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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Tuesday, February 6, 2007 - Vol. 39 N° 41

Consultations particulières sur le projet de loi n° 54 - Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur la pharmacie


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Descoteaux): Donc, bonjour à tous, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, à nos invités devant la Commission des institutions. Je constate que nous avons quorum, je déclare donc la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la Commission des institutions aujourd'hui: la Commission des institutions est réunie afin de compléter les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur la pharmacie.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Matane) est remplacée par M. Reid (Orford).

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, M. le secrétaire. Donc, en ce qui a trait à notre ordre du jour, nous allons débuter par des déclarations d'ouverture de part et d'autre; nous allons convier nos invités à se présenter devant la commission. Ce matin, nous aurons la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et le Conseil interprofessionnel du Québec. Cet après-midi, nous aurons la Fédération des médecins spécialistes du Québec, l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec ? c'est bien ça, M. le secrétaire?

Le secrétaire: C'est ça.

Le Président (M. Descoteaux): L'Ordre des pharmaciens du Québec, suivi du Dr Daniel Poulin, et les remarques finales.

Remarques préliminaires

Donc, M. le ministre ? préalablement, je vous demanderais, à tous ceux qui ont des appareils cellulaires, de bien vouloir les mettre hors tension ? pour vos remarques préliminaires.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Donc, bienvenue à vous. Bienvenue aux membres de la commission puis également aux groupes qui se font entendre aujourd'hui, devant la Commission des institutions. Nous allons, aujourd'hui, discuter du projet de loi n° 54, intitulé Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur la pharmacie, qui a été déposé à l'Assemblée nationale en décembre dernier.

M. le Président, je voudrais très brièvement vous rappeler les objectifs de ce projet de loi n° 54. D'une part, il y a des dispositions qui sont d'ordre plus général et qui viennent donner aux 45 ordres professionnels des outils additionnels pour veiller au respect de la déontologie et préserver ainsi l'intégrité de notre système professionnel, et le tout évidemment dans l'objectif fondamental d'assurer la protection du public. Donc ça, c'est un premier volet des dispositions du projet de loi n° 54.

Le deuxième volet contient des mesures plus spécifiques qui font suite à l'avis de l'Office des professions du Québec sur la déontologie et l'exercice en société en regard des pratiques commerciales entre les médecins et les pharmaciens et puis également aux travaux que l'office a tenus, depuis la publication de l'avis, avec le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Essentiellement, quatre mesures principales se retrouvent dans le projet de loi. Premièrement, il crée au Code des professions une infraction pénale à l'égard des personnes ou des sociétés qui encouragent, d'une manière ou d'une autre, un membre d'un ordre professionnel à contrevenir à son code de déontologie.

Deuxièmement, il augmente les amendes disciplinaires et pénales prévues au Code des professions. Actuellement, de 600 $ à 6 000 $, par exemple, elles passeront de 750 $ à 10 000 $. Et de plus des amendes en matière pénale pour les personnes morales seront maintenant prévues et seront de 1 500 $ à 20 000 $ maximum. Et les amendes pourront être portées au double en cas de récidive et imposées pour chaque jour de contravention.

Troisièmement, le projet de loi modifie la Loi sur la pharmacie afin d'autoriser l'Ordre des pharmaciens, d'une part, à établir des normes pour certains contrats que peuvent conclure les pharmaciens et, d'autre part, d'exiger la transmission de ces contrats à des fins de vérification.

Quatrième mesure. On prévoit une période transitoire de 18 mois pour permettre aux professionnels pouvant être concernés de corriger le contrat ou, le cas échéant, d'y mettre fin, selon le choix des parties, et prendre les arrangements nécessaires pour assurer la continuité des services à la population.

On se souviendra le contexte, je pense, M. le Président, de l'automne 2004 où il y avait eu des reportages dans les médias qui avaient soulevé la question des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, notamment à l'égard de la pratique des loyers gratuits ou à rabais octroyés à des médecins par des pharmaciens ou des chaînes de pharmacies en vue de l'établissement d'une clinique médicale adjacente à la pharmacie. Mon prédécesseur avait donné un mandat à l'Office des professions du Québec d'examiner la situation et de faire rapport.

Je rendais public l'avis de l'office le 14 octobre 2005 et j'ai demandé donc, après la publication de l'avis, à l'office de prendre des mesures afin de clarifier la situation pour que soit évité tout conflit d'intérêts réel ou apparent, et ce, de le faire en collaboration avec les ordres concernés, donc notamment le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens du Québec. Et je voudrais souligner, M. le Président, le travail du Collège des médecins et de l'Ordre des pharmaciens et la collaboration avec l'office à cet égard-là. Ils ont participé activement aux travaux qui ont été réalisés par l'office et également préparé des modifications à leur code de déontologie afin de donner suite aux recommandations de l'avis de l'office.

M. le Président, je voudrais simplement ajouter qu'évidemment il n'y a pas de blâme qui est porté à l'endroit de qui que ce soit dans tout ce dossier-là, que ce soit vis-à-vis les médecins ou les pharmaciens. Il n'y en a pas non plus dans l'avis de l'office, et ça n'a jamais été des propos non plus... Ça, je pense que c'est très important, on a toujours maintenu que les ordres et les membres des ordres faisaient montre d'un grand professionnalisme.

Et il n'est pas non plus question, dans le projet de loi, d'interdire la localisation d'une clinique médicale dans un local adjacent à celui d'une pharmacie; ça peut même être pratique pour les patients. Cependant, les conditions des baux doivent respecter des normes de déontologie et éliminer toute situation de conflit d'intérêts réel ou apparent.

M. le Président, le Collège des médecins a déjà, l'automne dernier, apporté des modifications par règlement à son code de déontologie. L'Ordre des pharmaciens également, et leur code de déontologie contenait déjà une règle interdisant clairement l'octroi ou la réception d'avantages ou de ristournes.

Alors, M. le Président, je vais, je pense, terminer là en disant que nous sommes évidemment très ouverts, et c'est pour ça que nous avons demandé des consultations. Je pense que ça va porter plus spécifiquement aujourd'hui, les groupes qui sont devant la commission, sur l'aspect moins des dispositions plus générales dans la partie du projet de loi que sur les dispositions qui touchent les relations entre médecins et pharmaciens.

n (9 h 50) n

Donc, M. le Président, je pense que l'objectif, dans notre droit professionnel au Québec, où il y a une délégation dans le fond aux ordres professionnels ? c'est différent de ce qui se passe ailleurs, notamment dans les autres provinces ? c'est que les ordres puissent prendre toutes les mesures pour éviter toute situation susceptible d'encourager ou d'engendrer un conflit d'intérêts, qu'il soit réel ou apparent, vis-à-vis les citoyens. Et je pense que c'est essentiel pour assurer la protection du public et également assurer, dans l'esprit de la population, la perception que vraiment l'indépendance de nos professionnels est maintenue. Et ça, ils sont 300 000 au Québec qui font un excellent travail, je pense, dans tous les ordres professionnels. Vous le savez vous-même, vous êtes membre d'un autre ordre professionnel.

Donc, M. le Président, je termine là mes remarques préliminaires, et puis nous entendrons avec plaisir les commentaires des groupes qui se présentent aujourd'hui, devant la commission parlementaire. Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, M. le ministre. Donc, du côté de l'opposition officielle, M. le porte-parole, M. le député de Dubuc, la parole est à vous.

M. Jacques Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de vous saluer, de saluer également le ministre de la Justice ainsi que mes collègues du gouvernement qui siègent à la commission. Je voudrais également faire une salutation particulière au président de l'Office des professions, qui est ici ce matin et qui accompagne le ministre. Alors, Me Lemoyne, mes salutations.

Peut-être offrir aussi, M. le Président, au ministre... lui dire des remerciements pour avoir permis ces consultations particulières que nous avions demandées lors du dépôt du projet de loi. Alors, je pense que c'est important d'écouter ces groupes aujourd'hui, et nul doute que les présentations qui nous seront faites, là, serviront davantage, là, à bonifier le projet de loi.

M. le Président, voilà plus de 30 ans, l'Assemblée nationale décidait de mettre en place un vaste réseau, là, des ordres professionnels et des règles afin de protéger le public. Il s'agissait, à ce moment-là, d'une mission fondamentale, mission qui existe encore aujourd'hui et qui est de plus en plus importante. Le ministre d'alors, dans une allocution, disait que les citoyens ont besoin de croire dans les organismes et les mécanismes. Je diffère toutefois, là, du mot que le ministre employait à cette époque en disant que les citoyens ont besoin de croire; je crois plutôt qu'ils ont besoin d'avoir confiance et de faire confiance dans les organismes et dans leurs mécanismes, et ça, c'est important. Nous devons éliminer toute apparence de situation de nature à susciter des interrogations susceptibles de miner une telle confiance. Les ordres professionnels jouent un rôle clé en cette matière. En effet, il est de leur responsabilité de garantir que les règles sont respectées et que la protection du public est assurée. Ils sont les gardiens de cette mission.

Je ne rappellerai pas, M. le Président, les circonstances qui ont fait que le projet de loi est présentement devant la commission, mais je veux simplement rappeler l'impact qu'il a eu au sein de la population de même que dans les médias. Le Code de déontologie des pharmaciens était clair et interdisait déjà cette pratique. À preuve, des pharmaciens ont été condamnés par le syndic de leur ordre professionnel et sont en attente de leur sentence. L'Ordre des pharmaciens a fait son travail et a proposé des modifications à son code pour être encore plus précis. Il n'y a aucun problème à ce qu'une pharmacie ? vous l'avez souligné, M. le ministre ? soit à proximité d'une clinique de médecins. Le problème, c'est quand il y a un lien de subordination.

Finalement, le gouvernement a demandé à l'Office des professions de lui faire un avis sur la question. Et, au printemps 2005, le ministre a reçu cet avis mais ne l'a rendu public que plusieurs mois plus tard, soit le 14 octobre 2005, un an... six mois après les faits... un an après les faits en fait, mais six mois après qu'il l'avait reçu. L'office conclut qu'un loyer gratuit ou à rabais consenti à un médecin par un pharmacien risque de placer ce médecin dans une situation où il pourrait être en conflit d'intérêts apparent et que cette situation doit être évitée. À cette fin, l'office recommandait diverses mesures de nature législative, réglementaire et administrative, et ce n'est que le 15 novembre 2006, soit deux ans après les premières dénonciations, que le ministre de la Justice et responsable des ordres professionnels dépose un projet de loi à l'Assemblée nationale, projet de loi qui fera l'objet de l'étude, là, que nous entreprendrons demain.

Je pense que c'est important de souligner quelques passages de l'avis de l'Office des professions et je citerai quelques extraits. Entre autres, en page 5 de l'avis, on apprend, et je cite: «...les représentants des ordres professionnels et ceux de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires ont admis, d'emblée, que l'offre de loyers préférentiels en faveur de prescripteurs est une pratique répandue et courante au Québec.

«L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires nous a soumis que, selon elle, cette pratique commerciale ne comportait aucun enjeu déontologique, ni n'entraînait aucune situation de conflit d'intérêts et qu'elle avait pour but de favoriser l'installation de médecins à proximité d'une pharmacie.»

En page 18, concernant les loyers gratuits ou à rabais en rapport à la situation de l'exercice de la médecine, on peut lire de l'analyse de l'office, et je cite: «D'une part, à la lumière des règles jurisprudentielles et des principes d'interprétation législative, l'octroi d'un loyer gratuit ou à rabais constitue une ristourne ou un avantage, au sens de l'article 73 du Code de déontologie des médecins.»

Plus loin, on peut y lire également: «D'autre part, en matière de déontologie professionnelle, la norme est bien établie: le professionnel doit éviter toute situation de conflit d'intérêts réel ou apparent. [Et] c'est le principe retenu par la Cour suprême dans l'arrêt succession MacDonald [versus] Martin[...]. Cette règle est applicable aux médecins, car la Cour suprême reprend à son compte une définition de la notion de conflit d'intérêts qui correspond exactement au libellé de l'article 63 du Code de déontologie des médecins, à savoir qu'"il y a conflit d'intérêts lorsque les intérêts en présence sont tels que l'avocat pourrait être porté à préférer certains d'entre eux à ceux d'un client actuel ou éventuel ou qu'il serait à craindre que son jugement et sa loyauté envers celui-ci puissent en être défavorablement affectés".»

En page 19: «Aussi, en application de l'article 63 du Code de déontologie des médecins, le fait qu'un loyer gratuit ou à rabais soit consenti à un médecin par un pharmacien, ou un tiers susceptible d'en tirer un profit, le place dans une situation où il pourrait être porté à préférer un intérêt autre que celui de son patient, ou encore, où son jugement et sa loyauté envers celui-ci pourraient être défavorablement affectés en contrepartie des avantages consentis.

«Il s'agit là d'un risque inhérent à cette pratique commerciale qui pourrait se qualifier, selon la jurisprudence, à titre de conflit d'intérêts potentiel, ou apparent, par une personne raisonnablement informée.

«Néanmoins, il faut se rappeler qu'en vertu de l'article 73 du Code de déontologie des médecins, le médecin doit s'abstenir d'accepter toute ristourne ou avantage matériel mettant en péril son indépendance professionnelle.»

En page 20: «...lorsqu'on s'attarde de manière plus concrète au concept de la "mise en péril de l'indépendance professionnelle", on constate qu'il fait appel au jugement du professionnel, à ses valeurs. Or, les valeurs sont, par définition, subjectives, donc difficilement démontrables et on ne peut certainement pas considérer une valeur comme étant une norme, laquelle, par définition, doit être objective et de portée générale. [...]Il appert donc que le médecin peut être influencé à son insu, et ce, malgré sa volonté de ne pas mettre son indépendance professionnelle en péril.»

En page 22, on dit ? et ce sera la dernière citation de l'avis: «Ainsi, retenir la valeur de l'indépendance professionnelle comme norme afin d'évaluer ce qui est, ou non, acceptable par un médecin à titre de commission, avantage matériel ou ristourne, ne rejoint pas les exigences jurisprudentielles.

«Cette conclusion invite à examiner les règles déontologiques qui ont été retenues par les autorités compétentes, à l'extérieur du Québec, pour régir la réception par les médecins, d'un loyer gratuit ou à rabais provenant d'un pharmacien ou d'un tiers susceptible de tirer un profit, directement ou indirectement, de l'avantage consenti en vue d'évaluer une possible harmonisation de ces règles avec celles applicables aux médecins et aux pharmaciens.»

Ce que je viens de lire, M. le Président, qui est tiré de l'avis de l'Office des professions, est une analyse qui peut paraître jugée comme dure, je pense. Mais les ordres concernés ont proposé des modifications, et l'Office des professions et le ministre pourront nous dire où on en est présentement. Ce qui est particulier puis ce qui est inquiétant, c'est qu'on fait référence à un code de déontologie actuellement qui n'existe pas encore, à certains articles qui n'existent pas encore. C'était presque un chèque en blanc, M. le Président, surtout que ce qui aurait été préférable pour les membres de la commission, c'est d'avoir les modifications à ces codes de déontologie.

n(10 heures)n

Là, vous nous demandez... Aujourd'hui, en tant que législateurs, vous nous donnez un mandat: d'écouter certains groupes qui viendront présenter leur mémoire puis de questionner, questionner dans le but de nous donner des moyens de faire un travail minutieux lors de l'étude détaillée qui débutera demain. On va prendre tout le temps qu'il faut, M. le Président, pour écouter. Et ce que je voudrais surtout dire, c'est qu'il semble qu'on procède à l'envers. C'est que le gros des modifications, ce sont les codes de déontologie, et là on nous présente le cadre général du projet de loi. Alors, je pense qu'à la lecture des deux mémoires des associations de médecins, que j'ai eu l'occasion de faire dans les heures qui ont précédé la commission, je me questionne un petit peu sur comment on va procéder. On doit travailler... naturellement, comme parlementaires de s'assurer un équilibre. Je pense que c'est ça qui est important, assurer un juste équilibre, et je pense que ce projet de loi là va nous permettre de voir si on répond à cet équilibre-là.

Je pense qu'on n'a pas de doute, là, puis il n'y a pas de problème à penser que les médecins sont des professionnels. Je pense que ça, c'est clair dans ma tête, c'est clair dans la tête aussi de bien du monde, de même que les pharmaciens, et j'espère qu'avec les mémoires que nous entendrons, avec les remarques que nous feront les représentants, avec aussi les commentaires du ministre, de l'office également, j'espère que nous pourrons en arriver à... du moins peut-être pas un consensus, mais nous pourrons voir au moins à améliorer tout ça puis voir où on s'en va vraiment, parce que le fait de ne pas connaître présentement certains articles qui seront modifiés dans les codes de déontologie, ça fait un petit peu comme nous bloquer dans la réflexion de ce que nous propose le ministre.

Alors, M. le Président, je vais arrêter là mes remarques préliminaires. Je pense que j'offre au ministre toute ma collaboration en espérant que nous pourrons, là, nous entendre sur ce projet de loi.

Auditions

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. le député de Dubuc. Donc, tel qu'indiqué, le premier groupe que nous recevons ce matin: la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Bienvenue, M. le président. Bienvenue à tous ceux qui vous accompagnent. Comme vous êtes des habitués de nos travaux, vous avez 20 minutes pour la présentation du mémoire, et ensuite il y aura deux périodes d'échange, du côté ministériel et du côté de l'opposition officielle, de 20 minutes chacune. Donc, peut-être préalablement nous présenter tous ceux qui vous accompagnent et puis débuter.

Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Dutil (Renald): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme, MM. les parlementaires, alors je vous présente d'abord ceux qui m'accompagnent: à ma droite, le Dr Louis Godin, qui est le premier vice-président de la Fédération des omnipraticiens du Québec et, à ma gauche, Me Pierre Belzile, qui est le directeur des services juridiques de notre fédération.

Alors, je vous remercie de nous recevoir à cette commission. D'emblée, je vous dirais, et d'entrée de jeu, que la fédération a bien pris note que le principe du projet de loi présenté par le ministre de la Justice a déjà été adopté, le 5 décembre dernier, par les parlementaires. Alors, ce faisant, on présume que ces derniers en ont consacré la pertinence. La fédération le regrette, car nous croyons toujours que les relations d'affaires entre les médecins et les pharmaciens ne sont pas à ce point problématiques qu'elles justifiaient l'intervention du législateur. Et nous le disons dans notre mémoire, nous ne croyons pas à l'utilité de ce projet de loi.

Il faut reconnaître que les médecins se sentent particulièrement concernés par le projet de loi n° 54 et pour deux raisons. Le projet de loi réfère à des modifications qui seront probablement introduites dans le Code de déontologie des médecins, d'une part. C'est d'ailleurs pour cette raison que la fédération va commenter ces modifications, même si, M. Côté vient de le dire, ces modifications ne sont pas encore en vigueur. Théoriquement, on n'est pas supposé de les connaître. Deuxièmement, l'adoption du règlement sur l'exercice en société a été lié à l'adoption du projet de loi n° 54 pour des raisons qui nous semblent incongrues. L'adoption de ce règlement subit ainsi un autre délai que la fédération dénonce.

Ce projet de loi, on vient de le dire dans la présentation, s'inscrit dans la foulée de l'Avis de l'Office des professions du Québec sur la déontologie et l'exercice en société en regard des pratiques commerciales entre les médecins et les pharmaciens. Je rappelle brièvement le contexte dans lequel le mandat fut donné à l'office par le ministre de la Justice et je rappellerai également les principales conclusions du rapport de l'office, conclusions qui vont s'additionner à celles dont a parlé M. Côté il y a quelques minutes.

Ce rapport n'a été rendu public qu'en octobre 2005, soit cinq mois après sa complétion, et je pense qu'il est important de rappeler le contexte de ce rapport et les principales recommandations de ce rapport pour bien comprendre notre position eu égard au projet de loi n° 54. La diffusion, dans certains médias d'information, d'allégations à l'effet que certains médecins et pharmaciens contrevenaient prétendument à leurs déontologies respectives en entretenant des relations commerciales équivoques a donné lieu à de nombreuses interventions dans les médias, je n'ai pas à vous le rappeler. On allait même jusqu'à remettre en cause le lien de confiance entre le médecin et son patient. Les médecins n'ont pas apprécié que leur intégrité professionnelle soit ainsi mise en cause à partir d'informations basées sur des rumeurs, des perceptions ou des situations anecdotiques.

Je ne commenterai pas l'affaire Poulin versus les pharmacies Jean Coutu et le Collège des médecins du Québec. C'est un litige qui est devant le tribunal, et il appartient maintenant à ce dernier de porter un jugement dans ce cas précis. Mais ce dossier, également celui de Mme Julie Boulet, qui fut blanchie par le syndic de son ordre professionnel, a trouvé écho et même davantage qu'un écho à l'Assemblée nationale. Tout le dossier des relations d'affaires entre médecins et pharmaciens est devenu ainsi très politisé, et c'est dans ce contexte que le ministre de la Justice a donné mandat à l'Office des professions du Québec d'analyser de façon large les relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens.

Alors que dit le rapport de l'office? Bien sûr, ce que M. Côté vient de dire est exact, mais l'office dit autre chose dans ce rapport. L'office a été forcé de reconnaître que sa cueillette d'information ne lui avait apporté aucune donnée qualitative et quantitative significative sur le sujet. Tout au plus a-t-il cueilli des commentaires sur le fait que certains pharmaciens pouvaient offrir des conditions de location favorables ou préférentielles à des médecins. À cet égard, la fédération souligne immédiatement que de telles offres ne sont pas en soi nécessairement illégales ou en rupture avec le Code de déontologie des médecins. J'y reviendrai. L'office a aussi mentionné qu'aucune plainte n'avait été reçue par le Collège des médecins du Québec, et le collège pourra vous le rappeler, puisqu'il sera entendu devant cette commission.

En l'absence de données factuelles, l'office n'avait d'autre alternative que de procéder à l'analyse du dossier des relations commerciales des médecins et des pharmaciens sur la seule base de principes juridiques et jurisprudentiels applicables en déontologie professionnelle. Et, après un examen de droit comparé, l'office conclut dans son rapport que l'examen des dispositions applicables à l'extérieur du Québec permet de constater que, dans certaines provinces canadiennes, la location d'un loyer à un fournisseur de biens ou de services médicaux ou à une personne à qui sont référés des patients est interdite, sauf si le loyer est fixé en fonction du prix du marché et s'il n'est pas relié à un volume de références. Ces règles, dans certaines circonstances, ne sont établies uniquement que par des lignes directrices.

Un certain nombre de provinces canadiennes se réfèrent au code d'éthique de l'Association médicale canadienne qui stipule que le médecin doit refuser toute influence susceptible d'affecter son intégrité professionnelle, ce avec quoi nous sommes bien d'accord. Le Code de déontologie des médecins québécois est un modèle en son genre, et il n'a rien à envier au code d'éthique de l'Association médicale canadienne. Dans plusieurs autres provinces, les textes que nous avons consultés réfèrent surtout au fait que le loyer ne doit pas être relié au nombre de références faites à un médecin ou à un autre professionnel, ce avec quoi nous sommes aussi tout à fait d'accord. L'office d'ailleurs conclut elle-même que, dans certaines provinces canadiennes, les normes en matière d'indépendance professionnelle sont quasi inexistantes.

À l'extérieur du Canada, la loi fédérale américaine anti-kickback ? ou ristourne si on parle français ? régit les relations commerciales entre professionnels de la santé. Il est ainsi interdit à un professionnel d'accepter ou de donner une rémunération pour avoir référé un patient lorsque les frais de soins de ce dernier sont assumés par l'État. Le loyer ne doit pas être fonction d'un volume de références. On revient toujours à cette notion de base.

Bon, quant à la France, puisque je pense que, dans le rapport de l'office, on en parle, on interdit le compérage entre médecins et pharmaciens, «compérage» se définissant, dans la langue québécoise, comme étant le fait de collusion, de complicité, de connivence au détriment du patient, chose qu'on n'admettrait pas dans notre milieu. L'actuel Code de déontologie des médecins est beaucoup plus précis et sur la notion de référence de patients et sur l'interdiction de ne pas intervenir dans le choix que les patients font des autres professionnels de la santé, dont les pharmaciens.

n(10 h 10)n

Sur la base de ces principes, l'office conclut que les loyers gratuits ou à rabais consentis à un médecin par un pharmacien ou par un tiers susceptible d'en tirer profit étaient de nature à mettre en péril l'indépendance professionnelle du médecin. Le conflit d'intérêts serait, dans une telle situation, à tout le moins apparent. L'office reconnaissait que le Code de déontologie des médecins interdisait déjà à ces derniers de mettre en péril leur indépendance professionnelle, mais l'office ne trouvait pas suffisamment précises ces dispositions, une opinion que notre fédération ne partage pas. L'office mentionne cependant qu'il ne peut retenir un critère comme celui relatif au prix du marché en raison des éléments fort variables et subjectifs que comporte une telle évaluation, et nous sommes d'accord avec ce constat.

L'office en vient à la conclusion qu'il faut, à tout le moins, modifier le Code de déontologie des médecins de manière à interdire l'acceptation des commissions, de ristournes ou d'avantages matériels, à l'exception des remerciements d'usage ? ça, c'est permis, semble-t-il ? et des cadeaux de valeur modeste. L'office a ajouté qu'il fallait aussi amender le Code des professions lui-même pour hausser le montant des amendes en matière disciplinaire et pénale, ce que propose bien sûr le projet de loi n° 54.

Alors, quelques commentaires de la fédération sur la proximité des pharmacies et des cabinets privés. Vous savez, la présence de cabinets privés et de pharmacies logés dans le même immeuble a toujours existé. Je suis arrivé en pratique il y a 35 ans, et cela existait pour près de la moitié des cabinets médicaux. Il y a là une convergence de services dans un même lieu qui s'avère particulièrement commode pour certains patients, qui par ailleurs doivent demeurer parfaitement libres de faire remplir leurs ordonnances à la pharmacie de leur choix.

Cette proximité favorise également les échanges professionnels entre le médecin et le pharmacien qui dispensent des services aux mêmes patients, et c'est du quotidien dans la vie d'un médecin de s'arrêter à la pharmacie et de discuter avec le pharmacien souvent de traitements ou de médications qu'il a prescrits à son patient. Ce sont des échanges professionnels que nous souhaitons améliorer aujourd'hui avec une meilleure circulation de l'information. Mais, lorsqu'on partage le même espace physique ou qu'on est voisin, cet échange est vraiment plus facile. Alors, de tels rapprochements physiques entre des professionnels de même discipline, ce n'est pas uniquement les cabinets médicaux et les pharmacies, ils sont naturels et ils se retrouvent dans tous les domaines. La fédération ? et je veux bien me faire comprendre ici ?  reconnaît que l'occupation gratuite d'un espace commercial peut, en théorie, placer un médecin dans une situation de conflit d'intérêts réel ou apparent lorsque cet espace lui est fourni par un pharmacien, et nous avons toujours invité nos membres à s'abstenir de se placer dans cette situation.

Mais, en ce domaine, il faut faire un peu attention à l'absolutisme. Il y a quand même certains cas d'espèce qui doivent être analysés à la lumière du contexte qui est le leur. Je vais vous donner un exemple simple. Un médecin a son cabinet de consultation principal dans une localité X. Dans une petite communauté voisine, beaucoup plus petite, où il n'y a pas de médecin, on va l'inviter à venir, une journée-semaine, faire de la consultation au bénéfice des patients, qui n'auront pas à se déplacer, surtout les personnes âgées. Et ce médecin, même si ses frais de pratique continuent à courir, va accepter d'aller une demi-journée ou une journée dans cette petite communauté, et on va mettre un local gratuit à sa disposition. Est-il en conflit d'intérêts? Qui en tire bénéfice, d'une telle situation? C'est, je pense, le patient, et surtout ces patients plus âgés ou qui ont de la difficulté à se déplacer. C'est un exemple parmi d'autres que je pourrais vous citer pour dire: Il faut faire attention à l'absolutisme. La FMOQ est aussi d'accord que le coût d'un loyer ne doit pas être lié directement ou indirectement au volume d'ordonnances que le médecin va prescrire. Nous sommes d'accord avec cette disposition du projet de loi statuant l'instauration d'une nouvelle infraction quant au tiers qui aide sciemment un membre d'un ordre professionnel à contrevenir à une disposition du code de déontologie.

Le réseau des cabinets et des cliniques privées, rappelons-le, dispense au-delà de 80 % des soins médicaux de première ligne couverts par le régime public. Ce sont des médecins rémunérés par le régime public dans ce réseau, à quelques exceptions près. Il est essentiel à l'accessibilité aux soins. Ces cliniques et cabinets privés sont des petites entreprises qui doivent développer des plans d'affaires pour faire face aux dépenses croissantes de la pratique médicale et assurer leur survie économique. Les lois du marché s'appliquent aussi dans ces entreprises. Le médecin propriétaire d'un cabinet doit avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour déterminer les conditions de son bail. Il doit disposer d'un pouvoir de négociation, et la fédération dénonce l'équation qu'on a facilement établie dans tous ces reportages qu'on a vus dans le passé entre un loyer moindre et la perte d'indépendance professionnelle.

Bon, dans tout immeuble locatif... Et promenez-vous dans un centre d'achats, interrogez les locateurs, personne ne paie le même prix. Le loyer va varier en fonction d'un grand nombre de variables: l'achalandage de leur clientèle bien sûr, l'espace occupé, la durée du bail, la condition économique du locataire, et ainsi de suite. Un loyer à moindre coût ne place pas nécessairement le médecin en situation de conflit d'intérêts ? je ne parle pas ici de loyer gratuit, je ne parle pas ici d'un loyer à un prix symbolique ? il résulte plutôt de particularités que les lois du marché reconnaissent partout. De fait, ce n'est pas le coût du loyer qui serait en soi un problème, mais plutôt les conditions qu'on pourrait y rattacher, comme le volume d'ordonnances, le dirigisme vers une pharmacie en particulier ou encore des ristournes. De telles exigences bien sûr ne respectent pas le code de déontologie actuel des médecins.

Alors, quelques commentaires maintenant sur les modifications auxquelles fait référence le projet de loi n° 54, des modifications au code de déontologie. On aimerait vous souligner que le Code de déontologie des médecins a fait l'objet d'une refonte majeure en 2002, et cette refonte a marqué l'aboutissement de près de trois années de travaux et de consultations auprès des médecins et du public. On peut s'étonner qu'après avoir fait cet exercice il y a bien peu de temps l'office déclare impératif d'amender de nouveau ce code.

Ce code stipule notamment que le médecin doit, en tout temps, sauvegarder son indépendance professionnelle et éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts. Le médecin doit s'abstenir de rechercher et d'obtenir indûment un profit par l'ordonnance d'appareils, d'examens, de médicaments ou de traitements. Le médecin doit s'abstenir d'accepter toute commission, ristourne ou avantage matériel mettant en péril son indépendance professionnelle. Ça, c'est le code de déontologie actuel des médecins, et la fédération est d'avis que les dispositions de ce code, dans sa version actuelle, offrent un cadre clair aux médecins.

Bon, le Collège des médecins du Québec a tous les pouvoirs requis pour intervenir s'il a des raisons de croire que le médecin met en péril son indépendance professionnelle. Voilà pourquoi on croit que les modifications suggérées par l'office et auxquelles réfère le projet de loi n° 54 sont superflues et inutiles.

De façon plus spécifique, la fédération est en désaccord avec une modification proposée à l'effet d'obliger tous les médecins à introduire dans toute entente de location une disposition stipulant que son contenu respecte le code de déontologie. C'est une disposition inutile et, je vous dirais même, insultante pour les médecins, qui sont des professionnels responsables et qui ont prêté serment de respecter leur code de déontologie. Et, s'ils ne le font pas, encore une fois le code actuel permet au collège d'intervenir. On ne retrouve pas de telles exigences chez d'autres professionnels, sauf les médecins.

Le code actuel permet déjà au CMQ d'obtenir la copie des baux liant les médecins afin de déterminer si les termes et conditions de ces baux mettent en péril ou non leur indépendance professionnelle. Est-ce qu'on a songé aux contrariétés administratives que cette démarche administrative suppose dans le quotidien des médecins, et ce, même si le législateur leur accordait une période de transition de 18 mois?

Enfin, un dernier commentaire sur l'exercice de la profession en société. J'en parle, puisque l'office a lié l'adoption du règlement aux modifications à venir du code de déontologie. La possibilité pour un ordre professionnel d'adopter un tel règlement est issue des amendements apportés au Code des professions en 2001, soit il y a six ans. Le collège a fait prépublier son règlement sur l'exercice en société en septembre 2003. Les médecins ne peuvent toujours pas, au moment où on se parle, se doter de structures modernes d'entreprise, comme cela existe partout au Canada et ici même, au Québec, pour plusieurs professions.

En conclusion, M. le Président, les amendements proposés par le projet de loi n° 54 n'ajoutent rien à la protection du public et à la sauvegarde de l'intégrité professionnelle des médecins, ils ne font qu'élargir l'éventail des mesures punitives et discriminatoires à l'égard des médecins, et voilà pourquoi la fédération ne voit pas l'utilité de ce projet de loi. Je vous remercie de nous avoir permis de s'exprimer ici, à cette commission.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, Dr Dutil. Donc, nous allons procéder à l'échange entre le groupe devant nous et le côté ministériel. M. le ministre.

n(10 h 20)n

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Dutil, Dr Godin et Me Belzile. Et je voudrais vous remercier, Dr Dutil, de votre présentation, de vos propos, qui sont toujours exprimés de façon claire et avec beaucoup de conviction, également avec une grande continuité aussi d'idées. Parce que je me réfère à un communiqué que la Fédération des omnipraticiens avait émis le 16 novembre 2006 où la réaction était très, très claire. Et, dans un premier temps, évidemment, dans ce communiqué-là, vous référiez à un processus d'inquisition où les médecins sont accusés d'emblée d'agir de mauvaise foi, et vous avez repris également, je pense, dans vos propos aujourd'hui, cette expression où on semblait mettre en cause l'intégrité des membres de la profession médicale, leur intégrité professionnelle. Je pense bien que ce n'est pas dans l'intention de qui que ce soit de vouloir remettre en cause l'intégrité professionnelle, d'une part. Et, d'autre part, je pense bien que, ni dans l'avis de l'office, entre vous et moi, ni dans les propos en tout cas que j'ai tenus, moi, il n'y a rien qui pouvait laisser croire que ? en tout cas, personnellement ? je voulais remettre en cause l'intégrité professionnelle des médecins. Je pense qu'à cet égard-là, là, il est important à mon avis de clarifier les choses.

Évidemment, notre système professionnel date des années soixante-dix. Je pense que c'est un bon système professionnel, et à mon avis les règles de conflit d'intérêts ou d'apparence de situation de conflit d'intérêts aussi ont évolué depuis 35 ou 40 ans dans tous les domaines. Je pense bien que ce n'est pas seulement dans le domaine professionnel, c'est vrai dans le domaine de l'administration publique. J'ai déjà été membre de l'administration publique dans les années soixante-dix, et au début il n'y avait même pas de règlement sur l'éthique dans l'administration publique. Alors, il y en a eu, ça a été modifié, et je pense que cette notion-là a beaucoup évolué, la notion d'éthique, et de conflit d'intérêts, et de situation de conflit d'intérêts réel ou potentiel. Et je ne pense pas que d'en discuter doive nous amener à conclure que l'on remet en doute l'intégrité professionnelle des personnes à qui ça peut s'appliquer. Je pense que là-dessus, là, ce serait bien important... Mais cette notion-là a évolué, je pense, au cours des 35 ou 40 dernières années.

D'ailleurs, vous reprenez, et vous la listez, Dr Dutil, aussi tout à l'heure, à la page 7, je pense, de votre mémoire, là... En discutant, bon, des valeurs, de l'autonomie, de... vous dites: «À cet égard, la fédération reconnaît sans détour que l'occupation gratuite d'un espace commercial voué à l'exploitation d'une clinique médicale, peut, en principe, placer le médecin dans une situation de conflit d'intérêts lorsque cet espace lui est fourni par un pharmacien.» Donc, je pense que c'est quand même, ça... Puis je suis d'accord avec vous sur cette affirmation-là que vous faites à la page 7 de votre mémoire.

Et donc, si c'est le cas, est-ce qu'il n'est pas normal, à ce moment-là, qu'il y ait certaines dispositions qui viennent prévenir cette apparence-là? Vous dites: Oui, on comprend, on reconnaît que ça place le médecin dans une situation de conflit d'intérêts. Alors, je me dis: Si ça le place dans une situation de conflit d'intérêts, est-ce qu'on doit dire: Bien non, c'est vrai, mais on laisse aller ou on n'établit pas certaines règles dont l'objectif est de prévenir justement cette situation-là? Et, d'un autre côté, est-ce que ça ne renforce pas aussi en même temps, vis-à-vis la population, vis-à-vis les patients, je dirais même la crédibilité déjà très haute des membres de la profession médicale?

Le Président (M. Descoteaux): Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Oui. Écoutez, M. le ministre, je veux bien me faire comprendre. Je veux dire, un, nous ne soutenons pas la question des loyers gratuits, mais le code de déontologie actuel prévoit déjà que le collège peut et même doit intervenir dans de telles situations. Alors, notre objection au projet de loi n° 54, ce n'est pas sur la question qu'on doit permettre la gratuité ou pas d'un loyer, c'est qu'on pense que les dispositions du code de déontologie actuel, tel qu'il a été refondu en 2002, ce n'est pas très loin... Vous avez raison de dire que ça a évolué depuis 30, 35 ans. Le code de déontologie a été refondu en 2002, après plus de 20 ans où il n'y avait pas eu de modifications. On pense que ce code de déontologie version 2002 accorde tous les pouvoirs requis à l'ordre professionnel pour intervenir dans des situations où le médecin se mettrait dans... bon, il y aurait possibilité de conflit d'intérêts ou d'atteinte à son intégrité professionnelle. Alors, elle est là, là, notre objection de fond au projet de loi n° 54: c'est l'utilité de ce projet de loi et des modifications qu'il annonce au code de déontologie. Nous croyons, nous, que les dispositions actuelles existent déjà pour permettre à l'ordre professionnel d'intervenir.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Mais je comprends, et vous avez fait référence également au débat médiatique qui a eu lieu, à l'automne 2004, dans ce cadre-là, et puis là il ne s'agit pas de commencer à faire des cas concrets, mais ce que je comprends: il y avait des problèmes à certains endroits, à ce que je peux comprendre, et donc autrement je pense bien qu'on n'aurait pas eu ce débat médiatique et avec certains exemples.

Donc, est-ce qu'il n'est pas plus approprié, dans ce cadre-là, pour justement éviter... Parce que ce qu'on recherche, là, c'est ? le patient va chez le médecin ? donc de pouvoir assurer le patient qu'il n'y a pas d'interférence entre ce que lui prescrit le médecin ? puis ça, là, on ne parle pas de dirigisme ou de prescriptions intempestives... mais qu'il n'y a pas de possibilité d'interférence entre ce que fait le médecin vis-à-vis son patient et des relations privées d'affaires que le médecin peut avoir avec un pharmacien qui, lui, vend, disons, des médicaments.

Et donc pour éviter qu'un patient puisse penser... Puis, c'est ça, le conflit d'intérêts, là, il peut être réel dans certains cas, mais souvent les dispositions dans les codes d'éthique sont pour prévenir des situations potentielles de conflit d'intérêts. C'est vrai en administration publique, je le répète, c'est vrai en politique également; je pense que c'est vrai également dans les ordres professionnels. Donc, qu'il y ait certaines règles qui soient très claires et que le patient, à ce moment-là, n'ait pas à se poser de questions ou ne puisse même avoir un soupçon que, oui, peut-être, là, que, comme le médecin a un loyer gratuit, qu'il était peut-être dans une bâtisse, puis qu'il est arrivé une chaîne de pharmacies, puis ils lui ont offert un loyer gratuit, puis qu'il est déménagé là... si jamais ça arrivait, bien, que le patient, là, n'ait pas à se poser de questions à cet égard-là. Alors, je me dis: Si tout le monde est d'accord ? vous dites: On est d'accord là-dessus ? pourquoi ne pas le prescrire clairement si vous dites: On est d'accord, donc ça ne change pas... ça s'enligne avec ce que vous dites, puis dire: Bien, c'est clair maintenant, puis les patients, à cet égard-là, ne pourront même pas avoir aucun soupçon?

Le Président (M. Descoteaux): Dr Dutil.

n(10 h 30)n

M. Dutil (Renald): Bon, d'abord, M. le ministre, vous faites référence au débat médiatique, à des anecdotes également, là, parce qu'il y a eu des anecdotes. Et, s'il fallait qu'il y ait un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale à chaque fois qu'il y a des anecdotes, l'Assemblée nationale siégerait à l'année longue. Puis même, encore là, elle aurait besoin du bâillon plus souvent encore qu'aujourd'hui. Alors, je ne veux pas réagir sur des anecdotes.

Je remarque une chose. Le Collège des médecins nous dit: Je n'ai reçu aucune plainte de la part des patients. Si ces patients avaient des raisons de soupçonner que leur médecin est en conflit d'intérêts, que la loyauté du médecin n'est pas à son égard mais davantage à l'égard peut-être d'un tiers comme le pharmacien, je pense que les patients, surtout les patients d'aujourd'hui, qui sont bien informés, porteraient plainte à l'ordre professionnel. Le collège lui-même nous a dit, l'office l'a constaté d'ailleurs dans son étude... le collège n'a pas reçu aucune plainte. Je ne dis pas que de telles situations ne sont pas arrivées ou ne puissent pas arriver, je vous dis que, si elles arrivent, le Collège des médecins utilise les dispositions du code de déontologie actuel qui prévoit que... Je veux dire, il a le droit de... le pouvoir d'intervenir et de sanctionner le médecin, le cas échéant.

Alors, je ne crois pas que ce projet de loi répond à une demande des patients. Ce projet de loi répond davantage à des préoccupations politiques que déontologiques, M. le ministre.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui, M. le Président. Évidemment, en toute déférence pour le Dr Dutil, j'ai beaucoup de respect pour le Dr Dutil, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec sa dernière formulation. Et, lorsqu'il mentionne que ça a un aspect politique, je pense que toute décision législative, hein, c'est une décision politique de l'Assemblée nationale, quelle qu'elle soit, mais je pense que, si le projet de loi a été déposé, c'est vraiment pour éviter des situations, notamment des situations de conflit d'intérêts réelles ou potentielles, et dans le cadre de la protection et de la mission de la protection du public. Ça, je pense que, là-dessus, là, je pense que... je veux le répéter parce que c'est exactement ça, premièrement.

Deuxièmement, j'aurais peut-être aussi, Dr Dutil, une autre question. Il y a deux ordres professionnels d'impliqués de façon particulière dans une partie des dispositions du projet de loi n° 54, donc il y a le Collège des médecins et également l'Ordre des pharmaciens. L'Ordre des pharmaciens, si je comprends ? et ils seront devant la commission cet après-midi ? ils sont d'accord avec les dispositions du projet de loi, ils sont d'accord pour renforcer leur code de déontologie qui déjà prévoyait simplement que les membres ne pouvaient recevoir d'avantage, là, autre que modeste ou de nature d'avantage, là, modeste. Donc, l'Ordre des pharmaciens, si je comprends ? et je ne voudrais pas leur faire dire ce qu'ils ne disent pas, là ? sont d'accord avec les dispositions puis en renforcement de leur code. Je me dis: Pourquoi le Collège des médecins, lui, n'est pas d'accord? Si l'Ordre des pharmaciens est d'accord, pourquoi le Collège des médecins, lui, dit: Non, nous, on ne sera pas d'accord, ou la fédération, parce que, dans votre cas, Dr Dutil, c'est la Fédération des omnipraticiens?

Le Président (M. Descoteaux): Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Moi, je ne discuterai pas la position de l'Ordre des pharmaciens. Ça leur appartient de faire les commentaires qu'ils veulent bien faire sur les modifications à leur code de déontologie à eux.

Mon ordre professionnel, le Collège des médecins, va vous dire probablement la même chose que je vous ai dite, qu'on ne voit pas l'utilité d'apporter d'autres modifications au code de déontologie, même s'il a bien sûr travaillé à des modifications. Il n'avait pas le choix, l'Office des professions lui a demandé de modifier son code de déontologie. Compte tenu de son cadre législatif, je pense que le collège n'avait pas le choix de le faire. Mais ils vont vous exprimer une position qui ressemble pas mal à la mienne à l'effet que le collège a toujours cru que les dispositions du code telles qu'amendées en 2002 lui donnaient tous les pouvoirs pour intervenir, s'il y avait des situations, là, troublantes, et fournissaient un cadre suffisamment clair pour les médecins. Bon. Mais l'office ayant demandé au collège d'amender ce code, le collège s'est exécuté, et il y aura un nouvel article 73 qui n'est pas encore en vigueur, mais qui va éventuellement entrer en vigueur. Mais ça ne change pas le fond, la pensée du collège à l'effet que cet exercice n'était peut-être pas utile, compte tenu de ce qu'on avait fait en 2002.

M. Marcoux: Maintenant, est-ce que je comprends qu'en... Oui, excusez, Dr Godin.

M. Godin (Louis): Je voudrais peut-être revenir sur votre intervention précédente, M. le ministre. Vous parlez de la nécessité d'enlever, là, tout doute potentiel, je vais dire, dans la tête des gens et de nos patients. Je vais vous livrer un peu les commentaires des médecins sur le terrain.

Je suis médecin omnipraticien encore en pratique. Je pratique en cabinet privé. J'ai pratiqué toute ma vie dans un cabinet privé près d'une pharmacie. Et cette nécessité-là que vous laissez sous-entendre de mieux encadrer et de renforcer encore toute la notion de conflit d'intérêts potentiel, pour nous, ça nous apparaît d'abord, un, comme le disait Dr Dutil, inutile, mais ça peut aussi laisser supposer que, oui, MM. les médecins, Mmes les médecins, omnipraticiens, omnipraticiennes, vous vous êtes mis souvent en conflit d'intérêts. Et probablement que l'exercice de la profession que vous avez fait... vous avez été faibles par moments et vous n'avez peut-être pas rendu les services comme vous devriez les rendre parce qu'il y avait une pharmacie à côté de chez vous.

Les médecins omnipraticiens ont comme objectif de donner des soins avec les plus hauts standards de qualité, et je ne crois pas qu'il est nécessaire actuellement de renforcer les mesures législatives, d'introduire des contraintes pénales plus importantes, je veux dire, que celles qui existent encore pour renforcer le travail des médecins omnipraticiens. Moi, je ne crois pas, je veux dire, que le travail à côté d'une pharmacie influence la prescription d'un médecin dans son bureau, et, si jamais c'était le cas, toutes les règles déontologiques actuelles permettent d'intervenir.

Le message que l'on risque de lancer à la population et à nos patients, c'est: Regardez, ces gens-là, ces professionnels-là, il faut les avoir bien à l'oeil parce qu'ils sont vraiment à risque d'être influencés par des pratiques commerciales qui se font dans bien d'autres domaines. Et ça, plutôt que de renforcer la relation de confiance entre les patients et les médecins, à mon sens, dans une grande majorité de cas, ça risque de l'affaiblir, ce lien de confiance là. On a des patients qui nous disent: Aïe! Regarde, docteur, on est en train de vous serrer la vis encore plus, hein, c'est parce que vous devez prescrire selon ce qu'on vous donne comme information dans le cadre professionnel dans lequel vous êtes. Les médecins ont vraiment, actuellement, une perception, je veux dire, que ce projet de loi là les traite un peu inutilement. Et, à long terme, ça peut avoir des conséquences importantes.

Vous savez, actuellement, la pratique en cabinet privé vit une grande crise. C'est 80 % des soins. Le recrutement est de plus en plus difficile pour différentes raisons, et on risque de rajouter, avec ces dispositions-là, de nombreuses règles administratives qui vont faire finalement qu'en bout de ligne il n'y a plus personne qui sera intéressé à aller travailler en cabinet privé, alors que c'est encore la porte d'entrée numéro un dans le système de santé. Donc, je crois qu'il faut être prudent là-dedans pour essayer de renforcer quelque chose pour lequel, nous, on pense que ça n'a pas besoin d'être renforcé. Tous les outils sont déjà là, existent déjà, et on n'a pas besoin d'en rajouter plus.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, Dr Godin. M. le ministre, en moins de trois minutes.

M. Marcoux: Oui, une dernière question. Merci, Dr Godin. Il est sûr... et ça, je voudrais, je pense, le redire. L'objectif n'est pas de remettre en cause les standards de la pratique de la médecine, de faire, vis-à-vis la pratique médicale, quelque blâme que ce soit. Et ça, on a toujours été prudents, je pense, dans ce cas-là, puis je le crois également.

Mais, quand le Dr Dutil mentionnait: Écoutez, on reconnaît ? je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit ? qu'un médecin peut sembler être dans une situation de conflit d'intérêts lorsque l'espace lui est fourni gratuitement par un pharmacien... Peut-être que vous dites: Ça n'existe pas nulle part, c'est peut-être ça que vous dites, Dr Dutil, c'est que les loyers très, très bas, ça n'existe pas, qu'ils n'ont pas aucune relation, mais je me dis: Est-ce que... Justement, dans l'intérêt des patients et dans l'intérêt aussi des médecins, qu'il soit clair que c'est une pratique qui n'existe pas. Donc, les patients n'ont pas à se poser de questions, les députés qu'on est, on comprend, puis le médecin est dans une situation où il ne peut pas soupçonner, je dis bien, qu'il puisse y avoir une certaine influence par rapport à des relations privées d'affaires qu'il a avec un pharmacien.

Vous référiez tantôt, Dr Dutil, aussi à certaines autres provinces, là. Ça varie, hein, selon les provinces, ce n'est pas uniforme, mais, pour certaines, par exemple, écoutez, là, on dit: Il faut que ce soit à peu près la valeur au marché. Donc, ce n'est pas quelque chose qui arrive de façon tout à fait inédite, cette discussion-là, je pense bien.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Dutil, en 30 secondes, et vous pourrez compléter par la suite.

n(10 h 40)n

M. Dutil (Renald): Oui. D'abord, M. le ministre, je n'ai jamais affirmé que des loyers gratuits ou à un prix symbolique, ça n'existait pas. Je ne dis pas que ça existe, je ne dis pas que ça n'existe pas. Ce que je dis, et je le répète au risque d'être redondant, c'est que les dispositions actuelles du code de déontologie constituent un cadre clair pour le médecin, à savoir qu'il se mettrait dans une situation de conflit d'intérêts s'il acceptait un loyer gratuit, sauf dans des circonstances très exceptionnelles comme l'exemple que j'ai posé tantôt, et que ce code de déontologie permet, donne tous les pouvoirs à l'ordre professionnel d'intervenir dans un tel cas. C'est ça que j'ai affirmé et je le réaffirme. Bon.

J'ai lu les journaux et j'ai entendu des anecdotes comme vous, M. le ministre. Si elles sont fondées, que le collège intervienne, il en a tous les pouvoirs. Et d'ailleurs il est intervenu. Bon. Quand je regarde certains jugements qui ont eu lieu, je veux dire, que ce soit au niveau des pharmaciens ou ailleurs, on voit que l'ordre professionnel est intervenu, les codes de déontologie des deux ordres en question leur en donnaient le pouvoir. Voilà le message qu'on vous fait ce matin: c'est un projet qui nous apparaît superflu, inutile dans ce contexte-là.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle, M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui, merci, M. le Président. Alors, Dr Dutil, Dr Godin, Me Belzile, bienvenue à cette commission. Merci pour votre mémoire dont j'ai pris connaissance hier soir. Il a au moins la qualité d'être franc et direct, et je pense que c'est très apprécié. Vous dites les choses comme elles devraient, et, à des endroits aussi, j'ai trouvé que vous êtes un peu durs, vous êtes peut-être un peu durs lorsque surtout vous parlez relativement à l'Office des professions où est-ce que vous dites que la rigidité réglementaire est désincarnée de la réalité. Alors... mais c'est quand même... J'ai apprécié.

Je voudrais peut-être revenir, Dr Godin, surtout lorsque vous avez parlé, tout à l'heure, des cabinets privés, que vous avez dit que les cabinets privés sont encore la principale porte d'entrée de l'exercice de la médecine. Certains affirment que, outre des loyers gratuits qui sont consentis, il y a certains paiements qui se font par des tierces personnes en ce qui concerne les frais d'administration d'un cabinet privé, justement. Et on pense que, bon, ça, ça pourrait être... ça pourrait mettre en péril justement l'indépendance professionnelle du médecin, et surtout si ce paiement provient d'un pharmacien ou d'une bannière pharmaceutique.

Alors, moi, j'aimerais savoir: Qu'est-ce que vous pensez de cette pratique? Et est-ce que vous croyez que cette pratique-là se fait sur une échelle plus ou moins grande? Mais surtout comment, nous, comme législateurs, devrions, là, légiférer sur ça?

M. Godin (Louis): Écoutez, je ne peux pas vous dire de façon précise: Est-ce que ça existe, est-ce que ça n'existe pas, dans quelle ampleur, etc.?

Tout à l'heure, dans votre présentation d'ouverture, M. Côté, vous avez parlé de la nécessité qu'il n'y ait pas de lien de subordination, et je pense qu'actuellement c'est ça qui est le plus important. Actuellement, je ne crois pas qu'il existe de lien de subordination entre un médecin qui travaille à côté d'une pharmacie... Je pense qu'au contraire c'est un environnement professionnel qui ne fait que favoriser les patients.

On vous a dit, tout à l'heure, dans la présentation, qu'on est contre le fait qu'une relation commerciale soit subordonnée à un volume de prescriptions, je veux dire, ou à des choses comme ça. Ça, ça nous apparaît très, très clair. Mais, après ça, je veux dire, l'important, c'est qu'il n'y ait pas de lien de subordination, que le patient que je vois dans mon bureau, il ne soit pas dirigé systématiquement à la pharmacie d'à côté où je vais dire qu'il soit prescrit tel produit pharmaceutique qui irait à l'encontre. Et ça, actuellement, dans le code de déontologie auquel les médecins sont soumis, on a tous les outils pour garantir ça. Si jamais, je veux dire, certains facteurs font que ma pratique professionnelle est de mauvaise qualité, le Collège des médecins a tous les moyens d'intervenir chez nous. Donc, il faut faire attention pour dire: Parce que quelqu'un travaille à côté, il y a nécessairement un lien de subordination et un lien de direction. Je ne crois pas, moi, qu'il existe de ces liens de subordination là. Au contraire, ça nous aide d'évoluer souvent dans un milieu qui est beaucoup plus facile, je veux dire, pour les patients. Comme je vous dis...

En fin de semaine dernière, lorsque j'étais à mon cabinet et que je voyais des parents avec des jeunes enfants qui avaient besoin d'une prescription, à moins 30 ou à moins 40, ça leur faisait peut-être plaisir de ne pas avoir à faire 2 km pour aller chercher la prescription ailleurs. C'est une question, je vous dirais, de pratique, ça n'influence pas la prescription, ça n'influence pas la relation professionnelle. Le lien de subordination, s'il existe, on a le moyen, je veux dire, pour le contrôler.

M. Côté: Bon. Je vais reprendre sur ce que vous venez de dire. Vous dites: S'il y a un lien de subordination, on a tous les instruments nécessaires pour y faire face, c'est-à-dire, on a un code de déontologie, c'est au Collège des médecins à poursuivre. Mais qui va se plaindre de cette situation-là? Qui va être au courant de la situation? Autrement dit, c'est que le patient qui va vous voir, il a pleinement confiance en vous. Il y a des sondages qui vous classent les premiers. Les personnes en qui on a le plus confiance, ce sont les médecins, puis avec raison. Mais le patient, lui, il ne sera jamais au courant de ça. Habituellement, il ne se plaindra pas de ça. Mais qui va pouvoir se plaindre? Qui va porter plainte pour une situation qui existe?

C'est là que je voudrais qu'on... Est-ce que vous ne pensez pas que le législateur ne devrait pas baliser justement avant que cette... faire un peu de prévention, dire: Dans la loi, voici ce qu'on défend, voici ce qu'il n'est pas permis de faire? À ce moment-là, c'est réglé, on n'en parle plus. Ce n'est pas permis. Et en plus c'est qu'on a présentement... On a l'Ordre des pharmaciens qui vient dire: «Oui, on est d'accord avec ça», ce qui va d'après moi éliminer certaines situations qui existent présentement ou qui pourraient exister.

Le Président (M. Descoteaux): M. Godin.

M. Godin (Louis): Comme je le mentionnais tout à l'heure, je veux dire, les outils sont déjà là. Et le fait d'intervenir ne fait que présumer que ce n'est pas suffisant pour nous. Et, nous, on pense que c'est déjà très suffisant, ce qu'il y a sur la table. On pourra toujours amener des situations anecdotiques où il y a eu des problèmes. Il y aurait projet de loi, il y aura encore probablement des situations qui seront soulevées. Mais le message qu'on aura lancé, c'est que les médecins, tel qu'ils pratiquent aujourd'hui, avec les règles auxquelles ils sont soumis, ce n'est pas suffisant. Il faut en rajouter encore un petit peu plus. Et c'est ça qui, pour nous, nous apparaît, là, aller un peu trop loin.

M. Côté: L'autre chose dont je voulais... L'autre chose dont j'aimerais vous parler, vous savez qu'il existe présentement... Au ministère de la Santé, il existe ce qu'on appelle les fameux PREM, là, les plans de répartition d'effectifs médicaux. Et ça, ça existe partout à travers le Québec. Mais, dans le cas ? c'est toujours hypothétique, ce que je dis ? où vous dites: Il pourrait y avoir des loyers gratuits, des avantages consentis à des cabinets privés, dans le cas où, dans une petite municipalité... Justement, c'est que, par exemple, une bannière accorde un avantage fiscal ou un avantage monétaire à un cabinet. Est-ce que ça ne vient pas... cet avantage-là qu'on ne sait pas, qu'on ne connaît pas ne vient pas en contradiction avec le plan effectif de répartition des effectifs médicaux, puisque, dans les paroisses, dans les municipalités... Moi, je sais pertinemment que, chez moi, c'est qu'on accorde certains avantages aux médecins parce qu'ils sont dans des endroits un peu plus éloignés, ils sont en région. Lorsqu'il y a un manque d'effectifs, le ministère de la Santé leur accorde certains avantages, ce qui fait qu'en ayant en plus cet avantage de la part d'une bannière, c'est qu'on se retrouve... il y a comme une espèce de contradiction, là. Il y a deux avantages au lieu d'un.

M. Dutil (Renald): Il faut faire un... C'est deux dossiers. Les plans régionaux d'effectifs médicaux, il y a toute une mécanique qui est fort complexe. Je n'y entrerai pas.

M. Côté: Expliquez-moi ça comme il faut parce que je ne suis pas un spécialiste.

M. Dutil (Renald): C'est-à-dire qu'il y a divers comités qui travaillent là-dessus bien sûr et qui font des recommandations au ministre. Et chaque région se voit autoriser un certain nombre de postes, postes qui seront remplis, d'une part, par ce qu'on appelle les nouveaux facturants, les nouveaux médecins qui arrivent en pratique, et, d'autre part, par des... bon, des changements de territoire, de région.

On connaît par historique le mouvement des médecins d'une région à l'autre. Alors, on applique... Par exemple, dans la région de la Mauricie, il y a ? c'est des chiffres fictifs que je vous donne ? 30 postes d'autorisés, dont 15 seront pour des nouveaux médecins qui arrivent en pratique et les 15 autres seront occupés par des médecins qui changent de région. Ça, c'est les plans régionaux d'effectifs médicaux, toute une mécanique.

Et les incitatifs pour recruter les médecins dans les régions les plus dépourvues, c'est une autre chose. Il y a des incitatifs conventionnels qu'on prévoit dans nos ententes. Mais il peut y avoir des incitatifs autres que des communautés mettent en place. Exemple, les coopératives de santé, M. Côté, bon, coopératives de santé qui permettent à des médecins de venir exercer avec des frais de pratique moindres, des loyers gratuits, il faut le dire, dans ces cas-là. Et personne ne questionne la pertinence de cela. Bon.

Alors, il y a des communautés qui se disent: Nous, on va faciliter l'accueil, l'installation des médecins chez nous parce qu'on n'arrive pas à remplir le nombre de postes autorisés dans notre région. Le problème, il est là. Il n'est pas parce qu'il y a trop de médecins qui s'installent. Il n'y a pas assez de médecins qui s'installent. Les PREM n'empêchent pas l'installation dans les régions les plus dépourvues. Ce serait un heureux problème si cela arrivait. Ce n'est pas le cas.

n(10 h 50)n

Alors, il y a des incitatifs mis en place par des communautés. Et, dans ce sens-là, il peut arriver, oui, qu'une pharmacie ou une bannière offre d'organiser, là, techniquement, une clinique médicale dans son deuxième étage. Je ne vous dis pas que le loyer va être gratuit, mais vous allez venir ici clés en main. Vous faites de la médecine et vous demeurez totalement indépendants sur le plan professionnel. Nous, on va s'occuper, si vous voulez, de la gestion administrative, l'entretien, le ménage, peut-être du personnel. Bon. On voit ce genre d'exemple là.

Notre fédération a toujours demandé aux médecins... favorisé que les médecins ne soient pas subordonnés d'aucune façon. En 1973, on avait incité les médecins à se construire des polycliniques, elles sont encore là, les polycliniques d'aujourd'hui. Bon. Aujourd'hui, le contexte a changé. Bien sûr que les bannières offrent, à un moment donné, un vaste local, au deuxième étage, qui se prête à une clinique médicale, et ça vient en compétition ou en concurrence, si vous voulez, avec des cliniques dont l'hypothèque est supportée par des médecins, dont certains loyers sont vides parce qu'on est en pénurie de médecins, donc c'est difficile de recruter des médecins dans la clinique. Alors, il y a des lois du marché qui s'appliquent là-dedans, mais ce n'est pas facile, on comprend fort bien le problème.

Mais la fédération ne favorise pas que ce soient les bannières Jean Coutu, Uniprix, ou autres, je veux dire, qui deviennent, entre guillemets, les propriétaires des cliniques médicales, ça a toujours été l'inverse qu'on a favorisé. Mais il y a une compétition qui se fait, qui n'est pas facile pour les propriétaires de cliniques médicales. Mais, encore une fois, ici, les médecins sont des professionnels autonomes, puis il y a des lois du marché qui jouent là-dedans. Et, pour connaître bien des petites histoires, je veux dire... on pourrait vous en parler longuement. Les cliniques ont besoin, je veux dire, de donner un environnement qui soit compétitif par rapport à ce que, bon, une bannière pourrait offrir, pas des loyers gratuits, c'est évident que des loyers gratuits, personne ne peut compétitionner cela. Mais, je veux dire, il y a des mises en commun de dépenses, par exemple, qui vont se faire à une place, qu'on ne peut pas faire ailleurs.

Il y a, je veux dire... Un édifice commercial dont les bénéfices proviennent purement des loyers, quand on vient pour négocier les heures d'ouverture d'une clinique médicale, ce n'est pas des heures régulières, c'est plus que ça: il y aura des suppléments pour ouvrir l'édifice le soir. Si vous êtes réinstallés... votre clinique est installée dans le deuxième étage, où il y a une pharmacie ou une bannière, vous n'aurez pas à payer de supplément parce que les heures d'ouverture des pharmacies en général sont allongées également jusqu'à 10 heures le soir; il n'y a pas de dépenses supplémentaires, il n'y a pas de supplément. C'est ça, les lois du marché, et ça, je pense qu'on n'a pas le choix de respecter cela. On n'est pas du tout dans le domaine des loyers gratuits, M. Côté, à ce moment-là, on est dans le domaine de la négociation d'un coût de loyer, négociation soit avec une clinique comme telle ou négociation avec un propriétaire qui est le pharmacien.

Alors, c'est tout cet aspect concret qu'il ne faut pas oublier. Et, quand on a dit, dans une de nos réactions au rapport de l'Office des professions: C'est un rapport désincarné de la réalité, c'est à cela qu'on faisait référence, à la réalité que vivent, là, dans un libre marché, les cliniques médicales, les cabinets médicaux, ceux qui sont installés au-dessus d'une pharmacie, ceux qui ne le sont pas, et ainsi de suite.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député.

M. Côté: Vous l'avez soulevé, Dr Dutil, vous soulevez présentement, je pense, deux choses, vous soulevez des conditions de négociation dans un loyer, un bail. Écoutez, je suis notaire de profession, là, j'ai pratiqué pendant 30 ans, et c'est normal qu'un locataire négocie avec son propriétaire les meilleures conditions possible. Le propriétaire, qu'est-ce qu'il veut, lui? Il veut avoir un loyer correct qui va lui rapporter, qu'il va être capable de payer ses frais avec ça, puis rembourser son hypothèque sur son immeuble, etc., puis le locataire veut avoir le moins possible aussi parce qu'il veut avoir des avantages, ça, je suis d'accord avec ça.

Mais, au moment où ça devient exagéré, au moment où ça devient des loyers gratuits, au moment où ça devient des montants d'argent qu'on donne pour que le médecin s'installe dans le loyer au détriment d'un autre endroit, ou etc., je pense que, là, il y a quelque chose à faire puis je pense que législateur a la responsabilité de légiférer pour ces cas-là.

Une autre question, vous pourrez répondre tout à l'heure, mais je voudrais vous entendre sur... On nous indique que les modifications des amendes, des infractions qui sont prévues au présent projet de loi font l'objet aussi de discussion, au sein de l'Office des professions, pour être beaucoup plus élevées, puis ce serait beaucoup plus... on modifierait les amendes de façon beaucoup plus forte, et ça, ça se fait dans la réforme, là, du Code des professions, en ce sens qu'on veut aller encore beaucoup plus loin. Et on dit aussi que ces amendes devraient non seulement s'appliquer pour le Code des professions, mais ça devrait s'appliquer également pour les lois, pour les règlements aussi, vos règlements qui gèrent vos bureaux, vos cabinets. Entre autres, je ne sais pas, vous avez les gestions de dossiers, des choses comme ça. J'aimerais vous entendre sur ça, Dr Dutil.

M. Dutil (Renald): Bon. Écoutez, là, bien sûr qu'on peut imposer des amendes et qu'on peut aller beaucoup plus loin, et beaucoup plus loin, et beaucoup plus loin. Je constate que, pour les médecins, à tout le moins, on est prompt à aller de l'avant dans les contraintes, mais beaucoup moins prêt à aller de l'avant dans les droits qu'ils ont.

On n'a pas réagi, nous, sur le montant des amendes. Je remarque quand même qu'elles sont majorées de 10 fois ce qu'elles étaient. Bon, ce n'est peut-être pas suffisant, on peut mettre ça à 60 000 ou 600 000, hein, tant qu'à y être, M. Côté, je veux dire, je n'ai pas d'opinion là-dessus, je veux dire. S'il y a des médecins qui sont déviants, je pense qu'il y a un ordre professionnel, et qu'il intervienne, point. Ce n'est pas à coups d'amendes puis d'amendes multipliées par 10 ou 100 fois qu'on va régler ce genre de problème là, c'est d'une autre façon.

M. Côté: En ce qui concerne l'office, vous savez que l'office n'a pas retenu l'idée ? vous en avez glissé un mot un peu ? de la juste valeur marchande pour la fixation du loyer, et on a plutôt parlé, là, d'indépendance, on a plutôt parlé d'un caractère juste et raisonnable, puis on vous a fait aussi, je pense, modifier votre code de déontologie en ce sens-là, comme vous l'avez dit, là, en 2002. Et le Collège des médecins a affirmé l'autre fois que, malgré la loi, si elle devait être adoptée, cela n'empêchera pas qu'il y ait encore des loyers à rabais, que ça va exister toujours.

Alors, est-ce que vous pensez que, dans quelques années ou dans quelque temps, on ne dira pas: Bien, écoutez, le Collège des médecins, là, il a permis des situations qui sont jugées interdites, puisque justement on n'a pas fait appel à des critères justement qui sont objectifs? On a plutôt pris des critères subjectifs, c'est-à-dire un loyer juste et raisonnable. Parce qu'un loyer juste et raisonnable pour une petite municipalité de 20 000 habitants, ce n'est pas la même chose qu'un loyer juste et raisonnable pour un cabinet qui est sur la rue Sherbrooke à Montréal, c'est évident. Ça peut peut-être coûter 3 000 $ à Montréal, puis ça peut en coûter peut-être juste 500 $, chez moi, dans ma petite municipalité au Saguenay, à 200 km au nord de Québec. Alors, vous voyez, on met une espèce de valeur subjective au lieu d'essayer d'encadrer ça avec des valeurs objectives. Et je voudrais peut-être que vous fassiez quelques commentaires sur ça.

M. Dutil (Renald): C'est bien difficile...

Le Président (M. Descoteaux): Avant de répondre, je suis obligé de vous limiter à deux minutes.

M. Dutil (Renald): D'accord. Alors, c'est bien difficile de fixer des critères précis, M. Côté, vous le soulignez fort bien, là. Dans une petite communauté comme la vôtre, le coût d'un loyer ne peut pas se comparer à celui de la rue Sherbrooke à Montréal. Alors, le prix du marché, c'est ça que ça veut dire, là, je veux dire. Le prix du marché fait référence à une foule de variables. Et, nous, ce qu'on vous dit, c'est que le médecin qui est en cabinet privé doit avoir une marge de manoeuvre pour négocier son loyer. Et nécessairement le prix du marché va s'appliquer pour lui en tenant compte de nombre de variables qui sont déjà prises en compte dans les autres secteurs. Alors, «loyer juste et raisonnable», c'est là une expression un peu floue mais qui laisse quand même une marge de manoeuvre pour justement tenir compte de caractéristiques purement locales.

M. Côté: Avez-vous l'impression qu'on va encore... suite à ça, c'est qu'on va encore demander, justement, dans quelques années, de modifier votre code de déontologie? Parce qu'on va dire: Bien, peut-être qu'on devrait prendre la valeur marchande, on devrait regarder, vérifier ces loyers-là en fonction de la valeur marchande, mais toujours en tenant compte naturellement de négociations, comme je vous ai dit, là, particulières quant au meilleur loyer possible.

M. Dutil (Renald): C'est bien difficile de prévenir l'avenir. En 2002, on ne pensait pas qu'on aurait à modifier le code de déontologie en 2007, là, ça nous apparaissait, à nous, au collège, je veux dire, à l'Office des professions également de l'époque, des modifications qui répondaient à la réalité, et, aujourd'hui, on nous propose de modifier davantage. Alors, il faut faire attention de vouloir toujours aller plus loin dans des règlements très précis, des contraintes, des amendes, et ainsi de suite. Ce n'est pas de cette façon-là, je veux dire, qu'on va réussir à régler un problème, s'il y a un problème à régler.

Bon. Je pense que nous avons déjà un cadre qui est bien compris par les médecins, là, le code de déontologie, les stipulations actuelles sont claires, bon: le médecin ne doit pas se placer dans une situation de conflit d'intérêts réel ou apparent. Et à partir de cela, je veux dire, s'il y a des déviances, qu'on agisse, qu'on agisse. Même si on resserre davantage le code de déontologie, je ne pense pas que ça va empêcher certaines déviances de se produire. Je ne pense pas.

M. Côté: Merci beaucoup.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Dutil, Dr Godin, Me Belzile, merci de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre nos travaux quelques instants pour permettre au Conseil interprofessionnel du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 3)

Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Donc, la commission va poursuivre ses travaux. Nous recevons maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec. Bienvenue, M. Louis Beaulieu et M. André Gariépy, respectivement président et directeur général. C'est bien ça?

Une voix: C'est bien ça.

Le Président (M. Descoteaux): Donc, comme vous avez pu constater, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie de deux périodes équivalentes au niveau des échanges de chaque côté. Donc, la parole est à vous.

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Beaulieu (Louis): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, mesdames et messieurs. Je veux d'abord vous présenter le Conseil interprofessionnel brièvement. Il est le forum d'échange et de concertation de même que la voix collective des ordres professionnels sur des sujets d'intérêt commun. Le conseil regroupe les 45 ordres professionnels qui régissent collectivement la pratique de plus de 310 000 professionnels, soit environ 8 % de la main-d'oeuvre active au Québec. Par le Code des professions, le conseil a également un mandat d'organisme-conseil auprès de l'autorité publique.

Nous venons ici, ce matin, discuter dans le fond de travaux qui sont déjà en cours depuis 1999 à certains égards et qui ont fait l'objet de dépôt de rapports en 2002 sur un projet de révision du cadre réglementaire et de contrôle des ordres professionnels tout particulièrement lié à l'inspection et à la discipline. Le conseil a été appelé à déposer plusieurs commentaires, dont les derniers en avril 2006, auprès du ministre responsable de l'application des lois professionnelles, et l'ensemble de ces commentaires-là ont conduit au dépôt du projet de loi n° 56 avant l'ajournement des fêtes.

Concernant le projet de loi n° 54, qui intéresse la commission aujourd'hui, il est important de rappeler que le conseil s'attarde uniquement aux éléments systémiques qui touchent les ordres et qu'on laisse aux ordres directement concernés le soin de traiter eux-mêmes des aspects plus particuliers de ce projet qui touchent leurs activités. Et je tiens aussi à rappeler que ce projet de loi n° 54 est un élément qui touche une partie de l'action gouvernementale dans le dossier des médecins et des pharmaciens.

Par rapport au projet de loi n° 54, nous avons particulièrement noté l'augmentation des amendes et le doublement en cas de récidive. Nous avons également noté la nouvelle fourchette d'amendes pour les personnes morales et l'ajout d'une infraction sur le fait d'amener un professionnel à contrevenir à son code de déontologie.

La position que je vous présente ce matin est celle du Conseil interprofessionnel. Elle a été votée à l'unanimité par les 45 ordres réunis en assemblée. Cette position indique notamment être en accord avec la hausse des amendes, mais nous croyons que ce niveau proposé est insuffisant pour dissuader non seulement la perpétration, mais aussi la récidive. En fait, il est important de savoir que les frais de poursuite que les ordres doivent soutenir lorsque quelqu'un contrevient à la loi sont très élevés et que les sommes qui pourraient être générées à la suite d'un jugement ou d'une décision du comité de discipline sont souvent bien en deçà des frais qui ont été imputés à l'ordre pour soutenir sa démarche, donc souvent n'ont pas vraiment un effet suffisamment dissuasif.

Pour nous, au conseil, il importe que les membres de l'Assemblée nationale s'assurent que les lois qu'ils adoptent soient pleinement crédibles. Aussi, les enjeux économiques et de protection du public liés à la pratique de bon nombre de professions imposent un signal non équivoque par des amendes à la hauteur. Le ministère de la Justice va nous dire certainement être en réflexion sur la philosophie devant conduire à un éventuel et nouveau calibrage des amendes dans l'ensemble de la procédure pénale, incluant, nous dit-on, les infractions aux lois professionnelles. Je tiens à rappeler que le droit disciplinaire et professionnel est un domaine de droit qualifié de sui generis par les tribunaux supérieurs, c'est-à-dire qu'il existe par lui-même sans qu'il soit indûment apparenté au droit civil, au droit pénal ou au droit criminel. Le système professionnel n'a donc pas à attendre la réflexion du ministère de la Justice sur la procédure pénale pour rétablir la crédibilité de son action de régulation par notamment des amendes conséquentes.

Ainsi, le conseil requiert un rehaussement marqué et à court terme du niveau des amendes prévues par le Code des professions. La recommandation est donc que les niveaux des amendes proposées par le projet de loi n° 54 soient au moins doublés. À l'article 156 du Code des professions, les montants devant apparaître au paragraphe c du premier alinéa seraient alors respectivement d'au moins 1 500 $ et d'au plus 20 000 $. De même, à l'article 188 du code, les montants devant apparaître seraient respectivement d'au moins 1 500 $ et d'au plus 20 000 $ ou, dans le cas d'une personne morale, d'au moins 3 000 $ et d'au plus 40 000 $. On peut donc, du point de vue du conseil, envisager au moins un doublement du niveau des amendes pour avoir un effet plus dissuasif tant pour la perpétration que pour la récidive.

Nous croyons également que la nouvelle infraction sur le fait d'amener un professionnel à contrevenir à son code de déontologie devrait s'appliquer à l'égard des lois et règlements professionnels qui imposent des obligations aux professionnels dans le cadre de leur pratique. À titre d'exemple, cela pourrait toucher les règlements sur la tenue des dossiers et des cabinets, sur les comptes en fidéicommis et sur l'exercice en société qui comportent des obligations très importantes pour la protection du public tout comme pour le code de déontologie. Il est important de noter que notre propos se centre sur l'aspect protection du public dans une perspective de prévention.

n(11 h 10)n

Dans les faits, le code de déontologie d'un professionnel n'est pas le seul support juridique des obligations importantes qu'il a envers le public, envers sa profession et envers son client. L'influence indue de tiers sur un professionnel quant à la gestion de ses dossiers et de son cabinet ainsi que des règles touchant l'utilisation de sommes confiées ou l'exercice en société représente une contravention d'égale ou de plus grande gravité que ce que l'on vise à l'égard du code de déontologie uniquement. Ainsi, le conseil recommande que la nouvelle infraction de l'article 182.1... également à l'égard des lois et règlements professionnels qui imposent des obligations professionnelles dans le cadre de leur pratique.

Finalement, il y a un enjeu qui a été soulevé, c'est que les ordres professionnels sont préoccupées de l'impact des mesures qui pourraient être éventuellement adoptées par ce projet relativement à l'encadrement des relations commerciales entre professionnels sur le concept de pratique multidisciplinaire en société et la complémentarité des professionnels sur le terrain. Il y a bien sûr une plus-value à cette complémentarité-là, et il ne faudrait pas que l'approche retenue freine la mise en oeuvre de la philosophie multidisciplinaire qui trouve beaucoup de bénéfices pour la population.

Donc, les recommandations du conseil visent à renforcer la protection du public en donnant aux ordres professionnels plus de moyens d'assumer leurs responsabilités envers le public. Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien de votre présentation. Nous allons procéder avec la période d'échange du côté ministériel. M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Donc, merci, M. le président du conseil, M. Beaulieu, et M. le directeur général, M. Gariépy. Vous avez noté que le Conseil interprofessionnel du Québec joue un rôle important en matière de droit professionnel. D'ailleurs, il est prévu dans le Code des professions et il est consulté lorsqu'il y a des changements au Code des professions. Et il y a eu beaucoup de travaux, au début des années 2000, sur des changements à apporter au Code des professions. D'ailleurs, le projet de loi n° 56, c'est ça, qui a été déposé donne suite à une partie des travaux qui ont été menés par les ordres professionnels et par le Conseil interprofessionnel du Québec à cet égard-là. Donc, je voudrais vous remercier de votre présentation et peut-être reprendre quelques éléments que vous avez soulevés, peut-être en commençant à l'inverse, avec le dernier, M. le Président.

M. Beaulieu, vous, vous vous inquiétez possiblement de l'impact que pourrait avoir le projet de loi, là, n° 54 sur l'encadrement et sur le concept de la multidisciplinarité. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous en... Parce qu'il n'y a rien, il me semble, dans le projet de loi n° 54 comme tel, là, qui touche à ce volet de la multidisciplinarité.

Le Président (M. Descoteaux): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Louis): Écoutez, M. le Président, M. le ministre, sur cet aspect-là, effectivement, dans le cadre du projet de loi n° 54, le conseil trouve important qu'on ait des mesures dissuasives claires pour éviter des comportements inacceptables. Je pense que c'est une minorité de professionnels qui ont ce type de comportement là, mais il ne doivent pas se produire, de toute façon. Il faut trouver une façon, par la détermination de la norme, de bien permettre l'exercice multidisciplinaire et que des mesures dissuasives ne le freinent pas indûment, hein? Je crois que votre projet de loi est clair sur ça, il ne vise pas à diminuer la collaboration multidisciplinaire mais pourrait peut-être indirectement avoir un effet de cette nature-là via les dispositions, les amendes qui pourraient être imposées à ceux qui contreviennent. Donc, il va falloir réfléchir sur l'aspect normatif, notamment dans les projets de règlement sur l'exercice en société, pour bien préciser ce qui ne serait pas une infraction par rapport à l'exercice multidisciplinaire.

M. Gariépy a sans doute des choses qu'il souhaiterait ajouter par rapport à ça.

Le Président (M. Descoteaux): M. Gariépy.

M. Gariépy (André): Oui, merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Ça me fait plaisir de revoir plusieurs d'entre vous. En fait, c'est que la multidisciplinarité est soit une mode de langage soit une réalité et un mode d'organisation des services qui est de plus en plus présent dans tous les groupes de travail consultatifs et autres d'experts que vous pouvez constituer. La multidisciplinarité devient une norme pour la pratique professionnelle soit parce que c'est le marché qui le demande... Les grandes entreprises internationales ne veulent pas cogner à une porte pour les services juridiques et cogner à une autre porte pour les services comptables. Ils aimeraient ça avoir un tout-en-un pour avoir une intégrité puis une poursuite de leurs activités qui soient comprises par l'ensemble des professionnels qui oeuvrent auprès de cette entreprise-là. La même chose peut-être pour les citoyens dans l'obtention de certains services.

Alors, soit par des mesures d'efficacité soit par des mesures d'évolution des pratiques professionnelles qui en sont venues à se coller comme deux villes qui grandissent pour former un même tissu urbain, on voit que la multidisciplinarité est quelque chose qu'on ne peut plus écarter. La multidisciplinarité amène par ailleurs des questions à se poser, parce que, plus on travaille ensemble, plus on génère des situations sur lesquelles il faut réfléchir. Mais il ne faut pas avoir peur du défi. Il faut encadrer, mais il ne faut pas avoir peur de la multidisciplinarité parce que c'est ce qu'on souhaite. Il y a beaucoup de professions qui sont appelées à travailler ensemble, qui historiquement se regardaient comme des chiens de faïence, voire s'excluaient mutuellement, et maintenant, aujourd'hui, on travaille ensemble. C'est ce qui est souhaité dans le réseau de la santé, c'est ce qui est souhaité aussi dans la pratique privée, sur le terrain ? je parlais des avocats et des comptables. Alors, il faut tenir compte de ces réalités-là, ça fait partie des besoins de la population et de l'évolution des services.

Nous, ce qu'on a peur, ce n'est pas tellement dans le projet de loi, parce que dans le fond le projet de loi est là pour donner quelques piliers de soutènement à ce qui s'en vient, c'est-à-dire les normes déontologiques et réglementaires que le gouvernement serait appelé à émettre, édicter concernant la situation particulière des relations commerciales médecin-pharmacien. Mais, nous, ce qu'on vous dit, c'est que, dans cette approche-là appliquée aux médecins et pharmaciens, faites attention de ne pas lancer des précédents de suspicion qui vont au-delà des choses et qui risquent même de servir, par copiage un peu facile des fois, parce qu'on sait que ça se fait des fois, dans les normes publiques, d'aller gérer d'autres réalités professionnelles de la même façon. Alors, il faut faire vraiment attention, il faut soupeser l'équilibre de la plus-value, des aspects bénéfiques de la multidisciplinarité mais aussi des défis nouveaux que ça présente pour l'encadrement et la déontologie, notamment sur les conflits d'intérêts.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Simplement, M. Gariépy, pour poursuivre là-dessus, c'est très important, et vous le mentionniez à raison, maintenant vous disiez: Bien, il faut faire attention pour ne pas lancer des suspicions, quelque chose comme ça. Référez-vous en particulier à quelque chose, là, auquel vous voulez faire référence et qui pourrait être utile pour notre réflexion?

M. Gariépy (André): Bien, en fait, toute relation commerciale pourrait entraîner des dérives, c'est vrai. Est-ce qu'on va empêcher les notaires de faire transiter des fonds en fidéicommis parce qu'il y a un risque? Bien là, à un moment donné, là, on ne peut pas interdire toute mise en contexte où il y a un jugement qui doit s'appliquer puis il y a un risque de dérive de la nature humaine. Il faut savoir encadrer ça. Moi, je me souviendrai toujours du Pr Legault, l'éthicien appliqué de l'Université de Sherbrooke ? M. Reid va s'en souvenir certainement ? qui nous disait: Le conflit d'intérêts, c'est une réalité souvent incontournable, et ça vient avec quelque chose qu'il est normal qu'il se produise. Alors, la présence d'un conflit d'intérêts n'est pas quelque chose de mal en soi, c'est la façon d'en prendre conscience et de le gérer qui devient problématique. Alors, il faudrait peut-être, pour s'éclairer sur la suite des choses, que le Pr Legault soit mis à contribution pour justement nous aider à gérer une réalité et soupeser les pour et les contre de ces réalités-là plutôt que d'aller dans une direction qui semble être la direction pour nous rassurer tous qu'il ne se passera jamais rien.

M. Marcoux: Merci.

M. Beaulieu (Louis): M. le Président...

Le Président (M. Descoteaux): Oui, allez.

M. Beaulieu (Louis): ...si vous permettez, j'ajouterais ceci peut-être pour conclure. Dans le fond, c'est important d'avoir des indications, dans un projet de loi, claires que certains comportements sont inacceptables. Maintenant, je pense que c'est important aussi, comme on le fait, de rappeler qu'on souhaite l'exercice en multidisciplinarité, la valeur ajoutée. Donc, c'est une balance à trouver. Et, dans les comportements inacceptables, je le répète, il faut être clair, de dire: Ce ne sera pas toléré.

n(11 h 20)n

M. Marcoux: Merci. Vous évidemment discutez du montant des amendes. Et, si je comprends, les montants qui sont actuellement prévus dans le Code des professions datent de 1994, de sorte que l'augmentation qui est prévue, là, de 600 $ à 750 $, bon, et d'au plus de 10 000 $ est une indexation à peu près du montant qui existait en 1994, plus ou moins. Deuxièmement, également, c'est une infraction qui peut se cumuler à chaque jour. Troisièmement, elle est beaucoup plus importante ? elle est le double ? pour une personne morale. Alors, je me dis... et ce qu'il semble ? en tout cas, ce qu'on m'indique ? c'est que c'est à peu près aussi, dans ce qui existerait, là, au Canada, dans la moyenne. Je comprends que le système professionnel est différent ailleurs, là, mais ce serait dans la moyenne de ce qui existe ailleurs au Canada.

C'est un sujet qui, je pense, avait fait l'objet aussi des travaux, là, des groupes de discussion depuis 2001. Pourquoi, pour vous, c'est si... Je comprends qu'il faut y avoir un aspect de dissuasion, puis ça, c'est majeur, mais il faudrait vraiment les augmenter beaucoup plus, premièrement? Deuxièmement, s'il y a une augmentation qui est beaucoup plus importante, est-ce qu'en même temps il n'y a pas un risque aussi d'engendrer peut-être moins de poursuites ou même de condamnations variant selon la gravité des cas? Évidemment, dire: Oui, c'est minimal, là, c'est pas mal... Donc, est-ce qu'on va donner l'amende ou on va donner plutôt une suspension?

Alors donc, d'abord, pourquoi vouloir vraiment les augmenter davantage? Parce que c'est une indexation, premièrement. C'est jour par jour. Ça double en cas de récidive. C'est le double pour une personne morale. Ça semble, à moins que vous ayez des renseignements différents, se situer dans la moyenne de ce qui existe ailleurs au Canada. Et est-ce qu'il n'y a pas parfois un effet dysfonctionnel qui peut se produire si on les augmente trop?

Le Président (M. Descoteaux): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Louis): Je vais débuter. M. Gariépy pourra peut-être répondre à ce dernier volet plus de votre formation. Étant orthophoniste, je ne suis pas juriste, alors... On sait qu'en...

M. Marcoux: ...aussi d'être...

M. Gariépy (André): Il a compris la question, mais je vais y répondre, c'est ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gariépy (André): ...

M. Beaulieu (Louis): Tout de même! Tout de même! Je vais faire appel à l'honneur de votre profession, M. Gariépy. Alors, non, non... Ce qu'il est important, je pense, de noter: en 1994, quand on a haussé les amendes à 600 $, elles étaient à 500 $ depuis l'adoption du Code des professions. Donc, c'était une très légère augmentation qui n'était évidemment pas liée à l'inflation ou qui ne pouvait pas correspondre à une indexation à ce moment-là. Donc, d'une certaine manière, on est en retard par rapport à ce qu'on aurait peut-être dû mettre en 1994. On ne refera pas le passé, ça, c'est bien certain.

Et il est important de savoir qu'il existe, disons, deux statuts d'ordres au Québec, hein? Il y a des ordres dits d'exercice exclusif ou activité réservée et des ordres avec une réserve du titre seulement. Pour les ordres à titre réservé, souvent il y a une hésitation à enclencher des poursuites parce que les moyens de faire valoir le point de vue de l'ordre devant la cour sont beaucoup plus limités à cause de la seule réserve du titre. Et, avant de s'engager pour aller récolter peut-être une amende de 750 $, ou 1 500 $ parce que ça ferait deux jours, l'ordre va beaucoup hésiter parce que, rappelons-le, l'ordre est financé par les cotisations de l'ensemble de ses membres à grande majorité, hein, 80 %, 85 %. Alors ça, ce sont des éléments, je pense, qui sont importants d'avoir... qui prêchent dans le fond en fonction d'amendes plus élevées qui auraient un caractère plus dissuasif.

Et on peut penser ? moi, je suis un tenant de la prévention ? que, lorsqu'on explique les choses aux gens et qu'on leur rappelle leurs obligations et les conséquences de ne pas les respecter, ça peut peut-être amener encore plus d'individus à respecter la loi. Je ne veux pas être naïf en disant ça, mais je crois à une approche préventive qui accompagne une approche dissuasive, hein? Parce que, si on va juste dans la dissuasion, il y a un aspect peut-être qui peut apparaître négatif à l'intérieur de ça, et je ne crois pas que c'est ce qu'on vise.

Maintenant, sur l'effet non souhaité qui pourrait faire en sorte de diminuer des poursuites ou des condamnations, je vais demander à Me André Gariépy, avocat, de vous commenter la chose.

Le Président (M. Descoteaux): Me Gariépy.

M. Gariépy (André): J'avais une autre blague, mais on va la retenir pour nos rencontres. Alors, écoutez, quand on parle des amendes moyennes à l'extérieur, il faut comparer deux choses. Oui, ce sont des lois de nature professionnelle, mais les dispositifs qui sont en place dans les provinces canadiennes ou même aux États-Unis diffèrent du dispositif au Québec. Notre dispositif est beaucoup plus complexe. Il y a beaucoup plus de moyens de contrôle, d'instruments de contrôle, et les amendes font partie des instruments de ce pouvoir de contrôle qui a été délégué aux ordres professionnels. Il y a nécessairement la règle, il y a la surveillance, les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs de poursuite et, en bout de ligne, lorsqu'arrive un problème, la sanction qui peut, lorsque c'est disciplinaire, être soit une amende soit, selon le cas, la situation, être suspension, et tout, et tout, ou, lorsque c'est des contraventions par un tiers qui n'est pas membre d'un ordre, bien là c'est une amende de nature pénale, bien que j'utilise le mot «pénal», là, sous réserve, parce que j'y viendrai tout à l'heure, sur la qualification pénale de l'affaire.

Donc, le dispositif, au Québec, diffère de ce qu'il y a partout ailleurs au Canada, bien que ça s'apparente. Donc, il faut faire attention avant de prendre des moyennes à l'extérieur, d'autant plus que les mécanismes de révision de ces lois-là ne sont souvent pas aussi fréquents que les nôtres. Et la façon d'appliquer ces lois-là dans le reste du pays, il y a des philosophies particulières. Alors, moi, ce que je plaide, c'est qu'au Québec nous avons un système qui est unique. Je suis en mesure de vous le confirmer par les propos que j'entends et les conférences auxquelles je participe, il est unique et il a le droit aussi d'être unique dans ses aspects qui répondent à la sensibilité de la population québécoise quant à l'importance de ces lois-là.

Maintenant, en ce qui a trait au choix des sanctions, lorsqu'on dit que, si c'est trop élevé, les gens vont aller vers les réprimandes ou la suspension, bien savez-vous qu'une suspension, ça peut coûter vraiment plus cher pour un professionnel parce qu'il ne peut plus gagner sa croûte? Et, à ce compte-là, peut-être que le comité de discipline, dans sa sagesse, va dire: Dans cette situation-là, ce ne sera pas de l'argent, mon homme, ce sera de l'argent que tu n'auras pas. Tu ne la sortiras pas, tu ne l'auras pas, et on va te suspendre, limiter, ou révoquer, ou quoi que ce soit. Et cette situation-là existe actuellement, cette variété de choix pour un comité de discipline.

Mais revenons aux amendes qu'on qualifie de pénales. Premièrement, il faut se dire: On l'appelle «pénale» parce qu'on utilise une procédure du Code de procédure pénale, mais, dans le fond, c'est dans l'application de lois professionnelles qui devrait être une réflexion tout à fait différente que les lois de la sécurité routière, et tout, et tout, parce qu'il y a une problématique qui est distincte, il y a une philosophie d'approche de la protection du public qui est différente. Elles sont basses, et, quand c'est bas, il n'y a pas d'effet coercitif, il n'y a pas d'effet dissuasif.

Je ne deviens pas un chantre de Stephen Harper et de monter les amendes à 1 million pour être sûr de donner la vraie force aux lois. Ça, c'est clair. Je ne suis pas de cette philosophie. Par contre, il est vrai que, comme le gouvernement, l'État, l'Assemblée nationale a délégué aux ordres professionnels ce pouvoir et cette capacité de poursuite, ça veut dire que les ordres professionnels ne s'abreuvent pas au fonds consolidé de l'État pour assurer la crédibilité des lois. Une municipalité va mettre tout son attirail pour aller chercher 65 $ d'une infraction de parcomètre. L'ordre professionnel, c'est à partir de la cotisation des personnes régies, et ça peut devenir disproportionné, à un moment donné, de mettre des milliers, et des milliers, et des milliers de dollars pour quelqu'un qui a fait une pratique illégale ténue ou je ne sais quoi d'autre, ce qui fait qu'il y a des bouts qui passent, et, en toute rationalité, les ordres professionnels se disent: Bien, l'amende, franchement elle est un autre élément. L'amende ne sert certainement pas à tout recouvrir les coûts ? on le voit bien, là, dans d'autres lois également ? mais, au moins, que ce soit assez crédible pour que l'ordre professionnel qui se lance là-dedans se dise: Bien, la personne va comprendre.

Or, ce que l'on voit, c'est que les juges souvent décernent les amendes minimales ? les juges de la Cour du Québec ? et il y a des difficultés et des coûts pour faire exécuter le jugement. Alors, un petit 600 $, là, ou 500 $... Pardon, 600 $, ça coûte une jolie somme à faire exécuter un jugement comme ça, et on a des difficultés actuellement à faire exécuter ça, ce qui fait que le comportement des individus face à un tel système, à une telle, je dirais, inefficacité globale du dispositif de contrôle... Parce que l'amende, qui est l'aboutissement pour s'assurer que les choses aillent bien et que les gens s'y conforment, l'amende et le mécanisme de poursuite ne sont pas efficaces, alors les gens se disent en toute rationalité: Bien, je vais continuer. Que l'ordre me poursuive, et puis les amendes puis mes frais d'avocat constitueront une taxe pour continuer ma pratique illicite mais très lucrative. Ça peut être le cas de plusieurs professions, vous le savez.

Alors, dans le fond, c'est une approche plus globale qu'on vous propose autour du dispositif de contrôle d'un ordre professionnel, et l'amende est l'aboutissement de ça. Il faut que ce soit conséquent, crédible. Il faut aussi éduquer les juges sur ce qu'est une poursuite en exercice illégal ou usurpation de titre, parce que souvent les juges se disent: Bien, on sait bien, c'est l'ordre qui est poursuivant, ils veulent ramasser des fonds pour eux-mêmes. Alors, ils nous pensent comme des entités privées, ce qui est fort dommageable, alors que, quand le procureur de la couronne débarque, ah, bien là c'est plus sérieux, c'est plus crédible.

n(11 h 30)n

Alors, dans le fond, ce qu'on vous dit: Ce n'est pas assez. Ça coûte cher de faire ce travail-là. Et, si vous voulez que la loi soit crédible et que le dispositif fonctionne avec, dans sa tête, le chapeau de la chose qui s'appelle l'amende, il va falloir aller plus loin que ça, plus loin que l'augmentation de l'inflation, parce que les comportements ont changé, les gens sont à certains égards plus délinquants. On a vu les reportages sur la naturopathie, et tout, et tout, dernièrement, il y a des pratiques qui sont devenues extrêmement à la mode et très lucratives. Donc, les choses ont changé, on ne peut pas seulement indexer, il faut s'adapter aux nouveaux comportements et à la perception que les gens ont de l'efficacité d'un tel système.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, brièvement, une minute, question et réponse.

M. Marcoux: Oui. D'abord, je dois vous avouer que j'ai... En fait, personnellement, je ne suis pas sûr que l'objectif des amendes, ce doit être de financer les ordres. Je comprends que ça peut aider, mais on n'applique pas ça au gouvernement non plus, là. Je pense que, s'il y a des infractions, il faut les faire respecter puis avoir des sanctions appropriées, ça, j'en conviens, là, mais je ne suis pas sûr que c'est l'objectif de financement. Parce qu'il y a une délégation aux ordres, ici, au Québec, dans notre système qui est excellent, de faire respecter justement les règles de déontologie et les autres, premièrement. Alors, je ne dis pas que je suis contre, mais j'ai un peu de problèmes là-dessus.

Deuxièmement, il reste que l'impact dissuasif est majeur, mais parfois y aller trop non plus de l'autre côté, et on le voit... et vous dites que ça n'a rien à voir avec le pénal, je comprends que c'est en soi... mais c'est toujours des infractions soit à une loi, soit à un règlement, comme d'autres lois ou règlements de nature pénale dans d'autres domaines, là.

Puis est-ce que vous avez des statistiques là-dessus justement, sur que ce soit souhaitable d'augmenter les amendes? Parce que vous dites: Bien, il y en a qui ne poursuivent pas parce que justement les amendes ne sont pas assez élevées, ce n'est pas assez dissuasif. Parfois, même si on augmente beaucoup, là, des fois ça n'a pas nécessairement toujours l'impact recherché. puis c'est vrai dans le pénal, ça, également... Puis vous parlez du criminel, là, c'est une autre affaire. Alors, je ne sais pas si vous avez des statistiques là-dessus, là, puis compte tenu des contacts que vous avez avec les 45 ordres professionnels.

Le Président (M. Descoteaux): M. Beaulieu, brièvement.

M. Beaulieu (Louis): Effectivement, les ordres sont délégataires de la puissance publique, en ce sens-là, comme tout autre organisme, doivent faire respecter les lois et les règlements. Ce n'est évidemment pas un objectif de financement, ça, c'est clair, je tiens à le redire. Mais il y a une réalité financière aussi puis une capacité de chacun des ordres de supporter l'ensemble de ces poursuites qui sont entamées. Et, quand on voit que les décisions sont toujours vers des amendes minimales, à un moment donné, c'est un peu décourageant. Et les membres des ordres le savent, ça. Je veux dire, les gens qui ont commis une infraction peuvent se renseigner sur ces informations-là lorsque leurs avocats les conseillent. Donc, si les amendes étaient déjà un peu plus élevées, ça ferait déjà une différence, selon nous. M. Gariépy.

Le Président (M. Descoteaux): Brièvement.

M. Gariépy (André): Pour ce qui est de l'état de situation, nous, on ne peut pas vous dire qu'on a des chiffres précis: Voici tant, en telle année, et tout, et tout. On pourrait certainement regarder ces choses-là. Mais une chose est claire: nous avons parlé à nos 45 membres, nous les avons réunis, et ce qu'ils nous ont dit de l'expérience des 10, 15, 20 dernières années est à cet effet-là.

Qu'on prenne l'exemple de l'Ordre des comptables en management accrédités qui s'y sont pris à trois, quatre reprises auprès du même individu qui utilisait un titre réservé, et ça a coûté des sommes folles pour l'ordre professionnel, et l'individu continuait. Et la seule affaire qui peut le faire arrêter, ce n'est pas tellement le principe de respect des lois mais le principe «j'ai peur du juge», donc de l'amener devant un juge et de le placer dans une situation d'outrage au tribunal.

Alors là, donc, la vraie infraction, c'est l'obstination et non pas de ne pas respecter la loi, alors ça devient un peu embêtant. Et il n'y a pas que l'amende ? et on vous l'a soulevé dans le document qui concerne la réforme du Code des professions; il n'y a pas que l'amende ? mais l'amende est importante. Mais il y aussi les capacités pour l'ordre de poursuivre avec plus de facilité, avec moins de coûts, avec des moyens plus costauds dont disposent actuellement d'ailleurs les autres poursuivants, que ce soient le ministère du Revenu et autres. On demande la même chose mais aussi des amendes qui soient en lien avec les nouveaux comportements des délinquants et pas seulement l'inflation qui s'est appliquée.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. On se tourne du côté de l'opposition officielle. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Beaulieu, M. Gariépy, bienvenue. Merci d'être là. Merci de nous apporter un éclairage, à cette commission, sur le projet de loi n° 54.

Lorsque j'ai reçu votre première lettre du 13 décembre 2006, je peux vous dire, je suis resté un petit peu sur mon appétit parce que je trouvais que vous étiez un petit peu avares de commentaires. Mais, ce matin, en voyant votre lettre, là, du 2 février 2007, je pense que là j'ai pris un peu plus de... j'ai moins faim, là, surtout avec les recommandations que vous nous proposez. Ma première question, c'est que je vais revenir sur ce que M. Gariépy a dit tout à l'heure, que, la multidisciplinarité, c'était quelque chose qu'on ne pouvait plus écarter, compte tenu du contexte actuel où l'on vit. Mais on entend dire aussi que... il y a des rumeurs qui circulent actuellement en ce qui concerne les médecins pour l'exercice de la médecine en société, c'est qu'il y aurait des discussions. On sait d'abord que les médecins ne pourront s'associer avec des pharmaciens, puisque c'est déjà prévu dans le Code de déontologie des pharmaciens, mais on nous dit que l'office songerait présentement à interdire toute association des médecins avec d'autres professionnels du système de la santé. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que ce n'est pas un petit peu, là, venir en contradiction avec la déclaration que vous avez faite au début?

Le Président (M. Descoteaux): M. Beaulieu.

M. Gariépy (André): Je n'ai pas devant moi les textes, là, parce que tout ça est à venir. Les vraies normes, si on se retrouve ailleurs ? on dresse la table un peu, ici, pour s'assurer que l'édifice tienne; mais les vraies normes ? sont à venir. Ça, je vous dirais, la déontologie, là, c'est quelque chose qui évolue dans le temps et qui, même, est tellement campée dans la culture qui elle-même évolue que, d'un pays à l'autre, ça varie.

J'ai fait un voyage en Asie, il y a quelques semaines, et je me suis aperçu que la déontologie à la nord-américaine là-bas était perçue d'une façon tout autre, parce que la relation avec le professionnel dans leur culture se définit autrement. Donc, les zones de risque que, nous, nous voyons, les inquiétudes, la suspicion sur certaines situations, ils ne les présentent pas et ne les évoquent pas de la même façon.

Alors ça, c'est la première chose que je vous dis. C'est que nous sommes en territoire de nouveauté pour plusieurs professions quand on parle de multidisciplinarité, et c'est le propre de la déontologie d'évoluer avec la société, d'évoluer avec l'organisation des services, que ce soit en privé ou en public. Donc, il faut y aller, en retirer le maximum, et garder notre vigilance pour ne pas qu'il y ait des comportements qui n'entrent pas selon les valeurs de notre société, alors notamment les conflits d'intérêts, et tout, et tout. Mais il ne faut pas interdire l'un complètement ou laisser trop de liberté de l'autre côté. Donc, il faut prendre le temps de réfléchir et s'assurer aussi que la déontologie qui se définit dans chaque profession selon ses propres enjeux ne devienne pas quelque chose qui déborde vers d'autres. Ce qui est applicable à une profession n'est pas nécessairement applicable à d'autres.

À preuve, les dispositions des codes de déontologie sur les fonctions incompatibles varient. Bon, jusqu'à tout récemment, je pense qu'un avocat ne pouvait pas être un policier. Là, ça a été changé, d'après ce que je comprends? Oui, ça a été changé. Bien, vous voyez, est-ce que, pour un médecin, être policier il y a un problème? Non. Alors, il y avait une problématique propre au cadre et au contenu de la pratique. Et donc la déontologie s'interprète distinctement selon chaque profession.

Maintenant, ce qui est dans les projets. Moi, je n'ai pas vu les textes et je laisse le soin au Collège des médecins, à l'office et ou ministre de voir à faire cet arbitrage entre les principes de saine politique publique en présence, c'est-à-dire multidisciplinarité dont on retire beaucoup de bénéfices et de plus en plus, mais aussi veiller à ce que, sur le plan éthique, il n'y ait pas de problème de comportement.

Le Président (M. Descoteaux): M. Beaulieu.

n(11 h 40)n

M. Beaulieu (Louis): J'aimerais ajouter un élément en tant que professionnel de l'éducation mais surtout de la santé. Évidemment, il y a beaucoup d'avantages à travailler en multidisciplinarité, les différents professionnels de la santé, ça, c'est certain. Pour le client, il y a un gain substantiel, chacun ayant un rôle particulier à jouer: le médecin ayant un rôle particulier, l'infirmière, le psychologue, l'orthophoniste, le travailleur social, etc.

Maintenant, il y a un élément particulier, j'imagine, qui doit être pris en compte dans tout ça, c'est le fait que le médecin est le seul actuellement autorisé à poser un diagnostic. Donc, c'est lui qui part la machine, et il est prescripteur, donc il peut prescrire des traitements chez d'autres professionnels de la santé. Est-ce que cet élément-là peut jouer ou avoir un rôle dans l'organisation en société? Je pense que c'est important de l'examiner.

Mais en même temps il pourrait y avoir des intérêts très élevés pour les clients à travailler en société, médecins et d'autres professions. Mais, dans ce cas-là, si la dimension est liée à l'ordonnance ou à la prescription, c'est vrai pour d'autres professionnels, et il y a des professionnels dans le système qui ont, dans leurs actes réservés, exclusifs, la vente. Alors, comment, dans un exercice en société, être capables de composer avec cette idée qu'il y en a un qui prescrit et l'autre qui vend, hein? C'est un petit peu la discussion qu'on a entre médecins et pharmaciens. Puis là entendez-moi bien, je ne veux pas réduire l'acte professionnel à la vente, là, ce n'est certainement pas ça que je dis, mais il y a cette dimension-là qui joue: un est prescripteur et l'autre a un acte exclusif de vente. Donc là, il y a un élément particulier qui doit être pris en considération. Alors, comme l'a dit M. Gariépy, on n'a pas vu les travaux de l'office ou du ministre là-dessus, mais il y a certainement quelque chose qui doit être réfléchi toujours non seulement dans l'aspect de protection du public, mais aussi d'intérêt public, ce qui préoccupe les ordres, bien entendu.

M. Gariépy (André): Un minicomplément là-dessus. Dans le deuxième rapport du projet n° 6 sur les professions de la santé, le Dr Bernier, qui a été président du comité ministériel, a indiqué qu'il y a lieu de tenir une réflexion sur la notion de vente associée aux professions. Et puis, moi, je vous lancerais une petite provocation intellectuelle qui est quelquefois ma marque de commerce. Si on va trop loin, là, dans «on s'inquiète de», «on s'inquiète de», donc on va éliminer tout contact possible à ce compte-là ? et peut-être qu'ils m'en voudront, mais j'ai déjà fait la blague devant la présidente de l'Ordre des médecins vétérinaires, puis elle a souri, puis elle ne s'en est pas inquiétée; à ce compte-là ? il faudrait segmenter l'acte du médecin vétérinaire parce qu'il diagnostique, il prescrit, il vend, il administre. Alors, est-ce qu'on segmente toute cette profession-là? Parce qu'ils ont intégré le conflit d'intérêts joyeusement, hein?

Alors, à un moment donné, là, il va falloir tracer une ligne où on fait confiance, on forme les gens et quelquefois on vérifie des choses pour s'assurer que les affaires vont bien. Alors, je vous fais ça comme provocation intellectuelle, là, ça peut mener loin quand on joue à «j'ai peur de, donc j'interdis tout contact», et tout, et tout. Il faut trouver une zone de confort, et la zone de confort ne se trouvera pas seulement dans des manchettes de journaux, ça va se trouver dans une réflexion apaisée où, comme société, on soupèse les choses et on n'a pas à répondre nécessairement à des médias qui... je ne sais quoi, là. Alors, prenons un temps, comme société, de réfléchir là où nous en sommes dans l'évolution de nos pratiques professionnelles, de la multidisciplinarité que ça implique, des notions de vente, de commercialité.

Je me souviens, moi, M. le ministre ? vous avez été prof de droit et; je me souviens, moi ? on m'avait dit, dans ma première année de droit: Les professionnels bénéficient d'une présomption à l'effet que ce n'est pas de la commercialité, ce qu'ils font. Franchement, il faut gagner sa vie quand même, et, s'il n'y a pas de commercialité, il y a à tout le moins un revenu puis on gagne sa croûte à la chose. Alors, il faut tenir compte de cette réalité-là puis il ne faut pas jouer au trop pur à l'égard des professionnels. Alors, moi, ce que je vous dis, là, c'est: Tenons une réflexion correcte en dehors des manchettes et faisons en sorte que le système professionnel évolue en accord avec la société mais avec tous les bénéfices que même quelquefois la société ne voit pas, comme les bénéfices de la multidisciplinarité.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. M. le président du Conseil interprofessionnel, vous dites, dans votre... vous avez parlé tout à l'heure que, le projet de loi, il faut garder un certain équilibre, une balance concernant la multidisciplinarité. Mais, sur le projet de loi lui-même, j'aimerais vous entendre: Quelles sont vos opinions sur le projet de loi? Êtes-vous favorables au projet de loi tel qu'il est libellé présentement? Et je voudrais simplement vous faire remarquer qu'à l'article 9 dudit projet de loi, là, on légifère puis il réfère au code de déontologie dont on ne connaît pas encore les articles en ce qui concerne les médecins. Comment ça va s'écrire, ce code de déontologie? Alors, je voudrais avoir votre opinion sur ça.

M. Beaulieu (Louis): Écoutez, si on le considère du point de vue du conseil, c'est-à-dire sur les aspects systémiques, nous sommes en accord avec ce projet de loi là. Vous soulevez un point par rapport à l'article 9. Là aussi des principes systémiques doivent s'appliquer. D'une certaine manière, on semble, dans le projet de loi, dire aux pharmaciens: Ceci va s'appliquer tout de suite, et on dit aux médecins: Ceci s'appliquera dans 18 mois, après que le code de déontologie ait été adopté.

À prime abord, ça apparaît des délais qui peuvent être assez longs, hein? La modification d'un code de déontologie, ça prend un certain temps. Alors, à prime abord, il y a ce questionnement-là, je crois, qui doit être regardé à sa face même. Et il faut aussi se rappeler que l'avis de l'Office des professions sur la question est déjà déposé depuis 2005. Alors, le moment de renouveler des baux, et tout ça, a couru, alors il y a un questionnement à faire de ce côté-là. Je pense qu'il faut l'examiner à sa face même.

M. Côté: Je voudrais revenir sur les amendes tout à l'heure... En ce qui concerne les amendes, j'aimerais simplement vous souligner que l'article de loi dit que «le remplacement d'au moins 750 $ et d'au plus 10 000 $»... Donc, 750 $, là, c'est un minimum. Est-ce qu'on ne pourrait pas réduire l'écart entre les deux, peut-être? Parce que c'est sûr que ce n'est pas beaucoup, 750 $, mais c'est bien marqué, dans le projet de loi, «au moins 750 $».

M. Beaulieu (Louis): Ce que je pourrais peut-être dire là-dessus, ce qu'on lit de la jurisprudence, c'est généralement l'amende minimale qui est imposée. Alors, s'il y a un rehaussement plus important à faire, il est sans doute de l'amende minimale que de l'amende maximale en elle-même. Mais en même temps on veut donner un signal clair de la fourchette de conséquence financière qui peut venir avec le fait de ne pas respecter une disposition légale.

Alors, l'amende de base est certainement beaucoup trop basse comme elle est là. Et, bon, tant qu'à faire, pourquoi ne pas monter celle d'en haut puisque, semble-t-il, elle n'est pas souvent appliquée? Ça n'aura pas nécessairement une conséquence terrible, mais ça enverrait quand même un message qu'en cas d'infraction grave... Et peut-être que le juge, en voyant la durée de la non-conformité... Parce que là un point de vue positif de l'amende qui est amenée, c'est d'être quotidienne, dans la mesure où, si ça fait 10 jours, bien, c'est 10 fois l'amende de base minimalement qui peut être imposée. Mais peut-être qu'un juge, voyant que ça fait déjà trois semaines, va dire: Bien là, lui, il faut lui donner une leçon un peu plus claire. Je ne le sais pas.

M. Gariépy (André): Là-dessus, je compléterais en vous disant qu'à côté, à la Commission des finances publiques, ça crie fort sur la hausse des amendes pour la loi sur la distribution des produits et marchés financiers.

Quand vous parlez de réduire la fourchette, moi, je vous dirais: Faites attention! Une fourchette, c'est pour tenir compte d'une série de réalités, et en même temps j'ajoute: une série de professions. Dans un cas, si on touche à de l'argent, c'est sûr qu'il faut toucher plus haut dans la fourchette pour l'effet dissuasif. Si on n'est pas dans une dynamique, je dirais, monétaire à ce point-là, bon, bien, l'infraction, on va peut-être la traduire autrement.

Donc, il faut laisser au juge la capacité d'apprécier selon la variété des 45 professions, lui donner une latitude aussi dans la gravité de la situation qui se présente. Alors, moi, je dirais que l'amplitude de la fourchette est adéquate, mais il faut la monter un peu plus, parce qu'actuellement, vous savez, déjà, déjà la loi sur la distribution des produits financiers, pour des infractions à la fois déontologiques et de nature pénale, c'est-à-dire d'exercice illégal, est, depuis 1998, plus élevée que ce qu'on a, et là ça crie pour demander encore plus; d'ailleurs c'est constant quand on suit cette commission-là. Alors, on voit bien, là, qu'aussi, de ce côté-là, il y a un changement des comportements et des attentes, comportements des praticiens mais aussi des attentes du public et de la rigueur du dispositif de contrôle qui est en place. Alors, il faut y réfléchir, là-dessus.

Quand on parle de pour chaque jour, ma compréhension du projet de loi, c'est que 188.2.1, là, le «chaque jour», là, c'est seulement le tiers qui amène le professionnel. Ce n'est pas pour celui qui contrevient, qui fait de l'exercice illégal, là. Alors, ma compréhension, en tout cas la lecture que j'en fais et qu'on m'en a toujours dit, et j'aimerais ça qu'on me confirme ? là, je vois le conciliabule; j'aimerais ça qu'on me confirme ? ce qu'il en est, mais ma compréhension, c'est que c'est ça.

Le Président (M. Descoteaux): Consentement pour M. le ministre? M. le ministre.

Une voix: Oui, allez. Ça va.

M. Marcoux: Une information, M. Gariépy. Ce qu'on m'indique, c'est que, dans le cas des tiers, c'est vrai, ce qui s'applique, là, c'est ce qui est prévu dans le projet de loi, mais pour les autres, c'est le code pénal, et le code pénal prévoit le «chaque jour». Donc...

Une voix: Le quotidien.

M. Marcoux: Le quotidien. Alors, le quotidien s'applique autant pour le professionnel que pour le tiers.

M. Gariépy (André): Moi, je ne suis pas un praticien de la procédure pénale, là, je suis en droit professionnel. Alors, je vous remercie du complément.

M. Beaulieu (Louis): Vous me permettrez, M. le Président...

Le Président (M. Descoteaux): Oui, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Louis): ...pas si mal pour un orthophoniste.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Simplement pour terminer, parce que je pense qu'il reste quelques... Je voulais simplement revenir sur l'article 9. Et vous l'avez bien souligné, M. Beaulieu ? j'ai failli vous appeler Me Beaulieu, ça n'aurait pas été grave, remarquez, mais ? en ce qui concerne le code de déontologie, comme vous dites, ça peut prendre du temps avant qu'il soit adopté, et ça va être fait par décret, donc ça peut nous reporter dans un délai de deux, trois, peut-être même... on peut aller même plus loin. Alors ça, je pense, il fallait le spécifier.

Ma dernière question, c'est que, pour l'évaluation d'un loyer, pour l'évaluation qu'on fait d'un loyer lorsqu'un médecin loue, là, un loyer, c'est qu'on parle du critère de «juste et raisonnable» plutôt que de la valeur marchande qui est notamment, là... Dans tous les cas, c'est la base d'une évaluation normale. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ce critère qu'on a choisi, là, de «juste et raisonnable»?

n(11 h 50)n

M. Beaulieu (Louis): Écoutez, j'ose imaginer que, dans l'appréciation du «juste et raisonnable», on prendra en considération la valeur marchande, hein, au moins jusqu'à un certain point. Quand un professionnel doit respecter son code de déontologie, il y a des zones très claires qui disent qu'il y a des actes dérogatoires, hein? Alors, si je fais défaut de respecter cet acte-là, je me mets en situation de difficulté.

M. Côté: Je voulais juste vous dire que la notion de «valeur marchande» a été rejetée par l'avis de l'Office des professions.

M. Beaulieu (Louis): Oui. Oui, je sais qu'elle a été rejetée, mais, en même temps, si je veux faire une appréciation juste et raisonnable, il me semble que je vais bien devoir prendre ça en considération, mais ça ne sera pas, j'imagine, le seul élément qui sera pris en considération, il y aura d'autres éléments qui pourront être pris en considération. C'est ce que je pourrais dire à ce moment-ci.

M. Gariépy (André): Là-dessus, je pense que l'Ordre des évaluateurs agréés va vous exposer, aujourd'hui, sa vision en tant que professionnels régis. Ce n'est pas pour rien qu'ils se sont constitués en ordre professionnel, c'est parce que l'État a vu là-dedans un enjeu de crédibilité d'une opinion d'experts au point où on veut l'encadrer. Alors, j'espère que vous apprécierez l'expert que vous avez désigné pour vous éclairer sur la norme qu'il faudra appliquer.

Par rapport à l'article 9, ce que je vous dirais: Les dispositions transitoires, c'est toujours bien... il y a bien des pièges là-dedans, parce que c'est de dire: Bien là, j'arrive, là, pis woup! woup! woup! envoie, passe vite, toi, là, puis paf! et après ou je me ferme ou je ne sais pas quoi. Il y a toujours une façon autre de libeller des dispositions transitoires.

Maintenant, ce qu'il faut voir en l'espèce, est-ce qu'on n'est pas dans une situation où la sensibilité est exacerbée, puis il faut faire attention un petit peu plus à qui on laisse passer comme ça, vite, vite, puis après, O.K., c'est fini? Alors, il faut juste faire attention. Et ça, c'est un jeu de meccano, puis, moi, ce que j'ai appris dans les jeux de meccano, bien, tu t'assures que les boulons soient bien serrés mais tu t'assures de l'amplitude de ton bras de métal pour voir si tu vas chercher ce que tu as à chercher et pas trop. Alors, moi, je ne commenterai pas plus à fond l'impact de ça, mais je suis persuadé, pour avoir vu d'autres lois de cette nature-là, que le code de déontologie s'en vient et vite pour éviter des espacements.

Par ailleurs, comme on est dans la situation, on devient plus rigoureux, peut-être. Est-ce qu'on ne fait pas en sorte que ceux qui contrevenaient à quelque chose de moins rigoureux... Je suppose qu'on va être plus rigoureux, là? Bien, c'est le discours qu'on entend. C'est du moins ce que les médias appellent. Alors, est-ce qu'on n'est pas dans une situation où on va absoudre des gens qui ont contrevenu à des choses moins rigoureuses en attendant la norme plus rigoureuse? Alors, il faut juste voir, là... et ça, il faut faire une analyse, là. Mais... mais...

M. Côté: À ce moment-là.

M. Gariépy (André): ...mais, encore une fois, dans ce genre de chose là, d'autant plus qu'il y a une articulation comme un jeu de meccano, il faut faire des tests, des simulations pour voir est-ce qu'on laisse passer ou non. Et là-dessus, moi, c'est un point d'interrogation. Je n'ai pas de réponse pour vous là-dessus, mais c'est certainement... les Anglais ont «a word of caution», disent-ils. Alors, ce serait ça, c'est d'y voir à deux fois pour éviter des effets induits qu'on ne voudrait pas.

M. Côté: Si, le code, ça s'en vient vite, bien on peut mettre un délai à ce moment-là.

M. Gariépy (André): Bien, ça dépend du Conseil des ministres, et tout, et tout, et de l'avancement avec les ordres, c'est une discussion. Écoutez, définir une norme, là, dans notre société, là, ça ne se fait pas comme ça, et il y a des enjeux. Comme on vous le disait tout à l'heure sur la multidisciplinarité, il faut y penser, il faut prendre le temps d'y penser. Alors, moi, je ne dis pas que les choses traînent, ce que je dis, c'est qu'il faut qu'elles prennent le temps pour la qualité de la norme et l'importance que ça a dans notre société.

M. Côté: Merci.

M. Descoteaux: M. Beaulieu, en quelques secondes.

M. Beaulieu (Louis): Oui. En même temps, je tiens à dire que, comme pour tous les ordres, je suis convaincu que le Collège des médecins prend ça très au sérieux et qu'il va s'organiser pour être le plus diligent. Je suis convaincu de ça.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Merci, M. Beaulieu, Me Gariépy, de votre présence devant la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Descoteaux): La Commission des institutions poursuit ses travaux, à savoir les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 54. Nous recevons, cet après-midi, la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Dr Gaétan Barrette, bienvenue. Me Sylvain Bellavance, bonjour. Donc, comme vous savez, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie de deux périodes de 20 minutes respectivement, de part et d'autre, du côté ministériel et du côté de l'opposition. Donc, la parole est à vous.

Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Barrette (Gaétan): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les parlementaires, donc on vous remercie sincèrement de nous donner l'expression, de pouvoir s'exprimer quant au projet de loi n° 54 modifiant le Code des professions et la Loi de la pharmacie. Alors, comme vous l'avez dit en entrée de jeu, je suis effectivement accompagné de Me Sylvain Bellavance, qui est directeur des affaires juridiques à la fédération.

Alors, le projet de loi n° 54, qui vise à modifier le Code des professions et particulièrement qui vise le code de déontologie de notre collège, est pour nous un sujet pour lequel nous aurions préféré ne pas avoir à s'adresser à vous aujourd'hui. Alors, normalement, en commission parlementaire, on s'attend toujours à venir ici pour faire part de notre expertise, et la Fédération des médecins spécialistes, ici, comme probablement l'ont dit les omnipraticiens ce matin, vient ici sur la base du fait qu'entre autres nous nous sentons ? et je pense que nous sommes ? attaqués dans notre intégrité professionnelle.

Alors, le projet de loi, qui tire ses origines de divers événements, là, qui ont eu lieu sur la place publique, dans le passé, dans les dernières années, fait en sorte qu'il y a clairement dans ce projet de loi là... Je ne dirais pas un préjudice, mais c'est presque un préjudice, là. Je ne veux pas utiliser des termes légaux parce que ce n'est pas exactement mon expertise, mais c'est un texte qui sous-tend la possibilité chez les médecins, particulièrement certainement chez les médecins spécialistes, d'avoir un risque de malversation qui est supérieur à un autre professionnel pas nécessairement dans la santé mais dans la province de Québec.

Les professions, comme vous le savez, sont régies par des codes de déontologie, et diverses règles, et divers organismes de contrôle qui permettent de baliser les actions des professionnels, règles auxquelles sont assujettis les professionnels, peu importe leur champ de pratique, et qui normalement font en sorte que les choses fonctionnent correctement. Aujourd'hui, vous arrivez et vous proposez un texte qui est tel que, d'entrée de jeu, vous ajoutez l'élément que vous semblez juger nécessaire et qui sous-tend ? il y a du non-dit là-dedans ? que les médecins, comme d'autres professionnels mais particulièrement les médecins évidemment, sont à plus grand risque de malversation que d'autres. Alors ça, pour nous, c'est fondamentalement insultant. Le corps médical ? et je suis convaincu que les omnipraticiens vous ont dit la même chose ce matin ? considère ça comme étant une attaque directe à leur intégrité professionnelle, à leur sens de l'éthique et à leur capacité de respecter les règles déontologiques de leur ordre professionnel.

Vous vous adressez à des éléments qui sont, je pense, intéressants, mais nous croyons que vous vous y adressez de la mauvaise façon. Au moment où on se parle, le Collège des médecins... donc tous les médecins, qu'ils soient spécialistes ou omnipraticiens, au Québec, doivent se soumettre à des règles déontologiques qui font en sorte que les situations de conflit d'intérêts doivent être évitées de toutes les manières possibles. Or, vous vous adressez à cette problématique d'une telle façon que vous jugez que nous sommes à plus grand risque.

Alors, si on regarde les éléments qui sont dans cette loi, vous nous demandez ? et comme on vous l'a certainement dit ce matin ? par exemple, à ce qu'on respecte les obligations déontologiques lors de l'exercice en société. Je ne vois pas ? et on ne peut pas concevoir ? que ce soit nécessaire d'inclure ça dans un projet de loi, puisqu'il y a un ordre. Nous sommes tenus de respecter ces règles déontologiques là. Pourquoi rajouter cet élément-là? Si vous voulez le faire, on peut l'accepter et on peut le recevoir, mais ça nous apparaît superflu.

Vous nous demandez d'attester du respect des obligations déontologiques et de la communication au collège. Ce sont des règles qui existent déjà. Je ne referai pas le tour de tous les éléments qui vous ont sans doute déjà été présentés, qui sont contenus dans notre code de déontologie, particulièrement les règles 27, 63, 64, 71, 72, 73 et 80, qui s'adressent spécifiquement à tous ces éléments-là. Pourquoi nous demander d'inclure ça dans une entente éventuelle? On le fait déjà. Il y a quelque chose... il y a un double usage ici qui fait en sorte qu'il y a un élément insultant pour le corps médical, et on ne voit pas pourquoi cet élément-là devrait être présent.

Et ça, c'est le point qui nous apparaît le plus... peut-être pas le plus important, mais qui est certainement majeur dans notre cas, dans ce projet de loi là: vous nous interdisez de façon absolue à tirer quelque avantage que ce soit dans une éventuelle entente que je qualifierai de commerciale. Alors, là-dessus, je voudrais faire une longue parenthèse. Et ça m'apparaît très important que vous puissiez comprendre deux éléments, que je suis sûr que vous comprenez, mais vous allez voir que le fait de vous adresser à cette problématique-là de la façon dont vous le faites, vous allez induire une perturbation dans le réseau, qui n'est pas nécessaire. Ce que vous voulez corriger ou contrôler va induire des effets négatifs dans le réseau de la santé que normalement vous devriez vouloir éviter.

Alors, il existe deux éléments dans la pratique médicale. Il y a un univers que je qualifierai de professionnel, l'acte médical, la relation entre le patient et le médecin, l'épisode de soins, qui sont des éléments qui sont encore une fois d'ordre professionnel, qui sont parfaitement régis par les règles déontologiques du Collège des médecins du Québec. Non seulement sont-elles parfaitement régies, mais elles sont bien contrôlées par le collège. Vous n'avez aucune évidence qui pourrait vous faire conclure que le collège ne fait pas son travail du côté professionnel. Le côté professionnel a deux volets: il y a un volet hospitalier et il y a un volet clinique en cabinet. C'est la réalité des choses, on ne peut pas contourner ce fait. Le collège exerce son contrôle dans ces deux volets.

La pratique médicale a donc un volet professionnel et un volet économique. Le volet économique en est un qui est totalement séparé du volet professionnel, et vous sous-entendez par votre projet de loi qu'il y a un lien entre les deux, lien tellement sujet à des conflits d'intérêts qu'il vous apparaît nécessaire de légiférer, et je pense que c'est exagéré. L'élément économique auquel les médecins font face lorsqu'ils pratiquent à l'extérieur de l'hôpital est tel que nous devons tout faire pour que vous ne puissiez pas mettre en application votre projet de loi parce que vous allez perturber ce milieu-là, et je m'explique.

n(14 h 10)n

Le côté économique, il n'est pas lié au côté professionnel, contrairement à ce que vous sous-entendez dans votre projet de loi. Par contre, il est incontournable. Et je vais faire une parenthèse dans la parenthèse: nous, les médecins spécialistes, à l'automne 2006, avons fait des actions publiques qui étaient basées sur notre rémunération. Et ce n'était pas un vice de procédure ou un fantasme financier qui nous a portés à faire ça, nous avons fait ça, entre autres, parce que notre rémunération non seulement est-elle différente de celle de la moyenne canadienne, mais l'elle est aussi dans notre pratique privée, qui est conventionnée. Elle n'est pas privée, elle est conventionnée. On a été forcés de faire ces actions-là parce que nous sommes dans une situation où, en pratique privée, notre rémunération, qui, elle, est censée couvrir nos frais d'opération, ne le permet pas. Nombreux sont les médecins spécialistes qui, aujourd'hui, travaillent à perte. Et, quand je dis à perte, ça signifie qu'ils utilisent une partie de leurs honoraires professionnels, l'univers médical, pour compenser pour le manque à gagner de l'univers économique, qui n'est pas suffisamment subventionné actuellement, compensé actuellement par le réseau public.

Dans cet univers économique, les médecins qui sont en cabinet n'ont pas le choix que de s'adresser à celui-ci selon les forces du marché. Et les forces du marché sont telles qu'il est essentiel que les médecins, pour pouvoir pratiquer, puissent avoir tous les leviers économiques normaux du marché pour pouvoir opérer leur cabinet au bénéfice des patients de la province de Québec dans les meilleures conditions possible. Et votre projet de loi va venir annihiler les forces du marché. On ne peut pas être, d'un côté, pour le bénéfice des forces du marché et, en même temps, vouloir les paralyser parce qu'on pense que peut-être qu'un groupe d'individus auraient un conflit d'intérêts tel qu'il nuirait à la dispensation des soins, ce qui n'est pas le cas. Les médecins ne sont pas comme dans d'autres secteurs professionnels, peut-être: nous sommes visibles, la population nous voit, la population nous fait confiance. Et ça, vous le savez, c'est de connaissance commune, la population nous fait confiance parce qu'ils nous voient travailler, ils savent qu'ils ont des recours contre nous, ils savent qu'il y a un collège des médecins qui fait des enquêtes, ils savent que, s'il y a des malversations et toutes sortes d'éléments de ce genre-là, ça sort sur la place publique, et il y a des pénalités, il y a ceci, il y a cela. On nous fait confiance parce que c'est un système qui fonctionne.

Mais, dans ce système qui fonctionne là, il y a un volet économique qui est toujours occulté. Il est occulté parce qu'on ne s'y adresse pas correctement en termes de compensation venant de la part de l'État et il est occulté parce qu'évidemment ce n'est pas dans la nature des choses, pour les médecins, d'aller exposer leur situation financière sur la place publique, sauf à certains automnes, comme on a eu la dernière fois où on l'a fait.

Le fait pour vous de faire cette loi-là en enlevant de façon absolue tout avantage aux médecins vient perturber le fonctionnement, et je vais vous donner un exemple simple, très simple, qui est mon propre exemple. Je suis un pécheur au sens de la loi n° 54. J'ai deux cliniques et j'en ai une qui est au-dessus d'une pharmacie. J'ai une autre clinique qui n'est pas au-dessus d'une pharmacie. Et la clinique que j'ai au-dessus d'une pharmacie, là, j'y suis déménagé il y a deux ans. Et j'y suis déménagé pour une raison, une seule: pour améliorer mon sort. L'incitatif que j'ai eu et la demande que j'ai eue est venue d'un groupe de médecine de famille sur l'île de Montréal. L'État veut réorganiser sa première ligne ? je vous parle de mon exemple. Pour réorganiser sa première ligne, on veut avoir des GMF. Les GMF, pour fonctionner, doivent avoir de la radiologie ? je ne vous l'ai pas dit, je suis radiologiste. Pour avoir de la radiologie, on vient frapper à ma porte. Je suis dans un bâtiment en décrépitude, je pense fermer ma clinique, ce qui est le cas. On m'offre de déménager, je ne déménagerai pas. Il n'en était pas question dans les conditions financières qui étaient celles que l'on connaissait. J'ai trois endroits où je peux aller. Les trois endroits, je vous le dis, je suis un pécheur, sont des pharmacies. Qu'est-ce que je fais?

C'est mon univers économique. Case départ, je ne déménage pas. Deux, j'accepte d'envisager le déménagement. Il y a trois groupes qui veulent m'avoir. Comment peut-on me reprocher de ne pas jouer les trois groupes l'un contre l'autre? Je joue les trois groupes l'un contre l'autre et, en fin de course, je vais du côté de la GMF parce que la GMF a besoin de nous, et, nous, on peut y aller, et on nous fait des conditions qui sont hypercompétitives. Les GMF, groupes de médecine familiale, là, vous savez probablement tous ça. Je vais dans ce groupe-là non pas parce que le loyer est le moins cher, parce qu'il n'était pas le moins cher. Et, je vous le dis, j'ai eu des offres à zéro et je n'ai pas honte de le dire. Je vais dans celui qui n'est pas à zéro parce qu'il a un avantage que les autres n'ont pas, il a un stationnement.

Et l'exercice qui est en cause, la décision qui est prise, elle est prise sur des paramètres qui sont économiques. Économique, c'est un coût d'opération et un achalandage. Je vais dans une clinique qui est au-dessus d'une pharmacie pour laquelle je ne peux avoir aucun lien de quelque nature que ce soit en termes de ristournes, de ceci, de cela: je ne prescris pas, je ne prescris pas. Mais j'ai un loyer, là, qui est ridiculement bas. Mais je n'y serais pas allé si j'avais eu à avoir un loyer qui était dans le prix du marché. Ça, c'est la vie quotidienne, la vraie vie, là, la vraie vie quotidienne.

Les groupes de médecins ont à prendre des décisions économiques. Économique, ça veut dire que c'est des frais d'opération, des avantages que sont l'achalandage, des avantages que sont la position géographique, des avantages que sont la présence d'un stationnement, des avantages que sont la présence d'une bouche de métro à côté, et ainsi de suite. C'est la normalité des choses, et on doit faire face à ça à tous les jours dans un contexte où l'État ne nous subventionne pas suffisamment.

Comment peut-on dire qu'il est anormal et comment peut-on penser qu'on doit interdire le bénéfice d'un avantage de marché à des médecins lorsqu'ils ont la responsabilité financière du fonctionnement de cette entité-là? C'est une chose que d'avoir un avantage, c'en est une autre que d'avoir une pratique déviante. Le Collège des médecins a des règles pour empêcher la condition qui est déviante qui est l'autoréférence, les ententes qui garantissent des volumes, ce genre de choses là. Et ça, nous le disons dans notre mémoire, ces éléments-là doivent être proscrits. Une réglementation doit exister pour permettre de l'empêcher, c'est très clair. C'est un vice. Par contre, s'adresser à la problématique du marché, bien le marché est là pour faire sa propre régulation. Et la loi, en faisant ça, va empêcher ça.

Je vous disais, il y a quelques instants, que, nous, on était propriétaires de deux cliniques. J'ai une clinique qui a des avantages incommensurables, pour laquelle j'accepte de payer un loyer qui est aussi cher qu'au centre-ville de Montréal, puis il est dans l'est. Mais je l'accepte parce qu'il est à côté de l'hôpital puis il y a une passerelle. C'est le prix que j'accepte de payer pour avoir ce gain-là.

Si l'autre clinique, qui est avec une GMF via votre... dans la conséquence où vous m'obligez à avoir un loyer qui se rapprocherait du premier, je la ferme parce que vous m'enlevez mon honoraire professionnel, parce que mon honoraire actuellement ne compense pas mes frais d'opération. Je prends mon honoraire professionnel en partie pour la faire marcher, cette clinique-là, et faire donc fonctionner ce que vous voulez faire, la première ligne. Donc, je la ferme, ma clinique. Je la ferme, je n'aurai pas le choix de la fermer. Puis ce n'est pas moi qui vais la fermer, c'est mes collègues parce qu'on est en groupe là-dedans, naturellement. Il n'y a personne sain d'esprit qui va accepter de fonctionner à perte.

Vous prenez mon exemple et vous le multipliez par les 8 000 médecins spécialistes, et ça va être la même chose. Vous vous adressez à une problématique qui n'existe pas parce que les règles existent au collège pour permettre de s'adresser à ça. Vous sous-entendez dans votre texte qu'on est plus sujets que d'autres à avoir des conflits d'intérêts, à faire preuve de malversation. Ça m'apparaît même immoral que de penser ça et de nous affubler de cette étiquette.

Et, en bout de ligne, tout ce dossier-là fait en sorte qu'aujourd'hui on est encore dans la situation où on est les seuls au Canada qui ne pouvons pas s'incorporer, tout ça parce qu'en quelque part, à la suite d'un article de journal, il y a quelqu'un qui a levé un drapeau sur une situation particulière qui, en passant, était une situation purement commerciale. Tout ce que vous avez vu dans les médias, dans le passé, qui concernait les médecins était de l'ordre commercial. Un groupe s'est fait compétitionner par un autre groupe, et il y a eu un transfert de ressources. C'est la vie commerciale. Deux minutes?

Le Président (M. Descoteaux): Deux minutes, Dr Barrette.

n(14 h 20)n

M. Barrette (Gaétan): Parfait. Alors, ça m'apparaît... Les conséquences de cette loi-là sont immenses. Et les conséquences sont de deux ordres. Elles vont toucher l'État parce que, veux veux pas, les médecins vont vouloir avoir une compensation supérieure quant à leur rémunération en cabinet. Les patients, obligatoirement vous allez avoir une diminution de services à la clientèle parce qu'il y a des cliniques qui vont fermer, il y a des heures d'ouverture qui vont diminuer, il y a des offres de services qui ne se feront plus en même quantité parce que, dans votre document, vous empêchez tout avantage. Ce n'est pas juste une question de loyer ? et là j'espère que vous allez revenir dans la période de questions ? vous empêchez tout avantage. Il faudra que, dans quelques instants, vous me laissiez la possibilité de vous expliquer comment ça fonctionne, les avantages, sur le terrain ainsi qu'à l'hôpital, parce que le fonctionnement est le même des deux côtés. Et, sans ça, le réseau ne fonctionne pas, ni à l'hôpital ni en cabinet. Je vais vous laisser aller à la période de questions.

Le Président (M. Descoteaux): Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Barrette (Gaétan): Non, ça va.

Le Président (M. Descoteaux): Non? Ça va. Merci bien de votre présentation. M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Dr Barrette, merci de votre présence et de votre présentation. Et, Me Bellavance, bienvenue également devant la Commission des institutions. Je pense que nous avons obtenu, de concert avec l'opposition officielle, une consultation justement pour avoir les commentaires, les suggestions et les opinions des groupes, des individus qui pouvaient être intéressés par ce projet de loi.

Ce projet de loi touche à deux volets: un qui est plus général, qui touche le Code des professions, et notamment tout ce qui a trait aux amendes, notamment, et donc ça, ça s'applique à l'ensemble des ordres professionnels; il y a quelques dispositions aussi qui sont plus particulières et qui touchent davantage deux ordres professionnels, soit le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens. Et donc, d'ailleurs, aujourd'hui, je pense que la plupart des groupes qui viennent devant la commission se concentrent particulièrement sur ce deuxième volet des dispositions du projet de loi n° 54.

Je voudrais, Dr Barrette ? en tout cas, peut-être que je ne vous convaincrai pas, là; mais ? vous dire ceci: Il est clair que l'objectif et l'objet du projet de loi n'est certainement pas, là, de vouloir attaquer l'intégrité professionnelle des médecins. Je pense que je l'ai mentionné, ce matin, au président de la Fédération des omnipraticiens, et ce n'est clairement pas ça. C'est peut-être une perception que vous pouvez avoir, là, mais ce n'est certainement pas l'objet du projet de loi n° 54, Dr Barrette. Et je voudrais vous le dire bien humblement, je pense que c'est important. Premièrement.

Deuxièmement, vous savez, le projet de loi est fondé sur des principes, oui, qui peuvent peut-être évoluer un peu dans le temps, là. Je pense que, si on se réfère à il y a 40 ans, tout ce qui touche l'éthique et les conflits d'intérêts, il y a probablement des situations différentes, certains principes et des choses, des dispositions qui n'existaient pas. Et c'est vrai partout, ça, pas uniquement dans les ordres professionnels, mais également dans l'administration publique, je dirais même dans l'entreprise privée aussi maintenant. Et l'objet, c'est, je pense, d'éliminer tout soupçon que peut avoir la population ou un patient à l'effet que les relations privées entre un médecin ou un groupe de médecins et, par hypothèse, un pharmacien, relations d'affaires privées dont les gens ne sont pas au courant, qui peuvent, à un moment donné, se publiciser... donc, que le patient puisse n'avoir aucun soupçon que potentiellement ? je dis bien potentiellement, je ne dis pas que c'est ça, là ? il pourrait y avoir une interférence entre justement tout ce qui se fait en termes de services médicaux et de prescriptions et une relation d'affaires, notamment avec un pharmacien.

Et je voudrais vous citer, Dr Barrette, simplement un paragraphe de la présentation du Dr Dutil ce matin ? je lui ai posé la même question aussi, je ne sais si vous étiez présent ? c'est ceci: «...la fédération ? donc, la FMOQ ? reconnaît sans détour que l'occupation gratuite d'un espace commercial voué à l'exploitation d'une clinique médicale, peut, en principe, placer le médecin dans une situation de conflit d'intérêts lorsque cet espace lui est fourni par un pharmacien.» Alors, il y a quand même là, je dirais, une constatation de la part de la fédération qu'une situation comme celle-là est susceptible de placer le médecin dans une situation de conflit d'intérêts, est susceptible de le placer. Je me dis: Est-ce que, si cette situation-là existe, est-ce qu'on ne doit pas tenter quand même de prendre certaines mesures pour éliminer cette situation potentielle de conflit d'intérêts? Parce qu'il semble qu'on dit: Oui, ça peut en être une.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Barrette.

M. Barrette (Gaétan): Écoutez, des conflits d'intérêts, vous conviendrez avec moi qu'il peut y en avoir dans toutes les circonstances et de tous les ordres. Je pourrais même vous dire que, dans un hôpital, je peux avoir des conflits d'intérêts professionnels entre médecins, ne serait-ce que pour avoir une priorité opératoire le lendemain matin. Ça existe toujours. L'objectif, ne trouvez-vous pas, ne devrait-il pas être de s'assurer qu'on ait des règles qui fassent en sorte que l'on puisse examiner les cas spécifiques où il y a apparence ou des évidences quelconques de conflit d'intérêts de façon à ce que l'on puisse s'y adresser? Notre argument vient simplement du fait que vous proposez... le projet de loi, en modifiant le Code des professions, et ainsi de suite, là, les codes de déontologie, fait en sorte qu'on se retrouve avec des règles totalement universelles qui viennent pénaliser toute situation. Vous induisez une situation où essentiellement, sur le plan économique, les médecins sont paralysés, d'une part.

D'autre part, dans votre texte, comme vous le dites, bien ce texte-là implicitement, parce que vous le dites vous-même, bien tous les médecins automatiquement sont dans cette situation-là, sont potentiellement en situation de malversation. Cette approche-là, elle est tellement générale et tellement absolue qu'encore une fois nous n'avons plus de marge de manoeuvre. Et ça, pour nous, c'est à la fois, sur le plan du principe, blessant, et, sur le plan fonctionnel et économique, ça porte à conséquence, et les conséquences sont de l'ordre de celles que je vous ai dites tantôt.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui, M. le Président. Dr Barrette, vous savez, dans un cas comme celui-là, je ne pense pas que nous parlions de malversation, bien honnêtement, là, sans vouloir jouer sur les mots. Mais, vous savez, vous êtes dans une situation... Je ne dis pas vous, là, mais une situation qu'on évoque est celle où un médecin ou un groupe de médecins disent: On a un loyer gratuit adjacent à une pharmacie ? d'ailleurs, on reviendra sur la notion de conflit d'intérêts et tantôt l'article 73 dont vous avez parlé, là, Dr Barrette ? donc, dans une relation où il me semble... Et, lorsqu'on en parle aux gens, c'est un cas où la perception pour le patient... évidemment qu'il n'est pas au courant, mais, s'il était au courant, dirait: Oui, écoutez, là, je comprends qu'une relation d'affaires... il n'y a pas de loyer, est-ce que certains gestes... Et je ne voudrais pas toucher à l'intégrité des médecins, là, on parle de situations potentielles. Et les conflits d'intérêts, vous savez, c'est réel ou apparent. C'est vrai dans bien des situations. Donc, est-ce que ce n'est pas préférable, même pour la crédibilité de la profession médicale, là ? puis, je comprends très bien, la population a une confiance, puis avec raison d'ailleurs, dans le corps médical ? de dire: Écoutez, ça va être clair, là, on ne pourra pas... les patients n'auront pas l'occasion de penser que, parce qu'on a des loyers gratuits, donc, nous, dans une... particulière, il peut y avoir une situation où le patient pourrait penser qu'il y a une interférence?

Et donc que ce soit clair, bien il me semble que c'est une chose qui n'est pas au désavantage des personnes concernées. Et je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec cette théorie-là, mais il me semble, moi, que, même pour les médecins eux-mêmes, écoutez, c'est clair, la règle est claire, on l'applique, et puis on a des choses qui sont justes et raisonnables.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Barrette.

M. Barrette (Gaétan): Alors, je vais vous répondre par une question. Première question: Pourquoi nous et pas tout le monde dans toutes les professions?

n(14 h 30)n

M. Marcoux: Écoutez, si je regarde l'article... bon, le projet, parce que... le projet de l'article 73, là, on parle d'«un espace à titre gratuit ou en contrepartie d'un loyer qui [ne serait] pas juste et raisonnable ? là, peu importent les termes ? consenti à un médecin ou à une société ? on pourra revenir sur la question de la société que vous avez soulevée avec pertinence, là ? ou actionnaire par ? pas avec n'importe qui: un pharmacien ou une société dont il est actionnaire». Donc, c'est dans des situations bien précises. Je veux simplement terminer, si vous permettez, là.

Donc, «une personne dont les activités sont liées, directement ou indirectement, à l'exercice de la pharmacie» ? on peut dire une chaîne de pharmacies ? ou «une autre personne dans un contexte pouvant comporter une situation de conflit d'intérêts, réel ou apparent». Alors, ce n'est pas... Il y a quand même une certaine limitation, là, dans cet article 73.1 auquel vous avez fait référence tout à l'heure. On dit bien, là, tu sais... si c'est un propriétaire ou un locateur, c'est un pharmacien, «une personne dont les activités sont liées, directement ou indirectement, à l'exercice de la pharmacie» ou «une autre personne dans un contexte [où il pourrait y avoir un] conflit d'intérêts». Alors, il y a quand même une limitation là, on ne dit pas: Ça, c'est «at large» complètement. Pas dans n'importe quelle situation. Une situation où il pourrait y avoir un conflit d'intérêts, puis on donne l'exemple du pharmacien.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Barrette.

M. Barrette (Gaétan): Je vais reprendre le plus succinctement possible pour ne pas rallonger mon intervention. Les médecins se sentent visés de façon injuste par cet exercice-là parce que justement il ne vise que nous et les pharmaciens. Il nous vise. Vous n'avez pas cette règle-là, là, pour toutes les autres professions dans la province de Québec. C'est nous. Maintenant, encore une fois, votre règle, elle est universelle. Dans l'exemple que je vous ai donné tantôt et qui était mon propre exemple, je ne peux pas par définition avoir de conflit d'intérêts, mais vous allez m'empêcher, comme bien d'autres évidemment, d'avoir un avantage économique qui est nécessaire pour que je puisse fonctionner.

Et pour ce qui est du patient, le patient, et je reprends votre argument, veut, question de perception, veut avoir la perception qu'il n'y ait pas un éventuel conflit qui vienne interférer avec les soins qu'il reçoit. Le collège, dans ses règles de déontologie actuelles, fait déjà ça. Ce qui devrait être en cause, c'est une règle d'application ou une règle de fonctionnement pour pouvoir vous permettre, ou à un organisme comme l'ordre professionnel, de voir, et de détecter, et d'intervenir lorsqu'il y a un conflit d'intérêts. Et, dans l'exercice, par exemple, de la relation médecin-pharmacien, le lien, là, où il peut y avoir un conflit d'intérêts, c'est dans la référence ou dans la prescription. Vous avez les outils actuellement pour faire cette vérification-là, et, si les outils ne sont pas encore suffisamment performants aujourd'hui, vous allez les avoir d'ici au maximum trois ans. Vous allez avoir le dossier-patient électronique et vous allez pouvoir à tous les matins, dans votre bureau, si vous le voulez, voir le profil de prescription de tous les médecins de la province de Québec en fonction de telle, telle, telle pharmacie. Vous allez avoir les outils pour détecter d'éventuels vices de fonctionnement par rapport à des indicateurs, et ainsi de suite. Vous avez les outils pour empêcher ce que vous identifiez comme un problème face aux soins qu'on donne à un patient, qui est la prescription intempestive dans le cadre d'une relation d'affaires. Vous allez avoir les outils pour contrôler ça, et ça va être d'une transparence jamais vue. Comme vous avez dit, il y a quelques instants, on n'est plus il y a 40 ans. Dans trois ans, avec ce que vous, au gouvernement, actuellement mettez en place, vous allez pouvoir avoir ce contrôle-là, et il va être absolu.

Alors, en ce sens-là, la règle que vous mettez en place, bien, vous n'avez pas besoin de la mettre en place parce que vous allez avoir le moyen de contrôle. Vous le mettez en place, et il va être transparent. Mais, en le faisant, encore une fois, vous enlevez universellement un avantage économique à tout le monde, alors que ce que vous voulez, c'est contrôler tout le monde en termes de conflit d'intérêts. Alors, la règle, vous n'en avez pas besoin. Vous allez pouvoir avoir votre objectif. Mais, en le faisant, vous allez créer des problèmes qui sont d'ordre économique. Et, dans cet ordre-là, qui va payer au bout? C'est sûr que ce sont les patients qui vont payer au bout. Ce n'est pas les médecins ou les pharmaciens qui vont payer au bout, ce sont les patients parce qu'il y a obligatoirement des services qui ne se donneront pas dans les cabinets, obligatoirement il va y avoir des problèmes d'accessibilité parce qu'on perd un levier dont on a besoin parce que nos conditions sont telles, de rémunération, qu'on ne peut plus se payer un fonctionnement normal dans les conditions actuelles.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: M. le Président, d'abord, j'ai peut-être une autre question. Lorsqu'on parle de façon générale d'interdiction de commission, ristourne ou avantage matériel, à l'exception des remerciements d'usage et des cadeaux de valeur modeste ? d'ailleurs ça existe dans certains autres codes de déontologie d'autres professions, si je comprends, c'est à peu près la même chose, par exemple, et dans le code de déontologie de l'Ordre des pharmaciens... Et, ce que je comprends, l'Ordre des pharmaciens ? et je ne voudrais pas leur faire dire, là, ce qui n'est pas correct, mal les citer, mais; ce que je comprends, l'Ordre des pharmaciens ? lequel évidemment ce projet de loi vise également beaucoup, ils sont d'accord avec ces dispositions-là et, semble-t-il, sont d'accord également pour renforcer leur code de déontologie. C'est pour ça que je me dis: Pourquoi dans le fond... L'Ordre des pharmaciens, je comprends, se dit: Oui, on pense que ces dispositions-là sont appropriées dans le contexte; et, du côté des médecins, vous dites: Non, nous, là, ce n'est pas... on n'est pas d'accord là-dessus. J'ai un peu de difficultés à comprendre, bien honnêtement, là.

M. Barrette (Gaétan): Je comprends bien que, selon l'angle que vous nous... de votre réaction, il y a une difficulté, effectivement, mais c'est parce que manifestement je ne me suis pas exprimé clairement.

Je ne viens pas ici défendre la relation médecin-pharmacien. Ce n'est pas ça que je viens faire. Je viens défendre le fait que, dans votre projet de loi, votre projet de loi est tellement absolu que tout avantage de quelque nature que ce soit est prohibé. C'est comme ça qu'il est écrit, votre projet de loi. Je ne peux pas recevoir rien d'autre que des remerciements et des cadeaux modestes.

Alors, des avantages, dans le fonctionnement actuel du réseau, ils sont de multiples ordres et ils sont importants. La question n'est pas une question de loyer, la question est... Je vous donne un exemple, là. Si, moi, je négocie avec une compagnie l'achat d'un appareil ou l'achat d'équipement, bien, si je reçois des équipements supplémentaires dans ma négociation, je ne peux pas les recevoir. Pourtant, je fais ça, à l'hôpital, à tous les jours. À tous les jours, moi, là, je négocie des équipements et je fais rentrer des équipements gratuits à l'hôpital, régulièrement. C'est l'avantage que je tire d'une négociation serrée. Dans un cabinet, l'impact est majeur parce qu'il y a des services qui ne peuvent pas se donner sans pouvoir faire cette négociation-là de cette façon-là. Tout ne peut pas se gérer comme ça. La question pour nous n'est pas la relation pharmacien-médecin, la question est que votre règle abolit toute possibilité de négociations selon lesquelles on retire un avantage supplémentaire, et, sur le plan économique, ça m'apparaît un non-sens.

Alors, que l'Ordre des pharmaciens... Et je ne m'adresse pas à l'ordre, là, je ne suis pas... C'est la FMSQ, là. Si l'ordre décide d'inclure ça dans sa réglementation, c'est leur droit, et on va vivre avec. Nous, ce que l'on veut s'assurer de, c'est que les conditions de marché qui existent actuellement continuent d'exister. Si vous devez avoir des règles et que les autres ordres doivent avoir des règles pour baliser ça, c'est parfait, mais, de la façon dont les choses sont écrites actuellement, il n'y a plus de marge de manoeuvre. La marge de manoeuvre que l'on a disparaît et elle est nécessaire pour notre fonctionnement.

Le Président (M. Descoteaux): Deux minutes, M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Parce que, si je comprends, Dr Barrette, dans certaines autres provinces aussi, il y a des balises sur la question des loyers, là. À un moment donné, dans certaines provinces, on parle de valeur marchande, ce qui est peut-être techniquement plus difficile, là.

Mais je vais vous poser une question puis je ne sais pas... Vous dites: Il y a deux choses, là. Il y a une disposition d'ordre plus général puis il y a les loyers avec notamment les pharmaciens ou les chaînes de pharmacies, finalement, là. Mais, si, par hypothèse, ça existait, est-ce que vous dites: Pour nous, dans le fond, on ne voit aucun problème, par hypothèse, à ce qu'un groupe de médecins ait un loyer gratuit dans un local de pharmacie?

M. Barrette (Gaétan): À cette question-là précise?

M. Marcoux: Oui.

M. Barrette (Gaétan): Je ne vois aucun problème.

M. Marcoux: Et vous ne voyez pas aucun problème de conflit d'intérêts potentiel...

M. Barrette (Gaétan): Non.

n(14 h 40)n

M. Marcoux: ...de soupçons des gens qui, en sachant ça, pourraient se poser des questions?

M. Barrette (Gaétan): La question est une question ici de... Encore une fois, je reviens à ce que je vous disais tantôt, là: Avez-vous les pouvoirs de voir ou de détecter s'il y a des anomalies dans le comportement des médecins ou des pharmaciens? C'est ça, la question à laquelle vous devriez vous adresser, et la réponse, c'est oui. Moi, si je faisais partie d'un groupe de médecins, je regarde le marché, et, si les conditions...

Je vais reprendre encore une fois mon exemple, là. Dans mon exemple, là, qui est la réalité, là, c'est la vraie vie, là, il y a un cabinet de radiologie, il y a un groupe de médecins, qui est un GMF, qui sont des médecins omnipraticiens, puis il y a une pharmacie. Quels sont les avantages? Mon avantage, l'avantage que, moi, j'apporte, c'est la radiologie au GMF. Eux, ils ont l'avantage que je sois là, ça leur permet d'avoir un bureau fonctionnel. Mon avantage à moi, et je vous l'ai expliqué tantôt, c'est le loyer, le stationnement. L'omnipraticien... pardon, le pharmacien, c'est l'achalandage. C'est tout. Ça arrête là. Si vous pensez qu'il y a possibilité d'avoir plus d'éléments que celui-là, bien, vous avez le moyen de le voir.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, Dr Barrette. C'est écoulé du côté ministériel. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Dr Barrette et Me Bellavance, bienvenue à la commission. Merci de votre mémoire, merci de cette présentation. D'entrée de jeu, j'aimerais peut-être, là... Dans vos propos, dans votre mémoire, vous dénoncez de façon assez vigoureuse, là, plusieurs aspects des modifications qui sont proposées actuellement, en prépublication, surtout dans le code de déontologie. Vous comprendrez peut-être un peu, là, notre malaise, parce que justement c'est que nous sommes devant un projet de loi qui fait référence à des articles d'un code de déontologie qui ne sont pas encore en vigueur. Alors, je comprends vos interventions, mais c'est une... parce que c'est une façon de faire, disons, qui est un petit peu particulière, là. C'est qu'on ne voit pas ça souvent. D'autant plus que ce projet de loi a été déposé, là, un an et demi après l'avis de l'office, alors ça, ça nous met un peu mal à l'aise, comme opposition officielle.

Maintenant, vous dites... Je vais y aller. Écoutez, je ne suis pas un spécialiste, là, en médecine et encore moins bien en spécialité, là, de médecine, mais vous dites, dans votre mémoire, que «la Fédération dénonce toute pratique qui met en péril l'indépendance professionnelle des médecins, dont le fait d'obtenir des ristournes en contrepartie de la référence de clientèle. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il ne s'agit là que de situations anecdotiques à l'égard desquelles le Collège des médecins [...] dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour sévir.»

Vous, vous dites que c'est anecdotique, mais pourtant l'avis de l'Office des professions nous dit, dans son avis, que c'est une pratique courante, et c'est ça que j'ai de la misère à m'expliquer. C'est que vous êtes un peu aux antipodes de ce que dit l'avis de l'Office des professions, en ce sens que le collège d'autre part nous dit qu'il n'a pas eu, lui, de plaintes concernant des loyers à titre gratuit.

Vous nous dites également: Bien, ce que le collège doit faire, c'est qu'on doit faire du cas par cas. On ne peut pas... Le législateur n'a pas à légiférer, là, de façon générale. On doit prendre chaque cas puis on doit les étudier pour voir si effectivement il y a conflit d'intérêts.

Moi, ça m'interpelle, cette façon d'agir, parce que comment peut-on justement protéger... Le rôle de l'Office des professions, le rôle du législateur, c'est l'intérêt de la protection du public, et c'est ça qu'il faut... Par la législation, on peut toujours faire ces choses-là.

Maintenant, dans le cas qui nous regarde, dans votre mémoire, je voudrais que vous m'expliquiez un petit peu comment vous pouvez concevoir cette façon justement de protéger l'intérêt public, mais vous vous réservez le droit, vous dites qu'économiquement vous avez aussi le droit d'obtenir les meilleures conditions du marché, et vous dites même que ça met en péril la viabilité des cabinets.

M. Barrette (Gaétan): Tout à fait.

M. Côté: Et, par contre, si l'Ordre des pharmaciens vous dit, par exemple... accepte... l'Ordre des pharmaciens resserre ses règles du code de déontologie et qu'il demande à ses membres de ne pas justement accorder de tels avantages, c'est que la viabilité de vos cabinets va quand même être en danger même si le projet de loi n'est pas adopté, ou il n'y aurait pas de projet de loi, parce que le code va se conformer, ils sont d'accord pour se conformer. L'Ordre des pharmaciens va se conformer, ils sont d'accord pour ce projet de loi là. Alors, indirectement, vous allez en subir, je ne veux pas dire les préjudices, mais vous allez en subir les conséquences.

Le Président (M. Descoteaux): Dr Barrette.

M. Barrette (Gaétan): Alors, je vais reprendre trois éléments. Premier élément, je ne sais pas où vous avez vu ça, que... Moi, je n'ai pas eu... on ne m'a pas rapporté que, dans le rapport de l'Office des professions, il y avait une pratique courante de ristournes et de références, c'est ça que vous avez dit, là. Ça, l'office n'a pas dit ça. Au contraire, l'office, ils ont dit clairement, là: «qu'elle n'avait pas pu, lors de son analyse, obtenir des données mettant en évidence des situations précises d'actes dérogatoires commis par les médecins, tels que la prescription intempestive». Ça, l'Office des professions n'a pas trouvé ça. Alors ça, je ne sais pas à quoi vous faites référence, là.

M. Côté: Pratique courante de loyers gratuits.

M. Barrette (Gaétan): Ah, ça, les loyers, c'est une autre affaire. Bon. Premièrement, il n'y a pas une pratique nécessairement courante de loyers gratuits, ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'il n'y a pas que des pharmaciens qui louent des loyers à des médecins, c'est un segment du marché qui n'est pas l'absolu. Et troisièmement, votre projet de loi, le projet de loi fait en sorte que, dans 18 mois, le bail, les baux qui sont actuellement en cours devront être amenés au taux courant du marché pour le milieu concerné.

Alors, des taux réduits, il n'y en a pas juste dans les pharmacies, il y en a dans plein de cliniques. Alors, quand vous me dites... Encore une fois, je répète ce que j'ai dit tantôt: Ce n'est pas une question de pharmaciens, médecins, c'est une question économique. Alors, ce que ça va faire, c'est que, moi, si j'ai un bureau dans un immeuble qu'on appelle maintenant multifonctionnel ? on voit ça souvent, maintenant, des cliniques multifonctionnelles ? bien, ces cliniques-là, qui ne sont pas nécessairement la propriété de pharmaciens, qui veulent avoir des médecins dans leurs cliniques, parce qu'il y a d'autres spécialités, d'autres domaines professionnels, bien, s'il y a un avantage dans le loyer, bien, il doit être ramené à la hauteur du marché.

Alors, ça ne sera pas vrai seulement chez les pharmaciens, ça va être vrai partout. Alors, moi, je peux vous dire que tout le monde va subir cet impact-là partout et que certainement certaines cliniques vont fermer.

M. Côté: On parle de juste et raisonnable, on ne parle pas de taux de marché, là.

M. Barrette (Gaétan): Juste et raisonnable, non, non, vous faites référence à... C'est quoi, «juste et raisonnable», là? On fait référence, dans le texte, au marché dans le secteur. C'est quoi, «juste et raisonnable»? Vous écrivez ça comment? Pourquoi un immeuble multiprofessionnel où il n'y a pas de pharmacie n'aurait pas le droit, pour avoir des médecins, parce qu'il juge que c'est une bonne affaire pour eux autres, d'offrir un loyer à rabais? Où est le péché?

Le Président (M. Descoteaux): M. le député.

M. Côté: Écoutez, le caractère juste et raisonnable d'un loyer, c'est dans votre projet de code de déontologie, là, mais qui n'a pas encore été publié. L'article 73.1, dont le ministre a souligné tout à l'heure: «Le caractère juste et raisonnable d'un loyer s'apprécie notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales, au moment où il est fixé.» Moi, je n'ai rien contre ça, que vous négociez le meilleur prix possible avec un locateur, c'est normal, puis, si j'étais un homme d'affaires, je ferais la même chose, puis c'est normal qu'il y ait des conditions. Ce que le projet de loi dit, c'est que ce sont les loyers, les ristournes et les rabais, et c'est de se mettre dans des situations de conflit d'intérêts de telle façon que le public puisse avoir des doutes concernant un conflit soit apparent ou soit un conflit réel. C'est ça qui est tout le problème de ce projet de loi là. Et, quand on essaie de trouver des balises pour essayer d'encadrer ça, bien, c'est pour ça que vous êtes ici, puis c'est pour ça qu'on vous pose des questions.

M. Barrette (Gaétan): Ça me fait plaisir d'y répondre. Alors, pourquoi nous et pas tous les autres professionnels? Pourquoi sommes-nous plus sujets à... je sais que vous n'aimez pas le terme, je m'excuse, là, mais pourquoi il y aurait plus de malversations chez nous, là? On n'est pas Norbourg, là, nous autres. Mais non, mais c'est ça aussi. Pourtant, nous, on va avoir des règles qui dépassent les autres formations en termes de contrôle.

M. Côté: Le projet de loi d'abord s'applique aux 45 ordres professionnels, ça, c'est...

M. Barrette (Gaétan): Pas ces modifications-là.

M. Côté: Mais, si le projet de loi ne dit pas ce que vous voulez qu'il dise, quelles sont vos propositions?

M. Barrette (Gaétan): Écoutez, au moment où on se parle, le code de déontologie de l'ordre le fait, ça. C'est déjà là, ça. Vous nous mettez une coche au-dessus. Pas vous, là, mais la conséquence serait de nous mettre avec une règle supplémentaire. C'est plus politiquement correct.

M. Côté: J'ai hâte d'être au pouvoir, mais je ne le suis pas encore.

M. Barrette (Gaétan): Alors, nous, on est...

M. Marcoux: ...

n(14 h 50)n

M. Barrette (Gaétan): Oui. On serait, avec ça, assujettis à des règles plus contraignantes que tous les autres. Pourquoi? Si on fait une règle plus contraignante, c'est bien parce qu'on pense que cette gang-là en quelque part est plus sujette à. Mais on n'a pas ça. Cette démonstration-là n'a pas été faite par l'ordre... par l'Office des professions ? pardon, je m'excuse ? ni par le collège, d'ailleurs. Le collège l'a clairement dit.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député.

M. Côté: Oui.

M. Barrette (Gaétan): Et je vous redonne mon exemple, là. Moi, vous me tirez dans les jambes, personnellement. Moi, ça ne me dérange pas, peut-être même que ça pourrait faire plaisir à certaines personnes. Mais des comme moi, il y en a plein, là, il y en a plein, plein, plein. Dans ma situation ? je vous donne mon exemple encore une fois ? j'ai un bail de 10 ans. D'ici 18 mois, mon bail doit venir au niveau du marché.

Par contre, mon autre cabinet, là, qui a des conditions qui ne reflètent pas du tout la région socioéconomique, est-ce que vous allez faire une loi qui va le faire baisser à ça? Non. Vous allez faire monter celui qui est avantageux, mais vous n'allez pas faire baisser celui qui est trop cher, par exemple. Vous avez une règle. C'est une règle, là... D'abord, elle est absolue. Puis encore une fois on ne fait que parler de loyers, mais il n'y a pas que les loyers. Lisez bien votre texte. Je ne suis pas avocat, mais je sais une chose, dans la vie, c'est que les mots ont un sens, et les mots prennent leur sens lorsqu'on va devant un juge.

Alors, les mots, là, qui sont écrits là, ce qu'ils disent, c'est: Zéro avantage. Quelque avantage que ce soit, je n'y ai pas droit. Écoutez, à un moment donné, là, je vous le dis, c'est comme à l'hôpital. Les cabinets, comme à l'hôpital, si on n'a pas ces avantages-là, il y a des choses qu'on ne peut plus faire. On va vivre pareil. On va aller à l'hôpital, on va fermer les cabinets, ou, dans les cabinets, on n'aura pas les services qu'on pourrait donner, puis on va se battre pour avoir des frais accessoires pour pouvoir donner les services appropriés pour la spécialité dans laquelle on est, parce que vous venez...

C'est le principe du pavé dans la mare. Au moment où on se parle, y a-t-il des règles qui permettent de s'adresser à la problématique qui est sur la place publique? La réponse, c'est oui. C'est la déontologie actuelle. Est-ce que votre règle va perturber le milieu qui est le milieu des cabinets conventionnés, parce qu'ils sont conventionnés? La réponse, c'est oui. Alors, quel est le meilleur des deux mondes? Faire en sorte que les règles d'application de la déontologie soient peut-être resserrées? Mais on parle de règles. Ou est-ce qu'on doit ajouter des éléments supplémentaires qui sont tellement absolus et universels qu'ils vont perturber l'ensemble?

Quel est le meilleur: le bien de l'ensemble, l'ensemble étant les services à la population, ou les cas particuliers? Puis je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de cas particuliers. Il y en a. Des moutons noirs et des brebis galeuses, il y en a dans tous les troupeaux. Et c'est la nature humaine. Est-ce qu'on doit avoir cette règle-là, qui paralyse tout, pour régler des problèmes qui sont ponctuels, auxquels on peut s'adresser parce qu'on peut les voir aujourd'hui? Et en plus vous conviendrez avec moi que les ordres ont fait leur travail, là, dans ces dossiers-là. Mais j'ai beaucoup de difficultés à concevoir que vous ne voyez pas, dans le texte qui est proposé, l'absolutisme de la chose. Ça, j'ai de la misère à voir que vous ne voyez pas ça.

M. Côté: On voit beaucoup de choses. Mais, écoutez, on essaie de réglementer, là, de régir les relations entre pharmaciens et médecins, les relations commerciales. Et vous parlez de tous les avantages matériels. Est-ce qu'on ne devrait pas modifier le Code des professions pour étendre ça à toutes les professions, à ce moment-là?

M. Barrette (Gaétan): Pourquoi vous le faites juste avec nous? Pourquoi vous le faites juste avec nous? Pensez-vous, là, vraiment, là, que les caisses populaires, par exemple, là, ou les institutions financières ? ne me citez pas; les institutions financières ? n'ont pas un intérêt à attirer des professionnels affiliés à cette activité-là que sont d'autres professions? Ça existe, ça, là. C'est le marché. Le marché existe. Il fait son travail, le marché, et on y fait face.

Si, aujourd'hui, là, j'avais l'assurance, moi, là, que j'allais être payé correctement, ce qui n'est pas le cas, peut-être que je ne serais même pas ici. Mais ce n'est pas le cas. Non, mais je serais ici quand même parce que votre règle, elle est absolue. Vous nous liez les mains et donc vous perturbez notre fonctionnement sur le plan économique. Et ça, vous ne pouvez pas passer à côté de ça. Ce n'est pas une question de pharmacien-médecin, c'est une question économique. Et, dans l'exemple que je vous ai donné, qui est le mien, il est flagrant: je n'ai pas de conflit d'intérêts; je ne prescris rien. Pourtant, je ne serais pas là si je n'avais pas joué les forces du marché comme on doit les jouer normalement. Je les ai jouées normalement, puis il y en a plein, de médecins qui font ça. C'est normal.

Les cas qui sont sortis sur la place publique, c'est des individus qui sont à la tête d'entités. Il y a eu un gagnant, il y a eu un perdant. À la fin, dans les cas qui ont fait la manchette, c'est les patients qui ont gagné. Ils sont allés voir des médecins dans des meilleures conditions physiques, les locaux étaient meilleurs, les services étaient intégrés. Il y en a plein, d'arguments. Les patients ont gagné. Il y a eu un gagnant sur le plan économique puis il y a eu un perdant, et on en a fait un plat. Ce n'est pas normal que la bataille de deux entités, deux personnes morales qui sont deux propriétaires... pas dégénère ? j'allais dire «dégénère», c'est quasiment ça ? génère une loi comme celle-là qui va venir paralyser l'ensemble du système. Ça, pour moi, ce n'est pas normal.

M. Côté: Vous dites qu'on pourrait resserrer les règles. Qu'est-ce que vous proposeriez pour justement resserrer ces règles?

M. Barrette (Gaétan): L'exemple que je vous disais tantôt, là. Au moment où on se parle, là, ce qui est sur la table et ce dont vous n'avez que parlé, c'est la relation médecin-pharmacien, prescription intempestive. C'est ça qui est en cause ici. L'État va avoir tous les moyens, d'ici trois ans, pour contrôler tout ça. Donc, pourquoi faire une règle qui perturbe l'ensemble, alors que vous allez avoir tous les moyens pour faire ce contrôle-là? Parce que, le contrôle, il se fait justement par la prescription, le volume de prescriptions. Et ça va être facile, hein? Vous prenez des pharmacies, là, puis normalement, là, tant de docteurs dans tant de champs de pratique, ça a tel volume de prescriptions; là, il y a un indicateur: Ah! Regarde donc ça, ce bureau-là en prescrit 30 % de plus que la moyenne. Il y a un os, et là c'est évident qu'il y a un os. Vous allez pouvoir le voir.

Mais là vous allez faire une règle, là, pour empêcher ça, puis là vous avez un ordre qui va pouvoir voir ça, un ordre qui a un pouvoir d'enquête. Que ce soit du côté médical que pharmaceutique, vous allez avoir tout le contrôle possible puis vous n'avez pas besoin de nous enlever les avantages de marché que l'on a, mais vous allez nous les enlever pour faire quelque chose que vous allez pouvoir faire de toute façon dans un court délai.

Et vous pouvez même le dire sur la place publique. C'est un fait, ça, vous êtes en train de le déployer, ce mécanisme-là. Vous avez un demi-milliard de dollars actuellement en investissement pour la numérisation du dossier-patient dans la province de Québec. Et vous avez un volet pharmacie. Ça, c'est...

Le Président (M. Descoteaux): M. le député...

M. Barrette (Gaétan): ...Inforoute Santé Canada. Vous avez le silo pharmacie qui est fait pour ça. Vous avez donc... L'État a donc tous les moyens de s'assurer que le conflit d'intérêts, un, ne soit pas là, deux, soit contrôlé s'il y a des cas problématiques.

Alors, pourquoi faire une réglementation qui va perturber l'ensemble quand vous pouvez arriver à destination avec les règles actuelles?

Le Président (M. Descoteaux): M. le député.

M. Côté: Il me reste quelques minutes, Dr Barrette. Je voudrais vous parler... Vous référez, dans votre ? je vais changer un petit peu de sujet, là ? mémoire, au code d'éthique de l'Association médicale canadienne et de ses lignes directrices. Est-ce que ce serait possible, pour le bénéfice des membres de cette commission, peut-être de nous faire parvenir une copie des règles, justement de ces règles directrices, là? Ça peut être ultérieurement, là.

Le Président (M. Descoteaux): Me Bellavance...

M. Côté: Et l'autre... Première question. C'est parce que je vais poser mes questions en rafale, là, puis vous pourrez répondre.

L'autre chose aussi que je voulais savoir, c'est: Qu'est-ce que vous pensez des amendes qui sont prévues au projet de loi? Et qu'est-ce que vous pensez du délai, de la période transitoire de 18 mois, là, à la fin, pour permettre certains ajustements?

M. Barrette (Gaétan): ...que Me Bellavance fait le point sur cet élément-là. Il ne faudrait pas qu'il y ait de période de 18 mois parce qu'on ne devrait pas avoir cette règle-là. Que ce soit 18 mois ou six mois, monsieur, c'est un problème parce que la perturbation va être significative. Alors, 18 mois, pour moi, si la règle est pour exister, là, si la loi est pour être mise en application, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop court. C'est beaucoup trop court. Vous devriez nous donner une beaucoup plus grande marge. Mais je pense qu'on ne devrait pas avoir ça. Et quelle était votre autre question?

M. Côté: L'autre question, c'étaient les amendes, sur les amendes.

M. Barrette (Gaétan): Écoutez, les amendes, encore là, nous, on le prend... C'est un autre élément. Vous voyez, les amendes sont augmentées chez nous, puis ce n'est que chez nous, dans les professions où on met ces règles-là. Bien, c'est tout le monde, mais c'est nous qui avons ces règles-là, là.

Moi, les amendes, regardez, moi, là, lorsqu'il y a malversation, lorsqu'il y a des problèmes, je n'ai pas de problème à ce qu'il y ait des règles contraignantes. Alors, les amendes, je n'ai pas de problème avec ça. J'ai des problèmes avec l'essence de la chose, comme j'ai dit depuis une heure, là, mais le fait qu'on ait à, entre guillemets, punir la déviance, je n'ai pas de problème avec ça.

n(15 heures)n

Une voix: Je vous remercie.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Me Bellavance, sur la question des règles, vous pouvez les déposer éventuellement?

M. Bellavance (Sylvain): Oui. Bien, en fait, je peux mentionner deux éléments: premièrement, comme vous le voyez à la page 9, on l'a mis un peu en italique, le code d'éthique de l'association canadienne a également la notion que le médecin doit résister à toute influence ou pression susceptible d'affecter son intégrité professionnelle. Donc, c'est exactement la même notion qu'il y a présentement dans le Code de déontologie des médecins où on ne doit pas accepter d'avantage matériel qui mettrait en péril l'indépendance professionnelle. Donc, c'est la même chose.

Les autres provinces ont adopté certaines fois des lignes directrices; certains n'en ont pas adopté d'autres que celles-là. Ça s'applique au cas-par-cas, à ce moment-là, l'ordre. Celles qui en ont adopté ont adopté, entre autres, des choses pour les loyers et ont regardé aussi de façon attentive la notion de référence. Le seul fait d'avoir un loyer qui n'est pas normal n'est pas tout. La question qu'il y ait référence de patient aussi dans le cadre de ces contrats-là est un des éléments qui fait partie des lignes directrices.

Donc, en gros, la situation actuelle, au Québec, par rapport aux autres provinces, elle est semblable. Ce qu'on cherche à mettre dans le code de déontologie avec une interdiction plus absolue va amener quelque chose de beaucoup plus restrictif que ce qui existe dans les autres provinces. Le collège a déjà toute latitude pour faire des lignes directrices.

M. Barrette (Gaétan): Un commentaire supplémentaire, là, si vous me le permettez, M. le Président? Dans les autres provinces, le primum movens de l'affaire, c'est la référence. En médecine, avec les autres professionnels, là où il y a un problème, c'est quand il y a de la référence. Ce n'est pas le loyer. Dans les autres provinces, c'est là-dessus qu'on insiste: même s'il y a le loyer à côté, le loyer amène la référence. Alors, c'est la référence qui est le problème. C'est pour ça qu'on vous dit: Réglementez sur la référence, vous avez raison, et on est d'accord avec ça.

Moi, je l'ai dit à plusieurs reprises, la référence peut être un problème, et c'est réel, ça existe. Réglementer là-dessus, pas de problème avec ça. Tripler, quintupler, décupler les amendes, il n'y a pas de problème. La référence est un problème réel. Le reste, c'est une perturbation non nécessaire.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Tout simplement pour clore sur ça, les lignes directrices qu'on vous a demandées, est-ce qu'il y a moyen de les déposer à la commission? Oui? Ça va?

M. Bellavance (Sylvain): Oui. Il y en a plusieurs à toutes sortes d'égards, peut-être qu'on peut se parler un petit peu.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, Dr Barrette et Me Bellavance.

Une voix: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Descoteaux): Nous suspendons nos travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Descoteaux): Nous poursuivons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec. M. Martin De Rico. Et les personnes qui vous accompagnent, vous voudrez bien les présenter, et vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivies de deux périodes de questions.

Ordre des évaluateurs
agréés du Québec (OEAQ)

Mme Viau (Céline): Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent.

Le Président (M. Descoteaux): Oui, parfait.

Mme Viau (Céline): Alors, je suis Céline Viau. J'ai le privilège d'être secrétaire générale de l'Ordre des évaluateurs agréés. Je n'ai pas celui d'être un évaluateur agréé, alors c'est pourquoi je me suis entourée d'expertise.

M. Martin De Rico est vice-président responsable de l'éthique professionnelle. Il pratique en pratique privée, dans la région de Québec et de Montréal. Et M. Pierre Doré est ex-vice-président responsable de l'éthique professionnelle et il pratique en région, au Saguenay. Alors, vous allez avoir un point de vue à la fois des régions et des plus grands centres.

n(15 h 10)n

Alors, je vous remercie de nous accueillir, aujourd'hui, et de nous permettre de développer notre point de vue. On est interpellés par ce projet de loi là à la fois au plan de l'éthique mais d'abord sur le fait que l'établissement des valeurs et le calcul des valeurs, c'est le travail des évaluateurs agréés. Or, les évaluateurs agréés ? plus de 1 000 membres au Québec ? pratiquent à la fois en évaluation municipale ou en expertise privée. Ils établissent des valeurs à la fois pour des institutions financières, des corps publics, des corps expropriants, des institutions de toutes sortes. Ils sont aussi membres du Tribunal administratif du Québec, c'est inscrit dans la Loi sur la justice administrative. Et, pour signer des rôles d'évaluation, on doit être évaluateur agréé, donc ils agissent aussi comme témoins experts.

Ce qu'il faut en déduire, c'est qu'il y a plusieurs décisions d'importance économique au Québec qui sont basées sur les valeurs et sur l'expertise des évaluateurs agréés. Ces décisions-là doivent aussi s'appuyer sur des critères de grande rationalité, parce qu'on parle du patrimoine québécois immobilier, entre autres.

Il y a environ 15 % des membres de l'Ordre des évaluateurs agréés qui pratiquent en gestion immobilière. Alors, ils le font pour des locateurs, ils le font pour des locataires. Alors, dans ce contexte, ils analysent des baux et aussi ils établissent des valeurs. Donc, ce qu'on veut vous dire, c'est que, l'appréciation du marché immobilier, tant la valeur locative que la valeur marchande au niveau des transactions, ça relève de l'expertise des évaluateurs agréés.

Dans le contexte qui nous occupe, ce que ça veut dire, c'est, si on veut établir la valeur raisonnable ou la valeur des cadeaux ? appelons ça comme ça ? offerts aux médecins par les pharmaciens, ce qu'on est venus vous dire, c'est qu'il y a une façon rigoureuse, scientifique, professionnelle de le faire, si tant est qu'on veut le faire.

On vous a présenté un mémoire qui se base sur des principes de fond qui sont chers aux ordres professionnels: d'une part la mission de protection du public. C'est évident que, nous, on n'a aucun intérêt dans ce débat-là, ça nous ne mettra pas plus riches, plus pauvres. On n'a pas d'intérêt. Notre lecture du projet de loi est faite selon la protection du public et selon aussi les impacts sur le système professionnel.

Une des grandes caractéristiques du système professionnel et qui est précieuse, c'est l'autogestion des ordres. Alors, c'est pourquoi notre position n'est pas d'intervenir dans les codes de déontologie ou dans la volonté des ordres de resserrer ou autrement d'encadrer leurs membres. Mais un autre des principes du système professionnel, c'est de reconnaître le caractère spécifique des connaissances propres à chaque ordre professionnel, à chaque professionnel. Et, ce que le législateur a reconnu, c'est que, pour consacrer un ordre professionnel, on reconnaît qu'il faut avoir des connaissances qui sont particulières, que les autres n'ont pas et ne sont pas capables d'apprécier. Or, dans ce contexte-là, ce qu'on vient vous dire, c'est: Si on veut, nous, demain matin, empêcher d'exercer un évaluateur agréé pour des motifs de santé mentale, on va aller chercher un expert en la matière, qui est un psychiatre; si on veut évaluer la valeur des baux locatifs, on pense que les ordres professionnels concernés ont tout intérêt à utiliser les services du professionnel qui connaît ça.

Mais, avant d'aller plus loin dans nos recommandations, je vais demander à M. De Rico de vous présenter un peu ce que sont les pratiques du marché, parce que, ce que vous allez constater, c'est que ce sont des pratiques courantes et pas seulement pour des pharmaciens ou pour des médecins.

Le Président (M. Descoteaux): M. De Rico.

M. De Rico (Martin): Oui. Mais, moi, je vais parler du marché immobilier commercial où, comme Mme Viau vient de le mentionner, c'est une pratique courante d'offrir des loyers gratuits, et, des loyers gratuits, c'est en quelque sorte des incitatifs, là, à la location qui permettent au propriétaire, souvent, là, d'attirer des locataires.

Ce qu'on trouve étonnant, nous autres, dans la lecture, là, des documents qui nous ont été fournis, c'est à quel point les solutions proposées mettaient beaucoup l'accent sur le bail. On parlait beaucoup des baux, mais il y a bien d'autres façons d'offrir des cadeaux ou des incitatifs, dans une transaction immobilière, pour la majorité, là, qui ne sont pas inscrits dans un bail typique.

Je peux vous donner quelques exemples, là. Il y a des baisses de loyer, il y a des gratuités qu'on ne voit pas, comme des allocations pour le déménagement, des paiements de montants excédentaires sur les améliorations locatives qui ont été déboursés pour l'aménagement des locaux. Une période d'occupation gratuite: souvent, ce n'est pas inscrit au bail, lorsqu'un bail commence le 1er juillet puis les locataires ont le droit, là, de s'installer à partir du 1er mai. La reprise de baux existants: la reprise d'un bail existant, lorsqu'on va chercher un locataire, on ne verra pas ça dans un bail non plus, c'est une charge qui va être assumée par le nouveau bailleur. Des prêts aussi: le financement de travaux d'aménagement à des taux dérisoires. Paiement d'ameublement: on peut payer l'ameublement d'un locataire au complet, des fois ça représente des sommes qui sont quand même assez considérables. Ça, c'est des exemples, là, en pratique courante, là, qu'on voit lorsqu'on parle de location commerciale.

Nous, ce qu'on vient dire en fait, c'est que seulement l'estimation de la valeur locative va nous permettre de voir si en fait il y a un contrat raisonnable qui vient d'être signé. Quand je parle de valeur locative, c'est la comparaison d'un espace commercial par rapport à son marché dans une même unité de voisinage, pour les fins d'une même utilisation.

Ce qu'on regarde, dans le cas qui nous concerne ici, évidemment, il y a une vingtaine d'années, c'étaient beaucoup les médecins qui aimaient intégrer des pharmacies dans leur clinique, puis aujourd'hui on voit que c'est le contraire. Souvent, des promoteurs, que ce soient des propriétaires pharmaciens ou des promoteurs immobiliers indépendants, on attire souvent la pharmacie par la présence en fait de la clinique médicale. Depuis cinq ans, dans la province de Québec, je vous dirais qu'on a franchi même une autre étape: ce n'est pas n'importe quelle clinique médicale. Maintenant, lorsqu'on est capables d'avoir comme synergie, dans un bâtiment, de la radiologie, bien on vient encore de rehausser le caractère qualitatif du projet immobilier, par exemple.

Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que tous ces avantages-là souvent ne sont pas visibles parce qu'il est très fréquent que, dans un édifice par exemple, la grande part du loyer va être payée par la pharmacie et non par la clinique médicale. Alors, souvent, quand on fait l'étude et l'analyse de transactions ou de dossiers ou de baux indices, ce qui nous apporte des valeurs locatives, bien, on trouve souvent que le loyer qui est payé par la pharmacie est de beaucoup supérieur aux coûts de construction et, en évaluation, évidemment, dans la majorité des cas, bien un immeuble n'a pas tendance à valoir beaucoup plus cher que ce qu'il coûte. Et souvent, c'est la pharmacie qui va payer un loyer supérieur au marché tandis que la clinique médicale, on va être capables de s'apercevoir que le bail n'est pas au marché, selon l'analyse qu'on peut en faire une fois qu'on a fait l'étude des baux comparables dans le secteur.

Tout ça se traduit aussi maintenant par évidemment la guerre commerciale qui se passe dans le domaine de la pharmacie où maintenant les pharmacies se transigent à tant de dollars par prescription. Le marché des transactions commerciales... Je vais sortir un petit peu de la valeur immobilière parce qu'il ne faut pas quand même la confondre avec la valeur commerciale, mais les pharmacies se transigent comme ça en ce moment. Alors, les dernières pharmacies vendues se sont peut-être vendues à 26 $ ou 27 $ de la prescription. Alors, la seule obtention des baux finalement, ça ne suffit pas tout le temps pour être capables de voir s'il y a eu un déséquilibre au niveau du loyer payé mais bien une enquête exhaustive. Lorsqu'on enquête des transactions comparables évidemment, c'est le rôle de l'évaluateur agréé de parler aux locataires, de parler aux acheteurs, de parler aux vendeurs et d'être capable de découvrir s'il y a quelques anomalies quelconques qui peuvent s'y retrouver.

En d'autres mots, si on ne dispose pas de toute l'information ? c'est sûr que c'est difficile de se prononcer dans ces cas-là ? seules les enquêtes nous permettent de découvrir finalement pourquoi le marché nous dit que la valeur locative d'un espace serait à 14 $ puis une clinique médicale en paie 8 $, par exemple. Puis pourquoi que le pharmacien devrait peut-être payer 14 $ puis souvent il en paie 20 $. Alors ça, c'est des cas qu'on retrouve dans le marché actuel, puis c'est au professionnel de l'immobilier, à ce moment-là, de bien cerner et de bien effectuer ces rajustements-là dans son travail.

Alors, lorsqu'on fait une bonne enquête de loyer paritaire, on est toujours capables de voir, là, s'il y a distorsion. L'évaluateur va toujours être capable de voir s'il y a distorsion au niveau de la valeur payée versus le loyer économique. Je vais céder la parole à M. Doré.

Le Président (M. Descoteaux): M. Doré.

M. Doré (Pierre): Oui. En fait, il y a des éléments qui ont été donnés comme... il y a des notions qui touchent beaucoup en évaluation, comme la question du loyer juste et raisonnable. Parce que là la notion de loyer juste et raisonnable, c'est une notion abstraite qui va devenir concrète dans son marché.

n(15 h 20)n

Le marché, il va être composé de deux choses. Dans le marché immobilier, il y a ce qui se passe à l'heure... aujourd'hui: s'il y a des gratuités puis, si les pharmacies accordent des gratuités pour amener des médecins, ça va devenir le loyer marchand. Est-ce que, s'il y avait des mandats à donner puis vous disiez: Bien, écoute, il faut établir qu'est-ce que c'est, le loyer juste et raisonnable dans ce secteur-là, il va y avoir deux types de loyers? Le loyer marchand, ça veut dire que c'est la valeur locative ou celle où on retrouve des pharmacies qui accordent des gratuités à des cliniques de médecins ou plutôt on va regarder un loyer marchand, c'est-à-dire: combien devrait se louer le local, peu importe le locataire qui serait dedans? Puis là on vient contrebalancer la notion de «mix» commercial avantageux, puis je pense que pharmacie et médecin c'est un «mix» commercial.

Les pharmacies ont développé une façon d'intégrer plusieurs disciplines qui touchent la santé à l'intérieur de leurs édifices, qui à mon avis est un avantage commercial, et ça n'a pas de lien avec la pratique de chacune des cliniques parce que, là, eux autres, elles ont un lien professionnel avec leurs patients, leurs clients.

Parce que comment on peut... On ne s'est jamais interrogés, dans le passé, quand il y avait des cliniques médicales où on retrouvait des pharmacies, des laboratoires privés comme Biron, où on trouvait des cliniques de radiologie. Pourquoi qu'à ce moment-là ça ne faisait pas l'objet d'une réglementation spécifique, alors qu'aujourd'hui, parce que le promoteur est une pharmacie, ça va devenir différent au niveau de l'analyse de l'intégrité des professionnels? Puis, demain matin, si, le promoteur, ce n'est plus un pharmacien, c'est un investisseur immobilier qui, lui, décide de faire un «mix» commercial et puis là il sait que, pour la pharmacie, c'est un intérêt d'avoir une clinique, il va établir le loyer de la pharmacie plus élevé, puis il va évaluer le loyer de la clinique médicale moins élevé, puis personne ne va avoir subi de contrainte, puis tout le monde va agir professionnellement dans leurs activités professionnelles, mais le promoteur a fixé ou a établi un «mix» commercial avec des prix qui sont différents dépendamment de ce que chacun amène à l'autre professionnellement ou commercialement. Puis c'est pour ça qu'il faut distinguer l'activité professionnelle de l'activité commerciale, puis je pense que ce sur quoi tout s'est fondé, c'est fondé sur l'activité commerciale ou les pertes commerciales que subissent... C'est un changement dans le fond. C'est un conflit qui est né d'un changement par rapport à l'activité commerciale qui est générée dans ce type d'activité là, puis c'est un très beau «mix» commercial, mais, si les pharmacies à la limite ne peuvent plus le faire, c'est des promoteurs extérieurs qui vont les faire, ces deals-là, ce n'est pas les pharmaciens.

Alors, moi, je pense qu'on peut faire ces analyses-là, mais, quand on va arriver pour faire les analyses, là, on va être quoi, devant le marché? C'est quoi, un loyer juste et raisonnable? Un loyer juste et raisonnable, c'est un loyer marchand, économique. Quand on va faire l'analyse, on va regarder où se situe le médecin. S'il se situe dans une boîte où on retrouve plusieurs activités commerciales, il est probablement possible qu'on arrive à la conclusion que le loyer du médecin va être moins cher que les autres locataires. Puis, si on retrouve un médecin qui a décidé de pratiquer ou une clinique médicale qui a décidé de pratiquer, lui, seul dans un autre édifice, on va peut-être retrouver un autre type de loyer. Mais, au bout de la ligne, là, l'immeuble, là, la pharmacie va payer un loyer plus cher, puis la clinique médicale va payer un loyer moins cher, mais ça n'empêchera pas ça. Est-ce qu'un «mix» commercial, par un investisseur qui n'est ni un pharmacien ni un médecin... c'est plus supportable de voir faire ce deal-là par un investisseur étranger où les gens qui investissent ensemble se disent: Bon, bien, moi, je vais avec toi, mais c'est moi qui vais te payer ton loyer parce que j'ai un intérêt que tu sois là, pas parce que tu es un professionnel puis que tu vas me donner des prescriptions, mais parce qu'il y a un intérêt à ce que tu sois là: on est dans le domaine de la santé puis tes clients sont aussi mes clients. Mais je ne pense pas que le médecin dise: Il faut que t'achètes tel produit, tel produit, tel produit, hormis la question de la prescription, là. Je pense que ça se limite à ça, puis que, nous, notre intervention fait en sorte qu'on est très intéressés à faire l'analyse de la juste valeur, mais encore il faudra que vous donniez ou que... que, s'il y a un pouvoir qui est donné à un évaluateur agréé pour faire une enquête, de lui dire dans quels paramètres il va falloir qu'il fasse cette enquête-là.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va?

Mme Viau (Céline): En fait, l'essentiel de notre propos aussi, c'est de dire que... je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il y a apparence de conflit d'intérêts, que ça peut avoir l'air fou. Il n'y a pas nécessairement conflit d'intérêts par ailleurs, et le préjudice au public ? parce que, nous autres, la lorgnette qu'on a comme ordre professionnel c'est toujours celle-là; le préjudice au public ? est loin d'être évident à démontrer. Alors, on a l'impression que c'est un peu un éléphant qui a accouché d'une souris, là, ou l'inverse, une souris qui a mis au monde un éléphant. C'est comme si ça avait pris des proportions qui ne nous apparaissent pas évidentes à la lueur de ce qu'il y a comme réalité, parce que ça se fait ailleurs.

Par ailleurs, il y a de plus en plus, et c'est souhaitable, de professionnels qui travaillent en multidisciplinarité. Alors, qu'est-ce que ça aurait comme impact si, par exemple, un notaire, un évaluateur agréé, un comptable faisait le même genre de transactions financières? Est-ce que ça ferait que l'indépendance de l'un ou de l'autre serait affectée? C'est loin d'être évident.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Donc, pour la période d'échange, M. le ministre, si vous voulez...

M. Marcoux: Oui. Merci, Mme Viau, M. De Rico, M. Doré, pour votre présentation et vos commentaires. On vous remercie d'ailleurs d'être présents à la commission, aujourd'hui, pour exprimer votre point de vue.

J'aurais peut-être une première question à... parce que vous indiquez, dans votre résumé, au quatrième paragraphe, et vous y référez également à la page 11 de votre mémoire, là... Vous dites: «Concernant l'appréciation du conflit d'intérêts, la position privilégiée étonne. En effet, on s'explique mal qu'il soit plus facile de gérer la notion de "remerciements d'usage et de valeur modeste" qui à notre avis porte à interprétation, que l'interdiction absolue qui prévalait jusqu'à aujourd'hui chez les pharmaciens et jusqu'en 2002, chez les médecins. Ainsi, en plus de devoir juger de la "mise en péril de l'indépendance professionnelle", le syndic devra apprécier ? et prouver ? la "valeur modeste" du bénéfice accordé.»

Et, dans le fond, vous le reprenez à la page 11 de votre mémoire, là. Vous dites: «...en plus de devoir juger de la "mise en péril de l'indépendance professionnelle", le syndic devra apprécier ? et prouver ? la "valeur modeste" du bénéfice accordé.»

C'est peut-être parce qu'on comprend mal, mais ce qui est prévu justement, et, si on réfère au projet de règlement qui a été adopté par le Collège des médecins, qui a été publié dans la Gazette officielle du 29 novembre 2006, à l'article 73 on prévoit justement qu'il est interdit pour un médecin «d'accepter, à titre de médecin ou en utilisant son titre de médecin, toute commission, toute ristourne [...] tout avantage matériel, à l'exception des remerciements d'usage et de cadeaux de valeur modeste». Ça, on revient à peu près au texte qui prévalait avant 2002 au moment où, en 2002, on a inséré, dans le Code de déontologie des médecins, cette notion d'«indépendance professionnelle». Et là, selon la proposition, elle n'existerait plus, cette notion d'«indépendance professionnelle», donc on reviendrait à peu près à ce qui existe, par exemple, je pense, dans le cas de l'Ordre des pharmaciens auquel vous faites référence.

Donc, simplement, c'est d'accepter, à titre de médecin, toute commission, toute ristourne ou tout avantage matériel, à l'exception des remerciements d'usage et des cadeaux de valeur modeste, point. Donc, la notion d'«indépendance professionnelle», là, si ce projet-là allait de l'avant, se trouverait à être éliminée du Code de déontologie des médecins.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Viau.

n(15 h 30)n

Mme Viau (Céline): Corrigez-moi si je me trompe, ce que j'ai lu dans l'avis de l'office, c'est que, jusqu'en novembre, le Code de déontologie des médecins interdisait strictement aux médecins d'accepter toute commission, ristourne ou avantage matériel injustifié. On a ouvert ça par la suite et actuellement le Code de déontologie des pharmaciens contient une interdiction générale absolue pour le pharmacien. Et ce qu'on comprend, c'est que maintenant on remplace ça par «des cadeaux de valeur modeste» ? je ne me souviens plus comment c'est formulé, là ? et à notre avis ça porte plus à interprétation qu'une interdiction formelle. Et notre propos, c'est de dire: Si, dans l'état de la réglementation actuelle, il n'était pas possible ? ou en tout cas j'imagine que ça vient de cette impossibilité-là, ce projet de loi là; il n'était pas possible ? de le prouver, comment ça va être plus possible de le prouver maintenant?

M. Marcoux: Bien, simplement pour... Je ne voudrais pas engager un débat là-dessus, mais, comme vous y faites référence... et je pense que c'est important. D'ailleurs, vous avez vu que le Dr Barrette tout à l'heure y a fait référence, à ce changement-là, justement. Parce que présentement on dit: «Le médecin doit s'abstenir: d'accepter, à titre de médecin ou en utilisant son titre de médecin, toute commission, ristourne ou avantage matériel mettant en péril son indépendance professionnelle.»

Alors là, on enlève «indépendance professionnelle» donc pour dire «doit s'abstenir de recevoir tout cadeau ou ristourne ? là ? à l'exception des remerciements d'usage et des cadeaux de valeur modeste», ce qu'on retrouve dans beaucoup de codes d'éthique et puis même dans les codes d'éthique de la fonction publique, et tout ça. Pardon?

Une voix: ...c'est correct.

M. Marcoux: Non, mais c'est une expression qu'on retrouve dans plusieurs codes et dans certains codes d'autres ordres professionnels. Et, je veux simplement vous dire, je pense que le président, tantôt, de la Fédération des médecins spécialistes disait: Écoutez, là, vous allez trop loin, là, puis c'est trop général, ça; gardez l'«indépendance professionnelle». En tout cas, je veux simplement vous le mentionner, mais elle disparaît, la notion d'indépendance professionnelle, selon le projet de loi mais surtout le projet de règlement que les médecins ont adopté en décembre.

Alors donc, il n'y aurait pas deux critères d'évaluation, là, ce serait simplement, là... C'est quoi, un cadeau de valeur modeste? Je pense que ce n'est peut-être pas nécessairement facile à circonscrire non plus, mais on le retrouve dans beaucoup de codes d'éthique ou de déontologie.

Mme Viau (Céline): Vous pensez que ça va être circonscrit de quelle façon dans le cadre du projet de loi qui est proposé?

M. Marcoux: Bien, c'est-à-dire que le règlement qui vient suppléer, là, qui vient compléter le projet de loi, c'est le règlement de... c'est le Code de déontologie des médecins où on dirait maintenant: C'est prohibé, les commissions, les ristournes ou avantages matériels, sauf d'usage modeste ou des cadeaux de valeur modeste, un peu comme on retrouve dans d'autres codes de déontologie.

Mme Viau (Céline): Mais c'était déjà prohibé pour les pharmaciens d'en donner.

M. Marcoux: On parle des médecins, là.

Mme Viau (Céline): Oui, mais c'est vrai que ça va ensemble.

M. Marcoux: Oui, oui, vous avez raison, le code de déontologie de l'Ordre des pharmaciens était différent, à cet égard-là, de celui du Collège des médecins. Mais là il y aurait un alignement, celui du Collège des médecins, si ça allait de l'avant.

Mme Viau (Céline): En fait, ce qu'on veut vous dire, nous, c'est que la façon de l'apprécier, s'il y a un lien, un problème déontologique lié à des ristournes, cadeaux, peu importe, appelons-le comme on veut, c'est par l'inspection professionnelle au fond, c'est d'aller voir, d'aller constater s'il y a des médecins qui font de la surprescription, surordonnance, je ne sais pas comment ça s'appelle. Mais ce n'est pas en le modifiant nécessairement de cette façon-là, c'est d'aller apprécier les pratiques des médecins.

M. Marcoux: Sauf que l'interprétation, je pense, est un peu différente, et ce que j'ai pu comprendre, et là... C'est que souvent vous pouvez dire: Écoutez, là, telle situation existe, même s'il y a un loyer gratuit, mais ça ne met pas en cause l'indépendance professionnelle du médecin. Ceci disparaissant, ça change un peu le contexte à cet égard-là. Parce que, l'«indépendance professionnelle», là, c'est une question de valeur un petit peu, là, je pense que c'est un peu plus large que simplement «de valeur modeste» ou «d'usage», là, quand on dit «remerciements d'usage ou cadeaux de valeur modeste». Simplement pour dire, à cet égard-là, là, ça disparaîtrait, selon le projet, la notion d'indépendance professionnelle.

L'autre volet sur lequel je voulais poser une question: vous dites, bon, «juste et raisonnable», c'est moins clair que «la valeur marchande». Je ne sais pas si je comprends bien, là. Bon, on dit: «juste et raisonnable», ce qui est prévu dans le projet de règlement du Collège des médecins, en tenant compte des conditions évidemment socioéconomiques, là, du milieu. Mais est-ce que... Vous dites: On devrait remplacer la notion, le cas échéant, de «juste et raisonnable» par «valeur marchande». Est-ce que «juste et raisonnable» n'est pas un peu plus large que «valeur marchande»? Et c'est un élément, la valeur marchande, c'est un élément d'un loyer qui, dans les circonstances, dans telle localité, pourrait être considéré comme «juste et raisonnable».

M. Doré (Pierre): Bien, on définissait «caractère juste et raisonnable» d'un loyer: qui s'apprécie notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales. Quand on parle d'une valeur marchande ou une valeur économique, une valeur locative, on parle d'un marché socioéconomique aussi parce qu'on la fait dans l'étude. L'étude se fait à l'intérieur du marché socioéconomique. Donc, ce qui va ressortir... Vos craintes que, bon, dans une petite municipalité du Saguenay?Lac-Saint-Jean, il est possible que le loyer sorte beaucoup plus bas que dans un autre marché à Québec ou à Montréal ou dans une autre région, puis, en ce sens-là, ça viendrait tout de suite temporiser toute l'étude socioéconomique locale, bien, la valeur économique provient du secteur socioéconomique dans lequel elle est analysée, et puis, à ce moment-là, on vient annuler un peu l'effet, là, de ce qu'on dit par «caractère juste et raisonnable». On veut tenir compte des fonctions ou des conditions socioéconomiques de l'endroit où est situé le médecin, où il pratique. Techniquement, on le fait parce qu'en tenant compte d'un loyer marchand, d'un loyer en valeur économique, on tient compte déjà... c'est cette situation-là qu'on tient compte, là. Ça fait partie d'un paramètre socioéconomique. On est dans l'analyse du secteur.

D'autre part, c'est juste de dire ça, mais il faut aussi dire d'autres choses. C'est parce que, vous savez, si on construit une nouvelle clinique ou un nouvel édifice puis on veut amener un médecin dans une localité à l'extérieur, là, c'est sûr qu'elle va être confrontée à une autre analyse, c'est-à-dire un marché primaire, qu'on appelle dans notre jargon à nous. Et puis peut-être qu'à ce moment-là ce serait plus juste de... Parce que, là, le marché primaire, c'est le coût de construction, puis le socioéconomique n'est pas touché. Alors, c'est pour ça que, prendre un évaluateur, il peut dire: Bon, bien, oui, le coût de construction, ça donne ça; le loyer marchand, ça devrait être ça dans son marché primaire, mais, si on regarde le marché secondaire, il est différent. Il n'y a pas de bâtiments aussi beaux, aussi solides, puis la valeur est 30 % plus basse, donc il faudrait réajuster le loyer en fonction de cette baisse de valeur là.

C'est pour ça que je vous dis que, quand vous parlez ? je ne devrais pas dire ce mot-là d'«accommodement», là, «juste et raisonnable», je m'excuse...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doré (Pierre): ... mais, quand on parle ? de ce mot-là, «juste et raisonnable», c'est un accommodement dans le fond, mais il n'a pas besoin de dire ça. Je pense qu'en disant «loyer marchand», «loyer économique» qui tient compte de la situation où le médecin pratique, je pense qu'on vient cerner comme il faut qu'est-ce qu'on entend par «juste et raisonnable».

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Mais l'expression «juste et raisonnable» n'est pas non plus, si je comprends, là, totalement non appropriée, inappropriée.

M. Doré (Pierre): Mais, vous savez, dans la tête des gens, «juste et raisonnable», ça dépend de l'approche qu'on a. Puis, pour vous, «juste et raisonnable», ça pourrait être ça, puis, pour la personne qui est moins fortunée, «juste et raisonnable», c'est d'autre chose. Mais le loyer marchand puis le loyer économique, ça, c'est vrai pour tout le monde. C'est le même mot. Ça veut dire: on est confrontés au marché; «juste et raisonnable»? ça dépend. Bien, pour moi, «juste et raisonnable», c'est ça. C'est une valeur économique personnelle plus que marchande que du marché. Puis, en ce sens-là, je pense que c'est plus juste de parler de loyer marchand que d'un loyer juste.

M. De Rico (Martin): Juste pour compléter...

Le Président (M. Descoteaux): M. De Rico.

M. De Rico (Martin): Oui ? excusez ? juste pour compléter, c'est que la valeur marchande, elle, est le résultat de plusieurs forces économiques, des forces extrinsèques. Tandis que le prix «juste et raisonnable», je pense que c'est ? ça a été mentionné tout à l'heure; c'est ? plus une notion de valeur personnelle, de perception même, qui peut être différente d'une ville à l'autre ou d'une région à l'autre. Alors, c'est ce qui... La notion «valeur marchande» vient éliminer, là, tout ce qui pourrait être interprété de façon plus humaine, disons.

n(15 h 40)n

M. Marcoux: Est-ce qu'il ne reste pas que... Si, par exemple... Parce que là les loyers devront être par écrit, ce qui n'était pas le cas. C'était selon le projet, les professionnels qui signent. Parce que, le problème, là, ce n'est pas si un médecin loue dans un espace commercial normal où il n'y a pas de situation potentielle de conflit d'intérêts, là. C'est limité aux cas où c'est dans un local d'un pharmacien, ou encore un local d'une personne morale qui est associée à l'exercice de la pharmacie, ou dans un autre cas où il y aurait un conflit d'intérêts potentiel. Alors, ce n'est quand même pas dans tous les cas, là, de locaux de médecins. Je pense que ça, c'est très, très important. Si c'était dans un édifice commercial général, bien, à ce moment-là, il n'y a pas de problème s'il n'y a pas de potentiel de conflit d'intérêts. Une coopérative, exemple, pourrait avoir un loyer qui est très, très bas parce que les gens sont en coopérative, puis il n'y a pas de situation de conflit d'intérêts potentielle où le patient pourrait soupçonner que la valeur des relations commerciales privées pourrait potentiellement interférer avec l'exercice de la profession. Maintenant, est-ce que la valeur marchande d'un loyer pourrait être égale à zéro dans le cas d'une coopérative, par exemple?

Le Président (M. Descoteaux): M. De Rico.

M. De Rico (Martin): Bien, moi, pour répondre à ça, les coopératives, on a vu ça beaucoup dans le domaine résidentiel. Dans le domaine commercial, je peux vous dire que ce n'est pas monnaie courante. Ça doit être même très rare, là. Moi, personnellement, je n'en ai pas vu.

Est-ce qu'une valeur marchande peut être à zéro? Non, parce qu'à ce moment-là, il y a... On utilise trois méthodes pour évaluer la valeur marchande: il y a la méthode du coût, la méthode de comparaison et la méthode du revenu. Évidemment, à loyer zéro, aucun revenu. Tout de même, il y a des frais d'exploitation pour opérer; on arriverait avec une encaisse nette négative. En méthode de comparaison, par exemple, c'est la méthode la plus directe parce que la preuve vient directement du marché, mais, en méthode du coût, un actif, un bien immobilier ne peut pas rien coûter à construire. Ça, à ce moment-là, ça deviendrait impossible.

M. Marcoux: Parce qu'évidemment le bail devra être par écrit, ce n'est pas nécessairement le cas aujourd'hui. Il devra y avoir, comme je vous le mentionnais, une déclaration des deux que tout est conforme sur le plan de la déontologie.

L'évaluation de la valeur juste et raisonnable ou marchande dans le fond serait nécessaire si, à un moment donné, il y a un problème ou il y a une inspection d'un ordre professionnel et puis là il dit: Woups! Attends un peu; tel bail ici, là, qu'on regarde, je pense qu'il y a des problèmes. Et vous dites: C'est à ce moment-là, donc, que vous dites qu'il devrait y avoir... dans le processus, on devrait faire appel à un évaluateur agréé. Est-ce que c'est ça que vous dites?

M. De Rico (Martin): Oui, bien, au niveau de la vérification. Mais je dois vous rappeler que la publication du bail, il faut faire attention avec la publication du bail au Bureau de la publicité des droits. Il y a plusieurs baux qui sont publiés où il n'y a pas d'information; l'information du loyer n'est pas dedans. On a le début du bail et la fin du bail, mais souvent même on n'a pas le loyer qui est payé, là. Je pourrais vous sortir 150 baux qui sont publiés, dans la région de Québec, où il n'y a pas cette information-là maintenant parce qu'elle n'est pas obligatoire. Bon.

Maintenant, lorsque vous amenez la notion de vérification du loyer, effectivement il y a des baux, en ce moment, commerciaux qui comportent des clauses lors du renouvellement, parce que souvent on dit que le bail va être renouvelé au loyer du marché. Alors, le loyer du marché, ce n'est jamais le même pour le bâilleur puis pour le locataire évidemment, et il y a des clauses qui stipulent que des études de valeur locative seront effectuées par un évaluateur qui sera conjointement choisi par le bâilleur et le locataire. Puis, en cas de non-règlement même, un deuxième évaluateur peut préparer une expertise, puis on peut s'en aller même jusqu'à la troisième clause qui serait la médiation. Donc, évidemment, oui, c'est une police d'assurance où on peut vérifier s'il y a des anomalies au niveau de la valeur en faisant préparer un rapport, donc ce qu'on appelle une étude de valeur locative.

M. Doré (Pierre): Mais bien plus que ça ? je voudrais juste rajouter quelque chose par rapport à ça: Le principe de l'enquête ou de la vérification, c'est de partir avec le bâilleur puis le locataire puis de savoir où était le locataire avant. Parce que, si le locataire avait son propre édifice... Parce qu'on a fait ça, là, des évaluations de clinique, savoir sa valeur pendant que le médecin opère puis c'est quoi, sa valeur, pour la vente en réalisation. Parce que la pharmacie achète l'édifice, prend le locataire, l'amène dans son édifice puis il remet en vente la propriété après. Mais cette partie-là, là, c'en est un, avantage monnayable, ça.

Quand je vous dis: On fait l'enquête à partir de quand? Quand il arrive, là, il rentre dans sa pharmacie, est-ce qu'il faut enquêter où il était avant puis y a-t-il eu un avantage avant ou est-ce qu'il y a une déclaration qui est faite de façon volontaire, là? Oui, j'ai donné tel avantage parce que je l'ai pris, j'ai acheté son immeuble, je l'ai revendu, ça m'a coûté 100 000 $; en plus, je l'ai rentré dans mon édifice puis ça a coûté tant. Puis quelle est la valeur du loyer? Puis après ça il faut en plus analyser les avantages économiques de cette relocalisation-là.

M. Marcoux: Mais est-ce que...

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, en moins d'une minute.

M. Marcoux: Oh, batêche! oui, ça va vite. Je voulais poser une question sur les amendes. Le député de Chicoutimi pourra le faire.... excusez, de Dubuc pourra le faire.

Deux choses: un, parce que, dans le projet de règlement du Collège des médecins, là, on dit: «Le caractère juste et raisonnable d'un loyer s'apprécie notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales, au moment où il est fixé.» Bon, premièrement, je voudrais avoir votre commentaire rapide là-dessus. Mais est-ce que je décode que vous suggérez qu'à chaque fois il devrait y avoir une enquête, là, d'évaluation, à chaque fois qu'un médecin ou un groupe de médecins passe un bail?

Le Président (M. Descoteaux): Mme Viau. Très brièvement, Mme Viau.

Mme Viau (Céline): Non, non.

M. Marcoux: Non?

Mme Viau (Céline): Non, ce n'est pas le cas. Ce qu'on vous dit, c'est: Qui va apprécier s'il y a quelque chose qui a l'air pas correct dans le bail? Est-ce que c'est le syndic du Collège des médecins? Est-ce qu'il a les compétences pour le faire? Alors, le syndic du Collège des médecins va procéder sur enquête quand il a une demande d'enquête, à moins que leur système professionnel ait changé. Mais en principe c'est quand il y a une demande d'enquête qu'il va... et s'il y a un doute que là ils s'adjoignent les services d'un expert, de la même façon que le ferait n'importe quel ordre. Mais il n'est pas question qu'il y ait toujours... Voyons donc, ce n'est pas sérieux! Ce ne serait pas sérieux.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Bien. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui, merci, M. le Président. Alors, M. Doré, M. De Rico, Mme Viau, bienvenue. Bienvenue à cette commission. Merci pour votre mémoire que j'aurais aimé peut-être avoir un peu plus d'avance parce qu'il nous arrive un petit peu tardivement, donc pour nous c'est un petit peu plus difficile. Mais quand même je voudrais peut-être continuer un petit peu, là, sur la définition de «juste et raisonnable», là, puis, après ça, bien, je poserai d'autres questions.

Lorsqu'on dit justement que «le caractère juste et raisonnable d'un loyer s'apprécie notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales, au moment où il est fixé», il faut se rappeler que, dans la vie de l'office, cette notion... cette notion de... on avait rejeté la notion justement de «valeur de marché», là, que vous proposez, et on l'avait remplacée justement par cette notion de «juste et raisonnable».

Mais je voudrais relater peut-être un petit paragraphe, là, qui a été publié, Dans le monde syndical, là, dans le journal Le Médecin du Québec, où nous dit ici: «Le caractère juste et raisonnable d'un loyer, précise le Collège des médecins, s'appréciera "notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales au moment où il est fixé". Mais ? et ça, ça a été répété, là, dans le projet du Code de déontologie des médecins; mais ? dans certaines situations, le médecin pourrait bénéficier en toute légitimité de locaux à prix réduit ou même gratuits: dans le cas de résidences pour personnes âgées, des communautés religieuses, des coopératives, des régions ayant une pénurie d'effectifs médicaux...»

Bien, les régions ayant une pénurie d'effectifs médicaux, on n'est pas juste à une région, là, on couvre quasiment tout le Québec, là. Alors, moi, ça m'interpelle un peu, cette interprétation que fait le Collège des médecins de cette notion de «juste et raisonnable», et c'est pour ça que je suis... je serais en faveur de ce que vous proposez, c'est-à-dire: une valeur, comme vous appelez ça, marchand... ou valeur au marché.

Ceci étant dit, j'aimerais, comme première question, vous poser... M. le ministre avait deviné ma pensée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté: Le Conseil interprofessionnel du Québec nous a aussi proposé d'augmenter les amendes et a proposé, entre autres, là, de 1 500 $ à 20 000 $, minimum 1 500 $, 20 000 $, 1 500 $ à 20 000 $ et 3 000 $ à 4 000 $, là...

Une voix: 40 000 $.

n(15 h 50)n

M. Côté: ...3 000 $ à 40 000 $. Suggère également aussi, le Conseil interprofessionnel du Québec, que les tiers qui encouragent un professionnel à contrevenir à son Code des professions soient pénalisés, mais non seulement contrevenir à son Code des professions, mais contrevenir aussi aux lois et règlements de son ordre professionnel.

Qu'est-ce que vous pensez, entre autres, là, exemple, pour la tenue d'un dossier... qu'est-ce que vous pensez de cette proposition du Conseil interprofessionnel du Québec qui proposerait justement de fixer ces amendes-là aussi pour les lois, pour les règlements également?

Le Président (M. Descoteaux): Mme Viau.

Mme Viau (Céline): C'est une bonne proposition qui, je pense, pour avoir participé au comité de législation du Conseil interprofessionnel, rejoint l'assentiment de tous les ordres professionnels. C'est sûr qu'il faut que les amendes aient un caractère dissuasif. On donnait l'exemple tantôt de pharmacies qui achètent la clinique médicale et puis qui relocalisent les médecins. C'est sûr qu'une amende de 1 000 $, 2 000 $, 5 000 $, ce n'est pas significatif et ce n'est pas dissuasif. On devrait, dans ce cas-là, peut-être laisser plus de latitude au juge pour apprécier la valeur de l'amende qui devrait être imposée, d'une part. D'autre part, je vous dirai que les ordres professionnels ne touchent pas directement cet argent-là, hein, c'est versé au... Et, souvent, quand les gens ne paient pas, le service de perception des amendes ne se fatigue pas trop à courir après.

Alors, ce sont des poursuites qui engagent beaucoup de frais aux ordres professionnels. Je peux vous donner l'exemple de notre ordre professionnel: pour un budget autour de 700 000 $, l'année dernière on a mis à peu près 15 000 $ en poursuites pour usurpation de titre et autres amendes pénales de ce type-là. Alors, on comprend qu'entre usurper un titre puis avoir une amende de 600 $, c'est plus payant d'usurper un titre. Donc, effectivement, il faut que ces amendes-là soient augmentées de façon significative pour être plus dissuasives, et il faut que, dans le cas qui nous occupe, des relations commerciales, ça ait les proportions qui vont avec aussi.

M. Côté: Donc, je comprends que vous seriez favorables, dans le projet de loi, à une telle augmentation.

La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est... Comme tout à l'heure, dans l'intervention de M. Doré, que je salue, en passant, particulièrement, puisqu'on s'est déjà connu dans une autre vie, vous dites que...

Mme Viau (Céline): Il est de votre pays, de votre royaume.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté: Oui, c'est ça. Dans le projet de loi, êtes-vous en train de nous dire, là, qu'un tiers qui, par exemple, achèterait un immeuble et qui, à la place de... louerait, ferait des locaux, louerait des locaux à un médecin ou à un pharmacien pourrait charger plus cher à la pharmacie, puis, en plus de ça, il chargerait moins cher au médecin ou il ne lui chargerait rien? Ce ne serait pas illégal, là, dans le fond, là. Autrement dit, vous êtes en train de nous donner un... quasiment nous donner un truc, là, comment agir puis comment faire pour éviter le projet de loi. Ça veut-u dire que le projet de loi qu'on est en train d'étudier ça ne donne rien ou bien ce n'est pas un bon outil? C'est quoi, là? Ça, ça m'interpelle terriblement.

M. Doré (Pierre): En fait, ce que je vous dis, c'est qu'il y a des trous, là, parce qu'on le voit dans le marché, là. Actuellement, on le voit déjà. On voit des gens qui construisent, ils ont des gros projets, là, dans les pharmacies, puis ils intègrent une clinique. Puis souvent c'est le promoteur immobilier qui développe le projet, il signe un bail avec la pharmacie, là, la franchise, la bannière. Puis la bannière, elle, elle sous-loue au pharmacien, puis après ça elle se trouve... elle a une clinique, elle va aller acheter la clinique, s'il faut, pour qu'il l'amène dans son édifice, puis il va l'installer. Puis la pharmacie, elle va y aller si la clinique est là, là. Il faut que tout soit «setupé» ensemble, il faut que tout marche, sans ça, le «mix» commercial... Eux autres, ils sont intéressés par le «mix» commercial. Puis peut-être que vous ne verrez même pas la bannière propriétaire, ça va être un investisseur immobilier qui va être propriétaire, il va louer à la bannière, la bannière va sous-louer à la pharmacie puis la clinique va être là.

M. Côté: Il s'agit de créer une entité juridique différente de... non professionnelle, autrement dit, là, une corporation, une personne morale.

M. Doré (Pierre): Oui, parce que... Oui, il y a un investisseur immobilier, mais il y a une activité commerciale. On intéresse des gens à une activité commerciale lucrative. Alors, une fois que tout ça, c'est fait, je pense que c'est une bonne chose.

Mais, dans les démarches que le gouvernement a faites, je lisais une démarche qui était intéressante, dans La Presse de dimanche 4 février 2007. C'est un article d'André Pratte, qui parle que le ministre Couillard a annoncé les changements qui devaient mettre un terme à des pratiques commerciales douteuses ayant cours dans le milieu de la pharmacie. Puis là il a levé le... c'est André Noël qui a levé le voile sur un système généreux de ristournes mis en place par des fabricants de médicaments.

C'est sûr que, si les pharmacies ont moins de revenus ou n'ont pas de ristourne, peut-être qu'ils ont moins d'argent à donner en gratuités aux médecins. Je veux dire, c'est un système, là, tout ça, là. Il faut bien voir que c'est une systémique, c'est une organisation, puis il y a des intérêts. Les intérêts, c'est des intérêts commerciaux, ça va au-delà, là, je pense, d'un intérêt professionnel. Il y a aussi l'intérêt commercial, qu'est-ce que ça dégage comme intérêt par rapport aux gens. Puis je pense que, si on a un problème par rapport à ça, là, si on veut mêler le professionnel puis le commercial, bien, c'est un beau dossier, c'est sûr.

M. Côté: Ça, ça résulte de la nouvelle politique du médicament, là, où on parle des médicaments génériques, là, où on a limité les plafonds, je pense, on a diminué les taux.

Dans une évaluation de votre immeuble, d'un immeuble par exemple où il existe une pharmacie, où il existe une clinique médicale à côté de la pharmacie et que, par exemple, le Collège des médecins, le syndic, suite à une plainte, vous demande d'enquêter et d'évaluer un petit peu qu'est-ce que le loyer vaut selon le montant «juste et raisonnable» ? parce qu'on a les termes actuellement dans la loi ? est-ce que vous allez tenir compte non seulement du loyer, mais aussi des avantages indirects que la clinique médicale peut recevoir de la pharmacie?

C'est-à-dire, si on lui fournit, par exemple, tout le système informatique, si on lui fournit tout le système téléphonique, si on fournit la secrétaire, si on achète tout l'ameublement, ça, c'est aussi des montants, c'est aussi un avantage matériel important. Et même il y en a... on nous dit que même il y a des cliniques, il y a des pharmacies, il y a des bannières qui paient le salaire d'une secrétaire, d'une réceptionniste, qui peut valoir, quoi, 30 000 $, 35 000 $ par année?

M. De Rico (Martin): Ça revient à l'intervention que j'ai faite, d'entrée de jeu, où, pour nous, tout est quantifiable. La réponse à votre question, c'est oui.

M. Côté: ...compte.

M. De Rico (Martin): Oui. Toutes ces choses-là nous amènent à trouver quel est le loyer net effectif. Le loyer net effectif, en fait, là, pour employer un jargon qui est connu, c'est le loyer qui est dégraissé. Alors, l'ameublement, la secrétaire, à 35 000 $, qui est fournie gratuitement, on a parlé ensuite d'ameublement, de système informatique, c'est toutes des choses qui sont quantifiables.

Puis je pourrais me permettre aussi de répondre à votre première question pour revenir à «le loyer marchand» et «le loyer juste et raisonnable», je pense que notre intervention, dans cette démarche-là, là, c'est de rendre le plus statique possible la notion de valeur marchande de loyer. Alors, lorsqu'on sort la perception et les émotions du caractère financier de la chose, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on parle de «juste et raisonnable»... parce que «juste et raisonnable», pour quelqu'un qui a 18 000 $ de revenus, ce n'est pas la même chose que «juste et raisonnable» pour quelqu'un qui en a 100 000 $, alors ça, ce n'est jamais la même chose pour personne. Lorsqu'on se concentre sur les chiffres, bien, lorsqu'on parle de valeur marchande, la question du débat sur le «juste et raisonnable» ne sera pas en cause, il n'y aura même pas lieu d'avoir ce débat-là.

M. Côté: Malheureusement, le projet de loi n'en fait pas mention.

Mme Viau (Céline): La preuve que la notion de «juste et raisonnable» n'est pas la même pour tous, c'est que tantôt M. le ministre faisait état qu'il n'y en aurait plus, de loyer gratuit, alors que, quand on analyse le texte du Collège des médecins, c'est qu'il pourrait y en avoir, des loyers gratuits, si on considère que, dans telle région, il manque de médecins, ou, si on considère que, dans telle région, c'est plus pauvre, les loyers valent moins cher. Donc ça, c'est quelque chose qui s'apprécie, comme on disait, au cas par cas, selon les émotions ou les intérêts de chacun. C'est pour ça qu'on dit, nous, que le projet de loi, tel qu'il est déposé, ne permet pas de solutionner.

Et la question que le législateur doit se poser, c'est: Est-ce qu'il y a un préjudice pour le public? Et la façon d'apprécier le préjudice pour le public, ce n'est pas que le médecin ne paie pas son loyer, mis à part les avantages imposables que ça peut représenter, mais c'est de se dire: Est-ce que, dans sa pratique, il commande plus d'ordonnances? Est-ce qu'il soigne moins bien? Est-ce qu'il passe plus de monde? C'est ça, la question qu'il faut se poser. Puis ça, c'est le travail des ordres professionnels d'aller inspecter ça, pas d'apprécier des loyers... des baux.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Ça fait le tour de la question, M. le député de Dubuc?

M. Côté: Ça va.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Mme Viau... Oui, M. le ministre?

n(16 heures)n

M. Marcoux: Peut-être une question, là, si on a un peu de temps, pas pour... Mais, si je comprends, tantôt, les exemples qui ont été donnés par le député de Dubuc, là, puis de loyers gratuits, potentiellement ce sont des situations où il n'y aurait pas de conflit d'intérêts normalement, là, parce qu'il y a toujours, dans l'article 73 tel qu'il est là... on parle toujours... c'est-à-dire qui a été adopté au mois de décembre, pas ce qui a été publié dans la Gazette officielle, on dit: «pharmacien», «personne dont les activités sont liées, directement ou indirectement, à l'exercice de la pharmacie» ou «une autre personne dans un contexte pouvant comporter une situation de conflit d'intérêts, réel ou apparent». Alors, il y a quand même, là, toujours cette notion de conflit d'intérêts.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va, M. le ministre? Mme Viau, M. De Rico, merci bien. M. Doré, merci de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à l'Ordre des pharmaciens du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

 

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Descoteaux): Nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons l'Ordre des pharmaciens du Québec: M. Claude Gagnon, président ? c'est bien ça? ? Mme Manon Lambert, secrétaire générale, et Me Philippe Frère, procureur de l'ordre. Donc, bienvenue devant la Commission des institutions. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, comme vous savez, suivie de deux périodes respectives de 20 minutes de part et d'autre. Donc, M. Gagnon.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Gagnon (Claude): Merci beaucoup. M. le Président de la commission. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, l'Ordre des pharmaciens du Québec remercie les membres de la Commission des institutions de lui permettre d'exprimer son opinion sur le projet de loi n° 54 et sur ses impacts prévisibles.

Sans refaire l'historique de tout le dossier que l'on désigne maintenant sous le vocable de relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, l'Ordre des pharmaciens veut, dans un premier temps, témoigner des actions entreprises dans ce dossier et, par la suite, commenter le projet de loi soumis à l'étude des parlementaires actuellement. L'ordre croit en effet qu'il est important de rappeler le contexte particulier dans lequel s'inscrit ce projet de loi afin d'apporter un meilleur éclairage à l'égard des dispositions juridiques proposées.

Par ailleurs, à ce stade-ci, il est important de mentionner que l'emphase mise sur le dossier des relations commerciales entre les professionnels ne doit pas faire oublier l'importance et même la volonté des autorités de voir s'accroître l'interdisciplinarité et le travail en équipe. La proximité de travail des professionnels est certainement une façon d'y contribuer. Dans ce dossier, d'aucuns ont même remis en question le fait, pour des médecins et des pharmaciens, de travailler dans des locaux adjacents. Or, pour favoriser l'usage optimal des médicaments, le travail d'équipe et la proximité sont essentiels. D'ailleurs, le ministre de la Santé et des Services sociaux mentionne, dans la politique du médicament, que la responsabilité première de l'usage optimal des médicaments repose sur le trio patient, prescripteur et pharmacien. Il ne faudrait donc pas que les événements récents mettent à mal cet objectif prioritaire pour assurer la protection du public et freinent ? effet d'autocensure ? plus généralement l'adoption de l'approche du travail en interdisciplinarité. Le maintien de la confiance du public est donc un but qu'il faut rechercher dans ce dossier. Pour ce faire, les actions posées par les ordres professionnels ont été et seront déterminantes.

L'encadrement des relations commerciales entre professionnels ou entre des professionnels et des tiers qui ne le sont pas pose un défi complexe aux ordres, considérant l'environnement actuel. En effet, le système professionnel est basé sur l'exercice, par les ordres professionnels, de pouvoirs délégués par l'État. Or, en présence de relations commerciales, l'exercice de ces pouvoirs est rendu difficile par la nature des relations en cause, qui ne génèrent habituellement pas de plaintes, par l'intervention de tiers et par les limites mêmes des pouvoirs octroyés aux ordres professionnels qui font face à ce genre de situation.

Bien que complexe, nous pouvons tenter de résumer succinctement la portée de l'action des ordres sur les professionnels qui en sont membres de la façon suivante: un ordre professionnel contrôle l'admission à la profession; il inspecte ses membres et les sanctionne, le cas échéant, après la tenue d'une enquête qui témoigne qu'une infraction a été commise; en outre, il a le pouvoir d'adopter des règlements et est consulté lorsque le législateur veut apporter des modifications à sa loi constituante.

Afin d'encadrer les relations commerciales des pharmaciens avec les médecins mais aussi avec d'autres partenaires, l'ordre a, au cours des dernières années, agi sur de multiples plans.

Le professionnalisme est une compétence qui n'est pas innée et qui s'acquiert d'un point de vue académique. De l'avis de l'ordre, les pharmaciens du Québec font preuve d'un très grand professionnalisme à l'égard de leurs patients et dans le cadre de l'exercice de leur profession. Néanmoins, l'ordre croit important qu'à l'heure où les programmes de formation universitaire seront profondément modifiés l'acquisition de cette compétence, notamment sur le plan de l'éthique commerciale, demeure une priorité d'enseignement des facultés de pharmacie.

L'ordre, dans le cadre des travaux qu'elle mène régulièrement avec les facultés de pharmacie par le biais de son comité de formation, a donc accueilli favorablement le renforcement de l'enseignement qui porte sur cette compétence dans les nouveaux programmes de doctorats professionnels qui verront le jour très prochainement. La collaboration étroite sur le plan de la formation entre l'ordre et les deux facultés de pharmacie est essentielle pour s'assurer que les futurs pharmaciens qui seront admis à la pratique soient bien formés à l'égard des défis qui les attendent.

Par ailleurs, l'Ordre des pharmaciens, une fois son projet de code de déontologie adopté, s'assurera que ces derniers soient formés non seulement sur les nouvelles dispositions du code, mais compte également engager avec ses membres une réflexion sur l'éthique soutenue par divers moyens, dont une des activités sera probablement la tenue d'un colloque sur ce thème.

L'Ordre des pharmaciens a inclus, dans son programme d'inspection professionnelle 2007, une dimension portant sur les relations commerciales, notamment celles entre les médecins et les pharmaciens. Des questions précises sont ainsi déjà posées aux membres et permettront de réaliser un dépistage proactif des situations qui pourraient être problématiques et d'agir promptement, le cas échéant.

En parallèle du travail de l'inspection, le secrétariat général de l'ordre a procédé à une analyse des baux déjà en sa possession et pour lesquels il était aisé d'identifier que le locateur ? et non le locataire ? du pharmacien était un médecin. Sur 150 baux ainsi évalués, quatre semblaient comporter a priori une irrégularité. Le secrétariat général a donc demandé la tenue d'une enquête dans ces cas précis. Dans ce dossier, l'Ordre des pharmaciens a d'ailleurs souligné à quelques reprises que, outre la situation inverse, le fait, pour un pharmacien, de payer un loyer trop cher à un médecin constitue également une situation apparente de conflit d'intérêts dont il faut se préoccuper. C'est pourquoi l'ordre s'intéresse également à cette question.

L'ordre a aussi activement collaboré avec l'Office des professions pour que toute la lumière soit faite sur les pratiques commerciales entre les médecins et les pharmaciens. Ainsi, le syndic de l'ordre a mené plusieurs enquêtes à ce sujet et a déposé trois plaintes disciplinaires contre autant de pharmaciens qui ont soit offert ou versé à des médecins des avantages afin qu'ils établissent leur clinique dans des locaux adjacents à leur pharmacie. Le comité de discipline les a reconnus coupables et a notamment retenu que de telles situations constituent des conflits d'intérêts. Je cite, c'est l'article 97...

Une voix: C'est une décision.

M. Gagnon (Claude): C'est une décision de la cour: «S'il y a conflit, c'est que des intérêts sont en cause; ici, l'intérêt du médecin c'est de ne pas payer de loyer et de recevoir certaines sommes; l'intérêt du pharmacien, c'est l'augmentation de son chiffre d'affaires. La contrepartie de chacun rencontre l'intérêt de l'autre.» Des décisions sur sanction sont d'ailleurs attendues dans chacune des plaintes déposées.

L'Ordre des pharmaciens a entrepris, il y a de cela maintenant deux ans, la révision du Code de déontologie des pharmaciens. Le code actuel prévoit une interdiction absolue pour les pharmaciens d'offrir un avantage à un médecin, et le code révisé, à moins d'une modification par le gouvernement, maintiendra cette interdiction. Donc, il n'y a pas de changement au niveau des pharmaciens; c'est la même chose qu'on reporte dans le nouveau code. Ainsi, un des articles du code se lira ainsi: «Le pharmacien ne doit prendre aucune entente avec une personne autorisée à prescrire susceptible de limiter l'indépendance professionnelle de cette personne ou d'interférer avec le droit d'un patient de choisir son pharmacien.

n(16 h 10)n

«Contrevient notamment au présent article le fait de fournir à une personne autorisée à prescrire des cadeaux, ristourne, bonis ou autre avantage quelle qu'en soit la forme.»

Par ailleurs, d'autres modifications au Code de déontologie des pharmaciens soutiendront également l'action de l'ordre dans l'encadrement des relations commerciales que les pharmaciens entretiennent avec divers partenaires, notamment avec les propriétaires de résidences privées et les chaînes et bannières de pharmacies.

À la lecture de ce qui précède, il est important de constater que l'Ordre des pharmaciens du Québec a entrepris un grand nombre d'actions dans ce dossier. Certaines, notamment le traitement des plaintes déposées par le syndic, ne sont pas encore complètement terminées. Considérant l'engagement ferme de l'Ordre des pharmaciens à agir dans ce dossier, il importe que le projet de loi n° 54 ne vienne pas compromettre l'issue des dossiers déjà en cours ou encore transmettre aux professionnels des messages confondants.

Donc, pour commenter l'article 1, l'Ordre des pharmaciens est en accord avec les propositions du CIQ en cette matière et croit que les amendes devraient présenter un réel pouvoir dissuasif.

Pour l'article 2, même commentaire.

En ce qui concerne l'article 3, il s'agit d'une modification que l'Ordre des pharmaciens estime propice à assurer le respect des règles encadrant l'exercice des professions. L'utilisation du terme «sciemment», bien qu'elle impose un lourd fardeau de preuve à l'ordre professionnel poursuivant, établit par ailleurs un équilibre approprié afin d'éviter que des personnes soient condamnées sans qu'elles aient véritablement eu l'intention d'aider ou d'amener un professionnel à contrevenir à son code de déontologie. L'Ordre des pharmaciens s'interroge toutefois sur les raisons qui amènent le ministre à restreindre l'application de cet article aux seules contraventions au code de déontologie. N'y aurait-il pas lieu d'inclure également les contraventions au Code des professions, à la loi constitutive de l'ordre auquel il appartient et à leurs règlements d'application?

L'ordre suggère donc en conséquence que l'article 188.2.1 soit amendé comme suit: À l'article 3 du projet de loi, remplacer les mots «à une disposition du code de déontologie adopté en application de l'article 87» par «aux dispositions du présent code, de la loi constitutive de l'ordre dont il est membre ou des règlements adoptés conformément au présent code ou à ladite loi».

Aux articles 4 à 6, il s'agit de modifications de concordance pour lesquelles l'Ordre des pharmaciens n'a pas de commentaire.

En ce qui concerne l'article 7, cette modification à l'article 12 de Loi sur la pharmacie est souhaitée depuis fort longtemps par l'Ordre des pharmaciens. Elle lui permettra d'effectuer un travail de prévention efficace et va également dans le sens des recommandations formulées par l'Avis de l'Office des professions du Québec sur la déontologie et l'exercice en société en regard des pratiques commerciales entre les médecins et les pharmaciens d'avril 2005, visant à donner à l'Ordre des pharmaciens des moyens d'obtenir les documents contractuels relatifs aux pharmacies ? page 46 de l'avis.

À l'article 8, ces modifications à l'article 32 de la Loi sur la pharmacie donnent suite aux demandes faites par l'Ordre des pharmaciens et visent essentiellement à clarifier les obligations du pharmacien propriétaire qui désire poursuivre ses activités professionnelles à une nouvelle adresse. Le paragraphe 3° de l'article 8 vise à assurer que l'Ordre des pharmaciens ait en temps opportun l'information relative à l'ouverture, la fermeture, le déménagement, l'achat et la vente des pharmacies.

À l'article 9, il s'agit ici d'une disposition de droit transitoire qui soustrait au processus disciplinaire et pénal les situations infractionnelles découlant d'une violation du paragraphe 3° de l'article 73 du Code de déontologie des médecins ou d'une violation de l'article 188.2.1 du Code des professions relativement à un avantage défini à l'article 73.1 du Code de déontologie des médecins. L'Ordre des pharmaciens estime que, dans sa version actuelle, l'article 9 permettrait aux médecins de maintenir, pendant une période minimale de 18 mois, le droit de bénéficier d'avantages, notamment ceux consentis par des pharmaciens. Cette situation est intolérable. L'ordre estime qu'il est particulièrement inique de retrouver à l'article 9 une disposition qui donne aux médecins un sauf-conduit pour 18 mois à l'égard de situations de conflit pour lesquelles les pharmaciens contrevenants sont à l'heure actuelle poursuivis et reconnus coupables par leur comité de discipline. De plus, cette mesure place le pharmacien dans une situation où il pourrait se trouver dans l'impossibilité de renégocier un bail conforme à son code de déontologie parce que le médecin n'aurait aucun intérêt à le faire durant cette période.

L'avis de l'Office des professions a été rendu public en octobre 2005, soit il y a un peu plus de 15 mois au cours desquels les professionnels concernés ont eu tout le loisir de mettre fin aux situations où, en raison de leurs relations commerciales, ils seraient en situation de conflit d'intérêts ou d'apparence de conflit d'intérêts. En outre, comme, dans le meilleur des scénarios, le projet de loi n° 54 ne sera pas adopté, sanctionné et mis en vigueur avant encore plusieurs mois, cela laisse encore du temps aux professionnels pour se conformer à la future réglementation.

Selon l'avis de l'office, le conflit d'intérêts ou l'apparence du conflit d'intérêts est patent, et l'Ordre des pharmaciens ne peut que rester surpris que le ministre souhaite créer une exemption dont l'effet irait jusqu'à couvrir les relations commerciales entre médecins et pharmaciens. Une autre solution qui ajouterait également un sauf-conduit aux pharmaciens fautifs ne satisferait pas non plus l'Ordre des pharmaciens, étant donné la présence des causes demeurant toujours en attente d'une décision devant le comité de discipline.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, la confiance du public dans le système professionnel et dans l'intégrité des professionnels de la santé est fondamentale. La Cour suprême du Canada a rappelé récemment l'intérêt qu'ont les consommateurs de médicaments québécois à transiger avec des pharmaciens qui ne se trouvent pas en conflit d'intérêts et a souligné que le peu de connaissances de la population en général dans le domaine pharmaceutique et le niveau de dépendance élevé envers les conseils des professionnels compétents fait en sorte que les pharmaciens sont, eux aussi, hautement dépositaires de la confiance du public.

L'Ordre des pharmaciens estime que, dans sa formulation actuelle, l'article 9 n'est pas de nature à soutenir l'intégrité du système professionnel et à maintenir la confiance du public à l'égard des questions de conflit mises à jour par l'office dans son avis.

Dans la mesure où le ministre souhaite maintenir le principe d'une disposition transitoire visant la mise en oeuvre du paragraphe 3°, article 73, du Code de déontologie des médecins, l'Ordre des pharmaciens propose que l'article 9 soit modifié comme suit: Au paragraphe 2° de l'article 9 du projet de loi, ajouter, au début de ce paragraphe, les mots «l'avantage n'est pas consenti par un pharmacien et».

Cet amendement aurait comme conséquence de restreindre la portée de la disposition transitoire aux relations entre les médecins et des personnes autres que des pharmaciens. Les ententes commerciales conclues entre les médecins et les pharmaciens ne seraient donc pas visées par la disposition transitoire. Les médecins devront alors ajuster les baux conclus avec les pharmaciens dès la mise en vigueur de la loi ou avant. Une telle solution est souhaitable, car, de toute façon, un bail à rabais consenti par un pharmacien à un médecin était déjà interdit par l'article 3.05.08 du Code de déontologie des pharmaciens, une disposition d'ordre public dont la contravention, dans un acte juridique, entraîne la nullité. Voir notamment les Pharmacentres Cumberland (Merivale) ltée contre Lebel, 2002.

Le projet de loi n° 54 répond à plusieurs demandes de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Toutefois, l'article 9, dans sa formule actuelle, est inacceptable tant pour l'Ordre des pharmaciens que pour l'intégrité du système professionnel et l'intérêt du public. Je vous remercie de votre attention et je suis à votre disposition.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. Gagnon. Donc, pour la période d'échange, M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, Mme Lambert et M. Frère. Merci de votre présentation. Merci d'être ici, en commission parlementaire. Je sais qu'au cours de la dernière année vous avez eu un certain nombre de discussions avec l'Office des professions sur l'ensemble de ce dossier-là puis également sur les changements et les modifications que vous proposez d'apporter à votre code de déontologie pour ce qui est de l'Ordre des pharmaciens. Et je voudrais vous remercier donc du travail, de votre collaboration également, de ce qui a été réalisé, je pense, au cours de la dernière année.

Peut-être quelques questions. Pour commencer, vous dites que généralement vous êtes d'accord avec, je comprends, le projet de loi. Vous suggérez certaines modifications, on y reviendra. Mais donc, comme objet du projet de loi qui est déposé, vous dites que vous êtes d'accord avec ce qu'il y a dans le projet de loi.

M. Gagnon (Claude): Effectivement. Nous, ce qu'on a mis en primauté, c'est l'intérêt du public et c'est la confiance qu'on doit recevoir du public. Et cette confiance qu'ont les gens envers les professionnels que nous sommes, nous, nous avons mis la priorité à ce niveau-là. Et nous pensons que la transparence doit être existante et que les outils pour pouvoir connaître l'information qui lie, lorsqu'il y a un lien entre deux professionnels qui sont à risque dans leur pratique... je pense qu'on ne peut que s'y soustraire et s'y soumettre, et nous devrons avoir les outils pour le faire. Et je pense que c'est ce qui a entouré toute la prise de position de l'Ordre des pharmaciens: c'est cette importance de la confiance du public envers les professionnels que nous sommes et cette obligation qu'on a aussi. Il ne faut pas oublier que, les ordres, on est les mandataires du gouvernement, et je pense que toute cette intégrité-là du système professionnel doit transparaître dans nos lois et dans nos réglementations.

n(16 h 20)n

M. Marcoux: Maintenant, est-ce que vous considérez que vous auriez les outils appropriés justement pour exercer cette surveillance adéquate?

M. Gagnon (Claude): Par rapport aux pharmaciens, oui; par rapport aux tiers, non. C'est pour ça qu'on demandait à ce que le Code de professions soit corrigé, pour qu'il y ait un genre de mainmise sur les tiers soit par des amendes dissuasives plus élevées soit par l'obtention aussi... nous, par une modification à notre règlement 12d, dans lequel on demande l'accès à des contrats qui lient nos pharmaciens avec des tiers dans le contexte de pratique, tant avec les médecins qu'avec les chaînes et bannières ou autres professionnels.

M. Marcoux: Maintenant, ça, pour ce dernier volet, là ce serait possible avec la modification à la Loi sur la pharmacie si je comprends. C'est ça? Parce que ce n'est pas...

M. Gagnon (Claude): Je vais laisser Mme Lambert répondre.

M. Marcoux: Il n'y a rien dans le code de déontologie qui porte sur précisément cette question des baux. Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner votre commentaire là-dessus?

Le Président (M. Descoteaux): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Oui. Il y a déjà, dans la Loi sur la pharmacie, la possibilité que le secrétaire général ait les baux des pharmaciens. Ce qui était impossible auparavant, c'était de savoir est-ce que le bail qui était signé était nécessairement un bail avec des médecins, parce que ça pouvait être des compagnies à numéro ou un certain nombre de choses. Donc, même si on avait les baux, c'était difficile d'agir. Avec 12d, avec la modification à 12d... En fait, pour expliquer le sens de la modification, c'est qu'auparavant 12d ne visait que les contrats d'acquisition, gestion, aliénation de pharmacie, donc ne visait, je dirais, que la situation des relations commerciales entre les médecins et les chaînes, les chaînes de pharmacies, finalement. Ça ne visait que ces situations-là.

Avec les modifications qui ont été apportées, effectivement je crois que 12d, tel qu'il est présenté, va permettre à l'Ordre des pharmaciens de régir non seulement les relations commerciales des pharmaciens avec les chaînes et bannières, mais également toutes autres relations commerciales que l'ordre voudrait pouvoir encadrer, dont celles avec les médecins, dont celles, par exemple, avec les résidences privées, dont celles avec l'industrie pharmaceutique. Donc, je dirais que ça a une portée multiple. Il y a un pas de franchi, une fois cela dit, parce qu'il reste la réglementation. Et on sait que traditionnellement l'ordre a tenté à plusieurs reprises de réglementer en vertu de son pouvoir habilitant de 12d, et il y a toujours eu, disons, de l'obstruction de la part de certains groupes à ce niveau-là. Donc, il y a une étape de franchie. La deuxième étape qui devra être franchie, c'est effectivement de pouvoir exercer librement ce pouvoir de réglementation là sans qu'il y ait des lobbys trop importants qui viennent, je dirais, compliquer beaucoup l'action de l'Ordre des pharmaciens à ce niveau-là.

M. Marcoux: Mais vous ne prévoyez pas enfin de problèmes finalement à pouvoir adopter la réglementation qui serait requise, là, en vertu de 12d, selon ce que vous indiquez.

Mme Lambert (Manon): On pense qu'avec le soutien de l'Office des professions à ce niveau-là, avec votre soutien à titre de ministre de la Justice, et qu'on convienne ensemble qu'il est important que l'ordre puisse utiliser son pouvoir réglementaire à ce niveau-là... on pense qu'effectivement on n'aura pas de difficultés à réglementer dorénavant là-dessus.

M. Marcoux: Tout à l'heure, en discutant avec les représentants de l'Ordre des évaluateurs agréés, ils ont soulevé une hypothèse, là, qui est celle d'un promoteur qui loue, d'une part, à un pharmacien ou une chaîne, d'autre part, à une clinique médicale, puis là on dit: Bon, bien là il n'y a pas plus de problème parce que ce n'est pas un pharmacien, un médecin ou ce n'est pas nécessairement une chaîne de pharmacies avec le médecin. Est-ce que vous avez déjà vécu cette situation-là?

Le Président (M. Descoteaux): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): J'avoue que les oreilles me tintaient tout à l'heure lorsque j'entendais des choses comme ça. Quand on permet un pouvoir de négociation, il faut le permettre des deux côtés. Et, quand c'est un promoteur neutre, peu importe qu'il aille chercher une clinique médicale ou qu'il utilise une pharmacie pour attirer une clinique médicale, il n'y a pas de lien direct entre un pharmacien et un médecin dans ce contexte-là. Donc, le pharmacien aussi a son pouvoir de négociation. Le pharmacien n'a pas de raison de signer un loyer supérieur à la normale ou au marché, il ne sera jamais rentable. Je pense que, là, il y a une logique qui existe, commerciale, qui est une règle d'affaires: personne ne va ouvrir une entreprise pour la fermer demain matin.

Donc, je pense que ce que ces gens-là m'ont laissé entendre tantôt, c'est qu'on paie-tu nos médicaments trop cher? Parce qu'à ce moment-là, s'il faut toujours augmenter les dépenses des pharmaciens, c'est que je suis en train de me dire que le régime de santé est en train de payer trop cher pour un produit que je pourrais avoir moins cher si j'avais des règles normales. Et je ne pense pas que ce soit le cas. Donc, je pense qu'à partir du moment où les gens travaillent dans des règles commerciales, avec des individus qui n'ont pas de risque, de potentiel de conflit d'intérêts ni d'apparence de conflit d'intérêts ce qu'on recherche ici, c'est la transparence, l'assurance que le public ne reçoit pas le mauvais médicament parce qu'il y aurait eu des mauvaises interprétations ou des raisons commerciales d'augmenter le volume d'ordonnances. Je pense que ça, ça n'a pas été mis en cause. Je ne pense pas qu'il y ait eu des preuves de ça dans le marché actuellement. Nous, on ne voudrait pas qu'il y en ait puis on veut s'assurer qu'on a les outils pour éviter que ça se produise.

Actuellement, on vous l'a dit, on a trois causes. Les trois causes, les pharmaciens ont été reconnus coupables alors qu'on est dans un contexte où on n'a le droit de rien offrir. C'est qu'il y a quelqu'un qui prend. Donc, je pense qu'il faut comprendre que, dans une société, il faut encadrer globalement. Ce n'est pas juste la bonne volonté des gens, mais il faut des outils pour permettre aux gens de faire leur travail. Et je pense que ce qu'on demande, c'est le minimum que l'ordre a de besoin dans le contexte où on a vécu des expériences, on a eu à faire des causes, et ce n'était pas facile d'aller chercher l'information. On ne veut pas non plus avoir à aller à la pêche et faire des choses qu'il ne faut pas faire, mais on veut s'assurer que le public est protégé et que, les lois qu'on nous demande d'appliquer, les outils, on les a pour les faire respecter.

M. Marcoux: Mais, simplement pour revenir dans ce cas, là, qui a été mentionné par les évaluateurs agréés, simplement pour comprendre, là, vous dites: C'est un cas où on ne voit pas de problème, c'est-à-dire, s'il y a un promoteur qui négocie, d'une part, avec une pharmacie, d'autre part, avec une clinique médicale dans le même local, bien ça lui appartient à lui et non pas soit au pharmacien soit au médecin.

M. Gagnon (Claude): Vous avez raison, mais le promoteur ne doit pas être lié avec la pharmacie. Le promoteur ne doit pas être dans un milieu professionnel pharmaceutique, donc une chaîne ou une bannière, on s'entend là-dessus. Mais que M. Frère, qui n'a pas de lien avec la pharmacie, a une bâtisse et qu'il accepte de louer un bail à un tel prix, il y a un équilibre entre les deux. Mais je pense que, s'il le donne gratuit au médecin, pensant que le pharmacien va payer un prix hors marché, le pharmacien n'ira pas là. Ça, c'est clair. Ça, j'en suis convaincu, c'est impossible.

M. Marcoux: Il y a un autre point que vous soulevez, que vous aviez déjà indiqué à l'Office des professions, je pense, nous en avons discuté brièvement avec les fédérations de médecins, c'est la question des mesures transitoires. Et je comprends que, pour vous, vous dites: Bon, d'une part, notre code de déontologie était assez clair quant au cadeau, là, qui va être reçu, c'est de valeur modeste ou ce que... Vous le citez dans votre... c'est l'interdiction finalement...

M. Gagnon (Claude): ...d'offrir.

M. Marcoux: ...d'offrir, là, donc, d'une part. Et il y a des poursuites qui ont été engagées. Il y a eu des condamnations, les sanctions qui restent. Ce que vous indiquez également, c'est que vous avez d'autres dossiers aussi auxquels vous avez fait de la surveillance. Vous avez demandé 150 baux, donc il y en a quatre qui semblent comporter une irrégularité. Évidemment, la question, c'est comment assurer en même temps une sorte de sécurité juridique d'une transaction privée qui doit être corrigée, là, si le projet de loi allait de l'avant, puis le projet de règlement du Collège des médecins, et évidemment avec les dispositions de votre code de déontologie. Ce n'est pas évident, je veux dire, parce qu'il y a déjà eu d'autres projets de loi où il devait y avoir des dispositions transitoires... Je pense que le député de Dubuc connaît bien ça, il est notaire de profession, donc les baux ou encore les acquisitions d'immeubles... Je dois vous avouer là-dessus un petit peu... puis ce n'est pas... On peut bien dire: Bien, demain matin, il faudrait que tout le monde soit en ligne, je ne suis pas sûr si c'est réaliste. Alors donc, ce que vous suggéreriez, c'est une modification au deuxième paragraphe de l'article 9. Qu'est-ce que ça veut dire en pratique, là, si on adoptait un tel amendement, là? Ça veut dire quoi dans la pratique, là, par rapport à des situations concrètes?

M. Gagnon (Claude): En fait, un pharmacien privé, comme moi ? pas la chaîne ni la bannière ? le pharmacien qui aurait un bail avec un médecin est une relation directe qui est touchée directement par le code, hein, par mon code de déontologie, devrait immédiatement se rendre conforme et remédier au bail, le rendre conforme à la loi telle qu'elle est votée, qu'elle sera décidée.

Dans le cas des chaînes et bannières, c'est un tiers. Ça, ça reporte les contrats. Évidemment, je pense que l'intervention du collège là-dessus, c'est qu'on a deux poids, deux mesures pour les médecins. C'est vrai, mais, moi, je n'ai qu'une loi pour les pharmaciens, et elle est là, elle interdit toute offre. Les médecins n'auraient jamais dû le prendre parce que ce n'était pas permis. Donc, je pense que ces baux-là tombent normalement en nullité si j'avais tous à les poursuivre, puisqu'ils vont à l'encontre du Code de déontologie des pharmaciens, et le bail ne pouvait pas être en vigueur.

n(16 h 30)n

Ce qu'on demande, nous, c'est: Donnons le temps, mais, le plus rapidement possible... Ces gens-là devront se soumettre immédiatement, puisqu'il y a une loi, il y a un règlement, d'un côté, qui est en application immédiate et qui était en vigueur et qui sera maintenu en vigueur. Cette partie-là, combien c'est de baux? Écoutez, il y en a 150 actuellement, des baux médecins-pharmaciens. Il y a combien de baux pharmaciens-médecins qui sont directement des pharmaciens? Je ne le sais pas. Mais c'est sûrement faisable de le réaliser comme ça et de respecter les lois en vigueur actuellement au Québec. C'est la seule façon qui respecte ça. Mme Lambert, en complémentaire, peut-être.

Mme Lambert (Manon): Oui. Bien, en fait, c'est un peu... c'est pour ça qu'on faisait le parallèle avec l'affaire Pharmacentres Cumberland où il y a eu un contrat qui a été signé, qui contrevenait, à l'époque, à la Loi sur la pharmacie, je crois, ou à un de ses règlements d'application, et effectivement le contrat a été considéré comme nul. Alors, quand un contrat... même s'il est privé ? et je comprends l'idée de la protection des contrats privés, mais quand un contrat est privé ? et qu'il contrevient à une loi et un règlement d'ordre public, on a de la jurisprudence à l'effet que ce contrat-là est nul. Alors, ils seraient déjà nuls, ces contrats-là.

M. Marcoux: Maintenant, quand vous faites une distinction entre le pharmacien et la chaîne, est-ce que ça veut dire que nous aurions deux situations?

M. Gagnon (Claude): On a actuellement deux situations, une qui va à l'encontre du code de déontologie parce que c'est le pharmacien directement. Le tiers, il n'a pas de lien. Il y a un lien qui est détourné parce que c'est le tiers qui loue au médecin. L'ordre n'a pas de pouvoir sur le tiers, on s'entend là-dessus. Mais n'empêche qu'il y a une pratique commerciale entre un pharmacien et un médecin qui se côtoient, qui est encadrée par une tierce personne qui peut ou non faire des pressions. On n'a aucune idée là-dessus. Mais c'est clair qu'il intervient un tiers, et c'est pour ça qu'on veut que le Code des professions vienne nous permettre de poursuivre le tiers, soit ? je pense au pénal, c'est un peu dans ce contexte-là ? parce qu'il aura enfreint... permis à un professionnel d'enfreindre son propre code. Donc, là, il intervient, et on peut rattraper par là, et c'est dans ce contexte-là qu'on veut ces changements-là.

M. Marcoux: Actuellement, est-ce que... Et là est-ce que le tiers... Parce que c'était une obligation du Code de déontologie des pharmaciens, donc c'était une obligation du pharmacien, il ne l'a pas respectée parce qu'il a loué... il peut avoir loué gratuitement ou à faible montant. Le médecin qui, lui, est partie au bail, il dit: Moi, mon code de déontologie, je n'avais pas de problème parce que ça ne remet pas en cause mon indépendance professionnelle. Alors là, on dit: Bien non. Écoute, là, je comprends que, toi, tu considères que ça ne remettait pas en cause ton indépendance professionnelle, donc que tu n'étais pas en infraction avec ton propre code de déontologie, mais comme le pharmacien qui t'a loué, lui, l'était, le bail est annulé. Est-ce que c'est ça? Bien, j'essaie...

Mme Lambert (Manon): Je reviens sur la question de règlement d'ordre public: l'affaire Cumberland. L'affaire Cumberland a clairement établi que, lorsque deux parties signaient un contrat qui était en contravention d'une loi ou d'un règlement d'ordre public, ce bail-là ou ce contrat-là était nul. Donc, ce que ça veut dire, c'est que, même si le médecin, lui, n'était pas assujetti au même type de code de déontologie, il demeure qu'il ne pouvait pas signer ? pas parce qu'il était médecin, mais parce qu'il était une personne du public; il ne pouvait pas signer ? un bail qui contrevenait au règlement. C'est ce que Cumberland nous a enseigné. Peut-être que Philippe pourrait... Me Frère pourrait...

M. Frère (Philippe): Avec votre permission, tout simplement pour redonner le contexte: Cumberland avait convenu une entente avec deux pharmaciennes par laquelle celles-ci versaient un pourcentage de leurs honoraires et des bénéfices provenant de la vente de médicaments. Cumberland, comme partie contractante privée, il n'y a rien qui l'empêche, dans les lois d'application générale, de convenir d'un tel contrat. Par contre, les pharmaciennes, elles, n'avaient pas le droit de partager leurs honoraires avec un non-pharmacien. Et ce qu'est venue dire la Cour d'appel du Québec, dès 2002, c'est que ce type de clause là, dont l'effet est de constituer une contravention à une règle d'un code de déontologie ? ici, c'était le Code de déontologie des pharmaciens ? cette situation-là est contraire à l'ordre public et donc de nullité absolue.

Et c'est le même exemple que l'on reprend ici, devant vous, pour vous dire: Même si le Code de déontologie des pharmaciens n'est pas applicable aux médecins, un médecin ne peut pas contracter avec un pharmacien dans une entente par laquelle le pharmacien va violer son code de déontologie. C'est contraire à l'ordre public.

Alors, la disposition ou l'amendement que nous vous suggérons aujourd'hui vise à écarter de la disposition transitoire les situations où il y aurait eu de tels contrats entre des pharmaciens et des médecins.

M. Marcoux: Peut-être... Je ne sais pas si j'ai encore quelques minutes.

Le Président (M. Descoteaux): Oui, trois minutes, M. le ministre.

M. Marcoux: Trois minutes. Ce n'est pas pour argumenter, là, mais j'essaie de réfléchir tout haut. Dans le cas de Cumberland, évidemment c'est la chaîne Cumberland, ça. Dans le cas du médecin, lui, il dit: Écoutez, là, moi, j'ai même un avis de mon ordre professionnel que j'ai agi correctement. À un moment donné, je peux comprendre, mais le médecin a dit: Moi, là, dans le fond, mon code de déontologie actuellement me permet de faire ça parce que ça ne remet pas en cause mon indépendance professionnelle.

Alors, je me dis: Est-ce que la situation en pratique n'est pas un peu différente de celle de Cumberland par rapport aux pharmaciennes en question? Là, je sais, c'est simplement...

M. Gagnon (Claude): Bien, ce que vous venez de dire là met en contraste la problématique de deux codes de profession qui ne disent pas les mêmes choses pour deux personnes qui ont à travailler dans les mêmes règles.

Alors, moi, je vous dis: Je peux faire ma job puis tout poursuivre individuellement ces gens-là parce que j'ai des chances de gagner en cour, mais parce qu'on est en train d'adopter une nouvelle réglementation, on dit: Aidez-nous à ne pas investir de l'argent à poursuivre tout ce monde-là individuellement parce que, moi, à partir du moment où on dit publiquement que tout ça n'est pas correct, le délai de 18 mois, je ne peux pas, moi, l'appliquer en pharmacie. À moins que vous subordonniez ma loi actuelle en me disant: Je suspends l'application du règlement untel le temps qu'on règle ça. Mais c'est-u ça qu'on veut, dire que les lois existantes, on peut les bafouer comme ça? Je ne sais pas, là. C'est-u la seule solution?

M. Marcoux: C'est parce que, dans le fond, si je comprends, selon votre interprétation, Me Frère, un pharmacien actuellement, indépendamment du projet de loi n° 54, pourrait dire: Je demande la nullité du bail auquel moi-même j'ai souscrit.

M. Frère (Philippe): Et il y a des causes... pas des causes, il y a certains litiges actuellement où ce que vous me posez comme hypothèse, c'est exactement la thèse d'un pharmacien qui dit à son franchiseur: Je t'ai versé depuis plusieurs années une redevance. Cette redevance-là est contraire à mon code de déontologie. Je demande donc à la cour de dire que je n'avais pas le droit de verser ces sommes-là à mon franchiseur et j'en demande le remboursement. Cette cause-là s'est réglée hors cour, mais ce que vous posez comme une hypothèse est en fait un cas réel.

Le Président (M. Descoteaux): Merci. Nous allons aller du côté de l'opposition. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. Gagnon, Mme Lambert, Me Frère, bienvenue. Merci de votre rapport, de votre mémoire à la commission, cet apport à la commission très intéressant. Je voudrais peut-être un peu poursuivre sur ce que le ministre était en train de vous parler, c'est-à-dire l'annulation d'un contrat en vertu du Code de déontologie des pharmaciens. Je voudrais soulever l'article 1438 du Code civil, qui dit que:

«La clause qui est nulle ne rend pas le contrat invalide quant au reste, à moins qu'il n'apparaisse que le contrat doive être considéré comme un tout indivisible.

«Il en est de même de la clause qui est sans effet ou réputée non écrite.»

Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans ces cas-là, dire: Bien, écoutez, en ce qui concerne la clause prix du bail ou la clause considération ? parce que souvent on ne dit pas «prix», on marque «considération» ou «loyer» ? est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Ce sera la clause, seulement la clause, qui sera nulle, et le reste du bail pourra continuer de s'appliquer?

Une voix: Je vais laisser Me Frère répondre à ça.

M. Frère (Philippe): Bien, écoutez, en théorie, oui. En pratique, un bail sur lequel la cour va dire que l'entente sur le loyer est contraire à l'ordre public, je me demande ce qui va subsister du contrat si on en retire l'élément principal, la principale obligation du locataire qui est de payer le loyer. Si on retire cet élément-là du contrat, on s'entend qu'il ne reste plus grand-chose au contrat dès lors qu'on enlève l'obligation principale du locataire.

Alors, nous, ce qu'on mentionne, il n'est pas de l'intention de l'ordre de commencer des actions en justice pour aller demander, à titre de tierce partie, l'annulation de contrats conclus entre des médecins et des pharmaciens. L'Ordre des pharmaciens va, je présume, aller d'une façon beaucoup plus efficace pour s'adresser, par le biais de son syndic, à son comité de discipline et va apporter à l'attention du comité de discipline les situations infractionnelles pour que les pharmaciens soient sanctionnés.

n(16 h 40)n

À titre d'exemple, récemment, on a eu la condamnation d'un pharmacien qui avait eu la mauvaise idée de sous-louer une partie des locaux qu'il louait de son bailleur à un prix moindre que celui qu'il payait à son bailleur. Alors, le médecin se trouvait à payer moins que le pharmacien payait lui-même. Alors, c'est le pharmacien qui assumait la différence, si vous voulez, de sa propre poche.

Alors, dans un cas comme celui-là, ça ne nous a pas pris d'expertise, ça ne nous a pas pris d'évaluation d'agent d'immeubles ou d'évaluateur agréé. Ça coulait de source que c'était une situation où il y avait un avantage qui était donné. Alors, il y a plusieurs situations comme celle-là où l'ordre va pouvoir poser des actions concrètes et obtenir des condamnations qui seront probablement dissuasives et puis qui vont amener les autres pharmaciens à rentrer dans le rang et à se dire: Bien, écoutez, c'est dangereux, cette situation-là. Moi, je vais louer mes locaux au prix du marché, tout simplement.

M. Côté: Vis-à-vis les causes que vous avez... Vous dites que vous avez présentement trois causes qui sont en suspens devant votre ordre. Est-ce que la disposition transitoire de 18 mois, là, qui est prévue dans le projet de loi, ça pourrait affecter les causes que vous avez présentement pendantes?

M. Gagnon (Claude): Bien, ça n'affectera pas le jugement parce que la reconnaissance de la culpabilité a été faite. Ça peut influencer peut-être... Et ça, je ne peux pas me mettre dans la peau du comité de discipline, chez nous, qui aura à rendre la sanction. Mais je vois mal comment quelqu'un peut sanctionner trois individus qui représentent la profession quand je blanchis tout le reste le temps qu'on trouve des solutions.

Alors, c'est comme si on dit au public: On fauche le droit juridique parce qu'on est en attente d'une solution. Ce n'est pas un bon signal en tout cas qu'on lance à la population. Et c'est là qu'on est tous mal pris. Je comprends M. le ministre, là-dessus, dans la décision qui n'est pas facile à prendre. Et c'est pour ça qu'il y en a qui sont claires, c'est celle qui dit: Je fais respecter les lois actuelles, le code actuel, et les baux entre pharmaciens et médecins, qui sont directement entre deux professionnels, doivent se rendre conformes le plus tôt possible, en tout cas pour nous... permettre le temps. Il n'y a pas de délai dessus, mais, bon, il faut bien se virer de bord là-dessus pour faire des contrats. Mais les autres, bien, sont conformes. On n'a rien contre eux autres pour l'instant, nous.

Mme Lambert (Manon): Je dirais qu'aujourd'hui c'est comme si, après avoir dit de l'Ordre des pharmaciens de façon à peine voilée: Vous n'agissez pas suffisamment promptement dans vos dossiers de protection du public; aujourd'hui, vous avez agi trop vite et vous vous retrouvez dans une situation problématique parce qu'on veut mettre en place une mesure transitoire.

Il y a comme... Pour parler comme mon adolescente, il y a comme un paradoxe ici, à ce moment-ci. L'Ordre des pharmaciens a agi, a pris ses responsabilités dans ce dossier-là. Alors, il devient un peu difficile pour nous, à ce moment-ci, de se retrouver dans une situation où les démarches qu'on aura entreprises vont se solder peut-être par finalement une finale en queue de poisson.

M. Côté: Est-ce que les personnes en question pourraient même aller en appel devant le Tribunal des professions?

M. Gagnon (Claude): C'est leur droit de le faire. D'ailleurs, ils peuvent y aller aussi, là. On ne sait pas. On ne peut pas présumer de ce qu'ils feront.

M. Côté: Et la décision n'est pas évidente.

M. Gagnon (Claude): Il n'y a rien de garanti.

M. Côté: Je voudrais revenir sur votre commentaire au sujet du mot «sciemment». Bon, vous dites que ce terme est lourd au niveau de la preuve. Vous suggérez également un ajout à cet article afin de couvrir plus large. Et là, ce que vous dites: Par contre, il «établit [...] un équilibre approprié afin d'éviter que les personnes soient condamnées sans qu'elles aient véritablement eu l'intention d'aider ou d'amener un professionnel à contrevenir à son code de déontologie». Maintenant, en ce qui concerne ce mot de «sciemment», là, lorsque vous parlez d'un fardeau lourd, qu'est-ce que c'est comme preuve? Je ne suis pas un spécialiste. Alors, j'aimerais peut-être que vous m'expliquiez peut-être...

M. Gagnon (Claude): Vous permettrez à mon spécialiste de répondre.

Le Président (M. Descoteaux): Me Frère.

M. Frère (Philippe): Au niveau de la preuve, l'utilisation des dispositions infractionnelles d'expressions comme «volontairement», «sciemment», «en connaissance de cause» impose au poursuivant une obligation additionnelle en matière de poursuite réglementaire. C'est-à-dire que généralement nous n'avons qu'à faire état du geste qui a été posé et démontrer que ce geste-là contrevient à la réglementation ou à la loi.

L'utilisation du terme «sciemment» impose au poursuivant un fardeau additionnel qui est de démontrer que, dans les circonstances, la personne qui a posé le geste désirait les conséquences de son geste. Alors, dans certains cas, ça peut couler de source; dans certains autres cas, ça peut être beaucoup plus difficile à faire. Alors, ce que nous avons conclu à cet égard-là, c'est que l'utilisation du terme «sciemment», bien qu'elle impose aux ordres professionnels un fardeau additionnel au niveau de la preuve, était quand même acceptable dans les circonstances en ce qu'il y a toujours un équilibre à établir, et ici il ne faut pas oublier que la personne qui est accusée de ce type d'infraction là n'est pas un professionnel assujetti à un code de déontologie et en conséquence ne peut pas toujours connaître toutes les subtilités d'application d'un code de déontologie ou des lois constitutives. Donc, quant à nous, il nous semblait qu'il y avait un équilibre ici qui était justement atteint par la proposition ministérielle sur cet aspect-là.

M. Côté: Nous avons entendu, aujourd'hui, là, des associations de médecins, ce matin puis au début de l'après-midi, puis ces associations considèrent que les règles actuelles en matière déontologique conviennent, puis qu'elles couvrent tous les cas, puis que le projet de loi est inutile. Puis on a même été jusqu'à dire que c'est presque farfelu de présenter un tel projet de loi.

Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, là, mais j'aimerais peut-être savoir, là, de votre part pourquoi, vous, vous considérez ce projet de loi là comme nécessaire. Parce qu'on nous dit que les médecins, bon, on n'a pas besoin d'en donner davantage, que le Collège des médecins peut poursuivre et que tout est prévu dans son code de déontologie. Et votre façon à vous, la façon dont vous le voyez, le concevez, ce projet de loi là, est-ce que, pour vous, il est nécessaire? Est-ce qu'il améliore la législation? Est-ce qu'il améliore les relations qu'on va pouvoir... en matière conflictuelle, au niveau des conflits d'intérêts entre médecins et pharmaciens?

M. Gagnon (Claude): En tout cas, moi, en tant que représentant de l'ordre... Nous, nous sommes convaincus, à l'Ordre des pharmaciens, que ce projet-là, ce projet de loi n° 54 là qui est déposé ne peut qu'améliorer ça. Ça, c'est certain. Si on ne l'était pas, on n'aurait pas de raison de demander une législation complémentaire ou supplémentaire à ce qui existe déjà parce qu'on a un code qui est très sévère. Le nôtre, notre code de déontologie est quand même très sévère. Il interdit tout.

Mais, même si on a le code qu'on a, même si on a les outils qu'on a, quand on se ramasse avec les causes et qu'on voit des sommes d'argent, 50 000 $, 25 000 $, 15 000 $, avantage à ci, avantage à ça, où s'en vont les équilibres, où s'en va le marché... et je pense que la transparence et l'accessibilité à l'information doivent être un outil qui est donné aux ordres pour pouvoir garantir au public qu'on fait notre travail. On ne fera pas de la police pour faire de la police, mais on doit avoir les outils qui nous permettent de dire: Oui, M. le ministre, on vous garantit que les relations commerciales pharmaciens-médecins sont conformes parce qu'on a les outils pour le faire, et on le fait par l'inspection, la validation de l'information dans certains cas.

Donc, on fait de la proaction. Je pense qu'on a été longtemps, les ordres, à être des réactifs; il faut être des proactifs. Et, pour être des proactifs, tout en respectant les droits des personnes et les droits des associations, il faut donner les outils pour permettre de faire de la proaction, c'est-à-dire aller chercher l'information, la quantifier, la qualifier et vérifier si elle respecte les législations en cours.

M. Côté: Donc, vous considérez que le projet de loi actuel pourrait être amélioré par les amendements que vous avez proposés, entre autres sur les amendes, sur les tiers qu'on peut... en ce qui concerne la réglementation, sur la période de transition. Ces choses-là, pour vous, vous apparaîtraient...

Une voix: Tout à fait. M. le Président, Mme Lambert...

Le Président (M. Descoteaux): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): D'autant que peut-être que, contrairement aux médecins... Et là je ne veux pas questionner les questions du Code de déontologie des médecins et les aménagements qui seront faits parce que je pense qu'on a assez de gérer notre code de déontologie, on n'ira pas gérer celui des autres, on a déjà assez de problèmes avec ça. Mais il reste qu'au niveau des pharmaciens, compte tenu de la vente d'un produit et des multiples relations commerciales que les pharmaciens ont développées avec le temps, puisqu'ils vendent un produit, je pense que l'Ordre des pharmaciens est probablement excessivement sensible à tout ce qui concerne l'encadrement des relations commerciales. La preuve, comme je disais tantôt, on tente, depuis plusieurs années, de réglementer la relation commerciale du pharmacien avec son principal partenaire économique qui est la chaîne et la bannière. On a vu aussi qu'il y a des relations commerciales entre le pharmacien et les fabricants de médicaments. Donc, il y a une certaine sensibilité, je dirais, de l'Ordre des pharmaciens à l'égard de l'encadrement et du besoin d'encadrement des relations commerciales, ce qui fait peut-être qu'on voit les choses de façon un petit peu différente à ce niveau-là.

n(16 h 50)n

Notamment, encore une fois, on accueille bien la modification à 12d, parce que ce n'est pas que pour les relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, mais pour un ensemble de relations commerciales. Et comme, en pharmacie, la présence des tiers est importante, et c'est des tiers qui, vous en conviendrez avec moi, sont excessivement puissants, qu'on parle de fabricants de médicaments, qu'on parle de chaînes ou de bannières de pharmacies qui parfois ont des ramifications nationales, sinon internationales, hein, on a des tiers qui sont excessivement puissants, alors on ne peut pas faire autrement que d'être contents, à un moment donné, de pouvoir se dire: On aura dorénavant, au niveau du Code des professions, la possibilité d'encadrer ou, en tout cas, au moins de se défendre contre l'intervention des tiers dans la pratique des professionnels. Ça fait qu'en ce sens-là on a une vision qui est plus large probablement parce que quant à nous le projet de loi dépasse strictement la question des relations commerciales médecins-pharmaciens.

Le Président (M. Descoteaux): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Un petit complémentaire aussi. C'est qu'on parle de médecin et pharmacien, mais, moi, je pense que c'est aussi... il faut aller plus loin: c'est toutes les relations qui vont toucher les gens qui prescrivent aujourd'hui. Vous savez que les personnes qui ont le droit de prescrire, il y a certaines infirmières spécialisées, vous avez les dentistes, vous avez les optométristes qui ont commencé à pouvoir le faire. Donc, évidemment, la multidisciplinarité, il faut permettre de l'encadrer, et je pense que le projet de loi actuel, dans sa version qui va être faite, va nous donner ces outils-là et va permettre... Ce n'est pas juste les relations médecins-pharmaciens, mais c'est l'avenir qu'on est en train de regarder avec l'ouverture des lois. La loi n° 90 a permis des choses, va permettre des choses, et on a besoin de réencadrer, d'ajuster nos codes et nos lois en conséquence.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui, Mme Lambert, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez assez de vous occuper de vos propres choses, mais vous savez qu'il y a quand même aussi un Code de déontologie des médecins, là, qui va venir, qui s'en vient avec... et je voudrais peut-être que vous me donniez un aperçu, votre idée sur ce que vous pensez du fameux... la clause qu'on parle du loyer juste et raisonnable, là. Qu'est-ce que vous pensez de ce terme?

Mme Lambert (Manon): Encore une fois, je vais me répéter. Dans le Code de déontologie des pharmaciens, l'interdiction est absolue, et on n'a pas nécessairement ce genre de problème là. Maintenant, le Code de déontologie des médecins, ça regarde les médecins, et je pense que c'est à eux de donner leur opinion concernant ce genre de situation là parce qu'ils ne sont pas dans la même situation que nous. Alors, moi, je ne commenterai pas et je ne pense pas que mon président me permettrait de commenter ce qui se passe au niveau d'un autre ordre professionnel et de son code de déontologie.

M. Côté: Mais vous me dites ça, là, je comprends votre position, mais elle a un impact, cette notion juste et raisonnable, avec votre ordre professionnel parce que, dans votre cas, c'est interdit, et, dans le cas des médecins, on prend la notion de juste et raisonnable. Alors, pour un médecin, ça peut être valide ou ça peut être très correct puis, pour votre ordre, ça peut être encore une fois pas correct du tout, et c'est là qu'il peut y avoir un conflit, là.

M. Gagnon (Claude): Peut-être en complémentaire, là, sans prendre position pour l'un ou l'autre à ce niveau-là. Nous, on est en accord avec le projet de loi tel qu'il est déposé, donc ça veut dire que le juste et raisonnable, on le comprenait, c'est que ça donnait de la souplesse à certaines situations vécues dans le champ, et, bon, on n'a pas à démontrer ça sera quoi, le juste et raisonnable, je me fie aux spécialistes là-dedans. Mais il y a de la jurisprudence sûrement qui doit exister et il y a des contextes que le ministre, j'imagine, a voulu... le gouvernement a voulu laisser des portes d'ouverture pour des situations particulières, et je pense que c'est comme ça qu'on l'a perçu. Je ne sais pas si c'était vraiment ce qui était visé par ça. Et là-dessus on a donné notre appui puisqu'on dit qu'on est en accord avec le dépôt du projet de loi n° 54 tel qu'il est déposé avec les amendements qu'on y apporte et on ne parle pas de ce contexte-là. Donc, il est évident qu'on ne peut pas être autrement qu'en accord avec.

Le Président (M. Descoteaux): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): J'ajouterais qu'au-delà de la question du juste et raisonnable et de l'interdiction formelle au niveau du Code de déontologie des pharmaciens, il faut quand même considérer que le syndic a un pouvoir discrétionnaire à l'effet de déposer ou de ne pas déposer de plainte. Alors, il pourrait très bien survenir qu'un pharmacien ait contrevenu à son code de déontologie mais, parce que le syndic considère, suite à l'enquête, que la situation, prenons les mêmes mots, était juste et raisonnable ou était factuellement explicable par une situation exceptionnelle, le syndic pourrait très bien ne pas déposer de plainte, et c'est entièrement dans son pouvoir. Donc, jusqu'à un certain point, le caractère raisonnable de déposer une plainte ou pas est toujours fait dans notre système professionnel, et c'est le rôle du syndic de l'ordre de le faire.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc, autre question?

M. Côté: Il me reste du temps, oui?

Le Président (M. Descoteaux): Oui, il vous reste trois minutes.

M. Côté: Bon. En ce qui concerne justement votre code de déontologie, les amendements, où c'en est? Où le processus en est-il rendu?

M. Gagnon (Claude): Actuellement, on est en train de peaufiner la finalisation par rapport à la politique du médicament. On attendait la politique du médicament pour finaliser des détails. Je pense que, là, il devrait partir, d'ici une semaine ou deux maximum, finaliser à l'office qui devrait l'envoyer après ça au gouvernement. Nous, on aurait espéré évidemment... Il y a possibilité d'élections, on ne sait pas où est-ce qu'on s'en va, mais j'avoue qu'on aurait espéré qu'il soit adopté dans le délai le plus rapide possible parce que, pour nous, c'est vital pour ce qui s'en vient.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va comme ça?

M. Côté: Ça va.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. M. Gagnon, Mme Lambert, Me Frère, merci de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques minutes nos travaux en attendant le Dr Daniel Poulin.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

 

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Descoteaux): Donc, nous poursuivons nos travaux. Bienvenue, Dr Daniel Poulin, devant la commission. Tel que prévu, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivi de deux périodes d'échange de 20 minutes respectivement. Donc, la parole est à vous.

M. Daniel Poulin

M. Poulin (Daniel): Mesdames et messieurs de la Commission des institutions, je vous remercie de m'avoir invité à commenter le projet de loi n° 54. Je suis médecin omnipraticien exerçant ma profession tant en bureau privé qu'en centre hospitalier. Je ne représente aucun groupe d'intérêts, je ne représente aucun syndicat. Je me crois particulièrement qualifié pour vous fournir un regard critique en rapport avec ces répercussions sur les relations commerciales des médecins parce que j'ai une expérience, approchant les 20 ans, en tant que cogestionnaire ou gestionnaire de cabinet de médecin. J'ai aussi été approché, ces dernières années, par des représentants de diverses entités commerciales liées à l'industrie pharmaceutique.

n(17 heures)n

J'ai dénoncé, en septembre 2004, par les médias la nature illégale des avantages financiers offerts à des membres de ma profession. Un vaste système de ristournes sans aucun rapport avec le partage des compétences professionnelles s'est installé au Québec, avec pour effet de déplacer des médecins déjà à proximité d'une pharmacie vers une autre qui leur fournit directement ou indirectement des avantages pécuniaires. C'est tout ce que ça a fait: ça a déplacé des médecins vers un endroit où ils obtenaient maintenant des avantages. Les cabinets médicaux non subventionnés ferment souvent dans de petites municipalités moins attirantes pour les grandes surfaces commerciales. La propriété et la gestion des cabinets médicaux deviennent maintenant souvent l'apanage de ceux qui tirent profit des prescriptions des médecins. Ils assument, en partie ou en totalité, le coût du personnel, des fournitures et des locaux de médecins pourtant réputés en pratique privée et recevant à ce titre de la Régie de l'assurance maladie une rémunération bonifiée par rapport à leurs pairs en établissement.

En fait, il faut savoir que, si vous travaillez en CLSC ou en clinique privée conventionnée, pour les mêmes actes, vous allez avoir 35 % de moins. Je m'inscris en faux envers les déclarations du Dr Barrette qui disent que les médecins n'ont pas les moyens financiers pour assumer la gestion indépendante de leur cabinet. Les médecins ne paient plus 35 %. Ils peuvent payer 10 %, ils peuvent payer 0 %, ils peuvent payer 15 %. En fait, ce que ça fait, ça augmente leurs revenus. C'est un tiers parti, indépendant de l'assurance maladie, qui décide de la rémunération finale des médecins. Les incitatifs financiers gouvernementaux pour une meilleure répartition des effectifs médicaux sont entravés. Le danger d'un trafic d'influence est bien réel alors que déjà les horaires et le type de pratique des professionnels sont assujettis à des clauses prévoyant des pénalités financières. On devient un petit peu des franchisés souvent des bannières.

Le projet de loi reprend en bonne partie les solutions législatives contenues dans l'Avis de l'Office des professions du Québec sur la déontologie et l'exercice en société en regard des pratiques commerciales entre les médecins et les pharmaciens déposé en avril 2005 et rendu public en octobre de la même année. Je ne peux qu'être favorable à ces propositions qui visent à mieux assurer la protection du public.

Concernant les articles 1 et 2, ces deux articles proposés vont dans le sens de la recommandation de l'office de hausser le montant des amendes en matière disciplinaire et pénale. Ils s'accordent mieux à l'importance des intérêts économiques en jeu. Mentionnons que les retombées économiques des prescriptions des médecins québécois se chiffrent annuellement en milliards de dollars. En effet, selon l'Institut canadien d'information sur la santé, les ventes de médicaments au Québec, en l'an 2000, se chiffraient à 3,7 milliards de dollars, soit 17,6 % de l'ensemble des dépenses en santé.

Concernant l'article 3, qui à mon sens est très important, il dit qu'«il est nécessaire de pouvoir poursuivre devant un tribunal pénal un tiers qui incite un professionnel à enfreindre le Code des professions, ainsi que les lois et les règlements le régissant. Une telle mesure aurait un effet dissuasif sur les personnes, physiques ou morales, qui contractent avec ces professionnels.»

Je souscris entièrement à cette intention du législateur. Trop souvent, les avantages plaçant les médecins en situation de conflit d'intérêts sont fournis par des non-professionnels ou des intermédiaires qui servent à relayer les ristournes illégales. Si je me rappelle bien, on a déjà pris l'exemple, je pense, par l'Ordre des évaluateurs agréés, où est-ce qu'un non-professionnel qui ne tire pas profit directement des prescriptions des médecins loue à rabais à des médecins, il loue plus cher à un pharmacien. Je pense que souvent c'est une façon de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement. Je vais vous donner un exemple que j'ai en tête où est-ce qu'un pharmacien paie 8 000 $ par mois pour son local, et les médecins tout à côté paient 100 $ par mois. Je ne vois pas quel est l'intérêt du pharmacien de payer plus cher que la valeur marchande pour un local. Et, dans un contexte où les médecins paient moins, je pense que le propriétaire immobilier sert de relais pour les ristournes aux médecins.

Le terme «sciemment» indiqué dans l'article 3 implique toutefois un fardeau de preuve trop lourd dans le contexte. Il n'est pas approprié à mon avis de permettre de plaider l'ignorance de la loi, surtout lorsque l'ordre public est en jeu. Il y a lieu de retirer ce terme. En effet, les contestations judiciaires par des tiers nantis de ressources économiques souvent très importantes risquent autrement de miner la crédibilité du pouvoir des ordres professionnels à faire respecter cet article. Et je reprends l'exemple dans l'avis de l'Office des professions où est-ce qu'on disait que, selon les informations obtenues par l'Ordre des pharmaciens, plusieurs interventions auraient été tentées au cours des dernières années, mais sans grand résultat, il faut bien le constater, en raison notamment des contestations judiciaires qui, on le sait, sont très dispendieuses.

L'article 7, j'ajouterais qu'il faut à mon sens, si ce n'est pas déjà prévu, complémenter cet article en incluant les contrats que concluent les pharmaciens avec des médecins. Ceci renforcirait les moyens de surveillance de l'Ordre des pharmaciens vis-à-vis ses membres dans leurs relations commerciales avec les médecins. Ainsi, le paragraphe modifié se lirait ainsi:

«d) déterminer des normes applicables à certains contrats que peuvent conclure les pharmaciens dans l'exercice de leur profession ou en vue de cet exercice ou avec des médecins, les cas dans lesquels un contrat doit être transmis au secrétaire de l'ordre, y compris à sa demande, ainsi que les modalités applicables à cette transmission, y compris la production d'un rapport, y compris la production d'un rapport ou de renseignements l'accompagnant.»

L'article 9. Je pense que, pour le comprendre, il faut référer aux conclusions de l'avis de l'Office des professions confirmant l'illégalité des pratiques commerciales actuelles entre médecins et pharmaciens ou chaînes de pharmacies. Je cite: «L'analyse de l'office démontre que le versement d'un loyer gratuit ou à rabais constitue une réduction de prix qui sera généralement associée à une ristourne et qu'en matière de déontologie, non seulement le conflit d'intérêts réel, mais également le conflit apparent doit être évité, en vue de maintenir la confiance du public et l'intégrité du système professionnel.»

Je continue: «L'Office des professions considère que le loyer gratuit ou à rabais consenti par un pharmacien, ou par un tiers susceptible d'en tirer un profit pourrait être qualifié de conflit d'intérêts potentiel, ou apparent, par une personne raisonnablement informée selon les dispositions actuelles du Code de déontologie des médecins et serait de nature à mettre en péril l'indépendance professionnelle du médecin.

«L'analyse du droit comparé en matière de conflit d'intérêts associé à la problématique du loyer gratuit ou à rabais nous conduit l'office à recommander le maintien de l'interdiction ? je souligne, le maintien de l'interdiction ? pour les médecins d'accepter un loyer gratuit ou à rabais.»

L'article 9 proposé dans le projet de loi est inspiré de la recommandation suivante de l'avis: «De même, il y a lieu d'évaluer la possibilité d'introduire une disposition transitoire législative ou réglementaire si l'orientation retenue est de rendre applicables les nouvelles mesures aux contrats en cours lors de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

n(17 h 10)n

«En effet, ces [dispositions] risquent d'entraîner des répercussions économiques [...] pour les professionnels concernés qui ont, de bonne foi, conclu des contrats avec d'autres professionnels de la santé ou avec des non-professionnels.»

L'amnistie proposée aux médecins, elle n'est compréhensible que dans la mesure où la bonne foi des médecins contrevenants peut être évoquée, compte tenu que le Collège des médecins permettait à l'ensemble de ses membres d'accepter de tels avantages illicites. Cette bonne foi ne peut jouer toutefois dans le cas des pharmaciens qui ont contrevenu à des dispositions claires ne souffrant d'aucune ambiguïté et en vigueur depuis au moins 1994. Il existe aussi un caractère délibéré dans le geste qui vise à maintenir ou à augmenter le chiffre d'affaires d'une pharmacie en accordant des avantages aux prescripteurs.

La disposition transitoire doit donc être clarifiée pour qu'elle ne vienne pas entraver le pouvoir de l'Ordre des pharmaciens de déposer une plainte en vertu des articles 3.05.06 et 3.05.08 de l'actuel Code de déontologie des pharmaciens et des articles 50, 52 et 53 du projet de nouveau Code de déontologie des pharmaciens. Toute l'incongruité de cet article 9 prend sa source du fait qu'un ordre professionnel permettait à ses membres d'accepter des avantages qu'un autre ordre, dans une perspective de protection du public, défendait à ses membres de verser.

Le délai de 18 mois m'apparaît inutilement long. Le rapport de l'Office des professions date déjà d'avril 2005. Quant aux répercussions économiques pour les médecins, il faut garder en perspective que les avantages illégaux acceptés ont créé de longue date une situation d'injustice financière pour les médecins qui n'ont pas contrevenu et ne contreviennent pas à leur code. Le délai d'application proposé perpétue encore plus cet écart de revenus nets entre gens de la même profession et envoie un message ambigu incitant à de futures violations du code de déontologie en raison d'intérêts économiques. Parce qu'il faut le dire, c'est payant actuellement de contrevenir au code de déontologie. Même en l'absence de ce délai et sous toutes réserves d'une volonté ferme d'application par les ordres professionnels, il faudra certainement un certain temps pour mettre fin à une pratique que l'étude de l'office a reconnue comme courante et répandue. Et je ferais une parenthèse: ce n'est pas juste des loyers gratuits ou des loyers à rabais. Comme je vous dis, le secrétariat, les fournitures des médecins sont payés par des chaînes, des pharmaciens propriétaires, il n'y a aucune limite. Nous avons des preuves, il y a des chèques qui sont versés à des médecins. Nous sommes maintenant les complices de guerres commerciales entre chaînes et bannières, et ceci n'est certainement pas dans l'intérêt du public.

Le contrat liant le médecin avec un tiers ne sera pas nécessairement nul si la violation déontologique ne vicie seulement que quelques clauses du contrat et qu'il apparaisse que le contrat peut être considéré comme divisible. On a déjà entendu l'argumentation de l'Ordre des pharmaciens à cet effet, et j'y souscris. Autrement dit, si le contrat n'est pas divisible, le contrat signé par ce médecin qui viole ledit code est nul ab initio. Rien ne s'oppose alors à une mise en règle rapide.

Je comprends que l'article 73.1 auquel on réfère dans le projet de loi est celui en vigueur dans l'actuel Code de déontologie des médecins et apparaissant dans le Règlement modifiant le Code de déontologie des médecins qui est apparu dans la Gazette officielle du Québec, le 29 novembre 2006.

Quant à l'article 73.3 mentionné dans le projet, il y a lieu de le préciser. Est-il bien celui mentionné dans le Règlement modifiant le Code de déontologie des médecins dans la Gazette officielle du Québec, le 29 novembre 2006? Si c'est bien ça, on dit qu'il serait défendu au médecin «d'accepter, à titre de médecin ou en utilisant son titre de médecin, toute commission, toute ristourne ou tout avantage matériel, à l'exception des remerciements d'usage et des cadeaux de valeur modeste».

Je pense que cette clause-là n'a rien d'absolument exceptionnel. J'entendais Dr Barrette, plus tôt, dire qu'on faisait une discrimination envers les médecins. Je veux vous citer la déclaration de principe de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada concernant les conflits d'intérêts sous la section Cadeaux et avantages: «Le comité exécutif, le conseil et les membres des comités de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, ainsi que ses représentants, bénévoles et employés, ne doivent solliciter ni accepter aucun cadeau ou avantage, exception faite des cadeaux de circonstance, de l'hospitalité de convenance ou d'autres avantages non pécuniaires à valeur symbolique.»

Conclusion. Le projet de loi n° 54 actualise les pouvoirs conférés aux ordres professionnels. Il introduit une mesure très importante leur permettant de poursuivre devant un tribunal pénal un tiers qui incite un professionnel à enfreindre son code de déontologie. Le gouvernement intervient aussi dans le cadre des relations commerciales des médecins en imposant un cadre, qui devra certes être affiné, pour mettre fin aux dérives actuelles. Il rappelle l'importance de la déontologie comme pierre d'assise de la protection du public et l'obligation des ordres professionnels d'en faire respecter les principes. Ceux-ci ne peuvent être sacrifiés pour des raisons économiques à l'heure où de profondes transformations prennent forme dans notre réseau de santé, et l'intérêt des citoyens doit toujours primer sur celui des professionnels et des tiers liés.

Là aussi, quand j'entendais le Dr Barrette parler, c'est comme si les médecins, dans un avenir où ils ne recevraient pas des ristournes des chaînes ou de ceux qui tirent parti de leurs prescriptions, c'est comme si le système actuel des cliniques médicales s'effondrerait. C'est absolument faux. Le collège devra adopter des mesures réglementaires et administratives en concordance avec l'esprit du projet de loi. Le gouvernement reste le maître d'oeuvre des mesures de répartition des médecins, et aucun ordre professionnel ne peut, par aveuglement volontaire, moduler l'accessibilité aux soins de santé. En conclusion, je dis: Échanges professionnels, mais pas échange d'argent.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, Dr Poulin. Donc, pour la période d'échange, M. le ministre.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Dr Poulin, de votre présentation et merci d'être là, aujourd'hui. C'est bien sûr, et je voudrais le préciser en partant, je le sais, que vous avez... Et vous l'avez noté dans votre présentation ou ailleurs, donc, déjà, vous avez quelques poursuites qui sont en cours. Donc, surtout à titre de parlementaire, mais principalement à titre de ministre de la Justice, c'est bien sûr que je m'abstiendrai de faire allusion à ces dossiers-là. Je pense que c'est important, je voudrais tout à fait le préciser dès le point de départ.

Ceci étant dit, vous évidemment soulignez des choses intéressantes et vous faites des propositions, des commentaires. Il y a peut-être, dès le début, une clarification qu'il faudrait peut-être apporter parce que c'est vrai que ce n'est pas évident, là. À la page 7 de votre mémoire, quand vous faites référence à l'article 73.1 auquel on réfère, il y a deux choses. Il y a d'abord l'article 73 qui existe présentement, et qui est modifié par un règlement qui a été adopté par le Collège des médecins, et qui a été publié dans la Gazette officielle du mois de novembre, d'une part...

n(17 h 20)n

M. Poulin (Daniel): Mais je pense que c'est l'article 73.3 et non pas l'article 73.1.

M. Marcoux: Alors, 73, peut-être revenir là-dessus, parce qu'il y a 73 évidemment, paragraphe 3°, parce que, dans l'article du règlement actuel du Collège des médecins, il y a trois paragraphes, le paragraphe 1°, 2° et 3°, et, dans 73.3 actuel, c'est là qu'on touche, là, on réglemente la question des commissions, ristournes ou avantages matériels. Alors, c'est une question, je pense bien, là, de numérotation. Et, comme le député de Dubuc y faisait référence tout à l'heure, le Collège des médecins aussi a adopté, au mois de décembre, un autre ajout à son règlement qui évidemment n'a pas été publié encore et qui touche justement la question de «juste et raisonnable». Et...

Une voix: ...

M. Marcoux: Pardon? Et vous le connaissez, vous êtes membre.

M. Poulin (Daniel): Ça n'avait jamais été envoyé, la notion de juste et raisonnable. Je n'en ai eu connaissance que par les journaux spécialisés.

M. Marcoux: O.K. Bon, bien alors... Et ça, ce serait un 73.1. Donc, il y a 73 avec trois paragraphes, et l'autre, ce serait un 73.1.

Vous commentez les articles et avec des commentaires fort judicieux. Il y a l'article 7 donc qui touche la Loi sur la pharmacie, dont nous avons discuté d'ailleurs avec le président de l'ordre tout à l'heure, sur les normes applicables à certains contrats que peuvent conclure les pharmaciens, une modification qui est souhaitée par l'Ordre des pharmaciens d'ailleurs, mais pas sûr si... Vous suggérez évidemment d'ajouter un autre... ou de modifier le paragraphe pour le rendre plus complet et pour ajouter notamment «avec des médecins». Lorsqu'on regarde le texte actuel, je pense que ça touche tous les contrats, incluant ceux qui peuvent être conclus avec des médecins. Vous dites...

M. Poulin (Daniel): Vous savez, la nuance qui...

M. Marcoux: Alors, c'est pour ça que je voulais...

M. Poulin (Daniel): La nuance qui est apportée, c'est parce que, dans l'article 7 tel que libellé, on parle de certains contrats que peuvent conclure les pharmaciens dans l'exercice de leur profession ou en vue de cet exercice. Si «en vue de cet exercice» inclut les contrats avec les médecins, bien je suis bien d'accord avec le libellé actuel.

M. Marcoux: Bien, écoutez, moi, simplement sous réserve, là, parce que parfois il peut y avoir des interprétations différentes, mais ce que...

M. Poulin (Daniel): Ce que je voulais m'assurer, c'est...

M. Marcoux: Ce qu'on m'indique, je pense, de la part ? on pourra le revérifier, je demanderai qu'on le revérifie, là, pour être bien sûr; mais de la part ? des gens de l'office et de Me Rinfret, qui est directrice des Affaires juridiques, c'est qu'effectivement ça comprendrait évidemment les contrats avec les médecins. Mais vous soulevez le point, on va demander de revérifier puis d'être bien sûr, là, que ça correspond à l'objectif qu'on poursuit. Je pense qu'on va le faire.

Deuxièmement, vous touchez aussi... Enfin, vous parlez du terme «sciemment». On l'avait évoqué tout à l'heure. Le député de Dubuc a posé une question au président de l'ordre à cet égard-là. Dans le Code des professions actuel, dans les dispositions, vers la fin du code, où on parle des infractions et peines, on retrouve aussi cette expression de «sciemment».

M. Poulin (Daniel): Mais vous savez...

M. Marcoux:«Commet une infraction et est passible, pour chaque infraction, de l'amende prévue à l'article[...], quiconque sciemment...» Alors, ce n'est pas une notion qui est étrangère ou qui... je pense, qui est dans le texte... Pardon?

M. Côté: Ce n'est pas du droit nouveau.

M. Marcoux: Ce n'est pas du droit nouveau, effectivement, mais c'est...

M. Poulin (Daniel): ...

M. Marcoux: Oui, on le retrouve déjà.

M. Poulin (Daniel): Mais, vous savez, le contexte des relations médecins-pharmaciens, il y a peut-être certains aspects particuliers par rapport à celui d'autres professions. En fait, je pense, elles sont rares, les professions qui vont générer autant d'enjeux économiques pour une autre profession, hein? On parle de milliards de dollars, O.K.? Vous savez que, moi, comme médecin, quotidiennement, en cinq minutes, je rédige une prescription qui peut comprendre 10 médicaments et, juste en honoraires fournis par les ententes entre l'assurance maladie et les pharmaciens, je peux générer environ 1 200 $ de revenus annuels aux pharmaciens. Et je ne tiens pas compte des profits sur les médicaments ni des ristournes sur les médicaments génériques. Les docteurs ont un pouvoir économique très important vis-à-vis une autre profession ou d'autres tiers qui tirent profit de leurs prescriptions, et je pense que cette situation-là n'est pas retrouvable de façon courante dans les autres professions.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Donc, vous dites...

M. Poulin (Daniel): Je pense que le terme «sciemment» devrait être retiré dans ce contexte parce qu'on a vu ? juste à parler de l'affaire récemment, à la Cour suprême, Goodman versus Pharmascience ? combien loin peuvent aller... et combien de temps que ça peut prendre pour arriver à un jugement, et le terme «sciemment» impose un facteur lourd à mon sens pour un ordre professionnel.

M. Marcoux: Bien, je prends acte de ce que vous mentionnez. C'est bien sûr qu'il y a toujours ? et vous savez ça ? dans la législation une sorte un peu d'économie générale et de cohérence et...

M. Poulin (Daniel): Si on pouvait présumer de la bonne foi...

Le Président (M. Descoteaux): Dr Poulin, s'il vous plaît, je vous demanderais, pour les fins de nos enregistrements... Normalement, je devrais vous céder la parole chaque fois. Je ne le fais pas, puis ça facilite les échanges...

M. Poulin (Daniel): ...

Le Président (M. Descoteaux): Non, mais je vous demanderais de laisser les questions se terminer avant de répondre, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Mais c'est un dialogue intéressant, là. Mais alors c'est un peu ça, et, à chaque fois que vous modifiez, nous arrivons, selon les juristes, avec des formulations différentes. La question, bien c'est pourquoi et quel impact ça a sur ce qui est déjà dans la loi comme telle. Donc, on va le regarder, mais je pense que c'est fondamentalement aussi une question un peu de cohérence avec ce qu'il y a dans le Code des professions et aussi si ça existe dans nos lois pénales ici, au Québec.

Vous abordez la question de la disposition transitoire. Nous en avons discuté aussi avec l'Ordre des pharmaciens, qui a une proposition plus précise. Je dois avouer que c'est un peu... c'est un sujet qui a fait l'objet beaucoup de discussions avec l'Office des professions, qui a fait le tour de la question et qui est arrivé avec cette proposition-là. Il y a un aspect, sur plan du droit civil, d'un peu de sécurité aussi des transactions, tout en prenant bien en compte le fait que, oui, ça pourrait peut-être être nul, compte tenu d'infractions au Code des professions des pharmaciens. C'est un peu, je dois vous avouer... Parce qu'il y en a... La dynamique, c'est que, d'un côté, oui, c'est une infraction au Code de déontologie des pharmaciens; de l'autre, les médecins disent: Écoutez, nous, notre code de déontologie, en tout cas à venir jusqu'à maintenant, ne nous l'interdit pas parce que ça ne met pas en cause notre indépendance professionnelle. Alors, c'est un peu une situation qui, je pense, est assez complexe et c'est pour ça, là, que je voudrais peut-être que vous en parliez un petit peu plus.

n(17 h 30)n

M. Poulin (Daniel): Je ne souscris pas à cette interprétation. Je pense que le Code de déontologie des médecins déjà interdisait ces pratiques. On a juste à penser... Je pense que c'est l'article 63 du Code de déontologie des médecins qui disait qu'on ne doit pas se mettre en situation de conflit d'intérêts. Les médecins, en acceptant des loyers gratuits ou à rabais des tiers qui profitaient de leurs prescriptions, se mettaient en situation de conflit d'intérêts; c'était déjà interdit. Et évidemment, si je vous réfère à l'avis juridique contenu dans l'avis de l'Office des professions, on disait que «l'Office des professions considère que le loyer gratuit ou à rabais consenti par un pharmacien, ou par un tiers susceptible d'en tirer un profit pourrait être qualifié de conflit d'intérêts potentiel, ou apparent, par une personne raisonnablement informée selon les dispositions actuelles du Code de déontologie des médecins».

Évidemment, jamais un médecin ne va dire, lorsqu'il accepte un avantage, qu'il compromet son indépendance. Je veux dire, ça ne doit pas être le critère, il faut que ce soit un tiers qui dise ça. À cet effet, je vous référerais à un sondage qui est paru dans Cyberpresse, le 27 octobre 2006. La question qu'on demandait justement aux gens était: Les pharmaciens et les médecins devraient-ils recevoir des sanctions sévères lorsqu'ils donnent ou reçoivent des avantages pécuniaires pour s'installer dans un lieu plutôt qu'un autre? La réponse: sur 367 votes, 62,9 % disent que, oui, des sanctions sévères. On a des tiers raisonnablement informés, je pense, qui se sont exprimés de cette façon-là.

Le lien de confiance entre le médecin puis son patient, ça doit être préservé à tout prix. Quand un citoyen va voir un médecin, il ne devrait pas avoir à se poser la question: Quel type de ristourne? De combien est la ristourne que mon docteur reçoit du pharmacien au côté? Je ne vois pas pourquoi qu'il devrait avoir à se poser cette question-là. J'ai souvent demandé à des gens ou plutôt posé l'analogie suivante: J'arrive, un matin, au bureau où je pratique, dans une voiture rutilante de l'année, et un de mes patients m'accoste puis il me félicite de ma nouvelle voiture. Et je lui dis: Tu n'as pas à me féliciter, elle est seulement louée. Il va dire: Je vous félicite quand même, Dr Poulin. Vous travaillez fort. Je pense que vous méritez de vous payer ou de vous louer une bonne voiture. Je dis: Écoute, la location, ce n'est pas moi qui la paie, c'est le pharmacien au côté.

Cinq minutes plus tard, je revois le même patient en consultation et, souvent, comme il est coutume, les patients, lorsqu'ils ont beaucoup de médicaments, ils me demandent s'ils devraient simplifier, si on ne pourrait pas diminuer leur nombre de médicaments. C'est sûr qu'après une conversation où est-ce que j'informe un patient que c'est le pharmacien d'à côté qui paie ma voiture, lorsque je vais lui annoncer que je ne diminue pas son nombre de pilules mais plutôt que je l'augmente ? parce que ça arrive souvent, c'est la réalité ? je pense que le patient va se poser certaines questions: Est-ce que c'est pour mon intérêt ou c'est pour l'intérêt du docteur qui va favoriser l'intérêt du pharmacien pour continuer à rouler dans une très belle voiture? Et une voiture, une location même ? vous chercherez des voitures luxueuses ? c'est beaucoup moins que les pratiques actuelles de loyers à rabais qu'on voit.

Et je fais un parallèle entre la situation des médecins et vous, parlementaires: je pense que vous avez une allocation pour vos bureaux de député. Je pense que ce serait très mal vu si le public apprenait que finalement vos bureaux, que vous avez dans vos circonscriptions respectives, sont payés par diverses compagnies. Les gens soulèveraient, avec raison, je pense, la possibilité de conflit d'intérêts.

Et les médecins, je ne pense pas qu'on doit se mettre sur un piédestal par rapport aux autres. La nature humaine est la nature humaine, pour les médecins comme pour tout le monde. Je vous souligne qu'il y a un code pour les fonctionnaires qui interdit tout avantage, sauf pour les cadeaux de circonstance, et je résume. Et je peux vous dire qu'on trouve ça un peu partout dans la société québécoise. Est-ce que les fonctionnaires peuvent se faire payer des sommes d'argent par des gens à qui ils octroient des contrats de commandites ou autres? La réponse, c'est non.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui, merci. Donc, évidemment, vous faites des suggestions, là, plus précises. Mais, globalement, avec le projet de loi, vous dites: Je suis en accord de façon générale avec ce qui est proposé et aussi avec l'objectif qui est poursuivi par le projet de loi.

M. Poulin (Daniel): Je suis en accord avec le projet de loi, mais je peux vous dire qu'il vient tardivement. Je vais vous citer en référence... parce qu'on a eu, la Fédération des médecins omnipraticiens, ce matin, justement une réflexion du Dr Marc-André Asselin, qui est président de l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal et vice-président actuel de la FMOQ.

Déjà, en 2001, il disait: Les omnipraticiens qui ont ouvert un cabinet dans les années soixante-quinze ont beaucoup de difficultés à le conserver pour des raisons financières. Un modèle de pharmacie par contre est en train d'apparaître: les médecins s'installent en haut d'une pharmacie parce que cela leur coûte moins cher. C'est le seul endroit où ils peuvent travailler sans se soucier du financement de l'organisation.

Mais déjà c'est faux, ça. Si vous êtes en pratique privée conventionnée, pourquoi vous n'allez pas dans les CLSC qui souvent ont des locaux déserts, souvent on a des communautés qui ont besoin de médecins? Vous avez décidé d'être en pratique privée, vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

Le Dr Marc-André Asselin poursuivait: Si le gouvernement n'apporte pas un soutien financier aux cabinets, le modèle de la clinique gérée par les médecins va disparaître. On est rendus à ce point-là. Les cliniques ne sont plus gérées par des médecins. Comme je vous le disais précédemment, il n'y a aucune limite, c'est-à-dire le personnel, les fournitures, tout est fourni par la chaîne de pharmaciens tout à côté. Je vous demanderais, si les locaux, les fournitures et le personnel sont fournis par le pharmacien aux médecins, pourquoi ne pas être transparent, à ce moment-là, et installer le médecin en plein milieu de la pharmacie? Il n'y en a plus, de différence.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, en 30 secondes, pour conclure.

M. Marcoux: Oui. Bien, merci pour votre présentation. C'est sûr que les... Je pense qu'il y a fort peu de... certainement, suite aux questions, là, qui ont été posées aujourd'hui, certains éléments qui, je pense, vont être très utiles comme réflexion. Puis c'est clair que l'objectif, c'est de pouvoir réglementer ces relations-là de façon à éviter les conflits d'intérêt réels ou surtout potentiels, parce que ce n'est pas toujours réel parce que les gens ne le savent pas, mais potentiellement ? et peut-être qu'en pratique c'est vrai que ça n'a pas d'impact, mais potentiellement ? il peut y avoir des conflits d'intérêts.

M. Poulin (Daniel): Est-ce que je peux commenter? Attendez-vous pas à avoir des données probantes, hein? Les dénonciations vont toujours se faire très rares, parce que la main qui donne ne dénoncera pas la main qui reçoit. C'est pour ça que le critère de situation de conflit d'intérêts potentiel ou apparent doit subsister: justement à cause du peu de dénonciation et des intérêts économiques en jeu.

Le Président (M. Descoteaux): Merci. M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui, merci. M. Poulin, bienvenue.

M. Poulin (Daniel): Merci.

M. Côté: Bienvenue. Merci pour la contribution que vous apportez aux travaux de la commission. Je pense qu'elle est importante puis j'espère que, dans les amendements qu'on pourra proposer, c'est qu'on tiendra compte également de vos propositions, à tout le moins.

Le ministre ne m'en voudra pas, M. le Président, si je remets au Dr Poulin, là, la copie du règlement des modifications du Code de déontologie des médecins.

M. Lemoyne (Gaétan): Les premiers articles qui sont dans le document ont été publiés le 29 novembre. Le dernier...

M. Côté: C'est ça. Le dernier?

M. Lemoyne (Gaétan): Le dernier, il est sur le site du collège.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Descoteaux): Donc, si vous voulez peut-être le proposer au témoin...

M. Marcoux: Je pense que vous en avez pris connaissance.

M. Lemoyne (Gaétan): ...dernièrement.

M. Côté: C'est bien.

Le Président (M. Descoteaux): M. Lemoyne, peut-être vous identifier pour les... a posteriori pour les...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemoyne (Gaétan): Gaétan Lemoyne, président de l'Office des professions.

Le Président (M. Descoteaux): Merci. Est-ce que vous pouvez le soumettre au témoin? Vous l'avez?

M. Côté: Il dit qu'il en a pris connaissance, mais je peux le lui remettre. Je vais en faire une copie pour vous. Bon. Justement, en ? oui, allez-y ? rapport avec cet article, l'article 73.1, là, où on dit qu'on modifie le code en insérant qu'est-ce qui constitue un avantage matériel, on parle, entre autres, là... «ou d'un espace à titre gratuit [...] en contrepartie d'un loyer qui n'est pas juste et raisonnable», et on parle à la fin que «le caractère juste et raisonnable d'un loyer s'apprécie notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales, au moment où il est fixé».

Au-delà de votre rapport, de votre mémoire, vous aviez fait parvenir au président de l'Office des professions ? et j'étais, je pense, en copie conforme effectivement ? une lettre, une lettre qui datait du 17 janvier 2007, et dans laquelle vous plaidiez justement sur cette notion «juste et raisonnable», selon telle ou telle région. Et vous disiez qu'en fait, lorsqu'on pourrait poursuivre un médecin ou qu'on pourrait impliquer un médecin de conflit d'intérêts, c'est que le médecin accusé n'aurait qu'à plaider, par exemple, le manque de médecins au moment de la signature du bail, dans la région concernée.

Est-ce que vous considérez qu'on devrait amender le projet de loi et revenir à une évaluation marchande du bail selon, là, la valeur marchande de ce que vaut le bail, la valeur au marché, comme on dit?

M. Poulin (Daniel): Bien, effectivement. De toute façon, on ne s'en sort pas. Lorsqu'on veut savoir si les gens ont offert une ristourne ou un cadeau à un médecin sous forme de loyer à rabais ou d'autres formes, on doit passer par justement une expertise des évaluateurs agréés, à savoir quelle est la valeur marchande d'un local comparable qui serait destiné à un autre professionnel.

La notion de juste et raisonnable ne fait que complexifier, qu'ajouter à cette notion-là, et on ajoute des facteurs socioéconomiques qui sont subjectifs. Ce qui est juste et raisonnable pour un ne l'est pas pour l'autre. Je parlerais du prix du pétrole. Les gens, on entend continuellement, tous les jours, dire que c'est très élevé, alors que le porte-parole des pétrolières dit: Non, non, c'est juste et raisonnable. Voyez-vous? C'est très subjectif, ce critère-là.

Et je ne sais pas pourquoi qu'on doit ajouter une autre dimension. Comme le faisait part l'Ordre des pharmaciens, déjà le syndic peut porter plainte ou non. C'est à sa discrétion, déjà, O.K.? Ça fait qu'il y a quand même déjà un aspect subjectif au dépôt d'une plainte en discipline. Il ne faudrait pas en ajouter d'autres.

M. Côté: Oui. Mais la notion précédente, qui était «en autant que l'indépendance professionnelle n'est pas affectée», c'était aussi une notion subjective.

M. Poulin (Daniel): Je me porte en faux contre ceci. En fait, je ne pense pas que c'est le médecin qui doit décider si son indépendance professionnelle était mise en péril, c'était plutôt un tiers raisonnablement bien informé. Et je pense que c'est du sens commun que les gens puissent penser qu'un docteur reçoive des avantages de quelqu'un à qui il peut faire profiter financièrement l'autre partie. Bien, déjà, on peut penser que ça mettait en péril l'indépendance professionnelle du médecin; c'était déjà interdit à mon sens par ce libellé de l'article 73.3, et de toute façon il y avait l'article 63.

M. Côté: J'ai posé la question, cet après-midi, au Dr Barrette: Dans les endroits où il n'y a pas de médecin et que le... un article d'un journal médical disait que le loyer pourrait même être gratuit dans des endroits, par exemple, où il n'y a pas de médecin, est-ce que c'est justifiable du fait que vous parlez, dans votre lettre justement, que la répartition des médecins est de la compétence du gouvernement qui se sert justement d'incitatifs financiers et de plans régionaux d'effectifs? Donc, on arrive avec deux, deux incitatifs, on arrive avec les incitatifs financiers du gouvernement puis en plus le médecin ne paie pas de loyer, alors on se retrouve, là, dans une situation qui est très avantageuse.

M. Poulin (Daniel): Je vous dirais que la situation contraire est plutôt vraie, c'est-à-dire que le gouvernement veut donner un avantage financier aux médecins en région, obtenir, exemple, une rémunération bonifiée à 130 % du régime courant, mais c'est annulé parce que le docteur, en restant dans les grandes régions métropolitaines, bien, il reçoit un chèque de 50 000 $, de 25 000 $, il n'a plus de frais de bureau à payer. C'est plutôt l'effet contraire, là. Finalement, on déshabite les petites municipalités des ressources médicales.

M. Côté: Autrement dit, c'est qu'avec ce qui se passe présentement avec les bannières, ça vient limiter les effectifs en région?

M. Poulin (Daniel): Oui. Les bannières n'ont pas intérêt souvent à s'installer dans de petites localités, O.K.? Souvent, c'est sur le bord des artères commerciales très achalandées, sur le bord des autoroutes. Je peux vous dire une situation que j'ai observée, dans la couronne nord de Laval, où est-ce qu'il y avait une seule clinique médicale depuis, je pense, 15 ou 20 ans, puis, évidemment, avec l'effet finalement de surenchère pour les prescriptions des médecins, il n'y en a plus, de clinique. Tous les médecins, sauf un qui est sorti du régime public, finalement, par dépit devant la situation, tous les médecins sont partis de cette municipalité-là pour aller exercer un peu plus loin dans une ville où est-ce qu'il y avait déjà deux ou trois cliniques médicales existantes. C'est comme ça que ça fonctionne.

Moi, je peux vous dire, dans ce cas-ci, qu'il y a même un montant de 300 000 $ qui avait été offert aux médecins pour rester. Parce que, cette histoire-là, c'est de la désinformation concernant les médecins que ça donne un bénéfice aux patients d'avoir une pharmacie aux côtés. Écoutez, depuis, je pense, la venue de l'assurance maladie, les pharmacies se sont toujours accolées, pour des intérêts commerciaux légitimes, aux côtés des cliniques. Tout ce qu'on a fait avec ce système de ristourne là, c'est de déplacer les médecins aux côtés d'une certaine pharmacie, aux côtés d'une autre, c'est tout ce qu'on a fait, et c'est pour des raisons strictement économiques: ça a bonifié évidemment la rémunération des médecins.

Et, comme je vous dis, les citoyens québécois paient déjà ? en tout cas, moi, je peux parler pour les omnipraticiens ? environ 35 % de frais aux médecins pour qu'ils, justement, opèrent leur clinique médicale. Mais cet argent-là ne va plus pour opérer des cliniques ? c'est quelqu'un d'autre qui les opère ? il va dans le portefeuille des médecins, c'est comme ça que ça fonctionne.

M. Côté: Dans un autre ordre d'idées, Dr Poulin, j'aimerais avoir votre opinion sur le règlement en exercice de la société par les médecins, surtout que, depuis un certain temps, il y a des rumeurs, là, qu'on interdirait à tous les professionnels de la santé de s'associer justement avec le médecin. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Poulin (Daniel): Écoutez, je ne pense pas qu'un médecin devrait pouvoir s'associer avec un tiers qui peut profiter de ses prescriptions ou de ses consultations, O.K., que ce soit physiothérapeute ou... en tout cas, certains professionnels de la santé, notamment les pharmaciens.

n(17 h 50)n

Je sais qu'initialement le Collège des médecins voulait que les médecins puissent s'associer même avec des bannières, et j'avais écrit une lettre ? je pense que ça date de 2003 ? m'opposant à ce projet. Par après, le Collège des médecins était revenu, parce qu'il y avait eu opposition, je pense, en disant: Bon, vous allez pouvoir vous incorporer avec tout professionnel qui est membre d'un ordre.

Écoutez, lorsqu'on y pense, là, qu'est-ce que c'était, l'incorporation pour les médecins, exemple, avec un pharmacien? C'est un partage des honoraires, hein? Les médecins, nos revenus viennent en grande partie de la Régie de l'assurance maladie, on s'incorpore, et on pouvait céder, selon ce qui avait été proposé par le collège, 49 % de ces revenus de la Régie de l'assurance maladie à des pharmaciens. Bien, écoutez, c'est un partage des honoraires, quelque chose qui est quand même toujours considéré comme illégal, et je me demande quelle était la contrepartie.

M. Côté: C'est interdit présentement avec un pharmacien, mais avec les autres professionnels?

M. Poulin (Daniel): Écoutez, ça dépend de... Un professionnel de la santé qui peut tirer profit de l'activité des médecins, à mon sens ça devrait être interdit. Il y a des situations très problématiques ou de conflits d'intérêts aussi avec des cliniques de physiothérapie puis...

M. Côté: Parce qu'il y a quand même des projets dans l'air concernant la multidisciplinarité, là, et même des coopératives actuellement qui se créent, des groupes de médecine familiale qui peuvent avoir plusieurs membres différents de personnel de la santé. Alors, c'est quoi, on fait, là, avec ça?

M. Poulin (Daniel): C'est intéressant. Vous me rappelez ce que disait le Dr Barrette. Il disait: Écoutez, pour qu'il y ait formation de GMF, il faut qu'il y ait une clinique de radiologie. Mais je pense que le Dr Barrette se trompe, hein? C'était peut-être une clinique-réseau, et, vous verrez, c'est justement à peu près toutes les bannières à présent qui possèdent les immeubles où sont situées les cliniques-réseaux à Montréal.

Écoutez, c'est sûr que le fait d'avoir une coopérative qui donne des loyers à rabais ou gratuits à des médecins, à mon sens ça ne donne ou ne suscite aucun questionnement déontologique, il n'y a aucun problème à ceci. Je pense que toute la notion de conflit d'intérêts doit être abordée finalement en mettant en lumière les acteurs qui sont présents, là, finalement.

M. Côté: J'ai remarqué que vous avez assisté toute la journée, là, à nos séances, nos délibérations. Qu'est-ce que vous pensez de la proposition du Conseil interprofessionnel du Québec d'augmenter les amendes dans le projet de loi?

M. Poulin (Daniel): Je suis entièrement d'accord. Comme je vous dis, il y a tellement d'enjeux économiques suscités par les relations médecins-pharmaciens, c'est dont ce que je peux parler, qu'il faut que ça ait un effet dissuasif. Comme je vous dis, actuellement, c'est très, je vous dirais, très rémunérateur de contrevenir à son code.

Aussi, un professionnel va toujours voir quel est le risque finalement de se faire, entre guillemets, attraper. À présent, écoutez, c'est à peu près nul. Il n'y avait même pas d'inspection professionnelle. Et, lorsqu'on parle qu'on va pouvoir, dans trois ans, pouvoir juger si le docteur mettait en péril son indépendance professionnelle par ses prescriptions, je m'excuse, là, l'acte de prescription est un acte souvent subjectif. Vous avez un patient en avant de vous, vous pouvez, dans bien des cas, prescrire ou ne pas prescrire, et ça va être considéré, dans un cas ou comme dans l'autre, une très bonne pratique médicale.

Exemple, on peut parler des patients de 50 ans et plus, le fait... certains gens vont prescrire de l'aspirine en prévention des maladies cardiovasculaires. Écoutez, le jugement de prescrire ou pas va être en fonction de beaucoup, beaucoup de critères et certainement d'une certaine subjectivité qui va être influencée si le médecin reçoit des cadeaux. Ça va être la même chose pour... On parle des médicaments pour le cholestérol. On peut parler du Lipitor qui est le médicament le plus prescrit au Canada. Il va y avoir des écoles de pensée d'être plus rigoureux ou d'en prescrire plus, d'autres vont dire moins. Évidemment, là encore, si tu reçois des avantages du gars à côté, il y a des chances que tu sois peut-être plus libéral. Il y a possibilité.

Moi, je peux dire, dans la pratique de tous les jours, des patients vont souvent venir avec une idée préconçue de se faire prescrire des antibiotiques, alors que, nous, selon notre examen et notre perception de la situation, il n'est pas très approprié. Mais ça devient d'autant plus difficile d'être convaincant et persévérant envers notre patient lorsqu'on reçoit des avantages d'un gars à côté.

Je pense qu'on procède beaucoup à l'envers dans ce dossier-là, c'est-à-dire que c'est beaucoup plus facile de garder son indépendance professionnelle lorsque tu ne reçois pas de cadeau que de faire l'inverse, c'est-à-dire: Je vais recevoir des cadeaux, je vais recevoir des ristournes, mais je vais agir pareil comme si je n'en recevais pas. Ça, là, je pense, on ne trouve ça nulle part dans la société, puis c'est ce que nous demandent de faire les fédérations syndicales, c'est-à-dire de donner au médecin un chèque en blanc, alors que, je pense, nulle profession ou nul travailleur québécois n'a ce chèque-là.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc, en deux minutes à peine.

M. Côté: Oui. Bien, écoutez, je pense que, moi, j'apprécie les propos du Dr Poulin, là, qui nous donne un autre son de cloche, parce que ce qu'on a entendu, aujourd'hui, là, des associations de médecins, et ce qui sort sur les lignes de presse, là, c'est que je pense que... Je ne sais pas comment le ministre va gérer tout ça. Mais le Dr Barrette nous disait encore, cet après-midi, qu'avec la nouvelle politique du médicament le ministre de la Santé avait garanti que, bon, tout ce qu'il y a de ristournes en ce qui concerne les médicaments puis les compagnies pharmaceutiques, tout le problème serait réglé, là, dans un temps, deux mouvements, là. Est-ce que vous croyez à ça?

M. Poulin (Daniel): Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent en jeu. Déjà, c'est interdit de recevoir des ristournes des médicaments génériques. Je pense qu'on parlait une fois, dans les journaux, que 80 % ou 85 % des pharmaciens propriétaires acceptaient malgré tout ces ristournes. Concernant les médecins, ça encore, il y avait une prohibition absolue, et, malgré ça, à cause toujours des intérêts économiques, ça se faisait de façon courante et répandue.

Et je vous dirais même qu'actuellement c'est rendu la norme de recevoir des cadeaux d'une chaîne ou d'un pharmacien propriétaire. Et, comme gestionnaire d'une clinique médicale indépendante, je peux vous dire que la survie est rendue impossible. Nous sommes rendus devant quasiment un fait accompli, et le pouvoir des négociations...

Écoutez, si un médecin se sent mal à l'aise... Parce que je sais qu'il y en a eu, des trafics d'influence. Je sais que les chaînes exigent des types de pratique des médecins, exigent des heures d'ouverture. Comment voulez-vous qu'un médecin en pratique privée échappe à cela? C'est-à-dire, il peut toujours dire: Écoutez, non, je ne suis pas d'accord avec les ententes, le copinage qui se produit, mais, à cause de mes principes, je vais aller pratiquer à un immeuble indépendant, ça va me coûter 30 000 $ par année.

n(18 heures)n

Écoutez, ça commence à influencer les docteurs, ça, hein, ils se sentent pris. Ils trouvent ça, cette situation-là, injuste. Et pourquoi qu'ils devraient vivre ça? Je pense qu'on vient en situation de chantage économique.

Il ne faut pas mélanger les intérêts économiques des médecins et la déontologie. Si Dr Barrette trouve qu'il n'est pas capable de financer sa clinique de radiologie à même les émoluments fournis par la Régie de l'assurance maladie, bien je pense que c'est à lui à négocier et je pense qu'il est habile à le faire. On ne pourrait pas dire... C'est comme si les policiers n'étaient pas contents de leurs conditions salariales, puis on pouvait leur dire: Écoutez, vous êtes moins bien payés qu'ailleurs, que dans une autre province, ça fait que vous allez pouvoir vous arrondir les fins de mois en prenant des ristournes, de l'argent des tenanciers de bars.

Le Président (M. Descoteaux): Je vais vous demander de conclure, Dr Poulin. Ou vous concluez sur ça?

M. Poulin (Daniel): Je conclus là-dessus.

Le Président (M. Descoteaux): Bonne conclusion. Merci de votre mémoire et de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques instants puis procéder aux remarques finales.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 18 h 2)

Le Président (M. Descoteaux): Nous allons poursuivre.

Remarques finales

Il y a consentement pour procéder aux remarques finales de 18 heures à 18 h 30. Donc, M. le député de Dubuc, pour vos remarques finales.

M. Jacques Côté

M. Côté: Bien, écoutez, ce ne sera pas bien long également, là. Je pense que, d'abord, ça a été quand même une journée que j'ai beaucoup appréciée, c'était très intéressant, mais je trouve que, le ministre puis l'Office des professions, vous allez avoir du travail à faire ce soir, je pense bien, à la lumière des interventions que nous avons eues aujourd'hui, parce que, si on veut entreprendre l'étude, demain, du projet de loi, bien je pense qu'il y aura sûrement des amendements. Entre autres, je pense aux amendes qui ont été recommandées, là, par la plupart des intervenants, qui doivent être revues à la lumière du mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec. Je pense aussi à l'article 9, auquel on a fait une référence au code de déontologie, référence qui est connue mais inconnue aussi en ce sens qu'elle n'est pas encore en vigueur. Je pense au délai de 18 mois, le délai transitoire de 18 mois qu'il est essentiel de réévaluer, d'autant plus qu'il y aura un décret qui suivra ça et que ça pourrait retarder, là, de plusieurs mois l'adoption du projet de loi. Ça, je pense que... C'est parce que ça m'apparaît, là, comme des analyses sérieuses à faire, là, en ce sens-là. Des mémoires nous ont aussi proposé des amendements qui devront être bien évalués, là, bien pesés, soupesés de façon très sérieuse.

Maintenant, une chose que je me demande, là... Je ne veux pas jeter la pierre à personne, là, puis je ne veux pas non plus, là, mettre en doute, là, l'opinion de l'Office des professions, mais, avec ce qui s'est passé avec la comparution des évaluateurs agréés, je pense que la notion de juste valeur marchande m'apparaît, là, importante versus la notion de juste et raisonnable.

Alors, tout ça, écoutez, est-ce qu'on... Comment on va fonctionner avec ça? On aura des discussions demain, on aura à se parler également. Maintenant, est-ce qu'on va prévoir des dates d'entrée en vigueur aussi, hein? On nous a dit: Bien, pourquoi ne pas prévoir une date à ce moment-là si on est capable de fixer un délai puis si on veut que ça fonctionne le mieux possible? Ce qui m'inquiète, compte tenu que le gouvernement veut aller vite parce qu'on n'a quand même pas beaucoup de temps, là, puis on sait que vous voulez que ce projet de loi là soit étudié le plus rapidement possible... Mais on sait qu'il y a d'autres contingences aussi qui sont dans l'air, là. Alors, est-ce qu'on aura le temps d'évaluer toutes ces propositions-là, M. le ministre? Je pense que c'est une question qui est importante et je pense que, moi, j'aurais aimé peut-être que le ministre ait plus de temps pour faire justement ses réflexions, là, suite aux audiences d'aujourd'hui. Alors, M. le Président, ce sont mes principales remarques, là. Alors, comme on va commencer demain, là, on se pose des questions, c'est interrogatif. Voilà.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. le député de Dubuc. M. le ministre.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Oui, M. le Président. Alors, quelques mots seulement. D'abord, je voudrais remercier les groupes qui sont venus devant la commission. Je pense que ça a permis d'aborder certains aspects particuliers et donc je pense que c'était excellent que d'avoir cette journée aujourd'hui. Évidemment, il y avait des opinions qui étaient passablement partagées. Certains groupes souhaitent que le statu quo soit maintenu, en quelque sorte qu'il y ait peu de changements parce que tout est correct. D'autres groupes souhaitent des changements et sont d'accord en principe avec le projet de loi qui est déposé, tout en suggérant certains amendements: de soulever la question des amendes, soulever la question de la valeur raisonnable, donc soulever la question des dispositions transitoires, et c'est toujours compliqué dans un projet de loi, je pense, les dispositions transitoires. Les députés qui ont participé à des projets de loi sur des dispositions transitoires... Je pense que c'est toujours complexe quand ça touche des matières de droit civil.

Et l'objectif, là, ce n'est pas de vouloir retarder puis ce n'est pas de vouloir précipiter non plus. Je pense que l'objectif, c'est de vouloir l'étudier correctement. Je pense que ça, c'est l'objectif de tout projet de loi, c'est certainement l'objectif que je puis avoir. Donc, on pourra commencer l'étude et on verra. Je pense que là-dessus il y a des choses qui peuvent se discuter rapidement. Peut-être que d'autres pourront prendre un peu plus de temps, mais l'objet, ce n'est pas de vouloir précipiter la discussion. Ça, je pense que c'est très clair, il faut être confortable avec ça, bien qu'il puisse y avoir des divergences d'opinions.

Donc, moi, je voudrais vous remercier, M. le Président, remercier les membres de la commission ? aujourd'hui a été une journée assez longue mais, je pense, qui était fort intéressante ? le personnel de la commission puis également les gens de l'Office des professions, qui ont travaillé beaucoup sur ce dossier, je dois le dire, là, parce que ce n'est pas simple ? si ça avait été simple, ce serait réglé depuis longtemps, comme on dit ? donc, le président de l'office, qui est ici, Me Gaétan Lemoyne, Me Marie Rinfret, qui est directrice des Affaires juridiques, également Me Poisson, qui est avocat, et Stéphanie Neveu, du cabinet. Alors, je voudrais les remercier.

Et puis on continuera de travailler de façon fort positive, M. le Président. Et vous remercier, vous également, de la façon dont vous avez dirigé les travaux de la commission.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. le ministre. Merci, M. le porte-parole officiel, à tous les collègues, tous les gens qui vous accompagnaient. Nous ajournons nos travaux à demain matin, mercredi le 7 février, 9 h 30. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 9)


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