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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Tuesday, February 21, 2012 - Vol. 42 N° 67

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures dix-huit minutes)

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le... (panne de son) ...de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement aujourd'hui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. Cet après-midi, nous entendrons les représentations de Pro Bono Québec et du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. En soirée, nous recevrons la clinique juridique Juripop ainsi que l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes.

Remarques préliminaires

Nous débuterons, sans plus tarder, avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques d'ouverture.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Mes salutations à vous, au secrétariat, aux membres de la commission et à notre premier groupe, qui a l'avantage d'entendre nos remarques préliminaires, que je tiendrai plutôt courtes, si vous me le permettez.

Peut-être en rappelant deux éléments que l'on retrouve à l'article 1 du projet de loi, sur lequel je veux porter notre attention particulièrement. D'abord, 32.0.1, où nous parlons donc du Fonds Accès Justice, un fonds spécial qui «a pour objet de soutenir des actions qui ont pour objectif d'améliorer, dans la collectivité, la connaissance et la compréhension du droit ou du système de justice québécois ainsi que l'utilisation de celui-ci».

**(15 h 20)**

«Le fonds -- c'est 32.0.2 qui le dit -- est affecté au financement de projets ou d'activités destinés aux citoyens, réalisés par le ministère ou par d'autres, qui visent à favoriser l'atteinte de l'un ou l'autre des objectifs qui suivent -- et je fais la nomenclature des objectifs:

«Une meilleure connaissance et compréhension des textes normatifs[...];

«Une meilleure connaissance du réseau des tribunaux québécois, judiciaires ou administratifs, et une meilleure compréhension de son fonctionnement et des recours juridictionnels ou administratifs;

«L'utilisation de différents modes de prévention ou de règlement des différends ainsi que l'utilisation de moyens facilitant l'obtention ou l'exécution de décisions juridictionnelles;

«La réalisation et la diffusion d'une information juridique dans un langage simple et clair ou adapté à la clientèle visée;

«La réalisation, la diffusion et l'utilisation d'instruments juridiques ou de services d'aiguillage;

«Une utilisation optimale des services de justice;

«La recherche en matière d'accessibilité au droit ou au système de justice et la recherche des attentes des citoyens en cette matière; [et]

«Toute autre forme d'amélioration de l'expérience du public avec la justice.»

Les objectifs sont larges, répondent à un élément important, celui de faciliter l'accès à la justice. Le projet de loi, vu simplement sous l'angle du projet de loi, on pourrait se dire, Mme la Présidente, qu'il est heureux mais court. Lorsqu'on l'installe dans ce qu'on pourrait appeler un bouquet de mesures -- une expression un peu à la mode ces temps-ci, qui revient à l'occasion -- lorsqu'on regarde l'ensemble des initiatives qui sont posées dans ce que j'appelle un plan accès justice, il s'inscrit bien avec d'autres mesures. On note, par exemple, la question des modes alternatifs de règlement des différends. On a abondamment parlé de ça lorsqu'on a touché à l'avant-projet de loi sur le nouveau Code de procédure civile, qui contient une partie qui n'est pas si grande mais qui fait quand même beaucoup jaser parce qu'il représente un changement important. Je n'en dirai pas beaucoup plus que de dire qu'il y a donc de nombreuses mesures.

La semaine dernière, nous avons terminé l'étude article par article du projet de loi qui permet d'augmenter le nombre de juges de la cour du... permettra d'augmenter le nombre de juges à la Cour du Québec, sollicitera que le gouvernement fédéral nomme plus de juges à la Cour supérieure, enfin il y a d'autres mesures comme celles-là, parce que nous sommes convaincus que nous devons agir pour favoriser l'exercice par les Québécois de leurs droits. Nous passons de nombreuses lois, nous... comme l'autorité municipale, l'autorité fédérale modifient le cadre des lois, des droits et des obligations à peu près à tous les jours. C'est beau de donner des droits, encore faut-il les exercer. Et l'oeuvre que nous avons initiée vise justement à être conséquents avec l'ensemble des autres mesures que nous adoptons. Le projet de loi n° 29 instituant le Fonds Accès Justice s'inscrit comme mesure additionnelle dans ce large plan d'accès à la justice.

Et nous allons avoir l'occasion d'entendre des groupes qui vont venir nous entretenir. J'ai noté, au passage... Je pense que c'est dans... c'est ce soir, je crois, qu'on aura le commentaire de... ou c'est tout de suite, je pense, oui, c'est tout de suite qu'on entend Pro Bono. Et j'ai vu, au passage, un élément qui se trouve à l'intérieur, qui m'intéresse particulièrement. Alors, j'ai très hâte que nous commencions cette écoute, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 7 min 30 s.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Donc, heureuse, à mon tour, d'entamer ces consultations particulières au sujet du projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice. Nous sommes très actifs, ces temps-ci, en termes de consultations en matière de justice, ce qui en soi est heureux, parce que je pense que chaque opportunité qu'on a de débattre de la question de l'accès à la justice, qui malheureusement n'est pas toujours celle qui retient le plus l'attention dans les médias ou dans le débat public mais qui est néanmoins fondamentale pour notre démocratie, je pense qu'on doit les saisir, et c'est pourquoi je tenais, oui, pour la discussion générale mais aussi pour les enjeux très spécifiques au projet de loi, que nous ayons ces consultations particulières auxquelles le ministre a acquiescé.

Alors, bien, évidemment, récemment on a débattu d'accès à la justice dans le cadre de l'avant-projet de loi visant à proposer une réforme du Code de procédure civile. Aujourd'hui, on a une autre occasion, qui est beaucoup plus spécifique mais qui peut aussi avoir des impacts très larges. Bien sûr, toute source de financement de la justice est la bienvenue parce qu'on sait qu'il y a un problème en fait de financement. Il y a un problème très grave d'accès à la justice de manière générale. On pense souvent, quand on pense à l'accès à la justice, à l'accès aux tribunaux, mais l'accès à la justice, c'est beaucoup plus large. C'est d'être capables aussi de prévenir des conflits, d'être capables d'avoir de l'information juridique, d'être capables d'être outillés, comme citoyens, comme organisations civiles, pour pouvoir faire valoir nos droits et aussi prévenir l'apparition des conflits. C'est un virage, je pense, qui est important à prendre et c'est un virage qui doit être fait aussi avec des partenaires, dont plusieurs vont être entendus pendant les consultations.

Donc, oui, nouvelles sources de financement, mais il faut s'assurer, bien sûr, que cela ne peut pas conduire ou inciter à un certain désengagement de l'État par rapport au financement global, qui doit revenir au ministère de la Justice pour, je dirais, sa mission fondamentale, son travail quotidien. Donc, il va falloir que les objectifs et aussi les éléments, les projets qui seraient financés par un tel fonds soient clairs, pour s'assurer justement que ce ne sera pas une manière aussi de permettre que le financement qui devrait être donné par l'État, par le Trésor, donc, à la mission du ministère de la Justice soit en quelque sorte détourné ou que cela puisse conduire éventuellement à un certain désengagement de l'État. Premier élément, je pense, important, source, quand même, de préoccupation de notre côté.

Autre élément, bien sûr, objectifs qui sont énumérés, qui sont très louables et qui procèdent, je pense, d'une volonté justement de voir l'accès à la justice de manière plus large, mais, le ministre le disait lui-même, ils sont libellés de manière très large, ce qui est une chose en soi, mais ça soulève bien sûr des questions. Il faut s'assurer que ce qu'on a là-dedans, ce sont bien les meilleurs moyens pour accéder aux objectifs que l'on se fixe. Il faut aussi s'assurer de savoir à l'avance à quoi on va répondre comme projets, à quels projets on va permettre d'être financés à même ce fonds-là, sur quels critères on va faire reposer les analyses.

Il y a une très grande discrétion qui est accordée bien sûr au ministère, au ministre dans ce projet de loi là. Est-ce que c'est vraiment ce qu'on souhaite? Est-ce qu'il devrait y avoir des critères plus précis? On sait, par exemple, que, pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, qui lui-même fait l'objet de certaines critiques, il y a un règlement qui vient définir de manière un petit peu plus précise certains critères pour l'attribution. On ne voit pas ça ici, dans le projet de loi. Qu'est-ce qui explique cette différence-là? Comment les choix vont être faits? Est-ce qu'il va y avoir un conseil d'administration? Est-ce qu'on va s'assurer d'une certaine forme de récurrence ou est-ce que cette récurrence-là n'est pas essentielle pour obtenir le financement? La reddition de comptes, comment va-t-on savoir où est allé l'argent et de quelle manière?

Donc, il y a quand même beaucoup de questions, avec des objectifs que, je pense, on partage tous, tels qu'ils sont énumérés à l'article 1, avec, oui, le fait d'accueillir positivement du financement mais bien sûr de s'assurer que tout cela va viser et répondre aux objectifs qui sont là, de la manière la plus prévisible, la plus, je dirais, saine possible aussi pour les partenariats qui pourront être faits entre le ministère et des organismes qui travaillent déjà, pour plusieurs, en matière d'accessibilité à la justice.

Et juste, peut-être, un élément, quand on parle que le fonds pourra être «affecté au financement de projets [...] destinés aux citoyens, réalisés par le ministère ou par d'autres», bien en soi ça, c'est un élément de questionnement. Est-ce que des projets qui ne sont que ceux du ministère pourront être financés par ce projet... ce nouveau fonds, ou ce sera nécessairement des projets qui vont faire intervenir des groupes de la société, des initiatives autres? Et ça me ramène à la question de la mission fondamentale: les activités quotidiennes du ministère versus de nouvelles initiatives d'accessibilité à la justice.

Donc, bien des questionnements mais beaucoup d'enthousiasme aussi pour amorcer la discussion sur ce projet de loi en matière d'accessibilité à la justice. Donc, ça va être un plaisir d'entendre des groupes qu'on n'a pas la chance d'entendre souvent à l'Assemblée et avec lesquels je suis certaine qu'on va avoir beaucoup de plaisir à discuter. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci pour ces remarques.

Auditions

Nous allons, sans plus tarder, débuter les auditions. Me Moreau, je vous inviterais à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à faire votre exposé. Nous procéderons ensuite à une période d'échange de 45 minutes avec les membres de la commission. Et la parole est donc à vous, puis vous disposez de 15 minutes.

Pro Bono Québec

Mme Moreau (Michèle): Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis accompagnée aujourd'hui par Me Alex De Zordo, à ma gauche, qui est le président du conseil d'administration de Pro Bono Québec, et de Me Émilie Brien, qui est coordonnatrice de projets chez nous, à Pro Bono Québec. Je suis moi-même la directrice générale de l'organisme. Et je vais céder tout de suite la parole à notre président pour faire quelques mots d'introduction avant que je reprenne le tout. Merci.

**(15 h 30)**

M. De Zordo (Alexander L.): Mme la Présidente, M. le Procureur général du Québec, chers membres, merci de l'opportunité d'être ici. Thank you very much and good afternoon. C'est un privilège, pour nous, d'être ici, d'avoir été convoqués. Et je tiens, en premier, à vous féliciter. Vous savez, toute solution qu'on peut apporter, ne serait-ce que minime, au problème d'accès à la justice, toute solution est une victoire importante pour le commun des Québécois. Et les mesures que vous proposez au sein de votre Plan Accès Justice auront un impact direct auprès de la population québécoise. Et donc je tiens à vous en féliciter.

Je me présente... En fait, je voulais me présenter en premier, mais je tenais à vous féliciter, compte tenu de vos paroles, de part et d'autre. Je suis le président du conseil d'administration de Pro Bono Québec depuis le mois de juin dernier. Je suis membre du conseil d'administration depuis la création en 2009 et j'étais même... je faisais partie du comité fondateur, lorsque nous avions eu l'idée embryonnaire de former Pro Bono Québec en 2005. Vous comprendrez que ce n'est pas ma vocation première. Je suis avocat associé au sein de l'étude Borden Labner Gervais à Montréal. Je suis le chef du Département de litiges et je suis également le chef du comité pro bono de notre cabinet à Montréal, un comité qui regroupe huit avocats associés dans les divers groupes de pratique du bureau.

Me Moreau vous a déjà présenté Me Émilie Brien, qui est avec nous depuis une année, coordonnatrice des grands projets. Et vous connaissez Me Michèle Moreau, qui est notre directrice générale, notre toute première et seule directrice générale depuis nos débuts en janvier 2009.

Mme Moreau (Michèle): Ils n'ont pas réussi à se débarrasser de moi.

M. De Zordo (Alexander L.): En vous remerciant de la convocation, je veux vous dire aussi que nous sommes fiers d'avoir été convoqués, surtout considérant le nombre limité d'intervenants qui ont été invités et la qualité des intervenants. Par contre, nous sommes fiers, mais je crois que c'est tout à fait approprié que Pro Bono Québec soit ici et soit même le premier organisme convoqué, puisque, selon nous, Pro Bono Québec est le premier organisme à avoir une portée aussi large en matière d'accès à la justice au Québec, et nous connaissons un succès énorme depuis trois ans.

Je vais inviter Me Moreau à vous parler des succès des divers programmes et de l'impact que nous avons eu au sein de la population québécoise. Je propose de vous parler brièvement de notre mission et ensuite de céder la parole à Me Moreau.

Alors, Pro Bono Québec a comme mission une mission à deux volets. Un premier volet, c'est de promouvoir le pro bono. Et les gens se demandent toujours c'est quoi, pro bono. Pour les avocats dans la salle et les avocates dans la salle, pro bono, c'est quelque chose qui est connu, c'est pour le bien public. Mais de promouvoir ceci, c'était un défi important pour Pro Bono Québec, et c'est de promouvoir la culture du travail juridique gratuit ou à prix modique pour ceux et celles qui sont dans le besoin, donc ceux qui ne peuvent pas s'offrir les services d'avocats.

Deuxième volet, c'est d'initier et de coordonner les services juridiques gratuits aux besoins de la population québécoise, entre autres par le biais de programmes destinés à améliorer les problèmes d'accès à la justice. Notre objectif, c'est d'être le carrefour pour l'ensemble des intervenants en matière d'accès à la justice, donc et pour les citoyens québécois et pour les organismes qui oeuvrent dans le domaine juridique communautaire et en matière d'accès à la justice, ainsi que pour la profession des juristes de la province.

Pour les programmes que nous avons mis en place depuis 2009, je vais demander à Me Moreau de vous expliquer de quoi s'agit-il et l'impact qu'on a eu, en particulier en termes du nombre de Québécois pour qui on a eu un impact et qu'on a pu desservir par l'entremise de nos efforts au sein de Pro Bono Québec.

Mme Moreau (Michèle): Merci. Alors, Mme la Présidente, je vais essayer de ne pas prendre trop de temps parce que je veux qu'on parle effectivement du projet de loi n° 29. Je réalise, et on s'en excuse, que vous avez reçu le document tard, mais on a reçu nous-mêmes une convocation avec peu de délai, devrais-je dire. Alors, c'est sûr qu'on a travaillé fort pour essayer de vous produire quelque chose, mais tout ça reste à être, je dirais, perfectionné.

Donc, Pro Bono Québec a un conseil d'administration comme le sont la plupart des conseils d'administration quand on essaie, là, de représenter tout le monde avec les différents groupes. On a même un représentant des citoyens sur le conseil d'administration de Pro Bono Québec. Et essentiellement ce qu'on a fait, le premier geste qu'on a posé, c'est d'aller créer ce qu'on appelle nos banques d'heures de services juridiques gratuits. Vous avez les chiffres dans le document. Ce qu'il faut savoir surtout, c'est que ces chiffres-là ont continué à évoluer vers le haut constamment depuis le jour 1 de Pro Bono Québec.

Alors, on s'est donné comme défi de développer, je dirais, de redévelopper la culture du pro bono, parce qu'il y a une génération avant moi qui était déjà là-dedans et qui a mené à la création de l'aide juridique, mais de redévelopper cette culture-là au sein de la communauté juridique québécoise. Et honnêtement, les chiffres nous le démontrent, ça fonctionne. Petits pas, on y va doucement, mais, moi, j'y crois. Ceux qui me connaissent savent que je suis très convaincue à ce niveau-là. On a en ce moment 25 000 heures de services juridiques gratuits par année dont on dispose pour aider la population québécoise. Ce n'est pas rien. Et je trouvais assez parlant de faire un petit exercice, juste de dire qu'à 200 $ de l'heure, là, on parle de quelque chose comme 4 ou 5 millions de dollars que les avocats investissent dans ce projet-là qu'est Pro Bono Québec.

Notre programme-phare, celui auquel on nous associe naturellement, c'est celui qui vise les causes d'intérêt public. Alors, ce programme-là bien sûr ne répondra jamais à tous les besoins des citoyens mais va certainement... en tout cas déjà, certainement, répond à des gens qui sont... C'est ce que j'appelle les grands drames juridiques, là, les gens qui sont vraiment dans une spirale, ça ne va pas bien, il n'y a personne pour les aider. C'est le genre de dossier, nous, à Pro Bono Québec, qu'on va prendre. C'est souvent des dossiers d'envergure, mais il y a aussi, des fois, on réalise... La question que je pose souvent au comité d'approbation, quand on regarde quel... est-ce qu'on devrait prendre cette demande-là, je leur demande souvent: Est-ce que vous croyez qu'un avocat pro bono va vraiment changer la vie de cette personne-là? Et, quand la réponse, c'est oui, bien généralement on dit oui. On trouve une façon, là, avec nos critères, qui sont quand même assez... Généralement, ça rentre dans nos critères, en fait, quand on considère que ça va changer la vie de cette personne-là.

Donc, on a reçu plusieurs centaines de demandes dans ce programme-là précis depuis le début. On a lancé le programme... En fait, Pro Bono existe juridiquement depuis octobre 2008. Moi, je suis arrivée comme directrice générale en janvier 2009. Ce programme-là a commencé en mai 2009. Votre prédécesseure, M. le ministre, Mme Weil, avait assisté, avait même procédé au lancement de Pro Bono Québec à l'époque.

Il reste encore une petite lacune, puis vous allez voir qu'on travaille encore là-dessus, là. La difficulté qu'on a en ce moment, c'est que, même quand on dit à quelqu'un: On vous donne un avocat dont le temps est à zéro dollar de l'heure, dans plusieurs dossiers il y a des frais additionnels qui doivent être payés. On pense aux témoins experts, des frais de huissier. Des fois, même le timbre judiciaire de 300 $, la personne n'est pas capable de le payer. Alors, ça, c'est le bout où on essaie, là, éventuellement de créer un fonds qui nous servirait à dire à quelqu'un: Non seulement on vous donne l'avocat, mais on vous donne, je ne sais pas, moi, 10 000 $ pour vos frais d'experts médicaux. Alors, ça, c'est un des projets qu'on a en tête. C'est, je dirais, la lacune de ce programme-là, pour le moment, que des fois... Bon. Mais en même temps on trouve des solutions, je vous dirais. On organise des vendredis en jeans dans les cabinets d'avocats pour ramasser des sous pour financer les timbres judiciaires, des trucs comme ça, là. On finit par trouver une solution. Alors, une cinquantaine de dossiers ont été acceptés jusqu'à maintenant.

Une voix: ...

Mme Moreau (Michèle): Comment?

M. Fournier: ...question. Allez-y, continuez.

**(15 h 40)**

Mme Moreau (Michèle): Oui, bien, vous voyez. Une cinquantaine de dossiers jusqu'à maintenant ont été acceptés dans toutes sortes de domaines de droit. Il n'y a aucun domaine de droit qui est exclu. C'est vraiment une question de: Est-ce que le dossier répond à nos trois critères, là, que vous retrouvez dans le document qu'on vous a remis.

Nos autres programmes -- parce qu'il faut en parler parce qu'on commence à vraiment avoir une liste, un menu intéressant -- on a d'abord, avec d'autres partenaires... On a des programmes seuls puis des programmes en partenariat. Alors, avec notre Programme des causes d'intérêt public, c'est vraiment un programme Pro Bono Québec, là, l'étiquette est dessus.

Le Service d'avocat de garde à la Cour supérieure, en matière familiale, à Montréal, c'est un projet pilote qui est de moins en moins pilote parce qu'on réalise vraiment qu'il répond à un besoin. On a servi à peu près 300 citoyens depuis avril 2010. Et essentiellement ce que c'est, c'est que la partie qui se présente au palais de justice avec sa procédure pour le premier matin, en matière familiale, dans la grande salle de cour de pratique, qui arrive là, qui pense qu'en disant au juge: Voici mon histoire, que ça va être réglé, puis ça va être fini, puis le juge va rendre un jugement, puis voilà, j'ai gagné... Alors, quand il découvre que ça ne se passe pas tout à fait comme ça et que c'est pas mal plus compliqué, ce que le greffier spécial fait ou, dans certaines salles aussi, le juge, ils vont référer à l'avocat de garde.

Il y a un avocat, tous les matins, qui est là. On a une vingtaine d'avocats qui contribuent à ce programme-là. Et le justiciable, donc, va rencontrer un avocat pour de l'information juridique, vraiment être orienté. Et ce que ça fait, c'est carrément: un, le citoyen réalise c'est quoi, la suite du dossier, et, deux, le greffier spécial, la cour ne passe pas 20, 25, 30 minutes du temps de tout le monde à lui expliquer que, oui, monsieur, vous n'avez pas le choix, il faut remplir ce formulaire et le produire à la cour. Alors, ça, c'est l'avocat de garde qui le fait, qui est un tiers qui n'est pas intéressé au dossier. Parce que ce qu'on retrouve souvent en matière familiale, c'est l'avocat de l'ex qui nous explique qu'il faut absolument déposer le document.

Alors, c'est un service qui fonctionne bien et qu'on est en train de regarder comment on peut l'étendre au civil. On a déjà des discussions avec les juges de la Cour supérieure puis même un peu de la Cour du Québec, là, qui sont un peu jaloux du programme. Alors, on va voir comment ça se déroule. L'objectif aussi, c'est peut-être de voir s'il y a d'autres districts où ce service-là pourrait s'appliquer.

Le Service d'avocats pro bono à la Cour d'appel, tout nouveau, on n'a même pas encore eu de dossier, mais je trouvais ça important que vous sachiez qu'on a mis ce programme-là en place pour les personnes qui ne sont pas représentées à la Cour d'appel et qui ont des problèmes de santé mentale.

Le Service d'information juridique au municipal, même principe que celui en matière familiale. Cette fois-ci, c'est un peu plus le Jeune Barreau qui a pris le lead. Celui à la cour familiale, c'est plus le Barreau de Montréal. Et là on a, même principe, un avocat de garde. Le juge va référer. Par exemple, un accusé qui arrive le premier matin, il est appelé à comparaître dans un truc, une accusation de délit de fuite, et là il veut plaider coupable parce que là il veut régler ça. Pas question que je manque une autre journée de travail, là, pour venir régler ce dossier-là, je veux plaider coupable. Mais là, monsieur, connaissez-vous les conséquences sur votre emploi, sur votre statut d'immigrant, par exemple? Bon, alors, allez voir l'avocat de garde. On va suspendre, allez voir l'avocat, il va vous donner de l'information, et après ça vous déciderez si vous voulez toujours plaider coupable. Donc, un service qui est vraiment de première ligne, qui est utile et qui aide les citoyens.

Le Programme de partenariat pro bono, on vient de lancer aussi ce programme-là officiellement. Je vous le dis, ça bouge en ce moment, à Pro Bono Québec. On l'a annoncé à nos cabinets partenaires de Montréal il y a un mois, et il y a une rencontre à Québec en mars. Et on jumelle un cabinet avec un organisme sans but lucratif dont la clientèle a besoin de services juridiques gratuits. Et là ils s'entendent sur qu'est-ce que ça va couvrir, ce contrat-là, ce partenariat. Et, une fois que le partenariat est établi, bien l'organisme, à chaque fois qu'il y a un problème avec un de ses membres, va appeler au bureau d'avocats, et le service va être rendu. Donc, ça peut aller de rédiger un contrat ou relire un contrat pour l'organisme... mais aussi représenter un de ses membres devant les tribunaux, pourquoi pas?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste trois minutes.

Mme Moreau (Michèle): Oui. O.K. Alors, je vais arrêter. Les centres de justice, je vous en parlerai demain. Puis il y a tout un volet... Merci. Mon Dieu! ça va trop vite. Mais on aura une discussion certainement. Et il y a tout un volet promotion. Vous l'avez là-dedans. Je souligne cependant trois mots: Conférence nationale 2012 sur le pro bono, présentée à Montréal. Pro Bono Québec sera l'hôte de cette conférence-là. Vous en entendrez parler, je vous le promets.

Je redonne la parole à notre président, qui va vous parler du projet de loi.

M. De Zordo (Alexander L.): En moins de trois minutes, paraît-il.

Mme Moreau (Michèle): Oui, et je pense qu'on va avoir des questions sur le...

M. De Zordo (Alexander L.): Au niveau de notre financement, Pro Bono Québec est financé presque entièrement par le Barreau du Québec et le Barreau de Montréal. Nous avons, pour accomplir tous ces beaux projets là, deux employés, qui se retrouvent à ma droite, pas cinq, pas 10, deux, bientôt trois, parce que nous aurons une adjointe administrative, sans compter tous les avocats qui nous assistent avec leurs heures pro bono et sur les divers comités, tels les comités d'approbation, ainsi de suite.

Le projet de loi n° 29, un excellent projet de loi. Encore une fois, je vous en félicite. Trois commentaires qui sont énumérés à notre document écrit. Le premier, c'est au niveau des objectifs énumérés à 32.0.2. Et il nous a semblé que, selon la formulation présente, les objectifs visaient plutôt la diffusion d'informations juridiques et les services de recherche. Et, au niveau de l'accessibilité à la justice ou de l'accès à la justice en tant que tel, on se demandait où et dans quel sous-paragraphe il se retrouve et on se demandait même pour notre organisme. On voyait bien le sous-paragraphe 6°, «utilisation optimale des services de justice», ou 5°, le service d'aiguillage. Par contre, nous avons cru opportun peut-être de modifier ou d'ajouter un autre volet intitulé l'accessibilité à la justice pour des services juridiques gratuits ou à coût modique. Donc, ça compléterait, pour les divers organismes qui peuvent assister les justiciables à avoir un meilleur accès à la justice.

Deuxième recommandation, c'est que le Fonds Accès Justice est principalement constitué de la suramende de 4 $. C'est une excellente source de revenus, mais on a regardé ce qui se passe dans les autres provinces, avec Pro Bono Law Ontario, Pro Bono Law Alberta, avec Access Pro Bono British Columbia, et ces organismes sont financés par les fondations de droit, donc les «law foundations», qui, elles, surtout en Ontario, peuvent bénéficier des reliquats en matière de recours collectif. Juste pour vous donner une idée, en Ontario, il y a trois ou quatre recours collectifs dont il y a eu des reliquats qui ont été attitrés aux «law foundations», des montants qui totalisent entre 10 et 15 millions de dollars. C'est des sommes d'argent importantes. Et nous suggérons que ce serait une autre source d'approvisionnement pour le Fonds Accès Justice, un petit peu comme le Fonds d'aide aux recours collectifs, qui prend un pourcentage. On pourrait penser au même type de prélevé pour le fonds. Sinon, ce qui arrive, c'est que présentement Pro Bono Québec doit aller devant les tribunaux faire des demandes et rappeler aux tribunaux: N'oubliez pas que Pro Bono Québec existe. Les questions d'accès à la justice, c'est important. S'il y a un reliquat, s'il vous plaît, pensez à nous par rapport à Ambulance Saint-Jean ou l'Armée du salut, ainsi de suite.

Finalement, devant cette commission, vous avez convoqué six organismes, mais vous n'êtes pas sans vous douter qu'il existe une foule d'autres organismes qui oeuvrent dans le domaine juridique ou d'accès à la justice. Et nous avons cru, encore une fois, opportun d'avoir ou de suggérer un comité consultatif pour vous aider à cibler les organismes qui seraient les plus méritants en matière d'accès à la justice. C'est des organismes avec qui nous traitons au quotidien et non pas seulement à Montréal, mais à travers la province.

C'est les recommandations que nous vous faisons. Je vois que nous avons dépassé le temps. On s'en excuse.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est maintenant à vous pour votre premier bloc d'échange, qui sera de 10 minutes.

M. Fournier: Merci beaucoup. Bien, merci à vous de venir nous partager votre enthousiasme. Je ne veux pas consacrer trop de temps à l'ensemble de l'oeuvre que vous accomplissez, quoique je vais vous poser une question, mais, si vous avez l'occasion de me dire ce qui se passait avant 2009, sur la gestation de 2005 à 2009 et comment vous comblez un besoin qui était à combler, j'aimerais ça que vous nous parliez de l'époque pré-Pro Bono Québec, si on veut. Parce que je crois bien qu'il s'en faisait quand même, peut-être pas sous le même mode organisationnel, mais j'aimerais ça que vous nous en parliez un peu.

Je badinais tantôt, pendant que vous nous parliez des vendredis en jeans, je me demandais si celui qui payait était celui qui avait les jeans ou celui qui ne les avait pas. Alors, je badinais, simplement.

Mme Moreau (Michèle): Dans les grands bureaux, c'est ceux qui les ont, je vous le jure.

M. Fournier: Bon, bien, alors, peut-être qu'on...

Mme Moreau (Michèle): C'est pour avoir la permission de porter les jeans dans les grands cabinets.

**(15 h 50)**

M. Fournier: On pourrait peut-être penser à cette règle-là ici, à l'Assemblée, aussi.

Écoutez, il y a une question qui m'intéresse particulièrement, là. On va parler d'autre chose, mais, quand vous nous faites la proposition sur le reliquat en recours collectif, évidemment vous savez que ce reliquat-là sert... une grosse proportion sert à financer les recours collectifs. Est-ce que vous... Et évidemment les surplus qu'il y a en ce moment sont à peu près à la hauteur, de mémoire... je peux me tromper, mais il me semble que c'est aux alentours d'une dizaine, une douzaine de millions. Et évidemment ça, ça a été constitué au fil du temps, ce n'est pas 10, 12 millions par année. Vous vous imaginiez combien venait de là? Combien... ou comment vous me le suggérez de le faire pour éviter d'affaiblir notre capacité de financer des recours collectifs? En fait, d'aller un peu plus loin dans l'explication ou dans la proposition que vous me faites et que j'accueille, là. Je trouve ça toujours intéressant d'avoir des solutions comme celle-là. Je tiens à vous dire que vous n'êtes pas les premiers qui pensent à cette source-là, mais ce n'est pas grave, là. Quand même, comment vous voyez les effets d'une proposition comme celle que vous nous faites?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Oui, Mme la Présidente. Alors, écoutez, notre proposition, au niveau des reliquats des recours collectifs, n'est pas nécessairement... Puis je le dis, là, avec... on n'a pas travaillé pendant des semaines et des semaines là-dessus. C'est une idée qu'on a bien sûr... qu'on garde à l'esprit depuis des mois. On en discute ponctuellement autour de la table du conseil d'administration et là on s'est dit: Bien, peut-être qu'il faut lancer l'idée. La mécanique elle-même n'est pas très précise. Je pense que ce qu'on vous dit, c'est: C'est une avenue qu'il faut peut-être explorer. Et ce qu'on vous suggère, ce n'est pas nécessairement d'enlever au Fonds d'aide aux recours collectifs pour donner au Fonds Accès Justice, mais le montant que le juge octroie à des groupes qui représentent les membres... Et là c'est vraiment la question de: Est-ce qu'on est assez connus? Est-ce qu'on a été invités à présenter un projet? Le juge doit utiliser sa discrétion. Il y a des juges qui sont très à l'aise avec ça, il y en a d'autres qui sont un peu mal de dire: Je choisis Pro Bono Québec versus Éducaloi. Bon, peu importe.

Nous, ce qu'on se dit, c'est: S'il y avait effectivement une façon qu'une partie ou... je n'en suis même pas sur le tout, là, mais qu'il y ait un montant qui soit envoyé dans le Fonds Accès Justice, qui est... et partage les mêmes objectifs, là, d'accessibilité à la justice. Qu'on soit dans le Fonds d'aide aux recours collectifs ou dans le Fonds Accès Justice, on est dans le même objectif global. Et c'est en ce sens-là qu'on proposait... Parce que 8 millions... En fait, on est partis de l'idée de 7 à 8 millions dans le Fonds Accès Justice, les bonnes années. Il y a tellement de besoins, et c'est tellement rare qu'il y a de l'argent neuf en matière de justice.

Écoutez, moi, quand je suis arrivée à Pro Bono Québec, je pensais que la compétition était terminée puis que là j'allais arriver dans un monde... le communautaire, tout ça, tout serait beau, puis on allait tous travailler ensemble. J'avais une image un peu fleur bleue de tout ça. Il y a une féroce compétition entre les organismes d'accès à la justice, parce que la tarte est tellement petite que là il faut se battre pour notre petit bout de terrain, pour réussir à se financer puis à développer nos projets. Tout le monde a des idées extraordinaires, mais là il faut trouver la façon de les réaliser.

Alors, en partant de cette prémisse-là, 8 millions, c'est vite dépensé. Puis vous allez voir que demain je vais avoir un autre chapeau pour les centres de justice, puis on va vous en demander, des sous, encore. C'est vite dépensé. Il y a tellement de beaux projets sur la table, et c'est tellement une problématique qui est criante, au Québec, que ce qu'on se dit, c'est: Essayons de trouver des sources additionnelles de financement. Ça se fait ailleurs, ça se fait beaucoup aux États-Unis, ça se fait au Canada anglais maintenant. Est-ce qu'on ne peut pas s'inspirer de ça, avec notre modèle à nous, qui est unique comme d'habitude, alors est-ce qu'on ne peut pas, à l'intérieur de ce modèle-là, trouver une façon d'ajouter des sommes? Mais, sur la mécanique précise, je ne m'avancerais pas aujourd'hui, bien honnêtement.

M. Fournier: Puis là peut-être que c'est un élément de contexte intéressant à remettre sur la table dès maintenant. On le remettra peut-être demain, quand on parlera des centres de justice de proximité, que j'aimerais appeler centres accès justice, mais ça, c'est un autre sujet.

Mme Moreau (Michèle): Je le sais. J'ai hésité en le disant.

M. Fournier: Non, non, c'est correct, c'est correct, il n'y a pas d'expression arrêtée. Mais, juste pour mettre la base, en 2003, les budgets de la Justice étaient de 526 millions. Ils sont maintenant de 757 millions, enfin pour 2011-2012, donc un ajout de 230 millions. Il y a eu des investissements importants qui ont été faits dans les dernières années et il y en a d'autres d'annoncés, évidemment. Quand on fait plus de juges, quand on a plus de procureurs, bon, bien, écoutez, c'est la machine justice qui elle-même est déjà en grande progression, devrais-je dire. Je comprends que ce n'est pas à ça que vous faisiez référence, mais...

Mme Moreau (Michèle): ...notre milieu à nous.

M. Fournier: Non, je sais, mais c'est important de le mettre dans le contexte, parce que, jusqu'à un certain point, les gens qui nous écoutent pourraient bien se dire: Mais pourquoi est-ce que le ministère de la Justice n'est pas pro bono lui-même? Et pourquoi que tout n'est pas gratuit? Et pourquoi l'aide juridique, par exemple, pourquoi que ce n'est pas accessible à tout le monde, au complet, peu importent les revenus? Je veux dire, tout le monde peut y aller de sa proposition. Évidemment, la finalité de ça ou la conclusion de tout ça, c'est: À un moment donné, il faut y aller avec les moyens qu'on a puis se dire où on investit. Déjà, il y a eu un investissement important au cours des dernières années, mais malgré ces investissements, que je pourrais appeler les investissements système, hein, l'incontournable, bien c'est évident que ce n'est pas Pro Bono à qui on va demander de payer les juges. Bon, alors, il faut bien qu'on ait nos contributions dans notre système. Il y a des initiatives auxquelles vous faites référence qui sont excessivement intéressantes, et il faut voir comment on peut le soutenir. Alors, c'est pour ça que le fonds est sorti.

Moi, je suis le premier à espérer que l'argent arrive dans le fonds, mais en même temps jusqu'où on peut aller imposer au contribuable un ajout? Dans le cas présent, là, pour ceux qui nous écoutent puis qui n'ont peut-être pas capté ce petit bout-là jusqu'ici, c'est bien un montant qui est de 10 $ actuellement, sur une contravention, qui passe à 14 $. Indexé, il aurait été à 12 $, là. Bon, en tout cas, peu importe comment on le présente, là, il reste quand même qu'il y a 4 $ de plus, par rapport au 10 $, qui sort pour faire ce fonds-là. Alors, encore une fois, avant de déposer le projet de loi, on s'est creusé un peu les méninges puis on s'est dit... Bien, ça nous semblait, cela, acceptable, raisonnable, même si, dans le fond, il pouvait y en avoir beaucoup puis on souhaiterait répondre à des besoins beaucoup plus grands. Mais, bon, il faut aussi tenir compte de l'agent payeur. Puis je pense qu'il y a des limites à ce qu'on peut imposer comme fardeau au contribuable.

Quand je vous écoute et vous dites: Je ne veux pas toucher au 90 %, dans le fond, il y a un 10 % qui... Honnêtement... Et je vous repose la question. Puis je ne vous en veux pas, là. Peut-être que vous allez me dire: Bien, écoutez, on n'a pas analysé dans le moindre détail. Mais je ne suis pas convaincu qu'on est en train de parler d'un montant significatif, même par rapport au 8 millions, quand on parle de la tranche du 10 %. Alors, je... Enfin, dites-moi, est-ce qu'il y a d'autres sources? Est-ce que vous avez pensé à d'autre chose? Parce que je ne suis pas sûr qu'on fait un changement si majeur que ça en allant le faire. Puis je n'ai pas le profil devant moi de ceux qui ont bénéficié de ce 10 % là. Et, quand on va dire: Ça va dans le Fonds Accès, ça va aller à des objectifs déjà mentionnés, mais il y en a peut-être d'autres qui sont visés par accessoire au recours collectif. Le recours collectif, c'est un moyen juridique. Alors, on fait le lien avec la justice, l'accès à la justice. Vous le faites bien, c'est vrai, mais parfois c'est un recours collectif en matière de santé, et on peut très bien faire le lien avec la santé plutôt qu'avec le... Quelle est votre réaction à ça, à ceux qui vont dire: Bien, vous me dépossédez d'une partie de... qui était la santé tantôt. Ça peut être le logement. Je ne sais pas, là.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre, il reste une minute à peine.

M. Fournier: Et je termine.

M. De Zordo (Alexander L.): Nous n'avons pas les chiffres, mais admettons qu'on pourrait... que vous pourriez aller chercher un autre... 1 million, ça serait un huitième par année. Et, vous savez comme moi, le phénomène des recours collectifs est un phénomène relativement nouveau. Et le processus des autorisations, pour plusieurs des grands recours collectifs, est passé, et on commence à avoir des procès de fond de plus en plus. Ce n'est pas des petits procès, c'est des mégaprocès. Le procès du tabac va commencer dans quelques semaines. C'est un procès de trois à cinq ans devant le juge Riordan. C'est des sommes d'argent faramineuses qui sont en jeu, et tout reliquat qui pourrait rester, même ne serait-ce que le 10 %, pourrait effectivement constituer 1 million. On pourrait penser à 2 millions, on pourrait penser à 10 millions par année.

L'idée derrière les problèmes d'accès à la justice, comme vous dites, ce n'est pas au gouvernement, ce n'est pas au ministère d'ouvrir les coffres et de dire: C'est la justice gratuite pour tout le monde. Pour régler les problèmes d'accès à la justice, il faut que tout le monde mette la main à la pâte, tous et chacun, y compris la profession, y compris les justiciables, y compris le gouvernement. Et ici un des rôles que nous jouons, au sein de Pro Bono Québec, c'est de convaincre la profession de mettre la main à la pâte.

Alors, vous m'avez demandé qu'est-ce qui s'est passé avant 2009. Bien, tout le monde en faisait un petit peu à gauche et à droite, du pro bono. Certains bureaux en font dans leurs temps libres, d'autres en font de façon plus coordonnée. Nous avons simplement coordonné, organisé un petit peu plus et nous avons mis de l'avant la culture pro bono pour que les gens n'aient pas peur de le faire dans leur temps régulier, non pas qu'ils le fassent le week-end ou le soir, parce que c'est important de pouvoir aider ses concitoyens. Alors, en organisant, en coordonnant les services pro bono un petit peu plus dans la tradition common law anglosaxonne, ça a permis de mettre de l'avant et de prioriser les services pro bono, et non pas de les mettre sur l'arrière-plan.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, Me Alex De Zordo. Alors, je laisse la parole à la députée de Joliette pour son premier bloc d'échange.

**(16 heures)**

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Bienvenue à vous trois, Me Moreau, Me Brien, Me De Zordo. Je ne l'ai pas fait tout à l'heure, mais peut-être vous présenter les personnes qui m'accompagnent, bien sûr mon collègue le député de Lac-Saint-Jean, qui est porte-parole en relations internationales mais qui est un avocat aussi, et M. Bouchard, Pierre Bouchard, qui est recherchiste, donc qui sont présents ici pour, bien sûr, ces questions d'accessibilité à la justice. Bien, merci beaucoup pour votre présentation. C'est aussi, pour nous, une manière d'être plus familiers encore avec le rôle, la mission fondamentale de Pro Bono.

Avant, peut-être, d'aborder des questions plus pointues, je voulais comprendre. À la page 4 de votre présentation, au premier picot, dans le milieu de la page, vous parlez que vous êtes en attente d'une réponse à votre demande de subvention de la Fondation du droit de l'Ontario. Ça m'amène à vous demander... Vous venez de parler de la tradition de common law, qui est différente. Ces fondations de droit là sont aussi une réalité, je pense, davantage des juridictions de common law. Vous y avez fait référence en lien avec l'Ontario et la Colombie-Britannique, je crois. J'aimerais voir comment les finances... comment ça fonctionne, comment ils sont financés, concrètement parlant, comment ils financent les projets d'accessibilité à la justice et de quelle manière, en quel honneur vous êtes admissibles, donc, à la Fondation de droit de l'Ontario, ce qui fait en sorte que vous espérez, j'imagine, ardemment avoir accès à cette subvention.

Mme Moreau (Michèle): Et on aura la réponse d'ici la fin de la semaine. Ils ont une réunion jeudi soir. Alors, on est un peu fébriles. C'est une grosse semaine.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Oui. Excusez-moi. Excusez. Le décorum, là, je suis un peu...

Écoutez, la Fondation du droit de l'Ontario est financée, dans son fonds principal, par les intérêts des comptes en fidéicommis des avocats. Il faut comprendre que dans les autres provinces qu'au Québec, où il n'y a pas avocats et notaires qui se séparent la tarte au niveau des intérêts, tout s'en va au niveau de la fondation du droit. Chez nous, c'est séparé entre le Fonds d'études juridiques du Barreau du Québec, ces intérêts-là, et le même mécanisme, là, au niveau de la Chambre des notaires du Québec. Ces intérêts-là fondent comme neige au soleil, vous le savez, depuis quelques années, donc, dans le Fonds d'études juridiques du Barreau du Québec, là, je ne ferai pas de cachotterie, il ne reste pas beaucoup, beaucoup d'argent, à chaque année, pour des projets. D'ailleurs, le financement que Pro Bono Québec reçoit en ce moment du Barreau du Québec vient du Fonds d'études juridiques.

En Ontario -- je vais donner l'exemple de l'Ontario, là, qui est peut-être le plus... celui que je connais le mieux mais aussi qui est assez éloquent -- ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont fait des représentations, comme fondation, devant les tribunaux pour recevoir les reliquats des recours collectifs et ils ont effectivement obtenu en 2009 quelque chose comme 11 millions dans un recours, l'affaire Castano, qui... Au lieu de le mettre dans leur fonds général, ils ont créé le Fonds d'accès à la justice, qui est sous le chapeau... qui est géré par la Fondation du droit de l'Ontario. Donc, ils ont créé ce fonds-là, ce fonds-là a fait... ils ont fait un appel de propositions dans le cadre du fonds, et le fonds devait être... il venait avec des conditions que la fondation a déterminées et devait être distribué à travers le Canada.

Alors, bien sûr, on a un projet de répertoire informatisé de toutes les ressources juridiques gratuites ou à coût modique au Québec. J'ai ce projet-là en tête depuis que j'ai réalisé qu'il n'y a rien de la sorte qui existe au Québec et que c'est excessivement difficile, pour un citoyen ou pour un intervenant du milieu de la santé, par exemple, de diriger les gens vers des ressources qui existent. Et on s'est dit: Il faut le faire. Et là est arrivé... Bien, vous pourrez me répondre, mais est arrivé, après, cet appel de propositions. Donc, on s'est dit: Voilà notre chance de faire financer... On entrait dans les critères, parce qu'il y avait certains critères qu'il fallait respecter, alors on a déposé une demande de financement. Mais, on s'entend, là, c'est quelque chose comme 60 000 $, 75 000 $, là, ce n'est pas un énorme projet. Mais on a fait notre demande à la fondation et on attend une réponse depuis ce temps-là. Alors, ça fait très longtemps. Ils ont, depuis, obtenu trois autres reliquats de recours collectif qui ont été déposés dans le même Fonds d'accès à la justice, et je comprends que ces nouveaux montants ne sont pas encore distribués puis qu'il y aura un nouvel appel de propositions, éventuellement. Alors, ça, c'est le modèle common law.

Au Québec, la Fondation du Barreau du Québec n'est pas une fondation au sens fiscal et ne peut pas juste prendre des sommes et les redonner comme ça, sans aucune attache, sans superviser rien, sans... Alors, au Québec, malheureusement, on n'a pas d'équivalent de la Fondation du droit de l'Ontario.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, c'est très clair. Puis, avec mon collègue, ce qu'on se disait, c'est que, moi aussi, en fait, j'ai été surprise. Quand on commence à être députés, il y a des gens qui ont toutes sortes de problèmes, qui viennent nous voir. Certains ont des problèmes d'accès à la justice. Et j'étais sous l'impression qu'un tel répertoire des ressources existait. Et puis effectivement on n'a rien trouvé. Alors, je vous remercie, parce que ça va faciliter aussi, si ça se concrétise aussi, notre rôle un peu de référencement de ces citoyens-là qu'on dirige, comme ça, vers différentes cliniques juridiques ou en tout genre, là...

Mme Moreau (Michèle): Celles que vous connaissez.

Mme Hivon: ...c'est ça, mais qui ne sont pas non plus toujours, enfin, nécessairement les plus adaptées à leurs besoins. Donc, je pense que c'est intéressant. Vous nous donnerez des nouvelles d'ici la fin de la semaine, donc.

Une voix: ...

Mme Hivon: Ils reviennent demain, oui, mais ça va être jeudi, donc...

Mme Moreau (Michèle): Oui, mais c'est jeudi soir, vendredi, la réponse.

Mme Hivon: O.K. Moi, j'avais... Vous dites, à la page 7, dans le c: «...nous soumettons avec respect que le projet de loi devrait être enrichi pour prévoir un mécanisme de consultation afin d'aider le ministre à solliciter des demandes d'aide financière pour les projets et activités qui répondent aux critères[...], en plus de contribuer à choisir des priorités parmi toutes les demandes reçues.» Donc là, vous parlez de solliciter des demandes. À la lumière des besoins, je ne sais pas s'il va y avoir énormément besoin de solliciter ou si elles vont pleuvoir par elles-mêmes, surtout que... Mais ça m'intéresse beaucoup de vous entendre là-dessus, parce que vous venez de dire vous-même que vous aviez été un peu étonnée, en arrivant dans votre nouvel univers, de voir à quel point, la tarte étant si petite, les organismes qui ont différents mandats mais qui visent tous l'accès à la justice, un peu, se battent entre eux pour avoir ce qui est possible. Donc, je voulais voir un peu ce que vous avez en tête. Est-ce que c'est un comité avec des gens qui proviennent du milieu de l'accès à la justice, des gens qui proviennent plus du Barreau, des gens qui proviennent du ministère de la Justice, un mélange de tout ça? Et avec un regard plus consultatif ou décisionnel pour décider des projets?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Oui. Merci, Mme la Présidente. Honnêtement, je pense qu'on est plus au niveau consultatif. Et c'est un mélange de tout ce que vous avez nommé. La réflexion, en fait, c'est de se dire: Depuis... Moi, ça fait trois ans, que j'occupe le poste que j'occupe. Je découvre des nouvelles initiatives d'accès à la justice probablement à tous les mois. Même si je fais ça à temps complet, là, mais même, je dirais, un peu plus qu'à temps complet, c'est ma vie, l'accès à la justice, c'est mon travail à tous les jours, et il y a des organismes, des initiatives que je découvre encore. Alors, je me dis, c'est un monde qui est tellement... Il y a un paquet d'organismes qui sont sur le terrain, dont on n'entend jamais parler. J'ai été bénévole, avocate élue au Conseil général du Barreau pendant 10 ans, puis il y a des organismes dont je n'avais jamais entendu parler de ma vie. Alors, je pense que c'est un monde riche et qui pourrait... Dans certains cas, il y a des organismes qui pourraient bénéficier qu'un membre du comité consultatif puisse dire: Je connais cet organisme, ils font des choses extraordinaires, blablabla, et on devrait peut-être prioriser leurs projets par rapport à d'autres.

Tout ça, naturellement, s'inscrit dans: Y aura-t-il des critères plus précis? Est-ce qu'on va rester avec une entière discrétion du ministre? Honnêtement, je vous laisserai débattre de ces questions. On n'a pas eu le temps de faire le débat au conseil d'administration, alors on ne peut pas arriver aujourd'hui puis avoir une position très ferme là-dessus, étant donné le court délai qu'on a eu. Mais je pense que, dans le fond, l'idée, c'est de dire: Il est difficile de tout connaître ce qui se passe sur le terrain, même quand on est éveillé à cette question-là, alors peut-être que, si on va consulter différents intervenants de milieux différents, on va être capable de vraiment choisir les bons... justement parce que c'est difficile, on va être capable de choisir les bons projets pour dépenser ces 8 millions.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste une minute, Mme la députée Joliette.

Mme Hivon: On peut peut-être la reporter à mon autre bloc pour pouvoir échanger.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): D'accord. Alors, merci beaucoup. M. le ministre, la parole est maintenant à vous pour votre deuxième bloc d'échange, qui sera de 9 min 30 s.

**(16 h 10)**

M. Fournier: Oui. Merci. Bien, dans le fond, je n'ai pas beaucoup d'autres questions, moi. Il est clair qu'il y a un désir de trouver une autre source pour alimenter davantage le fonds, qui est une des propositions que vous faites. Simplement pour vous dire qu'on va certainement y penser, l'analyser. On va essayer de voir ce que ça pouvait représenter, les reliquats, parce qu'il y avait... Une des grandes difficultés là-dedans, c'est, lorsqu'on pense aux recours collectifs, des fois, on fait référence au tabac, on se dit: Dépendamment de la suite, de la conclusion, ça peut représenter des sommes importantes, pas récurrentes, par contre. Et là il faut donc, quand on imagine ça, avoir une conception du fonds qui est un peu différente. Là, ici, on a des fonds qui rentrent ou qui sortent. Si d'aventure on avait une provenance un peu aléatoire... Elle est un peu aléatoire, mais statistiquement assez... on s'y attend, et elle arrive. Ce n'est pas qu'on souhaite que les gens fassent des contraventions, mais, le monde étant ce qu'il est, il y en a. Alors, ça arrive, mais, lorsque... si ça devient un peu aléatoire, il faudrait concevoir la chose un peu différemment.

Pour ce qui est de la question de l'attribution, je regarde un peu ce qu'on a sur le plan de lutte à l'homophobie, où il y a des fonds qui sont prévus. Il y a un responsable qui fait des appels d'offres, exactement, là, et qui reçoit évidemment beaucoup plus de demandes que la capacité. Mais c'est correct. Je trouve que la formule de l'appel d'offres permet, à un moment donné, de dire aux gens: Bien, ça s'en vient, bon, puis là il y a des critères, puis il faut les faire connaître. Alors, on aura l'occasion, dans l'article par article, de donner, d'amener des précisions là-dessus.

Par contre, quand vous avez répondu aux questions sur le comité consultatif, j'avais vraiment l'impression que vous l'avez présenté sous une forme presque... bien différente d'un comité consultatif à l'attribution des fonds mais presque un comité consultatif à la coordination, ou à la découverte, ou à la mise en valeur de chacune des initiatives, quitte à ce que ce soit un écho ou une caisse de résonnance pour chacun qui est partie à cette grande oeuvre d'accès à la justice, qui est assez étendue, hein? On peut la prendre à un sens très limité ou on peut la prendre à un sens très, très large. J'ai presque le goût de vous dire que le bout qui m'intéresse, dans ce que vous avez dit, est celui de la caisse de résonnance, qui permet de prendre contact, d'attirer tous ceux qui font oeuvre à se connaître, à se faire connaître.

La difficulté dans l'attribution, c'est qu'à un moment donné ça prend quelqu'un qui est imputable, parce que ma collègue peut donc arriver aux crédits puis me dire: Pourquoi j'ai fait cette... j'ai pris cette décision-là? Le système fonctionne comme ça. Moi, j'essaie d'y trouver une réponse. Puis à la fin du jour la société se dit: Bien, voilà comment les choses se font. Les problèmes, avec les comités décisionnels qu'on ne connaît pas, difficile... Bien, d'abord, je ne vous invite pas aux crédits, là, le comité ne vient pas aux crédits, puis il ne peut pas répondre à ma collègue, puis à la fin ça reste un petit peu en vase clos. Je comprends qu'il y a une perception, dans l'opinion publique, que les décideurs politiques n'ont peut-être pas la cote, mais au moins ils répondent et au moins ils sont là. Dans l'autre cas, bien, ils n'existent pas, c'est l'anonymat dans le public, et je ne suis pas sûr que c'est le meilleur... en fait je suis convaincu que ce n'est pas la meilleure solution.

Ceci étant, vous dites que vous en avez découvert, tout ça, que, si j'avais à vous dire... Si j'avais à faire une première réunion d'un comité consultatif, que demain on le lançait, genre plutôt comité d'intervenants en accès à la justice, j'aurais combien d'invités, selon vous, autour de la table? Et qui seraient les plus susceptibles d'être invités et, selon vous, les plus susceptibles d'être oubliés, ceux que vous avez découverts et que vous dites: Comment, ça existe? Je ne savais pas. Parlez-moi un peu de cette découverte que vous avez faite, où se cachent, dans de nombreux recoins du Québec juridique, des gens qui oeuvrent à l'accès à la justice et que nous ne connaîtrions pas.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Merci, Mme la Présidente. Vous savez, il y a... Et là, avec mon ancien chapeau d'élue au Barreau du Québec, le modèle que je connaissais, en matière de tout ce qui concernait la justice mais y compris l'accès à la justice, c'était: ministère, barreau, chambre, magistrature. Ça, c'était... Je l'appelle le triumvirat, là, on est vraiment dans le modèle classique.

Personnellement, j'ai toujours fait du bénévolat dans des organismes -- puis souvent du pro bono -- dans des organismes depuis des années, mais dans des organismes que je connaissais, vers lesquels je... Donc, je connaissais un organisme, deux, trois, bon, le petit monde. Ce que j'ai découvert, depuis que je suis directrice générale de Pro Bono Québec, c'est tout un monde... Je n'ai pas le goût de dire «souterrain», parce qu'à mon avis il devrait être au même niveau que le fameux triumvirat dont je vous ai parlé. Il y a un apport exceptionnel du milieu communautaire à la justice. Ça va de l'avocat qui va, le mercredi soir, s'asseoir dans un centre -- bon, mettons, l'avocate -- dans un centre de femmes pour donner des consultations juridiques gratuites de 5 heures à 8 heures, à l'organisme qui est financé par une communauté religieuse puis qui est relié à une soupe populaire, un vestiaire, bon, tout ça, là, le modèle «on essaie d'aider les gens de notre paroisse et voilà», à des cliniques d'information juridique qui sont plus connues. Vous allez entendre parler des gens de Juripop ce soir. Il y a d'autres cliniques qui fonctionnent, Clinique juridique du Mile End par exemple, à Montréal, et il y en a d'autres ailleurs. Et ce monde-là a son propre réseau.

Quand Pro Bono Québec est arrivé, ma préoccupation, presque immédiatement quand j'ai découvert tout ça, ça a été de dire: Il faut qu'on fasse le lien entre l'institutionnel et le communautaire, et c'est vraiment là-dessus qu'on a travaillé. Et on a travaillé... Puis avec le répertoire on va en découvrir encore plus, parce que, bon, vous l'avez compris, là, on est deux. Couvrir tout le Québec à deux, c'est un défi. Je me sers beaucoup de mes antennes, un peu partout, du réseau que j'ai à cause de mon histoire, mais c'est sûr qu'on va découvrir encore des organismes, quand on va vraiment avoir des employés dont le travail sera de découvrir ce qui se fait sur le terrain. Mais ça a été notre préoccupation et jusqu'à maintenant...

Puis honnêtement on est sur le terrain avec ces gens-là. Et, quand on va s'asseoir... On organise annuellement un événement. Cette année, on l'a appelé, un peu plus pompeusement, notre forum des cliniques d'information juridique. C'est une journée complète d'échange entre le communautaire, en fait entre les acteurs du communautaire, puis là il y a Pro Bono qui est là, et ils nous voient vraiment comme -- on le disait ce matin dans le train, hein? -- porte-parole. Ils veulent qu'on prenne le flambeau pour eux: Allez-y. Parce que, pour eux, on a un côté institutionnel aussi, on est financés par le Barreau. Alors, prenez le flambeau, allez faire valoir nos points de vue, essayez... essayons d'avancer, de faire notre place, tout ça, et d'ouvrir le dialogue. Et c'est vraiment ça qu'on a fait. C'est vraiment ça qu'on fait sur le terrain.

Je sais que ça ne répond pas à votre question sur c'est qui, les organismes. J'en ai nommé quelques-uns. Mais, je vous dis, c'est un monde qui est riche et qui fait toutes sortes de choses, puis ce qu'on réalise, c'est qu'ils font tous des choses différentes. Puis là je vais prendre mon chapeau du Centre de justice de proximité du Grand Montréal deux minutes. Quand on a commencé le Centre de justice, ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris les deux avocates coordonnatrices. Leur première étape, ça a été de se bâtir une liste des organismes à qui on devait faire savoir qu'on existe puis à qui on va référer des gens. Et c'est ça qu'on a fait et ça a fait en sorte que jusqu'à maintenant, sans aucune publicité, on a servi le nombre de personnes qu'on a servies au centre. Alors, je vous le donne en primeur, là: 3 333 personnes, depuis le 31 mai, servies au Centre de justice de proximité du Grand Montréal. Alors, c'est gros, puis on n'a pas fait de publicité, mais on a notre réseau qui nous nourrit et qu'on nourrit à notre tour dans les... Donc, ça, là, c'est 150 organismes. Il y a des organismes gouvernementaux là-dedans mais... Puis on parle juste de Montréal, là. Alors, c'est un monde qui est riche, le milieu de la justice. Tant mieux. Tant mieux pour les citoyens. Mais là il faut comme mettre de l'ordre là-dedans.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre, il reste une minute.

M. Fournier: Une minute pour vous dire merci pour ce que vous faites, mais je vais garder mes remerciements finaux pour demain, quand vous reviendrez avec les centres accès justice.

Mme Moreau (Michèle): Ah! O.K. Mais là mon président ne sera pas là demain.

M. Fournier: Ah! bien, je le remercie au passage.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. le ministre. Alors, la parole est maintenant à Mme la députée de Joliette pour un bloc, un deuxième bloc de 11 minutes.

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, vous avez fini en disant que c'était un monde riche. On comprend, bien sûr, riche de par leur implication et la diversité de leurs actions, et non pas par leurs moyens financiers, ce qui m'amène... Tantôt, vous avez été d'une diplomatie exemplaire, mais je veux juste savoir: Si je vous disais: Quels critères on devrait privilégier ou est-ce qu'il y a des priorités qu'on devrait cibler dans l'attribution, comme vous le voyez, là, si... Je m'éloigne du libellé du projet de loi puis j'en viens plus sur le fond, les résultats qu'on veut atteindre, là, pas la mécanique mais les résultats qu'on voudrait atteindre. Donc, c'est quoi en gros, selon vous, les priorités? Est-ce que c'est de financer des initiatives qui existent déjà ou des initiatives à venir? Je ne veux pas vous mettre... C'est certain que le ministre a en tête, je pense... mais ce n'est pas tout à fait clair et annoncé, on va en discuter plus longuement quand on va être dans l'étude détaillée, mais aussi des nouvelles initiatives. Mais plus je vous entends, plus j'ai le sentiment qu'il y a déjà énormément de choses qui se font. Donc, c'est quoi un peu, votre perspective là-dessus, l'équilibre qui doit être recherché, les critères à favoriser?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

**(16 h 20)**

Mme Moreau (Michèle): Mme la Présidente, merci. Alors, écoutez, là-dessus, honnêtement, je pense qu'il ne faut pas juste favoriser les nouveaux projets. Si je regarde un petit peu ce qui s'est passé avec la Fondation du droit de l'Ontario, il y avait une frustration là-dedans, parce qu'on aurait aimé qu'il y ait des projets qu'on a déjà entamés mais que là l'argent commence à... On aurait aimé pouvoir bénéficier... Mais il fallait vraiment que ça soit des nouveaux projets ou en tout cas que ça finance une nouvelle partie du projet assez facilement identifiable, là. Bon, il y a des moyens de faire des demandes puis d'organiser, là, nos... C'est une question de budget souvent, là. Il y a moyen de trouver une façon de le faire, mais c'est sûr que c'est un frein.

Moi, je pense qu'il y a... Puis, peut-être, oui, il y a beaucoup de besoins, mais, regardez, une clinique juridique communautaire, là, tout ce qu'elle veut comme argent, ce n'est pas 1 million, là, c'est: Est-ce que je peux avoir des sous pour payer un employé à temps partiel qui va assurer la coordination de la clinique juridique? Ce n'est même pas 50 000 $ par année, là, honnêtement. Alors, ce n'est pas des sommes astronomiques, mais c'est des sommes qui, pour l'organisme, pour le projet, vont changer complètement leur vie au quotidien. Moi, j'ai vu des organismes communautaires maintenus à bout de bras par une personne, deux personnes, trois personnes entièrement dévouées. Mais, à un moment donné, tu t'essouffles parce qu'il faut que le reste de la vie continue de se passer aussi, là. Et c'est ça qui est un peu fou. C'est qu'on a en ce moment des choses qui fonctionnent bien mais qui sont à bout de souffle, je dirais, dans le milieu communautaire. Donc, je pense qu'il devrait y avoir un montant qui est attribué à des initiatives qui existent déjà mais qui ont besoin d'aide pour mieux faire ce qu'ils font. Il y a aussi, je pense... Parce qu'il faut en profiter. C'est de créer aussi des nouveaux outils. Donc, je pense qu'il faut aussi qu'il y ait un volet où on crée des nouveaux projets, des nouvelles idées. Ça peut être des trucs très ponctuels ou juste de donner un coup de pouce à quelque chose qui va être à plus long terme, peut-être.

Pour les critères, moi, j'aurais tendance à privilégier... Et là je sais que je me décolle un petit peu du projet de loi, mais, si vous me demandez à moi qu'est-ce que je privilégierais, si j'étais à votre place, M. le ministre, moi, j'irais avec tout ce qui a un impact direct sur les citoyens, c'est clair. Je regarde au centre de justice, je regarde dans les dossiers de Pro Bono Québec, quand j'appelle quelqu'un pour lui dire... Émilie l'a fait récemment. Tu appelles quelqu'un pour lui dire: Madame, monsieur, je vous annonce que votre demande a été acceptée. La réaction de ces gens-là, le soulagement, écoutez, c'est fou, là. Alors, même chose au centre de justice. Ils arrivent, là, c'est le drame. Ils ressortent: O.K. On n'a peut-être pas tout réglé, mais on connaît je m'en vais où maintenant. Il y avait plein de choses qui me préoccupaient qui ne sont finalement pas importantes. Voici comment je m'en vais dans mon dossier. J'en sais plus, je suis mieux outillé et je peux mieux avancer. Alors, moi, personnellement... Puis là, je vous dis, ce n'est pas Pro Bono Québec, là, qui a fait l'analyse, c'est Michèle Moreau, directrice générale, qui dit: Moi, je favoriserais ce qui est vraiment du service direct aux citoyens. Voilà.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Lac-Saint-Jean, à vous la parole.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je vous écoute attentivement depuis le début. Je dois vous dire que vous avez un enthousiasme contagieux. Je prends connaissance, en fait, de vos activités, vous excuserez mon ignorance, mais je trouve ça vraiment fantastique, les services que vous offrez, et j'espère que vous réussirez à déployer tous les services que vous souhaitez.

Mme Moreau (Michèle): Avez-vous un doute?

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Non, mais conscient des défis que vous avez, par contre. Et un des défis, comme député de Lac-Saint-Jean, c'est l'offre de service sur l'ensemble du territoire québécois. Et je regardais votre premier programme, là, qui est celui des causes d'intérêt public, puis vous faisiez référence à 500 demandes de services juridiques gratuits. J'étais curieux de savoir environ le pourcentage que ça pouvait représenter, par exemple, en provenance des régions ressources.

Mme Moreau (Michèle): Alors...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vais finir par comprendre comment ça marche, quand est-ce que c'est à mon tour à parler.

La moitié des demandes qu'on reçoit proviennent de Montréal et Québec, donc de ce que j'appellerais les grands centres. L'autre moitié provient de l'extérieur de Montréal et de Québec, ce qu'on appelle les avocats de province, là, autour de la table du Barreau. Quoique, Longueuil, Laval, il y a des gens qui se demandent si c'est vraiment avocats de province. Et, ceci étant dit, on en a vraiment de toutes les régions. Il n'y a pas... En fait, il y a les Îles-de-la-Madeleine, je pense, où on n'a jamais eu de demande, mais ça fait partie de Bas-Saint-Laurent--Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine. Mais, sinon, tous les barreaux de section ont eu à répondre... ont eu à nous référer des gens au niveau de notre programme pour les causes d'intérêt public. Il y a bien sûr une grande concentration... Parce que Gatineau aussi, c'est la région, c'est la province. Il y a pas mal de dossiers à Gatineau mais aussi toute la couronne nord, Laurentides, Lanaudière, là. Ça va avec la tendance démographique, bien sûr, où il y a beaucoup de dossiers qui proviennent de ces coins-là.

Mais honnêtement on s'assure de faire connaître... Notre petit dépliant est distribué, là, dans les palais de justice partout au Québec et dans les bureaux d'aide juridique partout au Québec, parce qu'on pense que, quand un avocat... non seulement on pense, mais on sait que, quand un avocat d'aide juridique refuse un dossier parce que la personne n'est pas admissible, que ce soit financièrement ou au niveau du service couvert, souvent ça peut être une solution de nous les envoyer à Pro Bono Québec, quand on se situe dans les dossiers d'intérêt public.

En 2011, mon président, qui a regardé nos statistiques rapidement pendant que je vous parlais, me souligne que nous avons eu trois demandes, en 2011, de votre région.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Considérant que nous représentons 4 % de la population...

Mme Moreau (Michèle): Et on en a accepté deux sur les trois, c'est vrai. En plus, on en a accepté deux sur les trois qui venaient de votre région, donc ça, c'est un bon score.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Bon, alors, on fera mieux, on fera 100 % la prochaine fois.

Mme Moreau (Michèle): On essaiera.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Le déploiement du fonds comme tel, j'imagine que la répartition géographique est un des éléments qui devraient être pris en considération. Vous qui travaillez avec d'autres organismes d'ailleurs au Québec, vous êtes peut-être à même de constater la disparité dans les services. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Merci, Mme la Présidente. Là-dessus, ce que je voudrais dire, c'est: C'est sûr qu'il y a une plus grande concentration d'organismes communautaires à Montréal. C'est comme ça. Le bassin de population est plus grand. Et c'est pour ça, tantôt, que je disais: Je pense qu'il faut faire de la place aussi aux nouvelles initiatives et, j'ajouterais, initiatives qui devront servir à combler les besoins les plus grands, les plus urgents. Et peut-être que ça sera effectivement des projets qui proviennent... ou qui desservent les régions plus éloignées. Je dirais que ce qui se passe en région plus éloignée, pour être moi-même une fille de la Côte-Nord, là... il y a une solidarité peut-être plus facile entre... moins formelle. Ça n'a peut-être pas besoin d'être un organisme communautaire qui dit: Il va y avoir... Les avocats de région, là, ils font tous du pro bono, mais du pro bono, j'allais dire, désorganisé, ce n'est pas le bon mot, là, mais en dehors d'un contexte institutionnel comme Pro Bono Québec. Et ça, c'est un des défis de Pro Bono Québec, c'est d'aller chercher et de reconnaître le travail qui est déjà effectué par les avocats à l'extérieur des grands centres et qui se fait dans un contexte qui est plus ponctuel, qui est moins formel mais qui se fait tout à fait et qui apporte des solutions aux problèmes juridiques de la population aussi, là.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Peut-être un dernier...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Oui. Merci, Mme la Présidente. Un dernier commentaire avant de céder la parole à ma collègue de Joliette. Concernant la subvention de la Fondation du droit de l'Ontario, l'enjeu m'apparaît extrêmement important quant à l'élaboration du répertoire informatisé. Si un service pourrait servir à l'ensemble du Québec sans aucune disparité, c'est bien un service comme celui-là. Vous disiez que vous allez avoir la réponse dans les prochains jours. Pour 50 000 $ à 75 000 $, M. le ministre, vous en conviendrez, si jamais une fondation de l'Ontario devait refuser, il me semble qu'ensemble on pourra sûrement trouver une façon de s'assurer qu'on arrive à trouver une solution. Bref, soyez assurés de faire le suivi auprès des membres de cette commission, et nous ferons cheminer... Mais il me semble que le service est... Je me souviens quand CanLII était... avait... le service avait été offert au début. Ça remonte à un moment où, moi, j'étais étudiant. Déjà là, ça avait changé la façon de travailler. J'imagine que, s'il y avait un seul répertoire pour offrir l'ensemble des services, ça serait donc extraordinaire pas juste pour les avocats, mais aussi pour les justiciables.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste quelques minutes. Me Moreau.

Mme Moreau (Michèle): Merci, Mme la Présidente. Alors, là-dessus, effectivement, ce répertoire-là, il est important pour nous. Je pense qu'il est complémentaire en plus à une nouvelle ressource dans le paysage, qui sont les centres de justice de proximité, tout à fait en lien avec ça. Et tantôt ce que je disais, c'est: Oui, pour la population, un répertoire de cette nature-là. Ce n'est pas tout le monde qui a accès à Internet. Et généralement les gens qui n'ont pas accès à Internet vont plutôt passer par une ressource qui est une personne, soit au CLSC soit dans un autre type d'organisme communautaire. Et vous parliez tout à l'heure, là, de l'utilité même pour les députés. Je peux vous dire qu'à Pro Bono Québec on a souvent des dossiers qui nous sont référés par les députés. Donc, c'est sûr que c'est une ressource que nous voyons comme vraiment utile mais essentielle, là, plus qu'utile, essentielle. Et je peux vous dire que, si la Fondation du droit de l'Ontario nous refuse, non seulement je reviendrai...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Je vous remercie. Le temps est écoulé, malheureusement.

Mme Moreau (Michèle): Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, je remercie les représentants de Pro Bono Québec pour leur participation à cette consultation.

J'inviterais le regroupement des organismes de justice alternative du Québec à prendre la parole.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

 

(Reprise à 16 h 32)

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): La commission va maintenant reprendre ses auditions avec le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. M. Charbonneau, je vous inviterais à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à faire votre exposé. Nous procéderons ensuite à une période d'échange de 45 minutes avec les membres de la commission. Et la parole est donc à vous. Vous disposez de 15 minutes.

Regroupement des organismes de justice
alternative du Québec (ROJAQ)

M. Charbonneau (Serge): D'abord, merci, merci de nous recevoir, merci de l'invitation. Je vous confesse que je vis presque un choc culturel en arrivant ici. Mes dernières expériences sont à Ottawa, donc il y a quelque chose que... Alors...

M. Fournier: C'est un petit peu différent.

M. Charbonneau (Serge): C'est un peu différent, hein, autant quand vous vous y présentez que quand on s'y présente. L'atmosphère est, voilà, à couper au couteau. Donc, merci. Merci aussi pour ça, dans le fond, donc. Je vous félicite quand même d'avoir ce climat de travail que j'ai pu percevoir dans une dizaine de minutes.

Alors, écoutez, cet après-midi je me suis quand même accompagné de personnes qui vont tenter de vous... on va essayer de vous montrer ce qu'on fait, et comment on le fait, et des idées qu'on a.

D'abord, on est très enthousiastes avec ce projet de loi là. Il y a des éléments sur lesquels on a quelques questions, on veut attirer votre attention, mais on est quand même très enthousiastes. On trouve que c'est une initiative heureuse, qui datait, et c'est un besoin criant. Alors, vous répondez à un besoin criant. Les sommes sont peut-être... et on verra ce que ça deviendra, parce que c'est quand même peu, mais quand même c'est un geste, c'est un geste concret qui dit quelque chose. Alors, on est tous heureux et on est solidaires dans ça. Donc, on vous félicite de cette initiative.

Maintenant, pour m'accompagner aujourd'hui, j'ai amené des gens. J'ai amené Luc Baudouin Nalomé, qui travaille comme chargé de communications et qui a une expérience française très riche, donc, qui a étudié à Lyon. Il va vous faire part de cette expérience-là et comment ça a joué un peu dans notre conception des choses. Parce que, malgré qu'on est dans un grand pays, on s'inspire beaucoup de la France, au ROJAQ, alors donc on vous concède tout de suite ça.

J'ai aussi avec moi Amélie Doucet, qui est la cocoordonnatrice du Service de médiation de quartier à Québec. Elle est accompagnée de ce que j'appelle un professionnel non rémunéré, qui est Jérémie Charlebois-Gignac, qui pourra aussi parler de son expérience. Donc, on va faire des interventions dans le petit 15 minutes, puis on va profiter peut-être de la période de questions pour davantage laisser libre cours aux éléments qui vous intéresseront davantage.

Alors donc, ce que je vous disais, d'abord le ROJAQ, le Regroupement de organismes de justice alternative, c'est une association, c'est un regroupement qui réunit 32 organismes de justice alternative pour le moment. Il y a 37 organismes de justice alternative au Québec, il y en a 32 qui sont membres. Il y a 220 employés qui travaillent dans ce réseau-là, pour un budget de 10 millions. Il y a 225 bénévoles maintenant qui sont engagés dans la médiation citoyenne. Donc, c'est un peu ce qu'on...

On s'occupe, vous le savez peut-être, de 10 000 jeunes contrevenants. Donc, on est davantage dans la justice pénale pour les adolescents que dans d'autres domaines, bien qu'on soit dans la médiation citoyenne, dans la médiation scolaire et maintenant aussi dans la médiation dans les cas de crimes graves. Donc, il y a 10 000 jeunes contrevenants. Il y a aussi pour nous 5 000 victimes dont on s'occupe, donc autant en médiation qu'en leur produisant de l'information sur les services de justice disponibles et en favorisant leur participation à toutes les étapes du système, autant extrajudiciaires que judiciaires. Donc, ça, c'est très rapidement un mot sur nous.

Alors, je vous disais que c'est un projet de loi qui, pour nous, est heureux mais que, peut-être, tout réside dans cette notion, et c'est assez amusant ici, dans la notion de qu'est-ce que vous entendez par le mot «justice». On verra tantôt qu'en France on parle davantage d'accès au droit, donc on est beaucoup plus... On trouve ça plus précis, nous, l'accès au droit, que l'accès à la justice. Je viens de quitter, ce matin... Je suis en préparation... J'ai rencontré une jeune dame victime d'inceste et qui veut entrer en contact avec son père. Et je me disais: Mon Dieu, qu'est-ce qu'elle me dirait si je lui demandais: L'accès à la justice, c'est quoi? Alors, la notion de justice, pour moi, c'est une notion beaucoup plus large que l'administration comme telle ou la question de l'accès au droit. Mais je trouve ça intéressant qu'on soit préoccupé à l'accès de la justice, ce qui veut dire que vous avez peut-être une vision très, très, très large. Et, quand vous parlez de collectivité... Parce que vous allez avoir besoin de préciser qu'est-ce que vous entendez par «collectivité» pour moi, pour nous, parce qu'un temps vous parlez de collectivité, un temps vous parlez de public, l'amélioration de l'image auprès du public. Alors, le public, dans la justice, c'est qui? Je trouve que c'est des... Bien que je ne suis pas avocat, je trouve qu'il y a des petites choses ici à préciser.

Il y a le mot aussi de... qui nous intéresse beaucoup, c'est la question de la prévention. Encore ici, je pense qu'on va vous confesser une lecture qu'on fait. Il y a beaucoup de confusion sur la prévention. Prévention et règlement des différends, il faut bien distinguer ces deux stratégies-là, elles ne sont pas les mêmes. Et ensuite l'amélioration de l'expérience du public, ça va nous intéresser. On a des mots à dire dans ça.

Bien entendu, c'est l'article 32.0.1 qui a attiré notre attention, parce que je pense que vous dites des choses qui sont importantes là, donc... et on vous rejoint dans «soutenir des actions». Alors, ici on parle d'actions, donc de gestes concrets, donc on n'est pas dans l'abstrait, des gestes dans la collectivité. Alors, laissez-nous l'interpréter à notre profit, pour une fois. Alors, des gestes pour la collectivité, ce n'est pas nécessairement des gestes pour les tribunaux du Québec, ce n'est pas... à notre avis. Alors, je pense que vous faites quelque chose. Vous avez un plan d'accès général et vous avez un fonds d'accès, et je pense que c'est bien de distinguer ces choses-là. Il y a le plan d'accès, où vous prévoyez des choses pour les tribunaux, vous prévoyez des choses pour la médiation familiale, vous prévoyez... J'ai vu un ensemble, là, et ici on parle d'accès pour... et je vais... tu sais, pour les citoyens, si je peux me permettre, les citoyens, et c'est des fonds qui vont être dirigés pour des actions dans la collectivité, donc c'est des actions de proximité. Alors, c'est un peu l'influence qu'on vous ferait.

Et «proximité» -- il y avait un député du Lac-Saint-Jean ici qui faisait une intervention tantôt -- le mot «proximité», ça a deux sens. C'est géographique, mais c'est aussi accessible dans ses termes, dans sa manière de nous accueillir. C'est accessible, c'est qu'on comprend quelque chose. Donc, c'est le... pour nous, on n'a pas l'impression d'être dépossédés, on a une tout autre... tout le contraire, quand on est dans quelque chose qui est de proximité, qui est accessible. Alors, vous avez mis le mot «accessible», et on en profite pour insister, donc, que, oui, si c'est d'investir dans la collectivité, si c'est d'investir dans les organismes communautaires ou si c'est d'investir dans les services des organismes étatiques qui sont près de la collectivité, bien, chapeau, parce que, dans le fond, c'est un petit peu tout ça, le défi de votre projet de loi.

Aïe! ça, ça veut dire qu'il reste cinq minutes pour...

M. Fournier: Allez-y et puis prenez de mon temps, notre temps. On est là pour vous écouter, là, votre... Sentez-vous bien à l'aise.

M. Charbonneau (Serge): O.K. Parce que je regarde puis je ne veux pas couper le temps...

M. Fournier: Allez-y, allez-y.

M. Charbonneau (Serge): O.K. Alors...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste environ sept minutes.

M. Charbonneau (Serge): C'est bon.

M. Fournier: Mais ne vous inquiétez pas. Ma collègue et moi avons le bonheur de partager le reste du temps. On vous laisse le temps que vous voulez, puis après ça on posera nos questions. Inquiétez-vous pas.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, il y a un consentement, je pense.

**(16 h 40)**

M. Charbonneau (Serge): Vous êtes bien gentil. Il y a vraiment un changement d'atmosphère. C'est évident que...

Alors donc, on salue cette intention-là, si c'est la bonne intention, d'investir dans la collectivité et dans les organismes communautaires ou des gens, des institutions qui favorisent ces choses-là.

Alors, la connaissance du droit, la connaissance du système de justice, bien entendu, ça sera toujours... mais c'est l'utilisation de toutes les ressources et même aussi de nouvelles stratégies. Et vous les mentionnez bien dans l'article, je crois, qui est le... quand on parle des modes de règlement des différends. Donc, il y a une grosse partie de votre projet de loi qui s'en va vers cette possibilité ou cette porte, où vous créez prévention et règlement des différends. Donc, vous cherchez fort probablement à favoriser des modes extrajudiciaires de prise en charge des situations conflictuelles ou des situations problèmes que vivent les citoyens. Et là-dessus, que voulez-vous, nous, on est... notre regroupement et nos organismes sont nés de cette idée de ne pas judiciariser. En disant «de ne pas judiciariser», ce n'est pas de dire que judiciariser porte atteinte à des droits, qu'on ne devrait pas judiciariser, mais c'est un peu à l'image de: hospitalocentrique ou pas, hein?

Donc, si c'est un projet qui veut favoriser des tribunaux, bien je pense que vous en avez. C'est quelque chose qui doit favoriser un espace plus accessible, et on est fort probablement ici pour vous suggérer d'investir massivement dans des centres de justice de proximité comme vous le faites. C'est une expérience... Je suis sur le comité national. J'ai participé, je suis proche. Je pense que les gens des conseils d'administration de ces centres-là ont réussi à embaucher des personnes qui ont toutes à coeur d'accueillir les citoyens de manière exemplaire, avec... Quand je parle d'accueillir, c'est un nouveau mot, c'est une nouvelle... Accueillir, ça veut aussi dire être où la personne se trouve. Donc, il y a beaucoup, beaucoup d'efforts qui sont faits dans les services sociaux maintenant pour bien accueillir les gens, avoir un langage qui est approprié, qui les...

Alors, je sens cette intention-là. Parce que, vous savez, ce n'était pas si évident que ça dans le projet et heureusement ça tourne ainsi. C'est des personnes qui se montrent accueillantes et accessibles et qui sont ouvertes, qui sont ouvertes. Alors, je ne vous cache pas qu'on avait quand même une petite inquiétude que l'accès au droit, ça favorise la nouvelle congestion des modes traditionnels. Vous pouvez prendre plein de gens qui sont en besoin de droit et de faire valoir leurs droits, et la seule porte que vous leur offrez, c'est des portes qui sont déjà avec des listes d'attente et des numérotations. Et on sent ici que vous voulez favoriser d'autre chose, et les gens des centres de justice de proximité sont exactement dans cette perspective-là. Il y a une mouvance, présentement, d'interdisciplinarité, on la sent. Donc, peut-être qu'il y a un espoir, là, de ne pas être dans des chasses gardées corporatives, si vous voulez. Alors, on sent peut-être que vous vous inscrivez... Si vous le faites, on vous applaudit de vous inscrire dans cette perspective-là et de tenter de faire ces choses-là.

Alors, quand on parle de modes de prévention ou de règlement des différends, juste un mot sur la prévention. La prévention, pour nous -- et c'est enseigné, d'ailleurs -- la prévention, c'est des campagnes de sensibilisation, c'est des campagnes de formation aux habiletés sociales. Alors, ce n'est pas nécessairement la dispensation d'un service pour régler des différends. Les règlements des différends, vous le savez, il y en a plusieurs, là, je ne voudrais pas vous ennuyer, mais, quand on parle de prévention... Vous avez mentionné la prévention, et il faudrait qu'il y ait des montants qui soient prévus pour de la prévention dans ce fonds-là. Si vous n'en avez pas dès le départ, bien, qu'on n'oublie pas, c'est quand même dans votre projet de loi et ce n'est pas synonyme de règlement des différends. Donc, prévenir des différends, ce n'est pas régler des différends.

Ce qui m'amènerait peut-être à vous... laisser parler mes collègues. Si vous voulez, on va aller faire un tour en France. Malgré que monsieur ait choisi le Québec, puis qu'il y habite, puis il semble très bien au Québec, alors il a quand même son expérience française, et la médiation citoyenne que nous proposons, c'est une médiation citoyenne qui est inspirée des expériences de Lyon, de Jean-Pierre Bonafé-Schmitt et des collaborations qu'on entretient présentement avec plusieurs associations là-bas. Mais je me tais pour laisser la parole à Luc. Et ensuite on ira voir à Québec, tout à côté, qu'est-ce qui se fait en médiation citoyenne.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Nalomé, à vous la parole.

M. Nalomé (Luc Baudouin): Merci beaucoup. Merci de nous avoir invités. Comme disait M. Charbonneau, le regroupement a travaillé fort avec le comité national pour la mise en place des centres de justice de proximité. Et, nous, nous sommes là aujourd'hui pour appuyer ces centres de justice de proximité parce que...

Je vais essayer de vous faire un parallèle avec ce qui se passe en France. On a le... Moi, j'ai étudié à Lyon 2 en France. J'ai une maîtrise en droit privé, option médiation. Et il y a le Réseau national d'accès au droit et à la médiation qui existe en France, qui est composé de cinq associations, dont AMELY, Association médiation Lyon, et des boutiques de droit, et d'ASMAJ, Association pour le soutien à la médiation à Marseille. Donc, je vais vous parler rapidement de ces deux... comment fonctionnent ces deux associations, en fait.

L'association ASMAJ, qui est à Marseille, c'est Association de soutien à la médiation et aux antennes juridiques, qui est composée de 15 antennes juridiques à travers l'agglomération marseillaise. Et, comment ils fonctionnent, ils essaient de recevoir les usagers. Quand ils reçoivent les usagers, il y a un juriste, un travailleur social et puis un médiateur ou bien une médiatrice. Donc, tous les trois reçoivent la personne. Ils étudient sa demande. Si c'est une demande qui requiert un avis juridique, le juriste est là pour l'orienter ou pour essayer de l'aider pour avoir cet avis juridique. Si c'est une demande qui requiert une autre manière de fonctionner, si c'est une demande sociale, le travailleur social est là pour l'aider à avoir cette aide sociale. Et, si c'est un autre besoin, par exemple si c'est une situation qui peut être réglée par la médiation, le médiateur ou la médiatrice est formée pour ça, donc elle est là pour orienter la demande. Donc, on ne laisse pas échapper une demande qui vient vers l'association. Donc, on répond à la demande de la personne en lui offrant une possibilité, une large possibilité de choix. Donc, c'est à la personne, à la fin, de choisir si c'est une demande pour une médiation, ou un travail social, ou bien si c'est une médiation qui répond le plus à sa demande.

La même chose avec AMELY, où il y a un juriste et puis un médiateur qui est là, qui reçoit les gens, qui essaie d'analyser leur situation et puis de les orienter, en fait, vers les ressources nécessaires.

Donc, on pense qu'avoir un fonds de justice de proximité à Québec et le généraliser au Québec, c'est une bonne chose, mais il faut aussi que ces centres de justice de proximité aillent aussi dans la collectivité, aillent dans la communauté, aillent dans les... Ce qui se passe à Lyon, c'est que les gens ne restent pas simplement dans leurs bureaux, ils vont vers le public, ils vont vers les usagers, ils vont vers les organismes où ils sentent qu'il y a des personnes en difficulté. Ils se présentent, ils assurent des permanences, et les gens peuvent venir les consulter. Et c'est gratuit, donc ça permet aux gens d'avoir accès au droit, de comprendre et de choisir librement si le... de choisir en fait d'aller au tribunal, ou bien d'avoir une médiation, ou bien si c'est à un travailleur social de le faire, en fait. Et, pour vous donner quelques chiffres, pour l'Association de soutien à la médiation et aux antennes juridiques en 2003, par exemple, il y a eu 2 477 consultations d'accès au droit, 246 médiations conventionnelles et 392 médiations pénales, en 2003, pour à peu près 1,3 millions d'habitants. Je parle de l'agglomération marseillaise.

Donc, on est à peu près à 6 millions au...

M. Charbonneau (Serge): 8 millions.

M. Nalomé (Luc Baudouin): ...8 millions au Québec. Donc, si on essaie de diversifier ces offres de service à toute la population, je pense que ça peut être une bonne idée. Puis, nous, nous sommes là pour appuyer ces projets-là. Merci.

**(16 h 50)**

M. Charbonneau (Serge): Merci. Juste avant, je vais donner un mot sur la situation québécoise de la médiation citoyenne. Donc, c'est en 1998 qu'on a commencé à enquêter sur le modèle lyonnais davantage, et déjà en 1998 il y avait un groupe de médiateurs. On appelait ça des médiateurs bénévoles. Aujourd'hui, moi, je préfère appeler ça des professionnels non rémunérés parce que c'est des gens sérieux, c'est des gens formés, n'est-ce pas, et qui s'imposent de plus en plus, finalement, de formations et de connaissances.

Alors, ce que je voulais vous dire, c'est qu'il y avait un groupe de médiateurs non rémunérés en 1998. En 2008, il y en avait 14, groupes, et en 2011 on avait 20... non, excusez, on avait 34, en 2011, unités de médiateurs citoyens. Donc, on est passés d'environ quatre à cinq médiateurs à 225 aujourd'hui. Alors, c'est pour vous montrer la progression. Il y avait en 2008 14 organismes de justice alternative puis qui offraient le service, donc qui s'occupaient d'un groupe de médiateurs non rémunérés. Il y en a 23 en 2011. Donc, on voit à chaque année, nous, croître cette expérience-là. Et j'ai les chiffres de 2008. Déjà, en 2008, il y avait environ 500 demandes de médiation, 140 qui aboutissaient. Et les types de situations qui sont prises en charge au Québec en 2008: 32 %, de voisinage; interpersonnelles, 26 % -- c'est difficile à qualifier; familiales, donc pas médiation familiale comme on l'entend mais intrafamiliale, si vous voulez, donc il y avait 13 %; milieu de travail, qui fait appel aussi, il y a 10 %; actes criminels, il y a 10 %; et nature contractuelle, 13 % des différends. Donc, je vous laisse...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charbonneau, le temps est déjà écoulé, mais, étant donné qu'il y a un consentement, alors le temps va être alloué à chaque parti en conséquence. Vous pouvez continuer.

M. Charbonneau (Serge): Vous êtes bien gentille, madame. Donc, Amélie.

Mme Doucet (Amélie): Oui. Donc, pour faire un complément sur les statistiques de M. Charbonneau, je dirais que, nous, pour l'unité de médiation citoyenne de Québec, qui est supportée par l'organisme L'Autre Avenue, donc pour les données, là, de médiation de quartier notamment en 2011, on avait quand même pas moins de 109 demandes qui avaient été effectuées au service. Le service a été vraiment démarré officiellement en 2005. En 2005, on en avait une quarantaine, mais déjà on voyait qu'il y avait un intérêt, un intérêt de la population, un intérêt des citoyens mais également un intérêt des collaborateurs. Les policiers, les gens dans les arrondissements, donc, plusieurs établissements, plusieurs instituts nous réfèrent des cas, nous réfèrent des gens qui ont des besoins, notamment au niveau des situations conflictuelles.

Donc, la manière que ça fonctionne, la médiation de quartier, c'est vraiment une équipe de bénévoles formés, donc, par L'Autre Avenue via, donc, l'expertise du ROJAQ, qui sont formés en communication, en médiation, en écoute, en écoute active et qui également reçoivent une formation continue tout au long de leur implication. Cette formation-là, ce n'est pas rien. Ça débute quand même par trois jours complets de formation, de mises en situation et vraiment de, si on veut, une action très concrète, là, dès le début de l'engagement.

Donc, médiation de quartier, c'est gratuit, c'est confidentiel, évidemment, et c'est vraiment là où l'accès devient très intéressant. Donc, la population peut obtenir des services des médiateurs bénévoles, et donc professionnels non rémunérés, donc facilement. Dès un appel laissé sur la boîte vocale, quelqu'un qui est en charge va retourner l'appel et le redistribuer parmi l'équipe. Déjà, il peut y avoir, lors d'une première rencontre, vraiment un inventaire complet de la situation pour voir quels sont les besoins. Est-ce que, premièrement, la demande est admissible? Il y a un grand travail qui peut être fait parmi les services offerts, soit un processus de médiation, où les gens sont préparés à établir un dialogue entre eux en lien avec la situation conflictuelle, ou, sinon, il peut y avoir également un accompagnement, de voir avec les citoyens, dans leur situation de conflit, comment améliorer ma situation, comment établir un dialogue, comment être ouvert à l'autre, comment bien accueillir les choses, comment bien dire les choses, quels sont les moyens qui pourraient être pris et élaborés pour pouvoir améliorer ma situation.

Donc, c'est des choses qui sont simples, mais, comme on y croit, autant les professionnels non rémunérés, autant... comme on le démontre, comme on essaie d'instaurer et d'appliquer des outils concrets, il peut y avoir vraiment une amélioration des situations. Les gens nous disent rapidement, lorsqu'ils nous ont rencontrés, que déjà la situation est plus claire pour eux, déjà c'est plus objectif, déjà ils ont été capables d'avoir une vue d'ensemble, déjà ils ont une perception des choses différente, probablement moins négative, probablement moins négative par rapport à l'autre qui est en conflit avec eux. Donc, dès la première rencontre, même si le processus n'ira pas jusqu'à une médiation, il y a une amélioration très concrète, très tangible. Parce que la finalité, l'objectif central n'est pas nécessairement que ces gens-là se rendent en médiation. Ce n'est pas le but ultime, au service. C'est vraiment qu'il y ait une amélioration des situations conflictuelles. Et, si les gens les prennent en charge et sont plus en mesure, dans le fond, de les régler et d'y répondre, c'est déjà énorme.

Je vous parlais des collaborateurs tout à l'heure. Le centre de justice de proximité est d'ailleurs un très bon collaborateur. On est en pourparlers pour établir même une collaboration en termes de formations, d'ateliers ou de conférences, la forme n'est pas encore concrète, mais où on pourrait vraiment aller rejoindre la population autrement, donc non seulement leur permettre des outils par des citoyens qui sont formés, donc les bénévoles, pour leurs situations conflictuelles, mais également sur des ateliers de formation, pour des ateliers vraiment d'initiation, de base sur la gestion des conflits et évidemment sur la communication.

Donc, en gros, c'est accessible, c'est gratuit, c'est concret, c'est rapide et c'est transférable. Donc, à long terme, on peut croire qu'il peut y avoir vraiment des améliorations au sein de toute situation que les citoyens rencontrent. Donc, s'ils ont amélioré leur façon de gérer ces situations-là, peut-être que dans le futur ils géreront d'une autre façon les situations qu'ils rencontrent. Mais évidemment ça ne pourrait pas être possible sans la collaboration du ROJAQ, sans la collaboration de L'Autre Avenue, autant financièrement, autant au niveau vraiment des ressources, autant, là, des employés, pour offrir la formation, pour soutenir les gens, pour pouvoir encadrer le travail et pouvoir s'assurer d'une qualité réellement, là, d'accompagnement.

Pour ce qui est du plus concret, je pourrais passer la parole à notre bénévole professionnel non rémunéré pour qu'il puisse vraiment vous parler de sa propre expérience. Parce que, nous, on reçoit des commentaires très positifs de la part de la population, parce qu'on voit déjà le changement à la base, mais lui le vit directement, donc il pourra vous en parler.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, Mme Doucet.

Mme Doucet (Amélie): Merci à vous.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Je laisse la parole à M. Charlebois-Gignac.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Alors, bonjour. Merci, Mme la Présidente. Je ne m'attendais pas à parler immédiatement. En fait, je suis venu eu peu à la dernière minute ici. On ne savait pas trop comment on allait s'organiser.

Effectivement, je me suis impliqué au Service de médiation de quartier à la suite -- c'est un peu étrange -- de ma formation en droit. J'ai fait mon bac en droit à l'Université Laval, je suis présentement étudiant à l'École du Barreau du Québec et à l'intérieur de ça je me demandais comment pouvoir rendre plus de justice. On vit dans un système de droit, et le droit et la justice sont souvent ensemble, sont souvent aussi séparés, et je cherchais une façon de pouvoir rendre la justice plus accessible aux citoyens, dans un cadre non litigieux, à l'extérieur des tribunaux. Je ne crois pas que ça soit des démarches opposées mais des démarches complémentaires. On n'ôte aucun travail aux avocats. Je ne m'ôterai pas un travail par avance, évidemment, loin de moi cette idée. Mais, en agissant de la sorte, je pense qu'on peut réussir à aider les gens à pouvoir prendre en main eux-mêmes leurs situations, à les régler, à déjudiciariser les problèmes, à désengorger le système de justice, qui est évidemment dans la situation qu'on connaît. Et par mon engagement j'espère y réussir dans la mesure la plus minime que je peux apporter par ma petite contribution, ma petite pierre à l'édifice. Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. M. le ministre, il resterait 15 minutes.

**(17 heures)**

M. Fournier: Merci beaucoup. Bien, merci à vous d'être ici. Effectivement, c'est un climat bien différent de celui d'Ottawa, où les expériences sont différentes, disons. Les sujets sont peut-être aussi différents. Peut-être que ça amène ça. Bon, peu importe.

Je vous écoutais... D'abord, j'ai un commentaire qui me venait comme ça: Après ça, on viendra dire qu'il manque de solidarité au Québec. Je vous écoutais, c'est fantastique, c'est de toute beauté. Je vais vous demander des précisions un peu sur ce qui amène un professionnel, qu'il soit rémunéré ou pas, un professionnel qui oeuvre auprès des citoyens... puis non seulement comment vous y arrivez, mais qu'est-ce que vous faites concrètement, comment ça arrive, quelques précisions, quand même, avant.

Vous avez abordé la question des modes alternatifs, de la prévention. Je pense que vous avez... Mais on a les bobines, si jamais vous voulez les regarder, on a deux semaines de pur bonheur pour vous. On a fait deux semaines sur le projet de loi... l'avant-projet de loi sur le Code de procédure civile, où nous avons abondamment parlé de ça.

Alors, dans les mesures du Plan Accès Justice, bien que plusieurs soient très différentes les unes des autres, il arrive que certaines s'imbriquent les unes avec les autres. Il y a une même pensée qui les anime, les unes et les autres. Et je ne le dis pas, franchement, pour rester dans le climat, je ne le dis pas simplement en termes de mesures gouvernementales ou même départementales, juste le ministère de la Justice. Lorsque vous regardez les débats que nous avons eus, autant sur le Code de procédure civile que celui que vous avons maintenant et que nous aurons là-dessus, je crois pouvoir dire que c'est un consensus que nous avons entre parlementaires de faire en sorte que maintenant, les termes qu'on utilise, la justice adjudicatrice, que certains ont appelée plus traditionnelle, puisse bénéficier de nouveaux outils, que ce soit moins long, soit moins cher, et que ce n'est pas une opposition à cela que d'avoir des moyens, qu'on en fasse la promotion, qu'on les balise peut-être, des moyens qui permettent aux gens de se saisir eux-mêmes... de s'impliquer eux-mêmes dans la solution, grâce à des intervenants qui vont faciliter cela. Ça a été vu comme une solution par rapport à la traditionnelle. Une personne a appelé ça la crémeuse, mais je ne sais pas laquelle est crémeuse ou traditionnelle. Une chose est sûre, ce sont des outils qui sont au service du citoyen à proximité. Alors, je voulais dire cela.

Demain, nous allons avoir... Malheureusement, elle n'est pas là, mais demain nous allons avoir les centres de justice de proximité qui vont venir. J'ai eu l'occasion d'aller visiter celui de Québec il n'y a pas si longtemps, et, je tiens à le dire à nos collègues, à la commission, l'enthousiasme qu'on y voit ressemble beaucoup au vôtre, et en fait ça fait bien plaisir de voir qu'il y a en même temps tout un champ d'intervention qu'on peut aller occuper, qui est très, très utile pour le citoyen.

Je prends bonne note de votre expérience sur la capacité d'aide de proximité mais de proximité plus proche encore, la proximité qui sort du bureau de proximité pour aller sur le terrain lui-même. On a toujours l'impression que le centre à proximité est déjà assez proche, mais, ne serait-ce que pour le faire connaître, hein, parfois ne serait-ce que pour créer le premier lien, il faut aussi encourager cette dynamique-là. Écoutez, je ne dis pas qu'on va tout faire ça en une semaine, là, parce que juste d'en avoir dans chacune des régions du Québec, c'est déjà une marche qu'il faut prendre, mais après ça je pense qu'il faut s'inscrire et ne pas perdre de vue les moyens d'action qui peuvent être pris. Je vais laisser les centres nous en parler demain, puis on reviendra là-dessus.

Vous nous avez dit un peu pourquoi vous êtes là, mais comment vous y êtes venu? Parce que vous vouliez contribuer. Dans la vie de tous les jours, là, vous ou un autre, comment vous avez été touché? Comment vous avez su que ça existait? Qu'est-ce que ça représente, dans votre quotidien, la participation que vous faites là? Comment il y a des gens qui décident de se mettre ensemble pour servir dans un mode un peu nouveau, là, ce n'est pas nouveau, nouveau, mais un peu nouveau, à régler... à aider les gens à avoir une meilleure vie chez eux, là? Comment ça commence? Vous, comment vous les avez connus puis comment vous sentez votre vie avec... Quand vous la faites, l'expérience auprès d'eux, comment ça s'inscrit?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charbonneau? M. Charlebois-Gignac, à vous la parole.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Je vous remercie, Mme la...

M. Fournier: ...ciblé, mais vous pouvez... mais pas tous ensemble.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Non, en deux mots, sur le service 2-1-1, que beaucoup de gens connaissent à Québec, et tous les services bénévoles offerts dans la région, comme beaucoup d'autres jeunes, qu'on dit souvent non impliqués et désabusés, eh bien, je n'étais pas désabusé, et je me suis toujours bien impliqué dans ma collectivité, et j'ai découvert par hasard, en regardant un peu plus les différents services qui étaient offerts, dans quoi je pourrais m'impliquer. Je cherchais une activité au niveau juridique par rapport à ma formation. Comme je vous disais, maintenant je suis étudiant à l'École du Barreau, et je cherchais vraiment quelque chose dans le domaine juridique, et je suis tombé sur Médiation de quartier. Et j'ai regardé, j'ai lu leur mandat, leurs principes, ce qu'ils défendaient, et je trouvais que c'étaient des valeurs qui me rejoignaient, des valeurs d'écoute, des valeurs de compréhension, des valeurs de neutralité. Ce n'était pas une façon de s'imposer aux gens, c'était une façon d'accompagner les gens dans un règlement de leurs problèmes, les accompagner non pas en leur tenant la main, mais en leur donnant les outils pour pouvoir eux-mêmes prendre leur situation en main. Et j'ai trouvé que c'était une approche différente de celle qu'on m'enseignait à l'école, une approche complémentaire qui a sa place dans un premier temps, et c'est pour ça que j'ai décidé de m'impliquer immédiatement. Et j'ai appelé mes, maintenant, que j'appellerais collègues pour recevoir la longue formation. Et depuis ce temps je rencontre des gens, j'essaie de les aider, je les oriente, et on les aide à régler leurs problèmes.

M. Fournier: Dans votre cas à vous, là, puis je ne veux pas vous cibler, vous, mais c'est vous qui êtes là, là, mais par vous, là, à travers vous, là, quelqu'un qui fait comme vous, qui est un professionnel, quand vous vous occupez, disons, sur une base annuelle, vous allez avoir combien de cas que vous pourriez accompagner? De un. De deux, je ne veux pas que vous rentriez dans vos secrets, mais j'aimerais ça que vous m'illustriez une problématique à laquelle vous avez participé. Et, qu'elle ait connu une fin heureuse ou pas heureuse, là, qu'est-ce que ça a représenté? Donnez-moi une illustration pour que moi comme ceux qui nous écoutent voient ce que ça veut dire, la médiation de quartier.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charlebois-Gignac, à vous la parole.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous parlerai du noisetier gris, qui est un arbre fort majestueux qui pousse au Québec et qui produit des noisettes, on s'en doute, et les cosses sont grises à l'automne. Alors, c'est un arbre très beau et qui devient très gros. Or, souvent planté sur la lisière des terrains entre les voisins, l'arbre va laisser tomber ses noix, qui sont très gommantes, très, très, très gommantes et peuvent tomber dans les piscines, coller sur les toiles, ne peuvent pas être ramassées par les tondeuses ni par les souffleurs. Alors, évidemment, si un voisin à nous -- je vous donne mon exemple -- en aurait un, ça tombe sur mon terrain, je vais être très fâché, je vais lui en parler. On ne réussit pas à trouver de situation d'entente, les gens se réfèrent à la ville, et ça finit par faire une grosse chicane.

Et les gens appellent chez nous. Et on tente non pas d'amenuiser les choses, mais de calmer le jeu. On écoute chacune des parties et on essaie de voir avec elles à quoi elles pourraient en arriver pour en arriver à un compromis acceptable pour chacun. Et là on ne parle pas d'avoir une injonction interlocutoire pour le forcer à ramasser les noisettes, mais on parle bien que chacun puisse comprendre pourquoi le problème touche l'autre et pourquoi l'autre est dérangé. Et ce n'est jamais une solution imposée, mais les personnes en arrivent à une compréhension. Ils se disent: Bon, bien, moi, pour moi, c'est de la nourriture. Je croyais que c'était juste formidable pour tout le monde. Mais je peux comprendre que le fait que ça gomme sa toile de piscine peut le déranger, alors je vais me déplacer pour aller les ramasser, exemple, deux fois par semaine. Et les gens en arrivent à un accord, à un compromis négocié entre eux de bonne foi. C'est un peu un cas type qu'on pourrait voir.

M. Fournier: Je vous remercie, parce que, sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure civile, nous avons parlé du bornage, ce qui m'avait bien surpris parce que je n'attendais pas une discussion sur le bornage. On en a eu une quand même. Mais ça met toujours en relief que ces questions-là, qui intéressent particulièrement les notaires, que j'essaie d'impliquer, ces discussions-là partent souvent d'une problématique qui n'est pas de bornage et, dans le cas du noisetier, peut-être pas non plus de la noix. Dans le cas que vous mentionnez ou d'expériences comme celle-là, est-ce que vous arrivez à aller au-delà du noisetier? C'est-à-dire, il faut que vous trouviez le problème de voisinage, qui n'est pas l'arbre lui-même, j'imagine qu'il y a une relation conflictuelle initiale et que vous devez... Puis, je veux dire, ça ne se fait pas en 15 minutes, là, d'habitude. Il y a eu des éléments qui se sont ajoutés les uns après les autres. Qu'est-ce que ça représente pour vous, comme implication? Vous intervenez auprès des parties pendant trois 30 minutes? Qu'est-ce que c'est? Comment ça fonctionne?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charlebois-Gignac.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Alors, rapidement, je vous dirais, on a une procédure à respecter. Tout d'abord, on reçoit un appel. On fait un retour d'appel et on s'identifie. Évidemment, on est très, très discret, on fait attention de bien parler à la personne. La confidentialité est très importante. On qualifie sa situation, à savoir si la personne est admissible. Évidemment, on ne prendra pas de cause matrimoniale de garde d'enfant, par exemple, où on sait que c'est une chasse gardée. Alors, on n'y touche pas, on fait très attention, on est très consciencieux là-dessus.

Une fois que la personne a été qualifiée, on va la rencontrer tout d'abord par équipes de deux personnes parce que souvent on va avoir plus de facilité à discuter avec une personne ou avec une autre. C'est une façon pour nous de travailler, s'assurer aussi une impartialité, un certain confort et pour les médiateurs et pour la partie. On rencontre la première partie en toute impartialité. Et, si la personne comprend bien la situation et a envie d'en venir à une médiation, a envie d'aller plus loin, la personne pourra par elle-même soit rentrer en contact avec l'autre partie et l'inviter à nous rejoindre. Ou on a maintenant des lettres toutes faites, qu'on a pris beaucoup, beaucoup de temps à faire mais qui sont très bien faites, qui se veulent non agressives pour la personne qui la reçoit mais qui lui indique qu'il se pose une situation et qu'elle pourrait communiquer avec nous dans le but d'en faire une médiation ou à tout le moins de pouvoir discuter de la problématique.

Et à ce moment-là on va rencontrer la deuxième partie, toujours dans un cadre totalement impartial. Et, si, après avoir rencontré la deuxième partie, elle aussi décide qu'on pourrait en arriver à une médiation, on pourra, dans un troisième temps, réunir les deux parties ensemble pour qu'elles en discutent. Et à ce moment-là on a plus tendance, évidemment, à s'effacer. Ce n'est plus de l'écoute active. On les regarde, on est plus des facilitateurs, on les laisse entre eux gérer leur problème. Et, oui, comme vous l'avez dit, monsieur, effectivement, souvent c'est des situations qui reviennent de loin, et il y a tout le passé à déconstruire, et il y a tout le futur à bâtir. Parce que ce n'est pas seulement le noisetier. Souvent, il y a d'autres choses qui sont en arrière, et c'est là qu'on voit la nature humaine. Et les gens, oui, en arrivent souvent, de cette façon-là, à reconstruire. Mais aussi, en étant en présence de deux médiateurs, deux facilitateurs, je me plais à dire, ça les rend plus confortables, ils se sentent plus à l'aise de parler, ils sont plus ouverts. Ils auront moins tendance aussi à lever le ton. Ce n'est pas comme dans la rue lorsqu'on discute. Il y a une certaine, je ne dirais pas... une déférence, pas comme devant un tribunal, mais il y a un certain respect, il y a un calme qui s'établit.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.

M. Fournier: Je me doute bien qu'il doit me rester un peu moins de temps dans le 10 minutes...

**(17 h 10)**

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste environ trois minutes.

M. Fournier: Ça, c'est dans mon 15 ou dans mon 10?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Dans votre 15.

M. Fournier: Ah! dans le 15. Ah! on était rendus à coups de 15, là. Bon. Là, je ne sais pas qu'est-ce que... Oui, c'est donc une tentative ou une initiation de médiation, même pas, là, une prise de contact par une des parties.

M. Charlebois-Gignac (Jérémie): Effectivement

Une voix: Dis-le, c'est une approche notariale. Dis-le...

M. Fournier: Non, non, je ne dirai pas que c'est une approche notariale.

Une voix: Oui, oui, dis-le, c'est une approche notariale.

M. Fournier: Alors donc, il y a une... Un vieux conflit. Peut-être que vous pourriez nous aider.

Une voix: ...médiation.

M. Fournier: Alors donc, il y a une...

Une voix: ...d'un notaire.

M. Fournier: ...il y a une partie qui souhaite lancer cette démarche-là généralement -- et là je vais vous laisser un peu de liberté, je vais aller vers l'opération elle-même -- généralement initiée par une partie. Le taux d'acceptation, par la deuxième partie, de lancer, de le pousser plus loin, c'est quoi? C'est 20 %, 50 %, 80 %?

Mme Doucet (Amélie): C'est très variable.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Doucet, à vous la parole.

Mme Doucet (Amélie): Oui. Merci. C'est sûr que c'est très variable. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, peu importe si elles souhaitent participer ou non, c'est qu'il y a un travail qui peut être quand même fait avec la première partie, c'est-à-dire, avec elle, de dire: Peu importe si elle dit oui, si elle dit non, que voulez-vous faire? Quels moyens voulez-vous mettre en place? Comment voulez-vous l'aborder? Quels moyens seront les plus favorables, bénéfiques dans la situation? Donc, je vous dirais que c'est vraiment un coup de dés en lien avec la situation. Est-ce qu'ils en sont là? Est-ce qu'ils en sont assez loin dans la situation pour pouvoir accepter ou non? Je vous dirais qu'on n'a pas un très grand nombre de médiations. C'est pour ça que dans la présentation du début j'insistais sur le fait que ce n'est pas la finalité qu'on souhaite, comme médiation, mais bien plus le processus. Si déjà il y a une première rencontre, déjà il y a des acquis de complétés.

M. Fournier: Avec la première partie?

Mme Doucet (Amélie): Avec la première partie et qui pourront se traduire avec la deuxième partie dans leurs échanges, dans leurs propres contacts, là.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Serge): Mme la Présidente. M. le ministre, si vous le permettez, je vais simplement vous dire: On confesse qu'on n'a pas beaucoup d'énergie à mettre à l'évaluation. Et vous avez d'ailleurs un point sur la recherche dans votre projet. Et j'essaie de vous signaler qu'il y a un travail présentement avec la France, et on est à créer un observatoire international des médiations qui va avoir besoin de soutien, donc. Mais ce n'est pas des sommes astronomiques, mais ça va...

M. Fournier: Ce n'est jamais des sommes astronomiques.

M. Charbonneau (Serge): Non, mais ça ne sera pas des sommes astronomiques parce que ce n'est pas à répéter partout dans toutes les régions du Québec. Mais c'est évident que, vous comprenez, nos organisations sont engagées dans différentes activités, et la médiation citoyenne, c'est une activité qu'on dégage des professionnels pour former et s'occuper. Donc, on le confesse, les pourcentages, on ne les connaît pas dans toutes... Ce n'est pas tout le monde qui tient ces pourcentages-là, mais on sait quand même, à quelques endroits, qu'il y a certains qui réussissent en haut de 50 %. Je peux vous donner des chiffres ailleurs qui vont vous donner quelque chose et je vais vous indiquer pourquoi ils peuvent nous parler. Quand on parle de noisettes qui tombent, on a tous un sourire, mais, pour les gens qui le vivent, ce n'est pas... Et des fois on prend ces situations-là, et on fait de la médiation dans des cas de crimes graves, et ce qu'on observe des expériences, c'est que souvent ils rencontrent des personnes qui sont aussi cantonnées dans leurs positions...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...il faut conclure. Vous avez quelques minutes pour conclure.

M. Charbonneau (Serge): Quatre minutes pour conclure?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Quelques minutes.

M. Charbonneau (Serge): Pour toute la présentation ou vous...

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Non, pour conclure...

M. Fournier: ...avec moi.

M. Charbonneau (Serge): Pour conclure avec vous? D'accord. Excusez, il fallait que... Donc, quelques minutes pour conclure que c'est vraiment important que les gens qui font ces démarches-là ne prennent jamais à la légère les situations. Les situations, elles durent depuis longtemps, des fois, ou sinon elles débutent mais elles sont très importantes pour ces personnes-là. D'ordinaire, lorsqu'il y a une ouverture... Il y a des fois des gens qui ne connaissent pas le problème, il n'y a même pas eu de discussion. Donc, vous comprenez, déjà ça fait, ça... il n'y a pas eu de discussion. Le premier réflexe d'aller voir... Bien entendu, ce n'est pas M. Charlebois-Gignac qui va dire: Bien, lui avez-vous... tu lui as-tu parlé? Mais essentiellement c'est ça qu'il fait.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors...

M. Fournier: Je sais que j'ai terminé, mais juste vous dire que non seulement il y a un avant-projet sur le Code de procédure civile, mais il y aura une consultation sur la copropriété. Il y a peut-être moins de noisetiers, mais ils ont d'autres problèmes.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Joliette. Vous avez 10 minutes... 15. On va donner 15 minutes pour votre tour.

Mme Hivon: J'imagine que j'ai le même temps, oui?

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui, vous avez 15 minutes. Excusez-moi.

Mme Hivon: Merci. Normalement, il y a de l'équité aussi ici. Des fois, on en voit moins ailleurs, mais c'est ça.

Alors, bien, bienvenue à vous tous. Je suis très heureuse de vous entendre. C'est l'occasion, comme je disais dans mes remarques préliminaires, d'avoir un débat qui sort un peu des sentiers battus sur l'accès à la justice, au droit et à la justice. Oui, moi, je conçois que la justice, c'est plus large que le droit et je pense que c'est souhaité ainsi, mais je serai intéressée à entendre ce que vous avez à dire sur cette nuance.

Je connais votre travail. Je connais aussi mon OJA, à Joliette, qui d'ailleurs l'année dernière a parti son programme de médiation citoyenne. J'ai assisté au lancement et je sais que ça va très bien avec l'équipe de bénévoles. Et d'ailleurs, quand on dit qu'il n'y a pas de petit problème pour les gens qui les vivent, on m'a parlé d'un cas où c'était quelque chose similaire à ce que vous relatiez, mais, pour la personne, elle n'en dormait plus depuis des jours. Alors, ça prenait toute la place dans sa vie, et, avec une approche de médiation citoyenne, ça a permis de résoudre... de franchir des pas bien intéressants vers la résolution du conflit.

Alors, bien, écoutez, merci de votre présentation. Moi, j'aimerais vous amener sur le projet de loi. Je comprends... Vous avez l'air... vous êtes très dynamiques et enthousiastes aussi et vous ne semblez pas nécessairement prêcher pour que les fonds... Parce qu'il y a des organismes, évidemment, qui vont venir ou qui vont nous dire: Nous, on est à bout de souffle, donc le fonds doit venir nous aider nous-mêmes. On ne l'a pas tellement entendu à date. Vous avez parlé de cet observatoire des médiations, donc, peut-être... Je comprends un peu ce que vous voulez dire quand vous parlez de recherche aussi. Je voulais voir, quand vous dites... Parce que vous saluez cette initiative-là. Vous semblez accorder peut-être la priorité à certaines initiatives. Je veux voir avec vous un peu si, parmi les objectifs qui sont énumérés, vous estimez qu'il y en a, parmi ceux-là, qui sont prioritaires.

Par ailleurs, vous parlez beaucoup de la notion de collectivité. Est-ce que, dans votre optique, ce fonds-là doit servir d'abord à des initiatives qui sont en lien direct, je dirais, avec des organismes autres que juste des initiatives du ministère de la Justice? Est-ce que, pour vous... Je le note, parce que dans l'article introductif ça parle un peu des deux, soit du ministère ou de projets de la collectivité. On imagine que ça pourrait être hybride, là, le ministère peut soutenir... Donc, quelle est votre optique là-dessus? Dans un premier temps, c'est sur ces éléments-là que j'aimerais vous entendre.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Serge): D'accord. Donc, j'ai noté la question de la justice, donc l'accès à la justice, et ensuite collectivité, et je pourrais aussi attirer votre attention sur un autre aspect, parce qu'aux points 7° et 8° on parle de recherche puis on parle d'amélioration de l'expérience du public. Donc, on a parlé de collectivité, et, public, je ne pense pas que ça soit la même chose. Et, quand je parle d'expérience de justice, ou quand je parle d'impression du public, ou quand je parle de justice, c'est justement cette notion-là qui me vient en tête. Bien entendu, je suis peut-être un peu biaisé par mon expérience dans le pénal, mais je sais, parce qu'on a de plus en plus d'expériences dans le civil, que ce n'est pas parce que les gens font des démarches juridiques, qu'ils passent devant les tribunaux et qu'il y a une décision qui est prise ou qui est rendue, même un peu négociée, «plea bargaining» ou quoi que ce soit, ou qu'ils ont été consultés, qu'ils ont l'impression de justice. Et c'est ça. Comment ajouter à tous les éléments, même extrajudiciaires et judiciaires, cette dimension qui permet aux personnes d'avoir un mot à dire dans autre chose que dans une dynamique - vous dites «adversiale»? Moi, je ne sais pas...

Une voix: ...

**(17 h 20)**

M. Charbonneau (Serge): ... - «adversariale», donc d'opposition? Quand vous êtes dans une dynamique d'opposition, vous n'aurez jamais cette impression de justice là. Et c'est cet élément-là qu'il faut ajouter, quand on parle de justice, à tout ce processus-là. C'est de ne pas dénaturer les situations, de ne pas les construire de manière telle que les gens ne les reconnaissent plus, ne reconnaissent plus ce qui se passe. Donc, c'est un peu...

Je ne suis pas très, très... pas suffisamment précis, mais on va vous fournir un mémoire, de toute manière, dans lequel on va vous ajouter des éléments. On s'excuse de ne pas avoir pu arriver avec le mémoire. On s'engage à le faire. On reviendra avec des exemples sur les situations qui sont prises, puis on vous fera des illustrations, puis on pourra disserter davantage sur la notion de justice et un peu comment on l'entend. Parce qu'on est aussi connus... Et je ne peux pas faire autrement, en parlant de ça, que de parler de justice réparatrice. Si on s'est investis dans ces initiatives-là, c'est un peu à cette image de justice réparatrice où partout on veut favoriser que les gens aient des échanges sous toutes les formes et qu'ils puissent avoir un mot à dire, un mot qui fait... Parce que les gens n'ont pas nécessairement besoin de la peine, n'ont pas nécessairement besoin de gagner sur l'autre. Ils ont besoin de comprendre davantage les motivations de l'autre et de voir des solutions, qui sont imposées ou pas à l'autre, qu'ils peuvent comprendre aussi. C'est ça, cette question de justice qui nous est très chère et sur laquelle probablement que vous pouvez contribuer en faisant ça.

Maintenant, pourquoi on n'est pas venus ici en vous demandant... On n'est pas venus en vous demandant de l'argent, parce que vous allez devoir faire des priorités, vous allez devoir prioriser sur ces fonds-là. Et on est facilement capables de concéder que les centres de justice de proximité vont être peut-être une priorité. Mais on attire votre attention que les centres de justice de proximité se développent en complémentarité, et vous avez un réseau de médiateurs citoyens qui sont là. Et, bien entendu, il va falloir les soutenir financièrement. Mais je vous dirais, et je vais être très transparent, puis même les organisations, on ne va pas vous dire que des unités de médiateurs citoyens, ça coûte 150 000 $ pour avoir six médiateurs bénévoles. Ce n'est pas vrai. C'est une solution qui existe en France et qui est à favoriser parce qu'on est un peu à cette étape-ci puis on doit...

Vous savez combien il y a de problèmes sociaux qui sont liés à des conflits dont on parle, comment c'est important et combien il y a de personnes qui consultent, qui se présentent dans des CLSC, qui se présentent dans les hôpitaux, et que ça n'a rien à voir avec une question de droit, ça a à voir avec des choses qui tombent sur une ligne? Et vous pouvez en faire une question de droit, si vous voulez, mais vous n'allez pas régler la question. Même s'il y a une décision, vous n'allez pas régler la question. Donc, comment ces situations-là peuvent être prises et pas nécessairement construites de manière juridique, ça, c'est très important, et d'aller vers une autre voie qui est une approche compréhensive, inclusive et complémentaire à ça, et qui va coûter, si on... On n'a pas chiffré ça, mais on a des expériences, on peut calculer. Un professionnel d'un organisme de justice alternative peut superviser une équipe de médiateurs pour environ le quart, le cinquième de son temps annuel, si vous mettez son salaire, les choses comme ça. Donc, on calcule, 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $, on a facilement une unité. Puis, si on trouve un local qui est fourni gratuitement, on a une unité qui fonctionne, et qui peut fonctionner très bien, et qui peut s'occuper peut-être d'une cent cinquantaine de dossiers de médiation par année ou même davantage, pour ce qui est de contacts téléphoniques. Ça vous illustre un peu...

Donc, sans vous dire: On vous a chiffré ça, voici, puis... Bien entendu, il va falloir investir et soutenir ces choses-là. Il y a des OJA, il y a des organismes de justice alternative qui vont déjà chercher des fonds pour soutenir ces initiatives-là. Il y en a d'autres qui le font à même leurs budgets parce qu'ils ont des professionnels qui veulent s'investir dans ça et qui trouvent ça tout autant important que leur travail dans le domaine pénal.

Maintenant, dans ma conception de la justice et le dernier mot, peut-être, qu'on voulait vous dire, c'est: Améliorer l'expérience du public, c'est un peu partout, ce n'est pas juste devant les tribunaux civils. Et vous avez, comme ministre de la Justice, des responsabilités sur l'administration aussi des tribunaux de la Cour du Québec. Et des fois j'ai l'impression que c'est encore... On dirait que l'opinion du public se forge davantage sur les expériences qui sont pénales qu'ailleurs. Donc, il y a vraiment une attention à porter aux victimes d'actes criminels, un effort supplémentaire, et ça, c'est vraiment une considération qu'on... et une marotte. On a fait un effort, nous, de s'occuper des victimes d'actes criminels alors qu'on n'avait pas cette fonction-là au départ. On a corrigé notre mission et on a intégré... et on donne de l'information, on favorise leur participation. Je pense que ces initiatives-là ou ce mode de... ces actions-là dans le système de justice traditionnel, si vous voulez, doivent être encore soutenues par l'État et favorisées pour réellement redévelopper ou redonner une légitimité au système de justice traditionnel, qu'il soit judiciaire ou extrajudiciaire.

Donc, il y a aussi, dans notre... il y a cette exploration-là. Parce que vous parlez de recherche. La recherche, c'est autant évaluatif qu'exploratoire. Et vous avez un beau fonds. Il y a quelque chose ici, là, qui peut permettre, si on a des proportions sur le service direct... Mais allons voir qu'est-ce qu'on peut faire pour corriger... Parce que cette expérience du public... il va falloir enquêter sur c'est quoi, l'expérience du public. Parce qu'on en entend... on entend dire... Mais, je veux dire, il va falloir enquêter, savoir quel est exactement l'élément ou les éléments qui ont fait de cette expérience-là une expérience négative ou qui ont fait de cette expérience-là une expérience positive. Je pense qu'il y a... J'aurais de la misère à situer ça. Je vais vous l'écrire, d'ailleurs, là. Quand vous me parlez «amélioration de l'expérience du public», dites-moi c'est quoi, l'expérience du public. Alors, vous voyez, c'est un peu ma question. Vous avez mis ça. Pour le moment, on a plus l'impression qu'elle est négative ou pas. Mais il y a des modes, il y a des manières d'améliorer cette expérience-là et qui...

Encore ici, je ne pense pas que ça demande des sommes importantes. Je pense que ça demande des révisions de mission des organismes présents. Peut-être qu'il faut inscrire des... Vous avez des organisations qui sont là seulement pour des justiciables qui sont les mis en cause, mais des fois vous pourriez peut-être simplement ajouter dans la mission, bien, les victimes aussi et qu'est-ce qu'on va faire pour les victimes, comment on va garder l'information, comment on va les informer régulièrement, comment les CAVAC peuvent le faire avec les tribunaux et les tribunaux administratifs. Parce que ce n'est pas simplement le tribunal pénal. Il y a beaucoup de tribunaux aussi qui s'occupent, on dirait, seulement du plaignant et des fois... ou du mis en cause.

Donc, c'est un peu ces questions-là que, sans être très, très, très précis... puis qu'on vous précisera dans le mémoire. Mais il y a des éléments, comme ça, de stratégie qui pourraient peut-être être explorés par le fonds.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme la députée de Joliette, à vous la parole.

Mme Hivon: Oui. Merci. Alors, c'est ça, en fait, c'est que j'aimerais vous entendre du fait de votre expérience. Puis je pense que vous avez apporté quand même une certaine attention aux différents objectifs qui sont poursuivis à l'article 32.0.2. Évidemment, lui, le ministre, il a un bénéfice, c'est qu'il a en tête déjà ce qu'il pourrait faire avec son fonds. Il ne nous le dit pas encore tout à fait, on va y venir, là. Mais, vous, vous êtes là. Vous ne le savez pas tout à fait. Je comprends qu'il y a les centres de justice de proximité qui semblent, pour vous, être un élément clé. Probablement que c'est le cas pour le ministre. Probablement que tout le monde pense que c'est une bonne idée aussi. Mais il y a d'autres objectifs qui sont poursuivis, vous voyez l'énumération. Puis c'est sûr que, quand on lit tout ça, on se dit: Tout ça, avec quelque chose qui, dans l'état actuel du projet de loi, pourrait représenter peut-être un 7 à 8 millions. Il va devoir y avoir des choix de faits.

Donc, moi, je veux juste vous demander, là, dans le grand univers, si, vous, vous aviez à nous dire: Bien, moi, je pense, Serge Charbonneau, que les choix devraient prioriser des initiatives existantes, des nouvelles initiatives, des initiatives qui mettent au coeur de leur action les liens avec la communauté, des initiatives qui ne sont pas que le fait du ministère... C'est ça un peu que j'essaie de voir avec vous, l'orientation qui devrait être donnée, parce que ces choix-là vont devoir être faits. Par qui, comment, ça, c'est toute un autre pan, je pense, qu'on n'aura pas le temps d'aborder. Est-ce que ce n'est que le ministère? Est-ce que c'est en collaboration avec la communauté que le choix des projets va devoir être fait? Mais je voudrais voir c'est quoi, pour vous, l'impulsion qu'on devrait donner à ce fonds-là.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Charbonneau, il vous reste 2 min 30 s.

M. Charbonneau (Serge): C'est bien gentil, madame. Alors, ça ne sera pas uniquement un éditorial, puisqu'il y a quand même des idées qui sont appuyées un peu sur une expérience, là, mais ça fait un petit peu plus éditorial, ce que vous me demandez. Et, si j'étais à votre place, j'irais lentement dans le développement des centres de justice de proximité. Lentement, ce que je veux dire, c'est que je suis tout à fait favorable, mais, si vous prenez le 8 millions puis vous le consacrez pour avoir ça partout au Québec, sans avoir développé l'aspect n° 3, qui est le... prévention et règlement des différends, il y a quelque chose... Vous devez développer tout de suite cette alternative-là ou faire en sorte qu'elle existe, faire des pressions. Et ça ne peut pas être le ministère de la Justice uniquement qui fait ça. On doit s'appuyer... J'ai vu qu'il y a des témoins qui sont des organismes communautaires qui font des choses. Comment vous pouvez les inviter dans cette collaboration-là? Mais, si vous allez dans des régions et vous faites seulement l'accès au droit... Ce n'est pas pour rien que Luc est venu vous parler de la France. L'accès au droit uniquement, pour moi, ce n'est pas de la justice. C'est mon message, c'est notre message. L'accès au droit uniquement, ce n'est pas l'amélioration de l'accès à la justice. Alors, ça va vous prendre absolument des mécanismes de règlement des différends qui sont disponibles, qui sont de qualité. Puis ce n'est pas juste nous autres qui en fait, puis de qualité, et qui vont venir contribuer à ces choses-là.

Et vous avez mis des dimensions de recherche. Vous l'avez déjà comme préoccupation avec les centres de justice de proximité. Conservez cette préoccupation-là d'enquêter. Alors, je préférerais que trois régions qu'elles sont présentement... En fait, même, ce n'est pas toute une région. Montréal, on parle d'un centre de justice de proximité. Combien ça en prendrait pour couvrir toute la région? Donc, je préférerais qu'il y ait quatre régions d'ajoutées dans les trois prochaines années, quatre autres, dans les trois prochaines années, mais tout ça associé avec des modes de règlement des différends, plutôt que d'étendre partout et d'utiliser le 8 millions pour résumer ça à l'accès au droit. Est-ce que c'est bien, comme éditorial, ça?

Mme Hivon: C'est parfait!

M. Charbonneau (Serge): Ah! c'est parfait, ça.

M. Fournier: ...une excellente question puis une excellente réponse.

La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, je remercie les représentants du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec pour leur participation à cette consultation.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

 

(Reprise à 19 h 40)

La Présidente (Mme Vallée): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Alors, nous allons poursuivre, sans plus tarder, les auditions, les consultations particulières sur le projet de loi n° 29, la Loi instituant le Fonds Accès Justice.

Alors, M. Cloutier, bienvenue. Bienvenue à la Commission des institutions. Vous disposez d'une période de 15 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura des périodes d'échange, tant avec le ministre qu'avec l'opposition. Alors, bienvenue, et la parole est à vous.

Juripop SENCRL

M. Cloutier (Marc-Antoine): Excellent. Bien, je vous remercie. D'abord, Marc-Antoine Cloutier. Je suis fondateur et directeur général de la clinique juridique Juripop. Et je suis accompagné de Julien David-Pelletier, qui est directeur exécutif et cofondateur de l'organisme. Donc, on travaille ensemble dans cette organisation qui est devenue une pas pire organisation.

Alors, dans le fond, sur le Fonds Accès Justice, d'abord vous dire qu'on a salué, au départ, l'initiative du Fonds Accès Justice. Vous savez, le Québec est à ce jour la seule province à ne pas avoir l'équivalent d'une «law foundation», et le ministère de la Justice est l'un des seuls ministères à ne pas avoir de fonds récurrent pour ces organismes communautaires, malgré l'adoption en 2001 de la politique de soutien aux organismes autonomes du Québec à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on a évidemment salué l'initiative du ministre sur le Fonds Accès Justice.

La clinique juridique Juripop en quelques mots, bien, d'abord, la clinique a pour mission de base d'offrir des consultations juridiques gratuites ou à coût modique aux gens qui sont exclus de l'aide juridique gouvernementale mais qui n'ont pas les moyens de payer pour la défense de leurs droits. Donc, à l'organisme, maintenant, on a trois avocates, avocates, oui, dis-je, et des stagiaires du Barreau, des étudiants en droit qui vont donc accompagner les bénéficiaires, souvent jusqu'au procès, même, dans le cas de nos avocates. Donc, ça, c'est pour le volet de consultation juridique.

On travaille aussi maintenant avec les organismes à but non lucratif et les travailleurs autonomes dans le cadre d'un projet qui s'appelle Juripop Affaires, donc qui accompagne aussi ceux qui sont en démarrage et qui ont besoin d'un soutien juridique mais qui n'ont pas les moyens de payer pour des services juridiques.

Et finalement on a un volet important de sensibilisation et d'information juridique, que ce soient des projets... que ce soit notre concours de plaidoirie qu'on réalise dans 16 écoles du Québec, maintenant, avec plus de 160 jeunes et 16 étudiants en droit qui encadrent ces étudiants-là, ou que ce soit notre caravane contre l'abus des aînés, qui se promène d'une maison de personnes âgées à une autre pour les sensibiliser sur l'abus de leurs droits, que ce soit notre travail avec l'association québécoise des gais et lesbiennes pour s'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination, que ce soit avec les agriculteurs. On a des guides pour s'assurer qu'ils rédigent bien leurs contrats. On en a un autre qu'on est en train de produire pour s'assurer qu'ils respectent les règles environnementales. Bref, vous comprendrez qu'en plus de notre mission de consultation juridique on a un volet très important de sensibilisation et d'information juridique.

Je vous inviterais à suivre, pour la suite, là, sur... Juste vous dire, au niveau de notre clientèle, là, il y a quand même un stéréotype important. Encore aujourd'hui, malheureusement, 75 % de notre clientèle sont des femmes monoparentales qui vont gagner entre 25 000 $ et 35 000 $, donc en demande de pension alimentaire ou en instance de divorce, là. C'est très clair que là-dessus il y a un besoin. On reçoit plus de 4 000 demandes par année. On en accepte 400. On est à ouvrir un bureau à Québec et à Sherbrooke, là. Ça sera fait d'ici la fin de l'été. Tout ça pour vous dire que la demande est vraiment importante puis les gens qu'on aide ne pourraient pas faire valoir leurs droits sans notre présence. Puis les 3 600 qui seraient possiblement admissibles à nos services mais qu'on doit refuser se retrouvent, sans aucun doute, sans aucune solution pour faire valoir leurs droits. Donc, c'est quand même une situation qui, à nos yeux, s'avère être problématique.

Au niveau de notre financement, puisque c'est le sujet du jour, la clinique tire ses revenus de trois éléments: d'abord, nos revenus de vente, vente à coût modique, donc économie sociale, vente de services utiles à la population à coût modique, que ce soient des conférences dans les organismes ou encore Juripop Affaires, où il y a quand même un membership corporatif pour les organismes à but non lucratif, deuxièmement, notre campagne de financement, qui est majeure cette année, qui est présidée par Lucien Bouchard et appuyée par un nombre assez important d'entreprises québécoises, et finalement des projets particuliers, comme on vous l'a dit tantôt. C'est quand même un cercle dans lequel on s'est pris. On aurait pu prendre la décision de rester plus petits puis d'aider moins de monde, mais on a décidé d'être un peu plus ambitieux, et ce qui fait qu'on a développé projet après projet.

Vous comprendrez que c'est un financement qui est assez précaire, parce que c'est toujours à recommencer, et le graphique que vous avez à la page 13 vous l'illustre. Donc, sur un budget, cette année, de quand même 450 000 $, il y a 160 000 $ qui provient de projets. Le restant vient de la vente et de notre campagne de financement, alors que le financement gouvernemental à la mission de base, lui, totalise 1 % de notre financement. Et c'est en réalité le soutien à l'action bénévole qui est ce 1 % là. Donc, vous comprendrez que le financement est vraiment par projet, oui. D'ailleurs, je vous regarde, là, puis plusieurs autour de la table ont contribué à ce 1 %. Merci, d'ailleurs.

Au niveau, donc, du... Tu sais, au départ, on a parti l'organisme avec la subvention démarrage, économie sociale, du centre local de développement. On est allés chercher des subventions salariales, puis c'est comme ça que tranquillement on est passés de 76 000 $, à 144 000 $, à près d'un demi-million. Mais l'année prochaine il y a à peu près 200 000 $, 300 000 $ d'assuré. C'est ça que ça veut dire. Pour l'année prochaine, si on parle, là, vraiment, aujourd'hui, pour rester, pour faire la même chose, et c'est ce que vous démontre le graphique à la page 13, pour faire exactement la même chose, garder nos 13 employés, les mêmes bureaux, puis le même service, puis aider encore 400 personnes, il faudra aller chercher 200 000 $ en projets ou en financement récurrent à la mission de base. C'est ça que ça veut dire. Idéalement, pour nous, ce serait un financement à la mission de base, parce que, les projets, veux veux pas, on fait travailler du monde qui devrait peut-être s'occuper de la mission de base, mais on les fait travailler sur des projets, alors que ce serait bien agréable que ces projets-là soient en réalité des ressources additionnelles, pour qu'on puisse, à ce moment-là, maintenir le même volume au niveau de notre financement de base. C'est l'objectif qu'on poursuit à travers notre financement.

Puis le graphique à la page 14 vous explique l'évolution du budget puis notre manque à gagner pour les années à venir. On est quand même optimistes, hein, ceci étant dit, on va les trouver, les projets, mais c'est pas mal de travail. Donc, comme je vous disais, c'est important pour nous d'aller chercher du financement à la mission de base.

Ça, c'est pour l'organisation. Je pense que je vais passer à autre chose. S'il y a des questions, on y reviendra.

Je veux vous parler un peu du milieu juridique québécois et des organismes communautaires actuellement. Bon, le Barreau, la Chambre des notaires, avec les argents, les intérêts qu'ils font sur les comptes en fidéicommis, quand même, arrivent à supporter un nombre assez impressionnant d'organisations puis à soutenir quand même la cause de l'accès à la justice, hein, d'abord. Il y a un nombre assez important d'organisations bien en vue, que ce soit Pro Bono Québec, Éducaloi ou les centres de justice de proximité. C'est des partenaires de notre organisation. On travaille de très près avec eux. D'ailleurs, il n'est pas rare... Vous savez, Pro Bono Québec a accepté quand même quelques dossiers depuis leur ouverture. Il n'est pas rare, par contre, que, quand on ne rencontre pas le critère d'intérêt public, là, qui est très important à Pro Bono Québec, à ce moment-là il soit référé chez nous. Et même chose pour ce qui est des gens qui se rendent, par exemple, sur le site Internet d'Éducaloi et qui veulent poursuivre une démarche, hein? Maintenant, ils ont l'information, mais ils veulent aller plus loin. Souvent, ces gens-là vont venir chez nous. Et même chose pour le Centre de justice de proximité du Grand Montréal, particulièrement, parce que notre bureau est à Saint-Constant, qui n'hésite pas à référer les gens, là, à nos services.

Donc, ça fait en sorte que la demande est peut-être encore plus importante, mais, nous, on n'est pas capables de répondre à ce besoin-là dont nous font part les autres organisations, qui, elles... Puis c'est le constat, en réalité, qu'on fait, c'est que ces organisations-là sont supportées à grands frais par le Barreau du Québec, par la Chambre des notaires, par le ministère de la Justice du Canada et par le ministère de la Justice du Québec, ce qui n'est pas le cas des organismes en milieu communautaire, qui, en bout de ligne, accueillent la demande finale quand les gens veulent aller plus loin et qu'ils n'ont pas accès à l'aide juridique gouvernementale.

Je vous parlais des organismes du milieu communautaire. Je pense à la Clinique du Mile End, à la Clinique des solutions justes, à la clinique des artistes, à Inform'elle. Ce sont des organisations qui ont toutes moins de 200 000 $ ou 150 000 $ de budget, dont 0 % de financement gouvernemental -- ça, c'est la réalité -- et 0 % ou près de 0 % de soutien du gouvernement, ou du Barreau, ou de la Chambre des notaires. Donc, on se retrouve, à notre avis, avec une espèce de double standard.

Au niveau du Fonds Accès Justice, on y reviendra, mais, à notre avis, là, le premier défi de ce fonds-là, et vous le trouverez à la page 17, c'est d'assurer un financement récurrent à la mission de base des organismes communautaires autonomes qui ont comme point d'attache le ministère de la Justice et qui ne sont, pour le moment, ni financés par le ministère, fédéral ou provincial, ni supportés par les instances... par les ordres professionnels québécois. C'est, à notre avis, la priorité que devrait rencontrer le Fonds Accès Justice.

Je vais laisser la parole à Julien pour ce qui est de deux modèles qui nous apparaissent très pertinents, soit le Programme de soutien aux organismes communautaires et le SACAIS.

**(19 h 50)**

M. David-Pelletier (Julien): Alors, bonjour. Le programme... Vous connaissez tous le PSOC, qui fonctionne, qui évolue dans le cadre de la loi sur la santé et les services sociaux. C'est un programme qui, bon, vient évidemment en aide aux organismes... qui a pour but de venir en aide aux organismes communautaires, qui reconnaît surtout l'importance des organismes communautaires dans leurs milieux. Parce qu'il faut savoir que c'est tout un autre type de réflexion qui encadre les organismes communautaires plutôt que... à la différence des organismes gouvernementaux. C'est deux réflexions différentes et deux réflexions qui se complètent, évidemment, à la fin de la journée, pour faire en sorte de donner les meilleurs services possible à la communauté.

Ce qu'il est important de connaître de ce programme, du Programme de soutien aux organismes communautaires, c'est évidemment d'apporter un soutien financier à la mission de base, comme on le disait tantôt, mais aussi d'assurer une indépendance qui fait en sorte que ces organismes-là puissent évoluer en toute liberté et sans avoir peur que leur financement fasse l'objet d'ingérences politiques, ou autres. Ces organismes-là apportent une saine remise en question des politiques gouvernementales parfois, du fait de la réalité qu'ils constatent sur le terrain, et c'est, à notre sens, un programme de soutien qui respecte parfaitement toutes les réflexions qui se font autour du milieu communautaire, qui s'adapte parfaitement à ce modèle-là et qui est essentiel au Québec, par ailleurs.

Le SACAIS fonctionne aussi un peu de la même façon. Le SACAIS fonctionne évidemment pour soutenir les organismes qui représentent des droits plutôt collectifs. À noter que la Clinique juridique Juripop n'est pas admissible à aucun de ces deux programmes-là, puisqu'on représente des droits individuels, ce qui nous exclut du SACAIS, et on n'est pas reconnus comme étant un organisme qui agit sur la santé des personnes, bien que nous constations souvent le contraire, évidemment, sur la psyché puis la dignité des personnes. Donc, bref...

M. Cloutier (Marc-Antoine): Il y a un article qui est important, de cette loi-là qui est la Loi sur les services de la santé et les services sociaux, qui est l'article 335, qui se lit comme suit: «Un organisme communautaire qui reçoit une subvention en vertu du présent titre définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches.» En fait, ça, là, le SACAIS puis le PSOC, c'est le résultat d'une lutte sociale importante du milieu communautaire dans les années qui évidemment précèdent peut-être même notre naissance mais qui avait...

Une voix: ...

M. Cloutier (Marc-Antoine): ... -- oui, quand même -- mais qui avait pour objectif de faire en sorte que ça ne soit pas dans les mains du politique. En réalité, c'est des fonctionnaires qui, avec une grille qui leur est fournie par le ministère, vont établir les priorités pour la région et vont octroyer le financement en conséquence. Et pourquoi on parle d'organismes autonomes, en vertu de la politique que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité, c'est le critère gouvernemental. Et on viendra... Là-dedans, par exemple, les centres de justice de proximité ne se qualifieraient pas comme un organisme autonome au sens du SACAIS et au sens du PSOC.

Ce qui nous amène sur la raison d'être d'un fonds. La raison d'être d'un fonds, quand on va chercher de l'argent supplémentaire d'une façon ou d'une autre pour créer un genre d'institution, ou un fonds communautaire, ou autres, à notre avis, ça suppose le fait que ça doit exclusivement financer des organisations qui sont des organismes autonomes. Autrement, les organisations qui relèvent de l'action vraiment ministérielle et qui sont encadrés comme tels sont généralement financés à même les budgets directs du ministère de la Justice et ne le sont pas nécessairement à partir d'un fonds. Mais là, qu'on se comprenne bien, là, je suis un fan des centres de justice de proximité. D'ailleurs, il y a des gens chez nous qui siègent au conseil d'administration de cette organisation-là. Qu'on ne se méprenne pas.

Mais, pour nous, le message est simple, c'est: Il y a de l'argent nouveau qui doit être disponible, qui doit être disponible, en fait, si on veut, si on a la volonté politique d'y aller, ce que je pense qui est le cas, qui doit peut-être être disponible pour consolider à la mission de base des organismes qui présentement sont sous-financés mais qui ne relèvent... ou qui sont des organismes externes autonomes, libres de leurs orientations et de leurs revendications politiques. Et ça, bien...

La Présidente (Mme Vallée): ...il vous reste une minute.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Oui? O.K. Parfait. Alors, juste en terminant sur le mémoire, on a identifié... Bien, d'abord, on a parlé aussi des «law foundations» ailleurs, là, qui, eux, vont chercher de l'argent dans d'autres orientations. Mais juste vous dire qu'on souhaite aller chercher... Je pense qu'il y aurait d'autres sources de financement qu'on pourrait aller chercher. Entre autres, on pourrait, à notre avis, aller chercher de l'argent au niveau des entreprises, vous savez, les entreprises qui, en se poursuivant l'une et elle, les grandes entreprises, vont utiliser les tribunaux pendant une certaine période de temps. À notre avis, on pourrait exiger une contribution de ces grandes entreprises et la verser au Fonds Accès Justice. Ça, c'est une proposition qui, d'un côté, est appuyée à la fois par Lucien Bouchard et par Louise Otis et qui fait quand même consensus dans le milieu juridique.

Contribution des avocats et des notaires. Contribution des avocats et des notaires, ça, à notre avis, c'est important qu'il y ait une cotisation obligatoire, comme c'est le cas ailleurs au Canada, qui soit versée à un fonds accès justice. Parce qu'il ne faut quand même pas oublier que la première raison pourquoi il y a un problème d'accès à la justice au Québec, c'est le montant dont chargent les avocats, hein, quand même. Ceci étant dit, il faut en rester conscient.

Et finalement le fameux sujet très épineux et délicat des comptes en fidéicommis qui, si on crée un fonds sur l'accès à la justice... À notre avis, là, l'idée, ce serait de tout centraliser ça à la même place, tant pour les notaires que pour les avocats. Donc, on a peut-être, là, trois sources de financement supplémentaires qui nous permettraient de créer un vrai fonds.

Et, en terminant, il y a trois pistes de solution qu'on vous propose: la première, la création d'un fonds calqué sur la politique gouvernementale de l'action communautaire autonome, le SACAIS, le PSOC, avec le critère d'organisme autonome. Autrement, on suggère, nous, d'aller -- je termine, là, c'est important, quand même, nos solutions -- on suggère d'aller vers la création d'une véritable «law foundation» en collaboration avec le Barreau, d'aller chercher ce financement-là au niveau des entreprises, contributions, contributions des avocats, les comptes en fidéicommis, et de placer ça dans les mains d'une «law foundation», soit sous le joug du ministère de la Justice ou du Barreau du Québec. Mais au minimum, si on décide de ne pas aller ni vers l'une, solution, ni vers l'autre, il faudrait, à notre avis, qu'il y ait un comité de gestion qui puisse déterminer, former des gens du milieu, là, qui puisse déterminer les critères d'admissibilité à ce fonds-là puis en même temps, peut-être, le gérer. Là, on peut parler d'un comité de gestion ou d'un conseil d'administration.

Donc, c'est quand même un fonds qu'on salue. On est heureux. Puis d'ailleurs on était très flattés des propos du ministre, lorsqu'il a annoncé ce fonds, que ce soit en Chambre ou en commission parlementaire. Il nous a fait plaisir, parce qu'en bout de ligne c'est aussi de reconnaître le travail que l'on fait. Alors, voilà. Mais le mémoire en dit beaucoup plus. Vous le lirez. Merci beaucoup. ...15 minutes.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Cloutier et M. Pelletier. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Merci beaucoup. Bien, merci de votre présence. Effectivement, j'ai eu l'occasion de découvrir... On en parlait un peu plus tôt ce matin, là, il y a des gens qui découvrent des acteurs du milieu qui ne sont pas nécessairement... en tout cas qui ne sont pas connus par tous, et j'ai eu l'occasion de découvrir la clinique, et j'ai vu des gens, notamment de l'université aussi, qui sont impliqués. Puis de voir l'engouement qui se crée autour d'un désir de participer à une clinique comme celle-là et du fait d'ailleurs que vous êtes en développement, on pourrait au moins dire ça, hein, c'est presque même de l'occupation du territoire, là, bientôt. Alors, c'est assez phénoménal.

Peut-être quelques... un élément qui nous... à ce moment-ci, en tout cas, qui fait une petite nuance entre nous, la façon dont on a conçu le projet, c'était pour des besoins. Pas nécessairement pour des organisations, mais pour des besoins, qui peuvent être répondus par des organisations, mais initialement c'était pour des besoins. Et, dans notre monde actuel, vous allez voir bientôt, à Ottawa, les compressions qu'ils veulent faire, vous allez voir, l'Ontario, ce qu'ils vont vivre, et nous aussi, on essaie d'atteindre un niveau de déficit égal à zéro. Alors, ça veut parfois dire, pour un ministre qui veut pousser des choses: Où on trouve l'argent? Et disons qu'on est dans le même bateau. Je suis une organisation, moi aussi, jusqu'à un certain point. Et il faut imaginer comment on peut arriver si on pense qu'il y a des gestes à poser. Alors, on fait un fonds. Un groupe est venu, un peu plus tôt, pour nous dire que, dans le fond, ce n'était pas un gros fonds, il n'y avait pas beaucoup d'argent. Je suis capable de le dire, moi aussi. En même temps, il n'y en a pas, de fonds, en ce moment, puis il n'y a pas d'argent du tout. Alors, c'est toujours jusqu'où on peut aller.

Mais je voulais juste mettre de l'avant que, par exemple, pour les centres de justice de proximité, puis vous le dites, ce n'est pas nécessairement une organisation. En même temps, c'en est un peu une. Jusqu'où on fait les différences? Ce qu'on a visé jusqu'ici, c'était de permettre, peu importe le type d'organisation, qu'un service soit dispensé. Moi, j'aime bien l'idée des centres de proximité. Je vois, pour avoir vu sur le terrain celui de Québec, je vois qu'il y a un impact important. Je le vois surtout comme aussi un carrefour de liens avec plein d'autres organisations, et c'est ça qui est intéressant, un des éléments qui est intéressant.

Je vais aller, comme questionnement principal, en premier, sur les autres sources de revenus...

**(20 heures)**

Une voix: ...ça nous intéresse.

M. Fournier: ...parce que ça nous intéresse tous les deux, d'abord, pour vous dire que, les contributions des entreprises -- je le dis comme ça, là, j'ai eu l'occasion d'avoir un échange avec le Barreau, là -- je ne pense pas qu'on peut parler d'un consensus, je peux juste vous le dire. Je n'utiliserai pas le mot «consensus», là, pour la contribution des entreprise dans les causes judiciaires, là. Les réactions que j'ai eues, c'est plutôt que cela ferait fuir les entreprises du cadre juridique québécois pour choisir d'autres cieux. Enfin, peu importe qu'on débatte ou pas, je peux vous dire qu'il n'y a pas de consensus. Je ne sais pas jusqu'où j'en aurais sur les contributions obligatoires des avocats et des notaires. Par contre, parlez-moi des comptes en fidéicommis. Parlez-moi de ce que vous cherchez à reprendre, ce qu'il y a ailleurs, d'essayer de le faire... Quel est le chemin pour y arriver? C'est un chemin volontariste? C'est un chemin législatif? Quel est votre... Comment on y arrive, à ça? Je trouve que l'idée n'est pas mauvaise, mais en même temps, déjà, ces fonds-là servent à quelque chose, là. Je veux dire, il y a des organisations qui en tirent profit.

M. Cloutier (Marc-Antoine): D'abord, juste sur pourquoi on vous propose d'aller peut-être un peu plus loin au niveau du fonds, vous savez, on est les seuls à ne pas avoir... le seul ministère ou un des seuls ministères du Québec à ne pas avoir un fonds récurrent pour la mission de base sur les organismes communautaires qui fonctionnent sous la forme de PSOC ou du SACAIS, c'est le ministère de la Justice. Donc, tu sais, notre approche première, c'était de dire: Bien, pourquoi ne pas calquer ça sur ce qu'est un organisme autonome puis créer un vrai fonds pour supporter à la mission ces organismes-là. Parce que l'impact, pour nous, c'est zéro de financement, pour le moment, tu sais, parce que les autres programmes ne nous sont pas admissibles, puis on n'est pas institutionnels à ce point, pour le moment en tout cas, d'être financés par le Barreau.

Sur la contribution entreprise, ça m'apparaît important aussi de s'assurer que ça ne fasse pas fuir les entreprises. Je pense que la façon de le faire... C'est qu'on peut faire trois choses avec l'argent qu'on va aller chercher au niveau de la contribution entreprise: d'abord, moderniser nos tribunaux pour s'assurer de créer des vraies chambres commerciales, et ça, je pense que ça se discute au Barreau, pour faire en sorte que ces entreprises-là puissent aller plus rapidement dans le processus juridique. On va les forcer par ça aussi à aller davantage vers des modes de médiation privée, quand même. C'est quand même un service de l'État de leur fournir, pendant des mois, des années, plusieurs années, des dizaines d'années, voire, des fois, un juge, un greffier, une salle puis tout ce que ça coûte, hein? Pendant ce temps-là, le citoyen, il attend des années avant d'entendre le juge. Et finalement on pourrait même, avec ce fonds-là, voire, financer, peut-être, avec la contribution entreprise -- d'ailleurs, c'est la proposition de Louise Otis, qu'elle a écrit beaucoup sur ce sujet-là -- de financer en même temps aussi la Commission des services juridiques. Ça, c'est pour la contribution entreprise.

Pour ce qui est des autres sources de financement, il faut, à notre avis, là, pour aller chercher ces argents-là, créer une vraie structure indépendante, à l'image peut-être des «law foundations» qu'il y a dans les autres provinces, où on va placer de l'argent, où on va aller, tu sais... où il y a un comité paritaire. Si on ne va pas vers un programme de soutien à la mission de base communautaire, autonome, comme le SACAIS ou le PSOC, il faudrait peut-être aller vers une «law foundation» et à ce moment-là se calquer sur les autres modèles.

Les comptes en fidéicommis, si on prend, par exemple, celui des notaires, qui l'année passée était autour de 13 millions de dollars, là, l'intérêt sur les comptes en fidéicommis qui... les notaires ont donné à peu près 500 000 $ de cet argent-là, l'année dernière, à supporter des organisations communautaires. J'emploie le mot «communautaire», là, mais il y a quand même une réserve. Puis, pour ce qui est du barreau, c'est 1,8 million, les intérêts sur comptes en fidéicommis l'année dernière. Et là-dessus ils ont donné 1 185 000 $ à des organisations communautaires, dont principalement le CAIJ, Éducaloi, Pro Bono Québec, centres de justice de proximité. C'est là qu'il est, l'argent.

Vous comprendrez que gérer les fonds en fidéicommis de cette façon-là, ça laisse peu de place pour des organisations comme nous, mettons, ou comme d'autres, là, que ce soient Saint-Georges, Mile End, Tyndale. Tous ceux qui sont dans des quartier à aider le monde, là, bien pour nous ça veut dire: Si ce n'est pas institutionnalisé, réglementé de façon autonome, avec des critères d'indépendance politique, c'est plus compliqué pour nous de naviguer là-dedans.

Et là, quand on parle de comptes en fidéicommis, déjà je vois les avocats au Barreau être réticents à ça, parce que c'est quand même de l'argent qui est utilisé pour le milieu juridique, hein, puis là ça fait toujours jaser, ça, là. Mais l'idée qu'on a, nous, avec les comptes en fidéicommis, c'est: Il faut aller vers une «law foundation» ou une fondation communautaire, une vraie, et, si on va vers là, il faut tout mettre à la même place. Les notaires, les avocats, les comptes en fidéicommis, les contributions d'entreprise, les montants obligatoires sur les cotisations d'avocat, on va mettre ça à un endroit, avec un critère, puis on va gérer le point d'attache de ces organismes communautaires juridiques à un seul endroit. C'est ça, notre propos, tu sais. C'est assez clair.

M. Fournier: Là, oui, là, c'est clair, mais évidemment, en même temps, c'est une bonne ponction, là, tu sais. Dans le fond, vous, vous dites, assis où vous êtes, vous dites: Ramassez... Je pourrais être assis là puis je pourrais dire: Moi aussi, je voudrais qu'il y ait bien plus d'argent dans le fonds. Mais comment j'y arrive? Ah oui! c'est vrai, je dis aux avocats: Vous allez augmenter votre cotisation annuelle parce que vous allez... on va vous taxer, dans le fond, là, on va faire une petite taxe spéciale pour vous autres. Même chose pour les notaires. Les entreprises, la même chose. On peut débattre des entreprises. Ils déduisent les frais judiciaires, mais ils le font dans d'autres juridictions aussi. Alors, quel est l'effet sur la fuite, là? Ça ne se fait pas à la légère non plus.

Par contre, lorsqu'on parle des comptes en fidéicommis, tout de suite vous donnez le portrait du Barreau. Ce n'est pas un montant énorme. On nomme quatre endroits, puis il est déjà placé. Je connais moins le fonds des notaires. Il y a, quoi, 13 millions, on a 500 000 $, il arrive quoi avec le reste?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Ils l'utilisent pour la formation, protection du public, ils l'utilisent... Je ne saurais pas vous dire en réalité où est-ce que va le détail, là, mais c'est sûr que... Tu sais, dans les autres provinces, là... Par exemple, l'Alberta, l'année dernière, c'était près de 30 millions, les intérêts sur les comptes en fidéicommis, parce qu'il y a les notaires puis les avocats ensemble. C'est les transactions immobilières qui génèrent davantage d'intérêts sur les comptes en fidéicommis. Les avocats ne les ont pas, au Québec, donc c'est la Chambre des notaires qui a ces montants peut-être un peu plus importants. Mais le libellé de l'article en tant que tel, le libellé sur la... qui oblige... dans le fond, qui réachemine les intérêts sur les comptes en fidéicommis vers le Barreau du Québec, les oblige à l'investir pour la cause, un peu, de l'accès à la justice ou, tu sais, pour promouvoir des ouvrages juridiques, ou autres... ce que la loi qui fait la même chose pour les notaires ne fait pas. Donc, c'est vraiment deux contextes différents.

Je veux juste faire une petite parenthèse sur le fonds... les contributions entreprise. La proposition qui est faite par... je pense, qui est partagée par Louise Otis, entre autres, et par nous, par d'autres organisations, c'est de créer au minimum un comité de travail là-dessus. Il y a une formule à déterminer, il y a des actuaires à mettre là-dedans. Je pense qu'on pourrait aller chercher des grandes entreprises, les asseoir autour de la table, déterminer ce que serait une grande entreprise, comment on fonctionnerait, quelle serait la formule, qu'est-ce qu'ils pensent de cette idée-là, comment ils voient l'idée de moderniser une chambre commerciale, puis peut-être qu'on pourrait arriver à faire un pacte où ces entreprises-là reconnaîtraient qu'elles utilisent beaucoup nos tribunaux et que par conséquence elles doivent y contribuer. Je pense que ce serait bien, là, de faire un comité de travail là-dessus puis d'avoir une vraie solution, avec Louise puis les autres qui y veulent travailler. Moi, je pense que ce n'est pas farfelu, en tout cas, d'y penser.

La Présidente (Mme Vallée): ...je dois céder la parole à Mme la députée de Joliette.

M. Fournier: J'y reviendrai.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à vous, représentants de Juripop. Donc, je suis très heureuse que vous soyez là, que vous ayez répondu à l'invitation qui vous a été faite, parce que j'étais convaincue que vous alliez avoir plein d'idées, pour vous avoir déjà vus au début de votre projet. Déjà, je trouvais ça extraordinaire mais très ambitieux et audacieux, et je vois que visiblement votre audace et votre ambition vous ont menés loin, parce que ça fait quand même juste quelques années puis déjà ça a l'air de bien aller. Et, comme dit le ministre, vous avez des idées d'occuper le territoire au complet, malgré que, de ce que je comprends, vous avez 13 personnes qui travaillent avec vous et un modeste budget. Donc, c'est vraiment très, très enthousiasmant de vous entendre, comme les témoins précédents qu'on a entendus, parce qu'on sent très bien l'engagement pour l'accès à la justice, et c'est de ça dont il est question ici.

Donc, vu que vous avez plein d'idées, je vais tout de suite rentrer dans le vif du sujet. Il y a comme deux éléments fondamentaux, pour moi, dans, je dirais, l'aspect plus technique, quand on sort de la philosophie de l'accès à la justice, dans le projet de loi. Il y a l'aspect de comment on le finance, ce fonds-là, pour s'assurer en fait qu'il soit optimal et qu'il puisse répondre le mieux possible à des besoins, donc toute la question des sources de financement, et il y a l'autre. Vous, vous parliez beaucoup tantôt, quand vous parliez de la politique pour le soutien des organismes autonomes, communautaires autonomes, de l'indépendance, je dirais, politique, des critères d'indépendance politique, et c'est un autre aspect. Donc, la gestion de ce fonds-là qui est créé, là, à même le ministère, sans conseil d'administration, sans comité consultatif, sans critère, sans reddition de comptes, donc ça, c'est un autre élément. Jusqu'où il faut aller, jusqu'où il faut être encadré, jusqu'où il faut de la souplesse? Donc, premier élément, le financement, vous en avez parlé. Je veux bien comprendre votre proposition. Pour vous, c'est de deux choses l'une: ou bien on calque sur le financement des organismes communautaires ou bien on y va avec une espèce d'idée de fondation du droit, qui donc ne relèverait pas du ministère de la Justice et qui recevrait donc les sommes à partir des éléments que vous mentionnez. Le 4 $ qui est présentement dans le projet de loi, j'imagine que vous... J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Trouvez-vous que c'est une bonne base de financement? Est-ce que ce serait intégré, donc, à cette fondation du droit? Et est-ce qu'il y a une position hybride, selon vous, que ça relève du ministère de la Justice mais dans une forme autre?

**(20 h 10)**

M. Cloutier (Marc-Antoine): La fondation de droit peut à la fois soit être administrée par le ministère de la Justice ou par le Barreau du Québec. Dans les autres provinces, c'est une loi habilitante qui crée, dans la majeure partie, en fait, dans la majorité de ces fondations-là... qui les crée. Donc, c'est quand même géré par des critères gouvernementaux. Dans les autres provinces... Il faut comprendre, quand même, hein? Dans les autres provinces, il n'y a pas d'aide juridique gouvernementale comme on a ici, là, à part en Ontario, là, où ça peut peut-être s'équivaloir. Mais autrement les gouvernements donnent de l'argent à ces fondations de droit et leur disent: Gérez donc le milieu communautaire puis les organismes affiliés au ministère. C'est ça qu'ils font. Bon, ça, c'est une façon de faire. Mais là, là-dedans, on oublie le critère «autonome», là, on parle de tout le monde, là, les centres de justice, Pro Bono, Éducaloi, nous autres puis plein d'autres, parce qu'il y en a en mautadit, des organismes communautaires. Donc, on met ça là. Ça, c'est une possibilité.

Autrement, sur l'indépendance politique, c'est quelque chose de bien important, tu sais, parce que, nous, oui, on a une action concrète sur le terrain, mais on est aussi des militants de la cause de l'accès à la justice. Donc, il n'est pas rare de nous entendre être d'accord, n'être pas d'accord, n'être pas sûrs ou n'être vraiment pas d'accord sur des éléments, que ça soit les critères d'admissibilité à l'aide juridique, ou autres. Et pourquoi ça s'est fait comme ça? C'est que, malgré que je ne doute pas des bonnes intentions du ministre, dans le temps ils se sont battus pour ça parce qu'il y avait une forme d'ingérence qui devenait institutionnelle, à un moment donné, tu sais. Donc, une organisation ne pouvait pas dire: Bien, le ministre, il n'a pas raison là-dessus, parce qu'ils avaient peur de dire: Oui, mais là le ministre, c'est lui qui m'envoie le chèque, tu sais. Ça fait que là, pour nous, c'est important que le chèque soit vraiment autre chose que la revendication politique. Ça, c'est super important. C'est à la base de l'action communautaire. Autrement, on dénature une partie de notre organisation qui est importante à nos yeux.

Et, sur la contribution entreprise, par exemple, après cinq jours de procès de deux grandes compagnies, bien peut-être qu'à ce moment-là on dit: Bon, bien, cinq jours, c'est correct, c'est normal, mais après peut-être qu'on pourrait avoir une contribution progressive, évaluer combien ça vaut, ça, une journée à la cour, puis, bon, dire: Bien, on commence là, puis on y va, tu sais. Puis c'est rare, les procès d'individus qui durent des mois ou des années.

Mme Hivon: O.K. Pour revenir à la question, donc, de l'encadrement, admettons, hypothèse de travail, qu'il n'y a pas tout de suite une fondation du droit et donc que ce fonds-là continue à être sous l'égide du ministère de la Justice principalement. Donc, vous, vous voyez ça avec un conseil d'administration, vous voyez ça avec un conseil d'administration qui a des membres qui proviennent de la communauté juridique, du milieu communautaire, avec des gens du ministère de la Justice, qui font des recommandations au ministre ou qui sont décisionnels, donc complètement indépendants. C'est ce que je crois comprendre, mais dites-moi un peu votre vision de l'affaire.

M. David-Pelletier (Julien): Bien, notre action a toujours été... En fait, nos réflexions ont toujours englobé la totalité des acteurs du monde juridique, des affaires et communautaire. Parce qu'il faut comprendre que l'accès à la justice ne se résume pas simplement au financement des organismes communautaires, simplement par le financement de l'aide juridique ou simplement par la connaissance qu'ont les citoyens de leurs lois, mais plus globalement il faut avoir évidemment une vision d'ensemble. Donc, évidemment, une fondation de droit serait, pour nous... la meilleure solution serait qu'elle soit administrée par justement des représentants de chacun des domaines où l'accès à la justice a sa raison d'être et chacun des domaines qui ont un effet sur l'accès à la justice. Donc, je ne sais pas si je réponds à la totalité de votre question, mais, pour nous, ce serait très important que cette fondation-là soit administrée évidemment par des représentants de tous les milieux.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Parce que si...

Mme Hivon: Là, on est dans le scénario fondation. Admettons qu'on n'est pas dans un scénario fondation, parce que c'est encore sous l'égide du ministère de la Justice -- je ne dis pas que ce n'est pas une bonne idée, là, je vous amène une autre... -- comment ça doit fonctionner?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Mais, tu sais, si l'objectif c'est de financer des projets... O.K. Mettons qu'on met la fondation, puis SACAIS, puis toutes ces affaires-là de côté, O.K.? S'il n'y a pas un conseil qui s'occupe au minimum de faire les recommandations ou d'avoir un pouvoir décisionnel sur les critères d'admissibilité puis l'octroi des fonds, on va appeler un chat un chat, là, en réalité on va chercher de l'argent. Le 4 $, on l'a salué, c'est une bonne idée, on est d'accord avec ça, là. Si ça crée de l'argent pour le milieu, bien, super, parfait. Mais, si on va chercher de l'argent d'un côté puis que le ministère décide tout seul quels projets on va financer, dans la vraie vie on appelle ça aller chercher de l'argent pour faire des projets. On n'appelle pas ça une fondation, on n'appelle pas ça un fonds, on appelle ça aller chercher de l'argent puis décider d'un projet. Donc, moi, je pense qu'au minimum, tu sais, c'est ça qu'on dit, au minimum, si on veut que ça soit un fonds, parce qu'on appelle ça un fonds, il faudrait qu'il y ait un certain conseil, comité de gestion ou conseil d'administration, comité consultatif, ou autres, au minimum, là. Au minimum. Ça répond à la question? Juste être sûr. C'est clair?

Mme Hivon: Oui. Oui, oui. Non, non, c'est beau. Je veux juste décortiquer le scénario que vous prônez, les deux, si c'en est un autre, comment vous voyez ça. Pour ce qui est, bon, du financement, votre contribution des entreprises, vous la voyez vraiment comme à partir d'un certain moment. La contribution devrait représenter l'ensemble du coût, ou bien c'est une variante de ça, c'est un tarif, c'est un pourcentage? Je ne le sais pas. Est-ce que vous liez ça à la règle de la proportionnalité? En fait, je vous pose un peu tout ça parce qu'on sort, en janvier, de deux semaines de consultation sur le nouveau Code de procédure civile, et puis déjà il y a beaucoup d'organismes pour qui, juste de venir juger de la pertinence d'un expert unique pour, par exemple en lien... à savoir, la proportionnalité fait en sorte que ce serait disproportionné d'avoir plusieurs experts, donc... Je ne dis pas que c'est la même chose, là. Mais comment on pourrait faire en sorte que ce soit assez uniforme dans l'application?

M. Cloutier (Marc-Antoine): À notre avis, la base de ça, c'est la règle de la proportionnalité d'usage commun, O.K.? C'est le critère qui a été développé en fait sur ce que j'ai lu jusqu'à date. Mais ce n'est pas quelque chose de simple, là. Comme je le disais tantôt, il faut qu'il y ait un comité là-dessus qui établisse une formule où on implique les entreprises, les actuaires, le ministère de la Justice, puis qu'on sorte de ça une piste de solution. D'ailleurs, le Barreau s'était penché là-dessus quand même avec son comité sur l'accès à la justice par la fiscalité, où on avait d'ailleurs été très clair sur l'iniquité entre l'accès à la justice des entreprises puis... Le Barreau a fait un bon pas en le disant, là. C'était clair, là. Il y a un problème. On ne peut pas se mettre la tête dans le sable, là. Donc, le Barreau avait proposé comme solution, à ce moment-là, qu'on déduise des impôts aussi pour les particuliers. Bon, ce n'est pas une mauvaise idée. Ceci étant dit, je pense que ça serait peut-être mieux, là, si on veut vraiment parler d'accès à la justice, qu'on fasse le contraire ou au minimum qu'on essaie d'exiger une certaine contribution de ces entreprises-là.

La Présidente (Mme Vallée): ...le ministre. Oui, c'est à vous.

**(20 h 20)**

M. Fournier: Excusez. Excusez-moi. Oui, bien, on était en train de dire... Parce que c'est intéressant, là, justement, j'en discutais, je vous l'ai dit, avec le Barreau il n'y a pas longtemps, là, des propositions sur la fiscalité puis sur le constat d'iniquité pour le citoyen avec son net qui paie les frais puis les honoraires, alors que les entreprises le déduisent. Alors, il y a comme quelque chose qui n'est peut-être pas tout à fait égal. Sans compter que de plus en plus de dossiers sont des dossiers corporatifs, et les individus sont plus soumis à ce qu'on pourrait appeler le décrochage judiciaire. Alors, tout ça milite pour trouver une solution. Mais, soyons clairs, le Barreau favorise le crédit d'impôt, pas la charge additionnelle.

Le crédit d'impôt, ce n'est rien d'autre que moins d'argent qui rentre, donc il y a quelqu'un qui paie. Dans ce cas-là, la proposition, c'est que la justice voie ses crédits baisser. C'est ça qu'est la proposition qui est derrière ce que le Barreau prétend. Juste pour vous dire, là, les crédits du ministère de la Justice sont passés de 526 millions en 2003 à 757 millions. C'est une hausse de 45 %. Il y en a, de l'argent qui a été mis, là. Mais je ne voudrais pas souhaiter qu'on redescende, là. Je ne peux pas... Franchement, ce n'est pas une piste qui m'est agréable.

Par contre, quand on prend l'autre, bien là, l'autre, il faut voir les impacts que ça peut représenter, puis je n'ai rien contre le fait de poursuivre la réflexion. Mais je suis, disons, plus inquiet que je ne l'étais quand je voyais ça comme étant une piste parce qu'on me disait qu'ailleurs ça existait. Pour l'instant, je n'ai pas encore eu d'illustration de l'ailleurs, mais il faudrait voir. Parce qu'il ne faut pas non plus que ça devienne une proposition qui vient contrer toutes les étapes ou initiatives de croissance économique qu'on vise, hein? On ne cherche pas non plus à ce que les entreprises décident d'aller dans d'autres horizons ou décident qu'elles vont plaider avec d'autres barreaux que le nôtre, hein? Il faut aussi penser à ce petit bout là. Bon, en tout cas, peu importe, je ne veux pas juste parler de ça.

Vous avez parlé d'indépendance. Je n'ai pas de misère à... Puis je comprends comment vous le dites, puis c'est très correct, vous le dites très bien. En même temps, juste qu'on... il y a peut-être une incompréhension initiale où l'idée du fonds, là... Puis évidemment c'est nous qui proposons, là, ça fait qu'on va dire que c'est notre idée, hein, en toute humilité, l'idée du fonds. Ce n'était pas l'idée d'une fondation, c'était l'idée d'un fonds. Quelle sorte de fonds? Un fonds qui est une caisse, une caisse pour qu'on mette de l'argent, de l'argent qu'on n'a pas, qu'on va essayer de trouver, pour faire des mesures d'accès à la justice. Là, il n'y avait pas de: Je veux donner ça à du monde qui n'est pas du ministère puis pas des projets du ministère. Bien là, on en a, nous autres aussi. Ça s'adonne qu'on en a, nous autres aussi, puis qu'on trouve que c'est bien bon pour l'accès à la justice. On n'est pas tout seuls. Il y en a, des gens, qui sont sur le terrain, qui sont des organisations communautaires qui en ont aussi, oui, c'est vrai. Alors, ça aussi, il faudrait pouvoir les aider. Mais on n'a pas... on ne veut pas créer un fonds dans lequel les initiatives d'accès à la justice, parce qu'elles viendraient du ministère, ne pourraient pas être financées, par exemple les centres de justice de proximité. Peu importe comment elles sont structurées, corporativement parlant, là, ça reste tout bien que c'est une idée qui a déjà eu une histoire, qui a tombé, qui revient puis qu'on souhaite... Moi, j'aimerais que ça fonctionne puis...

Alors, l'idée du fonds, là, ce n'est pas de dire: C'est pour les autres organisations, pas les idées qui pourraient venir du ministère. Pourquoi? Parce que, puisque l'idée à la base, ce n'était pas une fondation, c'était de faire des mesures, je disais, pour répondre aux besoins d'accès à la justice, bien il y a une certaine cohérence. C'est-à-dire que le ministère fait quand même en ce moment pour 757 millions de patentes en justice. Il doit être un acteur important. Il doit avoir un rôle à jouer dans toutes les mesures qui sont... Pas tout seul. Puis il a besoin d'autres, puis vous êtes là, puis bravo! Mais il y a une certaine cohérence aussi qui est souhaitée. Alors, quand je vous dis ça, là -- je vais m'arrêter là pour vous entendre, puis après ça je poserai d'autres questions -- quand je vous dis ça, est-ce que ça vous semble à ce point choquant?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Non.

M. Fournier: Voulez-vous élaborer?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Ça ne nous semble pas choquant, là. On vous l'a dit en entrée de jeu, on l'a dit dans les journaux, dans les médias, partout, c'est une excellente initiative qu'à la base ce Fonds Accès Justice. On comprend très bien que c'est une caisse, à la base, puis que... Bon. Puis, qu'on se comprenne bien, les centres de justice de proximité, là, on est là, là, on est bien d'accord avec ça, même qu'on espère que les centres de justice de proximité vont avoir ce même appétit du territoire que le nôtre. Mais à la base, tu sais, il reste que notre idée, c'est de dire: Oui, finançons des projets du ministère. Oui, c'est vrai qu'encore le ministère de la Justice est le parent pauvre des ministères québécois. Mais il me semble qu'il y aurait peut-être un minimum pour soutenir de façon un peu plus... en fait de la façon la plus autonome possible le milieu communautaire autonome, tu sais. Donc, je ne pense pas que ce soit nécessairement en contradiction.

Je comprends votre idée à la base. C'est quelque chose. Par contre, nous, notre revendication, ça a toujours été soit la création d'une «law foundation», une fondation de droit, une vraie, ou d'un programme de soutien aux organismes communautaires qui relève du ministère de la Justice. On a dit que le Fonds Accès Justice, c'était un bon pas dans la bonne direction, mais on comprend très bien que l'objectif, c'est de créer une caisse qui va financer une foule de projets. Puis je pense que vous avez été très clair sur la place de Juripop là-dedans. On n'en a jamais douté. On n'en doute toujours pas aujourd'hui. Mais il y a peut-être des modalités. On vous parle de vision puis peut-être d'un peu plus long terme. Mais il n'en demeure pas moins que le ministère de la Justice n'a pas de fonds récurrent autonome pour ces organismes communautaires et que c'est un problème.

M. Fournier: Et encore une fois il ne s'agit pas de faire un fonds autonome pour les organismes communautaires. Peut-être qu'un jour ça viendra, mais l'idée initiale, ce n'était pas ça. L'idée initiale, c'était: Il y a des besoins d'accès à la justice qui peuvent être comblés par plein d'acteurs, mais pour l'instant on n'a pas de moyens. C'était juste ça. Ce n'était pas plus que ça. Alors, bon, c'est parti comme ça, alors ça ne veut pas dire... Mais je comprends bien. La discussion pourra se continuer dans les années à venir, là, pour voir les suites du fonds. Oui?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Juste vous dire: Tu sais, nous, on propose quelque chose d'un peu plus global à long terme, hein, tu sais. Là, il y a des affaires. On vous dit: Au minimum, un comité de gestion, avec des critères clairs, qui pourra financer à la base, à la mission de base les organismes communautaires. Ça, tu sais, s'il y a quelque chose à retenir de ce qu'on vous a dit dans le cadre du projet de loi aujourd'hui, c'est la mission de base des organismes communautaires, O.K.? Un, là, dans le top de ce qu'on veut, ça, c'est là, un comité de gestion ou un comité qui a quelque chose à dire sur ça, en deuxième. Mais après, tu sais, il y a toute une affaire qui vient avec ça: les contributions entreprise, les contributions des avocats, les comptes en fidéicommis, les dons, les legs, la gestion, le placement, tout ça. Tout ça est à portée de main. Pour une raison que j'ignore, au Québec, le ministère de la Justice, puis le Barreau puis le milieu juridique, a mis ça de côté. Nous autres, comme organisation, on dit: Bien, pourquoi ne pas y penser pour vrai, tu sais? Si...

M. Fournier: Je comprends. Non, puis c'est très bien de le mettre sur la table, puis, moi, je ne dis pas qu'il n'y aura pas d'autre réflexion. On va commencer par faire cette étape-là, puis il peut y avoir d'autres réflexions. Je ne suis pas arrêté là-dessus. Vous insistez beaucoup sur la mission de base. Vous avez vu qu'il y a des éléments qui visent des projets puis qui visent des... On l'évalue 7 à 8 millions. Mission de base de combien je suis capable de faire, si c'est pour être du récurrent, puis c'est fini, puis... Je fais quoi, là? Quand vous dites «mission de base», vous voulez dire récurrent, et je peux faire combien avec ça, là? Tu sais, à ce moment-là, je ne fais plus de projet, je ne fais plus d'initiative, je ne fais plus de projet pilote. Je fais de la mission de base, je fais un fonds accès, je le brûle en un an, il est fini. C'est-u ça? Je réserve-tu un montant pour des missions de base, d'autres montants pour d'autre chose?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Bien, le fait est que, tu sais, on peut nous envoyer un montant, cette année, qui est plus important. On va grandir un peu. Puis l'année prochaine on n'offrira peut-être pas le même service ou peut-être qu'on va être obligés de... tu sais. Parce que...

M. Fournier: Ne pensez pas à vous, pensez au fonds.

M. Cloutier (Marc-Antoine): En général. Bien, je pense au fonds. Mais tout ça pour vous dire que je pense que c'est important qu'il y ait une pérennité dans le temps. C'est ce que la mission de base vient faire. Ça n'empêche pas la place aux projets. Sûrement qu'on ferait exactement les mêmes projets qu'on fait là, mais on ne se poserait pas la question... En fait, on en ferait sûrement plus, parce que je passerais... au lieu de passer 75 % de mon temps à trouver de l'argent pour l'année d'après, je ferais des projets. C'est ça que je ferais. Mais là je passe mon temps... Parce que là, l'année prochaine, je sais que je suis obligé de réduire mon nombre d'employés puis mes activités si je ne trouve pas 200 000 $. Ça, c'est ma situation. Mais c'est la situation de tous les organismes communautaires. Donc, si on pense au fonds, bien il y a peut-être un montant à donner à la base, là, tu sais, pour s'assurer que les organisations vivent, pour qu'elles puissent faire des projets. Tu sais, il me semble que ça vient comme dans un ordre logique, ça...

M. Fournier: Mais vous savez, la dynamique, comment ça fonctionne, hein? Après ça, là, il y a ce fonds-là puis il y a 22 autres organismes qui arrivent l'année d'après puis qui disent: Là, la gang qui était l'année passée, ils ont pris tout le fonds. Moi, je veux avoir ma part, ça fait que tu me doubles le fonds. Ce n'est plus 4 $, c'est 8 $. Vous comprenez la dynamique? Aidez-moi. Dites-moi que, dans le fond, là, vous aimeriez ça que dans un guide on dise qu'il y a 50 % pour des missions de base, 50 % pour d'autres projets, 20 %, 30 %... Y a-tu d'autre chose que: Prends le 8 millions, flaube-le une année, puis c'est fait pour la nuit des temps, l'argent va là? Y a-tu d'autre chose? Parce que j'ai l'air bien plus à faire des subventions aux organismes qu'à faire des projets d'accès à la justice que, si on s'aperçoit que ça fonctionne, on peut les généraliser. Là, je ne suis plus dans les projets pilotes, je ne suis plus dans le développement, là. Ce n'est pas que je suis contre l'idée. Je connais votre organisation, j'ai rencontré vos gens, puis c'est formidable. Mais on n'a pas l'argent pour faire tous les formidables au Québec. Puis, si on commence, on va avoir tellement de formidables qui vont s'ajouter que là ça va être juste de déception en déception, puis ça ne marchera plus. Aidez-moi à ce que ça soit un peu dans l'ordre logique.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Mettons, si on prend l'exemple du Programme de soutien aux organismes communautaires...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, je dois céder la parole à Mme la députée de Joliette. Et on m'avise déjà qu'on a pris du retard. Alors, je dois gérer le temps. Ce n'est pas par... Alors, Mme la députée de Joliette.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Je vous écrirai.

**(20 h 30)**

Mme Hivon: Oui, bien... Merci, Mme la Présidente. Je vais continuer un peu sur le même sujet parce que je pense qu'on est au coeur, un peu, du débat du projet de loi. C'est parce qu'il y a tout un choix, puis c'est pour ça que ce n'est pas banal, ce projet de loi là, parce que les choix qui sont faits maintenant, ils peuvent avoir des impacts pendant longtemps. Et tantôt je disais: Moi, je ne suis pas dans la tête du ministre. Lui, il mijote depuis un petit bout de temps, j'imagine, et il sait un peu à court terme, en tout cas pour la première année du fonds, un peu ce qu'il veut financer avec ça. Moi, je ne le sais pas. Vous autres, vous ne le savez pas. On a une idée, là, on a une idée de ce qui peut l'intéresser. Mais l'idée, c'est qu'une fois que c'est parti, cette affaire-là, puis qu'il y a une impulsion de donnée, bien, c'est difficile, après, de revenir en arrière, à moins de changer la forme, et puis des fois c'est pas mal plus compliqué. Ça fait qu'aussi bien essayer de la partir sur les bonnes bases.

Donc, moi, je pense qu'on est au coeur du problème ou en fait de la réalité, parce que, quand le ministre dit: Ce n'est pas là pour répondre aux besoins des organismes, il dit: C'est là pour répondre aux besoins des justiciables, aux besoins qui sont là, oui, mais les organismes, ils sont là pour répondre aux besoins des justiciables aussi. Et le fait est qu'il y a une carence énorme de soutien aux justiciables pour l'accès à la justice en ce moment. Donc, la question qui se pose aussi, je pense que c'est pertinent de dire: Est-ce que vous voyez un pourcentage, quelque chose qui vient plus encadrer, pour dire: Il y a une partie qui doit aller aux organismes existants, communautaires, qui font tel type d'action, un autre qui peut aller peut-être à des nouveaux projets en partenariat avec la communauté?

Mais, moi, je pense qu'on est au coeur du débat, quand on aborde ça, parce que ce que vous faites, ce n'est pas de vivre pour vivre comme organisme, c'est que vous vous dites: Il y a un sérieux problème d'accès. Ce n'est pas pour rien, c'est des gens qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique, des gens qui nous sont référés par Pro Bono parce qu'ils ne peuvent pas les prendre. Puis là vous avez un volume qui devient de plus en plus important. Vous êtes de plus en plus connus, donc c'est quand même parce que vous répondez à un besoin. Ça fait que, moi, je pense que cette réflexion-là, elle doit être faite.

Puis l'autre question que je posais tantôt, cet après-midi, c'est qu'évidemment c'est très large, les objectifs sont très larges. Donc, on peut faire le choix d'objectifs évidemment très larges -- l'accès à la justice, c'est très large -- puis de dire: Ça peut être des projets du ministère, des organismes, en partenariat. Mais je pense qu'il faut qu'on sache un peu dans quoi on s'embarque. Si on décide de garder ça très large, bien il faut peut-être qu'il y ait des critères beaucoup plus précis, par voie réglementaire, ou autres, qui viennent dire: Bien, ça va être ça qui va motiver l'attribution, pour que la discrétion ne soit pas totale, comme vous l'avez montré. D'ailleurs, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, on va entendre, bien, je pense, ensuite quelqu'un qui va plus parler de ça. Il y a des critères dans un réglement d'attribution. Là, on n'a pas ça.

Ensuite, le ministre dit: Nous autres aussi, comme ministère, on a des projets. C'est évident. Il y a encore plein de choses à faire. Mais en même temps je pense qu'il y a un questionnement important de se dire: Est-ce que le nouvel argent du fonds, à moyen terme, à long terme, il va venir en quelque sorte pallier au sous-financement de la justice par l'État lui-même parce que ce n'est pas une priorité pour l'État d'investir dans la justice? C'est sûr que tout le monde voit ça comme bienvenu, de l'argent supplémentaire, mais à long terme il faut se poser cette question-là aussi.

Donc, je veux juste vous entendre: Est-ce que vous pensez, compte tenu de ce que le ministre vous a dit -- bon, moi, je vous dis un peu que, oui, je pense qu'il y a là matière à réflexion certainement -- qu'il y a moyen d'aménager ça? Est-ce que vous êtes... vous pensez qu'il faut que ça reste très large mais avec des critères d'attribution plus précis? Est-ce que vous pensez qu'il faut que ça soit plus déterminé à l'avance, la part qui pourrait aller à des nouveaux projets sous l'égide ministère, versus ce qui devrait soutenir les organismes communautaires? D'entrée de jeu, c'est sûr que vous avez fait votre lit en disant: Nous, on pense que ça doit soutenir les organismes communautaires. Mais est-ce que vous pensez qu'une approche mixte est possible?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Bien oui, une approche mixte est possible. Tu sais, mettons, pour faire, mettons, un ensemble, les autres fonds, par exemple le PSOC, ils prennent un montant de ça puis ils disent: Bon, ça, ça va être attribué par le ministère pour des organisations nationales. Ensuite de ça, ils établissent les besoins prioritaires en fonction de la population où sont vraiment les gens les plus pauvres, les plus démunis, les gens où on a besoin d'aide. Ça, ça sera un peu, comme le fait Centraide ou n'importe quel fonds, le premier critère, non pas le projet, mais le milieu dans lequel il naît puis dans lequel il grandit.

Je veux juste être sûr d'avoir des gens qui m'écoutent avant de continuer.

Donc, ça, c'est le premier critère, c'est le lieu. Par la suite, il y a, je le sais, au PSOC, il y a un montant, un pourcentage -- je pense que c'est 75 %, ça pourrait être moins dans ce cas-ci -- qui est accordé à la mission de base et un autre pourcentage qui est accordé à des projets ponctuels. Ça devrait être un peu... Là, on a 8 millions. Peut-être que, si on y va avec la contribution entreprise ou les avocats, on en aura un peu plus, mais on en a huit. Mettons qu'on dit: Il y a un montant qui va aux organismes nationaux, il y a un montant qui va en fonction du territoire où on a les besoins les plus urgents pour la mission de base, puis il y a un montant qu'on garde pour des projets particuliers. Mais il ne faut pas oublier quand même... puis là, bien, il faut être bien délicat parce que ça demeure quand même des partenaires, là, mais les organisations qui reçoivent déjà beaucoup d'argent, entre autres du ministère de la Justice. Je pense, entre autres, à Éducaloi. Je pense que... Tu sais, Pro Bono Québec a besoin d'argent, parce qu'ils en manquent, c'est un budget qui est très petit, très pauvre, mais ils sont quand même supportés, ces organisations-là, par le Barreau. Donc, ça, ça doit quand même faire partie de la balance, je pense, hein? En bout de ligne, Pro Bono Québec a besoin de plus d'argent, c'est évident. Ils n'en ont pas assez du Barreau ni de la Chambre des notaires. Mais il y a quand même un choix, là, à faire qu'il ne faut pas nier.

Donc, on pourrait, par exemple, dire: Bon, bien, on prend 2 millions puis on met ça dans les centres de justice de proximité pour qu'il y en ait partout au Québec. On coupe 50 %, 4 millions, qu'on va attribuer en priorité selon les territoires. Puis, bien, quand il n'y a plus d'argent dans un fonds, comme au PSOC ou ailleurs, bien on les ferme. Puis, quand il y en a un peu plus à cause de l'indexation ou autre chose, des années, bien on va ouvrir un montant, puis là on va rendre admissible un autre organisme, puis on va commencer par un petit montant, puis on va suivre. C'est comme ça que ça se passe dans les autres projets gouvernementaux, puis je pense que ça pourrait peut-être fonctionner de cette même façon là ici. On pourrait... Bon, 2 millions, il y a 25 % qui part, un peu plus, puis il reste 50 %. On l'enlève, puis, le restant, bien on le garde pour des projets particuliers, avec un critère d'analyse qui sera soumis à un comité ou à un conseil d'administration avec une certaine indépendance face au ministère. Moi, je pense que ça, aïe, ce serait donc fantastique.

Mme Hivon: L'enthousiasme.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Je peux l'écriture, puis...

Mme Hivon: La formule.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Merci, Mme la Présidente. Alors, vous féliciter, d'abord, pour votre organisation. Franchement, c'est impressionnant. Marc-Antoine, ça fait quelques années que je te connais. Franchement, c'est impressionnant tout le parcours que tu as fait. Et c'est une entreprise qui de toute évidence répond à des besoins importants dans la communauté.

J'imagine les notaires qui nous écoutent ce soir et, lorsque tu pointes le doigt sur le 13 millions en intérêts et duquel il y aurait eu un 500 000 $ de versé par rapport à 1,8 million du Barreau du Québec, où une proportion nettement plus importante des intérêts a été versée aux organismes communautaires pour la mission d'accès à la justice, je me dis: Un, tu sais comme moi que, quand on s'intéresse à l'argent des autres, habituellement on a une réponse. Si tu avais à exprimer les craintes de la Chambre des notaires, où y trouves-tu les objections qui nous seraient présentées? Parce qu'il y a là effectivement une somme d'argent importante. Puis ce que je comprends, c'est que les dispositions législatives les obligent à, justement, des orientations différentes, que ce soit le Barreau versus la Chambre des notaires.

M. Cloutier (Marc-Antoine): Le budget du Barreau du Québec est beaucoup plus important que celui de la chambre, à la base, là, quand même, il ne faut pas oublier ça, à cause de la cotisation qui n'est pas la même.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): ...fidéicommis, évidemment.

M. Cloutier (Marc-Antoine): L'argent, mais...

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Je parle des intérêts en fidéicommis.

M. Cloutier (Marc-Antoine): La Chambre des notaires a quand même à avoir... Puis là, quand même, pour leur bénéfice, ils ont à avoir une protection supplémentaire pour protéger leurs membres, parce que les transactions que font ces gens-là sur l'immobilier sont encore plus importantes, là. Comme je vous disais tantôt, je ne me souviens pas exactement où le restant de l'argent va. Ce que je sais, c'est que, dans leurs états financiers... Puis j'aurais peut-être dû faire le travail de vérifier s'il y avait d'autres projets supportés, là. Je n'en ai pas vraiment eu vent. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a un 455 000 $ précisément, là, qui est noté comme réparti pour des organismes partenaires. Mais, le restant, là, je ne suis pas spécialiste des états financiers de la Chambre des notaires, malheureusement.

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): Mais est-ce que je comprends qu'il y a quand même une disproportion entre l'argent qui est utilisé sur les intérêts, les comptes en fidéicommis, entre le Barreau par rapport à la Chambre des notaires...

M. Cloutier (Marc-Antoine): Oui, mais il y a aussi...

M. Cloutier (Lac-Saint-Jean): ...en raison, entre autres, des dispositions législatives, c'est ça?

M. Cloutier (Marc-Antoine): Oui. Il y a une disposition législative qui n'oblige pas la Chambre des notaires à nécessairement utiliser cet argent-là pour des fins, je dirais, de promotion du droit ou d'accès à la justice, ou autres, ce que... C'est l'article... c'est le paragraphe 2h de la Loi sur le Barreau, là, si je me souviens bien, là, le règlement sur les comptes en fidéicommis, 2h, qui réfère à la Loi sur la Barreau. Bon. Et cet article-là les oblige à agir comme tel, puis ce n'est pas le cas pour les notaires. Oui, il y a une disproportion au niveau du budget global. La Chambre des notaires n'a pas le même besoin que les barreaux, là. Ça, c'est tout un beau débat, les différentes chambres, les barreaux versus la chambre. Je n'embarquerai pas là-dedans à soir. Une autre fois, ça va me faire plaisir. Mais...

La Présidente (Mme Vallée): Je dois malheureusement mettre un terme. On a déjà dépassé les temps prescrits. Alors, M. Cloutier, M. Pelletier, je vous remercie énormément de votre participation aux travaux de cette commission. Je vous souhaite une bonne fin de soirée.

J'invite maintenant notre prochain groupe à s'avancer.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 39)

 

(Reprise à 20 h 41)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Alors, Mme Gaudreault, Mme Blanc, bienvenue devant la Commission des institutions.

Avant de commencer, je vais demander le consentement, parce qu'on accuse un léger retard, alors il est possible que nous dépassions l'heure prescrite. Alors, j'ai besoin du consentement des membres de cette commission pour permettre d'écouter mesdames.

Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole. Vous bénéficiez d'un bloc de 15 minutes pour faire votre présentation.

Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV)

Mme Gaudreault (Arlène): Alors, je suis Arlène Gaudreault. Je suis présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes et je suis un membre fondateur de cette association. Je suis accompagnée par Mme Marie-Hélène Blanc, qui est notre directrice. Alors, Mme Blanc va faire l'introduction, et après je m'attaquerai au coeur ou au corps du mémoire devant la commission.

Mme Blanc (Marie-Hélène): Alors, bonsoir. Alors, quelques mots sur l'association, qui est née de la volonté de faire avancer les droits des victimes et de leur donner une voix. Avec d'autres partenaires, elle a initié à l'époque la mise en oeuvre du premier centre d'aide aux victimes d'actes criminels, du premier service d'accueil aux victimes et aux témoins, et celle du programme de la déclaration de la victime dans le district judiciaire de Montréal.

Notre association est forte de la présence de ses quelque 200 membres qui soutiennent la cause des victimes et qui proviennent des services d'aide aux victimes, du système d'administration de la justice, du réseau de la santé et des services sociaux, du milieu de l'enseignement et de la recherche, et de la pratique privée. L'AQPV est membre de plusieurs tables de concertation, comités de travail, conseils d'administration. Son expertise est mise à contribution tant au Québec qu'au Canada.

Alors, l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes a répondu à de nombreuses demandes de personnes victimes et à celles de leurs proches qui avaient besoin de conseils, de soutien et d'accompagnement dans leurs démarches afin d'exercer leurs droits auprès de diverses instances. Elle a accompli un long et patient travail d'éducation et de sensibilisation auprès des organismes et du grand public en général. Par ses représentations sur diverses tribunes et auprès de nombreux comités, l'association a contribué à l'amélioration des pratiques, des législations et des pratiques à l'endroit des victimes d'actes criminels et des témoins qui participent à l'oeuvre de justice.

Alors, notre association a été créée en 1984. On a mis une annexe, nos principales réalisations et représentations.

Alors donc, notre demande pour participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice, s'inscrit donc dans la continuité de notre mission et du travail que nous accomplissons pour représenter les droits et les intérêts des victimes d'actes criminels.

Ce projet de loi entend soutenir des initiatives favorisant l'accessibilité à la justice. L'association souscrit entièrement à un tel objectif. Cependant, nous avons des questionnements en ce qui a trait à certaines orientations du projet de loi, aux besoins auxquels il entend répondre et aux clientèles qu'il veut rejoindre. Nous avons aussi des inquiétudes quant au mode de financement, à la gestion et à l'attribution des subventions du Fonds Accès Justice et aux conditions de mise en oeuvre des programmes susceptibles de favoriser l'accès à la justice.

Donc, l'AQPV souhaite contribuer ce soir de façon constructive à l'analyse du projet de loi n° 29. Nous espérons que nos commentaires et propositions seront bien accueillis et permettront de faire avancer la réflexion et les travaux de la commission.

Alors donc, nous vous remercions de nous accueillir et de nous donner l'occasion de participer à l'examen du projet de loi. Alors, je cède la parole à Arlène.

Mme Gaudreault (Arlène): Alors, dans le mémoire, on a mis un peu d'informations, en fait d'éléments sur les besoins des victimes d'actes criminels. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, parce que je pense que tout le monde sait ici que les victimes d'actes criminels ont beaucoup de difficultés encore à se repérer dans le système de justice, que c'est difficile d'avoir de l'information, que les droits des victimes sont encadrés par des lois déclaratoires, qu'elles ont peu de recours, que c'est un parcours qui est extrêmement difficile, même si on a fait des avancées très importantes au cours des 40 dernières années et même si tout le monde, on a contribué vraiment à améliorer les pratiques puis à humaniser nos façons de faire.

Et on souligne, dans ce mémoire-là, les besoins particuliers de quelques clientèles, quelques personnes, par exemple celles qui cheminent à travers le système de justice des mineurs -- on n'en parle presque jamais -- les victimes laissées pour compte aussi, qui s'adressent aux tribunaux administratifs à l'étape de l'exécution de la peine. Même si la Loi sur le système correctionnel du Québec a été modifiée, il y a peu de victimes qui se prévalent de ces dispositions-là. On pourrait parler des personnes âgées, on pourrait parler des personnes immigrantes. En fait, il y a suffisamment de recherches et suffisamment de comptes rendus sur les besoins des victimes dans le système de justice pour dire qu'il y a encore énormément de travail à faire. Alors, cette mesure-là s'inscrit dans ce cadre-là d'accès à la justice, et les victimes sont parmi les plus vulnérables, hein, chez les justiciables.

Alors, ceci étant dit, je vais aller tout de suite à la page 9 du mémoire, puis on va aller dans le coeur du sujet avec les propositions et on va aller avec nos préoccupations.

Alors, on voudrait dire d'abord un mot sur la question des objectifs généraux poursuivis par le fonds d'aide. C'est un fonds qui vise à favoriser l'accès à la justice, et on pense que d'emblée de jeu, dans l'article 32.0.1, on devrait le rappeler, parce que, dans le fond, la connaissance, la compréhension du droit, du système de justice et son utilisation sont des moyens.

Alors, on a suggéré de peut-être reformuler -- c'est notre première recommandation -- de reformuler peut-être cet article-là. C'est au législateur, au rédacteur à voir. C'est une suggestion, ce n'est pas l'aspect qui nous préoccupe le plus, mais pour mettre de l'avant vraiment la question de l'accès à la justice.

La deuxième question, elle a été discutée tout à l'heure par les personnes qui nous ont précédées. En fait, ce qu'on voit avec le FAJ, le Fonds d'accès à la justice, c'est un fonds qui, comme le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, va puiser en fait dans les contributions de 10 $... En fait, on va augmenter les contributions de 10 $ chez les personnes qui commettent une infraction aux lois pénales québécoises. Alors, je pense qu'en grande majorité ça touche des personnes qui sont des personnes contrevenantes au Code de la sécurité routière. Ces personnes-là contribuent déjà au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et contribuent déjà au Fonds de la sécurité routière. Alors, une des questions qu'on a ou un des commentaires qu'on a, on trouve que ces personnes-là sont déjà peut-être un peu surpénalisées.

Et tout à l'heure la question des fonds d'accès à la justice des autres provinces a été soulevée. Vous comprendrez que nous, on n'est pas allés dans la mécanique de ces fonds-là, on n'a pas l'expertise, on n'est pas des juristes. Mais ce qu'on a vu, c'est que dans d'autres provinces, par exemple, presque toutes les autres provinces avaient cette formule-là des fonds en fidéicommis. Alors, on s'est dit: S'ils le font dans une autre province, ils ne doivent pas être bêtes, on pourrait peut-être le faire aussi. Alors, la question qu'on se pose, c'est... Et on a vu aussi que la clinique Juripop avait fait des suggestions.

Bon, alors, comme je vous dis, on n'est pas capables d'entrer dans la discussion fine de ces mécaniques, sauf que la question qu'on pose, c'est: Est-ce que ces avenues-là ont été vraiment envisagées? Et, si elles l'ont été, pourquoi est-ce qu'elles n'ont pas été retenues? Et, dans le fond, l'idée du groupe Juripop de faire un comité de travail pour examiner ces questions-là avec les personnes, avec le Barreau, avec les notaires, avec les juristes serait une très bonne idée. Parce que, dans le fond, on vient puiser, là, chez les mêmes contribuables. Et, vous savez, quand on questionne les contribuables, ce n'est pas tout le monde qui est conscient qu'on vient chercher, en plus des contraventions, un 10 $ et encore un 14 $. Alors, il y a un peu de surpénalisation à quelque part. C'est un premier commentaire.

L'autre, c'est le rôle -- et ça, ça a été soulevé aussi par les personnes qui nous ont précédées -- c'est le rôle du ministère de la Justice. Et l'association est un peu inquiète de la mainmise du ministère de la Justice, de la mainmise qu'elle pourrait exercer sur le FAJ et du champ d'action qui serait réservé à d'autres groupes, qui serait laissé à d'autres organismes qui veulent soumettre des projets. On a bien compris qu'il y avait déjà des projets que vous souhaitez mettre de l'avant. Vous l'avez mis au conditionnel, M. le ministre, lorsque vous avez déposé le projet en point de presse, mais on comprend qu'il y a des fonds qui sont quasi engagés avec les centres de justice de proximité, avec le SARPA, etc.

**(20 h 50)**

Et dans cette mesure-là on se dit: Bon, bien, qu'est-ce qui va rester pour soutenir d'autres projets? C'est le problème qui a été soulevé tout à l'heure. Qu'est-ce qui va rester, qu'est-ce qui va être réservé pour les projets sur une base récurrente? Qu'est-ce qui va être réservé pour des projets sur une base ponctuelle? On a vu que dans d'autres provinces, par exemple, ils ne prennent que des projets fixes. Si on regarde la Loi sur l'aide aux victimes, vous avez deux volets, un à projets ponctuels et un sur une base récurrente. On est un peu dans ce modèle-là, nous, à l'association Plaidoyer-Victimes. Alors, ce qu'on a observé, c'est que ces modalités-là n'ont pas été prévues. Et ce sont des modalités qui sont importantes parce que ça détermine les orientations de la gestion d'un fonds d'aide et ça peut déterminer aussi les choix des initiatives, on en a fait mention tout à l'heure.

Alors, on a une recommandation, à cet effet-là, de clarifier cet aspect-là du fonds, d'aller plus loin pour le clarifier, parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, Mme Hivon, c'est mieux de prévoir les balises maintenant que d'avoir une loi, parce qu'on ne change pas les lois non plus tous les jours. Bon.

Alors, dans le fond, on ne remet pas la légitimité de ces projets-là, on voudrait bien que vous compreniez ça, mais c'est le mode d'attribution du fonds puis c'est le fait... On est un petit peu mal à l'aise avec le fait que le ministère de la Justice semble s'engager unilatéralement, là, dans le... comme le principal initiateur des projets subventionnés par le FAJ puis on se dit: Quelle place ça va laisser pour ces autres partenaires? Dans quelle mesure ça va être encourageant de soumettre des projets si déjà les fonds sont engagés puis si c'est le ministère de la Justice?

Alors, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que le ministère de la Justice ait comme rôle... ne soit pas le maître d'oeuvre, mais qu'il soit là pour favoriser, il soit là pour encourager, il soit là pour soutenir. Et, un peu comme le groupe qui nous a précédées... On n'a pas eu l'occasion d'entendre les autres groupes parce qu'on était sur la route, mais on souhaiterait qu'il y ait un conseil d'administration, un conseil d'administration ou un conseil aviseur, c'est-à-dire qu'il y ait un organisme autonome qui s'assure de la gestion de ces fonds-là, qui agisse avec vous, comme ministre de la Justice, pour... aussi comme conseiller dans les orientations du fonds. Et une chose qui est très importante aussi, pour nous, c'est que, ce conseil d'administration là, et je pense que vous comprendrez pourquoi on fait cette suggestion-là, que ce ne soient pas seulement des juristes qui en fassent partie, mais aussi... Parce que, quand on parle des organismes communautaires... On écoutait tout à l'heure puis on se disait: C'est des organismes communautaires du milieu juridique. Si je voulais un peu caricaturer, je dirais: Bien, c'est comme un fonds pour les avocats. Or, l'accès à la justice, ça ne concerne pas juste le droit, le milieu de la justice, ça concerne de nombreux organismes aussi, hein? Il y a une question de justice sociale aussi, à quelque part. Alors, on voudrait que ce conseil d'administration là reflète la diversité, reflète la pluralité des organismes qui travaillent à la création du droit. Alors, ça, c'est notre autre commentaire.

L'autre touche les orientations. On n'est pas entrées dans la -- puis on n'a pas le temps de le faire non plus -- la discussion de chacun des objectifs, mais il y a des choses qui nous ont frappées. On est dans un contexte de rareté de ressources, on est dans un contexte de compressions budgétaires. Il faut que les fonds soient gérés avec rigueur et transparence. Alors, il y a quand même un certain nombre de ressources au Québec, au Canada aussi, qui sont consacrées à la vulgarisation, à l'information juridique. Alors, il y a quand même beaucoup de ressources qui travaillent, là, dans ce sens-là, pour l'aiguillage aussi. Et on s'est demandé: Si on veut éviter le gaspillage, l'éparpillement des ressources, est-ce qu'on sait ce qu'on veut faire? Est-ce qu'on a un portrait des services, actuellement, qui sont offerts, des manques à combler puis des besoins qu'il faudrait cibler pour bien travailler puis pour bien orienter le fonds? Ça, c'est la première question.

Il y a un volet important de recherche juridique aussi dans ce fonds-là, et la recherche juridique est déjà financée par beaucoup d'autres organismes. On pense au Conseil de recherches en sciences humaines, la Fondation du Barreau, Fondation Claude Masse, enfin, bon, Fondation notariat du Québec. Ce n'est pas que la recherche n'est pas utile, là, on n'est pas en train de dire ça, mais on se demande: Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que c'est justifié aussi que, dans un fonds où il n'y aura pas énormément d'argent, qu'on consente de l'argent déjà à la recherche dans ce fonds-là?

Et ce qui nous préoccupe le plus, c'est les balises et les orientations du fonds, dans le sens que l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes croit que ce fonds-là devrait accorder une attention particulière aux clientèles vulnérables, aux personnes qui ont difficilement accès à la justice, à cause de toutes sortes de barrières, de la langue, des conditions sociales, des problèmes de santé mentale, et qu'on pourrait s'inspirer de l'expérience d'autres provinces. Ce qu'on a vu, par exemple, en Ontario, en Colombie-Britannique, ils ciblent, ces programmes-là, les fonds d'accès ciblent prioritairement -- et ils le disent, c'est inscrit dans leurs valeurs -- les personnes à faibles revenus, les citoyens moins privilégiés. Ils ont des projets très intéressants aussi parce qu'ils ne travaillent pas juste avec le milieu juridique, ils travaillent avec toutes sortes de groupes qui oeuvrent, là, qui travaillent à changer des problèmes sociaux systémiques. Alors, on voit des projets qui sont développés dans des écoles, avec des organismes comme la Société Élizabeth Fry, ils travaillent avec des personnes âgées, avec des communautés autochtones, avec des victimes, avec des délinquants, les centres de femmes sont impliqués. Alors, il y a une diversité. Puis aussi il y a un volet d'éducation et de formation qu'on ne retrouve pas du tout ici, dans ce projet-là. On ne le sent pas, en tout cas.

La Présidente (Mme Vallée): Conclusion.

Mme Gaudreault (Arlène): Alors, ce qu'on trouve, c'est que cette gestion-là du fonds, cette façon de faire là dans les autres provinces, ça reflète une vision de la justice qui est inclusive.

Est-ce qu'on pourrait prendre cinq minutes pour la question de la transparence du fonds et de la reddition de comptes? Parce que c'est un problème qui, pour nous, est important et qui mérite qu'on y porte attention. Je pense que vous ne serez pas surpris si on va faire des parallèles ici avec le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, parce qu'on croit qu'on peut certainement bonifier le FAJ, le futur FAJ, à la lumière de l'expérience qu'on a avec le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels.

En fait, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on doit améliorer le FAJ, parce que, l'expérience qu'on a eue au cours des dernières années, on a dû faire souvent des représentations auprès du ministère de la Justice, soit des ministres ou du personnel du ministère de la Justice, relativement à plusieurs problèmes qui touchaient la gestion et l'allocation des fonds. Je vais donner quelques exemples. Par exemple, les subventions qui étaient accordées aux organismes n'étaient pas connues, n'étaient pas rendues publiques. Par exemple, les sommes allouées non plus, on ne connaissait pas les sommes allouées. On n'avait pas de programme non plus pour le volet subvention pour la recherche, sensibilisation et information. Les surplus qui étaient accumulés dans le fonds d'aide n'étaient pas connus. Ils ont été rendus publics dans le dernier rapport de gestion seulement. Les décisions étaient prises, pendant un bon moment, presque unilatéralement par la direction... par le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. Alors, ces problèmes-là, on les a apportés à l'attention du ministère de la Justice. Ils ont été discutés aussi au niveau de la table de concertation pour les organismes oeuvrant auprès des victimes d'actes criminels. Et c'est sûr qu'il y a eu des changements, il y a eu des améliorations qui ont été apportées, puis il y a eu des clarifications.

Il y a une chose qui est importante aussi. Quand le projet a été déposé, le Barreau du Québec a dit qu'il était rassuré de voir que les sommes qui seraient versées au fonds ne seraient pas utilisées à d'autres fins. Nous, on est un petit peu plus inquiets, parce que l'expérience qu'on a eue avec le FAVAC ne va pas tout à fait dans ce sens-là, parce que, quand les balises ne sont pas claires, il peut y avoir des problèmes. Au cours de la dernière année, dans le dernier rapport annuel de gestion, on a pu voir qu'un montant de 6 millions avait été... dans le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et qu'il avait été versé au ministère de la Santé et des Services sociaux. Et on n'a pas été capables de trouver, de savoir quelle était l'origine de... quelle raison avait justifié ce transfert-là et à quoi... et s'il avait véritablement servi à financer des organismes d'aide aux victimes. Alors, on vous a écrit, M. le ministre, à ce sujet-là, pour voir pour quel motif les sommes avaient été ponctionnées dans le fonds d'aide, et aussi on a écrit... on a mis en copie conforme le Conseil du trésor, parce qu'on voulait savoir pourquoi on avait fait ce transfert de fonds là, qui a l'air d'un transfert de fonds d'un ministère à un autre. Alors, quand on regarde l'examen des pratiques relatives au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, je pense qu'il y a lieu d'améliorer les mécanismes qui vont entourer le fonds d'aide à la justice.

Le Barreau a suggéré l'importance d'avoir un rapport annuel puis de donner des informations complètes. Je pense que c'est un minimum. Il faut commencer comme ça, il faut avoir vraiment ce type d'information là. Mais, plus que ça, je pense qu'il faut avoir des critères, il faut avoir des balises, il faut avoir des mécanismes d'évaluation, il faut évaluer les projets pilotes. Il faut aussi avoir du transfert de connaissances, du transfert de bonnes pratiques. Alors, ce sont des mécanismes à mettre en place autour de la loi comme telle. Alors...

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Je suis désolée, on a déjà débordé de plus de trois... près de trois minutes. Alors, monsieur...

Mme Gaudreault (Arlène): On reviendra avec les autres propositions dans le cadre de la...

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

**(21 heures)**

M. Fournier: Oui. Merci beaucoup. Merci d'être avec nous. On a eu l'occasion déjà de se côtoyer dans... Je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui il y a plein de gens qui viennent qui avaient été avec moi dans un autre forum. Merci encore d'avoir été avec nous dans cet autre forum. Le climat est un peu différent ici. C'est ce qui nous a été noté cet après-midi.

Merci de vos commentaires. Il y en a quelques-uns qui effectivement ont déjà été repris et pour lesquels je ne disconviens pas qu'il y aura des clarifications qui devront être notées, notamment lorsqu'on verra les articles pour voir comment on peut mieux les peaufiner. Moi, je comprends très bien que la question de reddition de comptes et de transparence soit améliorée. On peut très certainement, jusqu'à un certain point, même faire du copier-coller avec ce qui existe ailleurs pour s'assurer de le faire le plus correctement possible, là. L'objectif de ce fonds-là, là, de ce projet de loi là, ce n'est pas de créer une caisse occulte, c'est de nous donner des moyens de faire des choses.

Puis j'en profite tout de suite pour redire, parce que vous m'offrez l'occasion de le faire comme je l'ai fait avec Juripop: Jusqu'à un certain point, je peux vous comprendre, mais en même temps j'ai un grand bout de moi qui ne vous comprend pas du tout, parce que, oui, il y a un fonds, mais au ministère de la Justice, là, nous, je le dis, puis je le répète, puis je ne veux pas être fatigant, mais on a dit tantôt «parent pauvre», là, il y a eu des augmentations, dans les crédits de la Justice, qui sont des augmentations importantes. En 2003, le budget était de 526 millions. C'est aujourd'hui de 757 millions. C'est 45 % d'augmentation en neuf ans. Alors, ce n'est pas comme s'il n'y avait rien eu, là. Il y a eu des choses importantes qui ont été faites.

Cependant, il y a encore des gros problèmes. Et il y a des projets. On va parler des centres de justice de proximité, que j'aime appeler centres accès justice, mais ça, c'est une lubie, ça me regarde, mais je trouve qu'il y a là-dedans... Puis ce n'est pas moi qui l'ai inventée, soit dit en passant, mais je trouve qu'il y a du potentiel dans cette idée-là. Il y a une façon de démystifier l'appareil judiciaire et extrajudiciaire. En fait, ce que je veux dire, ce n'est pas juste le judiciaire. Vous avez suivi nos débats, j'imagine, sur le Code de procédure civile, où on a essayé de faire une place la plus grande possible aux modes alternatifs, à l'implication du citoyen. Je sais que vous êtes là-dedans, dans le domaine que vous êtes. Et je ne crois pas que, parce que ça, c'est une idée du ministère, qu'il ne faudrait pas que ce soit financé dans le fonds parce que le ministère devrait financer ailleurs... Il se finance déjà ailleurs pour bien des affaires. Mais ce n'est pas rien de blessant ou d'offensant aux organisations qu'il y ait des initiatives.

Soit dit en passant, les centres de justice de proximité, ce n'est pas fait par le ministère lui-même, là, bien que ce soit une idée qu'il promeut. Puis honnêtement moi, si je... je n'aurais pas d'argent pour le faire. Là, l'argent qu'on me donne, là, c'est pour payer des juges. J'en mets 20 de plus, de juges, là. Je me bats pour aller chercher de l'argent pour ça, puis on en a. Puis on a plein d'autres besoins à combler.

Mais, quand on veut aller dans des initiatives qui nous amènent un peu plus loin, oui, il faut laisser une place au ministère. Est-ce qu'on... Dans le fond, ça fait deux en ligne qui me disent la même chose. Ça fait que je me dis: Peut-être qu'on l'a mal écrit. Peut-être qu'on a dit que c'était un fonds pour le ministère. À partir du moment où on a dit que c'était un fonds qui servait à tous les groupes qui oeuvrent là-dedans, ministère inclus, ah, le ministère est de trop. Écoutez, je ne vous en veux pas, je comprends. Mais c'est quand même moi qui vais augmenter... 4 $, là. Vous appelez ça une surpénalisation. Moi, je me suis fait une logique. ...10 $, l'inflation, ça ferait 12 $, je demande 2 $, dans le fond. Puis, pour faire ça, il y a du monde qui disent: Bien, voyons, t'es-tu fou, là? Je veux juste vous le dire, là, il y a du monde qui ne sont pas tout à fait d'accord. Alors, moi, je pense que c'est correct. En même temps, si c'est le législateur qui dit: On va aller chercher ça parce qu'il y un ministère qui dit: C'est une chose qu'on peut faire, le ministère devrait avoir un mot à dire. Je sais que vous vouliez parler. Allez-y, là, parce que je...

Mme Gaudreault (Arlène): Bien, c'est parce qu'à première vue c'est que les fonds qui sont engagés déjà, là, quand on pense, quand on parle au déploiement des centres de justice de proximité, ça va venir quand même ponctionner pas mal d'argent, ou quand on pense au SARPA aussi. Ça fait que c'est un beau projet, mais le ministère de la Justice peut le faire en collaboration avec des partenaires. Mais, si vous prenez toute la place, bien, je veux dire, ça n'incitera pas vos partenaires à aller travailler avec vous. C'est ça qu'on veut dire. Ça fait qu'on ne sent pas que c'est ouvert pour ça puis on ne sent pas que, pour des organismes qui travaillent, comme nous, en dehors -- et ça, c'est important -- que les organismes qui travaillent en dehors du milieu juridique aussi y ont leur place. La façon que la loi est formulée, c'est comme si on n'a pas de place là-dedans, alors qu'on est des partenaires importants.

Le type de consultation aussi reflète ça un peu. On s'est demandé pourquoi, cette consultation-là, on n'avait pas pris plus de temps. Pourquoi aussi ça s'est fait un peu à la hâte, à la dernière minute? On parle de l'accès à la justice. C'est quand même un problème très important. Vous savez, on était avec vous à Ottawa. On critique beaucoup Ottawa actuellement parce qu'ils nous passent sur le dos un peu comme un rouleau compresseur puis ils font des réformes tout le temps à la pièce. Puis on se dit qu'au Québec on est capables de faire les choses autrement. Bien, je trouve qu'on a une belle occasion de faire les choses autrement, de prendre le temps, comme il faut, d'examiner, par exemple, est-ce qu'il y a d'autres formes de financement, de ne pas faire payer à tout le monde, comment ça pourrait être inclusif, comment tous les groupes qui travaillent à l'accès à la justice pourraient participer à ça. Il faut prendre le temps de faire ça.

M. Fournier: Juste vous dire: Ce n'est pas comme si on l'avait écrit hier non plus, là. Je n'ai pas de problème avec votre discussion puis je vais juste faire la conclusion tout de suite, là, je ne ferme pas la porte à ce qu'on réfléchisse à d'autre chose. On commence comme ça. Je vais l'établir, je l'ai dit avant puis je le dis avec vous, je ne suis pas fermé.

En même temps, je ne veux pas faire d'idée, je ne veux pas faire peur au monde. Il y en a trois ou quatre qui nous écoutent, là. Ceux qui nous écoutent, là -- je pense aux notaires, là, en ce moment -- n'ayez pas peur, on va commencer par ça, là, on va prendre le temps de le faire correctement. Ça, je suis bien d'accord avec vous, donc je suis ouvert à ce qu'on pense à d'autre chose. Je ne veux pas que ça retarde le projet parce que minimalement, ça, on va le faire de toute façon. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'améliorer, faire d'autre chose après. Mais on peut très certainement convenir d'un 4 $. Ça, on peut faire ça, on peut commencer cette étape-là. Puis il n'y a aucun problème à ce qu'on regarde vers d'autres formules.

Mais il faut bien se dire ceci: Imaginons qu'on commence à parler des comptes en fidéicommis. Je n'ai aucun problème. Mais, s'il faut que j'attende d'avoir l'autorisation de tout le monde qui est impliqué, bien ça va faire longtemps que je vais avoir pris ma retraite, là, quand on va régler cette affaire-là, puis, mon problème d'accès à la justice, je vais en parler à mes petits-enfants, puis je vais dire: Ah! si on avait une maudite belle occasion! Mais on s'est dit qu'il fallait qu'on jase de d'autre chose avant. Ce n'est pas demain la veille, je peux juste vous le dire.

On a parlé des crédits d'impôt, là, tantôt, hein, le Barreau, la fiscalité. Ce qu'ils disent est vrai, mais en même temps ce que ça représente, c'est d'enlever des fonds qui arrivent à l'État. Bien, je ne suis pas sûr que c'est la meilleure formule pour tout de suite. Puis là après ça on dit: Mais est-ce que ceux qui sont des grands utilisateurs peuvent payer plus, comme Juripop le dit? Bien là, je veux juste vous le dire, là, il y a de nos partenaires, peut-être, que vous trouvez trop juridiques, mais, dans le monde de la justice, le Barreau, c'est un partenaire important, plus que pas chaud, on va se dire ça.

Alors, vous parlez d'expérience à Ottawa. Je ne souhaite pas faire une loi dont je fais l'unanimité des gens contre. Je crois au contraire que, sur le fond... Bon, l'excitation n'est peut-être pas à la hauteur que vous souhaiteriez, mais je crois qu'il y a un consensus pour dire: Oui, faisons cela. Améliorons la gouvernance. Assurons-nous des comités, de la... Je n'ai pas de problème, mais je vous demande de ne pas lâcher, de dire: Oui, on peut faire ça. Puis on va essayer d'améliorer le libellé. Puis, même si on ne règle pas ce soir, vous pouvez nous faire vos commentaires par la suite, il n'y a pas de difficulté, là. Puis je ne veux pas que vous sentiez que vous n'êtes pas dedans. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas vrai que... Je ne suis pas sûr que c'est vrai que vous n'êtes pas dedans, là, mais en tout cas on peut toujours le mettre pour que ce soit plus... mieux dit, peut-être, je n'ai pas de problème.

Je ne ferme pas la porte à ce que nous puissions penser à d'autres étapes. Personnellement, je pense que les besoins sont plus que 8 millions, mais en ce moment non, je n'ai pas la solution. Ça ne veut pas dire qu'on ne l'a pas cherchée. C'est qu'on s'est juste dit qu'en ce moment, si on n'arrivait pas à une conclusion, on n'arriverait pas à rien du tout. Alors, il faut commencer en quelque part. Alors, je ne sais pas si je réaugmente votre niveau d'excitation quand je dis ça, mais en même temps je veux vous exprimer en toute transparence mon niveau d'excitation. Alors, peut-être que je peux augmenter le vôtre en disant qu'on peut poursuivre le travail par la suite.

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, M. le ministre...

M. Fournier: Oui, moi aussi.

La Présidente (Mme Vallée): ...je dois diminuer votre niveau d'excitation et passer la parole à Mme la députée de Joliette.

M. Fournier: ...la suite, Mme la Présidente.

**(21 h 10)**

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir. Bienvenue, Mme Gaudreault et Mme Blanc. Heureuse de vous entendre. Des fois, on passe d'un organisme à l'autre, et c'est complètement deux mondes différents. Là, je comprends qu'il y a une continuité dans les revendications, dans les points de vue. Comme je l'ai exprimé tout à l'heure -- je pense que vous étiez là -- moi, je pense qu'il y a vraiment des questions à se poser. Je comprends que le ministre... Je veux dire, le mieux est l'ennemi du bien, on en est tous conscients, on ne peut pas toujours avoir tout parfait, puis, quand on veut faire bouger des choses... En même temps, on a une occasion, là, de réfléchir sur une nouvelle avenue, un nouveau mode de financement, des nouvelles sources de financement. Donc, je pense que d'une part il faut se demander comment optimiser leur utilisation, comment s'assurer qu'on est capable de voir venir et que, les objectifs qu'on se donne, on va vraiment les remplir. Et aussi est-ce qu'il y a d'autres moyens de faire en sorte que ce fonds-là puisse remplir ces objectifs-là, je pense, pour lesquels on est pas mal tous d'accord? Alors, moi, je pense qu'il y a quand même des questions importantes.

Oui, il y a toute la question de la reddition de comptes, tout ça, on pourra y venir. Je comprends que vous faites un certain élagage ou, je dirais, peut-être une priorisation des objectifs qui sont énumérés selon les besoins. Vous mettez l'accent sur les personnes vulnérables davantage. Moi, ce qui m'intéresse un peu, c'est: Si je vous disais, à la lumière de ce qui existe, de ce qui est projeté par le ministère aussi... Puis je vais faire juste un petit aparté, moi, c'est une source d'inquiétude, là, je l'ai dit, ce n'est pas un gros scoop, mais c'est cet arrimage-là entre la mission fondamentale du ministère, l'argent qui vient du Trésor pour la mission du ministère de la Justice et l'argent qui va venir de ce fonds-là. Le ministre, oui, il a des projets. Les centres de justice de proximité, c'en est un, le SARPA, c'en est un autre.

Mais je pense que ce n'est pas illégitime de se demander: Si, par exemple, ça va de soi que les 20 nouveaux juges doivent assurément, eux, provenir du financement, je dirais, ordinaire du ministère de la Justice, pourquoi ce n'est pas la même logique pour des projets qui sont, je dirais, 100 % justice? Non, mais, à un moment donné, le ministre a eu l'argent du Trésor pour les 20 postes de juge. Je ne dis pas que l'argent est là sans fin, mais je pense qu'il faut se questionner là-dessus. C'est-à-dire qu'il y a une mission justice, justement dans une optique où on se dit: La justice, ce n'est pas que la justice adjudicative, ou adjudicatrice, c'est d'autre chose. On veut l'amener vers la communauté, on veut l'amener en prévention, on veut l'amener en médiation. Est-ce qu'aussi il ne faut pas que cette bataille-là se reflète aussi dans l'argent qui est consenti au ministère? Puis je fais ça au-delà de... Il va me sortir ses tableaux, ses graphiques aussi, ça s'en vient, je le sens, mais... Parce qu'on... Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faut se questionner aussi.

Alors, moi, ce que je vous demande, c'est: Dans votre optique, est-ce que ce fonds-là devrait... Les centres de justice de proximité, on peut se dire qu'il y a un partenariat, par exemple, parce que ce n'est pas 100 %... c'est majoritairement justice, mais il y a quand... je veux dire, le financement à l'heure actuelle, mais il y a évidemment le Barreau qui finance, il y a d'autres petites sources. Donc, on pourrait se dire: O.K., peut-être que ça... Mais, pour des dossiers, je veux dire, ou des projets 100 % justice, peut-être qu'on peut se poser la question. Vous, est-ce que, selon vous, ça, il faut que ça soit uniquement des projets, je dirais, communautaires, où le ministère n'est pas le maître d'oeuvre à tout prix, ou il pourrait y avoir une mixité?

Mme Gaudreault (Arlène): Bien, on n'est pas fermées à l'idée qu'il y ait des projets, là, justice. Nous, ce qu'on dit: Il faut qu'il y ait des balises. Il faut quand même qu'il y ait des balises pour les projets ponctuels, pour les projets récurrents. Et peut-être qu'il faudrait qu'il y ait comme un ordre de grandeur, par exemple un pourcentage -- et c'est la réglementation, dans le fond, ce n'est pas la loi, je pense, qui fait ça -- il faudrait qu'il y ait comme un ordre de grandeur, qu'il y ait certaines orientations. Il faut qu'il y ait des orientations à un fonds comme celui-là, il faut qu'il y ait des valeurs qui guident, tu sais. Nous, c'est un peu ça, l'essence. La mécanique, là, bien, je veux dire, c'est le législateur qui regarde ça, c'est ceux qui rédigent les lois. Nous, on est plus sur des questions d'orientation et de fond, on le dit. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que ce soit une justice qui soit plus inclusive, une justice qui représente les préoccupations, les problèmes des justiciables.

Écoutez, il y a plusieurs groupes qui ont... le Barreau, l'observatoire de la justice ont dit: On devrait faire, refaire un Sommet de la justice ou il devrait y avoir un livre blanc sur la justice pour qu'on examine l'ensemble des questions parce qu'on travaille tout le temps à la pièce. Alors, quand on dit: C'est quoi, les besoins... Puis c'est ce qu'on a essayé de faire aussi autour de la table de concertation pour les victimes d'actes criminels, c'est: Quels sont les besoins à combler? Qu'est-ce qu'on fait actuellement? Qui fait quoi? Comment éviter le chevauchement? Comment on peut travailler ensemble?

Nous, là, ce soir, vous avez compris que notre démarche n'est pas de venir vous demander de l'argent, là, ce n'est pas ça, là. Puis même on parle beaucoup plus largement que les victimes, on parle des gens qui ont des problèmes avec la justice. On aurait pu vous parler des problèmes des victimes qui ont des difficultés avec les recours en IVAC. On est venus ici, en commission parlementaire, on a demandé à la ministre, Mme Weil, qu'il y ait un comité de travail qui soit mis sur pied pour les besoins de soutien juridique pour les victimes, parce que les avocats, excusez, mais ils ont de la misère à s'intéresser aux droits des victimes devant l'IVAC, la CSST. On n'a pas eu de suite de ça. Ça, c'en est, de l'accès à la justice aussi. Et c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait une représentativité des groupes.

Maintenant, comment le fonds... Moi, les centres d'accès à la justice, pour reprendre vos propres mots, les centres de justice de proximité sont des initiatives qui sont importantes. On ne dit pas que ça ne doit être que du communautaire. Il faut qu'il y ait un équilibrage. Mais où sont les besoins? Et, si on fait une analyse des besoins, bien on va être capable de dire: Oui, ces projets-là rentrent là-dedans. Et c'est la même chose pour les projets ponctuels. C'est important de déterminer... Par exemple, la Loi sur l'aide aux victimes, on peut la critiquer.

D'ailleurs, il y a une très belle recommandation. J'en profite pour ouvrir la porte. On espère que vous allez vous engager aussi à réviser la Loi sur l'aide aux victimes, notamment le Fonds d'aide aux victimes, en toute cohérence et équité avec le Fonds d'accès à la justice, parce que, si ça mérite d'avoir un conseil d'administration, un conseil aviseur et des normes de reddition pour le FAJ, je pense que ça vaut aussi pour le Fonds d'aide aux victimes, et ça fait longtemps qu'on le demande. Alors, on espère que, dans le cadre de cette consultation-là... On refait la demande. On la fait officiellement.

Alors donc, ce sont des choses qui peuvent être précisées, mais ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait, peut-être, suite au travail qu'on fait ici, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui sont venus, qu'il y ait un travail de réflexion qui se poursuive. Un groupe comme le nôtre et d'autres qui travaillent avec nous, on est prêts à vous offrir aussi notre collaboration dans la mesure évidemment de notre champ de compétence. Mais je pense qu'il ne faut pas se priver de l'expertise puis de la contribution de... Puis on est dans des droits qui sont en évolution. Le ministère du Canada a publié un document très important sur les droits des pauvres, le droit au logement. Une des questions qu'on s'est posées en regardant le projet de loi, on parle des tribunaux administratifs, on s'est dit, bon: Est-ce que l'IVAC, est-ce que la CSST, est-ce qu'on pourrait soumettre des projets dans le... Ce n'est pas clair. Ce n'est pas clair.

Alors, qu'est-ce que ça veut dire, des services de justice? Il y a des choses aussi qui vont être à préciser dans les objectifs. Il y a du travail encore à faire sur ce projet de loi là.

Une voix: ...

Mme Hivon: Non, c'est à moi encore. Oui, je veux juste dire quelque chose. En fait, je voulais le dire tout à l'heure. Et effectivement je pense que ça, c'est d'un côté très, très mécanique des choses, mais le ministre de la Justice s'adonne à être le leader aussi. Donc, c'est vrai qu'il y a plusieurs groupes, de ce que je comprends, bien deux... plusieurs... en tout cas au moins deux ou trois, je pense, qui ont écrit pour dire qu'ils n'avaient pas eu le temps. Parce que c'est vrai que, quand c'est des consultations particulières, ça va très vite. Et donc je pense que les gens reçoivent l'avis, puis il faut qu'ils viennent une semaine après. Je sais que l'Observatoire du droit à la justice... je pense qu'ils ne pouvaient pas parce que cette semaine ils n'étaient pas là. On a reçu une lettre, je pense, du secrétariat. Je ne sais pas si c'était la coalition ou en tout cas... En tout cas, il y a un groupe, enfin... Je dis ça parce que je pense qu'il y a des groupes qui... Moi, c'est parce que j'ai vu que l'Observatoire du droit à la justice avait été invité. Il me semble que c'était une question qu'ils avaient dit qui les intéressait quand ils étaient venus lors du Code de procédure civile. En tout cas... Donc, tout ça pour dire que ça, c'est une question de mécanique, mais effectivement je pense que ça, ça peut être dommage de donner une semaine de préavis puis que là les groupes... que ça ne marche pas pour cette semaine, parce que les groupes n'ont pas toujours beaucoup de moyens, ils doivent sauter leur tour.

Moi, je voulais vous entendre sur le fait que vous avez l'expérience du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Là, je comprends qu'il n'y a pas de tel mécanisme de conseil d'administration, et tout ça. Mais il y a quelque chose, moi, qui m'a surprise. C'est que la loi semble quand même s'inspirer... ou en tout cas, à certains égards, elle ressemble un peu à l'autre, mais, dans le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, ça renvoie à un règlement où il y a des critères pour attribuer les fonds, ce qu'on n'a pas là. Et, à votre connaissance, est-ce que c'était quelque chose qui marchait relativement bien, c'est-à-dire l'octroi en vertu des critères qui étaient prévus, donc, dans la réglementation, pour ce qui est des différents projets du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels?

Mme Gaudreault (Arlène): Marie-Hélène, j'ai envie de te laisser répondre là-dessus, étant donné que tu prépares toutes les demandes de financement.

Mme Blanc (Marie-Hélène): Bien, je dirais que... Je ne sais pas, là, si... en fait comment ça se passait, là. Je le savais pour moi. Mais ce que je sais... que c'étaient des critères qui n'étaient pas nécessairement connus jusqu'à assez récemment. Donc, ce n'était pas une source de financement connue par les organismes jusqu'à ce qu'on fasse des représentations puis qu'on demande au ministère à ce que ça apparaisse sur le site Web et que donc les organismes puissent être... puissent faire des demandes de financement. C'est des discussions qui ont eu lieu autour de la table de concertation, là, des organismes qui oeuvrent auprès des victimes d'actes criminels. Et à ce moment-là aussi il me semble qu'à l'époque on nous avait dit qu'on allait réserver un tel montant d'argent par année pour des projets ponctuels. Là, il y avait des critères aussi, mais je pense que les critères existaient avant mais en fait n'étaient pas connus. C'était surtout ça.

Mme Gaudreault (Arlène): Mais ce volet-là, le volet de projets ponctuels, il est prévu dans la Loi sur l'aide parce qu'il y a un volet pour les organismes puis il y a un volet pour les projets de subvention, de sensibilisation et de formation, ça, c'est assez clair. Mais ce qu'on n'avait pas, c'est: Bon, bien, qu'est-ce que... quels sont les argents qu'on alloue dans le fonds d'aide?

En fait, c'est la transparence aussi. Actuellement, là, quand on regarde, par exemple, dans le rapport de gestion, on ne sait pas quelles sommes viennent de la suramende provinciale, de la suramende fédérale. Ce n'est quand même pas normal qu'on n'ait pas les surplus du fonds d'aide non plus, là, jusqu'avant le rapport annuel, actuellement. Alors, ça, c'est de la reddition de comptes puis c'est de donner de l'information complète. Ce n'est pas difficile à faire. Et puis d'avoir aussi soit un comité aviseur ou un conseil d'administration. On le voit dans d'autres provinces. Si on regarde la Fondation du Barreau ici, c'est un conseil d'administration. Alors, c'est une bonne gouvernance et puis, je pense, ça peut donner un recul aussi, un certain recul au ministre de la Justice, là, dans la gestion. Ça met à contribution les partenaires. Je trouve que c'est dynamique, là, comme formule. Je pense que vous avez l'air d'acheter ça, M. le ministre. C'est bon.

**(21 h 20)**

M. Fournier: ...

La Présidente (Mme Vallée): ...M. le ministre, c'est rendu votre tour.

M. Fournier: J'achète. Non, non, je pense que d'abord, sur les orientations -- faisons quelques conclusions, là -- sur les orientations, oui, il faut que ce soit précisé. Peut-être qu'il revient à la loi de dire qu'il y aura quelque chose comme un comité aviseur dont le mandat initial sera d'en faire, des orientations, et de les rendre publiques, bon, des choses comme ça. Je vous ai entendue parler d'un critère de clientèles vulnérables à l'égard de projets ponctuels à venir. C'est quelque chose qui peut être inclus dans les orientations mais qui fait beaucoup de sens, là.

Une voix: ...

M. Fournier: Mais ça fait beaucoup de sens d'ajouter des éléments comme ceux-là. Il y a des gens biens plus spécialistes que moi qui peuvent en prévoir le libellé.

Dans la consultation que nous menons sur le projet de loi comme tel, je pense qu'il peut y avoir des incompréhensions ou des désirs -- c'est peut-être plus des désirs -- initiaux, préalables même au dépôt d'un projet de loi. Et, à partir du moment où on entend parler -- je pense à Juripop, par exemple, peut-être que vous, vous êtes dans le même cas -- qu'il y aurait un fonds d'accès: Ah! enfin...

Mme Gaudreault (Arlène): ...on n'a pas pensé ça.

M. Fournier: ... -- ah bon! Juripop l'a pensé -- ah! enfin, notre appel a été entendu. Et puis, bon, je ne veux pas semer de peine, je crois qu'il y a suffisamment à faire en matière d'accès à la justice dans tous les domaines. Puis vous ne devriez pas craindre que ce qu'on vise à faire pourrait mettre de côté des initiatives qui ne sont pas dans l'ordre du juridique, judiciaire, droit pur, là, parce qu'il me semble qu'on en parle déjà abondamment, à cette commission-ci, de la volonté que nous avons que la justice soit vue dans un sens beaucoup plus large que la question de droit. On l'a entendue cet après-midi, d'ailleurs, cette différence entre le...

Mme Gaudreault (Arlène): C'est parce que ça ne se reflète pas dans la loi, ça ne transparaît pas.

M. Fournier: On va essayer de mettre de... de le faire transparaître.

Mme Gaudreault (Arlène): Parfait. Parfait.

M. Fournier: Parce que ceux qui nous suivent doivent le savoir un peu, me semble-t-il. On va essayer de le mettre pour que le message soit cohérent avec les autres gestes qu'on fait. En même temps, on veut aussi s'adresser à certains de ces problèmes-là.

On peut juste revenir... Je ne veux pas en faire une répétition, il n'y a pas que ça, mais, dans les centres de justice de proximité, il y a des petits bouts qui sont bien juridiques, puis, de ce que je comprends de ce qui se passe en ce moment sur le terrain, même si c'est des projets pilotes puis qu'il y en a juste trois, de ce je comprends, il y a beaucoup d'autres choses et peut-être même plus d'autres choses que juste de la référence juridique, là. Et on nous a parlé, un peu plus tôt, d'avoir le répertoire de tout ce qui existe. Assez fascinant déjà de recevoir comme témoignage -- c'est ce qu'on m'a dit -- comment cette espèce de guichet unique, qui n'est pas unique, là, que ce guichet en tout cas devient un créateur d'impulsion vers un organisme et un autre, et ça, c'est très porteur pour une communauté, je crois.

Puis, oui, une des idées derrière le fonds d'accès, je vais le dire en toute honnêteté, là, puis ça me coûtera ce que ça me coûtera, moi, je voulais faire le SARPA, puis je voulais faire les centres de justice de proximité, puis je n'ai pas une maudite cenne pour faire ça. Mais j'ai trouvé les cennes pour faire d'autre chose, par exemple. Puis, oui, j'ai un graphique, mais je ne l'ai pas sorti. Je pourrai montrer mon tableau un autre jour.

Une voix: ...

M. Fournier: Ah! peut-être pas, peut-être pas, peut-être pas. Mais alors ce n'est pas... Alors, je cherche juste à vous dire ceci, dans le fond: Ce que vous nous dites sur les orientations, puis sur le comité, puis les clientèles vulnérables, là, on en prend bonne note. Puis on va voir... Puis même sur l'esprit qui anime le projet de loi que vous voulez, que vous souhaitez comme étant en même temps un souffle qui anime le ministère, on va regarder ça puis on va voir comment on peut agir de ce côté-là.

J'ajoute, je l'ai dit tantôt: Je ne suis pas fermé à trouver d'autre chose, mais je vais avoir besoin d'aide pour trouver d'autre chose. Le 4 $, c'était faisable. Ça donne 8 millions. Ça ne donne pas 80 millions, ça donne 8 millions. Alors, je suis bien conscient des limites que ça peut représenter puis des besoins qu'il y a, mais on va se donner une petite chance. Le choix que j'ai fait, moi, c'est de commencer la marche. C'est ça qu'on fait. Alors, on va essayer de poser les pieds aux bons endroits. Je suis sûr que nos collègues vont nous aider à avoir un libellé qui est le plus... le meilleur possible. Mais je pense que... de ma voix entendez, je crois pouvoir dire que les membres de plusieurs partis -- on est peut-être pas tous ici, bien tous les partis reconnus, disons -- nous souhaitons vous dire qu'on veut faire ce premier pas là, le faire correctement, puis on ne fermera pas la marche pour le reste.

Je n'ai pas vraiment d'autre question à vous poser, mais je vous laisse le soin de me passer d'autres messages si vous voulez profiter du temps qui reste. Je suis sûr que vous auriez quelque chose à me dire.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bien, en fait, je veux peut-être juste préciser, tantôt, quand je parlais du fonds d'aide... Parce que c'est sûr que c'est un fonds qui relève du ministère, donc les parallèles sont... Le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, je parle. Je suis allée me référer, pour voir un peu, puis, je le dis, moi aussi, au ministre, c'est sûr que je pense qu'il y a des questions qui se posent sur... Il y a quand même, dans la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels et le règlement, un niveau de détail beaucoup plus important. Et c'est sûr que ça visait à financer, je dirais, des initiatives hors ministère davantage que ce qu'on comprend qui est plus dans l'esprit, en ce moment, visé. Mais je pense qu'il y a quand même un bénéfice. Là, je ne parlerai pas au nom du législatif, parce que vous savez que nous, les règlements, quand on est dans l'opposition, on n'aime pas bien, bien ça, parce qu'on ne les voit pas puis on n'a pas un grand contrôle. Mais des fois on est capables de se battre au moins pour voir la première mouture du règlement, pour savoir que ça part bien. Mais je pense qu'il y a une réflexion parce que le projet de loi actuel est vraiment encore beaucoup plus large, souple, discrétionnaire même que ce qu'on trouvait pour le FAVAC. Et, si je vous suis correctement, le FAVAC, vous dites, il a besoin d'amélioration pour la reddition de comptes, la gouvernance...

Mme Gaudreault (Arlène): Il est très discrétionnaire, le FAVAC.

Mme Hivon: Et il est déjà très discrétionnaire.

Mme Gaudreault (Arlène): Il est très discrétionnaire, et c'est pour ça qu'il y a une recommandation... On sait qu'on est ici pour étudier le FAJ, là, mais il y a quand même une recommandation pour le FAVAC, parce qu'il y a une question d'équité aussi par rapport à, je dirais, pas l'arrimage mais la concordance de ces fonds-là et il y a du travail à faire. Puis il y a du travail à faire sur la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, parce que, quand on parle d'équité puis d'accès à la justice, la question des droits des victimes est quelque chose d'important. Et on fait des choses extraordinaires au Québec, et malheureusement ça ne se reflète pas dans cette loi-là. Ça fait plusieurs années qu'on le dit, le Québec est la seule province au Canada qui n'a pas révisé sa Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. C'est très gênant, la façon dont notre loi est révisée. On l'a demandé à plusieurs ministres. Il y a un travail important à faire là-dessus. Et c'est sans succès. On prêche dans le désert. Alors, on reprêche encore ce soir. Et je pense que le fonds d'aide devrait être revu et la Loi sur l'aide aux victimes. On ne parle pas de l'indem, là, on parle de la loi sur... De l'indem aussi, mais on ne mêlera pas tout, parce que là vous allez partir... Vous ne serez plus excités, là, si j'en mets trop.

M. Fournier: Quand je vais vous faire voir les cauchemars qu'il y a dedans, peut-être que vous allez partager mon point de vue.

Mme Gaudreault (Arlène): Non, mais on a une idée des cauchemars, M. le ministre. Ce qu'il y a dedans, on sait que c'est difficile, on comprend, là.

Mme Hivon: Bien, peut-être juste vous entendre là-dessus. Enfin, vous direz... Parce que je vous ai déjà entendue sur un autre projet de loi. Vous aviez abordé ça effectivement avec une des prédécesseurs du ministre sur la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, toute la question des droits, du soutien. Bien, en tout cas, vous pourrez en dire un petit mot, ça m'intéresse. Mais moi, je veux vous ramener... parce que vous avez parlé que, du fait de la discrétion qui existe en ce moment au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, il y a un 6 millions, je comprends, d'argent qui était dans le Fonds d'aide, dans les surplus du Fonds d'aide, qui a été transféré même dans un autre ministère, c'est ça?

Mme Gaudreault (Arlène): ...été transféré au ministère de la Santé et des Services sociaux. Et, quand on questionne le ministère de la Santé et des Services sociaux sur ce transfert-là, ils ne savent pas pourquoi ça a été fait, ils ne savent pas à qui ça a été attribué. Alors, nous, on se dit: À quoi ont servi ces fonds? Pourquoi... Et on parle de ce prélèvement-là comme étant un manque à gagner, là, du fonds cette année, alors que c'est un prélèvement dans le surplus.

Écoutez, je pense que la question des fonds est intéressante, mais elle doit être examinée... On pourrait parler du Fonds de la sécurité routière. Il y a des questions qui ont été posées aussi, il y a deux semaines à peu près, sur la question du Fonds de la sécurité routière. Il y a 5 millions qui dorment dans ce fonds-là, qui doivent être donnés aux victimes de crimes de la route. Il n'y a pas de mesures qui ont été mises de l'avant. Je comprends que ça ne relève pas du ministère de la Justice. Mais tout ça pour dire que la transparence de ces fonds-là puis la confiance du public, là... pour garder la confiance du public, c'est quand même quelque chose d'important. Alors donc, bon, sur la question du 6 millions, on a écrit au ministre de la Justice. On va sûrement avoir une réponse sous peu, j'imagine, pour cette question-là.

**(21 h 30)**

Mme Hivon: Pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, en ce moment il y a 36 millions de surplus. Et ça, en fait, c'est en lien avec la reddition de comptes. Vous, comme organisme bénéficiant du Fonds d'aide aux victimes, vous n'avez pas moyen de savoir, le 36 millions, pourquoi il est là, pourquoi les surplus ne sont pas distribués aux organismes? Est-ce qu'on vous renseigne? Est-ce qu'il y a une forme d'échange avec les organismes qui bénéficient du fonds d'aide?

Mme Gaudreault (Arlène): Je dirais qu'on a posé beaucoup de questions, là, sur la question des surplus, puis ça fait depuis quand même 2005, parce que je pense qu'on est le premier organisme qui avons soulevé la question des surplus dans le fonds d'aide, en 2005, en disant: Comment... Déjà, il y avait 7,6 millions dans le fonds d'aide. On n'a jamais vraiment de réponse. Je vous ferai remarquer que les élus non plus, quand il y a la défense des crédits, vous n'en avez pas non plus, de réponse sur la question des surplus. Parce qu'elle est souvent posée, puis on n'en a pas, de réponse. Parce que des fois ce qu'on entend, c'est que l'argent va peut-être aller dans une loi, la Loi sur l'aide et l'indem, qu'on va couper en indemnisations et que la loi sur... Bien, c'est une réponse, entre autres, que Mme Weil avait donnée lors de la défense des crédits.

On comprend, là, qu'il faut qu'il y ait des sommes qui soient gardées, là, en réserve, qu'on ne peut pas dépenser tout le fonds. Mais on ne comprend pas... il y a beaucoup d'organismes actuellement qui ne comprennent pas comment ça se fait qu'on a des fonds aussi élevés. Je vous dirais que le même problème s'est posé en Ontario aussi, là. La dernière année, ils avaient 37 millions de fonds supplémentaires, mais il y a eu... ça a brassé pas mal, là, je ne sais pas à quel niveau, ça a brassé beaucoup, ce qui fait qu'ils ont distribué les fonds aux organismes et ils ont gardé une réserve de 2 millions.

Alors, ce n'est pas à nous à fournir, je pense, la réponse de pourquoi parce qu'il y a des organismes qui font des demandes. Nous, on a fait des demandes aussi qui ont été refusées. On a fait une demande l'an dernier pour avoir une personne supplémentaire à l'association. On travaille depuis 1984. On a trois salariés à l'association. On a demandé à avoir quelqu'un -- pour nous, c'est une question d'accès à la justice -- quelqu'un qui avait une formation en droit pour venir travailler avec nous, justement, quand il y a des commissions parlementaires, pour nous aider à préparer des mémoires, pour faire de l'accompagnement, pour être capables de répondre aux victimes, et on n'a pas eu cette subvention-là. On a eu une subvention ponctuelle pour un guide pour les droits des victimes, qu'on apprécie. Ça nous aide beaucoup dans notre travail, puis c'était quelque chose d'important. Il y a d'autres organismes aussi qui ont fait des demandes pour le fonds d'aide qui ont été refusées.

Alors, ça, ça fait partie aussi du travail de reddition de comptes et de transparence du ministère de la Justice, et, bien, on a demandé à rencontrer le ministre de la Justice sur ces questions-là puis on espère qu'on va pouvoir le faire parce qu'on a un travail à faire. Et nous, on veut le faire en collaboration avec le ministère de la Justice. On y croit, puis on est impliqués dans la cause depuis plusieurs année, puis, bon, on est des militants, on est des personnes passionnées. Les gens qui sont au conseil d'administration sont des personnes qui sont très, très impliquées, alors on ne demande qu'à travailler en collaboration. Mais je pense qu'il faut qu'il y ait des réponses qui soient apportées. Il faut qu'à un moment donné on soit capables de s'asseoir et qu'on se dise: Bon, bien, qu'est-ce qu'on fait avec l'indem? Est-ce qu'on peut rouvrir la loi pour améliorer certaines dispositions de la loi sans tout changer? Je ne sais pas, mais on ne peut pas laisser les discussions au point mort parce que ça ne fait pas un bon climat.

Mme Hivon: Puis, pour faire le lien Fonds d'Accès Justice-Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, est-ce qu'à la lumière de votre expérience un... En fait, je vous demanderais le conseil d'administration idéal, à la lumière de votre expérience avec le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, pour un éventuel conseil d'administration pour le Fonds d'Accès Justice.

Mme Gaudreault (Arlène): Bien, je pense que ça prendrait une composition de personnes qui viennent du milieu juridique puis une représentation aussi d'organismes qui travaillent pour l'accès à la justice mais, je dirais, dans d'autres contextes. Il y a une province, je pense que c'est l'Ontario, par exemple, la composition du conseil d'administration, c'est le Barreau, c'est le ministère de la Justice et c'est des organismes qui sont choisis par le conseil d'administration. Donc, on peut regarder qu'est-ce qui se fait ailleurs aussi. Je me dis: On n'est pas obligé de tout réinventer la roue. Mais c'est certain que, si on veut que ça reflète la pluralité, la diversité, l'expertise puis que ça soit dynamique, bien il faut ouvrir. Il faut ouvrir puis il faut libeller la loi aussi pour qu'on comprenne qu'est-ce qu'on peut soumettre comme projet, tu sais, des documents réglementaires puis des services de justice. Il y a des choses à travailler pour que ça nous anime, là, ou, pour reprendre les mots du ministre, que ça nous excite aussi.

La Présidente (Mme Vallée): Bien, sur ce, je vous remercie beaucoup, Mme Gaudreault, Mme Blanc. Merci d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions. Alors, on vous souhaite une bonne fin de soirée.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes, où la commission se réunira à la salle La Fontaine afin de poursuivre ce mandat. Bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 21 h 35)

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