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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Wednesday, March 21, 2012 - Vol. 42 N° 74

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate le quorum. Je déclare donc la séance de la Commission des institutions ouverte. Toutes les personnes dans la salle devraient éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Alors, je fais lecture du mandat: La commission est réunie pour poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, la Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouellet (Chomedey) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue).

Le Président (M. Drainville): Merci. Alors, ce matin, nous allons accueillir les représentants de la Fraternité des policiers et policières de Montréal ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Cet après-midi, nous recevrons le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, Vision Montréal et la ville de Montréal.

Alors, puisque nous allons entendre quatre groupes cet après-midi et qu'il y aura également les remarques finales, la séance se terminera vers 19 h 15. À cet effet, je demanderais votre consentement pour poursuivre au-delà de l'heure prévue. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Drainville): Il y a consentement. Alors, sans plus tarder, je demande aux représentants de la Fraternité des policiers et policières de Montréal de faire leur exposé. Vous avez 15 minutes. Merci.

Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM)

M. Francoeur (Yves): Bonjour, M. le Président, membres de la commission. Merci de nous recevoir et de nous entendre. Je suis accompagné, à mon extrême gauche, de Pierre-David Tremblay, vice-président exécutif à la fraternité; à ma gauche, Me Mario Coderre, qui travaille à la fraternité et pratique principalement en discipline et déontologie; et, à ma droite, Me Gérald Soulière, avocat criminaliste d'expérience.

Donc, la Fraternité des policiers et policières de Montréal représente environ 4 500 membres actifs. Nos membres assurent les services de police de niveau 1 à 5 sur l'ensemble de l'île de Montréal et effectuent environ 1,5 million d'interventions chaque année.

D'emblée, nous nous permettrons ces quelques remarques préliminaires. Nous savons qu'il est inévitable que l'attention médiatique se porte sur les rares événements qui, compte tenu du très grand nombre d'interventions policières, se terminent parfois dans des circonstances malheureuses. Nous savons également que beaucoup de ceux et celles qui se prononcent généralement sur le travail des policiers n'ont pas l'expérience de ce qu'est négocier quotidiennement avec la violence, la maladie mentale, les diverses toxicomanies et les petites et grandes délinquances et criminalités dont on nous demande de contrer les débordements 24 heures sur 24 en appliquant la force physique nécessaire au besoin, notamment pour protéger les citoyens et les citoyennes. D'ailleurs, dans le cadre de cette obligation, le législateur a prévu une protection spéciale pour les personnes chargées de l'application de la loi, c'est-à-dire l'emploi de la force nécessaire, à l'article 25 du Code criminel.

**(12 heures)**

Il ne s'agit aucunement d'un reproche envers qui que ce soit, mais bien d'un constat. Enfin, nous savons aussi que, pour certains, les policiers devraient savoir faire l'impossible, c'est-à-dire contraindre des personnes violentes, agressives, menaçantes, voire même armées ou refusant de respecter la loi sans que jamais personne ne soit blessé ou tué. Nous aimerions, nous aussi, que ce soit possible.

Si nous avons de lourdes responsabilités, nous sommes encadrés en conséquence. De fortes sanctions disciplinaires, déontologiques et criminelles peuvent nous être appliquées, ce qui est, bien entendu, normal lorsqu'une sanction est méritée. Mais, même lorsque les autorités compétentes déterminent qu'aucune sanction n'est applicable, la seule lourdeur des processus et l'épée de Damoclès qui peut pendre pendant des mois et même des années, parfois même jusqu'à 10 ans, au-dessus de la tête d'un policier peuvent représenter une sanction en soi. Certains estiment d'ailleurs que le système de déontologie policière du Québec devrait comporter des procédures visant à examiner de manière expéditive les nombreuses plaintes vexatoires et faites de mauvaise foi.

C'est notamment l'opinion du professeur émérite en criminologie de l'Université de Montréal M. Maurice Cusson, qui, dans une étude parue en mars 2011 dans les rapports de recherche du Centre international de criminologie comparée et intitulée L'intimidation envers les policiers du Québec, soulignait que plus de 72 % des patrouilleurs du SPVM interrogés ont indiqué s'être fait intimider au courant de l'année précédente, que ce soit par des menaces de poursuite civile ou déontologique, des voies de fait simples, des encerclements, des menaces de mort, etc. Mais il s'agit de notre réalité, et nous l'assumons pleinement, même si force est de constater que ce côté de la médaille est, la plupart du temps, complètement occulté.

Si nous tenons à souligner que nous sommes déjà soumis à une série importante de mécanismes légaux de contrôle de nos faits et gestes, c'est qu'il importe de se rappeler, dans le cadre de l'étude du projet de loi actuel, que c'est un nouveau mécanisme très important qu'il est ici question d'ajouter à une série de contrôles déjà très costauds.

La fraternité est d'accord avec les dispositions de l'article 289.2 à l'effet que le ministre puisse établir des directives applicables à la tenue d'enquêtes indépendantes.

L'article 289.4 du projet de loi prévoit un mécanisme de contrôle et/ou de surveillance quant à l'application de ces directives. En effet, il entre dans le mandat du bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes de vérifier l'application des directives établies par le ministre et d'en faire rapport à ce dernier. Ce mécanisme assure une protection adéquate et comporte l'avantage de s'arrimer à un processus où il semble plus facile de faire des ajustements qui seront sûrement nécessaires en début. Quant à notre préférence en ce qui a trait à celui ou celle qui sera nommé à la direction du bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes, elle penche en faveur d'un ou d'une juge à la retraite. Nous estimons, en effet, qu'il s'agit d'un meilleur gage d'apparence d'indépendance. De toute évidence, c'est ici l'objectif visé par tous, un objectif pour l'atteinte duquel il n'y aura toutefois jamais de consensus absolu quant aux moyens à privilégier.

Quant à savoir qui doit enquêter -- la grande question -- un policier a droit à ce qu'une enquête portant sur ses actes et pouvant éventuellement déboucher sur des accusations criminelles contre lui soit effectuée par un professionnel expérimenté des crimes majeurs, donc par un policier. C'est une question d'équité et de logique qui ne peut pas être sacrifiée sur l'autel des perceptions. Ceci dit, nous savons très bien que le processus actuel des enquêtes indépendantes souffre d'un problème d'image, mais surtout de perception. Nous savons également que, quelle que soit la solution retenue pour régler ce problème de perception, il se trouvera toujours des gens pour la dénoncer.

Pour notre part, nous nous sommes toujours montrés favorables au maintien de la politique actuelle en matière d'enquêtes indépendantes. Répétons-le, seuls les enquêteurs de police ont la formation et l'expérience requises pour investiguer des situations desquelles pourraient émerger des accusations criminelles. Face à une intervention difficile, tout policier devrait avoir droit à ce que l'enquête soit faite par une personne experte en matière d'enquête de crimes majeurs.

La fraternité est fermement convaincue de la rectitude intellectuelle et professionnelle des policiers chargés de faire les enquêtes indépendantes. Nous sommes persuadés que ces enquêtes sont menées d'une façon efficace, objective et impartiale. Les accusations de traitement de faveur à l'égard des policiers visés par les enquêtes indépendantes sont mal fondées. Nous estimons qu'elles ne sont pas davantage justifiées que lorsque le Directeur des poursuites criminelles et pénales doit déterminer s'il autorise ou non le dépôt d'accusations criminelles contre un autre membre du Barreau. Nous n'avons jamais entendu dire que les avocats du DPCP, par esprit de corps, étaient susceptibles de ne pas autoriser des accusations contre un autre avocat parce qu'il était également membre du Barreau. Seules les enquêtes de la police sur la police sont démonisées, au point où il est indéniable que le problème de perception s'est transformé en problème plus vaste, y compris pour les policiers injustement accusés de manquer d'indépendance ou encore pour les policiers impliqués dans un événement majeur injustement soupçonnés d'avoir été exonérés pour de mauvaises raisons.

Bref, même si nous sommes parmi les plus assujettis à différentes instances et obligations, dans les circonstances nous sommes résignés à ce qu'une nouvelle instance indépendante et civile soit créée. Nous croyons, en fait, que le bureau de surveillance des enquêtes indépendantes pourra jouer un rôle utile quant à la transparence accrue que plusieurs appellent de tous leurs voeux. La seule chose à laquelle nous nous opposons catégoriquement, c'est que cet exercice se fasse au détriment des droits des policiers.

Nous sommes d'accord avec l'article 289.18, qui empêche l'observateur d'entrer en contact avec un membre du corps de police chargé de mener l'enquête indépendante autre que le représentant désigné ni avec un membre du corps de police impliqué dans l'événement, compte tenu que le rôle de l'observateur n'est pas de faire une enquête parallèle. Nous partageons l'idée que le bureau civil de surveillance des enquêtes doive être une institution qui permette de dissiper tous les doutes non fondés et nous estimons que le gouvernement, sur le fond, a eu raison de libeller ainsi l'article 289.18 du projet de loi.

En outre, il importe de mettre en relief le contenu de l'article 289.17, lequel accorde à l'observateur le droit d'accès à tous les renseignements et tous les documents qu'il juge utiles, notamment les déclarations de témoins, les rapports balistiques, les analyses toxicologiques, les vidéos qui... -- des vidéos, il y en a à peu près partout à Montréal présentement -- les rapports d'analyse de scènes, etc.

Le fait que l'observateur pourra demander tous les documents qu'il jugera utiles dans le cadre de la surveillance de l'enquête lui donnera des outils efficaces et offrira une garantie qu'il pourra remplir adéquatement la mission qui lui est confiée. Évidemment, ce pouvoir devra être exercé dans le respect des balises établies par la loi et la jurisprudence. Compte tenu de la large portée du pouvoir qui est reconnu à l'observateur, nous croyons que le travail effectué par ce dernier est davantage assimilable à de la surveillance qu'à de l'observation. C'est pourquoi la fraternité considère approprié de remplacer le titre d'observateur, qui fait beaucoup plus passif que ce que va être son rôle, par celui de surveillant de l'enquête.

Selon nous, lorsqu'il s'agit de déterminer les paramètres des enquêtes par lesquels un policier pourrait être accusé d'une infraction criminelle pour son rôle dans un événement majeur, un élément est plus important que tout autre, c'est-à-dire qu'un policier a aussi des droits constitutionnels. La présomption d'innocence, que certains ont souvent tendance à oublier en faisant des abus de langage, est incontournable, et le droit de ne pas faire de déclaration contre soi-même est également crucial. À cet effet, la question du rapport d'un policier impliqué dans un tel événement est très délicate. Un citoyen n'est jamais obligé de faire une déclaration à la police. Par contre, un policier impliqué dans un événement majeur pouvant éventuellement mener à des accusations contre lui-même ou un de ses collègues est obligé de rédiger un tel rapport. Le policier témoin doit également collaborer à l'enquête et fournir une déclaration complète et signée, ce qui n'est pas le cas du citoyen.

À cet effet, comme le faisait remarquer l'honorable juge Paulin Cloutier, «notre droit reconnaît que, bien qu'un citoyen ait l'obligation morale et sociale de collaborer et d'assister les policiers dans l'exécution de leurs devoirs, ce citoyen n'a cependant aucune obligation légale de le faire. [...]Chacun a le droit de refuser de répondre aux questions des personnes en autorité ou de les accompagner, à moins qu'une disposition de la loi ne l'y oblige. En effet, toute personne a droit au silence. Elle peut refuser de répondre à toutes les questions des policiers, même si, ce faisant, elle démontre un piètre esprit civique.»

**(12 h 10)**

Il va de soi que le contenu du rapport et la déclaration faite par un policier sont susceptibles d'avoir des impacts très importants sur sa carrière. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la fraternité considère qu'il serait déraisonnable de prévoir un délai précis auquel... duquel le policier devrait remettre son rapport. Chaque situation en étant une d'espèce, il serait illusoire de prévoir un délai spécifique, car trop de facteurs doivent être pris en considération. En effet, il est facile de prétendre qu'un policier est formé pour faire face à un événement en vertu duquel une personne décède, est gravement blessée ou est blessée suite à l'utilisation de l'arme à feu de ce policier. Bien que formé, il n'en demeure pas moins que le policier est, d'abord et avant tout, un être humain, et il ne saurait faire de doute qu'un événement de la nature de celle visée par une enquête indépendante est susceptible de l'affecter tant physiquement que psychologiquement.

Par la force des choses, il peut arriver qu'un certain recul ou un temps de réflexion soit nécessaire afin de rédiger et de déposer un rapport complet et, surtout, fiable qui décrit adéquatement les faits, le rôle joué et les différents gestes posés par son rédacteur et les autres intervenants. Un certain recul étant nécessaire, nous considérons qu'il ne serait pas approprié de prévoir un délai formel pour la remise du rapport. La notion de délai raisonnable devrait, tout simplement, être prévue dans les directives adoptées par le ministre. En supposant que cette recommandation ne soit pas retenue, nous vous soumettons respectueusement qu'un délai minimal de 72 heures devrait être accordé au policier appelé à rédiger son rapport. Ce délai devrait également prévoir la possibilité d'une prolongation pour des motifs raisonnables.

Il découle clairement de la législation actuelle que le droit à l'avocat est reconnu au policier, et ce, peu importe son statut, c'est-à-dire autant le policier impliqué que le policier témoin, et nous estimons que ce droit s'étend également aux événements ayant généré des enquêtes indépendantes. En ce qui concerne le policier impliqué dans l'événement, il ne fait pas de doute que le droit à l'avocat est constitutionnalisé. En conséquence, il est évident que l'enquêteur doit faire au policier visé par cette catégorie les mises en garde usuelles et qu'il doit l'informer ne pas être tenu de faire une déclaration relativement à la plainte dont il fait l'objet. Quant au policier témoin, ce droit lui est reconnu par l'article 262 de la Loi sur la police.

De plus, il importe de rappeler à cette commission les échanges et le consensus des parlementaires sur la portée de cet article qui ont eu lieu en 2007-2008. Ainsi, il a clairement été reconnu que le droit à l'avocat couvrait les enquêtes criminelles, pénales, déontologiques et disciplinaires. Or, si le droit à l'assistance d'un avocat est reconnu dans ces types d'enquêtes, il ne serait en être autrement pour les enquêtes indépendantes. En effet...

Le Président (M. Drainville): Je vais vous demander de conclure bientôt, s'il vous plaît.

M. Francoeur (Yves): Oui. En effet, une enquête indépendante est susceptible d'avoir des liens très étroits avec les trois autres types d'enquêtes. Par ailleurs, la fraternité considère que le droit à l'avocat s'applique pendant tout le déroulement de l'enquête. Ce droit doit être respecté tant au stade de la déclaration du rapport qu'à celui de la rencontre avec les enquêteurs désignés pour effectuer l'enquête. Je vais donc sauter...

Finalement, nous vous soumettons que nous sommes très surpris du libellé de l'article 289.26, qui est susceptible de créer un climat de méfiance et de porter atteinte à la crédibilité du bureau, de son directeur, du directeur adjoint ou des membres. Il importe d'ajouter que ces derniers ne jouent pas le rôle d'enquêteur. En conséquence, il y a lieu de reconnaître à ces derniers une protection afin d'éviter qu'ils soient contraints par un tribunal de divulguer ce qui leur a été révélé dans l'exercice de leurs fonctions. Il est évident que cet article risque de générer une situation en vertu de laquelle le bureau pourrait devenir le prolongement ou une composante des enquêtes amorcées selon les autres régimes établis par la loi.

Il est étrange que le texte en question prévoie que les membres du bureau pourraient être contraints à témoigner relativement à un document obtenu ou produit dans l'application du chapitre traitant des enquêtes indépendantes ou encore de les produire alors qu'il n'en est absolument pas le dépositaire ou la personne apte à témoigner ou à produire ce document. L'article, tel que libellé, nous inquiète grandement. M. le Président, membres de la commission, merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup. Alors, on va passer sans plus tarder à l'échange avec M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, M. Francoeur. Je vais tout de suite à un point que vous n'avez pas évoqué, qui m'apparaît important, qui a été évoqué par tout le monde, c'est la question de l'information du public. Il y a beaucoup de gens qui nous ont suggéré que, dans le processus de l'enquête, il y ait de l'information par étapes et que, même à la fin, le DPCP, qu'il intente ou non des poursuites, doive expliquer le cas, puisque, de toute façon, c'est un cas public et ce serait plus transparent et probablement plus raisonnable. J'aimerais avoir votre opinion.

M. Francoeur (Yves): Il est évoqué. Il y a quatre ou cinq lignes que je n'ai pas eu le temps de lire, que j'ai sautées. Mais effectivement, pour nous, une des... Puis ce n'est pas pour lancer la pierre, mais une des problématiques est le fait, effectivement, que le DPCP, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, ne donne pas d'information. Si on revient aux événements de Montréal-Nord, qui sont arrivés, de mémoire... l'incident le 8 et les émeutes le 9 août 2008, le 18, le 19 ou le 20 décembre, le ministre de la Sécurité publique de l'époque, M. Jacques Dupuis, accompagné du procureur en chef adjoint du district de Saint-Jérôme, Me François Brière, faisait une conférence de presse au palais de justice de Montréal annonçant qu'il y avait eu décision du DPCP de ne pas retenir de responsabilité criminelle, et, à ce moment-là, Me Brière avait clairement énoncé le dossier.

Donc, même si, nous, on n'a pas fouillé l'aspect légal de ça, on demeure persuadés que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a une certaine latitude pour dévoiler des renseignements, c'est-à-dire des renseignements factuels. Je vous donne un exemple. La dame a appelé le 9-1-1 disant qu'un monsieur la menaçait avec une arme et voulait la tuer. Les policiers sont arrivés, ils ont fait face à un individu dans un logement très étroit, dans un corridor de quatre pieds de large. L'individu a foncé sur eux, les policiers ont fait feu. Il me semble que, moi, je pense, autant comme citoyen que comme père de famille, dans un cas comme ça, le DPCP n'a pas à dire que l'individu impliqué avait des problèmes psychiatriques, ci, ça, mais les faits, purement, pourraient être évoqués, et je pense que c'est un facteur qui donnerait une plus grande confiance à la population envers le processus.

M. Dutil: Et, dans le cas que vous avez soulevé, de Villanueva, vous avez senti un abaissement de la tension suite à ce que le DPCP a dit?

M. Francoeur (Yves): Bien, en fait, abaissement de la tension, je n'ai peut-être pas pris le bon exemple. Mais je pense que, dans une certaine mesure, pour M. et Mme Tout-le-monde, effectivement, raisonnables, les gens chez eux... Peut-être pas pour les groupes, mais je pense... Et l'enquête publique a... excusez l'expression, mais, en bon français, a dégonflé la balloune aussi, a permis à la population de connaître les gens auxquels les policiers avaient affaire dans cet événement particulier là.

M. Dutil: Vous avez soulevé également le problème de la rapidité de la déontologie, là. Vous estimez qu'il y aurait moyen de faire plus rapidement que ça, que ça serait rendre service à tout le monde que d'obtenir des résultats plus rapidement, là.

M. Francoeur (Yves): Bien, effectivement, nous, on l'a vécu avec les motards, avec les gens du crime organisé, où nos patrouilleurs... Et, souvent, c'est l'escouade Éclipse à Montréal. On est plus présents, plus assidus à certains endroits, que ce soit fréquenté par les motards ou le crime organisé. Et, à ce moment-là, nos policiers... ces individus-là, via leurs avocats, portent systématiquement plainte, déontologie, discipline, parfois même des poursuites civiles, criminelles, tout simplement à titre de vengeance, et c'est, malheureusement, ce que je disais, une épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête des policiers. Et ce n'est pas nous... J'ai bien cité le criminologue Maurice Cusson, qui n'a aucun lien avec la Fraternité des policiers ni avec les policiers, qui a fait cette recherche-là avec une vingtaine d'autres chercheurs de plusieurs universités et qui vient dire qu'effectivement que ça serait bénéfique pour les policiers et policières et, de biais, de prolongement, pour la société que ces plaintes frivoles là soient traitées plus rapidement que de traîner pendant des périodes qui peuvent varier de six mois à deux ans.

M. Dutil: Et, d'ailleurs, ça m'amène à l'autre point. Vous avez souligné que 72 % des policiers ont été menacés dans l'année d'une façon quelconque.

M. Francoeur (Yves): Effectivement.

**(12 h 20)**

M. Dutil: Est-ce que c'est un phénomène à la hausse depuis quelques années, à votre point de vue? Puis est-ce que vous pouvez nous dire quel genre de menaces un peu plus en détail que vous l'avez fait?

M. Francoeur (Yves): Les statistiques ne le permettent pas parce qu'il n'y avait pas de statistiques tenues sur ce sujet précis là. Mais ce que Maurice Cusson et son équipe viennent dire, c'est que ça débute par des plaintes frivoles, vexatoires. Nous, on vit régulièrement sur la rue Saint-Laurent à la fermeture des bars. L'été passé, j'ai eu un policier, fracture de la clavicule; un autre, fracture d'un bras; des blessures importantes de la part des gangs de rue. Ça fait que c'est pour ça que je vous dis: Ça part de plaintes frivoles et vexatoires, voies de fait, encerclement. Et les encerclements sont tellement vrais et tellement fréquents que le Service de police de la ville de Montréal, suite à l'événement Villanueva, s'est vu obligé de monter une formation spécifique. Dans nos termes à nous, on appelle ça «formation meute de loups», mais c'est formation de défense par rapport à des attaquants multiples. Donc, tout ça pour dire que les 2 800 patrouilleurs, grosso modo, du Service de police de la ville de Montréal ont été formés spécifiquement pour faire face... pour être capables de se défendre adéquatement lorsqu'ils sont encerclés.

M. Dutil: Merci, M. le Président. M. le député de Chomedey voudrait intervenir.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Messieurs, toujours un plaisir de vous retrouver. Et vous êtes toujours très assidus aux travaux de notre commission. Je veux revenir sur plusieurs petits points de votre mémoire. Particulièrement, je regardais à la page 1, où vous nous mentionnez que les policiers de Montréal sont aux prises tous les jours... ils doivent négocier quotidiennement avec violence, maladie mentale, etc. Vous étiez ici quand il y a des gens qui sont venus nous présenter un mémoire, justement, sur... qui est susceptible, dans les prochaines années, qu'on soit de plus en plus... les policiers aient de plus en plus à intervenir avec des individus qui pourraient être diagnostiqués ou qui pourraient avoir des maladies mentales. Et, de fil en aiguille, on en arrivait -- et on l'a mentionné, et je pense que vous étiez là aussi avec la directrice de l'école de police -- à penser à faire une formation pour peut-être pas prémunir, mais au moins donner une formation de base à tous les policiers.

Je sais qu'à Montréal il y a déjà des choses qui se font, il y a déjà des policiers spécialisés, et je pense qu'il y a un programme qui est sur le point ou qui est déjà en place où vous avez de disponible 24 sur 24, particulièrement sur le chiffre de nuit, une équipe d'intervention avec des policiers. J'aimerais juste vous entendre sur le besoin et, particulièrement, l'idée d'inscrire dans la formation de base un certain nombre d'heures de formation pour nos policiers, si vous accueilleriez cette suggestion-là de la bonne façon. Et peut-être, si vous êtes au courant, nous indiquer ce qui se fait à Montréal spécifiquement dans ce domaine-là.

M. Francoeur (Yves): Oui, je suis très au courant et je vais vous répéter ce que j'ai dit dans les médias à ce moment-là. Malheureusement, faute de prise en charge par le réseau de la santé, ces itinérants-là à Montréal, qui sont évalués à environ 30 000 selon les experts -- et, selon eux, environ 30 % souffriraient de maladie mentale -- personne n'en veut dans le système. C'est-à-dire que j'ai même des policiers qui interviennent auprès de ces gens-là, les amènent à l'hôpital, à l'urgence. Pendant que mes policiers sont dans le véhicule en train de remplir le rapport, l'individu ressort. Ça fait que les hôpitaux n'ont pas les ressources pour les garder.

Le système de santé, via des travailleurs de rue, n'a pas les ressources pour prendre ces gens-là, les accompagner. J'ai fait des entrevues avec un psychiatre responsable à Montréal, le Dr Farmer, et la dame, Mme Desjardins, qui est directrice générale de la Maison du Père, et même eux, dans les maisons, n'ont pas les ressources nécessaires pour s'occuper des gens psychiatrisés, tellement qu'ils ne les acceptent pas parce qu'ils sont dangereux pour le peu de personnel qu'ils ont et pour les autres individus.

Mais tout ça pour dire que, nous, en matière de formation, la fraternité a toujours été ouverte. Et même la fraternité, il y a quelques années, a proposé au service un comité paritaire sur la formation parce que c'est quelque chose qui est très important, qu'on a à coeur. On est toujours ouverts à s'améliorer en termes de formation, et, je l'ai dit dans le mémoire, il n'y a pas un policier à Montréal -- puis je vais parler pour tous les policiers du Québec -- qui veut blesser gravement un autre individu. Notre devoir, c'est de préserver la vie, ce n'est pas de l'enlever. Et, malheureusement, c'est toujours les... En 2011, on a eu 12 000 appels à Montréal pour les itinérants, il y en a deux qui ont mal tourné. Il y a 11 998 fois que mes policiers ont très bien travaillé, ils ont fait leur travail. Malheureusement, quand ta job, c'est de faire de la cuisine puis de faire des tartes, si tu manques la recette, ta tarte, elle ne lèvera pas ou ton gâteau ne lèvera pas. Nous, on travaille avec des comportements humains qui sont imprévisibles, des gens... On est le dernier recours de la société pour prendre soin de ces gens-là. Malheureusement -- je me répète -- on ne veut pas que ça arrive, mais il arrive parfois des incidents malheureux.

Je ne veux pas répondre trop longtemps, M. le Président, mais l'équipe dont vous parliez, c'est l'équipe EMRII. Je ne me souviens jamais de l'appellation exacte, mais, grosso modo, c'est l'équipe multidisciplinaire d'intervention auprès des itinérants. C'est composé, chez nous, dans le meilleur des cas, de six policiers -- et ça va être augmenté prochainement -- supposément accompagnés de deux travailleurs sociaux. Quand il y en a un, on est chanceux. Mais nos gens... Comme je vous dis, on a 12 000 appels seulement par année pour les itinérants. La station de métro Atwater, l'accès Cabot, les employés de la STM en entretien ne vont pas faire l'entretien dans ce coin-là, ils ont peur des itinérants: boisson, alcool, toxicomanie, violence. Ils voudraient qu'on soit là avec eux, mais vous comprendrez que nos policiers ne peuvent pas être là pendant deux heures et demie pendant que les gens passent la moppe puis nettoient les murs, là. Mais ça, c'est la réalité. Les femmes nous appellent parce qu'elles ont peur. C'est un phénomène urbain, mais c'est la réalité. Mais, je me répète, en termes de formation, nous, malgré que les policiers du Québec sont parmi les mieux formés non seulement en Amérique du Nord, mais au monde, on est toujours ouverts à plus. Mais la formation aura toujours ses limites.

Le Président (M. Drainville): On va s'arrêter là-dessus, M. le député de Chomedey, on reviendra dans le deuxième bloc. Merci de votre collaboration. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Francoeur. Bonjour aux gens qui vous accompagnent. Je voudrais, M. le Président, profiter de la présence de M. Francoeur pour saluer le travail des policiers de Montréal. Je pense que vous y avez fait référence dans votre mémoire à la toute première page, mais il faut avoir connu un peu ce travail, même si on n'a pas été, la plupart d'entre nous, policiers, pour savoir qu'effectivement à Montréal ce n'est pas simple d'être policier, qu'on fait face, effectivement, à des problèmes de violence, de maladie mentale, d'itinérance, de toxicomanie, ce n'est pas simple. Alors, je veux profiter de votre présence pour saluer tous les policiers qui font ce travail de façon quotidienne et de façon professionnelle.

Votre mémoire est très clair, M. Francoeur. Je pense que vous avez repris certains éléments qu'on a déjà entendus. Vous en avez ajouté d'autres qui sont assez intéressants.

M. Francoeur (Yves): C'est l'avantage de...

M. St-Arnaud: Mais il y a effectivement des éléments qui sont très intéressants, qui sont nouveaux. Peut-être juste une chose, j'aimerais vous entendre sur le rôle de l'observateur. En fait, vous l'appelez «surveillant». Et je reprends un peu la question -- vous étiez là hier -- je reprends un peu la question que je posais hier soir: À partir du moment où il y a un événement, où il y a une scène d'événement, comment celui qu'on appelle «observateur», que vous proposez d'appeler «surveillant»... qu'est-ce qu'il fait, donc, à partir de la scène d'événement? Ensuite, vous avez entendu hier des gens qui sont venus nous dire... les gens de la police de Québec qui sont venus nous dire: Bien, il pourrait même participer aux rencontres d'enquête avec les enquêteurs. Vous, vous avez une position qui est fort différente. J'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qu'il fait à partir de l'événement jusqu'au moment où, éventuellement, on rend publiques, là, les... il rend publiques ses constatations ou ses conclusions sur l'impartialité de l'enquête.

**(12 h 30)**

M. Francoeur (Yves): Bien, la mise en garde... Puis, honnêtement, j'étais ici hier, je n'ai pas compris la position du directeur adjoint aux enquêtes de la police de Québec. Mais la problématique, d'un point de vue juridique, c'est que, si l'observateur a une connaissance personnelle, que ce soit d'une déclaration d'un témoin, de n'importe quoi, il est contraignable, il est assigné à la cour, et moi, je pense qu'il ne faut pas mélanger les rôles.

Je voyais... Je vais répondre de façon plus large, mais les policiers ont un travail à faire. O.K.? Première des choses, ils ont à mener... Puis on l'a dit, et le député de Chomedey est revenu régulièrement... il y a 80 policiers au Québec, grosso modo, dont 26 ou 28 à Montréal, qui sont spécialisés en enquête de crimes majeurs. Ceux-ci se déplacent lors d'un meurtre, entre autres six sergents-détectives des homicides, un lieutenant-détective, un ou deux membres de la section identité judiciaire et des experts du laboratoire médico-légal. Donc, c'est une très grande spécialité. Nos policiers, lorsqu'ils déposent le rapport d'enquête complet avec les analyses balistiques, tout ça, ne font même pas de recommandation, le donnent au DPCP, et le DPCP, avec tous les éléments d'enquête, tous les rapports, va prendre une décision. Et, je le vérifiais même ce matin, les compléments d'enquête qui sont demandés sont quand même très rares, c'est très rare que... c'est vraiment exceptionnel. C'est pour ça que je dis, moi: Qu'on laisse son carré de sable à chacun. C'est-à-dire notre spécialité à nous autres, c'est les enquêtes, les enquêtes de crimes majeurs. Le mandat de l'observateur... Et moi, je trouve qu'on le sous-estime de beaucoup, son mandat. C'est pour ça que j'utilise le terme de surveillant des enquêtes, parce qu'il va avoir accès à tout, comme le procureur de la couronne...

M. St-Arnaud: M. Francoeur, si vous permettez, vous dites... Effectivement, là, je comprends que vous dites: Il aura accès à tout renseignement. C'est ce que prévoit le projet de loi. Donc, il pourra demander tout renseignement sous certaines réserves que vous mettez dans votre mémoire. Mais, au-delà de ça, là, au-delà d'être assis dans son bureau, l'observateur, puis de pouvoir appeler l'agent de liaison, puis de demander des choses, vous le voyez faire quoi en plus de... Est-ce que vous le voyez faire plus que ça? Et, si oui, quoi?

M. Francoeur (Yves): Bien, nous, on... Puis c'est pour ça que je vous expliquais les carrés de sable. Là, lui, son mandat, là, le mandat du bureau de surveillance, là, ça va être de surveiller le déroulement des enquêtes pour rassurer la population, afin de vérifier la transparence de l'enquête. Et, après ça, tu as le DPCP qui, lui...

M. St-Arnaud: M. Francoeur, je m'excuse de vous couper, mais il fait ça comment, surveiller? C'est-à-dire que concrètement, là... Je comprends qu'il peut demander tout renseignement, mais, en plus de ça, il fait quoi?

M. Francoeur (Yves): Qu'il se présente sur les lieux, là, on a absolument pas de problème avec ça, quand que les experts ont fini de traiter la scène, le premier périmètre, peut même aller voir. Puis ça, en passant, même le commandant des crimes majeurs chez nous ne va jamais sur la scène, sur le périmètre intérieur. Après que les experts soient passés, il pourrait aller voir la scène, qui serait plus facile pour lui ensuite de visualiser tout ce qu'il va voir dans les déclarations, dans les expertises de balistique, etc., et, par la suite, qu'il suive le déroulement de l'enquête via l'officier de liaison, via tous les rapports. Mais, nous, on demeure... À moins que ce que le législateur cherche, ce soit de mener une enquête parallèle, là, son rôle, moi, je trouve, nous trouvons qu'il est grandement sous-estimé. Il va avoir accès à toutes les mêmes choses que le procureur de la couronne, on veut quoi de plus?

M. St-Arnaud: Alors, ce que vous dites, c'est: Il peut aller sur la scène d'événement, évidemment sous réserve de ce que vous venez de mentionner. Par la suite, son canal de communication, ce sera l'agent de liaison. Et il pourra faire toutes les demandes qu'il veut à l'agent de liaison, mais son seul canal, là, par rapport à ceux qui font l'enquête, ce sera l'agent de liaison. En ce sens-là, vous êtes assez d'accord avec la structure et les pouvoirs qu'on confère à l'observateur dans le projet de loi.

M. Francoeur (Yves): Parce qu'effectivement, je me répète, d'un point de vue juridique, s'il a connaissance personnelle de la moindre des choses, il devient contraignable et peut être assigné à la cour. Et, moi, je pense qu'à partir de ce moment-là il ne pourrait plus remplir son rôle de surveillant des enquêtes parce qu'il ne serait plus impartial.

M. St-Arnaud: Est-ce que, M. Francoeur, on peut vraiment... Est-ce qu'on peut vraiment sur surveiller... Je vais reprendre votre expression, est-ce qu'on peut vraiment surveiller l'impartialité d'une enquête dans ce cadre-là -- c'est ma question bien candide -- en restant, finalement, dans un bureau, peut-être en posant des questions à l'agent de liaison? Est-ce que l'observateur ou le surveillant a suffisamment d'éléments qui peuvent lui permettre de porter un jugement éclairé, tout à fait éclairé sur l'impartialité de l'enquête par la suite? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Francoeur (Yves): Bien, à ce compte-là, je vais vous retourner la question, est-ce que le procureur de la couronne, qui va avoir accès à tous les documents, a tout ce qu'il faut pour rendre une décision sur la responsabilité criminelle ou pas? Bien, moi, je pense qu'il a exactement tout. Et la même chose pour l'observateur ou le surveillant des enquêtes.

M. St-Arnaud: ...pas le même mandat, là. Le procureur doit vérifier s'il y a une preuve suffisante pour porter des accusations hors de tout doute raisonnable qui pourraient amener une condamnation hors de tout doute raisonnable. L'observateur ou le surveillant, lui, il s'intéresse à l'impartialité de l'enquête, c'est plus... À première vue, là... Puis on aura l'occasion d'échanger là-dessus dans nos travaux ultérieurs, mais juger de l'impartialité d'une enquête seulement à partir de certains documents officiels, déclarations ou...

M. Francoeur (Yves): ...à partir des déclarations, c'est très facile. J'ai vécu une enquête publique dernièrement dans le cas Mohamed Bennis, Mohamed Anas Bennis, à Montréal, un dossier qui traînait depuis des années, qu'on n'a jamais compris qu'il traînait. Mon pauvre policier, là, il avait été transpercé dans le cou puis à travers la cuisse. Vers 14 heures et quelque, l'après-midi, on avait eu un téléphone de l'hôpital qu'on allait le perdre. Prenez les procédures nécessaires auprès de la famille, on va le perdre. Bon, bien, dans ce dossier-là, là, on a vu devant le coroner toutes les déclarations, il y avait des déclarations qui n'avaient absolument aucun sens. Tu voyais que le citoyen, tout ce qu'il voulait, c'était que c'était la faute de la police. Aïe! oui, il en avait vu juste un bout. Mais on avait d'autres déclarations de gens complètement indépendants, des bons citoyens, dont, dans ce cas-là, un employé de Bell Canada qui s'en allait travailler. Moi, je pense que l'observateur, avec des yeux, avec le gros bon sens, est en mesure d'apprécier, effectivement, si l'enquête a été faite de façon transparente et impartiale.

M. St-Arnaud: Peut-être une question... Vous parlez des enquêtes du coroner. A été évoquée à un moment donné, durant nos travaux, l'idée de peut-être faire une enquête du coroner à chaque fois qu'il y a un décès d'un citoyen lors d'une opération policière. Parce que vous semblez dire, là, que, quand il y en a une, ça donne un éclairage sur tout ce qui s'est passé, là, finalement, et la population, en ce sens-là, a toute l'information qu'il faut là-dessus. Est-ce que ça vous apparaît une piste qui pourrait être intéressante?

M. Francoeur (Yves): Bien, moi, honnêtement, je trouve que c'est long, c'est coûteux, c'est toujours l'épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête de nos policiers. Je veux dire, dans un monde idéal, oui. Mais je pense que présentement, de la façon que ça fonctionne, ça fonctionne bien. On veut-u rajouter des structures? Moi, je pense que, comme législateur, ce qui est important, c'est de trouver le juste équilibre entre le droit individuel des individus... et en faisant attention aussi à certains groupes qui ne seront jamais contents, et donner les outils nécessaires aux policiers, policières pour assurer la sécurité de nos communautés puis M. et Mme Tout-le-monde qui est dans son salon, puis lui qui ne va pas dans les manifestations, qui travaille, qui mène une belle petite vie tranquille et rangée, qui a le droit à sa quiétude puis qui a le droit à sa sécurité. C'est pour ça que je me répète, mais c'est important pour le législateur de trouver le juste équilibre. Et, nous, on pense... Malgré que je l'ai dit dans le mémoire, on était d'accord avec le statu quo, nous autres. On pense qu'il n'y a aucun policier qui va prendre la chance de perdre son ouvrage ou d'avoir des accusations au criminel pour altérer une enquête. Nos gens sont des professionnels. Et, malgré tout ça, on est ouverts parce qu'il y a un problème en termes de transparence.

Mais je pense qu'il y a une éducation à faire au niveau de la population. Je vérifiais des chiffres ce matin pour le Service de police de la ville de Montréal, sur une période de cinq ans, de 2007 à 2012, la moyenne de durée d'une enquête indépendante, c'est 211 jours d'enquête sur une période de cinq ans. Le DPCP, pour rendre sa décision quant à la responsabilité criminelle ou pas, c'est 90 jours. Les chiffres sont semblables pour les enquêteurs de la SQ. Malgré qu'ils mettent un petit peu plus de temps à remettre leurs rapports au DPCP, mais c'est très semblable. Et je reviens au terme des enquêtes, le nombre d'enquêtes indépendantes, il y en a quand même pas beaucoup, honnêtement, là, sur 1,5 million d'interventions par année de nos policiers juste à Montréal, sur la couverture de 1 500 services d'ordre, manifestations. Et probablement que ce chiffre-là va augmenter cette année avec les étudiants si la situation ne finit pas, mais...

Le Président (M. Drainville): Merci, M. le député de Chambly. On va retourner à M. le député de Chomedey.

**(12 h 40)**

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Je veux revenir à l'observateur, M. Francoeur. Vous dites que son rôle est sous-estimé. Et je pense que, dans la population, présentement ce n'est pas le professionnalisme des policiers qui est remis en question, et c'est beaucoup plus une question de manque d'information. Ce n'est même plus une question de transparence, c'est un manque d'information.

Et on associe... on fait un mélange avec tout ça, et, pour la majorité de la population, la police enquête, c'est la police qui décide, c'est la police qui doit rendre des comptes, c'est la police qui doit informer la population. Et, dans un premier temps, on aura peut-être un défi de communication à expliquer que la job de la police, c'est de, professionnellement, faire l'enquête. Après ça, il y aura un bureau de surveillance, et il y a un procureur qui décide, et le procureur devra rendre des comptes sur la décision qu'il aura prise. Le rôle de l'observateur, vous en avez parlé. J'ai deux questions par rapport au rôle de l'observateur. Vous lui voyez quelle formation, un avocat, un notaire, un policier retraité, un homme d'affaires, un juriste, un criminologue, je ne le sais pas? Parce qu'il faut qu'il ait quand même une certaine connaissance juste pour être capable de suivre ça.

Et l'autre chose, compte tenu du fait qu'on a un gros problème de perception, il faut... est-ce que ça pourrait être dans ses tâches d'informer la population? Parce que la problématique est là. Tous les dossiers de police qui ne sont pas publics, on n'a pas de problème de perception. Je veux dire, il n'y a jamais personne qui va poser de... il n'y a jamais personne... ça n'indisposera pas personne. Tous les dossiers de police qui sont publics, s'ils sont moyennement dans le 211 jours, ou si ça dépasse à 213, bien, à la 212e journée, bien là il y a des gens qui font des cachettes à du monde. Est-ce que, dans le rôle de l'observateur, il ne devrait pas être prévu que c'est son rôle, c'est sa... il devrait avoir un rôle aussi d'informer la population à différentes étapes dans les délais légaux? Donc, deux questions. Vous voyez quel genre de formation pour l'observateur ou il doit venir de quel milieu? Et la deuxième des choses, dans ses attributions, est-ce que ça ne devrait pas être son rôle d'informer le public, avec toutes les contraintes légales que nous connaissons, du déroulement du dossier? Puis j'arriverai avec le procureur tantôt. Juste ces deux questions-là pour partir.

M. Francoeur (Yves): O.K. Moi, je pense que, comme c'est formulé présentement, c'est-à-dire une déclaration du directeur du bureau à l'effet qu'il délègue un observateur au début et, à la fin, qu'il se prononce sur l'impartialité de l'enquête, je pense que ça doit demeurer comme ça parce que je pense que ce n'est pas à l'observateur ou au directeur du bureau de dévoiler des éléments d'enquête. Parce que je ne dévoilerai pas ici dans quel dossier, là, mais, moi, je me souviens d'un dossier que ce qui a sorti médiatiquement, là, ce n'était pas ça, mais pas pantoute, là, on enquêtait, c'était une histoire de terrorisme. Et, pour protéger l'enquête, il ne fallait pas que ces éléments-là sortent. C'est pour ça que je dis que le DPCP, en termes de communication, est la personne appropriée. Le rôle de l'observateur ou du surveillant des enquêtes doit s'en tenir à l'impartialité, à se prononcer sur l'impartialité de l'enquête. Quant au... C'est une discussion qu'on a eue hier, là, mais, honnêtement, moi, je ne voulais pas voir des avocats dans ce processus-là. Excusez-moi, messieurs, mais je ne veux pas voir...

M. Ouellette: Vous ne voulez pas voir d'avocats?

M. Francoeur (Yves): Non, je ne veux pas voir des avocats, je veux voir des professionnels. Les discussions qu'on a eues avec le ministère de la Sécurité publique après que le projet de loi a été déposé, il y avait un code... Oui, M. le Président, malgré... Effectivement, j'oubliais, M. St-Arnaud, est aussi avocat. Me St-Arnaud, ce n'est pas grave... Ça fait que...

Le Président (M. Drainville): Rassurez-vous, je ne suis que journaliste.

M. Francoeur (Yves): O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Drainville): Mais je ne suis pas sûr que vous aimez plus les journalistes, par contre.

M. Francoeur (Yves): Non, je m'excuse, je représente les policiers de Montréal, et non ceux de la Sûreté du Québec, je m'entends très bien avec les journalistes.

Le Président (M. Drainville): Je fais des farces. Vous comprenez que je sors de mon rôle, et je ne devrais pas. Je vous laisse la parole, je n'aurais pas dû dire...

M. Francoeur (Yves): Mais, non, moi, ce qui avait été évoqué par le... Il y avait une cote, là, un professionnel en vertu des règles qui concernent les fonctionnaires provinciaux, et nous, on est très à l'aise avec ça. On pense que pas besoin d'être avocat pour être intelligent, mais on a besoin des gens de gros...

Une voix: Ça aide pour être avocat.

M. Francoeur (Yves): Ça aide pour être avocat, oui. Mais ça prend des gens de gros bon sens, et on pense que des gens qui sont des professionnels ont... ça serait facile d'aller chercher ces qualités-là et qu'ils seraient plus représentatifs de la population. Et non seulement plus représentatifs de la population, mais, en termes de transparence, c'est des gens qui ne sont pas associés au système judiciaire en plus. Ça fait que c'est pour ça que, nous, on était satisfaits des discussions qu'on a eues avec les sous-ministres quant aux critères de professionnels en vertu des règles, là, du gouvernement qui s'appliquent aux fonctionnaires provinciaux, parce qu'on pense qu'effectivement le gros bon sens, là, je me répète... Puis ça, sans être méchant pour les avocats, là. J'ai fait des farces, là, mais j'ai beaucoup de respect pour eux. Mais je pense que M. et Mme Tout-le-monde... un professionnel pourrait faire la job et assurer justement la population d'une plus grande transparence ou impartialité.

Le Président (M. Drainville): Juste pour votre information, M. le député de Chomedey, il reste deux minutes.

M. Ouellette: Oui, je sais. M. le ministre m'avait effectivement mentionné, et je roule avec un chronomètre depuis deux jours. Merci, M. le Président, de m'informer.

Vous pensez quoi... Donc, brièvement, une réponse... Parce qu'en Ontario et d'autres modèles qui ont déjà été essayés il y a des policiers retraités qui font partie de ce genre d'unité là. Il y a plusieurs personnes qui sont venues nous suggérer que ça pourrait être des policiers retraités qui agissent à titre d'observateur. C'est sûr que vous vous êtes fait beaucoup d'amis avec vos commentaires sur les avocats présentement, est-ce que vos commentaires vont être les mêmes pour les policiers retraités?

M. Francoeur (Yves): Non. Moi, les policiers retraités, la difficulté que j'ai pour les gens qui demandent des policiers retraités, c'est qu'ils veulent un système transparent puis impartial. C'est quoi, la différence entre un policier retraité puis un policier actif? Première des choses.

Deuxième des choses, Mme la directrice générale de l'Institut de police, de l'école nationale, Mme Gagnon, il y a un aspect qu'elle n'a pas parlé, c'est-à-dire qu'en matière de formation pour travailler ces dossiers-là, depuis bien des années il y a la formation dispensée, mais ce qui est très important, c'est le maintien des compétences. Et je vais vous faire un parallèle... puis, encore là, sans aucune condescendance, mais on a travaillé des dossiers avec le ministère de la Sécurité publique, il y a plusieurs années, où est-ce que des policiers qui travaillaient dans des plus petits corps policiers voulaient augmenter leur niveau de service, faire des enquêtes de plus grande envergure, des interventions armées, des choses comme ça, et les experts -- ce n'est pas Yves Francoeur qui le dit, mais les experts qui avaient été consultés à ce moment-là, c'étaient les policiers spécialisés de la police de Montréal et de la Sûreté du Québec -- en arrivaient tous à la même conclusion: On pourrait donner la même formation, la meilleure formation à tous ces gens-là, mais ils n'ont pas le volume pour être capables de maintenir leur expertise. Ça fait que, moi, je pense qu'avec des policiers retraités on va se retrouver dans la même situation. C'est difficile d'être «up-to-date», c'est difficile de maintenir les compétences.

M. Ouellette: ...question pour 30 secondes.

Le Président (M. Drainville): C'est terminé.

M. Ouellette: Je n'ai plus de 30 secondes? Déjà deux minutes?

Le Président (M. Drainville): Bien, à moins qu'il y ait consentement, là, mais c'est vraiment terminé. Il y a consentement?

M. Ouellette: Oui, oui, il y a consentement. Non, mais c'est parce que...

Le Président (M. Drainville): Un petit 30 secondes, il y a un consentement.

M. Ouellette: Oui, il y a consentement. Le fait d'avoir un procureur du DPCP dès le début d'une enquête indépendante, vous voyez ça comment?

M. Francoeur (Yves): Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Je suis convaincu que les instances doivent demeurer chacune dans leur carré de sable avec leur rôle principal. Et, je me répète, le DPCP, son rôle, c'est de déterminer s'il y a une responsabilité criminelle ou pas. Il y a quoi à faire dans le dossier, dans le travail des observateurs ou des surveillants aux enquêtes quand eux autres doivent assurer la population de l'impartialité de l'enquête? Moi, je pense qu'on mélange tout si on fait ça. Et je me répète, mais on n'enquête pas sur des criminels, on enquête sur des situations malheureuses. Des procureurs, vous l'avez... M. le Président, le député de Chomedey l'a vécu dans différentes escouades où, effectivement, c'est utile d'avoir le procureur. Mais, dans ce moment-là, l'objectif n'est pas le même. Ça fait que moi, je pense qu'on mélange tout. Chacun devrait rester dans son carré de sable. Et moi, j'aimerais que tout le monde donne la chance à ce nouveau système là. Nous, on a l'intention de collaborer pleinement et, nous, on est convaincus que le système va être bénéfique si tout le monde peut lui donner la chance.

Le Président (M. Drainville): Excellent. Merci beaucoup. On y va avec M. le député de Chambly pour sept minutes.

M. St-Arnaud: Sept minutes. Oui, ça va être très bref, M. le Président. Juste une ou deux petites choses. Vous parlez d'un juge à la retraite pour diriger le bureau. Est-ce qu'on devrait le mettre dans la loi?

M. Francoeur (Yves): Oui. Moi, je pense qu'on devrait le mettre dans la loi et... Pas la problématique, mais vous allez comprendre ça en tant qu'avocat, c'est que, si on a un avocat de la défense, il va y avoir un groupe mécontent. Si on a un avocat de la couronne, il va y avoir un groupe mécontent. Donc, le juge ou la juge a l'avantage d'avoir expérimenté les deux côtés de la question, et, effectivement, nous, on aimerait ça le voir précisé dans la loi.

M. St-Arnaud: Excellent. Directives par rapport à règlement. Vous avez vu, il y a eu ce débat-là avec des arguments apportés de part et d'autre. Vous faites référence aux directives. Est-ce que vous préférez les directives par rapport à un règlement.

M. Francoeur (Yves): Bien, directives, c'est plus simple. Moi, je dis, là... Puis ce que j'ai entendu de tout le monde -- en tout cas, du milieu policier -- tout le monde a l'intention d'embarquer dans ce projet-là avec ouverture pour que ça fonctionne non seulement pour le bien-être des policiers que l'on représente, mais aussi pour le bien-être de la population. Et, compte tenu de tout ça... Je suis en train de perdre le fil de mes idées, pouvez-vous...

M. St-Arnaud: Donc, vous reprenez un peu les arguments qu'on a entendus notamment hier.

M. Francoeur (Yves): Oui, effectivement. Les directives vont permettre la souplesse, au ministre de s'ajuster en cours de route.

M. St-Arnaud: La souplesse. O.K. Dernière question. Sur 289.26... Il nous reste à peine quelques secondes, ça fait que... J'ai un peu de difficultés, là, à saisir exactement le problème, là, j'ai peut-être lu un peu trop vite, en diagonale. J'aimerais vous entendre là-dessus puis, éventuellement, vous dire que, sur 289.26... Je vois que vous êtes accompagné de juristes de haut calibre.

M. Francoeur (Yves): ...le faire parler, effectivement, peut-être prendre un petit peu de votre temps pour le faire parler.

**(12 h 50)**

M. St-Arnaud: Non, non, mais, M. le Président, vous savez que ce qui est formidable avec cette commission-ci, c'est que ça me permet de voir plein de gens que je n'ai pas connus, Me Dupras, Me Roy, Me Brabant et, cette fois-ci, Me Soulière, que j'ai connu à l'aide juridique il y a presque 30 ans... en fait, il y a 30 ans cette année. Alors, écoutez, ce que je voulais vous dire, M. Francoeur, c'est que j'aimerais vous entendre, parce qu'il reste peut-être une ou deux minutes... Mais éventuellement, si vous avez une rédaction qui réglerait votre problème de 289.26, je pense que tous les membres de la commission seraient intéressés à recevoir, d'ici à ce qu'on étudie le projet de loi article par article, ce qui ne se fera pas probablement avant même le mois de mai, compte tenu des crédits... Mais on sera certainement intéressés à avoir un libellé exact qui répondrait à votre préoccupation de 289.26, que j'ai encore de la difficulté à saisir et sur laquelle je vais vous écouter.

M. Francoeur (Yves): 289.26, c'est simple, ça vient dire que l'observateur ou n'importe quel membre du bureau peut être assigné devant le Commissaire à la déontologie policière. Première des choses, est-ce qu'on veut que ces gens-là soient toujours en déontologie? Parce que la plupart, malheureusement, des enquêtes indépendantes, la famille, les... il y a des gens, sinon, très souvent, des organismes qui n'ont rien à voir avec la famille qui portent plainte en déontologie policière. Donc, vous allez perdre, en termes de prestation de travail, ces gens-là en déontologie, première des choses. Donc, nous, on... Et ça pourrait, d'un autre côté, aussi permettre au Commissaire à la déontologie policière d'obtenir ou de faire des choses de façon détournée qu'il ne peut pas faire directement. Ça fait que celle-là, on ne la comprenait pas, mais pas du tout. Mais, si on est ouvert à proposer un libellé...

M. St-Arnaud: Parce qu'il faudra le regarder d'un peu plus près, là. Puis, si jamais vous avez une proposition, en tout cas, je pense que les membres de la commission seraient intéressés, en les adressant au secrétaire, là, à regarder ça lorsqu'on étudiera le projet de loi article par article. M. le Président, ça termine mes questions. Merci, M. Francoeur. Merci, messieurs.

Le Président (M. Drainville): C'est très bien. Bien, merci beaucoup aux représentants de la Fraternité des policiers et policières de Montréal. Votre présence a été bien appréciée.

On suspend quelques instants pour permettre aux représentants de la Commission des droits de la personne de s'approcher.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

 

(Reprise à 12 h 55)

Le Président (M. Drainville): Alors, sans plus tarder, nous allons reprendre nos travaux.

Des voix: ...

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux avec, cette fois-ci, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Cousineau, le président, qui va nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Alors, M. Cousineau, vous avez la parole pour 15 minutes.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Cousineau (Gaétan): Merci beaucoup. Alors, je vous présente M. François Larsen, directeur, M. Daniel Carpentier, directeur adjoint de la Direction recherche, éducation, coopération, communications, et Me Evelyne Pedneault, qui est conseillère juridique à la commission.

Alors, merci. Je tiens d'abord à rappeler que la commission a été instituée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle a reçu son mandat de l'Assemblée nationale d'assurer la promotion et le respect de l'ensemble des droits reconnus dans la charte, et c'est en vertu de ce mandat-là que la commission a procédé à l'examen, à l'étude du projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

D'entrée de jeu, la commission tient à souligner l'importance des objectifs qui sous-tendent ce projet de loi: accroître la crédibilité des enquêtes criminelles portant sur des policiers et assurer la confiance du public envers celles-ci. Nous souscrivons à ces objectifs. Malheureusement, pour nous, le projet de loi n° 46 ne permettra pas de les réaliser. Après une brève mise en contexte, nous vous résumerons les raisons qui soutiennent la position de la commission, puis nous exposerons brièvement les trois conditions qui doivent fonder un processus d'enquête crédible: l'indépendance, la transparence et l'imputabilité. C'est à la lumière de la charte que nous abordons la nécessité de mettre en place un mécanisme civil et indépendant d'enquête dans les cas où une personne civile décède ou est blessée gravement dans le cadre d'une intervention policière ou d'une détention par un corps policier.

Dès 1996, le Groupe de travail sur l'examen des mécanismes et du fonctionnement du système de déontologie policière, dirigé par Claude Corbo, écrivait qu'une société démocratique attachée à la promotion et à la protection des droits de la personne doit assujettir le travail policier à des règles déontologiques claires et exigeantes. Si ce principe doit être appliqué en matière de déontologie policière, il convient d'y référer avec autant de force dans les cas d'allégations d'actes criminels portées contre des policiers ou policières en service.

En référant à l'article 1 de la charte, rappelons que «tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne». Le traitement réservé aux personnes en état d'arrestation ou détenues renvoie par ailleurs aux droits judiciaires garantis par la charte. Citons notamment l'article 25 de celle-ci, en vertu duquel «toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la personne humaine».

La commission aborde également la nécessité de revoir le mécanisme d'enquête ici étudié sous l'angle du droit à l'égalité garanti en vertu de l'article 10 de la charte. De nombreux incidents marquants au cours des dernières décennies tendent à le confirmer, le profilage racial et social envers certains groupes de personnes peut avoir pour conséquences des blessures graves ou un décès lors d'interventions policières ou dans le cadre d'une détention par un corps de police. Ces incidents soulignent l'importance de revoir l'actuelle procédure d'enquête mise en place lors de tels événements à la lumière des droits garantis par la charte.

La commission, comme plusieurs intervenants, l'a d'ailleurs répété à maintes reprises au cours des dernières années. Ainsi, la réflexion relative à la confiance publique envers les enquêtes ne date pas d'hier. Dès 1987, notre commission décide de faire enquête de sa propre initiative à la suite du décès du jeune Anthony Griffin, abattu par un policier du Service de la police de la Communauté urbaine de Montréal.

Considérant l'importance de tenir un débat public approfondi sur les politiques et les pratiques du corps de police pouvant avoir un effet discriminatoire, la commission forme alors le Comité d'enquête sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles, présidé par Me Jacques Bellemare. C'était il y a près de 25 ans. Pourtant, le comité d'enquête Bellemare recommandait déjà la création d'un mécanisme indépendant et civil de traitement des plaintes faites contre les policiers. Les recommandations du comité ont mené, dès 1988, à l'institution du système de déontologie policière et, en 1989, à la modification du mécanisme d'enquête applicable lorsqu'une personne décède à l'occasion d'une intervention policière ou une détention par un corps de police.

**(13 heures)**

Force est toutefois d'observer que les principaux constats dégagés de cette enquête sont toujours d'actualité. De nombreux comités d'enquête, commissions et groupes de travail qui se sont penchés sur un aspect ou l'autre du travail policier au fil des dernières décennies l'ont d'ailleurs rappelé. Référons au travail effectué en 2010 par la Protectrice du citoyen sur la procédure d'enquête. La commission a, elle aussi, eu l'occasion de travailler sur la question à quelques reprises, notamment dans le cadre de travaux qu'elle a menés sur le profilage social des personnes itinérantes puis sur le profilage racial et ses conséquences.

Depuis mai 2011, la commission a proposé un ensemble de recommandations à même d'assurer l'indépendance, la transparence et l'imputabilité du système d'enquête de nature criminelle relatif aux incidents policiers impliquant des blessures graves ou un décès. Il nous semble d'ailleurs important de rappeler que, dans le cadre des travaux d'une table interministérielle formée à la suite de notre rapport sur le profilage racial, le ministère de la Sécurité publique a entrepris de réfléchir aux suites à donner à nos recommandations. Le ministère s'est ainsi engagé à ne pas laisser celles-ci lettre morte. Or, si le projet de loi n° 46 se veut une réponse du ministère à ces recommandations, elle est loin d'être satisfaisante.

Cette brève mise en contexte ne serait d'ailleurs pas complétée sans souligner que le statu quo ne semble pas une option ailleurs au Canada, tout comme l'Ontario, l'Alberta, le Manitoba puis, plus récemment, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique ont procédé à des réformes législatives visant à mettre en place un mécanisme d'enquête portant sur les incidents policiers. Des distinctions marquent ces différents modèles, mais tous reposent sur un bureau ayant un mandat exclusif d'enquête et fondé, dans différentes proportions, sur le travail d'enquêteur civil.

Le modèle proposé par le projet de loi n° 46 va à l'encontre de la forte tendance qui se dessine en faveur d'un mécanisme d'enquête civil tant au Québec qu'ailleurs au Canada. Les discussions qui ont cours dans le cadre des présentes consultations le démontrent d'ailleurs encore une fois, à l'exclusion des représentants policiers, la quasi-totalité des intervenants a souligné la nécessité de remplacer le bureau de surveillance proposé par un bureau civil d'enquête ayant de véritables pouvoirs. Le message est clair: Le statu quo ne peut plus durer.

Outre le fait que le projet de loi n° 46 créerait dans la loi l'obligation de tenir une enquête dans les cas visés, la procédure à suivre serait essentiellement la même que celle qui est prévue à ce jour en vertu de la politique ministérielle. Le bureau civil qui serait par ailleurs institué n'aurait qu'un mandat de surveillance de ces enquêtes, sans même avoir les pouvoirs nécessaires pour assumer cette responsabilité. Nous convenons que l'obligation d'enquête qui serait introduite à même la loi est un apport. Cependant, l'encadrement législatif du processus demeure incomplet, et la procédure d'enquête proposée ne répond pas aux critères d'un processus crédible.

D'abord, quelques commentaires à propos de l'encadrement législatif. Le projet de loi propose, en effet, de modifier la Loi sur la police afin d'y prévoir la procédure à suivre dans les enquêtes visées, mais à peu près rien n'est prévu quant à l'encadrement souhaité et aux balises recommandées. À titre d'exemple, le projet de loi ne définit pas les principaux termes en jeu: Qu'est-ce qu'une blessure grave? Qu'est-ce qu'une irrégularité de nature à compromettre l'enquête? Comment distingue-t-on les policiers témoins des policiers impliqués?

Il ne crée pas non plus l'obligation quant à la nécessité de préserver l'intégrité de la preuve et de la scène de l'événement jusqu'à l'arrivée des enquêteurs. Nulle part n'apparaît l'interdiction qui devrait être faite aux policiers impliqués de communiquer entre eux après l'incident. Rien non plus sur l'obligation qu'ils devraient avoir de remettre un rapport sur l'incident dans les plus brefs délais. Rien non plus sur les obligations corollaires des directeurs de ces policiers et sur l'obligation pour les enquêteurs d'interroger les policiers impliqués dès que possible, dans un délai ne dépassant pas 24 heures après l'incident. Tous ces flous ne peuvent que nuire à l'efficacité des enquêtes.

Certains voudront répondre que le projet de loi prévoit que le ministre peut émettre des directives dans lesquelles pourront se retrouver certains de ces éléments. Or, la discrétion accordée au ministre d'établir des directives applicables à la tenue des enquêtes est en soi un problème. Une directive ne possède pas de force normative comparable à celle de l'acte réglementaire. Elle échappe à la hiérarchie classique de l'ordre législatif et ne constitue qu'une forme de l'exercice du pouvoir discrétionnaire que peut exercer une autorité administrative. De plus, au plan procédural, aucun formalisme ne garantit le caractère public des directives, et elles peuvent être remplacées aussi rapidement qu'elles ont été émises. La possibilité...

Le Président (M. Drainville): M. Cousineau, il va falloir conclure bientôt.

M. Cousineau (Gaétan): La possibilité que le ministre émette des directives, même pertinentes, ne pourra donc assurer tant l'encadrement formel nécessaire en pareille matière que la crédibilité et l'efficacité de la démarche.

Alors, on a des propos qu'on aurait souhaité vous dire concernant l'indépendance, concernant l'impartialité, concernant la transparence. Mais, en conclusion...

Le Président (M. Drainville): M. Cousineau, je vous ai induit en erreur, j'en suis désolé.

M. Cousineau (Gaétan): Oui, vous m'écourtez pas mal, là...

Le Président (M. Drainville): J'ai cru que c'était un bloc de 10 minutes parce que les échanges entre les partis se font par blocs de 10 minutes. Mais c'est bel et bien 15 minutes que vous avez, alors je m'en excuse. Vous avez cinq bonnes minutes encore, prenez le temps de prendre une bonne gorgée d'eau.

M. Cousineau (Gaétan): Je retourne le cadran, là, de quelques secondes. C'est ça?

Le Président (M. Drainville): Très bien.

M. Cousineau (Gaétan): Alors, quant au processus d'enquête proposé, les enquêtes visées par le projet de loi n° 46 n'auront d'indépendant que le nom. Nous avions recommandé la création d'un organisme dont l'indépendance serait garantie, notamment par la présence d'enquêteurs civils, et dont l'équipe pourrait, au besoin, être complétée par d'ex-policiers. Ce bureau des enquêtes civil devrait avoir pour mandat de procéder aux enquêtes visées sans délai après les événements, et ce, en ayant tous les pouvoirs nécessaires pour le faire.

En plus d'assurer une plus grande impartialité des enquêtes, les enquêteurs civils pourraient intervenir au besoin et sans délai afin d'en garantir le bon déroulement. Les observateurs désignés par le projet de loi, quant à eux, ne pourront intervenir qu'à retardement et de manière fort limitée. Bref, la mise en place d'un bureau d'observation des enquêtes ne peut constituer une garantie susceptible d'assurer l'indépendance, la transparence et l'imputabilité du processus en cause.

En effet, quel apport pourront réellement avoir les observateurs désignés avisés jusqu'à 24 heures après les événements et sans réel accès à l'enquête comme à la preuve? Et qu'adviendrait-il, même si un observateur ayant été en mesure de constater une irrégularité de nature à compromettre l'impartialité de l'enquête en avisait le directeur du bureau, qui en informerait à son tour le ministre? Le fait que le ministre désigne un deuxième corps de police pour reprendre l'enquête peut-il réellement contribuer à rehausser la confiance du public dans le système? Que dire des risques de contamination de la preuve dans de telles circonstances? Sans compter que ce seront toujours des policiers qui enquêteront sur des policiers, et, qui plus est, des policiers aux prises avec des délais indus, alors que ceux-ci sont cruciaux dans toute enquête criminelle.

Enfin, à maintes reprises, nous avons soutenu la nécessité que la composition du bureau des enquêtes favorise l'équilibre hommes-femmes et la représentation de la diversité ethnoculturelle québécoise parmi les personnes chargées de réaliser, surveiller et superviser ces enquêtes. Aucune mesure en ce sens n'est prévue dans le projet de loi.

Plusieurs modèles de procédure d'enquête ont été préconisés par différents intervenants au fil du temps. Différents mécanismes ont également été mis en place dans diverses provinces canadiennes. Aucun modèle n'est parfait. Sans correspondre à toutes nos recommandations, plusieurs d'entre eux semblent, tout de même, proposer un mécanisme qui comporte les conditions qui les rendent plus crédibles, et l'enjeu est là. Il ne s'agit pas de préférer un modèle à un autre, il s'agit de s'assurer que les mécanismes choisis permettront de garantir l'indépendance, la transparence et l'imputabilité des enquêtes.

Dès 1988, le président du comité des plaintes du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal le soulignait devant le comité Bellemare, ce n'est pas que le travail policier soit mal fait. Quand bien même vous auriez le meilleur système du monde, qu'on vous livrerait les meilleures statistiques, si le citoyen n'a pas confiance, on a un problème. Or, pour susciter la confiance et assurer sa crédibilité, le modèle proposé doit être à même de garantir la transparence, l'indépendance et l'imputabilité du processus. Ce n'est pas le cas du bureau de surveillance mis de l'avant dans le projet.

L'indépendance et l'impartialité. Dans le cadre de la consultation sur le profilage racial que nous avons menée en 2009-2010, plusieurs participants ont fait valoir qu'ils ne pouvaient avoir confiance en une enquête menée par des policiers en exercice ayant jugé leurs pairs. Ces participants considéraient que la présence d'enquêteurs civils, et non de simples observateurs, serait à même d'assurer une plus grande impartialité au processus. Cela vous a d'ailleurs été répété à maintes reprises dans le cadre des présentes consultations.

Selon la jurisprudence, l'impartialité veut dire une absence de préjugés réelle ou apparente. Cette notion relève de l'attitude et de l'état d'esprit. Et, l'impartialité étant difficile d'appréhension, les tribunaux ont, jusqu'ici, adopté le point de vue de l'apparence d'impartialité. Or, il nous semble évident qu'il y a apparence de partialité lorsqu'un policier en exercice doit enquêter sur un autre policier également en exercice, même sur un policier d'un autre corps de police. Cette notion d'impartialité est d'ailleurs intimement liée à celle d'indépendance, qui, toujours selon la jurisprudence, réfère plutôt à la structure organisationnelle même de l'organisme. Reposant sur des conditions objectives, cette notion désigne donc non seulement un état d'esprit, mais également un statut, une relation avec autrui.

**(13 h 10)**

Pour reprendre la typologie proposée par la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, les principaux modèles de surveillance de la police peuvent être qualifiés de dépendants, d'interdépendants ou d'indépendants. Or, à ce jour, outre la commission -- notre commission -- et la Protectrice du citoyen, la plupart des groupes de travail qui se sont penchés sur la question en sont venus à la conclusion que l'adoption d'un modèle dépendant ou interdépendant où un autre service de police se voit confier l'enquête n'était pas en mesure d'assurer l'indépendance de celle-ci. Nous l'avons vu précédemment, les options retenues par les provinces canadiennes ayant mis en place un mécanisme d'enquête indépendant confirment également cette tendance. L'experte indépendante sur les questions relatives aux minorités du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, Mme Gay McDougall, a d'ailleurs interpellé le gouvernement québécois sur cette question spécifique après une visite l'ayant notamment menée à Montréal en 2009.

L'argument soulevé par les représentants policiers quant au manque de compétence des enquêteurs civils ne suffit d'ailleurs pas à faire contrepoids. Plusieurs professions peuvent permettre à des civils de développer des compétences d'enquêteur, et la mise sur pied d'un bureau d'enquête civil devrait, de toute façon, être accompagnée d'une formation obligatoire appropriée au type d'enquêtes en cause. L'expérience acquise dans d'autres provinces le démontre, d'une part, les civils ont une expertise suffisante en matière d'enquêtes; et, d'autre part, il est possible de les former pour qu'ils acquièrent celle-ci. On notera d'ailleurs que des civils participent à la formation des enquêteurs à l'École nationale de police du Québec.

Un mot également sur la transparence, puisque seul un processus d'enquête transparent permet à chacun d'en apprécier l'intégrité, la probité et l'efficacité. Il s'agit ici d'un enjeu d'autant plus important que la confiance de la population envers le mécanisme d'enquête mis en place est l'un des éléments majeurs de l'équation. À l'instar de la Protectrice du citoyen, la commission estime que deux conditions doivent être réunies afin d'assurer la transparence du processus d'enquête sur des incidents graves ou mortels impliquant des policiers. Ainsi, on doit garantir, d'une part, le caractère permanent et public des règles applicables et, d'autre part, la motivation et la communication des décisions et des résultats de l'enquête.

Ajoutons que la notion de transparence implique aussi qu'un suivi adéquat soit effectué auprès des personnes civiles impliquées et de leur entourage. Nous comprenons, évidemment, le caractère confidentiel des éléments d'enquête, la nécessaire protection des renseignements personnels et les règles judiciaires de publicité de la poursuite. Toutefois, dans la plupart des cas, ces règles n'empêchent pas la communication des éléments factuels permettant de comprendre ce qui s'est passé, des faits saillants du processus d'enquête et des décisions prises ainsi que leur motivation. À ce chapitre, nous visons tant l'organisme chargé de l'enquête que le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Enfin, un mot sur l'imputabilité, qui est la troisième condition permettant d'assurer la crédibilité du processus. Plusieurs des personnes ayant participé à la consultation sur le profilage racial nous l'ont rappelé, l'obligation de rendre compte demeure une façon d'assurer la légitimité des enquêtes. L'imputabilité implique que l'organisme mandaté pour réaliser les enquêtes, mais aussi le ministère responsable rendent compte de la façon dont elles ont été effectuées et des résultats obtenus. Cela permettra d'accroître la crédibilité du processus, d'en évaluer l'efficience et d'ouvrir la possibilité d'apporter des mesures correctives au besoin.

En conclusion, le projet de loi n° 46 aurait dû servir de réponse au problème de confiance soulevé depuis des décennies par les enquêtes de la police sur la police. La solution proposée ne permettra tout simplement pas de réaliser cet objectif. Au contraire, on ne propose que le statu quo. Le projet de loi n° 46 devra donc être revu afin de satisfaire les objectifs qui le sous-tendent, et, en ce sens, la commission recommande trois choses: un, de prévoir un véritable encadrement législatif ou réglementaire du processus d'enquête sur des incidents impliquant les policiers ou policières et ayant entraîné un décès ou des blessures graves et que ce cadre inclue tous les éléments et balises propres à assurer tant en théorie qu'en pratique l'indépendance, la transparence et l'imputabilité du processus; remplacer -- et notre deuxième recommandation -- le bureau de surveillance par un bureau civil des enquêtes spéciales, c'est-à-dire un organisme indépendant composé principalement d'enquêteurs et dont l'équipe pourrait, au besoin, être complétée d'ex-policiers, ayant pour mandat exclusif de mener les enquêtes sur les incidents impliquant les policiers ayant entraîné un décès ou blessures graves; et, enfin, de s'assurer que la mise en place de ce bureau se fasse sur la base des recommandations déjà formulées par la commission, notamment en favorisant l'équilibre hommes-femmes et la représentation de la diversité ethnoculturelle et québécoise. Merci de votre attention.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. Cousineau. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. M. Cousineau, j'ai deux, trois points que je voulais soulever. Votre mémoire est assez exhaustif, donc on comprend bien votre position. Puis, par contre, je viens d'entendre à la fin que le bureau civil indépendant pourrait contenir d'ex-policiers, comme c'est le cas en Ontario d'ailleurs, là, pour justement avoir l'expertise.

M. Cousineau (Gaétan): Oui. Et dans d'autres provinces, bien sûr, oui.

M. Dutil: Dans d'autres législations, oui. Et ce qui vous importe, là, c'est que ce ne soient pas des policiers en exercice dans un corps de police. Là, vous soulignez «ex-policiers». Ça pourrait être des policiers qui décident de faire carrière dans ce bureau-là aussi et qui n'ont pas fini leur carrière, donc qui restent à jour puis qui sont...

M. Cousineau (Gaétan): Exactement. On n'exclut pas d'ex-policiers, on... On n'exclut pas des policiers qui ont envie de faire une carrière de ce type de requête ou des...

M. Dutil: ...votre point, c'est l'indépendance beaucoup plus que le type de la formation de... Il peut... ça peut être...

M. Cousineau (Gaétan): Je pense que c'est la Colombie-Britannique qui demande que les policiers soient cinq ans... n'être plus en exercice cinq ans, je crois, et de ne pas avoir des liens... Naturellement, ça, c'est le policier qui doit décider s'il a eu des liens avec ces personnes-là auxquelles...

M. Dutil: Oui, mais ça, même un ex-policer ou même une personne civile qui serait dans un bureau civil ne doit pas avoir de relations. Tu sais, si c'est son frère qui est le policier qui est accusé, là, on comprend très bien que...

M. Cousineau (Gaétan): S'il y a des conflits, là, apparents.

M. Dutil: ...ça n'a pas rapport avec le statut de la personne, ça a rapport avec ses liens, puis donc il faut qu'il se démette. Ça, c'est le premier point.

L'autre, vous soulignez que ça ne doit pas être des directives mais que ça pourrait être des règlements. Donc, ça, ça serait satisfaisant de cheminer de la directive vers un règlement parce que, justement, ça permet de mieux l'encadrer puis d'avoir... Je ne parle pas du contenu, là, il faudra s'entendre sur le contenu, évidemment. Mais, au moins, sur le plan de la stabilité, ça vous apparaît meilleur. J'ai bien compris?

M. Cousineau (Gaétan): Absolument.

M. Dutil: Le dernier point que je veux souligner, c'est l'information du public. Vous en avez parlé relativement peu. Tout le monde en a beaucoup parlé, tellement que, dans plusieurs groupes, ils estiment que c'est le problème majeur, que le public n'est pas suffisamment informé de l'enquête. Et, par exemple, on a souligné tout à l'heure, dans le cas de Villanueva, le fait que le DPCP ait informé la population des raisons qui l'avaient amené à ne pas porter d'accusation avait semblé être une information pertinente aux yeux du public. Est-ce que vous estimez que le DPCP devrait, même quand il n'y a pas d'accusation, donner ces informations-là?

M. Cousineau (Gaétan): Nous pensons que oui, que les raisons de poursuivre ou de ne pas poursuivre devraient être communiquées au public, dans ce sens-là. La raison pour laquelle c'est si important, la communication actuellement, c'est parce que la population a perdu confiance aux enquêtes menées par des policiers sur des policiers. Et, dans ce sens-là, la communication devient le facteur le plus important. Nous, on dit: C'est un facteur très important qui... D'ailleurs, on le met dans la transparence, dans la crédibilité. Et l'indépendance va aider beaucoup à la crédibilité, et les communications aussi. Alors, dans ce sens-là, oui, c'est un facteur important, on doit communiquer les résultats.

M. Dutil: Vous avez apporté une nuance importante, vous avez dit: Policiers en exercice sur des policiers en exercice. Moi, je pense que c'est une nuance très importante, ça, parce qu'il y a eu des organismes qui sont venus nous dire qu'il ne devait même pas y avoir d'ex-policiers dans le bureau civil. Bon, la position de la Protectrice du citoyen et la vôtre semblent être: Si le bureau civil est parfaitement indépendant, que ce ne sont pas des policiers qui sont dans un corps de police ou d'ex-policiers qui sont dans un corps de police et qui... évidemment, ils n'ont pas de liens, là... -- mais, ça, c'est le cas de tous les membres du bureau civil, on vient d'en parler -- ça, là, ce serait une mesure d'indépendance satisfaisante, à votre point de vue, si je comprends bien.

M. Cousineau (Gaétan): Oui. La présidence de ce bureau civil, là, cette composition devrait être civile. Et la composition des enquêteurs peut contenir des policiers ou d'ex-policiers.

M. Dutil: C'est beau. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey.

**(13 h 20)**

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Cousineau. Et bonjour aux gens qui l'accompagnent aussi. Je vous écoutais parler, puis sûrement que vous avez assisté... Depuis le début de nos travaux, j'ai mentionné à plusieurs reprises que le domaine des enquêtes, particulièrement les enquêtes sur les crimes majeurs, c'est un domaine qui est très spécialisé. On a au-dessus de 15 000 policiers au Québec, et il y a 84 policiers, 24 à Montréal, 48 à la Sûreté du Québec et 12 au Service de police de la ville de Québec qui sont mandatés, qui sont spécialisés, qui sont actualisés, qui font ce genre de dossiers là parce que c'est très spécialisé.

C'est sûr, si on regarde l'ensemble, et ayant moi-même été policier pendant 32 ans... c'est beaucoup l'incompréhension qui se dégage, et les interrogations de la population sont, je pense, beaucoup reliées pas au non-professionnalisme des policiers, pas à leur incapacité de faire des enquêtes, pas à leur incapacité d'appliquer les différentes lois et règlements du Québec, de s'assurer que les évidences et les preuves soient recueillies dans les règles de l'art... Parce qu'il y a des règles de l'art. S'ils ne sont pas recueillis dans les règles de l'art, Me Pedneault va être la première à venir nous dire qu'il va y avoir un contre-interrogatoire et il va y avoir... si on contamine une preuve, ça peut, effectivement, contaminer le dossier au complet, et que, si nos policiers, les policiers qui font enquête, sont non professionnels, bien il y a la déontologie, il y a la discipline, il y a les droits de la personne, il y a les poursuites au civil, il y a les poursuites criminelles et pénales. Donc, il y a un ensemble de mécanismes qui surveille ou régit le travail des policiers à quelque niveau que ce soit et à quelque étape que ce soit de l'enquête, que ce soit l'enquêteur dans un dossier ou que ce soit le policier impliqué dans le dossier.

Donc, je pense que les grosses interrogations que la population ont, c'est le manque d'information et c'est le manque de suivi. C'est-à-dire que la population veut savoir pourquoi c'est si long, pourquoi ça prend tant de temps, pourquoi il n'y a pas de décision, pourquoi, dans tel ou tel dossier, il y a telles ou telles décisions qui ont été prises. Et probablement que, si la communication était meilleure, probablement qu'il y aurait moins d'interrogations et qu'on n'en arriverait pas à utiliser la transparence, et que, là, la police ne peut pas enquêter sur la police, etc. Parce qu'il y a beaucoup de folklore là-dedans aussi, il y a eu très peu... Et, de souvenance, je n'ai pas de cas qui me vient à l'esprit, mais il y a eu très peu d'enquêtes bâclées, ou d'enquêtes faussement montées, ou de preuves faussement établies devant les tribunaux où des policiers sont sciemment intervenus pour fausser la direction d'une enquête, les conclusions d'une enquête ou les résultats d'une enquête.

Et je pense qu'avec le projet de loi n° 46 et ce qui est mis de l'avant avec le rôle de l'observateur du bureau de surveillance on s'assure de la crédibilité, de l'impartialité du processus et on s'assure qu'il y a une personne en dehors qui pourra poser toutes les questions possibles de façon à ce que chacun puisse faire son travail. Parce que, les policiers, leur travail, c'est d'enquêter, les procureurs, c'est de procurer, c'est de décider, et il faut que chacun soit... Et je vous rejoins dans l'imputabilité, si le policier ne fait pas bien son travail, je vous ai donné cinq mécanismes qui peuvent intervenir n'importe quand. Si le procureur ne fait pas bien son travail, il y a des mécanismes aussi contre lui. Mais que chacun soit responsable de ses actions. Et, si on réussit à informer la population, qu'on réussit...

Parce que vous comme moi avons beaucoup entendu de commentaires ou de plaintes de gens impliqués dans différents de ces dossiers-là, au niveau des proches, de la famille, des gens, qu'il n'y avait pas de contacts avec la police, on les tenait dans l'ignorance, on ne leur disait pas ce qui se passait. C'est pour ça qu'on a énormément posé de questions aux services de police et aux associations de policiers à savoir comment ça se faisait pour être en mesure d'avoir la plus grande transparence et pour être en mesure de répondre aux besoins d'information de la population. Parce que sécuriser la population... si vous les tenez dans l'ignorance, ils vont poser beaucoup de questions et ils vont douter de n'importe quel système. Donnez-leur cette information-là, ils vont être les premiers satisfaits. Et peut-être que ce ne sera pas assez pour certains groupes ou certains organismes, mais, définitivement, ça améliorera la perception -- puis «perception» est un mot très répandu et très utilisé, en politique particulièrement -- la perception que les gens auront du système.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey, le bloc de 10 minutes se termine à l'instant. Alors, si vous souhaitez poser une question, il faut que vous y alliez bientôt.

M. Ouellette: Oui, j'y vais. Vous avez mentionné que, sur le bureau de surveillance, vous privilégieriez l'égalité hommes-femmes, l'implication des communautés ethnoculturelles à l'intérieur du bureau de surveillance ou dans l'équipe d'enquête. Si vous voyez un bureau indépendant, il faudrait tenir compte de ces obligations ou de ce souhait-là, là, qu'il y ait autant d'hommes ou autant de femmes et une représentation ethnoculturelle à l'intérieur du bureau civil d'enquête qui enquêterait les enquêtes indépendantes.

M. Cousineau (Gaétan): Nous avons choisi de dire plutôt que... nous suggérons de remplacer le bureau de surveillance par un bureau d'enquête qui, lui, serait composé de la façon dont vous le dites. Et je vous ai écouté longuement, là, parler de la perception et de ce que les gens... vous pensez que la communication serait suffisante. Écoutez, nous avons, la commission, fait une vaste consultation sur le profilage racial et nous avions aussi, juste avant, fait une sur le profilage social, les gens en itinérance, et je peux vous dire que ce n'est pas ça qui sort de cela, c'est plutôt une absence de confiance, une perte de confiance totale en la justice, en la police, en la magistrature, en la commission des droits. Alors, c'est à ça qu'on se bat, là, c'est beaucoup plus que ce que vous décrivez. Et, que la communication serait suffisante, je vous mets en garde là-dessus, les gens sont très clairs, hein? Les gens qui sont venus sont très clairs, c'est la composition d'un bureau civil qui va leur redonner cette confiance-là.

Et les outils que vous décrivez, la déontologie, on a des plaintes qui... Les gens vont en déontologie, ils viennent à la commission des droits. Mais les gens se plaignent qu'à la commission des droits ils ne réussissent pas, dans le cas des policiers spécifiquement, à avoir accès aux policiers, à avoir un déroulement rapide de ces plaintes-là et d'avoir... Alors, même la commission a vu des dépôts de... Parce qu'on a mis notre tête sur le billot aussi, on s'est fait accuser, justement. Donc, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin de ce que vous décrivez, là, là-dedans.

Et je pense que ça se passe ailleurs. D'ailleurs, quand on a commencé à regarder ça, on a regardé, effectivement, tous les documents, toutes les enquêtes qui avaient été faites précédemment et qui arrivaient aux mêmes conclusions, qu'il fallait plus qu'un bureau de surveillance. Ça a été le cas, les deux enquêtes Corbo, ça a été... Toutes les enquêtes qui ont été menées, il y en a toute une série... Si vous lisez notre rapport, vous allez avoir en détail tous ces cas-là. Et même dans des cas demandés par la police qu'ils se sont fait dire des choses. La Sûreté du Québec se l'est fait dire spécifiquement. Alors donc, il y a beaucoup plus que ça, là, d'après nous.

Le Président (M. Drainville): Et c'est maintenant au tour de M. le député de Chambly de prendre la parole au nom de l'opposition officielle.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. Bien, d'abord, merci, M. Cousineau. Bonjour. Bonjour aux gens qui vous accompagnent. C'est un mémoire -- et on a reçu hier une version plus longue de votre mémoire, là, qui est assez volumineuse, beaucoup de notes en bas de page -- c'est un mémoire très costaud. Je peux vous dire qu'on va le lire et le regarder attentivement. Et vous faites référence à des expériences étrangères, on va regarder ça avec attention.

Je voudrais surtout... D'abord, la première chose qui m'a frappé, là, en lisant votre mémoire... Est-ce que la commission a évolué sur la structure que devrait prendre ce bureau? Parce que vous dites, là, finalement, vous dites: Le bureau civil de surveillance prévu dans le projet de loi n° 46, nous, on pense que ce n'est pas une solution, on rejette ça. Et vous dites: Il faudrait plutôt créer un genre d'unité composée de civils. Et là vous semblez dire... et d'anciens policiers, là, des gens qui sont possiblement des policiers à la retraite, d'anciens policiers pour enquêter sur les événements qui impliquent des policiers. Et j'avais cru comprendre -- et corrigez-moi si je suis dans l'erreur -- j'avais cru comprendre que, dans votre rapport sur le profilage racial l'an dernier, vous disiez: Ça prend une unité indépendante pour enquêter, et les enquêteurs ne doivent être ni des policiers ni des policiers à la retraite. J'avais plutôt l'impression que vous aviez comme position à l'époque, là, d'avoir... Est-ce que je me trompe ou votre position est la même que l'an dernier?

M. Cousineau (Gaétan): Je vais vous lire, justement, la proposition qu'on avait dans le rapport sur le profilage racial. C'était de prendre des mesures pour assurer la présence d'enquêteurs civils qui ne sont pas des ex-policiers au sein des équipes chargées de mener ce type d'enquêtes. Donc, le but, ce n'était pas d'exclure les policiers, mais de s'assurer de la présence d'enquêteurs civils. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on l'a formulé. C'est sûr qu'on ne parlait pas d'ex-policiers, on parlait de la présence de civils.

**(13 h 30)**

M. St-Arnaud: Quant à la structure, vous rejoignez, pour l'essentiel, la proposition qui nous a été faite par la Protectrice du citoyen, là, un bureau indépendant constitué de civils et avec un certain nombre... Vous, vous dites, je pense, que vous souhaitez que les ex-policiers soient minoritaires dans ce bureau d'enquête là. Est-ce que j'ai bien vu ça en quelque part ou...

M. Cousineau (Gaétan): On n'a pas fait de chiffres précis, quant à nous.

M. St-Arnaud: Si vous permettez, c'est parce qu'en fait, dans votre conclusion, vous dites: «...un organisme indépendant composé principalement d'enquêteurs et d'enquêtrices civils et dont l'équipe pourrait, au besoin, être complétée d'ex-policiers et ex-policières...» Donc, il y a une...

M. Cousineau (Gaétan): ...majorité, oui, selon notre...

M. St-Arnaud: Une majorité de civils.

M. Cousineau (Gaétan): Oui.

M. St-Arnaud: Oui, allez-y.

M. Cousineau (Gaétan): Bien, nous, ce qu'on dit... C'est pour ça qu'on a dit souvent dans notre rapport que ce sont les trois grands principes, là, d'indépendance, transparence, imputabilité, c'est les grands critères. Et on dit qu'il n'y a aucun modèle parfait. On a examiné tous les modèles à travers les autres provinces, et ils ont tous leurs différences et leurs ressemblances. Mais le noyau dur, c'est un bureau d'enquête indépendant. Donc, c'est à ça qu'on... On se dit: Ça, c'est le modèle de base. À partir de là, les compositions peuvent varier. La commission, habituellement, ne va pas jusqu'à donner un modèle précis. Je sais que la Protectrice du citoyen est allée plus loin dans la description d'un modèle qui devient un peu plus précis, nous, on ne va jamais aussi loin que ça.

M. St-Arnaud: Le principal argument... C'est notre sixième journée de travaux, d'audiences, on doit être rendus à peu près à 20 groupes... à la fin de la journée, on aura entendu une vingtaine de groupes, et le principal argument qui est amené, pour l'essentiel, par le milieu policier, c'est de dire: Il y a un problème d'expérience, ou de compétence, ou de formation, les civils n'ont pas cette expertise. Le député de Chomedey faisait référence au fait tantôt que, sur tous les policiers du Québec, il y en a moins d'une centaine qui sont des enquêteurs pour des crimes majeurs ou des homicides.

Vous, vous sembliez dire tantôt... Et vous savez, hier, le président de l'Association des policiers provinciaux nous a rappelé que l'ancien ministre de la Sécurité publique, M. Ménard, disait: Il y a un seul endroit où on peut apprendre à faire ce type d'enquête, c'est dans les forces policières, c'est comme policier. La directrice de l'école nationale est venue nous présenter la formation qu'elle offre aux gens qui veulent devenir enquêteurs, et le prérequis, c'est toujours d'avoir, en partant, cinq ans de patrouille ou cinq ans sur le terrain.

Vous, vous sembliez dire tantôt... vous nous avez dit: Oui, mais il sera possible de former des civils. Ma question, c'est: Est-ce qu'on peut réellement former en peu de temps, en quelques semaines, quelques mois, des gens pour faire ce type d'enquête qui est vraiment... C'est des enquêteurs d'élite, là, qui font ce genre de dossiers. Alors, est-ce qu'on peut faire ça? Et, si oui, quand vous pensez à des gens... Vous dites: Dans le civil, il y a des gens qui ont cette formation-là déjà. Vous pensez à quel genre de personnes qui ne sont pas des policiers mais qui, selon vous, auraient déjà cette expérience professionnelle d'enquête ou autre, ou juridique, ou autre, qui pourraient... Advenant le cas où le ministre modifierait son projet de loi pour avoir une unité comme vous le proposez, quel serait le profil des gens qui pourraient, au niveau civil, là, qui pourraient exercer les fonctions que vous proposez? Parce que c'est le principal... je vous dirais que c'est un os quand même important et un argument qui est quand même d'une certaine importance qui nous a été présenté par le milieu policier, là, depuis un mois.

M. Cousineau (Gaétan): Au départ, l'enquête, lorsqu'on a affaire d'un événement où il y a une intervention policière qui s'est terminée par le décès de quelqu'un, une blessure grave, on connaît la victime et on connaît les policiers impliqués. On n'a pas, comme dans les autres types d'enquêtes, une scène de crime où on doit chercher un coupable, et là on part de là. Donc, cette grande expertise, cette expertise spécifique, c'est de ça dont on nous parle. Ce n'est pas le cas, là, il y a une partie du problème qui est résolue, on connaît les acteurs, là, et il y a... Donc, c'est un autre type d'enquête, je pense, puis il ne faut pas...

Et on nous parle beaucoup... J'écoutais tantôt, et j'ai écouté, et j'ai vu les... j'ai lu certaines des interventions, on nous parle beaucoup, là, les gangs de rue, on parle de la grande criminalité, bon, les motards, des choses du genre, mais les cas que la commission s'est... les décisions où la commission s'est intéressée, c'étaient des cas où... une personne en itinérance, hein? Bon, le dernier cas, là, la personne dormait dans le métro puis, tout d'un coup, là, elle est morte, là. Bon, il y a eu des événements, on ne les connaît pas parce que l'enquête ne nous permet pas de savoir. Est-ce que c'est les policiers qui sont allés intercepter... intervenus, dire à la personne qu'il fallait qu'elle circule? Puis elle était désorganisée, y avait-il... Était-elle désorganisée au point qu'elle se faisait menaçante avec son exacto contre quelqu'un d'autre? Une autre, bon, elle détruisait des sacs à déchets, mais elle a fini par être morte. Et on a parlé d'EMRII, le groupe de santé mentale. Dans ces cas-là, ils n'ont pas fait appel à ces groupes-là.

Alors, on voit, là, qu'il y a des événements... dans les cas de profilage racial ou d'événements... on a affaire à une minorité racisée qui s'inquiète quant au type d'examen. Alors, qui peut faire ce type d'examen? Je pense qu'il peut y avoir plein de personnes. D'ailleurs, les policiers, avant d'être des policiers, c'est des gens qui ont été formés, puis, ensuite, ils ont été formés, ils ont appris des choses. Ça reste des hommes et des femmes qui ont appris des choses. Les coroners qui font des examens sur les circonstances de décès, on a trouvé plein de gens capables de faire ces enquêtes-là. On a plein d'organisations où le gouvernement accorde à ces organisations des pouvoirs d'enquête. Alors, il y a plein de gens qui ont des compétences d'enquêteur déjà et qu'on pourrait jumeler, bâtir sur ça pour leur donner les autres volets nécessaires.

Et c'est pour ça qu'on n'exclut pas... On a dit majoritairement, mais on n'exclut pas les policiers qui ont accompli ce métier. Et là le facteur nouveau que ça apporterait dans ces enquêtes-là d'avoir des civils, c'est cette capacité d'un civil... Je suis convaincu qu'il n'y a pas un policier qui part avec l'intention de tuer quelqu'un cette journée-là, hein, c'est clair, ça, on le comprend. Puis on comprend tous que c'est un travail difficile et pénible et que les circonstances... Peut-être, maintenant, il y a plus de violence puis de santé mentale, etc. La commission elle-même est interpellée par des gens qui souffrent de santé mentale, qui nous interpellent de façon régulière, et, des fois, ils sont désorganisés aussi, ils ne sont pas toujours... Ce n'est pas parce qu'ils viennent voir la Commission des droits de la personne que, tout d'un coup, ils sont organisés cette journée-là. Alors, ils sont aussi désorganisés, et on doit agir. Alors, nous, on pense que, oui, il y a des gens capables de faire ce travail, et les gens peuvent être formés.

M. St-Arnaud: Excellent. Ça répond à ma question. Et, en ce sens-là, je présume aussi que vous partagez l'opinion de la Protectrice du citoyen, qui dit: Pour des services plus spécialisés, en balistique ou tout ça, on pourrait éventuellement, j'allais dire, sous-contracter, là, à des forces policières en cours. Alors, ça serait une possibilité qui pourrait être possible, ça?

M. Cousineau (Gaétan): Absolument. D'ailleurs, dans la plupart des organismes qui ont des pouvoirs d'enquête ou même des professions qui ont des pouvoirs d'enquête, que ça soit l'assurance automobile, là, les accidents d'automobile, on va faire affaire à des médecins. Donc, il y a des bancs composés de groupes différents et des expertises différentes. Et, finalement, je me souviens, moi, j'ai eu à traiter dans un autre emploi... J'étais à la Commission municipale à l'époque, bon, j'avais trois rapports de psychiatres. Je ne suis pas psychiatre, moi. J'ai eu affaire à trois rapports de psychiatres, il a fallu quand même que je rende ma décision concernant cette activité-là. Alors, vous voyez, on voit, là, qu'il y a des expertises qui peuvent se joindre selon les besoins plus spécifiques à une enquête face à une autre, par exemple.

M. St-Arnaud: Je comprends que, pour l'encadrement, vous préférez un règlement que des directives, là. Ça, c'est clair dans votre position.

M. Cousineau (Gaétan): C'est clair pour nous, oui.

M. St-Arnaud: Peut-être sur le bureau... Bon, vous proposez... vous faites une proposition à la commission qui va être considérée. Mais, dans l'éventualité où le ministre qui parraine le projet de loi maintiendrait son projet de loi, pour l'essentiel, dans la forme qu'il est, vous ne trouvez pas quand même que l'observateur... Vous dites: L'observateur n'a pas les pouvoirs nécessaires. Tantôt, vous avez dit: Il n'aura pas accès à la preuve, à l'enquête. Il me semble, à première vue, ce n'est pas tout à fait exact, là. Il va pouvoir se rendre sur la scène de l'événement. Il va pouvoir avoir accès à tous les documents, à toutes les déclarations de témoins, les interrogatoires sur vidéo de toutes les personnes, de tous les témoins, de tous les policiers impliqués. Il va pouvoir poser toutes les questions qu'il veut à l'agent de liaison. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a quand même... Et là il doit statuer sur l'impartialité. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il a quand même un certain nombre de pouvoirs qui pourraient lui permettre de statuer sur l'impartialité de l'enquête?

M. Cousineau (Gaétan): Il n'aura pas accès aux témoins. Il n'aura pas accès aux personnes impliquées dans les événements. Il va avoir le résultat des questions. Donc, il ne sera même pas là quand elles sont posées, il n'aura pas contrôlé le processus. Il pourra constater des... peut-être des irrégularités -- c'est ce qu'on mentionne comme mot -- dans l'examen du processus. Il va parler à un filtre, l'agent de communication qui... Alors, on voit que son rôle est celui d'observateur, donc... Et, oui, il va avoir à aller sur le site après les événements, pas pendant que la scène... alors que, s'il était enquêteur, le rôle serait bien différent, tout ça. Alors, son rôle d'observateur...

Et, surtout, le mandat qu'on lui donne, en bout de ligne, c'est de dire au ministre: Bien, dans ce cas-là, je pense que l'enquête, ça ne fonctionne pas bien, là, il y a quelque chose d'irrégulier. Et la conséquence, c'est de transmettre ça à un autre corps de police. Puis, comme on disait dans notre document, bien il n'y aura peut-être même pas intérêt à... C'est peut-être pire, la solution est peut-être pire que de continuer, alors. à cause des délais, et tout ça. Alors, je ne sais pas s'il y a d'autres choses qui pourraient être rajoutées là-dessus.

**(13 h 40)**

M. St-Arnaud: Allez-y.

Le Président (M. Ouellette): Me Pedneault.

Mme Pedneault (Evelyne): Je pense que la notion de processus est fondamentale ici. L'observateur pourrait, effectivement, avoir accès à un certain nombre de documents, mais il a à statuer sur un processus, et, nulle part dans le projet de loi, on ne prévoit qu'il ait accès à ce processus-là, à constater de lui-même, et non à travers un filtre, à travers ce que lui disent d'autres personnes quel en a été de ce processus-là.

M. St-Arnaud: Ce que vous dites, c'est: Il doit statuer sur l'impartialité du processus, puis là il y a seulement certaines pièces devant lui, là.

Mme Pedneault (Evelyne): Il n'a pas accès à ce processus-là en aucun cas.

M. St-Arnaud: Et, pour vous, ça rendrait difficile sa possibilité de statuer sur l'impartialité de l'enquête.

Mme Pedneault (Evelyne): Sinon impossible.

M. St-Arnaud: Sinon impossible. Écoutez, ça répond à l'essentiel de mes questions, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. Et soyez assurés que nous allons prendre connaissance avec intérêt de votre... En fait, c'est plus qu'un mémoire, là, c'est... j'allais dire du mémoire long que vous avez porté à l'attention de la commission. Et merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. Cousineau, M. Larsen, Me Carpentier et Me Pedneault représentant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, d'être venus déposer devant la commission aujourd'hui. Ça a été très instructif.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 41)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Drainville): Alors, rebonjour, tout le monde. Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Sonnerie des téléphones cellulaires éteinte, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal. Sans plus tarder, je vous invite à nous présenter la personne qui vous accompagne et à procéder avec votre exposé. Vous avez 15 minutes. Merci et bienvenue.

Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal (RAPSIM)

M. St-Jacques (Bernard): Merci. Mon nom est Bernard St-Jacques. Je suis organisateur communautaire au Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal. Je suis accompagné de M. Serge Lareault, directeur et éditeur de L'Itinéraire, qui va plus, avec nous, aborder le sujet davantage de témoignages liés au sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Peut-être quelques mots sur le RAPSIM en commençant. C'est un

regroupement montréalais de plus de 90 organismes communautaires qui interviennent directement avec les personnes en situation d'itinérance, à risque d'itinérance ou en sortie de rue. Nos principales actions passent par l'éducation populaire, la mobilisation, la sensibilisation, la représentation et la recherche.

Le RAPSIM revendique la mise en place d'une politique globale en itinérance. On a eu l'occasion, d'ailleurs, de le faire il y a quelques années lors d'une commission parlementaire tenue ici même dans cette enceinte. Pour nous, on considère que l'itinérance devrait faire l'objet d'un phénomène... C'est un phénomène social. Comme priorité gouvernementale, on doit s'assurer d'avoir une meilleure cohésion entre les différentes interventions gouvernementales, qu'elles relèvent, par exemple, de la santé publique ou de la sécurité publique, et une meilleure intervention, harmonisation, cohérence entre les actions des différents ministères. Celle-ci reposerait sur six axes, dont autant de droits qu'on considère comme des droits bafoués chez les personnes itinérantes, à savoir le droit de cité, le droit à un revenu décent, le droit au logement, le droit à la santé, le droit à l'éducation et le droit à un réseau d'aide et de solidarité.

Pour nous, tous ces dénis de droit multiples constituent et approfondissent le processus d'injustice des personnes. À tout cela s'ajoute souvent une situation judiciaire peu envieuse qui passe principalement par la réception de plusieurs contraventions dans l'espace public, l'impression de l'existence d'un profilage social dans les pratiques policières, bref les heurts aussi entre itinérants et policiers qui s'ajoutent aussi à l'incompréhension. Donc, après ça, quand une personne tombe sous les balles -- une personne itinérante particulièrement -- tombe sous les balles des policiers et qu'on regarde la suite des choses, c'est un peu l'apogée du sentiment d'injustice qu'on ressent. C'est pour cela que notre mémoire et la présentation d'aujourd'hui posent la question pour l'amener de façon positive, à savoir une occasion à ne pas manquer pour lutter contre l'impunité.

Nos interventions plus spécifiques en lien avec le droit de cité. Pour nous, le droit de cité, c'est deux choses. Ça relève de toute la question de la cohabitation et de la possibilité d'occuper l'espace public et tout le volet de citoyenneté que requiert la réintégration de l'aspect du caractère citoyen de la personne itinérante, réintégrer la personne en lui faisant faire des exercices de participation citoyenne et en travaillant directement à sa situation judiciaire. Donc, voilà pour la présentation.

Au niveau des éléments directement liés au projet de loi n° 46, on doit vous dire que nous souscrivons très bien aux arguments, particulièrement de la Ligue des droits et libertés, qu'elle est venue exprimer ici et qu'on retrouve très clairement dans la déclaration lancée à l'automne dernier intitulée Pour un processus d'enquête à caractère civil, transparent, impartial et indépendant. On a d'ailleurs eu l'occasion, dans certains cas, malheureusement, à prendre position à quelques reprises suite à des décès survenus dans l'espace public. On pense notamment aux cas de Mario Hamel et de Farshad Mohammadi. Pour nous, la même question centrale se pose, à savoir: Qui devrait enquêter sur la police en de telles situations? Et, en ce sens, pour nous, le bureau civil de surveillance intervient bien trop tard et n'intervient pas sur les pratiques du fonctionnement quotidien de ce qu'amènerait le potentiel du processus, justement, d'enquête.

La question aussi de ne pas enchâsser à la base même toute forme de directive pour encadrer de façon plus générale les différentes enquêtes, pour nous, ça pose aussi un problème.

L'autre sentiment qu'on a, c'est qu'alors qu'on a décidé de faire le pont en donnant un caractère civil ailleurs on trouve un peu bizarre... on dirait que c'est comme si on considérait les civils comme totalement inaptes à mener des enquêtes ou, en tout cas, à y collaborer de manière beaucoup plus active. Tous les efforts, en tout cas, devraient être mis, à notre avis, pour rendre l'enquête plus efficace et afin que le public puisse vraiment suivre son déroulement. On n'a pas l'impression que ça a été fait jusqu'à maintenant, puis ça pose un peu un problème.

L'autre chose, c'est que le mécanisme d'enquête aussi devrait être indépendant des corps policiers, car, contrairement à ce qu'affirment certaines institutions ou services policiers qui sont passés par ici, on a l'impression qu'il y a un réel esprit de corps et très clair dans l'esprit de la population, en tout cas dans notre milieu et auprès des personnes itinérantes. J'aurai des exemples même un peu plus tard pour vous en parler. On ne remet donc pas ici en doute la bonne foi du projet de loi, mais on doute de ce que ça peut apporter comme réel potentiel, l'idée d'impartialité et d'impunité qu'on cherche à amener avec ce projet de loi là.

Pour ce qui est de l'impunité, j'en parlais un peu, j'en ai fait déjà un peu référence, pour nous, c'est le nerf de la guerre de toute cette histoire. C'est, d'une part, pour une personne itinérante, d'avoir déjà des droits bafoués, des interventions policières qui n'apparaissent pas toujours de manière appropriée, évidemment une situation, des conditions de vie et une personne qui n'est pas toujours dans son meilleur état, à laquelle ça s'ajoute, des contraventions qui pleuvent et un sentiment d'injustice qui se développe. Ça fait qu'imaginez en plus quand on a l'impression que toute enquête pourrait ne mener à rien quand la police enquête sur la police.

Un autre exemple de l'impunité, c'est que souvent on se rabat sur les recours existants qui sont présents. Pour nous, on trouve qu'il y a une très grande faiblesse dans ces différents recours là, et ça renvoie aussi à l'esprit de corps. L'exemple qu'on peut prendre, c'est la déontologie policière. Quand on voit qu'il y a... seulement dans 3,6 % des enquêtes vont mener à des sanctions, ce n'est pas qu'on doute de la bonne foi ou de la mauvaise foi des policiers, mais on trouve que c'est très peu dans une situation et on se demande si l'esprit de corps ne vient pas jouer.

L'autre élément qui est fondamental pour les personnes itinérantes, la majorité n'exercent aucun recours en déontologie policière parce qu'elles ont connu des expérience ou parce qu'elles ont elles-mêmes peur des représailles pas posées par le policier sous enquête, mais par les collègues policiers de cette même personne. Donc, à ce moment-là, on considère qu'il n'y a pas beaucoup de recours évidents. Pour vous en convaincre, je vous invite à lire ou à relire le rapport de la consultation sur le profilage racial qu'a menée la Commission des droits de la personne, qui vous en a peut-être d'ailleurs parlé un peu ce matin, qui ne suggère rien de moins qu'une véritable réforme du code de déontologie policière et du mode actuel.

Les quelques commentaires qu'on retrouve aussi et qu'on a amenés ici et les éléments du mémoire reprennent un peu des idées, des éléments qu'on est allés chercher dans notre milieu suite aux impressions liées à l'onde de choc véritable qu'a provoqué la mort... notamment, celle de Mario Hamel et de Farshad Mohammadi. Je vais laisser M. Lareault vous parler du cas plus spécifique de Jean-Pierre Lizotte, mais, dans le cas de Mario Hamel, je pourrais déjà vous dire que c'était quelqu'un qui était connu dans les ressources du centre-ville, qui était quelqu'un d'apprécié. Puis, en dehors de tout ce qu'on pouvait lui reprocher, le sentiment d'impunité qu'il y a eu suite à sa mort par rapport à tout ce que le processus d'enquête peut mener était très, très, très... il y avait un sentiment vraiment fort d'impunité qui était palpable et une inquiétude à l'égard des suites, ce qui ne peut qu'accentuer les heurts existants dans l'espace public.

Donc, autant que dans le cas de... par contre, de M. Mohammadi, qui, lui, est décédé dans le métro Bonaventure en début d'année, ces éléments nous ont donné l'opportunité de faire de multiples débats, et même des débats assez sains aussi au sein de notre société, sur le rôle, par exemple, que le policier devrait avoir face à des personnes relevant d'un phénomène social particulier, l'intervention globale qui serait nécessaire en matière de santé mentale, le potentiel aussi de profilage qui peut exister dans les interventions. Mais le point qui est le plus revenu -- et on a été très surpris qu'il soit autant repris aussi par la population en général -- c'était le questionnement, justement, autour du mécanisme d'enquête. Et j'ai le regret de vous dire que, pour notre milieu, la réponse qui est proposée aujourd'hui n'est pas satisfaisante, je pense, pour notre milieu, mais encore plus en particulier pour les personnes itinérantes. Donc, M. Lareault.

**(15 h 20)**

M. Lareault (Serge): Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis Serge Lareault. Je suis directeur général de L'Itinéraire. L'Itinéraire, c'est un groupe qui, à Montréal, depuis plus de 20 ans, vient en aide aux personnes itinérantes. On favorise la réinsertion. Chaque semaine, on aide plus de 200 personnes de la rue à reprendre espoir en la vie, à reprendre le chemin du travail par le biais de le vente du journal L'Itinéraire. Donc, c'est un organisme qui est assez bien connu à Montréal. On a accumulé beaucoup de succès en matière de réinsertion sociale.

Nous avons, depuis quelques années -- et j'insiste pour le dire en tout début de parcours -- une relation très spéciale avec les policiers de Montréal. En fait, c'est une très belle relation même, je vous dirais, de travail commun. Les policiers nous aident avec nos gens de la rue lorsqu'ils les voient en situation difficile, en situation d'ébriété. Également, nous, on coopère très bien avec la police lorsqu'il y a de nos gens qu'on tente de réinsérer et qui font des méfaits. Et, pour avoir beaucoup voyagé dans le monde et visité plusieurs services de police et organismes communautaires de différentes villes, je suis fier de la police qu'on a à Montréal et au Québec. Je pense qu'il y a un travail extraordinaire, et il y a des policiers qui font vraiment tout leur possible pour aider les personnes dans la rue qui ont des difficultés éprouvantes.

Je suis professionnel de ce métier-là depuis 18 ans et j'ai encore de la difficulté à gérer des personnes vulnérables, à gérer des personnes toxicomanes. Donc, un policier dont la formation... Il y a un petit cours de sociologie dans sa formation, on n'est pas un psychologue, là, c'est une personne qui est là pour faire respecter l'ordre. Et je peux très bien comprendre qu'il y a des situations et des arrestations qui tournent mal et qui sont difficiles.

Je ne suis pas un spécialiste de la police, je ne suis pas un spécialiste des arrestations. Mon rôle ici aujourd'hui est de vous raconter, le plus court possible, une longue histoire, l'histoire de Jean-Pierre Lizotte, qui est une personne qui, pendant cinq ans... nous avons tenté de la réinsérer. Ce gars-là a passé 20 ans au Centre de détention de Montréal, anciennement appelé la prison de Bordeaux. Donc, c'est l'histoire ratée d'un gars qui sortait de prison. Il nous avait souvent raconté, lorsqu'il sortait, combien il y avait beaucoup de drogue en prison. Donc, lorsqu'il sortait de prison, c'était un toxicomane en manque. Et, pour lui, c'était même plus facile de se procurer de la drogue en dedans qu'en dehors. Donc, dès qu'il sortait, il se retrouvait sans le sou, dans la rue, à l'Accueil Bonneau, à vivre sous les escaliers et là, au bout de quelques jours, quelques semaines sans plus, tentait de voler dans un dépanneur ou agressait peut-être des gens pour voler un portefeuille, des délits, somme toute, mineurs qui faisaient en sorte qu'il rentrait en prison pour moins de deux ans. Mais, pendant 20 ans, ça a été comme ça, un aller-retour sans arrêt. Dans ses escapades, il a attrapé le sida et évidemment, comme une personne de la rue, il ne le soignait pas bien. Il avait aussi une affreuse myopie, il ne voyait absolument rien. Et même, une fois, il y a une femme qui l'a frappé, il a perdu ses lunettes et il a été obligé de rester là sans bouger parce qu'il ne voyait rien.

Comme ça, on a tenté de l'aider pendant cinq ans, et malheureusement, le 5 septembre 1999, encore une fois il venait de sortir de prison, encore une fois il était intoxiqué et là il s'est retrouvé devant le Shed Café très mal en point. Un homme amaigri, un homme qui ne mange pas, qui dort sous les escaliers, qui est gravement atteint du sida, il s'est retrouvé devant le Shed Café et il était intoxiqué, il avait... Un de ses problèmes mentaux, il faisait de la grossière indécence. Donc, il a baissé son pantalon devant le Shed Café. On s'entend que ce n'est pas devant une école primaire, là, on est sur Saint-Laurent un samedi soir, il est tard. Mais, quand même, c'est un délit, et le portier appelle la police. Et, à ce moment-là, deux costauds, là, deux policiers arrivent, et un gros portier du Shed Café, et là c'est la violence extrême. C'est-à-dire que, lui, il leur a donné des coups de pieds, il n'a pas voulu se faire arrêter, on comprend ça, et un policier et le portier l'ont frappé à coups de poing au visage et ils ont frappé fort. Il y a eu des témoins pour dire qu'il y avait de l'acharnement. Ça a été rapporté par les médias, mais ça n'a pas été nécessairement sous enquête. Et, finalement, Jean-Pierre Lizotte est tombé dans le coma et, le 16 octobre 1999, il est mort, il est décédé à l'hôpital.

Pour tous ceux qui ont connu Jean-Pierre Lizotte, pour tous ceux qui ont suivi cette affaire-là, et particulièrement pour les gens de L'Itinéraire, on restera toujours avec un doute incroyable à savoir comment un gars aussi malade, un gars que, dès qu'il perdait ses lunettes, il ne voyait pas à six pouces au devant de lui... comment ça se fait que ça a pris deux gars pour le maîtriser, alors que nous, on le maîtrisait facilement simplement en lui parlant.

Toujours est-il qu'il y a eu mort d'homme. Et là, avant qu'il décède, c'était une enquête interne de la police qu'on ne sait pas trop ce qui se passe, ce qui se dit. Après mort d'homme, c'est la SQ qui a embarqué là-dedans, et finalement, bon, le procureur de la couronne, le 15 mars 2000, malgré nos représentations, malgré nos demandes qu'il y ait des accusations de portées, malgré notre intention d'aller témoigner de ce cas-là, le procureur a remis ça entre les mains des tribunaux. Donc, c'est la Cour du Québec qui s'est retrouvée avec ça, et ils ont, en avril 2000, rapidement statué qu'il n'y avait rien à poursuivre contre les policiers ou le portier.

En fait, la mécanique interne du service de police, ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont... c'est le portier et un policier qui ont été poursuivis. L'autre, n'ayant pas frappé directement la victime, a servi de témoin. Mais on peut quand même se demander quelle sorte de témoin c'est, étant donné qu'il était avec son collègue de travail. Mais toujours est-il que, pour nous, c'est un procès qui a été bâclé, il n'y a pas eu véritablement d'enquête -- nous, on n'est pas venu nous interroger, en tout cas, sur la victime -- et, au mois d'août 2002, le procès est terminé, c'est un acquittement.

Ce qui nous intrigue, c'est que les années ont passé, et, 10 ans après l'arrestation de Jean-Pierre Lizotte, tout à coup il y a une commission... la commission de déontologie policière du Québec émet exactement le 19 août 2008, émet un avis, un blâme à l'intention des deux policiers, mais pas un blâme sur la violence en tant que telle de l'arrestation, mais pour ne pas avoir pris soin de la personne. C'est-à-dire qu'ils l'ont mis dans l'auto, ils ne l'ont pas attaché. Ils l'ont amené à l'hôpital, ils n'ont pas dit à l'infirmière qu'il avait reçu des coups violents au visage. Donc, le Comité de déontologie policière a blâmé les policiers de ne pas avoir porté secours, finalement, à la victime, à leur victime.

Et, suite à cela, le service de police de Montréal a suspendu pendant 25 jours les policiers. Ces derniers en ont appelé de la Cour du Québec, qui a cassé la décision du comité de déontologie en mars 2010. Donc, il y a le Comité de déontologie policière qui blâme les policiers. Après ça, il y a un juge qui dit: Non, on casse la décision. Et, finalement, il y a eu une autre... une riposte. Donc, au mois d'août 2011, la Cour supérieure a rétabli la décision du comité en concluant que les policiers avaient bel et bien été négligents dans l'exercice de leurs fonctions. Mais le juge Claude Larouche en rajoute...

Le Président (M. Drainville): M. Lareault, votre temps est écoulé, donc je vais vous laisser conclure.

M. Lareault (Serge): Je vous l'avais dit que c'était une longue histoire. Toujours est-il que -- simplement pour terminer, et tous les détails sont dans mon document -- ça fait 12 ans que ça dure, et ce n'est toujours pas réglé. Et le problème à la base, c'est qu'il n'y a pas eu d'enquête réelle, il n'y a pas eu d'enquête indépendante. Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est d'avoir réellement un mécanisme indépendant, comme il se vit en Ontario, pour être sûr que les faits sont réellement enquêtés lors d'une arrestation brutale et surtout lorsqu'il y a mort d'homme. Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci de votre collaboration. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Je dois vous dire une chose, je pense, qu'il est important de mettre au point, tout le monde déplore qu'il y ait des morts violentes, hein, quel que soit l'endroit puis quelle que soit la situation. On sait qu'on a 500 morts sur les routes à chaque année. On sait qu'on a une soixantaine de morts ou une quarantaine de morts -- ça se promène -- dans les incendies, puis il y a des morts suite à des interventions policières. Celles qui font le plus la manchette, ce sont celles des interventions policières parce que la perception, c'est que, celles-là, on aurait peut-être pu les éviter. Mais, quand on regarde dans les incendies, il aurait pu y avoir des cas où on aurait évité également des morts. Puis, si on regarde sur les routes, vous le savez très bien, malheureusement, il y a des cas de négligence de conducteurs qui amènent la mort de ces conducteurs-là mais souvent de d'autres personnes. Ça fait qu'on travaille très fort pour essayer de mettre ça à zéro, c'est-à-dire de descendre continuellement. Avec un certain succès, je dois dire. Les accidents d'auto sont passés de 2 000 morts par année, là, il y a une trentaine d'années, à 500; dans les incendies, 260; et, au niveau des corps de police, il en reste quelques-uns.

Mais, vous avez raison, il y en a encore, puis je pense qu'il faut continuer notre travail puis persévérer pour essayer le plus possible qu'il n'y en ait pas. Et vous avez, je pense, la situation la plus difficile, vous l'avez mentionné. La situation la plus difficile, on en a parlé avec le SPVM tout à l'heure, les itinérants. Les policiers ne sont pas formés et ne peuvent pas porter toute l'attention et tout le temps qu'il faudrait pour ce genre de situation là. Donc, il y a un travail important à faire. Mais revenons au projet de loi. Je pense qu'il faut quand même voir de quelle façon on améliore les choses, sachant que ce ne sera peut-être jamais parfait mais que ça pourrait être meilleur que ça l'est maintenant. La première question que je vous demande, c'est: Vous savez qu'en Ontario leur système a bien séparé les enquêtes de ces événements-là des corps de police, mais il y a des ex-policiers qui sont dans le bureau d'enquête -- il s'appelle bureau d'enquête, là, je ne me rappelle pas le sigle exactement. Ils l'ont bien séparé, mais ils ont besoin de l'expertise des ex-policiers. Ici, on a eu plusieurs avis là-dessus. On a eu ceux qui nous ont dit: Pas de policiers du tout, même dans ce bureau-là. D'autres ont dit: Oui, à partir du moment où ils sont séparés, il peut y avoir d'ex-policiers pour avoir l'expertise, ils peuvent nous aider en tant que bureau à le faire de façon tout à fait indépendante, puisque c'est un organisme vraiment séparé. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.

M. Lareault (Serge): Je vais y aller. Écoutez, effectivement, j'ai vu, moi aussi, les différentes approches. Je pense, qu'il y ait d'ex-policiers qui ont l'expérience professionnelle et l'expérience terrain de longues années, pour un tel comité c'est certain que ça peut être très bénéfique. En même temps aussi, lorsque tu es un ex-policier, tu ne travailles plus jour après jour avec les personnes qui sont parfois incriminées. Donc, le fait d'être un policier retraité, pour moi, c'est quand même une très grande différence.

Cependant, en tout cas, mon opinion, c'est que, s'il y avait un tel comité, il serait intéressant que les ex-policiers ne soient peut-être pas en nombre supérieur, mais qu'on s'assure, en tout cas, qu'il y ait une présence civile à l'intérieur d'un tel service pour s'assurer que ce ne soit pas encore juste une histoire de policiers. L'importance d'avoir une présence civile, je pense qu'elle est là. Mais que d'anciens policiers qui sont... qui ont de longues expériences, je pense, ça serait très utile à une telle chose.

**(15 h 30)**

M. Dutil: Ce matin, le président de la Commission des droits de la personne faisait une nuance importante. Il disait: Ce qui est important, ce n'est pas que ce soient d'ex-policiers ou des policiers qui sont d'âge à exercer le métier de policier. Ce qui est important, c'est que ce ne soient pas des policiers en activité dans un corps de police. Et, à partir du moment où... que ce soient des ex-policiers ou des policiers, que ce soit très clair qu'il y a une séparation totale, c'est-à-dire qu'ils sont dans un organisme qui n'est pas un corps de police. À ce moment-là, ça lui apparaissait correct. C'est une nuance que je vous apporte. Je pense que... moi, je trouve que le raisonnement tient la route. C'est l'indépendance, d'abord, qui est importante plutôt que de savoir si tu as 52 ans ou 48 ans, là.

M. St-Jacques (Bernard): Je voudrais juste amener un point là-dessus. Pour nous, je pense, le point fondamental, c'est l'espèce d'esprit de confiance. Je ne crois pas que, parce qu'il y a des policiers ou d'ex-policiers qui sont intégrés au système ou au processus d'enquête, ce soit problématique si c'est pour s'assurer... en autant que ça assure la confiance du public. Là, actuellement, on sent comme s'il y avait un manque de transparence ou, au moins, un manque de transparence à certaines des étapes du processus du mécanisme. Alors, à ce moment-là, je pense que c'est de quelle façon on essaie de le rendre le plus possible civil. Pour le reste, je ne crois pas qu'il y a personne qui va reprocher l'expertise qu'un policier pourrait apporter ou qu'un ex-policier pourrait... ou faire partie de cette enquête-là.

M. Dutil: D'accord. Deuxième point, c'est la question de l'information. Tous les groupes ont soulevé... Vous l'avez fait relativement peu, mais tous les groupes ont soulevé que, s'il y avait eu plus d'information aux diverses étapes de l'enquête et peut-être par le DPCP à la fin pour dire, quand il n'y a pas d'accusation, pourquoi il n'y en a pas... De toute façon, c'est de notoriété publique qu'il y ait eu une enquête, ce qui est différent des autres cas, là. Je veux vous faire une distinction, c'est que, quand il y a une enquête policière, on ne sait pas qui est enquêté. Et, quand c'est envoyé au DPCP parce que la police estime qu'elle a les preuves nécessaires, le DPCP décide s'il y a poursuite. S'il n'y a pas poursuite, personne n'en entend parler. Mais ce n'est pas une enquête qui est connue du public. Dans ce cas-ci, c'est connu qu'il y a une enquête, hein, puisque j'ai moi-même annoncé enquête indépendante. Et, donc, l'avis de certaines personnes, c'était de dire: Bien, puisque c'est connu publiquement, il faudrait que, quand le DPCP prend sa décision, qu'il dise publiquement pourquoi il a pris cette décision-là. Votre opinion là-dessus.

M. St-Jacques (Bernard): Sur le même principe que je viens de vous le dire, c'est-à-dire qu'en autant que l'information ait davantage circulé ça ne peut être que mieux pour rassurer le public. Ceci dit, quelle information est possible à divulguer, et tout, quelle étape, de quelle ampleur prend-elle, on aimerait ça, l'avoir écrit, entre guillemets, noir sur blanc ou à peu près au niveau du projet de loi, c'est certain -- je suis sûr que ça améliorerait au niveau de l'écoute, de la perception du public -- tout en tenant compte qu'effectivement, si ce n'était pas un policier, on ne saurait même pas qu'il y a une enquête qui est menée et qui est sous enquête à ce moment-là.

M. Dutil: Le troisième point, vous avez soulevé le pourcentage de cas de poursuite par le DPCP. En Ontario, je vous mentionne que c'est le même pourcentage malgré qu'il y a un organisme qui est considéré comme indépendant. Et la raison pour laquelle je vous soulève ça, c'est que d'abord on n'a pas affaire à une enquête criminelle, on a affaire à une enquête parce qu'il est survenu un événement dramatique et où il y a eu blessures graves ou mort d'homme sans présumer que c'est un crime, ce n'est pas... Alors, je veux juste vous souligner ce point-là parce que j'estime que c'est un mauvais indice de dire qu'il n'y a pas assez eu de condamnations, donc le système n'est pas bon. Parce que, si on avait eu 40 % de condamnations, là, supposons qu'on se retrouve, au lieu de 3,6 % avec 36 %, ce que les gens nous diraient, c'est: Qu'est-ce que c'est que vous faites à l'école de police pour qu'il y ait 36 % du monde qui sont coupables d'agir de façon criminelle pour tuer des gens? Formez-les mieux parce que ce taux-là devrait être beaucoup plus bas. Il l'est bas. Est-ce que c'est dû au fait que les policiers font bien leur job ou c'est dû au fait que le système n'est pas adéquat? Bonne question parce qu'en Ontario on a le même taux. C'est ce que je voulais vous souligner, là.

M. St-Jacques (Bernard): Mais moi, je faisais beaucoup allusion aussi au sentiment d'impunité qui est déjà présent à l'égard du système de déontologie policière, où on a à peu près, grosso modo, les mêmes indices, là, un 3 %, 4 % de sanctions. Et là on a des gens qui font des plaintes et qui n'ont pas... où on ne reconnaît pas de manquement... ou de sanction aux personnes pour manquement au code de déontologie, alors que les personnes sentent vraiment qu'elles ont été victimes de cette injustice-là. C'est là qui fait créer l'esprit de corps. Mais, comme je sais que la ligue aussi vous l'a exprimé clairement, ce n'est pas parce qu'on aurait une augmentation qui... c'est directement proportionnel avec une... d'avoir un esprit plus transparent avec le nombre de policiers qui seraient effectivement poursuivis au criminel en vertu des morts d'homme qu'il y a eu. Ça ne veut pas dire que ça serait automatiquement un indice de l'augmentation.

M. Dutil: Ça va pour moi, M. le Président.

M. Ouellette: Il reste-tu du temps?

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le ministre. C'est pratiquement terminé pour le premier bloc. Si vous le souhaitez, on va prendre le temps... Il reste une minute, en fait, M. le député de Chomedey. On va rajouter ça au deuxième bloc et on va céder la parole à M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Saint-Jacques. Merci, M. Lareault. Je suis content de vous rencontrer. L'Itinéraire, c'est une institution maintenant à Montréal. Je ne sais pas, depuis combien d'années?

M. Lareault (Serge): Moi, ça fait 18 ans que je suis là. Le groupe a été fondé voilà 20 ans.

M. St-Arnaud: Voilà 20 ans, c'est ça. Alors, merci de votre présence. Merci de l'éclairage que vous nous apportez. Juste une précision au départ. Vous nous avez transmis la liste des organismes membres du réseau. Vous êtes signataires de la Déclaration commune pour un processus à caractère civil, transparent, impartial et indépendant, là, qui a été parrainée, entre autres, par la Ligue des droits et libertés. Vous me répondez oui, et ça m'amène à une question sur... J'ai un peu de difficultés à saisir exactement votre position par rapport aux différents modèles qui ont été proposés.

Le ministre propose dans son projet de loi n° 46 un... Il dit: On ne change pas le système, les policiers vont continuer à enquêter sur les policiers, mais il y aura un bureau civil de surveillance. Et la Protectrice du citoyen nous a dit: Non, il faudrait qu'il y ait un bureau indépendant d'enquête où il y aurait des civils et des anciens policiers. Et vous semblez donner un peu raison à la Protectrice du citoyen, mais, par contre, la Ligue des droits et libertés, elle nous a dit: On ne veut même pas d'anciens policiers ou de policiers en congé de leur corps de police ou tout ça. La Ligue des droits et libertés nous a dit et elle le reprend d'ailleurs dans la déclaration commune que vous avez signée parce qu'on dit dans un des attendus: «Considérant que [...] ce caractère d'impartialité et d'indépendance peut être entaché si les enquêtes devaient être menées par des enquêteurs civils qui seraient d'anciens policiers ou d'anciennes policières, tel que soulevé par l'ombudsman de l'Ontario dans son rapport de septembre 2008...»

Alors, j'ai un peu de difficultés à vous suivre parce que M. Lareault a dit tantôt qu'il était d'accord avec le fait qu'il y ait des anciens policiers. Il ne voulait pas le projet de loi, mais il dit: Dans une unité indépendante, je serais d'accord qu'il y ait des anciens policiers. Alors, j'aimerais que vous me clarifiiez ça, là, parce que ma compréhension de la Ligue des droits et libertés, du témoignage qu'elle a rendu il y a un mois ici, c'était de dire... Elle allait beaucoup plus loin que la Protectrice du citoyen, elle disait: Non seulement, ça prend une unité indépendante d'enquête, mais il ne faut même pas qu'il y ait d'anciens policiers ou il faut qu'ils soient, pour reprendre une des recommandations, là, à tous égards, indépendants des corps policiers.

Alors, j'aimerais que vous précisiez votre pensée, là, parce que ça ne m'apparaît pas clair, là, à première vue après vous avoir entendu.

M. St-Jacques (Bernard): L'idée là-dedans, c'est au niveau... Je crois que c'est une question de transparence. Donc, pour nous, c'est sûr que l'objectif, ce serait d'avoir un système transparent. Si la question est, dans le contexte du projet de loi actuel, d'avoir un projet qui implique des policiers, l'idée, c'est qu'ils soient dans leur moindre utilisation. On n'a pas l'expertise exacte que la ligue a. Ce à quoi on souscrit, c'est vraiment l'élément, la particularité de la transparence nécessaire que la présence policière sur ce comité-là entache, vient... auquel vient poser problème. Donc, pour nous, c'est d'abord ça qui est important.

Maintenant, la ligue, dans le cadre du projet de loi, a vraiment indiqué de façon très claire aussi que l'importance d'un système indépendant va passer par en sortant du cadre policier en vertu de ce qui a été réalisé ailleurs. Mais là on est dans un esprit totalement inverse. Donc, il y a comme une espèce de jeu de balancier, là, entre ce qui est possible... C'est-à-dire on peut arriver certainement à quelque chose qui peut être entre les deux, tu sais, qui peut intégrer.

L'autre chose, l'autre aspect, c'est que, nous, on fait une intervention sociale au quotidien avec les policiers sur ça. Donc, comme M. Lareault l'indique, il y a une expérience aussi au quotidien où on peut tenir compte de la réalité aussi de la police dans les cas où se passe cette situation-là. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'on nuancerait peut-être à cet égard-là. C'est-à-dire que si... Mais l'objectif serait de la plus grande transparence. Et, pour nous, avec la plus grande transparence, ce serait de dire, comme le soutient la ligue: Bien, écoutez, un civil est capable certainement d'apprendre à faire des enquêtes comme d'autres acteurs peuvent le faire, et on peut en faire un véritable mécanisme indépendant à ce niveau-là.

M. St-Arnaud: Vous, ce qui compte, c'est les principes, là, c'est la transparence, c'est la confiance que le public aurait dans cette unité, cette nouvelle unité d'enquête, c'est ça?

M. St-Jacques (Bernard): C'est ce qui compte, oui.

M. St-Arnaud: Et, à la limite, vous ne seriez pas fermés à ce que soient des gens qui aient eu une formation policière, là, si la confiance est quand même présente.

**(15 h 40)**

M. St-Jacques (Bernard): Moi, j'essaie d'être un peu pragmatique à cause de la... entre la panacée qui peut être... Il peut être et la situation actuelle du projet de loi, et c'est pour ça que je le relativiserais puis je pourrais dire que je l'accepterais, comme M. Lareault en parle aussi. Parce que, si ça se fait, si ça peut faire en sorte que ça améliore la relation puis le sentiment d'impunité, c'est ça qui est d'abord important. Ceci dit, l'idéal serait effectivement, pour nous, un processus transparent où les policiers n'auraient pas le dernier mot au niveau des enquêtes, effectivement.

M. St-Arnaud: Juste une question. Vous nous avez parlé du cas Lizotte. Je sais que vous l'abordez beaucoup dans votre mémoire. Malheureusement, on les a reçus hier. Il y en avait sept ou huit mémoires, alors on les a lus un peu en diagonale. Mais sachez qu'en tout cas, pour ma part, là, je vais les lire attentivement dans la réflexion qu'on fera dans les prochaines semaines. Mais vous nous parlez beaucoup du cas Lizotte et vous dites... Mais ce que j'aimerais savoir... Ce que je comprends dans ce que vous nous avez dit, M. Lareault, tantôt, c'est que, dans le cas de cette affaire, il y a eu une enquête faite par la Sûreté du Québec, c'est ce que je comprends. Il y a eu par la suite étude du dossier par les procureurs de la couronne de l'époque, par le bureau des procureurs de la couronne, comme on les appelait à l'époque. Ils ont porté des accusations, et là ça s'est retrouvé devant les tribunaux.

Je me dis, donc il y a des policiers qui ont été accusés d'actes criminels en rapport avec le décès de ce monsieur. Qu'est-ce qui aurait été différent si l'enquête avait été faite par une unité indépendante semblable à celle que nous propose la Protectrice du citoyen, là, une enquête où il n'y a pas de policiers en exercice ou de policiers, là... Qu'est-ce qui aurait été différent dans l'affaire Lizotte? J'ai de la difficulté à... Parce que, souvent, on nous dit: Bien, regardez, l'enquête n'a pas dû être bonne, il n'y a pas eu d'accusation et puis il n'y a rien eu. Mais là, dans ce cas-ci, le système semble avoir -- en partie, à tout le moins -- fonctionné, là. En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lareault (Serge): Je n'ai malheureusement pas pu finir mon histoire, c'est pour ça que je vous invite à lire...

M. St-Arnaud: Allez-y. Vous avez tout votre temps.

M. Lareault (Serge): ...mon témoignage. Mais, effectivement, à l'étape où on est rendu, c'est qu'il y a eu, en fait, en 2000 un jugement de la cour. Effectivement, ça s'est rendu à la cour. Le système semble avoir marché. Là, tout à coup, on ne sait pas trop ce qui se passe à l'intérieur de la police, à l'intérieur du comité de déontologie. Mais, 10 ans après, tout à coup, il y a un blâme qui est émis concernant les policiers. Donc, on n'a plus tout à fait la même histoire. Après ça, il y a un juge qui casse la décision du comité de déontologie. Puis, après ça, il y a un autre juge qui revient. Ce que je veux dire, qu'est-ce qui se serait passé, puis les si, c'est difficile pour moi de vous le dire. Mais je demeure foncièrement... je pense sincèrement que, si, à la base de toute cette histoire-là, il y avait eu une enquête indépendante, on aurait des éléments de dossier solides qui feraient que, pendant 12 ans, on ne serait pas constamment en train de tergiverser: un comité de déontologie qui dit ça, un juge qui dit le contraire, un autre juge qui ramène et qui en remet.

Pour moi, c'est clair qu'à la base l'enquête interne, l'enquête policière entre policiers, ça s'est bâclé. Ça s'est bâclé sur le fait que c'est un être qui était, entre guillemets, méprisable, un être qui était isolé. Ce n'était pas important, on a bâclé l'histoire, on n'a pas vraiment enquêté. Mais il y a quand même des rebondissements. Ça fait 12 ans, et on reste toujours avec le sentiment qu'au départ c'était biaisé, qu'au départ il n'y a pas eu une bonne enquête de ce dossier-là. Il y a eu des gens qui ont essayé de balayer ça sous le tapis. Malheureusement, il reste une bosse sous le tapis, puis ça fait 12 ans, puis on marche encore sur la bosse.

Et ça, oui, M. Dutil le disait, il y aura toujours des morts dans la rue, puis il y aura toujours des choses difficiles. Mais, quand on sent, là, que ça a vraiment dérapé, en tant que société, si on ne juge pas ces policiers-là, si on ne met pas des mécanismes sérieux, solides et crédibles, bien il y aura toujours des Jean-Pierre Lizotte qui vont décéder, puis on va toujours avoir des mécanismes judiciaires qui semblent fonctionner, mais, quand on gratte puis qu'on regarde en dessous, il y a un juge qui est capable de dire: Bien, oups! sais-tu, finalement, je pense qu'il y en avait, de la violence policière. Et ça, ce n'est pas Serge Lareault qui le dit, puis ce n'est pas le RAPSIM, ce n'est pas... c'est des juges, là, qui, en ce moment, sur l'affaire Lizotte, s'obstinent les uns et les autres. Ce n'est pas des deux de pique, des juges, là. Donc, si eux, là, ils n'arrêtent pas de s'obstiner puis de changer d'idée, c'est qu'il y a quelque chose dans cette histoire-là qui n'est pas net, qui n'est pas clair, qui n'a pas été fait au début. Ça fait 12 ans, les témoins de la chose sont disparus, la famille de Lizotte est morte. Il y a encore moi qui résiste après 18 ans pour rappeler la mémoire de ce gars-là, mais...

Puis, bon, pourquoi aussi que ça dure 12 ans? C'est-u normal, ça? Il y a-tu quelqu'un à l'intérieur de la police -- parce que, justement, il n'y a pas une instance civile -- il y a-tu quelqu'un à l'intérieur de la police qui retarde les affaires? Ça n'a pas de bon sens que ça prenne 10 ans pour qu'un comité de déontologie lance un blâme aux policiers. Voyons donc, c'est rire du monde. Donc, non, il y a un sentiment d'impunité, il y a un sentiment que le système ne marche pas au départ. Après ça, la justice fait ce qu'elle a à faire. Mais, si les enquêtes sont bâclées, ça ne marchera pas.

M. St-Arnaud: Vous, vous gardez, dans ce cas précis là, vous gardez des doutes sur les premières étapes qui ont été franchies au niveau de l'enquête policière, c'est ce que vous nous dites.

M. Lareault (Serge): Oui.

M. St-Arnaud: Est-ce qu'il y a eu une enquête du coroner dans ce cas-là? Est-ce qu'il y a eu une enquête du coroner, une enquête publique?

M. Lareault (Serge): Le coroner n'a pas voulu faire d'enquête. Il a mis ça dans la cour d'un juge, puis ça n'a pas été une enquête...

M. St-Arnaud: Il y a une hypothèse qui fut mise sur la table, là, lors de nos travaux, de tenir, dans ces cas-là où il y a un décès... quelqu'un perd la vie, là, lors d'une intervention policière, de faire à chaque fois une enquête publique du coroner. Est-ce que ça pourrait être une piste?

M. Lareault (Serge): Non.

M. St-Arnaud: Non?

M. Lareault (Serge): Écoutez, quand c'est évident, là, qu'il y a eu des problèmes, là, quand c'est évident que, je veux dire, le policier... Le policier dans le métro, il a quand même eu un coup de couteau, là. On s'entend que ce n'est pas évident d'intervenir dans des situations où il y a de la violence, puis, si un policier fait une erreur, c'est correct. Mais, quand il y a des doutes sérieux, je pense qu'à mon avis, oui, il faudrait faire des enquêtes, mais pas...

M. St-Arnaud: Non, mais c'est ce que je vous dis, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir, dans des cas semblables à celui que vous venez de mentionner, là, qui est assez récent, est-ce que... Parce que, là, les gens se posent des questions. Là, il y a une enquête indépendante qui a été décrétée par le ministre. Bon, les gens, on le sait, se posent des questions sur ce type d'enquête indépendante. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire... Une enquête du coroner, finalement ça fait la lumière sur un événement et ça creuse beaucoup, là, ce qui s'est passé sur... Évidemment, ça coûte des sous, comme nous a dit quelqu'un ce matin. Mais le Bureau civil de surveillance, il va coûter des sous aussi, là. Ça fait que ça va coûter des sous en bout de ligne.

M. Lareault (Serge): Je ne suis pas un expert, je laisserai Bernard répondre là-dessus. Mon opinion personnelle, c'est que, oui, c'est toujours bon, des enquêtes publiques. Est-ce que c'est un mécanisme qui est trop gros, trop coûteux, comme disent certains? Je ne pourrais pas vous répondre, je n'ai pas l'expertise pour ça. Bernard a peut-être une opinion.

Le Président (M. Drainville): Et une réponse...

M. St-Jacques (Bernard): Je ne pourrais pas dire...

Le Président (M. Drainville): ...une réponse pas trop longue, s'il vous plaît, parce que le bloc est terminé.

M. St-Jacques (Bernard): Je ne pourrais pas... je ne saurais pas, pour une enquête du coroner... Je pense, entre autres, à Fredy Villanueva, et tout ça, est-ce que c'est le mécanisme... Et, à chaque fois, c'est... Je ne sais pas, je ne pourrais pas dire.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. M. Lareault, bonjour. C'est toujours un plaisir. Un peu comme mon collègue de Chambly vous l'a mentionné, je veux vous féliciter parce que, franchement, vous êtes... 18 ans, ça a passé très vite, et, il me semble, c'était hier, là. Mais, effectivement, je pense que vous avez fait beaucoup de choses pour changer des choses. Et vous y croyez aussi, et ça, je pense que c'est très, très, très important.

Je vais avoir deux questions parce que j'irais... Je vais aller dans le sens aussi de mon collègue de Chambly relativement au dossier de M. Lizotte, que vous nous avez parlé dans votre mémoire, qui... Effectivement, il y a eu enquête par le Service de police de la ville de Montréal, la Sûreté du Québec, étude de la preuve, dépôt d'accusations, procès à la cour, et, par la suite, bon, le procès a fini par un acquittement. Peut-être que, si ça avait fini par une condamnation, la perception des gens aurait été différente, sauf que ça a fini par un acquittement.

Et, comme je l'ai mentionné à d'autres intervenants aussi, pour les policiers, il y a d'autres mécanismes, déontologie, discipline, action civile, droits de la personne, etc., qui entrent en ligne de compte, peu importe à quel niveau. 10 ans, c'est peut-être long comme délai, mais que ça ait été à la déontologie, qu'il y ait un jugement de déontologie... Et c'est la prérogative d'aller à la Cour du Québec. Là, on est rendu à la Cour supérieure. Là, il faudrait aller à la Cour d'appel, si on a à aller à la Cour d'appel, ou à la Cour suprême. Mais il reste que les étapes du processus judiciaire ont été suivies dans les règles de l'art, de ce qu'il en est, même si le délai est excessivement long. Ce n'est pas sur l'enquête comme telle. Je pense que cette enquête-là, sauf le délai, démontre que, je veux dire, il y a quand même des choses qui ont été faites.

On a reçu au cours des consultations l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale. Je pense que vous êtes une des personnes au Québec qui pouvez nous éclairer aussi beaucoup sur des besoins de formation que nos policiers sur le terrain pourraient avoir besoin. Il a été discuté du cas Castagnetta à Québec, on nous a parlé... M. Francoeur nous a parlé... Ce matin, la Fraternité des policiers et policières de Montréal nous a parlé d'intervenants avec des policiers formés qu'il y a sur le terrain, à Montréal. Il nous a été suggéré de bonifier la formation de nos policiers à la base, et il y a une ouverture de l'école de police.

Si vous aviez des suggestions, particulièrement à votre champ d'expertise -- et il est très grand -- quelles seraient-elles pour améliorer la compréhension ou pour améliorer les interventions journalières qui se font dans ce milieu-là auprès de votre clientèle, de la clientèle en santé mentale? Pas nécessairement juste à Montréal, mais partout ailleurs. Je pense qu'il faut profiter de votre expertise devant la commission, là, pour regarder si vous aviez des suggestions à ce niveau-là que vous pourriez faire à la commission et au ministre.

**(15 h 50)**

M. Lareault (Serge): C'est sûr que ça dépasse peut-être le cadre de la loi n° 46, là, mais, effectivement, je travaille très étroitement avec des policiers de Montréal. On est en train de faire une vidéo pour expliquer aux policiers comment réagir avec les gens de la rue ou avec les gens qui ont des problèmes de maladie mentale. J'ai aussi donné beaucoup de conférences au cégep Maisonneuve lors de formations de jeunes policiers, et, pour moi, c'est clair qu'un seul cours en trois ans de techniques policières, un seul cours de sociologie, dans une société où, de plus en plus, les malades mentaux sont dans la rue, hein... Suite à la désinstitutionnalisation, on se retrouve, les policiers comme même les organismes, on se retrouve avec de plus en plus de gens qui ont des graves problèmes.

Ce n'est pas non plus, là... ça ne déborde pas nécessairement, puis il ne faut pas voir ces gens-là tous comme des gens dangereux, mais ce sont des gens qui sont vulnérables, qu'il faut prendre d'une certaine façon. Et il faut tenir compte aussi des drogues. Moi, je me souviens, quand j'ai commencé, voilà 18 ans, les gens prenaient de l'héroïne, on trouvait ça donc épouvantable. Aujourd'hui, c'est le cristal meth, c'est le crack, qui rendent les gens beaucoup plus dépendants, agressifs et en difficulté. Puis là il y en a une nouvelle, le crocodile, ça a l'air qu'on peut devenir vert. Je ne l'ai pas vue, celle-là, encore. Mais c'est clair qu'on est dans une société où il y a de plus en plus de gens en grande détresse dans la rue. Et qui est là pour les intercepter ou répondre? C'est les policiers.

Donc, c'est clair qu'il faut revisiter la formation de nos policiers et leur donner un minimum de cours de psychologie, un minimum... ce que, nous, on apprend dans le communautaire, la gestion de crise, comment aborder une personne en crise. Je pense qu'il y aurait un minimum de formation qui pourrait être ajouté à la formation policière et qui leur donnerait des outils vraiment intéressants pour confronter ou, en tout cas, être capables de reconnaître une personne en crise ou être capables de l'aider à se calmer. Je vois beaucoup de policiers qui l'apprennent sur le tas, mais je pense que ça serait bon de l'avoir dans le cadre de la formation initiale. Ça, c'est certain.

Il y a le projet EMRII aussi, qui est avec des policiers qui sont allés voir les gens de San Diego qui font aussi de l'évolution dans ce domaine-là, comment on peut allier... on ne peut pas demander aux policiers d'être psychologues, mais comment on peut allier expertise communautaire et sociale et forces policières. C'est pilote, c'est un projet pilote à Montréal, mais je pense que ça aussi, c'est porteur de choses.

Et, enfin, ce que moi, je propose depuis des années, c'est qu'on invite... Effectivement, vous m'avez qualifié -- et je vous en remercie -- de spécialiste en la matière. Bien, ça fait longtemps que je propose qu'on invite des gens du communautaire, des intervenants sociaux à donner des conférences aux policiers après quelques années, ou à des policiers qui sont là, ou, comme il y a des policiers qui sont en train de le faire, des vidéos qu'on peut présenter à l'ensemble des corps policiers. Je pense que la formation continue en ce domaine-là est urgente et nécessaire pour éviter peut-être des bagarres, des arrestations violentes, inutiles que, si on avait une meilleure formation de nos policiers, ils pourraient éviter, en tout cas.

M. Ouellette: Merci. M. le Président, mon collègue des Îles-de-la-Madeleine voudrait prendre la suite.

Le Président (M. Drainville): Avec plaisir. M. le député des Îles.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci pour votre contribution, votre présentation du mémoire ici, en commission. J'aimerais ça, revenir au tout début d'une problématique. Par rapport à plusieurs événements, on questionne la force abusive versus la force nécessaire. Et, bon, on sait que le Code criminel donne la protection aux policiers, particulièrement, d'appliquer une force nécessaire pour intervenir suite à de la violence ou une personne qui est désorganisée puis qui peut être dangereuse pour elle-même ou pour autrui. Ma question est la suivante, bien simple: Est-ce qu'il y a une méthode généralement reconnue pour déterminer qu'est-ce que c'est que la force nécessaire dans le cas d'une intervention policière sur un événement comme celui-là?

M. Lareault (Serge): Bien, écoutez, moi, j'ai écouté beaucoup de spécialistes, là, dans le cas de l'affaire Lizotte, entre autres, où... Il y a eu des émissions, là -- je vous réfère à des émissions de Claude Poirier -- où il y a des spécialistes qui sont venus expliquer c'est quoi, la force nécessaire, comment arrêter quelqu'un, comment maîtriser quelqu'un. Il y a certains paramètres qui se mesurent. Les policiers apprennent ça dans leur formation, comment on couche quelqu'un à terre, comment... Et il n'y a pas un policier que, dans sa formation, c'est des coups de poing dans la face, et ça, c'est ce que Jean-Pierre Lizotte a reçu de la part d'un policier. Donc, on n'est pas capable de tout prévoir, de tout calculer, là. Si vous me tordez le bras, monsieur, vous êtes plus gros que moi, là, est-ce que vous allez avoir une force abusive? Je suis fragile, vous allez me casser le bras. Donc, on ne peut pas blâmer un policier dans une intervention à chaque fois qu'il y a blessure grave, mais on est capable de savoir s'il n'a pas appliqué les techniques qu'il est supposé appliquer, qu'il a apprises dans ses cours. Comme je vous disais, dans le cas de Jean-Pierre Lizotte, donner des coups de poing dans la face, ce n'est pas ça qu'on apprend dans les écoles de police.

M. St-Jacques (Bernard): Peut-être une autre chose aussi, c'est qu'il y a un mécanisme, il y a un protocole de sécurité publique. Je pense, entre autres, quand il y a l'utilisation d'une arme avec une lame particulièrement, ou quelque chose comme ça, il y a un protocole d'intervention. Mais là vous avez une personne devant vous qui, comme Jean-Pierre Lizotte, est malade, et probablement, oui, elle est en situation dangereuse, elle menace quelqu'un. Mais, en même temps, on n'a pas affaire à une personne d'un gang de rue, genre de Saint-Michel, donc c'est... Et vous l'avez amené. Toute la question, elle est là, qu'est-ce que je fais? Parce que j'intègre un phénomène social qui se mêle à ma pratique normale d'intervention en sécurité publique, moi, je crois qu'elle peut l'être, questionnée, et elle peut l'être au niveau des cours et de la formation -- comment je dirais? -- des façons de relativiser, hein, au niveau des interventions versus... et tout en tenant compte aussi que ces situations-là se déroulent souvent dans une situation d'extrême rapidité où on n'a pas beaucoup de temps de poser la question. Mais le simple fait qu'elle se développe, qu'elle se passe nécessite une intervention accrue.

Je prendrais peut-être juste un exemple, qui n'est pas un bon exemple nécessairement, mais qui montre une certaine ouverture de ce côté-là. Le Service de police de la ville de Montréal a sorti récemment un plan stratégique en matière de profilage racial et social, et il y a plusieurs éléments au niveau du processus d'intervention des policiers qui devront être revus pour tenir compte de la réalité quand il peut y avoir potentiellement profilage qui n'est pas criminel, donc s'il est centré plus sur la race, la couleur de la peau, de signes de dégradation physique, de ce que vous voulez, là, signes de pauvreté ou ces choses-là. Mais on devrait appliquer un peu la même chose en pensant, surtout quand on est dans un centre-ville ou des choses comme ça, qu'on va avoir affaire à des populations qui sont prises...

Puis l'expérience de M. Lareault peut vous l'amener aussi, le changement des drogues, avec les années, qu'il a fait... Un policier qui a été formé il y a 10 ans avec l'héroïne, ce n'est plus la même chose si vous le formez aujourd'hui. Quand il va arriver, il va venir voir les personnes, il ne les reconnaîtra plus, les types de personnes itinérantes qu'il a vues il y a 10 ans dans la même ressource. Parce que, même chez nous, elle a évolué. Ça fait qu'il y a quelque chose, et il y a un échange d'information à avoir probablement là-dessus et être aux aguets. Les policiers connaissent les drogues parce qu'ils arrêtent des personnes parce qu'elles en vendent ou parce qu'elles en ont, puis ça, c'est un geste illégal. Nous, on voit le contrecoup plus physique, social au niveau de leurs conditions de vie, de ces personnes-là. Je pense qu'il y a comme peut-être un arrimage à avoir... un meilleur arrimage là-dessus.

Le Président (M. Drainville): Et c'est terminé. Merci beaucoup de votre collaboration. M. le député de Chambly pour un bloc de 7 min 30 s.

M. St-Arnaud: Sept minutes. Merci, M. le Président. Bien, peut-être dans le même sens que le député de Chomedey, moi, j'aimerais, M. Lareault... peut-être M. St-Jacques également, mais, M. Lareault, profiter de votre passage ici. Moi, j'ai pratiqué le droit à la fin des années quatre-vingt, dans les années quatre-vingt-dix, d'abord à la division criminelle de l'aide juridique, donc à Place Dupuis, que vous connaissez sûrement, puis ensuite en pratique privée, puis il y a quelque chose, là -- puis je l'ai évoqué à un moment donné dans les travaux de la commission -- qui m'a un peu... Je me dis: Qu'est-ce qu'on fait pour solutionner ça, les itinérants qui ont souvent des problèmes de santé mentale? Puis le cas de Lizotte, là, avec la description que vous faisiez tantôt, c'est un peu ça. Il fait une voie de fait, il fait un méfait dans le centre-ville, on l'arrête, il arrive à la cour municipale, les gens sont découragés. Ça fait qu'il plaide coupable, trois jours, sept jours, 15 jours. Puis là ça peut être plus si son dossier est plus gros, un mois, deux mois. On l'envoie à Bordeaux, il fait un petit quelques semaines. Il ressort, il se retrouve sur la rue, il refait un méfait, une voie de fait, il a des... Vous êtes, demain matin, M. Lareault, le ministre de la Sécurité publique du Québec, vous faites quoi pour régler ça?

M. Lareault (Serge): Écoutez, là, j'aurais besoin d'être au moins premier ministre, il me semble, là.

M. St-Arnaud: On va commencer par ministre de la Sécurité publique.

M. Lareault (Serge): Puis je n'ai pas assez de temps dans le cadre de cette commission pour élaborer tout ça. De toute façon, si j'avais vraiment la solution facile et qu'on peut bouquer en deux minutes, j'aurais sûrement un prix Nobel. Écoutez, c'est un problème de fond, c'est un problème large, là. Il faut le prendre très, très large, le fond. C'est un problème de santé et services sociaux à la base qui se retrouve dans les pattes du ministre de la Justice, là. Ça fait que c'est le fait qu'il n'y a pas assez de ressources communautaires. Les gens ont été désinstitutionalisés sans qu'il n'y ait de filet social, et c'est d'abord et avant tout le manque de soins, le manque de logement social pour personnes atteintes de maladie mentale, le manque d'encadrement communautaire qui font que les gens se retrouvent dans la rue tout seuls, plus d'amis. Les schizophrènes, là, on en a tous pitié, mais il n'y a pas grand monde qui veut être ami avec un schizophrène. Donc, ils se retrouvent tout seuls dans la rue, et là, un jour, ils se retrouvent face à un policier. C'est un problème de santé et services sociaux, puis c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux que je voudrais voir dans cette salle. Là, on pourrait jaser.

Mais, oui, en attendant, votre rôle, c'est d'essayer de trouver une façon que les policiers puissent... en tout cas, de réguler les policiers, de les aider. Il faut qu'on aide nos policiers, ils sont pris avec un problème de services sociaux. Mais il faut surtout donner un outil à la population pour que, quand des cas flagrants comme l'affaire Lizotte... Parce que, si, pour vous, ce n'est pas flagrant, moi, en tout cas, ça l'est. Que de temps en temps, là, on puisse montrer au public que, de la brutalité policière, on n'en veut pas, puis, quand il y a des cas flagrants, bien il y a un mécanisme qui fonctionne, pas un mécanisme qu'on peut étirer pendant 12 ans puis en toute impunité, puis ne jamais avoir de coupable.

**(16 heures)**

M. St-Arnaud: Votre solution, c'est de dire: On doit investir... on doit les sortir du système judiciaire, entre guillemets, là, les gens qui ont des...

M. Lareault (Serge): On doit les rentrer dans la société. On doit avoir des maisons d'accueil. Il n'y a pas assez de maisons d'accueil pour malades mentaux à Montréal. Donc, à ce moment-là... Puis il n'y a pas assez d'employés. Je veux dire, des fois, il y a des ressources, ils ont deux employés pour 50 malades mentaux, ils ne sont pas capables. Et là il n'arrête pas d'avoir des réductions ou, en tout cas, de non-augmentation des subventions dans la santé et services sociaux pour ces personnes-là, les organismes communautaires souffrent de sous-financement, donc on en échappe plein.

M. St-Arnaud: Mais, quand les policiers se retrouvent, là, sur la rue Sainte-Catherine, puis ils ont un problème, quelqu'un qui se met à briser devant l'église ou à parler, tout ça... ou à faire des méfaits, là, devant l'église, puis à dire des propos un peu décousus, à tenir des propos un peu décousus, on avait un organisme de Québec qui nous a dit lors de nos travaux: Nous, on a établi un partenariat avec la police de Québec, on garantit qu'on est capables, nous, comme organisme, d'envoyer quelqu'un dans les 30 minutes d'un appel sur les lieux puis essayer de déjudiciariser ça, autrement dit, éviter de le rentrer dans le système police, palais de justice. Est-ce qu'à Montréal... Parce que, ce matin, le président de la fraternité nous a parlé de quelque chose, évidemment, limité à quelques policiers, là, et à quelques intervenants, mais est-ce qu'il y a quelque chose comme ça qui existe à Montréal et qui aurait avantage à être développé davantage?

M. Lareault (Serge): Bien, il y a l'UPS, qui est l'Urgence psychosociale. Bernard, est-ce que tu sais le peu d'effectif que ça représente, ça?

M. St-Jacques (Bernard): Bien, c'est une intervention de première ligne ou de deuxième ligne, là, que les policiers, avant d'émettre, mettons, des contraventions ou d'arrêter la personne, peuvent intervenir. Sauf que le gros de leurs interventions ne va pouvoir se faire qu'en situation de crise. Donc, c'est quoi, une situation de crise? Jusqu'à quel point... Une personne qui parle toute seule, tout ça, bon, dérange un peu mais n'est pas non plus en crise. C'est là qu'il va être difficile d'établir le niveau, là, où il faut qu'il y ait véritablement une intervention.

Mais une chose aussi à dire, c'est qu'une personne qui a des problèmes de santé mentale, il y a différents niveaux. Elle a des up, elle a des down. Ce n'est pas toujours facile à voir et à suivre, et aussi il n'y a pas d'intervention facile. Ce n'est pas une personne qu'on peut dire: Elle a fait le choix d'être dans la rue ou de ne pas être dans la rue, et tout ça. Donc, ça ne veut pas dire qu'elle va vouloir toujours d'une intervention. On parlait d'EMRII, là, d'un mariage entre, mettons, policiers et intervenants sociaux, ce n'est pas vrai que cette escouade-là réussit à intervenir avec tout le monde non plus dans l'espace public. Il y a des gens qui acceptent d'être aidés, d'autres qui n'acceptent pas de l'être. Même chez nous, ce n'est pas tout le monde qui fréquente nos organismes.

Donc, c'est sûr que... C'est ça. Sinon, les réponses sont structurelles, sont beaucoup plus encadrantes. C'est de l'intervention sociale qui doit avoir lieu sur le terrain, et tout ça, puis c'est de l'offre aussi de services pour ces personnes-là. Et, évidemment, de les judiciariser, on risque probablement d'approfondir leurs difficultés qu'elles vivent déjà. Donc, ça, c'est une autre chose aussi à éviter, sauf que, souvent, c'est que la première personne qui se retrouve devant ces personnes-là, bien c'est un policier. Donc, tu sais, comment qu'on arrime ça, c'est un problème de société très vaste.

M. St-Arnaud: Excellent. Mais je retiens, en tout cas, l'importance d'investir au niveau santé et services sociaux, je pense que c'est... Est-ce qu'il me reste quelques secondes, M. le Président?

Le Président (M. Drainville): Il vous reste une minute.

M. St-Arnaud: Une minute. J'aimerais juste vous entendre sur une chose. Vous avez été assez durs, là, avec le processus de déontologie policière. Les délais, je pense que c'est assez évident, ce que vous avez dit tantôt. En même temps, j'aimerais ça que vous nous disiez en quelques secondes qu'est-ce qui ne fonctionne pas selon vous. Parce qu'au niveau de la déontologie policière ce n'est pas des policiers, là, c'est des gens... il y a un commissaire qui fait un genre de premier filtrage des plaintes, et, ensuite, c'est mis à un comité, comité qui est formé essentiellement ou en totalité de civils. Alors là, il n'y a plus de problème avec la police, là, c'est des gens... Qu'est-ce qui ne fonctionne pas, à part les délais, au niveau de la déontologie policière? Parce que je vous avoue que moi, j'avais un peu l'impression qu'on avait quand même... on s'était mis un système au Québec qui était quand même assez bon.

M. St-Jacques (Bernard): Bien...

M. Lareau (Serge): Vas-y, vas-y.

M. St-Jacques (Bernard): ...le gros problème qui existe dans ces cas-ci, c'est qu'évidemment, comme les enquêtes sont dites publiques, pour une personne en situation d'itinérance particulièrement, elle va se retrouver dans l'espace public à nouveau, une fois qu'elle va avoir formulé sa plainte, et plusieurs cas nous ont été rapportés de représailles ou de... Oui, tu as fait une plainte, mon petit maudit... Puis pas nécessairement du policier fautif, mais d'un collègue qui arrive. Donc, tout ça, ça a eu un effet direct sur la possibilité d'exercer ce recours-là.

Sinon, de façon plus générale, c'est toute la question de la conciliation, qui est une méthode qu'on a instaurée à la fin des années quatre-vingt-dix, qui oblige ou qui force la rencontre entre le plaignant et la personne qui porte plainte, entre le plaignant et le policier, finalement. Et il doit avoir rencontre entre les deux, et c'est très rare les cas où... Mettons, vous refusez, par exemple, de faire... Il faut qu'ils rencontrent en conciliation dans à peu près tous les cas, et souvent c'est là que se règle la question. Soit qu'on signe, on fait l'entente de conciliation, ou que le commissaire décide de poursuivre ou de ne pas poursuivre l'enquête suite à ça. Et là toute la question de la conciliation fait extrêmement peur aux gens. Est-ce que ce processus-là devrait être utilisé aussi souvent? Peut-être, à notre sens, il devrait peut-être à peine exister dans certains cas.

Vous voyez, à la Commission des droits, on a un processus de médiation, ce n'est pas dans toutes les plaintes qu'on dépose à la commission qu'on va envoyer ça en médiation. Dans certains cas, on va le faire, mais, la majorité des cas, on va exercer l'enquête jusqu'à la fin, on l'envoie au contentieux et on décide si on l'amène devant le Tribunal des droits de la personne. Là, c'est presque automatique. La conciliation devient comme un automatisme, une façon pour le policier de dire: Je m'excuse, je... et voilà, on continue. Mais c'est ce qui rend inefficace, à notre avis, l'utilisation de ce recours-là, puis la commission l'a aussi documenté dans son rapport sur le profilage racial.

M. St-Arnaud: Merci.

Le Président (M. Drainville): Et, effectivement, ça finit là. Je vous remercie, tous les deux, de vous être présentés.

On suspend quelques secondes et on va entendre dans un instant la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

 

(Reprise à 16 h 9)

Le Président (M. Drainville): Alors, nous allons reprendre nos travaux afin de ne pas accumuler un trop grand retard.

Des voix: ...

**(16 h 10)**

Le Président (M. Drainville): À l'ordre! Si j'avais un maillet, je l'utiliserais. Oh! toc, toc, toc. À l'ordre! Non, c'est parce que je ne veux pas qu'on accumule de retard pour qu'on puisse terminer à 7 h 15, 19 h 15, ce soir, hein? Alors, on va essayer de mener ça rondement.

J'accueille avec plaisir la représentante de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, Mme Roberge, à qui je cède la parole. Bienvenue, madame.

Table des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles (TRPOCB)

Mme Roberge (Mercédez): Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui pour parler du projet de loi n° 46. Premièrement, la Table des regroupements provinciaux réunit 37 regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles qui sont actifs de différentes manières en santé et services sociaux, qui sont donc... qui interviennent avec différentes perspectives auprès de femmes, de jeunes, de familles, de personnes toxicomanes, de personnes en centre qui ont des troubles de santé mentale d'une manière vraiment très diversifiée, qui, ensemble, ces regroupements-là provinciaux, rejoignent plus de 3 000 organismes communautaires à travers le Québec. Évidemment... et la table est particulièrement interpellée par tout ce qui touche les enjeux de santé et services sociaux au niveau du réseau, par exemple, mais aussi au niveau des politiques qui affectent la santé de la population en général.

On est ici pour vous présenter l'expertise particulière du mouvement communautaire autonome en santé et services sociaux, pour amener un éclairage de plus à ceux qui ont déjà été présentés et pour mettre en lumière les conséquences du projet de loi n° 46 sur le sentiment de confiance de la population en général et sur des populations spécifiques en particulier. On est aussi interpellés par les modifications dans les pratiques des organismes communautaires qu'une loi... qu'un projet de loi comme le projet de loi n° 46 peut avoir. Pour nous, c'est une question de confiance, d'un lien de confiance, de respect des droits. Le sentiment de sécurité de la population est à préserver, l'exercice de la citoyenneté également. Et ça, pour nous, ce sont des droits à exercer dans tout lieu, dans toutes circonstances.

Les groupes communautaires rejoignent soit directement ou indirectement très souvent des personnes marginalisées, des personnes en détresse pour toutes sortes de raisons, des personnes qui font l'objet de profilage, de préjugés, d'intimidation, violence. Et les groupes eux-mêmes peuvent faire l'objet d'un même accueil, je dirais, au niveau de jugements de valeur parce que les causes qui sont portées par différents groupes et qui les expriment sur la place publique ne sont pas appréciées également dans toutes les sphères de la société. Donc, des groupes qui subissent des pressions, le «pas dans ma cour», c'est courant. On s'intéresse donc aux groupes et aux individus, et on trouve que l'intolérance, elle n'est pas exclusive à aucune sphère de la société. Personne n'est à l'abri de ça, aucun... elle se retrouve dans toutes nos relations. On n'est pas dans un monde idéal et on vit avec toutes ces conciliations.

Les derniers mois ont mis en évidence la perception que la population pouvait avoir des décès et des blessures lors d'interventions policières, que ça ne se produisait pas uniquement lorsque les forces policières étaient devant des criminels, mais qu'il pouvait aussi s'agir de personnes en crise, d'itinérants, de badauds, de manifestants. Alors, on vous a sûrement beaucoup parlé ici des décès, des derniers décès, dont ceux, évidemment, de 2011, et des tout récents, depuis le début du mois de janvier, des personnes dans des contextes différents, dans des crises, des événements tous tragiques, chacun étant tragique pour les personnes, leurs familles, mais aussi pour les communautés. Et ça interpelle les groupes communautaires, non seulement ceux qui travaillent directement avec ces personnes-là. Et ce qui nous inquiète aussi, c'est les répercussions collectives non seulement des événements, mais s'il y a ou pas mécanisme pour faire enquête lorsqu'il y a un drame.

Récemment, dans une manifestation, il y a eu une blessure grave à un oeil, un étudiant du cégep de Saint-Jérôme. Cet événement-là nous fait aussi regarder le projet de loi n° 46 en ayant en tête ce contexte-là de possibilité d'intervention policière. Et là on ne juge personne, on ne juge pas les actes, chaque partie est dans son propre rôle là-dedans. Et on ne juge aucune de ces situations-ci, mais on constate que ça a des impacts sur la perte du sentiment de sécurité de la population, la perte de confiance envers les forces de l'ordre qui peuvent en découler et, en bout de ligne, la perte de confiance envers la justice, et rien de tout cela n'est souhaitable. On croit qu'il faut absolument toujours faire la lumière sur les circonstances pour les comprendre, pour éviter les problèmes, que la répétition des problèmes... pour prendre, donc, des mesures qui s'imposent. Et, pour ça, il faut que toutes les parties impliquées soient... qu'aucune des partie impliquées, en fait, ne soit juge et partie. C'est une question de confiance de la population envers les corps policiers qui est aussi très importante.

Pour nous, le projet de loi n° 46 ne répond pas à cet objectif-là de donner confiance envers la population. Et les failles sont à ce point grandes qu'on en demande le rejet pour présenter un nouveau projet de loi. Pour nous, ça a davantage des allures de mesures disciplinaires à l'intérieur d'un corps professionnel que d'une loi pour instaurer un mécanisme indépendant.

L'enjeu, c'est un enjeu de justice, mais aussi d'apparence de justice. Une des conséquences qu'on voit du projet de loi tel qu'il est dans sa forme actuelle, c'est non seulement au niveau de la population, mais aussi au niveau de l'exercice de la citoyenneté. Les groupes communautaires appellent la population à des manifestations pacifiques, mais à des manifestations sur la place publique, des interventions collectives pour prendre... Et on le fait dans un esprit de citoyenneté, pour que chaque personne prenne la place qui lui revient dans une société démocratique et fasse ses demandes de... demande la société qu'elle veut avoir. Alors, des marches, des rassemblements, des manifestations, nous invitons les gens à venir aux événements qu'on organise. Mais, pour que les gens y participent, chaque personne doit se sentir en sécurité. Et autant, pour nous, c'est aussi vrai, ça, dans une promenade de santé que dans sa maison en situation de crise, que dans une manifestation.

Le projet de loi, pour nous, ne contribuera pas au sentiment de sécurité ni individuellement ni collectivement. Les personnes marginalisées avec lesquelles les groupes communautaires travaillent sont très souvent craintives face aux forces de l'ordre. Alors, des gens qui sont déjà en situation de crainte ou de recul, la crise peut être encore plus grande, d'où la nécessité d'une formation très, très importante des corps policiers pour agir dans ces situations-là. Mais on se dit que le sentiment d'insécurité va être encore plus grand si la personne n'a pas la conviction qu'en cas de drame il y a un mécanisme en bout de ligne pour corriger, pour rectifier, pour sanctionner.

Le déclenchement, pour l'instant, des enquêtes est limité à l'usage d'une arme à feu et qui causerait blessures ou décès. On souhaiterait qu'il y ait plus de précisions pour que la gravité ne soit pas une interprétation variable. Mais on s'aperçoit aussi beaucoup, à la lumière de l'exemple que je vous ai nommé du manifestant blessé, que toutes les armes soient... et tous les véhicules, et tout l'équipement, je dirais, policier soient... aucun de ceux-là ne soit exclu de la loi. Alors, on passe rapidement. Le Taser, le pistolet à impulsion électrique, les armes de contrôle de foule que sont les pistolets à balles de caoutchouc, matraques, gaz lacrymogènes, Cayenne, grenades assourdissantes, dont il a été question récemment -- et ça, c'est que les plus connues -- peuvent occasionner des blessures et des décès et peuvent même en occasionner pour plus d'une personne. Alors, c'est inacceptable qu'elles ne soient pas incluses dans la possibilité de mener une enquête. Et, des manifestations, j'en ai vécu beaucoup et j'ai régulièrement vu des arrestations, même dans le cadre de manifestations pacifiques. Alors, c'est loin d'être quelque chose de rare. Et, les arrestations pouvant être musclées, il y a un potentiel de blessure, même sans aucune intention de la part des policiers, bien sûr.

**(16 h 20)**

Le sentiment d'insécurité qu'on ressent dans une manifestation où ça arrive est très grand. Et là on n'a pas d'information pour juger de rien, mais tout ce qu'on peut craindre, nous, ce qu'on craint, c'est que la liberté d'expression, la liberté de manifester soient de plus en plus difficiles à exercer parce que nous n'aurons pas collectivement la confiance qu'en cas de drame il y a un mécanisme, un recours qui va être là pour nous protéger. Le processus, pour l'instant, du projet de loi, pour nous, n'assure pas l'impartialité et l'indépendance. Le fait que ce soit encore un corps policier qui enquête sur un acte d'un autre corps policier fait que tout de suite, lorsqu'on en parle, les gens nous parlent de la solidarité prévisible entre une policière et un policier qui ont dans leurs tâches mêmes une nécessité de solidarité. Alors, c'est le réflexe qui vient. Et c'est un réflexe de solidarité qu'on peut imaginer qui est sain mais qui, dans un contexte de crise et de drame, peut avoir des conséquences néfastes. Alors, même si tout se passait dans les règles, la population aurait encore la crainte que la solidarité a fait en sorte que des actes n'ont pas... que des informations ont été cachées. L'apparence de justice, dont je vous parlais tout à l'heure, est tellement importante à ce niveau-ci.

Pour nous, aussi c'est important que ce soit le ministère de la Justice qui se charge du processus d'enquête, et non pas le ministère de la Sécurité publique, tout simplement pour les liens qui unissent toutes les parties, des collègues travaillant dans des divisions différentes mais qui, en bout de ligne, ont tous le même patron, le ministre de la Sécurité publique.

On trouve aussi que c'est intéressant, cependant, dans le projet de loi, l'ouverture à appuyer monétairement les familles qui sont prises à l'intérieur d'un processus d'enquête parce que les moyens ne sont pas égaux pour s'exprimer entre des corps... un corps policier, une famille ou une personne. Cependant, on souhaiterait des bonifications à cet égard-là.

Au niveau de la transparence, les modalités d'enquête ne sont pas définies dans le projet de loi, elles sont donc des directives qui pourraient varier. Et ça, on trouve ça déplorable, on voudrait que la transparence débute dès maintenant.

Et le Bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes qui est créé ne possèdera pas les outils nécessaire pour son mandat. Premièrement, en étant cantonné dans un rôle d'observation, il ne donnera pas à la population la confiance. Il ne donnera pas le sentiment de confiance qu'il faudrait envoyer comme information. Il ne pourra pas mener enquête convenablement parce qu'il n'aura pas accès au matériel de... Il aura accès au matériel qu'il demandera, mais, pour demander du matériel, il faut connaître l'ampleur de la preuve. Ce bureau-là n'est pas le gage de confiance et de probité qui est nécessaire.

On déplore aussi qu'il n'y ait pas de sanctions prévues dans le projet de loi en cas de non-collaboration. Et, d'autre part, on ne comprend pas pour quelle raison ne sont pas inclus les cas où des policières et des policiers seraient blessés ou tués en devoir. Pour nous, la transparence est importante jusque-là.

Alors, nos recommandations, c'est -- je vous l'ai annoncé -- le rejet du projet de loi n° 46 pour être remplacé. Et les balises de son remplacement, vous les connaissez, nous reprenons celles de la Ligue des droits et libertés. Alors, évidemment, un processus d'enquête à caractère civil, transparent, impartial et indépendant chargé d'enquêter dans tous les cas où les interventions policières ont pour conséquence de causer la mort ou d'infliger des blessures à une personne -- et là on parle de voies de fait, et là on parle de quel que soit l'arme utilisée ou le véhicule; que le texte législatif soit spécifique quant au processus d'enquête; qu'on ait des débats publics à ce niveau-là; que le processus d'enquête soit placé sous la responsabilité du ministère de la Justice; qu'il soit, à tous égards, indépendant des corps policiers; qu'il y ait des procédures pour garantir les témoignages en cas d'incident, pour isoler les policiers et les policières impliqués; qu'il y ait une obligation de collaboration; et la divulgation des résultats des enquêtes ainsi que des motifs détaillés de la décision d'entreprendre ou de ne pas entreprendre, en fait, des poursuites criminelles. Évidemment...

Le Président (M. Drainville): Mme Roberge, il va falloir conclure bientôt, s'il vous plaît.

Mme Roberge (Mercédez): Oui. Je vais conclure. On demande, évidemment, de faire rapport et que la population soit informée en toute transparence. Alors, pour nous, la seule façon de rétablir le lien de confiance et le sentiment de sécurité face aux drames qui peuvent... et qui ne sont pas souhaités par personne, mais qui peuvent arriver, c'est de faire la lumière sur l'ensemble dans un processus transparent, indépendant et impartial. Et nous considérons que toute la population doit être rassurée et assurée, quelle que soit l'activité légale qu'elle pratique. L'exercice de la citoyenneté, pour nous, et la liberté d'expression ne peuvent être compromis par une insécurité au niveau des recours possibles, et nous considérons très important que l'indépendance du mécanisme soit assurée parce que... Et, pour l'instant, on considère que le projet de loi n° 46 ne répond pas encore à ces rendez-vous et, par le fait même, on rate une occasion importante de dire à la population qu'elle peut compter sur la protection de la police plutôt que de la craindre parce que, si une tragédie survient, elle pourra se fier à la justice pour faire enquête et trouver les correctifs. Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, Mme Roberge. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, Mme Roberge. Vous avez parlé beaucoup des manifestations, contrairement à la plupart des autres personnes, et à mon grand étonnement. Moi, mon impression... Je peux me tromper, là, mais il faudrait que vous me le disiez, mais mon impression, c'est que les gens qui organisent des manifestations pacifiques sont... et dans l'ordre, ne sont pas embêtés. Au contraire, je dirais qu'ils sont même encadrés par les corps de police qui les accompagnent, tout simplement, et ça se déroule relativement bien. Et souvent, malheureusement, quand ça dégénère, c'est le cas parfois de petits groupes qui se sont insérés dans les manifestations. Je ne dis pas que c'est le cas de l'ensemble des manifestants, mais de petits groupes qui viennent briser les barrières, ou casser des vitrines, ou s'attaquer aux policiers, donc qui se retrouvent dans des situations assez pénibles. Les instruments dont vous avez parlé tout à l'heure, les gaz lacrymogènes, les bombes assourdissantes, et ainsi de suite, ont été inventés justement pour éviter d'avoir à utiliser des moyens plus cruels, plus dommageables pour les gens.

J'aimerais que vous me disiez comment... Votre perception est tellement différente de la mienne que j'aimerais que vous me disiez comment une manifestation pacifique peut amener des craintes auprès des gens qui font une manifestation pacifique, alors qu'en général -- il y en a 1 500, à ce qu'on nous disait, à Montréal ou dans les environs par année -- ça se déroule correctement.

Mme Roberge (Mercédez): Je n'assiste pas aux 1 500 par année, mais j'ai au moins 30 ans d'expérience de manifestante toujours dans des manifestations pacifiques et j'ai souvent été témoin d'arrestations. Alors, la manifestation peut être pacifique, 99 % des gens ou peut-être même plus dans la manifestation ne font aucun acte répréhensible, et, lorsqu'on est témoin d'une altercation policière dans le cadre de la manifestation, on ne sait pas et on... Parce que moi, j'ai toujours la présomption d'innocence, je ne sais pas si les personnes qui sont arrêtées... je ne sais pas qu'est-ce qu'elles ont fait. Et j'en ai vu dans toutes mes... ou presque dans toutes mes manifestations auxquelles j'ai participé. Alors, on ne prétend pas que les forces policières interviennent dans chaque manifestation. Ce qu'on dit, c'est que le sentiment de sécurité est nécessaire pour sortir de chez soi, et aller manifester, et exprimer ce qui est garanti par la Charte des droits, la liberté d'expression, d'exprimer son point de vue comme je viens de faire ici aujourd'hui, d'une manière différente.

Alors, c'est que ce sentiment de sécurité là, on dit qu'il pourrait être compromis si, lorsque moi ou le manifestant à côté de moi est arrêté, est blessé, tué, peu importe -- parce qu'on parle, évidemment, d'accidents, tout peut arriver dans ces cas-là -- si je crains qu'il n'y ait pas de réprimande, d'enquête, que ce ne soit pas fait de manière transparente, indépendante, impartiale. Je n'ai plus ma police d'assurance qui me donne confiance pour sortir de chez moi et aller manifester. Alors, c'est toute ma confiance envers la possibilité d'exprimer ma position dans une société démocratique qui est ébranlée, et, à terme, c'est dévastateur pour une vie démocratique.

**(16 h 30)**

M. Dutil: Oui. Bon, j'espère que vous vous sentez en sécurité ici, là, à tout le moins.

Mme Roberge (Mercédez): Tout à fait.

M. Dutil: À tout le moins, je ne pense pas qu'il y ait aucun risque. On entend beaucoup de groupes avec des positions extrêmement différentes, puis c'est bien logique puis bien normal qu'on les entende avec la même attention qu'on le fait pour tous les groupes pour bien comprendre ce qui se passe.

Maintenant, pour ce qui est des manifestations, en tout cas, il y a peut-être lieu d'approfondir. Ce n'est pas le but principal de notre projet de loi, comme vous avez vu, là. À ma connaissance, il n'y a pas eu de blessures graves et de mortalité dans les manifestations depuis longtemps au Québec, sauf...

Mme Roberge (Mercédez): ...

M. Dutil: Oui, mais vous avez mentionné la personne qui a eu quelque chose à l'oeil, là. C'est sûr qu'il peut arriver des accidents, vous l'avez mentionné. Vous l'avez mentionné. Sa vie n'est pas en danger. S'il perd un oeil, c'est quand même une grosse perte, là, on en est bien conscients. Mais des manifestations qui se déroulent à Montréal, à ma connaissance, la plupart se déroulent de façon pacifique sans intervention autre qu'un encadrement policier pour, justement, éviter que ça dégénère puis que des petits groupes viennent profiter de la manifestation pour faire des problèmes.

Mais ce n'est pas là-dessus que je voulais davantage revenir. Vous avez parlé de la divulgation des résultats, donc vous êtes d'accord avec, je dirais, la totalité des gens qui sont intervenus ici. S'il y avait une divulgation des résultats, on aurait un progrès important de fait en termes de transparence.

Mme Roberge (Mercédez): Oui. Et une divulgation qui donne confiance envers le processus. Donc, il ne faut pas seulement divulguer les résultats, mais il faut que la population sache quel est le processus qui a été traversé pour obtenir un résultat et quels seront les suivis qui seront apportés.

M. Dutil: Maintenant, on a posé la question aussi à d'autres organismes, je vous la repose. S'il y a deux organismes bien séparés, c'est-à-dire, d'un côté, la police, de l'autre côté, un bureau qu'on pourrait appeler bureau d'enquête avec ou d'ex-policiers ou des policiers qui sont affectés directement là, qui ne sont plus dans les corps de police, est-ce que vous excluez ça, comme certains groupes l'ont fait, ou vous estimez qu'il est important d'avoir l'expertise dans un groupe, puis ce qui est important, c'est qu'ils soient bien séparés?

Mme Roberge (Mercédez): La perception est aussi importante que la réalité là-dedans. Alors, il faut un processus totalement distinct, une équipe totalement distincte des corps policiers pour les mêmes raisons de solidarité prévisible qui sont à prévoir de la part de policiers, d'ex-policiers. Alors, nous maintenons la position de la Ligue des droits et libertés là-dessus.

M. Dutil: Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Une petite minute? Deux petites minutes?

Le Président (M. Drainville): 2 min 30 s.

M. Ouellette: O.K. Donc, je vais juste avoir une question pour vous, Mme Roberge. Dans la majorité des manifestations, l'exercice de la citoyenneté, c'est bien important, tout le monde est d'accord avec ça. Et combien de fois est-ce que les services de police mentionnent que, dans tous les cas d'exercice de citoyenneté, les responsables de cet exercice-là doivent échanger les informations, informer? Plus les informations vont être pertinentes, plus les policiers, dont le travail est de protéger la vie et protéger les citoyens, vont être en mesure de faire en sorte que les citoyens puissent exercer cet exercice de citoyenneté là. C'est quand on joue à la cachette et c'est quand on essaie d'être... c'est ça, de changer les règles du jeu qu'à un moment donné il peut arriver ce genre d'incident malheureux. Mais à ce que je sache, dans tous les événements où il y a eu un échange d'information, et où les acteurs étaient connus, et où l'exercice de la citoyenneté était bien encadré, les chances de déroulement très pacifique sont toutes réunies. Et, s'il y a intervention de gens qui n'ont pas d'affaire là, les policiers vont être en mesure d'intervenir beaucoup plus rapidement et de façon beaucoup plus ciblée que s'il n'y a pas cet échange d'information là. Je ne sais pas si vous avez des événements ou des éléments qui viendraient en contradiction avec ce que je viens de vous dire, je serais heureux de les entendre.

Mme Roberge (Mercédez): En fait, je crois que c'est l'année passée ou l'année précédente, manifestation contre le budget, sujet totalement anodin, disons, totalement anodin au niveau de ce qui nous prévient d'aucun drame, eh bien, oui, des arrestations. Des arrestations de gens qui ont été relâchés tout de suite après. Que ces personnes-là aient ou pas posé des gestes répréhensibles, la question n'est pas là. La question est que, dans le projet de loi, pour mener une enquête, il faut qu'il y ait eu blessure ou décès par arme à feu. M. Dutil l'a très bien dit, ce sont des armes exclues des manifestations, et j'en suis très heureuse. Mais, par le fait même, ça nous envoie comme message qu'en cas d'intervention sur la rue ou dans un domicile il y a une protection, en cas d'intervention face à une foule, il n'y en a plus. Et on ne fera pas le procès de chaque manifestation pour savoir si les personnes qui ont été arrêtées avaient raison de l'être ou pas ni si l'organisation était au courant ou pas, consentante ou pas, la question n'est pas là. C'est une police d'assurance qu'on souhaite par un mécanisme d'enquête qui va être déclenché dès qu'il y a blessure ou décès suite à une intervention policière qui, évidemment, a eu un problème.

Puisqu'il y a eu un problème, c'est un accident, alors ça demande une enquête, quel que soit le contexte, quelle que soit la présomption. En fait, avec la présomption d'innocence de tout le monde, autant de voir quelqu'un qui court en sortant d'un dépanneur que, dans une manifestation, quelqu'un qui a un packsack dont on ne connaît pas le contenu, toute présomption d'innocence à tous égards, et surveillance, et réprimande s'il le faut, enquête neutre, indépendante et impartiale lorsqu'il y a eu un problème, quel que soit le lieu, quels que soient l'arme et le véhicule qui ont été utilisés. C'est tout simplement ça qu'on dit.

Le Président (M. Drainville): Et...

M. Ouellette: ...M. le Président.

Le Président (M. Drainville): ...s'il vous plaît, M. le député de Chomedey. Merci de votre collaboration. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. Bien, d'abord, Mme Roberge, merci de votre éclairage, de votre mémoire, c'est très clair. En fait, vous reprenez, pour l'essentiel, là, plusieurs des recommandations qui nous ont été formulées par la Ligue des droits et libertés. Je comprends que vous adhérez à la déclaration commune, vous nous... En ajoutant certains éléments, là, vous reprenez, pour l'essentiel, les propos de la Ligue des droits et libertés. Et, suite à la question du ministre, là, je comprends que la proposition, j'allais dire, qui a été amenée par la Protectrice du citoyen ne vous semble pas acceptable parce qu'elle propose, elle aussi, de rejeter le projet de loi n° 46, mais de créer une unité d'enquête où il y aurait des anciens policiers. Et il y a une autre piste qui a été élaborée un peu par le ministre, de dire: Ça pourrait aussi être des policiers qui ne soient pas en exercice dans un corps de police, qui seraient comme prêtés ou qui seraient en congé pour aller travailler dans cette unité d'enquête. Vous, là, vous souhaitez, si je comprends bien, qu'il n'y ait aucun policier, ancien policier ou policier prêté dans une unité éventuelle d'enquête, qui enquêterait sur ces incidents-là. Est-ce que c'est bien votre position?

Mme Roberge (Mercédez): Oui, c'est qu'elle soit vraiment indépendante de tous les corps policiers...

M. St-Arnaud: Tous les corps policiers. Alors, c'est la position de...

Mme Roberge (Mercédez): ...et indépendante de la Sécurité publique.

M. St-Arnaud: J'ai compris ça. Vous nous avez fait une proposition, là, qui nous est revenue à quelques reprises durant nos travaux, là, depuis six séances maintenant, depuis six jours, que ça relève du ministère de la Justice. C'est ce que je comprends?

Mme Roberge (Mercédez): Oui. Et, si ça relevait du ministère de la Justice, on ne se poserait probablement pas la question, avec ou sans expertise d'anciens policiers et policières.

M. St-Arnaud: Parce que vous dites: S'il y avait création d'une unité d'enquête... On met de côté le projet de loi n° 46 et on crée une unité d'enquête indépendante. Vous dites: Si cette unité-là relevait du ministre de la Justice, on n'aurait pas d'objection à ce qu'il y ait des anciens policiers ou... Non?

Mme Roberge (Mercédez): Non, ce n'est pas ça que je dis. Mais la question ne se serait posée si dans le projet... si la question... La raison pour laquelle des gens, des groupes tentent d'insérer l'expertise policière à l'intérieur, c'est que ça s'inscrit dans un processus qui relève de la Sécurité publique. En enlevant cette prémisse-là, si ça avait, dès le début, relevé du ministère de la Justice, je pense pas qu'on en arriverait à trouver cette méthode mitoyenne.

M. St-Arnaud: Vous dites: Si le projet de loi avait été présenté par le ministre de la Justice, il n'aurait pas nécessairement été du même type. C'est ce que vous dites?

Mme Roberge (Mercédez): Je crois que non. Mais là on est dans les si, et on l'aurait examiné de la même manière, avec la même rigueur.

**(16 h 40)**

M. St-Arnaud: O.K. Vous formulez à la page 5 de votre mémoire, là... vous parlez des circonstances qui doivent amener au déclenchement d'une enquête indépendante et vous dites: «Le projet de loi n° 46 offre une vision réductrice des circonstances...» Je comprends qu'après ça vous parlez, là, du pistolet à impulsion électrique, et tout ça, mais, sur le type de blessures, présentement les enquêtes indépendantes, si je ne m'abuse, là, les mots exacts, c'est «blessures mettant la vie en danger», hein? Je pense que c'est quelque chose comme ça, là, c'est «blessures mettant la vie en danger» ou, enfin, on précise la notion de blessures. Est-ce que ça vous apparaîtrait... Si on mettait dans le projet de loi, plutôt que de parler de blessures graves, «blessures mettant la vie en danger», est-ce que c'est trop réducteur, cette expression-là?

Mme Roberge (Mercédez): Non. Il faut la baliser parce que ce qu'on craint, c'est l'interprétation variable. Et l'interprétation variable pourrait faire en sorte que, pour une situation donnée, une blessure... la même blessure, dans deux situations différentes, d'un côté, elle pourrait être jugée grave et, de l'autre, non, un côté a une enquête, l'autre n'en a pas. Alors, ça prend des balises claires.

M. St-Arnaud: Mais, si on met... Mme Roberge, si, dans le projet de loi, il était inscrit, là, évidemment, quand ça cause la mort puis quand c'est une blessure qui met la vie en danger, est-ce que ça vous apparaît...

Mme Roberge (Mercédez): Dans mon souvenir, la définition était plus large que... n'était pas uniquement la vie en danger, mais la vie en danger ou qui causait un préjudice de santé, et il y avait un qualificatif. Je ne l'ai pas amenée avec moi, mais je sais que la définition existe, je sais qu'elle était dans le mémoire de la Ligue des droits, d'ailleurs, pour préciser qu'entend-on par... En fait, c'est des voies de fait causant des lésions...

M. St-Arnaud: Oui, mais c'est parce que vous savez comme moi sûrement que des voies de fait causant des lésions corporelles, ça ne prend pas grand-chose, hein? Il y a des gens... Des voies de fait causant des... Il y a des voies de fait simples. Puis, après ça, il y a des voies causant des lésions. Puis, après ça, il y a des voies de fait graves. Mais «voies de fait causant des lésions», ça ne prend pas grand-chose, ça, je peux vous dire ça. C'est pour ça qu'à un moment donné, c'est ça, ma préoccupation. Puis je ne suis pas encore sur le pistolet à impulsion électrique, là, mais, juste sur la définition... Il ne faut quand même pas qu'il y ait des enquêtes indépendances sur... à tous les jours, là. Déjà, le ministre trouve qu'il en déclenche pas mal. Mais c'est un peu ça, ma préoccupation, là, il faut quand même que ça soit... On ne peut pas faire des enquêtes indépendantes sur chaque incident, il y a un... Enfin, je vous écoute là-dessus, là. C'est parce que j'essaie de voir comment on peut quand même l'encadrer, là.

Mme Roberge (Mercédez): Les forces policières sont là parce que, comme société, on s'est donné cet instrument-là et que, comme société, on considère ça normal d'avoir un aller-retour de... oui, au niveau de l'imputabilité, la surveillance, que tout se passe dans les règles. Alors, une blessure, pour moi, n'est jamais anodine, première chose, surtout pas si elle est occasionnée dans le cadre d'une intervention policière. Là, elle serait anodine si c'était entre deux personnes amies, mais ce n'est pas du tout la même situation. Alors, moi, je vous réfère encore à la définition qui se trouve, je crois, dans le mémoire de la Ligue des droits et libertés pour que ce soient des voies de fait causant lésions et qui ont... mais qu'il y a à l'intérieur de cette définition-là une certaine... une manière de baliser pour assurer que l'interprétation est la même partout, pour éviter des traitements différents selon la personne, toute bien intentionnée soit-elle, qui aurait examiné le dossier parce que c'est de là que part ou non le processus. Alors, c'est d'autant plus important que cette règle-là soit claire.

M. St-Arnaud: J'ai un peu de difficultés à... J'essaie de... Si je prenais un exemple... Il y a un policier qui arrive à un domicile, et pour arrêter quelqu'un, et il y a une altercation. Ça, c'est quotidien, c'est même... Il y a une certaine résistance de l'individu, et la personne qu'on vient d'arrêter est blessée, a une blessure qu'on pourrait considérer comme une blessure, là, qui pourrait rentrer dans la définition de blessure causant des lésions corporelles. Est-ce qu'on déclenche une enquête indépendante à ce moment-là? Parce qu'il y a le processus criminel, mais il y a le processus déontologique aussi, là.

Mme Roberge (Mercédez): Pourquoi ne le ferions-nous pas?

M. St-Arnaud: Hein?

Mme Roberge (Mercédez): Et pourquoi ne le ferions-nous pas?

M. St-Arnaud: Bien, c'est ce que je vous pose. Bien, à première vue, c'est que je me dis: On va avoir énormément de dossiers, là. Mais je vous écoute, vous êtes ici pour nous exposer votre point de vue.

Mme Roberge (Mercédez): Si on se retrouvait avec énormément de dossiers, c'est qu'on aurait un problème et qu'il faudrait trouver une solution, un problème qui serait à régler au niveau de règles d'intervention dans chaque cas. On a parlé tout à l'heure beaucoup des personnes en situation de crise. Peu importe la condition qui fait que la personne est en crise, les policiers et les policières ont une formation et ont sûrement besoin d'en avoir une meilleure encore pour intervenir en toute sécurité, incluant la leur, assurer la sécurité de toutes les personnes, particulièrement devant l'inconnu que représente une personne en crise. Et, si on se retrouvait avec beaucoup d'enquêtes, c'est parce que ça nous montrerait qu'il y a un problème qu'il faut régler, et là on saurait par quel chemin le régler. Autrement, comment on saura qu'il y a un problème?

Alors, ce n'est pas pour mettre des gens... ce n'est pas pour condamner pour le plaisir, c'est pour identifier un problème. S'il existe, le mécanisme l'aura permis. Et, comme société, on saura que les écarts, les dérapages, les inconduites, les défauts de suivre les règles prescrites dans un code d'une profession précise très, très rigide qu'est la profession policière, eh bien que c'est surveillé et que je suis donc, moi, comme citoyenne, en confiance.

M. St-Arnaud: ...Mme Roberge, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Drainville): Oui. On empiète sur...

M. St-Arnaud: ...quitte à ce que j'empiète sur mon temps d'après...

Le Président (M. Drainville): Oui.

M. St-Arnaud: Mais vous êtes consciente que... C'est parce qu'il y a deux choses là-dedans, là, il y a le processus... Si un policier agit mal, il y a un processus en déontologie policière. S'il a mal agi lors d'événements, lors d'une arrestation, on peut déposer une plainte en déontologie policière. Là, on parle du processus criminel, est-ce que le policier a commis un acte criminel lorsqu'il est intervenu? Moi, je peux vous dire, à chaque jour, à Montréal, dans la soixantaine ou les 75 personnes qui comparaissent, détenus, à tous les jours, là, il y en a une couple qui sont blessés, là, parce que ça a joué... ils ont résisté à leur arrestation, puis ça... Alors là, ce que vous êtes en train de me dire, c'est: À chaque fois qu'une personne a eu une blessure, il faudrait pratiquement déclencher une enquête indépendante pour voir si le policier a commis un acte criminel. À première vue -- puis je vous écoute là-dessus -- ça m'apparaît gros un peu, là. Je vous le dis comme je le pense, mais je vous écoute.

Mme Roberge (Mercédez): Mais, tout à l'heure, il a été fait mention qu'il était... comment juger -- je ne sais plus qui en parlait -- de ce qui était une force excessive ou non excessive pour immobiliser une personne. On est dans ces préoccupations-là aussi si vous me dites que bien des gens ont été blessés dans le cadre de leur arrestation. Alors, il faut faire une évaluation de cette situation-là. S'il faut faire des enquêtes pour le savoir, faisons des enquêtes. Et là je n'ai pas la définition devant les yeux, mais je sais que la définition excluait les éléments de blessures mineures.

M. St-Arnaud: Sachez qu'on va aller la regarder. Vous faites référence au mémoire de la ligue. Juste une dernière chose, M. le Président...

Le Président (M. Drainville): Bien, savez-vous quoi, M. le député de Chambly?

M. St-Arnaud: Bien, dites-moi ça, M. le Président, ça va me faire plaisir de vous entendre. Ou peut-être pas.

Le Président (M. Drainville): Bien, écoutez, vous pouvez filer, là, jusqu'à la fin de votre temps de parole des deux blocs additionnés.

M. St-Arnaud: Il m'en reste combien?

Le Président (M. Drainville): Il vous reste six minutes.

M. St-Arnaud: Six minutes, bon. Vous, vous dites, là: Systématiquement, lorsqu'il y a l'utilisation du pistolet à impulsion électrique, il devrait y avoir une enquête indépendante. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Roberge (Mercédez): Non. Ce qu'on a dit, c'est s'il y avait... dans le cadre du projet de loi, s'il y a blessure ou décès suite à l'usage de cette arme-là ainsi que de toutes les autres, de déclencher une enquête.

M. St-Arnaud: O.K.

Mme Roberge (Mercédez): Sûrement que...

M. St-Arnaud: Tout est relié à la notion de blessure. C'est la même chose quand vous parlez du pistolet à balles de caoutchouc, de matraque, de quelque objet que ce soit, vous dites: Ça ne devrait pas être seulement blessures ou décès causés par une arme à feu, mais vous souhaiteriez qu'on ajoute un certain nombre d'éléments, là, que vous mentionnez à la page 6 de votre mémoire.

Mme Roberge (Mercédez): Tout à fait. On a limité notre intervention sur le projet de loi, et non pas sur l'existence et l'usage de chacune de ces armes-là.

M. St-Arnaud: Excellent. Vous dites que vous trouvez que le projet de loi n'est pas assez précis au niveau des ressources financières. Parce qu'habituellement ce genre de chose est prévu par règlement, là. C'est ce que prévoit le projet de loi, c'est-à-dire qu'il y a quand même une avancée, là, par rapport à la situation actuelle, où le projet de loi prévoit que, par exemple, les familles d'une victime vont pouvoir se faire rembourser leurs frais, évidemment les modalités étant prévues par règlement. Vous ne faites pas confiance... Je présume que... Qu'est-ce qui vous amène à dire que ça devrait être... finalement, la technicalité des honoraires, et tout ça, devrait être dans le projet de loi, ce qui n'est pas habituellement... ce qui n'est pas la pratique. Habituellement, on envoie ça par règlement, et le règlement prévoit ces modalités-là quant au remboursement, quels seront les frais qui seront remboursés, par exemple, à une famille quant à l'assistance, aux représentations juridiques.

Et, généralement, là... Il y a eu un cas dans les dernières années, là, qui semble avoir été à la satisfaction de tout le monde suite, d'ailleurs, à des.. il faut que je le dise, suite à des pressions de l'opposition, mais qui s'est réglé, là, finalement, on a accordé un soutien financier. Alors, qu'est-ce qui vous amène à dire que ce n'est pas assez clair, ça, dans le projet de loi?

**(16 h 50)**

Mme Roberge (Mercédez): Bien, d'une part, le fait que ce soient des remboursements signifie que la famille et la communauté doivent l'assumer en premier lieu. Donc, ça ne donne pas des chances égales à toutes les parties.

M. St-Arnaud: Ça, vous aimeriez qu'on le précise dans le projet de loi?

Mme Roberge (Mercédez): Oui.

M. St-Arnaud: Ça va.

Mme Roberge (Mercédez): Et, pour ce qui est... même si c'est un pouvoir réglementaire habituel, on croit que la raison pour laquelle ce projet de loi là a été institué et son objectif qu'il a... qu'on critique comme étant inachevé, mais l'objectif qu'il a est de donner confiance à la population que, s'il y a un drame, il y aura enquête, alors, et que s'il y aura enquête... Et ce message-là qui est envoyé à la population, comme législateur, on rate une occasion de bonifier ce message-là en précisant dans le projet de loi des choses qui, sans être du pointu à la cenne près, vont contribuer au message transmis à la population. Un mécanisme existera, il sera impartial -- ce qui n'est pas le cas, je vous le rappelle, maintenant -- il sera indépendant. Et, pour rajouter, je dirais, une couche supplémentaire au message, on rajoute un bonus qui est de systématiser justement ce qui a été fait par le passé de manière non systématique, de le systématiser et, en le systématisant, de le préciser.

M. St-Arnaud: Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Drainville): Bien, il reste encore deux petites minutes.

M. St-Arnaud: Deux minutes. Je comprends que vous souhaitez que toutes les procédures qui encadrent les interventions policières, ce ne soient pas des directives, ce soit par le biais d'un règlement. Est-ce que c'est ce que je comprends? Quand on parle, par exemple, à la possibilité que les policiers impliqués dans ce genre d'événement ne communiquent pas entre eux, qu'ils fassent un rapport d'événement dans un délai précis, tout cet encadrement-là qui, présentement, se trouve... que le projet de loi prévoit de faire passer par le biais de directives, si c'était par le biais d'un règlement, ça vous apparaîtrait adéquat?

Mme Roberge (Mercédez): Enfin, je ne sais pas si c'est par le biais d'un règlement ou si, plutôt, ça ne devrait pas être directement dans le projet de loi pour les mêmes raisons que j'ai exprimées par rapport au remboursement et à l'occasion qui est offerte par le projet de loi de rassurer la population.

M. St-Arnaud: Excellent. Ça complète mes questions. Merci beaucoup, Mme Roberge.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup à vous, Mme Roberge.

On suspend quelques secondes pour permettre à M. Réal Ménard de s'approcher. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 54)

 

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Drainville): Alors, nous allons reprendre nos travaux dans un instant. Nous attendons, tout simplement, le retour de notre collègue de Chambly. Pour ce qui est du temps, ça va très bien, on est top chrono, là, on est dans les temps. Alors, M. Ménard, je vous demande de patienter quelques secondes et j'en profite pour vous souhaiter la bienvenue à cette Assemblée nationale.

Une voix: ...

Le Président (M. Drainville): Il est possible qu'il y ait un vote, effectivement, on nous a prévenus. Donc, c'est une autre bonne raison pour commencer immédiatement. Alors, je vous souhaite formellement, donc, la bienvenue parmi nous et je vous laisse la parole pour 15 minutes sans plus tarder.

Vision Montréal (VM)

M. Ménard (Réal): Alors, merci beaucoup. Si vous me permettez, je vais lire mon mémoire. Je pense que je peux m'en tenir au temps. Et merci, encore une fois, à tous de nous accueillir. Alors, je tiens à remercier les députés de la Commission des institutions, qui ont accepté de prolonger leurs travaux et de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui.

Vision Montréal forme l'opposition officielle au conseil de ville de Montréal. J'assume la responsabilité de la vice-présidence de la Commission de la sécurité publique de l'agglomération de Montréal. Depuis 2009, notre formation s'est beaucoup intéressée à la sécurité publique et aux affaires policières. Cet intérêt nous a amenés à prendre position sur les questions de profilage racial, de financement du SPVM, de la spécificité d'offrir des services policiers dans une métropole, du schéma de couverture de services et du gardiennage des immeubles du SPVM.

Cependant, ce dont nous sommes le plus fiers, c'est d'avoir amené le conseil de ville à voter à l'unanimité, le 22 mars 2010, une motion qui se lisait comme suit:

«Que le conseil de ville appuie le rapport de la Protectrice du citoyen dans sa recommandation du gouvernement du Québec de créer le bureau des enquêtes spéciales qui aura pour mandat de mener les enquêtes sur des incidents qui entraînent un décès ou des blessures graves à la suite d'une intervention policière ou d'une détention.»

L'appui de cette résolution par les trois partis politiques représentés au conseil de la plus importante ville du Québec est un indicateur non équivoque que le statu quo n'est pas acceptable en matière d'enquêtes policières lorsqu'il y a décès ou blessures graves de civils.

À cet égard, il faut se rappeler le sondage Angus Reid rendu public par La Presse le 14 janvier dernier où on apprenait que 87 % des Québécois ne veulent plus du système actuel. À Montréal, depuis 1987, il y a eu 29 personnes qui sont tombées sous les balles de policiers, les derniers étant M. Mohammadi à la station de métro Bonaventure et M. Nadeau dans le district d'Hochelaga, dans l'arrondissement que je représente comme maire.

Je n'hésite pas à affirmer que, lorsque des policiers enquêtent sur d'autres policiers, nos concitoyens sont nombreux à penser que les conditions objectives d'impartialité et de crédibilité ne peuvent être réunies. D'abord, les policiers enquêteurs peuvent, de par leurs antécédents professionnels, connaître les policiers enquêtés, et leurs activités professionnelles futures peuvent les réunir à nouveau.

Ce déficit de crédibilité lorsque des policiers enquêtent sur leurs pairs n'est absolument pas résolu par le projet de loi n° 46. Ainsi, nous croyons que le gouvernement du Québec fait fausse route en créant le bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes, lequel aura pour mandat de surveiller le déroulement des enquêtes de la police sur la police afin de vérifier si l'enquête est menée de façon impartiale dans le respect des directives qui seront émises par le ministre. Nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec doit complètement délester les corps policiers de toute responsabilité d'enquête lorsque d'autres policiers sont en cause à l'occasion de décès ou de blessures graves de civils. Le gouvernement du Québec doit créer la fonction d'enquêteur civil ayant un statut d'agent de la paix au sein d'un observatoire. J'aurai l'occasion de revenir sur cette proposition.

Avant de présenter le coeur de notre proposition, je souhaiterais, si vous me le permettez, M. le Président, faire quelques commentaires. Vision Montréal a le plus grand respect pour nos concitoyens qui s'engagent à servir comme policiers.

Le travail de policier est exigeant, puisqu'il est question de protéger les citoyens, de faire respecter la loi et, ultimement, d'utiliser la force et la coercition lorsque nécessaire.

**(17 heures)**

Le travail de policier se caractérise par un coefficient de difficulté accru lorsqu'on l'exerce dans une grande ville comme Montréal, puisque: le SPVM dessert 24 % de la population du Québec; le tiers de tous les crimes rapportés au Québec le sont sur le territoire de Montréal; la situation stratégique de Montréal en fait une plaque tournante de la criminalité internationale, particulièrement en matière de drogue, de blanchiment d'argent et d'immigration clandestine; Montréal est caractérisée par une concentration d'institutions financières qui en font l'un des centres mondiaux du recyclage des produits de la criminalité; Montréal, ville festive, commande de la part du SPVM l'encadrement de près de 850 événements très variés qui impliquent la participation de milliers de personnes à chaque année; Montréal connaît une forte concentration de personnes dans les espaces publics aux prises avec diverses problématiques sociales, tels l'itinérance, la prostitution, l'extrême pauvreté, des problèmes de toxicomanie, de santé mentale, etc.

Encore une fois, nous comprenons pleinement que le travail policier est complexe, exigeant et nécessite un temps de réaction et d'intervention qui est parfois bref et qui survient dans un contexte d'urgence et de crise. Il ne fait aucun doute que la presque totalité des policiers est animée par un désir sincère de servir autrui sur fond de relation d'aide. Cependant, nous croyons que le gouvernement du Québec ferait une grave erreur en reconduisant le statu quo en matière d'enquêtes par la police sur d'autres policiers.

Nous avons été informés qu'entre 1999 et 2011 355 enquêtes ont été ouvertes suite à une intervention policière s'étant soldée par la mort d'une personne ou de blessures graves infligées à des civils. Pour la seule année 2011, 37 enquêtes ont été ouvertes. Nous prenons bonne note des remarques présentées par M. Richard Deschesnes, directeur général de la Sûreté du Québec, à l'effet qu'environ 50 % des enquêtes indépendantes sont ordonnées dans des cas où la police n'a pas utilisé directement la force contre une personne, à savoir: des personnes suicidaires ou en état de crise, particulièrement dans le contexte de conflits familiaux, qui s'enlèvent la vie durant l'intervention policière; deuxièmement, les décès et blessures qui surviennent lorsque des contrevenants conduisent dangereusement pour tenter de semer la police et perdent la maîtrise de leur véhicule.

Néanmoins, nous réitérons que le projet de loi n° 46 ne permettra pas de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le processus d'enquête policière en cas de mort ou de blessures graves de civils. Il nous semble erroné de vouloir amender la Loi sur la police, et nous proposons de créer une nouvelle entité encadrée par une nouvelle législation.

Enfin, nous proposons la création d'un observatoire civil des pratiques policières menant à une enquête indépendante. Le mot «observatoire» suggère une indépendance réelle de fonctionnement et l'implication de civils dans le processus d'enquête. Le mandat de cet observatoire serait de conduire une enquête indépendante lorsqu'une opération policière implique le décès ou des blessures graves de civils suite à l'utilisation d'une arme à feu ou d'un dispositif à impulsion électrique. Il va de soi que l'intervention policière implique également le cas de détention par un corps policier.

Nous faisons nôtre la proposition de la Ligue des droits et libertés d'assimiler la notion de blessures graves à l'article 267 du Code criminel, qui constitue, selon la jurisprudence -- et je cite -- «tout mal ou blessure de nature à nuire à la santé ou au bien-être d'une personne, qui peut cependant ne pas être permanent, mais non éphémère ou futile».

Quant à sa composition, nous proposons qu'elle soit établie par règlement et qu'elle prenne la forme suivante:

a) sept personnes, dont un juge à la retraite ou un avocat criminaliste admis au Barreau depuis au moins 10 ans qui agit comme directeur de l'observatoire;

b) trois professeurs issus des départements de techniques policières des différents établissements d'enseignement collégial du Québec;

c) un professeur issu d'une faculté universitaire de criminologie du Québec;

d) deux citoyens réputés de bonnes moeurs, et exempts de condamnation criminelle, et qui acceptent de suivre la formation prescrite par l'École nationale de police du Québec;

e) et les personnes siégeant à l'observatoire sont nommées par décret en conseil sur recommandation du ministre de la Justice pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

Dans notre esprit, dès qu'un corps policier signale le décès ou la présence de blessures graves d'un civil suite à l'intervention policière, le ministre de la Justice du Québec saisit l'observatoire d'un mandat d'enquête qui donne accès à ses membres à l'ensemble des éléments de preuve et un pouvoir de cantrainte de tous les policiers impliqués dans l'opération.

Nous concevons qu'en matière d'accès à la preuve certains lieux où s'est déroulé l'événement sous enquête seront protégés par un corps policier. Les membres siégeant à l'observatoire ne pourront y accéder qu'en présence d'un représentant du corps policier désigné.

L'observatoire civil des pratiques policières menant à une enquête indépendante devrait faire connaître dans les meilleurs délais les conclusions de son enquête, et, à l'évidence, ce rapport sera public et appelé à une large diffusion.

À l'instar de ce qui est prévu dans le projet de loi n° 46, la loi créant l'observatoire devra faire obligation aux corps policiers de collaborer.

Nous sommes conscients que le succès de l'observatoire civil est intimement lié à la mise en place d'une solide formation par l'École nationale de police du Québec. Nous ne voyons aucune raison nous permettant d'affirmer que des enquêteurs civils ne pourraient pas apprécier le travail des policiers. Après tout, il ne s'agit pas de statuer sur la culpabilité des policiers menant à des accusations criminelles, mais de déterminer si les policiers sous enquête ont respecté les bonnes pratiques policières quant à l'étique d'intervention de leur profession et le bon usage du continuum de la force, tel qu'enseigné à l'École nationale de police.

Cette situation étant, il nous apparaît que la formation dispensée aux membres siégeant à l'observatoire civil devrait s'articuler autour de trois grands axes: un, connaissance des chartes et de l'utilisation des différents mandats et procédures inhérentes aux saisies et arrestations; deux, connaissance des différentes techniques d'investigation des scènes de crime; trois, connaissance des 10 étapes constituant le bon usage du continuum de la force.

Nous ne pouvons terminer notre présentation sans parler des pouvoirs dévolus à l'observatoire civil. Au terme de leur enquête, le directeur et les membres de l'observatoire pourraient recommander soit d'exonérer le policier en question, le blâmer, le rétrograder, le suspendre ou le destituer, la décision finale appartenant, bien évidemment, au service policier concerné, qui devra prendre en compte l'environnement réglementaire existant.

En conclusion, Vision Montréal est convaincu que la création d'un observatoire civil des pratiques policières menant à une enquête indépendante permettra de restaurer la confiance de nos concitoyens envers le fonctionnement des corps policiers, l'observatoire se caractérisant par les principes de transparence, d'ouverture et d'impartialité.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. Ménard. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, M. Ménard. Quelques questions. On nous suggère souvent de prendre le modèle de l'Ontario. Vous nous avez apporté une formule différente mais qui ramasse des éléments, je pense, de cette formule-là. En Ontario, c'est un groupe complètement séparé, mais dans lequel il y a d'ex-policiers. Ici, on a eu plusieurs interventions de groupes qui, dans certains cas, nous disaient: Pas d'ex-policiers; d'autres qui nous disaient: Oui, l'expertise est intéressante et nécessaire. À partir du moment où ils sont dans un organisme séparé, il n'y a pas de problème à aller chercher cette expertise-là. Qu'en pensez-vous?

M. Ménard (Réal): Nous, on n'a pas été impressionnés par le modèle de l'Ontario. Et, quand on a lu le livre de Me Fiset, là, Qui doit policer la police?, on a appris, d'abord, qu'il y avait 84 policiers, que c'est une structure qui était extrêmement coûteuse. Et, comme plusieurs observateurs l'ont rapporté, c'est un mandat qui est beaucoup plus large, là, on parle d'accidents de voiture, tout ça. Alors, ça nous semblait trop large, ça ne nous semblait pas approprié aux objectifs que l'on poursuit eu égard aux débat public qui a cours. Le débat public qui a cours, c'est: Il faut mettre fin à ce système où les policiers enquêtent sur d'autres policiers, et on n'est pas du tout séduits, puis on ne fait pas du tout la promotion du modèle ontarien.

M. Dutil: Est-ce que je dois conclure que, dans votre opinion, il ne doit y avoir aucun policier ou ex-policier dans une structure séparée?

M. Ménard (Réal): Non. Nous, pour les civils, peut-être... Et je m'excuse, là, j'aurais peut-être dû être plus clair, là, mais, pour les civils, par exemple, les deux observateurs civils, pour nous, ça ne serait pas catastrophique qu'il y ait d'anciens policiers, reconnaissant que ces gens-là ont de la formation, ils peuvent jouer un rôle important dans un collège plus large et ils ne seraient pas en situation d'hégémonie. Donc, on pourrait très bien vivre avec le fait qu'il y ait d'ex-policiers, mais pas des policiers en fonction, ça, vous le comprenez.

M. Dutil: D'accord. Mais, ce matin, il y a une nuance qui a été apportée. On dit: Ça pourrait être des policiers qui sont en cours de carrière, mais qui ont quitté leur carrière, qui sont venus avec le bureau, là, donc ils sont juste plus jeunes et ils n'ont pas terminé leur carrière. Comprenez-vous la nuance?

M. Ménard (Réal): Non.

M. Dutil: La nuance qui a été apportée ce matin...

M. Ménard (Réal): Est-ce qu'ils sont rattachés encore à un employeur qui est un corps de police?

M. Dutil: Non, ils seraient rattachés au... Appelons-le le bureau d'enquête, là. Ils seraient rattachés au bureau d'enquête, mais ce seraient des policiers qui viennent peut-être terminer leur carrière là, sauf qu'ils ne sont pas des policiers à la retraite.

M. Ménard (Réal): Un genre de ressources prêtées, comme les gouvernements, on vote?

M. Dutil: Non. Pas prêtées, transférées.

M. Ménard (Réal): Et payées.

M. Dutil: Oui, bien sûr, on les paie d'habitude, mais transférées.

M. Ménard (Réal): Oui. Je ne pense pas que ça serait une voie que, nous, on proposerait.

M. Dutil: O.K. L'autre point qui a été soulevé à de maintes reprises, c'est le manque d'information. Il y a plusieurs personnes qui nous disent: S'il y avait eu plus d'information dans le passé, probablement qu'on n'en serait pas là, information venant soit de l'enquêteur soit du bureau, qui dit: Bon, voici le processus, on est rendus là -- au niveau du public, j'entends -- et le DPCP, qui, à la fin -- le Directeur du bureau des poursuites criminelles et pénales -- viendrait dire pourquoi il poursuit -- ça, il le dit quand il poursuit -- ou pourquoi il ne poursuit pas sur les gestes qui ont été posés. Qu'en dites-vous?

**(17 h 10)**

M. Ménard (Réal): Oui. Il nous apparaît indéniable que, dans le 87 % des gens qui ne souhaitent pas le statu quo... Il me semble qu'on peut raisonnablement conclure que le déficit d'information... Écoutez, moi, je siège à la Commission de sécurité publique, j'en suis le vice-président depuis deux ans et demi, plus grande ville du Québec, et jamais on n'a un retour sur les processus d'enquête qui impliquent des policiers lorsqu'il y a mort d'homme ou blessures graves. Alors, oui, il y a un déficit d'information, et, effectivement, tout processus qui va permettre de savoir quel est le résultat de l'enquête, peu importe quel en est le résultat, nous, on pense que c'est une avancée importante.

M. Dutil: Troisième point. Dans l'encadrement de l'enquête comme telle, il y a des choses à faire et qu'on a envisagé de faire par directives. Ça aussi, ça a été critiqué par plusieurs groupes qui nous disent: Ce serait peut-être mieux de le faire par règlement. Vous avez évoqué les choses, là. Certains parlent de le mettre dans la loi, ce qui est la minorité. Nous... En tout cas, pour ma part, je trouve ça pas mal rigide de le mettre dans la loi parce que ça oblige, à chaque fois que tu as un changement à faire, de revenir. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Ménard (Réal): Moi, je pense que le régime des directives et le régime d'une réglementation peuvent tout à fait répondre aux objectifs qu'on poursuit. Et ma vie antérieure d'ancien député à Ottawa ne m'amène pas non plus à penser que... Quand c'est trop précis dans une loi, on ne sert pas nécessairement le bien public.

M. Dutil: Alors donc, d'avoir été député à Ottawa vous permet d'avoir une expertise, comme d'avoir été policier vous permettrait, si vous étiez dans un bureau d'enquête, d'avoir une expertise qui n'est pas négligeable.

M. Ménard (Réal): Vous avez raison, mais vous ne me ferez pas dire, cependant, que le fait d'être policier et d'enquêter sur des policiers est de nature à servir le bien public. Et je répète que, dans les situations où il y a mort d'homme, où il y a blessures graves, on comprend bien... Moi, je suis convaincu que la très, très grande majorité des policiers agissent conformément à ce que prescrit leur code de déontologie, à ce que prescrivent les règles d'éthique et à ce que prescrit le bon continuum de l'emploi de la force. Mais il peut y avoir des cas d'exception, et c'est pour ça qu'on propose un observatoire. Mais je pense qu'il y aurait un déficit de crédibilité important de reconduire un processus en vertu duquel les policiers enquêtent sur les policiers. Et le projet de loi n° 46 permet juste de statuer sur l'impartialité ou la partialité, et ça ne nous apparaît pas aller assez loin.

M. Dutil: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey?

M. Ouellette: Oui, je vais en avoir une petite. Bienvenue, M. Ménard. Les rôles sont inversés aujourd'hui. D'habitude, c'est moi qui réponds à vos questions.

M. Ménard (Réal): Je vais essayer d'être à la hauteur de vos attentes, que je sais élevées.

M. Ouellette: Je suis sûr que vous aurez, tout comme les autres fois où nous avons eu à discuter depuis fort longtemps que vous êtes impliqué autant dans la lutte au crime organisé ou dans d'autres forums, sur le travail des policiers... Et je suis un peu surpris... Je ne vous cacherai pas, aujourd'hui, que je suis un peu surpris de la position... Je comprends que c'est une position politique qui est peut-être différente de votre position personnelle. Et je peux comprendre que c'est une position politique, mais je vous dirai qu'effectivement, depuis toutes ces années que vous vous occupez de crime organisé ou du travail des policiers... Et je pense que vous l'avez dit dans votre position politique, que les policiers sont très, très, très professionnels. Vous savez aussi qu'en politique tout est question de perception, contrairement... Dans la police, tout est question d'évidence et de faits, et il faut être très, très, très factuel.

Et je vous dirais -- puis c'est un commentaire -- que la perception du public eu égard aux enquêtes indépendantes est beaucoup en fonction d'un manque d'information et beaucoup en fonction d'un manque de communication -- vous l'avez évoqué tantôt avec les questions que vous posez en politique pour lesquelles vous n'avez peut-être pas de réponse -- et que nous pensons, au gouvernement, que le projet de loi n° 46, avec le rôle d'observateur et le rôle de... qui va être dévolu à cet organisme-là va favoriser la communication de l'information auprès du public, va faire en sorte de s'assurer qu'il va y avoir une communication et un suivi au niveau de la famille des proches et, surtout, va faire en sorte que les conclusions de cette enquête-là, qui contribuent beaucoup à ce cynisme citoyen... vont faire en sorte que le DPCP va devoir rendre publiques les conclusions. C'est beau, dire que j'en arrive à telle ou telle conclusion, mais il va devoir expliquer ça.

Vous ne pensez pas que ce premier pas, parce que c'est un premier pas... Je veux dire, il y a des enquêtes indépendantes. Vous l'avez dit, vous faites vôtres les recommandations ou les commentaires de M. Deschênes. Vous ne pensez pas que ce premier pas là dans le projet de loi n° 46 -- et on est tous conscients qu'il va falloir l'améliorer à la lumière des mémoires qu'on a là -- va contribuer à rassurer les gens? Parce que je ne pense pas qu'on ait eu depuis des années... Et vous, mieux que n'importe qui d'autre, êtes le mieux placé... Je ne pense pas qu'on ait eu, depuis des années, des cas où on peut mettre sur le dos de la police... ou on pourra dire que les policiers n'ont pas été professionnels, n'ont pas fait les enquêtes dans les règles de l'art, peu importent les perceptions politiques qu'on peut en avoir, parce qu'il y a un ensemble de mécanismes qui régit le travail des policiers. Donc, le premier pas de 46 pourrait répondre à ce besoin d'information là du public? Ça pourrait être ma première question parce que je pense qu'on va aller du côté Chambly après, là, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): ...M. le député de Chomedey.

M. Ménard (Réal): Bon, écoutez, d'abord, je garde le plus beau des souvenirs, là, quand on a travaillé ensemble sur le projet de loi C-95, C-24 et où les hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral pensaient que la présence d'une charte faisait en sorte qu'on ne pourrait jamais avoir des lois contre le gangstérisme, et vous avez été pour moi... Il y a deux personnes qui m'ont formé en matière de lutte au crime organisé, vous et Pierre Sangollo, et je n'oublierai jamais, là, votre érudition. Mais, en même temps, la position de mon parti, je la partage. Et c'est moi qui l'ai proposée au caucus, et je vous assure que ce n'est pas une question politique. Moi, je serai toujours un défenseur des policiers. J'ai un frère qui est policier, je connais des policiers. Je crois qu'être policier, c'est un travail terriblement exigeant.

Le débat public ne porte pas sur la partialité ou sur l'impartialité. Je pense que le gouvernement fait fausse route en voulant faire porter le débat sur cet aspect-là. Quand nos citoyens nous questionnent... Prenons deux événements récents. La mort de l'itinérant au métro Bonaventure, beaucoup de textes, beaucoup de questionnement, émissions d'affaires publiques, tout ça, vous connaissez très bien tout ce qui s'est écrit. Quelques jours... plus près dans mon propre arrondissement, M. Nadeau décède. Là, on explique de façon très claire que, malheureusement, ce monsieur-là a chargé arme blanche sur un citoyen dans un corridor extrêmement étroit et qu'il n'y avait pas d'autre intervention possible, malheureusement, que d'avoir recours à une solution qui a été létale et qui a entraîné la mort de l'individu.

Et est-ce que vous avez vu dans les journaux, dans la littérature, dans les prises de position publiques des interventions qui ont décrié... Je ne le dis pas parce que c'est des policiers d'Hochelaga-Maisonneuve, là, je tiendrais le même discours pour tout le monde. Alors, il y a des fois où les policiers doivent faire des interventions extrêmement difficiles qui peuvent même aller jusqu'à la force létale. Mais le problème, c'est que les mécanismes qui permettent à la population de comprendre ces interventions-là ne sont pas publics. Et ce n'est pas la partialité ou l'impartialité. Mon point de vue, c'est les types d'intervention et pourquoi, dans un cas, on va avec le poivre de Cayenne, pourquoi on va avec une bombe assourdissante, pourquoi on a recours à l'arme à feu. Et tout ça, ce n'est pas ésotérique, ça s'enseigne dans les écoles, ça se partage, ça se transmet.

Moi, je ne suis pas un policier, je me définis comme un homme d'une intelligence moyenne. Les gens disent supérieure, mais, M. le Président, on ne demandera pas le vote là-dessus. Mais, à la Commission de la sécurité publique, on nous a expliqué ça et on est capables de le comprendre. Et, si nous, on est capables de le comprendre comme élus, je pense que des enquêteurs civils qui, je le répète... Moi, ce matin, on a fait une conférence de presse pour expliquer notre mémoire, et j'ai été très surpris, les journalistes pensaient qu'il s'agissait de faire des propositions... La prérogative de porter des accusations criminelles va demeurer à la couronne. Les policiers ne peuvent pas le faire, la Commissaire à la déontologie ne peut pas le faire et l'observatoire qu'on propose ne peut pas le faire.

Ce que l'on dit, c'est que, pour restaurer la confiance de nos concitoyens, il faut statuer sur d'autre chose, l'éthique de l'intervention policière en contexte de crise et le bon usage de la force. Et, si on répond puis on donne ces niveaux d'information là à nos concitoyens, on pense qu'ils vont comprendre. Mais le projet de loi est timide, timoré et porte le débat à un mauvais endroit, à mon point de vue.

Le Président (M. Drainville): Et on va s'arrêter pour le moment. On s'en va à Chambly.

M. St-Arnaud: Ah! quelle bonne idée.

Le Président (M. Drainville): On s'en va à Chambly.

**(17 h 20)**

M. St-Arnaud: Oui. De la Rive-Nord à la Rive-Sud. Bien, d'abord, bonjour, M. Ménard. Bienvenue. Je dois saluer, M. le Président, la collaboration de la directrice de cabinet du ministre, Mme Lessard, à qui j'ai donné un coup de fil vendredi midi pour justement lui faire part... lui dire qu'au nom de l'opposition officielle, nous, on souhaitait vous entendre et on souhaitait également entendre la ville de Montréal. Et Mme Lessard, en dedans de deux heures, a tout réglé, et elle a offert sa collaboration pour qu'on puisse vous entendre dès aujourd'hui. Alors, je salue sa collaboration, qui nous permet de vous entendre et de vous entendre nous présenter un mémoire particulièrement original. En fait, il est tellement original que je ne suis pas sûr que j'ai tout saisi. Alors, je vais reprendre quelques éléments.

Vous dites, M. Ménard, vous dites: On est d'accord avec... on a salué le rapport de la Protectrice du citoyen, qui parlait d'une unité indépendante d'enquêtes criminelles, là, lorsque des policiers sont impliqués dans des incidents qui causent la mort ou des blessures. Vous dites que... Et là où j'ai un peu de problèmes, c'est aux pages 5 et 6 parce qu'en fait, là, vous créez un observatoire, mais c'est sur le mandat exact de l'observatoire, de ce que... Parce que vous dites: «...il ne s'agit pas de statuer sur la culpabilité des policiers menant à des accusations criminelles mais de déterminer si les policiers sous enquête ont respecté les bonnes pratiques policières quant à l'éthique d'intervention et le bon usage du continuum de la force.» Votre observatoire, là, il doit mener des enquêtes criminelles pour éventuellement déposer un... Il y a quelqu'un qui doit faire l'enquête criminelle, on s'entend. Il y a quelqu'un qui est décédé ou qui a été... et là il y a un policier qui aurait peut-être causé un acte criminel. Alors là, il faut faire une enquête criminelle, une enquête policière. Et là c'est là que je veux savoir, là, votre observatoire, est-ce qu'il fait cette enquête-là? Qui va faire l'enquête criminelle qui va éventuellement déboucher sur un dossier qui va être déposé à un procureur de la couronne qui va décider s'il porte des accusations criminelles ou pas? Est-ce que c'est votre observatoire? Parce que ça ne m'apparaît pas clair, là dans le libellé de votre mémoire.

M. Ménard (Réal): Mais, dans le projet de loi actuel, il n'y a pas d'enquêtes criminelles qui incombent au directeur ou au bureau qui va être créé.

M. St-Arnaud: Non.

M. Ménard (Réal): Nous, on dit: Dans le système, ce n'est pas plus l'observateur ou l'observatoire. La prérogative de faire des enquêtes criminelles, dont la chaîne part avec un policier, transmis à un procureur de la couronne avec des décisions finales pour le directeur, demeure. Le débat public, il ne porte pas sur est-ce qu'il doit y avoir une enquête criminelle ou pas, le débat... Notre observatoire, pour répondre clairement à votre question, n'a pas du tout un mandat de déposer et de faire enquête en vue de déposer des accusations criminelles, pas plus que la structure que propose le ministre actuel, là.

M. St-Arnaud: Non, mais la Protectrice du citoyen, elle, proposait une unité d'enquêtes criminelles, là, une unité indépendante formée de civils et d'enquêteurs qui pourraient être des policiers retraités qui faisaient l'enquête criminelle. Si je comprends bien votre proposition, l'enquête criminelle continue à être faite par les policiers. Autrement dit, les policiers continuent à enquêter sur les policiers. Le système actuel, qui fait en sorte qu'on crée ce qu'on appelle les enquêtes indépendantes, donc s'il y a un incident à Montréal, c'est, par exemple, la Sûreté du Québec qui fait l'enquête criminelle sur un policier de Montréal qui est impliqué dans un incident, ça, vous le maintenez dans sa totalité, là.

M. Ménard (Réal): Voilà. Mais c'est...

M. St-Arnaud: C'est ça. Ce que vous ajoutez, c'est... Alors, le système, vous ne le... l'enquête criminelle demeure entre les mains des policiers, l'expertise de cette enquête, selon votre proposition, est faite par les policiers, par les enquêteurs, et vous, vous créez un observatoire, au lieu d'un bureau civil de surveillance, vous créez un observatoire. C'est ce que je comprends?

M. Ménard (Réal): Nous, on pense que même la proposition de la Protectrice du citoyen ne peut pas déboucher... Je ne vois pas comment il peut y avoir une situation où il y a une instance qui va avoir un pouvoir de déposer des accusations en lieu et place de la couronne.

M. St-Arnaud: Non, non, ça, c'est clair. Ça, c'est clair.

M. Ménard (Réal): On s'entend.

M. St-Arnaud: Ça, on s'entend là-dessus.

M. Ménard (Réal): Alors, c'est pour ça que la Protectrice du citoyen, comme nous, proposait qu'il y ait des enquêteurs civils avec le statut d'agent de la paix et qui font des recommandations. Et nous, on est dans cette logique-là aussi, et on ne pense pas... Et je veux être très clair là-dessus, le rôle de l'observatoire, c'est de répondre à la question publique: Est-ce que les policiers se sont bien comportés? Est-ce que le bon usage de la force a été employé? Et il n'est pas dit... Dans le fond, on peut se retrouver avec trois rapports. On peut se retrouver avec un rapport d'un coroner, on peut se retrouver avec le rapport de l'observatoire puis on va se retrouver avec le rapport du policier qui va être transmis à la couronne. Et, pour nous, ce sont des choses qui sont distinctes.

M. St-Arnaud: Mais ma compréhension du témoignage de la Protectrice du citoyen et de son rapport de 2010, c'est qu'elle, elle mettait complètement de côté les policiers en exercice, là, dans l'enquête criminelle. Elle créait une nouvelle boîte qu'elle appelait le bureau des enquêtes spéciales, qui était composé d'enquêteurs civils et de policiers à la retraite, et ces gens-là faisaient l'enquête criminelle de A à Z, quitte à sous-traiter certaines choses plus techniques comme la balistique ou la scène de crime, là. Mais pour le reste... Et c'était ce bureau-là qui... Et je comprends que c'est la situation en Ontario si je ne me trompe pas. C'est ce bureau-là, ces enquêteurs-là qui remplaçaient les enquêteurs policiers actuels qui font l'enquête et qui déposaient un dossier à un procureur de la couronne qui, bien sûr, après ça, faisait son travail pour décider s'il portait des accusations criminelles.

M. Ménard (Réal): Je comprends.

M. St-Arnaud: Vous, ma compréhension, là, c'est que vous vous distinguez considérablement de ce que propose la Protectrice du citoyen parce qu'en fait elle, elle dit, là: Les policiers ne doivent plus enquêter sur les policiers. Un corps de police ne doit pas enquêter sur un policier d'un autre corps de police. Elle dit: Ça doit cesser. Et elle dit: Il faut qu'on créée un bureau indépendant avec des civils et des experts, des policiers peut-être à la retraite comme en Ontario qui vont faire l'enquête criminelle et qui vont déposer des accusations.

Vous, ça ne semble pas être ça que vous dites, là, vous dites: Le système doit rester comme il est présentement, mais on va ajouter un observatoire pour juger si les policiers ont respecté les bonnes pratiques policières quant à l'éthique d'intervention, au bon usage de la force. Et, éventuellement, je comprends qu'à la page 6 vous dites: Ils pourront faire des recommandations quant à savoir si le policier en question peut être blâmé, rétrogradé, suspendu ou destitué. Est-ce que je... Est-ce que vous... Si je me suis trompé, dites-moi où.

M. Ménard (Réal): Bien, c'est-à-dire je pense, malgré tout, qu'on est assez près de la logique du Protecteur du citoyen dans la mesure où ça se peut, là, que l'observatoire, il soit appelé à déterminer des choses qui sont en lien avec des préoccupations qui vont être, si vous voulez, évoquées dans le cadre d'une enquête criminelle. Mais on dit, nous: Ça ne peut pas être possible que la seule personne, en bout de liste, qui porte des accusations, c'est le procureur de la couronne avec comme décision finale du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Donc, je pense qu'on est dans une logique qui se rejoint, là.

La différence, c'est que nous, on n'est pas allés du côté du modèle ontarien parce qu'on le trouvait trop large. On ne trouvait pas que le mandat devait inclure, par exemple, toute la question des voitures qui sont incendiées, des agressions sexuelles, tout ça. On voulait que ce soit circonscrit au libellé de l'article 289.4. Mais, dans notre scénario, ce sont des civils qui regardent, lorsqu'il y a mort d'homme et lorsqu'il y a des blessures graves, comment les policiers se sont comportés avec un pouvoir de recommandation. Mais est-ce que c'est du matériel qui pourrait servir ultimement à aider une décision éclairée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales? La réponse à ça, c'est oui, là.

M. St-Arnaud: Mais, dans ce sens-là, est-ce qu'il n'y pas un danger, M. Ménard que, finalement, vous fassiez une deuxième enquête parallèle? C'est un peu ça que vous semblez... Les policiers vont faire leur enquête, comme ils font présentement. On crée un observatoire, puis il va faire une enquête parallèle. Puis éventuellement, s'il y a du stock nouveau, il va pouvoir le donner au procureur, puis peut-être que ça va servir pour des accusations éventuelles. Il n'y a pas un danger... Là, je le regarde largement parce qu'on pourrait aller après ça sur des problèmes plus techniques ou juridiques. Mais est-ce qu'il n'y a pas ce danger-là de créer une deuxième enquête sur un même incident?

M. Ménard (Réal): Je ne pense pas parce que la déontologie, c'est une chose. Le directeur des poursuites pénales et criminelles, lui, doit statuer sur la culpabilité. Et là il y a un régime de protection, les articles 25 et 26 du Code criminel, mais il doit statuer sur la culpabilité. Nous, on dit: Le rôle de l'observatoire, ce n'est pas de statuer sur la culpabilité. Quand nos citoyens nous interrogent parce qu'ils se demandent pourquoi ça s'est passé comme ça avec M. Hamel, pourquoi ça s'est passé comme ça au métro Bonaventure, ce qu'ils veulent savoir, c'est est-ce que les policiers ont agi correctement. Et ça, ce n'est pas le rôle du bureau des poursuites pénales et criminelles, là, c'est le rôle de l'observatoire et c'est leur rôle de regarder est-ce que le continuum de la force a été correctement utilisé, est-ce qu'il y a une éthique d'intervention qui a été suivie.

M. St-Arnaud: Mais, pour l'essentiel, là, avec respect...

Le Président (M. Drainville): Une dernière, M. le député de Chambly, s'il vous plaît.

M. St-Arnaud: Vous l'enlèverez, M. le Président, de mon temps, mais, avec respect, vous êtes exactement dans la... vous êtes pas mal dans ligne de pensée du ministre dans son projet de loi n° 46, là, c'est-à-dire que vous créez un organisme qui ne touche pas à l'enquête criminelle du tout puis qui doit statuer. D'une manière originale, là, c'est intéressant, puis on va... C'est intéressant pour notre réflexion, là, parce que vous ajoutez des éléments qui ne sont pas dans le projet de loi n° 46, là, dans la composition. Mais, pour l'essentiel, vous créez un organisme, comme le ministre en crée un, qui n'a pas pour but de faire l'enquête criminelle et qui doit seulement statuer sur le... En fait, l'observateur, lui, il doit statuer sur l'impartialité de l'enquête. Alors, c'est un peu ça que vous proposez par...

M. Ménard (Réal): Non.

M. St-Arnaud: Non, ce n'est pas ça?

M. Ménard (Réal): La comparaison, je ne peux pas l'accepter, M. le député de Chambly...

M. St-Arnaud: Allez-y. Allez-y avec...

M. Ménard (Réal): ...parce qu'il y a trois différences fondamentales. D'abord, le mandat du directeur et de ses deux adjoints est limité à statuer s'il y a une impartialité ou pas.

M. St-Arnaud: Vous, ce que vous dites, c'est plus large.

M. Ménard (Réal): Bien oui.

M. St-Arnaud: Allez-y.

M. Ménard (Réal): Et puis aussi les moyens d'action. Nous, on dit dans notre mémoire: Ces gens-là devront avoir accès à la preuve. Là, le directeur, aussitôt qu'il est nommé, il y a un répondant qui lui est assigné par le corps policier, il ne peut pas parler à d'autres personnes que ce répondant-là. L'accès à la preuve n'est pas clair, quant à nous, dans le projet de loi. Et, si on juge que c'est entaché d'impartialité, on demande à un autre corps policier. Là, nous, ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: On va statuer sur les deux paramètres que je vous explique depuis tantôt, il va y avoir un rapport qui va être public. Alors, on va beaucoup plus loin, et je crois, sans vouloir fâcher la majorité ministérielle, que la comparaison ne peut pas être faite.

**(17 h 30)**

M. St-Arnaud: En fait, en 30 secondes, en fait, M. Ménard, je conviens avec vous, là, vous allez beaucoup plus loin dans... Parce qu'effectivement on s'entend sur les pouvoirs de l'observateur puis sur le fait que son mandat, c'est l'impartialité, puis qu'est-ce qui arrive s'il considère que ça a été partial. Mais, en termes de... j'allais dire, en termes de réflexion, vous vous insérez quand même dans la réflexion qui est faite par le gouvernement parce que vous ne touchez pas à qui fait les enquêtes criminelles. Ce sont toujours les policiers d'un corps autre qui vont faire les enquêtes criminelles, comme c'est le cas présentement, tout ça ne change pas.

M. Ménard (Réal): Mais, dans notre régime tel qu'il fonctionne -- et peut-être qu'on a erré en rédigeant notre mémoire -- il n'y a aucune avenue qui permet que des poursuites soient déposées par d'autres acteurs que la couronne, pas plus que la Commissaire à la déontologie policière peut en déposer. Un policier ne peut pas... M. Francoeur ne pourrait pas déposer, alors comment... On ne peut pas s'éloigner de ça dans notre régime juridique, ce qui n'est pas celui de l'Ontario. Alors, c'est pour ça qu'on s'en tient à ça. Et, moi, je n'ai pas compris que la Protectrice du citoyen pensait que son unité spéciale, en bout de ligne, permettrait que ça débouche sur son instance pouvant déposer des poursuites criminelles. Je n'ai pas compris ça, là, et je pense que ça ne serait pas possible.

Le Président (M. Drainville): Et là il faut vraiment s'arrêter et retourner à la partie gouvernementale. M. le député de Chomedey, à peu près cinq minutes, là.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Vous savez que, d'un bord et l'autre du pont, probablement qu'avec les questions et vos réponses... Je vous avais mal saisi tantôt et je m'en excuse. J'étais même moi-même surpris de voir que vous auriez pu avoir cette vision politique là. Je vous dirai que votre approche d'observatoire, effectivement, avec le projet de loi n° 46 tel qu'il est rédigé... Et c'est pour ça qu'on fait des consultations, c'est pour avoir des idées originales et pour avoir des suggestions qui vont nous permettre de le bonifier et faire en sorte... Et j'aime beaucoup votre approche de bonnes pratiques et de continuum de force qui pourrait, en collégialité, quand il y aura une décision finale à prendre par le DPCP... que les gens de l'observatoire ou du bureau de surveillance, avec des pouvoirs peut-être plus précis, comme vous le demandez... Et vous précisez aussi d'où pourraient provenir les gens qui pourraient faire partie du bureau de surveillance. Peu importe comment on va l'appeler, là, dans les faits, ce qu'on veut, c'est de s'assurer que les règles de l'art ont été respectées, que le continuum de force a été respecté, que c'est connu de la façon publique, d'une façon autre. Donc ce n'est pas incompatible avec le projet de loi n° 46, et la beauté des consultations, c'est que des gens de différents milieux apportent des suggestions. On a demandé à M. Francoeur -- puis, à la blague, je vous dirais qu'il n'y a pas grand-chose que M. Francoeur n'est pas capable de faire à Montréal -- je vous dirai qu'on a demandé à M. Francoeur de nous...

M. Ménard (Réal): ...monsieur...

M. Ouellette: Bien oui. Non, non, dans les limites de son pouvoir, là. Mais je vous dirai qu'on a demandé à M. Francoeur ce matin, et à ses gens, de déposer à la commission un libellé potentiel pour l'article 289.26 parce qu'ils sont arrivés... et aussi avec une proposition intéressante qui va aider les membres de la commission.

Et c'est pour ça que je vous ai mentionné que je vous avais mal saisi tantôt. Et vos propositions cadrent bien, et vous vous intéressez à deux choses très particulières qui interpellent le public, le continuum de force et les bonnes pratiques, et je pense que nous allons en tenir compte et que nous allons, effectivement, prendre en considération vos suggestions très pertinentes comme toujours. Et, ceci étant fait, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Est-ce qu'il y a...

M. Ouellette: ...

Le Président (M. Drainville): Bien oui. Bien oui, j'ai bien compris ça. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre de la partie gouvernementale qui souhaiterait... Ça va? Alors, M. le député de Chambly, vous allez presque pouvoir reprendre le fil de l'échange que vous aviez il y a un instant de cela.

M. St-Arnaud: Bien, écoutez, M. le Président, je suis heureux que mes questions aient éclairé le député de Chomedey. Bien, éclairé tout le monde parce que je pense qu'à la suite de mes questions on a bien saisi, là, exactement où vous vous situez. Je pense que vous l'avez bien précisé. Il faudra vérifier peut-être -- et c'est pour ça que je regardais un peu le rapport de 2010 de la Protectrice du citoyen puis son mémoire -- il faudra peut-être voir exactement, là, les distinctions entre ce qu'elle propose et ce que vous proposez parce que, quant à moi, il y a une différence. Mais je suis d'accord avec vous qu'effectivement il faudrait éventuellement probablement envisager une modification législative quant à savoir qui peut transmettre un dossier, même dans une hypothèse où ça serait une unité indépendante que des forces policières au DPCP, pour éventuellement porter des accusations criminelles. Mais, M. le Président, moi, ça va compléter mon intervention. Je vous remercie sincèrement pour votre apport. Et je partage l'opinion du député de Chomedey, je pense que c'est une réflexion intéressante, originale et qui... et, finalement, ça valait vraiment la peine de vous entendre, M. Ménard. Alors, merci beaucoup.

M. Ménard (Réal): Je remercie Mme la chef de cabinet, que je ne connais pas, mais que je remercierai en personne. Alors, merci beaucoup, M. le Président, de nous avoir permis de comparaître.

Le Président (M. Drainville): Et, M. Ménard, ça nous a fait bien plaisir de vous revoir.

Je suspends quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 17 h 45)

Le Président (M. Drainville): Alors, on va reprendre nos travaux. Alors, au nom des membres de cette commission, c'est avec un réel plaisir que j'accueille M. Michel Bissonnet, qui est le maire de l'arrondissement de Saint-Léonard, membre du comité exécutif de la ville de Montréal, ex-parlementaire dans cette enceinte pendant de nombreuses années et qui a été notamment président de notre Assemblée. D'ailleurs, je tiens à dire qu'il aura été le premier président sous lequel j'ai siégé comme parlementaire. Alors, c'est un grand plaisir et aussi un honneur de vous recevoir, mon cher M. Bissonnet. Et, sans plus tarder, je vous cède la parole pour 15 minutes. Et par la suite, vous connaissez les règles, il y aura un échange avec la partie gouvernementale et avec l'opposition. Donc, bienvenue à nouveau chez vous.

Ville de Montréal

M. Bissonnet (Michel): Alors, merci, M. le Président. Je voudrais saluer M. le ministre de la Sécurité publique et tous les membres de la commission. Au plaisir pour moi de me retrouver parmi vous. J'y ai passé 27 ans et sept, huit mois, et ça s'est passé comme si ça aurait duré cinq ans. Alors, toujours un plaisir de venir à l'Assemblée nationale, et je voudrais vous saluer tous, ainsi que tous vos collègues.

Je voudrais d'abord excuser mon collègue Claude Trudel. qui, lui aussi, a été député de 1985 à 1989 dans le comté de Bourget, qui est responsable des dossiers d'administration municipale au niveau de la sécurité publique. Donc, il a eu un petit malaise, mais il va bien. Alors, c'est une semaine de convalescence, il sera de retour la semaine prochaine. Alors, il vous salue. Et je vais essayer de le remplacer le mieux possible, compte tenu que ce n'est pas mon dossier. Mais, quand même, je vais apporter toute ma contribution aux travaux de votre commission.

D'entrée de jeu, nous voulons remercier la Commission des institutions de nous accueillir et de prendre note des orientations exprimées par le conseil municipal de la ville de Montréal dans son étude du projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

Nous souhaitons, dans un premier temps, saluer la volonté du gouvernement du Québec de revoir la législation entourant les enquêtes indépendantes. Bien que certaines voix se sont élevées pour critiquer cette proposition -- notamment, le fait qu'actuellement ce sont les policiers qui enquêtent sur la police -- et que d'autres demandent carrément son retrait, nous considérons qu'il s'agit d'un premier pas qui mérite d'être souligné. Malheureusement, plusieurs cas ont fait la manchette ces dernières années, et les citoyens souhaitent -- nos citoyens souhaitent -- un processus plus transparent dans lequel ils auront pleinement confiance. Nous profitons également de l'occasion pour rappeler le positionnement du conseil municipal, qui souhaite la création d'une unité d'enquête indépendante, souhait exprimé à deux reprises, en 2010 et 2011.

L'agglomération de Montréal couvre un vaste territoire de 500 kilomètres carrés qui comprend les 19 arrondissements de la ville de Montréal et les 15 villes de banlieue reconstituées en 2006. Depuis 1972, le service de police à Montréal a juridiction sur l'ensemble de ce territoire et offre des services de base et spécialisés à près de 1,9 million de citoyens, soit presque 25 % de la population du Québec.

Montréal, en tant que métropole du Québec, fait face à des défis d'envergure qui se posent avec une acuité plus grande que dans le reste de la province, avec tout le respect pour les autres corps policiers. Les problématiques urbaines propres aux grandes métropoles dont la population est diversifiée sur tous les plans sont complexes. Prostitution, toxicomanie, gangs de rue, itinérance, citoyens aux prises avec des problèmes de santé mentale font partie des défis de la vie quotidienne. Avec plus de 1,5 million d'interventions par année, le service de police de Montréal a fait face à plus de 1 000 manifestations par année ainsi que des situations souvent imprévisibles qui ont parfois entraîné des incidents tragiques.

Lorsque ces situations surviennent, le système actuel prévoit le déclenchement d'enquêtes indépendantes qui sont menées par d'autres corps policiers. Le 20 juin 2011, le conseil municipal adoptait une déclaration demandant au gouvernement du Québec d'instaurer une unité indépendante et responsable d'enquêter sur les incidents impliquant des policiers. Cette déclaration avait été précédée en 2010 d'une résolution adoptée à l'unanimité visant à appuyer le rapport de la Protectrice du citoyen, Mme Raymonde Saint-Germain. Ce rapport recommandait au gouvernement du Québec de créer un bureau des enquêtes spéciales qui aurait pour mandat de mener les enquêtes sur des incidents qui entraînent un décès ou des blessures graves à la suite d'une intervention policière ou d'une détention.

**(17 h 50)**

Le conseil municipal de Montréal, dans sa déclaration du mois de juin dernier, réitérait sa conviction dans la qualité du travail des enquêteurs des différents corps de police lorsqu'ils sont appelés à enquêter sur un autre corps de police. En aucun cas, le conseil municipal ne remet en doute l'expertise ou la probité des policiers enquêteurs. Parallèlement, nous sommes sensibles aux préoccupations légitimes exprimées à maintes reprises par la population quant au processus qui caractérise les enquêtes indépendantes. On ne saurait jamais assez insister sur la nécessité d'avoir confiance en un système indépendant et impartial, un système qui doit se refléter dans les enquêtes menées par les policiers lors d'événements tragiques.

C'est pourquoi le conseil municipal invitait alors le gouvernement du Québec et son ministre de la Sécurité publique à créer le plus tôt possible une unité indépendante dont le principal mandat serait d'enquêter sur les incidents impliquant des policiers. En ce qui a trait à la création éventuelle d'une telle unité, nous constatons que le projet de loi n° 46 soumis aujourd'hui à la consultation propose plutôt, à l'article 289.4, la création d'un bureau civil de surveillance dont le mandat serait de surveiller le déroulement d'une enquête indépendante afin de vérifier si elle est menée de façon impartiale.

Bien que nous saluons ce premier pas du ministre de la Sécurité publique pour répondre aux préoccupations qui ont été exprimées, nous ne croyons pas que ce bureau, ainsi conçu, aura de prise réelle sur le processus d'enquête en tant que tel. Il risque de n'être qu'un observateur qui fera ses recommandations, le cas échéant, au ministre responsable, qui, lui, jugera de la pertinence d'en référer à une autre unité d'enquête, advenent un constat d'irrégularité. C'est pourquoi nous désirons profiter de la tenue de cette commission pour réitérer l'importance de mettre en place un véritable processus indépendant d'enquête dans l'esprit des résolutions adoptées à l'unanimité par notre conseil municipal. Le modèle devrait donc être révisé pour laisser une plus grande place à la participation des civils.

Nous tenons à préciser qu'il n'est pas du ressort de la ville de Montréal de définir le fonctionnement de l'unité qui sera mise en place ou de suggérer qui devrait être habilité à faire enquête au sein d'une telle unité. Toutefois, il est primordial que nos institutions, quelles qu'elles soient, aient la confiance -- et l'ensemble de la communauté -- de toute la population.

Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur un aspect important qu'il ne faut pas occulter dans la réflexion entourant ce projet de loi. Les événements récents qui se sont déroulés à Montréal au cours de la dernière année ayant impliqué des policiers et des personnes itinérantes en crise ont créé un émoi important au sein de la population. Cet état de fait met en lumière la nécessité de mieux soutenir le travail des patrouilleurs lors d'interventions auprès de personnes en crise, vulnérables et souvent en processus de désaffiliation sociale. Le soutien et la formation sur la gestion de crise demeurent des éléments indispensables à la prévention.

En terminant, je salue les efforts du gouvernement pour accroître la transparence et consolider la confiance de l'ensemble de la communauté à l'égard de ses institutions. Et je vous remercie. Je suis prêt, dans la mesure de mon possible, à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. Bissonnet. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de saluer M. Bissonnet, avec qui j'ai partagé neuf ans de ces 27 années. D'ailleurs, si je n'avais pas été absent pendant 14 ans de l'Assemblée nationale, je serais à ma 27e année. Mais je n'en suis qu'à ma 13e année, alors... et je ne pense pas de me rendre à 27 ans. Alors, ça me fait plaisir de revoir M. Bissonnet.

Mais on va tomber dans le coeur du sujet qui nous concerne. On a trois points qui ressortent de nos consultations jusqu'à maintenant d'une façon plus cruciale. Ce ne sont pas les seuls, mais ce sont les trois principaux. Le premier point, c'est que, dans le bureau spécial d'enquête dont vous parliez tout à l'heure, qui est le modèle que suggère la Protectrice du citoyen et qui ressemble à celui de l'Ontario, la question était de savoir est-ce qu'il y a lieu que ce ne soient que des civils qui soient là ou qu'il y ait d'ex-policiers ou peut-être même des policiers en service mais qui sont transférés là est pour vous une idée qui fait du sens ou, comme certains groupes nous l'ont dit, non, il faut que ce soient entièrement des civils.

M. Bissonnet (Michel): Alors, juste en référant de nos résolutions, je vais quand même commencer par ça pour débuter ma réponse. En donnant les attendus de notre résolution de 2010, on disait: «Attendu que la contribution éventuelle -- contribution éventuelle -- des civils au sein même des équipes responsables de mener ces enquêtes -- ce que je dis, la contribution éventuelle des civils au sein même des équipes responsables de mener ces enquêtes -- est de nature à rassurer les citoyens quant à l'impartialité...» Alors, ce que vous me dites... Évidemment, la préoccupation dans cette résolution, c'est qu'il y a, évidemment, une enquête indépendante et, évidemment, il y a une contribution qui pourrait être apportée par des civils pas pour faire nécessairement enquête, mais pour contribuer à l'enquête. Et, évidemment, ce sont des civils. Et vous me parlez de policiers qui sont à leur retraite. Alors, évidemment, s'ils sont à leur retraite, moi, je considère que c'est des civils. Alors, évidemment, on ne veut pas s'impliquer dans la composition de ces unités d'inspection, de ces comités d'enquête. Donc, c'est à votre ministère de le faire, mais nous, évidemment, on souhaite...

Évidemment, vous avez proposé au niveau... un comité de surveillance, qu'il y ait deux civils, dont un juge, un ex-juge et un membre du Barreau qui a 10 ans... dans un comité de surveillance qui surveille de l'extérieur. Si la commission veut aller plus loin puis mettre des civils qui pourraient participer dans un comité d'enquête sans nécessairement que les enquêtes... mais ils feraient partie... ils feraient participer du comité d'enquête... Et je pense que l'objectif principal, moi, que j'ai, c'est un objectif personnel, mais c'est un objectif de citoyen. C'est que c'est une institution, puis il faut revaloriser... Il y a toujours la question, la question importante de la perception, et vous connaissez cette question de perception. Tous ceux qui sont en politique, c'est un agenda numéro un, on pense toujours à la perception, et je pense que... Bien, moi, je pense que, si vous pourriez améliorer le projet de loi à ce niveau-là, je trouve... Mais, quant à la stratégie interne de la commission d'enquête, ça relève de votre ministère.

M. Dutil: D'accord. L'autre point qui a été soulevé par tous les groupes, c'est le manque d'information sur les enquêtes comme telles. On sait que le DPCP n'est pas tenu, quand il n'y a pas de poursuite, de dire les raisons pour lesquelles il n'y a pas de poursuite. Et, en cours d'enquête, les policiers ont mentionné qu'ils regrettaient eux-mêmes de ne pas pouvoir diffuser davantage d'information pour le public et que c'est une des pierres d'achoppement de la situation actuelle. Qu'en pensez-vous?

M. Bissonnet (Michel): Moi, j'ai remarqué que, dans le projet de loi, il n'y a pas... il n'y a pas rien, mais, nous autres, ce qu'on pense à ça, c'est que c'est un peu, des fois... ce qui mine, un peu, notre système actuel, c'est que le fait que les enquêtes se déroulent à huis clos, ça se déroule à huis clos, et que le rapport est soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales, et que les victimes et leurs familles sont tenues à l'écart du déroulement... des déroulements de l'enquête... Des fois, c'est une critique qu'on entend des familles. Alors, vous pourriez avoir peut-être un processus, que les rapports d'enquête soient éventuellement rendus publics après le dépôt d'accusation par le DPCP, et, dès que celui-ci n'annonce qu'aucune accusation ne sera portée, peut-être que ça serait bon de rendre public le rapport du comité d'enquête.

M. Dutil: C'est beau.

M. Bissonnet (Michel): Je pense que, pour la démocratie, pour toute la population, ce serait une chose qui serait correctement... à mon point de vue, qui serait correcte.

M. Dutil: C'est beau. Merci, M. le Président. Le député de Chomedey, comme vous le savez...

M. Bissonnet (Michel): Alors, pour terminer, je me rappelle d'avoir été à votre convention, et, à ma connaissance, c'était la plus grosse convention qui s'est tenue dans la formation politique à laquelle vous appartenez. Et, pour les collègues qui ne le savent pas, il y avait 7 500 membres dans le comté de Beauce-Sud en 1980.

Le Président (M. Drainville): Eh bien! M. le député de Chomedey, peut-être qu'à la fin de vos questions il y aura une autre anecdote qui nous sera servie par M. Bissonnet.

M. Ouellette: Sûrement, là. Là, je...

Le Président (M. Drainville): On s'ennuie de ça. On s'ennuie de ça.

**(18 heures)**

M. Ouellette: Oui, effectivement. Et on comprend pourquoi l'influence des Beaucerons est tellement présente au Québec, parce que probablement qu'ils ont été formés en 1980 et ils se sont dispersés dans la province de Québec, d'où l'influence beauceronne que nous avons.

Je sais aussi qu'on est dans nos temps. J'ai juste deux questions, M. Bissonnet, parce que vous êtes le dernier groupe que nous recevons, d'ailleurs, et nous avons eu, effectivement, beaucoup de questions. Je vois que vous avez fait référence -- puis là on va aller dans les choses de procédure -- à deux résolutions. Vous les avez, les résolutions de 2010, 2011?

M. Bissonnet (Michel): Vous les avez, d'ailleurs. Vous les avez dans votre cahier.

M. Ouellette: Ah oui? Bien...

M. Bissonnet (Michel): Oui, vous regarderez. Puis on a eu aussi une déclaration... on a eu une déclaration qui a été très récente, qui a été adoptée hier, une déclaration qui a été adoptée sous la dissidence, quand même, du deuxième parti d'opposition. Parce que vous savez, à Montréal, que nous avons trois partis politiques, alors il y a eu une dissidence du deuxième parti d'opposition, on appelle ça comme ça chez nous. Et je voudrais la déposer aussi. Elle n'est pas dans le cahier parce que ça a été présenté lundi, et nous sommes aujourd'hui mercredi.

M. Ouellette: Merci. Donc, vous allez nous la déposer. Et l'autre chose, j'apprécie beaucoup aussi dans l'avant-dernier paragraphe de votre mémoire où vous faites état de la nécessité de mieux soutenir le travail des patrouilleurs lors des interventions, particulièrement des personnes en crise, vulnérables et en processus de désaffiliation sociale. Il y a deux groupes qui sont venus nous en parler et qui nous ont demandé, effectivement, de prévoir une mise à niveau des policiers en exercice et peut-être un ajout dans la formation des policiers à l'école de police pour couvrir justement les nouveaux phénomènes et le fait qu'il y a de plus en plus de gens en itinérance ou en maladie mentale qui sont en interaction journalière ou quotidienne avec les policiers. Ça fait que je souligne que vous en avez parlé dans votre mémoire. Et, probablement, le fait d'en avoir parlé fait en sorte que vous appuieriez toute nouvelle approche qui permettrait une meilleure intervention des policiers sur le terrain, que ça soit une mise à niveau ou que ça soit dans le cours de base à Nicolet. Je comprends de votre mémoire et du fait que vous l'avez mentionné que vous souhaiteriez ce genre d'intervention aussi.

M. Bissonnet (Michel): Vous savez, quand vous êtes... Moi, je suis un avocat à la retraite, mais il faut toujours avoir des cours de formation à chaque année, et, donc, je vois ça d'un bon oeil qu'il y ait de la formation. Mais votre ministre de la Sécurité publique connaît très bien la situation de Montréal au niveau de sa classe 5, du service de police. Nous avons rencontré dernièrement le ministre de la Santé, et il comprenait qu'on a beaucoup de travail... de policiers qui travaillent au niveau des deux unités qui existent à Montréal, où il devrait y en avoir 19. Donc, on a besoin d'un service additionnel au niveau de la police. Mais la formation est très importante, il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Ouellette: Merci. C'étaient mes questions, M. le Président, on...

M. Bissonnet (Michel): ...vous avez parlé de la Beauce?

M. Ouellette: Oui.

M. Bissonnet (Michel): Pour vous donner une autre anecdote, le directeur des Transports à Montréal est le fils de M. Carette, qui était maire de Saint-Georges de Beauce. Alors, c'est notre directeur des Transports. Alors, à Montréal, nous avons un directeur des Transports qui vient de la Beauce, le directeur du développement économique qui vient de Grande-Rivière. Alors, à Montréal, on travaille avec les régions.

M. Ouellette: Je pense que c'est un bon plaidoyer.

Le Président (M. Drainville): C'est bien compris.

M. Ouellette: Je pense que, comme avocat à la retraite, on pourrait peut-être l'engager...

Le Président (M. Drainville): Un avocat à la retraite, oui. Bien, il n'a pas peut-être pas entendu ce que notre autre invité a dit des avocats. Mais on ne va pas aller là.

M. Bissonnet (Michel): Mais je suis à la retraite.

Le Président (M. Drainville): On ne va pas aller là, on va le laisser régler ça. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bissonnet. Bienvenue chez vous. 27 ans, c'est très impressionnant. Et bienvenue aux personnes qui vous accompagnent. Juste être certain de ce que vous proposez, là. Ce que vous proposez, en fait, c'est que ce ne soient plus les policiers qui mènent les enquêtes criminelles lorsqu'un policier est impliqué dans un incident qui cause la mort d'une personne ou des blessures graves -- est-ce que c'est bien ça? -- et que ça soit plutôt des...

M. Bissonnet (Michel): Non.

M. St-Arnaud: Non, ce n'est pas ça?

M. Bissonnet (Michel): Non, ce n'est pas... C'est-à-dire qu'on va lire la résolution, là.

M. St-Arnaud: O.K.

M. Bissonnet (Michel): Parce qu'on a deux résolutions, et, dans cette résolution-là, dans cet attendu-là... Il est très spécifique: «Attendu que la contribution éventuelle de civils au sein même des équipes responsables de mener [des] enquêtes est de nature à rassurer les citoyens...» Ça veut dire qu'il y a évidemment une enquête qui est faite, il y a des policiers qui font une enquête, mais ils ont une contribution éventuelle de civils qui accompagnent cette enquête-là. Ça, c'est ce que l'attendu dit.

M. St-Arnaud: Parce que moi, j'ai la résolution... En tout cas, j'ai celle du 20 juin 2011. Est-ce que c'est la...

M. Bissonnet (Michel): ...2010, là.

M. St-Arnaud: Vous, vous avez celle du 22 mars?

M. Bissonnet (Michel): Oui. Allez en 2010, le dernier attendu.

M. St-Arnaud: Celle qui est proposée par M. Ménard, là, c'est ça?

M. Bissonnet (Michel): C'est ça, c'est proposé par mon ami Réal.

Une voix: Et appuyé à l'unanimité une très rare fois.

M. Bissonnet (Michel): Appuyé par l'unanimité. En tout cas... En fait, c'est une contribution de civils dans ce que je dis, dans le comité d'enquête. O.K.? Mais, le comité d'enquête, ce qu'on a dit aussi, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que, quant à la composition de l'enquête, ça relève du ministère de la Sécurité publique, mais, nous, on apprécierait qu'il y ait des civils qui se joindraient à la commission d'enquête avec les policiers.

M. St-Arnaud: Moi, je vous avoue, j'ai un peu de difficultés, là, j'ai un peu la même difficulté que tantôt, c'est que la résolution du 22 mars 2010, elle dit: «Il est proposé [...] et résolu d'appuyer le rapport de la Protectrice du citoyen dans sa recommandation au gouvernement du Québec de créer le bureau des enquêtes spéciales qui aura pour mandat de mener les enquêtes sur des incidents qui entraînent un décès ou des blessures graves à la suite d'une intervention policière ou d'une détention.»

Alors, appuyer le rapport de la Protectrice sur sa recommandation... La recommandation de la Protectrice du citoyen, c'est qu'il n'y ait plus de policiers qui enquêtent sur des policiers. C'est ça, la recommandation de la Protectrice du citoyen. Elle, elle crée un bureau des enquêtes spéciales qui va mener les enquêtes criminelles. Elle, elle dit, là: Il ne faut plus que la police enquête sur la police. C'est ça qu'elle dit en trois mots ou en quatre mots: Créons un bureau d'enquêtes spéciales où il y aura des civils et des policiers à la retraite, et ce seront eux qui mèneront l'enquête criminelle et qui, éventuellement, déposeront un dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales. C'est ça qu'elle dit. C'est pour ça que j'ai un peu de difficultés à vous suivre, parce que la contribution de civils, dans la compréhension de la Protectrice du citoyen, ils font l'enquête criminelle à la place des policiers. Les policiers ne font plus l'enquête criminelle.

M. Bissonnet (Michel): Bien, moi, en lisant l'attendu, là, évidemment, je remarque, c'est au niveau de la forme, probablement. Mais, au niveau de l'attendu, «la contribution éventuelle de civils au sein même des équipes responsables de mener ces enquêtes...»«Au sein même des équipes», hein, ça veut dire qu'il y a d'autres personnes dans les équipes, là. Alors, moi, je laisse ça au niveau... au ministère de la Sécurité publique, évidemment, de former des équipes, mais on apprécierait, d'après cette résolution... C'est comme ça que je l'interprète. Je ne sais pas si M. Ménard l'interpréterait de la même façon que moi, mais j'interprète qu'il devrait y avoir des civils qui fassent partie du bureau d'enquête qui... ou des membres du corps policier ou des ex-policiers.

M. St-Arnaud: Bien, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Bien, c'est très bien.

M. St-Arnaud: Ça va vous rendre heureux, je n'en doute pas.

M. Ouellette: ...une autre anecdote avant?

Le Président (M. Drainville): Bien, c'est ce que j'allais dire, est-ce qu'on va avoir droit à une dernière anecdote avant de conclure ça ou...

M. Ouellette: Sur la Beauce? Non?

M. Bissonnet (Michel): Je vais donner un exemple...

Le Président (M. Drainville): Bien, ça pourrait être sur Chambly aussi.

M. Bissonnet (Michel): Je suis très heureux de vous voir...

Le Président (M. Drainville): On pourrait traverser de l'autre bord aussi.

M. Bissonnet (Michel): ...et je le sais que vous faites un travail pour tous vos concitoyens. Et, moi, j'ai laissé ici parce que je pensais que je retournais chez moi, mais je travaille plus fort que je travaillais avant. J'ai le dossier des transports, j'ai le dossier des affaires intergouvernementales, je m'occupe des municipalités au niveau de la FCM, les congrès avec l'UMQ, la FQM, avec la Solidarité rurale et puis j'ai le 125e, et je suis le maire de l'arrondissement de Saint-Léonard. Et c'est pour ça que je m'ennuie de vous puis je pense à vous à tous les jours, à tous mes collègues, vous faites un bon travail, vous êtes au service de vos citoyens, et continuez à l'être. Et moi, je pense que le plus beau travail qu'on a, c'est d'être représentant de citoyens à quelque niveau, au niveau municipal, provincial ou tout autre niveau électif. Alors, moi, je vous souhaite une bonne soirée, un bon souper, puis mes amitiés à vous tous et à vos familles.

Le Président (M. Drainville): Bien, nous autres aussi, on vous transmet nos amitiés. Encore une fois, on est très heureux de vous...

M. Bissonnet (Michel): Je vais avoir 70 ans le 28 mars.

Le Président (M. Drainville): Ah oui?

M. Bissonnet (Michel): Alors, je suis pas pire.

Le Président (M. Drainville): Bien, on espère tous être dans votre état rendus là, hein? On peut conclure ça comme ça. On vous remercie infiniment.

M. Bissonnet (Michel): Et là j'ai bien apprécié que vous donnez une prime pour ceux qui ont plus de 65 ans.

Le Président (M. Drainville): Oh!

M. Bissonnet (Michel): Ça va me permettre de rester au travail.

M. Ouellette: ...M. Ménard est d'accord aussi à celle-là?

M. Bissonnet (Michel): Il est jeune, c'est un jeune homme.

Le Président (M. Drainville): Alors, on vous...

M. Bissonnet (Michel): Je veux remercier Dominic, qui est avec moi, et Vincent, qui m'accompagne. Et je voudrais souhaiter salutations à mon ami Claude Trudel, qui va reprendre ses occupations lundi, qui fait un excellent travail et qui travaille en collaboration avec Réal, avec M. Ménard, au niveau de la sécurité.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Et on vous transmet nos amitiés. On vous félicite également pour toutes ces années de service public. Très heureux de vous revoir.

On suspend quelques instants parce qu'on va procéder avec les remarques finales sans plus tarder. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

 

(Reprise à 18 h 37)

Mémoires déposés

Le Président (M. Drainville): Alors, nous sommes de retour. Juste avant de procéder aux remarques finales, puisque nous en sommes là, je vais déposer les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions. Alors, je dépose donc les mémoires de la Confédération des syndicats nationaux, d'Action Autonomie et du Collectif opposé à la brutalité policière. Alors, M. le secrétaire, je vous confie ces documents.

Remarques finales

Alors, on passe, sans plus tarder, aux remarques finales. M. le député de Chambly, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques de clôture. Et, par la suite, M. le ministre conclura avec 7 min 30 s s'il souhaite les prendre au complet, bien entendu. Alors, M. le député de Chambly, c'est à vous de procéder.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. Écoutez, je serai très bref. Il est déjà tard, et on a eu une bonne journée. Mais je pense que nous avons vécu, pendant ces six jours d'audiences, là, un très bel exercice démocratique. Nous avons entendu environ 20 groupes. Nous avons reçu, d'ailleurs, certains mémoires de d'autres groupes -- vous venez de les déposer, là -- qui n'ont pas été entendus. Nous avons entendu une diversité de points de vue sur cette problématique des enquêtes indépendantes, des enquêtes policières indépendantes. Je pense que ça va alimenter notre réflexion au cours des prochaines semaines pour la suite des choses quant à l'étude du projet de loi n° 46.

Alors, je voudrais, M. le Président, d'abord remercier le ministre pour sa collaboration -- je pense qu'on a très bien travaillé -- et son sous-ministre qui l'accompagne, M. Prud'homme, et les autres membres de la direction du ministère de la Sécurité publique et du cabinet du ministre. Je pense qu'on a eu d'excellents travaux quant au projet de loi n° 46.

Je salue également, M. le Président, le député de Chomedey, qui nous apporté son expérience terrain comme policier -- ça a été un apport, je pense, important aux travaux de la commission -- et tous les autres députés qui ont participé: le député de Vimont, qui n'est pas avec nous ce soir mais qui a participé à la plupart de nos séances; le député des Îles-de-la-Madeleine, qui s'est joint à nous aujourd'hui; et, bien sûr, M. le Président, la vice-présidente de la commission, députée de Gatineau; et vous qui avez présidé nos travaux avec brio.

Alors, M. le Président, compte tenu de l'heure et compte tenu du moment aussi, je ne rentrerai pas dans les détails, dans le fond du dossier. Je pense qu'on a entendu une diversité de points de vue assez impressionnante, de bons mémoires. Il y a même des gens qu'on a entendus qui ont passé une partie de ces travaux avec nous, qui ont assisté à tous les travaux. Je pense qu'on va tous repartir avec beaucoup de lecture, beaucoup de réflexion à faire pour la suite des choses, pour se faire une idée sur la suite des choses. Et moi, je me réjouis de la qualité des travaux de cette commission, de la qualité des mémoires qu'on a entendus. Je pense qu'il y a beaucoup de choses sur la table sur lesquelles il va falloir réfléchir au cours des prochaines semaines.

Et, dans quelques semaines, on va passer à l'étude des crédits, on aura l'occasion de se revoir pendant plusieurs heures pour l'étude des crédits du ministère de la Sécurité publique. Et, par la suite, on reviendra à la suite de nos travaux quant au projet de loi n° 46, là, un peu plus tard, après les crédits.

Alors, je vous remercie, M. le Président. Ça complète pour moi à ce moment-ci. Et à la prochaine, M. le Président. Merci beaucoup.

**(18 h 40)**

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le député de Chambly. M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Oui. Merci, M. le Président. Je répète ce que dit le député de Chambly, je suis tout à fait d'accord avec lui, je pense qu'on a eu de très bons mémoires. on a appris beaucoup de choses. Ce qui caractérise ce projet-là, toutefois, c'est qu'il y a une diversité d'opinions, et des opinions qui ne sont pas nécessairement conciliables ou facilement conciliables. Donc, on a un travail à faire fort important au cours des prochaines semaines.

Là, pour les gens qui nous écoutent, à l'Assemblée nationale, il va se passer des discussions sur le budget, par la suite les crédits. Donc, notre commission parlementaire ne recommencera pas immédiatement. Ça va nous donner, les quelques semaines qu'on a, ça va nous donner le temps de digérer l'ensemble des mémoires, des discussions que nous avons eues ici, de regarder les diverses propositions qui nous ont été faites, de quelle façon on peut cheminer là-dedans.

Un projet de loi, c'est un projet évolutif. J'ai toujours considéré que les discussions de consultation sont fort importantes. Il y a des gens qui me disent: Oui, votre idée est faite. Les projets de loi, quand vous les amenez, la consultation arrive trop tard. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, les consultations sont un aspect important. On dépose un projet de loi, on regarde pour déposer le meilleur projet de loi possible, mais il y a toujours des bonifications qui sont faites quand on travaille en bonne collaboration avec les organismes qui sont impliqués là-dedans et également avec l'opposition.

Comme je l'ai déjà mentionné, on peut avoir des différences d'opinions entre l'opposition et nous, mais, quand il s'agit de sécurité publique, on est tous d'accord sur l'objectif final. Ce que l'on veut, c'est une société qui soit plus sécuritaire pour l'ensemble des gens. Ce que l'on veut, c'est que ceux qui en charge du maintien de l'ordre dans le cas précis de notre projet de loi puissent faire leur travail correctement. Ce qu'on veut, c'est que la population soit satisfaite et contente et qu'elle ait confiance dans ce processus-là. Et, ces objectifs-là, bien, il faut trouver le moyen de les atteindre à travers un projet de loi qui est complexe, qui n'est pas facile, qui va susciter encore peut-être bien des débats, mais, lorsqu'on prend le temps de le faire, qu'on travaille fort, qu'on cherche des solutions imaginatives et correctes, nous permet de nous rapprocher d'un consensus parce que c'est l'objectif qu'on vise. Ce qu'on vise, là, à la fin, là, c'est que les forces de l'ordre puissent continuer à faire leur travail correctement, comme ils le font, puis qu'un projet de loi ne les empêche pas de faire ce travail-là, et que la population, d'un autre côté, soit satisfaite du projet de loi. Donc, c'est un défi, on a un défi, là, qui nous attend dans les prochaines semaines. Je pense que, si on travaille avec la même collaboration qu'on a entreprise actuellement, on va y arriver, on va y parvenir.

Donc, merci également aux membres de la commission, le député de Chomedey, le député des Îles-de-la-Madeleine, vous-même, M. le Président, et M. le député de Chambly.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, à mon tour de remercier tous les députés réunis aujourd'hui. J'en profite également pour remercier tous ceux et celles qui se sont présentés dans cette commission pour exercer leurs droits, pour, dans le fond, nous faire bénéficier de leurs opinions, de leurs analyses, de leur expérience, et tout ça, évidemment, pour obtenir en bout de ligne un meilleur projet de loi, comme vous l'avez si bien dit, M. le ministre.

Alors, merci à tous et à toutes. Merci à l'équipe qui accompagne le ministre, évidemment. Merci à tous ceux et celles qui sont encore avec nous, là. Très apprécié que vous soyez là. Merci aux équipes techniques également. On les oublie toujours, ils font de l'excellent travail. M. le secrétaire, on vous salue, les pages, tout le monde.

Voilà, on a accompli notre mandat et on ajourne les travaux sine die. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 44)

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