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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, January 22, 2014 - Vol. 43 N° 115

General consultation and public hearings on Bill 60, Charter affirming the values of State secularism and religious neutrality and of equality between men and women, and providing a framework for accommodation requests


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Table des matières

Auditions (suite)

Mme Carole Dionne

Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre)

Document déposé

Document déposé

Association humaniste du Québec (AHQ)

Mme Jocelyne Robert

MM. Ghyslain Parent et André Drouin et Mme Louise Hubert

Autres intervenants

M. Luc Ferland, président

M. Bernard Drainville

Mme Kathleen Weil

Mme Rita de Santis

Mme Nathalie Roy

M. Daniel Ratthé

M. Marc Tanguay

M. Ghislain Bolduc

*          M. Marc Laviolette, SPQ libre

*          Mme Louise Mailloux, idem

*          M. Pierre Dubuc, idem

*          M. Michel Virard, AHQ

*          M. Daniel Baril, idem

*          Mme Lyne Jubinville, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accompagnement.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lessard (Lotbinière-Frontenac) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic); M. Ouimet (Fabre), par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Duchesneau (Saint-Jérôme), par Mme Roy (Montarville).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la secrétaire. Alors, ce matin, nous entendrons Mme Carole Dionne et les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre. J'invite donc Mme Carole Dionne à nous présenter son mémoire, en vous mentionnant que vous disposez de 10 minutes, suivi d'un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous, Mme Dionne.

Mme Carole Dionne

Mme Dionne (Carole) : M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Ce matin, plusieurs amies et collègues de l'enseignement sont venus pour m'appuyer.

Je voudrais tout d'abord remercier notre gouvernement, notre première première ministre, Mme Pauline Marois, ainsi que notre ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, M. Bernard Drainville, pour leur courage et leur audace d'avoir présenté ce projet de loi. Il était plus que temps d'ailleurs. Ce projet de loi aurait dû être présenté bien avant. Je suis en accord avec ce projet. Cependant, ce projet ne va même pas assez loin. Je dirais que ce n'est qu'un début.

Il est urgent d'avoir une loi qui proclame la neutralité de l'État. La séparation de l'État et de la religion doit s'incarner dans ses institutions et également dans les personnes qui occupent des fonctions au service de l'État : dans les ministères, les institutions d'enseignement, les hôpitaux, les services sociaux, etc. Les membres du personnel des organismes publics, dans l'exercice de leurs fonctions, ont un devoir de neutralité et un devoir de réserve en matière religieuse. Le crucifix, la kippa, le turban, le kirpan, le hidjab et autres signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans tous les services publics donnés par l'État, et les élus aussi ne devraient porter aucun signe religieux.

La séparation de l'État et de la religion doit aussi se manifester dans les locaux de décision publique au gouvernement, dans les municipalités, les palais de justice. La présence de crucifix ou de statues ostentatoires devrait être interdite. Les prières avant les réunions n'auront pas leur place. Il faudra respecter la neutralité. Le crucifix à l'Assemblée nationale devrait être enlevé et placé dans un endroit représentant le patrimoine religieux. Cela devrait faire partie de cette loi.

Les accommodements religieux seront balisés par le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut également arrêter de se plier à des exigences religieuses en matière d'alimentation. La certification halal ou casher implique le versement d'une somme perçue par les mosquées ou synagogues. Nous contribuons ainsi à subventionner des religions sans le vouloir. C'est une pratique abusive à proscrire.

Le niqab et la burqa, quant à eux, devraient être interdits sur tout le territoire québécois. Ce ne sont pas des vêtements, ce sont des prisons de tissus. C'est le déni de la femme. Aucun homme ne s'est abaissé aussi bas. C'est une pratique totalement inacceptable partout dans le monde entier. Comment voulez-vous identifier quelqu'un, vous sentir en sécurité ou communiquer? Aucune communication possible lorsque vous rencontrez ces fantômes ambulants. Voir sans être vu. Ces personnes sont sans visage, sans nom, sans identité. Nous ne savons pas à qui nous avons affaire. C'est le refus de notre style de vie, c'est le refus catégorique de s'intégrer à notre société. C'est le rejet de la société d'accueil. N'oublions surtout pas que des femmes dans le monde sont obligées de les porter pour sauver leur propre vie. Si nous n'interdisons pas cela ici, dans un pays libre, évolué et démocratique, c'est que nous cautionnons ces dérapages contre les femmes.

Le voile est un symbole de l'intégrisme. Les femmes voilées sont des alliées, des complices des intégristes. La première action des intégristes, c'est le voilement des femmes. On utilise les femmes et leurs voiles pour promouvoir une idéologie sexiste et pour manifester une présence musulmane. Cacher sa chevelure et son cou pour ne pas exciter les hommes est une coutume absolument en désaccord avec une société égalitaire. De plus, le voile n'arrive pas seul, c'est un forfait comprenant la charia, la ségrégation des sexes, la polygamie, les mariages arrangés, les mariages forcés, la répudiation, le crime d'honneur, les mutilations génitales féminines, l'hyménoplastie, le certificat de virginité, l'avortement sélectif des filles.

Ce projet de loi ne réglera pas tout. Nous aurons du travail d'éducation auprès de ces immigrants et immigrantes. Certaines lois et plusieurs organismes devront s'ajuster à ces nouvelles données.

Quand on quitte son pays, on doit s'adapter aux valeurs présentes dans le pays d'adoption avant son arrivée. On ne doit pas transposer ici les retards de notre pays d'origine en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

L'État n'a pas à s'incliner devant les exigences personnelles de religieux intégristes. Aucune concession pour le privilège de travailler au service de l'État. Le personnel travaillant pour l'État ne doit pas montrer seulement apparence de laïcité mais bien une réelle laïcité. Si nous vivons dans un État laïque, nous devons le montrer partout.

Les écoles et les services de garde seront régis par les principes de laïcité. Les signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans tout le système éducatif : les services de garde éducatifs à l'enfance privés et publics, les écoles primaires et secondaires privées et publiques, les cégeps et les universités, de la part du personnel, et des élèves, et des étudiants et étudiantes. Les signes ostentatoires religieux influencent et même imposent une vision du monde. Il faut protéger les enfants de ce prosélytisme. Le cours d'éthique et de culture religieuse devrait être retiré des écoles. Un système scolaire laïque ne présente aucune religion et laisse cette responsabilité aux ministres des différentes religions.

• (9 h 40) •

Les subventions aux écoles religieuses devraient être nulles. D'ailleurs, devraient-elles exister, ces écoles religieuses? Toutes les écoles doivent suivre le programme du ministère de l'Éducation. Tout le système scolaire doit affirmer les valeurs québécoises de laïcité et d'égalité. Les privilèges accordés aux enseignantes et enseignants musulmans concernant les congés payés supplémentaires pour des fêtes religieuses devront être abolis. Aucune démonstration d'appartenance religieuse ne doit être tolérée dans les établissements scolaires. Les locaux de prière de toutes sortes n'ont pas lieu d'exister.

Quant au retrait, je suis totalement contre. Toutes les institutions de l'État doivent être soumises à cette loi. Peut-être qu'une année ou deux de transition seraient acceptables, c'est tout. Pour les intégristes qui refuseront toujours d'enlever leurs voiles ou autres signes ostentatoires religieux, ce n'est pas le nombre d'années qui les feront changer d'idée.

On proclame haut et fort l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est une valeur inscrite dans les chartes. Très bien. Mais, quand vient le temps de concrétiser cette valeur, plusieurs semblent avoir des difficultés. C'est bien beau de le dire, mais il faut le vivre. Il y a l'égalité de droit mais aussi l'égalité de fait. Devant les religions, plusieurs perdent leurs repères, leur sens critique disparaît tout à coup. Disons-le : Toutes les religions sont misogynes. Nous avons le droit de critiquer les religions, toutes les religions. Nous ne devons pas donner préséance à la liberté de religion au détriment de l'égalité entre les femmes et les hommes.

À tous ces grands hommes et grandes femmes qui font passer des considérations telles que «c'est son choix», «c'est sa religion» avant l'égalité entre les hommes et les femmes, je veux vous dire ceci : Si ces coutumes et traditions sont bonnes pour ces femmes, c'est aussi bon pour toutes les femmes, en somme — pour moi aussi. Sinon, pourquoi? N'y aurait-il pas là une inégalité?

Le Québec est un État en avance concernant l'égalité entre les femmes et les hommes, voudrait-on régresser maintenant? Pour avoir milité durant toutes ces années, je veux continuer à avancer, je veux continuer à avancer avec toutes ces femmes qui ont quitté leurs pays pour venir nous rejoindre.

La laïcité permet de respecter la diversité : croyants et croyantes de toutes religions, agnostiques et athées. L'État, et ses institutions, est l'espace où toutes et tous se rencontrent. La laïcité est un enjeu majeur pour l'avenir de notre société. Nous ne voulons pas d'une régression mais d'une évolution. Bien sûr, tout ne sera pas réglé avec cette loi, la laïcité est un cheminement qui se continuera.

Au nom de la tolérance, nous ne devons pas cautionner des pratiques contraires aux valeurs québécoises. Certaines pratiques sont contraires au progrès et à l'égalité. Nous devons démontrer du respect envers notre société et les valeurs sur lesquelles elles reposent. À quoi ressemblera notre société dans 20 ans?

Le Président (M. Ferland) : …à peu près 30 secondes, madame, pour conclure.

Mme Dionne (Carole) : Que léguerons-nous à nos enfants et petits-enfants? Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, Mme Dionne. Maintenant, nous allons à la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Merci, Mme Dionne, pour votre mémoire et votre présentation. D'abord, je veux juste apporter quelques petites précisions. Dans votre mémoire, à la page 5, vous faites référence au retrait, vous dites : «Quant au retrait, je suis totalement contre.» Vous avez constaté, j'en suis certain, que le projet de loi n° 60 a remplacé le retrait par une période de transition un peu comme celle que vous suggérez. Donc, j'imagine que ça doit vous rassurer. C'est un changement que nous avons fait d'ailleurs après la consultation que nous avons menée sur Internet, là, sur le site Nosvaleurs.qc.ca, là, 26 000 personnes qui sont venues se prononcer. Donc, c'est un des changements qui a découlé, donc, de cette consultation.

Par ailleurs, j'étais très content de vous entendre dire, dans votre présentation, que la laïcité permet de respecter toutes les religions. Vous avez tout à fait raison. C'est exactement l'esprit qui nous habite, c'est l'esprit qui nous motive. On souhaite effectivement, à travers ce principe de laïcité, à travers cette neutralité religieuse de l'État, dire à tous nos concitoyens : Peu importe le choix que tu fais, peu importe que tu décides d'avoir une religion ou de ne pas en avoir, l'État doit te respecter. Donc, c'est l'égalité, dans le fond, des citoyens que l'on assure avec la laïcité et, à travers cette égalité des citoyens, c'est également l'égalité des croyances et des non-croyances qu'on assure.

C'est ce qui nous fait dire que le projet que nous proposons assure, ou protège, ou renforce même la liberté de religion et la liberté de conscience, parce qu'il dit justement : Peu importe le choix que vous faites, chers citoyens, je vais vous respecter, et c'est au nom de ce respect-là, justement, que moi, comme État, je m'impose de ne pas manifester quelque croyance religieuse que ce soit pendant les heures de travail. C'est dans le prolongement de ce principe de neutralité qu'on dit que celui ou celle qui travaille au sein de l'État doit garder pour lui, doit garder pour elle ses convictions religieuses pendant les heures de travail. C'est justement parce qu'on dit : La personne qui fait affaire, l'usager, le parent, l'enfant, peu importe, le citoyen qui fait affaire à l'État, il ne souhaite pas avoir un croyant ou une croyante qui lui donne un service. Il souhaite avoir quelqu'un de compétent qui rend son service public et qui le fait dans la neutralité la plus complète possible.

Donc, si je comprends bien, sur tout ça, on est pas mal d'accord?

Mme Dionne (Carole) : Absolument.

M. Drainville : Bon. Maintenant, j'aimerais bien vous entendre sur un des arguments qu'on entend souvent, et notamment de nos amis et collègues du Parti libéral, qui disent : La neutralité, elle doit s'incarner dans les institutions, mais elle ne doit pas s'incarner dans les personnes qui travaillent au sein de l'État. Évidemment, c'est un point de vue qui nous démarque de leur position. Encore une fois, je respecte la position de l'opposition libérale, mais je pense que c'est une erreur que de dire que la neutralité ne doit s'incarner que dans les institutions. Parce que, pour les gens qui nous écoutent, pour le citoyen, l'État, ce n'est pas un concept abstrait : l'État, c'est le fonctionnaire, l'État, c'est l'enseignante, l'État, c'est l'éducatrice, l'État, c'est la policière, l'État, c'est le juge, l'État, c'est l'infirmier, l'infirmière. C'est ça, l'État. Alors, si on dit : L'État est neutre, bien, il faut que ça paraisse. C'est le principe que je défends depuis le début.

Mais comment vous réagissez, vous, quand vous entendez des personnes dire : Ah, non, non! On est pour la neutralité mais en autant que ça ne paraisse pas. On est pour la neutralité, mais il faut garder ça au niveau des institutions.

Mme Dionne (Carole) : C'est sûr que je ne suis pas d'accord avec ça. Il faut que la neutralité soit incarnée dans les personnes. Si j'arrive dans un service où il y a quelqu'un qui porte un turban, un autre, un voile, je vais avoir de la misère à penser que c'est un État laïque. C'est clair qu'il faut que ça soit incarné dans les personnes. Puis moi, je vais même assez loin, je vais dans les garderies publiques et privées et dans les écoles publiques et privées, et je vais jusqu'à l'université, parce que je... C'est clair qu'il faut que ça s'incarne à quelque part, sinon ce n'est pas un État laïque. Et, comme j'ai été dans l'enseignement pendant plusieurs années...

M. Drainville : Combien d'années, madame?

Mme Dionne (Carole) : 37 ans et demi.

M. Drainville : 37 ans et demi?

Mme Dionne (Carole) : J'ai de l'expérience dans le domaine.

M. Drainville : Vous avez fait quoi pendant ces...

Mme Dionne (Carole) : Au primaire.

M. Drainville : Vous étiez enseignante au primaire?

Mme Dionne (Carole) : Enseignante au primaire.

M. Drainville : Dans quel coin du Québec?

Mme Dionne (Carole) : À Charlesbourg, pendant plusieurs années, mais j'ai enseigné ailleurs aussi.

M. Drainville : O.K. Alors, ce n'est pas une question que je prévoyais vous poser, mais vous me donnez l'occasion de le faire. Dites-nous un peu pourquoi c'est important, en particulier, d'assurer la neutralité religieuse des enseignants et enseignantes par rapport à l'enfant. Pourquoi… Parce qu'encore une fois il y en a qui disent : Ce n'est pas nécessaire, de faire ça. Ce n'est pas nécessaire, d'aller là. Ce n'est pas nécessaire que l'enseignante soit, comment dire… qu'elle ne puisse pas afficher ses convictions religieuses. Ça n'a pas d'impact ou ça a un impact tellement minime qu'on ne s'en occupe pas. Comment vous réagissez quand vous entendez cet argument-là?

• (9 h 50) •

Mme Dionne (Carole) : Je suis tout à fait en désaccord avec cet argument-là. Je pense que, pour les enfants dans les écoles, les enseignantes et enseignants, on est des modèles. Et vous ne verrez pas un homme, un enseignant arriver avec son voile, juste la femme. Et, pour moi, c'est un outil d'asservissement des femmes, c'est un étendard de l'islam politique, alors imaginez que je suis tout à fait contre le fait qu'on ait des personnes voilées dans les écoles.

Pour les enfants, comme les enseignantes et enseignants sont des modèles, ils vont poser des questions à ce sujet-là. Même moi, quand j'arrivais avec un nouveau vêtement, ils venaient me parler puis ils me disaient s'ils aimaient ça ou s'ils n'aimaient pas ça. Donc, quand ils vont voir arriver l'enseignante avec son voile, ils vont poser des questions. Qu'est-ce qu'elle va leur répondre? Bien, elle va leur répondre : Bien, nous autres, les femmes, dans notre religion, on doit porter ce voile-là, on doit cacher ses cheveux et son cou. Elle va donner des explications. Les enfants vont trouver que c'est assez spécial que... Il va voir sa mère à la maison, peut-être, qui n'en a pas, de voile, qui est d'une autre religion. Il arrive à l'école, il voit cette personne-là avec son voile, il va commencer à poser des questions à sa mère aussi pour savoir pourquoi, elle, elle ne porte pas ça. Il va apprendre le sexisme avec ça, parce que c'est juste les femmes qui portent ce vêtement-là. Alors, il y a la ségrégation sexuelle qui arrive.

Dans les garderies où il y a des activités aussi avec les garçons et les filles, à un moment donné qui me dit que cette enseignante-là qui accepte la ségrégation sexuelle dans sa vie ne fera pas la même chose avec les enfants qui sont là, à la garderie, des activités pour les garçons, des activités pour les filles, qu'il y ait une séparation entre les garçons et les filles? Et les enfants, s'ils voient leur enseignante avec le voile, ou ça peut être un autre signe religieux, mais on parle surtout du voile ici, ils vont trouver que c'est normal à la longue de voir quelqu'un porter un voile, que c'est acceptable, le sexisme, que c'est acceptable, cette ségrégation-là, que c'est acceptable, le rôle inférieur des femmes. Parce qu'on sait très bien que, dans l'Islam, les femmes sont un… même dans les mosquées, se retrouvent en arrière. Donc, on ne peut pas dire que c'est l'égalité entre les hommes et les femmes. Et il y en a d'autres aussi qui, dès qu'ils vont voir arriver un homme, vont replacer le voile. Alors, on voit la différence de relation qu'il y a quand il y a un homme ou quand il y a une femme. Puis il y en a même qui ne serrent pas la main des personnes. Alors, c'est un peu spécial. Donc, les enfants qui sont jeunes, qui n'ont pas le sens critique développé, il me semble qu'ils vont être mêlés à un moment donné.

M. Drainville : Par ailleurs, un autre argument qu'on entend assez souvent, c'est de dire : La neutralité politique puis la neutralité religieuse, ce n'est pas la même chose. C'est correct, c'est acceptable, la neutralité politique. C'est acceptable donc d'interdire le port de signes politiques pour les fonctionnaires, comme c'est prévu dans notre loi présentement, et on vit très bien avec ça, hein, disent-ils, là. Mais, ah, la neutralité religieuse, ça, non. Ça, ce n'est pas la même chose. La neutralité religieuse, là, dès qu'il est question de liberté de religion, là on ne peut pas l'aménager, on ne peut pas l'encadrer de quelque façon que ce soit. Et donc il ne peut pas y avoir d'interdit en matière de neutralité religieuse. Mais par contre un interdit en matière de neutralité politique, ah, ça, c'est acceptable.

Et, moi, mon sentiment, c'est que, quand tu parles de neutralité politique, tu parles de liberté d'expression. Puis je ne pense pas que la liberté d'expression est moins importante que la liberté de religion. Et donc je dis à ceux qui sont favorables à la neutralité politique, y compris à l'interdiction de porter des signes politiques, je leur dis : Bien, écoutez, si vous êtes d'accord pour que la liberté d'expression puisse être aménagée pendant les heures de travail, pour les fonctionnaires, de telle façon à ce qu'ils soient tenus de garder pour eux, de garder pour elles leurs convictions politiques, pourquoi ça ne devrait pas s'appliquer en termes de neutralité religieuse également? Vous avez entendu cet argument-là, je suis certain.

Mme Dionne (Carole) : Oui, j'ai entendu ça.

M. Drainville : Qu'est-ce que ça vous inspire comme réflexion, vous?

Mme Dionne (Carole) : Bien, moi, je pense que, si on veut un État laïque, c'est une limitation raisonnable de permettre… de ne pas permettre d'avoir des signes religieux ou des signes politiques, comme c'est déjà accepté, là…

M. Drainville : Pour le travail.

Mme Dionne (Carole) : …pendant les heures de travail, c'est ça. C'est qu'on oublie que c'est seulement dans le cadre des heures de travail puis dans le service à l'État. Ailleurs dans la société, dans le public, ce sera permis. Je trouve que c'est une limitation raisonnable.

M. Drainville : De façon générale, comment vous trouvez le débat jusqu'à maintenant? Parce que, vous l'avez dit, il y a des personnes qui vous accompagnent, c'est des gens de votre coin, de Charlesbourg, des amis, des collègues, des anciennes collègues ou…

Mme Dionne (Carole) : Ce sont des amies et d'anciens collègues. Et on fait partie d'une même association de retraités depuis qu'on est à notre retraite.

M. Drainville : Alors, dites-nous un peu… Donc, si je comprends bien, vous parlez en votre nom personnel, mais vous parlez aussi un petit peu en leur nom. J'imagine que vous en avez discuté avec elles. Vous vous êtes peut-être fait une couple de réunions, une couple de rencontres autour d'un café, de quelques biscuits pour voir un peu comment vous alliez construire votre mémoire. Est-ce que ce que je me trompe ou…

Mme Dionne (Carole) : Disons que ce mémoire-là… D'abord, c'est sûr que mes amies et mes collègues connaissent ma façon de penser, ce n'est pas d'aujourd'hui que je milite. Et j'ai écrit mon mémoire seule chez moi, et je leur ai envoyé une copie, et j'ai demandé aux personnes qui étaient intéressées de m'appuyer — j'ai une liste de personnes qui m'ont appuyée. Elles ne sont pas toutes présentes ici ce matin, mais j'ai demandé à d'autres de venir m'appuyer si elles étaient d'accord avec mon mémoire. Donc, celles qui sont ici sont sûrement d'accord avec mon mémoire.

M. Drainville : Puis pourquoi c'était à ce point important pour vous d'intervenir? Parce que vous auriez pu rester chez vous puis garder pour vous tout ça, là, mais pourquoi… pourquoi…

Mme Dionne (Carole) : Impossible!

M. Drainville : Impossible?

Mme Dionne (Carole) : Impossible pour moi de rester chez moi et de laisser passer ce débat-là, parce que, moi, ça fait depuis les années 70-80 que je milite pour l'égalité hommes-femmes dans des mouvements féministes. Et, pendant certaines années, j'ai délaissé parce que, bon, j'ai eu un enfant, je travaillais. Mais, quand le débat sur les accommodements raisonnables a recommencé, j'ai repris le bâton de la pèlerine et j'ai décidé de m'impliquer. J'ai présenté un mémoire à la commission Bouchard-Taylor. Je suis venue ici pour la loi n° 94 également. Et je continue. J'espère que c'est la dernière fois, que ça va se passer, que ça va aboutir, ce projet de loi là, c'est ce qu'on souhaite ardemment, et même qu'on utilise la clause dérogatoire, s'il le faut.

Moi, je suis fatiguée d'entendre des gens du Barreau et des gens des commissions de la personne dire qu'on ne peut rien faire. Je pense que, les élus, on a voté pour ces personnes-là, elles sont supposées nous représenter, et elles ont le pouvoir d'abroger, d'amender les lois, les retirer, s'il le faut, faire des ajouts. Moi, le gouvernement des juges, je suis fatiguée de ça, le cas par cas, je suis fatiguée de ça, et je veux qu'on aille au-delà du droit. Cette loi-là, je trouve que c'est une loi majeure, puis on doit arrêter de tergiverser puis la faire voter le plus tôt possible. Puis j'espère qu'elle soit adoptée. Et j'espère que les autres partis politiques également arrêtent de faire du, comment je dirais… qu'on prenne ce qui est là, qu'on ajoute ou qu'on… Mais il y a des choses très importantes sur lesquelles on peut s'entendre, ça, c'est clair, qu'on soit de n'importe quel parti.

M. Drainville : Bon. Vous parlez des juges, vous m'avez entendu dire qu'ils ont un rôle absolument essentiel et primordial dans toute démocratie. Mais c'est bien clair que les lois, dans une démocratie, sont votées par les députés, par les représentants de la population. Et je pense que c'est important — vous me donnez l'occasion de le redire : La Charte des droits et libertés du Québec, on la change dans le projet de loi, on modifie la Charte des droits et libertés pour justement affirmer les grands principes de neutralité, de laïcité qui n'y apparaissent pas actuellement. Ça, c'est incroyable, ça : ça n'apparaît nulle part dans les textes législatifs actuellement que l'État québécois est un État laïque. Alors, ça, on l'inscrit dans la Charte des droits et libertés. On inscrit dans la charte les fameuses balises également qui vont servir de fondement juridique pour la suite des choses.

Donc, le texte de la charte, si le projet de loi est adopté, on l'aura modifié, et donc on se sera donné les fondements juridiques, on aura changé la règle de droit justement pour nous permettre de faire ce qu'on veut faire notamment en matière d'accommodement, notamment en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

Avez-vous vu les commentaires de M. Pelletier, Benoît Pelletier, l'ancien ministre libéral, qui dit : «Ceux qui adoptent à l'égard de la charte des valeurs une approche strictement légaliste commettent une erreur. [...]ils s'en remettent d'une façon un peu trop fataliste et volontaire à des juges», etc. C'est un point de vue, dans le fond, que vous partagez, vous trouvez que l'approche strictement légaliste, ce n'est pas une approche qui est suffisante.

• (10 heures) •

Mme Dionne (Carole) : Non. Je pense qu'il faut ajuster les instruments juridiques à la réalité d'aujourd'hui. Et je veux être gouvernée par des représentants de la population, pas des juges. Les parlementaires font les lois, les juges les appliquent. Donc, le peuple choisit ses lois, et les juges suivent. C'est pour ça que le Barreau, il évalue selon les lois qui sont présentement. Mais, si on les change, il va falloir qu'ils changent leurs points de vue.

M. Drainville : J'aimerais terminer sur la question du crucifix. Si je vous comprends bien, vous proposez de le déplacer du salon bleu, là où sont votées les lois, à un autre endroit du parlement. Nous, on est prêts à y aller, on est prêts à s'asseoir avec les autres partis. Une fois que la charte aura été votée, on est prêts à s'asseoir avec les autres partis et à discuter de cette possibilité donc de le déplacer, on est prêts à aller de l'avant avec ça. Mais, pour le moment, on semble être les seuls. Il y a Québec solidaire aussi, je pense, qui serait favorable à ça. Mais, ce que je comprends, le Parti libéral, hier, a été très clair, il ne souhaite pas déplacer le crucifix. Et, la CAQ, je ne le sais pas trop, je pense qu'ils sont probablement ouverts à une discussion là-dessus. Je pense que c'est…

Une voix :

M. Drainville : Bien, ce sera l'occasion, Mme la députée de Montarville, de nous réitérer votre position à ce moment-là. Je suis désolé, je ne veux surtout pas, comment dire, mal véhiculer votre position. Alors, vous pourrez apporter les précisions tout à l'heure.

Alors, là-dessus, pourquoi vous souhaitez qu'il soit déplacé, justement?

Mme Dionne (Carole) : Encore là, si on est un État laïque, ce serait assez spécial d'avoir un crucifix, qui d'ailleurs n'est pas là depuis le début, hein, c'est seulement depuis le temps de Duplessis. Et sa signification, c'était de montrer l'accord entre le religieux et le politique. Alors, ça n'a plus sa place là, c'est clair.

Mais je trouve qu'on demande encore aux Québécois, aux catholiques en fait, de faire encore un effort d'accepter que le crucifix soit enlevé de l'Assemblée nationale. Je pense que les autres religions ont aussi un pas à faire pour enlever des signes religieux.

M. Drainville : Juste une toute dernière question. Les gens qui vous accompagnent…

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste à peu près 20 secondes, M. le ministre.

M. Drainville : Oui. Les gens qui vous accompagnent, est-ce qu'il y a, parmi elles, des enseignantes, des anciennes enseignantes?

Mme Dionne (Carole) : Oui. La plupart.

M. Drainville : O.K. Je vois que vous êtes… O.K. Exactement. Alors, je trouve ça intéressant. Mais merci beaucoup, Mme Dionne. On sent que vous êtes une femme de caractère. Disons que, hein, on a senti ça. Merci, là.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le ministre. Alors, maintenant nous allons aller du côté de l'opposition officielle, et je reconnais la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Bonjour, Mme Dionne. Merci d'avoir pris le temps de participer à cette commission. On entend beaucoup de points de vue, et c'est toujours intéressant d'entendre les points de vue et les préoccupations surtout des citoyens et citoyennes. Je mettrais l'accent sur les citoyennes québécoises.

Premièrement, quand vous parlez du voile à la page 5, le voile, est-ce que vous parlez du voile simple sur la tête? Je pense que tout le monde s'entend que, la burqa, le niqab, le tchador, tout le monde est très préoccupé par ça. Mais est-ce que vous parlez du voile simple sur la tête?

Mme Dionne (Carole) : Le hidjab.

Mme Weil : Le hidjab?

Mme Dionne (Carole) : Oui.

Mme Weil : D'accord. Bon. Alors, vous dites : «Les femmes voilées sont des alliées, des complices des intégristes.» Vous dites de plus que «le voile n'arrive pas seul. C'est un forfait comprenant la charia, la ségrégation des sexes, la polygamie, les mariages arrangés, les mariages forcés, la répudiation», et j'en passe. Est-ce que vous avez des amies ou des collègues qui portent le voile qui vous fait dire ça, ou des cas particuliers sur le terrain qui vous fait dire que ces femmes qui portent le voile sont des alliées, des complices des intégristes?

Mme Dionne (Carole) : La première chose que les intégristes font, c'est le voilement des femmes. Même si la jeune fille de 20 ans… Parce que j'en vois, des jeunes filles de 20 ans qui ont un voile, le hidjab, elles ne sont peut-être pas conscientes de ce symbole sexiste.

Mme Weil : Ne pensez-vous pas que c'est vraiment un gros manque de nuances que de dire que ces femmes, par choix de conviction... Parce que j'ai eu beaucoup de conversations avec des femmes qui portent le voile, et il y en a qui viennent ici nous le dire : C'est une conviction personnelle. Vous ne pensez pas que ça manque de nuance de dire que c'est des complices de l'intégrisme et des intégristes?

Mme Dionne (Carole) : Si vous allez... Si vous regardez la télévision, si vous avez pris certaines émissions, si vous allez sur le Web, regardez… je ne nommerai pas personne ici, là, mais des filles jeunes qui portent le voile, le hidjab, et qui se retrouvent dans des mouvements intégristes. Elles ne le disent pas, mais, quand tu vas fouiller un peu dans les informations, tu le retrouves. Il y en a même qui se retrouvent dans des regroupements qui ont milité pour la charia. Alors, c'est assez spécial.

Mme Weil : Ma prochaine question : Comment est-ce que d'interdire de 9 heures à 5 heures le port de ce signe règle les problèmes qui vous préoccupent? Quelles sont les actions concrètes que le projet de loi n° 60 propose pour contrer exactement tout ce que vous dites, donc la charia, les mariages arrangés, la polygamie, la répudiation, etc.? Donnez-moi un exemple dans le projet de loi n° 60, à part l'interdiction de 9 heures à 5 heures, en quoi ça règle les problèmes qui vous préoccupent?

Mme Dionne (Carole) : Je l'ai dit dans mon mémoire, c'est que ça ne règle pas tout. C'est un départ, c'est une base pour dire que notre société, désormais, sera laïque, et dans ses institutions. C'est une limitation qu'on demande. Le voile ne sera pas interdit ailleurs. Et ça ne réglera pas tout. C'est un début, et il va falloir s'y mettre pour régler un paquet de choses, que j'ai nommées dans mon mémoire.

Je pense qu'on oublie la famille Shafia, on n'en parle pas. Et ce n'était pas arrivé ailleurs, dans le monde entier, loin de nous, c'est arrivé ici, au Québec. Et je suis sûre et certaine que, si on était au courant de tout ce qui se passe, on serait très surprises.

Mme Weil : Alors, vous êtes consciente qu'il n'y a pas un membre de cette famille qui portait le voile? C'est pour ça que je vous dis : Des mesures structurantes, je suis tout à fait, tout à fait d'accord — d'ailleurs, on a annoncé des mesures hier, nous — tout à fait d'accord. Et le Conseil du statut de la femme a écrit un excellent rapport sur cette question — si vous avez l'occasion de le lire, c'est vraiment très bon — propose des mesures très concrètes. Mais vous voyez le problème? C'est que, souvent, c'est invisible, ce n'est pas nécessairement... En tout cas, je vous pose la question : Est-ce que vous êtes consciente que personne dans la famille Shafia ne portait le voile?

Mme Dionne (Carole) : Sauf qu'on voulait les faire vivre d'une façon de leur pays d'origine. Et elles s'étaient rebiffées contre ça. C'étaient des jeunes qui voulaient vivre comme les Québécoises, parce qu'elles étaient au Québec. C'est sûr que le projet de loi n° 60 ne règle pas tout. Il va falloir... Je ne sais pas s'il faudrait peut-être former un comité qui va suivre l'évolution de tout ça, mais je pense qu'il va falloir y avoir des actions de prises.

Puis moi, je voudrais vous dire, ici, que le Parti libéral ne va pas très loin dans ses refus d'avoir des signes ostentatoires. Et il y a une chose qui me chagrine énormément, même si je n'ai pas d'atomes crochus avec le Parti libéral, je suis très déçue de voir que Mme Fatima Houda-Pepin, qui était une Marocaine d'origine et qui avait sûrement des bonnes idées pour faire avancer le dossier, maintenant n'est plus là.

Mme Weil : Vous me permettez de répondre? Il reste combien de minutes?

Le Président (M. Ferland) : Oui, il n'y a aucun problème.

• (10 h 10) •

Mme Weil : Évidemment, c'est pour ça... Hier, on a travaillé avec Mme Houda-Pepin, qu'on respecte beaucoup. On a travaillé en collégialité pour justement identifier de vraies mesures, vraies mesures. On s'est beaucoup inspirés, je vous le dis, du rapport du Conseil du statut de la femme.

Il y a beaucoup d'experts au Québec en la matière. Vos préoccupations exactes, c'est d'aller sur le terrain. Donc, seriez-vous d'accord qu'on fasse un peu l'état des lieux, qu'il y ait vraiment un groupe de travail qui fasse l'état des lieux? Parce que, je vous le dis, pensez qu'une interdiction va nous amener à la racine du problème que vous soulignez... La famille Shafia, c'est l'exemple vraiment parfait. Alors, pensez-vous que ça prendrait, donc, des recherches sur ces questions identifiées, qu'on ne voit pas du tout dans le projet de loi n° 60, hein, en passant? Il n'y a pas cette notion de neutralité religieuse.

D'ailleurs, les experts et le Conseil du statut de la femme disent : Attention! C'est culturel, c'est culturel, et que ceux qui confondent les deux, ils ne vont pas vraiment s'attaquer aux vrais problèmes qui préoccupent, et je le comprends, toutes les femmes, je pense tous les Québécois, pas juste les femmes. Les hommes et les femmes sont préoccupés par ce que vous dites, tout le monde. Il y a unanimité là-dessus. Et on veut s'assurer qu'on soit capables… Là, je vous entends tout à fait, hein, je vous entends. Alors, je pense qu'il y a un consensus sur ces éléments-là, d'aller vraiment contrer l'intégrisme.

Mais, en passant, c'est une question fort complexe, donc je vous demande une question bien simple : Est-ce qu'il y aurait lieu de faire l'état des lieux?

Mme Dionne (Carole) : Je n'ai rien contre ça, sauf que ça n'empêche pas de passer… d'accepter la loi… le projet de loi n° 60 qui va instaurer la laïcité et la neutralité de l'État. On fait ça, qui est la base, et après, comme je l'ai dit dans mon mémoire, ce n'est pas fini, ça continue, on n'arrête pas là. Alors là, à ce moment-là, ça serait très important d'avoir une situation d'ensemble de ce qui se passe sur les différents sujets.

Le Président (M. Ferland) : Maintenant, je reconnais la députée de Bourassa-Sauvé. Il reste un 7 min 30 s, à peu près. Vous avez amplement de temps, Mme la députée.

Mme de Santis : J'ai seulement une question, merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

Mme de Santis : Bonjour, Mme Dionne.

Mme Dionne (Carole) : Bonjour.

Mme de Santis : Merci d'être venue, d'avoir préparé… et être ici pour présenter votre mémoire. C'est toujours très important d'avoir l'expression de tous les citoyens du Québec.

Moi, j'aimerais référer à ce que le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur a écrit en 2007 dans son livre Nous : «Le voile, franchement,je m'y suis habitué, et ce qu'on met sur la tête ne devrait pas soulever l'ire nationale. On a plus urgent.» J'aimerais rappeler que ça a été dit par des ministres aujourd'hui au gouvernement.

Mais, moi, ce que je veux poser comme question est la suivante. La plupart de votre argumentaire est fait sur la base de l'égalité hommes-femmes. Je suis tout à fait d'accord avec cela, pour moi c'est très, très important qu'on respecte l'égalité hommes-femmes, mais je vous pose la question suivante : Moi, je suis chrétienne, catholique et mon mari aussi, on s'est mariés à Saint-Viateur, à Outremont, et, si moi, je porte une croix, et lui, il porte une croix, où est l'argumentaire? Et donc est-ce que cette croix indique que je ne suis pas égale à mon mari ou que lui n'est pas égal à sa femme? Parce que votre argumentaire est basé là-dessus. Alors, est-ce que vous pouvez répondre à ma question?

Mme Dionne (Carole) : Bien, vous venez de le dire vous-même que votre mari peut porter la croix et vous aussi, tandis que, le voile, c'est seulement la femme qui le porte.

Mme de Santis : Mais la charte des valeurs ou ce projet de loi propose que ni lui ni moi ne pouvons porter la croix.

Mme Dionne (Carole) : Seulement quand vous êtes dans la section de l'État. En dehors, vous pouvez porter tous les signes que vous voulez, sauf peut-être la burka puis le niqab.

Et je voudrais rajouter quelque chose, parce qu'on dit qu'il y a des femmes… J'ai entendu ça comme argument : Les femmes vont perdre leur travail si on leur demande… on les oblige à enlever leurs voiles à leur travail, si elles travaillent pour l'État. J'ai réfléchi à ça et je me suis posé la question. D'abord, une femme qui porte un voile dans un service de l'État, qu'on lui demande de l'enlever, si elle préfère se soumettre au dogme religieux… Et ça, soit dit en passant, le voile, selon plusieurs, n'est pas un symbole religieux et n'est pas obligatoire tout le temps. Bien, si elle refuse de l'enlever, c'est qu'elle s'autoexclut elle-même. Parce que, si on fait des règles, tu dois les respecter, les règles. Quand j'enseignais, moi, je ne pouvais pas m'habiller comme je voulais quand je venais à l'école, il fallait que j'aie un minimum de vêtements, je ne pouvais pas arriver en costume de bain à l'école. Je trouve que, dans certains cas, il y a un entêtement. C'est une conviction radicale, je trouve que c'est du fanatisme. Jamais je ne croirai qu'on ne peut pas enlever un voile pour aller travailler.

Mme de Santis : Est-ce qu'enlever la croix d'une bonne soeur qui travaille dans les hôpitaux, ça, ce serait acceptable ou pas, d'après vous? Parce qu'il y a encore des religieuses qui sont dans les hôpitaux, et je crois que ces soeurs, ces religieuses tiennent à leurs croix, un bon nombre d'elles. Donc, on leur demande d'enlever la croix ou de travailler. Mais je respecte votre point de vue.

Mme Dionne (Carole) : Je pense que c'est la même chose pour tous les signes religieux, que ce soit la croix ou…

Mme de Santis : La soeur ne devrait pas porter sa croix. O.K.

Mme Dionne (Carole) : De toute façon, des religieuses qui travaillent, il n'y en a pas énormément, là, puis il y en aura de moins en moins.

Mme de Santis : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci. D'autres… Il n'y a pas d'autre intervention du côté… Alors, maintenant, je me dirige vers le deuxième groupe. Alors, Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Dionne. Merci. Merci pour votre mémoire, que j'ai lu. Je vous ai écoutée et je vous ai entendue, alors on se comprend. Et d'ailleurs je voudrais saluer les gens qui sont avec vous.

D'entrée de jeu, lorsqu'on a commencé cette commission parlementaire, on a notre position à la Coalition avenir Québec, mais on a spécifié qu'on était ici pour apprendre et pour entendre les gens. Alors, j'aimerais vous dire… On parlait tout à l'heure du crucifix, il s'est dit beaucoup de choses — je disais en boutade au ministre qu'il avait manqué un bon point de presse — je vais vous préciser notre position. D'ailleurs, c'est paru dans un article du Journal de Québec il y a quelques semaines, malheureusement je n'ai pas la date de la parution, je pourrais vous la trouver, si vous la voulez. Mais, dans l'article, on me cite, et je dis… Comme M. le ministre nous l'expliquait, c'est le Bureau de l'Assemblée nationale qui tranchera. Cependant, chaque parti a des représentants à ce bureau. Et, nous, ce que nous avons dit, c'est… initialement, nous disions que le crucifix devait rester dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, puisque, pour nous, c'est un signe de notre patrimoine culturel, historique et religieux. Cela dit, nous avons dit que nous sommes ici pour entendre les gens. Si la majorité des Québécoises, des Québécois nous dit : Mettons-le ailleurs, pour nous, c'est important, alors moi, je dis tout simplement : Bien, écoutez, si les gens veulent qu'on le déplace, on le déplacera. Alors, vous voyez que ce n'est pas une question de vie ou de mort pour nous, et on est là pour entendre les gens. Alors, je veux que ce soit bien clair et bien précis.

Et, à cet égard-là, rappelez-vous, il y a quelques mois — parce qu'on parle de la charte depuis le mois d'août, alors août, septembre, octobre, novembre, décembre, janvier — au tout début, il y avait d'ailleurs des sondages à l'effet que les Québécoises, les Québécois, préféraient qu'ils demeurent là. Et même M. le ministre, à cette époque, le Parti québécois avaient d'ailleurs cette position de le garder là. Alors, vous voyez que ça évolue. C'est un discours, puis on écoute la population, les gens. Et je tiens à le spécifier : On est ici pour vous entendre, pas juste écouter pour écouter, mais entendre.

Cela dit, donc, j'ai lu votre mémoire, je comprends ce que vous dites. Lorsqu'on parle des signes religieux, vous êtes pour l'interdiction de tout signe religieux à la grandeur de l'appareil de l'État, je vous comprends bien, et même plus, mais, pour les besoins de la cause, c'est le projet de loi qui parle, ici, de l'appareil gouvernemental. Vous savez que M. le ministre nous parle de signes religieux ostentatoires, non ostentatoires, qu'il permettra certains signes mais non d'autres à partir du moment où ils sont ostentatoires. Moi, j'aimerais entendre votre position là-dessus. Puis, la nôtre, bien, je vais la réitérer, dans la mesure où on dit : Bien, M. le ministre, vous vous compliquez un petit peu la vie, peut-être les interdire, point, ce serait plus simple. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Dionne (Carole) : Disons que, pour ce point-là, je pense comme vous. Je ne vois pas pourquoi qu'on pourrait porter un petit signe ou un plus gros, il n'y en a pas, de signe ostentatoire, il n'y en a pas! Jamais je ne croirai que, pendant les heures de travail, on n'est pas capable de mettre… à moins que tu le places sous tes vêtements, ça, on ne le verra pas. Mais moi, je ne veux pas en voir, de signe.

Mme Roy (Montarville) : Voilà. Bien, on dit la même chose, on s'entend là-dessus.

Mme Dionne (Carole) : Oui.

• (10 h 20) •

Mme Roy (Montarville) : Il ne faut pas les voir. Cela dit, dans l'application… Parce que, le projet de loi, ce qu'il prévoit, effectivement, c'est : signes ostentatoires, non ostentatoires. Donc, à partir de ce moment-là, on va édicter les règlements, qu'on ne connaît pas encore, qui définiront à partir de combien de centimètres une croix est trop grande, trop petite. Bon. Dans l'application, parce que c'est ça que le ministre veut faire pour le moment — moi, je veux qu'il se simplifie la vie, mais on verra s'il l'entend, lui aussi — dans l'application, vous qui avez été dans le domaine de l'éducation toute votre vie, si c'est la position du ministre, si le ministre ne bouge pas à cet égard-là, comment ça va s'articuler? Vous qui avez vécu dans les écoles, comment ça va marcher? Comment les gens vont se mettre à définir ou à appliquer ce qui est ostentatoire ou non ostentatoire? Comment anticiperiez-vous l'application de ces qualificatifs-là dans vos écoles?

Mme Dionne (Carole) : Je pense que le plus simple, c'est de ne pas… de ne permettre aucun signe ostentatoire. Ce n'est pas la grosseur qui est importante, là.

Mme Roy (Montarville) : Autrement…

Mme Dionne (Carole) : Sinon, ça devient compliqué.

Mme Roy (Montarville) : Ça devient compliqué, hein?

Le Président (M. Ferland) : Sur ce, le temps étant écoulé, Mme la députée de Montarville…

Mme Roy (Montarville) : Merci, madame. Merci.

Le Président (M. Ferland) : …je vais reconnaître maintenant le député de Blainville pour à peu près le même temps que la députée de Montarville. Allez-y, M. le député.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Dionne. Écoutez, d'entrée de jeu, parce qu'à titre de député indépendant, souvent, on ne fait pas vraiment de conférence de presse, on n'est pas très entendu, notre vote peut sembler peser peu dans la balance, mais des fois il peut être important, alors je vais indiquer au ministre, puis je pense que je ne l'ai jamais fait, que moi, je serais d'accord à ce qu'on retire le crucifix du salon bleu et qu'on le place ailleurs, avec tout le, j'allais dire, respect patrimonial qu'on lui doit, l'historique. Alors, je suis assez confortable avec ça, même très d'accord. Je vous dirais même que je suis également d'accord à ce que les élus ne portent pas aucun signe. Je sais que vous ne le mentionnez pas, mais je pense comprendre que ce serait pour vous, là, inacceptable que des élus portent aussi des signes ostentatoires. Je pense qu'il faut donner l'exemple.

Mme Dionne (Carole) : Exactement. Je trouve que ça serait incongru de voir à l'Assemblée nationale, dans un État laïque, des personnes qui portent des signes ostentatoires, à l'Assemblée nationale. Ça serait assez spécial. Inacceptable même, que je dis.

M. Ratthé : Je vais aborder un petit thème avec vous, qui est peu souvent soulevé — puis je n'ai pas beaucoup de temps — mais ça revient souvent. Plusieurs personnes nous ont dit soit qu'on devrait revoir le cours d'éthique et de culture religieuse, soit qu'on devrait le transformer peut-être plus en étude des religions. Vous, vous dites : On l'abolit carrément. Et on le voit souvent dans les mémoires, mais on en a peu parlé en commission parlementaire, j'aimerais peut-être que vous élaboriez un petit peu davantage. Est-ce que vous parlez d'une disparition complète? Il y en a qui nous disent : Ça devrait être au secondaire puis ça devrait être transformé. Et d'autres, ils disent : C'est le deuxième cycle. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Dionne (Carole) : Bien, moi, ce que je dis, c'est que, si on est dans un État laïque, dans une école laïque, on ne parle pas de religion. On laisse ça aux ministres de culte dans les églises, les synagogues, les mosquées. On avait, autrefois, quand moi, j'enseignais, un cours d'éducation morale. Moi, j'étais une enseignante exemptée d'enseignement religieux. J'enseignais l'éducation morale, dans une partie de ma tâche. Et c'était un excellent cours. Alors, à un moment donné, on a tout mis dehors, puis on a rentré le cours d'éducation et de culture religieuse où, au lieu de parler seulement de la religion catholique, on s'est mis à parler de toutes les religions. Alors, pour moi, ce n'est pas une déconfessionnalisation des écoles, on a encore des religions dans les écoles.

Puis je parlais à une de mes amies qui a des jeunes enfants qui vont encore à l'école, et elle me dit : Ils entendent encore parler de Jésus puis de tout ça. Elle me parlait, puis je l'écoutais, je me disais : Mon Dieu! C'est encore l'enseignement religieux, ça.

Alors, moi, de mon côté, on enlève complètement. On entre, par exemple, un cours d'éthique. Ça, c'est important, un cours d'éthique. C'était ça qu'on avait dans notre cours d'éducation morale qu'on a mis aux rebus et qui était un excellent cours.

M. Ratthé : Vous êtes claire sur votre position en ce qui concerne les professeurs. Vous allez plus loin, vous dites : Les élèves, même, ne devraient pas porter de signe. Est-ce qu'il n'y a pas, là, un réel… À partir du moment où ce sont, par exemple, des universitaires, des gens au collégial, est-ce que, là, on ne vient pas brimer le droit de la personne? Parce qu'ils ne travaillent pas pour l'État. Là, on va beaucoup plus loin, là. Vous nous dites : Les élèves ne devraient pas. Est-ce qu'on ne va pas soulever justement le point de vue de dire : Bien, un instant, là! Je suis libre, moi, comme citoyenne, citoyen, de porter ce que je veux?

Mme Dionne (Carole) : Bien, c'est parce que, quand tu vas au cégep ou que tu vas à l'université, c'est des institutions qui sont subventionnées par l'État. Donc, je me dis : Quand tu vas dans une institution de l'État, tu ne portes pas de signe religieux. C'était ça, ma position, que ce soit à l'université ou au cégep, la même chose.

M. Ratthé : Rapidement, en terminant, j'imagine, M. le Président…

Le Président (M. Ferland) : 10 secondes, à peu près.

M. Ratthé : 10 secondes. Vous dites : Ce n'est pas grave sur les heures de travail, là, c'est facile de faire ce compromis-là. Mais il y a deux vêtements que vous dites : Ça, on ne devrait pas en voir du tout.

Mme Dionne (Carole) : Exact.

M. Ratthé : Donc, vous allez jusque-là en disant : Sur tout le territoire du Québec, là, que ce soit le hidjab ou le niqab, là, et la burqa, ça ne devrait pas être porté.

Mme Dionne (Carole) : C'est une honte mondiale! C'est incroyable.

M. Ratthé : Merci, Mme Dionne.

Le Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, je vous remercie beaucoup, Mme Dionne, ainsi que les gens qui vous accompagnaient également.

Alors, sur ce, je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants du groupe les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

(Reprise à 10 h 29)

Le Président (M. Ferland) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Maintenant, nous allons recevoir les représentants du groupe les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre, en vous demandant de vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, tout en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, suivie de l'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Syndicalistes et progressistes pour
un Québec libre (SPQ libre)

M. Laviolette (Marc) : Merci, M. le Président. Je me présente, je suis Marc Laviolette. Je suis le président du club politique SPQ libre. Je suis accompagné, à ma gauche, donc à votre droite, par Pierre Dubuc, qui est le secrétaire du conseil d'administration, et par Louise Mailloux, qui est membre du conseil d'administration aussi du SPQ libre.

Brièvement, le SPQ libre, c'est un club politique, et on est environ 400 membres, qui regroupe des syndicalistes et des progressistes souverainistes, sociodémocrates. On est indépendants des partis politiques et des organisations syndicales aussi. Et notre but, c'est de favoriser l'implication des progressistes et des syndicalistes dans la politique active. Nos 400 membres militent au Parti québécois. Ça fait que c'est comme ça qu'on se définit, comme groupe politique.

Et je vais passer la parole à Louise Mailloux, qui va faire l'exposé de notre mémoire, puis je vais conclure. Elle va me laisser un peu de temps à la fin de sa présentation.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Ferland) : Mme Mailloux, la parole est à vous.

Mme Mailloux (Louise) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour.

Alors, le SPQ libre accueille favorablement le projet de loi n° 60 qui traduit une volonté politique de rétablir l'autorité du gouvernement en matière de laïcité au Québec, une autorité que l'on avait abandonnée jusqu'à maintenant aux mains des juges et des tribunaux.

Depuis plusieurs années, des ajustements concertés pour des motifs religieux se font dans nos institutions publiques. C'était d'ailleurs le souhait le plus cher exprimé dans le rapport Bouchard-Taylor, que les demandes à caractère religieux n'empruntent pas la voie juridique mais bien plutôt celle de la conciliation, c'est-à-dire du règlement au cas par cas, balisé par les chartes, des ajustements réalisés sur place, dans les milieux de travail, loin des médias, par des gestionnaires à qui on a pris soin de donner une formation préalable les disposant favorablement aux accommodements religieux. C'est ce que l'on a appelé la formation à l'interculturalisme, véritable cheval de Troie pour une offensive antilaïque.

Il n'est pas anodin que, dans la version abrégée du rapport Bouchard-Taylor, sur les cinq recommandations prioritaires, trois d'entre elles se rapportent à l'interculturalisme et recommandent une formation à celle-ci, c'est-à-dire à la primauté des chartes, pour les gestionnaires, les agents de l'État et les intervenants dans la sphère citoyenne. Fait à souligner, Bouchard-Taylor accorde une importance capitale à la formation du personnel des écoles en raison de leur rôle de socialisation.

Par ce projet de loi, le gouvernement se réapproprie son autorité politique que le Parti libéral avait abandonnée au pouvoir juridique, tout en obligeant les gestionnaires des institutions publiques et leurs employés à respecter des règles claires concernant la présence du religieux dans l'espace civique.

C'est un pas immense qui tourne le dos à Bouchard-Taylor, à sa laïcité ouverte et à son approche multiculturaliste. Ce projet de loi représente une avancée significative vers une laïcité républicaine respectueuse de ce qui nous unit en tant que citoyens du Québec, une laïcité soucieuse d'offrir à chacun les mêmes droits et qui redonne à notre nation le droit de décider de son avenir.

Le SPQ libre se réjouit d'un tel virage et considère que ce projet de loi constitue une étape urgente et essentielle pour freiner l'intrusion du religieux à un moment de notre histoire où les flux migratoires, particulièrement ceux en provenance du Maghreb, nous ramènent un islam qui s'accommode mal de la laïcité.

La laïcité n'est pas une question théorique que l'on pourrait régler définitivement à un moment de notre histoire. C'est un processus vivant, parce qu'historique, qui appelle à des ajustements constants entre l'État et les Églises. Ce projet de loi en est un.

Alors, le SPQ libre appuie le projet de loi n° 60 dans son intégralité. Toutefois, nous considérons que ce projet de loi demeure un minimum. C'est pourquoi nous proposons d'élargir sa portée en y ajoutant les recommandations suivantes :

Considérant qu'un État laïque doit être neutre d'un point de vue religieux et qu'il ne doit pas favoriser une ou des religions;

Considérant que les privilèges financiers accordés aux religions sont l'expression d'une époque révolue, étant celle d'une étroite collaboration entre l'Église et l'État;

Considérant le principe voulant que l'argent public soit pour le bien public;

Nous demandons au gouvernement : de mettre fin au financement des institutions privées confessionnelles — écoles, établissements préscolaires et garderies en milieu familial — également de mettre fin aux exemptions fiscales dont bénéficient les organismes de bienfaisance à caractère religieux.

Maintenant, sur le voile. Le voile, il est lié à l'intégrisme. Alors, le Parti libéral du Québec prétend que le projet de loi, voulant notamment interdire le port de signes religieux ostentatoires, rate sa cible, puisque, selon eux, le problème, ce n'est pas le voile islamique mais plutôt l'intégrisme.

D'abord, le voile n'est pas une simple tenue vestimentaire. Si c'était le cas, il n'occasionnerait pas autant de controverses et autant de violence vis-à-vis les femmes partout dans le monde. Ce voile est un étendard politique, il est l'emblème d'un islam qui veut imposer une théocratie et remplacer les droits humains par la charia. En l'imposant aux femmes et aux fillettes, les islamistes souhaitent donner un maximum de visibilité à l'islam et nous habituer ainsi à sa présence. C'est pourquoi il est essentiel pour eux de pouvoir introduire ce voile dans nos institutions publiques, particulièrement dans les garderies et les écoles, qui sont le lieu de passage obligé de chaque citoyen.

Refuser de voir dans ce voile une signification politique ne nous aidera aucunement à comprendre comment pensent et agissent les islamistes qui s'activent au Québec depuis de nombreuses années déjà. En revanche, de pouvoir le disqualifier de nos institutions publiques constituerait une victoire cruciale et décisive face à ces intégristes.

L'ouverture à l'autre, c'est aussi s'ouvrir à sa façon de penser. Il importe donc de bien comprendre ce à quoi nous faisons face.

Nous considérons qu'un État laïque a le devoir de protéger la liberté de conscience des enfants et que l'école laïque doit faire la promotion de l'identité citoyenne, non de l'identité religieuse, afin de garantir aux enfants un espace libre de toute pression familiale ou communautariste. Nous demandons donc au gouvernement d'interdire le port de signes religieux ostentatoires pour les élèves des écoles publiques.

Concernant le voile intégral : Parce que ce voile fonde l'inégalité des sexes et symbolise l'oppression des femmes, parce qu'il instaure une ségrégation des sexes et qu'il enferme à jamais les femmes musulmanes à l'intérieur de leur communauté, les empêchant ainsi physiquement et psychologiquement de s'intégrer à la société québécoise, parce qu'il est l'étendard de l'islam politique, parce qu'il fait outrage à toutes les femmes et qu'il constitue une atteinte fondamentale à leur dignité, parce qu'il signifie la mort sociale, la perte d'identité sociale qui est liée au principe de dignité de tout être humain et qu'il signifie à toutes les femmes du Québec, musulmanes ou non, que l'espace public n'est pas leur place et que, pour s'y aventurer, elles doivent masquer leur identité et disparaître sous un linceul, par respect pour les droits universels des femmes, quelle que soit leur culture, nous demandons donc au gouvernement d'interdire sur tout le territoire du Québec le port du voile intégral. Maintenant, M. le Président, je cède la parole à mon collègue.

Le Président (M. Ferland) : …M. Laviolette, la parole est à vous. Il reste à peine deux minutes.

M. Laviolette (Marc) : C'est bon, je vais en avoir assez dans ma conclusion, M. le Président. On a beaucoup parlé du rétrécissement des libertés religieuses dans le débat. Moi, je tiendrais juste à souligner : Il y a aussi la liberté de conscience.

Et je pose la question suivante à la commission, d'abord en rappelant qu'au Québec il y a 22 % de la population qui ne croit pas en Dieu, puis il y a 18 % qui ne le savent pas — sondage CROP de l'an dernier, La Presse — ça fait que… Qu'est-ce qu'on dirait si un professeur, ou quelqu'un dans une garderie, ou quelqu'un qui travaille aux soins intensifs dans un hôpital se promène avec un chandail qui dit : Dieu n'existe pas? Je veux dire, c'est sa liberté de conscience, il la met de façon ostentatoire devant tout le monde. Je serais curieux d'entendre ceux qui règlent ça au cas par cas comment ils répondraient à cette question-là. C'est une autre des raisons pourquoi c'est bon d'être mur à mur : aucun signe ostentatoire religieux ou même la liberté de croyance.

Ça fait que cette question-là a peu été abordée, mais ça existe. Au Québec, c'est 40 % de la population qui est non croyante, là. On ne parle pas d'immigration, là. Et ça fait que c'est un peu la conclusion. C'est pour ça que le plus simple, c'est tout simplement d'interdire et de consacrer la séparation de l'État d'avec les croyances religieuses. Voilà.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. Laviolette. Maintenant, nous allons à la période d'échange. Et, M. le ministre, la parole est à vous.

• (10 h 40) •

M. Drainville : Voilà. Très bien. Merci beaucoup. Merci à vous trois. Oui, M. Laviolette, vous ne me posez pas la question, mais je peux vous dire que ce tee-shirt-là, en vertu de la neutralité religieuse, ne serait pas permis justement parce que c'est associé à une conviction religieuse. Donc, ce ne serait pas possible de le porter si le projet de loi était voté.

Vous me permettez, vous me donnez la chance de le préciser, je pense que c'est important que les gens le sachent : Quand on dit que c'est la neutralité religieuse, c'est les convictions religieuses de façon générale, les croyances et les non-croyances également. Donc, l'athéisme, à ce moment-là, n'aurait pas davantage de droit de s'afficher qu'une autre religion. Bon.

Maintenant, je veux revenir évidemment à votre mémoire. D'abord, Mme Mailloux, dans votre mémoire, vous dites : «C'est un pas immense — en parlant du projet de loi n° 60 — qui tourne le dos à Bouchard-Taylor...» Pouvez-vous nous préciser comment, comment est-ce que ce projet de loi n° 60 tourne le dos à Bouchard-Taylor?

Mme Mailloux (Louise) : Alors, grande question. Le rapport Bouchard-Taylor, on pourrait dire que c'est une stratégie, finalement, qui a été mise en place pour permettre l'intrusion du religieux dans les institutions publiques. Et il faut se souvenir qu'il recommandait la laïcité ouverte. Alors, une laïcité ouverte à quoi? Une laïcité ouverte aux religions dans les institutions publiques.

Et les aspects clés de cette approche-là, c'est qu'on privilégie ici l'approche juridique. Dans le rapport Bouchard-Taylor, on dit vouloir protéger les droits, et on ramène constamment les gens à la question des chartes. Maintenant, on dit bien aussi, dans le rapport, qu'on ne souhaite pas que les demandes d'accommodement se rendent à chaque fois en Cour suprême et on préférerait des ajustements concertés, c'est-à-dire des ajustements qui se règlent sur place, dans les milieux de travail, dans les écoles, dans les hôpitaux, bon, un peu partout dans les institutions publiques, donc de gérer la chose au cas par cas, et que les décisions soient prises, ici, par des gestionnaires, et que — et là on spécifie bien — ces gestionnaires-là doivent au préalable avoir suivi une formation, une formation évidemment qui va faciliter les demandes d'accommodement religieux, une formation qui va être aussi donnée par des experts, que vous aurez sûrement l'occasion d'entendre dans cette commission, alors des experts qui sont des spécialistes de la rhétorique multiculturaliste, des universitaires et des gens qui recommandent aussi l'utilisation d'un guide.

Et, si vous regardez... Il y a un rapport qui a été déposé en novembre 2007 au ministère de l'Éducation, le rapport Fleury, qui était un rapport sur la question des accommodements en milieu scolaire et où on dit qu'il y a 78 % des demandes d'accommodement qui sont faites pour des motifs religieux. Et une des grandes recommandations du rapport Fleury, c'est qu'on élabore un guide qui servirait aux gestionnaires, encore une fois pour favoriser, donc, les demandes d'accommodement religieux. Et la source d'inspiration de ce guide, c'est le Conseil scolaire de Toronto. Alors, quand on sait à quel point Toronto est multiculturel, quand on sait qu'à Toronto on a un guide, par exemple, qui va accommoder... qui va donner des exemptions dans les cours de natation en période de ramadan pour ne pas, par exemple, que les élèves avalent de l'eau, alors quand on sait l'ouverture que ça crée et qu'on dit, les experts nous disent : On devrait s'inspirer de ça, alors Bouchard-Taylor, c'est tout ça.

Le projet de loi n° 60 nous dit quoi? Le projet de loi n° 60 nous dit : Ce ne sera pas l'approche juridique qu'on privilégie, on se réapproprie le pouvoir politique, et c'est l'État qui va définir des principes et qui va dire aux gestionnaires... L'État va prendre ses responsabilités, elle ne laissera pas aller la chose aux gestionnaires et elle va dire aux gestionnaires : Voici, il y a des critères pour accommoder. Voici, ça doit respecter telle et telle chose. Alors, c'est vraiment quelque chose, autrement dit, qui nous sort du cas par cas. Et c'est quelque chose qui va permettre de freiner de façon objective l'intrusion du religieux dans les institutions publiques.

Si je me rapporte à ce qu'a annoncé hier M. Philippe Couillard, en conférence de presse, quand il a parlé de la position du Parti libéral, il a dit quoi? En substance, il ramène Bouchard-Taylor, c'est-à-dire il dit : Les chartes sont incontournables, il va falloir élaborer un guide — alors, on se demande qu'elle va être la source d'inspiration pour ce guide — élaborer un guide, les gestionnaires vont se servir de ce guide-là pour gérer les demandes d'accommodement au cas par cas. Alors, la position, ici, du Parti libéral, c'est ni plus ni moins que faire du neuf avec du vieux, c'est-à-dire ils nous disent, en substance : Les accommodements se font, à l'heure actuelle, sur place, dans les milieux, et c'est comme ça que ça va continuer de se faire. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est qu'ils vont même plus loin que Bouchard-Taylor, en disant que, même pour ce qui est du port de signes religieux chez les personnes en position d'autorité, comme les juges, les policiers, etc., là aussi, ça va être jugé au cas par cas. Donc, autrement dit...

M. Drainville : Si vous me permettez, Mme Mailloux — gardez votre fil, là, mais je veux juste insérer une petite parenthèse — ce que je comprends, puis les gens d'en face pourront nous le préciser, mais, dans le cas du cas par cas pour les agents avec pouvoir coercitif, ça ne concerne que les policiers, policières et les agents de détention. Les juges, même, ce que je comprends, c'est qu'il n'y a aucune restriction pour les juges. Donc, ils pourront me corriger si je me trompe, mais il y avait une entrevue avec le député de Fabre, ce matin ou hier soir... hier soir, et c'était très clair que, dans leurs propositions, il n'y a aucune restriction possible pour ce qui est des juges. C'est uniquement — en tout cas, c'est ce que je comprends — pour les policiers, policières et les agents de détention, où, là, ils pourraient porter un signe religieux, mais ils vont devoir faire une demande d'accommodement, là. Bon. Mais, pour les juges, ce que je comprends, c'est : Ils peuvent porter un signe religieux en tout temps, comme c'est le cas d'ailleurs pour tous les autres agents de l'État.

Mme Mailloux (Louise) : Ah bon! Alors, disons que, pour aujourd'hui...

M. Drainville : C'est ce que je comprends. On verra bien si j'ai bien compris.

Mme Mailloux (Louise) : O.K. Maintenant, il y a quand même quelque chose que le Parti libéral apporte de nouveau, c'est une volonté de lutter contre l'intégrisme. Et, hier, M. Couillard a dit que l'intégrisme, au Québec, ça mériterait d'être étudié et documenté.

Document déposé

Alors, je me permets donc de contribuer, de déposer déjà un premier document à cette commission pour commencer à documenter l'intégrisme — d'autant plus que Mme Houda-Pepin a quitté. Alors, je vous distribue donc ici une... Est-ce que quelqu'un...

Le Président (M. Ferland) : ...du dépôt du mémoire... du document en question, là, et non de...

Mme Mailloux (Louise) : Oui, c'est une photo.

Le Président (M. Ferland) : Considérez-vous... Vous pouvez le remettre à... Alors, merci.

Mme Mailloux (Louise) : Alors, je laisse aller la photo. Donc, c'est une photo qui a été prise en août 2012 à une rencontre du député de Mercier, Amir Khadir, donc, de Québec solidaire, alors deux semaines et demie avant les élections de 2012, donc, Québec solidaire qui est allé rencontrer l'Association Bridges, une association qui est dirigée par un imam qui officie au Centre communautaire musulman de Montréal, une mosquée où on fait prêter aux petites filles le serment du voile. Bon.

Alors, qu'est-ce qu'on voit sur la photo? Parce que ce n'est pas tout le monde qui a la photo entre les mains. On voit, d'un côté, des hommes, d'un côté de la salle, avec Amir Khadir à l'avant et, à gauche... et, à droite, rassemblées, de l'autre côté, on voit des femmes voilées qui font partie... donc, qui assistent à cette rencontre. Alors, ici, vous avez une photo qui en dit long sur les principes de la charia. Premier principe : le voilement des femmes. Deuxième principe : la ségrégation des sexes. Il y a eu, il y a quelques semaines, l'Université York, à Toronto, qui a choqué bien des Québécois. Eh bien, ça, ça s'est passé à Montréal en août 2012, et c'est un des députés de cette Assemblée, de l'Assemblée nationale, qui était présent à cette rencontre.

Document déposé

Je fais circuler aussi... Je vais remettre à la commission une photo, ici, de l'imam Sbeiti, lors de la cérémonie du voile.

Le Président (M. Ferland) : ...on va aller chercher le prochain document. Alors, bien, vous comprendrez qu'on les distribue en même temps aux groupes parlementaires...

Mme Mailloux (Louise) : Oui, oui, oui.

Le Président (M. Ferland) : ...et qu'ils deviennent... ils sont publics présentement, mais ils l'étaient, je crois, ce que je comprends, sur Facebook.

Mme Mailloux (Louise) : Oui.

Le Président (M. Ferland) : Vous pouvez remettre...

M. Drainville : Alors, quelle conclusion vous tirez de ça, Mme Mailloux? On voit la photo, là, on voit effectivement que les femmes sont d'un côté et les hommes sont de l'autre. Donc, vous parlez de ségrégation…

Mme Mailloux (Louise) : C'est la photo qui parle d'elle-même, M. le ministre.

M. Drainville : Oui, oui, bien sûr, bien sûr. Et vous nous...

Mme Mailloux (Louise) : De voiles aussi.

M. Drainville : Oui. Oui, effectivement, il semble que toutes les femmes soient voilées, là, sur la photo en tout cas. Est-ce que...

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre, avant... On a une seule copie. On va en faire des copies pour l'ensemble des membres de la commission.

• (10 h 50) •

Mme Mailloux (Louise) : Et ce qu'il faut comprendre de ça, M. le ministre, c'est qu'on a, ici, Amir Khadir qui cautionne une telle assemblée. Et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que la porte-parole de Québec solidaire dans la circonscription de Bourassa-Sauvé, à Montréal-Nord, celle qui est passée à Tout le monde en parle, Dalila Awada, dont l'imam Sbeiti est son imam, alors elle fréquente l'Association Bridges et elle y prend régulièrement la parole. Alors, ce qu'il faut comprendre ici, c'est qu'on a Amir Khadir qui cautionne la ségrégation des sexes. Pour un député de gauche, il me semble que ce n'est pas tellement progressiste.

M. Drainville : Là, si vous me permettez, Mme Mailloux, la représentante de… la députée de Gouin n'est pas présente ce matin, et je tiens à le noter parce que je pense qu'elle souhaitera probablement réagir à un moment donné. Donc, je veux juste, pour les gens qui nous écoutent, là, qu'ils soient conscients du fait que la députée de Gouin nous accompagne parfois dans nos travaux, et, ce matin, elle n'est pas là. Puis habituellement, d'ailleurs, on n'est pas supposé de noter l'absence des… mais, M. le Président, vous comprenez l'intention de mon intervention…

Le Président (M. Ferland) : Effectivement. Et je vous demanderais…

M. Drainville : …c'est juste de noter qu'éventuellement je pense bien que les gens de Québec solidaire qui écoutent voudront donner leur réaction à ce propos que vous tenez. Je le fais, je dirais, par fair-play, là.

Mme Mailloux (Louise) : Mais on aurait bien aimé la présence de Mme David pour qu'elle puisse commenter la photo de son… cette photo-là.

M. Drainville : Et donc on tire de tout ça une conclusion. Laquelle? C'est-à-dire que vous dites : Il y a déjà, au sein de notre communauté québécoise musulmane, des groupes qui, ouvertement, dans des assemblées publiques, séparent les hommes des femmes. Ça, pour vous, c'est…

Mme Mailloux (Louise) : Bien, c'est qu'il y a déjà des associations qui sont présentes ici et qui… C'est une association qui s'adresse à des jeunes, des jeunes musulmans qui sont de l'âge entre 18 et, je ne sais pas, moi, à peu près 25 ans, et qui les éduque en fonction des valeurs islamiques, et dans le but évidemment de faire boule de neige, c'est-à-dire d'être prosélyte.

M. Drainville : Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui vont dire : Le projet de loi n° 60, la charte, ce n'est pas vrai que ça lutte contre l'intégrisme? Moi, je soutiens le contraire. Moi, je dis que le projet de loi n° 60, c'est un outil indispensable de lutte contre l'intégrisme, non pas qu'il ait été conçu à cette fin, mais je pense qu'un de ses effets, c'est de lutter contre l'intégrisme justement parce qu'il affirme que l'État doit être non religieux, alors que les intégristes, de façon générale, souhaitent un État religieux, un État qui a une religion d'État. De façon générale, les intégristes sont très friands d'accommodements déraisonnables religieux, déraisonnables parce qu'ils y voient une façon de faire avancer leur agenda religieux, de créer des exceptions, des précédents qui vont éventuellement se transformer en normes. Donc, c'est une façon pour eux d'élargir, je dirais leur, comment dire… de mettre en oeuvre, sur le terrain, dans l'application, dans le fonctionnement des institutions et des services publics, un agenda politique.

Puis, je dis aussi qu'en affirmant l'égalité hommes-femmes comme valeur absolument non négociable, incontournable, au Québec, on freine également, on affaiblit également les intégristes, parce que, de façon générale, les intégristes, on ne peut pas dire que c'est des grands partisans d'égalité hommes-femmes. Bon.

Alors, ça, c'est mon point de vue, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, comme vous le savez, il y a, autour de cette table, des personnes, que je respecte évidemment, mais qui ne sont pas du même point de vue que moi sur le projet de loi n° 60 versus l'intégrisme.

Le Président (M. Ferland) : M. le député… Ah! député… M. Laviolette. Parce qu'il y a un comté…

M. Laviolette (Marc) : Merci. Merci, M. le Président. La grande force du projet de loi n° 60, c'est qu'il ne déguise pas la laïcité en courant d'air, c'est-à-dire : ce n'est pas juste la laïcité de l'institution. Dans les faits, en empêchant les signes religieux ostentatoires, dont le voile en est un, eh bien, je veux dire, il heurte. C'est pour ça qu'on entend beaucoup de gens dire : C'est contre ma liberté religieuse, il heurte. Parce qu'il faut bien se le dire, si tu es prêt à perdre ton emploi pour garder ton voile, bien, si ce n'est pas de la… c'est deux choses, soit que tu as des craintes, des menaces dans ton milieu familial, ou c'est de l'intégrisme, ce n'est pas bien, bien compliqué. Ça fait que ça, c'est la grande force, c'est qu'en d'autres mots, ce projet de loi là, les bottines suivent les babines, c'est-à-dire que, dans les faits, de façon matérielle, les agents de l'État, ceux qui appliquent les lois, ils sont neutres, O.K.? Ils ont droit à leur religion, ils garderont ça pour chez eux s'ils veulent, mais, dans les faits, ils sont obligés de se conformer à ça. C'est pour ça que c'est à la fois simple et en même temps ça donne les effets de lutte contre l'intégrisme. Parce qu'écoutez… Puis toutes les religions, d'ailleurs, M. le ministre, causent des problèmes aux femmes, oppriment les femmes, tu sais. Et là, je veux juste rappeler, là, il faut aussi dire aux jeunes filles…

M. Drainville : Toutes les religions ont leurs intégristes aussi, il faut le dire, les ont ou les ont eus, on s'entend, hein?

M. Laviolette (Marc) : Oui, mais, regardez, M. le ministre, je vais vous lire de quoi, là : «Il faut aussi dire aux jeunes filles que leurs toilettes inconvenantes peuvent être pour les garçons une occasion de pécher. Elles doivent savoir que les garçons sont d'une nature plus excitable et que la vue d'une jeune fille insuffisamment vêtue peut leur donner des pensées coupables — O.K.? Des indications pour se guider. Les manches doivent descendre au milieu du bras, au-dessus du coude. Si elles sont en dentelle ou en tissu transparent, il faut qu'elles aient une doublure. Les jupes doivent couvrir les genoux, les robes, cacher la courbe des seins et les autres parties du corps.»

M. Drainville : Ce que vous avez cité, c'est quoi, ce document? On ne voit pas.

M. Laviolette (Marc) : Le livre de la Famille chrétienne, 1961. Quand on dit : Toutes les religions… Ça fait que le voile… Vous pensiez que je lisais le Coran, là, hein? Non, non.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc) : Non, non, c'est le livre de la Famille chrétienne. Oui, 1961, ça ne fait pas longtemps, ça. Quand les libéraux ont commencé la Révolution tranquille puis qu'on a laïcisé nos écoles, nos hôpitaux, puis tout ça, là, ça nous a permis de mettre ça de côté. C'est pour ça que le peuple québécois appuie la charte, parce qu'on a connu la chape de plomb de la grande noirceur puis de l'Église qui écrasait tout. Mais toutes les Églises sont pareilles. Ça fait qu'au moins qu'on continue notre révolution tranquille comme on l'a commencée puis qu'on poursuive dans la laïcisation qu'on a commencée dans les années 60 et dont la déconfessionnalisation des commissions scolaires est le dernier chapitre. Ça fait que ça aide quand on dit «aucun signe ostentatoire» à lutter contre toutes ses formes… Parce que les signes ont un sens, je veux dire, et un sens qu'on refuse au nom de l'égalité des hommes et des femmes. Voilà.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Drainville : Oui. Là, ce que je comprends… Mme Mailloux, dans votre présentation tout à l'heure, vous avez réitéré ce qu'il y a dans le mémoire, c'est-à-dire vous parlez d'une interdiction générale du voile intégral au Québec. Est-ce que vous nous parlez donc d'une interdiction comme celle qui existe en France, on parle de la même chose, là?

Mme Mailloux (Louise) : En France, ça existe depuis 2010. Et c'est quelque chose de carrément inacceptable. Écoutez, hier, Philippe Couillard disait : Bon, le tchador, le niqab — qui est le voile intégral dont je vous parle — la burqa, à cause de ce que ça symbolise au niveau de l'oppression des femmes, ce n'est pas défendable dans les institutions publiques. Bien, je veux dire, sur la rue, ça symbolise la même chose, je pense que ce n'est pas plus défendable.

Et le message que ça envoie, comme je dis bien, à toutes les femmes du Québec, qu'elles soient musulmanes ou non, bon, peu importe, à la moitié de l'humanité, la moitié des Québécois, le message que ça envoie, c'est que la place publique, ce n'est pas pour toi. Puis, si tu t'aventures ne serait-ce que pour aller au dépanneur, bien, il va falloir que tu te caches. C'est une atteinte à la dignité. Qu'on arrête de dire que c'est juste une affaire d'identité, puis de communication, puis de sécurité.

Si on disait aux gens qui sont Noirs, qui sont Juifs, qui sont Arabes : Aussitôt que vous sortez de la maison, vous devez vous cacher sous une toile, une tente, tout le monde crierait au racisme, ils diraient : Voyons donc, c'est inacceptable. On le fait avec des femmes et on vient nous parler des chartes puis de droits fondamentaux. C'est une insulte profonde et ça ne cadre vraiment pas avec notre histoire et les acquis de la révolution féministe, que les femmes québécoises ont faite, les hommes à leurs côtés.

M. Drainville : Mais vous comprenez que le projet de loi n° 60 ne va pas là.

• (11 heures) •

Mme Mailloux (Louise) : Non, non, non, je sais, le projet de loi n° 60, il limite ça aux institutions publiques. Et nous, on dit : Ce n'est pas suffisant, c'est bien, mais il faut aller plus loin. La symbolique est la même, l'indignité est la même, l'outrage est le même.

Le Président (M. Ferland) : M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc) : Oui. Comme on dit dans notre mémoire, la laïcité, c'est un processus vivant, O.K.? Et on l'a vu dans notre Révolution tranquille, sur la question de la laïcité, ça avance. Mais celle-là est particulièrement odieuse, hein, et il faudrait vraiment qu'on s'y rende.

M. Drainville : Parlez-nous, en terminant — il me reste trois minutes — parlez-nous un peu des enfants dans les écoles, dans les garderies... Comment?

Une voix : ...

M. Drainville : Ah! Excusez-moi. Voilà, oui, les enfants. Les enfants, parce que moi, je pense que c'est un élément très important du projet de loi. La liberté de religion, elle est protégée, en ce qui nous concerne, elle est même renforcée par la neutralité religieuse de l'État. Mais il ne faut jamais oublier la liberté de conscience aussi des usagers. Et, dans les usagers, il y a les élèves, et, dans les élèves, il y a les enfants. Et moi, je pense que c'est un élément très important, ça, du projet, et c'est la raison d'ailleurs pour laquelle nous avons décidé, dans le champ d'application, comment dire, d'y inclure les écoles primaires et secondaires publiques, mais d'y inclure également les garderies CPE et les garderies privées subventionnées, les enfants...

Le Président (M. Ferland) : En 30 secondes environ, à peu près.

Mme Mailloux (Louise) : 30 secondes?

Le Président (M. Ferland) : Oui. Allez-y, oui.

Mme Mailloux (Louise) : Bien, moi, je pense qu'effectivement il faut interdire aux employés de... à tous ces niveaux-là dans le milieu de l'éducation, particulièrement dans les garderies, ils sont en position d'autorité. Ce n'est pas la peine d'avoir fait un doctorat en pédagogie pour savoir toute l'autorité morale que peut avoir une éducatrice. Maintenant, moi, j'irais plus loin au niveau des écoles... bien, moi, nous, nous irions plus loin, c'est-à-dire on dit : Même dans les écoles, les élèves ne devraient pas porter de signe religieux ostentatoire. Ce que je vous ai donné... J'ai documenté, là, la cérémonie du serment, alors des petites filles, à Montréal, de sept, huit, neuf ans qu'on amène à porter le voile et à faire le serment de le porter toute leur vie parce que c'est Allah qui l'ordonne...

Le Président (M. Ferland) : Je dois malheureusement vous interrompre. On va aller du côté du parti de l'opposition officielle, et je reconnais le député de LaFontaine, je crois?

M. Tanguay : Oui.

Le Président (M. Ferland) : Alors, la parole est à vous.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin. Merci d'être avec nous ce matin. J'aurai des questions pour vous trois : Mme Mailloux, M. Laviolette et M. Dubuc. Peut-être des petites questions au départ, en rafale, peut-être au président, M. Laviolette.

Lorsque l'on voit l'expression où le... Votre organisme est connu sous le nom de SPQ libre, «PQ», corrigez-moi, si j'ai tort, mais c'est pour «Parti québécois»?

M. Laviolette (Marc) : Il est comique, lui.

M. Tanguay : Non, non, je vous prie de répondre.

M. Laviolette (Marc) : Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre.

M. Tanguay : Oui. Ah! O.K. Et vous avez dit un peu plus tôt que vous aviez 400 membres, et les 400 membres militent au Parti québécois?

M. Laviolette (Marc) : Bien, ils militent, ça dépend. Il y en a qui sont sur des exécutifs, d'autres sont bénévoles dans les organisations. On encourage nos membres à s'impliquer en politique active au Parti québécois. Parce que nous sommes souverainistes et on pense que le Parti québécois est un parti de masse, 90 000 membres, et que, si on veut faire la souveraineté, c'est par le Parti québécois que ça va passer.

M. Tanguay : Et vous dites que l'un de vos objectifs, et confirmez-le-moi ou non, mais justement c'est de militer au sein des instances et de faire avancer donc vos idées au sein des instances du Parti québécois?

M. Laviolette (Marc) : Oui, mais on est indépendants du Parti québécois, nous, on n'est pas... On peut avoir un point de vue qui peut être critique. On peut avoir un point de vue qui est nouveau. On n'est pas liés par les décisions du parti. On est un club... On est un organisme sans but lucratif.

M. Tanguay : O.K. Et vous mettez la liste de votre conseil d'administration. Vous avez Robert Dean, ex-ministre du gouvernement de René Lévesque. Vous avez également Alain Dion, président du Parti québécois Rimouski, Louis-Philippe Sauvé, comité des jeunes du Bloc québécois. Vous avez également beaucoup de représentants, beaucoup de liens avec les gens des syndicats : Michel Parent, président du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, Sylvain Charron, membre de l'exécutif du Syndicat des débardeurs du port de Montréal, également Sylvain Martin, directeur québécois des TCA. Pourquoi c'est important, ce lien entre le Parti québécois et le syndicat, dans votre action?

M. Laviolette (Marc) : Écoutez, si vous voulez faire une commission parlementaire sur le SPQ libre, ça va nous faire plaisir. Je pensais qu'on parlait du projet de charte sur la... Les membres du conseil d'administration, c'est des syndicalistes et progressistes, puis ce n'est pas des juniors non plus, c'est tout simplement... c'est comme ça. Mais moi, je ne vois pas le rapport qu'il y a avec la charte, là.

M. Tanguay : Avez-vous un malaise à répondre à cette question-là, M. Laviolette?

M. Laviolette (Marc) : Non. Mais c'est parce que je veux débattre sur la charte. On peut en parler à l'extérieur si vous voulez. Ou, si vous voulez faire une commission parlementaire sur le SPQ libre, ça va nous faire… Je vous encouragerais à lire notre livre, d'ailleurs. On a publié un livre, SPQ Libre – Dix ans de lutte au Parti québécois, là. Ça coûte 20 $. Si vous voulez savoir qu'est-ce qu'on fait dans le PQ, ça va être parfait.

M. Tanguay : Oui. C'est important de savoir justement ce que vous faites dans le PQ, le lien également avec les syndicats.

M. Laviolette (Marc) : Oui. J'en ai une copie dans ma valise. Si vous voulez, je peux vous en vendre un après, là.

M. Tanguay : Merci. Merci de l'offre. Et c'est important, je pense, de savoir ça. Puis corrigez-moi si j'ai tort, M. Laviolette, mais, quand en titre, en page 3, on lit : «Le SPQ libre appuie le projet de loi n° 60 dans son intégralité», je pense que c'est important de savoir qui vient nous dire ça, là. Vous ne croyez pas?

M. Laviolette (Marc) : Ah oui! Mais je pense qu'on n'est pas les seuls à avoir dit ça, là. Et il y a bien du monde au Québec qui pense ça, là. Nous, on le dit. Et puis il y a des membres du Parti québécois puis il y a des non-membres du Parti québécois qui disent la même affaire. Je ne vois pas c'est quoi, là.

M. Tanguay : O.K. Mais je pense qu'il y a des gens à la maison qui sont à même de…

M. Laviolette (Marc) : On ne s'est pas commandés. Non…

M. Tanguay : …à même de comprendre le lien. J'aimerais…

M. Laviolette (Marc) : Vous en parlerez à mes collègues du Parti québécois. Je pense qu'il n'y a personne au PQ qui nous dit quoi penser et quoi dire. Ils savent tous qu'on est assez grands pour faire ça. Ça fait que…

M. Tanguay : Puis, au sein des instances du Parti québécois, ces idées, avez-vous eu l'occasion de les défendre?

M. Laviolette (Marc) : Tout à fait. Il y a eu une motion d'appui unanime au dernier conseil national. Donc, on n'était pas tout seuls dans notre gang à appuyer cette démarche-là que le ministre Drainville fait avec son projet de loi n° 60. Je pense que c'est tout à fait correct, là. On est bien contents. Il a eu une «standing ovation». Le monde l'apprécie beaucoup, notre ministre. Il fait bien ça.

M. Tanguay : Avez-vous d'autres commentaires élogieux au ministre?

M. Laviolette (Marc) : J'en ai des moins élogieux envers le Parti libéral au cas par cas. Ça, c'est compliqué en mautadit, par exemple.

M. Tanguay : Ça, je pense qu'on vient de l'établir, M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc) : Oui. O.K. Parfait.

M. Tanguay : Vous dites à la page 2, et je vous cite : «C'est ce que l'on a appelé la formation [de] l'interculturalisme, véritable cheval de Troie pour une offensive antilaïque.» En quoi l'interculturalisme est une offensive antilaïque?

Mme Mailloux (Louise) : Parce que l'interculturalisme, c'est du multiculturalisme déguisé. Parce que, si vous lisez bien et si vous écoutez bien ce que dit, par exemple, M. Gérard Bouchard sur cette question-là, il dit bien qu'il faut revenir aux chartes, les chartes qui défendent des valeurs fondamentales, et il ne faut surtout pas laisser la parole aux diktats de la majorité. Bon. Alors, les chartes, qu'on soit en Ontario ou qu'on soit au Québec… La charte canadienne, qui est constitutionnelle, qui est au-dessus d'une charte québécoise que nous pouvons, ici, amender au Québec, mais la charte canadienne, elle est constitutionnelle. Elle vaut autant pour le Québec que pour la Colombie-Britannique ou l'Ontario. Alors, de ce point de vue là, l'interculturalisme, ça veut dire quoi si, de toute façon, on se base sur la charte canadienne, ici comme en Ontario, pour gérer les demandes d'accommodement au cas par cas? Alors, de ce point de vue là, c'est un véritable cheval de Troie parce que, finalement, on se sert, ici, du multiculturalisme pour introduire le religieux dans nos institutions publiques.

M. Tanguay : Et là vous me perdez, Mme Mailloux. Très clairement, l'interculturalisme au Québec, même au sein du Parti québécois, c'est un élément qui fait un très, très large consensus. Et c'est la première fois, honnêtement, là, la première fois où je le vois lié au multiculturalisme.

Et je vais vous citer, à un colloque sur l'avenir de Montréal, l'actuel député de Bourget, ministre du Tourisme, 27 novembre 2010, qui disait ceci : «Nous avons donc d'importants chantiers devant nous pour réussir l'intégration harmonieuse des immigrants au Québec : la prédominance du français, l'adhésion aux valeurs communes et la mise en place d'une politique de citoyenneté fondée sur l'interculturalisme.» Fin de la citation.

Et même Mme Marois, dans un communiqué de mai 2008, et ça n'a jamais été démenti, faisait la promotion du concept d'interculturalisme. Elle disait, je la cite, le 23 mai, dans un communiqué, 2008 : «Pour nous, il s'agit d'une approche d'intégration à laquelle nous adhérons depuis longtemps.»

Honnêtement, Mme Mailloux, ce matin, là, vous m'avez complètement perdu en disant, contrairement à l'extrême consensus que… Vous dites ce matin que l'interculturalisme, c'est du multiculturalisme déguisé.

Mme Mailloux (Louise) : Eh bien, je suis bien contente que…

Le Président (M. Ferland) : Juste avant de répondre, je veux juste corriger un… Parce que le député de Bourget n'est pas ministre du Tourisme. Il faut faire attention. Vous avez mentionné qu'il était le ministre du Tourisme.

M. Tanguay : …merci, M. le Président. Ministre de la Culture.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà. Alors, on revient à la culture du projet de loi n° 60. Alors, Mme Mailloux… Oui, M. Laviolette.

• (11 h 10) •

M. Laviolette (Marc) : Oui. Je suis bien content d'entendre le député soulever ça, parce qu'il vient de comprendre lui-même que le SPQ libre, ce n'est pas le Parti québécois. Voilà.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci pour les clarifications. Mme Mailloux.

M. Tanguay : Mme Mailloux, sur le fond.

Mme Mailloux (Louise) : Sur la question de l'interculturalisme au Québec, c'est quelque chose qu'on a adopté comme position… Parce qu'il faut se rappeler qu'aucun gouvernement du Québec n'a signé, n'a entériné la charte canadienne et la politique du multiculturalisme. Alors, c'est comme une façon de nous dire que nous, ici, au Québec, on est différents. Mais, quand on regarde… Alors, on peut donner les différentes définitions de ça. Le Conseil du statut de la femme n'a évidemment pas la même définition de l'interculturalisme que M. Bouchard. Mais, quand on regarde fondamentalement au niveau de l'usage qu'on en fait, c'est du multiculturalisme déguisé. Alors, s'il y a des élus qui pensent encore que l'interculturalisme est fort différent, il serait peut-être le temps de regarder ça d'un peu plus près.

M. Tanguay : J'aimerais maintenant m'adresser à M. Dubuc, M. Pierre Dubuc. Vous êtes directeur de L'Aut' Journal. L'Aut' Journal, journal pour lequel vous êtes le directeur, a publié, le 31 décembre dernier, une lettre de Pierre Godin, qui est l'auteur et biographe, là, de René Lévesque, sous le titre L'Islamisation d'une société commence toujours au sommet, chez les élites . Et je vais citer un extrait de sa lettre, et je le cite : «Chez nous, la liste des "nein" politiciens à la charte des valeurs est impressionnante : Philippe Couillard, Justin Trudeau, Thomas Mulcair, Denis Coderre, Stephen Harper, [et] il y a encore, mais là on reste pantois, nos quatre imams de la souveraineté : Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry et Gilles Duceppe.» Fin de la citation.

Comment recevez-vous cette déclaration de M. Godin, publiée dans votre journal?

Le Président (M. Ferland) : ...à vous la parole.

M. Dubuc (Pierre) : Premièrement, c'est M. Godin qui a signé l'article, ce n'est pas moi. Et, deuxièmement, bien, je pense que les positions de ce qu'il appelle les imams de la souveraineté, c'est des positions qu'on critique aussi; on est souvent en désaccord avec M. Parizeau. Mais, sur cette question-là, on partage l'avis de M. Godin.

M. Tanguay : Vous partagez l'avis de M. Godin?

M. Dubuc (Pierre) : Bien oui, on est critiques face aux positions qui ont été émises. On défend le projet de loi n° 60, c'est la charte.

M. Tanguay : Et, si vous partagez sa position, pouvez-vous étayer… en quoi les Parizeau, Bouchard, Landry font-ils fausse route dans leur compréhension, lorsqu'ils disent que ça s'est toujours fait, cette approche, de façon graduelle et consensuelle et que, là, on divise la population comme jamais? En quoi vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Dubuc (Pierre) : Bien, on divise la position... la population, si je regarde les derniers sondages, il semble qu'il y a une très forte majorité. Donc, il y a toujours des divisions, sur n'importe quel enjeu. Et je pense qu'on est dans un processus de compléter la réforme qui avait été entreprise sur la laïcité.

Et je pense que M. Guy Rocher… je l'écoutais, l'autre jour à la télé, et puis il rappelait qu'on a pris des mesures qui étaient quand même coercitives sur la question de la laïcité, par le fait même, avec la création des cégeps, avec la création des écoles polyvalentes, qui, finalement, étaient des institutions laïques, contrairement aux écoles privées, aux collèges privés qui précédaient. Et donc, par le fait même, on imposait une laïcité. On l'a fait à différents niveaux, et puis là on est à une autre étape. Écoutez, on peut avoir des désaccords avec M. Bouchard, Parizeau sur ces questions-là.

M. Tanguay : Sur une proposition que vous faites, vous voulez interdire le hidjab, qui est, évidemment, pour les gens à la maison, visage découvert, mais qui est le foulard sur les cheveux. Vous voulez l'interdire sur tout le territoire du Québec. Comment vous mettriez ça en application? Vous voulez l'interdire où?

Mme Mailloux (Louise) : M. Tanguay, vous vous mélangez encore, là. Attention, là. Le hidjab, c'est le simple voile, d'accord? Et la position que l'on défend, c'est la même que celle du projet de loi n° 60, c'est-à-dire que ce voile-là, il doit être interdit pour tous les employés de la fonction publique. D'accord?

Maintenant, nous, on va plus loin. On dit : Il devrait aussi, le voile, être interdit pour les élèves — les élèves, c'est les fillettes et les jeunes filles — des écoles primaires et secondaires, des écoles publiques. Ça, c'est une chose. Mais, pour ce qui est de l'espace public, les centres commerciaux, les restaurants, le métro, les choses comme ça, bien, évidemment que c'est permis. Là, il faut bien distinguer l'espace civique citoyen de l'espace public.

M. Tanguay : Parfait. Je vous remercie pour la précision, c'est important, effectivement. Vous dites également… et vous avez mentionné, Mme Mailloux, un peu plus tôt : Le flux migratoire nous ramène l'islam. Vous savez que le Québec, mis à part les ententes internationales et les regroupements familiaux, le Québec est totalement maître de son immigration. Donc, là-dessus, vous dites : Le flux migratoire nous ramène l'islam. Que proposez-vous sous cet aspect-là? Je veux juste comprendre votre pensée.

Mme Mailloux (Louise) : Ce que nous proposons, et ça va dans le sens du projet de loi n° 60, c'est-à-dire une laïcité ferme et authentique, et que les gens qui souhaitent venir vivre au Québec savent qu'ils vont se retrouver dans un pays, entre guillemets... ou, à tout le moins, dans une province qui est laïque, et que, les citoyens du Québec, c'est conforme à leurs souhaits, c'est-à-dire d'avoir une laïcité partout dans les institutions publiques. Alors, il s'agit d'être fermes et puis de dire clairement aux nouveaux arrivants qu'ici, au Québec, c'est ce qu'on veut et c'est comme ça qu'on va vivre.

M. Tanguay : Et comment, à part modifier... Parce que vous savez que, suite à la commission Bouchard-Taylor, le gouvernement précédent avait modifié le document qui est signé par les nouveaux arrivants, à l'effet de dire : Bien, l'égalité hommes-femmes... voici les points fondamentaux de la société québécoise, ce qu'est la société québécoise et canadienne, et tout ça. Donc, à part d'ajouter cet élément-là d'information, est-ce que vous imaginez d'autres choses pour contrer cette action-là?

Mme Mailloux (Louise) : Non, il s'agit... Bien, je veux dire, si la loi est adoptée, le projet de loi est adopté, ça va être... Ce qu'on demande, là, ce n'est pas une signature pour les gens qui viennent ici. Dans le projet de loi, par exemple, sur l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires, alors, ça va être comme ça pour tous les employés de l'État. Alors, on est bien... on est rendus bien au-delà d'une signature. Moi, c'est de ça dont je vous parle.

M. Tanguay : Et de quoi parlez-vous, justement, à part de les informer, si d'aventure la loi était adoptée, à part de les informer sur cet interdit de port... Comment pensez-vous vous rassurer en disant : Bien, le flux migratoire nous ramène l'islam… C'est votre affirmation. Comment allez-vous vous en assurer, à part que de publiciser le fait, si la loi était adoptée, qu'il y aurait un interdit, là? Comment pouvez-vous répondre à cette menace-là dans l'immigration?

Le Président (M. Ferland) : M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc) : C'est que, dans les faits, je veux dire, la loi n° 60 va s'appliquer. Ça va vouloir dire que le... L'islam peut venir au Québec, sauf qu'ici, au Québec, l'État est séparé de la religion. Donc, si tu veux travailler dans le secteur public, tu ne pourras pas porter ton voile. Si tu viens au Québec, selon notre position, puis ce n'est pas la position qu'il y a dans le mémoire, mais la burqa puis les... ça ne sera pas permis. Donc, ce n'est pas juste une signature, c'est que, dans les faits, si tu veux, bien, c'est de même que ça va se passer. Donc, tu vas le savoir avant d'arriver. C'est tout à fait correct.

M. Tanguay : O.K. Dernière question avant de laisser la parole à mon collègue de Mégantic-Compton. Vous parlez de préserver nos acquis sociaux, politiques, culturels et historiques. Au Parti libéral du Québec, on veut que le crucifix reste au salon bleu de l'Assemblée nationale. Vous ne considérez pas que ce crucifix-là fait partie d'un aspect notamment patrimonial, culturel, historique?

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. Laviolette. Oui.

M. Laviolette (Marc) : Bien, moi, je pense que le crucifix devrait sortir du salon bleu. Qu'on le garde au parlement comme aspect patrimonial, je n'ai aucun problème avec ça, mais, je veux dire, c'est assez... On dit : On est un État laïque qui sépare la religion de l'État, et, la salle dans laquelle les lois se votent, il y a un signe religieux particulier, qui est celui de la religion catholique. Je veux dire... Et d'ailleurs l'apparition historique du crucifix à l'Assemblée nationale, c'est Duplessis qui a mis ça là pour être bien sûr que ça soit bien clair que l'Église puis l'Union nationale, ça marchait ensemble.

Ça fait que, donc, il faut que ça sorte, oui, de l'Assemblée nationale. J'ai été surpris que le Parti libéral soit accroché encore là-dedans, là. En tous les cas.

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, je reconnais le député de Mégantic-Compton. Mais il reste environ une minute, M. le Président.

M. Bolduc (Mégantic) : Mégantic, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Ah! O.K.

M. Bolduc (Mégantic) : Au Québec, il y a... Bonjour. Au Québec, il y a environ 138 écoles privées confessionnelles en 2012, 85 % catholiques. Dans ma région, il y a beaucoup de ces écoles-là, dont, par exemple, le séminaire Salésien, catholiques. Est-ce que vous suggérez que l'on coupe toutes ces subventions-là puis qu'on ferme ces écoles-là?

Le Président (M. Ferland) : M. Dubuc.

• (11 h 20) •

M. Dubuc (Pierre) : Bien, on ne ferme pas les écoles. Si les écoles... si les gens veulent des écoles privées, qu'ils paient pour les écoles privées, comme ça se fait en Ontario, comme ça se fait dans le reste du Canada, comme ça se fait aux États-Unis, mais qu'il n'y ait pas de subvention publique aux écoles privées religieuses, et même, moi, je dirais, aux écoles privées en général, mais, disons, on parle des questions religieuses. Et je pense que, sur les questions des écoles religieuses, c'est même dans le programme du parti, en plateforme électorale du Parti québécois. Alors, je pense que ça devrait être fait. Et, si les gens… bon, ils iront à l'école publique.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, il ne reste plus de temps. Alors, je reconnais la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Mailloux, M. Dubuc, M. Laviolette. Je vais en profiter, du fait que vous êtes un mouvement syndicaliste, pour vous poser une question sur l'application — et vous me voyez venir, là, avec mes gros sabots — l'article 10, l'application de cette charte-là. Il y a une sanction, alors une employée qui est congédiée parce qu'elle refuse d'enlever son voile, pour les besoins de la cause, là. Son syndicat va la défendre. Comment est-ce que vous vivez avec la contradiction entre le fait d'appuyer à 100 % le projet de loi en tant que syndicaliste mais, d'un autre côté, avoir les obligations d'un syndicat, qu'il défende ses employés?

Le Président (M. Ferland) : M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc) : Bien, écoutez, moi, je n'ai pas de problème avec ça. Ça fait 40 ans que je suis syndicaliste. Et tous les syndicalistes savent que les lois sont d'ordre public. Et puis, je veux dire, il faut que tu respectes les lois, là. Et, s'il y a dans des conventions… Une convention collective peut prévoir des droits supérieurs à la loi, mais elle ne peut pas prévoir des droits inférieurs.

On a une obligation de représentation en vertu du Code du travail, mais ce n'est pas sur le fond. C'est-à-dire, il ne faut pas être négligent, il faut faire une enquête sérieuse. Et puis le grief appartient toujours au syndicat, hein, dans notre régime de droit du travail. Donc, s'il y a quelqu'un qui est congédié parce qu'elle a refusé de porter le voile… D'abord, il y a une progression en termes de mesures disciplinaires. Là, on ne se réveillera pas le lendemain matin avec un congédiement, on va pouvoir monter ça. Et il faut s'assurer, dans notre enquête, que c'est bien pour ça et que ce n'est pas un prétexte, tu sais, que c'est bien parce qu'elle ne respecte pas la loi n° 90. Dans les discussions qu'on va avoir… Le projet de loi n° 60, pardon. Dans les discussions qu'on va avoir là… C'est comme je disais tantôt, quelqu'un qui refuse d'enlever son voile, qui est prêt à perdre son travail pour son voile, pour sa religion, c'est deux choses. Puis, dans nos enquêtes, dans les discussions préalables, on va le voir : soit qu'elle subit des pressions indues dans sa famille, ce qui se peut très bien, ou c'est de l'intégrisme.

Mme Roy (Montarville) : Et, pour vous, c'est impossible qu'elle le porte pour des questions identitaires?

M. Laviolette (Marc) : Regardez, si… Non, elle peut le porter, mais, quand tu es rendue à être prête à perdre ton indépendance économique pour un signe religieux, bien, c'est de l'intégrisme, ça, madame. Et on combat ça.

Mme Roy (Montarville) : Dans l'application de la loi, ce sera effectivement, sur le terrain, les représentants syndicaux qui devront justement s'occuper des griefs. Qu'est-ce que vous anticipez? Comment voyez-vous ça dans l'application?

M. Laviolette (Marc) : Ça va être probablement comme toutes les autres affaires, il va y avoir une cause type, là. Puis, d'où elle va venir, je ne sais pas. Elle peut venir des syndicats, mais il y a assez de monde qui ont annoncé qu'ils… Tu sais, quand on a eu le débat sur la charte au Canada, là, avec le rapatriement de la Constitution, il y avait un gros débat, ils disaient : On va avoir un gouvernement des juges, tu sais? Il y a beaucoup de monde dans la société, surtout certaines élites, qui vivent dans la crainte non pas de Dieu mais des juges de la Cour suprême. Il va y avoir une cause type, là, puis on va suivre ça.

Moi, écoute, je ne peux pas parler pour l'ensemble du mouvement syndical, je parle comme syndicaliste. Moi, c'est… Si c'est vraiment pour non-respect de la loi, là, je veux dire, il n'y a même pas… c'est un grief non fondé, point à la ligne.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. Maintenant, je reconnais le député de Blainville.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Mme Mailloux, M. Laviolette, M. Dubuc, je pense que vous avez bien campé au départ, là, qui vous êtes : vous êtes un club politique qui regroupe des gens convaincus, politiquement parlant, militants évidemment, hein? Et vous avez bien… notre collègue libéral a…

Une voix : Bien enquêté ça.

M. Ratthé : …bien enquêté ça, c'est ce qu'on a pu voir. Mais, à mon avis, il y a sûrement des gens qui vont venir ici, qui sont aussi militants libéraux ou militants de n'importe quel autre parti politique. Mais moi, je vais profiter de votre présence, parce que, je trouve curieux, ce matin, on ne vous a pas posé la question… Souvent, mes collègues libéraux posent la question suivante. Et je trouve qu'ils ont manqué une belle opportunité ce matin, parce que vous êtes des gens qui font du militantisme, vous êtes convaincus, vous êtes impliqués en politique. Et j'entends souvent… On dit souvent aux gens qui sont un peu défavorables ou qui ont une position défavorable, que je ne juge pas, face au projet de loi, surtout au fait d'enlever un signe religieux, on compare ça à la neutralité politique, à l'affichage, par exemple, de signes politiques. Le député de LaFontaine dit souvent : Est-ce que vous pensez vraiment là que c'est la même chose de ne pas porter un écusson du PQ versus de demander à quelqu'un de ne pas porter un signe ostentatoire? Moi, je voudrais vous entendre là-dessus. Parce qu'il y a des gens, évidemment, qui disent : Non, non, ce n'est pas du tout pareil, les convictions religieuses, convictions politiques. Votre point de vue là-dessus, sur la neutralité politique versus la neutralité religieuse.

Mme Mailloux (Louise) : Moi, je pense qu'il faut aborder la chose du point de vue de l'usager, c'est-à-dire que l'État s'adresse à des citoyens, d'accord? Et donc, autrement dit, il ne s'adresse pas à des péquistes, à des libéraux, à des catholiques, ou à des musulmans, on est au-delà. Le service de l'État, c'est : on est au-delà des particularismes et religieux et politiques, ce qui n'empêche pas les employés d'avoir des affinités pour tel parti politique, de militer dans un parti politique, ou de se rattacher à telle Église, ou etc., d'avoir telle croyance. Mais, du point de vue de l'usager, on doit être impeccable, c'est-à-dire offrir une apparence de neutralité quand on est un employé de l'État. Alors, de ce point de vue là, qu'on soit sur le terrain politique ou sur le terrain religieux, du point de vue de l'usager, c'est du pareil au même, et c'est ça, ici, qui doit importer. Quand un gouvernement légifère sur la laïcité de l'État, il n'est pas en train… il est en train, autrement dit, de se poser la question : Est-ce qu'on veut, oui ou non, donner un service laïque à nos citoyens?

M. Ratthé : Je vous pose la même question que j'ai posée au groupe auparavant. Je ne crois pas que le projet de loi — et plusieurs personnes l'ont mentionné — là, vienne brimer la pratique religieuse ou, du moins, le droit à la liberté à la religion quand on demande à quelqu'un qu'entre 9 heures et 5 heures il ne porte pas de signe religieux. Par contre, vous comme d'autres groupes nous disent : On devrait aller beaucoup plus loin, on devrait dire aux élèves de ne pas porter de signe religieux. Et là je pense que pourraient s'élever des drapeaux, dire : Écoutez, là, on est vraiment dans la liberté de religion, on n'est plus dans le service à la clientèle, justement. Est-ce que ce n'est pas s'exposer à des critiques qui vont dire que, justement, on va trop loin, qu'on brime la liberté religieuse, la liberté d'expression? Parce que, là, on est vraiment à l'élève, l'étudiant, l'universitaire, entre autres, qui fait un choix, hein, c'est un adulte.

Mme Mailloux (Louise) : Et vous avez dû remarquer qu'on a dit : Interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour les élèves des écoles primaires et secondaires, ce qui exclut évidemment tous les autres...

M. Ratthé : Collégial et universitaire.

Mme Mailloux (Louise) : Collégial et universitaire. Pourquoi pour les élèves? Parce qu'une école laïque, ce n'est pas n'importe quoi. Autrement dit, un État laïque met en place des écoles laïques. Ça veut dire quoi? Ça veut dire… je parlais de citoyenneté tout à l'heure, ça veut dire une école où les élèves se retrouvent, justement, et on les socialise pour devenir des citoyens du Québec. On leur donne des valeurs communes. Alors, autrement dit, c'est une éducation. Une éducation laïque, c'est une éducation qui doit aller au-delà, encore une fois, des particularismes religieux. Maintenant, il faut voir aussi l'école laïque comme étant une protection pour ces mineurs-là…

Le Président (M. Ferland) : Mme Mailloux, malheureusement…

Mme Mailloux (Louise) : …ces enfants-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : …malheureusement, je dois vous arrêter — j'ai un travail ingrat. Alors, merci, M. le député. Alors, je vous remercie, Mme Mailloux, M. Laviolette, M. Dubuc.

Et j'informe les membres de la commission que vous pouvez laisser vos documents ici, la salle sera sécurisée.

Et, sur ce, je suspends la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Cet après-midi, nous entendrons l'Association humaniste du Québec, Mme Jocelyne Robert et M. Ghyslain Parent. J'invite donc les représentants de l'Association humaniste du Québec à nous présenter leur mémoire, en vous mentionnant que vous disposez d'un délai de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et suivra, après ça, l'échange avec les parlementaires. Alors, à vous la parole, en présentant la personne qui vous accompagne.

Association humaniste du Québec (AHQ)

M. Virard (Michel) : Le micro fonctionne? Le micro fonctionne?

Le Président (M. Ferland) : Oui. Oui, oui.

M. Virard (Michel) : Merci. M. le Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir invités. Je suis Michel Virard, président de l'Association humaniste du Québec, un organisme de bienfaisance reconnu dont la mission est le développement de la pensée critique au sein de la population du Québec. Notre association veille également à défendre les droits des libres penseurs athées et agnostiques, des personnes sans affiliation religieuse déclarée, et qui représentent le second groupe de conviction religieuse en importance au Québec avec, au dernier recensement, plus de 400 000 personnes. L'AHQ a été fondée en 2005 par Bernard Cloutier, ingénieur, Normand Baillargeon, professeur, et moi-même.

En dépit de la Révolution tranquille et de la déconfessionnalisation du réseau scolaire, les athées et agnostiques du Québec sont toujours considérés, par tous les paliers de gouvernement, comme des citoyens de seconde catégorie, la préséance étant toujours donnée implicitement aux citoyens ayant ou prétendant avoir une foi dans une divinité. Par exemple, plusieurs conseils municipaux forcent les athées à révéler leurs convictions intimes en public, ce qui, sous d'autres cieux, serait considéré comme une faute très grave mais continue d'être considéré, ici, comme allant de soi. Autre exemple, les assermentations où les greffiers continuent de proposer un livre sacré en dépit de la loi et forcent donc la personne assermentée à révéler, là encore, sa conviction intime en public. Autre exemple, les propos publics d'un fonctionnaire au ministère de l'Éducation déclarant que, si le cours éthique et culture religieuse ne mentionne pas les athées, c'est parce que le terme est trop négatif. Plus récemment, la décision du Directeur de l'état civil de ne pas nous permettre de célébrer des mariages humanistes reconnus par l'état civil, tels que ceux pratiqués par d'autres organisations à caractère religieux, est, là encore, la manifestation d'une discrimination discrète mais efficace.

Nous avons donc décidé de joindre nos forces avec d'autres mouvements et nous avons ainsi cofondé le Rassemblement pour la laïcité, désormais célèbre avec plus de 61 610 signatures en faveur de la charte de la laïcité à 12 h 20 aujourd'hui. Depuis 2010, nous avons produit plusieurs documents de travail sur la laïcité. La dernière mouture a été réalisée par Lyne Jubinville, ici présente.

Mme Jubinville est informaticienne et secrétaire de l'Association humaniste. Le mémoire dont vous avez pris connaissance, Pour un État véritablement laïque, est en très grande partie l'oeuvre de Daniel Baril, porte-parole de l'AHQ, anthropologue, auteur et codirecteur, avec Daniel Turp, de l'ouvrage collectif Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec. Je lui laisse la parole. Daniel.

M. Baril (Daniel) : Merci. Vous notez, M. le Président, qu'il y a eu erreur dans la présentation des personnes à l'ouverture de la commission.

Le Président (M. Ferland) : C'est quoi, l'erreur?

M. Baril (Daniel) : Les noms que vous avez mentionnés ne sont pas nous.

Le Président (M. Ferland) : Ah! je n'ai pas mentionné de nom, j'ai demandé de vous présenter et les personnes qui accompagnent. Je n'ai mentionné aucun nom.

M. Baril (Daniel) : D'accord.

Le Président (M. Ferland) : Alors, il n'a pas pu y avoir d'erreur. Allez-y, monsieur.

M. Baril (Daniel) : L'Association humaniste du Québec appuie globalement les objectifs du projet de loi n° 60 et ses principales dispositions, notamment l'interdiction des signes religieux ostensibles de la part de tous les employés de tous les organismes publics.

On note que le projet de loi parle de restreindre les signes religieux à caractère démonstratif. Or, on aurait préféré peut-être qu'ils interdisent tous les signes religieux visibles, comme c'est le cas, par exemple, en France. Ça nous a apparu plus conforme à la laïcité, peut-être plus simple d'application. Mais on conçoit… on accepte qu'il s'agit, ici, d'un compromis acceptable de n'interdire que les signes ostentatoires, donc les signes visibles peuvent être autorisés par la loi.

À peu près tout a été dit, là, jusqu'à maintenant, sur les différents arguments à l'appui de cette interdiction. On voudrait quand même attirer l'attention sur certains des arguments qui ont été insuffisamment défendus, à notre avis. Notamment, il s'agit de défendre, de protéger la liberté de conscience de l'usager d'un service public, dans le cas du service public, dans le cas de la laïcité, qui a préséance sur la liberté d'expression religieuse de l'employé. On a dit, on a entendu plusieurs fois que l'interdit des signes religieux privilégie les religions discrètes ou les athées. On ne comprend pas d'où vient un tel argument, qu'on a même vu dans le rapport Bouchard et que Le Jeune Barreau a défendu. En fait, il nous apparaît que c'est l'inverse. C'est la permission d'afficher ostensiblement ses convictions religieuses qui privilégie les croyants qui décident de s'afficher de telle sorte. On crée une surenchère. Tout le monde peut afficher ostensiblement ses convictions, y compris les croyants discrets, y compris les athées. Alors, on demande, nous, la même petite gêne à tout le monde.

L'identité profonde. Est-ce que l'identité profonde construite sur des référents religieux est plus profonde, plus sincère, plus authentique que l'identité construite sans référence religieuse? Alors, on ne voit pas pourquoi la première serait plus fondamentale en droit que la seconde. C'est indéfendable philosophiquement et psychologiquement.

En droit international. On a dit que la charte proposée risque de se heurter au droit international, même le Barreau a ça dans son mémoire, en disant que la démonstration n'a pas été faite. Il y a de la jurisprudence internationale sur le sujet, de la Cour européenne des droits de l'homme, qui autorise l'interdit de signes religieux au nom de la laïcité. On a des exemples, on a une annexe à notre mémoire à ce sujet.

On a par contre plusieurs correctifs à proposer, notamment sur la définition de la laïcité. On trouve que le caractère n'est pas suffisamment affirmé dans le projet de loi. Il est mentionné dans le préambule, on y fait allusion dans l'article 1, mais on a l'impression que la laïcité est conçue comme un élément intrinsèque de l'État. Alors, ce n'est pas le cas. On propose un amendement, une reformulation du préambule et un nouvel article 1 qui dirait que l'État est laïque, il faut l'affirmer clairement dans un article de la loi, et, en vertu de ce caractère, légifère indépendamment des religions et des croyances religieuses. Nul ne peut porter atteinte à cette laïcité, qui s'étend également aux institutions publiques et services publics.

Là-dessus, l'article 1 nous pose problème. On ne voit pas pourquoi on mentionne, là, dans l'affirmation de la laïcité, là… on ajoute les éléments emblématiques du patrimoine culturel et du parcours historique du Québec. On craint que ça puisse servir à maintenir des pratiques contraires à la liberté de conscience, comme les prières dans les assemblées municipales.

On pense que l'interdit des signes religieux dans les milieux scolaires devrait également s'étendre aux élèves. Vous avez entendu ce matin, là, des cas où on fait jurer à des jeunes filles de huit ans qu'elles vont porter le voile à la vie. On a d'autres exemples de ce type-là. En fait, il y a même de l'intimidation entre élèves qui portent ou qui ne portent pas le voile dans les écoles. Alors, on voudrait donner un environnement éducatif, à ces élèves, exempt de toute pression de convictions religieuses, parce que les religions, en fait, enseignent des choses qui sont contraires aux valeurs qu'on retrouve dans nos chartes des droits et libertés.

On pense également que la loi devrait recourir à la clause dérogatoire, ça a été mentionné, on le répète, parce que, d'une part, la Constitution canadienne n'a pas le principe de la laïcité dans ses articles. Non seulement elle ne l'a pas, mais elle est fondée, dans le préambule, sur la reconnaissance de la suprématie de Dieu et, en fait, elle est interprétée en fonction du multiculturalisme canadien, et toute la jurisprudence va dans ce sens. Alors, on craindrait, là, de perdre un cinq ans ici si la clause n'était pas incluse dans le projet.

• (15 h 10) •

Il y a plusieurs omissions également, et on propose que se crée un comité de travail, une table quelconque qui aurait pour fonction de ramasser tout ce qui a été laissé en plan. Parce que la laïcité, ça ne se limite pas au seul interdit des signes religieux de la part des fonctionnaires, il y a mille et une autres choses. On comprend que l'ensemble de la question ne pouvait pas être réglée dans une seule et même intervention. C'est un long processus, c'est une question complexe et qui est toujours à remettre au goût du jour. On le voit en France, le débat se poursuit. Donc, un comité qui verrait à faire le tour de la question, ça pourrait... Ce qu'on énumère ici, dans notre mémoire, rejoint un peu ce que Guy Rocher proposait hier, c'est-à-dire un conseil de la laïcité qui pourrait avoir pour mandat d'examiner tout ce qui reste.

Et une des principales omissions dans le projet, c'est qu'on ne règle pas la question des prières municipales. Même si la cause est portée devant la Cour suprême, rien n'empêche le gouvernement de légiférer et de mettre clairement, dans le projet de loi, un article, qu'on propose ici : «Les organismes publics ainsi que l'Assemblée nationale ne peuvent tenir d'activités à caractère religieux et sont exempts de symboles religieux autres que ceux faisant partie de l'architecture des édifices construits avant l'adoption de cette loi.» Ça dispose en même temps de la question du crucifix de l'Assemblée nationale, qui est un symbole de non-laïcité de l'État. On a voulu, par l'installation de ce crucifix, 1936, marquer l'alliance entre l'Église et l'État. Alors, il y a une distinction peut-être à faire entre ce crucifix et la mention au salon rouge, là, de Dieu et mon Droit, qui fait partie de l'architecture, qui est une gravure, on pense qu'il y a une certaine distinction à faire entre les deux.

Un autre cas, M. Virard en a fait allusion, une omission importante : le Code civil permet aux représentants d'association religieuse de remplir le rôle de fonctionnaire de l'État pour remplir des registres civils de mariage. Cette demande est refusée à des associations comme la nôtre. Alors, il y a une discrimination sur la base de la conviction en matière de religion. On a une plainte devant la Commission des droits de la personne sur cette question, qui est maintenant à l'étape d'enquête. Ça aurait pu aussi faire l'objet d'une inclusion dans le projet de loi. On pourrait le régler par règlement facilement...

Le Président (M. Ferland) : Le 10 minutes est écoulé.

M. Baril (Daniel) : D'accord. Merci. Et tous les autres éléments...

Le Président (M. Ferland) : Alors, sûrement que...

M. Baril (Daniel) : ...au comité d'étude sur... au conseil de la laïcité. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : …avec les échanges. Juste vous mentionner, pour la question que vous avez soulevée au début, c'est : les noms que j'ai mentionnés au début, ce sont les personnes qui vont vous suivre, et non ceux qui...

M. Baril (Daniel) : Oui, c'est ça.

Le Président (M. Ferland) : Alors, voilà. C'est ça. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Très bien. Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup d'être là tous les trois. À la page 3 de votre mémoire, vous soulignez que l'Association du Jeune Barreau de Montréal a laissé entendre — et je cite — que «l'interdit des signes religieux créerait un déséquilibre au profit de l'athéisme», et vous rejetez donc cette prétention. Vous dites que — je cite — «l'acceptation de l'affichage religieux ostentatoire [...] privilégie certaines religions au détriment d'autres religions et d'autres convictions», dont l'athéisme, si je comprends bien. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus, développer un peu cette idée?

M. Baril (Daniel) : Bien, c'est qu'ici on fait... le Jeune Barreau semble... et c'est un argument qu'on entend fréquemment, on semble faire une association entre laïcité et athéisme. Moi, je vous regarde, là, tout le tour de la table, personne n'a de signe religieux ostentatoire. Ça ne crée pas une ambiance d'athéisme, là. Je ne peux pas voir, moi, qui est croyant, qui est athée, qui est chrétien, musulman, Juif ou agnostique. Donc, on ne privilégie pas l'athéisme en demandant de ne pas afficher ses convictions.

Si on veut afficher ses... Si on veut privilégier l'athéisme — là, nos amis du SPQ libre, ce matin, nous ont volé le...

M. Drainville : Le scoop.

M. Baril (Daniel) : ...le scoop du tee-shirt, c'est la journée des tee-shirts — si on veut privilégier l'athéisme, on va accepter que des fonctionnaires, des médecins, des enseignants portent des tee-shirts. C'est celui de l'Association humaniste, Dieu n'existe probablement pas, profitez de la vie. Il y en a des plus expressifs que ça : Je suis athée; libérez-vous de la religion. Voilà qui est... Si on acceptait les signes religieux, il faut aussi accepter ça.

Ce n'est pas ce qu'on demande. Moi, j'ai un signe ostensible, non pas ostentatoire, de l'humanisme. Je travaillais dans un milieu aussi libéral qu'une université, comme journaliste, et je ne le portais pas, bien, même si mes convictions étaient de notoriété publique, parce que ce n'est pas la place pour le faire. Alors, on demande la même petite gêne.

On ne privilégie pas les croyants discrets. Les chrétiens pourraient facilement se mettre à afficher ostensiblement leurs convictions, c'est très facile, porter des croix surdimensionnées ou d'afficher Je suis chrétien, Je suis catholique ou porter un béret blanc.

M. Drainville : Comment vous réagissez lorsque vous entendez des propositions qui sont à l'effet que la neutralité religieuse n'interdise le port de signes religieux que pour certaines fonctions, et non pas pour l'ensemble des agents de l'État, tel que nous le définissons dans le projet de loi?

M. Baril (Daniel) : Dans le projet de loi, vous...

M. Drainville : Parce que, bon, vous savez, autour de la table, on est plusieurs formations politiques. Il y en a qui disent : Bon, bien, ça devrait être seulement les agents coercitifs. D'autres disent : C'est les agents coercitifs plus les enseignants. D'autres disent : Bien, écoutez, on devrait interdire le niqab, la burqa, le tchador sans voter de loi pour autant, mais on ne devrait pas les permettre. En fait, c'est ça, ils ne disent pas : On devrait les interdire, mais : On ne devrait pas les permettre puisqu'il n'y a pas de loi qui accompagne cette restriction. Et puis, par ailleurs, ils disent : Dans le cas des policiers et des agents de détention, ça devrait être au cas par cas, et, pour tous les autres, ça devrait être permis, y compris les juges. Alors, vous voyez, ça, c'est une autre proposition. Nous, la position est claire. On dit : Si tu travailles pour l'État, tu ne devrais pas pouvoir afficher tes convictions religieuses.

Alors, comment vous réagissez quand vous entendez des propositions comme ça, qui segmentent, dans le fond, la proposition de neutralité religieuse, y compris en matière d'apparence, en matière de port de signes, selon les fonctions?

M. Baril (Daniel) : On pense que ça créerait plus de problèmes que ça n'en résoudrait. On créerait de l'inégalité entre les employés de l'État. Il y a sûrement des personnes aussi qui changent de fonction sans être… Dans des petites institutions, établissements, organismes publics, il y a des gens qui remplissent différentes fonctions selon… par des remplaçants, par exemple. On créerait du droit différent en fonction du poste qu'on occupe. Non, on pense que ce n'est pas la bonne solution.

Et qui a un poste en autorité, qui n'en a pas? On pense que tous les fonctionnaires remplissent un poste d'autorité. Ils appliquent la loi. Si moi, je me présente au bureau de l'assurance automobile, mon dossier est incomplet, bien, le fonctionnaire, il est obligé de me refuser, là. Il applique la loi, il a une autorité sur moi. Quelqu'un a mentionné cette semaine les inspecteurs de l'impôt, par exemple, là. Bien, tout fonctionnaire a un rôle d'autorité. Donc, la loi s'applique également à tout le monde. On ne va pas grader la laïcité, même si l'effet n'est pas nécessairement le même partout. Mais la laïcité s'applique à tout le monde.

M. Drainville : Par ailleurs, vous avez fait référence, dans votre mémoire… ou, en tout cas, certainement dans votre présentation, vous avez parlé, et je cite là, de «l'intimidation dans les écoles». Vous avez semblé faire référence à des cas spécifiques, des cas concrets, là.

M. Baril (Daniel) : Oui, on nous a signalé de l'intimidation entre jeunes filles.

M. Drainville : Quand vous dites «on nous a signalé», qui, ça?

M. Baril (Daniel) : Des parents et des enseignants. Ou, en fait, des jeunes filles voilées qui intimident des jeunes filles non voilées en les traitant de salopes et de putains. C'est les mots qui ont été cités par des enseignants. Et ces qualificatifs-là ne s'adressent pas seulement aux jeunes musulmanes. Elles s'adressent à toutes les femmes non voilées.

M. Drainville : …M. Baril, vous pesez l'importance des mots, là. Pour que vous l'utilisiez comme ça, dans une commission comme la nôtre, j'espère que vous avez plusieurs cas, là, qui vous permettent d'affirmer d'une façon aussi catégorique que ces mots-là sont utilisés, là.

M. Baril (Daniel) : On a un témoignage d'un enseignant témoin de ces échanges entre élèves et de parents qui rapportent que leurs filles se font harceler de cette façon. Mme Fourati vous a donné des exemples également, hier ou avant-hier, du serment qu'on fait faire à des jeunes filles de ne jamais enlever leurs voiles. Un autre enseignant m'a signalé le cas d'une jeune fille qui est arrivée dans sa classe, un beau matin, voilée. Alors, il demande : Mais pourquoi tu caches tes cheveux? Ils sont beaux, tes cheveux. C'est le jeune frère qui répond. Il dit : Parce que, si elle l'enlève, elle va être impure. On a eu des cas de tchador chez des élèves dans une école à Laval il y a déjà une dizaine d'années, école publique.

M. Drainville : Des cas de tchador?

M. Baril (Daniel) : Oui, chez des jeunes adolescentes, bien, de 13, 14 ans.

M. Drainville : Ça, c'est des parents, ou des enseignants, qui connaissent votre…

M. Baril (Daniel) : Des enseignants et des parents.

M. Drainville : …qui connaissent l'existence de votre organisme et qui vous appellent ou qui vous envoient des courriels, là? C'est bien documenté, là?

M. Baril (Daniel) : Qui sont membres de groupes qu'on rencontre. On a des débats sur ces questions-là, à l'Association humaniste, au Mouvement laïque, rassemblement… Il y a des parents, dans ces groupes-là, qui nous rapportent ces témoignages-là. Moi, ce que je vous dis…

M. Drainville : Mais qu'est-ce que vous leur dites? Oui, excusez-moi de vous interrompre.

M. Baril (Daniel) : Bien, le cas de l'enseignant et de la jeune fille dont la réponse est donnée par le jeune frère — si elle enlève son voile, elle va être impure — c'est dans un débat public, là, qu'on m'a apporté ce…

M. Drainville : Et ça, c'est une école primaire ou secondaire?

M. Baril (Daniel) : Primaire, à Montréal.

M. Drainville : Et alors qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là? Quand on porte à votre attention des cas comme ceux-là, qu'est-ce que vous répondez?

• (15 h 20) •

M. Baril (Daniel) : Alors, ce sont ces cas qui nous amènent à dire qu'il faut aussi inclure les élèves des écoles primaires et secondaires dans l'interdit de signes religieux ostensibles. Là, on parle de voile, là, mes exemples sont sur le voile. Des jeunes garçons sikhs qui vont finalement s'interdire eux-mêmes certains sports à l'école pour choisir le turban. Alors, on les exclut de la natation ou au hockey s'il faut porter des casques. Ces choses-là sont dans les écoles.

M. Drainville : Vous écrivez… dans votre mémoire, à la page 4, vous mentionnez qu'à votre avis restreindre l'interdit quant au port de signes religieux à certaines fonctions bien précises «réduit — là, je vous cite, là — la laïcité à un principe d'autorité policière» et crée des inégalités de traitement. Qu'est-ce que vous voulez dire par «inégalités de traitement»?

M. Baril (Daniel) : Bien, c'est ce que je répondais tout à l'heure. Inégalités de traitement, certains pourraient afficher leurs convictions religieuses, d'autres, pas. Donc, il y a une inégalité de traitement.

M. Drainville : Vous voulez dire : Entre certaines fonctions et d'autres, là.

M. Baril (Daniel) : Voilà. Voilà, oui.

M. Drainville : Donc, il y aurait des fonctions où on pourrait…

M. Baril (Daniel) : Bon. Mais on pense que la laïcité, ce n'est pas une question de répression ou d'autorité policière. C'est un mode de gestion de l'État et des religions. Donc, police ou pas… C'est que tout ceux qui…

M. Drainville : …vous parlez d'inégalités de traitement, c'est, à toutes fins pratiques, une inégalité de droit, parce que ce serait possible pour certains agents de l'État d'afficher leurs convictions religieuses, et, pour d'autres, ce ne le serait pas. Hein, c'est un peu la même…

M. Baril (Daniel) : C'est le sens de ce que veut dire notre phrase. Et ceux, en fait, qui en font une question d'autorité coercitive, c'est qu'ils refusent le principe de la laïcité, parce qu'ils ont besoin d'une autre raison que la laïcité pour accepter l'interdit du signe religieux. Soit que c'est la police, soit une fonction enseignante, pédagogique, et, quand il n'y a pas ces fonctions-là, bien là, on dit : Il n'y aura pas d'interdit. Donc, c'est qu'on refuse le principe de la laïcité comme étant un élément légitime pour interdire les signes religieux. Ces gens-là l'acceptent en principe mais refusent la pratique. C'est une laïcité chimérique.

Et je répète aussi que l'exemple de la France nous montre que, là bas, on interdit même les signes religieux visibles… Est-ce que tu as des… Michel connaît plus sur les situations françaises.

M. Virard (Michel) : Tous les signes religieux, y compris ceux qui ne sont pas ostentatoires mais simplement ostensibles, sont interdits aux fonctionnaires. Et ça, ça date depuis longtemps, c'est 1905, en France. Oui.

La laïcité aussi, j'oublierais… il ne faut pas oublier que ce n'est pas forcément contre les religions. Dans les procès qui ont eu lieu en France au sujet de la laïcité de l'État, en particulier, il y a eu des procès assez célèbres au début du XXe siècle où c'étaient des instituteurs qui étaient réprimandés, en fait, pour avoir imposé des dictées athées et anticléricales à leurs élèves. Vous voyez que ça se joue dans tous les sens. La laïcité, c'est aussi la protection des gens qui ont une option religieuse et c'est simplement le retrait du religieux de l'État.

M. Drainville : Là, il me reste seulement huit minutes, je veux parler un peu du droit international, je veux parler également des universités et des cégeps, je veux vous entendre là-dessus. Mais parlons un peu du droit international, parce que vous soulevez cette question-là dans votre mémoire, et ce n'est pas un aspect qu'on a beaucoup fouillé jusqu'à maintenant dans cette commission.

Dans votre mémoire, donc, vous parlez de l'arrêt Dahlab contre la Suisse dans lequel la Cour européenne des droits de l'homme a validé une interdiction faite à une enseignante de porter le voile dans le cadre de son enseignement à l'école primaire. Alors, dans cette décision, à la page 12, on dit… Alors, je cite, là, c'est un extrait de cette décision, donc, de la Cour européenne, là, Cour européenne des droits de l'homme, là. Alors, je cite donc un extrait de la décision :

«Comment dès lors pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime à bord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard dès lors qu'il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique qui, comme le constate le Tribunal fédéral — je pense qu'on parle du Tribunal fédéral de la Suisse — est difficilement conciliable avec le principe d'égalité des sexes. Aussi, semble-t-il difficile de concilier le port du foulard islamique avec le message de tolérance, de respect d'autrui et surtout d'égalité et de non-discrimination que dans une démocratie tout enseignant doit transmettre à ses élèves.

«Partant, en mettant en balance le droit de l'instituteur de manifester sa religion et la protection de l'élève à travers la sauvegarde de la paix religieuse, la cour estime que dans les circonstances données et vu surtout le bas âge des enfants dont la requérante avait la charge en tant que représentante de l'État, les autorités genevoises — donc les autorités de Genève — n'ont pas outrepassé leur marge d'appréciation et que donc la mesure qu'elles ont prise n'était pas déraisonnable — cette mesure étant, bien entendu, l'interdiction de porter le foulard islamique, donc, dans la salle de classe.

«…la cour est d'avis que la mesure litigieuse s'analyse en une mesure justifiée dans son principe et proportionnée à l'objectif visé de protection des droits et libertés d'autrui, de l'ordre et de la sécurité publique. En conséquence, la cour est d'avis que l'interdiction faite à la requérante de porter le foulard dans le cadre de son activité d'enseignement constituait une mesure — je cite — nécessaire dans une société démocratique.»

Ça, je trouve ça intéressant, évidemment, parce que ça répond, je pense, à tout le moins, à certaines critiques qui ont pu être adressées envers le projet de loi n° 60 à l'effet que les tribunaux allaient nécessairement le disqualifier. Je pense qu'il faut toujours garder à l'esprit qu'il y a du droit international qui existe et qui justifie, dans une société libre et démocratique, des restrictions en matière de port de signes religieux.

Autre extrait que je veux porter à votre attention, toujours, donc, cette décision, là : «La cour relève, en l'espèce, que l'interdiction, signifiée à la requérante, de ne pas revêtir, dans le seul cadre de son activité professionnelle, le foulard islamique — alors, j'insiste là-dessus, là, "dans le seul cadre de son activité professionnelle", ce qui est prévu par le projet de loi n° 60, soit le port du foulard islamique — ne vise pas son appartenance au sexe féminin, mais poursuit le but légitime du respect de la neutralité de l'enseignement primaire public. Une telle mesure pourrait également s'appliquer à un homme revêtant ostensiblement, dans les mêmes circonstances, les habits propres à une autre [confection].» À une autre confection… je reprends : «à une autre confession — dis-je bien. La cour en déduit qu'il ne saurait s'agir en l'espèce d'une discrimination fondée sur le sexe.» Alors, je pense que tout est dit, ce n'est pas nécessaire d'en rajouter, mais je trouve ça très intéressant que vous ayez porté cette décision-là à notre attention. Ça nous donne l'occasion d'en prendre connaissance, tout le monde ensemble.

Parlons maintenant des universités et des cégeps, si vous me le permettez, parce qu'il y en a qui demandent déjà une exception pour les universités et les cégeps au nom de la liberté académique, au nom de l'autonomie également des institutions d'enseignement postsecondaire. Réaction.

M. Baril (Daniel) : Bien, en fait, je pense que ça a bien été débattu hier avec Martine Desjardins et puis Guy Rocher. La liberté académique, en fait, c'est la liberté d'examiner la discipline de sa spécialité, c'est la liberté du chercheur, et non pas le droit d'exprimer son opinion religieuse ou d'exposer constamment ses convictions religieuses, qui ne sont pas en rapport avec la discipline d'expertise du professeur. Ça, c'est assez clair, c'est très clair.

M. Drainville : Pour vous, c'est clair, pour vous, c'est clair, ça doit s'appliquer aux cégeps et aux universités.

M. Baril (Daniel) : Exactement. Oui. Tout à fait.

M. Drainville : Bon. Vous parlez également du retrait du crucifix de l'Assemblée nationale. Si je vous comprends bien, vous souhaiteriez que ce retrait-là soit prévu par le projet de loi. Sauf que vous êtes conscient du fait que c'est une décision qui n'appartient pas à l'exécutif, qui n'appartient pas au gouvernement. C'est une décision qui appartient au législatif, donc à l'ensemble des législateurs, des élus, des députés donc qui siègent à l'Assemblée nationale. Vous savez qu'on a prévu, dans le projet de loi, qu'au terme de l'adoption de la charte cette question-là soit discutée au Bureau de l'Assemblée nationale, où sont réunis tous les partis reconnus. On sait déjà que nos collègues d'en face, le Parti libéral va s'opposer à ce déplacement donc du crucifix de la Chambre d'Assemblée à un autre endroit dans le parlement. La CAQ est en réflexion là-dessus, et Québec solidaire est plutôt favorable… enfin, est favorable. Vous êtes conscient que ça ne nous appartient pas qu'à nous, là, ça n'appartient pas qu'au gouvernement.

M. Baril (Daniel) : On veut surtout un résultat. Il y a peut-être des technicalités, là, qui nous échappent, mais je sais que l'ancien ministre de la Justice Paul Bégin, récemment, s'opposait à cette façon de procéder. Il disait que ça ne devait pas relever du Bureau de l'Assemblée nationale mais que ça pouvait aussi être réglé par la loi. Il y a peut-être de la technicalité, là, comme je vous dis, qui nous échappe, mais…

• (15 h 30) •

M. Drainville : Ça pourrait être voté par une motion au Parlement aussi, là. Quand je dis que ça appartient aux législateurs... Nous, on suggère, dans le projet de loi, un moyen, un forum, une table où ça pourrait être discuté. Mais effectivement ça pourrait carrément être voté par l'Assemblée nationale. Mais ce que je veux vous dire, c'est que ça n'appartient pas à l'exécutif, ça appartient… c'est une décision qui doit être prise par l'Assemblée, puisque c'est un symbole qui appartient à l'Assemblée.

M. Baril (Daniel) : Y a-t-il eu une motion pour l'afficher?

M. Drainville : Il y a eu une motion... Au terme du dépôt du rapport Bouchard-Taylor, il y a eu une motion qui a été adoptée, déposée par le précédent gouvernement, pour que le crucifix, là, reste en place, oui, effectivement.

M. Baril (Daniel) : Mais pas quand il a été installé.

M. Drainville : Ah! ça, je ne pense pas, non. Mais là c'est 1936. Mais je ne crois pas qu'il y ait eu de décision formelle de l'Assemblée pour accrocher le crucifix à cet endroit.

Il me reste, je pense, très peu de temps, hein?

Le Président (M. Ferland) : Il reste à peu près une minute.

M. Drainville : Oui. Bien, écoutez, juste sur, je vous dirais, le débat, actuellement, que nous avons au Québec, certains disent : C'est trop polarisé. Dans le fond, ils souhaiteraient que ce débat-là se termine le plus rapidement possible. Moi, je suis plutôt d'avis et nous sommes plutôt d'avis que c'était un débat nécessaire qu'il fallait faire et que ce que nous proposons, c'est très important pour maintenant et pour l'avenir. J'aimerais vous entendre, je vous dirais, sur la nécessité d'agir, là, à court terme.

M. Virard (Michel) : La nécessité d'agir est, pour nous, évidente. Chaque année qui passe permet l'implantation de pratiques qui seront d'autant plus difficiles à éradiquer qu'elles auront été en pratique pendant longtemps. Il y a des choses qui ne devraient pas exister et qui existent, nous le savons, et chaque... Et le débat est nécessaire. Il est illusoire de croire qu'on va pouvoir balayer ce genre de problème sous le tapis. Je pense que ça, c'est l'illusion totale. Et je n'ai rien d'autre à rajouter.

Le Président (M. Ferland) : C'était tout le temps qui était à la disposition du parti ministériel. Alors, maintenant, je reconnais le député de LaFontaine, je crois. Allez-y.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Virard, M. Baril, Mme Jubinville, merci pour votre temps, d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Baril et M. Virard dans une rencontre qu'on avait eue, je crois, à l'automne, puis ça avait été, même si on ne partage pas les mêmes opinions, une rencontre, je pense, sereine, intelligente, un bon débat. Et je pense, comme vous le dites, que c'est important d'avoir le débat. Et, chose certaine, j'aimerais vous poser quelques questions pour les, quoi, 16 minutes dont nous avons... 16 minutes, c'est quand même assez court. Alors, je vais essayer de gagner en efficacité.

Premier élément, on parlait du crucifix à l'Assemblée nationale, c'est le 22 mai 2008, et je vais vous lire la motion qui a été — on me confirmera — adoptée à l'unanimité. Alors, 22 mai 2008, à l'unanimité, il a été convenu à l'Assemblée nationale : «…réitère sa volonté de promouvoir la langue, l'histoire, la culture et les valeurs de la nation québécoise, favorise l'intégration de chacun à notre nation dans un esprit d'ouverture et de réciprocité et témoigne de son attachement à notre patrimoine religieux et historique, représenté par le crucifix de notre salon bleu et nos armoiries ornant nos institutions.» Fin de la citation de la motion, encore une fois — ça fait à peine un peu plus de cinq ans — adoptée à l'unanimité, incluant évidemment, à l'époque, les députés du Parti québécois.

Vous avez soulevé peut-être l'importance d'avoir... peut-être de le mettre dans la loi, de le mettre dans la loi plutôt que de pelleter ça, entre guillemets, au Bureau de l'Assemblée nationale. À tout le moins, ce serait un élément où il y aurait davantage de clarté, et les positions de tout un chacun pourraient se faire — j'aimerais vous entendre là-dessus — connaître, plutôt que de dire, comme le dit le gouvernement du Parti québécois : Bien, ça, on aimerait ça, le retirer, mais ce sera plus tard, plus tard… d'avoir le courage de le mettre dans la loi.

M. Virard (Michel) : Écoutez, je pense que ce qui nous intéresse, nous, c'est le résultat, on est pragmatiques. La méthode qui permettra de ranger ce crucifix à l'endroit où il doit être, c'est-à-dire dans un musée, c'est à vous de la décider, ce n'est pas à nous d'en décider. Mais nous pensons que le plus tôt sera le mieux, et que tout retard a un effet négatif sur la proposition de loi n° 60, et que donc, pour nous, c'est important que ce problème soit réglé au plus vite.

M. Tanguay : Je vous remercie pour votre réponse puis je vous remercie pour... Parce qu'il y aura plusieurs petites questions comme ça. Vous parlez également de l'article 11 qui met fin, sauf dans deux exceptions, aux services spirituels. On peut parler des aumôniers, là, je pense que c'est davantage parlant chez les gens qui nous écoutent. De mémoire donc, l'article 11 retire et interdit, qu'on me corrige si j'ai tort, ces services d'accompagnement spirituel, sauf dans deux cas : en prison, donc services correctionnels, dans le premier cas, et, dans le deuxième cas, pour les établissements de santé et services sociaux.

Dans les autres cas, le projet de loi n° 60 du Parti québécois ferait en sorte, entre autres, que l'aumônier de la ville de Québec serait dorénavant interdit. Et, en ce sens-là, on a entendu, entre autres, le maire de Québec qui disait : On a un aumônier à la ville et on va le garder. Il y en a qui ont un psychologue, nous, on a un aumônier qui s'occupe des âmes. Et, plus loin, il parlait du fait... on parlait de… «L'abbé Roy, 52 ans, soutient les employés de la ville de toutes confessions et il intervient tout particulièrement dans des moments difficiles, comme des catastrophes, des accidents, des incendies [et] des deuils.» Le Parti québécois veulent le retirer, ne veulent plus d'aumônier dans la ville de Québec, malgré les effets bénéfiques. Vous, vous voulez faire en sorte que les deux exceptions qui étaient conservées soient balayées du revers de la main. Honnêtement, quel problème on essaie de régler ici?

M. Virard (Michel) : Il y a erreur sur les intentions. Il ne s'agit pas nécessairement d'enlever qui que ce soit, il s'agit de s'assurer que ceux qui paient pour ce genre de service soient de la même confession, c'est tout. Alors, si vous voulez un chapelain, puisque c'est de ça qu'on parle, je pense, qu'il soit de confession catholique romaine, on n'a pas d'objection mais à condition que ce soit les catholiques romains qui paient pour, pas nous, c'est tout.

M. Tanguay : Si la ville et si les autres confessions n'ont pas les moyens, ne peuvent pas, bien, que la ville ne puisse pas clairement... dit autrement, que la ville ne puisse pas retenir ses services, pour que ce soit clair.

M. Virard (Michel) : Ce n'est pas à la ville, c'est-à-dire aux payeurs de taxes en général, de fournir un soutien qui soit aussi coloré de façon religieuse que ce genre de chose. C'était valide il y a un siècle mais plus maintenant.

M. Tanguay : On a cité, un peu plus tôt, c'est intéressant, l'ancien ministre de la Justice du Parti québécois, Paul Bégin, dans le contexte du crucifix, on vient d'en toucher mot. Il aura l'occasion de venir témoigner, comme vous, que, selon lui… Et je veux bien voir qu'on a des divergences d'opinions, vous et moi, moi et Paul Bégin, mais vous vous rejoignez sur un élément important, c'est que ça prendrait une clause dérogatoire. Autrement dit, comme Paul Bégin, puis c'est... vous aimeriez que le gouvernement, vous, aille plus loin, mais au moins, le projet de loi n° 60, vous aimeriez que ce soit un pas qui soit fait, mais vous voyez également l'importance et l'aspect central qu'il devrait y avoir une clause dérogatoire, parce que ce serait contestable en vertu de la charte canadienne et québécoise.

M. Virard (Michel) : Je vous rappelle que la charte canadienne n'a toujours pas été signée par le Québec, c'est quelque chose qui a été imposé de l'extérieur, et, à cet effet, nous avons des doutes, si vous voulez, sur sa légitimité, pas sur sa légalité mais sur sa légitimité. De cette façon-là, la seule façon de contourner ce genre d'obstacle, c'est de donner le pouvoir politique à ceux qui ont le pouvoir politique, et non pas aux juges.

M. Tanguay : Excusez-moi…

Une voix :

M. Tanguay : Allez-y, M. Baril.

M. Baril (Daniel) : Oui. Par ailleurs, ce qu'il faut... Ceux qui disent, qui prétendent que ça ne passerait pas le test de la charte, ce qu'ils ne disent jamais, c'est que, dans toute la jurisprudence canadienne de la Cour suprême, il n'y a pas une seule ligne sur l'interdit des signes religieux dans la fonction publique. Une cause comme telle... Une telle cause n'a jamais été soumise à la Cour suprême. Et, même si elle l'avait été, ça n'a jamais été analysé en fonction du principe de laïcité de l'État. Donc, il y a peut-être une zone, là, où il y a une possibilité de passer dans les mailles, mais c'est jouer risqué, je pense que c'est jouer risqué.

C'est un débat d'experts. Il serait regrettable si on perdait cinq ans et qu'on recommençait un autre projet de loi parce que ça aurait... ça se serait heurté... La Constitution n'a pas été signée par le Québec, il n'y a pas de honte. Et d'ailleurs la clause dérogatoire a été vantée par Jean Chrétien comme étant un succès, là, de l'équilibre des pouvoirs entre le juridique et le politique. Donc, utilisons-la. Utilisons-la, elle est là pour ça.

• (15 h 40) •

M. Tanguay : Sans tomber dans un débat, là, un débat juridique sur la jurisprudence et du Québec et évidemment de la Cour suprême, Cour du Québec, Cour d'appel, quant à la possibilité... on a vu les avis du Barreau, de la Commission des droits. Chose certaine, vous, vous le souhaitez, la clause dérogatoire, Paul Bégin également. Pourquoi le gouvernement n'entend pas raison là-dessus et n'ajoute pas la fameuse clause dérogatoire?

M. Baril (Daniel) : …votre collègue d'en face.

M. Tanguay : Je pourrais vous soumettre des suggestions, mais je ne le ferai pas, parce que je ne voudrais pas qu'on perde trop de temps là-dessus. Mais je pense qu'on commence à voir clair au niveau de la clause dérogatoire.

Vous, dans votre… Et, encore une fois, on ne s'entend pas, mais, à la page 14 de votre mémoire, et je trouve ça honnête intellectuellement, même si je n'emprunterais pas, moi, cette voie-là, vous parlez d'un groupe de travail, à votre 12e recommandation, page 14, vous parliez de la nécessité d'avoir un groupe de travail indépendant — j'ajoute le mot «indépendant» parce que je présume que c'est la mission que vous vouliez lui donner — «chargé de faire une analyse exhaustive de tous les aspects liés à la laïcité dans la législation québécoise et laissés en plan par le projet de loi n° 60». Donc, vous, groupe de travail indépendant pour juger des autres implications et de la mise en oeuvre, si vous voulez, de la laïcité.

Comment recevez-vous, vous, la proposition du projet de loi n° 60, à l'article 33, qui va dans ce sens-là mais à une seule différence près, c'est que votre expert indépendant, imaginez-vous — vous êtes bien assis? — ce serait le ministre du Parti québécois? L'article 33, et je le lis, du projet de loi n° 60 : «Le ministre propose au gouvernement toute mesure appropriée portant sur la neutralité religieuse et le caractère laïque de l'État», et, au troisième alinéa, on dit même : Il fournit son expertise et sa collaboration aux organismes. Comment recevez-vous cette proposition du projet de loi extrêmement douteuse?

M. Baril (Daniel) : Bien là, je vous laisse le qualificatif. Mais l'expertise du ministre peut venir d'un comité-conseil, là. Au Conseil supérieur de l'éducation — j'ai été membre du Conseil supérieur de l'éducation — on conseille le ministre. Je pense que ça, ce n'est pas contradictoire avec ce que proposait Guy Rocher.

Donc, le mandat pourrait être ce que nous, on demande. On n'a pas pensé à un conseil de ce type-là. Mais ce qu'on trouve important, c'est que plein d'autres dimensions restent en plan après ce projet-là. On pense que c'est un morceau important, O.K.? On sait que le Parti libéral veut aussi lutter contre l'intégrisme, c'est important. Tout projet de loi qui aurait pour fonction de lutter contre l'intégrisme inclurait les principales dispositions du projet de loi n° 60. Donc, on les accepte, même si ce n'est pas complet.

M. Tanguay : Et, même si on n'est pas d'accord là-dessus, je pense que vous envoyez un signal clair au ministre de changer ça. Parce que, quand il dit : «Les fonctions du ministre» et «la responsabilité du ministre», ça ne laisse pas beaucoup de place à essayer de glisser un comité indépendant entre ça. Alors, je pense que votre message…

M. Baril (Daniel) : Nous, on a une suggestion, et puis c'est… Voilà.

M. Tanguay : Je pense que votre appel à la raison a été clairement lancé.

Également, j'aimerais vous entendre, justement, sur la division que cela… Encore une fois, on peut être d'accord ou pas d'accord, mais force est de constater qu'il y a une grande division sur cet interdit de port des signes religieux au Québec. La nécessité, puis nous en sommes tous, là, au Québec, d'avoir un minimum de consensus qui, dans un cas aussi fondamental, que l'on soit pour ou contre... et que l'on décide pour nos concitoyens, concitoyennes, qu'il y ait un minimum d'adhésion, et de cohérence, et de cohésion sociale. Alors, vous, j'imagine, et j'aimerais vous entendre là-dessus, vous le souhaiteriez, j'en suis convaincu. Et comment vous, le débat, l'auriez-vous articulé pour atteindre ce nécessaire consensus?

M. Virard (Michel) : La question d'avoir nécessairement un consensus, on peut dire qu'un consensus est désirable, il n'est pas absolument nécessaire. Il y a des cas où il est impossible d'obtenir un consensus. Si vous essayez de faire un consensus sur ceux qui préfèrent conduire à droite puis ceux qui préfèrent conduire à gauche, vous n'aurez pas de consensus. Désolé, il y en a qui veulent toujours conduire à gauche, il y en a qui veulent toujours conduire à droite. Donc, vous ne pouvez pas… C'est un souhait… Je dis : C'est un souhait humaniste, on préfère convaincre que d'imposer. Mais, lorsqu'on arrive au bout du débat et qu'il n'y a toujours pas de consensus, il faut cependant légiférer. Alors, on n'a pas le choix, c'est tout.

M. Tanguay : Le ministre a pris soin de citer… Et on l'entend beaucoup dire ces jours-ci que c'est un choix politique et que le juridique a une certaine importance mais ne devrait pas occuper la place qu'il occupe, peut-être, dans le débat présentement. Ce qui est assez intéressant, c'est de voir que, néanmoins, sur la sphère… ou de la sphère juridique, le ministre se rabat non pas sur l'opinion du Barreau ou de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse mais, davantage, préfère nous citer de la jurisprudence européenne. Il parlait tantôt d'une entité qui venait de la Suisse et de la Cour européenne. Que répondez-vous à l'affirmation de la Commission des droits de la personne, qui a basé, elle, son analyse juridique pas sur ce qui se passe en Suisse ou en Europe mais sur ce qui se passe ici, au ras des pâquerettes, qui disait : «Les données…» Et je la cite, en page 11 de son opinion, qui dit, en passant, que ça ne tient pas du tout la route, cette interdiction-là, en vertu du droit québécois et canadien : «…les données d'enquête et du service-conseil en accommodement raisonnable recueillies par la commission ne rapportent aucune situation dans laquelle le port de signes religieux par un employé de l'État aurait menacé le principe de neutralité religieuse.» Fin de la citation. Comment vous, recevez-vous cette affirmation très claire de la commission, qui, elle, est, ici, dans notre réalité et qui a basé notamment là-dessus son opinion, très claire, à l'encontre du projet de loi n° 60?

M. Virard (Michel) : Le fait qu'il n'y ait pas de témoignage direct ne signifiait pas forcément qu'il n'y a pas de problème. Je voudrais prendre pour exemple ce qui s'est produit en France avec la commission Stasi. Le philosophe Henri Peña-Ruiz était un membre de la commission Stasi, un membre important, et le comité — c'était en 2004 — était divisé sur la question des signes religieux interdits ou non aux élèves des écoles primaires et secondaires en France. Donc, le problème, c'est qu'il n'y avait pas, effectivement, non plus, beaucoup de réclamations. Mais ils ont pris la peine de recevoir en secret les témoignages des jeunes filles musulmanes de ces écoles, et c'est ce qui a fait changer d'opinion et basculer la commission Stasi. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui il est interdit aux élèves du secondaire et du primaire, en France, de porter des signes religieux. Donc, vous ne pouvez pas vous fier seulement aux cas documentés et qui sont arrivés devant les tribunaux, c'est insuffisant.

M. Baril (Daniel) : Et j'ajouterais…

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, oui.

M. Baril (Daniel) : …aussi que, bien, en fait, l'avis du Barreau n'est basé sur aucune jurisprudence puisque des tels cas n'ont jamais été présentés à la cour. Ça traite de d'autres situations que l'interdit de signes religieux dans la fonction publique. Ça n'a jamais été soumis. Et, l'exemple du ministre, on l'a dans notre mémoire, sur le droit international, parce que le Barreau dit que, sur le droit international, la démonstration reste à faire. C'est étonnant d'entendre ça, là, de la part d'avocats qui s'intéressent aux questions de laïcité, qui n'ont pas vu la jurisprudence internationale, européenne, ça se... Ce n'est pas inopportun, là, la jurisprudence européenne. L'article de la liberté de religion dans la charte européenne, c'est le même que dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. C'est beaucoup plus précis et détaillé que notre simple énoncé de droit à la liberté de religion dans nos deux chartes. Et, malgré le détail qu'il y a là, ils ont dit oui à plusieurs cas. On a cité le cas Dahlab, et il y a d'autres éléments aussi, ça s'est appliqué à la Suisse et les enseignantes en Allemagne. C'est eux qui avancent le droit international, donc allez le voir, le droit international.

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, le temps étant écoulé pour la partie... Je sais que la députée de Bourassa-Sauvé aurait aimé... mais on vous susurre à l'oreille régulièrement le temps qui reste, alors moi, je vais vous laisser gérer le temps, peu importent les partis, O.K.? Alors, je reconnais la députée de Montarville. À vous la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Mme Jubinville, M. Baril, M. Virard, je vous salue. Merci pour votre mémoire. Je trouve ça intéressant d'entendre votre association qui se veut, et c'est écrit au début de votre mémoire, la voix des athées et des agnostiques. Et je pense que c'est important de répéter que, selon les chiffres que vous nous fournissez, athées et agnostiques, c'est près de 12 % de la population au Québec, alors c'est beaucoup de monde. Avez-vous des chiffres plus récents à cet égard-là?

M. Virard (Michel) : Je préfère préciser que, dans ceux qui se déclarent sans religion, il n'y a pas seulement que des athées et agnostiques. Manifestement, il y a des gens qui ont toutes sortes de croyances, mais ils n'appartiennent à aucun culte. Donc, c'est plus vaste que ça.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Et ils font partie du 12 %, là. D'accord. Cela dit, c'est quand même un groupe important et qui a tendance à...

M. Virard (Michel) : À grandir.

Mme Roy (Montarville) : ...à grandir, voilà, au fil des années. Voilà. «Doublé en 10 ans», c'est ce qui est écrit dans le mémoire d'ailleurs.

Donc, je partage avec vous plusieurs points en commun, naturellement la laïcité de l'État et... Bien, j'aimerais vous entendre, puisque mon temps imparti est assez limité, j'aimerais vous entendre à l'effet que vous êtes favorables, entre autres, vous en parlez, en vertu du droit international, à l'interdiction de port de signes religieux. On parle dans les écoles, mais vous ne parlez pas uniquement pour les enseignants, vous dites également : Pour les enfants, pour les élèves primaires, secondaires. Et, j'imagine, peut-être cégeps, universités, pour le Québec? Ou uniquement plus jeunes, primaires secondaires?

• (15 h 50) •

M. Virard (Michel) : Pour le primaire, secondaire, universitaire et pour les garderies.

Mme Roy (Montarville) : À la grandeur de l'appareil de l'éducation?

M. Virard (Michel) : Oui.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Donc, vous êtes en faveur de cette interdiction de port de signes religieux chez les élèves.

Maintenant, ma question est la suivante : Dans tous les cas de figure, donc, pour cette interdiction, c'est au nom de quel principe, dans le p.l. n° 60, qu'on pourrait justifier cette interdiction de port de signes religieux chez les élèves, puisque l'esprit de la loi — et même vous l'avez répété, le ministre l'a répété — c'est d'interdire, entre autres, le port de signes religieux pour les employés de l'État, les agents de l'État? Alors, comment est-ce qu'on peut justifier dans ce cas-là pour les élèves?

M. Virard (Michel) : La protection… Bon, on peut commencer déjà par la convention sur la protection de l'enfance, quelqu'un l'avait assignée également. Vous pouvez aller à l'article 14, ce qu'on en dit, sur la liberté de religion des enfants à partir d'un certain âge. Donc, il y a déjà cet aspect-là qui fait qu'on ne peut pas laisser faire des choses, à l'intérieur de l'école, qui vont influencer négativement la liberté de conscience des élèves. Or, dans les éléments qui peuvent jouer contre la liberté de conscience des élèves, il y a l'intimidation par des coreligionnaires qui peuvent avoir des visions très différentes de la même religion et qui vont tenter d'imposer — c'est de l'intimidation — leur vue à ces élèves. Le moyen qu'en fait la commission Stasi — pour en reparler — en France, a trouvé, c'est, en fait, d'interdire tous les signes religieux à l'école, ce qui diminue évidemment considérablement la pression, puisque tout le monde est rendu au même point, pour les élèves.

Mme Jubinville (Lyne) : Oui. Je voudrais ajouter aussi, comme Mme Desjardins l'a mentionné hier, que les enfants n'ont pas nécessairement atteint la maturité pour faire des choix pour eux-mêmes et puis qu'ils peuvent simplement répondre à des pressions de leur communauté. On parlait de la cérémonie du voile pour les jeunes filles. Alors donc, en ce sens-là, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas que ces enfants-là soient stigmatisés, puis on parle de très jeunes enfants jusqu'à la fin du secondaire, pour dire que justement on veut empêcher ces enfants-là d'avoir à répondre à ces pressions-là, donc que l'école soit neutre pour tout le monde puis que tout le monde puisse y aller de la même façon, que personne ne soit stigmatisé.

Mme Roy (Montarville) : Vous…

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, c'est tout le temps qui était…

Mme Roy (Montarville) : Merci.

Le Président (M. Ferland) : …je reconnais le député de Blainville.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. D'entrée de jeu, vous nous indiquez… et je comprends bien que c'est en raison de plusieurs éléments qui vous semblent importants, qui ne sont pas inclus dans la charte, vous nous dites : Bien, on semble peut-être un peu abusif de qualifier ce document-là de charte, on dirait plutôt que c'est une réglementation de port de signes religieux, parce qu'il manque plusieurs éléments, vous en avez mentionné quelques-uns. J'aime bien souligner… j'allais dire «les nouveautés», parce qu'il y a beaucoup de choses qui se recoupent parfois, et c'est correct, c'est bien ainsi parce que ça nous donne, en tout cas, le poids d'une mesure dans la société, ce que la société pense.

Vous amenez deux éléments, un, en tout cas, qui m'apparaît assez nouveau, que vous dites qu'il vaudrait la peine de le regarder, c'est la contradiction entre la loi qui existe sur l'abattage des animaux sans cruauté et l'abattage rituel, je vais l'appeler ainsi. Et on n'en a pas beaucoup parlé, en tout cas je pense que c'est la première fois qu'on vient de nous parler de ça, j'aimerais peut-être vous entendre sur ce point-là. Et, s'il nous reste du temps, j'aimerais que vous me clarifiez, à la fin, un petit peu plus, peut-être par un exemple, l'amendement que vous proposez à l'article 366 du Code civil. Mais commençons par l'abattage d'animaux, parce que je pense que personne n'est venu nous parler d'abattage rituel.

M. Baril (Daniel) : J'ai cru voir sur la liste que quelqu'un allait venir spécifiquement sur ce point-là. Mais, en fait, vous avez une loi qui vise à limiter la souffrance animale au moment de l'abattage. Donc, c'est une loi humaniste, animaliste. On ne comprend pas pourquoi on pourrait exempter des abattoirs de l'application de ce principe pour des raisons religieuses. On a vu, dans des textes français et belges, qu'en Europe c'est devenu la majorité des abattoirs qui procèdent de cette façon-là. Donc, la loi est rendue inopérante. Si on veut limiter la cruauté envers les animaux, on ne peut pas en même temps dire : Bien, allez-y si votre croyance religieuse vous autorise à être cruel envers l'animal. Ça n'a aucun sens. Donc, c'est une exemption qui court-circuite la loi.

M. Ratthé : Il ne s'agirait pas là d'une incursion dans, justement, la liberté de pratique religieuse? Parce qu'actuellement on est plus dans l'État, la fonction publique, les signes ostentatoires. Là, ce que vous nous suggérez, est-ce qu'on ne pourrait pas s'opposer à ça en disant : Bien, un instant, ça fait partie des pratiques religieuses?

M. Baril (Daniel) : Bien, voilà, une des fonctions d'un État moderne, c'est de faire avancer ces principes-là et de donner… d'exercer une pression envers l'avancement des valeurs humanistes. Ce n'est pas les religions qui mettent de l'avant et qui défendent, au premier chef, l'humanisme et les traitements sans cruauté envers les animaux, là. Il y a des organismes aussi qui demandent que des droits quasi humains soient accordés aux animaux, donc des choses qui se discutent, mais ça n'émane pas des religions.

Sur l'article du Code civil, c'est que le Code civil donne d'office aux gens désignés par les religions ou les associations religieuses le pouvoir d'exercer une fonction qui appartient aux fonctionnaires du registre civil en administrant les mariages, donc en remplissant les registres de mariage. Nous, on est une association d'agnostiques et d'athées, donc, qui représentons aussi des citoyens sur la base d'une conviction dans le domaine du religieux, et on nous refuse ce droit d'office qui est donné aux représentants d'organisation religieuse. Donc, il y a une discrimination en fonction de la religion.

Et notre plainte est reçue à la Commission des droits de la personne. Or, le problème aurait peut-être pu se régler uniquement par réglementation, par réglementation d'avoir une interprétation un peu plus libérale de l'article 366 du Code civil, sinon de l'amender pour qu'on donne les mêmes droits à tout le monde, on ne demande pas de retirer ce droit-là aux organisations religieuses, en fait tout organisme, et pourquoi pas un club de pêche. Moi, j'ai été marié par mon fils. Il y a des dispositions qui nous permettent de ne pas recourir aux religions. Mais la discrimination qui est faite, c'est qu'on le donne d'office aux représentants d'organisation religieuse et non pas aux représentants d'organisation agnostique ou athée.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà. Malheureusement, le temps étant écoulé, alors, madame, messieurs, je vous remercie pour votre mémoire, le temps que vous avez consacré à le préparer et à venir le présenter.

Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre à Mme Jocelyne Robert de venir prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant Mme Jocelyne Robert, en vous mentionnant, bien sûr, comme tout le monde, que vous avez 10 minutes. Et vous voyez de la manière que je préside, je fais respecter quand même, mais il y a quand même un échange de 50 minutes avec les parlementaires après. Alors, Mme Robert, la parole est à vous.

Mme Jocelyne Robert

Mme Robert (Jocelyne) : Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. Mmes les députés, je vous remercie de m'accueillir. C'est assez rare que la pensée politique d'une sexologue soit entendue, et ce, malgré le fait que la sexualité soit éminemment politique. À preuve, cette notion d'égalité des sexes qui constitue l'un des principes fondateurs du projet de loi dont on bavarde ensemble cet après-midi.

Je suis devant vous à titre personnel, en tant que citoyenne engagée dans sa communauté. Et c'est sûr que c'est un mémoire peut-être un peu intimiste que j'ai soumis. Et c'est aussi d'une manière un peu intimiste que je vais partager avec vous surtout sur un aspect qui a été peu ou pas abordé dans le débat sur la place publique, celui de l'impact sur le développement de l'enfant du fait d'être entouré, accompagné de personnes qui portent des signes religieux. Je vais parler surtout de ça, parce que, ça, je connais bien.

J'ai développé, depuis une trentaine d'années, une expertise en éducation à la sexualité auprès des enfants de zéro à 100 ans. À ce titre, j'ai été appelée à aider, à former, à accompagner des enfants, des adolescents, des parents, des enseignants, des éducateurs, éducatrices en garderie, du personnel du milieu de la santé à peu près partout au Québec et ailleurs en Europe, particulièrement, bien sûr, dans la francophonie. J'ai donc eu l'occasion d'intervenir auprès de milieux multiethniques, à rencontrer, à composer avec toutes les panoplies de valeurs liées aux cultures et aux religions.

Et je vais commencer, en fait, en faisant avec vous ce que je fais chaque fois que je me trouve devant un groupe, ou à peu près : essayer de préciser l'objectif premier de l'éducation à la sexualité, parce que la vision de l'éducation à la sexualité, elle est souvent très factuelle et très réductrice. Et cet objectif, c'est de développer la fierté d'être en tant que femme et en tant qu'homme chez le petit enfant, des tout-petits, développer la fierté d'être un garçon ou une fille. C'est l'objectif ultime d'une saine éducation à la sexualité.

Il n'y a pas d'éducation à la sexualité qui soit efficace sans passer par le développement de l'estime de soi, de l'estime de soi en tant qu'être sexué. Et comment ça fonctionne tout ça? Ça fonctionne de deux façons. Il n'y a pas 56 façons d'aider les enfants à grandir avec leur être sexué et sexuel, il y en a deux : il y a les mots et le langage que l'on utilise pour nommer les composantes liées à la sexualité et il y a la modélisation. Ce que j'appelle la modélisation, c'est le message implicite transmis par les hommes et les femmes qui entourent l'enfant en étant simplement ce qu'ils sont et comme ils sont.

L'enfance est une étape cruciale. Pourquoi? Parce que c'est là que se jettent les bases d'une identité sexuelle, d'une identité de genre saine et solide. Simplifions en disant que l'identité de genre, c'est la conscience d'être un garçon ou une fille, c'est le développement du sentiment d'appartenance au groupe des hommes, au groupe des femmes et c'est l'acquisition, l'identification aux fonctions qui sont dévolues à ces deux sexes-là. C'est un processus, l'identification, par lequel l'enfant intègre les caractéristiques de son sexe, telles que définies et présentées par son milieu. Et ça, ça se passe fondamentalement entre deux et six ans. L'enfant se structure, d'une certaine façon, en incorporant quelqu'un d'autre. C'est-à-dire que le lien de confiance, le lien affectif va le pousser à vouloir non seulement faire, mais à vouloir être comme la figure parentale de son sexe. Les premiers modèles, bien sûr, ce sont les parents. Mais les enfants puisent énormément et, je dirais, de plus en plus dans l'entourage pour trouver des figures identificatoires.

Ce qui m'amène, vous l'aurez deviné, à vous parler du voile, puisque c'est ce signe religieux qu'on rencontre dans les milieux d'éducation et d'accompagnement des enfants et des petits-enfants. Et là j'insiste, j'insiste pour dire que je tiendrais exactement le même discours à l'égard de n'importe quel signe religieux de n'importe quelle religion, crucifix inclus. C'est celui-là qui est visible auprès de la clientèle dont je vous parle. Tous les signes visibles, vêtements ou objets, symboles religieux, transmettent forcément un message quant au statut et à la qualité de la personne qui les affiche et, bien sûr, quant au statut et à la qualité des personnes qui les promeuvent, ces signes-là. Ne l'oublions pas, c'est au contact des adultes qui l'entourent que l'enfant intériorise ce qu'il en est d'appartenir à un sexe et comment se comportent les messieurs dames auxquels il s'identifie, soit par similitudes soit par complémentation.

Les questions que je pose ont été, selon moi, escamotées, en tout cas dans le débat public, au profit de propos un peu simplificateurs. Comme par exemple : L'essentiel n'est-il pas que les enfants soient accompagnés en garderie par des femmes aimantes? Eh bien non, pas tout à fait. Il faut aussi se demander ce que les enfants, eux, perçoivent, par exemple, du voile. Comment le traduisent-ils? Comment celui-ci façonne-t-il leur perception de la féminité et de la masculinité? Il est indéniable que le fait de côtoyer quotidiennement, par exemple, des femmes voilées a une incidence sur la représentation que se fait l'enfant de l'être féminin et du corps féminin.

Je vais vous raconter quelques bouts de l'histoire que l'enfant se fait raconter quotidiennement, inlassablement, par le voile de la personne qui le porte : Il y a une différence importante entre les hommes et les femmes — et vous aurez compris que je ne fais pas référence là aux XX, XY de la biologie; les femmes doivent se comporter différemment, et plus différemment encore en présence d'hommes; le corps de la femme, en tout ou en partie, est emprisonné, alors que celui de l'homme est libre; la femme baisse les yeux au passage de l'homme; la femme n'est pas autorisée à sentir le vent dans ses cheveux. L'éducatrice aura beau être aimante, merveilleuse à plein d'égards, elle aura beau être consciente ou même inconsciente de l'histoire racontée par son voile, elle n'a aucune prise sur celle-ci, qui est inoculée de manière subliminale à l'enfant.

Entre trois et six ans, les enfants sont fascinés par la différence des sexes. Ça fait partie de leur développement. Donc, ils découvrent et ils explorent. Et cet intérêt remplit une fonction qui va bien au-delà du jeu et de la curiosité. À travers cet intérêt, cette fonction, l'enfant apprend à socialiser, à se rassurer, à mieux s'identifier. Que répond l'éducatrice au bambin qui lui demande pourquoi elle porte le voile et pas son mari? Que dit-elle à la gamine qui veut savoir pourquoi elle ne sert pas la main de son papa? Comment elle répond aux questions sur la sexualité? Comment il rentre, le bébé, dans le corps de la maman? Pourquoi il y a des monsieurs qui aiment d'autres monsieurs? Un clitoris, ça sert à quoi? Ce sont des questions très fréquentes chez les enfants.

Le voile est un symbole religieux qui envoie un message d'inégalité entre les hommes et les femmes dans une société qui prône l'égalité entre les hommes et les femmes. L'accepter équivaut à cautionner un double discours, à cautionner les messages doubles, troubles, ambivalents et anxiogènes.

À ceux et celles qui prétendent qu'interdire les signes religieux équivaut à souhaiter, ou presque, que des femmes perdent leurs emplois, je dis : Soyons sérieux. Je souhaite du fond du coeur qu'aucune femme ne perde jamais son emploi en raison de sa religion. Et, si l'éducatrice en garderie ignore le b. a.-ba du développement psychosexuel de l'enfant, enseignons-le-lui et ayons confiance qu'ensuite elle laissera son voile à la porte de la garderie si sa préoccupation première est de favoriser le plein épanouissement de l'enfant. Contrairement à ce que certains ont l'air de croire, dans une société qui lutte contre les stéréotypes sexuels et sexistes, le port du voile n'est pas une banale affaire vestimentaire dont les enfants devraient s'accommoder.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Ferland) : Alors, Mme Robert, je dois vous arrêter là, mais vous aurez 50 minutes, j'imagine, pour…

Mme Robert (Jocelyne) : D'accord.

Le Président (M. Ferland) : …par ricochet, continuer à expliquer. Donc, je cède la parole à vous, M. le ministre.

M. Drainville : Si je peux me permettre, Mme Robert, est-ce que vous approchiez de la conclusion?

Mme Robert (Jocelyne) : Oui, j'approche de la conclusion.

M. Drainville : Bon bien, allez-y donc. Je vais vous le…

Mme Robert (Jocelyne) : D'accord.

M. Drainville : Je vous prête mon temps.

Mme Robert (Jocelyne) : Eh bien, vous êtes… J'apprécie beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Vous êtes sur le temps du ministre, allez-y.

Mme Robert (Jocelyne) : Alors, je disais donc que, dans une société qui lutte contre les stéréotypes sexuels et sexistes, le port du voile n'est pas une banale affaire vestimentaire, parce que nous vivons dans un monde, et les lieux d'éducation sont des lieux névralgiques d'acquisition des principes d'égalité, de dignité entre les hommes et les femmes. Dire qu'être en faveur d'une charte de laïcité est faire preuve de xénophobie, c'est une aberration. C'est presque comme si je disais qu'être contre la charte équivaut à souhaiter le renvoi des femmes sous leurs voiles et à leurs chaudrons. Nier la montée de l'intégrisme dans le monde dont on fait partie, c'est aussi inimaginable pour moi. Il y a de nombreux indices de retour en arrière. Il y a de nombreuses menaces quant aux acquis des droits des femmes. Et je pense qu'il ne faut pas faire preuve d'aveuglement.

On dit souvent, et ça, c'est important, je l'ai tellement entendu, c'est une des raisons pour lesquelles je suis là, que cela porte atteinte à la liberté d'expression et aux libertés individuelles, d'interdire, par exemple, le voile. Mais qu'en est-il de l'atteinte au droit fondamental de ne pas être exposé à des signes représentatifs de religions qui infériorisent les femmes, qui tolèrent, et là, je ne vous énumérerai pas ma liste, parce qu'elle est longue, mais qui tolèrent, bon, agressions sexuelles, mutilations génitales, qui criminalisent les minorités sexuelles, etc.?

Et je ne comprends pas les réactions, parfois qui me semblent des réactions de vierges offensées, à l'idée d'interdire des signes religieux durant les heures de travail chez ceux et celles qui sont dans des fonctions que j'appelle, moi, d'autorité aidante, hein, d'autorité aidante, des lieux où la neutralité est bien plus que souhaitable, mais absolument nécessaire au respect de l'être humain qui reçoit les services. Dans ces lieux-là, je crois que le seul signe ostentatoire recevable est celui de notre humanité.

Et les valeurs humanistes d'égalité et de laïcité transcendent, selon moi, les valeurs des sous-cultures et des religions. Et, dans le «sous», il n'y a pas d'élément péjoratif, vous l'avez bien compris. Tout le monde connaît le principe voulant que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Je pense que cela vaut aussi pour la liberté d'expression, plus encore si cette dernière s'exerce au détriment du développement égalitaire des personnes et de la liberté de conscience. Merci beaucoup. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Alors, M. le ministre.

M. Drainville : Merci, Mme Robert. J'aimerais ça qu'on… Je trouve que vous avez très, très bien résumé, dans votre exposé, la première partie de votre mémoire. J'aimerais qu'on discute davantage de la deuxième partie. Vous appelez ça Les cinq arguments des chartophobes. Je n'endosse pas ce terme-là, en tout respect, mais vous voulez dire les cinq arguments des personnes qui s'opposent à la charte, bien entendu. Et vous commencez par dire, premier argument qu'on entend : En interdisant le voile, on fait perdre leur emploi aux femmes. Vous y avez fait allusion, à cet argument-là.

Mme Robert (Jocelyne) : Oui, j'y ai référé.

M. Drainville : Mais je veux citer un extrait de votre mémoire. Vous dites : «…pourquoi donc présumer que les femmes concernées refuseront d'enlever leur foulard? [...]Les antichartes ne connaissent donc aucune femme qui pourrait avoir besoin, ou envie, d'une invitation pour enlever ce qu'elles ressentent comme une chape de plomb sur leurs épaules? Moi, si. [Moi, j'en connais, de ces femmes].» J'aimerais ça que vous nous en parliez, de ces femmes, justement, qui vont peut-être être soulagées qu'on leur donne un espace pendant lequel elles peuvent effectivement retirer leurs voiles ou leurs signes religieux si…

Mme Robert (Jocelyne) : Oui, oui, mais… voilà.

M. Drainville : …parce que ça pourrait être un autre signe religieux, exactement.

Mme Robert (Jocelyne) : C'est une question qui est extrêmement délicate parce que c'est très facile de déraper et de dire : Bon, bien, voilà, pourquoi est-ce qu'on déciderait pour elles? Qu'est-ce qu'on a à… Pourquoi ne pas leur laisser leur cheminement dans leur quête d'émancipation, etc.? Sauf que, moi, pour travailler, pour avoir beaucoup, beaucoup travaillé et rencontré de jeunes femmes surtout, mais des femmes aussi, sur des terrains vraiment intimistes, hein, de la réalisation de soi, de la quête d'affirmation de soi comme femme, à de nombreux égards, on rencontre très souvent, surtout chez les jeunes filles, cette presque attente qu'on leur rappelle leur liberté, hein, qu'on leur rappelle leurs droits, leurs droits fondamentaux, dans nos sociétés, de décider ce qui est bon pour elles et ce qu'elles souhaitent. C'est dans cet esprit-là que je pense qu'il faut envisager cette démarche-là, et non pas dans l'esprit de dire : Bon, voilà ce qui est bon et juste. Moi, j'ai la vérité. Viens, je vais te dire comment on fait ça. Ce n'est pas ça du tout.

J'ai un exemple qui me vient en tête, qui est peut-être un peu délicat à raconter, mais, bon, c'est une jeune fille qui consulte parce qu'elle a une inquiétude de santé liée à une sexualité marginale, sexualité un peu marginale qu'elle vivait parce que sa religion lui imposait fortement d'être… de rester vierge. Alors, sans entrer dans les détails, elle se prêtait à plein d'autres exercices sexuels. Et je lui ai demandé si elle les désirait, ces activités-là. Elle m'a dit : Bien, non. Bien, j'ai dit : Tu as le droit de dire non.

Et moi, je respecte des valeurs religieuses qui aspirent à ce que les femmes soient vierges jusqu'au mariage. Si c'est ta volonté, si c'est ce que tu veux, c'est ton choix. Mais tu as aussi le droit de ne pas te prêter et te soumettre à d'autres types d'activités pour préserver une obligation qui est religieuse, hein? La liberté sexuelle, c'est au-delà de la religion, et, dans mon esprit, dans un esprit humaniste, c'est simplement le contraire de se soumettre. Et, bon, c'est un exemple parmi d'autres pour dire que, oui, on rencontre souvent, et je ne suis pas la seule, des personnes qui souhaitent qu'on leur rappelle qu'elles ont des droits autres. Et, une fois qu'elles connaissent bien tous ces droits, si elles choisissent les préceptes qui appartiennent à leur culture et à leur religion, bien, c'est leur décision.

M. Drainville : Par ailleurs, je veux citer un autre extrait de votre mémoire, où vous dites : «Dans le débat qui a fait rage, j'ai parfois eu l'impression de me retrouver dans un épisode des Bobos, avec Étienne et Sandrine Maxou se gargarisant d'une potion de petites fleurs bleues, se délectant de l'image, que dis-je, du mirage de leur grande âme : Voyez comme nous sommes beaux, bons et amoureux des autres cultures! Voyez comme ces prochartes sont laids, mauvais et ceintures fléchées!»

Et là vous ajoutez : «Plus sérieusement, comme l'affirmait le Conseil du statut de la femme en 2011, l'argument voulant que l'interdiction du port de signes religieux mine l'intégration des néo-Québécoises et néo-Québécois est — et vous citez la commission des droits — "fallacieux puisqu'il suppose d'abord que les personnes immigrantes sont croyantes et pratiquantes à un point tel qu'elles souhaiteraient manifester leur foi durant le travail. La commission des droits a réalisé une étude qui dément cette croyance"», page 93. C'est bien l'étude de la Commission des droits que vous citez, là.

Mme Robert (Jocelyne) : Oui, tout à fait.

M. Drainville : «En fait, les immigrants n'ont pas plus de ferveur religieuse que les personnes nées au Québec.» Commission des droits de la personne et de la jeunesse, 2007.

• (16 h 20) •

Mme Robert (Jocelyne) : Voilà. Ça, c'est vraiment une citation intégrale. Puis, si je peux me permettre, là, même si ce n'est peut-être pas essentiel dans le débat, mais c'est sûr que mon clin d'oeil aux Bobos, hein, moi, je n'ai pas l'habitude d'écrire des mémoires, donc je me suis inspirée d'articles que j'ai écrits et qui ont été publiés pour rédiger mon mémoire. Il faut comprendre que, dans nos sociétés, il y a ce qu'on appelle des «trending», des tendances. Il y a eu une époque, dans les années 60-70, la mode, c'était d'être socialiste et de se promener avec son petit livre rouge de Mao, au point d'avoir l'air d'acquiescer à des sociétés totalitaires. Et je pense qu'en ce moment il y a un «trending», il y a une tendance multiculturaliste, et puis c'est un petit peu dans cet esprit-là, là, que j'ai fait un clin d'oeil aux Bobos.

M. Drainville : Je ne veux pas induire en erreur personne, si je comprends bien, le paragraphe… la première partie de la citation est tirée d'un mémoire du Conseil du statut de la femme, et c'est la deuxième partie qui fait référence à la Commission des droits de la personne. «En fait, les immigrants n'ont pas plus de ferveur religieuse que les personnes nées au Québec», ça, c'est la Commission des droits de la personne.

Mme Robert (Jocelyne) : Je pense que oui, là. Je vous avoue que je suis un peu perdue dans mes papiers, là, mais je pense que c'est ça.

M. Drainville : Et c'était cité, donc, dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Voilà.

Mme Robert (Jocelyne) : Exact.

M. Drainville : L'autre argument qu'on entend aussi, et je...

 Alors, juste une autre chose aussi, là, à la page 13 de votre mémoire, vous dites : «Toutes les femmes musulmanes ne portent pas le voile, comme on semble vouloir le faire croire ici [...] là. Selon les données disponibles, entre 10 % et 20 % des femmes musulmanes portent le voile au Québec.» Je trouve ça intéressant que vous le souligniez.

Et là je veux vous amener au troisième argument des gens qui s'opposent à la charte : «Regardez la France! Elle a raté sa laïcité», hein?

Mme Robert (Jocelyne) : On l'entend souvent, oui.

M. Drainville : Oui. Alors, vous faites la part des choses encore une fois?

Mme Robert (Jocelyne) : Bien, c'est-à-dire que, bon, écoutez, je ne suis pas une experte en politique française, mais j'y suis assez… j'y travaille, j'y vais encore bientôt, là, j'y suis assez pour savoir que c'est un raccourci et c'est faux que la France a raté sa laïcité. La laïcité en France, c'est depuis 1905. Donc, ça ne s'est pas passé récemment, là, il y a eu une grande… — puis j'espère ne pas me tromper — une grosse période d'immigration, après la Première Guerre mondiale, qui venait beaucoup des sociétés... de l'univers de l'Italie et de la Pologne, et ensuite une deuxième, après la Deuxième Guerre mondiale, qui est venue plutôt d'Afrique du Nord, hein? Vous avez l'air à acquiescer, là, bon, je ne me trompe pas.

M. Drainville : ...

Mme Robert (Jocelyne) : Et c'est dans les années 70 que les... je ne sais pas si on peut appeler ça les problèmes, mais en tout cas qu'il a commencé à y avoir des difficultés, mais, la loi sur la laïcité, c'est 1905. Donc, la France a peut-être eu de la difficulté avec l'intégration de ses immigrants, hein? On le sait qu'il y a de la ghettoïsation en banlieue de Paris, on le voit. Bon, moi, je constate souvent que la ghettoïsation… Bien sûr, peut-être que l'État n'a pas fait sa job parfaitement, je n'ose prononcer de jugement là-dessus, mais la ghettoïsation, c'est aussi, parfois, le choix de la personne qui arrive de se retrouver dans son monde, dans son univers, avec les siens, et de ne pas trop ouvrir sur la culture d'accueil.

M. Drainville : Parfois, moi, je dis, quand on me soumet cet argument-là, si vous me permettez de compléter, je dis : Le problème… ou les problèmes que vit la France sont davantage des problèmes d'intégration économique, d'intégration au marché du travail qu'un problème de laïcité. Je pense que c'est un argument qui se défend très bien.

Je ne sais pas combien de temps il me reste, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Presque huit minutes, là.

M. Drainville : Très bien, très bien. Alors, l'autre argument que vous apportez, c'est le quatrième, donc l'argument des gens opposés à la charte, vous dites : «Cette charte est xénophobe et raciste!»

Mme Robert (Jocelyne) : Oui.

M. Drainville : Ça, là, je peux vous dire que je l'ai entendu souvent. Alors, vous dites : «Il est devenu ardu, voire courageux, dans ce contexte, de défendre ce projet — le projet de la charte. Dans cette foulée, il m'est arrivé plus d'une fois de rencontrer des gens qui taisaient leur appui à la charte de peur d'être perçus, dans leur milieu, pour des ségrégationnistes. Si les partisans de ce projet de laïcité et d'égalité sont racistes et xénophobes, c'est dans l'imaginaire de ses détracteurs qu'ils le sont. Le Québec, c'est de notoriété planétaire, n'est ni l'un ni l'autre et jouit d'une formidable réputation de peuple accueillant, ouvert sur les autres et sur le monde. La tolérance, vertu souhaitable entre toutes, est nulle si elle dérape dans l'apathie. "Que chacun fasse ce qu'il veut. Vivre et laisser vivre…" Soyons sérieux! Pour accueillir réellement autrui, encore faut-il établir les règles en usage dans sa propre maison. Ceci dans la perspective précise d'ouvrir toute grande la porte à ceux et celles qui souhaitent vivre avec nous, en toute connaissance de leurs droits et de leurs devoirs.»

Mme Robert (Jocelyne) : Est-ce qu'il y a une question autour de ça ou...

M. Drainville : Non, mais c'est parce que je... Moi, je pense que vous avez visiblement réfléchi à votre mémoire, et vous l'avez écrit, je trouve, dans une très belle langue, et je pense que c'est important que les gens qui nous écoutent... Puis je pense qu'il y a pas mal de gens qui nous écoutent, parce qu'on entend toutes sortes de témoignages de personnes qui nous font référence à des témoignages, à des mémoires, à des présentations. Je pense qu'il y a pas mal de gens. Je m'en voudrais de ne pas citer certains de ces passages-là parce que je veux justement que les gens qui n'ont pas eu l'occasion de lire votre mémoire puissent entendre des extraits de ce mémoire-là.

Maintenant, je veux revenir aux enfants, parce que c'est une de vos grandes compétences. Une des grandes tensions, je vous dirais, t-e-n-s-i-o-n, dans ce débat-là, c'est qu'on dit : Il y a les droits de la personne, de l'enseignante, par exemple, et il y a les droits de l'usager, les droits de l'enfant, par exemple, dans une salle de classe, et sans parler des droits des parents, je pense qu'il faut également les insérer dans l'équation à un moment donné, et il y a cette espèce d'équilibre qu'il faut maintenir entre les droits des uns et les droits des autres. Et certains vont dire : Vous brisez cet équilibre-là en interdisant… en imposant cette restriction en matière de port de signes religieux. Moi, je réponds tout le temps : Écoutez, il me semble que c'est raisonnable pendant les heures de travail.

Et d'ailleurs, d'ailleurs, je tiens à le dire, on a des témoignages, il n'y en a pas beaucoup, mais on a quelques témoignages documentés de personnes qui portent un signe religieux, le voile en occurrence, et qui acceptent de le retirer au moment où elles entrent en classe. On a un ou deux exemples comme celui-là pour ce qui est d'une école, mais on a également des exemples de personnes qui travaillent dans le milieu des garderies, donc des personnes qui sont conscientes, je dirais, de... je ne pense pas me tromper de dire «de leurs responsabilités». Elles sont conscientes du devoir qu'elles ont et donc elles préfèrent retirer leurs voiles au moment où elles entrent travailler. Et donc je me dis : Si c'est possible pour ces femmes-là, peut-être que c'est possible pour d'autres de ces femmes qui portent actuellement un voile et à qui on pourrait éventuellement… un voile ou un autre signe religieux, et à qui on pourrait éventuellement demander de le retirer.

Mais revenons sur cet équilibre. Comment vous réagissez quand vous entendez dire qu'on défavorise trop l'agent, la personne, l'enseignante dans ce cas-ci, au profit des enfants ou au profit même des parents? Comment vous réagissez quand vous entendez ça?

Mme Robert (Jocelyne) : Je comprends et je ne comprends pas, c'est-à-dire que je pense que, dans une première lecture, on peut penser ça, mais, en scrutant un tant soit peu, il me semble que c'est un acte d'ouverture vers l'autre, hein, d'accueil, d'ouverture vers l'autre, que de se présenter sans signe qui me distingue et qui me sépare.

Je pense que je vais vous répondre, M. Drainville, par une comparaison extrêmement concrète. J'ai travaillé pendant des années dans une maison avec des adolescents en difficulté. Ils avaient comme dénominateur commun d'être des décrocheurs scolaires, des décrocheurs scolaires. Et, vous savez ce que c'est, l'adolescence, c'était il y a 10 ou 12 ans, ils arrivaient vraiment imprégnés, identifiés à leurs sous-groupes, hein, les punks, les «preps», les «yos», il y en avait 10, 12 avec les sous-catégories. Et nous leur demandions… Et ils venaient librement, hein, ils n'étaient pas obligés par la DPJ ou par… Bon. Nous leur demandions, et ça faisait partie de ma tâche de dire… Nous leur disions : Si tu viens ici, tu laisses ta capuche, ton capuchon dehors, tu laisses ta casquette dehors, tu la remettras en sortant; de 8 heures à 2 h 30, ici, nous allons nous rencontrer au-deçà, ou à côté, ou indépendamment de ta culture, et de ta sous-culture, et de ton groupe d'appartenance. Pourquoi? Parce qu'on a envie qu'ici on soit ensemble, on apprenne à vivre ensemble et qu'on ne se cantonne pas dans notre… Et, pour moi, c'est une question…

La comparaison peut sembler boiteuse, mais je pense qu'elle ne l'est pas, parce que les principes derrière ça, c'est d'accueillir, hein? Si, aujourd'hui, M. Tanguay arrive avec un kirpan, et Mme Unetelle, avec son tchador, et, vous, M. Drainville, avec votre gros crucifix dans le cou, et moi, avec un bouddha, mais je pense qu'avant qu'on s'écoute il va falloir qu'on franchisse une difficulté assez importante. Je ne dis pas qu'on ne la franchira pas, mais je pense qu'il y a…

• (16 h 30) •

M. Drainville : …barrière supplémentaire.

Mme Robert (Jocelyne) : Ça crée une barrière et, comment dire, ça conforte la personne dans sa sous-culture, dans sa religion, plutôt que d'ouvrir sur des valeurs qui sont plus universelles, qui sont l'humanité. Vous savez, il y en a un, formidable signe ostentatoire, là, qu'on présente tous et toutes ici en ce moment, parce qu'on est tous des êtres humains. On est tous humains. On est tous différents. On a tous et toutes deux yeux, un nez, une bouche, des cheveux, mais on est tous des êtres humains, alors, qui tentons de nous écouter ou de ne pas nous écouter.

Le Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, il reste 20 secondes, M. le ministre, peut-être le temps de dire merci mais…

M. Drainville : Oui.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà.

M. Drainville : Merci.

Le Président (M. Ferland) : Mais, avant de passer la parole au député de LaFontaine, juste vous rappeler, Mme Robert, une règle dans les commissions : Quand vous vous adressez à un parlementaire, de le nommer par son titre, et non par son nom. Juste un petit rappel. Alors, je reconnais… ah! la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Non.

Le Président (M. Ferland) : Ah! Non? Ah! de…

Mme Weil : De Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Ferland) : De Notre-Dame-de-Grâce, excusez.

Mme de Santis : C'est d'abord Notre-Dame-de-Grâce. Ensuite…

Le Président (M. Ferland) : Et j'imagine qu'après Mme la députée… Allez-y.

Mme Weil : Merci, Mme Robert. Je vais essayer de faire les questions courtes, parce que des fois on reçoit des commentaires des gens dans nos comtés, puis il y a des invités qu'ils aiment entendre. J'ai l'impression qu'ils vont vouloir vous entendre, parce que vous parlez de parents, d'enfants, d'éducation des enfants. C'est des choses très intéressantes pour les parents.

Évidemment, on est tous parents. Nos enfants ont grandi dans la diversité mais dans la laïcité aussi. Ça, là, je suis sûre que vous l'avez constaté, il y a une nouvelle génération qui est très laïque, très… hein, par rapport à la religion, etc., mais ils ont eu des amis qui… bon, c'était le ramadan, puis, bon, O.K., il vient chez nous, comment on organise ça, là? C'est le ramadan. Ils ne portent rien, là, les amis ne portent rien, mais ils sont musulmans. Donc, il y a toutes sortes de façons que la religion se manifeste. Et moi, je trouve qu'il y a une nouvelle génération qui est très ouverte à ça, et ce qui a amené beaucoup de discussions avec les parents. Donc, je voulais juste vous entendre parler par rapport au rôle des parents, d'avoir des discussions.

Je comprends quand vous dites : Des fois, on peut arriver, puis il y a des cloisons, peut-être, des ghettos. C'est ça qui peut être préoccupant. Mais généralement la laïcité ouverte du Québec, depuis 40 ans, s'en va vraiment vers accepter la diversité.

J'aimerais vous entendre sur le rôle des parents dans ces discussions, qui génèrent des discussions intéressantes pour aider, guider l'enfant dans la compréhension de pas juste les signes mais tout, toutes les manifestations de diversité.

Mme Robert (Jocelyne) : D'abord, Mme la députée, moi, la diversité, je trouve ça formidable. Et, le fait que nous ne soyons pas tous pareils, identiques, qu'on ait des cultures différentes, vraiment je trouve ça formidable. Et ouvrons-nous sur les autres, c'est bien. Je pense qu'il faut faire attention de ne pas conclure que… Si on souhaite l'interdiction de signes religieux de telle heure à telle heure dans le travail qui vient en aide ou qui est en position d'autorité sur les autres, ça ne veut pas dire qu'on est fermé à la diversité.

Le parent, je le dis toujours, hein, il a un rôle fondamental à tous égards. Le parent, il a un rôle fondamental dans sa complémentarité avec l'école, hein? Les valeurs de l'école ne sont pas toujours les valeurs des parents. Le parent a cette responsabilité première de transmettre à l'enfant ses valeurs, et ça, on ne peut pas… On a tous envie de… Ça ne veut pas dire que ça va marcher, là, mais on a tous envie de transmettre nos valeurs à l'enfant. Et puis la famille à côté aussi. Et puis l'école, très souvent elle va tenter — une école, on parle d'une école laïque, là — de transmettre à l'enfant des valeurs sur la capacité de grandir dans le respect, dans la dignité, dans la réciprocité, dans le partage, dans l'ouverture sur les autres. Mais je pense que… je crois que des valeurs humaines et humanistes, comme le respect de l'autre, la dignité, la laïcité, l'égalité, sont des valeurs qui sont universelles et qui peuvent transcender les valeurs. Alors, le parent, qu'est-ce qu'il a à faire? Bien, je pense qu'il a à communiquer à son enfant l'importance de reconnaître ces réalités-là, de les respecter, hein? Et puis nous, on a les nôtres, puis, au-delà de ça, il y a des valeurs sociales incontournables.

Mme Weil : Je voudrais rajouter quelque chose comme parent, là, ça va vous paraître, je suis sûre, très… vous allez comprendre. Il y a des valeurs de notre culture qui sont tout à… ce n'est pas des valeurs, il y a des pratiques qui sont très difficiles à expliquer à nos enfants. Vous n'avez qu'à marcher entre Peel et Drummond sur Sainte-Catherine, et vous savez de quoi je parle. Et, en tant que parent, qu'est-ce qu'on fait par rapport à ce que l'enfant voit? J'ai eu ces conversations souvent et je trouve qu'on porte beaucoup de jugements sur une religion actuellement, alors qu'on aurait beaucoup de jugements… Et vous le faites aussi, je le vois dans vos blogues, dans les choses que vous écrivez…

Mme Robert (Jocelyne) :

Mme Weil : Bien, je parle des clubs où la femme est…

Mme Robert (Jocelyne) : Ah! Oui, oui, d'accord, je vous suis.

Mme Weil : …absolument… vous avez parlé d'infériorisation, c'est un mot très poli. Et ça nous amène à avoir des discussions avec nos enfants — j'en ai eu beaucoup. Très jeunes, ça les choque beaucoup plus que de voir une femme avec le voile, hein, vous le… Alors donc, ces problèmes de société, et la liberté, puis jusqu'où l'État, le gouvernement peut aller pour contrôler ces choses-là, et le rôle des parents de s'assurer qu'évidemment on transmette les bonnes valeurs, qu'on change les choses qui attaquent directement l'égalité entre les hommes et les femmes…

Mme Robert (Jocelyne) : C'est fort intéressant, ce que vous soulevez. Parce que je pense que… Le parent, je disais plus tôt qu'il a un rôle majeur, hein, je souhaite qu'il l'occupe de plus en plus et de plus en plus fort, d'aider l'enfant à développer un esprit critique, à développer un esprit critique par rapport à ce qu'il voit, ce qu'il voit sur le Web, à la porno omniprésente, bon, par rapport à tout ce qui nous entoure. Il faut qu'il commence lui-même par peut-être développer son propre esprit critique, puis aider l'enfant à cheminer dans ce sens-là.

Vous faites référence un peu à ce monde, à cette société hypersexualisée. Vous savez, pour moi, la problématique est très, très, très semblable. Je pense que la femme cachée représente tout autant l'objet sexuel qu'on ne veut pas montrer. C'est une réalité, c'est assez semblable, sous des airs complètement opposés. Dans l'une, c'est le dévoilement, dans l'autre, c'est la disparition, hein, du corps sexué. L'un indique : Voilà, la vérité, elle est là, la liberté sexuelle, c'est faire n'importe quoi. Et l'autre lance le message : Attention, c'est interdit, c'est défendu…

Mme Weil : …on n'interdit pas dans un cas.

Mme Robert (Jocelyne) : Écoutez, je pense que l'État, les décideurs, nos sociétés politiques doivent donner, et elles le font, ils le font, des lignes de conduite globales, mais ce sont des réalités pas si différentes que ça, finalement.

Mme Weil : Merci, Mme Robert.

Le Président (M. Ferland) : Alors, je crois… La députée de Bourassa-Sauvé, je crois? Oui. Et là il vous reste amplement de temps, là, oui.

Mme de Santis : Ah! O.K., merci. Je voulais poser les questions tout à l'heure, mais ce n'est pas grave.

Le Président (M. Ferland) : Vous êtes plus chanceuse que tout à l'heure. Allez-y.

Mme de Santis : Alors, merci beaucoup, Mme Robert. C'était fort intéressant, lire votre mémoire et vous entendre aujourd'hui. Et merci d'être venue.

Moi, je reprends ce que vous avez dit à la page 8 de votre mémoire, où vous dites : «Enfin, les tout-petits apprennent aussi par modélisation, c'est-à-dire par identification aux adultes qui gravitent dans leur univers. C'est maintenant chose connue : la manière dont ces adultes témoignent de ce que c'est [être] une femme ou un homme, la manière dont ils et elles exercent les tâches et activités qui sont socialement dévolues à leur sexe, la manière dont ils et elles transigent et évoluent avec les personnes de leur sexe et de l'autre sexe influencent autant l'enfant que tous les discours.»

Et je reprends ça, O.K., et je pense aux couples homosexuels qui ont des enfants. D'après ce que je lis là, vous voyez un problème là-dedans.

Mme Robert (Jocelyne) : Je voudrais juste vous demander, Mme la députée, je n'ai pas la même pagination que vous : C'est le paragraphe qui commence par quoi, par quel mot?

Mme de Santis : «Enfin».

Mme Robert (Jocelyne) : O.K. «Enfin, les tout-petits apprennent…» O.K. D'accord, merci.

Mme de Santis : Alors, est-ce que… «I mean…» À quel point on va avec ce que vous avez dit là?

Mme Robert (Jocelyne) : Bien là, c'est parce que je ne comprends vraiment pas votre question.

Mme de Santis : Vous ne comprenez pas ma question… Parce que…

Mme Robert (Jocelyne) : Et, votre lien avec l'homosexualité, là, je ne comprends pas.

Mme de Santis : Non, c'est parce que vous dites que les enfants posent des questions, O.K.?

Mme Robert (Jocelyne) : Oui, bien sûr.

• (16 h 40) •

Mme de Santis : Et que, si je lis ce que vous avez écrit… Et les enfants qui vont avoir deux hommes ou deux femmes comme parents, qu'aujourd'hui nous acceptons, est tout à fait légitime…

Mme Robert (Jocelyne) : C'est possible, oui.

Mme de Santis : …ces enfants vont aussi poser des questions.

Mme Robert (Jocelyne) : Bien sûr.

Mme de Santis : O.K. Est-ce que c'est un problème qu'un enfant pose une question?

Mme Robert (Jocelyne) : Absolument pas.

Mme de Santis : Et alors pourquoi ce serait un problème qu'un enfant pose une question sur une femme voilée? Si ce n'est pas un problème, poser la question : Pourquoi j'ai deux papas ou deux mamans?, et l'autre : Pourquoi l'autre femme porte un voile, et vous ne portez pas de voile… Pourquoi on ne peut pas poser de questions en tant qu'enfant?

Mme Robert (Jocelyne) : Mais, non, je n'ai pas dit que l'enfant ne devait pas poser de questions. J'ai soulevé la question adulte : Comment se sent-on quand on porte, quand on affiche un signe religieux derrière lequel se cache… bon, derrière lequel existe des réalités telles : il y a des religions, il y a des univers culturels, des univers religieux qui, vous le savez autant que moi, infériorisent les femmes? Il y a des femmes qui baissent le regard devant les hommes. Comment peut-on répondre à un enfant qui pose une question, qui va fouiller, hein, qui va interpeller la personne dans ces valeurs-là? Je veux dire, que la personne soit homosexuelle, hétérosexuelle, ça n'a rien à voir avec les valeurs qu'elle promeut derrière son orientation sexuelle. J'ai de la difficulté à…

Mme de Santis : Mais les enfants ne restent pas seulement à l'école ou chez eux.

Mme Robert (Jocelyne) : Bien sûr que non.

Mme de Santis : Les enfants ont accès à la télé. Les enfants vont au parc, les enfants marchent sur la rue Sainte-Catherine, tel qu'on l'a dit tout à l'heure, et peut-être vont voir des femmes voilées. Donc, cette même situation va exister, que les enseignantes portent le voile ou ne portent pas le voile.

Mme Robert (Jocelyne) : Absolument. Tout à fait. Ce que j'ai voulu mettre en lumière — peut-être que je n'y suis pas arrivée suffisamment — c'était illustrer l'impact de la quotidienneté, de la présence constante, perpétuelle, hein… perpétuelle… constante, quotidienne, jour après jour, d'une personne significative en position de relation d'affection. Vous êtes déjà allée dans des centres de petite enfance. C'est formidable. Moi, j'y suis allée souvent. Quand il y a un homme — j'ai l'air de m'égarer, là, mais je ne m'égare pas — quand il y a un homme qui travaille dans un centre de petite enfance, dans une garderie, les enfants sont tous après lui, même ceux qui ont… Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de père, là. Parce qu'ils ont un modèle d'identification masculin, là, sur les lieux, tous les jours. Ils n'en ont qu'un. Alors donc, c'est la constance et la présence d'une personne qui est…

Quand je parle de modèle identificatoire, de substitut parental, l'éducateur, l'éducatrice en garderie… Je dis le mot «éducateur», je veux que les hommes m'entendent : Allez-y, travailler en garderie. On a besoin d'hommes auprès des petits enfants. Cette personne-là, elle a un rôle fondamental. Il y a un lien affectif, il y a un lien d'attachement, il y a un lien de confiance, et ce n'est pas comme la personne qu'on va voir sur la rue.

Moi, je me rappelle d'avoir pris le métro avec ma fille il y a très longtemps, elle avait cinq ans — c'est une grande femme maintenant — et puis qu'on a vu une femme complètement voilée. On n'en voyait pas souvent à l'époque. Et je me souviens qu'elle m'a demandé : Mais pourquoi elle se cache? Hein, pourquoi elle se cache? C'est sûr qu'elle ne dira pas ça à son éducatrice, si elle est voilée tous les jours, elle va finir par… Mais, bon, je pense que c'est cette nuance importante, là, entre…

Côtoyer, oui, c'est formidable. Vive la diversité! Côtoyons des gens qui ont des valeurs religieuses, qui les affichent. Mais attention à ce qu'il y a derrière ces valeurs-là, qu'on peut, dans les milieux éducatifs, dans les milieux de croissance, dans les milieux d'accompagnement des enfants dans leur développement… il y a des messages qui sont transmis.

Mme de Santis : Mais est-ce que vous êtes d'accord avec un mur-à-mur d'interdiction d'objets religieux? Par exemple…

Mme Robert (Jocelyne) : Qu'est-ce que vous entendez par «mur-à-mur», si je peux me permettre?

Mme de Santis : Dans le texte du projet de loi, c'est plus que 600 000 personnes qui seraient sujettes à ce projet de loi. Dans les 600 000 personnes, un grand nombre de ces personnes-là n'ont pas affaire avec le public, O.K.? Ils sont dans des bureaux, cachés quelque part, ils sont les mécaniciens qui réparent des autobus, etc. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce mur-à-mur? Et quelle est la raison que... Si vous êtes d'accord, c'est quoi, la raison pour laquelle vous seriez d'accord? C'est quoi, le justificatif?

Mme Robert (Jocelyne) : Écoutez, c'est une question délicate. Je pense que je ne peux pas dire, là, aujourd'hui… On pourra s'en reparler, je vous donnerai mes coordonnées. Aujourd'hui, je peux vous dire que je suis d'accord avec l'interdiction de tout signe religieux dans les sphères d'activité de travail où des personnes sont en situation d'autorité, et même si c'est d'autorité aidante, hein, je ne parle pas nécessairement aux policiers ou aux juges, d'autorité aidante dans des situations où des... Je pense aux médecins, aux infirmières, aux travailleurs sociaux du milieu de la santé et des services sociaux, aux intervenants psychosociaux, les personnes qui sont en relation d'aide et de support, d'accompagnement, et qui sont là pour aider l'enfant à se développer.

Et pas seulement — je veux qu'on se comprenne bien, hein? — pas seulement... Pour moi, ce n'est pas seulement une question de respect par rapport au fait que certaines personnes sont athées et n'ont pas de foi, de croyance, c'est aussi par rapport aux religions les unes par rapport aux... l'une face à l'autre. Chaque religion... Je ne suis pas certaine, moi, que c'est l'athée ou la personne qui ne croit pas qui est la plus irritée ou qui est la seule irritée si elle va quérir, recevoir un service d'une personne qui affiche un signe religieux, c'est peut-être la personne qui, elle, porte des valeurs religieuses très différentes et formellement opposées à celles de cette religion-là. Alors, je trouve que c'est une marque de respect non seulement pour les laïcs, mais pour les religions, les autres religions.

Mme de Santis : J'ai un autre...

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, le temps est presque écoulé, il reste 20 secondes.

Mme de Santis : Ah! c'était simplement pour demander, quand on parle de pertes d'emploi... Et je dis que la majorité des entreprises au Québec sont des petites entreprises, même pas moyennes, et prennent l'exemple du gouvernement. Si le gouvernement va dire : On ne veut pas...

Le Président (M. Ferland) : ...malheureusement, le temps est vraiment écoulé. J'ai laissé un peu déborder. Alors, la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Robert, merci beaucoup pour votre mémoire. Terriblement intéressant de vous lire, mais ce l'est tout autant de vous entendre. Vous êtes passionnée, vous êtes du milieu, vous connaissez le sujet et vous avez dit d'entrée de jeu : Moi, je suis ici, je documente en quoi le voile, un signe ostentatoire lourd de sens, peut avoir une influence, dans les lieux de garde, sur les enfants en bas âge. Alors, je vous entends bien, votre mémoire porte sur les petits.

Et ce que j'aime de votre mémoire, outre le fait qu'il soit très intéressant et informatif, c'est que vos arguments sont motivés, vous nous faites une démonstration avec preuves à l'appui. Alors, on voit, à la lecture de votre mémoire, et vous nous enseignez et nous rappelez que les enfants apprennent, un, entre autres, par le message visuel qui est transporté; deux, ils apprennent par le mimétisme, c'est-à-dire en imitant ce qu'ils voient; les petits apprennent également par la modélisation, en imitant ce qu'ils voient, etc. — je ne ferai pas toute la relecture de votre mémoire. Donc, je comprends où vous logez à cet égard-là, vous nous rappelez des principes psychologiques et de sexologie hyperimportants, entre autres le développement à l'étape où ces petits sont.

Maintenant, ma question, elle est la suivante. Dans le projet de loi n° 60, actuellement il y a une interdiction de port religieux dans les CPE. Mais, moi, ce que je vous demande, c'est : Vous, que voudriez-vous voir à cet égard-là dans le projet de loi n° 60? Parce qu'il ne va pas partout, il ne rentre pas dans les maisons, il ne va pas dans le secteur privé. Où pensez-vous que cette interdiction devrait aller? Jusqu'où devrait-elle aller pour les enfants?

• (16 h 50) •

Mme Robert (Jocelyne) : Moi — j'ai l'impression de me répéter, mais peut-être que je n'ai pas été suffisamment claire — je pense, et c'est le monde que je connais, que, dans tous les lieux, pas juste auprès des enfants mais des adolescents, des personnes plus vieilles qui vont à l'école, des personnes qui consultent... Un adulte de 40 ans qui consulte une psychologue dans les services sociaux, un médecin, je pense qu'il est en droit de s'attendre à faire affaire… à voir devant lui, devant elle une personne qui ne manifeste pas de signe ostentatoire, visible, religieux. Je veux dire... Puis c'est sûr que je pourrais vous donner plein d'exemples. Quand tu consultes parce que tu veux avoir une IVG, un avortement, bien, c'est intéressant de rencontrer quelqu'un qui n'a pas de signe religieux, là, hein, que tu sens qu'il n'y a pas de jugement de valeur, pour te sentir comprise, accueillie, hein — j'aime bien le mot «accueillie» — dans ta totalité.

Alors, moi, je pense qu'un projet de loi devrait interdire les signes ostentatoires religieux. Je l'énonce pour l'univers que je connais, à l'égard de toutes les personnes qui sont dans des situations d'aide au développement, dans des situations de... dans des postes et des fonctions d'autorité, même dans des situations d'autorité aidante, et surtout dans des situations d'autorité aidante.

Mme Roy (Montarville) : J'ai bien pris note de votre définition, «autorité aidante». Cela dit, j'ai très peu de temps, et je... L'égalité hommes-femmes, là, on s'entend, là.

Mme Robert (Jocelyne) : On s'entend.

Mme Roy (Montarville) : On s'entend. Cela dit, je vous pose une question : En tant que sexologue, ne pensez-vous pas qu'une bonne façon, justement, de valoriser cette égalité hommes-femmes, ce ne serait peut-être pas le retour également des cours de sexualité dans nos écoles? Y a-t-il un impact du fait qu'on n'en ait pas? Est-ce que ça pourrait aider?

Mme Robert (Jocelyne) : Mais c'est évident. Moi, j'ai été de celles qui ont porté les pétitions et toutes les revendications. C'est fondamental. Nous avons besoin plus que jamais de cours d'éducation à la sexualité, en retenant bien que l'éducation à la sexualité, ça dépasse largement les notions d'anatomie, de physiologie, mais ça inclut toute cette quête, hein, d'affirmation de soi dans la responsabilisation et d'affirmation de soi. C'est sûr et certain que...

Le Président (M. Ferland) : Alors, je dois aller maintenant au député de Blainville.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Écoutez, j'aurais un peu à en appeler de votre expertise de pédagogue, d'ex-éducatrice en...

Mme Robert (Jocelyne) : En garderie.

M. Ratthé : ...en garderie, formatrice aussi auprès des gens qui travaillent en garderie. Souvent, les tenants... en fait, ceux qu'on a entendus souvent, des gens qui sont peut-être défavorables à l'application de ce projet de loi là vont nous dire : Bien, écoutez, quand ils sont tout petits, de toute façon, les enfants ne comprennent pas nécessairement. Ils vont peut-être simplement regarder ça comme un... se dire en eux-mêmes : Bien, c'est comme ça que la dame ou le monsieur est habillé, puis maman et papa sont habillés d'une autre façon, sans trop se poser de question.

Moi, ce que je voudrais savoir, c'est : Vous pouvez nous indiquer, peut-être, du moins par votre expertise, à quel moment du développement de l'enfant peut-il comprendre et faire la différence — surtout comprendre — faire la différence entre la façon dont son éducateur ou son éducatrice est habillé, ou porte des signes, et ce qui se passe chez lui? Et est-ce que ce laps de temps là peut avoir une influence, entre guillemets, permanente sur sa façon de voir les choses puis sa façon d'être?

Mme Robert (Jocelyne) : C'est une grande question. C'est-à-dire, il... Simplement, la première partie de votre question, je vous dirais : Très rapidement, l'enfant se rend compte que ce n'est pas pareil, là, hein? Il voit bien, si moi, je suis sa mère ou sa grand-mère, que je ne suis pas habillée comme... Bon, ça, c'est très, très rapidement. Et les questions, dans le monde de l'intimité et de la sexualité, sont parfois muettes, il faut aller les chercher. Mais, dans cet univers-là de la tenue vestimentaire, ça va surgir très vite : Pourquoi? Hein, pourquoi elle est habillée comme ça? Pourquoi, le monsieur, ce n'est pas pareil? Donc là, on a besoin d'avoir des réponses, des réponses verbales et des réponses non verbales aussi.

Vous savez, un enfant, là, un enfant de deux ans, vous aurez beau lui faire une longue dissertation : Ne mange pas de terre, dans la terre, là, tu peux attraper ça, puis il y a ci, puis il y a ça, mais, si tu ne fais pas un visage de dégoût, il ne comprend pas ce que vous lui dites. C'est votre visage, c'est les traits de votre visage dégoûté qu'il va reproduire et qui va lui faire comprendre ce qu'il en est. Alors, c'est pour ça que c'est important, l'accompagnement d'un jeune enfant, parce qu'on transmet des messages verbalement puis on en transmet aussi par notre façon d'être.

Votre question me permet peut-être de définir quelque chose que je n'ai pas défini. J'ai parlé de l'identité sexuelle, comment ça se passe. Dès un an et demi, à peu près, l'enfant sait qu'il est un garçon ou une fille, hein? Un petit peu plus tard, il va développer ou elle va développer son sentiment d'appartenance à un groupe : Non seulement je suis un garçon, une fille, mais je fais partie d'un groupe. Et c'est là que c'est intéressant, là, parce que, là, j'adopte les comportements de la personne qui est importante pour moi. Je suis influencée. C'est le processus d'identification, là, qui agit, qui est agissant.

Jusqu'à environ trois ans, l'enfant n'est pas sûr que son sexe, par exemple, est permanent. Vous savez, quand on parle de problème d'identité sexuelle chez le tout-petit, là, il pense que ça peut changer. Si votre fils de trois ans vous dit : Je pense que je vais avoir un bébé un jour, ne vous inquiétez pas, là. Ça ne veut pas dire qu'il va se faire transformer, changer de sexe. Et, vers cinq, six ans… Vers cinq, six ans, si ça se passe bien, tout ça est consolidé : Je suis un garçon. Je suis une fille. J'agis comme les garçons… les hommes et les femmes de mon entourage, donc je suis un vrai garçon, donc je suis une vraie fille. Et, si ça se passe bien, si nos valeurs sont valorisantes et dans les mots et dans ce qu'on renvoie comme image d'homme et de femme, bien, on est content d'être un gars, on est contente d'être une fille. Puis on est fier. Puis on va aller loin avec ça. Si ça se passe moins bien, bien, ça peut être plus fragile un peu.

M. Ratthé : Alors, c'est très intéressant. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, le temps étant écoulé, Mme Robert, je vous remercie énormément pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire et de venir ici nous le présenter, d'avoir fait profiter de votre expertise aux membres de la commission. Alors, merci beaucoup.

Et je suspends quelques instants pour permettre à M. Ghyslain Parent, M. Drouin et Mme Hubert de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant M. Ghyslain Parent, M. André Drouin et Mme Louise Hubert. Alors, M. Parent, la parole est à vous, en vous mentionnant que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'un échange avec les groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous.

MM. Ghyslain Parent et André Drouin
et Mme Louise Hubert

M. Parent (Ghyslain) : Merci, M. le Président. M. le ministre et autres députés, je vous remercie de me recevoir. J'en profite pour me présenter : Ghyslain Parent, professeur, Université du Québec à Trois-Rivières. Je travaille dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement. J'ai travaillé et enseigné 15 ans, avant d'être professeur d'université, auprès d'élèves en difficulté. J'ai travaillé une trentaine d'années auprès de personnes en détresse, vivant des situations de handicap, etc. J'ai, avec moi, pour m'accompagner, M. André Drouin, d'Hérouxville. J'en profite pour vous dire quelque chose en deux secondes.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

M. Parent (Ghyslain) : Je tiens à le saluer. Il s'agit de quelqu'un qui est connu. Lorsque je l'ai connu, il y a sept ans, moi, je pensais au début que c'était un imbécile — je m'en excuse. On avait même un conflit tous les deux ensemble — il pourra vous en dire — les premières semaines, les premiers temps, parce que je pensais que M. Drouin — dans le temps je l'appelais Drouin — je pensais que Drouin — après il est devenu M. Drouin, et maintenant c'est devenu André — je pensais qu'il voulait lutter contre des personnes qui… Dans les années 2000 et 2003, je travaillais beaucoup en contact avec des étudiants musulmans, avec des jeunes musulmans à Montréal, qui vivaient des situations difficiles au niveau de l'intégration à l'emploi. Je pensais que M. Drouin était en lutte contre ces personnes-là et je me suis aperçu que ce n'était pas vrai et qu'avec le temps on voulait la même chose, on voulait une cohésion sociale, une paix. Et maintenant je pense qu'André, si j'avais à parler de lui, c'est quelqu'un qui a été un homme de vision, c'est un précurseur. Il a été témoin de plusieurs problèmes liés à l'intégrisme par ses voyages dans le monde entier. C'est un homme foncièrement honnête et tenace. Je pense que...

M. Drouin (André) : Ce n'était pas prévu, ça, là, là.

M. Parent (Ghyslain) : Oui. Je pense que, si aujourd'hui il y a cette commission, on le doit un peu à lui. Il nous a fait cheminer, et j'en suis très fier et je suis heureux de le connaître.

Avant de connaître M. Drouin, j'avais publié — et je vais faire un cadeau à M. Drainville — le document Valeurs et opinions de futurs enseignants provenant de la génération Y, avec deux collègues, Ghyslain Parent, Charles Paré et Rollande Deslandes. Là-dedans, on parle justement des valeurs et on voit où les jeunes sont... — les jeunes, excusez-moi, ils vont me battre — les étudiants universitaires, les futurs enseignants sont rendus au niveau des valeurs, et où ils situent la place de la religion. Et on en parle dans ce document. Mais ce n'est pas le but de l'exercice aujourd'hui.

Je commence...

Une voix : Mme Hubert...

M. Parent (Ghyslain) : Ah! je vous présente aussi Mme Hubert, qui est une citoyenne avec qui... que j'ai connue il y a quelques années, lorsqu'elle a voulu poser un geste intéressant. C'est une des citoyennes qui a demandé le retrait de la prière à l'hôtel de ville de Trois-Rivières, et madame a eu gain de cause devant les tribunaux, et autres. Madame a été ostracisée, madame a été insultée dans la rue par des personnes. Elle a été insultée dans des salles et bousculée dans des salles municipales parce qu'elle demandait tout simplement qu'on accorde le droit qui avait été accordé à Laval pour la ville de Trois-Rivières. Parce qu'il était très clair, pour elle et pour nous trois — on ne se connaissait pas dans le temps — que la laïcité est la chose qui unit les gens. C'est la seule façon d'avoir un réel savoir-vivre ensemble, être certain que les gens vont être capables de vivre dans une paix sociale et travailler ensemble au mieux-être de ce pays.

Je sais que, dans la salle, il y a deux ou trois avocats, ça fait que je vais en profiter pour donner quelque chose qui est reconnu par les avocats. Justice, il faut qu'il y ait justice et apparence de justice, et on me dit souvent, des pédagogues qui m'ont expliqué, parce que j'ai joué un peu là-dedans, que l'apparence de justice était plus importante que la justice des fois. On parle aujourd'hui de deux choses, on parle de la neutralité de l'État, il doit y avoir neutralité et apparence de neutralité. C'est de ça qu'il est question aujourd'hui. Et, pour moi, il est clair, il ne peut pas y avoir d'apparence de neutralité religieuse si les gens portent des signes ostentatoires. J'ai beaucoup aimé la communication, tantôt, de Mme Robert, la sexologue, parce qu'on va toucher à peu près les mêmes points. On va aller dans le développement et le rôle des enseignants ou encore des gardiennes dans les garderies, les éducatrices dans les garderies, comment elles s'y prennent pour former l'éducation.

Mais avant, dans mon introduction, je veux juste souligner les deux phrases importantes qui définissent la laïcité. Ce sont les deux suivantes, et mon collègue Drainville va sûrement vous en parler — Drainville! Drouin. O.K. M. Drouin, s'il vous plaît : Au Québec, tous les individus obéissent aux mêmes lois, et ce, peu importe leur religion. C'est très clair, c'est le seul principe, le premier principe : la laïcité. Et le deuxième, c'est : Au Québec, que la religion des uns ne devienne jamais la loi des autres. Et on sait le premier… la première contestation devant les tribunaux, avait voulu ça lorsque la pharmacie avait demandé, il y a quelques années… une pharmacie avait demandé d'être ouverte le dimanche, parce qu'elle disait : Moi, je ne suis pas un catholique, et vous m'imposez une religion qui n'est pas la mienne. Et, à ce moment-là, ce fut un des premiers accommodements qui a été accordé, en disant : Vous avez raison, on n'a pas le droit de vous imposer d'autres éléments. Ça fait que, pour empêcher ça, vu qu'il y a la diversité au Québec, il est très clair, moins la religion va pouvoir entrer et avoir accès dans le domaine civil, mieux les gens vont s'en porter.

Je pense à mes étudiants qui sont habituellement fatigués le soir, vers cette heure-là. Vous… ça fait que donc je vais faire… je vais être très compréhensif à votre égard et je vais prendre seulement les moments… les portions les plus importantes du mémoire, qui a 45 pages.

Je pense qu'il est très important qu'il y ait des balises au Québec pour éviter toutes sortes de dérives. Les balises... Et, je pense, il y a trois, quatre, cinq ans, sept ans, lorsqu'on a commencé, les gens nous disaient : La charte, la religion, non, non, il n'y a pas de problème, et pourtant je sens une cohésion maintenant, une volonté de tous les partis politiques de définir… Ça fait que c'est déjà un premier pas qui est fait là-dedans, et je le souligne, les efforts qui sont faits et la volonté. Plusieurs partis ont même fait des copies ou d'autres versions de charte, et je souligne l'effort que les gens prennent cet exercice au sérieux.

Ce document-là aussi, où est-ce qu'on disait qu'il n'y avait pas de balise, a été dit dans le jugement Saguenay pour la prière, le dernier jugement qui est porté en appel maintenant devant la Cour suprême. Et ça faisait drôle, il n'y a pas de balise et il y avait un juge qui disait : C'est tellement grave, l'expression religieuse, que je donne 32 000 $ en dommage à un citoyen, et, quelques mois après, d'autres juges ont dit : Bof! Ce n'est pas grave, on enlève le 32 000 $ et on pense que ça peut être une façon de vivre ensemble, que ça peut être toléré, et autres. Et ce juge-là… ces trois juges-là, dont le juge...

Le Président (M. Ferland) : …pour conclure, M. Parent.

M. Parent (Ghyslain) : O.K., oui. Ça fait que je vais recontinuer. Pour moi, il est très clair que le port des signes ostentatoires dans les garderies et dans les écoles devrait être défendu, parce que ce sont des personnes en autorité, et elles ont une influence importante et majeure sur des personnes qui sont très vulnérables, soit les enfants, et, à partir de ce moment-là, il y a lieu de croire qu'on doit limiter et exclure totalement tout signe religieux. Parce que le Québec a fait le choix, il y a quelques années, de bannir de l'école et des garderies l'enseignement religieux. Et le fait de porter un costume ou un signe religieux porte un message en soi. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. Parent. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

• (17 h 10) •

M. Drainville : Merci beaucoup. Merci à tous les trois. Je veux qu'on enchaîne, M. Parent, là, sur... Justement, vous étiez en train de nous parler d'éducation et d'enseignement, juste à la fin de votre présentation, ça fait que je voulais justement vous poser des questions là-dessus. Ça va probablement vous permettre de compléter le message que vous souhaitiez nous transmettre sur cette question-là.

Bon, vous avez entendu le témoignage de Mme Robert, juste avant, là, que je trouvais très éloquent, parce que c'était très... c'était ancré dans des exemples concrets puis dans une pratique, comme professionnelle, là. D'ailleurs, j'espère qu'il y a des sceptiques qui l'ont entendue, parce que c'est justement le genre de témoignage, je pense, qui nous montre à quel point la charte, elle est importante, en particulier dans les milieux d'éducation. Mais j'aimerais ça qu'on poursuive sur cette lancée. Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez 15 ans d'expérience auprès d'élèves en difficulté. Vous avez un doctorat en éducation, ce n'est quand même pas rien, puis vous êtes professeur titulaire à l'UQTR. Alors, parlons-en justement, de la relation entre le maître et l'élève, et, si vous voulez élaborer un peu sur la question des élèves du niveau primaire et secondaire, allez-y, mais moi, je veux vous entendre en particulier sur la nécessité d'avoir la neutralité religieuse dans les salles de classe au niveau collégial et universitaire, parce qu'on va avoir un gros débat là-dessus. Il y a des institutions universitaires qui s'en viennent, là, puis qui vont venir dire... Enfin, dans certains cas, c'est des institutions universitaires qui vont parler, dans d'autres cas, ce sont des recteurs d'université qui vont parler. Ce n'est pas nécessairement la même chose, comme M. Rocher nous l'a bien signifié hier. Mais parlons donc de cette nécessité, à votre avis, d'une neutralité religieuse dans les salles de classe, puis prenez le niveau que vous voudrez, là.

M. Parent (Ghyslain) : O.K. Moi, je préfère, vu que le mémoire a porté et il a été documenté au niveau du primaire et des garderies comme telles, parce que c'est ce que l'équipe avait décidé… et ça faisait partie de mon expertise. Je forme des intervenants. J'ai compris qu'on ne pouvait pas faire cohabiter ensemble des dogmes religieux. Entre autres, par exemple, lorsque des gens croient, à cause de leur religion, qu'ils doivent aimer leurs ennemis et que, juste à côté, il y a d'autres personnes qui croient qu'il faut tuer ses ennemis, qu'ils ont été conditionnés, enseignés depuis leur naissance, on ne peut pas les faire cohabiter ensemble. Et, à partir de ce moment-là, il n'y a que la neutralité comme telle qui peut être apportée.

Les jeunes... C'est un choix qu'on a fait, au Québec. On l'a déjà fait, le choix de dire : On retire... On se souvient tous… Dans mon temps, peut-être les jeunes députés, ici, n'ont pas vécu cette situation-là, mais, dans mon temps, il y avait les costumes religieux, il y avait aussi les enseignements, on comptait même, en mathématique, on comptait les hosties, sur les ciboires, qu'il y avait. Tout était empreint... L'histoire du Canada qu'on nous racontait dans le temps était, dans le fond, un enseignement religieux, des pauvres prêtres qui avaient été martyrisés. Tout était là-dedans. On croyait, et on a eu, pour plusieurs, une enfance à l'eau bénite, et ça influençait. Dans le temps, lorsqu'on demandait aux jeunes garçons quel métier ils voulaient faire plus tard, beaucoup disaient : Je veux être un prêtre, et aux jeunes filles : Je voulais être une religieuse, parce que les personnes significatives qui étaient en nous et avec lesquelles nous passions le plus de temps, c'étaient des personnes qui avaient déjà un costume, ce qui impressionnait, parce qu'elles étaient différentes. Et, devant ce fait-là, les gens en étaient venus à accepter… et étaient très influencés par le conditionnement religieux qui se passait.

M. Drainville : Donc, votre opinion, votre conviction sur la question de la neutralité religieuse, y compris en matière d'apparence, elle est ancrée dans l'expérience catholique et des leçons que vous en avez tirées. C'est ça?

M. Parent (Ghyslain) : Oui, parce que, dans le temps, il y avait uniquement la religion catholique qui dominait au Québec. Et, je le disais dans mon mémoire, on était même venu… on était conditionné à ne pas parler aux jeunes Témoins de Jéhovah. C'était très mal vu. On était regardé. Il y avait ce phénomène-là qui était passé. Les autres religions étaient totalement absentes comme telles.

M. Drainville : Et alors, pour vous, ça va de soi que...

M. Parent (Ghyslain) : Pour moi, ça va de soi, il est très clair, les gens ne peuvent pas… Comme je parlais, dans mon document, de Watzlawick qui disait si bien : On ne peut pas ne pas communiquer. Les gens, et c'est volontaire… c'est peut-être inconscient, mais c'est volontaire, lorsque tu portes un signe religieux, c'est parce que tu veux envoyer un message. J'ai madame, ici, là, qui a déjà tricoté un chandail des Bruins de Boston pour son gendre. Et, lorsque le gendre porte le costume, il n'y a pas un mot à dire, tous les gens savent qu'il passe un message, qu'il aime les Bruins, que les Bruins sont meilleurs et que, les Canadiens, on ne doit pas les aimer. Ça fait que c'est un message, le costume. Le costume est très fort. Le jeune le reçoit.

Je peux même citer un exemple que j'ai vu dans une garderie. J'ai une dame qui me racontait une expérience. Son fils allait dans une garderie, où les éducatrices étaient voilées. Les femmes étaient très… La dame était très d'accord à ce que son enfant puisse jouir du multiculturalisme, avoir un paquet d'informations, et autres. La dame était ouverte. Mais un jour le fils est arrivé à la maison et a demandé, à six, sept ans, à sa mère : Maman, pourquoi tu ne portes pas de voile, toi? Première question, où est-ce qu'il y a eu un bel échange. Et le deuxième : Maman — un peu plus tard — est-ce que toi, tu es pure? Est-ce que tu es pure? Je pense que le jeune avait reçu un message, une information à l'effet de ça. Le jeune était mal à l'aise aussi. Beaucoup de gens m'ont conté qu'ils n'aimaient pas que leur père aille chercher un enfant à la garderie. Mais le petit gars auquel je fais référence, lui, ne voulait pas que ce soit sa mère, parce qu'il ne voulait pas que les éducatrices voient que sa mère ne portait pas de voile. Il savait qu'il y avait une importance qui était apportée à ce vêtement-là. Et il avait à peu près sept ans.

M. Drainville : Ça, ce témoignage-là, vous le tenez du parent, là.

M. Parent (Ghyslain) : Je le tiens du parent. Je le tiens du parent comme tel. On en a d'autres aussi que j'ai cités dans le mémoire : la mère qui était surprise de voir son enfant sortir un tapis de la salle de bain puis, à trois, quatre ans, faire des prières dans le salon en imitant des prières d'une autre culture religieuse. Et les gens me demandent : Est-ce qu'on a le droit de faire de l'enseignement religieux dans les garderies? Et la réponse, elle est non. C'est un choix qu'on a fait comme société.

M. Drainville : Mais qu'est-ce que vous répondez à l'argument, et là je me fais un peu l'avocat du diable, là, mais c'est une question que vous pourriez avoir : Qu'est-ce qu'il y a de mal à ce que l'enfant soit exposé, donc, à cette autre culture et que ça l'amène à poser des questions à son père ou à sa mère sur cette culture-là ou sur cette religion-là? Ça fait partie de l'expérience de la diversité, diront-ils, diront-elles, et donc c'est… On vit dans une société québécoise qui est de plus en plus forte de cette diversité-là, et donc c'est très bien que les enfants soient exposés à ça. Si ça suscite un dialogue avec les parents et que les parents puissent lui répondre, remettre les pendules à l'heure ou, tout simplement, donner une réponse, bien, c'est tout à fait correct, c'est tout à fait normal.

M. Parent (Ghyslain) : Je suis très ouvert à ce qu'ils le soient, parce qu'ils le sont, exposés, les petits voisins, et autres. Parce que, le jeune garçon auquel je vous parlais, son meilleur ami est un jeune Laotien qui demeure dans la maison voisine. Les jeunes sont ouverts à ça, mais on a fait le choix, comme société, que les éducateurs et les éducatrices ne fassent pas d'enseignement religieux. Et le but du costume et du signe ostentatoire est de faire un enseignement, d'exprimer que je suis différent. Lorsque je porte un signe religieux, je suis différent des autres. Et je pense que, les enfants étant vulnérables, je ne souhaite pas qu'ils soient exposés à ça. On a fait le choix qu'il appartenait aux parents, qu'il appartenait aux communautés religieuses, avec le choix des parents, de faire cet enseignement-là.

M. Drainville : Je sais que ce n'est pas de cela dont votre mémoire parle, j'ai bien compris tout à l'heure votre réponse, mais est-ce que je peux quand même vous demander, à titre de professeur titulaire dans une université… Puis, si vous n'êtes pas à l'aise, M. Parent, dites-moi-le, ce n'est pas grave, on va passer à une autre question. Mais je comprends que la réponse que je vous demande ne représente pas nécessairement les personnes qui vous accompagnent, mais est-ce que je peux quand même vous demander : Vous, selon vous, là, est-ce qu'un professeur ou une professeure d'université devrait avoir le droit d'afficher ses convictions religieuses ou est-ce que vous vivez bien avec cette restriction-là, qui est prévue dans le projet de loi et qui prévoit que le projet de loi, il s'étend également aux cégeps et aux universités, y compris sur la question des signes religieux? Est-ce que vous vivez bien avec ça ou pas?

• (17 h 20) •

M. Parent (Ghyslain) : Moi, je vis très bien avec le fait qu'on l'interdise, que ce soit interdit dans les écoles, et les universités, et partout. Je vis très bien avec une extension au monde universitaire.

J'aimerais raconter une expérience, si vous me permettez, et j'espère que la dame va me pardonner, ou autres. Je ne connaissais pas du tout Mme Rita de Santis, une députée qui est à quelque part, et je peux vous dire que je l'ai trouvée adorable, un jour, à la télévision, lorsqu'elle est arrivée innocemment en portant un bijou ostentatoire qui était un bijou. Je l'ai adorée parce que je me disais : Ça, c'est du Ghyslain Parent en jupon, elle est une… Elle ne voudra pas le dire, mais elle a un petit caractère délinquant que j'ai beaucoup apprécié et aimé. Et, malheureusement ou heureusement, en même temps, la même semaine, j'ai vu, pour la première fois de ma vie, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, un chargé de cours, un professeur qui portait la kippa. Il y a ce qu'on appelle probablement une réaction à peu près avec le même mécanisme de défense. Mme de Santis laissait croire que c'était tout à fait…

Le Président (M. Ferland) : …vous rappelez que, quand vous vous adressez aux parlementaires, de les nommer par leur titre.

M. Parent (Ghyslain) : Non, le titre, je connais… Le titre, je ne veux pas le connaître, mais Mme de Santis était à la télévision, parce que je l'ai vue à la télévision.

Le Président (M. Ferland) : Oui, mais quand même elle est ici aujourd'hui, donc…

M. Parent (Ghyslain) : Ah! O.K. Je vais essayer de…

Le Président (M. Ferland) : Parce que c'est les règles de l'Assemblée parlementaire.

M. Parent (Ghyslain) : De Bourassa-Sauvé, une madame que j'adore et que j'ai appris à aimer. Et je pense que… Ce qu'elle a fait là, je m'attends à ce que ces gestes-là soient refaits, qu'il va y avoir des gens qui vont essayer de trouver beaucoup de stratégies. Hier, comme par hasard, je mangeais dans un restaurant — je n'en ferai pas la publicité — et, à la table à côté, il y avait quelqu'un qui avait — tenez-vous bien — trois crucifix sur lui, il avait décidé… un crucifix, une croix sur son veston et une autre croix sur son manteau. Ça fait que je pense qu'il va y avoir des gestes, des réactions, mais qu'avec le temps, en faisant éducation, les gens vont s'adapter.

Mais j'aimerais ça donner la parole un peu à M. Drouin. Il a probablement des choses intéressantes, si vous le permettez, monsieur…

Le Président (M. Ferland) : Si M. le ministre est d'accord. Oui. Allez-y, M. Drouin.

M. Drouin (André) : Bien, tout ce qu'il a dit, je supporte ça, là. Mais moi, après sept ans, j'ai une banque de données que je suis prêt à partager avec vous, qui va certainement intéresser — du moins, j'espère — les gens autour. J'ai fait des conférences un peu partout au Canada, dans les six dernières années, en particulier, dans d'autres pays aussi, et j'ai remarqué que les problèmes que nous sommes en train de vivre ici sont quand même minimes. Même s'il y a des gens qui disent que nous sommes en train de créer un problème, moi, je dis qu'il y a un problème. Et, ce que je vois dans d'autres pays, je ne veux absolument pas le voir ici.

Ceci étant dit, j'aimerais rappeler à tous nos honorables élus ici, autour de la table, qu'on fait affaire, ici, entre un choix de société qui dit : Nous vivons dans une démocratie, ou, à l'autre extrême : Nous voulons ou désirons vivre… peut-être même il y a déjà des Canadiens et des Québécois qui désirent vivre dans une théocratie. Alors, les accommodements pour les religions, c'est un moyen — puis ça, ça a été ma profession pendant plusieurs années — appelons ça de tenter de résoudre des problèmes ou faire des analyses comparatives. Et un accommodement pour les religions, c'est très symbolique, c'est un moyen de mélanger la démocratie et la théocratie. C'est probablement la pire chose qu'on peut faire. C'est un mélange… c'est pire que de la dynamite.

Alors, il faut essayer de comprendre ici que ce que nous… ce avec qui ou avec quoi — je ne sais pas trop quoi dire là-dessus — nous faisons affaire, ce sont des religions, hein? Et puis je n'ai rien contre les religions comme telles — moi, je ne sens pas le besoin d'en avoir — mais, une religion, le seul désir… peu importe la religion en passant, son désir, c'est de s'agrandir, croître, etc. Et il y a une chose que j'ai remarquée dans les analyses que j'ai faites dans les 10 ou 11 dernières années, c'est que toutes les religions ont quelque chose en commun, à savoir que ce qui est important pour les religions, c'est la vie après la mort. Moi, dans mon cas, puis j'espère que c'est le cas de tous les gens ici, autour de la table, c'est la vie avant la mort. C'est ça qui m'intéresse, là, la balance, ça ne m'intéresse pas.

Alors, ceci étant dit, parce que des gens ont des croyances qui… on dirait que nos élus — puis là je ne parle pas rien que de vous autres, je parle dans d'autres pays aussi — on dirait que nos élus ont peur de prendre position, de dire : Bien, ta croyance, mon bonhomme ou ma bonne femme, met-la de côté pendant six heures par jour ou huit heures, puis, les autres 16 heures, bien, tu pourras la pratiquer. On a fait la même chose avec les fumeurs ici, au Québec, il n'y a pas tellement d'années. Et puis tous les gens disaient : Les restaurants vont fermer, les bars vont fermer. Il y a eu des parades, le droit des fumeurs. Mais l'État a dit : On te laisse le droit de fumer, comme on peut te laisser le droit appelons ça de prier, de l'autre côté, mais on va te dire à quelle place tu ne peux pas fumer. Puis la raison, c'est le vivre-ensemble. Dans des pays où la diversité culturelle est présente, et de plus en plus présente en passant, bien, il faut s'assurer d'avoir des normes ou des balises qui vont faire que ces différentes cultures-là peuvent s'entendre.

Ghyslain le disait dans d'autres mots tantôt, si, dans une religion donnée, on dit : Il faut que tu aimes ton prochain, puis, dans l'autre religion, on leur enseigne qu'il faut que tu le tues, ton prochain, on va avoir un puissant problème à un moment donné. Alors, c'est dans ce sens-là…

M. Drainville : Dans le cas de… Parce que, tout à l'heure, j'ai entendu M. Parent dire ça, là. On parle d'une forme religieuse très, très, très intégriste, là. Quand on arrive à un discours de haine comme celui-là, on s'entend que c'est très, très, très marginal.

M. Drouin (André) : Marginal. Donc, pour quoi c'est faire qu'un État ou des élus comme vous, comment je dirais ça, se sentiraient l'obligation d'écouter les marginaux? Écoutez la population. Il y en a déjà passé trois, quatre ici, là, des musulmans de confession qui disent : Oui, on veut la charte, parce qu'on a fui des pays, puis ce qu'on voit se reproduire ici, c'est ce qu'on a fui par chez nous. Si vous ne l'avez pas entendu, moi, je l'ai entendu, et puis ça fait sept ans que je l'entends.

Alors, un exemple que je peux vous donner, parce que je sais qu'il y a eu des questions là-dessus au début, j'ai suivi ça dans les derniers mois : Est-ce qu'on doit avoir les signes ostentatoires dans les hôpitaux? J'écoutais des ministres… bien, pas des ministres mais surtout des députés de l'opposition, généralement, là : Bien, non, il n'y a pas de problème dans les hôpitaux! Bien, je ne sais pas, allez faire un tour dans les hôpitaux, allez questionner les médecins, allez les rencontrer en privé, là, parce qu'ils n'ont pas le droit de parler généralement, questionnez les infirmières, demandez-leur s'il y a des problèmes. Et surtout, et surtout, si on veut respecter les immigrants qui rentrent chez nous, assurons-nous qu'il n'y a pas de signe ostentatoire dans les hôpitaux. Une personne qui est malade, monsieur…

Puis, bien, je vais vous donner… J'aurais bien aimé qu'il vienne aujourd'hui, mais il a trop peur de se faire tuer. Alors, un Égyptien m'a rencontré assez dernièrement, je parle de trois, quatre semaines, à Montréal. J'ai donné une conférence, puis il vient me rencontrer avec appelons ça sa belle-soeur, parce que son épouse est décédée. Et il a fui l'Égypte il y a trois ans parce qu'il y a 17 membres appelons ça de sa famille très rapprochée qui se sont fait égorger devant lui, juste en face de sa maison. Et il a fui l'Égypte puis il est encore chanceux d'être vivant. Or, il est malade, il s'en va dans un hôpital de Montréal, il se fait soigner. Puis lui-même m'a dit : Je ne critique pas le fait que la personne qui m'a soigné n'était pas bonne, c'était probablement une excellente infirmière. Mais elle était voilée, parce que, dans sa religion, elle n'a pas le droit de l'enlever, etc., selon elle. Alors, la réaction du monsieur, là, avez-vous une idée c'est quoi? Pensons à ça, là.

Et puis on nous dit, au Québec — puis pas seulement au Québec, au Canada aussi — qu'il faut laisser rentrer de plus en plus d'immigrants, de toutes confessions, de toutes langues, de toutes nationalités. Alors, si vous voulez vous assurer que le vivre-ensemble de tous ces gens-là, hein, ça puisse fonctionner, ça, là, bien, au minimum, pensez aux personnes que nous invitons chez nous, puis assurons-nous une certaine… j'allais dire sécurité, là, mais c'est quelque chose d'autre que la sécurité, une certaine aisance, appelons ça… à vivre communément ensemble. C'est un exemple.

Puis allez faire le tour dans les commissions scolaires. J'imagine qu'il y en a de vous qui l'ont fait, là, à Montréal. À Hérouxville, on n'a pas de problème encore, ce n'est pas le genre de problème qu'on a. Mais moi, évidemment, je vis à Hérouxville, mais je suis un citoyen payeur d'impôt et de taxes et, à quelque part, je paie pour ces choses-là. Alors, c'est ça qui m'intéresse.

Et, à long terme, la paix sociale dans ma province ou mon pays, si je l'ai fait pendant sept ans, ça doit être parce que j'y crois. Alors, assurons-nous que les signes, hein, les signes qui vont laisser deviner ou penser qu'une telle personne, peu importe sa couleur de peau, son orientation sexuelle… qu'une telle personne fait partie d'une certaine religion, assurons-nous qu'on n'est pas capable de le deviner.

M. Drainville : Comment? Assurons-nous quoi?

M. Drouin (André) : Que nous ne sommes pas capables de le deviner. C'est ce qu'appelle... tu sais…

M. Drainville : O.K., quand tu travailles pour tes concitoyens dans le service public.

• (17 h 30) •

M. Drouin (André) : Mais, dans ton salon le soir — puis, ça, je l'ai dit souvent — si tu veux faire brûler des lampions, fais-en brûler. Si tu veux mettre, si on prend l'exemple des musulmans, ta burqa, mets-la. Si je parle pour les sikhs, bien, si tu veux dire à ta femme : Bien, peux-tu sortir de la maison, j'ai quelque chose à faire, je veux être tout seul ce soir?, tu le fais. Mais, pendant les heures de travail, bien, tu suis les normes et les règles, les règlements.

M. Drainville : Il nous reste seulement deux minutes, je pense, hein?

Le Président (M. Ferland) : ...

M. Drainville : On n'a pas entendu Mme Hubert. Mme Hubert, je vous laisse deux minutes, là. S'il y a un message que vous souhaitez nous transmettre, nous communiquer, vous avez la chance de pouvoir le faire.

Mme Hubert (Louise) : Juste deux minutes. Aïe!

M. Drainville : Mais, je suis désolé, c'est le temps qu'il me reste. C'est le temps qu'il me reste.

Mme Hubert (Louise) : Non, non, ce n'est pas grave. Je veux tout simplement expliquer, grosso modo, pourquoi j'ai fait une sortie à Trois-Rivières, à l'hôtel de ville, pour justement m'opposer à la prière de l'Hôtel de Ville. La première étape a été quand j'ai entendu M. Drouin, qui était le messager. Au lieu de frapper sur le messager, j'ai été à Hérouxville, et j'ai écouté son message, et j'ai compris ce qu'il avait vu qu'on n'avait pas vu, puis j'ai écouté ce qu'il voulait aussi écouter, et puis je me suis dit : Il faut que je fasse quelque chose. Pourquoi? Parce que je me sentais menacée. Oui, je me sentais menacée. Je sentais mes enfants menacés, ma petite-fille menacée. Pourquoi? Parce qu'une personne qui porte un signe ostentatoire, et dans un dogme qui peut me tuer, quand je la rencontre, elle me signifie, entre autres, que je peux être...

M. Drainville : ...qui peut? Madame, excusez-moi, je ne veux pas...

Mme Hubert (Louise) : Une femme, une femme que je rencontre.

M. Drainville : Oui, mais là vous dites : Un dogme qui peut me tuer.

Mme Hubert (Louise) : Bien, c'est-à-dire, un dogme... c'est-à-dire elle représente un signe ostentatoire qui est basé sur un dogme et un dogme qui est différent du mien, O.K.?

M. Drainville : O.K.

Mme Hubert (Louise) : Et je me suis dit : Quand je rencontre ces personnes-là, elles me tirent en plein visage que moi, je peux être une impure, une putain, que je peux être passible de me faire violer parce que je ne me protège pas, que je ne m'efface pas devant des hommes. Et je me suis sentie très, très, très interpellée, je me suis sentie menacée. Je me suis dit : Il faut que je fasse quelque chose pour dire : Bien, si ma société est laïque, est neutre, bien, qu'on commence à l'être.

Autre chose qui m'a beaucoup interpellée dernièrement, c'est le cas de Mme Lise Payette. Et puis, quand on me radote qu'il n'y a pas de cause à effet, ça me chicote énormément. Mme Payette a dans les 80 avancés, on peut dire qu'elle aurait pu faire partie des Janette. Et les Janette, ce n'est pas un documentaire, ce sont la dernière génération vivante qui ont connu l'oppression d'une religion. Ces femmes-là de 80 et plus, c'est des personnes vivantes qui ont connu c'était quoi, être oppressées par l'Église. Et, moi, quand je les vois qu'elles s'en vont dans un hôpital pour recevoir des soins et que ça représente l'universalité des soins, donc les soins accessibles à tous...

Le Président (M. Ferland) : Mme Hubert, je dois...

Mme Hubert (Louise) : C'est-u vrai? C'est de valeur! Bon, mon deux minutes.

Le Président (M. Ferland) : ...aller du côté de l'opposition officielle...

Mme Hubert (Louise) : O.K. Alors...

Le Président (M. Ferland) : Excusez. Je vais aller au député de LaFontaine. La parole est à vous.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Merci. M. Parent, dans votre mémoire, à la page 5, vous citez le prêtre Raymond Gravel. Je veux juste être sûr que ce soit le même. Est-ce que c'est le prêtre M. Raymond Gravel, député du Bloc...

M. Parent (Ghyslain) : …ancien député, et le prêtre, et autres.

M. Tanguay : J'aimerais vous entendre quant à... Parce que j'ai, dans cette commission, à quelques reprises, cité... puis je vais reprendre la citation de Raymond Gravel, du 25 octobre 2013. Raymond Gravel disait, je le cite : «Si on enlève tous les symboles religieux, c'est comme si on interdisait aux gens de manifester leur foi. Manifester sa foi ne veut pas dire qu'on n'[assume] pas la neutralité de l'État. Moi, je porte ma croix et je n'impose pas ma religion à personne.» Fin de la citation.

Dans votre... Puis je veux juste comprendre, parce que ça semble être un point fondamental — corrigez-moi si j'ai tort — parce que vous commencez par ça. Vous dites, à la page 5 : «Il y a aussi le prêtre Raymond Gravel, bien connu au Québec pour ses positions d'avant-garde, qui endosse des [propositions] similaires. En effet, il croit qu'il y a des liens à faire entre la maladie mentale et l'adhésion à des délires religieux. Cependant, M. Gravel ne dit pas à partir de quel moment il y a maladie mentale et délire religieux. Osera-t-il un jour affirmer que tout croyant est un malade mental qui s'ignore, un fou en devenir?»

Ça, M. Parent, je veux vous donner l'occasion de rectifier le tir, parce que ce mémoire-là commence par cet élément-là puis le mémoire est public. Là, on vient d'entendre certaines choses. Je veux juste m'assurer qu'on ne déformera pas puis qu'on ne dérivera pas, là.

M. Parent (Ghyslain) : Je vous invite à lire le document, qui est en annexe de ces phrases-là, où M. Raymond Gravel parle du cas... où il estime qu'il y a des problèmes de maladie mentale, il parle, entre autres, du célèbre cas du Dr Turcotte, et autres — et je ne fais que les citations et je pose des questions — est-ce qu'un jour le docteur... où il fixe, il dit qu'il y a des personnes, dans son document… Donc, je pars du principe que l'entrevue est honnête et qu'elle rapporte les propos du curé Gravel.

Et dedans il parle justement qu'il y a des problèmes ou des gens qui sont intégristes… Comme M. Drainville, le député de je ne sais pas où, de Bourgeoys, Marguerite-Bourgeoys, disait tantôt, là : Il y a une proportion de gens… Ce qu'on se pose comme question, on est capables… Si on met un continuum, il y a des gens qui sont ce qu'on appelle extrémistes, qui est très difficile à définir, on ne s'entend pas, et dans plusieurs pays, ce que c'est, un extrémiste. Je regarde… La semaine dernière, on parlait de moi dans les journaux, et quelqu'un avait osé écrire que j'étais un extrémiste. Ça fait que c'est un adjectif qui est utilisé à plusieurs sauces. Là-dedans, c'est que Raymond Gravel disait que des gens ayant des problèmes mentaux pouvaient être en lien avec des conditionnements religieux qu'ils ont eus, c'est ce que le document dit, et il ne situe pas à partir de quel moment. Il y a d'autres auteurs que je cite dans le document qui disent que… qui vont de l'autre côté, qui disent que tous les gens qui ont des problèmes… qui ont des valeurs religieuses ou qui ont des croyances religieuses auraient probablement des problèmes de santé mentale.

M. Tanguay : M. Parent, excusez-moi de… Puis, je veux dire, le ministre a le dos large puis il a vu qu'on n'était pas d'accord avec sa position, mais honnêtement je ne le taxerai pas et ne l'affublerai pas d'y voir là un argument pour appuyer, quand même, là, son projet de loi n° 60, là. Je suis désolé, là, mais je ne vois pas du tout le lien et je ne ferais pas cette injure-là au ministre de faire un lien et de trouver une pertinence entre ce que vous dites et les raisons qui poussent le ministre à appuyer et à déposer le projet de loi n° 60.

M. Parent (Ghyslain) : Moi, je ne suis pas…

M. Tanguay : Je n'irai pas jusque-là, M. Parent.

M. Parent (Ghyslain) : Oui, M. le député. Je ne suis pas ici pour faire du prosélytisme et pour aller expliquer quelle est la religion, ou autres. Moi, j'ai fait une recension des écrits, les choses pertinentes qui étaient en lien avec ça. Je les ai mises là et je vous laisse... Je crois que vous êtes capable d'aller sortir les informations là-dedans. Il ne m'appartenait pas de les interpréter. Je les ai mises sous forme pour… plusieurs autres aussi sont là.

M. Tanguay : Je les prends puis je les sors.

J'aimerais vous entendre sur une déclaration que vous avez faite. Vous avez dit : Il n'y a pas de balise présentement concernant les accommodements, et vous citez le jugement ville de Saguenay de la Cour d'appel. Pourtant, il est clairement établi que des balises, même si on veut les voir renforcées, et c'est ce qui était une expression et un désir dès 2010… Aujourd'hui, toujours, ce désir-là est là de les voir clarifiées et renforcées, entre autres l'égalité hommes-femmes. Mais force est de constater… Et il est important, je pense, de reconnaître que, présentement, il y en a, des balises.

M. Parent (Ghyslain) : Lorsque j'ai parlé qu'il y avait… qu'il manquait de balises, je citais le jugement de Chicoutimi-Saguenay auquel on disait… textuellement, dedans, le juge disait… Il ne pouvait pas se prononcer pour défendre, par exemple, l'expression de la prière ou de signes religieux dans les salles municipales parce qu'il n'y avait pas de balise au Québec et qu'il n'y avait pas de texte. Je cite les articles, je vous invite à référer aux articles qui sont dans le document.

M. Tanguay : Le jugement de la Cour d'appel faisait référence, après analyse, après avoir reconnu que, dans l'état actuel du droit… Vous citez les paragraphes 63 et 64, je vous invite à aller voir les paragraphes 65 et 66, et je vais vous les lire. Il parlait d'une finalité, qui était au paragraphe 64 : «…son action gouvernementale sous toutes ses formes…»

M. Parent (Ghyslain) : Quelle page, monsieur…

M. Tanguay : À la page 12 de votre mémoire.

M. Parent (Ghyslain) : O.K.

M. Tanguay : «…que son action gouvernementale sous toutes ses formes demeure à l'abri d'une influence de cette nature», il parlait d'une influence religieuse.

Important de compléter la citation, paragraphe 65 et le début du 66 : «Cette finalité n'exige pas que la société doive être aseptisée de toute réalité confessionnelle, y compris de celle qui relève de son histoire culturelle. D'ailleurs, sur ce plan, il faut reconnaître que certaines des valeurs historiques de la société québécoise demeurent toujours compatibles avec des valeurs actuelles dites neutres et universelles.»

Le début du paragraphe 66 : «L'homogénéité, voire l'exclusivité, que certains soutiennent être le reflet exact du concept de neutralité religieuse, comportent non seulement des attributs qui s'accommodent mal des valeurs véhiculées par une société ouverte sur la diversité culturelle, mais, plus encore, elles semblent être en rupture avec la règle d'interprétation constitutionnelle selon laquelle les changements sociaux s'étudient dans le respect des valeurs et de la tradition politique de la société dans laquelle [elles] surviennent.» Fin de la citation.

Autrement dit… et là la Cour d'appel avait conclu qu'une prière dite universelle, comme à l'image d'un moment de recueillement ici, à l'Assemblée nationale, donc une prière dite universelle, était tout à fait acceptable. Et la Cour d'appel faisait un pont et ne jetait pas le bébé avec l'eau du bain, en faisant en sorte… Effectivement il y a un patrimoine, au Québec, religieux, il y a un crucifix au salon bleu. On ne fera pas table rase de tout cela. Mais on est capables de faire en sorte d'être une société ouverte, qui respecte la neutralité et qui en donne ses lettres de noblesse. Mais ça s'inscrit de façon continuelle. Et ça fait écho également à des propos d'un Jacques Parizeau qui disait : Graduellement, ça s'est fait.

Alors, juste sur le point des balises, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y en a présentement, des balises, et le large consensus, c'est qu'on veut les étayer, les préciser.

• (17 h 40) •

M. Parent (Ghyslain) : Merci beaucoup de votre question, parce que j'adore votre question, elle vient expliquer justement l'introduction qu'on a dans la loi n° 60, qui dit exactement ces choses-là. Oui, il y a des valeurs, des balises, un historique religieux, et autres. Mais est-ce qu'on pourrait le mettre en dehors des heures de travail? C'est juste ça qu'on dit. L'employé d'État travaille sept heures par jour. Est-ce qu'il pourrait, à ce moment-là, être en dehors… La proposition de charte ne nie pas qu'il y a un historique et un bagage, et autres.

Et j'ai mon collègue Drouin qui voudrait intervenir là-dessus, M. le député.

M. Drouin (André) : Si vous permettez, M. le député. Moi, ça fait sept ans que je répète à peu près la même chose. C'est la quatrième fois — puis je n'aurais jamais prévu ça il y a quelques années — c'est la quatrième fois que je suis assis ici : la commission Taylor-Bouchard, certaines de vous se souviennent assez bien… parce que je reconnais les mêmes figures, Mme Weil en particulier, Mme la députée c'est-à-dire; la loi n° 16, ça n'a pas fait vieux feu; la loi n° 94, ça n'a pas fait vieux feu; et aujourd'hui je suis encore ici. Et j'entends encore exactement, avec exactement… peut-être pas les mêmes personnes, mais les mêmes phrases : On a besoin de balises. Et il n'y a pas plus de balise aujourd'hui, M. le député, qu'il y en avait il y a sept ans. Et tout ce qu'on a réussi à faire au Québec, là — bien là, je parle du Québec, mais, dans d'autres pays, ça se ressemble — c'est de comme tourner en rond, hein? On tourne, on tourne. Puis je l'ai même déjà dit, je pense, la dernière fois que je suis venu ici : À force de tourner en rond, on creuse un trou dans lequel on ne peut plus sortir, hein? Et c'est ça qu'on est en train de faire ici. Il est encore temps, le trou n'est pas encore trop profond. C'est ce que j'entends depuis sept ans.

On a même, appelons ça à l'intérieur du mémoire, un endroit où on dit… Ça, c'est plus canadien, là, mais il faudrait s'assurer que le Québec réussisse à s'en sortir : la loi du blasphème. Il semble qu'on n'aurait plus le droit, au Canada, de critiquer une religion. Ça, pour moi, je n'aurais jamais cru voir ça de ma vie, là, hein? Une religion, c'est une croyance. Si je dis à une personne qui tire les lignes de la main : Bien, moi, je ne crois pas à ça, puis etc., j'ai le droit. C'est une croyance. Pour quoi c'est faire, parce que c'est une religion, que je n'ai pas le droit?

Puis je vais vous donner des exemples. Bien, peut-être que j'en suis un aussi. En 2007 — ça a passé dans les journaux, je n'invente rien — j'ai été poursuivi par trois religions, hein, des menaces de poursuite par trois religions, des groupes religieux, parce que j'avais fait le code de vie d'Hérouxville. Dès 48 heures après, des menaces de mort. J'ai été obligé de vivre — moi, mon épouse, ma famille — sous des menaces de mort et protégé… en tout cas, je n'ai jamais été protégé de même de ma vie, même dans le temps que j'étais dans la Marine royale, appelons ça en Angleterre.

Et présentement, hein, je ne suis pas le seul, là. Vous avez Mme Djemila Benhabib, une personne qui est assez connue au Québec, elle est poursuivie présentement, elle a eu des menaces de mort parce qu'elle a parlé. Elle est poursuivie, 100 000 $. C'est une belle façon de fermer la gueule du monde, ça, hein : Je vais te poursuivre. Vous avez aussi, ici, à Québec même, Mihai Claudiu Cristea, le grand patron d'Immigration de la… pas Immigration mais Les Immigrants de la Capitale, hein, le journal. 150 000 $, qu'il est poursuivi. Laquelle raison? Il a pris une photo d'une femme en burqa au marché Sainte-Foy, puis la madame, elle n'a pas aimé ça. Et il est poursuivi pour ça.

Alors, moi, j'essaie de vous dire, là, que les religions… Je n'ai rien contre les gens qui pratiquent des religions. Mais assurons-nous que les religions ne nous empêchent pas de penser, d'agir et de parler, au minimum. Et assurons-nous aussi, à l'inverse, que les religions ne nous parlent pas trop. Ça, ça s'appelle les signes ostentatoires.

Alors, c'est à peu près le genre de réponse que je fais à M. le député.

M. Tanguay : …aspect-là. Il nous reste six minutes, puis je sais que deux de mes collègues veulent intervenir. Deux choses, rapidement. Les balises, ça fait partie du très, très large consensus social. Ce qui divise, évidemment, c'est l'interdiction de port de signes ostentatoires. Et ça, ce n'est pas une balise, c'est une interdiction. Les balises… Vous avez été présent au projet de loi n° 94 et vous voyez qu'on voulait, dès 2010, en mettre et les resserrer. Ça, c'est une chose.

Deuxième des choses. Là où ne s'entendra pas, très clairement, et je ne le sais pas si votre exemple était anodin ou réfléchi, mais il me semble révélateur, c'est lorsque vous dites : Bien, une croyance religieuse qui fait en sorte qu'il y a un signe religieux qui est porté par une personne, qu'on le mette de côté entre 9 heures et 5 heures, tout comme on a réglé le cas des fumeurs et des non-fumeurs. Moi, je vous dis que c'est dangereux comme exemple, n'allez pas là, parce qu'une croyance religieuse, ce n'est pas comme une habitude de fumer. Et ça, je pense que c'est important de faire… Mais je vais laisser ma collègue poser une question.

Le Président (M. Ferland) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Allez-y.

Mme Weil : Oui, bonjour, bonjour à tous. Je pense que, votre message, moi, je le vois beaucoup dans toutes ces discussions sur balises. Parce que le projet de loi maintient cette notion de balise, mais de bien encadrer. Donc, le processus d'accommodement découle du droit à l'égalité, donc il n'y a rien qui change aujourd'hui, ou si la loi est adoptée, par rapport à ça.

Moi, je pense que les Québécois puis, je vous dirais, que les Canadiens — et, M. Drouin, vous dites que vous faites des conférences au Canada — les gens, tous les gens demandent le gros bon sens. On entend souvent ça, le gros bon sens, que les gens ne perdent pas le nord, hein, que les gens puissent dire… faire la part des choses. Ils sont tolérants, ouverts. Oui, il y a la diversité, les gens… Il y a des pratiques, mais, prière cinq fois par jour, trouver des salles de prière… vous vous rappelez le cas de l'ETS. Donc, au fur et à mesure des cas… Il y a eu le cas de Naïma, vous vous rappelez, le cours de francisation avec le niqab, et le dossier s'est réglé. Il y a SAAQ, une pratique qui faisait que, lorsqu'on demandait d'avoir les cours de conduite juste avec une… si c'était un homme, il ne voulait pas de femme. Bon, ces cas se sont réglés.

C'est sûr qu'avec la diversité croissante, puis ce n'est peut-être pas «diversité», le mot, là, mais certaines religions, la société québécoise a été confrontée à ça, la société canadienne aussi. Donc, je pense qu'il faut faire la part des choses.

Puis je me demandais si vraiment vous faites la part des choses entre neutralité, d'une part, porter un signe religieux, bon, ça, c'est une chose, et les accommodements, d'autre part. Moi, je comprends votre message, mais je trouvais qu'il y avait un peu une confusion entre les deux choses.

M. Drouin (André) : Dans mon cas, Mme la députée, si vous voulez me permettre de clarifier ou d'être très clair, puis dans… ça fait sept ans que je dis la même chose, il me semble que je ne peux pas être plus clair : On devrait, dans une société, n'avoir aucun accommodement pour les religions. Et ça, là, ceci étant dit, il me semble que c'est simple, ça, là, hein? Et puis, si vous ne comprenez pas pourquoi, bien, je vous le répéterai après l'entrevue.

La deuxième chose, c'est qu'il faut penser aussi… Puis ça ne vous coûte rien, ce que je vous dis. Vous n'êtes même pas obligée de me croire, hein? J'ai dépensé une fortune dans les sept dernières années pour rencontrer d'une façon personnelle des employeurs au Québec et plusieurs en Ontario, et le message est pas mal le même partout, hein? Les employeurs, présentement, là, ils en ont ras le bol, hein? Il n'y a pas de balise, ils ne savent pas trop qu'est-ce qu'ils vont faire. Est-ce qu'ils vont avoir une poursuite s'ils refusent de donner un accommodement à monsieur ou madame, ou peu importe? Ils en ont le ras-le-bol. Ils attendent un signal et, si… Vous êtes ici, ces gens-là, c'est vous, les politiciens élus, qui êtes capables d'envoyer le signal.

Remarquez aussi que ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des musulmans. Parce que, là, je connais beaucoup plus les chefs des musulmans, j'ai rencontré je ne sais pas combien de centaines de musulmans. J'essaie de me souvenir du vrai nom… Rachid Raffa. Il est ici, à Québec, lui, à quelque part. Il a écrit un mémoire, je pense, c'est pour la loi n° 94. Il se plaignait, puis je le comprends, le pauvre bonhomme — c'est une personne que je connais en plus : 35 % de ses gens, de sa communauté est sur le chômage ou le bien-être social. Ces gens-là ne sont pas venus ici pour être sur le chômage, là, mais il y a une raison majeure pour laquelle ils sont sur le chômage. En fait, il peut peut-être y en avoir deux : ou on laisse rentrer trop de monde… 1 000 par semaine, à toutes les semaines, là, pendant neuf ans, là, ça commence à faire du monde, ça, hein? Puis l'autre raison, c'est que peut-être qu'il y a des gens là-dedans que les employeurs disent — puis confidentiellement, je ne nommerai pas de noms, il y en a qui me l'ont dit assez clairement, d'ailleurs c'est écrit dans le mémoire, vous allez le voir à quelque part — que, là, tu sais, il y a moyen de s'en sortir, parce que je ne veux pas engager cette personne-là à cause de sa religion, la dernière que j'ai engagée, elle a foutu le bordel ici. Alors, ce n'est pas facile, ça, dans une entreprise, là, de gérer cinq, six, sept, huit religions, des demandes à gauche puis à droite, les congés religieux. Le bordel général!

Alors, c'est ça que j'essaie de vous dire. Les employés, les employeurs…

Le Président (M. Ferland) : …de Bourassa-Sauvé qui voulait peut-être poser une dernière question. Il reste à peine une minute. Alors, allez-y.

• (17 h 50) •

Mme de Santis : O.K. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous faites… Bienvenue. Je suis contente que vous soyez là. Alors, la croix que j'ai portée, c'est pour faire le point suivant : en tant que chrétienne, j'ai le choix de porter une croix qui est ostentatoire et j'ai aussi le choix de mettre une petite croix. Et, si je suis une personne qui porte un voile, le voile commence... C'est quoi, un petit voile? C'est quoi, une petite kippa? C'est quoi, un turban qui n'est pas ostentatoire? Alors, c'était ça, le point. En tant que chrétienne, je peux toujours porter un signe religieux. Et donc c'est discriminatoire.

M. Parent (Ghyslain) : Je peux répondre là-dessus. Selon des informations qui m'ont été données, je ne suis pas théologien, et autres, mais on me dit qu'il existe... on peut porter un petit insigne qui est une main et qui représente...

Le Président (M. Ferland) : Je dois céder la parole à la députée de Montarville. Alors, allez-y.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Mme Hubert, merci. M. Drouin, M. Parent, merci. Merci pour le mémoire, un mémoire étoffé, complexe, avec beaucoup d'angles. Mais je ne peux pas m'empêcher de poser ma question à M. Drouin, en ex-journaliste.

M. Drouin, on se souvient tous du code d'Hérouxville. Vous nous avez donné votre position sur le projet de loi n° 60. Je suis totalement d'accord avec vous sur le fait qu'il faut les encadrer, ces accommodements religieux, la laïcité de l'État, son importance ultime, égalité hommes-femmes, qu'il faut bien informer les immigrants, lorsqu'ils arrivent ici, de nos lois. On s'entend là-dessus.

Maintenant, moi, depuis le début de cette commission... ça fait deux semaines, là, on arrive à la deuxième semaine de commission et on entend des opinions divergentes. On entend plusieurs opinions qui se ressemblent mais quand même qui ont toutes des différences. On a le projet de loi de M. Drainville qui nous dit : Il faut interdire le port de signes religieux à tout fonctionnaire, où qu'il soit, peu importe la fonction, qu'il soit ou non en présence du public. Mais on a aussi entendu des gens qui nous disent : Non, non, non, il ne faut pas interdire le port de signes religieux à qui que ce soit. On a aussi entendu d'autres personnes qui disent : Oui, il faut même interdire le port de signes religieux aux étudiants du primaire, du secondaire, du cégep, de l'université. On a même d'autres intervenants qui nous ont dit : Il faut interdire le port de signes religieux chez les passants, sur le trottoir à Montréal, et même dans les commerces. Alors, voyez-vous, notre dualité dans tout ça, c'est qu'il y a plusieurs opinions, des opinions divisées, on déborde du projet de loi n° 60. Et la question, c'est : Qui a raison? Comment trancher? Comment trancher la ligne? Je vous pose la question.

M. Drouin (André) : Vous êtes élus pour ça, décider.

Mme Roy (Montarville) : Mais vous...

M. Drouin (André) : Arrêtez de gérer le problème, hein, et solutionnez-le. C'est la seule chose que je peux vous dire.

D'ailleurs, j'ai une remarque, parce que vous avez dit que je venais de dire qu'il fallait baliser les accommodements. Je n'ai jamais dit qu'il faut baliser les accommodements, j'ai dit : Il ne faut pas d'accommodement, pour aucune religion.

Mme Roy (Montarville) : Alors, pardonnez-moi, j'ai mal compris.

M. Drouin (André) : Ainsi, on n'a pas besoin de balise. C'est assez clair, ça aussi.

Puis allez faire le tour en Suisse, allez faire un petit tour au Danemark, allez rencontrer Geert Wilders, en Hollande, il va vous dire exactement la même chose, exactement pour les mêmes raisons, d'ailleurs. Si on veut assurer la paix sociale dans une société comme la nôtre... Puis ça ne fait rien que de débuter, là, hein? Dans les années qui vont venir, les avions vont aller plus vite, etc., on va avoir plus de monde. Assurons-nous qu'on met des normes, des lois puis que les signes religieux, surtout pour les employés de l'État, la nation... C'est moi qui paie le salaire de ces gens-là, assurons-nous qu'on le fait.

Et puis il y a une autre petite parenthèse, parce que Mme la députée de je ne sais pas quel comté, Mme la députée Weil, disait : Au Canada anglais, etc. Ça aussi, ça ne coûte rien, ce que je vous dis, là : Dans les deux, trois dernières semaines, il y a eu quelques événements très importants au Canada anglais, hein? En Nouvelle-Écosse, le petit étudiant qui faisait de l'aïkido, il a dit : Moi, je ne veux pas pratiquer avec les femmes. Alors, lisez comme il faut les commentaires de nos amis canadiens anglophones dans les journaux, hein, lisez-les comme il faut. Il y en a même qui ont dit qu'ils voulaient que la charte de la laïcité soit dans leur province, dixit l'Université York à Toronto, Grayson, hein, le Pr Grayson. Son étudiant ne voulait pas passer des examens avec des femmes. Il a dit non, il a rasé perdre sa job! Alors, lisez comme il faut les journaux et suivez les événements.

Vous en voulez un autre? Puis c'est un petit peu plus vieux : la «mosqueteria», Valley Park High School à Toronto, hein, les hommes en avant qui font leurs prières, les femmes au milieu qui sont en arrière, puis, collées contre le mur, les femmes menstruées qui regardent le mur, hein? Les Canadiens anglais, là — puis ça fait longtemps que je me promène dans le pays — ils en ont, mesdames et messieurs, ras le bol! Comprenez-vous? Mais ce n'est pas nécessairement ça que vous lisez dans les journaux. Il doit y avoir une raison majeure, hein, comme il y a une raison majeure pour laquelle les premiers intervenants contre la charte au Québec ont été qui?

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, M. Drouin, je dois aller au député de Blainville. Il reste quatre minutes environ, c'est ça.

M. Drouin (André) : Je m'en vais finir avec lui.

Le Président (M. Ferland) : Alors, peut-être, si...

M. Ratthé : Mais moi, je vais aller... Madame messieurs...

Le Président (M. Ferland) : Vous avez quatre minutes pour le rachever. Allez-y.

M. Ratthé : Madame messieurs, je vais aller sur un autre angle, un angle que je qualifie de positif dans ce que vous avez abordé. Et ça m'a frappé parce qu'à la fin vous avez 14 conditions à mettre en place pour assurer, j'allais dire, le succès de cette laïcité-là. Sur les 14 conditions, il y en a quand même la moitié qui porte sur les nouveaux arrivants, des moyens positifs d'intégration. Vous parlez de capacité d'accueil, vous parlez d'oeuvre d'éducation, de cours permettant aux immigrants de s'intégrer. Et moi, je trouve curieux qu'on n'a quand même pas soulevé ça, parce que la moitié de vos recommandations porte sur des façons positives, en fait, d'intégrer les nouveaux arrivants puis de faire en sorte qu'ils se sentent bien ici. Puis je voudrais vous entendre là-dessus, je vous laisse tout le reste du temps pour en parler.

M. Parent (Ghyslain) : Vous allez m'entendre quelques secondes là-dessus. Je vais vous parler de quelque chose qui m'a fait très mal hier, O.K.? Je pense que nous sommes tous les trois très ouverts aux immigrants. On en a, des amis, et des centaines d'amis. J'ai eu énormément de peine hier... Parce qu'il y a trois personnes que j'aime beaucoup — à part la nouvelle députée que j'ai appris à aimer — il y a trois personnes… je vais vous les nommer, je les ai écrites dans mon mémoire : Mme Leila Lesbet, O.K., Mme Djemila Benhabib et Mme Fatima Houda-Pepin. J'étais très triste hier parce que des gens… des députés disaient : S'il y a la charte, il va y avoir des musulmans qui vont perdre leur job, qui vont se faire tasser, et autres. Et j'ai trouvé triste hier qu'une dame comme Fatima Houda-Pepin, qui parle depuis 30 ans, que j'ai déjà entendue, que j'ai déjà écoutée, que j'ai déjà été attentif à ses propos… Elle tient les mêmes propos que les deux autres collègues. Et j'aimerais ça qu'on l'écoute, elle a quelque chose à dire. Elle a dit quelque chose, j'aimerais ça... je vous invite...

Et nos 14 choses disent : Les musulmans... pas les musulmans, les immigrants peuvent faire quelque chose. Il y a des choses... Ils sont un apport. Comme on dit dans un des 14, peut-être qu'il faut limiter le nombre d'immigrants qui arrivent. Parce qu'on leur a menti, à un moment donné on leur a fait accroire que tout était beau au Québec et au Canada. Et je peux vous en nommer plusieurs qui n'ont pas d'emploi et j'en ai connus que c'est probablement en lien, justement… parce qu'il n'y a pas de balise et qu'il y a des inquiétudes chez les employeurs.

M. Ratthé : Bien, je vous entends, mais j'aimerais quand même le souligner…

M. Parent (Ghyslain) : Mais madame va revenir sur le point.

M. Ratthé : Je pense que ce serait intéressant de souligner quand même certains points que vous avez... en termes d'éducation, là, je pense que ce serait intéressant de le mentionner.

Mme Hubert (Louise) : Bien, c'était juste pour la conclusion. Moi, je trouve qu'une société, tout le monde, on doit mettre des efforts. Et il y a des efforts qu'on parle très, très, très peu, c'est qu'on ne se demande pas : Est-ce que les différentes personnes qui représentent les religions ne sont pas prêtes, eux aussi, à mettre de l'eau dans leur vin? Moi, j'étais de religion catholique, et, le dimanche, tout était fermé, puis maintenant c'est ouvert. Donc, il y a eu comme un accommodement.

Et j'aime bien la fin, ici, pour dire que faisons donc confiance aux divinités pour qu'elles s'accommodent, ou qu'elles fassent des accommodements, ou qu'elles permettent des accommodements à leurs personnes qui font différentes religions. Je veux juste en souligner quelques-unes, là. Écoutez, comme c'est toujours du domaine de l'invisible, je ne sais pas… ici, là : donner des moyens concrets pour faire respecter certaines prescriptions religieuses sans nuire à sa santé, à celle des autres. Exemple, dans un cas de ramadan, on pourrait peut-être s'imaginer jeûner, peut-être que la personne pourrait contenter… dans sa ferme intention, qu'elle pourrait jeûner. Autrement dit, ce que ça veut dire, c'est que soit les rabbins, ou les imams, ou les représentants fassent aussi des efforts pour dire à leurs personnes qui pratiquent des dogmes : Maintenant... Comme je pouvais manger de la viande le vendredi, les dimanches, on peut aller magasiner. Que tout le monde, si on veut travailler ensemble, bien, on a aussi à faire ça, là. Les 14 conditions, oui, mais à la condition que tout le monde aussi veuille...

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, Mme Hubert, je dois vous arrêter, le temps étant terminé. Moi, je vous remercie beaucoup pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire et de vous déplacer pour nous le présenter.

Sur ce, je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au jeudi 23 janvier, 9 h 30. Alors, bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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