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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Wednesday, February 22, 2012 - Vol. 42 N° 68

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Drainville): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance de Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Alors, le mandat de la commission, c'est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 29, Loi instituant le Fonds Accès Justice.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci. Alors, ce matin nous allons entendre les représentations de Sortie 13 et du Barreau du Québec. Et en après-midi nous allons recevoir les centres de justice de proximité du Québec, Éducaloi ainsi qu'Avocats sans frontières.

Alors, nous avons pris un petit peu de retard. Nous allons donc dépasser un peu le temps qui avait été prévu. On va finir plutôt vers 13 h 15 et, l'autre retard, on va le partager équitablement entre le gouvernement et l'opposition officielle ici représentés.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nous allons débuter avec Me Piché-Messier. Je vous inviterais à présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes à votre disposition. Merci.

Sortie 13

M. Piché-Messier (Mathieu): Merci, M. le Président. Bonjour. En premier, merci à tout le monde de la commission de nous avoir accueillis, Mme la critique officielle, M. le ministre, tous les membres. C'est vraiment apprécié.

Mon nom est Mathieu Piché-Messier. Je suis avocat chez Borden Ladner Gervais. Je suis impliqué dans Sortie 13 et aussi impliqué dans l'accès à la justice depuis quand même un bon bout de temps dans le cadre de mes différentes implications. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma gauche, de Marie-Christine Demers, avocate qui travaille en relations publiques chez Cohn & Wolfe, M. Yanouk Poirier, qui est associé chez Leaders International, et le porte-parole et l'initiateur de Sortie 13, et puis Natacha Jean, qui est P.D.G. du Concours québécois d'entrepreneuriat. On pensait commencer en permettant à M. Poirier de vous expliquer un tout petit peu, très rapidement, qu'est-ce qu'est Sortie 13. Mme Jean va ajouter quelques mots. Puis ensuite on passera au projet de loi, qui somme toute est une belle initiative, et on félicite le gouvernement d'aller de l'avant avec quelque chose comme ça.

M. Poirier (Yanouk): Absolument. Écoutez, bonjour à tous, M. le ministre, M. le Président, membres de la commission. Merci de nous recevoir aujourd'hui.

Je vais y aller de manière assez brève pour vous expliquer, mettre un peu la table sur ce qu'est Sortie 13. L'idée de Sortie 13 est venue car, pour les générations X et Y, on connaissait les enjeux globaux du Québec, mais on trouvait qu'il y avait un certain immobilisme qui se représentait. On trouvait qu'on avait de la misère à trouver des solutions pour le futur, enfin selon nos propres lunettes à nous, et on a voulu trouver des thématiques avec 13 leaders, autant des hommes que des femmes des générations X et Y à travers le Québec, pour trouver 13 pistes de solution. Donc, on a demandé à 13 personnes, sur différentes thématiques, d'écrire un mémoire, de proposer des solutions et de proposer aux gens, par le biais des technologies de l'information, de soumettre leurs recommandations, leurs choix sur nos solutions. On a eu plus de 10 000 répondants dans nos différentes interventions. On a eu un grand succès sur nos 13 thématiques pendant 13 semaines. Et une de ces 13 thématiques là était notamment la justice et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Dans le cadre de la justice, une des solutions prépondérantes qui a pris énormément de place au sein de nos répondants, c'était la médiation avant le processus judiciaire. Je vais laisser le soin à Me Piché-Messier, à ma gauche, de vous exposer un peu plus clairement ce qui en était question et je vais laisser le soin à Mme Natacha Jean de continuer. Merci.

**(11 h 40)**

Mme Jean (Natacha): Merci à vous de nous accueillir ce matin. De mon côté, je voulais préciser également, comme a initié M. Poirier, mon collègue, que l'objectif de Sortie 13 était d'identifier des solutions positives, était une approche très proactive, positive, mais aussi essayer d'identifier des solutions qui étaient réalistes. Parce que c'est bien beau, le rêve, là, mais, si on veut que les trucs bougent à court terme... On est allés, disons, au niveau de solutions les plus plausibles, selon nous.

C'est important également de mentionner que la consultation s'est faite sans lien de parti ou de groupe spécifique. On est allés avec nos profils différents. Nous sommes représentants de régions très différentes, les uns les autres, de liens, de formations professionnelles très, très différents, de tous azimuts. Alors, c'est important, je pense, de le mentionner.

Également, personnellement, je m'occupais du volet famille, jeunesse et aînés. On s'entend que... on pourrait penser qu'il n'y a pas de lien direct avec la justice, mais je tenais à être ici ce matin pour appuyer mon collègue Mathieu Piché-Messier dans la présentation de ces solutions, parce qu'en tant que citoyenne originaire du Saguenay--Lac-Saint-Jean je suis également spécialisée en développement régional, et, dans les solutions que présente Mathieu ce matin, on voit que ce sont des orientations qui, à mon avis à moi, là, sans l'ombre d'un doute, vont nous aider à résorber, là, certains clivages au niveau de l'accessibilité à la justice qu'on peut retrouver si on compare les citoyens qui sont dans les grands centres par rapport à ceux qui sont dans les régions éloignées. Alors, dans les solutions présentées ce matin, il y a certaines possibilités pour faire des avancées à ce niveau-là. Alors, je vous remercie et je laisse la parole à mon collègue.

M. Piché-Messier (Mathieu): Alors, merci à vous deux. Ce qui est intéressant ce matin, c'est que le texte que vous avez probablement reçu est un texte qui a été écrit avant le projet de loi sur la réforme du Code de procédure civile. C'est un texte qui a été écrit avant plusieurs choses et qui propose des idées. En bout de ligne, on n'est surtout pas ici pour dénigrer ou pour penser que nos idées sont meilleures que les autres, hein? Vous avez entendu Pro Bono Québec. Vous allez entendre le Barreau. Vous allez entendre différents intervenants. C'est un projet de loi qui à la base est un projet de loi extrêmement bon pour, d'après nous ou d'après moi, le Québec et la justice québécoise.

Et essentiellement le but ce matin, c'est... Puis c'est ce que Marie-Christine, notre consultante en relations publiques, m'a dit: Concentre-toi sur deux choses en particulier. Et je ne veux pas vous faire un cours sur la médiation obligatoire. Vous le savez probablement plus que moi quel est le résultat, quelles sont les conséquences, quel est l'avantage de faire ça. De façon concrète, je pense que la culture juridique québécoise doit vraiment s'adapter à une nouvelle façon de faire et je crois qu'on doit rentrer, autant au niveau de la population qu'au niveau des juristes -- et je parle des avocats mais aussi des notaires, là -- le concept de tenter de régler un dossier avant de s'adresser aux tribunaux.

La raison pour laquelle... On a déjà le concept de médiation obligatoire en matière familiale, vous le savez. Ce concept-là, si on met à part les dossiers qui sont des dossiers d'urgence, des dossiers d'injonction, devrait s'appliquer dans tous les cas. Et on va faire le lien avec le projet de loi un petit peu plus tard avec Mme Demers, Me Demers, qui va venir vous dire où on pense que ça pourrait s'intégrer. Mais la médiation obligatoire devrait s'appliquer dans tous les cas, peu importe le montant en litige, peu importe la juridiction. Tous les avocats devraient, oui, proposer, mais les parties devraient avoir à aller de l'avant avec une médiation obligatoire.

On a des résultats en 2009-2010, en Ontario, qui sont flagrants. On a 47 % des dossiers qui sont réglés, des dossiers introduits à la cour qui sont réglés parce qu'en Ontario évidemment c'est obligatoire, la médiation. Au Québec, on a des chiffres aussi assez faramineux, hein? En Cour supérieure, quatre médiations sur cinq finissent par un règlement et désengorgent les tribunaux. On sait que plus il y a de dossiers, moins il y a de gens qui peuvent aller à la cour parce qu'essentiellement on n'a pas des juges de façon indéfinie puis on n'a pas des salles de cour de façon indéfinie. À la Cour du Québec, 92 % des conférences de règlement à l'amiable se règlent. Imaginez si on est capable de faire en sorte qu'on a 50 % des dossiers de cour qui en bout de ligne ne deviennent pas des dossiers de cour.

Alors, vous allez entendre bien des gens qui disent: Ah! médiation obligatoire, il y a peut-être des avocats qui ne seront pas contents parce qu'évidemment ce n'est pas aussi profitable, pour bien des gens, de régler le dossier rapidement. Mais, au niveau de la justice, au niveau de l'accès aux tribunaux, je pense que c'est une démarche que, un, la population est prête à faire et, deux, la génération d'avocats montants est prête aussi à faire. Et c'est comme ça qu'on est, «quote unquote», élevés dans nos dossiers. Parce que, dans le fond, je devrais dire que tous les avocats devraient devenir des conseillers d'affaires. La première suggestion à faire à son client, c'est: Est-ce que ça veut la peine d'aller à procès ou pas? Alors, tu ne peux pas recommander d'aller à procès ou pas sans avoir essayé de régler le dossier. C'est impossible. Alors, ça, c'est ma vision des choses sur la médiation obligatoire. Marie-Christine va revenir avec ça un petit peu plus loin.

Le deuxième concept, c'est le concept du tribunal virtuel du consommateur. Il y a déjà des projets qui sont faits présentement à l'Université de Montréal, pour lesquels certaines subventions ont été octroyées. Le tribunal virtuel du consommateur, c'est les réclamations de zéro dollar à 5 000 $. Ces réclamations-là, pour n'importe qui qui a été impliqué ne serait-ce qu'avec les consultations juridiques gratuites qu'on fait à la petite créance depuis je ne sais pas combien d'années, au Jeune Barreau, puis... n'importe qui qui parle aux gens qui ont des réclamations entre zéro puis 5 000 $ savent très bien que, dès qu'il y a un problème, la plupart du temps on ne va tout simplement pas faire en sorte d'aller chercher notre argent ou de prendre des procédures pour ça. Et le tribunal virtuel du consommateur, là, c'est quelque chose qui peut être créé, une salle de cour virtuelle qui se fait ailleurs et pour laquelle il y a des travaux qui sont faits présentement.

Et la raison pour laquelle un fonds comme celui-ci pourrait être extrêmement utile, c'est que, pour avoir parlé avec Nicolas Vermeys, qui est le professeur à l'Université de Montréal qui est en charge du projet de développement, oui, il y a des subventions qui sont faites au niveau de l'information, de la recherche-développement. Je vois, M. le ministre, qu'une des choses importantes du projet de loi, c'est l'information, informer, consulter le citoyen. Mais au-delà de ça, pour que ça fonctionne, un tribunal comme ça, si on a l'intention d'en mettre un en place, il faut qu'on investisse aussi dans le développement de l'infrastructure du logiciel et des équipements pour pouvoir mettre ça en place. Une fois que ça va être mis en place, là, ça va être d'une efficacité extraordinaire. Pas d'audition, sauf dans les cas spéciaux. Les dossiers sont soumis de façon électronique. Je ne veux pas vous faire tout l'énoncé, là, mais prenez le temps de lire, si vous voulez, cette section-là et de regarder les références. C'est des choses qui se font ailleurs. En Europe, c'est ce qui se fait présentement, à la Communauté européenne. Il n'y a pas de raison qu'au Québec on ne soit pas capable de mettre en place quelque chose comme ça.

Un point à garder en tête aussi, et ça, vous l'avez déjà entendu parler sur toutes les questions d'accès à la justice, je suis certain: l'exécution forcée de ces décisions-là. Le problème: quand on a un jugement qui vaut 1 000 $ et que ça coûte, je ne sais pas, moi, 500 $ de huissier ou 250 $ de huissier, c'est problématique. Il y a un bout de temps, c'était prévu, aux petites créances, vous le savez, il y a quelques années, il y a déjà quand même plusieurs années, que l'exécution forcée était assumée par le système. Il faudrait faire en sorte... puis quitte à ce que, dans le fond, M. le ministre, vous preniez un ou deux éléments de ça puis, tu sais, de les ajouter. Mais l'exécution forcée, dans le cadre d'un tribunal virtuel, ça serait un avancement extraordinaire. Le futur de la justice est évidemment sur la voie électronique, la «paperless track», pas juste pour la justice, mais pour bien des choses, et la création de ce tribunal virtuel là va être un avancement extraordinaire. On va être un des chefs de file, bien au Canada c'est certain, là, mais à travers le monde.

Alors, cela dit, pour revenir au projet de l'Université de Montréal, oui, il y a une subvention, oui, il y a de l'argent qui est donné en matière de recherche. Je pense qu'on doit aller plus loin et on doit aller à subventionner le développement du logiciel en soi, des infrastructures, des équipements permettant de mettre, de réaliser, dans le fond, ce rêve-là qui est quelque chose qui va être extraordinaire pour la justice québécoise puis pour tous les gens qui ont une réclamation entre zéro et 5 000 $.

Cela dit, Me Demers, peut-être, voulait ajouter certaines choses plus concrètes sur le projet de loi.

**(11 h 50)**

Mme Demers (Marie-Christine): En fait... Merci. Bonjour à tous. Donc, pour faire en sorte que les deux projets dont mon collègue parlait tout à l'heure, qu'ils puissent se concrétiser... Parce que j'imagine que votre question, c'est de dire: Bon, bien, c'est bien beau, ces beaux projets, mais comment le Fonds Accès Justice peut vraiment rendre service et concrétiser les options qu'on vous propose aujourd'hui?

En fait, deux choses. Le fonds est une belle initiative, on l'a mentionné. Certainement que tout le monde vous ont fait des représentations à l'effet qu'ils ont des projets aussi intéressants que les nôtres. Ils vont vouloir avoir portion de ces fonds-là qui leur sont dédiés. Là-dessus, on n'est pas en compétition quant aux autres. On pense qu'on a des idées qui vont vraiment améliorer l'accès à la justice, et c'est pourquoi, au niveau de l'article 32.0.2, on voudrait que soient mentionnées plus spécifiquement les deux idées qu'on mentionne aujourd'hui. C'est-à-dire que vous avez, à l'alinéa 3°, une mention à l'effet que l'utilisation de différents modes de prévention et règlement des différends est incluse comme une des catégories où les fonds peuvent être attribués. Maintenant, dans la mesure où on croit vraiment que la question de la prévention est une question qui va régler une partie du problème de l'accès à la justice, on vous soumet aujourd'hui que cette question de prévention par laquelle... Quand on parle de médiation obligatoire, on parle de prévention. On vous soumet que cette question de prévention devrait être distincte et, pour que, quand il y aura des représentations dans le futur -- puis je sais que le Barreau et d'autres instances vous proposeront des comités consultatifs, et autres choses -- quand il y aura une décision quant à l'attribution de ces fonds-là, la question de prévention aura sa propre place, et on pourra vous représenter que, dans la mesure où le Code de procédure prévoirait une telle chose, éventuellement, que la médiation obligatoire, il y aura possibilité pour le Fonds Accès Justice, de façon distincte, de pouvoir dédier des fonds à ce projet-là. Donc, ça, c'est une des premières choses.

Quant à la question du tribunal virtuel, comme mon collègue l'a mentionné, il y a déjà des subventions au niveau de l'information. Ce n'est donc pas à cet égard-là qu'on voudrait que le Fonds Accès Justice puisse attribuer... On ne voudrait pas que les fonds soient attribués de cette façon-là, puisqu'on voit de toute façon, à l'alinéa 1° et 2°, que les questions d'information, les questions de connaissances sont déjà importantes. Par contre, comme on le mentionnait, dans la mesure où on veut développer cet outil d'accès à la justice qu'est le tribunal virtuel, bien ça nous prend des fonds pour pouvoir développer ces logiciels. En, en discutant avec notre collègue de l'Université de Montréal, Nicolas Vermeys, on nous dit que de 100 000 $ à 200 000 $ par année sont nécessaires pour rétribuer les développeurs qui travaillent sur le développement de cet outil qui va rendre possible la création d'un tel tribunal virtuel, 100 000 $ à 200 000 $ de façon récurrente, à chaque année, qui pour l'instant ne sont pas payés par les subventions qui sont attribuées. Dans ce contexte-ci, on croit que l'ajout d'un autre alinéa à l'article 32.0.2 qui indiquerait quelque chose comme: La mise sur pied d'outils technologiques menant à la création d'améliorations pour l'accès à la justice pourrait permettre également de pouvoir dédier des fonds à la création de ces outils.

M. Fournier: ...tirer des conclusions...

Mme Demers (Marie-Christine): Oui. Non, non. Et je vous laissais le temps de les tirer.

Le Président (M. Drainville): Et d'ailleurs il faut conclure.

Mme Demers (Marie-Christine): Effectivement. Et donc j'ai parlé... Et juste une dernière chose et on pourra, si vous avez des questions, on pourra y répondre. Mais évidemment vous allez me dire: Là, on vient d'ajouter des nouveaux projets qui vont coûter plus d'argent, etc. Et je vous ai trouvé une solution. On pourrait également... Parce que vous faites passer de 10 $ à 14 $, finalement, l'augmentation, et ce qu'on vous suggère ce matin, c'est de dire: Prenez 1 $ supplémentaire, faites-le passer de 10 $ à 15 $. 1 $ supplémentaire. Ça équivaut à 2 millions de dollars par année, et dans ce contexte-là, si on réussit à dégager ce 2 millions supplémentaire là, vous avez non seulement de la place pour pouvoir attribuer les fonds pour les projets dont on vous parle ce matin, mais évidemment je suis certaine que mes collègues d'autres organismes sont très contents de savoir qu'ils ont possiblement également des fonds qui pourront leur être dédiés. Donc, je suis certaine que vous avez possiblement des questions. Là-dessus, je vais conclure.

Le Président (M. Drainville): Je crois qu'il y en aura quelques-unes. M. le ministre, à vous de prendre la parole.

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. Et merci à vous d'être là. C'est intéressant de vous entendre. Je pourrais peut-être commencer par la fin. Mais pourquoi pas 10 $ à 20 $? Dans le fond, ça en ajouterait encore plus, puis je pourrais même dire avec vous que tous les groupes qui souhaitent être financés par ce fonds seraient unanimes à le souhaiter. Dans une société, il y a aussi des gens qui paient le fonds puis qui n'en bénéficient pas. Peut-être qu'eux autres auraient une réaction différente. Et, dans le fond, tout est là, hein, tout est là, dans l'arbitrage de ce qu'on croit être une mesure acceptable socialement, pour reprendre l'expression qui est très à la mode. Puis, je veux dire, quelles sont les marges de manoeuvre qu'on a? Puis, je vais vous dire, on a étudié plusieurs scénarios, hein? Puis finalement, j'ai eu l'occasion de le dire hier, 10 $ à 12 $, c'était l'indexation. Ça fait que j'aurais pu arrêter à 12 $. Puis on a dit, bon, 14 $. Je pense que c'est un petit effort de plus qu'on fait pour l'accès à la justice, tout ça.

Moi, je suis arrivé à la conclusion que 14 $ était quelque chose qui était défendable pour les besoins que nous avions. On pouvait poser ce geste supplémentaire, que j'appellerais, de 2 $ par rapport au 12 $ indexé. Ça ne peut pas non plus devenir... D'ailleurs, hier, c'est le Plaidoyer-Victimes, je pense, qui l'a soulevé, oui, je pense que oui, Plaidoyer-Victimes qui l'a soulevé que ça faisait pas mal de surcotisations à la surpénalisation, là, parce qu'il y en a quelques autres, puis il y a peut-être des limites aussi à aller là-dedans. Par contre, d'autres nous ont souligné qu'on pouvait imaginer d'autres solutions. Alors, ma réflexion là-dessus est la suivante: Voici une étape, celle-ci. On n'est vraiment pas prêts à ouvrir d'autre chose pour l'instant. Ça ne veut pas dire que la discussion est fermée sur quoi que ce soit d'autre parce que les besoins sont immenses. Alors, voilà pour le 14 $ ou le 15 $.

Vous avez parlé de l'observatoire de Pierre Noreau. Vous en parlez dans votre document. Vous parlez de médiation obligatoire. Je vais quand même me permettre de faire quelques arrêts sur image sur le sujet. Puis je comprends bien que le document que vous nous soumettez a été écrit avant la publication, peut-être, de l'avant-projet de loi, avant les discussions qu'on a eues pendant un bon bout de temps. J'espère que vous étiez parmi ceux qui nous écoutaient. On essaie d'avoir une cote d'écoute très élevée, mais les statistiques ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais on a parlé abondamment de médiation et... dont de médiation obligatoire...

Une voix: ...

M. Fournier: ... -- ça s'applique à tout le monde -- et aussi de médiation obligatoire, et c'est loin de faire un consensus que la médiation devenue obligatoire est la bonne idée. En fait, ce qui a plutôt été... Je ne veux pas exagérer, là, mais il me semble que c'est ce que j'en ai compris, que le consensus était beaucoup plus sur une étape obligatoire de considérer le recours aux modes alternatifs, dont la médiation préjudiciaire en tout cas. Quand vous saviez ça... Quelle est votre opinion là-dessus? Vous maintenez que la médiation obligatoire est vraiment une solution, alors que ceux qui la font nous disent que les pleins bénéfices sont lorsqu'on amène les parties... lorsqu'on le propose réellement mais qu'on leur laisse la possibilité de souhaiter y participer, parce que sinon on ajoute une étape de plus à une judiciarisation qui va juste coûter plus cher. Déjà qu'on trouve ça trop long, trop cher, on nous dit: Bien, si vous faites ça, vous allez plutôt créer un problème, il y a un effet pervers. Alors, peut-être un petit commentaire là-dessus. Je ne veux pas rouvrir la consultation d'il y a deux semaines, mais vous nous y invitez.

M. Piché-Messier (Mathieu): Non, non, non. Mais le but n'est pas d'ouvrir la consultation. Vous avez fait les travaux que vous aviez à faire. Je parle beaucoup d'expérience, bien pour le nombre d'années d'expérience que j'ai, là, j'en ai fait beaucoup, de médiations, puis de tentatives de règlement, puis tout ça. Je continue de penser que, oui, c'est une excellente idée de dire: Assurons-nous d'au moins avoir essayé de régler le dossier. C'est un excellent ajout, ça. C'est très bon parce que ça change la culture. Mais mon raisonnement va plus loin que juste essayer de tenter de régler un dossier. Je comprends que ça devrait être, à la base, ce que chaque avocat fait dans un dossier, tenter de le régler. Je comprends que de le mettre dans le projet de loi, c'est quelque chose de bon. Mais je continue de maintenir, ou en fait je maintiens comme position que, si, avant d'avoir accès aux tribunaux, on avait l'obligation de tenter de régler le dossier, la médiation obligatoire, c'est quelque chose qui ferait en sorte que, dans la plupart des cas... je suis convaincu que les dossiers se régleraient.

Et je comprends qu'il y a eu des positions qui sont différentes. Je comprends que des fois des gens, dans certaines positions, quand ils sont forcés à s'asseoir ensemble, ne vont jamais s'entendre. J'en ai, des dossiers, où j'ai des frères qui sont incapables... ça va être impossible qu'ils s'entendent. Mais j'en ai plein, de dossiers, là, que c'est des problèmes de communication, la plupart du temps. J'ai des dossiers, là, puis pas juste moi, mais tout le monde a des dossiers, dans n'importe quoi, même pas des dossiers judiciarisés, là, que souvent c'est un problème de communication. Or, la médiation obligatoire fait en sorte d'obliger les gens à s'asseoir et à parler. Ça, c'est la première chose. Et la communication, dans n'importe quelle négociation, autant d'affaires que de litige, c'est ce qui compte avant toute chose. Parce que le médiateur, de toute façon, là, le médiateur n'aura pas à prendre une décision. C'est ce qui est fantastique de ça. Et en plus l'autre chose qui est fantastique d'une médiation, aussi confidentielle soit-elle, c'est qu'on apprend quelle est la position de l'autre complètement, de A à Z. Après ça, c'est beaucoup plus facile de conseiller ses clients sur quelles sont les orientations qui devraient être prises.

M. Poirier (Yanouk): Je compléterais, M. le ministre, en disant également que, dans le cadre de Sortie 13, la médiation, dans nos répondants, est sortie de manière extrêmement élevée, à 68 % des répondants. Donc, c'est une volonté populaire. Non seulement on amenait la solution, mais les gens ont voté, et c'était la solution proposée qui, pour eux, les interpellait le plus. Donc, je pense que, dans le cadre de la consultation, c'est intéressant de le noter également.

**(12 heures)**

M. Fournier: Oui, bien, j'en parle, parce que justement c'est normal que les gens disent ça, parce que je pense bien que c'est un courant auquel on assiste le plus. On l'a vu durant la commission parce qu'on l'a inclus dans le Code de procédure. Évidemment, ce n'est pas unanime puis c'est... Bon. Mais ça ne nous empêche pas de commencer à faire des choses même si ce n'est pas unanime, là. Il y a des gens qui auraient souhaité qu'on ne le mette pas dans le Code de procédure. On a choisi de le mettre puis dans le livre I exactement parce qu'on voulait passer un message. Le bâtonnier nous joint à l'instant même. Je me souviens de son prédécesseur, le bâtonnier Ouimet, qui disait: Bien, il faut qu'on laisse tomber l'approche guerrière, il faut qu'on soit plus dans du règlement, un facilitateur de solution plutôt qu'un exagérateur de conflit. Bon. Mais, peu importent les expressions qu'on choisit, il y a un mouvement qui est indiqué.

Hier, on avait... Puis, dans une discussion sur le projet de loi actuel, là, hier, le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec sont venus nous parler de la -- je ne sais pas si je le dis comme il faut -- la médiation de quartier ou de proximité. Je ne sais pas comment... je ne me souviens plus de l'expression, là, qu'ils utilisaient, avec des exemples que certains théoriciens pourraient appeler banals mais que mon voisin pourrait dire: Ça, c'est ma vie à moi, des éléments de voisinage, des conflits de tous les jours qui parfois deviennent des montagnes parce qu'il y a une difficulté relationnelle, et, quand je vous entends, j'entends tout ça.

Mais revenons à la nature même de la médiation comme bibitte dans... Et ça, ça fait partie d'une discussion qu'on a déjà eue. Cette nature-là, elle demande, dans un conflit, que les parties commencent par reconnaître qu'il y a un conflit. Élément un, avant de trouver une solution, y a-tu un problème? Alors, il faut d'abord qu'elles le reconnaissent. Si elles ne le reconnaissent pas, la médiation n'ira nulle part, obligatoire ou pas. Puis ça, c'est une première étape. Une fois qu'on dit: Il y en a un, problème, est-ce qu'on veut participer à la solution? Si quelqu'un a décidé que, cette médiation-là, il ne la voulait pas, si elle est obligatoire... Je ne veux pas plaider à l'encontre. C'est juste que je ne suis pas rendu à accepter votre théorie. Parce que je suis assez vendu à l'autre que je veux tout faire pour que la médiation puisse prendre sa place mais que je ne peux pas la passer dans la gorge du monde parce qu'ils ont déjà choisi de ne pas y participer. La médiation demande une participation, demande une espèce de volontariat.

Le Président (M. Drainville): Monsieur...

M. Fournier: Et je sens que, moi, je dois arrêter de parler.

Le Président (M. Drainville): M. le ministre, oui, c'est ça, là, vous êtes déjà dans votre deuxième bloc de huit minutes.

M. Fournier: Ah! j'y reviendrai.

Le Président (M. Drainville): Donc, la réponse sera prélevée sur le deuxième bloc de huit minutes.

M. Fournier: D'accord.

M. Piché-Messier (Mathieu): Alors, si je comprends bien, M. le ministre, ce que vous me demandez, c'est: À quoi va servir de le mettre dans la gorge de quelqu'un qui ne veut rien savoir? C'est un peu ça. C'est sûr que quelqu'un qui ne veut rien savoir ne réglera pas le dossier en médiation. Ça, on n'inventera pas nécessairement de solution miracle à cela. Par contre, le concept de médiation est un concept qui, d'après moi, est l'avenir des relations entre les gens du contrat social pur, et le fait de forcer les gens à devoir déclarer: Ça ne fonctionne pas, la médiation, c'est une étape qui est, d'après moi, nécessaire, parce qu'avant de déclarer: La médiation ne fonctionne pas, il faut qu'à tout le moins on ait pris vraiment la chance et l'opportunité, et qu'on se soit assis pour déterminer: Est-ce que ça peut fonctionner, la médiation?

La différence entre le mettre dans... Puis je ne veux pas avoir l'air de critiquer le projet de loi, ce n'est pas ça, la question, mais la différence entre avoir une médiation qui n'est pas obligatoire et une médiation qui est obligatoire, une médiation qui est suggérée et une médiation qui est obligatoire, une médiation suggérée, ça met la médiation dans la tête des gens, c'est vrai, mais, lorsqu'elle est obligatoire, la personne doit absolument... je ne sais pas comment ça se ferait, mais devrait absolument, disons, signer une déclaration, une attestation, un peu comme une règle 15, puis dire: On a tenté de tenir une médiation, mais ça n'a pas fonctionné ou ça n'a servi à rien. Alors, est-ce que cette étape-là...

Le Président (M. Drainville): En conclusion, s'il vous plaît, parce qu'il ne restera pas de temps pour le deuxième bloc.

M. Piché-Messier (Mathieu): Alors, est-ce que cette étape-là, d'après nous, est un fardeau tellement grand? Sur ça, je pense qu'il y a beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients à faire ça.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous quatre d'être présents avec nous aujourd'hui. Merci aussi de cette initiative de réfléchir à ce vers quoi pourrait aller la justice.

Pour ce qui est du tribunal virtuel du consommateur, je veux juste comprendre en ce moment comment ce projet-là, cette recherche-là est financée. Des fonds de recherche? Qu'est-ce qui se fait? Qu'est-ce qui sous-tend le financement de ce projet-là?

M. Piché-Messier (Mathieu): En fait... Bien, malheureusement, je n'ai pas les détails précis d'où provient l'argent, parce que Nicolas est avant tout un ami, et on n'est pas nécessairement impliqués dans le projet. Par contre, je crois comprendre qu'il obtient des subventions de recherche.

Mme Hivon: Oui, donc, en fait, c'est des subventions de recherche générale par rapport au... je veux dire, du fait qu'il est professeur, donc...

M. Piché-Messier (Mathieu): ...Conseil du trésor, de ce que j'ai cru comprendre. Il faudrait... C'est peut-être parce qu'il est professeur.

Mme Hivon: Du conseil de la recherche, probablement.

M. Piché-Messier (Mathieu): Oui, quelque chose comme ça.

Mme Hivon: O.K. En fait, je vous pose la question... je veux vous amener, peut-être, avant d'aller plus sur le fond du projet de loi... Quand vous nous faites la remarque plus spécifique de séparer prévention de l'idée de règlement des différends, il y a un autre groupe hier qui est venu juste nous sensibiliser au fait que c'est très différent. Je pense qu'on le conçoit tous, là, la prévention, on est vraiment en amont et on essaie qu'il n'y ait pas de conflit à la source. Le règlement, bien c'est de voir de quelle manière autre que, peut-être, la justice traditionnelle on peut le régler. Qu'est-ce qui vous inquiète dans la manière que c'est libellé en ce moment?

Mme Demers (Marie-Christine): En fait, le «ou» permet le fait que vous puissiez considérer l'un ou l'autre. Par contre, concrètement, quand il va y avoir des auditions pour savoir à quel, annuellement... Parce que là n'est pas prévue, dans le projet de loi, la façon, annuellement, dont les fonds vont être orchestrés. La forme est à déterminer, mais, quand il va y avoir cet exercice-là, on n'aura pas le choix. Le groupe ou la personne responsable qui va devoir attribuer les fonds n'aura pas le choix que de considérer les deux de façon distincte, parce que vous avez, vous accordez une importance... Si on fait une interprétation du texte, et c'est ce qui va se faire nécessairement, on va dire... il va y avoir un arbitrage à faire entre différents projets. Et donc quelqu'un va plaider pour un projet de connaissances ou d'information, un ou l'autre, et, si on va vouloir faire une... ordonner les projets, choisir qui aura la priorité, bien, évidemment, si on lit le projet, tel qu'il est rédigé en ce moment, à l'alinéa 3°, c'est comme si on disait: Bien, que ce soit de la prévention ou des règlements de différends, bien, en fait, ça va dans le même lot. Et on a deux projets qui finalement pourraient être totalement différents, avoir un impact extrêmement différent sur l'accès à la justice et qui seraient considérés, au sens de la lecture, de la façon dont c'est rédigé ici, sur le même pied d'égalité.

Ce qu'on vous soumet aujourd'hui, c'est de dire: Bien, la question de prévention a un réel impact, selon nous, sur l'accès à la justice, et ça vaut la peine de le séparer pour qu'éventuellement on n'ait pas le problème de: Bien, on a deux projets qui sont sensiblement distincts puis là on va vous faire des représentations, selon le comité ou autre, que mon projet est meilleur qu'un autre, etc., mais que oui, mais finalement, au sens de la loi, c'est pas mal... on doit les considérer sur le même pied d'égalité. À tout le moins, il y aura quelqu'un qui lira les débats aujourd'hui, et on verra que la question de prévention, selon certains, était proéminente.

Mme Hivon: Je trouve ça intéressant, ce que vous dites. Je veux vous soumettre le fait qu'en ce moment il n'y a rien, dans le projet de loi, qui vient dire comment les fonds vont être attribués. On a les objectifs, on n'a aucune idée des critères du comment. Et c'est comme si vous, vous veniez faire une proposition très, très précise, un petit peu comme si vous teniez pour acquis qu'il va y avoir des catégories puis il va y avoir, en quelque sorte, des appels de projets par catégorie, certains pour prévenir, par exemple, d'autres pour informer, d'autres plus pour l'accès à la justice de personnes vulnérables, exemple. Mais il n'y a rien, vous en êtes conscients, dans le projet de loi, qui vient dire ça. C'est un enjeu. On en a discuté hier. C'est une source de préoccupation pour plusieurs de savoir comment on va déterminer l'attribution de ces montants. Outre le fait, éventuellement, d'un conseil d'administration ou d'un comité, est-ce qu'il devrait y avoir des critères d'attribution?

Donc, je vous pose la question. Vous n'avez peut-être pas réfléchi. Je ne vous demande pas ça serait quoi, les critères, mais est-ce que, pour vous, il faut qu'il y ait des critères, des balises, ou si c'est souhaitable que ça soit large et que ce ne soit que les objectifs qui demeurent? Et auquel cas votre suggestion, je vous dirais, elle est intéressante, mais on n'est pas dans ce niveau-là. Parce qu'entre même les huit objectifs on n'a aucune idée. On pourrait, une année, en oublier cinq puis qu'il y en ait juste trois qui soient poursuivis. Il n'y a rien, dans le projet de loi, qui vient baliser ça.

**(12 h 10)**

M. Piché-Messier (Mathieu): Peut-être juste pour débuter, je pense qu'effectivement c'est important ou ça serait important qu'on trouve une façon de prévoir, au projet de loi, comment ces fonds-là vont être attribués. Est-ce que ce serait par, ce que vous dites, un conseil d'administration, un comité d'experts indépendants, des gens mêlés... proches du milieu, des gens... Puis je pense que je ne suis pas... enfin dans le sens qu'il y a d'autres groupes qui sont censés venir parler de ça, puis je pense que ça va être déjà traité plus tard. Cela dit, personnellement, je ne pense pas qu'on devrait nécessairement être trop précis, dans la mesure où on a un comité de sages qui s'assurerait de la façon dont ces fonds-là vont être traités. Puis, je pense, c'est à l'avantage de tout le monde, évidemment, là, autant du gouvernement que de tout le monde, que de savoir où, comment vont aller les fonds. C'est une question de transparence, évidemment, puis une question d'être redevable envers la population pour l'attribution de ces fonds-là.

Est-ce que tu veux rajouter quelque chose?

Mme Demers (Marie-Christine): Oui, bien, c'est ça, en fait. Et même au-delà du fait que... Parce que vous soumettiez que, parce que ce n'est pas prévu, le fait d'être plus précis au niveau des catégories, on ne devrait pas aller jusque-là, dans la mesure où le mécanisme de critère... le mécanisme d'attribution n'est pas prévu. Moi, je vous soumets qu'au contraire, justement parce que ce n'est pas prévu, on doit pouvoir anticiper finalement tous les cas de figure possibles, tous les scénarios, effectivement, et de dire... Juste au niveau du principe, pour nous, si on le sépare, on le met de façon distincte, c'est qu'on marque le fait que la médiation a sa propre place, autant que la place pour la question des règlements des différends. Et donc, peu importe le mécanisme qui sera décidé par la suite, qu'il soit inclus dans le projet ou qu'il ne soit pas inclus, finalement le groupe, la structure n'aura pas le choix que de considérer les différentes catégories. Est-ce qu'il y aura appel par catégorie ou non? Possiblement pas. Mais dans tous les cas, dans la façon dont ça va être attribué, on va devoir interpréter le projet comme il est là, puis je pense que de laisser ça comme ça, c'est justement faire en sorte de laisser la question de la médiation sur le même pied d'égalité que la question des règlements des différends.

Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Joliette, vous êtes à 7 min 30 s. On pourrait s'arrêter là, puis vous auriez 8 min 30 s au retour ou... Ça vous va comme ça? Très bien. M. le ministre, vous avez 4 min 50 s.

M. Fournier: Merci beaucoup. C'est très chronométré.

Continuons la discussion que vous avez. Tout ça pour dire qu'on a esquissé la question hier, là, du comité puis des orientations que le comité pourrait produire, pour guider, pour la transparence, puis il n'y a pas de difficulté avec ça. Cependant, sur la question de la généralité ou du caractère plus restrictif de ce qui serait inclus, je veux quand même annoncer déjà mes couleurs. L'objectif du projet de loi, c'est justement de ne pas créer l'entonnoir trop serré. L'accès à la justice, je pourrais rencontrer quelqu'un qui pourrait me dire: Ça, là, on se comprend, hein, c'est la Cour des petites créances, là, c'est ça, puis d'autres qui me diraient: Bien, c'est tout ce qui est les tribunaux. Puis d'autres pourraient commencer à me dire: Oui, bien, c'est plus large que ça. Alors, n'importe qui qui va le lire, je pense bien, va se dire qu'il y a eu un effort pour couvrir le plus large possible. C'est tellement vrai, que, pour revenir dans les catégories, ça commence par: «...qui visent à favoriser l'atteinte de l'un ou l'autre des objectifs qui suivent.» Même si, les objectifs divisés en huit, on les divisait en 22 morceaux, c'est néanmoins entre un, ou l'autre, ou plusieurs d'entre eux.

Alors, il n'y a pas d'idée puis il n'y a pas d'objectif, je vous le dis, là. Des fois, je suis capable de dire: Oui, ça, on va aller là. Catégoriser les sections, c'est 0,25 $ par section, là, je ne suis pas sûr qu'on va y arriver. Il y a des projets qui ne peuvent pas vivre avec une toute petite contribution, puis qui sont peut-être très performants, puis la catégorisation va nous empêcher de poser des gestes. Bon, ça, c'est une première étape, où je suis, quant à moi. Large, tellement large, tellement large: «Toute autre forme d'amélioration de l'expérience du public avec la justice.» L'objectif, c'est d'avoir un fonds qui favorise l'accès à la justice. On peut le résumer à ça. On peut l'écrire de 44 façons, l'objectif, c'est celui-là. On ne peut pas faire dire au projet de loi le contraire. Il ne s'agit pas d'un fonds pour faire d'autre chose que d'améliorer l'accès à la justice. Quand on part avec ça, on est bien parti.

Là, on se dit: Est-ce qu'on a tous les outils pour prendre des bonnes décisions pour favoriser l'accès à la justice? Puis, moi, je n'en disconviens pas, il y a une possibilité d'ouvrir à des partenaires. Encore que, si on commençait la discussion, on pourrait se demander c'étaient qui, les partenaires. On ne pourrait pas mettre, tu sais, 45 personnes, là. Ça fait que là il y a un autre débat. Parce que des fois, à écouter, là... On est juste à la deuxième journée, mais, à écouter, j'ai l'impression que chacun vient un peu dire: Moi, j'ai cette idée-là, moi, je suis en train de faire ça puis moi, je veux être dans le coup. Puis c'est très bien. Je ne veux pas enlever le caractère enthousiaste des groupes, là. Mais à la fin du jour, il faut être bien honnête, il va falloir trancher aussi. Je n'ai pas de problème qu'il y ait un comité et qu'il y ait des orientations, mais il faut prendre des décisions puis il faut s'assurer, à la fin, qu'il y ait quelqu'un d'imputable, puis ça s'adonne que ça va être le ministre de la Justice.

Ça s'adonne aussi que le ministère de la Justice, sous quelque gouvernement que ce soit, est un acteur important. Je vais le dire juste comme ça pour être respectueux de tous les autres acteurs, mais je pense que c'est un acteur important et qu'on ne peut pas discréditer l'expertise qu'ont les gens du ministère de la Justice. Et je ne parle pas ici, soyons clairs, du ministre. Je parle du ministère, ceux qui y sont depuis longtemps et qui envisagent d'y être pour un bon bout de temps encore, qui ont une connaissance du milieu excessivement fine.

Alors, tout simplement pour dire: Si je comprends, puis j'ai entendu votre réponse à l'effet que vous partagez l'idée du plus large possible, dois-je suivre l'autre proposition? Je vous le dis parce que ce n'est pas banal. Nous autres, quand vous n'êtes plus là, là, on va regarder les articles, là. Ma collègue, elle va parler de vous puis elle va dire: «Prévention», on le met-u là-dedans ou on fait-u un paragraphe? Je vous le dis, ça va arriver. Suivez-nous à la TV, ça devrait arriver. Mais vous m'avez dit: Il faut être le plus large possible. Vous dites: Faites-nous d'autres sections qui vont nous amener à être plus précis. Comment j'interprète les deux?

Le Président (M. Drainville): On a à peu près une minute pour répondre.

Mme Demers (Marie-Christine): En fait, il y a une nuance. C'est-à-dire, je pense que nos deux propositions ne sont pas du tout incompatibles. L'idée, c'est qu'on peut être large en termes d'attribution, et la rédaction de l'un ou l'autre l'est, et on n'est pas nécessairement obligé de faire des catégories. Cependant, si certains... Je veux dire, vous le savez comment ça fonctionne. Quand on va arriver pour attribuer les fonds, sans nécessairement qu'il y ait un mécanisme, il va y avoir un arbitrage à faire à chaque année à savoir on donne à qui, et comment, et pourquoi. C'est une question de guide de référence et de dire là-dessus: Prévention et règlement des différends sont deux choses distinctes. Et donc, autant on a pris la peine de rédiger sept ou huit alinéas à l'effet qu'on parlait de meilleure connaissance et compréhension, meilleure connaissance du réseau des tribunaux, on a pris quand même la peine de le détailler de cette façon-là. Et ce sont deux mesures d'accès à la justice, oui, au paragraphe 3°, mais ce sont deux mesures qui sont différentes. Et donc, comme guide, ça peut être intéressant justement, pour l'éventuel processus, que soient vraiment scindées les deux idées.

M. Piché-Messier (Mathieu): Peut-être juste pour ajouter là-dessus, M. le ministre, j'aimerais pouvoir éviter que ce soit un fonds uniquement pour informer, et philosopher, et rechercher. Le but, c'est que ce soit quelque chose qui soit concret, quelque chose qui amène des résultats concrets dans la population, sinon vous n'atteindrez pas votre but. Quand ma collègue dit: Ajouter «médiation», quand ma collègue dit: Faire la différence entre les deux, puis quand on vous parle d'instrument technologique, médiation et instrument technologique, d'après nous, là, d'après moi, c'est le futur des prochaines années en matière d'administration de la justice. Je pense que ça devrait être mentionné dans le projet de loi, que ces deux points-là, tout en gardant sa généralité, que ces deux points-là soient mentionnés.

Le Président (M. Drainville): Et je vous remercie. Mme la députée de Joliette, un bloc de 8 min 30 s.

**(12 h 20)**

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Bien, je ne parlerai pas pour le ministre, mais je pense que ça, il y a un souhait assez global que des projets et que ce fonds-là servent à faire une différence concrète. Donc, ça, je pense qu'on va s'entendre là-dessus. Il y a tellement de besoins concrets en matière de justice que ça, je pense qu'on va s'entendre rapidement là-dessus. Après, c'est de savoir comment on privilégie les projets. Donc là, on n'est pas ici aujourd'hui pour faire le débat de l'attribution par catégories, par les critères, bon, tout ça, là.

Je comprends que ce n'est pas le coeur de votre propos, mais c'est un enjeu énorme. C'est un enjeu énorme puis ça fait juste... Ce n'est pas une très longue consultation, mais depuis hier, on voit déjà, il y a toutes sortes de groupes qui, oui, viennent un peu prêcher pour eux, mais pas tant que ça, mais viennent nous allumer des lumières en disant: Il y a déjà plein d'initiatives qui se font dans le milieu, des initiatives communautaires. On a eu Juripop hier soir. Il y a des cliniques d'information juridique, bon, les organismes de justice alternativ, Plaidoyer-Victimes, qui, bon, nous sensibilisait pour les droits à l'accompagnement des personnes vulnérables, tout ça. Donc, il y a un questionnement sérieux à savoir... À un moment donné, il va y avoir un phénomène d'entonnoir assez puissant, et est-ce que ce fonds-là... Parce que ce n'est pas des millions et des millions -- je vais venir à la question du financement, là -- c'est 7 à 8 millions dans l'état de ce qui est prévu là. Est-ce qu'on y va avec des projets qui émanent du ministère de la Justice, donc des nouveaux projets, qui peuvent être extraordinaires en soi, mais est-ce qu'on se questionne à savoir: Est-ce que c'est le fonds qui devrait les financer ou, je dirais, le fonds général qui est attribué au ministère de la Justice via le Conseil du trésor? Est-ce qu'on devrait financer davantage des initiatives du milieu qui sont extraordinaires puis donc le faire en partenariat? Donc, ça, c'est un élément, si jamais vous avez quelque chose à dire là-dessus.

Puis le deuxième volet, c'est la question du financement. Vous avez suggéré: Pourquoi on ne met pas 1 $ de plus, parce que, regardez, vous auriez deux beaux projets qu'on vient vous soumettre, qui, avec le 1 $ de plus, pourraient peut-être être financés? Donc, effectivement, on le conçoit. Il y a d'autres groupes qui sont venus nous dire: Peut-être que ce n'est pas juste ça qu'il faut regarder. Peut-être qu'il faut faire un fonds à partir de d'autres fonds, en s'inspirant de modèles qu'il y a à l'extérieur, les fondations du droit, par exemple, qui existent dans les provinces de common law, les intérêts sur les comptes en fidéicommis -- bon, le Barreau, Chambre des notaires, ils financent déjà, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui devrait être intégré dans ce nouveau fonds? -- le reliquat dans les fonds d'aide aux recours collectifs, quand il y a des attributions, quand il y a des reliquats. Est-ce que vous pensez que ce seraient des sources qu'il faudrait intégrer, ou on devrait avoir uniquement la source qui est prévue dans le projet de loi? Donc, mes deux grandes questions.

M. Piché-Messier (Mathieu): Bien, commençons peut-être par la première question que vous avez posée, c'est-à-dire: Où devraient aller les fonds? Est-ce que c'est plus à des projets du ministère directement ou plus à des projets soit paragouvernementaux ou soit complètement privés, là, sans nécessairement être privés parce que c'est des OSBL, etc.? Comme opinion personnelle, j'oserais croire que la création d'un tel fonds n'est pas uniquement pour devenir une autre source de financement des projets qui sont normalement attribués au ministère de la Justice. Parce que je ne pense pas que... bien, en tout cas, je n'espère pas que le but de ce fonds-là est la création, dans le fond, juste d'une façon différente de dire les choses qu'on a déjà.

Ceci dit, si un projet vaut la peine d'être poussé en partenariat avec un organisme ou d'autres personnes dans la communauté, que ce soit à l'initiative du ministère ou pas, ce qui compte, c'est l'impact sur les gens à la fin. Ce que ça veut dire essentiellement, c'est que, si on parle de dépenses courantes du ministère, j'espère que ce n'est pas pour ça qu'on va le faire. Je suis convaincu que ce n'est pas pour ça qu'on va le faire. Par contre, si on parle d'un projet, que ça émane du ministère, que ça émane peu importe d'où, si ça émane du ministère, évidemment, ça sera fait en collaboration avec un organisme, ou bien, sinon, que ça soit complètement privé, la subvention qu'on fait, pour moi, ce qui compte, c'est le résultat.

Donc, ceci dit, en réponse à votre question, je pense que, oui, c'est un grand enjeu. C'est quelque chose qui n'est pas évident, je dirais, à déterminer, mais ça va être le rôle aussi du comité de sages ou comité d'administration d'essayer de voir ça aussi, là... conseil d'administration, s'il y a lieu.

Au niveau du financement, la question est bonne. Évidemment, la réflexion qu'on portait était sur ce qui était mentionné au projet de loi. À savoir si on peut y inclure d'autres sources de revenus provenant d'autres frais, ça ne me dérangerait pas qu'on me dise que, les frais d'administration de tel ou tel -- comment je pourrais dire? -- tel ou tel ticket ou billet, il y a une portion qui est attribuée au Fonds Accès Justice. On ne sait jamais où ça s'en va, ces frais d'administration là des amendes, là, qui sont presque aussi élevés que le montant de l'amende, la plupart du temps, ou en tout cas proches de ça. S'il y a lieu d'aller chercher de l'argent là, bien tant mieux.

Mme Demers (Marie-Christine): Juste une petite mention, si vous me permettez. Le fait... Effectivement, au départ, M. le ministre mentionnait qu'on pourrait facilement passer de 10 $ à 20 $ ou de 10 $ à 30 $. Et tout le monde va venir plaider pour le fait qu'on puisse vouloir avoir plus. Et ça, certainement qu'on est plusieurs à venir vous rencontrer et à vous soumettre qu'on a besoin d'argent, et je pense que l'accès à la justice a besoin d'argent.

Ceci étant dit, ce pourquoi on vous avait proposé 15 $, c'est de dire: On part d'une moyenne de... Si on regarde, la moyenne des infractions pénales traitées est de 185 $. Et donc, si on prend la moyenne et on ajoute 15 $, on arrive à une moyenne évidemment de 200 $ qui, selon nous, est une moyenne qui demeure acceptable. Et c'est pour ça, de dire... c'est que 1 $ -- on ne vous parle pas de 5 $, mais 1 $ -- l'ajout de 1 $ dans ce projet-là vous donnerait justement, parce qu'on parle de 8 millions... 1 $ représenterait à peu près 2 millions. Puis évidemment ça pourra servir aux projets dont on vous a parlé ce matin, mais ça pourrait servir effectivement à d'autres projets. Puis c'est pour ça qu'on parlait de 1 $, parce que ce dollar-là peut faire une différence puis n'est pas indu, selon nous, puisque, quand on parle d'une moyenne de 199 $ ou de 200 $, à 200 $, on n'a pas... enfin, on ne croit pas que ça puisse avoir vraiment un impact qui va faire en sorte que les gens considèrent que ce n'est plus acceptable.

Le Président (M. Drainville): 1 min 30 s.

Mme Hivon: Oui. Je vous lance une autre idée. C'est ça qui arrive quand on passe plus tard, c'est qu'il y en a d'autres qui sont arrivés avec d'autres idées, puis je veux juste, vu que je sais que vous avez réfléchi beaucoup... Hier, Juripop disait -- puis je sais que vous travaillez, du moins M. Piché, avec des entreprises, tout ça -- disait qu'il y a une réflexion en cours sur une contribution des entreprises qui dans les litiges monopoliseraient plus de temps de cour, exemple les causes qui monopolisent plus de cinq jours les tribunaux puis qui ne respecteraient pas, dans ce sens-là, la proportionnalité, exemple, qu'il y aurait un genre de taxe à l'utilisation pour un peu venir dédommager les coûts d'utilisation des tribunaux, qui font en sorte qu'on retarde... bon, le citoyen a moins accès aux tribunaux. Donc, il y avait cette idée-là à laquelle réfléchissent aussi, bon, la juge Otis et certains acteurs. Je voulais savoir: Vous, dans votre milieu, est-ce que vous pensez que c'est une idée qui pourrait faire son chemin?

M. Piché-Messier (Mathieu): Le fameux ticket modérateur ou en tout cas... C'est intéressant comme concept. C'est un concept qui se fait déjà ailleurs, là. Comme vous le savez, là, ce n'est pas quelque chose de nécessairement nouveau. Ça se fait... Je pense que c'est au Royaume-Uni, là, que ce type de système là fonctionne. Je pense qu'il faudrait faire une... Si on est pour aller dans une direction comme ça, il faudrait faire la différence entre vraiment ce qu'on appelle un procès de longue durée... Un procès de longue durée, c'est des procès qui prennent effectivement beaucoup de temps de cour et effectivement beaucoup d'infrastructure. Et ce ne serait pas une mauvaise idée, là, très sincèrement, d'entrevoir quelque chose comme ça. Il faudrait par contre s'assurer qu'on n'est pas juste en train de taxer le citoyen corporatif, qui en bout de ligne devrait avoir les mêmes droits que le citoyen normal, comme vous et moi.

Ceci dit, à partir de quand est-ce que vous allez mettre ce ticket modérateur là? À partir de cinq jours de procès, de 10 jours de procès? Vous savez aussi bien que moi que tous ceux qui pratiquent vont venir vous dire qu'un procès peut des fois prendre 10 jours puis normalement il aurait pu prendre moins de temps que ça, ça dépend de plein de choses. Il faut faire attention dans l'application du système puis il faudrait peut-être prévoir que ce frais-là est assumé par la partie qui perd, en bout de ligne.

Le Président (M. Drainville): Et malheureusement c'est tout le temps que nous avions pour cette présentation. Merci beaucoup à toute l'équipe de Sortie 13.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps de permettre aux représentants du Barreau du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 12 h 30)

Le Président (M. Drainville): Alors, merci. Nous allons reprendre nos travaux, donc, en recevant cette fois-ci les représentants du Barreau du Québec. Nous allons céder la parole, sans plus tarder, à Me Louis Masson, qui est le bâtonnier, qui va nous présenter les gens qui l'accompagnent. Bienvenue, maître. À vous la parole.

Barreau du Québec

M. Masson (Louis): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la députée de Joliette, Mmes, MM. les députés, alors, permettez-moi de me présenter: Louis Masson, bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, pour cette présentation du Barreau du Québec, de, à ma droite, Me Chantal Gosselin, ex-bâtonnière de Québec et aujourd'hui notamment membre du Comité national des centres de justice de proximité, où elle est la déléguée du Barreau du Québec, à ma gauche, Me Marc Sauvé, directeur du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec.

Alors, M. le Président, merci de votre accueil. C'est très important pour nous de prendre acte de cette opportunité qui nous est faite de vous faire part publiquement de notre point de vue au sujet de ce projet de loi n° 29, intitulé Loi instituant le Fonds Accès Justice. Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre du Plan Accès Justice lancé par le ministre de la Justice le 29 septembre dernier pour favoriser un meilleur accès à la justice, plus rapide et moins coûteux. Le Barreau du Québec félicite le ministre de la Justice pour les mesures concrètes qu'il propose afin de favoriser ce meilleur accès à la justice. En conséquence, le Barreau du Québec ne peut que se réjouir de la présentation du projet de loi n° 29 sur le Fonds Accès Justice, dont il souhaite l'adoption et la mise en vigueur dans les meilleurs délais.

La mise sur pied de ce nouveau fonds ne devra cependant pas justifier le gouvernement de ne pas investir davantage dans l'accès à la justice, car les besoins sont toujours importants. Que l'on songe, par exemple, au seuil d'admissibilité à l'aide juridique. En matière d'administration de la justice, les moyens informatiques sont encore peu accessibles, pourtant porteurs de solutions nouvelles, et cela réduit l'efficacité et l'accessibilité de la justice et en augmente les coûts. Par ailleurs, certains tribunaux administratifs doivent chaque année justifier leurs crédits, faute de crédits permanents. En outre, certains palais de justice, dont celui de Rimouski, manquent de ressources ou d'espaces utilisables, et ce, depuis de nombreuses années.

Nous comprenons, des communiqués du ministère de la Justice, que le fonds permettrait de financer des projets ou des activités liés à l'accès à la justice, notamment le nouveau programme de médiation familiale annoncé, la mise en place d'un service d'aide en révision d'ordonnance de pension alimentaire... pardon, en matière familiale, le déploiement des centres de justice de proximité sur l'ensemble du territoire québécois et divers projets de diffusion de l'information juridique au sein de la population. Nous comprenons aussi que, pour alimenter le Fonds Accès Justice, le projet de loi prévoit faire passer de 10 $ à 14 $ la contribution déjà exigée des personnes qui commettent une infraction aux lois pénales québécoises. Selon les prévisions rendues publiques par le ministre de la Justice, la valeur totale du fonds, issue des revenus tirés de cette contribution de 4 $, pourrait atteindre environ 8 millions de dollars par année.

Pour notre part, au Barreau du Québec, nous contribuons activement à l'amélioration de l'accessibilité à la justice pour le citoyen. Nous avons initié et contribué à la création de divers programmes pour des services juridiques et à la production de documents et outils destinés à accompagner et à soutenir le citoyen dans la recherche de solutions pour régler les conflits et pour l'informer sur ses droits et obligations. Parmi ces réalisations, nous comptons les suivantes:

La création et le financement d'Éducaloi, qui constitue un organisme sans but lucratif dont la mission est d'informer les Québécois et les Québécoises de leurs droits et de leurs obligations en mettant à leur disposition de l'information juridique de qualité, diffusée dans un langage simple et accessible via Internet;

Nous participons également et nous finançons Pro Bono Québec, un organisme sans but lucratif qui reçoit des demandes de services juridiques de la part de citoyens ou de groupes de citoyens et les réfère à un avocat ou à un cabinet ayant contribué à la banque d'heures de services juridiques gratuits;

La participation, financière et autre, au projet pilote des centres de justice de proximité, qui constituent un lieu reconnu d'information juridique et de référence proche des citoyennes et des citoyens, visant à rendre cette justice plus accessible et à accroître la confiance des citoyens dans le système judiciaire;

La création du Guide pratique de l'accès à la justice, de la collection Protégez-Vous. Ce guide a pour but d'aider les Québécois à mieux comprendre le fonctionnement de la justice et à y accéder plus facilement. Il est écrit dans un langage clair et accessible, fournit des notions pratiques et applicables à plusieurs situations de la vie de tous les jours;

Comptons également la promotion sur Internet des services d'avocats accrédités en matière de médiation civile et commerciale, en médiation familiale ou en matière de petites créances, ainsi que le recours à la justice participative qui englobe des modes de prévention et de résolution des conflits, tels la négociation, l'arbitrage, la médiation, la conciliation, les conférences de règlement à l'amiable;

De plus, certains barreaux de section offrent localement des événements et programmes qui permettent aux justiciables d'accéder à certains conseils gratuits ou mettent sur pied des projets d'accessibilité à la justice.

Bref, l'accès à la justice comporte une série de facettes et comprend notamment l'information juridique, la compréhension des textes de loi, la connaissance du système de justice et l'utilisation de différents modes de prévention et de résolution des différends. Mais surtout il ne faut jamais négliger ni perdre de vue le droit constitutionnel de tout citoyen d'avoir recours à un tribunal indépendant et impartial. C'est là l'un des fondements de notre démocratie.

Alors, notre contribution se veut positive. Et, afin de bonifier ou d'améliorer ce projet de loi, nous nous sommes permis certains commentaires que nous vous avons fournis par écrit. Et nous souhaitons que le législateur tienne compte des commentaires, observations et questionnements dont nous vous avons fait part et que précisera Me Marc Sauvé, notre directeur du Service de recherche et de législation. Alors, M. le Président, avec votre permission, je céderais la parole à Me Sauvé, qui continuera cette intervention du Barreau.

M. Sauvé (Marc): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, alors, évidemment, ce projet de loi apporte des modifications à la Loi sur le ministère de la Justice.

À l'article 32.0.2, il faut mentionner et formuler l'observation suivante, c'est que l'accès à la justice, bien sûr, comprend notamment l'accès aux tribunaux. M. le bâtonnier l'a mentionné tantôt, le droit de tout citoyen à une audition publique de sa cause par un tribunal indépendant et impartial fait partie des garanties constitutionnelles de tout citoyen dans une démocratie comme la nôtre. Alors, l'idée d'accès aux tribunaux devrait ressortir davantage dans les objectifs qui y sont mentionnés. Bien sûr, on utilise une expression, entre autres l'expression «obtention ou [...]exécution de décisions juridictionnelles», ce qui nous rattache quand même aux tribunaux, mais ne pourrait-on pas être plus explicite et plutôt utiliser les expressions «l'utilisation de moyens facilitant l'obtention ou l'exécution de décisions de tribunaux québécois, judiciaires ou administratifs»? On pense que c'est un message important à envoyer aux citoyens, à savoir que l'accès à la justice, ça comprend un ensemble de facettes, mais ça passe aussi par l'accès aux tribunaux.

Par ailleurs, pour couvrir de façon un peu plus spécifique les activités de Pro Bono Québec, il y aurait probablement lieu de prévoir ou de préciser un objectif visant à favoriser l'accès à des services juridiques gratuits ou à coût modique. À ce moment-là, probablement, Pro Bono se reconnaîtrait davantage.

Au paragraphe 8°, toujours à l'article 32.0.2, on nous réfère à «toute autre forme d'amélioration de l'expérience du public avec la justice». On aimerait savoir exactement à quoi ça rime ou enfin, plus précisément, s'il y a des exemples plus concrets.

Article 32.0.3, on fait référence ici à des accords entre le gouvernement du Canada et le Québec concernant les projets ou les activités qui seront financés par le fonds. Alors, est-ce que ces accords ont déjà été conclus ou sont-ils à conclure? Est-ce que le gouvernement du Canada a donné des assurances quant à la possibilité de conclure ces accords? Et de quel type de projets ou d'activités s'agit-il? Selon quelles modalités ou conditions?

**(12 h 40)**

Nous comprenons par ailleurs que les sommes qui sont portées au crédit du Fonds Accès Justice ne seront pas de nature à réduire le financement provenant du fonds général accordé au ministère de la Justice à chaque année. Sinon, on n'avancera pas. Donc, comme M. le bâtonnier l'a mentionné, la mise sur pied de ce Fonds Accès Justice ne doit pas justifier le gouvernement de ne pas investir davantage dans la justice et dans l'accès à la justice.

32.0.4, les projets et les activités du fonds impliquent ou impliqueront souvent plusieurs partenaires de justice qui peuvent y contribuer financièrement ou autrement par de la main-d'oeuvre professionnelle souvent bénévole. Dans ce contexte de partenariat, il est légitime que les affectations de fonds soient réalisées après consultation des partenaires de justice concernés. Un tel mécanisme consultatif devrait être prévu dans la législation. Il pourrait s'agir d'un comité consultatif constitué des partenaires de justice, qui pourrait élaborer des critères, les critères d'attribution des fonds, qui pourrait aussi se pencher sur la priorité des projets les uns par rapport aux autres, évidemment le tout soumis au ministre pour décision. D'ailleurs, à ce sujet, ma consoeur de Québec, Chantal Gosselin, pourra approfondir davantage.

L'article 32.0.5, on parle ici d'un pouvoir du ministre d'accorder une aide financière à une personne ou à un organisme. On pense que ça doit être davantage balisé. Alors, est-ce que ça prendrait un règlement ou encore là soumettre le tout, comme on le mentionnait tantôt pour les projets, à un comité consultatif qui élaborerait des critères, qui les soumettrait au ministre pour décision?

Alors, finalement, même si les opérations et les activités du fonds sont susceptibles d'être publiées dans le rapport annuel du ministère, on pense qu'une publication spécifique des activités et des transactions sur ce fonds-là favoriserait une plus grande transparence et une plus grande valorisation des projets et activités d'accès à la justice dans lesquels les partenaires de justice sont impliqués.

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Me Gosselin.

Mme Gosselin (Chantal): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir de répondre à l'invitation qui m'a été présentée de vous faire part de l'expérience que j'ai pu vivre au niveau du Comité national des centres de justice de proximité.

Dans l'une des propositions qui vous est faite par le Barreau, donc de consulter les différents partenaires de justice, j'ai eu l'occasion de vivre l'expérience dans la création du projet pilote Centres de justice de proximité. Nous aurons l'occasion d'en parler un petit peu plus cet après-midi pour vous présenter concrètement ce que c'est. Mais l'expérience a été vécue, donc, de travailler dans une équipe multidisciplinaire de différents partenaires, de différents milieux, qui avaient des intérêts, des visions, une culture différents mais un objectif commun de travailler à essayer de trouver un projet qui permettrait d'améliorer l'accès à la justice. Alors, à l'automne dernier, sur invitation de représentants du ministère de la Justice, des gens de tous ces organismes-là, sociocommunautaires, communautaires, juridiques, se sont regroupés pour tenter de travailler en équipe et de trouver une façon de faire. Alors, malgré, comme je vous dis, des façons différentes de voir les choses, on a réussi à travailler en équipe, donc, pour donner une mission commune à ce que seraient les centres de justice de proximité et à déterminer également des valeurs communes. Et ça a été un exercice qui s'est fait de façon très efficace et intéressante. C'était un défi mais qui a été rencontré vraiment de façon très, très positive par les différents partenaires, pour ensuite travailler à trouver des façons d'instaurer les différents projets, ce qui a mené à la naissance de trois centres.

Alors, de façon pratique, dans la suggestion qui est faite de permettre au ministre de la Justice de consulter différents partenaires, en fait le ministre de la Justice ou le ministère de la Justice pourrait travailler en équipe à déterminer effectivement quels pourraient être les différents partenaires intéressés à l'accès à la justice, pour faire partie, donc, d'une table, une table qui pourrait travailler pour élaborer les critères d'octroi auxquels... on en a parlé, vous en avez parlé tout à l'heure, peut-être les critères d'octroi, effectivement, des fonds, de déterminer les balises, les façons de faire pour distribuer les sommes qui pourraient être distribuées. Ces gens-là pourraient travailler en équipe, donc tous impliqués dans différents milieux reliés à la justice et au monde communautaire, donc connaissent les besoins des différents citoyens, donc pourraient travailler en équipe pour effectivement, donc, au-delà des critères... de prioriser vers quelle voie effectivement on pourrait travailler pour aider des projets à naître ou à continuer à vivre parce qu'efficaces dans l'objectif qui est recherché par la loi. Évidemment, il y aurait probablement des critères éthiques qui devraient être déterminés, parce que souvent les partenaires pourront être, peut-être, porteurs de projets, pour s'assurer que ça se fasse de façon très transparente et en équipe. Alors, c'est le mot que je voulais vous formuler quant à l'expérience vécue.

Le Président (M. Drainville): Et, je vous félicite, vous êtes arrivée à 15 minutes pile. Alors, nous allons maintenant céder la parole à M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup. Et merci à vous d'être là, de nous rencontrer pour nous parler de vos implications, notamment en matière d'accès de la justice. Évidemment, d'entrée de jeu, je vais réitérer, pour répondre en fait à des inquiétudes que vous avez nommées mais que d'autres auraient pu nommer aussi, à savoir que le fonds ne doit pas être une manière pour l'État de ne pas remplir ses obligations. Et je vais me permettre quand même de vous noter... Parce que parfois c'est une découverte, lorsqu'on n'a pas... Puis c'est normal. Dans la vie de tous les jours, on ne passe pas notre temps à regarder les crédits du gouvernement. On a d'autre chose à faire. Mais de temps en temps, quand on dit ces choses-là, c'est important de se le dire. Et je vais prendre... Bon, en 2002-2003, les crédits du ministère de la Justice étaient de 526 millions. Ils sont maintenant de 757 millions. Ils n'ont jamais été moindres d'une année à l'autre depuis que nous en parlons, et au total ça fait une augmentation, sur neuf ans, d'à peu près 45 %. Bon an, mal an, regardez ça avec les autres ministères et vous allez y arriver à une conclusion: L'État ne s'est pas désengagé de la justice depuis neuf ans. Je le dis... Peut-être que ça vaudrait la peine, M. le bâtonnier, qu'on en fasse même un écho dans Le Journal du Barreau, parce que c'est peu connu, quand même.

Et je le dis d'autant que les initiatives récentes sont importantes. Durant la dernière année, autour et avant le Plan Accès Justice, de nombreuses mesures importantes ont été placées. Et donc je veux bien situer... Puis je ne le dis pas pour faire de la vantardise, là. C'est que, lorsqu'on parle du Fonds Accès Justice, il se situe dans un plan accès... et vous l'avez dit. Et, quand on le constate dans ce plan, on est obligé de dire: Le gouvernement a décidé de poser de nombreux gestes. Il aurait pu arrêter sa marche. Il aurait pu dire: Je ne ferai pas le fonds. Mais il nous a semblé qu'il y avait des mesures autres que celles qui étaient déjà placées dans le grand plan, qui méritaient un appui supplémentaire par les acteurs, des propositions qui viennent des acteurs.

Les acteurs n'excluent pas, à mon avis, l'acteur principal en matière de justice au Québec, qui s'appelle le ministère de la Justice. Ça ne l'exclut pas. D'ailleurs, je pense qu'on devrait tous militer pour qu'il soit un acteur dans le fonds parce qu'on cherche des partenariats. J'ai visité le Centre de justice de proximité de Québec. C'était, quoi... je ne sais plus combien de semaines, je ne sais pas trop. Puis c'est la même chose à Montréal. Ce n'est pas le ministère de la Justice qui le fait. Alors, il pousse un petit peu, puis ça nous intéresse beaucoup, puis, vous autres aussi, ça vous intéresse, mais ça se fait en partenariat. Mais le ministère de la Justice est un partenaire. Ce n'est pas un intrus en justice, c'est un partenaire. Et je veux donc dire ceci: S'il y a des projets que le ministère considère qu'ils sont porteurs, ils devraient se qualifier autant, certainement, que les autres projets. Et on n'a pas à les mettre à l'extérieur. Ça, c'est ma ligne de base, d'autant que les démarches, les éléments ont été là pour prouver que l'État ne s'est pas désengagé de la justice au cours des dernières années, en tout cas certainement pas depuis les neuf dernières.

**(12 h 50)**

Bon, des petits détails. Vous nous mentionnez que le mot «tribunal» devrait se lire un peu plus souvent ou un peu mieux. Je profite de l'occasion pour vous dire qu'on m'a mentionné que le mot «prévention» devait avoir une valeur rajoutée. Peut-être qu'on pourrait finir, sur l'heure du midi, en faisant gagner les deux parties. On verra ça lorsqu'on en discutera article par article, mais je serais bien malheureux de ne mettre qu'une emphase particulière sur le tribunal. Hier, on a eu des représentations sur l'accès à la justice ou l'accès au droit. Je ne veux pas me lancer dans des débats de sémantique, mais je pense que ce qu'on cherche, c'est de couvrir le plus largement possible, à régler des problématiques qui parfois ont une connotation juridique et une dénomination juridique dans le recours qu'on peut avoir devant les tribunaux constitutionnellement reconnus, et personne ne le met en doute. Ce n'est pas parce qu'on cherche avec 80 % de la population, incluant le Barreau, de s'assurer que d'autres modes de règlement des différends puissent être envisagés qu'on met de côté le mode -- je n'ose pas dire de base -- le mode de la justice adjudicatrice. Et je sais que ce n'est pas la position du Barreau du Québec. Nommons bien les choses. Le Barreau canadien nous a dit que lui, il avait une crainte que la justice adjudicatrice allait s'effilocher, je crois que c'est l'expression ou peut-être un autre mot, mais en tout cas péricliter, et je ne partage pas ce point de vue là. Donc, voilà pour «tribunal» et «prévention».

Permettez-moi, d'entrée de jeu, d'entrer dans un sujet fort intéressant. Les gens trouvent que 8 millions, ce n'est pas beaucoup, même si on trouve que 4 $ de plus, bien c'est de l'argent. On nous a soumis hier la possibilité d'envisager d'aller inclure dans le Fonds d'Accès Justice soit les montants des comptes en fidéicommis du Barreau ou de la Chambre des notaires, ou -- et je vous fais les deux thèmes en même temps -- ou celui dont on a déjà discuté, mais, pour l'avantage de la commission et des caméras, je pense que ça vaudrait la peine, M. le bâtonnier, que vous reveniez sur le sujet des... ce qu'on pourrait appeler les contributions spécifiques aux litiges entre entreprises, courte ou longue durée, ou moyenne durée, peu importe comment on le définirait, mais que vous nous fassiez entendre la position du Barreau sur ces deux moyens, soit les comptes en fidéicommis ou les contributions que nous pourrions... enfin qui nous ont été soumis pour analyse.

M. Masson (Louis): Oui. Si j'ai bien lu les textes qui vous ont été remis hier, on parlait de sommes colossales provenant de nos comptes en... des revenus d'intérêts des comptes en fidéicommis. Eh bien, c'est plutôt, par les années qui courent, un déficit colossal. Il est vrai qu'il y a quelques années les revenus d'intérêts des comptes en fidéicommis généraient des sommes avoisinant 6 millions de dollars. Dans les finances du Barreau, cela permettait de financer l'un des fonds les plus importants au Barreau du Québec, qui est le Fonds d'études juridiques. C'est à même ce fonds que le Barreau du Québec est en mesure d'assumer sa mission de protection du public, entre autres en subventionnant les organismes dont nous vous avons fait part, entre autres en maintenant un Service de recherche et législation de qualité qui nous permet de participer aux travaux de votre commission aujourd'hui et de bien d'autres au fil des années.

Donc, il est vrai qu'il y a quelques années ce fonds générait des revenus, mais cette année, en 2011, pour l'exercice terminé le 31 mars 2011, le Fonds d'études juridiques a un déficit de 2 224 000 $. Ce déficit-là était prévu dans nos budgets de l'année dernière et a fait l'objet d'une cotisation additionnelle auprès des membres, car nous maintenons tout cela. De ce déficit fait partie un point qui est intitulé Subvention aux organisations liées, qui atteint, cette année, 1 183 000 $. Donc, si on vous a fait état de sommes colossales, je serais bien heureux, pour ma part, qu'il en soit ainsi, mais le déficit du Fonds d'études juridiques était l'an dernier de 1 774 000 $ -- j'oublie les centaines, là -- et il est cette année, au 31 mars, de 2 224 000 $. Donc, s'il était de l'intention de certaines personnes de gruger dans les revenus, alors, si quelqu'un veut absorber ce déficit, je suis ouvert à la discussion.

Sincèrement, M. le ministre, le Barreau du Québec gère ses finances correctement, avec prudence. Nous assumons le déficit de ce fonds. Nous maintenons notre mission. Les membres sont responsables et ont accepté de payer cette cotisation additionnelle. Si on nous prive de ces revenus, bien, tout simplement, ou bien... Je n'ose imaginer cette hypothèse. Sincèrement, je préfère ne pas la considérer comme une hypothèse de travail à cette étape-ci. Si jamais les choses devaient changer, bien on pourrait aller plus avant. Je ne sais pas si ma réponse vous convient, mais...

Quant au second volet de votre préoccupation...

Le Président (M. Drainville): Oui, on va amputer le deuxième bloc, M. le ministre. Très bien.

M. Fournier: Oui, s'il vous plaît. Juste sur le deuxième volet.

M. Masson (Louis): On l'ampute ou on...

M. Fournier: Non, allez-y. J'ampute ma deuxième partie. Je suis amputé.

M. Masson (Louis): D'accord. Je vous dirais ceci: Oui, les... appelons-les les grandes corporations ou les grands procès, oui, occupent des ressources judiciaires. Pour ma part, avant de passer le message que les procès plus lourds, plus générateurs de... plus utilisateurs de ressources judiciaires ne sont pas les bienvenus au Québec, avant de passer un message comme celui-là, je serais extrêmement prudent. Vous savez, la capacité d'un État de traiter avec efficacité et compétence les litiges fait partie, à mon avis, de la santé démocratique d'un État. Et de passer le message à la grande entreprise qu'elle n'est pas la bienvenue dans les tribunaux québécois et qu'on l'invite à aller résoudre ses litiges ailleurs ne serait peut-être pas un message... En tout cas, ce n'est pas un message léger, et, avant de porter un tel message, il me semble que l'État... Et en tout cas, quant à moi, comme bâtonnier, j'y réfléchirais avant de passer un tel message à la grande entreprise. La grande entreprise est la bienvenue au Québec. Elle a sa place à tous égards. Et je crois qu'on doit aussi lui indiquer qu'elle a aussi sa place, lorsque vient le moment de régler des litiges au Québec.

Alors donc, voilà une ébauche de réponse. J'aimerais l'élaborer, mais je devine que le temps nous manque et que la députée de Joliette nous presse maintenant. Alors, je terminerais là, mais je suis prêt à aller plus avant.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le bâtonnier.

M. Masson (Louis): Merci.

Le Président (M. Drainville): Ce n'est pas la députée de Joliette qui vous presse, c'est moi. Et c'est le temps qui m'est imposé...

M. Masson (Louis): Je ne voulais pas...

Le Président (M. Drainville): ...que je dois faire...

M. Masson (Louis): ...je ne voulais pas manquer à vos prérogatives...

Le Président (M. Drainville): ...que je dois faire respecter. Non, j'assume complètement, M. le bâtonnier, je vous remercie beaucoup.

M. Masson (Louis): ...mais je m'excuse.

Le Président (M. Drainville): Et Mme la députée de Joliette a effectivement des questions pour vous.

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à vous trois. Merci de vous préoccuper aussi de mon temps de parole, de mes privilèges de parlementaire. Donc, bienvenue pour ce projet de loi important, parce qu'il peut avoir l'air très technique, mais, comme je le disais hier, on est en train de créer quelque chose de nouveau et on veut s'assurer qu'il parte sur les bonnes bases et qu'il remplisse bien les objectifs qu'il peut poursuivre, et, je vous dirais, avec une certaine prévisibilité, et aussi en étant conscients des besoins et de l'existence de différentes initiatives et de différents acteurs du milieu qui ont certainement leur mot à dire.

Hier, il y a des gens qui sont venus et qui nous ont dit qu'ils étaient très impressionnés par le climat de travail ici, par rapport à ce qu'ils avaient pu voir, par exemple, à Ottawa. Alors, effectivement, je pense qu'on a un bon climat de travail, mais quand même je vais rappeler amicalement au ministre, qui rappelle toujours les crédits... Et il prend toujours, comme par hasard, comme année de référence, 2002-2003. Et je veux juste dire: Bien sûr que les crédits ont augmenté pour la justice mais dans la mesure proportionnelle à combien ils ont augmenté pour les dépenses du gouvernement en général. Je pense que c'est important de se rappeler de ça. Alors... hein? Donc, le ministre va sûrement sortir les graphiques. On a toujours ce petit échange. Donc, je ne veux pas vous prendre à partie là-dedans. Mais je voulais juste rétablir ça: à l'étude des crédits à chaque année, là, c'est un sujet de discussion qui nous passionne.

Donc, ceci étant dit, je trouve que vous faites des propositions très concrètes, et c'est ça que je voudrais un peu examiner avec vous. Premièrement, l'article 32.0.5, dont vous dites que, pour l'établissement des balises, en quelque sorte, des critères dont on parle, on pourrait, donc, consulter les partenaires de justice comme dans le cas de l'affectation des dépenses de fonds. Donc, si je vous suis bien, pour vous, ces partenaires du milieu ont un double rôle, c'est-à-dire, un, de déterminer les critères avec le ministre ou le ministère et, dans un deuxième temps, d'avoir un rôle pour l'affectation des projets, c'est-à-dire l'affection des fonds aux projets. Est-ce que vous voyez un règlement? Parce qu'à l'article 32.0.5 c'est... en fait, on le lit puis on se dit: Peut-être qu'il manque un bout puis que ça aurait dû se dire «tel que déterminé par règlement». Est-ce que vous pensez que tout cela devrait être encadré par un règlement? Et, sinon, comment s'assurer que ces critères-là soient connus du public, des groupes qui pourraient demander un accès pour une plus grande transparence?

M. Masson (Louis): Bien, sur la façon de mettre en oeuvre ces critères, évidemment nous sommes restés... nous ne nous sommes pas avancés. Selon nous, les deux méthodes sont viables. Me Gosselin vous en a fait état, nous avons une longue habitude de discuter et de rejoindre l'ensemble des partenaires de la justice dans des tables qui revêtent toutes sortes de noms. La forme réglementaire est parfois souhaitable, évidemment, mais elle a aussi ses contraintes. Le règlement parfois impose peut-être... impose de limiter des situations auxquelles on pourrait ne pas penser.

Pour ma part, dans l'état actuel des choses, nous serions enclins à favoriser une certaine souplesse, et il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir recours à un règlement. Et nous vous avons fait état justement de notre grande expertise et de notre confiance dans la capacité des partenaires de s'arrimer. Alors, ce n'est peut-être pas une réponse... La réponse est peut-être un peu floue, on ne s'est pas avancés, mais je suis convaincu que Me Sauvé a réfléchi à ces questions et je le laisserais compléter, à cet égard-là.

**(13 heures)**

M. Sauvé (Marc): Un peu dans la même foulée, c'est certain qu'une transparence par rapport au public demeure essentielle. Rien n'empêcherait qu'il y ait une publication, dans la Gazette, de ces ensembles de critères, soit sous forme de politique ou de directive, pour informer la population, peut-être l'appeler à commenter, mais sans que ça ait la lourdeur habituelle qu'on reconnaît aux textes réglementaires.

M. Masson (Louis): Et Me Gosselin pourrait compléter si...

Mme Gosselin (Chantal): Alors, le comité auquel on fait référence serait un comité consultatif, un comité des sages qui ferait des propositions quant aux critères qui pourraient être retenus sur chacun des aspects dont on parle. Évidemment, ce serait le ministre de la Justice qui aurait à prendre la décision finale, mais, une fois qu'elle serait prise, les critères pourraient être communiqués, et les informations effectivement devraient, de façon transparente, être communiquées, pour que chacun des projets, des équipes porteuses de projets soient au courant des éléments qui sont les plus précieux, en matière de justice, au moment où il y aura l'octroi d'aspects financiers. Parce que les besoins sont très criants actuellement, en termes d'accès à la justice, mais ils seront nécessairement évolutifs, également. Plus les équipes sont au travail et arrivent à atteindre les objectifs qu'ils souhaitent, plus, effectivement, les besoins vont varier. Alors, je pense qu'il faut cette souplesse-là. C'est ce qui est suggéré.

Mme Hivon: C'est ça, en fait, je vous soumets que je pense que c'est d'autant plus important que c'est un fonds qui est créé, on l'a dit, à partir, donc, d'une surtaxe, un peu, sur les amendes, là, d'une suramende. Et donc, au-delà, je dirais, de ceux qui pourraient répondre à un appel de projets, au-delà des acteurs traditionnels du milieu, je pense qu'il y a une nécessité que le public en général, dont ceux qui paient, puisse savoir un peu à quoi sert ce fonds-là de manière générale et ce qu'on y finance, au-delà des objectifs généraux qui sont là. Donc, je comprends que vous dites: Pas nécessairement le formalisme d'une règlement mais un mécanisme de transparence de publication.

Quand vous parlez de la...

M. Sauvé (Marc): Y compris la question du rapport...

Mme Hivon: Oui. Bon, c'est ça.

M. Sauvé (Marc): ...le rapport annuel. Au lieu de le glisser à l'intérieur du rapport annuel du ministère, à l'intérieur d'un paquet de choses, peut-être justement, pour satisfaire l'intérêt public des citoyens, avoir une publication des activités du fonds.

Mme Hivon: Et évidemment vous percevez, dans ce fonds-là... dans ce rapport-là, un détail des sommes qui seraient attribuées à chaque année dans le fonds. O.K.

En fait, je vous pose la question parce qu'on est comme dans un... il y a une occasion de réflexion. Hier, on a eu des gens qui étaient particulièrement impliqués, en fait qui recevaient des fonds du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et qui déploraient que ça ait pris du temps avant qu'il y ait plus de reddition de comptes, une certaine transparence, connaître où les sommes vont. Donc, pour ne pas répéter, peut-être qu'on est mieux de le prévoir au départ.

Deuxième question, de manière plus, je vous dirais, globale, on sait que ça ne sera pas des millions et des millions, bien que plusieurs nous parlent de d'autres sources qui pourraient venir alimenter avec des sommes colossales et qui pourraient faire en sorte que ce fonds soit plus important. Si on le prend dans l'état où il est, ça serait 7 à 8 millions par année. Déjà, le ministre a annoncé qu'il y a certains projets qu'il voulait financer à partir du fonds, comme le SARPA, comme les centres de justice de proximité, comme aussi la médiation familiale. Je pourrai y revenir en discussion avec le ministre. Pour moi, ça, c'est un projet qui est un peu différent, parce que c'est un projet qui existe déjà, qui est financé par le ministère. Là, on lui donne une ampleur un petit peu plus importante, et là il pourrait passer par le fonds. Donc, je pense qu'il y a un questionnement là.

Mais est-ce que vous voyez un certain, je dirais... une certaine problématique à dire comment on va décider ce qui est des projets du ministère versus des projets existants dans la communauté? Est-ce qu'il devrait y avoir, par exemple, une somme dédiée, un pourcentage, je ne sais quoi, dans le fonds, qui pourrait venir soutenir des initiatives vraiment du milieu, d'autres qui pourraient être plus en partenariat entre le ministère et le milieu? Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qu'on devrait envisager, pour éviter que tout soit, je vous dirais, dans une certaine mesure, décidé par les nouveaux projets qui vont arriver sur la table du ministre et que lui va vouloir financer à partir de ça? Et le deuxième volet, c'est: Est-ce qu'il devrait y avoir systématiquement une récurrence, donc des projets qui s'inscrivent dans le temps ou des projets ponctuels? Parce que j'ai compris hier que, dans le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, il y a un peu cette distinction-là qui est faite: un certain montant pour la récurrence mais aussi des projets ponctuels, par exemple de recherche, peuvent être financés. Est-ce qu'on devrait prévoir ça?

Le Président (M. Drainville): Et je précise que la réponse sera prélevée...

Mme Hivon: Sur mon deuxième bloc.

Le Président (M. Drainville): ...sur le deuxième bloc de la députée de Joliette.

M. Masson (Louis): Oui. Alors, dans la même veine un peu, dans la souplesse que le Barreau a préconisée, oui, il se pourrait très bien que le comité à venir trouve sage, dans un premier temps, d'établir des pourcentages, d'établir des balises qui pourraient, au fil des années, peut-être s'estomper à mesure que les projets prendraient vie. Donc, le critère du pourcentage ou de l'attribution plus ferme... Évidemment, à cette étape-ci c'est un petit peu embêtant, là, de cristalliser des sommes dans des projets, dans certains projets de préférence à d'autres. Alors, je n'exclurai pas la possibilité de fixer des pourcentages, mais à cette étape-ci ça pourrait être imprudent peut-être même de le faire. Nous, on est plutôt des partisans de la souplesse.

Quant à la question de la récurrence, c'est un peu la même réponse. Chez nous, au Barreau, nous avons attribué des subventions, par exemple, de démarrage. Parfois, le démarrage se transforme en quelque chose de plus permanent. Mais il y a toutes sortes de subventions. Parfois, ça doit être récurrent pour assurer la survie de l'organisme, mais parfois aussi il est sain que ce soit du démarrage, lorsque les organismes se promettent eux-mêmes d'aller diversifier leurs sources de revenus. C'est aussi notre mandat de nous assurer que les promesses de réalisation ne demeurent pas lettre morte.

Donc, vous savez, il y a tellement de... Vous savez, le monde de la justice est tellement varié. Et nous-mêmes, au Barreau, nous l'avons favorisé, ça, l'émergence de différents modèles qui... chacun développe ses propres façons de fonctionner, et nous naviguons très bien dans cet environnement-là. Je comprends que, du point de vue du législateur, cela peut sembler parfois insécurisant, mais le monde de la justice peut très bien fonctionner dans ce climat de collaboration. Oh! j'ai pris trop de temps.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le bâtonnier. M. le ministre.

M. Fournier: Oui. Toutes choses étant égales par ailleurs, vous avez un fonds de 1 million quelques d'intervention avec des partenaires.

M. Masson (Louis): Juste pour être précis, ce sont vraiment des subventions à des partenaires...

M. Fournier: Subventions à des partenaires. Il y en a un peu plus, j'imagine, qui sont des opérations du Barreau, là, dans le 1 million. Au lieu du 1 million, là, pour faire les analogies complètes, là...

M. Masson (Louis): Oh! non, là, je ne veux pas vous induire en erreur. Par contre, les revenus du Fonds d'études juridiques sont de 5 millions de dollars, et les dépenses, de 7,2 millions. Donc, il y a d'autre chose. Mais, dans les dépenses, les subventions aux organisations liées sont de 1 183 000 $.

M. Fournier: Donc, un certain nombre d'activités menées par le Barreau lui-même, un certain nombre mené avec des partenaires.

M. Masson (Louis): Voilà.

M. Fournier: Bon, à la hauteur de 1 million quelques avec les partenaires. Puis-je vous demander un peu d'aide? Lorsque vous attribuez ce 1,1 million, ou quelque chose comme ça, avez-vous des orientations? Avez une grille? Avez-vous... Souple, j'en suis persuadé, parce que vous nous dites que c'est ce que vous souhaitez? Est-ce que vous avez ce genre de grille de référence qui vous sert à attribuer l'aide aux partenaires?

M. Masson (Louis): Question périlleuse qui demanderait une réponse précise. Je ne voudrais pas induire votre commission en erreur. Je sais que plusieurs de ces subventions ont été décidées par le Conseil général du Barreau du Québec, par exemple, qui a attribué ces sommes-là. Là encore, ça dépend. Il y en a qui ont été décidées par le Conseil général selon un besoin ponctuel. C'est le cas, entre autres, de Pro Bono, si ma mémoire est fidèle, et là il y a des... Mais on ne s'est pas dotés d'un règlement et d'une grille d'analyse. Ce sont...

**(13 h 10)**

M. Fournier: ...fins de souplesse.

M. Masson (Louis): ...des décisions qui ont été prises au fil des années, selon ce que nous estimions être des priorités qui parfois évoluent, parfois changent, parfois vont de l'avant. Nous aussi, là, au Barreau, nous prenons des décisions de nature politique. Et voilà.

M. Fournier: Ce n'était pas pour vous embêter, là. Si jamais il y a un certain nombre de guides ou de... au-delà de comprendre qu'il y a différents forums qui attribuent les sommes... Je m'excuse. Oui?

M. Sauvé (Marc): Certainement qu'il y a plusieurs organismes qui viennent cogner à la porte du Barreau pour avoir des subventions pour toutes sortes de raisons. Il y a une politique d'attribution des subventions. Ça, on a ça. Peut-être que ça peut vous être utile, là. On peut vous acheminer ça. Mais effectivement il y a une politique en divers points, selon divers critères, et chaque demande est analysée: Voici, tel critère, est-ce qu'il est rencontré ou pas? Et finalement il y a une décision politique ou d'opportunité qui est prise. Mais il y a une politique d'attribution des subventions aux organismes.

M. Fournier: Contient-elle -- je vais utiliser un mot un peu fort -- la recette? Tantôt, on parle de proportion, de catégories, d'objectifs. Est-ce qu'il y a un dosage?

M. Sauvé (Marc): Ce n'est pas de cette nature-là. Ça, c'est vraiment une décision qui est laissée au politique, Mais peut-être que M. le bâtonnier...

M. Fournier: Parfait. Maintenant, je...

M. Masson (Louis): Oui. C'est parce que je ne veux surtout pas... C'est parce que je ne veux pas... Il y a beaucoup de choses. Il y a des décisions qui ont été prises qui impliquaient des centaines de milliers de dollars, qui ont été prises en conseil général. Par ailleurs, nous avons une politique d'attribution de subventions plus modestes. Là, on parle de montants moindres. La politique, elle est publique, elle est sur le site Web du Barreau. On invite les gens à... s'ils nous soumettent des demandes. Et au comité exécutif à chaque mois on en dispose. Et d'autres ont été faites selon d'autres critères.

M. Fournier: Les relations que vous avez avec les groupes... D'ailleurs, je ne veux pas vous décourager, je trouve ça formidable. D'ailleurs, on est depuis deux jours ici, des groupes viennent nous voir, il y a des projets fantastiques, et on doit maximiser les relations. Ne serait-ce que... On peut prendre le carrefour que représentent les futurs centres de justice de proximité, lorsqu'ils seront plus nombreux... sont même des dynamos, hein, de toutes ces relations, de ces contacts qui peuvent être faits, à mon avis, qui sont très porteurs pour l'avenir, je crois. On a des groupes... Et puis vous-mêmes, vous nous suggérez de bâtir un comité consultatif qui peut, par exemple, lancer des orientations initiales, accompagner la suite des choses, ce avec quoi franchement je n'ai pas d'objection fondamentale. Le Barreau, lui, dans sa relation avec les groupes, a-t-il un tel comité? Comment est-il... se constituer, ce comité de sages où il y a des organismes externes qui viennent aider le Barreau dans l'attribution des sommes? Autrement dit, la recette que vous nous suggérez pour nous, comment l'appliquez-vous chez vous?

M. Masson (Louis): Ah! c'est très intéressant. Nous nous sommes dotés, lorsque ces organismes se fabriquent, là... Puis là, évidemment, vous les avez entendus, ils connaissent mieux leur histoire que moi. Mais, lorsque ces organismes se fabriquent, c'est toujours un délicat dosage entre l'indépendance qui les... souvent une source de dynamisme et d'originalité, et en même temps maintenir des liens institutionnels avec le Barreau. Alors, concrètement, souvent ce sont des organismes, ce sont des personnes morales, là, des corporations sans but lucratif auxquelles le Barreau siégera via ses représentants. Et là tout est dans le dosage. Il y en a où nous avons quelques sièges au conseil d'administration. Tout cela permet de préserver l'indépendance, donc le dynamisme et la mission de ces organismes-là, tout en, entre guillemets, s'assurant que nous partageons les mêmes valeurs et que nous véhiculions les mêmes valeurs. Alors...

M. Fournier: Je comprends de votre réponse... vous me parlez en aval, mais en amont, c'est-à-dire avant que ce soit attribué? Je comprends, une fois qu'elle est attribuée, le Barreau dit: Moi, j'attribue les sommes, je veux savoir qu'est-ce qui se passe. Mais, avant l'attribution, avez-vous une espèce de comité de partenaires avec lequel vous avez des décisions ou des recommandations à prendre pour attribuer les fonds, donc en amont?

Le Président (M. Drainville): Alors, on a...

M. Fournier: Excusez-moi.

Le Président (M. Drainville): ...on dépasse le temps.

M. Fournier: Ah! je m'excuse.

Le Président (M. Drainville): Je vais demander le consentement des membres de la commission pour qu'on dépasse de une minute. Ça va? Très bien. Une minute, donc, pour la réponse, M. le bâtonnier.

M. Masson (Louis): La réponse serait non. La réponse serait non.

M. Fournier: Ce sera cinq secondes, finalement. Merci.

Le Président (M. Drainville): C'est très bien. Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Joliette, pour un bloc de cinq minutes.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup. Alors, je suis allée, avec l'aide de Pierre Bouchard, voir... En fait, je vois que, pour le Fonds d'études juridiques, il y a une politique d'attribution d'aide financière. Donc, j'imagine que c'est ce qui gouverne l'objet de la politique, présentation d'une demande, principe d'évaluation des demandes, décision. Sur recommandation du comité des finances, le comité exécutif, donc, accepte ou refuse la demande. Moi, je soumettrais qu'au-delà du fait que vous avez une politique qui a l'air assez claire, à partir du moment où on parle aussi de fonds publics, donc, je pense qu'il y a un aspect de reddition de comptes et de prévisibilité encore plus important, parce que la provenance des fonds n'est pas la même pour le fonds qui est évidemment créé ici par le projet de loi que les sommes qui alimentent votre fonds, donc à partir, bon, des membres, des comptes en fidéicommis et les autres sources que vous pouvez avoir.

Je voulais vous amener sur deux éléments que vous apportez, vous êtes les seuls à aborder ça. Vous semblez avoir une réticence avec la formulation «toute autre forme d'amélioration de l'expérience du public avec la justice». Tantôt, le ministre a dit: L'idée, c'est d'être très large, donc de ne pas vouloir, justement, restreindre ou se dire: Il y aura un projet intéressant, puis peut-être que c'est difficile à envisager comment qu'il ne pourrait pas s'inscrire dans aucune des catégories, mais, pour être certain... Donc, je voulais comprendre votre réticence à avoir un tel libellé.

M. Sauvé (Marc): ...ce n'est pas vraiment une réticence, c'est plus un questionnement. On essayait d'imaginer qu'est-ce que ça peut vouloir concrètement dire. Alors, si vous avez des exemples à nous soumettre, ça peut nous aider à penser à ça, mais enfin...

Mme Hivon: Bien, moi, je vous dirais, par exemple... Peut-être que c'est compris dans les autres catégories, mais des fois on dit que le justiciable estime que le tribunal est vraiment un labyrinthe. Quand il arrive au palais de justice, c'est très formel, il se sent intimidé. Je ne sais pas, un service d'accompagnement de la personne lors de son audition. Peut-être que c'est prévu dans d'autres catégories, mais ça pourrait être certainement, peut-être, de nature à améliorer l'expérience du public. Ce n'est pas moi du tout qui a rédigé le projet de loi, mais j'extrapole qu'il y a peut-être quelque chose dans ce genre-là.

Si je vous disais... Bon, là, vous arrivez, vous nous dites que ce serait une bonne idée de prévoir plus expressément, donc, le mot «tribunal» et l'accès au tribunal. D'autres organismes viendraient nous dire: Il faut faire vraiment attention, parce que beaucoup des initiatives qui sont déjà assez bien financées... Ils vont penser, par exemple, à... puis on est loin que ce soit le nirvana, mais qui sont bien établies, disons, qui existent déjà, vont peut-être mener à un meilleur accès aux tribunaux. Donc, pensez plutôt à nous, autres organismes qui faisons autre chose.

Moi, je vous demanderais: Pour vous, avec votre expérience, ça devrait être quoi, les priorités? C'est quoi, les endroits, à la lumière de l'expérience? Je ne vous dis pas de me nommer des projets, hein? Puis c'est la même chose tantôt, M. le bâtonnier, je ne veux pas vous demander de venir me dire: 30 % devrait être attribué à ça ou ça, mais juste qu'il y ait une réflexion par rapport à un peu cette cohabitation-là. Donc, j'aimerais savoir si vous, vous estimez que c'est ça, le gros problème, c'est l'accès au tribunal, ou c'est plutôt le fait que les gens ne sont pas du tout outillés, par exemple, pour prévenir les différends à la source même, n'ont pas l'information, donc un peu où est le besoin criant.

M. Masson (Louis): C'est une question qui est au coeur de nos préoccupations, et la réponse à cette question est... Vous savez, l'accès à la justice, c'est une problématique multifactorielle aux solutions multifactorielles, et il n'y a pas de... Vous savez, quand on parle de... Nous, notre métier, c'est de résoudre les conflits entre les citoyens. Or, il y a autant de conflits qu'il y a de situations spécifiques. Ce n'est pas vrai qu'on peut faire des moules pour la gestion de ces conflits personnels. Bien sûr, il y en a qui occupent plus de temps que les autres, par exemple le domaine familial, c'est bien connu. Mais là encore il y a autant de problématiques qu'il y a de couples. Chacun a son drame à lui, chaque personne vit sa situation.

Alors, pour nous, le plus important, quand on aborde ces questions-là, c'est justement d'éviter de cibler des grands ensembles parce qu'il y a tellement de problèmes... c'est tellement multifactoriel, et les solutions le... Pour nous, le plus important, c'est que l'État québécois se dote d'une gamme de solutions, pour que justement chaque citoyen, là, qui a sa personnalité propre, sa problématique propre, son litige propre s'y retrouve et puisse trouver la solution qui lui convient. Pour certains, c'est l'accès au tribunal. Pour d'autres, c'est la médiation. Mais il n'y a pas de solution...

Alors, Mme la députée, j'aimerais tellement vous répondre, vous dire: Oui, on devrait cibler cela et ainsi on réglera une partie importante. Mais, vous savez, vivre un litige, là, c'est un drame pour tout le monde, et chaque drame a son histoire. Bien sûr, il y en a qui occupent, encore une fois, plus d'espace, mais le plus important, pour nous, c'est d'avoir une gamme de solutions adaptées pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Ça va du plus petit litige à une personne jusqu'au mégaprocès pour la grande entreprise. Il faut que notre système de justice puisse faire en sorte que tout le monde s'y retrouve, et c'est à cela que nous travaillons. C'est pour ça que c'est si important, les centres de justice de proximité. La formation, l'information, la prévention, tout cela forme un tout, et notre rôle à nous, c'est de donner à nos concitoyens le plus de solutions possible.

Alors, désolé de ne pas répondre à votre question, mais elle nous obsède à tous les matins. Et je souhaite, pour ma part, pouvoir y répondre, mais ce matin je ne l'ai pas, cette réponse.

Le Président (M. Drainville): Et ce sera la conclusion de notre échange. Je vous remercie à nouveau, M. le bâtonnier. Je remercie les gens qui vous ont accompagné.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 20)

(Reprise à 15 h 6)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande aux gens présents dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Alors, nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations sur le projet de loi n° 29, la Loi instituant le Fonds Accès Justice.

Alors, nous sommes de retour avec les centres de justice de proximité du Québec. Me Gosselin, la parole est à vous pour une présentation de 15 minutes.

Centres de justice de proximité du Québec

Mme Gosselin (Chantal): Alors, merci. Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous accueillir parmi vous et de donner l'occasion aux centres de justice de proximité de discuter avec vous du projet de loi n° 29. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Alors, à l'extrême gauche, je vous présente Me Ève Langlois, du Centre de justice de proximité de Rimouski; suit ensuite Me Michèle Moreau, du Centre de justice de proximité du Grand Montréal; et finalement Me Audrey Villeneuve, du Centre de justice de proximité de Québec. Pour ma part, Chantal Gosselin, donc, j'interviens à titre de présidente du Centre de justice de proximité de Québec.

Alors, au départ les centres sont très heureux de la création, M. le ministre, d'un tel fonds. On croit effectivement que les différents organismes, souvent des organismes à but non lucratif qui travaillent à rendre accessible la justice, ont besoin de l'existence d'un tel fonds pour leur permettre de rencontrer leurs objectifs et leurs missions. Souvent, ce sont des équipes de travail qui ont à coeur l'accessibilité à la justice, une équipe restreinte de quelques employés et de plusieurs bénévoles qui travaillent pour la réussite des objectifs. Alors, on croit qu'un tel fonds pourrait permettre de libérer les administrateurs bénévoles de ces centre-là à se concentrer à la survie et plutôt de se concentrer sur l'objectif, finalement, qu'ils recherchent de rendre accessible la justice.

Alors, je vais vous présenter très brièvement ce que sont les centres de justice de proximité. Je vais vous parler un petit peu de l'historique et de la création pour que vous puissiez mieux nous connaître. Alors, au départ, il a existé, dans le district judiciaire de Québec, un projet qui avait été arrêté, qui se dédiait à donner de l'information en matière de justice. Et, depuis quelques années, ces services-là, qui avaient, semble-t-il, été appréciés par plusieurs citoyens, cessaient. Et notamment le Barreau de Québec croyait que c'était important de relancer un projet, peut-être avec plus de partenaires, pour permettre aux citoyens de pouvoir bénéficier d'informations juridiques dans une structure conviviale et chaleureuse.

**(15 h 10)**

Dans les faits, on en avait parlé au sous-ministre de la Justice de l'époque, qui nous avait entendus dans le projet de créer ce qu'on appelait, nous, le centre d'accès à la justice. Et je pense que, parce que l'idée semblait bonne, il y a eu une invitation à travailler en équipe avec différents partenaires pour tenter de créer un tel projet pilote. Et dans les faits plusieurs partenaires de milieux sociaux, communautaires, juridiques et, je dirais, sociojuridiques également ont participé, donc, dans le comité national dont je parlais ce matin pour travailler à essayer de définir effectivement qu'est-ce que pourrait être l'entité qui permettrait aux citoyens d'avoir un endroit principal où se référer lorsqu'ils avaient des questions en matière de justice. Alors, de fait, le comité national a travaillé à l'automne 2009 et a permis la création en 2010 de deux centres de justice de proximité. Celui de Montréal s'est joint aux deux autres quelques mois plus tard.

La structure qui a été créée pour permettre l'existence de ces centres-là impliquait différents partenaires. Les trois partenaires initiaux étaient le ministère de la Justice, le Barreau de Québec et la Chambre des notaires, qui étaient des partenaires financiers d'importance. Et s'est jointe par la suite, également, SOQUIJ, qui est intervenue pour aider financièrement, donc, l'existence de ces centres. Donc, si on regarde les centres, les trois centres sont des organismes à but non lucratif qui sont indépendants les uns des autres mais qui travaillent en étroite collaboration pour rencontrer leurs objectifs.

Dans la documentation qui vous a été préparée, vous avez un petit peu l'histoire plus détaillée à ce niveau-là. Je ne reprendrai pas le texte et je vous invite à vous y référer. Mais particulièrement ce qui nous semble important, c'est de faire référence à la mission qui a été créée et retenue par le comité national et qui s'applique à chacun des centres. Alors: «Les centres de justice de proximité sont des organismes à but non lucratif ayant pour mission de promouvoir l'accès à la justice en favorisant la participation des citoyennes et des citoyens, par des services d'information juridique, de soutien et d'orientation, offerts en complémentarité avec les ressources existantes.»

Donc, l'objectif, c'était de créer de tout nouveaux partenaires, les centres, qui étaient en quelque sorte un point de chute pour permettre aux citoyens d'être orientés et aidés, guidés dans leur recherche d'information en matière de justice. Ce comité national a travaillé également à déterminer les valeurs qui devaient guider les centres. Alors, les trois centres partagent les mêmes valeurs. Ils reconnaissent en chaque individu la capacité à prendre en charge sa situation et croient en son potentiel à faire les meilleurs choix pour lui-même. Le respect, l'empathie, l'ouverture d'esprit et la collaboration sont au coeur de leurs valeurs. Les centres agissent avec impartialité et confidentialité.

Donc, l'objectif des centres, c'est de donner de l'information, de donner des outils aux gens, mais c'est les gens eux-mêmes qui, avec les différentes options qui s'offrent à eux pour solutionner le problème qu'ils ont... de faire les choix.

Alors, maintenant, je vais céder immédiatement la parole à Me Michèle Moreau, qui va parler plus spécifiquement de différents aspects au quotidien vécus par les centres.

Mme Moreau (Michèle): Alors, je remarque que certains d'entre vous n'aviez pas reçu notre document, que vous venez de le recevoir. On l'a envoyé effectivement seulement ce matin, là, compte tenu du court délai entre la convocation et la comparution devant vous aujourd'hui. Et on ne reprend pas le texte comme tel, là, on y va plus librement. Mais voilà. Maintenant, je suis rassurée, je sais que vous avez le document en main.

Le panier de services, il est essentiellement le même dans les trois centres. Naturellement, jusqu'à maintenant, Montréal étant, par exemple, plus récent, on n'est pas rendus à offrir toute la gamme de services qui est prévue dans notre panier, mais l'objectif est celui qui est défini, là, aux pages 3 et 4 de notre document.

Alors, essentiellement, ce qu'on fait, les gens se présentent sur place ou téléphonent dans les centres, dans... Je sais qu'à Québec ils répondent aussi aux demandes par courriel, ce qu'on ne fait pas à Montréal ou à Rimouski non plus, alors des moyens de donner l'information un peu différents. Essentiellement, l'objectif, c'est: sans rendez-vous, gratuit, rapide, dans le sens où, quand la personne se présente, on essaie de répondre à sa question le plus rapidement possible. Il arrive, bien sûr, que la question est plus complexe que souvent même le citoyen le pense et qu'il faut effectivement creuser un peu plus, avant d'arriver à donner l'information. Même si c'est juste de l'information, ce n'est pas toujours évident.

Bon, c'est dans tous les domaines de droit. Donc ça, c'est important de le préciser. Et on ne pose aucune question, pour avoir accès aux services, sur la situation financière d'une personne, par exemple. Donc, c'est vraiment pour tous, tous, tous les citoyens.

Ce qu'on fait beaucoup dans les centres, c'est de préparer les citoyens à une comparution devant un tribunal, souvent des gens qui se représentent seuls. Je ne suis certainement pas la première à vous annoncer que les chiffres à ce niveau-là sont de plus en plus alarmants. Il y a de plus en plus de gens qui le font eux-mêmes, au lieu de recourir aux services d'un avocat. Je ne débattrai pas des raisons ici cet après-midi. Et ce que ça fait, c'est qu'ils viennent dans les centres de justice de proximité pour mieux se préparer à leurs auditions. Donc, on offre ce service-là, toujours en restant dans l'information.

Et ce qu'on fait beaucoup, c'est d'expliquer c'est quoi, le système de justice, quel est le processus, de le découper en étapes. On utilise -- et là je fais un clin d'oeil à nos collègues d'Éducaloi derrière -- on utilise beaucoup le langage clair pour bien expliquer, pour que la personne comprenne. Puis, si ça prend un dessin, ça prend dessin. Alors, c'est ce qu'on fait. Et d'expliquer aussi leur rôle. Parce qu'il y a quelqu'un qui peut venir au centre, qui a déjà un avocat mais qui, pour plein de raisons, ne fait pas confiance, n'est pas sûr, veut vérifier: C'est-u correct? Et des fois, quand on leur dit... juste de dire: Bien, voici le rôle de votre avocat, voici ce qu'il devrait faire, posez des questions, vous avez le droit d'exiger telle chose, par exemple, de savoir, là, c'est quoi, mes trois options, puis pourquoi c'est celles-là qu'on a choisies... Alors, ça, on le fait aussi. On va souvent expliquer aussi les options qui sont possibles.

On a beaucoup, aussi, de... au niveau des formulaires, on donne un soutien. On a sur place un centre de documentation, là, qui varie d'ampleur selon le nombre de ressources qui sont disponibles pour les gens de notre région, des ordinateurs. C'est fou, là, tout le monde pense que... Ah! tout le monde a un ordi à la maison. Ce n'est pas vrai. Il y a plein de gens qui viennent dans les centres de justice de proximité pour carrément utiliser notre ordinateur et même notre téléphone pour prendre des rendez-vous. Il n'est pas rare aussi que, quand quelqu'un vient nous voir et qu'on pense qu'il est peut-être admissible à l'aide juridique, tout de suite on le dirige vers le téléphone: Voici le numéro de l'aide juridique de votre quartier. Appelez tout de suite, prenez un rendez-vous. Ils peuvent le faire sur place.

Ce qu'on fait aussi beaucoup, c'est, je dirais, toute la préparation. Quelqu'un vient nous voir complètement mêlé dans son dossier, il faut décortiquer tout ça, il y a des... On les écoute. Première qualité, là, on en a parlé dans les valeurs, on les écoute. Il faut décortiquer tout ça et après ça tasser un petit peu ce qui n'est pas juridique, de leur faire comprendre que... Ça, oui, je comprends ce que vous dites, mais ce n'est pas pertinent pour votre dossier. Ce que ça fait, c'est qu'à l'étape suivante, s'ils doivent effectivement aller consulter un avocat, ils ne partent pas à la même place, ils ont déjà un bout de chemin de fait. Et ce bout de chemin là, il est précieux pour le citoyen parce qu'il a eu le temps de parler, d'être écouté, de comprendre et de bien... On parle de responsabiliser le citoyen dans son dossier, là, et c'est ce qu'on fait.

Vous avez, dans nos statistiques... Donc, on est à 7 300... En fait, aujourd'hui, au moment où on vous parle, on est probablement plus à 7 500 au total pour les trois centres. Je vous rappelle que chacun a une date d'ouverture différente et qu'en ce moment on dessert essentiellement toute la province à travers nos trois centres. Parce que, la personne de Gatineau qui appelle au centre de Montréal, on ne lui dira pas: Bien, je suis désolée, on ne vous répond pas. Alors, on répond à la personne de Gatineau qui téléphone à Montréal pour avoir de l'information juridique. Elle ne se déplacera pas nécessairement, mais on va lui répondre par téléphone.

Ce qu'on fait beaucoup aussi, vous l'avez entendu dans notre mission, c'est de référer les gens vers des ressources appropriées. Quand ce n'est pas au centre de justice qu'ils trouvent la réponse finale à leur question, on va les référer vers une ressource appropriée.

Je vous toucherai... Non, en fait, je vais passer la parole à Ève Langlois, de Rimouski.

**(15 h 20)**

Mme Langlois (Ève): Bonjour. Alors, je pense que ce qui fait la richesse des centres également, c'est la collaboration qu'on a avec le milieu communautaire et la complémentarité, enfin, qu'on présente pour tous les organismes. On a beaucoup de références qui proviennent du palais de justice. Parce que les citoyens vont... ont le réflexe de se diriger vers le palais de justice, quand ils ont des interrogations, mais le personnel n'est pas nécessairement qualifié pour les entendre, donc ils vont les diriger vers le centre. On parle d'organismes gouvernementaux aussi, l'Office de la protection du consommateur, Services Québec. Donc, on a une belle complémentarité dans leurs services.

Mais je vous parle également du milieu communautaire. On va travailler beaucoup en complémentarité avec eux. Par exemple, ils vont offrir beaucoup de services qu'on n'offre pas, du service de soutien. De la médiation citoyenne, c'est une autre exemple. Par exemple, on se fait référer quelqu'un de la Sûreté du Québec dans un conflit de voisinage. Qu'est-ce qu'on va faire? Bien, d'abord, on va écouter la personne. Et souvent ce que je me rends compte, c'est que les gens ramènent beaucoup au droit. Et on va prendre le temps d'écouter la personne, et ensuite on va lui parler, on va lui expliquer c'est quoi, la médiation citoyenne, et là on va la diriger vers ce service-là.

Et on a une belle réponse du milieu communautaire. Je suis souvent invitée à donner des conférences. Ils vont nous appeler parce qu'ils ont des questions. Il y a même des bénévoles ou des intervenants des services communautaires qui vont se présenter au centre avec une personne qu'ils soutiennent. Je pense aussi... C'est arrivé des fois où des intervenants ont fait une heure de route avec la personne parce que c'était une personne qui se représentait seule devant un tribunal, donc elle avait besoin d'information sur les étapes. Je pense qu'on est vraiment complémentaires dans ce sens-là. Je pense aussi aux organismes... Il y a un organisme, à Rimouski, qui s'appelle La Débrouille, pour la violence conjugale. À ce moment-là, on va pouvoir informer les femmes qui se divorcent. Et il y a beaucoup... On est bien reçus dans le milieu, il y a une belle complémentarité, et je pense que ça, c'est vraiment quelque chose qui nous distingue.

Également, en aide juridique. On a des personnes qui proviennent de l'aide juridique. Autant, de notre côté, on va référer des personnes qui ne connaissent pas le volet contributif et autant l'aide juridique va nous référer des personnes. C'est vraiment intéressant parce que ça nous permet de référer les gens. Il existe beaucoup de ressources. Les gens ne les connaissent pas nécessairement. Et, un problème, souvent les gens vont voir le niveau juridique et des ressources. Bien, nous, on est là aussi pour leur parler de l'inventaire des ressources, oui, évidemment informer, mais pour orienter le citoyen.

Je pense qu'on est vraiment complémentaires là-dedans parce que ce n'est pas un service qui est offert. On est uniques. Il n'y a pas d'endroit, moi, que je connaisse qui va prendre le temps... qu'un juriste va prendre le temps d'écouter le citoyen et qu'il va prendre le temps de comprendre qu'est-ce qu'il a besoin et par la suite de l'informer et de le diriger. Parce que vous savez qu'il n'y a pas juste au niveau légal qu'on peut diriger, il y a tous les organismes communautaires, et nous, bien, on est vraiment en lien avec ce milieu-là, on est dedans. Donc, voilà.

Maintenant, je vais céder la parole à ma collègue, Me Villeneuve.

Mme Villeneuve (Audrey): Alors, bonjour. Oui, bien, je pense qu'on... Je ne veux pas être redondante, mais, dans le fond, je pense que les trois personnes, là, qui sont présentes ici ont quand même fait un topo des centres de justice. Je pense qu'on a vraiment une approche unique, vous l'avez vu, hein? On donne de l'information juridique gratuite dans tous les domaines de droit. Alors ça, d'emblée de jeu, là, c'est quand même quelque chose d'important. Ça va être un service qui va être vraiment confidentiel, qui va être vraiment axé sur l'écoute.

Moi des fois, quand j'essaie d'expliquer un petit peu aux gens... Parce que c'est rare, dans nos sociétés, hein, où on prend le temps maintenant d'écouter les gens, puis on en a drôlement besoin. Je ne sais pas, moi, si je me sépare demain matin... Puis on peut le voir, nous, sur le terrain, dans nos centres, les femmes qui, mettons -- les femmes, ça peut être les hommes aussi -- qui viennent, bon, qui pensent à une instance de séparation. Ils ne savent pas du tout par où commencer. Ils vivent des émotions, ils sont chargés émotionnellement, donc là ils viennent à nos centres. Bien, d'une part, oui, on va prendre le temps d'écouter, écouter leurs peurs, c'est quoi, leurs inquiétudes par rapport à ça. Ensuite de ça, dans un second temps, une fois que, là, ils ont pu livrer leur message, ils sont un petit peu plus calmes, on va prendre la peine de les informer, de donner de l'information juridique et ensuite de les orienter: Bon, bien, oui, vous pouvez aller au projet pilote. Si vous avez des enfants, vous pouvez aller assister à la séance d'information sur la médiation. On va tout donner les orientations possibles et on va travailler, comme on l'a dit, avec les intervenants communautaires, tout ce qui existe, là, dans la communauté juridique.

Alors, c'est vraiment une approche, pour ma part, que je trouve qui est unique parce qu'on va prendre quand même le temps d'écouter les personnes qui vivent, là, des problèmes. Parce que, si, mettons -- moi, ça me paraît tellement évident -- si j'ai un problème, mettons, je ne sais pas, moi, j'ai un problème de santé, je suis fatiguée, j'ai mal à un genou, peu importe, je m'en vais directement chez mon médecin. Juste le fait qu'elle va prendre la peine de m'écouter, de prendre le temps de m'écouter, puis que je lui dise c'est quoi que je vis, tout ça, mes émotions, puis, bon, ça me fait mal là, ou je suis fatiguée, ça ne va pas bien, tout ça, bon là, là, bon là, elle ma écoutée. Dans un second temps, elle peut me référer: Bon, bien, tu vas aller voir un orthopédiste, peu importe, je vais te faire... Il va y avoir de l'information ou de l'orientation. Bien, en tout cas, moi, pour ma part, quand je sors du bureau, là, je fais: Ah! je ne suis pas guérie, mais je me sens un peu mieux, là.

Bien, moi, sur le terrain, c'est ça que je remarque. Quand les gens viennent nous voir, après, des fois, c'est juste de les écouter, mais ils se sont calmés eux-mêmes en livrant, là, leurs inquiétudes. Ça les a apaisés un peu. Puis là, en plus, si on les informe... Puis ce qui est agréable, c'est qu'on travaille beaucoup avec, aussi, toute l'information juridique qui est disponible.

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, Me Villeneuve, ça fait déjà deux minutes que votre temps est écoulé.

Mme Villeneuve (Audrey): Oui, je suis enflammée, hein? Je m'excuse.

La Présidente (Mme Vallée): Je sais que vous êtes passionnée...

Mme Villeneuve (Audrey): C'est beau.

La Présidente (Mme Vallée): ...alors je vais laisser la parole à M. le ministre pour permettre d'échanger davantage avec vous. Par la suite, ce sera Mme la députée de Joliette.

M. Fournier: Merci beaucoup. Eh bien, merci à vous d'être avec nous ou d'être à nouveau avec nous, pour celles qui y viennent pour la deuxième fois. Oui, pour l'enthousiasme, j'avais déjà constaté, lorsque j'étais allé vous rencontrer au centre, puis avec une belle équipe que vous aviez. Et, Mme la Présidente, j'inviterais presque cette commission, dans des moments qu'elle aurait de libres, d'aller faire un tour dans les centres pour voir l'enthousiasme qui est là et constater... Dans le fond, c'est plus facile quand on est là, là, de le sentir que lorsqu'on est en commission ici, de voir... même si on peut le raisonner, là, mais de voir l'utilité...

Je fais un petit arrêt sur image sur ce que vous avez dit, comment les gens, juste en pouvant parler, déjà, ça aide, l'écoute. Je crois qu'il y a une des missions qui vise à démystifier, dans le fond, le monde de la justice, qui n'est pas nécessairement que le monde de la justice des tribunaux. Simplement, quelle est, dans ma situation, quelle est ma position? Est-ce normal de vivre cette situation-là? Déjà, juste d'avoir un échange permet de baisser les craintes, de baisser les inquiétudes puis déjà, à ce moment-là, peut-être de pouvoir faire... amener la personne à envisager qu'elle peut participer à la solution. C'est sûr que, si elle constate que la montagne est impossible de gravir, elle ne va même pas commencer à mettre le premier pas. Mais, si la personne constate que c'est gérable, comme situation, que ce n'est pas nouveau, que c'est déjà arrivé, il y a peut-être plus de chances qu'elle participe elle-même à la solution.

Je crois qu'on peut aussi dire que, même si ce sont là des projets pilotes naissants, on peut facilement comprendre que ces centres ont la vocation de carrefours de ressources, pas parce que les gens arrivent là en premier -- je vais y arriver tantôt sur justement la notoriété, la clientèle -- mais par la fonction de référence qui force obligatoirement de mettre en lien d'autres organisations, de connaître, de mieux utiliser les ressources qui existent déjà, donc d'optimiser les services qui existent déjà sur le terrain. J'imagine que vous devez répondre déjà à trois, quatre paragraphes du projet de loi.

Parlez-moi un petit peu... Parce que je veux en profiter, puis peut-être qu'on aura le temps de parler du projet de loi, qui sait, parce que c'est un peu pour ça qu'on est là, mais la clientèle que vous avez jusqu'ici -- puis je serais curieux de savoir si vous avez fait des comparaisons entre un milieu comme Rimouski, Québec et Montréal -- la clientèle qui vient vous voir, j'imagine que vous allez me dire: De tout genre. Je vais vous dire: Mais encore? Qui sont ceux qui utilisent le plus souvent...

Ma deuxième question, je peux vous la télégraphier tout de suite. Bon, si je demandais aux gens sur ma rue où je reste puis les gens sur ma rue à mon bureau de comté: Êtes-vous au courant qu'il y a une nouvelle bibitte qui s'appelle les centres de justice de proximité?, à 99 %, ils vont me dire: De quoi tu parles? Je crois. Je peux me tromper. Alors, l'autre étape, l'autre question que je veux vous poser, c'est: Qu'en est-il de la visibilité, de la notoriété? Comment arrivez-vous à vous faire connaître pour qu'il y ait des gens qui aillent vous voir? Déjà qu'il y a des gens qui sont allés vous voir. Comment ils sont arrivés chez vous? Qu'est-ce qui est arrivé pour ça? Alors, deux questions: clientèle, et comment les gens sont chez vous, et quel moyen devra-t-on prendre pour qu'il y en ait encore plus qui aillent chez vous?

Mme Moreau (Michèle): On a combien de minutes, là, pour répondre à cette question-là, Mme la Présidente?

M. Fournier: Vous avez au moins le reste de ma portion.

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste six minutes.

Mme Moreau (Michèle): O.K. Peut-être qu'on peut chacune parler de notre réalité. Ève, oui.

Mme Langlois (Ève): À Rimouski, c'est certain que le contexte est différent. C'est une population qui est plus petite. Les contacts se font facilement. À Rimouski, je vous dirais qu'on est assez bien connus de la population. Je fais des chroniques à la télévision. J'ai fait des chroniques également dans les journaux. J'ai fait le tour des organismes communautaires. On fait des publicités dans les journaux. Mais il y a aussi beaucoup de ministères, donc on va... j'ai rencontré des ministères, et ça fait que... Et il y a beaucoup de bouche à oreille. Mais je vous dirais que pour la région de Rimouski c'est assez bien connu. On a des appels également, là, de la Gaspésie, de la Côte-Nord, qui ont entendu parler du centre par le biais, bon, d'organismes gouvernementaux aussi ou de milieux communautaires, parce que ça se discute, évidemment. Et, au niveau de la clientèle, bien je vous dirais que c'est des hommes, des femmes -- c'est étonnant, mais c'est moitié-moitié -- et c'est de la classe moyenne, entre 20 000 $ et 40 000 $, qui vont le plus souvent nous consulter.

**(15 h 30)**

Mme Villeneuve (Audrey): Du côté de Québec, on a mis beaucoup d'efforts sur la publicité parce que c'est notre gros défi, là, dans la région de Québec, là, effectivement. Bon, je suis allée à Vox. J'ai fait la radio communautaire. On a fait une campagne de publicité dans les journaux, radio aussi. Actuellement, on est en campagne de publicité dans les autobus. On a fait Zoom Media. Alors, on avait un plan de communication. Mais effectivement c'est le gros défi de Québec, là, de se faire connaître. Sauf qu'actuellement, les centres, on a un comité, si on veut, là, des trois centres regroupés pour travailler sur le comité des communications, pour développer des outils, uniformiser ça et trouver des stratégies aussi de communication. Donc, on travaille là-dessus. Et d'ailleurs on a un représentant des quatre partenaires financiers qui nous aide, là, dans ce travail-là, actuellement. Et, au niveau de l'achalandage, je vous dirais, à Québec comme à Rimouski, c'est peut-être 45 %-55 %, 45 % hommes, 55 % femmes, là, en tout cas dans ces proportions-là. Et, au niveau des revenus, je vous dirais que dans les débuts on était beaucoup des gens qui avaient moins de 20 000 $, là, qui étaient notre plus gros achalandage, peut-être 30 %. Mais plus on est connus, plus on va chercher, là, majoritairement des gens, là, entre 40 000 $ à 60 000 $. Parce que, vous savez, on détient des statistiques de chaque personne, là, qui proviennent au centre... qui viennent faire des demandes au centre. Alors, ça tend à changer tranquillement, là, mais au départ ça a été davantage des gens qui avaient des faibles revenus, là, qui venaient, mais plus on est connus... c'est en train de changer un petit peu, là, le visage de la clientèle.

Mme Moreau (Michèle): À Montréal -- démarrons avec la clientèle -- on a une réalité qui est celle des personnes des communautés culturelles. Alors, on a environ une personne sur cinq qui provient d'une communauté culturelle. Et ça, c'est ceux qui se déclarent être issus d'une minorité, là, parce qu'il y a toute une autre tranche de gens qui nous répond non à cette question-là. Donc, c'est une réalité qui est différente, bien sûr, qu'à Québec et Rimouski. On a aussi beaucoup à Montréal, et je sais que ça existe aussi à Rimouski et à Québec, mais des gens avec des problèmes de santé mentale. On a nos habitués, là, qui viennent régulièrement.

Quant à la classe, c'est essentiellement... 75 % des gens qui viennent nous voir font moins de 40 000 $ par année mais bizarrement ont une scolarité élevée. Alors, c'est comme vraiment un décalage entre les revenus, qui sont entre zéro et 40 000 $... mais, au niveau de la scolarité, on est majoritairement... Écoutez, on a presque 40 % des gens qui détiennent un diplôme universitaire qui viennent nous voir. Alors, il y a un décalage. Ce n'est pas unique. Je peux vous dire que, dans un organisme comme l'OPC, par exemple, ils ont aussi un peu le même profil. Donc, ça, c'est au niveau de la clientèle.

Vous aurez compris qu'avec plus de 3 000 personnes servies en sept ou huit mois le Centre de justice de proximité du Grand Montréal ne fait aucune publicité, si ce n'est que le jour de l'inauguration. Mais il faut croire, M. le ministre, que ça a été frappant parce qu'il y a des gens qui continuent à nous dire qu'ils en ont entendu parler dans le journal ou qu'ils nous on vus à la télé. Alors, voilà. Puis on a eu une campagne après l'inauguration qui a eu lieu cette journée-là, qui a été très publicisée à Montréal. On a eu une journée vraiment d'entrevues, tout ça. Et honnêtement on n'a rien fait depuis ce temps-là, compte tenu de l'achalandage auquel il fallait répondre. Donc, on est rendus là, mais ça s'en vient, là, on est en train de trouver des moyens d'avoir des ressources additionnelles.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci à vous trois, à vous quatre, donc directrices et présidente, délégation entièrement féminine. Je ne sais pas s'il y a quelque chose...

Une voix: ...la réalité des centres de justice...

Mme Hivon: Oui, c'est ce que je croyais. Je ne sais pas si... Bien, je vous remercie d'être là. C'est très intéressant. Ça permet aussi de faire le point sur vos activités. C'est un peu là-dessus que je voudrais commencer. L'apport des bénévoles à vos activités, à quel point ils sont présents, essentiels, ils représentent... Qu'est-ce qu'ils représentent dans votre vie de tous les jours?

Mme Gosselin (Chantal): Bien, je pourrais peut-être intervenir à ce niveau-là. C'est excessivement important, l'implication des bénévoles. Au départ, on travaille en équipe avec des étudiants de l'Université Laval -- là, je parle pour le centre de Québec -- qui font partie... qui offrent des services au niveau du Bureau d'information juridique sur le site universitaire mais qui viennent également se joindre à l'équipe du centre pour continuer les services d'information. Ça, c'est un premier élément. On a eu plusieurs étudiantes de l'Université Laval qui ont participé également à aider les deux employés du centre à fournir de l'information et à préparer de la documentation à livrer aux gens qui nous rencontrent. On a une stagiaire, oui, encore une fois, une stagiaire en droit qui est présente au centre pour travailler également. Celle-ci n'est pas bénévole, mais c'est dans un objectif de formation, également, de cette personne-là. Et, je pourrais vous dire, il y a les membres du conseil d'administration, et là on a une présence masculine au sein de notre conseil, où effectivement ce sont des gens qui s'impliquent à beaucoup de niveaux pour faire en sorte que le centre puisse fonctionner et continuer à offrir des services de qualité, là, aux citoyens qui se rendent au centre.

Mme Hivon: L'information juridique, est-ce qu'elle est donnée surtout par les bénévoles, c'est-à-dire qui assurent, bon, la garde, le lien, ou tout ça, ou par les permanents?

Mme Villeneuve (Audrey): Je peux répondre. Par les permanents, oui. Souvent, l'aide des bénévoles, ça va être de répondre au téléphone pour à tout le moins pouvoir répondre au téléphone, qu'il y ait un accusé de réception, là. Souvent, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont prendre l'information. Ou ça va être d'accueillir le citoyen qui va venir sur place, mais ils sont toujours supervisés, là, par moi, en fait, qui est au centre, ou ma responsable du service à la clientèle, Joanie Gallant.

Mme Moreau (Michèle): Peut-être quelques mots sur Montréal, qui a la chance d'avoir trois facultés de droit autour. Donc, on a, au centre de Montréal, trois étudiantes pro bono qui viennent une demi-journée par semaine à toutes les semaines depuis septembre et on a en plus un étudiante qui est en court stage chez nous, court stage en milieu communautaire, qui fait ça chez nous. On a aussi une stagiaire, maintenant, du Barreau du Québec depuis trois semaines, qui n'est pas bénévole, mais on comprend, là, que c'est une ressource un peu différente des deux avocates coordonnatrices. Et on a, croyez-le ou non, toutes sortes de gens qui nous ont dit: Je veux donner du temps au centre de justice.

Je vais vous donner un exemple d'une bénévole. Elle est préposée à la cour municipale de Montréal. Elle trouve que dans le cadre de son travail elle n'aide pas assez le citoyen. Elle veut nous aider au centre de justice, alors elle va nous aider à rédiger une trousse d'information sur le processus à la cour municipale de Montréal.

Donc, on a des trucs un peu disparates comme ça, aussi, plus ponctuels, qui nous aident à compléter nos outils de travail. Et chez nous aussi ce sont essentiellement les avocates coordonnatrices qui donnent le service, mais on a des étudiantes qui sont tellement, tellement talentueuses qu'elles ont commencé à faire des entrevues avec la clientèle, supervisées bien sûr, et on a commencé ça, là, il y a quelques semaines maintenant. Donc, elles ne donnent pas le service toutes seules au complet, mais il y a une forme de pédagogie là-dedans. On pense qu'on a l'obligation aussi de donner de l'éducation, là, à...

Mme Hivon: O.K. Est-ce que vous avez le sentiment que vous suffisez pour répondre à la demande? Est-ce que c'est excessivement difficile? Comment ça s'articule? Vous refusez des gens? Il y a des gens que vous dites: Bien là, aujourd'hui... Je ne sais pas, vous recevez un appel: Ce n'est pas possible, on ne peut pas répondre à... Comment ça se concrétise, je dirais, le manque, peut-être, de ressources? Ou comment vous faites pour répondre aux besoins qui vous sont manifestés?

Mme Moreau (Michèle): Ce que je peux vous dire, c'est qu'à Montréal -- je vous parlais d'un achalandage important, là, les chiffres le démontrent -- ça a été toujours continu. On ne refuse pas personne qui se présente en personne. On réussit à leur répondre. Puis, si ça veut dire que le centre ferme à 5 heures mais qu'on répond jusqu'à 5 h 30, bien c'est ça. Par téléphone, il y a eu un moment... puis là je ne sais pas si je devrais dire ça à la télé, mais il y a eu un moment où on a été obligées de dire, dans le message téléphonique, que malheureusement on ne serait pas en mesure de retourner le message téléphonique avant plusieurs jours, voire... On s'est rendues jusqu'à une semaine de retard, à un moment donné, avant Noël, là. On a repris ce retard-là, je vous rassure, avec la stagiaire, entre autres, puis nos étudiantes, qui sont revenues. Parce qu'à la période d'examens elles n'étaient pas là. Alors, on a repris ce retard-là.

Mais effectivement ce que ça a fait, je pense, jusqu'à maintenant, c'est que dans les centres on a, par exemple... on veut donner des séances d'information de groupe sur des sujets qui préoccupent plusieurs personnes. On n'a pas eu le temps encore de commencer. Peut-être Rimouski un peu, là -- je vais céder la parole à Ève après -- mais à Montréal on n'a même pas encore eu le temps de commencer à réfléchir à ça. Alors, ce que ça a fait, c'est que c'est plutôt des services additionnels qu'on a mis de côté pour faire juste le service de première ligne qui rentre, là, continuellement.

Mme Hivon: Puis, juste pour clarifier, le service de première ligne comme vous l'entendez, c'est essentiellement l'information juridique puis aider à la préparation... C'est les deux grands pans...

Mme Moreau (Michèle): Aider à la préparation des gens qui ne sont pas représentés...

Mme Hivon: Oui, c'est ça. L'information juridique.

Mme Moreau (Michèle): ...information juridique, référer...

Mme Hivon: Référence.

Mme Moreau (Michèle): ...aux bonnes ressources, des fois fournir un peu plus d'information, le bon dépliant, le bon formulaire, ou... Oui.

**(15 h 40)**

Mme Langlois (Ève): À Rimouski, il n'y a pas de faculté de droit, donc on n'a pas la chance d'avoir des bénévoles qui donnent de l'information ou en tout cas qui font les recherches. Par contre, on est en train de développer un projet en partenariat avec Éducaloi pour préparer des ateliers afin d'informer le public sur différents sujets et on a pensé à des bénévoles. Donc, c'est en cours actuellement, mais on n'a pas encore fait notre premier atelier.

Mme Hivon: Puis, par exemple, l'idée que des avocats donnent des heures de garde, ou tout ça, est-ce que c'est quelque chose qui est envisagé, a été, le sera, n'est pas une bonne idée?

Mme Moreau (Michèle): On est en projet pilote, alors c'est sûr qu'on a le cadre général que l'on a. Nos centres sont là... puis vous me corrigez, là, mesdames, si je... mais le cadre, tel qu'on le comprend, c'est qu'on est là pour donner de l'information juridique. Est-ce qu'on devra un jour regarder la possibilité qu'un avocat dise: Moi, le mardi matin, je vais faire trois consultations en droit de la famille que le centre m'a cédulées directement sur place, au centre, puis je me fais payer comme le service de référence? Peut-être.

Mme Gosselin (Chantal): Et, je vous dirais, concrètement, pratiquement, le centre -- je vais parler de celui de Québec -- a un espace très restreint. On est à une incapacité d'accueillir d'autres bénévoles. Il faut déjà gérer l'horaire pour être... coordonner tout le monde pour que les gens se relaient plutôt qu'être présents tous en même temps.

Mme Villeneuve (Audrey): Et, juste pour conclure là-dessus, nous, à Québec, ce qu'on a fait, par exemple, c'est quand... Tout à l'heure vous avez dit: Est-ce que vous suffisez à la demande, et tout ça? Comme on l'a dit tout à l'heure, on couvre tous les domaines de droit. Alors, nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est trouvé un réseau, en fait, d'avocats bénévoles avec qui on correspond mais par courriel. Des fois, c'est de l'information mais plus au niveau pratico-pratique, ou qu'on ne trouve pas, ou... Alors, c'est toujours... ce n'est jamais le citoyen qui va entrer en contact avec ces bénévoles-là, c'est toujours nous, le personnel du centre. Et on communique avec eux, et ils nous envoient l'information, puis après ça on peut la fournir au citoyen. Donc, on a commencé à développer ce réseau-là de cette façon-là pour être en mesure de donner une prestation de services un peu plus complète, pour être sûres de bien couvrir tous les domaines de droit, là, parce que c'est très vaste.

Mme Hivon: O.K. Puis vous disiez tout à l'heure qu'évidemment, si une demande vient d'une autre région, vous ne la refuserez pas. C'est le cas pour les trois régions. Et, à la lumière de votre expérience, quand on pense au déploiement éventuel, si on devait passer du projet pilote à quelque chose de plus formel, vous voyez le déploiement à partir de combien, idéalement, de pôles? Je ne sais pas si... J'imagine... Est-ce que c'est quelque chose... Je ne veux pas vous mettre dans...

Une voix: ...

Mme Hivon: Oui, c'est ça. Donc, ce qui serait optimal, ou ce qui peut se faire à distance, ou le conseil qui peut se donner aussi, l'information, je veux dire, par téléphone ou...

Mme Moreau (Michèle): En fait, pour être réaliste et, je dirais, logique avec ce qui existe déjà comme ressources sur le terrain, quand on en parle, c'est souvent de dire: 15 centres à travers le Québec, dans les 15 régions administratives, si on veut. Il y en a déjà trois, alors il en restera 12 à ouvrir après le 31 mars 2013, là, quand on sera à la fin du projet pilote. C'est sûr qu'il y a des régions où le territoire est plus grand à occuper, mais je pense qu'il y a des solutions. Je sais que c'est... Je ne veux pas trop m'avancer parce qu'on a une réunion du comité national des centres -- je regarde Me Madore, là -- qui aura lieu à la fin du mois de mars, et c'est le sujet principal de cette rencontre-là de commencer à discuter de l'après-projet pilote. Mais c'est un modèle qu'on pourrait considérer, une quinzaine de centres.

Mme Gosselin (Chantal): Et j'ajouterais: Dans la mission des centres, l'accueil est important, alors ce n'est pas uniquement le téléphone qui, selon nous, répond au besoin d'un citoyen d'être écouté, rassuré par le message qu'il communique, les questions qu'il peut avoir et la réponse qu'il peut recevoir en personne. C'est un élément qui est important également, pour nous.

Mme Moreau (Michèle): Peut-être une dernière petite information sur une question que vous aviez posée: À Montréal, il y a une demande sur trois qui provient de l'extérieur de l'île de Montréal en ce moment.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Peut-être une précision pour le bénéfice de la commission quand on pense à l'après: D'abord, il y a déjà une implication, c'est vrai, du ministère. Je pense que, comme ministre, je ne me suis pas caché des orientations que je souhaitais donner à ces centres et de la volonté qu'ils soient étendus. Maintenant, il faut bien le faire. Vous-mêmes, vous vivez une expérience. C'est un projet pilote. D'ailleurs, soit dit en passant, une idée du fonds, c'est de pouvoir développer des projets pilotes pour mettre à l'essai, voir si ça fonctionne. J'imagine, si on est très chanceux puis qu'on a beaucoup de succès, que ça va créer des problèmes de financement à la longue pour des bonnes idées qu'on veut conserver, mais j'ai toujours pour mon dire qu'on est aussi bien d'accumuler des problèmes qui sont bons pour la population devant nous, quitte à les solutionner quand ils arriveront, plutôt que de ne rien faire du tout et de rester avec la situation que l'on connaît présentement.

Mais, je ne m'en suis pas caché par contre, c'est important d'ajouter que l'Université de Sherbrooke a un mandat d'évaluation des expériences pour essayer de nous aider à trouver dans la formule, dans la couverture les meilleures façons de le généraliser. Alors, évidemment, si on fait ça, c'est parce qu'on a vraiment l'intention de pousser plus loin l'expérience. Si on fait un fonds puis qu'on a déjà indiqué... C'est d'ailleurs pour ça que j'insiste à chaque fois... Puis je n'en veux pas aux gens qui sont venus nous voir puis qui nous ont dit: Tu sais, un fonds, ce n'est pas pour vous autres, ce n'est pas pour le ministère, un fonds. Bien, le ministère, c'est un acteur de la justice. Il a le droit d'avoir des idées. Puis il ne le fait pas tout seul, il le fait en partenariat. Alors, non, il y a des idées, comme celle-là, qui doivent être soutenues. Alors, il y a sans gêne, quant à moi, qu'on peut imaginer que le fonds sert à des services comme ceux-là. D'ailleurs, je ne m'en cache pas, lorsque je suis arrivé dans mes fonctions, je pense que vous étiez là, si je me souviens bien, il y avait le bâtonnier Ouimet qui était là, à ce moment-là, et qui parlait des centres de justice -- on était à la veille d'annoncer celui de Montréal -- et puis, dans le fond, qui déposait sur mon bureau la problématique: C'est très bon, trouvez de l'argent. Et on est là aujourd'hui pour trouver de l'argent.

Alors, peut-être que ça m'amène à la question que je pourrais vous poser. Jusqu'ici on a parlé beaucoup de vous dans le cadre de l'étude d'un projet de loi. Que pensez-vous du projet de loi? Est-ce qu'il répond à vos attentes? Est-ce qu'il doit être corrigé? Est-ce que... Quelles sont vos impressions sur le projet de loi?

Mme Gosselin (Chantal): Alors, je vais me lancer. Comme on vous disait au départ, on salue l'existence d'un tel fonds. Il y a des besoins criants. On peut parler des besoins des centres de justice de proximité de Québec, mais il y a d'autres organismes qui ont à coeur l'accès à la justice. Si on parle de l'exemple de nos centres, on n'est pas capables d'être autosuffisants pour un service gratuit qu'on offre à la population. On a eu la chance d'avoir plusieurs partenaires financiers qui ont accepté d'aider à l'expérimentation d'un tel projet mais qui nous ont à l'avance dénoncé le fait qu'ils ne pourraient pas financièrement continuer à contribuer de cette façon-là. Les centres travaillent pour essayer de trouver plusieurs sources de financement. On est en attente d'une réponse de la Fondation du droit de l'Ontario, où il y a des sommes qu'ils sont peut-être capables de distribuer, et on espère en faire partie. On espère une réponse, je crois, le 23 février prochain. Mais au-delà de ça c'est sûr qu'on a besoin d'aide. Et, sans une aide d'un tel fonds d'accès à la justice, les centres ne pourront pas vivre à très long terme, malgré un très, très grand besoin, qu'on constate, de la population d'avoir besoin d'être informée et d'être informée à beaucoup de niveaux.

Vous avez parlé ce matin de prévention. Déjà, il y a des gens qui s'informent auprès de nous sur des choses qu'ils entrevoient. Alors, on est capables d'aider au niveau de la prévention, on est capables de donner des informations sur les différents modes de règlement de conflit. Donc, avant qu'un procès soit entrepris, on peut présenter aux gens les différentes options qui s'offrent à eux. Qu'on parle de médiation, de médiation citoyenne, qu'on parle de conciliation, de négociation, etc., ou de recours judiciaires, tout ça, le citoyen doit être capable de recevoir l'information pour ce qui le concerne. Mais, une fois qu'il a reçu l'information, on pense qu'à quelque part on a un excellent système de justice -- et là je le définis au sens très, très large, pas uniquement des tribunaux, tribunaux administratifs, et tout ça -- et c'est important que le citoyen puisse avoir confiance à ce qui existe. Et actuellement on n'a pas la conviction que les gens perçoivent notre grand système de justice comme étant un système fonctionnel, et intéressant, et très précieux par rapport à d'autres endroits dans le monde qui n'ont pas cette chance-là d'avoir des services aussi intéressants. Donc, on a besoin d'aide.

M. Fournier: Je ferais presque une relance à la question que je vous posais. Jusqu'ici, il y a eu... Je pense que, sur la rentrée de fonds, à part quelques suggestions qu'il y en ait plus, personne n'a suggéré qu'il y en ait moins. Alors, ça, c'est une chose.

Une voix: ...

M. Fournier: Non, non, mais ils auraient pu, hein, ils auraient pu. Je veux juste vous dire: Moi, je me suis posé la question.

Mme Gosselin (Chantal): Pas de notre part. Pas de notre part.

**(15 h 50)**

M. Fournier: Non, pas de votre part, ça, je comprends ça. Sur les objectifs visés par le fonds, quelques questionnements sur le caractère large de la chose, qui se répondent par des orientations qui pourront suivre, qui pourront canaliser le tout. Mais en même temps, sur l'affirmation que l'initiative du projet de loi ne cherche pas à être trop précise, le bâtonnier a, me semble-t-il... avait les propos les plus justes pour dire la chose ce matin. Quoi qu'il en soit, c'est un des thèmes qui a été abordé.

L'autre thème qui est abordé de façon plus importante, j'appellerais ça la sortie de fonds. La sortie de fonds, y a-t-il un comité aviseur? Où sont les orientations? La reddition de comptes, la transparence... À ces questions, dont celle qui peut-être vous concerne le plus, celle du comité aviseur, c'est-à-dire, on a une certaine... Quelqu'un a dit ça, là, sur le caractère... Je pense que c'était le Regroupement des organismes, là. On a une certaine tradition d'avoir des tables de justice avec Barreau, notaires, juges. C'est vous qui avez dit ça?

Une voix: ...

M. Fournier: Alors... Voulez-vous bien vous marquer? Alors, s'il devait y avoir quelque chose comme un comité aviseur dans ce genre de fonds-là, on peut partir d'une formule que j'appellerais traditionnelle, alors notaires, avocats et juges. Franchement, je pense qu'on doit aller vers plus large que ça, plus éclaté que ça. En même temps, voyant la panoplie, on ne pas faire non plus une assemblée générale de 150 personnes. Alors, avez-vous des commentaires sur la chose?

Mme Gosselin (Chantal): Bien, mon premier réflexe, ce serait de dire qu'on peut s'inspirer du comité national des centres de justice. Il n'y a pas de juge, toutefois, mais il y a, oui, la Chambre des notaires, il y a des représentants de la Chambre des notaires, des représentants du Barreau du Québec, il y a des représentants de ROJAQ, Éducaloi. J'ose...

Mme Moreau (Michèle): ...

Mme Gosselin (Chantal): Il y a un représentant...

Mme Moreau (Michèle): ...la liste dans notre document.

Mme Gosselin (Chantal): C'est ça, la liste est dans le document, c'est vrai, effectivement, à la page 2 du document. Alors, il y a différents organismes qui sont intéressés à la justice. Évidemment, je pense que ça serait important d'avoir des partenaires qui démontrent un intérêt à la justice, un intérêt à l'accès à la justice, et je pense qu'il y a place également à représentants du public. Si on regarde la composition des conseils d'administration de chacun des centres, il y a représentant du public dans chacun des centres, il y a représentant obligatoire de gens de milieux communautaires, également, qui est obligatoire, et il y a d'autres partenaires, représentants des partenaires financiers, mais d'autres partenaires, qui ne sont pas nécessairement définis, ou ce sont des gens intéressés à ce que faisaient les centres, qui participent.

Alors, je vous dirais, on est capables, à mon avis, de trouver plusieurs participants qui pourraient faire partie d'un tel comité, qui auront toujours un intérêt personnel, peut-être, à y faire partie, mais, comme je le mentionnais ce matin, il y a une façon de se donner des règles de transparence et d'éthique pour s'assurer que les recommandations qui seraient faites par ce comité-là se feraient de façon très démocratique. Et évidemment c'est le ministre de la Justice qui aurait à trancher ultimement les différentes recommandations qui seraient faites. Et je pense qu'on est capables de travailler en consensus pour faire différentes propositions.

Et je pense que ce qui devrait guider le comité, c'est qu'est-ce qui permet de rejoindre le plus de gens qui ont besoin d'être... enfin de répondre à chacun des objectifs du projet de loi, donc d'être informés de ce qui peut exister en matière de justice pour faire des choix et prendre des décisions éclairées, sans baisser les bras, en voulant faire valoir une de leurs positions. Et c'est le plus grand déni de justice, à mon avis, que des gens préfèrent abandonner avant même de savoir et avant même de faire valoir leurs points de vue. S'ils baissent les bras avant même de tenter d'expliquer leurs points de vue, à mon avis, c'est un grand échec en termes de démocratie.

M. Fournier: Mme la Présidente, je terminerais simplement en remerciant les personnes qui sont devant nous, qui sont en train de vivre une expérience qui, me semble-t-il, est très porteuse pour l'avenir. Je veux vous remercier du temps que vous y mettez, remercier les gens qui travaillent avec vous, je le sais pour ceux que j'ai vus, qui m'ont bien impressionné. Et juste le sentiment que j'avais, lorsque je suis allé à Québec, était de me dire qu'effectivement une personne qui peut connaître un problème, qui ouvrait la porte -- le local est petit -- qui ouvrait la porte devait assez rapidement déjà trouver une certaine forme de quiétude, ce qui démontre que le droit, et la justice, est bien plus large que la façon traditionnelle de le voir. C'est d'abord et avant tout une question de relations humaines, une question sociale, et vous le faites très, très bien. Alors, bonne chance, et on va évidemment suivre la suite des événements vous concernant. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup. Donc, oui, pour être peut-être plus dans le projet de loi... Parce qu'on le sait, le ministre l'a dit clairement, un des objectifs premiers, si ce n'est pas le premier, de la création du fonds, c'est d'assurer la pérennité du fonctionnement des centres de justice de proximité. En ce moment, je comprends, là, en voyant les chiffres... Donc, il y a à peu près... au total, il y a 500 000 $ de fonds pour les trois centres, donc, on imagine, autour de 160 000 $, 170 000 $ par centre. À combien vous évaluez vos besoins pour fonctionner, pour répondre à la demande?

Mme Moreau (Michèle): Apparemment, c'est moi qui vais commencer. À Montréal, bien honnêtement, si je me fie aux services offerts dans d'autres grandes villes canadiennes qui sont de même nature -- et là vous allez avoir un choc, je vous le dis tout de suite -- ils ont des budgets entre 500 000 $ et 800 000 $ par année. Je ne parle pas d'une clinique à Vegas, où ils servent 35 000 personnes par année, là, ils sont 40 pour répondre à la demande, mais une clinique avec sept, huit employés. Ce n'est pas rare en Colombie-Britannique, en Ontario et même au Manitoba. Alors, ça peut...

Écoutez, on fait avec ce qu'on a, mais c'est sûr que c'est un projet... Parce qu'on peut penser, par exemple, que, dans une ville comme Montréal, ça prend plus qu'un point de service, parce que ce n'est pas vrai que la personne qui habite dans Hochelaga-Maisonneuve va nécessairement se déplacer dans le Vieux-Montréal, près du palais de justice, pour venir chercher de l'information. On essaie justement d'être en amont du palais de justice, du tribunal, et là on envoie un message... C'est sûr que... Bon, il fallait faire un choix, là, pour le projet pilote. On l'a fait. Mais c'est sûr qu'éventuellement Montréal, idéalement, aurait au moins un autre point de service qui serait, j'ai le goût de dire, plus sur le terrain, là, plus proche de la population qui a le plus besoin de nos services. Je parle d'Hochelaga, là, mais c'est-u Côte-des-Neiges, c'est-u Ahuntsic? On verra. Tout dépendra...

M. Fournier: Saint-Laurent...

Mme Moreau (Michèle): Saint-Laurent, si vous voulez, il n'y a pas de problème. Il y a beaucoup de gens de classe moyenne à ville Saint-Laurent, effectivement, mais c'est sûr... Puis à Montréal aussi ça va dépendre de comment les centres vont se déployer autour de... dans la ceinture, là. Je pense à Laurentides-Lanaudière, où il y a effectivement des besoins énormes, et là on est vraiment dans le bassin de la classe moyenne. Mais là est-ce que le centre va être à Saint-Jérôme, à Repentigny, à Joliette? Tout ça, c'est des bonnes questions. On en reparlera certainement. Mais vous voyez déjà, là, la... Et ça, ça va avoir un impact sur où pourraient être l'autre centre de services, par exemple, à Montréal. Donc...

Mme Hivon: Alors, en fait, selon ce qu'on vous donne, vous faites avec, mais optimalement, si vous vous fiez aux expériences...

Mme Moreau (Michèle): On parle de 500 000 $.

Mme Hivon: On parle de 500 000 $. En fait, c'est ça...

Une voix: À Montréal.

Mme Hivon: À Montréal. Les régions, est-ce que ça ressemble à ça?

Mme Langlois (Ève): Bon, évidemment, nos besoins sont peut-être moindres, mais, comme vous disiez, on y va en fonction de ce qu'on a. Ça va dépendre. Le territoire est très large à couvrir. Comment on va desservir le territoire pour être plus près des personnes? En même temps, ça dépend aussi du personnel puis du développement des services qu'on va offrir. Bon, si on parle de formation, si on parle d'avoir plus de personnes qui viennent consulter le centre, tout ça, évidemment, il faut ajuster le budget en conséquence.

Mme Villeneuve (Audrey): Au niveau de Québec, c'est sûr que... Vous parliez tout à l'heure d'un fonctionnement de 170 000 $. C'est à peu près avec ça qu'on fonctionne. Donc, oui, on fait des pieds et des mains pour arriver, là, on s'organise en conséquence, mais, dans le fond, ça amène beaucoup de créativité, là, pour trouver des mesures pour être de plus en plus efficaces. Mais on est en mode survie, évidemment, avec un tel budget, là, ça, on ne vous le cachera pas, là.

Mme Hivon: Je comprends que vous vivez avec ça parce que vous avez l'étiquette de projet pilote, mais, si vous deviez devenir quelque chose de permanent ou de bien encadré, vous vous diriez: Il faut passer à une autre étape.

J'aimerais savoir -- c'est ça, on a parlé plus de vous, moins du projet de loi -- si vous avez réfléchi à quoi idéalement ça devrait servir, à comment on devrait un peu déterminer l'attribution des fonds. Est-ce qu'il devrait y avoir, par exemple... On l'a abordé un petit peu hier, là, avec Pro Bono, on l'a abordé un petit peu ce matin, mais est-ce qu'il devrait, par exemple, y avoir un montant pour les initiatives qui viennent plus carrément du milieu communautaire? Je sais que vous travaillez sur, c'est ça, un répertoire, vous avez des projets de travailler sur un répertoire de toutes les initiatives, de tout ce qui existe, donc vous êtes à même de voir tout ça. Est-ce que c'est un fonds qui devrait servir aussi, d'abord, après, en parallèle, à la consolidation de ces initiatives-là? Je ne vous demande pas, là, de me chiffrer ça, mais, dans la philosophie de l'utilisation du fonds, est-ce qu'on devrait penser plus à... Parce qu'il y a même la possibilité que des personnes demandent un accès au fonds. Est-ce que c'est quelque chose vers quoi il faut aller? Est-ce qu'il faut privilégier les organismes? Est-ce que ça doit être des projets récurrents, des projets ponctuels? On me disait hier que le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels a les deux, les deux possibilités, mais c'est prévu expressément. Il y a des projets ponctuels, il y a des projets récurrents.

Je vous lance plein de questions. C'est juste pour savoir: Vous qui avez un peu cette expérience-là, terrain, avec les partenaires communautaires -- il y a ce maillage-là qui est très important -- comment vous voyez optimalement le fonctionnement du fonds ou la mission du fonds?

**(16 heures)**

Mme Gosselin (Chantal): Bien, je vous dirais, mon premier réflexe, qu'il faudrait s'assurer, à mon avis, que ce soient des organismes à but non lucratif qui présentent des projets. Je ne vois pas un partenariat privé lucratif avec du non-lucratif, au départ, parce qu'on parle effectivement de fonds publics.

Maintenant, je vous dirais, de déterminer comment partager l'assiette du fonds, je pense que ça pourrait être le travail du comité consultatif où, si on réussit à avoir différents partenaires très représentatifs des différents milieux, donc tant social, communautaire que juridique, ces gens-là sont à même de déterminer quels sont les besoins les plus criants, au départ, les plus pressants, et qu'est-ce qui est précieux à préserver, et qu'est-ce qui est précieux à développer également.

Alors, je pense qu'on ne doit pas se concentrer uniquement sur l'existant, qu'on ne doit pas se concentrer que sur le nouveau. C'est un mélange des services qui fonctionnent bien et de nouvelles idées qui pourraient également avoir un objectif d'atteindre le plus de gens possible. Mais je vous réponds de façon très vague, hein, je m'en excuse.

Mme Hivon: Ça va.

Mme Moreau (Michèle): Peut-être un petit ajout sur cette question-là. Bon, vous m'avez entendue sur ce même sujet-là hier, mais cet après-midi j'ai plus le goût de vous diriger vers les pages 5 et 6 de notre document, où on vous transmet les commentaires, une partie des commentaires qu'on reçoit de la clientèle, et ça revient toujours à la même chose. C'est: Là, là, service maintenant, tout de suite. Il faut qu'il y ait quelque chose de... j'appelle ça de première ligne. On a parlé de guichet unique dans le passé, toute cette... on a parlé d'écoute, de démêler le vrai du faux, le très important du peut-être pas du tout important, et ça, c'est un service qu'on rend, au centre, mais aussi que d'autres organismes communautaires, dans leurs champs d'action particuliers, font. Chacun des centres, on a notre réseau local, régional d'organismes communautaires avec lesquels on travaille. On les voit, on voit l'effet qu'ils ont aussi sur le terrain. On réfère des gens à ces organismes-là, donc il y a une confiance envers ces organismes-là de notre part. D'ailleurs, des fois, ça pose des questions, mais ça, c'est une autre histoire. Est-ce qu'on réfère à tel organisme si on entend quelque chose de moins bien à leur sujet?

Mais il y a vraiment un travail terrain qui se fait, et ce travail-là... Il y a des choses qui existent déjà, il y a des choses qui pourraient être développées. Et je reviens, dans le fond, à ce que disait Me Gosselin, c'est vraiment d'aller... Le fonds ne doit pas servir qu'à des... j'allais dire des vieilles affaires -- ce n'est peut-être pas le bon mot -- des projets qui sont déjà initiés versus rien du tout dans le nouveau. Il faut vraiment équilibrer les deux, et je pense qu'effectivement c'est quelque chose que le comité consultatif pourrait bien faire.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie beaucoup. Alors, mesdames, merci pour votre présentation, pour vos échanges et pour votre dynamisme.

Je vais suspendre quelques instants et permettre au groupe d'Éducaloi de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 10)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Alors, je souhaite la bienvenue à Me Geneviève Fortin et Me Dominique Garant, toutes les deux représentant l'organisme Éducaloi. Alors, bienvenue, mesdames. Et vous disposez maintenant d'une période de 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Éducaloi

Mme Fortin (Geneviève): Merci à vous. Je n'ai pas à peser sur... Non? Parfait. Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, M. et Mmes les députés. Merci tout d'abord de nous donner l'opportunité d'être entendues aujourd'hui.

D'entrée de jeu, ma collègue Dominique Garant et moi, on tient vraiment à dire que c'est une initiative que nous saluons et que nous accueillons comme une bouffée d'air frais dans... Tout de suite, dire simplement: Vous le savez, la situation qu'on connaît au fédéral est un petit peu différente à l'heure actuelle, alors on anticipe, dans les prochaines semaines, peut-être des compressions dans notre financement, nous, des coupures dans notre financement à Éducaloi. Alors, de recevoir la nouvelle du côté provincial... On le reçoit, et on le reçoit très, très bien. Alors, le ministère se donne les moyens, quant à nous, les moyens de ses ambitions, peut-être pas tous les moyens mais quand même des moyens. Et on regarde aussi le plan qui a été déposé il y a quelques mois, le Plan Accès Justice, et on regarde aussi ce qui est en train d'en découler, donc les réalisations. Et on salue le tout, parce que, c'est rare, mais là on s'y tient, à ce plan-là, et on sent qu'il y a des avancées.

Alors, Éducaloi, on est un organisme sans but lucratif qui a vu le jour en 2000. C'est une initiative, au départ, du Barreau du Québec. C'est le Barreau qui a été l'impulsion, qui a donné l'impulsion à ce projet-là. Au départ, le Barreau nommait l'ensemble des membres du conseil d'administration. C'est un peu différent maintenant. Depuis 2009, on a, au sein de notre organisme, en fait sur le C.A., la Chambre des notaires et aussi la SOQUIJ. Donc, on a une représentativité quand même assez importante, là, au C.A. d'Éducaloi, qui est composé de neuf membres.

L'équipe de l'organisme est composée de 18 personnes, en grande partie des avocats. On parlait tantôt de la représentativité, le genre. Donc, c'est très féminin aussi à Éducaloi. On est 15 sur 18. Le droit social, c'est très féminin. Donc, il y a 18 personnes, des avocats, notaires et aussi des communicateurs, parce que notre mission est d'informer le citoyen de ses droits et de ses obligations dans les mots de tous les jours, en diffusant des informations juridiques. Il y a un volet très, très juridique, mais il y a un volet presque aussi important en termes de communication, et on les pousse, je vous dirais, de front et de façon presque aussi importante.

Le financement d'Éducaloi provient de plusieurs sources. Ça fait 12 ans, là, maintenant qu'on existe. Ça n'a pas toujours été le cas. On a commencé, comme on vient d'entendre, là, des collègues des centres de justice de proximité, petits, petits, avec des financements, ou un, ou quelques-uns... de financement. On a tenté et on a... En fait, je dirais, on a réussi à diversifier nos sources de financement, ce qui est une force en soi maintenant. Alors, le ministère de la Justice du Québec contribue pour 50 000 $. C'est un financement de fonctionnement pour le paiement du loyer d'Éducaloi. C'est un paiement partiel. Il y a aussi Justice Canada qui nous donne un financement, là, de base, un financement de fonctionnement.

Je vous réfère au document, où on a fait vraiment... on a détaillé, en fin de compte, les financements, à la page 3, mais on a des financements d'actions liées à la mission, et ça, en fait, ça a été le levier qui nous a permis, à Éducaloi, de passer à un second niveau. On a été en mode survie pendant près de neuf ans, où, en fin de compte, à peu près la totalité de nos financements provenaient de projets, et on pagayait, comme on disait, pour voir la fin de... On voyait arriver la fin de l'année financière puis souvent on était encore en déficit. Alors, le fait de l'investissement de la Chambre des notaires, du Barreau du Québec et de la SOQUIJ nous a permis, en fin de compte, de retrouver... se sortir la tête de l'eau puis avoir un second souffle.

Il y a eu aussi des financements... il y a des financements de projets -- ils sont nombreux -- et des revenus qui nous proviennent d'un volet services spécialisés, qu'on appelle. C'est des contrats de services. Maintenant, on est comme une petite business aussi, même si on est OSBL. C'est qu'on aide des organismes publics ou des organismes privés qui ont... qui veulent s'adresser au grand public et qui... Dans leurs communications juridiques, ils veulent s'adresser au citoyen de façon claire, de façon précise. Alors, on les aide, on les accompagne, on met à leur disposition notre expertise.

Mme Garant (Dominique): Maintenant, comment faisons-nous cela? Geneviève vous a détaillé quelle était notre mission, mais je me charge de vous donner quelques exemples pour mieux vous faire comprendre ce que nous faisons. C'est détaillé à la page 5 et 6 de notre document, mais on fait des actions très, très variées, dans le but de réaliser nos objectifs qui sont détaillés à la page 5.

Quelques exemples. On a présentement une série de webinaires que nous donnons à des administrateurs d'organismes à but non lucratif pour leur expliquer les lois qui touchent leurs domaines d'action. On a un énorme site Web. Sur notre site Web, on a notamment une section qu'on appelle Côtécour, qui explique le système de justice qui est en vigueur au Québec. On produit aussi des capsules vidéo, sur notre site, afin de tenter de répondre à une clientèle qui n'a pas nécessairement les capacités de lire de l'information sur le Web. Alors, c'est des vidéos de sensibilisation et d'éducation juridique. On a des projets terrain. Par exemple, présentement on travaille en matière de violence conjugale, où on rencontre différents intervenants afin de leur expliquer avec quelle matière juridique ils doivent travailler, exemple des policiers, des travailleurs sociaux, des intervenants dans des maisons de femmes. Et on a aussi beaucoup d'actions en matière d'éducation, par exemple un projet où on va sur le terrain pour donner des ateliers d'éducation juridique à l'école. Je vais vous en parler un peu plus tard. Et on a aussi de la documentation qui s'adresse aux professeurs afin de les outiller, pour les professeurs qui sont intéressés à aborder l'éducation juridique en classe.

Maintenant, je vais vous parler un peu de notre site Web. Il est énorme et il est très populaire. Nous avons reçu, l'année dernière, 1 000 400 visites sur notre site. Et c'est plus de 7 millions de pages qui ont été vues. Vous allez pouvoir voir, à la page 6, quelques détails de d'autres statistiques intéressantes. On travaille de plus en plus aussi sur les médias sociaux, et donc on est équipés en Facebook, Twitter, etc., et ça nous permet de mener des campagnes très intéressantes d'éducation et de sensibilisation auprès des adultes.

Bref, quelle est notre expertise? C'est vraiment d'assurer le juste équilibre entre la nécessaire rigueur et exactitude de l'information juridique qu'on transmet et la compréhension du public cible à qui on s'adresse. Alors, vraiment, c'est de faire un exercice constant de vulgarisation afin de s'assurer que ce qu'on transmet comme information est compris du public cible à qui on s'adresse.

Mme Fortin (Geneviève): Un mot peut-être sur notre réseau. Le fait qu'on a travaillé et qu'on travaille encore beaucoup avec le mode projet nous amène à tisser des liens avec le réseau. Notre approche est un petit peu différente, par contre, de ce qu'on vient tout juste d'entendre, là, avec les centres de justice de proximité, qui ont, eux, une relation, qui développent une relation face à face avec le citoyen. Il les rencontre dans leurs bureaux. Nous, c'est un peu différent. En fait, quand on travaille en projet... Par exemple, à l'heure actuelle, on travaille un projet sur la violence conjugale. On va rencontrer des groupes sur le terrain, des intervenants sociaux, les policiers. On va travailler aussi avec le groupe cible. On essaie de voir, les personnes à qui on va s'adresser, c'est quoi, leurs besoins, quelles sont leurs attentes. Donc, on travaille vraiment, nous aussi, en lien avec le réseau, avec les groupes mais d'une façon différente de l'approche personne à personne avec le citoyen.

Notre impact est important. Notre impact est, oui, dans le monde de la justice. On est connus, maintenant, dans le monde de la justice. Ça a pris, je vous dirais, 12 ans de grands efforts pour tisser notre toile, mais on est rendus, aussi, bien connus dans les milieux autres que la justice. Entre autres, on est des outils d'information, des outils de travail pour un grand nombre d'intervenants relayeurs. Que ça soit les policiers, que ça soit les professeurs, que ça soit les intervenants sociaux, il y a beaucoup de monde qui se servent de nos contenus.

Alors, ceci dit, on aimerait ça attirer votre attention sur certaines considérations plus en lien maintenant avec le projet de loi.

**(16 h 20)**

Mme Garant (Dominique): Notre première considération concerne l'article 32.0.1 et vise à vous amener à considérer une interprétation la plus large possible de qu'est-ce que devraient être la connaissance et la compréhension. Je vous invite à regarder le graphique à la page 9, où on voit un triangle. Alors, dans le triangle, à la pointe du triangle, on a le procès. Rick Craig, le directeur exécutif de Justice Education Society, de la Colombie-Britannique, a fait une étude et considère que plus on s'approche du procès, plus les outils disponibles en matière d'information juridique sont présents et plus les investissements sont grands.

On attire votre attention sur le fait que c'est important de s'occuper de l'ensemble du triangle, alors d'agir vraiment en matière de prévention mais, plus que ça, et je pense que c'est important de le souligner, d'agir en matière d'éducation. On doit s'occuper de l'éducation juridique de nos concitoyens. On doit s'occuper de s'assurer qu'ils détiennent les compétences juridiques nécessaires pour agir dans une société de droit comme la nôtre. Je décris quelles sont ces compétences. Je décris, à la page 9 aussi, quelles sont les compétences qu'on doit viser quand on parle de matière jeunesse. Mais en deux mots, en matière jeunesse, c'est important d'aller à la rencontre des jeunes, c'est important de leur donner un premier contact positif avec le monde de la justice, parce que c'est sûrement la seule fenêtre que nous avons pour le faire et ça va faire d'eux ensuite des citoyens que, quand ils seront dans une situation juridique, ils seront en mesure de la reconnaître, ils vont se tourner vers le système pour trouver des réponses à leurs enjeux juridiques.

Mme Fortin (Geneviève): Maintenant, on est aussi en faveur d'un investissement dans les matières propres au droit québécois, et, encore là, je vous ramène un peu à ce qu'on connaît depuis 12 ans, on a bénéficié de financements importants et assez nombreux, je vous dirais, en matière fédérale, donc des financements de Justice Canada, de Patrimoine canadien, de l'Agence de revenu du Canada, etc. Les financements de source provinciale, ils sont vraiment plus rares et, je vous dirais, ils sont moins généreux. On est capables d'aller chercher moins de sous grâce à ces financements-là.

Cette réalité-là, ce que ça amène, c'est qu'il y a comme une distorsion. Les besoins juridiques des Québécois, entre autres en matière civile mais de compétence provinciale, ils sont énormes. Mais les financements qui sont souvent disponibles sont de compétence fédérale, donc on peut aller chercher des financements au fédéral. C'est un combat de tous les jours, je vous dirais, parce qu'on a vraiment, à Éducaloi... ça a été toujours... un grand défi qu'on a tenté de relever, c'est de répondre aux besoins du citoyen. Et je vous en donne un bref aperçu, parce que je vous donne, en page 10, les 10 capsules les plus consultées de notre site Web: la garde d'un enfant, les vices cachés, les obligations du locataire, les droits des grands-parents envers leurs petits-enfants, la pension alimentaire pour l'ex-conjoint, le casier judiciaire, l'achat d'une moto, d'une auto d'occasion, la mise en demeure, la tutelle au majeur, le paiement du loyer. C'est des capsules où c'est de l'information en matière provinciale, donc de compétence provinciale. On a réussi à relever ce défi-là entre autres grâce au financement dont on parlait tantôt, des fameux 200 000 $ de la Chambre des notaires, du Barreau du Québec et de la SOQUIJ, où il y a une partie de ces sommes-là qui sont injectées pour alimenter les contenus de notre site Web, pour produire des contenus qui répondent réellement aux besoins des citoyens. Puis il y a une partie des sommes aussi qu'on va chercher en revenus, nous, en réalisant des contrats de services. Comme Éducaloi ne se sert pas d'excédents -- on est un OSBL -- on réinvestit dans la mission pour répondre aux besoins du grand public.

On ne s'en cache pas, M. le ministre, on voit venir la réforme du Code de procédure civile avec un peu d'appréhension, même si on la souhaite et on est d'accord avec celle-ci. La section Côtécour, dont Dominique parlait tantôt, c'est l'explication du système judiciaire, où on dresse un portrait des principales procédures aux citoyens, où on leur explique comment ça fonctionne. Et, avec la mise en vigueur prochaine -- ou en tout cas c'est à nos portes bientôt -- de cette réforme-là, on va devoir soit retirer des contenus, ou en tout cas ça va être difficile pour nous de mettre à jour.

Donc, le Fonds Accès Justice, pour nous, c'est une solution à ça. C'est quelque chose... On le sait que ça fonctionne bien, ce projet-là, on le sait... en fait cet outil-là, parce que ce n'est même pas un projet, c'est un outil qui est disponible depuis des années. C'est consulté à 200 000 visiteurs annuellement. Il faut faire un effort pour le mettre à jour, pour être prêts quand la réforme sera mise en vigueur. Il faut pouvoir l'alimenter, le bonifier. C'est un succès de consultation, puis je pense que le Fonds Accès Justice doit contribuer à faire en sorte que ça perdure et même qu'on le pousse. Il faut s'en servir comme force de frappe. On serait prêts, à ce moment-là, à lancer une offensive pour le faire connaître quand viendra le temps de mettre en vigueur une loi comme celle-là.

Autre chose dont on voulait vous parler en faveur d'un investissement à long terme, travailler des projets, c'est extrêmement stimulant, ça fait en sorte qu'on rencontre plein de gens intéressants, mais c'est énormément d'efforts et c'est beaucoup, beaucoup d'énergie et de temps, pour souvent quelque chose qui dure un an ou deux, puis par la suite ça tombe. C'est quelque chose qu'on connaît, c'est quelque chose qu'on déplore depuis des années. Alors, je pense qu'on voudrait voir dans le Fonds Accès Justice aussi la possibilité que le ministère investisse dans des succès, faire en sorte que ce n'est pas des projets, toujours de nouvelles idées, de nouveaux projets, mais aussi d'encourager ces succès-là, que ça soit le site, par exemple, le site Internet d'Éducaloi, ou encore des programmes qui s'adressent aux écoles et qu'on développe en matière d'éducation juridique, faire en sorte qu'on leur donne vie pour tisser des liens à long terme avec les intervenants, pour faire en sorte aussi qu'on puisse mesurer l'impact social de cette action-là, de faire en sorte aussi qu'on puisse mieux apprendre et après ça donner suite, par exemple, à des commentaires, à des suggestions pour bonifier les outils.

Dernière remarque, souvent aussi, quand on travaille en projets, on se rend compte... en matière fédérale, l'administration des projets devient en soi un projet. C'est extrêmement complexe et demandant. Ça tue l'initiative. Ça génère beaucoup de frustrations, et on peut vous en parler longtemps. Mais en fait c'est de rester souple -- je vous entendais, tantôt, vous poser la question -- de rester souple aussi dans la reddition de comptes mais aussi d'être capable de donner une certaine latitude aux organismes. Il y a moyen de faire en sorte d'avoir de bonnes propositions de projets, d'avoir des suivis de projets qui sont efficaces, sans ensevelir ou sans, justement, enterrer les organisations en termes de reddition de comptes.

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, on a déjà épuisé...

Mme Fortin (Geneviève): Oui, hein, je...

La Présidente (Mme Vallée): ...notre temps de plus de deux minutes. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Fournier: M'avez-vous passé la parole?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

M. Fournier: Ah! vous êtes gentille. Je ne vous avais pas entendue.

La Présidente (Mme Vallée): Ça m'arrive.

M. Fournier: Merci beaucoup. Merci à vous d'être là. Fort intéressant d'avoir la possibilité de faire connaître Éducaloi à ceux qui nous écoutent. Les centres de proximité sont encore ici. Tantôt, je disais qu'ils avaient un peu... Je ne veux pas réduire ça à sa dimension la plus simple, mais je trouvais que la capacité de démystifier me semblait une des qualités qu'avaient les centres de proximité. Dans le cas du vôtre, c'est la capacité de faire comprendre.

Et vous parlez du Code de procédure civile. Je pense qu'il est important de dire ici que le petit feuillet explicatif ou en tout cas qui donnait un aperçu de ce qu'était le Code de procédure civile avait été réalisé grâce à Éducaloi -- enfin, c'est votre oeuvre -- et je pense qu'il allait droit au but et donnait beaucoup de facilité à comprendre ce qu'on faisait. On s'en est aperçu même en faisant une consultation sur le Code de procédure civile. On ne pouvait pas tout dire dans votre fascicule, et moi, je ne pensais jamais qu'on aborderait tous les sujets qu'on a abordés sur la consultation, parce que c'est très large. Mais le feuillet permettait déjà de savoir de quoi on parlait. C'était très performant. Donc, vous êtes déjà un peu dans le coup concernant le Code de procédure civile.

Mais j'aurais vraiment, vraiment le goût de vous répondre: On va commencer par l'adopter avant de faire un document. C'est un peu plus compliqué que le projet de loi qu'on a ici, et déjà pour celui-ci on va se réserver une bonne période de temps pour étudier chacun des articles. Alors, on va se garder une petite gêne avant de commencer à faire le reste.

Vous vous êtes arrêtées sur 32.0.1. Dans le fond, c'est peut-être le seul moment où vous avez bifurqué vers le projet de loi, puis là je me suis dit: Ça y est, on va rentrer dans les articles. Puis là vous être retournées dans vos terres. Et puis, c'est drôle, on dirait que vous m'avez dit: Bien, on devrait être précis sur la question de l'éducation, de la compréhension. Puis là je me suis dit: Ça peut-u être plus clair que ce qu'on a écrit: «...la connaissance et la compréhension du droit ou du système de justice québécois ainsi que l'utilisation...»? Mais il me semble que c'est pas mal là. À 32.0.2, le premièrement, on est encore dans la même sauce. Qu'est-ce que vous voulez me dire? Qu'il n'est pas assez précis ou qu'il devrait être mieux dit?

**(16 h 30)**

Mme Garant (Dominique): Non, en fait, ce qu'on vient apporter à la commission aujourd'hui, c'est que ça doit être interprété de façon plus large possible. Alors, on ne parle pas d'être plus précis, on parle d'être plus large. Parce que souvent, quand on parle d'accessibilité à la justice, on parle d'outiller des citoyens qui ont déjà des difficultés avec la justice, qui sont déjà dans le système. Mais ce qu'on vient apporter aujourd'hui, c'est de dire: C'est important d'outiller tous les citoyens, parce que ça va avoir un très grand impact dans le niveau de stress et l'incompréhension que les gens vont avoir si jamais ils sont dans une situation. Les centres de justice de proximité vous ont raconté un peu l'état dans lequel ils recevaient les gens. Si on intervient davantage en amont, peut-être qu'on va faire en sorte que ces gens-là, ils vont se sentir plus outillés pour faire face à ces situations-là.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on intervient. C'est important de s'occuper des gens avant qu'ils rentrent dans le système et c'est ce qu'on fait quand on va à l'école. On essaie de s'assurer de faire en sorte... De toute façon, les jeunes vont se souvenir de 10 % de ce qu'on leur a dit. Ce n'est pas ça qui est important. Ce qui est important, pour nous, c'est que, pendant l'heure où on a été avec eux... Et, quand je dis «on», ce n'est pas Éducaloi, parce que c'est un programme qui nous permet... On utilise les forces bénévoles sur le terrain de la part de notaires, d'avocats, de magistrats qui vont en classe en ayant en main du matériel qui est préparé par Éducaloi. Ça nous a permis, depuis novembre, d'aller à la rencontre d'environ 7 000 jeunes. Donc, ce qui est important, c'est de les sensibiliser à ce qui se passe, de leur donner des outils. Comme ça, après, ils ont la certitude qu'ils sont capables de faire face à ce genre de situation là.

Les centres de justice de proximité vous parlaient de baisser les bras. Alors, c'est important de faire en sorte que les citoyens, bien ils ont une connaissance de base de comment ça se passe. Ils en ont déjà rencontré un, juge ou un avocat, puis ils étaient bien sympathiques, alors il n'y a pas de raison d'avoir peur. Ils savent, par exemple, qu'Éducaloi existe, alors ils ne vont pas se fier sur ce qui est écrit dans le journal local qui a colporté les grandes lignes seulement d'un procès qui a eu lieu récemment, mais ils vont se dire: Bien, il y a différents outils qui existent.

Je n'ai pas nommé de journal, hein?

M. Fournier: Je n'embarquerai pas sur le terrain non plus.

Mme Garant (Dominique): J'ai été très vague.

Donc, c'est important qu'ils sachent: Ah! il y a des outils qui existent. J'ai déjà rencontré des gens d'Éducaloi, j'ai déjà rencontré des gens de l'Association du Jeune Barreau de Montréal, par exemple. Donc, c'est leur donner ce premier contact là qui va faire en sorte que, quand ils vont être dans la situation, on espère qu'ils n'arriveront pas dans l'état où ils arrivent présentement aux centres de justice de proximité.

Alors donc, je ne milite pas en faveur d'un changement dans l'article. Je veux seulement dire: C'est important de lui donner la portée la plus large possible.

Mme Fortin (Geneviève): Si je peux ajouter là-dessus, on parle beaucoup d'accès aux tribunaux. C'est une petite pointe, pour nous. Puis là on commence de plus en plus à parler, par exemple, des PRD, de prévention et règlement des conflits. Donc, on intervient différemment ou on intervient en accès à l'information, comme le fait Éducaloi. Le citoyen qui tape dans Google, parce qu'il se sépare, il tape «divorce», il va tomber sur nos capsules. C'est une autre portion. Donc, l'accès aux tribunaux, avant ça, il y a l'accès à l'information puis les modes alternatifs.

Puis en amont de ça il y a l'éducation citoyenne, puis je pense qu'il faut qu'on commence à faire rentrer ça aussi dans le triangle de la justice. C'est un peu différent de ce qu'on a entendu, mais on y croit vraiment. On croit que, si on fait bien notre job là, en bout de ligne, il va peut-être... ça va être le... ça s'en va... Le petit diagramme, là, j'essaie de le représenter, mais l'accès aux tribunaux, là, c'est vraiment minime. Ce n'est pas beaucoup de monde qui se rendent là. Mais ça va faciliter la grande portion des citoyens qui ont des questionnements juridiques et qui vivent des situations juridiques. Au quotidien, ils en ont, des questionnements. La preuve, c'est 1,4 million de personnes qui vont sur le site d'Éducaloi. Puis en même temps on a encore du chemin à faire en termes de notoriété. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de monde qui ont des questionnements juridiques.

M. Fournier: Parlons un petit peu de la -- je ne sais pas comment l'appeler -- la tournée des écoles ou je ne sais pas, là. Combien de personnes collaborent? Combien d'écoles vous réussissez à faire? Quel est le résultat que vous en retenez, pas dans la semaine qui suit mais dans l'année qui suit? Tantôt, vous avez parlé de 10 %. Quel est le... Commençons par me dire la façon dont ça fonctionne. D'abord, on sait tous que votre spécialisation, dans le fond, c'est de concocter des documents compréhensibles, étant entendu que, si j'offre à quelqu'un juste ici, là, en sortant sur la rue, là, sur Grande Allée... puis je m'en vais leur lire 32.0.1, je n'aurai même pas commencé à lire, juste 32.0.1, ils vont déjà commencer à trouver que ce n'est pas tout à fait la bonne façon de faire ça. Votre travail, c'est de le simplifier, de le mettre dans les mots de tous les jours pour le donner à d'autres. Alors, ma question, c'est vers la dimension ceux qui ont à faire l'apprentissage de la société. Donc, c'est qui? Quel niveau? Combien de personnes vous avez?

J'en profite pour dire, parce que les centres de proximité sont encore là, avec nous, qu'à mon avis vous êtes des partenaires. J'imagine que vous vous parlez déjà, de toute façon. Mais les gens qui arrivent chez eux... Puis, dans ma tête, là, je ne veux pas... Je ne suis pas allé à Rimouski encore, mais j'ai vu Montréal et Québec, puis je visualise un peu le centre, puis je vois les gens rentrer. Puis je me souviens des ordinateurs. J'ai l'impression que des fois ils doivent faire partie des hits que vous avez chez vous, là. Là, ils font oui. Alors, les deux vivent ensemble, et c'est assez important. Alors, ça se tient, tout ce mécanisme-là. Alors, disons qu'il y a du monde qui savent comment utiliser... pour les gens qui ont un problème et puis qui n'avaient pas connu avant comment on pouvait le régler. De toute façon, même s'ils avaient eu accès, probablement qu'ils vont encore y aller. Alors, commençons par le début de l'histoire, le jeune, quel niveau? Ou est-ce qu'on peut aller encore plus large dans la diffusion au niveau des écoles?

Mme Garant (Dominique): Pour répondre à votre question, quel niveau, on a travaillé pour l'instant surtout au secondaire. On a eu un projet en sixième année, et c'est dans le cadre des Rendez-vous avec la justice, qui est le projet du ministère de la Justice. Sixième année primaire, pardon. Et c'est un excellent moment pour commencer à parler d'éducation à la justice, en sixième année. C'est étonnant à quel point les élèves sont capables de suivre. On a déjà fait des médiations simulées en sixième année, et les jeunes de sixième année sont tout à fait capables de mener une médiation simulée avec succès. Alors, c'est étonnant. Et je suis sûre que c'est des habiletés, des aptitudes qu'ils vont traîner dans la cour d'école après.

Donc, sinon, les actions d'Éducaloi se consacrent davantage au secondaire, secondaires III, IV et V, je vous dirais. Le projet d'atelier dont je vous parlais, qui est nos juristes bénévoles qui sont semés un peu partout sur le territoire québécois, s'adresse au deuxième niveau de secondaire, alors III, IV et V. Et on a un projet de... on a un concours de rédaction juridique aussi qui s'adresse à secondaire IV et V. Et notre concours de rédaction juridique a reçu cette année 1 000 inscriptions. Alors, c'est 1 000 étudiants qui ont écrit un texte pour le concours, et je vous dirais que ce n'est pas rien, parce que le président de la fédération des commissions scolaires anglophones nous disait: Je ne sais pas si vous réalisez à quel point c'est un exercice difficile, ce que vous demandez aux jeunes. Alors, il y en a 1 000 qui ont accepté de relever le défi. Les gagnants sont choisis, mais je ne vous les dirai pas.

Mme Fortin (Geneviève): Ils ont choisi de participer parce qu'ils gagnent une tablette iPad.

Mme Garant (Dominique): Oui. D'ailleurs, c'est un commentaire: Il faut avoir des beaux prix pour que ça marche. Donc, il y a présentement sur... Le projet des ateliers existe depuis novembre. On a rejoint environ 7 000 étudiants. Ça veut dire environ 30, 35 groupes-classes, là, parce que ce n'est pas toujours dans le même cadre que ça se tient. Et on a une banque de bénévoles de 300 personnes. Donc, il y en a, des juristes sur le terrain qui sont intéressés à faire ça.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous ai laissé aller, mais...

Mme Garant (Dominique): Pardon.

La Présidente (Mme Vallée): ...je dois malheureusement passer la parole -- en fait, heureusement -- passer la parole à Mme la députée de Joliette.

**(16 h 40)**

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue ici, Mme Fortin et Mme Garant. Je suis une grande fan d'Éducaloi, alors, pour vous dire, je réfère beaucoup de gens à mon bureau de circonscription, quand ils ont toujours des questions, je leur dis toujours: Allez voir Éducaloi, quand ils ont un ordinateur, sinon j'essaie qu'ils puissent aller à la bibliothèque avoir accès, parce que je pense que ça démystifie bien des choses, ça prend les gens par la main, ça répond à plein de questions. Donc, je trouve que vous avez pris un essor formidable au fil des ans, puis c'est vraiment une belle initiative.

Juste peut-être vous dire, pour ce qui est de la reddition de comptes: Tantôt, quand je parlais de reddition de comptes, ce n'était pas en lien avec la reddition de comptes des organismes qui recevraient des fonds, là. Évidemment, il va y avoir un élément reddition de comptes. Moi, je suis très préoccupée par la reddition de comptes du fonds, c'est-à-dire du ministère, comment la reddition de comptes sur les sommes qui vont être octroyées... à qui c'est octroyé, sur quelle base. Donc, c'était plus ça. L'idée, ce n'était pas d'ensevelir les organismes sous encore plus de paperasse et de lourdeur, évidemment, bien que ce soit une nécessité, là.

Vous nous dites... En fait, si je comprends bien, le sens de votre présence ici puis de votre présentation par rapport plus spécifiquement... au-delà d'une meilleure connaissance de votre mission, plus spécifiquement en lien avec le projet de loi n° 29, c'est de venir nous faire ressortir un peu ce qui, pour vous, est essentiel, ce qu'on ne devrait pas oublier, le prisme par lequel on devrait regarder l'octroi des fonds, pour que ce ne soient pas que la question de l'accès aux tribunaux ou des réflexes plus traditionnels de conception de l'accès à la justice, peut-être, là -- vous me corrigerez si... -- et vous dites qu'il faut, dans la foulée de ce que vous faites, il faut aussi permettre d'outiller les organismes ou les personnes en lien avec toute la question de la prévention. Donc, c'est ce qui vous occupe beaucoup. C'est comme ça que je perçois votre... Et c'est pour ça que vous déclinez ensuite certains articles pour nous dire: Voici comment, nous, ça pourrait nous aider dans notre travail et comment aussi, plus globalement, on pense que c'est important que ce soit au coeur de la réflexion quand on institue le fonds. C'est à peu près ça?

Mme Fortin (Geneviève): Exact. C'est tout à fait ça.

Mme Hivon: Parfait. Avant de vous demander plus globalement si vous avez des idées, des recommandations au législateur sur le projet de loi, parce que vous êtes là, vous connaissez bien le milieu, je voudrais savoir... Évidemment, vous venez ici, vous prêchez aussi un peu pour votre paroisse en même temps en disant: Bien, on fait des choses extraordinaires. Ce serait bien qu'on puisse continuer à les faire et peut-être en faire d'autres. Si vous aviez accès à plus de fonds, qu'est-ce que vous développeriez en priorité? Qu'est-ce qui vous apparaîtrait le filon le plus porteur dans votre mission pour continuer à aller plus loin? Est-ce que c'est les jeunes? Est-ce que c'est des clientèles plus vulnérables? Est-ce que...

Mme Fortin (Geneviève): Ce que je vous dirais, ça va peut-être un peu vous surprendre. En fait, les jeunes, on réalise déjà beaucoup de choses. Il y a plein de priorités, là. En termes de sujets, de domaines de droit, je pourrais vous dire, le site Internet, ça demeure, c'est une priorité pour nous. Comme disait Dominique, c'est énorme. Donc, bonifier, alimenter, faire en sorte qu'on suive le train technologique, c'est un investissement, à chaque année, qui est important. Ça fait que c'est sûr que ça, pour nous, c'est une priorité interne parce qu'on veut continuer à desservir le citoyen. On le sait que ça fonctionne, on le sait que c'est consulté.

Je vous dirais que, autre priorité qui n'est pas coûteuse, en fait, mais qui est là, on est de plus en plus nombreux sur l'échiquier, en justice, en termes d'organisation. Vous parliez, M. le ministre, tantôt, de la complémentarité des actions entre le centre de justice et Éducaloi, mais il y a d'autres joueurs. Je pense qu'il faut qu'on se parle, puis qu'il faut qu'on s'assoie ensemble, puis qu'on regarde comment on peut desservir bien le citoyen avec les sommes qui sont disponibles, avec les moyens dont on a... puis ça, il reste encore du chemin à parcourir, du chemin à faire. Pour ce qui est des centres de justice de proximité, j'ose croire, puis je pense que c'est le cas, les centres utilisent nos outils. Nous, ce qu'il faut faire, de notre côté, c'est profiter aussi de cette source d'information. Donc, on le voit comme la possibilité d'aller s'asseoir, nous aussi, avec les centres. On l'a déjà fait. On a eu une rencontre de deux jours, les trois centres et Éducaloi. C'est d'aller faire faire de l'observation à nos responsables de contenu puis regarder c'est quoi, le citoyen, c'est qui, ce citoyen-là, c'est quoi, ses besoins, c'est quoi, ses attentes, pour faire de la meilleure information juridique.

Nos priorités, pour répondre peut-être plus particulièrement à la question, quand on dit que les besoins, en termes de sujets ou de domaines de droit, c'est très de compétence provinciale, tout ce qui est droit de la famille, c'est quelque chose... Il y a des besoins, c'est énorme. Il faut investir là-dedans. Il faut vraiment revoir, il faut bonifier cette offre de services là, cette offre d'information là. C'est toujours intéressant aussi de développer des projets terrain avec des clientèles plus particulières, des clientèles spécifiques. Ça serait intéressant, dans un proche avenir, qu'on travaille avec les aînés. Ça fait quelques années qu'on dit ça. Il y a des grands besoins aussi en matière de logement. Je sais, là, il y a une nouvelle initiative qui vient de voir le jour, Barreau du Québec et Régie du logement.

Quand je disais: On se parle peu, on ne se parle pas, il faut qu'on puisse se concerter pour ne pas refaire la même chose. Les sommes sont si peu nombreuses que... essayons de donner, faire le plus avec ce qu'on a. Puis ça, on mérite de s'asseoir, je pense, ponctuellement ensemble pour regarder ce qui se fait bien puis ce qu'on veut pousser. Puis je dis «Barreau», mais je peux dire «l'ABC», je peux dire «l'Association du Jeune Barreau», je peux dire... Il y a plein de belles initiatives dans le milieu de la justice. Le Barreau de Montréal fait des choses extraordinaires. Donc, comment faire en sorte qu'on fasse six pas au lieu de deux?

Mme Hivon: Je vous suis parfaitement dans votre propos. Je trouve ça réjouissant de vous entendre, parce qu'effectivement on a fait une consultation qui va avoir été quand même assez brève, on va avoir vu seulement quelques acteurs, mais c'est certain qu'on voit le nombre d'initiatives via ce que les gens viennent nous rapporter. On voit aussi que tout le monde nous parle qu'il y a beaucoup d'autres initiatives et que le milieu communautaire aussi a beaucoup de projets, il y a beaucoup d'initiatives qui existent déjà. Donc, juste pour vous mettre un peu dans notre peau, c'est sûr qu'il y a tout un casse-tête, quand on se dit: Ce fonds-là, qui est de 7 à 8 millions, selon les estimés, compte tenu des besoins, compte tenu de toutes les initiatives qui existent... Il y en a qui sont plus structurées, qui sont là depuis plus longtemps, il y en a qui sont plus émergentes, le ministre a des nouveaux projets. Donc, j'ai envie de vous dire: Cette volonté-là d'asseoir tout le monde ensemble pour un peu se partager la tarte correctement, qu'il n'y ait pas double emploi, qu'on cible les bonnes actions, comment vous voyez que ça devrait se transposer dans la gestion du fonds, en quelque sorte, pour s'assurer que ce que vous vivez en ce moment, ça ne soit pas non plus un écueil, quand le fonds va arriver, puis qu'on se dise: O.K., comment on fait un peu la répartition?

Mme Fortin (Geneviève): C'est sûr que c'est un casse-tête. En fait, ce ne sera pas simple à administrer. Je pense qu'il va devoir y avoir une administration assez serrée du fonds. Il peut y avoir un appel de propositions puis à ce moment-là un comité qui est formé au ministère. J'entendais tantôt la possibilité de consulter certaines personnes pour voir est-ce que ça répond aux attentes du milieu puis peut-être, là, regarder s'il y a des choses qui se font déjà. Mais je parlais tantôt de souplesse. S'il y a un appel de propositions puis qu'il est assez ouvert largement... Ça se fait couramment. Ça se fait maintenant sur Internet, avec une date butoir, avec un certain nombre de contraintes, un certain nombre de paramètres. Ça peut être tellement de choses. Il peut y avoir des priorités, des priorités de financement selon les années, selon ce qui se passe dans la société. Je pense que ça peut être lié... Je parlais, par exemple, du droit familial. Bien, c'est certain qu'on a beaucoup parlé, cette dernière année, des unions de fait, puis il y aurait peut-être lieu de voir, en fonction de ce qu'il y a sur la table, comment on peut prioriser un certain nombre d'actions. On le sait, là, le Code de procédure... Donc, il y a vraiment des dossiers qui sont d'actualité, des dossiers juridiques, mais on sait aussi qu'il y a des manques, il y a des clientèles qui ne sont pas bien desservies, ou encore qu'il n'y a pas d'outils qui ont été créés, ou qu'il y a peu d'organisations qui desservent certaines clientèles. À ce moment-là, bien, il faut être à l'écoute de ça puis peut-être lancer un appel de propositions pour rencontrer ces besoins-là.

Maintenant, je dirais que... quand je dis qu'il faut... Je disais tantôt qu'il faut aussi regarder à financer les succès. Ce n'est pas constamment refaire la roue puis ce n'est pas constamment non plus financer de nouvelles actions, nouvelles activités, nouveaux projets. Je pense qu'on se tire dans le pied. C'est de regarder ce qu'on fait de bien aussi puis de dire: Ça, on le pousse. Puis ça, on le pousse en promouvant, en faisant de la publicité, en faisant en sorte que les gens puissent connaître... On parlait des centres de justice de proximité. C'est même encore vrai pour nous, puis ça fait 12 ans qu'on est sur le terrain. C'est vrai pour Pro Bono, c'est vrai pour l'ensemble des organisations. Ça coûte des sous, promouvoir, ça coûte des sous, se faire connaître. C'est long aussi. Donc, c'est de changer un certain nombre d'attitudes, de développer des réflexes dans la population pour que les gens les consultent, ces outils-là. Voilà.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Fortin. M. le ministre.

**(16 h 50)**

M. Fournier: Écoutez, je suis un peu embêté parce qu'on fait la consultation sur le projet de loi. On a parlé d'Éducaloi. Quand on revient sur le projet de loi, que ma collègue et moi cherchons, dans le fond, à... Nous, on va avoir une tâche à accomplir par la suite, c'est de regarder chacun des articles. Est-ce que, dans les articles qui sont là... Puis on a esquissé la question des comités consultatifs, puis tout ça. Est-ce qu'il y a des enlignements que vous nous suggérez de prendre ou vous nous donnez carte blanche? Vous êtes là, profitez-en.

Mme Fortin (Geneviève): En fait, on est très contentes avec le libellé, la lettre du projet de loi. On n'a pas de grands, grands commentaires à faire sur ça, on vous les aurait faits. Donc, on est assez satisfaites de ce qu'on lit. Puis on voit que ça a été pensé et réfléchi pour être fait quand même de façon très, très large, donc on peut entrer un paquet de choses là-dedans.

Un des alignements qui seraient intéressants, peut-être, vous disiez que le ministère, peut-être, aura des projets qui lui sont propres puis se servira à même le fonds pour donner certaines suites. Il y a un élément que je n'ai pas eu le temps d'aborder lors de la présentation, mais c'est l'utilisation du langage clair par l'administration publique. Je pense qu'il y a des efforts qui doivent être faits dans l'administration publique puis à commencer, peut-être, par le ministère de la Justice, parce que le ministère pourrait donner l'exemple. Il y a des avancées, puis en termes d'avancée des fois c'est des petits pas. Mais il y a eu une loi qui a passé. Barack Obama, l'administration Obama a adopté une loi en 2010 sur le Plain Writing Act, qui oblige maintenant les agences, l'Administration dans son ensemble, quand ils s'adressent aux citoyens, de produire ces documents-là en langage clair. Ça parle de formulaires, c'est des lettres, c'est la rédaction de sites Web.

Le langage clair, en fin de compte, c'est mettre le citoyen au centre de ses préoccupations. Puis je pense qu'il y a encore lieu dans l'Administration, en tout cas pour le ministère de la Justice mais, voyons largement, pour l'Administration en général, de regarder ce qui peut être fait. Donc, il y a une partie du fonds qui pourrait aussi servir à faire des avancées dans ce sens-là, une petite partie du fonds qui pourrait servir à... Puis, bien, c'est parce qu'on a développé une expertise particulière dans le domaine, là, ces dernières années, on est très, très sensibles à ça, mais ça fait en sorte qu'il y a des bienfaits énormes à la chose. Le service à la clientèle, les appels diminuent. Les citoyens vont voir un effort. L'image de la justice va en ressortir grandie. Quand on travaille avec des clients, les clients eux-mêmes sont très... ça donne une très, très bonne image de ce qu'ils sont. Mais ça règle un paquet de malentendus à l'interne parce que tout le monde, après ça, comprend le sens des diverses communications.

M. Fournier: Vous parlez du président américain. J'avais une sous-question, mais ça m'amène à un autre sujet, mais quand même vous pourrez toujours me dire... Depuis qu'ils ont dit ça, est-ce qu'ils ont prouvé quelque chose?

Mme Fortin (Geneviève): Oui.

M. Fournier: Vous m'en parlerez un petit peu. Je veux aborder l'autre aspect. Cet exemple-là nous amène à ceci: Y a-t-il dans d'autres... Vous aurez compris, quand je vous regarde, je regarde au- dessus de votre épaule, derrière vous, de l'autre côté, le prochain groupe en fait. Est-ce qu'il y a dans d'autres juridictions des avancées en matière d'accès à la justice qu'il nous serait utile de connaître? Parce que le groupe qui vous suit va proposer de changer un article dans le projet pour les inclure. Et je vous pose la question. Je vais vous servir... Ce n'est pas que je veux me servir de vous, mais je passe le message. Honnêtement, quand on a pensé à ce fonds-là, je vous le dis en toute candeur et innocence, je n'avais pas vu là-dedans un élément qui nous amenait ailleurs que chez le citoyen québécois. Je disais: Il faut favoriser l'accès, la compréhension au justiciable québécois. Et, quand je vous entends me parler des juridictions québécoises puis des... puis ça va dans ce sens-là. Vous me parlez d'expériences ailleurs, par contre, et là vous venez de tendre un pont vers le groupe qui suit, qui dit: Il y a des avancées ailleurs. Nous pourrions apprendre de ces avancées-là. Est-ce qu'à votre avis il y a ailleurs suffisamment d'expériences qu'il vaudrait la peine de s'enquérir, en matière d'accès à la justice, d'expériences ailleurs?

Mme Fortin (Geneviève): Tout à fait. Deux choses: en fait, chez nos voisins provinciaux... On n'a pas besoin d'aller très, très loin, là, mais en Colombie-Britannique, en Ontario il y a des avancées incroyables, je pense, qui sont faites en matière d'accès à l'information, en tout cas qui touchent de près notre expertise. On est les bébés, à Éducaloi, au Canada. On est à peu près le dernier organisme qui a vu le jour et qui dessert les citoyens en matière d'information juridique. Donc, en Colombie-Britannique, ça fait 40 ans que ça existe. C'est dans tous les palais de justice, c'est dans toutes les sphères, c'est tissé serré avec le milieu communautaire. Il y a de grandes leçons à apprendre. On essaie, nous, le plus possible de profiter des collègues des autres provinces. On est dans une association pancanadienne qui s'appelle PLEAC, Public Legal Education Associations of Canada, puis c'est une source d'inspiration. C'est aussi une source d'échanges. On est en lien assez fréquemment avec ces organisations-là. Donc, oui, là-dessus...

Maintenant, pour ce qui est du mouvement pour le «plain language», le langage clair, c'est un mouvement international. Éducaloi participe depuis des années à ce mouvement-là. Je pense qu'on a une place incroyable, les francophones, parce que c'est un mouvement anglophone. Donc, on est en train, tranquillement, de tirer notre épingle du jeu parce qu'on devient un leader dans cette communauté francophone là. La Belgique est en train de regarder ce qu'on fait, nous, au Québec, Éducaloi. La France commence à s'intéresser à nous. Puis, quand je disais: Faites des avancées, M. le ministre, dans l'administration publique, pour ce qui est de travailler les outils, les documents, communication grand public en langage clair, c'est que vous seriez précurseur, parce qu'il n'y a rien ou à peu près rien qui se fait en français, à l'heure actuelle, et qui est documenté. Par contre, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud, il y a des avancées incroyables, la simplification des textes légaux puis tout ce qui est communication, brochures. Au Portugal, à chaque fois qu'il y a un projet de loi qui est adopté, il y a une version simplifiée qui est rendue disponible sur Internet, que les gens peuvent prendre connaissance, en quelques lignes, souvent quelques «point forms», de la grande substance de ces projets-là.

M. Fournier: ...un peu à l'image de ce que vous avez fait pour le Code de procédure civile?

Mme Fortin (Geneviève): Bien, je vous dirais que c'est différent, parce qu'eux autres, ils ont le volume, c'est pour l'ensemble des projets de loi. Mais on a été un peu plus loin avec le Code de procédure civile, mais on a consulté, à ce moment-là, la personne, au Portugal, qui est engagée, là, pour faire ça, on s'est inspirés d'elle. Donc, oui, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses...

M. Fournier: J'essaie d'avoir une image.

Une voix: Ça va, ça va, madame...

M. Fournier: O.K. Merci. Juste une image. Lorsqu'on parle d'un document accompagnant une loi, alors, par exemple... Moi, c'est l'exemple que je connais, parce qu'on l'a demandé, puis vous nous l'avez fait, puis je trouvais que c'était bien. Mais je veux savoir: Est-ce qu'au Portugal ou ailleurs c'est ce genre de document là qui est fait pour accompagner la loi? Vous dites que vous voulez la pousser un peu plus loin. Ça aurait été moins ou ça aurait été plus? Qu'est-ce que ça aurait... Le document que vous avez fait par rapport... si on le faisait, là, comme à la portugaise, ce serait quoi? Plus? Moins? Ce serait quoi?

Mme Fortin (Geneviève): Je vous dirais que -- une belle réponse d'avocate -- ça dépend. Non, mais, il y a des projets de loi où il y a des... projets de loi qui touchent de près le citoyen. Il y en a, là, vraiment, là, où on peut dire: Ça, là, ça va avoir un impact certain. Ça, mettons de l'énergie puis mettons du temps pour bien expliquer. Il y a d'autres choses qui peuvent être... Les autres projets de loi, on peut passer vite. Ça fait que ça dépend parce que je pense qu'il faut s'arrêter puis il faut investir au bon moment.

M. Fournier: ...au Portugal, ils font une... Excusez-moi, puis merci encore du temps, mais je m'en excuse. Est-ce qu'au Portugal ils prennent le temps d'adopter la loi avant de faire le document? Parce que nous, ici, des fois on le transforme pas mal. À chaque fois, c'est ce que je pense. Alors, est-ce que le document est fait lors du dépôt du projet de loi ou une fois qu'il est adopté, et puis là on laisse quelques mois passer, le temps de faire le travail?

Mme Fortin (Geneviève): ...dirais que...

M. Fournier: Vous savez, ici, l'outrage au Parlement, moi, comme leader, je me méfie de ça à tous les jours, alors...

Mme Fortin (Geneviève): Je pense que ça arrive assez tard dans le processus. Je ne pourrais pas... Il faudrait vraiment que je fasse la vérification. C'est assez simple. Il faudrait juste que je lise le portugais. Mais c'est publié sur Internet...

M. Fournier: ...demander aux gens qui suivent.

Mme Fortin (Geneviève): Oui, c'est ça. Mais ça arrive assez tard, là, dans le processus. Mais je pourrais vous revenir, par exemple, avec la réponse. Ça me ferait plaisir.

M. Fournier: ...

Mme Fortin (Geneviève): Oui.

M. Fournier: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Je veux simplement dire: C'est très intéressant, comme propos, parce que la lisibilité des lois, la compréhension des lois par le commun des mortels, c'est un grand défi, et je pense que c'est très négligé. Moi, j'essaie aussi. On se sent un peu responsable, quand on fait partie du processus législatif, d'essayer que les lois soient claires, mais on est tellement dans un carcan traditionnel de mode de rédaction de loi que je pense qu'on n'est pas tout à fait rendu à la révolution. Mais l'idée d'avoir, pour certaines lois qui touchent plus spécifiquement les citoyens... je pense que c'est quelque chose qui mérite certainement d'être étudié puis d'être poussé un peu.

Le ministre référait à un exemple où vous l'aviez fait. C'était pour quelle loi?

**(17 heures)**

Mme Fortin (Geneviève): C'est pour le dépôt de l'avant-projet de loi concernant le Code de procédure civile.

Mme Hivon: Ah! O.K. O.K.

Mme Fortin (Geneviève): Vous savez...

La Présidente (Mme Vallée): Nous devons suspendre puisqu'il y a un vote, nous sommes appelés pour un vote.

Mme Hivon: Oui, c'est beau.

La Présidente (Mme Vallée): Mais nous suspendrons et puis nous serons de retour avec vous.

Alors, la commission va suspendre ses travaux.

Mme Hivon: Mais je peux les libérer.

La Présidente (Mme Vallée): Oui? Bon, bien, à ce moment-là, merci beaucoup, mesdames, d'avoir participé aux travaux de la commission.

M. Fournier: ...par exemple.

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Alors, Avocats sans frontières, nous serons de retour avec vous.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

 

(Reprise à 17 h 28)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Alors, nous recevons maintenant le groupe Avocats sans frontières. Alors, Me Paradis, Me Tremblay, merci d'être avec nous. Alors, je vous demanderais de présenter votre équipe, et par la suite vous aurez une période de 15 minutes pour votre présentation.

Avocats sans frontières Canada

M. Paradis (Pascal): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de Me Philippe Tremblay, qui est directeur des services juridiques chez Avocats sans frontières, et également de Me Marie-Claude Fournier, qui est conseillère juridique et qui se préoccupe particulièrement des questions d'accès à la justice au sein de notre organisation.

J'aimerais remercier les distingués membres de la commission de nous donner cette opportunité de discuter avec vous, d'échanger sur le projet de loi n° 29, un projet de loi qui est de grand intérêt pour nous.

Permettez-moi de prendre le temps de présenter Avocats sans frontières en quelques minutes, parce que peut-être qu'on est un peu moins connus que d'autres organisations que vous avez entendues jusqu'à maintenant, et ça va vous expliquer aussi d'où est-ce que nous venons avec nos propositions d'aujourd'hui, avec le discours, donc, que nous allons tenir.

Avocats sans frontières, c'est une organisation non gouvernementale de coopération internationale, qui est reconnue comme organisme de bienfaisance, dont la mission fondamentale est de travailler à des programmes qui visent l'accès à la justice et à la représentation légale pour les groupes vulnérables. Dans le cadre de cette mission-là, donc, nous contribuons à la défense et à la promotion des droits humains et de la primauté du droit, à la lutte contre l'impunité, au renforcement de la sécurité et de l'indépendance des avocats défenseurs des droits humains, à la tenue de procès équitables et à la formation continue des intervenants de la justice et des membres de la société civile.

**(17 h 30)**

Avocats sans frontières... donc la branche que nous représentons fait partie d'un mouvement international. C'est un mouvement international qui est somme tout décentralisé, c'est-à-dire que chaque branche est autonome pour son financement, pour ses projets, mais il y a beaucoup de collaboration dans différents projets. La branche ici, donc, elle est née à Québec. Elle a été fondée par des avocats québécois. Et donc nous sommes toujours situés ici, sur la rue Saint-Joseph, à quelques pas de notre Assemblée nationale.

En un clin d'oeil, pour vous dire où nous en sommes rendus, après 10 ans d'activités, parce que cette année commencent donc les célébrations pour nous de notre 10e anniversaire, alors que donc c'est une organisation qui est née, donc, au départ, d'une initiative purement bénévole, c'est aujourd'hui à Québec une équipe de 12 employés et cinq stagiaires. Nous avons des bureaux, donc des missions permanentes, dans trois pays, c'est-à-dire la Colombie, le Guatemala et Haïti. Comme on le verra un peu plus tard, c'est nos programmes principaux qui sont mis en oeuvre dans ces pays-là. Dans ces pays aussi, nous avons donc des collaborateurs, des employés locaux, donc on parle en tout d'une cinquantaine de personnes, donc, dont le travail à temps complet est appuyé par Avocats sans frontières.

Avocats sans frontières, outre cette équipe, donc, à temps complet, c'est aussi un réseau de bénévoles, de membres, de partenaires, de donateurs qui proviennent de partout au Québec et aussi au Canada. Ce sont des juristes, principalement, et ce ne sont pas tous, ou uniquement, ou exclusivement des experts en droit international, humanitaire ou en droits humains. C'est des juristes vraiment de tous les horizons parce que nous faisons appel à des compétences qui sont très variées. Donc, ça peut être des gens de cabinets privés, de grands cabinets, de petits cabinets, des gens qui travaillent au sein du gouvernement, dans l'entreprise privée, des professeurs, des étudiants en droit, des magistrats aussi et aussi des justiciables, des citoyens qui décident d'appuyer la mission d'Avocats sans frontières. Parmi ces bénévoles, 95 ont déjà participé -- donc des avocats, des juristes -- ont déjà participé à plus de 130 missions de coopération internationale dans différents pays, et toutes ces missions-là, donc, étaient centrées sur l'accès à la justice. La coopération internationale, donc, c'est un processus bilatéral, c'est-à-dire que, dans le cadre de nos programmes, aussi, on fait en sorte que des experts étrangers viennent ici, au Québec, pour échanger avec nos experts à nous.

Donc, comme je le mentionnais, nous avons trois grands programmes. Ces programmes sont financés principalement par le ministère des affaires étrangères du Guatemala et aussi par l'Union européenne...

Une voix: Du Canada.

M. Paradis (Pascal): ...du Canada, ministère des Affaires étrangères... Qu'est-ce que j'ai dit?

Une voix: Du Guatemala.

M. Paradis (Pascal): Du Guatemala. Oui, vous voyez, c'est parce qu'on a un projet là-bas. Donc, ministère des Affaires étrangères du Canada et par l'Union européenne. Nous comptons aussi sur l'appui financier de plusieurs partenaires, dont M. le ministre. J'en profite pour vous remercier publiquement pour votre appui. Tous ces projets-là, ce sont des projets, donc, qui sont centrés sur l'accès à la justice. C'est ça que nous faisons quotidiennement chez Avocats sans frontières. Nous cherchons à atteindre des résultats, à créer des changements ou à contribuer à créer des changements sur le terrain. Nous le faisons en appui à des partenaires locaux. C'est-à-dire que ce n'est pas des avocats en toge qui s'en vont défendre des causes à l'étranger, ce sont des juristes qui partagent leur expertise avec des partenaires locaux pour arriver à des résultats.

Donc, je vous ai parlé des trois principaux projets où nous sommes actifs, mais nous avons eu aussi des interventions, des activités dans une douzaine d'autres pays du monde. Je crois comprendre que le document que nous vous avons transmis tout à l'heure vous a été remis, donc ils sont nommés dans ce document-là. Dans toutes ces interventions, on aborde donc l'accès à la justice sous divers angles, qui peuvent être finalement résumés à trois grands secteurs. Ce qui est important, pour nous, c'est la réalisation des droits fondamentaux des justiciables. On parle des droits civils et politiques mais aussi des droits économiques, sociaux et culturels. Pour nous, c'est indissociable. Donc, ça, c'est important, la réalisation de ces droits-là. Pour y arriver, on utilise différents mécanismes. Parmi ces mécanismes, un des plus importants, c'est ce qu'on appelle le litige stratégique des cas emblématiques de droits humains. Donc, ça, ça assure, donc, la mise en oeuvre des droits et la lutte contre l'impunité quand il y a une violation à ces droits. Troisièmement, la mise en place et le soutien d'un service d'aide juridique et d'assistance judiciaire et également la promotion des modes alternatifs de règlement des différends.

Donc, toute cette expérience-là qu'au fil des années nous avons développée nous a permis aussi de réfléchir, de développer une vision de l'accès à la justice dans un contexte global. Donc, pour nous, l'accès à la justice, c'est un ensemble de processus et de mécanismes qui garantissent la mise en oeuvre de la justice afin d'apporter une réponse en droit à une situation problématique, individuelle ou collective. À ce titre, l'accès à la justice contribue au développement, à la lutte contre la pauvreté et à la lutte contre l'insécurité. Donc, si je me place... Par exemple, on entendait nos collègue d'Éducaloi, tout à l'heure, qui disaient, hein, que, pour eux, la vision de l'accès à la justice, ce n'est pas une vision limitative, hein, juste avoir accès à des tribunaux, c'est une vision très large de l'accès à la justice. Évidemment, nous partageons, nous aussi, cette vision très large de l'accès à la justice.

Puisque nous sommes une organisation de coopération internationale, on le voit aussi sous l'angle des grands traités internationaux qui protègent ce droit à l'accès à la justice. Donc, hein, les traités internationaux le prévoient, la Charte canadienne, la charte québécoise. Donc, pour nous, c'est une partie intégrante des obligations du Canada et du Québec internationales.

L'accès à la justice, pour nous, c'est un pilier de l'État de droit dans une société démocratique. Il garantit l'égalité de toutes et de tous devant la loi et aussi il assure une mise en oeuvre égale, équitable, non discriminatoire des droits de chaque citoyen et de chaque citoyenne. Pour nous, c'est une illustration de la saine gouvernance, c'est un gage de sécurité, de stabilité et de paix, donc, encore une fois, dans cette vision très large de l'accès à la justice.

Dans les contextes où on travaille, on voit aussi ce que ça donne de ne pas avoir d'accès à la justice. Ça diminue grandement la confiance des citoyens envers leurs institutions, envers leur État. Ça engendre des situations de frustration, de mécontentement, des conflits, et donc c'est souvent l'apanage des États fragiles ou des États qui sont en crise. Donc, pour éviter ce genre de situation, il faut que l'accès à la justice soit une réalité, donc il faut que les citoyens puissent réaliser leurs droits puis avoir accès aux tribunaux pour les faire mettre en oeuvre. Dans les pays où on travaille, donc, encore une fois, l'accès à la justice, c'est souvent un défi majeur. On se retrouve parfois dans des systèmes où la justice, en fait, n'est pas conçue nécessairement ou ne fonctionne pas de telle sorte qu'elle permette aux intérêts de la population, et particulièrement les groupes vulnérables, ceux qui nous intéressent vraiment, de mettre en oeuvre leurs droits.

Donc, quand on regarde le système québécois et qu'on le met dans cette perspective-là, il faut reconnaître puis il faut réaliser que le système de justice québécois, c'est un de ceux, c'est parmi ceux qui donnent le plus de garanties aux citoyens. C'est un système transparent, c'est un système efficace, c'est un système indépendant. Donc, nous, on dit: Il faut le chérir, il faut lui porter attention, il faut constamment travailler à l'améliorer, et c'est dans ce sens-là aussi qu'on prend donc l'initiative du projet de loi n° 29. Il faut aussi travailler à combler les lacunes. Et, bien que ces lacunes-là, quand on les compare à d'autres, puissent sembler de moindre envergure, par exemple celles auxquelles nous, on fait face à l'étranger, elles sont quand même importantes. Donc, vous les connaissez, hein: les problèmes d'accès aux tribunaux, le coût des avocats, les délais, etc. Donc, ce sont des problématiques qui sont très importantes.

Donc, compte tenu d'où nous arrivons, on commence par vous dire que nous saluons le plan accès à la justice, qui a été présenté récemment par le ministère, et qu'on appuie très fortement l'adoption du projet de loi n° 29 qui est devant nous aujourd'hui. Parce que l'accès à la justice, c'est le fondement de notre mission, on est très intéressés à la voir se réaliser au Québec aussi. Et là vous allez voir que, dans la suite de cette intervention, je vais vous démontrer qu'Avocats sans frontières, ce n'est pas une espèce de créature éthérique, là, qui s'occupe de trucs juste à l'étranger. Vous allez voir qu'on est très, très, très ancrés dans la réalité de l'accès à la justice québécoise. Nos interventions sont ancrées dans notre expérience québécoise, permettent de la partager et permettent aussi de l'enrichir, quand on la compare et quand on la définit par rapport à d'autres expériences ailleurs dans le monde.

Donc, en ce sens-là, on reconnaît l'importance des besoins qui sont spécifiquement déjà identifiés dans le projet de loi n° 29, hein? Donc, il y a un certain nombre d'alinéas, particulièrement à l'article 32.0.2, qui mentionnent un certain nombre de besoins très criants au Québec. Et, on peut vous le dire, on reconnaît déjà l'impact ou la participation que pourraient avoir des organisations qui sont des organisations... des collègues, des amis d'Avocats sans frontières. Éducaloi, on les rencontre souvent, on discute avec eux. Quand vous êtes allés voter tout à l'heure, on discutait, là, d'initiatives qu'on pourrait avoir dans certains de nos projets respectifs. Le Barreau du Québec, on travaille main dans la main avec eux, ils nous soutiennent fortement, les centres de justice de proximité, etc. Donc, on est très contents de ce qu'on voit déjà dans le projet de loi n° 29.

Ce qu'on vient vous suggérer aujourd'hui, c'est de peut-être prévoir une ouverture, dans ce projet de loi là, pour que le Fonds Accès Justice puisse soutenir des projets ou des activités qui visent le renforcement et le rayonnement de l'expérience québécoise en matière d'accès à la justice. Donc, l'idée ne serait pas de restreindre dès maintenant le projet de loi mais plutôt de lui permettre, donc, de considérer ces initiatives-là. Parce qu'on l'espère... Ce fonds-là, donc, il est créé. On espère le voir grandir, on espère le voir fleurir et on aimerait, donc, qu'il contienne cette vision globale, contextualisée de l'accès à la justice, au Québec, face à des expériences ailleurs dans le monde. Nous, nous sommes d'avis que, quand on se compare, quand on voit ce qui se fait ailleurs, quand on écoute, ça permet d'aller chercher ce qui se fait de mieux ailleurs, et ça, c'est très, très, très important. Donc, on aimerait que le projet de loi le permette.

**(17 h 40)**

Nous, d'Avocats sans frontières, notre travail quotidien fait en sorte qu'on est constamment mis en face de cette réalité-là, hein, du partage puis de l'enrichissement bilatéral des expériences, et donc on en a souligné quelques-unes dans le document qu'on vous a transmis pour vous donner des exemples.

Bon, par exemple, notre travail peut permettre... En soi, la réflexion théorique, intellectuelle peut permettre d'enrichir l'expérience québécoise en matière d'accès à la justice. Nous sommes à travailler, avec nos collègues d'Avocats sans frontières à Bruxelles, à mettre ensemble toute une série d'expériences en coopération internationale, mais aussi en droit local en matière d'accès la justice, pour voir quelles sont les meilleures pratiques qui se développent actuellement. Donc, ça, c'est un travail qui fait appel à des consultants un peu partout dans le monde. Donc, on regarde les États-Unis, la Belgique, la région des Grands Lacs en Afrique, l'Amérique latine. Et ça, évidemment, c'est le genre de travail qui peut bénéficier grandement aussi, lorsqu'on recherche des façons d'améliorer l'accès à la justice au Québec.

On travaille en Haïti. En Haïti, le gros de notre projet, c'est de soutenir la mise en place puis maintenant le fonctionnement d'un centre de justice de proximité. Ce n'est pas une blague, il s'appelle exactement comme ça. Et donc c'est des victimes du tremblement de terre et d'autres membres des groupes vulnérables qui peuvent donc y aller pour obtenir des services d'orientation, d'aide juridique et, si besoin est, d'assistance judiciaire dans des axes d'intervention prioritaire. Avant de conceptualiser ça, donc, on a vu c'est quoi, le besoin, on a fait des études sur place, locales. Ça, c'est la partie haïtienne. Mais évidemment c'est sûr qu'on a été rencontrer nos collègues des centres de justice de proximité au Québec pour voir qu'est-ce qu'ils font, comment ils font ça, c'est quoi, leurs mécanismes. On a fait appel aux services bénévoles de plusieurs personnes qui travaillent dans le domaine de l'aide juridique au Québec pour nous aider à conceptualiser l'intervention.

En revanche, ce qu'on dit, c'est que les services qui sont mis en place là-bas peuvent aussi inspirer le Québec. Par exemple, dans les centres de service de proximité en Haïti, dès le début des interventions, il y a des intervenants sociaux qui viennent intervenir auprès des justiciables. Donc là, c'est la partie d'assistance psychologique, de soutien à la victime, de soutien aux plaignants qui vient intervenir dès le départ. Donc, ça, c'est quelque chose où on dit: Bien, ah, c'est intéressant, on peut s'en inspirer.

En Haïti aussi, dans la conception de l'aide juridique, on s'aperçoit que, pour les jeunes stagiaires ou pour les jeunes étudiants en droit, de faire de l'aide juridique, du conseil, de l'orientation, c'est un passage obligé. Il faut que tu fasses ça avant de devenir un avocat. Ça, c'est des éléments... Je sais, ça s'est déjà discuté ici, mais on peut voir aussi ce qui se fait ailleurs dans ce genre de choses-là.

D'autres exemples, quand on parle de l'accès à la justice dans un sens plus large, en Amérique latine, évidemment, ce qu'on peut partager, c'est l'expérience québécoise en matière de réforme des codes civils, des codes de procédure, la passation d'un système inquisitoire écrit à un système accusatoire oral, en matière d'ordre professionnel des avocats, l'indépendance de la magistrature.

À l'inverse, nous, par exemple, on travaille souvent avec des avocats en matière pénale. Et c'est très intéressant de voir comment on donne accès à la justice aux victimes en matière pénale, hein? Donc, c'est la participation directe des victimes dans les processus judiciaires. Ça, c'est une forme d'accès à la justice. Donc, c'est une expérience aussi qu'il est intéressante de regarder pour voir, bien, qu'est-ce qu'on peut en faire au Québec puis de quelle façon on peut se comparer et éventuellement en prendre... l'utiliser comme modèle. Donc, ce sont quelques exemples.

De manière très générale, le fait que des avocats, des juristes, des professeurs, des magistrats québécois soient exposés à ce genre d'expériences fait en sorte que, quand ils reviennent, aussi, ils reviennent souvent transformés, hein? Ça, c'est des commentaires qu'on a souvent. Ils reviennent avec une vision différente. C'est confrontant, c'est extrêmement enrichissant, autant sur le plan humain que sur le plan juridique et intellectuel. Et ça, donc, ça vient contribuer à l'enrichissement de l'institution et, de manière plus globale, au modèle québécois.

Donc, pour nous, ce projet de loi, donc, on le voit comme une opportunité de mettre ça en oeuvre de façon encore plus concrète au Québec. Pour nous, quand on le regarde de notre vision, donc, d'avocats un petit peu plus, donc, internationaux, donc une vision globale... on l'a regardé puis on a dit: Tiens, ça, c'est intéressant, parce qu'on peut le prendre comme une des illustrations ou une des façons de réaliser l'engagement des ministres de la Justice de la Francophonie, qui a été signé à Paris il y a quelques années. C'était votre prédécesseur, M. Jacques Dupuis, qui était là. Et donc, dans cette déclaration de Paris, les ministres de la Justice de la Francophonie se sont engagés à mettre tout en oeuvre pour faciliter, favoriser l'accès à la justice dans leurs pays respectifs. Mais ils ont aussi dit: C'est important de faire oeuvre de solidarité puis de coopération, donc de mettre nos ressources à profit pour qu'on puisse les partager et les enrichir mutuellement. Donc...

La Présidente (Mme Vallée): ...Paradis, je vais vous demander d'accélérer. Vous avez déjà dépassé votre temps de une minute.

M. Paradis (Pascal): Ah! Merci. J'attendais que vous me le disiez. Mais je conclus en disant donc qu'on invite le gouvernement du Québec à se placer entièrement dans cette vision-là de la Déclaration de Paris et de considérer le projet de loi n° 29 comme une façon aussi de réaliser cet engagement-là. Donc, vous avez vu qu'on vous propose aussi un libellé. Nous, on pense que d'ajouter un alinéa à l'article 32.0.2 pourrait être très utile. Donc, nous, on suggère donc que le fonds accès à la justice pourrait servir au renforcement et au rayonnement du modèle québécois en matière d'accès à la justice.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup. Alors, merci à vous d'être là, vous à la première table et ceux qui vous accompagnent derrière. Vous avez remarqué que j'ai profité un peu d'une lecture rapide de votre document avec le groupe qui a précédé, et je pense qu'on a fait le commentaire qui nous mettait sur une piste en vous disant, en vous dévoilant l'idée initiale qui est derrière le projet. On n'a pas le même positionnement, alors forcément on ne le lit peut-être pas de la même façon. Puis je comprends votre lecture, d'où vous êtes. Moi, je suis d'une position où je suis interpellé par le décrochage judiciaire québécois, et plein de mesures devraient être prises, certaines financées par des fonds directement alloués par le Trésor, d'autres par des fonds que je dois trouver ailleurs et avec un appel répété de plusieurs groupes. Vous en avez entendu qui, eux aussi, ont des tonnes de projets, pour paraphraser une publicité, qui demandent de l'aide, et puis, bon, comment on est capable de faire ça avec des moyens limités? Forcément, là, on est capable aujourd'hui de constater... Et puis on n'a pas vu tout le monde, là, mais juste après deux jours, là, on aurait pu augmenter la dose pour avoir pas mal plus de financement.

Bon, ceci étant dit, je vous dévoile... je l'ai dit tantôt, je cherche une application Québec. Je ne veux pas avoir l'air réducteur quand je dis ça, mais, je vous le dévoile, je n'ai pas pensé aux autres territoires et aux problématiques d'accès à la justice ailleurs. Ma cour est pleine. C'est là où je suis. Alors, je regarde le renforcement et le rayonnement du modèle québécois. Rapidement, j'ai dit comment je suis capable de trouver une application avec les gens qui viennent nous voir. Peut-être qu'il y a des expériences ailleurs qui peuvent être enrichissantes. Ça, c'est ce qui s'appelle, si je comprends bien, le renforcement, dans la proposition que vous faites. Le rayonnement, franchement, je ne suis pas rendu là. J'aimerais ça rayonner ici avant. Je ne sais pas comment vous le dire sans avoir l'air d'être un casseux de party. C'est pas mal ça quand même qui m'habite, alors je suis aussi bien de vous le dire.

Comment vous répondez à ce positionnement-là? Je ne suis pas contre le rayonnement, là, loin de là, je trouve ça super, là, mais j'ai un petit fonds de 8 millions puis j'ai des besoins pour à peu près des dizaines de millions qui sont exprimés juste en accès ici. Alors, comment vous essayez de me convaincre pour me dire que... Renforcement, remarquez bien que ça, je peux vivre avec, renforcement, mais je me demande si... Le libellé que nous avons à 8°, «toute autre forme d'amélioration de l'expérience du public avec la justice», me semble déjà pouvoir y répondre, mais, bon... Parce que je crois qu'au fil du temps, dans les projets, dans les façons de faire pour améliorer l'accès à la justice, on n'est pas dépositaires de toute la vérité ici puis, qu'on puisse s'inspirer d'idées qui viennent d'ailleurs, je pense que c'est obligatoire, c'est un passage qui me semble très justifié. Mais, de favoriser à ce qu'une expérience que nous aurions réussie... que nous financions son rayonnement à l'étranger, je pense que je dois avoir pas mal d'autres affaires à faire avant de me rendre là.

Alors, convainquez-moi ou dites-moi: Bien, écoutez... Dites-moi quelque chose. Je vous ai dévoilé où j'étais, puis on n'a pas l'air d'être tout à fait, en tout cas, à 100 % au même endroit, là. Puis je m'excuse de vous le dire à l'avance, mais c'est la façon la plus utile que j'ai d'entretenir le dialogue, là, sur la proposition que vous faites.

**(17 h 50)**

M. Paradis (Pascal): En fait, on n'est peut-être pas si loin que ça, parce que, ce que je viens d'entendre, on est vraiment d'accord avec cette position-là et on arrive... Donc, nous, on essaie, bien humblement, de bonifier le projet de loi, tout en étant très conscients de ce que vous nous dites, qu'il est très fortement centré sur l'accès à la justice au Québec, et c'est comme ça que nous le voyons.

Donc, vous avez dévoilé très franchement votre position. Permettez-moi de dévoiler très franchement la mienne. Si d'aventure vous disiez que d'ajouter un alinéa qui pourrait s'inspirer de celui que nous vous proposons pourrait être une idée qui vous intéresse, que, nous, le mot «rayonnement» ne s'y trouve pas et qu'on parle du renforcement, ça serait déjà très convenable. D'Avocats sans frontières, notre perspective est vraiment de dire que ce projet de loi là, il devrait permettre d'envisager éventuellement des initiatives qui permettent d'enrichir la réflexion sur l'accès à la justice ici, d'étudier des modèles qui nous permettent justement de trouver des réponses à ces problématiques que vous avez identifiées, et c'est à ça qu'il devrait servir.

Donc, nous, on n'arrive pas ici, là, avec nos gros sabots en disant: Bien là, ça devrait permettre de financer toutes sortes d'activités d'organisations comme la nôtre qui font de la coopération internationale. Ça, nous convenons qu'il faut regarder d'autres sources de financement pour ça. Mais on aimerait, par exemple, que, s'il y a une conférence internationale à organiser, que, s'il y a des échanges à organiser entre des experts québécois et des experts d'ailleurs dans le monde, donc où on envoie des experts québécois à l'étranger, donc qui vont apprendre, qui vont partager, des experts étrangers viennent ici, et viennent partager, puis viennent donner leurs opinions sur des mécanismes d'accès à la justice, certains exemples que je vous ai donnés qui nous apparaissent des expériences... des exemples très concrets d'éléments qui peuvent servir au Québec comme inspiration pour améliorer l'accès à la justice ici, bien ça, on aimerait ça que le fonds le permette.

Donc, on dit d'emblée, au moment où on adopte cette loi-là... Puis, le fonds, on espère qu'il va être là pour durer de très longues années, donc on aimerait qu'il permette dès maintenant cette ouverture-là, tout en restant... tout en ne dénaturant pas ce projet de loi là, qui, on le convient et on est d'accord avec ça, doit être centré sur l'accès à la justice au Québec. Mais on espère qu'il permette cet enrichissement-là mutuel.

M. Fournier: Je prends à la volée que vous dites que vous espérez qu'il aura une durée dans le temps. Je pense que d'abord le premier volet de financement n'est pas à la veille de se tarir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Le choix est assez bon comme source de financement. On risque probablement plus d'avoir à... Je n'encourage pas les gens à faire des contraventions, mais on est plus... Les groupes qui sont venus nous voir, d'ailleurs, hier étaient plus dans une approche de dire: Est-ce que cela sera suffisant? Bon, honnêtement, commençons là, commençons à quelque part. Des propositions ont été faites. Il y en a quelques-unes qui ne me semblent pas être facilement applicables, d'autres, peut-être, devraient être regardées. Mais j'ai l'impression que la tâche que nous avons dépasse les moyens que nous avons sur la table, encore que qu'il faut aussi se garder la possibilité d'envoyer comme signal que ce fonds-là ne vient pas prendre la place des organisations comme la vôtre, ou comme Éducaloi, ou comme Pro Bono, bon, tous ceux qui sont venus. L'État n'a pas à créer un fonds pour dire aux organisations: Nous allons maintenant faire ce que vous faites, alors nous allons payer votre organisation, nous allons l'acheter, et vous allez devenir membres du ministère de la Justice. Ce n'est pas l'objectif. Il y a des initiatives, les centres de justice de proximité, on l'a vu, il y a des initiatives que le ministère souhaite qui soient généralisées, mais on n'est pas en train de dire qu'on ne veut plus de partenaires.

Alors, il y a aussi, derrière le fait qu'il n'y a peut-être pas autant de fonds qu'on espérerait, l'imagination. La capacité d'innover qui se vit dans les différentes organisations va continuer d'être là. Il y avait la représentante du Centre de justice de proximité de Québec qui disait: Avec les moyens qu'on a, on n'a pas le choix, il faut qu'on invente, il faut qu'on trouve des façons. Et c'est une des données. Ce n'est pas... on ne veut pas faire exprès pour que les gens aient des moyens limités. Si on en avait plus... Mais en même temps il y a une force créatrice derrière ça qu'on ne peut pas mettre de côté.

Alors, tout ça pour dire que les fonds ne sont peut-être pas infinis, mais je crois que le fonds sera là pour durer. Il y a des exemples ailleurs. On l'apprend même un peu ici, en commission, en voyant que dans d'autres juridictions le système n'est pas tout à fait comme celui que nous avons. Alors, il y a une ouverture à pouvoir financer des choses.

Je n'ai pas vraiment de question à vous poser parce que je comprends ce que vous voulez dire. Je ne sais pas si j'ai besoin du libellé pour y arriver. Comme je disais tantôt, je trouvais qu'il y avait un autre libellé qui permet peut-être de le faire. On aura l'occasion d'en discuter dans l'étude article par article. Je veux quand même confirmer... Parce que tantôt je disais: Peut-être qu'on n'est pas sur la même longueur d'onde. Vous me dites: Non, non, non, on peut l'être. Je crois -- d'ailleurs, les gens qui sont venus tantôt en sont la preuve -- je crois que le Québec n'est pas tout seul. Il y a des exemples ailleurs sur lesquels on doit tabler. On doit apprendre des autres. Tant mieux si on peut être un exemple pour d'autres, mais à ce moment-ci, en termes d'accès, la vocation... le travail est immense, alors on va essayer de faire oeuvre utile ici. Et je suis très favorable...

De toute façon, le projet a été dit par plusieurs comme étant à ce point large qu'il permet beaucoup de choses dans le domaine de l'accès à la justice. On verra pour les libellés, mais je pense qu'on peut effectivement apprendre d'expériences ailleurs, que vous détenez, par votre vocation, vous détenez un savoir qui est utile en ces matières. Alors, pour la suite des choses, on verra comment on est capables d'entreprendre l'étude article par article et de voir où ça se terminera. Mais, bon, on a compris que l'objectif n'est pas aujourd'hui de dévoiler au monde entier tout ce que nous réussissons, mais d'essayer de réussir mieux ici. Et c'est un des... c'est l'objectif que nous avons.

Je vous remercie. Je n'aurai pas d'autre question, Mme la Présidente. Mais je vous remercie de votre participation et surtout de ce que vous faites en vérité sur le terrain. Il y a des nobles causes que vous soutenez. La façon dont vous voulez et que vous mariez le social au droit -- d'ailleurs, le droit est social -- et le lien que vous faites avec la vie en société, la paix sociale, la capacité de voir une société croître, dans la mesure où elle peut être en paix, elle peut accepter, participer volontairement plutôt que subir, toutes des valeurs qui, je n'en doute pas, sont celles qui vous animent, sont certainement des valeurs que nous partageons tous, comme Québécois. Et ça m'arrive si peu souvent de profiter de mon rôle pour dire qu'au nom des Québécois, à titre de ministre de la Justice, je vous félicite pour l'oeuvre que vous accomplissez. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, Mme la députée de Joliette.

**(18 heures)**

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous trois. Très heureuse de vous entendre et d'avoir l'occasion aussi de vous dire tout le bien que je pense de votre travail. Je dois dévoiler mon intérêt, j'ai déjà été membre d'Avocats sans frontières. Donc, évidemment, je souscris aux objectifs, et aux valeurs, et à la mission d'Avocats sans frontières. Et puis j'ai vu en fait d'où cette organisation-là est partie, un peu comme avec Éducaloi tout à l'heure, et c'est ce qui fait, je pense, que c'est si extraordinaire de voir des jeunes avocats de la société québécoise qui s'impliquent par idéal pour l'accessibilité à la justice, ici ou ailleurs, partir à bout de bras des projets et voir qu'au fil du temps ils réussissent à bâtir quelque chose qui prend son essor, qui a une reconnaissance étatique, qui réussit à aller chercher du financement, qui tranquillement a des employés. Donc, c'est vraiment impressionnant. Donc, bravo!

Sur ce, bien, c'était un exposé fort intéressant, qui suscite quelques questions parce qu'évidemment vous êtes à un autre niveau, je dirais, de considération. Un petit peu plus tôt aujourd'hui, certains nous ont dit: On vous demande juste une chose, là, c'est que ça soit concret, donc que ce fonds-là, il serve à des choses concrètes. Moi, je ne suis pas de celles qui pensent que toute forme de recherche, d'évaluation, de droit comparé ne peut pas donner de résultat, au contraire. Je pense d'ailleurs que les centres de justice de proximité ont tranquillement été pensés à partir de d'autres initiatives. On s'inspire toujours de d'autres modèles. On en crée aussi, on en améliore. Donc, je comprends très bien l'intérêt, mais il y a vraiment des besoins énormes. On entend des groupes depuis deux jours, des groupes embryonnaires, des groupes bien établis. Les bien établis nous disent qu'ils ont besoin de plus de pérennité, d'un meilleur financement. Les autres, du milieu communautaire, crient famine, disent: Pensez à nous parce que personne ne pense à nous. Le ministre a lui-même ses propres projets. Donc, je dirais qu'il y a beaucoup de choses. Donc, avant de, peut-être, en venir plus à ca je voulais voir...

Je comprends que votre présentation vise à nous dire: Bien, inscrivons tout ça dans le long terme, et, puisqu'une loi on ne change pas ça à tous les mois, ce serait peut-être un peu dommage de passer à côté d'une occasion aussi de renforcer notre modèle par des initiatives d'accès à la justice. Je dois dire qu'en ce moment on va avoir un débat important justement sur le fait que... ce projet de loi là, comment on le conçoit. Le ministre a des initiatives puis il a des initiatives qui sont excellentes, mais est-ce que ce projet de loi là doit être pensé uniquement en fonction de ces initiatives-là ou est-ce qu'il doit s'inscrire dans un certain avenir, un développement de la vision, avec, des fois, des idées qu'on peut peut-être ne pas imaginer aujourd'hui? Ça fait que, dans ce sens-là, je trouve que c'est très pertinent que vous veniez nous dire: Bien, pensez peut-être à la vie de ce projet de loi là puis à ce qui peut être apporté. Donc, ça, je le reçois bien.

Moi, je veux comprendre. Très concrètement, ce que je perçois de votre intervention, on parlerait de droit comparé, là, on serait plus dans la justice comparée, je dirais, des modèles de justice comparée, et de dire: Permettez à ça, ces initiatives-là, de pouvoir être financées. Est-ce qu'outre Avocats sans frontières il y a d'autres organismes qui donnent un peu dans cette même mission là ou qui auraient cette même expertise là? Parce que certains viennent nous dire aussi: Il faut faire attention, il faudrait davantage que tous les organismes dans le domaine de l'accès à la justice se parlent davantage, qu'on soit plus au courant de ce que l'un et l'autre font. Donc, est-ce que vous dites: Nous, Avocats sans frontières, c'est pas mal nous seuls qui sommes sur ce terrain-là, ou est-ce que toutes ces questions-là sont aussi le lot de d'autres? Ce n'est pas une question piège, c'est juste pour voir, de par les échanges... Parce que vous disiez que vous aviez travaillé avec centres de justice de proximité, Éducaloi, tout ça. Est-ce que, pour vous, c'est un peu une marque de commerce d'Avocats sans frontières?

M. Paradis (Pascal): Bon, merci pour la question. Vous voyez que dans les dernières secondes je consultais rapidement mes collègues pour essayer de bien vous répondre, et je les invite à compléter, le cas échéant, mais je pense qu'au Québec nous sommes pas mal une créature unique dans ce domaine-là, là. Mais je le dis très humblement, là, et je ne voudrais pas exclure d'autres gens. Mais c'est vrai que, nous, c'est vraiment ce que nous faisons de manière quotidienne. Mais il y a beaucoup d'autres organisations, hein, qui ont des parties internationales à leurs mandats. Le Barreau du Québec, par exemple, a des expériences internationales très intéressantes. D'autres organisations... Le Barreau de Montréal a des ententes avec toutes sortes d'autres barreaux, le Barreau de Québec également. Il y a d'autres organisations, donc, qui en font un peu. Donc, je ne pense pas qu'on soit seuls complètement sur la scène de cette coopération judiciaire ou juridique internationale, mais disons que, comme organisation dont c'est le mandat, la mission fondamentale, on n'en connaît pas des tonnes au Québec. Au Canada, il y en a quelques-unes. D'ailleurs, nous avions des collègues, donc, de l'Ontario qui étaient à nos bureaux aujourd'hui, justement pour qu'on échange, qu'on discute sur nos missions respectives. Mais c'est vrai qu'il n'y a pas énormément de joueurs.

Et donc je profite du temps qui m'est alloué pour renchérir sur un des éléments dont vous discutiez tout à l'heure. C'est-à-dire que, nous, on comprend très bien, là, puis je le réitère, hein, que les besoins sont énormes ici aussi, au Québec, et qu'on parle pour l'instant d'une somme de 8 millions. 8 millions, ce n'est pas assez, on va tous en convenir probablement, pour faire tout ce qu'on veut faire en matière d'accès à la justice. En même temps, ce n'est pas une somme qui n'est pas significative, hein? Donc, c'est quand même un outil intéressant. Nous, on a vu ça et on a dit: Wow! ça, c'est vraiment un outil très intéressant dont le Québec est en train de se doter. Mais, comme vous l'avez mentionné, on l'a vu donc à long terme et on a dit: Là, ça, c'est bien, on voit, il y a certaines dispositions ici qui sont vraiment centrées sur certaines organisations, hein? On regarde, il y a un alinéa Éducaloi, il y a un alinéa Pro Bono, etc., on le voit, et c'est très bien. Et nous, on est très contents puis on dit tant mieux, parce que ces gens-là, ce sont nos collègues, nos amis, on marche ensemble sur la voie de l'accès à la justice.

Mais on l'a regardé puis on s'est dit: O.K., est-ce que... Puis là on vous invite à le faire quand vous allez faire l'étude article par article, mais nous, on s'est dit: Ça serait dommage que, pour 20 ans, nous, on n'ait jamais une possibilité de collaborer, puis d'offrir notre expertise, puis de permettre cet enrichissement-là en travaillant avec les autorités québécoises, avec d'autres collègues au Québec. Les autres l'ont mentionné, ça, c'est le genre de fonds qui peut créer aussi beaucoup d'émulation au Québec, hein, de collaboration entre les différentes organisations puis: Aïe! on va faire tel programme puis on va faire telle chose. Puis, encore une fois, nous, on n'arriverait pas avec des idées, là, qui sont des choses pas concrètes, puis tout ça. C'est vraiment dire: Bien, regardez, il y a telle expérience qui se fait actuellement dans tel pays. Ça, là, il faudrait vraiment voir comment on pourrait appliquer ça au Québec parce que ça, c'est une solution.

Puis, quand je dis ça, ça peut être avec nos collègues dans des pays qu'on dit... où il y a des systèmes juridiques qui sont donc plus stables, qui sont plus développés. Ça peut être la Belgique, ça peut être les États-Unis, la France, le monde dit occidental, mais il se passe des affaires absolument extraordinaires en Afrique aussi, puis en Amérique latine, puis en Asie du Sud-Est, des gens qui arrivent avec des initiatives absolument fabuleuses, puis tu dis: Mais ça, on devrait faire ça chez nous. On voit des choses, on est sur le terrain, puis on a dit: Ça, il faut faire ça chez nous, puis on va créer plus d'accès à la justice. C'est ça qu'on aimerait, que le Fonds d'Accès Justice ne se ferme pas à ça mais dise: Ah! on pourrait le considérer. Puis, d'année en année, les priorités vont s'établir. Il va y avoir des gestionnaires de ce fonds-là qui vont évaluer puis qui vont dire: Bien, cette année, il faut faire plus de ça. Ou, pour les prochaines années, j'imagine qu'il va y avoir des plans, puis tout ça, et donc là les priorités vont s'établir. Ça serait dommage, par contre, que le projet, que la loi elle-même ne permette pas cette ouverture-là.

Mme Hivon: Très concrètement, pourquoi... Est-ce que vous avez regardé le septième alinéa puis...

Une voix: Oui.

Mme Hivon: Oui? Bon. Pourquoi, selon vous, ce n'est pas, ça ne pourrait pas être inclus?

M. Paradis (Pascal): Bien, on l'a regardé, puis c'est sûr que là on se dit: Ah! on a peut-être une prise, puis ça, ça pourrait être intéressant pour faire un certain nombre de choses. En même temps, bon, ça dépend toujours avec qui tu fais affaire, puis il y a des gens qui pourraient le lire de manière plus restrictive, puis il y a des gens qui pourraient le lire de manière plus large. Pour nous, une lecture restrictive pourrait être possible, puis c'est pour ça aussi que dans notre document on vous parle, là, de certains mots, parce qu'il y a certains qualificatifs qui sont un peu au scalpel, hein, dans le projet de loi, là. Par exemple, quand on dit: «Le Fonds est affecté au financement de projets ou d'activités destinés aux citoyens...», là tu peux dire: Bien, il faut que l'activité soit directement destinée au citoyen. Puis, si dans le futur elle pourrait être destinée au citoyen, là c'est trop indirect, on ne la prend pas. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Bien, peut-être que là aussi on pourrait dire «centrée sur le citoyen», par exemple. Mais donc l'initiative immédiate dont on est en train de discuter n'est pas nécessairement, au moment où on se parle, destinée. Donc, vous voyez, on est... Je comprends qu'on pourrait dire: Non, ça, c'est une interprétation trop restrictive, mais nous, on n'aimerait pas se retrouver, dans quatre ou cinq ans, devant une telle interprétation restrictive, de dire que, non, le fonds accès à la justice, c'est québeco-québécois, puis les projets, même si c'est intéressant, des projets de partage, d'enrichissement, avec des expériences qui proviennent d'ailleurs, ça ne serait pas contenu dans le projet. Ça serait dommage.

Mme Hivon: Je peux poursuivre?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

Mme Hivon: Oui? Donc, je comprends que vous êtes ouverts à la négociation sur l'amendement.

Une voix: ...

Mme Hivon: Non. Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hivon: C'est bien de constater cette ouverture à un mode alternatif de règlement. Le renforcement et le rayonnement, vous dites donc: Oui, peut-être que, rayonnement, on comprend que ça ait une portée un peu d'exportation du modèle, donc ce serait peut-être quelque chose qui à court terme, en tout cas, et moyen terme est plus difficilement envisageable, mais est-ce que, si on vous donnait la totale, exemple, je comprends que, dans votre perspective idéale, ça pourrait aussi être quelque chose, c'est-à-dire, donc, de dire qu'éventuellement, si c'était absolument extraordinaire et qu'il y avait toutes sortes de sources de financement, qu'on apportait des changements par rapport vraiment à la mouture actuelle, que ce serait aussi pour aller aider l'accès à la justice ailleurs? Donc, ça, c'était quelque chose qui faisait partie de votre réflexion mais qu'à la lumière de l'ensemble des besoins qui sont exprimés ici vous vous dites: Peut-être que là on pousse un petit peu fort.

M. Paradis (Pascal): Mme la députée, je vous remercie de la question. Vous m'ouvrez une belle porte, alors, évidemment, je vais m'empresser de m'engouffrer dans cette ouverture-là. Je ne peux pas vous cacher, là, je ne peux pas vous mentir en vous disant qu'on n'aimerait pas, nous, d'Avocats sans frontières, qu'il y ait une ouverture encore plus grande au Québec pour favoriser des initiatives comme celle d'Avocats sans frontières. La réalité est qu'on est financés surtout par le Canada, par les autorités canadiennes, par les autorités européennes, par des bailleurs de fonds un peu partout mais que pour nous c'est difficile de trouver des prises au Québec, pour travailler, donc, avec des partenaires ici, au Québec. Donc, je le répète, nous, on est arrivés, puis on a lu ce projet-là, puis on l'a pris comme il est. On a compris que le ministre, là, on travaillait l'accès à la justice au Québec et donc on s'est placés dans cette perspective-là. Mais évidemment, si ça pouvait permettre de faire d'autre chose, qu'il y ait une partie qui soit réservée à ça, ça serait extraordinaire, pour nous, parce que l'aspect rayonnement, c'est déjà bien, mais l'aspect solidarité internationale, pour nous, c'est une valeur fondamentale.

Je peux vous le dire, là, ce n'est un cliché, l'expérience, l'expertise québécoise à l'étranger, là, c'est du cinq étoiles, c'est très apprécié. On arrive avec une vision, là... Tout le monde connaît ça, là, mais nous, on le vit tous les jours sur le terrain. Le bijuridisme québécois, notre bilinguisme, on arrive avec une vision à la fois de civiliste mais qui comprend très bien la common law. Là, il y a plein de systèmes partout dans le monde qui sont aux confins de ces changements-là. On n'arrive pas avec un... on ne traîne pas un bagage colonialiste derrière nous, donc on arrive, puis les gens nous accueillent à bras ouverts, donc on apprend énormément.

**(18 h 10)**

Puis, c'est ça, nous, on a insisté aujourd'hui sur l'aspect d'enrichissement au Québec, là-dessus. Mais, si idéalement, évidemment, le fonds d'accès à la justice pouvait permettre, donc, de favoriser les initiatives de solidarité, le Québec a énormément à partager dans le monde en matière de justice. C'est un des domaines d'expertise les mieux en vue. Regardez les tribunaux pénaux internationaux, les institutions internationales en matière de justice. Il y a un nombre, une proportion absolument démesurée de Québécois qui font partie de ces instances-là. Pourquoi? Parce qu'ils sont très bien vus, parce qu'ils sont appréciés, parce qu'ils sont polyglottes, parce qu'ils sont multijuridiques. Donc, c'est une opportunité extraordinaire pour le Québec et ce serait faire preuve d'une grande solidarité envers des gens qui en ont beaucoup besoin.

Parce qu'on a parlé des besoins ici, puis ils sont énormes, ils sont réels, on les reconnaît. Mais, quand on parle avec des victimes de tortures, des gens qui sont à la recherche des corps de leurs parents qui ont été assassinés, quand on parle d'exécutions extrajudiciaires, de déplacements forcés à l'intérieur de son pays, tutti quanti, de graves violations de droits humains, quand on parle de massacres, des besoins entre justices et des besoins extrêmement immédiats, qui sont parfois même pour protéger le plus essentiel des droits, c'est-à-dire le droit à la vie puis le droit à la liberté... Donc, que le Québec s'inscrive dans cette solidarité internationale, bien sûr que, pour nous, ce serait extraordinaire.

Donc, oui, idéalement, mais, je vous le dis, nous, on arrive humblement aujourd'hui en disant: Bien, si au moins le projet de loi pouvait permettre des initiatives d'enrichissement de l'expérience québécoise en matière d'accès à la justice, on en serait très contents.

Mme Hivon: Ce n'est pas là que je voulais vous amener, mais je dois vous dire que moi, de mon côté, de par l'adhésion à la formation politique dans laquelle je suis, j'ai une idée qui ferait en sorte que le Québec aurait un plus grand rayonnement sur la scène internationale et où il pourrait amener la justice du Québec partout dans le monde. Mais ça, c'est un autre débat. On ne l'abordera pas aujourd'hui. À l'étude article par article, c'est ça, entre le 1 puis le 2, là. Je veux juste... Quand vous dites ça, c'est juste... ça m'intéresse... petite question. Notre expertise, tout ça, vous en parlez, là. C'est parce qu'on n'en parle pas souvent de comment tout cela est perçu. Mais c'est plus, je dirais, notre expertise en droit que notre expertise dans le domaine... Comprenez-vous la différence que je fais entre droit et justice, c'est-à-dire, justice, des modèles de justice, des manières de rendre la justice, ou le droit, ou les deux?

M. Paradis (Pascal): C'est un ensemble. C'est étonnant. Je vais vous raconter. On en discutait avec nos collègues d'Éducaloi. Il y a quelques mois, j'étais au Burundi, où on faisait des interventions sur un thème x, et nous rencontrons un juriste qui travaille au Burundi et au Rwanda, qui commence à nous expliquer, au détour d'une conversation, que le Rwanda, dans le cadre des grandes réformes qui viennent d'avoir lieu, se sont inspirés largement d'Éducaloi pour créer une espèce de site Internet d'accès à la justice. Alors, nous, on était hyperheureux, mais ce n'était même pas dans le cadre d'un partenariat avec Éducaloi, hein? C'est parce qu'il y avait des juristes Québécois qui étaient allés puis qui avaient dit: Aïe! Éducaloi... Puis là ils son allés sur le site Internet, ils ont trouvé ça fabuleux. C'est ça, l'expertise québécoise à l'étranger. On la retrouve dans...

En Haïti actuellement, là, Avocats sans frontières fait partie d'un groupe de travail sur la réforme des lois de l'aide juridique. Prenez le projet de loi sur lequel ils travaillent à Port-au-Prince, là-dessus, puis regardez les lois québécoises en matière d'aide juridique, puis l'inspiration, là, elle est... Je ne voudrais pas dire que c'est un calque, hein, parce que c'est un travail en progrès, mais il s'inspire très largement de l'expérience québécoise. Donc, c'est dans plusieurs domaines, là, puis je suis certain que mes collègues pourraient compléter avec beaucoup d'autres exemples, mais on le retrouve dans l'ensemble du monde juridique, le modèle québécois, il est vraiment bien vu.

Puis, pour l'importance, hein, quand on regarde notre population, puis tout ça, c'est disproportionné dans le sens positif du terme. Il y a vraiment... on retrouve beaucoup du Québec partout dans le monde. La réforme récente du Code civil du Québec, c'est un exemple qui est utilisé partout dans le monde. En Amérique latine, là, il y a l'éditeur juridique Wilson & Lafleur qui a produit un Code civil du Québec dans les trois langues, français, anglais, espagnol. Tu vas voir les gens qui ont contribué à la réforme, aux réformes qui sont en cours actuellement, puis ils ont ça sur leurs bureaux, puis ils s'inspirent de ça, non seulement sur le fond du droit, mais sur la façon dont ça a été fait.

Mme Hivon: Bon, alors, parfait. Bien, c'est juste intéressant de voir ça, parmi, je dirais, tous les problèmes d'accès à la justice, et tout, de voir qu'il y a quand même des choses qui rayonnent et qui donc sont vues très positivement.

Et je voulais juste vous demander, peut-être, dernière question: Vous êtes financés à partir, j'imagine, de certains fonds du gouvernement fédéral, là, vous y avez fait allusion. Je n'ai pas le détail. Je voulais juste savoir votre expérience, lorsque... Là, on arrive plus dans le volet du projet de loi, gestion du fonds, critères d'attribution, recommandations pour attribuer ce fonds-là, qui bien sûr va être insuffisant pour répondre à tous les besoins et toutes les demandes. De votre expérience avec les fonds qui vous financent, comment ça fonctionne? Comment cet appel de projets là est fait? Est-ce que c'est quelque chose qui est très normé, très large?

Une voix: ...

Mme Hivon: Très normé? Donc, j'aimerais juste ça vous entendre.

M. Paradis (Pascal): Oui. Vaste programme. C'est complexe, hein? Donc, les financements que nous obtenons, c'est en fonction de propositions très complexes, très détaillées, qui sont déposées auprès de bailleurs de fonds, qui sont analysées sous toutes leurs coutures par des experts thématiques, par des experts en gestion, par des experts géographiques, par des experts financiers. Donc, on établit toute une série d'activités avec des résultats, hein, parce que, nous, il faut produire des résultats, hein? Donc, quand on dit du concret, il faut qu'on arrive, il faut qu'on produise des changements sur le terrain. Là, il y a des indicateurs qui sont établis pour mesurer l'atteinte de ces résultats-là. Il faut produire des rapports, il faut parler aux gens, donc c'est très complexe, il y a des normes financières à suivre, etc. Donc, oui, je vous dirais que c'est quelque chose de très complexe qui assure que l'argent des contribuables, qui permettent, donc, la coopération internationale, est utilisé à bon escient.

Je vous dirais que c'est très contraignant et que je ne suggère pas, par cette réponse, que le fonds accès à la justice devrait être aussi complexe et aussi formel. Au contraire, je vous dirais que j'aimerais beaucoup... Et là, même si donc les propositions qu'on vous fait aujourd'hui d'aventure n'étaient pas acceptées pour tous nos collègues, nos amis, j'espère que ça laisserait la place à des initiatives qui proviennent de grandes organisations qui sont en mesure, donc, de vous présenter des propositions très détaillées mais que ça donne aussi, peut-être, la place à des mesures citoyennes, des initiatives de plus petites organisations, des gens qui arrivent vraiment avec des propositions très, très concrètes en faveur de l'accès à la justice et qui pourraient peut-être avoir une réponse, donc, un oeil favorable de la part du fonds accès à la justice.

Mais, il est vrai que le fonds devrait trouver un moyen d'être capable de justifier l'utilisation de ses fonds. C'est-à-dire que, donc, nous l'avons utilisé pour faire ceci, puis, regardez, voici les résultats que nous avons. C'est ça qu'on leur a demandé de faire avec l'argent qu'on leur a donné, et, voici, ils ont livré la marchandise. S'il y a eu des problèmes, donc, il faut les leçons apprises, hein? Qu'est-ce qu'on fait, donc, les prochaines fois? Comment on fait pour corriger? Qu'est-ce qui explique les écarts entre les résultats effectivement atteints et ceux qu'on avait identifiés au départ? Donc, ça, c'est sûr, je suis certain que ça va être inclus dans la réglementation puis dans les fins détails. Mais ça serait bien que ça ne devienne pas un fonds hypercomplexe où les gens se disent: Ouf! avant d'aborder ça, il faut travailler des centaines d'heures pour préparer une proposition.

La Présidente (Mme Vallée): Me Paradis, désolée, nous avons épuisé le temps. Donc, je vous remercie beaucoup d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions.

Je vais suspendre quelques minutes, et par la suite on aura la place pour les remarques finales très brèves.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

 

(Reprise à 18 h 19)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre.

Remarques finales

Donc, je cède maintenant la parole à M. le ministre, pour vos remarques... Mme la députée de Joliette, pardon, pour vos remarques finales.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Compte tenu de l'heure, je serai brève. Je pense qu'à travers les échanges des deux derniers jours le ministre a été en mesure de voir un peu les préoccupations qui m'habitaient, que j'ai d'ailleurs énoncées dans mes remarques préliminaires et qui ont été quand même, à certains égards, je dirais, renforcées par certains témoignages.

J'inviterais le ministre à regarder attentivement de nouveau son projet de loi, dans le but d'en faire un outil, je dirais, de développement d'accès à la justice qui va être stable, qui va donc s'inscrire, pour la suite des choses, de manière intéressante et intelligente... pour vraiment atteindre les objectifs qui sont là, des objectifs larges qui, oui, je pense, sont souhaitables.

**(18 h 20)**

Par ailleurs, je pense aussi qu'à partir du moment où un tel fonds est créé ce ne peut être un fonds discrétionnaire du ministre, qui n'a pas de balises, qui n'a pas d'encadrement, qui n'a pas de conseil de gestion, d'administration, qui n'a pas de critères, qui ne prévoit pas de manière dont ces critères vont être élaborés. Là, je pense à 32.0.5 parce qu'on fait référence à des «conditions qu'il détermine» sans dire comment il va les déterminer, seul, avec d'autres, avec un conseil, par règlement, par énoncé, enfin, bref, toute la question de la reddition de comptes.

Puis, je vous dirais, plus globalement, bien je l'ai souligné beaucoup, il va y avoir énormément d'intérêt pour le fonds. Le ministre lui-même a déjà énormément d'intérêt pour ce fond-là. C'est normal. Et évidemment je pense que, d'un point de vue de législateur, il faut s'assurer que ce n'est pas quelque chose qui est créé comme ça aujourd'hui, parce qu'au ministère il y a un problème de financement d'un projet x et donc c'est la réponse immédiate qui est apportée, sans se projeter un peu dans l'avenir de ce que ce fonds-là peut vouloir dire puis comment on va gérer ça, partager l'argent qui est dans ce fonds-là avec les initiatives qui existent, les nouvelles initiatives, les partenariats qui vont être importants aussi. Donc, je pense que le ministre sait à quoi je fais référence.

Mais je pense que c'est important que ça ne soit pas une réponse très ponctuelle à un problème de financement du ministère de la Justice pour des initiatives qui veulent être mises de l'avant, dans le sens qu'on est tous d'accord que ces initiatives-là auxquelles pense le ministre sont des bonnes idées, mais, si le ministre est capable de convaincre le Conseil du trésor, par exemple, de financer 20 postes de juge de plus... Je ne dis pas que c'est sans fin, là, ce n'est pas ça mon propos, mais je pense qu'il faut se questionner, quand on fait ce projet de loi là, sur l'équilibre entre les projets ministère-ministère et les projets de la communauté puis les partenariats, pour s'assurer aussi que ça va vraiment répondre dans le temps aux objectifs qu'on se donne.

Ça fait qu'on va y revenir plus en détail, là, de part et d'autre. À la lumière de ce qu'on a entendu, je pense qu'on va pouvoir mijoter tout ça puis essayer d'avoir le meilleur projet de loi possible, mais c'est certain qu'à la face même du projet de loi il est très discrétionnaire et beaucoup, même, plus discrétionnaire que le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, et on nous dit qu'il manque d'encadrement. Donc, il y a certainement là un souci, là, puis une réflexion à y avoir.

Alors, sur ce, je veux remercier, bien sûr, tous les gens de la commission, les collègues, et Pierre Bouchard, qui m'a accompagnée pendant les travaux, et vous, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Merci, Mme la Présidente. Ce projet vise à répondre à une problématique que nous reconnaissons. Et d'abord il y a un premier geste posé: reconnaître qu'il y a une difficulté d'accès à la justice au Québec. Commençons par dire ça. Il y a un problème d'accès à la justice et, bien que nous ayons, avec le fonds général de l'État, le moyen d'augmenter de façon excessivement substantielle les crédits du ministère de la Justice, il est vrai que, si on veut aller plus loin dans l'accès à la justice, il faut aussi trouver d'autres sources. Ma collègue sait très bien qu'une des pratiques du Conseil du trésor, c'est de dire: Autofinancez. Puis ce n'est pas nouveau puis ce n'est pas propre à la justice. Sauf que, si on veut vraiment poser des gestes, on essaie d'aller au maximum de ce qu'on peut obtenir en termes de crédits. Après ça, on dit: Bien, est-ce qu'il y a des moyens pour autofinancer?

L'objectif ici, c'est de favoriser l'accès à la justice. Si des mécanismes propres au ministère mais qui se font avec d'autres personnes que des fonctionnaires permettent de favoriser l'accès à la justice, nous allons le faire, parce que l'objectif n'est pas de créer un fonds de soutien à l'action communautaire, c'est de soutenir l'accès à la justice. Parfois, c'est par de l'action communautaire, mais le coeur de ce projet-là, c'est de favoriser l'accès à la justice. D'ailleurs, les projets... Parce que je l'ai déclaré, lorsqu'on l'a fait. J'ai déclaré que ce fonds-là voulait servir à certains des éléments. Je dois dire qu'ils sont tous soutenus. Je pense que le projet -- j'aurais peut-être dû commencer par ça -- le projet que nous avons étudié est unanimement souhaité. Ça, on peut dire ça. Les objectifs sont souhaitables. Est-ce qu'il y a des ajouts à faire dans les articles sur la reddition de comptes, sur des mécaniques de meilleure prévisibilité, de connaissance? La réponse, c'est oui, je l'ai déjà dit. Alors, on va ajouter. Puis de toute façon l'expérience qu'on a depuis et les travaux qu'on fait ensemble sont de trouver des manières de le libeller, de le dire.

Mais, je le dis à l'avance, il ne s'agira pas pour nous de dire que ce projet change de nature par le fait de la consultation. Le projet vise à permettre des nouveaux moyens favorisant l'accès à la justice au Québec. Nous allons toujours tenter de maximiser les partenariats, toujours. Alors, je le dis, il y a des groupes qui ont déjà des partenariats qui les ont soutenus. C'est vrai, je veux dire, il n'y avait pas de fonds pour ça avant. Pas le choix, ils ont développé des partenariats. Il ne s'agit pas de prendre la place de ces partenariats-là. Il s'agit de voir comment on peut amener notre participation à certains de ces projets-là, à d'autres, de permettre des projets pilotes.

Alors, moi, je pense qu'honnêtement, après avoir entendu ce qui s'est dit ici, après avoir entendu ma collègue, après avoir dit ce que j'ai dit sur les mécanismes qu'on pourrait mettre de l'avant, je crois que nous allons nous entendre pour trouver les libellés qui vont permettre d'assurer la saine reddition de comptes, d'assurer... Je l'ai dit puis je vais le dire, il y a peut-être une occasion, derrière ce projet-là, pour créer un comité consultatif qui peut être restreint mais qui peut découler d'une table beaucoup plus grande. On a assez de monde qui sont venus nous dire qu'entre eux-mêmes ils ne se connaissent pas. Alors, on a peut-être... de créer un fonds, mais qui va peut-être être la trame de fond pour créer un mouvement, là, je ne veux pas exagérer, là, mais peut-être quelque chose qui peut justement mettre en lien des groupes, toujours dans le sens de tous ceux qui nous ont dit: Pas pour être une machine paralysante, pas pour être une hyperréglementation. J'écoutais ce qu'Avocats sans frontières nous disaient, ça coûtait plus cher que le fonds, juste à imaginer la structure qu'ils nous décrivaient. Alors, peut-être que, le jour où le fonds contiendra des centaines de millions de dollars, il faudra y penser, mais là on est à 8, alors on n'est peut-être pas rendu à cette étape-là.

Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas dire où on a mis l'argent, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire une évaluation de ce qui est arrivé avec l'argent, est-ce qu'il y a un usage qui en a été fait puis les résultats. Ça, je pense que c'est très, très raisonnable d'ajouter dans le projet de loi des éléments qui concernent la reddition de comptes et la prévisibilité, de savoir de quoi vraiment on parle, ça, ça va, tout en gardant les objectifs le plus larges possible parce qu'on veut viser l'accès à la justice. On a appris, par le dernier groupe, que parfois on pourrait même avoir des surprises, jusqu'à un certain point, d'où viendraient des pistes d'amélioration de l'accès à la justice qui n'avaient peut-être même pas été envisagées au départ.

Alors, je remercie les membres de la commission, les groupes qui sont venus nous voir. Et j'en profite pour conclure en disant combien j'ai été émerveillé par les gens qui se lèvent le matin pour servir leurs concitoyens et qui le font avec une générosité de l'âme qui est extraordinaire. Et beaucoup de ces gens-là s'appelaient «maître». Alors, peut-être que le monde de la justice finalement a montré, durant cette commission, un visage d'humanité qu'on ne lui connaissait pas mais qui mérite d'être partagé avec l'ensemble des Québécois. Et c'est bon pour les notaires aussi. Je le dis pour mon collègue de Vimont. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le ministre.

Alors, la commission ayant accompli son mandat, nous ajournons les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 29)

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