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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Friday, May 8, 2015 - Vol. 44 N° 40

Interpellation by the Member for Chicoutimi and Leader of the Official Opposition to the Premier on the following subject: As the President of Iceland said, on 24 February 2015, "Independence in itself can never be negative"


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Table des matières

Exposé du sujet

M. Stéphane Bédard

Réponse du ministre

M. Jean-Marc Fournier

Argumentation

Conclusions

M. Jean-Marc Fournier

M. Stéphane Bédard

Autres intervenants

M. Gilles Ouimet, président

Mme Véronique Hivon

M. Marc Tanguay

Mme Manon Massé

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, prenez place, s'il vous plaît! Veuillez vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas perturber nos travaux.

Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Bon avant-midi à tous.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Bérubé (Matane-Matapédia); Mme Maltais (Taschereau) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean); et Mme Hivon (Joliette) remplace M. Lisée (Rosemont).

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, je souhaite la bienvenue aux membres qui se joignent à la Commission des institutions.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : À tous et à toutes. Vous avez raison.

La Commission des institutions est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Chicoutimi et chef de l'opposition officielle au leader du gouvernement sur le sujet suivant : Comme le soulignait le président de l'Islande, le 24 février 2015, «l'indépendance en soi ne peut jamais être négative».

Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Pour ceux que ça intéresse, ce sont les articles 300 à 302 de notre règlement qui s'appliquent. Dans un premier temps, le chef de l'opposition officielle aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du leader du gouvernement pour 10 minutes également. Les membres de la commission auront ensuite le droit d'intervenir pour des périodes de cinq minutes en alternance entre les députés du groupe parlementaire formant le gouvernement et ceux de l'opposition, le ministre ayant droit d'intervenir pour la même durée après chaque intervention d'un député de l'opposition.

Je comprends qu'il y a entente à l'effet que Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques puisse intervenir pour l'opposition lors de la quatrième série d'interventions. C'est exact?

Une voix : ...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion au leader du gouvernement et un temps de réplique égal au député de Chicoutimi et chef de l'opposition officielle.

Enfin, je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Ainsi, comme la séance a débuté à 10 h 5, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de midi, soit jusqu'à 12 h 5? Il y a consentement. Parfait.

Alors, M. le député de Chicoutimi et chef de l'opposition officielle, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je salue les gens d'en face qui sont là et évidemment mes collègues qui m'accompagnent, la députée de Joliette, la députée de Taschereau et leader de l'opposition officielle. Il y a aussi des gens dans nos tribunes, que je salue, qui sont intéressés comme bien des Québécois par ce débat fondamental qui est de l'importance pour le Québec de réaliser son indépendance nationale. Donc, je les salue et je suis content que, tout comme nous, ils s'intéressent à ce grand débat, qui ne peut pas être plus important dans le contexte actuel, et plus à point et plus pertinent, dans ce qui est arrivé encore hier.

D'ailleurs, j'en profite pour saluer le nouveau premier ministre du Royaume-Uni, M. David Cameron, et en même temps souligner ce résultat, qui a vu arriver au Parlement du Royaume-Uni plus de 56 députés nationalistes écossais. Comme le disait M. Salmond, le lion a rugi. Ça veut dire qu'après avoir fait un référendum sur leur avenir collectif ils ont décidé d'élire, au Royaume-Uni, des députés nationalistes écossais. Donc, ce débat continue en Écosse comme il continue dans d'autres pays dont on parlera un peu plus tard et en même temps il s'inscrit dans ce que fait même le Royaume-Uni. Vous savez, le Royaume-Uni, M. Cameron a été élu en promettant aux Anglais, à tous les Anglais un autre référendum sur le rapatriement de pouvoirs qui sont dévolus actuellement à la Communauté économique européenne, donc ça démontre à quel point ce débat qui se déroule chez nous est pertinent et sain et normal et qu'il est à l'avantage des pays d'avoir, d'exercer cette souveraineté tout en maintenant des liens économiques forts avec tous les pays à travers le monde, mais l'endroit où se prennent les décisions à l'échelle internationale qui ont un impact sur nos vies, qu'on soit dans une région ou à Montréal, c'est à la grande table des nations, surtout dans un contexte de mondialisation qu'on vit actuellement, d'où l'importance pour le Québec, pour le Royaume-Uni, pour l'Écosse mais pour d'autres aussi... La Catalogne est un exemple où on a annoncé qu'il y aura, en 2016, qui doit être l'année, comme nous le dit le président, où... commencerons à exercer notre indépendance comme État.

• (10 h 10) •

La Catalogne, un État aussi riche, a décidé aussi de se questionner sur son avenir, et il voit l'avantage pour le peuple catalan de devenir indépendant. Et, vous avez vu, dans notre interpellation, nous avons rappelé, avec très à-propos, la déclaration d'un président qui, lui, gouverne un petit pays, et là je dis petit entre guillemets évidemment, de 320 000 habitants. Il est venu ici, au Québec, pour rappeler ce qui est évident pour lui — il l'a dit avec une légèreté et une évidence claire — c'est que l'indépendance en soi ne peut jamais être négative. Et je suis tout à fait de son avis. Si c'est vrai pour l'Islande, c'est vrai pour le Québec et c'est vrai pour tous ceux et celles qui ont accédé à cette indépendance nécessaire à travers le monde.

J'aurai souhaité que M. le premier ministre du Québec soit ici pour débattre de cet enjeu. Actuellement, on envoie 50 % de nos impôts à Ottawa, et les choix qu'ils font vont souvent à l'encontre de nos intérêts et ont un impact sur les finances publiques du Québec. Je pense qu'il aurait été à son avantage de venir défendre sa vision, lui, qu'il a du Québec dans le Canada. Je pense que ça aurait été utile et nécessaire pour nous de comprendre qu'est-ce qui l'attache autant à ne pas utiliser la force de la nation québécoise pour établir un rapport de force comme l'ont fait les autres premiers ministres avant lui, qu'ils étaient du Parti québécois ou du Parti libéral. Malheureusement, je pense que c'est une occasion encore manquée. Quant au chef de la CAQ, je pense qu'il a fait le bon choix vu la pauvreté de son programme et de ses orientations sur ces questions : de ne pas être présent. Je salue les gens de Québec solidaire à qui on a donné effectivement un des blocs pour leur permettre d'aborder ces questions importantes.

Alors, le Québec, pourquoi l'indépendance? Pourquoi? Pour qui? D'abord, le Québec est un grand pays; seulement à l'échelle de la carte, regardez la carte du monde, vous allez y trouver le Québec, vous ne le chercherez pas. Vous allez peut-être chercher le Liechtenstein, vous allez essayer de trouver certains pays à travers le monde, vous dites : Il y a un pays là. Au Québec, ça apparaît, c'est évident, sur la carte pour tout le monde. Donc, en termes territoriaux, c'est un grand pays, ça, personne ne va en douter. D'ailleurs, si demain matin nous avons ce statut de pays, nous serions 18es en termes de grandeur de territoire sur tous les pays à travers le monde.

Et là, après ça, on se pose la question : Bon, on le sait, on a un grand territoire, on a des richesses, mais est-ce qu'on est riches? C'est une bonne question, parce que, là, on nous dit : On n'est pas assez riches, ce n'est pas possible. Alors, on s'est dit : On va se fier à des économistes, des gens qui connaissent ça. Alors, le Québec-pays, demain matin, c'est quoi, sa richesse? Alors, si on prend un calcul simple, celui que reprennent les économistes sur le PIB par habitant, qui n'est pas parfait, je vous l'avoue, j'y reviendrai un peu plus tard, mais le Québec-pays... demain matin, on devient un pays, on vote ensemble, on fait un référendum ou il y a unanimité ici, à cette Assemblée nationale, ce qui serait tellement une belle chose, ce que je souhaite, au lendemain d'un Québec souverain, je suis convaincu que nous serons côte à côte, mais, en attendant, le Québec-pays serait la 18e puissance économique dans le monde — 18e. C'est quand même assez formidable, là. Il faut que nos concitoyens le sachent, là, que le Québec est la 18e puissance économique pour le PIB par habitant. C'est formidable. Mais ces mesures-là ne sont pas parfaites. Certains me diront : Le PIB par habitant, ça ne calcule pas, par exemple, la concentration de la richesse. Et on sait que c'est un grand débat dans le monde actuellement, à qui profite cette croissance, qui... oui, on peut bien augmenter le PIB à chaque année, mais, si ça va à 0,1 % de la population, quel est le bénéfice pour M. et Mme Tout-le-monde, pour les familles du Québec?

Alors, à ce niveau, le Québec a une particularité, sur la planète, qu'il partage avec d'autres pays scandinaves, c'est celle de favoriser l'égalité des chances par un système d'éducation accessible, gratuit évidemment — primaire, secondaire, cégep — et très accessible au niveau universitaire, et je pense qu'on aurait avantage à le rendre encore plus accessible au niveau universitaire. En même temps, il a une politique familiale ambitieuse qui favorise cette égalité des chances. Donc, si le Québec... dans les nouveaux, d'ailleurs, standards économiques de la mesure de la richesse des pays, je suis convaincu que le Québec ne serait pas au 18e rang, il serait encore plus haut, il se situerait sûrement dans les 15 plus grandes puissances économiques mais, en même temps, sociales du monde entier. Parce que, cette richesse-là, ce n'est pas simplement pour la donner à ceux et celles qui accumulent des richesses, c'est pour la partager à l'ensemble des Québécois. Donc, on a un avantage indéniable, nous avons cette stature au niveau international qui est claire en termes de territoire et en termes de richesse.

Maintenant, si on reste dans l'État fédéral, actuellement, quels sont les impacts de rester ici? À la dernière interpellation, on a fait des démonstrations intéressantes. D'abord, on a parlé de la péréquation, la grande sorcellerie, là, où il y a un calcul que personne ne comprend, et, tout d'un coup, les calculs changent, on a un montant qui varie et qui est déterminé selon des conditions x qui sont déterminées par le fédéral, tout simplement. Eh bien, cette péréquation, on disait que le Québec recevait le plus de péréquation. On entend souvent ça, hein? D'ailleurs, je le teste même auprès des militants du Parti québécois. Est-ce que le Québec reçoit le plus de péréquation? Tout le monde me répond oui. Non. On est les cinquièmes. C'est assez incroyable, ça. Il y a des provinces qui reçoivent plus de péréquation que nous. On est à peu près égal, M. le Président, avec l'Ontario. C'est assez incroyable. Donc, on a abordé cette question-là importante.

On a apporté aussi des solutions concrètes. À quoi ça change, la souveraineté, pour un citoyen à Montréal, par exemple, ou en banlieue de Montréal? Bien, écoutez, au moins, on va être capables d'appliquer les consensus québécois. On a parlé, par exemple, du péage. C'est assez ridicule au Québec, où on a un consensus québécois sur le péage, puis on va en avoir un pareil. Faut-u être locateur de son territoire? Un pont, M. le Président; on fait des discussions sur un pont. Il y a un consensus donc très concret, très concret. L'utilisation du fleuve; les Québécois pensent que ça leur appartient, le fleuve. Non, ce n'est pas vrai, ça ne leur appartient pas, on est locateurs... locataires, pardon. Le locateur, vous le connaissez; il nous l'a cruellement rappelé dans le transport des sables bitumineux. Qu'est-ce qu'il dit? Il dit : Moi, c'est à mon avantage de l'utiliser pour l'exportation. Et on a fait des démonstrations claires qu'il y a eu des échecs du fédéralisme. Il y en a eu quatre, et ils ne s'en sont pas remis, que ce soit à Victoria en 1971, au rapatriement de la Constitution en 1982, le lac Meech en 1990 ou Charlottetown en 1992; quatre échecs.

Nous, deux référendums, un qui a fini égal. Il faut en faire un autre pour dire aux Québécois : Voici vos avantages. Mais, si on reste dans le Canada, quel est notre désavantage? Le dernier budget l'illustre parfaitement, M. le Président, parfaitement... où il y a des choix budgétaires qui ont été faits par le fédéralisme, par les fédéraux à Ottawa, qui vont impacter le gouvernement du Québec et les familles du Québec, l'éducation, la santé. 100 millions seulement. Alors, il faut absolument faire un choix à l'avantage de toutes les familles du Québec.

Et moi, j'aimerais savoir de mon collègue pourquoi se fait-il que les demandes du Québec qu'il a déposées hier envers le fédéral sont si faibles par rapport à ce que l'ancien premier ministre, M. Charest, avait déposé il y a quelques années. Pourquoi avoir diminué la liste, actuellement? Est-ce que c'est les attentes qui ont baissé ou parce que simplement on a baissé les bras?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle. Je me tourne maintenant vers le leader du gouvernement et je vous cède la parole pour 10 minutes.

Réponse du ministre

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens qui nous accompagnent d'un côté et de l'autre et leur dire que je suis néanmoins heureux de participer au débat.

Je ne pense pas que c'est la bonne priorité, mais, quand même, je suis heureux de participer à ce débat-là, ce qui m'amène à dire que je regrette l'absence de la coalition, qui, à mon avis, doit quand même un peu de respect à nos institutions. Les interpellations sont amenées par les partis d'opposition, ça fait partie de notre règlement. On est dans une démocratie. On peut ne pas être d'accord avec les sujets, mais les sujets sont amenés, et ils ont le droit de les amener, ces sujets, M. le Président. Et je crois que notre travail à l'Assemblée nous amène à participer à des débats pour faire connaître les positions que nous avons et je suis très déçu de la façon dont la coalition fait un peu son choix des thèmes sur lesquels il veut travailler. Aujourd'hui, ils ne se présentent pas à l'ouvrage. Il faut se souvenir que, lors de la dernière interpellation sur le même thème... sur les sept interpellations du Parti québécois depuis l'élection, on est à la deuxième sur le même thème, et il faut se souvenir que la CAQ était venue nous dire qu'elle s'en allait. Aujourd'hui, elle n'a pas pris le soin de venir nous dire qu'ils ne reviennent pas. On le constate, simplement.

Je suis ici donc avec mon collègue et les gens qui m'accompagnent. Et, à la première question, sur le regret de notre collègue de ne pas voir le premier ministre ici, permettez-moi de simplement mentionner que, comme dans toutes les journées où il occupe sa fonction, sa priorité n'est pas la séparation du Québec. Ça ne nous étonnera pas. À la croissance économique, par contre, oui, à la création d'emplois aussi.

• (10 h 20) •

Évidemment, ce matin, les chiffres de l'emploi sont assez parlants, M. le Président. Depuis un an, et ça fait un an que nous formons le gouvernement, il y a 69 000 emplois qui ont été créés au Québec. Et je me souviens de nombreuses questions qui ont été posées par l'opposition officielle, qui est devant nous, qui cherchait les emplois créés. Il y en a 69 000 qui ont été créés, parce que le premier ministre et l'ensemble du gouvernement travaillent à donner de la stabilité au Québec, à donner un environnement propice à la création d'emplois, et, non, il n'a pas l'intention de faire de la séparation du Québec une priorité et surtout pas de vouloir laisser entendre que nous souhaitons un climat d'instabilité politique au Québec. Lorsqu'on cherche des investisseurs, évidemment, M. le Président, la première chose qu'il faut viser, c'est un climat de stabilité. C'est ce sur quoi nous travaillons. D'ailleurs, je crois que nos concitoyens partagent le même sens des priorités. Lorsqu'on parle à nos concitoyens un peu partout, lorsqu'on les rencontre, bien c'est sûr que la question de la croissance économique pour servir la justice sociale fait partie de la thématique sur laquelle ils nous abordent. La révision de nos manières de faire, la révision de nos organisations, évidemment toute la question de l'équilibre du budget, de la relance économique fait partie des sujets qu'ils abordent.

Alors, le Parti québécois, je le disais à l'automne dernier... nous étions dans la même semaine, c'est pour ça que j'avais utilisé cette image, c'était la semaine où la comète Tchouri s'approchait de la Terre, M. le Président. Et il y a une expression qui laisse souvent entendre, lorsqu'on est déconnecté puis qu'on ne parle pas des bonnes priorités... on se demande sur quelle planète les gens vivent, et j'avais, donc, fait l'analogie avec un sujet d'interpellation sur la séparation comme étant de voir le Parti québécois sur la planète Tchouri, mais je ne croyais pas à ce moment-là qu'ils allaient y élire résidence permanente, M. le Président. Et on revient donc à une deuxième interpellation sur le même sujet pour entendre les mêmes éléments.

J'ai entendu les mêmes éléments que j'avais déjà entendus l'autre fois, ce qui m'amène quand même à rappeler que non seulement je trouve que ce n'est pas les bonnes priorités, mais je crois que certains membres du Parti québécois le croient aussi. Le député de Jonquière disait, le 16 septembre dernier, et je le cite, dans une lettre qu'il écrivait lui-même : «Le peuple nous regarde, mais ne nous écoute plus. [...]la course à la direction doit impérativement prendre racine dans les préoccupations des Québécois. En ce moment, ceux-ci sont bien loin du débat sur le meilleur moment de tenir le prochain référendum!» La députée de Joliette, en octobre, disait ceci — et elle pourra peut-être nous en parler tantôt — et je la cite, entre guillemets : «Le Parti québécois a parfois l'air d'être dans sa bulle, occupé par ses débats internes sur la souveraineté, désincarné des préoccupations des gens.» Le député de Lac-Saint-Jean disait, lui, dans le même article... estime que le parti «ne parvient plus à toucher les gens dans leur quotidien», leur quotidien, leurs préoccupations de tous les jours, des questions de santé, les questions d'éducation et des questions de création d'emplois. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont eux. Le 8 septembre, le député de Rosemont disait : «Pour les indépendantistes convaincus que nous sommes, découvrir que moins de 30 % des Québécois partagent en ce moment notre idéal, constater que les trois quarts de nos concitoyens sont réfractaires, pour ne pas dire allergiques, à la tenue d'un référendum, cela fait mal.» Que cela fasse mal, c'est une chose, mais encore faudrait-il en tirer des conclusions, je crois. Je le dis avec le plus de franchise et de respect possible, il y a un phénomène de déconnexion d'intérêt important de la part des citoyens, qui ne sont pas rencontrés dans la thématique soulevée par l'opposition officielle.

Maintenant, on nous a conviés à une séance de pédagogie sur la séparation, alors, soit, participons à cette séance. Le 12 mars 2014, Mme Marois, alors chef du Parti québécois, affirmait qu'il n'y aurait pas de frontière autour du Québec, mais elle ne savait pas s'il y aurait un passeport canadien ou pas, il n'y avait pas encore eu assez d'études. Pourtant, c'est assez lié. Peut-être que nous apprendrons aujourd'hui si un tel passeport existera. Le 12 mars, elle annonçait aussi que le Québec séparé allait garder le dollar canadien. Le député de Rosemont, en octobre dernier, nous disait plutôt que ce serait un dollar québécois. De toute façon, canadien ou québécois, on apprendra aujourd'hui lequel ce sera. Je tiens simplement à rappeler que Mme Marois nous disait à propos du dollar canadien que nous n'aurions qu'une capacité de mimétisme à l'égard de la politique monétaire, qui resterait canadienne, alors, pour le dollar canadien, on laisserait à d'autres le soin de faire la politique monétaire canadienne. Alors, on verra si c'est un dollar québécois ou un dollar canadien. Mais il est quand même étonnant, après 50 ans d'existence du Parti québécois, où on soit encore à se poser ces questions-là.

Le 20 avril 2011, Mme Marois annonçait que le Québec aurait une armée. La première ministre, Mme Marois, annonçait que le Québec aurait une armée. Le 25 octobre 2014, le député de Rosemont déclarait qu'il n'y aurait pas d'armée, mais une simple garde nationale. Et le député de Saint-Jérôme, toujours le 25 octobre, disait : «Ça nous prend une vraie armée.» Et il déclarait, et je cite : «Ça m'apparaîtrait inusité de savoir qu'il n'y a pas de moyen de défense d'un pays qui est limitrophe avec les États-Unis et avec le Canada.» J'espère que, pendant nos deux heures, on pourra expliquer en quoi le Québec séparé devrait-il à ce point craindre des États-Unis et du Canada qu'il faudrait avoir une armée, vraie armée, pour s'en protéger. J'imagine que l'objectif est de nous informer sur ce genre d'élément. J'imagine déjà les rencontres du président américain et du futur président du Québec séparé pour régler ces questions, M. le Président.

Mon collègue a soulevé la question de la péréquation en nous annonçant que tout était réglé, il en avait été question à la dernière interpellation et maintenant tout le monde savait que le Québec n'était pas celui qui en recevait le plus, que nous étions cinquièmes. Et, comme il n'a pas parlé du fait que c'était per capita, il a, donc, laissé entendre que nous étions les cinquièmes qui recevaient le montant d'argent. Or, non, le Québec est celui qui reçoit le plus, l'enveloppe globale est celle-là, parce qu'il n'a pas pris le soin d'être précis et de nous dire la vérité, qui est à l'effet qu'il y a, per capita, des provinces qui en retirent plus. Mais, lorsqu'on regarde l'enveloppe...

Une voix : ...

M. Fournier : ... — oui, mais vous ne l'avez pas dit, malheureusement — lorsqu'on regarde l'enveloppe globale, et c'est ce que vous avez dit, le Québec en retire le plus. Alors, je suis obligé de venir corriger ces choses. Il me semblait plus normal si c'était dit dès le départ.

Maintenant, c'est 9 milliards de dollars, c'est 9 milliards de dollars. Alors, le chef de l'opposition officielle, qui veut vraiment régler la question de la péréquation, peut-il nous dire le Québec séparé va couper quels services pour ces 9 milliards de dollars, qui représentent, dans le fond, tous les CPE, toutes les écoles primaires, toutes les écoles secondaires du Québec? Dans quel rêve vit-il, même sur Tchouri, pour nous dire comme Mme Marois disait le 10 février 2013 : La péréquation, le Québec peut s'en passer? Bien, 9 milliards, M. le Président, c'est pas mal d'argent, c'est beaucoup de services. Alors, puisque le Québec séparé doit être si bon pour la justice sociale, que restera-t-il des services publics aux Québécois? Nous avons deux heures pour l'apprendre, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le leader du gouvernement. Simplement, avant d'entreprendre les échanges, là, j'apprécierais, puisque c'est la norme maintenant au Québec que les anciens premiers ministres soient désignés par leur titre, que ce soit la première ministre Marois ou le premier ministre Charest... Donc, je fais la remarque pour tous les parlementaires. Ce serait apprécié et une marque de respect due à leur rang.

Argumentation

Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette, vous avez le premier bloc d'échange, vous disposez de cinq minutes.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer tous les collègues et leurs équipes respectives. Simplement une précision : ça fait deux fois que le gouvernement note une déclaration qui me serait attribuée, et je veux simplement souligner que jamais je n'ai dit que la souveraineté était quelque chose qui était déconnecté. Je faisais référence à la réalité de la mécanique référendaire, qui devait être dissociée du projet de souveraineté. J'ai d'ailleurs écrit aux journalistes à cet égard.

Et pourquoi c'est si important justement de faire la souveraineté? C'est parce que la souveraineté, ce n'est pas une voie parallèle. Ce n'est justement pas quelque chose de désincarné. La souveraineté, c'est quelque chose qui s'incarne dans le quotidien des gens, qui ferait une différence énorme pour leur épanouissement individuel et collectif.

Et, M. le Président, je ne sais pas si vous connaissez les trois étages de raisons pour faire la souveraineté du Québec qui s'additionnent, mais j'aimerais vous les exposer si vous ne les avez pas en tête, fraîchement à l'esprit. Il y a d'abord le ciment du projet, qu'on pourrait qualifier de rez-de-chaussée dans la maison des raisons de faire la souveraineté. Ce sont toutes les raisons liées à la culture, à la langue, à notre identité comme seul peuple de parlants français en Amérique du Nord. Ce sont les raisons qui ont fait que les premières personnes au Québec qui ont adhéré à cette cause de l'indépendance du Québec l'ont fait en pensant à leur avenir mais en pensant à l'avenir des générations futures.

• (10 h 30) •

Il y a ensuite le premier étage des raisons de faire la souveraineté, c'est-à-dire toute la liberté d'action politique et économique que d'avoir tous nos pouvoirs nous conférerait, au Québec : pas de compétences partagées, pas de champs d'action divergents, une liberté d'action politique et économique. Et il y a finalement le deuxième étage des raisons qui se sont additionnées. On a agrandi la maison avec tout cet espace international qui prend de plus en plus de place et où le Québec doit pouvoir faire valoir sa voix, pas simplement chuchoter à l'oreille du Parlement fédéral quand, mon Dieu! par grandeur d'âme, il accepte que le Québec lui chuchote à l'oreille comme à l'UNESCO, mais qu'il puisse parler de se propre voix.

Alors, on voit bien l'ensemble de ces raisons, de ces étages de raisons toujours plus actuelles, toujours plus pertinentes de faire l'indépendance du Québec.

Et je dois vous dire, M. le Président, que, lorsque j'ai été ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, je me suis rendu compte que la liberté d'action, elle n'est pas simplement limitée dans les champs de compétence qui nous échappent ou qui sont partagés, mais elle l'est grandement aussi dans les champs de compétence qui sont supposés nous appartenir en propre. Alors, simplement pour faire un petit rappel : en matière de santé et services sociaux, une compétence, tout le monde va en convenir, qui appartient en propre au Québec, qui a une petite liste rapide d'interventions du fédéral : fonds pour réduire les temps d'attente; fonds pour les équipements médicaux; ententes sur la participation des personnes handicapées au marché du travail; Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires; Programme de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme intensif de réadaptation; initiative de postes de résidence en médecine familiale; projets pilotes liés aux garanties sur les délais d'attente pour les patients; Stratégie de partenariats de lutte contre l'itinérance; programme Nouveaux Horizons pour les aînés; programme de soutien du traitement de la toxicomanie; Loi sur la procréation assistée.

Vous imaginez? En ce moment, au fédéral, il y a plus de 9 000 fonctionnaires fédéraux à Santé Canada. Il y a, au Québec, 26 fonctionnaires dans notre ministère de la Santé qui ne font que gérer ces dédoublements. Parce que c'est quoi, le prix du fédéralisme canadien? C'est un dédoublement de bureaucratie, c'est une inefficacité, c'est une difficulté de prévisibilité. C'est aussi des enjeux éthiques parce que le gouvernement, avec son prétendu pouvoir fédéral de dépenser, vient intervenir, met en place des projets, des projets pilotes, souvent, auprès de populations vulnérables, et, après deux, trois ans, ils se retirent : Bon, bien, Québec, arrangez-vous avec ça, puis, les personnes qui pourraient en pâtir, eh bien, tant pis. C'est ça, le fédéralisme, et ça, évidemment, c'est sans compter le non-respect de nos priorités, de nos valeurs, de ce qui pour nous est important en matière sociale, en matière de santé et de services sociaux.

Alors, j'aimerais savoir comment le ministre des Affaires intergouvernementales, qui est confronté à chaque jour à une telle inefficacité, à de telles difficultés, peut tolérer une telle situation. Comment ne peut-il pas voir les avantages de l'indépendance?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, à vous la parole pour cinq minutes.

M. Fournier : Je prends presque la question finale pour lancer mon cinq minutes. Je ne vois pas l'avantage de la séparation du Québec, je ne la vois pas, parce que je crois que nous pouvons et nous devons être présents partout. Et c'est ce qui nous amène à être mieux maîtres chez nous, dans la mesure où on est capables de faire partager avec nos voisins, avec nos concitoyens, ceux qui participent à l'aventure canadienne depuis 150 ans sous la forme fédérative... nous sommes en mesure de faire des progrès.

Notre collègue nous dit qu'en matière de santé il y a des dédoublements, je me souviens très bien... et de dire, donc, que les valeurs canadiennes, les valeurs des Ontariens, les valeurs des Albertains, les valeurs des gens du Nouveau-Brunswick sont à l'opposé des valeurs des Québécois. Lorsqu'on parle de la santé... je me souviens, lorsqu'on abordait la question de la Loi canadienne sur la santé et de ses cinq conditions et qu'on posait la question au Parti québécois : Laquelle des cinq vous voulez changer?, aucune. Le Parti québécois répondait : Nous sommes d'accord avec les cinq conditions de la Loi canadienne sur la santé, ce qui est simplement un constat que nous avons des ambitions communes, des visions communes. On n'est pas d'accord sur tout, mais personne n'est d'accord sur tout. Même dans un Québec séparé, là, tout le monde ne penserait pas la même chose, même si le chef de l'opposition, et j'y reviendrai, prétend que nous serions une société homogène où nous pensons tous la même chose. Mais j'y reviendrai, évidemment, parce que ça fait partie d'une vision de ce que vous proposez comme Québec séparé.

Mais je reviens sur la question de la santé, sur le fait que, dans le fond, ce que notre collègue vient de nous dire, c'est qu'il y a eu beaucoup d'ententes qui ont été faites dans des domaines de la santé et des services sociaux. Il y a eu beaucoup d'ententes, et, il faut bien l'admettre, les transferts fédéraux ont augmenté. Les transferts fédéraux sont passés de 7 milliards en 1998... ils sont maintenant à 17 milliards en 2015‑2016, dont 9 milliards à la péréquation, à ce programme, qui vise à redistribuer la richesse entre ceux qui ont comme richesse collective un peu moins que les autres, ce qui est le cas du Québec. Dans ce programme canadien, qui vise, un vrai principe de justice sociale, à équilibrer et à redistribuer la richesse selon les capacités fiscales d'offrir des services, le Québec est le plus grand bénéficiaire. Ça, c'est pour le programme de péréquation.

Dans le programme de la santé, il y a eu des transferts. D'ailleurs, la dernière fois qu'il y a eu une entente, elle a été saluée même par le premier ministre Jacques Parizeau, qui saluait le caractère asymétrique de cette entente de 2004 sur la santé. Je ne disconviens pas que parfois des gouvernements canadiens ne prennent pas des décisions que nous aurions voulu qu'ils prennent, mais il y a une différence entre un gouvernement du moment et un pays, il y a une différence entre un premier ministre du Canada et l'amalgame de tous les citoyens canadiens qui seraient comme lui.

Force est d'admettre, et je prends donc à la volée ce que notre collègue vient de dire, il y a des valeurs qui sont reconnues dans la Loi canadienne sur la santé qui sont les mêmes que celles que prône le Parti québécois. Elle reproche le fait qu'il y a eu plusieurs ententes en matière de santé et de services sociaux, alors qu'ils nous disent toujours qu'il faudrait qu'il y ait plus de transferts. Et avez-vous obtenu plus transferts? Oui, il a été obtenu plus de transferts dans des ententes qui rencontraient nos objectifs, parce que le domaine de la santé n'est pas différent quand on passe la frontière du Québec entre l'Ontario et le Québec; et la même chose dans les Maritimes. Il faut savoir parler avec nos concitoyens pour s'apercevoir qu'eux aussi s'intéressent aux personnes âgées et aussi se demandent quelle sorte de moyens nous avons pour les servir, partout. Ce n'est pas propre au Parti québécois, ce n'est pas propre au Québec, la capacité de s'occuper de ceux d'entre nous qui sont malades.

Ceci étant, et je tiens à le réitérer, ce n'est pas parce qu'il y a des valeurs identiques que nous ne demandons pas à ce que le gouvernement fédéral ajoute les ressources au soutien. D'ailleurs, ça m'étonne qu'elle nous dise qu'il y en a trop, parce que, même le gouvernement du Parti québécois était d'accord avec nous, il faut rehausser la participation fédérale à 25 %... du programme de la santé, 25 % de nos coûts. C'était dans le budget du Parti québécois de rehausser la contribution fédérale à 25 % des dépenses de la santé, et, ce matin, on nous apprend que ce n'est plus le cas, on n'en veut plus. Toujours obligé de dire : Que fera-t-on dans un Québec séparé sans ces transferts, sans ce 9 milliards? J'attends toujours la réponse.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors évidemment, je salue tous les collègues ici ce matin qui participent à cette interpellation sur le sujet qui est la souveraineté, sujet évidemment qui est imposé — et ça participe de nos règles parlementaires — par l'opposition officielle et auquel évidemment nous participons. Et je fais miens les propos de mon collègue M. le ministre, qui soulignait que la Coalition avenir Québec a décidé de se désincarner de ce débat et de mettre en pratique la politique de la chaise vide.

Et, vous savez, M. le Président, quand on est fédéraliste, il y a des arguments pour l'être et il faut les faire valoir, et je ne peux que constater que la Coalition avenir Québec n'a pas d'argument, ce matin, pour venir faire valoir ou n'a pas trouvé... ou a désiré ne pas faire valoir évidemment les arguments qui font en sorte que le Québec, et je reprendrai les mots de Joseph Facal, «lorsqu'on compare les sociétés des 50 dernières années, le Québec en Occident est une société qui, sur le plan politique, économique et culturel, s'est nettement démarquée, a été parmi les plus performantes». Et c'est Joseph Facal, un ancien ministre du Parti québécois, qui l'écrivait dans son livre, et ça, ça parle beaucoup, M. le Président. J'espère avoir l'occasion, au cours des quelques minutes qui me seront accordées, d'y aller de citations en ce sens-là, citations de personnes qui ont été des acteurs au sein du Parti québécois, qui ont fait partie du mouvement souverainiste et qui, aujourd'hui, force est de le constater, font les mêmes constats que nous.

• (10 h 40) •

Reprenons, M. le Président, et on se rappellera trois anciens collègues, Alexandre Bourdeau, Stéphan Tremblay et Jonathan Valois, trois députés du Parti québécois, qui, du 30 janvier au 7 avril 2004, avaient fait une tournée du Québec — on l'avait appelée la tournée des mousquetaires — et qui avaient produit un rapport en juin 2004, rapport qui était, je dirais, M. le Président, annonciateur des résultats que nous avons vus le 7 avril 2014, des résultats électoraux où l'on constate que les jeunes ne se reconnaissent pas au Parti québécois, ne s'identifient pas à la souveraineté ou à ce désir d'être un pays souverain. Et, en ce sens-là, déjà en 2004, on pouvait lire, M. le Président, et je cite, à la page 5 trois députés du Parti québécois, en 2004, qui disaient : «L'option souverainiste, l'idée de souveraineté est aujourd'hui incluse dans la longue liste des éléments desquels les gens sont sceptiques. Rattachée à la survie de la langue et du peuple québécois, on voit mal en quoi la souveraineté peut être une réponse aux problèmes sociaux qui se vivent au jour le jour.» Ça, c'étaient trois députés du Parti québécois, en 2004, qui reprenaient les propos de jeunes. Il s'agissait d'un groupe, les représentants socioéconomiques, qui affirmait cela, et ils avaient subdivisé leur analyse en quatre groupes.

Maintenant, un autre groupe, les groupes des jeunes qu'ils avaient rencontrés sur les bancs d'école. Ceux-ci, et je le cite, disaient et rapportaient — ces trois députés du Parti québécois : «Pour ce qui est des jeunes en formation professionnelle, la souveraineté n'est pas une réponse concrète aux problèmes sociaux vécus aujourd'hui. On considère ainsi les débats sur l'avenir du Québec comme un bien accessoire et trivial par rapport aux enjeux sociaux. Il n'était pas rare d'entendre parler du projet du Parti québécois.» Ce n'est pas des députés libéraux qui écrivaient ça en 2004, c'étaient trois députés du Parti québécois qui l'écrivaient en 2004. Toujours au même rapport de 2004, à la page 11, lorsqu'ils établissent les constats — et ils avaient fait le tour du Québec, 25 villes, rencontré des milliers de jeunes, je les cite toujours : «Cette génération est consciente de ses moyens et de ses capacités. Le Québec de ces jeunes n'est pas le Québec de la soumission ni même celui du rattrapage. Le Québec d'aujourd'hui en est un de réussites, d'exploits et d'ambitions.» Quand je vais voir sur le site Internet du Parti québécois et que du programme du Parti québécois... on vient d'entendre la voix des jeunes, en 2004, qui dit que c'est un Québec de réussites, d'exploits et d'ambitions, on se rappelle de la citation de Joseph Facal, que le Québec, sur le plan politique, économique et culturel, a été, dans les 50 dernières années, un succès occidental, et quand je lis : Programme du Parti québécois adopté en 2011 et qui est toujours le programme... Je cite : «Nous avons rendez-vous avez la liberté[...]. Au lendemain de la proclamation de la souveraineté, un immense élan de fierté gagnera le Québec. Notre énergie et notre créativité, entravées depuis si longtemps, se déploieront dans toutes les sphères d'activité, sur [...] le territoire...»

Ça ne collait pas à la réalité des jeunes en 2004, ça ne colle pas à la réalité des jeunes, et non seulement des jeunes, mais de tous les Québécoises et Québécois, et c'est ce qui faisait dire — M. le Président, je conclurai là-dessus — à Joseph Facal, le 21 avril 2014...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : En conclusion.

M. Tanguay : ...qui notait que les jeunes avaient décroché du Parti québécois.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. le chef de l'opposition officielle, à vous la parole.

M. Bédard : Oui. Très content, M. le Président, parce que le leader du gouvernement nous parlait de péréquation. Donc, pour nous, c'est justement important d'en parler. D'abord, lui dire que... et d'investissement fédéral, de dépenses fédérales, je vais rappeler une chose relativement simple, c'est que les dépenses fédérales se font à partir de l'impôt des Québécois et Québécoises et des impôts de tous les Canadiens. Ça, c'est la première chose. Et nous envoyons, au Québec, 46 milliards d'impôt, taxes et redevances au fédéral. Donc, l'argent ne pousse pas dans les arbres; quand le fédéral dépense, il dépense avec de l'argent qu'on lui a envoyé. On envoie 50 % de nos impôts. Il faut s'intéresser à comment il les dépense.

La deuxième chose, et ça, c'est de façon plus philosophique, il me dit : C'est vrai qu'on a beaucoup de désaccords avec nos amis canadiens, et c'est nos amis canadiens, mais il n'y a pas de quoi faire un pays, il ne faut pas faire un pays, parce qu'on n'est pas si différents, finalement. Alors, j'aurais tendance à lui poser la question : Qu'est-ce qui empêche le Canada de se fusionner avec les États-Unis, vous pensez? Est-ce que c'est parce qu'ils sont si différents? C'est-u deux planètes différentes, les États-Unis puis le Canada? Est-ce qu'il y a un mouvement unioniste, au Canada, qui dit : Fusionnons-nous? On a des valeurs démocratiques, on se ressemble un peu, donc allons-y. Bien non. Il y a des différences qui justement font la différence qui font en sorte que tu dis : Si j'ai le contrôle de tous mes leviers, c'est ça qui va faire en sorte que je vais prendre des décisions qui ont un impact positif sur ma population.

Alors, qu'est-ce qu'il fait avec le 46 milliards, le fédéral? Il fait, tout d'abord, vous le savez, des transferts, des transferts fédéraux, il envoie de l'argent un peu partout. Puis là on dit : Ah! le Québec, on reçoit de la péréquation, ça n'a pas de bon sens. Là, je vais peut-être apprendre encore quelque chose à mon collègue. Dans les dernières années, dans les 15 dernières années... J'ai ici les augmentations de hausses de transferts fédéraux, alors il va voir avec moi ceux qui ont reçu le plus, les provinces. L'Ontario, 300 % de plus de transferts fédéraux. Eh bien, O.K. L'Alberta, un petit peu en bas, 290, je pense, pour cent.

Une voix : ...

M. Bédard : On me dit de le... Oui. Colombie-Britannique, plus de 150 %. Et nous, le Québec, bien nous, on a augmenté mais beaucoup moins que ces provinces-là. Alors, ça, c'est un choix. Alors, ils dépensent plus, ils font des transferts, mais, là-dedans, ça n'inclut pas les choix qu'ils font de leurs dépenses.

Et on en a parlé lors de la dernière interpellation, par exemple, de choisir d'abandonner l'industrie forestière, mais d'investir 10 milliards... le plus gros investissement, c'est dans GM, l'industrie automobile, près de 11 milliards qui a été envoyé à l'industrie automobile. Puis nous, on a reçu des pinottes. Mais prenons-en un particulièrement, et lui, il est parlant. Et c'est une militante de l'Abitibi qui m'en a glissé un mot, mais qui... vous allez voir, ce n'est pas un détail. En 2012, on a fait le choix de construire des navires au Canada, et ce n'était pas pour punir les souverainistes, c'était un gouvernement libéral qui était là. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont décidé d'investir, on dit, au départ, à peu près 30 milliards de dollars. Ces 30 milliards sont allés où? Ils sont allés en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, principalement. Le contrat de construction des grands bateaux militaires a été donné à la Vancouver Shipyards, pour 23,9 milliards. Dans les faits, ce qu'on a constaté, M. le Président, c'est que, ces contrats de bateaux, sur toute la période, avec l'entretien, c'est 90 milliards sur 30 ans qui vont être versés, mais dans deux provinces en particulier : à Halifax, en Colombie-Britannique. Ça, c'est le choix qui a été fait.

Donc, on nous parle de péréquation, mais moi, je vais lui parler d'investissement, je vais lui dire que nous, on reçoit 1/100 de 1 % de ces dépenses structurantes. Mais évidemment, le reste, eux reçoivent ces belles dépenses structurantes pour une industrie où, à Lévis, on en aurait bien besoin... en Gaspésie. Alors, on l'a calculé par habitant. Savez-vous ça fait combien d'années de péréquation? Ça fait 19 ans de péréquation, M. le Président. Alors, moi, je suis prêt à renoncer à la péréquation si on investit dans des secteurs prioritaires qui créent de l'emploi, qui créent de l'activité économique, qui fait en sorte qu'on ne quémande pas, on donne de l'emploi à notre monde. C'est ça, la réalité concrète, les choix politiques.

Alors, ce que je demande à notre ami d'en face, qui est un fédéraliste assumé... Ils ont peu de demandes. Ils ne défendent pas le système fédéral. Ils ont beau me citer tous les députés du monde, des 20 dernières années du Parti québécois, ils sont tous encore indépendantistes puis ils croient que l'avenir du Québec, c'est de faire du Québec un pays. Mais, lui, qu'est-ce qui ferait en sorte que le Canada serait meilleur pour un Canada qu'il ne l'est actuellement? Est-ce qu'il peut me donner un...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Merci, M. le chef de l'opposition. M. le ministre.

M. Fournier : Bien, d'abord, le chef de l'opposition officielle vient nous dire que lui, il est prêt à renoncer à la péréquation. En fait, lorsqu'on regarde les... Et, évidemment, il dit : Vous savez, la péréquation et les transferts, c'est nous qui les payons, c'est notre proportion d'argent qu'on envoie à d'autres qu'ils nous renvoient. Or, année sur année, on en a pour 10 milliards de plus qu'on reçoit que ce que l'on donne. Alors, il faut bien le noter, que, lorsqu'on se sépare, c'est moins 10 milliards en commençant. La première ministre Mme Marois parlait de perturbations. Ça va de soi, on commence avec moins 10 milliards dès le début. Et notre collègue dit : Bien, moi, je vais relancer Davie puis je vais probablement commencer à faire les sous-marins que le député de Saint-Jérôme veut avoir pour faire l'armée québécoise, la vraie armée, pour se protéger du Canada puis des États-Unis. C'est lui qui le dit. Ce n'est pas moi qui le dis, là. C'est lui qui le disait dans une de ses citations.

Revenons à un contexte, là, où on est capables de trouver un terrain commun, si vous le permettez. Je vais vous proposer qu'on ait une piste de discussion où on se retrouve, alors je vais prendre la piste de discussion des documents du Parti québécois. Je vais prendre leur piste, c'est sur leur site Internet. Alors, probablement que ça a été fait en 2013, parce que c'était 18 ans après le référendum de 1995. Je vais faire de la publicité pour vos documents, c'est sur votre site Internet.

• (10 h 50) •

Alors, on nous dit donc que, de 1995 à aujourd'hui, ou 2013... on a des beaux graphiques comme ça, on nous dit que la hausse du revenu disponible par habitant a augmenté de 33 % au Québec et de 25 % en Ontario. Dans le Canada, depuis 1995, ça va mieux au Québec qu'en Ontario, nous disent-ils. En fait, ils nous disent que la situation budgétaire du Québec se porte mieux, ils nous disent que la population s'est enrichie, que l'économie va mieux, que l'endettement tombe, que le chômage et la pauvreté tombent. C'est sur leur document que, dans le Canada, 18 ans... puis on peut prendre... c'est le chiffre qu'ils ont pris ou les années qu'ils ont prises, la période qu'ils ont prise, l'endettement, en proportion du PIB, a chuté; le service de la dette, par rapport au PIB, est tombé; le taux de chômage, et les gens vivant sur l'aide sociale, est tombé. Je prends leurs propres statistiques, leurs propres données, leurs propres documents. Ils nous disent que la population sous le seuil de faibles revenus a tombé, que le PIB, comme je le disais tantôt, réel par habitant a augmenté — il y a des flèches importantes — depuis 1995, que la scolarisation de la main-d'oeuvre a augmenté.

Alors, partons sur un point de vue, là, qui est la documentation du Parti québécois elle-même. Et ils nous disent : Depuis le dernier référendum, l'appartenance du Québec au Canada a été un succès, et je dois aujourd'hui dire : Ce succès-là, je n'en veux plus, je n'en veux pas, je veux plutôt vivre l'expérience d'un Québec séparé qui va avoir un déficit annuel, en commençant, de 10 milliards de dollars; pas 1 million, pas 10 millions, 10 milliards. Alors, partons donc de ce document, là. Je pense qu'on peut faire consensus. Je n'ai pas regardé chacune des statistiques. Je m'inspire d'eux et j'en suis à constater que, pour le Parti québécois, le Canada, dans ces documents-là, n'est pas l'adversaire qu'il nous présente, l'espèce d'amalgame, d'ensemble de citoyens qui sont là pour essayer de mettre à mal le Québec. Au contraire, la situation économique que nous avons, notamment, j'y reviendrai dans un autre bloc, tient au fait que nos échanges interprovinciaux sont très importants et en croissance par rapport aux échanges avec le reste du monde. Nous avons non seulement des concitoyens, mais des partenaires d'affaires et nous vivons en plus, en ce moment, une période où nous nous rapprochons énormément de l'Ontario pour faire des affaires ensemble et protéger la planète ensemble.

Alors, je suis sûr que le chef de l'opposition va nous montrer maintenant les grands tableaux issus de son site Internet qui montrent que le Québec est maintenant mieux qu'il l'était en 1995. Je lui rappelle à l'avance que tout ça s'est fait dans le Canada. Pourquoi faudrait-il s'en sortir? Il n'y a pas de raison. L'indépendance n'a pas comme cause une question économique, une question budgétaire. On ne fait pas la séparation parce qu'on dirait : Dans le Canada, ça va tellement mal pour l'économie du Québec. Eux-mêmes disent que ça va mieux. Alors, il faudra qu'il nous trouve une autre raison.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Sur le thème Le Québec a su faire dans les 50 dernières années et s'est démarqué... et le chef de l'opposition officielle a dit : On cite d'anciens députés du Parti québécois, tous ces gens-là aujourd'hui sont encore souverainistes.

Allons voir si tous ces gens-là sont encore souverainistes. Et je ne parle pas de députés du Parti québécois, je parle d'une personne, Mario Polèse, qui a participé, rappelons-nous, M. le Président, au comité Bonin, qui avait déposé, en 1980, en préparation du référendum, le premier référendum, Étude sur l'association économique après un Oui — synthèse Bonin et Polèse, de l'ENAP, en 1980. Et Mario Polèse a écrit un livre en 2009, a écrit en 2009. Vous riez parce que je parle de 1980?

Une voix : ...

M. Tanguay : Je parle de 2009, un peu plus contemporain, Serions-nous plus libres au lendemain d'un Oui?

Alors, Mario Polèse évidemment avait fait des études, il avait eu le mandat de René Lévesque, notamment faire des études pour analyser, dès 1980 : Coudon, un Québec souverain, là, est-ce que ça serait viable économiquement?

En 2009, après coup, après l'exercice, après avoir vu l'évolution du Québec, il écrivait — et j'invite mes amis d'en face à annoter la page, c'est la page 181 de son livre Serions-nous plus libres au lendemain d'un Oui? en 2009 — et il disait, je le cite, Mario Polèse : «De l'histoire des 50 dernières années, je tire aujourd'hui la leçon que l'appartenance à la fédération canadienne n'a pas empêché les Québécois d'avancer. Ce que les Québécois ont réalisé — individuellement et collectivement — depuis les débuts de la Révolution tranquille n'est pas banal : un peuple en situation d'infériorité économique et sociale s'est transformé en l'espace d'une génération en l'un des peuples les plus prospères, les plus créateurs et, j'ose le dire, les plus libres de la Terre. Peu de peuples, dont des peuples qui disposent d'un État souverain — ah! — ont réussi un virage aussi spectaculaire.» Fin de la citation. C'est ce qui faisait dire, et là j'ai la citation, à Joseph Facal, ancien ministre du Parti québécois, qui, dans son livre de 2010, Quelque chose comme un grand peuple, à la page 12, disait... et je le cite : «L'affirmation économique, politique, culturelle du peuple québécois au cours des dernières décennies doit se lire comme une des grandes réussites du monde occidental.» Fin de la citation. Ce n'est pas un libéral qui dit ça, M. le Président, c'est un ancien ministre du Parti québécois.

Alors, lorsque l'on dit que l'on est opprimés, qu'économiquement on n'est pas capables de tirer notre épingle du jeu, moi, quand je me fais dire par une personne qui a été ministre du Parti québécois... quand je me fais confirmer ce que je constate, moi, à tous les jours, que le Québec s'est développé comme pas un et est un exemple en Occident, M. le Président, excusez du «peu», en Occident, bien moi, je pense que ça parle beaucoup.

Et, en ce sens-là, il est important de le souligner, important de souligner également, M. le Président, que — vous savez, j'ai parlé du référendum de 1980 — le référendum de 1995, il y avait eu tout un débat à l'intérieur du Parti québécois et du Conseil des ministres. Vous savez, Jacques Parizeau avait toujours dit : La question sera, et je le cite — le 23 janvier 1993, il disait : «Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain le 24 juin 1995?» C'était la question toute simple. Pourquoi, M. le Président, posons-nous la question, pourquoi la question est devenue, et je la cite : «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain — il n'y a pas le mot "pays", comment ça, il n'y a pas le mot "pays"?, j'y reviendrai — après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?» Fin de la citation. Pourquoi il n'y a plus le mot «pays», M. le Président? Parce que, et c'est relaté — et je vois que notre ancien collègue Pierre Duchesne est derrière le chef de l'opposition officielle — dans son livre, il relatait une entrevue qu'il a eue avec Éric Bédard, qui était à l'époque le chef de cabinet adjoint à Jean Royer, à Jacques Parizeau... et qui, dans son livre, M. Duchesne, à la page 426, et je le cite, «relatait pourquoi le mot "pays" avait été retiré». Éric Bédard, adjoint au chef de cabinet, précise que des sondages testent la question avec le mot «pays» et que celle-ci ne performe pas très bien en termes d'appui populaire. Donc, on enlève le mot «pays». Fin de la citation, M. le Président.

Alors, voyez-vous, lorsque l'on parle de transparence, lorsque l'on parle d'un projet qui, selon nos amis du Parti québécois, à sa face même, à sa face même, devrait rallier tout le monde, on vient de démontrer dans un premier temps que les jeunes, dès 2004, décrochaient, les jeunes, et Joseph Facal le relatait dans un article du 21 avril 2014, les jeunes de 18-24 ans ont au quatrième rang le Parti québécois dans leurs priorités.

Et là on vient de démontrer que ça prend de la stratégie, appelons ça comme ça, M. le Président, pour essayer de vendre un tant soit peu un projet qui n'est pas vendeur, qui n'est pas vendable.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Simplement vous rappeler que M. le premier ministre Parizeau a également droit au titre. Vous citez M. Facal, qui est un résident de la magnifique circonscription de Fabre. Il a de belles qualités. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bédard : Et un grand souverainiste, je dois le dire, effectivement, un grand intellectuel, un homme qui a apporté une contribution formidable au Québec, et je tiens à le saluer, moi aussi, à ma façon évidemment, en ne tentant pas de vous dire... On ne peut pas résumer son oeuvre, mais ce qu'on peut dire, c'est que c'est quelqu'un qui a contribué fortement à justement faire en sorte que cette idée de pays soit accessible à tous les citoyens du Québec. Il avait d'ailleurs écrit un beau livre à ce niveau-là.

Mais on avance dans notre interpellation. Peut-être une chose, une mise en garde : quand on dit que le projet de faire du Québec un pays, c'est déconnecté, moi, je dis à nos amis d'en face : Faites attention, parce qu'un jour peut-être M. Salmond va venir ici, peut-être aussi que l'ancien premier ministre écossais, le premier ministre actuel, peut-être des amis de la Catalogne vont venir, puis là il ne faudrait pas leur dire : Vous êtes déconnectés. Ça ne serait pas bon. Moi, je pense, pour le Québec, ça donnerait une mauvaise image. C'est des gens qui sont très connectés, et, je peux vous dire, ils parlent d'indépendance à leur monde. Ils en parlent puis ils en sont fiers, donc, et nous aussi. Et, de dire que René Lévesque était déconnecté, le premier ministre René Lévesque était déconnecté, je pense que c'est aussi manquer de respect. Même le premier ministre Robert Bourassa, à l'époque, n'employait jamais ce terme. Il disait, au contraire : Vous avez le droit à votre conviction, voici les miennes. Par contre... et ça, on n'a pas beaucoup de réponses.

• (11 heures) •

Le fédéralisme. Qu'est-ce qu'on propose? Comment on l'améliore? Où sont les demandes traditionnelles du Québec? Est-ce qu'on croit encore qu'on va réformer ou on ne veut plus réformer? On dit : Là, tout ce qu'on veut obtenir du fédéralisme, c'est arrivé, là, il ne reste plus rien que le statu quo. Alors, moi, j'aimerais qu'on me vante au moins un peu le Canada. On va peut-être me convaincre au bout de tout ça. Le Canada peut se réformer. J'aimerais avoir deux, trois arguments, parce que les derniers ne sont pas bons. Les dernières actions, que ce soit au niveau du registre des armes à feu, que ce soit pour les travailleurs étrangers immigrants... temporaires, plutôt, sur lesquels le fédéral nous a envoyés promener comme si on n'existait pas... Et là, dans le dernier budget fédéral, on a augmenté le CELI. Je ne sais pas combien de personnes ici prennent 10 000 $ de CELI par année. En tout cas, ce n'est sûrement pas à la disposition de la classe moyenne, je vous dirais, et du... Je vous dirais, il y a le 1 %. En bas du 1 %, là, il n'y a pas grand monde qui va faire en sorte que son CELI soit plein. Mais ça, ça nous impacte de 100 millions, là, 100 millions de plus de coupés en éducation.

Et là le Parti libéral nous dit : Il y a la péréquation. On a 46 milliards, il y a un 9 milliards là-dedans. Bon, je lui ai déjà dit qu'il y a 46 milliards d'impôt qu'on envoie, les transferts fédéraux augmentent à l'extérieur plus que chez nous, un. Deux, je lui ai dit que leurs dépenses structurantes, elles vont ailleurs. Et, les bateaux, je n'ai pas eu une seule ligne, puis là je le comprends, parce qu'on est gêné. 90 milliards, là, c'est toute une loto, ça. On a 0,01 %. Alors, voici les retombées concrètes. 90 milliards, on l'a dit, c'est 19 fois la péréquation — ce n'est pas rien, là — quand on prend le PIB par habitant. Alors, on continue, M. le Président. Et cette péréquation et ses dépenses... Là, disons qu'il y a 9 milliards en balan.

C'est quoi, les avantages de faire la souveraineté? La députée de Joliette l'a dit tantôt : enlever les dédoublements. Puis ces dédoublements, là, ils sont réels partout, en santé, en éducation. Et nous, on a évalué effectivement que seulement enlever les dédoublements, là, c'est une économie récurrente de plus de 7 milliards pour les citoyens du Québec, 7 milliards, là, 7,5. Regardez, 950 $ par famille, 3 800 $ pour une famille de quatre personnes, déjà là, il y a un avantage direct. Et pourquoi? Parce que le fédéralisme, il dépense. La masse salariale fédérale, elle a augmenté de 108 %. C'est notre argent, là, puis ce n'est pas nous qui en avons le plus, là. Le gouvernement fédéral choisit de dépenser. Il dépense beaucoup, beaucoup. On regarde un organisme, Santé Canada, qu'on parlait tantôt. Ils ne gèrent aucun hôpital, là. Savez-vous combien ils ont augmenté leurs dépenses? 202 %. Puis, en même temps, ils baissent leurs contributions, dans notre système de santé, en transferts de nos impôts, mais évidemment ils vont engager plus de fonctionnaires fédéraux. Dans la bureaucratie fédérale, c'est 20 milliards d'augmentation, M. le Président, une hausse de 108 %, depuis plus de 10 ans, M. le Président.

Donc, un Québec souverain, on ne dédouble plus, cet argent-là, il nous est disponible. C'est ça, les avantages. Vous en voulez, un grand ménage? Bien, c'est le plus beau grand ménage, mais il va se faire à l'avantage des Québécois. Pourquoi? Parce que ça ne sera plus des fonctionnaires à Ottawa qui vont déterminer quel est notre avenir ou quelles sont nos priorités en santé, en itinérance ou ailleurs ou notre politique extérieure. Ça va être des Québécois, M. le Président. Est-ce que...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, monsieur...

M. Bédard : J'aurais peut-être une petite question encore.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Vite.

M. Bédard : Est-ce que le Parti libéral a encore des revendications, a encore les revendications traditionnelles du Québec comme il l'avait à l'époque de Robert Bourassa? J'aimerais au moins savoir ça d'ici la fin de l'interpellation.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le chef de l'opposition officielle. M. le ministre, à vous la parole.

M. Fournier : Oui. Bien, M. le Président, c'est quand même assez étonnant toujours d'entendre... D'abord, maintenant, on a une affirmation du chef de l'opposition que le Parti québécois a étudié ça et maintenant on sait que, perdre les 9 milliards de péréquation, il n'y a pas de problème parce que, les dédoublements, on va tout couvrir ça.

Je ferais juste le référer à de nombreuses études, dont celles qui ont commencé avec Bélanger-Campeau, les commissions qui ont suivi, qui étaient neutres et qui affirmaient de façon éclatante que c'était là une des difficultés importantes. Pourquoi? Parce que, année sur année, les chiffres ont changé, évidemment. On parlait de 5 milliards à l'époque, les chiffres ont changé, on est rendus à 9 milliards. Mais, année sur année, il y a plus de 10 milliards qu'on reçoit de plus de péréquation et de transferts de toutes sortes. Pourquoi? Parce que l'économie du Québec, qu'on veut tous qu'elle soit encore plus performante, néanmoins, en termes de richesse collective, est en dessous de la moyenne canadienne. Et donc c'est l'effet de solidarité qui fait en sorte que nous recevons la hauteur de ces transferts-là, et on ne peut pas simplement banaliser la chose. Il y aurait, dans un Québec séparé, moins de ressources pour offrir des services. Et, non, en matière de santé, ce n'est pas le fédéral qui opère les services de santé, ce sont les provinces, et, oui, lorsqu'on fait des ententes, on négocie. Parfois c'est serré, puis il y a des gouvernements avec lesquels ça peut être plus compliqué, mais l'histoire a fait en sorte qu'on est en mesure d'avoir des services que l'on rend selon nos priorités. C'est ça que ça démontre. Quand j'entends parler du dernier budget fédéral... On ferait la séparation à cause du dernier budget fédéral. M. le Président, écoutez, c'est une décision de gouvernement, ce n'est pas tous les Canadiens, puis ce n'est pas tout le pays pour les 100 prochaines années. D'ailleurs, il va y avoir des élections puis il y en a qui proposent de faire d'autre chose. Alors, il y a une différence entre tout ça.

En fait, pour l'économie, c'est clair, je pense que là-dessus, là... on peut bien s'égosiller pendant encore bien du temps jusqu'à midi, là, mais, sur l'économie, on va se laisser ici, au salon bleu, sur le fait qu'on ne partage pas le même point de vue, mais je pense que, de façon générale, dans la population, on comprend assez bien que la stabilité politique que nous avons, les liens économiques et financiers que nous avons, le commerce interprovincial que nous avons, l'appartenance que nous avons fait en sorte que nous sommes, en ce moment, en termes économiques, bien mieux placés que nous ne le serions s'il fallait rompre tous ces liens. Ce n'est pas pour rien que la première ministre Mme Marois parlait de perturbations, parce que... Je sais bien que le chef de l'opposition s'est fait poser la question tantôt par les journalistes, et là il ne voulait pas échapper le mot «perturbations». Mais, oui, c'est ce qui a été dit, parce qu'à un moment donné il faut être franc, il faut le dire, bon, «turbulences».

L'autre élément, alors, moi, je veux juste dire ceci : En termes économiques, je pense qu'on se comprend, ce n'est pas ça, la raison pour la séparation. Mais on nous plaide souvent que la question serait la langue ou la culture. Je veux revenir à ce passage, parce que je citais Bélanger-Campeau. Ça ne nous rajeunit pas, malheureusement, mais c'étaient des moments marquants. Et on se souvient tous de l'ancien président de l'Union des artistes Serge Turgeon, qui était présent à Bélanger-Campeau, et je veux citer un passage parce que ça me semble important de commencer à parler de ces matières-là, parce qu'on va revenir à ça éventuellement.

Alors, Serge Turgeon disait ceci — c'était le 14 novembre 1990 là la commission Bélanger-Campeau — il disait : «C'est vrai que Radio-Canada, notamment, que l'Office national du film ont fait une oeuvre extraordinaire, ont été des instruments privilégiés pour la culture francophone de ce pays. C'est vrai. C'est vrai que Radio-Canada a eu ses heures de gloire. L'Office national du film, on a finalement fait ressortir des talents, on a produit des émissions et on a montré aux Québécois ce que ça pouvait être, une culture qui leur ressemblait. Et, à ce moment-là, je pense que des organismes comme ceux-là ont fait ce qu'ils devaient faire.»

Je prends la peine de m'arrêter là-dessus — puis je reviendrai dans un autre bloc, M. le Président : Lorsqu'on regarde le progrès du français au Québec actuellement par rapport à ce qu'il était dans les années 60, lorsque moi, je suis venu au monde, lorsqu'on regarde l'essor de la francophonie canadienne, de plus en plus de jeunes qui sont dans des classes d'immersion, lorsqu'on voit que nous avons, avec le gouvernement fédéral, développé des institutions qui ont fait la promotion de la culture francophone et québécoise, comment prétendre aujourd'hui que nous devrions faire la séparation pour nous sortir du joug du Canada, qui retient comme un étau la culture et la langue française, alors que nous avons un levier pour promouvoir la langue française en voyant 2,5 millions de francophones et francophiles qui veulent partager l'aventure francophone?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

• (11 h 10) •

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le chef de l'opposition officielle a souligné l'utilisation du mot «déconnecté» et évidemment de façon à dire que ça ne devrait pas être un mot qu'il aurait le droit de citer ici, dans ce débat, actuellement, alors qu'un peu plus tôt on a entendu la collègue de Joliette dire : Je n'ai pas dit que le projet de souveraineté était déconnecté, j'ai dit que le débat sur la mécanique était déconnecté — nuance — et j'ai écrit au journaliste, en ce sens-là, qui était Alec Castonguay, et essayant évidemment de... puis c'est son droit, de reprendre des citations que l'on retrouvait dans cet article du 1er octobre 2014 : Les jeunes loups du Parti québécois, où elle disait : «La confiance — et je le cite — entre la population et le parti s'est brisée. Il faut commencer un sérieux examen de conscience, qui aurait dû être fait il y a longtemps.» Et c'est peut-être là la citation... elle aura l'occasion peut-être de nous corriger, mais la citation qui est dans l'article du 1er octobre 2014 — je la cite, la députée de Joliette : «Le Parti québécois a parfois l'air dans sa bulle, occupé par ses débats internes sur la souveraineté, désincarné des préoccupations des gens.» Fin de la citation.

J'entends bien, et je prends acte du correctif, que ce n'était pas sur les bienfaits, selon elle, de la souveraineté, mais sur la mécanique et le débat de la mécanique. Très bien, mais force est de constater que, sur le débat de la mécanique, elle utilisait le mot «désincarné». Je crois que «déconnecté» est un synonyme de «désincarné» et, en ce sens-là, pour le bénéfice du chef de l'opposition officielle, je pense que l'utilisation était tout à fait de bon aloi.

Également, notre collègue de Lac-Saint-Jean disait dans le même article, et je le cite, parlant des jeunes : «Ils sont étrangers à ce débat. Ils se sentent loin. Pour eux, ça n'a aucune résonance dans leur vie.» Fin de la citation. Et, M. le Président, j'invite les collègues du Parti québécois à préciser leur pensée. J'ai cité la fameuse question référendaire de 1995 : Acceptez-vous... Il n'y avait pas le mot «pays», on sait pourquoi maintenant, parce que, sans le mot «pays», ils avaient plus de chances d'avoir 50 % plus un. C'est un choix stratégique. Est-ce que l'on doit aller à ce niveau-là? Je soumets que non, en termes de choix stratégiques, alors que le premier ministre Parizeau avait toujours dit — se rappeler la première étape, la deuxième étape, la troisième étape — que la question allait être : Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain à telle date? Mais force est de constater que non seulement le mot «pays» a été retiré, mais il y avait là un nouveau partenariat économique et la fameuse entente, et c'est là que je demanderais à mes collègues de le préciser, la fameuse entente du 12 juin 1995.

Je viens d'entendre le chef de l'opposition officielle dire : La première justification de la souveraineté du Québec, c'est qu'on va sauver 7 milliards ou je ne sais pas combien de milliards — excusez du «peu» — en dédoublements, c'est les dédoublements, c'est ça qui fait du tort. Or, le mandat demandé, référendum de 1995, était pour la signature d'une entente. Que prévoyait cette signature de l'entente? Sans y aller tout de suite, les gens qui nous écoutent à la maison... On sait que le Parti québécois, eux, en ont contre le Parlement fédéral, contre le Conseil exécutif fédéral et contre la Cour suprême. Cette entente prévoyait des institutions communes, M. le Président.

Un Québec souverain, dans la tête de mes collègues du Parti québécois, aurait une assemblée de parlementaires québécois et canadiens, aurait un conseil du partenariat formé par des ministres des deux États, aurait un tribunal, M. le Président. Ça commence à ressembler au Canada, ça, on commence à partager la même vision. Mais quelles seraient les compétences en vertu de cette entente signée par les souverainistes? Et là, M. le Président, pour ceux qui ont étudié un peu le droit constitutionnel, imaginons les articles 91 et 92 de la Constitution canadienne. Ce serait évidemment un Parlement commun, ce serait un conseil des ministres commun et un tribunal qui statuerait quant à ses compétences relatives à la politique monétaire, la citoyenneté. On commence déjà à avoir peut-être un début de réponse sur ce qu'on demandait. Allons-nous avoir une citoyenneté québécoise? Aurions-nous une citoyenneté canadienne? Le Parlement pancanadien en déciderait.

En matière de représentation internationale, je suis très surpris de lire que le Conseil des ministres pourrait décider que le partenariat parlerait d'une seule voix au sein d'instances internationales; l'accès aux aéroports, transport routier, par rail, politique de défense, participation commune, institutions financières, politique fiscale, protection de l'environnement, trafic d'armes, la poste — je suis en train de vous défiler quasiment les articles 91 et 92 de la Constitution actuelle, M. le Président — je vois là un plaidoyer vibrant sur l'importance des liens, sur l'efficacité dans ces liens. Et qu'on ne vienne pas me dire que tout ça, par un coup de baguette magique, se ferait sans ce qu'ils appellent, eux, des dédoublements, qu'eux évidemment démonisent comme étant le fruit de tous les écueils.

Or, la question du référendum de 1995 contenait cette approche, qui ressemble beaucoup, M. le Président, au Canada que nos avons bâti et dans lequel nous avons, je le répète encore, su performer depuis les 50 dernières années, un exemple en Occident, selon Joseph Facal.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Puisque nous en sommes au quatrième bloc d'intervention, je me tourne vers la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. À vous la parole pour cinq minutes.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Le seul cinq minutes que nous aurons; c'est important de se le rappeler. Alors, lors de sa visite au mois de février dernier, mes collègues et moi, on a eu la chance de rencontrer M. Grímsson, un homme extrêmement inspirant qui, très rapidement, nous a permis de se rendre compte qu'on avait beaucoup de choses en commun ici, au Québec, et, je dirais, particulièrement à Québec solidaire.

L'Islande a résisté aux pressions des banquiers. L'Islande a dit non à la réponse que leur proposaient les banquiers à la faillite du pays. L'indépendance en soi, on ne peut jamais... ne peut jamais être négative, pardon, c'est effectivement une citation de M. Grímsson, président de l'Islande, mais il a dit des choses pas mal plus intéressantes lors de son passage, c'est comment, pour que cette indépendance-là soit réelle, il faut donner les moyens au peuple de faire sa réflexion et de pouvoir lui-même inscrire la suite de l'histoire. Sa recette n'a pas grand-chose de magique, on la connaît très bien. C'est d'ailleurs pourquoi Québec solidaire se propose d'une démarche de constituante pour permettre au peuple québécois d'accéder à son indépendance. Alors, ce n'est pas compliqué; petite recette : donner aux gens les moyens de pouvoir comprendre les enjeux, pas de leur faire peur, comprendre les enjeux et de pouvoir décider par eux-mêmes ce qui est bon. C'est précisément là-dedans que Québec solidaire enracine sa perspective d'indépendance : donner à la population québécoise, pas seulement aux dirigeants, pas seulement à l'élite, pas seulement aux banquiers, mais donner à tout le monde le droit de rêver et de définir ce qui est le meilleur pour lui-même.

Dès maintenant, il faut être en mesure de dire aux Québécois et Québécoises mais c'est quoi, ce projet de pays qu'on porte, qu'on souhaite, qu'on veut, qu'on aspire, pays d'ailleurs qu'on va faire avec tout le monde, les nouveaux arrivants, les anciens arrivés puis ceux qui étaient là depuis le début, c'est quoi, cette indépendance. L'Islande est extrêmement inspirante. Je disais : L'indépendance aux dictats financiers. Nous, notre vision, à Québec solidaire, c'est une indépendance où le pays se fera sur un refus de la dépendance au pétrole et aux hydrocarbures, parce qu'il est grandement temps maintenant de prendre conscience que notre planète ne survivra pas; où les ressources naturelles vont être mises au service du bien commun, pas des minières extractivistes; que les ressources vont être transformées ici pour créer de la job partout en région; que la démocratie, un mode de scrutin représentatif, proportionnel, va être au coeur de ce pays parce qu'on fait confiance aux gens; qu'à chacun et chacune on donnera un revenu minimum garanti pour s'assurer que, dans ce pays de richesse, il n'est pas question qu'on se pose encore la question si on va pour... payer, pardon, notre facture d'Hydro-Québec ou celle de l'épicerie. Ça sera un pays de collaboration et de coopération où les droits fondamentaux, comme l'éducation, le logement, la santé, ne seront pas un bien de consommation laissé aux appétits voraces des entreprises privées.

Qu'y a-t-il d'emballant actuellement dans le projet des libéraux et des gouvernements précédents, qui, depuis 1996, gèrent le Québec comme deux colonnes de chiffres : celle qu'elle coupe, parce que c'est des services à la population puis ça coûte cher, puis celle qu'on n'ose pas augmenter, parce que ça crée des angoisses chez les riches? Qu'est-ce qu'on gagne au fédéralisme, hein, le fédéralisme qui prend notre argent pour abolir notre registre d'armes à feu, militariser le Canada, et donc le Québec, imposer des lois comme C-51, qui restreint l'ensemble de nos droits?

M. le Président, pour moi, c'est ça, la leçon du président de l'Islande : être indépendant, c'est être souverain de nos choix pour tout le peuple, même si ça ne fait pas l'affaire de l'élite possédante, qu'elle soit canadienne ou québécoise. Donc, qu'est-ce que vous avez à offrir? Qu'est-ce que ce gouvernement-là a à offrir à notre peuple?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, à vous la parole.

• (11 h 20) •

M. Fournier : Oui. M. le Président, j'entendais notre collègue parler de la défense de nos droits. Je voudrais bien apporter justement un éclairage là-dessus.

On a eu l'occasion d'en parler justement, là, en novembre dernier, parce que, le jour même où nous avions une interpellation, ce matin même, ce matin-là, le député de Lac-Saint-Jean disait, dans Le Soleil, à propos de la charte, la charte qui est celle qui était nommée par l'opposition officielle celle des valeurs mais qui était, dans le fond, la charte qui discriminait, disait de cette charte qu'elle était un des éléments de la souveraineté identitaire et, dans cette démarche vers le Québec séparé, il fallait voir, dans ce Québec séparé, le besoin d'avoir une souveraineté identitaire, j'imagine, sous prétexte que notre identité ne pouvait pas se développer en ce moment, ne s'était jamais développée, qu'elle était développée par d'autres. Je ne sais pas. J'ai quand même posé des questions pour savoir ce que ça signifiait. Je n'ai pas eu de réponse. Et je m'attendais à ce qu'aujourd'hui on m'éclaire sur cette souveraineté identitaire, dont un des éléments serait la charte. Je reparlerai de la charte tantôt.

Le même jour, donc, ayant posé la question, le début de réponse nous est venu du chef de l'opposition officielle, qui est devant nous aujourd'hui et qui disait : «Parce qu'il est "homogène", le Québec serait à l'abri des débats de société déchirants une fois souverain...» Et je me demande encore que signifie ce «Québec homogène», qui devrait, normalement, dans son identité d'aujourd'hui et ses valeurs, être ouvert à la diversité. Pourquoi faut-il qu'il ait des valeurs fermées à la diversité? Je relisais, toujours le même 14 novembre... Il y a eu beaucoup d'écrits ce jour-là. Gérard Bouchard écrivait — c'était dans La Presse — il écrivait : «L'idée d'une nation homogène soudée par les liens du sang, qui se reconnaît dans une identité monolithique et voit dans la diversité une menace à éradiquer, a fait son temps. [...]une conception de la nation qui a connu son âge d'or mais qui est maintenant en déphasage avec la société dans laquelle nous vivons.»

Chantal Hébert écrivait dans L'Actualité il n'y pas si longtemps, faisant une analyse du contexte politique qui avait évolué, elle disait : «On a beaucoup parlé de l'apport au Québec français de ceux qu'on a appelés les enfants de la loi 101. Ce dont on a moins parlé, par contre, c'est de leur effet sur leurs compatriotes dits de souche. Depuis 40 ans, les écoliers québécois francophones, en particulier dans la région de Montréal, sont scolarisés dans un environnement qui fait une place toujours plus grande à la diversité culturelle. Contrairement à leurs concitoyens plus âgés, une majorité des Québécois de 45 et moins — toutes origines confondues — ont grandi dans cette diversité. Leurs condisciples issus des communautés culturelles sont devenus des compagnons de travail ou même de vie. Le modèle d'un Québec plus homogène leur est étranger.»

Le Québec séparé que le Parti québécois veut nous proposer en est un qui va pouvoir développer une souveraineté identitaire pour valoriser l'homogénéité. Autant M. Bouchard, qui n'est pas connu pour des ferveurs fédéralistes trop grandes, que Chantal Hébert, une analyste, nous ramènent sur le constat que cela ne correspond pas à la société québécoise d'aujourd'hui. Le Québec séparé qu'on nous propose est une rupture avec notre identité que nous avons développée, et on veut nous faire croire que c'est pour la renforcer? Non, M. le Président.

La charte était donc un des éléments. Que nous dit la Commission des droits de la personne sur la charte de la discrimination? «La commission des droits de la personne et [...] de la jeunesse a descendu en flammes l'ensemble de la charte des valeurs [...] qui, si elle [était] adoptée telle quelle, ne résisterait pas à l'épreuve des tribunaux.» Je cite Jacques Frémont, dans un communiqué : «Les orientations gouvernementales soulèvent de vives inquiétudes. Elles sont en nette rupture avec la charte [des droits], cette loi quasi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale en 1975. Il s'agit de la proposition de modification de la charte la plus radicale depuis son adoption.» On ne parle pas ici de la Charte canadienne des droits, on parle de la charte québécoise des droits, on parle de la proposition la plus radicale en rupture avec cette charte.

Le Québec séparé dont nous parle le Parti québécois n'est pas un Québec qui veut affirmer son identité, c'est un Québec qui veut rompre avec son identité, ouverte à la diversité et qui regarde l'avenir avec confiance, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Et, sur cette lancée évidemment, pour clore ce que je disais un peu plus tôt au niveau de l'importance des liens qui nous unissent, de l'importance qui fait en sorte que le Canada est ce pays que nous avons bâti, auquel nous avons participé et qui fait en sorte aujourd'hui, force est de le constater...

Le chef de l'opposition officielle disait : Si nous étions souverains, nous serions 17es. Ça participe de cette évidence que le Québec non seulement, comme le disaient celles et ceux que j'ai cités un peu plus tôt, a su faire au sein de la fédération canadienne, a su se développer, est même un exemple occidental... bien, en ce sens-là, il est important de souligner que nous devons évidemment poursuivre parce que les progrès sont nécessaires, les progrès sont importants, nous avons besoin de toujours, toujours viser l'amélioration en termes d'éducation, en termes de santé, en termes d'environnement et faire en sorte que l'on puisse continuer à évoluer et à se développer. Et, l'exemple de la dernière élection est très parlant, très patent, lorsque l'on voit que les jeunes... Encore une fois, dès 2004, c'était annoncé par les trois mousquetaires du Parti québécois. On l'a vu à la dernière élection. Sur le groupe d'âge 18-25 ans, M. le Président, une étude statistique par sondage a révélé que le Parti québécois est quatrième chez les 18-25 ans, et ça, ça a été de façon très marquée la cristallisation d'un tournant parce que les jeunes sont ailleurs, M. le Président, les jeunes sont ouverts sur le monde, les jeunes n'ont pas évidemment ce sentiment d'oppression.

Et, en ce sens-là, il est important de noter que le projet... et j'aimerais entendre mes collègues d'en face, le projet, et c'est symptomatique... pour le vendre, ce projet, évidemment ils doivent faire en sorte d'écrire la question de 1980 de manière à ce que ça se fasse en deux étapes, la question de 1995 également de manière à ce que ça se fasse en deux étapes, y joindre un partenariat qui soit, aux niveaux exécutif, législatif et judiciaire, avec le Canada. Dans ce contexte-là, c'étaient carrément, évidemment, l'actuelle Constitution, les partenariats, et c'était un aveu retentissant, M. le Président, les partenariats, qui sont nécessaires et qui font en sorte que, oui, ensemble... non seulement nous avons bâti et nous participons et nous sommes Canadiens, mais ensemble nous performons et nous faisons en sorte que les Québécoises et Québécois puissent aujourd'hui évoluer, dans un pays qui est le Canada, au sein du Québec, qui sait évidemment outiller les jeunes en matière d'éducation et qui sait aussi, notamment... et on parle du français, qui sait faire en sorte que les résultats... les statistiques à l'appui le démontrent, le français a su et continue de s'épanouir au sein de la fédération canadienne, M. le Président.

Et, quand on me parle : Ah! vous savez, les attaques de la Cour suprême du Canada contre la loi 101, et là on va toujours citer la Charte canadienne des droits et libertés en disant : L'article 2, 2b, «liberté d'expression», Charte canadienne des droits et libertés, c'est-u épouvantable, M. le Président! En 1988, ils ont invalidé... l'arrêt Ford, ils ont invalidé une disposition de la loi 101 qui était l'affichage unilingue français. Or, quel poids aura ou quel poids aurait, dans l'imaginaire, la charte québécoise des droits et libertés dans un Québec souverain lorsque l'on sait évidemment que cette première mouture de la loi 101 allait à l'encontre de la liberté d'expression, qui était protégée et qui est toujours protégée en vertu de l'article 3 de la charte québécoise des droits et libertés?

L'arrêt Ford souligne que la liberté d'expression est protégée autant par l'article 3 de la charte québécoise que l'article 2 de la Charte canadienne. Alors, dans un Québec souverain, quel poids aurait la charte québécoise des droits et libertés? Et, lorsque l'on attache ça à ce qu'a dit mon collègue un peu plus tôt, la charte des valeurs, la charte de la division, ce que l'on a vu, faisait en sorte évidemment de ne pas respecter la liberté de religion, qui est aussi protégée par notre charte québécoise, quel poids, dans un Québec souverain, les libertés individuelles auraient? Et, en ce sens-là, ces exemples sont patents et démontrent qu'il y a évidemment un équilibre à aller chercher en matière linguistique. Et la loi de 1993, qui a fait en sorte... prédominance de l'affichage du français, qui est toujours la loi, qui n'a jamais été modifiée par le Parti québécois, est toujours un équilibre qui fait en sorte... et les statistiques le démontrent.

Et, si, dans le prochain bloc, le temps m'est permis, je pourrai souligner les statistiques à l'effet que le français a su s'épanouir en termes de langue d'éducation et langue de travail. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Joliette, à vous la parole.

• (11 h 30) •

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Je veux simplement marquer mon étonnement de voir qu'à peu près le seul argument qu'on entend de l'autre côté pour promouvoir le fédéralisme, c'est la péréquation.

Alors, je trouve que c'est quand même assez étonnant pour des gens qui disent être tellement attachés au Canada d'entendre depuis le début de l'interpellation un seul argument, qui est la péréquation, et que d'ailleurs, évidemment, le chef de notre formation par intérim a bien démoli. C'est assez réducteur de voir que c'est ça qui devrait faire en sorte que les Québécois renoncent à leur liberté, à leur plein épanouissement, à leur pleine capacité d'aller au bout de leurs ambitions individuelles et collectives. Et je veux revenir à ces ambitions-là, parce que ces ambitions-là, elles sont très présentes sur le plan social. Et le Québec a réussi à mettre de l'avant, dans une foule de domaines, une approche qui lui est propre et qui porte des résultats extraordinaires en matière de lutte à l'exclusion, d'insertion sociale des jeunes, des moins jeunes, et je veux prendre plus spécifiquement l'exemple de la lutte à l'itinérance.

Il se passe quelque chose d'assez grave, en ce moment, qui découle justement de ce fédéralisme, qui ne respecte aucunement les priorités et les marges de manoeuvre du Québec. Je vous le disais tout à l'heure : Premier étage des raisons, la liberté d'action politique et économique. Cette liberté d'action là devrait faire en sorte qu'en matière d'itinérance, compétence sociale exclusive du Québec, nous devrions pouvoir agir pleinement, selon nos besoins, nos approches, la réalité du terrain. Or, que se passe-t-il? Sans faire un grand cours sur le fédéralisme fiscal, bien sûr... Depuis le début de la fédération canadienne, les compétences qui, à l'origine, relevaient du fédéral et qui coûtaient excessivement cher, comme le transport, les chemins de fer, et tout ça, ont cédé le pas aux compétences qui relèvent des provinces — en santé, en éducation — qui sont celles qui sont devenues les plus importantes et qui amènent le plus grand fardeau financier. Mais, dans le fédéralisme tel qu'on le connaît, plutôt que bien sûr transférer de différentes manières, en points d'impôt ou en retour sans condition, on assiste à ce pouvoir allégué de dépenser qui est utilisé par le fédéral avec conditions.

En matière d'itinérance, c'est très grave, ce qui se passe. Alors qu'on a travaillé depuis des années — il y a eu une commission parlementaire non partisane sur le dossier — alors qu'on est arrivés au gouvernement, on en a fait une priorité, on a déposé la première politique de lutte à l'itinérance avec cinq grandes priorités consensuelles au Québec, face à quoi se retrouve-t-on aujourd'hui? Face à une approche fédérale qui est unilatérale et qui a obligé le gouvernement à accepter l'inacceptable, c'est-à-dire que cet argent-là, qui est notre argent, je fais juste vous le rappeler, à une hauteur de 65 %, va devoir aller dans une seule approche, l'approche logement d'abord, où on va venir répondre au modèle fédéral du logement privé et d'un certain type d'accompagnement qui fait complètement fi de notre réalité, du filet communautaire qu'on a développé, qui est une force au Québec, et on est le seul endroit au Canada à avoir un tel filet social. Qu'est-ce qui se passe? Bien, ce qui se passe, c'est que notre politique et le plan d'action du gouvernement actuel sont à risque de ne pas pouvoir être implantés parce que l'argent qui découle de cette entente-là met des conditions tellement restrictives qu'on n'arrivera pas à répondre aux objectifs qu'on s'est donnés consensuellement.

Un autre exemple : les jeunes contrevenants. Et là le ministre des Affaires intergouvernementales ne pourra pas dire qu'il n'y avait pas un accord là-dessus non plus. Pour l'itinérance, je vous rappelle qu'il y a eu deux motions unanimes. Pour les jeunes contrevenants, je crois qu'il y en a eu trois de toutes parts, avec tous gouvernements confondus. On a une approche unique de réhabilitation, vous le savez, M. le Président, qui a fait ses preuves, avec le taux de récidive le plus bas au Canada. Ce n'est pas rien, ça, ce n'est pas rien de vouloir aider les jeunes à se réintégrer, de mettre de l'avant la meilleure approche. Or, avec C-10, et le ministre le sait très bien, il a fallu qu'il se rende à Ottawa, en comité parlementaire, pour défendre... avec zéro résultat. Est-ce que c'est ça qu'on veut pour l'avenir? Est-ce que c'est ça qu'on veut quand il est question de nos personnes les plus vulnérables? Quand je vous dis que l'indépendance, ça s'incarne très concrètement dans la vie de tous les jours, bien ça s'incarne avec des répercussions concrètes pour nos jeunes en difficulté, pour nos personnes itinérantes, pour les personnes à risque d'exclusion.

J'aimerais comprendre comment le ministre, qui a été aux premières loges de ce débat-là, peut accepter cette situation inacceptable.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée de Joliette. M. le ministre.

M. Fournier : Dans le monde dans lequel on vit, on peut avoir des insatisfactions sur des décisions prises par un gouvernant, ça ne fait pas en sorte de colorer toute l'expérience et tous les autres avantages, et on peut les dénoncer et on peut s'y battre. Mais un Québec séparé, M. le Président, serait-il à ce point isolé qu'il ne parlerait à personne et qu'il ne ferait aucune entente? Ne devrait-il pas trouver des terrains de compromis? Non. Probablement, il serait isolé avec son armée, j'imagine. C'est de ça dont nous parlait le député de Saint-Jérôme. J'y reviendrai.

Sur l'itinérance, encore faut-il dire que, dans l'entente avec le gouvernement fédéral, les cinq priorités décrites par le gouvernement du Québec sont respectées. Commençons par le dire. Pour ce qui est de C-10, je continue à dire qu'il y avait des décisions qui étaient mauvaises à l'égard de notre jeunesse. Par contre, je constate aussi que les cours sont en train de défaire un bon nombre d'éléments qui étaient dans C-10 qui étaient aussi contestables. Et c'est malheureux que le gouvernement ne l'ait pas entendu. Mais on ne fait pas un pays séparé pour des décisions qui sont prises. Dans un Québec séparé, le gouvernement prendrait des décisions. Est-ce que le Québec séparé serait mis à mal? Le gouvernement est élu démocratiquement. Il y a d'autres élections, puis on essaie de présenter nos choses, et parfois ça va bien aussi.

Alors, elle nous dit : La seule défense du fédéralisme, c'est la péréquation. On n'est pas en train de défendre le fédéralisme. Vous nous avez invités pour nous parler de la séparation. On essaie d'en savoir un petit peu plus, puis, honnêtement, ce n'est pas cher la tonne, là, pour l'instant, vraiment pas cher.

Alors, je vais résumer quand même : avantage économique, avantage social, avantage culturel et même avantage francophone avec notre appartenance au Canada même, même si pour vous la francophonie canadienne n'existe pas et qu'on ne doit pas en faire une promotion et on ne doit pas travailler à la développer. C'est un avantage que nous perdrions. Alors, oui, il y a des avantages. Et, lorsqu'on dit que les Québécois ne sont pas libres et qu'avec un Québec séparé ils deviendraient libres, qu'ont-ils fait en 1980, qu'ont-ils fait en 1995, quand vous les avez questionnés? On a vu tantôt le sens des questions. Quand les questions ont été posées, M. le Président...

Des voix : ...

M. Fournier : ...quand les questions ont été posées, M. le Président...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, M. le ministre, je vais vous demander de...

M. Fournier : ...aux Québécois, qui étaient libres de répondre, ils ont assumé, exercé cette liberté.

J'entends souvent le Parti québécois et d'autres nous dire : Les Québécois se sont dit non. Non, M. le Président, ils leur ont dit non. Ils se sont dit oui à eux, oui à leur capacité de choisir, oui à leur liberté. Ils sont libres, les Québécois. Ils ont dit non au projet de Québec séparé, et arrêtez de confondre... M. le Président, que le Parti québécois arrête de confondre son option avec les Québécois. C'est l'option d'un parti. Les Québécois sont libres de choisir. Ils ont choisi non à ces éléments-là. Alors, on a parlé tantôt, M. le Président, de la démarche référendaire, de la mécanique. Mon collègue a parlé de la façon dont on a fait des questions. Avouez-le quand même, on s'en souvient, en 1995, quand on faisait une référence à une entente mais on ne disait pas l'entente entre qui, il fallait quand même le faire. Mais, bon, peu importe. Je me souviens même d'avoir fait un amendement pour mettre le mot «pays», et ils l'ont battu. Alors, ça vous dit tout.

Mais, sur la mécanique, dont on ne veut pas parler, je voudrais rappeler un texte de Vincent Marissal du 30 mars 2014, en pleine campagne électorale, et on disait ceci : «Selon une source qui a assisté à des discussions à de très hauts niveaux au sein du gouvernement Marois, la suite du virage identitaire était déjà décidée : une fois majoritaire, le PQ adopte la charte — que vous connaissez — telle que présentée, sans clause dérogatoire. Elle sera contestée et battue par une cour fédérale, ce qui fournirait un puissant levier pour la souveraineté.» Voilà ce qu'était, selon les hautes têtes dirigeantes du Parti québécois, la mécanique pour que les Québécois décident d'aller vers le Québec séparé. Pourquoi faut-il passer par des questions alambiquées ou des mécaniques où on essaie de créer des crises pour justifier un feu qui va amener une séparation par la porte d'en arrière? Le Parti québécois ne peut-il pas comprendre qu'il doit présenter son projet avec fondement?

On est rendus à notre deuxième séance sur la même question, que le Parti québécois amène lui-même. Qu'est-ce qu'on sait de plus sur la monnaie, à part de savoir qu'ils se divisent entre monnaie québécoise, monnaie canadienne? Qu'est-ce qu'on sait de plus, M. le Président, sur l'armée, dont on a trois positions différentes? Et je suis curieux d'avoir la réponse sur ce que le député de Saint-Jérôme veut faire pour se défendre contre les États-Unis et contre le Canada. Quelle attaque avons-nous eue, M. le Président?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.

• (11 h 40) •

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, en fait, là, je suis un exemple de ceux que je citais un peu plus tôt. Moi, j'avais pris ma carte du Parti québécois à 17 ans et j'avais voté oui au référendum de 1995, et ce qui fait qu'aujourd'hui je suis assis devant mes collègues du Parti québécois est très symptomatique de ce qu'avaient noté en 2004 les trois mousquetaires, de ce que l'on a vu notamment dans une élection qui m'a vu me faire élire, le 7 avril dernier, député du Parti libéral du Québec et de l'exode massif des jeunes du Parti québécois. Qu'ils se posent la question et qu'ils essaient donc de revenir, M. le Président.

Moi, là, vous savez, un élément qui m'a fait complètement décrocher, c'est lorsque je me fais dire... puis je viens d'entendre la députée de Joliette et je la cite au texte : «Les Québécois ont renoncé à leur liberté.» Fin de la citation. Elle a dit ça il y a 15 minutes : «Les Québécois ont renoncé à leur liberté.» Pourquoi les jeunes comme... Oui, on ira voir les transcriptions, M. le Président, et je m'adresse à vous. Pourquoi y aller de telles citations, M. le Président? C'est fascinant de voir que l'on accuse en quelque sorte les Québécois de s'être dit non — c'est le discours souverainiste — d'avoir refusé la liberté. Quand, un programme, tu prends le temps de penser... et ils l'écrivent : Nous avons rendez-vous avec la liberté, accueillons le monde avec assurance et confiance, est-ce à dire que, dans la tête de mes collègues du Parti québécois, aujourd'hui, nous ne pouvons pas accueillir le monde avec assurance et confiance, nous ne sommes pas libres? Nous nous sommes dit non. En ce sens-là, M. le Président, ce sont des exemples patents. Et je citais un peu plus tôt Mario Polèse, qui, dans son livre, en 2009, le disait : Le Québec des années 40. Et lui faisait une analogie, il faisait une comparaison Québec des années 40, Québec en 2009 et il disait que les réalités étaient tout à fait différentes. Et il disait : Dire aujourd'hui à mes étudiants qu'ils font partie d'un peuple dominé et humilié les ferait rire — M. le Président — ils ne s'y reconnaîtront pas du tout. Pourquoi un tel langage? Pourquoi une telle approche si ce n'est que de mettre en pratique évidemment le besoin de crises?

Au Parti québécois, le projet de souveraineté a besoin de crises, et ça, c'est un fait avéré, reconnu. Ce n'est pas Marc Tanguay qui l'a dit, député libéral, c'est le premier ministre Jacques Parizeau qui, le 10 juin 2009, dans un article de Robert Dutrisac dans Le Devoir... et je le cite : «Il y a des crises qui apparaissent de temps à autre, mais ce n'est pas toujours au bon moment pour nous. En fait, il faudrait susciter la crise. C'est évident qu'un référendum sur un sujet défini peut créer une crise.» Premier ministre Parizeau, 10 juin 2009. Il n'est pas le seul; c'est un courant dominant. Robert Dutrisac reportait... ou rapportait, dans Le Devoir du 12 juin 2009, et je le cite : «L'ancien premier ministre Bernard Landry salue la sortie de Jacques Parizeau, qui juge que les crises politiques peuvent favoriser l'accession à la souveraineté.» Fin de la citation. Yves Michaud, 12 juin 2009, je le cite : «Multiplions les crises. Et plus il y en aura, mieux c'est, jusqu'à la dernière qui nous donnera un pays souverain.» Fin de la citation. Un jeune qui, comme moi, jadis, a constaté ça a décroché complètement, a fait évidemment ses devoirs.

Et aujourd'hui l'on constate que le Québec — c'est un fait, ce n'est pas juste un député libéral qui vous le dit — a su performer sur le plan économique, sur le plan culturel et sur les plans sociaux. Et j'aimerais lancer, M. le Président, dans ce contexte de cette approche, que je trouve... et je pense que le mot peut se dire, que je trouve assez revancharde et négative, M. le Président... Je peux me permettre de le dire, je le dis en tout respect, et le débat est là pour ça, et qu'on me détrompe si j'ai tort, mais, jusqu'à maintenant, force m'est de constater qu'aucun argument, aucun argument n'est venu me convaincre du contraire. Au contraire, ma réflexion de longue main, sur plusieurs années, citations à l'appui, études à l'appui... On a tous lu évidemment le budget de l'an 1, qui a été rédigé par le chef de la deuxième opposition. Évidemment, ce budget-là, est-ce que c'est toujours ce que pense le Parti québécois? Il faudrait peut-être le préciser.

Quel était l'objectif de l'entente du 12 juin 1995, si ce n'est que de refonder les articles 91, 92 de la Constitution canadienne? C'est un discours qui ne colle pas. Et, M. le Président, je vais terminer. Puis je lance un défi à mes collègues d'en face. Je vais citer la première ministre Pauline Marois dans son livre Québécoise!, en 2008 — et je la cite au texte, page 183, et je vais leur demander de commenter : «Pourtant, chaque fois que nous demandons au peuple québécois de faire le dernier pas pour que nous soyons enfin vraiment responsables de tout, il prend peur et recule. Le [Québécois] est ainsi fait...» «...le "Québec" — pardon — est ainsi fait. "Schizophrène", disait le regretté Camille Laurin, psychiatre de son état avant de faire de la politique...» Fin de la citation.

Prennent-ils à leur compte cette citation de la première ministre Pauline Marois? J'aimerais les entendre là-dessus clairement.

Conclusions

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Compte tenu de l'heure, nous en sommes aux deux derniers blocs réservés au ministre et au chef de l'opposition officielle. Il nous reste 20 minutes, et nous terminerons à 12 h 5. Dix minutes réservées au ministre. Alors, M. le ministre, vous avez droit à vos dix minutes.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Bon, évidemment, c'est la partie Conclusions. M. le Président, je le dis, honnêtement, je m'attendais à ce que le Parti québécois profite de l'occasion pour expliquer les raisons qui militaient pour la séparation du Québec et nous dresse le portrait de ce que cela allait être, répondre à des questions qui sont, depuis 50 ans, toujours un peu dans l'horizon. Et finalement ce n'était pas nécessairement le but annoncé. Pourtant, il y avait eu une petite vidéo, là, sur les médias sociaux qui annonçait notre venue ici aujourd'hui. J'imagine qu'elle va permettre d'en faire une autre où on verra simplement les arguments du Parti québécois et on va laisser de côté n'importe quoi d'autre; évidemment, un peu biaisée, mais, bon, c'est correct aussi. Dans le fond, les travaux du salon bleu seront propagés, c'est une bonne raison démocratique pour le faire.

Je veux quand même rappeler certains éléments de ce qu'on a appris de ce qu'on s'est dit aujourd'hui. Notamment, je veux revenir sur les documents du Parti québécois eux-mêmes — il me semble que ça, ça fait consensus, je ne les ai pas réentendus en parler tantôt — mais sur leur site Internet, où il y a d'ailleurs cette vidéo, qui annonçait notre interpellation aujourd'hui, on nous annonçait que, depuis le dernier référendum, la scolarisation de la main-d'oeuvre a augmenté de façon importante; que le PIB réel par habitant a augmenté de façon importante; que la population sous le seuil de faibles revenus a diminué de façon importante; que le taux de chômage et les personnes vivant à l'aide sociale ont diminué de façon importante — c'est toujours avec le sigle du Parti québécois; le service de la dette selon le PIB a diminué, selon le Parti québécois, durant cette période; l'endettement, en proportion du PIB, a baissé; et cette diapositive, avec un graphique, une illustration, où on parle de l'enrichissement de la population, où le revenu disponible par habitant, de 1994 à 2012, lit-on, a augmenté de 33 % au Québec et de 25 % en Ontario.

Alors, on a voulu nous dire tantôt que nous étions, donc, dans un état épouvantable de vivre l'expérience canadienne, mais comment expliquer la conclusion du Parti québécois lui-même? Pas moi, là. Je sais bien qu'on peut parfois se regarder, l'un et l'autre. On fait partie des partis politiques. Forcément, on peut dire : Nous sommes partisans. Ça va de soi, ça fait partie d'un parti politique. En démocratie, c'est correct d'être partisan. Mais, en même temps, quand on veut essayer de rallier l'autre, on peut regarder vers leur position puis dire : Qu'est-ce qu'ils nous disent? Et moi, je suis allé vers eux. Et qu'est-ce qu'ils nous disent? Ils nous disent que l'expérience canadienne des 20 dernières années... puis là je ne remonte pas à 1867, c'est leur papier, ils nous disent que la situation budgétaire s'est améliorée, que l'enrichissement de la population a augmenté, que l'économie va mieux; ils ont raison, 69 000 emplois depuis la dernière année. On n'en a pas beaucoup parlé. J'aurais pu en parler un peu plus, mais on y reviendra. Quand même, lorsqu'on regarde l'année d'avant, on peut constater que, j'aurais cru... un petit mot pour dire bravo, parce que je me souviens de plusieurs questions qui disaient combien c'était épouvantable qu'il n'y en avait pas, et là on nous met à 69 000 en un an, mais là on ne dit pas rien. Mais là je comprends la partisanerie, mais, des fois, tendre vers l'autre... L'endettement a baissé, selon leurs documents, le chômage, la pauvreté a baissé.

Alors, bon, est-ce que la question, c'est une question économique? Est-ce qu'on fait la séparation du Québec pour une question économique? Pas selon le Parti québécois, pas selon les documents du Parti québécois. On m'a demandé tantôt : Oui, mais, alors, quels sont les avantages du fédéralisme? Vous auriez dû en parler. L'interpellation, c'était sur leurs dossiers. Je comprends qu'ils veulent qu'on parle du nôtre. Mais néanmoins qu'est-ce qu'on voit?, c'est que notre richesse collective est moindre que la moyenne canadienne. C'est vrai. Mais il y a un principe fédératif qui fait que nous équilibrons la capacité d'offrir des services dans les transferts et aussi dans la péréquation. Ce qui fait quoi? Ce qui fait qu'à la fin il y a un avantage social parce qu'on peut rendre des services que nous ne pourrions pas rendre, puisque notre richesse collective est moindre que la moyenne. Mais, grâce aux transferts, nous pouvons le faire. Donc, il y a des avantages sociaux, des avantages économiques, c'est le Parti québécois lui-même qui le dit. Alors, je m'arrête là-dessus.

Je citais Serge Turgeon, de l'Union des artistes, en 1990, à Bélanger-Campeau, qui rappelait que c'était grâce à des institutions démocratiques et fédérales comme Radio-Canada et l'ONF que la culture avait pu se développer, M. le Président. Alors, même des avantages culturels, des avantages à l'égard de la capacité pour la francophonie canadienne d'aller encore mieux, je dirais. Combien de jeunes maintenant sont dans des classes d'immersion? Parce qu'il faut aussi arrêter de démoniser le Canada. Il y a une volonté.

• (11 h 50) •

D'abord, les offres de services en français, des services gouvernementaux en français, il y a des programmes à la grandeur du Canada. Il y a une étude de l'université de la Nouvelle-Écosse qui dit qu'un des éléments — et ça, ça me semble important à dire — un des éléments que l'offre volontaire de services a faits, c'est de développer une légitimité à l'égard du fait français dans le reste du Canada. On est à des années-lumière de là où nous étions en 1960, où, au Québec, les francophones étaient des travailleurs de seconde classe. Ce n'est plus le cas. En fait, aujourd'hui, les anglophones sont bilingues, ce qui n'était pas le cas à l'époque. D'ailleurs, il faudrait peut-être le reconnaître de temps en temps. La légitimité du fait français au Québec, personne ne la remet en question; allophones, anglophones, tout le monde participe, mais, lorsqu'on regarde l'ensemble du pays, souvent on s'est dit : Ah! mais, dans le reste du pays, le français... mais, pourtant, ça se développe. Moi, mon point, c'est : Est-ce que je suis satisfait? Non. Est-ce que je veux que ça aille mieux? Oui. Mais est-ce qu'on est sur la bonne lancée? Oui. Et c'est vers ça qu'il faut tendre. On peut avoir des opinions de part et d'autre, mais, honnêtement, je crois en ce moment que la promotion du français mérite qu'on voie se développer cette légitimité et ce désir d'une francophonie, une francophilie canadiennes d'y participer davantage.

Donc, je crois que l'économie n'est pas la raison qui motive un Québec séparé, je crois que la langue et la culture n'est pas une raison qui motive un Québec séparé. Je crois que les Québécois ont comme priorités aujourd'hui leur travail, la capacité de voir des services qui leur sont fournis plutôt que coupés, et c'est pourquoi la priorité du gouvernement est à l'économie, à l'emploi et pas à la séparation du Québec. On participe au débat démocratique que notre Assemblée nous convie, mais ce n'est pas ça, la priorité.

Des questions auraient pu être répondues, je l'ai dit, sur la monnaie, je l'ai dit, sur le passeport. On me dira : C'est de la mécanique, tout ça, c'est de la mécanique. Honnêtement, en préparation... je le dis, puis j'ai insisté quelques fois, puis on va s'étonner peut-être, de l'autre côté, que je le fasse, mais, en faisant la préparation, je relisais des documents, et c'est pour ça que je suis tombé sur le document du député de Saint-Jérôme, qui disait que... Parce qu'il faut savoir que le député de Rosemont, lui, il prétend que ça ne prend pas une armée, puis le député de Saint-Jérôme prétend que ça prend une vraie armée. Mais j'ai quand même été étonné par ce passage qui laisse encore une question en suspens, pour moi, parce qu'on n'est pas dans la mécanique, selon moi. On est dans : À quoi va ressembler ce Québec séparé? Je pensais que c'était de ça dont on nous parlerait aujourd'hui. Alors, il disait : «Ça m'apparaitrait inusité de savoir qu'il n'y a pas de moyen de défense d'un pays qui est limitrophe avec les États-Unis et [...] le Canada.» Honnêtement, je n'ai pas eu de réponse à ça. Mais, je dois avouer, moi, je ne connaissais pas cette citation-là. J'ai vu ça en fait hier, puis je me suis dit : Mais qu'est-ce que ça veut dire? Et puis, honnêtement, je suis capable d'y répondre dans deux sens, mais j'espère qu'on va me l'expliquer, parce que, dans les deux sens, ça m'inquiète. Est-ce que c'est parce qu'il y aurait une menace de nos plus grands partenaires ou parce qu'il faudrait les protéger? Auquel cas, il y aurait là une certaine surprise, là. Il faudrait quand même voir comment on peut imaginer cette chose-là mais, encore, qu'on pourrait nous en parler.

Sur la mécanique, dont personne ne veut parler, paraît-il, parce qu'il faut parler du fond, qu'avons-nous appris? Qu'avons-nous appris? Rien. Et quelle position a été prise sur la souveraineté identitaire et sur cette question d'un Québec séparé qui serait homogène? M. le Président, quand on constate ce que M. Marissal a dit, il y a un an, à propos du plan qu'avait le Parti québécois d'adopter une charte qui serait contraire à la charte québécoise des droits pour se faire dire qu'elle était illégale, allumer ainsi un feu, une crise, est-ce que je peux soumettre au Parti québécois que ce n'est pas la bonne démarche franchement de fonctionner ainsi? Moi, je respecte le fait que des gens veuillent séparer le Québec, je le respecte. Je suis en total désaccord de le faire par la porte d'en arrière. Les questions de 1980 puis de 1995, c'était ça, la démarche qu'on a apprise à propos de la charte discriminatoire, c'était ça : poser des questions où les gens se disent : Mais qu'est-ce qu'ils me demandent?

Alors, à la fin du jour, M. le Président — on a passé deux heures — force est d'admettre qu'il n'y a pas d'intérêt pour l'économie du côté du Parti québécois, mais, sur Tchouri, on parle encore du Québec séparé.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le chef de l'opposition officielle, vos 10 minutes de conclusion.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : Bon. Merci, M. le Président. Désolé d'avoir perdu mon bloc. Honnêtement, j'aurais gardé le bloc qu'on avait avant, ça aurait mieux par rapport, parfois, à ce que j'ai entendu.

Ceci dit, le député de LaFontaine... parce qu'on parlait des comètes; il y en a une qui tourne autour du leader actuellement, c'est le député de LaFontaine, il a voté oui, effectivement, et on tient à le souligner. Et la question de 1995 devait sûrement être claire, parce qu'il a voté puis il a voté oui, alors... à moins qu'il ait voté sur quelque chose pas clair. Et je tiens à souligner son honnêteté aujourd'hui. Tant mieux. Donc, il était comme 94 % des Québécois, il savait sur quoi il votait. En tout cas, nous, on le savait, et tous les Québécois. J'ai été présent à cette campagne. Je pense, à ne pas en douter, il suffit d'être à la grande manifestation de l'amour, en dehors de nos règles électorales, souvenez-vous, où on a dépensé deux fois plus que le camp du Oui. Vous en souvenez-vous, M. le Président, comment on a... on n'a pas travesti, on a violé nos lois, littéralement.

Ceci dit, vous savez, quand on cite des gens, et je tiens à le dire par la mémoire de M. Turgeon aussi, parce qu'on a cité à peu près tous des grands souverainistes... j'aurais aimé qu'on cite, à travers, quelques fédéralistes, ça aurait été bien, ou même des nationalistes libéraux comme ils existaient à l'époque. Il y en avait beaucoup, dont Robert Bourassa, mais on n'en a pas cité. Mais je tiens à vous dire de M. Turgeon... ce qu'il a dit de la souveraineté est la chose suivante : «Il faut tout mettre en oeuvre pour désamorcer nos peurs personnelles et les prévisibles campagnes de peur.» Il aurait été ici, il aurait dit : Nous sommes à la même place, au même endroit.

Une voix : Respecter les gens.

M. Bédard : Respecter les gens, respecter leurs idées et les convictions qu'ils ont eues à cette époque comme respecter Camille Laurin, ce grand ministre, ce grand Québécois, qui, oui, était psychiatre, et, s'il était ici, je suis convaincu qu'il serait peut-être déçu parfois de comment ça peut évoluer, mais je pense que, si le député de LaFontaine avait eu du respect, il aurait été présent lorsqu'on a honoré son buste mercredi. Aucun membre du gouvernement n'était présent pour ce grand Québécois, et j'en suis encore gêné, honnêtement, pour cette personne, qui a donné la loi 101 à tous les Québécois et dont, je vois maintenant, le député de LaFontaine conteste la... il conteste littéralement la légitimité. Il est du côté de la Cour suprême, alors que Robert Bourassa lui-même a utilisé la clause «nonobstant» par la suite pour réaffirmer la préséance de la loi 101.

Quant à la pertinence, moi, ce que je vois des grands leaders à travers le monde, ils portent de grands projets, des projets sociaux, des projets économiques mais des projets de liberté, et, ces projets de liberté, la souveraineté, l'indépendance d'un peuple, elle en fait partie. En Écosse, c'est le cas, les grands leaders, et personne ne peut dire de ces gens qu'ils sont déconnectés. Ils sont connectés dans leur réalité, dans leur monde, avec leurs gens, qui souhaitent aspirer à cette liberté correcte, qui essaient de dire tout simplement : On veut décider de notre propre avenir, avoir nos priorités et les assumer. C'est ça, la responsabilité, et ce n'est pas déconnecté d'être responsable, M. le Président.

De la péréquation... je suis content, on a avancé sur la péréquation. Ça fait deux interpellations où on en parle, puis c'était comme la grande arme fédéraliste, et là on parle plus d'armée. Vous allez voir, on va revenir sur l'armée après ça. Mais on l'a abandonnée. Pourquoi? Parce qu'on a... Est-ce que l'attachement du Canada peut se résumer à ça? Est-ce que le refus pour le Québec d'assumer son avenir va se limiter à ça? Le premier ministre le dit, le ministre le dit lui-même : On est riches. Je le redis : Nous sommes riches. Les Québécois, ils ont un grand territoire, ils sont riches. La seule idée, c'est : Qu'est-ce qu'ils vont faire avec cet argent, où ils vont l'investir et pour qui, surtout? Est-ce que c'est pour enrichir les plus riches ou pour l'égalité des chances, donner une chance partout sur le territoire? Peu importe d'où tu viens, en Gaspésie, d'un village en Gaspésie en dévitalisation ou en plein coeur de Montréal, est-ce que tu as une chance égale de réussir? Le fédéral ne croit pas à ça. La politique libérale maintenant, c'est de dire — et là ça fait trois fois que je l'entends, donc là c'est devenu une réalité : Votez au fédéral. Votez au fédéral, c'est comme ça que vous allez changer le fédéralisme. Bien oui, mais on a voté. Moi, je n'ai pas vu de majorité conservatrice ici, je n'en ai pas vu au Québec, mais c'est ces gens-là qui prennent des décisions à notre place, avec des orientations qui n'ont rien à voir avec les miennes, sur la politique d'itinérance mais sur la politique économique.

Et là, pour revenir à la péréquation, le ministre nous dit des choses aujourd'hui, mais, dans les faits, de la péréquation il a dit des choses intéressantes il n'y a pas si longtemps, en 2014. L'an passé, le 2 octobre, il a dit de la péréquation, imaginez-vous, qu'actuellement les décisions fédérales dénaturent l'objectif initial de la péréquation et conduisent même à l'effet contraire. Donc, on utilise la péréquation à l'effet contraire — ça veut dire quoi? — et ça, de façon unilatérale. On se dégage des surplus, parce que, ce qu'on ne donne pas au Québec, bien on l'a à Ottawa, mais c'est nos impôts encore.

• (12 heures) •

Même chose en santé. Le vieillissement de la population; pouvez-vous comprendre qu'il y a un gouvernement au Canada, et même à travers le monde, qui ne considère pas le vieillissement comme un facteur qui influence la santé? Est-ce que vous pensez que ça existe? Je suis sûr que, si vous ne connaissiez pas la réponse, vous me diriez : C'est impossible, ça ne peut pas exister. Le vieillissement a un impact sur les dépenses en santé, sauf pour qui?, une seule exception mondiale qu'on a actuellement, je n'en ai pas répertorié d'autre : le fédéral. Il ne considérera plus cet élément, imaginez-vous. C'est une réalité, là, c'est mon argent, ça, là, mon argent que j'envoie à Ottawa. Il dit : Non, tu vas en avoir moins. À terme, à partir de 2016, pour les 10 prochaines années par la suite, c'est 10 milliards de moins en santé, de mes impôts. Mais là on s'en sert pour quoi? Pour faire des bateaux. Puis on les fait où, les bateaux? En Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, pas au Québec. On investit dans l'industrie automobile. C'est ça, le fédéralisme, il faut le comprendre, là. Puis c'est normal, il investit... c'est une majorité, ils vont investir là où ils pensent que ça a des impacts. Puis nous, on est minoritaires. Alors, on ne les a pas, ces investissements-là, mais on est contents.

En santé seulement, imaginez-vous, de mes impôts, de 50 % de mes impôts... Dans les années 50, savez-vous combien... envoyait de mes impôts, le retournait en transferts au Québec? 50 % de ce qu'on dépensait en santé. La contribution du fédéral, en 1977, était déjà à 25 %. On calcule qu'en 2036 elle va être de 13 %. Actuellement, elle est de 22 %. Ça veut dire quoi? Seulement en santé, ma priorité, mes impôts que j'envoie, eux, ils les envoient ailleurs. Puis où? Bien, écoute, regardez, l'État fédéral actuellement, il fait des choix qui ne sont pas les miens puis qui me désavantagent même en termes économiques. Comment? Regardez, moi, j'aurais aimé ça savoir, moi, que, pour Terre-Neuve-Labrador et Nouvelle-Écosse, on a exclu les revenus provenant des ententes côtières, dans les calculs. Imaginez-vous, là, les revenus du pétrole, on les a éliminés comme s'ils n'existaient pas. On a décidé, par exemple, en Ontario qu'Hydro One était traitée de façon privilégiée. Si nous, on était traités de la même façon, c'est 300 millions de plus qu'on aurait par année. C'est incroyable, ça, mais on ne le sait pas, notre population ne le sait pas, et le ministre ne le sait pas. C'est ça qui est incroyable. C'est incroyable! C'est de la grande sorcellerie, la péréquation, mais, dans les faits, le but, ce n'est pas de nous avantager, c'est évident.

Dans ce contexte, moi, mes impôts, je veux qu'ils servent et qu'on détermine ici... pas à travers l'augmentation, par exemple, de la masse salariale de Santé Canada. Moi, ce que je veux ici, c'est avoir plus de médecins, plus d'infirmières, plus de gens sur le terrain, plus de gens en itinérance. C'est ça que j'ai besoin. Moi, ce que je rêve surtout... On le sait, que le Québec est riche. Au moins, on est tombés d'accord avec là-dessus. Mais on devrait être un exemple, à l'international, sur l'égalité entre les hommes et les femmes — moi, je rêve de ça — où on dirait à l'Arabie saoudite : Sortez-le, M. Badawi, sortez-le, on va en faire un citoyen québécois. Cette personne-là ne mérite pas la liberté de parole. L'égalité entre les hommes et les femmes, on devrait être des champions internationaux sur cette question, et c'est pour ça même qu'il faut le renforcer dans nos chartes. Et ça, j'en suis très fier. Avoir une politique familiale ambitieuse que le gouvernement a charcutée dernièrement, être le pays où les familles... C'est le plus bel endroit pour élever une famille ici, en région, partout au Québec. Je pense qu'on pourrait s'enorgueillir de ça au lieu d'augmenter les dépenses, comme l'a fait le fédéral, dans d'autres choses ou d'augmenter les CELI, par exemple.

Moi, j'aimerais que l'égalité des chances... on est déjà un exemple nord-américain, malgré qu'il faut toujours avoir cette préoccupation, mais j'aimerais être un champion mondial comme la Norvège, comme l'ensemble des pays scandinaves, où la richesse profite à tout le monde. J'aimerais être un champion mondial de développement durable, que, l'électrification des transports, on soit un exemple de reconversion d'une industrie, d'une utilisation du pétrole autour de l'électrification des transports. On a cette capacité, on est riches, M. le Président. J'aimerais que la nouvelle technologie, avec nos moyens, au lieu d'encourager l'industrie automobile... Notre part, là, du 10 milliards, 2 milliards qu'on aurait mis dans soit l'électrification des transports ou des nouvelles politiques au niveau des nouvelles technologies, je pense que ça aurait été porteur pour nous. Avoir une grande politique de l'eau : on est champions, on est un réservoir d'eau mondial, M. le Président. Ça serait formidable d'être un exemple planétaire comme pays, avoir une politique énergétique où le fleuve n'est pas une autoroute du pétrole albertain mais sert pour nos intérêts à nous, et il est protégé, M. le Président.

Et, pour la langue, comment ça serait plus facile de s'assurer que le français, langue de travail, langue de fierté, langue historique, qui nous a caractérisés comme peuple et qui fait que tous ceux qui ont peuplé le Québec depuis des années maintenant se reconnaissent autour de cette langue et en sont fiers, peu importe d'où ils viennent... C'est une langue de fierté, une langue commune, forte, et on n'aurait pas à se référer à la Cour suprême ou à un autre Parlement ou avoir peur de faire peur au fédéral.

M. le Président, je suis fier d'être un souverainiste. Et pour les Québécois c'est un avantage indéniable.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Ceci complète le mandat de la commission et met un terme à nos travaux. Avant de conclure, je tiens à remercier les membres de la commission, le personnel de la commission et de l'Assemblée.

Je lève la séance de la commission, ajourne les travaux de la commission. Bonne fin de semaine à toutes et tous.

(Fin de la séance à 12 h 6)

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