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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Tuesday, May 3, 2011 - Vol. 42 N° 18

Étude détaillée du projet de loi n° 94 - Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Alors, bon matin, chers collègues. En ce lendemain d'élection, nous allons revenir à nos travaux. Alors, le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Charette (Deux-Montagnes); et Mme Hivon (Joliette), par M. Koto (Bourget).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Lors de l'ajournement de nos travaux, le 6 avril dernier, nous étions en discussion sur le sous-amendement qui avait été proposé par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Et, lors de la clôture de nos travaux, la parole était à M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques. Et, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, il vous reste 15 min 45 s pour, j'imagine, nous rafraîchir la mémoire sur ce sous-amendement à l'amendement.

**(10 h 10)**

M. Lemay: Merci, Mme la Présidente. J'allais justement vous demander la même chose, nous rafraîchir la mémoire. Si je me rappelle bien, le sous-amendement, on remplaçait «consacrer le statut particulier» par «reconnaître» et également on insérait, après «cette même charte», «comme valeur fondamentale de la nation québécoise». Et ce que j'en comprends après une semaine et plus de pause et de réflexion, de travail de circonscription, évidemment, c'est toujours un peu dans le sens que, pour nous, en droit, Mme la Présidente, il me semble que de clarifier les notions, surtout en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes, ça nous semble fondamental. Et c'est étrange, quand même. Même si je respecte la décision de la ministre et de son gouvernement... Et, d'ailleurs, Mme la Présidente, j'ai tellement voulu sauter vite dans le wagon que j'ai oublié de vous saluer et de saluer tous les collègues ce matin. Ce n'est pas dans mes habitudes, alors, excusez-moi, je profite de l'occasion pour saluer tout le monde.

Donc, il me semble que... Bon, on nous dira qu'à l'article 4 ou 5, dans le projet de loi, c'est déjà indiqué. Mais, quand les cours analysent, Mme la Présidente, ce que le législateur a réfléchi, a pensé, il me semble que c'est évident que de le mettre immédiatement dans l'article 1 envoie un message clair. Et, encore une fois, je dois dire que j'ai des problèmes à saisir les raisons pour lesquelles ce type d'amendement là... Parce que, malheureusement, je suis obligé de dire aux gens qui nous écoutent: Ce n'est pas notre premier, et peut-être... Je ne peux pas prévoir l'avenir, mais peut-être que nous en aurons d'autres, amendements. Mais il me semble que de reconnaître clairement dans le premier article de ce projet de loi important une valeur fondamentale qui est la nôtre, qui est l'égalité entre les femmes et les hommes... Encore une fois, j'ai de la difficulté à saisir la raison pour laquelle le gouvernement ne nous appuie pas dans cette démarche de clarification.

Et nous en avons déjà discuté, Mme la Présidente, et je pense que ça vaut la peine d'y revenir, quand la loi... Avec le temps, la liberté de religion a comme pris le dessus, en termes d'importance, à toute autre considération. Et permettez-moi de vous rappeler, Mme la Présidente, que, d'un point de vue juridique et politique, moi, je me questionne, en tout cas, je me questionne, pourquoi cette liberté, qui est fondamentale... Évidemment, je ne questionne pas le fait que la liberté de conscience et de religion ne soit pas importante, au contraire. Mais, avec les jugements de la Cour suprême qu'on a vus et les décisions politiques, il nous semble que cette liberté de religion, bien qu'importante, a supplanté toutes les autres valeurs, et je pense qu'on doit dire... le législateur, Mme la Présidente, doit dire clairement aux citoyens et aux citoyennes, doit dire clairement aux cours de justice qui sont appelées à juger de ces choses, d'envoyer le message clair que, dorénavant, pour nous, législateurs à l'Assemblée nationale du Québec, l'égalité hommes-femmes est fondamentale et que les... Bien sûr, Mme la Présidente, chaque cas est particulier. On ne peut pas dire que, dans tel cas, ça sera le droit... ou l'égalité hommes-femmes sera plus important, dans un autre cas, ce ne sera pas le cas. Mais, de façon générale, il faut s'assurer à l'avenir que les jugements des cours reflètent cette notion.

Et, encore une fois, je suis un peu déçu, Mme la Présidente, que ça soit systématiquement refusé, bien qu'encore une fois je respecte le choix de la ministre, je respecte le choix du gouvernement, mais je suis quand même déçu que ça soit systématiquement... On nous dit, encore une fois, que ça sera dans l'article 4. Bon, moi, il y a le terme «notamment», Mme la Présidente, qui me fatigue. «Notamment», «par ailleurs», «peut-être», «en des cas particuliers»... Il nous semble qu'affirmer cette égalité dès le premier article est fondamental. Et, quand on met des termes pour nuancer, «notamment», «peut-être», «dans certains cas», dès là, Mme la Présidente, on voit presque une volonté -- ce n'est peut-être pas le cas, là, je souhaite que ce ne soit certainement pas le cas -- on voit comme une volonté de diminuer cette égalité-là, et ça, c'est décevant que ce message-là ne soit, malheureusement, pas compris. Bon, la ministre, certainement, nous a donné des explications. Elle reviendra certainement là-dessus. C'est à souhaiter pour que nous puissions avoir un débat le plus éclairé possible.

Et, Mme la Présidente, permettez-moi de vous réitérer, c'est d'autant plus important que cette valeur fondamentale d'égalité est une valeur, il faut le dire, est une valeur, au Québec, dans le monde occidental en général également, est une valeur relativement récente par rapport à d'autres. Dès 1791, 1792, nous avions notre première élection dans le Bas-Canada. Le premier Parlement, en 1792, siégea, premier Parlement élu. Donc, contrairement, Mme la Présidente, à ce qu'ont dit plusieurs personnes au courant des dernières décennies sur l'antidémocratisme des Canadiens français et... C'est tout à fait faux. C'est tout à fait faux, et l'histoire le prouve. L'histoire a beaucoup d'utilité. Encore que je n'aime pas beaucoup le terme «utilité», mais l'histoire a beaucoup d'utilité pour justement aller essayer de comprendre ces grandes valeurs qui traversent l'histoire. Parce qu'une mode, c'est une mode, mais il y a des valeurs qui, elles, durent très, très, très longtemps, et la valeur de la démocratie en est une. Alors, quand vous avez un parlement démocratiquement élu depuis 1792, je pense qu'on peut s'enorgueillir. Et, quoiqu'actuellement ce n'est peut-être pas le meilleur moment de le dire, mais je persiste à croire que les Québécoises et les Québécois sont attachés à leurs institutions politiques. Malgré des sautes d'humeur, de temps en temps, qu'on peut vérifier dans l'actualité ou dans différents sondages, je crois que les Québécoises et les Québécois sont attachés à leurs institutions, à leurs Parlements, à leur démocratie, et ça, je crois qu'il faut en être fiers.

L'autre valeur également à laquelle je crois que nous sommes aussi très attachés, c'est l'égalité des citoyens en général. On l'a vu avec l'instauration de différents programmes sociaux au courant des dernières décennies. On l'a vu aussi, Mme la Présidente -- et je pense qu'il faut le dire -- le travail de plusieurs, d'innombrables, même, communautés religieuses dans notre histoire qui ont fait en sorte d'aider à l'accession à l'éducation de beaucoup de nos ancêtres, même, dans mon cas personnel, des oncles, des tantes qui ont eu accès à l'éducation grâce aux communautés religieuses. Bref, cette égalité que nous avons tous vient de loin aussi, là, vient de loin, et ça, je crois que nous en sommes fiers. Évidemment, la Révolution tranquille, avec ses programmes sociaux, a proposé des nouvelles politiques pour, si vous voulez, organiser cette égalité sociale, cette égalité des chances. Avant, il y en avait une, elle s'organisait autrement. Bref, c'est une valeur fondamentale.

Ou peut-être il y a des valeurs qui sont plus récentes. La neutralité de l'État, la laïcité de l'État est un phénomène récent de notre histoire. C'est la raison pour laquelle il faut clairement, Mme la Présidente, indiquer où le gouvernement, où l'Assemblée nationale veut aller dans ces dossiers. Parce que la laïcité de l'État, Mme la Présidente, s'est faite comme tout naturellement. Au début des années soixante, évidemment, on l'a vu, il y a eu, j'oserais dire, un rejet massif du phénomène religieux. Donc, l'État, tout naturellement, s'est laïcisé. Je vous dirais, par la force des choses, par la force -- je vais dire un terme un peu, entre guillemets, enflé -- du modernisme de cette époque-là, l'État s'est laïcisé très naturellement. Mais je pense que ce n'est pas faire injure à des collègues en cette Assemblée, la laïcisation comme débat politique, comme débat juridique, à moins que je ne me trompe, puis j'espère que... Si c'est le cas, je serais ouvert, Mme la Présidente, à me faire rappeler à l'ordre, mais ce qui s'appelle une réflexion, elle est assez récente en termes de laïcité parce que ça s'est fait dans les années soixante. On a organisé l'État du Québec en même temps qu'on a rendu l'État laïque. C'était comme dans un mouvement tout à fait naturel de fusion de ces deux mouvements.

Évidemment, il est facile pour nous, en 2011, de regarder le passé et de dire que le pouvoir politique était acoquiné avec le pouvoir religieux, et ce qui n'est pas faux, Mme la Présidente, ce qui n'est pas faux. Mais permettez-moi de vous dire qu'aujourd'hui comme hier les pouvoirs politiques s'acoquinent, s'appuient avec les forces de leurs époques. Et, si le pouvoir politique a travaillé avec le pouvoir religieux, c'est que le pouvoir religieux avait quand même une pénétration dans la société, une pénétration très large. Est-ce que cela a donné toujours de bons résultats? Évidemment que non, Mme la Présidente, la question n'est pas là. Mais il reste que tout pouvoir politique, quel qu'il soit, s'appuie sur les forces de son époque, que ce soient des forces des groupes communautaires, des forces des syndicats, du patronat, dépendant du moment où on est. À l'époque, pour le monde politique, la force religieuse était incontournable, bon, ce qui a donné les changements rapides au début des années soixante, comme je le disais, le développement important d'un État moderne qui offre des services qui, à l'époque, étaient inédits et la laïcisation de ce même État.

Et je vous rappelle, Mme la Présidente, je vous disais que le droit des femmes ou l'égalité entre les hommes et les femmes... Certainement que vous le savez, c'est un projet de loi de Mme Kirkland-Casgrain en 1964, je crois, qui rendait légale la signature de contrats, si je ne me trompe pas, de contrats par les femmes pour le droit civil. 1964. Alors, encore une fois, je dis que c'est récent, mais, comprenez-moi bien, Mme la Présidente, je ne blâme pas le passé. C'est trop facile, à 100 ans de distance, de dire: Ça aurait dû se passer de cette façon plutôt que telle autre. Bref, c'est des phénomènes récents. C'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, qu'il nous semble qu'on a un devoir de clarification, non seulement de clarification législative, comme nous le faisons, comme nous tentons de le faire avec l'amendement que nous avons devant nous, comme quoi, Mme la Présidente, l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale de la nation québécoise. Non seulement ça...

**(10 h 20)**

Une voix: ...

M. Lemay: Une minute déjà? Mon Dieu! Ah, Seigneur! ça passe vite. Mon Dieu! comment puis-je finir cette envolée? Donc, on a aussi un devoir, Mme la Présidente, aussi, de parler avec nos concitoyens et concitoyennes, de dire clairement où l'Assemblée nationale s'en va, où le gouvernement s'en va, où l'opposition s'en va. De notre côté, bon, on a eu un congrès, il y a quelques semaines, je crois que nous avons clarifié de façon très importante le débat. Et je le dis, Mme la Présidente, sans partisanerie parce que, je le souligne encore, j'aime beaucoup le ton que nous avons sur ce débat, qui est un débat délicat, qui, bien sûr, nous divise, mais on continue à discuter ensemble. La position du gouvernement, je vous le dis, Mme la Présidente, là, en toute sincérité, pour moi, elle n'est pas claire. Il faudrait qu'elle soit clarifiée tant dans le projet de loi que dans le discours public.

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

M. Lemay: Merci. J'aurai certainement l'occasion, au courant de la journée, de poursuivre...

La Présidente (Mme Vallée): J'imagine. On risque de passer quelques heures ensemble. Alors, est-ce qu'il y aurait d'autres interventions sur le sous-amendement à l'article 1? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous disposez d'un bloc de 20 minutes.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, chers collègues. Bon matin à tout le monde, Mme la Présidente. Je vais un peu repartir de ce que... Mon collègue était dans son envolée, et je pense que le sous-amendement qui est présenté pour venir vraiment préciser... Parce que l'intention du législateur est toujours importante, et particulièrement dans ce type de projet de loi là. Venir reconnaître la laïcité de l'État, oui, il faut l'écrire parce qu'elle n'est nulle part. Et, quand c'est nulle part, bien ça n'existe pas. Ce dont on ne parle pas dans un parlement, ça n'existe pas, malheureusement. Venir modifier cet article-là en faisant cet ajout de reconnaître la laïcité de l'État à ce moment-ci du projet de loi et ainsi que l'égalité et les valeurs fondamentales fait en sorte...

Des voix: ...

Mme Poirier: Pardon? Excusez-moi, on essaie de...

Des voix: ...

Mme Poirier: Oui, c'est vrai. Venir reconnaître la laïcité, mais venir reconnaître l'égalité hommes-femmes fait en sorte que, si on n'écrit pas clairement dans la charte que l'égalité... et à ce moment-ci du projet de loi, fait en sorte qu'on ne peut pas présumer qu'on viendra la reconnaître comme valeur fondamentale. L'égalité hommes-femmes, et on le sait bien, on a fait la modification à la charte précédemment... ne vient pas nécessairement changer l'interprétation qui en est faite dans la suite des choses. Les décisions qu'on a vues de la Commission des droits de la personne, qui malgré le changement de la charte qui avait été fait... n'ont en rien modifié l'application des décisions rendues. Est-ce que la RAMQ a modifié sa lecture des accommodements raisonnables malgré l'introduction dans la charte, à l'endroit où on l'a fait, de l'égalité hommes-femmes? Non, ça n'a en rien modifié.

Il faut introduire comme valeur fondamentale l'égalité hommes-femmes. Il faut venir faire en sorte que, lorsqu'il y a une cause à juger, lorsqu'il y a une demande de faite, particulièrement à la Commission des droits de la personne... Parce que c'est encore les juges qui doivent trancher de ces questions-là, parce que le message n'est pas clair. Il faut que la commission puisse évaluer tout de suite est-ce que ça, est-ce que cette problématique qu'on m'apporte vient remettre en question l'égalité hommes-femmes.

Et on a là une question importante à se poser: Est-ce que, pour nous, ici, autour de la table, c'est important, l'égalité hommes-femmes? Est-ce que c'est important lorsqu'un juge ici, au Québec, a à décider sur les droits des personnes... est-ce qu'il ne doit pas, dans un premier temps, s'assurer que l'égalité hommes-femmes est respectée avant de s'assurer de d'autres droits? Mais est-ce qu'il doit aussi faire en sorte d'évaluer la responsabilité qu'il a devant lui à poser un jugement sur le fait que est-ce que l'égalité hommes-femmes est respectée? Parce qu'au Québec l'égalité hommes-femmes, c'est une valeur fondamentale, et ça, il n'y a personne qui l'a remis en question, tout le monde le reconnaît. Il y a un groupe qui avait des questions à poser là-dessus, on peut les comprendre parce que, pour eux, la liberté de religion est plus importante que l'égalité hommes-femmes. Mais la majorité des groupes qui sont venus nous présenter leurs mémoires nous ont tous dit que, pour eux, l'égalité hommes-femmes était une valeur fondamentale, était la valeur fondamentale. Et, je vous dirais, Mme la Présidente, ça m'inquiète, ça m'inquiète fortement que le gouvernement ne souhaite pas apporter cette modification à la charte.

On a assisté à une soirée où... On s'est tous couchés tard hier soir, nous sommes tous...

**(10 h 30)**

Une voix: Ce matin.

Mme Poirier: Nous nous sommes tous couchés tard hier soir... ce matin, plutôt, pour ceux qui se sont couchés et ceux qui ont dormi. Il y en a peut-être qui se sont couchés, mais ils n'ont pas dormi encore. Je peux lever la main. Et on vit avec un nouveau gouvernement fédéral conservateur que l'on sait plutôt de droite, n'est-ce pas? Et je lisais, lundi le 11 avril, un article dans le journal Le Devoir écrit par Jean-Claude Leclerc, dans la chronique Éthique et religion, qui nous parlait du groupe Développement et Paix qui subissait des pressions, particulièrement de l'Église et du gouvernement, pour la mise en place de mesures d'avortement dans les pays, particulièrement, d'Amérique latine, et pour eux... Et le titre de l'article est très éloquent: Développement et Paix en question -- Nouvelle attaque de l'intégrisme religieux.

On a toujours l'impression que l'intégrisme religieux, ça vient des islamiques, toujours. Non, c'est faux, c'est totalement faux. L'intégrisme religieux, c'est qu'importe la religion. Et le texte nous dit que l'enjeu allégué est effectivement l'avortement. Et on le sait, dans ce dossier, dans ce sujet qu'est l'avortement, encore une fois, même ici, au Québec, nous avons passé encore une motion récemment pour reconfirmer, au Québec, que l'avortement, il n'est pas question de remettre ça en question, mais malheureusement... Et le texte le... je vous lis un petit bout de l'article, que plusieurs... «Les fonds de plusieurs projets en Amérique latine risquant d'être supprimés, des militants de Développement et Paix au Québec ont même demandé aux évêques québécois de faire échec à cette poussée d'une droite religieuse à l'américaine.»

C'est de ça qu'on se parle, là, c'est ça, l'égalité hommes-femmes. Est-ce qu'on veut que notre prolongement de ce que nous sommes à l'étranger reflète l'intégrisme religieux? Parce que c'est de ça dont on parle. L'ACDI, sur le terrain, lorsqu'ils ont des propositions ou des projets qui sont prochoix, bien c'est de ça qu'on parle. Est-ce que l'on veut que, nous, notre image, au Québec, ce soit une image prochoix quand on vote des motions à l'Assemblée nationale où on dit qu'on ne veut pas remettre en question l'avortement? Et, pour moi, c'est important que l'égalité hommes-femmes figure comme valeur fondamentale à la charte québécoise, c'est stratégique parce qu'on ne veut pas remettre en question, entre autres, l'avortement, on ne veut pas que des groupes religieux viennent remettre en question l'avortement. Et on l'a vécu, on l'a vécu au printemps passé, on a eu un évêque, qui est maintenant à Rome, qui est venu remettre en question l'avortement au Québec, qui est venu vraiment nous secouer en affirmant des... -- je ne dirai pas le mot, ce n'est pas gentil -- en affirmant que la...

Une voix: ...

Mme Poirier: ... -- oui, des inepties -- que l'avortement, pour une femme, dans le fond, qui avait subi des sévices... Il remettait tout en question, ça n'avait pas de bon sens. Et là on fait la même chose à l'extérieur du Canada par notre argent. Parce qu'il ne faut pas oublier que l'argent d'Ottawa, c'est notre argent aussi, au Québec. Quand l'ACDI fait des projets en Amérique latine, c'est l'argent des Québécois aussi. Et, quand l'ACDI fait des projets avec une doctrine religieuse au-dessus de sa tête qui lui dit: Tu vas faire seulement que de la doctrine prochoix, on n'est plus dans les valeurs fondamentales québécoises. Et, si on veut que ces valeurs-là soient appliquées, parce que c'est de notre argent dont il est question, eh bien il faut s'assurer que, dans la charte, dans la charte des droits, cette valeur soit là.

Et vous dire... Ce texte-là, je vous invite à le lire, d'ailleurs, Mme la Présidente, il est choquant, il est très choquant. Je pourrais même vous le déposer si vous le souhaitez. C'est un texte qui est choquant, et on voit les pressions qui sont faites sur les diocèses qui appliquent là-bas les projets de l'ACDI et les projets avec Développement et Paix. Et on dit même -- et ça, c'est fort, là -- que «les positions [de] -- je vais dire le nom au complet -- la Conférence des évêques catholiques du Canada sont non seulement "radicales", mais "bien arrêtées", voire "incrustées"...» Alors, il y a vraiment des tendances dirigées, et les évêques du Québec ont fait des pressions sur les évêques du Canada pour qu'on baisse la pression prochoix. C'est indécent. C'est indécent, Mme la Présidente, ce n'est pas le choix du Québec. Le choix du Québec, c'est que l'avortement, c'est quelque chose d'accessible, et là, avec notre argent, avec nos taxes, avec nos impôts, le Canada va implanter des systèmes prochoix au Mexique et dans l'Amérique latine. Je pense qu'on a la responsabilité, particulièrement comme femmes... Comme femmes législateurs, nous avons la responsabilité du respect des femmes d'ailleurs. Et, quand les mesures qui sont appliquées aux femmes d'ailleurs le sont avec nos taxes et nos impôts, il me semble qu'il faut que ça suive le mouvement.

En Haïti, une maison des femmes de Port-au-Prince soutenue par Développement et Paix se fera supprimer l'aide qu'elle recevait depuis 20 ans. C'est le temps, après tout, hein, de supprimer l'aide à Haïti, on est très conséquent. Cette maison-là s'est effondrée lors du séisme en 2010, et Magalie Marcelin, la fondatrice, a été tuée. La directrice, Yolande Jeanty, est aux prises avec l'augmentation de viols de fillettes.

Est-ce qu'on continue à être prochoix? Est-ce que c'est la doctrine qu'on veut appliquer? Est-ce que c'est ce qu'on va conseiller? Est-ce que c'est ce que le Québec pense? Est-ce que c'est ce que le Québec pense pour Haïti? Parce que, dans les séismes, dans les guerres, ce sont les fillettes, ce sont les femmes qui sont les premières victimes toujours, toujours, toujours. Ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène de tous les temps, la barbarie qui arrive dans les pays en guerre, pour les femmes, c'est terrible. Mais, même à Haïti, qui vit un séisme important, pour lequel on a tous été sensibilisés, pour lequel nous avons tous contribué, pour lequel on a fait des motions ici, à l'Assemblée nationale, pour dire notre solidarité à Haïti, eh bien on est venu couper les fonds, on a coupé les fonds à une maison, à un centre de femmes qui venait en aide aux petites filles victimes de viol. Il me semble que, là, là, les bottines ne suivent pas les babines, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

**(10 h 40)**

En Bolivie, 21 centres de femmes sont affectés par la pauvreté et la violence familiale, et il y a un comité de solidarité de Trois-Rivières qui a été visiter. Ils ont été choqués d'apprendre que ce groupe-là ne recevrait plus d'aide financière de Développement et Paix, à moins d'obtenir une lettre de recommandation d'un évêque bolivarien. C'est un évêque bolivarien qui va venir décider si on va aider les centres de femmes en Bolivie. Ça s'appelle de la doctrine religieuse, ça. Développement et Paix... Et, quand on parlait d'intégrisme religieux, c'est de ça dont on se parle.

Moi, Mme la Présidente, je suis très choquée, je suis très choquée d'apprendre qu'on utilise notre argent pour faire des campagnes prochoix dans d'autres pays du monde. Et on le sait, on l'a vécu, il y a eu des coupes exemplaires, des coupes exemplaires de faites à travers le monde par l'ACDI, par d'autres groupes justement pour appliquer des mesures prochoix. Parce que le gouvernement conservateur, qui, là, est majoritaire en plus depuis hier soir... eh bien, imaginez ce qui va arriver. Nos groupes québécois provie ont été, eux aussi, coupés parce qu'ils ne respectent pas cette doctrine du reste du pays. Ça nous fait bien dire que ce pays-là n'est vraiment pas le nôtre. C'est inimaginable, ce qui va se passer avec cette mentalité de droite religieuse qui va s'appliquer un peu partout. La présence, la présence... Et, dans le texte, on le dit très clairement: «Dans le cas d'oeuvres d'inspiration protestante, quand l'actuel cabinet conservateur a entrepris de supprimer les fonds, la contestation a été forte, directe et publique. Par contre, en milieu catholique, quand c'est dans l'Église elle-même que les fonds sont supprimés, le plus souvent les désaccords sont étouffés, et les membres des organisations, méprisés. Mais, peut-être là aussi, à l'exemple du tiers-monde ces jours-ci, peut-être [que] ce pouvoir immuable entendra-t-il bientôt le dernier cri de la dignité[, qui était]: Dégage!» Ce n'est pas ça qu'on a vu hier, malheureusement.

Mais ce qui va nous arriver, ça va être la multiplication de ces cas-là. Et, si le Québec ne lance pas un message fort que, dans sa charte, l'égalité hommes-femmes est une valeur fondamentale, est une valeur par laquelle on veut interpréter le droit, on veut interpréter les gestes gouvernementaux, eh bien on ne lancera pas un message fort au gouvernement canadien conservateur. Et je suis très inquiète, je suis très inquiète, Mme la Présidente, parce que le gouvernement, par les gestes qu'il a posés dans le passé, a mis en péril... Et on se rappellera, à toutes les législations conservatrices, il y a toujours un projet de loi contre l'avortement, qui vient remettre en cause l'avortement. J'ai bien hâte de voir ce qui va se passer dans les prochains mois. Il va revenir, ce projet de loi là, et, forts de leur majorité, il y aura tout un débat. Et le Québec se tiendra debout, mais le Québec aura à se tenir encore plus debout. Et, s'il veut se tenir debout en ayant sa charte derrière lui, il faut que la charte reflète qu'ici, au Québec, l'égalité hommes-femmes, ce n'est pas discutable, que c'est une valeur fondamentale et qu'on ne peut pas passer outre l'égalité hommes-femmes pour interpréter quelque situation que ce soit.

Et je pense comme mes collègues que, si on n'a pas le courage, si on n'a pas le courage ici même, aujourd'hui, de l'affirmer, bien c'est qu'on est prêts à s'incliner et qu'on va être prêts à s'incliner de façon importante dans les prochains mois et dans les prochaines années devant la menace qu'on a à Ottawa. On l'a vécue, cette menace-là, à bien des reprises, on s'est tenus debout. Quand l'Ontario nous a menacés avec la charia, on s'est tenus debout à l'Assemblée nationale. Mais, aujourd'hui, je pense qu'on a l'occasion de se tenir debout tous ensemble, et cette modification à la charte, là, elle est essentielle. Si c'est vrai, qu'on se le dise entre nous. Est-ce vrai que l'égalité hommes-femmes est une valeur fondamentale? Aujourd'hui, c'est l'heure de vérité: Oui ou non? Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement à l'amendement de l'article 1? Je sens M. le député de Bourget fébrile à l'idée de prendre la parole. Alors, M. le député de Bourget.

**(10 h 50)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Je profite de l'occasion pour saluer l'ensemble des collègues ici réunis, et votre personne plus particulièrement. Cet amendement est pour, disons, nous amener dans la clarté, pour nous sortir de la confusion. La notion de valeur fondamentale, pour nous, au Québec, elle est claire. Et cette notion nous ramène inéluctablement à des principes essentiels et qui font l'unanimité, à savoir la primauté de la langue française, langue publique commune au Québec, la séparation du religieux de l'État et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Si je m'attarde un tant soit peu sur les deux derniers principes, cela nous ramène à la notion même que nous défendons depuis le début de cette étude, à savoir l'impératif d'initier des travaux entourant l'écriture d'un livre blanc sur la laïcité, et ce qui rejoint par le biais même l'une des recommandations de la commission Bouchard-Taylor. On parle ici, Mme la Présidente, de valeurs fondatrices de notre société, notre société moderne, et, nous, de ce côté-ci, sommes convaincus de la nécessité de la rédaction, de l'adoption puis de la diffusion d'une charte de la laïcité dans les services publics, charte qui tiendrait précisément à la fois son caractère préventif, d'une part, et pédagogique, d'autre part.

Mme la Présidente, dans une perspective d'où j'observe, disons, l'évolution de notre société depuis un certain temps, force est de constater que nous ne sommes pas à l'abri, disons, de tous les effets de la mondialisation. Avec notamment les flux migratoires, au Québec, si je me réfère à l'année dernière, nous avons accueilli, au Québec, autour de 54 000 immigrants. D'ici une dizaine d'années, c'est près de 1 million d'entre eux que nous allons recevoir.

Les gens viennent de partout à travers le monde dans une société qui se doit d'afficher ses règles, ses us et coutumes, ses lois, ses paradigmes. Et une société qui ne fait pas, disons, cet essentiel est une société sans nom, une société sans identité, une société où celui qui vient d'ailleurs avec tout son bagage culturel, toutes ses valeurs ancestrales, qui sont l'addition et le résultat de sa propre identité, celle de sa famille, celle de son ethnie, viendrait s'inscrire sans aucun effort d'intégration, compte tenu du fait même qu'il viendrait dans un environnement où l'approche dominante en matière d'intégration est celle du multiculturalisme.

On en a parlé en long et en large, du multiculturalisme, qui est synonyme de crise non seulement au Québec aujourd'hui, mais dans l'ensemble des pays occidentaux. On ne parle pas de crise du multiculturel, la plupart des pays sont multiculturels. On parle de crise du multiculturalisme, qui est cette approche d'intégration où l'on favorise le développement des silos, compte tenu du fait que les gens, par réflexe identitaire et réflexe d'identification, se retournent plus facilement vers leur communauté d'appartenance au lieu de bâtir des voies qui les amèneraient à s'intégrer dans la société d'accueil, à établir des ponts avec cette société d'accueil et, parallèlement à cela, à établir des ponts avec les autres sociétés sous la norme, sous les règles qui font consensus de la perspective de cette nouvelle société qui les accueille. Et, vu la complication anticipée ici et ailleurs à travers le monde -- le Québec ne fait pas exception relativement au débat qui nous occupe ici aujourd'hui -- il va être de plus en plus difficile de gérer ce multiculturel à partir du moment où il n'y aurait pas de règles claires, à partir du moment où on ne mettrait pas de l'avant et on ne reconnaîtrait pas factuellement, dans un texte de loi, les valeurs fondamentales, et particulièrement le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Parce que, voyez-vous, la relation que l'homme développe dans certaines contrées du globe avec la femme, sans nommer un groupe particulier ou une ethnie particulière, n'est pas toujours en phase avec la relation que nous avons, disons, établie sur une base consensuelle au Québec entre l'homme et la femme. Donc, inévitablement, cet individu x ou y qui viendrait au Québec et qui se retrouverait dans un désert de principes qui devraient, disons, être, par l'occasion qui nous occupe ici aujourd'hui, être intégrés dans un tel projet de loi, cet individu, dans son interaction, dans son commerce avec l'autochtone, va vivre un choc culturel, et ce choc culturel va se multiplier. Les cas, disons, de conflits culturels, les cas de... Et, quand je parle de culturel, je comprends le religieux également parce que les rapports que nous avons, nous, au Québec, entre le religieux et l'État sont clairs, mais ce n'est pas, disons, inscrit dans la compréhension de l'ensemble de la diversité qui, aujourd'hui, est accueillie au Québec et qui, demain, va être difficilement gérable. La complication, les crises, les tensions qui vont naître de ces interactions contre nature nous obligent de nous attarder un tant soit peu sur ce que, dans son avis, le Conseil du statut de la femme nous a susurré intelligemment. Il est de notre devoir de législateurs d'anticiper le mal-vivre ensemble, d'amener des solutions d'apaisement, de mitigation dans cette ou ces relations difficiles à venir. Et j'insiste là-dessus parce que laisser aller les choses, comme cela s'inscrit dans le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, serait involontairement -- je ne ferai pas de procès d'intention, Mme la Présidente -- amener l'eau au moulin de la xénophobie, amener l'eau au moulin de la stigmatisation, amener l'eau au moulin du racisme.

L'occasion est belle -- et mes collègues l'ont rappelé depuis le début de cette étude -- pour introduire les ingrédients allant dans le sens de la laïcité dans ce projet de loi, mais je ne sais plus par quel moyen procéder pour convaincre la ministre à l'effet de comprendre cet impératif. Le monde dans lequel nous vivons, et je le disais, avec les flux migratoires, n'est pas à prendre à la légère. Quand on voit, par exemple, ce qui se passe en Angleterre, quand on voit ce qui se passe en Allemagne, quand on voit ce qui se passe en Belgique, en France, aux Pays-Bas, nous pouvons nous dire qu'il n'est pas encore trop tard au Québec et il est encore temps de poser les gestes significatifs allant dans le sens d'une gestion responsable de la diversité, d'une gestion responsable de l'État, d'une gestion responsable, en somme, des services publics. Et, je le redis, dans un contexte de revendications identitaires de toute nature qui serait créé par cette diversité non canalisée et non balisée, il apparaît hautement souhaitable, sans attendre la multiplication des débordements idéologiques, de veiller à rappeler cette règle fondamentale de la neutralité de l'État aux usagers, aux citoyens donc, aux agents de l'État également, prendre le sens, le mettre en lumière pour bien éclairer la diversité québécoise, prendre le contenu, un contenu qui serait débattu...

Et on est bons, au Québec, dans les débats publics, on est bons dans les consensus. On a souvent affublé à la proposition du Parti québécois l'étiquette de laïcité fermée à la française. Il n'en est point question, il est question ici de trouver et de construire nous-mêmes notre conception de cette laïcité, une conception qui nous ressemble. On l'a fait dans différents domaines et on est capables, sans faire dans un mimétisme aveugle relativement à ce qu'en France l'on a adopté comme approche, on est capables de travailler de concert, en toute collégialité, toujours avec ce souci d'arriver à un résultat qui nous permettrait de tenir à l'abri cette diversité culturelle au Québec qui, demain, se posera comme un obstacle majeur à l'intégration, à la paix sociale.

Et, Mme la Présidente, à la limite, j'aurais, disons, une posture plus confiante si, dans sa besace, la ministre avait un projet de loi séparé de celui-ci, mais qui allait dans le sens de ce que nous demandons depuis le début de cet exercice. Mais force est de constater que, non, il n'y a rien qui va dans ce sens-là. Alors, je ne sais pas ce qui, dans notre proposition, braque $la ministre. Et le gouvernement, de toute façon, parce que, si la ministre maintient le cap avec un projet de loi anémique en matière de gestion de la diversité, en matière de canalisation ou d'introduction de balises sur la question des accommodements raisonnables, alors je ne sais pas si elle a... elle subit, je ne sais pas, des pressions ou si elle a des peurs, des craintes. Est-ce qu'elle est menacée? La question se pose parce que toute personne qui a pris connaissance de ce projet de loi et les... inscrit dans la perspective de ce qui l'a généré, c'est-à-dire les crises entourant la pratique des accommodements raisonnables qui ont amené la commission Taylor-Bouchard à prendre pied, une commission qui nous a coûté 3,7 millions au bas mot, mais qui, aujourd'hui, ne sert à rien, ma foi, puisque, fondamentalement, l'une des recommandations fut que l'on mette sur pied une commission pour élaborer un livre blanc sur la laïcité, ça n'a pas été fait...

Si la ministre -- et je le disais tout à l'heure -- avait ne serait-ce qu'un tel projet dans sa besace de lois ou de projets de loi, bien je serais très rassuré et je ne serais pas en train d'exprimer mon malaise, d'une part, ma préoccupation, d'autre part, et mon inquiétude par rapport à l'avenir de la conception que les citoyens du pays d'accueil auront des immigrants, des nouveaux arrivants qui viendraient s'installer au Québec.

Mme la Présidente, je sais que je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'aurai l'occasion de revenir sur cette question-là parce qu'elle est très sensible. Le racisme, l'exclusion, la stigmatisation, quand on n'est pas immigrant, on est loin de savoir exactement ce que ça veut dire. Et ce qu'on demande, c'est une approche claire, des règles claires pour que celui qui arrive soit bien informé, bien avisé, et qu'il agisse en conséquence, et qu'il se mette à l'abri de tout ce qui peut l'empêcher de rentrer véritablement de plain-pied dans cette société d'accueil. Merci.

**(11 heures)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Alors, le temps étant écoulé quant au sous-amendement, nous allons passer... Ah! Mme la ministre, est-ce que vous aviez un commentaire?

Mme Weil: Peut-être, parce que ça fait un certain temps qu'on ne s'est pas revus, pour les gens qui nous écoutent, juste les replonger dans le projet de loi n° 94. Le projet de loi n° 94, qui est la Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, c'est ça qui est à l'étude, c'est un projet de loi qui vient tracer une ligne entre ce qui est raisonnable et pas raisonnable dans les demandes d'accommodement pour divers motifs. Dans la structure... Et j'ai déjà eu l'occasion de parler d'une structure d'un projet de loi, de toutes les lois, surtout du Québec, on a une structure qu'on suit. Alors, on commence avec l'objet et les définitions et, ensuite, on décline, hein, l'article 2, 3, 4, et là on arrive, à l'article 4, avec des enjeux telle l'égalité hommes-femmes, etc. Mais on est vraiment dans la première partie, le chapitre I, Objet et définitions, et ça dénaturerait complètement la structure d'un projet de loi de commencer à rentrer dans toutes sortes de détails.

L'opposition a parlé des valeurs. Je leur montre la Charte des droits et libertés du Québec, et c'est là qu'on trouve les valeurs égalité hommes-femmes et beaucoup d'autres valeurs d'égalité. Ce projet de loi, c'est un projet de loi sur les accommodements raisonnables, et on vient se référer à la Charte des droits et libertés. Donc, il faut comprendre l'interaction entre deux projets de loi, surtout tous les projets de loi qui font référence à la charte, hein... Donc, la charte... Et c'est pour ça que le Conseil du statut de la femme -- et je pense que c'est important que je le cite pour faire un rappel pour... -- qui appuie le projet de loi... Et, sur cette question précise -- et puis on reviendra lorsqu'on va étudier l'article 4 -- «le conseil se réjouit de voir que le projet de loi n° 94 prévoit que tout accommodement doit respecter le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État. Il note que l'article 4 s'inscrit dans la foulée des modifications apportées à la charte en 2008 en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, comme le [reconnaît] le conseil dans son avis en 2007. Cette disposition est aussi en accord avec les déclarations de principe énoncées dans la politique Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait: politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, où le gouvernement exprimait l'importance de préserver le droit à l'égalité entre les sexes et le principe de la neutralité de l'État.»

Alors, je rappelle, dans le préambule, on a rajouté, donc, un troisième considérant: «Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix.» Et, plus loin, l'article 50.1, qui a été rajouté par notre gouvernement: «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.»

Lorsqu'on a eu l'occasion de parler avec les experts du Barreau, par exemple, les juristes et la Commission des droits de la personne par rapport au mot «notamment» en droit... C'est un mot très fort, ce n'est pas un mot qu'on prend à la légère. Et j'ai posé la question très précisément aux juristes et au Conseil du statut de la femme, l'idée du «notamment», ça vient... Dans un projet de loi qui n'est pas la charte, hein -- c'est un projet de loi autre qui vient gérer, si vous voulez, tout l'exercice d'accommodement -- on attire l'attention. Et c'était la question très précise que j'ai posée à la Commission des droits de la personne, il dit: En effet, on vient attirer l'attention aux décideurs et éventuellement à un tribunal.

**(11 h 10)**

Le législateur n'écrit pas pour ne rien dire, c'est le principe. Alors, pourquoi est-ce qu'éventuellement un tribunal qui aura à décider ces choses-là, hein, les principes d'accommodement... pourquoi est-ce que le législateur a mis le «notamment»? Alors là, il va dire: Bon, c'est parce qu'il a voulu vraiment attirer l'attention sur l'égalité hommes-femmes et de s'assurer qu'il n'y aurait jamais un accommodement qui va brimer l'égalité hommes-femmes, que l'égalité hommes-femmes va vraiment primer.

Donc, je tiens à faire un rappel de tous ces principes fondamentaux et de dire qu'évidemment notre gouvernement a fait des gestes très, très, très importants au point de vue de renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes. Il y a -- je pense qu'on peut le dire -- un consensus au Québec là-dessus de part et d'autre, de l'importance de rehausser, de valoriser, de souligner, de toujours être aux aguets, si vous voulez, et de toujours s'assurer que, dans toutes nos actions et même dans nos projets de loi qui touchent, par ailleurs, au droit à l'égalité, hein... Tout l'exercice de l'accommodement raisonnable vient toucher précisément au droit à l'égalité, et c'est pour ça qu'on fait une référence au principe de neutralité religieuse, d'une part, et l'égalité hommes-femmes à l'article 4. Et c'est pourquoi les juristes étaient en appui, dont le Conseil du statut de la femme.

Je tiens aussi à souligner... Parce qu'évidemment j'ai eu l'occasion de parler avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens, surtout des gens de... beaucoup de gens de l'extérieur qui nous regardent, qui trouvent le projet de loi n° 94 très intéressant. La réaction des gens que j'ai, c'est qu'ils trouvent que c'est un projet de loi qui est très raisonnable, très mesuré et qui reflète beaucoup notre approche d'interculturalisme parce qu'il vient faire un rappel de l'égalité hommes-femmes et, en même temps, le principe de liberté religieuse, mais qu'on trace une ligne, une ligne qui est tout à fait raisonnable, qui nous ressemble, et on... Donc, la réaction des gens que j'ai, là, c'est qu'ils trouvent que c'est un projet de loi intéressant, pragmatique, mais qui réussit... Puis, je le souligne, on est la seule juridiction actuellement en Amérique du Nord qui touche à ces questions-là, et les commentaires que j'ai... Puis, moi, je le crois tellement profondément... Mais là on est en étude, alors on en discute, on prendra le temps qu'il faut. Mais je tiens à dire que c'est un projet de loi qui est important, qui est important parce qu'il... Je pense que c'est un geste unique. Moi, je serais très fière que le Québec puisse poser ce geste.

Mais, la ligne, on la trace, on le sait, c'est bien l'article... Il y a deux façons qu'on trace la ligne. On dit que ce n'est pas tout accommodement qui est raisonnable, ce n'est pas tout accommodement qu'il faut accepter. Donc, on vient dire aux décideurs: C'est correct, de temps en temps, vous pouvez dire que, non, ça, ce n'est pas raisonnable, ce que vous demandez au nom de la liberté de religion, ça va trop loin. Et on va avoir des balises qui vont évidemment encadrer tout ça. Pour l'instant, c'est des règles jurisprudentielles, mais on vient l'incorporer dans notre corpus législatif. Et c'est ça, le geste qui est important, et ensuite, bon, des pratiques qui seront établies dans chacun des ministères, mais avec cette loi-cadre éventuellement si elle est adoptée. Donc, c'est un genre de loi-cadre.

Évidemment, l'autre endroit, c'est l'article 6, on le sait bien. C'est vraiment ce qui a fait les manchettes, c'était l'article 6 beaucoup. On trace la ligne aussi parce qu'on a besoin de communiquer, et là je vois beaucoup un geste d'interculturalisme. On dit que c'est important ici, au Québec, qu'on puisse communiquer. C'est sûr qu'il y a eu des questions de classes de langue, là, mais, bien au-delà des classes de langue et de francisation, où c'est pas mal évident qu'on a besoin de communiquer parce qu'on doit transmettre une langue à des gens qui doivent l'apprendre, on le fait dans les écoles, mais, pour les adultes, on... Ça va vous aider, là, si on est capables de se parler, puis vous allez... Moi, je vais pouvoir vous parler en français, vous allez pouvoir vous exprimer, puis on va se comprendre. Mais on trace la ligne là. Moi, la réaction des gens que... la réaction que j'ai, c'est que c'est très raisonnable. On ne dit pas que vous devez vous défaire de vos croyances, on dit tout simplement qu'ici, au Québec, on a besoin de vous voir.

Donc, c'est deux façons qu'on vient tracer la ligne et que, nous, on considère que c'est un projet de loi qui nous reflète et qui reflète beaucoup ces valeurs. Honnêtement, c'est des valeurs de toutes les démocraties occidentales. Je ne pense pas qu'on est uniques dans ce sens-là, mais on est souvent capables de dire les choses et d'écrire les choses.

Donc, ça résume un peu. Parce que ça fait déjà quelques semaines qu'on ne s'est pas vus, un petit... un rappel, je pense... Et je tiens à le dire parce que c'est difficile quand on est... Ça fait des semaines qu'on est en étude article par article, peut-être... Je tiens à souligner que, moi, je considère que c'est un projet de loi... et que le gouvernement, et mes collègues partagent ce point de vue, que c'est un projet de loi qui est important. C'est un projet de loi qui va faciliter, je pense, la tâche des décideurs au sein de l'appareil gouvernemental lorsque viendra le temps... Parce qu'il y aura toujours des demandes d'accommodement, c'est normal, mais on aura une loi-cadre qui va guider les décideurs dans cet exercice fondamental.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. Alors, nous allons passer à la mise aux voix du sous-amendement à l'article 1. Alors, est-ce que...

Mme Beaudoin (Rosemont): Un vote nominal.

La Présidente (Mme Vallée): Un vote nominal, oui. Alors, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Oui. Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet: Pour.

Une voix: Hein?

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

Une voix: Excusez.

M. Drolet: ...excusez-moi, j'étais...

Une voix: Tu te reprends.

M. Drolet: Je me reprends, contre.

La Secrétaire: Alors, M. Drolet (Jean-Lesage)?

Une voix: André.

M. Drolet: Oui?

Une voix: Contre.

M. Drolet: Contre. Excusez-moi, hein? O.K.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 5 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, nous en sommes maintenant... nous retournons à l'amendement à l'article 1. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci, Mme la Présidente. Je voudrais présenter un sous-amendement. Donc, l'amendement à l'article 1 est sous-amendé par le remplacement de «de consacrer le statut particulier de l'égalité entre les femmes et les hommes dans cette même charte» par «d'y reconnaître la laïcité de l'État et l'égalité entre les femmes et les hommes». Est-ce que vous voulez que je vous le dépose?

La Présidente (Mme Vallée): Je vous demanderais de suspendre, le temps de distribuer votre copie.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, puis je vais vous l'expliquer ensuite.

La Présidente (Mme Vallée): Exactement. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

 

(Reprise à 11 h 21)

La Présidente (Mme Vallée): ...maintenant que nous avons tous en main copie du sous-amendement. Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, Mme la Présidente. Bon, alors, cet amendement, la ministre en parlait tout à l'heure, il faut lier laïcité, je crois, avec l'égalité entre les femmes et les hommes, comme l'a si bien fait, d'ailleurs, le Conseil du statut de la femme, qui a intitulé son fameux rapport, son fameux avis Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il y a donc une relation entre laïcité de l'État et l'égalité entre les femmes et les hommes. Alors, il nous semble utile de dire les choses telles qu'elles doivent être dites. La ministre disait tout à l'heure: On touche des choses importantes. De son point de vue, ce qu'il y a dans le projet de loi suffit, mais du nôtre, si on touche à ces questions-là, qui sont effectivement fondamentales, bien touchons-y vraiment et correctement. Alors, c'est pour ça qu'il nous semble qu'il faille sous-amender l'amendement que nous avons présenté, pour lier les deux termes de l'équation, si je peux dire, c'est-à-dire la laïcité de l'État et l'égalité entre les femmes et les hommes, qui ont une réelle relation. Le Conseil du statut de la femme a pris, je ne sais pas, moi, 200 pages pour nous le démontrer, quant à moi, de manière totalement convaincante.

Et, d'ailleurs, Mme la Présidente, quand la ministre dit... et qu'elle cite le Conseil du statut de la femme, il est vrai, Mme la Présidente, qu'au départ le Conseil du statut de la femme a appuyé le projet de loi n° 94, jusqu'à la conférence de presse que le premier ministre a faite à ce sujet-là avec un certain nombre de ministres, dont la ministre qui était à l'époque à la Justice et qui est aujourd'hui à l'Immigration. Jusque-là, le Conseil du statut de la femme a appuyé ce projet de loi. Mais, très clairement, on n'a qu'à retourner au verbatim de l'audition du Conseil du statut de la femme pour comprendre que, quand le Conseil du statut de la femme a vu que le gouvernement déduisait de ce projet de loi qu'il s'agissait de laïcité ouverte, le Conseil du statut de la femme, immédiatement, à ce moment-là, et devant nous, ici... Puis on peut s'amuser -- et je pourrai peut-être le faire cet après-midi, à la reprise de nos travaux -- à citer le Conseil du statut de la femme parce que le Conseil du statut de la femme n'a pas interprété le projet de loi comme le gouvernement l'a fait.

Et, dès que le gouvernement a dit: Bien, voilà, c'est notre interprétation de la laïcité ouverte que l'on retrouve dans ce projet de loi, le Conseil du statut de la femme a dit non, merci, et s'est prononcé, à partir de ce jour-là, c'est-à-dire pas longtemps après le dépôt, 24 heures après le dépôt, contre ledit projet de loi et est venu dire en commission parlementaire de façon très claire... Et puis on peut retrouver les déclarations de Mme Pelchat à cet égard.

Je n'ai pas besoin de défendre Mme Pelchat, je pense qu'elle le fait extrêmement bien elle-même à chaque fois qu'elle a l'occasion. J'ai eu, d'ailleurs, le plaisir de la questionner aux crédits de la Condition féminine, où elle a carrément contredit la ministre sur un point qui était très, très précis, concernant 1 million de dollars qui avait été remis aux forums jeunesse plutôt qu'aux groupes de femmes. La ministre prétendait s'être appuyée sur un avis du Conseil du statut de la femme. J'ai questionné immédiatement la présidente du Conseil du statut de la femme, qui a dit: Non, ce n'est pas vrai, c'est faux, il n'y a pas d'avis du conseil qui vont dans ce sens-là.

Donc, la présidente du Conseil du statut de la femme assume ses paroles, et son opinion a changé, effectivement, concernant le projet de loi n° 94. C'est pour ça qu'a été si bienvenu, au moment même où on s'est mis à discuter du projet de loi n° 94, son avis Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, et c'est pour ça, Mme la Présidente, que nous proposons un sous-amendement qui inclut les deux questions... les deux valeurs, en fait, que sont la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes dans ce sous-amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? M. le député de Bourget? Ah! Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Excusez, je n'étais pas prête, là.

Mme Poirier: Alors, Mme la Présidente, je pense que le sous-amendement présenté par ma collègue s'inscrit parfaitement dans cette volonté de l'opposition officielle de faire reconnaître la laïcité de l'État en tant que telle, comme valeur fondamentale. La laïcité de l'État -- et ma collègue l'a bien souligné -- avec le Conseil du statut de la femme, par lequel ils ont fait la démonstration de façon éloquente tant dans l'avis récent, mais dans le précédent avis qu'ils ont publié, il y a de cela un an, sur la présence religieuse et les droits des femmes...

Des voix: ...

Mme Poirier: Mme la Présidente, c'est juste... Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Oui, on apprécierait pouvoir entendre notre collègue.

Mme Poirier: ...un petit bourdonnement. C'est juste que la collègue voudrait juste s'entendre elle-même.

Une voix: On l'entend.

Mme Poirier: Oui, mais je vous entends aussi.

La Présidente (Mme Vallée): Mais il y avait un bruit de fond, comme un bourdonnement.

Mme Poirier: Un bourdonnement. Je vous la laisse dire. Je vous la laisse dire.

La Présidente (Mme Vallée): Bon, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

**(11 h 30)**

Mme Poirier: Merci. Alors, le Conseil du statut de la femme, à deux reprises dans les dernières années, est venu faire la démonstration de façon très éloquente, mais de façon très, très éloquente, de l'importance de clarifier la laïcité de l'État versus les droits religieux, mais versus l'égalité hommes-femmes. Mon collègue disait ce matin qu'on ne refera pas l'histoire. Ce n'est pas notre intention, ce n'est pas l'intention de personne ici de refaire l'histoire, à savoir que la présence religieuse au Québec a été une présence significative. On ne peut pas remettre ça en question, c'est la réalité, ça fait partie de notre culture, ça fait partie de notre patrimoine. Et, moi, je peux vous dire que je défends énormément ce patrimoine, puisqu'à la commission, qui va siéger dès demain d'ailleurs, sur le patrimoine culturel, sur le projet de loi n° 82... Moi, je défends énormément le patrimoine de l'Église en tant que telle et des églises, de toute nature qu'elles soient, parce que ça fait partie de notre histoire. Au-delà de la religion, ces églises font partie de notre vécu.

Alors, la laïcité de l'État, c'est une façon de vivre qui est arrivée au tournant des années soixante avec la Révolution tranquille, qui fait en sorte qu'on a divisé dorénavant le rôle de l'Église et le rôle de l'État. Il faut venir définir dès le début du projet de loi, il faut venir mettre l'étampe dès le début du projet de loi, il faut venir inscrire la laïcité de l'État dès le début, dès les premiers mots de cette loi-là, dans l'objet de la loi, il faut venir dire que ça parle de la laïcité de l'État dès le début. Il faut faire en sorte que...

Est-ce que la laïcité de l'État est une valeur fondamentale, oui ou non? Il faut se la poser, la question. La laïcité de l'État a fait en sorte de venir dire depuis les années soixante que plus jamais le prisme de la religion ne va venir dicter nos décisions en matière gouvernementale. Il me semble, ça, c'est clair. C'est clair pour tous, mais ce n'est pas écrit. Ce n'est pas écrit. Personne ici, je crois, ne sent de l'influence religieuse autour de nous pour décider. Est-ce qu'on décide en fonction de nos convictions religieuses, les uns et les autres? On ne le sent pas. Et je l'exprimais tout à l'heure par l'article de Jean-Claude Leclerc, du Devoir du 11 avril, mais ça existe et ça existe dans le Parlement canadien, ça existe dans le gouvernement conservateur. Et on est menacés par cela, et il faut venir affirmer la laïcité de l'État de façon claire, nette et précise. Est-ce que la laïcité est une valeur fondamentale québécoise? Tout le monde ici va dire oui, tout le monde va dire que ça fonctionne comme ça présentement. Mais est-ce qu'il ne serait pas nécessaire de venir l'inscrire dans l'objet de cette loi-là, puisque cette loi-là va venir préciser les balises dans lesquelles les accommodements raisonnables vont être dorénavant traités? Est-ce qu'on va traiter des accommodements raisonnables en fonction d'une religion par rapport à une autre? Non. Est-ce qu'on va venir traiter les accommodements raisonnables en fonction des religions? On souhaite que non.

Mais ce n'est pas clair. Mais ce n'est pas clair parce qu'actuellement la balise de l'accommodement raisonnable, c'est la contrainte excessive, et ça ne vient pas faire en sorte -- et on revient avec l'égalité hommes-femmes -- que l'accommodement raisonnable, s'il vient remettre en question l'équité hommes-femmes et la neutralité de l'État... ça ne vient pas l'introduire dans l'objet de la loi, ça ne vient pas le préciser dans l'objet de la loi. Et, pour nous, il est important que, dès le début, le message soit clair, que, dès le début, on vienne préciser que la neutralité de l'État, que l'égalité hommes-femmes sont, oui, des valeurs fondamentales, mais sont aussi des balises pour encadrer les accommodements raisonnables, et ça, dans l'objet de la loi, on ne le voit pas. On viendra dire plus loin, à l'article 4, quand on va venir définir... Mais, à ce moment-ci de la loi, il serait beaucoup plus fort comme message de venir introduire, à ce moment-ci... de dire que cette loi-là, là, les balises, là, il faut absolument tenir compte de la laïcité de l'État et de l'égalité hommes-femmes parce que la laïcité de l'État...

Et notre collègue Christiane Pelchat le démontre amplement dans son document comment il est important de diviser les religions de l'État parce que les religions en tant que telles... Et particulièrement -- on l'a vu dans notre histoire -- la religion catholique a eu un rôle fondamental. Elle en a eu un, rôle, un rôle important, que ce soit dans nos institutions d'éducation, que ce soit dans nos institutions de santé au Québec. Il y a eu une coupure, il y a eu une coupure au Québec. Il y a eu des décisions de prises à l'effet de dire: Non, ce n'est pas le champ de la religion, c'est le champ de l'État, et c'est ce qui en a fait la laïcité de l'État. Il y a encore, oui, des congrégations religieuses qui oeuvrent dans nos institutions, tout à fait. C'est correct, il n'y a pas de problème, mais est-ce que le rôle de l'État, justement, n'est pas de gouverner au-dessus de ces religions-là? Est-ce que le message de l'État, il doit être neutre? Oui.

Et, nous, on a pris position au Parti québécois, on a pris position de façon très claire à l'effet de dire que les gens qui représentent l'État doivent afficher cette neutralité, doivent afficher leur laïcité, dans le fond, doivent afficher le fait que, comme prestateurs de services, ils ne doivent pas véhiculer un message religieux quelconque, comme ils ne peuvent pas actuellement véhiculer un message politique. Un fonctionnaire n'a pas le droit d'afficher ses couleurs politiques, puis on trouve ça, tout le monde, parfait comme ça. Mais c'est la même chose pour la religion. Un fonctionnaire n'a pas à afficher ses convictions religieuses, de la même façon qu'il ne peut afficher ses convictions politiques. C'est ça, la laïcité de l'État, parce que ceux qui incarnent l'État doivent aussi afficher cette laïcité-là.

Et on a un devoir, on a un devoir de venir dire la laïcité de l'État parce que ça n'existe pas, la laïcité de l'État, à part que dans les conventions, à part que dans nos façons de faire. Mais c'est inscrit où, la laïcité de l'État? Ça n'existe pas. Et, si on ne vient pas, aujourd'hui, affirmer haut et fort que ça fait partie de nos valeurs, la laïcité de l'État, bien on vient de passer à côté. Parce que ce projet de loi là, qui vient créer un encadrement à l'application des accommodements raisonnables, eh bien, on va le mettre dans quel cadre? Est-ce qu'il va être dans le cadre d'un État qui tient compte des religions dans un premier temps, et de l'égalité hommes-femmes peut-être en quelque part, et peut-être de d'autres choses éventuellement? Est-ce que cet État-là, il est neutre? Est-ce que cet État-là... Et, même dans son rapport envers les autres pays -- et c'est important -- est-ce que l'État québécois qui s'en va sur la scène internationale est un État laïque, est un État neutre? Et de là vont découler des politiques gouvernementales.

Je vous faisais la démonstration ce matin de ce que ça donne, un État qui véhicule des messages et qui véhicule des valeurs dictées par certaines religions. Eh bien, ça influence les comportements des fonctionnaires de l'État. Si l'État, il est réellement neutre, il ne peut véhiculer ce type de message, il va surtout véhiculer les messages de la majorité. Est-ce à dire que les messages de la majorité canadienne, c'est prochoix? Je n'en ai aucune idée et je ne veux pas faire d'affirmation comme ça. Mais, quand je vois l'ACDI, quand je vois Développement et Paix faire de l'action sur le terrain prochoix, ça m'interpelle parce que ce n'est pas...

Une voix: ...

Mme Poirier: Excusez, j'ai dit prochoix... provie. Excusez-moi. Excusez-moi, je... On rapplique, provie. Merci, Mme la Présidente. Merci à mon collègue. C'est parce que c'est le message prochoix, dans ma tête, qui devrait être là, c'est pour ça. Alors, on souhaite qu'il soit prochoix.

Des voix: ...

Mme Poirier: Je suis mélangée, là.

Une voix: ...

Mme Poirier: Oui. Alors, est-ce que...

La Présidente (Mme Vallée): Parlez-en à M. le député de Portneuf.

Mme Poirier: Oui, M. le député de Portneuf, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Matte: Je suis comme vous, je suis mélangé.

**(11 h 40)**

Mme Poirier: Oui, d'accord, ça me rassure. Est-ce qu'on veut que les valeurs fondamentales québécoises soient celles qui sont les valeurs que nos fonctionnaires défendent, que ce soit à l'international, ou au Québec, ou dans le Canada? C'est important, là. Et, si notre État est laïque, et on affirme la laïcité de l'État, il faut que ce soit clair. Il faut que ce soit clair aussi pour... Parce que c'est l'encadrement des relations de travail, là, c'est des relations de travail dans les ministères, dans les organismes. Est-ce que les employés du gouvernement vont recevoir un message clair à l'effet que leur État est laïque?

Pourtant, c'est un message très clair qu'ils ont reçu: Vous ne pouvez afficher vos convictions politiques. Ça, c'est clair comme de l'eau de roche. Mais, par contre, est-ce qu'on peut afficher nos convictions religieuses? Ça, ce n'est pas clair. Parce que, là, ça va être une demi-vérité. Ils pourront afficher une partie de leurs convictions religieuses, mais pas l'autre partie. Les femmes n'auront pas le droit de porter le voile complet, intégral, mais les hommes pourront porter quelque signe religieux que ce soit, même un kirpan, qui est une arme, parce que c'est un signe religieux. Alors, on va permettre à des hommes de travailler avec une arme parce qu'elle est un signe religieux, mais les femmes ne pourront pas porter un voile intégral. Je ne sais pas ce qu'il y a de pas dangereux là-dedans. Là, ça s'appelle de la discrimination, ça. Ça, c'est de la discrimination.

Notre position à nous, elle est très claire, Mme la Présidente. Elle est très claire, pas de signes religieux ostentatoires. Ça ne peut pas être plus clair, et ça, ça n'a pas de féminin puis de masculin, c'est: Pas de signes religieux. Ça s'appelle l'égalité hommes-femmes. Ça s'appelle la neutralité de l'État. Ça s'appelle la laïcité de l'État. Dans le fond, ce qu'on demande au gouvernement, c'est d'avoir une position claire. Pas des demi-vérités, pas de la laïcité avec des adjectifs, de la laïcité tout court, de la laïcité qui va faire en sorte que l'ensemble des gens vont nous comprendre, qu'on ne se rembarquera pas dans un débat d'interprétation, encore une fois, où on va se ramasser devant les tribunaux et, on peut-u se le gager, devant la Cour suprême, qui va venir décider non pas en fonction de nos valeurs collectives, mais en fonction des valeurs collectives du Canada, en fonction des valeurs du multiculturalisme canadien décrié par tout le monde.

Ce n'est pas ça qu'on veut au Québec, ce n'est pas ça que les gens veulent au Québec. Les gens veulent des choses simples, ils veulent des règles simples, mais des règles claires, mais des règles qui leur ressemblent, des règles qui vont faire en sorte que le Québec a des valeurs fondamentales qui sont le reflet de la culture québécoise mais qui sont le reflet des gens du Québec. Et le multiculturalisme canadien n'est pas une valeur québécoise, est plutôt une valeur que l'ensemble des Québécois rejettent. Le signe de ports religieux, ça ne passe pas dans l'opinion publique, ça ne passe pas. Il faut se le dire, ça ne passe pas. Mais non!

La ministre a l'air surprise. Je suis peut-être la première à être surprise, il faut juste aller sur la rue. Ça passe peut-être dans l'ouest de Montréal, mais ça ne passe pas dans le reste du Québec. Il est là, le problème. Il faut s'en parler. Il faut se parler, il faut se comprendre. Mais, si on ne met pas de règles dans la fonction publique, bien là on a un problème. On ne parle pas de petites croix. «Ostentatoire», c'est le contraire de «discret». Il faut aller voir au dictionnaire, un signe ostentatoire, c'est le contraire de «discret». Une petite croix, c'est discret. C'est ça que ça veut dire. C'est ça que ça veut dire, «ostentatoire», ce n'est pas plus que ça.

Une voix: ...

Mme Poirier: C'est discret. Le mot «discret», c'est discret.

Mme Weil: Et, dans la jurisprudence, est-ce qu'on définit «ostentatoire»?

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre.

Mme Weil: Quelle est la...

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre.

Mme Poirier: On peut partir un dialogue, Mme la Présidente. Je vous laisse ça.

La Présidente (Mme Vallée): Non, non, non, on ne veut pas partir de dialogue. Mais, par contre, Mme la ministre, si vous souhaitez intervenir tout à l'heure, on vous laissera le temps amplement.

Mme Poirier: Ça nous fera plaisir. Ça nous fera plaisir. Ça nous fera plaisir d'entendre la ministre. Et je vois que ça l'interpelle, je suis contente.

La Présidente (Mme Vallée): Les travaux vont bien, on va les poursuivre dans l'ordre.

Mme Poirier: Et je suis contente que ça interpelle la ministre parce qu'il est là, le débat fondamental. Sur ce projet de loi là, on n'aborde pas la question de fond, et elle est là, la question de fond. Comment on veut que ça se passe? Parce que, dans les organismes gouvernementaux, dans les ministères, demain matin, l'application de cette loi-là, ça va être le concret, ils vont vivre avec cette loi-là. Et, actuellement, ce n'est pas clair parce que les concepts qui sous-tendent la loi, ce n'est pas clair. Parce que l'application, dans le gouvernement, de ça, ça ne sera pas facile, parce que ça ne change rien aux décisions de la Commission des droits de la personne.

La RAMQ, on continue pareil, on y va à la pièce. La SAAQ, on continue de la même façon. Les Juifs orthodoxes vont continuer à avoir des examinateurs masculins parce qu'ils désirent avoir avec des examinateurs masculins, parce que, selon leur religion, ils ne peuvent pas être dans un endroit clos avec une femme. C'est ça qu'on veut au Québec? C'est ça qu'on accepte collectivement? Est-ce que c'est ça qu'on veut? C'est de ça qu'il faut se parler, Mme la Présidente. Et, moi, je vais vous dire, ça m'interpelle comme femme. Ça m'interpelle comme femme que, comme société, c'est ces règles-là qu'on se donne. Et je ne suis pas sûre que la collectivité veut cela, je ne suis pas sûre. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): 50 secondes.

Mme Poirier: Je le savais, il me semblait bien, là, que j'arrivais à... Alors, Mme la Présidente, je pense que d'introduire la laïcité de l'État est important. Il faut que ce soit clair. Si on a été capable de dire qu'on ne peut porter de signes politiques, affirmer la laïcité de l'État, ça vient faire en sorte de dire à l'ensemble de nos fonctionnaires: Vous travaillez pour un État laïque et, quand vous voulez un emploi dans la fonction publique, bien vous entrez dans un monde où c'est laïque. Et je pense que, ça, ça vient passer un message très, très clair, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée. Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui...

La Présidente (Mme Vallée): Ah! Mme la ministre, oui. Excusez-moi.

**(11 h 50)**

Mme Weil: Pour poursuivre l'échange, parce qu'évidemment c'est un sujet intéressant, je pense qu'on est tous intéressés par le sujet, l'exemple qui a été donné par la députée d'Hochelaga, juste son dernier exemple, ne touche pas la question de port de vêtements, c'était une autre pratique. Donc, il faut faire la part des choses. L'égalité hommes-femmes, et c'est pour ça qu'on a l'article 4 et qu'il y aura évidemment dans chaque organisme gouvernemental des règles justement pour appliquer ces balises... Pour ce qui est du port de signes religieux, un gouvernement doit toujours présenter un projet de loi qui respecte la règle de droit, et c'est pour ça qu'on avait tant de juristes qui sont venus dire que, bon, le projet de loi respecte la règle de droit. Actuellement, dans la société québécoise comme dans toutes les sociétés libres et démocratiques, une personne a une liberté d'expression qu'on ne peut brimer. La personne peut porter une croix, peut porter la kippa. Ce qu'on demande au fonctionnaire, c'est de ne pas transmettre ses valeurs religieuses dans l'exercice de ses fonctions, c'est du prosélytisme.

Je pense que c'est important de parler d'«ostentatoire». En vertu du dictionnaire, là, bon, «ostentation»: «Attitude, caractère de celui qui cherche à tout prix à attirer l'attention sur lui-même, sur un trait de sa personne...» Ça ne fait aucune distinction entre une croix qui, pour la personne qui la voit... Il n'y a pas de distinction. Et ce n'est pas un concept qui est dans la jurisprudence ni parmi les juristes, «ostentatoire». Puis je pense que, si vous connaissez l'anglais, «ostentatious», c'est toujours utilisé dans un sens un peu flamboyant, c'est quelqu'un qui veut à tout prix se montrer, bon, montrer quelque chose, et c'est le sens même d'«ostentatoire». Ça ne fait pas de distinction, donc, entre une toute petite croix, ou un foulard, ou... Bon.

Alors, en tant que gouvernement, on a l'obligation de présenter un projet de loi qui respecte nos droits, nos chartes, nos valeurs, et le port d'un signe religieux ne vient pas, en aucune façon, compromettre le caractère laïque de l'État québécois. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui me dit qu'il sent que la religion interfère avec les décisions du gouvernement parce que quelqu'un... Il y a, au sein du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, au ministère de la Justice, il y a des fonctionnaires... d'ailleurs, une femme qui travaille en informatique qui porte le foulard. Jamais je ne pensais, lorsqu'elle est venue réparer mon ordinateur, que je pensais qu'elle faisait du prosélytisme. Je l'ai vue complètement neutre, je ne le vois même pas.

Alors, je pense que c'est là qu'il faut faire la part des choses et je pense que les Québécois font la part des choses. C'est qu'en autant que la personne qui me desserve ne fait pas de transmission... C'est pour ça que le projet de loi ne touche pas à cette question-là. Le projet de loi déclare: Ce que le droit reconnaît, c'est la neutralité religieuse de l'État. C'est ça, l'obligation que l'État a, et c'est ça, l'obligation que l'État respecte en tout temps, en tout temps. Et, si l'État ou un organisme de l'État ne le respecte pas, c'est là que les gens peuvent contester une action devant les tribunaux parce qu'il n'aura pas respecté la charte. La neutralité religieuse de l'État découle justement de la Charte des droits et libertés, c'est la liberté de croyance et de non-croyance. Donc, l'État et le fonctionnaire ont toujours cette obligation de neutralité.

Donc, je pense qu'il faut vraiment essayer de clarifier certains propos qui ont été donnés et je pense que c'est important de dire que ce concept d'«ostentatoire», ça n'existe pas, sauf dans le dictionnaire, et, comme on le... bon, quelqu'un qui cherche à tout prix d'attirer l'attention. Les tribunaux l'ont bien dit, une pratique religieuse, c'est une croyance sincère en vertu de tous nos principes de droit, de libertés fondamentales, et le Québec adhère beaucoup à ces libertés fondamentales. On parle de valeurs? Ça, c'est une valeur importante pour les Québécois, et les Québécois sont très, très, très fiers de leur Charte de droits et libertés. Et ils sont très fiers du fait qu'on a renforcé l'égalité entre les hommes et les femmes, et c'est là qu'il y a vraiment un consensus, je le crois bien, je le sens. C'est qu'on veut s'assurer que, lorsqu'on donne un accommodement pour une liberté religieuse, qu'il y ait une limite et qu'on ne va pas traverser cette limite, si ça vient brimer l'égalité hommes-femmes, et c'est pour ça qu'on a mis l'article 4.

Je suis d'accord avec la députée de Rosemont, qui avait -- comment dire? -- une interprétation différente, absolument, avec le Conseil du statut de la femme. Évidemment que le gouvernement... Et je le répète parce que les projets de loi qu'on présente doivent respecter l'état du droit actuel. C'est tout à fait ça, c'est la neutralité religieuse de l'État. On n'est pas venu chambarder ou changer les règles de droit là-dessus. Si la société le veut, éventuellement, un jour... Mais l'obligation de l'État, c'est de respecter non seulement nos chartes, mais aussi des conventions internationales qui... La liberté de religion et son expression, c'est vraiment une liberté qui est reconnue dans toutes les sociétés occidentales. Et d'ailleurs, en France, le débat, il ne va pas sur la liberté de religion parce que c'est aussi une liberté très importante en France, qui a vécu... Et, quand on parle avec les Français et les juristes en France, ils font la part des choses, ils l'amènent sur l'ordre public. Pourquoi? Parce qu'ils ont les mêmes traités internationaux, qu'ils adhèrent aux mêmes traités. Donc, je pense qu'il faut avoir une grande appréciation sur cette liberté et, évidemment, s'assurer que ces libertés sont capables de coexister. Et on est capable de faire en sorte que ça coexiste. Et c'est pour ça qu'il y a des limites dans une société, et c'est toujours d'être capable de voir les limites. Et la limite, c'est toujours lorsqu'on vient brimer une autre égalité, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes.

Donc, l'avancée a déjà été faite dans la charte avec les amendements en 2008, et là c'est un projet de loi qui touche un sujet tout à fait pertinent, c'est-à-dire qui touche à cette question de l'égalité hommes-femmes. Et le débat, le débat autour des accommodements raisonnables, ça a beaucoup tourné autour, justement, de cette inquiétude qu'avaient les Québécois que, lorsqu'on accordait un accommodement, on venait amoindrir la position, la situation de la femme, et c'est pour ça que les gens ont réagi tellement négativement. Il y avait aussi peut-être des questions de... Bon, c'est un fardeau trop lourd. De temps en temps, ça peut être une question de sécurité, bon, lorsqu'on parle d'armes ou de visage couvert. Mais le grand consensus, c'était autour de cette question d'égalité hommes-femmes, et c'est pour ça qu'on a tenu à mettre cette disposition dans le projet de loi sur les accommodements. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Là, je pense qu'on est au coeur, en effet, du sujet et de nos désaccords profonds. Et je voudrais quand même dire à la ministre que même Bouchard-Taylor était en désaccord avec elle, puisque dans leurs recommandations -- mais si -- ils disaient que pour une certaine catégorie -- mais si -- de fonctionnaires... Déjà, c'était une brèche. Déjà, je veux dire, c'était un début d'admission, si vous voulez, qu'il pouvait y avoir des problèmes. Si Bouchard-Taylor a dit que les juges, les gardiens de prison, le président de l'Assemblée nationale, Mme la Présidente, le président de l'Assemblée nationale... Et il y avait les policiers aussi, je crois. Donc, il y avait un certain nombre de catégories de fonctionnaires où Bouchard-Taylor disait non au port de signes religieux ostentatoires.

Alors, comment pouvez-vous me dire ce matin que tout ça irait contre des conventions internationales, que tout ça serait impossible, qu'en France... Moi, la France, je ne veux pas la donner toujours en exemple, même si j'y reviendrai cet après-midi. Pensons à l'Allemagne, pensons à la Belgique, où il y a justement, dans certains länder, et dans certaines villes en Belgique, et un peu partout, donc, en Europe, des interdictions de port de signes religieux ostentatoires, c'est clair et c'est net. Et même Bouchard-Taylor, donc, vous contredit à cet égard en disant: Il y a certaines -- bien oui! -- catégories de fonctionnaires qui ne devraient pas porter des signes religieux ostentatoires.

Alors, ce que disait, d'ailleurs, le manifeste Pour le Québec laïque et pluraliste, il le démontrait... Et même Me Julie Latour, qui est venue devant nous au nom, justement, de ces intellectuels, prétendait que ce n'est pas vrai qu'on puisse dire... -- elle est juriste, et puis elle a été bâtonnière, et puis ça me semble une juriste extrêmement rigoureuse et sérieuse -- en disant: Ce n'est pas vrai qu'on peut prendre pour acquis tout simplement que jamais la Cour d'appel, d'ailleurs, qui a dit des choses différentes de la Cour suprême à ce sujet... que la Cour suprême ne pourrait jamais, si les règles étaient claires... Comme le disait avec sagesse -- on devrait l'écouter davantage -- le député de Bourget, avec sagesse, si les règles sont claires, eh bien même les juges pourront éventuellement, en Cour suprême, ne pas prendre en considération uniquement la subjectivité et la sincérité de la croyance, mais aussi le fait que, le Québec s'étant déclaré un État laïque, eh bien, à ce moment-là... Me Latour nous disait que l'évolution de la jurisprudence, particulièrement de la Cour d'appel au Québec, mais aussi quelques petites ouvertures de la Cour suprême, que ceci allait dans le sens de ce que nous disons, c'est-à-dire pas de signes religieux ostentatoires.

Et la Cour européenne de justice a dit à quelques reprises qu'un État pouvait... en fait, était justifié de prendre un certain nombre de mesures. Donc, il y a une autre culture juridique européenne. Alors, ce n'est pas vrai qu'on puisse dire qu'en Europe c'est comme ceci ou comme cela, non, une autre culture juridique fondée... Même la nôtre, comme le disait Me Latour, pourrait évoluer dans le sens que l'on souhaite, mais une autre culture juridique fondée sur les mêmes droits fondamentaux, Mme la Présidente, que les nôtres est donc possible, puisque la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu dans plusieurs jugements que la liberté de religion, telle que définie dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, n'allait pas jusqu'à obliger un État à accepter le port de signes religieux de la part de ses employés. Bon.

Alors, Mme la Présidente, est-ce que c'est terminé ou est-ce que j'ai...

La Présidente (Mme Vallée): Il reste deux minutes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Deux minutes? Alors, la ministre aime beaucoup citer le Conseil du statut de la femme, je vais lui faire une petite citation, pour terminer, en deux minutes. Page 93 de son avis: «Afin de refléter la neutralité de l'État québécois, le Conseil [du statut de la femme] juge essentiel que les agentes et agents qui le représentent s'abstiennent d'afficher leurs convictions religieuses par le port de vêtements ou de signes nettement visibles. En effet, en arborant ainsi ses croyances -- Mme la Présidente -- le personnel donne à croire qu'il n'est pas neutre à l'égard de toutes les religions, ni à l'égard des athées ou des agnostiques. Cela fait en sorte qu'une personne raisonnable peut croire que l'État n'est pas neutre, que l'État et le religieux sont associés ou paraissent être associés. Pour cette raison, nous croyons que les représentantes et représentants de l'État devraient faire preuve de réserve dans le cadre de leur travail.»

Et, moi, j'ajoute... La ministre disait: Moi, ça ne me dérange pas, bon, dans le cadre de mes fonctions, etc. Bien, moi, Mme la Présidente, ça me dérange.

La Présidente (Mme Vallée): ...et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Chers collègues, vous pouvez laisser les choses dans la salle parce que la salle sera verrouillée jusqu'au retour.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 37)

La Présidente (Mme Vallée): On va débuter. Alors, après avoir constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Alors, le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Et, lors de la suspension de 13 heures, nous en étions à discuter du sous-amendement qui avait été présenté par Mme la députée de Rosemont, et Mme la députée de Rosemont avait repris la parole. Alors, je ne sais pas, j'imagine, Mme la députée, que vous souhaitez poursuivre votre temps. Alors, il vous restait 8 min 5 s.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, pourquoi, donc, inclure la laïcité dans ce sous-amendement? Pourquoi relier laïcité de l'État et égalité entre les femmes et les hommes? Je pense qu'il faut redire, Mme la Présidente, que la valeur de la laïcité, elle est inscrite de longue date dans le parcours du Québec, et que c'est une valeur fondamentale, et que cette valeur pourtant si évidente, à la base de notre démocratie, ne se retrouve proclamée dans aucun texte juridique d'importance, je dirais de façon constitutionnelle ou autrement prépondérante, n'étant reconnue que de façon jurisprudentielle. Et c'est intéressant de voir qu'il y a un déséquilibre entre l'absence de protection des valeurs collectives qui découlent du caractère séculier de notre société par comparaison avec l'importance des instruments juridiques qui protègent les libertés individuelles, particulièrement, donc, par rapport au réinvestissement du religieux dans la sphère publique qu'autorisent les chartes des droits, qu'autorisent les chartes des droits. Alors, c'est pour ça que, selon nous, il faut affirmer haut et fort cette nécessité, donc, de la laïcité de l'État, il faut l'inscrire. Il faut non seulement le dire ou le penser, mais il faut l'écrire noir sur blanc dans ce projet de loi n° 94.

**(15 h 40)**

Et, à cet égard, Mme la Présidente, j'y reviendrai sûrement au cours de l'après-midi, mais il y a un excellent livre que je recommande à tous les membres de la commission. Non seulement faut-il avoir lu, comme je le disais et comme je l'ai beaucoup, beaucoup répété depuis un mois, là, peut-être, depuis qu'il est sorti en tout cas, cet avis du Conseil du statut de la femme, Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, mais il y a un livre qui est sorti récemment, qui s'intitule L'heure de vérité -- La laïcité québécoise à l'épreuve de l'histoire. Alors, c'est le professeur de l'Université McGill, qui est très connu, Yvan Lamonde, qui a beaucoup écrit sur l'histoire des idées au Québec. C'est un historien qui est très, très réputé, qui enseigne à McGill depuis très longtemps et qui a décidé d'écrire ce livre.

C'est un livre intéressant parce qu'il y a, en effet, tout l'historique de la laïcité au Québec et de l'histoire des idées par rapport à la laïcité. C'est vraiment très bien fait. C'est un livre qui a 200 pages, mais qui se lit très bien, qui n'est pas nécessairement un livre savant, même s'il est écrit par un professeur d'université et qu'il y a plein, bien sûr, de notes de bas de page et tout ce qu'il faut, avec une table des matières qui parle d'elle-même: Le religieux, le national et le politique; «Adieu au goupillon» et le refus global; La peur et la fin de l'unanimité; Le Mouvement laïque de langue française... On le sait très bien qu'il y a eu un mouvement laïque de langue française dans les années soixante avec Guy Rocher, qui est d'ailleurs un de ceux qui est venu devant la commission au moment des auditions.

Le mémoire du Mouvement laïque de langue française à la commission Parent. Parce qu'on sait que la laïcité québécoise, tout ce parcours historique, tout ce cheminement a beaucoup tourné autour de l'école, et même au XIXe siècle, pas seulement récemment, à partir de la Révolution tranquille. À partir de la Révolution tranquille, il y a eu un changement, un changement de paradigme, ça a beaucoup évolué, mais, pendant tout le XIXe siècle, on a beaucoup discuté de cette question de l'école confessionnelle. Et c'est au moment de la commission Parent, bien sûr, au moment où le ministère de l'Éducation était créé que s'est posée toute la question, donc, du secteur public par rapport au secteur privé, le secteur public qui est resté, jusqu'à tout, tout récemment, confessionnel.

Alors, De la laïcité au laïcisme; Libéralisme, cléricalisme et anticléricalisme; Une nation ou un couvent?; Une religion ostensible et ostentatoire -- on commence à y arriver, à nos moutons -- et il y a Conclusions de l'historien; et ensuite -- c'est à la toute, toute fin, et là, vraiment, c'est quelques pages seulement -- c'est Réflexions du citoyen.

Moi, j'aime beaucoup les universitaires engagés parce que je pense qu'ils doivent nous faire profiter, finalement, de leur science, mais aussi de leurs convictions. Alors, évidemment, les conclusions de l'historien sont plus dégagées, si je peux dire, et les conclusions du citoyen sont plus engagées. Et j'aimerais en faire part parce qu'il dit un certain nombre de choses.

En page 192, Mme la Présidente, par exemple, il dit, parlant justement des signes religieux, il dit ceci: «Laissée en friche, la laïcité l'a encore été avec l'émergence des luttes féministes qui, en 2010, obligent à prendre singulièrement en ligne de compte la réalité des femmes dans la question de la neutralité de l'État, de la laïcité et du port des signes religieux dans l'espace public et dans la fonction publique.»

Il écrit: «Des femmes s'opposent à l'interdiction des signes religieux, et principalement de voiles de types variés, en plaidant en faveur du travail des femmes et de la non-fermeture de la fonction publique québécoise.» C'est une des choses dont on a beaucoup parlé ici, et je sais que la ministre a été sensible à ce type d'argument.

Il ajoute: «Outre le rappel qu'un emploi dans la fonction publique n'est pas un droit, je ne vois pas pourquoi on favoriserait le port de signes religieux pour ne pas fermer la fonction publique à ces femmes. S'agirait-il là d'une "action positive" où, dans la balance démocratique, le signe religieux féminin pèserait plus lourd que l'égalité de toutes et de tous à satisfaire aux exigences de l'embauche?» Alors, est-ce que ce serait l'équivalent de ce qu'on appelle l'action positive, qui a pu être, à un moment donné de l'histoire, utile? Mais, en matière de port de signes religieux ostensibles, est-ce qu'on doit aller dans le sens de l'action positive? Lui, il répond non.

Et il dit une autre chose aussi intéressante, dont on a beaucoup discuté dans cette commission: «La question de la laïcité est antérieure aux flux migratoires récents qui ont amené au Québec un pluralisme non pas nouveau...» Parce que le pluralisme a toujours existé dans la société québécoise, il faut le dire et le redire, depuis l'arrivée des premiers colons en terre de Nouvelle-France, où il y avait déjà, bien évidemment, les peuples autochtones qui étaient là, où il y a eu pratiquement immédiatement ce mélange entre les coureurs des bois et certains peuples autochtones. Et il y a eu cette proximité, et, ensuite, il y a eu des vagues, bien sûr, d'immigrants, mais qui ne sont pas récentes. On parlait tout à l'heure de la Shoah, on parlait de la commémoration de la Shoah, et je disais à cette occasion: Ça fait 250 ans que les Juifs vivent avec nous, ici, donc, au Québec, qu'on vit tous ensemble dans cette maison commune qu'est le Québec. Alors, c'est vrai que le pluralisme, il n'est pas nouveau, mais il est d'un type nouveau.

«L'histoire de la laïcité rappelle que la question n'est pas déterminée par ce pluralisme d'un type nouveau...»

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. C'est terminé?

La Présidente (Mme Vallée): C'est fort intéressant, mais votre temps est déjà écoulé.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, je reviendrai, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis persuadée.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...parce que je crois que ce livre-là a beaucoup d'importance dans le débat actuel.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement?

M. Lemay: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

**(15 h 50)**

M. Lemay: Merci, Mme la Présidente. Alors, oui, sous-amendement qui, je le rappelle, dit «d'y reconnaître la laïcité de l'État et l'égalité entre les femmes et les hommes». Et, effectivement, nous avons discuté longuement -- et je pense que nous en discuterons encore -- de l'enjeu de l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais, tout comme notre collègue de Rosemont, qui, je dois le dire, a quand même une longue réflexion sur ces questions de laïcité, j'ai lu les documents, Mme la Présidente, qui ont été déposés et je me permettrai de citer quelques petits paragraphes de ce document qui était le mémoire des Intellectuels pour la laïcité. Et ça m'apparaît fort intéressant, surtout un paragraphe ici, et je cite, Mme la Présidente -- et je crois que c'est, entre autres, dans cette optique-là que nous proposons ce sous-amendement: «En outre, la laïcité reflète un état d'esprit qui transcende la question du port de signes religieux ostensibles.»

Bon, encore une fois, effectivement, le terme va éventuellement, probablement, être adopté non seulement par le législateur, mais probablement aussi par les cours, éventuellement. Donc, il y aura, Mme la Présidente, là, pour Mme la ministre, peut-être, éventuellement, un numéro deux à la définition d'«ostensible», peut-être à un moment donné, qui sait, ou dans les dictionnaires juridiques ou... Mais ce terme, effectivement, a eu une renaissance suite au débat que nous avons. Quelquefois, les débats sociaux que nous avons ramènent à l'avant-scène des termes qui étaient passablement oubliés. Je me souviens d'une... Je l'ai entendu pour la première fois dans une chanson de Georges Brassens, Les trompettes de la renommée. J'évite de vous dire ce qu'il promène ostensiblement, seul Brassens pouvait... D'ailleurs, on fête... bien, on fête... on souligne le 30e anniversaire de sa mort. Bref, c'est la première fois que j'ai entendu ce terme, mais c'est une des seules. Mais là, avec le débat que nous avons, ça ramène... et on peut, encore une fois, s'apercevoir de la richesse de notre langue pour souligner de façon particulière des faits, des phénomènes, des comportements, et c'est très intéressant.

Alors, toujours est-il, Mme la Présidente, que je poursuis ma citation. Alors, la laïcité, «elle signifie l'adhésion aux valeurs citoyennes -- bon, par moments, «citoyenne» est, bon, utilisé un peu, mais... -- le respect d'un espace sociétal commun où les différences s'effacent afin de préserver un lieu neutre où chacun peut se reconnaître dans le lien social». En tout cas, pour moi, c'est fondamental, Mme la Présidente. Contrairement à ce que plusieurs disent... Et c'est ce qui est un peu triste toujours dans ce type de débat là, c'est, que quand nous débattons de laïcité, des gens, en opposition très souvent, en opposition légitime, parlent de refus, alors que ce n'est pas ça du tout, là.

Je réitère encore une fois: «[La laïcité] signifie l'adhésion aux valeurs citoyennes, le respect d'un espace sociétal commun où les différences s'effacent afin de préserver un lieu neutre où chacun peut se reconnaître dans le lien social.» Donc, c'est aller au-delà des différences. Il y a un espace public qui doit faire en sorte que les différences inhérentes à toute société humaine... où l'on puisse se rejoindre. C'est ce que ça dit, c'est ce que permet, entre autres choses, évidemment, Mme la Présidente, la laïcité. C'est non pas un refus de l'autre, bien au contraire. C'est d'ailleurs tout le contraire, c'est plutôt le partage de l'espace commun malgré les différences.

Notre collègue de Rosemont a tout à fait raison, c'est un peu décevant, parfois, d'entendre ou de lire des intellectuels quand même de très haut rang qui essaient, je ne dirais pas, de nous faire croire, ce serait un petit peu exagéré, mais qui... On dirait qu'ils prétendent que le pluralisme est un phénomène récent, alors que -- bon, je l'ai déjà fait, je pense que je vais le refaire -- ce qu'on appelle les invasions barbares, à la fin de l'Antiquité ou dans le haut ou le bas Moyen Âge, je ne me souviens plus, qu'est-ce que c'est si ce n'est pas un grand brassage de populations? Bien sûr, c'est des guerres, mais ultimement c'est aussi un grand brassage de populations. Donc, le pluralisme, effectivement, ce n'est pas quelque chose de récent du tout, là.

On dirait qu'avant ça se faisait sans qu'on le dise. Il y avait un espace commun, et, sans qu'il y ait les termes pour le décrire, sans qu'il y ait de philosophie pour l'expliquer, les choses se faisaient tout naturellement. Parce qu'encore une fois, je l'ai déjà dit, Mme la Présidente -- et c'est Lord Durham qui le dit, n'est-ce pas -- au Bas-Canada, la tolérance religieuse est ici exceptionnelle, contrairement en Europe ou ailleurs. Bon. Alors, bref, sans le savoir, je crois qu'il y avait effectivement des bases de laïcité.

Mais, aujourd'hui, considérant la complexité des enjeux, la rapidité des changements, je crois, effectivement, que de nommer des choses et, à plus forte raison, les proposer pour qu'elles puissent apparaître dans un projet de loi est, pour nous, fondamental, encore une fois dans cette optique de clarifier, clarifier, clarifier, pour, bien sûr, clarifier la loi, ce qui est, pour nous, fondamental, pour un législateur, mais aussi clarifier le débat public. Parce que qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, qu'est-ce qu'on fait depuis plusieurs semaines, c'est également de clarifier le débat public, et je suis très heureux, au même titre que d'autres de mes collègues, de dire aujourd'hui qu'effectivement la laïcité, c'est le regroupement de toutes ces différences dans l'espace public, et non pas le refus des uns et des autres dans ce même espace. Ça nous semble fondamental.

Peut-être que je me trompe, Mme la Présidente -- la ministre saura certainement nous le dire, je suis convaincu qu'elle connaît son projet de loi d'un bout à l'autre -- je ne crois pas que le terme «laïcité» y soit, dans le projet de loi, hein? Le terme, il n'y est pas. C'est pour ça qu'il faut l'amener, c'est fondamental, fondamental. Peut-être que la ministre nous dira: Bon, je regarde dans un dictionnaire juridique, «laïcité» a plus ou moins de... Peut-être que ça n'a pas été beaucoup développé comme réflexion en termes juridiques, et tout, mais c'est parce qu'à un moment donné c'est comme ostensible, il va falloir commencer. Et c'est ce que nous proposons, c'est de commencer les réflexions et faire en sorte... Effectivement, peut-être que ces termes-là seraient très utiles pour le législateur, pour les cours et pour la population que nous représentons, et la population qui est intéressée à ce débat-là, quand même, ici comme ailleurs dans le monde, surtout en Europe, Mme la Présidente. Donc, quand on dit qu'«elle signifie l'adhésion aux valeurs citoyennes, le respect d'un espace sociétal commun où les différences s'effacent afin de préserver un lieu neutre où chacun peut se reconnaître dans le lien social», qu'est-ce qu'on fait, Mme la Présidente? Là, on heurte de plein fouet le multiculturalisme, qui est exactement l'inverse de ça. Le multiculturalisme fait... Et, on ne le dira jamais assez -- notre collègue, ce matin, en a parlé, évidemment, comme à son habitude, avec beaucoup d'intelligence -- le multiculturalisme, c'est chacun dans son coin, le multiculturalisme exalte les différences. Et, Mme la Présidente, encore une fois, ce n'est pas une question de ne pas reconnaître les différences, au contraire, mais le multiculturalisme les amène à un degré supérieur d'exaltation qui fait en sorte que justement, dans l'espace public, les gens ne peuvent se rejoindre, tandis que la laïcité est effectivement le ciment où ces gens-là peuvent se rejoindre.

Le multiculturalisme, on ne le dira jamais assez non plus... D'ailleurs, j'ai, malheureusement, oublié le livre -- probablement que je pourrai l'apporter à un moment donné -- de ce fameux auteur originaire, là, des îles... Je pense qu'il reste à Québec à l'heure actuelle. Ah! j'ai un blanc de mémoire... Neil Bissoondath. Il a écrit... Je veux dire, il l'a vécu lui-même, le multiculturalisme, on s'entend. Et je crois que son livre... je crois que c'est Le marché aux illusions si ma mémoire est bonne.

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Lemay:Le marché aux illusions, sur ce domaine-là, est certainement une des meilleures analyses des effets délétères du multiculturalisme, qui pousse chacun dans son coin. Et, encore une fois, la question n'est pas de... Je vous donne un exemple, Mme la Présidente, les gens qui sont venus nous rejoindre ici, au Québec, qui sont d'origine chinoise, la question n'est pas qu'ils renoncent à ces millénaires de culture et d'histoire, la question n'est pas là, la question étant de faire en sorte que, malgré ces différences-là, on puisse tous se rejoindre dans l'espace public. Mais le multiculturalisme empêche ça.

Et je poursuis, Mme la Présidente, mes citations, et je cite: «Selon le Larousse, le terme "laïcité" provient du mot grec "laikos" qui signifie: "qui appartient au peuple."» Donc, la racine de ce mot n'est quand même pas déconnectée d'une démarche, là, avec tous les citoyens. «Ainsi, la laïcité appartient au peuple, car elle est définie par le peuple -- c'est ce que tenterons de faire aujourd'hui -- qui forge ses institutions publiques à l'abri de pouvoirs tiers, et elle définit ainsi le peuple, qui se reconnaît dans cet espace public qu'est sa nation. La notion de peuple réfère aussi à l'unité citoyenne à la base du contrat social, par opposition à la fragmentation et à l'individualisme. Enfin, de façon métaphorique, on retrouve aussi le mot "cité" dans celui de "laïcité".»

Alors, c'est profond, Mme la Présidente. Il nous semble que notre proposition aurait intérêt à être étudiée très, très, très sérieusement par le gouvernement pour que ce terme, enfin, apparaisse dans les projets de loi, surtout concernant... Nous, évidemment, notre position est connue, c'est une charte de la laïcité que nous proposons, c'est plus que... Bon, on ne demande pas à la ministre de le faire, nous le ferons en temps et lieu. Mais, au moins, il nous semble qu'il soit, si vous voulez, inscrit dans le projet de loi actuel nous semblerait un minimum et nous permettrait de poursuivre tous ensemble le débat.

Alors, vous voyez ce que le groupe d'intellectuels, qui, encore une fois, s'appelle Les Intellectuels pour la laïcité, parle, et je le répète: «La notion de peuple réfère aussi à l'unité citoyenne à la base du contrat social, par opposition à la fragmentation...» Je reviens encore au multiculturalisme, qui désarticule les sentiments nationaux, qui fait en sorte justement que les gens ne puissent pas se rejoindre sur l'espace public et que les différences sont tellement fortes que, malheureusement, l'espace public... Et c'est la crainte que nous avons ultimement, c'est que l'espace public, ce qui fait la nation, ultimement, disparaisse presque au gré... Et j'insiste sur le terme «fragmentation», c'est un mot quand même fort, Mme la Présidente, «fragmentation», à la place, en lieu et place d'avoir une nation qui accepte toutes ses composantes citoyennes, toutes ses différences les unes des autres.

Donc, Mme la Présidente, un État laïque, qu'on l'inscrive dans un projet de loi, que ce soit une charte de la laïcité éventuelle, il reste que cette question fondamentale demeurera toujours la même s'il y a un espace public commun. Et un espace public commun, Mme la Présidente... Je vais dire une phrase un petit peu bizarre: Est-ce qu'il y a un espace public commun plus grand que les services publics, justement, où la prestation de services, où le fonctionnaire embauché pour donner ce service doit être d'une neutralité à toute épreuve? Et j'ai de la misère à comprendre, encore une fois, la résistance du gouvernement. Et ça a été dit à plusieurs reprises, mais je pense qu'il faut insister là-dessus, comment ça se fait qu'on peut, sans que personne n'ait rien à redire, sans...

Et là peut-être que je me trompe -- peut-être, vous pourriez même m'éclairer vous-même, Mme la Présidente -- quand on a décidé que les fonctionnaires, les employés du domaine public ne puissent arborer aucun signe politique, est-ce qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême là-dessus? Est-ce qu'il y a eu un jugement de la Cour d'appel? Est-ce que quelqu'un a contesté? C'est une vieille loi, quand même, ça remonte probablement au début des années soixante, mais ça semble, aujourd'hui, être accepté, c'est même... Quelqu'un arriverait, Mme la Présidente, pour donner son service public avec une épinglette d'un parti politique, ça créerait toute une histoire. Et l'appartenance politique, Mme la Présidente, si ça, ce n'est pas un droit fondamental, si ça, ça ne fait pas partie de la liberté d'expression... C'est un peu comme, aussi, l'importance de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Alors, en termes de droit, j'ai... Et je voyais les gens discuter, alors je ne sais pas, je serais curieux d'avoir une réponse si, effectivement, l'interdiction... Alors, je vais avoir une réponse...

**(16 heures)**

Une voix: ...

M. Lemay: Il n'y a pas de jurisprudence. Alors, vous voyez, c'est accepté par tout le monde, tout le monde se sent respecté. Donc, on peut dire qu'en termes politiques l'espace public, les services publics sont complètement neutres, ce qui fait en sorte que les gens peuvent se rejoindre. On imagine, dans un bureau, Mme la Présidente, un bureau de la SAAQ ou d'Hydro-Québec où, là, tout le monde aurait des macarons, des chapeaux à l'effigie d'un parti ou de l'autre, on s'imagine... Nous, nous sommes tous des passionnés de politique, n'est-ce pas? On s'imagine quel serait le climat de travail. Alors, tout le monde l'accepte de bonne grâce, et personne... On me dit, effectivement, qu'il n'y a pas de jurisprudence, donc personne, au fil des années, ne l'a contesté.

Il me semble... Nous comprenons, M. le Président, nous comprenons que ce type de changement là, oui, amènerait peut-être des personnes à se trouver... à court terme, là, amènerait des personnes, peut-être, à être insatisfaites de la situation, mais nous pensons qu'avec le temps, qu'il y ait un espace public laïque, avec le temps... des services publics plutôt, pardon, les gens s'habitueraient, comme ils s'habituent à ne pas porter aucun signe distinctif politique. Il me semble que c'est fondamental. Et, encore une fois, Dieu sait que les opinions politiques, les discussions politiques, le droit de vote, c'est des droits aussi fondamentaux que les autres.

Une voix: ...

M. Lemay: Pardon?

Une voix: ...

M. Lemay: Dieu?

Une voix: Dieu sait.

M. Lemay: Dieu sait? Ah oui! Ah, mon Dieu! Dieu sait! Non, mais on peut le dire encore, non? Moi, je suis...

Une voix: ...

M. Lemay: Ah! non, non, non, on n'est pas des laïcs extrémistes, quand même, là. Non, non, non, je pense que chacun a sa... Mais je ne m'étais... Merci de l'avoir souligné, je ne m'étais pas rendu compte moi-même que j'avais utilisé ce terme.

Donc, il me semble que c'est tout naturel, et probablement que, dans 20 ans, 30 ans, 40 ans, la société aura évolué de telle façon qu'il y aura encore des débats publics sur telle, telle, telle situation, il y aura des décisions difficiles à prendre, il y aura des termes à inventer, il y aura une législation à refaire, il y aura, appelons ça... Même si je n'aime pas le terme, M. le Président, il y aura de l'éducation à faire d'un débat public à faire. Les sociétés évoluent de cette façon-là. Mais, dans ces domaines-là, il nous semble, encore une fois, que la clarté, et vraiment, a tous ses droits.

Et, dans le projet de loi à l'heure actuelle, malheureusement... Et je ne doute aucunement, M. le Président -- je vais être clair là-dessus -- de la bonne foi de la ministre, mais il nous semble qu'à beaucoup d'égards il reste encore des zones d'ombre, pour dire le moins. Et il y aura des gestionnaires des services publics qui auront à gérer avec des...

Une voix: ...

M. Lemay: Déjà? Il y aura des gestionnaires qui auront à gérer sur le terrain des équipes quotidiennement aux prises non seulement avec les demandes légitimes de leurs propres employés, mais des demandes légitimes de clients.

Et je vais terminer en prenant un dossier... Et j'y reviendrai plus tard au gré d'un autre amendement certainement, M. le Président, mais, vous savez, dans Sainte-Marie--Saint-Jacques, il y a ce qu'on appelle le village, donc la communauté gaie est très présente. Dans tout ce débat-là, la communauté gaie est très inquiète, après des luttes de dizaines et de dizaines d'années, M. le Président... Mais, comme le temps est terminé, j'y reviendrai plus tard.

Le Président (M. Sklavounos): Il reste encore une trentaine de secondes, allez-y.

M. Lemay: Ah oui? Ah bon.

Le Président (M. Sklavounos): Oui, sauf que je vous invite à arriver à votre conclusion.

M. Lemay: Parce que vous m'aviez fait un signe de croix, donc...

Le Président (M. Sklavounos): Oui, oui. Moitié d'une minute, là. On est en train de voir toutes sortes de choses ici, hein?

M. Lemay: Bien, vous vouliez dire... Oui, c'est ça. Oui, c'est ça.

Le Président (M. Sklavounos): C'était une demi-minute. Allez-y.

M. Lemay: Oui. Alors là, évidemment, ce n'est pas nécessairement dans le domaine laïque, mais, face à, disons, des minorités, des communautés religieuses, après des combats de dizaines et de dizaines d'années, ils se demandent si, à cause d'accommodements raisonnables, la communauté ne sera pas, elle, victime à un moment donné... les femmes, bien sûr, mais la communauté homosexuelle également dans certains cas. Mais j'y reviendrai plus longuement peut-être plus tard.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, M. le député. Alors, maintenant, est-ce qu'il y a d'autres députés qui aimeraient prendre la parole là-dessus? Alors, M. le député de Bourget, porte-parole de l'opposition officielle en matière de communautés culturelles, sur le sous-amendement, vous avez la parole.

M. Kotto: Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Je crois que c'est le bon moment pour partager avec mes collègues ici réunis une entrevue qu'a donnée Mme Caroline Fourest à la radio de Radio-Canada le 29 avril dernier. Elle était -- et je pense qu'elle est encore là -- invitée dans le cadre du festival littéraire Metropolis bleu, qui accueille plus de 200 écrivains et artistes. Donc, elle était en studio, à l'émission de l'après-midi...

Une voix: ...

**(16 h 10)**

M. Kotto: Désautels, et le journaliste qui prenait la place de M. Désautels -- son nom m'échappe -- lui rappelait qu'il recevait Mme Christine Pelchat -- on est toujours sur la question de la laïcité -- il recevait Mme Christine Pelchat, du Conseil du statut de la femme du Québec, qui prônait, elle, l'intégration d'un article sur la laïcité dans la charte québécoise des droits, et il demandait à Mme Fourest si elle la connaissait bien. Effectivement, elle la connaissait, car Mme Fourest s'était intéressée à la situation du Québec sur la question de la laïcité. Donc, le journaliste rappelait qu'en intégrant la laïcité de l'État dans une charte, Mme Pelchat avait à l'esprit l'idée de faire barrage, entre autres, aux religions monothéistes, qui ont été à l'origine de pas mal d'oppression des femmes au Québec.

Est-ce que c'est le genre de propos qui intéressent ou qui inspirent Mme Fourest, demandait le journaliste? Elle précisait alors -- et je parle de Mme Fourest -- je la cite: Pour faire barrage à des demandes de particularistes formulées souvent au nom des religions, c'est vrai, mais qui vont lutter contre les droits des femmes, lutter contre la mixité, qui vont régresser le vivre-ensemble plutôt que progresser. Mme Fourest disait: C'est vrai, quand je suis venue au Québec, il y a un peu moins d'un an, il y avait déjà beaucoup de débats passionnants sur cette question.

Est-ce qu'il ne faut pas renforcer le caractère laïque de l'État québécois? Elle disait: Je pense, pour avoir pas mal regardé vos débats sur le multiculturalisme, la commission Bouchard-Taylor, je crois, effectivement, que la laïcité est peut-être le moyen d'en sortir par l'apaisement. Quand on parle de crise de multiculturalisme en Europe, pareil, tous nos débats ont fini par parler de la crise du multiculturalisme, qui est réelle. Il y a l'exemple néerlandais, il n'y a pas très longtemps, belge. Enfin, tout le monde est en train de se poser la question: Comment renouer? Comment faire pacte? Comment faire société avec autant de monde à l'heure de la mondialisation? C'est logique, autant de demandes particulières, autant de diversité.

L'accommodement, poursuivait-elle plus loin, c'est la porte ouverte au bras de fer permanent, au bras de fer, au cas par cas. Elle précisait par la suite: Mais il faut quand même une règle claire au départ, tout simplement pour que tout le monde soit à égalité dans la façon dont on traite ces questions et aussi parce que la crise du multiculturalisme... Si on ne met pas la laïcité, on va finir par penser que c'est une crise du multiculturel. Or, ce n'est pas une crise du multiculturel, précise-t-elle. Toutes les sociétés sont multiculturelles, ou quasiment. Elle dit: La Corée du Nord, non, d'accord. Mais, si on ne trouve pas une solution laïque à ce bouillonnement de la diversité, je crains que la solution soit beaucoup plus intolérante, soit même totalement intolérante, en tout cas qu'elle soit xénophobe et raciste. La laïcité est une façon de dire: Le problème n'est pas multiculturel. Le problème, c'est quand des gens confondent leur religion avec un droit à être exigeants de façon à être intolérants. C'est quand on commence à tolérer l'intolérance, c'est là que les problèmes commencent.

Mme la Présidente, c'était un échange très, très intéressant à suivre. Vous pouvez trouver en ligne ce lien. C'était une entrevue inspirante. D'ailleurs, il a été question du projet de loi dont nous débattons ici lors de cette entrevue. On n'en a pas dit beaucoup de mal, on a juste souligné le fait qu'il y avait un aspect, celui, disons, qui repose sur l'article 6... Et, en effet, c'était un pas vers un changement nécessaire, mais ce n'était pas suffisant quand on analyse le propos.

M. le Président, le Québec, à l'instar de plusieurs autres endroits en Amérique du Nord, est le refuge de nombreuses communautés religieuses, et ces communautés religieuses sont extrêmement motivées, extrêmement actives sous le parapluie des chartes, bien évidemment. Et, quand on y regarde de très près qui, dans ces communautés, est le plus enclin à générer des crises, qui est le plus enclin à générer des tensions, c'est ceux qui, justement, mettent de l'avant leur particularisme religieux de façon ostensible, ce sont ceux que l'on appelle communément des fondamentalistes ou des intégristes, ceux qu'on peut comparer à des intolérants eux-mêmes, et les crises que nous avons observées au Québec et qui nous ont amenés à ce projet de loi dont nous débattons autour de la table ont été essentiellement générées par ces personnes-là, par ces individus, qui sont minoritaires au sein de leurs communautés culturelles.

Ils sont minoritaires et génèrent un sentiment de répulsion relativement à la majorité. Et le problème, le gros problème auquel nous faisons face est à l'effet que cette ou ces majorités culturelles qui recèlent de ces minorités, de ces groupuscules intégristes fondamentalistes ne sont pas toujours sur la place publique pour dénoncer, disons, leur situation d'otages, en quelque sorte. Les raisons, je ne les connais pas, mais certains nous interpellent à l'occasion pour exprimer leur malaise relativement à leur situation. Et les impacts de leur destin d'otages sont immenses, il n'y a qu'à se référer à tout ce qu'on a pu parcourir comme littérature au plan de la presse écrite, des livres, des essais sur le sentiment de stigmatisation, le sentiment de rejet par la société d'accueil, les employeurs notamment, vis-à-vis de ces gens issus de ces communautés-là.

Je parle spécifiquement d'eux parce que, si nous avions au Québec un élément de référence comme une charte de la laïcité négociée, discutée, débattue au préalable, évidemment, par les entités les plus respectueuses en ces matières, ces personnes, que je nomme ces otages de leurs propres groupuscules fondamentalistes religieux, auraient peut-être un élément de référence pour confronter leurs gourous -- appelons-le ainsi -- ils auraient peut-être un élément vers lequel se tourner pour se sortir du joug dans lequel ils se retrouvent pris en otages.

Mais cet élément de référence n'existe pas, et ma collègue de Rosemont, quand elle initiait le dépôt de cet amendement ce matin, ne faisait qu'une énième fois interpeller la ministre porteuse du projet de loi à l'effet de l'impératif de profiter de cette occasion pour proposer à l'ensemble de la population du Québec ce rempart contre les intégrismes, contre toutes les formes de fondamentalisme, qui sont l'incarnation même du déni des droits des femmes.

Et, quand je parle des femmes, pensez aussi aux jeunes filles. M. le Président, quand on parle du Québec terre d'accueil, c'est une terre qui reçoit, bien évidemment, des hommes, des jeunes filles, comme je le disais, avec une cohorte de différences culturelles, de différences religieuses, et il est fort possible que notre silence relativement à cet impératif que nous devrions honorer en instituant un travail transparent, clair, démocratique autour d'un projet de loi de charte de la laïcité... Si nous mettons de côté cette possibilité, cette ouverture dans le cadre de ce travail, factuellement nous nous lavons les mains face à ces personnes prises, au sein de ces communautés, en otages. Nous nous lavons également les mains face à ce qui pourrait, à court ou à moyen terme, voire à long terme, pour être moins alarmiste, se dépeindre dans l'ensemble de la société québécoise en matière de non-respect des acquis des femmes. Au Québec, depuis des générations, des femmes se sont battues pour l'égalité, pour une égalité de fait, et il serait dommage, il serait déplorable de voir ces acquis fondre comme neige au soleil d'ici une ou deux générations parce qu'aujourd'hui nous passons à côté de l'opportunité d'inscrire dans un tel projet de loi cette notion de laïcité à respecter par l'ensemble des Québécois, qu'ils soient ceux de la maison d'accueil ou ceux qui sont nouvellement arrivés et qui, pour la plupart, n'attendent que des éléments de référence comme ceux-là pour savoir comment naviguer au sein de la société.

Quand il n'y a pas de carte routière, on est un peu perdu quand on roule d'un côté à l'autre du Québec ou d'un côté à l'autre de l'Amérique du Nord, vers l'Amérique du Sud. Quand on n'a pas de GPS, c'est ce qui arrive également. Comment voulez-vous, M. le Président, vivre avec une... ce que je pourrais traduire comme une mauvaise carte de route en matière de respect des droits de la femme, en matière de respect de la notion d'égalité entre les hommes et les femmes, en matière de respect de la neutralité de l'État? Ce qui nous est offert ici n'est pas clair. Et je peux vous parler à coeur ouvert, je suis un immigrant et j'ai l'avantage... J'ai l'avantage de vivre des deux côtés de la clôture, et ce qui m'est confié, d'un côté comme de l'autre, relativement à cet enjeu de la laïcité concorde, converge par la majorité d'un côté comme de l'autre. Et je pense que nous avons droit d'avoir un GPS pour l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes afin de vivre dans la paix sociale durablement, et passer à côté de l'opportunité qui nous est offerte d'aller dans ce sens ici aujourd'hui serait... Je n'utiliserai pas de mots forts parce que mon collègue de Vimont pourrait me sauter à la gorge...

**(16 h 20)**

Une voix: Il est sensible, c'est un homme sensible.

M. Kotto: Je pense que...

Une voix: ...

M. Kotto: Non, c'est un clin d'oeil.

Des voix: ...

M. Kotto: Non, ça serait, je dirais, irresponsable de passer à côté d'une telle occasion. Ne pas intégrer ce facteur laïcité dans ce projet de loi à ce moment-ci serait irresponsable, ce serait déplorable, car les conséquences pour plus tard dans la cité, en matière de commerce interculturel, seraient graves et rendraient malheureuses énormément de personnes de part et d'autre. Ce qu'il faut, M. le Président, prendre en considération ici, c'est que la laïcité est le passe-partout pour la paix sociale, c'est le passe-partout pour repousser les frontières du racisme, de la xénophobie. Parce que l'incompréhension existe au moment où on se parle de part et d'autre. Et, dans l'incompréhension, qu'est-ce qui domine? Bien, c'est le rejet des uns et des autres, et, avec ça, on ne forme pas une nation solide, M. le Président, pour demain ou après-demain.

Une voix: ...que c'est bien dit! Vous devriez écrire.

M. Kotto: Merci.

Le Président (M. Bernard): Vous avez terminé? Une minute.

M. Kotto: Il reste une minute?

Le Président (M. Bernard): Une minute.

M. Kotto: Merci, M. le Président. Bien, je parlerai après la ministre si elle veut intervenir.

Le Président (M. Bernard): Non, non, je vous invite à terminer votre temps, M. le député de Bourget.

M. Kotto: O.K. Bon, bien, Mme la ministre, comme je le disais lors d'une dernière séance, est une personne brillante, intelligente, et je suis persuadé qu'au fond d'elle-même elle a pris la mesure de ce projet de loi depuis le début, elle sait que ce projet de loi ne va pas assez loin relativement aux crises auxquelles nous avons été exposés par le passé et aux crises auxquelles nous serions peut-être, demain, exposés. Merci.

Le Président (M. Bernard): Merci, M. le député de Bourget. Mme la ministre, avant de mettre le sous-amendement aux voix, est-ce que vous avez quelques commentaires ou, sinon...

**(16 h 30)**

Mme Weil: Juste un rappel du projet de loi pour tous ceux qui nous suivent. Évidemment, c'est un projet de loi sur les accommodements raisonnables, et ne prétend pas être autre chose qu'un projet de loi sur les accommodements raisonnables et d'amener des balises au sein du gouvernement pour les demandes d'accommodement raisonnable. Donc, c'est un objectif qui est très précis. Il y a toutes sortes d'autres façons, et d'instruments, et de politiques qui ont été adoptés, qui seront adoptés à court terme, moyen terme, long terme pour nous assurer de l'intégration de tous et chacun, de l'égalité hommes-femmes. Il y a toutes sortes de mesures que le gouvernement prend, que d'autres gouvernements prendront, que d'autres gouvernements ont prises dans le passé, c'est une question évolutive.

Sur la question de laïcité, M. Bouchard en a beaucoup parlé, parle maintenant d'une loi sur la laïcité. Évidemment, dans son rapport, il parle de ce qu'on appelle cette laïcité ouverte. Alors, je ne vais pas citer tout ce qu'il dit, mais il dit que la forme de laïcité qui semble faire consensus -- ce n'est pas l'unanimité -- c'est cette laïcité ouverte qui rentre... Alors donc, nous, dans notre projet de loi, l'important, c'est de dire qu'un accommodement doit respecter ce qu'on appelle la neutralité religieuse de l'État, qui est un concept bien connu en jurisprudence, qui fait en sorte que l'État ne favorise ou ne défavorise pas une religion. Alors, je le dis parce que je pense qu'il y a... C'est vrai qu'il y a beaucoup d'éducation à faire dans ces questions, qui sont quand même complexes, et c'est vrai que c'est beaucoup dans le système d'éducation qu'on a beaucoup parlé de laïcité.

Moi, pour ma part, j'ai bien hâte de lire le livre que la députée de Rosemont... Et je vais le prendre en note. Moi, j'ai eu l'occasion de lire Laïcités sans frontières. Évidemment, celle qui est auteure de ce livre, Micheline Milot, fait partie de l'autre regroupement. C'est le regroupement pour -- qu'est-ce que c'est? -- une société pluraliste. Et puis il y a l'autre qui est pour une société, bon, laïque. Je ne me rappelle plus exactement les noms, mais on sait qu'il y a deux groupes avec deux visions, et on l'a vu lorsqu'on a fait notre consultation sur le projet de loi n° 94.

Et, d'ailleurs, M. Bouchard en parle beaucoup aussi dans son chapitre sur... D'ailleurs, le titre, Fonder l'avenir -- Le temps de la conciliation... Alors, quand on regarde le rapport Bouchard-Taylor à la page 141, il parle exactement de tout ça, cette laïcité ouverte. Alors, qu'éventuellement un gouvernement, quel que soit ce gouvernement, veuille adopter une loi ou définir cette laïcité, il y aura toujours ce débat sur quelle forme de laïcité. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus, qu'il y a différents points de vue, mais je pense... Mais la frustration que je ressens, c'est qu'il n'y a rien qui empêche d'adopter une loi sur les accommodements, comment définir et baliser les accommodements avec ce concept de neutralité religieuse de l'État, qui, par ailleurs, est un concept qui fait consensus. La neutralité religieuse de l'État, qui fait qu'on ne favorise ou ne défavorise pas une religion, ça émane, ça découle de la Charte des droits et libertés, et je pense qu'on a, de part et d'autre, un consensus sur cette question-là.

Je pense détecter un consensus sur le fait qu'il y avait une préoccupation... On l'entend moins maintenant. Je pense que, depuis qu'on a déposé ce projet de loi... C'est peut-être parce qu'on a déposé un projet de loi qu'on entend moins parler de cette crise des accommodements raisonnables, parce qu'il y a une perception... il y a beaucoup de gens qui pensent qu'on l'a réglée. Moi, je rencontre beaucoup de gens qui me disent: Ah! on l'a réglé, le problème. Mais je leur dis: Mais non, le projet de loi est toujours sous étude. Mais ils ont l'impression que ça été réglé. Mais on n'a pas encore adopté ce projet de loi.

Alors, j'invite quand même encore les députés à réfléchir à ça, là, pour avancer le dossier. Je pense que c'est important. Comme je le dis, ça n'empêche pas un débat éventuel, d'une façon ou d'une autre, sur la forme de laïcité. Parce qu'on n'a pas senti de consensus, il y avait des groupes qui étaient pour une laïcité d'une certaine forme, mais un autre qui utilise l'expression «laïcité ouverte». C'est une expression que, nous, on utilise, mais ce n'est pas nous qui l'avons inventée, bon, c'est plusieurs qui en parlent. Donc, on peut citer des experts et des intellectuels, des académiques d'un côté ou de l'autre, des juristes d'un côté et de l'autre. Je pense que, ça, c'est certain.

Mais j'essaie de ramener la discussion sur l'objectif très précis du projet de loi n° 94, où il n'y a pas de contradiction avec les propos que vous tenez, dans le sens... Éventuellement, si des légistes veulent, éventuellement, regarder cette question d'une loi sur la laïcité, il faudra quand même faire le débat sur quelle forme de laïcité. Mais il n'y a rien qui empêche de procéder avec un projet de loi sur les accommodements raisonnables, qui est vraiment quelque chose de très, très circonscrit. On ne parle pas de la place de la religion dans toute notre société, on parle vraiment de balises à apporter pour s'assurer que les décideurs au sein du gouvernement aient un éclairage et un niveau de confort lorsqu'ils auront à décider que, non, cette... bien, que, oui, cette demande est raisonnable, mais, non, cette demande-là n'est pas raisonnable.

Et je vous dirais que, la plupart du temps, là, les demandes n'ont rien à voir avec le port d'un signe religieux, c'est beaucoup plus que ça. Ça peut être, bon, par exemple, dans le contexte d'un cours d'apprentissage pour conduire, d'être dans un espace fermé avec quelqu'un du sexe opposé. C'est vraiment beaucoup plus des questions plus en profondeur. Ça pourrait être, j'imagine, les temps de... bien, l'espace de prière et les temps de prière. C'est des questions plus complexes que le port d'un signe religieux. Je vous dirais que, dans la plupart des demandes, il faudrait voir si... Bon, sauf pour ce qui était du kirpan, qu'on connaît bien cette décision de la Cour suprême, nous, au sein du gouvernement, je pense que les cas qu'on a vus, c'est d'autre chose, généralement. Et ces cas-là vont continuer, et, bon, ça serait préférable d'avoir une loi-cadre pour encadrer ces demandes, comme je dis, pour donner cet éclairage et cette orientation pour ceux qui auront à décider qu'est-ce qui est raisonnable et qu'est-ce qui n'est pas raisonnable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernard): Merci. Merci, Mme la ministre. Alors, le temps des parlementaires sur le sous-amendement étant écoulé, on va mettre aux voix le sous-amendement de l'article 1 déposé par Mme la députée de Rosemont. Alors, est-ce que ce sous-amendement est adopté?

Mme Beaudoin (Rosemont): Un vote nominal.

Le Président (M. Bernard): Parfait. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet: Contre.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue)?

Le Président (M. Bernard): Abstention.

La Secrétaire: 2 pour, 5 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Bernard): Donc, le sous-amendement déposé par Mme la députée de Rosemont est donc rejeté.

Nous allons revenir, donc, à l'étude de l'amendement de l'article 1 déposé par le député de Chicoutimi. Puis je peux repréciser les temps de parole si les gens sont intéressés. Donc, Mme la députée de Rosemont, il vous reste toujours votre 20 minutes. M. le député de Bourget, il vous reste également 20 minutes.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est à moi? C'est moi qui commence...

M. Lemay: ...

Le Président (M. Bernard): Sur l'amendement déposé par le député de Chicoutimi.

M. Lemay: Ça veut dire que, moi, j'ai terminé aussi?

Le Président (M. Bernard): Vous avez terminé votre temps, exactement, oui, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

Mme Beaudoin (Rosemont): Donc, on est deux pour commencer.

Le Président (M. Bernard): Et il restait cinq minutes à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Beaudoin (Rosemont): Si jamais elle arrive.

Le Président (M. Bernard): ...si elle se présente, effectivement.

Mme Beaudoin (Rosemont): O.K. Donc, j'ai 20 minutes.

Le Président (M. Bernard): Oui, Mme la députée. Alors...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, c'est intéressant parce que, si on revient à l'amendement, donc, lui-même... Parce qu'il ne faut pas perdre de vue l'amendement dont on parlait, qui est donc: L'article 1 est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant. Donc, il y a un deuxième alinéa, qui se lirait comme suit: «Elle a aussi pour objet de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin de consacrer le statut particulier de l'égalité entre les femmes et les hommes dans cette même charte.»

C'est bien ça, M. le Président, j'ai bien lu l'amendement? C'est celui-là dont on parle?

Le Président (M. Bernard): Je pense bien. C'est celui-là, oui, j'ai eu confirmation de Mme la secrétaire.

**(16 h 40)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Très bien. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais revenir... On l'a dit un peu ce matin qu'il y a eu ce débat sur une charte de la laïcité, on a eu ce débat au congrès du Parti québécois. Parce que, jusqu'à maintenant, je parlais au nom de l'aile parlementaire, puisqu'on avait eu beaucoup de discussions au moment de nos caucus. Et, comme le président de notre caucus est avec nous aujourd'hui... Il en a été le témoin, puisque c'est lui qui a dirigé ces discussions-là. On a fait deux caucus et un caucus sectoriel, qui avait été très, très intéressant aussi sur la question. Donc, on a passé plusieurs heures, nous, comme aile parlementaire avant que je puisse parler au nom de l'aile parlementaire. Vous savez très bien que c'est très collectif, c'est comme un conseil des ministres quand on est au gouvernement. Mais il y a aussi un caucus, aussi, de l'ensemble des députés du parti ministériel.

Eh bien, nous avons pris cette position concernant la laïcité, une position que je vais redévelopper cet après-midi, et, donc, nous avons fait ça après un véritable exercice de discussion entre nous où j'ai présenté, donc, à plusieurs reprises, à trois reprises, la position qui était la mienne et qui est devenue celle... Puisque je suis porte-parole, c'est moi qui présentais, quand même, la position que je souhaitais qui soit retenue. Mais la chef de l'opposition officielle participait aussi à ces discussions-là. Donc, ça a été un processus de dialogue à l'intérieur de l'aile parlementaire qui nous a amenés à la position que l'on connaît aujourd'hui, mais qui a été avalisée -- c'est important de le dire -- il y a quoi, 15 jours, au congrès du Parti québécois. Il y a eu une vraie discussion. Moi, j'étais dans cet atelier, évidemment, qui était la commission A, et on était quand même, quoi, 150, probablement, au moins, militants du Parti québécois, membres du Parti québécois délégués à ce congrès. Il y avait plusieurs commissions, mais il y en avait une qui s'est penchée, entre autres, notamment, sur cette question d'une charte de la laïcité, puisque ça se trouvait dans la proposition principale.

Et c'est intéressant parce que le débat, il a eu lieu, là, sur le plancher, donc, de cet atelier, de cette commission, où il y a des gens qui sont venus dire qu'ils étaient en désaccord. Mais, quand on a pris le vote après différentes interventions, ça s'est voté à 85 %, sinon davantage, favorablement à la position qui est la mienne et que je vous exprime, qui est donc maintenant celle du Parti québécois et qui se retrouvera, bien évidemment, dans notre plateforme électorale le moment venu.

Moi, j'en suis très heureuse parce que je pense que c'est bien d'avoir ces débats-là à l'intérieur, à l'interne de l'aile parlementaire du parti, et entre nous ensuite, et, quand arrive le moment des élections, bien, qu'on ait des vrais débats, quoi, de société qui nous distinguent sur des questions sur lesquelles on est en désaccord. Sur la langue, c'est sûr qu'on n'aura pas la même position, le Parti libéral et le Parti québécois, et éventuellement Québec solidaire, l'ADQ, etc. Et, sur la question de la laïcité aussi, ce sera un point de démarquage profond entre nous. Et je crois que c'est ça, la démocratie, que les citoyens choisissent des vraies affaires, et puis qu'on ne soit pas dans la confusion des idées, dans la confusion générale, mais que, là, c'est une position qui est celle du Parti québécois puis une position bien différente qui est celle du Parti libéral.

Et je dis ça parce que cet amendement reflète justement cette décision qui se retrouve dans le programme, dorénavant, du Parti québécois, qui sera disponible, j'imagine, dans quelque temps parce qu'avant de colliger tout ça ça va prendre peut-être quelques semaines, sinon un mois. Mais c'est important parce que, quand on dit: Le statut particulier de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la charte québécoise des droits et libertés et dans la charte de la laïcité, c'est parce que nous croyons -- et c'est inscrit comme tel -- que l'égalité entre les femmes et les hommes doit avoir préséance sur la liberté de religion, alors, quand il y a deux droits qui sont en cause, eh bien qu'il y en a un qui ait préséance sur l'autre.

Alors, on nous a beaucoup dit -- et encore, je veux dire, moi, j'en prends acte, tout simplement -- que tous les droits étaient égaux et s'interprétaient les uns par rapport aux autres. Eh bien, moi, je crois que l'on doit dire et que l'on peut dire qu'il y a des droits qui ont préséance sur les autres parce qu'au bout de la ligne, de toute façon, c'est ce que font les cours quand elles déterminent au cas par cas, malheureusement. Nous, on veut avoir des règles plus claires, des règles plus générales, mais c'est clair que, pour nous, justement, il doit y avoir un statut particulier, une prédominance, une préséance.

Et, moi, j'ai souvent dit: Quand on... Ce n'est pas écrit dans le testament d'Adam et Ève, là, que ce n'est pas possible, que c'est impossible, que ce n'est pas envisageable qu'il y ait des droits, les uns par rapport aux autres, qui doivent ou peuvent avoir prédominance ou préséance. Et, moi, je donne souvent l'exemple des altermondialistes, hein, les altermondialistes qui disent depuis des décennies, en fait, que les droits humains doivent avoir préséance sur les droits économiques, les droits humains, le droit de manger, le droit de se vêtir, le droit au logement, le droit -- donc des droits humains -- de vivre, de vivre dans la dignité, que c'est plus important que le droit commercial, que le droit des entreprises puis le droit des banques. Je dis ça en particulier parce qu'on sait qui nous a menés pratiquement dans le gouffre de la crise économique récente que l'on a connue. Ce ne sont pas les travailleurs, ce sont les banquiers. Alors, les droits humains doivent avoir préséance, dans mon esprit, comme le disent les altermondialistes, le droit de manger, le simple droit de manger, ce qui n'est pas le cas de 1 milliard d'êtres humains tous les jours à travers le monde.

**(16 h 50)**

Par conséquent, moi, je souhaiterais, M. le Président... Puis je sais qu'il y a un congrès du Parti libéral qui doit avoir lieu, je pense, à l'automne, eh bien j'espère qu'il y aura des débats sur ces questions-là. Moi, j'aimerais beaucoup entendre la députée de La Pinière nous dire ce qu'elle pense de ces questions-là. Parce que je l'ai citée souvent ici, la députée de La Pinière. Elle a écrit des textes, donc ça doit être parce qu'elle y croyait profondément, je veux dire, à sa position. J'imagine, en tout cas, que le Parti libéral est capable de faire, comme le Parti québécois, ce vrai débat qui a eu lieu, en tout cas, chez nous et dont je suis très fière. Parce qu'il y a eu tout un cheminement, il y a... Aux dernières élections, on ne parlait comme à peu près pas de ça, de la question de la laïcité. C'était il y a deux ans et demi. Bon, on commençait à voir l'ampleur de cette question-là comme question de société, bien évidemment. Alors, j'espère que le Parti libéral donnera le même exemple que le Parti québécois et que ce débat sera ouvert, au Parti libéral.

Et je suis sûre qu'il y a des militants, qu'il y a des membres du Parti libéral et qu'il y a probablement même des députés qui aimeraient... et qui, ensuite, se rallient, comme on fait dans nos partis politiques, parce que disons que c'est inhérent à la dimension de notre tâche de membres d'un parti. Quand une majorité se prononce, on peut toujours être dissident, mais, en général, on ne peut pas utiliser son droit à la dissidence quotidiennement. Et, par conséquent, les débats se tiennent, et puis, à un moment donné, il y a une majorité qui se prononce, et ça devient la position du parti. Alors, je souhaite... Je dis tout simplement... J'envoie la... renvoie la balle au congrès du Parti libéral, et de dire que vous devriez avoir ce même débat et qu'on verra, donc, les résultats pour ensuite en débattre, pendant la prochaine campagne électorale, que ce soit un thème qui sera sur la table, bien sûr.

Quand la ministre nous dit, par ailleurs -- et je conçois, là, ses remarques là-dessus, là, je comprends ses remarques là-dessus -- elle nous dit: Bien là ce qu'on veut régler, c'est la question des accommodements, la question de la laïcité, dans le fond, c'est comme un autre débat qui pourrait éventuellement être repris, en effet, non pas ailleurs, mais bien ici parce que ce sont les législateurs qui en décideront ultimement, moi, je lui réponds deux choses là-dessus. Ce pourquoi on insiste tellement par des amendements, des sous-amendements, ce pourquoi on discute depuis si longtemps, en fait depuis un an, de ce projet de loi... Et je ne suis pas insensible aux appels de la ministre quand elle nous dit: Bon, bien, on vous demande de procéder puis d'arriver, etc., j'y vois deux problèmes.

Le gouvernement n'a pas pris les choses dans l'ordre. Quand Bouchard-Taylor... C'est vrai que je n'ai pas la même opinion sur la question que Gérard Bouchard. Et vous avez tout à fait raison, Micheline Milot écrit une chose, Yvan Lamonde en écrit une autre. Mais je suis très contente de voir, quand même, que je n'ai pas pris une position irréaliste, puis il y a peut-être la moitié des intellectuels du Québec qui disent une chose, et l'autre moitié qui en dit une autre. Alors, bon, c'est ça, un débat de société. Et, par conséquent, quand Bouchard-Taylor, qui a pris une position en faveur de la laïcité ouverte, j'en conviens... Mais ils avaient dit que, préalablement, en amont de tout ça, il aurait fallu un livre blanc sur la laïcité.

Je vous le répète, comme il n'y en a pas eu puis comme la présidente du Conseil du statut de la femme nous a dit: Bien, vous devriez prendre mon avis comme livre blanc... Bien, il n'y en a pas eu, quand même, de livre blanc, alors, nous, on se réfère à l'avis du Conseil du statut de la femme et on se dit qu'il faut tenter par tous les moyens, de notre côté, de vous convaincre d'élargir le débat parce que votre projet de loi en lui-même, seul, n'est pas suffisant. On sait qu'il y a eu un autre projet de loi avant puis, finalement, donc, on a finalement compris, là, qu'il ne reviendrait pas au feuilleton, le projet de loi n° 16. Là, il y a le projet de loi n° 94, mais il manque l'essentiel, l'armature, je dirais, la colonne vertébrale à partir de laquelle on pourrait décliner justement ce qu'est un accommodement, ce qu'il ne peut pas être, la contrainte excessive, le... bon.

Mais ce n'est pas là, et on essaie de l'introduire un peu de force, puisque vous n'avez pas voulu faire ce qu'il aurait fallu faire, à mon avis, présenter dans un livre blanc les deux options -- en effet, c'est à ça que ça sert, un livre blanc -- en disant: Voilà, il y a ceux qui sont les tenants de cette laïcité, qui, pour nous, n'en est pas vraiment une, puisque, moi, je ne comprends pas qu'on puisse... Honnêtement, je ne comprends ni intellectuellement ni autrement que l'on puisse faire une distinction entre la neutralité de l'État et la non-neutralité de ceux qui représentent l'État, c'est-à-dire des agents de l'État. Pour moi, il y a une relation évidente, on incarne l'État. L'État, c'est quoi? Louis XIV disait: L'État, c'est moi. Mais, maintenant, aujourd'hui, au moment où on se parle, en 2011, l'État, ce sont les agents du service public, ce sont les fonctionnaires, ce sont ceux qui l'incarnent et qui le représentent, cet État. L'État, bon, ça n'existe pas en soi, ça existe dans ses institutions, ça s'incarne en quelque chose. Bon.

Alors, je crois que c'est extrêmement important qu'on l'élargisse à ce moment-ci, que c'est le temps de le faire et que c'est à ça que Bouchard-Taylor... tout en ayant leur propre vision des choses, c'est à ça qu'ils nous conviaient. Parce que, quand vous dites, Mme la ministre... M. le Président, je m'adresse à vous pour dire à la ministre que, quand elle dit que, peut-être parce que le projet de loi a été déposé, bon, bien, tout le monde a compris que la question était réglée, mais c'est jusqu'à la prochaine crise, là. Je ne crois pas qu'il ne se passera plus jamais rien sur le terrain dans... sur ces questions-là, au contraire. Je pense qu'en effet c'est cyclique et puis que les Québécois s'attendent à ce qu'on leur dise: Bien, voilà les règles, et voilà les exceptions à la règle, et puis voilà comment il faut procéder.

Moi, je ne veux pas d'une approche qui ne soit que juridique, que juridique. Et, même là, une approche que juridique, vous l'avez dit vous-même, Mme la ministre... M. le Président, Mme la ministre nous a dit elle-même: Non seulement les intellectuels peuvent avoir, donc, deux visions -- il y a vraiment deux visions qui s'affrontent très pacifiquement -- mais même les juristes... Je pensais à... Me Latour, je l'ai dit ce matin, avait quand même une vision, je dirais, peut-être optimiste, mais qui était bien articulée pour nous dire: Oui, si on dit les choses clairement, bien ça aura un certain effet sur les jugements non seulement de la Commission des droits de la personne, des recommandations de la commission, du Tribunal des droits de la personne... Parce que, très franchement, on l'a vu, c'est incohérent, les décisions qui sont prises: Non au crucifix au Saguenay, non à la prière au Saguenay, à tel point que le maire de Saguenay est en appel, on le sait, mais oui au kirpan, oui à tous les signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. Donc, on voit bien que ce n'est pas très clair, c'est assez confus.

Nous, on souhaiterait qu'il y ait de la clarté qui soit introduite dans le projet de loi n° 94, qu'on l'élargisse, en effet, qu'on en fasse ce qu'on aurait dû faire depuis trois ans maintenant et que le gouvernement, pour une raison que je ne m'explique toujours pas... À toutes les questions que j'ai posées à ce sujet, je n'ai pas eu de réponse, pourquoi il n'y a pas eu ce livre blanc, qui aurait certainement beaucoup intéressé les Québécois, où on aurait peut-être réussi ensemble à construire, en effet, là, un consensus, quelque chose de très fort qui aurait permis à la société québécoise de connaître vraiment les bases sur lesquelles on fondait notre action, notre vision.

Alors, je pense que cet amendement est donc très important pour ces raisons-là et que, puisqu'on parle de ces questions-là, d'en parler vraiment franchement et correctement, ce que ne fait pas le projet de loi... Il y a déjà, d'ailleurs, toutes sortes d'interprétations différentes, l'interprétation qui était donnée dès le départ par le Conseil du statut de la femme et qui, après la conférence de presse, bon, bien, n'était plus l'interprétation que donnait le Conseil du statut de la femme, mais celle du gouvernement, ce qui est très légitime aussi, mais qui ne satisfait pas, en tout cas, puis on l'a vu pendant les auditions... Et je vous répète, M. le Président, en terminant... Et là je mets au défi la ministre de s'asseoir avec moi, et même publiquement, puis de regarder tous les mémoires qu'on a reçus pour constater qu'il y en a une majorité qui n'était pas d'accord avec le projet de loi, très franchement, qui n'était pas d'accord avec le projet de loi. Ils vont le rejeter pour des raisons différentes, ça, je le reconnais, des raisons complètement divergentes, mais ça faisait quand même une majorité qui n'était pas en accord avec le projet de loi. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bernard): Merci. Merci beaucoup, Mme la députée de Rosemont. Alors, je suis prêt à entendre un autre intervenant. M. le député de Bourget, pour votre 20 minutes.

**(17 heures)**

M. Kotto: Merci, M. le Président. Il est dommage qu'on en soit encore à débattre sur l'égalité entre les hommes et les femmes, sur cette question-là. J'ai vécu pendant mes 17 premières années en Afrique, au Cameroun plus précisément, et cette question, contrairement aux idées reçues, ne se posait même plus là-bas. La femme incarnait, dans ma région de naissance, le centre de la famille. Elle était la référence, elle était l'oracle, elle était la sagesse, elle était le modèle d'identification et pour les garçons et pour les filles. Et, partant de là, nous avions intégré dans notre psyché cette dualité qui, à l'âge adulte, nous permet de vivre sans jamais remettre en question la place de la femme dans la cité ou son rapport à l'homme.

Le religieux, par contre, surtout quand il verse dans le fondamental ou dans l'extrémisme, peut altérer cette lecture que je viens de vous exposer. Et ce religieux, il peut être de toute forme d'obédience, chrétienne, islamique ou autre. Mais, forte de ses traditions, ma société de naissance a toujours repoussé ces menaces. Et je suis surpris de voir qu'à l'aune du débat qui nous occupe aujourd'hui, en ce XXIe siècle, en 2011, on soit encore en train de supputer sur des questions d'égalité entre hommes et femmes au Québec et de prendre en considération... de noter la prudence avec laquelle certains d'entre nous abordent ces sujets. C'est pourtant une évidence. Pourquoi s'interroger encore en ces matières-là? J'aimerais qu'on m'y réponde rationnellement. Pourquoi ne pas consacrer un statut particulier de l'égalité entre les hommes et les femmes dans un tel projet de loi relativement à la charte?

Il est plutôt facile pour nous de modifier notre charte. Qu'est-ce qui nous en empêche? Est-ce que c'est un élément de... ou une disposition, une articulation qui viendrait travestir, si je me réfère aux propos tenus par la ministre tout à l'heure, qui viendrait travestir le projet de loi? Et jusqu'à quel point un tel amendement travestirait-il ce projet de loi? De notre perspective à nous, cette disposition viendrait, tout simplement, renforcer le projet de loi et le rendre plus clair, encore une fois, ce qui ne serait qu'un minimum pour éclairer nos concitoyennes et concitoyens, quelles que soient leurs origines, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur communauté d'appartenance. Quand elles sont simples à interpréter, les lois, cela sied bien à l'ensemble de la population et à l'ensemble de la machine juridique quand vient le temps de débattre. Mais, quand on oublie, volontairement ou involontairement, des dispositions aussi importantes que celle-ci, il y a de quoi se poser des questions, il y a de quoi s'interroger.

M. le Président, en octobre 2009, l'AFEAS sortait un communiqué, et, dans sa conclusion... Bien, le communiqué portait sur l'égalité entre les femmes et les hommes, qu'il souhaitait voir au-dessus de tous les droits. Leur mémoire portait le titre L'égalité entre les femmes et les hommes: au-dessus de tout accommodement!. Bref, dans leur conclusion de ce communiqué datant du 23 octobre 2009, ils disent, et je cite: «Depuis son élection, le gouvernement -- bon, qui porte le nom du premier ministre, mais enfin le gouvernement du député de Sherbrooke, ça, c'est mon interprétation parce que je ne peux pas nommer -- [du député de Sherbrooke] a fait de nombreux pas pour favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de son gouvernement, de l'appareil gouvernemental et de la société. Cependant, trop souvent, les "accommodements dits raisonnables" demandés pour des raisons religieuses ou culturelles se font au détriment des femmes. Au Québec, l'AFEAS le répète encore et toujours, c'est inacceptable!»

C'est un constat qu'ils font -- et ça, c'est assez bien développé dans leur mémoire -- on constate encore des inégalités. Et le fait religieux, dans son intrusion de l'appareil d'État de façon, disons, évidente ou non, ne vient que rappeler, compte tenu de tous les maux que le religieux, disons, impose aux femmes quant à la considération qu'elles en font... Donc, ces inégalités sont là, elles sont une réalité, et nous avons, en tant que législateurs, dans les circonstances, l'opportunité de corriger les choses, l'opportunité de clarifier nos perspectives, et j'ai bien peur que nous soyons les seuls, de ce côté-ci, à penser de la sorte. Parce qu'il n'y a rien, objectivement, qui nous empêche de le faire, rien, objectivement. Nous pouvons faire ne serait-ce que ce petit pas en validant cet amendement, ça n'enlèvera rien au projet de loi sur le fond ni sur la forme. Au contraire, ça viendrait, disons modestement, le renforcer, le projet de loi. Et je pense que, partant de là, on passerait moins de temps à débattre de la sémantique, à débattre de la portée des mots ou des alinéas, on sortirait très rapidement de cet exercice et on passerait à autre chose d'encore plus constructif.

Je parlais ce matin... enfin, j'évoquais ce matin la possibilité ou non que la ministre ait, dans sa besace de projets de loi, un qui porterait sur une charte de la laïcité. Ça, ce serait un magnifique exercice à faire avec, comme le rappelait ma collègue de Rosemont, la mise en relief des deux options: la laïcité dite ouverte... Moi, je dirais même qu'il y a plus que deux options parce qu'il y en a qui parlent de laïcité pas assez ouverte, trop ouverte, pas ouverte, ouverte, fermée. Bref, la laïcité qui garantit l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'interaction, quel que soit l'espace civique, si, disons, évoquée... telle qu'évoquée par nous, validée dans ce projet de loi nous amènerait par la suite... Et ça, je reprends le propos de... la main tendue de la ministre, tout à l'heure, qui disait que la porte n'était pas fermée de ce côté-là, que c'était un exercice qui pourrait être fait a posteriori. Mais pourquoi ne pas, disons, ne serait-ce que pour ouvrir, entrouvrir encore un petit peu cette porte, intégrer, valider cet amendement, qui nous laisserait par la suite le temps de nous pencher sur ce fameux livre blanc qui mettrait en relief toutes les lectures qu'on peut faire au Québec relativement à la question de la laïcité?

Je ne comprends pas le blocage, j'ai du mal à suivre un peu. À moins que, comme on l'a déjà dit au début, ce blocage à l'effet d'intégrer cette articulation se justifie par le fait que l'exercice, tel que nous l'avions lu au début de nos rencontres, soit, en fait, limité à encadrer par son article 6 -- comment elle s'appelait, la jeune fille qui apprenait le...

Une voix: Naïma.

**(17 h 10)**

M. Kotto: ...français? -- Naïma avec sa burqa. Mais, si c'était ça, la finalité, est-ce qu'il n'aurait pas été plus simple de le dire, de l'écrire au lieu de nous enfermer dans ce cercle vicieux, en somme, qui nous amène à considérer que l'exercice est une réponse en soi, une réponse à... malgré tout ce que, de bonne foi, dit la ministre, qui nous amène à considérer que c'était la réponse aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor, qui, je le rappelle, nous a coûté 3,7 millions de dollars? Quand je dis nous, c'est les contribuables.

Et la ministre parle souvent de témoins ou de personnes qui sont venues témoigner ici, en commission, qui étaient en phase avec le fait que c'est un bon pas vers la bonne direction, mais pourquoi ne pas aller dans la direction en faisant tous les pas? Est-ce que c'est parce que la société... De la perspective des choses de la ministre, est-ce que c'est parce que le fruit n'est pas mûr, pour utiliser une expression consacrée? Est-ce que c'est parce que la société n'est pas encore prête à avancer jusqu'au bout du chemin qu'elle se limite à faire un petit pas? Est-ce que c'est parce que les pressions des groupes d'intérêts religieux sont importantes? Nous, on en reçoit tous, on en reçoit tous dans nos bureaux, des représentants. Ce n'est pas tout le monde qui apprécie notre position relativement à la laïcité. On reçoit même des lettres d'insultes parfois parce qu'on nous considère un peu trop laïques.

Mais ce n'est pas le but. Notre but, notre souci à nous... Et c'est le point de vue qu'on défend. Du moins, moi, je défends celui-là face à des concitoyens, concitoyennes nouvellement installés au Québec qui se posent des questions relativement à notre position, je leur dis: Mais c'est pour vous protéger de vous-mêmes que nous tenons cette position parce qu'à partir du moment où les règles du jeu ne sont pas claires les personnes qui vont le payer en premier, ce n'est pas moi, ce n'est pas la ministre, c'est vous. Vous arrivez dans une ambiguïté qu'incarnent le Canada et le Québec. Vous arrivez certes au Canada, vous êtes accueillis par le pays qui consacre le multiculturalisme comme approche d'intégration et qui l'enchâsse dans sa Constitution, qu'il protège par sa charte, et, de l'autre côté, dans l'espace de la minorité francophone, on vous dit: Non, ça ne se passe pas ici comme ça. Oui, mais c'est écrit où? La question revient souvent: C'est écrit où que nous ne devrions pas vivre en fonction de notre bagage culturel originel? Le débat, il est là. Et ces questions se posent parce qu'à l'évidence il y a un vide, il n'y a pas de carte routière, il n'y a pas de GPS, entre guillemets.

Et, là encore, je joue de l'avantage que j'ai d'être immigrant et citoyen intégré déjà. Je dis aux gens: Écoutez, c'est un secret que je vous donne, si vous voulez naviguer visière levée, voile au vent dans cette société, voilà les codes. Saisissez ces codes, et vous allez voir la différence de l'accueil. Et ces gens reviennent me voir quelques mois, quelques années plus tard: Vous avez raison. Ce n'est pas évident toujours, quand on a 25, 30, 35, 40 ans, de changer ses concepts, de changer ses lunettes pour lire la société d'accueil, pour intégrer ses codes, les maîtriser, les faire siens. Ce n'est pas évident parce que... Je dirais, c'est consensuel dans le monde de la psychanalyse, la plupart des psychanalystes disent que c'est entre zéro et 20 ans que se forme la personnalité psychique des individus. Une fois que les éléments de référence sont intégrés, c'est beaucoup plus difficile après de s'en décharger pour s'adapter ou pour se refaire que... Ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile, mais ces gens nous remercient par la suite.

Ma collègue d'Hochelaga m'a raconté l'histoire d'un immigrant bardé de diplômes qui n'arrivait pas à saisir ces codes. Mais, du jour où il a compris parce qu'il a fait l'effort de suivre le chemin -- qui n'est pas encore officiel, qu'on attend, du moins avec votre bonne volonté -- du jour où il a changé, il est venu remercier. Et, moi, des cas comme ça, j'en ai eu plein. Ces gens n'attendent que des règles claires et transparentes. Ils veulent être guidés par des lois claires et transparentes, c'est tout ce qu'ils demandent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernard): Merci beaucoup, M. le député de Bourget. Et je tiens à mentionner que, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste un temps de 5 min 10 s à votre disposition. Si vous voulez l'utiliser, naturellement.

Mme Poirier: Vous savez bien que je ne perdrai pas ce précieux temps. Merci, M. le Président. J'écoute mes collègues depuis notre retour dans cette période-ci et je vais vous dire que je trouve qu'il est regrettable, je vais le dire comme ça, qu'il est regrettable qu'on renonce à l'égalité hommes-femmes. Parce que, d'une certaine façon, en n'introduisant pas dans la charte, comme nous le souhaitons, le fait de consacrer à l'intérieur de la charte un statut particulier à l'égalité hommes-femmes, eh bien c'est venir laisser encore aux tribunaux... c'est venir laisser aux tribunaux le choix de décider. Et je me rappelle très bien la présidente du Conseil du statut de la femme venir dire que, oui, l'article 4, il faudra aller le tester devant les tribunaux. Encore aujourd'hui, ce qu'on vient nous dire, c'est: Laissons aux tribunaux venir dire aux législateurs ce que les Québécois veulent.

Ça, M. le Président, je trouve ça inacceptable. Je trouve ça inacceptable de la part d'un gouvernement qui est là pour gouverner mais qui dit: On va introduire quelque chose dans la loi, on va aller le faire tester devant les tribunaux, puis, si ça ne fonctionne pas, on reviendra. On ferme les livres puis on s'en va chez nous, ce serait la même chose. Parce que, demain matin, qu'on ait ou pas cette loi-là, on va aller la tester devant les tribunaux, il y aura un test devant les tribunaux. À date, le test devant les tribunaux a été très clair à toutes les fois, les libertés religieuses ont toujours eu préséance sur l'égalité hommes-femmes, sauf dans un cas, je vous rappellerai, le divorce judaïque. C'est d'ailleurs le seul cas. Mais, malheureusement, le choix que fait le gouvernement aujourd'hui, c'est de laisser les tribunaux décider, décider de l'égalité hommes-femmes. C'est grave, ça, M. le Président, c'est très, très grave, et d'autant plus que le message, particulièrement des femmes, est aussi particulièrement désespéré.

Et je me rappelle très bien, à l'étude des crédits, je suis venue raconter à la ministre le cas de femmes du Congo, dans mon comté, qui sont venues me voir -- et je les ai encore rencontrées samedi lors d'un bazar -- et ces femmes-là viennent nous dire: Mon mari ne m'a pas donné encore la permission de me trouver un emploi. C'est de ça qu'on se parle, M. le Président. C'est ça, l'égalité qu'on recherche pour les hommes et les femmes. Les femmes qui viennent immigrer au Québec ne connaissent pas ce que mon collègue appelle les codes, ne connaissent pas nos façons de vivre. Ce n'est pas en signant la déclaration qu'ils connaissent de quoi on parle quand on parle d'égalité hommes-femmes, pas du tout.

Mais, si le gouvernement n'est pas capable d'enchâsser dans la Charte des droits et d'enchâsser particulièrement dans ce texte, ici, du projet de loi n° 94, qui vient définir le processus pour traiter des accommodements raisonnables... Si on ne vient pas dire à la Commission des droits que, dorénavant, c'est par le prisme de l'égalité hommes-femmes qu'il faudra le faire, bien c'est l'article 4 qui se retrouve encore... qui va se retrouver devant les tribunaux. Et la présidente du Conseil du statut de la femme nous l'a dit. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Est-ce qu'on est ici depuis tant d'heures pour que ce soient les tribunaux...

Et on sait ce qui va arriver, ça va être la Cour suprême qui va décider. Et ça, la Cour suprême, ça décide en fonction non pas de notre charte québécoise, mais de la charte canadienne. Et la charte canadienne ne reconnaît pas l'égalité hommes-femmes comme étant une valeur supérieure aux autres, non, pas du tout. Elle ne l'a pas fait et elle ne le fera pas, on le sait bien. Et, moi, je peux vous dire qu'avec ce que l'on voit comme gouvernement conservateur qu'on a devant nous, encore moins. Les droits des femmes sont menacés, M. le Président. Il faut se le dire, les droits des femmes sont menacés. Et le refus du gouvernement de venir introduire cet amendement pour venir consacrer dans la charte l'égalité hommes-femmes, c'est malheureusement un recul pour les femmes, et je trouve qu'on manque une belle chance, on manque une belle chance de passer un message pas juste ici, au Québec, mais dans le Canada et ailleurs, M. le Président.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Bernard): Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, le temps réparti aux membres de l'opposition est maintenant épuisé. Mme la ministre, quelques commentaires?

Mme Weil: Moi, je tiens à rassurer toutes les femmes du Québec que le Québec est une juridiction où l'égalité entre les hommes et les femmes est respectée... bien, respectée en vertu de la charte, c'est enchâssé dans la charte québécoise. Alors, je tiens à le répéter.

Mais, pratico-pratique, oui... Et il y a des Québécoises, hein, de souche aussi qui vivent des situations d'inégalité. Et je pense qu'il faudrait connaître un peu le profil des immigrantes qui viennent au Québec, beaucoup, très, très libérées, et c'est des femmes accomplies, des femmes scolarisées, des femmes qui se considèrent égales, absolument, à l'homme. Et je pense qu'il faut faire attention à l'image qu'on dresse de l'immigrant -- et je pense que le député de Bourget pourrait le confirmer -- et que l'inégalité existe partout, dans toutes les sociétés, même dans les sociétés, évidemment, occidentales. Et c'est pour ça qu'on enchâsse l'égalité entre les hommes et les femmes dans la Charte des droits et libertés, et c'est à tous les acteurs de la société québécoise de s'assurer qu'en pratique ce droit-là devient... Comme la politique québécoise le dit, l'égalité de droit devient une égalité de fait. Évidemment, il y a des situations -- surtout les adolescentes -- qui peuvent être problématiques. Qui est-ce qui a le contact avec ces jeunes-là? Est-ce que c'est les profs d'école qui peuvent constater des situations d'oppression en rencontrant les parents? Est-ce que c'est les centres de jeunesse dans leurs contacts? Qui est l'intervenant? Est-ce que c'est le médecin lorsqu'il rencontre... Tous ces acteurs de la société observent des situations où on peut voir...

Mais je le répète, ce n'est pas juste... c'est toute la société, c'est des Québécoises de souche aussi -- je pense qu'on le sait très bien -- qui sont victimes. On a une campagne contre la violence conjugale, ça ne cible pas les immigrants, là, ça cible tous, tous, tous les Québécois. Donc, je pense, qu'il faut faire attention de ne pas stigmatiser les immigrants par rapport à cette question d'égalité hommes-femmes, et c'est pour ça qu'on a une charte, et on s'assure... Et je l'ai répété... les clauses importantes, mais je tiens à répéter, là, 50.1: «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.»

Et, parce que j'ai l'occasion souvent... Je suis beaucoup sur le terrain à faire des discours sur la diversité, l'importance de la diversité. Et on parle souvent du Canada, et, souvent, je vous dirais que les articles et les recherches très intéressants émanent beaucoup du Canada. Moi, j'ai beaucoup voyagé au Canada, j'ai beaucoup travaillé avec des organismes partout au Canada, dans toutes les provinces, et beaucoup du discours très, très progressiste vient du Canada anglais sur l'importance de la diversité. Et il y a un article que j'invite tout le monde à lire, M. le Président -- je vais peut-être l'amener ce soir -- c'était dans le Financial Times -- c'était lundi justement -- sur les organisations du milieu économique, que, dorénavant, les clients ne veulent pas voir l'homogénéité, là, au sein de leurs entreprises, ils veulent voir la diversité. Pourquoi? Parce que la diversité rend les organisations plus compétitives, hein, ils ont des têtes de pont avec le pays d'origine et le pays source de ces immigrants, parce qu'ils ont une autre façon de voir les problèmes.

Et les codes culturels, oui, c'est important pour les gens de les comprendre, mais l'Amérique du Nord est reconnue... Puis, d'ailleurs, je rencontre souvent des Européens qui viennent ici, puis ils veulent savoir c'est quoi, notre secret: Comment ça se fait qu'en Amérique du Nord vous avez tellement de réussite dans l'intégration, que la deuxième génération... Il y a des études, je les ai citées, mais des études qui montrent qu'au Canada la deuxième génération réussit, en moyenne, même mieux -- je pourrais l'amener -- que les natifs. Ils disent que c'est parce qu'il y a une formule d'intégration qui fonctionne très bien, ils travaillent beaucoup avec des organismes communautaires qui sont sur le terrain.

Donc, très pratico-pratique, il y a une façon qu'on a, et je le dis, en Amérique du Nord parce que c'est des terres d'immigration, c'est des sociétés qui connaissent l'immigration, qui ont été bâties par l'immigration, et, donc, l'important, c'était... un incontournable, c'était d'intégrer ces gens-là pour renforcer les sociétés. On a des variations. La variation québécoise, c'est beaucoup la langue, c'est la langue et la culture, qui fait qu'on a un défi encore plus important, donc de préserver une société francophone, la seule en Amérique du Nord, qui a fait qu'on a peut-être développé des stratégies autres. Mais, globalement. l'impératif d'intégrer a toujours été là mais s'est toujours fait quand même selon... Selon les études qu'on lit et selon les constats des autres qui nous regardent en Amérique du Nord, eux, ce qu'ils constatent, c'est qu'on le fait avec beaucoup de facilité et que l'immigration a une résonance positive en Amérique du Nord. Quand on parle d'immigration, généralement il y a une résonance positive, alors que ce n'est pas nécessairement vrai, ce qu'on... le débat qu'on voit en Europe actuellement. Pourquoi? Parce qu'on a besoin d'immigrants, on a besoin d'immigrants pour combler nos besoins démographiques à court, moyen, long terme, la population active pour la croissance économique, et, donc, là, l'important, c'est de s'assurer que les gens adhèrent à cette diversité parce que, sinon, on manque le bateau.

Alors, comment profiter pleinement de cette diversité? On est rendus là comme société. Moi, je constate que la société québécoise est extrêmement ouverte à cette diversité, autant que les autres provinces canadiennes, autant que les États américains. Je pense qu'il ne faut pas... faire attention qu'avec le débat sur la laïcité on ne vient pas dresser un portrait du Québec comme une société qui est en conflit vis-à-vis la diversité. Au contraire, je pense que le Québec vit très bien cette diversité. Évidemment, il y a des enjeux, il y a des défis, comme dans toute société. Mais on ne baisse pas les bras face à ces défis, il faut juste trouver les façons d'aller chercher ces gens qui pourraient être cloisonnés. C'est vrai, il y a des gens qui le sont, on le sait, on le voit, dans certains... Mais Montréal, par exemple, la ville où 85 % des immigrants vont, est quand même reconnue comme une ville qui n'a pas créé de ghettos. C'est une des villes en Amérique du Nord... Là encore, il faudrait que j'amène les études, mais qui a vraiment une stratégie pour s'assurer qu'il y a... On parle de mixité, on parle beaucoup de mixité dans sa façon de faire, et je pense que ça fait un peu partie de cette grande discussion sur l'interculturalisme.

Je pense qu'on touche à tous ces enjeux, mais, moi, je pense que l'important, en tant que ministre qui pilote ce dossier-là mais qui est aussi ministre de l'Immigration, des Communautés culturelles, qui a beaucoup l'occasion d'échanger autant avec des experts que des nouveaux arrivants... Toute cette question de codes culturels, moi, l'expérience et les discussions que j'ai avec des immigrants, c'est que c'est les premiers à les reconnaître, c'est les premiers à vouloir s'intégrer. Et c'est des gens qui sont extrêmement courageux, c'est des gens très scolarisés, très scolarisés. La moyenne, plus scolarisés que la moyenne québécoise, ils ont plus de 14 ans d'éducation. Donc, je pense qu'il faut vraiment avoir l'image de l'immigration qu'on accueille au Québec pour se rendre compte que c'est une richesse, les gens qu'on va aller chercher, c'est une richesse. Et je pense que je ne vous apprends rien de nouveau, vous le constatez vous-mêmes, mais c'est important que... lorsqu'on parle de ces questions, il faut faire la part des choses, que le... L'image qu'on peut avoir, elle est quand même, quant à moi, positive.

Et je reviens sur cette question du Canada -- je ne sais pas s'il me reste du temps ou...

Le Président (M. Bernard): Oui, pas de problème.

Mme Weil: ... -- du Canada, qui, oui, dans sa loi, parle de multiculturalisme, nous, on parle d'interculturalisme. Je pense, l'important, c'est dans les actions et dans les résultats. Dans les résultats, on le dit -- et c'est partout au Canada, incluant le Québec -- le moteur de l'intégration, c'est les écoles, c'est les écoles. Et les écoles réussissent très bien au Canada, et c'est reconnu que les écoles réussissent bien. Pourquoi? Parce qu'on a une ouverture, on va chercher la personne. Et il y a la diversité, on a toujours eu beaucoup de diversité. Et je peux amener les études, je peux les partager avec mes collègues, mais je peux vous dire que c'est très, très rassurant de voir... Et on a toujours misé aussi sur cette deuxième génération parce qu'on sait qu'on a une capacité de les intégrer. On le fait en français aussi avec la loi 101. Évidemment, ça faisait partie de cette vision. C'était beaucoup sur la langue, mais ça fait deux choses en même temps, c'est aussi l'intégration dans la société.

La question des codes culturels, on a quand même, bon, cette déclaration des valeurs communes. On a des guides qu'on a développés pour accompagner l'immigrant. Il peut commencer à apprendre le Québec outre-mer avant même d'arriver ici. Les gens l'apprécient beaucoup. Ils vont sur le site, ils veulent comprendre comment ça fonctionne au Québec. Des conseils qu'un immigrant peut donner à son collègue immigrant, évidemment, c'est très, très, très utile, mais les nouveaux arrivants, c'est les premiers à vouloir s'intégrer.

Maintenant, la religion. Qu'est-ce que la religion joue dans tout ça? Je pense qu'il y avait un reportage dans La Presse, il y a à peu près deux mois, qui montrait que, même à Montréal, les endroits de culte religieux... C'est une des villes où il y en a le plus, je pense que... ce que j'ai bien lu, au Canada. Au Canada, c'est à Montréal... Mais ce n'est pas des immigrants. La majorité, ce n'étaient même pas des immigrants, c'étaient des natifs. Alors, la religion va toujours avoir une place dans une société. Et c'étaient toutes sortes de diversités religieuses, bon, chrétiennes et autres. Bon. Alors, je pense que la religion... il ne faut pas toujours faire l'équation immigration-religion. Je pense que la religion a toujours existé puis existera, puis il y a différentes formes de religion. L'important, c'est de préserver une société laïque où l'État est neutre face à toutes ces religions qui se présentent, et c'est ça qui est important.

Et l'État, lorsqu'il rend ses services, c'est un service qui est neutre. Et, le mot «neutralité», il ne faut pas diluer l'importance de ce mot. Ce mot est très bien compris dans le milieu juridique. Je pense qu'il est très bien compris par la plupart des gens. Et on le comprend lorsqu'on est face à face avec quelqu'un qui nous rend un service, on fait la part des choses. Ce n'est jamais une question de religion. En tout cas, moi, je n'ai jamais reçu un service gouvernemental où j'ai eu une inquiétude qu'on était en train de me parler de religion. Je pense que c'est notre vécu, puis c'est notre vécu depuis très, très, très longtemps.

Et c'est vrai que c'est beaucoup dans l'espace de l'éducation qu'on a vraiment eu cette discussion sur la laïcité. Et, j'ai eu l'occasion de le dire, c'était le rapport Proulx qui a vraiment trouvé l'expression «laïcité ouverte», c'est de là que vient cette expression de «laïcité ouverte». Donc, je voulais juste, tout simplement, parler de diversité comme une richesse pour le Québec.

**(17 h 30)**

Le Président (M. Bernard): Merci, Mme la Présidente. Alors, nous allons mettre aux voix l'amendement de l'article 1 proposé par le député de Chicoutimi. Alors, est-ce que l'amendement de l'article 1 est adopté?

Mme Beaudoin (Rosemont): Appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Bernard): Merci. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet: Contre.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue)?

Le Président (M. Bernard): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 5 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Bernard): Donc, merci. Donc, l'amendement proposé à l'article 1 est donc rejeté. Oui, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. M. le Président, donc j'aimerais proposer un amendement qui se lirait comme suit: L'article 1 est modifié par l'insertion, après l'alinéa un -- toujours le même -- du suivant: «Un accommodement doit respecter le principe de la laïcité de l'État.»

Le Président (M. Bernard): Parfait. Alors, nous allons suspendre les travaux pour quelques instants, le temps qu'on fasse des copies puis qu'on puisse les distribuer à tous les membres de la commission, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

 

(Reprise à 17 h 36)

Le Président (M. Bernard): ...peut reprendre les travaux. Merci. Alors, Mme la députée de Rosemont, si vous voulez bien présenter, s'il vous plaît, votre amendement.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Alors, je pense que c'est important, puisqu'on parle justement d'accommodements, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement, alors de dire qu'un accommodement, puisque c'est ce dont on parle, doit respecter le principe de la laïcité de l'État. Alors, je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Bernard): Oui, allez-y, allez-y, madame.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon, très bien. Et je pense qu'on revient donc à cette question de laïcité de l'État. Bien sûr qu'on tourne autour de deux questions fondamentales: l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité de l'État. J'écoutais la ministre, M. le Président, nous dire que l'Amérique du Nord... Elle semblait nous dire qu'en Europe les choses étaient différentes de l'Amérique du Nord, etc. Oui, c'est vrai, mais, sur le plan de l'immigration, c'est faux, puisqu'en même temps en Europe, dans des sociétés très vieillissantes, en Allemagne entre autres... L'Allemagne est reconnue pour être une société très vieillissante et qui a beaucoup besoin d'immigrants.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais si! Mais si! Alors, on pourra en discuter, mais il est clair que l'Allemagne, qui est à 1,4, je pense, en termes de fécondité, est très, très loin du renouvellement de sa population et a donc besoin de beaucoup d'immigrants, a besoin de main-d'oeuvre, de la même façon...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Absolument. Absolument, je le maintiens.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais, moi aussi, je les ai rencontrés.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, en Italie, c'est encore pire en Italie. Et il y a la France qui est à... Mais vous n'aimez pas l'exemple français, c'est devenu l'exemple repoussoir pour le Parti libéral. Ça m'étonne parce que, comme le premier ministre y va six fois par année, je pensais que c'était un exemple formidable que celui du président Sarkozy. Il le rencontre régulièrement, il a l'air très heureux en sa présence et en sa compagnie, mais là c'est l'exemple repoussoir, semble-t-il, la France. Mais, ceci étant, c'est vrai que la France est peut-être à 1,9. Enfin, c'est le pays européen qui est le plus près du renouvellement de sa population. Mais même la France a besoin...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! l'intégration. L'intégration, les pays européens...

Une voix: ...

**(17 h 40)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Des débats. Enfin, il y a des débats aussi... il y a des débats en Finlande, il y a des débats au Danemark, il y a des débats partout sur la question de l'intégration. Est-ce que l'intégration se fait plus facilement ici? C'est une bonne question. Et je pense quand même qu'on ne devrait pas regarder avec arrogance les Européens en se disant: Oh, mon Dieu! l'Europe, elle qui ne réussit pas à intégrer... L'Europe a longtemps, très longtemps, réussi à bien intégrer. C'étaient des machines à intégrer les nouveaux arrivants pendant très, très longtemps. Bien sûr, les Italiens, pour eux, c'est nouveau, M. le Président, parce que les Italiens ont, en principe, plutôt quitté l'Italie qu'accueilli de nouveaux arrivants. Même chose pour les Espagnols. Mais tout ça change aujourd'hui justement à cause de la situation démographique de ces pays-là. Et, quant à la France, et quant à l'Angleterre, et quant à l'Allemagne, eh bien elles accueillent beaucoup de nouveaux arrivants.

Et c'est vrai que les modèles d'intégration sont souvent en panne, je le reconnais, mais je pense qu'il ne faut pas trop se vanter parce que ce n'est pas évident ici non plus. Et ce qui se passe en Europe pourra avoir, en effet, des répercussions ici parce qu'on vit, M. le Président, dans un monde sans frontières, sans frontières. Alors, les débats des uns débordent sur les autres, puis chacun est sur les réseaux sociaux, et chacun lit et voit ce qui se passe ailleurs, ce qui a donné des trucs formidables comme le printemps arabe, d'ailleurs, qui est dû beaucoup à ce monde sans frontières dans lequel on vit, des choses aussi positives que ce qui s'est passé en Tunisie.

Mais je vous ferai remarquer qu'en Egypte, l'autre jour, vous signaliez, M. le Président... enfin, Mme la ministre signalait un article qui était paru dans La Presse. Eh bien, Agnès Gruda est retournée en Égypte et elle avait un grand article qui s'intitulait La liberté qui se voile, et, donc il y avait en Égypte... Pas en Tunisie. En Tunisie, on souhaite tous que ce laboratoire de cette nouvelle révolution arabe, de ce nouveau regard que l'on pose, très positif, sur les populations arabes... que la Tunisie réussisse et qu'on devrait, le mieux possible, l'accompagner. Je l'ai dit à la ministre des Relations internationales pendant l'étude des crédits qu'on devrait être très attentif à ce qui se passe en Tunisie et qu'on devrait accompagner le mieux possible les Tunisiens, et le représentant, là, du Parti des travailleurs, qui est venu au congrès du Parti québécois, M. Mustapha Ben Jaâfar, nous l'a redemandé. La Tunisie veut la laïcité, d'ailleurs, la veut, la laïcité. Peut-être que l'Égypte ne réussira pas à faire en sorte que sa révolution se concrétise par une avancée laïque, mais, en Tunisie, parce que, déjà, il y avait une situation un peu particulière dans le monde arabo-musulman, eh bien on peut imaginer que la Tunisie fasse et réussisse cette révolution en État laïque.

Donc, la situation en Europe, je pense, peut refléter des enjeux et des problématiques que nous vivrons ici, et je donne l'exemple de l'Angleterre, qui est le plus évident. Je vous l'ai déjà donné, cet exemple-là, mais je le redis. Quand David Cameron dit que le multiculturalisme est un échec en Grande-Bretagne, un échec en Grande-Bretagne, eh bien je pense qu'on devrait l'écouter et qu'on devrait l'entendre. Quand Angela Merkel dit que le multiculturalisme est un échec en Allemagne, je crois qu'on devrait être attentif à ce qui se passe en Europe, qui peut être la préfiguration de ce qui se passe en Amérique du Nord, particulièrement au Québec, étant donné, justement, notre situation. Et je pense que la ministre va le reconnaître, elle qui est allée dans une école française laïque, d'ailleurs, à Marie-de-France, à Montréal.

Alors, bon. Bien, moi, je pense qu'il faut être très attentif parce que, quand je dis que ça peut préfigurer ce qui va se passer, particulièrement au Québec, étant donné notre situation, je dirais, pratiquement à mi-chemin, mitoyenne entre l'Europe et l'Amérique... On prétend qu'on fait le lien entre l'Europe et l'Amérique et qu'on est les mieux placés, les mieux situés en Amérique du Nord pour faire ce lien-là entre l'Europe et l'Amérique, et je pense que oui. Et, d'ailleurs, quand on parle d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, le premier ministre a beaucoup dit, bien, qu'il avait souhaité que cet accord se négocie entre le Canada et l'Union européenne. Malheureusement, c'est le Canada qui négocie. Mais ça, quand on accepte d'être une province, ça vient avec. Mais, ceci étant, ce lien-là, il faut donc être conscient que ce qui se passe en Europe peut avoir, dans ce monde sans frontières, donc, des impacts et des conséquences sur ce qui se passe ici, particulièrement, puisqu'on se veut, je dirais, cette presque Amérique, étant les seuls francophones, donc les seuls en Amérique du Nord dont la langue n'est pas celle de la très, très, très vaste majorité, puisqu'on est, quoi, 2 % de la population qui parlons français. Ça aussi, ça a des conséquences. Je dis donc, M. le Président, à la ministre: Bien, attention! les situations peuvent paraître différentes, mais prêtons l'oreille à ce que dit David Cameron, prêtons l'oreille à ce que dit Angela Merkel.

Et là la ministre, M. le Président, m'a un peu inquiétée quand elle a dit: Dans le fond, multiculturalisme, interculturalisme... Non, il va falloir vraiment camper le... Le multiculturalisme est différent de l'interculturalisme à cause, justement, d'un certain nombre de valeurs collectives qui viennent faire contrepoids aux droits individuels reconnus dans les chartes québécoise et canadienne, des valeurs collectives, justement l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, que l'on veut voir, nous, introduite avec une préséance et une prédominance sur la liberté de religion, la laïcité de l'État. Eh oui, on serait le seul territoire en Amérique du Nord à dire oui à la laïcité de l'État et à l'inscrire, bon, alors, dans un texte fondamental, dans un texte qui serait, par exemple, le projet de loi n° 94, en disant: Un accommodement doit respecter le principe de la laïcité de l'État.

Alors, je crois que, quand la ministre fait des distinctions entre l'Europe et l'Amérique du Nord, laissant peut-être entendre, M. le Président... Peut-être que ce n'était pas ça -- elle nous le dira -- son intention, mais on pouvait interpréter ce qu'elle a dit comme étant: Bien, l'Europe, c'est l'Europe; l'Amérique du Nord, c'est l'Amérique du Nord. Puis, dans le fond, les problèmes ne sont pas les mêmes, et les enjeux ne sont pas les mêmes. Moi, je pense que les enjeux sont planétaires, M. le Président. Moi, je suis une souverainiste sans frontières. Alors, je crois au fait qu'on vit justement sur cette même planète et puis que, les démographies étant similaires, dans bien des cas en tout cas... Peut-être que ce n'est pas le cas en Espagne, peut-être que ce n'est pas tout à fait le cas en France, quoique... Eh bien, au moins, en Allemagne et puis en Italie, c'est le cas, et par conséquent... Même en Espagne, d'ailleurs, ils ont... Parce que le catholicisme a fait en sorte, c'est clair, que, pendant longtemps, les taux de fécondité étaient remarquables, si je puis dire. Peut-être que ce n'est pas ce que nos grands-mères auraient choisi comme expression, «remarquable», avec 12 enfants, mais, quand même, aujourd'hui, le fait est que nous nous retrouvons, démographiquement, dans des situations similaires à celle de l'Europe. Et ce qui n'est pas le cas des États-Unis, ce qui n'est pas le cas des États-Unis. Donc, différence entre le Québec et puis les États-Unis à cet égard, grande différence.

Alors, pour accueillir, pour intégrer, en effet, moi, je crois que ça prend une culture, je dirais, publique commune, des valeurs communes, des valeurs partagées. Comme a si bien dit mon collègue de Bourget tout à l'heure, il faut partager des espaces communs et que, par conséquent, il est très important que ce principe de la laïcité soit inscrit, comme on l'explique depuis plusieurs heures, dans ce projet de loi n° 94.

Pour reprendre le texte d'Yvan Lamonde... Évidemment, j'ai lu ça hier soir en venant. Disons que j'avais la tête un peu ailleurs, mais, quand même, j'ai réussi à lire une bonne partie du livre et je vais vous lire ses derniers paragraphes, les derniers paragraphes de ce bouquin. Alors, il dit: «Si l'on veut établir des règles claires pour toutes les citoyennes et tous les citoyens en matière d'école et de signes religieux, la déclaration formelle [...] de la neutralité de l'État doit être proclamée. Neutre, l'État n'est ni pour ni contre les religions...» Alors là, je veux rassurer, M. le Président, la ministre puis les députés ministériels, nous n'avons strictement rien contre les religions et contre les convictions religieuses. C'est l'expression de ces convictions dans un espace qui est celui de la fonction publique qui pose question, qui nous pose vraiment problème. «Neutre -- donc -- l'État n'est ni pour ni contre les religions; il règle les modalités de leur présence publique tout en garantissant la liberté de conscience et la liberté de culte. La philosophie -- M. le Président -- du cas par cas me semble, dit-il, un refus d'effort de formulation de principes civiques communs, une approche où l'on part du fragmenté et où l'on prétend, espère trouver dans cette manière de voir et de faire quelque principe de cohésion sociale.

«Dans ce débat public sur la laïcité qu'il faut voir comme un apprentissage public continu[...], comme une pédagogie publique utile, je pense aussi qu'il faut que l'éthique soit distinguée du religieux.» Là, il parle du fameux cours. «Un humanisme laïque ne peut pas rayer la symbolique religieuse passée [...] et peut difficilement penser que cette forme de symbolisme social ne survivra pas autrement. Mais un humanisme laïque exige la liberté de pouvoir trouver son fondement, son sens hors du religieux, tout comme un humanisme religieux trouve le sien dans quelque transcendance.»

Il me semble qu'on ne peut pas mieux dire ce que l'on souhaite inclure dans cet amendement, à l'alinéa que nous proposons dans le projet de loi n° 94. Alors, je vais terminer là-dessus pour laisser à mes collègues le soin de prendre la parole. Mais, si je suis la logique, M. le Président, de la ministre, pourquoi avoir déconfessionnalisé nos écoles, pourquoi les avoir déconfessionnalisées? C'est formidable, chacun pouvait apporter sa religion à l'école. Pourquoi avoir fait ça? Je veux dire, pourquoi avoir déconfessionnalisé?

Bien, on l'a déconfessionnalisée parce qu'on voulait accueillir l'autre le mieux possible, parce qu'on voulait que chacun trouve sa place dans cette école déconfessionnalisée. Alors, je ne vois pas pourquoi la majorité franco... Vous me dites franco-catholique. Pourquoi a-t-elle accepté ce qui était quand même un geste extraordinairement significatif, extraordinairement structurant? Pourquoi la majorité franco-catholique... Puisque vous dites: Oui, il y a plein d'églises, oui, plein d'églises... Comme disait ma collègue d'Hochelaga, ça serait bien de sauver nos églises, surtout les plus patrimoniales, ce qui n'est pas toujours fait. Mais, si on l'a fait, si ça a été fait, si on a commencé à déconfessionnaliser en 1997 pour aboutir à une déconfessionnalisation totale en 2005-2007, eh bien c'est parce qu'on voulait vivre ensemble non pas selon l'affichage et l'expression de notre religion dans nos écoles, mais selon, justement, un espace préservé où le lien citoyen et le lien de cohésion sociale pourraient facilement s'exprimer. C'est pour ça, la déconfessionnalisation.

Et je prendrai mes trois dernières minutes, M. le Président, à 19 h 30, et je vais laisser la parole à mes collègues.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Bernard): Oui. Merci, Mme la députée de Rosemont. Mais je crois que Mme la ministre voudrait faire une intervention, s'il vous plaît.

Mme Weil: Oui. Je pense qu'il faut dire haut et fort que l'État québécois est laïque. La séparation entre l'État et les Églises est bien confirmée.

Une voix: C'est écrit où?

Mme Weil: C'est une réalité et c'est... ça découle en vertu de la charte. Il y a deux interventions que je voudrais faire. Donc, je vais citer ici Micheline Milot, qui dit que le débat sur la laïcité est mal engagé: «La laïcité, ça signifie que l'État ne doit pas définir ses lois en fonction d'une religion et qu'il doit protéger la liberté de conscience et l'égalité des citoyens, peu importe leur appartenance religieuse. Elle concerne donc le politique, et non les moeurs ou la façon de vivre en société. Ces droits sont déjà garantis par les lois ainsi que par les chartes québécoise et canadienne. Dans le débat sur le kirpan ou le voile, on confond les concepts. On utilise le mot "laïcité" pour parler d'un autre sujet: la visibilité des signes religieux dans l'espace public. Et, de façon plus générale, l'intégration des minorités religieuses dans une société qui se sécularise, c'est-à-dire une société où les citoyens eux-mêmes cessent de croire et de se conformer à des normes religieuses sans être rejetés.»

Sur un autre point, ce dont je parlais tantôt, c'était l'étude, la fameuse étude qui s'appelle... Bon, en anglais, c'est MIPEX, mais ils ont fait une traduction en français. C'est surtout sur la question de l'intégration. Ils font une analyse, et c'est la première fois qu'ils incluent l'éducation. Je reviens sur l'éducation parce que j'ai peut-être tendance à être très pragmatique dans ces questions-là. Moi, je regarde les données et je compare les niveaux d'éducation, les systèmes de santé pour voir est-ce qu'on réussit comme société parce que, finalement, c'est ça qui est important, quelles sont les réelles chances qu'on donne aux nouveaux arrivants, aux enfants pour qu'ils puissent s'épanouir. Et ce qu'ils disent ici, et je pense que la députée de Rosemont a tout à fait raison...

Premièrement, j'aimerais corriger quelque chose. On adore tous la France. En tout cas, moi, je pense que... Moi, j'ai grandi, honnêtement... J'espère que j'ai un peu de temps. J'ai passé des années, de l'âge de quatre ans jusqu'à l'âge de 18 ans... J'ai adoré l'éducation française et je suis une adhérente à 100 %. Et je pense qu'il n'y a personne qui ne comprend pas le débat en France, et on les regarde avec intérêt, enthousiasme. On sait que c'est compliqué et on sait qu'ils ont une situation très complexe qui ne se compare pas du tout à ce qu'on vit. Alors, je pense que...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, et je pense que les Américains regardent la France avec intérêt, tous les Européens regardent la France avec intérêt. Il n'y a personne qui critique la France. Moi, ce n'est pas du tout ce que je vois. On regarde leur débat, on fait des comparaisons et on dit: Bon, eux, ils gèrent ça selon leur vécu, leur histoire. Mais je pense que les gens admirent le courage des Français aussi de nommer les choses, de parler franchement et de faire face à une réalité qui est la leur. Et, moi, je serais la première à dire que... Honnêtement, mes enfants sont à Stanislas, ils vivent exactement la même éducation que, moi, j'ai eue. Donc, je voulais corriger ça parce que, moi, je suis quelqu'un qui, profondément, là... Je me sens presque en partie Française.

Sur cette question d'éducation, alors c'est qu'ils ont fait une étude, et ce qu'ils disent... Et c'est vrai qu'il y a certains pays d'Europe qui réussissent bien, surtout scandinaves, mais ils ciblent, dans les cas les plus favorables, l'Amérique du Nord, et c'est l'approche... Et c'est intéressant, ils disent: C'est une approche interculturelle, en fait, qu'on adopte. Alors, ce que je voulais dire, c'est que c'est dans nos approches. Peut-être qu'on n'est pas si différents. C'est sûr qu'il y a la loi, et puis, bon, ça peut avoir un impact. Je ne veux pas dire que ce n'est pas important. Je le sais que, nous, on a cette approche, et on parle d'interculturalisme, et c'est très important, mais peut-être que, dans les faits, par... En tout cas, dans les écoles, il semblerait qu'il y a cette approche d'interculturalisme pour aller chercher l'enfant qui est d'une source immigrante pour vraiment l'inclure dans la société.

En tout cas, je mets ça sur la table parce que je pense qu'il faut aussi, dans ce débat, être pragmatique et, moi, j'aime beaucoup comparer des données pour essayer de voir est-ce qu'on fait les choses convenablement, c'est quoi, les meilleures pratiques, finalement. On n'est pas nécessairement les meilleurs. On se croit, des fois, peut-être très, très bons et on l'est, mais peut-être qu'il y a des choses qu'on peut apprendre d'autres aussi. Et c'est ces études qui peuvent nous alimenter, et c'est ça, l'important.

Mais, moi, je suis ministre de l'Immigration, je ne suis pas ministre de l'Éducation, ou autre. Mais, en immigration, je compare beaucoup des données qui touchent l'immigration pour voir s'il y a des choses qu'on peut faire mieux et aussi parce que j'ai un grand intérêt à voir comment peut-on aller plus loin sur cette question d'interculturalisme. Je pense que c'est des débats qui se frottent et qui se touchent, ces questions de laïcité et d'interculturalisme. J'ai bien hâte de voir qu'est-ce qui va émaner du colloque à la fin du mois de mai ou dans quelques semaines parce que je pense aussi qu'en tant que société on en parle beaucoup, mais est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire, on doit faire pour aller plus loin aussi pour s'assurer que cette approche d'interculturalisme est bien comprise de tout le monde et que le gouvernement et tous les acteurs de la société puissent comprendre l'approche qu'on a puis la développer encore plus loin s'il le faut? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernard): Merci, Mme la ministre. Alors, chers collègues, là, puisqu'il reste moins de deux minutes, je suggère que nous suspendions nos travaux jusqu'à 19 h 30.

Une voix: ...

Le Président (M. Bernard): Jusqu'à 20 heures.

Alors donc, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Et j'informe les collègues que vous pouvez laisser, encore une fois, tout votre matériel ici, puisque les portes seront barrées. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

 

(Reprise à 19 h 35)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Alors, je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Collègues. Collègues, nous avons commencé. S'il vous plaît! Alors, lors de la suspension, à 18 heures, nous en étions à l'amendement déposé par Mme la députée de Rosemont. Et, Mme la députée de Rosemont, il vous restait deux minutes d'intervention, et on me dit qu'au moment de la suspension Mme la ministre avait la parole. Je ne sais pas si...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Vous aviez terminé votre intervention? Alors, est-ce que, Mme la députée de Rosemont, vous aviez une intervention à poursuivre?

Mme Beaudoin (Rosemont): Je la reprendrai un peu plus tard.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet d'amendement déposé Mme la députée de Rosemont?

M. Kotto: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Bourget.

**(19 h 40)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Pour aller dans la suite de la députée de Rosemont, de ma collègue, je dirais, je rappellerais que nous sommes, au Québec, dans un contexte où les revendications identitaires de toute nature font surface à l'occasion par des manifestations, des comportements, même quand il n'y a pas un discours structuré derrière ces revendications identitaires -- et là je fais référence à certaines communautés culturelles -- ce qui, de manière cyclique, génère des crises. Il y a toute une série de crises qui nous ont conduits à la tenue d'une commission, celle que nous évoquons très souvent dans cette commission -- j'ai nommé la commission Bouchard-Taylor -- où il était, évidemment, question d'étudier les pratiques d'accommodement, d'en identifier les tenants et les aboutissants, pour résumer le tout.

La commission s'est tenue, nous avons eu toute une série de témoignages. Le débat fut passionnel. Nous avons -- je parle de nous parce que je présume que l'ensemble des collègues ici présents ont suivi cette commission -- vu différentes personnes défiler devant les commissaires, exprimer ce désir, parfois avec un discours structuré, parfois avec des mots qui -- comment dire? -- à première vue, n'avaient pas véritablement de résonance cohérente, mais qui, tous, dénonçaient ce laxisme relatif à ce qu'ils considéraient, eux, comme des pratiques d'accommodement raisonnable qui n'étaient pas balisées et qui... pour qui, du moins pour une partie, une portion importante, considéraient que le Québec, pays, terre d'accueil, avait fait un trajet, disons, important relativement à la laïcité et que ces comportements venaient remettre en question. Et la sagesse des commissaires, pour ne noter que cet aspect-là, dans ces recommandations, nous incitait, nous invitait à fournir, à mettre sur pied un ensemble d'exercices qui nous conduiraient à la production d'un livre blanc sur la laïcité.

Ce livre blanc, il n'est pas là. Et je considère, pour ma part, que le travail qui a été abattu récemment par le Conseil du statut de la femme est un prélude à un tel exercice, mais, force est de constater que, malgré le temps, l'énergie investis dans ce travail consistant et rationnel, une documentation, un historique et une lecture fine de l'enjeu de la laïcité au Québec, surtout en lien avec le statut de la femme, en lien avec le questionnement sur l'égalité de l'homme et de la femme au Québec... Tout ceci était à prendre en considération, de notre point de vue, mais ça n'est pas du tout la position du gouvernement sur ce travail respectable, cela soit dit en passant.

Mme la Présidente, la laïcité versus les accommodements nous replace dans ce que plusieurs considèrent comme l'enjeu fondamental, la pratique des accommodements étant rejetée par la très grande majorité de notre population. Certes, il y a lieu de considérer que, dans le cadre des chartes qui nous tenaillent, quelque part il y a lieu, disons, d'avoir une approche respectueuse dans cette perspective, mais le choix du Québec, à l'évidence, en est un qui s'inscrit dans le vivre-ensemble, pas dans le vivre-séparé que nous suggère le multiculturalisme à la sauce canadienne. C'est ce choix, le choix du Québec, que nous réitérons ici avec l'amendement, qui se dit: «Un accommodement doit respecter le principe de la laïcité de l'État.» Parce que c'est là où nous logeons concrètement au Québec. Si un tel amendement était proposé dans le cadre d'une étude similaire en Ontario ou en Colombie-Britannique, je pense qu'il serait considéré comme anachronique parce que ce n'est pas un amendement en phase avec l'approche même du multiculturalisme, avec toute la logique dans laquelle s'inscrit la diversité au Canada. Au Québec, oui, c'est cohérent, c'est logique, et c'est la raison pour laquelle je l'appuie sans ambages.

Et le principe même de la laïcité renvoie à l'égalité, au principe d'égalité entre hommes et femmes. À cet effet, je vais rappeler ici une déclaration du premier ministre actuel, et je le cite: «La nation du Québec a des valeurs, des valeurs solides, dont: l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français, la séparation entre l'État et la religion. Ces valeurs sont fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun accommodement. Elles ne peuvent être subordonnées à aucun autre principe.» La référence: ministère du Conseil exécutif, déclaration du premier ministre, 8 février 2007.

Partant de là, j'anticipe, évidemment, le rejet de notre amendement...

La Présidente (Mme Vallée): ...pas présumer la mauvaise foi, M. le député de Bourget.

M. Kotto: J'anticipe parce que, jusqu'à date, je pense qu'on en a proposé un certain nombre qui vont dans le même sens, d'ailleurs, exactement dans le même sens.

Une voix: ...

M. Kotto: ...je ne ferai pas...

La Présidente (Mme Vallée): Êtes-vous en train de dire que l'amendement a déjà été présenté?

M. Kotto: Non, non, non, qui vont dans le même sens, dans la même idée, dans la même... comment dire, qui relèvent du même esprit.

Une voix: ...

**(19 h 50)**

M. Kotto: C'est ça. Et rejeter un tel amendement reviendrait, en fait, à contredire le premier ministre. Et on pourrait éventuellement évoquer le fait qu'on est hors contexte parce que nous plaidons pour l'introduction d'un amendement dans le cadre d'une loi. On pourrait évoquer la charte québécoise pour signifier que c'est déjà fait. Mais principe de cohérence, principe de concordance, quand il s'agit de défendre les droits des femmes -- et je le dis en toute objectivité -- je pense que, dans sa démarche, le premier ministre a toujours été sincère et je ne comprendrais pas, dans ce cas, la raison pour laquelle la ministre n'accepterait pas de valider l'amendement que nous proposons... en fait, que ma collègue de Rosemont propose ici ce soir.

Le principe de laïcité, donc, soulignant l'égalité entre hommes et femmes est inhérent même à la notion de service public. Ça, c'est universel, ce n'est pas propre au Québec. Qui dit laïcité dit neutralité de l'État. On l'a rappelé, le principe de neutralité doit idéalement être appliqué, comme je le disais, sans aucune hésitation quand vient le moment de défendre les droits des femmes. Elles en ont fait, des luttes, les femmes, elles en ont mené, des combats, et elles ne sont pas au bout de leurs efforts, elles ne sont pas au bout de leurs luttes. Et, pour preuve, à la lecture de l'avis que nous a déposé le Conseil du statut de la femme, force est de constater le silence un peu dérangeant du gouvernement, qui, depuis lors, depuis le dépôt, n'a pas réagi, n'a pas exprimé son point de vue, sa position relativement à cet avis, alors que l'avis rentre de plain-pied dans le sujet qui nous occupe ici ce soir. De là mes interrogations multiples. Qu'est-ce qui empêche la cohérence du gouvernement dans une telle démarche?

À l'aune de la déclaration du premier ministre en 2007, on peut, en toute évidence, considérer que l'amendement que nous proposons, qui est à l'effet de spécifier qu'un accommodement doit respecter le principe de laïcité de l'État, ce qui sous-entend qu'il doit respecter la séparation du religieux de l'État, qu'il doit respecter l'égalité hommes-femmes, ce qui est fondamentalement le coeur de notre discours relativement à la laïcité... Cette même laïcité garantit la paix sociale, elle est facteur de mitigation de conflits, elle est facteur d'atténuation de crises et elle permet également, à terme, le rapprochement.

La ministre évoquait tout à l'heure le constat fait à l'effet que des enfants de la deuxième génération s'intégraient facilement. J'en sais quelque chose, j'ai des enfants qui correspondent à ce profil. Mais, quand je discute avec ces enfants et avec leurs amis, les choses ne sont pas aussi simples. Il persiste néanmoins, sur la base des acquis reposant sur les préjugés d'une portion de la majorité, à la lumière de ces différences quelquefois exacerbées dans des comportements qui ont été dénoncés ci et là, des comportements en lien avec la pratique des accommodements. Il s'avère que ces enfants souffrent également de ces préjugés parce que c'est un tout, c'est eux et nous. Jusqu'à ce qu'il y ait une interaction soutenue, entretenue, constante, permanente -- et ça prend du temps parfois -- la relation à ces enfants est la même que celle qui s'inscrit dans la relation avec ceux de la première génération.

Donc, c'est du travail, ce n'est pas évident. Ce n'est pas parce qu'ils sont de la classe deuxième génération que tout devient automatique, qu'ils s'intègrent facilement parce qu'on les accepte facilement. Non, il y a le préjugé. Et le préjugé nourrit la xénophobie, le préjugé nourrit le racisme. C'est l'intelligence émotionnelle qui se dresse entre l'un et l'autre à ce moment-là, ce n'est pas toujours le rationnel. Et la ministre est quelqu'un de très rationnel, c'est pourquoi elle est pratico-pratique, oui. Je l'entends dans son discours, je l'entends dans ses lectures. Mais il faut dire que nous sommes dans un bassin latin, et les gens sont très émotionnels. Et l'émotion, parfois, donne des surprises. On en a vu hier lors de l'élection fédérale, qui est une illustration de ce que peut faire l'émotion, pas toujours la raison. Et le réalisme est en phase avec le rationnel, pas avec l'émotion.

Et, quand il y a des irruptions de crises comme celles qui ont précédé la commission Bouchard-Taylor, à l'évidence, à la base, il y a une posture émotionnelle qui n'est pas... comment dire, qui est acceptable, respectable, qui est justifiée, même, parfois. Elle n'est pas raisonnable. Il y a très peu de gens qui prennent cette distance rationnelle pour analyser les choses froidement, ils sont minoritaires. Mais la très grande majorité des gens opèrent avec l'intelligence émotionnelle, et c'est ce qui crée les crises, et c'est ce qui nous oblige, nous, législateurs, à procéder adéquatement, c'est-à-dire à intégrer dans un tel projet de loi des éléments qui pourraient suggérer l'apaisement ou amener l'apaisement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Il va rester 1 min 30 s à votre intervention. Est-ce qu'il y aurait une autre intervention? Allez-y.

M. Lemay: À la surprise générale...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Merci, Mme la Présidente. J'ai écouté avec beaucoup d'attention la ministre, tout à l'heure, qui, évidemment, nuançait les interventions de notre collègue de Bourget. Et, évidemment, la loi est de portée générale, et également il y a des situations dans la réalité qui sont très complexes, c'est vrai aussi. Et je ne crois pas que notre collègue voulait dire ça, mais c'est vrai aussi que ce n'est pas le fait uniquement de l'immigration, les différents problèmes qui sont vécus en ce qui concerne la laïcité et les accommodements raisonnables.

Mais au-delà, Mme la Présidente... C'est un peu ironique, là, qu'on discute de ce projet de loi là alors que, dans le fond, au-delà de ce qu'un pays, quel qu'il soit, pourrait adopter en termes de gestion de sa diversité, du pluralisme sur son territoire, soit comme la France, l'interdiction de la burqa, ou soit comme l'Allemagne, les länder allemands, ou quelque État en Europe qui tient à légiférer sur les relations entre le religieux, les signes ostentatoires sur la place publique ou venant d'employés de l'État, de fonctionnaires, bien je crois qu'il faut toujours se rappeler, Mme la Présidente, que tous ces débats-là, même s'ils ont une cause de la... de la mondialisation et de la diversité, il reste qu'on a tendance à oublier parfois le rôle qu'a joué une personne qui est décédée dernièrement, et c'est Oussama Ben Laden. Parce que, suite aux événements malheureux de septembre 2001, évidemment, depuis ce temps-là, à travers le monde, la communauté musulmane n'est peut-être pas toujours vue de la bonne façon, donc ils sont victimes un peu non pas nécessairement de catholiques, ou autres, là... Alors, le radicalisme islamiste fait en sorte aussi d'exiger des États du monde occidental de réfléchir à ces questions.

Et je crois... Peut-être qu'on est trop près de ce malheureux événement à New York, là, mais je crois que cet événement-là a eu des conséquences justement pour la gestion de cette diversité-là. Et tout le monde autour de cette table a pris l'avion, là, ces dernières années, là, donc je pense qu'on se comprend bien, hein? Et, à un moment donné, il y a ça aussi qui est dans la balance, là, ce qui est arrivé à New York en 2001, et, évidemment, en ayant ça en tête, ça ne doit pas nous faire penser qu'il y a encore... Il y a des gens de quelque religion que ce soit qui font des demandes d'accommodement, mais la perception de plusieurs États face au monde musulman a été beaucoup teintée par les événements de New York, je crois. Et tout radicalisme, ultimement, nuit à la cause, nuit à... pas à la cause, mais nuit aux valeurs qu'il porte, aux valeurs... même, dans certains cas, aux valeurs qu'il veut être imposées au peuple, et ça, je pense que... Encore une fois, l'avenir nous le dira. Ça va faire 10 ans ou à peu près. Il faudrait voir, dans une longue période de temps, les conséquences rattachées à ces événements éminemment malheureux.

Donc, ceci étant dit, Mme la Présidente, je vais reprendre l'intéressante analyse encore des Intellectuels pour la laïcité et je vais citer un autre paragraphe, ici, qui m'a intéressé fortement parce qu'on est encore dans une proposition qui... «Un accommodement doit respecter le principe de la laïcité de l'État.» Il est indiqué ici: «Pour les citoyens, la laïcité génère aussi un sentiment de réciprocité: chacun peut exprimer de façon privée et publique ses aspirations religieuses ou sa liberté de conscience, mais il demeure un espace civique neutre où les différences doivent s'estomper pour laisser place à la construction d'une identité citoyenne.» Ou j'appellerais ça une identité nationale. Et, encore une fois, vous voyez dans le même paragraphe, Mme la Présidente, fait état d'aspirations religieuses, de liberté de conscience, de différences, mais aussi, ultimement, ces différences-là doivent mener à une espèce d'unité de valeurs, et les uns n'empêchant pas les autres.

**(20 heures)**

Et c'est ce qui est intéressant avec ce concept. Moi, c'est un concept... Mme la Présidente, je ne sais pas pour vous, mais, moi, c'est un concept que j'apprends à découvrir depuis quelques mois, quelques années tout au plus, et ça me semble... Les réflexions qui entourent ce concept-là me semblent de plus en plus intéressantes. Et, moi, vraiment, j'insiste sur le fait de l'importance de l'espace public neutre, qui ne veut, en aucun cas, en aucun cas, dire une espèce de neutralité radicale, là, où tout le monde est pareil. Il me semble que ce n'est pas... Et, encore une fois, il me semble que... Bien sûr, la ministre nous l'a dit et nous le dira, je crois que c'est... Le terme «laïcité» n'est pas là, mais l'article 4 toujours, «ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière», moi, il me semble que, d'entrée de jeu, indiquer que la laïcité... Le concept de laïcité, qui est de plus en plus développé, il me semble qu'on aurait intérêt à l'indiquer dans ce projet de loi, Mme la Présidente, et d'autant plus que, si on regarde le paragraphe qui est en dessous... Et je cite: «Constitue un accommodement l'aménagement, dicté par le droit à l'égalité, d'une norme ou d'une pratique d'application générale fait en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique.»

Bon, on parlait de l'importance des termes et des définitions, mais des «effets préjudiciables», là, c'est assez large, merci, ça, Mme la Présidente. Des effets préjudiciables, des causes d'effets préjudiciables à cause d'une norme, une règle dans une entreprise ou ailleurs, c'est tout et rien à la fois, là, Mme la Présidente. Donc, d'encadrer ces deux termes qui ouvrent la porte... «Effets préjudiciables», probablement qu'il y a une jurisprudence très large, «effets préjudiciables». Les cours sont habituées de... probablement, j'imagine, là. Mais, en tout cas, ça ouvre la porte. «Effets préjudiciables», là, c'est... On est 15 autour de la table, on pourrait avoir chacun, ce soir, un effet préjudiciable à notre présence ici ce soir, et chacune de ces raisons serait aussi légitime que l'autre. Donc, en appliquant le principe de la laïcité de l'État, ça vient comme un peu refermer -- et c'est ce que nous essayons de faire aussi avec l'égalité hommes-femmes -- ça vient un peu refermer, disons, l'ouverture faite.

Et je cite encore: «...qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique.» On s'entend que les dossiers d'accommodement raisonnable qui ont -- employons cet euphémisme -- déclenché l'attention du public, Mme la Présidente... n'est pas venu d'accommodements raisonnables accordés à des femmes enceintes, à des personnes handicapées, à des gens blessés, c'est parce que des individus ayant une religion, quelle qu'elle soit, ont demandé un accommodement -- j'oserais presque dire une faveur -- à cause de leurs croyances. Je ne crois pas que de demander à une femme qui est gardienne de sécurité et qui, au fil des mois de sa grossesse, a un travail de moins en moins exigeant, où elle a moins à marcher, monter des escaliers... Je pense que personne ne va avoir rien à dire de ce côté-là. Donc, d'où l'importance de ramener la... de la laïcité de l'État.

Mais je reviens à la citation que je faisais tout à l'heure, Mme la Présidente, Les Intellectuels de la laïcité, où ils disent «où les différences doivent s'estomper». Ultimement, là, quand on partage des valeurs communes... Et je profite de l'occasion pour signifier... Et je ne pensais pas que ces choses-là reviendraient encore, pour être honnête avec vous, Mme la Présidente. Bien, on l'a vu en fin de semaine dans le cadre de la campagne à l'élection fédérale, c'était hier, la journée du vote, et je... C'était dans Le Devoir, de la journaliste Hélène Buzzetti, et le titre de l'article que j'ai entre les mains, c'est Laval-Les Îles: le Congrès hellénique appelle à ne pas voter pour la libérale... non grecque. Alors, malheureusement, Mme la Présidente, une communauté grecque, dans ce cas-ci, invite tous ses membres à ne pas voter libéral parce que le Parti libéral fédéral a choisi, pour une circonscription, quelqu'un qui n'est pas d'origine grecque. Est-ce que c'est un accommodement raisonnable demandé? Je ne sais pas comment... La ministre dit non, mais je pense... J'ai vu ça et j'étais déçu parce que je ne pensais plus que... Pour moi, ça, c'est la quintessence du multiculturalisme.

Une voix: ...

M. Lemay: Oui, oui, absolument, chacun dans son coin, pareil comme... Est-ce qu'on peut s'imaginer deux secondes que, dans une circonscription à très grande majorité francophone, ça soit un candidat francophone, québécois de souche, canadien-français? Je vais donner l'exemple de notre collègue ici. Et je lui ai demandé la permission avant d'exposer publiquement cet exemple parce que c'est un homme modeste et discret. Mais il reste que notre collègue, ici, de Bourget s'est présenté dans deux circonscriptions différentes, peuplées en grande majorité de -- à 90 % -- Canadiens français de souche, catholiques, blancs et... Bon. Alors, je trouve ça triste de voir des choses comme ça. Je suis heureux que ça arrive... En tout cas, à ma connaissance, là, je ne peux pas dire que ça arrive souvent. Mais là, qu'une organisation demande à un parti politique... Même, ce n'est même pas demander, là, c'est exiger d'un parti politique qu'il fasse des choix ethniques dans le cadre de ses candidats. Je trouve ça triste, Mme la Présidente, et là on est loin justement... Parce que je reviens... Évidemment, ce n'est pas... Mais, à un moment donné, peut-être que ça sera des pressions pour faire des choix, peut-être, de nature religieuse. Quand on est rendu là, on ne le sait plus, ce qui peut arriver, et là, Mme la Présidente, on s'éloigne... «Où les différences doivent s'estomper», là on s'éloigne de ça, et là on s'en vient...

Et je parlais de multiculturalisme tout à l'heure, on parlait de fragmentation de l'espace public, hein, la spécialisation. Alors, quand j'ai lu cet article-là... Et je cite ici un des porte-parole de la communauté, là, et je cite: «Il y a 30 000 Grecs dans cette circonscription, et ils nous prennent pour acquis», en parlant des libéraux fédéraux. Alors, je trouve ça éminemment triste qu'en 2011 qu'on ait encore des enjeux comme ceux-là, je pensais que c'était terminé. Il y a des gens en face de moi qui me disent non. En tout cas, je suis peut-être naïf un peu, mais j'ai trouvé ça un petit peu triste de voir ça, que l'appartenance ethnique, ni plus ni moins, devrait... alors qu'encore une fois on a un exemple ici.

Je vous en donnerai un autre. Lui, je ne lui ai pas demandé la permission, mais je suis sûr qu'il ne m'en voudra pas. Ma ville natale à moi, c'est Abitibi. Ulrick Chérubin, qui est maire de la ville... Je pense qu'il y a un Haïtien dans la ville, et il est maire de la ville. Et, lui, il n'a pas eu de cours... -- comment on appelle ça? -- culture religieuse, là, pour gérer le pluralisme et... C'est ma ville natale, Amos. Et M. le maire d'Amos n'a pas demandé d'accommodement, tout ça, il est arrivé à Amos, une ville à 99,9 % Blancs, catholiques, Canadiens français, en Abitibi, là, dans le Nord, il est arrivé, il s'est intégré, il a enseigné, il a participé aux activités de loisir, de sport, il a fait de la politique, et là il est maire de la ville. Ce n'est pas... Il a fait son petit bonhomme de chemin.

Alors, c'est... Notre collègue de Bourget, le maire d'Amos, il y a le maire aussi de Mont-Laurier, le maire de Mont-Laurier, il y a des exemples fantastiques, là. Et là on le voit dernièrement, moi, je trouve ça fantastique, Mme la Présidente, vraiment, ce qui se passe avec l'écrivain -- bon, je vais vouloir dire son nom, je suis fatigué ce soir -- qui a écrit Ru, là, Ru, qui a écrit Ru...

**(20 h 10)**

Une voix: Ah! Kim Thuy.

M. Lemay: Kim Thuy. C'est une histoire extraordinaire, quand même, elle a... Je lisais dans des articles dernièrement, elle a eu un succès foudroyant en Suède, imaginez-vous. Alors, c'est merveilleux. Donc, des exemples comme ça, il y en a des centaines. Et les gens n'ont fait qu'être eux-mêmes. Et, Mme Thuy, moi, j'ai lu son livre, ça m'a bouleversé. Avoir vécu les boat people, là, ça devait être épouvantable. Même pour des enfants, là, mais... Alors, on le voit, aujourd'hui, elle s'est intégrée, elle parle un excellent français, mais son livre est sur son expérience au Vietnam et son arrivée ici. Donc, c'est un merveilleux exemple d'une femme qui est venue joindre l'ensemble, mais en demeurant ce qu'elle était fondamentalement. Donc, c'est un autre bel exemple. Et, évidemment, des exemples comme ceux-là, on pourrait en donner des dizaines, des dizaines et des dizaines.

Mais, à ma connaissance, personne de ces gens-là n'a demandé un accommodement, quelque chose, ils sont venus participer à leur société. Puis, encore une fois, on est une société ouverte, on est une société... je n'aime pas le terme «tolérante», là, mais tolérante, qui vit très, très bien avec toute cette différence, tout ce pluralisme, et les noms que j'ai nommés en sont d'excellents exemples. Et je le dis encore, malgré la modestie de notre collègue de Bourget, mais qui est... c'est un exemple fabuleux. Moi-même, je suis venu d'Abitibi et, maintenant, je suis député dans le centre-ville de Montréal, alors je me suis aussi intégré, en quelque sorte, à...

Une voix: ...immigrant à Montréal.

M. Lemay: Je suis un immigrant à Montréal. Je suis devenu le pire des Montréalais. Alors, même si j'étais déçu -- je reviens à l'article, là -- même si j'étais déçu... Et il fallait voir la réponse aussi d'un militant libéral, là, quand il s'est rendu compte que cette lettre-là circulait. S'il avait fallu que... Je vais faire une petite parenthèse un peu méchante, là, mais, s'il avait fallu que ce soit un militant indépendantiste qui dise ces choses-là, là, je pense qu'on n'aurait pas fini de s'excuser, de se crucifier, de s'autoflageller, de se rouler dans...

Une voix: ...

M. Lemay: Oui, c'est ça. Alors, je ne peux même pas, Mme la Présidente... je ne pourrais même pas le citer, ce qu'il dit, parce qu'on ne peut pas...

La Présidente (Mme Vallée): Il va vous manquer de temps éventuellement aussi.

M. Lemay: Ah oui? C'est-u vrai? Déjà? Déjà?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste une minute.

M. Lemay: Non, mais c'est parce que je ne peux même pas le citer parce que vous allez me dire: Vous ne pouvez pas faire, en citant les mots interdits...

La Présidente (Mme Vallée): Vous lisez dans mes pensées.

M. Lemay: Hein, n'est-ce pas?

La Présidente (Mme Vallée): C'est ça.

Mme Weil: Non parlementaires.

M. Lemay: Oui, c'est ça, non parlementaires, mais en citant un autre article, et il y en a quelques-uns. Mais, bref, au moins, consolons-nous... En tout cas, à ma connaissance, à moins que je sois naïf, là, à ma connaissance, ce sont des choses qui, j'ose l'espérer, se passent de moins en moins, sont de plus en plus rares, Mme la Présidente. Et j'aimerais terminer... Je ne sais pas combien de minutes il me reste parce que...

La Présidente (Mme Vallée): 30 secondes.

M. Lemay: 30 secondes. Ah! il va falloir que je revienne encore parce que j'avais commencé tantôt, je voulais parler d'une communauté dans ma circonscription, une communauté extraordinaire, très dynamique, la communauté gaie, gaie et lesbienne de ma circonscription, en ce qui concerne, là, le principe de laïcité. En tout cas, je vais faire des... Plus tard, là, si j'ai l'occasion, je vais faire quelques liens qui... Parce que la communauté gaie et homosexuelle s'est aussi battue pour la reconnaissance de ses droits. C'est un peu comme le combat... plus tard dans le temps, mais c'est un peu comme la lutte qu'ont menée les femmes aussi...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, désolée...

M. Lemay: ...pour la reconnaissance de droits et...

La Présidente (Mme Vallée): Désolée...

M. Lemay: Bon, alors, je pourrai revenir, je pourrai revenir un petit peu plus tard. Eh que ça passe vite, hein?

La Présidente (Mme Vallée): Quand on a du plaisir...

Une voix: ...prochain bloc.

M. Lemay: Oui, c'est-u vrai?

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve... Est-ce que je me trompe? Ah! M. le député de Bourget, il vous reste 1 min 30 s.

M. Kotto: 1 min 30 s. Merci, Mme la Présidente. La laïcité est un rempart, je le disais tout à l'heure, un rempart contre toutes les formes d'intégrisme, toutes les formes de fondamentalisme, et c'est une garantie pour cet objectif d'égalité entre les femmes et les hommes. Notre démocratie ne sera pas digne de ce nom tant et aussi longtemps que les hommes et les femmes ne pourront pas vivre et travailler sur le même pied d'égalité en partageant les mêmes droits.

Et je rappelle, pour qu'on s'en souvienne longtemps, la citation du premier ministre qui disait: «La nation du Québec a des valeurs, des valeurs solides dont [...] l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français, la séparation entre l'État et la religion. Ces valeurs [...] sont fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun accommodement. Elles ne peuvent être subordonnées à aucun autre principe.» Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Alors, Mme la députée de Rosemont, pour deux minutes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Deux minutes?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien. Alors, je voudrais simplement citer, en appui à notre amendement, citer Guy Rocher, le 5 mars 2011 -- donc, c'est très récent -- dans Le Devoir, qui dit: «"Bien que les tribunaux aient statué qu'il n'y avait pas de religion d'État au Québec et au Canada, nos législations souffrent d'un déficit en cette matière, puisque la laïcité de l'État n'est nulle part affirmée", écrivent les 3 000 signataires [d'ailleurs] dans leur déclaration écrite», ce qui était le fameux manifeste auquel on a fait beaucoup référence. «Le principe de la séparation des religions et de l'État a été érigé à la pièce par les tribunaux, et rien n'empêcherait que ce principe soit un jour déconstruit à la faveur de revendications contraires ou de nouvelles interprétations juridiques. La protection législative de la laïcité est donc essentielle.» Alors, c'est notre opinion. Et Guy Rocher dit, à la fin de l'entrevue, donc, dans Le Devoir du 5 mars dernier: «Je pense qu'il va venir un moment où l'État québécois ne pourra plus ne pas légiférer.» Alors, disons que nous pensons que ce moment est arrivé et nous le souhaitons.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci. Alors, pour argumenter sur l'amendement qui a été présenté sur le fait qu'un accommodement doit respecter le principe de la laïcité de l'État, il y a un mémoire qui avait été déposé à la commission, et on devait entendre cette personne, mais elle n'a pu venir à la commission, malheureusement, à cause des problèmes d'horaire. Ce n'est pas la faute de la commission, ce n'est pas la faute de personne, c'est un problème d'horaire. Et c'est le mémoire de M. Michel Lincourt, qui est un citoyen d'Hochelaga-Maisonneuve et qui... Lorsque je relisais les mémoires, j'ai décidé de vous en faire la lecture, puisqu'on n'a pas eu la chance de l'entendre, M. Lincourt. Je vais vous en lire des bouts. Et M. Lincourt est Ph. D., qui a beaucoup, beaucoup réfléchi, entre autres, sur vraiment la philosophie des Lumières, et, vous allez voir, c'est très inspiré de toute cette réflexion.

Alors, M. Lincourt nous dit: «Le fond du problème des accommodements à motif religieux est l'absence de définition législative de la laïcité. Aussi longtemps que l'on ne reconnaît pas la laïcité en tant que valeur fondamentale, aussi longtemps qu'on ne proclame pas une réelle neutralité de l'État, le malaise social perdurera, s'amplifiera, bientôt deviendra hors contrôle. Le projet de loi n° 94 n'aborde pas cette question de fond. Pendant qu'il règle le problème de la burqa et du niqab au sein de l'Administration gouvernementale, il en fait surgir 100 autres: des signes religieux ostensibles ou ostentatoires dans la sphère publique, des masques qui circulent sur la rue et parfois manifestent de façon violente, des fondamentalistes qui dénaturent les chartes des droits au profit de leurs croyances et au détriment de la majorité, des groupes qui piègent les élus et célèbrent un service religieux dans l'édifice de l'Assemblée nationale, du proxénétisme religieux dans les collèges, des cours d'éthique qui ne sont rien d'autre qu'un endoctrinement religieux...»

**(20 h 20)**

Une voix: ...

Mme Poirier: Est-ce que j'ai...

Une voix: ...

Mme Poirier: J'ai dit quoi, là?

Une voix: ...

Mme Poirier: Excusez-moi, proxénétisme.

Une voix: Non, c'est du prosélytisme.

Mme Poirier: Proxély... Proxénétisme.

Une voix: Prosélytisme.

Mme Poirier: En tout cas, vous avez tous compris, là. Je lis exactement ce qui est écrit là, là: «...des cours d'éthique qui ne sont rien d'autre qu'un endoctrinement religieux, des garderies qui imposent une religion aux enfants, des écoles religieuses délictueuses, le retour de la censure en matière d'arts visuels, des privilèges accordés de façon arbitraire, des ententes secrètes conclues en petits comités qui influencent de façon indue l'ensemble de la société[...].

«Bien qu'il soit urgent de proclamer la neutralité de l'État, la définition de neutralité que propose le projet de loi n° 94 est incomplète.»

«L'une des failles de l'actuel projet de loi concerne l'introduction de l'arbitraire dans la [...] chose publique. La plus remarquable différence entre la pratique démocratique et la pratique religieuse se situe sur le plan de la raison. La pratique religieuse s'appuie sur des dogmes de foi, c'est-à-dire sur des préceptes qui échappent à tout entendement fondé sur la raison. Au contraire, la démocratie se veut rationnelle. En démocratie, on discute librement des lois. Au sein des religions, on se soumet aux dogmes. En démocratie, c'est l'assemblée dûment constituée des élus de la nation qui vote et qui promulgue des lois; c'est le gouvernement qui en assure la bonne exécution...»

Une voix: C'est écrit «proxénétisme».

Mme Poirier: Bien oui. C'est pour ça que j'ai dit que j'ai lu ce que j'ai... C'est exactement ce que j'ai dit. «Le débat doctrinal libre de...» Alors, je repars ma petite phrase, là, c'est la ministre qui me perturbe: «C'est le gouvernement qui en assure la bonne exécution; et ce sont les tribunaux qui sanctionnent les abus. Au sein des religions, le débat doctrinal libre de contraintes n'existe pas parce que le dogme vient d'en haut. Au sein des religions, la décision de promulguer tel dogme plutôt que tel autre est parfaitement arbitraire. Par exemple, il n'y a aucune rationalité qui explique le dogme de l'Immaculée Conception ou celui de l'infaillibilité du pape. Il n'y a aucune rationalité qui explique le port du voile, ou celui de la kippa, ou le choix du vendredi pour les musulmans, du samedi pour les Juifs et du dimanche pour les chrétiens. Pourquoi les adeptes de ces trois religions ne pourraient-ils pas prier le même jour? Il n'existe aucune réponse rationnelle à cette question comme à toutes les autres concernant les dogmes religieux. Ce que le projet de loi n° 94 fait, c'est d'introduire dans le domaine rationnel de l'État un ensemble de pratiques arbitraires qui seront toujours contestées justement parce qu'elles échapperont à toute explication rationnelle. Loin d'assurer la paix sociale, cette façon de faire attisera la discorde.

«Le projet de loi donne un statut juridique au concept d'accommodement. Selon moi, cette institutionnalisation de l'exception sape le fondement même de la démocratie. En effet, la démocratie consiste à édicter des règles communes pour assurer une cohésion sociale et un épanouissement à la fois collectif et individuel des citoyens. Si l'on décrète a priori que chaque règle sera grevée d'exceptions octroyées de façon arbitraire par des petits comités, à la demande de tous et chacun, on sabote l'esprit même de la règle démocratique et on engendre sinon le chaos, du moins un malaise permanent et démobilisateur. Ou une réaction extrémiste. Cet aspect du projet de loi est à rejeter.»

«En n'abordant pas le problème de la laïcité et en remettant aux petits comités la responsabilité de décider des accommodements au cas par cas, les parlementaires se déchargent de leurs responsabilités au profit de bureaucrates, de tribunaux et de commissions qui délibèrent à huis clos. La conséquence de cette incurie est grave. En effet, les Québécoises et les Québécois voient se construire un projet de vie commune qu'ils ne souhaitent pas, assistent à l'érosion de leurs acquis sociaux et politiques et constatent avec consternation le retour en force du pouvoir religieux dans la sphère [publique]. Et qui dit pouvoir religieux dit interdits multiples, censure, aliénation des femmes, persécution des homosexuels, endoctrinement des enfants et retour du règne de l'arbitraire.»

«À mon sens, le projet de loi n° 94 cache un agenda caché -- je lis le mémoire. Pendant qu'il promulgue l'obligation de faire affaire avec le gouvernement à visage découvert, il passe sous silence tous les autres problèmes soulevés par les accommodements à motif religieux, il justifie l'enfermement communautariste et encourage toutes les autres dérives. Il ne s'agit pas d'un procès d'intention de ma part, mais plutôt d'une réaction aux intentions avouées de la ministre de la Justice -- à l'époque. En effet, présentant le projet de loi n° 94, elle a affirmé que son texte s'appuyait sur le concept de la laïcité dite "ouverte", lequel, selon moi, est une idée insensée et dangereuse. Réfléchissons un peu: Qui dit laïcité ouverte pose immédiatement la question: Ouverte à quoi? Et la réponse, toujours, est celle-ci: Ouverte à toutes les pratiques religieuses ou communautaristes. Cela signifie qu'on obtient une laïcité religieuse, ce qui est non seulement une contradiction, mais aussi une consternante absurdité qu'une société démocratique doit refuser.»

Et M. Lincourt proposait un projet de loi, et il termine en disant: «Depuis quelques dizaines d'années, on assiste à une succession de requêtes faites par des groupes religieux pour obtenir un accommodement qui les satisfasse. Si la société civile refuse, les religieux font appel aux tribunaux. Si elle acquiesce trop facilement, comme [c'est] le cas des vitres givrées [au] YMCA, elle se couvre de ridicule et doit faire marche arrière. Si elle refuse, elle doit se défendre contre des accusations de racisme, de xénophobie, d'antisémitisme ou d'islamophobie. Quoi qu'il en soit, c'est toujours la société civile qui porte l'odieux du discours.

«Mais les religions, elles, font-elles leur bout de chemin dans la recherche de vie harmonieuse en société?» Vous allez aimer ce bout-là, Mme la ministre. «Prenons par exemple l'égalité des sexes. Les chartes promulguent l'égalité des femmes et des hommes, mais les religions proclament la supériorité de l'homme sur la femme. En retour des accommodements qu'elle leur concède, la société civile pourrait-elle demander une modification de leur doctrine pour se conformer à la valeur citoyenne de l'égalité des sexes? À mon sens, une telle tentative d'accommodement mutuel relève de l'utopie. Le malaise social provient de ce déséquilibre. Toujours, c'est la société civile qui plie, jamais les religions.

«La tolérance est un chemin sur lequel on circule dans les deux sens.»

«N'est-il pas abusif de mettre en opposition la laïcité et le libre exercice des droits? En fait, la laïcité et le libre exercice des droits sont solidaires, nécessaires l'un à l'autre. Même plus, la laïcité est la condition sine qua non de [l'exercice] du libre exercice des droits. Supprimez la laïcité, vous obtenez une théocratie. Et du coup les droits disparaissent. Pourquoi? Parce que la théocratie ne se préoccupe pas de justice ou de liberté de conscience, mais de la seule conformité à ses dogmes. Pour preuve, observez les pays où la laïcité n'existe pas. Que voyez-vous? Une société de censure, de persécution et d'enfermement.»

«Que l'on réfléchisse à ceci. Si la démocratie existe, si l'Assemblée nationale peut se réunir et délibérer sans contrainte, si nous vivons dans une société de droit, si l'idée du bonheur sur terre peut être contemplée, ce n'est pas à cause des religions, c'est à cause des philosophes des Lumières.

«Une loi fondamentale sur la laïcité ravivera la lumière de la civilisation.» C'était le mémoire de M. Lincourt.

J'aimerais qu'on revienne aussi sur ce que le Collectif du citoyen pour l'égalité et la laïcité nous donnait comme introduction dans son mémoire, le fait que «le caractère laïque de l'État québécois est l'aboutissement d'une histoire collective qui n'a cessé d'évoluer depuis les années Duplessis. Toutefois, nous constatons que le Québec n'a toujours pas de texte constitutionnel garantissant sa laïcité et attestant de la séparation de l'Église et de l'État.»

Je pense qu'en venant introduire cet amendement que l'on propose on vient répondre en partie à cela, on vient répondre au fait d'introduire la laïcité de l'État, et non pas seulement que la nommer. Parce que, oui, l'article 4 nomme la neutralité de l'État, mais ne nomme pas la laïcité de l'État. Et, malheureusement, le fait de ne pas l'introduire comme un principe, ça fait en sorte que l'ajout fait à l'article 4 est tout à fait incomplet. Alors, dans cette démarche-là, Mme la Présidente, j'aimerais apporter un sous-amendement...

La Présidente (Mme Vallée): Un sous-amendement à l'amendement, oui.

Mme Poirier: ...alors, qui se lirait comme suit: L'amendement à l'article 1 est modifié par l'ajout, après «accommodement», de «pour motif religieux». Donc, il se lirait: «Un accommodement pour motif religieux doit respecter le principe de la laïcité de l'État.»

La Présidente (Mme Vallée): On va suspendre, le temps que l'on puisse distribuer la copie de l'amendement.

(Suspension de la séance à 20 h 30)

 

(Reprise à 20 h 32)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je suis prête à reprendre puis à vous entendre, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Simplement, par contre, juste une petite mise en garde, le sous-amendement est très près de certains amendements que nous avons étudiés dans les séances précédentes. Mais, compte tenu que, dans la phrase, il y a le principe de la laïcité de l'État, qui n'était pas là, je suis prête à vous entendre. Mais je voudrais juste qu'on fasse attention. Je comprends l'exercice auquel on se livre, mais je vous inviterais à faire preuve de créativité. Alors...

Une voix: ...

Mme Poirier: Je vous remercie, M. le député de Vimont, nous apprécions...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

Mme Poirier: Alors, bien, Mme la Présidente, vous avez tout à fait raison d'apprécier ce sous-amendement, puisqu'effectivement nous avions introduit «motif religieux» précédemment, mais c'était pour «accordé en faveur des membres du personnel». Et, après ça, pour...

La Présidente (Mme Vallée): ...aussi introduit pour le...

Mme Poirier: En faveur de...

La Présidente (Mme Vallée): ...le citoyen. Alors là...

Mme Poirier: Exactement.

La Présidente (Mme Vallée): Et là on le fait globalement.

Mme Poirier: Tandis que, là, on est de façon beaucoup plus globale, avec une perspective beaucoup plus large.

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Alors, c'est là que je vous invite à être créative, là, parce qu'on commence à se rapprocher de la chose jugée si on met tout ça ensemble.

Mme Poirier: Bien non, justement, on n'est pas près de la chose jugée.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous laisse me convaincre.

Mme Poirier: Je vais tenter de vous convaincre, dans un premier temps. Parce qu'effectivement, lorsqu'on a introduit, malheureusement, l'amendement qui a été rejeté par la partie gouvernementale, eh bien c'étaient les motifs religieux pour lesquels il y avait vraiment une spécificité pour le personnel, tandis qu'effectivement ici... Et vous avez tout à fait raison de le dire qu'on est de façon beaucoup plus globale parce que, là, on vient dire que les accommodements pour motif religieux... Et, dans le contexte... Parce qu'on vient préciser que l'accommodement pour motif religieux... mais dans le contexte d'un principe de la laïcité de l'État. Alors, Mme la Présidente, j'aurai l'occasion de revenir pour vous préciser l'enjeu de ce sous-amendement, mais ma collègue de Rosemont va débuter l'introduction de l'amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, un accommodement pour motif religieux parce qu'on a dit souvent ici -- et c'est très vrai -- que ce sont ces types d'accommodement qui sont problématiques, qui sont questionnés dans la société québécoise, que les Québécois, dans le fond, se posent des questions en ce qui concerne les accommodements pour motif religieux, et non pas pour les autres types d'accommodement. C'est pour ça que c'est important, je pense, de le préciser de façon globale et générale, comme on le fait dans ce sous-amendement.

Mme la Présidente, pour vous donner quelques exemples... Et là la ministre, cet après-midi, a réhabilité l'exemple français, alors je peux me permettre de revenir à ce qui se dit ou se passe en France parce que c'est assez éclairant. Il y avait un article dans Le Monde, le journal Le Monde. Je le lis en fin de semaine, je ne le lis pas tous les jours parce que je ne ferais que ça. C'est long, le lire d'une page à l'autre, Le Monde, ce que je fais quand je suis en France. Mais, quand je suis ici, je lis Le Devoir, La Presse, la Gazette, alors je n'ai pas le temps de lire Le Monde. Mais, en fin de semaine, je vais à la librairie à côté de chez moi, librairie indépendante, et j'achète les journaux et les revues françaises, et il y avait un article de Caroline Fourest, dont le député de Bourget a parlé éloquemment ce matin parce qu'elle est venue à Québec donner... au Québec, en fait à Montréal, dans le cadre, tu sais, de Metropolis bleu, là, ce fameux et extraordinaire, d'ailleurs, festival de littérature. Et elle est venue, dans ce cadre-là, donner une entrevue à Michel Désautels, de Radio-Canada, mais elle a une chronique dans Le Monde, que je lis toujours avec beaucoup d'intérêt. Elle a écrit plusieurs livres. Les derniers, c'est La tentation obscurantiste et La dernière utopie, un en 2005, l'autre en 2009.

Je l'ai rencontrée parce qu'elle vient régulièrement, en fait, au Québec, elle s'intéresse beaucoup, beaucoup à ces questions de laïcité et elle trouve que le Québec est intéressant, à cet égard, à suivre, non pas comme exemple pour l'instant, mais en termes de débat de société, qu'en effet on parle intelligemment, de part et d'autre, de cette question des accommodements raisonnables pour motif religieux et du type de laïcité, dans le fond. Elle a pris, elle, parti pour le type de laïcité que nous souhaitons et que nous portons, mais elle entend tout ce qui se dit, tout ce qui se passe et elle commente régulièrement dans Le Monde non pas particulièrement sur le Québec, mais sur l'ensemble de cette question-là. Et je vous l'ai dit ce matin, moi, je pense qu'il n'y a pas de frontières là-dessus, que ce soit l'Europe, ou le Québec, ou l'Amérique, que, finalement, les mêmes enjeux surgissent. Les solutions peuvent être différentes, mais on est exposés, comme sociétés, finalement, qui gérons, en effet, la diversité et le pluralisme, aux mêmes débats et aux mêmes enjeux.

Alors, elle raconte -- c'est une histoire très récente qui s'est passée en France parce que, ça, c'est samedi 16 avril -- elle raconte, donc, qu'il y a quelques étudiants juifs ultraorthodoxes, comme il s'en trouve chez nous, et que, cette année, ce que je ne savais pas, la fête de pâque juive tombait en même temps que les concours des grandes écoles en France. Alors, bon, vous connaissez ça aussi bien que moi, Ponts et chaussées, Centrale, Télécom, les écoles de commerce, etc. Et, en France, là, ça compte, hein, les grandes écoles. Réussir le concours d'entrée dans les grandes écoles, c'est important pour certains étudiants. Or, ça tombait, donc, la pâque juive, en même temps que les concours d'entrée, et là s'est posée une question qui pourrait se poser ici n'importe quand, et c'était: Il est interdit de travailler ce jour-là, selon les plus pratiquants. Et la question était: Au lieu d'obtenir une dérogation de leur rabbin pour pouvoir faire une exception et, donc, passer le concours, ils ont plutôt demandé que l'ensemble des concours de ces grandes écoles soient reportés, compte tenu du fait qu'ils ne pouvaient pas passer les examens ce jour-là. Alors, c'était pour une dizaine de candidats, donc s'adapter, sur les 13 000, parce qu'il y avait 13 000 candidats qui se présentaient dans ce concours-là.

**(20 h 40)**

Alors, elle dit: Au prix d'aménagements ubuesques, ces derniers, donc, auraient passé, à ce moment-là, leurs examens, puisqu'ils ne pouvaient pas remettre... Les grandes écoles ont dit: On ne peut pas les remettre, ces dates de concours, c'est impossible. Contrainte excessive, j'imagine. Alors: «Ces derniers -- donc -- auraient passé leurs examens la veille, lors de séances nocturnes. On aurait dû les confiner dans un hôtel pour qu'ils ne fassent pas fuiter les sujets. Sous la surveillance du grand rabbinat -- des professeurs n'allaient pas, en plus, être réquisitionnés. Ce qui fait de ces rabbins [en quelque sorte, des] accompagnants scolaires. Juste au moment où l'on empêche des mères d'élèves voilées de pouvoir l'être...» Alors, il y avait comme un grand problème. «Le grand rabbinat -- à ce moment-là -- devient même un auxiliaire, placé dans le secret des dieux de l'Éducation nationale, puisqu'il est chargé de prévenir les élèves concernés tout en évitant la publicité.»

C'est l'un des accommodements -- le terme est employé -- donc, qui a été demandé et qui a été finalement refusé parce que, là, l'Éducation nationale et puis, enfin, tout le monde a dit: Non, là, il faut faire l'inverse, il faut que vous demandiez, vous, étudiants ultraorthodoxes de la communauté juive, que vous demandiez au grand rabbinat une exception pour pouvoir travailler ce jour-là, et non pas, la veille, vous retrouver dans un hôtel, y passer la nuit, le jour, bon, parce que ces examens-là, par principe, doivent tous être pris ensemble. En fait, on ne peut pas avoir des examens un jour, pour quelques-uns, puis le lendemain, etc. Alors, c'est ce type d'accommodement qui est souvent en cause.

Donc, dans un État laïque, la France, elle, l'a inscrite, cette laïcité, dans la Constitution française. En fait, la France est une république indivisible et laïque.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais oui.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Alors donc, c'est assez intéressant parce que, finalement, bien là on a dit non, on a dit non, mais parce qu'on a les instruments pour dire non. Parce que la France s'est déclarée république laïque, alors on a pu dire: Mais, non, la France étant une république laïque, c'est aux ultrareligieux à s'adapter au calendrier scolaire de la république, et non pas l'inverse. Et c'est souvent ça qui est en cause.

Alors: «Dans [les] cas de cours obligatoires et non optionnels, ou d'examens exceptionnels, c'est aux autorités religieuses de s'adapter en permettant des dérogations. Et non à la société de s'adapter à eux. Non pas par volonté -- c'est intéressant -- d'imposer une laïcité stricte, mais parce qu'il n'est pas possible de céder à toutes les demandes sans désorganiser la vie en commun.» Bon. Alors: «Entre le ramadan, [la pâque juive] et, pourquoi pas, [le] carême ou des fêtes hindoues, plus aucun examen ne pourrait avoir lieu.»

C'est ça qu'écrit Caroline Fourest. C'est parce que, si on se prêtait à ce type d'accommodement là, eh bien, oui, il y a des ultracathos qui diraient: Bien, moi, c'est le carême, là, puis, pendant le carême, je ne peux pas. Même chose pour le ramadan et les fêtes hindoues, etc. Alors, c'est extrêmement important de dire: Plus aucun examen n'aurait lieu.

Et il y a aussi toute la question qui se pose quand on est dans un État laïque, les accommodements concernant, je dirais, le calendrier, le calendrier en général. Parce que, souvent, on m'a posé cette question-là, particulièrement dans les médias anglophones, en disant: Oui, mais avez-vous remarqué que le calendrier québécois, comme partout, d'ailleurs, en Europe et puis en Amérique, le calendrier, donc, est basé sur des fêtes catholiques puis qu'il est pénalisant pour des citoyens pratiquant une autre religion? On m'a souvent posé cette question-là: Comment pouvez-vous justifier que l'on fête le 25 décembre, qui est une fête catholique, et non pas, etc., une autre date? Eh bien, je pense qu'il y a une réponse ici qui pourrait être intéressante à donner à ceux qui s'inquiètent quant au... de cette question-là: Quand on est dans un État laïque, eh bien on adopte, en effet, un calendrier qui célèbre des événements, quitte à les faire recouper des grandes fêtes religieuses qui sont inscrites dans la culture commune, dans la culture commune. C'est comme ça. On ne peut pas reprendre tout le calendrier des fêtes religieuses, on sait bien qu'elles sont, en général, déconnectées de leur dimension religieuse ou de leur signification religieuse. Ceux qui, le 25 décembre, veulent fêter Noël, le petit Jésus, et tout, peuvent le faire, mais, en général, dans la société, on fête Noël parce qu'il y a comme une entente dans la société que le 25 décembre, c'est congé, puis c'est congé pour tout le monde.

Parce que vous savez très bien que la présidente de la commission scolaire de Montréal, Mme De Courcy, était venue nous dire que c'était un enjeu de plus en plus complexe à gérer à la commission scolaire de Montréal parce qu'évidemment tout le monde prend les fêtes communes, mais chacun voulait y ajouter sa fête religieuse particulière et que, là, ça devenait ingérable, impossible non seulement parce que, dans les écoles, il y a des conventions collectives puis qu'on ne peut pas ajouter des congés, payés par-dessus le marché, à ceux qui existent déjà...

Et là je donne ces exemples-là parce que je crois que, si on disait, bon, bien, qu'un accommodement pour motif religieux doit être accordé dans la perspective de la laïcité de l'État, qu'on vient de régler... on n'est plus au cas par cas, ça devient une évidence et c'est naturel que de dire: Bien, il y a tant de congés, et puis vous pouvez avoir une banque de congés qui vous est personnelle. En fait, chacun a des vacances pendant l'année, que l'on travaille à la commission scolaire, dans une école ou ailleurs, et donc on peut s'en servir pour ça. Et la même chose, donc, pour cet exemple concernant les examens qui pourraient... Ça pourrait arriver à l'Université McGill, à Concordia ou à l'Université de Montréal, etc.

Et je crois qu'affirmer qu'on ne peut accorder, donc, un accommodement pour motif religieux sans prendre en compte la dimension laïque de l'État, on vient d'avoir là, je veux dire, un principe qui, ensuite, se décline de toutes les façons, et qu'on peut régler ces questions-là plus facilement que de revenir à chaque fois au cas par cas, se reposer la question, se demander, bon, si on va l'accorder ou non, etc., alors que, si on affirme d'emblée la laïcité de l'État, eh bien on vient, je crois sincèrement, de clarifier tout le système en fonction de ce principe qu'un accommodement pour motif religieux ne doit pas contrevenir à la laïcité de l'État -- et c'est tellement évident dans les exemples qui sont là que ça coule de source -- plutôt que d'être constamment obligé de revenir, donc, au cas par cas. Alors, ça, je crois que c'était un bel exemple.

Et, toujours à propos de la France, puisque, cette fois-là, je lisais... je pense que c'est Le Point, c'était très intéressant parce qu'il y a un haut conseil de l'Intégration en France. C'est un monsieur qui s'appelle Patrick Gaubert qui en est le président, mais je lisais -- c'était le 13 avril -- qu'il proposait, avec Blandine Kriegel... Blandine Kriegel est bien connue, c'est une philosophe en France. Sa mère, Annie Kriegel, était une grande résistante, elle a été communiste, bon, au début de la guerre, grande résistante, etc.. Après ça, le communisme, elle a compris. Mais sa fille, Blandine Kriegel, est très présente sur la scène, donc, intellectuelle en France, et, donc, il a proposé une charte de la laïcité dans les services publics.

**(20 h 50)**

C'est formidable. Je me suis dit: Ça y est, on fait des adeptes, on devient exemplaires. Le débat québécois entre la France et le Québec, donc, il y a toujours ces allers-retours intellectuels, ces idées qui circulent. Ici, c'est bien, d'ailleurs, Mme la Présidente, non seulement il y a des idées qui circulent, mais il y a même des livres qui circulent. Alors on se donne, entre nous, de bons... des sujets ou, en fait, des titres de livres qui sont intéressants. Mais là ça m'a beaucoup frappée, et il ajoute, M. Gaubert: J'ai cru comprendre, après la convention de l'UMP -- toute récente -- sur la laïcité, que le gouvernement va retenir cette idée de charte de la laïcité dans les services publics.

Alors, si on faisait ça ensemble, ça serait un bel exemple de collaboration franco-québécoise. Alors, je souhaiterais peut-être qu'avec mon collègue le député de Vimont, quand on va rencontrer nos collègues français... On en a déjà discuté, d'ailleurs, à la dernière rencontre, mais là il y a eu depuis une convention, donc, qui s'appelle un congrès, disons, de l'UMP, le parti du président Sarkozy, sur la laïcité le 5 avril dernier. Ils ont organisé, donc, à l'intérieur de leur parti ce débat-là, et il a été retenu dans les décisions, donc, suivant ce congrès de l'UMP, du parti du président Sarkozy, qu'il y aurait, donc, une charte de la laïcité dans les services publics et que ce serait discuté dans... Et ça va peut-être être un enjeu de la présidentielle en France, on ne sait jamais, comme ça le sera ici lors des prochaines élections. Alors, le député de Vimont, qui va peut-être présider à l'automne, aux dernières nouvelles, une rencontre franco-québécoise de parlementaires...

M. Auclair: ...avec vous, chère collègue.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, ensemble. Et, donc, on est...

M. Auclair: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. On est, tous les deux, vice-présidents de cette association de parlementaires France-Québec. Eh bien, moi, je vais certainement, en tout cas, aller aux nouvelles d'ici là, mais je pense qu'il peut y avoir une collaboration, donc, entre la France et le Québec sur une question comme celle-là.

Alors, Mme la Présidente, je crois que notre sous-amendement est donc fort pertinent, comme j'ai essayé de vous le démontrer avec un certain nombre d'exemples. Et puis je reviendrai peut-être, vous me direz combien il me reste de temps.

La Présidente (Mme Vallée): 2 min 30 s.

Mme Beaudoin (Rosemont): 2 min 30 s. Bien, je pense que je vais les prendre plutôt que de revenir. Et je vais vous recommander, donc, aussi un dernier article qui est paru dans Le Devoir, et c'était pas plus tard qu'hier. Parce que, quand on discute de toutes ces questions de laïcité, d'égalité entre les femmes et les hommes, je pense beaucoup à des femmes qui, dans le monde, se battent pour cette égalité entre les femmes et les hommes et qui, au prix de leur vie, font ces combats-là. Ici, c'est formidable, on est là, là, assis de part et d'autre de la table, et puis on se parle intelligemment, et puis, même si on est en désaccord, on le fait dans toutes les formes du civisme et, je dirais, de la bonne entente. Mais il s'agit de Taslima Nasreen, que j'ai rencontrée il y a plusieurs années. Elle est d'origine bengali, et c'est une femme remarquable. C'est une gynécologue de formation, médecin, donc, au Bangladesh. Et je l'ai rencontrée, j'étais ministre, alors ça veut dire que c'était avant 2003, et déjà elle était en exil.

Alors, elle a dû, parce que des intégristes dans son pays... Elle défend les droits des femmes. Elle les défend, je dirais, avec beaucoup d'ardeur, avec beaucoup de conviction, avec beaucoup de courage, et c'est en 1993 qu'elle a publié son premier essai, qui s'intitulait La Honte, qui est un cri du coeur, je cite, là, «pour que cessent les inégalités des sexes» dans son pays. Ça va déclencher à l'époque l'appel de sa condamnation à mort par une fatwa lancée par des intégristes. On brûle alors ses livres, et 10 000 personnes défilent à Dacca, la capitale du Bangladesh, pour réclamer sa pendaison. C'est à ce prix-là que des femmes comme elle se battent dans le monde. Il ne restera que l'exil en Occident. Et là je la cite: «J'ai tout perdu. Mon pays, ma famille, mes amis.» Mais je ne regrette pas ce que j'ai fait et ce que j'ai dit au nom des femmes.

Alors, quand on parle de ça, je pense qu'il faut toujours avoir en tête que, justement, on n'est pas seuls, mais que tout ça a des répercussions sur l'ensemble de la planète. Alors, voilà, je voulais lui rendre hommage en terminant.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. La parole est à vous.

M. Lemay: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, on l'a dit à maintes reprises, c'est un débat complexe. Mais je veux juste revenir... J'ai lu cet article-là hier, moi aussi, du Devoir et, effectivement, je pense qu'on doit se féliciter, féliciter les gens qui sont venus avant nous également. Ils nous ont quand même laissé une société dans laquelle on peut réfléchir, on peut débattre, on peut être en désaccord, on peut tenir, organiser deux référendums sur la souveraineté, un référendum sur Charlottetown sans qu'il n'y ait de violence, sans qu'il n'y ait de sang dans les rues. Je pense qu'on peut s'enorgueillir de la situation qui est la nôtre quand on compare avec des situations comme cette femme qui... Je ne sais pas si, comme plusieurs autres, elle est obligée de changer de pays à peu près à tous les mois ou à toutes les semaines, d'être en constant mouvement pour éviter d'être... mais, effectivement, c'est triste et ça nous fait rendre compte de la situation quand même très belle qui est la nôtre par rapport à des situations comme celle-là.

Alors, Mme la Présidente, je pense que c'est un amendement qui est très intéressant, qui précise encore plus. Parce que, là, un accommodement, on le disait tout à l'heure, et notre collègue de Rosemont l'a dit, ça peut être pour quelques raisons différentes, on a donné plusieurs exemples, mais, évidemment, c'est pour motif religieux. Donc, le fait... ça vient préciser encore plus le sens de cette phrase.

Le 30 janvier 2009, la ministre est certainement au courant, il y a eu la commission des droits de la personne et de la jeunesse, moi aussi, que, par moments... Et, je dois dire, personnellement, très souvent, je trouve cette commission-là assez... Je ne sais pas, elle semble être imprégnée beaucoup de multiculturalisme, justement, la commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, dans plusieurs de ses jugements, dans plusieurs de ses avis. En tout cas, personnellement... Et là, d'aucune façon, je ne veux que mon opinion se reflète sur les gens de ma formation politique. C'est mon opinion, la mienne, je l'assume, ce n'est pas l'opinion de notre formation politique. Mais, non, cette commission-là, moi, par moments en tout cas, je la trouve... je m'en méfie énormément. Je m'en méfie, je vous le dis, sur des questions comme celles-là, là, mais elle est...

Donc, en janvier 2009, elle émettait une espèce de... un avis qui confirmait une méthode déjà utilisée par la SAAQ en ce qui concerne... vous savez, quand vous devez passer des tests pour l'émission d'un permis de conduire et le fait qu'il y a des clients qui ne veulent pas être reçus ou être testés -- passez-moi l'expression -- encadrés par un instructeur ou une instructrice de sexe différent. Alors, à la place de refaire la file et de... à un moment donné, tu vas tomber sur quelqu'un de... Donc, on offre l'accommodement, et, évidemment, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, égale à elle-même, a trouvé que c'était tout simplement fantastique.

Donc, je reviens, Mme la Présidente, parce que ça fait deux fois que je m'essaie et je n'ai jamais pu, je reviens à la communauté gaie, comme je le disais, qui est très présente dans ma circonscription. Et je reviens également aux termes choisis par la ministre et son équipe dans le deuxième alinéa du projet de loi, «qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme [et] de cette pratique». Donc, est-ce qu'«effets préjudiciables», dans le cadre de ce projet de loi... Quel est le terme ici que j'ai souligné? Est-ce que le fait de demander un instructeur autre que... Non, pas autre que son sexe, c'est l'inverse, du même sexe...

n(21 heures)**

M. Auclair: Je m'excuse, je voudrais juste clarifier quelque chose. Vous avez dit: Une instructrice de sexe différent.

M. Lemay: Oui. Je ne pense pas, hein?

M. Auclair: Ça équivaut à quoi, ça?

M. Lemay: Oui, c'est ça, ça équivaut qu'il est 9 heures du soir. C'est pas mal ça que ça équivaut. D'ailleurs, je ne sais même pas si ça existe, «instructrice». Est-ce que ça existe?

M. Auclair: ...sexe différent. Bien, c'est le «sexe différent», mais...

M. Lemay: Instructeur... Mais, bon, alors, il est 9 heures du soir. Ceci expliquant cela, une enseignante, une... Bon, aidez-moi, quelqu'un, là, vous voyez que je suis en perdition. Alors, est-ce qu'un homme ou une femme qui arrive à la SAAQ et demande -- décidément, ça va être mon karma ce soir -- de faire passer son test devant quelqu'un d'un autre sexe pour des raisons religieuses... Est-ce que le fait qu'un homme doive passer son test devant une femme, d'après le projet de loi qu'on a ici, là, est-ce que ça constitue un effet préjudiciable? Et je serais curieux de tester -- je reviens au terme, hein? -- je serais curieux de... «Préjudiciables», ça me semble fort. Et je veux bien comprendre la conviction religieuse sincère, là, je comprends, là, le terme, mais est-ce que c'est préjudiciable? Je m'interroge, est-ce que... Et certainement qu'on pourra... Quand on sera rendus éventuellement à cet alinéa-là, je vais avoir beaucoup de questions, moi, à la ministre et à son équipe, là, de nous définir vraiment «préjudiciables», qu'est-ce que ça veut dire, dans quel cadre... Je ne sais pas s'il y a une longue, longue, longue... s'il y a beaucoup de jugements qui viennent définir... mais je trouve qu'on a...

Une voix: ...

M. Lemay: Bien, c'est dans le même article, alors on va y arriver, C'est l'ali...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Voyons! le deuxième paragraphe de l'article 1.

Une voix: Ça va être long.

M. Lemay: Oui. L'alinéa, voilà. Je l'ai presque eu. Alors donc, quelque religion que ce soit, Mme la Présidente, quelqu'un arrive et dit: Je ne veux pas de cet instructeur, il me semble que c'est un homme homosexuel. Est-ce que ce fait est préjudiciable à la croyance sincère? Je vous disais tout à l'heure... Parce que j'ai eu beaucoup de discussions avec des gens de la communauté, qui, comme je le disais, sont bien présents dans ma circonscription, et eux ont énormément peur, là, de l'ouverture aux accommodements raisonnables qui viendraient heurter de plein fouet l'égalité qui est venue d'un long combat, et encore... Et, Mme la Présidente, je le dis souvent parce que, moi, je suis... Évidemment, je suis indépendantiste, donc je suis fier de mon peuple. Puis je ne dis pas que les gens qui ne sont pas indépendantistes ne sont pas fiers de leur peuple, mais, en 1977, on est certainement un des premiers États au monde -- bien, peut-être pas le premier, mais, en tout cas, dans les 10 premiers -- à avoir interdit explicitement la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Donc, la Charte des droits et libertés du Québec a été adoptée, si je me rappelle bien, en 1975 par le régime de M. Bourassa. M. Lévesque prend le pouvoir en 1976. Dès l'année suivante, le père d'un de nos collègues, le leader...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député, je m'excuse de vous interrompre, mais j'essaie toujours de voir le lien entre le sous-amendement que vous venez de déposer...

M. Lemay: Pour motif religieux.

La Présidente (Mme Vallée): ...le sous-amendement, là, qui fait en sorte d'ajouter...

M. Lemay:«Pour motif religieux».

La Présidente (Mme Vallée): ...à l'article 1 «accommodement pour motif religieux», ce nouveau sous-amendement et les amendements qu'on a rejetés, il y a quelques séances, qui prévoyaient... Entre autres, l'article 1 est modifié dans son premier alinéa par l'insertion, après le mot «accommodement», des mots «pour [...] motifs religieux». Ou un autre que nous avions rejeté ou étudié en long, en large, de tous bords tous côtés...

M. Auclair: ...question de règlement. Est-ce que vous vous êtes... Vos commentaires... Moi, je pense que mon collègue était tout simplement en train de faire le tour de la question et allait arriver... Donc, pour nous, il n'y a aucun problème, là, c'est tout un cheminement qu'il faisait.

La Présidente (Mme Vallée): Oui, oui. Bien, je comprends, mais parfois...

M. Auclair: On comprenait l'exemple qui est...

La Présidente (Mme Vallée): Je veux simplement...

M. Lemay: C'est des questions complexes, n'est-ce pas?

La Présidente (Mme Vallée): Je comprends que c'est des questions complexes, mais parfois ça peut être intéressant de savoir le lien entre 1976...

M. Lemay: Bien, regardez, un accommodement pour motif religieux... La laïcité de l'État, on l'a dit, la laïcité, le principe de laïcité, c'est tous ensemble dans l'espace public malgré nos différences, et là on ajoute un «accommodement pour motif religieux». Donc, je vous dis, Mme la Présidente, que quelqu'un pourrait arriver, dire: Je ne veux pas de cet instructeur, c'est un homme. Ma religion me le défend et...

La Présidente (Mme Vallée): Ça, je comprends.

M. Lemay: Bon, bien, c'est ça. Mais quelqu'un pourrait dire...

La Présidente (Mme Vallée): Mais c'est parce qu'on en a déjà parlé à deux reprises, j'essayais de voir la distinction.

M. Lemay: Ah! bien là c'est parce que l'amendement a été accepté. L'amendement a été accepté, donc, moi, je continue, là.

La Présidente (Mme Vallée): Mais, à tout moment... Je veux juste vous rappeler, à tout moment, on peut déclarer irrecevable pour un motif ou un autre... Je veux juste... Et puis, sincèrement, là, je vous écoute puis j'essayais de voir la différence.

M. Lemay: Ah, non, non, non! Moi, je vous dis, il est... Bien, de un, il est parfaitement recevable parce qu'il a été reçu.

La Présidente (Mme Vallée): Ce n'est pas une bonne...

M. Auclair: ...s'il est reçu, il est recevable.

M. Lemay: N'est-ce pas? Alors, ça...

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il est différent?

M. Lemay: Bien là, écoutez...

La Présidente (Mme Vallée): Est-il différent? C'est la question, en quoi est-il différent?

M. Lemay: Bien, moi, je trouve que oui parce qu'on a mis les deux ensemble, là, on a mis «accommodement pour motif religieux», laïcité... Je n'ai jamais vu une phrase, Mme la Présidente -- pardon -- je n'ai jamais vu une phrase aussi dense et aussi complète, là. Moi, si la ministre ne l'accepte pas, je vais être amèrement déçu, là. Il me semble que tout est là. Une phrase, on règle beaucoup de choses.

Mais il reste que, Mme la Présidente, suite à votre questionnement... Donc, si quelqu'un peut faire changer son... J'ai encore... Non, non, mais venez-moi en aide. «Instructrice», est-ce que ça se dit? Ça existe-tu?

Une voix: Oui.

M. Lemay:«Instructrice», oui? Bon. Alors, si on me demande, en ce qui concerne... Mme la Présidente, si on fait une demande d'accommodement pour des motifs religieux jugés sincères pour une femme, eh bien on va pouvoir le faire pour un homme, évidemment.

M. Auclair: Excusez, Mme la Présidente, question de directive. Est-ce que, là, est-ce qu'on a une instructrice avec un homme ou une instructrice avec une femme? Parce que, là, si on a une femme avec l'instructrice, là, j'ai un problème. Parce que, là, il n'y a plus de problème de motif religieux, à moins que vous avez trouvé un motif religieux sur l'instructrice et la femme, et non la femme et l'homme.

M. Lemay: Non, non, non, mais pour des motifs religieux...

M. Auclair: C'était juste pour faire le suivi avec vous, collègue.

M. Lemay: Oui, oui, oui, tout à fait. Et merci, d'ailleurs, j'apprécie énormément.

M. Auclair: Vous voyez que je suis, quand même, là.

M. Lemay: Ah! absolument. Je suis d'ailleurs étonné, mais, bon, dans le bon sens, là, dans le bon sens.

M. Auclair: Mais ça me fascine, là, tout le cheminement que vous faites, je trouve ça fascinant.

M. Lemay: Oui. Non, non, mais c'est des questions qui se posent. Les gestionnaires de l'État, hein, vivent avec ça tous les jours, et je fais part à cette Assemblée d'un cas particulier chez nous. Évidemment, les gens de la communauté gaie et lesbienne sont partout à travers le Québec, mais il reste que, chez nous, il y a une concentration très forte, et les gens me posent cette question-là. Après 20, 30 ans de lutte de reconnaissance des droits, est-ce qu'un instituteur, un entraîneur à la SAAQ, un fonctionnaire pourra se faire retirer de son poste parce qu'il est gai ou homosexuel pour des motifs religieux? Et on dit: On ne pourrait pas. Mais, moi, je regarde, là, les décisions de la Commission des droits de la personne...

Une voix: ...

M. Lemay: Oui, je comprends, je comprends, mais la Commission des droits de la personne et de la jeunesse autorise dans un avis qu'on puisse demander un...

Une voix: ...

M. Lemay: ...une examinatrice -- merci, chère collègue d'Hochelaga...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! examinatrice.

M. Lemay: ... -- examinatrice...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon! examen, examinatrice.

M. Lemay: Exact.

Une voix: C'est monsieur...

**(21 h 10)**

M. Lemay: Monsieur... Parfait, notre recherchiste. Alors, si on peut le faire pour une femme ou pour un homme, le cas échéant, on peut certainement le faire pour l'orientation sexuelle aussi. Et je reviens... Donc, qu'est-ce qui est préjudiciable, Mme la Présidente? Je reviens au deuxième alinéa -- ah! vous voyez, je m'améliore un peu -- au deuxième aliéna, ce qui est préjudiciable... Est-ce que «préjudiciables», c'est quelqu'un qui a une religion et qui demande un accommodement raisonnable parce qu'il y croit sincèrement? Mais la personne qui se fait -- passez-moi l'expression -- tasser, ça aussi, ça me semble préjudiciable. Et, dans le projet de loi, ce n'est pas si clair que ça. Ce n'est pas si clair que ça. Moi, j'ai hâte d'arriver à ce deuxième alinéa. Si vous trouvez...

La Présidente (Mme Vallée): Nous aussi, on a hâte d'y arriver.

M. Lemay: Si vous trouvez que le premier, ça a été long, vous n'avez encore rien vu parce qu'il est...

M. Auclair: Le premier a été adopté. Alinéa.

M. Lemay: Le deuxième alinéa est fondamental, Mme la Présidente. Donc, si la Commission des droits de la personne -- je le réitère, c'est essentiel -- nous dit dans un avis que la SAAQ fait bien d'avoir une procédure administrative, de pouvoir faire en sorte qu'un client ayant telle religion, peu importe, qu'il puisse se faire servir par un homme ou une femme, dépendant de sa religion, bien, à ce moment-là, ça ouvre la porte à tout, à tout. Et je comprends la ministre, moi aussi, j'aurais été tenté de dire non. Évidemment, je ne suis pas avocat comme elle, je n'ai pas son expertise et ses connaissances, mais, en lisant cet avis de la Commission des droits, ça ouvre la porte à tout. Et là le terme «préjudiciables», à ce moment-là, d'après moi, il n'est pas employé au bon endroit parce que, la personne qui demande à être servie par une autre, le préjudice, pour moi, est très souvent... Imaginez-vous, Mme la Présidente, si nous dirions à cette commission que, pour toutes sortes de raisons, nous aimerions être mieux présidés par une autre personne.

La Présidente (Mme Vallée): Vous ne pourriez pas dire ça.

M. Lemay: Bon, vous voyez. Mais, selon la Commission des droits de la personne, je m'excuse, je pourrais le dire, je pourrais le dire. Mais, donc, avec cet amendement-là, on parle d'un accommodement pour motif religieux doit respecter le principe de laïcité de l'État. Donc, l'État est neutre, l'État n'impose pas dans le domaine public quelque religion, idéologie politique que ce soit. Et il me semble que cette phrase-là, Mme la Présidente, est essentielle. En fait, je ne sais pas si notre collègue de Rosemont sera d'accord, mais cette toute petite phrase résume presque une charte de la laïcité en elle-même avec ce qu'elle contient comme termes et comme définition. Mais je vois que la ministre se meurt d'envie de me donner des réponses, alors je serais très curieux d'entendre, Mme la Présidente... Je ne sais pas si c'est possible, mais la ministre a manifestement des réponses à me donner. Donc...

La Présidente (Mme Vallée): Avec plaisir. Mme la ministre.

Mme Weil: Bon, oui. Bien, la question est importante. Je pense que c'est pour ça que je voulais y répondre, parce que la question est importante. Et on pourrait carrément imaginer une situation exactement comme décrit le député, et, dans une décision de la Commission des droits de la personne concernant la RAMQ, la Commission des droits de la personne donne quelques exemples. Et l'exemple qui est donné par le député, c'est exactement le même genre de situation. Alors, le scénario, c'est le refus de se faire servir par une employée du bureau d'accueil qui porte le hidjab. Alors, je vais lire parce que ce serait le même genre de situation: Je ne veux pas être servi par quelqu'un et qui... En vertu de l'article 10, ce serait l'orientation sexuelle. Donc, c'est une atteinte au droit à l'égalité, c'est carrément de la discrimination.

Alors, «dans le cas d'un client ou d'une cliente qui refuse de se faire servir par une employée qui porte le hidjab -- vous le remplacez par quelqu'un qui a une orientation sexuelle quelconque -- il ne s'agit pas d'une situation où le droit à l'égalité du client ou de la cliente est compromis puisqu'aucune atteinte aux droits de la clientèle sur la base d'un des motifs énumérés à l'article 10 de la charte n'est invoquée. Une telle demande de la part de la clientèle relève plutôt d'une préférence qui constitue en fait une atteinte au droit à l'égalité de l'employée en cause.» Et, dans ce cas-ci, à cause de son orientation sexuelle, c'est de la discrimination. Donc, il faut faire attention, il faut faire la distinction entre carrément de la discrimination, quand quelqu'un qui fait une demande comme ça...

Une voix: ...

Mme Weil: Oui, mais... Donc, dans ce cas-ci, ça n'a rien à voir avec un motif religieux. C'est vraiment parce que la... Bien, la personne peut invoquer...

M. Lemay: Bien, ça peut être motif religieux. Ma religion, Mme la Présidente, ma religion...

Mme Weil: ...on ne peut pas brimer, c'est ça...

M. Lemay: ...m'empêche de me faire servir soit par une femme, soit par une femme lesbienne, soit par un homme gai. Donc, vous voyez l'ambiguïté dans laquelle on nage. Parce que je comprends l'avis de la commission, mais je reviens à l'exemple qu'elle donne, le 30 janvier 2009, avec la SAAQ, où, là, la commission permet au gestionnaire de... passez-moi l'expression, là, mais de jouer... de changer son employé au gré des demandes, seulement sous une condition, opposer... conviction religieuse sincère. Alors, le gestionnaire sur place... Comment vous faites pour mesurer la conviction religieuse sincère de quelqu'un? Bon, avec... Bien, on peut mesurer un mal de tête, et tout ça, avec un thermomètre, bon, mais une conviction religieuse, sur le moment, rapidement comme ça... Donc, vous voyez, là, il y a deux décisions, deux analyses, et là les gestionnaires...

Et c'est pour ça, Mme la Présidente, vous devez comprendre... Je sais que vous l'avez compris, mais j'insiste, c'est pour ça qu'on essaie toujours de clarifier la situation pour nos gestionnaires. C'est pour ça, Mme la Présidente, qu'on essaie de clarifier le plus possible les termes, pour que nos gestionnaires puissent gérer le personnel, puissent également démontrer justement que l'État ne fait pas de choix, que l'État est neutre, et de donner ultimement des bons services publics, évidemment, et les donner de façon équivalente à toute la population, quelle qu'elle soit. Donc, vous voyez, la ministre amène un très bon exemple, mais, moi, j'ai amené ici un contre-exemple. Donc, si les choses ne sont pas claires, hum, ça va être difficile de...

Une voix: ...

M. Lemay: Ah! alors, peut-être un autre exemple.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre.

Mme Weil: C'est qu'il y a l'article 4 qui est là, qui répond exactement à votre préoccupation, que toute demande...

M. Lemay: ...j'ai hâte d'y arriver à cet article-là, moi...

Mme Weil: ...d'accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés, hein? Donc, c'est toujours ça, c'est toujours... Et ne peut jamais venir brimer un autre droit. Donc, c'est pour ça que l'article 4 a été rédigé dans ce sens-là, qu'il vient protéger... On ne peut pas venir brimer... Je comprends la question, puis il y a eu beaucoup, beaucoup de débats justement au cours de toutes ces causes-là en particulier, mais là ce que je comprends, c'est que la règle, c'est qu'on ne... Et, évidemment, on avait donné exactement cet exemple d'organisation de travail. Par exemple, si on avait, bon, une série de personnes qui rentraient, qui demandaient, à tous les jours et constamment, d'être servies strictement par des hommes et évidemment... puis qu'on venait dire: Bon, il n'y a pas d'emploi ici pour les femmes, bien c'est carrément brimer l'égalité hommes-femmes. Mais, plus que ça, si je comprends bien, dans la pratique actuelle, ils ne peuvent pas dire: Bon, vous, là, je ne peux pas vous avoir comme examinatrice, disons, parce que, moi, j'ai besoin d'avoir un examinateur. Alors là, on refuse si je comprends bien. La personne ne peut pas être servie sur-le-champ, là, si je comprends bien, dans la pratique à la SAAQ.

Des voix: ...

M. Lemay: Bien, il y a un processus de prévu à la SAAQ pour accommoder la personne, mais... Et c'est pour ça qu'en lisant ça je me dis: Une fois que vous ouvrez la porte à ça, à une procédure pour avoir un examinateur ou une examinatrice -- je ne vous remercierai jamais assez d'avoir trouvé ce mot -- alors là on ouvre la porte -- je termine là-dessus -- à l'orientation sexuelle ou autres, et toujours selon le principe de conviction religieuse sincère. Alors, le débat continue, Mme la Présidente, et continuera certainement au cours des prochains...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Bien, il nous reste encore un beau 10 minutes. Alors, est-ce qu'il y aurait d'autres intervenants sur le sous-amendement à l'article 1? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

**(21 h 20)**

Mme Poirier: Alors, bien, pour poursuivre dans le propos de mon collègue, je veux juste préciser une chose, la décision de la SAAQ était très claire. La personne n'a qu'à prendre un rendez-vous au moment où il y a la personne de son sexe disponible. Ça, c'est plus que de l'accommodement, là. Là, on se plie les deux genoux à terre et on dit: Vous aurez la personne de votre choix. C'est ça que dit la décision. Alors, essayer de traficoter pour faire dire à quelque chose qui... ce n'est pas ça que ça dit, là... Bien, c'est ça que dit la décision de la SAAQ: Alors, vous prendrez rendez-vous quand la personne du sexe de votre choix sera disponible. Ça, c'est de l'accommodement.

Moi, quand je me présente au bureau de la SAAQ pour subir mon examen de conduite, c'est la personne qu'on m'assigne, qui est là, qui me fait subir mon examen de conduite, et non pas la personne que je vais choisir en fonction de ma religion. Et il est là, le problème. À partir du moment où j'acquiesce à dire qu'en fonction de votre religion on va regarder l'horaire de nos examinateurs et examinatrices, et on fera ça en fonction de votre religion, il est là, le problème. C'est ça, le fondement de ce qu'on parle ici, et les balises desquelles ce projet de loi là devrait définir ne viennent pas contrecarrer ça. La SAAQ, dans son processus, c'est ce qu'elle a fait.

C'est comme la RAMQ, elle a fait exactement la même chose. Quand je vais faire prendre ma photo, si je décide que c'est une femme qui est devant moi, on va me trouver une femme sur le plancher, puis il y a une femme qui va venir prendre ma photo. On n'évalue pas, à ce moment-là, la profondeur des convictions et on choisit la fonction en... pour ne pas avoir de trouble. Et ils sont venus nous le dire, Mme la Présidente, lors du projet de loi n° 16, les gens de la RAMQ... le président de la RAMQ nous l'a dit: On n'en veut pas, de trouble. Ça fait qu'on trouve des solutions parce qu'on veut pas de trouble, on ne veut pas se ramasser devant les tribunaux. Parce que c'est ça, c'est... Actuellement, je l'ai... M. Lincourt le disait très bien tout à l'heure, parce qu'il n'y en a pas, de solution...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...

Mme Poirier: Oui. Parce qu'il n'y a pas de solution, donc on se ramasse devant les tribunaux. Alors, ce n'est pas vrai, là, ce qu'on se dit ici, là. Si la ministre pense que... Et puis ça ne s'arrête pas là parce que, si la personne n'est pas contente de ce qu'il y a dans la charte québécoise, elle va invoquer la charte fédérale, puis elle va s'en aller jusqu'en Cour suprême, puis elle va gagner.

Alors, non, ça ne fonctionne pas. Il faut absolument faire en sorte que... Il faut fermer le porte à double tour, il faut dire qu'un accommodement pour motif religieux, eh bien il faut vraiment, là, l'attacher très serré en fonction de la laïcité de l'État. Et il ne faut pas que l'accommodement puisse être demandé pour un motif religieux. Aucun accommodement pour motif religieux et dans lequel... Parce qu'on vient de le dire, et la ministre le dit elle-même, c'est la laïcité de l'État. Tout le monde reconnaît qu'on est dans une formule de laïcité de l'État. Il n'est pas écrit, mais on est dans une formule...

M. Kotto: C'est écrit nulle part.

Mme Poirier: Puis c'est écrit nulle part, et on refuse, encore là, de l'écrire aujourd'hui dans la charte. On a fait des amendements à plusieurs reprises, là, pour essayer de l'introduire dans la charte. L'amendement qu'on dépose, c'est pour l'introduire encore dans le projet de loi. Il faut fermer la porte à double tour. Motif religieux et laïcité de l'État, il faut que ça se conjugue. Et je prendrais, d'ailleurs... Il me reste combien de minutes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Sept.

Mme Poirier: Bon, excellent. Alors, dans un... Je prendrais l'exemple de l'affaire Leyla Sahin contre Turquie. Alors, c'est une décision...

Mme Beaudoin (Rosemont): Turquie?

Mme Poirier: Oui, contre Turquie.

Mme Beaudoin (Rosemont): Turquie.

Mme Poirier: Oui, oui.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais la Turquie, le pays?

Mme Poirier: La Turquie elle-même. Alors, la cour...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Poirier: La Turquie elle-même contre Mme Leyla Sahin. Alors, la Cour européenne a reconnu que le principe de laïcité enchâssé dans la Constitution turque... Alors, ils n'ont pas pris un projet de loi où on a dit qu'on en parlait, mais on ne l'introduit pas nulle part, là. Eux, ce n'est pas compliqué, c'est dans la Constitution. La laïcité, elle est là. Alors, ça règle le problème, tout le monde sait de quoi on parle. Et ça veut dire que ceux qui choisissent le pays savent de quoi on parle parce que c'est dans la Constitution, puis ils sont obligés de la lire pour passer leur examen. Alors, ça, c'est clair. Alors, ce que ça dit, c'est que la Cour européenne a reconnu que le principe de laïcité enchâssé dans la Constitution turque justifiait l'interdiction de port de signes religieux dans les universités tout comme le respect du droit à l'égalité des sexes.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est extrêmement important.

Mme Poirier: C'est important, là, puis ça, là, la ministre ne l'a peut-être pas lu encore, c'est dans l'avis du Conseil du statut de la femme, hein...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Weil: Avec diligence, j'ai lu l'avis du...

Mme Poirier: ...l'avis qu'on n'a pas eu de commentaires encore. Bien, c'est une très bonne lecture de chevet, Mme la Présidente. Et fort heureusement que l'avis nous a fait un rappel de plusieurs causes comme celle-là et de plusieurs décisions, et elles sont bien documentées...

Mme Beaudoin (Rosemont): La Turquie.

Mme Poirier: Et c'est la Turquie ici, alors... Puis c'est important...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais c'est la Cour européenne.

Mme Poirier: Puis c'est la Cour européenne qui statue dans ce cas-là, mais ils statuent en fonction du fait que la laïcité, elle est dans la Constitution, et ça vient justement consolider tant le port de signes religieux que le droit à l'égalité entre les sexes. Et, malheureusement, on ne veut pas le faire dans le projet de loi présentement. Eux, ils l'ont mis dans la Constitution, nous, on le demandait dans la charte. Là, on demande de l'avoir au moins dans le projet de loi, puis, encore là, c'est non. Vous ne voulez pas la fermer, la porte? Nous, on le demande. Nous, on va le faire si vous ne le faites pas. Mais on vous dit de le faire parce que même la Cour européenne vous dit de le faire. Et ce qu'elle dit, la Cour européenne... On est tous fatigués, on veut tous aller se coucher. Alors, faites-le donc, puis on va aller se coucher à soir, Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Adopté.

Mme Poirier: Il me reste quatre minutes pour la convaincre. Quatre minutes. J'espère que je vais convaincre... Si la ministre ne veut pas se laisser convaincre, peut-être convaincre ses collègues. Alors, ce que dit la décision de la cour, c'est: «C'est le...»

Des voix: ...

Mme Poirier: Je pense qu'il y a au moins un député qui va acquiescer, peut-être deux, même. «C'est le principe de laïcité qui est la considération primordiale ayant motivé l'interdiction du port de [signes] religieux dans les universités. Dans un tel contexte, où les valeurs de pluralisme, de respect des droits d'autrui et, en particulier, d'égalité des hommes et des femmes devant la loi, sont enseignées et appliquées dans la pratique, l'on peut comprendre que les autorités compétentes aient voulu préserver le caractère laïque de leur établissement et ainsi considéré comme contraire à ces valeurs d'accepter le port de tenues religieuses, y compris, comme en l'espèce, celui du foulard islamique.»

Ça, c'est la Cour européenne qui nous dit ça, là. C'est très, très clair, et je me dis: Il y a là... Et, tout à l'heure, ma collègue de Rosemont disait qu'effectivement la France voulait justement ouvrir ce débat-là sur une charte. Nos collègues participeront à un colloque dans les prochaines semaines ensemble ici, au parlement... Ça se fait ici?

Mme Beaudoin (Rosemont): Non, c'est au mois de septembre...

Mme Poirier: Alors, au mois de septembre. On peut attendre jusqu'au mois de septembre, il n'y a aucun problème.

M. Matte: De la façon qu'on est partis, là, tu sais, c'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Matte: ...hein, puis peut-être 2012.

Mme Poirier: Mme la Présidente, telle n'est pas notre intention. Nous, on propose, le gouvernement dispose, hein?

La Présidente (Mme Vallée): ...vous proposez.

Mme Poirier: Exactement. Alors, écoutez, le... Et, d'ailleurs, dans l'avis du Conseil du statut, le conseil fait vraiment le parallèle entre les décisions de la Cour européenne et la Commission des droits, et on voit bien, là, l'écart important. Et l'écart dont on parle ici, c'est l'écart qu'on vient d'avoir du débat entre la ministre et mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques sur l'interprétation de «contrainte excessive», «discrimination», «liberté de croyance» et «motif religieux». «Accommodement», «motif religieux», il faut que ces trois mots-là, là, soient attachés dans le projet de loi. C'est bien important.

Ce n'est pas des accommodements pour les personnes handicapées, les femmes enceintes. Ce n'est pas de ça dont on parle dans ce projet de loi là, il n'en est pas question dans ce projet de loi là. La preuve, c'est l'article 6 avec la burqa et le niqab. C'est ça qu'on vient faire. Alors, appelons un chat par... comme un chat...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: ...qu'est-ce que ça veut dire?

Mme Poirier: ...puis appelons les accommodements pour motif religieux... appelons-les comme ça, et arrêtons d'essayer de tourner en rond pour ne pas appeler les choses par leur nom. Moi, je pense que la Cour européenne vient nous donner, là, ici un exemple qui est vraiment concret et justement en lien. Parce que votre question, Mme la Présidente, c'était la pertinence de cet amendement-là, et là vous voyez...

La Présidente (Mme Vallée): La distinction avec un amendement qui avait déjà été déposé.

Mme Poirier: Et là je vous la fais, la distinction, parce que l'accommodement pour motif religieux, conjugué avec la laïcité de l'État, c'est exactement la réponse de la Cour européenne. Et je pense que, si la ministre... Moi, je pense que la nuit porte conseil, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vallée): Tout à fait.

Mme Beaudoin (Rosemont): On ne se voit pas demain.

Une voix: Quand est-ce qu'on se revoit?

Mme Poirier: En tout cas, on ne sait pas quand on se revoit... on se verra...

La Présidente (Mme Vallée): On se revoit demain, mais dans un autre dossier.

Alors, écoutez, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, 15 heures, où elle se réunira en séance de travail afin d'étudier les rapports de la Commission d'accès à l'information et du Commissaire au lobbyisme. Bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 21 h 30)

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