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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Tuesday, November 20, 2012 - Vol. 43 N° 3

Special consultations and public hearings on Bill 2, An Act to amend the Election Act in order to limit elector contributions to $100 and to revise public financing of political parties


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Pagé): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes, comme à l'habitude, qui sont dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Alors, en vous souhaitant une bonne journée, chers collègues, je vous informe que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 2, qui est la Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Proulx (Sainte-Rose) remplace M. Therrien (Sanguinet); M. Ferland (Ungava) remplace M. Bureau-Blouin; M. Dutil (Beauce-Sud) remplace Mme St-Pierre (Acadie); et M. Deltell (Chauveau) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Auditions (suite)

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Je vous rappelle l'ordre du jour des consultations de ce matin. Donc, à 10 heures, nous avons M. Eric Montigny et, à 11 heures, nous allons entendre, échanger avec le Groupe de Femmes, Politique et Démocratie, qui est présidé par Mme Micheline Paradis, présidente du conseil d'administration.

Donc, à ce moment-ci, je vais... le groupe a déjà pris place. M. Montigny, je vous rappelle dans un premier temps que vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, et ensuite nous disposerons de 50 minutes pour les échanges avec les parlementaires. Alors, nous vous écoutons pour un 10 minutes.

M. Eric Montigny

M. Montigny (Eric): Merci, M. le Président, de nous recevoir ce matin. À ma gauche, se trouve François Gélineau, qui est titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Donc, nous allons présenter conjointement l'analyse que nous avons effectuée à votre demande sur le projet de loi n° 2.

Ceci dit, nous sommes très heureux de partager ces réflexions avec vous ce matin, très heureux d'échanger sur ce projet de loi qui nous apparaît être le plus important en termes d'impacts sur la vie démocratique depuis le projet de loi déposé en 1977, donc le projet de loi n° 2 de René Lévesque.

Ce projet de loi vient modifier de façon importante tant l'équilibre de la Loi électorale que la structure de financement des partis. Il s'agit donc d'un projet de loi majeur qui, en termes de changement, doit être analysé avec les principes qui nous apparaissent les principes fondateurs de la législation électorale au Québec, tant au sein de la législation de 1963 adoptée sous un gouvernement libéral que de la législation de 1977 adoptée sous un gouvernement du Parti québécois. Ces principes sont: l'égalité politique, la transparence et la participation des citoyens. Donc, ces trois principes qui découlent de nos lois électorales actuellement en vigueur nous serviront de cadre d'analyse pour étudier les différents aspects présents dans le projet de loi.

Tout d'abord, je voudrais débuter en parlant du financement populaire. Donc, on a étudié -- et ça, dans une étude précédente que j'avais effectuée avec Réjean Pelletier -- l'évolution du financement populaire depuis la mise en place de la législation de 1977. Donc, les données dont on dispose, c'est à partir de 1980. En 1977, on se rappelle que le législateur avait pour objectif d'assurer la participation du plus grand nombre de citoyens québécois au financement des partis. Cela s'est traduit par l'abolition du droit des compagnies, des groupes et des syndicats de financer les partis politiques et de contribuer à leurs caisses électorales. En théorie, ces contributions devaient être compensées par une augmentation des dons provenant des personnes physiques et par un véritable financement public. De façon générale, ce qu'on peut constater, c'est un déclin rapide après une stabilisation du niveau de financement populaire. Il y a donc eu une diminution marquée du nombre de contributions entre 1980 et 2011.

Dans le cas du Parti québécois, si on prend les données plus brutes, on est passés de 153 918 contributeurs à 16 985 contributeurs. Au Parti libéral, on a assisté à une diminution importante de 103 337 contributeurs à 16 814 contributeurs. C'est donc dire que quatre à cinq fois moins de Québécois ont contribué aux partis politiques en 2011 que c'était le cas dans les premières années, suivant l'adoption de la loi de 1977. On aurait pu croire aussi que l'arrivée de nouveaux joueurs aurait pu compenser le nombre de contribution, ce n'est pas le cas. Et ce qu'on a observé plutôt, c'est une tendance où le nombre de contributions augmente, bien entendu, en années électorales ou référendaires, ce qui peut expliquer les variations que vous avez au graphique I.

Ceci dit, maintenant, je laisse la parole à François Gélineau, qui est titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, qui vous parlera des impacts liés au financement, l'impact des modifications proposées.

Le Président (M. Pagé): M. Gélineau.

**(10 h 10)**

M. Gélineau (François): Merci. Alors, je vais joindre ma voix à celle d'Eric Montigny en remerciant... en vous remerciant, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission pour nous avoir reçus. Vous savez, l'Assemblée nationale est un important partenaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, et il nous fait plaisir, et nous sommes très honorés de pouvoir, à notre façon, contribuer au processus législatif.

Au-delà du message généralement positif qu'envoie le projet de loi n° 2, il est également primordial de bien comprendre l'impact financier des mesures proposées. Au global, il y a lieu de se poser la question, à savoir: Quel sera l'impact de ces changements sur les montants totaux mis à la disposition des partis politiques? Les partis auront-ils plus ou moins d'argent à leur disposition pour mener à bien leurs activités?

En outre, le projet de loi n° 2 prévoit la révision des crédits d'impôt afin de compenser la hausse du coût du financement public. Cette mesure sera-t-elle suffisante pour absorber la hausse engendrée par la modification du financement public? Pour répondre à cette question, il importe d'évaluer le coût des nouvelles mesures du financement public. De quel ordre sera donc la hausse du financement public?

Dans le but de répondre à ces questions, nous avons utilisé les données consignées par le Directeur général des élections du Québec dans les rapports financiers produits par les partis politiques sur une base annuelle. Dans un premier temps, notre analyse présente les revenus effectifs des partis politiques provenant des allocations et des contributions pour la période contenue entre le 1er janvier 2009 et le 4 septembre 2012. Ceux-ci seront ensuite comparés aux résultats d'une simulation dans laquelle nous avons appliqué les mesures proposées dans le projet de loi n° 2 aux allocations et contributions de la même période. Ainsi, nous tentons simplement d'évaluer l'impact des mesures proposées sur les finances des partis politiques.

Pour calculer les valeurs des nouvelles allocations, nous avons appliqué la formule proposée dans le projet de loi n° 2 de façon rétroactive. Afin d'estimer la valeur totale des contributions privées suite à l'application des mesures proposées, nous avons calculé les contributions en simulant l'application des plafonds de 100 $. Nous jugeons que les résultats que nous présentons dans le tableau I sont... reposent sur des hypothèses conservatrices. Par exemple, nous n'avons pas présumé que tous les donateurs contribueraient au maximum permis. Nos calculs supposent plutôt que le nombre de donateurs qui verseraient 100 $ est égal à celui des petits donateurs... -- excusez-moi -- est égal à celui des donateurs qui ont donné plus de 100 $ dans le passé. D'autre part, la moyenne de la contribution des petits donateurs a été établie en fonction de la valeur moyenne des contributions des petits donateurs.

Deux constats émergent de notre analyse du tableau que vous retrouvez en page 4. Au total, les montants recueillis par les partis politiques après l'application des modifications proposées dans le projet de loi n° 2 augmenteront. Notre simulation suggère une hausse des sommes mises à la disposition des partis d'environ 10 %. Donc, la différence entre le 54 201 000 $ et le 49 144 000 $. Selon nos hypothèses, si les modifications proposées avaient été en vigueur pendant la même période étudiée, soit de 2009 à 2012, une somme supplémentaire de 5 millions aurait été mise à la disposition des partis.

Deuxième constat qui émerge: Nous anticipons une hausse effective du coût du financement public. Les modifications proposées engendreront une hausse du coût du financement public de l'ordre de 194 %. Entre le 1er janvier 2009 et le 4 septembre 2012, les quatre principaux partis politiques verront les sommes totales allouées par l'État augmenter de la hauteur de 26 384 000 $.

Nous jugeons que ces deux constats portent ombrage au caractère généralement positif de la loi n° 2. Dans un contexte où la confiance populaire envers la classe politique est fragile, il est plutôt délicat d'apporter des modifications à la Loi électorale qui auront pour effet l'accroissement des moyens financiers mis à la disposition des partis politiques. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant que, depuis l'élection générale de 1989, les montants dépensés par l'ensemble des acteurs politiques se sont accrus sensiblement, passant de 9 millions pour la campagne de 1989 à environ 20 millions, ou autour de 20 millions, pour les trois dernières campagnes.

Par ailleurs, en vertu des informations disponibles, et on m'a signalé tout à l'heure... Le cabinet du ministre, et je l'en remercie, a signalé une mauvaise interprétation de notre part de l'article 19 du projet de loi, à savoir que la réduction proposée du crédit d'impôt de 50 %... Je rectifierais et je pourrais soumettre à la commission une version corrigée de mon document. Il s'agit bien de l'annulation du crédit d'impôt pour les contributions faites aux partis provinciaux. Donc, avec... Mais, l'essentiel de notre propos demeure, c'est-à-dire que, si le crédit d'impôt sur les contributions politiques coûte actuellement 6 millions de dollars par année à l'État québécois, et j'invite le cabinet du ministre à me corriger sur cette valeur...

Le Président (M. Pagé): M. Gélineau, je vous informe qu'il vous reste une minute pour votre présentation.

M. Gélineau (François): ... -- d'accord -- la hausse du financement public représente, elle, une hausse annuelle d'environ 6,6 millions, donc il demeure qu'il y a un manque à gagner.

Je vais repasser la parole à M. Montigny pour la conclusion.

M. Montigny (Eric): Merci bien. Je vais donc très rapidement. Trois éléments qui figurent à notre mémoire. Le premier porte sur l'émergence des nouveaux partis. On est préoccupés par certaines dispositions du projet de loi qui font en sorte que, sur le plan théorique, on parle de l'émergence ou du risque d'émergence de partis de cartels liés au financement public. Et on veut souligner à la commission, rappeler à la commission le jugement dans la cause Hébert contre le gouvernement du Québec, qui a balisé les conditions pour éviter que, dans des dispositions, on soit en présence d'un risque de parti de cartel. Donc, je vais laisser les membres de la commission lire davantage cette partie du mémoire.

Deux autres éléments, et celui-là est fondamental, l'équilibre entre l'encadrement des revenus et des dépenses. On doit, lorsqu'on agit en matière de financement sur les revenus, aussi intervenir sur les revenus.

Le Président (M. Pagé): Votre temps est écoulé. Donc, lors d'échange avec le ministre, vous pourrez peut-être apporter certaines précisions.

M. Montigny (Eric): Avec plaisir.

Le Président (M. Pagé): Alors, pour la partie ministérielle, vous avez un bloc de 22 minutes pour échanger avec nos gens qui nous présentent leur mémoire ce matin. M. le ministre.

M. Drainville: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je vous salue. Je suis très content de vous voir. Je salue également tous les collègues autour de la table. Je salue également les gens qui nous accompagnent. Merci d'être là. Très apprécié. Bravo pour le travail que vous faites d'ailleurs à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Vous avez une crédibilité qui vous honore, et je suis très content que vous soyez là ce matin.

D'abord, quelques... on ne fera pas de chichi sur les chiffres, là, mais, effectivement, on élimine le crédit d'impôt au complet. Dépendamment des années -- vous posiez la question, là -- il s'est donné grosso modo entre 5, 6, 7 millions de crédits d'impôt, mais je vous dirais que la moyenne, là, des six, sept dernières années, on est plus autour de 6... entre 5 et 6 millions de crédits d'impôt. Donc, effectivement, la mesure que nous proposons, le système que nous proposons est, à toutes fins pratiques, à coût nul.

Par ailleurs, sur le tableau que vous avez à la page 4, encore une fois, ce n'est pas un reproche, là, mais je veux juste vous dire que, pour ce qui est de 2012, quand vous dites l'allocation, là, la première ligne, l'allocation, article 82, pour 2012, vous l'évaluez autour de 3,2 millions. Selon nos chiffres, là, elle est plus autour de 4,9 millions, l'allocation pour 2012, donc ça réduirait, là, l'écart... Dans le fond, vous évaluez, vous, l'écart à autour de 5 millions. Dans les faits, il est un peu plus bas que ça parce qu'effectivement l'allocation pour 2012, elle est plus élevée. Donc, le chiffre de 49,1 millions, dans le fond, c'est plus autour de 50,8 millions, là. Donc, l'écart ne serait pas de 5, mais il serait plutôt autour de 3,4 millions.

Bon, je note avec beaucoup de plaisir le constat que vous faites, dans le fond, dans votre mémoire, quand vous dites: La réforme proposée par ce projet de loi est la plus importante depuis 1977, et ce, tant sur le plan de l'équilibre de la Loi électorale que dans la structure du financement des partis politiques. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus: Pourquoi vous jugez cette réforme-là à ce point importante?

M. Montigny (Eric): Si je peux me permettre, d'abord, merci pour avoir pris le temps d'analyser notre mémoire et poser ces questions.

Je vous répondrai rapidement en vous disant que c'est majeur dans la mesure où ça vient influer sur le rapport des partis avec le financement. Ça modifie de façon substantielle la part du financement public envers les partis politiques. C'est majeur aussi parce que -- et là je reviens sur le plan de l'équilibre -- ça devient plus difficile pour des nouveaux partis de se développer et d'émerger sous les conditions prévues à la loi.

Donc, moi, je veux profiter de l'occasion pour rappeler aux législateurs des balises qui ont été données par la Cour supérieure en lien avec le fait de ne pas entraver la possibilité de nouveaux partis de voir le jour par une barrière liée au financement public qui serait importante, sans pour autant prévoir des mécanismes pour les nouveaux partis. Ça, c'est fondamental.

C'est important aussi parce que c'est... La réforme, celle de 2010, était importante, mais celle-ci, en abaissant le plafond à 100 $, vient changer, en termes de contributions, la dynamique de façon majeure. Et c'est majeur sans pour autant aller jouer du côté des dépenses. Et, lorsque je parle d'équilibre, c'est justement cet équilibre entre les revenus et les dépenses qui est fondamental et qui est important en matière électorale, à mon avis. Donc, peut-être que j'aurai l'occasion d'y revenir, mais je considère que, lorsqu'on joue sur la capacité des partis de recueillir des fonds publics et des fonds privés, on doit aussi s'interroger sur les dépenses autorisées en campagne électorale. Donc, pour moi, les deux vont ensemble, et ça fait partie... Lorsqu'on joue sur les revenus, ça fait partie d'un risque par rapport aux distorsions qu'on peut observer entre les formations politiques sur le plan des dépenses.

**(10 h 20)**

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Drainville: Oui. Bien, je tiens à vous rassurer, M. Montigny, je l'ai dit à plusieurs reprises, notamment lorsque mes collègues d'en face m'ont posé la question, nous avons l'intention de nous occuper de la question du plafond des dépenses, et c'est... Ce qu'on a toujours dit, c'est qu'on voulait d'abord régler la question des revenus, la question du financement et faire adopter, avant Noël, le projet de loi n° 2, et notre crainte était que, si on surcharge trop l'agenda, on risque de se retrouver avec rien. On n'aura pas réglé les dépenses puis on n'aura pas réglé le financement non plus. Mais je tiens à réitérer, devant vous et également devant mes collègues, que nous avons l'intention de nous en occuper, de la question des dépenses.

Par ailleurs, dans votre article auquel vous avez fait référence, là, qui a été publié dans le livre intitulé Les partis politiques québécois dans la tourmente, sous la direction de Réjean Pelletier, vous signez, dans ce livre-là, un article intitulé Le financement des partis: quand l'argent est le nerf de la guerre. Vous le cosignez avec M. Pelletier, justement. Vous dites ceci, et je vous cite: «Le déclin de la participation populaire quant au financement des partis soulève de nombreuses questions auxquelles on ne peut répondre que par une hausse du financement étatique.»

Moi, j'aimerais ça vous demander: Quelles seraient, selon vous, les conséquences si cette hausse du financement public n'était pas au rendez-vous? Qu'est-ce qui risquerait d'arriver?

Le Président (M. Pagé): M. Montigny.

M. Montigny (Eric): Je vais répondre à votre question. Auparavant, mon collègue aimerait apporter une clarification.

M. Gélineau (François): Si je peux me permettre, M. le ministre, vous avez mentionné qu'au niveau des crédits d'impôt on parle d'un 5, 6 ou 7 millions par année, ce sont des données qui sont disponibles dans les rapports annuels du Directeur général des élections. Ma compréhension, c'est qu'on n'est pas capables, avec ces données-là, par ailleurs, de distinguer quelles portions de ces dépenses proviennent des crédits liés aux partis... aux contributions municipales et provinciales. Donc, il va de soi qu'en abolissant le crédit d'impôt fédéral ça va réduire le montant dépensé, mais ça ne l'éliminera pas au complet puisqu'une certaine portion des crédits d'impôt liés aux partis municipaux demeurent.

D'autre part, je veux simplement...

M. Drainville: Juste me permettre, on évalue... Sur les chiffres que je vous ai donnés, la part des crédits d'impôt versés aux partis politiques municipaux, on l'évalue à moins de 10 % du total. C'est un chiffre approximatif, là, mais on ne croit pas que ça dépasse beaucoup 10 %. Donc, quand je dis: entre 5 et 6 millions en moyenne par année, si vous enlevez 10 %, on est encore grosso modo entre 5 et 6 millions.

M. Gélineau (François): Et ça a du sens. De toute façon, on peut simplement faire le ratio des contributions versées aux partis municipaux par rapport à celles versées aux provinciaux. On peut voir ce ratio assez facilement.

Maintenant, au niveau de l'année 2012, vous m'avez indiqué que j'ai sous-estimé les valeurs. En fait, c'est que l'année 2012 n'est pas une année complète. L'allocation est calculée en début d'année et versée mensuellement, et donc mon calendrier s'arrête au 4 septembre, lors de l'élection. Et, si on tient compte de cette date limite, mes calculs, je les confirme, ils sont bons, ce qui veut dire qu'essentiellement le scénario que je fais... Et j'applique la même règle à la deuxième portion du tableau. Je regarde l'ensemble des revenus des partis pour la période allant du... des quatre principaux partis, allant du 1er janvier 2009 au 4 septembre 2012. Et avec ce calendrier, j'appuie, là, mes... je confirme que mes calculs sont justes.

Le Président (M. Pagé): Merci. Oui.

M. Montigny (Eric): Donc, pour répondre également à la question que vous avez posée en lien avec ce qui adviendrait d'un statu quo en termes de financement public s'il n'y avait pas de réforme, c'est une réforme qui est majeure aussi parce qu'elle s'inscrit dans un contexte où on assiste au Québec à un déclin du militantisme partisan au sein des différentes formations politiques. Donc, le mode de fonctionnement des partis politiques change. On intègre des nouvelles technologies. On fait appel davantage aussi à du soutien rémunéré, légal, ceci étant dit. Donc, il y a une modification des façons de faire des partis, et il y a aussi, comme on le disait, un déclin du nombre de contributions, donc du bassin de Québécois qui contribuent aux partis politiques. Ça, c'est important.

Ceci dit, ce que je disais tout à l'heure, ce n'est pas une charge contre le financement public, au contraire. Ça prend un équilibre où on intègre différentes sources de financement. Le risque -- et c'est balisé par la cour -- c'est qu'en donnant ou en modifiant l'équilibre du financement public, on vienne à créer des distorsions supplémentaires dans le système partisan, et, ce faisant, on prive des partis émergents, des nouveaux partis, de la capacité ou de la facilité de s'intégrer au système partisan et de se développer, de renouveler le système partisan.

Et à la base un parti politique doit aussi avoir un lien avec ses militants, avec ses contributeurs. Lorsqu'on introduit du financement public, il faut être conscients sur le plan théorique qu'on introduit un lien important envers l'État pour les partis politiques. Donc, les partis politiques deviennent plus dépendants de l'État que de leurs propres contributeurs sur le plan théorique. Donc, c'est, dans la littérature en sciences politiques, des éléments qui sont présents, qui, je pense, doivent être portés à votre attention.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Drainville: Parlez-nous-en justement, des partis émergents. Puis moi, je fais une distinction effectivement entre les petits partis et les partis émergents pour les fins de la discussion parce qu'effectivement il y a des petits partis, comme Option nationale et le Parti vert, qui... Je ne pense pas qu'il seraient offusqués, là, si je disais qu'ils sont de petits partis, puis je le dis en tout respect, là. Je me réfère d'abord et avant tout, là, aux suffrages qu'ils ont obtenus, là. Mais je tiens à dire qu'Option nationale et le Parti vert vont effectivement bénéficier de la mise en place du financement public, là, d'un système essentiellement public de financement des partis.

Mais vous avez raison de poser la question des partis émergents, donc les partis qui n'ont pas encore participé à une élection, et donc qui n'auraient pas droit à l'allocation publique. Vous faites référence dans votre mémoire à l'expérience allemande là-dessus. J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce qu'en Allemagne vous écrivez qu'en plus d'obtenir une allocation distribuée en fonction des résultats électoraux les partis politiques allemands reçoivent 0,38 $ pour chaque dollar obtenu en contribution privée. Alors, il y a une espèce d'appareillement, là, qui est fait. Parlez-nous-en un peu, s'il vous plaît.

Le Président (M. Pagé): M. Montigny.

M. Montigny (Eric): Bien, ce n'est pas nécessairement les gens qui défendent le modèle allemand en ces matières, c'était pour illustrer à la commission qu'il y a d'autres façons de mesurer le financement public qu'à travers les résultats de la dernière élection. Il existe des mécanismes qui peuvent aussi s'additionner, se jumeler pour atténuer l'effet de barrière qu'on retrouve au niveau des nouveaux partis. Et, ceci étant dit, lorsque je parle de partis émergents, j'inclus également, et nous incluons, des partis comme Option nationale ou le Parti vert, qui, oui, se voient accorder une subvention, une allocation annuelle, mais qui, par ailleurs, se voient aussi limités dans leur capacité de faire du financement avec le 100 $.

Donc, on pourra étudier, à terme -- et là il est trop tôt pour le dire -- quels pourraient être les effets du projet de loi s'il est adopté. Mais je tiens à émettre une préoccupation à l'effet que ces partis-là pourraient être aussi affectés par une distorsion. Mais ça, ça sera dans les années à venir. Si le législateur décide de modifier la loi, on pourrait évaluer quelle ampleur pourrait être cette distorsion et s'il y a distorsion. Mais il faut tenir compte du fait qu'en abaissant la capacité d'avoir une contribution, donc à 100 $, il est possible qu'il y ait un effet dans le temps, qu'on pourra mesurer. Si vous nous réinvitez, on se fera un plaisir de vous partager nos constats.

Le Président (M. Pagé): M. le ministre.

**(10 h 30)**

M. Drainville: Oui, c'est un argument effectivement que nous avons entendu déjà hier. Bon, si vous avez suivi un peu nos travaux puis si vous avez suivi un peu la discussion publique ces dernières semaines, moi, j'ai noté à quelques reprises le fait que, de façon générale, les petits partis se financent avec des dons de moins de 100 $. Donc, notre prétention, nous, c'est qu'en maintenant le don populaire à 100 $ on permet aux partis émergents de se financer essentiellement comme avant, parce que, de toute façon, la majorité des dons qu'ils vont chercher est de moins de 100 $. C'est notamment le point de vue qui a été énoncé par le chef d'Option nationale, M. Aussant. Il me reste seulement quelques minutes, hein, je pense?

Le Président (M. Pagé): Il reste sept minutes.

M. Drainville: Merci, M. le Président. J'aimerais ça vous entendre sur les partis politiques municipaux. Je ne sais pas si vous avez fait une réflexion là-dessus, vous savez que c'est d'actualité, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous, comme vous le savez, nous sommes à travailler sur différents scénarios, différentes hypothèses, on essaie de voir un peu comment on pourrait réaménager le régime de financement des partis politiques municipaux, et c'est très, très, très complexe, parce qu'il y a les partis dans les grandes villes, bon, mais, par la suite, vous avez plusieurs villes... enfin, dans la vaste majorité du monde municipal, il n'y en a pas, de partis politiques municipaux, et la vaste majorité des municipalités sont de petites municipalités.

Donc, comment trouver un régime de financement non seulement des partis, mais des candidats également, qui soit plus transparent, qui réponde à certains des problèmes, notamment du problème des prête-noms, qui a été abondamment illustré par la commission Charbonneau. On est à la recherche d'une bonne formule et on n'a pas beaucoup de temps évidemment pour la trouver parce qu'il y a des élections municipales en novembre prochain, donc c'est un travail assez exigeant et en même temps pressant.

Alors, je ne sais pas si vous avez des réflexions ou des suggestions à nous faire, des conseils à nous donner dans cette réflexion qui est la nôtre.

Le Président (M. Pagé): M. Montigny. Oui.

M. Montigny (Eric): On n'a pas étudié de façon approfondie la question des partis politiques municipaux, mais, effectivement, ça apparaît une problématique qui est beaucoup plus complexe, ne serait-ce que par la diversité des modèles qui sont en cause dans les différentes municipalités. Ceci étant dit, je comprends que le calendrier, sur le plan des... le calendrier des élections municipales, qui vous préoccupe, on oserait espérer que la commission Charbonneau pourrait apporter un éclairage sur le financement politique municipal.

Ceci étant dit, il nous fera plaisir d'approfondir cette réflexion, si vous le voulez. Donc, à la chaire, il nous fera plaisir d'approfondir cette réflexion, et on pourra être en mesure de vous partager ultérieurement nos réflexions.

Le Président (M. Pagé): Merci. M. le ministre. Oui.

M. Drainville: C'est une offre généreuse dont nous allons tenir compte. Nous la recevons avec beaucoup de plaisir. Ce n'est pas impossible que vous ayez de nos nouvelles. Par ailleurs, je tiens à dire que le dossier est d'abord et avant tout piloté par mon collègue des Affaires municipales, donc je lui ferai part de votre offre de collaboration.

M. Montigny (Eric): Je dois vous informer que nous menons actuellement une enquête, une étude, avec le Commissaire au lobbyisme, sur la pratique et sur l'évaluation de la loi sur le lobbyisme, qui inclut un volet municipal. Donc, il y a une étude qui est en cours à la chaire sur la démocratie et les institutions parlementaires, de concert avec le Commissaire au lobbyisme, où on questionne les titulaires de charge publique en lien avec la loi sur la transparence et le lobbyisme, la loi québécoise sur le lobbyisme.

Le Président (M. Pagé): M. le ministre.

M. Drainville: Oui. Ce sera probablement ma dernière question.

Le Président (M. Pagé): Trois minutes et demie.

M. Drainville: Très bien. Très bien, M. le Président. Dans le livre que j'ai cité tout à l'heure, vous expliquez que le principe d'égalité des électeurs et le principe d'égalité entre les partis est une motivation profonde du législateur québécois. Vous y faites référence également dans votre mémoire.

Le fait que les partis et les candidats puissent être à la merci de quelques donateurs importants pourrait également altérer le principe d'égalité. Donc, toute la problématique des collecteurs de fonds... parce que les donateurs importants, c'est une chose... Et j'ouvre une petite parenthèse ici: c'est un fait que l'une des raisons pour lesquelles le 100 $ nous est si précieux, nous est si important, c'est qu'on juge qu'il y a pas mal plus de citoyens québécois qui ont les moyens de donner un 100 $ que de citoyens québécois qui ont les moyens de donner 1 000 $. Donc, on pense que ce plafond de 100 $ est un plafond très démocratique, qui démocratise le financement parce qu'il rend accessible à la majorité... à un grand nombre de Québécois la contribution maximale. Tu sais, la contribution maximale devient accessible pour le plus grand nombre, alors qu'actuellement la contribution maximale à 1 000 $, elle n'est pas accessible pour le plus grand nombre. C'est ce qui nous fait dire que notre réforme va démocratiser le système.

Mais l'autre problème aussi avec le 1 000 $, c'est qu'il permet à certaines personnes de collecter des gros montants et de créer cet effet d'ascenseur, de rendre redevable le parti auquel les sommes en question sont remises. Alors, quand vous parlez des gros donateurs, moi, je pense à ceux qui donnent 1 000 $, mais je pense à ceux qui collectent aussi, et donc les collecteurs de fonds.

Parlez-nous donc un peu de cette problématique, là, du fait que... la présence de grands donateurs et, dans le prolongement des grands donateurs, il y a les grands collecteurs. Comment est-ce que ça, ça peut affecter le principe d'égalité entre les électeurs et l'égalité entre les partis?

Le Président (M. Pagé): Vous avez un peu plus de une minute pour nous répondre, s'il vous plaît.

M. Montigny (Eric): Vous avez raison de souligner qu'en modifiant le plafond de contribution on rend effectivement la tâche plus difficile à ceux qui voudraient développer des stratagèmes parce qu'on morcelle le don. Donc, sur ce point de vue là, vous avez tout à fait raison. C'est un argument qui tient la route.

Ceci dit, lorsqu'on modifie les contributions, il peut y avoir aussi des effets pervers qu'on n'a pas anticipés. Et ce qu'on voulait vous souligner ce matin, c'est qu'il peut y avoir des mécanismes pour venir atténuer ces effets pervers qui sont possibles. Je laisserais François Gélineau, peut-être, ajouter...

M. Gélineau (François): Donc, essentiellement, sur le principe de la baisse du plafond des contributions, je pense que vous pouvez lire dans nos propos un optimisme ou une très bonne réception de l'intention. Ce qui nous préoccupe, c'est les conséquences que cette décision va avoir sur les autres aspects existants de la loi, notamment la prédominance du financement public, donc les sommes qui vont être versées de façon automatique aux partis à travers les résultats électoraux. Et c'est pour ça qu'on soulevait, comme l'a signalé M. Montigny, certains aspects qui pourraient être explorés par la commission pour atténuer certains des effets négatifs de cette dépendance sur le financement public.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Alors, le temps de la partie ministérielle étant écoulé, maintenant, pour un peu plus de 22 minutes, le parti de l'opposition officielle pourra échanger avec nos invités. Alors, j'entends, dans un premier temps, le député de...

M. Dutil: Beauce-Sud.

Le Président (M. Pagé): Beauce-Sud, voilà. Je cherchais le nom de votre circonscription.

M. Dutil: Oui, oui. Je vais vous le marteler.

Le Président (M. Pagé): Allez-y.

M. Dutil: Vous allez vous en rappeler. Merci, M. le Président. Je veux attirer votre attention sur un point qui m'apparaît ici très important. On ne fait pas que baisser, dans la loi, les contributions, le maximum des contributions, on enlève le crédit d'impôt. À mon jugement, à ma compréhension, quelqu'un qui donnait 100 $ -- pour les petits partis, là, en supposant que le ministre a raison, et je pense qu'il a raison là-dessus, dans les petits partis, ce sont des contributions plus faibles qui sont données -- avait un coût de 25 $ puisqu'il y avait un crédit d'impôt de 75 $. Ne l'ayant plus, pourquoi donnerait-il 100 $, c'est-à-dire quatre fois plus que ce qu'il avait donné dans le passé?

Et je pense que c'est la grande faiblesse du raisonnement actuel là-dessus: c'est qu'on empêche l'émergence des petits partis. Même si on dit qu'on leur permet de donner 100 $, n'ayant plus le crédit d'impôt, on vient de leur couper les jambes, pas juste parce qu'ils ne pourront plus collecter que le quart de ce qu'ils avaient... qu'ils pouvaient collecter, aussi parce que ceux qui s'occupent de faire du recrutement de fonds n'auront pas ce qu'il faut, en termes d'énergie, pour le faire. Tu sais, collecter 100 $ puis collecter 25 $, c'est la même job. On est-u d'accord? Puis les gens ne viennent pas spontanément dire: Je te donne 100 $ ou 25 $. Tu les vois, tu leur parles du parti, tu leur parles de ton programme puis tu leur demandes une contribution.

Alors, moi, j'aimerais avoir votre réflexion là-dessus. Je me trompe-tu ou je ne sais pas compter, moi là, là? Moi, je pense qu'on vient de dire aux petits partis: Vous êtes «out of the game, that's it, that's all», merci, bonjour.

Le Président (M. Pagé): M. Montigny... M. Gélineau.

M. Gélineau (François): Je pourrais peut-être apporter quelques précisions sur les chiffres. Si on regarde par exemple la distribution des contributions en fonction de la taille, les petites ou les grandes, mais toutes les données sont disponibles sur le site du Directeur général des élections, ce qu'on constate, c'est qu'il y a eu une transformation dans les dernières années, notamment avec l'application des changements à Loi électorale, en 2011, qui ont fait que le nombre de petites contributions a augmenté et le nombre de grandes contributions a diminué.

Au niveau des petites contributions, si on fait le calcul simplement en divisant le nombre total de contributions ou la somme totale des contributions de moins de 200 $ par le nombre de donateurs, on se rend compte que le don moyen est environ entre 60 $ et 70 $, bon an, mal an. Donc, il y a assez peu de gens, selon les données, qui donnent le billet de 100 $ de toute façon en ce moment.

**(10 h 40)**

M. Dutil: Oui, mais encore. Ils donnent 60 $, ils ont 45 $ de crédit d'impôt, ils ont donné 15 $. Est-ce que demain matin ils vont donner 60 $ encore, alors qu'ils n'ont plus de crédit d'impôt? C'est ça, ma question. La réponse, c'est non, là. Je vous le dis, là, je vous la donne, la réponse. Sur le terrain, là, je la connais, la réponse. Ça fait 25 ans que je fais du financement, là, je la connais, la réponse. Mais j'aimerais avoir la confirmation par des gens qui étudient à l'université que je ne suis pas trop cave puis que j'ai assez vu de choses sur le terrain... qu'on est en train de couper les jambes aux petits partis. C'est ça qu'on est en train de faire, là, littéralement.

Le Président (M. Pagé): Oui.

M. Gélineau (François): Je ne peux pas me prononcer pour les 40 000 donateurs, malheureusement. Votre raisonnement est logique. Maintenant, je ne peux pas le confirmer avec des études scientifiques. Je ne peux même pas vous dire qui, de ces gens, ont obtenu le crédit d'impôt; non.

M. Dutil: D'accord. Ça va. Alors, ça répond à ma question.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Beauce-Sud, oui.

M. Dutil: Mais ce serait intéressant de le faire. Je vous le mentionne, comme étude, là, ce serait intéressant de le faire.

L'autre point, je regardais le tableau, ça m'a tellement fait rire tantôt: 60 000 contributions au Parti libéral dans les années 1988-1989, puis ça tombe à moins de 20 000. Donc, on est passé de 600 contributeurs à 200. Et c'est exactement ce qui est arrivé dans mon comté, puis je vais vous conter pourquoi.

À un moment donné, j'ai décidé d'en faire, du financement populaire. J'avais un crédit d'impôt et puis je suis allé vendre moi-même des billets à 50 $. J'en ai vendu 800, c'est quand même pas si pire, une bonne performance. J'ai fait ça deux années de suite et je me suis fatigué. Puis je n'avais pas compris pourquoi; j'ai compris récemment pourquoi. C'est parce que ceux à qui je demandais 50 $, là, je ne le savais pas, mais il y en a 37 % qui me disaient probablement non parce qu'ils n'avaient pas droit au crédit d'impôt. Je ne sais pas si vous aviez cette donnée-là, là.

Donc, ils n'ont pas le droit au crédit d'impôt. Pourquoi ils me diraient oui? Puis est-ce qu'ils vont me dire qu'ils ne paient pas d'impôt, ces gens-là? Non. Pourquoi un contribuable me dirait que lui, il fait partie de ceux qui ne paient pas... Il paie des taxes, il paie sa CSST, il paie son chômage, il paie... Tu sais, regarde, sur la liste de paie, là, quand ils ont fini de lui en enlever, là, il y en a pas mal d'enlevé, mais il n'a pas le droit au crédit d'impôt, ce citoyen-là. Donc, je me heurtais à ce phénomène-là.

L'autre chose, c'est qu'évidemment tu l'attends six mois, ton crédit d'impôt. Alors, l'effet de ça, qui n'est pas mesuré scientifiquement, là, je vous donne... le gars du terrain, là, ce n'est pas scientifique, mais je vous dis qu'à mon avis les personnes qui nous donnaient un montant d'argent, même s'ils avaient droit au crédit d'impôt, le coupaient en deux parce qu'ils l'attendaient six mois, leur maudit crédit d'impôt. Ça fait qu'ils disent: Bon, je ne te donnerai pas 100 $ ou 200 $, je vais t'en donner 50 $ ou 100 $.

Et donc l'énergie de la mise en marché, disons, mise en marché politique est tellement considérable que la baisse principale du nombre de contributeurs tient au fait que les organisateurs de partis, les députés puis tout le monde qui travaille là-dedans, se sont découragés puis ont dit: C'est bien plus facile de ramasser 200 $ que de ramasser 25 $ ou, à tout le moins, ce n'est pas plus difficile, puis c'est huit fois plus payant, ça fait qu'on va arrêter de se casser la noix. Et donc ça a amené une diminution de la contribution de la population.

Moi, à mon avis, ce n'est pas tant un désintérêt, donc, de la population, qu'on vit, comme une difficulté quasi insurmontable de faire du financement populaire pour les organisations. J'aimerais avoir vos remarques là-dessus.

Le Président (M. Pagé): M. Gélineau.

M. Gélineau (François): Merci. Rapidement, je prends bonne note des observations que vous avez vécues et des réalités que vous avez vécues dans le financement. Il faut être bien conscient que la part des crédits d'impôt, ce n'est pas dissocié du financement public. Souvent, on a tendance à l'oublier. Le mécanisme des crédits d'impôt, ça se calcule aussi en termes d'appuis de l'État québécois aux partis politiques de façon indirecte, et, trop souvent, on a tendance à oublier le fait que c'est un outil, c'est un mécanisme de soutien aux partis qui est indirect mais qui est important, sur le plan historique, et qui peut avoir des effets aussi de distorsion, comme vous l'avez mentionné.

M. Dutil: Bien oui, bien sûr, il peut y avoir des effets de distorsion. Mais ce que je veux illustrer, c'est que là on le fait passer, ce mécanisme de financement public là, là, qui est un mécanisme... Le crédit d'impôt est un mécanisme de financement public. On le fait passer, hein... calcul en fonction des votes obtenus. Et, on le sait, les partis émergents ont peu ou pas de votes, parce qu'ils peuvent émerger et ne pas avoir participé à une élection. C'est pour ça que je dis que, dans le fond, le dynamisme d'un... on casse les jambes du dynamisme d'un parti émergent parce qu'il ne l'a pas, la subvention, elle n'est pas transférée, là.

Alors, quand vous mentionnez qu'il peut y avoir des mécanismes de le faire, peut-être... J'ai lu... On a lu l'étude de M. Turgeon hier, et, dans d'autres pays, on a trouvé des mécanismes d'émergence. Moi, je trouve ça bien compliqué. Je pense qu'on est capables de faire une loi pour tout le monde puis que les émergents retrouvent leur compte comme les vieux partis. Mais ça existe dans d'autres pays. Ils ont trouvé des façons compliquées de faire des affaires. C'est facile de trouver des façons compliquées de faire des affaires, d'ailleurs. Pourquoi se compliquer la vie quand c'est si simple de se la compliquer, là? Moi, je préférerais qu'on continue à travailler sur quelque chose de plus simple, malgré qu'on a une situation qui n'est pas nécessairement facile pour les partis.

Donc, vous confirmez qu'il y a des possibilités de changement d'attitude en fonction de passer le financement public d'un crédit d'impôt à un financement public en fonction des votes?

M. Montigny (Eric): Lorsqu'en début de présentation je soulignais que c'était effectivement un des changements les plus importants sur le plan législatif, en termes d'équilibre électoral, ça fait partie de ça aussi. Lorsqu'on vient modifier une disposition au financement, il est possible qu'il y ait des conséquences qu'on devra mesurer a posteriori.

M. Dutil: J'ai compris de votre «importants» que ça ne voulait pas nécessairement dire qu'on s'en allait vers le mieux. Je pense que c'est important de le... Ou peut-être que oui, peut-être que non. Vous ne le savez pas, là.

M. Montigny (Eric): Non, on n'a pas un jugement normatif, nous, comme experts, à faire.

M. Dutil: Non. C'est ça.

M. Montigny (Eric): Ça vous appartient, sur le plan politique.

M. Dutil: Parce que je veux vous dire que, dans l'esprit des gens, la plupart du temps, quand on dit que c'est important, ça veut dire que c'est le plus, vers le positif. Alors, ce que vous voulez dire, c'est un...

M. Montigny (Eric): Si vous voulez, je peux utiliser le mot «majeurs».

M. Dutil: Oui. C'est un changement majeur, voilà. Je voulais le préciser pour la bonne compréhension de ceux qui nous écoutent. Les mots ont quand même leur valeur.

M. Montigny (Eric): Et, à notre avis, important sur le plan scientifique.

M. Dutil: Oui, oui. Non, non, bien, je vous comprends. Écoutez, regarde, nous autres, on est du monde de terrain. Moi, j'adore la science, en passant, puis je pense qu'il faut s'appuyer le plus possible sur la science pour prendre nos décisions, mais disons que, quand je vois des gens comme vous autres qui nous disent: Bien là, je ne peux pas me prononcer parce que je ne l'ai pas encore étudié, je vous comprends, vous ne l'avez pas fait, vous êtes des scientifiques, mais j'aimerais ça que vous l'étudiiez rapidement; on a une loi à passer, là, puis ça a l'air que ça va être avant le 7 décembre, ça fait que ça presse.

M. Drainville: Mais, M. le député de Beauce-Sud, n'oubliez pas l'autre phrase, là, au-delà du message généralement positif qu'envoie le projet de loi, ça...

Le Président (M. Pagé): M. le député de Beauce-Sud, oui, vous pouvez continuer.

M. Dutil: Alors, je prends la remarque du ministre, effectivement, mais ce que... regarde, ce que je veux dire, c'est qu'on n'est pas contre des modifications au projet de loi, on fait les mêmes constats sur l'émergence des nouveaux partis. Ça peut surprendre de la part de notre parti, mais, moi, là, sur le plan des principes, je trouve ça important. Puis, de mon vécu comme partisan, depuis longtemps, qui veut faire du financement populaire, bien, je pense qu'il y a des moyens d'y arriver.

M. Montigny (Eric): C'est clair que le financement populaire est un enjeu fondamental, et ce qu'on a vu, statistiquement, comme déclin, c'est que c'est préoccupant.

M. Gélineau (François): Mais je veux réagir à votre propos, à savoir que vous avez besoin qu'on étudie certains de ces enjeux. Quand vient le temps d'étudier les crédits d'impôt, il y a une difficulté liée à l'accessibilité aux données et...

M. Dutil: Oui, oui. Absolument.

M. Gélineau (François): Donc, c'est simplement, il y a des limites qui...

M. Dutil: Bien, vous allez entendre le député... le leader de la deuxième opposition qui va vous donner l'idée qu'il a eue, que je n'exprime pas aujourd'hui, qui réglerait ce problème-là, «by the way». Ça fait qu'on a une solution ici, autour de la table, là.

Alors, pour ma part, ça va. Je vous remercie de votre présentation. Merci des textes et des efforts. Mais ça peut arriver qu'on vous redemande des choses, là, en collaboration avec le ministre, parce que c'est intéressant d'avoir des données scientifiques pour nous guider davantage.

M. Montigny (Eric): Nous serons à votre disposition.

Le Président (M. Pagé): Je remercie le député de Beauce-Sud. Maintenant, le député de Fabre. Il vous reste à peu près 11 minutes, 11, 12 minutes.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, collègues. J'aurais aimé, puisque vous avez évoqué le fait que vous étiez des experts... C'est toujours intéressant de vous entendre, et je suis impressionné, là, par l'étendue de vos connaissances du domaine, mais est-ce qu'on pourrait avoir un peu votre profil, là, pour savoir... pour mettre en perspective justement à quel point votre point de vue peut nous éclairer, là, votre profil... votre formation scientifique?

**(10 h 50)**

M. Gélineau (François): Bien, je suis professeur au Département de sciences politiques à l'Université Laval. Je suis détenteur d'un doctorat en sciences politiques. Mes travaux de recherche portent principalement sur les questions de comportement électoral. Vous avez d'ailleurs vu passer les études sur l'estimation du taux de participation par groupe d'âge que j'ai produites en collaboration avec le Directeur général des élections au cours des dernières années. Donc, je produis des études qui sont très quantitatives, de là l'apport quantitatif dans ce document. Je m'intéresse à ces enjeux dans le contexte québécois mais aussi dans le contexte des démocraties émergentes.

M. Montigny (Eric): Alors, moi, j'ai un doctorat en sciences politiques de l'Université Laval. J'ai fait ma thèse sur la démocratie interne des partis politiques, donc incluant le financement des partis, où je faisais une étude comparative entre le Parti québécois et le Parti travailliste britannique, ce qui m'a appelé à séjourner à Westminster quelque temps pour interroger vos collègues britanniques.

Je dispose également d'une maîtrise en administration publique, analyse et développement des organisations, et mes champs de recherche portent sur le travail des députés en circonscription. Je complète une étude actuellement sur le travail des députés en circonscription, donc ceux qui vous ont précédés à la législature précédente, qui ont participé à ce questionnaire. Il me fera plaisir également de partager ces résultats de recherche là.

Je participe également à un projet de recherche, comme je le disais tout à l'heure, sur les titulaires de charge publique en lien avec la loi sur la transparence et le lobbying. Donc, c'est un autre projet de recherche que je mène, et, bien entendu, sur le financement des partis politiques. Et j'enseigne également sur les partis politiques canadiens au Département de sciences politiques de l'Université Laval.

M. Gélineau (François): Si je peux me permettre un ajout, la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires que je dirige, accompagné d'Eric Montigny, est une chaire qui s'intéresse à tous les enjeux de la vie démocratique des Parlements, ici et ailleurs. Et, l'idée d'origine de la chaire s'opérationnalise très bien, c'est d'un peu fédérer les intérêts des chercheurs et étudiants sur les thématiques qui entourent la vie et le fonctionnement des Parlements. Donc, si nous n'avons pas l'expertise pour mener une étude, on va chercher l'expertise à même nos collègues et étudiants.

Le Président (M. Pagé): Merci. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): J'ai quelques questions qui vont porter plus spécifiquement sur le financement populaire. Alors, je comprends... Tantôt, là, ce que vous avec mentionné, c'est que ce que vous avez constaté, c'est que la réforme et les changements à la loi qui ont été apportés en 2010 et mis en application en 2011 avaient eu un impact sur les contributions, et ce qu'on constatait, c'est que les petites contributions avaient augmenté et les plus grosses contributions avaient diminué. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Gélineau (François): Écoutez, si on regarde l'évolution des contributions en soi, dans les années... de 2005 à 2008 -- je vais vous donner quelques chiffres -- on constate que les quatre principaux partis recueillaient ensemble entre 62 000 et 64 000 contributions, petites et grandes, annuellement. À partir de 2009, il y a un déclin qui s'amorce et où on se stabilise. La moyenne depuis 2009 est d'environ 42 000 contributions annuelles.

Au niveau de la distinction entre les grandes et les petites contributions, il n'y a pas de... Évidemment, on n'en est qu'à une année et demie d'application de la loi, c'est difficile de tirer des conclusions très fortes sur la tendance qui se dessine, mais le nombre de... Est-ce qu'on peut dire que le nombre de grands donateurs a diminué de façon relative? Il semble y avoir une petite tendance, mais elle reste à confirmer.

M. Ouimet (Fabre): Alors, il y a une tendance, mais là on n'a pas assez de données pour être capables de l'affirmer, mais ça semble être l'effet de la reforme de 2010. C'est ce que je comprends?

M. Gélineau (François): Ça coïnciderait.

M. Ouimet (Fabre): O.K. Au niveau de... parmi les scénarios pour favoriser le financement populaire... Parce que j'ai compris, là, que c'était un des objectifs fondamentaux de la réforme de 1977, qui visait à assurer le financement populaire, hein? Alors, quand on constate, sur le tableau que vous produisez, là, la diminution majeure, importante du nombre de contributeurs, on constate que notre objectif, on ne l'a pas atteint par les moyens, là. C'est ce que... on peut s'entendre là-dessus. Au niveau du financement populaire, c'est exact?

M. Gélineau (François): Bien, dans la mesure où on constate un déclin du nombre de donateurs...

M. Ouimet (Fabre): On a manqué notre objectif.

M. Gélineau (François): On peut constater qu'il y a un déclin du nombre de donateurs. Est-ce que c'est lié à la Loi électorale seulement? Là, c'est une question à laquelle personne ne peut répondre.

M. Montigny (Eric): Ceci étant dit, il faut aussi voir... On analyse le cas québécois à la loupe, c'est très bien, mais c'est relatif, par rapport aux autres juridictions. Donc, on pourrait aussi comparer nos contributions avec d'autres juridictions, ce qu'on n'a pas fait, et ça nous permettrait de mettre en contexte les données qu'on observe.

Est-ce que c'est un phénomène qui est occidental? Dans l'étude des partis politiques, ce qu'on voit, c'est un déclin général du militantisme qui est observé dans l'ensemble des démocraties occidentales. Donc, ce n'est pas un phénomène qui est propre au Québec. Il faut mettre ça en contexte sur ce plan-là.

M. Gélineau (François): C'est un peu à la... Lorsqu'on observe, par exemple, le taux de participation électorale, on constate un déclin qui est généralisé dans les démocraties industrialisées, donc ce n'est pas un phénomène qui est unique au Québec. Et on se réjouit de la hausse du taux de participation en 2012, mais, si on regarde la tendance, c'est un phénomène qui est généralisé. Est-ce que c'est le cas au niveau des contributions?

M. Montigny (Eric): Est-ce qu'on peut... Ce qu'on peut extrapoler, par ailleurs, c'est que la participation électorale n'est pas désincarnée. Qui dit baisse de la participation électorale... ça se reflète aussi sur la baisse du bassin de contributeurs potentiels. Si des gens ne votent pas, le risque qu'ils puissent contribuer est encore moins élevé.

Le Président (M. Pagé): Alors, j'entendrais le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: ...M. le Président. Merci à vous de vous présenter devant nous aujourd'hui et de la qualité de votre présentation. Je voulais revenir à ce que vous avez dit au tout début sur l'article 19. Et puis j'ai beau lire ce que vous mentionniez, vous dites que «la réduction proposée du crédit d'impôt de 50 % ne semble pas suffisante pour compenser». Ensuite, vous avez dit qu'on vous a donné certaines informations, parce que vous affirmez quand même que «les 3 millions de dollars annuels liés à la baisse du crédit d'impôt ne seraient pas suffisants pour compenser l'ensemble du coût de financement». C'est quoi, les informations qu'on vous a données? Puis comment vous pouvez vous entendre aujourd'hui pour dire que ça serait à coût nul?

M. Gélineau (François): En fait, je ne crois pas avoir affirmé que ce serait à coût nul. Ce que j'ai dit, c'est qu'évidemment nous avions mal interprété l'article 19 du projet de loi qui, lui, ne s'applique... donc qui, en sorte... applique le crédit d'impôt seulement aux partis des candidats municipaux, ce qui veut donc dire, et le ministre pourra le confirmer, que le crédit d'impôt accordé aux partis et candidats provinciaux est entièrement éliminé.

Ce qu'on a su également, c'est que les crédits d'impôt représentent une dépense annuelle de l'État, bon an, mal an, de 6 à 7...de 5 à 6 millions de dollars. Ce 5 à 6 millions inclut à la fois les crédits d'impôt alloués pour les dons faits aux candidats et partis municipaux et fédéraux. Donc, de ce 6 millions va demeurer, au lendemain de l'adoption de la loi, si cette modification est adoptée, une certaine portion. Donc, le 6 millions n'est pas entièrement éliminé. Donc, les crédits municipaux demeurent en partie. Le ministre nous a dit un peu plus tôt que la portion des crédits représenterait environ 10 %, et moi, je n'ai pas l'information.

Maintenant, si vous regardez les calculs que j'ai faits, au niveau purement des allocations gouvernementales, dans le tableau I, vous remarquerez que les allocations, selon l'article 82 de la Loi électorale, représentent, pour la période du 1er janvier 2009 au 4 septembre 2012, un montant de 13 586 000 $.

En appliquant l'article 2 et l'article 3 du projet de loi, on peut calculer l'apport, en allocations, de l'État au financement des partis. Et j'ai simplement changé les formules de calcul et je les ai appliquées à la même période de temps. Donc, on a l'allocation régulière qui est issue de l'article 2 et l'allocation supplémentaire en période électorale qui, elle, correspond à 1 $ par électeur inscrit. On a une somme totale de 39 971 000 $. Donc, la différence est le coût qu'on aurait dû... supplémentaire à défrayer pendant cette période si le projet de loi s'était appliqué pendant la période. Donc, on parle d'une différence de 26,3 millions de dollars qu'on peut diviser en quatre, sur quatre années, qui donne grosso modo 6,6 millions de manque à gagner. Est-ce qu'on va le chercher avec les crédits d'impôt? Je vous laisse faire l'arithmétique.

**(11 heures)**

Le Président (M. Pagé): Il vous reste à peine 20 secondes, mais ce n'est pas assez. Alors, on va conclure pour l'opposition officielle. Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin.

La parole serait maintenant au député de Chauveau, de la deuxième opposition. Vous avez un peu plus de 5 min 30 s pour échanger avec nos invités.

M. Deltell: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à vous saluer, bien heureux de savoir que c'est vous qui êtes notre président. Salutations aux collègues députés, aux gens qui nous accompagnent, à M. le sous-ministre et évidemment à nos invités qui sont avec nous aujourd'hui.

D'abord, juste un commentaire général, parlant du déclin du nombre de donateurs. Je pense que ça va avec le militantisme politique. Souvenons-nous que, dans les années... fin des années 70, le Parti québécois comptait à une certaine époque plus de 330 000 membres. Ce n'était pas rien, là, 330 000 membres. Puis ça ne fait pas le... Puis, bien, on sait que maintenant il y en a moins, mais ça ne fait pas du Parti québécois un parti moins vigoureux, c'est juste qu'il y a moins d'implication politique.

Même chose pour le Parti libéral. Je me souviens, en 1982, lors d'une élection complémentaire à Charlesbourg, qui était détenue par le Parti québécois -- donc on ne parle pas d'un parti où il y avait une grande tradition libérale -- il y avait 4 000 personnes pour le choix du candidat à L'Arpidrome de Charlesbourg. Vous comprenez qu'aujourd'hui on ne verra plus ça. Donc, c'est simplement... Moi, je ne pense pas que le nombre de diminution de donations est dû à Loi électorale, mais bien plutôt au déclin du militantisme politique tel qu'on l'a connu en d'autres temps.

J'ai deux points à aborder avec vous. D'abord, la question de l'équilibre. Vous avez beaucoup parlé de l'équilibre entre les dons et le plafond des dépenses, donc entre les revenus et les dépenses. J'aimerais vous entendre plus précisément là-dessus, parce que vous avez tenu des propos quand même très durs en parlant de l'équilibre, en parlant de l'effet pervers que la loi peut générer actuellement. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quels dangers risquons-nous de courir si, par malheur, on n'attaque pas le plafond des dépenses électorales?

Le Président (M. Pagé): M. Montigny? M. Gélineau?

M. Montigny (Eric): C'est un danger de distorsion, donc d'accroître des distorsions entre l'équilibre des forces politiques présentes dans le système partisan. C'est le premier danger qui guette.

L'autre élément qui est présent, c'est un déséquilibre aussi dans la nature même de la Loi électorale. Parce que le principe d'équité ou d'égalité politique qui est à la base même des fondements qu'on retrouve dans la Loi électorale de 1977, celle de 1963 également, comprend un équilibre bien sûr lié à la capacité de lever des fonds, mais surtout un équilibre quant à la capacité de dépenser des sommes.

Et, lorsqu'on vient jouer sur une partie de la loi sans pour autant s'attaquer à la question des dépenses électorales, on vient en quelque sorte créer un déséquilibre dans la juridiction. Autrement dit, on reste d'un côté avec des mesures qui s'appliquaient à un équilibre ancien, dans le cas des dépenses électorales, tout en modifiant les dépenses... non pas les dépenses, mais la capacité de lever des fonds.

Et il faut voir, dans l'esprit du législateur, le fait que la Loi électorale... Lorsqu'on a conçu à la fois la capacité de lever des fonds et la capacité d'imposer un plafonnement des dépenses électorales, on a conçu ça comme un tout qui se voulait équilibré au contexte de l'époque. Donc, lorsqu'on revoit une partie du pilier de cet équilibre sans revoir l'autre, on vient, si on veut, contredire ou aller à l'encontre de l'esprit du législateur, lors de l'adoption de la loi de 1963 et de 1977, qui voyait le fait d'agir à la fois sur les dépenses et sur les revenus comme un équilibre, une situation d'équilibre.

Donc, c'est très complexe lorsqu'on joue sur le financement politique. Il y a des conséquences des fois qu'on a peine à mesurer, qu'on ne peut que mesurer après. Ceci étant dit, lorsqu'on joue sur les revenus sans pour autant s'attaquer aux dépenses, là on peut prévoir que ça crée une distorsion ou un risque de distorsion additionnel dans le système partisan.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Chauveau, il reste un peu plus de 1 min 30 s.

M. Deltell: Bien. Donc, le deuxième point, rapidement, que je voulais aborder avec vous, le gouvernement propose de plafonner les dons à 100 $. On est d'accord sur ce principe-là. La différence, ce qui nous sépare, et je suis content de voir que l'opposition officielle rejoint notre propos là-dessus, c'est que nous, on dit: Pour avoir l'esprit à coûts nuls comme on a actuellement, c'est que le gouvernement va multiplier par trois le don qui est fait par un citoyen à un parti politique, ce qui revient au même que ce qu'on fait actuellement. Quand on donne 400 $, ça nous revient à 100 $ parce qu'il y a 300 $ de retour d'impôt, à peu de chose près. Est-ce que, selon vous, c'est une façon qui permettrait aux partis émergents d'être... sans nécessairement être à armes égales, mais à tout le moins d'équilibrer un peu les forces entre les partis établis et les partis émergents?

Le Président (M. Pagé): Brièvement.

M. Gélineau (François): Brièvement, il est clair que -- et je me suis amusé à faire le scénario -- ça change l'équilibre, le partage, la distribution des fonds entre les partis puisque c'est alloué en fonction du succès à attirer des fonds privés. Maintenant, disons que les partis partent avec des machines qui ne sont pas nécessairement à égalité. Donc, un parti qui est en mesure de générer beaucoup de revenus va être avantagé, et le petit parti reste quand même... ou le parti émergent, plus limité.

Donc, il n'est pas clair que c'est une solution qui rééquilibre naturellement les forces. Cependant, elle change la distribution de l'argent à la disposition, actuellement, là, des... ce qui est donné par les 40 000 donateurs.

Le Président (M. Pagé): M. Gélineau, M. Montigny, je vous remercie sincèrement pour votre présentation. Je remercie les collègues.

Nous allons suspendre, le temps de faire place à l'autre groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

(Reprise à 11 h 12)

Le Président (M. Pagé): Alors, chers collègues, nous reprenons nos travaux. Compte tenu de l'heure et que la présentation est pour une heure, donc je comprends que nous déborderions jusqu'à 12 h 12. Est-ce que j'ai le consentement de l'ensemble des collègues pour qu'on puisse déborder?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Pagé): Consentement. Alors, j'entendrais maintenant le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, présidé par Mme Micheline Paradis, et je vous demande... Vous avez 10 minutes pour votre présentation et peut-être en commençant par présenter les dames qui vous accompagnent.

Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD)

Mme Paradis (Micheline): D'accord. Micheline Paradis, donc, je suis la présidente du groupe, du conseil d'administration. Et mes collègues, Mireille Lalancette et Marie Leclerc, Claire Prévost-Fournier, qui est membre de notre groupe, et notre directrice générale, Esther Lapointe.

Le Président (M. Pagé): Merci et bienvenue.

Mme Paradis (Micheline): Merci. Alors, à mon tour de vous dire merci de nous entendre aujourd'hui. C'est un moment privilégié pour nous, parce que le fait d'ouvrir sur la question de l'amélioration du financement public des partis politiques, pour nous, c'est un moment aussi de faire entendre la voix des femmes.

Alors, si vous le permettez, j'aimerais ça, peut-être, dire un petit mot de qui nous sommes, parce que peut-être qu'autour de la table ce n'est pas si évident. Le Groupe Femmes, Politique et Démocratie a été créé en 1998, donc depuis 14 ans. C'est un organisme autonome d'éducation populaire. Sa mission est d'éveiller la population en général et, naturellement, plus particulièrement les femmes à l'action citoyenne et démocratique. C'est un groupe qui est indépendant de tous partis politiques ou de groupes de revendication.

Depuis 14 ans, donc, nous faisons la promotion d'une plus grande participation des femmes à la vie politique, et ce, à tous les paliers de gouvernement. Nous comptons à l'heure actuelle près de 400 membres en règle, et on rejoint un vaste réseau d'environ 2 800 personnes sympathisantes à travers nos publications, nos formations et autres productions.

En 2002, le GFPD s'est vu décerner le prix Claire-Bonenfant; en 2005, le prix Condorcet-Aron remis par le Centre de recherche et d'études politiques de Belgique, et, en 2010, le prix Égalité dans la catégorie Pouvoir et religion...

Une voix: Et régions.

Mme Paradis (Micheline): ...et régions -- pardon, merci -- qui était attribué par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. C'était un projet conjoint qui était mené par notre Centre de développement Femmes et Gouvernance et l'ENAP, avec qui nous avons un partenariat. Nous comprenons donc qu'il s'agit là de marques d'appréciation quant aux actions qu'on mène, et on y voit un signe aussi d'encouragement quant à l'opportunité de notre approche et de nos interventions.

Pour donner un aperçu du travail qu'on fait et des résultats qu'on obtient, par exemple nos Écoles Femmes et Démocratie ont accompagné, formé et soutenu, au cours des années 2007-2010, donc en trois ans, 250 femmes, dont 60 % se sont portées candidates aux élections suivantes. Est-ce que ces chiffres sont une source d'espoir pour les prochaines élections municipales en 2013? On l'espère.

Donc, dans la lignée du travail effectué, il est donc cohérent pour nous de saluer la volonté du gouvernement d'améliorer la représentation des femmes dans les instances politiques. À cet égard, le gouvernement, comme nous, à une autre échelle bien sûr... nous poursuivons le même but.

Nous savons tous et toutes que le principe d'égalité des hommes et des femmes a été inscrit dans le préambule de la charte québécoise des droits et libertés. Nous pensons que, conséquemment, cette disposition récente devrait influer sur toute la législation québécoise. À cet égard, est-ce que le projet de loi n° 2 devrait aller dans ce sens-là suffisamment? C'est la question que nous nous sommes posée. Et, plus précisément, nous avons aussi dit: Est-ce que le projet améliore l'accès des femmes aux postes électifs? C'est la question que nous nous sommes posée. Nous pensons effectivement que la réponse doit être affirmative. En améliorant le financement public des partis politiques, le projet de loi donne donc au gouvernement un levier pour intervenir auprès des partis politiques en exigeant d'eux encore plus de démocratie.

Cependant, nous pensons que le projet de loi a quelques silences, entre autres sur la question des femmes. On pense que le projet de loi ne va pas assez loin, qu'il contient des dispositions globales concernant le financement, bien sûr, mais rien de spécifique touchant la représentation des femmes comme telle, que nous souhaitons la plus paritaire possible et le plus rapidement possible.

Mais, le plus paritaire possible, nous avons aussi une proposition à vous faire, qui, je pense, est très intéressante, parce que nous proposons une zone de mixité égalitaire 40-60. C'est un principe qu'on met de l'avant et dont on aura plaisir à discuter avec vous. Donc, c'est un moyen, pour nous, qui est souple, qui viendrait peut-être combler la lacune qu'on décèle dans le projet de loi. Et notre groupe propose donc trois recommandations qui vous seront présentées par notre directrice générale, Mme Esther -- Esther, pour les intimes -- Lapointe.

Le Président (M. Pagé): Alors, on vous écoute. Oui, allez-y.

Mme Lapointe (Esther): Excusez-moi. Micheline vous a déjà présenté, en fait, je vous dirais, l'essentiel de ce que nous avons à vous présenter ici ce matin et les raisons pour lesquelles nous le faisons, surtout. En fait, je vais aller directement au but, à ce que nous recommandons.

Donc, c'est de modifier le projet de loi n° 2 en y inscrivant tout d'abord le principe de la zone de mixité égalitaire 40-60. Parce qu'à l'heure actuelle, comme on l'a dit, le principe d'égalité existe, il est inscrit dans la Charte des droits et libertés, mais on ne le retrouve nulle part ailleurs dans la Loi électorale. Nous, en fait, notre objectif, au groupe, depuis la création et depuis les 12 ans de travail que nous faisons, c'est bien sûr d'atteindre la parité. Mais on considère qu'une zone de mixité égalitaire hommes-femmes, 40-60, est beaucoup plus souple, beaucoup plus flexible, beaucoup plus facile à atteindre comme cible. Et donc c'est quand même un principe qui rejoint celui de l'égalité, et on trouve important de le mettre, de l'ajouter dans le projet de loi actuel.

Deuxième modification, ça serait d'amender les articles 1, 3 et 4 portant sur les articles 81, 82 et 83 de la Loi électorale de façon à ce que les partis politiques reçoivent une allocation dédiée au recrutement des femmes et une bonification de leur allocation annuelle pour les partis ayant réussi à faire élire leurs candidats, candidates dans cette zone-là de 40-60 dont nous parlons.

Je vous rappelle juste brièvement quelques faits probants concernant la représentation des femmes élues au Québec. Les femmes forment 52,9 % de la population québécoise. À l'heure actuelle, elles sont sous-représentées dans les instances décisionnelles politiques. En fait, c'est 32,9 % de la députation à l'Assemblée nationale à la suite de la dernière élection; 16 % de mairesses; 29 % de conseillères municipales.

Depuis l'élection de la première femme députée, depuis 1961, donc il y a de cela 50 ans, nous venons tout juste de franchir le cap de 30 % d'élues à l'Assemblée nationale. À ce rythme-là, on aura atteint la parité entre 2050 et 2060. Moi, je n'y serai plus, malheureusement, et j'aimerais bien ça voir ça avant ça, parce que ça fait longtemps que j'y travaille.

**(11 h 20)**

Le Président (M. Pagé): ...de deux minutes.

Mme Lapointe (Esther): Bon, parfait. Donc, en 2011, le groupe avait présenté justement un mémoire qui proposait deux chantiers pour justement améliorer la situation des institutions politiques et la situation de la représentativité des femmes à l'heure actuelle. Ces deux chantiers-là, il y en avait un qui portait sur la modification et l'ajustement des institutions politiques; ce chantier-là relève des instances politiques. L'autre chantier, c'est celui de la sensibilisation, de la préparation et de la motivation des femmes, et ça, les groupes de femmes, dont nous sommes, on s'en occupe.

Dans le cadre de l'ouverture de la Loi électorale, le fait d'augmenter le financement public, ça donne à l'État l'occasion justement d'imposer d'une certaine façon des règles, des résultats aux partis politiques. Et c'est la raison pour laquelle nous vous proposons les modifications que nous avons... que nous venons de vous présenter.

Je voudrais aller très brièvement aux deux dernières recommandations. C'est de confier au Directeur général des élections le mandat d'établir, de façon réglementaire, notamment pour les partis politiques, une politique de recrutement des femmes incluant un calendrier de mise en oeuvre et d'en assurer le suivi régulier, parce que toute mesure qu'on adopte, il faut être capable d'en faire un suivi. La troisième recommandation, c'est de rendre public et de mettre en oeuvre le plan d'action pour ajuster les institutions politiques de façon à ce que la mixité égalitaire dont on parlait devienne intrinsèque à la vie politique québécoise, et ce, d'ici 10 ans.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie, Mme Lapointe. Alors, nous aurions maintenant un bloc de 22 minutes avec la partie ministérielle. M. le ministre...

M. Drainville: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Pagé): ...et député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci. Merci. Il ne faut pas oublier: on est d'abord député, vous avez bien raison.

Le Président (M. Pagé): Voilà, avant tout.

M. Drainville: Merci d'être là. Vous faites un travail qui est très important, et je vous en félicite. Vous avez raison de dire que l'objectif d'une parité n'est pas encore atteint, puis je pense qu'il faut effectivement tendre vers ça. En même temps, puis vous ne m'en voudrez pas si je le souligne, il y a quand même matière à se réjouir du fait qu'on a une femme première ministre pour la première fois de l'histoire du Québec, on s'entend là-dessus, c'est quand même un très beau gain, n'est-ce pas?

Par ailleurs, et je vais arriver avec ma question, vous savez sans doute qu'on a déposé un projet de loi sur les élections à date fixe, et, un des arguments que nous avons soumis, pour ce qui est des élections à date fixe, c'était la... ça va être plus facile, à notre avis, à partir du moment où il y a des élections à date fixe, ça va être plus facile de recruter des candidats et, en particulier, des candidates, parce que c'est possible de se projeter dans le temps, c'est possible de planifier la transition vers la vie publique, et donc de... On sait, et c'est un fait, là, on essaie encore là de tendre de plus en plus vers l'égalité, mais on sait que les femmes portent encore davantage que les hommes le poids de la conciliation travail-famille, on sait que c'est comme ça. C'est moins pire qu'avant, je pense. En tout cas, on essaie chacun de notre côté de faire davantage notre part en ce domaine-là, mais moi, je dois reconnaître que ce n'est pas facile, et on est très chanceux d'avoir des conjointes qui nous appuient dans les choix que nous faisons. En tout cas, moi, dans le choix que moi, j'ai fait, je lui en suis très, très reconnaissant, et heureusement qu'elle est là.

Mais ce que je reconnais aussi de façon plus générale, c'est que c'est probablement plus exigeant pour une femme de faire le saut en politique que ça l'est pour un homme. De façon générale, je pense que c'est le cas. Et donc vous avez raison de nous rappeler à notre responsabilité d'essayer de trouver des façons de faciliter l'accès à la vie publique pour les femmes. Et les élections à date fixe, à notre sens à nous, vont aider dans l'atteinte de cet objectif-là.

Est-ce que je peux vous poser la question... Vous soulignez... Je trouve votre concept de mixité égalitaire 40-60 intéressant. À votre connaissance, est-ce que ça existe ailleurs? Est-ce que c'est un concept que vous avez inventé ou est-ce que ça existe ailleurs, ce concept-là de mixité égalitaire?

Le Président (M. Pagé): Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Esther): Ce n'est pas un concept que nous avons inventé, mais c'est un concept sur lequel a travaillé Élaine Hémond, qui est l'idéatrice du groupe et une des cofondatrices, et Élaine s'est appuyée sur ce qui se fait à l'heure actuelle en Europe. On parle de... ça se discute, cette zone de mixité égalitaire 40-60.

M. Drainville: Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a un État ou une nation qui est en train de le mettre en oeuvre ou qui a tenté de le mettre en oeuvre? On sait que les pays scandinaves en général sont assez innovateurs sur ce plan-là. À votre connaissance, est-ce qu'il y a des exemples concrets qui existent?

Mme Lapointe (Esther): Bien, pas à ma connaissance. Je ne serais pas en mesure de vous répondre ce matin, mais peut-être que ma collègue Mireille Lalancette, justement, qui est chercheure dans ce domaine, pourrait nous éclairer.

Mme Lalancette (Mireille): Il y a toute une série de pays qui n'ont pas parlé nécessairement de mixité en tant que telle mais ont imposé des quotas. Ils ont imposé des quotas légaux, dans certains cas dans leurs constitutions mêmes, de certains pays. Par exemple, le Burkina Faso, le Népal, les Philippines, l'Ouganda ont un principe de quotas dans la constitution même du pays. Donc, si jamais le Québec devient un pays, on pourrait penser à ça.

Dans la Loi électorale, dans certains cas, c'est dans la loi: en Belgique, en Bosnie, en Slovénie puis en France. Et, dans certains cas, c'est dans les partis où on impose des quotas. En Allemagne, en Norvège et en Suède, c'est les partis qui s'autorégulent mais vraiment avec une question de quotas. La question de la mixité est plus souple parce qu'elle permet d'aller dans un sens ou dans un autre et de ne pas nécessairement d'avoir 50-50, qui est plus rigide.

M. Drainville: C'est ça, c'est moins contraignant, même si on tend vers le même objectif.

Mme Paradis (Micheline): Il faut remarquer aussi que ce sont des mesures incitatives qu'on propose. Parce que, quand on impose des quotas, on est dans une autre dynamique, je dirais.

Mme Lalancette (Mireille): Plus coercitive.

Mme Paradis (Micheline): Plus coercitive.

M. Drainville: Est-ce que vous avez des exemples d'États ou, encore une fois, de nations ou de pays qui se sont donné des règles pour favoriser justement l'accession des femmes à la vie politique? Est-ce que vous avez des exemples concrets?

Le Président (M. Pagé): Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Esther): La plupart des pays qui sont en tête du palmarès mondial établi par l'Union interparlementaire ont soit, justement comme Mireille disait, des quotas ou encore un système de scrutin proportionnel mixte. Et ça, c'est démontré, et il y a plusieurs études qui le démontrent.

Parmi les pays qui sont, disons, parmi les 20 premiers... Pour vous donner un exemple, là, le Canada se situe au 46e rang de ce palmarès-là. Le Québec, qui n'est pas un pays, si on regarde quand même, se situe au 22e rang, c'est-à-dire derrière le Népal.

M. Drainville: 23e?

Mme Lapointe (Esther): 23e, derrière le...

M. Drainville: Et le Népal, le 22e. Voilà.

Mme Lapointe (Esther): C'est ça. C'est ça. Et, parmi les pays qui récemment ont adopté des quotas, il y a l'Argentine, si ma mémoire est bonne. Les pays d'Amérique du Sud qui ne sont pas... disons, qui sont plutôt réputés pour leur côté machiste, se sont quand même donné des moyens, et même coercitifs, là, sous forme de quotas, pour accélérer l'histoire, comme nous, on aime dire.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie.

M. Drainville: Merci.

**(11 h 30)**

Le Président (M. Pagé): Je crois que la députée de Sainte-Rose aimerait bien échanger avec vous. Mme la députée.

Mme Proulx: Alors, bonjour. Je voulais vraiment vous remercier d'être venus témoigner ici ce matin. Je vous dirais d'emblée qu'à titre de femme élue j'ai lu attentivement ce que vous avez déposé et je trouve plein de recommandations tout à fait pertinentes. Je pense que vous dressez un portrait de la situation réaliste. Et, comme le mentionnait le ministre, il ne faut pas penser que c'est simple et aussi facile pour une femme de se lancer en politique, mais c'est tout à fait faisable. Alors, on devrait le dire, et le démontrer, et aller porter la bonne parole aussi à un plus grand nombre de femmes.

Pour revenir au projet de loi qu'on étudie actuellement, vous avez cité, dans votre mémoire, Manon Tremblay, qui est professeure de sciences politiques à l'Université d'Ottawa, et elle mentionne qu'un programme public de financement, selon elle, faciliterait la participation des femmes en politique puisque ça viendrait réduire une des embûches quand même assez importante qu'est le financement. Donc, est-ce que vous pensez que l'un des effets secondaires positifs du projet de loi actuel pourrait être de favoriser la venue d'un plus grand nombre de femmes en politique?

Mme Paradis (Micheline): A priori, on pourrait le penser dans la mesure où le montant, je dirais, qui... le 100 $ qu'on parle comme seuil de financement, je dirais, ça peut peut-être être considéré par les femmes comme une mesure qui les incite, je dirais, à aller chercher du renfort, etc. Donc, ça peut être effectivement une bonne piste, mais... Dans le fond, la question du financement des partis politiques, c'est une façon pour les femmes d'aller chercher, dans les partis aussi, un appui, un groupe de référence, une façon de faire leurs classes dans un contexte où ce n'est pas facile. Le cheminement de carrière des femmes n'est pas le même, on le sait, que celui des hommes.

En principe -- et là je fais référence surtout au recrutement des femmes -- les femmes intègrent les obligations ou les responsabilités au fur et à mesure qu'elles se présentent dans leur vie... au cours de leur vie, alors que, souvent, les hommes sont plus à tiroirs. Donc, quand... Et le fait d'épouser, je dirais, une carrière politique fait en sorte que, pour les femmes, ça devient un ajout important dans leur vie. Et je pense qu'elles sont, en principe en tout cas, en situation d'évaluer le pour et le contre des choses. Je pense que, vraiment, le cheminement de carrière d'une femme est à approfondir, et toute la question du recrutement des femmes par les partis politiques, c'est aussi un défi pour eux.

Donc, sur la question du financement, dans la mesure où les partis politiques peuvent... ont des obligations à rendre, je dirais... et dans notre recommandation, on demande que le gouvernement, par règlement, demande au DGE, au Directeur général des élections, de suivre le plan du recrutement et le plan que les partis politiques seraient amenés à lui soumettre et fasse état des progrès réalisés. Donc, si on a un plan, et s'il y a une volonté politique, et si le financement est adéquat, je pense que c'est des conditions qui seraient de nature à faciliter les choses.

J'ai fait un long détour, mais j'espère m'être fait comprendre.

Le Président (M. Pagé): Non, c'était très utile. Alors, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx: Oui. Alors, vous parlez effectivement du recrutement des femmes et, dans votre mémoire, à la page 2, vous mentionnez, en fait, deux grands chantiers: un qui s'adresse plus aux institutions politiques, aux institutions publiques, et l'autre grand chantier qui s'adresse aux groupes de femmes, mais j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus sur quelles pourraient être les mesures, d'autres mesures? Qu'est-ce que ça pourrait être, quand vous parlez de mesures spécifiques, pour faciliter, là, favoriser le recrutement des femmes en politique?

Mme Paradis (Micheline): J'ai le goût de vous répondre de façon... dans le même sens de ma présentation tout à l'heure. Le groupe s'est vraiment beaucoup spécialisé et a été reconnu pour la qualité de ses formations. Et, pour avoir assisté à une de celles-là, c'était une école qui était... se déroulait en Estrie, par exemple, il y avait des jeunes femmes qui étaient en questionnement pour savoir: Est-ce qu'on doit s'impliquer davantage en politique, etc.? C'était vraiment un laboratoire, je dirais, et ça a été extrêmement convaincant. La formation qui est donnée, c'est une formation pratique. Ça aide les femmes à décider, je dirais: À quoi je m'attends pour entrer en politique? Et, si je fais le saut, comment je m'organise? Et donc on a des façons de faire, des formations avec les médias: Comment traiter avec les médias, comment traiter... comment mieux connaître aussi les programmes des partis avant de s'engager, etc., et comment prendre sa place?

Et les femmes ont aussi beaucoup besoin, je dirais, de confiance en elles. Souvent, ce n'est pas une question de compétence. On sait que les femmes sont de plus en plus instruites, sont de plus en plus diplômées, etc. Souvent, faire le saut, ça demande, je dirais, une façon de s'affirmer davantage, et ça, je pense que le groupe le fait convenablement. En tout cas, si on regarde les statistiques, ça fait la différence.

Mme Lapointe (Esther): Si je peux me permettre d'ajouter.

Le Président (M. Pagé): Oui.

Mme Lapointe (Esther): Je voulais juste vous donner un exemple, puis ça va rejoindre un peu ce dont vous parliez tout à l'heure avec des élections à date fixe, c'est que, depuis 2005, les élections municipales étant à date fixe, nous, on est capables de planifier les formations que nous offrons aux femmes. En 2009, 71 des participantes à nos formations -- puis c'est des petits groupes, là, on parle des écoles, c'est 20, 25 personnes, là, c'est des formations intensives de quatre jours, à raison de 12 heures par jour -- 71 %... 71, c'est-à-dire, participantes étaient candidates aux élections: 16 à la mairie, il y en a 12 d'élues; 55 à un poste de conseillère municipale, il y en a 29 d'élues. C'est sûr que nous, on n'a pas le contrôle sur les élections, mais, en tout cas, on a fait une différence au niveau des candidatures.

À la dernière élection provinciale, c'était... il y avait six des participantes qui étaient passées par les formations, et il y en a une d'élue. À la dernière élection fédérale, il y en avait sept. Pourquoi il y en a moins à ces paliers-là? Bien, c'est très simple, c'est que, les élections n'étant pas à date fixe, nous, à un moment donné, on fait une école multipaliers, puis, bien, on a quelques femmes qui se préparent sans trop savoir à quel moment. Donc, oui, la préparation, le temps aussi à donner aux femmes est important pour faire une différence.

Le Président (M. Pagé): M. le ministre, oui. M. le ministre... Ah! Non. Donc, on passe au député de Deux-Montagnes. Allez-y.

M. Goyer: Alors, je suis un peu comme le député de Beauce. Tantôt, il a voulu parler de son expérience terrain. Moi, je suis un gars de terrain, et, pour avoir organisé plusieurs élections municipales où, selon vos chiffres, on a de la difficulté à atteindre la parité, je pense que c'est votre travail qui fait la différence en tant que groupement au niveau de la formation. Parce que, pour des organisateurs comme nous sommes, on avait l'objectif d'avoir l'équité au sein du conseil municipal -- on l'a presque atteint, quatre sur 10 -- mais le problème, c'est de trouver les candidates qui se font valoir dans leur milieu.

Je ne sais pas au niveau provincial, je ne connais pas la dynamique des partis politiques provinciaux, mais, au niveau municipal, la principale difficulté, c'est ça, c'est de les trouver, c'est de trouver la personne féminine qui s'est impliquée dans son milieu puis qui est disponible. Je vous le dis, on a même pris les journaux locaux pour être capables de trouver des personnes femmes qui s'impliquent dans leur communauté, peu importe que ce soit sur une garderie, un club d'âge d'or ou le Club Optimiste. C'est de les trouver.

Ça fait que la principale difficulté, ce n'est pas les partis qui ne veulent pas, c'est les femmes qui ne sont pas, dans la collectivité, bien représentées. C'est pour ça que je me dis, quand vous nous dites: Faire des quotas... Je me mets au niveau municipal, j'avais la volonté d'avoir l'équité -- on est 10 conseillers municipaux à Saint-Eustache -- d'avoir cinq hommes, cinq femmes, on en a eu quatre. J'aurais eu l'obligation d'avoir un quota, je ne sais pas comment je l'aurais atteint.

Ça fait que ma question, c'est... Dans le fond, je vous honore en vous disant: Continuez votre formation, ça va permettre aux organisateurs politiques municipaux, provinciaux d'atteindre l'équité ou la parité hommes-femmes. Mais comment, même avec un quota, dans les autres pays, ils réussissent à recruter des femmes?

**(11 h 40)**

Le Président (M. Pagé): Mme Paradis.

Mme Paradis (Micheline): Vous avez raison de dire que, dans l'arène politique, les femmes ne se sentent pas nécessairement à l'aise. Vous avez raison de le dire. Et je pense que Marie Leclerc, qui a été une conseillère municipale à la ville de Québec, peut témoigner de ce que vous dites. Et elle a fait du recrutement, elle aussi, donc d'autant plus.

Mme Leclerc (Marie): Effectivement, quand je vous entends, j'estime que, justement, vous faites la démonstration pratiquement de ce qu'on essaie de prouver, de démontrer. Votre parti politique a une volonté et l'a exprimée, a fait du recrutement, et vous avez atteint quatre sur dix. Vous êtes dans la zone de parité, hein?

Une voix: Oui.

Mme Leclerc (Marie): Vous l'avez réussi. Donc, c'est un ingrédient essentiel que le parti lui-même soit volontaire, se fasse un plan, prenne les moyens de recruter.

Il y a deux grands facteurs dans le fond, deux groupes de facteurs qui expliquent la difficulté de recrutement des femmes. Moi, je l'ai fait, j'ai tenté de recruter des femmes, j'en ai recrutées aussi avant, et pendant, et après avoir fait de la politique au municipal, et je peux dire que j'en recrutais une sur 10 candidates visées. Chez les hommes, chez mes collègues hommes, on partageait ça, c'était un sur un, un sur deux, un sur trois. Les hommes étaient spontanément intéressés quand on les intéressait.

Chez les femmes, elles ont des hésitations. Elles prennent plus de temps à décider. Et on expliquait tantôt le facteur de type de carrière ou comment mettre ça dans sa carrière. Souvent, une femme fait une carrière et fait une certaine progression. Elle se dit: Si je fais de la politique, vais-je être élue? Si je ne suis pas élue, est-ce que ça va me nuire? Est-ce que ça va m'aider? C'est des questions que les hommes se posent aussi, on s'entend, mais, pour une femme, faire une carrière est exigeant, vous le savez. C'est quand même des glaces qui se cassent, des plafonds qui se brisent. Et c'est vrai qu'il y a un facteur de risque pour une femme. Pour un homme, c'est un facteur de plus-value, à la limite.

Alors, c'est souvent interprété comme ça et c'est ce qui joue généralement. Les femmes cherchent à comment elles vont faire pour intégrer cette expérience politique là, soit comme candidate, soit comme élue, dans leurs cheminements. Et c'est un questionnement souvent déchirant, et on compte là-dedans leur expérience familiale, parfois les soins qu'elles ont à... qu'elles offrent à leurs parents vieillissants. Tout ça joue, hein? On l'a exprimé tout à l'heure, la conciliation famille-travail n'est pas simple et reste en bonne partie leur lot, malheureusement.

Et leur perception de leurs propres capacités aussi joue, et il faut les travailler au corps beaucoup. Il faut leur dire: Oui, tu es aussi capable qu'un autre, même si ton expérience est différente. Et effectivement, comme vous l'exprimiez très bien, les expériences de vie des femmes sont souvent dans une autre culture: sont dans le communautaire, sont dans des zones... les garderies, les choses de type... peut-être moins payantes mais très importantes pour la communauté. Et je pense que vous êtes très bien placés, en politique, pour savoir que c'est souvent là qu'on recrute des hommes et des femmes et qui font des formidables élus au bout du compte. Mais il faut y penser, il faut se retirer et y penser, puis dire: Bien, peut-être que là il y a d'autres types de personnes, et on va s'y intéresser.

Au sein des partis, donc les contenus, les orientations, les priorités qui seront retenus vont influencer la décision des femmes. Si jamais il est question, je ne sais pas, du monde des garderies, du monde des inégalités dans un parti, bien, ce n'est pas nécessairement le monde des femmes. Mais ce n'est pas un absolu, c'est comme des tendances et des types de préoccupations.

La composition même des partis. S'il y a une vaste majorité d'hommes, évidemment ce n'est pas très invitant puis on ne parlera jamais assez de la solitude d'une femme qui arrive là toute seule ou... qu'elles arrivent à deux, c'est déjà mieux. Mais, quand elles sont un peu plus nombreuses, elles peuvent partager entre elles aussi leur vécu puis leurs difficultés de leur nouveau rôle. N'oublions pas que c'est nouveau pour la plupart d'entre elles.

Et, dans les façons de faire aussi, dans la façon de tenir les réunions, les heures, les... Est-ce que la vie personnelle est considérée ou pas? Est-ce que, quand on a une difficulté d'affronter, par exemple, je ne sais pas, un adolescent en crise, c'est quelque chose qui peut être respecté, finalement, au sein de la vie politique? Ça regarde les hommes comme les femmes. Mais, justement, ce qu'on préconise, c'est que, si un parti est préoccupé de ce genre de choses, la vie personnelle des gens et de leurs cheminements, ça va profiter et aux femmes et aux hommes.

Le Président (M. Pagé): Alors, le temps étant pratiquement écoulé, je passerais maintenant à l'opposition officielle pour une période d'un peu plus de 22 minutes d'échange avec nos invitées. M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Merci, M. le Président. J'aimerais entendre ce que madame avait à dire.

Mme Paradis (Micheline): C'était un complément. Ce n'est pas tellement moi qui avais à dire que Mme Prévost-Fournier, justement pour ajouter à ce que Marie vient d'expliquer.

Mme Prévost-Fournier (Claire): On parlait de la difficulté du recrutement des femmes, alors... D'ailleurs, c'est pour ça qu'on demande, dans ce qu'on vous dépose aujourd'hui, que les partis politiques reçoivent une allocation spécialement dédiée au recrutement des femmes, parce que c'est difficile. Et c'est difficile pour toutes les raisons qu'on a évoquées, mais aussi il faudrait que les partis politiques ou les instances politiques qui font du recrutement sachent qu'il y a des études qui ont porté sur la spécificité féminine, sur le cheminement de carrière au féminin, qui donnent des balises claires et qu'on fait vraiment la démonstration a plus b que, si on aborde les femmes pour les recruter de la même façon qu'on aborde les hommes, vous allez avoir des non. C'est parce qu'on ne sait pas comment faire.

Donc, pour que les partis politiques en arrivent à savoir comment faire, il y a tout un boulot à faire. Il y a vraiment un boulot à faire. Alors, c'est pour ça qu'on pense que les partis politiques, ils devraient y travailler. Et, s'il y avait des allocations qui leur étaient dédiées pour faire ce travail-là, bien, ça accélérerait les choses. Voilà.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Je vous fais une boutade que j'ai fait souvent. Le problème, c'est que les hommes se pensent meilleurs qu'ils sont, puis les femmes se pensent malheureusement moins bonnes qu'elles ne le sont.

Une voix: Vous avez raison.

M. Dutil: C'est une des grandes difficultés. D'ailleurs, j'avais dit à quelqu'un qui trouvait que je n'avais pas beaucoup d'hommes dans mon cabinet, j'ai dit: Je n'en aurais pas s'il était... ne travaillait quasiment pas aussi bien qu'une femme. Il travaille quasiment aussi bien qu'une femme, c'est pour ça que j'en ai un, un gars.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil: C'est une difficulté véritable. Notre sujet, c'est le financement. Vous soulevez la problématique d'inclure dans le projet de loi une composante qui forcerait davantage de recrutement des femmes. Moi, je ne suis pas contre cette discussion-là puis trouver des mécanismes, d'autant plus que, si je me rappelle bien, dans l'étude qui nous a été présentée par M. Turgeon, il y a des pays qui ont fait ça, vous l'avez soulevé tout à l'heure.

Mais je voudrais revenir tout de même au projet de loi en question. Le projet de loi, lui, il fait passer le financement d'un financement public, crédit d'impôt, à un financement public selon les votes obtenus. Est-ce que vous trouvez que c'est la bonne formule en termes de financement des partis politiques, là? Je vous demande une question sur le fond du projet de loi.

Mme Paradis (Micheline): Sur le fond, je pense que ce qu'il est important de savoir, c'est le financement public. Si on le majore, ça veut dire qu'il y a un levier, comme je le disais tantôt, de plus pour exiger des partis politiques de faire du rattrapage au niveau du recrutement des femmes. Je pense que c'est l'essentiel de notre réponse là-dessus.

Est-ce que c'est 100 $, 200 $, etc.? On n'en est pas là. On n'en est pas... Il y a sans doute des personnes qui sont mieux habilitées que nous pour en conclure. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est que ce soit facilitant, je dirais, pour les partis politiques, s'ils ont des ressources, d'accepter de faire le cheminement difficile dont ma collègue parlait tantôt.

Je vous invite peut-être à avoir comme livre de chevet, c'est tout dire, Le mentorat en politique auprès des femmes. C'est vraiment, je dirais, une étude qui est éclairante sur la façon d'agir des femmes, la façon de réfléchir et la façon de s'engager.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Bien, regarde, ça me va, là. Vous voyez que, sur le plan du principe, je pense qu'on peut être en accord. Il faut trouver la façon. Oui, il y a un levier supplémentaire quand il y a plus de financement public pour faire des choses de ce genre là. Il faudra voir. Ce n'est pas le cas du projet de loi actuel, mais vous soulevez la question, puis je pense qu'elle mérite d'être soulevée. Merci.

Le Président (M. Pagé): Oui. La parole est maintenant au député de Fabre.

**(11 h 50)**

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. En fait, premièrement, je notais que, grâce à votre présence, on réussit à s'approcher de la zone de mixité souhaitée.

Écoutez, je... c'est un commentaire, ce n'est pas une question, mais, dans mon ancienne vie, j'ai été bâtonnier du Québec, et ce message, pour moi, est un message fondamental qu'on doit porter, celui de tendre vers cette égalité de fait des femmes et des hommes. Et les moyens que vous prenez, votre action dans le créneau où vous agissez, je pense, moi, que c'est un message important que nous recevons, et je suis heureux d'entendre que, de part et d'autre, là, on est sensibles à cette question-là. Il reste à voir est-ce que le projet de loi n° 2 est le meilleur moyen, meilleur véhicule pour agir? Mais ce message-là, pour moi... et là je parle comme député de Fabre, pour moi, et je ne veux pas engager personne d'autre dans mes convictions, là, mais c'est un message que je reçois et que je tente de porter aussi parce que, pour moi, c'est une question fondamentale de reflet de la société dans laquelle on évolue, d'une part.

Comme le député de Beauce-Sud, je pense aussi que les femmes contribuent énormément à une équipe et à la réflexion. Et donc j'ai, moi aussi... Je ne veux pas dénigrer les hommes, là, mais les femmes travaillent très bien. Et aussi, pour moi, je suis père de trois filles, alors...

Des voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Oui. Alors, je voulais simplement vous féliciter dans vos actions. Continuez. Portez ce message-là. Et je tenterai, dans la mesure de mes modestes moyens, de relayer votre message à mes collègues parlementaires. Merci.

Le Président (M. Pagé): Oui? Vous voulez réagir ou sinon... Oui, Mme Paradis.

Mme Paradis (Micheline): En fait, vous soulevez là un commentaire intéressant pour nous parce qu'on sait que, du côté des avocats, les avocates ont fait beaucoup, beaucoup de travail pour sensibiliser l'ensemble de la corporation, si je peux dire, à cette évidence qu'une société fonctionne mieux quand elle est plutôt égalitaire. Alors, ça va dans ce sens-là, et je vous remercie de votre témoignage.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. M. le député de... Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Merci.

Le Président (M. Pagé): On va prendre l'habitude. On cherche les noms encore.

M. Poëti: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Pagé): Pardon?

M. Poëti: Donc, je souligne quand même que Marguerite Bourgeoys, une sainte, qui a été canonisée en 1982 pour...

Des voix: ...

M. Poëti: Non, mais c'est vrai. Et, pour ajouter à mon confrère, en fait, j'ai une fille, je n'ai qu'une fille, et ma conjointe est avocate. Alors, ça rejoint un peu ce que vous disiez.

Bon, vous savez qu'on rencontre plusieurs groupes, et peut-être, pour mes collègues, ça pourrait être redondant, mais j'ai fait un commentaire hier à des gens et je me sens obligé vraiment de vous le redire: Quand vous parlez de quotas, je suis d'accord à dire que peut-être le terme n'est pas très bon, mais d'une obligation, d'une discrimination positive sur un nombre de personnes qui doivent être en politique, des élus -- en fait, on parle de députés -- est-ce que vous pensez que ça pourrait être applicable au Conseil des ministres?

Parce que vous avez soulevé tantôt: Dans un pays comme le Québec, si tel était le cas, la première ministre... On a une première ministre, on est heureux. Évidemment, on a peut-être un peu de peine, je dirais, qu'elle n'ait pas davantage placé de femmes ministres dans son Conseil des ministres au moment où M. Charest avait réussi à faire, avec moins de 39 % d'élus, la parité de femmes au Conseil des ministres, qui, je pense, a été atteinte il y a déjà quelques années. Est-ce que vous pensez que votre proposition, évidemment, d'un nombre égal de personnes devrait ou pourrait s'appliquer aussi au Conseil des ministres? Et les ministres qui décident, qui ont des postes d'importance. Et il y en a beaucoup dedans, sur le côté de l'opposition... du gouvernement, actuellement.

Mme Paradis (Micheline): Oui, oui. Je pense que tout ça nous démontre bien que c'est une question de volonté politique. Et je pense que c'est très important de sensibiliser donc les gouvernants à cette réalité-là. Et, si les partis politiques se font un devoir d'avoir dans leurs rangs suffisamment de candidates, sans doute que ça pourra avoir un effet ailleurs.

Mais tout ça, encore une fois, est une question de volonté politique, et ce que nous proposons aujourd'hui, ce sont des mesures -- encore une fois, j'insiste là-dessus -- incitatives. Ce ne sont pas des mesures coercitives, et on ne parle pas nécessairement de quotas comme tels. Alors, je pense que je fais un appel à la bonne volonté de tout le monde. Et, si on se donne la main et si on se donne surtout les moyens d'y arriver, il n'y a pas de raison de penser qu'il ne pourrait pas y avoir une deuxième femme première ministre éventuellement.

M. Poëti: Oui, mais le Conseil des ministres...

Mme Paradis (Micheline): Éventuellement.

M. Poëti: Mais parce que... Je soulève ça, et ce n'est pas partisan, mon propos, c'est que, lorsqu'une personne se présente en politique, est députée, il y a aussi un cheminement. Vous avez parlé de cheminement de carrière, il y a des cheminements de politique aussi. Et il y a des députés qui se disent: Bien, un jour, j'aimerais ça être ministre. Alors, évidemment, si la représentation des femmes comme ministres au conseil, au Conseil des ministres, est présente et même à parité, voici une incitation, à mon avis, pour les femmes de dire: Non seulement j'ai une possibilité de carrière, mais aussi de me rendre en politique ultime, c'est-à-dire d'être la première ministre. Mais, évidemment, ce serait intéressant de voir plus de femmes aussi. Alors, c'est un peu mon propos à ce sujet-là.

Une voix: C'est souhaitable.

M. Poëti: C'est souhaitable et c'est réalisable.

Mme Prévost-Fournier (Claire): C'est souhaitable, mais il faut vraiment considérer que d'avoir une femme première ministre, c'est un poids considérable dans un Conseil de ministres. Il faut le voir aussi, là.

M. Poëti: Mais vous ne considérez pas que, si elle avait fait la parité avec les femmes aussi dans son Conseil des ministres actuel, ça aurait été intéressant?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Souhaitable. Ça aurait été intéressant et souhaitable.

M. Poëti: Et souhaitable.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Mais je veux dire...

M. Poëti: C'est bon. Merci.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de l'opposition officielle? Non. Alors, je passerais maintenant à la deuxième opposition avec le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Salutations, mesdames, d'être présentes avec nous. Je parlais un petit peu avec vous tout à l'heure de votre organisme que je reconnais ne pas bien connaître. Mais, en fait, je le connaissais mieux que je ne pensais parce que j'ai rencontré, dans ma circonscription, trois dames qui ont suivi votre formation. Je ne les identifierai pas, bien entendu, parce que, sans nécessairement que ce soit confidentiel mais, si elles l'ont fait, bien, si elles veulent le dire, elles le diront publiquement. Je vais vous poser des questions là-dessus, m'expliquer c'est quoi que vous faites comme formation, parce que les trois dames en question sont sorties de là emballées. J'aimerais que vous partagiez avec tout le monde, là, votre expérience.

Mais, avant, M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de faire certaines observations sur ce que j'ai entendu de part et d'autre concernant justement la fameuse question de la parité hommes-femmes en politique. Parce que, vous savez, on peut servir la cause des femmes, puis on peut aussi se servir de la cause des femmes pour faire des gains politiques. Vous avez pris la peine tout à l'heure de mentionner à juste titre que le parti ministériel avait présenté 40 % de femmes lors des candidatures aux dernières élections. C'est vrai, ça correspond à votre quota de quatre sur 10, mais, quand est venu le temps de former le gouvernement, quand est venu le temps d'aller chercher le vrai pouvoir, quand est venu le temps d'exercer là où les grandes décisions se prennent, c'est 66 % des hommes, à peine un tiers. Ça aussi, je comprends que vous avez reconnu qu'en effet c'était désolant, mais c'est la réalité. C'est la réalité.

Au même titre aussi, quand j'entends les gens de l'opposition officielle nous rappeler qu'en 2007 et en 2008 la parité hommes-femmes avait été atteinte par M. le premier ministre Jean Charest, c'est une réalité. Mais il faut se souvenir aussi qu'au départ de Monique Jérôme-Forget en avril 2009 cette parité-là n'existait plus. Le premier ministre Jean Charest a décidé de mettre de côté cette parité-là, pas juste un petit peu, là, parce que, quand est venu le temps de déclencher une élection complémentaire, alors qu'il aurait très bien pu choisir des députées qui étaient dans son caucus, il a décidé de ne pas choisir une députée de son caucus mais d'aller en élection complémentaire, d'identifier un candidat, Clément Gignac, de le faire élire et, par la suite, quoi? Le nommer immédiatement au Conseil des ministres dans un poste senior, un homme, et, ce faisant, l'équilibre était complètement débalancé.

Alors, où étaient les beaux discours lyriques du premier ministre Charest lorsque justement il a défait complètement cet équilibre, alors qu'il avait le potentiel -- je reprends les mots du député tout à l'heure -- alors qu'il y avait des députées féminines qui étaient présentes et qui étaient d'excellentes candidates qui auraient pu être ministres? Alors, c'est pour ça que je vous dis: Il faut être prudent quand il est question d'égalité hommes-femmes et de parité hommes-femmes puis de chercher à mousser les candidatures. Parce que la réalité des faits, de part et d'autre, nous démontre que parfois, malheureusement... c'est une impression que j'ai, je peux me tromper, mais qu'on se sert de la cause des femmes plutôt que de la servir. C'était mon propos que je voulais faire là-dessus.

Maintenant, j'aimerais vous entendre sur votre expérience à vous, sur le fait que ce qui vous distingue: vous faites de la formation pour des candidates potentielles. Et, comme je vous le dis, moi, je connais trois personnes dans ma circonscription qui en ont bénéficié, qui ont été emballées. Faites-nous part de vos observations là-dessus. Quelle est votre expérience?

Mme Paradis (Micheline): Je pense que notre directrice générale, qui en a vu d'autres, peut très bien répondre à cette question.

M. Deltell: Mme Lapointe.

**(12 heures)**

Mme Lapointe (Esther): Ça me fait plaisir de vous parler des écoles Femmes et Démocratie parce qu'effectivement nous sommes partis du besoin des femmes. C'est qu'avant de mettre sur pied ces formations-là, dès les premiers colloques qu'on organisait, on demandait, on se demandait entre femmes: Pourquoi est-ce qu'on n'y va pas? Pourquoi est-ce qu'on n'est pas plus présentes en politique? Pour se rendre compte que finalement on sentait qu'on avait besoin de formation, parce que justement on doutait de nos compétences, et qu'on avait besoin d'un mentorat. Donc, dans le cadre d'une école, qu'est-ce qu'on fait? On prépare...

Premièrement, ça s'adresse à des aspirantes candidates, donc ça prend des femmes qui ont l'intention, à court ou moyen terme, de se lancer. Parce que ce sont quand même des formations, je vous dirais, dispendieuses, là, pour lesquelles on reçoit une subvention, et puis on ne peut pas se permettre de donner ça juste à quelqu'un qui songe comme ça à y aller. Et, au cours de ces quatre jours-là, en fait il y a un bloc important en communications, parce que les femmes souvent ont peur de s'exprimer publiquement, prendre la parole en public. Elles ont extrêmement peur de s'adresser aux médias et elles n'aiment pas vraiment débattre, elles ont peut-être moins d'habilité à débattre.

Donc, dans le cadre de ces quatre jours-là, elles ont, entre autres, des exercices de cette nature-là où elles ont à préparer un débat, à vivre un débat, mais tout ça est commenté par des experts. Je dois vous dire qu'on travaille... on vous a dit qu'on travaillait avec l'École nationale d'administration publique, on a des professeurs qui viennent. On travaille avec des gens reconnus, même d'anciens journalistes. On travaille aussi... on a beaucoup une partie de témoignages, parce qu'on pense que c'est important, pour donner le goût aux femmes d'y aller, d'entendre d'autres femmes leur raconter leurs expériences, donc, expérience politique à tous les paliers, expérience de campagne électorale, expérience de victoire et de défaite, comment on vit ça, comment... et puis, bien sûr, toute une partie théorique sur les institutions elles-mêmes, le fonctionnement des institutions dépendamment...

Je vous dirais qu'il n'y a pas deux écoles pareilles, parce que, premièrement, on adapte toujours le contenu de l'école à la région où on va ou au thème. Je vous annonce tout de suite qu'en mai prochain nous organisons une école sur le thème Mairesse, ça m'intéresse!. Et là ce sont des femmes qui visent tout de suite la mairie. À ce moment-là, ça pourrait être déjà des conseillères élues qui visent la mairie. Et là, à ce moment-là, l'école va porter sur des sujets plus spécifiques en lien avec ça. Et je dois vous dire qu'on reçoit, étant donné que notre groupe est non partisan, des candidates de tous les partis qui travaillent ensemble pendant quatre jours, qui créent des liens, qui ont à développer... Des fois, on leur demande de développer ensemble une plateforme électorale, puis vous comprendrez qu'il y a des fédéralistes, des souverainistes, plus à gauche, plus à droite, bref, un joyeux mélange, mais qui est en train de développer déjà une belle solidarité.

Puis elles ressortent... Nous, on voit la progression de la première journée, quand elles arrivent, à la quatrième journée. Je peux vous le dire, elles sortent gonflées à bloc de confiance et puis, comme je vous disais, 60 % d'entre elles, selon nos statistiques, font le saut.

Le Président (M. Pagé): C'est ce qui met fin à cette présentation. Mmes Leclerc, Lalancette, Paradis, Lapointe, Prévost-Fournier, je vous remercie sincèrement pour votre présentation.

Chers collègues, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, et nous nous retrouverons dans cette salle. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Pagé): Alors, bonsoir, tout le monde. À l'ordre pour commencer nos travaux. La commission donc reprend. Je demande à toutes les personnes, comme à l'habitude, qui sont dans cette salle de bien vouloir éteindre leurs cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder la consultation particulière... les auditions publiques sur le projet de loi n° 2, ce qui est donc la Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

À ce moment-ci, je souhaite la bienvenue aux gens d'Option nationale, et la parole est à vous, à notre ex-collègue, M. Jean-Martin Aussant, que je souhaite la bienvenue, et vous avez 10 minutes pour exposer votre mémoire.

Option nationale (ON)

M. Aussant (Jean-Martin): Parfait. En fait, il n'y a pas eu de mémoire écrit, c'est plus une intervention, et... Bien, d'abord, bonsoir, tout le monde. Bonsoir à mes ex-collègues et aux nouveaux non-collègues.

Je pense que notre présence ici est assez pertinente, parce qu'on est un jeune parti, et un projet de loi comme celui-là, selon certains, influence d'abord ou a d'abord un effet sur les petits partis qui ont moins de moyens. Puis j'espère que ce sera assez clair, ce soir, ce qu'on va dire pour exprimer que je ne pense pas que les petits partis souffriraient d'un projet de loi comme celui-là, pas de notre... pas à notre avis, en tout cas.

Vous le savez, avant, la contribution maximale était à 3 000 $; ça a posé de graves problèmes dans certains cas de donateurs malintentionnés. Ça a été refermé partiellement à 1 000 $, ce qui laissait encore la porte ouverte à certains agissements répréhensibles. Et nous, Option nationale, notre position de parti, ce serait de ramener ça à zéro.

D'abord... Et je m'excuse, je voudrais aussi présenter la directrice générale d'Option nationale, Sarah Désilets Rousseau, qui est avec moi. S'il y a des questions d'ordre plus légal ou technique, c'est Me Désilets Rousseau, en fait.

Donc, comme je le disais, on serait favorables, nous, à rabaisser ça à zéro, le financement privé. Donc, les dons, on les interdirait totalement. Ce serait un système essentiellement public. Et, contrairement à ce que bon nombre de citoyens pensent, ça coûterait moins cher à l'État, et non plus cher à l'État, parce que, quand on dit «système public», il y en a qui pense tout de suite, par réflexe, à plus d'impôts pour payer plus de dépenses, mais actuellement l'État paie déjà des millions de dollars chaque année aux partis politiques, que ce soit le remboursement des dépenses admissibles, que ce soit le financement qui découle des élections ou évidemment les crédits d'impôt qui existent, qui sont très généreux.

Et l'aberration du système actuel, c'est qu'il y a des citoyens malintentionnés qui financent des partis et avec un crédit d'impôt en plus, donc c'est une forme de subvention à ceux qui font le don politique avec des idées derrière la tête. Donc, ça, je pense que c'est évidemment à proscrire, et c'est pourquoi nous, on pense que, quand la porte était ouverte à 3 000 $, quand on l'a refermée à 1 000 $, c'est déjà un bon pas, mais qu'il faudrait aller jusqu'à zéro. Donc, d'aller jusqu'à 100 $, on est évidemment d'accord, mais on se demande pourquoi on n'irait pas jusqu'au bout de cette logique-là et d'interdire totalement les dons privés aux partis politiques.

J'imagine que l'argument qui va revenir, c'est que ça va nuire aux petits partis qui apparaissent entre deux élections, donc il faut garder un seuil minimum, mais... Bonjour.

Une voix: ...

M. Aussant (Jean-Martin): Je suis habitué.

M. Ferland: Je savais que tu étais ici, je voulais venir...

M. Aussant (Jean-Martin): Mais, en fait... Votre collègue d'Ungava m'a fait perdre le fil, là.

Des voix: ...

Le Président (M. Pagé): Vous pouvez continuer.

**(19 h 40)**

M. Aussant (Jean-Martin): Donc, nous... Les petits partis, je ne pense pas qu'ils souffriraient de ça parce qu'en général les grands donateurs de 1 000 $ et 3 000 $, à l'époque, ne donnaient pas à un tout nouveau parti, ils donnaient aux partis qui étaient aux portes du pouvoir, en fait, je le pense. Et donc les petits partis qui auraient une limite à 100 $, par exemple, dans ce projet de loi là seront moins affectés, je pense, que les grands partis qui n'auront plus de dons de 1 000 $ et de 3 000 $, à l'époque, qu'ils avaient et qu'ils ne pourront plus avoir. Alors, je pense que les petits partis ne devraient pas s'inquiéter de ça.

Et, quant à l'apparition de nouveaux partis entre deux élections, avec un système entièrement public, il y a toujours moyen d'avoir un financement de base, un financement minimal quand un parti recueille un nombre minimal de signatures, par exemple. Donc, c'est évident qu'un nouveau parti politique qui réussit à recueillir 5 000 ou 10 000 signatures, il est quand même assez crédible, face à un parti d'hurluberlus qui auraient 20 signatures dans la rue et qui voudraient se constituer en parti politique. Donc, je pense qu'il y a moyen d'avoir un financement de base qui serait... qui découlerait d'autre chose que des résultats électoraux entre deux élections. Donc, Option nationale prône un système entièrement public pour fermer complètement la porte aux donateurs qui seraient malintentionnés.

Il y a aussi la carte de membre qu'il ne faut pas oublier. Le projet de loi semble réduire de 50 $ à 25 $ la carte maximale. Ce serait peut-être à changer, ça, si on réduisait la porte à zéro, justement, si on fermait la porte à zéro, qu'il n'y ait plus de dons privés, mais que la carte de membre puisse encore se vendre 50 $. Je pense qu'il n'y a aucun parti qui utilise le 50 $ actuellement, à moins que je ne me trompe.

Puis Option nationale, la carte est à 10 $. Je pense que c'est déjà le plus élevé. Les autres partis ont tendance à rester à 5 $. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ne veulent pas être le premier à être plus cher que les autres. Nous, on pense qu'une carte à 5 $ ne couvre même pas les frais de gestion de la carte. Donc, je pense que les partis perdent de l'argent à chaque carte qu'ils vendent. Donc, à 10 $, c'est un peu plus raisonnable.

Mais, bref, si les dons privés étaient interdits et que la carte de membre pouvait se vendre 50 $, comme c'est la loi actuelle, les partis qui apparaissent entre deux élections auraient le moyen de se financer minimalement pour survivre jusqu'à l'élection. Et l'exemple d'Option Nationale est assez éloquent: on a déjà 7 500 membres. Donc, faites le calcul; si jamais on avait voulu vendre la carte à 50 $ pour avoir notre financement qui découle de ça, ça fait quand même pas mal de sous pour avoir un minimum de fonctionnement jusqu'aux prochaines élections.

Un argument qu'il ne faut surtout pas laisser gagner dans ce débat-là, c'est ceux qui disent que le fait de réduire le financement va réduire la participation citoyenne et que les gens ne voudront plus s'impliquer, parce qu'ils vont se sentir moins partie prenante à la vie de leur parti. Bien, je ne sais pas s'il y en a qui ont déjà trouvé ça plus facile de rassembler des gens pour parler de politique tout court que de les rassembler en leur demandant 400 $ en plus. Je ne sais pas si ça vous a déjà aidés d'attirer du monde de dire que ça coûte 100 $ ou 200 $ le cocktail, moi, ça ne m'est jamais arrivé.

Puis je pense de toute façon, en général, qu'un député ne devrait jamais être un collecteur de fonds. Même si la plupart des gens délèguent ça à des bénévoles et des gens qui ont le droit de le faire et qui le font bénévolement, il y a toujours une petite pression d'un député pour participer au financement de son parti. Et je pense que ça devrait être la dernière chose à demander à un élu, de penser à l'argent pour le parti.

Donc, en général, on trouve qu'il n'y a pas d'argument contre un financement essentiellement public. Les gens, comme je le disais, qui veulent protéger les petits partis en faisant ça, bizarrement, ça vient souvent des grands partis, donc je pense que c'est les grands partis qui veulent garder la possibilité d'avoir des grands donateurs. Donc, il ne faudrait pas mettre ça sur le dos des petits partis, ceux qui s'opposeraient à une telle loi.

Comme je vous le dis, on est un nouveau parti. Option nationale, on est un jeune parti. On a trouvé le moyen de se financer pour faire nos opérations dans la dernière campagne électorale avec des dons qui dépassaient rarement 100 $, de toute façon, même avant que cette loi-là entre en vigueur, si elle entre en vigueur. Donc, dans la réalité, les petits partis ne seront pas désavantagés tellement par ça. En fait, ça va dépendre de leur pertinence, parce qu'un petit parti qui n'arrivera pas à ramasser les signatures par exemple, comme je le mentionnais, minimales pour un financement de base, c'est peut-être que son temps n'est pas venu puis qu'il n'y a pas d'engouement dans la société pour ce parti-là.

Dans le cas d'Option nationale, on a quand même été témoins d'un engouement assez fort pour le parti. En quelques mois, on a déjà 7 500 membres, on avait des candidats partout aux dernières élections. Donc, on est vraiment un petit parti, on le pense, qui a raison d'être, puisque les gens embarquent pas mal. Malgré les efforts de certains de nous rendre le moins visible possible, on va quand même continuer à se faire voir et se faire entendre. Donc, il n'y a pas de doute là-dessus.

Et j'aurais aussi, peut-être, une note sur le projet de loi, et j'aimerais que le ministre nous en parle un peu. Quand on parle des activités politiques, comme un congrès par exemple, dont les sommes recueillies ne pourraient pas dépasser 3 % des sommes globales du parti, pour un petit parti, ça, c'est peut-être un problème. Parce que, si le budget total est par exemple de 100 000 $, dans une année, pour un parti et qu'il ne peut pas faire un congrès qui dépasserait, en sommes recueillies, 3 % du budget, ça fait un congrès à 3 000 $, puis, s'il y a 1 000 personnes, bien, c'est 3 $ par personne pour entrer au congrès; ça ne finance pas vite les coûts du congrès. Donc, ça, ça serait peut-être... il pourrait y avoir peut-être un «moindre de» ou un «max de», une formule qui fait en sorte que, pour des petits budgets, cette clause-là ne nuit pas à la tenue d'un congrès. Option nationale est à préparer son congrès de début 2013 et on attend des centaines de militants, évidemment, et c'est clair qu'on ne peut pas leur demander que 3 $ pour couvrir les frais du congrès. Donc, à cet effet-là, il faudrait peut-être... j'aimerais peut-être avoir des éclaircissements sur l'intention du projet de loi là-dessus.

Donc, j'espère qu'il y aura des questions. Pour ceux qui se demandent les effets ou les conséquences sur un petit ou un nouveau parti de ce projet de loi là, on est ici pour y répondre. On serait très heureux d'avoir vos questions là-dessus. Bien, je serais prêt à prendre des questions, en fait. À moins que...

Le Président (M. Pagé): Souhaitez-vous... Il vous restait encore deux minutes si vous souhaitez... Ça va aller?

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, j'ai dit l'essentiel de ce qui nous concerne dans ce projet de loi là. Comme je l'ai dit, nous, l'objectif, l'idéal, ce serait un financement 100 % public des partis politiques, fermer la porte complètement aux dons privés. On sait bien que 100 $, ce n'est sans doute pas une somme suffisante pour corrompre un parti ou un député, mais, selon le principe qu'il faut fermer la porte à ces influences-là, fermons-la complètement. Et, comme je le disais, ça coûterait moins cher à l'État, non seulement parce que, si on élimine des crédits d'impôt, déjà, c'est des millions d'épargnés, mais surtout la collusion qui sera évitée, au moins la partie de la collusion qui sera évitée du fait qu'il n'y ait plus de dons privés, ça, ça vaut des centaines de millions, à terme, pour l'État.

Donc, un financement public des partis politiques va faire épargner des centaines de millions de dollars, à terme, aux contribuables et non coûter davantage aux contribuables. Ça, il faut le marteler, cet argument-là, parce que je pense que bien des gens dans la population du Québec, quand ils entendent «un système public de financement des partis», ils font tout de suite le parallèle avec une taxe additionnelle pour financer ça, alors que ce n'est pas le cas. Ce sera des économies qu'on fera avec un système qui interdit les dons privés. Maintenant, les conséquences ultimes de tout ça, ce sera une réduction de la collusion, évidemment pas l'élimination totale, c'est impossible, mais une bonne réduction de la collusion, je le pense. Merci.

Le Président (M. Pagé): Merci, M. Aussant. Alors, j'entendrais la partie gouvernementale. M. le ministre, vous disposez de 22 minutes pour échanger avec nos invités.

M. Drainville: Très bien. Merci, tout le monde, d'être là. Salut, Jean-Martin, je suis content de te voir. D'abord, je tiens à... J'ai bien de la misère à te vouvoyer mais je vais faire un effort. Vous avez... Bon, vous avez soulevé la question du 3 %. Essentiellement, la raison pour laquelle on a fait ça, c'est qu'on ne voulait justement pas que les congrès ou que les soirées d'animation politique deviennent des sources de financement détournées. Comme vous l'avez vu, c'est 3 % du montant total de l'allocation publique et des dons recueillis par le parti. Mais l'argument que vous nous amenez est très pertinent, et je pense qu'on va effectivement devoir se pencher là-dessus pour s'assurer justement que ça ne soit pas une nuisance.

Donc, je pense qu'on va devoir effectivement y réfléchir puis voir comment on pourrait corriger, je dirais, cet impact non voulu, là, de la mesure qui se veut une bonne mesure mais qui a visiblement un effet de distorsion, là, dans votre cas. Alors, on va la regarder.

Quand vous parlez, dans votre blogue, dans l'article que vous avez signé, dans Urbania du 13 novembre 2012, vous défendiez évidemment votre idée d'un «système entièrement public qui dépendrait en bonne partie des résultats électoraux», écriviez-vous, mais qui n'exclurait pas la mise en place d'une mesure qui donnerait un financement de base à tout nouveau parti qui recueille, par exemple, un certain nombre de signatures.

On sait qu'actuellement un parti est autorisé à être créé sur la base de 100 signatures. Vous, comment... Expliquez-nous un peu comment vous... Ce financement de base auquel vous faisiez référence dans Urbania, ça pourrait fonctionner comment, par exemple? Avez-vous des chiffres en tête?

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, des chiffres précis pourraient être déterminés ici, justement, mais on n'a pas de chiffres à suggérer comme ça, mais c'est sûr que c'est plus que 100 signatures. Mais l'objectif de ça, c'est de faire en sorte qu'un parti qui rassemble assez de militants pour prouver sa légitimité ou sa crédibilité reçoive un financement de base, qui est aussi à déterminer, mais qui permettrait au moins de survivre jusqu'à la prochaine élection avec une petite permanence puis peut-être une personne à temps plein, ce qui est à peu près notre cas pour l'instant. On vient d'ouvrir une permanence, on a une directrice générale rémunérée avec le peu de budget qu'on a, mais ça nous permet quand même de faire notre travail. On est assez visibles sur les médias sociaux, qui coûtent beaucoup moins chers que des publicités de journaux ou de téléjournaux.

Mais l'idée derrière tout ça, c'est de faire en sorte que, justement, un parti qui naît entre deux élections n'ait pas zéro de financement et que le seuil de signatures soit relativement élevé pour que ce soit crédible. Et ça pourrait être aussi un seuil de signatures par circonscription ou par région, par exemple tant de signatures dans chacune des 17 régions du Québec ou tant de signatures dans chacune des 125 circonscriptions. Ça pourrait amener une légitimité au parti qui a vraiment un appui populaire substantiel ou suffisant pour avoir un financement de base.

Les chiffres précis, je pense que ce n'est pas à nous de les déterminer ici, mais ils pourraient très bien être étudiés sur la base historique de ce qui s'est fait quand un nouveau parti naissait: combien de membres étaient inscrits ou combien de signatures avaient été recueillies. Donc, on pourrait très bien regarder ce qui s'est passé avant pour déterminer c'est quoi, le seuil de ce qui va suivre. Mais l'idée, c'est qu'un parti puisse avoir un financement minimal entre deux élections. Et c'est pour défaire un peu l'argument aussi que, si on referme la porte à zéro, les petits partis ne pourront pas naître. Je pense qu'il y a moyen de refermer la porte à zéro et d'avoir d'autres mécaniques en parallèle, comme par exemple un nombre minimal de signatures pour avoir un financement de base qui serait fixe, là, qui ne serait pas basé évidemment sur les résultats électoraux puisqu'il n'y en a pas encore. Mais, bref, je pense qu'avec la porte fermée à zéro il faudrait qu'il y ait cette mécanique-là. Quant au nombre de signatures, il faudrait l'étudier, peut-être avec ce qui s'est passé, comme je le disais, avec les 10 derniers ou les 20 derniers partis qui ont été mis sur pied puis qui ont raisonnablement survécu.

**(19 h 50)**

M. Drainville: Si je vous ai bien compris -- là, j'ouvre une parenthèse, mais c'est une question très directe et, en général, à des questions directes, j'ai des réponses directes quand on discute -- le projet de loi n° 2 n'est pas tout à fait à votre goût, mais, si je vous demandais si vous appuyez le projet de loi n° 2, la réponse, c'est?

M. Aussant (Jean-Martin): C'est oui, bien sûr. C'est oui. On trouve que 1 000 $, c'est déjà trop. 100 $, c'est mieux que 1 000 $, zéro serait mieux que 100 $, comme on l'a dit, mais on appuie quelque chose qui va dans la bonne direction, c'est sûr. On n'est pas pour dire non parce que ça ne va pas dans... ça n'atteint pas l'objectif. Je pense qu'il y a d'autres dossiers dans lesquels la direction est aussi importante que l'objectif, je pense qu'on sait tous lesquels, mais, dans ce dossier-ci, je pense que le fait de baisser de 3 000 $ à 1 000 $ était une bonne idée, de 1 000 $ à 100 $ est une meilleure idée, et de 100 $ à zéro serait une encore meilleure idée.

M. Drainville: Est-ce que je peux vous demander... À part la logique, là, qui vous amène à dire: Bon, bien, si on prend pour acquis qu'un système public est la meilleure solution possible, bien, aussi bien qu'il soit à 100 % public, si on met de côté cet argument-là et qu'on regarde les faits, les faits sont que vous avez bien réussi, Option nationale, à tirer votre épingle du jeu. Je regardais les chiffres, c'est intéressant. La moyenne des dons que vous avez reçus est à peu près exactement 100 $. Vous avez eu 2 360 donateurs et vous avez obtenu 237 000 $ de dons, là, c'est pratiquement à la cenne près la moyenne de vos dons, donc, qui s'élève à 100 $.

Est-ce que je peux vous demander, dans la mesure où ce système-là ne semble pas vous avoir trop desservi, pourquoi ne pas maintenir la contribution à 100 $? Pourquoi ne pas garder ce lien-là avec le citoyen puis lui permettre justement de faire un don à un parti politique en lequel il croit?

M. Aussant (Jean-Martin): Je pense que le don le plus clair d'engagement qu'un citoyen peut faire envers un parti politique, c'est devenir membre du parti, et, dans le système actuel, il y a des donateurs qui ne sont membres d'aucun parti et qui donnent à plus d'un parti. À mon sens, ce n'est pas fait par amour pour la démocratie, là, c'est fait pour être copain-copain avec plus qu'un parti, au cas où. Et de fermer la porte à zéro éliminerait ça. Et, comme je le disais, l'engagement envers un parti, c'est... Je pense que c'est encore plus engageant de devenir membre d'un parti que de donner 100 $ sans être membre. Devenir membre à 10 $, pour certaines personnes, c'est plus sérieux que de donner 100 $ sans être membre. Et, de toute façon, la question qu'on s'est posée, Option nationale, dans tout ce qu'on a écrit dans notre plateforme, ce n'est pas: Qu'est-ce qui va avantager notre parti ou qu'est-ce qui va moins lui nuire? C'est: Qu'est-ce qui, selon nous, est bon pour l'intérêt collectif? Et, même si on perdait quelques dollars avec un tel projet de loi, on l'appuie quand même parce qu'on pense que ça va assainir la politique et redonner confiance aux gens envers les politiciens, qui sont dans les bas-fonds des listes de confiance, vous le savez tous.

Et ce n'est pas normal. La politique, c'est une chose noble. Ce n'est pas normal que les gens nous regardent -- dans mon cas, me regardaient, dans votre cas, vous regardent -- avec un certain dédain, ou une certaine appréhension, ou un certain doute. Donc, je pense que la question à se poser, c'est: Qu'est-ce qui est bon pour l'intérêt collectif, même si on perd quelques dollars avec un tel projet de loi? Parce que vous parliez d'une moyenne de 100 $; mathématiquement, c'est qu'il y avait des donateurs de plus de 100 $, donc, ceux-là, en les ramenant à 100 $, notre financement aurait été un peu réduit avec ce projet de loi là, mais c'est...

M. Drainville: La majorité de vos dons était de moins de 100 $.

M. Aussant (Jean-Martin): Sous 100 $, c'est ça. Mais que la moyenne soit à 100 $, comme la vaste majorité est sous 100 $, ça veut dire qu'il y en a quand même quelques-uns en haut de 100 $ pour que ça revienne à 100 $. Les donateurs de 1 000 $ sont très peu nombreux à Option nationale. Ils se comptent sur les doigts d'une main, donc... Et, comme je disais aussi, un tel projet de loi, selon moi, va davantage réduire le financement des grands partis que des petits partis, parce que les grand donateurs ne sont pas chez les nouveaux partis, ils sont chez les partis qui ont déjà connu le pouvoir, en général.

M. Drainville: Mais, si la raison pour laquelle vous dites que, dans le fond, la meilleure forme d'engagement, c'est de devenir membre d'un parti, ça pourrait vous amener à dire: On garde le système à 100 $, mais ceux et celles qui peuvent donner 100 $ doivent être membre du parti... doivent être membres d'un parti.

M. Aussant (Jean-Martin): Ça pourrait...

M. Drainville: Si c'était ça, est-ce que ça satisferait votre...

M. Aussant (Jean-Martin): Ça pourrait être une bonne idée, en fait, de dire qu'il faut être membre d'un parti pour le financer, parce que ça éliminerait justement ceux qui n'ont aucune idée de la plateforme du parti, mais qui veulent juste être en bons termes avec deux ou trois partis qui sont plausibles, au gouvernement, pour la prochaine élection. Donc, ce qu'il faut éliminer en fait, c'est tous ceux qui se rapprochent de la politique pour des raisons autres que leur intérêt envers la démocratie ou envers la politique, puis je pense qu'un système à zéro dollar de dons privés et, essentiellement, des dons publics basés sur les résultats électoraux ou un système minimal de signatures entre deux élections rencontreraient cet objectif-là.

M. Drainville: O.K. Mais je veux juste être sûr que je vous comprenne bien. Donc, votre option privilégiée, c'est un système financé à 100 % par les fonds publics, sans possibilité de donner... de faire des dons privés ou citoyens, là, des dons individuels. Mais, si je vous entends bien, vous ne seriez pas contre l'idée de garder un système à 100 $, mais que les seuls membres de partis politiques... enfin, du parti auquel on donne puissent le faire. Pour vous, ça pourrait être...

M. Aussant (Jean-Martin): En fait, ça serait mieux un système à 100 $ dans lequel il faut être membre pour donner qu'un système à 100 $ dans lequel n'importe qui peut donner, parce que...

M. Drainville: Mais est-ce que ça serait mieux un système à 100 $ dans lequel il faut être membre pour donner, par rapport à un système financé à 100 % par le public?

M. Aussant (Jean-Martin): Je pense que l'idéal, c'est un système financé à 100 % par le public, mais dans lequel on conserve plus que 25 $ pour la carte de membre. Comme ça, tous ceux qui donnent, je ne sais pas, 30 $, ou 40 $, ou 50 $ pour une carte de membre, c'est parce qu'ils... premièrement, ils aiment les idées du parti puis ils en deviennent membres, ce qui est un engagement additionnel, disons, obligatoire à ce que c'est actuellement. Parce qu'actuellement on peut donner 1 000 $ à un parti sans en être membre. Et il y en a qui donnent 1 000 $ à deux partis sans être membre d'un ou l'autre. C'est absolument...

Moi, je vois mal comment quelqu'un peut donner 1 000 $ au Parti québécois et 1 000 $ au Parti libéral et être cohérent dans sa pensée politique ou son intérêt envers la chose publique. Je pense que c'est d'autres intérêts qui l'attirent à donner à deux partis qui sont aussi divergents dans bien des dossiers.

M. Drainville: O.K., mais est-ce que cette logique-là s'applique dans le cas d'un don de 100 $? Est-ce que vous...

M. Aussant (Jean-Martin): Comme je le disais, c'est beaucoup moins engageant 100 $ que 1 000 $, surtout pour celui qui reçoit le don. Donc, comme on le disait, 100 $, c'est un progrès sur 1 000 $. Donc, par rapport à 1 000 $, on est d'accord avec le projet de loi. On aurait favorisé que ça soit zéro et que le financement se fasse, pour les nouveaux partis, sur la base des signatures recueillies et des cartes de membre.

Puis l'exemple d'Option nationale en est un. On a 7 500 membres à peu près en ce moment. Si la carte de membre se vendait 10 $, 20 $, 30 $, ça fait quand même un peu de financement pour avoir une permanence. Donc, les partis qui vont avoir leur raison d'être et qui vont avoir, disons, la pertinence d'être vont recueillir assez de membres avec une carte de membre un peu plus chère pour que ça vaille le coup.

Ceci dit, quel est le montant maximal? Actuellement, c'est 50 $. Votre projet de loi suggère 25 $. Ça aussi, il faudrait regarder ce qui devrait se faire, en parallèle avec le nombre minimal de signatures qui amènerait un financement. Mais la mécanique est définie. C'est les chiffres précis qu'il faudrait étudier.

M. Drainville: Oui. Vous aurez compris que la raison pour laquelle on a abaissé la limite pour l'adhésion, pour la carte de membre, de 50 $ à 25 $, c'est qu'on voulait être cohérents avec l'abaissement du plafond des dons de 1 000 $ à 100 $. À partir du moment où on baisse le plafond des dons de 1 000 $ à 100 $, si la carte de membre est à 50 $, logiquement on devrait baisser le plafond de la carte de membre pour s'ajuster au nouveau plafond des dons. C'est la seule et unique raison pour laquelle on l'a baissée de 50 $ à 25 $. Pourquoi est-ce que c'est une préoccupation pour vous, dans la mesure où votre carte de membre se vend... Combien vous avez dit? C'est 5 $?

M. Aussant (Jean-Martin): Elle est à 10 $.

M. Drainville: Elle est à 10 $.

M. Aussant (Jean-Martin): À ma connaissance, on est les seuls à avoir osé augmenter de 5 $ à 10 $, là. Il y en a même chez qui c'est gratuit, je pense, être membre du parti. Je ne sais pas si c'est encore le cas.

M. Drainville: Le Parti québécois, c'est 5 $.

M. Aussant (Jean-Martin): Oui, c'est ça. Bien, traditionnellement, je pense que le Parti libéral, le Parti québécois, c'est 5 $, si je ne me trompe pas. Je pense que...

M. Drainville: Mais alors pourquoi est-ce que c'est un enjeu pour vous qu'on l'ait abaissée à 25 $, dans la mesure où, à 10 $, vous êtes encore loin de 25 $, puis...

M. Aussant (Jean-Martin): En fait, c'est un enjeu si le système était 100 % public, pour les nouveaux partis qui pourraient vendre des cartes à plus que 5 $. C'était simplement un moyen de compenser le fait qu'ils n'ont plus de financement, par ailleurs.

Mais idéalement ce serait un système entièrement public, et, comme je le dis, j'insiste, ça coûterait moins cher à l'État, ça, il faut que les citoyens le sachent, ça. Ça coûterait beaucoup moins cher à l'État, à terme, d'avoir un système 100 % public.

**(20 heures)**

M. Drainville: Est-ce que le fait d'augmenter l'allocation versée par vote... Comme vous le savez, dans le projet de loi, on est à 1,67 $ par vote... En fait, c'est par électeur, O.K.? Il faut faire attention, là, c'est 1,67 $ par électeur. On crée un fonds à partir de ce calcul-là, et ce fonds-là, il est partagé selon le résultat électoral de chacun des partis. Mais il n'en demeure pas moins qu'on augmente l'allocation publique. Et est-ce que vous pensez, vous, que cette augmentation de l'allocation publique, donc l'augmentation, je dirais, du versement ou du financement public au fur et à mesure où le nombre de votes que tu obtiens augmente, ça peut vous favoriser? Est-ce que ça peut favoriser un parti comme le vôtre, dans la mesure où les gens pourront se dire: Bien, moi, je veux voter pour ON, parce que je sais que plus ils auront de votes, plus ils auront de financement public?

M. Aussant (Jean-Martin): J'espère que ce sera le cas, parce qu'actuellement les citoyens qui votent savent... bien, en fait, ceux qui sont informés de la Loi électorale, savent que chaque vote donne un peu moins de 1 $ dans le système actuel. Là où les citoyens ne vont pas voter, c'est parce que, dans certains comtés, ils savent d'avance qui va rentrer puis, pour l'allocation des sièges, ça n'a aucune importance. Donc, ça, c'est un autre débat peut-être dans un autre projet de loi. Mais un scrutin avec une composante de proportionnel serait très démocratique et intelligent au Québec, je pense. Parce que les souverainistes de Westmount peuvent bien aller voter ou ne pas voter, ils savent exactement que l'allocation des sièges ne sera pas affectée du tout par leur vote, et c'est triste, en démocratie, de savoir que ce qu'on dit ne comptera pas.

Mais, pour ce qui est du financement, je pense que c'est normal que le financement public soit basé essentiellement sur les résultats électoraux, parce que le parti qui a le plus d'engouement ou le plus d'appui populaire devrait avoir le plus de moyens de mettre en place son option et ses politiques. Donc, c'est tout à fait normal. C'est démocratique, selon moi, que le financement soit basé sur les résultats électoraux.

M. Drainville: O.K. Je ne veux pas vous... Ce n'est pas, comment dire... Je ne veux pas discuter ou débattre avec vous juste pour avoir l'air de vouloir avoir raison, mais, si cette logique-là du meilleur résultat électoral qui dicte donc le financement public est une bonne logique, selon vous -- donc, le parti qui reçoit le plus d'appui populaire reçoit le plus de financement public -- pourquoi est-ce que cette logique-là ne vous amène pas à dire que la règle du 100 $ est une bonne règle? Parce qu'elle va justement permettre au parti qui bénéficie de la plus grande ferveur populaire, ou du plus grand appui, ou d'un soutien au sein de la population... va pouvoir aller chercher justement plus de 100 $.

La possibilité de continuer à aller chercher du financement auprès du citoyen est utile, me semble-t-il, pour justement permettre à un parti politique qui jouit de la ferveur, qui jouit de l'appui populaire, de pouvoir bénéficier d'un appui tangible de la part des citoyens. Donc, il y a un lien. Si le lien «appui populaire et financement public» est bon, pourquoi il n'est pas bon dans le cas du 100 $?

M. Aussant (Jean-Martin): Parce que, devant un vote, tous les citoyens sont égaux, devant 1 $, ils ne le sont pas tous. Même à 100 $, il y a des gens qui n'ont pas les moyens de donner ça. Et ça fait en sorte que, mathématiquement -- j'aime bien les chiffres -- le parti qui a des politiques un peu plus propatronat ou plus riches, gens riches, va avoir plus d'appui parce que ces gens-là ont les moyens de financer le parti qui représente leurs idées. Et donc, devant un portefeuille, les citoyens ne sont pas tous égaux, mais, devant un vote, oui. Donc, ça devrait être basé sur les votes exprimés et non sur la capacité des citoyens d'encourager leurs idées politiques à travers l'argent qu'ils ont le moyen de donner à un parti. Et évidemment à 3 000 $, c'était affreux; à 1 000 $, c'était laid; 100 $, c'est joli; mais 0 $, c'est très beau.

M. Drainville: Oui, mais voyez-vous... Voyez-vous, moi, je pense qu'en rabaissant le don maximal à 100 $ on démocratise le financement des partis, parce que dorénavant la possibilité pour un citoyen de se payer le maximum prévu par la loi augmente d'une façon exponentielle. Moi, je suis d'accord avec vous, il y a très peu de gens qui peuvent donner 1 000 $ à un parti politique dans notre société. Mais je pense qu'en plafonnant à 100 $ il y a beaucoup... on ajoute... on augmente de beaucoup le nombre de citoyens qui vont pouvoir se payer le maximum prévu par la loi. Puis, par ailleurs, tu n'es pas obligé de donner le maximum, tu peux donner seulement 5 $; tu peux seulement donner 10 $; tu peux seulement donner 20 $. Et moi, je... En tout cas, je pense que cette idée de garder un lien entre les partis politiques et les citoyens, c'est un bon argument. C'était d'ailleurs l'argument premier de Lévesque quand il a, avec Burns, donné au Québec cette loi n° 2 en 1977.

Par ailleurs -- je pense que c'est un argument qui a été utilisé par mon vis-à-vis, le député de Beauce-Sud -- il ne faut pas oublier que, dans notre système actuel, il y a 37 % des gens qui ne paient pas d'impôt. Et donc, en quelque part, l'idée de pouvoir permettre à tous les citoyens, y compris à ceux qui ne paient pas d'impôt, de pouvoir donner un 5 $ ou un 10 $ au parti qu'ils appuient, moi, j'aime bien cette idée-là. D'une certaine façon, on pourrait soutenir que le financement populaire est plus démocratique qu'un financement étatique à 100 %, parce que, dans un financement étatique à 100 $, vous avez 37 % des citoyens qui ne paient pas pour leur parti politique, alors que, dans un financement populaire comme celui qu'on prévoit, tous les citoyens peuvent, selon leurs moyens -- et je suis d'accord avec vous, dans la majorité des cas, ils en ont peu -- appuyer le parti politique de leur choix. Donc, en quelque part, on pourrait soutenir que c'est plus démocratique de maintenir un lien de financement populaire que d'aller vers un système public à 100 %.

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, nous, on considère que c'est plus démocratique de ne pas le faire parce que tous les citoyens ont le moyen de voter et d'appuyer un parti qu'ils aiment à travers leurs votes quand ils n'ont pas les moyens de le financer, alors que ceux qui financent sont ceux qui ont le moyen de financer. Et mathématiquement ça en exclut quelques-uns qui voudraient et qui ne peuvent pas, alors qu'un vote tout le monde peut l'exprimer.

Et une solution à ça serait peut-être la carte de membre à frais variables. Si quelqu'un veut payer 50 $ pour être membre du parti et qu'un autre ne peut payer que 10 $, «so be it», comme disent les Chinois, ça pourrait se faire comme ça. Mais le fait de donner de l'argent en supplément d'un membership à un parti politique, c'est là que ça devient de moins en moins démocratique parce que ça exclut d'office une bonne partie de la population qui n'a pas les moyens de se payer ce luxe-là, entre guillemets, alors que le vote, lui, il est exprimé par tous de la même façon et mène au même financement pour tous les partis selon un vote exprimé. Donc, selon nous, c'est plus démocratique, un vote, qu'un don à un parti de loin.

M. Drainville: Il me reste seulement une question.

Le Président (M. Pagé): Deux minutes, M. le ministre.

M. Drainville: Merci beaucoup. Vous disiez: Dans le cas d'un système entièrement public, il faudrait prévoir un financement de base pour un nouveau parti. Si on allait de l'avant, avec l'appui des partis politiques représentés autour de cette table, avec le projet de loi n° 2 et donc qu'on allait de l'avant avec un projet à 100 $, plafond à 100 $, quelles mesures seriez-vous prêts à appuyer pour les nouveaux partis, ceux qui naissent entre les élections et donc qui n'auraient pas, en vertu du projet de loi actuel... Puis je comprends, là, vous voulez autre chose. Pour vous, ça serait mieux autre chose. Mais, si on prend le projet de loi actuel, donc le financement est versé en fonction des résultats électoraux, à votre avis, est-ce qu'il faudrait prévoir une aide particulière pour les nouveaux partis, oui ou non?

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, si ce projet de loi est adopté, les nouveaux partis peuvent toujours se financer à 100 $ maximum par donateur. Si on enlevait ça et que c'est un système à zéro, comme je l'ai dit, il faudrait un financement minimal à déterminer basé sur un nombre requis de signatures dans chaque région, dans chaque circonscription, pour prouver la légitimité du nouveau véhicule puis pour prouver le fait que les gens en veulent, de ce nouveau véhicule là, ce qui serait un signe que c'est démocratique de le financer aussi parce que la population en voudrait à une certaine mesure.

M. Drainville: Donc, c'est intéressant parce que vous nous dites: Si c'est entièrement public, il faut prévoir une aide aux nouveaux partis...

M. Aussant (Jean-Martin): Publique aussi.

M. Drainville: Une aide publique, bien entendu. Mais, si on est pour aller de l'avant avec le système à 100 $ prévu par le projet de loi, la possibilité de se financer avec des 100 $ vous semble une façon correcte de pouvoir permettre aux nouveaux partis de se financer, comme vous avez pu le faire avec Option nationale?

M. Aussant (Jean-Martin): Je pense que les nouveaux partis qui apparaissent entre deux élections, avec un tel projet de loi, pourraient tirer leur épingle du jeu s'ils regroupent un nombre suffisant de membres, oui. On en est un exemple vivant, je pense.

Le Président (M. Pagé): Alors, 22 minutes pile. Je vous remercie. Alors, la parole est maintenant à l'opposition, le député de Beauce-Sud, pour également un 22 minutes.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Alors, je vais commencer par vous scandaliser, tout le monde ici, autour de la table. En 1977, j'ai donné 100 $ au Parti québécois. Oui.

M. Drainville: Hein? Ah bien! Arrêtez les travaux de cette commission.

Des voix: ...

Le Président (M. Pagé): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Dutil: Et, deux ans plus tard...

Le Président (M. Pagé): M. le député de Beauce-Sud, je vous demande d'être sérieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil: C'est très sérieux, M. le Président. C'est le ministre qui n'est pas sérieux.

Le Président (M. Pagé): Oui. Alors, vous pouvez continuer.

**(20 h 10)**

M. Dutil: Alors donc, en 1977, j'ai donné 100 $ au Parti québécois, et, en 1979, j'ai été candidat à la convention du Parti libéral. Alors donc, dans votre analyse, si vous ne regardez pas plus en profondeur, je suis quelqu'un qui est probablement extrêmement malhonnête, alors que la raison pour laquelle j'ai donné 100 $ au Parti québécois en 1977, c'est parce que j'étais en admiration devant le fait qu'il ait changé la loi sur le financement des partis politiques, puis, pour moi, c'était une valeur importante.

Mais celui qui m'a sollicité voulait que je devienne membre du Parti québécois, ce que j'ai refusé. Et la raison pour laquelle j'ai refusé, c'est parce que je ne suis pas souverainiste, je suis fédéraliste, puis je l'étais déjà à ce moment-là. Et donc je pense que j'ai fait un choix qui m'appartient. Regarde, moi, si le Parti libéral me demande de contribuer: en 1977, probablement que je lui dis non puis, en 1979, bien, probablement que je lui dis oui. J'étais apolitique à ce moment-là.

Je vous sers ça comme illustration pour vous dire que, dans une société libre, il y a toutes sortes de façons de penser. Puis je n'exclus pas qu'il y ait des gens qui donnent à plusieurs partis politiques pour des raisons d'amitié, tout simplement. Tu sais, il y a des gens pour qui quelques centaines de dollars, ça ne fait pas la différence dans leurs garde-manger, et puis, par amitié, acceptent de donner à plusieurs partis, sans égard à leurs valeurs. Et c'est le point, là, que je tiens à souligner de notre désaccord profond: c'est que moi, je pense qu'il faut permettre aux gens non seulement d'être un bénévole éventuellement dans un parti politique, mais également d'y faire un apport qui est monétaire.

Bon, on parle d'un montant qui était trop élevé, qui devrait être plus raisonnable, puis on en discute, puis on n'a pas exclu cet aspect-là, mais moi, j'exclus complètement de le mettre à zéro. D'ailleurs, je suis personnellement convaincu... je serais curieux de voir les précédents, j'ai hâte d'entendre la commission des droits et libertés, mais interdire complètement aux gens de financer un parti politique, ça m'apparaît antiliberté. Et je vous donne un autre exemple, là -- je n'en suis pas aux questions, j'en suis plutôt aux remarques: il y a cinq ans, j'ai parti un parti politique parce que j'étais en... -- je ne peux pas dire le mot, M. le Président, ça serait antiparlementaire...

Le Président (M. Pagé): Soyez prudent.

M. Dutil: ... -- j'ai été prudent, trois petits mots -- avec une politique gouvernementale.

Moi, j'estimais que cette politique gouvernementale là, qui avait été initiée par le Parti québécois puis qui avait été maintenue sous le Parti libéral, était injuste pour nos régions, et j'ai décidé de partir un parti politique pour la combattre. Et on pouvait obtenir du financement de façon immédiate, c'est-à-dire on demande aux gens de nous donner de l'argent puis ils avaient leur reçu d'impôt sans demander à un bureaucrate la permission autrement que par le 100 noms qu'il faut que tu fasses signer puis par l'exercice qu'il faut que tu fasses, donc, de faire du financement, ce qui a bien déplu à bien du monde, en passant, là, qui m'ont dit: Comment tu peux partir un parti politique parce que tu estimes que les intérêts de ta région sont bafoués par une décision gouvernementale? Tu n'as pas le droit de faire ça. Bien oui, j'ai le droit de faire ça. Absolument. Et c'est ce qu'on a fait, puis on a ramassé du financement, puis on a brassé la cage. Et c'est ce qui m'apparaît très étonnant de votre position: Qu'est-ce qu'on fait de la liberté d'expression? Sous prétexte que chaque sous est pollué et sale, on remet ça entre les mains d'une bureaucratie.

Moi, en lisant cette étude-là, j'ai remarqué que -- vous avez peut-être vu, là, qui vient du Directeur général des élections -- plus le financement est essentiellement public, plus il y a des conditions pour l'obtenir et qu'à la fin on se retrouve devant des citoyens qui sont pris dans une toile d'araignée bureaucratique et où partir un parti politique ou imaginer d'avoir des options différentes comme parti politique deviennent impossibles.

Alors donc, je pense qu'il faut trouver un milieu raisonnable. Vous parlez d'une baisse de 1 000 $ à 100 $, vous la trouvez raisonnable, mais je trouve qu'entre 1 000 $ et 100 $ il y a une plus petite différence qu'entre 100 $ et 0 $. Entre 100 $ et 0 $, je trouve qu'il y a beaucoup... C'est comme atteindre la vitesse de la lumière, il paraît que c'est les derniers kilomètres qui sont les plus difficiles à atteindre. Il paraît qu'au début ça va assez bien, monter à 30 000 kilomètres-seconde, mais, quand tu t'en vas vers 300 000 kilomètres-seconde, parce que tu es de plus en plus lourd... Bien c'est un peu ça, là.

Alors, moi, regardez, ce n'est pas une question que je vous pose, je vous mentionne mon désaccord profond de dire qu'il n'y aura pas de participation -- elle est minime, celle qu'on nous propose -- qu'il n'y aura pas de participation des citoyens dans un financement de parti politique.

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, je vais répondre à divers éléments. Premièrement, sur le fait que vous êtes fédéraliste, ça s'arrange, ça, on ira prendre une bière. Ensuite, le fait que des gens donnent à plusieurs partis, je n'ai jamais dit que c'étaient tous des gens malhonnêtes. Mais on a vu des exemples récents de grands donateurs à deux partis la même année ou de grands donateurs à un parti qui était au pouvoir et à un autre parti quand c'est l'autre parti qui est au pouvoir. C'est ceux-là qui semblent un peu mal alignés selon les principes qu'on donne pour l'amour de la démocratie.

Donc, évidemment, je n'accuse pas tous ceux qui ont déjà donné à deux partis différents. Moi-même, j'ai aussi, sans scoop, déjà donné au Parti québécois, et maintenant je donne à Option nationale. Donc, ce n'est pas de la malhonnêteté que de donner à plus d'un parti mais on veut, je pense... On devrait, je pense, éliminer la possibilité de donner à plein de partis pour s'acoquiner avec des partis avec des montants substantiels comme on l'a déjà vu dans le passé.

Le fait de dire que c'est antiliberté d'avoir un financement public, je ne le vois pas, ça. Et tout comme c'est interdit de donner de l'argent à un fonctionnaire qui vient de nous rendre un fantastique service et qui vient de nous aider dans ce qu'on avait besoin dans un dossier particulier, je ne vois pas pourquoi on donnerait à un parti politique parce qu'il a une bonne idée; c'est son rôle, d'avoir des bonnes idées. Qu'on en devienne membre et qu'on milite pour le parti si on pense qu'il devrait se faire entendre et être élu. Faire du porte à porte, c'est souvent plus utile pour un parti que 1 000 $ de dons. Donc, ceux qui pensent vraiment qu'un parti est le bon et devrait être au pouvoir, il y a toujours le militantisme qui est là. Et en plus ça ferait en sorte justement que, s'il y a des gens qui le font vraiment par conviction et par engagement politique... de faire en sorte qu'ils puissent militer pour le parti plutôt que de simplement faire un chèque puis de ne plus jamais rien faire de l'année par la suite.

Quant au droit de fonder un parti, il reste intact dans le système qu'on prône. Si c'est un système essentiellement public avec, comme je le disais, un nombre minimal de signatures pour avoir un financement de base pour survivre à la prochaine élection... jusqu'à la prochaine élection, ça donne le droit à tout le monde de se fonder un parti s'ils arrivent à recueillir le nombre de signatures nécessaires, donc s'il y a vraiment un engouement réel pour l'apparition de ce parti-là. Et la multiplication des conditions, on pourrait faire en sorte de l'éviter aussi. On connaît l'objectif du rabaissement du don maximal: c'est pour éliminer les donateurs mal intentionnés. Donc, on n'est pas obligés d'avoir des effets pernicieux à côté, qui créent des conditions et de la paperasse à n'en plus finir. Je pense qu'on est assez intelligents pour faire un système qui demeure léger.

Mais, bref, je comprends bien votre point de vue, mais je pense qu'un système essentiellement public n'empêcherait personne de se créer un parti s'il a raison d'être, ce parti-là, par un engouement populaire minimal.

M. Dutil: Avant de laisser la parole à mon collègue, je voudrais juste faire une dernière remarque. Je ne suis pas contre une bière, en passant, ça me ferait plaisir, mais je voudrais juste vous dire qu'il faudrait la prendre avant 3 heures du matin parce qu'elle augmente de 0,03 $.

M. Aussant (Jean-Martin): Oui, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Aussant (Jean-Martin): Je vous paierai le 0,06 $ de différence.

Le Président (M. Pagé): Mais, pour vous convaincre, j'ai l'impression que ça va en prendre plus qu'une.

M. Dutil: ...pour le convaincre aussi.

Le Président (M. Pagé): Ceci dit, la parole, je pense qu'elle est maintenant au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Bonsoir. En fait, j'irai aussi avec vous autres, si vous voulez, pour la bière, parce que je suis fédéraliste aussi.

Alors, je veux juste comprendre votre façon de voir quand... Vous sous-entendez que, bon, vous avez 7 700 membres et puis vous avez reçu des dons. Vous me semblez à l'aise avec le 50 $ de la carte de membre, mais très mal à l'aise ou, enfin, mal à l'aise avec le 100 $. Je trouve... Où vous situez, vous, financièrement, le danger de la corruption en argent? Parce que le 50 $ de la carte de membre, je vous... bien, en tout cas, à moins de... -- si je me trompe, vous me le dites -- vous semblez bien avec ça. Vous dites: Une carte de membre, 50 $, ça nous aide à payer des frais fixes, peut-être un jour une permanence. Vous donnez exactement la raison pour laquelle le financement privé collabore et aide les partis politiques à fonctionner à leur base même. Vous mettez à quel montant où là il y aurait le déclenchement de la malhonnêteté?

M. Aussant (Jean-Martin): C'est une question qui est difficile, avec un chiffre... de répondre avec un chiffre précis, mais c'est une question de principe. On sait qu'il faut empêcher les donateurs de s'exécuter avec une mauvaise intention puis de s'attendre à un retour d'ascenseur. Donc, selon ce principe-là, la porte était ouverte à 3 000 $. On s'est dit que ça n'avait pas de bon sens, on l'a refermée à 1 000 $. Puis on se rend compte qu'il y a encore des problèmes, et on la referme encore un peu. Mais moi, j'irais au bout du principe, et de dire que les dons privés sont terminés, et qu'on peut maintenant être membres d'un parti si on le veut.

Le 50 $, c'est la loi actuelle, ce n'est pas notre choix, ou notre proposition, ou notre suggestion. Nous, notre carte est à 10 $, parce qu'on pensait qu'à 5 $ ça ne couvrait même pas les frais administratifs pour le gérer.

Ceci dit, le 50 $ devrait-il être 75 $ ou 25 $? C'est une autre question. Mais on ne pense pas qu'il y a un chiffre à partir duquel les gens sont tous bien intentionnés ou deviennent mal intentionnés dans certains cas. Tout ce qu'on dit, c'est que le principe d'un financement public, c'est pour faire en sorte que les donateurs privés n'aient plus aucune influence sur les partis politiques, ce qui est le cas actuellement dans le cadre actuel.

M. Poëti: Si on exclut les entrepreneurs, les gens incorporés, les compagnies, les gens qui requièrent des services de toutes sortes et qu'on va essentiellement au citoyen, là, de tous les jours... Je prends mon exemple, là: Moi, je n'ai jamais donné à un parti politique et j'ai...

Une voix: ...

M. Poëti: Non, c'est vrai, je le jure, je n'avais jamais donné à un parti politique, disons-le comme ça, et j'ai des gens qui me connaissent -- bon, on a tous des vies -- des relations, des gens qui veulent cotiser aujourd'hui et qui n'ont pas d'attente d'aucune façon avec une réflexion de corruption ou de collusion, parce qu'ils se disent: Bon, je connais Robert, je suis content ou contente qu'il soit en politique puis je vais l'appuyer dans cette démarche-là. Je ne vois pas de danger de collusion ou de corruption pour un citoyen. Il y a 40 000, 50 000 membres dans notre parti. Si on excluait tous les entrepreneurs, tout ça, là, supposons que je vous suis là, est-ce que vous êtes inquiet du citoyen de tous les jours, qui n'a pas de lien commercial d'aucune façon avec le gouvernement ou les partis?

M. Aussant (Jean-Martin): Je dirais que non. La très grande majorité des donateurs, je l'espère, sont honnêtes et croient...

M. Poëti: Vous excluez...

**(20 h 20)**

M. Aussant (Jean-Martin): ...au parti X ou parti Y et veulent, je dirais, contribuer à son avancement. Et, même les entrepreneurs, je pense que la majorité sont tout à fait honnêtes, même ceux qui donnent 1 000 $ à un parti politique, je veux croire qu'ils sont tous honnêtes. Mais c'est encore une fois une question de principe que... On parlait de démocratie tout à l'heure avec le ministre, je pense que ce qui est démocratique, c'est un vote exprimé. Un don financier dépendra toujours... fera toujours une distinction entre les citoyens mieux nantis et les moins bien nantis, et ça, ce n'est pas démocratique. Ça pourrait être légal, évidemment, ça l'est en ce moment, mais je pense qu'il faut faire en sorte que tous les citoyens, qu'ils soient riches ou pauvres, puissent contribuer de la même façon à un parti politique à travers un vote et à travers un engagement ou un militantisme pour ce parti-là s'ils croient en ces valeurs-là.

Et donc le financement privé devrait être réduit. Il devrait y avoir une carte de membre pour prouver qu'on est attaché à ce parti-là, être membre, ça, oui, c'est bien de la garder. Est-ce que le montant, comme je le disais, devrait être 50 $, 25 $ ou 75 $? Ça, ce sera à déterminer, mais les dons monétaires devraient être interdits, entre autres, pour que chaque citoyen devienne égal.

M. Poëti: Oui. Bien, écoutez, c'est ce volet-là -- vous comprenez ma question -- auquel... J'ai de la difficulté à penser que des citoyens puissent appuyer un parti politique et que, d'emblée, bien, si on ne leur donne pas cette occasion-là... Il y a, comme on disait tantôt, 37 % des gens qui ne paient pas d'impôt au Québec, donc on comprend que c'est l'ensemble des autres qui vont payer ce financement public indirect. Puis les 37 % qui n'en paient pas, bien, eux autres, dans le fond, ils ne sont pas touchés par la chose parce qu'ils ne peuvent pas aider un parti politique, mais ceux qui peuvent, vous dites qu'ils ne devraient pas le faire parce que ça devrait être toujours public, d'aucune façon.

M. Aussant (Jean-Martin): Mais, dans une société comme la nôtre, ceux qui ne paient pas d'impôt sont évidemment admissibles à tous les mêmes services que ceux qui en paient. C'est le principe d'une société le moindrement juste et équitable.

M. Poëti: Pourquoi ceux qui peuvent payer ne pourraient le faire, vous n'accepteriez pas qu'ils le fassent?

M. Aussant (Jean-Martin): Je parle d'accès à un service, je ne parle pas d'un privilège de financer un parti qui va faire avancer mes propres intérêts. C'est mathématique que les gens plus riches vont avoir plus de moyens pour financer un parti qui a des politiques proriches. Et je n'ai rien contre les riches, évidemment, mais ce que je vous dis...

M. Poëti: ...là, dernièrement.

M. Aussant (Jean-Martin): ...c'est que ce n'est pas normal qu'un parti politique qui a des idées propatronat ou pro telle classe d'entrepreneurs ou de citoyens ait plus de moyens pour faire valoir ses arguments qu'un parti qui est plus causes sociales ou communautaires, puis je n'ai pas besoin de nommer les partis ici. Donc, ça, ce n'est pas démocratique, ce n'est pas équitable, et je pense qu'un citoyen ne devrait jamais avoir plus de moyens de favoriser son parti parce qu'il a plus d'argent qu'un autre qui en a moins.

M. Poëti: Pour terminer, vous n'avez pas d'inquiétude sur le fait qu'un système comme celui-là nous placerait devant une quantité soudaine de plusieurs nouveaux partis?

M. Aussant (Jean-Martin): Je pense que non. Je pense que non. Essayez... Demain matin, essayez de recueillir 5 000 signatures dans les 125 comtés ou 200 signatures dans chaque comté, vous allez voir que c'est un effort substantiel. On l'a fait, nous, pour recueillir des membres un peu partout, et je vais vous dire qu'un parti qui arriverait par exemple à avoir 125, ou 150, ou 200 signatures dans les 125 circonscriptions, il mérite d'exister parce qu'il a vraiment une base populaire pour l'encourager à être là.

M. Poëti: Merci.

Le Président (M. Pagé): Merci, M. Poëti. Maintenant pour un échange avec le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci beaucoup, M. le Président. En fait, bonsoir. Merci d'être là. Je me sens un peu... fort de l'initiative du député de Beauce-Sud, moi aussi, de passer à la confession. En 2008, j'ai donné au Parti québécois mais aussi au Parti libéral, et peut-être que le député de Chauveau va être intéressé d'entendre ça parce que son projet de loi prévoit qu'on ne peut pas donner à plus d'un parti, et, en 2008, j'ai donné au Parti québécois parce que j'avais un ami qui se présentait pour le Parti québécois et ça me faisait plaisir de l'appuyer. Mais, parce que je voulais demeurer neutre, j'ai donné aussi au Parti libéral en 2008.

Alors, je pense qu'il faut être prudent avant de tirer des conclusions sur le fait que les gens puissent donner à plus d'un parti pour des raisons détournées et... parce que je pense que je l'ai fait pour des bonnes raisons, tout à fait valables, et je ne me sens pas du tout mal à l'aise de l'avoir fait. Et donc je me sens au contraire à l'aise maintenant que j'en ai parlé...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet (Fabre): ...et ça va me faire plaisir, moi aussi, d'aller prendre une bière parce que je suis fédéraliste. C'est tout. C'était mon commentaire, M. le Président.

M. Aussant (Jean-Martin): Je suis content de contribuer à la catharsis de plusieurs parlementaires ce soir. Mais, ceci dit, vous auriez pu être neutre aussi dans un système public en ne donnant à aucun des partis. D'être neutre, ce n'est pas de donner à tout le monde dans certains cas. Puis, encore une fois, je répète que mon hypothèse n'est pas que les gens qui ont déjà donné à plus d'un parti sont malhonnêtes, loin de là. Tout ce que je dis, c'est que, dans le système actuel, c'est possible, pour quelqu'un qui est mal intentionné, de donner à plusieurs partis pour être ami-ami avec tous les partis qui peuvent aspirer au pouvoir, et c'est ça qu'il faut, je dirais, éliminer comme possibilité, c'est tout. Donc, c'est plus une question de principe que d'accuser tout le monde, évidemment.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je n'ai pas de confession...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pagé): Non? Cherchez un peu, là, cherchez un peu.

M. Marsan: Je voudrais simplement vous signifier, par exemple, que, lorsque le financement est complètement public, ça veut dire que l'ensemble des contribuables ou des voteurs vont contribuer pour l'ensemble des partis. Et ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec tous les partis. Ça fait que là la personne va être obligée de contribuer à travers ses impôts et de donner à l'ensemble des partis. Là, il n'y a pas une contradiction là-dedans -- je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir -- où la personne doit être libre, il me semble, de choisir jusqu'à un certain point...

M. Aussant (Jean-Martin): Tout à fait.

M. Marsan: ...parce qu'il faut éviter les abus, j'en conviens.

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, dans ce système public basé sur les votes, la personne donne son vote à un parti, et le financement sera augmenté par son vote à ce parti-là. Donc, si un parti n'a aucun vote, il n'aura pas beaucoup d'argent. Donc, les gens ne se retrouveront pas à payer pour un parti qu'ils ne veulent pas si personne n'a voté pour ce parti-là, si c'est basé sur les résultats électoraux. Et, ceci dit, la démocratie aussi, en général, a un coût pour la société. Faire des élections, ça coûte cher, même pour ceux qui ne veulent pas aller voter, puis c'est normal qu'ils contribuent, à travers leurs impôts, à ces élections-là parce que c'est la base de notre système... du système qu'on s'est donné.

Mais je reviens là-dessus, les gens qui... ou un parti qui n'aurait aucun appui populaire n'aurait pas d'argent basé sur les appuis populaires. Donc, les contribuables ne se retrouveraient pas à financer des partis qu'ils n'aiment pas, là.

M. Marsan: Je peux...

Le Président (M. Pagé): Oui, il vous reste encore quatre minutes.

M. Marsan: Oui. Juste une autre question sur ce qui n'est pas dans le projet de loi, c'est le plafond de dépenses pour un parti. Est-ce que vous seriez d'accord à avoir un plafond de dépenses, et, si vous êtes d'accord, quel serait ce plafond?

M. Aussant (Jean-Martin): Encore une fois, avec le principe, tout à fait d'accord. Quel est le plafond maximal? Je pense qu'il faudrait regarder ce qui s'est passé dans les élections d'avant. Je n'ai pas fait cette analyse économétrique là moi-même, mais je pense qu'un plafond s'impose en ce moment, parce qu'encore une fois on est la preuve vivante qu'on peut faire une campagne électorale partout au Québec avec peu de moyens. Évidemment, c'est peut-être long d'arriver au pouvoir avec peu de moyens, ça croît lentement. Mais le plafond des dépenses est plus que dû au Québec, je pense.

M. Marsan: Est-ce que ça devrait faire parti du projet de loi?

M. Aussant (Jean-Martin): Je pense que ce serait un très bel ajout. Comme je l'ai dit tout à l'heure: un pas dans la bonne direction, c'est mieux qu'aucun pas. Mais, si on peut l'ajouter tout de suite dans ce projet de loi là, ce serait une bonne idée.

M. Marsan: Merci, M. Aussant. C'est agréable de vous recevoir aujourd'hui.

Le Président (M. Pagé): Merci. M. le député de Chauveau pour un 5 min 36 s.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Salutations aux collègues, aux gens présents, M. le sous-ministre. M. Aussant, extrêmement heureux de vous revoir. Votre contribution à la démocratie québécoise est exceptionnelle. Je vous l'ai déjà dit privément, ça me fait plaisir de le dire devant mes confrères. Vous êtes un homme d'exception, parce que ce n'était franchement pas évident, ce que vous avez fait, et vous l'avez réussi avec honneur et brio. Et vous avez tout mon respect, même si je suis à 98 % en désaccord avec ce que vous dites, en gros. Je suis très impressionné...

Une voix: ...une autre bière.

M. Deltell: ...vraiment impressionné, et il n'y aura pas de bière... il n'y aura pas de bière assez suffisante pour le faire.

Mais, tant qu'à être dans les confessions, je m'excuse du retard, mais j'étais dans le thème de la soirée puisque je participais à une activité de financement de mon parti, à 100 $. Donc, nous respections tout ça. Et, non, je n'ai jamais contribué au Parti québécois, mais, un jour, je dirai qu'est-ce que je pensais le 15 novembre 1976, quand j'avais 12 ans. Un jour.

Alors, j'aimerais aborder avec vous quelques thèmes. Mon collègue de Robert-Baldwin a abordé la question du plafond. Vous savez que nous, on a soulevé ça, on l'a mis à 4 millions de dollars. D'aucuns estiment que c'est beaucoup trop modeste. On entend ce commentaire-là, mais on est prêts à parler de ça. Moi, j'aimerais savoir, de votre expérience, votre campagne électorale, vous, a coûté combien?

M. Aussant (Jean-Martin): Au chiffre près, là, c'est pas mal moins que 4 millions, là, c'était entre 100 000 $ et 200 000 $, pour être précis. Je ne pourrai pas avoir le chiffre exact, là, mais 150 000 $ à peu près.

M. Deltell: Et, à votre connaissance, est-ce que... Je sais que vous ne voulez pas donner de chiffres, mais vous...

M. Aussant (Jean-Martin): Ce n'est pas qu'on ne veut pas, c'est que je ne les ai pas de mémoire, par coeur, comme ça.

M. Deltell: Non, je...

M. Aussant (Jean-Martin): Ils seront dans le rapport financier.

M. Deltell: O.K., non, je comprends...

M. Aussant (Jean-Martin): ...150 000 $.

M. Deltell: Ce que je dis: Vous ne voulez pas cibler un plafond. C'est ça que je veux dire.

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, c'est que je pense qu'il faudrait le faire de façon sérieuse, en examinant vraiment c'est quoi, les dépenses nécessaires pour un parti, pour couvrir le plus de régions possible, pour que, par exemple, le chef puisse se déplacer partout au Québec s'il le veut. Évidemment, si les campagnes durent 30 jours, c'est difficile de faire le tour du Québec, mais que le chef ne soit pas contraint d'arrêter de se déplacer dans une campagne parce que le plafond est trop bas. Donc, il faudrait quand même avoir un plafond raisonnablement élevé, mais je pense qu'en ce moment il y a des dépenses qui pourraient être réduites facilement.

M. Deltell: Votre parti s'est distingué avec une campagne Internet 2.0 très agressive. Estimez-vous que vous avez eu quand même... vous en avez eu pour votre argent?

**(20 h 30)**

M. Aussant (Jean-Martin): Auprès des jeunes, de loin. On a fait une campagne que je considère être la meilleure de tous les partis, auprès des jeunes, parce qu'ils sont très présents sur les médias sociaux, ils sont nés avec Twitter, Facebook, et ils étaient faciles à joindre.

Ceci dit, il y a une autre classe de la population qui se fie beaucoup plus aux médias traditionnels, que ce soit télévisuel ou presse écrite, pour s'informer, et c'est là que ça coûte plus cher, en fait. Faire des publicités télé, mettre des pages entières de journaux, ça, c'est assez coûteux. Donc, c'est là-dessus qu'on a eu des moyens vraiment réduits qui nous ont désavantagés, mais surtout ce qui ne coûtait rien, c'est-à-dire l'Internet et les médias sociaux, ça, là-dessus, on en a tiré le maximum, j'en suis convaincu, pour peu de frais.

M. Deltell: Pour peu de frais. C'est ça.

M. Aussant (Jean-Martin): Oui.

M. Deltell: C'est ça, la conclusion. C'est que vous êtes capables d'aller rejoindre une vaste clientèle. Et, quand même, plus ça va aller, plus les gens sont attentifs aux médias sociaux, et ça ne coûte pas cher.

M. Aussant (Jean-Martin): En fait, je ne sais pas à quel point elle est vaste. C'est une classe de la population un peu plus, en général, jeune ou même, je dirais, aux extrêmes: les jeunes et les gens à la retraite sont beaucoup sur Internet. Il y en a qui sont plus devant la télé et devant les journaux quand ils n'ont pas le temps de faire deux heures de Facebook par jour, mais ceux qu'on pouvait rejoindre, on les a très bien rejoints à peu de frais.

Mais, pour rejoindre les à peu près 6 millions d'électeurs dans une campagne électorale, il faut aussi de l'argent pour utiliser les médias traditionnels; c'est là qu'on aurait pu bénéficier de fonds additionnels. Mais je pense qu'un plafond de je ne sais pas combien de millions, là, si quatre est votre suggestion, ça serait à étudier, mais un plafond pourrait être plus bas que ce que certains partis ont dépensé dans la campagne dernière.

M. Deltell: Un dernier point que je veux amener avec vous, la question du 100 $. Vous savez que notre parti est en accord sur le principe du 100 $ tel qu'énoncé par le gouvernement. La différence, c'est que nous, on dit: Baissons la contribution par vote, mais permettons le don au 100 $, mais multiplions par trois chaque don qui est fait, chaque dollar de don, qui reviendrait à peu près à coût nul avec ce qui existe actuellement. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Aussant (Jean-Martin): Le fait de partir avec les sommes totales que ça coûte en ce moment, c'est peut-être une bonne idée, parce qu'on fonctionne avec ce montant-là. Donc, ça serait encore une fois un argument vendable auprès de la population de dire que le nouveau système ne coûte pas plus cher et qu'il est plus efficace. Donc, de partir avec le budget global puis de s'arranger là-dedans, je trouve que c'est une bonne idée. Ce serait, disons, une difficulté de moins à faire passer ce projet de loi là au sein de la population.

Puis évidemment répéter ad nauseam que ces projets de loi là visent l'intérêt collectif, donc, finalement, on ne fait pas ça pour que ça coûte plus cher au monde pour rien. Donc, je pense... encore une fois, j'aime bien le répéter: un projet de loi qui se rapproche d'un financement public coûterait moins cher, à terme, à la population à cause des effets négatifs qu'on éliminerait, les effets de collusion, etc.

M. Deltell: Et je comprends que vous êtes contre les dons privés, les dons individuels?

M. Aussant (Jean-Martin): Nous, notre position, c'est que ça devrait être interdit. Tout don privé à un parti politique devrait être interdit, parce que ça ne devrait pas passer par le portefeuille, qui, lui, est inégal d'un citoyen à l'autre. Donc, si on veut rester totalement démocratique, il y a des façons qui le sont, comme le vote et l'implication politique. Tout le monde peut volontairement s'impliquer ou non, tout le monde peut volontairement voter ou non, mais ce n'est pas tout le monde qui peut volontairement ou non donner 100 $.

M. Deltell: Juste en terminant, M. le Président...

Le Président (M. Pagé): Il vous reste un 30 secondes.

M. Deltell: Ah oui? O.K. Je vous ai entendu sur les signatures, puis c'est vrai qu'un groupe qui rassemble 200 signatures dans 125 comtés, c'est quelque chose, mais il faut être prudent aussi. Moi, j'ai des adversaires, j'avais huit adversaires dans mon comté, et il y a des gens qui ont eu moins de 100 votes, et pourtant ils sont tous arrivés avec un bulletin de 100 signatures dûment enregistré, et tout était légal. Donc, la signature, ça a aussi sa faiblesse, ce n'est pas une garantie de militantisme et de conviction, puis tout ça.

Alors, j'entends puis j'écoute avec plaisir votre discours un peu lyrique sur le fait que quelqu'un s'investit puis signe. En bout de ligne, le gars, il fait ce qu'il veut, hein? Parce que, comme je vous dis, moi, je sais que... J'ai un candidat, entre autres, en tête, là: 85 votes, tu sais? Puis il a fait toute une campagne, là, contre moi particulièrement, puis il a eu 85 votes. C'est pour ça que je m'en souviens.

M. Aussant (Jean-Martin): Ça lui apprendra. Mais, en fait...

M. Deltell: Mais ce n'était pas votre candidat. Il a été très bon, d'ailleurs, votre... candidate.

M. Aussant (Jean-Martin): Oui, oui, on n'en avait que des bons. Mais il y avait...

Des voix: ...

M. Aussant (Jean-Martin): Évidemment, dans la masse de ceux qui signeraient, il y en a certainement qui ne sauraient pas trop ce qu'ils signent, tout comme je pense que la majorité des citoyens savent exactement pour qui ils votent, mais il y en a plusieurs qui votent sans avoir lu les plateformes et sans trop savoir, et, vu qu'un parti a peut-être une position qu'ils ne veulent pas...

Le Président (M. Pagé): Alors, le temps étant écoulé, on va mettre fin... Et peut-être avec le consentement, il restait une petite minute tantôt, j'aurais une petite question, avec le consentement des collègues.

Vous avez, au tout début de l'échange avec le ministre, là, mentionné que le 3 % semblait être insuffisant. Est-ce que vous avez réfléchi à quel pourcentage qui pourrait être plus acceptable?

M. Aussant (Jean-Martin): Bien, c'est difficile de fixer un pourcentage parce que ça dépend du budget global du parti. Un parti qui a un budget annuel de 200 000 $, ça prendrait un énorme pourcentage, alors que, s'il se rapproche du million, on peut le baisser. Donc, on ne devrait pas y aller sur un pourcentage, mais sur, peut-être, un seuil monétaire nominal.

Le Président (M. Pagé): Alors, mon temps étant écoulé, je vous remercie.

Alors, on va ajourner quelques moments, le temps de faire place au prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

 

(Reprise à 20 h 40)

Le Président (M. Pagé): Alors, chers collègues, nous reprenons nos travaux. Pour la dernière heure, je demanderais tout de suite le consentement pour qu'on puisse déborder d'un 10 minutes afin de pouvoir accorder à nos invités le même privilège d'une heure complète. J'ai consentement?

Des voix: ...

Le Président (M. Pagé): C'est ce que j'entends. Alors donc, pour un premier 10 minutes, afin de faire votre présentation, nous accueillons M. Claude Sabourin, chef du Parti vert du Québec, et M. Carl Savoie, représentant également la formation politique. Alors, nous vous écoutons pour un premier 10 minutes pour... Pardon?

Parti vert du Québec (PVQ)

M. Lavoie (Carl): Carl Lavoie. J'ai entendu «Savoie».

Le Président (M. Pagé): Oui. Ah! Désolé, c'est mon erreur. Alors, désolé. Alors, M. Sabourin, pour votre présentation, vous avez 10 minutes.

M. Sabourin (Claude): Merci beaucoup. Alors, c'est avec plaisir que le Parti vert du Québec a accepté ce soir l'invitation de la Commission des institutions afin de participer à cet exercice de démocratie. D'abord, je tiens à souligner que les changements que propose le projet de loi n° 2 sur la limitation des contributions ainsi que sur la révision du financement public des partis politiques sont au coeur des préoccupations du Parti vert du Québec. Bien entendu, aucune loi n'étant parfaite, nous sommes ici pour tenter de l'améliorer dans la mesure du possible.

Dans un premier temps, le principe premier d'un tel engagement financier est de faire en sorte que les partis politiques aient le plus de liberté financière possible afin d'éviter que ceux-ci soient trop fortement tentés de déjouer le système en donnant des ressources financières dépassant largement ses adversaires. Rappelons au passage que les caisses occultes des partis politiques sont interdites par la loi au Québec.

Pour ce qui est de l'effort du gouvernement ou des contribuables, ce qui est en fait théoriquement la même chose, le fait que les contributeurs ne recevront plus de déduction d'impôt pour leurs contributions de plus de 100 $, nous sommes en mesure de supposer que les dépenses gouvernementales pour le financement des partis politiques ne seront pas plus élevées qu'auparavant.

Sur la diminution du plafond des contributions par électeur, par année, passant de 1 000 $ à 100 $, nous émettons un bémol. En effet, nous comprenons que l'esprit de la loi est de rendre l'utilisation de prête-noms la moins intéressante possible, de faire en sorte que le nombre de personnes impliquées dans un système de prête-noms soit plus grand, donc plus difficile à organiser, tout le monde sachant que l'on contourne ainsi la loi. Mais soyons quand même conséquents un peu avec la valeur d'un dollar d'aujourd'hui. On sait par exemple qu'un plein d'essence de nombreuses voitures coûte plus de 100 $. Une petite épicerie pour deux personnes atteindra facilement 100 $ pour une semaine seulement. Un fumeur québécois dépensera plus de 100 $ pour s'acheter ses cigarettes pour deux semaines de consommation. Pour de nombreux salariés, 100 $ représente plus ou moins une seule journée de travail. C'est donc dans cet esprit que nous proposons au gouvernement du Québec de mettre le plafond des contributions à 250 $ par année, par électeur québécois, et nous proposons que, pour chaque période de trois ans, ce plafond soit augmenté de 5 %.

Sur un autre des changements apportés par la nouvelle législation proposée, nous approuvons la clause qui fera que les partis politiques pourrons dorénavant recevoir directement le montant d'argent alloué à son parti sans avoir à présenter une demande de remboursement car, en plus d'alléger le travail de comptabilité pour les partis politiques, c'est également un allégement pour le Directeur général des élections du Québec.

Et, puisque nous sommes à la Commission des institutions, un peu dans le même sens que mon collègue d'Option nationale l'a souligné tantôt, nous tenons à rappeler que le Parti vert du Québec appuiera toute formule qui voudra transformer le mode de scrutin actuel vers un scrutin de type proportionnel, où les partis politiques seraient mieux représentés à l'Assemblée nationale qu'actuellement. Nous déplorons de facto le fait que le Parti québécois ait retiré de son programme l'instauration d'un système de représentation proportionnel. Voilà.

Le Président (M. Pagé): Vous avez terminé votre présentation?

M. Sabourin (Claude): Oui.

Le Président (M. Pagé): D'accord. Alors, nous avons un 22 minutes d'échange de disponible avec la partie gouvernementale. M. le ministre.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Bienvenue, d'abord, bien content que vous soyez là. J'essaie de comprendre le sens du troisième paragraphe de votre déclaration, quand vous dites: «[Il faut] faire en sorte que les partis politiques aient le plus de liberté financière possible afin d'éviter que ceux-ci soient trop fortement tentés de déjouer le système en donnant des ressources financières dépassant largement ses adversaires...» Dans le fond, êtes-vous pour ou contre le projet de loi n° 2?

M. Sabourin (Claude): Bien, le Parti vert du Québec est tout à fait pour. C'est clair pour nous que c'est important. Ce que je voulais dire par là, et je pense que c'est peut-être dans la syntaxe où ça fait défaut, je pense que c'est... Ce qu'il faut entendre par là... C'est parce qu'effectivement je suis assez près des finances de notre parti qui font en sorte que, par exemple, on doit avoir un montant d'argent dans un roulant pour qu'on puisse faire une demande d'allocation, ce qui demande évidemment, là, un certain montant d'argent. Je pense que, par exemple, les grands partis ont donc besoin des ressources importantes de ce côté-là et les partis également.

Alors, ça veut dire que, par exemple, jusqu'à l'an dernier, le Parti vert du Québec avait un peu moins de 9 000 $ d'allocation mensuelle. Alors, on se devait, bien sûr, de pouvoir avoir, dans nos encaisses, ce montant d'argent là qu'on devait d'abord dépenser pour faire une demande d'allocation, et ce qui, chez nous, nous causait certains problèmes, certains mois. Alors, la nouvelle formulation, telle qu'écrite dans la version qu'on a reçue, tout au moins, effectivement, au Parti vert, ça va nous donner une plus grande flexibilité en recevant un montant d'argent directement à chaque mois.

M. Drainville: Bien, je vous assure, vous avez très bien compris. Effectivement, le projet de loi, tel qu'il est libellé, vous donnera la liberté voulue pour utiliser l'allocation publique que vous recevrez, là, qui s'élève grosso modo, là... ou qui s'élèverait, en vertu du projet de loi actuel, autour d'à peu près 100 000 $ par année. Et vous pourrez disposer de cet argent-là, et, le cas échéant, comme vous l'évoquez, le mettre de côté pour une éventuelle campagne électorale, si c'est ce que vous souhaitez faire.

Qu'est-ce que vous pensez de l'argument... Bon, j'ai noté, là, que vous souhaitiez augmenter la contribution, le plafond de la contribution à 250 $. Nous, vous savez qu'on l'a mis à 100 $ parce que... bien, une des raisons pour lesquelles on l'a mis à 100 $, c'est qu'on pense que c'est à la portée de la majorité des Québécois que de pouvoir donner un don de zéro à 100 $. Et on pense qu'il y a beaucoup plus de Québécois qui sont en mesure de se payer un don de 100 $, le maximum prévu dans la loi, que de Québécois qui auraient les moyens de se payer un don de 250 $ ou même de 1 000 $.

Donc, vous ne craignez pas qu'en mettant le plafond à 250 $ se retrouve dans une situation, dans le fond, où on encourage davantage les gens qui sont plus fortunés?

M. Sabourin (Claude): Je crois que c'est un peu un faux débat, en fait. Lorsqu'on propose ce 250 $ là, c'est d'abord pour faire un mitoyen. Et je vous dirais que les gens qui, aujourd'hui, ne font pas de don à un parti politique n'en feront pas plus lorsque la loi va prescrire un plafond de 100 $, alors je pense qu'à ce niveau-là c'est plus ou moins un faux débat.

Je pense cependant que, lorsqu'on parle d'un montant de 250 $, c'est aussi un montant qui est quand même suffisamment élevé pour qu'on puisse amasser des sommes d'argent, en tant que parti politique, assez rapidement et qui fait en sorte que c'est encore à un niveau acceptable. Je pense que, si on regarde, par exemple, la moyenne des salaires des Québécois qui, à moins que je ne m'abuse, est aujourd'hui autour de 42 000 $, je pense qu'un 250 $ reste un montant abordable pour qui veut supporter une candidature.

Et je suis tout à fait d'accord également avec le fait, par exemple, que certains de vos collègues soulignaient tantôt, qu'il y a des gens qui vont donner à plus d'un parti politique. J'ai vu ça très souvent, justement parce qu'on a des amis que parfois on désire garder et qui ne sont pas nécessairement dans le même parti politique que nous. Dans mon cas, ça arrive très souvent.

**(20 h 50)**

Le Président (M. Pagé): Alors, c'est le soir des aveux.

M. Drainville: On apprend.

Le Président (M. Pagé): Alors, M. le ministre.

M. Drainville: On apprécie votre franchise. Est-ce que vous voulez donner plus de détails là-dessus ou...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pagé): Vous n'êtes pas obligé.

M. Sabourin (Claude): Non, je pense que je ne serai pas aussi ouvert que vos collègues.

M. Drainville: Votre confession va s'arrêter là.

M. Sabourin (Claude): Oui.

M. Drainville: Est-ce que vous pensez que... J'ai posé la question tout à l'heure à Jean-Martin Aussant, je vais vous la poser à vous aussi: Est-ce que vous croyez que le fait que... comment dire, l'allocation versée à un parti ou le montant d'argent qui va permettre... Je pense qu'il commence à être tard. En augmentant le financement public, ça fait en sorte que plus vous recevez de votes, plus vous obtenez de sous. Évidemment, quand on augmente l'allocation, ça fait en sorte aussi que... toutes proportions gardées, là, ce n'est pas tout à fait mathématique comme règle, mais on peut dire que la valeur d'un vote va vous apporter plus de sous, un financement qui est plus élevé.

Est-ce que vous pensez que ça, ça peut amener les gens à voter pour vous? Des gens qui vont dire: Bien, moi, je suis plutôt environnementaliste; dans la hiérarchisation des valeurs, la valeur environnementale est la plus importante pour moi. Et, sachant que c'est d'abord et avant tout le résultat électoral qui va déterminer le financement du Parti vert, de tous les partis mais en particulier du Parti vert dans ce cas-ci, bien, je vais leur donner mon appui parce que je veux que le 1,67 $ -- encore une fois, ce n'est pas tout à fait ça, là, mais, pour les fins de la discussion, disons -- il aille au Parti vert. Pensez-vous que ça peut jouer?

M. Sabourin (Claude): Moi, je suis persuadé que ça joue. Je sais, par exemple, qu'il y a quelques années j'étais également organisateur, au Québec, pour le Parti vert du Canada, et une de nos lignes principales était exactement celle-là, à savoir que, si vous votez pour le Parti vert du Canada, vous êtes... de facto, vous soutenez le Parti vert du Canada à la hauteur de 2 $ par vote. Et je pense que c'est parmi, à moins d'erreur de ma part, un des meilleurs résultats qu'on a eus au Québec pour le Parti vert du Canada à l'époque. Alors, je pense que ce sera tout aussi vrai, pour aujourd'hui et à l'avenir, pour un vote pour le Parti vert du Québec avec la nouvelle législation.

M. Drainville: Donc, est-ce que c'est, dans votre esprit, la meilleure raison pour appuyer le projet de loi n° 2? Est-ce que c'est parce qu'à votre avis ça vous donne un vrai bon argument pour convaincre nos concitoyens de voter pour vous?

M. Sabourin (Claude): J'ose toujours espérer qu'il y aura davantage que des règles monétaires au fait de voter pour le Parti vert du Québec, qu'il y aura un petit peu de notre programme qui les intéressera également, mais je pense que c'est sûrement un argument fort intéressant. Je pense qu'on dit que l'argent parle dans une langue qui... dans la langue de Shakespeare, que je ne citerai pas de peur de faire une erreur, mais je pense qu'effectivement, lorsqu'on parle d'argent, les gens comprennent bien que, si on veut faire une bonne campagne, si on veut survivre, si on veut faire vivre sérieusement un parti, bien, ça prend des sous et puis que, lorsque quelqu'un va voter, il va comprendre également qu'il va verser 1,67 $, par exemple, au Parti vert du Québec. Et c'est sûrement une raison additionnelle pour un électeur de voter pour le Parti vert.

M. Drainville: Donc, diriez-vous, vous, que le projet de loi n° 2 est un projet de loi qui sert bien les petits partis? Est-ce que vous diriez que c'est un projet de loi qui va aider les petits partis?

M. Sabourin (Claude): Oui. Personnellement, je le pense, parce que c'est souvent... mais, enfin, je vais parler pour nous, sans vouloir trop me lancer sur l'organisation des autres partis politiques, mais, très souvent, ce qui est difficile chez nous, par exemple, c'est que nous, c'est surtout des gens qui sont intéressés par l'environnement, qui sont des environnementalistes et qui parfois ont un problème viscéral avec l'argent. Alors, quelqu'un qui est candidat chez nous, très souvent, ce n'est pas le genre de personne qui va aller solliciter ni son voisin, ni son frère, ni son cousin pour de l'argent, ça ne marchera pas, là. Ils sont très judéo-chrétiens, si je peux dire, là-dessus, là, et puis ils ne sont pas très forts pour recueillir des sous. Alors, ça fait en sorte qu'un parti politique comme le nôtre a aussi... c'est littéralement notre fer de lance. Alors, oui, je pense que c'est fort important.

D'un autre côté, juste parce que je veux déborder -- mais je veux saluer M. Aussant, s'il nous écoute -- je pense que le contraire, par exemple, n'est pas tout à fait avisé, dans le sens où, s'il n'y a seulement que du financement public, ça fait en sorte que... Par exemple dans certains pays européens, c'est comme ça qu'ils marchent. Et ce n'est pas beaucoup mieux parce qu'ils se retrouvent avec des élus et ils n'ont pas de membres, littéralement, ou extrêmement peu. Et ça ne fonctionne pas mieux, là, ils sont... Je comprends que... Évidemment, leur point de vue est débattu en Chambre, est avancé, tout ça, mais il n'y a plus personne derrière, là. Littéralement, ils ne font pas de levée de fonds parce qu'il n'y a personne à appeler, là, genre. Alors, ça enlève toute l'organisation. Toute la vie du parti politique n'existe plus, parce qu'ils ne sont plus sollicités, là, tu sais.

Alors, je pense qu'en ce sens je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'il y ait les deux systèmes, c'est-à-dire un système de financement gouvernemental solide et respectueux du nombre d'électeurs qui ont supporté le parti lors des dernières élections, mais également une ouverture, je pense, pour les nouveaux partis émergents, par exemple, lorsqu'il y a une région qui peut se sentir flouée par une législation, de s'organiser, de mettre sur pied un parti politique, et qui a la possibilité de le faire aussi en allant chercher des contributions auprès du public.

M. Drainville: Bien, je suis tout à fait d'accord avec vous. Ça tombe très bien parce qu'effectivement, nous, on y a réfléchi, nous, au système à 100 % public puis on en est venus... Le 100 $, pour nous, c'était effectivement un compromis entre un système complètement public et un système qui permettait justement de maintenir la possibilité d'aller chercher des contributions modestes auprès des citoyens; on trouvait que c'était le bon équilibre. Donc, c'est important de maintenir cet aspect-là. Est-ce que vous êtes de ceux qui pensez qu'on devrait bouger sur le plafond des dépenses?

M. Sabourin (Claude): J'ai trouvé l'idée excellente. Je m'en veux d'avoir oublié d'ailleurs de le rapporter dans mon rapport. Je pense qu'effectivement... Et, pour avoir fait ma propre petite étude maison, il m'a été facile de me rendre compte qu'environ à 70 % le candidat dans une circonscription qui dépense le plus d'argent est le gagnant aussi. Alors, ça veut dire qu'une personne qui, au départ, va n'avoir que, par exemple, 20 000 $ pour dépenser pour sa campagne a déjà deux prises contre lui -- ou contre elle, bien sûr.

Alors, je pense qu'effectivement en abaissant le plafond des dépenses, c'est aussi une idée qu'il faudrait creuser. Est-ce que ça se doit d'être présentement dans la législation? Je pense que ça sera à voir. Mais je pense que c'est une piste qu'il faudra regarder éventuellement, parce que c'est vrai aussi que tous les partis ne partent pas sur le même pied, de cette manière-là.

**(21 heures)**

M. Drainville: Alors, si je vous demandais de me résumer... dans le fond, vous avez été clair, vous appuyez le projet de loi n° 2. Si je vous demandais de me donner les trois principales raisons pour lesquelles vous trouvez que c'est une bonne idée? Tout à l'heure, on a parlé un petit peu de l'augmentation, comment dire, du versement monétaire pour chaque vote. Ce n'était pas nécessairement la principale raison pour laquelle vous étiez en accord avec le projet de loi, là, mais j'aimerais ça vous entendre. Les principales forces de ce projet de loi là que vous appuyez, ce serait quoi, dans votre esprit, là, dans vos mots à vous, là?

M. Sabourin (Claude): Bien, je pense que le point le plus important, c'est vraiment celui qui est remis... le pouvoir financier est remis dans les mains de l'électeur, de l'électrice. Je pense qu'effectivement, lorsqu'on dit qu'une personne appuie un parti politique, s'il n'y a pas d'efforts financiers qui vont avec ça, je les remercie d'avance, évidemment, de supporter notre parti politique, mais, une fois qu'on a dit ça, je pense que... Lorsque les gens font un mouvement, et ils comprennent très bien qu'ils financent, entre guillemets, également un parti politique, le parti politique pour qui ils votent, je pense que ça a une reconnaissance fort importante.

Et je pense qu'effectivement, a contrario, si le support financier serait trop bas, ça a beaucoup moins de sens. Ça veut dire que, par exemple, un parti politique qui amasserait moins de 10 % ou 15 % du vote global aurait bien de la difficulté à se payer quoi que ce soit. Alors, je pense que de fixer le retour financier à 1,67 $ est pas mal intéressant, encore qu'effectivement, au fédéral, c'est monté jusqu'à 2 $. Ceci dit, je pense que le principe vaut très bien à 1,67 $.

Pour ce qui est des deux autres raisons, je pense, qui sont quand même secondaires, pour nous, le fait de pouvoir effectivement recevoir un chèque avec lequel on n'a pas besoin de faire deux comptabilités, là, c'est fort intéressant pour nous. Je ne peux pas parler pour les collègues des autres partis politiques, mais, pour nous, c'est fort intéressant, parce qu'on n'a pas besoin justement de garder des montants d'argent seulement pour rejoindre notre plafond d'allocation, parce qu'il y a des mois où littéralement ça a été difficile.

Si ma mémoire est bonne, en 2010, il y a près de 20 000 $ que le Parti vert du Québec n'a pas pu aller chercher parmi les allocations parce qu'on n'avait pas eu les fonds nécessaires dans nos goussets pour aller... pour les dépenser, là, tu sais? Alors, je pense que ce 20 000 $ là, on peut sûrement l'utiliser d'une autre manière, là, dorénavant.

M. Drainville: Est-ce que vous êtes d'accord, vous, avec l'argument de ceux qui disent: Pour les partis émergents, donc pour les nouveaux partis, ceux qui n'ont pas participé à une élection, ce système-là, le système que nous mettons de l'avant, avec la limite à 100 $, est pénalisant? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ou est-ce que vous pensez qu'avec 100 $, s'il y a un appui populaire suffisant, il y a moyen d'aller chercher un montant d'argent suffisant pour pouvoir se faire connaître et aller chercher la visibilité voulue pour obtenir un score honorable qui va permettre évidemment, par la suite, un peu comme le Parti vert, de participer au système de financement public des partis?

M. Sabourin (Claude): Je vous dirai que j'ai lu certains textes qui ont été imprimés, édités dans les derniers jours, les dernières semaines, et je n'ai pas nécessairement été très édifié par la rigueur intellectuelle des gens qui les avançaient. Évidemment, certains d'entre eux voyaient plutôt le problème se situer au niveau de l'existence même des partis politiques. Je comprends leur argument, par contre je pense que c'est une vision un peu utopiste de la société dans laquelle on vit. Alors, je ne veux pas trop m'avancer là-dessus, mais je vous dirais que, règle générale, je pense qu'ils font un petit peu fausse route. Je pense que c'est vrai qu'à 100 $ c'est plus long à ramasser, un million, là. C'est une raison banalement mathématique. Mais, en même temps, je me dis que, si on en revenait au 3 000 $ d'il y a quelques années à peine, qui est-ce qui financerait à un si haut niveau un nouveau parti qui veut mettre des bases? Je veux dire, j'ai de la difficulté, en tant que personne qui s'implique en politique depuis un peu plus de 30 ans maintenant, de voir quelqu'un qui, dans un élan de générosité, prendrait 3 000 $ de sa poche pour mettre... pour soutenir un nouveau parti politique; un peu de difficulté.

Je pense que 100 $, par contre, pour les raisons que j'exprimais tantôt... Si, par exemple, il y a un chef de parti qui veut faire le tour de la Gaspésie, bien, en partant, juste pour payer l'essence, ça vient de lui coûter trois contributions, là, pour faire le tour de la Gaspésie, là. C'est un peu dans ce sens-là où je me dis qu'il faut aussi être un petit peu raisonnable pour qu'un parti politique, nouveau ou plus ancien, puisse avoir une certaine marge de manoeuvre en se disant: Bien, écoute, au moins je vais aller chercher mon oncle qui a de l'argent puis je vais aller lui chercher un 250 $, toujours, là, tu sais. Alors que 100 $, bien...

Le Président (M. Pagé): M. Sabourin, notre temps est écoulé pour cette partie-ci. Peut-être que vous aurez l'occasion de poursuivre tantôt. Alors, pour le prochain 22 minutes, je laisse le temps à l'opposition officielle.

M. Dutil: Merci, M. le Président. La proposition telle qu'elle est faite actuellement au niveau du 100 $, il y a deux propositions, dans la loi, qu'il faut comprendre: d'abord, un abaissement du plafond de 1 000 $ à 100 $; la deuxième proposition, vous avez compris également, c'est que le crédit d'impôt serait enlevé, et ce serait donné en fonction du nombre de votes obtenus. Et, dans votre cas, ce serait 0,82 $ de plus pour le nombre de votes que vous avez obtenus, 35 000 $. Vous comprenez ça?

M. Sabourin (Claude): Oui.

M. Dutil: Et le Parti libéral, et le Parti québécois, et la CAQ, ce serait autour d'un million de dollars de plus sans effort. Aucun effort. Aucun effort. Vous ne faites aucun effort, vous avez 35 000 $ de plus; on ne fait aucun effort, on a 1 million de dollars de plus.

Il y a une proposition qui est sur la table à l'effet qu'il s'agirait... au lieu d'enlever le crédit d'impôt, on pourrait le remplacer par une formule plus simple et plus souple que va expliquer le député de Chauveau tout à l'heure, j'en suis convaincu, et qui aurait pour effet que, quand vous donnez 100 $, bien, il y a une contribution qui viendrait du DGE de plus.

À part que c'est plus souple qu'un crédit d'impôt, la raison pour laquelle je vous dis ça, c'est que vous avez collecté de l'argent l'année passée, probablement. Je ne sais pas combien, mais vous avez dit aux gens: Bien, regarde, tu vas avoir un reçu, puis tu vas mettre ton reçu dans ton rapport d'impôt, puis tu vas avoir 75 % de crédit d'impôt. C'était 85 %, même, dans le cas du premier 100 $. Il ne l'aura plus. Est-ce qu'il va vous donner le même montant? Non.

Moi, le gars qui m'a donné 100 $ l'année passée ne me redonnera pas 100 $ cette année s'il n'a pas de crédit d'impôt, il va me donner 15 $ parce que c'est 15 $ que ça lui coûtait. C'est ça qu'il va faire. Avez-vous pris en considération ce fait-là? Là, vous troquez, vous troquez ce crédit d'impôt qui vous permet d'aller chercher des contributions auprès des citoyens en disant: Tu me donnes 100 $, ça t'en coûte 15 $. Veux-tu me le donner, le 100 $? -- puis il dit oui -- contre 35 000 $ que vous allez avoir de façon statutaire parce que vous avez eu tel nombre de votes.

**(21 h 10)**

M. Sabourin (Claude): Évidemment, j'ai songé à tout ça également. Je vous dirais bien sûr que, pour des raisons qui vont peut-être vous sembler bien normales, je parle pour ma paroisse, ça veut dire qu'effectivement, chez nous, des gens qui ont donné 100 $ et plus, j'ai probablement suffisamment de mes deux mains pour les compter. Chez nous, le don habituel, c'est 20 $. 15 $, 20 $, et ça ne déroge pas beaucoup de ça.

Bien sûr, dans vos cas, c'est sûr que ça va changer beaucoup. Quelqu'un qui donnait 100 $ dans les années passées va être beaucoup moins intéressé à donner 100 $. C'est là où votre travail va changer aussi, un peu, là, parce que des soupers, par exemple à 100 $, comme le député de Chauveau... d'où le député de Chauveau arrive, bien, peut-être que le souper sera peut-être à 50 $ ou à 40 $, ou je ne sais pas, mais c'est sûr que ce sera quelque chose qui va devoir... Il y a un certain niveau de moeurs, je vous dirais, qui va devoir changer, parce que les gens se fiaient aussi, bien sûr, sur ce crédit d'impôt là qui rentrait, oui.

Une voix: ...

M. Sabourin (Claude): Oui, dans le sens: On ne fera pas d'omelette sans casser des oeufs, et ça, c'est le genre de côté moins positif qu'on regarde.

M. Dutil: La question, c'est: Doit-on faire des omelettes?

Le Président (M. Pagé): Alors, M. le député de... Je ne suis pas encore habitué, familier.

M. Poëti: Marguerite.

Le Président (M. Pagé): Marguerite-Bourgeoys. Oui, allez-y.

M. Poëti: Merci.

Le Président (M. Pagé): Ça va venir.

M. Poëti: Écoutez, je sais... je pense que vous étiez dans la salle tantôt, puis, peut-être une déformation, moi, je trouve ça éclairant, ces commissions-là, puis les commentaires des gens qui viennent là puis qui nous font leurs commentaires sur leurs préoccupations sur la collusion, la corruption. Vous en avez parlé un petit peu, vous avez parlé des caisses occultes, mais j'essaie de placer, moi, la... parce que j'ai une opinion, mais on n'est pas ici pour avoir la mienne, c'est pour avoir la vôtre: c'est où, la ligne, pour vous, de la corruption, de la collusion qui est sécuritaire ou qui ne l'est pas? Parce que vous comprenez que le projet de loi parle de 100 $. Vous en venez à 250 $. Nous, on a pensé longtemps que 1 000 $ était une décision du DGE, mais qui était partie de 3 000 $ à 1 000 $, et on la trouvait raisonnable, d'ailleurs on l'a appuyée puis on l'a fait. Et là, aujourd'hui, certains disent -- et vous étiez là: Zéro, zéro, zéro; d'autres proposent 100 $ comme étant la clé; vous, vous dites 250 $, pas de problème avec ça. Est-ce que je me trompe ou...

M. Sabourin (Claude): Non, effectivement. D'un autre côté, même si je ne suis pas très souvent en accord avec M. Aussant, je pense que c'est difficile de mettre un chiffre absolu et de dire: À partir d'ici, il y a recherche de collusion, là, tu sais? Effectivement, je pense qu'il faut considérer le fait où une personne qui a... Par exemple, j'ai songé, dans mon approche... et qui n'y était pas par exemple... mais de dire qu'un don ne devrait pas dépasser, par exemple, 2 %, ou 3 %, ou 4 % du revenu total de la personne qui fait le don. Alors, tu pourrais ne pas... On ne pourrait pas, par exemple, avoir quelqu'un qui gagne 6 000 $ par année, sur l'assistance sociale, qui donne 1 000 $ à un parti politique. On comprendrait plus facilement que ce n'est pas normal. Mais, en même temps, effectivement, ça ouvrirait davantage la porte à des gens qui font 100 000 $ et qui pourraient aussi facilement donner 3 000 $, 4 000 $. Alors, c'est pour ça que je ne l'ai pas ajouté dans mon point de vue. Mais j'y ai réfléchi aussi pour savoir s'il n'y aurait pas une forme de... une recherche de chiffre absolu pour limiter justement cette recherche de collusion que certaines personnes recherchent. Mais c'est extrêmement difficile.

M. Poëti: Pensez-vous... J'ai une réponse à ça -- à un moment donné, je vais pouvoir la donner -- sur le montant. Mais est-ce que vous pensez que d'éliminer les entreprises, les compagnies, les incorporations des dons, juste les citoyens, là, quelqu'un qui n'est pas incorporé, qui a un salaire ou qui est à son compte mais qui ne donne pas de services, là, possibles, gouvernementaux... Est-ce que vous pensez que d'éliminer ça pourrait être une solution, d'éliminer ces donneurs-là, cette catégorie de dons là, des gens qui ne sont pas en affaires?

M. Sabourin (Claude): Vous voulez dire des dons corporatifs, là.

M. Poëti: Oui.

M. Sabourin (Claude): J'avais compris que, depuis 1977, c'était déjà éliminé d'emblée. Je pense qu'en 1977 j'avais un peu plus que 12 ans, là, mais j'ai quand même suivi le dossier depuis, et je vous dirais que je trouve que ça fait du sens que les entreprises ne participent pas au financement des partis politiques parce que je considère que le jupon dépasserait rapidement, là. Parce que c'est trop facile de dire, si je suis déneigeur, par exemple, et je verse un 250 $ à mon copain qui se présente aux élections, bien, veux veux pas, je vais m'attendre à ce qu'il m'engage pour déneiger sa cour, là, tu sais. Alors, il sera peut-être... Je serai peut-être déneigeur pareil, puis c'est dans l'optique d'avoir son contrat pareil que je vais lui donner, mais au moins l'apparence de conflit d'intérêts n'y sera pas.

M. Poëti: Merci.

Le Président (M. Pagé): Est-ce qu'il y avait d'autres questions du côté de l'opposition officielle? Il vous reste 14 minutes.

M. Ouimet (Fabre): ...M. le Président.

Le Président (M. Pagé): Oui, M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci. Bonsoir. Je comprends de vos représentations, là, qu'on essaie de trouver un montant, là, pour les contributions. Et, en fait, j'ai peut-être raté, là... mais ce que vous nous dites, dans le fond, c'est: On n'a pas vraiment de balises, là, pour trouver ce montant-là qui serait... auquel on ajusterait le maximum des contributions. C'est ce que je comprends.

M. Sabourin (Claude): Tout ce que j'avançais comme point de vue, c'est que 250 $, c'est grosso modo une demi-semaine de salaire pour un salaire moyen au Québec.

M. Ouimet (Fabre): Mais je comprends aussi que vous avez tenu compte du fait que le DGE, en 2010, proposait 1 000 $ et que, malgré ça, là, on arrive avec ce... moyen, qui est la demi-semaine de salaire.

M. Sabourin (Claude): Oui. Je considère que c'est un choix de milieu, parce que, par exemple, et je reviens un peu dans l'histoire, où 3 000 $, je trouvais qu'effectivement... Je n'ai jamais vu personne, moi, verser 3 000 $ à un parti politique. Je sais qu'il y en a eu, là, j'ai déjà joué là-dedans, mais il reste que c'est vraiment plutôt hors de proportion. Ce que je pense, c'est que, si on veut démocratiser -- et c'est aussi le terme qui est utilisé ici -- les contributions, je pense qu'il faut que ça soit aussi à peu près abordable pour le Jos Bleau moyen.

M. Ouimet (Fabre): Selon vous, c'est 250 $ qui serait le montant?

M. Sabourin (Claude): Je pense que oui.

M. Ouimet (Fabre): Merci.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci d'être venus nous rencontrer ce soir. Juste quelque chose qui est intéressant dans votre présentation, pas tellement sur le montant de 250 $, mais vous parlez d'une forme... pas d'indexation mais vous voulez l'augmenter à tous les trois ans, peut-être, puis vous donnez la suggestion, vous faites la suggestion de 5 %. Mais ça me ramène aussi en disant: Est-ce que le 100 $, il ne pourrait pas être indexé, éventuellement? C'est-u quelque chose qui vous plairait à ce point que vous aimeriez le voir dans le projet de loi?

M. Sabourin (Claude): Bien, je pense que oui. Si, par exemple, le gouvernement veut garder son montant à 100 $, je pense que ça a toutes les raisons de pouvoir augmenter avec l'inflation annuelle. Par exemple, j'ai fait ma petite recherche aussi, à savoir l'inflation, comment ça augmente au Québec annuellement, et c'est grosso modo entre 1,7 % et 1,9 % annuellement. Sur trois ans, ça fait 5,1 %, 5,3 %, d'où le 5 % sur trois ans. Alors, je pense que ça pourrait être aussi quelque chose qui est regardé, sachant aussi que, le financement des partis politiques, il y avait aussi une augmentation annuelle qui était faite. Alors, je suppose que ce sera également ce qui va être suivi par le DGEQ et je présuppose aussi que ce genre d'approche là, d'augmentation, soit annuelle ou trisannuelle, pourrait être aussi une approche aussi intéressante sur un montant de 250 $ que la proposition gouvernementale.

M. Marsan: Alors, quel que soit le montant, vous suggérez qu'il soit indexé.

M. Sabourin (Claude): Oui, je pense que oui.

M. Marsan: Merci. C'est beau.

M. Sabourin (Claude): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Pagé): Est-ce qu'il y avait d'autres questions du côté de l'opposition officielle? Ça va? Alors, on procède du côté de la deuxième opposition, avec le député de Chauveau pour 5 min 30 s.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale, puis au plaisir de vous rencontrer.

Deux points à aborder avec vous. Vous avez dit que vous étiez d'accord avec le principe de baisser le plafond des dépenses électorales, qui actuellement est situé à 11,5 millions de dollars. Vous savez que le Parti libéral a proposé 7,5. Nous, à l'origine, c'était 4 millions. Est-ce que vous avez ciblé le plafond que vous souhaiteriez voir?

**(21 h 20)**

M. Sabourin (Claude): Je dois avouer bien franchement que non. C'est parce que, un, ce n'était pas dans le projet de loi initial, alors je n'y ai pas réfléchi davantage. Sauf qu'effectivement, durant la dernière campagne électorale, il en a été question. Et effectivement, parce que M. Legault l'avait souligné aussi, combien il ferait sa campagne davantage avec 4 millions plutôt que 10, que 12, c'est effectivement une chose qui a attrapé mon attention et sur laquelle évidemment j'ai réfléchi.

Par contre, pour y avoir vraiment fait des recherches et... faire des comparaisons et de me dire, par exemple, le meilleur montant serait ici, et tirer une ligne en me disant: Bon, 3 millions, ce serait suffisant, ou six, ou... sinon, on tire un chiffre à partir d'un chapeau, alors je ne peux pas vous dire que j'ai tiré une ligne claire, en vous disant que le plafond des dépenses électorales devrait être situé à tel ou tel chiffre.

Mais je pense effectivement, pour les raisons que je donnais tantôt, que, lorsqu'il y a une campagne électorale qui débute, forcément ce n'est pas tous les partis politiques qui partent avec la même chance de remporter. Ça, c'est clair.

M. Deltell: Oui. Maintenant, votre campagne, vous, votre campagne nationale a coûté combien?

M. Sabourin (Claude): Je pense bien qu'on a dépensé environ 20 000 $.

M. Deltell: ...nationale?

M. Sabourin (Claude): Nationale.

M. Deltell: Combien de votes, national?

M. Sabourin (Claude): 42 200 quelque chose.

M. Deltell: J'ai toujours considéré que le Parti vert ici, au Québec, au Canada ou partout à travers le monde avait comme une prime à l'urne parce que le Parti vert, c'est universel. Peu importe le candidat, peu importe le chef, peu importe même votre programme, les gens qui sont verts sont verts. Et c'est assez remarquable. Et c'est vrai au Québec. C'est vrai au municipal aussi, on commence à voir ça, des partis verts qui émergent. Au plan canadien, même au plan international, c'est comme ça.

Il me reste peu de temps, simplement vous expliquer un peu la proposition qui a été vantée à moult reprises par mon collègue de Beauce-Sud, qui est la nôtre, c'est-à-dire que nous, on est d'accord avec le principe du plafond à 100 $ parce qu'on respecte l'idée du ministre à l'effet que c'est accessible à tout le monde. Il faut comprendre qu'actuellement quelqu'un qui donne 400 $ a un retour d'impôt de plus de 300 $, donc ça lui revient à 100 $, alors que l'État donne 300 $. Nous, on inverse la façon de faire. Le citoyen verse 100 $ maximum, l'État multiplie par trois sa contribution, et donc on revient, à coût nul, à la même proposition.

Je vous ai entendu tantôt, avec les observations faites par le député de Beauce-Sud, mais j'aimerais approfondir avec vous. Vous ne pensez pas que ça permettrait justement à tous les citoyens, toutes classes de citoyens, celui qui veut donner 10 $ comme celui qui veut 100 $, d'avoir justement l'impact d'avoir une contribution directe pour un parti auquel il croit, un candidat qu'il veut voir... puis qu'il veut en faire la promotion sans nécessairement être alourdi par le fait, bon, il paie-tu des impôts, il va-tu avoir un remboursement d'impôt, il faut-u attendre 10 mois avant d'avoir le retour d'impôt? Vous ne pensez pas qu'il y a un aspect incitatif, et en même temps participatif, à l'action militante par son porte-monnaie, ce qui est tout à fait légitime en démocratie?

M. Sabourin (Claude): Je vous dirais que je n'ai pas vu votre proposition. Alors, je ne l'ai pas lue, je ne la connais pas. Vous me la dites oralement comme ça. Ça me semble intéressant. Il faudrait quand même, justement parce que je n'aime pas parler à travers mon chapeau, de pouvoir vraiment regarder la chose à tête reposée et de savoir exactement où je m'en vais avec ça. Je vous dirais par contre qu'effectivement le principe est toujours le même: si une personne veut soutenir un parti politique, idéalement, c'est de faciliter la chose pour lui de le faire, et, si votre approche pourrait faciliter la chose, je pense que je pourrais être fortement intéressé à supporter cette approche-là. Mais, encore une fois, je ne prendrai pas de position complète là-dessus.

M. Deltell: On comprend ça. Ça va.

Le Président (M. Pagé): Alors, je vous remercie, M. Sabourin et M. Lavoie, de votre présentation. C'est ce qui met fin à nos travaux.

Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 21 novembre, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, 11 h 15, et nos travaux reprendront demain à la salle du Conseil législatif afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2. Bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 21 h 25)

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