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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, February 11, 2003 - Vol. 37 N° 110

Consultation générale sur le document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte et je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dion (Saint-Hyacinthe) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Laprise (Roberval); M. Gautrin (Verdun) par M. Brodeur (Shefford); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Kelly (Jacques-Cartier); et finalement, M. Pelletier (Chapleau) par Mme Gauthier (Jonquière). Je ne voudrais pas oublier que M. Dumont (Rivière-du-Loup) est remplacé par M. Corriveau (Saguenay).

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Breault. Alors, j'invite les personnes qui possèdent un appareil de téléphonie... S'il vous plaît, il faudrait baisser le son.

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Ça va? Alors, j'invite les personnes qui possèdent un appareil de téléphonie cellulaire à bien vouloir le fermer pendant la séance, s'il vous plaît. Et je souhaite la bienvenue à tous les participants à cette commission parlementaire.

Auditions (suite)

Alors, cet avant-midi, nous allons entendre M. Gaétan Émond, qui est président du Rendez-vous sur l'Ashuapmushuan ? je ne suis pas très familier avec ce nom, ce magnifique endroit. Alors, M. Émond, comme vous le savez, vous avez une présentation maximale de 20 minutes et, par la suite, nous allons entreprendre les échanges avec les parlementaires. Alors, bienvenue, et vous pouvez y aller.

Rendez-vous sur l'Ashuapmushuan

M. Émond (Gaétan): M. le Président, M. le ministre Trudel, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs. Je voudrais d'abord remercier la commission d'avoir invité notre groupe à présenter son mémoire de vive voix dans cet auguste édifice que représente l'hôtel du Parlement. En tant que citoyens, nous trouvons parfois que nous avons peu de poids face aux décisions qui se prennent par nos gouvernements. En étant invités ici, nous avons un peu l'impression de pouvoir avoir une certaine prise sur ces décisions, même si nous savons bien que tout semble joué d'avance, parce que les informations nous disent que plus de 80 % des mémoires présentés sont en faveur de l'entente de principe et que les gouvernements semblent avoir la volonté de signer cette entente.

Permettez-moi d'abord de présenter notre groupe. Le Rendez-vous sur l'Ashuapmushuan a été fondé en 1999 par cinq citoyens et citoyennes de Saint-Félicien, avec comme objectif de mettre en valeur cette belle rivière qu'est l'Ashuapmushuan en organisant des activités sur la rivière. Depuis ce temps, nous avons recruté de nouveaux membres et sommes maintenant 18 personnes. Depuis le début de notre création, nous avons favorisé l'organisation d'activités en partenariat avec les municipalités bordant la rivière, comprenant Mashteuiatsh. Nous pouvons nous décrire en fait comme un groupe d'environnementalistes qui avons décidé de passer à l'action, et non pas simplement de revendiquer, de contribuer au développement de l'industrie touristique en rapport avec la rivière Ashuapmushuan.

Alors, par exemple, la première année, nous avons organisé une course de canots professionnelle entre Mashteuiatsh et Saint-Félicien. M. Clifford Moar, chef du Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, et Bertrand Côté, maire de Saint-Félicien, étaient nos présidents d'honneur conjoints. En effet, nous avons toujours voulu associer nos voisins autochtones à nos activités, car ils ont été les premiers utilisateurs de la rivière Ashuapmushuan. Nous sommes naturellement des personnes qui avons un fort parti pris pour la protection de la rivière Ashuapmushuan.

Nous pensions à l'époque, et nous le pensons encore aujourd'hui, qu'une bonne façon de convaincre les gens qu'il valait la peine de protéger cette rivière, c'était de la faire connaître, d'amener des gens sur la rivière. Nous avons à ce jour amené près de 300 personnes dans diverses expéditions. L'an dernier, pour la première fois, nous avons amené un groupe de 20 personnes sur le territoire du grand lac Ashuapmushuan, aujourd'hui identifié comme Innu Assi de 134 km² sur la carte de l'annexe 4.1, Nitassinan de la première nation de Mashteuiatsh, régime territorial. Le groupe a passé deux jours au site historique du grand lac Ashuapmushuan, et il y avait sept Innus de Mashteuiatsh pour s'occuper du groupe. Nous y avons appris beaucoup; par exemple, que nous nous connaissions peu, même si nous sommes des voisins dans la région du Lac-Saint-Jean, puisque Mashteuiatsh est à environ 15 km de Saint-Félicien.

Je suis moi-même enseignant au collégial et je dois dire que je discute de temps en temps avec mes élèves de la situation des autochtones. Je suis toujours surpris d'entendre, à chaque année, les mêmes clichés, les mêmes préjugés, les mêmes perceptions de la part de mes élèves. Il y a une méconnaissance générale de l'histoire et du comment les autochtones du Canada en sont arrivés à vivre dans des réserves, pour ne donner qu'un exemple. Pour les jeunes, les autochtones sont des profiteurs parce qu'ils ne paient ni impôts ni taxes; les autochtones ne veulent pas s'intégrer à la société québécoise mais veulent en avoir tous les bénéfices; leurs revendications de chasse et de pêche sans contraintes, en toute saison, sont une injustice pour les pêcheurs et chasseurs québécois; pour réussir dans la vie, ils n'ont qu'à aller à l'école comme nous, les Québécois. Et là ce sont des commentaires que j'entends dans mes classes, et d'autres commentaires souvent très négatifs sur les problèmes de drogue et d'alcool.

Je vais vous donner un exemple de cette perception. Alors, nous étions avec le groupe au grand lac Ashuapmushuan. Nos guides innus nous ont demandé si on aimerait goûter au corégone et au doré, deux espèces de poissons qui se retrouvent dans le lac Ashuapmushuan. Alors, tout le groupe s'est exclamé que, oui, naturellement, c'est une bonne idée, on va goûter aux poissons que mangent les Montagnais. Alors, quelque temps plus tard, nos guides ont donc sorti un filet de 50 pieds pour l'installer sur le lac pour la nuit. Vous auriez dû voir les figures, surtout celles des jeunes. On m'a posé des questions tout de suite sur le pourquoi ont-ils le droit de faire ça dans une réserve faunique, parce que c'était une réserve faunique? Ce n'est pas dangereux qu'ils vident le lac? Comment ça se fait qu'eux autres ont des droits de pêcher dans une réserve faunique au filet? Puis personne n'osait le demander aux guides innus, parce qu'on était comme... les gens se sentaient gênés.

Alors, nos guides n'avaient sans doute pas pensé qu'il aurait été bien d'expliquer ce pourquoi ils faisaient de la pêche au filet. Puis personne n'osait rien demander justement. Alors, je suis persuadé que, dans le futur, les guides qui travaillent au site du grand lac Ashuapmushuan corrigeront le tir à ce sujet. M. Roger Duchesne, entre autres, et Mme Alice Charlish étaient nos guides et ils étaient la plupart du temps avec nous. Et il y a eu comme un froid à ce moment-là. Pour les jeunes, la pêche au filet, ça signifie vider les lacs. Ils voient beaucoup de reportages ces temps-ci. Il y en a eu plusieurs sur la pêche en mer. On a vidé les océans. Si on est capable de vider les océans au filet, on est capable de vider les petits lacs qu'on a sur notre territoire. Alors, c'est un peu une perception négative qu'avaient eue les jeunes à ce moment-là. Alors, dans le futur, ces activités traditionnelles, selon notre groupe, devraient être un thème de la visite au pays de l'Ashuapmushuan et être expliquées en conséquence. C'est en se parlant et en expliquant que les perceptions et les attitudes pourront changer.

Le reste de la visite a été un charme, parce que cet endroit est très spécial. On y compte un cimetière des enfants autochtones, qui constitue un des moments-clés de la visite. Ça fait des centaines d'années que les autochtones occupaient ce site, qui est un site de foire traditionnel, de rencontres, et des gens mourraient sur place, ils les enterraient dans la forêt voisine, en mettant des pierres par-dessus les cadavres. Alors, on visite ça, on fait des moments de silence. C'est très impressionnant. Ensuite, on visite des vestiges d'un ancien poste de traite des fourrures. Et puis on visite même un autre site de campement des Cris, parce que les Cris fréquentaient aussi le secteur. Il y avait des échanges entre les communautés autochtones. Donc, c'est une visite qui nous en apprend beaucoup sur l'utilisation du territoire de l'Ashuapmushuan par les premières nations. Tous les Québécois auraient intérêt à se rendre dans ce site.

Je reviens donc à mon mémoire qui est en faveur de l'entente de principe justement parce que cette entente, comme nous le percevons, devrait donner l'occasion de mieux se connaître. Notre groupe dit aussi qu'il devrait y avoir des projets en partenariat avec les autochtones, entre autres, en lien avec la rivière Ashuapmushuan. Cette rivière comprendra dorénavant un secteur en amont, c'est-à-dire plus haut, qui est Innu Assi, qui est déjà, dans l'entente de principe, mis sur papier. Et il va y avoir un secteur en aval, c'est-à-dire plus bas, qui sera une réserve aquatique, comme vient de l'annoncer M. André Boisclair, ministre de l'Environnement, à Sept-Îles, en fin de semaine dernière. Il a annoncé un décret sur la rivière Ashuapmushuan, mais ce décret n'est pas encore public, mais tout le monde en connaît pratiquement le contenu.

n (11 h 40) n

Nous aurions naturellement, notre groupe, bien voulu avoir un parc national dans ce secteur, mais il semble bien que le statut du ministre Boisclair, de parc national, ait été rejeté par les autochtones et les autres utilisateurs parce que peut-être trop contraignant. Le statut de réserve aquatique amène moins de contraintes. Alors, quant à nos représentants municipaux, ils disent n'avoir pas été consultés par le ministre André Boisclair lors de l'annonce du 5 août dernier concernant la mise en réserve de la rivières Ashuapmushuan comme aire protégée et puis n'ont pas voulu donner un appui à notre proposition.

Depuis ce temps, la frustration des gens dans la région est assez grande à ce sujet parce que la rivière Ashuapmushuan a toujours été un objet de débat important, parce qu'il y a 20 ans, on s'en rappelle, il y avait des projets de barrage importants sur cette rivière. Alors, il semble bien que notre organisme devra se contenter du statut de réserve aquatique qui est quand même très bien. Alors, comme l'entente avec les autochtones prévoit que les Innus deviendront gestionnaires de la réserve faunique Ashuapmushuan, qui est présente dans ce secteur, et je crois même que certains autochtones veulent faire enlever ce statut de réserve faunique, selon un commentaire que j'ai eu de M. Alain Nepton, alors les autochtones en mèneront donc large sur le territoire de l'Ashuapmushuan, puis il y a de quoi devenir maître d'oeuvre, et, moi, je me dis: Pourquoi pas? Parce qu'ils auront la gestion de la réserve faunique, le statut de réserve faunique va peut-être disparaître. Ils vont avoir leur territoire traditionnel, et puis... Donc, ça fait un grand territoire qu'ils vont pouvoir gérer à leur façon.

Mais nous engageons le Conseil des Montagnais de Mashteuiatsh à s'ouvrir, à établir des partenariats. Il ne faut pas que la communauté de Mashteuiatsh se referme sur elle-même. Une industrie touristique forte liée à des sites comme Val-Jalbert, le Centre de conservation de la biodiversité boréale, notre jardin zoologique de Saint-Félicien, entre autres, qui vient d'investir 12,7 millions de dollars dans un atrium fabuleux, et puis, si on ajoute à tout ça le territoire ancestral des Montagnais Innu Assi ainsi que la réserve aquatique qui vient d'être créée, on aura, dans notre région, un ensemble de structures récréotouristiques qui peut devenir un attrait important au même titre que le Bas-Saguenay, avec le parc Saguenay; Tadoussac, les baleines. Bien, nous autres, au nord du Lac-Saint-Jean, on a tout ce qu'il faut pour avoir un impact touristique important. Puis tout le monde me dit, à Saint-Félicien: Il faut que les autochtones embarquent là-dedans; s'ils n'embarquent pas, c'est comme rien ne peut se faire. Alors, ça prend absolument des partenariats, ça prend des choses... Les autochtones doivent, selon nous, même être les maîtres d'oeuvre, et puis ça va faciliter les choses.

Alors, je dois dire à ce sujet que Mashteuiatsh collabore, je crois, au scénario du film IMAX, parce qu'il va y avoir un film IMAX qui va être présenté dans l'atrium du jardin zoologique. Alors, ce scénario-là va présenter, de ce que j'en sais, l'histoire des autochtones en partie, la rivière pour faire un tout. Alors, les 200 000 visiteurs qui sont attendus au jardin zoologique vont être peut-être attirés à aller sur le territoire autochtone, sur la réserve aquatique future, etc. Il y a quelque chose de beau à faire avec tout ça. Puis on peut remplir les rabaskas, on peut remplir les canots, on peut remplir un site d'interprétation de la ouananiche. On peut faire fonctionner des emplois reliés à l'industrie touristique dans ce secteur-là.

Cependant, il faudra aller plus loin que ce qu'on fait actuellement si on veut consolider tout le secteur de l'Ashuapmushuan, sinon les opérations, comme actuellement, risquent de ne pas s'autofinancer, parce qu'on est loin. Pour les Montréalais et les Québécois, c'est difficile; il faut concurrencer maintenant le Jardin zoologique d'Orsainville qui va être tout nouveau tout beau, l'Aquarium de Québec qui fait un peu les mêmes présentations d'ours polaires. Il va falloir avoir quelque chose de plus, plus naturel. La réserve aquatique peut être un élément intéressant, le territoire des Montagnais aussi.

Alors, un mot, en passant, sur l'article de l'entente de principe qui prévoit que le gouvernement du Québec aidera les Innus à acheter deux ou trois pourvoiries. Nous recommandons à cet égard que les actifs actuels de la SEPAQ dans la réserve faunique Ashuapmushuan constituent l'équivalent de ces pourvoiries, ce qui ferait sauver un peu d'argent, parce que les infrastructures sont déjà là, on n'a pas besoin de les payer, elles appartiennent déjà au gouvernement du Québec. Il y a des chalets, il y a des chaloupes, il y a des infrastructures, etc. On pourrait ainsi faire sauter, enlever le statut de réserve faunique Ashuapmushuan. Ce territoire, pour nous, pourrait devenir un Innu Assi mais avec pourvoiries, complètement sous la gestion autochtone dans le fond. Il y a environ 1 200 lacs sur ce territoire, ce qui en ferait un grand terrain de jeu pour les Innus ainsi que les Québécois amateurs de chasse et pêche qui, au lieu de s'enregistrer à la SEPAQ, s'enregistreraient dans la pourvoirie des Montagnais. Ce serait donc un beau défi de gestion durable pour ce territoire.

L'Innu Assi actuel de 134 km², d'après nous, devrait devenir un parc innu parce qu'il a tout, ce territoire-là, ce qu'il faut pour devenir un beau parc parce qu'il est impressionnant. C'est un territoire sur les hauteurs. C'est large, c'est grand. Il y a des sites archéologiques, il y a des sites historiques, il y a des paysages fantastiques. Donc, l'Innu Assi actuel, selon nous, devrait devenir un parc innu en continuation avec la réserve aquatique qui est maintenant annoncée par le ministère de l'Environnement. Donc, l'ensemble de ces deux structures-là aurait une vocation de préservation du territoire. On pourrait mettre en valeur, dans le fond, deux territoires, et ce serait innovateur au Québec d'avoir des autochtones, un territoire autochtone, un territoire... Et puis, on ferait quelque chose en commun avec ces deux territoires-là. On passe une journée sur le territoire des Montagnais, on passe une autre journée sur le territoire des Blancs, la réserve aquatique, dans le fond, qui est québécoise. Et on peut passer de un à cinq jours, remarquez aussi, mais une journée suffit pour faire un petit tour. Si vous aimez le canot, vous pouvez rester cinq jours, parce que la rivière a 200 km, ça prend cinq jours à descendre.

Alors, comme vous voyez, les idées ne manquent pas. Nous croyons qu'en accentuant l'utilisation des 4 487 km actuels de ce territoire par les Innus, cela pourrait diminuer les risques de friction sur le restant du Nitassinan ailleurs. On concentrerait un peu les activités traditionnelles aussi dans ce coin-là, puis c'est quand même un très grand territoire. Ça ne veut pas dire qu'on dit qu'il ne faut pas qu'il y en ait ailleurs, mais ça pourrait être un territoire qui serait plus propice, qui est très près de Mashteuiatsh, dans le fond, qui est comme leur route ancestrale où ils ont toujours été.

Nous avons aussi fait la suggestion que la première nation de Mashteuiatsh et le gouvernement du Québec, en passant par Ottawa ou non, fassent une demande à l'UNESCO pour que le territoire de l'Ashuapmushuan et Mashteuiatsh soit reconnu comme site du patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO, catégorie mixte, soit culturelle et naturelle. Ce geste serait peut-être un des premiers gestes que pourrait poser la première nation de Mashteuiatsh au niveau international dans le concert des nations. Les conditions pour que l'UNESCO accepte cette reconnaissance importante sont que le ou les requérants doivent déposer un projet de gestion et de protection du site. Au Québec, à ce niveau, nous avons déjà deux sites reconnus, soit l'arrondissement historique du Vieux-Québec, catégorie culturelle, et le parc national de Miguasha, qui est de catégorie milieu naturel. Cette reconnaissance, selon nous, serait appropriée. Un prestigieux magazine comme le National Geographic, qui est publié aux États-Unis ? mais, maintenant, il y a une version française faite en France, mais ce sont les mêmes articles ? fait souvent des reportages sur ces sites. Une visibilité mondiale en découle.

La première nation de Mashteuiatsh est confrontée avec des problèmes sérieux de perte de la langue innue par les jeunes. Mais je sais que des efforts importants sont consentis pour que leur langue soit maintenant enseignée à l'école. Ce peuple aura survécu, malgré des difficultés immenses. Certains pensent même que le dernier des Montagnais est mort, mais notre organisme ne le croit pas. Nous avons vu des vieilles photos du début du siècle, sur la pointe de Mashteuiatsh, d'Innus en costume montagnais traditionnel dans les années 1900, publiées dans un livre de M. Camil Girard, d'ailleurs qui est ici présent, qui est un livre sur l'histoire de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. J'ai vu les traits autochtones typiques. Ces autochtones existent, ils ont survécu. À un moment donné, ils étaient peut-être uniquement 37 familles, mais, maintenant, ils sont 4 000. Donc, il y a de quoi avoir une reconnaissance de l'UNESCO pour le simple fait d'avoir survécu finalement.

Cette nation existe, il faudrait la célébrer, la féliciter, la reconnaître même au plan mondial. Je crois même qu'elle a plus de mérite que n'importe quelle tribu isolée de Yanomami dans la forêt tropicale du Brésil. Le climat est plus chaud là-bas, c'est peut-être plus facile de survivre.

Notre groupe voudrait aussi faire des observations concernant les droits respectifs des Québécois par rapport aux Innus. Naturellement, il y a un problème. Si un groupe moins nombreux a des droits plus grands que l'autre, cela sera sûrement la cause de friction. En termes de chasse et pêche, il faut, selon nous, que les Innus aient peut-être certains avantages mais justes et réalistes. La conservation de la faune doit être assurée. Il faut des suivis pour éviter de vider le territoire de son gibier et de ses poissons. Si les choses sont correctement faites, les Québécois accepteront plus volontiers certains avantages accordés aux Innus.

n (11 h 50) n

Enfin, notre groupe souhaite finalement que l'école soit un lieu où les jeunes puissent apprendre plus que maintenant sur l'histoire et les réalités autochtones d'aujourd'hui pour briser le mur des préjugés. C'est la peur de ce qu'on ne connaît pas qui conduit au racisme. Nous suggérons qu'un cours au secondaire ou une partie de cours traite spécifiquement de la question des autochtones. Pour connaître, il faut aller vers l'autre. Par exemple, quand on va à Montréal, on aime souvent se rendre dans le quartier chinois. On y va pour les restaurants, fouiner dans les boutiques hétéroclites, humer les odeurs inconnues, voir des légumes étranges étalés à la façade des marchés. Par rapport aux autochtones, quand est-ce que, nous, on fait cela, aller dans un restaurant autochtone, aller voir un film tourné par les autochtones? On le fait très peu. Par contre, les autochtones nous connaissent bien. Ils viennent dans nos centres d'achats, ils viennent voir notre cinéma, ils viennent manger dans nos restaurants. Alors, quand les Québécois vont-ils, etc.? Il y aurait un pas à faire.

Mais, pour faire ça, les autochtones, ils sont trop peu nombreux, vous me direz, ils n'ont pas un poids démographique suffisant. Oui, peut-être, mais il faut des moyens financiers pour développer l'économie des autochtones, ouvrir des commerces, des restaurants, peut-être tourner un film. Il y a des talents chez les autochtones. Il faut leur en donner la chance en donnant des retombées par l'exploitation des ressources naturelles. L'entente... Je dois m'arrêter?

Le Président (M. Lachance): Je vous prie de conclure...

M. Émond (Gaétan): Il me reste un paragraphe encore à lire.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, monsieur, pour conclure.

M. Émond (Gaétan): Alors, l'entente de principe prévoit des redevances. Cela nous apparaît aller de soi, puisque même les régions actuellement demandent des redevances, bien que le gouvernement ait répondu que les régions reçoivent plus que ce qu'elles rapportent. Peu importe qui a raison, le développement économique restera toujours difficile dans une région éloignée comme la nôtre. La saison touristique est courte, juillet et août, à vrai dire. Comment rentabiliser un hôtel, une attraction touristique? Même notre vénérable jardin zoologique n'y arrive pas et il doit constamment demander l'aide des gouvernements. Le développement sera sans doute plus facile dans les domaines liés aux ressources forestières, et c'est pourquoi nous appuyons le fait que les Innus bénéficient d'un volume de bois de 250 000 m³ qui, si nous ne nous trompons pas, créera de l'emploi au moins dans une scierie, etc.

Nous recommandons cependant qu'une attention particulière soit portée à la thématique du développement durable. Le gouvernement québécois adhère à cette philosophie et les Innus devraient aussi s'en inspirer. Si les Innus vident leur territoire, ils auront une mauvaise réputation au niveau international, ce qui serait négatif pour eux. Remarquez que, quand je dis ceci, je suis conscient que, nous, les Canadiens, les Québécois, nous avons aussi pu dilapider certaines ressources. Mais il faut justement profiter des erreurs qu'on a faites pour, dans le futur, ne pas que ça arrive encore.

Je vous remercie de votre attention et je suis disponible pour les questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Émond, pour votre présentation. J'invite immédiatement M. le ministre d'État à la Population et responsable des Affaires autochtones à amorcer cette période d'échange.

M. Trudel: Bien, merci de votre présentation, M. le professeur Émond. Vous êtes professeur dans quelle discipline? Dans quelle discipline vous êtes professeur?

M. Émond (Gaétan): Je suis professeur de biologie. J'enseigne des cours d'écologie au cégep de Saint-Félicien. J'ai à coeur l'environnement. D'ailleurs, notre groupe, c'est un groupe environnemental, en premier lieu.

M. Trudel: Très bien. Alors, bienvenue, M. Émond, au nom de Rendez-vous sur l'Ashuapmushuan. On a terminé notre longue session, la semaine dernière, avec un professeur de la Côte-Nord. C'est rafraîchissant de vous entendre ce matin de la façon dont vous nous parlez, comment vous voulez traiter avec vos voisins et vos partenaires. Ça se sent dans vos propos. Il y a là une vision de la société régionale et de la société québécoise qui, ma foi, nous réconcilie avec de nombreuses valeurs qui ne sont pas toujours véhiculées en termes de dessein d'avenir. Alors, c'est très, très, très intéressant de vous entendre, de voir tous ces efforts que vous reflétez et qui sont déployés en général par... en particulier, ceux et celles qui sont préoccupés de conservation et de développement d'utilisations multifonctionnelles du territoire. Il faut vous féliciter.

Deuxièmement, il faut sauter sur l'occasion aussi pour renouveler cet engagement qu'un citoyen, tel vous, M. le professeur Émond, peut se faire entendre devant les institutions démocratiques de l'Assemblée nationale du Québec. Il y a de la place pour vous, les citoyens, comme il y en a pour les groupes d'intérêts et les groupes de pression. Mais disons que vous vous trouvez, je l'imagine, dans une situation où vous représentez aussi une bonne couche de la population à l'égard de nos projets d'entente, depuis 23 ans sur la table, avec la communauté de Mashteuiatsh, mais la nation innue et la nation québécoise. Je vous remercie de votre présentation.

Je vais relever, d'entrée de jeu... je veux juste comprendre un tout petit peu la traduction de votre sentiment. Vous avez abordé la question en disant: J'ai suivi les débats en commission parlementaire et il semble convenu maintenant qu'on va aller de l'avant puis qu'on va donner suite, entre autres, à la recommandation de M. Chevrette et de beaucoup d'autres groupes d'intérêts et d'interventions qui sont intervenus ici, en commission parlementaire. Doit-on, M. Émond, poursuivre, suivant ce que vous entendez dans votre région, dans votre milieu, les gens qui partagent avec vous les valeurs que vous véhiculez aujourd'hui... doit-on poursuivre dans le sens où vous l'avez dit: Il semble convenu, avec les gouvernements, qu'on va poursuivre? Qu'est-ce qu'on fait?

M. Émond (Gaétan): Mon opinion à ce sujet, c'est que naturellement, c'est de la discussion, c'est en se parlant, c'est en échangeant des points de vue. Je pense que le gouvernement, présentement, en entendant différentes personnes, puis j'ai regardé la liste impressionnante de gens qui vont venir ici à ma place, c'est peut-être de tout ça qu'il va sortir une meilleure compréhension de tout le dossier. On en apprend tous les jours. Alors, je pense que les bons choix ont été faits. Moi-même, je suis surpris de tout ce qui sort suite à... les présentations, les articles de journaux que je lis. Malheureusement, on n'a pas toujours le temps d'écouter ça sur le Web ou... Oui, allez-y, continuez, entendez le maximum de personnes, et puis ça pourra ne faire peut-être que, d'après moi, faire en sorte que l'entente de principe n'en sera que meilleure. Alors, il faut discuter encore.

M. Trudel: Dans les projets donc de poursuite et de développement et qui sont inclus dans l'entente de principe ? vous l'avez mentionné aussi dans votre intervention ? donc, la réserve Ashuapmushuan et dans le Nitassinan, là où il y aurait des activités donc ancestrales, encadrées avec des règles à l'intérieur des ententes complémentaires, et, à l'intérieur de cela, une partie de la réserve serait aussi en propriété propre de la communauté de Mashteuiatsh, des Innus... une partie de cet Innu Assi reconnu, proposé d'être reconnu dans l'entente de principe, couvre la rivière. Est-ce que vous y voyez, vous, canotier ou kayakiste émérite ? j'imagine, là, je vous regardais tantôt... ça ressemble d'ailleurs à un kayak, la forme de la table ici, là: il est à la proue; vous, vous êtes à l'arrière... Est-ce que vous imaginez que ça va causer des problèmes qui vont être difficilement gérables, le fait qu'il y ait une partie qui soit en Innu Assi? Et là je pense qu'on a le parfait exemple de comment pourra s'appliquer le partenariat. Vous qui êtes ami de la rivière, qui l'utilisez, qui convoquez les Québécois et les Québécoises d'ailleurs à aller sur ce royaume de l'Ashuapmushuan, comment vous voyez cette gestion conjointe en quelque sorte d'une partie qui serait en propriété reconnue pour la communauté de Mashteuiatsh et l'autre partie qui serait dans la réserve aquatique, si je m'en fie aux limites, mais qui pourrait être confiée aussi, avec des groupes dans la population, à une gestion déléguée?

n (12 heures) n

M. Émond (Gaétan): Alors, par rapport à deux territoires effectivement qui se joignent, moi, je ne vois pas de problème. Une rivière, c'est de l'eau qui coule. Elle part d'un point, se rend à un autre point. Les canoteurs, on part d'un point, on va passer dans le territoire des autochtones, on va arriver dans la réserve aquatique québécoise. Par contre, il faut qu'il y ait un comité pour gérer un peu des choses en commun, par rapport au droit d'accès, par exemple. Est-ce qu'il va y avoir un droit d'accès à payer? On sait que, dans les parcs, aujourd'hui, c'est rendu à 3,50 $; s'il y a un camping, etc., il y a des routes à améliorer... C'est sûr qu'il faudrait qu'il y ait des partenariats à ce sujet-là. Mais je ne vois pas de problème, moi. Une personne qui désire aller dans le territoire montagnais ira dans le Innu Assi, qui est plus haut. Dans ce territoire-là, l'eau est plus calme, il n'y a pas de rapides. Alors, à ce moment-là, c'est pour peut-être des gens qui voudront y aller, qui sont plus pépères un petit peu.

Le secteur des chutes Chaudière, qui est le secteur de la réserve aquatique, est de catégorie, on appelle ça, nous, ceux qui font du canot, R-1, R-2; ça brasse un petit peu. J'ai apporté avec moi des photos de grands canots, là; ça prend quelqu'un qui n'a pas peur de se faire brasser dans l'eau. Donc, c'est pour des publics un peu ciblés.

Quelqu'un qui est vraiment intéressé à la culture autochtone aurait intérêt... Il faudrait que ce soit vendu comme ça: Allez visiter le secteur de Innu Assi. Puis le secteur plus bas, c'est un autre secteur pour peut-être une population qui est plus active au point de vue sportif.

Mais, moi, je n'en vois pas, de problème, avec ça. C'est simplement un peu comme sur la Côte-Nord; il va y avoir un parc, là, l'archipel de Mingan. Bien, les autochtones vont rentrer ? je pense que c'est marqué dans l'Approche commune, dans l'entente ? ils vont avoir un comité de gestion commun, ils vont être en partenaires puis ils vont être consultés.

Par contre, est-ce que c'est nécessaire de créer une nouvelle entité administrative? Peut-être pas, je ne sais pas, c'est simplement de réunir deux partenaires, puis on s'assoit quatre fois par année puis on discute ensemble. C'est sûr que, pour pas trop que ça coûte cher, il faudrait que la publicité, le marketing, des choses soient faites en commun, là. Si les autochtones s'annoncent, les partenariats sont possibles, parce que, ces cartes postales là, j'en donne à tout le monde. Bien, c'est indiqué SEPAQ, gouvernement du Québec puis Conseil des Montagnais. Ils vont commanditer cette carte-là, puis, moi, j'en donne à tout... Allez faire un tour.

C'est facile de faire des choses en commun. Je pense que je l'ai démontré en organisant mes visites puis en publiant des cartes postales. Il suffit de se rencontrer de temps en temps puis d'établir un calendrier, puis on dit: On peut-u mettre un montant d'argent ensemble? Puis on va faire ça cette année, on va se faire un programme. Donc, je crois que, oui, c'est possible, sur deux territoires distincts, de s'associer et c'est dans l'intérêt des deux pour avoir encore plus de monde.

Puis avec le jardin zoologique qui va être une porte d'entrée fantastique avec un film IMAX qui va présenter la rivière, on va en avoir, du monde, sur cette rivière-là. Il ne faut pas qu'il y en ait trop non plus mais il faut qu'il y en ait assez pour faire vivre les groupes qui sont déjà là. La SEPAQ est déjà là, puis ce n'est pas rentable. Puis, les autochtones, ils ont sept personnes sur le site, puis ce n'est pas rentable encore; ils sont encore peu connus. Ça fait qu'il faut quand même les faire vivre, ces organismes-là.

M. Trudel: Bon, il ne reste pas beaucoup de temps et j'ai des collègues qui veulent aussi poser des questions. Mais, M. le professeur, je veux absolument prendre un petit bout de temps pour essayer également d'examiner toute la question des préjugés.

Mon Dieu! à vous entendre... On passerait, quant à moi, l'avant-midi, la journée à vous entendre, que vos propos soient entendus et répercutés jusque dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean en particulier. Parce qu'on a entendu aussi beaucoup de groupes qui disaient: Bon. D'accord, on y va, il faut négocier. Il faut s'entendre, mais pas chez nous, il ne faut pas toucher à nos activités.

Vous, vous êtes de l'approche de la conciliation, du partenariat, de voisins à partenaires. Que faut-il faire et peut-on vaincre en quelque sorte un certain nombre de mythes qui se sont installés et qui sont cultivés ? disons-le entre nous, là, on est majeurs et vaccinés ? et qui sont cultivés en termes de préjugés populaires, véhiculés, répétés? Que faut-il faire davantage pour que ces mythes soient tués, qu'ils disparaissent et qu'on s'engage plutôt sur la voie du partenariat plutôt que d'entretenir ces préjugés qui se transforment en mythes parce qu'ils ont la carapace tenace?

M. Émond (Gaétan): C'est une question difficile. Je vais vous donner l'exemple de mon épouse qui est infirmière à l'hôpital de Roberval qui est à 10 km de Mashteuiatsh. Ils ont beaucoup de patients autochtones qui viennent. Quand il y a un patient autochtone dans une chambre, c'est un peu toute la famille autochtone qui vient le voir. Le blanc ? s'il a le malheur d'avoir un blanc à côté, un Québécois ? il va écrire une lettre à l'hôpital, au directeur, pour être transféré de chambre parce qu'il ne veut pas être dans la même chambre, il est dérangé, ils n'ont pas la même mentalité.

Il y a des gros problèmes de perception puis on ne les connais pas. J'ai dit dans ma présentation que, quand on veut connaître un peuple, il faut aller au restaurant de ce peuple-là, il faut manger un peu leur cuisine, il faut voir leur cinéma. C'est ce qu'on fait un peu. À Montréal, on a la chance d'avoir des communautés culturelles qui sont fortes, qui ont des quartiers. Nous, les quartiers autochtones, il n'y en a pas. Il y a Mashteuiatsh, les gens de Chicoutimi n'ont pas souvent l'occasion d'aller manger à Mashteuiatsh ou de se promener.

La connaissance, là, d'après moi, ça se fait en allant vivre des expériences avec ces voisins-là qui sont là, en essayant de manger leur cuisine, en essayant de... en faisant des expériences, finalement en vivant une aventure avec un guide autochtone sur une rivière, peut-être. C'est dans ce sens-là que je pense qu'on peut s'apprivoiser. On ne pourra pas vaincre du jour au lendemain ces préjugés, ces problèmes de perception.

Moi, les jeunes que j'ai au cégep, ils viennent de partout au Québec; ce n'est pas juste des gens de la région. Ils viennent de Montréal. J'en ai même qui sont Métis-Amérindiens. Puis il y a des Iroquois, il en vient au cégep de Saint-Félicien. Ils viennent de partout, parce qu'on on a un programme qui attire de partout. Puis les préjugés, c'est à Montréal aussi, c'est à Québec, parce qu'on ne les connaît pas. Qui peut nommer un film amérindien, vraiment typique amérindien? Il y a Atanarjuat qui est sorti, sur les Inuits. Mais un film qui serait...

M. Trudel: Un chef-d'oeuvre.

M. Émond (Gaétan): ...québécois, je veux dire, québécois, nos autochtones à nous, là, pas du Grand Nord, mais... Il n'y en a pas. Il n'y en a pas. Alors, il y a quelques livres, il y a quelques auteurs. Mais c'est sûr que c'est une petite communauté dispersée, ils n'ont pas... Mais la connaissance, ça part comme ça, à partir de films, de livres.

Moi, je lis des livres sur l'histoire des autochtones. Je comprends l'histoire. J'ai commencé par lire, bizarrement, les aventures de Lewis et Clark, sur la route, pour aller... Le journal de Lewis et Clark, c'est fantastique. Après ça, j'ai lu Normandin. Normandin, c'est moins bon, parce qu'il y avait moins d'autochtones à rencontrer; donc son journal est moins fantastique. Parce qu'il dit: J'en ai vu deux, trois au poste Ashuapmushuan; j'en ai vu un à Chicoutimi. Puis les autres, où est-ce qu'ils étaient? Ils étaient tous dans le bois, ils étaient tous morts? Je ne le sais pas, là. Alors, il dit qu'il a vu des rapides puis qu'il a fait des arpents et des arpents. C'est un peu plate, Normandin. Mais il faut lire des livres.

Mais il y en a d'autres. Les livres de Russel Bouchard sont très intéressants. Les livres de Camil Girard sont intéressants aussi; il y a un article dans Saguenayensia, là. C'est un historien, Camil Girard, qui nous présente une pétition, dans les années 1900, d'un certain Peter McLeod, à Chicoutimi, qui voulait... les Blancs vendaient les terres qui leur appartenaient, soi-disant.

Alors, si tu ne sais pas ça, tout ça, comment tu veux les connaître, les autochtones, puis un peu comprendre leurs revendications? Il faut que tu t'informes. Il faut que tu lises un livre. Il faut que tu lises un journal. Il faut...

Alors, c'est ça que je recommanderais, que le gouvernement peut-être... C'est pour ça que j'ai dit dans mon mémoire: Un cours, ne serait-ce qu'un cinq heures, un 10 heures, à l'école, pour apprendre un peu l'histoire des réserves, comment... l'histoire à partir des premiers contacts. Il faut que l'école s'en mêle aussi.

M. Trudel: L'école, la radio, la télé.

M. Émond (Gaétan): Tout ça.

M. Trudel: Peut-être activités de formation.

M. Émond (Gaétan): Un bon film au cinéma, pas un western américain, là, mais...

M. Trudel: Puis, demain, on verra le bout dans Le Soleil.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval, en vous signalant qu'il reste 2 min 30 s.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à saluer M. Émond, qui est enseignant au cégep, que j'ai rencontré d'ailleurs lundi midi; on a dîné ensemble dernièrement.

Pensez-vous, M. Émond, que, face au décret qui s'en vient sur l'Ashuapmushuan, on pourra réaliser le projet de partenariat? Parce que la rivière Ashuapmushuan, on dit: Elle a beaucoup de potentiel, mais on a l'impression qu'on veut l'encarcaner dans une vocation très restreinte, où on pourra aller regarder descendre, couler l'eau, puis c'est tout. Tu sais? J'ai l'impression, moi, que...

Actuellement, je voyais, moi, un beau projet avec les autochtones: mettre en valeur toute la culture, tout le patrimoine culturel autochtone qui s'est développé avec les années. Parce que, aujourd'hui, vous descendez les rivières, mais les premiers qui y ont été dans les années 1600, ils la remontaient, la rivière. C'est encore bien plus dur que de la descendre. Tu sais, la remonter, les rapides, puis remonter toute la rivière, puis, ensuite de ça, se camper sur les bancs de sable, aujourd'hui, ce n'est plus la même chose.

On ne pourra pas attirer de touristes là si on ne met pas au moins des équipements valables, sécuritaires, puis les gens se sentent en sécurité, puis que les gens puissent passer quelque temps dans ce secteur-là qui pourrait être géré en partenariat avec des autochtones ou seulement par des autochtones. Mais je pense, moi, qu'on a tout avantage que ce soit partagé ensemble et que le projet lui-même se bâtisse avec les deux nations.

Croyez-vous que c'est possible avec les restrictions qu'on est en train de lui mettre actuellement?

M. Émond (Gaétan): Oui. J'ai lu le communiqué de presse sur la Moisie et j'ai pris note aussi du plan de conservation de la rivière Moisie, qui, lui, est public, il est sur Internet, mais on ne trouve pas celui sur l'Ashuapmushuan.

La Moisie, les activités autochtones vont se continuer. Ça va être la même chose sur l'Ashuapmushuan, en principe. Je pense que dans le fond il va y avoir des consultations publiques ? le ministre Boisclair l'a annoncé ? puis ça va être possible de continuer des activités récréotouristiques.

C'est sûr qu'on doit conserver le lit de la rivière. Il y a des restrictions. Mais, dans une marge raisonnable, il va y avoir possibilité... Il y a même un chemin de fer. Il y a une voie de chemin de fer. Au site traditionnel des Montagnais, le chemin de fer arrête à côté. C'est fantastique d'avoir ça. D'ailleurs, M. Ghislain Gagnon, il y a plusieurs années, avait amené 300 personnes en même temps, en chemin de fer. En tout cas, oui, il va y avoir des restrictions; il va falloir en tenir compte. Mais le concept de réserve aquatique va permettre, d'après moi, une mise en valeur.

Puis c'est moins contraignant, une réserve aquatique, qu'un parc national. Un parc national, ça aurait été encore plus contraignant puis on aurait pu faire moins de choses. Le gouvernement aurait été un peu roi et maître. Là, les gens de la région, d'après ce que je peux voir, vont être consultés, puis on pourra établir un plan de gestion et de conservation des ressources qui tiendra compte des besoins pour l'industrie touristique. D'après moi, il y a des possibilités.

n (12 h 10) n

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval, rapidement.

M. Laprise: Juste un petit commentaire. Je souhaiterais, moi, que votre groupe, dont vous parlez depuis le début, vous ayez également sur votre groupe, là, des élus dans le milieu. Parce que semble-t-il que les élus n'ont eu aucune consultation actuellement, aucun partenariat qui est installé avec eux autres.

Avec les autochtones, peut-être élargir votre groupe pour que, lorsqu'il y aura l'étude du BAPE sur cette rivière-là, on puisse émettre des opinions qui concernent la population qui est directement concernée par l'Ashuapmushuan.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Émond (Gaétan): Est-ce que je peux répondre à M. Laprise?

Le Président (M. Lachance): Très rapidement, M. Émond.

M. Émond (Gaétan): Les élus, M. Laprise, ne voulaient pas nous appuyer, et puis je crois plutôt que les élus devraient prendre un leadership. M. Généreux, M. Côté devraient prendre un leadership. Nous, on n'a pas de moyens financiers, on ne peut rien faire. C'est aux... Ils pourraient nous consulter, nous, comme groupe environnemental. C'est à M. Généreux, la MRC... Les deux MRC devraient s'associer.

Dans notre région, il devrait y avoir juste une MRC, en passant. Il y a deux grandes MRC avec des grands territoires; c'est inutile, il n'y a pas de population dans notre coin. Ils devraient réunir ces deux MRC là puis ce serait beaucoup plus facile de fonctionner. Tabarouette! Quand même, il faut arrêter, là.

Le Président (M. Lachance): ...les structures. Ha, ha, ha!

M. Émond (Gaétan): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue, M. Émond. J'aimerais vous féliciter pour votre enthousiasme, pour votre créativité, votre optimisme qu'on peut trouver une solution à la cogestion de cette rivière que, moi, je n'ai pas eu l'occasion de voir, de visiter. Mais la façon dont vous avez décrit ça, c'est de toute beauté, de toute évidence.

Et ma première question: Est-ce qu'on est en train de rendre la gestion de la rivière et du lac trop compliquée? Parce que j'entends... il y a une proposition pour Innu Assi autour du lac en question, il y a la réserve faunique qui a une proposition d'une gestion innue. Il y a une annonce hier ? je n'ai pas vu le communiqué de presse ? qui va créer, si j'ai bien compris, un parc aquatique.

Est-ce qu'on est en train de rendre notre vie trop difficile parce qu'il y aurait trop d'acteurs pour arriver aux objectifs que vous avez bien résumés à la gauche de votre mémoire? Que c'est ça qu'on cherche: il y a une rivière, il y a des règles de jeu qui sont respectées par tout le monde, et les personnes qui aiment faire du canot peuvent le faire, les personnes qui veulent pratiquer la chasse et la pêche, il y aurait les règles de jeu qui sont bien comprises par tout le monde. Alors, je comprends les objectifs, mais j'aimerais savoir si on est en train de trop compliquer la vie pour les personnes en région.

M. Émond (Gaétan): Bien, c'est évident qu'il y a une complexification. Quand une nouvelle nation s'affirme, veut s'affirmer avec un territoire, ça rend les choses déjà plus complexes en partant.

Déjà, on est tout seuls, les Québécois, par rapport à nos différentes lois, puis, des fois, c'est compliqué, puis, en plus, on rajoute Ottawa, c'est encore pire. Là, il va y avoir Ottawa aussi, parce que je ne sais pas, par rapport à la situation actuelle, qu'est-ce qu'Ottawa va dire de tout ça. Ils vont-u embarquer sur des projets?

Moi, dans la région, je regardais... Les gens disaient: Si les autochtones embarquent, ça va être plus facile d'avoir l'aide du fédéral. Donc, c'est un plus dans le fond si on veut faire des partenariats, Ottawa et...

Mais là, ça dépend si on veut se séparer, nous, le Québec. Il y a toutes sortes de considérants. Mais c'est... Non, moi, je ne vois pas de problème avec le fait d'avoir à réunir plusieurs personnes, puis il y a des entités différentes. C'est simplement un peu plus lourd comme processus. Mais je pense que, comme Québécois, on peut s'asseoir.

S'il y a un projet qui est mis sur la table... Ça prend un projet. Tu mets un projet... je ne parle pas dans l'air, là, pour parler. Ça prend un projet comme, justement, l'entente de principe. c'est un projet, c'est un document écrit puis on peut en parler.

Donc, dans la région, on va dire, la rivière Ashuapmushuan, là, c'est un projet. On a un projet, on veut mettre en valeur le territoire autochtone, on va mettre en valeur le territoire de la réserve aquatique. S'il y a une pourvoirie ou une réserve faunique, peu importe, si elle est gérée par les autochtones, mais c'est la SEPAQ; donc, c'est un organisme québécois. Qu'est-ce qu'ils veulent faire? Il faudrait qu'ils nous le disent, les autochtones, avec la réserve faunique. En tout cas, c'est un autre problème, là.

Mais tu mets tout ça ensemble et puis tu peux avancer, mais avec un projet, de dire: Sur la rivière, on ne veut pas faire un... 10 000 personnes effectivement, c'est trop dangereux, il y a des rapides. C'est d'attirer une clientèle écotouristique. Tout le monde...

Il y a eu un sommet à Québec, l'été passé, sur l'écotourisme. C'est l'avenir dans le tourisme. L'écotourisme, c'est un tourisme de développement durable qui amène des gens, qui font vivre les gens locaux, qui utilisent des petits services ici et là ? un gîte, une location de ci, une location de ça ? puis qui se promènent sur un territoire sans amener d'impact comme avoir besoin de bâtir un gros hôtel de 500 chambres, même si on en aurait peut-être besoin d'un au Lac-Saint-Jean. On n'a même pas de bel hôtel au bord du lac Saint-Jean. Puis à Mashteuiatsh, il y aurait peut-être un terrain pour bâtir un bel hôtel, au bord du lac. Le bord du lac, c'est une... c'est fantastique, des belles plages.

Donc, c'est ça: amenons des projets concrets, puis là, amenons les intervenants, puis regardons en fonction des lois puis de la...

C'est sûr que, là, c'est compliqué: réserve aquatique, le Innu Assi qui est là, la réserve faunique. Mais pourquoi pas? Soyons innovateurs puis soyons dynamiques puis faisons quelque chose. Au moins, proposons des affaires, puis, si ce n'est pas possible, bien, à un moment donné, on s'en retournera dans nos terres, mais je ne penserais pas que ça arrive.

M. Kelley: Ça va. Et je crois, comme j'ai dit d'entrée de jeu: Je salue votre créativité, parce qu'on est à la recherche des choses qui sont respectueuses d'un droit autochtone. Alors, je pense qu'avant tout on est ici pour... Il y a une revendication territoriale et les autres choses qui en découlent.

Mais on a une magnifique rivière, si j'ai bien compris, et, sans compliquer la vie, comment est-ce qu'on peut s'assurer que le droit autochtone est respecté, donc, au niveau des sites patrimoniaux que vous avez décrits, qu'il y aura une occasion de les conserver et limiter l'accès, alors il n'y a pas d'abus?

Et je vois... C'est quoi, le mécanisme que, vous, vous mettriez en place, d'avoir un point de chute que vous pouvez tester vos idées de cogestion avec les gens de Mashteuiatsh? C'est ça que je cherche, dans la suite des choses. On est toujours devant une entente de principe. Mettons qu'on passe à une prochaine ronde de négociations. C'est quoi, une mécanique qu'on peut avoir, que vos idées ou les idées des personnes comme vous ou d'autres groupes comme le vôtre, on peut les tester auprès de la négociation sans rendre le processus trop complexe? Parce que ma crainte demeure toujours que ça devienne trop difficile à gérer.

Vos objectifs sont clairs, ils sont à gauche, et ils sont d'une clarté qui est exemplaire. Alors, je ne veux pas trop compliquer la vie pour les personnes qui aiment cette rivière. Mais comment est-ce qu'on peut mettre en place un forum ou une table où on peut respecter la rivière, on peut respecter le droit autochtone mais on peut s'assurer que les personnes peuvent avoir accès à la région et à la rivière et à toutes activités connexes?

M. Émond (Gaétan): C'est sûr que je verrais pas nécessairement des nouvelles structures mais peut-être les MRC, qui sont responsables des schémas d'aménagement... Il y a deux MRC ? la rivière est entourée dans le fond de... il y a une MRC de chaque côté ? associées avec le Conseil des Montagnais. Ça prend, d'après moi, des organismes politiques qui sont là, en place, des élus. Ce n'est pas à des groupes environnementaux comme nous à convoquer des réunions. Des fois, on l'a fait... On l'a fait dernièrement, convoqué une réunion pour essayer d'avoir une position commune, mais ça prend des élus qui sont élus par... Moi, je verrais les MRC.

C'est sûr que, maintenant, la réserve aquatique va devenir une entité du ministère de l'Environnement. Il va falloir qu'il... C'est une loi, là, puis il y a des attributions qui sont données dans la loi. Il va falloir que le ministère de l'Environnement... Là, c'est ça, les consultations publiques... Il y a du flou, là, là-dedans. C'est sûr que... Est-ce que, dans l'entente commune, on devrait peut-être ajouter des paragraphes pour que l'interlocuteur...

C'est ça que vous demandez un peu comme question: Il devrait-u y avoir, par rapport aux autochtones, un interlocuteur? Comment ça va fonctionner tout ça? L'interlocuteur final, c'est toujours le gouvernement du Québec, le Conseil des ministres, je ne sais pas. Mais, dans notre région, il faut que ce soit délégué, ces choses-là. Je ne suis pas assez spécialiste pour répondre à ce genre de question là. Mais, oui, ça va être compliqué un peu, là, c'est évident.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. M. Émond, bonjour. M. Émond, concernant la rivière Ashuapmushuan, c'est vrai que pour les gens, les environnementalistes, c'est une victoire effectivement qu'on puisse faire une réserve aquatique, parce que c'est une rivière, la seule rivière qui se déverse dans le lac Saint-Jean, qui n'est pas harnachée.

Cependant, en même temps que certains crient victoire, du côté des Innus, on met des bémols, parce que eux auraient eu des... auraient souhaité peut-être faire des minicentrales. Et je rejoins mon collègue de Jacques-Cartier quand il vous dit: Avant de créer des structures, ne pensez-vous pas qu'on devrait s'entendre ensemble, les Innus et les Saguenéens-Jeannois, sur la vocation qu'on peut donner, tant au parc... la réserve... l'Ashuapmushuan, la réserve aquatique, le lac, qu'on s'entende une fois pour toutes qu'il n'y aura pas d'harnachement, qu'on va s'entendre sur un projet, sur une vocation qu'on va donner au territoire?

M. Émond (Gaétan): C'est une très bonne question que vous posez là, Mme Gauthier. Normalement, il faudrait arriver, dans notre société, à établir, sur notre territoire... Avec, justement, les aires protégées, on va atteindre le 8 % bientôt. C'est un objectif prioritaire du gouvernement qui va être atteint par M. Boisclair, qui était essentiel. Question de biodiversité et de reconnaissance par rapport à d'autres pays. Tu sais, il faut s'assurer que notre biodiversité, là, reste là, qu'on ait des aires représentatives de nos régions naturelles.

n (12 h 20) n

Les minicentrales puis les barrages, naturellement, c'est écologique. C'est écologique, mais il ne faut pas en faire partout puis à tout prix puis n'importe comment. Peut-être que, là, on a un projet d'un milliard sur la table sur la Péribonka. Bien, au lieu de faire quatre, cinq minicentrales, tu en fais un gros sur la Péribonka.

Mais, par rapport à ce que vous avez dit, il n'y en a pas partout sur toutes les grosses rivières. La Mistassini, il n'y en a pas, présentement. Il pourrait y en avoir là, mais je suis persuadé que les gens de Dolbeau vont manifester. Ce n'est pas facile, ces dossiers-là.

Il faudrait comme un genre de forum, là, qui serait à grande échelle, puis là, dire: Sur notre territoire, O.K., l'Ashuapmushuan, maintenant, elle est protégée; dans une optique de 20 ans, ça nous prend tant de mégawatts de plus. Bien là, quelle rivière la région s'entend-elle pour qu'on harnache? Quelle va être la prochaine? Il y a la Mistassibi, la Mistassini; là, j'en oublie d'autres, mais il y en a des plus petites. Mais, moi, je vois plutôt des plus grosses centrales que des petites distribuées un peu partout, qui vont faire un déplaisir total à toutes des petites communautés locales qui ont des belles chutes, des belles rivières.

Mais il faudrait que le gouvernement demande à la région: Bien là, si, d'ici 20 ans, ça nous prend un autre 500 MW, on le ferait où? C'est-u sur la Mistassini, la Mistassibi ou, je ne sais pas, là, la Rivière aux Rats? Mais elles ne sont pas toutes harnachables, parce qu'elles n'ont pas toutes le débit. Mais, oui, effectivement, il faudrait en arriver à avoir un... Sinon, les écologistes, on va toujours bloquer tous les projets.

Moi, je ne suis pas nécessairement en faveur de ça, de tout bloquer pour bloquer, parce que l'environnement, c'est important. Le développement durable, il y a trois pôles: économique, social et puis environnemental, tu sais? Il faut continuer à se développer économiquement, si on veut créer des emplois pour nos jeunes. Moi, j'ai deux enfants. Saint-Félicien, il n'y a pas d'ouvrage et ils travaillent à Montréal. Ça fait que, tu sais, je le vis aussi, à ce moment-là. Il faudrait qu'il y ait...

Chez nous, on coupe du bois. On coupe du bois, il y a des scieries, il y a des moulins à papier. Je parle du Lac-Saint-Jean; le Saguenay, plus chanceux, ils ont plus d'industries. Mais, nous autres, on n'a rien, là, à part l'écotourisme, le jardin zoologique, Val-Jalbert, le bois, les scieries ? heureusement, ça fait travailler beaucoup de monde. Il faudrait...

Un barrage, en passant, ça fait travailler du monde lors de la construction. Mais, après ça, c'est fini, là, ça s'en va aux États-Unis. C'est pour ça qu'on est toujours un peu négatifs par rapport à ça: ça ne fait pas développer des industries locales. Il faudrait que le gouvernement oblige... dans une loi, dise: Si on fait 500 MW au Lac-Saint-Jean sur la Mistassini, bien, qu'il y ait une industrie de 1 000 employés qui va utiliser cette électricité-là pour faire travailler nos jeunes en région. Ça deviendrait peut-être plus acceptable, à ce moment-là. Si c'est pour exporter aux États-Unis, là, c'est moins intéressant. On profite encore de nous puis on n'a pas de retombées.

Mme Gauthier: Dites-moi, M. Émond, vous parlez de chez nous, en parlant du Lac-Saint-Jean, par opposition aux gens du Saguenay. Vous êtes originaire du Saguenay?

M. Émond (Gaétan): Oui, de Laterrière; même village que vous.

Mme Gauthier: Maintenant, ça n'existe plus. Ha, ha, ha! On est ville Saguenay.

Dites-moi, comment faire pour... parce qu'on voit que la réticence, la grosse résistance se fait davantage au Saguenay. Comment faire pour atténuer cette résistance-là, par rapport à la population saguenayenne?

M. Émond (Gaétan): La résistance vient du Saguenay, effectivement. C'est peut-être parce qu'il y a des guerres qui... C'est le monde universitaire, c'est sûr que... Là, j'inclus aussi, même, des chasseurs, des pêcheurs. Il y a des choses complexes, là, plus complexes. C'est-à-dire le Saguenay, c'est compliqué parce qu'il y a des intellectuels, au Saguenay; c'est pour ça. Ha, ha, ha! Au Lac-Saint-Jean, c'est plus simple parce qu'il y a moins d'intellectuels, il y a juste un cégep, ce n'est pas trop compliqué. Autrement, c'est des camionneurs ? «la ville de l'automobile», Saint-Félicien, ha, ha, ha! ? donc, les débats sont plus facilement... Je ne sais pas, c'est une question... Comment faire en sorte que... ce serait d'arriver à... Je n'en ai aucune idée. Ha, ha, ha!

Mme Gauthier: Dites-moi, au cégep, est-ce qu'on entend beaucoup parler de ce dossier-là? Les étudiants, est-ce qu'ils en parlent beaucoup?

M. Émond (Gaétan): Au cégep, les perceptions, c'est entièrement favorable, parce qu'on est habitués à contacter... c'est-à-dire à travailler avec les Montagnais. On a donné de la formation aux Montagnais, le cégep a donné des cours de guide. Le cégep participe à des projets avec les Montagnais; donc nos élèves aussi... Mashteuiatsh n'est pas loin, tu sais? On est comme habitués à eux. Comme le maire de Roberval, M. Denis Lebel, l'avait mentionné, c'est nos voisins immédiats. Donc, on les voit souvent dans le centre d'achat, on les voit souvent. Donc, déjà, c'est moins épeurant. À Chicoutimi, il y a un Montagnais qui vient là, tu ne le perçois pas, tu ne le vois pas. Donc, on...

C'est ce que j'ai dit dans mon exposé tantôt: Ce qu'on ne connaît pas fait peur. Ils ont peut-être peur, justement parce qu'ils ne connaissent pas. Ça prendrait une réserve de Montagnais en plein milieu de Chicoutimi. Ha, ha, ha! Il faudrait qu'ils apprennent, qu'ils lisent des livres aussi puis qu'ils s'informent puis qu'ils fréquentent les Montagnais.

On les fréquente quand même, je veux dire. Moi, j'ai eu deux présidents d'honneur, M. Rémy «Kak'wa» Kurtness... J'ai fait venir Serge Corbin, 25 fois champion du Saint-Maurice en canot. Il est venu à Saint-Félicien, il a gagné deux fois. Puis il y avait un coureur amérindien, tu sais. On a travaillé avec le Rendez-vous... avec M. Moar, justement. On se connaît, la communauté, les cégeps, tout ça. Les gens se parlent.

À Chicoutimi, bien, comme il n'y avait pas de réserve proche, bien, ça se parle moins. Il n'y a pas jamais rien de commun. J'explique ça un peu comme ça, les problèmes avec le Bas-Saguenay.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Bonjour. Peut-être, c'est plus pour noter un de vos passages, tantôt, que pour vous poser une question.

Mais j'ai trouvé bien intéressante la partie où vous mentionnez que effectivement au cours des dernières... Bien, au cours de plusieurs dizaines d'années qui se sont passées, on constate que, par exemple, le virage d'Hydro-Québec, c'est de transporter l'électricité dans les grands centres ou de l'exporter plutôt que de la transformer sur place. Cette richesse-là, d'électricité, a contribué à la construction de nos régions.

Moi, je suis de la Côte-Nord, vous êtes du Saguenay?Lac-Saint-Jean. À l'époque, c'était vrai que les entreprises avaient un intérêt à aller s'installer le plus près possible des barrages afin de réussir à profiter de cette richesse-là qui était sur place. C'est une richesse qui est une ressource naturelle. Quand on parle de transformation, de deuxième transformation, de troisième transformation en région, je pense qu'il y a aussi lieu de faire de la deuxième puis de la troisième transformations de l'électricité sur place, là où elle est produite.

Je trouve intéressant que dans votre coin de pays également ce discours-là commence à s'installer dans la tête des gens. Parce que, crime! c'en est une, richesse, qui est là en arrière de notre terrain, puis on la voit s'en aller. Puis, comme vous mentionnez, c'est le temps de construire le barrage que la job dure. Puis, une fois que le barrage est construit, c'est un opérateur de console qui est là puis deux, trois personnes à l'entretien, puis le barrage fonctionne très bien. Ça fait qu'on construit des belles lignes électriques pour amener l'électricité un peu partout, alors qu'on pourrait peut-être avoir des incitatifs.

Il y a un phénomène de rayonnement qui se passe au niveau de la perte de la transmission de l'électricité au travers de ces lignes à haute tension là, où un certain pourcentage va finalement se perdre dans l'air. Plus la durée du voyage de l'électricité est longue, plus l'électricité va perdre de son intensité. Alors, cette perte énergétique là, plutôt que de la laisser partir dans les airs, pourquoi ne pas donner, par exemple, des crédits ou des incitatifs à des entreprises, à dire: Bien, viens l'utiliser le plus près possible de la source afin de pas perdre cette richesse-là?

Je voulais juste souligner ça. Je trouve ça très intéressant ce que vous mentionnez, puis je voulais y rajouter. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Merci, M. Émond, pour votre présentation, votre présence ici aujourd'hui.

Et, là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Et, je rappelle le mandat de la commission, c'est de poursuivre des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Alors, cet après-midi, nous entendrons tour à tour les représentants de la Centrale des syndicats du Québec, la CSQ; le Conseil régional de la FTQ Saguenay?Lac-Saint-Jean ainsi que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; par la suite, des représentants de ville de Saguenay; pour terminer avec Ferme Monna. Et nous devrions terminer nos travaux vers 18 heures.

Alors, bienvenue, mesdames, monsieur de la Centrale des syndicats du Québec. Vous connaissez bien les règles du jeu, vous avez une période de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur ce projet d'entente de principe.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Donc, je vais, dans un premier temps, vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Mme Thérèse Cyr, présidente du Syndicat de l'enseignement de la région du Fer; à ma droite, M. Marcel Duplessis, président de l'Association de l'enseignement du Nouveau-Québec; et Mme Nicole de Sève, qui est conseillère à la CSQ.

La Centrale des syndicats du Québec tient à remercier la commission des institutions de nous permettre de faire part aux parlementaires ici réunis de nos commentaires sur l'entente de principe actuellement à l'étude devant cette commission.

Vous connaissez la Centrale, bien sûr. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que l'Association de l'enseignement du Nouveau-Québec, que représente M. Marcel Duplessis, est fondée depuis 1971, qu'elle est affiliée à la CSQ et qu'au sein de cette association on retrouve 37 % du personnel enseignant syndiqué qui est d'origine crie ou soit d'origine inuit, 80 % du personnel de soutien syndiqué appartient à l'une ou l'autre de ces nations. Nous représentons aussi le personnel professionnel de l'éducation oeuvrant au Nouveau-Québec. Au sein de nos syndicats du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, dont Mme Cyr est présidente pour la Côte-Nord, et ailleurs en province, nous avons aussi des membres issus des nations autochtones, et que ces personnes vivent à l'intérieur ou hors des réserves.

La CSQ tient à souligner son adhésion à la démarche gouvernementale qui vise à clarifier la portée des droits ancestraux et les modalités de leur exercice par la signature d'une entente de principe de nation à nation. Nous croyons que c'est par la négociation que nous avancerons sur le terrain d'un juste équilibre entre les droits de chacun des groupes afin de permettre aux autochtones de prendre en main leur destinée. Plus encore, l'appui à l'autonomie gouvernementale proposée aux premières nations constitue, pour la Centrale des syndicats du Québec, une voie susceptible de restaurer les droits des nations autochtones broyés par l'adoption de la loi canadienne dite Loi sur les indiens, méconnue de la majorité de la population.

La document gouvernemental soulève un ensemble de questions. Notre intention n'est pas de répondre à toutes ces questions. Ainsi, nous ne toucherons pas la question des assises juridiques ni la question des décisions des tribunaux même si nous en traitons largement dans le mémoire. Nous ne nous prononcerons pas non plus sur les revendications territoriales et les modalités de développement économique, ce n'est pas là le champ de notre expertise. Nous préférons aborder avec vous des questions qui touchent directement les préoccupations des membres de notre organisation, notamment l'autonomie gouvernementale, les services éducatifs, les services sociaux et de santé. De plus, nous désirons, bien sûr, toucher aux questions quant à l'avenir des femmes et des jeunes de ces communautés.

Nous vivons actuellement par ce débat un moment que nous qualifions d'historique, le premier vrai dialogue de nation à nation. L'entente de principe soumise aujourd'hui à la consultation publique vise à en finir avec la tutelle et le sous-développement des communautés autochtones. Malgré notre adhésion à l'entente de principe, nous aimerions soulever certaines questions sur la nature des gouvernements qui seront créés sur les Innu Assi.

Nous avons compris que l'adoption du traité viendra abolir les réserves créées en vertu de la Loi sur les indiens, que les terres fédérales seront des terres innues et que les chartes canadiennes et québécoises des droits et libertés vont s'appliquer à tous les résidents des Innu Assi.

Sur les Innu Assi, il y aura un gouvernement territorial. Pourquoi n'a-t-on pas retenu la notion de gouvernement d'ordre public, comme ce sera le cas au Nunavik? Doit-on comprendre que, sur les territoires Innu Assi, seuls les autochtones inscrits pourront recevoir des services de ce gouvernement et y participer? En d'autres mots, est-ce qu'un propriétaire résidant dans l'Innu Assi, payant des taxes aura droit à la représentation politique? Quel droit s'appliquera aux personnes vivant sur Innu Assi, travaillant dans une entreprise privée, publique ou communautaire et qui ne sont pas d'origine autochtone? Ces personnes seront-elles des citoyennes et des citoyens à part entière? Vivant sur Innu Assi, respectant les règlements et les législations, payant des taxes, pourront-elles participer à la vie politique de la communauté? Il y aura lieu d'éclaircir ces questions de manière à ne pas alimenter les préjugés.

Qu'adviendra-t-il du pouvoir qu'ont les conseils de bande d'adopter des lois concernant l'appartenance à la bande? Est-ce que les femmes épousant un non-autochtone pourront vivre sur le territoire Innu Assi et transmettre leur statut et leurs biens à leur descendance?

La CSQ a toujours appuyé les revendications des femmes autochtones. Ainsi, nous espérons que l'autonomie gouvernementale concernera, lorsqu'elle sera mise en oeuvre, toute la population du territoire autochtone défini, c'est-à-dire toutes les personnes habitant le territoire sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la langue maternelle ou quelque autre critère discriminatoire.

L'entente de principe ne donne pas de droits comme tels. Ces derniers découleront de la signature du traité. Ainsi, nous espérons que ces principes seront discutés lors de la poursuite des travaux devant mener au traité et que, dans ce dernier, soit clairement stipulé que chaque personne qui souhaite vivre sur les territoires y soit sujet de droit et ait en retour l'obligation de se conformer aux normes édictées par le gouvernement du territoire avec la participation démocratique de l'ensemble des citoyennes et des citoyens des communautés.

Au chapitre de l'éducation, malgré tous les efforts des communautés autochtones pour se doter d'institutions scolaires du primaire au postsecondaire, le taux de décrochage scolaire reste élevé: 70 % des autochtones vivant dans les réserves n'ont pas de diplôme d'études secondaires et le taux de réussite au secondaire n'atteint que 32,1 %. La scolarisation postsecondaire chez les jeunes de 17 à 34 ans est presque deux fois moindre que la moyenne nationale. Quant aux femmes autochtones, elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à poursuivre des études postsecondaires.

n (14 h 10) n

Malgré l'ampleur des difficultés appréhendées, la CSQ croit dans l'autonomie scolaire autochtone. L'école doit se rapprocher des besoins et des intérêts de la communauté, assurer la transmission des connaissances de base et la diffusion d'un savoir scientifique, maintenir le niveau d'ajustement nécessaire au système d'éducation du Québec qui rend possible et facilite aux jeunes autochtones qui le désirent la poursuite d'études postsecondaires dans des institutions québécoises. Cela est possible. Dans la communauté ? mon Dieu! que j'ai de la misère avec ces noms-là, moi ? de Mashteuiatsh, 351 étudiants poursuivaient, en 2002, des études au cégep et à l'université.

L'école, en milieu autochtone, doit maintenir la transmission des cultures autochtones et, tout spécialement, des langues qui en sont le support privilégié. L'école ne doit pas perdre de vue les finalités à atteindre, maintenir et rehausser la fréquentation scolaire, promouvoir la réussite scolaire des élèves, diffuser les connaissances de base, faire partager la culture et hausser le niveau de formation comme des objectifs prioritaires que devront poursuivre les responsables du système scolaire autochtone. Mieux adapter l'école aux besoins et aux intérêts des élèves autochtones, cela suppose aussi une présence accrue d'enseignantes et enseignants autochtones, de professionnels autochtones dans les écoles.

Pour atteindre ces objectifs, les autorités scolaires devront adopter des politiques d'encouragement et d'encadrement des jeunes manifestant de l'intérêt pour la profession enseignante ou pour l'une ou l'autre des professions nécessaires au bon fonctionnement du système scolaire. Dans l'intervalle, les autorités scolaires devront favoriser le recrutement de personnel enseignant, professionnel ou de soutien compétent et s'assurer que ces personnes acceptent de transmettre leur expérience au personnel autochtone de manière à ce qu'à moyen terme l'ensemble des emplois soient assumés par les membres des communautés concernées.

Finalement, l'avenir de l'école autochtone repose sur son niveau de financement. Les modalités économiques prévues à l'entente de principe doivent spécifier d'une manière particulière l'obligation d'attribuer une enveloppe budgétaire substantielle à l'éducation dans les communautés. Cette enveloppe doit permettre l'aménagement de mécanismes permettant une souplesse quant à l'organisation des services psychosociaux spécialisés, d'orientation scolaire, de stages en entreprise, et autres.

Nous croyons que toutes ces questions devraient être abordées lors de la discussion des ententes complémentaires et que les partenaires de l'éducation, tant au niveau national que régional, doivent contribuer au développement de solutions permettant aux communautés autochtones de se doter d'un système d'éducation à la hauteur de leurs aspirations.

Nous aimerions conclure cette section sur l'éducation en rappelant que la responsabilité des relations interethniques au Québec ne peut reposer seulement sur les communautés autochtones. Actuellement, les contenus d'enseignement sont revus dans le cadre de la réforme de l'école secondaire. Nous croyons qu'il y a là une occasion exceptionnelle d'accorder une place à l'histoire des autochtones au Québec et dans l'ensemble des Amériques, mais aussi du point de vue des autochtones sur cette histoire. Il nous faut aussi saisir l'occasion que nous fournit l'éducation à la citoyenneté pour aborder avec les jeunes la particularité des premières nations dans la citoyenneté québécoise. Finalement, nous devons trouver des occasions, au sein de l'école québécoise, de développer chez nos jeunes les habiletés et les valeurs, dont l'acceptation de l'autre dans sa diversité.

Au niveau de la santé et des services sociaux, nos considérations sont les mêmes quant au financement et à la formation de la main-d'oeuvre. Nous voulons aussi attirer votre attention sur le fait qu'il est essentiel de prendre en charge un certain nombre de déterminants. Les statistiques sur le sous-développement dans les communautés autochtones ont de quoi faire frémir. Il s'agit de communautés qui n'ont pas les ressources humaines et financières pour agir sur les déterminants de la santé, soit la pauvreté, l'hygiène, l'alimentation, les conditions d'hébergement, l'éducation et l'environnement. Les communautés ne veulent plus attendre après les gouvernements pour modifier la situation dans les communautés, elles veulent se prendre en main.

Une démarche à revoir, bien sûr, puisque, en préparation de ce mémoire, nous avons tenu dans notre organisation des consultations auprès des représentantes et représentants des syndicats qui sont concernés par tout ce débat. Nous avons pu constater qu'ils ont été peu ou pas informés du contenu de l'entente, qu'ils n'ont pas participé aux consultations, qu'ils s'interrogent sur la représentativité des personnes concernées. Beaucoup de questions, beaucoup de préjugés.

Dans ce contexte, la Centrale des syndicats du Québec considère que la démarche entreprise par le gouvernement québécois risque d'échouer si on n'introduit pas des correctifs majeurs. L'adoption de l'entente de principe ne mettra pas fin aux discussions, loin de là. Bien des travaux devront être menés, et on doit ramener ça sur le terrain. Il y a eu un certain nombre de recommandations de comités, de tables de travail qui devront être mises en place et mettre à contribution les gens qui sont auprès de ces situations.

La CSQ ne se lave pas les mains de tout ce travail. Nous voulons et nous devrons contribuer, jouer un rôle facilitant à l'égard de la circulation de l'information auprès de nos membres en aménageant des sessions de formation sur la réalité autochtone. Nous pouvons contribuer à réduire les préjugés et à inscrire un dialogue sur le terrain. Nous pouvons appuyer des initiatives qui vont dans le sens d'une plus grande autonomie politique, économique, culturelle et sociale.

Bien sûr, la responsabilité première de ce processus revient au gouvernement. L'adoption d'un traité constituera une étape majeure dans l'évolution de nos rapports avec les premières nations.

Et j'aimerais que mes deux collègues puissent ajouter... dans le temps qu'il nous reste, prendre quelques minutes d'intervention chacun pour faire part de leur réalité tant au niveau des enseignants du Nord-du-Québec que de la Côte-Nord.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Richard. Mais je souligne qu'il reste environ six minutes.

Mme Cyr (Thérèse): Alors, moi, je tiens à vous témoigner de la difficulté qu'on a eue au niveau de notre Syndicat pour avoir la permission de s'asseoir à cette table. Dans une première discussion qu'on a eue en conseil régional, une structure qu'on a, intermédiaire, les membres du Syndicat, enseignants et personnel de soutien, nous ont dit: Non, il n'est pas question que le Syndicat se mêle de cet enjeu politique là. Mais on s'est aperçu qu'en revenant à la base, en leur redonnant l'information, de la formation nécessaire, qu'on pouvait avoir cette permission-là. J'étais fière, la semaine passée, quand les membres, à l'unanimité, au conseil régional, ont dit: Oui, tu peux aller t'asseoir à la table, tu peux aller dire que les enseignants et le personnel de soutien de la région du Fer, donc de Pentecôte à Lourdes-de-Blanc-Sablon, toute la partie nord-est du Québec... Oui, tu peux y aller, et, oui, nous sommes d'accord avec le mémoire de la CSQ. Oui, il est important que les autochtones, on maîtrise des services d'éducation, de santé et des services sociaux. Oui, c'est important qu'on donne aux jeunes autochtones des possibilités d'avenir, de la formation qualifiante. Ils ont insisté aussi que les gouvernements devront donner les moyens à la population autochtone d'offrir des services d'éducation de qualité, d'offrir aux jeunes une formation qualifiante.

On en a conclu aussi que, même si les autochtones croient à leurs services d'éducation, il existe beaucoup de services... On se rend compte de plus en plus que, comme ils n'ont pas les moyens nécessaires pour donner cette formation-là, on envoie ces jeunes-là à l'éducation publique régulière. Ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal que, s'ils croient à leur système qu'on ne leur donne pas les moyens de cette croyance-là. Alors, on pense que les gouvernements ont un rôle important à jouer, et Marcel va nous dire que c'est possible de donner cette fameuse formation qualifiante là et de donner des services de qualité aux jeunes autochtones.

M. Duplessis (Marcel): Merci. Ça fait déjà 20 ans que je travaille au Nunavik comme enseignant, puis, pour parler de l'enseignement comme tel puis de l'école, puis de la réalité, on a... Donc, effectivement, dans notre école, on mélange les trois cultures, je dirais. Il y a des anglophones, parce qu'il y a encore de l'enseignement en anglais; francophones, l'enseignement en français; puis la langue autochtone. Puis il ne faut pas la négliger non plus, puis elle est en développement toujours, en développement constant. Pour ça, c'est sûr qu'il faut des ressources pour à la fois former les enseignants qui vont enseigner la langue autochtone et puis, en même temps, s'assurer qu'on a les ressources financières nécessaires aussi pour mettre en place des tables de travail où les autochtones sont capables de bâtir leurs programmes, de bâtir les programmes d'histoire, les programmes de science puis aussi d'adapter l'enseignement en général à leur vision des choses, à leur culture. C'est toujours important d'en tenir compte.

n (14 h 20) n

J'ai remarqué aussi que ça prend essentiellement une mission claire pour l'école. Il faut savoir où est-ce qu'on veut amener les enfants plus tard puis il faut considérer, puisqu'on est au Québec, aussi que la poursuite des études va se faire probablement en français ou en anglais. Donc, il faut que ces deux langues-là cohabitent. C'est possible qu'elles cohabitent, parce que c'est ce qu'on voit à la Commission scolaire crie et à la commission scolaire Kativik. Et puis, pour s'assurer qu'on a une équipe-école qui fonctionne bien ensemble, c'est sûr que ça prend un bon leadership puis une bonne ouverture d'esprit, mais moi, ce que je peux vous dire, c'est que sur le terrain tout le monde a compris cette approche-là puis tout le monde travaille pour les enfants, puis c'est ça, la priorité qu'il ne faut pas oublier.

Je pense que l'éducation, finalement, quand tout le monde a bien compris son rôle, quand il y a les ressources nécessaires, autant matérielles qu'humaines... À ce moment-là, je pense qu'on est capable de vraiment avancer l'école, faire avancer l'éducation puis s'assurer que ça va donner de bons résultats.

Le Président (M. Lachance): Alors, ça va?

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup de votre présentation, mesdames, monsieur. Et, maintenant, je cède la parole à M. le ministre responsable des Affaires autochtones en lui signalant que certains de ses collègues à sa droite veulent aussi intervenir. M. le ministre.

Mme Richard (Monique): Vous allez être obligé de partager votre temps...

Le Président (M. Lachance): C'est bien ça.

M. Trudel: C'est comme en classe, ça, c'est un préavis. Merci, Mme Richard, de cette présentation. Et bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec et également au représentant et représentantes des syndicats de base en Nouveau-Québec et en région du Fer, et à votre conseillère également.

D'abord, non seulement vous souhaiter la bienvenue, mais vous remercier d'avoir pris ce temps de venir nous présenter les fondements de la vision de la Centrale des syndicats du Québec, des enseignants en particulier, et de nous amener, en quelque sorte, le résultat de consultations que vous faites avec vos commettants, en particulier ce que vous nous avez signalé au niveau de la région du Fer, mais également dans le Nouveau-Québec, parce que, en témoignant devant cette commission et en nous amenant ces témoignages des personnes terrains, non seulement ça nous amène de nouveaux éléments sur lesquels on doit fonder le travail à poursuivre, mais on sait tous que, dans notre société organisée, un certain nombre de groupes ont des voix parfois plus fortes que d'autres, et c'est important que nous ayons la vision des gens qui sont sur le terrain.

Est-ce que j'ai bien décodé, en lisant votre mémoire, lorsque, reconnaissant très ouvertement la responsabilité, la pleine responsabilité d'administration autochtone en territoire autochtone, il y a une certaine crainte d'arrimage entre les gouvernements locaux, par exemple, les gouvernements scolaires et même le gouvernement national du Québec à l'égard de cette capacité qui serait reconnue, de pleine et entière capacité, d'exercer la responsabilité administrative en Innu Assi? Est-ce que j'ai bien perçu les choses? Et, si oui, si tant est qu'il y ait des craintes, quelles seraient ces craintes, les principales que vous pouvez nous énoncer ici?

Mme Richard (Monique): Oui. Écoutez, je vais y aller, Mme de Sève pourra compléter. Pour nous, nous concevons que les gouvernements autochtones peuvent s'assumer, mais nous concevons en même temps qu'il faut qu'ils en aient les moyens et que ce n'est pas théorique d'en avoir les moyens. Il y a la question du financement, il y a la question aussi de la formation. Présentement, on se rend compte que, dans la réalité actuelle, quand on se préoccupe de formation des jeunes, d'accès à l'emploi, certains reviennent dans leur communauté et s'engagent dans cette communauté. Mais, c'est indissociable, l'autonomie, ça ne peut pas s'assumer sans moyens, sans connaissances et sans formation. Alors, bien sûr qu'on peut, en principe, concevoir que l'autonomie, c'est important, mais, si on ne donne pas les moyens d'assumer cette autonomie, si on ne donne pas aux jeunes, si on ne donne pas aux femmes, si on ne donne pas aux hommes qui sont là-bas la capacité de prendre la parole, d'être des déterminants dans l'organisation de leur société, on fait un voeu pieux finalement, parce que, finalement, ils n'en auront jamais les moyens. Et c'est pour ça qu'on a dit qu'on préférait un gouvernement d'ordre public, parce que c'est beaucoup plus large, à notre avis, en termes de capacité d'intervention, mais qu'on a misé aussi beaucoup sur l'éducation et la formation.

Moi, je pense que, si on constate les problèmes actuels de la société autochtone, comme on en a dans notre société... Mais, quand on considère le phénomène du décrochage, le phénomène de la violence, un certain nombre de déterminants sur la société autochtone, je pense qu'on doit aussi se dire que cette autonomie, pendant une certaine période de transition, va devoir être... Cette mise en place de l'autonomie ou de l'autodétermination va devoir être supportée par les différents gouvernements en termes de moyens financiers, en termes de ressources. Quand on se rend compte que, dans certains milieux, les jeunes sont prêts à aller dans une éducation postsecondaire, bien ça demande du financement, ça demande du soutien. Ça demande aussi le développement de l'emploi dans ces milieux-là, une certaine infrastructure au niveau du développement économique. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on n'a pas de réserves sur l'autonomie, mais ça ne peut pas se faire tout seul. Je demanderais à Nicole, peut-être, de compléter s'il y a des éléments...

Mme de Sève (Nicole): Bien, notre grande surprise, ça a été de voir qu'il n'en était pas fait mention plus qu'il faut, si ce n'est que vous reconnaissez qu'ils auront... L'entente de principe dit qu'ils auront l'ensemble de la capacité législative sur l'éducation primaire, secondaire, formation de la main-d'oeuvre, éducation des adultes, alors qu'on détaille sur bien, bien, bien d'autres questions. Notre prémisse, c'est de dire que le développement économique de cette région-là devrait être appréhendé aussi par l'éducation et la formation de la main-d'oeuvre et que ça mérite autant de regard.

Nous avons confiance, on vous l'a dit. À Betsiamites, il y a des choses extraordinaires qui se font. Nous vivons, depuis les années soixante-dix, l'expérience de la gestion autochtone dans le Nouveau-Québec. Mais il y a deux choses. C'est appréhendé dans l'entente du Nunavik, on est capable de voir quels seront les budgets. Donc, c'est aussi au jeu. Et ce que nous déplorons, c'est le fait que dans le document ce n'est pas appréhendé, ce n'est pas mis sur le même pied. Alors, c'est vous qu'on interpelle. On ne doute pas de la capacité des premières nations de pouvoir gérer leur système scolaire, on doute de la volonté de leur aider à pouvoir le faire dans les mesures... Et d'être patient sur le temps. On ne devient pas un administrateur public comme ça. C'est dans ce sens-là.

M. Trudel: Il y a une partie concernée qui doit vous entendre ici, parce que l'entente de principe et son application éventuelle en termes de rédaction et de convenir d'un traité va donc supposer la disparition du parking, de la réserve, enfin normalisée pour des individus, des hommes et des femmes. Mais, par ailleurs, ça, ça signifie aussi que les ressources canadiennes, dont c'est la responsabilité, devront également suivre. Ces ressources devront suivre les engagements, parce que la responsabilité, effectivement, elle suppose aussi les moyens.

Et, dans ce sens-là, le gouvernement canadien, dans la Constitution, en a encore la responsabilité, va devoir non seulement s'interroger, mais également trouver la réponse à la question des gouvernements publics, comme vous l'avez appelée, parce que la loi actuelle, Indian Act, ne prévoit pas le financement de services publics ouverts à d'autres que des membres reconnus de la nation autochtone, qui sont reconnus comme tels. Oui, il va falloir trouver une réponse à cela et que ce soit mentionné, parce que ce serait un peu facile de tout renvoyer en Innu Assi, y compris, donc, toutes les responsabilités, mais sans les ressources adéquates ou, encore pire, faire comme ça s'est fait dans beaucoup de cas, on reconnaît le territoire, les gouvernements, la capacité d'administration, puis on garde les taxes, puis on dit au Québec: Occupez-vous-en.

n (14 h 30) n

Mme Richard (Monique): Oui, mais, moi, je pense que le débat public actuel autour de cette question doit soulever ces questions-là. Et, quand on parle d'objectifs d'information et de sensibilisation de la population du Québec aux enjeux, à la situation et ce que vivent les populations autochtones actuellement, quand on dit qu'il faut ramener le débat de façon la plus simple possible sur le terrain, ça met aussi une pression politique. Et bien sûr que, dans notre mémoire, on interpelle les deux paliers de gouvernement. On sait la nature des responsabilités des uns et des autres. Mais je pense que, si on prend la peine, ici, de faire cette commission parlementaire, de discuter sur ce dossier qui nous interpelle tous comme citoyens et citoyennes du Québec, je pense que ça met aussi au jeu qu'on a des responsabilités partagées qu'on est capable de prendre chacun à notre niveau puis qu'on a à interpeller, bien sûr, le gouvernement fédéral sur ces questions-là, mais qu'il y ait ici, au niveau du gouvernement du Québec, des lignes claires à prendre aussi et que la société québécoise doit être mise à contribution.

M. Trudel: On va donc être appelés à discuter de fiscalité également, de fiscalité, parce qu'on ne peut pas être à deux gouvernements supérieurs dans la poche des citoyens et des citoyennes, des entreprises, des payeurs de taxes et impôts et qu'on nous transfère la responsabilité sans les ressources.

Mme Richard ? mes collègues ont des questions ? il y a quelque chose de paradoxal qui se glisse dans nos sociétés, en général, et j'aimerais bien entendre vos commentaires là-dessus. On parle d'éducation, d'importance de la responsabilisation, de la prise en charge, et pourtant il y a une croyance commune qui a été même répétée ici, qui a été énoncée: Ah! vous savez, les Indiens, ils n'ont qu'à se tourner de côté et tout leur est donné: l'argent, les ressources, ils ont tout ce qu'ils veulent obtenir. On croirait, ma foi, après les trois points de suspension, que la conclusion, ce serait: Il s'agit là de communautés, de nations qui finalement sont riches et qui, pour d'autres milieux, sont pleines comme des boudins.

Qu'est-ce qu'on fait, Mme Richard, avec ces préjugés, avec cette situation? Et je suis certain, j'imagine, que vous en êtes bien conscients. Comment se fait-il que ces préjugés se soient glissés, qu'ils persistent, qu'ils soient entretenus par certains segments de la société? Et, à votre avis, quels sont les meilleurs correctifs que nous pouvons engager en termes de société pour corriger?

Mme Richard (Monique): Avant de répondre, je vais permettre à Mme Cyr...

Mme Cyr (Thérèse): Je veux juste commencer la réponse, puis Mme Richard continuera. Quand on se fait dire ça chez nous, on répond aux membres directement: Veux-tu changer de place? Veux-tu aller vivre sur une réserve? Il n'y a personne qui lève la main.

M. Trudel: Gardez ça pour la fin de la journée.

Mme Cyr (Thérèse): Il n'y a personne qui lève la main. Mme Richard a répondu en partie dans le mémoire et durant son allocution sur le fait que, grâce à la réforme qui se passe présentement au secondaire, pourquoi pas utiliser... On refait le programme d'histoire au secondaire. On refait le programme de culture des religions. Pourquoi pas utiliser ça pour détruire ces fameux mythes-là, ces préjugés-là, pour commencer à les combattre? Parce qu'il y a eu une mauvaise éducation, là. Le jeune a appris, dès son jeune âge, en ouvrant son livre d'histoire: Ah! Il y a eu des massacres, c'est les Indiens qui ont fait les massacres. C'est la première image qu'il a eue des autochtones. Alors, il faut commencer à la détruire, cette image-là, faire en sorte aussi... Et le fait qu'ils ont été ? excusez l'expression ? parqués dans des réserves et qu'on ne leur a donné aucune chance de développement économique, on ne leur a donné aucun moyen de s'en sortir, alors là, pour les gens, ils sont gras durs, ils sont payés, c'est des gens sur le BS, ils ont tout gratuit, ils ne paient pas les médicaments, ils ne paient pas ci, ils ne paient pas ça. Alors, c'est ça.

Mais il va falloir revenir à l'éducation, revenir à la base avec les enfants, utiliser la réforme au secondaire pour faire en sorte qu'on éduque les jeunes d'aujourd'hui à la réalité autochtone. Puis là, inquiétez-vous pas, il n'y a personne qui voulait changer de place avec eux autres hier matin, et demain matin non plus. Mais il faudrait peut-être que... Dans 20 ans, quand on aura permis aux autochtones de se développer, peut-être qu'il y en a qui vont vouloir changer de place avec eux autres.

Mme Richard (Monique): Bien, j'ai peu de choses à ajouter, hein. Je pense que c'est très significatif. La bataille des préjugés, c'est toujours difficile, mais ça appartient à chacun des organismes de la société civile comme du gouvernement de prendre le relais là-dessus et de faire ce qu'il peut, et c'est dans ce sens-là que, à la fin de notre mémoire et de l'intervention que j'ai faite, on parle de l'engagement de la Centrale aussi.

Vous savez, on a amorcé notre consultation en début d'année sur ce débat-là et les premières rencontres que j'ai eues, moi, sur le terrain, avec des syndicats de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, je vous assure que je ne frise pas, mais je frisais presque quand je suis sortie de ces rencontres-là parce que c'était assez ardu, juste le fait que la Centrale vienne intervenir sur ces questions-là. Et on était sur le terrain, dans le milieu, et même il y a des syndicats qui ne nous ont pas permis d'aller dans leur assemblée de délégués parce qu'ils disaient: Vous allez vous faire ramasser là-dessus, vous allez vous faire dire que la Centrale n'a pas d'affaire là-dedans. Donnez-nous un encadrement de mémoire avant qu'on se mette au jeu sur ces débats-là. Et ça a été assez difficile, mais je pense qu'on a relevé le défi correctement et il faut continuer.

Il n'y a rien qui va se construire dans deux jours, il n'y a rien qui va se construire dans deux ans non plus. Et si on a besoin d'un peu plus de temps quant aux discussions ? M. Chevrette en a parlé des discussions sur le terrain au niveau régional ? si on a besoin d'un peu plus de temps, on prendra ce temps pour mener les choses à bon terme et que, de nation à nation, on se comprenne et qu'on construise quelque chose. La politique des petits pas, ça a toujours sa place, ça; le bulldozer, ce n'est jamais des résultats très significatifs. Et, moi, je pense qu'on doit aussi prendre notre temps pour faire un débat public et le faire sentir à la population.

Et la courroie de transmission des jeunes, c'est merveilleux. Dans nos écoles, on a, depuis une vingtaine d'années, à la CSQ, un projet sur l'environnement qui fait qu'il y a plus de 700 écoles maintenant qui sont des écoles qui parlent de protection de l'environnement chez les jeunes. Mais si on intègre cette dimension de la connaissance des peuples autochtones dans les cours d'histoire, dans les cours d'éducation à la citoyenneté, qu'est-ce qu'on est: on est de plus en plus des citoyens du monde. Est-ce qu'on ne pourrait pas être des citoyens du Québec avec les gens qui nous entourent et qui font partie de notre milieu de vie que sont ces gens autochtones qu'on côtoie? Alors, je pense qu'il y a une mission aussi en éducation qui est très importante à ce niveau-là.

M. Trudel: Je veux retourner nos hommages aux enseignants et aux enseignantes.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac et, ensuite, M. le député de Duplessis.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Richard, Mme Cyr, Mme de Sève, M. Duplessis. Je vais revenir au gouvernement autonome. Alors, vous parlez d'un gouvernement autonome, non pas ethnique mais public, pour protéger les intérêts évidemment de tout le monde. Ça implique aussi que, dans ce gouvernement-là, un gouvernement autochtone, il serait possible d'avoir des non-autochtones qui vont siéger s'ils habitent le territoire. Ça, je pense que ça va de soi.

Maintenant, pour les femmes, je veux revenir, pour les femmes, vous avez mentionné que l'entente de principe n'a pas de règles ou encore ne définit pas de principes. Puis je pense que c'est important que les femmes fassent partie d'un gouvernement d'ailleurs, qui vont aussi pouvoir être chef. Il n'y a pas de femme chef, je pense, dans les nations; ce serait important. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer, dans l'entente de principe, des mesures de discrimination positive pour que les femmes fassent partie de ces conseils-là?

Mme Richard (Monique): Bien, écoutez, je pense qu'il y a toute la... c'est un débat fort important: Est-ce qu'on doit avoir des mesures de discrimination positive? Est-ce que les peuples autochtones sont prêts à y aller?

Quand je disais, tout à l'heure, que c'est la politique des petits pas, je pense que, dans un premier temps, il y a la reconnaissance de la femme, de la place des femmes, de la capacité de la femme d'être au travail, d'être une intervenante, d'être à part entière dans le débat politique, dans le débat démocratique que vont amener les femmes, et je pense que, déjà, ça, c'est un bon bout de chemin.

Moi, je pense que, quand on entend un certain nombre de femmes autochtones prendre la parole, elles seront capables de prendre la parole quand on aura déterminé la nature du gouvernement et que les populations autochtones et que les hommes autochtones auront compris que c'est un pouvoir qu'on doit partager, et c'est un pouvoir qui a des règles, où il y a des devoirs et des responsabilités, et que les femmes comme les jeunes ont des droits à l'égard de l'obtention de places dans toute cette séquence ou cette mise en place de la démocratie. Et je pense que, dans ce sens-là... Est-ce qu'on en est à venir à des mesures proactives de cette nature? Je ne sais pas si c'est dans un premier temps qu'on peut aller jusque-là.

Et bien sûr, cependant, il faudrait qu'au moins, à l'intérieur de l'entente de principe ou des traités ou des discussions qui vont en découler, on voie au moins la présence des femmes, le rôle des femmes, l'importance de la place des femmes et l'importance de régler un certain nombre de problèmes sociaux qui touchent de façon prioritaire les femmes.

Tantôt, on disait: l'éducation n'est pas très présente dans ce qu'on lit actuellement; alors, forcément, la situation des femmes non plus. Et je pense qu'on a avantage à développer beaucoup ce créneau-là, leur donner la parole, faire en sorte qu'elles se sentent autorisées à prendre la parole et à dire les choses, et je pense qu'à ce moment-là, comme dans toute société, ça va faire son petit bonhomme de chemin. Et je peux vous dire que la CSQ peut aller faire des sessions de formation auprès des femmes, leur montrer comment ça se prend, le pouvoir. Ha, ha, ha!

M. Boulianne: Merci. On vous fait confiance!

Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, Mme Richard, je tiens à vous saluer, Mme Cyr et puis Mme de Sève et M. Duplessis. C'est sûr que moi, ayant eu l'occasion de travailler dans le monde syndical avec vos organisations, je suis à même de constater le rôle que vous jouez auprès de nos communautés, et j'apprécie doublement ce que vous nous avez dit tout à l'heure, que le processus doit passer par la négociation, et également, quand on parle de projets de société, que les syndicats s'impliquent. Moi, je pense que, tant que vous avez votre sécurité d'emploi, c'est important de continuer à donner ce que vous pensez.

n (14 h 40) n

Par contre, dans le mémoire, bien sûr, aux pages 17, 18, 19, vous soulevez une certaine problématique, soit la démarche qui soulève des inquiétudes. Et à ce stade-ci, je suis en train de me demander: Est-ce que vous avez pris connaissance du rapport qu'a déposé M. Chevrette par rapport aux 33 recommandations qu'il y fait? Et ça m'amène à vous pauser une toute petite question, parce que je sais que dans votre mémoire vous avez soulevé le fameux... En tout cas, poursuivre les négos, mais apporter des correctifs en cours de route, donner plus d'information à la population et, aussi, se donner le temps de négocier ? entre parenthèse, à un moment donné, vous parliez de deux ans ? et également la place ou la participation des femmes. Alors, est-ce que les recommandations de M. Chevrette couvrent une partie de ce que vous avez soulevé et est-ce que le gouvernement pourrait signer l'entente de principe avec ces correctifs-là?

Mme Richard (Monique): Je vais laisser la parole à Mme de Sève, parce qu'elle a suivi de plus près le travail de M. Chevrette et elle a pu avoir l'occasion de l'analyser.

Mme de Sève (Nicole): Nous avons été très clairs au début de la présentation du mémoire, nous n'avons pas adressé les questions territoriales, nous n'avons pas adressé les questions de redevances, donc vous ne pouvez pas nous demander si l'ensemble des recommandations de M. Chevrette répondraient. Toutefois, ce que nous reconnaissons, c'est que, et c'est au coeur de son argumentaire, la création, pour les ententes complémentaires, notamment, la création de tables de travail, de tables régionales où un ensemble de partenaires pourraient être assis, ce serait important que ce ne soit pas fait que sur le bois debout ou que sur la trappe, etc., mais que ce soit fait aussi sur les enjeux sociaux.

Et c'est dans ce sens-là où, oui, nous pourrions souscrire à un travail qui serait fait pour justement aider les communautés à mettre en branle l'ensemble des mécanismes institutionnels qui visent à la fois l'administration des services d'éducation et l'administration des services sociaux, des services de santé et même, en même temps, aussi, l'harmonisation des législations de la famille, etc. Parce que, au-delà de ça, comme Monique l'a dit très bien, c'est toute la question de l'égalité entre les sexes et c'est toute la notion d'égalité des chances. Donc, c'est une avenue intéressante.

Nous, ce sur lequel nous avions à travailler, c'était sur l'entente de principe. Notre mémoire a été rédigé après le dépôt. Toutefois, nous considérons que son approche, qui ne vise pas à retarder indûment, mais qui dit: Sur certains enjeux, il faut peut-être donner des assurances, il faut peut-être baliser, mais ce n'est pas un chèque pour retarder de cinq et de 10 ans ? là, je pense que la patience a eu sa limite ? mais de peut-être régler des questions et de faire cheminer les milieux.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Duguay: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à Mme Richard et aux représentant de la Centrale des syndicats du Québec. Et merci beaucoup pour le mémoire. J'ai lu l'annexe et j'ai vu que ce n'est pas uniquement les politiciens qui ont des problèmes avec le vocabulaire. Mais quand je lis «les Esquimaux» et «les enseignants blancs», malgré le fait que, j'imagine, l'ensemble de vos enseignants blancs, ils ne le sont pas. On a toujours du travail à faire pour trouver les expressions, les mots justes et, à travers les 30 ans d'histoire qu'on voit en annexe, avec le mémoire, c'est rassurant de voir que ce n'est pas uniquement des élus qui ont des problèmes à trouver le mot juste dans ce contexte.

Je veux revenir sur la question du taux d'échecs, parce qu'on a eu l'occasion de visiter Chisasibi, récemment, une grande école, commission scolaire qui est là depuis une trentaine d'années à cause de la Convention de la Baie James, mais nous avons rencontré le chef, Abraham Rupert, et, sur une population d'environ 1 000 élèves, il n'y en a que 12 au secondaire V, cette année. Et le chef était très inquiet. Alors, je comprends fort bien les questions des ressources. Mais avant tout, le chef a insisté beaucoup que les jeunes ne voient pas la nécessité ou le... Qu'est-ce que ça va me donner d'aller à l'école?

Alors, on est vraiment aux questions beaucoup plus existentielles que le nombre d'étudiants par prof et les choses comme ça, qui sont importantes aussi. Mais comment s'attaquer à ce problème de base, que les jeunes autochtones ne voient pas... ça ne donne rien. Et Chisasibi, avec, je pense, une population de 3 500 autochtones, de n'avoir que le potentiel de 12 qui pourraient aller à John Abbott ou aller dans les autres cégeps après pour continuer leur formation, pour devenir les enseignants de demain, pour devenir les infirmières de demain, et tous les autres besoins criants dans ces communautés. Mais comment est-ce qu'on peut ? au-delà des autres questions, puis je comprends leur importance ? mais comment est-ce qu'on peut s'attaquer à cette question de base? Ça vaut quoi pour les jeunes Cris ou les jeunes autochtones d'aujourd'hui? Je ne veux pas cibler Chisasibi, je donne ça comme un exemple parmi d'autres. Mais comment est-ce qu'on peut les encourager de travailler pour améliorer la situation?

Mme Richard (Monique): Je vais donner la parole à Marcel, puis je reviendrai ensuite.

M. Duplessis (Marcel): Oui, parce que Chisasibi, c'est sur notre territoire. C'est vrai, le taux de réussite de ceux qui finissent le secondaire V, c'est très alarmant, et puis on essaie toujours de faire des efforts dans les classes pour améliorer ce taux-là. Puis effectivement, des fois, c'est question de ressources.

Mais aussi, on a parlé un petit peu plus tôt là-dessus, les réserves, par exemple, quand on disait: Bon, les autochtones ont déjà tout cuit dans la bouche, alors à quoi bon faire des efforts? C'est peut-être ce principe-là où peut-être les Innus peuvent avoir une longueur d'avance, c'est peut-être justement par le fait que c'est la réserve qu'on fait disparaître.

Mais là, par exemple, si on veut vraiment que le peuple autochtone puisse vraiment assumer une pleine autonomie, il va falloir qu'il forme ses médecins, ses enseignants, et puis qu'il forme sa propre éducation. C'est peut-être là que ça va prendre tout son sens à un moment donné. Nous, les non-autochtones qui se sont déplacés pour aller travailler au nord puis essayer d'enseigner dans ces écoles-là, ce qu'on essaie d'apporter, c'est la petite contribution qui fait qu'à un moment donné ce peuple-là va être capable, effectivement, de se prendre en main.

En passant, je souhaite qu'un jour ce soit un autochtone qui ait mon poste de président au syndicat, ça va arriver inévitablement. De plus en plus, les autochtones s'insèrent dans les structures, mais ça se fait tranquillement, il faut être persévérant, il faut une bonne communication dans l'école. Puis je pense que l'éducation, c'est ça qu'on a comme mission principale: s'assurer que les gens sont capables, que les élèves vont finalement être capables de terminer le secondaire V comme première étape, puis après ça poursuivre des études. C'est pour ça que l'importance puis la mission de l'école doivent être extrêmement claires puis doivent cibler aussi ces objectifs-là.

M. Richard (Monique): Mais, moi, je pense, aussi, en complément à cela, que l'espoir, ce n'est pas un vain mot. Et quand, au niveau des jeunes autochtones, ils sentiront qu'ils sont capables d'avoir un vrai gouvernement qui va gérer selon leur intérêt mais qui leur donne en même temps des perspectives au niveau d'un développement économique, parce que les deux autres gouvernements travaillent ensemble à leur donner des moyens...

Et tantôt, tout à l'heure, je parlais d'une période de transition en termes d'appui et tout ça. Et moi, je pense que, un, le développement économique, c'est une clé en termes de perspective; deux, qu'ils aient un gouvernement autonome qui leur donne de l'espoir pour prendre en main leurs institutions et qu'ils sentent qu'ils peuvent être partie prenante de la mise en place de ces institutions, de ces services, que ce soit en éducation, en santé ou en services sociaux; et aussi, l'élément de formation ou de sensibilisation des familles au fait que, pour les jeunes, c'est important, la formation, il y a des démarches de formation professionnelle qui sont possibles parce qu'on leur offrirait le soutien financier pour avoir accès à ces séquences de formation qui leur permettent par la suite d'avoir un emploi.

Mais ça, c'est un peu une roue: Est-ce qu'on commence par l'entreprise ou si on commence par la formation? Il faut commencer par les deux, il faut établir déjà un développement économique dans le milieu qui, à un moment donné, de façon de plus en plus importante, va être géré par les autochtones en termes de main-d'oeuvre, en termes de direction. Et je pense que c'est ces perspectives-là, ce n'est pas théorique, ça demande des moyens immédiats, et je pense que c'est ça le défi qu'on a pour donner aux jeunes le goût d'étudier, le goût de connaître, et leur goût d'étudier en tenant compte de ce qu'ils sont, de leurs traditions, de leur culture, mais en même temps en ne les cloisonnant pas, mais en leur donnant aussi une formation qualifiante qui leur permet d'avoir des perspectives au niveau de l'emploi et qui leur permet de suivre des études complémentaires au Québec, mais en même temps en sachant qu'il y a des alternatives chez eux, et pas de leur donner le moyen de sortir de leur région sans jamais avoir la possibilité d'y revenir. Alors, je pense que ça demande aux différents intervenants de mettre tout le monde l'épaule à la roue pour créer cet espoir.

n (14 h 50) n

M. Kelley: Et, si je peux ajouter à ça, peut-être mettre en évidence les «success stories», les réussites. Je pense, entre autres, qu'on va écouter le Dr Stanley Volant, qui... S'il y a un genre de modèle qu'on peut encourager, ce sont des personnes comme ça. Et je comprends aussi M. Duplessis quand il a dit qu'il aimerait être remplacé un jour. Moi, la présidente de la commission scolaire Kativik est résidente de mon comté dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et, un jour, elle aimerait voir le siège social de sa commission scolaire sur le territoire où il y a ces écoles. Et je trouve une certaine logique à la demande que j'ai formulée auprès du collègue du ministre, sans succès pour le moment.

Deuxième question. C'est toute la question, le ministre l'a évoquée, des préjugés dans notre société. Et, oui, je comprends qu'on peut attendre toujours une réforme du régime pédagogique, et tout ça, mais je veux juste mettre en évidence l'exemple d'un de vos membres, Mme Cathy Sheppard, qui est une enseignante dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qui a enseigné cinq ans, de mémoire, à Ivujivik, au Grand Nord du Québec. Alors, dans l'école dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, à chaque année, c'est transformé en lieu inuit. Alors, elle n'a pas besoin d'attendre un changement au régime pédagogique, elle n'a pas besoin de toutes les autres choses pour s'attaquer à cette question de mieux connaître. On sait toujours que le régime pédagogique est un minimum, mais ce n'est pas vu comme un empêchement.

Et, je ne sais pas, à l'intérieur de vos outils de communication, est-ce qu'il y a un moyen de... quand il y a des bons exemples ? parce que je suis sûr qu'il y en a plusieurs qui sont comme ça ? que les classes qui ont fait des expériences innovatrices pour mieux connaître la réalité autochtone au Québec... Est-ce que, peut-être, vous autres aussi pouvez mettre ça plus en évidence, des autres genres de «success story» où on a vraiment réussi à mettre en évidence un échange interculturel? Alors, peut-être qu'un enseignant à Val-d'Or va regarder ça et dire: Oh! Ce qu'ils ont fait à Baie-Comeau, c'est fort intéressant, peut-être qu'on peut faire la même chose chez nous.

Alors, je ne sais pas, c'est un genre de suggestion... mais je sais que mes enfants ont toujours aimé ça, le mois inuit à l'école primaire où on a vu les inuksuks, on a vu toutes sortes de choses, et un petit peu du Grand Nord québécois est venu dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Et j'imagine qu'il y a d'autres exemples comme ça. Mais peut-être une suggestion de mettre ça en évidence parce que je trouve... On peut attendre longtemps pour le changement de réforme pédagogique et ça vaut qu'est-ce que ça vaut. C'est vraiment des choses pratico-pratiques qui, je pense, sont porteuses d'espoir pour l'avenir.

Mme Richard (Monique): Vous avez raison de soulever ça. Tout à l'heure, je vous parlais des écoles vertes Brundtland. Ça s'est fait extérieur au programme pédagogique, et les enseignants ont pris... le personnel professionnel et le personnel de soutien ont pris sur eux d'impulser ça dans les écoles et de changer un peu l'approche des jeunes. Donc, moi, je pense que, effectivement, de plus en plus, dans les milieux scolaires, ces questions-là sont traitées. Moi, j'ai eu l'occasion l'an dernier d'aller dans une école à Montréal où toute l'école était sur la thématique des autochtones et où ils sont allés faire du traîneau à chiens, ils sont allés faire plein d'activités, quand c'était accessible bien sûr. Mais il y a eu des vidéos, il y a eu des volumes. On a fait d'ailleurs la publicité dans notre outil d'information, qui est Nouvelles CSQ, pour faire connaître ce programme-là à bon nombre d'enseignants.

Et, quand je disais, en conclusion de mon intervention, qu'on se sentait une responsabilité d'information et de sensibilisation, bien sûr que ce que vous soulevez comme moyens, c'est d'intérêt. Et, à l'intérieur d'un certain nombre de projets éducatifs, quand on parle de valeurs de respect, quand on parle de valeurs de solidarité, bien, je pense qu'il y a là un outil ou un thème très important. Moi, j'ai enseigné il y a un certain nombre d'années, mais où cette question-là revenait aussi dans mes classes. Et c'est vrai que ça éveille les jeunes, ça les intéresse beaucoup. C'est un monde qui est souvent méconnu sauf, souvent, par la télévision qui présente des drames. Alors, essayons de leur donner une autre vision des choses, utilisons les outils qui sont possibles. Moi, je pense qu'il y en a beaucoup qui le font. Et bien sûr que, quand on prend un engagement de continuer la sensibilisation et l'information, ce que vous suggérez est très intéressant.

M. Kelley: Peut-être une dernière question. Vous êtes dans le métier des négociations, et je cherche ici d'arrimer entre... Je comprends votre message de deux ans, il ne faut pas fixer ça comme obstacle, qu'il faut prendre le temps qu'il faut pour y arriver. Beaucoup d'autres groupes ont dit qu'il faut avoir des tables sectorielles, des tables pour mieux impliquer la population, et je pense que tout le monde est d'accord que le processus, à date, manquait d'information. Mais, par contre, il y a une obligation de résultat; 23 ans après, de prendre un autre 23 années pour régler tout ça, ce n'est pas souhaitable aussi.

Alors, je ne sais pas si vous avez des conseils à formuler entre prendre le temps qu'il faut et bien impliquer le monde, mais il faut une structure efficace qui nous donne une chance d'un résultat un jour. Parce que, si je mets 350 personnes autour de la table, je pense que c'est voué à l'échec d'avance. Alors, je ne sais pas, l'équilibre entre les deux, si vous avez, avec votre expérience en négociation, des suggestions?

Mme Richard (Monique): ...les tables, il ne faut pas... Nous autres, on dit souvent qu'un comité, ça prend un cheval pour en faire un chameau, ce n'est pas ça l'objectif. L'objectif, c'est vraiment de mettre au jeu un certain nombre de propositions et d'hypothèses qui vont permettre le débat. On ne peut pas réunir des gens autour d'une table sans essayer de mettre au jeu un certain nombre d'orientations, sinon tout le monde va y aller de sa bonne idée, et dans 20 ans on en parlera encore. Moi, je pense qu'il est important de mettre au jeu des hypothèses, de mettre au jeu des incontournables.

Je pense qu'il y a un message politique qui doit être sous-jacent à la mise en place de temps de discussion au niveau régional ou sectoriel ou peu importe, il y a un message politique qui doit dire: On veut atteindre l'objectif d'un gouvernement qui va se prendre en main, on veut avoir des services de telle nature, on veut que les autochtones soient présents, on veut, on veut, on veut. Et pour ça, maintenant, comment on peut travailler ensemble pour mettre ça? Et là je pense que ça va donner une espèce de base à la discussion qui va éviter de partir tout ça dans toutes les directions possibles sans qu'on puisse ramasser ça pour avoir des résultats concrets.

Mais nous, c'est vraiment très clair, ces tables de discussion là, elles ont, comme vous dites, une obligation de résultat. On ne peut pas repartir sur un traîneau qui va nous amener encore pendant 20 ans, on ne sait pas où, à tous vents. Je pense qu'il y a des réponses à donner à ces gens-là, il y a une obligation de responsabilisation de la part de la société québécoise, et il faut faire ça avec des propositions, avec des orientations qui vont baliser les discussions pour ne pas que ça parte...

Et, en énonçant une volonté politique, le gouvernement ne fait pas cette commission parlementaire pour dire: Bien, on repart en discussion. Je pense que le gouvernement va devoir donner une piste, une track à ces discussions-là pour qu'on trouve ensemble les meilleurs moyens d'atteindre les objectifs.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, mesdames, messieurs. Moi, je voudrais qu'on revienne à la question de l'autonomie gouvernementale dont vous avez parlé, et vous avez attiré mon attention en disant que, manifestement, les discussions... les intervenants qui sont venus en commission n'ont pas été assez préoccupés par le fait qu'un gouvernement sur l'Innu Assi, un État, un gouvernement autonome sur l'Innu Assi ne respecterait peut-être pas assez les droits de certains et de certaines.

Moi, j'ai de la misère à vous comprendre. Est-ce que je dois comprendre que vous souhaiteriez, avant de conclure un traité final, que le gouvernement du Québec et du Canada, avec les communautés et le peuple innus, on s'entende sur comment devrait fonctionner leur gouvernement? Est-ce que le fait qu'ils sont assujettis aux déclarations des droits de la Charte canadienne ou de la Charte québécoise n'est pas suffisant, à votre avis, pour faire en sorte que, quelle que soit l'autorité gouvernementale des Innus, les droits des femmes autochtones, des Québécois qui vivront sur l'Innu Assi soient respectés?

Mme de Sève (Nicole): Comme vous avez pu lire dans le mémoire, nous ne nous sommes pas placés en mode de proposition parce que, quand nous lisons l'entente de principe, ce n'est pas clair, et c'est ça qui nous pose... Alors, ce que nous soulevons, c'est cet ensemble de questions. Si on dit que le territoire devient... il n'est plus un territoire fédéral, mais un territoire Innu Assi, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que le conseil de bande est encore celui qui décide notamment qu'une autochtone qui marie un Blanc perd quand même ses droits? Il y a un ensemble de questions qui ne sont pas soulevées, qui ne sont pas dites. Si vous vous souvenez, dans le rapport de M. Chevrette, il la soulève aussi, la question.

n (15 heures) n

Dans l'élargissement, parce que ce n'est pas juste la petite réserve d'aujourd'hui, dans l'élargissement, il y a des gens qui habitent. Ces gens-là, lorsque le système de fiscalité sera organisé sur le territoire, quels sont leurs statuts? Comment ils se gèrent? Si, nous... il y a des gens qui veulent aller travailler soit dans les organismes communautaires, dans les entreprises qui sont créées ou à la commission scolaire, si ça prend le nom d'une commission scolaire, parce qu'il y aura... et qui habitent... Comment se fait cette cohabitation-là?

Nous ne disons pas que le traité doit tout définir, nous soulevons un ensemble de questions qui n'ont pas été adressées à cette commission depuis le début. J'ai à peu près écouté tous les jours, je n'ai pas beaucoup entendu ces questions-là. Peut-être que c'est présumé, mais nous vous portons à votre attention, comme parlementaires, qu'il y a quand même des questions à régler. Et, comme le disait Mme Richard, ces questions-là n'ont pas besoin de 20 ans pour se régler. Elles ne sont pas là, mais peut-être que, d'ici un an, on pourrait avoir trouvé un mécanisme, de dire: Les personnes qui vivent sur le territoire, qui paient des taxes auraient le droit, disons, de voter à l'assemblée, ils peuvent avoir tels rapports. C'est dans ce sens-là. Et ça, on ne le sait pas, alors que c'est beaucoup plus clair dans l'entente du Nunavik et c'est même écrit d'ailleurs dans la proposition que toutes les personnes qui vont vivre sur le territoire du Nunavik auront le droit de voter et qu'elles auront le droit de participer à la gestion démocratique.

Donc, pourquoi deux solutions? Est-ce que c'est parce que c'est par petits groupes que ce n'est pas possible, parce que ce n'est pas toutes les bandes qui sont couvertes? Tout ce qu'on vous pose, ce sont ces questions qui nous sont importantes. Et, même dans le texte, à un moment donné, oui, le traité va prévoir, mais sous réserve des dispositions du traité, les lois canadiennes, les lois québécoises, bien, sous réserve de ce qui suit. Bien, ça fait un peu compliqué. Et donc, on n'est pas tombé dans le langage juridique, on vous l'a dit, on vous pose des questions politiques qu'il faut régler pour sécuriser et éviter les préjugés dans le milieu aussi.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, Mmes Richard, de Sève, Cyr et M. Duplessis, merci pour votre présentation ici au nom de la Centrale des syndicats du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, s'il vous plaît, la commission reprend ses travaux. Alors, bienvenue au Conseil régional de la FTQ Saguenay?Lac-Saint-Jean, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec pour ce... présentation du mémoire. Alors, M. Henri Massé, président de la FTQ, bienvenue. Alors, vous avez à nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 30 minutes pour présenter votre mémoire. Merci beaucoup.

Conseils régionaux FTQ
Saguenay
? Lac-Saint-Jean et
Haut du Lac St-Jean-Chibougamau
? Chapais,
et Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): À ma droite, j'ai Michel Routhier, qui est le président du Conseil du travail du haut du Lac. C'est de même?

Une voix: Haut du Lac, Chibougamau...

M. Massé (Henri): Haut du Lac, Chibougamau...

Une voix: ...Chapais.

M. Massé (Henri): ...Chapais. Et Mishell Potvin, qui est le président du Conseil du travail, Saguenay?Lac-Saint-Jean; Dominique Savoie, qui est du Service de la recherche de la FTQ; Clément L'Heureux, qui est le directeur du Syndicat canadien de l'énergie et du papier au Québec et vice-président de la FTQ.

Je voudrais d'abord vous remercier, remercier les membres de la commission de nous donner l'opportunité de nous présenter sur un enjeu qu'on trouve extrêmement important. On n'a pas eu grand temps pour se préparer, mais on trouve que c'est un des sujets de la plus haute importance. On pense qu'on est en train de vivre au Québec un test de maturité, et, à la FTQ, je peux vous dire clairement qu'on est décidé de passer à travers ce test-là. Quand je dis test de maturité, c'est... On sort des questions folkloriques. À peu près tout le monde sans exception, au Québec, quand c'est le temps d'appuyer les autochtones... Tout le monde dit oui, mais, quand ça nous touche le moindrement, bien là on soulève toutes sortes de tollés. Et, à la FTQ, nous, on pense qu'il faut que ça se passe dans un débat quand même... dans un contexte ou un climat serein puis on est capable d'aborder les vraies affaires même quand c'est difficile.

Je voudrais d'abord vous dire qu'à la FTQ il y a déjà un bon moment qu'on se préoccupe de nos rapports entre les autochtones et les non-autochtones. Lors de la crise mohawk à Montréal, on avait réclamé une commission d'enquête publique pas juste pour voir ce qui s'était passé, mais voir comment on pouvait améliorer nos rapports pour l'avenir et éviter ces genres de situation là qui ont déchiré le Québec. Nos syndicats de la construction, de l'Hydro, des forêts, des mines, travaillent de temps à autre avec les groupes autochtones sur toutes les questions qui entourent l'emploi, ce qui n'est pas toujours facile. On a des ententes là-dessus.

Et, lors de notre congrès en 1998, on avait invité Roméo Saganash à notre congrès. Il faut se rappeler qu'à ce moment-là, dans plusieurs régions du Québec, Côte-Nord, Bas-du-Fleuve, l'Abitibi, le feu était pris dans bien des coins, ça tournait surtout autour des grands conflits dans la forêt, et il y en a plusieurs qui m'avaient dit: Oui, mais n'invite pas Roméo Saganash au congrès, parce qu'il ne finira pas le congrès, il ne sera pas capable de parler. Et on avait dit à la FTQ: On est habitué de discuter de choses difficiles puis on va le faire avec lui. Et je peux vous dire qu'il est sorti du congrès après avoir été applaudi à tout rompre et avec une déclaration de politique sur des intentions de partenariat entre la FTQ et les premières nations, et on pense que c'est la voie de travailler.

Bon, tout dernièrement, on a été invité... On sait, là, il y en a plusieurs qui en ont parlé, les négociations sont menées en secret, il n'y a pas grand monde qui le savait, mais on a été invité par des groupes, principalement qui étaient anti cette entente-là pour nous présenter des pétitions, puis des pétitions qui étaient assez drastiques contre toute concession, toute négociation avec la nations autochtones, et on n'a pas plongé là-dedans. On a décidé de réclamer plus d'information, d'abord, du gouvernement du Québec, essayer de voir clair. Je pense qu'il faut d'abord voir clair avant de s'embarquer dans des affaires semblables. On a rencontré l'émissaire, M. Guy Chevrette, puis on l'a rencontré au niveau du bureau de la FTQ, du conseil général, il est allé... On a organisé des rencontres avec les exécutifs de nos syndicats qui sont touchés dans les principales régions, et il est allé les rencontrer pour mener le débat avec eux. Puis tout cela, on l'a fait puis on va continuer à le faire. Nous, on pense qu'il faut travailler ensemble pour assurer le développement socioéconomique de nos régions puis de nos communautés respectives. Ça ne peut pas se faire autrement.

n (15 h 10) n

Et, la semaine passée, j'étais avec Clément L'Heureux, on a rencontré un groupe d'autochtones, c'est le Conseil des Montagnais de Natashquan, qui sont venus nous rencontrer à la FTQ et le Fonds de solidarité pour discuter d'un projet de scierie puis de développement d'emplois autour de ça, deuxième puis troisième transformations. Et j'ai été très heureux de cette rencontre-là parce qu'ils avaient invité avec eux le chef Richard Malec, ils avaient invité le maire de Natashquan puis ils avaient invité le maire de Baie-Johan-Beetz, et ça a été une soirée fort agréable où j'ai vu que c'est facile... ce n'est pas facile partout, mais qu'il y avait un dialogue dans cette communauté-là, puis ce n'était pas de dire: Les autochtones vont ramasser le morceau, puis les Blancs sont contre le morceau. On a travaillé ensemble, puis je voyais qu'il y avait un vieux dialogue qui a été établi depuis quelques années puis qu'ils sont capables de travailler sur des projets communs, parce que le problème, autant au niveau de Natashquan, au niveau de la communauté montagnaise, c'est la fuite des jeunes qui s'en vont parce qu'ils n'ont pas d'ouvrage en région. Même problème, puis le problème est 10 fois pire chez les Montagnais parce que la population en bas de 25 ans est 10 fois plus importante que dans le reste de la communauté. Et ils sont en train de travailler ensemble, puis on va collaborer avec eux autres.

Je pense qu'on est capable de faire ça ailleurs au Québec. Sans verser dans l'angélisme, là, parce qu'on sait qu'il y a du travail à faire. Nous autres, on le dit sans ambages, il y a certains de nos membres, par exemple, qui craignent de perdre des acquis quant à l'accès aux territoires, à la chasse ou à la pêche. La FTQ, on est dans tous les milieux, beaucoup de cols bleus, beaucoup de chasseurs, de pêcheurs, et ça, ça les préoccupe. Il y en a d'autres qui, tout en souhaitant que les autochtones aient accès véritablement au développement économique, bien ils craignent pour leur propre emploi. Autour de la question des mines, autour de la question des forêts, ces craintes-là sont là, puis on ne peut pas passer à côté, on ne peut pas passer outre.

Et, dans le mémoire, ce qu'on vous dit, il y a trois choses. Une première chose qui est très importante pour nous, on pense qu'il vaut mieux négocier que de passer notre temps devant les cours sur ce sujet-là. Nous autres, la négociation, à la FTQ puis dans nos syndicats, on est à l'aise, c'est notre terrain, ça. On est des négociateurs. Et c'est clair que c'est mieux de négocier que d'avoir recours aux tribunaux. D'abord, les tribunaux, là, ils ont indiqué clairement dans la plupart des causes... clairement qu'il fallait négocier. Et, on ne dit pas que ce n'est pas important, c'est important de connaître l'état du droit dans cette affaire, très important. Mais, en même temps, nous autres, on pense qu'il faut éviter d'en faire un véritable débat, uniquement un débat de droit. Il faut déborder de ce débat-là, il vaut mieux négocier. Et ce qui doit motiver la négociation, c'est la clarification des droits et des responsabilités de chacune des parties, parce que c'est le meilleur moyen de combattre des préjugés qui ont pris notamment racine dans l'incohérence des pratiques actuelles.

Par exemple, les tribunaux ont donné aux autochtones un droit de pêche et de chasse à des fins de subsistance. Quand certains autochtones débordent de ce droit sans être pénalisés, alors que les non-autochtones se voient mis à l'amende, les tensions sont grandes. Lorsque les droits des uns et des autres seront clarifiés, harmonisés et surtout appliqués avec cohérence, on est convaincu que les tensions devraient diminuer. Il faut cependant s'assurer que les moyens nécessaires pour une application cohérente des droits existeront partout sur le territoire. Ça prend des moyens pour y arriver.

Il y a un dernier point qu'on veut soulever à la FTQ sur toute la question du débat juridique autour de ça, là. Nous, on se bat constamment au niveau de la santé et sécurité au travail, Commission des relations de travail pour déjudiciariser tout le processus de relations de travail pour arrêter d'engloutir des millions là-dedans puis se paralyser pendant des mois, parce que, quand on est en cour pendant des mois, on ne se parle pas, puis on ne discute pas, puis ça n'avance pas. Nous, ça nous... J'ai discuté, moi, avec plusieurs chefs autochtones, ça nous chatouille de voir les centaines puis les centaines de millions qui ont été mis en débats juridiques autant de la part des deux communautés puis qui auraient pu faire avancer la cause des communautés beaucoup plus que dépenser ça en frais de cour. Il y a des centaines de millions là-dedans.

Le deuxième point qu'on veut vous soulever, il y en a plusieurs qui l'ont soulevé dans cette commission, c'est qu'on pense qu'il vaut mieux consulter. Le problème qu'on a à l'heure actuelle est probablement la montée aux barricades de certains groupes. Je ne peux pas dire que c'est complètement irresponsable. Il y a eu un manque flagrant d'information dans tout ce débat-là. Et toute entente, aussi valable qu'elle soit sur le plan juridique, ça ne peut pas être implanté avec succès si les autochtones ou les non-autochtones ont l'impression qu'elle ne correspond pas à leurs besoins et à leur réalité. Ça fait qu'il faut qu'il y ait de l'information puis que ça circule, puis que tout le monde soit au courant de ce qui se passe. Il faut éviter les négociations secrètes.

Et puis, quand on dit ça, là, nous autres, on ne dit pas que tout le monde devrait être à la table de négociations. Nous, quand on négocie, il y a un comité de négociations, les membres ne sont pas à table. Sauf qu'il y a un aller-retour, puis, quand on veut rencontrer notre monde qui sont plus spécialisés en santé et sécurité, bien on va les rencontrer puis, ensuite, on rencontre d'autres membres qui ont un problème en particulier, les gens de métier, les gens de bureau. Souvent, nos unités sont très larges, il faut trouver des moyens pour aller voir l'ensemble de notre monde. Et, on pense que c'est le même principe, la négociation devrait demeurer, moi, je pense, de gouvernement à gouvernement, mais que les différents groupes soient mieux informés, et pour l'ensemble du Québec, mais plus particulièrement dans les régions qui sont les plus touchées. On pense que ces populations-là... C'est un problème pour l'ensemble des Québécois et Québécoises, mais les régions qui sont principalement touchées, ça devient encore doublement leur problème. Donc, il faut que la consultation soit menée encore de façon plus précise, plus importante dans ces cas-là.

À date, on le sait, il y a juste les élus municipaux qui ont été consultés, puis ils avaient hâte de ne pas en parler. On n'a rien contre les élus municipaux, il y avait des questions de territoire là-dedans, c'est leur place. Mais, quand on parle de la question des ressources, par exemple, notre monde sont là-dedans, nous autres. On veut être consulté sur ces questions-là, qu'est-ce qui va arriver, qu'est-ce qui va arriver avec nos emplois, qu'est-ce que va arriver avec les emplois des autres. Quand c'est la question des droits du travail, on veut être consultés aussi. Quand c'est la question du développement socioéconomique et des organismes dans les régions, les CRD, il y a toutes sortes d'organismes de développement socioéconomique qui peuvent être consultés. La question des loisirs, bon... Et on pense qu'il y a de la place pour consulter tout le monde là-dedans, ce qui n'a pas été fait.

Troisième élément qu'on veut vous soulever, nous, ce qu'on comprend de cette entente-là, c'est que ça met la table clairement pour des négociations futures. Il ne s'agit pas d'une entente définitive, coulée dans le béton, qu'on ne pourrait pas du tout influencer, et donc il reste des points importants. La question, par exemple, de la délimitation territoriale, on sait qu'à des places il y a des enclaves, puis tout ça, puis ça amène des problèmes. Ça mérite encore d'être discuté, parce qu'il y a beaucoup de méfiance et d'incompréhension autour de ça.

Il y a neuf nations innues, on en voit quatre à la table de négociations. Il y en a cinq qui ne sont pas là, on nous dit qu'il y en a deux qui s'en viennent. Et, nous, on ne veut pas réclamer une négociation globale pour tout le monde tout de suite, parce qu'on sait que ça bloquerait le processus des négociations puis probablement qu'on retournerait ça aux calendes grecques, mais, en même temps, on pense que le gouvernement devrait se donner un cadre général assez clair, assez net que, lorsqu'on entreprendra puis on terminera la négociation avec ces nations-là, ces communautés innues là, bien que le cadre général serve aux autres. Il ne faut pas s'enligner dans une question de surenchère et de débordement où on ne sera plus capable de fermer le dossier, il faut que les orientations soient nettes. C'est avec les nations innues, les communautés innues, mais il y a d'autres nations aussi qui sont en négociation qui vont venir dans d'autres domaines, il faut que le gouvernement du Québec montre ses couleurs pour l'avenir. Et, encore une fois, nous, on ne veut pas bloquer le processus, mais qu'on mette ça clairement sur la table.

Et le développement socioéconomique des communautés innues, mais aussi des communautés non autochtones qui les côtoient constitue un des fondements des présentes négociations. C'est pourquoi plusieurs s'inquiètent des effets d'une concurrence déloyale qui pourrait se développer si les communautés décidaient de ne pas mettre à profit leur nouveau pouvoir de taxation ou de le définir d'une façon telle que leur système de taxation serait très différent de celui qui s'applique en dehors du Innu Assi. Cette crainte est d'autant plus forte que l'exemption de taxation des autochtones est une des caractéristiques du système actuel qui alimentent le plus les préjugés. Bien sûr, l'entente de principe prévoit que le régime fiscal innu sera harmonisé afin d'accroître l'autonomie financière des premières nations, mais il faudra bien informer la population afin d'apaiser les craintes.

Enfin, nous voulons saluer le fait que les lois d'application générale canadiennes et québécoises, y compris les chartes des droits, s'appliqueront aussi sur le territoire, mais nous croyons que d'autres droits fondamentaux devraient ainsi être protégés, notamment tous les aspects du droit du travail. Le document de réflexion nous mentionne la sécurité au travail comme étant un domaine où les lois innues devront respecter les standards minimaux. Nous croyons que l'ensemble du droit du travail devrait demeurer de compétence québécoise ou fédérale, selon leurs champs de compétence. Déjà, actuellement, nous constatons des problèmes dans l'application des droits du travail lorsque des employeurs négocient des ententes particulières lors de l'embauche de travailleurs autochtones. Nous croyons que, là où il y a des syndicats et des conventions collectives, ils devraient être couverts de la même façon que les autres travailleurs et travailleuses. Les lois donnant des droits pour l'accès à l'égalité en emploi à divers groupes de travailleurs et travailleuses, dont les autochtones, ne doivent pas servir à nier le reste du droit du travail.

n (15 h 20) n

L'importance d'un droit du travail commun est d'autant plus nécessaire que les autochtones et non-autochtones ne sont pas et ne seront pas confinés à un territoire donné pour l'exercice de leur travail. Déjà, des non-autochtones travaillent pour des autochtones ou sur les territoires autochtones, et vice versa. Surtout qu'on souhaite un développement socioéconomique intégré des partenariats dans le développement, les lois du travail, l'accès à la syndicalisation, les normes minimales de travail, l'assurance emploi, le régime des rentes devraient être les mêmes pour tous.

L'accès au marché du travail pour les autochtones passe aussi par la nécessité d'investir dans la formation professionnelle de cette main-d'oeuvre. Des sommes devront y être consacrées et des programmes devront être développés afin de favoriser un rattrapage rapide. Emploi-Québec et la Commission des partenaires du marché du travail devraient déjà travailler en ce sens en collaboration avec les premières nations et travailler encore beaucoup plus rondement que ça se fait à l'heure actuelle.

Je vais demander à Mishell Potvin de compléter.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, monsieur. M. Potvin, on vous écoute.

M. Potvin (Mishell): Oui. Bien, c'est ça, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, on sait qu'on a quelques particularités, parce que le territoire le plus visé... C'est surtout le Saguenay?Lac-Saint-Jean et un peu la Côte-Nord, là, où le territoire est visé dans le Innu Assi. Donc, Henri Massé parlait de la maturité, et on a eu une rencontre, là ? je pense que, pour éviter les préjugés, en tout cas, essayer de les comprendre... je pense qu'il faut les rencontrer, il faut leur parler ? on a eu une rencontre avec M. Gervais puis on avait invité aussi M. Clifford Moar, le chef des Montagnais de Mashteuiatsh où on a parlé de l'entente, on a parlé aussi de certains problèmes que vivent les autochtones, certains problèmes que vivent aussi... du côté des Québécois et des Blancs, donc je pense que ça a été intéressant, avec une grande partie de nos délégués des syndicats de la FTQ. Je pense, c'est ça, il y a tellement de préjugés que, quand on ne les écoute pas, on manque une bonne partie de l'information qu'eux peuvent nous fournir pour être capable de comprendre aussi l'entente. Parce que, comme Henri le disait, aussi au niveau des fondements de l'entente, nous, on dit: On ne peut pas repartir à zéro. C'est sûr, dans une société idéale, on pourrait dire: On met tout le monde sur le même pied puis on recommence à négocier. Mais, je pense, ce n'est pas ça. Il y a déjà ce qu'on reconnaît comme jurisprudence. Puis, nous autres, dans les lois, c'est qu'il y a déjà des jugements, bien je pense qu'on négocie à partir de ça.

On sait aussi qu'au niveau... Dans le nord du Lac-Saint-Jean particulièrement, c'est le grenier forestier du Québec, donc il y a dans l'entente où on parle d'une attribution de 800 000 ou 850 000 m³ de bois. Donc, il y en a 600, je pense, dans ça qui sont déjà sur des terrains attribués. Donc, on demande... On ne dit pas d'éliminer ça, tout ce qu'on demande... Par exemple, on dit qu'il devrait avoir quand même une entente. Ça doit être accompagné d'obligations de se servir des structures existantes, en fait, pour ne pas que nos travailleurs se ramassent aussi en chômage puis que les industries tournent à la faillite non plus. Je pense qu'on dit: Ça doit être fait dans le respect, mais ça doit être fait en communauté aussi, avec entente avec les Innus de ce côté-là.

On disait aussi qu'il y a beaucoup de préjugés, mais, au niveau de ce que je viens de dire, je pense que le ministre Chevrette a ramassé ça pas mal dans la proposition n° 13, si je me souviens bien. Il y a une autre partie où on parlait des problèmes sociaux. C'est sûr qu'ils ont beaucoup de problèmes sociaux, on en a beaucoup aussi de notre côté, mais ce sont surtout les préjugés, je pense, qui font qu'on ne voit pas tellement ce qui se passe des deux côtés des groupes. Donc, on dit qu'on devrait profiter de la nouvelle génération pour faire de la formation, de l'information, pour être capable de vivre en harmonie au niveau des deux peuples. Et ça, je pense aussi que M. Chevrette l'a ramassé dans la résolution n° 32, si je me souviens bien. Donc, la réunion qu'on a eue avec M. Chevrette, je pense, pour nous autres, a porté fruit, parce qu'il y avait certaines recommandations qu'on lui faisait, et ça, il en a tenu compte dans son rapport.

Et, évidemment, on s'est permis de parler de la validation de l'entente où on disait qu'il ne devrait pas y avoir de référendum, parce que, au niveau d'un référendum, on ne pense pas que ce soient les gens, par exemple, de Rivière-La-Paix, en Alberta, qui pourraient voter sur une entente qui traite des droits sur le territoire du Saguenay?Lac-Saint-Jean ou de la Côte-Nord. Donc, on pense que ça devrait être les députés qui devraient se prononcer sur cette entente-là, mais en toute connaissance de cause. Puis on dit même qu'on devrait éliminer la ligne de parti lorsqu'il y aura un vote, ça devrait être un vote libre pour voter sur cette entente-là.

Donc, pour conclure, on dit que c'est déjà un bon pas dans la bonne direction, sauf que ça ne s'arrête pas là. Pour nous, c'est un départ et non une conclusion. Donc, on pense qu'avec la publicité et l'information que le gouvernement a décidé de commencer... Comme Henri le disait, je pense que le problème, ça a peut-être été brûlé au début parce que ça avait l'air un peu comme une entente secrète, mais je pense que, depuis que l'ex-ministre Chevrette a pris le dossier, en tout cas, il nous semble que c'est un peu moins secret, mettons, là, puis les gens commencent à le comprendre. Je sais, dans notre groupe... Je ne peux pas vous dire que les 25 000 membres de la FTQ au Saguenay?Lac-Saint-Jean sont tous d'accord avec l'entente, loin de là, sauf qu'on fait de l'éducation, puis on essaie de faire aussi de l'information sur cette entente-là, puis on s'attend à ce que les gens viennent à la comprendre, l'entente, puis, à un moment donné, bien, peut-être, l'acceptent. Mais on sait qu'il y a des modifications à faire aussi pour satisfaire les gens de notre organisation. Je vous remercie.

M. Massé (Henri): Le secret est mieux partagé.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Potvin. Vous avez parlé du citoyen Chevrette et non pas du ministre Chevrette. Oui, alors M. Massé? Vous avez encore du temps.

M. Massé (Henri): Non, ça va.

Le Président (M. Boulianne): Ça va? Alors, merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Bien, merci de la présentation. Bienvenue, M. Massé, les représentants de la centrale. Votre témoignage est important parce que vous avez l'expérience terrain, hein, vous êtes présents dans beaucoup de secteurs d'activité, et la réalité du développement, vous y êtes à plusieurs titres, non seulement comme travailleurs réunis, force de travail, mais aussi vous avez fait allusion tantôt, M. Massé, au Fonds de solidarité de la FTQ qui est un partenaire de développement extrêmement important, je pense, du secteur forestier ou dans d'autres secteurs.

Alors, c'est important, votre témoignage, et surtout que vous nous affirmiez... Et, s'il y en a qui sont bien placés au Québec pour le vivre, c'est bien vous autres, la négociation, la négociation qui doit être la voie à être privilégiée encore davantage pour en arriver à une solution. Dans ce cas-là, ça fait 23 ans que ça dure, mais le succès est toujours le fruit du dernier effort, et nous pensons, tout comme vous, qu'il faut poursuivre intensément par la voie de la négociation et non pas choisir celle ou retourner à celle de la confrontation parce qu'elle ne donne pas de résultats.

Souvent ou, en tout cas à plusieurs occasions, j'ai remarqué sur le terrain que, en particulier dans l'industrie de la construction, vous avez à travailler avec des travailleurs ? il y a peu de travailleuses dans l'industrie de la construction ? des travailleurs qui sont issus des premières nations, des nations autochtones. On a encore l'image classique des «riggers», qui étaient tellement efficaces sur les chantiers, mais on sait que c'est beaucoup plus large que cela. Est-ce qu'il y a de la difficulté d'intégration, à votre connaissance, là, notable sur les chantiers, par exemple, ou de partager le travail avec des personnes, avec des travailleurs qui sont issus des nations autochtones? Parce que vous êtes sur les grands chantiers dans le Nord, vous êtes partout, est-ce que vous avez à cet égard-là une expérience qui peut nous servir pour compléter, pour se diriger vers un traité?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Massé.

M. Massé (Henri): Je pense que oui. Je ne dirais pas qu'on est encore dans un monde idéal, mais il y a eu beaucoup de discussions entre nos syndicats de la construction et les autochtones, il y a eu des ententes pour privilégier l'entrée de la main-d'oeuvre autochtone sur les grands chantiers. C'est un dossier qui progresse. Et, je dirais qu'une fois que le monde sont ensemble il n'y en a pas de problème de communication ou d'autres problèmes d'autres ordres, ça va très bien.

L'autre exemple, c'est la mine Raglan, là, qui a ouvert il y a quelques années où une bonne partie de la main-d'oeuvre, des travailleurs, des travailleuses sont autochtones, et on me dit que les relations sont cordiales, ça va très bien. Mais c'est parce que le monde sont ensemble, ils se parlent. Ça ne se passe pas en haut lieu. Je pense qu'aussitôt qu'on peut assire... Mishell le disait tantôt, aussitôt qu'on peut assire notre monde ensemble à la bonne place pour discuter du problème au lieu de le prendre à un niveau beaucoup plus élevé, on trouve des solutions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Massé. M. le ministre.

M. Trudel: J'allais dire à la blague: À Raglan, c'est parce que le siège social est à Rouyn-Noranda, puis la majorité des travailleurs sont des bons mineurs aussi, puis les techniciens, puis les analystes de Rouyn-Noranda. Mais il y en a aussi une très grande partie effectivement dans l'entente signée de 1995 où nous acceptions collectivement, avec aussi les syndicats qui étaient présents, étaient à la table, d'intégrer après formation ? vous y avez fait allusion tantôt ? des travailleurs inuits pour non seulement la mise en place, mais la mise en valeur du gisement de nickel de Kativik.

n (15 h 30) n

Un autre aspect sur lequel il nous faut échanger, c'est ce que vous, vous avez appelé d'entrée de jeu, M. Massé, M. le président, un test de maturité pour sortir d'un certain nombre d'éléments folkloriques ou du folklore à l'égard des premières nations. Mais il faut aussi comprendre que nous allons passer effectivement, nous pourrions passer dans deux ans, deux ou trois ans, lorsqu'on arrivera au traité, à des changements assez radicaux, c'est-à-dire la pleine responsabilité d'administration sur un territoire, le territoire Innu Assi, et, quand on regarde l'ensemble des communautés de la nation innue, eh bien, ça voudrait dire des gouvernements autonomes sur neuf territoires Innu Assi.

Est-ce que vous pensez, M. le président, et vos collègues qui sont avec vous et qui sont terrain aussi, est-ce que vous pensez qu'il s'agit là, un, d'une proposition qui va être viable sur le terrain, et, deuxièmement, à l'inverse, que cela représente des dangers?

Puis vous avez toujours un langage franc puis clair, M. le président. M. Parizeau, Ghislain Lebel et d'autres ont fait remarquer qu'il y avait là un danger à l'égard de ce que d'aucun appelle la partition du Québec. Alors, est-ce que c'est viable? Est-ce que ça peut lever? Est-ce que c'est réaliste de franchir ce pas historique et y a-t-il des dangers à l'égard de la question de l'intégrité territoriale?

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le ministre. M. Massé, la parole...

M. Massé (Henri): Bien, nous, en tout cas, encore une fois, on ne connaît pas toutes les questions de fond, de droit. Mais ce qu'on comprend de l'entente, ce n'est pas une cession territoriale. C'est l'application des lois du... puis c'est ça qu'on dit, nous autres: Les lois du Québec devraient s'appliquer mais d'une façon autre dans certains cas, que ce soit négocié et que ce soit clair. C'est un peu ce que les jugements de cour ont conclu, à venir jusqu'à maintenant.

Ça peut s'appliquer d'une façon qui est autre puis par un gouvernement autonome autochtone. Mais c'est ce qu'on disait tantôt. En même temps, il faut s'assurer par contre qu'on ait les moyens ? qu'on ait les moyens ? d'appliquer ces lois-là. Parce que, si on ne veut pas avoir de problème, si on veut que de part et d'autre on se comprenne puis qu'on n'ait pas de préjugé, si, au niveau des lois de la chasse ou de la pêche ou de la protection de l'environnement ? un gouvernement autochtone le fait un peu autrement ? mais on applique vraiment la législation, on n'aura peut-être pas les problèmes qu'on nous soulève des fois, qui sont peut-être véritables dans certains cas, qui sont peut-être une mauvaise perception dans d'autres cas.

Et j'ai vu dernièrement aussi, je ne sais pas qui faisait la proposition, mais qui disait même: On sait par exemple qu'au niveau de la chasse, la pêche, la faune, on manque de ressources, de même dans l'ensemble du Québec. Est-ce qu'il peut y avoir des ententes de réciprocité pour l'application des lois sur le territoire autochtone, territoire non autochtone par les forces qui sont autochtones ou non autochtones, des ententes?

Moi, je pense qu'il y a quelque chose de bien à discuter puis à négocier pour faire en sorte que les lois s'appliquent vraiment sur l'ensemble du territoire. Ça fait que, moi, encore une fois, c'est le résultat concret des négociations qui nous diront si on a les moyens de nos buts, de nos visées. On pense que oui.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Massé. M. le ministre.

M. Trudel: Est-ce qu'il vous apparaît, est-ce que vous avez vu ça, vous avez attesté, il y a des gens qui sont apparus sur cette question de l'intégrité territoriale, dû au fait qu'on aurait des administrations pleinement autonomes sur des territoires mais complètement responsables, y compris d'ailleurs avec une capacité fiscale, qu'on ait taxes et impôts autochtones par les gouvernements responsables pour l'administration de services sur ces territoires?

Le Président (M. Boulianne): Oui, merci. Alors, Mme Savoie.

Mme Savoie (Dominique): Oui. Mais je pense que ça démontre finalement, votre questionnement démontre notre incapacité de répondre, d'une certaine façon démontre le problème qu'il y a avec l'entente de principe à ce moment-ci.

Quand on lit que les lois québécoises et canadiennes, notamment la Charte des droits et des libertés de la personne, vont s'appliquer mais sous réserves de, on ne sait trop quoi encore. Quand on dit: C'est quoi l'autonomie gouvernementale? Mais on parle partout on va harmoniser la fiscalité, on va harmoniser les lois, bien, il n'y a rien de très inquiétant dans ce contexte-là. Que le Innu Assi soit effectivement un territoire de plein droit avec gouvernance autonome, ce n'est pas problématique si on est tous sur le mode de l'harmonisation, et c'est là le défaut... peut-être pas un défaut, mais il va falloir que les gouvernements démontrent, dans la suite des négociations, qu'on s'en va véritablement vers des harmonisations réelles; qu'on n'aura pas des systèmes de taxation différents. Que les Innus soient taxés sur leur territoire, c'est une chose, mais qu'on se rapproche d'un mode de taxation similaire.

Mais il y a aussi la crainte qu'on vous a soulevée dans le mémoire, qui est celle de dire: On ne considère pas, à ce moment-ci, les nations mais bien chacune des communautés, et ça, c'est inquiétant, puis peut-être pas tant sur le Innu Assi que sur le Nitassinan. Parce qu'il y en a bien d'autres, communautés, puis bien d'autres nations. Et on n'est pas des experts, mais il y a bien des gens qui nous disent que les territoires du Nitassinan, ils vont se recouper, à un moment donné, quand on va commencer à négocier avec les autres. Là, on peut se préoccuper à se dire, même si ça reste de plein droit au Québec, le Nitassinan: Comment on va gérer ça? Comment les autochtones eux-mêmes, les différentes nations, les différentes communautés vont gérer des Nitassinan en cohabitation?

Or donc, non, ce n'est pas une inquiétude, si on s'en va vers une harmonisation. Mais, effectivement, si on se retrouve avec un territoire découpé en... je ne sais pas le chiffre exact du nombre de communautés qui existent au Québec, là, mais on est sûrement entre 50 et 100, quelque chose comme ça, là, oui, on peut se poser la question.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Savoie. M. le ministre.

M. Trudel: C'est juste, c'est entre 50 et 100, c'est 51.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Savoie (Dominique): Entre 50... 51. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Vous me permettrez de vous dire que votre description est tout à fait juste: il n'y a rien d'inquiétant là-dedans. Cependant, ce qu'il y a d'inquiétant, c'est qu'il y aura autant d'ententes complémentaires que de sujets à harmoniser qui devront intervenir pour «un» traité avec «la» nation, avec «la» nation innue, et ça nous amène à cette question-là.

Une des questions qui nous interpelle, c'est pour la suite des choses. Pour la suite des choses: Devrions-nous donc dire oui à cette entente de principe? Ça, vous êtes habitués aussi. En négociation, c'est l'essence même de votre travail, la raison d'être du regroupement des travailleurs et des travailleuses.

Devrions-nous nous dire oui à cette entente de principe et enclencher la négociation sur les ententes complémentaires, en commençant prioritairement par une des dimensions qui a été indiquée par le président, au niveau par exemple de tout ce qui concerne la chasse, la pêche, le piégeage, le trappage, les activités reliées à la faune? Est-ce qu'on devrait progresser et aller dans cette direction-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Massé.

M. Massé (Henri): Bien, c'est un peu le sens de notre mémoire. Nous autres, on dit: On voit l'entente de principe comme un cadre de négociation qui est assez clair comme base, mais qu'il faut continuer à travailler puis à peaufiner nos ententes autour de ça. Et on dit: Bon, bien là, qu'on ouvre le processus; qu'on le fasse de façon claire, transparente, qu'il y ait plus d'information. Continuons à discuter, puisqu'il y a des irritants qu'il va falloir qui soient corrigés aussi, parce que, sinon, je suis convaincu qu'il y a des endroits au Québec que ça va être très, très difficile de s'entendre. Mais je pense qu'avec plus d'information, de travail en commun, il y a des irritants qui n'en seront peut-être plus du tout dans quelques semaines, dans quelques mois. Ça fait que c'est un peu dans le sens de notre proposition.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Massé.

M. Trudel: Mais je pense qu'il faut renoter aussi que c'est la première fois que se tient une commission parlementaire ouverte, à l'Assemblée nationale du Québec, sur la reconnaissance des droits ancestraux des nations autochtones, mais surtout la délimitation, la reconnaissance... et les règles pour la reconnaissance de ces pratiques et ces droits ancestraux à l'Assemblée nationale.

En 1983, il y avait eu une commission parlementaire avec M. Lévesque, à l'époque, pour adopter éventuellement les principes de 1985, c'est-à-dire reconnaître les nations, mais c'est la première fois que nous le faisons de cette façon-là.

n (15 h 40) n

Je terminerais peut-être par une question, aussi, générale à l'égard de la poursuite du processus. J'ai l'impression que nous partageons aussi un terrain commun lorsqu'on est un regroupement de travailleurs et de travailleuses, avec des questions aussi difficiles que celles qui nous interpellent comme société québécoise: il y a beaucoup de préjugés, il y a beaucoup de stéréotypes, il y a beaucoup de mythes qui existent et qui subsistent. Et disons aussi, dans certains cercles, il y a carrément de la démagogie qui se fait là-dessus. C'est facile. Et ça, c'est un terrain que vous connaissez aussi, parce que, quand vous êtes à la défense des travailleurs, des travailleuses, vous avez ? excusez-moi l'expression ? à dealer avec ça aussi fréquemment.

M. Massé (Henri): Je pensais que vous nous traitiez de démagogues.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ha, ha, ha! Vous dealez avec ça, et vous êtes très clairs.

Mais, dans la société québécoise, il y a un certain nombre de groupes qui ont pris cette voie-là, et ça ne nous fait pas progresser vers un règlement, vers un traité de paix.

Je comprends qu'il faut être davantage au niveau de l'information, mais est-ce que vous avez des suggestions au niveau de mécanismes supplémentaires qui devraient être... En plus des directions, des comités régionaux que nous allons mettre sur pied, ce qu'on a fait comme information de foyer en foyer dans les régions concernées, est-ce qu'il y a des voies privilégiées que vous auriez à suggérer pour davantage de communication pour en arriver à élever le niveau d'acceptabilité sociale?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors...

M. L'Heureux (Clément): Moi, M. le ministre...

Le Président (M. Boulianne): Monsieur... Oui, vous vous identifiez, s'il vous plaît?

M. L'Heureux (Clément): Oui, Clément L'Heureux.

Le Président (M. Boulianne): On vous écoute.

M. L'Heureux (Clément): Moi, M. le ministre, je pense que, dans notre mémoire, ça dit, puis je pense qu'on ne réinvente pas la roue en vous disant ça: Il faut associer le plus de monde visé par la supposée mésentente qu'il pourrait y avoir. Dans le sens que, s'il y a des travailleurs qui se sentent lésés par cette possible loi là, il faut leur demander... il faut les faire participer à cette négociation-là, il faut les faire participer à ces ententes possibles là.

Vous savez, tant et aussi longtemps que les problèmes ne sont pas connus, il ne peut pas y avoir de solutions. Et ça, ça fait partie d'un processus chez nous, dans nos modes de négociation. Quand tu connais vraiment un problème puis que tu peux le décrire, après ça, tu peux trouver des solutions puis tu peux trouver des solutions auxquelles tout le monde va être d'accord avec la solution. Puis ça, c'est un point important.

Et, si on veut que tout le monde soit d'accord avec le résultat, même s'il y a des gens qui ne sont pas à 100 % d'accord, parce que, à un moment donné, il va y avoir une espèce d'équilibre, une espèce d'échange qu'on va être obligés de garder là-dedans... Mais, quand les gens vont vraiment connaître tous les aspects, tous les avantages et tous les inconvénients aussi, là, on va commencer à travailler dans le bon sens. Puis ça, ça s'appelle de la négociation. Puis c'est ce mode de consultation là, je pense, que le gouvernement doit préconiser. Puis c'est ce que, nous, on préconise aussi, à la FTQ.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. L'Heureux. Oui, M. Potvin?

M. Potvin (Mishell): Peut-être ajouter aussi comme suggestion ? parce que j'étais dans la première assemblée qui a eu lieu sur la publicité sur l'entente au Saguenay?Lac-Saint-Jean ? je pense que c'est important qu'il y ait des élus aussi qui portent le message dans les régions, qu'il n'y ait pas juste des fonctionnaires. Juste des fonctionnaires, c'est bien de valeur, mais le message passe beaucoup moins; je dirais même qu'il ne passe pas. Il faut que les élus qui ont négocié l'entente ou au moins qui sont les porte-parole de l'entente soient aussi dans les régions pour expliquer l'entente et voir aussi pourquoi ils supportent une telle entente.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Potvin. Merci, M. le ministre. Alors, le député de Roberval.

M. Laprise: Bonjour, M. le président. Je m'adresse au président de... Vous avez donné en exemple au tout début un projet, une rencontre que vous avez eue avec des gens d'une réserve en quelque part... pas à Ashuapmushuan mais, je veux dire, Natashquan. Et vous avez laissé entendre qu'il y avait un climat quand même de confiance qui s'était créé autour d'un projet concret. Croyez-vous que ce même climat de confiance peut se créer dans le partage de l'ensemble du territoire, au niveau de la chasse, au niveau de toutes les autres activités qu'on peut vivre en collaboration avec les autochtones?

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député de Roberval. M. Massé.

M. Massé (Henri): Je pense que oui, mais il y a des places que ça va être plus long que d'autres.

M. Laprise: Ça va être plus difficile. Mais je ne pense pas qu'on peut vraiment créer... sans avoir ce climat de confiance là, qu'on peut vraiment signer une entente valable pour les années à venir, s'il n'y a pas un climat de confiance entre les deux parties. C'est ce climat-là, autour du petit groupe, mais qui normalement devrait s'étendre à l'ensemble du territoire.

M. Massé (Henri): Oui, il y a un gros travail à faire.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le député de Roberval. M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, M. Massé, je suis très heureux que vous soyez présent. Je salue également Mme Savoie, M. L'Heureux et M. Potvin ainsi que M. Routhier.

Alors, moi, j'ai eu l'occasion, bien sûr, de participer à toutes les rencontres qu'a faites M. Chevrette et j'ai eu l'occasion de parler, bien sûr, avec le regroupement régional au niveau de la Côte-Nord, et je dois vous dire que ces rencontres-là ont été drôlement profitables pour permettre à M. Chevrette justement de faire les 33 recommandations dont M. Potvin parlait tout à l'heure. Et l'importance aussi, c'était d'avoir une personne politique qui accompagnait M. Chevrette, et ça, ça a été apprécié par les participants.

Juste une petite et également information additionnelle concernant la communauté de Natashquan qui est sur mon territoire. Il y a deux ententes, M. le Président, qui touchent la communauté autochtone avec les trois municipalités, notamment dans le domaine de la forêt, et je suis très heureux d'avoir entendu M. Massé disant qu'il était très ouvert à aider ces communautés-là éventuellement dans le dossier qui va de l'avant. Et, également, il y a une autre entente qui a été signée avec le milieu sur l'utilisation d'une rivière, la rivière Aguanish où il y a une petite rivière à saumons, et, avec la collaboration des autochtones, la communauté blanche réussit à gérer cette petite rivière.

Cependant, à titre de président de la FTQ, M. Massé, comme vous avez une grande expérience dans le domaine syndical, moi, il y a juste une petite question qui m'intrigue et qui me fatigue un peu, et vous y avez fait référence: il y a certains groupes qui ne sont pas à la table de négociations. Alors, comment on pourrait essayer d'inciter ces groupes à venir à la table pour réussir à passer le message, là? Parce que c'est fatiguant d'être à une table de négociations, et je sais que dans le monde syndical on signait toujours ce qu'on appelait des fameuses clauses-remorques pour les groupes qui ne suivaient pas, mais par rapport aux communautés, c'est bien sûr que ça peut être difficile. Or, qu'est-ce qu'on pourrait faire, en tant que gouvernement, pour réussir à amener ces communautés-là?

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député de Duplessis. M. Massé.

M. Massé (Henri): Bien, c'est que vous me posez une question qui dépasse un peu ma compétence, mais... Tantôt, quand on parlait d'avoir un cadre de référence clair au départ, je pense qu'il faut que ces communautés-là sachent que, s'il y a une entente, on ne pourra pas en déroger puis arriver avec d'autres ententes complètement contraires et qui vont beaucoup plus loin pour créer une espèce de surenchère.

Parce que, ça, si ce n'est pas clair... Il y a des groupes peut-être qui agissent vraiment de bonne foi, ils ne sont pas prêts à ce moment-ci mais...

Vous savez, tantôt vous parliez des extrémistes. Puis je ne dis pas qu'il y a des extrémistes partout, puis, des fois, les extrémistes, il faut s'en servir aussi, il y en a dans la société. Aussi, des fois, ça fait avancer les débats, là. Mais il s'agit que le monde qui sont au milieu, on prenne nos responsabilités puis qu'on essaie de rapprocher les extrémités.

Le débat qui se fait au Québec sur la question autochtone à l'heure actuelle, ce n'est pas mauvais comme débat. Si on réussit à faire en sorte qu'il soit bien mené, probablement qu'on va faire avancer la cause des autochtones beaucoup plus rapidement que si c'était fait dans le plus grand secret puis sans discussion, puis, après ça, le monde serait mécontent, de part et d'autre.

Mais comment les amener à la table? Moi, je le ne sais pas, je n'ai pas de contact avec eux autres. Si c'était à la FTQ, je vous dirais quoi faire, mais nos solutions ne sont pas applicables ailleurs.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, on en est convaincus, M. Massé. Merci beaucoup. M. le député de... vous avez encore quelques minutes, M. le ministre. Oui, M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Bien, c'est sûr qu'il y a juste une autre... puis c'est une question fondamentale. Je sais qu'à l'intérieur de votre mémoire vous parlez de l'exploitation de la forêt et des mines. Et, au niveau des conseils régionaux, vous avez demandé que les Innus aient l'obligation d'utiliser la même structure existante. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre un petit peu là-dessus, comment vous voyez ça?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Potvin? Oui, allez-y, on vous écoute.

M. Potvin (Mishell): Moi, bien, c'est l'inquiétude des travailleurs, particulièrement du côté de Chibougamau-Chapais, où les CAAF sont distribués. C'est le risque, à un moment donné, que les Innus utilisent leurs droits sur ces CAAF là et que nos travailleurs perdent leur job.

Donc, on dit: Ça devrait être fait peut-être progressivement, et, s'il y a des nouveaux territoires à leur octroyer, bien, que ce soit peut-être même à l'extérieur des CAAF qui existent actuellement et qui sont déjà donnés à ces compagnies-là.

Donc, c'est une question de sauver des jobs, sauver des industries aussi. On ne veut pas que l'entente crée du chômage non plus. Tu sais, si on veut avoir une harmonie, je pense qu'il ne faut pas que ce soit au détriment du peuple québécois puis des travailleurs et des travailleuses. C'est ça qu'on veut souligner dans notre mémoire.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député de Duplessis, ça va? Alors, M. le ministre. Oui?

M. Massé (Henri): Peut-être je compléterai cette réponse-là. Là, le gouvernement du Québec a une responsabilité. Si on prend la région de Chibougamau, ça, c'est clair, là, il y a un taux de chômage de 30 % à Chibougamau, et leur CAAF a été coupé. Les travailleurs ont peur de perdre leur emploi, indépendamment de la question autochtone.

n (15 h 50) n

Et là, on donne une partie du CAAF en plus aux autochtones. Je ne sais pas si vous le savez, quand on va à Chibougamau, il n'y a rien de comique dans ce temps-ci. Et là, le gouvernement a un rôle à jouer, parce que, moi, je pense que, au lieu de laisser flotter les affaires, faut reprendre le taureau par les cornes puis déjà commencer à établir les partenariats entre les communautés autochtones puis notre monde pour dire: Il y a des projets qui pourraient se faire en commun, c'est donnant-donnant. C'est plus de développement économique pour les autochtones, mais, en même temps, des ententes qui amèneraient de l'eau au moulin dans nos entreprises où notre monde sont menacés de perdre leur emploi.

Parce que, dans ce débat-là, la pire affaire... la chasse puis la pêche, ce n'est pas toujours comique, mais l'insécurité autour des emplois, ça, il n'y a rien de plus dramatique. Et ça, quand les extrémistes se mettent à jouer sur ce bout-là, là, c'est une bombe, ça. Et, là-dessus, moi, je pense qu'il faut que le gouvernement soit plus ? un terme anglophone, mais... anglicisme ? proactif, là, pour être capable de mieux définir à l'avance ces partenariats-là. On pense qu'il y a des choses de possible.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a autre chose à ajouter? M. le ministre, oui, vous avez du temps.

M. Trudel: Bien, juste un tout petit peu là-dessus, parce que cet élément, que vous soulevez, est extrêmement important. Il est inscrit dans l'entente de principe en termes de ressources supplémentaires qui pourraient être accordées ? en termes de ressources forestières, de fibres ? aux communautés autochtones.

Mais ce que vous suggérez, c'est en quelque sorte de se créer l'obligation d'utiliser les infrastructures existantes. J'imagine ? c'est là-dessus que je veux faire une petite vérification ? j'imagine, quitte à y ajouter des éléments d'objectifs d'emplois à atteindre pour les membres des communautés autochtones... Parce que ce qui est poursuivi, ce n'est pas de transférer des ressources, déshabiller Jacques pour habiller Pierre ou quelque chose du genre, c'est plutôt qu'il se crée du développement économique de ce côté-là. Alors, qu'on utilise les structures existantes mais que nous pourrions assortir d'objectifs d'emplois à créer dans les nations autochtones à ces clauses de transfert ou d'utilisation des structures existantes. Est-ce que ça peut aller dans ce sens-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Oui, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Oui, ça peut être dans ce sens-là, puis c'est quelque chose qui existe déjà. Vous savez, à l'heure actuelle, là, si on met de côté un peu les ententes avec les nations puis qu'on regarde strictement ce qui se passe au niveau de la forêt aujourd'hui, on est obligé de faire ça, on est obligé présentement de faire ça, on est obligé de regarder deux ou trois scieries, mettre ça ensemble, regarder la deuxième, la troisième transformation. On est déjà dans ce processus-là.

Le faire avec les autochtones, c'est ça qu'on suggère, puis je pense que c'est ça qui est important, parce que ça va être le même débat: c'est un débat de l'industrie forestière à l'heure actuelle. Et ce qu'on fait présentement... parce que, aujourd'hui, la fibre, tout le monde se l'arrache, la fibre aujourd'hui. Alors, qu'on fasse le débat avec les autochtones puis qu'on l'aborde ? c'est ça que Henri vous disait tantôt ? qu'on l'aborde de la même façon, c'est-à-dire en les faisant participer puis à dire: Écoutez, on va se mettre ensemble puis on va regarder ça, puis, s'il faut mettre deux, trois scieries ensemble puis s'il faut faire en sorte qu'on mette les jobs ensemble, comme on a fait au Lac-Saint-Jean à quelques reprises, bien, faisons-le. Il faut l'aborder dans le même sens, il ne faut pas réinventer ce qui existe, là, je veux dire; ça existe déjà.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Est-ce que, M. Potvin, vous voulez ajouter quelque chose? Non, c'est beau. M. le ministre, vous avez encore deux minutes.

M. Trudel: C'est à Waswanipi, je pense, le projet de scierie au Fonds de solidarité. Et c'est une expérience qui marche bien, ce partenariat?

M. Massé (Henri): Très bien.

M. Trudel: Bon. Et ce que vous nous suggérez donc aussi, dans le fond ? je donne ça comme image ? c'est d'étirer la fibre, d'aller aussi du côté de la transformation. Il y a encore davantage d'emplois à créer par des partenariats économiques en ajoutant au cycle de mise en valeur par le biais de la transformation.

Je fais juste souligner que votre inquiétude à l'égard de l'application des règles sur l'environnement, vous la présentez sous une façon assez claire en disant, par exemple: Qu'adviendra-t-il du BAPE sur les territoires Innu Assi et Nitassinan?

Nitassinan, c'est assez clair. Ce sont les lois québécoises qui vont s'appliquer, puisque c'est un territoire de pratique. Mais, en territoire Innu Assi, c'est le gouvernement autonome innu qui s'appliquerait en cette matière, cependant qu'il y a une clause d'harmonisation, et là, ça revient à ce que madame nous disait tantôt, la nécessité de bien définir, illustrer, informer au niveau des ententes d'harmonisation qui devront se produire, comme ça devrait l'être aussi également en fiscalité.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Je regrette, M. le député de Roberval. Alors, la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais... un mot de bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et notamment ceux du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Je trouve fort intéressant qu'est-ce qu'on cherche, ce sont les choses qui sont pratico-pratiques, qui vont fonctionner. M. Massé, vous avez dit que vous êtes dans la business des négociations et c'est ça qui est votre métier.

On cherche à mettre en place des choses qui vont donner des résultats, parce que je pense que, 23 ans après, il faut quand même prévoir quelque chose pour la prochaine ronde de négociations qui va être pratique, qui va donner des résultats mais qui va prendre compte des enjeux très importants.

Vous avez évoqué les emplois dans la forêt, qui est, je pense, très, très important. C'est stratégique, et on parle d'une industrie qui a beaucoup d'autres problèmes aussi: le conflit du bois d'oeuvre avec les États-Unis; il y a un nouveau régime forestier. Il y a beaucoup d'enjeux.

Alors, en utilisant les structures existantes plutôt que d'inventer quelque chose d'autre, j'essaie d'arrimer ça avec le fait qu'il y a un certain sentiment historique à travers la société québécoise, que nous avons négligé le dossier autochtone, que c'était à cause des réserves, à cause des décisions qui ont été prises dans le passé, que ce sont des personnes qui existent un petit peu sur les marges de notre société, et on cherche une meilleure intégration, une meilleure relation, une plus grande place pour les autochtones à l'intérieur de la société québécoise. Alors, j'essaie d'arrimer les deux, pratico-pratique.

Demain matin, on décide d'aller à la prochaine ronde. Le Conseil de l'industrie forestière était ici la semaine passée qui exigeait d'être impliqué. Je pense que leur président, c'est un M. Gauvin, qui avait des idées sur les projets de deuxième, troisième transformation; il avait des propositions.

J'imagine, avec votre expérience ? nous avons évoqué la scierie de Waswanipi ? de travailler à l'intérieur de la Convention de la Baie James, qu'on a quand même fait des activités forestières depuis 27 ans. Alors, pratico-pratique, comment est-ce que je peux mettre toute cette expertise autour de la table, s'assurer que ça va être le dossier autochtone qui va... et non pas qu'on va déborder sur le bois d'oeuvre, qui est un enjeu très important, je l'admets, mais de s'assurer que le focus demeure quand même sur la question autochtone et de ne pas avoir une table sectorielle qui va devenir un genre de grand forum sur l'ensemble des enjeux de l'industrie forestière?

C'est toujours difficile de travailler en morceaux, et toutes les présentations qui sont venues ? les scieries, le Conseil ? ont évoqué entre autres le litige du bois d'oeuvre. Alors, comment est-ce qu'on peut mettre en évidence le dossier autochtone sans le perdre... Je vois M. L'Heureux qui est ici, il a une expérience; j'imagine, M. Potvin aussi. Mais comment est-ce qu'on peut avoir une table sectorielle qui va donner des résultats?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. Massé? M. L'Heureux, on vous écoute.

M. L'Heureux (Clément): Écoutez, des formules magiques puis des formules miracle, là, en tout cas, chez nous, des fois, on essaie d'en trouver puis on n'en trouve pas. Il faut revenir au pratico-pratique, et, dans le pratico-pratique, à l'heure actuelle, le timing est là. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, quand on parle du dossier autochtone, on parle du dossier des forêts, parce qu'on est au Saguenay?Lac-Saint-Jean; on ne peut pas isoler les deux.

Alors, pratico-pratique, le dossier autochtone, c'est peut-être la meilleure porte pour mettre le plus de monde possible pour trouver le plus de solutions possible. Parce que, à l'heure actuelle, si vous faites le dossier juste sur la taxe sur le bois d'oeuvre ou juste sur l'industrie, les gens de l'industrie ou les gens... Notre syndicat, si on vient vous voir puis on vous parle strictement du dossier, bien sûr que ça va tourner à l'entour de l'industrie forestière.

Mais le dossier autochtone, à l'heure actuelle... Et, vous savez, il y en a une, entente, là, à un moment donné. Il y a quelque chose qui a été signé avec les Cris; il va falloir qu'on y fasse face, on est devant une réalité.

Alors, il faut tomber dans le pratico-pratique, puis, dans le pratico-pratique, nous, ce qu'on dit: Le timing est là pour trouver des solutions pour transformer cette industrie-là. Et ça, ça ne se fera pas en faisant en sorte de tasser des choses. On ne pourra pas mettre les autochtones à part, on ne pourra pas mettre la taxe sur le bois d'oeuvre d'un autre côté, on ne pourra pas mettre la Loi sur les forêts d'un autre côté.

n (16 heures) n

Vous savez, c'est déjà prévu. Le débat est déjà commencé au Québec, depuis un certain temps. Nous, on a participé, comme FTQ, comme syndicat, au débat lorsqu'on a créé les CAF dans la Loi sur les forêts. Bien, le débat autochtone était présent, et on a fait le débat, on l'a commencé. Le débat, il est déjà amorcé, il n'est pas nouveau. Sauf que, présentement, il est peut-être plus à la mode; il est plus à propos présentement. Mais ce débat-là est commencé, il faut le prendre de front puis il faut trouver des solutions avec tous les intervenants. Il ne faut pas en mettre de côté. Il ne faut pas que les autochtones soient mis de côté. Il ne faut pas que l'industrie soit mise de côté. Il ne faut pas que les syndicats soient mis de côté. C'est ça qu'on dit: Il faut participer. Il ne faut pas que les régions soient mises de côté. Il ne faut pas que ceux qui veulent profiter des loisirs soient mis de côté. Le timing est là pour que tout ce monde-là participe au débat puis qu'on trouve des solutions ensemble.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. L'Heureux. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Peut-être en se basant sur les expériences que vous avez évoquées: Natashquan... Il y a la scierie à Waswanipi. Et M. Chevrette nous a mis en garde ? je pense que c'est la recommandation 17 ? de faire attention avec toute notion de discrimination positive à l'embauche. Mais, on veut un résultat, on veut avoir plus d'emplois aussi pour les autochtones, parce que le taux de chômage dans l'ensemble des ces communautés est très élevé. Alors, si on évite la discrimination positive, est-ce qu'il y a des leçons qu'on peut tirer de la scierie de Waswanipi ou des autres expériences où, sans mettre en péril les emplois de vos membres, on a réussi à utiliser les ressources naturelles comme outil intéressant pour la création d'emplois autochtones?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Oui. Alors, qui est-ce qui veut répondre?

M. Massé (Henri): Bon. L'exemple de Natashquan, c'en est un bon. Waswanipi, là, c'est où il y a une scierie, il y a des ententes avec Barrette, avec d'autres scieries. Bon.

Mais, moi, je dirais, là, le timing est bon comme jamais au Québec. De quoi on est en train de parler? Il y a un grand débat à l'heure actuelle au Québec sur le développement régional. Et c'est quoi, le développement régional? On dit: Les régions veulent être capables de se développer, avoir des emplois, garder leur monde chez eux, garder leurs jeunes chez eux, et on a exactement le même problème dans les communautés autochtones.

Moi, j'ai quelques amis là-dedans et quand ils me parlent de leurs problèmes, je vois que c'est les mêmes, mêmes problèmes qu'on vit dans les régions. Ils sont pris avec une gang de jeunes qui, aujourd'hui, sont scolarisés, qu'ils ne sont pas capables de retenir en région.

Tu sais, à Natashquan, ils nous le disaient l'autre soir, là, ils sont à peu près 1 200 dans la communauté. Je pense qu'ils en ont 800 à l'extérieur, là. Ils aimeraient bien être capables de rapatrier leurs jeunes. Leurs jeunes s'en vont faire leurs cours de cégep à Sept-Îles, ensuite, ils s'en vont à l'Université Laval ou à l'Université de Montréal puis ils ne reviennent pas en région, il n'y a pas d'emploi.

Et le débat a évolué dans les communautés autochtones. Je veux dire, le mode traditionnel de vie d'il y a 25-30 ans, ce n'est plus aujourd'hui. S'il n'y a pas de développement socioéconomique, s'il n'y a pas de développement économique dans la plupart des communautés autochtones, ils savent bien que c'est quasiment une mort certaine. Les jeunes vont s'en aller de là. Ça fait que, moi, je pense qu'on... Puis, là, les ressources ne sont pas illimitées. Donc, il faut avoir des ententes de partenariat puis travailler ensemble, comme on le fait dans d'autres domaines.

Moi, il me semble que la table est mise pour... Pour dire comme Clément: Des recettes magiques, il n'y en a pas, là. Mais ce qui est en marche, avec un petit peu plus de volonté politique puis le cadre qui est en train de se dessiner, qui n'est pas tout à fait fini de dessiner mais qui pourrait se dessiner, moi, je pense qu'on a une grande route, une autoroute de tracée pour être capable de compléter.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le président. M. L'Heureux, vous voulez ajouter quelque chose?

M. L'Heureux (Clément): Vous savez, c'est un bon exemple, Natashquan, c'est un bon exemple, puis l'entente avec les Cris, c'est un autre bon exemple. Que les CAAF appartiennent aux autochtones ou qu'ils appartiennent à des compagnies X, Y, Z, la matière première est là puis c'est celle-là qu'on va transformer. Il s'agit de s'entendre sur la façon de le faire.

Natashquan, c'est un bon exemple, il y a 400 000 m³ de bois qui existent présentement sur la Basse-Côte-Nord, une forêt vierge qui n'a jamais été exploitée. On ne va pas rediviser ce qui existe déjà. On va s'entendre avec des gens pour exploiter une partie du territoire qui ne l'a jamais été. Sauf que ce qu'on dit ? c'est ça qui est intéressant pour tous les intervenants ? ce qu'on dit, on dit: Écoutez, vous, les autochtones, vous avez une façon de voir la forêt; nous, on a une façon de la voir; il y en a d'autres qui ont une façon; les municipalités ont une façon. Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour le faire intelligemment? Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour exploiter la forêt de façon à ce qu'on prenne garde à ce que, vous, vous voulez dans la façon d'exploiter la forêt? Ça va coûter plus d'argent. Est-ce qu'on pourrait, en mettant plus d'argent, réussir à faire quelque chose qui va aussi être rentable?

Avec les Cris de la Baie-James, on va être obligé de faire la même chose. Que le CAAF appartienne à Abitibi-Consol ou à Domtar, c'est un débat entre les deux. Qu'on l'enlève à Abitibi pour le donner à Domtar, hein... Nous, ce qu'on dit: Écoutez, il faut s'entendre. C'est la même chose avec les Cris. Vous savez, la matière première, elle est là, qu'elle appartienne à X, Y ou Z, ce qu'il faut faire ? puis c'est ça qu'on recommande ? ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut tout le monde se mettre ensemble puis dire: Regardez, est-ce que c'est possible d'exploiter nos ressources naturelles en tenant pour acquis qu'il faut respecter les acquis puis les demandes de chacun des intervenants? Nous, on pense que oui, en consultant puis en négociant.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Avec la Centrale des syndicats, tantôt, on a parlé des préjugés, on a parlé du rôle du gouvernement de mieux informer la population. Qu'est-ce que la Fédération peut faire de plus? Est-ce qu'il y a un rôle aussi pour le Syndicat de peut-être mieux expliquer les enjeux auprès de ses membres? Parce que je comprends que c'est vos membres dans le domaine forestier surtout qui sont en première ligne. Ils sont directement touchés dans les emplois qui sont déjà menacés par d'autres facteurs que nous avons évoqués. Alors, est-ce qu'il y a un rôle additionnel, presque pédagogique, que la FTQ peut jouer auprès de ses membres pour mieux expliquer les enjeux, l'importance qu'il faut une entente? De laisser aller les choses n'est pas une option. Le statu quo n'est pas une option. On a tout intérêt, comme je dis, une obligation de résultat, parce que ça a traîné depuis 23 ans. Et au niveau d'une meilleure stabilité ou durabilité des industries forestières, entre autres, ça doit passer par une entente négociée. Est-ce qu'il y a un rôle que le Syndicat peut jouer aussi? Parce que, oui, le gouvernement... il y a une obligation au gouvernement, mais est-ce qu'il y a d'autres intervenants de la société qui peuvent jouer un rôle aussi?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. Massé.

M. Massé (Henri): On considère... En tout cas, je le disais d'entrée de jeu tantôt dans mon introduction à la commission, on n'a pas commencé à se préoccuper de cette question-là hier, mais il faut chez nous augmenter le travail, il faut augmenter les consultations avec notre monde. On les a commencées, on l'a fait dans les régions. On essaie de désamorcer l'espèce de crise qui est en train de se préparer. Ça, on trouve qu'on a une responsabilité sociale parce qu'on est accoutumé là-dedans. Elle a l'air bien unie, la FTQ, mais il y a toutes sortes d'intérêts là-dedans: syndicats industriels, syndicats de construction, puis on se pogne entre nous autres, mais on a toujours trouvé une façon de régler nos problèmes entre nous, puis intelligemment, puis en se parlant. Des fois, c'est long. On est accoutumé aux dialogues. On essaie de ne pas se pitcher des bêtises puis dire des énormités sur la place publique pour que l'irréparable arrive. Et ça, dans ce débat-là, je pense que c'est la première responsabilité, nous autres, qu'on se donne à la FTQ, c'est d'essayer, avec notre monde dans les régions, de garder un bon ton là-dedans, mais sans tomber dans l'angélisme. On sait que ce ne sera pas facile. Mais il doit y avoir moyen de faire les affaires intelligemment. Moi, il me semble que je vois des affaires au Québec, qui se passent à l'heure actuelle, que je désapprouve totalement. C'est beau être extrémiste, mais il y a des affaires qui ne se disent pas, il y a des affaires qui ne se font pas, puis on va essayer d'éviter ces questions-là, puis en parler avec notre monde.

La deuxième, bien là on l'a dit tantôt. On est impliqués dans la forêt, on est impliqués dans les mines, on a notre monde qui aime la chasse puis la pêche. On a des réseaux. Mais, si, à travers les négociations qui se déroulent, il peut y avoir des tables sectorielles où on est capables d'impliquer notre monde, de mettre le bon monde à la bonne place puis de vraiment bien mener les débats, je pense qu'on a une responsabilité dans ce sens-là, puis on l'a dit, on va mettre les bouchées doubles. À la FTQ, on s'est toujours préoccupé de ces questions-là. Mais, dernièrement, au niveau du Service de recherche, on s'est donné des budgets supplémentaires, puis une expertise supplémentaire, puis même de l'expertise qui vient de l'externe, puis des moyens de communication un peu plus ouverts avec les communautés autochtones. J'en connais plusieurs, mais je devrais en connaître plus que ça, puis le vice-président puis la vice-présidente de la FTQ devraient en connaître plus que ça. On veut rencontrer ce monde-là plus qu'on l'a fait dans le passé, puis je pense que c'est de même qu'on va être capables de régler nos problèmes.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Massé. Alors, Mme la députée de Jonquière, vous avez la parole.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, messieurs, madame. Moi, M. L'Heureux, je ne peux pas m'empêcher de continuer la réponse que vous avez donnée tantôt. Et j'ai comme saisi au bond, dans votre réponse, qu'il faut saisir cette occasion que nous avons pour revoir l'industrie forestière au Québec. Mon collègue vous parlait de l'exemple de Natashquan et, évidemment, au niveau de l'attribution des volumes de bois. Natashquan, votre problème, bien, c'est une forêt vierge. Sauf qu'au Saguenay?Lac-Saint-Jean puis sur la Côte-Nord les CAAF sont déjà distribués, et ce que je sais, moi, c'est qu'en matière de résineux sur le territoire du Saguenay?Lac-Saint-Jean il n'y a pas beaucoup de disponibilité. Alors, si on veut rendre effectivement admissible un volume de bois pour la communauté innue, comment on va faire ça?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Vous savez, comme je vous disais tantôt, on n'a pas de recette miracle, mais il y a une chose qui est certaine: supposons qu'on prend pour acquis qu'il y a 1 million de mètres cubes au Saguenay?Lac-Saint-Jean, s'il y a 200 000 m³ parmi ce million-là qui est transféré au niveau des Cris, c'est qu'il va falloir parler avec ces gens-là, puis il va falloir leur démontrer que, comment que demain matin, on construirait, avec des fonds nouveaux, une nouvelle scierie qui scierait du 2 x 4, ils n'auront pas plus de place à le vendre que les autres entreprises vont l'avoir au Saguenay?Lac-Saint-Jean.

n (16 h 10) n

Est-ce qu'on ne pourrait pas ? puis c'est ça qu'on préconise ? est-ce qu'on ne pourrait pas créer avec eux une deuxième puis une troisième transformation? Ce qu'on préconise aussi pour régler le problème sur la taxe sur le bois d'oeuvre, ce qu'on préconise aussi pour adapter toutes les demandes qui ont été faites dans la Loi sur les forêts, tous les changements, que ce soient les aires protégées, etc., ce qu'on dit: Les gens, qu'ils s'appellent les Cris, qu'ils s'appellent les communautés autochtones, prenons-les tous par leur nom, les Montagnais, que ce soit en Abitibi, il va falloir s'asseoir avec ces gens-là. On a une expertise qu'eux n'ont pas dans la transformation du bois, mais, eux, ont une expertise que, nous, on n'a pas sur la façon d'aller chercher la matière première qui est la fibre.

Alors, ce qu'on préconise là-dedans, c'est sûr et certain qu'au Saguenay?Lac-Saint-Jean on ne créera pas 300 000 m³ de plus, il n'y en a pas. On est tous conscients de ça. Mais, si on exploite 1 million de mètres cubes, on ne pourrait pas l'exploiter de nouveau de façon à ce qu'eux puissent avoir des jobs puis qu'ils puissent participer au développement économique de la région, sans qu'on prenne nos jobs à l'heure actuelle puis qu'on prenne nos scieries puis qu'on les ferme toutes? C'est ça, la question, puis, ça, je pense qu'on est capable de le faire, puis il y a déjà eu des amorces là-dedans, il y a eu deux, trois rencontres, un moment donné, qui ont été faites. Moi, je me souviens, lorsqu'on a parlé des changements à apporter sur la Loi des forêts, les communautés autochtones, elles étaient là, puis elles défendaient leur point de vue, puis on défendait le nôtre. On défendait les jobs, on défendait notre monde, puis on défendait... d'autres défendaient le loisir, d'autres défendaient l'environnement, puis, finalement, il a fallu s'entendre sur quelque chose à un moment donné. C'est la même solution qu'on préconise.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. L'Heureux. Mme la députée.

Mme Gauthier: Oui. M. Massé, je vois à la page 9 de votre mémoire, l'avant-dernier paragraphe, que vous vous questionnez sur l'opportunité de modifier les règles en relations de travail. Vous pensez qu'on devrait garder l'autorité québécoise en matière de relations de travail. Moi, j'ai en mémoire un dossier que j'ai eu, avec un syndicat affilié chez vous, où effectivement le syndicat voulait accréditer des travailleurs en territoire de réserve, et l'objection qu'on avait du côté patronal, c'était qu'on devait scinder l'unité en deux, parce qu'on devait mettre les autochtones d'un côté et les non-autochtones de l'autre côté. Je comprends votre problème, mais est-ce que vous pensez que, si on devait laisser cette autorité législative au gouvernement innu... Est-ce qu'il est possible d'harmoniser les règles du code canadien, du code québécois et du code à venir?

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, M. L'Heureux? M. Massé.

M. Massé (Henri): La question la plus importante, c'est la question de fond: Que les lois du travail s'appliquent. Ensuite, si on veut être pragmatique, est-ce qu'on peut... Tu sais, je veux dire, je pense qu'on ne pourra pas tout faire non plus au niveau d'un gouvernement autochtone autonome. Nous autres, on pense que c'est encore les organismes autant au fédéral qu'au niveau du Québec qui devraient continuer. Maintenant, si on parle d'harmonisation, puis, si les négociations se déroulent bien, puis finalement on dit que ça va se faire exactement de la même façon, peut-être avec une certaine sensibilité, c'est des choses qu'on peut regarder. Mais c'est parce que, dans le document, ce qui nous inquiétait le plus, c'est qu'on parle uniquement de la santé et sécurité au travail. On ne parle pas du reste des lois du travail. Est-ce que c'est complètement exclu? Ça nous a l'air d'être complètement exclu. On dit que les lois du travail doivent s'appliquer; droit à la syndicalisation. Surtout que, on le voit aujourd'hui, il y a des régions où les autochtones embauchent des Blancs et, bon, il y a du monde qui circule d'une place à l'autre. Les lois du travail doivent d'appliquer.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Massé. Mme la députée.

Mme Gauthier: Ma question s'adressera à M. Potvin. Je ne sais pas à quelle heure vous avez traversé la réserve faunique ce matin, mais, moi, j'ai entendu une entrevue téléphonique avec un membre chez vous, un membre influent, M. Claude... le président de la...

Une voix: ...

Mme Gauthier: ...c'est ça - une entrevue radiophonique ce matin, et, quand il a été question du dossier de l'Approche commune, j'ai senti comme un malaise, et ce n'est pas son genre de ne pas être habile à exprimer le fond de sa pensée. Et vous dites que vous faites des ateliers de formation ou que c'est à venir. Je veux savoir exactement comment on doit... on peut percer, hein... Parce que c'est au niveau du Saguenay, je pense, de la région du Saguenay qu'on voit le plus de résistance au niveau de l'Approche commune. Comment on peut percer cette résistance, cette poche de résistance si difficile au Saguenay?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Potvin.

M. Potvin (Mishell): D'abord, Mme Gauthier, c'est Alain Proulx, puis l'entrevue qu'il faisait, ce n'était pas sur ce sujet-là, donc il n'était pas préparé à ça, d'une part. D'autre part, c'est sûr qu'on n'a pas commencé à faire de la formation sur l'entente qu'on discute actuellement, là, sauf qu'on a fait quand même certaines consultations au niveau de nos délégués syndicaux avant de se prononcer sur l'entente ou pas. Et l'exemple que je vous donnais, c'était avec M. Chevrette et M. Moar, une réunion qu'on a eue avec nos délégués.

C'est sûr que, comme mes confrères le disaient, on a commencé quand même à jouer un rôle social, on s'occupe de certaines causes sociales aussi, et ça, c'en est une d'harmoniser un peu les relations entre les Blancs et les autochtones. Parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de préjugés, particulièrement dans la région chez nous, on en entend parler passablement, on a beaucoup de chemin à faire de ce côté-là. Sauf que c'est dans nos objectifs de faire de la formation, de donner de l'information pour essayer d'enlever de la discrimination qui existe actuellement dans la région chez nous, et ça existe aussi sur la Côte-Nord et ça existe dans tous les endroits où... Bien, écoutez, ça existe à New York parce qu'il y a des Noirs. Où il y a des communautés qui sont différentes, il y a des problèmes de relations, et ça, nous, on prend le mandat aussi d'essayer de diminuer les conflits qu'il peut y avoir entre ces peuples-là, dont nous autres et les autochtones.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Potvin. M. Massé, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Massé (Henri): Bien, je voudrais juste dire... Qu'ils soient prudents comme ça, ça prouve une chose, c'est correct, c'est bon, à la FTQ on ne parle pas à travers notre chapeau. Et dans votre région, bien, ça se complique, il y a un problème de monarchie en plus. La monarchie, le Québec...

Mme Gauthier: On l'a abolie, on l'a abolie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): O.K. Alors, on n'entrera pas dans la royauté. Oui, Mme la députée.

Mme Gauthier: Oui, M. Potvin, toujours à vous. Vous avez fait mention que vous étiez présent, effectivement, je me rappelle, à la réunion du mois de mai au Montagnais où il y avait une réunion d'information, et vous, vous nous dites aujourd'hui qu'il faut davantage que les élus prennent le pôle dans le dossier puis expliquent l'entente commune, les objectifs recherchés, les tenants et aboutissants, puis aussi peut-être rétablissent certaines vérités qui sont véhiculées. Vous, dans votre tête, à vous, de quelle façon vous pensez qu'on devrait le faire?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Massé? M. Potvin?

M. Potvin (Mishell): Oui. C'est sûr qu'actuellement, comme je vous dis, le dossier est commencé, on ne peut pas retourner en arrière puis reprendre ce qui a été, je dirais, pas très bien fait à l'époque, là. Sauf que, à cette réunion-là, les gens n'ont pas parlé du tout du contenu, ils ont tiré sur les messagers, parce que ce n'étaient pas les bons messagers, c'était ça, le problème. C'étaient des élus qui avaient négocié ça et les élus n'étaient pas là. Et ce qu'on a senti à cette réunion-là, c'est que les élus se cachaient derrière les fonctionnaires pour faire passer l'histoire, là, parce que ça ne semblait pas trop, disons, accepté de la population, donc eux ne voulaient pas trop prendre leurs responsabilités.

Donc, c'est ça qu'on dit, c'est que c'est les élus qui doivent être les premiers en avant pour faire la promotion de cette entente-là, faire l'explication. Je ne dis pas qu'ils soient tous là, mais au moins qu'il y ait des représentants des élus de la Chambre nationale, de l'Assemblée nationale, il devrait peut-être y en avoir d'Ottawa aussi, on sait qu'ils sont aussi partie prenante de cette entente-là, même si on ne les voit pas souvent, là, mais je pense que ça devrait être... c'est les élus qu'on veut voir.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Potvin. Mme la députée.

Mme Gauthier: Oui, une dernière question, si vous permettez. Au niveau des clauses de discrimination positive, nos travailleurs forestiers en région sont inquiets, évidemment, par tout ce qui se passe dans l'industrie forestière. De quelle façon vous voyez les clauses de discrimination positive dans l'embauche pour les autochtones dans l'industrie forestière?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Massé.

M. Massé (Henri): Bien, avant que Clément complète, je ne sais pas, je pense qu'il faut la regarder comme une question un peu plus large, il n'y a pas juste l'industrie forestière, là, il y a les mines, il y a Hydro-Québec, il y a la forêt, il y a la construction. Et, comme je vous ai dit, il y a eu des ententes à venir jusqu'à date sauf dans la forêt, là, puis quand le dialogue commencera là-dessus, on épousera probablement le modèle qu'on a ailleurs, puis peut-être même en l'améliorant. Mais à Hydro-Québec, par exemple, c'est des clauses d'ancienneté puis tout ça, là, le monde du sud peuvent dire: Moi, j'ai une priorité au nord, puis tout ça. On a mis ça de côté pour les nations autochtones en bonne partie, il y a des ententes là-dessus à l'heure actuelle avec des priorités d'emplois, il y a des choses à regarder. Je ne dis pas que c'est un modèle qui va être pareil partout, on a un modèle qui est un peu différent dans la construction mais qui permet ça. Moi, je pense qu'il faut partir des problèmes pratiques, regarder ce qui se passe, puis là notre monde sont capables de regarder les solutions.

n (16 h 20) n

Tantôt, vous disiez: Bien, comment vous feriez pour finir ces négociations-là? Je ne le sais pas. Nous autres, à la FTQ, quand on commence une négociation, on la finit, puis on ne demande pas aux autres de venir nous dire comment la finir. D'habitude, vous... ça arrive des fois que vous vous sacrez le nez là-dedans, puis on n'aime pas ça, on aime ça finir nous autres mêmes. Et dans le message que je passe, tu sais, il y a une négociation de commencée, il y a un leadership qui s'exerce par le gouvernement, puis vous êtes les responsables de ça, quelque parti politique que ce soit, confondus. Je disais tantôt que c'est un test de maturité. On est pris devant un enjeu qui est tellement extraordinaire, puis je pense qu'on a des défis qui sont bien le fun. Même si les questions sont extrêmement difficiles, il ne faut pas revirer de bord. Puis là il faut poser les bonnes questions puis continuer à travailler.

Nous autres, on va continuer à essayer de nous alimenter. Et des recettes miracles, encore une fois, il n'y en a pas. Ça prend une volonté politique pour finir ce dossier-là, même si ce n'est pas facile, puis en essayant d'éteindre les feux puis de bien informer le monde. Moi, je suis convaincu que du monde avec plus d'informations, il y en a qui vont se calmer. Il y en a qui vont rester fous jusqu'à la fin.

Mme Gauthier: Comment vous dites?

M. Massé (Henri): J'ai dit: Il y en a qui vont rester fous jusqu'à la fin. Quand on vient au monde fou...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Ça ne se corrige pas en chemin, ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Massé. Est-ce que j'aurais le consentement de la commission, parce qu'il reste quelques minutes, pour que le député de Roberval puisse poser une question? Est-ce que ça va? Alors, depuis tout à l'heure qu'il me fait des signes...

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y!

M. Laprise: Une question à M. L'Heureux, moi, qui a semblé être fort intéressé par les projets de partenariat au niveau de la forêt, qui avaient beaucoup de possibilités. Moi, j'en aurais un beau projet, à Chambord, dans le comté de Roberval, il y a une belle entreprise de troisième transformation qui est arrêtée, du bois qui est en train de pourrir dans le bois. Je pense que ça pourrait être une entreprise qui pourrait être acquise par une entreprise collective, en partenariat avec tout le monde de la région, et qui pourrait être développée davantage et qui pourrait répondre à un besoin de main-d'oeuvre extraordinaire actuellement, là. Je pense que ce dossier-là, il faudrait le regarder peut-être avec une nouvelle façon.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Roberval. M. Massé? M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Moi, je peux vous dire qu'on le regarde à chaque jour, monsieur, puis on essaie de le regarder avec différentes visions à chaque jour. On espère qu'un jour on trouvera le bon angle.

M. Laprise: On pourrait l'exproprier.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup. Alors, la commission... M. Massé, est-ce que vous aviez...

M. Massé (Henri): Non, ça va.

Le Président (M. Boulianne): Ça va? O.K. Alors, pour cette fois-ci, c'est le président qui a le dernier mot. Alors, merci beaucoup. On va suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 22)

 

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions va poursuivre ses travaux. J'invite les représentants de ville de Saguenay à bien vouloir s'approcher.

Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, et j'indique que vous avez 20 minutes de présentation.

Ville de Saguenay

M. Tremblay (Jean): Alors, bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean Tremblay, je suis maire de Saguenay et je suis aujourd'hui accompagné des membres de l'exécutif de ville de Saguenay: M. Fabien Hovington, M. Marc-André Gagnon, M. Claude Tremblay, de même que deux citoyens: MM. Daniel Larouche et Charles Côté.

n (16 h 30) n

M. le Président, je vous ai transmis plusieurs exemplaires du mémoire que ville de Saguenay présente à cette commission. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, d'en faire la lecture. Toutefois, je veux vous apporter des précisions et je veux également commenter les motifs qui ont incité sa rédaction.

D'abord, M. le Président, j'aimerais vous souligner que le document est basé sur un principe auquel nous ne dérogeons pas: «Tous sont égaux devant la loi et ont la même protection, sans discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique». Ces mots sont puisés de notre Constitution.

M. Chevrette, quand on lit son rapport, à la page 7, nous dit formellement, M. le Président, des mots qui nous font sursauter, et je me permets de vous en faire la lecture. Il dit: «Existe-t-il certains droits distincts pour les autochtones, d'autres pour les Québécois? La réponse est on ne peut plus claire: OUI.» ? en lettres majuscules. M. le Président, on constate que M. Chevrette vient de proclamer l'inégalité de nos citoyens. Il contredit par son texte la Constitution canadienne.

J'aimerais, M. le Président, vous citer également quelques phrases qui sont de l'auteur de la Constitution et qui disent ceci: «Tous sont égaux devant la loi et ont la même protection. L'histoire canadienne est un difficile cheminement vers une unité nationale toujours fragile et souvent menacée. Si nous avions tenté ? c'est M. Pierre Elliot Trudeau qui parle ? d'identifier chacune des minorités vivant au Canada et de protéger toutes les caractéristiques qui en faisaient un groupe à part, nous aurions non seulement fait face à une tâche impossible, mais nous aurions à coup sûr précipité le démembrement du territoire canadien.»

On a l'impression et on est même certains, M. le Président, que c'est un texte qui s'applique parfaitement aux discussions que nous avons aujourd'hui.

J'ai la certitude que ce projet fait fausse route et qu'il proclame l'inégalité des citoyens. Nous sommes tous bien placés pour savoir que l'unité nationale est fragile et qu'elle est souvent menacée. Le dossier qui nous préoccupe mérite d'être bien expliqué. Nos politiciens ont le devoir d'exposer clairement à la population leur orientation, surtout devant une étape aussi importante de notre histoire.

Lors du récent Rendez-vous national des régions, j'ai porté à l'attention du gouvernement les résultats démographiques et sociaux désastreux que connaît notre région. J'en ai une copie, M. le Président, que j'aimerais vous déposer aujourd'hui, de ce bilan que j'ai déposé au Sommet des régions.

Je suis parfaitement d'accord à ce que le gouvernement soit sensible aux problèmes sociaux des Montagnais. Toutefois, j'aimerais vous souligner que la région connaît elle aussi des difficultés qui sont comparables à celles des Montagnais, et, à titre d'exemple, vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que plusieurs municipalités de notre région ont un taux d'emploi inférieur à celui de Mashteuiatsh. J'en ai d'ailleurs la liste.

Je désire également vous souligner, M. le Président, que nous avons vécu, depuis plus de 150 ans, dans une paix et un respect mutuel avec les Montagnais, et cela, bien avant que le gouvernement en fasse son objectif. Ce que nous sommes après faire, c'est briser cette belle harmonie que nous avons manifestée depuis le début de notre vie commune. Nous ressentons, M. le Président, depuis le début que cette négociation est animée par la peur, la peur du gouvernement devant les résultats des décisions des tribunaux. Et, devant cette peur, on concède d'avance tous les avantages que pourraient réclamer les Montagnais.

Les principes d'égalité sur lesquels sont basés notre Constitution sont mis de côté. C'est la première fois que je constate que notre peuple s'appuie sur la peur pour faire avancer notre société. Nos victoires, elles ont été animées dans le passé par des principes d'égalité, de justice, de fierté et d'honneur, jamais la peur. Ceux qui pensent que ce traité mettra fin aux activités devant les tribunaux, il est facile de constater, M. le Président, que c'est tout à fait le contraire. Les procès vont commencer le lendemain et vont se multiplier: un, par ceux qui sont contre; deux, par l'ensemble des points obscurs que l'on retrouve dans ce traité. C'est des zones obscures, oubliées, et son fondement même sera certainement révisé par les tribunaux. Nous aurons des procès, M. le Président, nous n'en finirons plus.

Ce que nous désirons, c'est l'égalité des chances pour tous et elle est garantie par la loi fondamentale de notre pays: l'égalité pour tous. Mon but, M. le Président, ce n'est pas d'analyser le bien-fondé des revendications. Ce qui m'intéresse, c'est les effets, les impacts sur les citoyens que je représente. En juillet 2000, les citoyens du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord ont forcé à rendre publiques des négociations qui se faisaient dans le secret.

Comme c'est les ? je vous laisserai parler après, M. Trudel, avec plaisir, mais là je vais finir mon exposé, si vous voulez ? ce que je vous dis là, c'est la pure vérité, et je le répète...

Une voix: ...

M. Tremblay (Jean): Bien, c'est parce que, là...

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez poursuivre, M. le maire.

M. Tremblay (Jean): En juillet... Je recommence. En juillet 2000, les citoyens ont forcé à rendre publiques des négociations qui se faisaient dans le secret. C'est comme si les citoyens, c'était l'opposition, et que leur ignorance faisait notre affaire.

M. le Président, nous constatons que les décisions sont déjà prises. Et, quand on nous demande de venir parler, on a l'impression que c'est ? un peu une façon imagée ? comme si on nous disait: On va mettre le feu à ta maison, puis on se demande de quel côté on va mettre les débris, puis on aimerait en discuter avec toi.

M. le Président, c'est difficile de croire en l'objectivité du gouvernement quand il s'engage à promouvoir cette entente-là. Les experts gouvernementaux qui sont payés par les citoyens devraient être au service des citoyens et non pas les dominer comme on le sent actuellement. De toute façon, ce qu'on négocie, M. le Président, c'est l'égalité des vivants, ce n'est pas l'égalité des morts.

M. le Président, contrairement à ce qui s'est passé à la Baie-James, il faut prendre en considération que ce traité affecte une région fortement municipalisée. Pendant 20 ans, on a été tenu à l'écart de ces négociations, alors qu'Hydro-Québec suivait ça de près. C'est à se demander si le devoir démocratique du gouvernement s'applique davantage vers Hydro-Québec qu'envers les citoyens. Nous avons eu, en très peu de temps, à rattraper 20 ans de discussions.

Je me réjouis, M. le Président, de constater que Jacques Parizeau lui-même a bondi à la lecture de l'entente. J'aurais souhaité d'ailleurs qu'il vienne se faire entendre ici.

n(16 h 40)n

Ce qu'on est après faire, c'est créer l'équivalent d'un parlement supporté par notre soutien financier. En plus, on donne des droits substantiels sur toutes nos ressources et on crée des mesures qui favorisent l'emploi. On refuse de définir les droits ancestraux, on les prend pour acquis, de même que le titre «aborigènes». On aimerait, quand c'est notre cas, quand on parle de développement pour notre région, avoir une oreille aussi attentive.

À titre de maire de l'agglomération la plus défavorisée du pays, j'espère que les lois de l'économie, qui semblent si bien comprises pour les uns, s'appliqueront aussi pour nous. Je conteste la légitimité de ce qu'on donne aux uns; on le demande depuis 20 ans et ça nous est refusé. On a vu une batterie d'experts qui ont coûté une fortune, mobilisés depuis deux ans pour faire passer l'Entente.

Ceux qui sont contre, on les qualifie de racistes. J'aimerais, M. le Président, vous donner la définition du racisme: le racisme, c'est croire qu'il existe une hiérarchie entre les groupes humains. C'est justement ce qu'on ne croit pas. On croit qu'on est tous égaux. On est contre le racisme, justement. On a l'impression qu'on se sert de la docilité des bons citoyens pour créer une inégalité.

L'égalité de tous nos citoyens, c'est un droit fondamental. Non seulement nous avons des droits égaux, mais nous devons avoir des chances égales de nous épanouir. Les peuples autochtones sont des Canadiens à part entière et ils ne doivent pas être laissés dans des conditions d'infériorité. Nous sommes d'accord avec ça. Nous sommes d'accord qu'il faut préserver leur culture et leur patrimoine. Nous sommes d'accord que nous devons leur venir en aide. Aucun citoyen ne doit vivre dans une condition d'infériorité, nous sommes d'accord avec ça.

Le gouvernement essaie de régler un à un, à vase clos, le problème ? qu'ils appellent ? des premières nations. Je vais vous dire que le mot «premières nations», ça me fait sursauter: première, deuxième, troisième, alors j'imagine que les Canadiens français sont les deuxièmes, les Anglais sont les troisièmes. Les Chinois sont-ils les dixièmes? Ce n'est pas comme ça que ça marche, l'égalité des citoyens.

M. le Président, en conclusion, nous considérons que cette entente consacre l'inégalité des citoyens et qu'on déclare un peuple supérieur à un autre. Et je tiens à vous souligner que ville de Saguenay fera toutes les pressions qui s'imposent auprès des gouvernements ? provincial et fédéral ? pour empêcher la signature de cette entente.

Nous savons très bien que nous n'avons pas les moyens de vous empêcher d'établir ce traité. Si, jusqu'au bout, vous tenez à le signer, on sait qu'on n'est pas capables de vous empêcher. Toutefois, il ne faudrait pas briser la solidarité et l'esprit d'égalité qui règnent chez nous. C'est une notion fragile. Vous avez une grande responsabilité. Vous êtes imputables de vos recommandations, si vous partagez nos valeurs de paix, de respect mutuel et de développement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, au début de ces échanges, à titre de président, je souhaite que les uns et les autres puissent échanger justement dans le plus grand respect. On peut exprimer des opinions qui sont divergentes, mais ça peut se faire correctement. Alors, M. le ministre, vous pouvez amorcer ces échanges.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Vous faites bien de m'avertir. Vous faites très bien de m'avertir. Je vais me retenir, M. le Président, je vais respecter les règles. Parce que, à entendre ce qu'on vient d'entendre, on croirait que, comme diagnostique, c'est: Tous ceux avant moi sont des incompétents, tous ceux qui me suivent et qui travaillent sur la question sont des intrigants et qu'il n'y a pas d'histoire qui s'est écrite au Québec avec les premières nations, les nations autochtones, qu'il n'y a pas eu de décisions des tribunaux, que nous ne vivons pas dans une société de droit et que nous n'avons pas à nous installer à la table pour reconnaître ? pour reconnaître ? l'exercice de ces droits ancestraux pour des nations qui, d'évidence, sont dans des situations qui sont autrement difficiles que celles que nous pouvons vivre, oui, en région.

Moi, j'y suis depuis 30 ans aussi, et, bâtir une région, ça demande effectivement un esprit de pionnier mais ça demande aussi la reconnaissance de l'autre. La définition du racisme, c'est d'abord de nier l'existence de quelqu'un qui est différent. C'est ça, la définition fondamentale universelle du racisme.

M. le maire, j'aimerais que vous nous expliquiez... Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous en arrivez à dire que vous être l'agglomération ? j'espère... vous parlez de la nouvelle ville, là ? l'agglomération la plus défavorisée du pays? La plus pauvre ? ça semble, le pays, le Canada ? la plus pauvre du Canada, c'est Saguenay? M. le maire, expliquez-nous ça, là.

M. Tremblay (Jean): D'abord, je vais parler de ce que vous avez dit au tout début, là, la définition du mot «racisme», là. La mienne, je la prends dans le dictionnaire, M. Trudel. Celle que vous venez de me donner, là, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne. La définition du racisme, je l'ai prise dans le dictionnaire Larousse.

Deuxièmement, quand vous parlez de notion de droit, notion de droit, ça veut dire qu'on va devant les tribunaux. Quand vous refusez d'y aller pour faire reconnaître des titres, pour faire reconnaître des choses, alors que vous savez très bien, M. Trudel, c'est dans tous les journaux ? c'était encore... hier, on le voyait ? vous savez très bien que c'est loin d'être sûr, tout le monde le dit, vous le savez très bien.

Quand je vous dis que, chez nous, on est dans une situation difficile, vous savez que, parmi les grandes agglomérations, on a depuis longtemps le record du chômage. À ce point de vue là, vous devez admettre qu'on a une ville qui a une difficulté particulière, au niveau de l'emploi.

Quand vous dites que ces gens-là connaissent des difficultés particulières, je vous le concède, et nous aussi. Et on est d'accord pour qu'il y ait une aide particulière, on est d'accord avec ça. Maintenant, il reste une chose. C'est que, si vous voulez faire des comparaisons, là ? j'ai tous mes papiers ? je tiens à vous dire qu'on peut se comparer puis vous allez voir que, dans la région, les problèmes que ces gens-là vivent sont très semblables aux nôtres. Alors, plusieurs municipalités sont beaucoup plus en difficulté que les leurs.

Mais qu'on apporte des corrections, même qu'on en donne un peu plus, on n'est pas contre ça. Ce n'est pas qu'on... On n'est pas contre ça. Mais de là à créer, pour l'éternité, des inégalités entre des citoyens... Si vous dites qu'on est dans une notion de droit, bien, on a une Constitution qui nous protège et qui dit heureusement que nous sommes tous égaux devant la loi. Alors, je pense que, à ce niveau-là, le traité fait défaut.

M. Trudel: Sur quoi vous vous basez pour, en tout cas, me faire sursauter, pour dire que c'est... on a forcé la divulgation publique des textes? Lorsque ça a été adopté, les fondements de l'Approche commune, on a sitôt placé ça sur Internet pour qu'elle soit disponible au grand public. Dès que le gouvernement fédéral, les négociateurs à la table de négociations nous ont remis le texte, le 12 mai dernier, ça a été rendu public, et c'est une entente de principe, ce n'est pas un traité.

Pourquoi en arriver à faire mystère de ce qui n'est pas un mystère mais qui est une question difficile à régler? J'en conviens, c'est une question difficile à régler. Vous le savez aussi, que les questions difficiles... Prenez un exemple vécu chez vous. Ça a été longtemps une question difficile, la fusion des municipalités, hein, qu'on n'a pas eu peur de passer, en termes de test. Ça aussi, c'en est une, épreuve de civilisation.

Pourquoi, pourquoi vous ne partagez pas cette responsabilité, dans les populations régionales, de contribuer à l'information, sur la base des textes qui circulent très largement, de cette propre commission parlementaire et d'autres activités qui viendront? Vous le savez, M. le maire, ce n'est pas un traité, c'est une entente sur des principes, oui, qui engage l'avenir. On ne signe pas une entente de principe quand il n'y a rien dedans, c'est parce qu'il y a des choses qui sont reconnues mais qui vont nous amener à un traité de nation à nation. On pourrait dire autrement: Est-ce que vous préférez qu'il y ait traité ou que nous poursuivions les activités sans la détermination des règles pour l'exercice de droits qui ont été reconnus dans de nombreux jugements de cours et pour lesquels nous avons aussi donné notre adhérence, en termes de reconnaissance de la société québécoise?

M. Tremblay (Jean): M. le ministre, vous me permettrez d'être l'homme le plus étonné du monde de constater que tout à coup vous semblez étonné que je dise que ça a été caché. Là, il faudrait parler aux journalistes, là. Les journalistes, un après l'autre, l'ont tous écrit. Même le Conseil des ministres, ils nous ont dit, n'était pas au courant, ça se faisait en cachette. Ça fait 20 ans que ça se fait en cachette, puis vous semblez étonné aujourd'hui que je vous dise que ça c'est fait en cachette! M. le ministre, là, si vous n'admettez pas ça...

n(16 h 50)n

En tout cas, on va passer à l'autre sujet, parce que celui-là, je ne peux pas dire plus que ce que... Moi, je lis les journaux tous les jours et ça a été dit à tour de bras qu'il y a eu 20 ans de négociations en cachette.

Deuxième chose, vous parlez des procès. Je sais, M. le ministre, que vous n'êtes pas naïf. Vous n'irez certainement pas me dire que vous croyez que c'est la fin des procès; vous savez très bien que c'est le début, c'est le début des procès, hein?

Cette entente-là, on commence les procès. C'est bourré d'ambiguïtés, de choses obscures. Même le fondement va être contesté immédiatement; je peux vous dire que je connais des gens qui me l'ont dit. Ils ont dit: C'est sûr, ce n'est pas légal, ça. Puis ce n'est pas des gens qui ne connaissent rien dans le droit, là. Mais ce n'est pas une raison, même si on pense que ce n'est pas légal, pour laisser aller les choses puis dire, par la suite: On les contestera.

Mais j'espère que vous ne pensez pas que c'est la fin des procès, M. le ministre, là. Il ne faudrait quand même pas... C'est le début des procès. Les procès vont commencer après ça. Sauf qu'on ne pourra pas aller en deçà de ce qui est écrit dans ce document-là.

M. Trudel: Dans toute négociation, la bonne foi se présume. Partout, dans n'importe quel secteur d'activités, la bonne foi se présume.

Vous, vous affirmez que de déterminer des règles, que s'entendre sur l'étendue de l'exercice de la pratique de certains droits ancestraux sur certains territoires, ça va plutôt donner naissance à des litiges, et que nous allons non seulement ne pas désactiver certaines poursuites en cour ? 500 millions, le cas échéant ici ? qui seraient des poursuites qui seraient annulées, mais que cela va donner naissance à une industrie du litige et à une industrie de la contestation devant les cours. Mais, ma foi! y a-t-il lieu, M. le maire, de faire une entente?

M. Tremblay (Jean): Monsieur... Oui, mais pas du tout dans ce sens-là, une entente où les individus sont tous égaux.

Mais vous parlez de 500 millions, ça ne me fait pas frissonner, ça. Vous dites que vous leur donnez pareil 300 millions en commençant puis... Moi, ce n'est pas une question d'argent, hein? Je ne viens pas ici pour une question d'argent parce que je me dis que ce n'est pas grave, ça, l'argent. L'argent, ça, on peut toujours s'organiser par la suite. Mais il y a des principes fondamentaux ? fondamentaux ? qui sont à la base de notre Constitution: ça, c'est bien plus que de l'argent. De l'argent mal dépensé, il y en a partout. Hein? On est bien placé, nous autres, politiciens, pour le savoir, hein?

Mais une chose est sûr: ça s'oublie vite, ça, de l'argent mal dépensé, mais des principes comme ceux d'égalité qui ne sont pas respectés, comme c'est le cas dans ce traité-là, ça, ça va donner l'objet à des procès. Ça, ça va donner l'objet à des procès. Sur chacun de ces cas-là, nos citoyens, vous le savez très bien qu'ils ont besoin d'être renseignés, ils ont besoin de le savoir d'une façon claire. D'ailleurs, je ne suis pas surpris que vous ne vouliez pas aller en référendum. J'aimerais ça, moi, qu'il y ait un référendum mais je sais qu'il n'y en aura pas, mais j'aimerais ça.

M. Trudel: Un référendum pancanadien?

M. Tremblay (Jean): Bien, d'abord, vous pourriez au moins consulter les régions qui sont affectées, hein? À chaque fois qu'il y a une région qui est affectée, comme la Côte-Nord et le Saguenay?Lac-Saint-Jean, j'aimerais ça qu'on consulte notre population. Quand on touche des points aussi importants, je trouverais ça très bien.

Moi, j'ai toujours dit, et c'était la même chose dans les fusions: Consulte la population. Moi, le citoyen chez nous, M. le ministre, c'est le roi, c'est lui qui décide. C'est à moi de lui expliquer; s'il me dit non, merci, il m'a dit non. C'est le roi. C'est lui qui me paie, c'est ma raison d'être.

Alors, dans un document comme celui-là, qu'on ait caché ça aux citoyens pendant 20 ans, pour moi, c'est inacceptable. C'est le roi, le citoyen.

M. Trudel: Vous avez fait approuver votre mémoire par tous les citoyens, évidemment!

M. Tremblay (Jean): M. le Président, je fais cette présentation-là aujourd'hui, et je vous dis une chose: J'ai l'intention, c'est possible qu'on consulte les citoyens au printemps sur nos points de vue. C'est possible qu'on fasse une consultation publique de tous nos citoyens, au printemps. On y pense. Je n'en prend pas l'engagement, on va regarder comment les choses se déroulent. Mais, oui, on y pense.

M. Trudel: Comment vous disposez des décisions des tribunaux qui nous disent que les premières nations ? là, comment est-ce qu'on chercherait midi à 14 heures, ils sont arrivés avant nous autres ? les premières nations, là, puis...

M. Tremblay (Jean): Oui, mais on est arrivé avant les Chinois, donc on a plus de droits que les Chinois.

M. Trudel: Bon. Alors...

M. Tremblay (Jean): Les Anglais sont arrivés après nous autres.

M. Trudel: ...de notre terre, là... on a utilisé, là, je veux dire, c'est des définitions assez simplistes. Mais dans une société de droit, qu'est-ce qu'on fait avec une décision des tribunaux qui, ayant jugé la chose, ayant examiné et inscrit dans la Constitution qu'il y a des droits ancestraux et que c'est au gouvernement de s'entendre quant à leur exercice, comment vous solutionnez ça, vous?

M. Tremblay (Jean): M. le ministre, là, là-dessus, je vais céder la parole à un expert qui m'accompagne, à ce sujet-là. Alors, M. Larouche, M. Daniel Larouche.

M. Larouche (Daniel): Donc, votre question, c'est: Comment justifier qu'on puisse passer à côté des décisions des tribunaux? À ce moment-là, ce que monsieur...

M. Trudel: Bien, si c'est une société de droit, si on vit dans une société de droit...

M. Larouche (Daniel): Non, là, vous me laissez parler, s'il vous plaît.

M. Trudel: Oui.

M. Larouche (Daniel): M. Tremblay a dit: Ce qui a été négocié va à l'encontre de ce que la Constitution... ce que l'esprit de la Constitution veut faire. La Constitution du Canada, qui est la nôtre, qu'on l'ait entérinée ou non, celle qui protège chacun des citoyens de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean comme de celle de toutes les régions du Québec, elle prévoit... elle accorde à tous des droits égaux. Ce n'est pas une Constitution à deux clauses, il n'y a pas que l'article 25 et 35 dans cette Constitution-là. Il y a l'article 15 qui est fondamental.

L'esprit de la Constitution est très clair: on ne veut pas bâtir un pays et des parties de pays sur des discriminations qui se font sur la base de l'ethnie, de la race, du sexe ou d'autres critères. Ces choses-là sont très claires.

Et, dans la présente négociation, contrairement à ce que vous affirmiez, M. Trudel, la population de la région n'existe pas, O.K.? Elle n'est pas partie prenante. Des élus imputables n'ont pas été assis à la table, ils n'ont pas donné de mandat à leurs commettants pour céder telle ou telle chose. Ce sont des droits fondamentaux des citoyens, prévus par la Constitution, qui sont attaqués de cette façon-là.

Quand, M. Trudel, vous parlez des droits ancestraux, démêlons les choses. Le droit de faire de l'hydroélectricité, d'avoir des redevances et ressources naturelles, de couper les forêts, les droits d'utilisation des ressources aquatiques, hydriques et autres, ce ne sont pas tous des droits ancestraux. Dans cette entente-là, il y a bien d'autres choses que des droits ancestraux. Et, en plus, on prend bien soin de ne pas les définir, les droits ancestraux.

Tout ceci pour vous dire qu'on peut très bien prétendre qu'il faut protéger les droits ancestraux d'un groupe, mais les droits ancestraux de l'autre groupe, comment ils doivent être tenus en compte? La population a été complètement écartée de cette négociation-là. Et, comme le disait M. Tremblay ? si vous voulez là-dessus faire de la chronologie, on peut en faire ? c'est grâce à la pression des citoyens du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord que cette commission-là existe aujourd'hui.

Et je mentionne une dernière chose, si M. Tremblay me le permet: Nous sommes ici dans une commission parlementaire, une commission donc où des parlementaires viennent pour réfléchir. Je m'étonne que le seul interlocuteur qu'on ait de l'autre côté de la table pour le moment soit un ministre qui est un exécutant du gouvernement et qui, lui, doit rendre des comptes aux parlementaires. Je pense que, une commission parlementaire, c'est un outil de l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Lachance): Il y a des députés aussi qui vont continuer tantôt de faire les échanges avec vous.

M. Larouche (Daniel): Vous permettez que je termine, monsieur, O.K.? C'est que...

Le Président (M. Lachance): Bien, ici, là, c'est le président qui décide. On n'est pas au conseil de ville de Saguenay ici, là. Veuillez poursuivre.

M. Tremblay (Jean): Alors, M. Trudel, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Trudel: Non, sur cet aspect-là. Bon. Ça, c'est la thèse de Pierre Elliott Trudeau sur l'unité canadienne et l'égalité de tous.

Comment vous réconciliez l'article 35 de la Constitution canadienne qui reconnaît les droits ancestraux dans la Constitution et qui reconnaît la responsabilité, la capacité de l'administration sur le territoire, le titre aborigène? Comment vous réconciliez ces deux aspects de la Constitution canadienne? Puis on ne s'obstinera pas sur le rapatriement unilatéral ou pas, c'est une autre question à part. Comment vous réconciliez ça, le fait qu'on indique dans la Constitution canadienne, à l'article 35, que ça existe, ces droits ancestraux là, avec ce que vous venez d'affirmer à l'égard de l'égalité dans les droits?

n(17 heures)n

M. Tremblay (Jean): M. le ministre, ce n'est pas un procès qu'on est venus faire, là. Là, ce que vous nous... Ce qu'on est venus dire, c'est qu'on veut l'égalité, O.K.? Les droits ancestraux, là, si on prend... si vous voulez qu'on prenne l'article 35 ensemble, l'article 35... Il ne faut pas oublier l'article 15, hein? Si vous voulez parler de... Vous ne pouvez pas prendre un seul article de la Constitution puis dire: Ça, ça fait notre affaire, hein? Si on prend l'article 35, dire: Celui-là, il fait notre affaire: Les gouvernements fédéral et provincial sont liés par l'engagement de principe, selon lequel... c'est celui-là? Non, 35, je m'excuse: «Les droits existants ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones sont reconnus et confirmés.» C'est vrai. O.K.? Alors, les droits ancestraux... Vous dites vous-même dans votre traité: Les droits ancestraux, on ne veut pas aller devant le tribunal. Vous ne voulez pas aller les reconnaître. Allez-y les reconnaître. Si le tribunal nous dit que c'est ça, pas de problème avec ça. Le tribunal va nous le dire. Mais vous refusez, vous, d'aller devant le tribunal avec ça.

Puis on nous dit à l'article 15 que la Constitution est basée sur l'égalité, l'égalité des citoyens, et ça, c'est un principe de base auquel on ne peut pas passer outre. M. le ministre, laissez-moi vous dire qu'on s'engage dans des procès. On proclame l'inégalité des citoyens, je le ressens. Je suis chez nous à Saguenay, je vis tous les jours avec ces gens-là et je dois vous dire que les Montagnais, chez nous, notre relation avec eux est excellente, elle a toujours été excellente. On n'a jamais eu de conflits avec ces gens-là, ce sont des gens agréables à vivre. Il y a peut-être des places qu'ils ont des problèmes, mais nous autres, on n'en a pas. Mais, là on est en train d'en créer des problèmes, on est après... Je vous le dis, on entend toutes sortes de réflexions de ce temps-ci, puis ce n'est pas bon, ça. Je le sens que ce n'est pas bon. Il faut semer l'harmonie de nos citoyens. Puis tout traité, toute convention qui n'est pas basée sur l'égalité, M. le ministre, ce n'est pas bon.

Le Président (M. Lachance): M. le député de...

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Trudel: ...en lisant l'article 25 de la Constitution, le fait que la présente Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés ancestraux issus de traités ou autres des peuples autochtones du Canada, notamment un certain nombre...

M. Tremblay (Jean): Ils n'ont pas de traité, M. Trudel. Ils n'ont pas de traité, puis les droits ancestraux, vous ne voulez pas en discuter... Vous ne voulez pas que ça aille devant le tribunal.

M. Trudel: M. le maire, nous allons continuer notre travail d'information au meilleur de notre connaissance et au meilleur de nos capacités, parce que nous reconnaissons, par la voix de l'Assemblée nationale, l'existence de 11 nations autochtones au Québec et nous le ferons en écoutant la population et en entendant de concilier des intérêts qui, parfois, peuvent nous apparaître divergents. Et je souhaite que vous puissiez, un jour, vous joindre à ce concert.

Le Président (M. Lachance): Bon. Voici, je suis dans un dilemme parce que plusieurs députés ont demandé à prendre la parole. Alors, M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président.

Une voix: ...

M. Duguay: O.K. Merci. Alors, si je comprends bien, vous êtes des représentants dûment élus de la ville de Saguenay. Et, moi, je passe un petit commentaire tout de suite, en tant que représentants élus, vous avez des responsabilités également. Moi, je m'adresse à vous en tant que représentant de la Côte-Nord, l'autre territoire qui est visé. Et, quand vous parlez de l'harmonie entre les peuples et que le gouvernement avait peur peut-être d'envisager d'aller devant les tribunaux, et tout ça, moi, je peux vous dire que le son de cloche de la région Côte-Nord est tout à fait différent. On a accepté le principe de l'Approche commune qui a été rendu public en juillet 2000, pour votre information. Et, en ce qui nous concerne, sur la Côte-Nord, c'est bien évident que les constats que vous relatez, on n'y souscrit pas du tout.

Vous avez fait référence également tantôt qu'il ne fallait pas prendre un seul article. Bien, moi, je vous invite à lire un peu aussi les deux grands constats que M. Chevrette faisait référence où il est dit aussi: Les Innus ont-ils le droit de négocier? Alors, c'est oui aussi. Et on vous relate également sur les 15 principes qui ont été adoptés pas par nous, mais par nos prédécesseurs, et ça aussi, vous auriez peut-être eu avantage à le lire, à la page 45...

Une voix: ...

M. Duguay: Oui, mais vous auriez avantage à le relire, parce que ce n'est pas mauvais, quand on est du monde de l'enseignement, de faire la lecture plusieurs fois.

M. Tremblay (Jean): Ce n'est pas parce que je ne suis pas de votre...

M. Duguay: Alors, instant, M. le maire, c'est moi qui a la parole, je vais vous poser une question. Alors, la première question, c'est qu'on dit: Les nations ont des droits distincts. Alors, ça a été reconnu par les gouvernements en 1983. Et, par la suite, en 1985, il y a une motion unanime qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, et ce sont... Nous sommes dûment élus par nos comtés, alors j'espère qu'on avait l'opportunité aussi de prendre les décisions qui s'imposent.

Alors, en conclusion, c'est quand vous parlez de la signature, est-ce qu'on doit comprendre que, pour vous autres, c'est fondamental, il faudrait aller devant les tribunaux plutôt que d'envisager la négociation, tel qu'il a été donné également par les prédécesseurs qui vous ont précédés, soit les syndicats, qui sont habitués dans le domaine des négos?

M. Tremblay (Jean): Alors, je ne sais pas ce que les syndicats ont dit, je n'étais pas ici, là, je viens d'arriver. Mais je dois vous dire que, nous, cette entente-là, on n'y adhère pas, vous avez effectivement raison. S'il y avait une entente différente, c'est autre chose, là, ça dépend ce qu'il y a dedans. Mais celle-là, on n'y adhère pas du tout, non.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants de la ville de Saguenay. Ma collègue de Jonquière aimerait poser des questions, alors je vais me limiter à un commentaire et une question.

Au niveau d'un commentaire, je pense, M. le maire... Quand on lit dans le rapport de M. Chevrette, on parle, je vais le citer: «Les derniers mois nous ont démontré que la proposition d'entente de principe n'a pas été suffisamment expliquée ni vulgarisée.» Et plus loin: «Je constate que le devoir d'information des gouvernements supérieurs auprès de la population n'a pas été rempli.» Alors, je pense, vous n'êtes pas seuls de sentir isolés, qu'il y avait un énorme problème dans le processus. Alors, ça, c'est fini pour le commentaire.

Ce n'est pas à tous les jours, à l'Assemblée nationale, qu'on évoque l'héritage de Pierre Elliott Trudeau, alors j'ai lu tout ça avec intérêt. Et M. Trudeau, effectivement, en 1968, il lançait toute une campagne qui nous a amenés vers une charte des droits, également à un livre blanc en matière autochtone en 1969, parce qu'on est pris avec l'héritage de la Loi sur les Indiens. Et, si on avait tout ça à refaire, autour de la table, je pense qu'on arriverait avec une autre loi, mais, il y a 130 ans, c'est ça qu'ils ont convenu. Nous avons créé les réserves, nous avons créé beaucoup de conditions et, aujourd'hui, on compose avec cette réalité, veux veux pas. Et, en faisant une Loi sur les Indiens, on a créé deux catégories de citoyens, entre autres ceux qui peuvent voter et ceux qui ne peuvent pas voter. Ça fait partie de notre passé. On n'est pas nécessairement fier de tout ça, mais ils étaient exclus, les autochtones, de beaucoup des éléments de notre société.

Alors, quand je vois dans votre argumentaire sur l'égalité, égaux à égaux, au niveau des principes, je comprends tout ça, mais même Pierre Elliott Trudeau a testé cette hypothèse devant la Cour suprême en 1973, et c'est là l'origine de l'arrêt Calder qui a dit: Une minute, M. le premier ministre, une minute, gouvernement, on ne peut pas procéder en juste effaçant la Loi sur les Indiens, qu'il y a les droits, il y a quelque chose. Et Trudeau, en anglais, je pense qu'il... de dire: Obviously, there's something there. De toute évidence, il y a de quoi là. Alors, l'entente qui est sur la table, si j'ai bien compris, c'est d'essayer de composer avec ce «quoi»-là. Parce qu'il y a les droits qui sont différents pour les autochtones, il faut le dire, mais comment est-ce qu'on peut vivre ensemble, c'est peut-être ça qui est notre objectif. Et dans plusieurs domaines... On a parlé de l'industrie forestière où sont les enjeux qui sont très importants. On a une obligation de préservation de nos forêts, parce que c'est une source de richesses durables si c'est bien géré, et, si ce n'est pas bien géré, on va ruiner notre patrimoine. Chasse et pêche, c'est important, avant d'aller dans le bois, qu'il y a certaines règles du jeu qui sont comprises par tout le monde, qu'il n'y a pas de confrontation, il y a pas de litiges.

La plupart des groupes qui sont venus ici témoigner ont dit qu'on ne peut pas accepter le statu quo, que les choses ne sont pas claires, qu'il faut aller baliser et mettre ça au clair. Et, pour un élu, si j'avais peur... Parce que vous avez évoqué ça, c'est très facile d'envoyer ça devant... Au Québec, on a trois niveaux, ça peut prendre 10 ans. On va être à la retraite avant de régler ça. Pour moi, ça, c'est une décision peureuse de dire que je n'accepte pas mes responsabilités comme élu, non avocat, mais qui essaie de composer avec les décisions de la Cour suprême. Ma compréhension de la réalité: Comment est-ce qu'on peut en arriver avec une entente? Parce que je privilégie la voix de l'entente, et votre invitation... On n'a pas de traité encore, on ne sait pas... De toute évidence, dans une entente de principe, il y a des imprécisions, et tout le reste. Moi, je demeure convaincu qu'il faut viser une entente négociée par les élus responsables, une meilleure implication du milieu local.

Je conviens que le processus qui a été adopté à date était pourri. Je conviens complètement, mais je conteste toujours, parce que même Pierre Elliott Trudeau, que vous avez cité dans votre mémoire, était obligé de mettre de l'eau dans son vin. Il était obligé de composer sur les droits autochtones. Même dans la Charte des droits, il y a la protection pour certaines religions, pour certaines langues. Soit dans la Charte ou dans la Constitution, on a là des protections pour les protestants, des protections pour les catholiques qui, dans un article parfait, égaux à égaux, ne seraient pas là. Mais c'est ça, notre héritage. Moi, j'essaie, comme élu, de composer avec cet héritage, ce bagage du passé et je ne vois pas une autre alternative que s'asseoir et négocier une meilleure entente, traité final, mais je pense qu'il faut passer par la voie de négociation plutôt que retourner devant les tribunaux qui... Pour moi, ce serait un petit peu la classe politique qui se déresponsabilise.

M. Tremblay (Jean): En tout cas...

Le Président (M. Lachance): M. Tremblay.

n(17 h 10)n

M. Tremblay (Jean): ...je ne sais pas quel... Vous ne m'avez pas tellement convaincu, là, en nous disant: Il y a déjà eu des anciennes inégalités. Ça ne veut pas dire qu'il faut qu'il y en ait. Quand vous me dites qu'ils n'avaient pas le droit de vote, ces choses-là, il y a eu des choses, dans le passé, qui n'ont pas été correctes. Ça, je l'admets, puis il y en a encore. Il faut tendre à l'égalité. Ça, je suis d'accord avec tout ça. Mais, il y a une chose que je sais, par exemple, vous nous citez Trudeau, vous aussi, là, mais, s'il était assis ici, Trudeau, là, il ne serait certainement pas d'accord avec vous autres. Ça, je le sais. Là, ce n'est pas une négociation, on donne tout. On donne tout. Ce n'est pas ça, une négociation, là. On arrive dans le document, puis tout ce qu'ils pourraient prétendre avoir, on le donne. Alors, on n'est pas... Ce n'était pas une question, là, mais je fais une réflexion sur ce que vous venez de me dire, vous ne m'avez pas tellement convaincu.

Le Président (M. Lachance): Mme la... Oui.

M. Gagnon (Marc-André): M. le Président, moi, par rapport aux droits, comme on est en 2003 puis qu'on prône l'égalité des individus devant l'ensemble des tribunaux, on est en train de négocier, je pense, avec les peuples autochtones et, si on fait valoir les droits ancestraux, on est bien obligé de penser qu'en 2003 ces droits ancestraux là, ça ne s'exerce pas de la même façon. Il n'y a pas beaucoup de monde actuellement, en tout cas, qui peuvent prétendre qu'ils peuvent survivre juste à trapper puis à pêcher. Je ne veux pas dire que ce n'est pas important, mais je pense que, si on regarde la croissance de la population, c'est impensable que ces gens-là puissent arriver à avoir une qualité de vie, un niveau de vie, etc., juste par la chasse et la pêche.

En même temps, on le sait, il y a toute la question des ressources. Comment est-ce qu'on peut penser que, dans un territoire où c'est les règles et les lois autochtones qui s'appliquent, ça devient un territoire exclusif quand ceux qui veulent y habiter puis qui ne sont pas autochtones, O.K., n'ont pas les mêmes droits? Ça devient comme une espèce de... Une espèce, ce n'est pas le bon terme, ça devient un territoire qui est exclusif et qui fait en sorte qu'à un moment donné... Est-ce que ça devient un... Le mot «ghetto» n'est peut-être pas mieux, mais on est comme dans une société où, dans le fond, les blancs ont un territoire, les autochtones ont le leur avec une loi particulière. Et, si les autochtones peuvent venir chez les blancs, y habiter avec les lois, etc., O.K., ça s'applique, l'inverse n'est pas vrai. Alors, comment vous autres, qui êtes le gouvernement, qui devez consentir des droits, O.K., aux autochtones... Comment on est en mesure, en 2003, de ne pas chercher à faire en sorte que, sur un territoire qui appartient aux autochtones, qu'on leur donne une autonomie, qu'on leur donne la pleine autonomie avec un pouvoir de taxation, un pouvoir de légiférer... Comment se fait-il que les autochtones ne seraient pas capables de garantir à des gens qui voudraient rester là d'avoir les mêmes droits que les autres? Ça pose une question, mais il reste qu'il faut qu'on la pose aussi, cette question-là.

Si vous nous posez la question: Comment on fait pour donner des droits différents à cause de ce qu'on a décidé en 1983? Il reste quand même que, malgré tout ça, quand on consent de donner un territoire à des autochtones en disant: C'est vrai, c'est votre territoire, vous allez avoir le pouvoir d'autodétermination avec des pouvoirs sur la culture, sur l'éducation, la santé, le socioéconomique, on rentre dans une société qui est plus moderne. Comment se fait-il qu'on ne pourrait pas faire en sorte que des gens qui voudraient habiter là qui ne sont pas autochtones ne pourraient pas avoir les mêmes droits, être régis par les mêmes lois, etc.? C'est ça aussi, la question. Ça, c'est la première question.

Si vous me permettez, pendant que j'ai la parole, moi, je vais vous en faire un autre bout, là, hein? Tantôt, on nous a parlé de la consultation, on nous a dit qu'il y en avait eu beaucoup. M. Chevrette lui, il ne dit pas tout à fait ça, là, hein? S'il y en a eu beaucoup, elle a sûrement été mal comprise, parce que ça a l'air que, dans la tournée qu'il a faite, là, il n'a pas rencontré plein de monde qui ont compris l'entente parfaitement, en tout cas de ce que j'ai lu dans l'entente Chevrette. Donc, on est bien obligé d'admettre que, s'il y a eu des opérations de consultation et d'information, ça a sûrement manqué son coup. La preuve, M. Chevrette est venu puis il en a rencontré du monde inquiet, du monde en colère, du monde qui n'était pas de bonne humeur.

Alors, moi, il me semble que là-dessus, nous autres, comme région... Je peux comprendre que, quand c'est négocié par du monde des grandes villes, O.K., ils comprennent, des fois, difficilement que les gens des régions, ça retrousse dans les coins. Moi, là-dessus, ce que je dis ou ce que... En tout cas, c'est moi qui le dis, je pense que ce que l'entente ne donne pas, elle ne donne pas de reconnaissance, je dirais, encore en 2003, à des gens que ça fait 300 ans qui sont ici puis qu'on n'a pas l'intention de les mettre dehors, qui sont organisés dans des communautés qui s'appellent des villes, des municipalités. Quand on regarde dans le Nitassinan... Je m'excuse là, je n'ai pas l'habilité des mots; ils ne me viennent pas vite, ce n'est pas... Parce que j'étais pour donner un autre nom que je le savais que ce n'était pas le bon. Mais là c'est «Nitassinan». On dit: C'est le Nitassinan. Et, quand on parle des territoires occupés par les villes, on dit: C'est des affectations particulières. On ne reconnaît pas, comme si les villes n'étaient pas des entités où les Blancs sont installés avec des lois, des règlements municipaux, etc. Puis on confirme ça de la même façon que, dans le même territoire, on confirme que l'Innu Assi, O.K., ça appartient aux autochtones. Il me semble que, déjà là, on aurait eu au moins quelque chose qui dit: Au moins, on reconnaît qu'il y a des municipalités qui existent.

En tout cas, moi, c'est des choses comme ça. Mais je pense que, fondamentalement, O.K., nous autres, là-dessus, pourquoi on n'est pas prêt à signer, parce que, quand on a rencontré M. Chevrette, les multiples questions, interrogations et inquiétudes qu'on avait, on n'avait pas de réponse, parce que c'était toujours à négocier. La plupart du temps, c'était à négocier. Et vous comprendrez que, comme on en avait pas mal, on aimait mieux rester sur nos gardes, parce qu'on pense que, là-dessus, les éléments n'étaient pas clairs.

Mme Gauthier: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. M. le maire, bonjour. MM. les conseillers, MM. les consultants, bon après-midi. D'entrée de jeu, je dirais qu'effectivement, M. le ministre, cette entente de principe a été rendue publique parce qu'il y a eu moult représentations faites par les gens des régions. Et je me souviens même qu'une question a été adressée par mon collègue ici, à l'Assemblée nationale: Quand est-ce que ces traités-là vont être rendus publics? Ils ont été rendus publics après un...

M. Trudel: ...

Mme Gauthier: Oui, c'est ça, mais il a fallu qu'il y ait des débats qui se fassent, et c'est ça que les gens reprochent dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

M. Trudel: ...

Mme Gauthier: Non, non. Non, non. Non, non, En tout cas...

Le Président (M. Lachance): M. le ministre. Mme la députée, vous avez la parole.

Mme Gauthier: M. le maire, je voudrais juste attirer votre attention à la page 6 de l'entente de principe. Dans un des attendus, on...

M. Tremblay (Jean): De l'entente de principe?

Mme Gauthier: Oui.

Le Président (M. Lachance): Vous l'avez? Page 6.

M. Tremblay (Jean): Oui. Oui, allez-y.

Mme Gauthier: C'est écrit, M. le maire: «Attendu que les parties s'entendent pour la reconnaissance, la confirmation et la continuation des droits ancestraux, y compris le titre aborigène des premières nations de Mamuitun et de la première nation de Nutashkuan, d'une part, et la suspension de l'exercice, par ces premières nations, de ces droits selon des effets ou des modalités autres que ceux prévus au traité, d'autre part, ne prendront effet que par la signature du traité et l'adoption de la législation de mise en oeuvre, au motif que ce n'est qu'à ce moment que seront déterminés, de façon certaine, les bénéficiaires du traité, l'étendue et l'emplacement des terres qui feront l'objet du traité, les effets et modalités d'exercice des droits ancestraux, y compris le titre aborigène, reconnus, confirmés et continués par le traité, ainsi que les droits issus du traité dont conviennent les parties».

Moi, je comprends de ce document, M. le maire, qu'il n'est pas porteur de droits. C'est une entente de principe qui ne fait que confirmer des assises dans lesquelles on veut négocier. Est-ce que vous avez cette même compréhension que moi du document?

M. Tremblay (Jean): Bien, le document qui est devant nous, ce n'est pas un document qui est encore... Sinon, on ne serait pas rendu ici, on vivrait avec, puis ce serait terminé. C'est un document préalable, puis, par la suite, ça donne lieu à un traité, puis c'est la raison pour laquelle on est ici. On est ici pour donner nos impressions sur la signature définitive du document. C'est ce que vous voulez savoir?

Mme Gauthier: Oui, mais davantage, M. le maire. Je veux savoir: À partir du moment où on convient que ce document-là n'est pas porteur de droits, qu'il va y avoir effectivement des ententes à bonifier par la suite pour en venir à un traité final... M. Chevrette dit dans son rapport qu'il va falloir mettre à contribution la population concernée. On a entendu avant vous des représentants de la FTQ qui nous disent que, dans la forêt, il va falloir qu'on assoie ensemble l'industrie de la forêt avec toutes les personnes concernées qui fréquentent la forêt. Attendu aussi qu'il va falloir faire en sorte que dans chacun des domaines... il faut que les gens, notre population, soient consultés puis qu'il y ait des tables sectorielles, est-ce que ça atténue un peu vos appréhensions sur le traité final qui devrait s'ensuivre?

M. Tremblay (Jean): Ce qu'on nous donne dans ça, c'est l'esprit du traité. Si vous me dites: Ça, là, on signe ça, puis, par la suite, là, ce qu'on va signer, c'est complètement autre chose, bien là c'est sûr que... Moi, je donne l'opinion de ville de Saguenay sur ce document-là et l'esprit qui s'en dégage. Alors, l'esprit, c'est-à-dire de créer des territoires, de donner des droits de priorité sur l'emploi, des droits sur les richesses naturelles, tout ça, c'est là-dessus qu'on donne notre opinion. Si vous me dites: En vertu de cet article-là, tout est à négocier, puis l'esprit qu'il y a dans ça, là, ne faites pas confiance à ça, ce n'est pas ça, ah, là, ce n'est pas pareil, c'est sûr. Moi, je prends pour acquis que le traité va refléter ce qu'il y a là-dedans. D'ailleurs, vous savez très bien qu'on ne s'en sortira pas, là. On le sait très bien, on est déjà rendu aujourd'hui, on a de la misère à s'en sortir. Alors, ça va être pareil. Non, cet article-là, là, c'est un attendu. Alors, moi, tout ce qui est dans ça, c'est l'opinion sur le texte et l'esprit de ce document-là.

n(17 h 20)n

Mme Gauthier: Je voudrais revenir, M. le maire, si vous permettez, M. le Président... Vous avez fait allusion, je pense, à un article qui a été publié, hier, dans Le Journal de Québec, une opinion, un commentaire, une réflexion de Me Georges Emery qui a été rendue publique par Radio-Canada, d'une part, et par Le Journal de Québec, hier. Vous en avez fait allusion dans votre présentation initiale, et même lui, Me Emery, qui est reconnu comme étant un avocat qui a toujours plaidé contre la reconnaissance des droits ancestraux, dit dans ses conclusions... Il n'est pas capable d'affirmer que ça n'existe pas, les droits ancestraux, il dit: «Les peuples autochtones parties à l'entente de principe d'ordre général pourraient ne pas posséder de droits.» Il ne dit pas «ne possèdent pas de droits», «pourraient ne pas posséder de droits». C'est donc dire qu'il y a une possibilité que ces droits-là existent.

Malgré tout ça, vous souhaiteriez qu'on emprunte la voie juridique, avec toutes les conséquences et les coûts que ça apporte?

M. Tremblay (Jean): Les coûts... Ce n'est pas une question d'argent. Quand tu parles de question d'égalité, de fondements aussi importants, moi, ce n'est pas l'argent. Ce n'est pas une question d'argent. Et ce n'est pas parce qu'il y a une incertitude légale que, tout de suite, on s'avoue vaincu puis qu'on dit: On a perdu puis on leur donne tout. Ce n'est pas ça. C'est que, oui, les tribunaux devraient se pencher là-dessus, bien sûr qu'ils devraient se pencher là-dessus.

Puis, d'ailleurs, vous savez que c'est très ambigu et que les avocats... Un expert comme celui qui parle dans le journal, que vous venez de citer, nous dit lui-même que c'est loin d'être sûr. Sauf que ce qu'on entend d'ici, c'est que c'est sûr. C'est sûr, ils ont des droits. C'est sûr, c'est sûr. On verrait si c'est sûr, c'est sûr tant que ça. Et je suis certain aussi que ces gens-là sont compréhensifs. Vous savez, toutes les discussions qu'on a eues dans le passé, ces gens-là ont toujours manifesté... Ils sont compréhensifs, ils savent que, pour qu'une société se développe, il faut qu'on soit égaux. Ils ne sont pas intéressés de se faire haïr. D'abord, ils sont aimables, ils sont gentils. Ce n'est pas des gens comme ça, il ne faut pas penser ça.

Je pense que, s'il y avait une question d'injustice quelque part, il y aurait moyen de s'asseoir puis de dire: Écoutez, constatez-vous que ce qui vient de se passer là, c'est injuste? Il y a moyen de se parler. Mais qu'on vienne en aide à leurs problèmes sociaux, ah, ça, c'est une chose qui est bonne. Et, pas seulement d'eux, les problèmes sociaux de tout le monde. Ça, nous, la région, on est prêt à collaborer, puis ça, c'est très, très bon. Mais, au niveau légal, de dire: On a peur, on a peur, alors on donne tout parce qu'on a peur, alors que des avocats nous disent qu'il n'y a rien de trop clair là-dedans ? vous le savez, ils le disent dans le journal d'hier ? nous, on se dit: Allons-y, devant les tribunaux, oui, allons-y.

Mme Gauthier: Bien, moi, je voudrais juste vous dire que celui dont on parle, il dit aussi dans ses conclusions que «la question autochtone au Québec est unique et doit être considérée différemment en raison de son histoire. Le juge Baudouin de la Cour d'appel, dans l'arrêt Côté, a reconnu que le droit autochtone peut varier». Moi, je veux juste vous dire, M. le maire, que la Cour suprême du Canada a complètement renversé le juge Baudouin par rapport à ça, et la Cour suprême a déclaré effectivement que le droit autochtone s'appliquait de la même façon d'un océan à l'autre, M. le maire.

Je voudrais...

M. Tremblay (Jean): Mais les autres provinces n'ont pas signé un traité comme celui-là.

Mme Gauthier: ...Colombie-Britannique. M. le maire, je voudrais juste voir... Une dernière question, j'aimerais vous entendre sur la façon dont vous voyez...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, Mme la députée.

Mme Gauthier: Oui. Comme maire de la plus grande agglomération du Saguenay?Lac-Saint-Jean, comment vous voyez le développement économique de notre région avec notre communauté innue?

M. Tremblay (Jean): Bien, je vois le développement économique de notre région... J'en ai parlé au Sommet des régions, je me suis exprimé à plusieurs reprises là-dessus. Maintenant, comment je le vois avec... Bien oui, mais ces gens-là, s'ils ont des difficultés particulières... Puis ils en ont, des difficultés. On en a aussi, mais ils en ont, et moi, je veux qu'on les aide de toutes les manières. Moi, je suis prêt à m'asseoir n'importe quand puis dire: Écoutez, il faut les aider, il faut que ces gens-là s'épanouissent. Parce que ça fait partie de l'égalité, ça, d'avoir des chances de s'épanouir d'une façon égale. Ça, moi, je pense qu'il n'y a personne, dans la région, que j'ai entendu, là, qui était contre ça. Tout le monde est pour ça, que tous puissent s'épanouir également dans notre société, particulièrement ceux qui vivent des difficultés. Mais, de là, par exemple, à créer des inégalités puis à menacer la belle harmonie qu'on a, ça, c'est autre chose, ce n'est pas la même chose. Vous voulez vous exprimer?

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. C'est tout le temps dont nous disposions à l'intérieur de l'enveloppe consentie. Alors, même si, manifestement, votre opinion n'est pas partagée par tout le monde, je me fais le porte-parole des parlementaires pour vous remercier d'être venu ici, à Québec, nous faire part de votre point de vue. Merci, messieurs.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux de la commission des institutions. S'il vous plaît!

J'invite les deux prochains intervenants. Mesdames, messieurs, je sollicite votre collaboration pour que nous puissions reprendre nos travaux.

Alors, M. Monna, M. Giguère, bienvenue à cette commission. Et je vous indique que vous avez un maximum de 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, il y aura des échanges, comme vous avez pu le constater, comment ça...

Ferme Monna

M. Monna (Bernard): Est-ce que vous m'entendez? J'espère que ça va être assez clair. Je pense bien qu'avec 10 minutes ça va être suffisant pour moi pour donner ça.

n(17 h 30)n

Voici, alors c'est une entente avec les Innus. Je vais le lire puis je pourrai parler ensuite. Ma prise de position concernant le projet d'entente avec les Innus n'est pas seulement personnelle, mais elle représente plutôt un consensus découlant de discussions avec de nombreux amis. Je prétends aussi que ce projet d'entente affecte tous les Québécois et pas seulement ceux de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean. Je ne représente pas la Côte-Nord et je pense que c'est un problème qui affecte tous les Québécois.

Que l'on reconnaisse les Amérindiens comme les premiers occupants du pays, d'accord, que l'on cherche des correctifs à leur situation sociale, c'est bien, que l'on accepte des accommodements pour pratiquer leur culture, c'est raisonnable. Mais, si on doit, pour avoir la paix, la «Paix des Braves», accepter que la majorité des Québécois ait moins de droits que les autochtones ? selon ce qu'a dit le négociateur en chef du Québec sur les ondes de Radio-Canada ? c'est inacceptable! Ça, on n'a pas besoin de le débattre. Tout le monde a dit que, effectivement, il semblerait que les Amérindiens aient des droits différents des gens ordinaires. C'est ce qui a été dit tout à l'heure.

La plupart des pays du monde ont des habitants se prévalant d'être les premiers occupants. Les Basques, en France, qui sont là depuis des millénaires avec leur culture, ont leur langue bien vivante sur un territoire chevauchant la France et l'Espagne, ont-ils des droits particuliers? La France devrait-elle leur accorder des droits spéciaux? Et là je parle des Basques. Ils peuvent être considérés comme aborigènes ou habitants des premières nations, si vous voulez.

S'il y eut des injustices lors de la colonisation du Canada par la France, c'est donc la France qui serait coupable envers les Amérindiens. Ce n'est certes pas aux descendants de se sentir responsables, eux qui ont tout fait pour s'intégrer à ce nouveau pays, à la population d'alors, et réussir à bâtir ce pays.

Il faut se rendre à l'évidence, on ne peut refaire incessamment l'histoire. Un de mes amis de souche acadienne devrait-il revendiquer, suite à la déportation, l'Acadie? En Palestine, qui sont les premiers habitants? Les Juifs qui prétendent être là depuis 2 000 ans? Les Arabes qui sont là depuis 700 ans? Parlant de l'ONU, devrait-elle faire pression sur la Turquie pour réintégrer les Arméniens? Génocide perpétré par les Turcs il y a moins d'un siècle. L'ONU devrait-elle décréter que toute population ? je pense que c'est ça qui est important ? l'ONU devrait-elle décréter que toute population implantée depuis moins de 400 ans au sein d'un pays ait moins de droits que la population établie antérieurement? Ça, je pense que c'est au niveau de lois internationales. Il ne s'agit même pas du Canada et il ne s'agit même pas du Québec.

Que le gouvernement considère que nous ayons moins de droits que les autochtones altère notre légitimité ? puis je pense que ça altère notre légitimité jusqu'au point où tout Québécois, tu sais, au niveau de l'indépendance et tout ça, ça devient ridicule ? d'être Québécois à part entière et notre appartenance à ce pays. Je vais le répéter: Que le gouvernement considère que nous ayons moins de droits que les autochtones altère notre légitimité d'être Québécois à part entière et notre appartenance à ce pays. C'est une question existentielle, que je sache. Je suis persuadé que l'inégalité en droits et en privilèges est la source première de ressentiment et de friction qui peuvent exister entre les Amérindiens et les Québécois. Et ça, on a parlé tout à l'heure du droit de vote qui était une aberration. Mais ça, c'est des choses qu'on peut changer. Et, s'il y avait des irritants que les Indiens ont déjà nommés, on pourrait les régler en donnant le droit de vote puis en donnant des droits qui leur sont nécessaires.

Qu'il puisse y avoir deux catégories de citoyens et légiférer dans ce sens va, au contraire, exacerber l'antagonisme et la confrontation entre les deux groupes, ce qui est déjà perceptible. Parce qu'on le voit déjà, cette entente amène déjà des difficultés sur la Côte-Nord, mais ça va en amener de partout au Québec, que je sache. Le gouvernement nous a déjà passé une loi ? et ça, je ne suis pas très content et, en même temps, je suis agriculteur, voyez-vous ? le gouvernement nous a déjà passé une loi qui brime la population en général, la Loi pour les agriculteurs, droit de produire, presque un droit de polluer, c'est presque un droit de polluer. Devrait-il poursuivre avec cette entente des braves qui piétine et nos droits et les fondements de la démocratie? Va-t-il continuer avec des droits différents selon que l'on soit de souche européenne, asiatique, amérindienne, métisse, nouvel immigrant et que sais-je? Et c'est là, je pense, un peu dans le même sens qui avait été dit un peu auparavant. Ce n'est pas acceptable, je pense, pour aucune société qu'il y ait des droits différents. Je continue.

La plupart des révolutions sont nées de l'inégalité en droit des citoyens. Que l'on pense à la révolution russe, française, américaine, que le groupe bénéficiant de plus de droits ou privilèges soit le noble, le riche ou le pauvre est une injustice. Et en France, ça a été les nobles qu'on a... qu'il y a eu une révolution parce qu'ils avaient des droits différents et ils pouvaient aussi, c'est-à-dire, venir de Saint-Louis ou autres, ça n'empêche pas qu'ils avaient des droits différents, puis après, ça a fait une révolution. Alors, pour un pays qui cherche la paix, j'ai l'impression qu'il amène vraiment la guerre puis il souffle sur le brasier. L'égalité en droit des citoyens n'est-elle pas écrite dans la plupart des constitutions des pays démocratiques? Lorsqu'un pays accepte et sanctionne des droits différents pour deux ethnies, il frôle le racisme. Pensez à l'Afrique du Sud. M. Parizeau parle de dynamite au sujet de cette future entente, et je pense que c'est un euphémisme. Ce n'est pas juste des rigolos, il y a des gens aussi sérieux qui pensent que c'est vraiment une dynamite et ça ne va pas régler des problèmes. Il semble que... Les gens ici peuvent dire que ça peut amener des problèmes, vous dites que ça va les apaiser. Je ne pense pas, c'est vraiment appuyer sur cette différence. Alors, je parle d'euphémisme. Que le gouvernement fasse des lois qui rassemblent plutôt qu'elles divisent les citoyens et le Québec.

Maintenant, quand les gens s'appuient sur les tribunaux pour dire tout simplement que le gouvernement fédéral a fait des lois particulières, on pourrait peut-être penser que le gouvernement a fait ces lois justement pour diviser, pour régner, n'est-ce pas. Et quand le gouvernement fédéral... quand on a posé la question sur l'indépendance du Québec puis qu'il a dit qu'il fallait qu'il y ait plus que 51 % de gens, le Québec s'est bien levé en disant: C'est inéquitable. Pourquoi ne le ferait-il pas là? Dans ce sens-là, quand le gouvernement fédéral donne et octroie des droits comme ils ont fait au Nouveau-Brunswick au niveau de la chasse... du homard et de la pêche et que les gens bouleversent toutes les choses, là, peut-être qu'ils peuvent s'apercevoir que la pêche de subsistance n'est pas réglée et que, si les tribunaux spécifiaient mieux ce qu'est subsistance et autres, peut-être que, devant les tribunaux, on saurait mieux ce qu'est être un autochtone. Et qu'on dise même qu'il y ait des droits particuliers, peut-être des droits particuliers, c'est comme le Québec d'être le fondement, paraît-il, des premières nations ou des premières choses. Ça ne veut pas dire des droits différents de la population en général. Alors, c'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Monna. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. Monna, merci également à M. Giguère, qui vous accompagne, de votre présentation. L'Assemblée nationale et ses institutions, comme la commission ici, la commission de l'Assemblée nationale, elle est aussi le lieu d'expression d'opinions de citoyens, et on vous remercie d'avoir pris soin d'écrire et nous donner votre opinion.

Vous vous intéressez à la question comme citoyen ou vous allez être touché d'une façon ou d'une autre, vous ou des groupes qui vous entourent?

M. Monna (Bernard): Oui. Je suis comme citoyen, je suis aussi comme pêcheur, comme chasseur, comme des gens qui viennent sur la terre au printemps puis viennent chasser l'oie et le canard à tout moment, parce que, paraît-il, c'est des droits qui doivent appartenir à une personne et que ça ne nous appartient pas à nous. Si je vais pêcher le saumon en Gaspésie, les saumons de la rivière Saint-Jean, l'on sait que le saumon est en perdition, on doit les remettre à l'eau. Mais effectivement, on donne à tout un groupe de mettre des filets dans cette eau-là au printemps pour ramasser les plus gros géniteurs. Est-ce que, là, ce n'est pas quelque chose de patent au niveau de l'injustice qu'il peut y avoir au niveau des individus? Ce n'est pas acceptable. Donc, je réponds à votre question.

M. Trudel: Très bien. Parce que vous reflétez, si vous permettez, M. Monna, une observation ou une croyance, pas une croyance, mais une opinion qui est assez... qui est partagée, en tout cas qui est répandue dans notre société, parce que c'est vrai que c'est difficile, c'est difficile de constater que, dans une société où nous avons accepté la règle de droit ? on ne se frappera pas dessus, on va soumettre notre litige à un juge ? les juges nous aient dit: Bien, tout ce que vous pensiez, par exemple, être du domaine privé, le bel exemple que vous venez de donner, ce n'est pas comme ça, ce n'est pas comme ça. Il existe des droits sur les pratiques ancestrales qui vous précèdent, qui ont même été reconnus avant la Constitution de 1983 ? le porte-parole de l'opposition rappelait tantôt le jugement Calder, en 1973. Alors, c'est vrai que c'est difficile à accepter, mais ne croyez-vous pas que, dans la balance des inconvénients et des avantages, nous avons beaucoup plus d'avantages à négocier et les règles et la limite de l'exercice de ces droits pour lesquels Constitution et État de droit ont fait droit de cité?

M. Monna (Bernard): Écoutez, je peux vous dire que, un petit peu avant la Révolution française, les nobles pouvaient dire: Vous pouvez vous accommoder des droits particuliers qu'ont les nobles. Ça n'a pas empêché qu'on a fait une révolution parce que c'était insoutenable. Et c'est une question de principe. Et cette question de principe, pour moi, est très importante, et, si jamais on fait vraiment deux catégories de citoyens, je trouve que... disons que ce n'est pas acceptable, c'est tout à fait inacceptable.

n(17 h 40)n

Et, je veux dire, il y a eu des révolutions qui se sont faites à partir de ça, au risque d'arriver ici. Et je peux vous dire ceci, c'est que juste ce début d'acceptation... parce que les droits des aborigènes et des premières nations, ils étaient là mais ils n'étaient pas flagrants. Là, c'est à partir que des gens ont dit: Bien, faites attention, on va faire des traités à partir de ça, que les gens se sont levés aux barricades, tous les gens du Saguenay?Lac-Saint-Jean et d'autres aussi du Québec. Mais quand, les gens, ça va les toucher strictement, là, car ça peut les toucher ? et ça va les toucher effectivement ? ça ne va pas être un système qui va régler le problème mais, au contraire, qui va amener de l'animosité et des problèmes sociaux; moi, je pense, j'en suis sûr. Alors, je ne crois pas que...

Et que les tribunaux, comme je vous dis... les tribunaux, moi, j'en prends et j'en laisse, je veux dire, la Cour suprême, quand elle a dit qu'il fallait avoir plus que 51 %, et tout ça, le Québec a réagi en disant: Ce n'est peut-être pas acceptable, nous n'acceptons pas ça. Que le Québec accepte maintenant en s'appuyant sur le fédéral, c'est assez amusant, c'est le Parti québécois qui s'appuie sur le fédéral en disant: On ne peut rien faire, il y a une loi qui est déjà là, puis on est obligés de la suivre. Oui, mais quand ça fait leur affaire, ça fait, mais quand ça ne fait pas leur affaire, ça ne fait pas.

Moi, je pense que ça pourrait être contesté au niveau des droits. Et, si M. Trudeau a dit ça à ce niveau-là, peut-être il a livré un droit, je veux bien croire. Mais peut-être cinq, six juges qui ont parlé de ces droits-là, si jamais ils revenaient en voyant les difficultés qu'il peut y avoir eu au Nouveau-Brunswick, qui est un exemple, et ailleurs, qui a été donné, et en Colombie-Britannique et ailleurs, peut-être que ça ne les intéresserait pas d'avoir toujours une révolution patente dans le pays. Et je crois vraiment que peut-être ils modifieraient ça pour dire: On va cerner ce que c'est que les droits aborigènes ou les premiers droits et ne pas mettre une injustice aussi importante entre les Blancs et les autochtones.

M. Trudel: Tout en remarquant que les tribunaux dans notre société de droit, ils ne sont pas politiques, ils sont distincts de l'Exécutif. Quand vous dites «s'appuie sur le parti au pouvoir, le gouvernement s'appuie sur la décision des tribunaux», au niveau fédéral, les tribunaux, ils sont distincts de l'Exécutif; dans quelque société que ce soit, démocratique, c'est distinct du pouvoir exécutif.

M. Monna (Bernard): Je suis content d'entendre dire ça, ce qui veut dire que cet argument-là, je l'ai entendu dire par le... je pense que c'est M. Louis Bernard qui prétendait: Écoutez, on n'a pas le choix, c'est écrit. Il a dit vraiment à la radio: On n'a pas le choix, c'est écrit dans la Constitution, on est obligés de suivre ça. Alors, je suis heureux de voir que vous, qui êtes ministre, puissiez dire que vous avez le pouvoir de passer outre, d'une certaine manière.

M. Trudel: Le législateur, en autant que ce soit de ses compétences, a toujours la responsabilité de modifier le droit, il a la responsabilité.

M. Monna (Bernard): C'est ça, et j'espère que ce sera très démocratique et que tout le monde va peut-être...

M. Trudel: Mais, dans ce sens-là, j'énonce que nous avons choisi plutôt la voie de la négociation, et ça, c'est pour ça que les régimes démocratiques vont nous amener très bientôt devant le peuple pour rendre compte et pour être jugés par les citoyens bien sûr aussi, ce sur quoi on veut travailler au cours des prochaines années, y compris le projet national, de totale responsabilité. Mais, sur le plan de l'exercice, quant aux champs de compétences, l'Assemblée nationale ou le Parlement du Canada est souverain et peut modifier des lois, et les tribunaux les interprètent subséquemment. Mais nous avons choisi la voie de la négociation.

Quels seraient, à votre avis, parmi les gestes qu'il faudrait poser pour élever davantage, dans certains groupes, l'acceptabilité sociale, les gestes qu'il faudrait poser pour en arriver à ce résultat de règles convenues? Puisque c'est comme ça qu'en Amérique du Nord ? un statut démocratique en général ? on a choisi de vivre, quels sont les éléments qu'on devrait mettre de l'avant? Et si, pour vous ? et je respecterai cette opinion-là, je ne serai pas d'accord ? ...mais, pour vous, il faut tout arrêter ça là et qu'ils restent dans les réserves, qu'on ne change rien à ce qui reste comme...

M. Monna (Bernard): Je pense que là, c'est une colle un peu que vous me posez, dans le sens que je n'ai vraiment pas la solution; je sais qu'elle n'est pas la réponse, mais je n'ai pas la solution. Par ailleurs, je peux penser que, quand il y a eu des ententes, un peu avant, au niveau des territoires ou même de l'argent, et tout ça, ils pouvaient s'acheter ces droits-là et que le gouvernement peut-être essaie d'acheter ces droits-là et détient effectivement des droits particuliers. En d'autres termes, si jamais, aussi même, il y a une difficulté, si jamais, quand même, comme vous dites, le gouvernement se penche là-dessus, sur un problème, effectivement le problème vient du fait que les Indiens pouvaient se penser exclus de la société et, inversement, de notre côté.

Donc, pour moi, l'idée, c'est de rendre les gens plus égaux entre eux et, effectivement, si jamais on doit bouger les réserves, si on doit bouger les droits, qu'on le fasse, mais pas en fonction de droits différents suivant l'ethnie. Ça touche le racisme et, je pense, même... Comment on appelle ça? L'Allemagne nazie qui parlait de race en particulier. Quand vous pensez que les Québécois ont 70 % de sang indien, d'après certains spécialistes sur la question, et que beaucoup d'Indiens ont du sang blanc, aussi, mêlé, comment ça se fait qu'on fait des distinctions en droit vis-à-vis de gens qui sont ? si jamais vous prenez les deux côtés ? semblables? À moins qu'on aille chercher le gars qui est tout à fait pur en disant: Bien, lui, il est extraordinaire, c'est parfait. Mais là je vous dis: Ça touche une forme de racisme que je soulève, et je pense que c'est là que n'est pas la solution. Qu'il y ait des ententes, qu'elles soient payées ou autres, mais qu'on en arrive à rendre les gens égaux entre eux.

M. Trudel: Merci de votre présentation. Tout cela n'est pas basé effectivement sur la race, mais sur la reconnaissance d'une nation. Il y a une définition aussi à ce que c'est qu'une nation... Je vous remercie d'avoir donné votre opinion.

M. Monna (Bernard): Bien, ça m'a fait plaisir.

M. Trudel: Est-ce que, M. le porte-parole de l'opposition...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire bienvenue à M. Monna, M. Giguère. Premièrement, de notre côté de la table, beaucoup de respect pour qu'est-ce que vous êtes en train de faire cet après-midi, de prendre le temps d'adresser sur une question publique, de venir ici de très loin, j'imagine, pour témoigner. Je pense que tous les parlementaires sont impressionnés par les citoyens qui font leur devoir, qui prennent l'engagement de participer à nos débats. Je pense que c'est quelque chose que l'ensemble des parlementaires respectent. Alors, merci beaucoup pour votre participation aujourd'hui.

Vous avez parlé tantôt du fait que c'est curieux qu'un gouvernement du Parti québécois s'appuie sur le gouvernement fédéral. Mais le dernier témoin aussi a parlé à la fois de Pierre Trudeau et de Jacques Parizeau pour appuyer son argument. Alors, on est devant une situation où, comme on dit en anglais «politics make strange bedfellows». Alors, c'est un peu des choses qui arrivent.

Mais je reviens à votre exemple de la gestion d'une rivière à saumon. Vous avez évoqué l'importance dans les espaces qui sont menacés et on a un devoir de conservation parce qu'on veut que nos enfants et nos petits-enfants puissent aller à la pêche au saumon comme nous avons fait, et nos pères et nos grands-pères ont fait avant nous. Mais je pense que votre exemple démontre l'importance d'une entente parce que, maintenant, c'est un petit peu le «free-for-all». Il y a des histoires de filets, il y a des histoires, et ci, et ça, parce qu'il y a de la confusion. Et avec tout le respect pour la Cour suprême, on a dit qu'il y a un droit autochtone qui existe quant à la pêche. Ce n'est pas très précis sur le quotidien, sur le jour à jour. Je peux arriver avec mon arrêt Marshall ou mon arrêt Côté ou Adams ou n'importe quoi, à côté du lac ou de la rivière, un samedi après-midi, on va essayer de décoder tout ça, ce n'est pas un guide très pratique pour les chasseurs ou... dans ce cas, les pêcheurs du Québec.

Je pense que ça démontre quand même qu'on a besoin d'une règle de jeu et je pense que, ça, c'est clair dans l'entente qu'une des préoccupations, c'est la conservation. Et ça, c'est une obligation qu'on impose à la fois sur le gouvernement du Québec, les pêcheurs québécois, entre guillemets, mais qu'on va également obliger les gouvernements innus de prendre ça comme priorité aussi, qu'on va trouver un genre de règlement, que les agents de la faune, soit du gouvernement du Québec ou les agents de la faune d'Innu Assi vont être armés avec des contraventions, qu'ils vont être armés avec les moyens de s'assurer qu'on respecte les règles du jeu sur la rivière. Parce que l'impression que j'ai maintenant, c'est loin d'être clair: il y a une réticence à appliquer la loi et les espèces sont effectivement menacées. Alors, moi, je pense que, dans votre exemple, on donne une preuve de l'importance d'aller de l'avant avec une entente.

M. Monna (Bernard): Je ne sais pas si j'ai quelques minutes pour répondre, mais enfin...

M. Kelley: Oui, oui.

n(17 h 50)n

M. Monna (Bernard): ...si j'ai quelques minutes, je vous dirais simplement ceci: c'est que, déjà avec une loi qui n'est pas très définie, les gens ne peuvent pas effectivement empêcher les gens de faire du braconnage, que j'appelle, parce que ce n'est pas littéralement de la survie ni de la survivance ou autre. Si jamais il y a une loi qui donne, tu sais, effectivement, en disant: Tu es un être différent par ton ethnie... on ne va pas dire par la race, parce que c'est ça, le... On va dire: Par ton ethnie, tu as des droits que les autres n'ont pas. Quand il va y avoir le garde-chasse qui va venir, je vous dirai qu'il va se faire recevoir. Il se fait déjà recevoir, mais là il va être encore plus mal reçu. Ce qui veut dire que vous ne réglerez pas le problème, là, vous allez l'augmenter.

M. Kelley: Et je comprends votre... Tout le monde a un inconfort avec le fait qu'il y ait deux catégories de citoyens. Mais il faut composer avec notre histoire, et je ne peux pas juste l'effacer.

M. Monna (Bernard): L'histoire se fait tous les jours.

M. Kelley: Et, comme je dis, M. Trudeau l'a essayé en 1969. C'était l'objet de son livre blanc. Il a dit: Dorénavant, tout le monde, des citoyens égaux, point. On a testé ça devant la Cour suprême et M. Trudeau a perdu. Et, depuis ce temps-là, il y a une série de documents et d'arrêts, des décisions, un après l'autre, où les gouvernements ont essayé de tester c'est quoi le droit autochtone et, règle générale, les gouvernements perdent.

Alors, moi, je dis... À un certain moment, les gouvernements disent: Ça ne marche pas, cette affaire d'aller devant les juges. On va s'asseoir à la table, on va essayer de négocier quelque chose. Le processus utilisé à date laisse beaucoup à désirer. Que les citoyens sont exclus, j'accepte tout ça, mais je cherche une alternative autre pour régler la situation sur la rivière à saumon que vous avez décrite, je pense qu'on a tout intérêt d'avoir une entente et il faut retourner à la table pour la trouver.

M. Monna (Bernard): Disons que le gouvernement, en politique, peut légiférer. Donc, s'il légifère dans ce sens-là, ma foi, peut-être que je pourrai être d'accord. Mais, qu'une législation en arrive à faire des lois différentes suivant l'ethnie, c'est inacceptable, quant à moi. C'est profondément inacceptable.

M. Kelley: Mais, selon les décisions de la cour, je dois composer avec un droit ancestral que, moi, je n'ai pas. Un droit ancestral, vous ne l'avez pas non plus, mais il y a certaines personnes dans notre société qui l'ont, selon les cours, et c'est à respecter. Nous avons combattu ça devant les juges. On perd.

Alors, je peux prendre un autre 100 millions, préparer une autre cause, plaider ça à la Cour supérieure, plaider ça à la Cour d'appel et plaider ça à la Cour suprême, mais j'ai l'impression que je vais gaspiller votre argent en faisant ça.

Et je dis: Si j'ai de l'argent à miser, c'est sur la capacité des être humains, autour d'une table, d'arriver à une entente. Alors, c'est ça qu'on est devant. Mais, je comprends votre position et je comprends aussi que, si j'avais l'histoire à refaire, il n'y aurait jamais une Loi sur les Indiens, il n'y aurait jamais une catégorie «Indiens». Mais ça a été créé et il y a certains droits et obligations qui découlent de cette décision qui a été faite. On essaie maintenant de composer avec ce passé, parce que je ne vois pas d'autre alternative.

M. Monna (Bernard): Alors, est-ce que ce sera peut-être... Je ne sais pas, je vous pose la question et je ne le sais pas. Mais se pourrait-il qu'il y ait un pays ou que l'ONU accepte le fait qu'il puisse y avoir deux catégories de citoyens avec des droits différents dans un même pays tout simplement parce qu'il y en a un qui a été premier? Alors là j'ai l'impression que toute l'histoire va se refaire dans le monde entier. Parce que, comme je vous dis, j'en ai nommé, il y a tout un tas de pays dans lesquels il y a ce problème-là. Et, effectivement, quand même, je ne voudrais pas et je ne souhaite pas qu'il y ait une révolution pour changer ça. Mais, effectivement, les gens dans certains cas ont risqué leur vie pour que les citoyens soient égaux entre eux, et là j'appuie encore cette dimension-là.

M. Kelley: Mais, même... Dernier commentaire. L'ONU est en train de développer une charte des droits aborigènes. Alors, les mêmes débats qui se font au Canada. On dit que le Canada est unique, mais je regarde en Nouvelle-Zélande, je regarde en Australie, je regarde au Japon, je regarde en Amérique centrale, je regarde aux États-Unis, je regarde en Scandinavie. Toutes ces questions de l'arrimage entre un droit aborigène, qui est d'une portée très différente d'un pays à l'autre, l'ONU embarque à 100 milles à l'heure et ils sont en train, également, de développer des droits aborigènes reconnaissant c'est quoi, le titre «aborigène». Alors, si on regarde à l'ONU pour quelque chose d'autre, je pense qu'ils vont me donner raison dans le sens que même l'ONU va nous inviter à s'asseoir à la table et à composer avec cette réalité qui est un droit autochtone.

M. Monna (Bernard): Ça se pourrait très bien. Mais, n'oubliez pas que c'est l'ONU qui a fait Israël aussi et qui a défini Israël. Hein, je veux dire, il y a des gens qui n'étaient pas là et qui les ont mis là. En d'autres termes, c'est très politique. Et, l'ONU, bon, je vous appuie sur l'ONU en montrant ses propres contradictions. Alors, c'est ça que je voulais faire remarquer au niveau... Parce que, c'est bien ça, hein, Israël a été fondé très dernièrement, là. Le droit aborigène des gens qui étaient là, l'ONU n'a pas dû en tenir compte beaucoup.

M. Kelley: Non. Et vous l'avez évoqué. Moi, je dis de regarder vers l'ONU pour une solution. Moi, je préfère les solutions faites chez nous, moi, j'ai beaucoup de confiance dans la société québécoise de s'asseoir autour de la table, les enjeux sont nombreux, mais j'ai une énorme confiance qu'on va être capables de trouver une solution «made in Québec», on va être capables de trouver une solution que nous avons confectionnée ici par les gens de chez nous.

M. Monna (Bernard): Écoutez, je le souhaite fortement. Mais, comme je vous dis, j'ai vraiment peur de cette loi à deux têtes avec des individus qui ne sont pas les mêmes.

M. Kelley: Alors merci, comme je dis, merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Monna, M. Giguère, pour votre présence ici à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Et là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission au mercredi 12 février ? demain, donc ? 2003, à 9 h 30, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 56)


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