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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, January 20, 2010 - Vol. 41 N° 42

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Les gens qui auraient des portables ou des cellulaires, s'il vous plaît, bien les fermer pour permettre à chacun et à chacune de s'exprimer dans la plus grande sérénité possible.

Je vais vous souhaiter, chers messieurs, chères dames du côté de l'opposition et chères dames du côté ministériel, la bienvenue à cette commission. Mme la ministre, bien sûr.

Messieurs, c'est un privilège de vous recevoir dans notre commission. Vous savez qu'on a reçu plusieurs groupes la semaine dernière. Je veux que vous vous sentiez bien à l'aise parce que vous êtes nos invités ici. Donc, c'est important pour nous que vous y soyez. Et prenez... Je vais vous donner un petit peu les règles, tout de suite après avoir rempli les formalités d'usage. Donc, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bouillé (Iberville) remplace Mme Beaudoin (Rosemont) et M. Gauvreau (Groulx) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vais vous lire, aujourd'hui, l'ordre du jour de ceux que nous allons rencontrer. Nous avons une journée très chargée. Donc, à 9 h 30, la conférence des organismes familiaux du Québec, qui sont déjà en place; Institut généalogique Drouin; Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux, familiaux du Québec; 14 heures, donc en après-midi, Association des parents pour l'adoption québécoise; Mme Françoise-Romaine Ouellette et Me Alain Roy; Mme Geneviève Pagé; Mme Catherine Wilhelmy et M. Albert Michaud; 17 h 15, ce qui devrait conclure notre journée, le Conseil de la famille et de l'enfance; et l'ajournement vers 18 h 15, si Dieu nous le permet et si nos travaux sont allés rondement.

Auditions (suite)

Donc, sur ce, je vous rappelle, messieurs, les règles, qui sont fort simples. Ce sont des règles qui vont vous permettre de vous exprimer pendant 10 minutes, et il y aura une période d'échange de 50 minutes, de part et d'autre, que je vais distribuer pour permettre... par blocs de 10 minutes. Je comprends que vous êtes toujours en faveur de cette mode... de ce mode de fonctionnement? Ça vous va? Oui? Ça vous va, du côté de Mme la ministre? Ça permet des échanges un peu plus... moins laborieux puis un peu plus intéressants, puisque chacun s'alimente de sa propre réflexion. Donc, ça enrichit vos débats et les nôtres. Donc, messieurs, sans plus tarder, à vous la parole.

Confédération des organismes
familiaux du Québec (COFAQ)

M. Turcotte (Roch): Bonjour. Mon nom, c'est Roch Turcotte, président de la Confédération des organismes familiaux du Québec. Je suis accompagné de Paul Bégin, notre agent de recherche. Compte tenu que vous nous donnez 10 minutes, bien je vais résumer un peu notre mémoire assez rapidement. On avait l'intention d'en lire une partie, mais on va être plus rapides.

Rôle de la Confédération des organismes familiaux du Québec. Ça regroupe des fédérations, des associations dans le domaine familial. La Confédération des organismes familiaux, la COFAQ -- donc désormais je vais parler de la COFAQ -- a tenu des états généraux il y a deux ans. Vous pouvez... des résultats de ces états généraux, sur notre site Web, sont toujours disponibles. Et nous sommes venus à l'adoption via la commission de la loi n° 125... projet de loi n° 125, qui portait sur la DPJ. Donc, c'est comme ça que la COFAQ est rentrée dans le dossier de l'adoption.

Et, dans notre mémoire, on parle comment la COFAQ a été amenée à s'impliquer dans l'adoption. Nous avons fait une revue qui est une synthèse des recherches que nous avons menées sur l'adoption au Québec. Entre autres, on estime qu'au cours de la dernière... dernier siècle autour de 300 000 enfants ont été adoptés au Québec. Donc, ça regroupe beaucoup de monde et ça touche, d'après nous, la... les enfants adoptés, qu'on appelle la première génération, et les petits-enfants, la deuxième génération. Je pense que la troisième génération, là, on est rendus un peu loin. Donc, c'est un pourcentage significatif.

On s'aperçoit aussi que, dans l'adoption, il y a trois phases bien distinctes dans le passé. Il y a eu la période jusqu'à 1980, la mise en place de la DPJ, où c'était surtout le contexte des... des filles-mères. Des années quatre-vingt jusqu'à dans les années 2007, c'est plus... il y a un mélange des deux, à la fois les filles-mères et à la fois les enfants qui ont été adoptés à la suite du fait qu'on a retiré la parentalité à certains parents. Depuis deux ans, bien vous savez maintenant que les enfants sont adoptés plus rapidement via la DPJ.

Pour la Confédération des organismes familiaux, il nous apparaît important de séparer la protection de l'adoption, parce qu'il ne faudrait surtout pas que la protection soit fonction de l'adoption. Et, ce faisant, nous sommes pour la mise en place d'une agence d'adoption, au Québec, avec un mandat spécifique et fort qui clarifierait les rôles de protection et qui s'occuperait de l'adoption. Il y a une confusion actuellement au Québec -- on peut revenir là-dessus, si vous voulez, dans la période de questions -- qui fait en sorte que, nous, on pense qu'on devrait clarifier ça. Actuellement, quelqu'un qui veut retrouver ses parents doit passer par la DPJ. L'adoption est gérée par la DPJ actuellement, pour retrouver les... Ça nous apparaît un peu aberrant. En tout cas, c'est la situation actuelle.

Et, pour le futur, nous considérons... Parce que bien des enfants aujourd'hui retrouvent les dossiers parce qu'ils étaient dans les orphelinats ou ils étaient un peu partout. Avec les dossiers informatiques, vous savez comme moi, quand on fait «delete», c'est «delete». S'il n'y a pas personne en quelque part qui garde des données numériques fiables et valables, c'est disparu à jamais. Et, pour nous, un des mandats de la... qui devraient être confiés à cette future agence de l'adoption, ce seraient des données nominatives, sur les parents biologiques, les circonstances, les plus fiables possible, les conserver, et accessibles ultérieurement.

Dans notre mémoire, on fait une distinction. Je sais que, le projet de loi, il y a une confusion dans la place publique. Quand un... Aujourd'hui, les enfants qui ont deux à huit ans qui sont adoptés ont connu leurs parents biologiques. C'est bien différent des petits bébés, là, qui étaient adoptés à peut-être en bas de deux ans ou trois ans, des années cinquante, avant. C'est un autre contexte. Donc, toute la notion de l'adoption ouverte, la COFAQ fait partie de ceux qui a poussé ce dossier-là, qui a fait une demande au ministère de la Justice, qui a eu une... un comité mis sur place, et vous avez le projet de loi actuel. Nous, nous appuyons ça, dans le sens que c'est important qu'un enfant ait une stabilité puis une paix. Mais, ayant connu ses deux parents, on pense qu'il est important qu'il conserve ce lien-là.

Sur notre site Web, sur l'adoption, vous irez lire un reportage de Radio-Canada entre deux attitudes qui existent, celle où la mère dit: Moi, je trouve important que mon enfant sache qui est sa mère, ses origines, puis l'autre qui dit: C'est le contraire, moi, je ne veux rien savoir. Vous avez ces deux mentalités-là, ces deux forces-là dans le reportage de 10 minutes de Radio-Canada. Sur notre site, vous y avez accès. C'est excellent. Je vous invite à aller le voir. L'enjeu est là. C'est bien résumé. Moi, je pense, ça montre bien les deux enjeux. C'est deux façons d'être parents, deux façons d'adopter au Québec. Comme législateurs, lequel vous privilégiez?

Nous, on pense que l'enfant... la stabilité, la sécurité de l'enfant est importante. Et de conserver ses origines pour ne pas qu'il cherche, le reste de sa vie, ses parents, puis d'où il vient, puis qui il est dans la vie.

Tu peux lire peut-être la conclusion ou nos recommandations.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Bégin. Allez-y, M. Bégin.

**(9 h 40)**

M. Bégin (Paul): Oui. Bien, je vais vous lire d'abord nos recommandations, vu que ça va nous éclairer un peu. Alors, notre première recommandation: Que le... Pardon. Que le législateur confère à l'adoption sans rupture de lien de filiation la préséance sur l'adoption avec rupture des liens de filiation.

Deuxième recommandation: Que le législateur précise explicitement que les parents adoptants ont toute l'autorité parentale pour prendre les décisions relatives au bien-être de l'adopté, dans le cas d'un jugement d'adoption avec maintien du lien filial.

Troisièmement, on croit que le législateur devrait préciser explicitement que les parents biologiques perdent l'autorité parentale qui leur était dévolue avant le jugement d'adoption avec maintien du... du lien filial, et ce, jusqu'à l'âge de 18 ans.

Et la quatrième recommandation: Que le gouvernement crée une agence québécoise qui serait responsable du processus d'adoption et des responsabilités qui s'y rattachent, donc les retrouvailles et éventuellement la divulgation des renseignements personnels. Alors, c'est un peu nos recommandations.

Et, juste, peut-être, pour situer une petite conclusion, la COFAQ se réjouit de voir le gouvernement se pencher sur la révision nécessaire des lois qui régissent l'adoption au Québec. Je pense que beaucoup de gens l'ont mentionnée au cours des dernières années, cette nécessité de rénover la législation. Nous, en tant qu'organisme, nous avons été patients, mais il était sans doute nécessaire de franchir les différentes étapes en accordant toute l'attention et la rigueur nécessaires à l'analyse et la compréhension de cette question. Les propositions amenées pour adapter les lois actuelles à notre réalité du début du XXe... XXIe siècle témoignent de ce travail de recherche et d'analyse. Mais il est maintenant temps de s'ouvrir à l'expression moins théorique et plus chaleureuse de nos... pardon, de nos sentiments.

Au cours des ans, plusieurs parents ou grands-parents ont été confrontés à des effets pervers de la loi actuelle. Depuis des décennies, des adoptés ont cherché, parfois en vain, parfois en contournant la loi, à retracer leurs origines dans le but de guérir un mal issu de cette coupure primordiale dans leur vie. Aujourd'hui, nous demandons aux législateurs d'ouvrir grand leur coeur et d'offrir à la population québécoise une loi moderne, la plus ouverte possible, la plus centrée sur les besoins des humains, qui sont l'objet premier de cette législation.

Essentiellement, je veux juste... Je refais un petit saut en avant, là, mais dans notre introduction je disais clairement... j'exprimais l'idée que, dans son acceptation contemporaine, l'adoption doit être... doit d'abord servir l'intérêt d'enfants orphelins ou abandonnés en leur donnant une nouvelle chance d'insertion sociale... familiale et sociale. C'est Mme Françoise-Romaine Ouellette, là, qui exprime la chose et qui devrait être parmi vous cet après-midi. Et je pense que c'est toujours le côté humain, là, de cette démarche qui doit primer. Et je pense que ce côté humain nous amène à ouvrir les possibilités d'adoption vers l'adoption ouverte ou avec rupture de lien... sans rupture de lien filial, là, les différentes formules qui ont été proposées dans le projet de loi, en espérant que le projet de loi proposera une ouverture assez grande et non une ouverture, disons, centrée sur l'ancienne, je dirais, l'ancienne mode de... d'adoption, qui est l'adoption plénière. Je pense que ça conclut notre approche.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, messieurs? Donc, M. Turcotte, ça va, vous avez...

M. Turcotte (Roch): Ça va...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, nous allons passer à la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bonjour. Bienvenue, M. Turcotte et M. Bégin. Merci de partager votre expérience, vos opinions avec nous. C'est un grand débat. On a beaucoup de... d'opinions divergentes.

J'irais peut-être tout de suite sur votre proposition, qui se distingue beaucoup de la grande majorité des intervenants qui sont venus ici, des groupes qui sont venus faire leur présentation, qui veulent vraiment que l'adoption plénière soit la forme d'adoption prévalante et que l'adoption sans rupture de filiation soit vraiment exceptionnelle. Et je pense...

Je vais vous poser des questions pour voir peut-être comment vous avez lu l'article qui est proposé dans l'avant-projet de loi, où on parle de... «Le tribunal peut décider que l'adoption n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation afin de préserver des liens d'appartenance significatifs...» L'intention ici, c'était vraiment une question identitaire que... pour certains enfants qui ont connu leurs origines. Ce ne sera pas toujours une adoption ouverte, par exemple. Il n'y aurait pas nécessairement une entente de communication. Donc, il se pourrait qu'il n'y ait aucun lien réel, là, c'est-à-dire sauf une... un constat, dans un sens, de ses origines. Et donc c'est... on a beaucoup parlé de cette notion identitaire.

Alors, j'aimerais voir, peut-être, comprendre un peu plus pourquoi, vous, vous arrivez avec une proposition qui va vraiment à l'inverse de la grande tendance, qui est de privilégier l'adoption plénière et vraiment que l'adoption sans rupture de filiation soit dans des cas très particuliers. D'ailleurs, on nous demande même de... au lieu de dire «notamment» et d'expliciter les cas, on nous demande d'être très précis par rapport aux cas où on pourrait recommander l'adoption sans rupture.

M. Bégin (Paul): Oui. Bien, je pense que le projet de loi semble s'orienter de la façon que vous dites, c'est-à-dire qu'on semble dire que l'adoption plénière va demander fondamentale... va rester, pardon, fondamentale, va rester le... le... comment dire, le... le mode de base, là, sur lequel les tribunaux auront à juger.

Là-dessus, personnellement ou en tout cas à travers le travail qu'on a fait, à la COFAQ et aussi avec les gens de l'INRS, sur la question de l'identité et du droit à l'identité, je pense qu'il faut que le... la... les propositions amenées mènent à ce que le choix... l'éventail de choix des adoptions qui seront faits devant les tribunaux soit large et ne soit pas centré uniquement sur l'adoption plénière. C'est-à-dire que, moi, j'ai l'impression qu'on a voulu garder l'adoption plénière avec des options au cas où... qui est très bien parce, qu'on sait qu'aujourd'hui, dans la réalité, souvent les gens... les adoptions en tout cas plus récentes, les gens ont l'opportunité de peut-être connaître les parents et d'avoir des ententes informelles, puis là on veut comme un peu régulariser ce genre de chose. Je crois qu'on devrait aller plus loin, que... L'adoption plénière bien sûr va rester une option pertinente, parce qu'il y aura sûrement des cas rencontrés au... dans les tribunaux qui nécessiteront cette forme d'adoption, mais ça devrait, je crois, être un choix parmi les autres qui vont s'offrir à partir du nouveau... nouveau... voyons, projet de loi.

M. Turcotte (Roch): Mais il reste que l'âge de l'enfant au moment de son adoption est un facteur important. Ça, c'est important. Si l'enfant a trois ou quatre ans, il connaît son père ou sa mère biologique. De le couper définitivement puis de l'isoler, en fait de le déraciner complètement puis de l'implanter dans un nouveau milieu, avec le drame que ça implique pour l'enfant, est-ce que c'est une bonne solution? Je ne crois pas. Puis, les parents qui adoptent ces enfants-là devraient être en mesure de comprendre ce dilemme-là.

Par contre, il faut qu'il soit clair, puis ça, on insiste là-dessus, notre mémoire est axé là-dessus, que, lorsqu'un enfant est adopté, puis qu'il y a... qu'il y ait une continuité, puis qu'il y a un lien qui est maintenu ou qui sera possible avec les parents biologiques, que l'autorité parentale relève désormais du parent adoptant. Jusqu'à 18 ans. À 18 ans, bien là il est libre de faire ce qu'il veut. Ça, c'est important.

Mais effectivement le débat est là. Beaucoup de gens veulent adopter des enfants, mais ils veulent couper effectivement, définitivement le lien avec les parents biologiques, pour différentes raisons. Mais est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant toujours? Voilà la bonne question.

Mme Weil: Oui. Alors, bien, vous posez la bonne question. Et d'ailleurs on a... on aura l'occasion d'écouter l'Ordre des travailleurs sociaux, qui vont nous parler du besoin d'attachement de l'enfant, et beaucoup... de miser beaucoup plus sur l'intérêt de l'enfant dans notre projet de loi, et donc, évidemment... et aussi qu'il y ait des évaluations psychosociaux... psychosociales autour de l'enfant avant de prendre des décisions importantes qui pourraient peut-être... pour ne pas créer de confusion dans la vie et dans la tête de cet enfant. J'aimerais vous entendre là-dessus, peut-être...

**(9 h 50)**

M. Turcotte (Roch): Mais la position de la COFAQ là-dessus est un peu différente des travailleurs sociaux, dans le sens que, nous, on pense qu'on doit dans un premier temps supporter réellement les parents. Puis, lorsqu'on place un enfant dans une famille temporaire, une famille d'accueil, que ce ne soit pas un prélude à une adoption. Il y a une ambiguïté actuellement qui existe. Ça fait que là il y a un conflit d'intérêts. Mais, pour supporter parfois les parents, prendre le temps de les supporter, de les aider à traverser peut-être une période de crise ou d'ajustement dans la mesure où c'est possible, pour aider le parent à prendre racine...

On ne veut pas, nous, qu'on parte l'idée qu'on prend un enfant puis on s'en va avec, qu'on... salut, bonsoir! On veut, dans un premier temps, qu'on comprenne la situation puis qu'on supporte. Ça, la position de la COFAQ n'a pas varié depuis 10 ans que je suis là, moi, puis elle est très claire. Là-dessus, on est... on n'est pas ambigus.

Actuellement, on retire un enfant d'une famille, on le place dans une famille d'accueil, puis il est déjà sur un processus d'adoption. Sous-entendu. Mais ça, on... protection et adoption, devient confus. C'est pour ça qu'on demande une séparation. Qu'on prenne le temps de s'assurer qu'il n'est pas possible d'aucune façon de supporter le parent biologique, et après on pensera à l'adoption, dans six mois ou dans 18 mois. Mais pas penser à l'adoption en retirant l'enfant.

Et alors là, la question qui se pose, on peut se la poser: Est-ce qu'on sélectionne nos enfants pour l'adoption, la protection? Une bonne question. C'est ça qu'on veut empêcher. On a confondu les rôles actuellement. Puis maintenant on dit aux parents qui veulent adopter des enfants: Vous allez devenir famille d'accueil puis, parmi les enfants qui vont passer chez vous, vous pourrez en... les adopter. C'est ça qu'on veut empêcher. Je ne suis pas sûr que c'est toujours dans l'intérêt de l'enfant, ce processus-là.

Mme Weil: Mais...

M. Bégin (Paul): Oui. Si vous permettez, vous avez parlé du besoin d'attachement des enfants. Par contre, il y a aussi la quête de l'identité, ou le droit à l'identité qui doit jouer, là, dans notre évaluation de ce processus-là. Et je pense que, la semaine dernière, vous avez vu... vous avez eu le Mouvement Retrouvailles, qui ont dû vous en parler, de cette quête qui pour certaines personnes a duré des années. Et en plus, je pense, l'institut Drouin sera là aussi, parce qu'eux aussi, c'est la quête de l'identité qui est dans... qui les rattache à la commission aujourd'hui. Alors, je pense que ce... la quête de l'identité devrait aussi avoir un poids assez important, là, dans nos décisions, dans l'orientation du projet de loi sur l'adoption.

Mme Weil: Peut-être, avant de passer à la question de retrouver ses antécédents, là, parce que je vais... j'ai des questions à vous poser sur justement ces droits, mais je pense que le commentaire général, c'est d'aller évidemment dans le... de poursuivre le... la volonté de protéger l'enfant. Je pense que tous les acteurs qui sont autour de l'enfant... ça fait des années que le système démontre cette volonté. Donc, je pense qu'il y a lieu de rassurer... de vous rassurer, qu'évidemment l'intention de ce projet de loi, ça va tout à fait dans ce... cette volonté-là.

Maintenant, vous, vous exprimez des doutes. Vous voyez un conflit d'intérêts, alors que le rôle premier de... du DPJ, c'est justement la protection de l'enfant. Donc, si cette notion de... d'établir un projet de vie... je pense qu'il y a lieu de rassurer, que finalement c'est son rôle premier de s'assurer et donc, tout à fait, de maintenir les liens avec... de s'assurer que les parents soient aptes à prendre soin de leurs enfants. Mais ce n'est pas toujours le cas, comme on le sait, sinon on n'aurait pas des services de protection des enfants et de la jeunesse.

Sur la question du droit à la vie privée, qui vient en conflit peut-être, à quelque part, avec le droit... ce droit à l'identité, qui n'est pas reconnu dans les chartes comme tel, l'Ontario a eu une expérience avec ça. Ils ont voulu aller très loin pour ouvrir les informations à ceux qui le... les recherchent, et il y a eu toute une levée de boucliers partout, hein? Même d'autres provinces, dont le Québec, se sont... sont intervenues pour dire qu'il y a un droit à la vie privée qui est protégé par les deux chartes. Et donc l'Ontario a dû modifier sa loi pour... Ils vont plus loin que nous, c'est-à-dire qu'a priori ce droit est là, c'est-à-dire de connaître ses antécédents, à moins que les parents et l'enfant enregistrent un veto. Qu'est-ce que vous dites de tout ça et d'un certain... Est-ce que vous pensez que votre position reflète un consensus au Québec, ou voyez-vous ça vraiment comme deux opinions divergentes et...

M. Turcotte (Roch): C'est que, dans cette position-là, il y a la position de l'adopté puis du parent biologique. Dans certaines circonstances, le parent biologique aimerait bien retrouver son enfant. Ça ne veut pas dire que l'enfant est prêt à rentrer en contact avec son parent biologique. C'est un discours qu'on entend peu actuellement mais qui existe réellement. Donc, c'est une facette à deux facettes.

Par contre, de dire qu'on ne peut pas transmettre de l'information, je pense, tout en respectant le critère de confidentialité... La vie privée, c'est ça, au fond. Est-ce que j'ai accès... Est-ce que je connais le nom de mon père? Est-ce que je connais le nom de mon enfant? À partir de là, bien je pourrais faire des recherches puis le trouver. À partir du moment que tu as le nom, tu peux trouver. Jusqu'où on doit transmette ça? Bien, entre dire que la personne refuse le contact -- parce que jusqu'à date, là, un ou l'autre peut refuser le contact -- puis de ne transmettre aucune information, je pense qu'il y a une marge. Puis il y a peut-être possibilité, avec moyen des frais, mais là il s'agirait de savoir qui partage les frais puis comment on partage les coûts de transmettre tant à la mère, disons, dans le cas, là -- je présume que, des pères biologiques, il n'y en a pas tant que ça, là, qui courent après leurs enfants, je présume, mais peut-être, on ne sait jamais -- ...et l'enfant qui veut connaître ses origines le maximum d'informations, tout en protégeant ce lien de confidentialité là. Je pense qu'on pourrait faire plus que dire: La personne refuse le contact. On peut transmettre des informations.

C'est sûr que la personne, si elle est décédée, ça, c'est une autre affaire. Mais, si la personne est vivante, tu peux l'interroger, tout en respectant sa vie privée actuelle, pour savoir comment qu'elle vit, comment qu'elle est. C'est le genre de questions que les gens qui vont retrouver leur père... ou la mère qui va retrouver son enfant va aimer connaître, sans nécessairement être capable, demain matin, de cogner à la porte puis dire: Aïe! je suis ta mère, ou je suis ton fils, ou ta fille. Je pense que le dilemme, il est là. Si on trouve le moyen... C'est pour ça que l'agence pourrait avoir ce rôle-là d'avoir une équipe... Les... Bon, les coûts, là, on pourra en discuter, les coûts, là, on... Là, je ne suis pas sur les coûts, je suis sur la faisabilité de fournir... la personne, dire, par exemple, qu'elle est sociable, qu'elle mesure, je ne sais pas, moi, 5 pi 10 po, elle a les cheveux bruns ou les cheveux blonds, «whatever», puis elle a le problème de lunettes, tout le problème des médicaux, qui va bien, qui est mariée, qui a des enfants qui ont peut-être deux, trois ans. Pourquoi pas? Le Québec est assez vaste pour ça.

Le dilemme, c'est que... l'impact que ça a quand qu'un bon jour quelqu'un débarque, soit les parents biologiques qui débarquent dans la vie de l'enfant, ou de l'enfant qui débarque dans la vie de sa mère, ou parfois du père aussi, là... Il n'y a pas juste les mères, là, qui sont concernées par l'adoption, il y a des pères. Donc, je pense qu'on pourrait faire plus. Puis c'est un mandat de l'agence, qui pourrait avoir les équipes spécialisées aux gens qui voudraient vraiment le savoir, sans... en respectant la vie privée, mais en donnant plus d'informations que dire: Elle refuse le contact.

Puis, grosso modo, dans la plupart des gens qui sont adoptés puis qui retrouvent leur mère, et vice versa, c'est le genre d'informations qu'ils retiennent après deux ou trois ans, là, hein? Les contacts ne sont pas si intenses que ça, là, après deux, trois ans. Tu as trouvé ton père, tu as trouvé... puis tes frères et soeurs, tu as vu un peu d'où tu viens. Puis, il y a un certain nombre que les contacts se maintiennent, puis un certain nombre, ça disparaît dans la nuit des temps, pour la plupart. Alors, je me dis: Il y aurait possibilité de fournir, en autant qu'elle fait une entrevue téléphonique, ou «whatever», avec soit l'enfant, ou soit la mère, ou le père dans le cas... puis donner un maximum d'informations sur les origines, comment les gens vivent, comment ils sont. Ils aiment la... c'est des artistes, c'est des gens de nature, c'est des gens de forêt, «whatever».

Je pense qu'on pourrait faire beaucoup plus. C'est là qu'il y a une marge. Puis je pense que ça, socialement, les législateurs que vous êtes, vous seriez intéressés à ce que... ce genre de chose là. Puis probablement que des retrouvailles à la Claire Lamarche, il y en aurait moins parce que ça satisferait en bonne partie le besoin. Bon. Mais là peut-être qu'à ce moment-là les gens qui sauraient ça, peut-être bien qu'ils sentiraient le besoin de le rencontrer, peut-être bien qu'il y aurait une acceptation de contact aussi, parmi ceux-là, par la suite. Je pense qu'il y a une piste à explorer là-dedans. Puis une agence d'adoption, à mon point de vue, pourrait facilement explorer ça puis fournir des garanties dans ce sens-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. Turcotte. Merci, Mme la ministre. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, Mme la députée de Joliette.

**(10 heures)**

Mme Hivon: Oui. Alors, bonjour, M. Turcotte et M. Bégin. Merci beaucoup de votre présentation. C'est très intéressant parce qu'effectivement, comme l'a dit la ministre, vous avez une position qui est, je dirais, à une extrême du continuum de ce qu'on entend comme positions, c'est-à-dire pour la question... peut-être pas pour les antécédents, là, ça, je pense que beaucoup de groupes vont dans le même sens que vous, pour une grande ouverture, mais pour celle que l'adoption sans rupture du lien de filiation soit peut-être la norme plutôt que l'adoption plénière et qu'il y ait comme un renversement de ce qui est prévu. Donc, c'est clair que ça suscite le débat, et c'est le but d'un avant-projet de loi. Donc, merci un peu d'amener ce point de vue là pour peut-être nous forcer à aller plus loin dans notre réflexion. Alors...

Bien, peut-être d'entrée de jeu j'aimerais juste, à la lumière de ce que les représentants des centres jeunesse nous ont dit la semaine dernière, de ce que je comprends, c'est qu'effectivement, dans l'état actuel des choses, quand les enfants sont placés, comme vous dites, en famille d'accueil parce qu'il y a un problème de protection dans leur famille biologique, il peut y avoir un placement famille d'accueil qui n'est pas en vue de l'adoption. De ce que je comprends, c'est qu'en vue de l'adoption, c'est via la Banque-mixte et c'est quand les spécialistes, donc les gens de la protection de la jeunesse, estiment que le risque est très, très, très grand que cet enfant-là ne puisse pas retourner dans sa famille biologique, pour toutes sortes de problèmes, pour le passé, par exemple, des parents, qui ont déjà eu un ou deux enfants et qui n'ont pas pu s'en occuper. Donc, il y a comme une expectative que ça va être plus difficile. Donc, dans ces cas-là, on privilégie la voie de la Banque-mixte.

Mais évidemment je pense que c'est le souci de tous d'essayer que la famille biologique, les parents biologiques soient capables de se réorganiser et de reprendre l'enfant avec eux, et c'est pour ça que dans beaucoup de cas les enfants sont simplement placés en famille d'accueil de manière temporaire, et les parents sont accompagnés aussi, pour que l'enfant puisse retourner avec ses parents biologiques, ce qui est évidemment le scénario privilégié.

Vous, de ce que je comprends de vos propos, c'est que vous dites: Les liens biologiques d'un enfant qui va être adopté sont excessivement importants, la connaissance de ses antécédents, et, de ce fait-là, on pense que l'adoption sans rupture du lien de filiation serait la voie à privilégier. Il y en a beaucoup qui vont dire que c'est peut-être dangereux, puis les travailleurs sociaux vont peut-être venir en parler, mais il y en a beaucoup qui nous en ont parlé aussi, parce qu'il faut aussi privilégier toute la question de l'attachement de l'enfant adopté dans sa nouvelle famille, et donc qu'il n'y ait pas de conflit de loyauté, qu'il n'y ait pas de confusion, parce que le défi de l'attachement et de l'enracinement de l'enfant dans sa quête d'identité... parce que la quête d'identité, oui, elle peut être pour le passé, mais sa quête d'identité comme enfant dans une famille adoptée est très, très importante aussi. Alors, plusieurs nous ont dit à quel point il fallait prendre cette idée-là vraiment avec des pincettes, en quelque sorte, parce qu'un enfant qui est adopté va devoir se forger toute cette identité-là et s'enraciner dans sa nouvelle famille.

Je voudrais savoir, vous, si c'est vraiment pour la question de l'accès à l'identité biologique que vous prônez une plus grande ouverture vers l'adoption sans rupture du lien de filiation, auquel cas peut-être qu'une plus grande ouverture de la confidentialité des dossiers pourrait répondre aux impératifs que vous dites, ou si c'est vraiment pour des raisons fondamentales, philosophiques que vous pensez que le double lien doit être maintenu.

M. Turcotte (Roch): Dans un premier temps, je dirais, ce qui est important, même si c'était juste au niveau de la protection, c'est de respecter l'affectif de l'enfant. Et c'est pour ça que, plus l'enfant est âgé, plus il a connu ses parents biologiques, il peut avoir des difficultés, effectivement. Il les aime, ces personnes-là, il ne faut pas oublier ça. Et ça, le parent adoptant doit le savoir. C'est sûr que, s'il veut un poupon... comment je dirais bien ça, moi, je dirais qu'il est... qu'il n'a pas cette expérience-là, qu'il ne prenne pas cet enfant-là, il n'est pas capable de le prendre. C'est sûr que l'enfant qui va avoir un lien affectif avec l'autre... vont partager l'affectif, mais qui accompagne, qui chemine avec un enfant; ça demande une plus grande maturité, peut-être, des parents adoptants, peut-être une sélection des parents adoptants aussi à tenir compte. Mais, nous, on pense que c'est fondamental, le respect de l'affectif de l'enfant. Ça, c'est une... Puis tu ne peux pas le nier, elle est là, il les connaît. Puis, l'enfant très jeune a des souvenirs. Moi, j'ai ma cousine qui a adopté des petites Chinoises, puis elles avaient 18 mois, puis elles se souviennent de la grande maison, même aujourd'hui, où elles étaient en Chine. Elles se souviennent dans quelle ambiance elles étaient. Imaginez, elles avaient 18 mois. Ça fait qu'un enfant de deux ans, trois ans a des souvenirs, respectons-le. Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas bien.

Par contre, il y a un certain nombre d'enfants qui sont rendus à 19, 20, 30 ans qui vont refuser le contact biologique, avec les parents biologiques, de peur d'indisposer des parents adoptants qui sont craintifs. Ça aussi existe. C'est pour ça qu'un certain nombre refusent de rencontrer leurs parents biologiques, parce qu'ils disent: Je vis en paix, je suis sorti de là, je ne veux pas revenir là. Et ça, ça joue, quand on arrive au niveau des retrouvailles, des deux côtés. Le deuil a été fait, parfois oui, parfois non, tant les parents biologiques que les parents... que les adoptants, que les adoptés. Ils ont fait un deuil, puis ils ne sont peut-être pas intéressés à l'ouvrir, pour différentes raisons. Mais, nous, on dit: Il faut conserver ces données. Ça ne veut pas dire qu'à 18 ans ou à 20 ans, où ils refusent, qu'à 40 ans ils ne voudront pas les retrouver. C'est là que c'est important d'avoir une continuité puis d'avoir des données fiables puis valables. On pense qu'on peut faire plus que ce qu'on fait actuellement. C'est juste ça qu'on dit.

Mme Hivon: Mais, sur la question d'ouverture de la confidentialité des dossiers, où, vous, vous liez ça vraiment à la question de l'adoption sans rupture du lien, c'est là que je veux vraiment comprendre. Parce qu'il y a trois concepts vraiment importants.

M. Turcotte (Roch): Effectivement.

Mme Hivon: Il y a l'adoption sans rupture du lien de filiation. Ça, ça ne veut pas dire qu'il y a un maintien de contact, du tout. Tout ce que ça veut dire, c'est que, si on retenait ce modèle-là, la personne a, sur son acte de naissance, les deux noms, biologique et adoptant, elle aurait possiblement un double nom qui refléterait cette identité-là.

Il y a l'adoption ouverte, qui, elle, fait entrer en jeu une entente de communication où tout le monde doit consentir, et ça peut être très léger, une lettre par année, une photo, jusqu'à possiblement des contacts dans certains cas, et tout le monde doit consentir.

Puis il y a toute la question de l'ouverture de la confidentialité des dossiers d'adoption, pour qu'effectivement le besoin d'identité biologique, de repères identitaires biologiques, soit reconnu pleinement.

Donc, moi, je veux juste comprendre comment vous vous situez... Je comprends que, pour les antécédents, c'est très clair. Mais, sur les deux autres concepts, l'adoption ouverte et l'adoption sans rupture du lien de filiation, avec, je dirais, la rationalité, les arguments qui font en sorte que vous pourriez... Vous semblez être très pour ces deux modèles-là, mais vraiment pourquoi, outre que pour le simple fait de l'ouverture aux antécédents sociobiologiques?

M. Bégin (Paul): D'abord, je pense que M. Turcotte a bien situé la chose. En parlant de l'affectif de l'enfant, je pense qu'on parle ici des liens significatifs que l'enfant doit conserver, s'il y en a eu, avec ses parents biologiques ou... Mais, moi aussi, je pense que ces liens significatifs vont au-delà des... dans le processus identitaire de l'enfant, qui, comme vous l'avez précisé, qui est continu, là, qui fait partie... qui se crée à partir de son passé, mais aussi dans son avenir. Je pense que le processus identitaire... l'enfant doit pouvoir se rattacher à ce passé, même si ce passé peut être trouble, peut être marqué de violence, ou peu importe, là, mais je pense que ça peut faire partie des liens significatifs et du besoin de l'enfant de se rattacher à son passé pour progresser. Évidemment, on parle bien ici de faire en sorte que le bien-être de l'enfant soit mis de l'avant. Et je pense que, dans notre... c'est sûr que... Je pense que les juristes ont beaucoup de réticence à aller ouvrir des choses qui ont été comme scellées dans des contrats dans les années passées, là. Je peux comprendre que ce soit difficile d'ouvrir «at large», là, tous les dossiers de l'adoption, mais je crois que... Il faut aller dans ce sens.

Mme Hivon: O.K. Bien...

M. Bégin (Paul): Je voudrais juste faire une petite parenthèse. Je crois qu'il y a eu un rapport remis sur les procréations assistées où... Les gens proposaient même qu'une personne née d'un don de gamètes puisse avoir accès à l'identité de son père ou de sa mère, là. Bon, le processus... le droit à l'identité, il n'est pas encore reconnu quand même, il chemine à travers beaucoup de choses, là, et c'est peut-être le temps ici, à ce comité-ci, d'appuyer sur ce concept-là, et je pense qu'il y a peut-être d'autres personnes aussi à venir, là, dans le processus de consultation qui vont venir peut-être appuyer notre point de vue.

Mme Hivon: Bien, je pense effectivement que votre point de vue sur le besoin des repères identitaires est un point de vue qui est largement partagé, mais je pense que, où ça diverge considérablement d'opinion, c'est que beaucoup de parents adoptants notamment, mais pas juste des parents, mais des organismes, les centres jeunesse, tout ça, ont vraiment fait valoir l'importance aussi de ne pas juste voir les liens passés de l'enfant, mais ses liens futurs, les liens qu'il doit forger dans sa nouvelle famille. Qu'il ait six mois, deux ans, 10 ans, là, les défis peuvent être de plus en plus importants, mais il y a toujours des défis. Et, pour favoriser le plein épanouissement et l'attachement de cet enfant-là dans sa nouvelle réalité identitaire, beaucoup disent: Soyons prudents sur les nouvelles ouvertures qu'on pourrait faire, parce que c'est une chose et c'est un besoin que tout le monde reconnaît d'avoir accès à ses antécédents, à son identité biologique, et tout ça, mais c'est une autre chose que, dans la vie de tous les jours, il y ait, par exemple, une double filiation ou qu'il y ait une entente de communication ouverte où l'enfant garde des liens, parce qu'il y a quand même, oui, vous l'avez dit vous-même, des fois un passé trouble, et, si les enfants sont confiés à l'adoption, souvent c'est parce qu'il y a eu quand même de gros problèmes de négligence ou... Et donc l'enfant peut avoir vraiment des sentiments, je dirais, mixtes à l'endroit de sa vie passée et vouloir se forger lui-même une autre identité.

Donc, moi, je suis loin d'être une experte. Tout ce que je vous dis, c'est ce qu'on entend un peu comme points de vue. Alors, c'est pour ça que, quand je disais d'entrée de jeu que votre point de vue est intéressant, bien il est intéressant dans le sens qu'il est quand même différent de ce qu'on a entendu beaucoup à ce jour.

**(10 h 10)**

M. Turcotte (Roch): Dans le dossier de l'adoption... moi, je viens d'une famille où on a adopté depuis trois générations. J'ai une tante qui a été adoptée, j'ai une tante qui a adopté et j'ai une cousine qui a adopté. Il y a une chose qu'on a apprise: de toujours dire à l'enfant qu'il a été adopté, parce que les effets, quand il l'apprend, sont tellement catastrophiques qu'on ne peut pas se permettre ça, d'une part.

Deuxièmement, prendre des mesures pour que, si, un jour, l'enfant veuille retrouver son identité, qu'il puisse le faire. Je regarde ma cousine qui a été chercher trois petites Chinoises dans trois régions de la Chine, elle a gardé tout ce qu'elle pouvait d'information pour qu'un jour, si ses filles veulent y retourner, qu'elles puissent le faire. On a appris ça. Et quand, moi, je vois mes petites Chinoises danser la gigue à cinq dans les soirées familiales, c'est des Québécoises que je vois, je ne vois pas des Chinoises. Elles vivent comme nous, elles pensent comme nous, mais elles savent qu'elles ont une origine différente, puis en plus elles ont un faciès différent.

Ça, c'est fondamental, l'affectif d'un enfant. Moi, j'ai été en contact avec une petite fille qui avait été adoptée, qui avait eu une vie difficile, on l'a gardée chez nous, et cette enfant-là, j'ai pu la déboguer, parce qu'à un moment donné je l'ai disputée, puis, elle, elle pensait que, quand on la disputait, on coupait l'affectif: Ce n'est pas parce que je te dispute que nécessairement je ne t'aime pas. Parce que ce n'est pas ça, l'affaire. Je lui ai fait comprendre ça et ça a ouvert un paysage nouveau pour elle. Il s'agissait juste de la prendre à part, de mettre le doigt là-dessus et de lui dire, simplement. Et ça, tout le monde peuvent le faire.

Puis, un enfant qui a été adopté puis qu'on ne lui a pas dit, il va toujours y avoir quelqu'un à quelque part, un jour ou l'autre, qui va lui dire, à moins que vous changiez toujours d'adresse à tous les six mois. Ils vont finir par le savoir, c'est une question de temps. Puis, de toute façon, s'il regarde son physique, par rapport aux autres dans la famille, qui est différent, il va bien se rendre compte à un moment donné qu'il est différent des autres. S'il est brillant un peu, il va se faire faire une analyse d'ADN puis il va bien voir qu'il ne l'est pas, tu sais. Les analyses d'ADN, aujourd'hui, permettent de savoir qui est le père puis qui est la mère. C'est une autre réalité, ça. On n'est plus dans les années 1920, 1950. La réalité a changé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci. Alors, nous y reviendrons, Mme la députée. Donc, j'ai d'autres interventions. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous ce matin. C'est très intéressant de vous entendre, surtout par rapport à l'adoption ouverte. Vous avez aussi beaucoup parlé de faire la différence entre la protection et l'adoption. J'aimerais vous entendre par rapport à votre commentaire. Vous avez dit qu'il était très important que les placements ne mènent pas automatiquement à des adoptions, qu'il fallait prendre le temps. Et je voudrais savoir: Pour vous, prendre le temps, c'est combien de temps il faut prendre avant de prendre une décision qui va mener à l'adoption d'un enfant dont les parents ne sont peut-être pas capables?

M. Turcotte (Roch): Je ne veux pas faire de cas par cas. Bon. Il y a des parents qui traversent des crises, une mère ou un couple, ou peu importe. Généralement, entre six et 18 mois, ils sont en mesure de se reprendre, ils se reprennent en main, et on les supporte, d'autres... impossible de récupérer. Je connais un cas, moi, où il y avait quatre enfants, le père était drogué puis la mère aussi. Le père a décidé de prendre en charge ses enfants, il a eu le support, et il a été supporté, puis il a récupéré ses enfants. Il faut dire qu'il en avait quatre, là. Quand on en a quatre, on y pense deux fois, là. Mais c'est important. Nous, on pense qu'il y a un minimum de support, d'aide qu'on peut donner au parent qui est en difficulté par rapport à un enfant, dans un premier temps; ça devrait être l'approche. Nous, on pense que c'est ça. Bon. Est-ce que la société est prête à donner ces six ou 18 mois de support? Jusqu'où on va? Ça, c'est un autre débat, je vais laisser les travailleurs sociaux le débattre, mais c'est important. Nous, on pense qu'il faut faire ça.

On ne naît pas parent, on devient parent. Tout le monde le dit, on apprend sur le tas. Et il ne faut pas oublier une chose. Moi, je viens d'une famille nombreuse, où ma mère, ils étaient 12, et mon père, ils étaient neuf. Chez nous, on était sept. Donc, moi, j'ai changé les couches de mes soeurs, mes petites soeurs, parce que j'étais le plus vieux. Il y avait comme un cycle d'apprentissage. Aujourd'hui, les enfants uniques, là, ils apprennent où, vous pensez? Les garçons puis les... les jeunes garçons puis les jeunes filles, ils ont autant de difficultés l'un que l'autre, mais il existe des organismes, par exemple, qui donnent des cours, qui aident dans ce qu'on appelle «qualifié comme parent». Ça existe, ça. Dans nos associations, nous autres, on en a. Donc, c'est une autre réalité. Il faut s'adapter à la réalité d'aujourd'hui. Au lieu de penser adoption, penser ci, penser ça, voir s'il y a possibilité. Quand il n'y a pas possibilité, c'est une autre affaire. Je prends un cas extrême, les drogués, mais il y a différentes situations.

Mais avant tout, nous, la confédération, on considère qu'il faut supporter les parents, dans un premier temps, dans la mesure où... je ne parle pas des cas extrêmes, mais dans la mesure du possible. Puis on s'aperçoit que, quand il y a quatre, cinq enfants, généralement c'est ce qu'on fait. On ne pense pas adoption tout de suite, généralement. Donc, il y a possibilité de le faire, commençons par là.

Mme Gaudreault: Mais vous ne croyez pas qu'en ce moment...

M. Bégin (Paul): Excusez, juste un petit commentaire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui... le débat, il y a notre collègue aussi, de Marquette, qui aura éventuellement... Donc, dans la gestion du temps... Oui, allez-y, M. Bégin.

M. Bégin (Paul): Ce ne sera pas long. C'est juste pour dire que votre question avait été débattue à l'époque de la présentation du projet n° 125, là, sur la modification de la loi de la DPJ, parce qu'on insérait, là, ces... comment dire, ces laps de temps, là, où les gens doivent prendre des décisions, ta, ta, ta. Je pense que ça a été beaucoup débattu, je pense que les gens de la DPJ sont au courant qu'on doit, bien sûr, privilégier le bien-être de l'enfant, mais qu'on demande à ce que les parents soient supportés, soient soutenus à travers un processus qui va les aider à être, à assumer leur parentalité et... Bien, là, je ne sais pas si, dans notre société, on a réussi à répondre correctement à la chose, là, mais je pense que ce débat-là est en route depuis plusieurs années.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur les commentaires que vous avez faits tantôt, monsieur... excusez-moi, M. Turcotte, oui, c'est vous... concernant les familles d'accueil. Vous avez parlé de la confusion des rôles et que c'est presque devenu un processus de préadoption, et vous avez dit qu'il y avait de l'ambiguïté, il y avait presque des conflits d'intérêts. Moi, j'aimerais savoir: Particulièrement par rapport à vos interrogations sur l'intérêt de l'enfant, pourriez-vous élaborer en quoi ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, pour que je puisse mieux saisir la problématique que vous avez voulu... sur laquelle vous avez voulu nous éclairer?

M. Turcotte (Roch): Un jour, j'ai posé la question... Je vais vous répondre par une phrase que j'ai déjà dite à un DPJ -- je ne l'identifierai pas, là, c'était à une réunion: Comment se fait-il qu'à la DPJ ce soient surtout les enfants aux yeux... blonds... aux yeux bleus, ou pers, verts, là, pers, verts, les deux couleurs, qui sont votre clientèle principale? Ça ne devrait-il pas être les enfants déficients, handicapés, les enfants lourds? Pourquoi on n'en entend pas parler, de ces enfants-là? Et ça a été le silence. La réponse que j'ai eue quelques minutes plus tard, ça a été de dire: On a aussi des gens aux cheveux noirs puis aux yeux bruns, tu sais. Je le savais déjà, ça. C'est des questions qu'on se pose. Parce que c'est plus facile pour certains enfants à placer, qu'on en déduit. Je ne sais pas, moi, là. J'observe. Je suis un observateur. Je ne suis pas impliqué dans le processus.

J'entends souvent, par rapport à la DPJ, ce qui ne marche pas. Ce qui marche, bien je présume qu'il y en a, des choses qui marchent, je présume qu'ils font des bons coups, je suis au courant de certaines affaires, mais... C'est tout. Nous, on dit que, quand vous supportez un parent, ne soyez pas ambigu. Le scénario d'horreur qu'ils ont présenté souvent devant les juges, là, on a crémé épais, là, c'est peut-être pas nécessaire. Pourquoi qu'il y a des travailleurs sociaux qui sont remerciés dans un dossier parce qu'ils ne vont pas assez loin puis qu'ils en prennent un autre qui dit ce que les autres, ils veulent entendre? Pourquoi qu'il y a des choses de même qui se passent? Ça cache quoi? Parce que les gens sont désabusés? C'est quoi? Je pose des questions. Je la pose ici, à l'Assemblée... ici, sur la protection de... l'Assemblée nationale. Moi, je ne suis pas un intervenant, là, je suis un observateur, je suis président de la confédération. Mais la cause des enfants puis leur bien-être, ça me préoccupe. L'affectif des enfants, le respect de l'affectif des enfants me préoccupe.

M. Ouimet: Ce que vous dites, c'est que, pour reprendre votre exemple, les enfants qui auraient une déficience intellectuelle sont plus rarement placés dans des familles d'accueil en vue d'une adoption...

**(10 h 20)**

M. Turcotte (Roch): Je ne sais pas, on n'a pas l'impression que la DPJ est là. Est-ce qu'ils sont abandonnés? Est-ce qu'ils sont en difficulté? Je ne le sais pas. On n'en entend pas parler, personne n'en parle. C'est une bonne question, parce que, de prime abord, on devrait s'attendre à ce que ce soit leur clientèle principale. C'est là que les parents seraient fatigués, épuisés de s'occuper de ces enfants-là. Il y a des cas lourds, hein? Mais je n'ai jamais entendu parler que la DPJ est allée voir, se préoccupait de ça. Parce que, moi, je n'en ai pas entendu parler, peut-être bien que vous en avez entendu parler, vous autres. C'est pour ça qu'on a des réserves, qu'on veut vraiment qu'il y ait une agence d'adoption, puis que la protection soit une chose, que l'adoption en soit une autre, qu'on se soit assuré que les parents biologiques ont eu le support qu'il fallait, puis une période de temps de récupération pour se prendre en main, valable. Après, on pensera à l'adoption.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions? Ça va. Donc, M. le député de Groulx, hein? Allez-y, M. le député.

M. Gauvreau: Bonjour, M. Turcotte, M. Bégin. Je vais me permettre de répondre à la dernière intervention que vous avez faite au sujet des enfants qui ont des déficits intellectuels ou non. C'est parce que... Ils ne sont pas suivis par la DPJ, c'est le rôle d'autres organismes. Les enfants qui sont suivis par la DPJ le sont lorsqu'ils sont dans une des situations décrites à l'article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Dans les autres cas, normalement ce sont les centres de réadaptation en déficience intellectuelle ou en déficience physique qui prennent charge de ces enfants-là, qui ont leur propre réseau de familles d'accueil qui sont toutes évaluées. Mais, dans le réseau de la protection de la jeunesse, il peut y avoir des enfants qui ont des déficits ou des problèmes de santé intellectuelle, mentale ou physique, il peut arriver, mais ce n'est pas le mandat du directeur de la protection de la jeunesse que de prendre charge de ces enfants-là. C'est la raison pourquoi vous n'en entendez pas beaucoup parler.

L'Association des centres jeunesse, lorsqu'ils sont venus nous rencontrer, la semaine dernière, nous ont dit qu'en 2009 il y avait eu 333 cas d'adoption québécoise, ce qui ramenait finalement le chiffre à ce qu'il était en 2005. En 2006, il était de 336 puis, en 2008, il était de 296. Donc, ce qui était appréhendé lors de l'étude du projet de loi n° 125, donc une augmentation importante du nombre d'adoptions québécoises, ne s'est pas révélé. Et, sur les 333, l'Association des centres jeunesse évaluait environ à une cinquantaine d'adoptions faites par signature de consentement à l'adoption, c'est-à-dire que les 280 et quelques autres le sont par des jugements d'admission à l'adoption et qui sont, dans la plupart des cas, et j'ai eu le privilège, moi, d'en plaider pendant une vingtaine d'années, dans la plupart des cas, des situations extrêmement graves, non futiles, avec un fardeau de preuve très, très, très important.

Et, pour répondre à une autre de vos questions, c'est rare qu'un processus... À partir de la prise en charge d'un enfant jusqu'au moment où il est adopté, le processus final, c'est un processus qui dure environ deux années et demie, et, à toutes les étapes, avant même que l'enfant soit pris en charge par une famille d'accueil, par exemple Banque-mixte, il y a des évaluations psychosociales qui sont faites des familles d'accueil, des évaluations psychosociales qui sont faites de l'enfant et de la famille, et, à toutes les étapes, il y a des évaluations qui se font. Et il est arrivé dans certains cas que des familles d'accueil Banque-mixte n'ont pas pu adopter l'enfant parce que le pairage ne se fait pas. On va tous être d'accord pour dire que... comme le juge Baudouin, dans Droit de la famille -- 1544, une décision extraordinaire de la Cour d'appel, il disait: Voilà les trois critères dont il faut tenir compte: l'enfant, l'enfant et l'enfant. Tout à fait logique comme ça.

J'ai lu avec attention votre mémoire, mais je n'ai pas retrouvé que vous aviez lu l'étude qu'avait faite le Dr Gauthier -- le Dr Gauthier est rattaché à l'Hôpital Sainte-Justine de Montréal -- sur... qui ont développé justement la Clinique d'attachement, et le Dr Gauthier, dans son étude, parlait beaucoup du besoin... qu'il n'y ait pas un conflit du lien d'attachement entre la famille d'accueil, la famille d'accueil ou la famille adoptante -- parlons de ce qui est là -- et la famille biologique, parce qu'il pourrait y avoir un certain nombre d'effets assez désastreux pour l'enfant. Je me demandais pourquoi vous n'aviez pas pu prendre connaissance de cette étude-là en particulier, qui a aussi eu l'avantage d'être faite au Québec et qui était très, très intéressante.

M. Bégin (Paul): Oui. Bien, je peux répondre. Effectivement, je connais les travaux du Dr Gauthier, mais effectivement on n'a pas fait le lien avec le mémoire qui est présenté ici. Effectivement, ce danger de conflit, là, entre les familles... on pourrait dire les deux familles, là, la famille adoptante et la famille biologique, dans le cas où les liens seraient maintenus... Je sais qu'il y a eu comme un débat, là, à travers les journaux, là, pour des spécialistes. Je serais... j'aurais tendance, là, un peu à prendre parti pour Me Roy, qui, je crois, sera ici cet après-midi et qui n'y voit pas nécessairement, là, un conflit insurmontable ou en tout cas... Comme on discutait plus tôt, dans ce processus-là, il y a différentes composantes: il y a le lien d'attachement, il y a le lien identitaire, et il faudrait évaluer, pouvoir évaluer le tout, là, avant de trancher, mais... Donc ça... Je ne pense pas, bien sans présumer de ce que M. Gauthier dit, je ne pense pas que ça invalide, là, notre choix d'aller vers une plus grande ouverture de l'adoption.

M. Gauvreau: Je voudrais aussi vous comprendre sur le fait que vous préconisez l'adoption ouverte ou sans rupture du lien de filiation, alors que, dans le même avant-projet de loi, il y a une plus grande, plusieurs diront «pas assez grande», ouverture sur l'accès aux informations qui permettraient aux enfants adoptés de mieux connaître le milieu et notamment de connaître les antécédents médicaux, qui pourraient leur être utiles au plan du développement. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous croyez que l'adoption ouverte doit être priorisée, d'autant plus que 90 % des adoptions sont prononcées après des admissibilités à l'adoption qui sont débattues bec et ongles, là. C'est à peu près... pour moi, c'étaient les dossiers les plus durs et les plus agressifs auxquels j'ai assisté. Et la rupture, elle est complète, la rage, elle est complète, partout, là. J'ai de la misère à voir pourquoi, malgré tout ça, même dans ce 90 % des dossiers environ, là, vous croyez que le maintien des liens est toujours valable. Je comprends qu'il y a des cas d'exception, il y a des gens qui s'en sortent, j'en ai vu, j'en ai connu, là, mais c'est des cas d'exception, là.

M. Bégin (Paul): Bien, enfin, votre expertise est intéressante, là, mais je pense qu'il faut aller... Un, je ne connais pas tout le processus, là, je n'ai jamais suivi un processus complet d'adoption tel que vous avez pu le vivre, là. Je pense qu'on essaie de poser des jalons à long terme, des jalons qui iront vers une amélioration de la loi et, bon, une amélioration des conditions de vie de nos enfants. Et je pense qu'on fait un pas dans cette direction-là.

M. Turcotte (Roch): J'aurais une question à lui poser, moi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Turcotte.

M. Turcotte (Roch): C'est que, dans ces processus-là, moi, je... c'est intéressant, parce que je vous entends puis je réfère à mon expérience. Les expériences qu'il y avait au Québec autrefois, il y avait des grandes familles. Des fois, il y avait des enfants qui se sentaient mal à l'aise avec leurs parents. Parfois, c'était un mononcle, la matante qui prenait le relais, c'étaient les grands-parents. Ça existait, ça. Dans notre société moderne, le niveau familial s'est «redressi» beaucoup. Puis on dirait qu'il y a des gens qui sont abandonnés, comme on dit... Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ça des milieux dits... des familles dites dysfonctionnelles. Ce n'est pas pour rien.

Puis là je vous écoute puis je me dis: Au sortir de ces processus longs et laborieux où on a massacré tout le monde, qu'il fallait prouver que... puis on a peinturé la mère ou le père comme étant ci ou ça, pensez-vous que l'enfant va être gagnant de cette quincaillerie-là? Est-ce qu'on a mis en place un processus qui ferait en sorte que les enfants seront gagnants? On peut s'interroger. Est-ce que c'était nécessaire de se rendre jusque-là? Est-ce qu'il y aurait eu des mesures qui auraient pu être plus efficaces, sans nécessairement peinturer tout le monde dans le coin, avec tout ce que ça implique? Puis là, quand vous allez arriver 10 ou 15 ans plus tard, vous allez dire à ces gens-là: J'aimerais ça te rencontrer? Les gens, ça sort de là tout défaits. Je ne suis pas sûr que la société a gagné grand-chose là-dedans.

M. Gauvreau: Je veux répondre à deux questions, rapidement.

M. Turcotte (Roch): C'est pour ça que je vous interroge, là.

M. Gauvreau: Sur la dernière question, je ne crois pas et je n'ai jamais vu un processus où on peinture les parents dans le coin. Jamais. Ce qui se fait en chambre de la jeunesse, surtout en matière d'adoption, est très, très, très respectueux. Mais je ne pourrais pas changer le parent qui est devant moi, je ne pourrai pas le changer.

Deuxièmement, moi, je suis prêt à m'engager, à vous fournir, à vous envoyer une lettre et à vous expliquer le processus dans le détail, avec une appréciation des délais normaux au Québec. C'est très, très, très facile pour moi à faire. Je pourrai vous le faire ultérieurement, à la commission. Ça me fera plaisir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Oui, M. Turcotte, ça va? Mme Hivon... excusez, Mme la députée de Joliette aurait...

**(10 h 30)**

Mme Hivon: Oui, j'ai une question sur un autre sujet. Vous avez dit à quel point pour vous c'est important donc, dans la foulée de votre logique, que les enfants connaissent, dans tous les cas, leur statut d'enfant adopté. Je pense qu'évidemment il y a eu énormément de progrès à cet égard-là et que maintenant les parents adoptants reconnaissent -- et on a eu beaucoup de beaux témoignages à cet égard-là la semaine dernière -- à quel point c'est important pour les enfants de vivre leur vie sur une continuité et qu'ils connaissent, bon, toute leur réalité.

Mais je comprends que vous dites qu'il devrait y avoir une obligation que l'enfant connaisse son statut d'adopté, puis je veux juste savoir: Techniquement parlant, est-ce que vous estimez qu'on doit, dans la loi, prévoir une telle obligation? Et est-ce que ce serait une obligation qui incomberait aux parents, donc on prévoirait, noir sur blanc, que les parents doivent informer leurs enfants de leur statut d'adoptés, ou si c'est une obligation qui incomberait à l'État? En gros, est-ce que vous vous dites: C'est tellement... en tout cas, c'est tellement fondamental qu'il faut l'écrire noir sur blanc dans la loi?

M. Turcotte (Roch): Moi, je répondrais ceci: C'est une façon de voir. Je vois mal l'État imposer à un père, à une mère qui ont adopté un enfant... Puis ils considèrent que c'est leur enfant, puis ils ne veulent surtout pas qu'il apprenne qu'il est adopté. Leur obliger à dire qu'il est adopté, ça, je ne pense pas que c'est ça, la bonne philosophie. Parce que c'est tout un... Comment je dirais ça? Quand tu es parent, tu accompagnes un enfant, tu es un tuteur, tu l'aides à prendre racine dans la vie; c'est ça, là, fondamentalement. Le passé d'un enfant qui a eu des difficultés, il est là, on ne peut pas le nier. Il a été adopté. Pourquoi les parents qui se refusent à lui dire... Pourquoi qu'on met des obstacles? Nous autres, on fait une importance, on dit: L'autorité parentale, lorsqu'un enfant a des parents adoptifs, l'autorité parentale, c'est le parent adoptant qui a l'autorité parentale. Ça n'empêche pas de savoir son passé, ça n'empêche pas de le respecter. Dans les familles, autrefois, quand c'était le mononcle, la matante, la grand-mère qui s'occupait de l'enfant pendant deux, trois ans, pour se retourner vivre avec son père ou sa mère, «whatever», il y avait une continuité, ce n'était pas un drame. Est-ce qu'on a fait des bons coups? On peut s'interroger. Y a-t-il moyen de faire mieux? Pourquoi pas? C'est juste ça qu'on dit.

Une voix: Ça va?

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. M. Turcotte, monsieur... merci infiniment pour votre collaboration, M. Bégin aussi, pour votre réflexion que vous nous avez partagée. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Donc, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que l'Institut généalogique Drouin puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre les travaux. Donc, je vous avise que les gens qui se sont assis et qui ont pris place, c'est les gens qui représentent l'Institut généalogique Drouin. Donc, messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous êtes ici, à l'Assemblée nationale, chez vous, bien sûr, et que votre contribution est importante pour l'ensemble des parlementaires ici, peu importe ce que les gens en pensent. Et je peux vous assurer que les gens qui nous écoutent... Absolument. Et je peux vous dire que les gens qui nous écoutent sont fort intéressés à vos propos, et les gens qui sont ici aussi. Donc, je vous souhaite la bienvenue.

Je vous rappelle, les règles sont très simples: vous avez 10 minutes de présentation, et il y aura une période d'échange de 25 minutes de part et d'autre pour permettre une meilleure compréhension de la présentation que vous allez nous faire. Donc, dans la foulée, je vais vous demander de vous présenter pour l'ensemble de nos auditeurs et ceux qui vous écoutent.

Institut généalogique Drouin

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bonjour. Je suis Jean-Pierre-Yves Pepin, président de l'Institut généalogique Drouin. Je suis accompagné de mon partenaire, Sébastien Robert, ainsi que de mes deux procureurs de Québec qui sont:

M. Racine (Denis): Alors, mon nom est Denis Racine. Je suis avocat, étude Bussières... Bussières Racine, Langevin, pardon. Et je suis aussi généalogiste, ex-président de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Et je suis l'un des deux seuls Québécois et Canadiens membres de l'Académie internationale de généalogie.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Alors, mon nom est Jean-Pierre Garceau-Bussières. Je suis avocat depuis 1971, d'abord aux Affaires sociales. Donc, j'ai siégé à de nombreuses occasions de votre côté de la table. Je suis en pratique privée. Et je suis un généalogiste amateur. Et, si je m'appelle Garceau-Bussières, c'est que Bussières est le nom de mon père adoptif et que Garceau est le nom de mon père naturel. Alors, j'ai un grand intérêt personnel dans la problématique de ce matin, que j'ai vécue du début à la fin.

**(10 h 40)**

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Et d'ailleurs, dans le mémoire, vous avez en annexe un document se rapportant à Me Jean-Pierre Garceau-Bussières, sur son adoption.

D'entrée de jeu, je vous dirais que l'Institut généalogique Drouin existe depuis plus de 100 ans, et vous faire un bref rappel. L'Institut généalogique Drouin a toujours fait une priorité de tout ce qui est généalogique, généalogie familiale, et de s'assurer que le patrimoine familial soit conservé et diffusé à l'ensemble des Québécois et des Québécoises. De Joseph Drouin à Gabriel Drouin, les deux, le père et le fils, étaient tous les deux des avocats, et ils ont fait le développement généalogique au Québec pendant que ça n'existait pas, ils ont été les pionniers. Gabriel Drouin a d'ailleurs numérisé entièrement les registres d'état civil du Québec, que j'ai diffusés. Et, moi, j'ai acquis l'institut Drouin en 1997. Vous trouverez le détail complet dans mon mémoire. Et, les 11 695 000 actes de baptême, mariage, sépulture des registres d'état civil, l'institut Drouin les a entièrement diffusés, accessibles à tous les Québécois et Québécoises, sur un ensemble de collections en CD, DVD ou directement sur Internet.

L'institut Drouin a pris un engagement social d'intervenir au niveau de l'adoption, au niveau du patrimoine funéraire, et etc. En ce qui concerne l'adoption, l'intérêt de l'institut Drouin, comme ils ont un contenu où les actes de baptême contenant les traces venant des tribunaux pour la réinsertion d'un acte de baptême dans les registres d'état civil... alors, l'institut Drouin a entièrement diffusé cette information-là. D'ailleurs, l'an passé, nous avons diffusé le premier registre des adoptés au Québec.

Parce que vous savez qu'il y a quand même quelque 300 000 adoptés au Québec. Et, si on parle de 300 000 adoptés, on parle naturellement des parents biologiques, qu'il y en a 600 000, on parle des parents adoptifs, qu'il y en a 400 000. Donc, autour de l'adoption, autour des adoptés, il y a quand même 1 300 000 personnes qui sont concernées au Québec actuellement.

Écoutez, dans mon mémoire, vous avez tous les points élaborés, et je prendrais juste... Parce qu'étant donné qu'on a 10 minutes pour faire la présentation je vous dirais, au niveau de la conclusion et recommandations, les sept points de l'Institut généalogique Drouin, et ils sont élaborés, et on pourra faire un échange effectivement de questions tantôt.

Alors: Que le droit d'un enfant adopté de connaître ses origines et son identité, protégé par la charte québécoise des droits et libertés, soit respecté par le législateur québécois. C'est ma première recommandation.

Que les dispositions de la loi s'appliquent également aux adoptions prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi. Pour moi, il est primordial de ne pas oublier ce qui est le fait actuellement de votre projet de loi, Mme la ministre. Je vous remercie d'ailleurs de nous accueillir et d'avoir retenu le mémoire de l'Institut généalogique Drouin, de nous donner l'opportunité de venir débattre de ça. Il est primordial donc, dans ce point n° 2, que l'Institut généalogique Drouin a déjà commencé à diffuser l'information. Et, cette information-là, on vous a remis aujourd'hui le deuxième volet du Registre des adoptés, pour 2009, et j'ai attendu de le présenter aujourd'hui, il va être déposé demain à la Bibliothèque nationale du Québec. Et c'est... ce n'est pas vendu, ce registre-là, il est donné, c'est l'institut Drouin qui paie les frais de l'ensemble de la documentation, et de la recherche, et de la diffusion. Ça va être diffusé donc dans les municipalités et ça va être déposé aux bibliothèques d'Archives nationales du Québec. Il est donc primordial que, pour les enfants déjà adoptés, on puisse débattre de cette situation-là, parce qu'elle est primordiale et elle demeure, pour 1 300 000 personnes au Québec actuellement, d'une force majeure, et, pour moi, c'est très important.

Troisièmement: Que, pour ces adoptions, seul un droit de veto au contact puisse être exercé par les parents biologiques.

Quatrièmement: Que le droit de veto sur la communication des informations relatives à l'adoption n'appartienne, pour les adoptions prononcées après l'entrée en vigueur de la loi, qu'à l'enfant adopté et que les parents biologiques ou adoptifs ne possèdent un tel droit de veto que jusqu'à ce que l'enfant adopté atteigne l'âge de 14 ans. On va avoir l'occasion d'en discuter.

Cinquièmement: Que les grands-parents biologiques aient les mêmes droits que leurs enfants à l'égard de leurs petits-enfants. Je ne suis pas adopté, j'ai une seule fille, j'ai deux petits-enfants et je vous assure que, si je devais vivre une situation de milliers de grands-parents actuellement qui n'ont pas de contact avec leurs petits-enfants... C'est une situation désastreuse, autant sur le plan affectif, socio-affectif, que culturel du Québec.

Sixièmement: Que les parents adoptifs soient également contraints d'informer leur enfant adoptif, dès son 14e anniversaire, de son statut d'adopté afin qu'il puisse choisir librement d'exercer ou non son droit à l'identité. Moi, je pense que l'enfant a un droit inaliénable, de protégé dans notre charte québécoise, de connaître ses origines, de connaître ses parents biologiques. Qu'il ait ou pas l'opportunité de les côtoyer, de les rencontrer, ça, c'est une chose différente. Mais de connaître ses origines, à mon point de vue, l'enfant adopté a ce droit-là d'inclus dans la charte québécoise, dans la charte canadienne.

Et, septièmement: Que le Registre des adoptés du Québec, commencé au secteur privé, soit un élément déclencheur pour inspirer le gouvernement du Québec à réunir l'adopté au monde qui lui revient de droit.

Vous savez, il est quand même anormal que 300 000 personnes ont continué à véhiculer une information: que les parents adoptifs sont les parents biologiques. Tous les répertoires, tous les documents publics, tant et aussi longtemps que cette divulgation-là n'est pas faite, on prend pour acquis que les parents adoptifs sont les parents biologiques, sachant très bien qu'en généalogie, d'une part, en génétique et autre, ça pose des problèmes majeurs dans la situation de vérité historique. Et, si le Québec a la chance unique d'avoir tous ces registres d'état civil et religieux, il faut convenir que l'adoption plénière a brisé cette ligne-là, continue de briser cette ligne-là, et qu'il est difficile, voire impossible pour la très grande majorité des 300 000 adoptés du Québec de pouvoir entrer en communication ou de connaître ses vrais parents biologiques. Et, à mon point de vue, ça demeure le phénomène le plus désastreux que, politiquement, juridiquement, culturellement... Le Québec, depuis 50, 60, 100 ans, laisse perdurer cette situation-là. Il demeure que le droit de ces 300 000 là et ceux à venir, tout comme... Quand j'ai passé à la commission Bouchard-Taylor, je suis venu dire que, l'immigration, on avait le même problème de brisure historique dans certains cas, de brisure généalogique, et qui serait l'équivalent de cette scissure-là qui se produit quand un enfant est adopté sous la forme plénière.

Et, moi, je pense qu'un registre devrait s'imposer. On l'a commencé. Écoutez, j'ai les registres d'état civil jusqu'en 1940, voire 1967. On continue à faire ce développement-là jusqu'en 2000, 2002, 2004, quand je passe dans les paroisses. On numérise le tout. Chaque fois qu'on rencontre un cas d'adoption, on a ouvert un fichier, et on les met dedans, et on va en diffuser. Et il me semble que ce n'est pas le rôle du privé de faire cette avancée-là, mais que c'est un rôle gouvernemental de pouvoir assurer à la communauté québécoise que les registres de tous les adoptés, pour définir les parents, les vrais parents biologiques, soient énoncés dans ce registre-là. Et il est inadmissible qu'on continue à donner de fausses informations publiques, puis qui a un impact sur le domaine génétique, médical et autre.

Alors, j'ai tenté de vous résumer mes points. Maintenant, tous ces points-là, vous les trouverez énoncés dans l'ensemble de mon mémoire. Et je suis prêt à entendre vos questions pour pouvoir y répondre davantage. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. Pepin. Mme la ministre.

Mme Weil: Merci beaucoup, messieurs, de venir nous apporter votre point de vue. C'est intéressant, parce que je regarde ça puis je me dis: Dans un sens, c'est deux visions qui se confrontent, c'est l'importance de connaître son histoire, une histoire d'une collectivité, bon, généalogique, et d'autre part qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. Et je vois vraiment: on est sur deux registres, deux plans complètement différents, et que peut-être beaucoup nous diront -- et je pense que, cet après-midi, on entendra l'Ordre des travailleurs sociaux -- que l'intérêt de l'enfant doit primer.

Et je vais vous poser des questions plus précises sur l'Ontario, bon, des aménagements, parce qu'il y a certaines modifications. Mais, je dois vous dire, avec un sujet aussi important, c'est un commentaire général que je fais, j'apprécie l'exercice parlementaire. Parce qu'on a entre nos mains un projet de loi, c'est le droit, et c'est toujours cette question: Est-ce que le droit devance la société ou est-ce que la société devance le droit? Puis comment le droit doit évoluer avec la société? Et on est en plein... cet exercice, on écoute les points de vue de tout le monde. La députée de Joliette, elle pose des questions, je pose des questions, les députés posent des questions, on veut arriver, premièrement, à un consensus de principe, et je pense que c'est là toute cette question d'intérêt de l'enfant, d'attachement de l'enfant, comment il crée son projet de vie, puis, bon, toutes les considérations de protection de l'enfant. Et là vous apportez un autre point de vue, mais qui... par rapport aux recommandations qui vont rejoindre tout le Mouvement Retrouvailles, ce besoin de connaître son identité. Puis là on arrive dans le droit. Alors, c'est un commentaire général.

Donc, vraiment vous allez au coeur d'un débat, mais vous amenez une autre perspective, et c'est vraiment l'importance de connaître, pour des raisons historiques, scientifiques, généalogiques, tout ça, connaître la vraie histoire de chaque individu qui compose cette société. Et, nous, on va essayer de trouver, je pense, en bout de ligne... Moi, ma responsabilité, c'est d'essayer de refléter beaucoup... pas un consensus, on n'aura pas de consensus, mais au moins quelque chose qui va refléter plus d'ouverture et peut-être où en est la société, puis peut-être ne pas être plus restrictifs que d'autres provinces, à tout le moins. On verra.

Sur la question de connaître... Bien, on va peut-être aller sur le droit. Cette question de droit à la vie privée, veux veux pas, c'est dans la charte... dans les chartes de droits et libertés. Le droit à l'identité et de connaître son identité, on l'a beaucoup évoqué. J'ai l'impression qu'il y a des gens qui ressentent que c'est un droit, même si ce n'est peut-être pas reconnu officiellement ni dans la jurisprudence ni dans les chartes, mais ils le ressentent. Alors, on est très à l'écoute de cette question de connaître son identité.

Mais on n'a pas beaucoup de jurisprudence là-dessus au Canada, mais, dans le contexte de la première... du premier projet de loi de l'Ontario, il y a eu cette décision de la Cour supérieure, et l'Ontario a dû moduler son projet de loi. Si je comprends, dans votre mémoire, vous dites: «Selon nous, le gouvernement, ainsi que le démontre l'avant-projet de loi, ne veut pas appliquer au Québec le mécanisme de divulgation maintenant appliqué en Ontario en se fondant sur l'existence d'un prétendu "contrat social" qui serait intervenu entre la mère naturelle et la société pour que son identité et le fait qu'elle ait mis au monde un enfant hors mariage demeure à tout jamais confidentiel». Si je comprends bien, vous, vous voudriez qu'on aille au moins aussi loin que l'Ontario sur cette question de divulgation. Est-ce que j'ai bien compris...

**(10 h 50)**

M. Racine (Denis): Bien...

Mme Weil: ...le deuxième projet de loi de l'Ontario suite à la décision. Parce que la décision, bien que c'est juste la Cour supérieure, ce n'est pas allé en Cour suprême, ça reflète un peu l'approche de toutes les provinces et qu'il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut pas aller, du point de vue juridique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Racine.

M. Racine (Denis): Oui. On n'a pas étudié la position de l'Ontario en détail, je vous dirai. Et essentiellement ce qu'on écrit, c'est l'élément suivant, c'est qu'on dit: L'enfant a le droit à l'identité, c'est un droit à l'identité, et seul l'enfant possède ce droit-là, et il n'y a pas personne, à notre avis, personne d'autre qui doit mettre... qui peut mettre une entrave à ce droit-là qui appartient à l'enfant. C'est sa vie, c'est son identité propre et c'est à lui.

Pour le passé, ce qu'on dit, c'est que pendant des années les mères qui accouchaient dans des crèches ou ailleurs, qui donnaient leurs enfants... les enfants parfois en adoption, on prétend que le consentement était plus ou moins vicié à cause du contexte social. Quand on sait qu'on faisait réciter aux mères, avant qu'elles accouchent, collectivement la prière suivante: «Et surtout je supplie votre Miséricorde de l'enlever tout jeune de la terre s'il doit porter en lui le triste héritage des passions qui nous ont perdus.» Alors, bon, il n'y a pas besoin d'insister longtemps pour voir que le contexte social de l'époque était très pesant et que le consentement qui a été donné par les mères à l'époque au niveau de l'adoption était probablement vicié. Évidemment, comme tout contrat, on connaît les causes... Il y a plusieurs juristes ici... connaissent les causes de validité d'un contrat.

Ceci étant, on pense d'abord que le projet de loi devrait s'appliquer aux situations passées et que seul l'enfant a le droit de... c'est-à-dire, c'est... Le droit de savoir, ça lui appartient. La seule chose que les parents biologiques pourraient avoir, c'est un droit de veto au contact. Pourquoi? Parce que, les choses ayant évolué avec les années, la mère, qui a pu laisser son enfant en adoption dans les années cinquante, auparavant, bien évidemment l'âge est là, là, mais, mettons, dans les années cinquante, elle pourrait aujourd'hui décider que, non, elle ne veut pas avoir un contact avec son enfant. Elle pourrait le faire de façon éclairée aujourd'hui, la pression sociale étant beaucoup moins importante qu'elle l'était à l'époque.

Alors ça, on reconnaît ce droit-là à la mère. Par contre, ce qu'on dit, et ça apparaît tout le long de notre mémoire, le droit de connaître, le droit à l'identité, ça appartient à l'enfant. Et, que ce soit pour les situations passées, pour les situations futures, on pense que l'enfant a le droit de connaître ses parents biologiques.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Je voudrais juste rajouter que la Fédération québécoise des sociétés de généalogie a un code de déontologie qui a été amendé il y a quelques années parce que les généalogistes, à venir jusqu'à il y a trois ans, ne divulguaient jamais de l'information concernant les adoptés. Ça a été changé parce que la société québécoise a évolué.

Il faut retenir également qu'il y a beaucoup de filles-mères qui sont allées... Quand vous m'avez posé la question, tantôt, concernant l'Ontario, il faut retenir qu'il y a beaucoup de Québécois et... de Québécoises, pardon, qui sont allées accoucher en Ontario. Et, dans le Registre des adoptés, dans le premier volet, j'en ai donné plusieurs exemples, de femmes qui sont allées accoucher en Ontario, à Toronto, ou etc., revenaient ici, et l'enfant était adopté par après au Québec. Et j'ai même montré un exemple criant, qu'un enfant a retrouvé sa mère qui avait été accoucher à Toronto, puis il vivait... l'enfant adopté vivait à Montréal, et sa mère biologique demeurait à quelques rues de là quand ils se sont retrouvés. Et ils n'ont pas passé, naturellement, par la DPJ pour arriver à ça, puisque le dossier était en Ontario. Et ça nous pose beaucoup de problèmes pour la population québécoise, parce que les registres peuvent être aussi bien, dans beaucoup de cas, au Nouveau-Brunswick comme à Toronto. J'ai même vu un cas où c'était en Colombie-Britannique, là.

Alors, vous comprendrez que la population québécoise, étant donné que... Même si je suis Québécois, il n'en reste pas moins qu'on a une société canadienne puis que les gens peuvent aller accoucher dans d'autres provinces. Mais le statut et... la réglementation pour l'adoption, elle est québécoise puis elle est d'application québécoise. Et, pour le généalogiste, pour nous, il demeure impératif que le Québec puisse ouvrir ses dossiers au même titre que l'Ontario vient de le faire, ou se propose de le faire. Même avec les difficultés que ça pose, il n'en reste pas moins qu'on se rend compte que la société canadienne, et la société québécoise, a énormément évolué et que maintenant il n'est plus question de religion, il est question strictement de droit à l'identité. Merci.

Mme Weil: Oui, donc je vais peut-être continuer sur tout ça, parce que vous êtes vraiment sur un noyau dur important. Vous, vous demandez finalement plus d'harmonisation avec ce qui se fait ailleurs. Un des arguments qui était mis de l'avant évidemment par beaucoup de juristes, et derrière cet avant-projet de loi, c'est ce fameux pacte social, vous en avez parlé, et qu'il y avait une entente avec, par exemple, bon, une certaine madame qui aurait peut-être maintenant 80, 95 ans, santé fragilisée, etc., puis est-ce que les conséquences sur elle pourraient être peut-être même dévastatrices, bon. Donc, il y avait cette préoccupation.

Et donc, là, la question... ou des commentaires sont venus pour nous dire: Oui, mais, après son décès, de toute façon, le droit... Si on reconnaît un droit à la vie privée parce qu'elle... -- ce droit est bien reconnu dans les chartes de droits et libertés, par la jurisprudence -- ce droit-là, après le décès, qu'en est-il? Et puis ils nous demandent d'ouvrir un peu là-dessus, reconnaissant qu'il y a un pacte, et une entente, et un droit à la vie privée durant son vivant. Certains nous demandaient -- même le Mouvement Retrouvailles, si je me souviens bien, allait un peu dans ce sens-là -- pour qu'au moins, à un moment donné, la personne puisse connaître son histoire biologique. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça?

Évidemment, vous, pour vous, je pense que, si je comprends bien, le droit à l'identité prime sur le droit de vie privée, si j'ai bien compris. Mais, nous, on ne peut pas changer les chartes de droits et libertés, on ne peut pas vraiment changer la jurisprudence. Mais en même temps on vous entend, on est sensibles à ça. Puis vous n'êtes pas les seuls. Il y en a plusieurs qui sont venus vraiment plaider pour plus d'ouverture, ils disent: On vit dans une société plus ouverte, et que, oui, le Québec, c'est une société très catholique, mais la nature humaine, c'est la nature humaine partout dans le monde, et les gens veulent connaître. Donc, il n'y a peut-être pas vraiment à faire cette distinction entre nos origines très catholiques et les autres provinces canadiennes, que cette réalité est un peu pareille, d'où l'importance d'avoir plus d'harmonisation.

Mais je ne sais pas si vous êtes capables de vous prononcer là-dessus, étant donné que c'est vraiment contraire, de toute façon. Mais, ceci étant dit, il y a le droit qui est là. On ne peut pas réinventer le droit sur ces questions de droit. Donc, après le décès, qu'en pensez-vous?

**(11 heures)**

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): ...d'abord, je ne veux pas qu'on réinvente le droit, je veux juste qu'on applique notre charte québécoise. Le droit inaliénable que possède l'enfant, il est là et il prime sur le droit de la mère et du père biologiques. Et, à mon point de vue, tout ce qu'on demande, c'est l'harmonisation, dans plusieurs cas, des lois que vous faites maintenant sur l'accès à l'information, la diffusion de l'information.

Vous savez, pour le journaliste, l'historien et le généalogiste, nous ne sommes pas tenus au respect de la vie privée en ce qui concerne les documents, le... en ce qui concerne le nom, le prénom, le sexe, la date de naissance, date de mariage, etc. Nous ne sommes pas tenus à la confidentialité là-dessus. Vous remarquerez... Juste une parenthèse pour vous dire que, moi, ça fait depuis 1997 que j'ai acheté l'institut Drouin, et je n'ai eu qu'une seule plainte venant de la Commission d'accès à l'information, et ce n'est que tout récemment qu'on l'a eue -- il est... cette cause est pendante, là -- et on a eu une seule plainte, là, en 110 ans d'opération, là.

Et je pense que la société est vraiment mûre là-dessus pour qu'on rouvre définitivement les portes là-dessus, que les lois reflètent les attentes de la population québécoise. Ça prend du temps à harmoniser vos lois, vous le savez. Vous avez l'audace de présenter un avant-projet de loi pour changer des choses, mais, le Québec, ça fait longtemps qu'il est prêt à ça. Les adoptés, là, les 1 300 000 personnes, là, qui sont concernées par les 300 000 adoptés, ça fait déjà 10, 15, 20, 30 ans qu'ils attendent des modifications majeures dans la diffusion de l'information et dans l'accès à leur information privée, qu'ils ont un droit indéniable de ça. Le Mouvement Retrouvailles est venu vous en dire quelques pistes. J'ai regardé, j'ai suivi tout ce mouvement-là, même si je suis de Longueuil, Montréal. Vous savez, il n'y a pas de conflit entre Montréal et Québec, il n'y a qu'une complicité à améliorer et à développer.

Et je vous dirais qu'au niveau de l'adoption... je pense que, si votre loi demeure une demi-mesure, non seulement vous ne serez pas... vous ne pourrez pas satisfaire les 1,3 million de personnes qui attendent beaucoup de vous, Mme la ministre, et de cette commission parlementaire, et de tous les députés, de bien étudier et de bien rendre justice et corriger un facteur historique important. Et, moi, je pense... L'institut Drouin, c'est sûr qu'il a peut-être une position plus radicale, mais n'oubliez pas que, si vous ne faites pas bien votre devoir, de toute façon le privé va continuer à vous devancer et nous allons, d'une certaine façon, probablement contrevenir à certains des points de loi que vous allez faire.

Mais, comme je vous ai dit en préambule, moi, comme généalogiste, la rigueur d'un généalogiste, d'un généticien, d'un historien, ce n'est pas de continuer à leurrer la population puis à cacher et taire une situation fausse. On n'a pas à faire durer cette situation-là, d'autant plus que... Écoutez, Mme la ministre, s'il nous faut protéger 300 000 mères, filles ou enfants, parce que plusieurs les ont eus quand elles étaient encore vraiment enfants ou jeunes filles et dans des conditions pénibles, mais, si on doit, pour protéger ces 300 000 là... Puis, sur les 300 000, moi, j'estime qu'il y a probablement moins de 1 % ou 2 % de ces filles-là ou femmes-là qui veulent continuer à taire dans leur milieu actuel, et là on prive des gens, on prive des adoptés qui ont des... pour plusieurs, ils ont des problèmes psychologiques importants, ça les a marqués pour toute leur vie, et on n'est pas capables de régler leur problème parce que la dureté des lois que vous nous avez données depuis x dizaines d'années... ne nous conviennent plus, et que, maintenant que vous avez eu l'audace de vouloir corriger ça, je pense que nous devons maintenant s'assurer que nous allons aller suffisamment loin pour régler le problème des 1,3 million de personnes qui attendent, c'est 20 % de la population québécoise, ça, qui attendent une démarche concrète de votre part, Mme la ministre, et vous, chacun de la commission parlementaire, mais surtout pour l'avenir.

Il ne faut pas oublier que l'enfant adopté... Vous avez une dame en arrière de moi, là, Mme Poitras, elle est dans le registre 1 et elle est dans mon registre 2. Et, sans vouloir parler de sa vie personnelle, elle cherche sa mère biologique, mais elle a des petits-enfants. Et je connais plein... Sur les 1 335 cas qu'on vous a présentés, il y en a plein qui ont des problèmes psychologiques, il y en a plein qui ont des problèmes génitaux... génétiques puis qui... On attend des réponses. Et on ne peut pas actuellement, par l'entremise de la justice, donner un droit actuellement sous cette forme-là à tous ces 300 000 adoptés là, on n'est pas capables.

Puis, de s'adresser à la DPJ, vous le savez, c'est d'une complexité qui a fait en sorte qu'on est tombé dans un bourbier dans lequel on n'est pas capable de s'en sortir. Et il ne faudrait pas attendre, à mon point de vue, que le secteur privé vous mette dans une situation telle que je vous les affiche, ces 300 000 personnes là, qu'on crée ce registre-là, et que ça augmente certaines frustrations d'une certaine partie de ces filles-mères là, femmes maintenant, puis qui, elles aussi, transportent un bagage émotionnel puis qui les a, sans dire détruites, mais qui les a endommagées une partie de leur vie. Alors, moi, je pense que ce serait même leur rendre service que d'ouvrir ces portes-là. Et, si on a un problème avec 50, 100 ou 200 personnes, ça va être quand même un problème qui va être beaucoup moins considérable que les 300 000 qu'on a actuellement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Oui, je vais... C'est parce que le temps que vous utilisez, c'est sur le temps du côté ministériel. On a largement dépassé ça. Nous pourrons y revenir. Si la députée de Joliette, à qui va appartenir le temps maintenant des questions, vous permet de continuer, est-ce que vous êtes... vous vous sentez à l'aise? Vous aimez mieux y aller avec votre propre...

Mme Hivon: ...continuer puis avoir moins de temps dans le deuxième bloc.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, allez-y, M. Racine, en terminant.

M. Racine (Denis): Oui, les commentaires... Vos commentaires, Mme la ministre, suscitent quelques réflexions chez moi. Première chose, je vous rapporterais... Je vous référerais à la page 16 de notre mémoire, où on parle justement d'un cas qui s'est rendu, en 1991, devant la Cour suprême, où on a refusé à un enfant...

Une voix: À une mère.

M. Racine (Denis): ...à une mère, une mère biologique, un contact avec son enfant, alors que l'enfant ne savait même pas qu'il était adopté. Bon. Ce qu'on dit, c'est que le droit appartient à l'enfant.

Que des gens aient pris la responsabilité de mettre un enfant au monde, bien il y a des responsabilités. Le Code civil est plein de responsabilités, comme parents, que nous avons lorsqu'on met un enfant au monde ou lorsqu'on est parents d'un enfant. Alors, c'est la même chose. Et vous semblez mettre en... Et je me rappelle, récemment, j'ai une cliente qui a demandé... qui est née en Alberta, qui a demandé son acte de naissance, qui a été adoptée; il est arrivé deux actes de naissance: l'acte de naissance avec l'adoption puis l'acte de naissance avec le nom des parents biologiques. Je ne pense pas que l'Alberta, la situation soit si différente de la nôtre.

Par ailleurs, vous mettez en balance le droit à l'identité puis le droit à la vie privée. Bon, la charte est rédigée comme elle est rédigée, on ne la refera pas, on ne demande pas d'amendement à la charte, sauf qu'il s'agit parfois, et c'est le rôle du législateur puis c'est le rôle des tribunaux, d'interpréter les principes de la charte. Alors, nous, on dit que le droit à l'identité doit être renforcé, doit être consacré dans la loi.

Quant au droit à la vie privée, les généalogistes, dès l'émission de cette... la charte, à chaque fois qu'il y a eu des projets de loi sur cette question-là, on est venus en commission parlementaire, j'ai participé moi-même à plusieurs commissions parlementaires, où on semble... C'est vrai que le balancier, à l'heure actuelle, va dans le sens de la protection de la vie privée, je pense que... Bon, on ne le nie pas, sauf qu'il y a des choses là-dedans qu'on trouve absolument aberrantes. Je vais vous donner juste un exemple. Que votre dossier médical soit privé, je veux bien. Que votre déclaration d'impôt soit privée, je veux bien. Mais, quand on met deux informations ensemble, vous savez, ça devient un renseignement privé. Quand on est arrivés ici, tout à l'heure, à l'Assemblée nationale, on nous a demandé une pièce d'identité, soit carte d'assurance maladie, soit un permis de conduire, pourtant ce n'est pas un policier qui m'a arrêté, ce n'est pas un médecin ou un hôpital qui m'a donné des soins. On se sert de ces cartes-là, et ces cartes-là contiennent des informations confidentielles, et ces cartes-là servent à tous les jours. Et, même dans les formulaires du gouvernement, là, ma déclaration d'impôt, on me demande à chaque fois mon numéro d'assurance sociale. Bon. Alors, on prétend que le... Bon.

C'est vrai que les gens ont droit à la protection de la vie privée, je ne nierai pas ces choses-là, sauf qu'à quelque part on veut envelopper tout dans la protection de la vie privée, à tel point qu'à un moment donné on ne saura plus le nom de la ministre de la Justice parce que c'est... ça va être privé. Il ne faut pas non plus exagérer. Et, là-dessus, on invite le législateur... et, à chaque fois qu'on vient en commission parlementaire, on le répète, on invite le législateur à un peu plus de lucidité sur cette question-là en rapport avec les pratiques de la société qui se font... de tous les jours.

Ceci étant, encore une fois, si on met les deux, les deux droits en balance, et je pense qu'on est là, quant à nous, le droit à l'identité de l'enfant prime, ça lui appartient, c'est sa personnalité, c'est la protection que la charte donne à un individu et pas autrement. Et, si on a pris... Si on a mis au monde un enfant, bien je pense qu'il y a des responsabilités qui vont avec ça, et, à mon avis, ça fait partie de ces responsabilités-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, nous y reviendrons, Mme la ministre. Vous avez compris qu'on a pris ça sur votre temps, pour que ce soit bien clair pour tous. Nos invités, eux autres, ça ne les intéresse pas vraiment. Eux autres, ce qu'ils veulent, c'est s'exprimer, on comprend ça, et j'ai la lourde tâche et ingrate tâche de gérer le temps. Donc, Mme la députée de Joliette.

**(11 h 10)**

Mme Hivon: Merci beaucoup à tous les représentants de l'institut. À mon tour, je dois dire que c'est un éclairage intéressant que vous amenez, parce qu'effectivement, comme on l'a dit d'entrée de jeu, vous vous situez un peu, je dirais, sur une autre grille d'analyse par rapport à tous les intervenants, à peu près, qu'on a entendus jusqu'à ce moment-ci, parce que votre préoccupation, elle est d'abord, je dirais, historique, et de fiabilité historique, et des registres, et tout ça. Donc, on comprend bien où votre intérêt se situe. Évidemment, jusqu'à maintenant, on était beaucoup plus dans des considérations sociales, affectives, identitaires, je dirais, propres de la personne et non pas dans, je dirais, l'intérêt pour peut-être la continuité historique des choses.

Donc, ceci étant dit, je veux vous remercier -- j'imagine que ça, c'est le fruit de votre savant conseiller juridique -- d'avoir vraiment abordé la question du pacte social, parce que vous êtes à peu près les seuls qui ont vraiment écrit sur la question, et c'est très important pour nous, parce que, oui, jusqu'à ce jour, il y a... à peu près tout le monde qui vient ici sont des défenseurs d'une plus grande ouverture en ce qui a trait à la confidentialité des dossiers d'adoption et avoir accès à ses origines. Mais, quand on lit le rapport Lavallée, duquel le projet de loi de la ministre est essentiellement inspirée, je dirais qu'à peu près le seul argument qui est invoqué pour ne pas ouvrir pour le passé, c'est vraiment toute cette idée-là du pacte social.

Et d'entrée de jeu on a dit que c'était difficile d'entendre les gens qui pourraient s'opposer à la plus grande ouverture, parce que, de par le fait même qu'ils veulent maintenir la confidentialité, ils ne viendront pas dans une commission publique, on s'entend, comme aujourd'hui pour venir nous donner leur point de vue. Donc, c'est pour ça qu'on essaie, avec nos intervenants, d'un peu les confronter à cet argument-là, parce que c'est à peu près le seul qui est soulevé, je dirais, plus en théorie qu'en pratique, parce qu'à ce jour personne ne l'a soulevé devant nous, mais il nous reste encore quelques jours d'audition, donc peut-être que ça va venir, mais certains penseurs, au nom du droit de ces femmes-là, l'invoquent.

Et là je veux juste... vu que vous êtes à peu près les seuls à l'aborder noir sur blanc dans votre mémoire, je veux bien comprendre votre cheminement par rapport à ça. Essentiellement, ce que je comprends, c'est que vous dites: À l'époque, on ne peut pas vraiment dire qu'il y avait un consentement libre et éclairé de la mère biologique, dont on se réclame aujourd'hui pour parler de ce pacte social là, parce qu'il y avait de telles pressions de la famille, des communautés religieuses pour que l'enfant soit confié à l'adoption qu'on ne peut pas parler d'un véritable consentement. Est-ce que c'est ça, le coeur de votre argument sur un peu l'absence d'un pacte social?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Je vais prendre juste quelques secondes, mais je vais donner la parole à mon autre procureur, Jean-Pierre, d'élaborer. Moi, ma préoccupation majeure comme individu et comme généalogiste, c'est de s'assurer que le pacte social soit juste, et je pense que, dans la situation actuelle, puis j'ai eu l'occasion d'étudier des milliers de dossiers, il n'y a pas eu justice vis-à-vis de la mère-enfant, de la femme-enfant qui a accouché, et je pense qu'il doit y avoir des corrections. Mais je vais laisser Jean-Pierre élaborer peut-être un peu plus sur le sujet.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Garceau-Bussières.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): Oui, M. le Président. Pour répondre à votre question, Mme la députée, le résumé que vous avez fait de notre position est correct. Je vous précise que j'ai participé à la création du Mouvement Retrouvailles, en 1984, et que j'ai été son conseiller juridique pendant au moins une décennie, et, dans ce contexte-là, j'ai connu des cas qui m'ont démontré que le pacte social a, dans la quasi-totalité des cas, été fondé sur un consentement non libre et éclairé. J'ai même vu des situations où non seulement la mère, mais le père était présent lors de l'accouchement, et que les deux disaient: Nous allons nous marier, s'il vous plaît, gardez l'enfant, ne le placez pas en adoption, et nous allons revenir dans... d'ici six mois pour revenir le chercher. Et les religieuses du Bon-Pasteur ont malgré tout insisté pour que la mère signe le consentement à l'adoption, en disant que c'était une formalité nécessaire. Et ces parents-là sont revenus chercher leur enfant quelques mois plus tard, pour se faire dire qu'il était trop tard, que cet enfant-là avait été placé en adoption. Et, heureusement, cet enfant-là a pu retrouver ses parents naturels et constater, en faisant le lien, que, lorsque ses parents naturels se sont présentés pour le reprendre, qu'il n'était pas encore placé en adoption, parce que ses parents adoptifs l'avaient vu pour la première fois un mois plus tard, ils l'avaient sorti pour adoption un mois plus tard et ils l'avaient adopté légalement un an plus tard. Donc, les bonnes religieuses ont menti à ce couple de parents là. Et cet exemple-là, je pense, peut être multiplié.

Et mon associé Racine parlait tout à l'heure, en se fondant, comme le fait notre mémoire, sur les dispositions du Code civil du Bas-Canada à l'époque... je pense que la quasi-totalité des consentements qui ont été donnés dans les années quarante, cinquante, soixante à l'adoption auraient pu, si la mère avait osé changer d'idée, être cassés et annulés par les tribunaux, sur la base de toutes les dispositions du Code civil du Bas-Canada.

Ce qu'on dit au législateur québécois aujourd'hui, et je reviens à ce que Mme la ministre exposait tout à l'heure: faire la distinction ou affirmer que s'opposent l'intérêt général et l'intérêt de l'enfant, je pense qu'il faut préciser deux choses. Premièrement, l'intérêt de l'enfant, dans le contexte, ne peut être que l'intérêt de l'enfant adopté, on en convient. Or, posez autour de vous... chacun d'entre vous, si vous connaissez des enfants adoptés et qui ont la chance de savoir qu'ils sont adoptés, ce qui n'est pas toujours le cas, qu'est-ce qui leur importe le plus? C'est de connaître leurs origines. Donc, quand vous dites: Je veux défendre les intérêts, comme législateur, de l'enfant, l'intérêt de l'enfant adopté, c'est de connaître ses origines. Et à ça s'oppose l'intérêt général qui, il faut le préciser, est l'intérêt théorique d'une mère, femme-enfant, fille-mère, qui aurait consenti à l'adoption théoriquement et qui ne voudrait pas, même en 2010, dans le contexte social actuel, ne voudrait pas que soit connu ce fait-là. Il y en a effectivement, j'en ai connus personnellement, des cas célèbres qui n'ont jamais voulu que ce soit connu.

Bien, tout ce qu'on vous dit, nous, puis comme d'autres intervenants, c'est: Adoptez le modèle ontarien, permettez à ces mères-là qui ont été forcées à l'époque de consentir à une adoption de pouvoir aujourd'hui dire: Oui, je... je ne consens toujours pas, en inscrivant leur refus, ou: Aujourd'hui, j'y consens. Et permettez à l'enfant adopté qui veut retrouver de connaître ses origines, même si la mère est décédée, donc ne peut plus faire valoir son consentement, et... ou permettez, je pense qu'on en parle dans le mémoire, permettez les réunions des fratries. Je vous invite à regarder l'émission Providence qui rouvre cette problématique-là dans un... une nouvelle tranche qui est commencée hier soir. C'est aussi important de retrouver ses frères et soeurs que de retrouver ses parents. Personnellement, j'ai eu la chance de retrouver cinq frères et soeurs de même père et même mère et je vous affirme que ça change la vie de quelqu'un.

Ceci dit, j'ai été horrifié tout à l'heure d'entendre un intervenant dire que les parents adoptifs ne devraient pas être... ne devraient pas avoir à dire à leur enfant qu'il a été adopté. Si un parent adoptif aime le moindrement l'enfant qu'il a pris, qu'il a choisi d'adopter, je pense qu'il doit lui donner l'heure juste sur ce qu'il est, O.K.? Et c'est pour ça qu'on a une recommandation dans le mémoire qui dit: Inscrivez dans la loi que le parent adoptif, à partir de 14 ans, soit obligé de dire à son enfant qu'il est adopté. O.K.? Moi, j'ai toujours su que j'avais été adopté, et j'en aurais grandement voulu à mes parents adoptifs de ne pas me l'avoir dit. O.K.?

J'ai vécu personnellement le cas qui est monté jusqu'en Cour suprême, où des parents adoptifs n'ont pas dit à l'enfant, à leur fille adoptive, qu'elle était adoptée. Et la mère biologique, parce qu'elle a fait la démarche, s'est retrouvée dans une situation où le centre de services sociaux à l'époque a... la travailleuse sociale a communiqué non pas avec l'enfant adopté, mais avec la mère adoptive, et évidemment la mère adoptive a répondu, sachant fort bien que sa fille ne savait pas qu'elle était adoptée: Non, je ne consens pas à l'adoption... aux retrouvailles, alors que ce n'est pas à elle à le dire, c'est à l'enfant. O.K.? Et les tribunaux, première, deuxième, Cour suprême, ont tous décidé: Mais l'enfant n'a pas... n'a pas consenti à... aux retrouvailles. Mais comment pouvait-elle le faire? Elle n'a même jamais été informée de tout ce débat-là, jamais informée qu'elle était adoptée. C'est un déni de droit total. Est-ce que j'ai répondu à votre question, Mme la députée?

Mme Hivon: Bien. Non, mais, merci, parce que vous avez comme le double chapeau, donc évidemment ça rend vos commentaires d'autant plus sentis, je dirais.

Je vais vous amener sur la question très technique des vetos, vous l'avez déjà abordée, je veux juste être certaine de bien comprendre. Vous dites: Pour le passé, on serait ouverts à ce qu'il y ait une possibilité de veto de contact; pour le futur toutefois, aucun veto. Est-ce que c'est bien... je comprends bien votre position?

M. Racine (Denis): Exactement.

Mme Hivon: O.K. Ensuite, je voudrais vous amener donc à vos conclusions et recommandations...

M. Racine (Denis): Excusez.

**(11 h 20)**

Mme Hivon: Oui.

M. Racine (Denis): Le droit de veto pour l'avenir n'appartient qu'à l'enfant.

Mme Hivon: Oui. Je parlais du droit de veto des parents, effectivement.

M. Racine (Denis): Oui, c'est ça. D'accord.

Mme Hivon: Donc, l'enfant, lui, pour l'avenir, maintiendrait un droit de veto...

M. Racine (Denis): Oui, oui, exact.

Mme Hivon: Parfait. Dans votre cinquième recommandation -- c'est quelque chose qu'on n'a pas encore beaucoup abordé, là -- vous dites, vous recommandez que les grands-parents biologiques aient les mêmes droits que leurs enfants à l'égard de leurs petits-enfants. Alors là je veux comprendre si vous voulez dire: de manière générale, dans le Code civil, les grands-parents, qu'on parle de grands-parents biologiques, de grands-parents d'enfants qui ont été adoptés, devraient avoir les mêmes droits que les parents, auquel cas c'est un changement quand même important, ou ce que vous voulez dire, c'est que les grands-parents biologiques, quand il y a des enfants adoptés, aient les mêmes droits que les parents biologiques de ces enfants-là, donc aux retrouvailles. Donc, j'aimerais ça que vous clarifiiez votre position sur les droits des grands-parents.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Je vais commencer à parler, peut-être que Me Racine voudra rajouter quelque chose. Pour moi, il est impératif que le droit des grands-parents de savoir qu'ils ont des enfants... des petits-enfants qui ont été adoptés... il puisse y avoir une certaine forme de retrouvailles puis qu'ils ont ce droit-là, que la loi leur permettrait. Il y a déjà des articles dans le Code civil, là, qui donnent des droits aux grands-parents et que c'est déjà défini. Mais, moi, je vais plus loin en disant que le droit des grands-parents devrait être le même que les parents biologiques, et sans droit de veto, pour qu'il y ait un cloisonnement qui se fasse, là, mais que ce soit clair et certain que les grands-parents auraient le droit de connaître leurs petits-enfants adoptés, auraient le droit de les voir, s'il y a consentement mutuel, pour pouvoir être en contact puis qu'il y ait des retrouvailles. Donc, les grands-parents...

Comment le définiriez-vous dans votre projet de loi? Moi, je pense qu'il s'agirait tout simplement de mettre: les parents biologiques, -- virgule -- les grands-parents biologiques. Aussi simple que ça. Ce ne serait pas obligé d'avoir une extrapolation pour tous les autres points de la loi. Mais, en ce qui concerne les retrouvailles, qu'on ait cette opportunité-là pour les grands-parents, c'est primordial. Vous savez que, particulièrement dans les familles maintenant monoparentales, les grands-parents biologiques ou les grands-parents point à la ligne jouent un rôle déterminant dans la société québécoise, et je pense que ça devrait être enchâssé dans la prochaine loi que vous allez y mettre.

Je ne sais pas si Denis veut rajouter quelque chose?

M. Racine (Denis): Oui. Bien, Me Bussières en a parlé tout à l'heure, l'importance de la fratrie et de la famille biologique, ce n'est pas juste le parent, les parents, le père et la mère, mais c'est aussi le restant de la famille, dans le droit à la connaissance puis éventuellement les contacts. On a inscrit cette question-là parce qu'elle a été peu abordée à l'heure actuelle, et je pense que votre question le manifeste clairement. Bon, on ne s'est pas étendu beaucoup sur les limites, puis je pense que le législateur devra le faire, parce qu'il ne peut pas inscrire n'importe quoi dans la loi, mais ce qu'on dit, et M. Pepin l'a exprimé clairement, les grands-parents jouent un rôle important vis-à-vis les petits-enfants -- je pense que toutes les études l'ont démontré -- et on dit: Voici, on devrait à quelque part penser aux grands-parents dans ce projet de loi là, pour qu'ils puissent jouer leur rôle de grands-parents vis-à-vis les enfants. Évidemment, quand l'enfant arrive à 14 ans, est-ce que les grands-parents... Des fois, ils ne sont plus là, ils sont peut-être décédés, mais, quand ils sont là, je pense qu'ils peuvent jouer un rôle et je pense qu'on ne devrait pas les oublier dans ce projet de loi là.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Hull, peut-être? Mme la ministre? Oui, allez-y, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup. Messieurs, vous savez que, lorsqu'on se présente dans une commission comme celle-ci, on se prépare à l'avance, on lit toutes sortes de documents. Puis il y a des choses que j'ai lues qui m'ont beaucoup interpellée, et le contenu de votre mémoire, entre autres, en était une, et j'ai lu par contre qu'il y a certains pays en Europe qui ont suivi votre recommandation: seul l'enfant possède le droit de connaître son identité, la mère ne peut pas s'opposer à la divulgation de son droit à l'identité. Et je pense à des pays comme l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche.

Vous savez, les sociétés ont évolué, mais la nature humaine demeure la même. Socialement, ils ont vu une recrudescence de l'abandon des bébés. Il y a eu plus d'enfants qui ont été abandonnés à la naissance, et maintenant ces pays songent à retourner l'accouchement dans l'anonymat. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Ça, c'est en 2010, c'est aujourd'hui que ça se passe. Il y a des conséquences à ces choix-là.

M. Garceau-Bussières (Jean-Pierre): En 2010, que la mère ait choisi d'adopter, c'est une bonne... d'accoucher, c'est une bonne nouvelle, parce que, si on regarde les années quarante, cinquante, ce qui a fait qu'il y a eu tant d'enfants adoptés, c'est l'absence de mesures anticonceptionnelles, comme vous le savez. Donc qu'aujourd'hui une mère, à cause d'une loi comme celle-là, se sente dans une situation où elle accouche en privé, en secret, sans divulguer son identité, je trouve que, pour ces pays-là, c'est une bonne nouvelle. Ça ajoute à leur société, ces enfants-là naissent. Et je pense que le droit à la vie est plus important que le droit à l'identité. Donc, je ne pense pas que la... personnellement, je ne pense pas que cette conséquence-là ou ce que vous présentez comme étant une conséquence de cette disposition de la loi soit un grand problème pour les sociétés allemande et suisse.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Je voudrais ajouter, Mme la députée, qu'au Québec ça a pris du temps avant que les femmes obtiennent un avortement et que ce soit... qu'il n'y ait pas de jugement public de fait sur les avortements. Et, s'il n'y avait pas autant d'avortements, il y aurait plus d'adoptions. Mais je pense qu'il y a des choses que, dans notre société plus évoluée québécoise, l'avortement aidant, il y a eu moins d'adoptions, il y a eu moins de filles-mères. Mais il n'en reste pas moins que les filles-mères que nous avons maintenant, la plupart les gardent, elles n'envoient pas en adoption. Et c'est très heureux que notre société n'ait pas le même jugement. Et, si certains pays européens le font, il n'en reste pas moins que, dans l'ensemble... Puis Denis est un généalogiste international, là, et on peut vous affirmer qu'il y a une ouverture généalogique, là, et c'est constant dans tous les pays. Il y a une nouvelle démonstration, il y a une fermeté sur le milieu Internet. Et, vous savez, après les sites pornos sur Internet, ce sont les sites généalogiques et familiaux qui priment. Et, s'il y a autant de détermination maintenant pour connaître le cheminement familial, nécrologique, le cheminement culturel familial, ça se fait dans tous les pays du monde, et ce n'est pas restreint à deux, trois pays où on a pu constater certains... c'est dû à d'autres phénomènes que le phénomène premier de la vérité.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): D'autres questions du côté ministériel? Ça va? Oui, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour venir témoigner devant cette commission. J'ai besoin de vous... Pouvez-vous me clarifier... Vous avez tantôt soulevé la question de la divulgation de renseignements privés, où vous pouviez aller chercher certains renseignements maintenant au niveau de l'Ontario. Mais j'aimerais savoir, par rapport aux États-Unis, parce qu'il y avait... Il y a plusieurs familles québécoises qui ont, depuis longtemps, de la famille élargie aux États-Unis. Et donc certaines allaient accoucher aux États-Unis et revenaient par la suite, c'était assez facile, les envoyer dans la famille à quelque part dans le bout de Boston ou... Bon. Et, bon, ce que j'en sais, moi, je ne suis pas du tout une experte en généalogie, mais les Mormons font beaucoup, beaucoup de... diffusent beaucoup d'information généalogique, en recueillent beaucoup aussi. Donc, pour vous, qu'est-ce qui se passe avec les États-Unis? Est-ce qu'il y a des informations qui sont disponibles aussi pour ceux qui sont adoptés?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Pour répondre succinctement à cette question-là, d'abord, sachez que l'Institut généalogique Drouin... Moi, j'ai acheté en 1997. Mais, en 1995-1996, l'institut avait déjà vendu les registres américains qui avaient été faits par l'Institut Drouin, à savoir tout le Maine, Massachusetts, Rhode Island. Et on sait qu'il y a une forte concentration franco-américaine dedans. Vous savez qu'en 2010, aux États-Unis, il y a plus de 12 millions de descendants québécois. Donc, il reste plus de Québécois aux États-Unis qu'il y en a au Québec. Alors, je pense qu'il est impératif d'en tenir compte.

Deuxièmement, en ce qui concerne les états frontaliers du Québec, aux États-Unis, le Maine, Massachusetts, Rhode Island, quelque part en 2010 et au plus tard en 2011, je vais récupérer tous ces registres-là. Ça nous a pris 10 ans de négociations, là, mais on va procéder à ce rapatriement-là et on va pouvoir classer toute cette documentation-là qui contient naturellement... plus de 60 % de ces registres-là contiennent de l'information québécoise. Et nous allons redonner l'accès à cette information-là d'une façon des plus démocratiques. Parce que, moi et ma relève, Sébastien Robert a 27 ans, il vient de les avoir, c'est un universitaire chevronné... Et je pense qu'on est, avec l'institut Drouin, assurés de cette continuité-là. Et je pense que les registres américains, quand ils vont avoir été dépouillés, vont nous donner des informations accessoires que nous avons besoin pour faire la continuité de recherches généalogiques du Québec.

**(11 h 30)**

Il est impératif effectivement de se soucier de cette démarche-là. On le fait, et les répertoires que nous avons déjà publiés, que nous avons rendus accessibles... Il y en déjà... il y a quand même, là, plus de 180 microfilms qu'on a numérisés sur les registres américains, qui sont déjà disponibles par l'entremise des diffusions qu'on a faites et dans les sociétés d'histoire, les bibliothèques publiques, la Grande Bibliothèque du Québec, etc. Et je pense que dans un avenir très rapproché nous allons pouvoir, en conformité avec certaines sociétés, comme l'AFGS, l'ACGS, l'American-French Genealogical Society, l'American-Canadian Genealogical Society, qui ont l'équivalent de plusieurs milliers de membres québécois ou de souche québécoise puis qui sont intéressées à faire cette continuité-là... D'autant plus que les Mormons... L'institut Drouin, vous n'êtes pas sans le savoir, on a eu un échange. Ils diffusent les registres d'état civil du Québec. Les Mormons le font déjà par Ancestry. C'est déjà sur Internet.

Et j'ai contribué à cet essor-là, parce que, moi, je pense que plus on va donner l'accès démocratique juste de notre information historique et généalogique, plus la situation des adoptés au Québec va être corrigée. Et, si vos mesures que vous aller prendre s'avéraient inadéquates ou insuffisantes puis qu'on doive encore attendre 20 ans, bien sachez que le milieu de la généalogie se charge actuellement de faire cette promotion-là et cette continuité-là, et nous n'arrêterons pas parce que votre loi serait inadéquate, là. On dit juste: Tant qu'à la réformer, faites-le, et ça va nous permettre d'ouvrir notre documentation franco-ontarienne. Parce que, vous savez, il y a quand même 3 millions de Québécois qui sont là. On a plusieurs de ces gens-là, que ce soit à Cornwall ou à Sudbury... Il y a encore une population plus grande qui parle... qui est francophone qu'anglophone dans certaines villes de l'Ontario, et je pense qu'on a besoin de la mesure exacte de notre vérité et de cet accès à l'information, là, autant pour l'Ontario que pour les États-Unis.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, madame...

Mme Bouillé: Autre question, j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus sur l'âge, que vous avez fixé de 14 ans. Parce que c'est quand même un âge où on est dans l'adolescence. Pourquoi 14 ans, dans votre mémoire?

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Bien, en ce qui me concerne, 14 ans, c'est l'âge que ma petite fille peut aller d'elle-même chez le médecin puis demander à son médecin de prendre la pilule, de prendre... et qu'elle ait un contact privilégié avec son médecin sans qu'elle en parle à sa mère. Et, si, au cours des dernières années, on a descendu le droit de vote et l'âge a suivi... On était... Écoutez, ce n'est pas il y a 2 000 ans, là. On a passé de 25 ans à 21, à 18. Mais, le consentement pour que des enfants de 14 ans, des... pardon, des adolescents de 14 ans puissent avoir certaines actions à poser, le... je pense que la société québécoise est prête à ça. Et, quand, moi, je dis 14 ans, c'est strictement pour refléter... Puis là, ils pourront peut-être élaborer, au point de vue juridique, c'est quoi, l'importance, mais, pour moi, l'action à poser... Si la période d'adolescence, dans laquelle on connaît que ça peut être fait avec beaucoup de perturbations, bien, si l'enfant qui ne sait pas qu'il est adopté le découvrait à l'âge de 15, 16 ans, sa révolte sera d'autant plus importante, et je pense qu'on doit le plus tôt possible...

J'aurais pu mettre 12 ans, mais je pense que, déjà, de le mettre à 14 ans, certaines oreilles vont être choquées. Alors, j'essaie juste d'être pondéré puis de dire: Bien, à 14 ans, minimalement, je pense qu'une jeune fille ou un jeune garçon, un adolescent, une adolescente, est en mesure de faire ses premières démarches d'identité personnelle, parce que déjà ils ont besoin de changer leur entité... leur identité personnelle, de se dissocier de leurs parents. Et je pense que c'est un phénomène important de le suivre dès le début de l'adolescence, puis, déjà à 14 ans, il y a un bout de l'adolescence qui est fait, maintenant, comparativement à il y a 15 ans, 20 ans.

M. Racine (Denis): ...l'âge de 14 ans, c'est un âge que... dont on parle dans certains articles du Code civil, alors on a fait le lien avec ça et on pense que les parents... Pourquoi... La question a été posée tout à l'heure, si c'est à l'État ou aux parents à annoncer ça. Nous, on pense que c'est aux parents. Les parents connaissent leur enfant, ils l'aiment, ils peuvent le faire délicatement, ils peuvent le faire avec beaucoup d'affection et beaucoup d'amour pour indiquer ça à l'enfant. L'État, évidemment, c'est des fonctionnaires, ils ne connaissent pas l'enfant, c'est froid, et, bon, on va prendre le téléphone puis on va annoncer à un enfant de 14 ans qu'il a été adopté, bing, bang, comme ça. Je pense que les parents sont beaucoup mieux placés pour le faire, avec beaucoup d'amour et d'affection par rapport à leur enfant.

M. Pepin (Jean-Pierre-Yves): Écoutez, s'ils peuvent se marier à 14 ans, je pense que, tu sais... Le Code civil permet les mariages, tu sais... L'âge nubile pour le garçon et la fille sont de 12 et 14 ans. Bien, je pense qu'on est en mesure de leur laisser le choix d'apprendre... et à suivre leur cheminement personnel à partir de 14 ans, minimalement, pour leur identité.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, Mme la députée d'Iberville? Ça va? Donc, M. Pepin, M. Racine, M. Garceau-Bussières, merci infiniment pour votre collaboration. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Et je vais demander à l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec de bien prendre place, s'il vous plaît.

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. J'ai cru constater que, M. Leblond et Mme Bourque, vous aviez pris place. M. Leblond, au nom de mes collègues, vous allez me permettre... Je sais que, le 4 février, vous allez célébrer votre 50e anniversaire, pas le vôtre, vous êtes bien trop jeune pour ça, mais celui de votre ordre. Donc, je veux simplement rappeler aux gens qui nous écoutent puis à l'ensemble de mes collègues, puisque je le fais en leur nom, que la profession, effectivement, de travailleur social a évolué au même titre que notre société, mais, s'il y a un mot qu'on peut retenir et... c'est bien le mot de votre ordre, qui dit que finalement l'humain, c'est la chose avant tout, et ça vous sied très bien comme signature corporative. Donc, permettez-moi de souligner cet anniversaire-là dans le cadre des travaux de notre commission, et je le fais au nom de Mme la ministre, bien sûr, et au nom de l'ensemble de mes collègues.

Donc, sur ce, je... il n'y avait pas meilleur véhicule pour vous souhaiter la bienvenue à notre commission et à vous répéter que ce que vous allez nous produire comme collaboration est fort attendu et d'une très grande valeur pour nous, comme l'ensemble de ceux qui ont fait leur présentation aujourd'hui. Sur ce, donc, je vais vous demander, même si les présentations sont déjà faites, de vous présenter. Et je vous donne rapidement les règles, que vous connaissez très bien. Vous avez 10 minutes de présentation, puis il y aura un échange de part et d'autre, d'une cinquantaine de minutes. Donc, à vous la parole, M. Leblond.

Ordre des travailleurs sociaux et des
thérapeutes conjugaux et familiaux
du Québec (OTSTCFQ)

M. Leblond (Claude): Bien, merci beaucoup, M. le Président, et merci effectivement de souligner le 50e anniversaire de l'ordre que je représente. Et c'est toujours agréable d'être accueilli de cette façon-là. C'est-à-dire, c'est particulièrement agréable parce que ça n'arrive pas souvent non plus.

Alors, je suis Claude Leblond, effectivement, travailleur social, président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux. Je suis accompagné de ma collègue, Mme Sonia Bourque, qui est travailleuse sociale également, chargée de projet à l'ordre. Elle est étudiante au doctorat en service social à l'Université Laval et auparavant elle a exercé la profession de travailleuse sociale à l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine. Et Mme Bourque a coordonné les travaux du groupe de travail de l'ordre qui ont conduit à la production de ce mémoire.

**(11 h 40)**

Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, alors l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux, qui regroupe aux environs de 7 700 membres, vous remercie de lui permettre de s'exprimer sur l'avant-projet de loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Au fil des années et depuis des décennies, les travailleurs sociaux ont développé une expertise de pointe leur permettant d'intervenir de façon compétente dans le processus d'adoption. De plus, l'adoption de la loi n° 21 en juin 2009, Loi modifiant le Code des professions dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, réserve aux travailleurs sociaux, aux thérapeutes conjugaux et familiaux, en partage avec les psychologues, la pratique de l'activité qui consiste à évaluer une personne qui veut adopter un enfant.

C'est donc avec un très grand intérêt que l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux s'est penché sur cet avant-projet de loi qui modifie substantiellement le processus d'adoption au Québec afin de l'adapter aux réalités familiales actuelles.

Dans le cadre du processus d'adoption, l'évaluation du fonctionnement social, ou l'évaluation psychosociale, est un outil essentiel, et les recommandations qui en découlent ont des conséquences significatives sur le bien-être de l'enfant, des parents d'origine et des parents désirant adopter. L'objectif de cette évaluation auprès des postulants en adoption est d'apprécier leurs compétences parentales en vue d'émettre une recommandation, positive ou négative, face à la réalisation du projet d'adoption.

Le processus d'évaluation du fonctionnement social et/ou d'évaluation psychosociale s'inscrit dans un contexte de relation d'aide où les travailleurs sociaux accompagnent les postulants dans leur réflexion sur leur projet, leur transmettant des connaissances sur la réalité du vécu familial postadoption, et les soutiennent face aux difficultés rencontrées dans leurs démarches.

Une fois l'enfant adopté, les travailleurs sociaux peuvent être sollicités pour un suivi postadoption afin de réévaluer la situation et d'intervenir, si nécessaire, auprès de l'enfant et de sa famille adoptive, tout comme auprès de l'adulte adopté dans le cadre de retrouvailles.

L'avant-projet de loi propose que l'article 573 du Code civil soit modifié pour permettre, dans certaines situations, que le lien préexistant de filiation ne soit pas rompu, «afin de préserver des liens d'appartenance significatifs pour l'enfant avec sa famille d'origine». Dans cet article, plusieurs éléments nous préoccupent.

Tout d'abord, nous nous interrogeons sur la portée de l'expression, et entre guillemets, «le tribunal peut décider». En effet, l'article ne fait pas état de la possibilité qu'un juge puisse demander que lui soit présenté un rapport d'évaluation psychosociale. Pourtant, considérant les enjeux au plan clinique, il serait plus que pertinent qu'une telle évaluation soit réalisée pour établir si le maintien du lien de filiation est approprié pour l'enfant. Non seulement que le tribunal puisse le faire, mais que le tribunal doive le faire.

À première vue, les changements proposés par l'avant-projet de loi semblent viser des cas d'exception: alors l'adoption d'un enfant plus âgé, l'adoption par le conjoint du père ou de la mère de l'enfant, ou l'adoption par un ascendant de l'enfant, un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré, ou par le conjoint de cet ascendant ou parent. Néanmoins, ces changements ne risquent-ils pas d'être étendus à des enfants vivant d'autres situations? Nous pensons à des enfants retirés en bas âge à leur famille d'origine ou encore à des enfants sévèrement négligés et pour qui le maintien du lien de filiation ne semble pas souhaitable et, dans certains cas, même nuisible.

D'autre part, nous aurions souhaité plus de précision quant à l'âge auquel fait référence l'avant-projet de loi lorsqu'il fait mention, et entre guillemets, «d'un enfant plus âgé». Certains de ces enfants sont confiés à une famille d'accueil en bas âge et n'ont connu que des liens épisodiques avec leurs parents d'origine. Prendra-t-on en compte l'âge au moment du premier placement ou l'âge au moment de l'adoption? Il faut en effet savoir que l'âge de l'enfant n'a que peu d'incidence sur l'opportunité de maintenir ou non un lien avec les parents d'origine et les grands-parents d'origine.

Par ailleurs, l'adoption intrafamiliale sans rupture du lien de filiation doit être abordée avec beaucoup de précautions, même si elle permet à l'enfant de ne pas renier son parent. Dans bien des cas, nous croyons que la tutelle représente une meilleure solution. Néanmoins, si l'adoption intrafamiliale devrait être retenue, il faut assurer que toutes les parties impliquées, y compris l'enfant, auront accès à un suivi à long terme dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Abordons maintenant l'entente de communication. L'article 581.1 permet aux père et mère, tuteur ou titulaire de l'autorité parentale et l'adoptant de «convenir d'une entente de communication sur la divulgation ou l'échange d'informations concernant l'adopté et le maintien de relations personnelles entre eux et avec l'adopté, durant le placement ou après l'adoption». Ces personnes décideront des modalités des échanges de communication, qui peuvent être de plusieurs types: lettres, visites supervisées, visites de l'enfant adopté chez ses parents d'origine, à leur domicile, fréquence des échanges, etc.

À cet effet, il est important de s'assurer que toutes les parties prenantes à cette décision sont en mesure de prendre de telles décisions dont la portée est lourde de conséquences. Aussi, nous recommandons qu'un professionnel psychosocial cliniquement habilité puisse accompagner les personnes concernées dans ce processus réflexif et décisionnel afin de s'assurer que le climat est favorable à la conclusion d'une entente satisfaisante, dans le meilleur intérêt de l'enfant et afin de ne pas nuire au développement de l'enfant et à l'établissement du lien de... qu'il tisse graduellement avec ses parents d'adoption.

En définitive, la majorité des adoptions se réalisent en fonction d'un déclaration d'admissibilité à l'adoption prononcée par un juge de la chambre de la jeunesse. Peu de parents d'origine consentent à ce que leurs enfants soient admissibles à l'adoption. Ainsi, comment une entente de communication pourra-t-elle être conclue avec certains parents d'origine qui ne veulent pas consentir à l'adoption de leurs enfants?

L'article 582.1 donne à l'enfant adopté «le droit d'obtenir les renseignements lui permettant d'identifier ou de retrouver ses parents d'origine». Il donne également le droit aux parents d'origine «d'obtenir les renseignements [lui] permettant d'identifier ou de retrouver leur enfant adopté devenu majeur». Bien que nous soyons d'avis qu'il faille respecter le désir de l'enfant adopté ou des parents d'origine de se retrouver, nous croyons que le veto accordé aux parents d'origine doit être balisé soigneusement afin que ceux-ci soient en mesure de bien en saisir la signification et de bien en évaluer la portée et ses impacts.

L'article 600.1 permet aux parents d'origine de «déléguer l'exercice de l'ensemble de leurs droits et devoirs [...] à l'autorité parentale et à la tutelle légale en faveur de leur conjoint, d'un ascendant de l'enfant, [ou] d'un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré de l'enfant ou du conjoint -- excusez-moi -- de cet ascendant ou parent». Cette nouvelle mesure favorise l'implication des autres membres de la famille élargie, bien que l'enfant ne soit pas adopté par eux. Elle permet ainsi à l'enfant de demeurer dans sa famille. Mais il nous semble essentiel que l'on s'assure au préalable qu'une évaluation aura été effectuée auprès des personnes à qui les parents veulent confier l'enfant.

Finalement, l'article 71 de la Loi sur la protection de la jeunesse est modifié. Le directeur de la protection de la jeunesse devra «informer les personnes appelées à consentir à l'adoption ainsi que les adoptants de leur droit de conclure une entente de communication visée à l'article 581.1 du Code civil, du contenu et des effets d'une telle entente et les inciter, le cas échéant, à consulter un conseiller juridique». Bien que nous soyons d'accord sur la pertinence de pouvoir recourir aux services d'un conseiller juridique, nous croyons qu'il est tout aussi nécessaire que ces personnes puissent avoir accès aux services d'un professionnel psychosocial cliniquement habilité, étant donné que les enjeux d'une telle entente vont bien au-delà des considérations juridiques.

En conclusion, nous accueillons favorablement les principales orientations de cet avant-projet de loi. Nous souhaitons que la loi qui en découlera permette de répondre aux réalités familiales actuelles ainsi qu'aux besoins de certains enfants, sans toutefois mettre en péril les fondements mêmes de l'adoption, laquelle ne sera jamais la solution collective parfaite à la souffrance des enfants, mais bien une solution individuelle pour un enfant ayant des besoins particuliers.

À notre avis, les contraintes de l'adoption sans rupture de lien de filiation et de l'adoption avec une entente de communication sont telles qu'elles pourraient amener un certain nombre de postulants à hésiter de s'engager dans une démarche d'adoption québécoise et à se tourner plutôt vers l'adoption internationale. En effet, des postulants pourraient craindre de n'être toujours que des parents adoptants plutôt que des parents à part entière.

**(11 h 50)**

Dans les faits et malgré les bonnes intentions de tous, le maintien des contacts entre l'enfant et ses parents d'origine est susceptible d'influencer la qualité du lien d'attachement entre les parents adoptants et l'enfant adopté. En effet, les nouvelles avenues proposées pourraient exacerber le sentiment de conflit de loyauté faisant en sorte que l'enfant se sente tiraillé entre ses parents d'origine, pour lesquels il ressentira toujours quelque chose d'important, et ses parents adoptants, avec lesquels il doit se sentir en confiance et en sécurité pour assurer sa survie, son intégrité physique et une continuité dans son développement. D'où l'importance du suivi postadoption pour soutenir et outiller les parents adoptants dans la délicate et difficile tâche de composer avec d'autres parents. Cependant, nous tenons à rappeler au législateur que l'État québécois n'offre actuellement aucun service en ce qui concerne le suivi postadoption en adoption nationale, et seulement deux centres de santé et de services sociaux de la région de Montréal offrent des suivis en adoption internationale.

L'Ordre des travailleurs sociaux demeure également sensible aux préoccupations exprimées par nos... la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador et partage un certain nombre de ses inquiétudes, notamment en ce qui concerne l'implantation des régimes de projets de vie permanents proposés par la loi n° 125. Nous tenons, à cet... à ce sujet, à offrir toute notre collaboration au gouvernement ainsi qu'aux gens des premières nations dans le... la façon de trouver solution à ces différentes difficultés.

Alors... et en vraie... vraiment en conclusion, maintenant, notre ordre professionnel, qui a pour slogan, et vous l'avez souligné, M. le Président, L'humain. Avant tout., en matière d'adoption, nous aurions tendance à le modifier pour qu'il devienne L'enfant. Avant tout. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est moi qui vous remercie. Vous m'aviez joué un tour, M. Leblond, là, parce que vous avez prononcé le mot de conclusion après 10 minutes. C'est là qu'on voit votre expérience. Et finalement vous avez pris 12 minutes pour compléter. Donc, je ne vous en veux pas et nous ne vous en voulons pas non plus. Mme la ministre.

Mme Weil: Bienvenue, M. Leblond, Mme Bourque, c'est un plaisir de vous avoir. Évidemment, il y a tellement de questions qu'on aurait le goût de vous poser, parce que vous êtes des travailleurs sociaux, puis on est vraiment, depuis quelques semaines, dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce que ça représente? Qu'est-ce qu'il faut faire pour s'assurer du développement optimal de l'enfant, de prendre des mesures quand même de prudence? Et quelle est... sont les formes d'adoption les plus adaptées? Puis, qui est-ce qui pourra faire ces recommandations?

Alors, moi, j'ai plusieurs questions, mais je voudrais peut-être, dans un premier temps, clarifier quelque chose ou peut-être voir s'il y a lieu de clarifier. Dans votre mémoire, page 7, en parlant de... du modèle d'adoption sans rupture de filiation, vous semblez interpréter le projet de loi... l'avant-projet de loi, la disposition comme prônant le maintien des contacts, d'où votre recommandation d'avoir une évaluation psychosociale. La manière... Et il y a peut-être lieu, je crois que oui, en fait, de clarifier cette disposition, mais l'idée, c'était de... c'est un constat, finalement, d'appartenance significatif et que, et on en a discuté avec les centres jeunesse, ça pourrait être une façon de débloquer, pour certains enfants qui connaissent bien leurs origines, leurs parents... On parle de plus âgés, donc des enfants qui ont déjà eu un contact, mais les parents ne sont pas aptes à s'occuper d'eux, et donc, pour que cet enfant ait un projet de vie, que ce serait une façon de pouvoir permettre à cet enfant de trouver une famille qui va vraiment s'occuper de lui et une vie optimale, bon, pour son développement. Donc, oui, ça pourrait être une forme, ouverte ou non, on ne se prononce pas dans cette section-là.

À la lumière du fait que c'est une question plus identitaire, on en a beaucoup parlé avec d'autres intervenants, cette question identitaire qui pour beaucoup d'experts semble vraiment confirmer qu'il y a quelque chose là, cette nécessité de reconnaître l'identité. C'est au-delà des retrouvailles, c'est au-delà de liens qu'ils pourraient vouloir maintenir dans l'avenir. C'est vraiment juste... ça fait partie de son héritage, son nom. Et donc ça venait répondre à ça. Ce n'est pas l'adoption simple de l'Europe.

À la lumière de ça, est-ce que vous pensez encore... j'aimerais vous entendre là-dessus, le besoin d'une évaluation psychosociale, sachant que c'est vraiment pour un nombre très limité, l'idée de ce... cette forme d'adoption, d'une évaluation psychosociale avant que le juge se prononce sur cette forme exceptionnelle d'adoption?

M. Leblond (Claude): Avant de passer la parole à ma collègue, là, qui a davantage d'expertise à ce niveau-là, j'aurais tendance à dire, Mme la ministre, que, quel que soit le nombre de personnes visées, si ça dépasse l'expertise de la personne qui doit prendre une décision, le juge en l'occurrence, et compte tenu de l'impact important, prévisible pour la personne concernée, l'enfant qui... en vue de son adoption, ça me semble essentiel, quel que soit le nombre d'enfants visés. Alors, s'il y en a très peu, alors il y a trop peu de demandes d'évaluation pour fins d'éclairer le juge dans sa prise de décision, mais elles seront toujours essentielles, puisqu'elles seront toujours à très haut risque de préjudice pour la personne concernée. Mais là je vais laisser ma collègue, là, peut-être aller plus loin à ce niveau-là.

Mme Bourque (Sonia): Je suis tout à fait d'accord avec M. Leblond. Je crois que, dans ce cas-ci, même si on ne pense pas de maintenir ou pas de contact entre le parent biologique et l'enfant, je crois que c'est important aussi de faire une évaluation psychosociale pour bien comprendre c'est quoi, les besoins de l'enfant et de voir de quelle façon ça s'inscrit justement dans son processus identitaire. Donc, pour cela, je pense que c'était important de bien faire l'évaluation avant. Donc, même si c'est pour un nombre minime d'enfants, je pense que c'est aussi important de bien comprendre c'est quoi, leur réalité, en faisant cette évaluation-là.

Mme Weil: Et, dans le cas où c'est une adoption ouverte avec une entente de communication, a fortiori vous êtes... vous pensez que ça prend une évaluation pour voir jusqu'où ça devrait aller, avec des recommandations par rapport à cette entente? J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, comment vous voyez le travailleur social travailler dans ce contexte-là.

Mme Bourque (Sonia): Tout à fait. Je pense que l'évaluation, aussi, à ce moment-là est d'autant plus pertinente, est très importante, est essentielle. Et l'évaluation peut être... elle doit être faite autant pour l'enfant, donc bien comprendre ses besoins à lui, son lien d'attachement aussi, sa qualité du lien avec son parent biologique, et l'évaluation doit aussi être faite auprès des parents biologiques pour voir, eux aussi, c'est quoi, leurs attentes, leurs besoins par rapport à cette entente de communication là, et aussi faire l'évaluation auprès des postulants ou des familles adoptantes pour bien... pour les accompagner aussi dans ce processus réflexif.

Comme on a dit tantôt, très peu de parents biologiques consentent à l'adoption. Donc, souvent on va à un jugement d'admissibilité à l'adoption, donc c'est bien important d'accompagner ces trois parties, dans le fond, dans tout ce processus-là réflexif et décisionnel. Donc, les accompagner, les informer et aussi de bien comprendre leurs besoins.

Mme Weil: Pensez-vous qu'avec ces deux formes... nouvelles formes d'adoption, donc, qui finalement donnent un signal de plus d'ouverture, que ça va peut-être permettre à plus de parents biologiques de consentir à l'adoption?

Mme Bourque (Sonia): C'est une excellente question. Je crois que peut-être que oui, dans certaines situations, ça pourrait peut-être encourager certains parents, mais dans d'autres cas peut-être que non aussi, tout dépendant aussi à quel moment cette entente-là devra être discutée. Je pense que ce moment-là, aussi, doit être important à tenir compte. Donc, je ne pense pas que je peux vous dire oui ou non avec certitude. Je pense que ça va dépendre des situations.

**(12 heures)**

M. Leblond (Claude): Et ma préoccupation sera également... serait également qu'il faudra... il ne faudra pas utiliser ce nouveau mécanisme comme une... un élément de négociation ou une carotte, là, devant des... devant les parents pour aller plus rapidement dans l'établissement d'un projet de vie. Je pense que c'est intéressant de mettre d'autres avenues possibles, d'ajouter des éléments dans les choix possibles, mais il faudra avoir une grande conscience éthique dans les processus qu'on utilise pour les mettre en place, parce qu'il y va de la vie non seulement de chacun des enfants individuellement, mais de chacun des individus parents. Et là ça se... et on grossit les cercles concentriques, là, autour d'eux, là. Et c'est intéressant, mais à baliser.

Mme Weil: Je peux continuer?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y. Encore deux minutes.

Mme Weil: J'aimerais vous entendre un peu... On a beaucoup discuté de, d'une part, le besoin de chaque être humain, au-delà de l'enfant, de connaître ses antécédents biologiques, familiaux, et, d'autre part, d'autres qui disent: Bon, bien, c'est vraiment dans... il y a la vie privée qu'il faut protéger, il y a peut-être un impact sur l'enfant, bon, toute cette question-là. Par rapport au veto de divulgation d'information postérieure, antérieure... Nous, on ne propose pas de changer la loi par rapport aux adoptions antérieures. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus?

Mme Bourque (Sonia): Bien, j'ai assisté justement aux discussions, plus tôt, qu'il y a eu ce matin, surtout en lien aussi avec le pacte social. Je pense que c'est important de respecter l'engagement qu'on a eu envers ces mères qui ont consenti à l'adoption antérieurement, qui ont consenti, je suis tout à fait d'accord, dans des circonstances qui n'étaient pas optimales pour ces mères-là, mais en même temps, aujourd'hui, d'ouvrir les registres sans tenir compte que ces femmes-là... de l'époque, et que bien souvent, encore aujourd'hui, ces mères-là n'ont pas divulgué leur secret, donc les membres de la famille autour, que ce soient le conjoint, les membres de la fratrie, ne sont peut-être pas informés de cette situation-là... Donc, je pense qu'il faut être très prudents dans cette avenue-là, là, surtout pour le droit de veto, là, antérieur.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? C'est... Quelques secondes.

Mme Weil: Quelques secondes?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Mme Weil: Quelques secondes. Hum! À moins de revenir. Si c'est vraiment quelques secondes, je reviendrai.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, ça va. Donc, nous y reviendrons. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre éclairage. On avait hâte de vous entendre, vous avez dû le sentir ce matin, on faisait référence à vous souvent. J'ai vraiment beaucoup aimé la lecture de votre mémoire, je pense que c'était très clair.

Je veux juste avoir par ailleurs une précision par rapport à la question, en premier lieu, là, de l'adoption sans rupture du lien de filiation, qui, comme vous l'avez vu ce matin, mais depuis le début de nos travaux, fait... apporte beaucoup, beaucoup de commentaires de la part des gens qui viennent. Je veux voir, pour vous... Je comprends que vous avez beaucoup de réserves que vous... que vous mettez dans votre mémoire, vous avez certains... je dirais, des lumières rouges ou des lumières jaunes, vous dites: Faites attention, bon, à ci, à ça.

Est-ce que... On a entendu, la semaine dernière, des gens, comme la fédération des familles adoptantes, je crois, nous dire qu'eux, en fait, ils sont plutôt contre cette nouvelle possibilité là, et ils nous disent en quelque sorte que les besoins, un peu, identitaires ou symboliques auxquels on veut répondre par éventuellement cette nouvelle possibilité là, on pourrait y répondre d'une autre manière, parce qu'essentiellement ça ne crée pas vraiment d'effet comme tel, là, on... il y a un débat à savoir quels effets ça devrait créer juridiquement parlant, mais que c'est beaucoup la question du nom, qui pourrait contenir, donc, les deux noms, le nom biologique et le nom de la famille adoptante, donc deux... deux entités, et aussi la question de l'acte de naissance, là, donc, émis par le Directeur de l'état civil, qui pourrait contenir la mention des parents biologiques et la mention des parents adoptants. Essentiellement, ce sont les effets. Alors, eux nous disaient: Pourquoi créer une nouvelle forme, en quelque sorte, d'adoption, avec peut-être ce qui peut en découler, le fait que le juge pourrait vouloir l'utiliser plus souvent que moins, alors que ce sont juste des effets très, très pratico-pratiques qu'on recherche?

Vous, est-ce que vous nous dites, comme travailleurs sociaux: Il y a quand même une valeur importante, identitaire, à ce que les deux liens de filiation soient maintenus, ou est-ce que vous êtes plutôt de l'école de dire: ça serait vraiment à utiliser à peu près pas ou dans des cas vraiment, vraiment exceptionnels, parce que les effets recherchés sont plutôt pratiques? Identitairement parlant, mais pratiques identitairement parlant.

M. Leblond (Claude): Ça a été effectivement un gros débat, là, entre les... entre les membres du groupe de travail, là, qui ont réfléchi aux impacts et à ces choix. Et je vais demander à Mme Bourque effectivement de répondre davantage. Mais, s'il y avait une réponse simple, on... Nous, nos réponses sont rarement simples, parce qu'elles prennent en compte plusieurs éléments. Et effectivement je pense qu'on allume des lumières rouges. Parfois, on vous dit: On allume simplement des lumières jaunes en faisant attention parce que ça... on se dirige vers là. Mais effectivement cette situation particulière, elle peut répondre à des besoins d'enfants particuliers -- je pense que c'était ça, le message -- pour lesquels c'est important. Ça ne devrait pas nécessairement devenir une norme, en tout cas ça ne devrait pas, en soi, devenir la direction, là, entre... je pense, en tout cas, si j'ai bien compris ce que mes experts on tenté, là, de me traduire, là.

Mme Bourque (Sonia): Tout à fait. Donc, je ne pense pas que ça... on n'est ni d'un côté ni de l'autre. Je pense que c'est important de toujours bien évaluer, comprendre et que, oui, ça peut être une solution pour certains enfants bien particuliers avec des besoins particuliers et qu'il faut en tenir compte et, pour d'autres enfants, bien ça se peut que ça devienne... ce n'est pas une solution pour eux, donc ça devrait juste ne pas être une mesure pas automatique, mais de bien... être une mesure qui soit... qui réponde vraiment à des besoins identitaires pour certains enfants.

Mme Hivon: O.K.

M. Leblond (Claude): Et à ce moment-là... Je m'excuse.

Mme Hivon: Oui, ça va. Allez-y.

M. Leblond (Claude): Peut-être juste de compléter. C'est d'autant plus important, à ce moment-là, que l'orientation qui soit donnée par le tribunal le soit en fonction d'un éclairage qui, lui, sera particulier et unique à cette situation. Et c'est, dans le fond, hein, ce qui... Ce qui ressort beaucoup de nos commentaires, c'est que, vu que la loi permet... permettrait... en tout cas, permettrait un assouplissement ou de nouvelles recettes, elles doivent être adaptées à chacune des situations particulières, donc une nécessité de bien éclairer chacune de ces situations avant de prendre une orientation.

Mme Hivon: Merci. Vous l'avez entendu ce matin puis, si vous avez suivi nos débats, la semaine dernière aussi, les gens parlent beaucoup de l'importance d'avoir ses repères identitaires, ce qui inclut ses repaires identitaires d'origine, de sa famille biologique. Si je suis votre raisonnement en ce qui a trait à la divulgation, là, de la... et l'ouverture de la confidentialité, vous reconnaissez évidemment l'importance de cet enjeu-là des repaires identitaires. Mais je comprends aussi -- puis c'est là-dessus que je veux vous amener -- que... vous parlez beaucoup, notamment à la page 9 de votre mémoire, de l'importance de l'enfant de «développer un lien d'attachement sécurisé» et que, pour ça, «l'enfant a besoin de figures parentales auprès desquelles il se sent en confiance et en sécurité. Il a besoin de stabilité et de continuité», ce qui vous fait allumer plusieurs lumières rouges.

On débat beaucoup de ça, hein? Et puis, la semaine dernière, on a eu un peu un cri du coeur d'un parent adoptant qui nous a dit: Les repères identitaires, attention, ce ne sont pas que les repères identitaires biologiques. Quand un enfant va vers un projet de vie en adoption, c'est beaucoup la construction de sa nouvelle identité, et il faut favoriser ça énormément.

Alors, vous qui êtes les experts et qu'on est très heureux d'avoir, pouvez-vous nous dire un peu c'est quoi, les risques, pour vous, dans cette idée-là d'avoir un enfant... Puis, moi, j'ai reçu des lettres, il y a des gens qui nous écrivent pour nous dire aussi: Faites attention, la sécurité de l'enfant, c'est la première chose; après, il va être capable de développer et de s'ouvrir, d'avoir ses besoins identitaires, puis tout ça, mais la première chose, il faut qu'il se sente bien ancré dans son nouveau milieu et qu'il développe son nouveau sentiment d'attachement. En quoi les nouvelles formes -- parce que vous émettez beaucoup de réserves, là -- d'adoption peuvent venir nuire à ça? Est-ce que vous pouvez un peu expliciter à quoi il faut être particulièrement prudent dans la législation qu'on pourrait élaborer?

Mme Bourque (Sonia): C'est une grande question.

Mme Hivon: Oui, je le sais.

Mme Bourque (Sonia): Non, c'est correct. Je pense que c'est important. Quand l'enfant sera adopté ou qu'il est adopté, je pense que c'est important pour lui de développer un lien d'attachement sécurisant avec son parent adoptant, de vraiment sentir qu'il est en sécurité dans cette famille-là, parce que bien souvent les enfants... C'est une mesure exceptionnelle, hein, l'adoption? Donc, si l'enfant est admissible à l'adoption, c'est qu'avant il a connu un passé difficile. Soit qu'il a connu de la négligence ou de la maltraitance, tout dépendant des situations. Donc, il faut faire vraiment attention à l'enfant, vraiment garder en tête son intérêt supérieur à lui, donc mettre toutes les chances de son côté pour qu'il bâtisse cette relation-là avec ses parents adoptants et de vraiment sentir qu'il sent que c'est... sent une stabilité dans sa situation et une continuité, donc qu'il y a vraiment un lien qui commence à se créer avec ce parent-là.

**(12 h 10)**

Mme Hivon: O.K.

Mme Bourque (Sonia): Je ne sais pas si...

Mme Hivon: Bien, oui, c'est... ça explicite, je dirais, la réalité. Puis est-ce... Ce qui vous fait craindre un peu des nouvelles possibilités, c'est que... Vous dites: il faut être bien conscient -- je veux juste pousser votre raisonnement -- il faut être bien conscient qu'il ne faut pas ouvrir trop large à ces nouvelles réalités là ou mal baliser la discrétion du juge, parce qu'il faut toujours avoir en tête que cet enfant-là est un peu en train de se redéfinir et de tenter de s'épanouir et de s'attacher dans une nouvelle famille. C'est ça, la logique à la base de votre argumentation?

Mme Bourque (Sonia): Tout à fait.

Mme Hivon: O.K.

M. Leblond (Claude): Et que ce n'est pas... et que ce n'est pas simple, et que ça ne se fait pas de soi, et que c'est fragile, d'autant plus que, comme soulignait Mme Bourque, là, effectivement, là, du fait que cet enfant provient... a un vécu qui fait en sorte que son identité est fragilisée, le construire à l'intérieur d'un lien d'attachement n'est pas... ça ne va pas de soi, là, et n'est pas si simple, et il faut ne rien... éviter toute situation qui viendrait ébranler ce processus-là ou en tout... et, dans ce sens-là, très bien baliser effectivement les décisions, là.

Mme Hivon: O.K. Vous dites à un endroit, pour rester dans ce sujet-là, à la page 7, dernier paragraphe: «Il faut en effet savoir que l'âge de l'enfant n'a que peu d'incidence sur l'opportunité de maintenir ou non un lien avec les parents d'origine.» Ça, c'est intéressant, parce que depuis le début beaucoup nous disent que l'adoption sans rupture du lien de filiation, ça pourrait être pertinent, par exemple, surtout chez des enfants plus âgés qui auraient connu leur famille biologique, qui auraient été placés en famille... bon, tout ça.

Est-ce que vous pouvez expliciter, là-dessus, ce que vous voulez dire quand vous dites que l'âge a peu d'incidence?

Mme Bourque (Sonia): En fait, l'âge est important, mais il faut... Est-ce que c'est l'âge du placement qui est important ou l'âge au moment où est-ce qu'il a été adopté? Donc, je pense que ça aussi, c'est important à tenir compte. Il y a des enfants qui ont... qui seront adoptés plus âgés, huit, neuf ans, mais que, dès tout petits, avaient peu de liens avec leurs parents, ils ont été placés en famille d'accueil très jeunes, donc ils avaient des liens soit supervisés justement par la Protection de la jeunesse ou balisés... ou sinon balisés par la Protection de la jeunesse. Donc, il faut tenir compte du lien de l'enfant qu'il a développé avec son parent. Est-ce que c'était un lien continu ou seulement... c'est ça, épisodique? Donc, ce n'est pas nécessairement... dans ce contexte-là, ce n'est pas nécessairement l'âge que plus de voir la qualité du lien entre l'enfant et son parent biologique.

Mme Hivon: O.K.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? C'est tout le temps dont nous disposons. Nous y reviendrons, Mme la députée de Joliette. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. C'est peut-être... vous entendre un peu sur la question de la tutelle et délégation de l'autorité parentale. Dans votre mémoire, page 8, vous pensez que dans bien des cas «la tutelle représente une meilleure solution» que l'adoption sans rupture de filiation. Maintenant, sachant que l'intention derrière l'avant-projet de loi, c'est que l'adoption sans rupture de filiation, il y a quand même... c'est tout simplement une question de préserver son identité, mais pas nécessairement avec des liens, l'autorité parentale est carrément entre les mains des parents adoptants.

Donc, ceci étant dit, est-ce que vous croyez... Vous, vous parlez de... dans des situations intrafamiliales, que parfois la tutelle est peut-être une meilleure solution. Est-ce qu'on pourrait vous entendre là-dessus, que l'adoption... finalement la tutelle est une meilleure solution que l'adoption? Je pense que c'est peut-être comme ça qu'on pourrait l'exprimer.

M. Leblond (Claude): C'est qu'on n'a pas... on n'a pas vu... Je pense qu'on n'a pas vu encore, hein, de décision, là, découlant de la loi n° 125 qui applique effectivement la possibilité de tutelle, là. Et on pense que cette avenue-là, qui était intéressante, devait aussi être regardée, que dans ce sens-là il y a des... il y a certainement des situations où ce sera, sinon mieux, effectivement au moins équivalent, là, en termes, là, de mesures, là. Et on aurait peut-être davantage intérêt à voir d'abord les impacts de cette mesure-là avant d'en inclure une autre qui se retrouve essentiellement dans les mêmes... pour les mêmes populations types, là. Alors, on est encore en termes d'intrafamilial, parce que la tutelle vise aussi des enfants... de confier un enfant à quelqu'un à l'intérieur de la famille particulièrement, si je me souviens bien, là, des modifications à la loi n° 125. Alors, dans le même... face aux mêmes enfants qu'on vise, à ce moment-là, cette mesure, qui nous semblait intéressante et qui était, elle aussi, accompagnée d'autres éléments, nous semblait plus pertinente, là, que d'aller vers l'adoption, là, de ce type, là.

Mme Weil: Donc, peut-être finalement de mieux clarifier, lorsqu'on évoque comme possibilité de circonstances appropriées pour une adoption sans rupture de filiation dans un contexte intrafamilial... d'être très clairs, par rapport à notre intention, que ce n'est pas pour se subsister à la tutelle, qui par ailleurs, comme vous dites, est déjà prévue, mais on n'a pas encore eu assez d'expériences. Donc, je vous entends, là. Je pense que c'est un... c'est bien d'être allumé par rapport à ça.

L'Association des centres jeunesse, ils ont exprimé une crainte que la délégation judiciaire de l'autorité parentale permette peut-être de temps en... dans certaines circonstances, de soustraire un enfant au régime de protection. Vous, vous proposez que le tribunal, avant de recommander la délégation de l'autorité, qu'il y ait une évaluation psychosociale. Pensez-vous que cette évaluation psychosociale pourrait répondre à la crainte qu'a exprimée l'Association des centres jeunesse, que finalement ce serait une mesure pour s'assurer que l'enfant n'est pas soustrait au régime de protection?

M. Leblond (Claude): Je ne suis pas légiste, Mme la ministre, mais il me semble qu'il doit y avoir une façon de trouver une réponse légistique à la préoccupation tout à fait légitime, là, de... exprimée par l'Association des centres jeunesse. Si on a un enfant qui est en besoin de protection, en lien avec l'encadrement parental ou l'exercice de l'autorité parentale, il me semble difficile de convenir que ses parents puissent, eux, déléguer à d'autres personnes qu'ils choisiraient. Alors, il me semble qu'au plan légistique il doit y avoir des choses à faire à ce niveau-là. Ça n'enlève pas effectivement que, s'il y avait une... si on s'assurait effectivement au préalable par une évaluation que les adultes, que les parents choisissent son bien, seraient bien compétents et bien placés, là, pour recevoir cette délégation-là, bien, que ça pourrait peut-être, là, assurer, là, qu'on ne détourne pas un enfant du mécanisme de protection qui est déjà prévu par la loi. Mais il me semble que ce serait plus simple de trouver une réponse légistique à cette problématique-là. Ça me semble être deux choses complémentaires mais deux choses distinctes quand même, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup. Bonjour, bienvenue. Rebonjour, on vous rencontre à différentes commissions parlementaires.

Je voudrais vous entendre par rapport à l'entente de communication. Je reviens encore à la nature humaine, qui est au coeur de votre travail. Les choses changent rapidement dans nos vies, et tout ça. Quel serait, d'après vous, le mécanisme qui superviserait le... tout ce qui a été contenu dans une entente de communication avec un groupe familial par rapport à son... à l'enfant adopté?

Et puis je voudrais vous entendre aussi par rapport à la fréquence. Il y a toutes sortes de choses qui sont véhiculées par rapport à la fréquence des visites des parents biologiques dans la vie de l'enfant qui est dans sa nouvelle famille, alors j'aimerais vous entendre un peu plus à ce sujet.

Mme Bourque (Sonia): Je pense encore... L'entente de communication, je ne pense pas qu'elle doit être balisée par une loi ou... si on met une fréquence inscrite, par exemple, dans la loi, ou quoi que ce soit. Je pense que c'est important, encore une fois, d'évaluer, de voir c'est quoi, le besoin de l'enfant. Je pense que c'est important de voir cas par cas, d'évaluer c'est quoi, le besoin de l'enfant et de la façon aussi que les parents biologiques sont en mesure d'y répondre. Donc, peut-être que dans certains cas ce sera mieux que ce soient des ententes... qu'il y ait une entente ou que la communication ne se fasse qu'entre les parents adoptants et les parents biologiques. Dans d'autres moments, ça se pourrait que l'enfant ait des contacts aussi avec le parent biologique. Donc, c'est bien important de voir cas par cas, situation par situation, les besoins particuliers de chaque enfant pour bien mettre en place l'entente de communication et que ça respecte, dans le fond, l'intérêt supérieur, là, de l'enfant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

M. Leblond (Claude): Et il me semble que c'est...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

**(12 h 20)**

M. Leblond (Claude): Et il me semble que c'est ça qu'on doit toujours se rappeler, c'est que les mesures, elles sont en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant, point. Donc, l'entente de communication, elle doit être uniquement en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant. Alors, la fréquence et les moyens doivent être uniquement en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant, en tenant compte de ses besoins d'identification, de ses besoins de sécurité, de ses besoins de développement, de ses besoins, mais seulement des siens.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bien, j'arrive exactement où je voulais en venir. En fait, je voulais aussi vous parler des ententes de communication. Ce qu'on entend beaucoup et qui existe déjà un peu de manière informelle, ce ne sont pas tant des contacts, mais plutôt, par exemple, une fois par année, l'envoi d'une photo ou l'envoi d'une lettre sur comment l'enfant progresse. Et il y a une députée, la semaine dernière, qui a justement demandé: Est-ce que, dans ces cas-là, on parle de l'intérêt de l'enfant ou on parle de l'intérêt des parents biologiques, par exemple, de continuer à savoir comment progresse leur enfant, à quoi il ressemble, tout ça? Et je vous pose la question parce qu'il y a aussi des gens qui vivent des situations d'adoption, et qui nous racontent toutes sortes de choses, et qui disent, par exemple: À 10 ans, ma fille a découvert que j'envoyais des photos d'elle à ses parents biologiques, et elle n'a pas du tout bien réagi à ça parce que, pour elle, c'était son droit à elle, puis si, elle, elle voulait que... bon.

Alors, je pense qu'il y a beaucoup de complexité là-dedans, dans les possibles ententes de communication, puis je veux avoir votre point de vue, à savoir... Parce que vous venez de le dire, ça doit toujours être dans l'intérêt de l'enfant. Et est-ce que, quand on parle de tels échanges, ça peut être strictement dans l'intérêt de l'enfant ou ce sont plutôt les intérêts des parents qui sont pris en compte?

M. Leblond (Claude): Que c'est... que ce n'est pas simple! Bien, en posant la question, vous avez les éléments de réponse, effectivement. Et je pense que, de bonne foi, les gens, autant les... les adultes adoptants, les parents biologiques, quand ils conviennent, même actuellement, de certaines... de certains échanges, là, ils le font... Et, si ça se vit bien, c'est parce qu'on a... on est face à des personnes très matures et qui mettent l'intérêt supérieur de l'enfant dans leurs prises de décision. Sinon, ça cafouillerait.

Bon, maintenant, comment, avec le droit de chacun des enfants, ça doit se composer? Et je dirais aussi...

Mme Hivon: Ce n'est pas simple.

M. Leblond (Claude): Non, ce n'est pas simple. Et comment on peut penser que l'intérêt supérieur de l'enfant peut commander effectivement une connaissance de l'un et de... de l'un et de l'autre? Parce que peut-être qu'un jour il... l'enfant voudra être en contact, et ça va favoriser ce maintien de contact. Alors, il y a probablement des choses à ce niveau-là. Et, moi, je ne suis pas, malheureusement, l'expert qui pourrait vous répondre, là. Je ne sais pas si Mme Bourque peut aller plus loin à ce niveau-là, mais ça nous prendrait, je pense, un... vraiment un expert de ces questions spécifiques là. Mais, Sonia, voulais-tu ajouter?

Mme Bourque (Sonia): Oui. Bien, en fait, les gens le font de bonne foi en pensant qu'à ce moment-là ils le font dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Donc, je pense que c'est ça qu'il faut garder en tête et que, oui, ça se pourrait que, plus tard, ça favorise le maintien du lien ou les retrouvailles entre l'enfant et son parent biologique, et dans d'autres situations, non. Mais je pense qu'il faut garder en tête que les gens le font de bonne foi et dans l'intérêt de l'enfant. Donc...

Mme Hivon: O.K. Je vais céder la parole à mon collègue puis, si jamais il reste du temps, je reviendrai.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Groulx, allez-y.

M. Gauvreau: Oui. Merci, M. le Président, Je vais continuer dans cette situation-là. Vous le savez, la Cour suprême... tous les tribunaux au Canada ont favorisé la primauté du droit de l'enfant sur tous les autres droits. La Cour suprême, dans l'arrêt Young notamment, a même dit que le créancier des droits de contact, donc le créancier d'une entente de communication, puisque c'est un contact, c'est l'enfant; tout doit être décidé autour de ça.

Mme Bourque, tout à l'heure... et je vous ai... et je vais vous citer dans le texte, vous avez dit que, dans le cadre d'une évaluation soit d'entente de communication, etc., il faut rencontrer les parents biologiques pour bien comprendre leurs attentes face au contact. Bien involontairement, c'est un début de dérive, parce que ce n'est pas les attentes des parents face au contact avec leurs enfants, c'est: Comment peuvent-ils répondre aux attentes de l'enfant en leur fournissant une forme ou l'autre de contact? Et nous sommes à l'avant-projet de loi sur l'adoption, et vous êtes des professionnels, alors on s'embarque dans un monde extrêmement, extrêmement délicat, parce qu'on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Et la notion de l'intérêt de l'enfant, on m'expliquait il y a plusieurs années, c'est comme si nous gardions tous nos montres, puis on pense que l'heure qu'on a sur la nôtre est la bonne, alors qu'on a à peu près tous des heures différentes sur chacune de nos montres.

Vous avez abordé le sujet de la tutelle, de 70.1 et suivants de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je peux vous dire qu'il y a à peu près une quarantaine de dossiers qui ont été judiciarisés depuis 2008, à peu près. Ça prend un certain temps. Et c'étaient des familles d'accueil et des ex-conjoints qui ont été significatifs pour des enfants. C'est dans des situations comme ça que la majeure partie des demandes de tutelle ont été faites. Mais je n'ai pas vu les résultats récents, si... Il doit y en avoir encore. Et rappelez-vous, M. Leblond, que la tutelle de la Loi sur la protection de la jeunesse avait été mise de l'avant parce que le comité sur l'adoption, le rapport Lavallée, n'avait pas terminé ses travaux. Donc, il était dans l'air qu'un jour la tutelle de la Loi sur la protection de la jeunesse fasse place à une forme d'adoption, si vous vous souvenez bien, là, des débats qui avaient lieu, là, vers 2005, 2006, avant l'arrivée du projet de loi n° 125.

M. Leblond (Claude): Un petit commentaire, parce que, là, la lumière a allumé, alors je me suis dit: Ça doit être à moi à parler. Je ferai juste un petit commentaire sur ce qu'effectivement Mme Bourque vous disait, là, qu'on doit prendre en compte, dans les... dans l'évaluation de l'entente de communication, on doit prendre en compte l'ensemble des intérêts, dont ceux des parents. Dans la formulation de l'opinion professionnelle liée à ça, le travailleur social n'a à ne prendre en compte que l'intérêt supérieur de l'enfant, mais nécessairement, dans son évaluation, il va rencontrer des personnes qui ont divers intérêts, dont celui de contribuer au développement de l'enfant, mais parfois d'autres intérêts aussi, mais il doit les entendre. Et c'est ça que Mme Bourque vous disait, là, dans son élément.

M. Gauvreau: Ah! Je n'ai pas voulu la prendre en défaut.

M. Leblond (Claude): Dans la formulation, elle va être formulée en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette, rapidement, il reste peu de temps.

Mme Hivon: Vu que vous connaissez bien... enfin, certains de vos membres, vraiment le processus qui peut mener à la réalité de l'adoption, là -- notamment, on pense en Banque-mixte -- j'aimerais... Vous l'avez évoqué tantôt, les risques de dérive, par exemple, de conditionnalité du consentement du parent biologique à dire: Oui, finalement, je vais consentir, mais si, par exemple, on fait face à une adoption ouverte ou si, par exemple, c'est une adoption sans rupture du lien de filiation. Et on en parlait la semaine dernière, parce qu'il y a des parents adoptants qui sont dans un processus de Banque-mixte qui disent: Mais, nous, on risque de se retrouver un peu devant un fait accompli, on a l'enfant... on a la garde de l'enfant en famille d'accueil, avec des visites d'adoption depuis un an, un an et demi, deux ans, et là on nous dit: Plutôt que d'aller en déclaration judiciaire, ça risque d'être plus long, tout ça, le parent biologique serait prêt à dire oui, à consentir, mais dans tel cadre. Est-ce que vous pensez que ça, c'est un risque important ou si vous pensez que, de la manière que les processus se font en ce moment, il y aurait quand même lieu d'éviter ces écueils-là?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons terminer avec votre intervention, M. Leblond.

M. Leblond (Claude): Je ne voudrais pas qualifier ce qui se fait présentement. Je pense que ce qui se fait présentement se fait bien. Ce que je disais, c'est qu'il ne faudrait pas en arriver par contre, effectivement, à ce que ça devienne une carotte, là, et qu'on fasse aujourd'hui d'une autre façon ce qu'on a fait autrefois d'une façon qu'on connaît maintenant et qui n'était pas équitable, éclairée, juste, etc. Donc, il ne faudrait pas se trouver des façons pour arriver plus rapidement à une finalité. Prenons le temps. Je ne pense... Je ne croirais pas que les professionnels s'orientent de cette façon-là. Je ne crois pas non plus que les organisations vont s'orienter comme ça. Il y a toujours des risques de dérive, donc il faudra toujours se rappeler qu'au plan éthique la finalité n'est... est telle que c'est l'intérêt supérieur de l'enfant, que ça ne se négocie pas par des mécanismes nouveaux qu'on intégrerait, là, à l'intérieur, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Leblond. Donc, merci, Mme la députée de Joliette. Merci, Mme Bourque. Je vous souhaite de magnifiques célébrations pour votre 50e anniversaire.

Et, sur ce, je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Si vous avez des cellulaires... il est sûr que les parlementaires entendent souvent cette phrase-là, mais, si, dans la salle, vous avez des cellulaires qui sont allumés, s'il vous plaît, les fermer, à toutes fins pratiques pour permettre la bonne marche de nos travaux.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Je vois que, Mme Neault et Mme Brière, vous avez pris place. Donc, permettez-moi de vous saluer au nom de mes collègues et des gens qui nous écoutent. Vous savez que votre contribution à cette commission est fort importante, puisque nous sommes en consultation. Je vous rappelle que vous êtes, et je vous le répète de façon très sincère, vous êtes nos invitées ici, à l'Assemblée nationale, donc prenez tout le temps qu'il vous faut, même si je vais vous donner quelques balises pour vous rappeler à l'ordre de temps à autre, si jamais le cas était nécessaire. Association de parents pour l'adoption québécoise, donc. Je vous rappelle les règles. Vous avez 10 minutes pour la présentation de votre exposé, et vous arrangez ça comme vous voulez, et il va y avoir une période d'échange de 25 minutes, et on s'assure qu'il y ait de part et d'autre... les temps soient respectés pour permettre à l'ensemble de nos parlementaires d'avoir l'occasion de plus approfondir les sujets dont vous allez traiter cet après-midi. Donc, sur ce et sans plus tarder, je vous cède la parole, mesdames.

Association de parents pour
l'adoption québécoise (APAQ)

Mme Neault (Kathleen): Bonjour. Mon nom est Kathleen Neault, je représente l'Association de parents pour l'adoption québécoise. Nous sommes reconnaissants de pouvoir présenter notre point de vue sur l'avant-projet de loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions en matière d'adoption et d'autorité parentale au Québec.

L'Association de parents pour l'adoption québécoise, APAQ, a été fondée en 1996 dans le but de favoriser l'adoption des enfants d'ici. Notre objectif est de faire connaître les besoins particuliers des enfants du Québec et de soutenir les parents qui tentent d'y répondre. Nous souhaitons contribuer à leurs efforts afin d'assurer à chacun de ces enfants un milieu de vie stable, sécurisant et accueillant, de leur permettre de développer des liens affectifs et de combler leur besoin de permanence.

L'APAQ est d'avis qu'il faut d'abord statuer sur l'adoption au Québec, puisque l'adoption régulière dite plénière et confidentielle n'est pas la seule avenue. La Banque-mixte, dont les conditions d'origine ne sont pas confidentielles, permet aussi l'adoption grâce à la réduction des délais d'attente. L'adoption, qui jadis n'était pas discutée à cause de l'origine illégitime de l'enfant, est maintenant un geste humanitaire et une pratique de plus en plus répandue pour fonder une famille, surtout par la voie de la Banque-mixte.

En adoption régulière, lorsqu'il y a consentement du parent, il n'y a pas nécessité de maintenir la confidentialité. Le consentement à l'adoption est perçu comme le plus grand geste d'amour d'un parent vis-à-vis son enfant. Ce sont des conditions particulières qui l'auront mené à confier leur enfant à l'adoption dans l'espoir d'une vie meilleure. L'adoption ouverte pourrait être envisagée et ainsi favoriser le maintien de l'histoire de l'enfant et son appartenance à sa filiation d'origine, ce qui permettrait également d'alléger les procédures administratives.

Dans les cas d'adoption via la Banque-mixte, occurrence beaucoup plus fréquente au Québec, la confidentialité devrait être imposée même avant le jugement d'adoption. Étant donné qu'il s'agit rarement de consentement mais plutôt d'ordonnance de la cour suite à un placement en protection, la confidentialité demeure importante. Il n'est pas impossible de considérer l'adoption ouverte dans certaines conditions, et ce, en autant que toutes les parties impliquées, parents d'origine et parents adoptants, en soient consentantes et qu'il en soit dans l'intérêt de l'enfant.

**(14 h 10)**

À cause des particularités qui amènent les enfants en projet Banque-mixte, l'adoption simple est définitivement à proscrire. Ce type d'adoption est d'ailleurs une crainte des parents Banque-mixte. Les parents estiment que, si on favorise le maintien des contacts et de la filiation avec le parent d'origine, l'enfant ne pourra jamais forger une identité au sein de sa nouvelle famille en se dirigeant vers l'adoption simple. Cette pratique est déjà appliquée lorsque l'admissibilité à l'adoption est rejetée et que le placement à majorité est octroyé. Les parents Banque-mixte, déjà confrontés aux difficultés d'assurer les soins en milieu de santé... en milieu hospitalier, se verront perpétuer ces difficultés face à l'identité de l'enfant dont la lignée est représentée par la multiplication des noms attachés à sa nouvelle identité. En permettant la filiation d'origine, comment peut-on envisager de permettre à ce que tous les enfants d'une même famille portent des noms différents? Qu'en est-il de l'identité de l'enfant dans sa famille d'adoption et de son désir souvent viscéral de s'y attacher? La crainte du retour de l'enfant à ses parents d'origine est déjà un obstacle à la Banque-mixte. L'adoption simple aurait pour effet de perdre de bons candidats à la Banque-mixte par crainte de ne jamais pouvoir se sentir parents à part entière.

La divulgation des antécédents de l'enfant demeure une préoccupation pour le parent adoptant Banque-mixte. Le sommaire divulgué lors de l'ordonnance de placement ne contient souvent pas assez d'information et devrait être disponible dès l'admissibilité afin de permettre au parent qui en a la garde d'assumer et d'autoriser les soins spécialisés que l'enfant a trop souvent besoin. De plus, il est absolument hors de question de permettre au directeur de la protection de la jeunesse de s'ingérer dans la famille adoptive pour informer la personne adoptée de son statut. Le rapport d'évolution présenté à la cour octroie l'autorité parentale aux adoptants. Le DPJ n'a plus sa place, et encore moins à informer les parties de tout décès, puisqu'il y a bris de filiation. Lors du décès du parent ou de l'enfant, les termes de l'adoption ne peuvent être outrepassés seulement parce qu'il y a décès. À quoi sert un testament, sinon de respecter les volontés d'une personne décédée?

L'adoption plénière, régulière ou Banque-mixte demeure la voie privilégiée actuelle. Toutefois, les lois actuelles pourraient être modifiées en ne perdant pas l'objectif premier: les besoins de stabilité et de sécurité de l'enfant dans son développement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que ça fait le tour de votre présentation? Oui?

Mme Neault (Kathleen): Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bonjour. Bienvenue. Merci de votre présence. Peut-être une clarification sur toutes ces questions de confidentialité. Comment vous le voyez pour les adoptions postérieures à l'adoption d'un éventuel projet de loi, et antérieures, et toute cette question de connaître ses antécédents?

Mme Neault (Kathleen): C'est qu'au Québec on a... La Banque-mixte est beaucoup plus fréquente que l'adoption régulière, à cause des délais, puis, lors des placements de Banque-mixte, il n'y a souvent pas de confidentialité parce que l'enfant est placé en protection. Je pense qu'il faut faire la distinction entre ce qui amène l'enfant... pas ce qui amène l'enfant, le besoin de confidentialité, dans les cas de Banque-mixte, entre autres parce qu'il y a des raisons sociales qui auront amené un enfant en placement, versus l'adoption régulière. Donc, il n'y a pas nécessairement besoin, à moins que le parent d'origine le désire, qu'il y ait confidentialité.

Mme Weil: Donc, vous recommandez... J'essaie de comprendre. En ce qui a trait à la confidentialité, vous ne parlez pas de veto à la divulgation, contact. C'est quoi, votre opinion là-dessus?

Mme Brière (Linda): Bon. Tu permets, Kathleen? De un, nos enfants... Quand on parle de la Banque-mixte, c'est évident, c'est le moyen, comme Kathleen disait, d'adopter présentement les enfants, afin de réduire le délai. Donc, nos enfants viennent de familles dysfonctionnelles, évidemment. Nos enfants sont très fragilisés. Alors, en tant que parents adoptants qui vivons tous les jours avec nos enfants qui... nos enfants sont au courant de leur statut d'adopté. De là d'intervenir auprès de notre enfant, à l'aider à prendre une décision de placer un veto plus tard dans son dossier, on voit mal comment imposer ou expliquer à notre enfant, qui est toujours en conflit, en conflit de loyauté envers son parent d'origine et nous, d'avoir à donner un veto dans son dossier. Pour nous, c'est vraiment assez spécial d'avoir à donner à nos enfants ce fardeau-là, chose qui n'existait pas avant, c'était confidentiel. Donc, pour nous, on le voit encore, pour le bien-être de notre enfant, un obstacle de plus dans sa vie de tous les jours, dans sa croissance, dans son statut d'enfant adopté.

Mme Weil: Vous avez une crainte, vous parlez de l'adoption simple. Évidemment, ce n'est pas une expression qu'on utilise, parce que ce n'est pas l'adoption simple de l'Europe, mais c'est sans rupture de filiation. Donc, dans beaucoup de cas, il n'y aura plus de lien, il n'y aura plus de contact, c'est tout simplement le nom, et il y a certaines conséquences juridiques attachées à ça. On a différentes recommandations là-dessus, mais c'est... pension alimentaire, dans notre projet de loi, d'autres qui recommandent que ce soit un droit testamentaire d'héritier. Ceci étant dit... Bon. Alors, et vous... Mais vous avez une inquiétude, si je comprends bien, c'est que c'est par rapport à cette forme d'adoption sans rupture de filiation, que ça pourrait décourager des parents d'adopter?

Mme Brière (Linda): Au Québec...

Mme Weil: Oui.

Mme Brière (Linda): ...tout à fait. On parle d'adoption... en tant que parents adoptants, quand on discute d'adoption, la première question qui nous est posée, c'est: De quel pays? Donc, les gens sont déjà... De prime abord, ils ne sont pas au courant qu'il y a des enfants qui sont adoptables ici, au Québec. Alors, en mettant encore plus d'embûches, d'ouvrir la confidentialité, pour nous, on voit, oui, que ce serait encore un moyen dissuasif d'adopter des enfants chez nous. Déjà, il y a la peur que le parent revienne dans le décor. Là, il y aura en plus la peur de divulgation de la chose. Donc, ça...

Mme Weil: C'est surtout la question... Sans rupture de filiation, ce n'est pas nécessairement une adoption ouverte avec un accord de communication, c'est tout simplement que l'enfant pourrait, dans certains cas très précis, préserver son identité, donc son nom, ses origines, le nom de ses parents. Donc, des situations qui sont envisagées, c'est des enfants... on parle d'enfants plus âgés, donc ils connaissent déjà... la plupart des cas, ils connaissent déjà leur famille, donc ils ne sont pas prêts à renoncer à cette identité. Pour le reste, il faut qu'il y ait des consentements des parents adoptants, s'ils veulent maintenir un contact ou non. Et, dans le milieu social, les centres jeunesse, DPJ, etc., d'autres qui nous ont dit que c'est peut-être une mesure qui va débloquer des adoptions, qui va permettre justement à des enfants qui sont pris entre deux vies d'avoir ce projet de vie et de les faire avancer. Parce qu'ils ne veulent pas renoncer, à quelque part, à leur identité primaire, primitive. Donc, c'est toute cette question-là. Mais, vous, vous voyez ça plus comme un risque?

Mme Neault (Kathleen): Parce que, nous, les enfants qu'on reçoit sont plus jeunes. Ils sont souvent beaucoup plus jeunes, ils sont bébés. Il y a moins... il n'y en a pas... il n'y a pas eu d'adoption plus vieux. C'est sûr que, si on regarde le portrait de l'enfant plus vieux, oui, ça favoriserait les adoptions, puis ce serait une possibilité pour l'enfant de s'attacher à une nouvelle famille étant plus vieux. Tandis qu'un enfant plus jeune, il a de la difficulté à s'enraciner, à s'attacher, à se forger un lien parce qu'il est toujours pris dans ce conflit de loyauté là. Il y a quand même cette loyauté-là vis-à-vis de son parent d'origine et il y a un attachement qui se forge avec le parent adoptant, donc il n'est pas capable d'aller d'un côté ou de l'autre. C'est là la difficulté.

Quand on parle de l'adoption au Québec, on ne peut pas juste dire: C'est l'adoption au Québec. Il y a l'adoption régulière, qui sont des bébés naissants, il y a la Banque-mixte, qui sont aussi des bébés naissants ou un peu plus vieux, puis là, si on parle d'un enfant plus vieux, nous, ce n'est pas notre réalité actuelle, parce que, quand les enfants auront cet âge-là, ils auront déjà été adoptés depuis longtemps. Donc, pour l'APAQ, les parents, notre bassin de parents, ça ne les touche absolument pas, là, pour ces enfants-là. Mais je dirais personnellement que, oui, ce serait très positif pour les enfants plus vieux d'avoir cette alternative-là.

Mme Weil: Donc, vous recommanderiez qu'on soit plus clairs peut-être par rapport aux circonstances, c'est-à-dire d'affirmer l'adoption plénière dans la plupart des cas, puis qu'on clarifie encore plus que c'est vraiment une mesure d'exception dans certains cas... Ça va dans le sens de l'avant-projet de loi, mais vous voudriez peut-être qu'on aille plus loin pour s'assurer que ce soit vraiment une mesure d'exception, si je comprends bien, l'adoption sans rupture de lien de filiation.

Mme Brière (Linda): Exactement. Chaque cas... Ce sont tous des cas d'espèce. On parle toujours d'enfants qui sont en besoin de trouver leur famille. Mais, chacun, c'est des cas d'espèce. Oui, il faudrait avoir plus de détails, là, au niveau de... Comment les juges interpréteront? Comment les juges dirigeront l'adoption? Est-ce que les juges auront des barèmes? Ça peut devenir dangereux d'oublier que la Banque-mixte, elle est vraiment là pour réduire les temps, et tout ça.

Mme Weil: La question des antécédents, vous l'avez mentionné, qu'il faudrait rajouter d'autres informations au sommaire des antécédents pour...

Mme Neault (Kathleen): Plus d'information...

Mme Weil: Qu'est-ce que vous envisagez, par exemple?

Mme Neault (Kathleen): Je dirais que, souvent, les antécédents de la mère sont connus; du père, ils ne le sont pas. Une des raisons, c'est que le père n'est pas souvent présent dans le portrait de l'adoption, mais, quand il est là, on n'a pas plus d'information. Puis ça, ça s'est vu à plus d'une reprise. Donc, il devrait y avoir plus d'information, parce qu'on se retrouve avec des enfants qui sont multitraumatisés, c'est des enfants qui vont avoir besoin de services presque... tout probablement, puis le délai de recevoir les services parce qu'on n'a pas de diagnostic... font que c'est des enfants qui tombent dans les craques, là, qui ne sont pas de... On ne peut pas leur offrir ce qu'ils ont de besoin assez tôt. Puis on sait que la prévention, c'est important, dans plusieurs conditions, dans plusieurs diagnostics. En ayant connaissance de plus d'information de leurs antécédents, ça faciliterait l'identification d'un diagnostic.

**(14 h 20)**

Mme Weil: Ça va pour l'instant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions du côté ministériel? Ça va. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci beaucoup. Merci de votre présentation. D'abord, je vais aborder à mon tour la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, qui est une avenue potentielle qui est présentée dans l'avant-projet de loi. Je veux bien vous comprendre parce que vous vivez une réalité qui est très concrète, c'est celle des parents qui adoptent via principalement la Banque-mixte, et vous avez tout à fait raison de dire que c'est très méconnu.

Et je pense aussi qu'une des raisons, et vous l'évoquez dans votre mémoire, pour laquelle encore beaucoup de gens se tournent davantage vers l'adoption internationale, c'est à cause de toute la crainte qu'avec la Banque-mixte... qu'il n'y a jamais de garantie qu'au bout du processus l'enfant va bel et bien rester dans sa famille d'accueil qui devient sa famille adoptante, même si... évidemment, les centres jeunesse, tous les spécialistes qui se sont penchés sur le dossier, s'ils ont décidé que la voie de la Banque-mixte, c'était la voie à favoriser, c'est d'abord et avant tout parce qu'on pense qu'il y a de fortes chances que cet enfant-là ne puisse pas retourner, mais ce n'est jamais garanti. Donc, je pense que vous faites bien de mentionner qu'il y a déjà beaucoup de risques et d'incertitudes pour les parents qui s'engagent dans cette voie-là et qui font face à beaucoup, je dirais, d'émotions et de tourments dans tout le processus.

Alors, si je veux bien vous comprendre, vous dites: Du simple fait qu'il y aurait la possibilité de l'adoption sans rupture du lien de filiation, vous craignez que ça, en soi, ce soit un frein supplémentaire pour l'adoption en Banque-mixte, même si, par exemple, c'est balisé et, bon, tout ça? Du simple fait que ce soit présent, vous estimez que ça pourrait être un frein?

Mme Brière (Linda): ...tout à fait.

Mme Neault (Kathleen): L'enfant a un besoin viscéral d'appartenir à sa nouvelle famille. Puis il y a toujours... il y a un constant rappel, on le voit moins quand ils sont plus petits, mais, quand il rentre à l'école, l'école refuse de lui donner son nom d'adoptant, parce que légalement, dans les papiers, c'est François Lachance. Donc, il vit constamment avec ce nom-là qu'il ne veut plus. Lui, il veut appartenir à sa nouvelle famille. Donc, il y a un malaise, ça les empêche d'avancer. Puis on peut en citer, des exemples. C'est là que le bris de filiation serait important, parce que même l'enfant peut le manifester.

Mme Hivon: Vous, en fait... C'est très intéressant, on a vraiment tout le spectre des opinions, et aujourd'hui même. Alors, vous, vous vous arrêtez sur les conséquences pratiques. Parce qu'on parle des effets actuellement, tel que prévu. Si on allait de l'avant avec l'adoption sans rupture du lien de filiation, il y en a deux principalement: la question du nom, qu'il y aurait l'ancien nom et le nouveau nom, puis l'acte d'état civil, qui aurait autant la référence aux parents biologiques qu'aux parents adoptants. Et, vous, vous nous dites que ça, en soi, bien que ce soit vu par beaucoup comme possiblement un plus, dans la réalité concrète de ce que vous vivez, vous dites: Quand les enfants... Par exemple, la Banque-mixte fait en sorte qu'ils sont dans la famille d'accueil plus longtemps que dans le processus d'adoption formel et que donc ils s'identifient à leurs parents adoptants, mais que, dans leur réalité civile, ils sont encore les enfants de leurs parents biologiques, ça cause des problèmes identitaires chez les enfants?

Mme Brière (Linda): De tous les jours. De tous les jours. De tous les jours. Parce que nos enfants, évidemment, au niveau de la couleur... parlons un peu de couleur, non pas de différentes couleurs, donc... Ils vont parler de leur adoption à l'école, mais ils ne sont pas nécessairement identifiés adoptés. Tu sais, s'ils n'en parlent pas, on laisse libre choix à eux. S'ils en parlent, ils ne veulent pas avoir aucune filiation avec le nom, le correspondant, la visite qu'il a eu à subir, dans 80 %, peut-être 90 % de ces cas. L'enfant ne veut plus ça, l'enfant veut la stabilité, l'enfant veut être pareil comme les autres de la famille.

Mme Hivon: Puis c'est ça, vous, votre réalité, vous l'avez dit d'entrée de jeu, c'est davantage avec des enfants en bas âge, qui sont du moins placés en bas âge, des fois l'adoption peut venir tardivement, mais, dans la majorité des cas, ils sont placés quand même assez jeunes. Donc, vous ne vous situez pas dans... vous n'estimez pas que vous êtes dans une réalité où, par exemple, il y aurait des liens significatifs déjà de forgés. Mais, si, par exemple, comme on y faisait référence tout à l'heure, l'enfant est plus âgé, il y a de tels liens, vous estimez que ça pourrait être une possibilité que l'adoption sans rupture du lien soit dans le coffre à outils éventuellement, mais pas dans les cas qui, vous, vous occupent. Est-ce que ça veut dire que vous mettriez vraiment une limite d'âge? Je vous pose la question. C'est difficile, mais c'est parce que beaucoup nous disent: Si on maintient... Puis il y a toute cette question-là: Est-ce qu'on ouvre vers ça? Mais, si on ouvre vers ça, il faut vraiment le baliser à l'extrême. Et je comprends que c'est un peu votre point de vue, parce que, dans votre mémoire, vous dites même que ça ne devrait pas exister. Mais ce que vous dites qui ne devrait pas exister, c'est l'adoption simple, donc il y a peut-être une nuance, là. Comment vous voyez ces balises-là? Je comprends que ce n'est pas votre réalité de tous les jours, mais, pour vous, le coeur, c'est un peu l'âge de l'enfant?

Mme Neault (Kathleen): Oui, puis aussi il y a le fait qu'on espère que l'enfant aura eu moins de placements avant son arrivée. Donc, les liens d'attachement vont s'être forgés avec une famille. Tandis que, quand on parle d'un enfant plus vieux, il va en avoir eu beaucoup, de familles, fort possiblement. Puis, quand on parle aussi d'un enfant plus vieux, bien c'est un enfant qui est capable de manifester ses opinions, il est capable de dire ce qu'il a à dire puis d'exprimer sa volonté. Quand on parle d'un enfant plus jeune, on ne peut pas. Parce que, quand il arrive dans la Banque-mixte, comment on est appelés? C'est «maman» et «papa». On n'est pas appelés «madame» ou «famille d'accueil», là, on est appelés «maman» et «papa». Donc, déjà, il commence sa vie avec nous, avec des nouveaux parents, même s'il n'est pas... il n'est même pas admissible à l'adoption.

Mme Hivon: Oui, puisqu'il s'inscrit dans un projet de vie qui devrait conduire à l'adoption dès le début, c'est dans cette réalité-là. O.K. Moi, j'en aurais une autre. Il me reste-tu du temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, absolument, oui, oui.

Mme Hivon: J'aimerais aborder maintenant toute la question de la confidentialité des antécédents. En fait, vous vous positionnez un petit peu différemment, je dirais, de l'angle où vous prenez, je dirais, les enjeux, parce que, dans le... Si je prends la page 3 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous marquez bien le pas, l'idée que, pour les parents adoptants, c'est une préoccupation. Donc, vous vous situez plus du point de vue des parents adoptants. Et vous dites: Il faut avoir le plus d'information possible en termes d'antécédents médicaux, et tout ça. Mais, pour ce qui est de l'enfant, et c'est ça que je veux comprendre, je veux comprendre votre position, parce qu'à ce jour on a entendu énormément de témoignages sur l'importance pour l'enfant d'avoir accès, et là toute la question de l'âge auquel il peut avoir accès, puis tout ça, là, pour les adoptions futures, c'est... on pourrait y revenir... mais de l'importance que cette information-là soit disponible, autant d'un point de vue identitaire purement et simplement que d'un point de vue plus pratique d'antécédents médicaux.

Et, vous, vous abordez peu le point de vue, je dirais, de l'enfant ou de l'importance d'avoir accès à ses antécédents, pour l'enfant. C'est quoi, votre point de vue? Je sais que tantôt vous avez exposé que... toute la question du veto, puis on ne le dira pas à un enfant de 12 ans X: Il faut que tu mettes un veto, là. Moi, je ne suis pas encore sur ce sujet-là, je suis plus sur l'idée même: Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir une ouverture pour que l'enfant, s'il le désire, puisse avoir accès à cette information-là?

Mme Neault (Kathleen): Je dirais, de prime abord, ce qu'on préconise beaucoup, à l'association, c'est d'abord cette ouverture-là vis-à-vis de l'adoption. Quand l'enfant arrive chez toi, il le sait, ce n'est pas un enfant qui est... Oui, les enfants très jeunes, ils vont dire: Quand j'étais dans ton ventre. On les corrige souvent en leur disant: Bien, tu n'étais pas dans mon ventre. Donc, c'est des enfants qui le savent instinctivement qu'ils ont été adoptés, et on le leur dit, on les prépare. C'est un peu le rôle de l'association d'outiller les parents, de les préparer, de les informer. Donc, ça en fait partie. Si on arrive à un âge plus vieux, ce n'est pas une surprise qu'on va dire: Bon, bien, c'est ça, tes antécédents, c'est ça, ton histoire. Il faut l'adapter à l'âge de l'enfant, à sa capacité de comprendre et à sa capacité de recevoir les informations, puis quand est-ce qu'il va les poser, les questions. Mais c'est quelque chose qui est abordé très, très tôt, là, on n'attend pas que l'enfant soit capable de s'exprimer pour dire: Tu as été adopté. Parce que chaque enfant, même s'il ne parle pas, il a la capacité de comprendre. Donc, ce n'est pas... Ils sont importants, les antécédents, ils sont importants au niveau de ses origines, de son histoire, autant que de ses antécédents médicaux, pour qu'on puisse mieux l'accompagner puis mieux lui prodiguer les soins. Donc... Non.

**(14 h 30)**

Mme Hivon: ...une question théorique pour vous. En fait, c'est ça un peu peut-être le défi, c'est que le projet de loi, il ouvre pour la confidentialité, mais pour les adoptions futures, alors que ça se pose en pratique très, très peu, parce qu'essentiellement l'adoption interne, l'adoption québécoise se fait via la Banque-mixte, et souvent il y a une période de transition. Même, des fois, la mère biologique avait encore des droits de visite, et tout ça. Donc, toute cette information-là, les parents... ne serait-ce que par le carnet de vaccination, comme on le mentionnait, les parents adoptants l'ont, et donc ils vont pouvoir la divulguer à l'enfant. Donc, ce que vous dites, c'est que c'est un peu une question théorique dans notre... dans votre cas, parce que, via la Banque-mixte, cette information-là est déjà disponible. Vous, ce que vous dites, c'est plus les antécédents médicaux qui vous préoccupent, que le dossier soit le plus étoffé possible et que vous puissiez être le mieux outillés possible pour accompagner votre enfant dans son suivi, tout au long de sa vie, pour pouvoir répondre adéquatement.

Mme Neault (Kathleen): Ils ont des... ils ont un gros besoin de suivi. Puis, quand on parle des antécédents, bien souvent on les a rencontrés, les parents. Puis, je dirais, quand on parle de confidentialité, même un juge ne respecte pas la confidentialité, parce que, je dirais, dans notre histoire d'adoption, il m'a révélé le nom lors du jugement, puis je ne devais pas le savoir, c'était une adoption régulière. Ça fait qu'il y a toutes sortes de... On en a, un bagage d'informations disponibles pour les enfants, parce que c'est important, là. L'enfant qui se regarde, qui s'identifie à son parent, oui, on peut leur dire: Bien, c'est les yeux de ta maman que tu as, c'est les cheveux de ton père. Les choses comme ça, ça fait partie de son histoire, de son bagage, de son gabarit. Mais, parce qu'on a besoin de beaucoup de suivi, de consultations, de tout ça, c'est là qu'on met l'accent parce qu'on se trouve souvent dans un peu... comme dans notre rôle de parent, entre deux chaises; on nous demande d'être parents, mais on ne l'est pas, on nous rappelle constamment: Ce n'est pas toi, le parent. Bien, dans les soins, c'est la même chose, on n'est pas capables d'identifier des choses parce qu'il y a trop de facteurs qui rentrent en ligne de compte.

Donc, en ayant plus d'informations sur les antécédents médicaux, ça pourrait faciliter. Et déjà, quand il y a des diagnostics connus dans la famille, chez d'autres enfants, bien c'est une hypothèse qui peut se dresser dans le traitement d'un enfant, dans... dans l'atteinte d'un autre diagnostic. C'est ce point de vue là que, moi, personnellement, je regarderais, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien. Oui.

Mme Hivon: Alors, juste pour finir sur ce point-là, en fait, à la page 2, vous dites que, «dans les cas d'adoption via la Banque-mixte», occurrence, donc, beaucoup plus fréquente que l'adoption où il y aurait consentement puis, donc... je dirais, régulière au sens où on l'entend, là, d'un bébé qui a été confié dans ses premiers jours... Vous dites: «...la confidentialité devrait être imposée même avant le jugement d'adoption.» Là, vous faites... vous venez de faire... En fait, c'est parce que je veux comprendre, parce que vous nous dites d'une part que c'est important évidemment pour l'enfant, pour ses repères identitaires, que l'information soit là, mais, quand vous faites cette affirmation-là, c'est plus d'un point de vue, je dirais, tout à fait légal, pour le bon ordre des choses, que vous pensez que la confidentialité doit rester très, très strictement observée, mais... moins dans l'application de la chose mais plus, je dirais, comme principe de base.

Mme Neault (Kathleen): Bien, peut-être plus confidentialité du placement que confidentialité des informations.

Mme Hivon: Ah! C'est ça que vous voulez dire.

Mme Neault (Kathleen): Oui, parce qu'on rencontre les parents. Pas tous, mais on arrive face à face avec. Donc, les parents qui restent à Montréal, là, un jour déménagent ou bien ils ne vont pas dans certaines régions parce que les parents fréquentent cette station de métro là. Donc, pour éviter d'avoir des rencontres... C'est de ce point de vue là que la confidentialité est évoquée, parce qu'il y en a... Ce n'est pas toujours le cas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée de Joliette. Donc, Mme la ministre ou d'autres de vos collègues.

Mme Weil: Oui, juste votre expérience avec la Banque-mixte. Dans quel type de situation est-ce que vous... Parce que vous évoquez la possibilité que dans certains cas l'adoption ouverte pourrait être la bonne forme, là, avec une entente de communication. Beaucoup de groupes ont appuyé cette forme de... évidemment, parce que ça vient... ça vient rendre légal, là, ce qui se fait dans les faits, puis c'est en harmonie aussi avec ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord, mais, de votre expérience... mais par ailleurs une certaine crainte par rapport à cette entente de communication qui devrait être très, très limitée. Dans quel type de situation, de par votre vécu, est-ce que vous imaginez qu'une entente de communication, d'option ouverte, pourrait être souhaitable?

Mme Brière (Linda): Dans le cas où la maman décide de... de laisser son enfant en adoption à des parents choisis et puis que, oui, il y a une entente de faite, là, au niveau des échanges, pourvu que ce soit légiféré, que ce soit bien écrit dans le jugement d'adoption, oui, pourquoi ne pas choisir, à ce moment-là, la famille dans laquelle la mère veut confier son enfant? Donc, s'il y a entente des deux parties, il n'y a aucun problème sur l'adoption ouverte. Là-dessus, nous, on ne voit pas de problème. Mais on revient tout le temps, tu sais, aux différents types d'adoption. Il faut vraiment que ce ne soit pas favoriser un type d'adoption versus un autre, que tout le monde, toutes les personnes impliquées, autant le parent qui laisse son enfant, le parent qui adopte, aient des... qu'ils soient entendus, là, au niveau, là, de leurs besoins fondamentaux, là, de différents types d'adoption.

Mme Weil: Ce matin, l'Ordre des travailleurs sociaux recommandait en fait qu'il y ait même une évaluation psychosociale. Et plusieurs... l'Association des centres jeunesse aussi favorise beaucoup ça, donc, que ce soit une recommandation, finalement, de professionnels qui auront bien évalué la situation, de voir quelle serait le meilleur... la meilleure forme d'adoption. Vous seriez d'accord avec ça?

Mme Brière (Linda): On est tous passés par les évaluations psychosociales, que ce soit à l'adoption locale ou internationale.

Mme Weil: C'est ça.

Mme Brière (Linda): Oui, dans le cas d'une adoption ouverte, oui, c'est important que le futur parent passe par le même processus, oui.

Mme Weil: Et certains groupes, d'ailleurs, cet après-midi, vont nous dire qu'il y a... s'il y a mésentente sur une entente de communication, finalement, seule la requête des... l'opinion, le consentement des parents adoptants devrait être pris en compte. Êtes-vous d'accord avec ça, si vraiment il y a un conflit sur... Disons que l'entente de communication est allée un peu plus loin que beaucoup de gens font, là, que finalement, s'il y a un problème, c'est vraiment les parents adoptants qui devraient avoir préséance?

Mme Neault (Kathleen): Ils ont été acceptés, ils ont été évalués et on leur a octroyé l'autorité parentale, donc pourquoi ne pas respecter cette autorité parentale là? Ils sont devenus... les parents adoptants sont devenus les parents, donc ils ont... ils devraient prendre les décisions sur les soins et la sécurité de l'enfant. Donc, c'est à eux que ça devrait revenir, parce que, dans l'adoption, il y a bris de filiation pour ces raisons-là. Puis, quand on... si on revient à «dans quelles circonstances», moi, je pense qu'il faut faire la distinction entre quand on parle d'adoption régulière puis on parle d'adoption via la protection de la jeunesse. Qu'est-ce qui a amené un enfant en adoption? Quelles circonstances l'auront amené en adoption? Quand on parle de violence, d'agression, d'abus et puis quand on parle de... simplement de... je ne veux pas dire simplement, mais d'incapacité parentale parce qu'un parent n'a jamais eu de modèle dans sa vie, c'est différent. Est-ce que... Peut-être qu'il y aurait possibilité de maintenir des liens avec des parents qui ne les ont pas, les capacités parentales, mais qui ne sont pas nécessairement néfastes dans la vie de l'enfant. C'est... c'est tout ça qu'il faut regarder. Ce n'est pas simple, ce n'est pas juste... on ne peut pas juste dire: Oui, ça va être comme ça. Il y a une panoplie de cas à regarder.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. À la page 3, vous... Je pense que vous éprouvez des sentiments très forts à l'idée ou la perspective que quelqu'un autre que la famille puisse venir révéler le statut d'adopté à un enfant adopté. Je peux comprendre, de votre point de vue. Puis je pense qu'en fait c'est bien de vous entendre, parce que, si on lisait ça un peu hors contexte, certaines personnes pourraient dire: Ah! c'est parce que les parents adoptants, ils sont encore dans l'ancienne manière de faire puis ils veulent cacher l'information, alors que tout ce que je comprends de vos propos, c'est, bien au contraire: tous les parents, encore plus... bien, en tout cas, à l'international, généralement c'est assez évident, puis en Banque-mixte aussi, du fait des... Donc, vraiment, il y a beaucoup de... Les parents adoptants révèlent, et très tôt dans l'histoire de l'enfant, son statut d'adopté. Donc, pour vous, de ce que je comprends, c'est plus quelque chose qui n'aurait pas sa place, parce que les parents adoptants d'aujourd'hui, dans la réalité d'aujourd'hui, le divulguent en tout temps, ou si c'est parce que vous vous dites: Même s'il y avait quelques cas exceptionnels, ça n'aurait pas sa place de venir le révéler?

Ce matin, on nous disait que, pour s'assurer qu'il ne puisse même pas y avoir quelques cas exceptionnels où les parents adoptants ne révéleraient pas le statut, on devrait le prévoir dans la loi, que c'est une obligation pour les parents adoptants de révéler le statut, donc pas pour l'État, là, mais, mettons, pour les parents adoptants. Est-ce que vous pensez que ça devrait être inscrit dans la loi?

Mme Brière (Linda): Moi, je ne pense pas que ça doit être prescrit dans un... dans la loi en tant que telle, parce qu'encore une fois, lorsqu'on est rendu à un processus d'adoption, est-ce qu'on est vraiment le parent ou on ne l'est pas? Donc, le fait... Un parent... un parent naturel décide pour son enfant, dans la légalité, tout le temps, des choses, décide pour l'enfant. Pourquoi pas le parent adoptant, encore une fois?

Mme Hivon: O.K.

**(14 h 40)**

Mme Neault (Kathleen): Parce que, pour devenir parent, on nous passe une évaluation. Donc, c'est... comme on a passé l'évaluation, ça devrait faire partie de, bon, ce qu'on doit remplir comme rôle de parent, comme n'importe qui d'autre qui devient parent. Ils n'ont pas à passer l'évaluation, mais il y a des choses à faire. Donc, ça fait partie de notre rôle, puis ça devrait être... Je ne pense pas qu'on ait besoin de légiférer, de dire: Il faut que tu le dises à ton enfant. C'est pour ça qu'on est ici en tant qu'association, c'est pour les accompagner, les parents, puis leur... mettre l'accent sur l'importance de ne pas maintenir le secret avec l'enfant, de l'outiller, lui aussi. Donc, ça en fait partie, de lui révéler son passé, son histoire, et tout ça.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Ça va? Donc, Mme Neault, Mme Brière, il ne me reste que... Ah! Vous avez une question? Il me reste autre chose à faire.

Mme Bouillé: Excusez.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est moi qui m'excuse, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Je pensais que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): J'avais mal interprété votre...

Mme Bouillé: Non, non, c'est correct.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...votre langage non verbal. Allez-y, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre témoignage. C'est peut-être une question un peu plus pointue, mais juste pour clarifier, là, puis que ça ne laisse pas de doute dans mon esprit. Tantôt, on a... il a été dit, par exemple: La mère a choisi la famille adoptive. Pour vous, ce n'est pas une règle d'usage, là, ce ne serait pas... Parce qu'actuellement ce n'est pas ça, là, il y a un pairage qui se fait par les centres jeunesse, la DPJ. Est-ce que c'était comme une exception, ça, quand vous l'avez amené comme exemple?

Mme Brière (Linda): Oui, tout à fait.

Mme Bouillé: O.K. Tout à fait.

Mme Brière (Linda): Parce que présentement ce n'est vraiment pas la mère qui choisit la famille adoptive, là.

Mme Bouillé: Non, c'est ça. O.K.

Mme Brière (Linda): C'était un exemple.

Mme Bouillé: Parfait. Je voulais juste clarifier ça, là, pour...

Mme Brière (Linda): Avec l'adoption ouverte, là.

Mme Bouillé: Oui. O.K., parfait. L'autre chose, c'est... Quand vous demandez qu'il y ait rupture de... bon, de tout lien... Parce qu'on parle beaucoup des parents biologiques, mais on parle peu de la famille élargie. Par exemple, s'il y avait, dans l'entourage de l'enfant, une grand-mère biologique ou des grands-parents biologiques tout à fait adéquats, là, qui...

Mme Brière (Linda): Oui.

Mme Bouillé: Comment vous vous situez par rapport à garder un contact avec les membres de la famille biologique élargie de l'enfant, qui ne sont pas les parents, là? Je veux qu'on s'entende sur ça.

Mme Neault (Kathleen): Si le contact est sain, il n'y a pas de problème.

Mme Bouillé: Pas de problème. O.K.

Mme Neault (Kathleen): Non, parce que ce n'est pas parce qu'un parent est... n'a pas les capacités parentales que le reste de sa famille ne l'aura pas.

Mme Bouillé: Tout à fait.

Mme Neault (Kathleen): Mais par contre on sait très bien qu'il y a souvent un modèle qui est répété et que le parent qui ne les aura pas, c'est parce qu'il n'a pas eu le modèle de ses parents. Puis, dans le cas de la Banque-mixte, il y a moins de parents ou de familles élargies qui auraient les capacités. Mais c'est évident que, pour le bien-être de l'enfant, oui, ça serait une ouverture, on l'a tous, parce qu'on veut être parents, mais pas pour dire: Bon, bien, c'est mon enfant, et juste à moi. L'enfant doit pouvoir se développer, puis, s'il a de la famille, c'est sûr qu'il y a une très grande ouverture.

Mme Bouillé: Parfait. Est-ce que j'ai encore un petit peu de temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument. Allez-y.

Mme Bouillé: Vous avez aussi soulevé la question, là, des enfants, dans la Banque-mixte, qui sont dans la même région administrative, qui sont adoptés dans la même région administrative d'où ils sont nés, et vous avez soulevé que, même, certains parents adoptants déménagent carrément pour éviter ce genre de contact là. Donc, ça a été soulevé dans une autre journée de consultation, mais c'est une réalité de la Banque-mixte. Et est-ce que vous souhaiteriez une modification par rapport à ça, comme parents adoptants?

Mme Neault (Kathleen): Bien, quand on parlait de confidentialité de placement, c'est ça, c'est d'être capable de recevoir l'enfant et de lui prodiguer les soins dans notre environnement, parce que l'adoption, ce n'est pas l'adoption d'une famille, sinon l'adoption d'un enfant. C'est sûr que, quand il y a possibilité d'avoir le maintien des liens avec la famille, oui, on est ouverts, mais, dans plusieurs des cas, ça ne l'est pas. Ça fait qu'en n'ayant pas la confidentialité on est constamment... Il y a des visites, il y a des enfants qui ont été placés avec des droits de visite avec le grand-parent mais pas de droit de visite avec le parent, droit de visite avec le parent, puis là on parle de frères et soeurs, là, une fratrie. C'est... c'est aberrant. Ça ne se fait plus maintenant, je pense, mais ça s'est fait. Puis, comment tu gères tout ça? Puis, les parents sont dans le même... dans le même quartier. C'est toute la question du droit de visite versus tu n'as pas le droit de visite, pas le droit de contact, mais tu es à côté.

Mme Bouillé: O.K. Est-ce que j'ai le temps pour une dernière question?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il vous reste encore quatre minutes.

Mme Bouillé: O.K. Vous avez parlé beaucoup des enfants jeunes placés, où il y a eu un plan de vie fait pour eux via la Banque-mixte, mais il y a aussi des enfants plus âgés. Et, dans les cas où ces enfants-là ont été dans des familles d'accueil antérieures, parce qu'ils ont eu un placement très jeunes, là, souvent un premier signalement en très, très bas âge et famille d'accueil... On n'en a pas parlé à date, là, mais comment... Est-ce que vous voyez qu'il pourrait y avoir certains liens, certaines communications de gardées avec les familles d'accueil? Parce qu'on... Ce matin, on a parlé avec les travailleurs sociaux des adultes significatifs dans la vie de cet enfant-là, puis les adultes significatifs peuvent être les... ou les parents biologiques ou la famille biologique, mais aussi peuvent être des familles d'accueil où l'enfant a séjourné pendant un certain temps avant d'arriver dans la famille avec le projet d'adoption.

Est-ce que vous... Parce qu'actuellement les liens sont coupés du moment du placement, il n'y a plus de contact avec la famille d'accueil du moment, là, qu'il y a... qu'il y a les autorisations, le placement, et tout ça. Est-ce que vous voyez d'un bon oeil que l'enfant... ou que la famille adoptante garde certains liens avec la famille d'accueil ou avec certains adultes significatifs qu'il a connus dans les familles d'accueil?

Mme Neault (Kathleen): Oui, définitivement.

Mme Brière (Linda): Ça peut être même très sain pour l'enfant, parce qu'on parle d'un enfant qui a été ballotté, là, d'une famille à l'autre. Donc, oui, ça peut être très sain pour cet enfant-là. Mais, encore là, ce n'est pas la réalité de nos parents à nous, à l'APAQ, parce que toujours est-il que nos enfants ont été placés très jeunes. Mais, tu sais, pour des enfants qui sont rendus plus âgés, bien sûr.

Mme Neault (Kathleen): Mais on a des parents qui ont maintenu des liens. Parce que ça dépend des placements. Il y a des placements d'urgence, même en Banque-mixte, que l'enfant est catapulté rapidement; le parent, il faut qu'il prenne une décision, il arrive en catastrophe chez le parent adoptant. Mais il y a d'autres enfants qui ont une intégration progressive, ce qui veut dire qu'ils ont une visite dans la famille d'accueil, ils ont... ils vont avoir un dodo, ils vont... c'est progressif avant qu'ils arrivent chez eux, donc il y a eu ce contact-là, puis, pour certaines familles, ils ont maintenu le contact. Il y a des familles qui maintiennent toujours le contact avec cette famille-là. Puis, si c'est... Encore, quand c'est un contact sain, pourquoi pas?

Mme Bouillé: Oui. Mais vous savez que ce n'est pas quelque chose qui est encouragé, là.

Mme Neault (Kathleen): Non, du tout.

Mme Bouillé: Ce n'est pas quelque chose qui...

Mme Neault (Kathleen): Non.

Mme Bouillé: Habituellement, quand l'enfant arrive dans la famille qui a le plan d'adoption, les contacts s'arrêtent éventuellement avec la famille d'accueil, là. Donc, je voulais voir, parce qu'on parle beaucoup, c'est ça, de parents biologiques, de familles biologiques, mais on parle peu souvent de ce que l'enfant a vécu, puis des fois c'est plus intense, c'est plus important, ce qu'il a vécu dans la famille d'accueil, que les contacts avec les parents biologiques.

Mme Neault (Kathleen): Parce qu'il y a un apprentissage, il y a un apprentissage avec la famille d'accueil, et cette période d'adaptation là, qu'est-ce que la famille d'accueil aurait vécu pour amener l'enfant à avoir confiance, bien c'est important de le partager. Donc, en maintenant ce lien-là, il y a un partage d'information superimportant pour l'adaptation de l'enfant dans une nouvelle famille. Il ne s'agit pas juste de le prendre et de l'enraciner ailleurs parce que, bon, on a décidé de le rendre adoptable.

Mme Bouillé: O.K. Parce que c'est, je pense, la première fois qu'on l'aborde, ce sujet-là, aussi, là, à l'intérieur de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée d'Iberville.

Donc, Mme Neault, Mme Brière, merci infiniment pour votre présence à la commission. Je vous souhaite un bon retour.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais demander à Mme Romaine Ouellette et madame... et maître, pardon, Alain Roy de venir prendre place, s'il vous plaît.

Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

 

(Reprise à 14 h 49)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Madame... J'ai créé un petit impair, madame. Ce n'est pas Mme Romaine Ouellette, c'est Mme Ouellette, c'est bien ça, hein?

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Oui. Mon prénom: Françoise-Romaine.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Votre prénom, c'est Françoise-Romaine.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Oui.

**(14 h 50)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Désolé pour l'erreur. Et, M. Roy, bien sûr, il n'y avait pas d'erreur là. Donc, je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Vous êtes nos invités aujourd'hui, et je suis convaincu que vous saurez éclairer de vos propos l'ensemble des parlementaires et ceux qui nous écoutent à la télévision, parce que vous savez que nous avons une très forte cote d'écoute, hein, compte tenu de la valeur de ceux qui viennent faire leurs représentations.

Et, sans plus tarder, donc, je vais vous parler des règles, qui sont très simples à respecter: c'est 10 minutes pour la présentation, pour votre présentation, et il y aura un échange de 35 minutes de part et d'autre des parlementaires. Donc, je vais m'appliquer à faire en sorte que chacun ait le temps de vous poser des questions. Donc, à vous pour la présentation, madame, monsieur.

Mme Françoise-Romaine Ouellette
et M. Alain Roy

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Alors, merci de nous recevoir. Étant donné le temps très bref, je vais essayer d'écourter la présentation mais néanmoins prendre le temps de signaler qui nous sommes. On est tous les deux spécialistes de l'adoption. Alain Roy est juriste, professeur à l'Université de Montréal, auteur de plusieurs articles sur le sujet et notamment d'un précis de droit sur l'adoption. Je suis moi-même anthropologue et psychanalyste. Je suis professeure à l'Institut national de recherche scientifique. Tous les deux, nous collaborons au sein d'une équipe de recherche en partenariat sur la famille, qui s'appelle Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles, dont je suis la responsable scientifique. Je vais parler cinq minutes, Alain parlera cinq minutes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...on me fait dire, Mme Ouellette, que vous avez le loisir de présenter. Prenez tout le temps dont vous avez besoin, compte tenu de la valeur de vos... de votre référence... de vos références.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): D'accord. Bien, merci. On comptera donc beaucoup sur les questions que vous nous poserez, parce qu'on a quand même préparé quelque chose qui pouvait se tenir en 10 minutes, et on a donc coupé beaucoup sur des considérations qui nous préoccupaient.

À travers mes propres recherches sur l'adoption, qui portent sur l'adoption internationale et sur l'adoption en Banque-mixte notamment, j'analyse l'évolution, les pratiques et les discours des acteurs sociaux qui sont mobilisés sur ce sujet, notamment pour identifier les enjeux qui les mobilisent. Alors, j'ai procédé un peu de la même manière avec l'avant-projet de loi en dégageant les trois grandes orientations que nous avons explicitées dans notre mémoire. Je vais ici, aujourd'hui, les reprendre très rapidement de manière à préciser pourquoi nous appuyons la réforme envisagée, tout en indiquant en même temps les quelques réserves que nous avons à l'égard de certaines dispositions qui nous semblent limiter la portée de la réforme.

La première orientation, la plus innovante, consiste à accepter que la filiation et l'autorité parentale puissent dans certains cas être dissociées l'une de l'autre. Cela permettra de clarifier ou de stabiliser la situation familiale de certains enfants sans pour autant les priver à tout jamais de leurs parents d'origine lorsqu'on fera appel à l'adoption sans rupture des liens d'origine. Cela évitera de priver certains adultes d'une reconnaissance légale de leur engagement envers un enfant quand on fera appel à la délégation de l'autorité parentale.

Il ne nous apparaît pas pertinent d'établir dans ce projet de loi une liste limitative des cas où l'adoption sans rupture des liens d'origine serait permise. Elle conviendra, à notre avis, surtout à des enfants déjà grands ou adoptés par un membre de leur parenté, mais il ne nous semble pas possible d'exclure qu'elle puisse aussi être dans le meilleur intérêt d'autres enfants qui ne rentreraient pas dans ces catégories, et il nous apparaît que les différentes options possibles qui sont ouvertes grâce à l'avant-projet de loi ne devraient pas être hiérarchisées a priori. Donc, il y a plusieurs options qui sont maintenant rendues disponibles, et, comme nous le concevons, c'est un apport et un gain dans la mesure où ces options-là ne sont pas connotées au départ d'une manière particulière, comme s'il y en avait une qui était meilleure et qu'une autre était un pis-aller ou une option de second ordre.

Il est par ailleurs important, selon nous, de prévoir que l'adoption sans rupture de lien puisse s'appliquer en adoption internationale, ce qui supposera bien sûr des ajustements avec les lois fédérales, mais qui devrait être prévu pour ne pas que des enfants soient exclus des possibilités qu'offre la réforme.

La deuxième orientation est la plus fondamentale. Elle consiste à envisager l'adoption dans une perspective de continuité relationnelle et identitaire en autorisant les adoptions ouvertes et l'adoption sans rupture des liens d'origine et en ouvrant l'accès aux informations nominatives des dossiers d'adoption postérieurs à la réforme. Cependant, à notre avis, il faudrait permettre à tous les adoptés d'avoir accès à ces renseignements dans le respect éventuellement... évidemment, d'un éventuel veto de contact, mais aussi d'avoir accès à leur acte de naissance initial, quelle que soit la modalité d'adoption.

Nous sommes opposés à ce qu'un veto de divulgation soit possible pour les adoptions postérieures à la réforme; on se limiterait au veto de contact. Pour les adoptions qui sont antérieures à la réforme, nous proposons qu'un veto de contact qui serait inscrit tombe après le décès de la personne recherchée. Nous proposons aussi que les fratries puissent bénéficier d'un mécanisme leur permettant de se retrouver, fratries d'origine et personnes adoptées.

Enfin, nous proposons une reformulation de l'article 577 du Code civil, qui rendrait compte de cette nouvelle perspective de continuité du parcours de vie de l'enfant en modifiant les termes qui pour l'instant, dans le Code civil, font de l'adoption plénière un effacement. Alors, on propose de dire «l'adoption confère à l'adopté une filiation qui succède à sa filiation d'origine» plutôt que de dire: «...une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine. Sous réserve des empêchement de mariage et d'union civile, l'adoption entraîne la cessation des effets de la filiation d'origine, à moins que le tribunal ait décidé de ne pas rompre la filiation»... plutôt que de dire: «Sous réserve des empêchements de mariage ou d'union civile, l'adopté cesse d'appartenir à sa [filiation] d'origine», ce qui donnait l'impression ou qui donne encore l'impression que l'adoption plénière est un effacement.

La troisième orientation qu'on a dégagée apporte aussi un changement notable à la situation actuelle. Elle consiste à reconnaître, dans une mesure vraiment limitée mais quand même bien réelle, une place et une autonomie à chacun des membres du triangle adoptif, ce qui n'est pour l'instant pas le cas dans notre système d'adoption. Alors, avec la réforme, les parents d'origine et l'enfant qui est en âge de le faire pourront consentir soit à une adoption plénière soit à une adoption sans rupture des liens d'origine. Ça laisse une marge d'autonomie. Les parents d'origine et les parents d'adoption pourront décider d'avoir des contacts entre eux avant l'adoption et s'entendre sur leur poursuite... la poursuite de ces contacts après l'adoption, et ils pourront le faire en toute légitimité. S'ils le désirent, ils pourront le faire avec la sanction du tribunal.

Évidemment, un bémol est à faire, parce que les intervenants sociaux en protection de la jeunesse vont quand même avoir un rôle accru au niveau de l'évaluation, dans la mesure où il y aurait évaluation dans le cas d'un consentement spécial à l'adoption, et ils vont avoir un rôle accru aussi dans la mesure où ils seront chargés d'informer les parties des options possibles et des conséquences des options possibles.

Et on peut s'attendre à ce que la tendance à privilégier encore l'adoption plénière fermée va persister. En effet, elle rencontre les désirs des parents adoptifs et, de plus, elle fait partie de la culture professionnelle et organisationnelle des interventions en centre jeunesse.

En proposant ces orientations, et surtout l'adoption sans rupture de la filiation d'origine, l'avant-projet de loi rompt avec une tradition bien ancrée de banalisation de la rupture de lien imposée à l'enfant par l'adoption plénière. Cette banalisation passe, d'une part, par une dévaluation des parents d'origine, qui sont très couramment réduits à leurs seules défaillances; elle passe, d'autre part, par une définition très restrictive de la filiation, une définition qui en fait un simple lien de protection entre un enfant et ceux qui assument les responsabilités parentales à son égard. Cette restriction, l'avant-projet de loi la remet en plus juste perspective, cette notion de filiation.

En fonction de la définition étroite de la filiation que je viens de mentionner, il est devenu banal de recourir à l'adoption plénière pour des enfants de tout âge qui ont déjà une filiation établie, afin que leur statut légal reflète la relation positive établie avec un beau-parent, par exemple, ou afin que leurs parents négligents soient définitivement exclus de leur vie, ou plus simplement pour leur donner la chance de vivre dans un environnement culturel et social plus aisé.

Afin de bien clarifier notre compréhension du retournement de perspective que propose la réforme, nous croyons important de rappeler que cette banalisation de l'adoption plénière fait abstraction de quelque chose de très important. Elle fait abstraction du fait que chaque individu, à travers ses père et mère, occupe une place unique dans le réseau de toutes les personnes qui lui sont apparentées en ligne directe et collatérale, alors les grands-parents, frères, soeurs, tantes, oncles. Sa filiation l'inscrit ainsi dans un réseau de liens symboliques, culturels et sociaux, d'appartenance et de solidarité qui relient aussi les vivants et les morts, ce qu'on constate quand on va à des funérailles, quand on regarde les recherches généalogiques ou quand on s'intéresse aux règles de succession qui sont mises en évidence au moment d'un décès mais qu'on oublie souvent dans nos vies courantes.

**(15 heures)**

Donc, la filiation d'origine de l'enfant adopté constitue bien pour lui un ancrage identitaire et, dans certains cas, relationnel inestimable, un ancrage qui n'est pas nécessairement et exclusivement forgé par l'attachement. Il peut être un ancrage important même quand il n'y a pas d'attachement avec le parent, le père ou la mère, parce qu'il serait décédé, par exemple, ou parce qu'ils serait affecté d'une maladie mentale lourde. Pourtant, l'adoption plénière institue l'effacement et le déni de la filiation d'origine. Or, le sentiment qu'a nécessairement la personne adoptée de sa propre continuité charnelle vient contredire cet effacement. Il n'est donc pas étonnant que plusieurs adoptés veuillent retracer leur histoire et que certains d'entre eux vivent l'impossibilité de se référer formellement par un lien officiel à leur famille d'origine comme une dépossession ou comme un exil, sinon comme un affront qui leur est fait de ne pas pouvoir le faire.

La réforme proposée nous apparaît donc comme une ouverture devenue indispensable à cette dimension identitaire de l'adoption. Je vais laisser la parole à Alain.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous en sommes à 10 minutes de présentation. Je vais devoir avoir votre consentement pour que... Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Allez-y, M. Roy.

M. Roy (Alain): À mon tour de vous remercier de votre invitation. Depuis le dépôt de l'avant-projet, en octobre dernier, nous avons eu l'occasion de débattre des enjeux au centre de l'avant-projet avec plusieurs interlocuteurs, devant plusieurs auditoires, notamment des associations de parents adoptants et adoptifs. Il est évident que, pour certains, l'avant-projet de loi suscite des inquiétudes, essentiellement en regard de la principale innovation qui y est contenue, c'est-à-dire l'adoption sans rupture du lien d'origine.

Il nous apparaît important de consacrer le reste de notre temps de parole à ces inquiétudes, pour deux raisons: d'abord parce que certaines de ces inquiétudes sont, selon nous, basées sur une lecture ou une compréhension erronée de l'avant-projet, et il nous semble donc nécessaire de réagir, quitte à répéter ce que d'autres ont déjà dit. En revanche, il y a d'autres inquiétudes qui nous sont apparues fondées, et nous pensons qu'il est possible d'y répondre par des ajustements relativement mineurs.

Évidemment, la principale crainte que peuvent ressentir certains parents adoptants demeure l'immixtion et l'ingérence des parents d'origine dans le quotidien de l'enfant et dans sa nouvelle famille. Mais c'est une crainte qui n'est pas fondée. L'avant-projet est très clair sur la question, et vous avez eu, Mme la ministre, l'occasion de le souligner tantôt: l'adoption sans rupture du lien et l'adoption ouverte sont deux concepts distincts, une division qui nous semble d'ailleurs tout à fait appropriée.

Le maintien du lien de filiation d'origine n'accorde pas aux parents d'origine un accès automatique à l'enfant. Pour qu'un contact entre l'enfant et les parents d'origine soit maintenu, que ce soit sous forme d'échange d'information ou de relations personnelles, il faudra, dans tous les cas d'adoption, aussi bien plénière que sans rupture du lien de filiation, que les parents adoptifs y aient initialement consenti, qu'ils soient partie prenante de la démarche. Par la suite, il reviendra aux parties qui le souhaitent de formaliser leur entente et éventuellement de la soumettre au tribunal pour la rendre exécutoire.

Cela dit, et c'est la deuxième inquiétude, indépendamment des contacts que l'enfant pourrait conserver avec sa famille d'origine et auxquels les parents adoptants auraient consenti, certains adoptants abordent avec beaucoup de réserves la perspective d'un acte de naissance qui ferait publiquement état de la double filiation de l'enfant, en raison de leur conception du droit à la vie privée. On peut effectivement soulever la question: Est-ce vraiment nécessaire que la version de l'acte de naissance qui sera produite au directeur de l'école, à l'institution hospitalière ou à un autre tiers fasse état de la filiation d'origine qui a été maintenue? Probablement pas. La finalité de l'adoption sans rupture du lien d'origine est d'abord d'ordre identitaire. L'enfant peut avoir un lien d'appartenance significatif avec sa famille d'origine et, si c'est dans son intérêt, il conviendra de préserver ce lien de manière formelle, c'est-à-dire en maintenant la filiation d'origine qui incarne socialement, psychologiquement ce lien d'appartenance. Mme Ouellette vous a déjà entretenu des dimensions extrajuridiques de la filiation.

Mais, cela dit, cette finalité identitaire ne concerne pas le directeur d'école ou les autres tiers auprès de qui les parents adoptifs sont appelés à poser des actes d'autorité parentale. À notre avis, les parents adoptifs et l'enfant ne devraient pas être tenus de divulguer à des tiers l'existence de la filiation d'origine, à moins que ce ne soit juridiquement nécessaire. Il serait relativement simple de répondre à cette inquiétude en précisant que le Directeur de l'état civil devra, à la demande des parents adoptifs ou de l'adopté lui-même, délivrer un acte de naissance qui ne comporte que les énonciations relatives à la filiation adoptive. Des ajustements qui s'intégreraient d'ailleurs très bien aux dispositions existantes du Code civil qui permettent déjà la diffusion partielle des données qui sont inscrites dans les actes de l'état civil.

La dernière crainte que peuvent ressentir certains parents adoptifs face au maintien du lien d'origine a des résonances affectives et culturelles beaucoup plus profondes, et c'est généralement ici que se trouve le noeud de l'inconfort ressenti face aux nouvelles règles. Même si on les rassure sur l'autorité parentale exclusive dont ils bénéficieront, même si on les convainc que d'éventuels contacts entre leur enfant et sa famille d'origine nécessiteront à la base leur consentement et même si on leur dit qu'il sera éventuellement possible d'obtenir un acte de naissance qui ne comporte que les énonciations relatives à la filiation adoptive, certains parents adoptifs, non pas la totalité, loin de là, mais certains, n'accepteront tout simplement pas l'idée de ne pas devenir les seuls parents de l'enfant au sens filial du terme. L'enfant qui leur sera confié ne peut, dans leur conception, être le fils ou la fille d'un autre ou d'une autre, au sens anthropologique et sociologique. L'identité filiale de l'enfant ne peut et ne doit s'articuler qu'autour d'eux. Bref, leur conception de la parenté et de la filiation suppose l'exclusivité et cette conception, il faut bien l'admettre, est tout simplement inconciliable avec l'adoption sans rupture du lien d'origine.

Il y aura donc de la résistance, voire de la fermeture, chez certains candidats à l'adoption, il faut en être conscients. Et il reviendra aux DPJ de repérer cette résistance, cette fermeture lorsque viendra le temps d'accompagner une famille de la Banque-mixte pour un enfant à propos duquel l'adoption sans rupture du lien d'origine pourrait éventuellement s'avérer profitable, jumelage entre parents adoptants, d'accueil, et enfant deviendrait une opération encore plus importante qu'elle ne l'est actuellement.

En somme, et je termine là-dessus, s'il faut être sensible aux inquiétudes que peut susciter l'avant-projet et s'il faut tenter de les atténuer le plus possible, on ne doit pas pour autant en être obnubilé au risque de finir par oublier ce qui, en bout de ligne, justifie cette réforme, c'est-à-dire l'intérêt supérieur de l'enfant. Je pense qu'on ne le dira jamais assez: la convention des droits de l'enfant, que le Canada a ratifiée et à laquelle le gouvernement du Québec s'est formellement déclaré lié par décret, a consacré la conception de l'enfant sujet de droit à part entière. Qu'il soit ou non adopté, l'enfant existe en lui-même. L'enfant nous est prêté, il n'est pas la possession ni la propriété de qui que ce soit. Notre responsabilité collective, c'est d'aménager toutes les conditions nécessaires au meilleur épanouissement de l'adulte qu'il deviendra. Voilà. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup, M. Roy. Donc, du côté de Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bienvenue. Évidemment, je pense que sûrement les députés de l'opposition, mes collègues, on aurait beaucoup de questions, parce qu'on veut vraiment profiter de votre expertise. On a suivi... Moi, j'ai suivi un peu le débat public aussi et j'aimerais peut-être revenir à un peu de droit comparé, parce que vous connaissez évidemment d'autres modèles. Certains ont parlé du modèle que, nous, on met de l'avant comme... et d'ailleurs un prof de McGill qui parle de l'adoption simple, et je pense qu'il a même évoqué, dans un article du Globe and Mail, que c'est un modèle conservateur, peut-être, à la lumière du droit successoral. Bon.

Et, parce que vous évoquez toute cette question de pension alimentaire, les droits successoraux, on a la Chambre des notaires qui sont venus nous faire une proposition semblable à votre proposition; j'aimerais vous entendre là-dessus, évidemment dans le contexte où on a la liberté de tester, ici, au Québec. Eux, ils nous disent: Il n'y aurait aucune menace, c'est-à-dire aucune crainte, si on avait le droit à la succession, tandis que droit à la pension alimentaire, ça pourrait être un fardeau pour beaucoup de personnes et qui ferait hésiter des gens à aller dans ce sens-là. Peut-être vous entendre sur cette question-là.

**(15 h 10)**

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Je peux... Bien, je peux peut-être commencer, puis là tu iras avec des considérations plus juridiques. Je pense qu'effectivement vous avez raison quand vous dites: Ici, on parle d'adoption sans rupture du lien d'origine, ce n'est pas exactement ce que représente l'adoption simple en France, justement, parce que l'adoption simple, en France, existe dans un contexte où il y a toutes les réserves successorales, et ça pose... ça crée une situation où souvent elle est utilisée pour des raisons de succession. Néanmoins, en France, elle est aussi utilisée dans des cas d'enfants pour lesquels il s'agit justement de ne pas rompre un lien d'origine alors qu'il y a une famille d'origine qui existe, qui... Dans les cas d'adoption de l'enfant du conjoint, entre autres, et dans les cas d'enfants plus grands, l'adoption simple permet de réaliser une adoption sans pour autant couper l'enfant de sa famille.

Nous, on préconisait plutôt de maintenir des droits successoraux qu'une obligation alimentaire parce qu'on se disait que ce n'est pas extrêmement contraignant, vu qu'on a la liberté de tester et que... la possibilité d'hériter, d'avoir ce droit a une force symbolique beaucoup plus grande que d'avoir une espèce d'épée de Damoclès qui est indiquée: vous avez une obligation alimentaire dans... envers votre enfant biologique qui a été adopté ou envers votre parent biologique. Ça, c'était l'esprit de la loi, mais là, au niveau des détails juridiques...

M. Roy (Alain): On s'est questionnés quand on a vu l'obligation alimentaire, on s'est demandé ce qu'on visait essentiellement. Alors, on s'est dit: Probablement qu'on cherche à assortir le lien de filiation d'origine d'effets concrets pour aller au-delà des dimensions identitaires. Évidemment, on se demande si c'est l'effet... Si on veut absolument assortir le lien d'un effet, on se demande si c'est l'effet le plus judicieux ou le plus pertinent. On sait que l'obligation alimentaire, à la base, c'est un nid à chicanes. Ça suppose souvent un contentieux, surtout dans un contexte comme celui de l'adoption.

Par ailleurs, l'obligation alimentaire s'applique à quelqu'un qui a un rôle nourricier. Ce n'est pas le cas des parents d'origine. Les parents d'origine n'ont pas ce rôle nourricier. Ce ne sont pas eux qui dans les faits s'occupent de l'enfant et ce ne sont pas eux qui antérieurement ont été, comment dire, en charge factuelle des besoins, hein? Si on leur a retiré l'enfant, c'est parce qu'il y avait défaillance, là, au niveau de leur rôle nourricier, au niveau de leur rôle parental.

Si on cherche donc à assortir le lien d'origine d'un effet concret, quant à nous, le droit successoral est beaucoup plus justifié, beaucoup plus approprié. On voit, à travers le droit successoral, l'identité de façon beaucoup plus claire, de façon beaucoup plus limpide qu'on peut le voir à travers l'obligation alimentaire. Mais en bout de ligne on comprend que le lien d'origine a pour objectif premier des considérations identitaires.

Mme Weil: Je voulais en venir à ça, donc, en tant que cohésion juridique, que finalement c'est le principe d'hériter qui vient confirmer la nature identitaire de maintenir ce lien de filiation, plus que le droit à la pension alimentaire, qui peut-être sous-entend... sous-entend une relation continuelle, alors... et peut-être... et autorité parentale par rapport à l'enfant, alors qu'on vient dire...

M. Roy (Alain): ...qu'en matière successorale, bon, vous savez, si j'hérite ab intestat, je le fais en qualité de fils ou de fille de, peu importent les relations factuelles que j'aurai maintenues tout au long de ma vie. Je peux hériter de mon père même si je ne l'ai pas vu depuis 30 ans. Alors, en ce sens-là, on voit bien l'identité derrière le droit successoral. L'obligation alimentaire normalement vient se substituer à un devoir qui a existé dans les faits, à une prise en charge factuelle qui s'est réalisée. On le voit en matière de mariage, les ex-conjoints sont assujettis à cette obligation. On le voit à l'égard des parents vis-à-vis de leurs enfants alors qu'il y a un divorce. On va imposer au père d'attribuer une pension, c'est son rôle nourricier qu'on exécute, ni plus ni moins, qu'on sanctionne par une obligation légale.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Par ailleurs, il y a un autre élément de considération à prendre en jeu, c'est qu'avoir un droit d'héritage, ça ne nous relie pas uniquement à notre père et à notre mère, ça nous relie à l'ensemble du réseau de... parental... du réseau familial d'origine, de sorte que ça crée... ça se... ne focalise pas sur le lien duel parents-enfant.

M. Roy (Alain): Et il y a cette liberté de tester qui, de toute manière, permet aux individus de déroger à ce qui ne leur convient pas spécifiquement. L'obligation alimentaire, quant à elle, s'impose.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre présentation. Moi, j'aimerais aborder surtout la question du lien... de l'adoption sans rupture du lien de filiation biologique, d'un point de vue autant philosophique que pratique. Donc, vous y avez fait part vous-mêmes d'entrée de jeu, les réserves qui ont été exprimées notamment par les parents adoptants, notamment par certains professeurs, et je veux donc vous entendre d'abord sur le point de vue philosophique.

En fait, vous, vous semblez dire: C'est excessivement intéressant en soi de par le simple maintien du double lien de filiation, pour la charge identitaire et symbolique que ça comporte, et ceci, même si on isole ça des effets juridiques que ça pourrait produire, même si on isole ça de la question de l'acte de naissance et du double nom, parce qu'en soi ça a une valeur.

Il y a des gens qui disent: On est capables d'atteindre les effets que l'on souhaite, si c'est les effets concrets qui nous stimulent dans cette recherche-là, de d'autres manières, pour... via quelque chose avec le Directeur de l'état civil. Pour le nom, le juge pourrait l'ordonner. Il y en a aussi qui disent: La filiation, en soi, c'est quoi? C'est une fiction, et donc, dans notre droit, c'est un concept qu'on a établi. Mais, bon, qu'est-ce que ça veut dire? C'est les effets qui comptent.

Donc, je veux vous entendre d'un point de vue philosophique. Parce que, juste pour vous mettre de l'autre côté, c'est sûr que les gens qui sont les parents adoptants disent: Si c'est si important, cette nouvelle forme là d'adoption, et que ce ne sont pas pour les effets, c'est parce qu'il y a une charge identitaire. Et, eux, ils disent: La charge identitaire, on peut l'accomplir avec une ouverture de la confidentialité des dossiers d'adoption, avec possiblement l'adoption ouverte. Mais la charge identitaire de la construction de l'identité dans la nouvelle famille est aussi très importante. Alors, j'aimerais comprendre philosophiquement ce que vous répondez vraiment.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Je ne sais pas si je vais vous répondre en dissociant bien la dimension philosophique puis la dimension pratique, là, parce que c'est une question complexe et difficile, là. Ce que j'ai essayé d'exprimer tantôt, c'était justement cette interrelation entre des aspects symboliques et d'appartenance. Bon. Je vais reformuler. À mon avis, si on crée une adoption sans rupture du lien d'origine, on crée une filiation adoptive pleine et entière qui devrait avoir tous les effets juridiques, symboliques, sociaux que toute autre filiation, et on retire certains des effets de la filiation d'origine. On la déleste de tous ces effets qui ont rapport à l'autorité parentale, à la force des liens du quotidien, à la mise en oeuvre de tout ce que représentent des liens juridiques, familiaux, dans la vie d'un enfant. Donc, on donne beaucoup plus d'importance à la filiation adoptive.

Cependant, juste ouvrir l'information, assurer l'accès au contenu des dossiers d'adoption, assurer la possibilité, par exemple, de porter un nom d'origine, ça n'équivaut aucunement à assurer un maintien de l'appartenance au réseau de parenté d'origine, qui donnerait, par exemple, un statut de membre à part entière de cette famille d'origine. Quand on a 30 ans et que notre mère décède, eh bien, on reçoit l'avis que notre mère est décédée parce qu'on fait partie des héritiers potentiels. C'est tout à fait différent que de recevoir un avis comme quoi la personne qui est inscrite à notre dossier comme étant notre mère biologique est décédée. C'est deux niveaux de réalité tout à fait différents.

Alors, je pense que, quand on est dans le contexte de l'adoption plénière qui rompt le lien d'origine, on peut effectivement avoir une approche très transparente, qui permet de savoir et qui apporte un gain énorme par rapport à la situation actuelle. Mais, dans les cas où appartenir à sa parenté d'origine a un sens, ça ne peut pas être... être transformé en simple archivage d'information sur soi. C'est deux choses différentes, être le membre d'une parenté et être... être partie d'une documentation sur notre passé. Je ne sais pas si c'est clair, mais...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Roy.

M. Roy (Alain): En fait, formellement, socialement, symboliquement, à la suite de l'adoption plénière, vous savez que la famille d'origine, les membres de la famille d'origine, grand-mère, grand-père, frère, soeur, deviennent des étrangers -- ce n'est pas neutre en soi -- deviennent de purs étrangers. Alors, en soi, on parle de charge identitaire, on parle de force symbolique, il y a quelque chose de très lourd, quelque chose de très, très porteur.

Oui, j'ai entendu aussi plusieurs personnes me dire: Bien, finalement, s'il n'y a pas d'effet juridique, si c'est des idées identitaires, qu'est-ce que ça donne de maintenir le lien d'origine? On ne voudrait pas, dans cette perspective, le maintenir. On voudrait simplement que l'enfant puisse avoir accès à son acte de naissance d'origine. Ce qui est paradoxal, c'est que, si ça dérange autant, c'est certainement qu'il y a quelque chose derrière ça. Il y a quelque chose derrière cette charge identitaire, sinon on ne s'y opposerait pas de façon aussi ferme, là, aussi rigide.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Hivon: Oui...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Rapidement, en une minute, Mme la députée.

Mme Hivon: En fait, c'est ça, là, j'arriverais plus dans le concret, c'est parce que, jusqu'à ce... jusqu'à ce... Bien, en tout cas, la majorité des gens nous disent: Possiblement une ouverture, mais très, très balisée. Vous, vous dites: Au contraire, il ne faut pas trop la baliser, il faut laisser la discrétion. C'est pour ça que là j'arrive dans le plus concret, il y en a qui nous disent: Mais laisser la discrétion au juge, il peut y avoir quand même certains préjugés pour les liens de sang, vous l'avez entendu aussi, et que ce ne soit pas nécessairement toujours dans l'intérêt de l'enfant, qu'on puisse être face à un enfant plus jeune, tout ça, mais que, par exemple, il pourrait y avoir certaines prédispositions des gens qui vont traiter du dossier, du juge, ou tout ça, à dire: Les liens de sang sont si importants qu'on va maintenir le double lien, et qu'on ne serait plus du tout dans des cas d'exception, O.K.? Alors ça... et ça, c'est un élément sur lequel j'aimerais vous entendre.

Et l'autre aspect, c'est la conditionnalité. C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir des gens qui sont dans un processus d'adoption, et en cours de route il y aurait, par exemple, un consentement de la mère biologique, mais uniquement dans le cas, mettons dans un cas de figure, de Banque-mixte, uniquement s'il y avait, par exemple, maintien du double lien de filiation, et les parents adoptants -- ou, par exemple, une adoption ouverte pourrait être une autre réalité -- pourraient être pris un peu devant un fait accompli, de dire: On a pris cet enfant-là et là on est face à dire oui ou non, parce que le consentement viendrait avec une conditionnalité. Donc, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Effectivement, on est pris dans... actuellement dans une situation où l'adoption plénière est vue par la majorité des gens comme la seule option valide. Et il y aura sûrement une période de transition avant qu'il y ait reconnaissance que l'adoption sans rupture de lien ne soit pas une adoption de seconde zone mais une adoption qui est tout aussi valable qu'une adoption plénière. Donc, ces craintes-là sont comme conjoncturelles, on pourrait dire, on pourrait souhaiter, en tout cas.

Les juges pourront certainement continuer d'avoir des préjugés. C'est une réalité de la vie, là, les juges ont des préjugés dans toutes sortes de circonstances. Ils pourraient en avoir en faveur du lien, entre guillemets, biologique, comme vous le dites, mais la question elle-même suppose qu'il y a aussi existence d'un préjugé uniquement en faveur de l'adoption plénière et qu'il y a aussi possibilité que des juges aient des préjugés qui fassent en sorte qu'ils ne considèrent même pas le bien-fondé d'une adoption sans rupture du lien d'origine. Ça peut aller dans les deux sens. Donc, on ne peut pas clairement dire: Choisissons une forme d'adoption de préférence à une autre parce que les juges ont des préjugés, donc on va favoriser une sorte de préjugé puis on va se prémunir contre l'autre sorte de préjugé.

Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire? C'est un peu l'argument qui est apporté. Mais il y a des exemples, des cas de figure qu'on peut imaginer, de situations où même un enfant plus jeune, même un enfant qui n'est pas dans une situation intrafamiliale pourrait avoir intérêt à une adoption sans rupture de lien, et, si on met une liste limitative de critères, bien on exclut ces enfants-là de l'accès à une adoption qui serait plus respectueuse de leurs intérêts, même si ce n'est pas les cas les plus nombreux, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, M. Roy, je vais être obligé de vous interrompre, on y reviendra, parce que malheureusement on a déjà largement dépassé le temps qui était accordé. Je vais permettre à Mme la députée de Lotbinière pour 3 min 30 s.

Mme Roy: Donc, moi, le point sur lequel je voulais revenir, c'était la rétroactivité de la levée de la confidentialité des dossiers d'adoption. Ça a été un point qui a été discuté entre... Et l'argument central pour la refuser, ce serait un pacte, un pacte social qu'il y aurait eu avec les mères du passé concernant la confidentialité. J'aimerais vous entendre, au niveau juridique, anthropologique, sur ce sujet-là.

M. Roy (Alain): Oui, le pacte social, ça semble être l'argument, là, l'espèce de rempart qu'on ne peut ou qu'on ne doit franchir pour ouvrir les dossiers d'adoption. Comprenez bien notre position, nous, on est en faveur de l'ouverture, de la plus grande transparence qui soit. Dans une position idéaliste, théorique, c'est clair qu'on défendrait l'ouverture des dossiers d'adoption du passé. On comprend qu'il y a cependant un équilibrage à atteindre, un équilibrage à faire en droits fondamentaux.

C'est vrai que, d'une part, il y a le droit à la vie privée à des mères qui ont pu confier leurs enfants avec l'assurance qu'on ne divulguerait pas leur identité, quoique ça ne correspond pas toujours non plus à la réalité vécue, mais il y a quand même ce postulat. D'autre part, il y a aussi le droit fondamental de tout individu de pouvoir bénéficier des informations qui le concernent au premier chef, hein, qui ne lui appartiennent qu'à lui seul, c'est-à-dire son identité. On fait peu de cas des balises, des fondements juridiques de ce droit, mais il y a des fondements juridiques. Il y a des fondements dans la convention internationale des droits de l'enfant, l'article 8, l'article 7.

Le droit à la vie privée, ça peut jouer dans les deux sens, hein? Le droit à la vie privée du parent biologique, oui, mais le droit à la vie privée de l'enfant implique peut-être aussi la connaissance de ses origines. Alors, c'est un débat qui a eu lieu déjà en France, qui commence tranquillement ici à se poser. Il y a donc deux droits qui se font concurrence, et je pense qu'on doit les équilibrer plutôt que de faire systématiquement triompher un droit sur l'autre, ce qu'on a toujours fait socialement. On a toujours fait primer le droit à la vie privée des parents d'origine sur le droit à l'identité, ce droit tout autant légitime des enfants adoptés. Le minimum que le Québec pourrait faire, à notre avis, c'est de poser un principe d'ouverture en opposition au principe de fermeture que l'on connaît actuellement, donc les dossiers sont ouverts, avec veto de divulgation possible pour préserver justement cet équilibre -- il faut être sensible quand même aux préoccupations du passé -- donc veto de divulgation qui pourrait tomber à la suite du décès. En fait, c'est le régime ontarien, hein, ni plus ni moins.

Je ne vois pas pourquoi, au Québec, on n'irait pas aussi loin que l'Ontario. Notre passé, il faut l'assumer, dans un certain sens, hein? Et je ne suis pas sûr qu'on rend service aux filles-mères en les laissant mourir avec leur secret. J'ai l'impression qu'on doit assumer ce passé-là avec sérénité, soutenir les filles-mères, soutenir ceux et celles qui ont confié leurs enfants à l'adoption à la naissance, plutôt que de garder le tabou qui laisse entendre que le geste qui a pu être posé est malsain, que le geste qui a pu être posé n'est pas honorable. Au contraire, c'est un geste honorable dans le contexte, et à mon sens le Québec doit sanctionner ce choix et doit supporter son passé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Alors, la députée de Lotbinière a ouvert sur la question que je souhaitais également poser, particulièrement à Me Roy. Vous parlez d'équilibrage, et, si j'ai bien compris, l'équilibrage se situerait uniquement au niveau du décès et non pas pendant que la personne est vivante?

M. Roy (Alain): Bien, écoutez, c'est sûr que, nous, compte tenu de notre position philosophique, plus grande sera l'ouverture, mieux on sera, plus heureux on sera. Alors, dans la mesure où on disait: Les dossiers sont ouverts, les dossiers d'adoption sont ouverts, on ne serait pas contre, hein, on s'entend bien là-dessus, il y aurait ouverture intégrale.

M. Ouimet: Mais, d'un point de vue juridique, par rapport à ce contrat moral, par rapport à ce pacte...

M. Roy (Alain): Oui. Bien, évidemment...

M. Ouimet: Je comprends ce que vous me dites d'un point de vue philosophique, là.

M. Roy (Alain): Oui. D'un point de vue juridique, c'est sûr que ce serait probablement très risqué. Ce serait risqué eu égard aux prescriptions du droit à la vie privée. Et l'Ontario y a goûté, dans un certain sens, alors d'où la proposition plutôt sage, plutôt modérée que l'on a avancée, qui va probablement passer le test des tribunaux ontariens, si jamais on conteste encore cette loi. Alors, on voit dans cette proposition, au-delà ou en deçà des aspirations philosophiques que l'on peut avoir, un équilibre souhaitable et acceptable.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

**(15 h 30)**

Mme Weil: Vous allez vraiment dans le même sens que la Chambre des notaires. Mais je voudrais revenir sur ce concept juridique, parce que je trouvais intéressants les commentaires de... C'est M. Aubé, de la Chambre des notaires, il parlait de... le concept de filiation comme une abstraction, donc peut-être que les gens ont de la misère à le saisir, il parlait d'abstraction, mais qu'elle est juridique et que ça fournit... Il parlait de l'ancrer... Des assises, ça donnait des assises juridiques au droit à l'identité. Donc, même si ça ne veut pas dire concrètement... Et je pense que, la plupart des gens, surtout les parents adoptants, la crainte, c'est que ça vient avec des obligations de maintenir des liens, des contacts. Mais il semblait souligner que ça a une existence, en tant que tel, juridique, et que ça vient finalement donner ce droit à une certaine information à un moment donné, et exactement la même recommandation que vous sur les questions d'antécédents, avant et après, et qu'avec le décès ça tombe, et que, même, pour les adoptions postérieures, il n'y ait pas un délai de deux ans.

Ça semble vous rejoindre, dans le sens de reconnaître le droit à la vie privée, reconnaître la jurisprudence de l'Ontario, reconnaître ce que l'Ontario a fait pour ajuster son droit, donc d'où... il y aurait une obligation qui serait... le fardeau serait sur la personne qui voudrait maintenir la confidentialité... devrait enregistrer... Donc, même si la madame aurait un certain âge et ne serait même pas connaissante de cette nouvelle loi, finalement l'équilibre entre les deux droits irait dans le sens que de maintenir ce droit, mais en même temps on pose le fardeau sur la personne qui veut maintenir le secret. Donc, est-ce que cette analyse juridique, parce que, quand même, il faut trouver les assises juridiques de tout ça, ce nouveau... cette nouvelle forme d'adoption qui est connue ailleurs mais qui n'est pas connue ici puis qui vraiment qui n'a pas beaucoup de résonance en Amérique du Nord... Est-ce que ça décrit bien votre point de vue?

M. Roy (Alain): Absolument. Pour ce qui est de la filiation abstraction, je pense que ma collègue a bien détaillé les dimensions extrajuridiques de la filiation, et ça, bien on s'était donné pour mandat de communiquer ces dimensions, parce que c'est vrai qu'elles sont extrêmement difficiles à saisir. Pour un juriste, la filiation, c'est un mécanisme porteur d'autorité parentale, ça se réduit souvent à ça. Alors, s'il n'y a pas d'autorité parentale, à quoi bon? Mais, au-delà de ça, et c'est là que l'expertise anthropologique, sociologique, psychologique devient extrêmement pertinente, il y a autre chose.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Mais ce qu'on n'a pas mentionné...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Ouellette. Allez-y, Mme Ouellette.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Ce qu'on n'a pas mentionné, là, Alain, ce qu'il vient de dire, et que peut-être ça se relie à la question de filiation abstraction juridique et assise juridique au droit à l'identité, c'est que la filiation, et donc la filiation d'origine d'une personne adoptée, ça crée un lien de droit, puis ça crée un lien symbolique, social, etc., mais c'est aussi l'entrée, le premier élément de l'état civil de la personne. Donc, le premier état civil d'une personne, c'est sa filiation, dont découlent son nom, sa citoyenneté, sa résidence. Quand elle est adoptée, on ne modifie pas juste quelque chose qui est de l'ordre de l'identité psychologique, on modifie sa filiation au sens de lien de droit filial mais aussi son état civil au total, au complet. C'est la seule circonstance où on modifie l'état civil d'une personne, non pas juste un élément comme son sexe, son nom, sa nationalité, mais beaucoup... tout son état civil, en faisant disparaître toute trace de ce qui a précédé. Quand une personne change de sexe, il n'y a pas toute trace de l'histoire de son état civil qui est effacée et de confidentialité absolue, ou quand une personne change de nom, c'est vraiment la seule circonstance, et on pourrait très bien défendre, je pense, que... sous l'angle de l'état civil aussi la question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: J'aimerais vous entendre, je ne suis pas sûre si j'ai vraiment très, très bien compris, c'était en réponse à cette préoccupation qu'ont beaucoup de parents de... de confusion, surtout parce qu'ils les enregistrent à l'école, par rapport au certificat de naissance, et le nom que pourrait porter l'enfant, tout en maintenant la filiation. Est-ce que vous pourriez revenir là-dessus?

M. Roy (Alain): Les inquiétudes par rapport au nom sont un peu surprenantes, parce que, déjà dans notre système, les enfants ne portent pas nécessairement le même nom au sein d'une unité familiale. Depuis 1980, on peut porter le nom de sa mère, le nom de son père, un nom composé, inversé, bon. Alors, ce n'est pas le signe visible de l'appartenance familiale. Par ailleurs, le système juridique d'adoption actuel permet au juge de maintenir, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, le nom d'origine. Alors, on ne fait pas une grande révolution avec la proposition actuelle, au contraire. Je pense que ça reflète simplement l'esprit, la philosophie à la base de l'avant-projet.

Pour ce qui est de l'acte de naissance, oui, effectivement on a des modulations dans le Code civil. On peut avoir une attestation, vous savez, on peut avoir un certificat, on peut avoir une copie d'acte intégral. Il y a peut-être des tiers qui n'ont pas à être avisés de cette double filiation. C'est le cas du directeur de l'école; c'est pour des considérations de financement scolaire qu'on demande l'acte de naissance. Alors, on ne voit pas pourquoi le parent adoptif, qui est titulaire de l'autorité parentale, aurait à faire état de cette filiation, le contexte ne s'y prête pas du tout. Et ça ne compromet pas les aspirations identitaires à la base du projet que de faire ce genre d'aménagement ou ce genre d'accommodement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, merci. Alors, si je comprends bien, vous, en fait, pour la possibilité de l'adoption sans rupture du lien de filiation, il y aurait deux commentaires principaux. Vous dites: D'une part, il ne faut pas trop baliser, ça peut être une option qui soit ouverte à beaucoup plus de possibilités que ce qui est prévu dans l'avant-projet, et, en outre, on devrait y mettre des effets successoraux clairs. Donc, en fait, à deux égards, vous venez un peu étoffer ce concept-là, autant dans la pratique qui pourrait être plus courante et autant dans les effets juridiques qu'il pourrait avoir. Vous allez comprendre que, pour beaucoup de gens qu'on a entendus, déjà dans l'état actuel de ce qui était présenté, c'était très costaud et quasi révolutionnaire. Donc, aujourd'hui, c'est peut-être révolutionnaire, ce que vous prônez. Donc, nous, ici, on est ici pour confronter les points de vue.

Alors, évidemment, pour ces gens-là, ils vous diraient que les parents adoptants ne sont pas des gens qui veulent nier tout le bagage identitaire. Au contraire, ils sont là pour l'intérêt de leur enfant et ils travaillent très fort pour que tout ça se fasse sur un continuum et leur expliquer très bien leur passé, leurs racines, et tout ça, et ils reçoivent ça avec beaucoup d'ouverture. Ils vous diraient aussi qu'il ne faut pas mettre de côté toute la question de l'importance de l'ancrage -- et les travailleurs sociaux, ce matin, nous en parlaient -- de l'enfant et, oui, de ses besoins identitaires par rapport à ses origines, mais de ses besoins identitaires de se forger une nouvelle identité, de son ancrage, et tout d'abord de ses besoins de sécurité et de constance dans les débuts de sa vie d'adoption. Alors, vous comprendrez que, de ce point de vue là, ce que vous proposez, et je comprends que c'est pour la réalité filiale, avec plus ou moins de fiction, effets juridiques, et tout ça... Mais, pour eux, oui, ça a une portée. Et vous dites: Si, justement, c'est là le noeud, c'est parce que ça a une portée. Oui, parce que, pour eux aussi, comme famille adoptante, le lien filial, il est important.

Alors, j'aimerais savoir comment vous voulez les convaincre ou les rassurer que tout ça est vraiment pour le bien-être de l'enfant, qu'il puisse y avoir autant d'effets. Parce qu'en fait ce que vous proposez, c'est deux familles, c'est un peu le maintien de deux familles, avec les droits successoraux notamment. Vous dites avoir accès à un réseau, et évidemment ils ont tous leurs nouveaux réseaux adoptants. Vous, vous dites: C'est tout le réseau du passé. Donc, c'est un peu le maintien de deux familles.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): C'est le maintien de deux familles, mais, comme Alain a bien pris soin de le présenter dans son cinq minutes, pendant toute la minorité de l'enfant, c'est les parents adoptifs qui ont l'autorité parentale et c'est eux qui décident ce qui se passe dans la vie de leur enfant. Ils ne sont pas obligés d'accorder des droits d'accès, des visites, d'entretenir des contacts avec la famille d'origine, pas plus qu'ils sont obligés de le faire avec leurs propres parents ou frères et soeurs s'ils décident de ne pas le faire. Donc, c'est deux familles, mais celle qui fait partie du quotidien, qui joint toutes les valences de la parenté, parenté pratique et parenté symbolique, juridique, et tout, c'est la famille adoptive. L'autre, quand je disais qu'elle va être délestée d'une part de ses potentialités, c'est très vrai, elle va en être délestée. Le réseau demeure, il pourra peut-être être activé à l'âge adulte de l'enfant si les parents adoptifs ne voient pas la nécessité que ce soit fait plus tôt, mais ils n'auront aucune obligation de s'embarrasser de la famille d'origine s'ils ne le souhaitent pas.

Ça pose la question de l'identité, ce que vous apportiez tantôt, puis là je me suis dit: Ah! mais finalement on n'a pas défini qu'est-ce qu'on entend par «identité», puis ça me chicote beaucoup, parce que, quand on dit: Bon, c'est juste pour son identité... L'identité, c'est quelque chose de relationnel, c'est quelque chose qui se construit dans la relation avec les autres, c'est le regard que les autres me renvoient de moi et c'est quelque chose qui se nourrit dans les interactions avec les autres.

Donc, quand on dit qu'on maintient un lien avec la famille d'origine, c'est pour l'identité de l'enfant, il faut qu'on nuance un peu l'idée de dire que c'est deux familles, parce que celle avec laquelle il aura des interactions pratiques, c'est quand même avec sa famille adoptive et... On pourra dire que les registres dans lesquels vont fonctionner les deux familles vont être différents, qu'il n'y aura pas de confusion entre ces registres-là de toute la vie de l'enfant.

Pour la question du conflit de loyauté qu'un enfant peut vivre, je ne pense pas qu'une action juridique légale est quelque chose qui viendrait par magie résoudre le conflit de loyauté que vit tout enfant adopté. Même un enfant adopté plénièrement qui ne connaît pas ses parents d'origine et qui a été adopté au jour 1 de sa naissance est confronté souvent avec... c'est un conflit psychique, un conflit de loyauté, ce n'est pas quelque chose qui se gère par une production de lois et de droits.

**(15 h 40)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Je vais devoir... Peut-être très, très rapidement, M. Roy.

M. Roy (Alain): En fait, pour répondre à Mme Hivon, on voit souvent l'avant-projet de loi comme un déni de l'adoption. On me l'a présenté souvent comme celle-là, les parents adoptifs qui finalement prennent un rang de seconde zone. Moi, en jurisprudence, je vois parfois des juges qui constatent un lien significatif entre l'enfant et sa famille d'origine et qui se voient dans l'obligation finalement de placer l'enfant, de décréter un placement permanent pour sauvegarder les liens d'origine. C'est le dilemme dans lequel il est placé, le juge: soit il prononce l'adoption plénière, auquel cas il va briser les liens d'origine, soit il maintient le lien d'origine en refusant de prononcer l'adoption, place l'enfant de façon permanente mais prive l'enfant d'une famille adoptive, alors qu'avec l'avant-projet on n'est plus dans la logique du tout ou rien, on n'est plus dans une logique d'exclusivité. Le juge va préserver ses liens d'origine mais va donner à l'enfant ce dont il a besoin, une famille adoptive.

Mme Ouellette (Françoise-Romaine): Il y a un élément hyperimportant que je suis en train d'oublier de dire, c'est qu'on réfléchit puis on discute comme s'il n'y avait jamais de consentement... comme s'il n'y aurait jamais de parents adoptants qui... qui seraient d'accord avec une adoption sans rupture de lien d'origine, alors qu'il faut imaginer ce cas de figure là aussi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci infiniment, Mme Ouellette, M. Roy. Merci pour votre contribution à cette commission. Je vais suspendre les travaux plus que quelques instants, je vais donner la chance à l'ensemble des parlementaires de prendre une petite pause de cinq minutes. Au retour, nous allons entendre Mme Geneviève Pagé.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

 

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux en espérant que ce repos aura été réparateur pour l'ensemble de nous tous.

Je vais donc... nous allons donc recevoir Mme Geneviève Pagé. C'est bien ça, Mme Pagé? Je vous souhaite la bienvenue à notre commission. C'est sûr que vos propos sauront alimenter l'ensemble des réflexions de ceux qui vous entendront. Et, sans plus tarder, je vais vous donner les règles qui nous animent, ce sont des règles fort simples. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, il y aura 35 minutes d'échange de part et d'autre en ce qui a trait à la compréhension puis à la possibilité de questions du côté de l'opposition puis du côté ministériel. Ça va? Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter et de présenter votre mémoire.

Mme Geneviève Pagé

Mme Pagé (Geneviève): D'accord. Merci beaucoup. Alors, merci aux membres de la commission de me recevoir aujourd'hui. Donc, je suis Geneviève Pagé. Je suis candidate au doctorat en service social à l'Université de Montréal. Ma thèse porte sur l'adoption des enfants en Banque-mixte. Donc, de par ma formation de travailleuse sociale et de chercheuse, bien j'ai un grand intérêt à me servir des connaissances qui sont issues de la recherche pour tenter d'améliorer l'intervention sociale qui est faite auprès des enfants et, par conséquent, améliorer leur bien-être.

Dans un premier temps, je dois dire que j'accueille favorablement l'intention du législateur de mettre en place de nouvelles dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale qui correspondent, à mon avis, davantage aux besoins des enfants d'aujourd'hui et qui donneront aux intervenants sociaux une plus grande marge de manoeuvre dans leurs actions pour fournir une réponse mieux adaptée aux besoins particuliers des enfants, de chaque enfant.

Je ne reprendrai pas textuellement aujourd'hui le mémoire que je vous ai déposé, j'aimerais plutôt attirer votre attention sur trois ajouts principaux qui bonifieraient selon moi l'avant-projet de loi et sa mise en application.

**(16 heures)**

Donc, dans un premier temps, je pense qu'il est important de démêler ce que chacune des nouvelles dispositions de l'avant-projet de loi va impliquer pour les enfants adoptés et leurs familles, pour que les intervenants qui auront à définir un projet de vie permanent pour l'enfant aient tous les outils nécessaires pour déterminer quelle sera la meilleure option dans le meilleur intérêt de l'enfant. Chaque cas d'adoption est particulier. Il est spécifique. Donc, ce qui peut convenir à un enfant dans une situation donnée peut ne pas convenir à un autre enfant, même si sa situation, elle, est similaire.

Je ne pense pas que la solution est de préciser l'avant-projet de loi à un point tel d'y inclure des cas de figure spécifiques auxquels chacune des nouvelles modalités d'adoption devrait s'appliquer. Dans le fond, dans le cadre de cette commission, il a beaucoup été question de l'adoption sans rupture de lien de filiation, et puis, comme vous le savez, certaines personnes se sont présentées devant vous et vous ont suggéré de préciser de manière explicite et exclusive les réalités bien précises d'enfants qui seraient concernés par cette forme d'adoption en particulier.

Je dois vous dire que je ne partage pas tout à fait leur avis, parce que je pense que l'adoption sans rupture de lien de filiation pourrait ne pas convenir à tous les enfants adoptés à un âge plus avancé, par exemple, mais elle pourrait aussi convenir à certains enfants qui vont être adoptés à un plus jeune âge. Il faut bien comprendre que tout l'argument identitaire, qui a été évoqué à plusieurs reprises, ne se fonde pas uniquement sur l'importance pour l'enfant de garder une trace de ses origines en la personne de son père et de sa mère, mais que l'enfant peut aussi avoir intérêt, dans la construction de son identité, à conserver une filiation avec toute une famille d'origine qui va être significative ou même avec une culture d'origine, si on pense, par exemple, aux cas d'adoption transraciale.

Donc, je crois plutôt qu'il faudrait préciser dans l'avant-projet de loi que les décisions qui vont concerner le projet de vie de l'enfant devraient être appuyées sur une évaluation rigoureuse de ses besoins. Autrement dit, je pense que ce principe-là, donc l'idée que les décisions concernant le projet de vie de l'enfant soient appuyées par une évaluation rigoureuse de ses besoins, je crois que ce devrait être inscrit dans la loi.

Je vais vous donner un exemple. Bon, l'adoption sans rupture de lien, c'est un exemple, à mon avis. Il y a une autre situation pour laquelle, je pense, ça peut s'appliquer. Je travaille en collaboration avec Marie-Andrée Poirier, qui est professeure agrégée à l'École de service social de l'Université de Montréal, et aussi avec Sylvie Normandeau, qui est professeure titulaire à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, et ensemble on a fait une recherche en 2007-2008 pour savoir un peu qu'est-ce qu'étaient devenus les jeunes qui ont été adoptés par la Banque-mixte dans l'enfance et qui ont aujourd'hui 15 ans et plus. C'est une recherche qui n'est pas publiée encore, mais ça s'en vient.

Donc, je peux quand même vous dire qu'on a fait des entrevues téléphoniques avec des parents et des jeunes aussi, et on leur a posé des questions sur leurs contacts qu'ils avaient eus avec les membres de la famille d'origine une fois que l'adoption avait été finalisée. Les parents nous ont dit que, dans 56 % des cas, soit eux, soit le jeune, ou les deux avaient eu au moins un contact avec un ou plusieurs membres de leur famille d'origine après l'adoption. Dans la majorité des cas, c'était avec la mère d'origine, mais il y a aussi une grande partie qui ont eu des contacts avec la fratrie et avec les grands-parents. Encore une fois, dans la grande majorité des cas aussi, il s'agissait de contacts directs, donc de rencontres en face à face.

Ce qu'on a noté aussi d'intéressant, c'est qu'il n'y avait aucune différence significative, entre les jeunes et les parents qui ont maintenu les contacts et ceux qui n'en ont pas maintenu, en termes de l'âge du jeune au moment de son placement en Banque-mixte. Ce que ça veut dire, c'est que ce n'est pas nécessairement les enfants les plus âgés au moment de leur placement qui ont eu des contacts après leur adoption. Donc, ça m'amène à dire que, même pour des enfants placés à un très jeune âge, le maintien de contacts peut avoir une importance.

Ces données-là que je vous présente m'amènent aussi à me questionner sur pourquoi l'avant-projet de loi prévoit que l'entente de communication pourra concerner uniquement les parents adoptants, les parents d'origine et l'enfant, et pourquoi donc les membres de la famille élargie de l'enfant, dont les grands-parents et la fratrie, ne pourraient... seraient évacués de cette entente-là.

Donc, voilà pour ce qui serait donc le premier ajout, à mon avis, où on devrait tenir compte de la situation particulière de chaque enfant et évaluer de façon rigoureuse quelle forme ou quelle modalité d'adoption pourrait convenir à chacun de ces enfants-là.

Le deuxième ajout que je vous propose: À partir du moment où les nouvelles dispositions législatives en matière d'adoption vont être mises en application, je pense qu'il serait primordial de mettre en place une forme ou une autre de soutien, de service pour soutenir les familles adoptantes, mais aussi les familles d'origine et l'enfant après l'adoption, et ce, particulièrement dans le cas des... où il y a des ententes de communication. Par exemple, l'accessibilité facile à une tierce personne qui posséderait une certaine expertise au plan des relations interfamiliales pourrait permettre de désamorcer certains conflits ponctuels.

Dans mon mémoire, je fais état de certaines recherches américaines et britanniques qui ont permis d'établir dans quelles circonstances le maintien de contacts directs ou indirects peut être bénéfique. Il est entre autres question de tenir compte du fait que les besoins de chaque personne impliquée peuvent fluctuer dans le temps, et que les parents adoptants et les parents d'origine doivent développer une relation de collaboration en ayant pour objectif commun le meilleur intérêt de l'enfant, et que cette relation-là doit être fondée sur une confiance mutuelle.

Il est également question, dans les recherches, que les familles adoptantes et les familles d'origine soient soutenues par les services appropriés. Donc, les familles ont souvent besoin d'être préparées, en plus d'être soutenues pendant et après les contacts, surtout quand il y a des contacts directs, donc des rencontres. Il est donc nécessaire que, parallèlement à l'adoption d'une nouvelle loi, on pense à la mise en place de services postadoption afin de faciliter la mise en oeuvre des ententes de communication.

Finalement, le dernier ajout que j'aimerais amener, c'est qu'au moment d'adopter la Loi sur la protection de la jeunesse le législateur a instauré une procédure d'évaluation afin de mesurer les effets de cette nouvelle loi là et les changements de pratique, donc une procédure d'évaluation qui se basait sur une démarche de recherche dans le but de faire une mise à jour de la loi, si c'était nécessaire. Considérant ainsi l'ampleur des changements qui sont proposés dans l'avant-projet de loi en matière d'adoption et d'autorité parentale, je crois qu'il serait tout à fait pertinent de prévoir une mesure semblable.

Donc, avant de terminer, il y a peut-être une dernière chose, un dernier point que je voulais évoquer, concernant l'accès aux renseignements sur l'adoption. Donc, je pense que, s'il y a une plus grande ouverture, une plus grande accessibilité à l'information pour les adoptés, ça pourrait également avoir pour effet de permettre aux intervenants de la Banque-mixte de divulguer certaines informations plus aisément que présentement.

Pour les intervenants, j'ai l'impression que ce n'est pas clair, quelle information doit être transmise et quelle information doit être gardée confidentielle. Dans les recherches que j'ai faites, il y a beaucoup de parents adoptants qui nous ont fait part de leurs frustrations quant à la difficulté d'avoir accès à certaines informations. Donc, je crois que, s'il y a des balises plus claires en cette matière-là, ça va aussi aider les intervenants et les parents à échanger de l'information qui pourrait être primordiale.

Donc, maintenant, c'est avec grand plaisir que je suis prête à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Pagé. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Peut-être vous entendre sur la question d'évaluation psychosociale. On en a parlé un peu avec... ce matin avec l'Ordre des travailleurs sociaux, aussi avec les centres jeunesse. C'est-à-dire qu'avant de faire... que le jugement entérine une entente de communication, peut-être aussi, évidemment, une forme d'adoption sans rupture de filiation, qu'il y ait une évaluation psychosociale pour recommander peut-être la meilleure forme d'adoption, surtout s'il y a des antécédents dans la famille de l'enfant, peut-être de négligence ou autre. Évidemment, les ententes de communication, c'est des ententes... c'est des consentements, alors j'imagine que les parents adoptants et... devraient consentir de toute façon, puis, s'il y a déjà un historique de problèmes dans la famille...

Mais, ceci étant dit, vous entendre là-dessus, sur la valeur d'une évaluation dans cette situation.

**(16 h 10)**

Mme Pagé (Geneviève): Bien, je pense que ça rejoint tout à fait ce que je propose, dans le fond, d'avoir une évaluation rigoureuse des besoins de l'enfant pour déterminer qu'est-ce qui serait le mieux dans chacun des cas. Dans mon mémoire, je fais état effectivement, là, de certaines recherches qui ont été faites et puis où certains auteurs en fait vont prétendre, mais en fait à partir, là, de leurs recherches et d'études qu'ils ont faites, que ce n'est pas nécessairement parce qu'un enfant a été négligé, ou abusé, ou maltraité dans sa famille d'origine qu'il ne pourrait pas, lui aussi, bénéficier jusqu'à un certain point, là, d'un maintien de contact avec la famille d'origine.

En fait, ce que ces auteurs-là disent, c'est qu'il faut effectivement faire très attention pour ne pas que ces contacts-là soient néfastes pour l'enfant. Parce que, bon, évidemment, comme il y a un historique de maltraitance, il y a des risques que les contacts soient néfastes pour l'enfant. Mais, si c'est bien évalué et que c'est surtout bien encadré et bien balisé, de façon très sensible par rapport à ce que l'enfant peut avoir besoin, ça peut quand même être très bénéfique aussi pour l'enfant, l'amener à résoudre en fait certains traumatismes qu'il peut avoir vécus. Dans certains cas, c'est ce qu'on a pu observer en fait, là, que l'enfant réussissait à passer au-delà de certains traumatismes à travers les contacts, qui étaient extrêmement bien encadrés, avec ses parents d'origine. Donc, je pense qu'il ne faut pas exclure cette possibilité-là pour des enfants de la Banque-mixte, entre autres, par exemple, qui peuvent avoir été des enfants maltraités.

Mme Weil: Pour revenir sur le... la forme d'adoption sans rupture de filiation, vous, si je comprends bien, vous dites: Il ne faut pas le limiter, c'est-à-dire, nécessairement à des enfants plus âgés. Ça pourrait être une forme appropriée pour un enfant qui est plus jeune. C'est bien ça?

Mme Pagé (Geneviève): Oui, c'est bien ça.

Mme Weil: Je pense que vous êtes peut-être le deuxième intervenant, sur tous les intervenants, qui vont dans ce sens-là. Et peut-être vous entendre sur les avantages de cette forme d'adoption pour les enfants en Banque-mixte, justement, qui... où peut-être le juge pourrait décider... bon, ce serait un placement à long terme au lieu de l'adoption, parce que le juge n'a pas cette autre option qui est le... sans rupture de filiation, qui est vraiment à l'origine aussi de cette forme d'adoption. Au-delà des questions d'identité, il y avait un côté très pragmatique pour permettre ce fameux projet de vie à l'enfant. Peut-être vous entendre, en tant que travailleuse sociale spécialiste dans ce domaine, vous entendre là-dessus.

Mme Pagé (Geneviève): Bien, effectivement, comme vous le soulevez, c'est vrai que l'adoption sans rupture de lien de filiation pourrait effectivement être une solution pour certains enfants qui, par exemple, sont placés jusqu'à majorité parce que le juge, ou les intervenants, ou les deux vont décider que, pour cet enfant-là, ce ne serait pas dans son meilleur intérêt justement de couper son lien de filiation avec sa famille d'origine, donc parce qu'il aurait des liens significatifs avec cette famille-là. Alors, à ce moment-là, on va privilégier le... par exemple, le placement à majorité parce qu'on ne veut pas, avec une adoption, donc... et on ne veut pas qu'il y ait une rupture de ce lien de filiation là. Donc, effectivement, une adoption sans rupture de lien pourrait permettre à ces enfants-là d'aller chercher peut-être la stabilité que l'adoption peut leur apporter, sans toutefois complètement effacer leur histoire, leur vécu, leur passé et sans prétendre en fait qu'à partir du moment où ils sont adoptés c'est comme si l'histoire qu'ils avaient dans leur famille d'origine disparaît complètement.

Mme Weil: Une autre question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, encore quelques minutes.

Mme Weil: J'aimerais vous entendre sur toute cette question de confidentialité, droit à la vie privée, droit de veto. Donc, vous, vous vous positionnez... par rapport à la divulgation, vous êtes contre le veto à la divulgation de l'identité, c'est bien ça?

Mme Pagé (Geneviève): C'est-à-dire que, dans l'avant-projet de loi, effectivement il y a deux types de veto, donc le veto de divulgation de l'identité et le veto de contact. Je pense que, pour ce qui est du veto de contact, effectivement toute personne a le droit de décider qu'elle ne veut pas être en contact avec quelqu'un d'autre.

Pour ce qui est de la question de... du veto de divulgation de l'identité, en fait c'est sûr que... dans mon mémoire, je fais référence, entre autres, à un article que j'ai lu d'un historien qui s'est penché sur la question puis qui est allé voir dans différents pays ou dans différents États aussi pour essayer de documenter la question, davantage en fait pour essayer de savoir: Est-ce que réellement... est-ce que les craintes qu'on a par rapport au fait de... d'ouvrir par rapport à l'identité des gens, est-ce que c'est réellement fondé? Est-ce qu'il y a vraiment des atteintes à la vie privée tant que ça? Est-ce qu'il y a vraiment des vies qui sont ruinées, dans le fond, parce qu'on a ouvert et on a dit que ces gens-là avaient été adoptés ou que ces gens-là avaient confié des enfants à l'adoption?

La conclusion à laquelle il arrive, c'est que dans le fond ce sont davantage des craintes et que, dans la réalité, on n'est pas capable de documenter en fait qu'il y a réellement eu, comme je disais, des atteintes nécessairement à la vie privée ou des catastrophes auxquelles on aurait pu s'attendre. Donc... Puis effectivement, lui, ce qu'il documente aussi dans d'autres pays, comme en Australie et en Grande-Bretagne, dans certains États américains aussi, c'est qu'eux ils ont justement mis en place certaines dispositions comme ça, comme des vetos de contact, et que ça fonctionne très bien, que les gens ont accepté en fait que ça se fasse de cette façon-là.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la député de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour, Mme Pagé. Merci beaucoup. Je pense que vous allez assurer une bonne relève pour l'avenir de votre profession.

Écoutez, moi, j'aimerais vous amener sur la question de l'adoption ouverte, donc des ententes de communication. On en parle aussi passablement, et ce qui est ressorti... Puis je vois que c'est aussi un élément dans vos recommandations. Vous parlez «que l'entente de communication soit flexible afin de répondre dans la mesure du possible aux besoins de tous les acteurs tels qu'ils évoluent dans le temps». Et là, ce matin, on discutait, puis, la semaine dernière, aussi, il y avait une question -- je pense, c'est de la députée de Hull ou de Gatineau, en tout cas -- sur le fait que les ententes de communication, est-ce que ce sont vraiment des ententes qui se situent dans l'intérêt de l'enfant ou dans l'intérêt, plutôt, de toutes les parties, donc des parents biologiques, et tout ça.

Certains vont dire: Il peut y avoir des effets bénéfiques pour les parents biologiques mais qui se répercutent aussi sur l'intérêt de l'enfant, donc il peut y avoir du gagnant-gagnant. Mais est-ce que le prisme premier d'analyse pour savoir si de telles ententes sont une bonne idée, ça ne devrait pas demeurer vraiment l'intérêt de l'enfant? Puis la raison pour laquelle je vous la pose, c'est que souvent on met le cas de figure de l'envoi... que ce ne sont pas nécessairement des contacts réguliers, mais plus l'envoi d'une photo, l'envoi d'une lettre une fois par année, ou quelque chose comme ça. Puis on peut se demander, et c'est ce que la députée soulevait, si ça peut bénéficier vraiment à l'enfant ou pas plutôt aux parents biologiques. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Pagé (Geneviève): C'est sûr que, l'adoption ouverte, ce qui est documenté, c'est qu'effectivement ça peut avoir des effets bénéfiques pour tout le monde, dans le fond, même pour les parents adoptants, pour l'enfant et pour les parents biologiques. Puis chacun, dans le fond... c'est des aspects positifs qui sont différents pour chacun, évidemment.

Je pense que l'intérêt de l'enfant doit quand même demeurer peut-être un peu plus important que l'intérêt des parents adoptants et des parents biologiques, et en ce sens où par... Vous donnez l'exemple de l'échange de photos ou l'échange de lettres. Ce que j'ai lu, en tout cas, parle du fait que ça permet... cet échange d'informations là permet aussi aux parents adoptants de créer l'histoire de l'enfant, de s'approprier un petit peu plus aussi l'histoire de l'enfant, puis c'est souvent, après ça, de l'information qui peut être communiquée à l'enfant. Donc, c'est aussi dans un souci de... d'être capable, en fait, de répondre le plus possible aux questions que l'enfant peut avoir par rapport à son adoption.

Peut-être un des effets bénéfiques qui est documenté, par rapport aux enfants... pas aux enfants, mais aux parents biologiques, c'est de leur permettre, par exemple, là, de délaisser l'enfant puis de dire: Bon, bien, je constate que mon enfant est avec des parents qui en prennent soin, je n'ai pas peur pour lui, je pense qu'il va bien se développer dans l'avenir. Donc, ça aide les parents biologiques à justement, peut-être, dans certains cas, s'ils contestaient, à ne plus contester ou, même s'ils ne contestent pas... mais juste d'accepter que l'enfant se retrouve avec des parents adoptants, donc qu'ils approuvent, disons, entre guillemets.

Et cet effet-là peut aussi toucher indirectement l'enfant. Si l'enfant sent qu'il y a des conflits qui se passent entre ses parents biologiques et ses parents adoptifs, par... Prenons l'exemple d'un enfant qui serait peut-être plus âgé, là, mais, s'il sent qu'il y a des conflits puis qu'à ce moment-là il sent qu'il n'a peut-être pas la permission, on va dire, de ses parents biologiques de pouvoir s'intégrer pleinement dans sa famille adoptive, à ce moment-là, s'il voit que ses parents biologiques sont à l'aise avec sa situation d'adoption, bien lui aussi peut, à ce moment-là, se permettre de... d'intégrer la famille adoptive, là, à part entière, en fait.

Mme Hivon: Quand vous parlez qu'il y a des études qui auraient montré des effets bénéfiques, j'imagine, puisque, nous, ici, ce n'est pas une réalité qui est très, très... en fait, elle existe un peu dans l'informel mais peu dans le formel, c'est des études qui ont eu lieu dans d'autres juridictions où c'est vraiment une réalité qui est plus présente et où vraiment les effets positifs sont démontrés sur, par exemple, la vie de l'enfant, ou tout ça.

C'est parce qu'en fait on nous disait... un autre cas de figure, là -- je comprends qu'on ne légifère pas pour juste des cas d'exception -- mais un enfant plus vieux qui, par exemple... je veux dire, il y a une entente de communication ouverte dès qu'il est tout petit, et, il y a quelques années, cinq, six, sept ans, je ne sais pas, il apprend donc toute cette réalité-là de l'entente ouverte de communication, puis tout ça, que ça peut aussi créer certains remous dans... Peut-être qu'à long terme ça peut être bénéfique, mais, sur le coup, ça peut peut-être aussi créer des remous. Donc, vous qui êtes un peu une spécialiste des aspects sociaux de la chose, est-ce que ça aussi, c'est documenté, par exemple, de savoir que ses parents biologiques, qu'il ne voit plus, qui... pour lesquels en tout cas... avec lesquels il y a une coupure assez claire, ont des photos de lui ou ont eu des nouvelles de lui, que dans certains cas ce n'est pas nécessairement quelque chose qui est bien reçu par l'enfant parce qu'il s'identifie pleinement à sa nouvelle famille, là? Donc, ça aussi, est-ce que c'est quelque chose que vous avez... qui est documenté ou...

**(16 h 20)**

Mme Pagé (Geneviève): Je ne saurais pas vous dire jusqu'à quel point c'est documenté, mais ce que je peux dire par contre, c'est qu'autant on considère de plus en plus que le secret n'est pas une bonne chose dans les cas d'adoption, je pense qu'autant que, s'il y a une entente de communication qui se fait, il faut que l'enfant soit à quelque part au courant, même s'il est tout petit puis qu'il n'a pas encore l'âge qu'il faut ou la maturité qu'il faut pour comprendre. Si, par exemple, il y a un échange de lettres et de photos entre les parents adoptants et les parents biologiques, je pense que, dans la majorité des cas, les parents adoptants vont quand même, très tôt dans la vie de l'enfant, partager avec lui, peut-être, ces photos-là ou ces lettres-là, pour ne pas que, non plus, ça devienne... que l'enfant apprenne tout à coup que, toutes ces années-là, il y a des contacts qui ont été gardés puis que lui n'a pas été au courant.

Mme Hivon: Puis peut-être une autre question sur les ententes de communication. Certains... C'est moins dans la sphère sociale, mais certains nous disent que, si on formalise trop et qu'on va dans vraiment la reconnaissance de ça dans une loi, dans le Code civil, et tout ça, il y a un risque de surjudiciarisation un peu, dans le sens qu'à chaque fois qu'il y aura un changement dans l'évolution des parties, une volonté de part et d'autre qu'il y ait plus ou moins de contacts, qu'il y en ait alors qu'il n'y en avait pas de prévus au début, que... qu'il y ait un risque vraiment de judiciarisation importante. On le voit, en matière familiale, comment c'est émotif quand on veut revoir, par exemple, certains aspects des ordonnances de garde, ou tout ça. Donc, on peut imaginer, avec des réalités aussi fortes que celle de l'adoption, les parents biologiques, les parents adoptants... Est-ce que vous voyez là un risque? Est-ce que, dans les endroits où ça existe, il y a effectivement eu beaucoup, je dirais, de retours devant les tribunaux?

Mme Pagé (Geneviève): Ce que je mentionne dans mon mémoire effectivement, donc c'est l'idée que les ententes de communication, si on veut qu'elles soient bénéfiques et qu'elles... c'est qu'elles doivent être flexibles dans la mesure du possible. Donc, effectivement, la position que, moi, je prends, c'est que peut-être que, si c'est une entente qui doit absolument être entérinée par le tribunal, peut-être qu'à ce moment-là ça peut perdre de sa flexibilité. Je n'ai pas nécessairement de... quelque chose de concret, là, à proposer, mais je pense que c'est surtout d'essayer de garder ça en tête, que ces ententes-là doivent être flexibles et puis que dans le fond personne -- mais ça, je pense que tout le... on s'entend bien là-dessus, là -- mais que personne ne doit être forcé, dans le fond, à une entente de communication qu'il ne voudrait pas avoir, là, que ce soit de l'une ou l'autre des différentes parties, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. Donc, du côté ministériel... Oui, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais... Alors, bienvenue. Je voudrais poursuivre justement sur les ententes de communication parce qu'elles font l'objet de plusieurs de vos recommandations. Entre autres, vous dites que, les ententes, il faudrait qu'elles soient flexibles «afin de répondre dans la mesure du possible aux besoins de tous les acteurs tels qu'ils évoluent dans le temps». Alors, ça peut être très long. Vous faites aussi référence à une étude qui dans un document... Neil, en 2004, qui propose des services, des services de médiation, de supervision des contacts, l'accès à un lieu de rencontre, même possible de faire appel à des intervenants spécialisés, du soutien individuel, du soutien financier. Alors, est-ce qu'on parle ici, là, du travail social qui accompagne la famille, cette cellule, cette nouvelle cellule, tout au long de ces premières années de sa vie jusqu'à 18 ans? Comment vous voyez l'introduction de ces services, là, aux familles adoptives?

Mme Pagé (Geneviève): C'est certain, je pense, que tous ces services-là ne sont pas nécessairement disponibles partout. Donc, il y a probablement des choix à faire aussi. Mais effectivement je pense que l'accompagnement, par exemple, de quelqu'un qui a une formation en travail social pourrait bénéficier, dans le fond, à ces familles-là. Donc, oui, je pense que le travailleur social aurait définitivement un rôle important à jouer dans l'accompagnement de ces familles-là. Et je pense que des fois ça peut être peut-être des besoins simplement ponctuels, où les gens n'ont pas nécessairement d'être suivis de façon continue, par exemple, pendant 18 ans, mais simplement de savoir qu'ils peuvent faire appel à quelqu'un si jamais, à un moment ou à un autre, il y a une difficulté qui survient puis qu'ils ne sont pas capables, dans le fond, entre eux, de survenir à cette difficulté-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

Mme Gaudreault: Si je peux me permettre un complément de question, est-ce que ces services-là sont offerts actuellement à des familles qui adoptent de la Banque-mixte? Est-ce qu'il y a des travailleurs sociaux qui les suivent pendant certaines années ou... Comment ça fonctionne actuellement?

Mme Pagé (Geneviève): À ma connaissance, ces services-là n'existent pas actuellement. Moi, personnellement, je... mon travail de collaboration est davantage avec les centres jeunesse de Montréal. Donc, je ne connais pas les autres régions, je ne peux pas parler pour les autres régions, mais je sais qu'à Montréal il n'existe pas, comme tel, de services postadoption. Par contre, on va quand même... je sais que c'est une volonté, si on veut, là, des intervenants de ce centre jeunesse là d'essayer de mettre en place quelque chose. Je sais qu'il y a eu une tentative dans la dernière année, mais je ne suis pas certaine que c'est quelque chose qui a pu être maintenu, peut-être pour cause de manque de ressources, je ne sais pas trop.

Je peux peut-être aussi utiliser, dans le fond, la recherche que je citais tantôt, qu'on a faite avec des parents pour qui les enfants sont maintenant plus âgés. On leur a demandé aussi si, depuis l'adoption, ils avaient utilisé des services en lien avec l'adoption de leurs jeunes. Donc, on leur a demandé ça depuis l'adoption mais aussi au cours des 12 derniers mois. Et puis il y a quand même 70 % des parents qui ont été interrogés qui nous ont dit avoir utilisé une forme ou une autre de service en lien avec l'adoption de leurs jeunes depuis l'adoption. Et puis 31 % l'ont fait au cours de la dernière année, donc juste avant qu'on fasse l'entrevue. Puis il faut savoir qu'au moment où on a fait l'entrevue les jeunes avaient en moyenne 19 ans.

Donc, ce qu'on... ce qu'il est possible de noter, dans le fond, à partir de ça, c'est qu'il y a un besoin de services. Il peut être ponctuel, à un moment ou un autre de la vie, il peut être de façon continue, ça dépend des cas, mais il y a quand même un besoin de services en lien avec l'adoption. Puis on leur a aussi demandé s'il y avait des besoins qui n'avaient pas été comblés, et, dans 39 % des cas, on nous a dit: Oui, j'ai eu besoin de services, à un moment donné depuis l'adoption, et je n'ai pas trouvé de services qui pouvaient répondre à mes besoins.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions? Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Je pense que c'est un aspect important, qu'on a abordé un peu mais probablement trop peu. C'est le suivi postadoption, c'est certain, donc... Parce qu'on peut avoir la plus belle des réformes dans l'intérêt de l'enfant, en essayant de favoriser son enracinement, son épanouissement dans sa nouvelle famille, mais évidemment il faut être capable d'outiller les gens qui l'accompagnent dans sa nouvelle réalité le mieux possible et de répondre aux problèmes qu'ils pourraient vivre. Ça fait que je pense qu'il y a une réflexion, certainement, à faire. Il y en a un petit peu, je crois, en adoption internationale, à Montréal, dans certains CLSC, mais pas du tout en région puis en Banque-mixte. La beauté de la chose, c'est que les gens sont accompagnés pendant le processus, mais après ils ne le sont plus. Ça fait que je pense que c'est quelque chose d'important sur quoi il va falloir aussi se pencher.

J'ai une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Je voulais juste... Tantôt, vous avez dit que peut-être, vu la nécessité de la flexibilité pour les ententes de communication, qu'il ne faudrait peut-être pas les mettre trop dans un carcan juridique. Est-ce que vous pensez qu'une avenue à explorer, ça pourrait être qu'en fait ces ententes-là soient un peu conservées ou consignées dans les dossiers des centres jeunesse, donc vraiment plus par les services de protection de la jeunesse, et qui auraient donc une certaine valeur, je dirais, entre les parties, d'honneur, de respect, et tout ça, mais qui n'auraient pas vraiment une force exécutoire de manière judiciaire?

Mme Pagé (Geneviève): Il faudrait voir, en fait, parce qu'encore une fois, d'après les parents qu'on a pu rencontrer dans différentes recherches qu'on a faites, autant certains voudraient que les services postadoption se retrouvent à l'intérieur des centres jeunesse, parce qu'ils se disent: Ce sont les intervenants qui nous connaissent le mieux, autant il y a des parents pour qui il n'en est pas question et qui se disent: Moi, j'ai juste hâte que la DPJ sorte de ma vie. Donc, si j'ai à aller chercher des services, je vais aller les chercher ailleurs, aux mêmes endroits en fait que la population générale. Donc, c'est vraiment un débat à savoir de... qu'est-ce qui serait le mieux en termes de services postadoption, puis je n'ai pas de réponse là-dessus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée de d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Merci, Mme Pagé, de nous faire part de vos... votre expérience et de vos recherches. Je souhaiterais avoir... Je sollicite vraiment votre opinion sur deux sujets qui me préoccupent, là. Le premier, c'est: est-ce que, d'après vous, les adoptés actuellement cherchent plus d'établir un contact avec leurs parents biologiques ou veulent avoir plutôt des explications sur leurs antécédents, sur les causes de l'abandon, comme tel? Pourquoi je vous le demande? Parce que j'ai une conviction que, comme être humain, on est capable de subir beaucoup de ruptures ou d'abandons, mais qu'en autant que ça fasse un sens dans notre histoire, dans notre existence et qu'on puisse situer ces événements-là puis qu'on puisse les assimiler dans notre histoire de vie.

Et c'est pourquoi je... Bon, moi, je ne suis pas une experte du tout, là, dans ça et j'aimerais ça avoir votre opinion par rapport à ça. Parce qu'on parle beaucoup de rétablir les contacts, mais je me questionne actuellement, si c'est vraiment le but premier recherché par les adoptés, puis j'aimerais avoir votre opinion sur ça.

**(16 h 30)**

Mme Pagé (Geneviève): Bien, en fait, je ne sais pas, là, si je vais répondre à votre questions ou non. D'une part, moi, les recherches que j'ai regardées, ça a été davantage par rapport justement à un maintien de contact postadoption. Je n'ai pas du tout fouillé la littérature en termes de recherche d'antécédents ou de retrouvailles, donc je ne pourrais pas, en tout cas, vous répondre de ce côté-là. Ce serait davantage, là, de me fier à du cas-par-cas ou, en tout cas... Donc, je préfère ne pas m'avancer.

Mme Bouillé: ...poserai à d'autres. Parfait. L'autre question, c'est... On a discuté à date, dans la proposition de l'avant-projet de loi, d'avoir un... de lever le veto lors du décès du ou des parents biologiques. Je me questionne aussi sur le fait que, pour une personne adoptée, ça veut dire que tu espères le décès de ton parent biologique pour qu'enfin tu aies accès à certains renseignements. Et, je ne le sais pas, là, je veux vous entendre sur ça parce que... Est-ce que... est-ce que c'est souhaitable, d'après vous, que ça soit juste à ce moment-là que le veto soit levé, s'il y a un veto qui s'applique?

Mme Pagé (Geneviève): Bien, en fait, c'est ça, je vais référer encore une fois à l'étude que j'ai utilisée dans mon mémoire, mais... donc de l'historien, là, qui a essayé de documenter ce qui se faisait dans d'autres pays. Et ce que j'ai compris en fait de cette recherche-là, c'est que, dans plusieurs pays, on a ouvert les dossiers d'adoption de manière rétroactive, donc les gens, même les gens pour qui les adoptions étaient déjà finalisées au moment de passer la loi, ont eu accès à certaines informations. Donc, je ne sais pas, à ce moment-là, au niveau du décès de la personne, est-ce qu'on devrait nécessairement attendre le décès de la personne ou est-ce qu'on devrait être plus proactif que ça encore et qu'il y ait une ouverture plus grande. Je ne pourrais pas, là, me prononcer à ce niveau-là, d'après ce que je connais, en tout cas, de ce sujet-là jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions? Mme Pagé, merci infiniment de vous être présentée à cette commission. Je vous souhaite un bon retour.

Et je suspends les travaux quelques instants, le temps que Mme Catherine Wilhelmy et M. Painchaud prennent place.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

 

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, Mme Wilhelmy et M.  Painchaud, je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Vous avez de petites règles à suivre, mais la première, c'est simplement de vous dire, pour nous, parce que c'est une règle importante pour notre commission, que nous sommes heureux de vous voir ici et que votre contribution sera sûrement bien appréciée.

Je vais donc vous dire que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et que vous la faites comme vous la sentez bien. Et il y aura une période d'échanges de 20... 35 minutes de part et d'autre, qui va vous permettre... qui va permettre à nos parlementaires de vous poser des questions pour mieux comprendre votre mémoire et votre présentation. Donc, sans plus tarder, à votre présentation.

Mme Catherine Wilhelmy
et M. Albert Painchaud

M. Painchaud (Albert): M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames de la commission, nous avons condensé notre texte pour entrer à l'intérieur de la période prescrite. Nous vous remercions d'accueillir notre intervention. Nous la présentons à titre personnel. Nous voulons tout simplement témoigner de l'expérience que nous avons vécue au titre de famille d'accueil Banque-mixte et par la suite comme parents adoptants dans le cadre d'un projet d'adoption.

On cherchait en fait quel moyen on allait prendre pour changer le monde, donc on a décidé, en avril 2007, d'accueillir chez nous un jeune garçon de la DPJ. Au bout, je crois que c'est beaucoup plus nous qui sommes changés. Il avait deux ans. Le processus d'adoption a été légalement complété en août 2009, et notre fils aura cinq ans en mars 2010. Nous avons été confrontés, tout au long de l'interminable processus, à plusieurs des concepts proposés dans l'avant-projet de loi, particulièrement en ce qui a trait à l'adoption sans rupture du lien de filiation d'origine.

En résumé, pour nous, le projet de loi dont il est question est fait essentiellement pour protéger le droit inaliénable d'être parent, plutôt que pour veiller aux intérêts de l'enfant. Il existe assurément des cas où des enfants plus vieux ou encore des adolescents peuvent bénéficier du maintien des liens de filiation. N'existe-t-il pas déjà les placements à majorité pour ces cas d'exception? Le système actuel est lourd, plein de trous et mériterait que l'on se penche sur son fonctionnement plutôt que de mettre en place des structures juridiques supplémentaires qui n'auront pour effet que de créer des situations idéales pour les troubles d'attachement. Et, si on élargit aux familles d'accueil ce projet de loi, il a de quoi décourager et réduire à néant l'enthousiasme et l'engagement de toute personne sensée. Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à ce qu'une telle mesure, faite pour régler des cas d'exception, devienne règle.

Mme Wilhelmy (Catherine): Je vais poursuivre en ce qui a trait à l'ouverture qu'on a déjà eue puis l'expérience terrain qu'on a.

Le concept d'adoption ouverte, on était déjà favorables à ça au début de notre parcours. La grand-mère maternelle de notre petit garçon nous semblait avoir une relation très convenable et adéquate avec ce dernier. Toutefois, au fil du temps et des visites avec sa mère biologique et la mère de celle-ci, nous avons constaté que ces allers-retours vers un passé douloureux avaient des effets secondaires aussi indésirables que terrifiants. La désorganisation qui s'opérait se situait dans toutes les sphères qu'un enfant contrôle: le sommeil, l'alimentation et l'élimination. Les effets secondaires des visites duraient une semaine. Quand il commençait à aller mieux, hop, on lui proposait une nouvelle visite, et nous étions repartis pour une nouvelle série de montagnes russes où notre enfant faisait tout en son pouvoir pour nous démontrer son insécurité et pour voir si, nous aussi, nous allions le négliger, voire même l'abandonner.

Ça peut sembler banal, mais, dans un tel contexte, tout est en place pour décourager les parents d'accueil. Un enfant difficile à comprendre, une situation passablement intenable, peu d'informations sur les antécédents de l'enfant, peu de services pour répondre à ses besoins, des délais difficiles à comprendre, surtout lorsqu'on nous ramène inlassablement que tout est fait dans l'intérêt de l'enfant. L'expérience nous a démontré que le système en place ne tient compte de l'intérêt de l'enfant qu'en deuxième... qu'en deuxième lieu. Ce qui prévaut partout, ce sont les parents biologiques et leurs droits. Quand vous parlez de maintien de contact, pour nous, ça évoque un cauchemar.

**(16 h 40)**

M. Painchaud (Albert): En ce qui concerne l'impermanence des liens et l'empreinte émotive, nous avons appris à la dure divers concepts liés à la psychologie de l'enfant, qui nous ont permis de mieux comprendre notre petit garçon. Tout d'abord, pour expliquer l'effet négatif de liens qui avaient été bons, tels ceux avec sa grand-mère, nous avons appris que c'était le fait qu'ils n'aient jamais été permanents qui nuisait à l'enfant. Il s'agissait encore d'allers-retours, qui vont totalement à l'encontre des routines et des éléments de stabilité dont l'enfant a besoin et qui sapent progressivement le peu d'équilibre et de sécurité que l'enfant réussit à se construire par lui-même. Lorsque ces allers-retours se poursuivent dans la famille d'accueil, ils brisent au fur et à mesure des liens fragiles, tissés avec peine. Nous en savons quelque chose, nous l'avons vécu.

Aussi, même s'ils sont petits, le vécu lourd de ces enfants les suit longuement. Nous vivons chaque année, à la période de Noël et de son anniversaire de naissance, des phases de régression importante associées à des souvenirs douloureux pour lui. Il n'existe pas d'étude ni de données probantes qui démontrent hors de tout doute le bienfait pour les enfants de maintenir un lien avec leurs parents d'origine. Pour cette raison, nous considérons que s'engager sur le chemin de la double allégeance n'est même pas un risque calculé, c'est une sonde que l'on envoie sur la lune avec l'espoir qu'elle revienne; tant pis si on la perd. Comme société, pouvons-nous vraiment endosser de livrer ainsi les enfants à la torture?

Mme Wilhelmy (Catherine): Pour ce qui est du thème, intitulé Les bienfaits pour l'enfant; rien de moins sûr, et aussi celui qui porte sur la considération accordée aux familles d'accueil, nous avons mis beaucoup de temps et d'efforts pour saisir tous les tenants et aboutissants de l'importance de l'attachement. Ici, les études et les données probantes existent. Le lien d'attachement est un atout essentiel au développement de l'enfant. Il doit s'établir dans les deux premières années de sa vie. Après, c'est un cauchemar pour l'enfant et pour tous ceux qui l'entourent. Or, un enfant en bas âge ne peut pas établir mille et un liens d'attachement, il lui faut un ou deux adultes significatifs autour de lui qui le prennent en charge et veillent à subvenir à ses besoins. Les allers-retours et la multiplication de figures significatives ne font que mêler l'enfant et nuire à l'établissement de ce lien primordial.

Actuellement, les familles d'accueil n'ont pas plus de valeur aux yeux du système que des auberges pour enfants fragilisés. Si nous... si nous voulons faire partie des décisions et savoir ce qui se passe dans le dossier de notre enfant, il faut prendre un avocat et demander à être partie au dossier. Bravo pour la confiance et la considération! Pourtant, on nous confie ces enfants qui sont blessés. Mon mari avait une métaphore tout à fait adéquate pour définir la situation: c'est comme si on nous remettait un ordinateur plein de mots de passe sans la liste des mots de passe; devinez, vous êtes des bons parents!

L'avant-projet de loi dont il est question aujourd'hui perpétue ce manque de considération en plaçant le lien biologique comme seul lien valable. Aucune étude n'a évalué ce qui suit, mais nous pouvons témoigner du tourment insoutenable de l'ambiguïté de la condition de famille d'accueil. Avoir constamment peur de perdre son enfant ne crée assurément pas de conditions gagnantes pour les enfants, et maintenir les parents biologiques dans le portrait ne fait qu'entretenir cette angoisse.

M. Painchaud (Albert): En conclusion, nous nous opposons au projet des deux allégeances, puisque nous considérons qu'il ne favorise pas de port d'attache, il ne fait que perpétuer les conflits internes chez l'enfant. Aussi, il maintient les familles adoptantes dans un rôle de deuxième ordre. Depuis le... depuis le dépôt de notre mémoire, nous avons continué à cheminer et nous souhaitons aujourd'hui vous formuler quelques recommandations en lien avec notre expérience terrain.

Sur le plan de la gestion des cas d'exception, il est avancé que les cas de maintien des liens avec la situation d'origine sont exceptions. Dans la situation où il existe une volonté réciproque de maintenir un lien, nous vous recommandons de privilégier le placement à majorité et de laisser au juge le soin de gérer les exceptions, évitant ainsi d'édicter des règles universelles pour statuer sur les exceptions.

Mme Wilhelmy (Catherine): En ce qui a trait à l'évaluation, actuellement c'est à travers les comportements et les émotions de l'enfant qu'on évalue si la famille biologique a elle-même évolué et sera prête éventuellement à reprendre l'exercice de ses devoirs parentaux. On crée une preuve par l'absurde en soumettant régulièrement l'enfant à ses blessures les plus profondes, histoire de voir si la famille biologique peut conserver son droit inaliénable d'être parent.

Nous vous recommandons de développer des outils rigoureux qui permettront véritablement de mesurer et évaluer ce qui doit être fait dans l'intérêt de l'enfant et où celui-ci ne sera pas le seul outil d'évaluation. Actuellement, tout le système est centré sur le droit inaliénable d'être parent, et ce, trop souvent au détriment des enfants.

M. Painchaud (Albert): Sur le plan des ressources, les ressources sont déjà limitées, pour les besoins actuels. L'appareil juridique qui entoure l'enfant est de plus fort impressionnant, et ceux qui vivent de la fragilité de l'enfant ne sont pas là pour en faciliter les délais, malheureusement, et ce projet de loi ne réduira certainement pas les délais.

Nous vous recommandons d'encadrer davantage tout le processus juridique de façon à le réduire et d'allouer davantage de ressources et de formations pour les familles d'accueil. Comment se fait-il que l'adoption internationale exige une batterie de tests et de formations, alors qu'ici on nous dit simplement: Vous êtes de bons parents, vous avez de l'expérience, vous allez voir, ça va bien se passer? Or, il n'y a rien de plus faux là-dedans. Accueillir un enfant blessé, c'est réapprendre à être parent d'une façon complètement nouvelle et différente, qui va bien souvent à l'envers de l'instinct et de l'affection. Nous en savons quelque chose, nous sommes aussi parents de trois enfants biologiques et de quatre... et grands-parents de quatre petits garçons entre deux et huit ans.

Mme Wilhelmy (Catherine): Sur la promotion de l'adoption au Québec, beaucoup d'enfants de quatre ans et plus ne trouvent plus de famille d'accueil parce que leur situation s'est fragilisée avec le temps ou parce qu'il devient plus attrayant pour les familles de se tourner vers l'adoption internationale pour adopter un poupon sans s'encombrer de la famille biologique. Adopter un jeune de la DPJ est souvent vu comme un geste déraisonnable et risqué, un processus démesurément compliqué, long et extrêmement difficile à vivre. Nous ne pouvons malheureusement que confirmer la chose. Toutefois, l'adoption internationale n'est pas non plus une panacée dépourvue de toute embûche, et, malgré l'imperfection du système québécois, il demeure qu'adopter un enfant chez nous c'est un peu parvenir à changer le cours des choses, c'est une forme de grand bonheur qui amène... Non, je ne suis pas capable.

M. Painchaud (Albert): O.K. C'est une forme... O.K. Il demeure qu'adopter un enfant chez nous c'est un peu parvenir à changer le cours des choses et c'est une forme de grand bonheur qui amène un tout autre sens au mot «parent». Il y a de belles et grandes choses à faire pour les enfants de chez nous, encore faut-il s'en donner les moyens.

Nous vous recommandons d'améliorer le système en place et d'y prévoir une place pour les familles d'accueil plutôt que de créer de nouvelles embûches aux parents qui souhaitent encore s'investir au Québec pour accueillir les enfants blessés qui se trouvent dans notre cour.

Nous vous recommandons finalement que l'ensemble des instances d'adoption au Québec s'arriment afin de promouvoir et de privilégier l'adoption des jeunes de chez nous plutôt que de paver la voie à l'adoption étrangère comme c'est le cas actuellement. Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Painchaud. Merci, Mme Wilhelmy. Mme la ministre.

Mme Weil: Merci, Mme Wilhelmy, M. Painchaud. Écoutez, votre émotion est tout à fait... C'est drôle, parce que, juste au moment où vous avez eu cette émotion, j'avais eu... j'avais dans ma tête justement que l'adoption, c'est justement l'espoir d'une nouvelle vie. Et, alors qu'on est vraiment dans le très juridique, et vous nous amenez des problèmes dans le système des familles d'accueil, etc., en bout de ligne, on parle de ça, on parle de l'espoir et des conditions gagnantes pour cet enfant, que ce soit un bébé, ou un jeune enfant, ou un enfant peut-être adolescent, de trouver une famille qui va l'aimer, qui va faire en sorte que cet enfant puisse s'épanouir. Alors donc, je suis heureuse de voir votre émotion parce que ça nous ramène à ça.

Et là je vais vous poser des questions pour bien comprendre la teneur de vos recommandations. Je pense que, dans un premier temps, vous faites un commentaire sur le système des familles d'accueil...

Mme Wilhelmy (Catherine): Oui.

**(16 h 50)**

Mme Weil: ...plus d'appui pour ce réseau-là. Nous avons ici des gens du ministère de la Santé et des Services sociaux, évidemment qui sont beaucoup dans ce créneau-là, donc on reçoit bien vos commentaires, comment épauler ces familles d'accueil pour qu'elles puissent jouer le rôle qu'elles ont à jouer.

Si je comprends bien, vous êtes pour l'adoption, vous y croyez, mais vous voulez vous assurer que le message clair, c'est qu'il y a un couple de parents... peut-être pas nécessairement toujours un couple, mais des parents qui ont vraiment l'autorité parentale, qu'il n'y ait pas de confusion par rapport à qui sont les parents.

L'intention de la loi, évidemment, c'était de venir au... cet avant-projet de loi, c'était de venir confirmer que, oui, l'adoption plénière, c'est vraiment la forme d'adoption qui va être privilégiée, donc on continue dans cette même direction, mais que par ailleurs l'évolution de la société et des pratiques très courantes, c'étaient ces ententes, que ça existe déjà dans les faits puis ça existe dans les autres juridictions, mais que ce n'est pas des ententes qui vont nécessairement avoir des liens entre les parents, c'est peut-être, comme on a beaucoup évoqué, envoi d'une photo lors de son anniversaire, donc c'est attaché à ces ententes de communication. Il n'y a aucune obligation, les parents adoptants sont les parents, et donc l'identité de l'enfant, évidemment, comme on a parlé d'identité, la première identité de l'enfant...

Mais, ceci étant dit, sa famille adoptive, c'est sa famille, et tout ce lien d'attachement... on a beaucoup parlé du lien d'attachement, donc c'est tout à fait dans la vision de cet avant-projet de loi, mais que par ailleurs les centres jeunesse et d'autres qui travaillent dans le milieu, proches des enfants, nous disaient qu'il y a des situations où des enfants plus âgés qui connaissent déjà leurs parents ne... que, pour eux, ce serait une fiction que de rayer de leur historique leurs origines. Et c'était vraiment que ça, c'est... Et d'ailleurs, en France, d'après ce que je comprends, en Europe, ils trouvent que l'adoption plénière, c'est radical, alors que nous, c'est l'inverse. C'est drôle, hein, les différentes visions qu'on peut avoir. Toujours... Et tout le monde a la même... a le même objectif, c'est l'intérêt de l'enfant puis de trouver la meilleure façon pour l'enfant.

Mais, ceci étant dit, donc l'intention, c'était que, oui, ça soit assez exceptionnel. On verra jusqu'où on va aller pour le rendre exceptionnel, on parle de «notamment». Mais l'entente de communication, il faut que ça soit volontaire et entre les parties. Et là on nous a même recommandé qu'il y ait une évaluation psychosociale pour s'assurer que c'est vraiment la meilleure situation.

Mme Wilhelmy (Catherine): Je m'excuse. Et, là-dessus, sur l'évaluation psychosociale, il faudrait que ce soit une évaluation psychosociale 360.

Mme Weil: C'est ça, oui. Alors, c'est ça. Donc, il y a beaucoup... il y a eu beaucoup de recommandations dans ce sens-là, donc je voulais juste voir si, avec comme compréhension ce que je viens de dire, c'est-à-dire que l'adoption sans rupture, c'est vraiment pour certains enfants qui par ailleurs vont rester toujours en famille d'accueil et peut-être vont changer de famille d'accueil s'ils ne sont pas adoptés, c'était cette préoccupation-là qui nous a amenés à amener cette autre forme. Maintenant, il y a des juristes qui nous disent qu'il y a d'autres choses aussi. Il y a eu... On a entendu le professeur de l'Université de Montréal, il y a eu la Chambre des notaires qui disent qu'il y a aussi cette question identitaire qui est aussi importante, sans que ça amène nécessairement des fréquentations. C'est juste que c'est une identité qui est là, on ne peut pas la rayer.

Ceci étant dit, je voudrais vous entendre. Est-ce qu'avec cette optique-là vous êtes toujours, comment dire... L'adoption ouverte telle qu'on la connaît, telle que la pratique... telle que la pratique le démontre, comment vous la voyez? Je veux dire, elle existe. Alors, nous, ce qu'on voulait faire, c'est de s'assurer qu'il y ait... que ce soit entériné par le tribunal pour le rendre légal, juridique.

M. Painchaud (Albert): Nous, on est... on trouve qu'avec la nouvelle disposition qui est prévue dans cet avant-projet de loi là, que ça ouvre trop grande la porte à une situation, au point de départ, qui est ultrafragile, O.K.? Puis c'est pour ça qu'on dit: Si, par exemple, on veut qu'à un moment donné il y ait des communications qui se maintiennent avec la famille, si on veut qu'il y ait des liens qui soient maintenus... D'une façon ou d'une autre, il est démontré que ce sont des cas d'exception, hein, ce n'est pas la... ni la majorité ni même la minorité, ce sont vraiment des cas d'exception. C'est pour ça qu'on dit: Dans ce cas-là, redisons aux juges le fait, hein, redisons-leur le fait qu'ils peuvent sanctionner ça, mais ne mettons pas une nouvelle armada en place pour faire une généralité d'exceptions. C'est essentiellement ça qu'on dit. Puis là, bien on revient avec notre expérience, hein, on dit: Il y a comme une espèce de paradoxe, là-dedans, où on part un peu d'une situation de chaos, hein, dans la famille biologique, où là la famille a été déclarée comme pas apte à s'occuper d'un enfant, il y a des situations de négligence, il y a des situations d'abandon, il y a toutes sortes d'affaires, les grands-parents ne sont pas là, ils sont là, il y a des ex, il y a... il y a toutes sortes d'affaires, là, dans l'environnement, là. Bon, ça, c'est un côté.

Là, on se retrouve avec un enfant qu'on a sorti de là et avec qui on doit développer une nouvelle entité, puis autour d'un noyau très proche, là, hein? Nous autres, par exemple, au point de départ, avec les psychologues, les travailleurs sociaux, puis tout ça, ils nous avaient dit: O.K., là, le noyau, là, il y a trois personnes, hein, il y a Catherine, il y a Morgane, qui est notre fille de 17 ans, hein... Il y a Catherine, il y a Morgane puis il y a moi, hein! Puis ça, le noyau, là, il tourne autour de ça. Et progressivement, aussi... Chez nous, là, il y a deux grands-mères puis deux... une arrière-grand-mère puis un grand-père. Ça existait tout aussi. Il faut tout remettre ça ensemble pour créer un nouvel environnement.

Puis là, quand on voit arriver le projet de loi, on dit: O.K. Là, là-dedans, on va introduire une nouvelle patente où, là, là, ça reste ouvert, hein, qu'il peut y avoir un droit de filiation de maintenu. Ça fait que, nous, on trouve que ça va trop loin quand on fait ça, hein? On dit: Les juges pourront décider ça, pourront regarder une situation comme ça, ce seront toujours des cas d'exception, mais ne voyons pas ça comme une nouvelle mesure qui a un caractère universel, alors qu'en réalité elle a vraiment un caractère de très grande exception. Notre message, là, c'est ça.

Mme Wilhelmy (Catherine): La personne... Geneviève Pagé, qui était avant nous, disait que, dans les facteurs gagnants de communication avec les... entre les parents adoptants, les parents biologiques et les enfants, il fallait qu'il y ait une belle entente puis une belle complicité entre tout ce monde-là.

Je vais vous poser la question à chacun d'entre vous. Je vous amène un petit enfant bien poqué. Il est poqué par des parents qui étaient avec des problèmes d'alcool, de violence, de... «whatever». Je vous dis: Je crois en vous pour redonner une autre chance à cet enfant-là, puis, «by the way», il y a eux autres aussi. Ça vous tente-tu?

Mme Weil: Ça vous tente-tu? J'essaie de comprendre la question.

Mme Wilhelmy (Catherine): D'embarquer dans le projet.

Mme Weil: Vous voulez dire les parents adoptants? Est-ce que les parents adoptants ou...

Mme Wilhelmy (Catherine): Je vous demandais à vous.

Mme Weil: Parce que finalement la vision derrière ça, ce ne serait jamais l'État qui va recommander ça, il faut que ça vienne, à quelque part... Disons, l'enfant connaît très bien ses parents. C'était vraiment très, très limité, dans ce concept. Je pense que c'est dans les mots mêmes de l'article qu'il y a peut-être de la confusion, parce qu'on parle de... peut-être le trouver... de confirmer des liens d'attachement. Je pense que c'est l'expression qui est utilisée. Et je pense que beaucoup ont interprété ça comme voulant dire de maintenir des liens de contact, alors que ce n'est pas du tout ça. L'idée, c'était que, si le juge remarque, et là ce serait par consentement puis peut-être éventuellement... on verra avec les recommandations, mais on a plusieurs qui ont recommandé une évaluation psychosociale de 360, comme vous dites, que ce qui serait vraiment... comment dire, ce qui serait vraiment dramatique, ce serait de rayer son antécédent, parce qu'il connaît très bien ses parents -- peut-être que son père l'appelait le jour de sa fête, à chaque année, peut-être qu'il ne le voyait jamais, là, mais on ne peut pas dire que ce père n'existe pas dans son histoire -- c'était beaucoup ça, et que finalement c'était un frein à son adoption. C'était ça, la volonté derrière ça. Mais ce ne serait pas que le système et l'État viennent dire que, là, il va avoir deux sets de parents, là, dans sa vie. Je voulais juste le clarifier.

Mais j'entends bien... comment dire, votre mise en garde, je l'entends, puis ça fait écho à d'autres aussi, d'une autre façon parce que vous le vivez très personnellement, mais je pense que ça rejoint beaucoup d'autres qui ont dit: Prudence, et de clarifier surtout dans quelles circonstances on a imaginé ce genre d'adoption, et aussi que le juge puisse évaluer la situation où finalement ce serait illogique... bien, plus qu'illogique, dramatique, comme je dis, de faire l'inverse, l'adoption plénière pourrait être un peu... bien, ce serait plénière, mais c'est-à-dire que... plénière serait dramatique, où l'enfant qui a peut-être 10 ans, je ne sais pas quel âge il aurait, mais il connaît très bien ses parents. Donc, c'est un peu ça. Je voulais juste m'assurer que, oui, votre message... Moi, je le comprends, je comprends ce que vous dites. Je pense que ça rejoint beaucoup d'autres qui ont dit: Prudence! de ne pas créer de confusion dans la vie de l'enfant, de nous assurer aussi que, comme vous dites... Parce que les... bien, si j'ai bien compris, que les parents adoptants, sachant qu'il y a cette autre forme d'adoption qui pourrait être imposée, bon, qui est-ce qui va vouloir s'embarquer là-dedans? Bon. Donc, je ne sais pas si ça répond un peu à vos préoccupations.

**(17 heures)**

Mme Wilhelmy (Catherine): Ce que je disais...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Madame, je vais... Non, non, vous n'avez pas fait de faute, Mme Wilhelmy. Je vais juste vous dire que je vais permettre à Mme la députée de Joliette de vous poser des questions, puis vous pourrez répondre, il n'y a aucun problème. Allez-y, Mme la députée.

Mme Hivon: En fait, je vais poursuivre sur cette voie-là. Je veux vous remercier. Je pense que c'est un vrai cri du coeur que vous nous livrez, puis c'est important, parce que, cet après-midi, on a eu des exposés théoriques, et la théorie, c'est important, mais la pratique, ça l'est certainement plus aussi. Mais il y a des gens qui sont dans la pratique qui ont des opinions différentes des vôtres, mais la grande valeur de votre témoignage, c'est que vous l'avez vécu dans le très concret, et, moi, ce que je perçois et les témoignages que j'ai de gens qui vivent la Banque-mixte, c'est à quel point c'est un défi énorme. Et je pense que c'est important que, nous, comme parlementaires, on reconnaisse ce défi-là et aussi la force incroyable des parents qui s'engagent dans ce parcours de combattant là et qui ont une ouverture incroyable au début du processus et qui maintiennent le cap. Probablement qu'au début ils ne savent même pas à quel point ça va être complexe, et les étapes s'accumulent, et finalement ils tiennent bon, et après c'est comme si vous recevez ça aujourd'hui, je pense, cet avant-projet de loi là, comme dire: Bon, c'est comme pas assez compliqué déjà, puis le défi est comme pas assez grand, et là vous voulez nous mettre d'autre chose dans les pattes encore qui va planer au-dessus, alors... En tout cas, j'entends très bien votre cri du coeur, vous pouvez être certains.

Et ce que je comprends, c'est que, oui, nous, on est là, dans notre belle théorie, à dire: Mais le double lien de filiation, ce serait dans des cas très, très exceptionnels, très balisés, et tout ça, et l'adoption ouverte, il faudrait le consentement de tout le monde. Mais, vous, ce que vous dites, puis là vous me corrigerez, c'est que le signal, un peu, qu'on envoie en amenant, par exemple, potentiellement, si on allait de l'avant avec ça, ces nouvelles formes là d'adoption, c'est de dire: Il y a encore plus de risque que l'adoption ne se concrétise pas... je dirais, l'adoption plénière ne se concrétise pas comme vous le souhaiteriez quand vous amorcez le processus dans la Banque-mixte, et aussi, j'imagine, que vous souhaiteriez dans l'intérêt de l'enfant.

Tantôt, on parlait de l'intérêt des parents biologiques, il y a l'intérêt des parents adoptifs, mais c'est sûr que je pense que les parents qui sont dans un processus de Banque-mixte, ils se disent toujours... ils cherchent le meilleur intérêt, puis, quand ils voient leur enfant revenir avec des séquelles après des rencontres ou qui sont tout bouleversés, ils se questionnent à savoir si on fait vraiment ça dans l'intérêt de l'enfant. Donc, je veux juste vous dire qu'on comprend que c'est comme si on envoyait un message que ça va être encore plus risqué de s'embarquer dans ce processus-là, et, vous, vous dites: Faites attention à ça! C'est ça?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Wilhelmy... Oui.

M. Painchaud (Albert): Disons que... Je pense que vous avez raison. J'écoutais Mme la ministre tout à l'heure, le message, en tout cas... Puis, nous, on en a discuté, on en a parlé, on est dans un milieu, aussi, juridique, etc., et le message qui découle de ce projet de loi là... Moi aussi, je me suis tapé, là, tous les rapports, les études en Angleterre, puis en Ontario, puis en Suisse. Bon. Et le message, puis le message qui sort de là, là, c'est que c'est une nouvelle dimension qui ne facilitera pas le rôle... l'adoption, au Québec, des enfants problématiques, on va les appeler comme ça, là. Puis, nous, la façon dont on le vit aussi... Puis, quand on a vu ce projet de loi... c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, là, parce qu'en réalité... Il y a des anthropologues, on les a entendus toute la journée, là, et nous ne partageons pas leur point de vue dans la plupart des cas. Mais, quand même, voici un message public, puis installez-vous avec 50 familles adoptantes, puis je vous garantis que tout le monde va être mal à l'aise avec. Les anthropologues vont être bien d'accord comme étant l'évolution normale de la société depuis les années 1963, où il n'y avait que des orphelinats au Québec, là. C'est sûr. Mais, sur le terrain, ce n'est pas ça que ça donne.

Mme Wilhelmy (Catherine): Question de délais, là, vous parliez de délais puis... Qu'est-ce qui va se passer quand on va tomber sur un juge proadoption ouverte ou procommunication? Bon, bien, là, travailleur social de la DPJ, tel secteur, vérifiez donc, là, voir s'il n'y a pas moyen de... C'est encore plus de délais, plus... plus, plus, plus. Il y a ça.

Mme Hivon: En fait, vous êtes dans le très concret et pratique de la réalité de la Banque-mixte, mais en même temps il faut le regarder aussi comme signal pour le système dans son ensemble, pour le système de la Banque-mixte notamment, en disant: Il n'y a déjà pas beaucoup de gens qui se tournent vers la Banque-mixte, alors que les besoins sont énormes... bien c'est-à-dire vers l'adoption interne, alors que les besoins sont énormes, parce que les gens ont peur, parce que c'est évidemment des enfants qui sont, comme vous dites, poqués, que déjà il va y avoir une période de transition importante, où il va y avoir fort probablement des contacts avec la famille biologique pour continuer à tester leurs aptitudes parentales, et tout ça. Et vous vous dites: On est comme en train de faire planer d'autres risques et donc peut-être de défavoriser. Et je comprends que ça, c'est plus un point de vue de système, et ça s'éloigne peut-être un peu de certaines choses très techniques qui sont dans le projet de loi, mais qui sont en lien avec toute la réalité de l'adoption au Québec.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Wilhelmy, oui.

Mme Wilhelmy (Catherine): Ça s'éloigne un peu du projet de loi, mais vous allez revenir avec ça tout à l'heure parce qu'il va falloir que vous équipiez les DPJ de services pour accompagner les gens. Puis actuellement les services et la formation pour les familles d'accueil, il n'y en a pas. Nous autres, ce qu'on a eu, ce qu'on est allés chercher, on est allés le chercher par nous-mêmes, puis c'est tout.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Painchaud.

M. Painchaud (Albert): En tout cas, moi, j'ai l'impression des fois qu'on va un peu à contre-courant. Moi, je vais juste vous donner l'expérience qu'on a eue dans les deux dernières années. Nous, on s'est inscrits, là, dans tout ce qu'il y avait de ressources possibles et imaginables, hein? Entre autres, on s'est retrouvés dans des formations à Montréal, là, Sainte-Justine, des formations pour des parents de... Bon. Et le malaise qu'on avait... Mettons, on se retrouvait autour d'une table comme ça, là, 20 couples, et tout le monde se présentait au début, puis, quand ça arrivait à nous autres, on disait: Ah! nous, on a un jeune de la DPJ. Puis là tout le monde nous regardait comme si on était quasiment des martyrs ou des je ne sais pas quoi, parce que tout le monde, les 19 autres couples, eux autres s'en allaient tous faire un voyage en Inde, en Haïti -- ça marchait encore -- et au Vietnam, pour chercher un enfant. Et ça, c'est valorisé, ça, là, c'est... hein, tout le monde... c'est magique, hein? C'est comme si les enfants qu'on ramène de là, ils étaient sans problème et sans historique, hein? Puis personne ne croit qu'ils ont un historique. O.K.? Il n'y a que les enfants de la DPJ qui ont un historique, négatif, hein? Alors, quand on... Ça, là, je vous le dis, c'est... On l'a vécu, là, deux ans de temps, là, dans toutes les situations où on se retrouvait, on était notre petit couple avec notre enfant de la DPJ, puis tout le monde nous regardait de travers à chaque fois qu'on en parlait, puis ils disaient: Ah! bien, vous autres, c'est la DPJ, ce n'est pas pareil, c'est compliqué, puis c'est tout... Bon. Partout, aller adopter, n'importe où, ça, c'était facile, c'était simple. Bon.

Ça fait que c'est un peu aussi devant tout ça qu'on vous dit: Là, la loi, elle va continuer. L'avant-projet de loi, là, si on maintient cet esprit-là... Puis peut-être que la lettre, comme disait Mme la ministre tantôt, peut-être que la lettre est différente de l'esprit qu'on décrit. Mais on dit: Si on maintient cette perception-là, bien on vient d'envoyer tout le monde, encore une fois, dans les pays étrangers, et on va continuer à droper dans les familles d'accueil les enfants qui ont en haut de quatre ans, cinq ans, six ans, puis qu'on déclare, en plus, non adoptables. Je ne sais pas si vous avez vu la terminologie, là, dans les rangs, on dit: Ah! bien, lui, ça ne marche pas, il n'est pas adoptable. Là, c'est quasiment un sacrilège, dire ça, là. Ça n'a pas de bon sens.

**(17 h 10)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je sais que vous voulez intervenir, mais nous sommes rendus au niveau de Mme la ministre. Est-ce que madame... Je sais que monsieur... Mme Wilhelmy, vous voulez intervenir.

Mme Weil: Allez-y.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur votre temps, Mme la ministre.

Mme Wilhelmy (Catherine): Bien, il y a une affaire qui m'a interpellée dans les autres interventions avant, c'était le besoin identitaire. Puis je voudrais juste vous raconter une petite anecdote, toute petite, comme ça. C'est quand on est allés chercher notre enfant. On a eu un appel à 2 h 30 un mardi: Madame, vous êtes enceinte, à 5 h 30, vous allez accoucher. On a accouché à 5 h 30. On l'a rencontré. Il est arrivé chez nous. Le vendredi matin, on est allés le chercher. Ça faisait cinq minutes qu'on était dans l'auto, puis il disait: Maman! maman! maman! Puis, je regarde Albert, je dis: Bien là, qu'est-ce que je fais? Il dit: Bien là, réponds! Là, je réponds. Et ça a continué comme ça. Au début, c'était tout le monde qui s'appelait maman.

M. Painchaud (Albert): Moi, j'allais faire le marché avec lui au IGA, là, puis toutes les madames... Catherine a déchanté parce qu'il appelait toutes les madames maman. Le problème, c'est... Six mois après, par contre, il n'y avait plus rien qu'elle. Ça, c'était correct.

Mme Wilhelmy (Catherine): Ça fait que le besoin identitaire, des fois c'est aussi simple que ça: Donnez-moi-z-en une, mais donnez-moi-z-en une pour vrai.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, on a eu des spécialistes, mais il y en avait un quand même qui était un enfant adopté. Je pense qu'il faut faire attention aussi de tout simplement dire que c'est des grands penseurs sans aucun lien avec la réalité, parce qu'il y en avait plusieurs qui avaient vécu. Je pense à la Chambre des notaires. Et ses concepts pouvaient sembler très, très juridiques, mais, lorsqu'il parlait de la question identitaire, c'était très profond. Donc, je pense qu'il faut quand même se dire que ce n'est pas juste un système qui est... qui ne rend pas service aux parents qui veulent adopter. Il y avait beaucoup de cris du coeur aussi de ces gens qui sont maintenant adultes, qui sont capables de s'exprimer par rapport à quelque chose qu'eux ressentent très profondément.

Et donc, nous, évidemment notre rôle, c'est de trouver, entre ces besoins de part et d'autre, hein, c'est des grands besoins de part et d'autre... d'une part... bon, premièrement, de trouver des solutions qui vont répondre aux règles et aux besoins de tout le monde, mais toujours évidemment dans l'intérêt de l'enfant, un enfant qui éventuellement devient adulte. Donc, on a voulu être prudents. Je n'ai pas vraiment de questions parce que je comprends bien votre préoccupation, mais je voudrais vous rassurer beaucoup sur l'intention de l'État, hein, généralement. On représente l'État, et c'est ça, le rôle des législateurs, c'est de voir... de faire en sorte d'évoluer... de faire évoluer la société puis que le droit ne reste pas en arrière de la société. Et là la société, malgré ce que vous dites, la société nous dit: Vous avez du retard, au Québec, vous avez vraiment beaucoup de retard par rapport au reste du Canada, puis d'autres formes d'adoption, réveillez-vous, modernisez votre système par rapport aux connaissances des antécédents. Et c'est dans cette vision-là qu'on amène cet avant-projet de loi.

Les problèmes de système que vous évoquez, c'est des problèmes réels auxquels il faut s'adresser -- je pense que c'est la valeur de ce que vous amenez là -- et de confirmer que les parents adoptants, il y en a beaucoup qui nous l'ont dit aussi, sont les parents, et qu'il n'y ait pas de confusion à ce niveau-là. Je pense que vous le dites clairement, et il y en a plusieurs qui nous l'ont dit. Mais ceux qui recherchent l'identité disent qu'il n'y a pas de conflit entre ces deux-là, mais que les gens qui se sentent menacés, ils se sentent menacés par ça, les parents adoptants, justement parce que les choses n'étaient pas toujours... ça n'a pas toujours bien fonctionné pour eux.

Mais d'autres ont des belles histoires, beaucoup d'autres ont des très belles histoires sur l'adoption ouverte. Moi, j'ai beaucoup d'amis qui ont fait l'adoption ouverte, aux États-Unis et ailleurs. Des contacts, c'est au tout début, ça a permis à la mère biologique de dire: J'y vais, je suis prête à aller de l'avant. Et finalement l'entente de communication, il y avait vraiment... il n'y a pas eu de contact, il n'y en a plus. Alors, c'est dans tout... C'est dans cette réalité que ce projet de loi s'inscrit. Mais aucunement est-ce qu'il y avait l'intention de dire que les parents adoptants d'enfants ici, en Banque-mixte, en plus... On vient valoriser, et c'était beaucoup le message des centres jeunesse: on veut valoriser. Est-ce qu'il y a des corrections à apporter? Bon, ce n'est pas parfait peut-être, ni dans le système ni dans les mots qu'on utilise, mais l'intention, c'est de dire, justement pour répondre à M. Painchaud, c'est de dire: Ce type d'adoption est aussi valable et, comment dire, bénéfique que l'adoption internationale, pour qu'il n'y ait pas de distinction, comme vous le dites, dans ces groupes; je pense que vous l'évoquez très bien: première classe, deuxième classe, un peu ça.

Au contraire, c'est pour ouvrir tout ça et qu'éventuellement la mère biologique puisse dire: Je me sens en confiance, et là j'aime bien cette ouverture, ce n'est pas dans le secret que je le fais, je le fais avec confiance. C'est ça, la vision, la philosophie derrière tout ça: Comment fait-on pour s'assurer que ces ententes de communication, évidemment, soient clairement la volonté surtout des parents adoptants? Parce que c'est eux qui sont pris potentiellement avec ça. Ça, on est sensibles à ça. Mais je voulais quand même vous dire que la vision derrière tout ça, c'est l'inverse de ce que vous... je pense, de ce que vous appréhendez.

Ceci étant dit, je comprends que vous... par peut-être un peu de confusion ou autre, les appréhensions des uns et des autres font en sorte qu'on a une bonification à faire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, maintenant, j'aimerais que l'on discute de quelque chose d'un peu plus concret... en fait c'est très concret, mais un point très, très précis que vous avez soulevé dans votre mémoire.

En fait, vous dites: Toute la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, c'est là, en théorie, dans ce qui est avancé comme argument, pour répondre à des cas très, très exceptionnels. Beaucoup de gens nous disent: On est potentiellement ouverts à ça si c'est très, très balisé, très, très exceptionnel. Vous, vous semblez craindre que, pour l'exception, on crée un régime qui va ouvrir les vannes, et on ne sait pas ce que les juges vont faire avec, et tout ça. Et, de ce fait-là, vous dites: On devrait éliminer cette possibilité-là et, pour les cas exceptionnels qu'on a en tête, par exemple, qui seraient de la Banque-mixte... oui, bien en fait on n'est pas dans la Banque-mixte, mais des enfants de la DPJ, de plutôt favoriser le placement à majorité, jusqu'à majorité. Il y en a qui vont vous dire: C'est quand même mettre une croix sur une possibilité, par exemple, qu'un enfant soit adopté tardivement, à 12 ans ou à 13 ans, si, par exemple, sa famille d'accueil était prête à l'adopter et à lui donner un nouveau projet de vie, mais dans l'optique qu'il y ait un maintien du double lien de filiation. Vous me suivez? Alors, vous, c'est comme... vous dites: On ne pense pas que, dans une... même dans un cas comme celui-là, cette possibilité-là devrait être mise de l'avant. C'est ce que j'entends un peu.

Il y a quelqu'un, qui est aujourd'hui présent, qui nous a parlé la semaine dernière, qui, elle, disait la même chose que vous: c'est pour répondre à des cas exceptionnels. Elle, elle disait: On peut y répondre de d'autres manières, avec l'état civil, avec le juge qui peut ordonner un nouveau nom; si ce sont ces besoins-là, on peut le faire autrement. Mais, vous, vous arrivez avec quelque chose qu'on n'a pas entendu du tout, qui est de dire: On l'élimine complètement, et, dans ces cas-là, malheureusement, on ne vivrait qu'avec l'adoption à majorité? Est-ce que c'est ça un peu?

M. Painchaud (Albert): Je ne sais pas. C'est parce qu'en même temps on ne peut pas... ce n'est pas que... S'il passe un voilier de canards, là, si on en a besoin de juste trois, si on tire tous les canards au complet, on a un problème. Tu sais, c'est parce que, là, c'est comme si on essayait de tout régler à la fois, là. Alors, on dit, nous: Valorisons l'adoption avec les familles d'accueil, permettons à l'enfant de progresser, hein, développons un nouveau noyau familial, donnons-lui du support, hein, avant puis après l'adoption -- il en a été question beaucoup de ça aujourd'hui, là, avant et après -- puis, bon, permettons que cette affaire-là, ça s'envole, permettons que ça prenne de l'essor puis que ça mature un peu. Bon. Là, c'est sûr, il va rester quelques cas d'exception. Bon, on dit: Les cas d'exception, balisons ça un peu puis donnons au juge le soin de les régler.

Mais, nous, on a trouvé, par exemple, que, comme famille d'accueil, on n'avait à peu près pas de place à nulle part, puis pourtant on était la nouvelle cellule qui se formait avec un enfant qui était aussi en train de développer une nouvelle entité, identité. Mais tu n'as pas droit au chapitre à nulle part, hein, tu es un centre d'hébergement, puis tu es payé pour héberger. Nous autres, on s'en sacre-tu de l'argent, là? On ne savait même pas au point de départ qu'on allait être payés, de toute façon. Mais on dit: Valorisons ça, là. Puis c'est pour ça que, quand on parle de l'adoption au Québec, puis tout ça, là... je comprends ce que Mme la ministre disait tout à l'heure, là. On dit: Valorisons ça, poussons ça pour que ça progresse.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Wilhelmy.

Mme Wilhelmy (Catherine): Puis, quand on adopte un enfant, le juge nous demande quel nom il va porter. Il n'y a rien qui empêche... Si l'enfant ne veut pas céder son nom d'origine, rien n'empêche de dire: Il va conserver son nom. Dans le cas d'enfants plus vieux qui ont besoin de conserver ce lien-là, laissons-leur. Elle existe, la possibilité, actuellement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci. Je vous remercie pour votre témoignage. Je pense que vous attirez notre attention beaucoup sur la réalité de milliers d'enfants au Québec qui sont dans une famille d'accueil, qui attendent pour un projet de vie, et tout ça, puis je pense que c'est important, là, que vous le souleviez devant nous. Et, d'autre part, vous avez dit à un moment donné, dans vos mots, là, mais ce que j'ai compris, c'est qu'être dans la Banque-mixte, ça demande des capacités, des compétences parentales qui sont autres que celles habituelles. Je pense que... C'est toujours des compétences parentales, mais qui sont autres. Puis ça, je l'ai bien entendu de votre part.

Moi, ma question, c'est... Dans vos recommandations que vous nous avez soumises, vous recommandez d'encadrer davantage tout le processus juridique de façon à le réduire. Et là ma question, dans votre expérience de parents adoptants... Vous vous êtes présentés à la chambre de la jeunesse à quelques reprises...

Mme Wilhelmy (Catherine): Deux fois.

Mme Bouillé: Deux fois. Est-ce que, votre enfant et vous, vous étiez à l'aise dans ce processus-là? Puis qu'est-ce qui aurait pu être fait, selon vous, là, pour réduire le processus juridique ou rendre ça plus facilitant?

Mme Wilhelmy (Catherine): Nous autres...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Wilhelmy, allez-y. Oui, oui, j'ai vu ça que vous vouliez parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous faites bien, vous faites bien de nous dire ça, là, c'est correct.

Mme Wilhelmy (Catherine): Les deux seules fois où on est appelés à aller en cour, c'est au moment de la déclaration... non, pas déclaration d'admissibilité, le placement pour adoption, en vue d'adoption, puis au moment de l'adoption. Tout le processus avant, on ne sait pas ce qui se passe. Si on a un bon lien avec la travailleuse sociale, on a un peu d'information, mais on n'est pas supposés en avoir. Et ça dure, ça dure, ça dure. C'est reporté. Oup! il y a un nouveau témoin, il y a une nouvelle affaire. Oup! non, il y a telle demande. C'est interminable. Et tout le monde qui était impliqué dans le dossier de notre enfant nous disait: Vous avez un cas super simple, il n'y a rien là.

Mme Bouillé: Mais qu'est-ce qui aurait pu être fait...

M. Painchaud (Albert): Par exemple...

Mme Bouillé: Excusez, qu'est-ce qui aurait pu être fait, selon vous, là...

Mme Wilhelmy (Catherine): Y aurait-u moyen de réduire le temps que les juges ont pour rendre leur jugement? À coups de trois mois... Dans la vie d'un enfant de deux ans, trois mois, quatre fois, c'est beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, il ne me reste qu'à vous remercier sincèrement, au nom des parlementaires, pour votre présentation, Mme Wilhelmy et M. Painchaud aussi, bien sûr. Donc, je vous souhaite un bon retour.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de permettre au Conseil de la famille et de l'enfance de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 24)

 

(Reprise à 17 h 26)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Bienvenue à vous, du Conseil de la famille et de l'enfance. Mesdames, je sais que vous avez assisté à nos travaux. Je veux vous souhaiter la bienvenue par le fait même et vous expliquer les règles, que vous connaissez sûrement, j'en suis convaincu. Donc, vous avez 10 minutes de présentation et vous avez ensuite... On a 50 minutes, donc 25 minutes de part et d'autre pour permettre à l'ensemble de nos collègues de vous poser des questions pour éclaircir certains points qui pourraient être litigieux à leur sens. Donc, je vous laisse la parole sans plus tarder et je vais vous demander de vous présenter, s'il vous plaît.

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Rhéaume (Marie): Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Marie Rhéaume, présidente du Conseil de la famille et de l'enfance. Je suis accompagnée d'Isabelle Bitaudeau, qui est la secrétaire générale.

Mme la ministre de la Justice, Mmes, MM. les députés, j'aimerais d'abord remercier les membres de cette commission qui nous offrent la possibilité d'exprimer notre position sur cet avant-projet de loi. Pour ce faire, comme je l'ai dit, je suis accompagnée d'Isabelle Bitaudeau, qui pourra se joindre à moi et répondre à vos questions à la suite de ma présentation.

D'entrée de jeu, le Conseil de la famille et de l'enfance reconnaît la pertinence d'actualiser les dispositions législatives touchant l'adoption. Il partage avec la ministre de la Justice la préoccupation de refléter le plus adéquatement les réalités contemporaines des enfants et des familles en la matière.

L'avant-projet de loi aborde trois grands thèmes: les modes d'adoption, la confidentialité des dossiers et la délégation judiciaire de l'autorité parentale. Chacun soulève des enjeux particuliers qui touchent les familles concernées dans leur essence même.

Les intentions du législateur n'apparaissent pas clairement quant à certaines modifications proposées. Plusieurs questions concernant leurs conséquences dans la vie des familles demeurent sans réponse. En se basant sur sa connaissance des réalités vécues par les familles québécoises, le conseil souhaite porter sur le sujet un regard global et transversal. Trois principes ont guidé sa réflexion.

Le principe général de la primauté de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits a d'emblée été retenu. Il importe de penser non seulement aux besoins actuels de l'enfant, mais également au fait qu'il est une personne en devenir dont les intérêts sont éventuellement appelés à évoluer. Nous saluons le fait que l'avant-projet de loi souscrive à cette perspective en cherchant à faciliter l'élaboration de projet de vie permanent. Toutefois, le conseil désire rappeler qu'à ses yeux l'intérêt de l'enfant ne peut être compris et discuté isolément. Il est fonction de l'intérêt d'acteurs qui sont partie prenante: ses parents d'origine et adoptants, sa famille proche, les intervenants, les directions de la protection de la jeunesse, les centres jeunesse, les avocats, les tribunaux. Dans nos sociétés, l'intérêt de l'enfant est indissociable de l'intérêt public.

**(17 h 30)**

Le second principe sur lequel s'appuie le conseil et qui figure dans sa loi se résume ainsi: la contribution sociale des parents en tant que premiers responsables de la famille et de la prise en charge des enfants mérite d'être soutenue et encouragée. Le conseil réitère la nécessité de renforcer les services de première ligne pour avant tout permettre aux parents de bien jouer leur rôle et de prévenir l'apparition de problèmes sociaux. Il renouvelle son appui en faveur de mesures de soutien pour les familles en difficulté. Ceci est d'autant plus important qu'aucune famille n'est à l'abri d'une situation de vulnérabilité ou de pauvreté. Les raisons justifiant le placement ou l'adoption d'un enfant doivent être liées à la question des capacités parentales et non aux conditions de vie. La possibilité que le placement de l'enfant soit la seule solution face à des situations d'extrême pauvreté est une hypothèse très préoccupante.

Toutefois, pour certaines familles, les services de première ligne ne seront pas suffisants pour prévenir des situations de compromission. Dans ce cas, des services spécialisés devront être sollicités. Ainsi, lorsqu'un processus d'adoption se met en marche, le soutien et l'accompagnement doivent se faire tout au long de ce dernier, c'est-à-dire avant, pendant et après l'adoption. Cette idée d'une vision à long terme introduit bien le troisième principe qui a orienté notre compréhension des choses. À nos yeux, l'adoption doit être appréhendée comme un processus à teneur variée qui s'échelonne et se transforme dans le temps. Ce dernier a un impact sur les personnes et sur les relations qu'elles entretiennent. Vous le savez, le contexte sous-tendant le processus d'adoption est extrêmement émotif et très complexe. Je pense qu'on en a eu une preuve tantôt.

À ce sujet, vous me permettrez d'insister sur le devoir de transparence. Il ne s'agit pas simplement de transmettre aux enfants et aux parents une information valide et adéquate, mais également une information qu'ils peuvent s'approprier en tenant compte de leur bagage ou de leur littératie. Par ça, on entend leur état émotif, leurs connaissances, les représentations d'eux-mêmes qu'ils ont, les expériences vécues, le milieu de vie, d'où l'importance de tenir compte à la fois de la parole des enfants et des parents d'origine et adoptifs. Une attention doit être portée à la capacité des enfants et des parents de s'approprier les informations reçues ainsi qu'aux différents contextes au sein desquels cette information est transmise.

Par ailleurs, les imprécisions entourant certaines modifications, que ce soit la mise en application des ententes de communication ou le respect des droits et obligations accompagnant la délégation de l'autorité parentale, nous invitent à la prudence. Pour éviter, entre autres, les risques de judiciarisation, les approches consensuelles, tel que le recours à la médiation, devraient être favorisées.

Nous croyons que l'avant-projet de loi risque d'ajouter à la complexité du travail des intervenants. Pensons au fonctionnement des ententes de communication et au choix des modes d'adoption, qui ouvrent la voie à une définition des rapports entre les CSSS, les DPJ, les tribunaux, notamment. Il faudra investir dans la formation continue afin que les intervenants soient bien outillés, tout en favorisant le travail en intersectorialité pour assurer l'arrimage entre les grands réseaux institutionnels présents dans la vie des familles.

S'appuyant sur ces principes généraux, le conseil propose les trois recommandations suivantes: D'abord, que les mesures de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale soient poursuivies et développées de manière à ce que toutes les familles puissent disposer des ressources nécessaires à l'accomplissement de leurs rôles.

Deuxièmement: Que les familles disposent d'un ensemble complet de services de première ligne forts et accessibles s'inscrivant en continuité et en complémentarité. À cet effet, les principaux réseaux institutionnels et communautaires concernés, notamment ceux de la santé, des services sociaux, des services de garde, de l'éducation et du secteur de la famille, doivent coordonner leurs actions et mettre en commun leur expertise.

Troisièmement: Que les familles impliquées dans un processus d'adoption, comprenant enfant, parents d'origine et adoptants, proches, bénéficient de mesures de soutien et d'accompagnement à chaque étape significative de la démarche. À cet effet, le soutien et l'accompagnement passent par la transmission d'une information adaptée, intelligible et accessible. Ils reposent également sur le recours à des approches consensuelles de manière à éviter la judiciarisation autant que possible. Enfin, le soutien et l'accompagnement exigent aussi des approches en intersectorialité de manière à ce que les familles puissent compter sur des intervenants sensibilisés à leurs réalités et dont les actions sont complémentaires.

J'aimerais, en terminant, formuler deux commentaires sur des dispositions précises de l'avant-projet de loi. Le conseil a des interrogations quant à la mise en oeuvre et au fonctionnement des ententes de communication dans le cas de l'adoption ouverte. Quelle sera la portée de ces ententes, pour celles qui sont ordonnées au moment du placement? Comment s'articuleront-elles avec celles prononcées au moment de l'adoption? Feront-elles alors partie des plans d'intervention, des plans de services individualisés? Sans compter que les conditions pour assurer le respect de ces ententes et leurs modifications ultérieures peuvent entraîner des risques importants de judiciarisation. En outre, on ouvre la voie à deux types d'entente, l'une ayant valeur légale, dans le cas des parents d'origine, et l'autre, sans valeur légale, dans le cas des proches, ascendants et collatéraux. Rappelons que les grands-parents, frères et soeurs ou encore cousins, cousines peuvent avoir développé des liens significatifs très importants et positifs pour l'enfant adopté. Ces deux statuts différents ne risquent-ils pas de porter préjudice à l'enfant et à ses proches?

C'est pourquoi le conseil recommande que des précisions soient apportées eu égard à la portée et à la durée des ententes de communication de façon à ce qu'elles soient bien comprises par les familles concernées.

Enfin, la délégation judiciaire de l'autorité parentale au sein des familles recomposées soulève plusieurs questions. Par exemple, quels sont les droits et les obligations qui seront transférés aux nouveaux conjoints? Il semble que cette reconnaissance légale passera uniquement par l'adoption, alors que cette dernière constitue la forme permanente de délégation. Selon nous, cet enjeu majeur risque de toucher un très grand nombre de familles et devrait être abordé dans son entièreté et en tenant compte de la diversité des situations.

C'est pourquoi le conseil recommande que soient précisées les intentions du législateur concernant les dispositions de la délégation judiciaire de l'autorité parentale aux conjoints des parents. Si l'intention est d'introduire un tel changement pour l'ensemble des familles, il conviendrait d'en débattre publiquement et d'en évaluer les conséquences.

Pour conclure, je reconnais qu'établir le juste équilibre entre les intérêts de l'enfant, des parents adoptants et d'origine est un exercice délicat. L'adoption est un... l'adoption est un processus complexe et émotif, qui touche l'intimité même des familles. Il faut s'assurer qu'elle demeure un moyen exceptionnel dans l'arsenal des mesures de protection. Le conseil souhaite sensibiliser les parlementaires à l'importance de bien soupeser les conséquences éventuelles sur les principaux concernés: les enfants et leurs familles. Je vous remercie de votre écoute. Mme Bitaudeau et moi sommes prêtes à accueillir vos questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Rhéaume. Mme la ministre.

Mme Weil: Merci beaucoup, et bienvenue à cette commission. Évidemment, le coeur de votre mission, c'est le bien-être des familles, et je comprends très bien votre intervention d'ouverture, tout ce qui concerne la prévention, le soutien aux familles, évidemment, pour s'assurer que les enfants, en bout de ligne, puissent rester avec leurs parents, que les parents puissent maintenir la garde de leurs enfants, et tout ça. Ceci étant dit, le monde n'étant pas idéal, il y aura toujours des situations où les enfants auront besoin d'une famille adoptante.

J'aimerais vous entendre, donc peut-être votre opinion, sur différents aspects du projet de loi. L'adoption sans rupture de filiation. Évidemment, vous avez peut-être suivi les échanges. Beaucoup qui nous disent: Il faudrait... Je dirais que globalement la majorité sont pour cette nouvelle forme d'adoption. Il y en a qui ont une préoccupation, mais d'autres qui pensent que ça répond à une situation très particulière et voudraient donc que ce soit balisé, d'autres nous disent: Non, c'est peut-être mieux de ne pas baliser, mais qui trouvent que c'est une forme d'adoption avec des échos ailleurs, en Europe, et que c'est une forme un peu hybride mais intéressante. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez, de cette forme d'adoption?

Mme Rhéaume (Marie): Comme on l'a dit déjà en introduction, le conseil reconnaît la pertinence d'actualiser les dispositions, là, qui entourent l'adoption afin de mieux refléter les réalités des enfants et des familles. On sait que ça a quand même beaucoup changé, là, depuis le temps où ceux qui se retrouvaient en adoption, bien c'étaient surtout des tout petits bébés, là, qui pouvaient être pris en charge assez rapidement. On sait que les enfants qui sont adoptés maintenant, bien, connaissent souvent leurs parents, leurs frères, soeurs, quand c'est le cas, même la famille élargie. Ils sont souvent plus âgés. Donc, les éléments de... les éléments qui sont proposés en termes de nouveaux modes d'adoption nous apparaissent convenir, là, convenir aux nouvelles situations qui prévalent actuellement.

**(17 h 40)**

Mme Weil: C'est ça. Et je voulais en venir à l'obligation alimentaire en particulier parce que vous avez une préoccupation par rapport à ça. Il y a certains... d'autres organismes qui ont exprimé cette réserve mais qui nous recommandent peut-être d'aller dans le sens du modèle français, c'est-à-dire de reconnaître le droit à l'héritage, donc de succession, que ça ne mettrait pas en péril le droit... la liberté de tester, par ailleurs, ici, au Québec. Avez-vous une opinion là-dessus? Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question, c'est-à-dire un peu d'inverser l'obligation, d'éliminer la pension alimentaire mais de ramener l'autre, qui n'est pas vraiment une menace pour une famille ou une mère monoparentale qui n'aurait pas les moyens? Si elle n'a pas les moyens, il n'y a pas d'obligation alimentaire.

Mme Rhéaume (Marie): Oui, c'est certain qu'on s'est penchés sur cette question-là, puis, là-dessus, je demanderais à Mme Bitaudeau, là, de vous donner plus de précisions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Bitaudeau, oui.

Mme Bitaudeau (Isabelle): J'avoue qu'effectivement, sur cette question de l'obligation alimentaire, les membres du conseil se sont un peu interrogés sur l'esprit qui prévalait: Pourquoi, en fin de compte, le législateur avait souhaité introduire cette disposition-là spécifique pour les parents d'origine? On se demandait si, en fin de compte, cet élément-là introduit dans l'avant-projet de loi était comme un maintien d'un attribut lié à un statut de parent, d'une certaine manière, et est-ce qu'il n'y avait pas un risque, en introduisant cette disposition-là, d'alimenter une certaine confusion quant au statut parental, en fin de compte, tant pour les parents d'origine que pour les parents adoptants.

De plus, on s'est interrogés aussi sur les mécanismes qui devraient suivre cette démarche-là, en fin de compte: Qu'est-ce qui arrive, en fin de compte, si, bon, les parents adoptants ne sont pas en mesure d'assurer cette obligation-là? Donc, on va à la recherche des parents d'origine, et qu'est-ce... On se dit: Le temps a passé, on a... La présidente du conseil a insisté un peu sur le fait que l'adoption est un phénomène qui s'inscrit dans le temps et dans la durée, et on suppose bien, évidemment, que, toutes les personnes concernées, leur condition, leur statut marital, tout peut avoir changé, en fin de compte, entre le moment où l'enfant est adopté et le moment où on fait... où on va avoir à faire réaliser, là, cette obligation alimentaire. Donc, on s'est dit: Est-ce que ça... Qu'est-ce qui va arriver, par exemple, si les parents d'origine ne sont plus du tout dans la même situation, si la maman, par exemple, s'est remariée, vit en famille recomposée? Est-ce que du coup son conjoint devient solidaire de cette obligation-là?

En tout cas, on s'est interrogés beaucoup sur l'intention qui était là-dedans et puis sur les mécanismes qui permettraient de le rendre actif, en fin de compte.

Mme Weil: Avez-vous une opinion sur les droits successoraux?

Mme Bitaudeau (Isabelle): Ça n'a pas été évoqué directement par les membres du conseil. On sait que ça a été évoqué par plusieurs personnes qui se sont présentées ici. Les membres du conseil eux-mêmes n'ont pas, je dirais, fait de suggestions spécifiques quant à cet élément-là inscrit dans l'avant-projet de loi. Ils se sont davantage interrogés sur les impacts qu'il pourrait avoir, plus que sur des alternatives, par exemple, ou... et sur... j'y reviens un peu, sur l'esprit qui prévalait: Qu'est-ce qu'on voulait maintenir, en fin de compte, comme sens? Quel sens on voulait donner à ce maintien, là, entre les parents d'origine et l'enfant?

Mme Weil: Moi, j'aimerais peut-être vous entendre sur toute la question de la confidentialité des dossiers. J'ai trouvé intéressant... dans votre mémoire, vous dites: Finalement, il y a deux droits, même si les tribunaux ne l'on pas nécessairement reconnu, ils ont reconnu un des droits, mais beaucoup de gens sentent qu'il y a un autre droit, le droit à l'identité, et que vous recommandez qu'il n'y ait pas de hiérarchisation finalement, qu'on le reconnaisse puis qu'on trouve une façon d'accommoder ces deux droits. Avez-vous une opinion sur toute cette question... Vous notez aussi, en passant, que d'autres juridictions ont traité de la question, ont trouvé des façons d'ouvrir sur la confidentialité. Nous, évidemment, on fait la distinction des adoptions antérieures et postérieures. Avez-vous une opinion là-dessus?

Mme Rhéaume (Marie): Quand on a discuté de cette question-là... Bon, tout d'abord, on a bien compris votre intention de tenter de trouver un équilibre, là, à cette situation-là. Puis, l'écoute des intervenants nous a permis de voir à quel point c'est une question... c'est une question sensible, en particulier pour ceux qui cherchent à retrouver leurs origines, tout autant que ceux qui vont chercher à protéger, bien, leur vie privée, les conséquences que ça pourrait avoir. Je pense que c'est vraiment... c'est vraiment une question sensible. Et, notamment, c'est sûr que les familles d'origine qui ont abandonné un enfant ne viendront pas faire des représentations ici pour dire qu'ils veulent le droit à la vie privée. Ce serait un peu... un peu bizarre de dire... d'aller passer en commission parlementaire pour dire ça. Tu t'identifies déjà comme une personne qui a eu... Puis, si le restant de ta famille n'est pas au courant, ça peut être difficile. Cela dit, c'est sûr qu'on est conscients, conscients et sensibles face à la quête de la reconnaissance des origines des enfants qui ont été adoptés. Donc...

En même temps, on était au courant de ce qui avait été fait en Ontario et que c'était difficile d'avoir une loi qui avait des effets rétroactifs. À ce moment-là, ils se sont retrouvés rapidement en cour en fonction du principe de la protection de la vie privée. Donc, les discussions ont été... ont tourné autour de ça, en disant: Bien, on est conscients des divers aspects, puis il faudrait trouver les moyens.

Cela dit, il existe aussi, déjà, des moyens qui permettent actuellement de retracer... de retracer ses origines quand il n'y a pas de... quand les gens ont manifesté... quand les deux peuvent le faire. Je crois qu'il y a eu au-dessus de 1 000 retrouvailles, là, dans l'année qui s'est écoulée, 800... 800 réponses positives ou adéquates à des demandes d'information. Donc, on dispose déjà de mécanismes. Est-ce que ces mécanismes-là pourraient être perfectionnés? Il y a rarement de choses qui ne peuvent pas l'être. Donc, c'est ça.

Ce qu'on a considéré aussi, c'est que très souvent les informations contenues dans le dossier sont assez ténues. Donc, c'est... Souvent, on a des très grosses attentes par rapport à ces informations-là, mais ce qu'on va y retrouver, ça ne nous avance pas tellement.

Puis, on l'a analysé aussi en fonction d'une autre réalité qui est celle de la procréation assistée. On s'est dit: Dans quelques années, si ce n'est déjà commencé... Puis là on voit qu'il y a des représentations pour faciliter le recours à la procréation assistée. Les lois changeant, les choses changeant, on dit: Bien, quand on va vouloir avoir accès à nos origines, puis à notre dossier médical, puis tout ça, bien les gens vont chercher aussi à remonter à ce niveau-là. Donc, je pense que ce point-là pourrait être étudié en fonction de cette réalité-là. C'est assez l'état de la réflexion. Je ne sais pas si ça pourrait...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Vous aurez l'occasion, de toute façon, parce que Mme la députée de Joliette a sûrement plusieurs questions à vous poser. Mme la députée.

Mme Hivon: Merci. Pour rester sur ce sujet-là, vous savez sans doute que, c'est ça, plusieurs nous recommandent le modèle... recommandent à la ministre le modèle de l'Ontario, avec les veto: veto de contact, veto de divulgation d'information. Est-ce que vous pensez que, pour le passé, là, parce que, pour le futur, c'est une chose... Mais, pour le futur, c'est plus théorique, parce que, comme on le fait ressortir beaucoup pour l'adoption interne, c'est des enfants beaucoup issus de la Banque-mixte, qui connaissent déjà en partie leurs origines. Et, pour l'adoption internationale, vous le soulevez d'ailleurs dans votre mémoire, je pense qu'effectivement, pour respecter pleinement ce qui est prévu dans la convention des droits de l'enfant, et tout ça, il devrait y avoir une ouverture. Et je pense que le Secrétariat à l'adoption internationale aussi est en réflexion, à savoir: Est-ce qu'on peut s'engager dans des démarches, hein, bilatérales avec des pays où il y a beaucoup d'adoptions, pour favoriser l'ouverture de la confidentialité? Mais c'est sûr que c'est d'une complexité encore multipliée, là. Mais donc, pour le futur, c'est moins, je dirais, sensible que pour le passé. Est-ce que vous pensez qu'avec l'idée des veto on pourrait arriver à un équilibre du respect des droits, un peu, de part et d'autre?

Mme Bitaudeau (Isabelle): Je ne suis pas sûre qu'on ait... que les membres du conseil aient émis un positionnement très clair là-dessus. C'est sûr que, pour le futur, ils se montraient très ouverts à l'idée que les règles entourant la confidentialité avaient besoin d'être révisées et que désormais le... Ne serait-ce que le statut d'adopté n'est pas du tout le même de nos jours qu'il y a une trentaine d'années. Autant on pouvait cacher des choses, pour toutes sortes de raisons, autrefois, autant aujourd'hui il y a même une espèce de valorisation au phénomène de l'adoption. C'est socialement valorisé, et il est rare de nos jours qu'on cache à un enfant qu'il est issu d'un processus d'adoption, tout particulièrement à l'interne, mais, comme vous le soulignez, aussi en adoption internationale, c'est la même chose. Alors, on... le conseil est tout à fait sensible à cette quête de reconnaissance d'origines.

Sur la question du droit à la vie privée, il voulait aussi rappeler qu'il y a une pluralité de trajectoires. Il y a des gens qui, à un moment de leur vie, ne souhaitent pas et, à un moment de leur vie, peuvent avoir changé... changé d'avis sur cette question-là. Et c'est la même chose pour les enfants adoptés eux-mêmes, il y a des... il y a des moments de la vie où on peut être plus en quête qu'à d'autres moments. Donc, évidemment, il reconnaissait aussi que c'est... c'est un exercice difficile d'avoir un projet de loi qui puisse encadrer toute cette pluralité-là de situations et qui puisse soupeser l'équilibre, justement, de ces droits qu'on évoquait tout à l'heure, tout en restant le garant de certains engagements que le gouvernement a pris, d'une certaine manière, avec les adoptions qui se sont faites dans le passé.

**(17 h 50)**

Mme Hivon: O.K. Là, j'aborderais la question des services, parce que vous... Évidemment, vous êtes au coeur de toute la réalité familiale et donc des besoins des familles, et vous... Dans vos recommandations, vous êtes très, très centrés sur l'importance d'offrir un ensemble complet, évidemment, de services à la famille, notamment des... des services postadoption ou pendant le processus de l'adoption. On en a entendu, il y a plusieurs personnes qui ont mentionné le même désir, le même besoin de services, qui sont à peu près inexistants à l'heure actuelle en postadoption. Est-ce que... Comment vous voyez un peu l'organisation de ces services-là en termes de... Si c'étaient des services gouvernementaux, par exemple, est-ce qu'ils reviendraient à la charge des centres jeunesse? Parce qu'une autre chose qu'on nous a soumise, chez quelques participants, là -- c'était moins fréquent -- mais c'est la réalité que les centres jeunesse sont là d'abord pour la protection de la jeunesse, et la mission de l'adoption est quelque chose qui vient des suites des besoins de protection. Mais est-ce que ce serait vraiment eux qui seraient habilités ou qui devraient prendre cette... cette charge-là? Donc, j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.

Mme Rhéaume (Marie): Bon. Ce qu'on constate au niveau des services, d'abord c'est une recommandation qui a été formulée à long terme. On constate aussi qu'au moment de la réorganisation des services qu'il y a eu au niveau santé et services sociaux, les services aux familles, il y a eu une certaine diminution de l'accès, de la possibilité d'accès pour les services aux familles. Ça nous est rapporté dans plusieurs régions, où les gens disent: Bien là, c'est difficile, on n'a presque... presque plus accès à des services, à moins que ce ne soit très grave, là, puis là on peut... on peut passer comme en deuxième ligne. Mais, en termes de services de première ligne, qui serait la première partie, c'est sûr que le conseil est revenu sur cette question-là, parce que, bien, ça peut être au niveau de la prévention, dans l'étape, là, du soutien aux parents. Puis, quand on parle de ces services-là, on ne parle pas nécessairement toujours de services psychosociaux plus lourds, ça peut être du répit, du dépannage, d'autres éléments qui vont aider les parents à jouer leur rôle adéquatement.

Quant aux services postadoption, s'il y a quelque chose qui a fait consensus au sein des membres du conseil, c'est bien de dire que, l'adoption, la signature des papiers ne règle pas tout. Puis je pense qu'on l'a entendu tantôt, c'était un exemple quand même éloquent. Souvent, c'est des enfants qui vont avoir eu un vécu comme plus difficile, et c'est comme si, bon, cette étape-là est réglée, bon, on passe à autre chose. Mais les parents, eux, se retrouvent avec des fois des enfants qui ont vécu... des enfants fragilisés, des enfants qui ont vécu plus de difficultés. On le sait, l'adoption, c'est vraiment un processus... c'est probablement une des transitions familiales les plus difficiles qu'on peut connaître, là. Après des séparations houleuses, l'adoption, je pense que ça atteint des sommets de... des sommets de stress émotif, là, si on peut résumer ça comme ça. Donc, pour nous, il nous apparaissait essentiel que les parents, les parents adoptants comme les parents d'origine, soient accompagnés aux diverses étapes du cheminement. Donc...

Bon, maintenant, savoir... On ne s'est pas attaqués à l'organisation des services de manière pointue, mais c'est certain que, quand l'enfant présente des difficultés comme, tu sais... C'est parce que le problème qu'il y a, c'est que, si on ne soutient pas les parents, l'enfant risque de se retrouver dans le système. Donc, c'est important que... c'est important qu'on les soutienne, au risque qu'ils abandonnent parce que c'est trop éprouvant, là. Je pense que ça, ça fait... ça fait du sens, là. Tu sais, c'est difficile pour des parents ordinaires. Il y a certaines étapes qui peuvent être difficiles dans la progression de la famille. Donc, on peut penser que, quand on a des enfants un peu traumatisés, un peu en difficulté, insécures, avec des problèmes d'attachement, avec des difficultés de comportement, ça peut être... ça peut être très exigeant pour les personnes qui en ont la charge, là. Donc, il y a les CSSS, il y a les centres jeunesses, il y a des organismes communautaires qui soutiennent les familles. Je pense que l'ensemble de ces ressources-là pourraient être mises à contribution, là, en autant aussi qu'on a des intervenants qui sont bien formés pour soutenir les familles puis les accompagner aussi, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il y a encore beaucoup de temps. Oui.

Mme Hivon: Oui. O.K., ma collègue...

Mme Bouillé: Oui, bien, merci. Dans la suite des services de première ligne, là, forts, accessibles, comme vous le dites -- puis là je vais vous faire part de mon expérience plus personnelle, là -- mais c'est que les intervenants en première ligne, ils ont besoin du maximum d'information pour être capables de donner le soutien à l'enfant et à la famille. Et c'est ce qui manque dans le cas de l'adoption, parce que l'enfant n'est pas capable d'exprimer ce qu'il a vécu, bien souvent, et il n'est pas capable de le verbaliser, de le mettre en mots, et les parents ne le savent pas. Donc, les services de première ligne, bien souvent, vont envoyer un questionnaire aux parents adoptants pour connaître la situation puis pouvoir orienter le service. Mais, quand le questionnaire a 10 pages et que, les huit premières pages, ni l'enfant ni les parents adoptants ne peuvent y répondre, bien c'est assez difficile pour les services de première ligne d'orienter, après ça, le service. Donc, je pense qu'il faut songer à ça, là. Puis toute la révélation, les renseignements sur l'enfant, sur son vécu, sur les antécédents sont extrêmement importants pour avoir des services de première ligne forts et accessibles. Voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Bouillé: C'est un éditorial, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, une petite... Oui. Une petite question, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous. Vous êtes un... une entité que nous consultons régulièrement sur différents sujets. Et il y a des groupes qui sont venus nous voir, lors de la première journée des auditions, qui avaient des préoccupations par rapport aux parents et aux enfants qui présentent... qui vivent avec des déficiences intellectuelles. Est-ce que vous avez déjà exploré tout ce domaine, là, de l'adoption, tant pour les parents que les enfants qui présentent des déficiences intellectuelles? Je sais qu'en ce moment la Protectrice du citoyen a différents rapports, là, de front, là, par rapport aux services pour les enfants et pour les adultes. Est-ce que vous avez eu à vous pencher sur cette problématique?

Mme Rhéaume (Marie): Les informations qu'on avait à ce sujet-là touchaient principalement les enfants qui présentaient des déficiences et qui avaient plus de difficultés à être adoptés. Pour le reste, on n'avait pas, là... on n'a pas... Ce n'est pas un aspect qu'on a documenté, là, en profondeur.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Non, pas dans le cadre de l'étude de cet avant-projet de loi là. Et, même antérieurement, parmi les travaux antérieurs du conseil, c'est sûr qu'on s'est intéressés parfois à des familles qui sont dans des situations plus difficiles, que ce soit pour des raisons de santé ou... mais on n'a pas spécifiquement mené de travaux liés à la déficience intellectuelle.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci. Mme la députée de Joliette.

**(18 heures)**

Mme Hivon: J'aimerais... j'aimerais avoir des précisions, parce que vous faites une... Bien, en tout cas, vous abordez toute la question de la délégation judiciaire, l'autorité parentale, et là vous dites... vous opposez un peu ça à l'adoption et... En quelque sorte, vous l'opposez, puis en quelque sorte vous dites que ça peut s'assimiler à l'adoption, si la délégation est... bon, est pratiquement complète, puis dans les faits le nouveau conjoint prend toute la place que prenait ou qu'aurait pu prendre le père biologique. Donc, j'aimerais ça... Puis vous dites: Si l'intention est vraiment de donner un nouveau rôle au nouveau conjoint et de le formaliser, il faudrait avoir un débat beaucoup plus vaste là-dessus.

Donc, j'aimerais, à titre d'entité experte, que vous élaboriez un petit peu plus sur toute... toute cette réalité-là, parce qu'évidemment c'est une réalité de plus en plus présente, et, à ce jour, souvent la seule manière pour que le nouveau conjoint vienne jouer un rôle vraiment significatif, c'était via l'adoption. Et, à certains égards, ça pourrait faciliter l'exercice de la vie de tous les jours, consentement aux soins, puis tout ça. Mais vous dites: Si on va trop loin, on est en train vraiment de donner un nouveau rôle, peut-être un rôle de substitution, et ce n'est peut-être pas ça qu'on veut. Donc, si vous vouliez élaborer.

Mme Rhéaume (Marie): C'est certain que cette recommandation-là a été élaborée en fonction de la compréhension qu'on avait de ce qui était... de ce qui était indiqué, là, dans le projet de loi. Ce qu'on a compris, c'est que c'était une proposition pour répondre à la demande de certains nouveaux conjoints. En même temps on comprend aussi que ça va au-delà des modes d'adoption qui sont proposés, que c'est une autre possibilité.

Notre préoccupation tient au fait... On le sait, il y a une grande mouvance au niveau familial au Québec, comme dans beaucoup d'autres sociétés. Il y a 14 %, à peu près, des familles au Québec qui sont des familles recomposées, et c'est un phénomène qui est en progression, en partie parce que les gens se séparent de plus en plus tôt. Donc, c'est normal qu'il y ait divers processus liés à ça, et ça a un potentiel d'application plus vaste que les quelques centaines de familles qui sont concernées par l'adoption annuellement.

Si on veut mettre en évidence un nouvel outil, bien on pense qu'il mérite d'être examiné plus en profondeur et dans un autre contexte que celui de l'adoption. On se dit: Les modalités, ça va ressembler à quoi? Qu'est-ce qu'on ajoute aux... Est-ce qu'on ajoute d'autres parents? Est-ce qu'ils se substituent aux parents? Leurs responsabilités exactes, c'est quoi? Comment ces responsabilités-là vont s'exercer dans le temps avec tous les changements qui sont susceptibles de survenir? Parce qu'on sait aussi qu'en famille recomposée il y a souvent un taux... un taux d'échec un peu plus élevé que les familles... la famille d'origine. Donc... donc, la personne peut avoir une délégation d'autorité parentale, il se passe quoi si les parents se séparent? Est-ce que ce parent-là reste responsable? Est-ce que... Tu sais. Ça fait que, là, l'enfant, il a combien de parents qui sont responsables de lui?

Il nous semblait aussi que ça pouvait accentuer les difficultés au niveau des prises de décision, quand il y a des choses majeures qui arrivent dans la vie de l'enfant, mais en même temps, oui, que ça pouvait être des éléments... On pouvait comprendre le besoin, pour certains parents qui vivent au quotidien avec des beaux enfants, d'avoir une certaine... un certain accès, là, aux différents intervenants qui sont dans la vie de ces enfants-là. Donc, c'est sûr que... Notre recommandation d'en débattre publiquement se situait dans le cadre où ça touchait vraiment un plus grand nombre de familles, puis il fallait bien analyser les conséquences que ça pouvait avoir sur les enfants, sur les parents, sur l'ensemble des familles.

Mme Hivon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci, Mme Bitaudeau, Mme Rhéaume. Merci infiniment de vous être présentées à notre commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Donc, j'ajourne les travaux au mardi 2 février 2010, à 9 h 30, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat, et nous allons nous réunir à la salle du Conseil législatif. Bonne journée à tous.

(Fin de la séance à 18 h 4)

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