Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Wednesday, February 17, 2021
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Vol. 45 N° 71
Special consultations and public hearings Bill 78, An Act mainly to improve the transparency of enterprises
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Bonjour à vous toutes et tous. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 78, Loi visant principalement à
améliorer la transparence des entreprises.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Marissal
(Rosemont); et Mme Richard (Duplessis) par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires et puis nous
entendrons par visioconférence les groupes suivants : l'Ordre des
comptables professionnels agréés du Québec et la Pre Pascale Cornut
St-Pierre.
Alors, j'invite maintenant le ministre du
Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.
M. Boulet : Il faut aller rapidement.
Merci, Mme la Présidente. Bon matin, tout le monde...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…Alors, j'invite maintenant le ministre du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous
disposez de six minutes.
M. Boulet : Ah, il faut aller
rapidement. Merci, Mme la Présidente. Bon matin, tout le monde. J'aimerais
saluer, d'ailleurs, l'ensemble de mes collègues, là, des partis d'opposition et
du parti gouvernemental, et de façon particulière mon collègue de
Robert-Baldwin qui est impliqué dans des consultations, qui est à l'origine aussi
des tenants et aboutissants de ce projet de loi là.
Vous le savez, ça émerge d'un consensus,
ça donne suite à des travaux qui ont été menés en collaboration avec le
ministère des Financeset autres organisations gouvernementales. Il y a eu,
souvenons-nous, la Commission des finances publiques en 2017, il y a une
consultation publique qui a été menée à l'automne 2019, il y a eu des
orientations proposées notamment dans le dernier budget. Je tiens aussi à
rappeler que nous partageons tous le même objectif, c'est d'améliorer la
protection du public par une meilleure transparence des entreprises.
Mme la Présidente, bien que le registraire
tienne l'un des registres les plus transparents et les plus accessibles, il
faut quand même continuer de perpétuer la réputation du Québec comme étant un
précurseur en matière de transparence corporative en franchissant un pas de
plus pour identifier les individus qui se trouvent réellement aux commandes des
entreprises. Donc, le projet de loi veut diminuer l'opacité résultant du
recours, notamment, à des sociétés-écrans anonymes ou à des prête-noms. Il veut
aussi décourager l'usage de tels stratagèmes qui, on le sait, sont souvent
utilisés par certains pour échapper à leurs obligations légales ou fiscales.
Il y a des modifications de trois natures.
Évidemment, il y a une obligation nouvelle de divulguer l'identité des
bénéficiaires ultimes. Ça, évidemment, ce sont des personnes qui ont un
contrôle important, qui se cachent derrière la personnalité juridique ou des
sociétés-écrans, et on s'inspire beaucoup du modèle européen de transparence,
de ce qui se fait dans les pays membres de l'OCDE, de façon plus spécifique le
Royaume-Uni. Il y a aussi la possibilité nouvelle de faire des recherches par
nom de personnes physiques. Évidemment, il y a des mesures pour protéger la vie
privée des personnes, particulièrement, la date de naissance, les enfants
mineurs, les personnes dont il peut y avoir potentiellement une menace à leur
sécurité, l'adresse personnelle dans la mesure où on décide d'utiliser une
adresse professionnelle selon la faculté de celui qui est assujetti à la Loi
sur la publicité légale des entreprises.
Et enfin, il y a eu des rencontres des
ministres impliqués dans le commerce…
M. Boulet : ...une adresse
professionnelle, selon la faculté de celui qui est assujetti à la Loi sur la
publicité légale des entreprises.
Et enfin il y a eu des rencontres des ministres
impliqués dans le commerce interprovincial au Canada. Donc, il y a une
possibilité de dispense du paiement des droits d'immatriculation pour les
entreprises qui font affaire dans d'autres provinces au Canada, qui font du
commerce interprovincial. Donc, pour stimuler ce commerce-là, pour diminuer le
fardeau administratif des entreprises, on prévoit, bien sûr, cette dispense-là
dans une perspective de réciprocité.
Il y aura des investissements, qui ont été
prévus dans le budget, de 4,9 millions pour les cinq prochaines années.
Donc, Mme la Présidente, le Québec s'inscrit dans une mouvance internationale
visant à améliorer la transparence des entreprises, ce qui va contribuer à la
lutte contre l'évasion fiscale, l'évitement fiscal abusif, le blanchiment
d'argent, la corruption, la fraude, les activités criminelles. Rappelons qu'il
y a plus de 900 000 entreprises qui sont actives et inscrites au REQ,
environ 75 000 nouvelles inscriptions par année. Donc, ça nous
permettrait d'avoir un portrait, avec ce projet de loi, beaucoup plus précis
des individus avec qui on transige et de favoriser un marché d'affaires exempt
de corruption, de fraude, bref, exempt de criminalité.
Avec le projet de loi, on veut continuer à
améliorer la protection des citoyens, présenter le Québec comme une juridiction
active sur le plan de la transparence et de la gouvernance.
Donc, Mme la Présidente, maintenant, ça va
me faire plaisir de rencontrer les groupes. C'est une étape extrêmement
intéressante d'une commission parlementaire. Les groupes qui viennent faire des
recommandations devant nous, je tiens à les remercier d'avance, leur dire qu'on
va les écouter et on va s'en inspirer lors de l'étude détaillée article après
article avec les membres, bien sûr, de la commission parlementaire. Alors,
merci à tout le monde, puis j'espère encore une fois qu'on va avoir un peu de
plaisir dans cette commission parlementaire. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous invitons maintenant le porte-parole de
l'opposition officielle et le député de Nelligan à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.
M. Derraji : Quatre minutes
plus une minute que j'ai toujours, Mme la Présidente. Bon, bon, bon.
Bon matin, bon début de commission. Mes
salutations à M. le ministre, à l'ensemble des collègues de cette commission.
Donc, un projet de loi important, la loi n° 78 visant
principalement à améliorer la transparence des entreprises.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de faire
un bref historique. Et je salue le ministre d'avoir évoqué, en fait, dans son
constat, dans ses remarques préliminaires, le travail qui a été déjà effectué
par mon collègue, le député de Robert-Baldwin, qui nous a tout à l'heure parlé
du nom de sa circonscription et l'historique de sa circonscription. Mais je
tiens juste à rappeler le document, le plan d'action pour...
11 h 30 (version non révisée)
M. Derraji : …c'est…. sont
faites dans son constat, dans ses remarques préliminaires, le travail qui a été
déjà effectué par mon collègue, le député de Robert-Baldwin, qui nous a tout à
l'heure parlé du nom de sa circonscription et son… et l'historique de son… de
sa circonscription. Mais j'étais juste à rappeler le document, le Plan
d'action pour assurer l'équité fiscale.
Notre collègue, le député de Robert-Baldwin,
avait fait un premier pas pour lutter contre l'évasion fiscale, il faut
toujours lutter contre ce fléau. Le plan donne suite à une commission
parlementaire sur le même sujet, qui s'est tenue dans le dernier mandat au nom
de la Commission des finances publiques et qui avait fait un mandat
d'initiative sur le sujet du 30 septembre 2015 au
15 septembre 2016. Donc, très hâte à ce qu'on commence ce travail
ensemble et que le tout s'inscrit dans un projet de continuité.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de
soulever aussi que c'est un projet de loi qui est important, un projet de loi
pour… qui oblige les entreprises à divulguer leurs bénéficiaires ultimes au
registre des entreprises du Québec et à déclarer certaines informations
relatives aux personnes physiques qui sont leurs bénéficiaires ultimes, dont
leur nom, leur domicile et leur date de naissance.
Le projet de loi, aussi, prévoit toutefois
que tout assujetti peut… assujetti peut également déclarer l'adresse
professionnelle d'une personne physique dont le domicile doit être déclaré. Si
une telle adresse professionnelle est déclarée, l'information relative au
domicile de cette personne ne peut être consultée.
Donc, vous voyez, à cette introduction sur
ce projet de loi, qu'il y a quand même des questions que j'aimerais bien
clarifier avec les groupes qu'on va avoir l'occasion d'entendre, que je tiens
déjà à les remercier parce qu'ils vont nous éclairer par rapport au contenu et
comment on peut améliorer, bonifier, amender ce projet de loi.
Comme je l'ai dit, Mme la Présidente,
à la lumière de la première lecture des mémoires que nous avons reçus, des
thèmes se dégagent tels que les ressources du registraire pour appliquer la
loi, la définition de certains termes, l'utilisation des pouvoirs
réglementaires, des sanctions trop clémentes, l'acuité de l'information dans le
registre, seuils d'ajustement plus bas.
Alors, Mme la Présidente, clairement,
c'est un projet de loi qui va nous permettre d'avancer, d'avoir amélioré
collectivement cette lutte, mais à la lumière de ces enjeux et de ces
thématiques que nous avons devant nous. J'espère que l'ensemble des groupes
qu'on va avoir l'occasion de rencontrer tout au long de cet exercice vont nous
clarifier un peu certaines tendances et comment on peut améliorer notre projet
de loi.
Le but du projet, c'est justement
d'enrayer les stratagèmes utilisés par des entreprises pour dissimuler
l'identité réelle de leurs propriétaires, ceci, comme je l'ai dit au début,
d'ensuite… la commission parlementaire de l'Assemblée nationale qui s'est
penchée sur le recours aux paradis fiscaux par des multinationales pour éviter
de payer des impôts dans les pays où elles exercent des activités en 2016.
Donc, de plus…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci…
M. Derraji : …pour dissimuler
l'identité réelle de leur propriétaire. Ceci, comme je l'ai dit au début, est
dans… suite à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale qui s'est
penchée sur le recours aux paradis fiscaux par des multinationales pour éviter
de payer des impôts dans les pays où elles exercent des activités, en 2016.
Donc, de plus…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le député de Nelligan. Vous aurez toute l'occasion de pouvoir aussi
vous exprimer lors des échanges. Merci beaucoup.
M. Derraji : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci beaucoup pour votre remarque préliminaire. Nous poursuivons maintenant
avec le deuxième groupe d'opposition et le député de Rosemont à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Chers collègues… M. le ministre, c'est la première fois que j'ai le
plaisir de travailler avec vous, même si, ne le prenez certainement pas mal, je
suis un peu surpris que ce ne soit pas mon ami et collègue le ministre des
Finances qui chapeaute ce projet de loi. C'est peut-être purement technique, et
n'y voyez certainement pas d'aversion de ma part. Au contraire, on m'a dit du
bien de vous, et je suis heureux de pouvoir travailler avec vous dans le
plaisir, si possible, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
Cela dit, je me retrouve ici devant le
proverbial verre d'eau à moitié plein ou à moitié vide, je vois la partie vide,
je vois la partie pleine. C'est certainement un bon pas dans la bonne direction.
Reste à savoir si c'est un bien petit pas pour un gouvernement et un pas de
géant pour la transparence. C'est ce que j'aimerais déterminer. Je reste à être
convaincu, mais j'entreprends l'étude de ce projet de loi avec la plus grande
des bonnes fois et avec énormément d'intérêt, parce qu'il est plus que temps
qu'on se penche là-dessus.
Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons maintenant avec le porte-parole du troisième groupe
d'opposition, et… la députée de Gaspé à faire ses remarques préliminaires pour
une durée maximale d'une minute.
Mme Perry Mélançon : Merci,
Mme la Présidente. Alors, salutations à tous les collègues membres de la
commission, à M. le ministre et à nos invités. Je serai brève également. J'ai
déjà pris le temps, là, de faire les lectures des mémoires qu'on avait déjà en
main. Alors, je vois qu'effectivement c'est un principe qui va vers une plus
grande transparence, quelque chose qui est très souhaité. On aura l'occasion
d'entendre des gens qui utilisent au quotidien le Registre des entreprises du
Québec. Alors, ce sera important, je pense, d'écouter quelles sont les
recommandations, quels sont les bons points, quels sont les éléments, là, à
ajuster au besoin. Alors, je vois que c'est un projet de loi qui est souhaité.
Est-ce qu'il va assez loin? Je pense que c'est là qu'on va devoir, là,
travailler et statuer. Alors, ça me fera plaisir de collaborer également, et…
bien hâte d'entendre, là, qu'est-ce que nos invités ont à dire aujourd'hui et
au cours de la semaine. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci pour vos remarques préliminaires. Nous allons maintenant
débuter les auditions. Nous souhaitons donc la bienvenue aux représentantes de
l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Alors, tel que déjà
mentionné, je vous invite, mesdames, à bien vous présenter avant de commencer
votre exposé d'une durée de 10 minutes. Merci.
Mme Mottard (Geneviève) :
Bonjour. Mme la Présidente, M. le ministre…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…nous souhaitons donc la bienvenue aux représentantes de l'Ordre des comptables
professionnels agréés du Québec. Alors, tel que déjà mentionné, je vous invite,
mesdames, à bien vous présenter avant de commencer votre exposé d'une durée de
10 minutes. Merci.
(Visioconférence)
Mme Mottard (Geneviève) :
Bonjour. Mme la Présidente, M. le ministre, chers collègues, mesdames et
messieurs, membres de la commission, bonjour. Mon nom est Geneviève Mottard. Je
suis présidente et chef de la direction de l'Ordre des CPA du Québec, et je
suis accompagnée aujourd'hui de Me Stéphanie Vallée. Je dois vous dire aussi
bonjour, M. le député de Nelligan, salutations particulières, vous êtes mon
député dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Alors, je tenais à vous le dire.
M. Derraji : Merci.
Mme Mottard (Geneviève) : Je
commence ma comparution, mon petit mot envers vous aujourd'hui, en vous disant
que l'ordre, évidemment, souscrit sans réserve aux objectifs du projet de loi
qui, vous le savez, vise à rendre le Québec beaucoup plus transparent et à améliorer la protection du public, qui est notre mission, par
contraindre et réduire l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent. Évidemment,
c'est un sujet qui nous est très cher et qui rejoint très bien notre mission.
D'ailleurs, la profession
comptable s'est engagée dans cette lutte. sur la scène... non seulement ici, au
Québec, mais nationalement et internationalement. Pas plus tard qu'en 2014
l'International Federation of Accountants, qui regroupe les professions
comptables de plus de 130 pays, avait lancé un appel à l'action au G20 et
s'était engagée auprès du International Bar Association à lutter contre la
corruption.
Alors, les commentaires
qu'on va vous formuler sur le projet de loi aujourd'hui visent à assurer une
efficacité et une efficience optimales du registre des entreprises afin
d'atteindre une meilleure transparence corporative, encore une fois, dans
l'intérêt public et pour la protection du public. Et nous souhaitons
sincèrement, M. le ministre, que vos démarches aboutissent, et ça nous fait
plaisir d'y contribuer encore une fois.
Le Québec a renforcé ses
exigences et des sanctions en matière de divulgation obligatoire pour combattre
l'évasion fiscale et la... planification fiscale abusive, pardon, le
blanchiment d'argent et le crime organisé par divers projets de loi et mesures,
et c'est très bien. Il faut maintenant affirmer, à notre avis, haut et fort que
le Québec ne badine pas avec la transparence des entreprises et... qui veulent
venir faire ici... qui veulent venir faire des affaires ici, et ni avec la
fiabilité des informations qu'elles transmettent au Registraire des entreprises.
Notre analyse, donc, du projet de loi, portera essentiellement sur les moyens
proposés pour atteindre ces objectifs.
D'abord, nous recommandons
que les parlementaires apportent une attention soutenue, et ça a été soulevé
dans certains de vos commentaires d'ouverture, au concept utilisé à la
définition de qu'est-ce qu'est un bénéficiaire ultime. Le seuil de
détention de 25 % proposé au projet de loi nous apparaît trop permissif.
Et, par exemple, une entité criminelle mal intentionnée pourrait avoir
seulement deux ou trois bénéficiaires à 23 %, 24 %...
Mme Mottard (Geneviève) :
...utiliser à la définition de qu'est-ce qu'un bénéficiaire utile. Le seuil de
détention de 25 % proposé au projet de loi nous apparaît trop permissif.
Et, par exemple, une entité criminelle malintentionnée pourrait avoir seulement
deux ou trois bénéficiaires à 23 %, 24 % pour contrôler une entreprise
et n'avoir aucune déclaration à faire à cet égard. Alors, bien qu'idéalement,
dans un monde utopique, tous les détenteurs d'actions devraient être consignés,
nous vous recommandions d'abaisser de 25 % à 10 % le seuil de
détention, et ce, en cohérence avec ce qui existe déjà dans plusieurs projets
de loi au Québec, qu'on pense à la Loi sur les centres financiers
internationaux, la Loi sur le bâtiment ou encore la Loi sur les valeurs
mobilières.
• (11 h 40) •
Prochain concept à examiner d'un peu plus
près est la notion de contrôle de faits, de détention indirecte et de
bénéficiaire d'actions. Ce sont des termes qui peuvent laisser une large
interprétation discrétionnaire de la part de la personne qui complétera la
déclaration d'immatriculation ou la déclaration modificative, ce qui entraînera
nécessairement la déclaration de données erronées, incomplètes et à grande
géométrie variable. La valeur et l'efficacité du registre va dépendre de la
qualité de l'information qu'on y retrouve. Nous suggérons donc que ces notions
soient précisées au moment de l'étude détaillée du projet de loi. Nous croyons
par ailleurs que la définition de bénéficiaire ultime ne devrait pas être
modifiée par voie de règlement par souci de clarté et de transparence.
L'ordre salue chaleureusement la volonté
du gouvernement d'ajouter aux informations recueillies au registre la date de
naissance des administrateurs, des principaux actionnaires et des bénéficiaires
ultimes afin d'en permettre une meilleure identification. Nous suggérons d'y
ajouter aussi l'obligation de divulguer les autres noms sous lesquels ces
personnes sont connues, tels que des surnoms ou des noms d'emprunt. Cette
dernière exigence est d'autant plus pertinente que la Loi sur la publicité
légale des entreprises s'applique à toutes les entreprises faisant affaire au
Québec, y compris celles constituées à l'étranger, et que certaines personnes,
vous le savez bien, traduisent ou des fois américanisent leur patronyme.
Ensuite, la question de l'accès au
registre en est une qui est centrale. En proposant d'utiliser le registre des
entreprises comme véhicule de la transparence, le gouvernement affiche sa
volonté de faire de celle-ci une valeur d'affaires à Québec. Unique en son
genre, le registre québécois, je vous le confirme, est déjà une référence au
Canada puisqu'il donne gratuitement accès à des données relatives aux
entreprises. Les informations contenues au registre sont importantes pour le
public et ne doivent pas être accessibles, à notre avis, aux seuls organismes gouvernementaux
chargés de lutter contre la corruption et l'évasion fiscale. Les journalistes,
les juricomptables, par exemple, doivent avoir accès aux informations qui
permettent d'identifier les bénéficiaires ultimes des sociétés faisant affaire
au Québec.
Il est important ici de rappeler que, si
le droit confère une personnalité juridique aux personnes morales, il s'agit
ici d'une création de la loi, d'une fiction créée par la loi. Et donc pour la
possibilité pour une personne physique de faire des affaires par une entité
distincte, une personne morale, en limitant sa responsabilité constitue...
Mme Mottard (Geneviève) :
...important, ici, de rappeler que si notre droit confère une personnalité
juridique aux personnes morales, il s'agit, ici, d'une création de la loi,
d'une fiction créée par la loi. Et donc pour la possibilité pour une personne
physique de faire des affaires par une entité distincte, une personne morale,
en limitant sa responsabilité, constitue un privilège qui requiert une transparence
totale quant à l'identité du détenteur de ce privilège.
Alors, dans ce contexte, il nous apparaît
injustifié que l'article du projet de loi permette de modifier un aspect fondamental
que le caractère public des informations contenues au registre par le biais
d'un règlement. Si le gouvernement désire souscrire certaines informations du
regard public, il devrait l'identifier au projet de loi et prévoir de quelle
façon certaines personnes pourraient, malgré tout, y avoir accès en démontrant
un intérêt légitime.
Un registre, quel qu'il soit, n'aura
aucune utilité si l'information qui y est consignée est désuète, voire carrément
fausse. Donc, bien que le projet de loi prévoie une importante bonification des
informations qui doivent divulguées au registre, on ne prévoit aucun mécanisme
de vérification systématique de la validité de l'information transmise. Alors,
pour bonifier, nous proposions de modifier l'article 2 du projet de loi
afin que le registraire soit chargé de prendre les moyens raisonnables pour
assurer la fiabilité des informations contenues au registre.
Ensuite, nous vous suggérions aussi de
bonifier l'article 7 du projet de loi pour accorder au registraire le
pouvoir de requérir tout document officiel afin de valider l'exactitude des renseignements
contenus à la déclaration d'immatriculation. Ainsi le formulaire aussi, et
c'est une autre recommandation qu'on fait, gagnerait non seulement à être
signé, mais également à être attesté par la personne qui le remplit, et
potentiellement accompagné d'une résolution des administrateurs. Alors, en
l'absence d'un mécanisme de validation structuré, des organisations criminelles
pourraient fournir des informations erronées au registraire en créant par
exemple de fausses identités ou pire encore en volant l'identité des tiers et
créer de toute pièce des faux bénéficiaires.
Afin de remplir sa mission bonifiée, le
registraire doit ensuite pouvoir compter sur une équipe de professionnels
détenant l'expertise nécessaire pour vérifier et valider l'information qui lui
est transmise, pour procéder à des vérifications spontanées et à enquêter. Il
est donc essentiel à notre avis que des ressources humaines et financières
conséquentes lui soient accordées, que des pouvoirs d'inspection et d'entête...
d'enquête, pardon, puissent être exercés de manière indépendante. Alors, à cet
effet, nous vous proposions de modifier l'article 124 de la loi pour
accorder au registraire le pouvoir d'entreprendre des inspections et des
enquêtes de sa propre initiative ou à la demande du ministre et de doter le
registraire des crédits budgétaires requis afin de livrer ce pouvoir, se livrer
à des vérifications ponctuelles et des enquêtes.
À moins d'une bonification du projet de
loi, les pénalités et mesures administratives existantes continueront de
s'appliquer. Donc, face aux organisations criminelles, celles-ci nous semblent
nettement insuffisantes pour avoir un véritable effet dissuasif. Nous proposons
donc que les pénalités soient substantiellement majorées et accompagnées
d'autres mesures dissuasives comme l'inscription des contrevenants au RENA et
que le délai de la prescription pour une infraction pénale à la loi de la
publicité des entreprises devrait être prolongé...
(Visioconférence)
Mme Mottard (Geneviève) :
...pour avoir un véritable effet dissuasif, nous proposons donc que les pénalités
soient substantiellement majorées et accompagnées d'autres mesures dissuasives,
comme l'inscription des contrevenants au RENA, et que le délai de prescription
pour une infraction pénale à la Loi de la publicité des entreprises devrait
être prolongé.
Je termine mes remarques en vous disant
que l'ambition du gouvernement, vous l'avez bien dit, M. le ministre, est
d'élever le Québec au rang des juridictions les plus transparentes au monde et
de s'inspirer des bonnes pratiques qui existent ailleurs. Alors, à notre avis,
une bonification du projet de loi pourrait lui permettre d'atteindre cet
objectif qui tout à fait noble, et nous espérons pouvoir y contribuer en ce
sens. Je vous remercie. Et, Stéphanie et moi, ça nous fera plaisir de répondre
à vois questions. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé.
Alors, nous allons maintenant débuter la
période des échanges avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, vous disposez
de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci à l'Ordre des CPA pour la qualité de sa présentation et le
contenu du mémoire. Sachez, Mme Mottard, que je connais bien votre
prédécesseur, M. Daniel McMahon, qui après son mandat à l'ordre est
devenu... est redevenu recteur à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Et
j'aimerais ça faire un échange avec vous sur un certain nombre de vos recommandations.
D'abord le seuil pour être un bénéficiaire
ultime. Évidemment, ce qui nous a motivés le plus quant au 25 %, c'est
l'harmonisation avec notamment Ottawa, notamment le Royaume-Uni et la France.
Puis, bon, aux États-Unis, c'est maintenant 25 %. C'est tout à fait
nouveau. Et c'est sûr qu'on fait affaire surtout avec des pays membres de
l'OCDE. Puis l'OCDE considère que c'est un seuil acceptable. Est-ce que... Puis
vous le savez, là, puis Me Vallée est membre aussi probablement du Barreau
du Québec et du Barreau canadien, il y en a qui militent en faveur d'un risque
qu'on va trop loin dans notre projet de loi. Ça risque de provoquer un exode ou
des sociétés étrangères ne viendront pas faire affaire au Québec parce que
c'est trop à divulguer. Des sociétés qui font affaire en Ontario ou en
Colombie-Britannique pourraient hésiter de venir faire affaire au Québec.
On pense qu'on fait un immense grand
premier pas dans la bonne direction. À 25 %, on s'harmonise, on maintient
la compétitivité de l'environnement législatif québécois. Est-ce qu'il y
aurait... Est-ce qu'il y aurait des juridictions qui pourraient nous inspirer?
Parce que je sais que vous faites référence à d'autres lois, la Régie du
bâtiment, la Loi sur les sociétés par actions, ou les centres financiers. Et,
évidemment, c'est autres lois là ont d'autres...
M. Boulet : ...est-ce qu'il
y aurait des juridictions qui pourraient nous inspirer? Parce que je sais que
vous faites référence à d'autres lois, la Régie du bâtiment, la Loi sur les sociétés
par actions ou les centres financiers, mais évidemment ces autres lois là ont
d'autres finalités, d'autres objets.
Alors, je vous dirais que c'est principalement
ce qui nous a guidés, là, dans l'établissement du seuil. Il y avait un
consensus. Mon collègue de Robert-Baldwin était là puis il connaît bien ce
consensus-là. Il y a eu des consultations. Alors, je tenais à vous préciser que
ce seuil-là avait été établi de cette manière-là.
Mais je comprends qu'on pourrait aller
plus loin puis que tout est possible. Il y en a qui vont nous dire : C'est
trop, c'est trop bas, 25 %, ou : Vous allez trop loin. Mais je pense
qu'on a trouvé... je pense que c'est un compromis. En fait, c'est un seuil qui
est reconnu comme non seulement un qui permet l'harmonisation, mais qui
maintient la compétitivité des entreprises qui font affaire au Québec.
Quand vous dites cependant :
Clarifier les concepts qui sont utilisés, je pense que je comprends bien.
Est-ce que c'est, par exemple, il me semble que j'ai lu dans votre mémoire, le
contrôle de fait? Est-ce que c'est la notion selon vous, Mme Mottard ou Me
Vallée, qui requerrait le plus de précisions dans la définition que vous
retrouvez dans le projet de loi?
Mme Mottard (Geneviève) : Oui,
merci, M. le ministre. Si vous me permettez, je pourrais répondre aussi à votre
seuil de 25 % puis vous expliquez pourquoi on vous avait recommandé
10 %. Et votre exposé est tout à fait juste. Je comprends tout à fait d'où
vous arrivez pour faire cette recommandation-là. Nous, on vous le faisait dans
un objectif de protection du public, donc d'aller le plus loin possible, à
notre avis, et dans la mesure où les informations étaient déjà disponibles,
c'est-à-dire, les entreprises doivent déjà faire ce travail-là pour se
conformer à d'autres lois. On ne voyait pas peut-être le travail additionnel ou
le poids additionnel que ça demandait aux entreprises parce qu'elles doivent
déjà colliger cette information-là à d'autres fins. Mais c'est une décision,
évidemment, qui vous revient complètement.
• (11 h 50) •
Sur la question du contrôle, oui, je vous
dirais que c'est une notion qui est très large. Puis je vais vous faire rire,
je vais vous parler un peu de ma vie de comptable. Si vous ouvrez le manuel des
normes comptables, la notion de contrôle fait au moins quatre pages. Alors, le
contrôle, ça peut avoir, pour des professionnels qui risquent d'accompagner,
hein, les entreprises à se conformer et à remplir leur déclaration... Si c'est
un CPA, il va le faire avec son cadre normatif de CPA. Si c'est un avocat, il
aurait peut-être une lunette différente. Alors, c'est un terme qui peut être
interprété à toutes les sauces, je vais dire. Pour le commun des mortels, ça a
l'air bien simple, là, mais quand on... quand un professionnel...
Mme Mottard (Geneviève) : …si
c'est un CPA, il va le faire avec son cadre normatif de CPA. Si c'est un
avocat, il aurait peut-être une lunette différente. Alors, c'est un terme qui
peut être interprété à toutes les sauces, je vais dire. Pour le commun des
mortels, ça a l'air bien simple, là, mais quand on… quand un professionnel doit
aider une entreprise à se conformer, la notion de contrôle peut être
interprétée très différemment.
Et donc on vous suggère de bonifier la
définition. Quelle est votre intention derrière? Qu'est-ce que vous, vous
considérez comme étant contrôle? Parce que sinon vous risquez d'avoir toutes
sortes de personnes l'interpréter de façons différentes. Puis peut-être,
Stéphanie, je ne sais pas si… avec ton oeil d'avocate, si tu veux ajouter à mon
explication.
Mme Vallée (Stéphanie) :
Bien, avec votre permission… M. le ministre, pour ce qui est du seuil de
10 %, oui, d'autres juridictions l'ont déjà mis en place. D'ailleurs, ce
ne sont pas nécessairement les juridictions qui apparaissent comme étant les
juridictions qui sont, disons, les plus en avance pour contrer le crime
organisé. On parle du…, on parle de la Jamaïque, on parle d'une série de petits
pays qui ont mis un seuil de 10 % en place pour pouvoir déclarer les
bénéficiaires ultimes. Et le seuil de 25 % nous apparaît beaucoup plus
large parce qu'il donne énormément de flexibilité à ceux et celles qui sont mal
intentionnés pour mettre en place des structures encore plus compliquées. Donc,
en ayant un seuil restreint, on permet de travailler et de réduire les mailles
du filet.
Et, pour ce qui est de la compétitivité,
le 10 %, moi, je ne partage pas nécessairement l'avis. Nous, évidemment,
on représente un ordre qui est là pour la protection du public. Je vous dirais
que la transparence, c'est une valeur d'affaires, et on gagne à devenir une
place d'affaires transparente, et le Québec va gagner. Alors, je ne partage pas
cette opinion-là. Il y a beaucoup d'écrits, il y a beaucoup de documentation
qui vont être tout à fait à l'effet contraire, et, si vous consultez le mémoire
que nous avons déposé dans le cadre de votre consultation de l'automne dernier,
nous nous sommes attardées à cette question-là.
Et, pour ce qui est de la définition de
contrôle, bien, oui, effectivement, il faudrait définir ce qui est entendu
parce que, tant au niveau comptable qu'au niveau, même, de la définition
fédérale, il y a une interprétation qui est très large. Les juristes se
questionnent. Je sais que vous entendrez l'Association du Barreau canadien, la
division Québec. Ils ont des arguments très forts pour plaider en faveur d'une
meilleure précision. Parce qu'encore une fois plus les termes seront larges,
plus on laissera place à la créativité de ceux et celles qui souhaitent, pour
des mauvais objectifs, contourner les objectifs de votre projet de loi.
M. Boulet : Oui, tout à fait.
Écoutez, Me Vallée, oui, il y a certains pays, quand je faisais
l'inventaire…
Mme Vallée (Stéphanie) :
...plus on laissera place à la créativité de ceux et celles qui souhaitent,
pour des mauvais objectifs, contourner les objectifs de votre projet de loi.
M. Boulet : Oui, tout à fait.
Et, écoutez, Me Vallée, oui, il y a certains pays... Quand je faisais
l'inventaire des seuils à l'échelle internationale, il y a des pays de
l'Amérique latine qui ont un seuil de 10 %. Mais ce n'était manifestement
pas l'unité de mesure qui a été utilisée par ceux qui nous ont précédés à
l'Assemblée nationale, mais absolument pas. Puis d'ailleurs, il y a une
directive de la commission économique européenne pour le seuil de 25 %,
là. Donc, on est manifestement dans le peloton de tête des pays occidentaux, des
pays avec lesquels nous transigeons sur une base un peu plus régulière.
La définition, il ne faut pas la limiter
cependant... vous connaissez l'article 0.3... à la... au contrôle de fait, là.
Tu sais, si tu es détenteur ou bénéficiaire — parce que tu peux être
bénéficiaire sans être détenteur — de 25 % des actions qui
confèrent un droit de vote ou qui sont... représentent 25 % de la juste
valeur marchande... on parle du commandité dans le cas d'une société en
commandite... la définition est quand même assez précise. Ceci dit, en matière
de sémantique, d'interprétation ou d'application, tout est perfectible, je suis
d'accord avec vous. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on va faire une
étude détaillée article par article, puis ça va comprendre, bien sûr, cette
définition-là.
Je veux y aller un peu de façon
télégraphique parce que je regrette toujours de ne pas avoir assez de temps
dans cette portion-là des commissions parlementaires. L'arrimage avec Revenu
Québec... D'ailleurs, pour le bénéfice de mon collègue de Rosemont, le registre
a été transféré au MTESS en 2017 par ceux qui nous ont précédés, parce que
l'expertise en matière de gestion de registre et l'infrastructure technologique
étaient sous le MTESS. Et donc ça fait quelques années, et ce n'est pas le seul
registre qui est géré, là, dans mon ministère.
Mais donc de façon télégraphique, il y a
déjà un arrimage avec Revenu Québec. Quand vous disiez «modifier l'article
2 pour assurer la fiabilité», plutôt qu'«améliorer», vous savez, Me Vallée, on
dit aussi «les moyens raisonnables pour améliorer», alors que vous enlevez
«raisonnables» puis vous dites «assurer la fiabilité». C'est sûr qu'on fait
attention à ne pas transformer l'obligation de moyens en obligation de
résultat. Ceci dit, moi, je ne suis pas fermé, là, à ce libellé-là, là.
Je vois, Me Vallée, que vous avez
peut-être un commentaire à faire. Est-ce que c'est le cas?
Mme Vallée (Stéphanie) :
Bien, en fait, oui. Si vous voyez notre mémoire, on utilise «assurer», plutôt
que, dans le projet de loi, vous...
M. Boulet : «Améliorer».
Mme Mottard (Geneviève) :
«Améliorer»...
Mme Vallée (Stéphanie) :
...vous mentionnez «améliorer». Alors, dans le libellé, ce qu'on vous propose
de faire, c'est changer ce mot-là...
Mme Vallée (Stéphanie) :
...bien, en fait, oui, si vous voyez notre mémoire, on utilise «assuré» plutôt
que dans le projet de loi, vous...
M. Boulet : Amélioré.
Mme Mottard (Geneviève) :
Amélioré, oui.
Mme Vallée (Stéphanie) :
...vous mentionnez «amélioré». Alors, dans le libellé, ce qu'on vous propose de
faire, c'est changer ce mot-là. Et je comprends qu'il y a la question de moyens
raisonnables, mais, en même temps, si on souhaite que le registraire puisse
réellement assurer la fiabilité des données, bien, il faut lui donner les
ressources puis il faut lui donner les moyens de le faire.
Puis, dans la loi actuelle, il est un
petit peu attaché, votre registraire, parce que son mandat était différent.
Donc, à partir du moment où on lui donne un mandat et il doit participer à la
lutte à l'évasion fiscale, à la lutte au blanchiment d'argent, à la lutte à la
corruption, il n'est pas face à des enfants de coeur. Alors, il faut lui donner
des moyens un peu plus musclés, il faut lui donner une certaine autonomie, puis
il faut lui donner la possibilité de requérir sans nécessité, sans se retourner
et obtenir l'autorisation ministérielle, être capable d'entamer des enquêtes et
des inspections.
M. Boulet : C'est un excellent
point, Me Vallée. D'ailleurs, on travaille déjà en amont. Au registraire,
il y a déjà eu embauche de six inspecteurs. Puis il y a déjà des échanges, un
processus d'échange d'information, que ce soit avec la Sûreté du Québec ou avec
Revenu Québec.
Puis c'est important de préciser. À un
moment donné, vous dites : Le pouvoir d'enquête du registraire est
assujetti à l'autorisation du ministre. Ce n'est pas le cas. C'est assujetti à
l'autorisation du ministre seulement, Me Vallée, quand le registraire doit
donner mandat à un autre de faire l'enquête, là, comme Revenu Québec ou la
Sûreté du Québec, parce qu'ils ont maintenant les pouvoirs des commissaires
d'enquête. Il y a des inspecteurs, il y a des ressources qui sont déjà
ajoutées. Et il y a eu un bel omnibus qui a été adopté l'année passée par mon
collègue aux Finances. Et, à l'article 131, maintenant, le registraire,
au-delà de pouvoir faire enquête, d'avoir les ressources, il va pouvoir faire
des dénonciations au DPCP. Et c'est prévu à l'article 131 et c'est un
article qui a été amendé l'année dernière.
Ça fait que votre sensibilité aux outils
puis aux ressources que le registraire pourrait avoir pour atteindre les
finalités de la loi, bien sûr, je partage totalement cette sensibilité-là.
Le délai de prescription, quand on passe
d'un à cinq, là... En fait, pour le bénéfice de tout le monde, là, c'est un à
trois, oui, c'est un an de la connaissance avec un maximum de trois ans de la
perpétration. Vous souhaiteriez que ce soit arrimé avez d'autres lois où on
parle de trois ans de la connaissance jusqu'à un maximum de sept ans de la date
de perpétration. Moi...
12 h (version non révisée)
M. Boulet : ...de trois ans de
la perpétration. C'est... Vous souhaiteriez que ce soit arrimé avec d'autres
lois où on parle de trois ans de la connaissance jusqu'à un maximum de sept ans
de la date de perpétration.
Mme Mottard (Geneviève) :
Exact.
M. Boulet : Moi, je trouve que
c'est une idée qui est intéressante à explorer, tenant compte de la finalité et
de la complexité des stratagèmes qui sont utilisés pour faire de l'évasion, ou
de la fraude, ou de la corruption. C'est une idée qui mérite d'être explorée
plus avant.
Les sanctions administratives et pénales,
bon, là, c'est de 500 $ à 25 000 $. Pouvez-vous me redire quelle
est votre recommandation sur le niveau des sanctions? Parce qu'administratives,
c'est une radiation, et les sanctions pénales... Est-ce qu'il y a d'autres
idées à soumettre pour les sanctions administratives, puis la hauteur des
sanctions pénales, Mme Mottard ou Me Vallée?
Mme Mottard (Geneviève) : Je
vais laisser Stéphanie répondre.
Mme Vallée (Stéphanie) : Au
niveau de...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste... Je tiens à souligner qu'il ne reste que 1 min 15 s.
Mme Vallée (Stéphanie) :
Merci, Mme la Présidente. Au niveau des sanctions administratives, ma collègue
vous a mentionné un peu plus tôt, lors de sa présentation, l'inscription au
RENA, qui pourrait être une sanction intéressante, qui a été ajoutée,
d'ailleurs, par votre collègue lors des projets de loi n° 37,
41, des modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'impôt pour,
justement, contrer ou s'attaquer à ces malversations-là.
Et pour ce qui est des sanctions pénales,
bien, écoutez, il y a eu plusieurs bonifications qui ont été apportées au cours
des dernières années, que ce soit à la loi sur le Commissaire au lobbyisme, que
ce soit au Code des professions. Il y a certainement moyen de s'inspirer de ça,
parce que les objectifs... suite à la commission Charbonneau, plusieurs lois
ont été amendées, et les sanctions pénales ont ainsi été amendées. La Loi sur
l'impôt comprend des sanctions pénales importantes aussi pour ceux et celles
qui obligent de... qui négligent de déclarer des prête-noms, des... et de
déclarer un certain nombre d'opérations désignées. Donc, je pense que vous avez
là une diversité de sanctions...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, je vous remercie, c'est tout le temps que nous avons. Nous
poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente, et je tiens à vous rassurer que mon chronomètre est déjà au mode
«on». Et je vous invite à m'arrêter en mi-chemin parce que mon collègue le
député de Robert-Baldwin a aussi une question.
Merci pour la qualité de votre mémoire.
Et, Mme Mottard, très chanceux de m'entretenir avec vous parce que vous vivez
dans le magnifique comté... En tout respect à tous mes collègues, c'est le plus
beau comté au Québec. Ça, c'est la fameuse...
Mme Mottard (Geneviève) :
C'est sûr.
M. Derraji : ...c'est la
fameuse, fameuse, fameuse citation de tous les députés à l'Assemblée nationale.
Me Vallée, bienvenue dans cette commission.
J'ai vraiment aimé «la transparence est
une valeur d'affaires». Et vous avez raison. Vous avez raison, et...
M. Derraji : ...parce que vous
vivez dans le magnifique comté... en tout respect à tous mes collègues, c'est
le plus beau comté au Québec. Ça, c'est la fameuse, fameuse, fameuse citation
de tous les députés à l'Assemblée nationale. Me Vallée, bienvenue dans cette commission.
J'ai vraiment aimé «la transparence est
une valeur d'affaires». Et vous avez raison. Vous avez raison, et c'est ce qui
doit nous inspirer, tous. J'ai bien entendu vos explications par rapport au
seuil de 10 % versus 25 %. Ce qui m'a un peu interpelé, c'est que
vous avez dit, dans votre mémoire : «De plus, on propose de mieux définir
dans la loi des notions telles le contrôle de faits, la détention indirecte et
les bénéficiaires d'actions.» Et selon vous, c'est une large interprétation.
Pouvez-vous juste expliquer le pourquoi que vous soulevez cet enjeu, s'il vous
plaît?
Mme Mottard (Geneviève) :
Bien, merci. Ça revient un petit peu au commentaire que j'échangeais avec le ministre
un petit peu plus tôt, ça dépend de la lunette au travers de laquelle la personne
qui complète la déclaration va la lire, parce que le projet de loi ne définit
pas assez, à notre avis, ce qu'on veut dire par contrôle, par exemple, puis je
vous faisais rire tantôt en vous disant que la définition comptable fait quatre
pages. La définition juridique doit être encore plus longue.
Il y aurait lieu de préciser, dans le projet
de loi, quelle est votre intention, quelle est l'intention du ministre, qu'est-ce
qu'on veut dire par contrôle, définit, parce que, sinon, notre préoccupation,
c'est que parce que ces notions-là sont à géométrie variable, dépendront des
connaissances de la personne et de l'interprétation qu'elle en fera lorsqu'elle
remplira la déclaration, bien, ça risque de ne pas atteindre l'objectif. C'est-à-dire
que si on ne définit pas ces termes-là, bien, ça sera à géométrie variable, encore
une fois, je me répète, un petit peu, là.
Mais retournez à quel est l'objectif que
vous visez par ces termes-là, dans votre tête, là, qu'est-ce que vous essayez
d'accomplir et allez le définir dans le projet de loi. Parce que, comme je vous
dis, notre crainte, c'est que ce soit interprété très, très largement,
dépendamment de qui le regardera. Puis je ne sais pas, Stéphanie, si tu veux
bonifier ou... Tu es sur «mute», Stéphanie. C'est la phrase de l'année, hein?
M. Derraji : Oui.
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui.
Désolée. C'est ça. C'est qu'il s'agit de notions qui ne sont pas clairement
définies dans le projet de loi et qui pourront être utilisées en fonction du
prisme à travers lequel la personne qui complète la déclaration va analyser la situation
de l'assujetti. Et donc si on a... l'intention du législateur est clairement
définie, ça va aider, ça va permettre aux gens de se conformer aux obligations
qui sont les leurs.
M. Derraji : Merci beaucoup.
Et j'espère que M. le ministre et son équipe écoutent, j'espère qu'on va
voir... Je pense que ça mérite une clarification. M. le ministre a l'habitude
de fonctionner toujours comme ça avec moi. Donc, contrôle de faits, détention
indirecte et bénéficiaire d'actions, on doit être beaucoup plus clair. Je pense
que ce serait un des premiers amendements à voir, hein? Je compte sur vous, M.
le ministre.
Vous avez aussi mentionné que l'ordre est
contre la disposition prévue au dernier alinéa de l'article 0.3 par lequel le
gouvernement se réserve le droit de déterminer, par voie de...
M. Derraji : ...détention
indirecte et bénéficiaire d'actions, on doit être beaucoup plus clairs. Je
pense que ce serait un des premiers amendements à voir, hein? Je compte sur
vous, M. le ministre.
Vous avez aussi mentionné que l'ordre est
contre la disposition prévue au dernier alinéa de l'article 0.3 par lequel
le gouvernement se réserve le droit de déterminer, par voie de règlement,
d'autres conditions selon lesquelles une personne physique pourrait être
considérée comme un bénéficiaire ultime. Alors, on revient toujours au
bénéficiaire ultime. Donc, on ne fait que retirer le pouvoir réglementaire de
la loi ou est-ce qu'on ajoute des conditions dans le projet de loi?
Mme Vallée (Stéphanie) :
Bien, si l'intention du gouvernement ou du législateur, c'est d'ajouter des
conditions, nous, on n'y voit pas de problème. Par contre, ce que l'on prétend,
c'est que ces conditions-là doivent être inscrites au projet de loi et non
arriver plus tard par le biais d'un règlement. On comprend que ça puisse
évoluer aussi, mais les projets de loi peuvent toujours être amendés. Puis il y
a tellement de projets de loi omnibus, les omnibus fiscaux qui peuvent être
utilisés à cette fin, votre collègue en sait quelque chose.
M. Derraji : Bien, merci beaucoup.
J'ai noté aussi que vous parlez de simplifier le fardeau administratif. En tant
que défenseur de PME, pourquoi vous dites que vous voyez que, vraiment, il faut
qu'on simplifie le fardeau administratif des entreprises?
Mme Vallée (Stéphanie) : En
fait, ce qu'on voulait vous indiquer, c'est qu'il pourrait y avoir une
déclaration unique qui soit transmise à Revenu Québec et au REQ pour la
divulgation des administrateurs ultimes. Il y a déjà un temps de divulgation
qui doit être fait dans certaines circonstances par les entreprises suite aux
amendements récents apportés à la Loi sur l'impôt. Donc, pourquoi ne pas
profiter de l'occasion pour faire de ces obligations un élément où on arrive
avec un formulaire, on répond à l'ensemble des obligations, mais on n'a pas à y
répondre à des moments donnés différents à l'intérieur de l'année? Donc...
M. Derraji : Donc, si j'ai
bien compris, vous voulez qu'on amende le projet de loi pour qu'il y ait un
arrimage, si j'ai bien compris.
Mme Vallée (Stéphanie) : En
fait, je ne crois pas... bien, je ne crois pas que ça soit nécessaire de se
faire à travers d'un projet de loi, mais de façon administrative, il y a
possiblement la possibilité d'aller de l'avant avec cette proposition-là.
M. Derraji : O.K., excellent.
Mme la Présidente, combien il me reste de temps? Parce que je ne veux pas...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 5 min 14 s.
M. Derraji : O.K., parce que
je ne veux pas perdre mon collègue de Robert-Baldwin. Une dernière question.
Vous avez parlé d'autonomie, tout à l'heure, lors d'une réponse que... une
question, une réponse à M. le ministre. Qu'est-ce que vous voulez dire par
rapport à l'autonomie du registraire?
Mme Vallée (Stéphanie) :
Bien, c'est qu'il faut lui donner... et M. le ministre semble mentionner que
les outils déjà en place sont suffisants. Nous, on considère qu'il faut lui en
donner peut-être un peu plus, lui permettre d'initier davantage les actions,
lui permettre d'exiger davantage des documents. Donc, au moment où il reçoit
des déclarations, être capable rapidement de demander les preuves à l'appui de
certaines déclarations. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander...
Mme Vallée (Stéphanie) :
...clair qu'il faut lui en donner peut-être un peu plus, lui permettre
d'initier davantage les actions, lui permettre d'exiger davantage des documents,
donc, au moment où il reçoit des déclarations, être capable rapidement de
demander les preuves à l'appui de certaines déclarations. Est-ce qu'on ne
pourrait pas demander, par exemple, des preuves d'identité des bénéficiaires
avec photo?
On a fait la référence dans le mémoire à
un rapport de l'Institut C.D. Howe qui critique le registre qui a été mis en
place en Colombie-Britannique. D'ailleurs, c'est 10 %,
le seuil de détention.
M.
Derraji : Oui.
• (12 h 10) •
Mme Vallée
(Stéphanie) : Et j'avais... Ça
m'avait échappé lors de ma réponse au ministre, mais... Et on nous dit, il faut
donner des pouvoirs additionnels quand on crée de gestes parce qu'autrement le
crime organisé va simplement être plus créatif qu'il ne l'est déjà. Alors... Et
le rapport de l'Institut C.D. Howe est en ligne. Vous avez le lien dans
notre mémoire.
M. Derraji :
Mais j'en suis...
Mme Mottard (Geneviève) :
Et vous me permettez d'ajouter, M. le député, c'est... L'essentiel de notre
message, ici, c'est de donner au registre l'ambition, les moyens de ses
ambitions parce que c'est un outil fabuleux. Il existe déjà, contrairement à
toutes les provinces canadiennes où ce concept-là n'existe pas ou pas dans sa
forme actuelle. Donc, donner au registraire les moyens de ses ambitions pour
rencontrer les objectifs du projet de loi à laquelle nous souscrivons totalement.
M. Derraji :
Ne vous inquiétez pas, on va tout faire pour s'assurer que le ministre va
donner tous les moyens au registraire. C'est notre volonté, et j'en suis sûr et
certain, Me Vallée, mon collègue le député
de Robert-Baldwin va continuer dans ma logique parce que vous ouvrez la porte
au C.D. Howe. Donc, Mme la Présidente, j'ai terminé ma partie. Salutations à
l'ordre que j'aime beaucoup. Ma femme des CPA. Donc, je connais très bien
l'ordre. Donc, merci beaucoup. Je cède la parole à mon collègue
de Robert-Baldwin, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, effectivement, à
vous la parole. Il vous reste 2 min 50 s.
M. Leitão :
Oui. Bon, ça va aller vite, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, mesdames.
Bonjour, Me Vallée...
Une voix
: Bonjour.
M. Leitão :
...Stéphanie, ministre, Mme la ministre, parce que je pense qu'une fois ministre
on est toujours ministre, n'est-ce pas? Mme la Présidente, nous avons siégé
quatre ans au Conseil des ministres, et Mme Vallée avait son siège juste à
côté du mien, on était voisins.
Mme Vallée (Stéphanie) : …
M.
Leitão : Merci de faire référence au rapport du C.D. Howe, justement, Broken
on Arrival, et la question que je vais vous poser, parce que j'aurais
juste, là, pour une question, concerne ce que le C.D. Howe avait aussi
mentionné, en Colombie-Britannique, c'est-à-dire les sanctions. Est-ce que les
sanctions sont trop clémentes? Est-ce qu'on pourrait ou est-ce qu'on devrait
aller plus loin? Évidemment, la Colombie-Britannique, le C.D. Howe militait ou
proposait que ça pourrait même, éventuellement, comporter des peines
d'emprisonnement. Quel est votre avis là-dessus? Plusieurs légistes nous ont
dit : Mais non, dans notre droit, on ne peut pas vraiment faire ça, dans
l'intérêt de cette loi, ici. Comment est-ce que vous voyez ça?
Mme Vallée (Stéphanie) :
Comme je mentionnais au ministre, je suis désolée, là, je ne sais pas comment
vous appeler. Alors, M. le député, honnêtement…
M. Leitão : ...on ne peut pas vraiment
faire ça dans l'intérêt de cette loi ici. Comment est-ce que vous voyez ça?
Mme Vallée (Stéphanie) :
Comme je mentionnais au ministre... Je suis désolée, là, je ne sais pas comment
vous appelez. Alors, M. le député, honnêtement, on considère que les sanctions
actuelles, qui ont été prévues alors que le registraire avait un mandat qui
était de consigner de l'information, sont insuffisantes. Ça, c'est clair. On
s'attaque... L'objectif, c'est de s'attaquer à des organisations qui n'ont pas nécessairement
des objectifs très nobles. Alors, il faut que les sanctions soient dissuasives.
Autrement, c'est une peccadille pour ces organisations-là de verser une
pénalité de 25 000 $.
Je pense que le Québec s'est outillé, au
cours des 10 dernières années, d'une série de mesures pour dissuader ce type
d'organisation là. On en a intégré à la loi sur l'impôt, on en a intégré à
travers d'autres lois, la Loi électorale, le Commissaire au lobbyisme. Alors,
on saura certainement trouver et accorder au registraire le pouvoir d'émettre
des sanctions beaucoup plus importantes et beaucoup plus dissuasives.
C'est certain que celles qui sont
actuellement consignées à loi, bien, ce n'est pas grand-chose. Puis, regardons,
le Code des professions prévoit des sanctions plus élevées que ça, et on
s'adresse à des professionnels. La Loi électorale prévoit des sanctions plus
importantes.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
Mme Vallée (Stéphanie) :
Alors, je vous dirais qu'il y a lieu de bonifier.
M. Leitão : Merci beaucoup. Et
au plaisir de vous revoir, Stéphanie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Rosemont. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mmes Vallée et Mottard, merci d'être là.
J'aime beaucoup, beaucoup votre mémoire.
Je pense que ça respecte assurément et à 100 % le mandat de votre ordre,
qui est aussi de protéger la population. Puis c'est de la musique à mes
oreilles quand vous parlez de transparence et de faire tout pour la
transparence. Parce qu'on peut être à moitié transparent, il y aura toujours au
moins la moitié dans le noir si on se contente de demi-mesures. Alors, j'aime
ce que vous dites.
Je vais vous permettre, parce que j'ai
très peu de temps, de poursuivre la réponse que vous étiez en train de faire à
mon collègue de Robert-Baldwin sur d'autres mesures de sanctions. Parce que je
suis d'accord avec vous que, quand on brasse, là, des millions et des millions,
là, une petite tape sur les doigts de 25 000 $, là, c'est presque
ridicule, entre vous et moi, là.
Quelles autres fonctions? Vous
dites : On a moyen de trouver. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous
avez parlé du RENA, c'est assurément une option. Je ne sais pas, un calcul par
pourcentage sur les chiffres d'affaires des entreprises? Parce qu'on le sait,
ces entreprises-là, pour leur faire mal, il faut taper là où ça fait mal, puis
là où ça fait mal, c'est le portefeuille.
Mme Vallée (Stéphanie) :
D'ailleurs, le projet de loi n° 64 prévoit un pourcentage du chiffre
d'affaires des entreprises comme étant une possible sanction. Votre collègue...
M. Marissal : …chiffres
d'affaires des entreprises, parce qu'on le sait, ces entreprises-là, pour leur
faire mal, il faut taper là où ça fait mal, puis là où ça fait mal, c'est le
portefeuille.
Mme Vallée (Stéphanie) : Et d'ailleurs
le projet de loi n° 64 prévoit un pourcentage du
chiffre d'affaires des entreprises comme étant une possible sanction. Votre
collègue… Le collègue du ministre, le ministre de la Transformation numérique
est responsable d'un projet de loi où les sanctions pour un défaut de se
conformer à la protection des renseignements et aux obligations de protection
de renseignements personnels offrent… proposent des sanctions très, très
importantes — alors, oui, c'est… voici un outil : des pénalités
importantes, plus importantes tant pour les personnes physiques que pour les
personnes morales, des sanctions ou une impossibilité de contracter avec l'État,
parce que le RENA, pour ceux et celles qui nous écoutent qui ne le connaissent
pas, a comme objectif de dresser une liste des entités qui ne peuvent
contracter avec l'État. C'en est une, puis je pense que ça peut faire mal pour
bien des entreprises qui cherchent justement à obtenir des… les largesses des
contrats publics. Les sanctions d'emprisonnement, bon, on le retrouve aussi
dans la loi fédérale, qui a été amendée au cours des dernières années. Alors,
ça en fait partie, mais… Alors, vous avez là une série de propositions qui
permettent de dire… de lancer le message que la transparence, c'est une affaire
sérieuse pour le Québec. Geneviève.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est tout le temps que nous avons ou que nous avions. Nous poursuivons maintenant
avec la députée de Gaspé. Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Très intéressant. C'est certain qu'il y
a déjà quelques réponses, là, qui ont été données à mes collègues qui vont
répondre aussi aux miennes. Alors, je comprends finalement que vous voulez
qu'on renforce autant les mécanismes de vérification systématique, donc dès
qu'on inscrit une entreprise au registraire, mais, aussi, vous parliez de
mettre sur pied une unité spécialisée dédiée aux inspections et aux enquêtes.
Je trouvais ça intéressant, on n'a pas beaucoup parlé de ça. Mais est-ce que… Parce
que vous dites : «inspirée des pratiques de Revenu Québec». Est-ce que
vous voyez une forme de collaboration avec déjà une institution comme l'UPAC,
qui pourrait être mise à l'oeuvre? Comment vous voyez ça?
Mme Mottard (Geneviève) :
Bien, moi, je vais faire un commentaire puis je vais passer la parole à Stéphanie.
Encore une fois, on va changer ici la mission du Registraire des entreprises.
Donc, d'un simple registraire, on va en faire maintenant un outil très, très,
très important dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la corruption.
Alors, il faut se poser la question : Dans la façon dont opère le
registraire, les équipes qu'il a, les ressources qu'il a, est-ce que, si on
change sa mission, bien, il faut faire suivre ensuite le côté opérationnel? Et
là, nous, ce qu'on vous dit, c'est : Si vous voulez que ce registraire-là
ait du succès, bien, en anglais, on dit : «Set it up for success.» Alors,
investissez pour en faire un succès, qui passerait notamment par des équipes
d'enquête. Stéphanie, si tu veux bonifier…
Mme Mottard (Geneviève) :
...les ressources qu'il a. Est-ce que, si on change sa mission, bien, il faut
faire suivre ensuite le côté opérationnel? Et là, nous, ce qu'on vous dit,
c'est : Si vous voulez que ce registraire-là ait du succès, bien, en
anglais, on dit : «Set it up for success». Alors, investissez pour en
faire un succès qui passerait notamment par des équipes d'enquête. Stéphanie,
si tu veux bonifier ma réponse.
Mme Vallée (Stéphanie) :
En fait, au cours des dernières années, Revenu Québec a mis en place des
équipes qui vont faire, par exemple, des enquêtes ponctuelles, des vérifications
ponctuelles sur la base de la déclaration volontaire des individus, des
entreprises. Et le registre, bien, c'est la même chose, c'est une déclaration
qui est faite par un assujetti de la liste de ces bénéficiaires ultimes.
Donc, il pourrait y avoir à l'interne des
équipes chargées d'effectuer ces vérifications-là, aller assurer que l'information
qui est colligée, elle est exacte. Et on a vu... je pense qu'il y a eu des
articles de presse qui ont fait état du succès des équipes qui ont été mises en
place chez Revenu Québec.
Donc, ça fonctionne. Est-ce qu'il y a lieu
de... Et je pense que l'indépendance, c'est-à-dire que les équipes soient des
équipes du registraire, avec l'expertise, est plus utile que de faire affaire
avec une entité autre, par exemple, l'UPAC.
Mme Perry Mélançon : O.K.
Merci. Rapidement, vous parliez d'ouvrir le registre, par exemple, l'accès aux
juristes, aux journalistes. Présentement, dans la forme actuelle... c'est-u parce
qu'on parle d'un règlement qui pourrait enlever ces conditions-là?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En 10 secondes.
Mme Vallée (Stéphanie) :
L'article 16 du projet de loi prévoit que le gouvernement peut, par règlement,
établir la liste de l'information qui n'est pas accessible, et donc qui ne
peuvent être consultées. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on dit : Bien,
écoutez, qu'il y ait des éléments qu'on garde privés pour la protection de la
vie privée, ça va, mais les... Il faudrait donner la possibilité à des gens qui
veulent en faire une utilisation légitime la possibilité d'y accéder.
Puis, si on veut retirer de l'information,
qu'on... encore une fois, n'utilisons pas le pouvoir réglementaire du gouvernement,
indiquons-le clairement dans la loi que notre intention est de retirer
certaines informations, que l'on énumérera, de l'accès à certaines personnes.
• (12 h 20) •
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, on vous remercie. Merci. Alors, merci,
Mme Mottard, merci, Mme Vallée, pour votre contribution à la commission.
Nous suspendons quelques instants, le
temps de se préparer pour accueillir le prochain groupe.
Une voix
: Merci
beaucoup.
Une voix
: ...plaisir
de travailler avec vous. Au revoir.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
12 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 12 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la bienvenue à
Mme Pascale Cornut St-Pierre. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je vous invite à
bien vous présenter ainsi qu'à nommer votre rôle, et ensuite, vous pourrez
poursuivre avec votre exposé.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, messieurs et mesdames les députés, je
vous remercie pour cette opportunité de vous présenter mes observations par
rapport au projet de loi n° 78. Donc, je suis professeure à la Section de
droit civil de l'Université d'Ottawa où j'enseigne, entre autres choses, le
cours obligatoire de droit de l'entreprise que doivent suivre tous les
étudiants de notre licence en droit, et qui couvre notamment le régime de
publicité légale des entreprises aux Québec.
Donc, mon intervention d'aujourd'hui
s'appuie sur le mémoire que j'ai déposé, en décembre 2019, dans le cadre
des consultations publiques sur la transparence corporative, ainsi que sur un
article que j'ai publié, en 2019 également, sur les finalités et les usages des
registres d'entreprises. Donc, ces deux documents, je crois, vous ont été
communiqués, et aborde plusieurs thèmes pertinents aux discussions concernant
le projet de loi n° 78.
Donc, je commence mon exposé en vous disant
d'entrée de jeu que je suis très favorable aux mesures proposées dans le projet
de loi. Donc, dans l'article que je publiais, en 2019, je constatais, en effet,
que le régime québécois de publicité légale des entreprises accusait un certain
retard par rapport au développement récent dans d'autres pays. Et je
m'inquiétais en particulier du fait que plusieurs acteurs clés de notre régime,
à commencer par le Registraire des entreprises, lui-même, semblaient
privilégier une lecture indûment restrictive de la finalité du registre des
entreprises du Québec. Une lecture restrictive qui risquait de limiter
fortement l'utiliser que pourrait avoir ce registre pour répondre à certains
défis de notre époque.
Et donc je crois que le projet de loi
actuel rectifie le tir et qu'il le fait essentiellement de trois façons.
Donc, tout d'abord, en énonçant, pour la
première fois, de manière explicite les objectifs du registre des entreprises.
Ensuite, en levant l'un des principaux obstacles qui empêchait la mise en place
de fonctions de recherche avancées à l'intérieur du registre. Et finalement en
intégrant, au sein du registre actuel, des informations sur les bénéficiaires
ultimes des entreprises, conformément aux bonnes pratiques, là, qui se mettent
en place un peu partout dans le monde à l'heure actuelle.
Donc, je vais aborder dans mon exposé,
tour à tour, chacun de ces trois points.
Donc, premier point, les objectifs du
registre des entreprises. Donc, le projet de loi propose d'introduire un nouvel
article 0.1, à la Loi sur la publicité légale des entreprises, qui énonce les objectifs
du registre. Donc, le registre doit favoriser la transparence des entreprises,
renforcer la protection du public et notamment contribuer aux actions de
prévention et de lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la
corruption. Donc, cet article est important pour guider l'interprétation de la
loi et la façon dont le registraire va en assurer la mise en oeuvre…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…le registre doit favoriser la transparence des entreprises, renforcer la
protection du public et, notamment, contribuer aux actions de prévention et de
lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption. Donc,
cet article est important pour guider l'interprétation de la loi et la façon
dont le registraire va en assurer la mise en oeuvre.
Donc, au cours des dernières années, on
pouvait observer que le registraire semblait tenir pour suspectes les
utilisations du registre pour fins… par exemple pour fins d'enquête des
journalistes ou des citoyens, et en était venu à s'opposer activement à des
organismes qui proposaient de diffuser plus largement les données du registre
ou qui proposaient de donner accès à des fonctionnalités de recherches plus
avancées, des données qui sont pourtant publiques et que c'est un peu étrange
de voir le registraire tenter de restreindre.
Donc, en affirmant que le registre des
entreprises vise de manière générale à assurer la transparence des entreprises,
et non seulement la protection des personnes qui font affaire avec une
entreprise, et en affirmant aussi que le registre participe aux efforts de
prévention et de lutte contre certaines formes de délinquance d'affaire, ce
nouvel article 0.1 permettra, à mon avis, de mieux cadrer les débats qui
opposent la publicité légale des entreprises aux enjeux de protection de la vie
privée, par exemple.
Donc, deuxième point, la possibilité
d'effectuer des recherches avancées à l'intérieur du registre. Donc, la Loi sur
la publicité légale des entreprises laisse au registraire la discrétion de
déterminer lui-même les technologies qui vont permettre la consultation en
ligne des données contenues dans le registre des entreprises. Donc, c'est à
l'article 99 de la loi. Donc, le projet de loi actuel ne fournit aucune
indication supplémentaire, là, quant aux fonctions de recherches qui seront
permises ou non après son adoption. Donc, le projet de loi modifie toutefois
l'article 101 de la loi pour retirer l'interdiction qui était faite au
registraire de fournir des regroupements d'informations qui contiennent le nom
d'une personne physique. Et donc, suite à l'adoption du projet de loi, le
registraire aurait la possibilité, mais non l'obligation, de mettre en place
des fonctions de recherches plus avancées qu'actuellement et que ce… ça
pourrait éventuellement se traduire par un outil technologique plus efficace
pour retracer, par exemple, des structures d'entreprise qui peuvent être
parfois très complexes.
Donc, à ce sujet, je pense que
l'amélioration de la transparence des entreprises va dépendre des mesures
concrètes que mettra ou non en place le registraire pour permettre des
recherches à partir de tous les champs d'information contenus dans le registre
des entreprises. Donc, on pourrait ainsi effectuer des recherches par noms
d'entreprises comme on peut le faire actuellement mais aussi éventuellement par
noms d'administrateurs, d'actionnaires ou d'associés, mais on pourrait aussi
envisager des fonctions plus larges encore, des recherches par adresses, par
dates de création ou de dissolution de l'entreprise, par secteurs d'activité,
etc.
Donc, il faudrait aussi que le registre
révise les conditions d'utilisation qu'il impose actuellement pour permettre la
libre rediffusion des données qui peuvent être consultées dans le registre, et
ça, c'est essentiel pour permettre de croiser les données du registre québécois
avec les données d'autres registres dans le monde comme les…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…que le registre révise les conditions d'utilisation qu'il impose actuellement
pour permettre la libre rediffusion des données qui peuvent être consultées
dans le registre, et ça, c'est essentiel pour permettre de croiser les données
du registre québécois avec les données d'autres registres dans le monde, comme
les entreprises sont de plus en plus transnationales. Donc, ce ne sont pas
forcément des choses qui doivent apparaître dans la loi, mais ces mesures vont
déterminer concrètement si, oui ou non, on améliore significativement la
transparence des entreprises. Donc, ce sera à surveiller comment le registraire
va mettre tout ça en oeuvre.
J'ai une dernière
observation concernant les fonctions de recherche au Registraire des
entreprises. Je m'explique mal que l'on continue, dans le projet de loi actuel,
d'interdire les regroupements d'information basés sur l'adresse d'une personne
physique, donc c'est le futur article 101, alinéa 2, 1° du
projet de loi, de la future Loi sur la publicité légale, dans la mesure où
l'adresse qui sera rendue publique pourrait maintenant être une adresse
professionnelle, plutôt qu'une adresse de résidence personnelle. Et donc, vu
cet aménagement-là, je pense qu'une interdiction de faire des regroupements
basés sur une information qui ne peut pas être consultée, donc c'est déjà en
place dans le projet de loi, serait suffisante. On n'a pas besoin d'ajouter
d'interdiction de faire des recherches par adresse de personnes physiques.
Troisième point, les informations sur les
bénéficiaires ultimes. Donc, le registre des entreprises recueillera dorénavant
des informations sur les bénéficiaires ultimes des entreprises assujetties, et
je crois que la décision d'intégrer ces informations-là au registre des
entreprises actuel, plutôt que de créer un registre distinct ou de demander aux
entreprises de tenir elles-mêmes leur propre registre, c'est de loin la
meilleure solution qu'on puisse envisager au Québec.
Je salue aussi la décision de donner aux
informations concernant les bénéficiaires ultimes le même statut que les
principales informations qui figurent actuellement au registre des entreprises,
c'est-à-dire d'en faire, d'une part, des informations accessibles publiquement
et gratuitement, et je pourrai vous expliquer dans la période de questions
pourquoi je pense qu'un accès plus limité ne serait pas satisfaisant, et d'en
faire aussi une information que les pleins effets juridiques qui sont normalement
attachés à la publicité légale, donc une information qui soit opposable aux
tiers et qui est force probante en cas de litige.
Je termine en mentionnant brièvement
certaines améliorations qui pourraient, à mon avis, être apportées à la
définition des bénéficiaires ultimes que propose actuellement le projet de loi.
D'une part, le seuil qui est proposé actuellement de 25 % des droits de
vote offre, certes, l'avantage de s'harmoniser avec les définitions retenues
ailleurs, notamment dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions et dans
plusieurs pays de l'Union européenne.
Mais il faut quand même souligner qu'il
s'agit d'un seuil élevé qui est facile à contourner en pratique. Et pour vous
donner un simple exemple tout récent, il y a eu une enquête publiée par les
journalistes du Monde, la semaine dernière, OpenLux, qui révélait
qu'avec un tel seuil de 25 %, près de la moitié des sociétés inscrites au
registre du Luxembourg étaient parvenues à ne déclarer aucun bénéficiaire…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
...en pratique.
Et pour vous donner un simple exemple tout
récent, il y a eu une enquête publiée par les journalistes du Monde, la
semaine dernière, OpenLux, qui révélait qu'avec un tel seuil de 25 %, près
de la moitié des sociétés inscrites au registre du Luxembourg étaient parvenues
à ne déclarer aucun bénéficiaire effectif. Donc, il y aurait de bonnes raisons
de vouloir abaisser ce seuil de déclaration prévu, par exemple à 10 %,
comme le réclament plusieurs groupes de la société civile.
Donc, deuxième élément qu'on pourrait
peut-être améliorer dans la définition des bénéficiaires ultimes, je pense
qu'il y aurait lieu d'ajouter à la définition proposée un critère axé non
seulement sur le contrôle, mais aussi sur la réception de bénéfices, ce qui
reflète d'ailleurs la notion même de bénéficiaire ultime.
• (12 h 40) •
Donc, pour donner quelques exemples
concrets, l'actionnaire sans droit de vote, le commanditaire d'une société en
commandite ou encore le bénéficiaire d'une fiducie devraient tous, à mon avis,
pouvoir être identifiés comme des bénéficiaires ultimes, dès lors que ces
personnes-là peuvent prétendre à une part importante des bénéfices d'une
entreprise. Et donc là, ici, on pourrait parler d'un seuil de 25 % ou d'un
seuil moindre. On va calibrer... vous calibrerez comme vous pensez que c'est
pertinent, mais je crois que la notion de bénéfice est importante aussi, en
plus du contrôle.
Donc, je vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui, je termine. Donc, je vous remercie pour votre attention et je suis à votre
disposition pour répondre à vos questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Cornut St-Pierre. Alors, nous commençons la période
d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Merci, hein, Mme Cornut St-Pierre, qui enseignez le
droit de l'entreprise, cour que j'ai suivi à la Faculté de droit de
l'Université Laval. Vous devez avoir beaucoup de plaisir à faire cet enseignement.
Merci pour vos commentaires sur le projet de loi.
Je comprends que vous adhérez totalement
aux finalités, aux objectifs. Puis c'est intéressant que vous ayez une
perspective un petit peu de l'évolution du comportement du registraire en ce
qui concerne les demandes externes pour lutter, notamment, contre l'évasion
fiscale. Puis ça peut venir des journalistes. Puis vous savez qu'il y a eu des
décisions de jurisprudence, notamment, je pense, à Radio-Canada, qui rendait le
registraire un peu plus prudent, un peu plus réservé, alors que le projet de
loi définit bien quels sont les objectifs. Puis dans la mesure où le
registraire pourra contribuer à sa façon à lutter contre la criminalité au Québec,
ce sera certainement bénéfique.
Je pense qu'à Revenu Québec, on estime
qu'il y a à peu près 3,8 milliards de dollars perdus au Québec en évasion
fiscale. Puis c'est une estimation sans compter les autres volets dont on a
parlé, là, corruption, transactions illicites et autre...
M. Boulet : …je pense qu'à Revenu
Québec on estime qu'il y a à peu près 3,8 milliards de dollars perdus au
Québec en évasion fiscale, puis c'est une estimation sans compter les autres
volets, dont on a parlé, corruption, transaction illicite et autres. Quand vous
dites les mesures concrètes, prendre un petit peu de temps pour vous rassurer,
moi aussi, ça me préoccupe qu'on ait les ressources, le budget est là. Il y a
une préparation en amont, il y a une embauche d'inspecteurs, on est rendus à
six. Et il y a eu des amendements qui ont déjà été faits à la loi l'an passé
par un omnibus sous le parrainage de mon collègue aux finances. Et les
inspecteurs ont les pouvoirs, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête,
et donc ça, ça va être extrêmement bénéfique pour l'atteinte des objectifs et
le respect des finalités du projet de loi.
Là, je vais vous poser des questions
larges, parce que je veux vous écouter, vous disiez : Bon. La notion de
bénéficiaire ultime, bon, à 0.3, on définit, bon, c'est le détenteur ou le
bénéficiaire, on fait référence à 25 % des droits de vote, détenteur ou
bénéficiaire 25 % de la juste valeur marchande. On réfère à la personne
qui est commanditée quand c'est une société en commandite. Puis il y a aussi le
bénéficiaire, dans le cas de plusieurs personnes ensemble, là, des personnes
physiques qui sont regroupées, il y a la personne qui exerce le contrôle de
fait de l'assujetti. Mais vous souhaitiez comme un raffinement ou un
éclaircissement, quant à la notion de bénéficiaire ultime, la personne qui reçoit
des bénéfices, est-ce que… j'aimerais ça vous écouter sur une proposition
concrète qui pourrait nous permettre peut-être de mieux définir le bénéficiaire
ultime. Je pense qu'on s'est inspiré de définition dans d'autres lois, on
essaie d'être le plus large possible, mais je vous écouterais sur ce point-là,
Mme Cornut St-Pierre.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, selon ma lecture des différents critères, quand on dit qu'une
personne est détentrice ou bénéficiaire d'un nombre d'actions qui lui donne 25 %
des droits de vote, le terme bénéficiaire ici indique que cette personne-là,
ultimement, est celle qui va exercer le droit du vote, va bénéficier du droit
de vote et pas forcément des profits de l'entreprise. Donc, si on avait, par
exemple, un actionnaire qui a les actions sans droit de vote, donc c'est un
mécanisme qui existe, et supposons que cette personne-là a suffisamment
d'actions pour prétendre avoir la moitié des bénéfices d'une société par
actions, je crois qu'on pourrait l'indiquer comme un bénéficiaire ultime. Et là
je ne sais pas si c'est un des critères que je ne savais pas bien comment on
appliquerait, concerne la détention d'unités qui correspondent à 25 % ou
plus de la juste valeur marchande et…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…comme un bénéficiaire ultime et là je ne sais pas si c'est un des critères que
je ne savais pas bien comment on appliquerait concerne la détention d'unités
qui correspondent à 25 % ou plus de la juste valeur marchande, et mon
intuition, mais je crois que vous aurez d'autres intervenants qui vont, par
exemple, l'association des comptables agréés, peut-être eux ont une meilleure
compréhension fine de comment on met en oeuvre ces critères-là, mais je
comprends que la juste valeur marchande pour des entreprises où il n'y a pas de
marché pour échanger les actions c'est un critère assez hypothétique, qui n'est
pas facile à évaluer en pratique, qui peut être sujet à débat. Tandis que si on
parle d'une proportion des bénéfices qu'on a le droit de recevoir, ça, c'est,
je crois que c'est un peu plus facile à établir en vertu des statuts de
l'entreprise, de la société et tout ça. Ça, c'est mon intuition.
Pour compléter, je vois deux cas de
figure, là, où ce serait important de faire cette distinction-là entre qui contrôle
et qui bénéficie d'une entreprise. Bon, le cas des sociétés en commandite.
Donc, le quatrième paragraphe, là, de l'article 0.3 nous dit que le
commandité d'une société en commandite va être un bénéficiaire ultime. Et, ça,
parce que le commandité c'est la personne qui contrôle la société en
commandite. Par contre, le commanditaire est celui qui retire le profit,
typiquement, de la société en commandite et on peut avoir des cas où il y a une
multitude de commanditaires, et donc là on serait en deçà des seuils, si on met
un seuil à 25 % ou 10 %, on serait possiblement en dessous de ça,
mais si on a un commanditaire qui retire 50 % des bénéfices de la société
en commandite, je crois que c'est important de l'indiquer comme bénéficiaire
ultime, et on aurait le même raisonnement dans le cas des fiducies. Donc, là,
en ce moment, les fiducies non commerciales ne sont pas des assujetties au
régime, mais elles peuvent être des actionnaires par exemple, et donc elles
peuvent se retrouver comme bénéficiaires ultimes, et donc si on tombe sur une
fiducie, qui est-ce qu'on identifie comme bénéficiaire ultime? Là, je comprends
dans les définitions actuelles qu'on identifierait l'administrateur de la
fiducie et non pas le bénéficiaire qui, ultimement, va pouvoir toucher les
profits de l'entreprise qui seront distribués s'ils le sont. Et, donc, je pense
que ce serait important d'identifier comme bénéficiaire ultime tous ces
gens-là, à la fois ceux qui ont le contrôle, mais ceux qui vont en tirer les
profits d'une façon importante.
M. Boulet : Oui, O.K., je vous
comprends bien. Vous avez aussi abordé le sujet des formes de recherche.
J'aimerais ça que vous m'entreteniez sur la perception que vous avez de la
façon dont on peut faire, actuellement, de la recherche et ce que vous
considéreriez comme…
M. Boulet : …vous avez aussi
abordé le sujet des formes de recherche. J'aimerais ça que vous m'entreteniez
sur la perception que vous avez de la façon dont on peut faire actuellement de
la recherche et ce que vous considéreriez comme étant mieux pour l'atteinte des
objectifs et le respect des finalités de la loi. Vous avez parlé, à un moment
donné, des administrateurs, des associés, des actionnaires, puis moi, je vous
suivais, là, j'étais d'accord… mais ce que vous percevez comme l'état actuel
des choses et ce que vous souhaiteriez comme étant l'idéal.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui, donc je vais vous donner un exemple bien concret. Chaque année, dans mon
cours de droit de l'entreprise, j'organise un exercice de recherche au sein du
registre des entreprises du Québec avec comme objectif, pour les étudiants,
d'essayer de reconstituer quelle est la structure juridique de l'entreprise.
Parce qu'un des objectifs du cours, c'est d'appendre aux futurs juristes de distinguer
entre… Bien, on peut avoir une entreprise, qui est une réalité socioéconomique,
des gens qui travaillent ensemble, qui mettent des capitaux en commun pour
faire certaines activités, mais on a aussi la structure juridique. Et une
entreprise ne se traduit pas forcément par une seule entité juridique mais
souvent par plusieurs, et parfois, ça peut être des centaines d'entités
juridiques qui composent l'entreprise. Et donc je leur demande… je leur donne
quelques points de départ, et ils doivent après essayer d'identifier, bien,
c'est quoi la structure juridique de l'entreprise à partir de recherches dans
le registre.
Et la conclusion de l'exercice est
typiquement que oui, le registre nous donne beaucoup d'informations mais ne
rend pas cette recherche-là d'une structure, des liens entre les entités
juridiques très facile. Et donc, si on réussit à partir de la bonne… disons, la
dernière entreprise d'une chaîne, on peut remonter, par exemple, les
actionnaires, si c'est une société par actions, on remonte, on remonte, on
remonte. On peut aller assez loin comme ça, mais on ne peut pas faire le chemin
en sens inverse. On ne peut pas savoir quelle société a quelle filiale. Donc,
on ne peut jamais redescendre.
Et on tombe souvent, quand on remonte la
chaîne, comme ça, de propriétés ou de détentions, on tombe souvent sur certains
culs-de-sac, et là, typiquement, il y en a deux principaux. On tombe sur une
fiducie et donc là on ne sait plus après qui détient ça ou on tombe sur une
société étrangère pour laquelle on n'a pas d'information dans le registre
québécois et pour laquelle, souvent, n'existe pas de registre simple d'accès à
l'étranger.
• (12 h 50) •
Et donc, si on avait des fonctions de
recherche mieux… disons, plus complètes, comme un catalogue de bibliothèque,
par exemple, où on peut chercher un titre, on peut chercher un auteur, on peut
chercher une date, ça nous permettrait de plus facilement savoir, bien… donc,
là, j'ai identifié une branche de l'entreprise, mais est-ce qu'il y a une
branche parallèle? Est-ce qu'il y a des sociétés soeurs? Puis là commencer à
voir mais qui est actionnaire de quoi, et là, comme ça, on a le réseau complet
plutôt que d'avoir juste une vue très partielle. Donc, je ne sais pas si ça
répond bien à la question.
M. Boulet : Bien, oui, je vous
suis bien, là. En fait, vous souhaiteriez que la recherche…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…mais qui est actionnaire de quoi, et là, comme ça, on a le réseau complet
plutôt que d'avoir juste une vue très partielle. Donc, je ne sais pas si ça
répond bien à la question?
M. Boulet : Bien, oui, je vous
suis bien, là. En fait, vous souhaiteriez que la recherche nous permette de
saisir tous les tentacules d'une organisation plutôt que simplement certains
fragments. C'est bien…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
C'est ça.
M. Boulet : O.K.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui, donc c'est ça. Et peut-être pourquoi est-ce que c'est pertinent? Un des
exemples, un des exercices, là, que je proposais, une année, aux étudiants,
c'était l'exemple de l'industrie du cannabis où, dans la loi, il faut s'assurer
qu'il n'y ait personne d'impliqué qui ait des antécédents judiciaires. Donc, on
ne veut pas que ce soit le secteur des trafiquants de drogue qui s'invitent
dans cette industrie légalisée là. Et pour se rendre compte qu'en fait, c'est
excessivement difficile d'identifier ça justement à cause de ces structures-là.
Que c'est facile pour quelqu'un de s'impliquer dans cette industrie-là sans
devenir visible dans le registre.
Bon, un autre exemple qui est peut-être
encore beaucoup plus simple : chaque année, à la saison des déménagements,
on a des entreprises très louches qui se créent pour la saison du déménagement
et se dissolvent par la suite. Et là, il y a plein de plaintes de consommateurs
qui ont été un peu floués parce qu'ils ont mal fait leur travail. On n'a pas de
moyen de chercher, par exemple, un individu et de se rendre compte que, bien
cette personne-là, année après année, crée une nouvelle entreprise, qui fait
faillite, et en recrée une nouvelle et en recrée une nouvelle. On ne peut pas
chercher ça en ce moment dans nos registres des entreprises. Et pourtant c'est quelque
chose… ça serait une utilité assez légitime du registre, qu'on essaie d'évaluer
la crédibilité d'une entreprise. Une entreprise… une personne impliquée dans
des entreprises qui font faillite continuellement, c'est inquiétant. Donc, il y
a beaucoup de raisons comme ça de vouloir élargir les critères de recherche.
M. Boulet : Ah totalement!
Bien, écoutez, je pense que vous êtes une personne de contenu, de détails puis
vous voulez vous assurer que, dans l'opérationnalisation de la loi, on soit
bien en mesure de rencontrer les objectifs. J'aimerais ça — puis
c'est peut-être une question un peu académique, là, mais — écouter
votre opinion sur… parce qu'on parle de transparence corporative, hein? Puis,
souvent en matière de droit, il faut trouver un équilibre entre un droit
personnel puis un droit collectif, quand on est en entreprise, entre le droit
de gestion de l'entreprise puis la liberté du travailleur. Ici, c'est la vie
privée et la transparence corporative dans la mesure où, évidemment, ça protège
le public parce que c'est ça ultimement que nous souhaitons faire avec ce
projet de loi là. Qu'est-ce que vous auriez à nous dire sur comment bien
atteindre cet équilibre-là entre la protection de la vie privée et la transparence
corporative?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, dans mon mémoire, je proposais d'enlever l'irritant…
(Visioconférence)
M. Boulet : ...ce projet
de loi là, qu'est-ce que vous auriez à nous dire sur comment bien atteindre cet
équilibre-là entre la protection de la vie privée et la transparence
corporative?
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Oui. Donc, dans mon mémoire, je proposais d'enlever
l'irritant majeur et j'ai pu voir, dans les autres mémoires qui avaient été
déposés, là, l'an dernier, que c'était en effet l'irritant que tout le monde
mentionnait, c'est la question de la résidence personnelle. Donc... et ça, je
pense que tout le monde peut comprendre que ce n'est pas agréable de savoir que
n'importe qui fait une recherche sur nous peut trouver notre adresse de
résidence personnelle peut... avec les outils aujourd'hui, là,
Google Maps, et tout ça, là, on peut aller voir visuellement où vous
habitez et tout ça. Donc, là encore je pense qu'on essaie de faire une mise en
balance, là. Ça, c'est l'irritant majeur, et je vous proposais de l'enlever et
je crois que vous avez, dans le projet de loi, intégré ça et donc, moi, je
pense qu'on atteint un meilleur équilibre comme ça.
Pour le reste, il y a quand même l'idée
qui est très ancienne qui dit : mais si on prétend bénéficier d'une forme
de responsabilité limitée qui est un truc un peu exorbitant du droit commun.
Donc, normalement, on est responsable de nos actes. Si on s'endette, on va
devoir payer nos créanciers et tout ça. Là, les entités juridiques, en
particulier la société par actions, nous permettent d'avoir une forme de
responsabilité limitée, et ça, historiquement c'est venu aussi avec une
exigence de publicité, en disant : mais il nous faut certaines garanties
pour contrebalancer ça, et donc je pense que ce principe-là que, oui, en se
lançant dans la vie des affaires, on se résigne à perdre un peu de vie privée.
M. Boulet : Eh, que je
suis d'accord avec ça.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Voilà. Donc, c'est...
M. Boulet : Non, mais je
suis en train de me dire : j'adhère complètement à votre propos. Il y a
comme une renonciation implicite à la protection de certains renseignements
pour le bénéfice de la protection du public, puis pour permettre aussi, à une
société, de lutter contre l'évasion, la fraude, la corruption et autres
phénomènes qui nous préoccupent par ce projet de loi là. Écoutez...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : M. le ministre, oui, il reste 50 secondes.
M. Boulet : Donc, simplement,
Mme la professeure Cornut St-Pierre, j'ai bien apprécié votre mémoire, la
qualité de votre présentation, puis votre propos, puis je suis content d'avoir
eu cette opportunité-là de converser avec vous, et au plaisir de vous revoir
bientôt. Merci.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons
maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme
la Présidente. S'il vous plaît, m'arrêter à la cinquième minute parce que mon
collègue, le député de Robert-Baldwin, a des questions. Professeure, merci
beaucoup pour votre présence, la qualité de votre mémoire. On voit que vous
êtes vraiment une personne dédiée à cette cause. Et j'ai bien lu votre
document...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…minutes.
M. Derraji :Merci, Mme la Présidente. S'il vous plaît,
m'arrêter à la cinquième minute, parce que mon collègue, le député de
Robert-Baldwin, a des questions.
Professeure, merci beaucoup pour votre
présence. La qualité de votre mémoire… on voit que vous êtes vraiment une
personne dédiée à cette cause, et j'ai bien lu votre document Usages et
finalités des registres d'entreprises à l'ère numérique : de l'efficience
économique à la surveillance citoyenne des entreprises. Merci beaucoup,
c'est un document que je vais le garder, parce que vous savez quoi? J'ai vraiment
aimé votre angle : la surveillance citoyenne des entreprises. Et si j'ai
bien compris, pour vous, une démarche d'ouverture, bien, ça inclut aussi la
société civile. Vous évoquez dans votre lettre que vous avez adressée aux
membres de notre commission, le rôle des banques. Et si on veut combattre ce
fléau de blanchiment ou autre, bien, c'est un combat pas uniquement d'une
personne, mais de toute une société : société civile, journalistes,
banques, gouvernements, tous les intervenants. Et c'est là où j'aimerais
vraiment que vous nous partagiez un peu les outils qu'on peut mettre.
J'ai deux questions. La première question,
ça concerne les ressources nécessaires. J'ai des inquiétudes… le rôle du
Registraire des entreprises. Premièrement, vous dites, vous mentionnez
l'importance pour le registraire de compter sur un personnel qualifié,
disposant des ressources nécessaires pour identifier les bénéficiaires ultimes
d'entreprises aux structures juridiques parfois excessivement complexes. Donc,
comment, en tant que législateur, aujourd'hui, peut-on nous assurer que les
ressources nécessaires sont disponibles? Un : Définir les ressources
nécessaires et, selon vous, est-ce qu'avec l'adoption du projet de loi le
Registraire des entreprises et les gens qu'il… sont habiles et ils ont
l'ensemble des moyens de bien remplir leur mandat?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Donc, le projet de loi, en ce moment, donne au… qu'est-ce qu'on dit, le
Registraire, d'avoir les pouvoirs de prendre les moyens raisonnables pour s'assurer
de la fiabilité des renseignements qu'on lui soumet. Et donc, ça, c'est très
vague. Je ne sais pas si on veut un niveau beaucoup plus détaillé dans la loi
elle-même. Donc, c'est un peu comme les critères de recherche. Des fois, pour
garder une loi simple, pour lui permettre d'évoluer en fonction de la pratique,
on ne veut pas forcément mettre tous les détails dans la loi. Mais je peux vous
dire, un peu, qu'est-ce que j'envisagerais ou qu'est-ce que d'autres organismes
envisagent en termes de moyens à mettre en oeuvre pour assurer une fiabilité
raisonnable des renseignements qui apparaissent au registre. Mais tout d'abord,
je pense que ça prend une vérification d'identité assez systématique, là, des
individus qui sont mentionnés au registre. Et ça, d'un certain point de vue,
c'est étonnant que ce ne soit pas déjà exigé parce que dans tout le secteur
financier, par exemple, on oblige les institutions à faire cette
vérification-là. Dans toutes les règles antiblanchiment d'argent, on force les
acteurs du secteur privé à mettre en place ces mesures de vérification là, que
le gouvernement ne… jusqu'à maintenant, ne s'est pas…
13 h (version non révisée)
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
...étonnant que ce ne soit pas déjà exigé parce que, dans tout le secteur
financier par exemple, on oblige les institutions à faire cette
vérification-là. Dans toutes les règles anti-blanchiment d'argent, on force les
acteurs du secteur privé à mettre en place ces mesures de vérification là que
le gouvernement, jusqu'à maintenant, ne s'est pas imposées à lui-même. Mais
donc on comprend mal cette incohérence-là entre ce qu'on impose à des
institutions financières et ce qu'on fait au Registraire des entreprises.
Et donc, ça, ça pourrait être assez simple
à mettre en oeuvre. Je pense à... bon, un exemple qu'on peut prendre en tête,
là, si on voyage et qu'on loue une chambre Airbnb à l'étranger, pour faire ça,
Airbnb va nous demander à un moment d'avoir une copie de notre passeport pour
s'assurer qu'on est bien la personne qu'on prétend être. Et donc, si une
entreprise comme ça est capable de le mettre en oeuvre, c'est assez simple, en
fait, comme utilisateur aussi, à fournir comme preuve, je ne vois pas pourquoi
le registraire ne le ferait pas.
M. Derraji : Oui. Et vous avez
très bien expliqué le tout avec, vraiment, éloquence, et que vous dites que...
vous mentionnez qu'il s'agit d'une avancée, mais vous invitez le gouvernement à
aller plus loin.
Il y a un autre point qui m'a
interpellé : «J'aimerais toutefois encourager le gouvernement à aller plus
loin sur cette voie en donnant accès au registre des entreprises du Québec sous
forme de données ouvertes, c'est-à-dire de données numériques lisibles par
ordinateur et susceptibles d'être utilisées et rediffusées sans restriction.»
Bon, vous suivez nos travaux. L'utilisation des données ouvertes, vous savez
les problèmes liés aux données. J'en suis sûr et certain, plusieurs collègues
vont vous poser des questions. Bon, comment, un, s'assurer de la bonne
diffusion de l'information, deux, la protection de l'information?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Donc, si... Donc, le format ouvert qu'on pourrait envisager... Parce que, selon
le projet de loi actuel, il y aurait des données consultables et des données
non consultables. Donc, le format de données ouvertes qu'on pourrait mettre à
disposition du public serait évidemment composé des données consultables. Donc,
l'idée serait qu'on ne puisse pas aller au-delà de ce qui peut être consulté
publiquement dans le registre.
Mais donc c'est qu'il y a déjà des modèles
qui existent, là. Donc, dans mon article, là, je parlais de l'ONG
OpenCorporates. Donc, si vous allez sur leur site, vous voyez un exemple de...
vraiment, c'est un outil de recherche qui fait un croisement entre toutes les
données... tous les registres existants qui permettent l'utilisation de leurs
données, si bien qu'on est capables, d'une simple recherche, de voir, par
exemple, qu'une entreprise transnationale comme, on pourrait... Bombardier, par
exemple, bien, a des entités au Québec, mais en a aussi en France, dans
d'autres pays et tout ça, et là on est capables de voir un peu un portrait
mondial de l'entreprise. Donc, c'est à ça que ça sert les données ouvertes,
donc cette capacité-là de beaucoup plus systématiquement faire des outils informatiques,
créer les liens entre les registres.
C'est ce qui permet aussi... Donc, il y a
des chercheurs, au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni offre le registre en données
ouvertes, c'est ce qui permet aux chercheurs de constater que… plein de lacunes
au niveau de la fiabilité des données...
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…informatiques, créer les liens entre les registres. C'est ce qui permet,
aussi… Donc, il y a des chercheurs, au Royaume-Uni… le Royaume-Uni offre le
registre en données ouvertes, c'est ce qui permet aux chercheurs de constater
que… plein de lacunes au niveau de la fiabilité des données, par exemple, qu'il
y a beaucoup de… d'utilisateurs qui seraient nés à des années qui n'ont aucun
sens, qui auraient maintenant 200 ans ou 150 ans, ou encore des
enfants de deux ans qui sont propriétaires de cinq sociétés par
actions. Donc, ça permet de faire ces recherches fines là qui… que le registre
lui-même ne permet pas toujours de faire facilement.
M. Derraji : Merci,
professeure. Mais je pense… mon collègue… Je pense que j'ai épuisé mes
5 minutes. Mon collègue va poursuivre avec vous. Merci encore une fois,
professeure.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin. Vous disposez de
4 min50 s.
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup. Alors, bonjour. Bonjour, madame, merci d'être là. Très intéressants,
votre travail, votre présentation, votre papier.
La question que j'avais déjà… été abordée
avant, de 25 %, je pense qu'on parlera de ça quand le moment arrivera pour
le… faire l'étude détaillée du projet de loi, mais je pense qu'il y a là lieu à
amélioration, même si je comprends tous les enjeux d'harmonisation.
Mais là où j'ai trouvé très intéressant,
c'est quand vous parlez de contrôle versus qui en bénéficie vraiment. Et ça, je
pense que ça serait très utile, si on pouvait y aller de façon un peu plus
précise. Parce que, des fois, vous pouvez peut-être, sur papier, être en
contrôle de l'entreprise mais peut-être ne pas nécessairement être la personne
qui, ultimement, va bénéficier monétairement de cette entreprise-là. Alors,
comment est-ce que vous voyez ça? Qu'est-ce qu'on pourrait ajouter, sans trop
alourdir aussi le processus d'enregistrement mais qu'on puisse aller chercher,
aussi, pas seulement le… celui qui contrôle mais celui qui bénéficie vraiment
de l'entreprise?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc là, vous me demandez un exercice que je n'ai pas fait, dont… une
espèce de libellé, comme ça, là. Je ne suis pas légiste, donc vous me prenez un
peu au dépourvu, mais…
M. Leitão : De façon générale.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…on pourrait imaginer, donc je prends le paragraphe 3°, là, la personne
qui exerce le contrôle de fait de l'entreprise, donc on pourrait imaginer un
critère similaire, aussi large, mais qui… «la personne qui, de fait, reçoit
25 % des bénéfices de l'entreprise», par exemple. Et là, peut-être ne pas
chiffrer, peut-être dire un… «une part importante des bénéfices». Bon, là, les
gens n'aimeront pas ça parce que c'est très vague, mais donc de vraiment se
référer plutôt à la réception de bénéfices. Puis, on pourrait compléter avec,
par exemple, le paragraphe 4°, qui parle du commandité d'une société en
commandite, bien, on pourrait mentionner également «le commanditaire qui
reçoit…»
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : ...les gens n'aimeront pas ça parce que c'est très vague,
mais donc de vraiment se référer plutôt à la réception de bénéfices. Puis on
pourrait compléter avec... par exemple, le paragraphe 4°, qui parle du
commandité d'une société en commandite, bien, on pourrait mentionner également
le commanditaire qui reçoit, par exemple, 25 % et plus des profits.
On pourrait... fiducies, parce que les
fiducies ici ne sont pas nommément mentionnées, et mentionner que dans le cas
d'une fiducie, en fait, on veut et l'administrateur de la fiducie et le
bénéficiaire. Donc, ce serait une façon vraiment... juste d'insister que ce
n'est pas une simple question de contrôle. Parce qu'en fait tous les critères,
en fait, renvoient à la capacité de contrôler, de prendre des décisions au nom
d'une entité juridique, d'une société ou d'une autre forme d'entité juridique.
Donc là, l'idée serait vraiment de dire : Mais c'est aussi la capacité de
tirer profit...
M. Leitão : Très bien.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : ...avoir un «ou», oui, un ou l'autre.
M. Leitão : Oui, très
bien. Et je pense que cette question des fiducies aussi, je pense que c'est
extrêmement important. Parce qu'on peut faire toutes ces démarches-là, et puis,
à la fin, bon, c'est une fiducie, mais qui contrôle ou qui bénéficie de la
fiducie? Ça, ça devient un problème.
Une chose que vous avez mentionnée aussi,
je trouve que ça serait intéressant, c'est de trouver un moyen pour que le
registraire puisse bénéficier ou consulter les autres sources d'information qui
existent déjà, que ce soit à l'intérieur de l'État, Revenu Québec, par exemple,
où il y a déjà beaucoup d'informations, ou les institutions financières.
Maintenant, il y a toutes sortes de
questions qui se poseraient de protection des données personnelles, etc., mais
moi, je pense que c'est possible. Est-ce que vous avez vu ça ailleurs, où un
organisme qui semble au registraire peut avoir accès aux données du fisc, par
exemple, pour consulter le fisc?
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Oui. Donc, ce à quoi je pense quand vous me posez la
question, c'est un rapport de Tax Justice Network sur comment vérifier ou
assurer la fiabilité d'un registre d'entreprises. Donc, il ne parlait pas... le
rapport ne parlait pas spécifiquement, là, des ententes entre parties du
gouvernement mais insistait plutôt sur les mesures informatiques, notamment
d'intelligence artificielle, le big data à mettre en oeuvre.
Donc, une première étape, c'est de
vérifier la fiabilité des données qui entrent, là. Donc, on a parlé de
vérification d'une entité. La deuxième étape, c'est de systématiquement croiser
les données puis de développer des critères d'identification du risque, ce
qu'on font déjà les institutions financières, en fait, là, donc une sorte de
screening, là, puis on se rend compte qu'il y a des motifs récurrents liés à
des activités fraduleuses ou de blanchiment d'argent, et d'être capable, une
fois qu'on a identifié ces patterns-là, de les identifier ailleurs, donc, des
choses qui ne semblaient pas a priori louches mais qu'on se rend compte, O.K.,
il y a les mêmes genres de choses qui se passent, donc on va examiner ça de
plus près.
Et donc, là, il y avait vraiment une
insistance sur les capacités informatiques qui devaient être développées par le
registraire pour être capable d'avoir automatiquement, là, un petit drapeau
rouge qui se lève en disant : Oups! Cette...
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…a priori louches, mais qu'on se rend compte O.K. il y a les mêmes genres de
choses qui se passent, donc on va examiner ça de plus près. Et, donc, là, il y
avait vraiment une insistance sur les capacités informatiques qui devaient être
développées par le registraire pour être capable d'avoir automatiquement, là,
un petit drapeau rouge qui se lève en disant : Oups, cette déclaration-là
a plusieurs éléments qui nous permettent de croire qu'il faudrait enquêter un
peu plus profondément.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Merci, alors nous poursuivons maintenant avec le député
de Rosemont. Vous disposez de 2 minutes 45 secondes.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Ne partez pas le chrono tout de suite. Avec le consentement de mes
collègues, est-ce que je peux récupérer le temps de ma collègue de la troisième
opposition qui semble nous avoir quittée?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Écoutez, j'ai déjà donné une minute au parti avant vous.
• (13 h 10) •
M. Marissal : Alors, il m'en
reste une.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'allais vous l'accorder de toute façon. Allez-y.
M. Marissal : Les grands
esprits se rencontrent. Merci, Mme la Présidente. Mme Cornut St-Pierre,
merci d'être là. J'ai beaucoup apprécié votre présentation, votre mémoire,
c'est clair, ça va droit au but. Vous savez peut-être ce que je faisais dans la
vie avant, alors comme journaliste je ne peux qu'être d'accord avec la
transparence et la plus grande des transparences, je veux dire, pour moi, ce
n'est pas quelque chose qu'on devrait négocier. Et j'ai bien noté toutes les
exclamations enthousiastes du ministre à chacune de vos propositions, il y a un
astérisque à côté de chacune de celles-ci et suivra, vraisemblablement, des amendements,
même, puisque le ministre a exprimé une ouverture vraiment très intéressante à
vos propositions et j'en prends bonne note. Je suis sûr que mes collègues sont
à la même place que moi là-dessus.
Rapidement, parce que je ne vais quand
même pas brûler tout le temps que je viens de gagner, pouvez-vous nous parler
un peu de ce qui est arrivé au Luxembourg où vous avez parlé d'un fiasco assez
total me semble-t-il. Je vous écoute.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui, donc, vraiment, la semaine dernière, là, je pense qu'il y a une série
d'articles qui ont été publiés à partir du 8 février, donc c'est dans la
série des différents «leaks» ou les différents scandales, là, liés à des fuites
de données. Donc, là, celui-là, ils l'ont appelé OpenLux, et donc c'est
vraiment une enquête sur les registres de bénéficiaires ultimes et en partie
celui du Luxembourg. Pour se rendre compte que dans toutes les entreprises qui
sont enregistrées au Luxembourg, il y en a à peu près 50 % qui respectent
leurs obligations en vertu de la loi, mais qui ne déclarent aucun bénéficiaire
ultime. Et, donc, c'est qu'on voit depuis l'entrée en vigueur de ces normes-là
sur les bénéficiaires ultimes, je crois qu'on a identifié un peu le même
phénomène en Grande-Bretagne. Il y a une capacité des entreprises, qui ne
souhaitent pas divulguer l'information, de se restructurer légèrement de façon
à contourner les seuils qui sont mis en place. Et donc, ça, c'est tout le
problème, en fait, des seuils. Un seuil chiffré, c'est à la fois quelque chose
qu'on aime parce que c'est clair. Les gens n'ont pas besoin d'engager, par
exemple, un juriste qui va leur faire un long mémo sur, bien qu'est-ce que ça
signifie ce critère-là. Donc, c'est simple, mais c'est aussi un peu une recette
pour contourner le seuil. Donc, à partir du moment où on a quelque chose de
très clairement…
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
…c'est clair, on… les gens n'ont pas besoin d'engager, par exemple, un juriste
qui va leur faire un long mémo sur, bien, qu'est-ce que ça signifie ce
critère-là. Donc, c'est simple, mais c'est aussi un peu une recette pour
contourner le seuil. Donc, à partir du moment où on a quelque chose de très
clairement délimité, bien, on peut se positionner juste à côté, puis là on
n'est plus inquiétés. Et donc c'est cet équilibre-là qui est délicat.
Je sais que les organismes les plus
actifs, là, par exemple Tax Justice Network, eux proposent, finalement, de ne
pas avoir de seuil, de dire : Le seuil, en fait, c'est dès qu'il y a une
action, vous êtes un bénéficiaire ultime. Ça, c'est la seule chose qui nous
garantit qu'on ne pourra pas contourner ça. Mais, bon, après, ça, ça peut être…
ça finit par faire beaucoup de gens qui vont être concernés par ça. Et donc,
souvent, un compromis serait de dire : Bon, on commence par 10 %,
puis on voit comment ça va avec ça, puis, peu à peu, peut-être qu'on baisse le
seuil. Déjà, 10 %... bon, quelle est différence entre 25 % et
10 %? Bien, 10 % devient techniquement plus compliqué et plus coûteux
à contourner. Ce n'est pas impossible, ce n'est jamais impossible, mais il va
falloir mettre en oeuvre des structures encore plus complexes pour contourner
le 10 %. Donc, on imagine qu'il y a moins de cas où ça va valoir la peine
de le faire, et donc moins de gens vont le faire.
M. Marissal : Je comprends
bien. Je comprends bien. Je vous arrête là-dessus, madame, merci beaucoup de la
présentation. Je pense qu'on a pris des notes et des notes fort utiles pour la
suite des choses. Je vous remercie beaucoup.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) : Bien,
je vous remercie pour votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, Mme Cornut St-Pierre. C'est tout pour le moment. Merci
pour votre grande contribution à l'avancement des travaux de la commission.
Alors, écoutez, compte tenu de l'heure,
nous suspendons les travaux jusqu'à 15 h 30. Alors, merci.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail.
La commission est réunie virtuellement
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 78, Loi visant principalement à
améliorer la transparence des entreprises. Cet après-midi nous
entendrons les groupes suivants : la Chambre des notaires du Québec, le
collectif Échec aux paradis fiscaux et la Chambre des huissiers de justice du
Québec.
Alors, nous accueillons immédiatement,
dans un premier temps, la Chambre des notaires du Québec. Je vous invite, Mme Potvin
et M. Amabili-Rivet, à bien vous présenter, à dire votre titre, et ensuite
de commencer votre exposé. Vous savez que vous disposez de 10 minutes.
Alors, la parole est à vous.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bonjour, donc Raphaël Amabili-Rivet, notaire à la direction des Services
juridiques et Relations institutionnelles de la Chambre des notaires du Québec.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
bonjour, Hélène Potvin, notaire, présidente de la Chambre des notaires du
Québec.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames
messieurs les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous
remercie de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le
projet de loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer
la transparence des entreprises.
Nous tenons tout d'abord à dire que nous
appuyons et nous accueillons favorablement ce projet de loi. Il était
nécessaire afin que le Québec emboîte le pas aux autres provinces canadiennes
et à certains pays de l'Union européenne en matière de transparence des entreprises,
notamment, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent.
Nous comprenons, par la teneur du
p.l. n° 78 que la vision du ministre est celle de la transparence
absolue du registre des entreprises au Québec. En effet, le projet de loi propose
de rendre accessibles au public les renseignements et les informations portant
sur le bénéficiaire ultime d'un assujetti. Selon nous, le fait d'opter pour
cette solution extrêmement forte en termes de la transparence entraîne
plusieurs questions et préoccupations qui ont été laissées sans réponse par le
projet de loi.
À cet égard, je vais m'attarder
aujourd'hui, à vous présenter les principales recommandations que nous avons
proposées dans notre mémoire pour alimenter la réflexion dans le cadre de l'étude
du p.l. n° 78.
D'abord, nous croyons essentiel que le
projet de loi vienne préciser quels sont les effets et conséquences juridiques
attendus du régime des «bénéficiaires ultimes». Il s'agit de notre
recommandation 4 de notre mémoire. En effet, nous comprenons que le régime
proposé par le p.l. n° 78 vise en quelque sorte à intégrer une vision
fiscale du régime des «bénéficiaires ultimes» et du «contrôle de fait» d'un
assujetti au sein du registre des entreprises…
Mme Potvin (Hélène) : …notre recommandation
4 de notre mémoire. En effet, nous comprenons que le régime proposé par le p.l.
n° 78 vise, en quelque sorte, à intégrer une vision fiscale
du régime des bénéficiaires ultimes et du contrôle de fait d'un assujetti au
sein du registre des entreprises au Québec. Il y aura toutefois des
conséquences juridiques qui découleront du fait que ces informations plus
fiscales soient rendues accessibles au public et lui soient, du même coup,
opposables en étant publiées au registre des entreprises. On peut ainsi
légitimement se demander quel sera l'impact pour le public qui constatera, en
consultant le registre des entreprises, que la propriété effective et la
propriété juridique d'un assujetti est différent. Le bénéficiaire ultime d'un
assujetti peut, en effet, n'avoir aucun lien juridique avec ce dernier. Or,
est-ce à dire que si l'assujetti commettant une faute contractuelle grave, le
bénéficiaire ultime pourrait être tenu responsable des actions de
l'assujetti ? Si oui, dans quelles circonstances?
On comprend donc qu'il y a d'importantes
zones d'ombre sur l'application pratique des mesures proposées par le p.l. n° 78, d'autant plus qu'il faut se rappeler que pour des raisons
qui peuvent être tout à fait légitimes, on peut souhaiter limiter l'accès à de
telles informations. Cela pourrait ainsi créer certains effets négatifs,
notamment si on se met dans la peau d'entrepreneur. Je vous partage deux
exemples. Une personne physique, dont le plan d'affaires est d'acquérir des
participations dans des sociétés concurrentes, ne sera plus en mesure d'assurer
une certaine discrétion dans le dévoilement des informations stratégiques, car
ces informations seront connues de tous. La croissance de son entreprise
pourrait être ainsi compromise. Autre exemple. Tous les proches d'une personne
physique auront accès à des informations sensibles, quant à certains intérêts
qu'elle possède dans une entreprise, ce qui peut causer des conflits familiaux
ou des difficultés interpersonnelles importantes.
Pour illustrer à nouveau la
difficulté juridique d'application de ces mesures, prenons un dernier exemple
qui pourrait, cette fois, avoir des effets plus positifs quand on se met dans
la peau du public en général. On pense ici à la pratique des coquilles vides,
dans le domaine de la construction, pour lequel le p.l. n° 78 n'apporte
pas plus de réponse. Comme le rappelait récemment l'émission Enquête, il
y aurait une pratique d'usage au Québec, dans le domaine de la construction,
qui consiste à créer des entités indépendantes, une coquille corporative pour
développer des projets domiciliaires. Ces coquilles corporatives disparaissent
aussitôt que le projet immobilier est complété. Ce stratagème, par ailleurs
tout à fait légal, amène plusieurs interrogations lorsque l'acheteur se retrouve
sans recours devant une telle entité vidée complètement de son capital et
incapable d'assumer ses responsabilités. En rendant des informations du
bénéficiaire ultime accessibles au public, le p.l. n° 78…
(Visioconférence)
Mme Potvin (Hélène) : ...ce
stratagème, par ailleurs tout à fait légal, amène plusieurs interrogations lorsque
l'acheteur se retrouve sans recours devant une telle entité vidée complètement
de son capital et incapable d'assumer ses responsabilités. En rendant les informations
du bénéficiaire ultime accessibles au public, le p.l. n° 78
ouvre la porte à ce qu'un acheteur ait un recours direct contre le bénéficiaire
ultime de cette coquille vide. Cela pourrait donc être une avancée majeure pour
la protection du public. Cela dit, comme ce genre de situations est complexe et
n'est pas spécifiquement le projet de loi, des questions demeurent, il serait
intéressant que le p.l. n° 78 s'y penche. En
résumé à cette recommandation principale, nous croyons que le p.l. n° 78 doit être adapté afin qu'on puisse mesurer clairement
les effets juridiques attendus quant à l'opposabilité au tiers des
renseignements et des informations concernant le bénéficiaire ultime d'un
assujetti.
Je souhaite maintenant vous entretenir de
l'importance du règlement d'application. On note que des éléments essentiels ne
sont pas traités au sein du p.l. n° 78. Ces
éléments devraient donc apparaître éventuellement au sein d'un règlement
d'application. Nous aurions souhaité que les dispositions de ce règlement d'application
se retrouvent au sein du p.l. n° 78. D'autant
plus que le projet de loi modifie déjà certaines dispositions du règlement d'application
de la Loi sur la publicité légale. Pourquoi ne pas les avoir intégrées au p.l. n° 78 donc les éléments qui doivent se retrouver au sein du
règlement?
Plusieurs questions d'application pratique
découlent de cette absence de règlement d'application. Les recommandations n° 1 à 3 de notre mémoire traitent d'ailleurs de ces
questions et amènent certaines pistes de solution pour y répondre. D'abord, la
question des fiducies doit être traitée et précisée. À l'heure actuelle, il
manque d'éléments, au sein de la loi, pour être en mesure de déterminer
spécifiquement quels types de fiducies à caractère commercial ont réellement
l'obligation de s'immatriculer au sens de la loi. Le p.l. n° 78
devrait répondre à cette imprécision.
De plus, il serait essentiel de prévoir,
dans le règlement d'application, des conditions permettant de déterminer, en
toutes circonstances, le bénéficiaire ultime d'une telle fiducie prévoir. On le
sait, et nous l'avons soulevé à plusieurs occasions, la pratique tend à
démontrer qu'il peut être particulièrement complexe de déterminer le
bénéficiaire d'une fiducie. Nous pourrons y revenir dans le cadre de l'échange
des questions si vous le souhaitez.
Une autre question fondamentale à laquelle
nous sommes confrontés est celle de savoir ce que le législateur entend par
l'expression «contrôle de fait». Cette notion est étrangère au droit québécois,
mais est pourtant au coeur du p.l. n° 78 et du
régime du bénéficiaire ultime. Il serait ainsi tout indiqué de définir
clairement cette expression afin qu'elle puisse être bien comprise par le
public et par les juristes qui doivent conseiller...
Mme Potvin (Hélène) : …Cette
notion est étrangère au droit québécois, mais est pourtant au coeur du p.l. n° 78
et du régime du bénéficiaire ultime. Il serait ainsi tout indiqué de définir
clairement cette expression afin qu'elle puisse être bien comprise par le public
et par les juristes, qui doivent conseiller et guider leurs clients.
Enfin, une autre question fondamentale
pour le public : quelle mesure concrète le législateur entend-il mettre en
oeuvre afin de protéger les renseignements personnels qui apparaîtront
désormais au registre des entreprises? Nous comprenons que le registre
comportera désormais davantage de renseignements sur l'assujetti, mais aussi
sur les personnes physiques qui y gravitent, comme leurs noms, domiciles et
dates de naissance. Ces informations sont sensibles et doivent être protégées
afin d'éviter qu'elles soient utilisées de façon à porter atteinte à la
personne qui en est titulaire. Il sera donc important de répondre à cet enjeu
afin qu'il y ait un équilibre entre la transparence des entreprises et la
protection des renseignements personnels.
• (15 h 40) •
En terminant, nous comprenons que le p.l.
n° 78 permet de replacer le Québec sur l'échiquier international à titre
de juridiction complètement transparente à l'égard de son registre des
entreprises. Si cela amène de nombreux avantages, vous remarquerez que les
inconvénients et répercussions négatives semblent tout aussi présents. En fait,
après l'analyse du p.l. n° 78, nous restons avec beaucoup de questions qui
sont laissées sans réponse. Il demeure essentiel que le législateur les étudie
sérieusement et y apporte les précisions que le public est en droit d'attendre.
Nous sommes, bien sûr, disponibles pour apporter tout complément d'information
dans le cadre des échanges avec les membres de la commission. Et soyez
d'ailleurs assuré, M. le ministre, de toute notre collaboration pour la suite
de ce dossier. Alors, je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Potvin pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période de questions. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci à la Chambre des notaires. Me Rivet, Me Potvin,
bienvenue à notre commission parlementaire. Félicitations pour la qualité du
mémoire puis la concision de vos recommandations.
Évidemment, ayant une… bénéficié d'une
formation en droit, je comprends bien le concept d'opposabilité aux tiers, là,
même si on veut rentrer dans des nuances, là, quand même assez fondamentales.
Mais, clarifier les effets juridiques de l'opposabilité aux tiers, évidemment,
il y a beaucoup de paramètres déjà établis par les décisions des tribunaux au
Québec. Mais, quand vous référiez aux trois exemples, c'est sûr que le
troisième exemple, il est souvent utilisé… bon, on en a parlé dans les médias,
à Radio-Canada, l'entrepreneur qui se sert d'une coquille vide puis…
M. Boulet : …déjà établi par
les décisions des tribunaux au Québec. Mais, quand vous référiez aux trois
exemples, c'est sûr que le troisième exemple, il est souvent utilisé. Bon, on
en a parlé dans les médias, à Radio-Canada, l'entrepreneur qui se sert d'une
coquille vide puis… Ça, c'est certainement un avantage marqué que le projet de
loi n° 78 va conférer au public québécois, leur permettant de détecter ou
de démasquer la personne qui est derrière ce que vous appelez la coquille vide,
là, ou la société-écran. Et donc il y aurait un recours potentiel contre le
bénéficiaire ultime.
C'est sûr qu'il y a des exemples, cependant,
dont il faut tenir compte, là. Vous parliez de quelqu'un qui acquiert, par
exemple, 5 %… bien, 28 % du capital-actions d'une entreprise puis qui
le fait dans un contexte d'expansion, ce que vous considérez, c'est que ça peut
avoir pour effet de révéler ses plans de croissance, et ça, ça serait un effet
indésirable de la mise en application de tout le volet transparence corporative
du p.l. n° 78. Mais évidemment le seuil à 25 % limite
considérablement l'incidence de l'exemple que vous avez soulevé. Êtes-vous…
Est-ce que vous comprenez mon point? Est-ce que vous auriez un commentaire,
Me Potvin, à faire sur cet exemple-là?
Mme Potvin (Hélène) : Oui, je
comprends. À savoir est-ce que ça aurait une incidence, je ne suis pas en
mesure… Les exemples que l'on a pris, c'était pour essayer d'illustrer les
conséquences qui découlent, justement, de cette transparence-là. Donc, il y a…
il peut y avoir des conséquences stratégiques, des conséquences de croissance
d'entreprise, donc de les mesurer… Alors, c'est ce qu'on essayait d'apporter
par ces exemples-là. Et à savoir si le pourcentage peut avoir une incidence sur
les conséquences, bien, je… On a déjà fait des travaux là-dessus. Peut-être
Raphaël peut compléter.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Oui, en fait, on a entendu les autres intervenants ce matin qui
s'interrogeaient. Est-ce qu'on devrait aller vers le 10 %, vers le
25 %? On n'a pas été jusqu'à traiter de cet élément-là spécifiquement dans
notre mémoire pour la simple et bonne raison qu'on voyait très bien que c'était
pour s'arrimer au régime fédéral. La question qu'on se pose, à brûle-pourpoint,
là, sur la vision ou la volonté de diminuer à 10 %, on s'interroge si ça
ne pourrait pas mener à une forme d'exode des sociétés par actions qui sont
incorporées sur les lois provinciales vers le régime fédéral qui pourrait être
plus souple. Donc, je pense que ça, c'est un élément sur lequel réfléchir.
M. Boulet : Ah! Me Rivet,
puis je le comprends, puis il y a un groupe qui va venir demain, qui va nous
dire : Le projet de loi peut avoir cette répercussion-là, là, de provoquer
un certain exode, là, des entreprises…
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
...provincial vers le régime fédéral qui pourrait être plus souple. Donc, je
pense, que c'est un élément sur lequel réfléchir.
M. Boulet : Ah! Me Rivet,
puis je le comprends, puis il y a un groupe qui va venir demain, qui va nous
dire : Le projet de loi peut avoir cette répercussion-là, là, de provoquer
un certain exode, là, des entreprises qui vont éviter de venir faire affaire au
Québec en raison de l'obligation de divulguer l'identité des bénéficiaires
ultimes, mais il y a un prix à payer pour la transparence. Puis le but
fondamental de ce projet de loi là, c'est de protéger la population et de
permettre de démasquer les personnes qui servent, notamment des
sociétés-écrans, pour faire de l'évasion fiscale.
Je l'ai dit ce matin, selon les
estimations de Revenu Québec, c'est à peu près 3,8 milliards que, comme
société, nous échappons en raison de stratagèmes divers. Moi, je pense qu'il y
a un prix à payer. Puis l'exemple, Me Potvin, je le comprends, là,
croissance de son entreprise, mais le risque est tellement faible. Puis à un
moment donné il faut faire la balance des inconvénients. Puis je pense que
l'opacité nous coûte beaucoup plus cher que la transparence. Et c'est l'avenue
que nous souhaitons emprunter. L'autre exemple que vous utilisiez, c'est les
conflits familiaux. J'aurais à peu près les mêmes observations, là, même si je
ne veux pas aller dans ce détail-là.
Avant d'aller à vos autres points
soulevés, dans votre mémoire, vous dites, bon, ça serait peut-être intéressant
de préciser ce qui peut à l'égard des assujettis être un renseignement
personnel qui peut constituer une menace sérieuse à leur sécurité. Je voulais
juste vous informer que l'article 100, tel que libellé, permet à une
personne assujettie, parce que votre mémoire faisait comme nous laisser croire
que ce n'était pas possible de le faire, mais un assujetti peut faire une
demande en vertu de l'article 100 de la Loi sur la publicité légale des entreprises
au registraire en disant : Je ne veux pas que tel renseignement soit
accessible au public parce que pouvant constituer une menace sérieuse à ma
sécurité. Puis tout à l'heure on me confirmait qu'il y avait eu 55 cas de
cette nature-là dans les deux dernières années. Ça fait que je le dis,
Me Potvin, parce que ça me permet aussi de donner l'information à
l'ensemble des personnes qui sont à notre commission parlementaire.
La fiducie à caractère commercial, je
comprends, mais c'est beaucoup par opposition à la fiducie familiale. La
fiducie familiale n'est pas soumise à la loi. La fiducie à caractère commercial
l'est. Je n'ai pas vérifié s'il y avait eu des conflits ou des décisions de
tribunaux pour tracer la ligne, mais j'ai bien compris votre point. Ça ne nous
apparaissait pas comme étant un enjeu parce qu'il y avait clairement une
opposition puis une ligne de démarcation entre les deux. Le règlement d'application...
M. Boulet : …vérifié s'il y
avait eu des conflits ou des décisions de tribunaux pour tracer la ligne, mais
j'ai bien compris votre point. Ça ne nous apparaissait pas comme étant un enjeu
parce qu'il y avait clairement une opposition puis une ligne de démarcation entre
les deux.
Le règlement d'application. Je vous avoue
que, dans une perspective de protection des renseignements personnels, il y en
a qui vont plaider que la protection des renseignements personnels est
incompatible avec l'adoption d'une loi de cette nature-là. Mais moi, à votre
propos, est-ce que ça ne devrait pas être dans la loi plutôt que le règlement?
Je suis assez sensible à ça parce que ce qui est clair, pour moi, c'est qu'une
date de naissance, ce n'est pas accessible. Une adresse personnelle, on ouvre
une option qui est intéressante. L'assujetti peut donner une adresse
professionnelle et, le cas échéant, protège son adresse personnelle. La
personne mineure, ce n'est pas un renseignement accessible. La personne dont un
des renseignements, on vient d'en parler, peut constituer une menace à sa
sécurité… Il y a un certain nombre de renseignements personnels.
Puis, pour fins de meilleure
compréhension, bien, on va certainement en discuter avec nos collègues, là,
lors de l'étude détaillée, article par article, pour bien identifier les
paramètres, là, de ce que constitue un renseignement personnel. Puis,
j'apprécie cette précision-là, que vous apportez.
Un autre point. Dans votre mémoire, vous
dites «corriger une coquille apparaissant à 98, alinéa… paragraphe 15.»
J'ai vérifié, puis il n'y en a pas, de coquille. Vous allez voir que, quand on
dit de remplacer… c'est parce qu'à l'article 15, on disait remplacer,
partout où ils se trouvent, les «nom et domicile» par «nom, domicile et date de
naissance». À 98… 15, ce n'étaient pas «nom et domicile», il y avait une
virgule entre «nom et domicile», donc on n'a pas changé. Il ne fallait pas le
changer parce que ce n'était pas tout à fait le même libellé. Je voulais juste,
Me Rivest puis Me Potvin, le préciser pour… Puis, si jamais vous
considérez qu'il y a d'autres coquilles, bien, je sais que vous n'hésiterez pas
à le faire.
Contrôle de fait, Me Potvin. Moi, je
l'ai vu dans la loi, bon, dans la loi fiscale, la Loi sur les impôts du Québec,
je pense, c'est… on me disait 21.25, on réfère à ce concept-là, de
contrôle de fait. Mais si je vous demandais de me définir les tenants et
aboutissants de ce qu'est un contrôle de fait, qu'est-ce que vous me diriez?
• (15 h 50) •
Mme Potvin (Hélène) : C'est
une question piège, que vous me posez, M. Boulet.
M. Boulet : Non, c'est une
question d'ami, Me Potvin, c'est une question de… Tu sais, c'est parce que
vous dites : On aurait peut-être intérêt à le préciser. Évidemment, on a
voulu définir le bénéficiaire ultime de la façon la plus précise possible, mais
on ne sera jamais complètement à l'abri des problèmes d'interprétation ou
d'application mais…
M. Boulet : ...Non, c'est une question
d'avenir, Me Potvin, c'est une question de... Tu sais, c'est parce que vous
dites : On aurait peut-être intérêt à le préciser. Évidemment, on a voulu
définir le bénéficiaire ultime de la façon la plus précise possible, mais on ne
sera jamais complètement à l'abri des problèmes d'interprétation ou d'application,
mais vous êtes le deuxième groupe à référer à cette notion-là. On s'est inspiré
de lois en matière fiscale. Mais est-ce que vous avez soit des exemples, ou
soit un projet de définition, ou des critères?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux me permettre, M. le ministre, la vision de contrôle de fait, comme
celle de bénéficiaire ultime, c'est deux notions qui sont introduites par le
p.l. n° 78 ou reprises, on faisait bien
référence, dans notre mémoire, également à l'article 21.25 de Loi sur les
impôts. Mais comme c'est des éléments qui sont au coeur de l'application du
projet de loi n° 78, notre prétention, c'est qu'elles doivent être bien
comprises et circonscrites pour le public, pour les entrepreneurs également. On
voit que c'est des notions qui puisent leur source dans une vision de common
law, dans une vision fiscale.
Et c'est surtout le fait que le contrôle
de fait réfère à des circonstances et des éléments factuels qui ne sont pas
nécessairement liés à un contrôle juridique de l'entité. Et c'est dans cette
perspective-là, sans amener une définition ou les critères précis, comme on
réfère davantage à des éléments circonstanciels, bien, on pense que ça devrait
être bien compris ou, si c'est vraiment un élément qui est au coeur du
p.l. n° 78, que ce soit bien décrit.
M. Boulet : Je vous dirais,
sur ce point-là aussi, je suis assez sensible. Tu sais, parce qu'il y a des
personnes qui ne sont ni détenteurs ni bénéficiaires de quelque action que ce
soit dans le capital-actions et qui contrôlent, qui décident, qui callent les
shots, là, comme on dit. Ou qui, pour des raisons x, y ou z, là, ils ont
peut-être été déclarés coupables d'une infraction x, y ou z, ils ne peuvent pas
être détenteurs d'actions ou, dans un contexte purement familial, il peut y
avoir quelqu'un qui contrôle le processus décisionnel de facto, comme les
tribunaux disent, sans détenir ou sans être bénéficiaire de quoi que ce soit.
On va certainement y penser en équipe, là,
avec nos collègues lors de l'étude détaillée. Mais moi, j'ai en tête, là, des
décisions de tribunaux qui délimitent bien les tenants et aboutissants de ce
qu'est un contrôle de fait. Je ne sentais pas nécessairement le besoin
d'alourdir le texte, mais je pense que ça peut être bénéfique. Mais c'est sûr
que, quand on met contrôle de fait, c'est qu'on veut avoir une définition de
bénéficiaire ultime la plus englobante possible pour éviter que trop de
personnes se faufilent dans les craques et évitent d'être... évitent qu'on ait
à divulguer leur identité auprès du Registraire des entreprises.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je ne sais pas si vous me permettez, M. le ministre.
M. Boulet : Oui.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Il y avait un élément aussi, dans la documentation budgétaire, qui référait,
quand on parlait de contrôle de fait, à une influence directe ou indirecte...
M. Boulet : ...et évite
d'être... évite qu'on ait à divulguer leur identité auprès du Registraire des
entreprises, là.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je ne sais pas si vous me permettez, M. le ministre.
M. Boulet : Oui.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Il
y avait un élément aussi, dans la documentation budgétaire, qui référait, quand
on parlait de contrôle de faits, à une influence directe ou indirecte, mais
voyez-vous...
M. Boulet : Exact, oui.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Mais déjà là, on a un peu plus d'information dans la documentation budgétaire
sur l'intention derrière cette notion qu'il n'y en a dans le projet de loi n° 78, selon notre compréhension à nous.
M. Boulet : C'est un excellent
commentaire, Me Rivet. Dernière affaire, vous dites : «Reconnaître le rôle
pouvant être joué par le notaire afin d'assister le registraire dans sa
recherche d'information de qualité à l'égard notamment du nouveau régime du
bénéficiaire ultime.» Si vous aviez une suggestion maîtresse à nous faire,
quelle serait-elle?
Mme Potvin (Hélène) : Eh bien,
le notaire accompagne ses clients, alors c'est certain que le gouvernement
pourrait compter sur l'apport des notaires pour vérifier, parce qu'ils
vérifient déjà l'identité, donc vérifier aussi la qualité de bénéficiaire
ultime, donc les définitions qui se retrouvent dans les actes constitutifs de
fiducies, par exemple. Donc, il pourrait vraiment jouer un rôle de premier plan
sur la qualité des renseignements qui se retrouveront, là, au registre des
entreprises.
M. Boulet : O.K. C'est un bon
point. O.K. Bien, écoutez, pour conclure, sachez que les notaires sont des...
et demeureront des partenaires privilégiés dans l'élargissement du mandat
qu'aura le registraire en vertu du p.l. n° 78. Et je
ne peux, encore une fois, que vous remercier. Puis si jamais on a des
précisions quant à certains points de votre mémoire... On aura peut-être des
communications dans l'avenir, mais bravo! Beau travail, puis merci d'être là.
Merci de votre mémoire. À bientôt.
Mme Potvin (Hélène) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan.
Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je dispose de la moitié de 11 minutes, n'oubliez pas mon
collègue de Robert-Baldwin, s'il vous plaît.
Merci pour la qualité du mémoire et les
recommandations, dans le même sens que le ministre. Au-delà du rôle que la
Chambre des notaires et des notaires en général... que vous pouvez jouer, au
niveau... j'aimerais bien revenir sur le registre lui-même. Est-ce qu'en date
d'aujourd'hui vous pensez que le registre et les ressources humaines qui existent
au registre sont capables de livrer la marchandise? Donc, si c'est oui, tant
mieux, si c'est non, c'est quoi, les choses qu'on devrait améliorer ou ajouter
pour que le registre puisse jouer ce rôle que le législateur s'apprête à lui
donner avec le projet de loi n° 78?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux me...
Mme Potvin (Hélène) : ...oui,
vas-y, Raphaël.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux me permettre de répondre, peut-être, deux éléments là-dessus, en
lien avec une intervention que le ministre a faite un peu plus tôt, c'est
qu'avec le projet de loi n° 78 il y a une forme de changement de paradigme
ou... alors qu'on visait strictement des...
M. Derraji : ...le législateur
s'apprête à lui donner avec le projet de loi n° 78?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux me...
Mme Potvin (Hélène) :
Oui...
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux me permettre de répondre, peut-être, deux éléments là-dessus en lien
avec une intervention que le ministre a faite un peu plus tôt, c'est qu'avec le
projet de loi n° 78 il y a une forme de changement de paradigme où, alors
qu'on visait strictement des assujettis, donc entreprises, on vient maintenant
élargir le spectre sur les personnes physiques qui gravitent autour de ces
entreprises-là. Donc, pour répondre à votre question, il faut évaluer si le
régime actuel... là, je parle plus au niveau des fondements, moins sur l'application
pratique, mais si le régime actuel est adapté à cette nouvelle réalité là
d'élargissement vers les personnes physiques qui gravitent autour des
assujettis.
Quand on parlait dans notre mémoire un peu
plus tôt de l'article 100 de la Loi sur la publicité légale des
entreprises, c'est un peu en ce sens-là qu'on faisait notre intervention pour
la protection des renseignements personnels qui peuvent apparaître au registre.
Bien sûr, l'assujetti peut faire une demande au registre des entreprises, mais,
si c'est une personne physique dont l'information apparaît au registre des
entreprises, devraient-elles, elles aussi, être en mesure de pouvoir s'adresser
au registre des entreprises pour faire un ajustement?
M. Derraji : Est-ce que,
juste pour le bénéfice de nous tous, c'est là où vous mentionner que c'est une
menace sérieuse à la sécurité?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
C'est ça, cette expression-là est reprise dans la loi, mais on s'interroge si
ça ne devrait pas être un critère un peu plus... «Menace sérieuse», c'est très,
très large. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une vision un peu plus précise
sur ce qu'on entend ici?
M. Derraji : Mais qu'est-ce
que vous proposez? À votre niveau, si c'est vous, là, maintenant, vous proposez
quoi?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Au lieu d'une menace sérieuse?
M. Derraji : Oui.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bien, en fait, c'est de voir jusqu'à quel niveau «menace sérieuse» permet de
répondre à la préoccupation de la protection des renseignements personnels.
M. Derraji : O.K.,
excellent. Tout à l'heure, Me Potvin, vous avez évoqué quelque chose qui m'a un
peu... je ne veux pas utiliser le mot, mais je n'ai pas d'autre synonyme,
choqué, sociétés concurrentes... et je comprends qu'au niveau fusions,
acquisitions, il y a de la recherche. Et ça, ça m'inquiète vraiment, vous êtes
la première à mentionner ce point. Pouvez-vous juste le clarifier? Parce que je
voulais saisir la menace derrière. Et j'ai plein, plein, plein de contacts que
c'est ça, leur vie, c'est comme ça que... On veut avoir des entrepreneurs qui
voient grand, hein, mais vous êtes en train de nous dire que ça risque d'avoir
un impact.
Mme Potvin (Hélène) :
Bien, c'est-à-dire, si on connaît le plan d'affaires, le plan d'affaires est
mis à la vue de tous, bien, à ce moment-là, le plan stratégique, donc, qui peut
être fait par des acquisitions, des prises de participation minoritaire...
Parce que, vous savez, dans certains créneaux, le nombre de joueurs est limité,
le nombre d'entreprises qui... alors donc, ça peut être une façon de mettre la
main sur certaines entreprises, donc on acquière des participations
minoritaires ou des... avec des droits pour acheter des autres participations
plus tard. Donc, le fait de mettre... de dévoiler ces informations-là, donc, il
peut y avoir aussi d'autres entreprises qui viennent contrecarrer nos plans.
M. Derraji : Mais... je
comprends, et j'ai plein, plein d'amis qui font la même chose, des prises de...
et, en fait, j'ai même vu... qui passent de 20, 30 à 75 employés, à
100 employés, mais parfois...
16 h (version non révisée)
Mme Potvin (Hélène) : ...de
dévoiler ces informations-là. Donc, il peut avoir aussi d'autres entreprises
qui viennent contrecarrer nos plans.
M. Derraji : Je comprends et
j'ai plein, plein d'amis qui font la même chose, des prises de... Et, en fait,
j'ai même vu qu'ils passent de 20, 30, à 75 employés, à 100 employés,
mais parfois ils veulent une place au niveau régional. Mais c'est quoi... à part
le risque d'affaires, mais c'est quoi l'autre... c'est quoi le risque majeur
que vous voyez? Est-ce que c'est juste un risque d'affaires, que les cartes
sont plus claires ou il y a un autre enjeu que vous voyez?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
dans ce cas-là, moi, je voyais plus des conséquences sur le développement de la
personne, le développement de l'entreprise, là. C'est ce qu'on essayait
d'illustrer dans : Est-ce qu'on a mesuré les conséquences? Donc, si on
veut protéger aussi nos entreprises, nos PME, bien, il faut être conscients que
ça, c'est un risque potentiel. Et est-ce qu'on les a mesurés? Nous, c'est ce
qu'on dit parce que le public... nous assurons la protection du public et le
public, donc, il y a aussi des entreprises. Donc, on se dit : Est-ce que
ce risque-là a été mesuré? Et bon...
M. Derraji : Vous me... penser
à l'analyse d'impact réglementaire. Je ne sais pas, je pose la question, je ne
l'ai pas vu. Pour la première fois, je ne l'ai pas vu, mais je ne sais pas, M.
le ministre, si quelqu'un peut juste nous répondre s'il y a une étude d'impact réglementaire
qui a été faite sur ce projet de loi ou pas. Ce n'est pas urgent, là, mais on
peut juste l'avoir par la suite.
Un autre point, parce que, je pense, mon collègue
va continuer aussi. En fait, vous êtes le deuxième groupe qui demande la
clarification de contrôle de fait, et vous, vous ciblez plus le public. Est-ce
que vous nous suggérez que, dans le projet de loi, qu'on donne une définition à
ces nouveaux concepts dans le but que ça soit beaucoup plus facile pour M., Mme
Tout-le-monde, mais surtout les entrepreneurs, de comprendre qu'est-ce que le
législateur veut dire par rapport à ces contrôles de fait et les autres points?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Effectivement, que ce soit dans la loi ou à tout le moins dans le règlement
d'application. Mais comme je le disais un peu plus tôt, puisqu'on est en
présence d'éléments circonstanciels, d'une influence, on veut cibler qu'est-ce
qu'on recherche directement. Et, à l'heure actuelle, on comprend que le seul
article de loi qui traite de cette notion est l'article 2125 de la Loi sur
les impôts et que c'est l'interprétation qu'on pourrait faire de l'expression
«contrôle de fait». Est-ce que c'est vraiment ce qui est recherché derrière le
p.l. n° 78? Donc, comme on reste avec certaines
questions, on se demande... ou on souligne l'importance que ça soit précisé.
M. Derraji : O.K. merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Robert-Baldwin.
Vous avez 4 min 25 s.
M. Leitão : Très bien. Merci,
Mme la Présidente. Alors, bonjour. Mme Potvin, M. Rivet, bonjour...
d'être là.
Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.
M. Leitão : Je vais essayer
d'y aller rapidement. Je dois vous dire que votre recommandation numéro quatre
m'a laissé un peu perplexe. N'étant pas juriste, n'étant pas avocat, j'ai un
peu de difficulté à saisir. Donc, vous soulevez...
M. Leitão : …je vais essayer
d'y aller rapidement. Je dois vous dire que votre recommandation no 4 m'a
laissé un peu perplexe. N'étant pas juriste, n'étant pas avocat, j'ai un peu de
difficulté à saisir le… Donc, vous nous soulevez un drapeau : Faites
attention aux effets juridiques de cette mesure. C'est là où j'ai un peu de
difficulté à comprendre, si vous pourriez m'aider un peu, parce que le projet
de loi dans... D'ailleurs, on le mentionne au tout début qu'il vise à
contribuer aux actions de prévention de la lutte contre l'évasion fiscale, le
blanchiment d'argent et la corruption, donc c'est ça, l'objectif. Alors, j'ai
un peu de difficulté à concilier ça avec les effets juridiques que vous
mentionnez.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
En fait, puis on appuie totalement et complètement les objectifs du projet de
loi, on le soulignait d'ailleurs initialement dans notre mémoire à quel point
on était heureux de voir un projet de loi qui vise encore à assurer la
protection du public.
Mais la nouveauté ici, c'est un principe
consacré, là, de séparation des patrimoines où, quand on crée une société par
actions et le constituant, donc c'est deux patrimoines qui sont distincts.
Habituellement, les personnes qui gravitent autour de cette entité-là, c'est
l'administrateur, les actionnaires, le principal dirigeant, donc les
classiques.
Avec le projet de loi n° 78, on se
retrouve à avoir un bénéficiaire ultime qui exerce un contrôle de fait, et
c'est là la difficulté, parce qu'on le disait un peu plus tôt : Contrôle
de fait, c'est des éléments circonstanciels qui vont finir à lier une personne
physique envers un assujetti. Donc, la question qu'on se pose ici, si jamais il
y avait une faute de la part d'un assujetti, est-ce qu'un membre du public peut
réellement avoir un recours vers un bénéficiaire ultime pour lequel le seul
lien qu'il y a envers l'assujetti est un lien de fait?
Donc, c'est cette nouveauté-là avec
laquelle on n'est pas contre, évidemment, mais qu'on croit qu'il faut baliser
parce que c'est quelque chose de nouveau, c'est en lien avec la séparation des
patrimoines, et on pense, effectivement, là, que mesurer les effets juridiques
de cette nouvelle… de cette nouveauté-là devrait être pris en compte davantage
par le projet de loi n° 78.
M. Leitão : Très bien. Je
pense que, s'il y a lieu, on pourrait faire cela, et je pense que l'équipe du
ministre, je pense, prenne des notes, et peut-être qu'on pourrait faire ça à
l'étude détaillée. Mais l'objectif ici, c'est vraiment de limiter les
possibilités de créer des coquilles vides, justement, de…
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
…de bien comprendre ce qu'on recherche, en effet, parce que les coquilles
vides, c'est des situations qui sont complexes, ce n'est pas… c'est quelque
chose qui est courant dans l'industrie de la construction, ce n'est pas toutes
les situations qui mènent à des problématiques. Mais, quand il y a
effectivement des problématiques, qu'est-ce… comment réagir comme membre du
public face à cette situation-là?
M. Leitão : En effet, et
d'ailleurs, bon, on voit qu'au Canada il y a déjà plusieurs provinces qui ont
légiféré dans ce sens-là. Et d'ailleurs tout ce processus s'insère dans un
mouvement multilatéral de contrôle…
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
...comme membre du public face à cette situation-là.
M. Leitão : En effet, et
d'ailleurs, bon, on voit qu'au Canada il y a déjà plusieurs provinces qui ont
légiféré dans ce sens-là. Et, d'ailleurs, tout ce processus s'insère dans un
mouvement multilatéral de contrôle de la corruption et de blanchiment d'argent.
En Colombie-Britannique, cela a été fait aussi, d'ailleurs la première
province, et eux, ce qu'ils avaient justement en tête, c'était le marché de
l'immobilier. Ils voulaient vraiment s'assurer qu'ils avaient un meilleur
contrôle sur qui contrôle quoi dans l'investissement, dans la construction de
condominiums, etc., la propriété.
Une autre question qui a été soulevée en Colombie-Britannique,
et c'est là que je voudrais avoir votre opinion, si le temps le permet encore,
une question qui a été soulevée par l'Institut C.D. Howe et d'autres aussi,
mais surtout le C.D. Howe, c'était que les sanctions prévues au projet de loi
semblaient être beaucoup trop... en Colombie-Britannique semblaient être trop
basses pour avoir un effet dissuasif. Ce qu'on voit ici, c'est que les
sanctions prévues ici aussi semblent être relativement modestes. Quel est votre
point de vue sur les sanctions prévues au projet de loi?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Rapidement, s'il vous plaît, parce qu'il ne reste plus de secondes.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bien, en fait, ça n'a pas été visé par le projet de loi n° 78,
on était étonnés de le constater. Mais on se demande si encore là, comme le projet
de loi est recentré vers les personnes physiques, si les contraventions ne
devraient pas être non seulement sur l'assujetti, mais aussi sur les personnes
physiques. Et là je dis ça sur toute réserve, là, simplement pour la
discussion.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, je vous remercie.
M. Leitão : Très bien, merci.
C'est intéressant, oui. Tout à fait, merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Rosemont.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Me Potvin et Amabili-Rivet, bonjour. Merci d'être là. Je vais
abattre clairement mon jeu en partant. J'ai un problème d'ordre dichotomique
avec votre présentation. Parce que vous dites d'emblée et dans les premières
phrases que vous êtes en faveur du projet de loi. Moi, je vous écoute depuis
tantôt puis je conclurais le contraire. Vous avez levé quand même quelques
drapeaux rouge, ma foi, très rouge. Qu'est-ce qui vous permet de dire que vous
êtes favorables à ce projet de loi considérant l'exposé que vous venez nous
faire?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
écoutez, la transparence des entreprises s'inscrit dans une lutte au
blanchiment d'argent. Alors, c'est sûr que la chambre a initié plusieurs
démarches, participe à des groupes canadiens, participe à des travaux
internationaux dans ce but-là. Alors, c'est sûr que nous sommes pour. Il y a
plusieurs effets qui vont trouver... je pense qu'on a plusieurs questions qui
vont trouver réponse aussi dans le règlement d'application. Donc, ce qu'on fait
ici, c'est qu'on sensibilise... on vous sensibilise sur le fait qu'on a des
questions, mais une fois que tout le projet sera étudié peut-être que nos
réponses seront...
Mme Potvin (Hélène) : …effets
qui vont trouver, je pense qu'on a plusieurs questions qui vont trouver réponse
aussi dans le règlement d'application. Donc, ce qu'on fait ici, c'est qu'on
sensibilise, on vous sensibilise sur le fait qu'on a des questions, mais une
fois que tout le projet sera étudié peut-être que nos réponses seront
répondues. Alors, c'est dans ce sens-là où on est quand même en lien avec…
notre rôle est vraiment de vous sensibiliser et donc d'ajouter peut-être
certains points, et puis nous on sera à l'aise, là, avec cette loi-là, là.
• (16 h 10) •
M. Marissal : On s'entend
assurément sur l'absence de règlements d'application, là, je dirais même, sans
partisanerie, que ça devient une mauvaise habitude de ce gouvernement dans à
peu près tous les projets de loi. En tout cas, ceux que je j'étudie et j'en
étudie un certain nombre, là, le projet de loi n° 60, en ce moment, on a
exactement le même problème. On a eu le même problème avec un paquet de projets
de loi. Je comprends votre point là-dessus.
On avait une professeure, ce matin, de
l'Université d'Ottawaqui nous disait : L'intérêt du public de connaître
les structures de contrôle des entreprises l'emporte sur les expectatives de
vie privée des individus qui choisissent d'être impliqués au sein d'entreprises.
Ce à quoi le ministre à répondu d'un tonitruant : Totalement. Vous,
êtes-vous totalement d'accord avec ce que je viens de lire de la professeure de
l'Université d'Ottawa?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Si je peux permettre, je pense que c'est… comme le dit la chanson : Tout
est une question d'équilibre. Et c'est en ce sens-là…
M. Marissal : C'est qui ça?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je ne me souviens plus, mais il me semble qu'il y a un titre de chanson comme
ça. Je pense que c'est Cabrel. Mais bref, donc, avec des réponses dans le
règlement d'application, avec des mesures qui viennent clairement distinguer
qu'est-ce qu'on vise, comment préserver les renseignements personnels.
Voyez-vous, dans la documentation budgétaire, on disait que la date de
naissance c'était seulement le mois et l'année de naissance qui allaient être
rendus accessibles au public.
Dans le projet de loi n° 78, on ne
sait pas qu'est-ce qui va réellement être rendu accessible au public et ce
n'est vraiment pas une critique, mais plutôt un commentaire pour essayer de
voir quelle intention est recherchée derrière le projet de loi n° 78.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci
M. Marissal : Merci
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons maintenant l'échange avec la députée de Gaspé. Vous
disposez de deux minutes ou 2 minutes 45 secondes.
Mme Perry Mélançon : Merci,
Mme la Présidente. J'irais peut-être… bien bonjour à vous deux. Dans les
recommandations que vous nous avez formulées, là, de façon plus sommaire dans
le mémoire, j'aurais peut-être voulu vous entendre sur le rôle que vous
pourriez jouer, bon, la Chambre des notaires, est-ce que vous seriez, parce
qu'on a entendu ça de l'Ordre des comptables, par exemple, qui est en faveur
d'avoir peut-être des mécanismes plus… qu'on ait des vérifications plus
systématiques, finalement, là, de l'identité et tout cas. Est-ce que, ça, ça
fait partie de ce que vous avez aussi comme recommandations? Puis comment on pourrait
mieux faire ces vérifications-là?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je pense que le meilleur exemple c'est la question de la fiducie qui a été peu
abordée dans notre exposé aujourd'hui. Dans le cadre des fiducies
discrétionnaires, c'est toujours…
Mme Perry Mélançon : ...de ce
que vous avez aussi comme recommandations, puis de... qui... comment on
pourrait mieux faire pour... vérifications-là?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je pense que le meilleur exemple, c'est la question de la fiducie, qui a été
peu abordée dans notre exposé aujourd'hui. Dans le cas des fiducies
discrétionnaires, c'est toujours difficile de déterminer qui est le
bénéficiaire de cette fiducie-là. On est souvent en présence de descriptions.
Donc, on parle d'enfants à naître, on parle de quelqu'un qui détient une
certaine part d'actions, mais, bref, on n'identifie pas le nom du bénéficiaire
d'une fiducie.
Dans un cas comme celui-là, où c'est
complexe de déterminer qui est le bénéficiaire ultime d'une fiducie, c'est
certain qu'un conseiller juridique comme le notaire peut être en mesure de bien
guider, autant au moment de la constitution de l'entité juridique qu'est la
fiducie, autant au moment où il y a... le moment est venu de déclarer le
bénéficiaire ultime de cette fiducie-là au Registre des entreprises, et enfin,
pour assurer que cette information-là est maintenue à jour au sein du Registre
des entreprises.
(Panne de son)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro, députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Oui,
excusez-moi. Je me demandais si j'avais le temps d'une deuxième question, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Allez-y, allez-y.
Mme Perry Mélançon : Quant à
la recommandation 4, quand vous dites de mesurer clairement les effets
juridiques attendus quant à l'opposabilité aux tiers des renseignements et
informations concernant le bénéficiaire ultime, est-ce que vous avez des
exemples d'indicateurs qu'on pourrait utiliser pour cette... pour mesurer ces
effets juridiques?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Je pense que l'élément essentiel, c'est au niveau du contrôle de faits, où
c'est là une notion un peu plus subjective, qui revient à des circonstances,
des éléments de faits, et non des éléments juridiques. Et dans cette mesure-là,
je pense que c'est peut-être un peu plus facile à mesurer cet élément-là, là.
Mme Perry Mélançon : Très
bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, merci. Merci, Mme Potvin, merci, M. Amabili-Rivet, pour votre
contribution à la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants
pour accueillir ou se préparer à accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons donc maintenant la bienvenue au représentant
d'Échec aux paradis fiscaux. Nous donnons maintenant la parole au représentant.
Tel que mentionné, je vous invite à bien vous présenter, à donner votre titre,
et ensuite vous pourrez poursuivre immédiatement avec votre exposé de 10
minutes. Alors, à vous la parole.
M. Ross (William) : Bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente,
William Ross, coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux. Je suis
aujourd'hui accompagné de Samuel-Élie Lesage, qui est conseiller syndical à la
recherche et à la main-d'oeuvre à la Centrale des syndicats démocratiques. Il
est également coauteur du mémoire que nous avons déposé à la commission. Je
vous remercie de l'invitation faite au collectif Échec aux paradis fiscaux dans
le cadre des consultations sur le projet de loi n° 78. Le collectif Échec aux
paradis fiscaux a été fondé en 2010 et regroupe des organisations de la société
civile québécoise, en représentant plus de 1,7 million de membres. Il a
comme mandat de nourrir le débat public sur le phénomène du recours aux paradis
fiscaux…
16 h 30 (version non révisée)
M. Ross (William) : …aux paradis
fiscaux dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 78.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux a été fondé en 2010 et regroupe des organisations
de la société civile québécoise en représentant plus de 1,7 million de
membres. Il a comme mandat de nourrir le débat public sur le phénomène du
recours aux paradis fiscaux ainsi que de formuler, soutenir et diffuser des
pistes de solution pour y mettre fin.
Dans le cadre de ma présentation,
j'aborderai d'abord les raisons pour lesquelles le collectif considère que le
projet de loi n° 78 constitue une avancée
considérable en matière de transparence corporative et de contribution aux
actions de prévention et de lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment
d'argent et la corruption. Je poursuivrai avec l'analyse de deux éléments du
projet de loi qui, selon nous, minent la capacité de réaliser pleinement ces
propres ambitions. Cette analyse sera accompagnée des solutions que nous
proposons afin d'assurer la pleine réussite de la réforme proposée.
Commençons par saluer le fait que le
régime proposé par le projet de loi n° 78 assujettira
les entreprises privées et les fiducies, qu'il révélera les pourcentages de
contrôle du ou des bénéficiaires ultimes et qu'il sera d'accès public et
gratuit. De manière générale, nous nous réjouissons de voir le gouvernement du
Québec aller de l'avant avec de nouveaux moyens de lutte contre la criminalité
corporative qui rendront publiques les informations permettant d'identifier les
bénéficiaires ultimes des entreprises assujetties.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux
tient particulièrement à souligner l'importance de l'introduction de
l'article 0.1 dans la Loi sur la publicité légale des entreprises, dans
lequel il est mentionné que le REQ contribuera à la lutte contre l'évasion
fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption. L'insertion de ce paragraphe
introductoire établit clairement que le REQ répond dorénavant à de nouvelles
finalités qui transforment la relation que la société civile dans son ensemble
entretiendra avec les informations qui y sont contenues. Sur la base de cette
nouvelle finalité, le REQ devient une base de données permettant de mieux
cibler les acteurs de fraude légale, fiscale et criminelle. À ce titre, il nous
apparaît que tous les manquements au registre... manquements aux exigences du
registre, pardon, indiquent qu'un acte de camouflage est peut-être en train de
se produire. Une information erronée ou délibérément omise a dorénavant une
portée beaucoup plus grande pour la société civile.
Qui plus est, la nouvelle valeur qui est
accordée aux données du registre fait bouger la balance entre les intérêts de
la protection de la vie privée et la protection du public au profit de cette
dernière. Mieux encore, le projet de loi n° 78
confère à la société civile un rôle actif dans la lutte contre la criminalité
financière. Il est donc absolument légitime que le gouvernement se donne les
moyens d'assurer la protection de sa population et de l'intégrité de son
économie par la publication plénière des informations relatives aux
bénéficiaires ultimes.
Cependant, deux aspects du projet de loi
n° 78 viennent, selon nous, diluer la portée de la réforme suggérée. Le
premier de ces aspects tient au traitement des informations recueillies par le
registre et le second a rapport au seuil d'assujettissement des bénéficiaires
ultimes...
M. Ross (William) : ...au
bénéficiaire ultime. Cependant, deux aspects du projet de loi n° 78
viennent selon nous diluer la portée de la réforme suggérée. Le premier de ces
aspects tient au traitement des informations recueillies par le registre et le
second a rapport au seuil d'assujettissement des bénéficiaires ultimes.
Les enjeux liés au premier aspect, celui
du traitement des informations recueillies, se déclinent en trois
parties : la vérification des données; les sanctions reliées au registre;
et la publicité des informations. En ce qui concerne la vérification des
données qui seront soumises au registre, le projet de loi n° 78 prévoit
que le registraire doit prendre des moyens raisonnables pour améliorer la
fiabilité des informations contenues au registre. Ces moyens ne sont
malheureusement pas spécifiés.
Or, l'on sait que l'une des faiblesses
principales des registres similaires à travers le monde est le manque de
garantie de la fiabilité des informations. Dans notre mémoire, nous avons cité
qu'au Royaume-Uni plusieurs cas farfelus ont été relevés par le journal the Guardian,
qui faisait état d'une situation dans laquelle certains bénéficiaires
choisissaient délibérément de rire à la figure de l'institution. Pour éviter
une telle situation au Québec, nous suggérons de mener une vérification
systématique des données soumises en demandant une preuve d'identité et de
résidence.
Dans la même veine, l'article 11 du
projet de loi n° 78, il dispose qu'il n'est possible d'utiliser qu'une
seule adresse professionnelle par personne physique pour l'ensemble des entités
assujetties. Cependant, à moins d'une vérification exhaustive et systématique,
la possibilité qu'une personne physique utilise plusieurs adresses
professionnelles reste intacte. Cela vient fragiliser la portée des recherches
par la société civile ainsi que de porter préjudice à la capacité d'effectuer
une diligence raisonnable. Comment confirmer que deux individus partageant le
même nom, la même date de naissance sont des individus différents s'il est
toujours possible que plusieurs adresses professionnelles réfèrent malgré tout
à la même personne?
De plus, dans le cas où la personne
physique aurait une adresse domiciliaire à l'extérieur du Québec, l'information
qui sera publiée ne sera que partielle. Nous recommandons l'utilisation donc
d'un numéro d'identification unique pour indexer toute personne physique
bénéficiaire ultime enregistrée au registre. De surcroît, il nous apparaît
essentiel de publier le pays de résidence pour les personnes vivant hors
Québec.
En ce qui concerne les sanctions liées au
non-respect de la divulgation des informations prévues dans le projet de loi,
nous désirons nous assurer qu'une réflexion se fasse sur le caractère dissuasif
des sanctions déjà prévues dans la Loi sur la publicité légale des entreprises.
Le projet de loi n° 78 ne touche pas à cet aspect de la loi, mais nous
croyons que les sanctions actuelles ne reflètent pas l'importance accordée aux
informations dans le cadre des nouvelles finalités du REQ.
Nous désirons aussi rappeler à la
commission la proposition 10 du rapport sur le phénomène du recours aux
paradis fiscaux des la Commission des finances publiques, qui suggérait
d'interdire l'enregistrement d'entreprises dont le ou les propriétaires
physiques ultimes ne sont pas clairement identifiés avec tous les renseignements
pertinents pour les retracer. Sous la forme actuelle, la loi prévoit des
pénaliser voire radier les entreprises qui ne s'y conforment pas. Pourquoi ne
pas appliquer d'abord le raisonnement inverse, c'est-à-dire garantir que les
entreprises...
M. Ross (William) : ...entreprise
dont le ou les propriétaires physiques ultimes ne sont pas clairement
identifiés avec tous les renseignements pertinents pour les retracer. Sous la
forme actuelle, la loi prévoit de pénaliser voire radier, les entreprises qui
ne s'y conforment pas. Pourquoi ne pas appliquer d'abord le raisonnement
inverse, c'est-à-dire garantir que les entreprises qui font affaire au Québec
se conforment d'abord et avant tout à nos lois?
Finalement, quant à la question de la
publicité de l'information, certaines formulations du p.l. n° 78
laissent croire que les informations accessibles puissent être décidées par
règlement. Cette proposition vient priver les membres de la société civile
d'une garantie d'inconditionnalité quant à la disponibilité de ces données. À
ce titre, nous encourageons le ministre à préciser, à même le projet de loi,
les informations qui seront publiques en s'inspirant de nos recommandations.
J'en arrive au deuxième aspect, le seuil
d'assujettissement de 25 % pour la déclaration des bénéficiaires ultimes.
Nous ne sommes pas les seuls aujourd'hui. Nous croyons qu'un seuil aussi élevé
risque de ne pas atteindre les objectifs politiques à l'origine même du projet
de loi n° 78. Nous recommandons à cet effet que le seuil d'assujettissement
soit abaissé à 10 %.
Dans notre mémoire, nous avons présenté
que le seuil de 25 % a été arbitrairement choisi par le Royaume-Uni et
calqué par d'autres pays et organisations. Nous avons aussi présenté que
d'autres pays ont choisi des seuils beaucoup plus bas,notamment les Bahamas, la
Barbade, le Belize, et le Chili qui ont chacun un seuil d'assujettissement de
10 %.
Notre principale crainte vis-à-vis un
seuil de 25 % est qu'il n'est pas suffisamment représentatif, voire qu'il
reste aisé pour des bénéficiaires ultimes de camoufler leur identité. Il est
possible qu'une société soit organisée d'une telle façon qu'une personne y
détienne un contrôle prépondérant sans qu'elle détienne 25 % ou plus du
contrôle ne tombant pas de la sorte sous le coup de la loi. Un individu
pourrait même sciemment réorganiser sa structure corporative expressément pour
échapper à la loi.
Nous ne sommes pas les seuls à revendiquer
un tel seuil de 10 %. Ce matin, vous avez entendu deux groupes qui
l'avaient fait. Il y a aussi le Tax Justice Network, le Global
Alliance for Tax Justice, et Publish What You Pay à l'international militent
pour l'abaissement des seuils à 25 % en critique au seuil de 25 %
établi par l'OCDE.
Finalement, le seuil de 10 % a déjà
une assise au Canada et au Québec car tant Statistique Canada l'utilise pour
distinguer un investissement direct étranger d'un portefeuille
d'investissement, que l'Autorité des marchés financiers considère la possession
de 10 % comme méritoire du statut d'initié.
Nous vous remercions pour votre attention
et votre invitation. Nous considérons que le p.l. n° 78
est un pas important pour le Québec et nous croyons que la population a tout à
gagner à l'instauration d'un régime élevé de transparence corporative. En vous
remerciant.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons donc
débuter la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous
disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci au collectif. Merci, M. Ross. Merci, M. Lesage.
C'est un mémoire extrêmement intéressant, là...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…nous allons donc débuter la période d'échange avec M. le ministre. La parole
est à vous, vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci au collectif. Merci, M. Ross. Merci, M. Lesage. C'est un
mémoire extrêmement intéressant, là, puis que vous ayez pris quelques minutes
pour souligner l'avancée considérable de ce projet de loi là, en matière de
transparence corporative, je pense qu'on est à l'avant-plan de ce qui se fait
en Amérique du Nord et dans les pays membres de l'OCDE, je pense, c'est important
de le souligner. Puis j'aime bien, vous êtes les premiers à dire, à 0.1,
l'objet de la loi ou du projet de loi, parce que ça sert toujours dans
l'interprétation, si jamais il y a un problème d'interprétation — je
vous vois, tous les deux, hocher de la tête — l'objet de la loi sert
de guide aux tribunaux pour bien l'interpréter, l'appliquer. Et, quand on parle
de lutte à l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption…
• (16 h 40) •
(Interruption)
M. Boulet : …excusez-moi, on
comprend bien les finalités de ce projet de loi là. Le seuil, M. Ross, ceci
dit, avec respect, quand vous dites : Le 25 % est fixé arbitrairement
par le Royaume-Uni, je pense que oui, vous avez cité des pays, là, sans
hiérarchiser les pays, là, mais ce n'est pas des pays avec lesquels le Québec
transige énormément, parce qu'il y a l'OCDE, il y a la Commission européenne
qui vient d'émettre une directive pour le seuil à 25 %, il y a la
Commission des finances publiques à laquelle, bien sûr, notre collègue de
Robert-Baldwin a participé, il y a le commerce interprovincial au Canada, il y
a les États-Unis, il y a Ottawa, il y a un ensemble de pays occidentaux.
Je sais que ce n'est pas parfait, mais
25 % on fait un pas considérable, puis le 10 % n'élimine pas
totalement non plus les stratagèmes, là. Quelqu'un qui veut utiliser des
stratagèmes pour passer en dessous des bureaux, il va le faire, là,
indépendamment des… Je pense qu'on fait… ce seuil-là nous permet de
s'harmoniser et de permettre un environnement législatif, comme je le disais ce
matin, qui est suffisamment compétitif, là, qui va éviter l'exode. Puis il y a
des groupes qui vont nous dire : Il ne faut pas aller dans la direction du
p.l. n° 78, parce que ça va engendrer un exode de
sociétés étrangères ou de sociétés dans le reste du Canada qui ne viendront pas
faire affaire au Québec, parce qu'ils devront s'immatriculer puis identifier
leurs bénéficiaires ultimes. Je pense qu'on a trouvé un excellent équilibre.
Ceci dit, pour vous autres,
tu sais, à un moment donné, vous avez dit, M. Ross : Mon équilibre, entre
la transparence corporative puis la protection de la vie privée, on est allé…
et le droit…
M. Boulet : ...je pense qu'on a
trouvé un excellent équilibre.
Ceci dit, pour vous autres... Tu sais, à
un moment donné, vous avez dit, M. Ross : Bon, l'équilibre entre la
transparence corporative puis la protection de la vie privée, on est allé... et
le droit du public, on est allé un peu plus loin vers la protection du public.
Est-ce que c'est bien ce que vous avez mentionné, M. Ross?
M. Ross (William) : Ce que je
dis, c'est que les nouvelles finalités du REQ, telles qu'elles sont présentées
dans le projet de loi n° 78, nous invite à penser que, justement, on fait
pencher la balance du côté du respect des droits publics d'être respectés par
les lois corporatives et non pas le respect de la vie privée comme étant une
vache sacrée qui reviendrait l'élément central pour pouvoir faire des lois
corporatives au Québec.
M. Boulet : Je vais y aller un
peu de façon télégraphique maintenant. Comment vous nous comparez, au Québec,
par rapport aux autres provinces canadiennes, en quelques mots, M. Ross?
M. Ross (William) : En
quelques mots, le Québec prend des mesures qui ne sont pas prises ailleurs au
Canada en ce moment. Et nous reconnaissons, depuis le début, là, à quel point
nous sommes contents et fiers d'être dans une province qui prend cette
situation-là au sérieux.
Cependant, nous continuons à considérer
que le seuil de 25 % est une erreur et que ce n'est pas en continuant une
erreur qu'elle va devenir plus vraie. La question que nous nous posons, c'est
que nous avons démontré, nous, le collectif, mais d'autres entités aussi, qu'il
y a des dangers au seuil de 25 % qui est facilement contournable. Nous
n'avons jamais entendu aucun argument qui faisait en sorte qu'on nous disait
que le seuil de 25 % était un bon seuil, un seuil qui faisait en sorte
qu'on était réellement capables d'éviter les fraudes fiscales.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'avec un seuil
de 10 %, on est capable de non seulement ratisser plus large, mais aussi
qu'il devient beaucoup plus difficile pour des personnes qui voudraient
contourner de manière délibérée la loi de créer un stratagème qui impliquerait
beaucoup plus que quatre ou cinq personnes, mais on parle de 10 à 11 personnes.
Avec tous les coûts que ça impliquerait, ça serait beaucoup plus difficile à
cacher. Donc, c'est sûr qu'il n'y a aucun seuil qui est parfait par rapport à
ça. Nous, on fait juste dire : Si on veut se donner les moyens de
réellement donner du mordant à une loi sur la transparence corporative, bien,
c'est en allant du côté du 10 % qu'on va le trouver plutôt que du côté du
25 %.
M. Boulet : Oui. Mais,
M. Ross, encore une fois, ceci dit, avec respect, là, puis je vais me
répéter un peu, il y a le Royaume-Uni, et la France, la Commission européenne,
les États-Unis, Ottawa, au Canada. Il y a des pays, il y a quelques pays que
vous avez identifiés où c'est à 10 %. Mais nous, ce qui doit nous guider,
c'est...
M. Boulet : …mais,
M. Ross, encore une fois, ceci dit, avec respect, là, puis je vais me
répéter un peu, il y a le Royaume-Uni, et la France, la Commission européenne,
les États-Unis, Ottawa, au Canada. Il y a des pays, il y a quelques pays que
vous avez identifiés où c'est à 10 %. Mais, nous, ce qui doit nous guider,
c'est, je pense, des principes fondamentaux d'harmonisation et de
compétitivité. Ceci dit, je sais que ça se contourne. 10 % se contourne et
5 % peut se contourner, 50 % pourrait se contourner encore plus
aisément, mais je pense qu'il y a un consensus au Québec, là, qui découle des
consultations, du rapport la Commission des finances publiques et de ce qui
s'en suit. Puis je comprends Statistique Canada puis les marchés financiers,
mais c'est véritablement à d'autres fins, là, où on parle de transaction
d'initié. Et la finalité d'autres lois, comme en matière de bâtiment ou de
centres financiers, n'est pas la même.
Sur les sanctions, M. Ross, bon, il y
a vérification, sanction, publicité. Je vais aller tout de suite à sanction
parce que je ne veux pas qu'on s'échappe. Qu'est-ce qui vous apparaîtrait, puis
ça je suis assez sensible à ça, raisonnable comme niveau de sanction? Bon, il y
a des sanctions de nature administrative, de nature pénale. J'aimerais vous
écouter sur ce qui vous apparaîtrait raisonnable. Puis, c'est sûr qu'il va
falloir s'assurer de la cohésion aussi, là. On ne peut pas dire parce qu'on est
extrêmement préoccupés par les paradis fiscaux, ça va être des montants
d'amendes astronomiques. Il va falloir s'assurer avec nos collègues à la
justice que c'est cohérent, avec les autres sanctions, dans les autres lois du
Québec, pour des infractions de même nature. On se comprend, mais votre opinion
serait quoi, M. Ross?
M. Ross (William) : Bien, c'est
pour ça que j'ai référé à la proposition 10 du Rapport sur le phénomène du
recours aux paradis fiscaux de la commission parlementaire. La raison en est
que j'ai l'impression que cette recommandation-là dit : Assurons-nous que
chaque personne qui vient s'inscrire au registre fait patte blanche et donne
l'ensemble des informations que nous demandons. Une fois que ça, c'est fait, si
au final la personne… Donc, on accompagne aussi finalement toutes les personnes
qui s'enregistrent pour s'assurer que les données sont bonnes, parce que le
but, ce n'est pas de pénaliser des gens qui feraient des erreurs, on s'entend,
ou qui pourraient donner une mauvaise information parce que, simplement, elle
est là depuis trop longtemps.
Une fois qu'on a fait cette vérification-là,
alors les erreurs… les fraudes commises à l'intérieur du REQ seraient des
fraudes qui seraient délibérées. Et donc on s'entend qu'à partir de ce
moment-là on n'est plus dans une situation de simplement ne pas avoir ses
affaires en ordre. On est dans une situation où on essaie d'utiliser les
sauf-conduits qui peuvent exister par les lois, parce que des lois peuvent
encore servir à ça, malheureusement, bien que ce ne soient pas leurs intentions
et leur finalité, mais on comprend que… on reconnaît que c'est ce qui se passe en
ce moment. Donc, de s'assurer que le gain qu'on peut faire, en essayant de
faire des sauf-conduits, soit inférieur à la pénalité que…
M. Ross (William) : …qui
peuvent exister par les lois, parce que les lois peuvent encore servir à ça,
malheureusement, bien que ça ne soient pas leurs intentions et leur finalité,
mais on comprend que… on reconnaît que c'est ce qui se passe en ce moment.
Donc, de s'assurer que le bien qu'on peut faire, en essayant de faire des
sauf-conduits, soit inférieur à la pénalité que la sanction va amener.
Nous, ce qu'on constate, c'est que,
depuis 1995, que le registre des entreprises du Québec a été établi, il y
a eu des changements aux sanctions qui ont suivi l'indexation. C'est parfait.
Ce qu'on se demande, c'est est-ce que le projet de loi prend en compte que la
nouvelle nature de la valeur des données qui vont être au registre, comme… a la
même valeur en termes de sanctions? Est-ce que c'est la même dissuasion, qu'on
parle? Nous, on présume que les nouvelles informations ont une valeur
différente et que, justement, le caractère dissuasif doit suivre avec. C'est
pour ça qu'on demande de… la simple chose qu'on demande, parce qu'on n'est pas
là pour faire le travail de donner des chiffres par rapport à ça, c'est de
s'assurer qu'il y ait une réflexion politique qui soit faite sur la nature de
ces sanctions-là.
Il y a aussi la recommandation 33 de
la même Commission des finances publiques sur le phénomène du recours aux
paradis fiscaux qui demandait de s'harmoniser avec le gouvernement fédéral afin
de prévoir des pénalités criminelles dans le cas des manquements d'informations
au registre. Donc, ça aussi, c'est quelque chose qui n'est pas dans le projet
de loi, je comprends que ça ne fait pas partie du spectre de la réforme de la
loi n° 78. Simplement, pour nous, ça fait partie de, justement, cet
ensemble-là de… d'une volonté du gouvernement à vouloir s'assurer de garantir
un climat de transparence corporative et de confiance en l'égard de la société
civile. Donc, de… peut-être de dénoncer, à l'intérieur du projet de loi, que
ces dispositions-là sont encore à venir ou qu'il y a des réflexions à faire, ça
serait absolument intéressant.
• (16 h 50) •
M. Boulet : Parfait. C'est
intéressant, vous touchez à plusieurs sujets. Évidemment, là, on est en matière
de droit pénal statutaire par opposition à… au droit criminel, là, qui est de
compétence fédérale.
Le niveau des sanctions… en fait, vous
n'avez pas de chiffres précis mais vous ramenez ça à la nature de la
vérification. Puis, quand on dit, à 3., je pense bien, 4° paragraphe,
«prendre les moyens raisonnables pour améliorer la fiabilité des informations»,
je sens le besoin de le préciser, là. Parce qu'à l'article 124 de la loi,
le registraire a des pouvoirs d'inspection, des pouvoirs d'enquête et des
pouvoirs de vérification. Puis à l'article 129, vous le savez,
M. Ross, au Québec, le plus important pouvoir d'enquête, c'est celui qui
découle de la loi sur les commissions… sur les commissaires d'enquête, dit-on.
Tu sais, les… dans la mission de mon ministère puis de bien d'autres
ministères, si on donne…
M. Boulet : …puis à l'article
129… Vous le savez, M. Ross, au Québec, le plus important pouvoir d'enquête,
c'est celui qui découle de la loi sur les commissions… sur les commissaires
d'enquête, dit-on, tu sais, les… Dans la mission de mon ministère puis de bien
d'autres ministères, si on donne l'exemple des inspecteurs à la CNESST, ils ont
les pouvoirs d'ordonner la production de documents, de vérifier l'exactitude
des informations. On a, à ce jour, déjà embauché six inspecteurs qui auront les
pouvoirs, en vertu de la loi, des commissaires d'enquête. Donc, on fait un
grand pas en avant pour s'assurer de respecter la finalité à laquelle vous avez
fait référence, là, qui est à l'article 0.1 du projet de loi.
Puis, enfin, il y a eu un bill omnibus
l'année passée qui a été adopté sous l'égide de mon collègue aux Finances qui
amendait notamment l'article 131 de la Loi sur la publicité légale des entreprises,
et le registraire peut faire une dénonciation à une personne autorisée, on
pense ici au DPCP, et il y aurait des poursuites qui pourraient être entamées
suite à une dénonciation faite par le registraire. Donc, on se donne une
barrière additionnelle de protection puis un moyen dissuasif. Évidemment, il
n'y a pas eu de cas encore, parce que c'est un nouveau paradigme, comme le
groupe précédent nous mentionnait, mais il y a une adaptation qui est déjà
amorcée, et ces pouvoirs-là auxquels vous faites référence, inspection,
enquête, vérification… On ne sera pas parfaits du jour au lendemain, mais il va
y avoir une période de temps d'adaptation suite à l'entrée en vigueur de la
loi, on parle d'une année, pour mettre en fonction les nouvelles applications,
s'adapter à cette nouvelle réalité là.
Puis, quand on parle de moyens
raisonnables, il faut aussi se dire qu'il y a déjà des ententes de transfert d'information
puis d'échange entre le registraire puis la Sûreté du Québec, par exemple, avec
Revenu Québec, avec la Régie du bâtiment, puis il y a une vérification. Mais…
Évidemment, c'est un principe d'autodéclaration, mais il y a des vérifications
a posteriori qui se font qui donnent une protection encore aussi supplémentaire
pour s'assurer de l'exactitude des informations. Mais je pense qu'on s'en va
tous ensemble dans un entonnoir qui va nous permettre de faire une lutte qui
est beaucoup plus efficace à l'évasion fiscale, notamment.
M. Ross (William) : Si vous
me permettez de…
M. Boulet : Bien sûr, hein?
M. Ross (William) : …répondre
rapidement à ça, j'ai l'impression effectivement qu'on va tous dans la même
direction, à entendre le CPA aujourd'hui ou la professeure Pascale Cornut
St-Pierre. Je pense que tout le monde a demandé, par rapport à ça, d'avoir des clarifications
à même le projet de loi, c'est-à-dire : ce que vous dites par rapport aux
sanctions, ce que vous dites par rapport à la vérification, c'est tout à fait
exact, puis on…
M. Ross (William) : ...à ça,
j'ai impression effectivement qu'on va tous dans la même direction, à entendre
le CPA aujourd'hui ou la professeure Pacale Cornut St-Pierre. Je pense que tout
le monde a demandé par rapport à ça d'avoir des clarifications à même le projet
de loi, c'est-à-dire, ce que vous dites par rapport aux sanctions, ce que vous
dites par rapport à la vérification, c'est tout à fait exact, puis on voit qu'il
y a quelque chose qui va dans la bonne direction.
Moi, j'ai été surpris à la lecture du projet
de loi de voir finalement que la portée du projet de loi n° 78
n'incluait pas les articles sur les sanctions qui sont déjà prévues dans le
cadre de la Loi sur la publicité légale des entreprises. D'où ma question :
Est-ce qu'il y a une réflexion qui a été faite sur le fait que les nouvelles
données qui vont être incorporées, la valeur politique et la valeur juridique
qu'on leur attribue constituent, peut-être la base de réfléchir des nouvelles
sanctions?
M. Boulet : M. Ross, en fait,
le niveau des amendes, les montants d'amende n'ont pas changé. C'est la raison
pour laquelle ils ne sont pas inclues dans le p.l. Mais, en même temps, il n'y
a rien qui nous empêche de faire une réflexion parce que c'est dans l'objet du projet
de loi de faire les modifications qui s'imposent pour augmenter le montant des
sanctions pénales. Et moi, je suis totalement ouvert à ça.
Puis il y a un autre point, M. Ross, qui
m'amène à dire : Le pouvoir réglementaire, il faut l'utiliser, mais uniquement
pour fins d'application de la loi. S'il y a des données additionnelles... Comme
par exemple, si on dit, on protège les renseignements personnels, il faut bien
les préciser, la date de naissance...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, M. le ministre...
M. Boulet : ...de quelqu'un,
et autres, on va s'assurer de faire les clarifications, M. Ross, qui
s'imposent.
Aïe! Merci à vous deux. Bien content de
vous avoir rencontrés. Puis félicitations pour votre travail. Puis je vous
assure qu'on a les mêmes objectifs. Merci beaucoup. À bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. le ministre. Nous poursuivons maintenant avec le groupe d'opposition
officielle, avec... d'abord, avec le député de Nelligan, et ensuite avec le
député Robert-Baldwin. Vous disposez à vous deux... 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci au collectif Échec aux paradis fiscaux, vraiment, pour votre
présence, la clarté de vos propositions.
Première question, le seuil d'ajustement,
vous n'êtes pas, en fait, le premier groupe... ce qui m'a frappé, c'est la
comparaison que vous faites avec les autres juridictions : l'Argentine, 20 %,
République dominicaine, 20 %, l'Uruguay, 15 %, Costa Rica, 15 %,
Bahamas, 10 %, Barbade, 10 %, le Belize, 10 %, le Chili, 10 %,
la Colombie, 5 %. Et vous le dites dans votre argumentaire :
«Toutefois, on concède que, dans les pays occidentaux, avec des RBU gratuits et
publics, que le seuil n'est pas basé sur aucune donné scientifique.»
Donc, si j'ai bien compris votre présence
aujourd'hui en commission, c'est que, pour vous, c'est arbitraire, le
pourcentage du 25 %. Et ce que vous nous suggérez aujourd'hui, c'est
d'aller vers le 10 %. Mais, si vous dites ça, sur quoi vous vous basez
pour dire que 10 % est un bon seuil? Est-ce que vous avez une donnée
scientifique à nous partager et dire que le 15 %, c'est le pourcentage
qu'il faut utiliser, sur lequel il faut se baser?
M. Derraji : …le pourcentage du
25 %, et ce que vous nous suggérez aujourd'hui, c'est d'aller vers le
10 %. Mas si vous dites ça, sur quoi vous vous basez pour dire que le
10 % est un bon seuil? Est-ce que vous avez une donnée scientifique à nous
partager, et dire que le 10 %, c'est le pourcentage qu'il faut utiliser,
et sur lequel il faut se baser.
M. Lesage (Samuel-Élie) : Si
je peux me permettre, oui, merci pour la question. Juste pour être bien clair
quand… le mot «arbitraire», c'est… vous l'avez dit, mais je veux vraiment le
répéter, «arbitraire» ne veut pas dire que c'est tiré d'un chapeau, hors de
nulle part. Il est évident, au Royaume-Uni, le 25 % doit être l'objet
d'une négociation entre les parlementaires et des… quand on arrive à ce
chiffre-là. Ce que mon collègue, M. Ross, a dit plus tôt, c'est justement,
c'est que oui, effectivement, il n'existe pas d'étude scientifique qui… ou
comme qui semble démontrer l'efficacité de ce pourcentage-là, d'autant plus
que, comme il a rappelé également, il existe actuellement des cas où on semble
pouvoir profiter de ce haut taux de seuil d'assujettissement pour, justement,
déclarer à la baisse l'information. Par exemple, dans le Guardian, je
vois… relevait aussi que… pas le Guardian, excusez-moi, une autre étude,
excusez-moi, que… entreprise… britannique n'avait pas de bénéficiaire ultime.
Il y a eu, il y a quelques jours ou quelques semaines, au quotidien Le Monde,
le OpenLux, là, c'est la moitié des entreprises qui n'ont pas de bénéficiaire
ultime. Donc, ou on se dit, bien, il y a un problème, c'est une situation qui
est absolument absurde. Et le 10 %, personnellement, je vais être honnête,
moi, personnellement, je ne connais pas d'étude scientifique qui va
spécifiquement dire que ce chiffre-là est meilleur qu'un autre. Mais pourquoi
le 10 %, c'est parce qu'il s'applique sur des pratiques déjà existantes,
comme on l'a mentionné à Statistique Canada, l'Autorité des marchés financiers,
la Colombie-Britannique, son propre seuil pour son registre de la transparence
immobilière, aussi, fixe le 10 %. Et donc ce 10 %-là semble être
davantage représentatif… pouvoir mieux capturer comment, donc, est organisée
une entreprise, leurs structures comparatives, et donc qui bénéficie réellement
des activités. Et c'est dans ce sens-là que nous, on se dit que ce 10 % là
est meilleur.
M. Derraji : Oui, j'ai bien
compris. Oui, oui, j'ai bien compris, c'est juste, au fait, parce que vous
basez votre argument, et ce n'est pas… je ne vous reproche rien, au contraire.
C'est pour mon propre bénéfice. Vous dites que ce seuil n'est pas basé sur
aucune donnée scientifique, et j'étais un peu curieux de savoir, bien, est-ce
que le 10 % est basé sur une donnée scientifique. S'il n'est pas basé sur
une donnée scientifique, ça veut dire nous sommes aussi dans l'arbitraire avec
10 %, parce que je peux vous dire, bien, pourquoi pas 5 %, ou
pourquoi pas 7,5 %? Je veux juste qu'on soit clairs, en tant que membres
de cette commission, qu'on fait une avancée avec le 25. Est-ce que c'est
l'idéal, on peut se poser la question, mais dire que ce n'est pas basé sur
aucune donnée scientifique, je pense même le 10 n'est pas basé sur aucune
donnée scientifique. En fait, c'est juste pour que je puisse comprendre le
raisonnement derrière. Et je comprends que le Costa Rica, avec 15, les Bahamas
avec 10, mais j'essaie de savoir, en tant que législateur, aujourd'hui, est-ce
que je vais baser mon analyse sur une donnée scientifique et dire 10, ou sur
l'arbitraire et dire, bien, écoute, probablement le 25 est arbitraire. C'est
juste ce point que je voulais clarifier avec vous.
Vous avez dit que vous encouragez le
ministre à préciser à même le projet de loi les informations qui seront…
17 h (version non révisée)
M. Derraji : …de savoir, en
tant que législateur, aujourd'hui, est-ce que je vais baser mon analyse sur une
donnée scientifique et dire «10», ou sur l'arbitraire et dire : Bien,
écoute, probablement le 25 est arbitraire. C'est juste ce pan que je voulais
clarifier avec vous.
Vous avez dit que vous encouragez le ministre
à préciser, à même le projet de loi, les informations qui seront publiques et,
donc de ne pas agir par voie réglementaire. C'est quoi le problème que vous
avez si on n'agit pas par voie réglementaire, mais qu'on précise le tout dans
le projet de loi? Avez-vous des préoccupations?
M. Ross (William) : Pour
nous, la préoccupation principale de ce libellé-là, c'est celle de ne pas
soumettre à l'Assemblée nationale la question du… l'ajout du retrait des
informations qui seraient disponibles, ou non, à la consultation publique dans
le registre des entreprises du Québec. C'est-à-dire que — je ne veux
pas prêter de mauvaises intentions à personne, mais — la seule chose
qui, pour nous, est importante c'est de dire : Lorsqu'il s'agit d'avoir
une discussion sur la transparence, il m'apparaît absolument fondamental que
nous agissions de manière transparente. Et donc que la condition
d'accessibilité des informations soit de la prérogative du ministre, qu'il
puisse la décider par règlement, ça nous apparaît, en fait, être un peu un
non-sens au niveau des intentions mêmes de la loi.
M. Derraji : O.K., excellent.
Merci. Je pense que mon collègue de Robert-Baldwin va continuer. J'aimerais
bien qu'il vous pose une question sur les pénalités criminelles. Je suis très
curieux. Nous avons eu cette discussion, moi et lui. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la parole est au député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Oui, j'essayais
d'enlever le microphone. Très bien, merci. Bonjour, messieurs. Merci, merci
beaucoup d'être là.
Alors, ça va peut-être vous étonner, ou
pas, mais je suis généralement en accord avec vos recommandations, la question
du seuil, donc le 10 % versus 35 %. Je comprends très bien, j'étais
là avant, je comprends très bien la volonté de s'harmoniser avec le Canada et
les autres provinces canadiennes. Mais je comprends aussi très bien que la
pratique nous a démontré que le 25 % ailleurs permet quand même certaines…
certaines déviations. Donc, peut-être si on le baissait à 10 ou à 15, enfin
quel que soit le chiffre, ça pourrait être mieux. Donc, c'est quelque chose à
considérer, en effet, pour les…
L'autre chose que vous mentionnez aussi et
que je trouve qui est très importante, c'est… concerne l'information pour mieux
identifier les bénéficiaires ultimes. Je pense que c'est là où on doit… je
pense qu'on doit aller un peu plus loin parce que ça, c'est au coeur même de
cette question. Et, écoutez, j'ai évolué…
M. Leitão : …concerne
l'information pour mieux identifier les bénéficiaires ultimes. Je pense que
c'est là où on doit… je pense qu'on doit aller un peu plus loin, parce que ça,
c'est au coeur même de cette question. Et, écoutez, j'ai évolué pendant de
longues années dans le monde financier, dans le système financier, et ouvrir un
compte dans une banque, ça prend plusieurs informations. Et donc je pense que
ça serait quand même important de le faire, alors, dans le contexte du projet
de loi.
Alors, qu'est-ce que vous proposez
concrètement pour qu'on puisse aller un peu plus loin dans le projet de loi
n° 78 pour mieux serrer… mieux resserrer l'identification des personnes?
M. Ross (William) : Merci
pour votre question. En fait, nous, on commençait d'abord et simplement par la
vérification par une carte d'identité avec photo et une preuve d'adresse. Je
pense que ce n'est pas énorme de demander ce genre d'information lorsqu'on veut
faire affaire au Québec. Toute personne qui détient une carte de bibliothèque
au Québec a déjà donné ce genre d'information pour être capable de louer une
B.D. à son enfant. Donc, par rapport à ça, je pense que ce n'est pas quelque
chose qui est démesuré. Comme le disait la Pre Pascale Cornut St-Pierre,
Airbnb aussi demande ce genre de truc là, la même chose si l'on veut utiliser
des services de plusieurs compagnies. Donc, par rapport à ça, je n'ai pas
l'impression que ça soit quelque chose qui soit trop demandé. Ça, c'est une
première chose.
Ensuite de ça, comment s'assurer de la
systématicité de ces vérifications-là? Nous, on n'est pas là pour faire un
travail de mise en place de ce genre de protocole là, dans la mesure où je ne
suis pas à la place des fonctionnaires qui travaillent avec cette matière-là.
J'amène des propositions politiques dans lesquelles je propose que… il me
semble que ça pourrait être une situation ou une solution à faible coût, compte
tenu de l'importance du dossier, pour être capable de régler le problème.
L'autre enjeu qu'on amenait, c'était de
dire qu'on voulait une indexation des bénéficiaires ultimes avec un numéro
d'identification unique. Le but n'est pas là d'être capable… comme d'avoir un
numéro sensible comme celui du numéro d'assurance sociale ou ce genre de truc
là, c'est simplement afin d'indexer pour s'assurer qu'il n'y ait pas de
dédoublement sur les adresses professionnelles.
Moi, je pourrais avoir quatre compagnies,
quatre adresses professionnelles différentes, de très bonne foi, faire une
erreur et déclarer deux adresses professionnelles différentes dans l'ensemble
de mes compagnies pour faire ça, pourtant je suis la même personne. Le
gouvernement a accès à mon adresse domiciliaire, c'est parfait, mais la société
civile, elle, les banques qui sont prises à faire de la diligence raisonnable
n'ont pas accès à cette information-là…
M. Ross (William) : ...très
bonne foi faire une erreur et déclarer deux adresses professionnelles
différentes dans l'ensemble de mes compagnies pour faire ça. Pourtant, je suis la
même personne.
Le gouvernement a accès à mon adresse
domiciliaire, c'est parfait. Mais la société civile, elle? Les banques qui sont
prises à faire de la diligence raisonnable n'ont pas accès à cette
information-là. Comment différencier, du point de vue du registre, ces deux
personnes-là, ou est-ce la même personne ou n'est-ce pas la même personne?
Par rapport à ça, bien, j'ai l'impression
qu'un numéro d'identification unique pourrait permettre de surmonter ce
problème-là sans nécessairement avoir à recommencer à traiter la question de la
publication ou non de l'adresse domiciliaire.
M. Leitão : Très bien, merci.
Oui, tout à fait. Merci. L'autre question, et c'est là où mon collègue n'a pas
eu le temps d'y aller, je voudrais y aller, mais ça nous intéresse beaucoup
aussi, donc sur le caractère dissuasif du projet de loi. Donc, pour que la loi
soit suivie, c'est clair qu'il faut avoir des conséquences si on ne la suit
pas. Donc, je comprends qu'il y a des sérieuses questions quant à la possibilité
ou pas d'avoir des sanctions pénales. Vous avez mentionné, si j'ai bien
compris, que les sanctions pécuniaires devraient être... pas fixes, mais être
en relation avec l'ampleur de l'enjeu, c'est ça?
M. Ross (William) : Oui.
Bien, en fait, si je peux clarifier ce que je voulais dire par là, c'est que le
projet de loi reconnaît lui-même, par, justement, le paragraphe 0.1°,
qu'il y a une nouvelle finalité politique et juridique qui est donnée au REQ.
Par rapport à ça, les informations sont aussi... les mêmes informations, en
bonus des nouvelles informations qui y seront soumises, sont aussi mises sous
cette nouvelle finalité. Cette finalité, ce n'est plus simplement une manière
pour le monde des affaires de garantir qu'on sait c'est qui les administrateurs
et de permettre un climat de confiance pour le monde des affaires envers
lui-même, mais c'est aussi une relation avec la société civile pour garantir
une transparence sur la sanité de l'économie en lien avec la criminalité et
l'évasion fiscale.
Cette nouvelle donnée-là, cette nouvelle
valeur-là, selon nous, appelle un autre cadre dissuasif. C'est-à-dire, on
s'entend que ce n'est pas simplement la question de ne pas avoir mis à jour les
administrateurs d'une compagnie, si on... comme le mentionnait quelqu'un
précédemment aujourd'hui qui a passé devant la commission, on parle d'activités
criminelles qui engendre des millions de dollars, bien, les pénalités qui sont
prévues actuellement dans la Loi sur la publicité légale des entreprises sont
des pacotilles.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, rapidement.
M. Ross (William) : Donc, par
rapport à ça, elles n'ont pas le caractère dissuasif que nous croyons qu'une
loi comme celle-ci devrait avoir.
M. Leitão : Très bien, merci beaucoup.
Merci beaucoup… vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons rapidement avec le député de Rosemont. Vous...
M. Ross (William) : …dans la
Loi sur la publicité légale des entreprises sont des pacotilles…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, rapidement.
M. Ross (William) : Elles
n'ont pas le caractère dissuasif que nous croyons qu'une loi comme celle-ci
devrait avoir.
M. Leitão : Merci beaucoup.
Merci beaucoup… vos commentaires.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons rapidement avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 45 s.
• (17 h 10) •
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Ross, M. Lesage, merci, c'est un plaisir de vous revoir. Je
vois que vous êtes cohérents avec vos positions et vous continuez de taper sur
le clou, c'est bien. Il paraît que la pédagogie, c'est l'art de la répétition.
Des fois, il faut insister. Mais on s'en va dans la bonne direction. Le
ministre l'a dit, je suis d'accord avec lui sur le fait que c'est un pas dans
la bonne direction. Je le voudrais plus grand, ce pas, j'irais peut-être avec
des plus grandes foulées, mais on commence le projet de loi, on avance puis on
entend des choses vraiment intéressantes aujourd'hui, dont vous, merci d'être
là.
Les sanctions, ça revient souvent depuis
ce matin. C'est vrai que ce qu'on voit, là, dans le projet de loi, ça peut
paraître, bien, j'ai employé le mot «ridicule», ce matin, ce n'est peut-être
pas parlementaire, mais ce n'est pas très élevé en tout cas, hein, on peut
s'entendre là-dessus.
J'évoquais, par exemple, ce matin, avec
les CPA, les deux dames des CPA, peut-être une formule sur un pourcentage de
chiffre d'affaires, comme ça se fait, d'ailleurs, dans certaines juridictions
sur les GAFAM. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être éventuellement
étudié?
M. Ross (William) : Ça peut
être étudié, c'est quelque… une voie qui pourrait peut-être être intéressante.
Écoutez, nous, on… mon mandat, d'abord, tu sais, quand je me présente devant
vous, ce n'est pas de trouver la solution, c'est de simplement être… de voir
que… qu'est-ce qui constitue au point de vue de la loi au Québec quelque chose
de dissuasif par rapport au degré de criminalité qui peut être impliqué à
l'intérieur de ça. C'est cette balance-là.
Je ne suis pas juriste, je ne sais pas
comment créer cette balance-là. Par contre, ce que je vois, c'est que le projet
de loi lui-même n'aborde pas cette question-là. Et, pour moi, il y a manquement
dans, finalement, les moyens qu'on se donne et les ambitions qu'on veut avoir
qui font en sorte que, bien, je pose la question en toute honnêteté :
Qu'est-ce qui serait dissuasif? Est-ce que le projet de loi en prend compte?
Non. Et donc c'est à ce niveau-là que, si on veut trouver une manière de
comptabiliser différemment pour le faire, je pense que c'est tout à fait
louable, puis faisons les recherches pour voir qu'est-ce que ça peut donner.
M. Marissal : Quant aux
seuils, M. Ross… je vous arrête, je n'ai tellement pas le temps, je suis
désolé, je ne veux pas être impoli, je suis pressé, je ne suis pas impoli.
Quant aux seuils, là, on en parle beaucoup, là, de 25 à 10 %, là, on nous
a dit, ça a été dit, je crois bien même que le ministre l'a formulé un peu
comme ça, mais je ne veux pas lui mettre des mots dans la bouche, que ça
pourrait a voir un effet rebutant sur certains entrepreneurs qui pourraient
partir si, d'aventure, on disait : Non, ça va être 10 % plutôt que
25 %. J'aimerais ça…
M. Marissal : …on en parle
beaucoup, là, de 25 à 10 %, là, on nous a dit, ça a été dit, je crois bien
même que le ministre l'a formulé un peu comme ça, mais je ne veux pas lui
mettre des mots dans la bouche, que ça pourrait avoir un effet rebutant sur
certains entrepreneurs qui pourraient partir si d'aventure on disait :
Non, ça va être 10 % plutôt que 25. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Lesage (Samuel-Élie) : Si
je peux me permettre. Merci, pour la question. En fait, est-ce qu'un seuil plus
bas que 25 % va nuire au climat d'affaires? Nous ne le croyons pas. Je
pense que c'est les CPA qui ont dit plutôt qu'aujourd'hui qu'un bon climat
d'affaires, il y a aussi, justement, la transparence, la disponibilité d'informations,
et bien ça en fait partie, il y a ça également qui est important, et on se dit
même qu'en tant que projet de loi n° 78 traite de questions, là, de
transparence corporative en vue de lutter contre la criminalité financière,
bien là aussi nécessairement, en fait, on ne va pas nuire au climat d'affaires,
on va au contraire y contribuer.
Et, bien, au Québec, il y a déjà un régime
élevé d'informations demandées des entreprises, il y a le REQ, mais il y aussi,
je prends le registre, par exemple, minier ou par rapport à d'autres comme ça.
À mon avis, il n'y aura pas un si grand problème à demander davantage
d'informations aux entreprises si on veut s'assurer que ça ne soit pas un
fardeau ou que ça ne soit pas trop pénible pour leurs affaires, il faut
effectivement s'assurer qu'on leur offre à travers une demande qui est simple,
qui est cohérente et qui est facile à remplir, et voilà.
Après ça, est-ce que ça va créer un exode?
Bien, est-ce que les entreprises vont se priver d'un marché de 8 millions
de personnes au Québec parce qu'on ne peut pas identifier 10 bénéficiaires
ultimes au lieu de 4? Vous me permettrez d'en douter à ce niveau-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, c'est tout le temps que nous disposons.
M. Marissal : Merci beaucoup.
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec la députée de Gaspé. Vous disposez de
2 minutes 45 secondes.
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, très contente que vous soyez parmi nous, vous avez
accepté l'invitation. Dans le fond, vous misez beaucoup sur… de prendre le
problème à la source. Qu'on mette beaucoup plus d'emphase sur la vérification
d'identité. Moi, c'est la première fois que j'entends la recommandation du
numéro d'identification unique. Je trouve que vous apportez des recommandations
qui sont intéressantes à vraiment, là, analyser en profondeur. C'est bien de
vous entendre, parce que vous dites que vous n'avez pas nécessairement de… vous
n'avez pas en tête tout le procédé, mais quand même il y a ça, puis vous dites
aussi de renverser la logique, c'est-à-dire que le bénéficiaire ultime on le
connaisse avant même que l'entreprise soit enregistrée, là. Alors, il y a ça.
Est-ce que vous diriez que dans sa forme actuelle, ce projet de loi là, il va,
parce que vous avez les mêmes objectifs que le ministre, il l'a bien dit,
est-ce qu'il va assez loin? Et, bien, je pense connaître déjà la réponse, mais
je veux quand même vous entendre à savoir est-ce que ce n'est pas juste un
exercice de bonne conscience finalement.
M. Ross (William) : Je ne
crois pas qu'il s'agît simplement d'un exercice de bonne conscience. Je pense
qu'il y a quand même une volonté réelle de faire avancer les choses. Cependant…
c'est que, d'un point de vue…
M. Ross (William) : ...je ne
crois pas qu'il s'agit simplement d'un exercice de bonne conscience. Je pense
qu'il y a quand même une volonté réelle de faire avancer les choses.
Cependant... c'est que... d'un point de
vue... avec des arguments complètement différents, d'un point de vue juridique,
politique, sociologique, on arrive tous à la même conclusion que le seuil de
25 % n'est pas suffisant. C'est là où, finalement, moi, je vais
répéter : Ça ne va pas assez loin. À ce niveau-là, je me demande pourquoi
copier d'autres pays dans lesquels, finalement, on réalise qu'au fil du temps,
bien ce seuil-là était trop élevé. C'est tout à fait normal que le Royaume-Uni
choisisse un seuil puis réalise, quelques années après, puisqu'ils sont les
premiers à le faire, que ce n'était pas le bon seuil. Est-ce que c'est une
raison pour nous de faire le même constat?
Mme Perry Mélançon : Donc,
sans nécessairement avoir de données scientifiques exactement sur le seuil de
10 %, on a des exemples concrets de réussites de pays qui sont allés vers
un seuil beaucoup plus restrictif?
M. Ross (William) : Non
seulement ça, mais comme le disait mon collègue juste avant, on parle, là,
finalement, d'identifier la différence entre quatre et 10 personnes. On parle
de six personnes supplémentaires. Si l'argument des entreprises qui voudraient
quitter le Québec pour dire que, finalement, identifier six personnes de plus,
c'est trop, on se demande réellement c'est quoi, le but de faire des affaires
au Québec. Je vois vraiment mal comment ces six personnes là feraient toute la
différence dans la présence ou l'absence d'une compagnie au Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, c'est tout le temps que nous disposons. Alors, merci, M. Ross,
merci, M. Lesage, pour votre contribution à la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants
les travaux, le temps de donner la chance au prochain groupe de s'installer.
Alors, merci.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous commençons. Nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la
bienvenue aux représentants de la Chambre des huissiers de justice au Québec...
ou du Québec, pardon. Alors, j'inviterais... M. Taillefer et Mme Guay à bien
vous présenter, avec votre titre, et ensuite de commencer votre exposé de
10 minutes.
M. Taillefer (François) :
Merci, Mme la Présidente. Alors, François Taillefer, président de la Chambre
des huissiers de justice du Québec. Je suis accompagné de Mme Béatrice Guay,
qui est la directrice générale de la Chambre des huissiers.
Mme Guay (Béatrice) : Bonjour.
M. Taillefer (François) :
Alors, Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, M. le vice-président,
mesdames messieurs, membres de la commission, la Chambre des huissiers de
justice du Québec souhaite d'abord remercier les membres de la Commission de
l'économie et du travail de l'intérêt manifesté à connaître l'opinion de la
Chambre des huissiers de justice du Québec à l'égard du projet de loi n° 78 visant principalement à améliorer la transparence des
entreprises. D'emblée, la chambre appuie les objectifs du projet de loi n° 78.
Permettez-moi de préciser en débutant que
mes responsabilités comme président de la Chambre des huissiers de justice
motivent notre présentation d'aujourd'hui, qui se veut un partage d'expérience
de la réalité à laquelle doivent faire face les huissiers de justice
relativement au registre des entreprises et à son amélioration visée par le projet
de loi.
Au niveau de l'introduction, la Chambre
des huissiers de justice, le CHJQ, est un ordre professionnel à exercice
exclusif dont la mission première vise la protection du public. La Loi sur les
huissiers de justice et le Code des professions sont des lois-cadres
définissant l'exercice de la profession. Les huissiers de justice accomplissent
principalement leur mandat selon les dispositions du Code civil du Québec et du
Code de procédure civile du Québec, tout en devenant... tout en devant, pardon,
respecter diverses lois connexes listées à la section des références de notre document
à la page 8. Trois ordres professionnels relèvent du domaine du droit,
soit le Barreau du Québec, la Chambre des notaires et la Chambre des huissiers
de justice du Québec. Au total, au 31 mars 2020, on dénombrait 28 065
avocats, 3 870 notaires et 450 huissiers de justice. Obligatoirement
membres de la... les huissiers de justice évoluent à l'intérieur d'un système
juridique selon les lois, procédures et règlements.
La profession de l'huissier de justice
comprend la signification des actes de procédure de tout tribunal, la
production de constat et toute autre fonction prévue par la loi ainsi que la réalisation
des actes à l'exécution des jugements sous l'autorité du tribunal. Par les
actes professionnels qu'il pose, l'huissier de justice contribue ainsi au
respect des droits des débiteurs et des créanciers.
Mais en lien avec la pratique des huissiers
s'ajoutent les fonctions de recherche et d'analyse qui s'inscrivent régulièrement
dans leurs démarches. À ce titre, le registre des entreprises représente une
source d'information importante et essentielle.
Au niveau du sommaire, protection du
public...
M. Taillefer (François) :
...des droits des débiteurs et des créanciers. En lien avec la pratique des
huissiers, s'ajoutent les fonctions de recherche et d'analyse qui s'inscrivent
régulièrement dans leurs démarches. À ce titre, le Registre des entreprises
représente une source d'information importante et essentielle.
Au niveau du sommaire, protection du
public : À l'instar de l'ensemble des ordres professionnels, la mission de
la CHJQ porte sur la protection du public. Nous en assurons la mise en œuvre
selon les différentes dispositions prévues. La CHJQ salue cet objet du projet
de loi visant la protection du public, tel indiqué en introduction et qui
demeure omniprésent dans le document. L'utilisation du Registre des
entreprises par les huissiers de justice : Le Registre des entreprises
demeure un élément important d'information pour les huissiers en exercice et
leurs équipes de travail qui consultent constamment les renseignements inscrits
au registre ainsi que les modifications. Très clairement, la fiabilité des
renseignements publiés s'avère fondamentale.
Au niveau de la fiabilité souhaitée des
renseignements, les dispositions de l'article 125 du Code de procédure
civile prévoient la notification à une personne morale, société, association ou
autre groupement. Les huissiers doivent consulter le registre afin de vérifier,
entre autres, les adresses des dirigeants, administrateurs ou associés de
compagnie de toutes catégories de sociétés ainsi que les modifications, le cas
échéant. L'exemple de cette disposition du code démontre la pertinence que des
mises à jour des renseignements du Registre des entreprises soient effectuées.
Modalités réglementaires autorisant
l'accès des huissiers de justice : Les articles 17 et 24 du projet de
loi n° 35 semblent apporter des précisions à l'effet
que, par règlement, qu'il serait permis dans certains cas et interdit dans
d'autres que des groupements puissent consulter certaines informations de
nature plus confidentielles, mais disponibles au registre. La CHJQ souhaite
qu'une réflexion des membres de la commission entraîne une recommandation
autorisant les huissiers de justice en fonction à consulter toute l'information
disponible au Registre des entreprises.
Leur mission: protection du public :
La CHJQ voit au respect de sa mission de protection du public par l'encadrement
et la surveillance de l'exercice de la profession, le programme de formation
continue, l'information au public et l'application des règles disciplinaires.
Dans la perspective de l'application de protection du public et du respect des
droits, il nous apparaît important de sensibiliser les membres de la commission
que le Registre des entreprises doit demeurer un outil privilégié assurant la
protection du public, ce qui comprend les créanciers, débiteurs et officiers de
justice dans l'exercice de leur fonction. Dans cette optique, la CHJQ croit
que le respect des droits et, par ricochet, la protection du public sont
renforcés par les nouvelles exigences facilitant l'identification des assujettis
comme définis au projet de loi. L'amélioration de l'information au registre
revêt ainsi une dimension qui permettra à nos membres d'obtenir les
renseignements nécessaires afin de rejoindre plus efficacement un débiteur, et
ce, en respect des droits des créanciers. Il nous apparaît ainsi que la
protection du public s'en retrouverait améliorée.
Très brièvement, permettez-moi...
M. Taillefer (François) : ...du
registre revêt ainsi une dimension qui permettra à nos membres d'obtenir les renseignements
nécessaires afin de rejoindre plus efficacement un débiteur, et ce, en respect
des droits des créanciers. Il nous apparaît ainsi que la protection du public
s'en retrouverait améliorée.
Très brièvement, permettez-moi de vous
rappeler que les actes professionnels des huissiers de justice précisés dans la
Loi sur les huissiers de justice du Québec et le Code des professions
comprennent principalement les responsabilités suivantes. En plus de signifier
des documents, les huissiers de justice exécutent des décisions de justice
ayant force exécutoire. Ils exercent toute autre fonction relevant de leurs
obligations professionnelles en vertu de la loi ou suivant les décisions du
tribunal. Les huissiers de justice présents dans l'ensemble de la vie économique,
sociale et juridique répondent aux demandes provenant de différents domaines
d'activité dans le milieu des affaires, le commerce et l'immobilier. Les administrateurs
publics, municipaux, provinciaux et fédéraux, les institutions financières
ainsi qui les sociétés du secteur juridique font également appel à leurs
services.
L'utilisation du registre des entreprises
par les huissiers de justice. Comme mentionné en introduction, il est
souhaitable pour les mesures d'amélioration proposées d'amélioration au registre
des entreprises soient implantées selon les normes élevées de qualité. Il faut
que celles-ci soient en adéquation avec les besoins des utilisateurs, dont les
huissiers qui s'y réfèrent, le registre étant une des sources principales d'information
dont ils disposent. Les membres de la CHJQ consultent régulièrement le registre
des entreprises afin d'obtenir les noms des dirigeants, des actionnaires d'une entreprise
ou encore d'en vérifier les changements et de possibles mises à jour. La consultation
du registre permet aussi de trouver l'adresse domiciliaire des dirigeants. Évidemment,
ces renseignements deviennent d'une grande utilité lorsque ces mêmes dirigeants
ont mis fin aux opérations de l'entreprise sans laisser d'adresse et que leurs
locaux sont délaissés sans rien.
Fiabilité souhaitée des renseignements.
Parmi les ajouts identifiés au projet de loi visant l'amélioration de la teneur
des informations, l'ajout de la date de naissance nous apparaît comme une
mesure forte. Les dates de naissance permettraient de favoriser les recherches
visant les administrateurs de sociétés et leurs dirigeants qui, volontairement
ou involontairement, ne collaborent pas avec l'huissier de justice qui doit les
retrouver et leur remettre, par exemple, une signification d'acte de procédure
ou pour signifier une citation à comparaître à un interrogatoire après le
jugement.
Cependant, l'effet découlant de l'ajout de
la date de naissance consisterait à permettre l'assujetti de déclarer son
adresse professionnelle sans l'obligation de fournir également son adresse
domiciliaire. La CHJQ déplore cette disposition car elle a pour conséquence
d'assombrir la transparence visée au projet de loi. À l'occasion, l'adresse
professionnelle d'un administrateur de société ou de son dirigeant n'est pas
conforme à ce que celle-ci se retrouve visée par les procédures de
signification d'exécution par huissier de justice. Face à ces situations, la
CHJQ croit que l'huissier en fonction devrait avoir accès à toute l'information
nécessaire dans l'exécution de ses fonctions, incluant la date de naissance.
Toujours en lien avec la fiabilité des...
M. Taillefer (François) :
...n'est pas conforme lorsque celle-ci se retrouve visée par les procédures de signification
d'exécution par officier de justice. Face à ces situations, la CHJQ croit que
l'huissier en fonction devrait avoir accès à toute l'information nécessaire
dans l'exécution de ses fonctions, incluant la date de naissance.
Toujours en lien avec la fiabilité des
renseignements du registre, nous avons porté aussi notre attention à savoir
que, par règlement, le gouvernement peut déterminer des modalités relatives à
la déclaration de certaines informations. Sous cet angle, la CHJQ soumet
l'hypothèse d'inclure la vérification des renseignements par une approche
concrète de validation, et ainsi rehausser la fiabilité des renseignements
publiés au registre. Nous recommandons par exemple que soit vérifiée l'adresse
professionnelle des administrateurs et des dirigeants.
• (17 h 40) •
Comme mentionné précédemment, les
huissiers constatent régulièrement que les adresses concernant les
administrateurs et leurs dirigeants ne sont pas conformes, trouvant trop
souvent que ces informations correspondent en fait à un casier postal ou encore
à l'adresse d'un bureau d'avocat. Évidemment, ces informations sont plutôt
décevantes, deviennent inutiles et compliquent grandement les recherches. Ne
pouvant se servir adéquatement de ces informations ont pour effet de retarder
le processus de recherche de l'huissier en quête de trouver un administrateur
ou un dirigeant.
Accès aux huissiers de justice à
l'information et aux modalités réglementaires. Les articles 17 et 24
semblent apporter des modalités d'exclusion concernant l'information relative
aux personnes physiques. La CHJQ recommande que ses membres, lorsqu'ils sont en
fonction, aient accès à toute l'information disponible concernant les
assujettis et personnes morales constituées au Québec identifiées au projet de
loi n° 78. Cette option bien légitime s'inscrit dans l'orientation
d'efficacité du système judiciaire.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En conclusion. Vous n'avez plus de temps.
M. Taillefer (François) :
Oh! Pardon.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : C'est beau? Parfait. Donc, vous arrêtez là.
C'est parfait. Alors, écoutez, nous allons commencer la période d'échange. Nous
y allons d'abord au départ avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous
disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Taillefer. Merci, Mme Guay. Évidemment, la
Chambre des huissiers de justice du Québec est un groupe extrêmement intéressé
par un projet de loi de la nature de celui que nous discutons aujourd'hui en
commission parlementaire. Vous avez un mémoire très bien écrit, très bien
rédigé. Je comprends bien les intérêts des huissiers, là, ayant déjà pratiqué
dans un secteur où j'avais des relations avec certains huissiers.
Évidemment, c'est une loi qui vise à
améliorer la transparence des compagnies, pas la transparence des individus.
Puis ce qui nous préoccupe, c'est de toujours trouver un équilibre entre la
protection de la vie privée et l'intérêt public. C'est pour ça que l'adresse
personnelle, dans la mesure ou une des nouveautés de ce projet...
M. Boulet : …compagnies, pas la
transparence des individus. Puis ce qui nous préoccupe, c'est de toujours
trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et l'intérêt public.
C'est pour ça que l'adresse personnelle, dans la mesure où un des… une des
nouveautés de ce projet de loi là, dans la mesure où on peut faire une
recherche par noms, c'était beaucoup plus opportun de s'assurer que l'adresse
personnelle soit protégée, ne soit pas accessible au public, dans la mesure où
la personne donne une adresse professionnelle. Et pour nous, ça nous
apparaissait extrêmement important. Ce n'est pas les individus à qui on demande
d'être plus transparents, c'est les entreprises qui font affaire au Québec et
qui doivent être immatriculées au registre des entreprises du Québec.
Mais M. Taillefer, je vais prendre la
balle au bond, je vais… tu sais, on va regarder l'article 125 ensemble. Tu
sais, quand vous devez signifier, quand vous devez notifier une procédure,
quand c'est une personne morale, c'est à son siège social, ce n'est pas à
l'adresse personnelle. Si le siège social est à l'extérieur du Québec, c'est à
l'un de ses établissements au Québec. Le 2° paragraphe de 125, si
c'est une société en nom collectif, il y en a beaucoup, ou une société en
commandite, on dit que c'est à son bureau, donc c'est l'adresse
professionnelle. Si c'est un… là, cependant, si c'est un fiduciaire, un
liquidateur, une personne morale ou d'une… un syndic de faillite, là, ça peut
se faire à son domicile mais on dit bien, à 125, «ou à son lieu de
travail». Ça fait que je veux juste comprendre, quand vous êtes dans une
impasse, quand vous n'avez pas la bonne adresse personnelle, mettons, et là,
vous vérifiez au registraire des… Expliquez-moi donc la démarche qu'un huissier
fait quand il est confronté à une impasse, à une impossibilité de signifier une
procédure judiciaire à quelqu'un. C'est quoi, la nature de la relation avec le
registraire, là? Oui.
M. Taillefer (François) : O.K.
Bien, à titre d'exemple, ça arrive assez fréquemment qu'on doive procéder à une
saisie, par exemple, dans un… une place d'affaire incorporée ou limitée, peu
importe. On arrive sur les lieux, la bâtisse est là, il n'y a rien à
l'intérieur, il n'y a plus personne, il n'y a plus de meubles, et dans le cadre
de l'exécution, le client veut qu'on signifie le document de… d'une manière ou
d'une autre. Alors, 125 prévoit qu'on puisse signifier une compagnie à son
dirigeant où qu'il soit, «où qu'il soit», ça comprend, évidemment, son lieu de
travail, mais ça comprend aussi son domicile. Et en pratique, un domicile,
c'est plus simple. C'est plus facile, pour l'huissier, de trouver le
représentant de la compagnie à son domicile qu'une place d'affaire parce que,
souvent, les dirigeants hauts gradés, là, le président, vice-président ou le
secrétaire d'une entreprise, c'est rare qu'on en trouve, dans ma relation,
depuis 35 ans que je suis huissier, qui sont sur place, dans leur lieu de
travail. On a plus de faciliter à les trouver au…
M. Taillefer (François) :
...plus simple, c'est plus facile pour l'huissier de trouver le représentant de
la compagnie à son domicile qu'une place d'affaires. Parce que souvent les
dirigeants hauts gradés, là, le président, vice-président, secrétaire d'une entreprise,
c'est rare... en tout cas, dans... depuis 35 ans que je suis huissier, qui sont
sur place dans leur lieu de travail. On a plus de facilité à les trouver au
domicile.
C'est dans ce sens-là que je précise que
125, si on enlève l'adresse domiciliaire puis on doit aller au travail... Puis
les personnes qui collaborent, ça va, il n'y a pas de problème. Mais ceux qui
ne collaborent pas, puis malheureusement il y en a trop, ils demandent à leur
secrétaire : Bien, si un huissier se présente, tu as juste à dire que je
ne suis pas là. On laisse des cartes d'affaires, on n'a pas de retour d'appel.
C'est dans ce sens-là que c'est plus
facile d'avoir une adresse du domicile pour remettre le document et/ou poser
des questions au président de la compagnie. Par exemple, bon, la compagnie est
fermée, les actifs sont à quel endroit? ...exemple, quand on a une saisie pour
une banque qui réclame des biens qu'ils ont financés, alors que l'entreprise a
pignon sur rue, mais, comme je vous disais tantôt, les locaux sont vides, alors
ils sont allés où, les objets, les biens qui ont été financés? Ce genre de question
là qu'on doit poser aux administrateurs ou aux dirigeants des entreprises, mais
il faut les retrouver. Il faut les retrouver pour être capables de leur poser
les questions, de leur remettre les documents.
Et souvent le demandant va nous demander
peut-être d'aller procéder à un interrogatoire après jugement par rapport aux
actifs de la compagnie, bien, je me répète, c'est plus facile dans ce cadre-là
d'avoir l'adresse domiciliaire pour avoir accès aux dirigeants rapidement.
M. Boulet : O.K., je
comprends. Puis vous dites... Oui, c'est plus facile, plus simple à l'adresse
personnelle. En même temps, nous, on a toujours le défi de protéger les
renseignements personnels.
Et, en pratique, puis conformément à
l'application de la Loi sur la publicité légale des entreprises, si un
huissier... puis on a des cas, là... par exemple, il vérifie au Registraire des
entreprises, puis l'adresse est inexacte. Comme vous le disiez,
M. Taillefer, on va là, il n'y a rien. C'est une adresse bidon... ou, là,
il y a une bâtisse, mais il n'y a aucun meuble, il n'y a absolument. Donc, vous
ne pouvez pas signifier la procédure, à moins de la laisser au seuil de porte,
ce qui est incertain, là, en termes de résultats.
Mais, si le registraire tente de rectifier
l'identité de l'adresse et qu'il n'est pas en mesure... s'il n'a pas d'adresse
exacte, là, il est en mesure de vous donner l'adresse personnelle. Ça fait que
c'est comme un moyen alternatif, à défaut, par l'huissier de signifier. Est-ce
que ça vous est déjà arrivé de vivre de type de cas là ou d'expérience,
M. Taillefer?
M. Taillefer (François) :
Assez rarement parce que, règle générale, dans une entreprise, il y a plus
qu'un administrateur ou actionnaire. Si je m'en vais à l'adresse du président,
parce que je pars toujours du plus haut au plus bas, si le président, l'adresse
domiciliaire que j'ai au registre n'est pas bonne parce qu'il est déménagé, ou
peu importe la raison, je vais passer au deuxième, au troisième, jusqu'à tant
que je trouve quelqu'un, un des dirigeants ou un des administrateurs de la
compagnie qui puisse répondre à mes questions puis qui puisse recevoir copie de
la procédure que je dois remettre.
Ça fait que c'est dans ce sens-là que je
vous disais : C'est plus facile au niveau des adresses domiciliaires parce
que...
(Visioconférence)
M. Taillefer (François) :
...ou peu importe la raison, je vais passer au deuxième, au troisième, juste le
temps que je trouve quelqu'un de... un des dirigeants ou un des
administrateurs de la compagnie qui puisse répondre à mes questions puis qui
puisse recevoir copie de la procédure que je dois remettre. Ça fait que c'est
dans ce sens-là que je vous disais que c'est plus facile au niveau des adresses
domiciliaires parce que, règle générale, les administrateurs, bien, les fins de
semaine, ils sont à la maison ou, le soir, théoriquement, ils sont à la maison.
Tandis que les adresses de l'entreprise, mais, règle générale, c'est de 9 à 5,
si les personnes ne sont pas à l'entreprise, après cinq heures, c'est fermé, ça
ne donne rien d'y retourner, on se dit que c'est fermé. On retourne le
lendemain. Comme je disais tantôt, les gens qui ne collaborent pas, bien, c'est
facile d'aller... on bloque à la réception puis on se fait dire que M. ou Mme
dirigeant Untel ou Untelle n'est pas présent alors, ça, malheureusement on voit
ça trop souvent dans notre profession.
M. Boulet : O.K. donc,
bon, je comprends, là, vous réitérez que c'est plus facile, plus simple avec
l'adresse personnelle. Mais est-ce que vous avez eu des cas où, par exemple,
l'adresse professionnelle ou l'adresse du lieu de travail, là, parce que c'est
comme ça que c'est écrit à l'article 125 du Code de procédure civile,
c'est bidon, c'est une coquille, vous n'êtes pas capables de signifier? Vous
allez au Registraire, on demande... on vérifie et on tente de rectifier
l'adresse. À défaut, on vous donne l'adresse personnelle. Est-ce que c'est
arrivé des cas où vous vous êtes retrouvés le... tu sais, comme le bec à l'eau,
incapable de signifier parce qu'incapable à l'adresse professionnelle puis
incapable d'obtenir l'adresse personnelle du Registraire des entreprises?
Est-ce qu'il y a eu des cas vécus comme ça, M. Taillefer?
M. Taillefer (François) :
Très peu souvent, M. le ministre, très peu souvent.
M. Boulet : O.K.
M. Taillefer (François) :
Parce que, règle générale, on consulte le registre actuel avec les adresses des
domiciles. C'est assez rare qu'on n'a pas de résultat.
M. Boulet : O.K. Puis
vous comprenez notre approche. On s'est dit comme dorénavant c'est possible de
faire une recherche au registre par nom, bien, évidemment comme c'est déjà un
peu intrusif pour le bénéfice de la transparence corporative, on veut en même
temps minimiser l'impact sur la vie privée et s'assurer de protéger l'adresse
personnelle. On donne quand même la faculté d'identifier une adresse
professionnelle et, cas échéant, l'adresse personnelle devient non accessible
au public. O.K. je pense qu'on se comprend bien.
• (17 h 50) •
Est-ce qu'il y a d'autres contextes que
vous pourriez nous soumettre où les huissiers de justice ont à transiger avec
le Registraire? Parce que je réalisais qu'il y a 19 millions de
consultations au registre, par année, au Québec, puis, j'imagine, les huissiers
sont dans les demandeurs. Il y a beaucoup de demandes de la part des huissiers.
Mais est-ce qu'il y a d'autres contextes que pour obtenir l'adresse personnelle
de quelqu'un pour fins de signification de procédures judiciaires? Encore une
fois, comme vous venez de le mentionner, c'est arrivé très peu souvent que vous
vous êtes retrouvés le bec à l'eau. Mais est-ce qu'il y a d'autres contextes...
M. Boulet : ...il y a beaucoup
de demandes de la part des huissiers. Mais est-ce qu'il y a d'autres contextes
que pour obtenir l'adresse personnelle de quelqu'un pour fins de signification
de procédures judiciaires? Encore une fois, comme vous venez de le mentionner,
c'est arrivé très peu souvent que vous vous êtes retrouvés le bec à l'eau, mais
est-ce qu'il y a d'autres contextes où vous avez à transiger ou intervenir
auprès du registraire?
M. Taillefer (François) :
C'est très fréquent, là. C'est tous du cas par cas, mais je vais parler de mon
expérience personnelle. Quand on veut valider la situation de l'entreprise qui
a pignon sur rue et on se fait dire, par exemple, là, que tu n'es pas à la
bonne place, puis notre mandant nous dit qu'on est à la bonne place, alors la
seule façon de valider hors de tout doute, hors de tout doute, entre
guillemets, c'est d'avoir accès au registre, et... ce qu'on fait présentement.
Alors, je vais aller consulter le registre. Si la compagnie ABC incorporée est
toujours située à cette adresse-là, les noms des dirigeants, c'est les mêmes,
et on me dit que je ne suis pas à la bonne place, alors, moi... Le registre, il
n'y a pas de déclaration modificative, il n'y a pas de radiation de
l'entreprise. Là, ça me permet d'avoir des doutes sur ce que les... ce que les
gens me disent.
Parce que, comme je vous dis, règle
générale, on a une bonne collaboration des citoyens corporatifs, mais il arrive
à l'occasion que les gens veulent tricher, et c'est facile de se faire
dire : Bien, écoutez, la compagnie a déménagé, ce n'est pas nous. Bon, le
registre demeure un outil essentiel pour les huissiers, là. Tous les huissiers
que j'ai consultés, régulièrement, à toutes les semaines, on va aller consulter
le site du registre, peu importe les circonstances. Des fois, c'est pour
trouver un dirigeant, ou des fois, c'est pour valider si une entreprise est
toujours existante, toujours valide.
Si c'est ABC incorporée qui a changé pour
123 Canada inc., puis en arrière, c'est les mêmes dirigeants, puis que mon
client dit : Bien, écoute, fais ta saisie parce que moi, je vais faire
lever le voile corporatif, bien, avant de dire oui à mon client, je veux juste
m'assurer que moi, de mon côté, je ne fais pas de faute, puis qu'effectivement
c'est le même monde, c'est les mêmes actifs. Alors, je me répète, le registre,
c'est un outil indispensable pour nous.
M. Boulet : Ah! tout à fait.
Puis je comprends bien, M. Taillefer, puis je comprends pourquoi vous dites que
ça va être bénéfique, là, non seulement la recherche par nom, là, mais
l'obligation de divulgation des bénéficiaires ultimes. Ça va vous donner accès
à une mine d'informations qui va faciliter l'exécution de votre travail, hein?
C'est ce que je comprends?
M. Taillefer (François) : Tout
à fait, M. le ministre, tout à fait.
M. Boulet : O.K. Bien, merci
beaucoup. Moi, ça complétait...
Est-ce que... Peut-être, dernière
question, M. Taillefer. Si vous me dites : Il y a eu très peu de cas...
Mais il n'y a pas de moyen alternatif au Registre des entreprises? Si jamais
vous vous retrouvez dans une impasse totale, il n'y a pas d'autre... c'est
comme le dernier recours, le registre?
M. Taillefer (François) : Bien,
pour nous, oui. Après ça, bien, si le client veut dépenser un peu plus, bien,
il y a toujours des agences de détectives privés qui peuvent pousser la
recherche. Ça, ça fait partie des choses qu'on peut proposer au client.
Évidemment, ce n'est pas les mêmes coûts.
M. Boulet : Non.
M. Taillefer (François) : Ça
dépend toujours du mandat, puis c'est quoi, le budget, puis c'est le client qui
décide. Mais nous, notre travail d'huissier, le registre, c'est très facile,
c'est très accessible. On peut consulter ça de notre téléphone ou de notre
ordinateur dans le véhicule. C'est un outil indispensable, superutile. Mais
malheureusement, si quelqu'un veut se cacher, il va réussir à se cacher, de
toute façon. Alors...
M. Taillefer (François) : …du
mandat, puis c'est quoi, le budget, puis c'est le client qui décide. Mais nous,
notre travail d'huissiers, le registre, c'est très facile, c'est très
accessible, on peut consulter ça de notre téléphone ou notre ordinateur dans le
véhicule. C'est un outil indispensable, super utile. Mais, malheureusement, si quelqu'un
veut se cacher, il va réussir à se cacher de toute façon. Alors, rendu là,
nous, l'huissier, bien, fait le rapport à son client : Écoutez, ça ne
fonctionne pas pour telle ou telle raison, et j'ai vérifié le registre, je ne
suis pas capable de trouver les dirigeants pour telle ou telle raison, à
l'impossible nul n'est tenu. Ça fait que, là, ce sera au mandat de
décider : Il veut-u pousser plus loin son enquête ou pas?
M. Boulet : Ah! tout à fait.
Puis c'est un registre qui est public et gratuit, alors que dans les autres
provinces, par exemple, il faut faire une recherche par entreprise, c'est des
registres par entreprise, d'où l'immense différence avec ce que nous faisons
ici au Québec en matière de transparence corporative.
Merci, M. Taillefer, merci, Mme Guay… bien
apprécié vous rencontrer, puis au plaisir. Au revoir.
M. Taillefer (François) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci pour cet échange. Nous poursuivons avec le groupe
d'opposition officielle avec le député de Nelligan et le député de
Robert-Baldwin. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme Guay
et M. Taillefer, pour votre présence et pour le rapport que vous avez fait
parvenir aux membres de la commission. Au fait, votre expertise est extrêmement
importante, parce que vous êtes, je dirais, parmi les groupes — et je
vois les chiffres de consultation — les groupes qui utilisent le plus
le Registre des entreprises. Corrigez-moi si je me trompe.
M. Taillefer (François) : On
l'utilise très fréquemment, oui. C'est un outil indispensable.
M. Derraji : Ah! C'est un
outil indispensable. Si le registre n'existe pas aujourd'hui au Québec,
probablement que vous allez avoir des problèmes pour travailler et fonctionner.
M. Taillefer (François) :
Bien, absolument, oui. C'est impensable que ça n'existe pas, on ne pourra pas…
On va se mettre des bâtons dans les roues de façon épouvantable. Ça fait 35 ans
que j'utilise le registre, et je ne me vois pas pratiquer ma profession sans
cet outil-là, qui est essentiel et indispensable.
M. Derraji : Voilà. Bien, vous
me facilitez la tâche, parce que j'ai quelques questions, mais je vais
commencer à vous poser une question pour bénéficier, au fait, de vos 35 ans
d'expérience. Vous avez beaucoup d'expérience entre vos deux mains, et vous
avez vu beaucoup de cas d'entreprise et autres. Donc, aujourd'hui, je vais
poser ma première question d'une manière très directe : Est-ce que le
contenu que le registre a aujourd'hui est suffisant? Deux. Pensez-vous que
l'équipe du registraire est assez équipée avec les moyens humains, mais aussi
technologiques d'être à jour et de vous aider à jouer votre rôle aussi? Parce
que vous jouez un rôle, mais je pense que le Québec s'est doté de ce registre
justement pour qu'on joue notre rôle au niveau de la transparence.
M. Taillefer (François) :
Bien, pour répondre à votre question, présentement, le registre, moi,
personnellement, il me convient. L'ajout de la date de naissance, je pense que
c'est un plus, personnellement, pour l'ensemble de la profession des huissiers,
parce que, je me répète, les gens qui ne collaborent pas, qui veulent se
cacher, c'est beaucoup plus facile de trouver quelqu'un avec une date de
naissance. Alors, quand…
M. Taillefer (François) :
…Mais, pour répondre à votre question, présentement le registre, moi,
personnellement, il me convient. L'ajout de la date de naissance, je pense que
c'est un plus, personnellement, pour l'ensemble de la profession des huissiers,
parce que je me répète : Les gens qui ne collaborent pas puis qui veulent
se cacher, c'est beaucoup plus facile de trouver quelqu'un avec une date de
naissance. Alors, quand on donne ça à un détective privé, c'est la première question
qui va nous poser : François Taillefer, oui, mais as-tu sa date de
naissance? Si je ne l'ai pas, ça va rendre les recherches excessivement
difficiles puis beaucoup plus coûteuses. Ça fait que ça, en ce qui me concerne,
c'est un plus, la date de naissance, c'est une excellente idée en ce qui nous
concerne.
M. Derraji : Oui. Vous avez
dit dans votre mémoire que le gouvernement se garde un pouvoir réglementaire de
déterminer les modalités relatives aux informations à déclarer. La chambre
propose que soit vérifiée l'adresse professionnelle des administrateurs et des
dirigeants. Avec votre expérience, avez-vous constaté des lacunes vu qu'on n'a
pas d'adresse professionnelle des administrateurs et des dirigeants?
Le but, selon vous, est de s'assurer que
les adresses sont conformes. Et vous avez vu comme nous, récemment, on a vu que
le gouvernement, dans le cadre de la pandémie, avait donné des contrats gré à
gré à des entreprises. On s'est ramassés avec des boîtes postales au Mexique et
des boîtes postales aussi aux États-Unis. Donc, parfois, même le gouvernement
risque de se faire avoir quand il fait affaire avec des entreprises. Donc,
est-ce que vous pensez qu'il y a d'autres améliorations qui peuvent être
faites, à part ce que vous avez écrit dans votre mémoire?
M. Taillefer (François) :
Bien, écoutez, c'est délicat pour moi de répondre, parce que ça m'est arrivé à
quelques reprises dans ma carrière de…, au Québec, d'avoir les adresses de
casiers postaux, soit avec Postes Canada ou soit des casiers postaux privés.
Alors, à partir de ce moment-là, Postes Canada, c'est impossible, en tout cas
pour nous les huissiers, d'avoir l'adresse de la personne qui loue le casier.
Il y a eu un débat avec les avocats d'Ottawa à ce niveau, là, il y a quelque
temps, puis je me suis fait dire d'arrêter d'insister, c'est sûr qu'ils ne
répondraient pas à ces questions-là. Ça fait que, ça n'arrive pas souvent, mais
quand ça arrive, bien c'est l'adresse qu'on retrouve au registre. Si ça
correspond à une adresse de casier postal, ce n'est pas évident pour personne
de valider ça, parce que, souvent, ça va être marqué… ça ne sera pas marqué
«casier», ça va être marqué «appartement 103» avec un nom de rue qui
existe. C'est en se rendant sur place qu'on se rend compte que c'est un
dépanneur qui loue peut-être 10, 15, 50 casiers. Alors, ça induit tout le monde
en erreur, mais c'est délicat pour le registre, ou pour n'importe qui, d'aller
valider adresse par adresse. Puis, ça, malheureusement, ça
arrive — pas souvent, tant mieux —, mais quand ça arrive, c'est
pour ça que je disais tantôt : Si c'est possible de passer au deuxième
puis au troisième dirigeant quand il y en a. Parce que, les entreprises qu'il y
a juste une personne actionnaire puis juste un administrateur, si cette
personne-là donne l'adresse de son avocat ou l'adresse d'un casier postal, bien
là, notre travail d'huissier est bloqué là. Là, à partir de ce moment-là, il
faut passer à une autre étape. Comme je vous expliquais tantôt, la seule que je
connaisse, c'est de donner ça à un détective privé. Mais, avec la date de
naissance — je me répète — le détective privé, si je lui
dis : Bon, le nom du dirigeant c'est M. Untel, Mme Unetelle, telle date de
naissance, ça va…
18 h (version non révisée)
M. Taillefer (François) :
…avocat ou l'adresse d'un casier postal, bien là, notre travail d'huissier est
bloqué là. Là, à partir de ce moment-là, il faut passer à une autre étape.
Comme j'expliquais tantôt, la seule que je connais, c'est donner ça à un
détective privé. Mais, avec la date de naissance, je me répète, détective
privé, si je lui dis : Bon, le nom du dirigeant c'est M. Untel, Mme
Unetelle, telle date de naissance, ça va faciliter grandement ses recherches.
M. Derraji : Oui, merci.
Dernière question avant que mon collègue… j'en suis sûr, il va vous poser des questions
aussi. Vous dites : En vertu des articles 17 et 24, des exclusions, quant
à l'accès aux données des personnes physiques, la Chambre demande que, lorsque
ces membres sont en fonctions, ils aient accès à l'ensemble des données,
concernant les assujettis et personnes morales, constitué au Québec, identifié
au projet de loi n° 78. Pouvez-vous juste clarifier le pourquoi que vous
voulez que vos membres aient accès à l'ensemble des données?
M. Taillefer (François) :
C'est que, si j'avais le registre des informations qui ne sont pas publiques,
quand on consulte, je dis bien «si» avec un s majuscule, nous, les huissiers,
on aimerait être capables… huissiers en fonction qui ne sont pas pour les
affaires personnelles, mais un huissier qui a un mandat, qui a besoin de
trouver un dirigeant, puis pour une raison ou pour une autre, on n'est pas
capables. Mais, si le registre à l'adresse domiciliaire, je comprends que vous
voulez protéger les renseignements personnels, je respecte ça, mais dans des
cas comme celui-là, où est-ce que le huissier est capable de faire la
démonstration que ça ne donne rien, les consultations n'ont pas abouti, et on
sait que le registre a des informations qui ne sont pas publiques, on aimerait
y avoir accès si c'est possible. C'est dans ce sens-là qu'on a écrit le
mémoire.
M. Derraji : O.K., merci. Je
pense que mon collègue a des questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, merci. Alors, la parole est au député de Robert-Baldwin. Il vous reste
4 min 30 s
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Alors, c'était là où je voulais aller, Mme la Présidente. Alors, vous
voyez, moi et mon collègue, même si on n'est pas à la même place physiquement,
mais mentalement, on se complète. Mais je pense que c'est une question très importante.
Donc, vous souhaiteriez, en tant qu'huissier, d'avoir accès aux informations du
registre qui ne sont pas publiques. On comprend que le registre avec les modifications
qu'on s'apprête à faire va disposer de plus d'information que qu'est-ce qu'il a
présentement. Les informations ne seraient pas nécessairement rendues
publiques, comme l'adresse par exemple. Et vous, en tant qu'huissier, vous
aimerez avoir une espèce de permission spéciale d'avoir accès à toute l'information
du registre. C'est bien ça?
M. Taillefer (François) : Dans
la mesure du possible, oui, c'est bien ça, oui.
M. Leitão : Et vous pensez que
c'est faisable? Vous pensez que c'est… Bon, vous seriez en train de suivre un
mandat, donc de poursuivre un mandat, des fois même, suite à une intervention
de la cour, et donc ça pourrait vous donner l'autorisation de consulter tout le
registre. Est-ce que… Parce que, moi, je ne suis pas avocat, je ne sais pas, là.
Est-ce que c'est faisable une telle chose de vous donner à vous, huissier,
accès à un registre que les autres ordres professionnels ou le public, en
général, n'auraient…
M. Leitão : …donc, ça pourrait
vous donner l'autorisation de consulter tout le registre. Est-ce que… parce que
moi, je ne suis pas avocat, je ne sais pas, là, est-ce que c'est faisable, une
telle chose, de vous donner à vous, aux huissiers, accès à un registre que les
autres ordres professionnels ou le public en général n'auraient pas accès?
M. Taillefer (François) :
Bien, je pense que oui, c'est avec tout le respect pour l'opinion contraire,
mais un huissier muni d'un mandat, qu'il n'est pas capable d'exécuter, parce
que les adresses qu'on trouve, soit professionnelles, ou soit de la compagnie
ne donnent strictement rien, j'expliquais tantôt que quelqu'un qui ne veut pas
répondre dans une entreprise, c'est qu'on bloque à la réception. Puis ça, c'est
des choses qui arrivent malheureusement trop souvent, si on n'a pas d'adresse
domiciliaire, le travail s'arrête là. Alors, si je suis capable de faire la
démonstration au registre, je parle à quelqu'un du registre : Voici, voici
ce que j'ai fait comme démarche, ça n'a pas fonctionné à tel, tel endroit, tel,
tel endroit au travail, ça ne fonctionne pas, je n'ai aucune collaboration,
j'aimerais si possible avoir l'adresse du domicile, si le ministère, dans son
règlement, peut permettre ça aux huissiers, ça serait très apprécié de notre
part.
M. Leitão : Très bien, je
comprends. M. le ministre, je ne sais pas si c'est faisable ou pas, mais je
pense qu'on en discutera.
L'autre chose, c'est le fait que le
registre va être aussi bon que l'information qu'on y met dedans… c'est un peu
une évidence en soi-même. Mais est-ce que le registre ou le registraire devrait
avoir les moyens, non seulement de s'assurer que l'information qui lui est
donnée est la bonne information, mais de faire le suivi? Parce qu'au fil du
temps, bon, les personnes déménagent, les compagnies aussi, donc de s'assurer
que le registre est toujours à jour. Est-ce que c'est… est-ce que cela est la…
c'est le registraire qui a l'obligation de s'assurer que c'est toujours à jour,
ou est-ce que c'est l'entreprise elle-même qui aurait l'obligation de
communiquer des changements? Comment est-ce que vous voulez… comment est-ce que
vous voyez cet…
M. Taillefer (François) :
Bien, présentement, c'est, je pense, corrigez-moi si je me trompe, mais c'est
les entreprises qui ont l'obligation, quand ils changent quelque chose, de
faire une déclaration modificative. C'est très accessible, ça se fait très
facilement, puis en plus de ça, c'est gratuit. Est-ce que c'est toutes les
entreprises qui le font? La réponse, c'est non. Est-ce que c'est au registre de
vérifier tout le monde? Je pense, je me répète, que ça serait excessivement
difficile, mais dans le meilleur des mondes, c'est sûr que, dans un monde
idéal, il faudrait que les informations qui se retrouvent au registre soient le
plus conformes possible. Mais je comprends qu'à l'impossible, nul n'est tenu.
Mais règle générale, les gens qui
collaborent — quand je parle des gens, je parle des citoyens
corporatifs — qui font leurs modifications, nous, on a accès à ça
directement : Déclaration modificative, un dirigeant a démissionné la
veille, bon. À partir de ce moment-là, moi, j'avise mon client : Écoute,
on n'a pas la bonne personne, il a démissionné, c'est marqué dans le registre,
à condition que ça soit fait au jour le jour. Mais je parle pour les gens qui
ne collaborent pas, la minorité qui ne collabore pas, c'est avec eux qu'on a
des problèmes. La fameuse boîte postale, c'est comme j'expliquais tantôt, ça
arrive trop souvent. Alors, j'avais… je vais donner un exemple : J'avais
deux camions tracteurs…
M. Taillefer (François) :
...j'avise mon client. Écoute, on n'a pas la bonne personne. Il a démissionné,
c'est marqué dans le registre. À condition que ça soit fait au jour le jour.
Mais je parle pour les gens qui ne collaborent pas. La minorité qui ne
collabore pas, c'est avec eux qu'on a des problèmes. La fameuse boîte postale,
c'est comme j'expliquais tantôt, ça arrive trop souvent.
Alors, vous avez... Je vais donner un
exemple. Vous avez deux camions-tracteurs à saisir. Je me ramasse dans une
boîte postale. C'est certain que les camions ne sont pas là. Et on fait quoi,
là? La compagnie, c'est la boîte postale. Est-ce que... Puis après, le
dirigeant, pas capable de le trouver. L'adresse au domicile n'est pas bonne.
Bon, j'ai été très chanceux, je me suis fait arrêter pour un excès de vitesse,
puis c'est le policier qui m'a amené à l'aéroport de Dorval. Il dit :
Regarde, je pense... Je pense que, dans ce coin-là, tu vas avoir les informations.
Puis, comme de fait, j'ai trouvé un employé qui n'était pas content, là, de son
patron puis qui m'a tout dénoncé ce que je devais savoir. Mais ça, c'est un
coup de chance.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Taillefer (François) :
Mais le registre, ici, c'est pour ça que j'insiste beaucoup sur le lieu de
travail parce qu'évidemment que, les huissiers, on a des petits trucs. Et, bon,
sans tout dévoiler ça, au domicile, c'est facile de savoir si les gens ne sont
pas là. On va là un samedi matin tôt. Il y a du va-et-vient dans la maison.
Bien, c'est facile de savoir que la personne est là, puis elle ne répond pas,
puis elle ne collabore pas. Après ça, on va prendre d'autres démarches. On peut
s'adresser à un juge pour aller chercher des instructions. Mais c'est pour ça
que j'insiste, autant que puisse se faire, si c'est possible de votre côté de
nous permettre d'avoir accès au domicile quand ça ne fonctionne pas, les autres
façons.
M. Leitão : Une dernière
question. Est-ce que j'ai encore le temps?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Vous avez déjà grugé une minute.
M. Leitão : Ah! Bon. O.K.
Ça va. Merci. Merci, c'était excellent. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente, Mme Guay, M. Taillefer. Bon, vous avez la solution,
M. Taillefer. Pas besoin du registre. Faites-vous arrêter par la police,
puis ça va régler vos problèmes, là. Excusez-moi, c'est une blague. Vous êtes
le dernier témoin d'une longue journée. Alors, je me suis permis de faire cette
petite blague, mais plus sérieusement, si d'aventure nous devions prendre votre
suggestion puis accorder aux gens de votre profession une dérogation, qui est
quand même quelque chose d'important que vous demandez, là, parce qu'en regard
de la protection des renseignements personnels, ce n'est pas banal, ce que vous
demandez.
Puis nous, on fait l'équilibre de ça, là.
Oui, il y a la transparence, mais l'équilibre aussi de la protection des
renseignements personnels, est-ce que... Votre argument est déjà convaincant,
mais est-ce que vous iriez jusqu'à dire que de ne plus avoir ce
renseignement-là ou cette possibilité-là pourrait à la limite, même dans
l'absurde, nuire à l'application de lois comme celles-ci qu'on essaie de
perfectionner et puis d'appliquer, notamment pour la transparence? Je suis
conscient de vous donner des arguments, là. Je ne pensais jamais donner des
arguments à un huissier, là, mais voilà, je viens de le faire.
M. Taillefer (François) :
Bien, je suis d'accord avec vous. Oui, ça pourrait nuire à... Oui, tout à fait.
Puis je comprends très bien la protection des renseignements personnels, mais
présentement le registre est fait comme ça. On les a déjà, les adresses
personnelles. Et je me répète, pour nous, c'est indispensable. Alors, je
comprends que si on n'y a pas accès puis qu'on est capables de faire le travail
avec ce qui va être accessible avec la nouvelle loi, parfait. Les cas
exceptionnels où est-ce que ça ne fonctionnera pas, bien, on demande justement
cette dérogation-là si c'est possible...
M. Taillefer (François) :
...registre est fait comme ça, on les a déjà les adresses personnelles. Et, je
me répète, pour nous, c'est indispensable.
Alors, je comprends que, si on n'y a pas accès
puis qu'on est capables de faire le travail avec ce qui va être accessible avec
la nouvelle loi, parfait. Les cas exceptionnels, ça ne fonctionnera pas, où on
demande, justement, cette dérogation-là si c'est possible que le ministre, dans
son règlement, permettre à un huissier en fonction d'avoir l'avantage ou le
privilège d'aller chercher un petit peu plus que ce qui est publié.
• (18 h 10) •
M. Marissal : Dites-moi,
M. Taillefer, je ne suis pas très familier avec le travail des huissiers,
là, c'est probablement un milieu comme ça, prenez-le pas mal, mais je ne
préfère pas parler trop souvent à des huissiers, si ce n'est que pour mieux
connaître votre profession. Quel est le pourcentage de dossiers que vous avez
pour lequel vous avez déjà toutes les infos? Parce que vous ne partez pas
toujours de zéro, là. Je présume que quand on vous donne un ordre de cour ou
quand vous suivez une procédure, le dossier a déjà été monté. Autrement dit, le
pourcentage de dossiers où vous pouvez partir faire votre job sans avoir besoin
du registre ou de fouiller davantage.
M. Taillefer (François) :
Bien, règle générale, quand on part avec un document, on a toutes les
informations. C'est rendu sur place qu'on s'aperçoit si l'information est bonne
ou pas. Et la facilité avec le registre, c'est que c'est très facile et très
accessible pour consulter. Peu importe la situation, dès que c'est une
entreprise et je m'aperçois que le lieu d'affaires, la place d'affaires, la
compagnie, peu importe, ce n'est pas bon, automatiquement, je vais aller
vérifier le registre voir s'il n'y a pas des modifications. Si c'est le siège
social qui a changé d'adresse, et souvent, ça peut être le cas, alors je vais
aller à l'autre adresse que je vois au registre. Et, par contre, quand c'est
vraiment fermé, puis, bon, que les gens veulent cacher leurs actifs, tricher
avec la loi, bien, c'est là que, je me répète, c'est là que le domicile devient
important. Parce qu'il faut parler, il faut parler à nos dirigeants des mandats
qui viennent souvent de l'Agence du revenu du Québec et, par ricochet, du
fédéral, bien, ils ont l'obligation de liquider au niveau des entreprises.
Puis, après ça, c'est directement l'actionnaire ou le dirigeant qui va être
visé. Alors, il faut savoir où le trouver. Et si l'entreprise, bien, elle
n'existe plus puis c'est juste un local vide, on perd notre temps, on va
toujours faire faire à un mur puis on ne pourra pas signifier un document à
huit portes ou dans la boîte aux lettres de l'entreprise où est-ce qu'il n'y a
plus personne. C'est facile à vérifier, règle générale, il n'y a plus de... Ça
fait qu'on voit très bien à l'intérieur de l'entreprise qu'il n'y a plus
personne, mais on va aller consulter les voisins qui vont nous dire :
Bien, c'est vide depuis trois jours, depuis deux semaines. Alors, à
partir de ce moment-là, la mission du huissier n'est pas terminée, là. Il faut
aller plus loi, nous autres, dans notre travail. Alors, il faut trouver le
dirigeant, il faut lui remettre le document, puis si on a des questions à lui
poser, il faut avoir accès à ces gens-là.
M. Marissal : Je comprends
bien. Je vous remercie, M. Taillefer.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec la députée de Gaspé. Vous disposez de
2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Merci.
D'abord, bonjour... bien, bon soir. Heureuse de votre présence. Vous avez, je
pense, bien exposé, là, les raisons pour lesquelles vous nécessitez, dans le
cadre de vos fonctions, là, de l'entente des données. Je suis peut-être la
seule à me poser cette question-là en fin de consultations comme ça, mais, pour
vous, parce qu'il a été beaucoup question de ce sujet-là, là, avec d'autres
groupes précédemment...
Mme Perry Mélançon : …bien
exposer, là, les raisons pour lesquelles vous nécessitez, dans le cadre de vos
fonctions, là, de l'ensemble des données. Je suis peut-être la seule à me poser
cette question-là en fin de consultation comme ça, là, mais, pour vous, parce
qu'il a été toujours question de ce sujet-là avec d'autres groupes
précédemment, est-ce que, dans le cadre de vos fonctions justement, la question
des seuils qui se retrouve aussi dans le projet de loi qui nous est présenté,
la question des seuils d'assujettissement des bénéficiaires ultimes, qui est
fixée à 25 % ici, est-ce que… parce que là on entendait les gens qui
disaient : Bien, plus le seuil est élevé, moins sont claires les
informations, dont on dispose, sur les bénéficiaires ultimes. Est-ce que, pour
vous, ça a un impact dans le travail que vous faites?
M. Taillefer (François) : Non,
je ne vois pas de problème à ce niveau-là, non, pas du tout. L'important, moi,
c'est que je puisse parler à quelqu'un en autorité, peu importe c'est quoi, son
titre pour être capable d'accomplir mon mandat, peu importe c'est quoi. Alors,
parler à une personne en autorité qui peut parler au nom de la compagnie, alors
si c'est le président, c'est parfait, mais le vice-président ou le secrétaire,
c'est aussi bon. Ça peut être un administrateur dans une société, il y a un des
associés. Ça me prend quelqu'un, par exemple, avec un contact physique, être
capable de faire le travail jusqu'au bout, parce que souvent les ordres de
cour, mais, comme je disais tantôt, oui, on part avec un document, avec une
adresse que l'avocat nous donne ou le notaire ou… ça peut être un particulier.
Il y a quelqu'un qui a un jugement qu'il veut faire exécuter. À l'époque, il a
eu son jugement à la cour, il avait une adresse, ils se sont échangé les
procédures. Il obtient un jugement peu importe quand, donne ça à un huissier
qui s'en va faire son travail, puis là, il arrive à un endroit qui est
complètement vide ou qu'il se fait dire qu'il n'est pas à la bonne place alors
qu'il est à la bonne place. Des fois, on s'en fait jouer des petites vites en
bon français, d'où l'importance d'être capable de consulter rapidement tel
qu'on le fait présentement.
Mme Perry Mélançon : Parfait.
Puis, dans le fond, dans vos recommandations, vous dites, la vérification des
informations publiées au registre, le maintien de l'adresse domiciliaire puis
l'accès à toutes les informations disponibles au registre, est-ce que vous avez
autre chose à spécifier, parce qu'on a peut-être 30 secondes qui va être
attribué en fin… en conclusion…
M. Taillefer (François) : Non,
moi, je trouve qu'on a fait le tour dans notre mémoire. On vous demande ça
parce que je pense que c'est un outil de travail, je me répète, indispensable
autant que peut se faire. Puis c'est un privilège ou… c'est ça, c'est un
privilège qu'on vous demande dans les cas où est-ce qu'on n'est pas capable de
réaliser le travail, compte tenu de ce que j'ai dit tantôt, d'avoir encore
accès au domicile dans les cas où est-ce qu'on n'est pas capable d'aller plus
loin.
Mme Perry Mélançon : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. Taillefer. Merci, Mme Guay, pour votre contribution à
l'avancement des travaux de la commission. Alors, compte tenu de l'heure, nous
ajournons les travaux jusqu'au jeudi 18 février 2021, après les affaires
courantes, où nous allons pouvoir poursuivre notre mandat. Merci. Nous vous
souhaitons une bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 15)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...nous allons pouvoir poursuivre notre mandat. Merci. Nous vous souhaitons une
bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 15)