagiaires.
Le premier, sur l'amélioration des
conditions financières des stagiaires, a mené à la création du Programme de
bourses à la persévérance et à la réussite des stagiaires qui compensent,
financièrement, certains stages du milieu de l'éducation, de la santé et des
services sociaux.
Le deuxième chantier correspondait à
l'amélioration de l'encadrement académique des stagiaires. Et, en automne 2020,
tout récemment, le ministère de l'Enseignement supérieur a dévoilé un guide
d'accompagnement aux établissements d'enseignement pour développer des
conventions de stage qui permettrait de déterminer les critères de réussite et
de déroulement d'un stage.
Enfin, dernier chantier, a été relayé au ministre
Jean Boulet puisqu'il s'agissait de l'encadrement légal du statut du stagiaire.
Le présent projet de loi présenté par le ministre
permettra donc de combler une partie des demandes relatives à l'encadrement
légal des stagiaires d'observation dans la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles et dans la Loi sur la santé et la sécurité au
travail. Donc, tout d'abord, nous allons nous attarder aux modifications
proposées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
La modification proposée par la note de
rédaction nº4, bien qu'en apparence, peut être, mineur, est d'une importance
capitale pour l'UEQ : Par l'ajout à l'article 10 par des mots
«d'observation et de travail», on permet aux stagiaires qui sont présents dans
les milieux de travail, mais à titre, tout simplement, d'observateur, d'être
aussi protégé en cas d'accident ou de maladies liés au milieu de travail. Cela
reconnaît qu'en étant dans le milieu de travail, même à titre d'observateur,
pour la majeure partie du temps, la personne stagiaire est sujette à des
accidents simplement par sa présence.
Les stagiaires d'observation, malgré le
nom qui leur est accordé, participent parfois aussi activement aux tâches et au
travail, soit par un soutien à leur maître de stage ou la manipulation de
matériel dans le milieu de stage. Donc, un stage d'observation permet donc de
faire des tâches actives et pourrait mettre à risque, aussi, une personne
stagiaire. Donc, cette modification viendrait permettre de protéger
équitablement tous les stagiaires, peu importe le type de stage, par le
paiement d'une cotisation par l'établissement. Présentement, les établissements
déboursent une cotisation pour protéger les stagiaires qui sont non rémunérés
et qui font un stage de travail, mais il n'est même pas permis de payer une
cotisation pour protéger un stagiaire en observation. Donc, nous sommes vraiment
très heureux de voir cette modification s'inclure dans le projet de loi
Je vais maintenant passer la parole à mon
collègue pour aborder les modifications sur la loi sur la santé et la sécurité…
Mme Marcil (Jade): ...non rémunérés et qui
font un stage de travail, mais il n'est même pas permis de payer une cotisation
pour protéger un stagiaire en observation. Donc, nous sommes vraiment très
heureux de voir cette modification s'inclure dans le projet de loi.
Je vais maintenant passer la parole à mon collègue
pour aborder les modifications sur la loi sur la santé et la sécurité qui
concernent les stagiaires.
M. Blaney (William) : Merci,
Jade. Donc, pour ce qui est de la Loi sur la santé et la sécurité au travail,
on va parler ici beaucoup plus de précision, puisque les stagiaires, là, les
personnes stagiaires étaient déjà protégées par la loi, mais dans le projet de
loi, on vient le préciser et l'écrire plus clairement. Donc, tout d'abord, on
l'écrit plus clairement lorsqu'on définit les travailleurs et les travailleuses
au début du projet de loi. Puis encore une fois, là, plus loin, là, dans le
projet de loi, lorsqu'on définit spécifiquement les travailleurs et les
travailleuses du milieu de la construction, on vient encore une fois préciser
que les stagiaires sont protégés. Donc, même si c'est uniquement une précision,
on trouvait ça très important de mentionner aujourd'hui l'importance de cette
précision-là pour venir sécuriser les stagiaires dans les milieux de stage.
Donc, on croit que c'est très, très, très important de venir préciser ici
aujourd'hui...
Et également, dans une optique de protéger
les étudiants et les étudiantes qui sont en milieu de stage, on est également
en faveur d'une Loi sur la santé et la sécurité au travail ainsi que d'une Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui soient les
plus compréhensives possible, les plus englobantes des conditions des
travailleurs et des travailleuses, pour s'assurer, là, que les stagiaires qui
sont en milieu de travail soient protégés puis évoluent dans un environnement
sécuritaire.
Évidemment, on croit que, lors de la
commission, là, vous allez recevoir plusieurs autres organisations avec
lesquelles on collabore, notamment les organisations syndicales, qui sont...
qui vont justement vous parler peut-être plus des lacunes, des choses à
améliorer dans ces lois-là. Donc, on souhaitait juste mentionner également,
aujourd'hui, là, qu'on était en faveur d'une loi qui soit englobante et qui
protège autant les travailleurs et les travailleuses que les stagiaires.
Je vais laisser, là, maintenant, Jade
continuer, là, pour parler peut-être aussi d'un point qu'on a oublié, là, dans
la protection des stagiaires à ce niveau-là.
Mme Marcil (Jade): Merci, William. Oui,
donc, en fait, je veux également profiter de l'occasion qui m'est offerte
aujourd'hui pour vous sensibiliser à d'autres flous légaux qui sont présents
pour les stagiaires au Québec et qui peuvent avoir un effet important sur leurs
conditions de réussite. Donc, les modifications présentées par ce projet de loi
nous rappellent que les stagiaires non rémunérés sont à risque dans certains
milieux d'emploi, et qu'il est important d'encadrer leurs conditions de
travail, ce qui est fait par les deux modifications qui sont présentées.
Mais présentement, par l'absence de la
reconnaissance de leur statut dans d'autres lois, comme la Loi sur les normes
du travail, les stagiaires qui sont sujets à vivre des abus dans leur milieu de
stage et avec des situations pouvant mettre à risque leur réussite, puisqu'ils
ne sont pas rémunérés... n'est donc toujours pas considéré comme un travailleur
à part entière. Bref, la personne stagiaire n'est présentement pas sujette à la
Loi sur les normes du travail.
Lorsqu'on parle des normes auxquelles
elles ne sont pas admissibles, par exemple, on peut simplement penser à
l'assurance d'obtenir des congés fériés, mais on peut aussi penser à
l'assurance d'obtenir une reconnaissance d'un congé de maladie ou d'un congé
pour des raisons de décès ou don d'organes. On peut également penser au congé
prolongé, bien que ces...
Mme Marcil (Jade): …lorsqu'on parle des
normes auxquelles ils ne sont pas admissibles, par exemple, on peut simplement
penser à l'assurance d'obtenir des congés fériés, mais on peut aussi penser à
l'assurance d'obtenir une reconnaissance d'un congé de maladie ou d'un congé
pour des raisons de décès ou don d'organes. On peut également penser au congé
prolongé, bien que ces situations, durant lesquelles les stagiaires usent de
congé prolongé, ne sont pas la norme, ne sont pas très nombreuses, il est important
de ne pas pénaliser la réussite d'une personne stagiaire, par exemple, parce
qu'elle serait enceinte lors de son stage et qu'elle devrait prendre un congé
plus prolongé, alors qu'il s'agit là de droits fondamentaux pour les travailleurs
et les travailleuses au Québec.
Ainsi, il faut adapter nos règles à la
réalité des stagiaires, une réglementation législative pour encadrer ces
pratiques, et obliger les milieux de stage et les établissements d'enseignement
à respecter les droits fondamentaux que les stagiaires possèdent aussi
lorsqu'ils agissent à titre de travailleurs dans un stage. Cette préoccupation
a été présentée à plusieurs reprises au ministre Jean Boulet, qui se dit
vraiment sensible aux réalités des stagiaires, et nous croyons qu'il est encore
essentiel que ces modifications voient le jour au plus vite. Donc, merci
beaucoup de nous avoir écoutés. Ce fut un plaisir de participer à cette
consultation. On est très heureux et heureuses d'avoir pu défendre les droits
des stagiaires devant vous aujourd'hui. Votre écoute est essentielle pour nous
permettre de porter la voix des stagiaires au Québec.
Bref, le projet de loi vient retirer des
inéquités qui existaient déjà, vient créer des précisions qui étaient
nécessaires à la reconnaissance des stagiaires et ça peut avoir un apport
vraiment important pour la communauté étudiante. Enfin, il est essentiel de
préciser que ces ajouts permettraient aux stagiaires d'avoir accès à des
protections, à des droits qui ne doivent, en aucun cas, être réduits par
d'autres modifications qui pourraient éventuellement être apportées aux lois
sur le travail. Donc, nous sommes vraiment disponibles pour prendre des
questions lors de la présentation, mais aussi vous pouvez contacter l'UEQ, à
tout moment, pour des précisions, des compléments d'information. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour votre exposé très intéressant. Nous allons donc commencer la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais saluer Jade et William, que j'ai
eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises et, deux, vous féliciter non
seulement pour votre engagement pour la cause étudiante au Québec, mais pour
votre volonté de préparer un mémoire et de venir le présenter en commission
parlementaire. C'est une première pour vous deux, je sais que ça doit
occasionner un certain stress, ça l'est pour nous tous, mais vous avez vraiment
bien fait ça, là, tous les deux, là, Jade et William. C'est important
d'ailleurs, vous connaissez ma préoccupation pour assurer… là ici, on parle de
santé, sécurité des stagiaires, on parlera, je vais y aller… tu sais, parce que
vous avez fait comme un pitch en deux volets, là, parce que vous n'avez pas
abandonné l'idée de conférer un statut légal complet aux stagiaires, mais
simplement vous rappeler que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur…
M. Boulet : …on parlera… je
vais y aller en… tu sais, parce que vous avez fait comme un pitch en deux
volets, là, parce que vous n'avez pas abandonné l'idée de conférer un statut
légal complet aux stagiaires.
Mais simplement vous rappeler que le ministère
de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a évalué qu'il y avait
195 000 personnes, 66 000 hommes, 128 000 femmes,
qui ont été inscrites à un stage en 2017-2018, puis là je réfère aux trois
réseaux : la formation professionnelle, le réseau collégial, technique,
là, surtout, et universitaire. Puis là-dedans il y avait, notamment, les
stagiaires d'observation, Jade, tu l'as bien décrit, il y en a 10 388. Ça
fait que je pense que, tu sais, que… Puis, en 2019, là, la CNESST a couvert
quand même un certain nombre de stagiaires, mais ça n'a jamais été clair. Puis
c'était clair que les stagiaires d'observation n'étaient pas visés, notamment,
par la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles.
J'aimerais, Jade, t'entendre, tu me dis,
notamment… puis je pense c'est pour le bénéfice de nous tous. Est-ce que tu
peux nous donner une couple d'exemples quand tu dis : Les stagiaires
d'observation, ils participent aux tâches et au travail? Partage donc avec nous
l'expérience ou des cas pratiques de ça.
Mme Marcil (Jade): Oui, donc merci,
M. Boulet. Effectivement, par mon expérience personnelle, je peux en
parler. J'ai fait un baccalauréat en enseignement au secondaire, puis c'est un baccalauréat
qui contient quatre stages obligatoires, dont le premier qui est un stage d'observation
durant lequel l'étudiant ou l'étudiante stagiaire observe le professeur en
classe mais est aussi sujet, parfois, selon ce que va en penser son enseignant
superviseur, à présenter quelques périodes d'enseignement, et donc se tient
dans le milieu de travail, là, durant toute la période du stage et peut aussi
participer à des tâches actives de cette manière-là.
On peut penser aussi, là, à tout autre
milieu de stage où, pour essayer une manipulation, un stagiaire utiliserait un
certain type de machinerie ou même participerait, là, en laboratoire ou quoi
que ce soit.
Donc, c'est vraiment, là, selon la
curiosité du stagiaire. Parfois, il peut avoir accès à plus de tâches, parfois
moins, mais ça va aussi avec la latitude que peut donner le milieu de stage et
la personne qui est superviseur dans le milieu de stage. Donc, ce n'est
vraiment pas parce qu'une personne était en statut d'observation qu'elle n'a
aucune chance de faire des tâches actives. C'est pour ça que c'était vraiment
très essentiel, là, justement, de le préciser comme il a été précisé dans notre
mémoire.
M. Boulet : Puis, en faisant
des tâches actives, Jade, tu es toujours exposée à un événement imprévu et
soudain qui survient par le fait de ton stage ou à l'occasion de ton stage… et
provoquer une absence qui requiert une réclamation à la CNESST pour être
compensée.
Jade, en fait…
M. Boulet : …présent à un
événement imprévu et soudain, qui survient par le fait de ton stage ou à
l'occasion de ton stage, et provoqué une absence qui requiert une réclamation à
la CNESST pour être compensée.
Jade… En fait, William, maintenant.
William, tu parlais de santé et sécurité du travail. J'aimerais ça que tu nous
parles un peu plus de… Tu sais, il y a énormément de gens dans le secteur de la
restauration puis de l'hébergement puis ça, c'était, dans le régime actuel,
dans le groupe prioritaire n° 5, assujetti à aucun mécanisme de prévention
et de participation des travailleurs. Il y a un nombre prépondérant de femmes,
mais aussi de jeunes qui sont affectés par la pandémie, il y a beaucoup de
chômage.
Comment… j'aimerais ça que tu me donnes
aussi la compréhension… tu sais, tu disais : Il faut que ce soit
compréhensif, là, dans le sens de global. En quoi ça va protéger d'avoir plus
de prévention puis de participation des travailleurs? Là, dans le secteur
restauration puis hébergement, ça va généralement dans le risque moyen ou le
risque faible, et dépendamment du nombre de travailleurs, il va y avoir un
impact. Quelle est l'analyse que tu fais de ça, William?
M. Blaney (William) :
Bien, c'est certain que la clé, c'est évidemment, justement, la prévention,
puis plus on est en mesure de prévenir puis d'encadrer, que ce soit, là, parce
que vous semblez aussi parler évidemment, là, de travailleurs, d'emplois
étudiants ou de stagiaires, si on est en mesure d'encadrer le plus possible
leur expérience en milieu de travail, bien, c'est certain qu'on va prévenir,
là, les accidents de travail, ce qui est ce qu'on veut idéalement.
Donc, évidemment, la prévention doit être
à la base puis d'encadrer ces personnes-là dès qu'elles entrent dans le milieu
de travail, de leur expliquer un peu comment ça fonctionne pour éviter des
conséquences plus graves, là. Évidemment, c'est une excellente idée, en effet.
M. Boulet : Jade, tu en
profites pour parler d'un autre sujet qui a fait l'objet de certaines de nos
rencontres, la reconnaissance du statut notamment des stagiaires d'observation.
Dans la Loi sur les normes du travail, tu réfères à des abus potentiels,
probablement que tu penses au harcèlement psychologique ou de nature sexuelle. Est-ce
que tu peux nous parler de cas puis de l'importance de la protection de ces
stagiaires-là en vertu des lois du travail du Québec, comme tu les appelles?
Mme Marcil (Jade): Oui, merci,
M. Boulet. Effectivement, juste par le statut de stagiaire, une personne
peut être plus sujette à des abus de la part de soit la personne superviseure,
là, dans son milieu de stage, ou d'autres superviseurs plus élevés, là, dans le
milieu de stage puisque l'étudiant qui est en milieu de stage joue sa réussite,
et donc, serait beaucoup plus sujet à laisser passer certains comportements ou
à ne pas dénoncer certains…
Mme Marcil (Jade): …personne superviseure,
là, dans son milieu de stage, ou d'autres superviseurs plus élevés, là, dans le
milieu de stage puisque l'étudiant qui est en milieu de stage joue sa réussite,
et donc, serait beaucoup plus sujet à laisser passer certains comportements ou
à ne pas dénoncer certains comportements dans le but de pouvoir réussir son
stage malgré qu'il peut s'agir d'abus.
On peut penser simplement à demander à une
personne stagiaire toujours d'arriver beaucoup plus tôt. C'est quelque chose
plus en lien avec l'horaire, mais d'arriver beaucoup plus tôt pour faire des
tâches qui ne sont pas nécessairement en lien avec l'apprentissage, mais
d'utiliser la personne stagiaire pour un soutien administratif, alors que le
stage n'est pas… ne vise pas du tout ces objectifs-là. On peut penser aussi à
demander à des personnes stagiaires de rentrer alors que c'est des journées
fériées pour effectuer des tâches parce que, de toute façon, rien n'encadre
réellement les obligations qu'ont les milieux de travail envers ces
stagiaires-là.
Donc, c'est des exemples qui sont très de
base sur les horaires, mais quand on parle, par exemple, de harcèlement, être
une personne stagiaire dans un milieu de stage qui a été difficile à acquérir… parce
que dans certains milieux, il y a beaucoup de compétitivité pour obtenir un
milieu de stage qui va offrir soit une bonne référence ou même qui va pouvoir
mener à d'autres nouvelles expériences de stage ou même un emploi par la suite
dans le même milieu. Donc, lorsqu'il y a beaucoup de compétitivité entre les
stagiaires, lorsqu'il y a des abus dans ce milieu de stage là, la personne
stagiaire serait beaucoup moins encline à le dénoncer de peur de perdre sa
position privilégiée ou même, là, d'être barrée de certains autres milieux de
stage, si on veut.
Donc, la personne stagiaire est déjà plus
précaire juste par son statut d'étudiant qui joue sa réussite, mais aussi son
avenir professionnel, et donc d'encadrer leur statut permettrait vraiment de
limiter des abus qui existent déjà et qui sont malheureusement présents dans
notre milieu.
M. Boulet : Merci. Par
ailleurs, j'aimerais que tu nous dises quelques mots sur ce qu'on a amorcé
ensemble, là, le chantier de consultation avec les corporations
professionnelles. Puis pour le bénéfice de tout le monde, bien sûr, on est
intéressés à conférer exactement le même statut, les mêmes droits, les mêmes
obligations, bien sûr, aux stagiaires que les autres travailleurs dans le même
environnement.
En même temps, on ne veut pas mettre en
péril leur possibilité de diplomation parce qu'il y a des stagiaires, par
ailleurs, à l'égard desquels les corporations professionnelles exigent une
présence assidue pour permettre une évaluation complète de la personne. Il faut
qu'elle fasse tant d'heures, il faut qu'elle fasse tant de jours, ça fait que
le stagiaire qui est absent risque d'avoir une problématique, là, au niveau de
son accessibilité au diplôme.
Bon, les consultations sont terminées, le
travail n'est pas terminé. Jade et William, on va s'en reparler. D'ailleurs,
c'est un chantier qui est parallèle, mais, Jade, je veux quand même t'entendre,
parce qu'on n'a pas l'opportunité souvent de se rencontrer, donc sur ton
appréciation ou tes constats…
M. Boulet : ...bon, les consultations
sont terminées, le travail n'est pas terminé. Jade et William, on va s'en
reparler. D'ailleurs, c'est un chantier qui est parallèle, mais, Jade, je veux quand
même t'entendre, parce qu'on n'a pas l'opportunité souvent de se rencontrer,
donc sur ton appréciation ou tes constats de ces consultations-là.
Mme Marcil (Jade): Oui, parfait. Donc, pour
des informations pour tous, donc, au cours de l'automne dernier, le ministère
du Travail a mis en place des consultations avec tous les acteurs et actrices
du milieu de l'enseignement supérieur qui interviennent dans la gestion d'un
stage. Donc ont été consultés les ordres professionnels, mais aussi les établissements.
Lors de ces consultations, c'était vraiment pour mesurer la possibilité de
mettre en place une législation pour les stagiaires pour réguler justement leur
statut.
Lors de ces consultations, on a bien vu
qu'il y avait un travail important d'arrimage entre certains milieux qui
devrait être effectué soit envers les attentes qu'ont un ordre professionnel
pour un stage, certains délais durant lesquels les stagiaires doivent absolument
compléter les heures, et aussi de quelle manière est-ce qu'il était possible
d'arrimer le travail académique du côté des établissements puisque les
établissements ont des sessions académiques, les stages doivent se faire sur
une durée x aussi.
Donc, malgré ces difficultés d'arrimage,
qui seront effectivement nécessaires à la mise en place de protections plus
globales pour les stagiaires, on croit que, peut-être, la mise en place, quand
même, d'une réglementation qui permettrait une protection minimale pourrait
permettre justement, là, l'amélioration des politiques soit institutionnelles
ou des ordres professionnels dans le temps afin d'assurer un arrimage de ces
pratiques-là.
Ça a été des rencontres qui ont été
extrêmement instructives afin de comprendre vraiment bien, là, les
réglementations des différents ordres et le fonctionnement des établissements.
On a aussi remarqué que plusieurs établissements étaient très autonomes, mais
donnaient quand même des accommodements. Par contre, chaque établissement donne
des accommodements différents. Et donc une personne stagiaire d'un
établissement à un autre ne pourra peut-être pas avoir accès aux mêmes
accommodements, et ça, c'est une problématique qu'une législation pourrait, par
exemple, là, uniformiser à travers les établissements.
Donc, je crois qu'on est toujours dans la
problématique de l'arrimage dans ce qui existait avant pour s'assurer que tout
le monde ait les bonnes protections. Puis ça va nous faire extrêmement plaisir
de continuer à travailler sur ce projet-là, parce qu'on pense encore que c'est
nécessaire, là. Le plus tôt possible sera le mieux, disons.
M. Boulet : Écoutez, juste un
mot pour terminer. Encore une fois, merci beaucoup, Jade et William, pour votre
contribution. Puis je pense que mes collègues du parti gouvernemental et des
partis d'opposition vont se réjouir que, pour une première fois dans notre régime
de santé et sécurité du travail, on aille dans la direction d'une égale
protection à l'égard des accidents de travail, maladies professionnelles pour
tous les stagiaires, notamment...
M. Boulet : …mes collègues du
parti gouvernemental et des partis d'opposition vont se réjouir que, pour une
première fois, dans notre régime de santé et sécurité du travail, on aille dans
la direction d'une égale protection à l'égard des accidents de travail,
maladies professionnelles, pour tous les stagiaires, notamment les stagiaires
qui font de l'observation. Merci beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous
revoir bientôt. Bye, bye.
Une voix : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le
député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Député de Nelligan.
M. Derraji : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Merci à vous deux, pour le rapport et la qualité des informations.
Moi, je ne vois pas, en face de moi, des personnes qui sont à leur première
consultation. Je tiens à seconder le ministre, vous avez bien fait ça, bravo
pour votre présence. La coordination entre… dans ce nouveau mode virtuel, on
essaie tous de s'adapter, donc d'intervenir les deux.
Il y a quelque chose qui m'a interpellé,
par rapport à… je ne sais pas comment qualifier ça, mais une pression pour
réussir son stage, je pense. Jade, vous avez mentionné ça et que, parfois, les
gens acceptent certaines choses. Je pense, au niveau des stagiaires, j'imagine
que votre organisation a un son de cloche. Avez-vous des statistiques à nous
partager, ou bien des secteurs d'activités? Parce qu'aujourd'hui, dans ce
projet de loi, le ministre ramenait des éléments de prévention. Donc, on veut
travailler plus sur la prévention, avec un niveau de risque. Mais à la question
du ministre, tout à l'heure, vous avez mentionné que, pour certains stagiaires,
il y a la pression de réussir son stage et ça, nous sommes tous d'accord,
parfois, c'est des choses que vous voyez. Mais avez-vous des statistiques à
nous partager, avez-vous des drapeaux rouges à nous partager par rapport à des
secteurs d'activités, où vous pensez qu'il faut faire attention, il faut être
plus vigilant, pour que, justement, qu'une société comme la nôtre, québécoise,
que des agissements pareils ne seront plus tolérés?
Mme Marcil (Jade): Merci beaucoup pour la
question. Il est en ce moment très difficile d'établir exactement dans quel
domaine est-ce que ça a été le plus problématique. L'Union étudiante du Québec
travaille présentement avec la charte de recherche pour combattre les violences
à caractère sexuel à l'UQAM. Par exemple, dans un projet de recherche sur les
violences à caractère sexuel dans les milieux de stage, afin de déterminer,
justement, s'il y a des milieux qui sont plus problématiques que d'autres. Par
contre, on peut penser que les milieux dans lesquels les étudiants stagiaires
doivent eux-mêmes aller à la recherche de leur milieu de stage, évidemment, ça
crée plus de compétition. Donc, dans certains établissements scolaires, les
étudiants doivent aller chercher eux-mêmes leurs milieux, alors que d'autres
centres de services scolaires, pardon, les étudiants sont placés
automatiquement. Donc, ça va vraiment dépendre, là, de la…
Mme Marcil (Jade): ...de stage, évidemment,
ça crée plus de compétition. Donc, dans certains établissements scolaires, les
étudiants doivent aller chercher eux-mêmes leurs milieux, alors que d'autres...
centre de services scolaires, pardon, les étudiants sont placés
automatiquement. Donc, ça va vraiment dépendre, là, de la compétitivité à aller
chercher un stage. On pourrait croire que, par exemple, dans des domaines comme
le droit, où on joue beaucoup plus sur l'avenir lorsqu'on veut avoir une bonne
référence d'un maître de stage, il pourrait y avoir ce genre de comportement. Par
contre, on n'est pas capable de le dénoncer, en ce moment, et c'est pourquoi,
là, c'est important pour nous de commencer le travail sur les violences à
caractère sexuel dans les milieux de stage avec la chaire de recherche. Et
c'est sûr que c'est le genre de donnée qui nous intéresse extrêmement pour bien
prévenir.
M. Derraji : Oui. Mais déjà,
votre point de départ, votre hypothèse pour vérifier ça avec la chaire de
recherche, c'est que ce que vous soulevez... quand on est à la recherche de ce
stage, il y a comme une mainmise sur le stagiaire, vu les conditions de la
recherche de son stage et, de facto, il y a ces milieux problématiques qui
exercent une pression sur ces stagiaires.
Et donc si j'ai bien compris votre hypothèse,
c'est que vous nous dites, aujourd'hui, aux législateurs, de faire attention à
certains secteurs pour que justement, oui, c'est très bien de protéger et
d'inclure les étudiants stagiaires non rémunérés dans le projet de loi, mais est-ce
que vous nous suggérez aujourd'hui d'avoir un autre regard d'une manière
préventive pour ces secteurs où nous sommes convaincus aujourd'hui... je vais
enlever «convaincus», où nous avons des doutes, la preuve, vous avez lancé,
avec une chaire de recherche, une recherche justement qui va soit confirmer ou
annuler l'hypothèse du départ, mais faisant un raisonnement par récurrence, du
moment que vous soulevez cette hypothèse, est-ce qu'aujourd'hui, avec votre
présence au sein de cette commission, vous nous dites : Écoutez, il y a
des milieux de stage où ce n'est pas la même chose que dans d'autres milieux,
où parfois l'étudiant stagiaire risque de subir une pression supplémentaire?
Mme Marcil (Jade): Oui. Merci. Donc,
effectivement, selon la nature du travail, il y a plusieurs milieux dans
lesquels la personne stagiaire est presque automatiquement rémunérée. On peut
penser au domaine de l'administration, où les stagiaires sont en majorité
rémunérés. Mais c'est vraiment dans la problématique où les stagiaires ne le
sont pas. C'est majoritairement des stages qui sont en milieu communautaire
public. Mais c'est ça, le volet de compétitivité vers la quête d'un stage et de
la bonne référence, ça, ça pourrait vraiment mettre en doute, là, mettre en
jeu, en fait, la sécurité de la personne stagiaire qui, dans le but d'obtenir
une bonne référence ou une réussite... ou même de ne pas devoir prolonger son
parcours, parce que souvent l'enjeu de la diplomation est aussi important, là,
on ne peut pas se retirer d'un milieu de stage, puisqu'il va falloir reprendre
le stage au complet dans...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Marcil (Jade): ...en fait, la sécurité
de la personne stagiaire, qui, dans le but d'obtenir une bonne référence, une
réussite, ou même de ne pas devoir prolonger son parcours... Parce que souvent,
l'enjeu de la diplomation est aussi important, là. On ne peut pas se retirer
d'un milieu de stage, puisqu'il va falloir reprendre le stage au complet dans
un milieu différent. Parfois, ça va retarder la diplomation de près d'un an,
selon les différentes institutions d'enseignement, là, ou le programme dans
lequel on est inscrit. Donc, ça peut avoir des conséquences importantes, qui
empêcheraient un peu... qui mettraient des bâtons dans les roues, en fait, de
la personne stagiaire qui voudrait dénoncer un comportement inacceptable.
Donc, c'est sûr qu'en régularisant un peu
le statut des stagiaires, par les deux lois qui sont modifiées et par le projet
de loi, mais aussi par les normes du travail on pourrait assurer une protection
minimale, au moins, des abus qui pourraient être faits aux stagiaires et donc
soutenir, là, les personnes stagiaires dans leurs problématiques.
M. Derraji : Oui. Jade, merci
beaucoup, je pense que vous avez mis le doigt sur une réelle problématique et,
j'en suis sûr et certain... Et je vois mes collègues des autres formations
bouger la tête et je pense qu'on va avoir pas mal d'échanges avec M. le
ministre par rapport à ça parce que... Surtout, si on veut régler cette
problématique, ça nous prend, en fait, de l'audace.
Je veux profiter de l'occasion que j'ai,
en face de moi, des jeunes. Écoutez, on parle d'une modernisation d'un régime
où il y a beaucoup d'intervenants. J'en suis sûr et certain que vous avez suivi
un peu l'actualité. Que ce soit patronal, ou syndical, ou communautaire, tout
le monde a des préoccupations, et c'est normal. Ça fait longtemps qu'on n'a pas
touché à ces deux lois. Là, maintenant, j'ai en face de moi deux jeunes, O.K.
La question, elle est très, très importante pour les jeunes. Comment vous, vous
voyez l'avenir de gérer... de la situation de l'emploi chez les jeunes?
Pensons, par exemple, le «gig work», qui est au fait que les nouvelles
générations ne restent pas chez un même employeur cinq ou 12 ans. Donc là,
maintenant, c'est fini, tu rentres chez l'employeur, tu termines ta vie chez le
même employeur, mais probablement une série d'expériences du travail,
d'expositions aux risques et autres. C'est quoi, votre lecture à la lumière de
ce nouveau projet de loi?
M. Blaney (William) : C'est
certain que le milieu du travail change beaucoup puis, évidemment, que les lois
du travail doivent faire de même. Donc, évidemment que les lois doivent être
compréhensives de ces milieux-là qui changent, de ces jeunes-là qui travaillent
quelque temps dans un endroit puis changent, donc les encadrer dès que ces
personnes-là arrivent dans le milieu de travail, et aussi prendre en compte
évidemment les nouvelles réalités du travail, donc tout ce qui est par rapport
au télétravail, par exemple, qui est quelque chose de nouveau, dans lequel…
donc qui existait déjà, mais dans lequel on a été propulsé durant la pandémie.
Donc, prendre en compte aussi toutes ces nouvelles réalités là, évidemment, du
travail pour s'assurer que, lorsque les jeunes, comme nous, entront sur le
marché du travail, bien, les lois du travail soient compréhensives puis nous
permettent de bien être protégés, malgré le fait que le travail qu'on occupe ne
ressemble peut-être pas nécessairement…
M. Blaney (William) :
...prendre en compte aussi toutes ces nouvelles réalités là, évidemment, du
travail pour s'assurer que, lorsque les jeunes comme nous entrons sur le marché
du travail, bien, les lois du travail soient compréhensives puis nous
permettent de bien être protégés, malgré le fait que le travail qu'on occupe ne
ressemble peut-être pas nécessairement à ceux que des gens ont déjà occupés par
le passé.
M. Derraji : Merci à vous
deux. Là, maintenant, je vais passer la parole à un autre jeune qui croit beaucoup
à l'avenir du travail des jeunes : c'est mon cher collègue Carlos, qui va sûrement,
sûrement avoir d'autres questions très pertinentes par rapport à l'avenir des
jeunes. La parole est à toi, Carlos.
M. Leitão : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste deux minutes, M. le député.
M. Leitão : Alors, il faut que
je fasse vite. Écoutez, on pourrait discuter longuement, mais, puisqu'il me
reste deux minutes seulement, ma question se limite vraiment à l'encadrement
des stages maintenant dans les règles de la sécurité et de la santé au travail.
Les enjeux que vous avez soulevés, et qui sont très importants... Moi, la
question que j'ai : Est-ce que le premier intervenant dans cette
problématique, est-ce qu'il devrait être le ministère du Travail, donc la
CNESST, ou ce serait plutôt la responsabilité des institutions d'enseignement,
des universités par exemple? Quand il y a un problème entre un stagiaire et son
superviseur, quel devrait être le premier... disons, le premier répondant, si je
peux utiliser un tel terme? Est-ce que c'est vraiment le ministère du Travail
ou est-ce que ce serait plutôt... l'université de s'occuper de régler cette
question?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Vous avez 55 secondes pour répondre.
Mme Marcil (Jade): Oui. Bien, merci pour la
question. Il est important, là, de déterminer que dans les universités, elles
sont, chacune, indépendantes et donc peuvent agir indépendamment, là, sur la
gestion d'une problématique d'un stage, et donc, là, on croit que... d'une
réforme un petit peu plus globale entourant les stagiaires partout au Québec de
la même manière viendrait régler justement dans le cas où il y a certaines
lacunes dans certains milieux. Il est essentiel de dire aussi que les
stagiaires sont parfois protégés dans le milieu de stage par les politiques
institutionnelles des établissements. On peut penser par exemple à la politique
pour prévenir les violences à caractère sexuel en milieu d'enseignement
supérieur. Par contre, il y a encore des flous par rapport à l'application de
cette politique-là. C'est plus optionnel, quasiment, qu'obligatoire. Donc,
c'est pour ça, nous, qu'on va vraiment plus vers un ensemble, on viendrait
justement diminuer toutes les disparités de traitement qui existent.
M. Leitão : Très bien. Bravo!
Merci. Je pense que ça complète, non, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, oui, oui!
M. Leitão : Il n'y a pas un
deux minutes magique quelque part d'autre, non?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Deux minutes, c'est un peu long. Essayez de transmettre votre question à votre
collègue.
Alors, nous poursuivons... Merci pour le
bel échange. Nous poursuivons avec le porte-parole d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Blaney, Mme Marcil. D'abord, c'est toujours agréable de
rencontrer des camarades du mouvement étudiant, c'est là que j'ai fait mes
premières implications...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le
porte-parole d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez deux minutes 45 secondes.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour M. Blaney, Mme Marcil. D'abord, toujours agréable de
rencontrer des camarades du mouvement étudiant, c'est là que j'ai fait mes
premières implications politiques. Puis je veux vous féliciter parce que, dans
le mouvement étudiant, on a toujours eu, évidemment, la défense des droits des
étudiants d'un point de vue des bourses, d'un point de vue des frais de
scolarité, c'est le pain et le beurre de ce mouvement-là. Mais je trouve que le
mouvement a beaucoup innové dans les dernières années avec cette campagne sur
le stage, puis j'aurais aimé ça avoir cette bonne idée-là quand j'étais
moi-même dans ce milieu-là. Tout ça pour vous dire que je pense que beaucoup de
choses ont été dites sur le fond, maintenant, peut-être sur la forme,
j'aimerais peut-être vous entendre sur l'appréciation globale de la campagne.
Est-ce que ça va assez vite à votre goût, parce que ça fait quand même deux,
trois ans qu'on roule là-dessus. Le gouvernement était dans l'opposition et
réclamait déjà ça, ça fait deux ans qu'ils sont là, on est à mi-mandat. On a
déjà passé à travers des réformes dans les deux dernières années, où on
rouvrait les normes du travail, ça aurait pu être appuyé à ce moment-là. C'est
quoi, mettons, votre appréciation de ce qui reste comme temps à ce
gouvernement-là pour rendre… pour livrer la performance, là, sur la réforme?
Mme Marcil (Jade): Merci beaucoup, M.
Leduc. Donc, évidemment, là, le grand élément déclencheur s'est vraiment fait à
l'hiver 2019, puis avec la conclusion en juin 2019, là, avec les trois grands
chantiers qui ont été mis de l'avant. De notre côté, pour le troisième chantier
sur l'encadrement légal, évidemment, pour nous, la grande limite, là, c'est
avant l'année préélectorale. Ça serait essentiel, là, de faire des
modifications législatives pour assurer aux stagiaires une protection. C'est un
projet qui est en branle avec le ministre depuis juin 2019, lors d'une première
rencontre qu'on a eue ensemble, lui et moi, et je vais terminer mon mandat au
mois d'avril prochain. Et ça serait extrêmement positif de pouvoir avoir ces
modifications le plus tôt possible, parce qu'il y a encore des stagiaires qui
vivent des abus au jour le jour et, avec la situation de la pandémie en ce
moment, les milieux de stage se font de plus en plus rares, les milieux de
stage adéquats se font de plus en plus rares, et il est important de s'assurer
que nos stagiaires, pendant la pandémie et après la pandémie, puissent être
protégés de manière adéquate. Ça serait essentiel.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Il reste 25 secondes.
M. Leduc : Peut-être pour
dire, M. Boulet, vous avez maintenant votre date, date limite, pour déposer le
projet de loi. C'est avril, avril prochain, on va être là pour vous le
rappeler. Merci beaucoup à Mme Marcil, M. Blaney, merci.
M. Boulet : Oui.
Mme Marcil (Jade): Merci beaucoup, M.
Leduc.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous
avez-vous aussi deux minutes 45 secondes.
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer d'être court. Bonjour Mme Marcil, M.
Blaney. Je pense que le ministre a très bien entendu vos demandes, et puis on
espère qu'il va répondre et on va vous appuyer là-dedans. Moi, j'ai juste une
question, là, par rapport à votre compréhension du projet de loi global et, en
ce qui a trait, je dirais, aux futurs travailleurs que vous représentez, à
quelque part. C'est sûr que dans vos enjeux…
M. Roy (Bonaventure)
:
…puis on espère qu'il va répondre et on va vous appuyer là-dedans.
Moi, j'ai juste une question, là, par
rapport à votre compréhension du projet de loi global et en ce qui a trait, je
dirais, aux futurs travailleurs que vous représentez à quelque part. C'est sûr
que dans vos enjeux actuels, vous avez bien défendu vos affaires, le ministre a
très bien entendu. Maintenant, par rapport aux futurs travailleurs, à vous qui
allez être sur le marché du travail, est-ce que vous avez des commentaires, ou
réflexions, ou craintes par rapport au projet de loi actuel?
• (14 h 40) •
M. Blaney (William) : Donc,
c'est certain que la raison pour laquelle on souhaitait venir ici aujourd'hui
vous parler, c'était parce qu'on voulait parler des stagiaires, des conditions
des stagiaires. Puis évidemment on a une pensée pour les étudiantes et les
étudiants puis les travailleurs et les travailleuses, toutefois, on croit qu'il
y a des organisations qui seraient justement peut-être plus à même de cibler
les lacunes du projet de loi en tant que telles, donc, par exemple, les
organisations syndicales, qui travaillent beaucoup sur ce dossier-là. Donc, on
aimerait quand même réitérer qu'on souhaite que la loi soit compréhensive puis
soit la plus englobante possible des conditions de travail, des problématiques
que peuvent vivre les travailleurs et les travailleuses, et donc, du même coup,
les étudiantes et les étudiants stagiaires. Mais comme je l'ai déjà mentionné,
il y a des organisations, par exemple, les organisations syndicales, qui
seraient plus à même de cibler les lacunes dans le projet de loi.
M. Roy
(Bonaventure): Avec
le temps qu'il me reste, réflexion, on a soulevé un enjeu, tout à l'heure,
d'une forme de discrimination sexiste dans la protection des travailleurs au
Québec en fonction du niveau de dangerosité ou, en tout cas, des secteurs. Et
tout à l'heure, j'aurais aimé vous poser la question sur les stagiaires non
rémunérés, mais il paraîtrait que ça va se régler, les stages d'observation.
Est-ce que c'est en majorité des hommes ou des femmes qui sont dans des stages
non rémunérés?
Mme Marcil (Jade): Merci de la question, M.
Roy. C'est en majorité des femmes qui se retrouvent dans des milieux d'emplois
qui sont non rémunérés. On peut penser justement aux domaines de l'éducation,
de la santé, des services sociaux. Donc, voilà.
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, c'est tout pour notre période d'échange. Alors, Mme Marcil, M.
Blaney, je vous félicite pour votre excellente prestation et votre contribution
aux travaux de la commission. Vraiment, bravo! Félicitations.
Nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps de donner à l'autre groupe... pour se préparer. Merci et à
plus tard.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 47)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentantes du
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et avant de commencer la
période avec la période d'échange avec les députés et le ministre. Et, dans un
premier temps, je vous invite à vous présenter et ensuite à commencer
immédiatement votre présentation.
Mme Brown (Kimmyanne) : Donc,
bonjour. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, chers députés. Je me
présente, Kimmyanne Brown, du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, le CIAFT. Je suis accompagnée aujourd'hui de Karen Messing, qui est
professeure émérite en ergonomie à l'Université du Québec à Montréal. Je vous
présente aujourd'hui le mémoire du CIAFT qui a été signé par 19 organismes,
chercheurs et professeurs.
Pour débuter, le constat est unanime. Le
régime de santé et de sécurité du travail au Québec méritait une réforme afin
d'être actualisé aux réalités du marché du travail. Effectivement, depuis sa
mise en place dans les années 80, malgré l'intégration importante des
femmes dans de nombreux secteurs d'emploi, la très grande majorité d'entre
elles n'était pas couverte par les mécanismes de prévention qui sont prévus par
la LSST. Elles rencontrent également des obstacles importants afin de
reconnaître et de faire indemniser leurs problèmes de santé qui découlent du
travail. Le régime québécois de santé et de sécurité du travail mérite ainsi
une modernisation afin d'être en adéquation avec les réalités vécues par toutes
les femmes au travail au Québec...
Mme Brown (Kimmyanne) : …elles
rencontrent également des obstacles importants afin de faire reconnaître et de
faire indemniser leurs problèmes de santé qui découlent du travail. Le régime québécois
de santé et sécurité du travail mérite ainsi une modernisation afin d'être en
adéquation avec les réalités vécues par toutes les femmes au travail au Québec.
On accueille donc positivement la volonté
du ministre de procéder à une réforme et saluons la préoccupation qu'il a
énoncée envers la santé des femmes au travail notamment en proposant d'inclure
à l'obligation de l'employeur la prévention de la violence conjugale et
familiale, physique et psychologique, qui se manifeste sur les lieux de
travail. Toutefois, nous notons que certaines de ces avancées doivent être
précisées ou modifiées selon le cas pour prendre en compte la situation des
femmes ainsi que maintenir et promouvoir leurs droits.
Enfin, nous considérons même que certaines
modifications constituent un net recul pour les droits des femmes au travail.
Nous croyons fermement qu'un régime de santé et de sécurité du travail prend
qui en compte la situation des femmes au travail est une condition essentielle
pour permettre à ces dernières d'atteindre une pleine autonomie économique et
d'améliorer leur condition socioéconomique. C'est ce qui guidera notre
présentation d'aujourd'hui. Malheureusement, dans le temps qui nous est
imparti, il va être impossible de résumer les 22 recommandations du mémoire. Je
vais donc me concentrer sur les principales.
Premièrement, les recommandations nos 1, 18 et 18
de notre mémoire concernent l'intégration d'une analyse différenciée selon les
sexes et intersectionnelle ADS+. Pourquoi une ADS+ est-elle si importante?
Notamment car il est établi que les risques dans un milieu de travail
produisent des effets différenciés entre les femmes et les hommes. De plus, le
marché du travail québécois est encore fortement marqué par la ségrégation
professionnelle. Les femmes se concentrent encore dans un nombre restreint de
professions, ont des statuts d'emploi plus précaires que les hommes,
travaillent davantage à temps partiel, ont des revenus d'emploi inférieurs aux
hommes et sont plus à risque de connaître des épisodes de pauvreté. Les femmes
sont aussi davantage la cible de violences au travail que les hommes,
particulièrement du harcèlement psychologique. Enfin, les femmes doivent
souvent subordonner leur santé et leur sécurité à leur vie familiale, leur
insertion professionnelle et la nécessité de gagner un revenu décent.
• (14 h 50) •
Lorsqu'on rajoute des facteurs comme le
handicap, le statut d'immigration ou l'origine ethnique, ces impacts peuvent
être décuplés. On note que le gouvernement du Québec a une obligation générale
d'analyse différenciée selon le sexe, ADS, mais que, malgré les efforts qui ont
été faits en ce sens depuis quelques années, ils n'ont pas suffi à pallier les
conséquences importantes de la discrimination systémique vécue par toutes les
femmes en matière d'emploi. Il faut que les spécificités de la santé des femmes
et surtout leur insertion dans les milieux de travail soient prises en
considération dans l'élaboration des mesures législatives.
Les angles morts générés par le projet de
loi témoignent de la nécessité de l'implantation d'une ADS+. On a observé
l'ampleur des conséquences que peut avoir le fait de ne pas intégrer une ADS+
lorsqu'est venu le temps d'analyser la classification suggérée par le projet de
loi selon une estimation du niveau de risque. D'abord, le critère qui est
utilisé pour classer les codes SCIAN-4 selon le niveau de risque…
Mme Brown (Kimmyanne) : ...de
la nécessité de l'implantation d'une ADS+. On a observé l'ampleur des conséquences
que peut avoir le fait de ne pas intégrer une ADS+ lorsqu'est venu le temps
d'analyser la classification suggérée par le projet de loi selon une estimation
du niveau de risque. D'abord, le critère qui est utilisé pour classer les
codes SCIAN 4 selon le niveau de risque comporte des effets
discriminatoires sur les femmes. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à
souffrir de troubles musculosquelettiques et à être
exposées à plusieurs contraintes psychologiques, comme le harcèlement et les
exigences émotionnelles. Il a été solidement démontré que ces problèmes liés au
travail sont fortement sous-déclarés auprès de la CNESST. Puisque le calcul
utilisé est strictement fondé sur les coûts des lésions professionnelles
indemnisées, le fait est frappant : c'est 72 % des femmes qui se
retrouvent classées dans le niveau de risque faible, comparativement à
53 % des hommes. Avec la loi actuelle, c'est 84 % de la main-d'oeuvre
féminine qui oeuvrait dans les groupes prioritaires quatre, cinq, six qui était
non priorisée. Donc, on ne peut pas prétendre à une réelle modernisation du
régime quand un si petit pas est fait pour inclure les femmes dans les
mécanismes de prévention.
Ensuite, on accueille positivement le fait
que les dispositions liées aux droits de la travailleuse enceinte ou qui
allaite au retrait préventif étaient maintenues par la... Toutefois, on croit
que les modifications qui sont apportées à ce droit doivent être pilotées avec
une grande prudence. Depuis 1980, en plus de protéger la santé de la population,
ces dispositions sont devenues des outils efficaces en matière de droit des
femmes au travail en permettant le maintien en emploi de nombreuses
travailleuses, mais aussi l'amélioration de leurs conditions socioéconomiques.
Il s'agit purement et simplement d'un exercice démocratique permettant
l'émancipation des femmes sur le marché du travail.
C'est pourquoi nos recommandations n° 9, 10 11 et 12 visent essentiellement le maintien de
l'autonomie du médecin traitant et les dépendances du nouveau médecin chargé de
la santé au travail. Également, on préconise la mise en place d'un comité
interdisciplinaire afin de développer des guides de référence.
En gros, ce qui a guidé nos réflexions, la
priorité doit absolument être donnée à l'évaluation de la situation de chaque
travailleuse, dans le cadre de son interaction avec son poste de travail et
avec toutes les conditions qui en découlent. On craint vraiment qu'avec
l'introduction des protocoles, sous la justification de l'équité entre les
travailleuses, ça introduise en fait des limites importantes d'accès au droit.
De plus, on note, là, que l'articulation
de ce droit depuis 1980 a permis l'énumération de risques et des dangers liés
non à la travailleuse elle-même, mais au milieu de travail. Le nombre important
de réclamations en ce sens démontre en effet l'ampleur des risques qui peuvent
exister dans le milieu de travail. Donc, le fait que... risque pour la
grossesse, ça a un effet bénéfique pour la prévention de manière générale.
Donc, il nous apparaît essentiel que ces risques soient intégrés dans les
divers mécanismes de prévention prévus par la CNESST en particulier aux
programmes de prévention. C'est en ce sens que nos recommandations n° 5 et 6 ont été formulées.
Ensuite, on constate que le projet de loi
modifie les dispositions qui sont liées à l'exclusion de la LATP des...
Mme Brown
(Kimmyanne) : ...tel que ces risques soient intégrés dans les
divers mécanismes de prévention prévus par la CSST, en particulier aux programmes
de prévention. C'est en ce sens que nos recommandations n° 5
et 6 ont été formulées.
Ensuite, on constate que le projet de loi
modifie les dispositions qui sont liées à
l'exclusion de la LATP des travailleuses domestiques.On tient à préciser en
fait que les travailleuses domestiques comprennent de nombreuses catégories de travailleuses,
notamment les travailleuses du programme chèque
emploi-service. Ces types d'emplois qui sont majoritairement féminins, qui ont
été, encore aujourd'hui le sont aussi, dévalorisé et sous-évalués. Malheureusement,
les modifications suggérées dans le projet de loi continuent de perpétuer la discrimination
envers les femmes. Le critère du nombre d'heures afin d'accéder à la protection
de la loi rajoute un effet préjudiciable. Aucune autre catégorie de travailleuses
ou de travailleurs ne reçoit une telle restriction. De nombreuses travailleuses
domestiques continueront de se blesser au travail et de ne recevoir aucune
protection adéquate. Notre recommandation n° 13 suggère donc de retirer
les exclusions et critères prévus afin de faire cesser la discrimination envers
ces travailleuses.
Pour conclure,
nous soulignons donc que certaines avancées suggérées dans le projet de loi
témoignent réellement d'une volonté d'assurer une véritable protection des femmes
au travail. Toutefois, on est forcé de constater que cette volonté ne s'est pas
encore transposée dans toutes les propositions faites par le projet de loi.
Pourtant, la pandémie de COVID-19 a démontré le besoin de reconnaître la valeur
du travail féminin et surtout le fait que les femmes sont exposées à des
risques majeurs et qui ont été longtemps sous-estimés. Au front depuis le début
de l'année 2002, de nombreuses travailleuses doivent faire face à des milieux
de travail non sécuritaires, conjuguer famille, travail, proche aidance, et
études, et continuer malgré tout de récolter un maigre salaire. Pour que la modernisation
souhaitée en soit véritablement une, la loi doit répondre aux besoins criants
des femmes en matière de prévention et de protection de toutes les femmes au
travail.
Humblement, nous
croyons que les 22 recommandations formulées dans notre mémoire et
appuyées par 19 signataires permettraient d'assurer cette cohérence nécessaire
à une modernisation réelle prenant en compte la réalité des femmes au travail
en évitant de perpétuer les effets pernicieux de la discrimination systémique
en emploi que vivent les femmes depuis beaucoup trop longtemps.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous poursuivons
donc avec le début de la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez
16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci au conseil pour la préparation, la présentation
de ce mémoire qui est particulièrement crédible puis bien soumis, là,
Kimmyanne, là. J'ai bien compris, d'abord, que la modernisation, elle s'impose.
C'est des lois qui datent de 1979, 1985. Je pense que vous reconnaissez qu'il y
a des avancées majeures...
M. Boulet : ...puis bien
soumis, là, Kimmyanne, là. J'ai bien compris, d'abord, que la modernisation,
elle s'impose. C'est des lois qui datent de 1979, 1985. Je pense que vous
reconnaissez qu'il y a des avancées majeures aussi en ce qui concerne la
prévention concernant les secteurs où il y a une prépondérance de femmes. La
violence conjugale, les travailleuses domestiques, on pourra y revenir, mais
juste se rappeler, Kimmyanne, que dans la santé, les services sociaux puis
l'éducation, c'était dans des groupes où il y avait aucun mécanisme de
prévention puis aucun mécanisme de participation des travailleurs, et je vous
vois hocher de la tête, et donc on va véritablement dans une autre direction.
Je sais que le bât semble blesser, là, tu
sais, on dit : Les secteurs où c'est à risque faible, c'est à
prépondérance féminine. Je vais certainement... Tu sais, dans le domaine de la
santé, par exemple, ce n'est pas vrai de... on met... ce n'est pas tout qui...
dans la même boîte, là. Tu sais, les établissements psychiatriques, les
résidences pour personnes aînées, dans les services ambulatoires, il y a des
risques moyens puis il y a des risques élevés. Dans le secteur de la santé, il
n'y a pas qu'une question d'argent, il y a une question, oui, de masse
salariale, il y a une question de déboursés. Puis dans le secteur de la santé,
il n'y a pas que des personnes qui sont plus à risque, hein, il y a des
gestionnaires, il y a des personnes qui font du travail de bureau. Mais il va
falloir s'assurer que la pondération soit légitime, tienne compte de ce que
vous appelez les analyses différenciées selon le sexe, et que ça reflète bien
cette réalité-là. Puis moi, je suis hypersensible.
Puis éventuellement, en commission
parlementaire, j'ai l'intention, pour le bénéfice de tous mes collègues gouvernementaux
et des partis d'opposition, d'avoir une personne qui est formée en actuariat
pour bien expliquer comment c'est fait. Et c'est fait... Ce n'est pas une
patente, là, comme certains se plaisent à dire, ça a été établi de manière
extrêmement rigoureuse. Ceci dit, bon, j'ai pratiqué le droit puis, des fois,
même si on s'appuie sur des critères objectifs, ça peut avoir des effets
discriminatoires indirects ou indésirés puis on fera les corrections qui
s'imposent, là, Kimmyanne, en tenant compte de cette réalité-là.
Le PMSD — je vais poser des
questions, là, Kimmyanne — en quoi vous avez senti que l'autonomie du
médecin traitant pouvait être affectée?
• (15 heures) •
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui.
Bien, je vais répondre à ça. Merci, M. Boulet. En fait, on a ce
sentiment-là parce qu'avant c'était le médecin… bien, avant, dans la mouture
actuelle de la loi, c'était le médecin traitant qui allait un peu main dans la
main avec la travailleuse pour évaluer la travailleuse dans sa condition...
15 h (version non révisée)
Mme Brown (Kimmyanne) : …bien,
je vais répondre à ça. Merci, M. Boulet. En fait, on a ce sentiment-là
parce qu'avant c'était le médecin… bien, avant. Dans la mouture actuelle de la
loi, c'était le médecin traitant qui allait un peu main dans la main avec la
travailleuse pour évaluer la travailleuse dans sa fonction avec son poste de
travail et toutes les conditions qui en découlent. De ce qu'on interprète, en
fait, du projet du loi et c'est certain qu'il y a une opérationnalisation qui
venir avec ça, tu sais, c'est juste des mots qu'on voit, donc on n'a aucune
idée de comment ça va se transmettre sur le terrain. Mais, de ce qu'on ressent,
c'est qu'on enlève cette autonomie-là au bénéfice de protocoles dont on n'a pas
encore la définition d'ailleurs, là, ils ne sont pas explicitement définis dans
le projet de loi et c'est le médecin chargé de la santé au travail qui prend le
relais lorsque les dangers ne sont pas identifiés dans les protocoles.
Donc, c'est quand même un concept très
nouveau qui va changer, nécessairement, les cultures qui sont implantées puis
les façons de faire et ce qu'on craint c'est que le médecin traitant,
finalement, doit absolument se fier sur des protocoles avec des règles strictes
et qu'il ne peut plus avoir la discrétion d'évaluer la travailleuse et le poste.
On sait que 31 % des réclamations
sont liées à des agresseurs dits ergonomiques, je n'aime pas ce terme-là, mais
c'est le terme qui nous est imposé, et on sait qu'en matière d'ergonomie, c'est
très difficile d'avoir des règles strictes. Il faut vraiment évaluer le poste
puis le milieu de travail puis la condition de la femme et c'est pour ça que le
programme fonctionne d'ailleurs et qui fonctionne très bien et que les
travailleuses peut… puisse… peuvent faire des réclamations en ce sens. Donc,
voilà.
M. Boulet : …je pense que ça
me donne l'occasion de préciser. Actuellement, il y a beaucoup d'iniquités dans
le… l'émission puis l'octroi des… ce qu'on appelle les certificats visant le
retrait préventif en vertu du PMSD. Dépendamment des régions, dépendamment des
médecins traitants, pour un même travail fait à Gaspé, tu peux bénéficier d'un
retrait préventif, alors que t'en bénéficie pas quand… si tu es à Sherbrooke,
dépendamment de la région, dépendamment du médecin.
Or, ce qu'on vise à faire par les
protocoles, c'est d'avoir un guide de références qui tient compte des
connaissances scientifiques. Puis, Kimmyanne, tu as soulevé un excellent point,
là, tu sais, ce n'est pas de quoi qui va imposer au médecin ou qui va diluer
l'autonomie des médecins qui vont émettre les certificats. Au contraire, le
protocole vise à améliorer l'accès et à le rendre plus équitable, en discutant
de l'environnement de travail, des conditions générales de travail qui
justifient l'émission d'un certificat qui, ultimement, est l'équivalent d'une
demande de réaffectation et le médecin va tenir compte de la réalité
personnelle, puis tu en faisais part de cette réalité personnelle là. Le
médecin va toujours continuer de jouer son rôle entier et c'est véritablement
l'objectif qui est visé. Puis, tu as soulevé un bon point, Kimmyanne, là,
d'avoir pour établir ces protocoles-là, un espèce de ce que tu appelles un
comité interdisciplinaire. Absolument, on va être sensible à ce que ces
protocoles-là soient bâtis en tenant compte de la variété des disciplines des
personnes qui vont avoir à en…
M. Boulet : …d'avoir, pour
établir ces protocoles-là, une espèce de… ce que tu appelles un comité
interdisciplinaire. Absolument, on va être sensibles à ce que ces protocoles-là
soient bâtis en tenant compte de la variété des disciplines des personnes qui
vont avoir à en établir les paramètres. C'est une excellente idée.
Kimmyanne, j'aimerais ça t'entendre sur,
tu sais, les mécanismes de participation des travailleurs. Il y en a deux, les
comités de santé et sécurité puis les représentants en santé et sécurité.
Comment tu… est-ce que tu proposerais que leur mandat d'évaluer les risques
dans l'exécution de ce mandat-là… ils fassent une analyse différentiée selon
les sexes? Et, si oui, comment ils pourraient le faire?
Mme Brown (Kimmyanne) : C'est
une excellente question à laquelle j'aimerais beaucoup avoir la réponse dans le
temps qui nous est imparti. Je pense que, d'abord, le gouvernement devrait se
pencher à faire des ADS sur les propres mesures avant de les assujettir aux mécanismes
puis aux mandats des comités. Somme toute, je suis d'accord. Je n'ai aucune
idée de comment ça peut s'opérationnaliser, là, en toute honnêteté. L'ADS Plus,
c'est un outil qu'on doit s'approprier. Je pense que le gouvernement du Québec
a l'obligation générale d'ADS. Ça n'a pas été fait sur le projet de loi. Dans
le plan d'action de la CNESST 2011‑2015, il y avait des recommandations quant à
la mise en oeuvre de cet ADS pour ce qui est des lésions professionnelles et
tout ça. Ça n'a pas été exécuté, donc je pense que tout d'abord, là, il faut
faire ces analyses-là, sur les différentes provisions de la loi puis sur le projet
de loi et de voir un peu, par la suite, comment ça va... s'opérationnaliser,
pardon, dans le cadre du mandat des mécanismes de prévention qui sont prévus
par la loi.
M. Boulet : O.K., merci. Bonne
réponse. On aura certainement à en rediscuter. Ça m'apparaît extrêmement
important de donner un suivi à ça, à cette idée-là.
Les travailleuses domestiques, je dis
«travailleuses», là, parce que c'est fortement en majorité des femmes, surtout
originaires des Philippines, bon, puis c'est une première, là, qu'on
reconnaîtrait leur couverture par le régime de santé et sécurité au Québec,
mais tu dis : On ne va pas assez loin, parce qu'on impose un nombre
d'heures, tu sais, mettons, 24 heures par semaine pendant sept semaines
consécutives pour éviter les personnes qui font ça de façon purement sporadique
ou qui se promènent d'un employeur à l'autre.
Comment tu gèrerais... J'ai deux éléments là-dedans :
dire que ceux qui ne rencontrent pas ce critère-là, sont, par ailleurs, des
travailleurs autonomes et peuvent toujours s'inscrire à la CNESST et bénéficier
du régime d'indemnisation, je pense que c'est important de le mentionner. Mais
comment tu gèrerais le cas de ceux qui vont passer la tondeuse ou de ceux
qu'ils vont garder, une fois ici, une fois là, de manière très épisodique.
C'est la raison pour laquelle tous les comparatifs que j'ai faits, ailleurs au
Canada puis ailleurs, un peu à l'échelle internationale. Il y a tout le temps
des critères minimums...
M. Boulet : …vont passer la
tondeuse de ceux qu'ils vont garder, une fois ici, une fois là, de manière très
épisodique. C'est la raison pour laquelle tous les comparatifs que j'ai faits,
ailleurs au Canada puis ailleurs, un peu à l'échelle internationale. Il y a
tout le temps des critères minimums, là, pour assurer une certaine régularité
puis assurer un certain contrôle des risques et de l'environnement de travail.
Mais, vous dites, vous, au conseil : Non, il ne devra pas avoir de
critères d'heures. Quand même, vous permettriez que des personnes qui
travaillent de façon purement épisodique soient couvertes?
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, effectivement,
j'entends, là, le… ce constat, en fait, que des personnes qui effectuent ce
type de travail de manière épisodique, ça serait un fardeau très incroyable à
imposer aux particuliers, là, de les indemniser. Puis je suis tout à fait
d'accord avec ça, mais par contre, si on analyse l'impact que ça a. Pour moi,
le critère du nombre d'heures, oui, ça permet d'encadrer ce travail sporadique
là, mais ça a des impacts importants sur plein d'autres catégories de
travailleuses qui sont, elles, très vulnérables souvent, là. Vous parliez des
travailleuses philippines, mais on prend cet exemple-là parce que c'est ça que,
quand on pense aux travailleuses domestiques, c'est ce à quoi ça nous fait
penser, mais il ne faut pas oublier les travailleuses du programme chèque
emploi-service qui, bon, sont exclues du régime. Mais il y a un règlement, là,
qui a été mis en place, la mise en oeuvre de l'entente relative, et tout ça,
qui permet de… qu'elles puissent être indemnisées pour des accidents de travail
et tout cela. Malgré cela, en fait, on constate qu'elles concluent souvent des
contrats de gré à gré avec le particulier pour des heures supplémentaires en
dehors de ce programme-là. Donc, si, par exemple, la travailleuse fait
30 heures dans chèque emploi-service puis 10 heures en dehors, bien,
dans les 10 heures qu'elle fait, le critère s'applique. Je ne sais pas si
vous me suivez, c'est extrêmement technique, mais puisque vous imposez, en
fait, un critère du nombre d'heures pour ces heures-là, faites dans le cadre du
contrat de gré à gré, mais ça les exclues, alors qu'elles participent,
travaillent à temps plein, tu sais, elles sont des travailleuses, là. Donc,
c'est pour ça qu'on trouve, en fait, que le critère du nombre d'heures permet
d'encadrer ce travail sporadique là, mais a des impacts immenses sur plein
d'autres personnes. Donc, il faut trouver une autre alternative,
nécessairement, et c'est ce qu'on propose, là, dans notre mémoire.
M. Boulet : On va porter une
attention particulière, et je vais conclure en vous remerciant toutes les deux,
Karen aussi. Puis évidemment toutes les personnes qui ont collaboré à la
rédaction de votre mémoire. Encore une fois, vous travaillez de manière
extrêmement rigoureuse et je suis vraiment content de vous avoir entendu, puis,
certainement qu'on aura l'opportunité de rediscuter de notre projet de
modernisation qui est, selon nous, et selon ce que j'ai compris de vos propos,
extrêmement ambitieux, mais on ne doit jamais perdre de vue l'importance de la
santé des femmes aussi en milieu de travail, là. C'est un, c'est un…
M. Boulet : ...qu'on aura
l'opportunité de rediscuter de notre projet de modernisation qui est, selon
nous et selon ce que j'ai compris de vos propos, extrêmement ambitieux, mais on
ne doit jamais perdre de vue l'importance de la santé des femmes aussi en
milieu de travail, là. C'est un projet qui se veut le plus global possible. Et,
moi, j'aime le réitérer, là, on a fait des avancées importantes, et on est ici
pour écouter puis améliorer le projet de loi de façon à ce qu'il soit... à ce
qu'on bâtisse le meilleur régime possible. Merci, Kimmyanne, merci, Karen, et à
bientôt.
• (15 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Nelligan.
Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, mesdames,
pour cet excellent rapport et cette excellente présentation. Je vais aller
directement à l'ADS. Vous êtes le deuxième groupe qui nous mentionne cet aspect
aujourd'hui.
Pour le bénéfice de l'ensemble des
membres, je vais lire c'est quoi, l'ADS : «L'ADS est un processus
d'analyse favorisant l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes par
l'entremise des orientations et des actions des instances décisionnelles de la
société. Il a pour objet de discerner de façon préventive les effets distincts
sur les femmes et les hommes que pourra avoir l'adoption d'un projet à
l'intention des citoyennes et des citoyens, et ce, sur la base des réalités et
des besoins différenciés des femmes et des hommes.» Ça, c'est le Secrétariat à
la condition féminine, 2007.
Le gouvernement du Québec, d'ailleurs,
s'est engagé à implanter, dans ses pratiques, pour poursuivre sa marche vers
l'égalité entre les femmes et les hommes — gouvernement du Québec en
2007 — dont le Plan d'action en matière d'analyse différenciée selon
les sexes 2011-2015. Le gouvernement prévoyait précisément de mettre en oeuvre
des mesures pour prévenir les lésions professionnelles chez les travailleuses
et favoriser la gestion de la santé et de la sécurité dans les milieux de
travail qui les accueille. Donc, petite introduction par rapport à l'ADS.
Vous soulevez, très à propos, que toute
proposition ou disposition légale ou réglementaire devrait avoir précédé d'une
ADS, message très bien reçu, confiée au gouvernement et à l'INSPQ et que ces
résultats soient rendus publics. Dans ce cas, serions-nous mieux de recommencer
le projet de loi afin que le nouveau régime soit réaliste, efficace et juste?
Mme Brown (Kimmyanne) : C'est
une bonne question. Je pense que de mettre à la poubelle la rédaction de
300 articles serait peut-être trop reculer en arrière, je crois. Je pense
qu'il y a des bonnes idées.
Nécessairement, pour conclure, il y a
l'ADS et l'ADS+, là, c'est deux outils différents. J'ai quand même la croyance
sincère que l'ADS+ est plus adéquate parce qu'elle permet d'éviter des angles
morts, notamment par rapport au statut d'immigration, l'origine ethnique, le
fait qu'on est non syndiqué ou syndiqué. Donc, pour moi, de conduire une telle
analyse sur le projet de loi actuel pourrait avoir des impacts bénéfiques...
Mme Brown (Kimmyanne) : …est
plus adéquate parce qu'elle permet d'éviter des angles morts notamment par
rapport au statut d'immigration, l'origine ethnique, le fait qu'on est non
syndiqué ou syndiqué. Donc, pour moi, de conduire une telle analyse sur le projet
de loi actuel pourrait avoir des impacts bénéfiques, notamment par rapport à la
notion du niveau de risque, hein, on en parlait précédemment, le fait
d'utiliser les débours, donc les lésions professionnelles indemnisées, ça,
c'est une mesure, en fait, qui a des effets discriminatoires. Si on avait fait
une ADS+ ou une ADS, peu importe, on aurait pu voir, en fait, les effets
disproportionnés. Donc, oui, il faut que ce soit fait sur les provisions.
Est-ce que ça signifie de tout jeter à la poubelle et de recommencer? Je ne
voudrais pas être à la place du ministre, en ce moment, puis de tout
recommencer, là, mais je pense que ce serait une bonne idée déjà de conduire
l'analyse sur ce qui a déjà été fait.
M. Derraji : J'espère que vous
avez compris le sens de ma question, c'est justement insister sur l'ADS+ et
l'ADS. Je sais que le ministre ne va pas jeter à la poubelle le projet de loi
n° 59 mais plus d'avoir un autre regard et une analyse qui prend en
considération l'ADS+ et l'ADS.
Restons dans la logique ADS+. Vous êtes le
premier groupe entendu aujourd'hui qui nous rappelle un autre groupe de
travailleuses oubliées de la réforme, soit les travailleuses et travailleurs
des agences de placement. La pandémie nous a appris à quel point ces agences de
placement sont actives dans plusieurs secteurs économiques et qu'elles
emploient souvent des personnes immigrantes. Vous avez mentionné que l'ADS+,
notamment, va nous aider à aller chercher la population fragilisée, immigrantes,
femmes, etc. Nous vous remercions des deux recommandations qui visent justement
à mandater la CNESST à prioriser les inspections dans ces milieux.
Au-delà de la proposition, concrètement et
en fonction de votre lecture du terrain, c'est quoi les recommandations que
vous suggérez aux membres de la commission par rapport aux agences de
placement? Toujours avec la lecture ADS+, donc restons toujours dans la même
lecture, surtout que vous avez pas mal mobilisé cette lecture.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
Donc, effectivement, bien, pour une lecture ADS+, ce n'est pas… les femmes ne
sont pas majoritaires à travailler dans les agences de placement, mais il faut
savoir que, dans certains secteurs d'emploi visés par les agences de placement,
les femmes sont majoritaires. On sait d'ores et déjà que ce sont… que c'est
une… des personnes extrêmement vulnérables, souvent issues de l'immigration,
qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel. Et, avec la COVID-19, en fait,
il nous a été révélé, là, énormément de situations problématiques liées à
comment s'administrent ces agences de placement là.
Notre projet de loi suggère deux
recommandations. Je dirais que ça prendrait un chantier de réflexion au Québec
par rapport à la santé et sécurité du travail et les relations tripartites et
les agences de placement. C'est sûr que, dans le cadre de notre mémoire, on n'a
pas pu démarrer ce chantier-là, mais je pense qu'il y a déjà quelque chose de
très intéressant qui a été fait dans le cadre du Règlement sur les agences de
placement et la réforme de la Loi sur les normes du travail…
Mme Brown (Kimmyanne) : ...au
Québec par rapport à la santé et sécurité du travail, et les relations
tripartites, et les agences de placement. C'est sûr que, dans le cadre de notre
mémoire, on n'a pas pu démarrer ce chantier-là, mais je pense qu'il y a déjà quelque
chose de très intéressant qui a été fait dans le cadre du règlement sur les
agences de placement et la réforme de la Loi sur les normes du travail,
récemment. On a comme admis, là, que ce phénomène-là emportait des préoccupations
super importantes en matière de droit du travail. Je crois honnêtement que ça
doit être poursuivi dans le cadre de ce projet de loi là. Malheureusement, on
n'a rien retrouvé, là, dans le projet de loi n° 59,
qui donne d'autres obligations aux agences ou qui permet de prévenir les
risques pour les travailleurs et travailleuses d'agences de placement.
Donc, je pense qu'on chantier de
réflexion... Il y a énormément d'expertes, au Québec, là, qui sont super
qualifiés, qui connaissent bien la situation, il y a des modèles qui sont super
ambitieux, comme en Australie, qui ne s'appuient plus sur les catégories
traditionnelles et de travailleur et d'employeur. Donc, on peut s'inspirer de
modèles qui fonctionnent super bien, et... voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro, monsieur...
M. Derraji : Oh! C'est la
première fois que ça m'arrive. Désolé. Vous suggérez, dans votre recommandation
4, que la loi permette la création de groupes de représentants en santé et
sécurité itinérants, RSS, qui viennent en aide aux PME. Quelle forme, quelle
composition pourraient avoir ces groupes de RSS itinérants? Et pourquoi vous
soulevez cette inquiétude ou cette proposition?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui,
en fait, notre recommandation, ça va en ce sens-là, du fait qu'il a été maintes
fois démontré que la main-d'oeuvre est beaucoup plus mobile qu'auparavant. Les
réalités du milieu du travail ont changé. Donc, cette recommandation-là va en
ce sens-là pour les petits établissements. Donc, ce serait un dispositif
innovant. Cependant, je n'ai pas les réponses au niveau de comment ça va
s'opérationnaliser sur le terrain, mais je pense qu'il y a quelque chose à
réfléchir par rapport à ça.
M. Derraji : Oui, excellent.
En lisant toujours votre mémoire, on comprend que si une analyse différentiée
par le sexe avait été faite, le projet de loi ne modifierait par l'article 53.
Or, je parle de la LATMPsoit celui qui permet à une travailleuse ou travailleur
âgé de plus de 55 ans victime de maladie professionnelle de toucher une
indemnité en remplacement du revenu, je parle du IRR, parce que les effets sont
disproportionnés. Dans les faits, comment cette modification impactera-elle les
travailleuses de plus de 55 ans?
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien,
en fait, c'est très simple, si je prends la nouvelle mouture de l'article 53,
c'est comme si on soumet ces travailleuses-là à la détermination d'un emploi
convenable par la CNESST. Les travailleuses aînées, on sait qu'elles peuvent
subir une double discrimination, en raison de leur âge et aussi du fait
qu'elles sont femmes. Donc, le fait de se retrouver un emploi à cet âge-là peut
être extrêmement difficile. Donc, de retirer cette présomption-là peut avoir
des effets disproportionnés sur les femmes. On parle que les travailleuses
aînées sont plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois de faible
qualité également. Donc, tout ça a un impact aussi sur l'indemnité de
remplacement de revenu, là, le calcul de leur revenu actuel. Donc, voilà.
M. Derraji : Vous présentez
aussi...
Mme Brown (Kimmyanne) :
…retirer cette présomption-là peut avoir des effets disproportionnés sur les
femmes. On parle que les travailleuses aînées sont plus nombreuses que les
hommes à occuper des emplois de faible qualité également. Donc, tout ça a un
impact aussi sur l'indemnité de remplacement de revenu, là, le calcul de leur
revenu actuel. Donc, voilà.
M. Derraji : Vous présentez
aussi votre recommandation visant à vous assurer que les services de santé de
la travailleuse enceinte qui allaite soient chapeautés par les médecins du
Réseau de santé publique en santé au travail. Est-ce que vous pouvez nous
exposer vos craintes par rapport au retrait des médecins du Réseau de santé
publique et santé au travail, tel que proposé dans le projet de loi?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui.
Bien, en fait, il s'agit d'un grand recul, je crois, qui a été décrié par
maintes organisations, là, je ne suis pas la seule à le nommer. Dans le cadre
du programme Pour une maternité sans danger, c'est un médecin chargé de la
santé au travail qui, d'ailleurs, n'est pas défini par le projet de loi, donc
c'est notre crainte, en fait, objective, que ce soit un médecin de l'employeur
ou un médecin qui serait issu des mutuelles de prévention. C'est très important
et fondamental de maintenir l'indépendance de ce médecin-là, et c'est la raison
pour laquelle on a émis une recommandation, là, en ce sens, dans notre mémoire.
M. Derraji : Donc, pour vous,
l'indépendance, c'est sine qua non, on ne doit même pas toucher à cela. Si j'ai
bien compris.
Mme Brown (Kimmyanne) :
Exactement. En fait, notre recommandation 9 vise à maintenir l'existence du médecin
responsable des services essentiels de l'établissement. Et, en fait, on prévoit
quand même que, si ce nouvel acteur-là est introduit, qu'il faut explicitement
énoncer son rattachement au réseau, là, dont vous mentionnez, et qu'on
définisse des exigences, là, en matière de formation spécialisée en santé au
travail, en matière d'indépendance professionnelle. Donc, voilà.
M. Derraji : Dans la
recommandation D-7, vous avez proposé qu'il y ait un meilleur accès à la
représentation légale des travailleurs non syndiqués. Si on prend le MTESS, la
CNESST et le ministère de la Justice, avec la collaboration des barreaux,
pouvait créer ce type de soutien, comment voyez-vous son déploiement à
l'échelle du Québec? Comment, vraiment, le rendre beaucoup plus concret, et
quels secteurs, les secteurs les plus criants?
• (15 h 20) •
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien,
en fait, pour… c'est en général dans les milieux non syndiqués, on sait qu'il y
a moins… ils n'ont pas de représentation à l'interne. Donc, je ne ferais pas de
discrimination sur mon secteur, pour moi, c'est tout le milieu non syndiqué qui
doit recevoir une représentation adéquate parce qu'on sait que, quand on
travaille dans un milieu syndiqué, bien, on a accès à une convention collective
qui a souvent l'opportunité d'aller au-delà de ce qui est prévu. Et quand on a
un problème, on se présente devant notre syndicat puis on… c'est plus facile
que dans le milieu non syndiqué. Donc, c'est pour ça qu'on demande, en fait, au
gouvernement, qu'il y ait un examen des moyens qui pourraient être mis en
oeuvre pour les soutenir dans les processus de réclamation pour les ordres
professionnels. On sait que les femmes sont moins tentées de faire des
réclamations, là, pour plein de raisons qui sont notamment liées à la discrimination
systémique. Donc, c'est pour ça qu'on veut vraiment qu'elles soient épaulées et
qu'il y ait des mécanismes qui peuvent reconnaître leurs risques parce que les
risques, en fait, auxquels sont exposées les femmes, sont sous-estimés, sont
invisibles depuis trop longtemps et les médecins contribuent souvent aussi, un
peu, à ce système-là. Donc, voilà.
M. Derraji : Mesdames, je
tiens à...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Je tiens à vous
remercier. Vraiment, là, c'est… vous avez éclairé les membres de…
Mme Brown (Kimmyanne) : …le
risque parce que les risques, en fait, auxquels sont exposés les femmes sont
sous-estimés, sont invisibles depuis trop longtemps. Et les médecins
contribuent souvent, aussi, un peu à ce système-là, donc, voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Mesdames, je
tiens à vous remercier. Vraiment, là, vous avez éclairé les membres de la
commission et merci pour l'ADS+ et cette nouvelle lecture. Merci.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous allons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Brown, bonjour, Mme Messing. D'abord, saluer Mme
Messing, là, notamment, j'avais adoré votre livre Les souffrances invisibles
que vous avez publié déjà quelques années. Je ne sais pas si on peut en faire
peut-être parvenir une copie au ministre, une petite lecture de chevet qui
pourrait certainement l'intéresser, ça j'en suis certain. J'ai vraiment
beaucoup aimé votre mémoire, solidement rédigé, j'ai été particulièrement
frappé par le tableau… je ne sais plus si c'est la page 16 ou 17, là, sur la
distribution des… oui, vous ne voyez pas grand-chose à l'écran, mais sur la
distribution des hommes et des femmes selon le secteur du code SCIAN,
72,9 % des femmes se retrouvent dans le secteur faible, c'est hallucinant
ça. C'est hallucinant, comment on se retrouve à cette situation-là? Puis M. le
ministre, tantôt, m'a mal cité quand je parlais de ces critères, il m'a dit que
c'était une patente, mais j'ai bel et bien dit une «patente à gosses». Je ne
trouve pas qu'on atterri à quelque chose de très pertinent avec ces critères-là
de risque, il ne me semble pas reposer sur grand-chose. Quelles seraient les
alternatives que vous pourriez nous suggérer pour aller de l'avant avec une
meilleure protection de l'ensemble des femmes, en matière de santé et sécurité?
Mme Brown (Kimmyanne) : Je
vais laisser Mme Messing répondre à cette question.
Mme Messing (Karen) : Bon,
merci pour la question et merci pour les beaux compliments… vous m'entendez
bien? Parce que je ne me vois pas à l'écran, c'est un peu désarçonnant. Ce que
nous pensons, parce que nous avons fait une analyse serrée de quels sont les
secteurs où sont les femmes, et comment elles sont traitées. Et ce qu'on
proposerait, parce qu'on pense que ça vient d'un genre de cercle vicieux, où
les indemnisations passées déterminent la priorité pour le futur. Donc, s'il y
a des oublies passées, ça veut dire qu'il y a… c'est concrétisé dans le système
proposé par le projet de loi. Et donc ce qu'on voudrait ajouter à ces
considérations-là de débours pendant les dix ans précédant ce moment-ci, c'est
d'inclure aussi le résultat des enquêtes qui sont faites périodiquement par le
gouvernement. Le gouvernement paie pour différentes enquêtes en santé au
travail, en santé des populations… c'est très, très respectable comme type de
données. Et, dans ces enquêtes-là, ce qui ressort très clairement, c'est que
les secteurs qui n'ont pas été priorisés pour les prétentions par le passé,
c'est exactement ces secteurs-là où il y a des gros problèmes de…
Mme Messing (Karen) : …très,
très respectable, comme type de données et, dans ces enquêtes-là, ce qui
ressort très clairement, c'est que les secteurs qui n'ont pas été priorisés
pour les préventions par le passé, c'est exactement ces secteurs-là où il y a
les gros problèmes de troubles musculo-squelettiques, des problèmes aussi de
stresseurs psychologiques. Donc, si on ajoutait des résultats de ces
enquêtes-là, je pense que ça irait en faveur d'une meilleure représentation des
femmes dans les secteurs où on a les programmes de prévention.
M. Leduc : Merci beaucoup. Oh!
Mme la Présidente, votre micro.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ah! Alors, oui, parfait. Merci. Alors, c'est tout le temps que vous aviez. Nous
poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous avez toujours deux
minutes 45 secondes.
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brown et Mme Messing. Je reste un peu
sur le même enjeu que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Le tableau, je l'ai
cité ce matin, hein, parce que, là, ça me semblait démontrer une forme de
sexisme systémique dans l'évaluation des niveaux de risque. Je vais prendre ça
à l'envers, O.K. Si le tableau est un indicateur des débours de la CNESST, ça
veut dire que les femmes ont eu moins accès à de l'indemnisation, de la
compensation. Là, bien, on sait que le projet de loi, ce n'est pas dit, ce
n'est pas écrit dedans, mais on vise à faire des économies. Parce qu'on a des
lobbys qui nous disent que c'est la CNESST au Québec, c'est une bibitte qui
coûte extrêmement cher et que ça implique des sommes colossales, etc., etc.
Donc, dans un contexte où on voit que ce sont les femmes qui reçoivent le moins
de compensations, et qu'on veut faire des économies, je pense que, là, on a
lieu de craindre que la situation se détériore. Et si vous aviez un message à
passer dans les 30 secondes au ministre, ça serait quoi? Vous l'avez déjà fait,
là, mais je vous donne la parole.
Mme Brown (Kimmyanne) : Dans
30 secondes… bien, en fait, par rapport à ce niveau de risque là,
effectivement, je pense que le chiffre de 72,9 % est très frappant. Il
faut le garder en tête et on… je pense que ça prouve, là, nécessairement, que
le fait de prendre les lésions professionnelles indemnisées, c'est comme de
créer un cercle vicieux qui contribue à discriminer les femmes. Et on sait que
la prévention, en fait, c'est le coeur de la loi, c'est le coeur de notre
système au Québec, puis ce niveau de risque là a des impacts majeurs. C'est ce
qui va permettre d'accéder à ces mécanismes-là. Donc, il ne faut pas prendre ça
sur un coin de table. Je pense qu'il faut se rasseoir, il va falloir regarder,
en fait, ce qu'on peut faire de mieux, pour éviter de discriminer les femmes de
ces mécanismes-là.
M. Roy (Bonaventure)
:
Dans un contexte où on a 200 000 accidentés, au Québec, du travail, par
année, contre 40 000 à la Société de l'assurance automobile, donc on a un
enjeu de prévention qui est fondamental. Voilà. Merci beaucoup.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Brown. Merci, Mme Messing. C'est tout le temps que nous
avons. Merci, sincèrement, pour votre contribution, très importante pour la
commission. Alors, nous suspendons les travaux quelques instants, pour donner
la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
Une voix : Merci à…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Brown. Merci, Mme Messing. C'est tout le temps que nous avons.
Merci, sincèrement, pour votre contribution, très importante pour la
commission. Alors, nous suspendons les travaux quelques instants pour donner la
chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 27)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 38)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue au représentant de
Parkinson Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire
votre exposé. Ensuite, nous allons débuter la période d'échanges avec le
ministre et des députés. Avant de commencer votre exposé, je vous inviterais à
bien vous présenter. Alors, la parole est à vous.
M. Rigal (Romain) : Bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Romain
Rigal, je suis directeur des programmes et services chez Parkinson Québec. Je
suis pharmacien de formation, et j'ai bâti l'ensemble de ma carrière dans
l'évaluation de la sécurité des médicaments et des actes médicaux. Je suis
également vice-président de Victimes des pesticides, une coalition d'associations
de…, inquiètes de la recrudescence des cas d'intoxication chronique aux
pesticides dans leurs communautés respectives. Cette coalition regroupe Myélome
Canada, la Société de la leucémie et du lymphome du Canada, Autisme Montréal,
Action cancer du sein du Québec, Safe Food Matters et Parkinson Québec.
Ensemble, nous nous sommes donné pour mission d'améliorer la protection et
l'indemnisation des personnes exposées aux pesticides. Je suis également
accompagné du Dr Pierre Auger, médecin…
M. Rigal (Romain) : …la Société
de la leucémie et du lymphome du Canada, Autisme Montréal, Action cancer du
sein du Québec, Safe Food Matters et Parkinson Québec.
Ensemble, nous nous sommes donné pour
mission d'améliorer la protection et l'indemnisation des personnes exposées aux
pesticides. Je suis également accompagné du Dr Pierre Auger, médecin
spécialiste en médecine du travail au CIUSSS de la Capitale-Nationale. C'est un
honneur pour nous de pouvoir contribuer à la modernisation de ce projet de loi
et je tiens donc à vous remercier de votre invitation.
• (15 h 40) •
Depuis quelques années, l'impact des
pesticides sur la santé humaine suscite un vif intérêt dans la population
générale et chez leurs principaux utilisateurs, les agriculteurs. Ces produits
destinés à renforcer notre productivité agricole et notre sécurité alimentaire
sont devenus un enjeu de santé et de sécurité pour les… leurs usagers aux
milieux professionnels.
Aujourd'hui, près de
55 000 personnes travaillent dans le milieu agricole et plus de
32 000 possèdent des permis ou des certificats d'utilisation des
pesticides. Le revenu de ces personnes est intimement lié à leur exposition
professionnelle aux pesticides dont la toxicité pour la santé humaine est de
plus en plus évidente. D'ailleurs, depuis plusieurs décennies, le Québec joue
un rôle de leader dans l'évaluation de l'impact des pesticides sur le
développement des maladies neurodégénératives. Deux chercheurs québécois ont
particulièrement ouvert cette avenue de recherches dans les années 80. Le
Dr André Barbeau a été le premier a constaté une plus haute prévalence de
la maladie de Parkinson en Montérégie, où l'utilisation des pesticides était
plus importante et le Dr Rémi Quirion, aujourd'hui scientifique en chef du
Québec, avec qui j'ai eu la chance de m'entretenir, qui, lui, a également été
un pionnier de la démonstration de cette association.
J'aimerais maintenant inviter le
Dr Auger à vous donner un aperçu de la preuve de cette causalité.
M. Auger (Pierre) : Bon,
alors, je me présente, oui, rapidement. Je suis médecin spécialiste en médecine
du travail depuis 1989. Antérieurement, j'étais hémato-oncologue, parce que la
spécialité en médecine du travail n'existait pas au Québec. Elle a existé,
éventuellement plus tard. La seule chose que… je travaille en direction de
santé publique de la Capitale-Nationale, mais aujourd'hui je suis… c'est mon
opinion propre, là. Je ne représente pas la direction de santé publique de la
Capitale-Nationale, parce que le sujet n'a pas été discuté ici. Alors, c'est
juste une mise au point.
Alors, depuis plus de 30 ans,
certains pesticides sont utilisés pour créer artificiellement la maladie de
Parkinson chez les animaux de laboratoire pour tester les nouveaux médicaments
pour traiter la maladie. Une fois exposés aux pesticides, ces animaux
présentent des dérèglements biologiques et des symptômes identiques à ceux des
malades. Cette preuve expérimentale constitue un des piliers de justification
du lien de causalité entre pesticides et maladie de Parkinson.
Depuis les années 90, plus d'une
centaine d'études ont…
M. Auger (Pierre) : ...les
animaux présentent des dérèglements biologiques et des symptômes identiques à
ceux des malades. Cette preuve expérimentale constitue un des piliers de
justification du lien de causalité entre pesticides et maladie de Parkinson.
Depuis les années 90, plus d'une centaine
d'études ont documenté l'association entre l'exposition professionnelle aux
pesticides et le développement de la maladie de Parkinson. Les résultats de ces
études ont été agrégés par huit méta analyses qui toutes concluent à une augmentation
du risque de développer la maladie de 70 %. Cela veut dire qu'en moyenne,
l'exposition aux pesticides en milieu professionnel double quasiment le risque
de développer la maladie.
Récemment, le Dr Guy ..., expert
international en épidémiologie, en toxicologie et santé au travail, a produit
et transmis à la CNESST un important rapport sur les maladies professionnelles
des pompiers, tous les cancers chez les pompiers. J'aimerais citer deux
extraits. Je cite : «Un degré de risque de cette importance constitue un
lien d'association très élevé» et il poursuit: «Avec un risque de cette
magnitude, il est plus probable qu'improbable que la pathologie du travailleur
soit reliée à son emploi. Ceci constitue le fondement de la justification de la
présomption.», fin de la citation.
Alors, il est clair aujourd'hui dans la
littérature scientifique — ça, on pourra répondre aux questions plus
tard, là — que les pesticides sont des déclencheurs de la maladie de
Parkinson, des lymphomes non hodgkiniens, des myélomes ... et des cancers de la
prostate chez des personnes qui présentent une susceptibilité génétique
particulière. ... un peu plus tard, si vous êtes intéressés.
M. Rigal (Romain) : Je vous
remercie, Dr Auger. Le poids de la preuve toxicologique et épidémiologique présentement
disponible est relayé par de nombreux instituts de santé à l'international,
mais également par des rapports d'institutions québécoises, notamment
l'Institut national de santé publique du Québec. Pourtant, les réclamations des
travailleurs à la CNESST de cas de maladie de Parkinson suite à l'exposition
aux pesticides sont refusées, au motif qu'il ne s'agit pas d'un accident du
travail ou d'une lésion professionnelle au sens de la loi.
M. Jean Boulet a déclaré vouloir
positionner le Québec comme leader mondial en termes de santé et sécurité au
travail grâce à la modernisation tant attendue de cette loi. Vous avez déjà
démontré votre capacité d'action en inscrivant certaines maladies oncologiques
des pompiers dans ce projet. Ainsi, vous avez comblé notre retard par rapport à
l'ensemble des provinces canadiennes et aux États-Unis. Le législateur peut
remédier immédiatement à cette injustice de traitement envers les agriculteurs
en inscrivant la maladie Parkinson provoquée par les pesticides comme maladie
professionnelle dans l'annexe B
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Attention, attention.
M. Rigal (Romain) : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Est-ce que nous l'avons perdu?
M. Rigal (Romain) : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, il est de retour.
M. Rigal (Romain) : Ah!
Bienvenue. Je reprends donc. Grâce à vous, Mmes et MM. les députés...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Attention, attention.
M. Rigal (Romain) : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Est-ce que nous l'avons perdu?
M. Rigal (Romain) : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, il est de retour.
M. Rigal (Romain) : Ah!
Bienvenue. Je reprends donc. Grâce à vous, Mmes et MM. les députés, le Québec a
une opportunité unique de rejoindre les chefs de file mondiaux en matière de
reconnaissance du risque professionnel associé à l'exposition aux pesticides,
comme la France et la Suède. En parallèle de l'inscription de la maladie de
Parkinson à l'annexe B du règlement, le comité scientifique proposé dans le
projet de loi apparaît comme une innovation dans le processus de révision de la
liste des maladies professionnelles. Ce comité représente une avancée sociale
s'il contribue à l'accroissement de la couverture des travailleurs. Nous nous
questionnons cependant sur la pertinence du travail de ce comité, sur la
recherche de seuil maximum d'exposition, afin de déterminer l'admissibilité des
travailleurs à l'indemnisation. En effet, la jurisprudence québécoise, basée
sur le principe de susceptitibilité individuelle, établit qu'une norme
réglementaire de travail n'est pas l'indication d'un seuil qui permet de
déterminer si un travailleur est atteint ou non d'une maladie professionnelle.
Nous souhaitons également nous assurer
que, lors des processus d'évaluation de ce comité, celui-ci utilisera des
données issues de recherches académiques indépendantes, que la liste des sources
utilisées soit rendue publique, et que ce comité soit protégé de l'influence
indue des lobbyistes. Si nous insistons sur la transparence des sources
utilisées, c'est que vous-même, M. le ministre, avez été induit en erreur par
un rapport fantaisiste produit par l'IRSST en juillet 2020. Dans ce document,
l'auteur rapporte, je cite : «Quelques revues de littérature sur le lien
entre les pesticides et la maladie de Parkinson, parmi les travailleurs
agricoles, rapportent une augmentation significative du risque de développer la
maladie de Parkinson, mais d'autres n'en rapportent pas. Les connaissances
évoluent dans le temps.» Fin de la citation.
Il se trouve que l'ensemble des sources
concernant le parkinson, qui sont citées par ce rapport, sont en contradiction
directe avec la conclusion de l'auteur. La dernière méta-analyse, également
citée par l'auteur de l'IRSST, va même jusqu'à conclure à une stabilisation de
l'estimation du risque autour de 70 %. Cet exemple de manquement à
l'éthique scientifique et d'induction en erreur de nos dirigeants politiques
soutient l'option d'argument sur la politique d'indemnisation menée par la
France et la Suède et recommandée par l'INSPQ. Par conséquent, nous vous
réitérons notre demande d'inscrire la maladie de Parkinson, par voie
législative, à la liste des maladies professionnelles.
Le gouvernement peut également porter plus
loin encore sa solidarité envers celles et ceux qui, parfois au détriment de
leur santé, nous nourrissent et entretiennent notre terre. En effet, plus des
deux tiers des exploitations agricoles ne sont pas inscrites à la CNESST…
M. Rigal (Romain) : …à la liste des maladies professionnelles.
Le gouvernement peut également porter plus
loin, encore, sa solidarité envers celles et ceux qui, parfois au détriment de
leur santé, nous nourrissent et entretiennent notre terre. En effet, plus des
deux tiers des exploitations agricoles ne sont pas inscrites à la CNESST. Leur
inscription obligatoire à taux préférentiels permettrait d'assurer la couverture
future des agriculteurs. D'autre part, le gouvernement devrait, à
l'instar de la France, développer un fonds d'indemnisation pour l'ensemble des
personnes, aujourd'hui, victimes des pesticides, mais qui n'ont pas cotisé à un
régime de protection faute d'information sur la dangerosité de ces produits.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, M. Rigal, il vous resterait 20 secondes.
M. Rigal (Romain) :
Finalement, nous savions l'élargissement de l'application des mécanismes de
prévention. Cependant, nous aimerions vous demander de prévoir des dispositions
particulières d'application de la loi pour les exploitations agricoles dont la
taille est modeste et le calendrier de production dicté par la nature.
J'aimerais, Mme la Présidente, Mmes, MM.
les députés, vous remercier pour votre qualité.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échanges avec M. le
ministre. Vous disposez de 16 minutes, 30 secondes.
M. Boulet : Oui, merci, Mme la
Présidente. D'abord, vous remercier, Parkinson Québec pour votre contribution
pour la rédaction de votre mémoire qui est de grande qualité. Déjà, de
reconnaître qu'on fait une avancée en élargissant l'application des mécanismes
de prévention, moi, je reçois ça comme un commentaire positif. Puis j'ai la
même préoccupation que vous, là, les deux tiers des petites exploitations
agricoles qui ne sont pas enregistrées à la CNESST. Puis on a eu l'opportunité
d'en discuter avec des représentants de l'Union des producteurs agricoles, un
peu plus tôt, de comment on peut améliorer la prévention, comment on peut
inciter. Puis évidemment ça nous amener à parler des mutuelles de prévention
puis des associations sectorielles paritaires.
• (15 h 50) •
J'aimerais vous donner l'information
suivante : ce que la CNESST me rapportait, c'est que 2010 à 2018, elle a
accepté 218 cas de maladies professionnelles pour le secteur agricole. Et,
seulement, six de ces cas-là ont pour agent causal un produit chimique, et les
pesticides ne sont pas directement spécifiés dans ces dossiers-là. Donc, en
même temps, on reconnaît que, bien sûr, la maladie de Parkinson, il y a une
littérature médicale et scientifique qui se développe. Mais il y a eu un
rapport, puis, Dr Auger, vous avez dû en prendre connaissance, de l'IRSST, là,
l'institut Robert-Sauvé, qui a été publié le 7 juillet 2020, et il
concluait que les revues de littérature sur le lien entre les pesticides et la
maladie de Parkinson ne sont pas…
M. Boulet : …Mais il y a eu un
rapport, puis, Dr Auger, vous avez dû en prendre connaissance, de l'IRSST, là,
l'institut Robert-Sauvé, qui a été publié le 7 juillet 2020, et il
concluait que les revues de littérature sur le lien entre les pesticides et la
maladie de Parkinson ne sont pas unanimes. Bon, il y a des revues de
littérature, évidemment, qui confirment le lien entre causal, mais c'est de
qualité, là, un petit peu asymétrique. Puis on est tout à fait conscient qu'il
y a des données scientifiques puis que c'est reconnu en France.
Ceci dit, ce que nous proposons, dans le projet
de loi n° 59, c'est, un, d'actualiser la liste des maladies
professionnelles présumées. Puis, je répète, là, ce n'est pas parce que ce
n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire une réclamation, et ce n'est
pas parce que ce n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire la preuve que
c'est une maladie professionnelle. La présomption ne fait qu'alléger le fardeau
de preuve de la personne qui réclame en établissant une présomption ou un lien
de causalité. On a, plutôt, adopté l'approche de créer un comité de
scientifiques qui va être composé d'experts qui vont nous guider. Parce que,
nous, on est des parlementaires, puis la maladie de Parkinson… Moi, Dr Auger,
je vous écoute puis je vous trouve extrêmement pertinent. C'est sûr qu'il y a
des questions que j'aimerais avoir un peu de réponses raffinées, peut-être que
je vous en parlerai un peu tout à l'heure.
Mais, Dr Auger, moi, je vais certainement
demander que vous soyez entendu par le comité de scientifiques dès l'adoption,
dès la création de ce comité de scientifiques là. Il faut qu'une personne comme
vous soyez entendue. Il faut que Parkinson Québec soit notre partenaire parce
qu'on a une ouverture à ce que ça soit ajouté dans la liste des maladies
professionnelles présumées. Bon, on crée, aussi, des comités de maladies
professionnelles oncologiques, là, mais pour les maladies professionnelles
présumées, vous serez là, Parkinson Québec sera certainement là.
Puis là, je vais y aller… C'est un peu scientifique
ou médical, là, mais je n'étais pas sûr d'avoir bien compris quand vous disiez
que ça prenait, comme, une condition génétique particulière ou une précondition
génétique particulière. Juste vous entendre, là, parce que ça m'intéresse quand
je vous écoute parler, là, Dr Auger.
M. Auger (Pierre) : Bon,
écoutez, d'abord, juste avant de vous répondre à cette question-là, je voudrais
juste attirer l'attention que l'Institut national de santé publique du Québec,
là, l'INSPQ, a produit un mémoire en 2019 qui supporte l'évaluation des risques
des pesticides de la maladie de Parkinson et autres maladies, du…
M. Auger (Pierre) : …publique
du Québec, là, l'INSPQ, a produit un mémoire en 2019, qui supporte l'évaluation
des risques des pesticides, des maladies de Parkinson et autres maladies, à
d'autres mémoires qui a été présenté en 2012, de l'INSERM. L'INSERM, c'est
l'institut national de santé et de l'environnement de l'institut français puis
ils ont produit un rapport collectif. Ça veut dire que ce n'est pas juste un ou
deux auteurs qui ont produit ce rapport-là, c'est un ensemble de scientifiques
puis, en général, ne travaillent pas pour l'INSERM et qu'ils ont vérifié les
conflits d'intérêts possibles de ces gens-là, et c'est vraiment un rapport collectif.
Donc, un rapport collectif, je l'ai ici, là, le résumé, bien, pour eux autres…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Auger, je vous inviterais à parler un peu plus dans le micro, on n'a pas
compris votre dernière phrase.
M. Auger (Pierre) : Bien,
ici, j'ai le résumé, un peu, de leurs résultats de leur recherche et puis, pour
eux autres, la présomption est forte de relation entre les pesticides et ces
maladies-là : Lymphome non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome
multiple, maladie de Parkinson et leucémie chez les femmes qui sont enceintes,
qui sont exposées aux pesticides.
L'Institut de santé publique, dont le
principal auteur de ce rapport-là, c'est M. Onil Samuel qui est notre expert en
pesticide… moi, je l'ai toujours connu comme expert en pesticide. C'est notre
expert en pesticide au Québec. Bien, ils reprennent les mêmes conclusions que
l'INSERM. Alors, pour moi, là, la présomption est très forte. Tu sais, je
comprends qu'il y a les IRSST, c'est vrai qu'il y a des études négatives, mais
vous allez le comprendre un peu pourquoi, une des raisons, justement, c'est
qu'il y a des études… ont démontré que c'est gens-là, souvent, ont des
anomalies… bien, en fait, pas vraiment des anomalies, mais disons des variances
dans différents gènes, qui produisent des enzymes pour détruire les pesticides,
pour les éliminer, pour diminuer aussi ce qu'on appel les radicaux libres, que
ces pesticides peuvent produire.
Et il y a deux études, entre autres, qui
démontrent… encore là, je ne peux pas vous lister les variantes génétiques
liantes, mais il y a deux études qui démontrent que, quand tu as ces gens-là
avec ces variantes génétiques là, et tu compares ces gens-là avec des mêmes
variantes, mais exposés aux pesticides, ceux qui ne sont pas exposés aux pesticides,
ils n'ont pas plus de maladies de Parkinson que les autres, mais s'ils sont
exposés aux pesticides, bien là, ils ont plus de maladies de Parkinson que les
autres. Alors, ce qui va arriver, vous allez avoir bien des études négatives,
là, surtout quand vous prenez beaucoup de monde dans des études
épidémiologiques… Plus ils ont du monde, plus ils sont contents. Bien là, si
vous avez beaucoup de monde, vous allez diluer à l'intérieur de ça les gens qui
ont des anomalies qui les rend plus susceptibles…
M. Auger (Pierre) : …là, ils
ont plus de maladies de Parkinson pour les autres. Alors, ce qui va arriver,
vous allez avoir bien des études négatives, surtout quand vous prenez beaucoup
de monde. Dans des études épidémiologiques, là, plus ils ont du monde, plus ils
sont contents. Bien là, si vous avez beaucoup de monde, vous allez diluer à
l'intérieur de ça les gens qui ont des anomalies qui les rendent plus
susceptibles de souffrir de la maladie de Parkinson.
Ce phénomène-là, on n'appelle pas ça un
phénomène génétique, ce n'est pas des anomalies au niveau de l'ADN, là, au
niveau du noyau. On appelle ça des phénomènes épigénétiques.
C'est quand des gens qui ont des gènes qui ne sont pas exposés, puis ici, dans
le cas, à des pesticides, bien, ils vont être comme tout le monde, ils n'auront
pas plus de problèmes que les autres, mais… Sauf que là, s'ils sont exposés à
ça, bien là, ça vient jouer sur l'ADN, sur la sortie, là, de ce qu'un gène peut
faire puis jouer là-dessus, puis, là, la maladie peut apparaître.
Comprenez-vous?
Alors, c'est… quand on parle de génétique,
c'est ça, en fait, c'est de l'épigénétique. C'est un nouveau concept qui
commence, maintenant ça fait à peu près une dizaine d'années qu'on parle
d'épigénétisme. Entre autres, l'INSERM… bien, je ne sais pas si l'INSERM en
parle, mais, dans l'institut, le rapport de l'institut, ils en parlent,
l'Institut national de santé publique. Alors, il y a plusieurs… Je ne parle pas
de toutes les études, là, où on a trouvé des anomalies chez les enfants, etc.,
là, je veux dire… Je veux dire ce n'est pas reposant, les pesticides, là. Pas
reposant, non.
M. Boulet : J'aurais trois
points, Dr Auger. Un, bon, l'IRSST, c'est l'été dernier… et confirmait que la
littérature n'est pas unanime. Ça, c'est mon premier point. Deuxième point, et
je vous cite, vous comprenez qu'il y a des études, vous dites : Je
comprends qu'il y a des études négatives. Donc, c'est une illustration qu'il
n'y a pas unanimité scientifique et médicale. Troisième commentaire, quand je
vous écoute, pour moi, c'est une démonstration claire. Moi, je n'ai pas les
connaissances, puis on est des parlementaires puis on n'est pas en mesure, dans
une commission parlementaire, de déterminer s'il y a un lien de causalité qui
est évident et le rajouter dans une liste de maladies professionnelles
présumées.
• (16 heures) •
C'est la raison pour laquelle il faut s'assurer
d'avoir un comité de scientifiques qui vont nous guider. Puis j'entendais
M. Rigal dire : Est-ce que les sources peuvent être rendues
publiques? Absolument. Les sources, les avis, les recommandations de ce comité
de scientifiques là seront totalement connus de la population et nous
inspireront dans notre volonté d'améliorer puis de moderniser notre liste pour
d'adhérer à la littérature scientifique. Puis je sais que c'est reconnu en
France, mais il faut dire que ce n'est pas reconnu dans beaucoup de pays, là,
puis je ne ferai pas la liste des pays où ce n'est pas reconnu. Ce qui
n'empêche pas, Dr Auger…
16 h (version non révisée)
M. Boulet : ...notre liste pour
adhérer à la littérature scientifique, puis je le sais que c'est reconnu en
France, mais il faut dire que ce n'est pas reconnu dans beaucoup de pays, là,
puis je ne ferai pas la liste des pays où ce n'est pas reconnu. Ce qui
n'empêche pas pas, Dr Auger, de vous permettre éventuellement, et que nous
soyons associés à Parkinson Québec, et s'assurer que vous soyez pleinement
entendus et pour d'autres types de maladies professionnelles, par ailleurs.
Ça, ça m'apparaît extrêmement évident et
ça n'empêche pas d'ici là, parce qu'on pourrait hypothétiquement penser que
dans un an, un an et demi, ça soit une maladie professionnelle présumée puis je
ne suis pas capable, je n'ai pas de boule de cristal, mais d'ici là, il n'y a
rien qui empêche, puis moi, je n'ai pas, de la CNESST, de chiffres ou de
statistiques qui me démontrent que quelqu'un a été victime d'un préjudice.
Parce que si quelqu'un a utilisé des pesticides puis qu'il a la maladie de
Parkinson, bien il obtient un rapport du Dr Pierre Auger puis la CNESST va
reconnaître le lien causal, sans égard à la présomption et la réclamation va
être acceptée puis la personne va bénéficier des indemnités de remplacement de
revenus.
Je reviens peut-être à M. Rigal. Quand
vous mentionnez deux tiers des entreprises agricoles qui ne sont pas inscrites
à la CNESST, avez-vous des idées ou des suggestions à nous faire pour peut-être
que la CNESST ou d'autres partenaires du domaine agricole puissent s'investir
et que nous nous assurions que les mécanismes de prévention, parce que c'est au
coeur de notre projet de loi n° 59, puissent être pleinement appliqués
dans ce secteur, qui est tellement crucial pour l'économie du Québec?
M. Rigal (Romain) : Très bien,
je vous remercie de votre question. C'est tout à fait pertinent. Je sais que
vous en avez discuté ce matin. J'aimerais cependant élargir un petit peu le
débat, qui ne s'applique pas uniquement aux agriculteurs, puisque les
applicateurs de pesticides, les ingénieurs agronomes, qui sont tous des
salariés, donc des travailleurs au sens de la loi, sont également des personnes
exposées, peuvent également être exposées aux pesticides. Donc, ces gens
tombent déjà sous le régime de protection de la CNESST et ce sont des gens qui aujourd'hui
soumettent leurs rapports à la CNESST et qui ne sont pas reçus. Ces rapports
sont refusés. Donc, on ne parle pas uniquement des agriculteurs, le monde des
pesticides, en fait, est beaucoup plus large.
Malheureusement, je n'ai pas de
recommandation particulière à vous faire. Je pense que, ce matin, vous avez une
discussion extrêmement constructive avec M. Caron et les mutuelles qu'il amène
m'apparaît une très bonne idée, effectivement.
M. Boulet : Oui, je vous ai
bien...
M. Rigal (Romain) :
…malheureusement, je n'ai pas de recommandation particulière à vous faire. Je
pense que, ce matin, vous avez une discussion extrêmement constructive avec M.
Caron et les mutuelles qu'il amène m'apparaît une très bonne idée,
effectivement.
M. Boulet : Oui, je vous ai
bien entendu. Puis peut-être, puis il faudrait fouiller, est-ce qu'il y a eu
des cas où le lien de causalité n'a pas été reconnu? Évidemment, chaque cas est
un cas d'espèce. Ça demeure à documenter, puis c'est certain que l'évolution des
connaissances scientifiques va nous permettre de marcher sur un terrain
beaucoup plus stable, là, en matière d'impact des pesticides dans le domaine
agricole.
Mais, M. Rigal, à quoi vous attribuez…
bon, vous avez parlé d'un fonds d'indemnisation, là. En fait, peut-être nous
dire quelques mots sur le fonds d'indemnisation auquel vous référez, parce que
l'UPAnous en a parlé aussi.
M. Rigal (Romain) : Dans un
premier temps, il est important que notre gouvernement — et quand je
parle de notre gouvernement, c'est les gens qui nous gouvernent, pas le
gouvernement de la CAQ aujourd'hui — reconnaisse qu'il y a eu une
erreur. Aujourd'hui, l'agence qui autorise l'utilisation des pesticides au
Canada, l'ARLA, reconnaît la sécurité des pesticides sur des données uniquement
fournies par l'industrie. Or, ces données, on ne peut pas se baser sur ces
données pour évaluer l'impact à long terme, sur la santé, des pesticides. Ça,
malheureusement, on s'en rend compte bien plus tard. Le gouvernement du Québec,
ensuite, autorise la vente de ces pesticides. Les agriculteurs québécois font
confiance au gouvernement du Québec, utilisent ces pesticides et,
malheureusement, développent des maladies comme la maladie de Parkinson, des
myélomes, des lymphomes non hodgkiniens. Ainsi, nous, ce qu'on pense, une fois
que le gouvernement aura reconnu le lien de causalité ou, du moins, reconnu
tout simplement l'évidence scientifique, les travailleurs qui seront couverts,
effectivement, seront indemnisés via la CNESST, mais tous ceux qui ne sont pas
couverts, c'est-à-dire qui, aujourd'hui, ont passé leur vie à travailler, à
produire pour le Québec, produire pour notre alimentation, produire pour notre
économie, eux, n'auront jamais cotisé à la CNESST, parce qu'ils n'auront jamais
été mis au courant de la dangerosité de ces produits. Donc, en fait, c'est de
créer un fonds d'indemnisation, c'est pour indemniser ces personnes qui n'ont
pas cotisé, et c'est pour… mais ils n'ont pas cotisé parce qu'ils n'étaient pas
au courant du risque.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le temps que nous avons.
M. Boulet : Très bien. Oui,
puis c'est un autre débat, c'est une fenêtre que vous ouvrez, là, qui pourra
faire l'objet de discussions avec nos collègues, là, du MAPAQ, là. Mais merci
beaucoup de votre présence à vous deux…
M. Rigal (Romain) : …et c'est
pour… mais ils n'ont pas cotisé parce qu'ils n'étaient pas au courant du
risque.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le temps que nous avons.
M. Boulet : Très bien. Oui,
puis c'est un autre débat, c'est une autre fenêtre que vous ouvrez, là, qui
pourra faire l'objet de discussions avec nos collègues, là, du MAPAQ, là. Mais,
merci beaucoup de votre présence, à vous deux, bien apprécié la collaboration
de Parkinson Québec, puis souhaitons que ça se poursuive dans les mois et les
années à venir. Merci beaucoup, M. Rigal, Dr Auger. Merci.
M. Auger (Pierre) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux pour l'excellent rapport.
Moi, je pense que vous avez quand même pas
mal de preuves, si on veut utiliser le langage scientifique, qui démontrent la
causalité. Donc, il n'y a pas uniquement la France qui a reconnu la maladie,
mais l'INSPQ, en 2019, il y a le lien de causalité.
Dans votre page 22, vous parlez de
huit méta-analyses. Pour le bénéfice des collègues, j'ai navigué presque toute
ma vie dans les méta-analyses, mais je vais vous donner quelques minutes de mon
temps pour expliquer c'est quoi, une méta-analyse. Prenez quelques minutes pour
expliquer c'est quoi, une méta-analyse. Parce que, contrairement au ministre,
je ne suis pas d'accord qu'on n'a pas la capacité intellectuelle de juger,
aujourd'hui, que c'est une erreur, ne pas inclure cela dans les maladies
professionnelles, et, deux, mettre ça sur le dos d'un comité scientifique qui
va se réunir un peu plus tard et décider, un jour, de l'ajouter ou pas.
Donc, je vais vous laisser expliquer c'est
quoi, une méta-analyse. Je vais vous laisser expliquer, mais brièvement, s'il
vous plaît. La page 22, quand on parle d'un risque relatif de 1,7 montré
dans plusieurs méta-analyses… est-ce que vous pouvez aller, M. Rigal?
M. Rigal (Romain) : Bien sûr.
Donc, les études épidémiologiques sont des études qui évaluent le risque de
développer une maladie quand on est exposé, oui ou non, à des facteurs
environnementaux. La qualité de ces études varie. Elle varie en fonction de
leur rigueur scientifique. Est-ce qu'on a bien évalué le risque? Est-ce qu'on a
bien évalué l'exposition? Est-ce que la taille de l'étude était importante ou
pas? Comme le ministre le soulignait, il existe des études qui montrent l'association,
et des études qui montrent des associations très fortes, et des études qui
montrent des associations beaucoup plus faibles, voire pas d'association.
Devant cette différence, finalement, il
est important, pour qu'on puisse prendre des décisions politiques éclairées et
que la science puisse avancer, que les résultats de ces analyses soient
agrégés, c'est-à-dire on poole toutes les études dans une seule méta-analyse.
Ainsi, on est capable de comparer le poids respectif… Vous m'entendez toujours?
M. Derraji : Oui, oui.
M. Rigal (Romain) : On est
capable de comparer le poids respectif des études positives et négatives et
d'avoir, en un seul chiffre, le résultat de…
M. Rigal (Romain) : …dans une
seule méta-analyse. Ainsi, on est capable de comparer le poids respectif… vous
m'entendez toujours?
M. Derraji : Oui, oui.
M. Rigal (Romain) : On est
capable de comparer le poids respectif des études positives et négatives et
d'avoir, en un seul chiffre, le résultat de centaines d'études. Ces
méta-analyses, il y en a eu huit jusqu'à aujourd'hui et toutes les
méta-analyses, qui influaient progressivement toutes les études qui sortaient,
sont sorties positives et la dernière des méta-analyses, qui n'incluent que les
études les plus rigoureusement scientifiques, donnent exactement le même
résultat.
M. Derraji : Ça veut dire 1.7.
Ça veut dire le risque…
• (16 h 10) •
M. Rigal (Romain) : 1.7
M. Derraji : Ça veut que dire
qu'en effet, la preuve que la prévalence est supérieure dans cette population
avec un risque relatif supérieur de 1.7. Est-que ce j'ai bien compris?
M. Rigal (Romain) :
Exactement. La prévalence dans la population des exploitants agricoles est
nettement supérieure à la population normale.
M. Derraji : Excellent. Vous
avez très bien répondu à ma question et pour moi, en tant que membre de cette
commission, si j'additionne l'INSPQ 2019, si j'additionne l'INSERM, bon, ce
n'est pas votre collègue, si j'additionne le fait que la France a reconnu la
maladie, je peux, d'emblée, dire que je ne peux pas attendre l'avis du comité
scientifique. Je peux dire, aujourd'hui, qu'après le travail effectué l'année
dernière dans l'ancienne commission, vous avez… vous êtes intervenu que le lien
de causalité est bien réel.
Ce matin, M. Rigal, les gens de l'UPA se
sont dits déçus de ne pas voir le… au fait, cette reconnaissance de la maladie
de Parkinson parmi les maladies professionnelles. Est-ce que vous partagez leur
même point de vue? Aujourd'hui, vous êtes venus nous démontrer encore une fois
que vous devez, devant une autre commission parlementaire, pour l'étude d'un
projet de loi, démontrer le lien de causalité entre les pesticides et la
maladie de Parkinson.
M. Rigal (Romain) : Vous me
demandez si je suis déçu. Ce n'est pas moi qui serais déçu, c'est l'ensemble de
la communauté des agriculteurs qui… à qui on a fait la promesse d'inclure la
maladie de Parkinson comme maladie professionnelle. L'année dernière, par la
bouche du docteur… du ministre Lamontagne et de voir ce gouvernement ne pas…
mettre en application ses promesses.
M. Derraji : Bien, je le lis
dans… entre les lignes et je peux, moi, je peux le dire parce que je suis
député, vous, vous… je comprends, vous respectez les lignes de votre
organisation. Tout à votre honneur. Moi, aujourd'hui, la conclusion que le
gouvernement de la CAQ abandonne les agronomes du Québec et abandonne les
agriculteurs. Parce que le débat était déjà fait. Je vois mon collègue, Sylvain
Roy, qui était là, moi, j'en suis sûr et certain, va avoir aussi des bonnes
questions pour vous, parce que, lui, contrairement à moi, il était là dans
cette commission et j'en suis sûr et certain, il va partager la…
M. Derraji : …aujourd'hui la
conclusion que le gouvernement de la CAQ abandonne les agronomes du Québec et
abandonne les agriculteurs. Parce que le débat a été déjà fait, je vois mon
collègue, Sylvain Roy, qui était là, moi, j'en suis sûr et certain, il va avoir
aussi des bonnes questions pour vous parce que lui, contrairement à moi, il
était là dans cette commission et, j'en suis sûr et certain, il va partager la
même chose que moi. Mais, au-delà des preuves scientifiques, moi, je pense que
vous avez des bonnes preuves. Je les ai lues, et je suis capable de lire les
méta-analyses. Ce n'est pas vrai que je ne suis pas capable de lire les
méta-analyses. C'est quoi votre conseil aux membres de cette commission qui
doutent encore, parce que j'aurais besoin de leur aide pour voter pour l'autre
amendement qu'on va ajouter lors de l'étude article par article.
M. Rigal (Romain) : Tout
d'abord, j'ai beaucoup de respect pour votre commission, beaucoup de respect,
également, pour M. le ministre qui a décidé de faire avancer cette loi, c'est
très… je suis vraiment content. Notre proposition, c'est effectivement que vous
incluiez la liste des maladies… la maladie de Parkinson à la liste des maladies
professionnelles par manière législative, de la même manière que vous l'avez
fait pour les pompiers, pompiers pour lesquels le risque de développer des
cancers est plus faible que de développer la maladie de Parkinson en étant
développé… en étant exposé aux pesticides. Je vous poserai…
M. Derraji : Comment vous…
M. Rigal (Romain) : Je vous
poserai donc la question. Ce n'est pas à moi aujourd'hui de justifier pourquoi
la maladie de Parkinson n'est pas incluse dans la liste des maladies
professionnelles alors qu'il y a tant d'évidences.
M. Derraji : Oui.
M. Rigal (Romain) : Vous vous
poserez la question. Il me semble que c'est à vous, aujourd'hui, et au
gouvernement, de m'expliquer pourquoi elle ne l'est pas.
M. Derraji : Mais moi, j'ai
une partie de la réponse. Je vais me permettre, vous avez dit tout à l'heure
qu'il y avait un avis de l'IRSST. Vous avez dit que, corrigez-moi si je me
trompe, «induit en erreur». Donc, l'avis, probablement au niveau de la
rédaction du projet de loi, vous avez dit que le ministre a soulevé tout à
l'heure l'étude du IRSST, alors qu'on a un avis de l'INSPQ qui dit le
contraire. Donc, maintenant, est-ce que vous pensez que le ministre, dans la
rédaction du projet de loi, s'est basé uniquement sur l'avis du IRSST et il a
oublié l'avis de l'INSPQ?
M. Rigal (Romain) : Comme je
vous l'ai dit, malheureusement, l'avis de l'INSPQ est parfaitement fantaisiste
et n'a aucune rigueur scientifique. Malheureusement, j'ai effectivement
l'impression que le ministre, dans sa bonne volonté de faire avancer ce projet
de loi, n'a tenu compte que de cet avis. Je ne peux que considérer que c'est un
oubli de l'ensemble de la littérature et des recommandations de l'INSPQ et de
ce qui se passe à l'international. Et une fois de plus, comme le ministre
souhaite projeter une image de leader mondial en matière de progrès en santé et
sécurité au travail…
M. Rigal (Romain) : …de
l'ensemble de la littérature et des recommandations de l'INSPQ et de ce qui se
passe à l'international. Et, une fois de plus, comme le ministre souhaite
projeter une image de leader mondial en matière de progrès en santé et sécurité
au travail, je ne peux pas imaginer autrement.
M. Derraji : Mme la
Présidente, combien de minutes il me reste?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Deux minutes.
M. Derraji : O.K., excellent.
Bien, écoutez, M. Rigal et M. Auger, je
pense que les éléments que vous ramenez à notre commission sont extrêmement… Je
vois une pertinence extrême. Et je vous invite à envoyer aux membres de la
commission l'avis de l'INSPQ. Je vous invite, aussi, M. Auger, vous avez
mentionné l'INSERM, je vous invite à envoyer cet avis aux membres de la commission.
Je vous invite, aussi, à nous envoyer l'avis du scientifique en chef. Ça
commence à être beaucoup d'intervenants qui pensent tous de la même façon, on
ne va pas dire que ces gens qui ont un avis biaisé. Donc, je pense que la
littérature, aujourd'hui, en tant que membre de cette commission, penche plus
vers la reconnaissance de la maladie qu'autrement.
Donc, je vous remercie, et soyez rassurés.
Et transférez, au fait, nos salutations à vos membres et aux gens
que — vous parlez au nom des agronomes ou des agriculteurs ou
applicateurs de pesticides — qu'on va mener ce combat à l'intérieur
de la commission pour la reconnaissance de cette maladie comme les autres
maladies professionnelles.
Merci à vous deux.
Une voix
: Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous
avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. M. Rigal, M. Auger, bonjour.
D'abord, pour dire que, pendant la pause,
entre les deux groupes, j'ai reçu de la visite à mon bureau. Il y a des
représentants des métallos qui sont venus me porter une petite
affiche — je ne sais pas si on la voit bien — alors, ça
dit : La santé et sécurité à rabais, ça met tout le monde en danger.
Alors, c'est bien la mobilisation citoyenne, ça fait fructifier les débats.
Question pour M. Auger : est-ce que
vous seriez susceptible, vous, de participer au comité scientifique que M. le
ministre prévoit dans son projet de loi?
M. Auger (Pierre) :
Éventuellement, mais, mettons que… regardez-moi mon visage, là, puis regardez
mes cheveux, mettons que je suis un peu, un peu sur… pas loin de la retraite,
là. Mais, ça m'intéresserait beaucoup de participer à ça, mais je ne suis pas
sûr que je vais être capable.
M. Leduc : Est-ce qu'on est
en… Est-ce qu'on a raison de penser que l'éventuel comité qui va être formé va
arriver à une conclusion qui faut rajouter la maladie de Parkinson? Est-ce que
c'est à peu près impossible que ce soit autre chose que cette conclusion-là qui
arrive au comité scientifique?
M. Auger (Pierre) : Moi, à
partir de la littérature qu'on a là, moi, c'est clair parce que l'INSERM, quand
ils se prononcent là-dessus, là, ils disent que le lien est…
M. Leduc : Il faut bien parler
dans le micro, M. Auger, sinon on ne vous entend pas.
M. Auger (Pierre) : …bien,
ils disent dans ce tableau-là que la présomption est forte…
M. Auger (Pierre) : …de la
littérature qu'on a là, moi, c'est clair parce que l'INSERM, quand ils se
prononcent là-dessus, là, ils disent que le lien est…
M. Leduc : Il faut bien parler
dans le micro, M. Auger, sinon on ne vous entend pas.
M. Auger (Pierre) : …bien,
ils disent, dans ce tableau-là, que la présomption est forte. Puis ils ont révisé
toute une série d'études, là, sur toutes les autres pathologies, et ils en
arrivent à des conclusions, plus… disons : Tu sais, là, on n'est pas sûr
puis c'est parce que… tandis que celle-là, pour eux autres c'est, la
présomption est très forte, là, tu sais. Un peu dans le même langage que Dr Guy
Doti, là, tu sais, pour eux autres, la présomption est forte là. Puis là, bien,
effectivement, il y a toujours… tu sais, moi, je peux juste vous parler
rapidement de mon expérience. Quand j'ai commencé ma carrière, j'ai rencontré
des travailleurs qui étaient exposés aux solvants des pintes, qui développaient
une encéphalopathie, là. O.K., des problèmes de mémoire, de concentration, de
fatigue, etc., etc. Puis le seul pays qui le reconnaissait, c'était la Suède… comme
là, d'ailleurs, aujourd'hui aussi, la Suède reconnaît la maladie de Parkinson
et les pesticides. Et puis, au début, je veux dire, ça l'a été une bataille,
là, ça a pris 10-15 ans avant que… finalement, aujourd'hui c'est reconnu là.
Là, c'est reconnu à la CNESST, mais, à l'époque, ça ne l'était pas, là. Tu
sais, puis on n'a beau écrire : Pierre Auger, spécialiste en médecine du
travail, faut répondre : Non, ce n'est pas inscrit dans la loi, pas
inscrite dans la loi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je vous remercie. C'est tout le temps que nous avons. Merci.
Nous poursuivons avec le député de
Bonaventure, vous avez 2 min 45 s.
• (16 h 20) •
M. Roy (Bonaventure)
:
C'est trop court. Bonjour, M. Rigal, et M. Auger. Écoutez, la commission sur
les pesticides, là, ce que vous dites c'était tout un comité scientifique, on
en a vu des études puis des mémoires qui sont venus nous présenter là-dedans.
Je vais vous citer l'utilisation des pesticides pour l'environnement et la
santé humaine, je ne reviendrai pas sur tout ça, là. Et c'est sûr qu'on a été
en Europe puis, où on nous a dit que le Canada faisait partie des cheerleaders
de la promotion des pesticides, ça fait que ça vous donne un peu
l'interprétation qu'ils ont de nos pratiques, fin de la parenthèse. Moi, là,
très clair. Quelles différences existe entre les énoncés scientifiques qui ont
reconnu le cancer chez les pompiers et les énoncés scientifiques qui démontrent
un lien de causalité entre l'utilisation des pesticides puis les différentes
maladies que vous avez citées?
M. Rigal (Romain) : Aucun. Le
Dr Guy Doti utilise les mêmes outils des études épidémiologiques, des études de
toxicologie pour établir ce lien de causalité. Une fois que ce lien de
causalité est établi, c'est ainsi qu'on peut établir la présomption. Ce qui est
intéressant, c'est de regarder ensuite la magnitude, c'est-à-dire la force de
l'association qui existe entre le développement de maladies et l'exposition à
l'amiante, par exemple, dans le cas des pompiers et les pesticides chez les
agriculteurs. Il se trouve que cette force d'association est très forte chez
les agriculteurs exposés aux pesticides…
M. Rigal (Romain) : …entre le
développement de maladies et l'exposition à l'amiante, par exemple, dans le cas
des pompiers, et les pesticides chez les agriculteurs. Il se trouve que cette
force d'association est très forte chez les agriculteurs exposés aux
pesticides.
M. Roy (Bonaventure)
:
Donc l'énoncé scientifique est valide. On retourne, même si le ministre, en
tout respect, nous a dit qu'il n'était pas scientifique… on est près d'une
décision politique, dans ce cas-là.
M. Rigal (Romain) : Je vous
dirais, je pense que, avec tout le respect que je lui dois, notre premier
ministre n'est pas un scientifique. Il écoute, tous les jours, dans cette
situation, les conseils du Dr Arruda. C'est le principe de notre
démocratie, aujourd'hui.
M. Roy (Bonaventure)
:
Absolument.
M. Rigal (Romain) : Nous vous
faisons confiance en tant qu'élus, vous faites confiance aux scientifiques. Si,
aujourd'hui, nos institutions scientifiques produisent de la mauvaise qualité
ou que vous n'avez pas confiance dans ces institutions, comment nos élus
peuvent avoir confiance en vous? C'est une chaîne de confiance.
M. Roy (Bonaventure)
:
Message reçu. Merci beaucoup, M. Rigal et M. Auger.
Est-ce qu'il me restait du temps, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Non. Trois secondes. C'est tout.
M. Roy (Bonaventure)
:
À bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui. Alors, je vous remercie, M. Rigal, M. Auger, pour votre
contribution vraiment touchante, hein, aux travaux de la commission actuelle.
Merci beaucoup. Nous suspendons les travaux quelques instants pour donner la
chance au prochain groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 27)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, je vous souhaite effectivement la bienvenue, aux représentantes
de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des
services sociaux. Je vous rappelle, mesdames, que vous avez 10 minutes pour
votre présentation et, avant de commencer votre exposé, vous pouvez vous
présenter, vous nommer.
Mme Poirier (Andrée) : Alors,
Andrée Poirier, présidente de l'Alliance du personnel et technique du réseau de
la santé et des services sociaux, l'APTS.
Mme Schmidt (Chantal) :
Chantal Schmidt, à la coordination de la santé et sécurité au travail à l'APTS.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé. Merci.
Mme Poirier (Andrée) : Mme la
Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. L'Alliance du personnel
professionnel et technique de la santé et des services sociaux, l'APTS,
représente 60 000 personnes, professionnelles et techniciennes, des
femmes, à 86 %, qui pratiquent exclusivement dans la grande majorité des
établissements du réseau public québécois de la santé et des services sociaux,
au sein de missions variées : centres hospitaliers, CLSC, CHSLD,
laboratoires, centres jeunesse et centres de réadaptation, pour n'en nommer que
quelques-unes. Ces hommes et ces femmes occupent une centaine de titres
d'emplois différents, dans les services diagnostics, les services
psychosociaux, la nutrition, la réadaptation, la prévention et le soutien
clinique. Cette diversité se retrouve aussi en ce qui concerne les conditions
de travail de nos membres, et les risques présents dans leur milieu. Notre
organisation syndicale est très préoccupée par la situation des femmes au
travail et par toute condition affectant leur santé et leur sécurité. C'est en
portant la voix de cet effectif, majoritairement féminin, et dont les milieux
de travail sont très diversifiés, que nous nous adressons aujourd'hui aux
membres de la Commission de l'économie et du travail, pour livrer un message
clair sur le projet de loi no° 59. Sans un véritable accès aux mécanismes de
prévention, et sans des conditions favorisant la participation des travailleurs
et des travailleuses à l'effort de la prévention, nous ne pourrons pas
atteindre l'objectif de la Loi de la santé et sécurité du travail, soit
l'élimination des dangers à la source. Le projet de loi risque également de
réduire considérablement les droits des victimes de lésions professionnelles,
en modifiant de façon importante la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles.
• (16 h 30) •
Les quelques avancées permises ne
compensent malheureusement pas les importants reculs qu'apporte cette réforme.
L'APTS dénonce l'un des éléments les plus pernicieux du projet de loi, à savoir
que les personnes non syndiquées n'auront pas accès à une véritable application
de mécanismes de prévention, en plus de voir leurs droits affaiblis par cette
réforme. En ce qui…
16 h 30 (version révisée)
Mme Schmidt (Chantal) : ...et,
même si vous me répondez que vous proposez un plan de prévention
multiétablissements, il va y avoir des modifications tout à fait particulières
à faire pour le réseau de la santé.
Autre élément fondamental, M. le ministre.
Nous, là, à l'APTS, on adhère à l'article 2 de la loi. Cet article 2 là, il dit
quoi? Il dit le but de la loi, l'objet de la loi, qui est l'élimination du
danger à la source, mais il ajoute quelque chose de déterminant pour nous, il
ajoute qu'on ne pourra pas faire ça si on n'établit pas des mécanismes de
participation. Pour établir des mécanismes de participation, il faut une
véritable implication, il faut une véritable... il faut de véritables instances
où le paritarisme va être au rendez-vous, où les gens qui sont aux prises avec
des problèmes de santé au travail auront l'occasion donc de les adresser.
Les cotations faibles, dans le projet de
loi, semblent reléguées, là. On semble dire ce que, nous, on en comprend,
particulièrement par rapport à l'article 33... excusez, 3 de la réglementation,
c'est que les établissements qui, c'est ça, sont cotés faibles n'auront pas
accès aux mécanismes, là, de prévention. Et, dans l'analyse article par
article, on pourra le regarder, mais on peut dès aujourd'hui vous dire que le
principal message qu'on vous livre, c'est qu'au-delà des avancées que vous nous
présentez par le biais de la réglementation, ça atténue grandement notre
satisfaction par rapport à... aux avancées.
M. Boulet : ...Schmidt, en
même temps, soyons concret. Quand vous référez aux mécanismes de prévention et
de participation des travailleurs, les hôpitaux, ils ont tous en haut de 20
salariés au Québec. Il n'y en a pas dans le niveau faible. Puis, dans les 12
sous-secteurs, il y en a six qui sont dans les niveaux de risque moyens ou
élevés. Et dans les hôpitaux, en haut de 20, ils sont soumis aux mécanismes de
prévention et de participation des travailleurs, puis, en bas de 20, quand
c'est en milieu syndiqué, si c'est requis, il y en aura, des comités de santé
et des représentants en santé-sécurité, il y en a dans des environnements
syndiqués, mais il n'y en a pas, d'environnements non syndiqués dans le milieu
hospitalier, ou à peu près pas.
Ce qui est intéressant... Puis, moi, je
vous écoute, là, parce que je veux m'assurer de bien comprendre. Dans la
détermination des niveaux de risque, c'est sûr qu'on pourrait fragmenter, parce
que tout à l'heure je disais : la fréquence, la gravité des lésions, les
déboursés, il y a la masse salariale. C'est sûr qu'on pourrait diviser un
centre hospitalier par étages ou on pourrait dire... Parce que dans la masse
salariale, Mme Schmidt, vous savez, il y a beaucoup d'employés de gestion, des
gens qui travaillent dans le bureau, et le niveau de risque n'est pas le même
que ceux qui dispensent des soins. Est-ce qu'il faudrait, à la limite,
ultimement fragmenter? Bon. Il y a des raisons pratiques. Ce qui est important,
c'est de s'assurer que les...
17 h (version non révisée)
M. Derraji : …recommander que
des effectifs additionnels soient accordés à la CNESST. Je vous l'accorde parce
que, moi aussi, je vois que la CNESST, avec le projet de loi, il va y avoir
beaucoup, beaucoup de choses sur la table à dessin de cet organisme. Donc, vous
avez dit, pour qu'elle assume de façon proactive son rôle d'inspection,
prévention, là, là, maintenant, je vais vraiment revenir sur l'aspect
inspection-prévention, et qu'elle rende publics ses avis de correction.
Éclairez-nous : Comment vous êtes rendues à cette conclusion? Est-ce que
vous avez vécu des situations où vous dites aujourd'hui : Attention, là,
j'arrive à une commission parlementaire qui va ouvrir le débat sur la CNESST,
je dois leur dire «Faites attention par rapport aux pouvoirs accordés à la CNESST.»
Point 1.
Point 2, vous insistez sur l'inspection et
la prévention. Alors, mesdames, éclairez-nous.
Mme Schmidt (Chantal) : Oui,
je vais y aller… En fait, je ne sais pas si je vais être aussi enthousiaste que
vous dans ma réponse, je le souhaite, mais…
M. Derraji : Soyez-le,
soyez-le à votre manière, madame. Soyez-le à votre manière.
Mme Schmidt (Chantal) : Tout
à fait. Alors, permettez-moi de vous dire que cette recommandation-là, elle est
basée sur un constat très, très, très pratique. Pour qu'il y ait des
avancements dans les milieux, quant à l'application de mesures préventives, ou
pour corriger des situations qui sont anormales et qui sont irrespectueuses ou
pas conformes à la réglementation en matière de santé et sécurité, il est fréquent
qu'on utilise, qu'on ait recours aux inspecteurs. Qui plus est, au cours des
dernières années, l'APTS, mais bon nombre d'autres organisations syndicales, on
a rencontré la CNESST. On leur a dit qu'en raison des enjeux et de la crise qui
sévit dans le réseau de la santé, il faut avoir une inspection proactive, au
sens où on ne veut pas seulement des avis pour corriger des irrégularités, on
veut une CNESST en prévention, qui fait une job en reddition de comptes. On
veut une CNESST qui va aller dans les milieux de travail, et qui va s'assurer
que l'employeur applique des mesures de prévention, se dote de plans d'action
en milieu de travail. Pour faire ça, c'est clair que, dans la mesure où les
mécanismes de prévention s'appliquent plus largement dans la population active
au Québec, qu'il va falloir une augmentation des effectifs au niveau de la
prévention.
M. Derraji : …
Mme Poirier (Andrée) : …je
rajouterais, aussi, et je le disais en conclusion de ma présentation, tantôt,
l'inspection préventive, elle est… elle permet d'agir sur ce qui est évitable.
Donc, c'est important, c'est extrêmement important. L'inspection préventive le
dit, ça va prévenir, prévenir ce qui pourrait… ce qui peut être évité, et c'est
important d'ajouter des effectifs à ce niveau.
M. Derraji : Mesdames, j'ai
toujours l'habitude avec M. le ministre d'annoncer mes couleurs et… attendez,
il y a un problème technique. Il me dit «redémarrer l'ordinateur», donc je vais
juste fermer une fenêtre, désolé, pour ne pas vous perdre. Et je tiens juste à
annoncer quelque chose très important, parce que ce point que vous soulevez,
mesdames, est très important par rapport à l'inspection mais surtout, surtout,
surtout la prévention. Parce que si on veut des milieux sécuritaires, il faut
aussi…
M. Derraji : …et… Attendez, il
y a un problème technique. Il me dit : Redémarrez l'ordinateur. Donc, je
vais juste fermer une fenêtre, désolé, pour ne pas vous perdre.
Et je tiens juste à annoncer quelque chose
très important parce que ce point, que vous soulevez mesdames, est très
important par rapport à l'inspection, mais surtout, surtout, surtout la
prévention. Parce que si on veut des milieux sécuritaires, il faut aussi que la
CNESST joue son rôle. Il doit jouer son rôle d'une manière importante parce
qu'au bout de la ligne, c'est… La première personne qui va bénéficier de ce
travail, c'est la CNESST. Continuons, donc, toujours le même angle de la
CNESST. Vous recommandez que le gouvernement ne donne pas plus de pouvoir
réglementaire à la CNESST et que la liste des maladies professionnelles demeure
dans la loi, la LATMP et qu'elle soit mise à jour à chaque cinq ans. Donc,
recommandez-vous de transposer la nouvelle liste avec ces conditions
d'admissibilité dans la loi ou garder en mettant à jour la liste actuelle?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste une minute pour répondre à la question.
Mme Schmidt (Chantal) : On
veut une liste de maladies du travail dans la loi, donc, l'abolition de l'annexe 1.
Actuellement, ce qu'on regrette avec cette annexe-là, c'est que de 1985 à
maintenant, elle n'a pas été mise à jour. Si elle avait été mise à jour, on
aurait eu peut-être des recommandations différentes à vous soumettre.
Maintenant, la nouvelle annexe impose des conditions pour faire établir… d'une
présomption, pour faire établir le lien causal entre les critères imposés dans
l'annexe et la maladie qu'on a. Donc, l'application de la présomption, celle
prévue à l'article 29, dépend de diagnostics, de critères et de d'autres conditions.
Et ça, ça va être déterminé par la CNESST par règlement, et elle pourra changer
les conditions. Et, donc, dans l'état actuel des choses, pour nous, ça va avoir
des répercussions parce que, notamment, sur la question des troubles
musculosquelettiques, ce qu'on y ajoute va probablement constituer un frein
important pour la reconnaissance de lésions professionnelles chez nos membres.
On est dans un contexte où on veut
moderniser, alors, comme on se serait attendus de l'action législative actuelle
qu'elle tienne davantage compte de maladies qui sont déjà reconnues des
organismes comme l'OIT. On se serait attendus de reconnaissance de maladies
professionnelles avec des conditions d'application qui sont tellement
exigeantes à rencontrer, donc, que bon nombre de personnes qui en souffrent ne
pourront pas y avoir accès, et, ça, c'est désolant, c'est désolant.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est tout le moment que nous avons. Je vous remercie.
M. Derraji : Je vous remercie,
mesdames, et surtout sur ce dernier point, s'il vous plaît, si vous avez de
l'information, essayez de nous le… de le partagez ces informations et avec les
membres de la commission comme complément d'information. Merci beaucoup à vous
deux.
Une voix
: Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…tout le moment que nous avons. Je vous remercie.
M. Derraji : Je vous remercie,
mesdames, et surtout sur ce dernier point, s'il vous plaît, si vous avez de
l'information, essayez de nous le… de le partager ces informations et avec les
membres de la commission comme complément d'information. Merci beaucoup à vous
deux.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez
2 minutes 45 secondes.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Poirier, Mme Schmidt, toujours content de
vous voir. Je veux continuer la discussion sur les catégories qui, moi, m'ont
semblé pas particulièrement bien attachées, bien ficelées, puis vous avez
rajouté des couches de critique à ces catégories-là en début d'exposé puis
surtout dans votre entretien avec le ministre. Rendu où on en est, bientôt, on
va être convoqué en étude détaillée, il va falloir travailler, là, dans la… sur
la mécanique.
Est-ce que, considérant le… la…
l'échafaudage chambranlant de ces catégories-là, rendu où on en est, est-ce que
c'est encore récupérable ou on est mieux de tout retirer ça et de recommencer
une autre façon ou de, carrément, ne pas avoir de catégories de risque et de
seulement avoir la discrimination du, plus au moins, 20 employés?
Mme Schmidt (Chantal) : Nous,
on demande le retrait de cette catégorisation-là. Notre expérience, nous, on
offre des services à nos membres en santé, sécurité au travail, c'est porteur
d'enseignement puis ce qu'on sait, là, c'est que dans le réseau de la santé,
nos membres savent c'est où que ça craque. Nos membres, ils savent c'est où
qu'il faut intervenir. Nos membres, ils savent que dans certains milieux de
travail, il faut se mobiliser puis déployer des mesures préventives pour
contrer la violence. Nos membres savent qu'on a besoin de prioriser les mesures
préventives puis travailler sur la question de la surcharge de travail et les
risques psychosociaux.
Alors, la priorisation, pourquoi ne
viendrait-elle pas de ceux qui sont concernés par les problèmes de santé au
travail? C'est ça qu'on met en lumière et donc, on oppose à cette… partie-là, à
cette… à ce règlement-là le principe que, dans la mesure où on a des instances
paritaires, les membres qui sont formés là-dessus puis qui ont l'expérience du
milieu devraient eux-mêmes prioriser les risques. On n'a pas de besoin d'un
règlement pour ça. C'est essentiellement le message qu'on vous livre.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Il reste 40 secondes.
M. Leduc : Ah, bien, là, je
vais en profiter. Est-ce que j'ai raison de penser que dans l'analyse qui a été
faite du ministre, il a voulu faire un espèce de donnant, donnant en
disant : Je vais essayer de donner un peu plus en prévention, même si ça
peut être des demi-mesures à cause des catégories de risque, mais je vais
retirer un peu en indemnisation pour peut-être plus satisfaire le patronat.
Est-ce que c'est le genre d'échange auquel on a assisté avec le projet de loi?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
15 secondes.
Mme Poirier (Andrée) : Je
pense que, d'entrée de jeu, on est tous à la même place pour le principe de
base d'ajouter de la prévention. Là où on ne s'entend pas et où le bât blesse,
c'est quelle portée on va donner à la prévention, quel mécanisme qu'on va
mettre de l'avant et comment on va adapter la prévention dans le réseau de la
santé et des services sociaux pour les membres professionnels et techniques. On
le sait…
Mme Poirier (Andrée) : …pour
le principe de base, d'ajouter de la prévention là où on ne s'entend pas, et où
le bât blesse, c'est quelle… de portée on va donner à la prévention? Quel
mécanisme qu'on va mettre de l'avant? Et comment on va adapter la prévention
dans le réseau de la santé et des services sociaux pour les membres professionnels
et techniques? On le sait, ils ont besoin de pouvoir travailler dans un milieu
sain et sécuritaire pour offrir des services à la population. Alors, c'est
clair que c'est dans la mécanique qu'il faudra avoir d'autres discussions.
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci beaucoup.
Alors, nous laissons maintenant la parole
au député de Bonaventure, 2 min 45 s.
• (17 h 10) •
M. Roy
(Bonaventure): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Poirier
et Schmidt. Bien, écoutez. Il y a beaucoup de choses, là. Je pense qu'on a un
travail colossal de persuasion à faire auprès du ministre pour essayer de
rectifier les choses. J'admire que vous souligniez fortement qu'il faut
augmenter les effectifs au niveau de la prévention. Une statistique, au Québec,
on a, à peu près, 200 000 accidentés du travail par année puis les
chiffres sont en augmentation depuis 50 ans, par rapport à la SAAQ qui a
40 000 accidentés, donc on a beaucoup de travail en prévention à
faire. Dans un contexte où on veut essayer de tasser le directeur de la santé
publique ou la santé publique dans la prévention. Je pense que, ça, c'est un
enjeu extrêmement important. Il y a aussi le fait que, bon, on a une forme de
discrimination sexuée dans l'évaluation des conditions de travail et du niveau
de risque, c'est un autre enjeu que mes collègues ont parlé. Sauf que
j'aimerais vous entendre parler du plan du multiétablissement. Je sais que vous
pourriez intervenir sur le directeur de la santé publique, mais ça, c'est…
écoutez, moi, je regarde le site de la Gaspésie, là, pouvez-vous me dire
qu'est-ce que ça représente concrètement en termes de comité qui serait
implanté? Et des dangers que cela peut laisser planer.
Mme Schmidt
(Chantal) : Bien, nous là, quand on a subi, je dis subi la
restructuration en CI puis en CUSSS, les comités de santé qui sont issus,
actuellement, de nos conventions collectives ont dû revivre, renaître. Alors,
la santé et la sécurité, la prévention, on la fait en grand village, parce que…
mais on peut avoir 12 000, 15 000 salariés par CI. L'expérience des
CI dénote qu'à vouloir regrouper, hein, on perd la proximité rendue nécessaire
quand on fait de la prévention au travail.
Nous, ce qu'on veut
mettre en lumière, avec vous, sur ce qui est de l'aspect multiétablissement,
c'est que le multiétablissement, il est une solution qui peut, pour
l'employeur, constituer une économie de libérer moins de monde, etc., mais qui
va faire les frais d'une action préventive efficace, parce qu'on va toujours
choisir des solutions macroscopiques, on n'identifiera pas par établissement.
Les problèmes, et
ça, ça va avoir un impact, le même impact qu'on vit actuellement. On a de la
misère à travailler en prévention dans nos milieux de travail parce qu'on a des
grosses structures, tout le monde à toute sorte d'intérêt, et il y a beaucoup
de régions…
Mme Schmidt (Chantal) :
…macroscopique. On n'identifiera pas par établissement. Les problèmes… Et ça,
ça va avoir un impact, le même impact qu'on vit actuellement. On a de la misère
à travailler en prévention dans nos milieux de travail parce qu'on a des
grosses structures, tout le monde a toutes sortes d'intérêts. Et il y a
beaucoup de raisons qui expliquent que plus on grossit, plus on s'éloigne des
intérêts, donc, et des mesures précises qui vont modifier les situations à
l'origine du problème avec la prévention. Il y a cet…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on s'excuse, le temps alloué est terminé.
M. Roy (Bonaventure)
:
Merci beaucoup, mesdames.
Mme Schmidt (Chantal) : Je
vous en prie. Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Poirier, ainsi que Mme Schmidt, pour votre
contribution aux travaux de la commission. Nous allons suspendre quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 19)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Bonjour, Mme Cox, Mme Rachel Cox. Je vous souhaite la
bienvenue. Je vous invite à commencer votre exposé mais, avant, de bien prendre
le temps de vous présenter, et ensuite vous pourrez poursuivre avec votre
exposé.
Mme Cox (Rachel) : D'accord.
Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Rachel Cox. Je suis professeure au
département des Sciences juridiques de l'UQAM. Alors, bonsoir, MM. les
ministres. Bonsoir, les membres de la commission. Merci de votre invitation.
Consciente que vous avec eu une longue journée, dont j'ai partagé un peu avec
vous. Je vous remercie de votre écoute ce soir. Je suis ici pour présenter, à
titre de chercheure principale, dans un projet de recherche en partenariat mené
par les services aux collectivités de l'UQAM, sur les obligations des milieux
de travail en matière de violence conjugale, donc, sur une dimension spécifique
du projet de loi no° 59. Si… et d'autres aspects du
projet de loi no° 59 peuvent faire l'objet de divergences. À mon sens, la
question de la violence conjugale en est une qui appelle à une approche
transpartisane. Je salue à ce sujet l'important travail fait par le comité
transpartisan sur l'accompagnement des victimes d'agressions à caractère sexuel
et des victimes de violence conjugale. Le rapport de leur comité d'experts
salue d'ailleurs la modification proposée par le projet de loi no° 59 en
matière de violence conjugale. Donc, je vous…
Mme Cox (Rachel) : ...et l'important
travail fait par le comité transpartisan sur l'accompagnement des victimes
d'agressions à caractère sexuel et des victimes de violence conjugale. Le
rapport de notre comité d'experts salue d'ailleurs la modification proposée par
le projet de loi n° 59 en matière de violence
conjugale. Donc, je vous invite à considérer cette disposition comme étant le
prolongement d'une démarche transpartisane en matière de violence conjugale
pour mieux coordonner, mieux articuler nos politiques publiques en la matière.
Alors, la violence conjugale, enfin, de la
prévention, du soutien en droit du travail, par exemple, le deux jours de congé
rémunéré prévu par la Loi sur les normes du travail, c'est important, mais on
est rendus à un stade où il faut véritablement prévenir la violence conjugale.
Et donc cela inclut le fait de s'assurer qu'une victime de violence conjugale
est en sécurité alors qu'elle est au travail ou aux alentours. Donc, de
s'assurer qu'elle puisse conserver son emploi, si elle en a un, faire en sorte
que la travailleuse n'ait pas à choisir entre son travail et sa santé et sa
sécurité, qui est l'essence même de notre régime de prévention.
Je vais donc expliquer brièvement pourquoi
cette obligation proposée pour l'employeur en matière de violence conjugale est
importante, et ensuite, inviter le ministre à faire un pas de plus pour assurer
que le progrès proposé dans la loi se traduise par des progrès sur le terrain
pour les femmes victimes de violence conjugale.
D'abord, la mesure proposée, l'obligation
de protection pour l'employeur en matière de violence conjugale, est une mesure
qui est déjà en vigueur dans plusieurs provinces canadiennes et, depuis le
début de l'année, en droit fédéral. En Ontario et en Alberta, c'est la mort
d'une femme assassinée sur les lieux de travail qui a mené à l'adoption de la législation,
et ce, suite au constat des coroners que les décès en question étaient à la
fois prévisibles ou évitables. Donc, je félicite le ministre de vouloir agir en
prévention avant que de tels meurtres se produisent sur les lieux de travail au
Québec.
En même temps, ces deux exemples tristes,
et troublants surtout, illustrent pourquoi c'est important pour l'employeur
d'avoir des responsabilités en matière de violence conjugale. Pourquoi? Parce
que, lorsqu'une femme est au travail, c'est facile, pour l'auteur des
violences, de la localiser. Elle peut peut-être se réfugier dans une maison d'hébergement,
mais tôt ou tard, elle retournera à son lieu de travail, et c'est là qu'elle
est vulnérable, qu'elle peut être retrouvée. Donc, si la violence conjugale
suit une femme jusqu'à son travail, et l'employeur n'est pas en mesure de
contrôler le risque pour elle, il doit le faire. C'est ça, le sens de la
modification proposée.
Maintenant, un pas de plus, oui, pourquoi?
Parce qu'il faut dépasser le stade des déclarations symboliques et faire en
sorte que les choses changent dans les milieux de travail, dans chaque milieu
de travail, et c'est pour ça que nous recommandons une obligation, pour les
employeurs, d'adopter une politique de prévention en matière de violence
conjugale, le but étant...
Mme Cox (Rachel) : ...parce
qu'il faut dépasser le stade des déclarations symboliques et faire en sorte que
les choses changent dans les milieux de travail, dans chaque milieu de travail,
et c'est pour ça que nous recommandons pour les employeurs d'adopter une
politique de prévention en matière de violence conjugale, le but étant
d'outiller les milieux de travail pour qu'ils entament une véritable discussion
sur la violence conjugale, que tous les acteurs dans les milieux de travail
soient sensibilisés, qu'on assure que les conditions sont propices à un
signalement et, en cas de signalement, que la réponse du milieu de travail, de
l'employeur soit appropriée et efficace.
Les milieux de travail ont un rôle précis
à jouer, un rôle de sentinelle, un rôle de soutien et un rôle de référencement
vers les ressources externes, comme les CAVAC, les maisons d'hébergement puis
les centres de femmes. Est-ce que c'est compliqué avoir une politique de
prévention en matière de violence conjugale? Est-ce que c'est lourd? Je ne
crois pas. Les partenaires à mon projet de recherche ont d'ailleurs déjà
produit une trousse d'information, qui est déjà disponible en ligne sur ce
sujet.
Maintenant, pourquoi il faut avoir une politique
modèle en matière de prévention de la violence conjugale? Parce qu'il y a deux
éléments qui sont incontournables dans n'importe quelle politique de
prévention. Premièrement, la reconnaissance du droit au respect de la vie
privée d'une travailleuse victime de violence conjugale. Dernièrement, il a été
question que l'employeur puisse contraindre un signalement ou obliger une
déclaration quant à son statut vis-à-vis la violence conjugale. J'aimerais que
le ministre nous rassure à ce sujet car une telle opportunité pour l'employeur
n'est pas du tout appropriée, selon moi. Donc, premier élément, droit au
respect de la vie privée et garantie de la confidentialité d'un signalement, le
cas échéant, que des personnes qui doivent le savoir pour protéger la
travailleuse soient les seuls à savoir qu'elle a fait une telle déclaration.
Deuxième élément incontournable, la
référence à des ressources externes spécialisées en matière de violence
conjugale. Ces ressources ont un rôle à jouer en dehors de tout signalement,
dont de sensibilisation dans le milieu de travail, s'assurer que le milieu de
travail est capable de jouer son rôle de pivot vers les ressources externes,
informer les acteurs dans les milieux de travail des signes à reconnaître pour
savoir si une collègue est victime de violence conjugale certes, mais aussi
informer sur la complexité de la violence conjugale. Pourquoi il peut être si
difficile pour quelqu'un de mettre fin à une relation abusive? Donc, comment
adopter une attitude ouverte, respectueuse de la personne victime.
Et, en cas de signalement, évidemment, il
y a un rôle crucial pour les ressources externes. Selon la littérature
scientifique, lorsqu'il y a intrusion de la violence conjugale au travail,
c'est un signe d'escalade de la violence, un signe parfois de danger imminent,
et donc il faut s'assurer qu'une évaluation du risque pour la travailleuse est
faite par les personnes appropriées, des personnes bien...
Mme Cox (Rachel) : ...selon la
littérature scientifique, lorsqu'il y a intrusion de la violence conjugale au
travail, c'est un fléau d'escalade de la violence, un signe parfois de danger
imminent, et donc il faut s'assurer qu'une évaluation du risque pour la
travailleuse est faite par les personnes appropriées, des personnes bien
formées à ce sujet. Et on parle donc encore une fois des CAVAC, des maisons
d'hébergement de centre de femmes, que s'il n'y a personne là, dans un centre
de femmes, formé pour le faire, ils vont pouvoir quand même référer vers
d'autres ressources.
Donc, une fois l'évaluation du risque
faite, un plan de sécurité individuel, et c'est là que l'employeur peut
collaborer, doit collaborer à la mise en oeuvre de ce tel plan de sécurité et
jouer son rôle de soutien... s'il y a des mesures spécifiques à prendre en
mesure de violence conjugale, il faut aussi une certaine intégration au régime
général de prévention. Exemple, si un des partis dans les milieux de travail
vont évaluer les risques de violence, bien, qu'on tienne compte en même temps
des risques de violence conjugale. Ça peut impliquer quoi? Ça peut impliquer, par
exemple, une politique de... un plan de contrôle des allées et venues sur les
lieux de travail. Ça peut être utile pour prévenir le risque de plusieurs types
de violences, quels sont les... etc.
Deuxièmement, si une personne flâne dans
le milieu de travail, ça peut poser un risque de violence de toutes sortes de
nature, mais y compris en violence conjugale. Donc, une avenue à regarder,
c'est d'avoir une politique qui interdit aux membres adultes de la famille de
flâner sur les lieux de travail, donc permettre à l'employeur de demander au
conjoint qui attend toujours à la sortie de ne plus faire ça, et ce avant même
que la travailleuse affectée soit en mesure... ou désire faire un signalement.
Donc, dans les milieux de travail non
syndiqués, les petites et moyennes entreprises, on souhaiterait que la CNESST
fasse preuve de leadership dans la production de politique modèle qui intègre
ces deux éléments incontournables. Dans les milieux de travail syndiqués ou
encore la démarche en matière de santé et sécurité du travail... une telle
politique doit être élaborée avec la collaboration des travailleuses, des
travailleurs et leur syndicat...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion. Il vous reste 30 secondes.
Mme Cox (Rachel) : En
conclusion. Un excellent premier pas pour s'assurer qu'on dépense les
déclarations symboliques et provoque de réels changements dans les milieux de
travail, nous invitons le ministre à reconnaître l'obligation pour les
employeurs d'adopter une politique de prévention de la violence conjugale.
Merci de votre écoute.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc la période d'échange avec M.
le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
• (17 h 30) •
M. Boulet : ...la Présidente.
Merci, Mme Cox. Je pense qu'on s'était rencontrés à un congrès, même, des
conseillers en ressources humaines agréés, puis vous m'aviez fait part de votre
préoccupation. Puis, évidemment, j'ai déjà lu des articles que vous avez...
17 h 30 (version non révisée)
M.
Boulet : …la Présidente. Merci, Mme Cox. Je pense qu'on
s'était rencontrés à un congrès, même, des conseillers en ressources humaines
agréés, puis vous m'aviez fait part de votre préoccupation. Puis, évidemment,
j'ai déjà lu des articles que vous avez écrits sur la violence conjugale, et
moi, ça m'a toujours interpelé, parce que, comme vous savez, j'étais un
praticien, avant de faire de la politique, en relations de travail, et je
comprends très bien la réalité que vous exprimez.
Et merci de souligner que c'est un
excellent premier pas. Je sais qu'on était en retard, puis la violence
conjugale est peut-être un des symptômes qui démontre à quel point on était en
retard, dans notre régime de santé et sécurité du travail, au Québec… et donc,
de le confirmer dans la loi et de s'assurer que l'employeur intervienne, a une
obligation d'intervenir quand il sait ou il est raisonnablement en mesure de
savoir qu'un ou une travailleuse est victime de violence conjugale.
Maintenant, j'aimerais ça, un peu, parler
de l'obligation d'adopter la politique de prévention en matière de violence
conjugale. Je pense que c'est le pas additionnel que vous nous demandez de
faire. Un, bien sûr, moi, je m'appuie souvent sur l'article 51 de la loi
santé et sécurité, sur le Code civil du Québec, sur la Charte des droits et
libertés de la personne. Ces trois lois là prévoient une obligation, pour un
employeur, d'assurer un environnement de travail qui est sain, qui est
sécuritaire, qui est harmonieux et qui est exempt de tout risque pour la santé et
sécurité, intégrité physique ou psychologique des travailleurs.
J'aimerais juste… parce qu'évidemment,
vous cherchez, aussi, puis vous faites des comparatifs avec le reste du Canada.
Est-ce que vous avez quelques informations à partager avec nous sur l'expérience,
dans le reste du Canada, sur une quelconque obligation des employeurs d'adopter
des politiques en matière de prévention? En matière de violence conjugale, bien
sûr.
Mme
Cox (Rachel) : Oui. C'est sûr que, dans d'autres juridictions, une
telle obligation est reconnue. Il existe, bien sûr, des outils qui sont
produits par l'équivalent de la CNESST en la matière, des guides, des
directives pour les employeurs.
En Ontario, une telle obligation a été
votée dans la loi, mais le projet de loi n'a jamais reçu la sanction royale.
Pourtant, il y a eu un vote unanime à ce sujet-là. C'est en Ontario qu'il y a
la plus longue expérience avec une obligation reconnue depuis 2009, je
crois. En Colombie-Britannique, il y a une série de guides, de manuels, de directives.
Mais il faut aussi se garder d'importer le
modèle d'ailleurs parce que, par exemple, la force probante d'un règlement ou
de directives de l'équivalent de la CNESST va être différente, ici, au Québec.
Donc, plusieurs façons pour mettre en œuvre une telle…
Mme Cox (Rachel) :
…directives, mais il faut aussi se garder d'importer le modèle d'ailleurs parce
que, par exemple, la force probante d'un règlement ou d'une directive de
l'équivalent de la CNESST va être différente ici, au Québec. Donc, plusieurs
façons pour mettre en oeuvre une telle obligation, et je vous remercie de votre
intérêt pour la mise en oeuvre de la chose. Ça peut être à la fois l'adoption
d'une politique modèle par la CNESST sous forme de directive, sous forme de
guide, pour inciter les employeurs à respecter leur obligation de faire preuve
d'une diligence raisonnable, soit une obligation qui traverse la LSST. Ça peut
aussi être par voie réglementaire et, donc, de diriger des employeurs de façon
encore plus ferme vers l'adoption d'une telle politique. Il y a, tout comme en
matière d'harcèlement psychologique, un versant très positif pour l'employeur
parce que, en lui donnant les outils pour bien mettre en oeuvre, et en
spécifiant comment le faire, eh bien, on le guide vers le respect de son
obligation de diligence raisonnable, donc vers le respect de la LSST. Mais dans
les autres provinces, parfois, l'obligation de l'employeur se trouve même dans
un règlement plutôt que dans la loi, donc des modèles qui s'agencent, qui ne
s'importent pas directement d'ici. En droit fédéral, il y a déjà une obligation
pour l'employeur de procéder à une évaluation des risques de violence, dont le
risque de violence de tiers, dont les conjoints et les ex-conjoints violents,
par exemple. Donc, c'est en droit fédéral qu'il y a l'obligation la plus
explicite dans un règlement.
M. Boulet : Quand ça… juste
pour me rassurer, là, puis rassurer, par exemple, la communauté des employeurs
au Québec, qui pourraient avoir une certaine appréhension sur la façon
d'appliquer de telles politiques de prévention en matière de violence
conjugale, est-ce qu'on a un vécu ontarien, comment les employeurs respectent
le niveau, ou le pourcentage des employeurs qui ont adopté de telles
politiques? Est-ce qu'il y a de quoi qui pourrait nous inspirer, à cet
égard-là?
Mme Cox (Rachel) : Moi, j'ai
fait une recherche jurisprudentielle puis, à ce jour, je n'ai pas trouvé
d'employeur…
M. Boulet : O.K.
Mme Cox (Rachel) : … qui
était trouvé comme étant condamné, par exemple, à l'infraction pénale ou je ne
sais trop. Ce que j'ai, jusque là, ce sont des récits de comment ce n'est pas
tous les jours que l'employeur va recevoir un signalement, hein. On est à
l'étape d'une prise de conscience globale et, en cas de signalement, qu'est-ce
qui peut arriver, je sais qu'en Ontario, une difficulté qu'on m'a rapportée,
c'est le fait que, parfois, les ressources externes n'avaient pas été bien
identifiées, n'avaient pas été bien formées. Mes partenaires de recherche me
rassurent que les CAVAC, les maisons d'hébergement, les intervenantes sont
équipées pour faire l'évaluation du risque. Et je vous rappelle que le milieu
de travail ne doit pas régler tous les problèmes, mais simplement…
Mme Cox (Rachel) :
...ressources externes n'avaient pas été bien identifiées, n'avaient pas été
bien formées. Mes partenaires de recherche me rassurent que les CAVAC, les
maisons d'hébergement, les intervenantes sont équipés pour faire l'évaluation
du risque. Et je vous rappelle que le milieu de travail ne doit pas régler tous
les problèmes, mais simplement jouer le rôle de pivot vers les ressources
externes et ensuite offrir des mesures d'accommodements raisonnables pour
s'assurer que la travailleuse est en sécurité au travail. Donc, on ne parle pas
ici d'une politique de 40 pages, on parle ici de faire ce que plusieurs grands
employeurs et petits parfois aussi font déjà, c'est-à-dire, faire preuve de
diligence, protéger la travailleuse victime de violence conjugale.
M. Boulet : ...puis, Mme Cox,
j'ai une conviction intime que lutter contre les incidences de la violence
conjugale dans les lieux de travail, c'est un grand bénéfice pour la société
québécoise, et c'est à l'avantage aussi des employeurs d'avoir des
travailleurs, travailleuses en santé qui sont exempts de ce phénomène-là, qui
s'est même accentué, là, durant la pandémie, là, ce que plusieurs auteurs
confirment.
Je vais sauter sur l'occasion pour vous
rassurer, là, parce que vous me disiez, des fois, il y a des problématiques de
respect de la vie privée. Au Québec, vous le savez, on a une loi sur le respect
du droit à la vie privée qui s'applique dans le secteur privé puis on a une loi
sur l'accès aussi qui s'applique dans le secteur public, qui protège les
renseignements personnels ou ce qu'on appelle les renseignements nominatifs
dans la loi qui s'applique dans le secteur public. Puis ça, il va falloir
s'assurer... si on prend l'exemple d'une entreprise x dans le secteur privé au Québec,
il faut certainement s'assurer que ces lois-là sont scrupuleusement respectées.
Puis je pense que dans toute politique, même... Puis vous avez raison, ce n'est
pas des politiques de 52 pages, là, il y a des politiques en matière de
harcèlement psychologique qui ont quelques pages, et on confirme d'ailleurs
l'importance de la protection des renseignements personnels dans ces
politiques-là.
J'aime bien l'approche que vous soulevez,
que l'employeur serve de pivot, parce qu'effectivement on a un réseau partenarial,
au Québec, qui est extrêmement développé, là. Vous référez notamment aux CAVAC
puis aux maisons d'hébergement. On n'a pas tout le temps les ressources... on
n'a pas les ressources internes spécialisées, les ressources spécialisées
existent à l'externe, et c'est extrêmement important de le souligner.
Donc, puis vous dites... une autre
suggestion, puis j'exprime mon accord avec la suggestion que vous faites, que
la CNESST contribue à l'élaboration de politiques modèles avec la collaboration
des milieux de travail. Moi, je pense qu'il faut aller dans cette
direction-là...
M. Boulet : ...une autre suggestion...
Puis j'exprime mon accord avec la suggestion que vous faites que la CNESST
contribue à l'élaboration de politiques modèles avec la collaboration des milieux
de travail. Moi, je pense qu'il faut aller dans cette direction-là, Mme Cox.
C'est une excellente suggestion. Et on m'informait tout à l'heure qu'il y avait
une formation d'ailleurs, intitulée Violence et agression en milieu de travail,
qui est offerte aux inspecteurs depuis 2018, et cette formation-là, elle
pourrait être adaptée, avec la collaboration des milieux de travail, et de
développer une formation spécifique qui tient compte des nouvelles obligations en
matière de violence conjugale. Et on pourrait s'en inspirer certainement pour
contribuer à endiguer le mieux possible les répercussions, là, négatives de la violence
conjugale en milieu de travail.
• (17 h 40) •
J'aimerais ça que vous... Puis là je le
dis pour le bénéfice de tous les membres, là. Quand vous dites «les signes à
reconnaître» puis vous dites, à un moment donné, «les risques de violence
conjugale», peut-être que ça réfère au même élément, mais parlez-nous des
signes qui peuvent contribuer à aider un employeur à intervenir. Puis quand
vous parlez de risques, évidemment, on intègre les risques psychosociaux dans
notre projet de loi n° 59. Est-ce qu'il y a des
milieux de travail qui sont plus à risque que d'autres? Je vous laisse aller.
Mme Cox (Rachel) : D'accord.
Au plan des signes à reconnaître, et là encore, je ne fais que reproduire le
travail de mes partenaires, qui font mon éducation à ce sujet, on va... et
c'est d'ailleurs le résultat d'une étude pancanadienne... la manifestation la
plus fréquente sur les lieux de travail, c'est des appels et des textos
incessants de la part du conjoint qui exerce un contrôle coercitif. Ensuite, on
a le fait que le conjoint va passer souvent au bureau, attendre la victime dans
le stationnement, etc. La femme victime de violence conjugale ou toute personne
victime de violence conjugale va souvent arriver en retard. Pourquoi? Justement,
le travail étant la clé de l'autonomie financière. Et d'ailleurs, le «ailleurs»
de la personne victime, c'est là que le contrôle du conjoint va s'exercer, en
faisant en sorte qu'elle ne puisse pas dormir, qu'elle ne puisse pas se rendre
au travail, etc. Donc, retards fréquents, absences fréquentes.
Souvent, une femme va s'isoler du reste de
son équipe, se replier sur elle-même, va devoir décliner systématiquement les
invitations à des occasions sociales au travail, être anxieuse, aux aguets,
avoir un rendement diminué, être toujours sur ses gardes. Ce genre de signes
là, au-delà des manifestations de blessures physiques, sont les signes
avant-coureurs. Je sais que moi, dans les formations, on m'a raconté, une femme
qui arrive avec une blessure au travail et reçoit, par exemple, un énorme
bouquet de fleurs de son conjoint sans qu'il y ait d'occasion particulière,
donc le cycle de tenter de se racheter après un...
Mme Cox (Rachel) :
...manifestations de blessures physiques, sont les signes avant-coureurs. Je
sais que, moi, dans les formations, on m'a raconté une femme qui arrive avec une
blessure au travail et reçoive par exemple un énorme bouquet de fleurs de son
conjoint sans qu'il y ait d'occasion particulière. Donc, le cycle de tenter de
se racheter après un épisode de violence se manifeste ainsi. Souvent, ce sont
les collègues qui vont remarquer... Une femme victime de violence conjugale va
souvent s'isoler de sa famille et de ses amis, mais elle continue à aller au
travail. Donc, les collègues sont dans une position privilégiée pour remarquer
que quelqu'un est victime de violence conjugale, d'où l'importance du rôle des
collègues, du rôle du syndicat, s'il y en a un, parce que c'est eux qui vont
souvent recevoir un signalement en premier, d'où l'importance d'une prise en
charge paritaire dans les milieux de travail, où il y a collaboration, il y a
énumération de tout ce qui peut être fait, une compréhension commune du rôle du
milieu de travail, et c'est là aussi qu'on va voir un changement plus diffus où
l'acceptabilité sociale du contrôle coercitif exercé dans une relation intime
diminue.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
M. Boulet : Oui, sur le
premier volet. Sur le deuxième volet, Mme Cox, est-ce qu'il y a des
environnements de travail qu'on est capable de dire : Le niveau de risque
est plus élevé? Parce que, bon, vous savez, on parle beaucoup de prévention,
participation des travailleurs, puis, dans le programme de prévention, on doit
identifier les risques pour bien les contrôler et bien les éliminer. Est-ce
que, quand on parle de risques psychosociaux, est-ce qu'il y a des signes
précurseurs ou des environnements de travail qui sont plus propices à ça?
Qu'est-ce que vous me... Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En deux minutes, Mme Cox, il ne reste que deux minutes.
Mme Cox (Rachel) : Donc, à ma
connaissance, non. Le facteur de risque, c'est d'être femme, et donc le risque
existe dans tous les milieux de travail. Là où il va y avoir concentration de
femmes, c'est là qu'il va y avoir plus de risques de... qu'il y ait des femmes
victimes de violence conjugale, d'où l'importance d'avoir des mesures
préventives dans les secteurs où sont concentrées les femmes, comme la santé,
comme l'enseignement. Je vais donc conclure là-dessus, dans le respect de Mme
la Présidente.
M. Boulet : Écoutez, merci
beaucoup, Mme Cox. J'ai énormément d'estime pour le travail que vous faites. Il
y a... Mes collègues, je pense que d'aucuns... tout le monde va reconnaître à
l'unanimité l'importance de lutter contre le phénomène de violence conjugale et
ses incidences en milieu de travail, et le p.l. n° 59,
je pense que c'est une autre opportunité qui nous permet de passer le message,
de s'assurer que ce soit bien appliqué et qu'il y ait beaucoup non seulement
d'information, mais de formation dans les milieux de travail pour...
M. Boulet : ...et le p.l. n° 59, je pense que c'est une autre opportunité qui nous
permet de passer le message, de s'assurer que ce soit bien appliqué et qu'il y
ait beaucoup, non seulement d'information, mais de formation dans les milieux
de travail pour enrayer ce phénomène-là du mieux qu'on peut. Et vous aurez
contribué non seulement à notre réflexion en amont, mais maintenant en commission
parlementaire. Merci beaucoup, puis au plaisir de se reparler, puis, s'il y a
quoi que ce soit, on aura certainement l'occasion de rediscuter du projet de
loi. Merci beaucoup, Mme Cox. Au plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Et sur les belles paroles utilisées par M. le ministre, je tiens,
moi aussi, à vous dire merci pour votre contribution, c'est très, très
apprécié.
Et je tiens aussi à souligner quelque chose
qui m'a extrêmement touché, c'est lors du dépôt du projet de loi... le
communiqué de presse de l'Université du Québec à Montréal, les victimes de violence
conjugale et le projet de loi modernisant le régime, une équipe de recherche
partenariale de l'UQAM mobilisée pour la protection en milieu de travail. Je
tiens à le dire, parce qu'on ne peut pas, on ne peut pas, en tant qu'élu,
avancer sans le travail de recherche fait par des professeurs et des
chercheurs. Surtout que le ministre ouvre la porte à une modernisation, donc,
soyons audacieux et soyons aussi... ayons en tête cette particularité du Québec
de voir les choses autrement. Oui, on est bons par rapport à certains points,
mais si on peut être meilleurs, bien, pourquoi pas? Alors, Pre Cox, merci beaucoup
pour les recommandations.
Et je vais me permettre de vous poser quelques
questions. C'est plus dans le sens de nous aider à mieux répondre d'une manière
360 à la problématique que vous soulevez. La première, vous nous présentez une
recommandation qui est très importante, c'est soit celle d'outiller les
employés, donc par les formations, les travailleurs... par la sensibilisation,
l'introduction d'une procédure de signalement et surtout la mise en place d'une
politique d'orientation.
Vous avez eu cet échange, à un certain
moment, avec M. le ministre, mais concrètement les employeurs nous disent et
nous partagent souvent qu'ils veulent faire partie de la solution. Ils veulent
aussi aider. Mais il y a d'autres groupes qui nous ont partagé quelque chose par
rapport à l'aspect... la lourdeur administrative. Ils ne veulent pas que ce
soit très lourd pour eux. Donc, connaissant les ressources externes qui
existent, si une telle recommandation est intégrée dans ce projet de loi,
avez-vous une idée sur le comment, le contenu, les organismes partenaires qu'on
peut proposer à M. le ministre de travailler en collaboration avec la CNESST?
Et aussi, question de temps, à quel moment, vous, vous voyez ça, le tout
opérationnel?
Mme Cox (Rachel) : D'accord.
Merci pour ces questions fort pertinentes. En termes de mise en oeuvre, c'est
sûr que, pour les employeurs, la particularité du risque de la violence
conjugale, c'est que la violence conjugale provient d'un phénomène...
M. Derraji : ...ça, le tout
opérationnel?
Mme Cox (Rachel) : D'accord.
Merci pour ces questions fort pertinentes. En termes de mise en oeuvre, c'est
sûr que, pour les employeurs, la particularité du risque de la violence
conjugale, c'est que la violence conjugale provient d'un phénomène de société
et se situe à l'extérieur du milieu de travail. Donc, quand je dis «le rôle de
pivot», c'est justement que l'employeur s'associe, identifie quelles sont les ressources
externes dans sa région. Et pourquoi? Pour trouver les solutions pertinentes,
qui vont varier d'une région à l'autre. Vous avez souligné l'apport de mes
groupes partenaires, qui se situent sur la Côte-Nord du Québec, où la
prévalence de violence conjugale est beaucoup plus élevée qu'ailleurs, et où
les possibilités de fuir sont aussi limitées, à moins qu'on veuille complètement
déménager dans une autre région.
Donc, qui seraient les partenaires? Eh
bien, ce seraient les CAVAC, les maisons d'hébergement, les centres de femmes,
soit les composantes de mon équipe de recherche. Donc, chaque partenaire a
apporté des connaissances, un savoir-faire, une expertise particulière. Les
centres de femmes, entre autres, reçoivent des femmes qui se... qui fuient
ailleurs que dans une maison d'hébergement. Ce n'est pas tout le monde qui va
chez une CAVAC, etc. Donc, je pense que nous avons au Québec un réseau qui est
drôlement bien équipé, qui aurait besoin peut-être d'un financement additionnel
pour bien remplir ce rôle.
L'idée, comme je disais, c'est que c'est
relativement simple pour l'employeur de faire une déclaration, se faire...
manifester sa volonté d'agir, condamner la violence conjugale et faire preuve
d'ouverture pour gérer les cas quand ils se présentent. Puis de l'action en
amont, donc, pour créer un contexte propice aux signalements, puis aussi pour
sensibiliser tout le monde sur la question, c'est de faire faire des
formations, exactement, par exemple, comme ça a été le cas pour la compagnie
IOC à Sept-Îles, faire venir des intervenantes dans un centre de femmes, une
maison d'hébergement pour en parler au personnel. Le travail, donc, est fait
par des personnes expertes en la matière.
• (17 h 50) •
En termes d'opérationnalisation, bien,
c'est rapidement que le tout pourrait être déployé. Le ministre me réconforte en
me disant : Il y a déjà une session de formation, ça pourrait être
intégré. Il y a, entre autres, évaluer le risque en matière de violence
conjugale. Il y a déjà des questionnaires qui sont dédiés, des... Je connais
plusieurs inspecteurs de la CNESST, oui, mais ça, c'est très rigoureux, c'est
très structuré, et le résultat est basé sur des données probantes. Donc, une
obligation pas difficile à déployer.
M. Derraji : Merci beaucoup,
et je sais que mon collègue Carlos va poser une autre question. Je vais juste
revenir sur le programme de prévention. Une de vos recommandations, vous avez
mis l'emphase beaucoup sur la nécessité que l'employeur adopte, avec la
collaboration du personnel, une politique de prévention de la violence
conjugale au travail. Donc, ça, c'est une de...
M. Derraji : ...et que mon
collègue, Carlos, va poser une autre question, je veux juste revenir sur le programme
de prévention, une de vos recommandations. Vous avez mis l'emphase beaucoup sur
la nécessité que l'employeur adopte, avec la collaboration du personnel, une
politique de prévention de la violence conjugale au travail. Donc, ça, c'est
une de vos... je dirais, vous avez mis de l'emphase pas mal sur ce point.
Est-ce que vous recommandez que cette politique de prévention soit incluse dans
le projet de loi dans le volet programme de prévention? Est-ce que c'est
quelque chose que, selon vous, ce serait un point de départ avec les
employeurs?
Mme Cox (Rachel) : Nous
n'avons pas, comme équipe, émis une recommandation spécifique à cette fin. Pourquoi?
Parce que nous privilégions une démarche paritaire, donc une démarche de
prévention qui se ferait de façon conjointe. En santé et sécurité du travail,
l'approche «top-down» ne fonctionne pas bien. Ce qui marche, c'est la véritable
prise en charge, le dialogue avec les personnes concernées, les travailleuses
et les travailleurs, et ça légitime le résultat final puis ça garantit que ce
sera mis en oeuvre. Donc, c'est clair que nous, notre souhait, c'est que là où
il y a des structures permettant de le faire, dont au premier titre un
syndicat, que ça soit une démarche paritaire. Donc, ce qui est en plan un peu maintenant,
parce que le programme de prévention, selon ce que j'en comprends, c'est l'employeur
qui l'élabore dans ce qui est proposé dans le projet de loi, donc attendons de
voir, mais dans la mesure où il y a un programme de prévention, où il y une
prise en compte du risque de violence, c'est là qu'il ne faut pas marginaliser
la violence conjugale pour, bien sûr, que ce risque-là soit inclus comme un
risque professionnel parmi les autres risques.
M. Derraji : Donc, ce que vous
voulez, c'est insérer la politique de prévention de la violence conjugale au
travail, donc sous l'angle de prévention, si j'ai bien compris.
Mme Poirier (Andrée) : Sous
l'angle de la prévention générale, oui, dans toutes les mesures préventives.
M. Derraji : O.K., excellent. Mme
la Présidente, je pense que mon collègue, Carlos, a des questions aussi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin. Il vous
reste 3 min 30 s.
M. Leitão : Merci, Mme la
Présidente, et je remarque que mon collègue est extrêmement généreux avec le
temps qu'il me laisse. On est à la fin de la journée. Mme Cox, bonjour.
Merci beaucoup d'être là et merci beaucoup de nous amener ces enjeux qui sont extrêmement
importants.
Je commencerais en disant que cette
question, l'enjeu de la violence conjugale, évidemment, ne connaît pas de... ne
se limite pas à certains secteurs, mais il y a certaines sphères d'activité où
c'était généralisé. Et surtout aussi, ça affecte toutes les classes sociales.
Ce n'est peut-être pas un mythe que c'est seulement certains groupes qui sont
plus susceptibles... Non, non, non, ça affecte tout le monde.
Ma question s'adresse... J'aimerais avoir
un peu votre réflexion sur les entreprises plus petites ou les organismes plus
petits. Une grande entreprise, une grande compagnie d'assurance...
M. Leitão : ...certains groupes
qui sont plus susceptibles... Non, non, non, ça affecte tout le monde.
Ma question s'adresse... J'aimerais avoir
un peu votre réflexion sur les entreprises plus petites ou les organismes plus
petits. Une grande entreprise, une grande compagnie d'assurance avec des
procédures de ressources humaines sophistiquées, etc., ils peuvent mettre en
place toute une série de mécanismes de prévention et de soutien à l'employé
pour la protéger. Mais comment est-ce qu'on fait ça dans une petite entreprise,
un restaurant, par exemple, où il y a quatre ou cinq employés, et une des
employées, justement, vit un problème... une problématique extrêmement
difficile de violence conjugale? Comment est-ce qu'on fait concrètement pour
aider ces petits organismes surtout à bien protéger la... l'employée?
Mme Cox (Rachel) : Oui, merci
pour votre question. C'est d'ailleurs dans la première élaboration de cas réels
faite par des partenaires, il y avait plusieurs petites entreprises, effectivement,
et c'est là que je pense que la CNESST doit avoir un rôle à produire une politique
modèle, quitte à ce qu'il y ait une des sections qui serait plus appropriée, par
exemple, pour un commerce où le public entre de toute façon. Je pense que la
CNESST pourrait mettre à la disposition des petits employeurs une liste de
ressources dans chaque région, qui permet déjà d'avoir vers qui référer et qui
pourrait y avoir production d'outils. Le regroupement des maisons d'hébergement
produit déjà des fichiers 8,5 X 11 qui expliquent en quoi la violence conjugale
consiste et comment la combattre.
Donc, moi, je fais déjà diffusion d'une
série d'outils simples, mais efficaces, qui permettent à l'entreprise de
remplir... O.K., mon point de référence, c'est telle place ou telle autre place
et donc, de savoir, en cas de signalement, bien je m'informe de telle façon.
Donc, ce n'est pas nécessairement lourd du tout pour l'entreprise, comparé,
comme je le disais, à d'autres risques. C'est tout à fait possible et faisable
et les employeurs de toutes tailles ont déjà des pratiques exemplaires. C'est
la diligence raisonnable du souci pour autrui, la possibilité de contribuer à
la lutte contre la violence conjugale, les petits employeurs, là, comme les
grands.
M. Leitão : Très bien. Et,
oui, tout à fait. C'est parce que la CNESST pourrait et devrait jouer un
rôle... avoir un rôle de leadership pour mieux outiller ces petites
entreprises-là.
Une dernière question, dernier enjeu, la violence
conjugale affecte tout le monde, toutes les classes sociales, mais il y a aussi
un aspect très particulier pour les personnes immigrantes, surtout les
personnes immigrantes arrivées depuis peu de temps. Là, il y a un double enjeu :
non seulement, bon, il y a un manque de connaissance des ressources existantes,
mais il y a souvent la barrière de la langue aussi. Comment est-ce que vous
voulez... Comment est-ce que vous voyez...
M. Leitão : ...particulier pour
les personnes immigrantes, surtout les personnes immigrantes arrivées depuis
peu de temps. Là, il y a un double enjeu : non seulement il y a un manque
de connaissance des ressources existantes, mais il y a souvent la barrière de
la langue aussi. Comment est-ce que vous voulez... Comment est-ce que vous
voyez une façon de mieux aider ces personnes-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En une seconde, Mme Cox.
Mme Cox (Rachel) : Bien,
c'est justement le milieu de travail comme facteur d'intégration absolument clé
pour les femmes immigrantes, surtout nouvellement arrivées au Canada, le
support, le soutien des collègues, l'information sur les droits, je pense que
vous touchez là un bénéfice potentiel énorme, où le milieu de travail peut être
justement sur des formations et sur ces questions-là et de façon appropriée aux
femmes dans toutes leurs diversités.
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min
45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonsoir, Mme Cox. J'avais beaucoup apprécié votre clarté il y a
quelques années quand j'ai suivi votre cours de santé et sécurité. Je
l'apprécie tout autant ce soir. D'ailleurs, salutations à toute l'équipe du
service aux collectivités de l'UQAM, qui a travaillé très fort pour connaître
bien ce service-là sur ce projet-là.
Deux questions en rafale, Mme Cox. La
première, je veux juste être certain d'avoir bien compris ce que vous disiez un
peu plus tôt. Dans le fond, en ce moment, au-delà du projet de loi, il y a déjà
une certaine responsabilité des employeurs en matière de violence conjugale?
Deuxième question, dans votre mémoire, vous faites référence à l'importance de
ramasser des données sur le moyen, long terme et de prévoir une révision
quinquennale. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?
Mme Cox (Rachel) : Oui,
merci. Donc, il serait possible dès aujourd'hui pour la CSST d'intervenir sur
ces questions-là, en vertu de l'obligation générale de l'employeur. C'est les
vestiges d'un régime discriminatoire à l'égard des femmes, qui écarterait le
risque de violence conjugale et qui agirait contre un vol à main armée, d'une
part, et d'autre part, la question de la révision quinquennale de la loi. Oui,
le Québec innove, j'espère va innover dans sa mise en oeuvre structurée et
efficace, et donc dans ce souci-là, dans un souci d'amélioration constante de
nos politiques, de nos politiques innovatrices, on souhaiterait une révision
après cinq ans, et puis quand tous les acteurs, l'INSPQ, la CNESST, le réseau
des maisons d'hébergement, etc., pour s'assurer qu'on intervienne de la bonne
façon et qu'on continue d'améliorer nos politiques
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Excellent. Il reste une minute. Votre micro.
M. Leduc : Ça serait quelque
chose qu'on pourrait faire en rajoutant un article ou un amendement à la...
dans les mesures transitoires, j'imagine, qui préciserait que la CNESST doit
déposer un mémoire ou un suivi dans un nombre x de temps. C'est bien ça?
• (18 heures) •
Mme Cox (Rachel) : Ce serait
bien ça qui... C'est une bonne façon de faire pour continuer à améliorer nos
interventions et s'assurer d'une mise en oeuvre réelle...
18 h (version non révisée)
M. Leduc : ...article ou un amendement,
donc, à la... dans les mesures transitoires, j'imagine, qui préciserait que la
CNESST doit déposer un mémoire ou un suivi dans un nombre x de temps. C'est
bien ça?
Mme Cox (Rachel) : Ce serait
bien ça, puis c'est une bonne façon de faire pour continuer à améliorer nos
interventions, s'assurer d'une mise en oeuvre réelle. La mise en oeuvre réelle,
c'est là, l'enjeu, présentement, en termes de violence conjugale et les milieux
de travail.
M. Leduc : Bon, bien, on va
préparer un amendement, dans ce cas-là. Merci, Mme Cox.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Nous continuons ou nous poursuivons avec le député de Bonaventure,
2 min 45 s.
M. Roy
(Bonaventure)
:
Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cox. Note historique, j'ai
travaillé moi aussi au service d'une collectivité comme chercheur dans les
années 90, sur le profil des professionnels de la santé.
Question, avec l'augmentation du
télétravail où… un nombre considérable de gens, de la protection potentielle du
milieu de travail issu de l'article dans le projet de loi. Puis c'est une
tendance qui est en progression, O.K.? Et, par contre, ces gens-là sont…
travaillent pareil. Ça fait que, quelles sortes de mécanismes qu'on peut
déployer pour leur donner une certaine protection… avec l'article de loi et
pour permettre à ces gens-là, là, de ne pas être oubliés?
Mme Cox (Rachel) : D'accord. Je
commence à être inquiète. Est-ce que ça veut dire que je vais devenir députée
aussi, moi… mon implication au service aux collectivités? Sur la question du
télétravail, oui, il faut adapter l'obligation de l'employeur au contexte, et
c'est la même chose pour toutes les obligations de l'employeur, que ce soit la
chaise ergonomique ou la violence conjugale. Le principe, c'est que, là où
l'employeur est en mesure de contrôler le risque, il doit le faire et dans la
mesure où il peut le faire. Donc, en télétravail, c'est se fier que oui, la
politique contre la violence conjugale, s'il y en a une, continue de
s'appliquer, diffuser régulièrement, en cas de signalement, évaluer le risque
aussi, parce qu'un jour on va se déconfiner, établir qu'une personne qui vit une
situation difficile à la maison peut avoir… peut bénéficier d'un retour
prioritaire sur les lieux de travail, aménager ou réduire ses heures de
travail, lui permettre de consulter des ressources sur le temps de travail.
Souvent, en contexte de confinement, c'est la consultation de quiconque à
l'extérieur de la maison qui devient compliquée. Donc, une obligation d'autant
plus importante, vu l'augmentation du cas de violence conjugale et de la
sévérité, l'exposition des enfants à cette violence, une obligation pour
l'employeur, un rôle à jouer qui est toujours de sentinelle, de référence et de
soutien. Voilà.
M. Roy
(Bonaventure)
:
Merci beaucoup. Bravo pour votre travail. C'est un enjeu extrêmement important.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, merci, Mme Cox, pour votre précieuse collaboration à la commission.
Alors, écoutez, la commission ajourne ses
travaux jusqu'au mercredi 20 janvier 2021 à 9 h 30, où nous
poursuivrons notre mandat. Merci et bonne fin de journée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 18 h 3)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…collaboration à la commission.
Alors, écoutez, la commission ajourne ses
travaux jusqu'au mercredi 20 janvier 2021 à 9 h 30, où
nous poursuivrons notre mandat. Merci et bonne fin de journée à tous et à
toutes.
(Fin de la séance à 18 h 3)