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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, August 23, 2016 - Vol. 44 N° 134

Special consultations and public hearings on Bill 98, An Act to amend various legislation mainly with respect to admission to professions and the governance of the professional system


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Stéphanie Vallée

Mme Mireille Jean

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

Chambre de la sécurité financière (CSF)

Chambre de l'assurance de dommages (CHAD)

Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP)

Protecteur du citoyen

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

Ordre des chimistes du Québec

Mme Louise Champoux-Paillé

Autres intervenants

M. André Villeneuve, président suppléant 

Mme Diane Lamarre

M. Pierre Reid 

*          Mme Gyslaine Desrosiers, CIQ

*          M. Jean-François Thuot, idem

*          M. Claude Leblond, idem

*          Mme Lyne Gagné, CSF 

*          Mme Marie-Elaine Farley, idem

*          Mme Maya Raic, CHAD

*          Mme Diane Beaudry, idem

*          Mme Jannick Desforges, idem

*          Mme Jennie-Laure Sully, IRIS

*          M. Guillaume Hébert, idem

*          M. Michel Nadeau, IGOPP

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          Mme Hélène Vallières, bureau du Protecteur du citoyen

*          M. Guy Breton, BCI

*          M. Daniel McMahon, idem

*          M. René Côté, idem

*          M. Guy Collin, Ordre des chimistes du Québec

*          M. Martial Boivin, idem

*          M. Alexandre L. Racine, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, je tiens à vous saluer toutes et tous. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Je salue évidemment les gens qui nous écoutent. On m'entend bien? Oui? Plus ou moins? Alors, on va ajuster le volume de mon micro. Est-ce que c'est mieux comme ça? Alors, je tiens à vous saluer, toutes et tous. Et évidemment je salue les gens qui nous écoutent par le Web ou tout autrement.

Mme la ministre, vous êtes prête à commencer? De votre côté, ça va? Mme la députée de Chicoutimi, ça va aussi? Oui. Oui? Ça va? Tout le monde est fin prêt? D'accord.

Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Boucher (Ungava) est remplacé par M. Bourgeois (Abitibi-Est); M. Merlini (La Prairie) est remplacé par M. Reid (Orford); Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par M. Busque (Beauce-Sud); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières); M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par Mme Lamarre (Taillon); et Mme Maltais (Taschereau) est remplacée par Mme Jean (Chicoutimi).

Le Président (M. Villeneuve) : Donc, nous débutons nos travaux ce matin par des remarques préliminaires et puis nous entendrons les personnes des organismes suivants, soit le Conseil interprofessionnel du Québec, la Chambre de la sécurité financière, la Chambre de l'assurance de dommages et l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques.

Les interventions seront d'une durée maximale de 45 minutes, si je ne me trompe pas. C'est ça, M. le secrétaire? Et ça se décortique un petit peu de cette façon-ci : donc le gouvernement aura six minutes...

Une voix : ...

Le Président (M. Villeneuve) : D'accord. Je m'excuse. Pour les remarques préliminaires, ce n'est pas 45 minutes. Donc, je vous donne quand même les temps pour les remarques préliminaires : le gouvernement, six minutes — ça aurait été long, 45 minutes, j'avoue — l'opposition officielle, 3 min 30 s, et le deuxième groupe d'opposition, 2 min 30 s.

Remarques préliminaires

J'invite donc d'abord Mme la ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires pour une durée de six minutes. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Alors, merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais saluer les collègues parlementaires. C'est un plaisir de vous retrouver après la période estivale. Je sais que, pour certains d'entre nous, les travaux ont débuté la semaine dernière, mais c'est un plaisir de retrouver les visages que nous avons côtoyés au cours de la dernière session, retrouver également l'équipe de la commission, le secrétaire et tous ceux et celles qui, au quotidien, nous accompagnent dans les travaux parlementaires. Alors, c'est une rentrée, bien que la rentrée officielle soit le 20 septembre, mais c'est quand même une rentrée pour nos travaux parlementaires.

Donc, M. le Président, aujourd'hui, je suis accompagnée, à ma droite, par Me Jean Paul Dutrisac, le président de l'Office des professions, et, à ma gauche, par Me Jad Barsoum, qui est conseiller spécial. Et il y a aussi toute l'équipe de l'office qui nous accompagne pour répondre aux questions, si cela est nécessaire.

Donc, nous nous préparons aujourd'hui à écouter, pendant sept jours, en fait sept journées d'auditions, celles et ceux qui gèrent le quotidien de notre monde professionnel. Comme je l'ai mentionné lors de la présentation du projet de loi ou lors de mes différentes allocutions, le gouvernement et le législateur seront en mode écoute des ordres et du Conseil interprofessionnel. Je sais que tous les ordres ont l'oreille attentive et bienveillante de l'Office des professions, qui est leur partenaire permanent, leur partenaire du quotidien, partenaire premier et privilégié lorsqu'il est question de la réglementation des professions et de l'évolution de la bonne application de leurs règles. De la même manière, l'office joue auprès du gouvernement un rôle essentiel pour maintenir la cohérence de notre législation professionnelle, de l'équilibre du système, et pour assurer avec les ordres la protection du public. Son président, Me Dutrisac, est ici avec nous pour l'ensemble de cet exercice, et je tiens à l'en remercier.

Dès mon arrivée en fonction et à ma demande, l'Office des professions a entrepris une mise à jour de la législation sur des points importants, notamment la gouvernance des ordres, la sienne, mais aussi sur l'optimisation des moyens de protection du public, tout en améliorant encore les outils des ordres à cet égard. Le projet de loi n° 98, sur lequel le gouvernement et les législateurs ont souhaité entendre les intéressés, répond donc non seulement à mes orientations initiales, mais aussi à des demandes des ordres et du Conseil interprofessionnel du Québec.

Outre cela, il répond également à de nouvelles conjonctures sur lesquelles le système professionnel a été interpellé. Pour en résumer un petit peu, on a voulu prêter une attention concrète et rapide aux situations qui ont été soulevées par la commission Charbonneau en donnant suite déjà à quatre de ses recommandations. On a saisi également l'occasion de renforcer les moyens de la mobilité interprovinciale et internationale en optimisant les mécanismes voués à la reconnaissance des compétences en vue de l'admission. L'occasion s'est également présentée d'améliorer les mécanismes de coordination de l'admission en général. Toutes ces améliorations sont vues par le gouvernement non comme de simples désirs des milieux concernés et de notre société, ils correspondent à des besoins ou à des manques qui engagent la responsabilité du gouvernement et du législateur.

Par ailleurs, l'exercice que nous entreprenons aujourd'hui a toute sa valeur. En effet, le projet de loi n° 98 n'a rien de cosmétique, il fait suite à de nombreux travaux au sein du système professionnel, et cette consultation est la quatrième depuis le début des travaux qui ont mené au dépôt du projet de loi. Donc, évidemment, sans écarter à l'avance l'expression des préoccupations qui n'auraient pas encore été traitées lors des consultations précédentes, je m'attends à ce que nos travaux des prochains jours ajoutent à ce qui a été fait, en se concentrant, et avec pertinence, sur l'amélioration des outils que nous nous donnons pour l'évolution des ordres et du système. Il s'agit de partager mieux encore les perspectives d'amélioration portées par le projet de loi n° 98. Oui, l'autonomie des ordres a largement permis l'atteinte des objectifs de protection du public avec l'appui d'une structure gouvernementale légère et pertinente sous la forme de l'Office des professions du Québec. Mais le système, l'office et le gouvernement sont aussi liés à la réalité de notre époque.

Il ne faut pas se tromper, on a appris encore dernièrement que nos professions pouvaient, à l'occasion, être en difficulté ça et là pour veiller à l'intégrité de leurs membres ou à actualiser en conséquence les contours de la déontologie nécessaire. En effet, nous avons aussi appris que les réalités du monde de l'industrie pouvaient comporter des défis jusque dans les professions encadrées. Tout cela nous a menés à revoir les questions de moyens et de procédure des syndics, l'organisation et la gouvernance des ordres. Cela nous a également portés à ajuster les pouvoirs et les moyens de l'Office des professions.

Il est évident également que l'application des règles d'admission, apanage des ordres au premier lieu, pouvait être complexe et rendre également difficile la mise en oeuvre des ententes interprovinciales ou internationales du Québec. Cela nous a naturellement portés à revoir à la hausse les moyens et l'appui dont pouvaient bénéficier les ordres, les ministères et les maisons d'enseignement dans ce domaine. Il fallait, pour cela, revoir les responsabilités et les domaines d'intervention du commissaire aux plaintes, qui deviendra, nous l'espérons, le commissaire à l'admission. Dans l'un comme dans l'autre cas, le gouvernement a tiré les conséquences des résultats du système et a pris les moyens de le garder efficace. Sur ce dernier point, il en allait de la crédibilité de la signature du Québec sur la scène canadienne et internationale. Tout cela va d'ailleurs dans le sens de la crédibilité de notre système professionnel lui-même, dans son ensemble.

Le projet de loi que nous examinons est une chance pour nous de maintenir les équilibres nécessaires pour que, malgré une large autonomie, le système et les ordres conservent la capacité de protéger le public et de fournir à l'économie du Québec une palette de compétences, une offre de services professionnels suffisants et organisés à tous les égards. Ainsi, nous avons principalement veillé à moderniser la gouvernance des ordres, à revoir les moyens d'intervention d'office et du commissaire afin de livrer au public et à notre économie une efficacité qui requiert, entre autres choses, une mobilité professionnelle bien comprise.

Depuis près de trois ans, nous avons bien avancé ensemble, et le projet de loi n° 98 est devant nous, résultat de nos efforts et de la collaboration des professions depuis le début. Cette consultation sera notre succès grâce à l'apport de celle et de ceux qui viendront nous parler. Je me réjouis de constater déjà, par les documents reçus, l'intérêt que suscite cette consultation particulière et je vois aussi dans la salle la présence des intervenants, qui démontre l'intérêt également maintenu non seulement par le dépôt de mémoires, mais aussi par leur présence en commission parlementaire.

Donc, encore une fois, M. le Président, j'écouterai. C'est la raison d'être de cette consultation. Ces journées à l'Assemblée nationale sont en effet une occasion exceptionnelle de compléter le travail déjà fait ensemble. Cela étant, nous ne sommes plus au jour zéro de la réflexion. Votre apport à l'achèvement de ce travail permettra une fois de plus d'ajouter au succès à un dossier d'ailleurs largement non partisan. Merci de votre attention.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de lois professionnelles et députée de Chicoutimi à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 3 min 30 s. À vous la parole, madame.

Mme Mireille Jean

Mme Jean : Merci, M. le Président. Mme la ministre de la Justice, bonjour. Chers confrères qu'on n'a pas vus de l'été, je suis heureuse de vous revoir aujourd'hui. Mesdames messieurs qui êtes ici aujourd'hui en train de participer et déposer des mémoires pour ce projet de loi n° 98, bienvenue puis merci d'être ici aussi avec nous. C'est très apprécié. On voit justement, par rapport au nombre que vous êtes, à quel point ce projet de loi vous tient à coeur. Donc, je vous félicite d'ailleurs de cet intérêt et de cette implication. Merci.

Au niveau de l'opposition officielle, on est très contents de voir qu'il y a le dépôt de ce projet de loi là, qui a des visées, je dirais, très intéressantes. D'abord, la protection du public. Actuellement, les ordres connaissent certaines lacunes au niveau de leur image, au niveau de ce qui se passe par rapport à l'acceptation de la population en général, et, de revoir certaines règles au niveau des ordres professionnels, je pense que c'était quelque chose qui devait arriver, et que la confiance du public est essentielle, et que ce projet de loi là devrait redonner la confiance du public. Il le fera de différents moyens, c'est-à-dire revoir la gouvernance, s'assurer que la protection du public soit faite à son maximum et de la meilleure façon possible.

Les enjeux de la gouvernance, on en a parlé, ça vient du fait qu'il y a des situations qui sont arrivées au Québec, que ce soit la commission Charbonneau qui a soulevé des enjeux à ce niveau-là, au niveau de la gouvernance des ordres professionnels, ou que ce soient les derniers événements touchant l'Ordre des ingénieurs, que tout le monde a vus passer ou a été au courant, a soulevé des problèmes majeurs. Donc, ça s'impose qu'on revoie certains systèmes au niveau de la gouvernance des ordres professionnels.

La réforme du code professionnel, qui date de 40 ans, on s'entend qu'après 40 ans la société a changé, et je pense que c'est essentiel qu'on puisse revoir justement ce code-là de manière à l'adapter aux nouveaux besoins de la société d'aujourd'hui et, oui, la recommandation de la commission Charbonneau, revoir le code d'éthique, revoir les modes de gouvernance. C'est une réponse du gouvernement qu'on attendait et qu'on est heureux qu'elle se fasse. On considère que c'est un premier pas, puisque le Code des professions sera à revoir dans les prochaines années ou prochains mois.

Donc, merci encore. Moi, de mon côté, c'est la première fois où je participerai à une commission de cet ordre-là, donc j'offre mon entière collaboration. J'écouterai avec attention tout ce qui sera dit de manière à ce que je puisse être une valeur ajoutée à ce qui sera dit et faire en sorte que ce projet de loi soit le meilleur pour le bien de la population en général. Merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice et député de Borduas à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 2 min 30 s. À vous la parole.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bien, vous me permettrez dès le départ de saluer les collègues, de saluer Mme la ministre, mon collègue de Vanier, mon collègue de Beauce-Sud, ma collègue de Chicoutimi ainsi que ma collègue de Taillon, aussi de saluer et de souligner la contribution et la présence des ordres professionnels, des différents intervenants qui sont avec nous aujourd'hui dans la salle et qui seront là au cours des prochains jours.

Donc, d'entrée de jeu, je vous dirais que nous accueillons favorablement le dépôt du projet de loi n° 98 et son étude au cours des prochaines semaines parce que, vous savez, le système professionnel, on ne le dit pas très souvent, mais ça touche la vie de nombreux Québécois sans même le savoir. Il y a énormément... il y a des centaines de milliers de professionnels au Québec, et ils sont régis par un système, par le Code des professions. Et c'est important, oui, d'actualiser le Code des professions à la réalité, mais il ne faut pas non plus oublier... C'est un premier pas dans une bonne direction, de moderniser le code, mais il ne faut pas oublier également les lois professionnelles de chacun des ordres professionnels, souvent par lesquels elles sont guidées, où il y a de la modernisation à faire également. Donc, j'espère qu'éventuellement on pourra procéder à la modernisation de ces lois-là, parce qu'il y a de nombreux dossiers de la modernisation des lois qui traînent depuis plusieurs années et où c'est important d'adapter ça à la réalité du XXIe siècle, et surtout à la pratique des professionnels, et surtout dans l'intérêt de la protection du public.

Donc, il y a plusieurs éléments dans le projet de loi, on l'a dit, ça fait 40 ans que le code est en place. Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que, bon, la commission Charbonneau a fait des recommandations, quatre recommandations relativement au système professionnel, mais on constate aussi que le rôle du système professionnel, pour le public, n'est pas toujours bien compris, et même par certains professionnels aussi, le rôle de l'ordre n'est pas toujours bien compris. Donc, j'espère que, dans cette commission-là, on va pouvoir, entre autres, faire oeuvre pédagogique pour expliquer en quoi consiste le système professionnel, puis ça va réussir à bonifier nos travaux.

Je vous dirais qu'on va avoir certains sujets à explorer plus attentivement. J'ai procédé moi-même à une consultation précommission cet hiver, j'ai rencontré de nombreux présidents et directeurs généraux d'ordres professionnels au cours des derniers mois, et je crois comprendre qu'il y a plusieurs éléments, dans le projet de loi, qui dérangent, qui titillent certains ordres professionnels et certains intervenants du milieu professionnel, dont nous aurons l'occasion d'en discuter abondamment, notamment au niveau du commissaire aux plaintes, qui deviendrait le commissaire à l'admission, notamment au niveau du rôle du président d'un ordre professionnel en lien avec son conseil, notamment au niveau du rôle que l'office joue, des pouvoirs qui lui seront délégués ou dans l'exercice de ses pouvoirs qui ont été faits, du rôle que le politique, au niveau du provincial, va se garder, notamment au niveau du ministère de la Justice.

Donc, ce sera, je pense, une commission intéressante où on va réussir à bonifier le projet de loi de façon à ce qu'on ait un système professionnel, un code des professions adapté à la réalité d'aujourd'hui, sans non plus négliger les bases du système professionnel, l'autonomie des ordres professionnels dans laquelle elles ont évolué depuis la mise en place du système professionnel au Québec. Donc, dans un souci de collaboration entre l'État et les ordres professionnels, je vous dirais que je suis enthousiaste à l'idée d'étudier ce projet de loi, M. le Président. Et, comme ma collègue de Chicoutimi, nous offrons notre entière collaboration afin de bonifier le projet de loi.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci, M. le député, et merci pour vos remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons passer, proprement dit, à la période des auditions, et là c'est là que le 45 minutes entre en ligne de compte. Il y a 10 minutes pour les représentants des organismes, donc, pour faire leurs exposés. Il y aura 32 minutes pour la période des échanges et un trois minutes qui est pour la gouverne de la commission, pour s'assurer du bon déroulement.

Donc, je tiens à saluer évidemment les représentants, qui sont déjà assis pour intervenir, donc le Conseil interprofessionnel du Québec. Comme je viens de le dire, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous invite à vous présenter, madame, et à présenter les gens qui vous accompagnent, et nous sommes prêts à entendre votre représentation.

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Merci, M. le Président. Je suis Gyslaine Desrosiers. Je suis présidente du Conseil interprofessionnel du Québec. Je suis accompagnée du secrétaire du conseil, M. Claude Leblond, travailleur social, qui a cumulé plus de 16 ans d'expérience en tant que président de son ordre, jusqu'à tout récemment, et de M. Jean-François Thuot, qui est administrateur agréé et notre directeur général.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous faire entendre dès l'ouverture des travaux du projet de loi n° 98. Le conseil s'est beaucoup impliqué au cours des trois dernières années dans des travaux préliminaires et a même pris l'initiative de proposer différents changements au code, notamment au plan de la gouvernance.

Je tiens à présenter... à mentionner le fait que le Conseil interprofessionnel est un organisme prévu au Code des professions depuis sa création, et la loi prévoit que nous agissions comme organisme-conseil justement sur les enjeux du système professionnel dans une perspective large de protection du public. Nous regroupons 46 ordres professionnels qui réglementent 54 professions. Au Québec, plus de 385 000 personnes sont des professionnelles membres d'un ordre. Et, d'entrée de jeu, je voulais signaler que les ordres ne sont pas des organismes publics au sens strict du terme, mais sont des émanations de l'État, et que leurs pouvoirs réglementaires sont ceux que leur confie justement l'État pour assurer l'excellence des pratiques professionnelles et la protection du public. Donc, le Conseil interprofessionnel ainsi que les ordres se conçoivent comme des partenaires de l'État, un réseau de partenaires, si on peut dire, avec l'Office des professions, justement pour favoriser la protection du public et l'évolution de la société québécoise.

• (9 h 50) •

Je veux vous dire que c'est dans cet esprit de partenariat et de collaboration que nous avons analysé le projet de loi. Évidemment, dans le temps qui nous est imparti, on ne pourra pas aller dans tous les détails. Nous partageons les objectifs poursuivis par le projet de loi n° 98. Nous déposons un mémoire, qui est vraiment à haut niveau sur les grands enjeux, mais également une annexe juridique, beaucoup plus technique, qui, j'espère, sera prise en considération, parce que nos juristes ont remarqué beaucoup d'éléments qui mériteraient des échanges avec l'office pour des précisions ou des révisions.

Alors, le premier enjeu, qui est celui d'accélérer l'intégration professionnelle, on pourrait dire «la favoriser», Mme la ministre vient de dire «la mobilité internationale», évidemment nous endossons cet objectif. D'ailleurs, les statistiques des dernières années démontrent tout le travail accompli par les ordres à ce chapitre.

Alors, quelques statistiques utiles : les ordres reçoivent et traitent environ 4 500 demandes par an en provenance de candidats formés hors du Québec, et c'est une hausse de plus de 500 % depuis l'an 2000. Or, le taux de reconnaissance complète ou partielle des demandes également s'est grandement amélioré, parce qu'on est passés de 66 % de reconnaissance dans les années 2000 et aujourd'hui il oscille autour de 95 % de reconnaissance des compétences. Et, entre 2012 et 2015, seulement 6,1 % des demandes ont été refusées, alors qu'en 1997 le taux de refus avoisinait 30 %. Et je n'ai même pas parlé des 1 700 permis qui ont été donnés en vertu de l'entente France-Québec.

Donc, beaucoup de chemin parcouru, des progrès immenses, mais évidemment des difficultés subsistent, et nous les reconnaissons. Ces difficultés-là, à notre avis, se situent beaucoup en aval de la reconnaissance des compétences, parfois en amont, avant même qu'une personne ait complété son dossier ou sa demande. Mais, quand on parle des difficultés en aval, ces difficultés-là échappent à l'autorité des ordres professionnels, et ça interpelle d'autres acteurs socioéconomiques et gouvernementaux que les ordres, et je parle de la formation d'appoint ou des stages d'intégration. Sans oublier le fait que, même quand tout ce processus-là est complété, l'insertion sur le marché du travail lui-même, l'accès à l'emploi... On le voit ces jours-ci, le cas d'un médecin, le processus est terminé, mais il n'y a pas d'emploi offert ou il y a un contingentement du côté des emplois, sans oublier tous les enjeux reliés à l'importance de la maîtrise de la langue française.

Alors, cela étant dit, compte tenu des progrès accomplis, on est vraiment déçus de l'approche privilégiée par le projet de loi, qui consiste à accroître le contrôle sur les ordres, le contrôle des processus et des activités des ordres, autrement dit, à enquêter davantage sur le fonctionnement des ordres. Alors, la question qui se pose : Pourquoi élargir les compétences du commissaire aux plaintes, qui est là pour recevoir les doléances d'individus qui se sentiraient abusés ou mal traités, injustement traités, pour en faire un commissaire à l'admission dont les enquêtes porteraient dorénavant sur tous les candidats d'un ordre, pas seulement ceux étrangers, mais également ceux formés au Québec? Cette dimension-là est complètement nouvelle et n'a même jamais fait l'objet d'échange entre les ordres et le conseil. Alors, la majorité de ceux qui sont admis à un ordre, évidemment, sont formés au Québec. Donc, un large pan de responsabilités vient de s'ouvrir pour un supercommissaire.

Alors, on pense que ce commissaire à l'admission viendra s'ajouter au travail de surveillance déjà accompli par l'office. Cette instance additionnelle et indépendante de vérification nous apparaît devant alourdir le fonctionnement du système professionnel et devra s'accompagner, on est sûrs, d'une augmentation significative des coûts. En effet, la prétention de devenir un expert et une autorité dans l'admission à 54 professions réglementées exigera sûrement la constitution d'un bureau avec de larges ressources dédoublant celles des ordres.

Alors, le conseil juge que cette proposition est inutile, est technocratique et coûteuse. Elle n'est pas fondée sur des données probantes, elle constitue, en quelque sorte, un désaveu du travail accompli par les ordres, alors que les ordres appliquent des règlements approuvés par l'office et sanctionnés par le Conseil des ministres. On recommande donc le retrait des articles 10 à 21 du projet de loi.

Également, le projet propose un pôle de coordination enchâssé dans la loi, un comité qui existe déjà depuis 2011, un comité qui est voué au diagnostic des difficultés, d'identifier les problèmes, faire des collectes de données, alors que l'état de situation sur les problèmes d'intégration aux professions a été largement documenté, que ce soit en 2005, remis à jour en 2015 par le Comité interministériel sur la reconnaissance des acquis et des compétences du MIDI. Donc, on pense que l'heure n'est plus à identifier les problèmes, mais bien à passer à l'action. Il faut mobiliser des efforts sur des mesures concrètes, innovantes, et les ordres et le conseil sont tous partie prenante à mettre de l'avant des projets innovants, et non plus à être ciblés comme des boucs émissaires ou des empêcheurs de tourner en rond.

Alors, un lieu de concertation intersectoriel orienté sur la mise en oeuvre de mesures ciblées et l'engagement des partenaires nous apparaît éminemment souhaitable. C'est un peu l'esprit, dans le fond, de la proposition du pôle, mais on ne voit pas la nécessité de mettre le comité dans la loi et on pense que ce comité-là devrait davantage relever de la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui devrait utiliser ses prérogatives ministérielles pour rendre permanent un comité qui existe déjà, qui a eu du financement, qui avait été mis de l'avant par l'autorité du premier ministre, et, à travers les projets concrets qui ont été mis au fil du temps, ça devrait donner des résultats.

Le deuxième point que le projet de loi met de l'avant, c'est renforcer les mécanismes de protection du public. De façon générale, on endosse les recommandations qui sont mises de l'avant sur la formation en éthique, la déontologie, etc. Toutefois, on a vu certaines incohérences avec le projet de loi n° 87 et 107, il faudrait vraiment regarder ça. Et on est vraiment... Un aspect nous apparaît un peu exagéré et c'est celui du pouvoir discrétionnaire que le projet de loi accorderait à l'Office des professions de mettre de l'avant des enquêtes sans même avoir l'autorisation préalable du ministre responsable, alors qu'il a déjà beaucoup de pouvoirs de vérification et de demande de renseignements. Il peut largement documenter une situation problématique, enfin sans aller jusqu'à l'enquête, parce qu'on y voit un enjeu de transparence et d'imputabilité qui requiert l'autorisation ministérielle, comme c'est le cas dans d'autres ministères.

Finalement, pour conclure, améliorer la gouvernance des ordres professionnels, le conseil était partie prenante. Toutefois, on a été surpris de voir que le projet de loi propose un modèle unique de gouvernance. Je veux juste rappeler qu'il y a des ordres qui ont 70 000 membres, puis il y a des ordres qui en ont 100, il y a des ordres qui ont cinq employés, puis il y a des ordres qui en ont 150. Donc, gérer un organisme de cinq personnes demande beaucoup de flexibilité organisationnelle, et l'interface entre le conseil et l'administratif devrait être révisée.

On ne recommande pas non plus l'obligation d'avoir un directeur général.

Et finalement on a été très surpris de la modification au rôle de président, qui perd son pouvoir de surveillance générale, alors qu'il a des devoirs d'agir en dehors même du conseil, et on pense que le président devrait conserver son pouvoir de surveillance générale.

C'est un petit sprint, n'est-ce pas? Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci, Mme Desrosiers, vous êtes dans les temps. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange, et je cède la parole, pour les 16 prochaines minutes, donc au côté gouvernemental et à Mme la ministre. À vous la parole, Mme la ministre.

• (10 heures) •

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Desrosiers, M. Thuot, M. Leblond, bienvenue, un plaisir de vous retrouver. On a eu la chance d'échanger sur le projet de loi cet été. Évidemment, j'ai certaines questions, puis je ne sais pas si j'aurai suffisamment de 16 minutes, mais bref.

Bon, je comprends que le CIQ n'est pas à l'aise avec l'élargissement du pouvoir du commissaire, commissaire aux plaintes qui est maintenant commissaire à l'admission. La raison pour laquelle on renomme, évidemment c'est parce que l'objectif, c'est vraiment d'assurer l'admission au sein du système professionnel, et pas nécessairement de voir le rôle du commissaire comme un commissaire aux plaintes, on ne veut pas nécessairement mettre l'accent sur ce qui ne va pas, mais c'est un commissaire à l'admission en général. Parce que l'admission dans une profession, elle et basée sur les critères premiers de protection du public, et, peu importe la formation et peu importe où l'individu a obtenu sa formation, son admission va se baser sur ce critère de protection du public et est-ce que le professionnel a les exigences requises pour assurer une protection du public à l'intérieur du champ d'exercice bien particulier, alors d'où l'utilisation du terme «commissaire à l'admission», qui est beaucoup plus positif déjà en partant. Ce pouvoir... ce commissaire-là qui est en place, qui occupe ses fonctions depuis déjà six ans, qui a été créé ici, à l'Assemblée nationale, a déjà des pouvoirs d'enquête, a déjà un pouvoir d'effectuer des enquêtes administratives.

Donc, moi, je me questionne en quoi le fait d'étendre la compétence du commissaire pour l'ensemble des admissions, pour tous les candidats en fait, pas seulement les candidats qui ont obtenu une formation à l'étranger, le rendrait supercommissaire et menacerait, d'une certaine façon, parce que c'est ce que je sens du discours, l'intégrité des ordres, l'indépendance des ordres. Alors, j'imagine que vous avez des craintes puis j'aimerais ça vous entendre, parce que la présentation a été très sommaire et j'aimerais pouvoir vous entendre sur cet aspect-là de votre mémoire.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui. Mme la ministre, on est un peu plus explicites dans le mémoire. Écoutez, on connaît déjà les pouvoirs du commissaire à l'admission... du commissaire aux plaintes, on sait qu'il a certains pouvoirs d'enquête. Mais justement, là où le bât blesse, c'est que c'est un enquêteur avec tous les pouvoirs prévus à la Loi sur les commissions d'enquête, et on l'élargit à l'admission même des Québécois, de tout Québécois formé au Québec, au cégep, dans les universités. Et c'est marqué qu'il va pouvoir enquêter sur les processus et activités des ordres, des ministères et du gouvernement. Bien, «my God!» c'est... Et ce commissaire-là ne relève pas de l'Assemblée nationale, relève de l'Office des professions, est complètement indépendant.

On ne se sent pas menacés, c'est qu'on est comme découragés de voir tous les efforts qu'on va devoir mettre à répondre à un commissaire sur des processus d'admission qui ont déjà été validés par l'office et le Conseil des ministres. Les ordres n'appliquent que des règlements déjà autorisés. Donc, pourquoi alourdir? On voit là un monstre technocratique en devenir. Déjà, les ordres nous ont dit que les demandes de questionnaires de toutes sortes que le commissaire envoie, il faut mettre du personnel. Pendant qu'on répond à des questions du commissaire, on retarde probablement des dossiers d'admission. Alors, pourquoi nourrir cette technocratie-là?

Et, à notre avis, quand on pense que les efforts... Et, s'il y a de l'argent à mettre, mettons-le du côté des solutions. Parce que le problème des stages ou des formations d'appoint, c'est un problème connu. Il n'y a pas... je ne sais pas... Dans le domaine de la santé, que je connais le mieux, les hôpitaux universitaires n'ont pas de place... n'ont pas de personnel pour superviser les stages, c'est connu. Est-ce que le ministre sectoriel est intéressé à favoriser... La plupart des programmes sont contingentés déjà pour les Québécois. Donc, tous les problèmes sont connus, alors pourquoi encore faire des enquêtes sur les problèmes, au lieu de fonctionner avec le MIDI sur des projets concrets, par exemple, de mise en ligne d'analyses des compétences, de minitests? En fait, je pourrais... Là, je ne veux pas m'improviser, mais je sais qu'il y a eu plusieurs expériences pilotes qui amènent des solutions.

Parce que je ne peux pas vous l'expliquer autrement, on ne se sent pas menacés. Je vous dirais que les ordres ont été découragés parce qu'on parle de centaines, de milliers de demandes qui sont faites par année, et il va falloir aller... Et l'office a déjà un pouvoir d'enquête, on renchérit avec un commissaire à l'admission. Là, si, dans un cégep à quelque part, ils ne sont pas contents, je ne sais pas, moi, de l'examen ou de je ne sais pas... d'un processus quelconque d'admission, au lieu de se plaindre dans les mécanismes normaux du fonctionnement de l'enseignement, ils vont aller se plaindre au commissaire, qui va rebondir dans un ordre. Ça ne finit plus. Ça ne permet pas l'efficacité, madame.

Mme Vallée : Le commissaire, actuellement... Bien, je vous entends, je comprends ce que vous me dites, mais en même temps, je vous ai entendu tout à l'heure, vous dites : Le pourcentage d'admissions, il est très élevé, il est au-delà de 95 % maintenant. Donc, je présume que le commissaire ne sera pas saisi de 100 % des demandes d'admission.

On s'entend que le commissaire va être saisi des demandes d'admission problématiques. Parce que l'objectif, c'est ça, c'est de permettre au commissaire, lors de situations d'admission problématiques, de pouvoir émettre des recommandations, pas de porter atteinte à l'autonomie des ordres. L'autonomie des ordres demeure. Mais c'est un pouvoir de recommandation, qu'il a déjà par ailleurs et qui est étendu aux admissions. Parce qu'il y a aussi des problématiques qui existent au niveau d'un citoyen qui, par exemple, aurait eu une formation atypique. Alors, pourquoi on aurait deux cheminements différents? Alors, l'objectif, c'est d'avoir un commissaire qui aura un pouvoir pour l'ensemble des citoyens, ceux qui ont une formation atypique, ceux qui ont été formés à l'étranger. Et je comprends évidemment qu'il y a, quoi, un pourcentage de, quoi, 6 % de refus, là, donc c'est vraiment... ce n'est pas majeur, mais c'est vraiment là-dessus que le commissaire va se pencher.

Donc, je tiens à vous rassurer, de notre évaluation, là, on ne crée pas une superstructure avec un tas d'ETC, là. Ce n'est pas du tout ce qui ressort. Parce que, justement, comme vous l'avez si bien mentionné, le taux d'admission a grandement évolué au cours des dernières années. Par contre, je pense qu'autour de la table, dans nos bureaux de comté, on a tous été sensibilisés à un moment ou un autre par des citoyens qui ont fait face à certaines problématiques et pour lesquelles on avait peu ou pas moyen de saisir les instances en question.

Donc, j'essaie de comprendre en quoi ces pouvoirs-là seraient inutiles puis en quoi ces pouvoirs-là qui sont confiés ne permettraient pas plutôt une meilleure intégration, tout en reconnaissant, bien entendu, l'indépendance des ordres, là.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : L'enjeu, ce n'est pas l'indépendance des ordres. Vraiment, on l'a analysé sur toutes les coutures. Déjà, c'est un mécanisme complexe, les demandes d'admission, il faut les traiter, etc. On avait convenu, il y a quelques années, que l'introduction d'un commissaire aux plaintes, c'est un mécanisme de justice naturel qui permet à un individu qui penserait que son dossier, bon, n'aurait pas été traité adéquatement... Donc, cette idée-là qu'il puisse éventuellement enquêter sur ces cas-là, bravo!

Mais on a un système professionnel, mais on a aussi un système d'éducation. Il n'y a aucune donnée probante... On ne sait même pas quel problème... Peut-être que certains individus... Mais d'où vient cette idée... On n'est pas du tout en état menace. On sait très bien que, quand on met de l'avant une nouvelle structure, cette structure-là génère, comment dirais-je, un fonctionnement. Il va falloir... Notre structure va vouloir se nourrir. Et on est très loin de l'idée, je ne sais pas moi, d'un bureau d'études ou d'expertise, avec l'idée d'un commissaire à l'admission. Et vraiment il y a des ordres qui ont des milliers de candidats présentement au Québec dans un processus de formation et d'admission. Alors là, dans le moment, on était sur le cas des personnes récemment arrivées au Québec, formées à l'étranger, mais, s'il faut en plus de ça être dans un mécanisme... Il existe déjà des ombudsmans dans les universités et les cégeps. Vraiment, on ne voit pas le lien entre le problème à régler et la solution. Et avec unanimité des ordres, lors des dernières consultations, sur l'idée qu'un commissaire à la mission sortait de n'importe où, là.

Une voix : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, peut-être, vous présenter avant de prendre la parole, s'il vous plaît.

M. Thuot (Jean-François) : Alors, Jean-François Thuot, directeur général — merci, Mme la présidente.

Alors, rappelons que, pour le conseil et ses membres, l'enjeu, c'est l'intégration professionnelle des immigrants, c'est là-dessus que les efforts doivent se concentrer. Et la solution qui est présentée, l'une des solutions qui est présentée par le projet de loi, c'est d'élargir les compétences du commissaire à un domaine qui excède celui de la question de l'intégration professionnelle des immigrants, c'est celui de l'admission de tout candidat, formé au Québec ou non. Alors, on parle ici de la majorité du contingent de demandeurs d'exercice d'une profession.

Alors, nous, on a posé la question lorsque cette proposition est arrivée sur la table : Où est le problème? La question de l'intégration professionnelle des immigrants, c'est une question qui a été documentée, elle a été soulevée par la commission Bouchard-Taylor, et la réponse, à laquelle nous étions favorables, était la création d'un commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences. Créer un commissaire à l'admission pour résoudre quels problèmes d'admission des candidats formés au Québec? Autrement dit, le projet de loi en cette matière rate la cible.

• (10 h 10) •

Mme Vallée : En fait, l'objectif, c'est d'avoir un portrait global, parce que, si la situation est pareille, si on traite les gens sur un même pied d'égalité, on aura une vision plus globale des problématiques. Il faut que la situation de l'admission soit traitée de la même façon, c'est-à-dire... Comme je le mentionnais d'entrée de jeu, lorsqu'on regarde vers... pour l'admission de membres au sein d'une profession, on ne regarde pas la provenance de l'individu, on regarde sa formation, la formation est-elle adéquate, la formation... est-ce que le profil de l'individu est conforme aux exigences de l'ordre professionnel. Et cette analyse-là, elle doit être la même qu'il s'agisse d'un Québécois ou d'un nouvel arrivant. Et actuellement force est de constater que ce n'est pas tout à fait la même chose. Il y a, dans certains dossiers, des traitements qui sont... qui semblent être inéquitables, et l'objectif, c'est de permettre au commissaire de dresser un portrait global pour émettre des recommandations, oui, au gouvernement. C'est normal que nous puissions aussi, comme instance gouvernementale, recevoir des recommandations quant aux modifications qui sont nécessaires d'être apportées, normal que des recommandations soient émises, nonobstant l'indépendance des différents joueurs autour de la table, pour permettre d'améliorer des choses, pour permettre à tous les Québécois de pouvoir jouer un rôle au sein de notre économie, de pouvoir participer à notre économie.

Alors, c'est l'objectif que nous visons, c'est d'avoir cette vision globale pas... Et il faut le voir comme un atout. Et le commissaire est là. Le commissaire joue déjà ce rôle. Donc, je pense qu'il faudrait... Il faut s'assurer de ne pas prétendre que nous inventons, nous ajoutons. On institutionnalise le pôle qui existe déjà, auquel vous participez.

Donc, on fait simplement reconnaître le pôle. On ajoute des pouvoirs au commissaire, certes, mais ce commissaire, il est présent, il est déjà en place depuis six ans, et bon nombre de rapports ont émis le souhait que le commissaire puisse avoir une vision plus globale pour pouvoir présenter des recommandations qui auront plus de force, parce qu'actuellement les pouvoirs du commissaire limitent le spectre d'évaluation, et ce qui fait en sorte qu'il subsiste des problématiques.

Et l'objectif, c'est d'avoir une vision beaucoup plus large. L'objectif aussi d'institutionnaliser le pôle, c'est d'avoir tous les acteurs autour d'une table, d'une même table, pour vraiment éviter de pointer du doigt l'un et l'autre. L'admission, la reconnaissance des acquis, c'est un tout, et on a tous, chacun, un rôle à jouer dans cette reconnaissance-là. Alors, c'est l'objectif, qui est de mettre un terme au travail en silo finalement, qui constitue un obstacle à la reconnaissance des acquis.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Mme la ministre, le pôle existe déjà. Pourquoi mettre un comité dans une loi? Peut-être dans deux ans, il faudrait le faire évoluer, changer sa composition. On pense que c'est créer une rigidité. Si vous jugez que le pôle doit être maintenu, qu'il soit maintenu, c'est un comité, j'étais pour dire... pas parmi d'autres, mais c'est un comité existant.

La question, vraiment, on a de la difficulté à partager votre vision sur le fait de dire qu'il n'y a rien là à élargir les pouvoirs du commissaire. Le système d'éducation au Québec est un système complexe, et, contrairement à ce que certains prétendent, les ordres, c'est le gouvernement qui fixe les diplômes qui mènent à l'admission d'une profession. Les ordres n'ont aucune discrétion là-dessus, ils n'ont aucune indépendance. Alors, à partir du moment où le diplôme pour être admis à une profession est fixé par le gouvernement ici, c'est le gouvernement qui dit qu'est-ce qu'un Québécois doit avoir pour devenir membre d'un ordre. Les processus sont bien établis. Pourquoi un commissaire irait visiter... ou s'en mêler?

Deuxièmement, la notion des équivalences, les règlements d'équivalence, et de formation, et de diplôme est également...

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Desrosiers, je dois vous arrêter, le temps imparti étant écoulé. Je vous rappelle que vous pouvez envoyer des documents supplémentaires à la commission, au secrétariat de la commission, qui se fera un plaisir de les distribuer aux membres de la commission, donc aux parlementaires. Merci beaucoup des beaux échanges.

Et maintenant je céderais la parole pour les 9 min 30 s prochaines à Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole.

Mme Jean : Merci. Juste pour savoir : Est-ce que vous aimeriez avoir encore quelques minutes pour terminer la réponse ou ça vous va?

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Non, parce qu'en fait c'était — je vous remercie beaucoup de me l'offrir — une répétition de ce qu'on avait déjà dit. Merci.

Mme Jean : Parfait. Ma question porte sur le commissaire à l'admission et le commissaire aux plaintes. Ce que je comprends aujourd'hui, puis corrigez-moi si je me trompe, actuellement, lorsqu'il y a une plainte d'une demande étrangère, d'un demandeur étranger, c'est traité par le commissaire aux plaintes, et, s'il y a une plainte faite par un Québécois, c'est traité par l'Office des professions.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : C'est traité... Premièrement, toute demande de reconnaissance d'équivalence de diplôme ou de formation peut faire l'objet d'un appel au sein d'un ordre. Il y a des comités de révision et déjà il y a un processus d'appel qui est là. Ensuite, ils peuvent aller, comme vous dites, au commissaire aux plaintes, mais il y a eu, au cours des dernières années, on a les statistiques, très peu de demandes, hein?

Mme Jean : Le parallèle. Dans le fond, ma question...

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Mais, pour les Québécois, c'est la première fois que nous entendons, nous, le conseil et puis les ordres... On sait que, par exemple, dans certains ordres, il y en a qui vont dire : Ah! l'examen d'admission à l'ordre, il est trop difficile, ou ceci, ou cela. Mais, dans les faits, là aussi, il y a des mécanismes de révision dans les conditions d'admission à un ordre. Alors, tout d'un coup, cette notion-là de vision globale, de s'assurer que l'équivalence de formation et diplôme entre quelqu'un qui est formé à l'étranger et un Québécois... C'est le fondement même de l'équité, comment dirais-je, entre les Québécois formés ici. Puis c'est des règlements transparents, connus de tous.

Mme Jean : Ma question était : S'il y a deux chemins différents, justement, pour l'analyse des problématiques qui sont soulevées, que ce soit un Québécois ou que ce soit quelqu'un de l'extérieur, est-ce que vous êtes d'avis que c'est une possibilité d'inéquité qui pourrait s'intégrer, vu que ce n'est pas le même processus qui est appliqué?

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Il existe déjà des tables de concertation — M. Thuot pourrait vous en parler davantage — que ça soit au niveau collégial, que ça soit au niveau universitaire. Et on est dans un univers complètement différent, complètement différent.

Une voix : ...

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui, tu voulais intervenir? Claude Leblond.

M. Leblond (Claude) : Bonjour, Claude Leblond.

La majorité des étudiants qui sont formés au Québec... c'est-à-dire qui font une demande d'admission à un ordre sont formés au Québec, dans les programmes qui sont nommés par le gouvernement dans son règlement sur les diplômes qui donnent accès à un ordre. L'autre partie des gens qui font leurs demandes d'admission à un ordre à partir d'un autre programme le font via le règlement sur les équivalences, et qui est le même règlement qui s'applique à ceux qui viennent avec un diplôme de l'extérieur du Québec. Donc, l'équité quant au traitement via le processus réglementaire d'équivalence est le même pour les gens du Québec et pour ceux de l'extérieur. Alors, ça, c'était pour répondre à votre question à ce niveau-là.

À l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux, au-delà de 88 % des admissions sont faites pour des gens qui ont étudié... qui obtiennent un diplôme que le gouvernement du Québec nomme dans son règlement, là, sur les diplômes, qui donne accès à la profession.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je vais céder la parole à M. Thuot, parce que, vraiment, il y a...

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Desrosiers, vous voulez que je cède la parole à monsieur...

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Excusez-moi, excusez-moi, c'est parce que je voulais...

Le Président (M. Villeneuve) : Il n'y a pas de problème. Alors, allez-y, monsieur, en vous présentant, s'il vous plaît.

• (10 h 20) •

M. Thuot (Jean-François) : Merci. Alors, Jean-François Thuot, directeur général.

Alors, pour répondre à cette question-là du processus, il faut bien se rappeler historiquement que la création du commissaire en matière de reconnaissance des compétences, elle surgit d'une problématique spécifique. En effet, le dossier du candidat à l'admission à un ordre, lorsqu'il s'agit d'une personne formée hors du Québec, hors du Canada, il peut y avoir des éléments problématiques particuliers qui tiennent à son cheminement. Quels sont ces problèmes particuliers? Le premier problème peut être celui de l'évaluation de son dossier, étant donné que son dossier ne présente pas les mêmes pièces que celles d'un candidat formé au Québec. Première difficulté.

Deuxième difficulté, si le candidat a besoin d'une formation d'appoint, se pose un problème d'accès à des formations adaptées, des formations sur mesure, sans compter également l'accès au stage. Donc, la commission Bouchard-Taylor a reconnu qu'il y avait des éléments de problématique spécifiques qui appelaient une réponse particulière, différente de celle du code de la mécanique, du Code des professions. La réponse a été le commissaire. Alors, dans ce sens-là, il faut bien recontextualiser la création du commissaire. Ce n'était pas l'idée d'avoir un processus équitable pour tout le monde, on présume que cette équité est assurée dans les règlements et le code, qui sont par ailleurs validés par le Conseil des ministres, les députés, l'Office des professions. On a voulu répondre à un problème particulier.

Et, répétons-le, l'enjeu qui est sur la table, et il y a d'ailleurs une commission qui se tient présentement sur la planification dans la salle d'à côté, c'est l'enjeu de l'intégration professionnelle des immigrants, c'est là-dessus que des réponses constructives doivent être apportées. La réponse du commissaire à l'admission n'en est pas une. Celle de créer un comité interministériel sur la reconnaissance des acquis, comme nous le proposons, un comité qui existe déjà au sein du ministère de l'Immigration et que nous souhaitons qu'il devienne permanent, est, pour nous, une voie constructive, au lieu d'insérer au code non seulement un commissaire à l'admission, mais un pôle de coordination, qui, existant depuis 2010, n'a donné aucun résultat.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui. Alors, Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Lamarre : Merci. Si on comprend bien, en fait, le problème avec le commissaire, c'est qu'actuellement ce commissaire ne peut intervenir que sur des plaintes. Et on se rend compte qu'il y a, semble-t-il, des perspectives beaucoup plus globales qui doivent assurer que, lorsqu'un candidat étranger commence son exercice ici, le parcours ne s'interrompt pas à cause d'un manque de stages, par exemple. Alors, je pense que c'est là qu'est l'enjeu et c'est ça qu'on doit... Et je pense que l'objectif de dire «on veut un commissaire à l'admission» vise cet objectif-là. Maintenant, je pense que je vous rejoins bien, l'admission, de façon qu'elle est très peu définie dans ce projet de loi là, est un... vraiment, est très, très, très large et ouvre énormément de portes qui ne sont pas nécessairement favorables à l'intégration réelle des Québécois d'adoption au marché... des professionnels au marché.

Alors, moi, je pense que ce qu'on veut, c'est permettre, par exemple, qu'on n'ait plus cet argument de dire : Bien, les étudiants, les candidats médecins, c'est à cause d'un manque de stages que ça ne marche pas. Alors, comment on peut faire pour que ces stages-là soient disponibles pour ces candidats-là? On leur a dit... Ils ont fait un parcours parfois de plusieurs années puis ils sont bloqués à cause des stages. Alors, le commissaire à l'admission n'est peut-être pas la solution, mais, clairement, il faut trouver des solutions qui garantissent qu'un candidat étranger qui arrive ici a un parcours clair.

Avez-vous une solution concrète? Parce que je pense que c'est là qu'on est, c'est ça, l'enjeu, actuellement.

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Merci, Mme la députée. Oui, vous touchez exactement... L'exemple que vous donnez... Le commissaire à l'admission a produit cette année... Premièrement, vous dites : Il n'analyse que les plaintes. Non, il a le droit de faire des études, des enquêtes, donc, de sa propre initiative. Il l'a fait pour les stages en milieu collégial et les formations d'appoint en milieu universitaire, et la seule recommandation qui a abouti, c'est : veuillez vous concerter davantage. Alors, quand vous donnez l'exemple d'un candidat en médecine, ou ça pourrait être en pharmacie ou en sciences infirmières, et qu'il n'y a pas de stage, une des solutions qu'on met de l'avant, c'est le fameux comité interministériel, parce qu'il faut que les ministres sectoriels se sentent interpellés. Si le ministre sectoriel a bloqué le nombre de places de stage en hôpitaux universitaires, bien, ça s'arrête là. Quand bien même qu'un commissaire dirait : C'est donc de valeur, c'est donc de valeur, concertez-vous, concertez-vous, il faut que... Alors, dans le comité mis de l'avant, dans les deux dernières années, par le ministère de l'Immigration, justement les ministres sectoriels étaient interpellés, et certaines solutions ont été mises de l'avant. À défaut de ça, on en a encore pour 10 ans à dire : C'est donc de valeur, il n'y a pas de stage, c'est donc de valeur, il n'y a pas de formation, parce que c'est la même chose du côté du ministère de l'Enseignement supérieur. Écoutez, ce n'est pas gratuit, ouvrir des places de stage, puis ils sont contingentés. Alors là, vous voyez bien que la dynamique est en dehors des ordres, et on ne comprend pas que le commissaire à l'admission serait une solution constructive et concrète.

Puis, deuxièmement, on insiste sur le fait... pourquoi analyser l'admission aussi des dizaines de milliers de Québécois qui sont dans les processus normaux de diplomation. Ça, là, vraiment, c'est la grande trouvaille de ce projet de loi.

Mme Lamarre : Bien, effectivement, je pense que, là, on va beaucoup trop large, mais il semble y avoir quelque part un dénominateur commun par rapport à la difficulté de passer d'un système à l'autre. Et, si les stages sont entièrement dédiés aux diplômés québécois, bien, c'est sûr qu'il n'y a plus de place pour les Québécois d'adoption. Donc, je pense que c'est à ce niveau-là.

Le comité intersectoriel, vous le voyez présent. Moi, je vois le rôle du commissaire un peu comme celui du Vérificateur général, c'est-à-dire de donner l'alerte et de cibler les points d'entrée. Parce que le comité intersectoriel, jusqu'à maintenant, il faut dire qu'on n'a pas vu encore beaucoup de réalisations.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la députée de Taillon, je dois vous interrompre, le temps imparti étant écoulé pour vos échanges avec Mme Desrosiers.

Alors, je cède la parole maintenant au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Borduas, vous avez 9 min 30 s à votre disposition. Six minutes, excusez-moi, 6 min 30 s. Désolé.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Vous venez de me couper de trois, là. Mme Desrosiers, M. Thuot, M. Leblond, merci de votre présence, merci de contribuer aux travaux de la commission.

J'ai quelques questions. J'ai très bien saisi, je crois, votre position sur le commissaire aux plaintes, commissaire à l'admission, si jamais il est maintenu tel que tel dans le projet de loi. J'avais deux questions relativement à ce qui est proposé par le gouvernement, par la ministre de la Justice. Certains vous diront : On veut confier un peu le rôle d'ombudsman au commissaire aux plaintes en élargissant son mandat, parce qu'il n'y a pas vraiment personne qui fait des recommandations sur le processus global. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien, c'est une option qui aurait pu être possible, mais en même temps, là, on est... C'est parce qu'il faut qu'il y ait un lien direct entre le problème et la solution. Le gouvernement, les différents ministres qui sont venus rencontrer le CIQ ont dit : Il faut améliorer ou aider la mobilité internationale et l'accès des Québécois formés à l'étranger, leur intégration. Donc là, le commissaire aux plaintes s'occupe des plaintes de ces personnes-là. Donc, est-ce qu'il y a d'autres matières à plainte dans le système professionnel? Bien là, il faudrait élargir la discussion.

M. Jolin-Barrette : Mais je vous donne l'exemple... Supposons un candidat à l'admission au Barreau. À partir du moment où il s'en va passer l'examen du Barreau, puis il arrive une situation x, il n'est pas satisfait de l'examen, tout ça, bon, il peut faire appel au sein des différents comités du Barreau, mais, ultimement, à partir du moment où sa cause est entendue par le Barreau puis que le comité ne bouge pas — puis c'est un comité de pairs — à ce moment-là, sa seule option, c'est de saisir la Cour supérieure.

Est-ce que le fait d'avoir un commissaire aux plaintes qui aurait un mandat élargi, ça permettrait de dire : Bien, écoutez, peut-être que, dans ce cas-là, il y aurait peut-être eu une voie appropriée à suivre, une autre voie?

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien, les termes ne sont pas neutres. Si la ministre ou si le gouvernement veut un ombudsman du système professionnel, ça va toucher tous les aspects. On a lu dans le rapport annuel, par exemple, de l'office qu'ils reçoivent 2 500 questions puis des fois un certain nombre de plaintes, lorsque quelqu'un se plaint d'un ordre, se plaint de ceci, de cela, mais il n'y a pas de transparence là-dessus. Mais ce n'est pas prévu dans le rôle du commissaire. Lui, il est vraiment ciblé sur l'admission.

Est-ce qu'il y a lieu... Je n'ose pas ouvrir trop la discussion là-dessus parce qu'il faudrait y réfléchir dans son entièreté. C'est vrai que, dans tous les systèmes, il existe des ombudsmans. On n'en a pas fait la proposition directement parce que déjà on voulait régler ou travailler sur un lieu où il y aurait des mesures concrètes pour l'admission des personnes formées à l'étranger.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question des demandes de l'extérieur, vous dites : On en reçoit 4 500 par année. Maintenant, il y a un taux de reconnaissance de 95 %, que ce soit partiel ou complet. Sur le partiel, est-ce que vous avez évalué le temps, le processus qui est requis? Est-ce que vous avez des statistiques par rapport à ça, pour quelqu'un qui obtient une reconnaissance partielle, puis on le dirige vers un programme d'études adapté, ou un stage, ou tout ça?

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je vais demander au directeur général de compléter. Parce que les statistiques que moi, j'ai lues, c'est que la moitié, à peu près, requérait des stages d'appoint, ou des stages d'intégration, ou des formations d'appoint, et là c'est le goulot d'étranglement. Et c'est connu, là, c'est documenté, on n'a pas besoin de le documenter davantage. Il faudrait chercher des solutions.

M. Thuot (Jean-François) : Alors, des statistiques...

Le Président (M. Villeneuve) : ...vous présenter, encore une fois.

M. Thuot (Jean-François) : Jean-François Thuot, directeur général.

Alors, en réponse à votre question, donc, oui, en effet, 50 % de demandes de reconnaissance partielle qui se traduisent en prescription de formation d'appoint et de stage. La durée? Nous n'avons pas de statistique qui nous permet de dire : Ça prend six mois, un an. Ce que nous savons, selon des cas qui nous ont été évoqués, c'est que la durée peut être extrêmement variable en fonction de la disponibilité de la formation, du stage dans les lieux qui sont appropriés pour le faire. On sait qu'il n'y a pas d'uniformité d'un ordre à l'autre, ça peut varier d'un candidat à l'autre, d'une session à l'autre, par exemple la formation n'est pas donnée par un cégep au même moment. Donc, c'est une durée variable.

Nous soupçonnons qu'il y a un goulot d'étranglement et que cette durée soit suffisamment longue, malheureusement, pour décourager certains candidats. On le suppose. Nous en faisons l'hypothèse. Nous n'avons malheureusement pas de statistiques, étant donné que les organismes concernés ne se sont pas encore entendus sur une manière de dresser un portrait global. Et croyez bien que ça échappe au contrôle et à la compétence du conseil.

M. Jolin-Barrette : Je comprends que, dans ce cas-là, le CIQ et les ordres ne sont pas nécessairement... ce n'est pas leur responsabilité, s'il n'y a pas de stage, tout ça. Ils se retrouvent face à l'appareil.

M. Thuot (Jean-François) : ...situation.

M. Jolin-Barrette : C'est ça, où ils n'ont pas de contrôle là-dessus.

• (10 h 30) •

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Si vous me permettez un petit bémol, pour avoir été moi-même présidente d'un ordre pendant 20 ans, on a la liste des personnes qui sont dans la file d'attente, on a les noms, bon, on peut les déclarer dans le rapport annuel. On sait que, je ne sais pas, il y a 32 personnes qui ont été reconnues et qui sont en attente d'un stage, on le sait, et on peut mesurer s'ils sont là depuis longtemps. Je veux dire, on peut faire le... Comment dirais-je? Chaque ordre peut vous faire un portrait, puis ça pourrait être colligé par l'office, puis vous l'auriez, le portrait. Je veux dire, on a... Parce qu'à partir du moment où on leur donne une reconnaissance partielle ils sont dans le système, ils ne sont pas...

Pourquoi ils n'obtiennent pas de stages? Bien là, encore là, ça dépend si vous êtes dans le domaine de l'agronomie — il y en a qui vont venir vous en parler — ou du système de santé. Ça peut dépendre du domaine et du secteur. Et c'est sûr que plus le secteur est contingenté ou en restrictions budgétaires, moins les portes s'ouvrent pour ouvrir des stages supplémentaires.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur un autre volet, la recommandation 6, la suppression de l'obligation de l'autorisation ministérielle pour mener une enquête, j'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là. Est-ce que vous considérez que l'office aurait fait plus d'enquêtes s'il n'avait pas eu à avoir une autorisation ministérielle? Parce que, bon...

Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien, on a vu dans le...

Le Président (M. Villeneuve) : Excusez, Mme Desrosiers, M. le député de Borduas, je dois vous interrompre. Malheureusement, le temps est écoulé. Vous pouvez toujours répondre par le biais du secrétariat à la commission. Mme Desrosiers, M. Thuot et M. Leblond, je vous remercie pour votre participation aux travaux de la commission.

Et j'inviterais le prochain groupe à prendre place, soit la Chambre de la sécurité financière, et je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 35)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, on reprend les travaux de la commission. Je m'excuse de vous interrompre à l'arrière. Merci. On va reprendre les travaux de la commission, vous rappeler que nous avons un horaire chargé et que le temps qui est perdu malheureusement ne se rattrape jamais. Alors, je vais vous demander votre collaboration pour la suite des travaux.

Donc, nous recevons la Chambre de la sécurité financière. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et que par la suite il y aura des échanges avec les parlementaires. Alors, je vous demande de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent. À vous la parole.

Chambre de la sécurité financière (CSF)

Mme Gagné(Lyne) : Bonjour, M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission. Mon nom est Lyne Gagné. Je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de la sécurité financière.

Des voix : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Je vous demanderais le silence, s'il vous plaît, pour qu'on puisse bien comprendre et entendre madame. Continuez, madame.

Mme Gagné (Lyne) : D'accord. Donc, je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de la sécurité financière. Mon nom est Lyne Gagné. Je suis accompagnée de la présidente et chef de la direction, Me Marie-Elaine Farley, et, complètement à ma gauche, par Me Johanne Loyer, avocate sénior aux affaires juridiques.

Donc, nous remercions de nous offrir l'occasion de partager l'expérience de la Chambre de la sécurité financière en matière de structure de gouvernance et d'encadrement des 32 000 membres professionnels québécois des services financiers. Les membres de la Chambre de la sécurité financière oeuvrent dans cinq disciplines de sécurité financière, à savoir l'épargne collective, l'assurance individuelle de personnes, l'assurance collective de personnes, les plans et bourses d'études, et la planification financière.

La Chambre de la sécurité financière, dont l'unique mission est la protection du public, présente plusieurs similitudes avec les ordres professionnels, dont son fonctionnement déontologique et disciplinaire, qui repose en partie sur le Code des professions. Tout comme les membres des ordres, nos membres sont des professionnels assujettis à un encadrement similaire. Ils ont notamment l'obligation légale de voir en tout temps aux meilleurs intérêts de leurs clients, d'exercer un jugement objectif et indépendant dans leurs recommandations et d'éviter les situations de conflit d'intérêts. Bien que l'évolution de la gouvernance et des pratiques de la chambre diffère de celles des ordres professionnels, nous estimons que les pratiques de saine gouvernance que nous avons mises en place constituent un cheminement parallèle pouvant servir de référence aux membres de la commission dans leurs travaux subséquents concernant le projet de loi n° 98.

Notre présidente et chef de la direction hésite parfois à se vanter, mais je tiens à mentionner : l'efficacité de notre organisation a été reconnue par les Grands Prix québécois de la qualité en 2014. Il s'agit, comme vous le savez, de la plus haute distinction remise par le gouvernement du Québec aux organisations qui se démarquent par leur qualité de gestion et par leur performance globale. Il y a, bien sûr, toujours place à l'amélioration, et soyez assurés que la chambre y travaille très fort.

Notre conseil d'administration est composé de 13 membres, dont huit sont élus à des postes qui, de par la Loi sur la distribution, sont répartis par disciplines de sécurité financière. Cinq autres administrateurs, soit 38 % du conseil d'administration, sont nommés par le ministre des Finances sur recommandation du conseil d'administration. Ils ne sont pas de l'industrie et doivent respecter les critères d'indépendance prévus à notre règlement intérieur. Nous estimons que cette combinaison d'administrateurs rend notre conseil plus efficace dans l'exécution de ses responsabilités. Il est un pouvoir de supervision des affaires réellement indépendant plutôt qu'un collaborateur, réel ou perçu, de la direction. C'est évidemment essentiel pour s'assurer qu'un organisme d'autoréglementation comme la chambre demeure fidèle à son unique mission, soit la protection du public.

En ma qualité de présidente du conseil, j'ai la responsabilité de voir au bon fonctionnement du conseil d'administration de la chambre, j'en préside les séances, je veille à l'amélioration continue de sa performance et assure le suivi de certains mandats. Bien sûr, nous supervisons l'équipe de direction dans sa gestion des orientations données par le conseil.

La première observation que nous partageons avec vous a trait à l'importance de distinguer clairement les rôles du conseil d'administration de ceux de la direction. Il nous apparaît que la répartition des responsabilités et des rôles proposée au projet de loi n° 98, tout comme l'exercice équivalent réalisé à la chambre, produit un résultat qui, dans les deux cas, respecte les pratiques exemplaires de gouvernance. Nous croyons que les dispositions du projet de loi n° 98 viennent encadrer le nombre d'administrateurs ainsi que la durée de leur mandat... et qui vient séparer les fonctions associatives de celles liées à la protection du public sont de nature à permettre aux ordres professionnels de remplir avec encore plus d'efficacité leur mission.

Nous désirons toutefois attirer l'attention des membres de la commission sur l'importance que les conseils soient composés d'administrateurs qui, même s'ils siègent à titre d'indépendants et qu'ils ne sont pas membres de l'ordre, possèdent les compétences nécessaires pour exécuter leurs fonctions. C'est pourquoi le conseil d'administration de la chambre s'est doté de critères d'indépendance et d'un profil de compétence qui permettent au C.A. de proposer au ministre des Finances des candidats indépendants et avec les compétences requises.

Le critère de non-appartenance à un ordre pourrait ainsi être bonifié, vu l'importance de la mission d'un ordre et de son conseil d'administration. À titre d'exemple, pour se qualifier comme administrateur indépendant à la chambre, des balises sont établies par le règlement intérieur et elles s'assurent d'un profil de compétence approprié pour les candidats. Nous nous permettons de suggérer d'utiliser l'expertise des ordres professionnels et de leur confier la responsabilité de retenir les critères d'indépendance et d'expertise qu'ils jugent pertinents à la réalité propre de leur profession.

Je vous proposerais maintenant, M. le Président, de céder la parole à Me Farley.

• (10 h 40) •

Le Président (M. Villeneuve) : À vous la parole, Me Farley.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Alors, bonjour à tous. Je vais poursuivre avec certaines remarques. Mais, avant de ce faire, j'aimerais souligner que la Chambre de la sécurité financière se prononce en faveur d'une vaste majorité des dispositions du projet de loi n° 98, même si nous nous permettons de formuler quelques suggestions qui nous apparaissent susceptibles de bonifier le projet de loi sur certains aspects.

Alors, les efforts constants de la chambre pour améliorer ses pratiques lui ont permis de constater le lien étroit entre la confiance du public et une saine gouvernance, dotée d'une organisation efficace et flexible. Ce dernier critère, la flexibilité, est un élément important à l'efficacité des organismes chargés d'encadrer la pratique de centaines, voire de milliers de professionnels présents dans toutes les régions du Québec. À cet égard, l'autoréglementation est l'un des moyens d'intervention qui s'est révélé le plus efficace, tant dans le secteur financier que pour les différents ordres professionnels. En effet, la délégation par l'État de la responsabilité de développer et d'appliquer les règles spécifiques à un secteur d'activité à une organisation formée de gens de ce même secteur favorise l'atteinte du public et d'un équilibre entre la pratique des professionnels et la protection du public. De plus, l'autoréglementation offre un avantage indéniable à l'État, puisqu'elle s'autofinance.

Que ce soit pour les ordres professionnels ou pour un organisme comme la Chambre de la sécurité financière, nous invitons le gouvernement de continuer à miser sur l'expertise et l'efficacité des organisations qui travaillent directement sur le terrain et qui ont une connaissance fine de leur secteur d'activité, et ce, au bénéfice, bien sûr, de l'intérêt du public qu'ils sont chargés de protéger.

Nous avons constaté au projet de loi n° 98 une volonté de doter l'office de pouvoirs d'encadrement additionnels, de lui accorder plus d'indépendance et d'autonomie dans l'exercice de ses pouvoirs et de le doter d'une capacité d'adopter par règlement des normes minimales d'éthique et de déontologie, obligatoires pour les membres d'un conseil d'administration d'ordre professionnel. Ces normes viendront guider la façon dont les administrateurs des ordres devront adopter et se conformer aux normes d'éthique et de déontologie auxquelles ils s'assujettissent eux-mêmes par règlement de l'ordre. Ces nouveaux pouvoirs, bien sûr, sont de nature à favoriser la protection du public.

L'un des points d'amélioration possibles concerne la façon dont le projet de loi se propose de modifier les pouvoirs de l'Office des professions à l'endroit des ordres. Par exemple, les articles 5 et 46 du projet de loi nous semblent présenter une source probable de difficultés d'application concernant la duplication des mêmes pouvoirs réglementaires au niveau de l'office et au niveau des ordres. Ces deux instances peuvent réglementer les mêmes choses différemment, il pourrait devenir difficile pour un administrateur de déterminer s'il se conforme bien aux règles d'éthique et de déontologie qui le régissent.

À la chambre, comme l'est un ordre avec l'office, nous sommes assujettis à des pouvoirs de surveillance et de contrôle de l'Autorité des marchés financiers, et même ces pouvoirs sont beaucoup plus étendus que ceux que le Code des professions accordera à l'office, une fois modifiés par le projet de loi, et ne créent aucun chevauchement entre l'autorité et la chambre quant à l'adoption des règles d'éthique et de déontologie des administrateurs. À titre d'exemple, c'est le conseil d'administration de la chambre qui adopte par règlement et applique les règles touchant l'éthique et la déontologie des administrateurs et fait ensuite rapport à l'autorité de leur application, qui, elle, dispose des pouvoirs nécessaires pour obtenir les correctifs si elle le juge nécessaire.

Nous comprenons l'idée de conférer à l'office la capacité de donner des orientations sur le plan des principes et des valeurs à promouvoir dans le code de déontologie des ordres. Pour y arriver sans introduire un dédoublement, nous suggérons d'accorder à l'office un pouvoir d'émettre des lignes directrices, comme l'Autorité des marchés financiers, qui le fait pour les institutions financières.

Le Président (M. Villeneuve) : Il reste une minute, alors je vous invite à la conclusion.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Alors, en terminant, j'aimerais aborder l'aspect de la formation continue obligatoire qu'on propose, où nous voyons vraiment une bonne amélioration. Mais, pour nous, ces mesures auraient avantage peut-être d'aller plus loin, notamment parce que nos professionnels, en matière de prévention et de protection du public, sont assujettis à des normes de formation continue obligatoire, dont un cours de formation obligatoire en matière d'éthique qui est dispensé par la chambre... et dont le contenu est dispensé par la Chambre de la sécurité financière à tous les quatre ans. Donc, c'est une formation continue obligatoire.

Alors, en ce sens, les dispositions du projet de loi pourraient aller davantage plus loin, et, pour ce faire, bien, le projet de loi n° 98 constitue des orientations qui, bien sûr...

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois malheureusement vous interrompre. Merci pour votre exposé, et vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, sur ce, je cède la parole à Mme la ministre pour les 16 prochaines minutes. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Je sens qu'à la fin de votre présentation vous étiez un petit peu pressée par le temps. Donc, si vous souhaitez poursuivre, là, il me fera plaisir de vous entendre, parce que vous abordez la question de la bonification de la formation continue obligatoire. Alors, je vous cède la parole.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Oui. En fait, pour nous, la formation continue obligatoire est quelque chose qui mise beaucoup les aspects... qui favorise beaucoup la prévention et la protection du public. Alors, pour nous, nos professionnels sont assujettis à des 30 heures d'obligation de formation continue obligatoire par cycle de deux ans, ça, c'est le minimum, dont 10 heures de formation continue en matière de conformité et de normes éthiques. Et par ailleurs, à tous les quatre ans, là c'est 10 unités de formation continue obligatoire en matière d'éthique. Nos professionnels doivent suivre trois heures de formation continue en ces matières, dont le contenu est élaboré pas la chambre, est dispensé par la chambre. Alors, c'est une initiative que nous avons mise en place récemment, en 2011.

Mme Vallée : Et est-ce que vous avez senti une difficulté d'intégrer ces formations-là auprès de vos membres? Est-ce qu'il y a eu de la résistance ou est-ce que ça se fait quand même relativement bien?

Mme Farley (Marie-Elaine) : C'est un processus qui s'est passé en collaboration, avec des consultations que nous avons faites au préalable, et puis, cette année, en 2015, ça a été la première fois où, premièrement, les membres ont dû suivre le cours obligatoire en éthique imposé par la chambre. Je me plais à dire que cette formation-là a été jugée satisfaisante par 94 % de nos membres, et c'est 97 % des membres qui l'ont suivie au complet. Donc, le taux de conformité à cette obligation spécifique de formation continue obligatoire a été observé.

Puis c'était la première fois que le cycle de quatre ans se terminait en novembre. Puis, pour le restant, bien, en fait, c'est des obligations de formation continue obligatoire d'ordre général qui sont balisées, bien sûr, par un règlement au niveau de l'accréditation, et ces mesures sont imposées depuis le début de la Chambre de la sécurité financière, en 1998. Donc, c'est une bonne expérience pour nos membres, mais ils sont habitués de suivre ces formations-là.

Mme Vallée : Dans votre mémoire, vous proposez de bonifier des critères d'indépendance des administrateurs, aller, dans le fond, au-delà de l'interdiction de siéger sur le conseil d'administration d'une association professionnelle ou d'un regroupement de membres de l'ordre. Pourriez-vous me préciser les critères d'indépendance des administrateurs qui pourraient s'appliquer au contexte particulier des ordres professionnels?

• (10 h 50) •

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, le critère d'indépendance, c'est pour nous... Si on recule un peu dans le temps, nous avions des représentants du public, et l'indépendance, par exemple, pour nous, c'est d'avoir une certaine distance par rapport à l'activité des professionnels qui sont encadrés par la chambre, donc l'obligation de ne pas avoir siégé à titre d'administrateur, de ne pas avoir été membre depuis au moins 10 ans de la Chambre de la sécurité financière ou avoir oeuvré dans un secteur de l'industrie qui est connexe, aussi de ne pas être membre d'une association, à titre d'administrateur, qui est affiliée ou qui est chargée de défendre l'intérêt des membres. Et aussi ce qui est bien important, c'est de s'assurer, par le biais d'un profil de compétence, que les administrateurs indépendants puissent composer d'une diversité de compétences qui sont bénéfiques pour le secteur dans lequel nous oeuvrons. Alors, c'est sûr que c'est des critères qui peuvent être... qui doivent correspondre à chacun des secteurs. Donc, on y voit une certaine bonification pour les ordres professionnels, de pouvoir compter sur l'apport de personnes qui ont des compétences propres aux secteurs spécifiques des ordres professionnels.

Alors, c'est pour ça qu'on dit de laisser la flexibilité aux ordres professionnels, qui connaissent bien leurs secteurs, ça nous apparaît bénéfique, et de les soumettre en recommandation à l'office pour leur nomination.

Mme Vallée : Parce que certains commentaires qui ont été formulés, par exemple, c'est qu'il fallait éviter d'être trop restrictif. Par exemple, si on a un médecin qui siège sur le conseil canadien en cardiologie, est-ce que ça le rend de facto... ou est-ce que ça le rendrait de facto inapte à siéger au Collège des médecins? Donc, pour certains, le fait de pouvoir siéger sur certains organismes pancanadiens, ou même internationaux, vient bonifier le rôle de protection du public qu'a l'ordre professionnel. Mais parfois cette ligne-là, elle est délicate, elle n'est pas toujours évidente. Est-ce que vous avez ce type de situation au sein de la chambre?

Mme Gagné (Lyne) : Bien, écoutez, huit de nos administrateurs sont des représentants de notre industrie. Donc, pour nous, le lien d'indépendance est là. Si jamais quelqu'un vient de l'industrie, il n'est pas reconnu comme indépendant au sein de notre conseil d'administration.

Donc, pour nous, c'était très important qu'il y ait une distinction très nette pour le statut, le critère d'indépendance. Donc, Marie-Elaine, tu veux peut-être vouloir compléter.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Oui. Aussi, en fait, c'est que, dans le temps, nous avons limité pour les administrateurs non membres d'un ordre certaines durées dans le temps de leur implication dans un secteur qui est connexe à la Chambre de la sécurité financière pour justement favoriser leur indépendance d'esprit, en termes d'implication au sein du conseil. Mais bien sûr leurs connaissances apportent aussi, et c'est pour ça que c'est important de définir les compétences des administrateurs via un profil de compétence, pour justement s'assurer qu'ils apportent une contribution positive à l'ordre professionnel via son conseil d'administration.

Mme Vallée : Vous avez dit, d'entrée de jeu, qu'il y a, au sein de votre organisation, un partage de responsabilités entre la présidence du conseil et le chef de la direction. Comment cette séparation-là, pour vous, vous a amenés vers une saine gouvernance? Parce que, vous avez peut-être entendu, on nous disait : Il ne faut pas faire du mur-à-mur. Certains ordres sont plus petits, et ce n'est pas à propos de faire cette distinction entre la présidence et le chef de direction.

J'aimerais vous entendre sur ce que ça a apporté, que de mettre en place ces règles de gouvernance là au sein de votre organisme.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, la présidence du conseil... les membres du conseil d'administration sont à 38 % indépendants, puis le reste, c'est des gens qui sont de l'industrie. Donc, à partir de là, la présidente du conseil, qui est aussi un administrateur, siège au conseil d'administration et a, elle, les pouvoirs de voir au bon fonctionnement du conseil, dans les orientations que le conseil détermine. Donc, bien sûr, pour nous, c'est d'une efficacité, puisque c'est le conseil qui détermine, de concert avec la direction, mais c'est lui qui est porteur des orientations stratégiques, et qui approuve le budget de l'ordre... pardon, de la Chambre de sécurité financière, et donne les indications très claires quant aux orientations stratégiques que la direction doit suivre. Alors, ça opère une certaine... un sain partage des responsabilités, des rôles.

Le fait qu'ils soient déterminés, ça permet, par exemple, à la direction d'assurer un suivi dans le temps, puisque les membres des conseils d'administration sont élus pour des mandats de trois ans. Ils peuvent être renouvelés de façon consécutive, mais ce n'est pas des gens qui travaillent au sein de l'ordre, tant la présidente du conseil... Ce qui me semble être un peu différent peut-être des ordres professionnels. Mais, pour nous, la présidente du conseil, c'est un administrateur également, et, dans la loi, le chef de la direction, pour lequel je suis nommé par le conseil, est le fondé de pouvoir et est responsable de l'exécution des décisions du conseil, et la relation... et la dynamique, pour nous, elle est bénéfique à ce niveau-là. Ça permet un suivi constant dans les représentations d'un moment, dans les grands dossiers de la chambre, même si le conseil d'administration peut se renouveler à quelques... au moment précis lors de la fin de leur mandat, bien évidemment, ça permet une continuité des affaires de la chambre.

Mme Vallée : Et donc ça permet de maintenir une mémoire corporative au sein de l'organisation, entre autres.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Exactement.

Mme Gagné (Lyne) : Si je peux compléter, la gouvernance également se doit d'évoluer au sein d'une organisation, dont la chambre également. On a évolué en termes de la structure du conseil d'administration dans sa forme actuelle. La chambre a déjà été plus petite, si vous désirez, et on a évolué à travers le temps. Donc, je pense que d'avoir... le fait d'avoir les deux rôles séparés a permis de faire évoluer la structure de gouvernance de façon plus efficace pour répondre aux besoins de l'organisation.

Mme Vallée : Et vous êtes favorables aussi à la question à l'effet que les administrateurs, puisqu'on est dans la gouvernance, ne soient pas là pour représenter une région. Alors, ça, c'est un enjeu très sensible au sein des ordres. Lorsque nous avons modifié la Loi sur le Barreau, ça avait fait ressortir certains sentiments d'appartenance au milieu. Mais j'aimerais vous entendre à cet égard, parce que vous avez... vous mentionnez que c'est favorable de ne pas avoir de représentants territoriaux. Alors, on a des visions qui s'opposent, on a des gens qui considèrent qu'au sein des ordres cette représentation territoriale, elle est importante, cette représentation régionale, elle est importante afin de bien cerner ce qui se passe sur le terrain et également pour la protection du public. Mais vous avez une opinion quelque peu différente.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Alors, bien, la représentation régionale, nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne doit pas être... c'est important dans une certaine... C'est important d'avoir une représentation régionale dans les structures, sauf qu'elle ne doit pas être le critère qui guide les administrateurs pour prendre leurs décisions en termes de particularités régionales pour lesquelles ils sont élus.

Chez nous, à la chambre, si nous avons des administrateurs qui représentent... La diversité s'exprime autrement au sein du conseil de la chambre, c'est-à-dire qu'elle s'exprime par l'élection d'administrateurs qui sont... qui oeuvrent dans les cinq champs de pratique que la Chambre de la sécurité financière encadre. Donc, c'est une diversité. Mais ce n'est pas parce qu'ils représentent une diversité et qu'ils sont élus parmi leurs membres de leur... comme les planificateurs financiers élisent parmi eux un planificateur financier pour siéger au conseil. Alors, pour nous, les décisions du conseil d'administration doivent être prises dans l'unique intérêt de la chambre. Ils apportent, par leur diversité, une expertise dans leur domaine précis, mais ce n'est pas pour représenter un groupe d'intérêts. Donc, c'est le parallèle qu'on peut faire aussi avec la représentation régionale, qui n'est pas là pour défendre un groupe d'intérêts, mais de s'assurer que la profession dans son ensemble, elle est bien représentée par une diversité. Alors, c'est le point de vue.

Et on a aboli aussi l'élection des membres par région au sein des membres du conseil d'administration des différentes disciplines. Et puis on a instauré aussi un collège électoral, qui est notre assemblée des membres, alors ce collège électoral là, par contre, qui vient participer aux décisions à l'assemblée générale des membres et est établi selon une diversité régionale. Mais ce n'est pas au conseil d'administration que cela s'exprime.

Mme Gagné (Lyne) : Et j'apporterais aussi...

Le Président (M. Villeneuve) : Oui. Juste vous présenter. Excusez.

Mme Gagné (Lyne) : Lyne Gagné, présidente du conseil.

Je voudrais apporter un complément. Au collège électoral, il y a un administrateur qui est élu. Donc, il y a une possibilité d'avoir une représentation régionale, si vous vous l'appelez ainsi, lors de l'élection de cet administrateur-là qui est élu parmi le collège électoral lors de l'assemblée générale annuelle.

• (11 heures) •

Mme Vallée : Donc, votre collège électoral représente la diversité régionale des membres, et au sein de ce collège peut être élu un représentant qui sera au conseil d'administration, et, au sein du conseil, vous assurez la diversité comme étant la diversité de champs d'expertise au sein de l'ordre.

Est-ce que la diversité, dans son ensemble, parce qu'il est question aussi... Dans certains mémoires, on le verra un peu plus tard, certains recommandent d'avoir... d'assurer une meilleure diversité culturelle, diversité d'âge, assurer la parité hommes-femmes au sein de l'ordre. Comment assurez-vous aussi que cette diversité, à son sens plus large, soit également présente au sein de votre conseil d'administration?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, le critère premier, c'est d'avoir des gens compétents, bien sûr, au sein du conseil d'administration. Maintenant, on comprend que des critères, parfois, de certains quotas peuvent être importants, notamment l'indépendance... les membres de conseil d'administration qui sont non membres à l'ordre qui représentent... non-membres de la chambre qui représentent 38 % des membres du conseil d'administration. Alors, pour nous, si mon calcul est bien fait ou si... Au niveau de la diversité, il n'y a pas de règle précise autre que celle qui se fait de façon normale. Et je pense que c'est 50 % des femmes qui sont au sein du conseil... 54 %, 54 % des gens au conseil d'administration qui sont des femmes, mais aucun quota précis n'est imposé. Donc, pour le moment, ce n'est pas présenté comme nécessaire, des mesures spécifiques, à ce sujet-là.

Mme Vallée : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la ministre, Mme la ministre, désolé de vous interrompre...

Mme Vallée : C'est terminé?

Le Président (M. Villeneuve) : ...on doit mettre fin aux échanges entre vous et les gens...

Mme Vallée : Nos temps d'échange sont vraiment trop courts, M. le Président.

Le Président (M. Villeneuve) : ...de la Chambre de la sécurité financière. Alors, pour les 9 min 30 s qui suivent, je céderais la parole à la députée de Chicoutimi. Alors, à vous la parole.

Mme Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagné, présidente du conseil d'administration, Mme Farley, chef de direction, bonjour, et Mme Loyer. Merci d'être ici. Merci pour la présentation. Je comprends que la Chambre de la sécurité financière a fait ses devoirs et a fait des travaux assez importants justement au niveau de la gouvernance, et je vous en félicite, c'est intéressant de voir l'expérience et que vous soyez ouvertes à venir la partager avec nous.

Je suis heureuse aussi du constat... ou de ce que je vois. J'étais déjà heureuse de voir qu'il y avait trois femmes qui étaient ici pour représenter la chambre et je viens d'apprendre qu'il y avait plus de 50 % du conseil d'administration qui est nommé par les femmes. Alors, bravo pour cette réalisation. Il faudra qu'un jour vous m'expliquiez comment vous êtes arrivées à ça, parce que ce n'est pas régulier dans nos conseils d'administration. Donc, on pourra en parler à ce niveau-là.

Ma première question, on fait la distinction... au niveau de la gouvernance, c'est important de faire une distinction, je pense, entre la surveillance et la direction d'un ordre professionnel de manière à ce que la population ait confiance au fonctionnement et qu'on ne centralise pas les pouvoirs aux mains d'une même personne. Donc, on parle de séparer le poste de président du conseil d'administration du poste de directrice ou de directeur général d'une organisation. Je pense que c'est louable et que c'était important que ça se fasse. Par contre, on a soulevé la problématique potentielle des plus petits ordres. Donc, lorsque les ressources humaines et les ressources financières sont moins importantes, donc, elles se retrouvent peut-être à une certaine difficulté de séparer ces deux postes-là. Qu'est-ce que vous en pensez? Avez-vous des pistes de solution à ce niveau-là?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, nous, on a partagé notre expérience à titre d'organisation qui est composée de 32 000 personnes.

Une voix : ...

Mme Farley (Marie-Elaine) : ...oui, 32 000, nous encadrons 32 000 membres. Et puis, bien qu'on soit sensibles à certaines difficultés, pour nous, peut-être que ça peut se représenter dans la taille des conseils d'administration, mais, de ce que nous comprenons, c'est qu'au niveau des ordres professionnels les membres sont élus, notamment au niveau de leurs conseils d'administration, et il y a une direction qui opère les décisions du conseil d'administration. Alors, dans un souci d'efficacité, bon, c'est peut-être de moduler la taille de la direction versus le conseil d'administration. Mais, quand les rôles et les responsabilités sont départagés entre le conseil, qui est habituellement là pour décider des orientations, s'assurer que la direction fasse son travail dans l'intérêt de la mission de l'organisme... bien, ça nous apparaît plus efficace en termes de responsabilités.

Peut-être qu'on n'est pas au fait nécessairement des particularités de certains ordres, alors je fais ces commentaires-là avec toute déférence pour l'expertise et les particularités de certains ordres qui ont des différences, mais, pour nous, un conseil d'administration, c'est là pour surveiller la direction mais aussi d'implanter des orientations stratégiques. Et souvent les gens qui sont impliqués au sein de conseils d'administration ont une carrière parallèle. Donc, c'est pour ça que, dans la continuité des affaires de la chambre, par exemple, ça nous apparaît efficace d'avoir une organisation qui est forte sur le plan opérationnel des orientations qui sont dictées par le conseil d'administration.

Mme Jean : Alors, merci. Question : Le conseil d'administration, la nomination des... Bon. La composition d'un conseil d'administration doit être diversifiée, comprend des gens qui sont membres de l'ordre et comprend aussi des administrateurs indépendants. Vous parliez de la manière d'encadrer la nomination des administrateurs indépendants par des bases qui se porteraient sur des compétences et une indépendance aussi. Ce que je comprends, c'est que le modèle proposé ferait en sorte que le profil des compétences ou du style d'indépendance qui serait nécessaire serait déterminé par l'ordre en question. Chacun des ordres pourrait, ou se recommanderait, ou s'encadrerait à ce niveau-là. Selon vous, le fait que ce soit l'ordre elle-même qui détermine ça, est-ce qu'à un moment donné de mettre elle-même des compétences, et tout pourrait, quelque part, risquer peut-être de faire un certain profilage qui fait que les indépendants pourraient toujours correspondre à un type particulier de profil et que ça fait une sélection, finalement, à sa nomination?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, je comprends votre question, mais, pour nous, c'est important aussi d'avoir des critères qui évoluent dans le temps. Donc, c'est pour ça que les ordres professionnels, selon leur situation... Puis, encore là, je vais ramener plutôt à nous. Selon notre situation, bien, c'est bien que nous ayons des administrateurs qui puissent se... qui peuvent se renouveler et qui puissent avoir une diversité de compétences. Donc, il y a des critères, bien sûr, d'indépendance qui sont établis, dont le fait de ne pas être membre de l'organisation et aussi de ne pas être membre d'une association qui est là pour représenter et défendre les intérêts, tout comme les membres élus du conseil d'administration ne peuvent pas le faire. Alors, c'est les deux catégories qui ne peuvent pas être membres d'une association de membres chargée de défendre l'intérêt des membres. Alors, pour nous, ça, c'est des critères qui favorisent l'indépendance, puisque, dans le fond, ils ne sont pas en conflit d'intérêts avec... structurel de par le fait qu'ils soient à l'extérieur. Ça fait que c'est des critères qui nous semblent, bien sûr, de base pour les conflits d'intérêts, qui ne doivent pas exister au sein d'un conseil d'administration, parce que ça ne facilite pas non plus la dynamique.

Donc, pour ça, toutefois, pour déterminer quel type de compétences le conseil a besoin pour prendre ses décisions en matière d'orientations stratégiques, notamment, eh bien, il y a un comité de gouvernance chez nous qui, selon le cas, bien, détermine, fait le profil des compétences recherchées pour, par exemple, recommander au ministre la nomination de certains membres du conseil. Alors, on a eu chez nous des gens qui représentaient une diversité, dans les dernières nominations, qui étaient issus de compétences en communications, en informatique, aussi en juridique, bien sûr, parce qu'on est dans une profession très réglementée. Alors, pour nous, le fait que le conseil puisse aussi déterminer des critères selon un profil de compétence et soumettre au ministre, ça nous semble une bonne façon d'opérer et de faciliter pour les ordres et, oui, ici, pour nous, justement, une bonne complémentarité d'expertises au sein du conseil.

Et bien sûr nous, nous sommes — ça, je tiens à le dire aussi — sujets à la supervision et au contrôle de l'Autorité des marchés financiers, qui peut, elle, lorsque nous édictons des règlements, apporter des commentaires ou émettre certaines opinions sur la façon dont on se gouverne, par un plan de supervision qui est établi de façon consensuelle. Alors, c'est peut-être différent au niveau de la relation des ordres vis-à-vis l'office, parce que les pouvoirs qui sont... auxquels nous sommes assujettis, de contrôle et de surveillance par l'Autorité des marchés financiers, sont quand même assez vastes.

Alors, ça favorise un équilibre, mais tout ça, ça ne compromet pas non plus l'agilité et la flexibilité nécessaires à un ordre professionnel d'être bien placé pour savoir ce dont il a besoin, donc, nous, ce dont nous avons besoin à la chambre, bien que nous ne soyons pas un ordre professionnel.

• (11 h 10) •

Mme Jean : On parle d'autorégularisation des ordres professionnels, vous l'êtes aussi. Vous venez de mentionner que vous avez l'office des services financiers qui supervise, ou qui fait des audits, j'imagine, ou qui regarde le fonctionnement de votre association, de la chambre. Parmi les ordres professionnels actuellement, c'est autorégularisé, est-ce que vous voyez un lien entre le fait de l'arrivée... ou le changement de mandat ou l'étendue du mandat du commissaire, qui était le commissaire aux plaintes, qui devient un commissaire à l'admission? Est-ce que quelqu'un... le commissaire à l'admission, avec le mandat qui lui serait donné, vous le verriez comme quelqu'un qui pourrait, à la limite, être la personne ou l'organisme qui viendrait voir le fonctionnement de l'admission des ordres, il porte un jugement, il peut être... voir l'amélioration des règles que se sont autodonnés chacun des ordres? Est-ce que c'est quelque chose qui...

Le Président (M. Villeneuve) : En 20 secondes, Me Farley, s'il vous plaît.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Oui. Bien, pour nous...

Mme Jean : C'est vrai que c'est court.

Mme Farley (Marie-Elaine) : Nous, nous avons... nos commentaires se limitent à la gouvernance, aux mesures qui améliorent les mécanismes de protection, et nous ne nous sommes pas penchés et prononcés sur le commissaire aux plaintes, etc. Donc, pour nous, d'ordre général, ça prend un bon équilibre entre les pouvoirs de l'organisation qui est chargée de notre surveillance, qui est l'Autorité des marchés financiers, mais le fait de nous confier, parce que nous sommes un organisme d'autoréglementation, la supervision...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Et je céderais maintenant la parole au député de Borduas pour les 6 min 30 s prochaines.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Gagné, Me Farley, Me Loyer, merci pour votre contribution aux travaux de la commission. Mes questions vont porter principalement sur la gouvernance, parce que c'est l'objet de votre mémoire. Je vous en remercie parce que ça permet d'avoir une vue plus globale.

Dans le Code des professions, dans le projet de loi on prévoit que n'importe qui membre d'un ordre professionnel pourrait soumettre sa candidature à titre de président. Parfois, il y avait certains critères selon le fait que vous deviez avoir déjà siégé sur le conseil d'administration au cours des dernières années, vous aviez été sensibilisé à la gouvernance. Le fait d'avoir quelqu'un qui n'aurait pas d'expérience à titre d'administrateur d'un ordre professionnel ou qui n'aurait pas siégé sur le conseil, comment vous voyez ça, qu'il puisse se présenter aux élections pour devenir président d'un ordre professionnel?

Mme Farley (Marie-Elaine) : En fait, nous, ce qu'on est venues dire, c'est que ça fait du sens qu'un administrateur soit président du conseil, c'est notre mode de fonctionnement. Alors, on peut comprendre qu'il y a certaines particularités, au sein d'ordres professionnels, pour lesquelles nous sommes moins familiers, mais, pour nous, le choix d'un président d'un conseil d'administration, ce qui est différent d'un président, peut-être, de l'ordre, en termes de responsabilités... Notre président du conseil d'administration est là pour assurer le bon fonctionnement du conseil d'administration et aussi de faire un lien avec la direction.

M. Jolin-Barrette : Mais ma question, elle est plus sur le fait qu'un membre d'un ordre professionnel se présente aux élections sans jamais avoir siégé sur le conseil de l'ordre. Le fait de ne pas avoir d'expérience d'administrateur, est-ce que, pour vous, c'est un enjeu majeur? Est-ce que ça crée un blocage ou la chambre est ouverte à dire : Bien, écoutez, on n'a pas nécessairement besoin d'avoir déjà siégé sur le conseil d'administration pour pouvoir accéder, supposons, à la présidence?

Mme Gagné (Lyne) : Lyne Gagné, présidente du conseil.

Si je peux me permettre de répondre, nous avons mis comme règle que, pour être président du conseil d'administration de la chambre, il faut avoir siégé au moins un an au conseil d'administration de la chambre, une des raisons étant de connaître les enjeux auxquels la chambre est confrontée et comment on peut faire avancer la chambre encore plus dans ses mandats, dans la réalisation de ses mandats. Pour avoir été, depuis quelques années, au conseil d'administration de la chambre, je pense que, d'avoir fait le tour pendant un an de temps, c'est un minimum, si on peut le dire. Cependant, on n'empêche pas... Des membres qui souhaitent poser leur candidature à l'élection pour être élus au conseil d'administration ne sont pas obligés d'avoir une expérience comme administrateurs, simplement, comme président du conseil, on demande qu'ils aient siégé un an au conseil.

M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, vous dites : Dans le fond, c'est bien que le syndic... à la page 33, là, c'est bien que le syndic ait la possibilité d'accorder l'immunité à un membre qui, bon, se met à la table pour avouer certains gestes non conformes. Je sors un petit peu du projet de loi puis je vous amène au projet de loi, là, qui est présenté par le collègue de la Sécurité publique, notamment sur le fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait accorder l'immunité à un individu, et notamment en matière disciplinaire. Donc, on vient dire, dans le fond : En matière criminelle, on englobe tout type de poursuite, et on se retrouve avec quelqu'un qui aurait pu commettre une faute disciplinaire, et le syndic n'aurait pas nécessairement la possibilité de le poursuivre. Comment vous voyez ça pour la protection du public?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, nous, dans les mesures qui sont proposées par le projet de loi, qui renforcent les mécanismes de protection du public, dont au niveau des pouvoirs du syndic, nous avons émis que nous soyons... on est favorables envers ces protections-là, mais par contre on est conscients que peut-être certains aménagements devraient être étudiés plus à fond, notamment au niveau de certaines autres lois qui pourraient permettre ce genre d'immunité là afin d'assurer une efficacité dans les mesures. Mais on ne s'est pas... notre étude ne s'est pas prononcée au-delà de dire qu'on voyait d'un bon oeil des mesures qui pouvaient accroître la protection et ainsi la marge de manoeuvre d'un syndic, qui est assez importante.

M. Jolin-Barrette : Vous appuyez également, à la page 7 de votre mémoire, le fait que désormais l'Office des professions n'aurait plus besoin de demander l'autorisation ministérielle pour mener une enquête. En quoi le fait d'avoir une autorisation ministérielle était peut-être problématique, ou tout ça? Pouvez-vous nous expliquer la position de la chambre là-dessus?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, c'est... Nous, on ne l'a pas vu du fait que ce soit problématique, on l'a vu comme une mesure d'efficacité au sein de l'office, qui est là quand même, selon notre compréhension, pour avoir un certain pouvoir de surveillance et de contrôle sur les ordres, c'est son expertise. Donc, nous, si on compare avec les pouvoirs de surveillance que l'Autorité des marchés financiers exerce sur la chambre via des règles bien définies qui évitent les chevauchements, bien, pour nous, ça nous semblait être une mesure d'efficacité. Bien sûr, il y a peut-être des particularités qui nous ont échappé, dont... Je suis certaine que les autres organismes pourront faire part de leurs commentaires, mais ça nous semblait être une mesure qui permettait l'efficacité de l'Office des professions dans son mandat que le gouvernement lui confère.

Le Président (M. Villeneuve) : ...30 secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Oui. Peut-être une question rapide sur le rôle du directeur général. On vient l'inscrire directement dans le projet de loi. Peut-être nous dire... Vous, vous disiez tout à l'heure, bon : C'est la mémoire de l'organisation. Mais, pour un président élu, est-ce que, si jamais il y a une difficulté de vision avec le directeur général, ça ne pose pas un problème, avec quelqu'un qui a un mandat élu, avec un programme?

Mme Farley (Marie-Elaine) : Je ne suis pas certaine de comprendre votre question, mais...

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, le président qui est élu arrive avec un mandat de ses membres au niveau de la protection du public, tout ça, et il se retrouve avec quelqu'un qui est déjà en place au niveau de la direction générale, et là on prévoit dans le code que maintenant ça va être aux deux tiers... en bas des deux tiers pour le conseil d'administration. Donc, votre perception, votre position par rapport à ça, du fait qu'on vient permanentiser le directeur général un peu, là?

Le Président (M. Villeneuve) : Très rapidement, le temps est écoulé...

Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, je suis le fondé de pouvoir du conseil d'administration. Bien sûr, pour avoir une certaine liberté d'implantation des orientations du conseil, le conseil peut me destituer à deux tiers du pourcentage des voix. Mais c'est une mesure qui nous apparaît bénéfique pour assurer une certaine indépendance dans la direction et l'opérationnalisation, pour être à l'abri aussi, peut-être, de pressions, qui ne viendraient peut-être pas directement du conseil d'administration. Mais la notion de confiance entre le conseil d'administration et la direction est essentielle, sinon ça ne peut pas fonctionner dans les faits, et au-delà de tout règlement ou limitation. Donc, c'est bien important.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Farley. Merci beaucoup, Mme Farley. Merci, Mme Gagné, Me Loyer. Merci à vous trois et merci de votre contribution aux travaux.

Je vais suspendre la commission quelques instants afin de permettre aux représentants de la Chambre de l'assurance de dommages de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

(Reprise à 11 h 22)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je m'adresse aux parlementaires : avec le privilège et le plaisir de présider cette commission vient aussi le devoir d'être le gardien du temps, et nous avons pris quelques... très peu de retard, mais il faut quand même prévoir rentrer dans l'horaire que nous avons, et, étant donné que l'heure du dîner est courte, je vous propose que nous retranchions quelques minutes pour les deux prochains groupes, sans toucher évidemment aux 10 minutes de leurs exposés. Est-ce que ça vous convient? On parle de trois minutes par groupe ou 3 min 30 s par groupe. Est-ce que ça vous convient? Donc, le temps sera réparti d'une façon différente, et tout ça proportionnel évidemment au poids politique de chacun des groupes parlementaires.

Alors, sur ce, je vous souhaite la bienvenue et je vous demande donc, Mme Beaudry, Mme Raic et Me Desforges — c'est ça? — alors de bien vouloir vous présenter, et présenter les gens qui vous accompagnent, et de commencer votre exposé. Merci.

Chambre de l'assurance de dommages (CHAD)

Mme Raic (Maya) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, ça nous fait évidemment extrêmement plaisir d'être ici ce matin.

Je me présente : Maya Raic, je dirige la Chambre de l'assurance de dommages, un organisme d'autoréglementation semblable à l'organisme qui m'a précédée mais qui a comme seule mission évidemment la protection du public. Nous encadrons 15 000 professionnels dans l'industrie de l'assurance de dommages : agents, courtiers, experts en sinistres. Tous les Québécois ont affaire une fois, à un moment dans leur vie, avec des agents, des courtiers ou des experts en sinistres. La chambre n'est pas formellement un ordre professionnel, mais ses objets sont similaires, et elle est assujettie à une portion du Code des professions.

Je suis accompagnée ce matin par Diane Beaudry, qui est présidente du conseil d'administration de la chambre, elle est aussi CPA, CA, donc membre d'un ordre professionnel — et j'en suis un, moi aussi, je suis membre de l'Ordre des administrateurs agréés; et Me Jannick Desforges, qui est membre du Barreau, qui est directrice des affaires institutionnelles et de la conformité des pratiques à la chambre.

Nous sommes ici devant vous aujourd'hui pour vous faire part de notre vécu. Vous vous souviendrez, il y a quelques années, l'industrie des services financiers a été entachée par quelques scandales menés par certains professionnels, et alors la confiance des consommateurs fut passablement ébranlée. Après tout, la relation entre le public et ses professionnels est basée sur la confiance, puisque ces derniers possèdent les connaissances que le consommateur n'a pas. C'est ce qu'on appelle le déséquilibre informationnel. C'est d'ailleurs pour réduire les préjudices potentiels pour le public que les ordres professionnels et la chambre encadrent ces professionnels. En plus, vous le savez tout autant que moi, cette confiance du public est intimement liée à l'essor économique et aux saines industries, d'où l'importance de donner les pouvoirs nécessaires aux ordres professionnels pour qu'ils puissent assumer pleinement leur mission de protection du public. Il ne faut pas attendre une autre crise pour agir.

Je disais donc que nous sommes ici pour vous faire part de notre vécu. Après ces scandales, la chambre a procédé à une réflexion majeure pour voir si elle pouvait mieux assumer sa mission protection du public. Nous nous sommes entre autres penchés sur trois axes : un conseil d'administration crédible et exemplaire, des bonnes pratiques de gouvernance, des mesures préventives de formation auprès des professionnels, pour empêcher en amont les lacunes et les scandales, et des mesures coercitives exemplaires qui consolident et même renforcent la confiance du public envers les professions. Ainsi, plusieurs points proposés dans le projet de loi n° 98 ont été implantés chez nous il y a quelques années. Nous pouvons donc témoigner aujourd'hui, avec une humble crédibilité, des propositions qui, nous croyons, répondront à ces objectifs.

Je laisse maintenant la parole à Mme Diane Beaudry, CPA, CA, diplômée de l'Institut des administrateurs de sociétés, administratrice indépendante de la chambre et présidente de son conseil d'administration. Elle vous présentera le premier axe, à l'égard de la gouvernance.

Mme Beaudry(Diane) : Alors, bonjour. J'ai eu la chance au cours de ma carrière d'administrer plusieurs sociétés et, depuis plus de 20 ans, de siéger à titre d'administratrice sur plusieurs conseils d'administration, ce qui m'a permis, je crois, d'avoir acquis de bonnes connaissances en matière de gouvernance. J'ai constaté au fil des ans que les organismes efficaces, qui réussissent à assumer pleinement leur mission ont un point fort en commun, soit une bonne gouvernance, et cette bonne gouvernance réside dans un conseil d'administration solide, crédible et diversifié.

La chambre est en accord avec la majorité des articles proposés mais souhaite une réforme plus assumée pour la protection du public. Par exemple, le changement de proportion des administrateurs non membres au sein des ordres à un minimum de 24 % pourrait être plus important. En 2012, la chambre a modifié sa gouvernance, menant à 38 % la présence d'administrateurs indépendants, soit cinq personnes issues du public pour un conseil d'administration de 13 administrateurs. Cette mesure fut favorable à la protection du public puisque les décisions sont prises sans influence indue des enjeux de l'industrie. Cette indépendance d'esprit amène aussi beaucoup de crédibilité qui, du coup, croît la confiance du public.

Dans la même indépendance d'esprit, la chambre est favorable au fait qu'un administrateur ne puisse plus représenter la région de laquelle il est issu. Tous les administrateurs doivent se concentrer sur la mission principale de l'ordre, soit la protection du public. La chambre souhaite la parité hommes-femmes et, de plus, quant aux groupes d'âge et aux communautés culturelles...

Pour l'élection du président du conseil d'administration, le projet de loi propose deux modes de scrutin. Or, le suffrage universel n'est pas souhaitable. La chambre préconise plutôt la nomination par les administrateurs, puisqu'il est beaucoup plus efficace de présider un conseil d'administration lorsque les administrateurs en ont choisi le président. De plus, nous proposons que tous les administrateurs puissent être éligibles à ce poste, qu'ils soient élus ou issus du public.

Enfin, la bonne gouvernance passe aussi par la formation. L'idée d'offrir une formation sur le rôle du conseil d'administration, particulièrement en éthique et en gouvernance, est fort utile. Mais la périodicité doit aussi avoir sa place pour assimiler la matière afin de permettre aux administrateurs d'oeuvrer au bon niveau, soit au niveau stratégique.

Alors, pour le deuxième axe, soit la formation des membres de l'ordre, je cède la parole à Maya.

• (11 h 30) •

Mme Raic (Maya) : Merci, Diane. Alors, la protection du public ne se limite pas à la coercition. Il ne faut pas attendre des problèmes ou, pire, des scandales pour agir. Il faut plutôt adopter une approche préventive auprès des professionnels qui contribue à réduire les risques d'infraction ou de faute disciplinaire. En matière de prévention, la formation continue représente un formidable outil qui permet aux membres d'un ordre de maintenir, voire même d'améliorer leurs pratiques professionnelles.

L'idée d'obliger la réussite d'une formation en éthique et en déontologie pour les candidats à la profession, comme proposé dans le projet de loi, est définitivement un pas dans la bonne direction. La chambre va toutefois plus loin dans sa recommandation. Puisque les membres qui se retrouvent devant le comité de discipline ont en moyenne plus de 15 ans d'expérience, force est de constater que le cours en éthique effectué en début de parcours ne soit plus d'actualité, ou même oublié. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que le sens de l'éthique est comme la corde d'un arc, elle doit demeurer tendue pour fonctionner. Par conséquent, la chambre propose qu'une telle formation soit offerte à l'ensemble des membres, et ce, de façon périodique. Des exemples récents de réussite à cet égard : le Barreau, la Chambre de la sécurité financière, que vous venez d'entendre ce matin, l'institut de planification financière du Québec et à la Chambre de l'assurance de dommages, qui avons récemment introduit des cours obligatoires en conformité pour tous les membres. Même le rapport de la commission Charbonneau suggérait de rendre obligatoire une formation en éthique et en déontologie de tous les membres. Il s'agit là d'une mesure préventive qui permettrait d'outiller les professionnels périodiquement dans leur pratique professionnelle et dans le service qu'ils rendent aux consommateurs et ainsi de réduire ou d'enrayer des lacunes pouvant menacer la protection du public.

Enfin, pourra-t-on jamais enrayer toutes les lacunes? Malgré plusieurs efforts en matière de prévention, il arrive que certains manquent à leurs obligations déontologiques et se retrouvent devant le conseil de discipline. Ce qui m'amène à parler du dernier axe, la discipline. Les mesures coercitives sont nécessaires non seulement pour réprimander l'intimé ou tout au moins en avoir plutôt un effet dissuasif pour les professionnels. Les sanctions servent donc d'exemples pour les membres de la profession. Et enfin elles doivent permettre de redonner confiance à la population à l'égard du système disciplinaire. En effet, un sondage CROP réalisé en 2013 par le Conseil interprofessionnel du Québec mentionnait que 57 % des Québécois considèrent les sanctions peu sévères. C'est pour toutes ces raisons que la proposition d'augmenter les montants des sanctions est très pertinente, et d'ailleurs la chambre a emboîté le pas dès 2009.

Pour être en mesure d'assurer la protection du public, la chambre est également favorable à l'élargissement des pouvoirs du syndic et du conseil de discipline, qui sont prévus au projet de loi, quant à la possibilité d'imposer une suspension ou une limitation d'exercice lorsque le professionnel est poursuivi pour une infraction punissable de cinq ans d'emprisonnement ou celui d'accorder une immunité contre dénonciation.

En dernier lieu, j'aimerais citer le rapport de la commission Charbonneau, qui précisait qu'actuellement le Québec est la seule juridiction au Canada à ne pas permettre à un ordre d'imposer des sanctions disciplinaires à une société offrant des services professionnels — là, on parle évidemment de la différence entre la personne physique et la personne morale — même si celle-ci, «par les gestes de ses plus hauts dirigeants ou propriétaires, encourage les professionnels à adopter des pratiques déviantes».

Il n'y a pas de mention à cet égard dans le projet de loi actuel, mais la chambre suggère fortement d'aller en ce sens, considérant que le projet de loi est, si nous avons bien saisi l'intention de la ministre de la Justice, une première étape d'une réforme majeure.

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois... Il vous en reste pour longtemps? Je vous donne...

Mme Raic (Maya) : Non.

Le Président (M. Villeneuve) : 10 secondes, ça va? Allons-y.

Mme Raic (Maya) : Oui. Nous proposons donc, comme tout... comme le rapport Charbonneau, que le Conseil interprofessionnel du Québec et comme plusieurs ordres professionnels, on puisse encadrer non seulement les individus, mais les cabinets dans lesquels ces professionnels oeuvrent.

Parce que la chambre vise toujours à mieux protéger le public par une approche préventive et coercitive, elle demeurera disponible, à l'affût des modifications législatives, des demandes de consultation et des efforts gouvernementaux en ce sens. Vous pouvez donc compter sur nous pour vous soutenir dans cette démarche et dans ce chemin vers l'encadrement des professionnels.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Raic, merci, mesdames. Et je cède la parole maintenant à Mme la ministre, avec les nouveaux temps qui vous ont été distribués. À vous la parole.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, qui suscite plein de questionnements, mais je tiens aussi à vous préciser que nous n'avons pas mis de côté du tout cette recommandation de la commission Charbonneau pour l'encadrement de l'exercice en cabinet, en société, un chantier qui est en cours, puis j'espère arriver à proposer possiblement quelque chose qui pourrait peut-être s'intégrer dans le projet de loi, mais évidemment il y a des consultations avec les ordres professionnels, avec le CIQ. Mais il y a vraiment une volonté de donner suite à cette recommandation, il s'agit tout simplement de trouver le véhicule, la façon dont le tout pourrait s'exprimer à l'intérieur de nos textes législatifs. Mais soyez assurées qu'il en est de notre intention d'aller de l'avant.

Maintenant, pour ce qui est... On va y aller quand même assez rondement. Vous recommandez qu'il y ait une meilleure diversité, qu'une meilleure diversité soit présente au sein des ordres, une diversité qui se décline au niveau de la parité hommes-femmes, au niveau de la présence des communautés culturelles, des jeunes, des gens de tous âges. C'est une volonté, je pense, qui est partagée par tous, mais la question est toujours : On y arrive comment, puisqu'il s'agit de postes électifs? Alors, comment assurer cette diversité au sein de notre ordre professionnel, au sein d'un ordre professionnel tout en respectant aussi certains paramètres? Alors, j'aimerais vous entendre. J'imagine que vous avez peut-être des pistes de solution à nous proposer.

Mme Beaudry (Diane) : Alors, à la chambre...

Le Président (M. Villeneuve) : ...vous présenter, s'il vous plaît. Merci.

Mme Beaudry (Diane) : Diane Beaudry, présidente du conseil d'administration.

Alors, à la Chambre de l'assurance de dommages, il y a huit membres élus provenant de l'industrie et cinq membres indépendants. Alors, c'est des membres socioéconomiques indépendants de différents milieux. Et on préconise aussi, je vais aller sur... tout en répondant à votre question, mais un petit peu plus loin au niveau de la gouvernance, on demande des gens avec des formations. Le plus possible, on essaie d'avoir des gens qui sont diplômés de l'Institut des administrateurs de sociétés ou Collège des administrateurs de sociétés. On regarde... on a un comité de nomination qui regarde aussi les besoins au niveau du conseil d'administration pour avoir une diversité aussi au niveau des membres, donc autant, je dirais, féminins que masculins, mais aussi, je dirais, ça peut être des gens en communications, Barreau, financier, comptable, pour vraiment avoir une diversité au sein du conseil d'administration.

Alors, c'est sûr que c'est plus difficile avec les membres, je dirais, élus d'arriver à la parité puis aussi d'aller chercher la diversité. On encourage les gens à se présenter, mais c'est quand même un processus qu'on ne contrôle pas. Mais, au niveau des administrateurs indépendants, ça nous permet d'y arriver. Présentement, on a la parité hommes-femmes au sein du conseil d'administration.

Mme Vallée : Donc, si je comprends bien, vous palliez à votre manque de diversité via les administrateurs nommés et non... Alors, une fois le conseil élu, vous allez chercher les éléments, les aspects qui vont venir bonifier le conseil, les caractéristiques, dans le fond, requises pour atteindre une meilleure diversité au sein du conseil.

Mme Beaudry (Diane) : Tout à fait.

Mme Vallée : D'accord. Bon, vous avez émis une recommandation qui vise à interdire la rémunération des administrateurs membres, vous en parlez dans votre mémoire. J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect-là également.

Mme Beaudry (Diane) : En fait, pour les administrateurs issus de l'industrie, il n'y a aucune rémunération parce que c'est... en fait ils participent à leur ordre professionnel, si je peux l'appeler ainsi, même si c'est la chambre. Alors, c'est une contribution qui est faite par les gens de l'industrie. Par contre, pour avoir des administrateurs indépendants aujourd'hui, avec tout le rôle et les responsabilités qui viennent avec les fonctions d'administrateur, on se doit de rémunérer les administrateurs indépendants.

Mme Vallée : Donc, c'est à cet égard.

Vous avez aussi abordé un aspect que peu ont abordé dans les mémoires, vous proposez de donner au directeur général le rôle de porte-parole de l'ordre professionnel et au président du conseil d'administration le rôle de porte-parole du C.A. Actuellement, ce n'est pas toujours comme ça que ça se décline. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, quand même, on parle des fonctions, l'encadrement du C.A., les affaires administratives, mais là on est vraiment dans la question du porte-parole. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il pourrait y avoir, à certains égards, parfois, des messages contradictoires?

Mme Beaudry (Diane) : Il pourrait arriver, tout peut arriver. Mais, comme tel, le rôle du C.A. est bien défini. Le rôle du C.A. a un rôle stratégique, aussi, je dirais, avoir la pérennité au niveau de s'assurer de sa mission, soit la protection du public par l'encadrement des professionnels. Alors, au niveau du porte-parole du C.A., c'est vraiment, je dirais, tout le côté stratégique et tout le côté visionnaire.

Au niveau du directeur général... Et aussi le rôle du conseil d'administration est de choisir et de nommer le P.D.G., alors, qui veille au côté, je dirais, plus opérationnel de l'organisme. Alors, les rôles ne sont pas nécessairement les mêmes des deux côtés.

Alors, Maya, peut-être, tu peux compléter?

• (11 h 40) •

Mme Raic (Maya) : Je pense aussi que...

Le Président (M. Villeneuve) : ...que Mme Raic prenne la parole? À vous, Mme Raic.

Mme Raic (Maya) : Merci. On s'est inspirés aussi beaucoup de la loi sur les sociétés d'État, que le gouvernement a adoptée en 2006, qui venait séparer les rôles de la présidence du conseil de celle des opérations, et, dans cette foulée-là, c'est évident qu'à ce moment-là c'est le président-directeur général, dans mon cas, qui assume le rôle de porte-parole de la chambre. Parce que le président du conseil n'est pas là à temps plein. Il est là pour présider aux activités du conseil d'administration et, comme l'a très bien dit Diane Beaudry, à réfléchir sur la vision de l'organisation. Et le porte-parole, à ce moment-là, de l'ordre, ou de la chambre dans mon cas, ça appartient évidemment au P.D.G. C'est la même dynamique que celle qui est prévue dans la loi sur les sociétés d'État.

Mme Vallée : Parce que nous avons eu des représentations faites un peu plus tôt ce matin à l'effet qu'on ne peut pas vraiment faire du mur-à-mur parce que certains ordres professionnels sont très petits, d'autres ont de nombreux membres. Est-ce que vous croyez que cette distinction entre les rôles peut être adaptée à tout ordre, peu importe le nombre de membres au sein de son organisation?

Mme Beaudry (Diane) : Personnellement, je n'y crois pas. Pour les bonnes pratiques de gouvernance, alors, on se doit d'avoir un président du conseil qui est différent du P.D.G. de l'organisation. Pour moi, c'est...

Mme Vallée : Donc, pour vous, peu importe la grosseur de l'ordre...

Mme Beaudry (Diane) : Peu importe, oui.

Une voix : ...

Mme Vallée : Excusez-moi. Peu importe le nombre de membres que comporte l'ordre, il ne devrait pas y avoir de distinction, il ne devrait pas y avoir de possibilité de mettre en place un encadrement différent.

Mme Beaudry (Diane) : Pour moi, au niveau des principes de gouvernance, non. Comme je l'ai mentionné tantôt, une des responsabilités du conseil d'administration est de nommer le P.D.G. Donc, à un moment donné, on ne peut pas être juge et partie non plus, de se nommer soi-même et se destituer soi-même. Alors, c'est un rôle de surveillance, et, pour la protection du public, je crois sincèrement que ces deux postes-là se doivent d'être séparés.

Mme Vallée : Vous encadrez de façon préventive... Dans votre mémoire, vous parlez d'un encadrement préventif de la pratique professionnelle. Qu'est-ce que vous entendez par la «prévention», l'«encadrement préventif»?

Mme Raic (Maya) : Ça ressemble beaucoup aux ordres professionnels. C'est-à-dire que nous considérons que la prévention, ça touche, entre autres... ça couvre l'inspection professionnelle, ça couvre la formation continue obligatoire. Ça couvre aussi les outils que nous bâtissons pour chacun des professionnels, pour mieux exercer dans leur quotidienneté. Il y a une portion coercition, qui est celle, évidemment, du bureau du syndic et du comité de discipline à la chambre. Même si ça s'appelle conseil de discipline dans les ordres, c'est la même chose, c'est les mêmes structures.

Alors, c'est pour ça qu'on parle de prévention. L'action première d'un ordre, comme de la chambre, c'est de prévenir, plutôt que strictement que de guérir. Alors, on veut travailler en amont et éviter, évidemment, que les professionnels se retrouvent devant le comité de discipline. Alors, nos actions sont, évidemment, éminemment préventives.

Mme Vallée : Donc, c'est dans cette optique-là que... Vous souhaitez, dans le fond, que l'obligation de formation en éthique et en déontologie soit étendue de façon beaucoup plus large.

Mme Raic (Maya) : Oui, qu'elle soit donnée par la chambre, dans notre cas, ou par un ordre professionnel, pour éviter d'avoir des interprétations différentes de ce qu'est la pratique professionnelle. Au cours des ans, un ordre professionnel finit par dessiner la pratique professionnelle avec non seulement ses actions en matière de prévention, mais aussi par les différentes décisions du comité de discipline, et comité de discipline où siègent aussi des professionnels de l'industrie. Alors, ce dessin de la pratique professionnelle évolue dans le temps, et il faut avoir une formation qui est donnée de façon régulière aux membres de l'ordre et qui touche la conformité des pratiques. Il y en a, pour certains, que ce sera de la nouveauté et, pour d'autres, des rafraîchissements. Mais, dans un cas comme dans l'autre, c'est toujours utile.

Mme Vallée : Vous abordez également la question de la cotisation. Ça a fait couler beaucoup d'encre. Vous recommandez évidemment qu'elle soit fixée par le C.A. Et vous abordez l'utilisation de la cotisation. Vous militez pour une meilleure transparence.

Mme Raic (Maya) : Je pense que c'est important de faire état des sommes qui sont dépensées ou mises à la disposition de l'ordre, ou de la chambre dans notre cas, mais effectivement je pense que ça serait pour les mêmes raisons que Mme Beaudry évoquait tout à l'heure en termes de responsabilités des administrateurs ou conflit d'intérêts. Nous croyons qu'effectivement le membre d'un ordre professionnel ou de la chambre, c'est... de voter pour une augmentation de cotisation, il est comme un peu en conflit d'intérêts. Alors, je pense que la suggestion, effectivement, que ce soit le conseil d'administration de l'ordre qui détermine la cotisation mais que la transparence soit requise quant à l'utilisation des fonds, soit d'une mesure d'équilibre finalement.

Mme Vallée : Croyez-vous, à cet égard, qu'il pourrait être utile que l'ordre rende publique à même son rapport annuel la rémunération qui est versée à sa haute direction? Parce que certains ont abordé cette question-là. Est-ce que ça fait partie de la transparence à laquelle vous faites référence?

Mme Beaudry (Diane) : Je vous avoue que, comme CPA, CA, je peux juste être en accord avec cette pratique-là. Ça fait partie des normes comptables des sociétés publiques et des grosses corporations. Alors, je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas être la même chose au niveau des ordres professionnels. Et, au niveau de la chambre, je suis... je vais justement être le porte-parole du conseil d'administration. Je suis certaine que c'est une pratique et ça fait partie des bonnes pratiques qu'on pourrait mettre de l'avant, même au niveau de la Chambre de l'assurance de dommages présentement.

Mme Vallée : Et quel autre type d'information devrait se retrouver dans cette reddition, dans cet exercice de transparence?

Mme Raic (Maya) : C'est évidemment... Ça fait partie des rapports annuels des différents ordres, on peut décliner les sommes que l'on retrouve en... dont on dispose pour l'inspection professionnelle, par exemple, pour les travaux du syndic, du bureau du syndic, qu'est-ce qu'on attribue aussi à la formation continue obligatoire. Alors, si on décline les différents... dans les différents postes les sommes allouées, on se trouve à expliquer, évidemment, où sont dépensés les argents qui nous sont confiés.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la ministre, cela met fin au temps imparti. Merci beaucoup. Alors, à ce stade-ci, je céderais la parole à Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole, avec les nouveaux temps qui vont ont été distribués.

Mme Jean : Merci. Veux-tu la prendre toute de suite?

Le Président (M. Villeneuve) : Ah! Mme la ministre... Mme la ministre! Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Beaudry, Mme Raic, Me Desforges, bienvenue. Merci pour votre mémoire succinct, concret, avec des applications vraiment très directes. Je vais aller à des sujets qui n'ont pas été nécessairement abordés, parce que Mme la ministre a quand même couvert plusieurs éléments.

La dimension des sanctions. On voit à l'article 66 du projet de loi n° 98 qu'on les fait passer de 1 000 $ à 2 000 $ et donc de... au maximum 25 000 $. Vous préconisez 50 000 $. Et je profite de la tribune que j'ai, puisque, dans d'autres projets de loi, en santé, on nous a dit que ça relevait de la ministre de la Justice, le fait que les plages de sanction soient déterminées et uniformes. Mais je pense sincèrement qu'en 2016 il y a des sanctions qui n'ont pas l'effet exemplaire et dissuasif qu'elles devraient avoir et qu'un rehaussement envoie un message beaucoup plus clair. Parce qu'on est dans un lien de confiance entre le public, et des amendes de 1 000 $, ce n'est pas très, très coercitif actuellement du point de vue du public. Mais au moins, le 25 000 $ à 50 000 $, comment vous êtes arrivés...

• (11 h 50) •

Mme Raic (Maya) : J'aimerais préciser quelque chose. On fait juste, dans notre mémoire, dire quelles sont les sanctions qui sont applicables dans notre univers, c'est-à-dire l'univers des services financiers. On ne préconise pas nécessairement 50 000 $ plutôt que 25 000 $, mais on dit effectivement que nos sanctions vont jusqu'à 50 000 $. Et évidemment ça appartient au président du comité de discipline de déterminer la sanction avec les assesseurs qui l'accompagnent. Et il le fait en se fiant à une série de critères, qui est la nature des faits reprochés. Et les sanctions, je vous le rappelle aussi, sont par chefs d'accusation. Alors, des fois, ça peut être 1 000 $, mais des fois ça peut être beaucoup plus, parce que, s'il y a plusieurs chefs d'accusation, ça s'additionne.

Alors, je ne sais pas si tu voudrais compléter, Jannick, si tu as quelque chose à dire de supplémentaire là-dessus.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Desforges, vous voulez intervenir ou non?

Mme Desforges (Jannick) : Non, effectivement, comme Maya l'a mentionné, ce n'était pas une suggestion d'augmenter ça à 50 000 $, c'est juste de faire état que, nous, depuis 2009, les sanctions ont été augmentées, comme amende minimale, à 2 000 $ et, maximale, à 50 000 $.

Mme Lamarre : Est-ce qu'actuellement j'ai compris que vous aviez parfois des sanctions qui pouvaient s'appliquer à des cabinets, donc à des sociétés, pour d'autres ordres, et ça ne peut quand même pas dépasser 50 000 $? Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Desforges (Jannick) : Non, ce n'est pas tout à fait ça. L'encadrement du cabinet dans l'univers des services financiers relève de l'Autorité des marchés financiers. Alors, l'Autorité des marchés financiers s'occupe de l'encadrement des cabinets et a son propre tribunal administratif, qui vient tout juste, là, de changer de nom, mais qui s'appelait antérieurement, là, le Bureau de décision et de révision, et les amendes peuvent être encore plus substantielles pour les cabinets. Le rôle de la chambre est d'encadrer la personne physique, et ces amendes-là s'appliquent à la personne physique uniquement, et le rôle du comité de discipline, c'est uniquement pour encadrer l'individu.

Mme Lamarre : D'accord. Donc, pour les cabinets ou pour l'exercice en société... dans l'exercice... Parce qu'on sait, là, il y a des organisations qui sont capables d'avoir... d'engendrer des frais de l'ordre de millions de dollars pour les ordres professionnels, et ça, ça a un effet nettement dissuasif dans l'application de certaines lois ou règlements.

Le suffrage universel, le projet de loi permet deux modes. Maintenant, vous avez une expérience... en tout cas, vous semblez dire non au suffrage universel. Dans certaines expériences d'ordres que je connais, il y a eu une façon quand même de défaire — et le terme n'est pas agréable, mais c'est ce qui décrit le mieux — certaines cliques au sein de conseils d'administration par un suffrage universel, d'autant plus que, si on met un profil de compétence qu'on attend, ça peut aider finalement l'ensemble des membres à dire : Bien, moi, je choisis quelqu'un en fonction de ces compétences qui sont demandées, là, par le conseil d'administration. Quelle est votre expérience avec le suffrage universel?

Mme Beaudry (Diane) : Bien, le suffrage universel est fait au niveau des membres de l'industrie, mais, pour les membres indépendants, ce n'est pas un suffrage universel, c'est vraiment : un comité de nomination fait des appels de candidats, tout dépendant du profil de compétence, et on va dans des banques de candidats aussi. Ça se fait avec... tantôt, je mentionnais l'Institut des administrateurs de sociétés ou Collège des administrateurs, pour aller chercher les candidats. Les candidats postulent aussi sur les postes d'administrateur. Alors, le suffrage universel, à ce moment-là, serait difficile à faire pour les administrateurs indépendants.

Mme Lamarre : Mais, pour le président, vous recommandez quand même que ce soient les administrateurs qui le choisissent et non pas le suffrage universel.

Mme Beaudry (Diane) : Tout à fait. Par l'expérience aussi, c'est qu'on peut avoir aussi un membre indépendant qui... Comme moi, je suis la première indépendante à avoir... à être présidente du conseil d'administration, et, comme tel, c'est quelque chose qui ne peut pas se faire au suffrage universel, à cause des indépendants aussi. Puis ça donne aussi... il y a une expérience aussi, sans que ça soit écrit dans nos règlements... Ce matin, la Chambre de la sécurité financière parlait d'un an avant d'avoir la présidence du conseil. Nous, la présidence du conseil, on demande que les gens s'impliquent au niveau des comités. Alors, on n'a pas nécessairement un an ou plusieurs années, mais c'est aussi la connaissance de l'organisme, soit la Chambre de l'assurance de dommages, et le travail d'équipe est plus, je dirais, facile aussi, et de travailler ensemble comme conseil d'administration quand c'est les administrateurs qui décident, qui votent pour le président du conseil.

Mme Lamarre : Je vais céder la parole à la députée de...

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la députée de Chicoutimi, à vous la parole.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour à vous trois et merci d'être ici. Encore félicitations, trois femmes qui représentent un groupe. Bravo! Et 50 % de la parité au conseil d'administration, je ne peux que saluer vos résultats.

Ma question porte sur l'idée d'être porte-parole. Comme présidente-directrice générale, vous êtes porte-parole de votre association. Je me demandais comment vous vous y prenez pour vous assurer que, lorsque vous prenez position... Parce que, lorsque vous êtes porte-parole, vous prenez position au nom de votre association. Comment vous vous assurez que c'est bien la position de l'ensemble de vos membres et non pas la position de quelques personnes ou de vous-même personnellement?

Mme Raic (Maya) : C'est la position de la chambre. Alors, c'est le conseil d'administration de la chambre qui incarne la position de la chambre. Évidemment, il y a des comités au sein de la chambre, il y a des comités du conseil d'administration et il y a des comités de la chambre. Il y a quatre comités du conseil, si je ne m'abuse : Comité de gouvernance, Comité de vérification, Comité de nomination et Comité sur les affaires de régulation. Et il y a deux autres comités de la chambre elle-même, qui sont le Comité de déontologie et de règles de pratique et le Comité de développement professionnel. Alors, on tire nos sources de ces comités et on tire la vision ou la stratégie de l'organisation du conseil lui-même. Alors, je deviens à ce moment-là porte-parole de la chambre.

Évidemment, s'il y a des choses qui sont différentes et qui doivent être décidées par le conseil pour une prise de position x, y ou z, le meilleur exemple étant : nous sommes actuellement en processus de révision de notre propre loi constitutive, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, je me tourne vers le conseil d'administration et le Comité sur les affaires de régulation du conseil pour déterminer quelle est la position de la chambre à cet égard-là, et j'en porte la parole, c'est carrément ça. Mais, voilà, c'est comme ça qu'on procède.

Le Président (M. Villeneuve) : Il reste 30 secondes, Mme la députée.

Mme Jean : Peut-être une petite question, 30 secondes. Au niveau de la formation, vous...

Mme Beaudry (Diane) : Je voudrais juste ajouter aussi.

Mme Jean : Ah!

Mme Beaudry (Diane) : Au niveau du conseil d'administration, c'est de voir aussi à la pérennité de la mission de la chambre, soit la protection du public avec l'encadrement du professionnel. Alors, oui, c'est au niveau P.D.G., oui, au niveau des membres aussi, sans oublier les membres, mais c'est aussi notre mission qui est toujours là.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup. Ça met fin à l'échange. Alors, je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Beaudry, Mme Raic, Me Desforges, bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale. Quelques questions, la première relativement à la rémunération des administrateurs, à la page 18 de votre mémoire. Vous mentionnez : oui, pour la rémunération pour les membres nommés par l'office, donc les non-membres de l'ordre...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ... — supposons, prenons le modèle de l'ordre professionnel — ainsi que non-rémunération pour les membres d'un ordre professionnel qui seraient sur le conseil d'administration. Je voudrais juste comprendre comment est-ce qu'on va réussir à motiver certains membres d'ordres professionnels à se retrouver sur leurs conseils d'administration, à s'impliquer, considérant qu'il y a beaucoup de professionnels qui oeuvrent à leur compte. Supposons, prenons des chiros, prenons des physiothérapeutes, ou même prenons des pharmaciens qu'une journée complète de travail, ça représente beaucoup d'argent, et où, dans certains petits ordres professionnels, c'est difficile de trouver des gens qui veulent s'impliquer dans l'ordre, s'investir. Si, au niveau financier, ils perdent une journée complète de travail et qu'ils ne sont pas compensés, si je puis dire, au niveau de leur présence, avec un jeton de présence sur l'ordre professionnel, comment est-ce qu'on va réconcilier tout ça, là? Comment est-ce qu'on va susciter l'adhésion des membres des ordres professionnels pour se retrouver sur le conseil d'administration?

Mme Raic (Maya) : Encore là, le mémoire de la chambre exprime un vécu, et c'est basé sur une réflexion qui a été amorcée par le conseil d'administration dès 2009 et qui s'est traduite en 2012 par des modifications législatives. Et cette réflexion-là s'est faite avec l'ENAP, l'École nationale d'administration publique, l'IGOPP, l'Institut de gouvernance, et Me Stéphane Rousseau, qui est un éminent avocat, collègue dans votre cas, qui nous a conseillé aussi à cet égard-là. On a regardé aussi ce qui se fait dans le domaine des services financiers, à l'organisme, entre autres, qui encadre les gens en valeurs mobilières.

Le principe général, c'est que le professionnel a un intérêt à investir dans sa profession. Alors, c'est pour ça qu'il se présente et qu'il devient membre, il souhaite être administrateur du conseil d'administration de l'ordre, ou de la chambre dans notre cas. Tandis que, l'indépendant, pour l'intéresser à venir travailler au conseil d'administration de la chambre et venir compléter les compétences requises pour le conseil, c'est là que la rémunération devient un facteur d'attraction.

Mais, encore là, on est venus vous exprimer notre vécu. Dans les services financiers, c'est une réalité qui est propre aux services financiers. Ce que vous évoquez, c'est aussi quelque chose, je suppose, à considérer, mais le principe de base qui nous a guidés, c'était vraiment l'intérêt pour le professionnel au développement de la profession.

• (12 heures) •

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. À la page 22 du mémoire, relativement au remboursement des enquêtes, le projet de loi fait part que, désormais, suite à une enquête du syndic, on pourrait réclamer les frais de l'enquête à la personne fautive. Je crois comprendre dans votre mémoire que vous êtes en faveur de cette proposition, mais vous suggérez des balises. Quelles seraient les balises, selon vous, là?

Mme Raic (Maya) : Je demanderais à Me Desforges de répondre.

Mme Desforges (Jannick) : Oui. Effectivement, on trouve que c'est judicieux comme proposition de modification au projet de loi. Toutefois, je suis sûre même que les présidents du comité de discipline aimeraient également avoir des balises. On a donné l'exemple, par exemple, de ce qui se passe du côté de l'Autorité des marchés financiers lorsqu'ils se retrouvent devant le Bureau de décision et de révision, ils peuvent demander, par exemple, selon un tarif horaire du nombre d'enquêteurs qui ont travaillé sur le dossier, ils peuvent demander à être remboursés. Ce n'est pas un remboursement qui est automatique, c'est une demande. Et l'intimé qui se retrouve devant, par exemple, le conseil de discipline peut également contester et il peut faire des représentations. Mais je pense que l'idée, c'est que l'ordre professionnel qui engage des frais, et, somme toute, des frais qui sont importants, puisse à tout le moins en récupérer, là, une partie. Donc, l'idée de base, c'est qu'on est d'accord avec le remboursement de certains frais, mais il faudrait juste les baliser. On n'est pas arrêtés sur une façon de faire, mais au moins de guider, là, en donnant certaines balises de ce qui peut être remboursé ou non.

M. Jolin-Barrette : Parce que ça suscite quand même une question intéressante sur le rôle du syndic. On comprend que le syndic est financé à même les cotisations des membres, puis ça constitue une source de dépenses importante lorsqu'il entreprend des poursuites, il consacre beaucoup de ressources, mais la question, c'est : Supposons que quelqu'un commet une faute déontologique, et il est poursuivi, et il veut plaider coupable à la première occasion, mais que le syndic décide d'enquêter plus largement et de développer des ressources, alors on se retrouve dans une situation où le professionnel fautif va devoir se retrouver peut-être à la cour pour plaider que son mémoire de frais devrait être moindre. Donc, c'est dans cette conception-là que je vous posais la question.

Sur un autre...

Mme Raic (Maya) : ...

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Raic (Maya) : ...à cet égard-là, en parlant de balises à définir.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, je me dois de vous arrêter, malheureusement, le temps imparti étant écoulé. Je tiens à vous remercier, donc, Mme Beaudry, Mme Raic, Me Desforges, pour votre participation aux travaux de la commission.

Et je demanderais au prochain groupe de bien vouloir prendre place, donc, l'Institut de recherche et d'informations, et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 12 h 5)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, bonjour, monsieur, bonjour, madame. Bienvenue. Et, comme vous connaissez la procédure, vous avez 10 minutes pour faire l'exposition de votre mémoire, et je... Mme la ministre? Oui, tout le monde est prêt? Alors, quand vous voulez. Si vous voulez vous présenter, bien sûr, d'abord.

Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques (IRIS)

Mme Sully (Jennie-Laure) : Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission. Mon nom est Jennie-Laure Sully, je suis accompagnée de mon collègue Guillaume Hébert. Nous sommes chercheurs à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques.

Alors, pour ce qui est de notre mémoire, je vais commencer d'abord par vous présenter quatre problèmes que nous avons identifiés par rapport au système des ordres professionnels. Mon collègue va par la suite vous présenter les recommandations qui, selon nous, devraient être appliquées pour solutionner ces problèmes-là.

Alors, je commence immédiatement avec le premier problème que nous avons observé, c'est celui de la confiance des citoyens envers les ordres professionnels, en fait plutôt le manque de confiance. Seulement 12 % de la population québécoise dit savoir que les ordres professionnels ont pour mandat de protéger le public. Alors, c'est un problème majeur qui, année après année, reste inchangé, cette statistique ne change pas. Les gens ne considèrent pas que le mandat des ordres professionnels, c'est de protéger le public, ou ne le savent pas.

Le deuxième problème qui se pose, c'est celui de la représentativité. On sait que les ordres professionnels regroupent... les membres des ordres professionnels regroupent beaucoup de femmes, 60 % des membres sont en fait des femmes, et pourtant il n'y a pas de parité hommes-femmes sur... quand on regarde l'ensemble des conseils d'administration des ordres professionnels.

Le troisième problème que nous avons observé porte sur l'éthique. Alors, on a pu voir, entre autres à travers tous les scandales qui ont été étalés lors de la commission Charbonneau, entre autres avec l'Ordre des ingénieurs, qu'il y avait vraiment un problème d'éthique. Les ordres professionnels semblent fonctionner davantage comme des lobbys plutôt que comme des organisations censées protéger le public. Là, c'est un véritable problème, qui a été d'ailleurs soulevé par le Commissaire au lobbyisme, et la commission Charbonneau a jugé que l'Office des professions a fait un travail qui était nettement insuffisant en termes de surveillance et de contrôle, notamment en ce qui concerne l'Ordre des ingénieurs.

On peut citer aussi... Quand on parle de la question d'éthique, on peut citer le cas des frais accessoires. On estime à 1 million de dollars par semaine les frais accessoires qui sont exigés illégalement aux patients par les médecins au Québec. Et, face à ce fléau, le Collège des médecins semble se traîner les pieds, alors qu'il a reconnu que les frais accessoires contrevenaient au code de déontologie du Collège des médecins. Et donc les plaintes s'accumulent, mais le Collège des médecins ne semble pas vouloir sévir par rapport à cette question.

Et finalement le quatrième problème qui se pose, c'est celui de savoir si les ordres professionnels sont bien là pour protéger le public ou plutôt pour protéger un marché. Donc, ce problème-là... Quand on regarde spécifiquement le cas des travailleurs sociaux, on constate qu'il y avait une activité, celle de l'évaluation psychosociale, qui était, avant 2009, effectuée par plusieurs professionnels, qui maintenant n'est effectuée que par les travailleurs sociaux, et ça, ça a eu comme impact de créer des listes d'attente dans les CLSC. Les gens se sont tournés vers un marché privé pour obtenir ce service. Donc, il semble qu'il y a eu création d'un marché, création d'une chasse gardée par rapport à l'évaluation psychosociale pour les travailleurs sociaux. C'est d'autant plus un problème quand on pense à l'enjeu de l'interdisciplinarité. Dans le système de santé, on reconnaît l'importance de l'interdisciplinarité, et là, avec la création de chasses gardées, c'est clair qu'on ne se dirige pas vers plus d'interdisciplinarité.

Alors, c'est en gros les quatre problèmes qu'on a identifiés. Maintenant, mon collègue va vous parler des recommandations par rapport à tout cela.

Le Président (M. Villeneuve) : ...vous bien vous présenter d'abord?

• (12 h 10) •

M. Hébert (Guillaume) : Oui. Mon nom est Guillaume Hébert. Je suis également chercheur à l'IRIS.

Donc, oui, huit recommandations, c'est ce qu'on a mis dans le mémoire qu'on vous soumet aujourd'hui. Donc, je vais les présenter.

Donc, les deux premières portent sur la composition des ordres professionnels, donc une première recommandation qui suggère de s'inspirer de ce qu'on fait dans le projet de loi pour les jeunes et de l'étirer peut-être pour assurer davantage de représentativité des femmes, ou encore des minorités culturelles, ou encore de quelconque catégorie sociodémographique qu'on souhaiterait mieux représenter dans les ordres professionnels. Donc, c'est la première chose qu'on pourrait faire.

La deuxième recommandation porte sur la composition des sièges au conseil d'administration des ordres professionnels. On propose une division d'un tiers de représentants, de membres des ordres, un tiers de représentants du public, une formule similaire à celle qui existe présentement, et un autre tiers qui serait composé de représentants de regroupements de consommatrices et de consommateurs visés par le champ d'action de l'ordre en question. On s'inspire pour ça de propositions qui avaient déjà circulé et on s'inspire aussi de sondages qui avaient déjà été faits, qui montraient que la confiance de la population est très grande envers les organisations de consommateurs. Contrairement à la méconnaissance qu'il peut y avoir par rapport aux ordres professionnels, par rapport aux organisations de consommateurs, il y avait quand même une confiance qui est assez grande. Et, au Québec, on a un réseau, un réseau des ACEF, ce genre de réseau là qui existe, qui pourrait fournir des personnes, qui pourrait fournir des idées assez utiles pour des ordres professionnels, pour les C.A.

Les recommandations 3, 4, 5, 6 portent sur la transparence. Donc, la recommandation n° 3, sur le processus de nomination. On ne le connaît pas très bien, le processus de nomination. Il y a des listes qui sont faites à partir des candidatures sur Internet, mais on ne sait pas trop qu'est-ce qui se passe après ça, qu'est-ce qui va déterminer qu'une personne va effectivement se retrouver sur un C.A. d'ordre professionnel à représenter le public. Donc, ça, on pense que ça pourrait être plus clair.

La recommandation n° 4, c'est la question des séances publiques. Encore là, la mission des ordres professionnels est souvent méconnue, c'est encore plus méconnu, le fait qu'il y a beaucoup de séances qui sont publiques, les séances du conseil disciplinaire, par exemple. Et, si on va sur les sites Internet des ordres professionnels, ce n'est pas évident non plus de le trouver. Une exception notable, c'est le Barreau. Si on va sur le site du Barreau, c'est très, très clair, on nous guide, on nous montre les dates, on montre comment on peut assister à ça. Dans plusieurs autres cas, ce n'est pas du tout le cas, même on ne mentionne aucunement qu'il y a des séances qui sont publiques.

Notre cinquième recommandation, c'est sur, bon, l'article 37 du projet de loi, qui parle des groupes socioéconomiques, de consulter des groupes plutôt que les groupes. Donc, on va dans une procédure qui est moins rigoureuse, alors que je pense qu'on devrait aller dans le sens inverse, donc d'avoir quelque chose qui est, au contraire, plus exhaustif.

Recommandation n° 6, c'est de confier à l'Office des professions la responsabilité de colliger, d'uniformiser, de rendre publiques des statistiques globales sur les plaintes ou quelconque type d'information qu'on trouve dans les rapports annuels. On a fait l'exercice de passer à travers tous les rapports annuels, ça peut être difficile de trouver les correspondances d'un rapport à l'autre, qui dit quoi, qui fonctionne comment. Donc, je pense qu'on pourrait centraliser tout ça, et ce serait un gain indéniable en termes de transparence.

Nos deux dernières recommandations, 7 et 8, portent sur le rétablissement de la confiance, un système qui a écopé dans les dernières années. Donc, la première... en fait, la septième recommandation, c'est assujettir les firmes de services professionnels au pouvoir d'encadrement des ordres professionnels dans leur secteur d'activité. Alors là, vous reconnaîtrez peut-être la recommandation de la commission Charbonneau, qui n'a pas été incluse dans le projet de loi n° 98. Nous pensons que ce serait important d'inclure cette recommandation-là et de l'avoir pour l'ensemble des services professionnels.

Recommandation n° 8, notre dernière et pas la moindre, on propose de confier la responsabilité du contrôle disciplinaire des ordres professionnels à l'Office des professions plutôt que de l'avoir tel qu'il existe présentement dans les ordres professionnels. C'était une recommandation qu'avait déjà formulée le Protecteur du citoyen, il y a un moment déjà, mais je pense qu'il y a là une façon, là, une piste intéressante de ramener davantage de confiance envers les ordres professionnels et la structure du système professionnel en général.

Donc, pour conclure, je pense que le projet de loi n° 98 qu'on a est une belle occasion de réformer notre système professionnel, une réforme qui se fait attendre depuis un moment maintenant. Il faudrait que ce soit une vraie réforme toutefois, donc ça pourrait aller plus loin que ce qui est dans le projet de loi n° 98. Les recommandations qu'on vous soumet aujourd'hui permettent d'atteindre les objectifs en termes de confiance, de transparence et d'éthique.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, M. Hébert. Vous êtes pile dans les temps. Merci, Mme Sully. Maintenant, on commence la période d'échange, et à vous la parole, Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, Mme Sully, M. Hébert, merci de votre présentation. Je pense que vous étiez dans la salle tout à l'heure, lorsque j'ai rassuré le groupe précédent quant à notre intention de vraiment aller de l'avant avec l'ensemble des recommandations de la commission Charbonneau. Alors, il y a un chantier qui est en cours pour voir à la façon dont nous pouvons bien encadrer la pratique au sein des corporations, au sein des cabinets. Donc, soyez rassurés, il y a une volonté réelle d'aller dans ce sens.

Maintenant, je vous entends très bien concernant le besoin d'assurer une meilleure représentativité au sein des ordres professionnels. Tout à l'heure, j'ai questionné des groupes à cet effet, de quelle façon on peut s'assurer qu'au sein d'un ordre on ait cette représentativité, bien qu'on ait des postes électifs. Alors, comment croyez-vous que ça devrait se traduire dans un texte législatif? Et pensez-vous que, par exemple, la proposition qui est faite, c'est-à-dire de s'assurer que les administrateurs nommés puissent venir suppléer ou combler l'absence de représentativité qui pourrait survenir suite à une élection... Est-ce que vous avez d'autres mécanismes qui pourraient nous aider à traduire cette volonté, je pense, qui est partagée autour de la table puis qui est partagée généralement, en un texte clair?

M. Hébert (Guillaume) : On n'a pas été dans le détail là-dessus. Il y a déjà, à l'intérieur des ordres — je ne sais pas s'ils l'ont tous, il me semble que oui — des dispositions par rapport à la représentation géographique régionale. On a avancé avec des propositions pour ce qui est de la représentation des jeunes. Donc, dans le détail du mécanisme, on ne l'a pas, mais je sais qu'on peut trouver — ça, ça ne m'inquiète pas — des façons de s'assurer, par des formes de collèges électoraux, là, si on veut, des façons d'atteindre plus de représentativité. Donc, on n'a pas creusé le mécanisme précis.

Mme Vallée : Croyez-vous que ça pourrait être un enjeu... On a certains ordres qui sont très grands, très gros, parce qu'ils comptent plusieurs membres, puis on a des ordres qui sont beaucoup plus petits. Croyez-vous que ça pourrait susciter un enjeu au sein de certains ordres si on devait, de façon très catégorique, légiférer ou encadrer ce besoin d'une diversité beaucoup plus grande?

M. Hébert (Guillaume) : J'imagine qu'encore là des dispositions pourraient prévoir qu'un ordre qui est plus petit, qui a, je ne sais pas, 3 000 membres, un ordre qui est plus grand que 10 000 pourraient être soumis à différents critères. Je pense qu'il y a tout un pas qu'on peut faire encore en termes de représentativité, qu'on peut faire avant d'atteindre ce type de limite là qu'on frapperait, étant donné la petitesse de certains.

Mme Vallée : Donc, pour vous, ce serait vraiment d'adapter les mesures en fonction de la réalité de l'ordre?

M. Hébert (Guillaume) : Bien, il pourrait y avoir, c'est ça, des...

Une voix : ...

M. Hébert (Guillaume) : Oui, en fonction de la taille, hein? On le fait, par exemple... Sur la taille des C.A., par exemple, c'est... Bon, jusqu'à maintenant, la façon dont on a procédé, c'est... moi, je ne me rappelle pas des chiffres exacts, mais quand on a un ordre... est-ce que c'est 10 000, la ligne... quand on est en dessous de ça, on peut avoir un certain nombre d'administrateurs, au-dessus on a un autre nombre. Donc, de la même façon, je pense qu'on pourrait être plus ou moins exigeant en fonction de ce que c'est, l'ordre.

Mme Vallée : On revoit justement, dans le projet de loi, le nombre d'administrateurs, on revoit la composition du C.A., là, pour une saine gouvernance aussi. D'ailleurs, la question de la représentativité régionale, on l'a abordée, c'est quelque chose qui est mis de côté. On est plus dans une question de compétence au sein d'un conseil d'administration puis de représentation d'un territoire donné. Qu'est-ce que vous en pensez?

• (12 h 20) •

M. Hébert (Guillaume) : Moi, je pense que c'est un problème. En fait, l'IRIS a beaucoup publié sur les questions de gouvernance, on l'a étudié beaucoup en éducation, on l'a étudié en santé, et le simple usage du mot «gouvernance», en soi, c'est une façon que... Je pense que même des parlementaires devraient prendre un moment pour bien s'arrêter pour voir qu'est-ce qu'on est en train de faire comme concession quand on parle de gouvernance plutôt que de parler d'administration. Si vous regardez les rapports gouvernementaux produits par l'État québécois partout, le mot «gouvernance», avant le début des années 2000, n'existe pas, il n'est pas nulle part. Et maintenant on a beaucoup de mal à s'exprimer sans mentionner ce mot-là, et pourtant les mots ne sont pas innocents. «Gouvernance», c'est beaucoup inspiré par ce que vous avez décrit, hein? On va souvent parler d'ajouter, par exemple, des administrateurs externes, des gens reconnus pour des compétences de gestion, souvent en finance, en administration, etc. Je pense qu'il y a un risque de perdre beaucoup en termes de démocratie quand on fait ce type de transition là.

Donc, je pense que... Si on veut des structures qui sont démocratiques, si c'est de ça qu'on parle, si on parle de l'État, ou d'extensions de l'État, ou de structures représentatives, je pense qu'on doit avoir un souci de préserver cette chose-là. Je pense qu'il faut... On a vu à plusieurs endroits que de rajouter des comptables ou des gens qui sont spécialistes des finances sur des conseils d'administration, ça n'empêche pas d'avoir des dérives de toutes sortes, de un, et, de deux, on perd beaucoup en termes de ce que c'est, une pratique démocratique. Et pratique démocratique, c'est aussi faire la représentation, et vous êtes les meilleures personnes pour le savoir.

Mme Vallée : Mais je suis... C'est intéressant, ce que vous dites, parce que, dans votre proposition, vous proposez que le conseil d'administration soit composé d'un tiers de membres, un tiers de membres du public et un tiers de membres de regroupements de consommateurs. Alors, comment concilier ce besoin, cet enjeu démocratique et la nomination de représentants, par exemple, des regroupements de consommateurs? Comment arrivons-nous à concilier ces deux enjeux?

M. Hébert (Guillaume) : Bien, on est sur la ligne, effectivement. L'ordre professionnel, il a sa particularité. Dans le cas d'une institution comme un cégep ou une université, un hôpital, on a quelque chose... Et, dans ce cas-ci, on est dans quelque chose de différent, parce qu'on veut... on cherche à exercer un contrôle. On cherche à défendre le public, même c'est tout le rapport un peu, là, schizophrénique d'une personne qui est élue comme président d'un ordre mais qui représente le public. Il n'est pas censé représenter uniquement les gens qui l'ont élu. Donc, on a conscience qu'il y a, disons, un glissement possible.

Cela étant dit, dans ce cas-ci, c'est moins en termes de spécialistes qu'on a pensé d'élire des gens, c'est en termes de gens qui sont directement dans des organisations regroupées sur des enjeux de consommation ou ce qu'on appelle des fois, au Québec, l'éducation familiale. Donc, on les a moins vus en tant que spécialistes que vraiment de représentation de la population. Donc, on ne le voit pas comme un détournement vers des experts, on le voit comme vraiment une autre façon d'assumer la représentation démocratique.

Là, le troisième volet restant, celui qui existe déjà, des gens qui sont nommés, bon, par la façon dont ils sont nommés présentement.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Sully, vous voulez intervenir?

Mme Sully (Jennie-Laure) : Oui. J'aimerais juste rajouter un point par rapport à la question de la compétence. Je comprends le souci de s'assurer que les personnes qui sont nommées et qui oeuvrent au sein des conseils d'administration puissent faire preuve d'un certain niveau de connaissance et de compétence, mais si on a à faire... contrebalancer, à choisir entre compétence et représentativité, je pense qu'il faut garder en tête qu'un déficit démocratique est pratiquement impossible à combler, tandis qu'un manque de compétence peut se régler par de la formation. Et les ordres professionnels ont les moyens de s'offrir la formation adéquate pour aller chercher des compétences. Mais, s'il y a un manque de représentativité dès le départ, c'est vraiment problématique de le régler plus tard. Donc, je pense qu'au niveau de la représentativité il faut dès le départ établir des règles très claires et se dire qu'en matière de compétence et de bonne gouvernance c'est toujours possible par la suite d'aller chercher la formation nécessaire pour avoir la compétence voulue.

Mme Vallée : Vous avez proposé... Puis vous abordez qu'il serait intéressant que la nomination et la sélection des administrateurs, des administratrices qui représentent le public au sein de l'ordre soient beaucoup plus transparentes, plus claires. Quelle serait votre proposition? Quelle serait, pour vous, la façon de répondre à votre préoccupation? Je comprends que vous nous avez suggéré une composition, mais, encore là, les membres du public et les membres du regroupement de consommateurs, de quelle façon devraient-ils être sélectionnés et de quelle façon tout ça devrait-il être rendu public?

Mme Sully (Jennie-Laure) : En ce moment, il y a sur Internet un processus, qui n'est pas transparent, il y a certaines informations par rapport à la sélection. La première chose, ce serait d'inviter la population... d'informer davantage. Ça, c'est la première des choses.

Pour ce qui est du mécanisme précis, c'est un mécanisme qui doit être mis en place. On n'a pas un mécanisme précis à vous proposer, il faut commencer par s'assurer d'informer les gens, s'assurer qu'il y a une plus grande participation dans ce processus, une plus grande participation de la population. Pour ce qui est du mécanisme exact, je ne crois pas que, là, en ce moment, on a des détails à vous fournir précisément à ce sujet. C'est à bâtir.

Mme Vallée : Qu'est-ce qui actuellement, à votre avis, pourrait être un frein à une plus grande participation du public? Comment susciter cet intérêt de soumettre sa candidature? Comment s'assurer qu'on aura un bassin de candidats et de candidates qui ont cet intérêt que de siéger au conseil d'administration d'un ordre professionnel? Comment les rejoindre? Parce que c'est aussi ça, le défi, c'est d'assurer de rejoindre. On a des gens compétents sur le territoire, mais, bien souvent, ces gens-là, on n'arrive pas à aller les chercher, à susciter leur intérêt. Est-ce que vous avez une idée sur les outils et la façon qu'on pourrait mettre en place... Qu'est-ce qui pourrait être, peut-être, le levier ou l'élément, l'étincelle nous permettant d'aller rejoindre les gens? Parce qu'il y en a, des gens compétents et intéressés, ça, c'est certain.

M. Hébert (Guillaume) : Bien, moi, je pense qu'il y a deux choses. La première chose, c'est, pour faire suite à ce que ma collègue disait il y a quelques secondes, la question de l'information. S'il y a 12 % seulement de la population qui sait à quoi servent les ordres professionnels, bien, manifestement, il ne doit pas y avoir tant de gens que ça, dans la population, qui savent qu'on peut postuler... faire partie d'un ordre professionnel, hein, je pense qu'on sait que c'est assez méconnu. Donc, faire plus d'information, des campagnes d'information, là, c'est une chose qui est possible, il y a des façons de procéder pour faire ça. C'est la première chose.

La deuxième, la deuxième qui peut susciter cette étincelle-là, puis qui est probablement plus importante encore, c'est la confiance dans le système. Si les gens ont l'impression qu'ils vont dans un système qui ne fait pas la différence, s'il y a un scepticisme par rapport aux résultats de ce que ça va faire, un processus de plainte, s'il y a des doutes, bien, évidemment, ce n'est pas du tout tentant pour des gens d'aller s'investir dans une structure où on a l'impression que les dés sont pipés. Puis, dans certains cas, c'est l'impression que les gens ont. Donc, je pense que cet ingrédient-là est absolument fondamental et je pense que c'est pour ça qu'on a un projet de loi présentement, aujourd'hui.

Mme Vallée : Justement, l'objectif du projet de loi fait partie de cette volonté de redonner aux ordres toutes leurs lettres de noblesse, parce que les ordres font un travail essentiel, et la protection du public, c'est quand même... ce n'est pas négligeable, là, c'est majeur comme mission. Et, vous avez raison, il y a beaucoup de travail de communication qui est nécessaire, parce qu'on a trop souvent regardé... porté notre regard, dirigé notre regard vers des ordres qui avaient certains problèmes, mais, pour l'ensemble des ordres, ce n'est pas nécessairement le cas, on a des ordres qui sont très, très, très... En fait, lorsqu'on rencontre les présidents des ordres, les présidentes des ordres, je pense que tous ont à coeur la protection du public, et ils sont tous très motivés par le travail que nous avons à faire de redonner aux ordres leurs lettres de noblesse. Et là-dessus, la communication, elle est nécessaire, vous avez tout à fait raison.

Est-ce que les modifications... Et, je ne sais pas, vous ne l'avez pas abordé, mais on donne, à travers le projet de loi n° 98, un rôle plus important au commissaire aux plaintes, qui devient... que l'on rebaptise «commissaire aux admissions», dans un souci d'assurer une équité pour le traitement des citoyens. Alors, que pensez-vous de cette question?

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, très brièvement, sinon par écrit à la commission, mais c'est effectivement une très bonne question, j'avoue.

M. Hébert (Guillaume) : Le mot... On pourrait aller plus loin, c'est le sens dans lequel va notre recommandation n° 8, ça pourrait aller plus loin que ça. Je pense que cette structure-là, qu'on élargit un petit peu présentement, c'est un pas dans la bonne direction, mais ça ne suffit pas.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi, à vous la parole.

• (12 h 30) •

Mme Jean : Merci. Alors, bienvenue à vous deux, M. Hébert et Mme Sully. Nous sommes heureuses que vous soyez ici. Heureuses aussi de constater que des gens comme vous font des réflexions de base sur des enjeux importants comme les professions, les ordres professionnels. Donc, bravo pour votre travail!

Je ferais peut-être du chemin par rapport à la dernière question, je vous permettrais peut-être d'aller plus loin, parce qu'on sent que la renomination du commissaire aux plaintes, maintenant qui deviendrait le commissaire à l'admission, rencontre certaines résistances par rapport aux ordres, qui trouvent que ça va déjà trop loin, et vous, vous semblez dire que c'est dans la bonne direction et il faut aller plus loin. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu là-dessus? Ça m'intéresse de savoir votre idée.

Le Président (M. Villeneuve) : M. Hébert, allez-y.

M. Hébert (Guillaume) : Oui. Donc, quand il y a eu création du commissaire aux plaintes, si ma compréhension est bonne, c'était pour donner plus d'outils à l'office, un endroit de plus ou un acteur de plus dans ce système-là, où on peut, disons, passer par un autre chemin qu'uniquement celui de l'ordre pour adresser des doléances. Moi, je pense qu'on est rendu à faire un pas de plus que ça, c'est ce que je veux dire par rapport à «la réforme est trop étroite». Là, on veut donner plus de pouvoirs à une structure. Je pense que c'est la structure qu'il faut changer un peu plus présentement, pas juste élargir ses pouvoirs, et c'est pour ça qu'on a proposé de carrément donner le contrôle disciplinaire des ordres professionnels, donner sa responsabilité à l'office. Donc là, on parle d'un changement beaucoup plus en profondeur du système de professionnels actuel, et je pense qu'on est mûr pour ça, et je pense que ça, on va commencer à réunir les conditions pour rétablir la confiance avec la population.

C'est quand même une proposition qui avait été formulée par le Protecteur du citoyen. Quand on a fait nos recherches, on est tombés là-dessus et on a trouvé que, franchement, c'était une proposition qui avait du coffre, comparée à plusieurs autres qui, je pense, risquent d'être prises comme des modifications qui sont... qui restent trop en surface. Bon, voilà. Je pense que ça, on est en train de faire un pas réel, on est réellement en train de changer cette structure-là, sans la démonter complètement, parce qu'on continue d'avoir ce système d'ordres professionnels qui sont malgré tout autogérés, autoreprésentés, etc., autofinancés même.

Mme Jean : Dans le même ordre d'esprit, je me posais une question : Lorsque tu as un système disciplinaire, un syndic qui a à émettre une sanction contre un professionnel, il a à équilibrer le fait de nuire à la carrière du professionnel, donc va faire un peu attention aux sanctions pour ne pas nuire au futur, au futur de la carrière de la personne en question, mais en même temps cette attitude-là, vue par le public, mine un petit peu la confiance, parce qu'il n'y a pas de conséquence à certains gestes. Donc, comment on peut, selon vous, équilibrer ce côté-là, oui, de faire attention de ne pas miner la carrière de quelqu'un, parce que peut-être que l'infraction est unique ou je ne sais pas quoi, et par rapport à la confiance du public qui se dit : Mais il a fait une infraction, il devrait être puni?

M. Hébert (Guillaume) : On n'a pas été très loin dans les responsabilités du syndic. On s'est posé la question, on ne s'est pas rendus très loin. On n'a pas essayé de développer une nouvelle façon qu'on peut départager exactement les responsabilités au sein du syndic, ou par rapport à la responsabilité du syndic, ou des façons de procéder du syndic. La seule chose, moi, je pense, j'ai l'impression que ce qui va... Je pense que tous les professionnels sortiraient gagnants qu'on rétablisse la confiance à la base. Donc, je pense que c'est là que ça se joue ultimement.

Mme Jean : Avais-tu une question?

Mme Lamarre : Oui.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, bienvenue, M. Hébert, Mme Sully. Moi, je suis contente que vous abordiez le dossier des frais accessoires. C'est un dossier sur lequel j'ai travaillé beaucoup parce que ça incarne, pour moi, une iniquité profonde dans notre système de santé. Et les Québécois ont clairement choisi de vouloir qu'il n'y ait pas cette atteinte discriminatoire à l'équité en santé, que ce ne soit pas par notre richesse qu'on réussisse à accéder plus facilement à la santé, mais bien par l'urgence et la gravité de la situation.

J'essaie de voir le lien, quand même, entre ce que vous présentez au niveau des frais accessoires et votre recommandation 8, c'est-à-dire vous dites : On devrait transférer tous les dossiers disciplinaires à l'Office des professions. De quelle façon vous voyez que l'Office des professions aurait pu gérer ce dossier-là différemment? Est-ce que vous voulez vraiment que l'Office des professions devienne juge de ces situations-là ou si vous voulez qu'elle exerce un devoir de surveillance, de vérification? Parce qu'il y a plusieurs ordres, et c'est sûr que, là, ça fait un tribunal qui serait très, très, très sollicité.

Mme Sully (Jennie-Laure) : Bien, je pense qu'effectivement c'est une question de surveillance accrue de l'office professionnel qui doit être effectuée. Ça va dans le sens de ce qui était dit lors de la commission Charbonneau, donc que l'Office des professions fasse un travail de contrôle et de surveillance au niveau disciplinaire, donc le syndic aurait toujours son travail à faire. Il faudrait trouver un mécanisme. Là encore, on peut faire preuve d'une certaine flexibilité, mais il faudrait impliquer davantage l'Office des professions, parce que visiblement il y a un problème au niveau du nombre de plaintes qui se rendent jusqu'au conseil disciplinaire. Il y a un certain nombre de plaintes qui sont portées par les citoyens au syndic, mais le pourcentage... qui finalement sont traitées par le conseil disciplinaire, semble plutôt faible, et c'est là que l'Office des professions pourrait notamment intervenir. Par quel mécanisme exact?

M. Hébert (Guillaume) : Pour reprendre le cas, l'illustration des frais accessoires, présentement, si on prend le... Il y a eu trois décisions du Collège des médecins. On a reconnu... Hein, c'est en décembre dernier où on a reconnu que le code de déontologie n'avait pas été respecté, et il y en a eu une autre, décision, c'était en mars, je pense, et ces quatre décisions-là ne se sont rendues à rien. Le collège a jugé que, là, «on n'est pas trop sûrs, on va peut-être avoir une nouvelle voie». Et le collège n'a d'aucune façon montré une volonté d'agir.

Même chose, cette fameuse tendance du collège, hein, quand il y a des plaintes qui sont formulées, les gens peuvent soit demander d'être remboursés ou soit demander à ce qu'il y ait une enquête, une investigation qui soit faite, et on a vu plusieurs cas où les gens demandaient des investigations parce qu'ils voulaient aller au bout de l'affaire, et on leur proposait, on leur envoyait des montants d'argent pour leur demander de... pour fermer le dossier, finalement. Le Collège des médecins sur cette question-là, à notre avis, a montré que l'ordre professionnel, dans ce cas-ci, n'est pas en mesure d'assumer le rôle du système disciplinaire. Ça, je pense que c'est un des cas, qui est des plus flagrants, qu'on a vus dans les dernières années. Voilà.

Mme Lamarre : Il y a de nouveaux joueurs maintenant. Je pense que les ordres ont été conçus en 1974, à un moment où l'autorité d'un ordre concernait principalement un individu, un membre. Donc, quand il y avait des infractions qui étaient causées ou des défis, c'était toujours en lien avec un membre. Maintenant, autant pour les ingénieurs, on le voit pour les avocats, on le voit en pharmacie, on le voit pour les médecins, il y a des multinationales qui gravitent autour de ces gens-là.

Est-ce que le projet de loi vous semble réagir en fonction de faire en sorte que les ordres aient plus de capacité de résister à ces... ou, en tout cas, d'intervenir lorsque des sociétés, des grandes organisations essaient d'influencer des membres d'ordre à contourner leur code de déontologie ou d'éthique, par exemple?

Le Président (M. Villeneuve) : En 15 secondes, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, peut-être... La réponse m'intéresse, peut-être le prendre sur mon temps.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui. Vous voulez intervenir, M. le député de Borduas?

M. Jolin-Barrette : Non, juste le prendre sur mon temps, M. le Président.

Le Président (M. Villeneuve) : Bien, vous le prendrez sur votre temps. S'ils veulent prendre les 15 secondes que je leur donne, ils pourront continuer sur votre temps par la suite.

• (12 h 40) •

M. Hébert (Guillaume) : Bien, deux choses là-dessus. C'est dans cette direction-là qu'on va avec la recommandation n° 7, de pouvoir traiter des firmes, de pouvoir élargir, là, les pouvoirs des ordres professionnels de demander des documents, donc, oui, leur donner plus d'outils par rapport à ces firmes-là.

La deuxième chose qu'on a mentionnée, on a mentionné... je pense qu'on le... pas dans le mémoire, on en a parlé dans un document qu'on a publié récemment, où on mentionne les questions de libre-échange aussi. On a vu les ordres professionnels être convoqués à jouer un rôle, hein, quand on parle de standardiser des pratiques d'une juridiction à l'autre pour... bon, c'est ça. Et ça, ça va. La seule chose, c'est qu'il y a un... Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui voient dans le libre-échange maintenant moins des questions de baisse tarifaire, hein? Les tarifs du commerce dans le monde présentement sont assez bas, hein? Ce qu'on voit présentement beaucoup avec le libre-échange, c'est quoi? C'est de la standardisation de politiques... des mécanismes juridico-politiques, là, des infrastructures juridiques qu'on est en train de développer pour permettre l'extension, hein, de grandes firmes transnationales, qui ont besoin de cette compatibilité-là pour fonctionner un peu partout.

Ce serait bien que, dans ce portrait-là, dans ce contexte-là où on voit ces genres de standardisation, on ait un ordre, qu'on puisse faire confiance à l'ordre aussi pour demeurer vigilant par rapport à ça, et donc avoir les moyens de le faire aussi. Je pense que ça me semble être primordial. Donc, je pense que ça aurait pu être même plus explicite peut-être dans notre recommandation n° 7.

Le Président (M. Villeneuve) : M. le député de Borduas, à vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour, merci de contribuer aux travaux de la commission. Dans le même ordre d'idées, dans le cadre de vos études, est-ce que vous avez constaté que des professionnels font l'objet de pressions, dans le fond, lorsqu'ils travaillent pour une société ou une corporation, au niveau de leur indépendance professionnelle, si je pourrais dire?

Mme Sully (Jennie-Laure) : Pas dans le cas de nos études, mais c'est une question qui peut se poser avec la tendance à l'incorporation. Est-ce que, maintenant, à travers le fait que les professionnels se retrouvent maintenant dans des sociétés incorporées, il y aura une pression sur leurs pratiques, sur leurs façons de faire? C'est une question qui peut se poser. Je ne sais pas si c'est par rapport à ça que vous posez la question?

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, c'est sûr que le professionnel qui est à l'emploi unique d'une entreprise et que c'est son seul client a certaines normes à respecter en vertu de son code de déontologie. Et, lorsqu'il se retrouve avec un client unique, et, supposons, à titre de salarié, il peut se retrouver, comme on dit, entre l'arbre et l'écorce dans certaines situations. Mais c'est pour ça que j'amenais ce questionnement.

Mais je voudrais vous parler de votre recommandation 4 et de la recommandation 8, relativement au pouvoir de l'office en matière disciplinaire et relativement aussi au fait que la justice doit être rendue publiquement. Donc, je comprends, pour vous, que le public n'est pas bien informé, en fait, du travail du syndic ou du travail du conseil de discipline, parce que ce n'est pas assez médiatisé.

M. Hébert (Guillaume) : Bien, il y a des dispositions qui garantissent que les séances sont publiques. Or, comme je vous ai dit tout à l'heure, quand on va sur un site d'un ordre, ça va être difficile, voire impossible de savoir, de un, l'information, que c'est public, et, de deux, de connaître les horaires des séances. Donc, moi, je pense que ça pourrait être mis beaucoup plus de l'avant. Et, comme je le mentionnais aussi, certains le font. Dans le cas du Barreau, on ne peut pas le manquer, hein? C'est vraiment très, très clair qu'on peut consulter... Ce n'est pas le cas partout.

M. Jolin-Barrette : Puis, à votre recommandation 8, vous venez citer, là, la Protectrice du citoyen, puis notamment ça fait référence à des tribunaux indépendants et impartiaux en matière administrative. Est-ce que vous jugez qu'il y a un manque d'impartialité des tribunaux dans le domaine administratif? Parce que, peut-être pour vous mettre en contexte, là, dans le domaine de la justice administrative, il y a un rapport, le rapport Noreau, qui a été déposé en 2014 aussi.

Puis je tends la main à ma collègue, justement si on pourrait réformer le processus de nomination pour la saison 2016-2017. On va avoir du temps, donc ce serait peut-être dans l'air du temps.

Mais je voudrais avoir votre opinion là-dessus, sur le fait que vous citez la Protectrice du citoyen.

M. Hébert (Guillaume) : Je pense que la confiance envers ce système-là est amochée, et donc ce serait un des gestes à poser pour la renforcer. Donc, c'est de...

M. Jolin-Barrette : Mais elle est amochée en raison de quoi au niveau des tribunaux administratifs?

M. Hébert (Guillaume) : La quantité de plaintes, hein, qui sont déposées et qui vont parcourir tout le chemin, qui vont faire l'ensemble du chemin, qui vont partir du syndic, qui vont peut-être passer par le conseil de discipline, le conseil de révision, etc., il n'y en a pas beaucoup qui se rendent. Et, à mon avis, si on voulait le rendre plus crédible, bien, on aurait intérêt à ce que ce ne soit pas une partie qui est autogérée par les ordres.

M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure, vous avez donné l'exemple des frais accessoires. Est-ce que vous avez d'autres exemples du système professionnel qui pourraient dire : Comme dans ce cas-là aussi, là, il y a une problématique de confiance, de la façon que ça a été traité?

M. Hébert (Guillaume) : On a mis beaucoup l'accent sur frais accessoires. On en a vu d'autres dans le cas... C'étaient des hygiénistes dentaires, si je me rappelle bien. Il faudrait que je sorte l'info exactement.

Le Président (M. Villeneuve) : Vous pourrez y revenir par le secrétariat, pour la réponse. Mme Sully, M. Hébert, je vous remercie d'avoir participé aux travaux de la commission.

Sur ce, je suspends la commission jusqu'à 14 heures. Bon appétit à tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Alors, tout comme ce matin, je demande aux gens qui ont des appareils électroniques de fermer les sonneries, s'il vous plaît.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques — alors immédiatement je souhaite la bienvenue à M. Nadeau; le Protecteur du citoyen; le Bureau de coopération interuniversitaire; l'Ordre des chimistes du Québec; Mme Louise Champoux-Paillé.

Ceci étant, on débuterait immédiatement, donc, la présentation faite par M. Nadeau. Et, je veux juste m'assurer que je le dis bien, donc, c'est sûr, vous représentez l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. M. Nadeau, à vous la parole.

Institut sur la gouvernance d'organisations
privées et publiques (IGOPP)

M. Nadeau (Michel) : Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes très heureux, au nom de l'Institut sur la gouvernance, de faire cette présentation devant la Commission sur les institutions. Mon collègue et associé, le Pr Yvan Allaire, malheureusement, a eu un empêchement de toute, toute dernière minute, ce qui l'empêche d'être avec nous aujourd'hui. Mais, le projet que je vais... le document dont je vais parler cet après-midi, nous l'avons travaillé ensemble.

Donc, lorsqu'il s'agit de gouvernance, notre organisme qui joue un rôle assez particulier au Québec dans ce domaine... Nous sommes, rappelons-le, un OBNL qui existe depuis 11 ans. Nous n'intervenons que dans le domaine de la gouvernance. Nous travaillons avec les petites, moyennes entreprises, avec les sociétés d'État, les coopératives, avec les caisses de retraite, et naturellement les ordres professionnels. Nous sommes intervenus dans plusieurs dossiers d'ordres professionnels et actuellement nous sommes encore impliqués dans des débats. On parlait hier... le débat de la fédération, ce n'est pas des médecins professionnels, mais c'est des professionnels, la Fédération des médecins omnipraticiens, où, là, on voulait instaurer le vote électronique.

Donc, les ordres professionnels, il faut dire au départ qu'il y a peut-être une certaine ambiguïté. La loi pourtant, à l'article 12 et 23, est très claire, l'existence du système professionnel au Québec existe pour la protection du public. Donc, c'est la protection du public, les articles 12 et 23 sont très clairs. Pourtant, il y a eu, au cours des dernières années, une crise de confiance par rapport à plusieurs ordres professionnels, dans le domaine du génie-conseil, le Barreau, la rémunération des médecins spécialistes, la mise sous tutelle de l'Ordre des ingénieurs. Tout ça, on sème le doute sur plusieurs citoyens. Donc, pour beaucoup de gens, soyons sérieux, soyons réalistes, les ordres professionnels, ce n'est pas évident qu'ils assurent la protection des membres... la protection du public et est-ce qu'ils travaillent d'abord pour la protection du public ou plutôt la défense des intérêts de leurs membres.

À titre d'exemple, si vous me permettez, je vais prendre le numéro du Journal du Barreau de ce mois-ci. Alors donc, ce sont des gens obsédés, obsédés, par l'accès et les lenteurs du système de justice. Alors, quelle est la manchette? Le golf sera-t-il déductible de nos impôts? Et là vous... «[Le] nouveau projet de loi privé cherche à rendre le golf admissible au titre de dépense d'entreprise déductible. Les golfeurs — avocats — sont-ils en voie de corriger un handicap?» Et il y a un cahier spécial sur la Journée du Barreau, et là on traite de tous les problèmes touchant les membres et les employés du Barreau, mais rien, rien, rien sur les clients, la population qui utilise les services du Barreau. En ce sens, je dois... je ne veux pas singulariser cet ordre professionnel, mais, à plusieurs reprises, on m'a invité à leur assemblée annuelle, et je leur ai dit que, sous beaucoup d'aspects, le Barreau est un gros club automobile qui vend des services à ses membres pour ramasser des sous pour faire, entre guillemets, la défense du public. Donc, dans ce contexte-là, il faut s'interroger, il y a un sérieux problème de crédibilité.

Évidemment, les ordres professionnels, au nom de l'intérêt du public, ils ont une fonction secondaire qui est importante, c'est qu'ils décident qui pratique. Alors donc, ils font... sont responsables de la sélection et de la gestion de la conformité de la pratique. Donc, c'est pour ça que ça peut être souvent associé, cette fonction-là de sélection, au combat d'un syndicat professionnel qui veut limiter l'accès à la profession et ainsi protéger les revenus de ses membres. Donc, nous ne posons pas de jugement, mais la perception du public est souvent celle-là.

Alors, mon intervention cet après-midi va porter sur trois sujets : la place des membres externes, la sélection des membres externes et la formation des membres externes. Et nous allons terminer avec six petits points concernant l'amélioration de la gouvernance des ordres professionnels.

Les membres externes. Alors là, actuellement, 80 % des membres des comités... des conseils des ordres sont des membres élus par leurs pairs. 80 % sont effectivement des professionnels qui assurent comme ça la protection du public. Alors, le conseil typique d'un ordre est de 16 personnes, dont trois membres externes, environ 20 %. Le projet de loi n° 98 propose de porter de 20 % à 25 % cette proportion des membres nommés au conseil des ordres. Or, pour nous, c'est vraiment, mais vraiment trop peu, trop peu, beaucoup trop peu.

Alors, nous avons étudié la mécanique, la dynamique dans un conseil d'administration. Si vous n'avez pas 35 % des membres dans un conseil d'administration, 35 % des membres... Quand vous êtes devant un groupe homogène, si vous n'avez pas une minorité de 35 %, ça, ça vaut pour les femmes, ça vaut pour les francophones, ça vaut pour tous les groupes, la dynamique ne passe pas. Vous devenez une quantité négligeable. Alors, si vous avez, évidemment... Pensons à l'ancien Barreau, 38 membres, de vénérables avocats, 34 étaient... il y avait quatre représentants du public. Ça a changé, la gouvernance du Barreau — bravo! — a changé cette réalité-là. Mais encore une fois rappelons-nous que l'administrateur qui arrive de l'extérieur a un gros handicap. Il y a une asymétrie de l'information. Il ne possède pas les dossiers aussi bien que les membres élus par leurs pairs. Donc, pour nous, c'est extrêmement important que, dans les conseils d'administration, il y ait un plus grand nombre de représentants associés au public.

• (14 h 10) •

D'abord, on tient à féliciter la ministre d'avoir abordé le problème de la taille, 15 %... Un conseil d'administration, quand vous avez plus que 20 personnes, vous êtes rarement efficace, rarement efficace. Là, il faut que vous envoyiez le travail en comité. Mais, plus que 20, là — la dynamique des conseils, ça, on pourrait vous citer des tas d'études, là — il faut qu'il y ait du travail en comité. Mais décider à 20... Plus on est nombreux, moins on se connaît bien, moins on intervient, c'est toujours les mêmes qui parlent, etc. La dynamique est moins bonne. Donc, face à un groupe homogène d'administrateurs professionnels, élus par leurs pairs, il est important, pour nous, de passer à au moins 40 %, 40 % des membres des ordres professionnels devraient provenir... être des gens nommés par l'Office des professions à partir d'une banque de données. On va en reparler tout à l'heure. En ce sens-là, on ne ferait qu'imiter l'Ontario, l'Ontario qui a 40 % des membres des ordres professionnels. Alors, dans ce contexte-là, nous, pour raffermir, pour convaincre le public de la réalité que les ordres professionnels existent pour la protection de la population, qu'on veut favoriser l'accès, qu'on veut favoriser... réduire les coûts, il est important d'être sérieux. Et, à 20 %, 25 %, on ne l'est pas. Donc, au moins 40 %. Alors donc, c'est mon premier point.

Le deuxième point, c'est au niveau de la sélection. Actuellement, les cinq membres de l'office choisissent les membres. Alors donc, nous, on dit qu'on devrait confier à un comité de sept personnes, dont deux membres de l'office, deux des trois membres... Sur l'office, il devrait y avoir trois personnes provenant du public, au lieu d'un ou deux comme c'est le cas actuellement, mais trois sur sept, trois sur sept, on veut monter de cinq à sept, trois sur sept devraient être des non professionnels ou des professionnels qui ne sont plus actifs. Et il est très important en ce sens-là que... Il faut que le nombre soit mieux réparti. Donc, il devrait y avoir un comité de sélection des membres et ça ne devrait plus être que les cinq membres de l'office, mais deux membres de l'office, deux des trois membres externes, les trois personnes nommées par le gouvernement. Alors donc, c'est notre proposition 3 à la page 10 de notre rapport, sur un comité de sélection deux-deux-trois. Ces personnes-là devraient choisir des gens d'expérience.

Et notre dernier point, c'est la formation de ces membres-là. Si on veut avoir des membres qui vivent... qui sont capables de jongler avec cette asymétrie-là de l'information, il est important que les membres aient une formation à trois niveaux : d'abord, bien comprendre c'est quoi, le problème de substance des problèmes de l'ordre, le modèle de l'ordre, le modèle financier de l'ordre en question; deuxièmement, la gouvernance de cet ordre-là, la gouvernance d'un ordre professionnel; et, troisièmement, une formation en éthique et en déontologie. Donc, dans ce contexte-là, nous croyons que ça ne devrait plus être l'Office des professions, ça ne devrait plus être l'Office des professions qui fournit la formation, mais des organismes — il y en a plusieurs au Québec, oui, il y a l'IGOPP, mais il y en a beaucoup d'autres — qui devraient offrir une formation concrète et pratique sur la gouvernance des ordres professionnels.

C'est important dans la sélection, je reviens là-dessus...

Le Président (M. Villeneuve) : ...M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel) : ...il est important qu'on choisisse des gens... Actuellement, on a fait des enquêtes sur les 150 personnes nommées par l'office. 75 personnes, ça ne donne rien sur Internet, aucune référence. Alors, comment on les choisit? Est-ce que ces gens-là ont une expérience de gestion? Est-ce qu'ils ont déjà géré quelque chose dans leur vie? Est-ce qu'ils sont sensibles aux problèmes d'éthique? Est-ce qu'ils sont sensibles à la protection du public? On ne le sait pas, on ne le sait pas.

Donc, pour nous, il est important que les gens qu'on choisit soient mieux formés et que ce soient des gens qui ont de l'expérience, qui ont un vécu comme gestionnaires, comme anciens gestionnaires, comme administrateurs. Alors, dans ce contexte-là, pour nous, il est très important d'avoir des membres externes un peu plus nombreux, 40 %. Le projet de M. Leitão dans le cas des courtiers en valeurs immobilières, c'est la parité, la parité. Dans le cas de M. Barrette...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Nadeau, je vous arrête deux secondes, juste vous dire que, présentement, vous êtes sur le temps de Mme la ministre. Elle est d'accord avec ça, mais, si vous pouvez faire la conclusion dans le prochain 30 secondes, ce serait apprécié. Merci.

M. Nadeau (Michel) : Donc, si vous voulez... Donc, pour nous, il est très important qu'il y ait plus de membres externes. On hésite encore à recommander la parité, la moitié. Dans le domaine de la santé, on a la majorité de membres externes. La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, une loi extraordinaire, soit dit en passant, qui a permis aux femmes d'avoir la parité. Donc, il y a une majorité de membres indépendants. Donc, dans ce contexte-là, nous, on dit : Au moins 40 %, au moins 40 % de membres externes, qu'ils soient donc plus nombreux...

Le Président (M. Villeneuve) : Voilà. M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel) : ...et qu'ils soient beaucoup mieux choisis par des organismes indépendants. Et finalement...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, sur ce, Mme la ministre, on continue toujours sur votre temps.

Mme Vallée : Oui. Alors, merci, M. Nadeau. Vous êtes passionné, puis nul doute de cela cet après-midi. J'aimerais vous entendre... J'ai plein de questions. Je sais que le temps est limité. J'aimerais vous entendre sur le mandat que nous avons... le nouveau mandat ou les pouvoirs élargis qui sont accordés au commissaire aux admissions, commissaire aux plaintes qui est maintenant le commissaire aux admissions. Je sais que vous aviez, dans votre mémoire, certaines... une réflexion sur la question. J'aimerais vous entendre.

M. Nadeau (Michel) : Bien, nous, on... je trouve que c'est une très bonne... avec le pôle, c'est une très bonne initiative. Bravo! Le point qui est important, c'est que, le commissaire, actuellement le commissaire aux plaintes ou le commissaire à l'admission, il faut que son rapport ne soit pas... ne disparaisse pas dans la bureaucratie professionnelle, du système professionnel. Il faudrait que le commissaire vienne en commission à chaque année présenter son rapport, qu'il fasse une conférence de presse, mais que... Il faut qu'il soit entendu que ses remarques, ses réflexions sur l'admissibilité, l'élargissement... C'est une question d'élargissement d'accès. Alors, il faut que ce commissaire-là ait une meilleure écoute et un meilleur haut-parleur, donc c'est qu'on lui garantisse... tout en faisant partie de l'office, on ne remet pas ça en question. Mais là, encore une fois, actuellement, j'ai lu les rapports de plusieurs... du commissaire aux plaintes, mais malheureusement ça tombe dans l'oubli et l'indifférence totale.

Mme Vallée : Croyez-vous que ce rôle-là vient porter atteinte à l'indépendance des ordres professionnels?

M. Nadeau (Michel) : Non. Moi, je crois que... et au contraire. Tout pouvoir doit avoir un contre-pouvoir. Les ordres professionnels ont un énorme pouvoir, énorme pouvoir, alors c'est pour ça que, nous, au moins ici, si on met un peu plus de représentants du public, là... Mais il faut que les ordres professionnels acceptent qu'en termes de gestion de la conformité, gestion de la sélection, il y ait quelqu'un qui regarde ça attentivement. Et nous sommes pleinement d'accord avec votre approche sur le pouvoir de ce... les nouveaux pouvoirs de ce commissaire.

Mme Vallée : Lors des auditions, certains groupes ont suggéré que les conseils d'administration soient assujettis à des normes plus strictes en fait de parité, avec comme objectif d'atteindre une meilleure diversité au sein de leurs conseils d'administration. Qu'en pensez-vous? Comment est-il possible de concilier tous les différents paramètres, le respect de la démocratie, le respect de la diversité ou la représentativité au sein d'un conseil d'administration?

M. Nadeau (Michel) : C'est un profil de compétence. On dit : On veut avoir, mettons, bon, les membres nommés, les membres élus. Dans les membres élus, vous avez... Chacun des sièges porte un numéro. Le siège n° 3, c'est pour quelqu'un qui est au tableau de l'ordre depuis moins de 10 ans. Alors, le problème que vous abordez, là, en ajoutant un membre, moi, je trouve que ce n'est pas une bonne façon, ça. Alors donc, le siège n° 3, là, si vous voulez postuler au siège n° 3, vous devez avoir moins de 10 ans. Alors donc, si vous voulez, les sièges 5 et 6, c'est pour les gens des régions. Les sièges 1, 2, c'est pour les gens de Montréal. Alors donc, on identifie les sièges comme ça. Le siège 7, c'est pour les... quelqu'un d'un grand bureau. Le siège 8, c'est quelqu'un... un travailleur professionnel indépendant. Donc, il s'agit pour chacun des ordres d'avoir un profil de la diversité en assignant pour chacun des sièges une variable que l'on veut entendre autour de la table. Alors donc, les jeunes, c'est le siège n° 3.

Évidemment, la question de la représentation féminine, je pense que l'équilibre va se faire. Je le souhaite, évidemment. On voit que les femmes constituent la majorité des membres des ordres. J'espère que la réflexion va... le processus électoral va amener une majorité d'élues aux hauts niveaux, ce qui n'est pas le cas dans certains ordres professionnels, mais quand même.

Mme Vallée : Certains organismes nous ont dit que, pour assurer la protection du public, il importait davantage d'avoir des membres qui exerçaient dans un certain profil plutôt que d'avoir des membres qui étaient des représentants régionaux. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

• (14 h 20) •

M. Nadeau (Michel) : Je suis d'accord avec ça. Je suis d'accord avec ça. Moi, j'ai eu des grands débats avec mes amis pharmaciens des fois. Alors, moi, je pense qu'un pharmacien de Saint-Hyacinthe puis un pharmacien de Saint-Jérôme, là, les Laurentides puis la Montérégie, là, je ne suis pas prêt à dire comme M. Chrétien, qui disait : Un mal de tête à Québec puis un mal de tête à Vancouver, c'est le même mal de tête, la santé doit être fédérale. Mais je pense qu'il faut quand même avoir... La ventilation régionale, je mettrais les grands centres urbains et les régions, mais c'est deux distinctions-là. C'est important d'avoir un ou deux membres de Montréal et de Québec et un ou deux membres de l'extérieur de ces grands centres là. Mais, les nuances, là... Je ne crois pas que, sur la Côte-Nord, le travail des acupuncteurs, par rapport à ceux du Bas-Saint-Laurent, soit très, très différent.

Mme Vallée : Et, pour ce qui est des fonctions de président, présidente et de directeur général, directrice générale, on a eu des représentations à l'effet que certains ordres comportaient moins de membres que d'autres et qu'on ne devait pas faire du mur-à-mur en modifiant le Code des professions pour assujettir les ordres professionnels à un nombre restreint d'administrateurs, pour assujettir l'ensemble des ordres à certains principes. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous pensez que, peu importe la taille de l'ordre, il y a quand même des principes de base qui devraient nous guider?

M. Nadeau (Michel) : Oui. Moi, je pense que nous avons fait un point... Nous avons six points que nous discutons, en annexe de notre mémoire, ce que j'appelle les petits ordres. Il y a 10 petits ordres, moins de 1 000 membres. Alors, ça, évidemment, moi, je vous dis, dans ces 10 petits ordres, la capacité de protéger le public, là, elle est plus limitée. Je pense qu'il devrait y avoir, sous le parapluie de l'office, des regroupements de services et je crois que, les petits ordres, avec des budgets de 600 000 $, 700 000 $, là, votre mandat de protéger le public est plus limité.

Alors, dans ce contexte-là, moi, je pense qu'il est important qu'on donne des ressources, on tienne compte qu'il y a des petits ordres, mais les principes de défense... Il faut donner aux 46 ordres les moyens de protéger la population du Québec, et, dans ce sens-là, il ne devrait pas y avoir de problème. Et là, s'il faut que le problème des ingénieurs, où là vous aviez des professionnels qui refusaient de majorer leurs cotisations parce que la protection du public, c'était l'affaire de Mme Charbonneau... Alors donc, dans ce contexte-là, c'est inacceptable. Alors, il faut que les ordres aient les moyens.

Et ça, je pense que l'office devrait exercer un leadership de regroupement de ces ordres. Et le paramètre de ça : Est-ce que les ordres professionnels devraient continuer d'assurer toutes sortes de services d'assurance, là, assurance professionnelle, assurance santé, assurance retraite, tout ça, là? Moi, je pense que l'Office des professions devrait regrouper... Puis là vous donnez même le droit d'acheter une compagnie d'assurance. Chacun des 46 ordres pourrait acheter une compagnie d'assurance, ça n'a pas de bon sens! Il faut que les ordres arrêtent de... Évidemment, c'est une grande préoccupation, le Barreau, là, la protection professionnelle. Mais, encore une fois, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de consolider ça dans une corporation, ou avec l'office, ou... Je pense que ce sont des questions qui distraient l'agenda des ordres professionnels, et qu'encore une fois les petits ordres devraient être un petit peu soulagés, n'ayant pas cette fonction de protection de leurs membres sous différents aspects, et que ce soit consolidé, 350 000 personnes et plus... 385 000 personnes, voilà un beau public, un beau marché. Je suis certain qu'il y aurait un paquet d'assureurs qui seraient très heureux d'assurer tout ce monde-là à des tarifs... Et il y aurait une économie d'échelle, naturellement, en regroupant toutes ces assurances-là.

Mme Vallée : Vous avez abordé tout à l'heure la réduction de la taille du conseil d'administration, l'importance d'avoir... de réduire les conseils d'administration. Certains ordres s'inscrivent en faux contre cette affirmation. Qu'est-ce qui vous amène à...

M. Nadeau (Michel) : Bon, je pense que, si vous voulez des études, là... Nous, on dit : La gouvernance, c'est plus que... il y a des études, 15 à 20, on peut aller jusqu'à 20. Mais, dans le monde des entreprises, là, partout, tout le monde a réduit à 15 personnes. Alors, ça va de neuf à 11. Il y a des PME, ça va de cinq à sept. Je n'irai pas jusqu'à M. Agnelli qui disait — l'ancien président de FIAT — que, pour lui, la meilleure gouvernance devait être un nombre impair et que trois est un trop grand chiffre. Mais je pense que, dans un contexte comme ça, il faut avoir un réalisme.

Vous êtes une équipe. Un conseil d'administration, c'est une équipe, c'est une équipe. Et moi, j'ai vu des ordres où il y avait 20, 25 personnes, et ça ne marche pas, ça ne marche pas, il y en a 10 qui ne parlent jamais, alors que, si vous êtes 11, 12, 13, vous devez parler, vous devez de temps en temps montrer que vous êtes en vie, parce que vous êtes... Puis, si vous siégez en plus sur des comités, ça, c'est... Toutes les études en gouvernance le montrent, que, plus que 15, 16, 17, là, il y a une espèce d'effet critique, bien, vous dites : Ah! Il y a les grandes gueules, là! Bon. On donne des cours sur la dynamique des conseils, il y a toujours trois, quatre grandes gueules qui vont meubler les silences, et tout ça, ce qui va faire l'affaire de tout le monde. Donc, pour nous, c'est très clair, vous ne pouvez pas bâtir une équipe, vous ne pouvez pas bâtir une équipe avec plus que 15 personnes sur la glace.

Mme Vallée : D'accord. Merci. Bien, il me restait une minute. Trois minutes? Bon. Les nouvelles fonctions du conseil d'administration qui sont prévues au projet de loi, qui portent notamment sur la surveillance générale de l'ordre, étaient auparavant octroyées au président. Qu'est-ce que vous pensez de cette modification-là?

M. Nadeau (Michel) : Tout à fait d'accord. Moi, je pense que la surveillance, c'est... Il y a des comités de gouvernance dans les entreprises. Nous nous opposons fermement, nous, à la présence d'un comité exécutif. Là, vous avez deux classes de comité... deux classes d'administrateurs, les «happy few», le petit groupe qui a du plaisir, qui décide de tout, là, et qui entend avant tout le monde les propositions de la permanence, et ensuite les autres membres, qui jouent du coude pour «rubber-stamper» les décisions préparées par le comité exécutif. Donc, il y a des comités maintenant dans la gouvernance : le comité de ressources humaines, le comité d'audit, le comité d'éthique, comité de surveillance du conseil, donc on a un nombre suffisant de comités, et ça, je pense que c'est beaucoup mieux que ça soit ces comités-là que le président ou le comité exécutif qui fassent cette fonction-là.

Mme Vallée : L'IRIS, ce matin, nous disait qu'au niveau des membres indépendants on devait en avoir davantage au sein du conseil d'administration et proposait même d'aller jusqu'à avoir un tiers des représentants élus, un tiers qui proviennent du public et un tiers provenant d'associations de consommateurs. Donc, il recherchait davantage des représentants du public que des membres d'un conseil d'administration qui avaient des connaissances spécifiques. Qu'est-ce que vous pensez de ce type de proposition?

M. Nadeau (Michel) : Moi, j'ai été président de Protégez-Vous durant 11 ans. Alors, vous permettrez que je remette quelques instants mon chapeau. Moi, je fais confiance au comité de sélection. Si le comité de sélection est moins corporatiste et moins entre les mains du Conseil interprofessionnel, je pense qu'on pourra faire beaucoup mieux. Si on a des membres du comité de sélection qui ont... Je vous dis, il y aurait deux membres de l'office, deux des trois membres qui proviendraient du public, que le gouvernement nommerait, et trois autres personnes au niveau de l'office, là. Si ce comité de sélection là représente des gens qui sont proches des consommateurs... C'est au niveau du comité de sélection, c'est au niveau du comité de sélection de l'office, moi, je crois que c'est là qu'on doit trouver des gens qui sont sensibles aux préoccupations du public, qui sont sensibles à l'accès, et aux coûts, et à la durée, et à la lenteur des procédures juridiques. Alors donc, ça, c'est là où le bât blesse, c'est qu'on n'a pas de gens qui parlent au nom... qui sont préoccupés par l'accès, on ne voit pas ce problème-là. Alors donc...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci, M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel) : ...ne sont pas là.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, M. Nadeau. Merci, Mme la ministre. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole.

• (14 h 30) •

Mme Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Nadeau. Merci d'être ici et merci de partager avec nous et vos connaissances et votre enthousiasme. C'est très apprécié.

J'ai été sensible à votre commentaire concernant la représentativité sur les conseils d'administration et de pouvoir peut-être préciser, qualifier certains sièges. Vous disiez, bon : Un siège pour les jeunes, peut-être un siège pour les... deux sièges pour les régions, deux sièges pour les grands centres. Je trouve l'idée, en tout cas, porteuse et intéressante d'être analysée. Lorsqu'on parle, naturellement, de la parité hommes-femmes, on arrive face à un plus grand problème que... à mon avis, difficilement solutionnable par lui-même ou ne se solutionnera pas de lui-même, par l'espoir. Par contre, votre idée de faire des sièges qualifiés, je trouverais ça inspirant, puis ma question est celle-ci : Est-ce que ce serait envisageable, lorsqu'on prévoit un conseil d'administration et qu'on qualifie des sièges comme ça, qu'à toutes les fois on prévoie qu'il y ait un siège pour homme et un siège pour femme, et, à ce moment-là, on assurerait un minimum de parité hommes-femmes?

M. Nadeau (Michel) : Bien, moi, je ne le sais pas. La question que je vous renverrais : Est-ce qu'il y a un problème? Moi, je regarde... Vous avez vu en annexe, on a mis la proportion hommes-femmes dans tous les ordres professionnels, l'annexe n° 1, et on voit qu'il y a quand même beaucoup d'ordres... les acupuncteurs, 72 % de femmes. Alors là, ma question, c'est : Est-ce qu'il y a un problème? S'il y avait un problème... Là, je n'ai pas les chiffres, je n'ai pas les chiffres, malheureusement, sur les 46 ordres, là, le pourcentage d'hommes, c'est peut-être certains hommes. J'imagine évidemment que les infirmières et les hygiénistes dentaires, il y a 98 % de femmes. Mais je suis certain qu'il y a d'autres ordres, notamment dans le domaine de la santé, où là il pourrait y avoir beaucoup plus de femmes. Mais ce que je... J'aimerais voir d'abord est-ce qu'il y a un problème.

Deuxièmement, bien là, ça se pourrait bien qu'à un moment donné, s'il y avait, mettons... si on tombait en bas de 35 % pour l'un ou l'autre des deux sexes, l'un ou l'autre des deux sexes... Nous, notre politique à l'Institut sur la gouvernance, chacun des deux sexes... on n'a pas pensé encore aux LBGT, là, mais chacun des deux sexes doit avoir 40 % de membres sur un conseil d'administration, hommes, femmes, 40 %, mais on ne s'enfarge pas dans la parité, là, mais 40 % d'hommes, 40 % de femmes, puis ça peut monter à 60 % d'un bord comme de l'autre. Donc, si jamais on tombait à 40 %, en bas, bien là, il pourrait peut-être y avoir un mécanisme qui ferait que, bon, bien là, pour la prochaine année, mettons, les sièges, un des trois, ça devrait être des candidats féminins ou masculins. Il faudrait que ça joue dans les deux côtés, là.

Mme Jean : Absolument.

M. Nadeau (Michel) : Mais vous avez... je vous dis que, dans certains cas, on va avoir de la difficulté à trouver des hommes, là : criminologie, 86 % de femmes...

Mme Jean : Je vais reprendre ma question. Est-ce qu'on s'est posé la question s'il manquait de jeunes, ou de gens en région, ou de gens des grands centres? Je pense que les questions, ils sont tous à poser à ce moment-là, autant les hommes que les femmes. Donc, ici, c'est la prémisse.

Je vais reposer ma question : Si effectivement il y aurait une problématique qui est constatée, est-ce que ça pourrait être une avenue intéressante si on décidait, par exemple, de prime abord, qu'il y ait des problèmes ou pas, région et au niveau des âges... Est-ce que ça serait, selon vous, avec votre expérience, une avenue intéressante?

M. Nadeau (Michel) : Bien oui, je pense que la contrainte... Mais, avant d'aller à la contrainte, moi, je pense que, si le conseil d'administration disait : Regardez, là, nous avons trois membres masculins sur 15, là, et on aimerait cette année que vous fassiez un effort, on aimerait que la majorité des membres pensent à un meilleur équilibre, alors donc votez pour qui vous voulez, mais essayez de donner un biais favorable aux gens qui sont en défaveur pour essayer de rétablir l'équilibre, avant d'arriver à une contrainte paritaire, où là j'ai un petit peu plus de problèmes, mais, s'il fallait y arriver, si on démontrait qu'il y a effectivement un problème, une grave injustice de la part d'hommes ou de femmes, d'un côté comme de l'autre... Moi, s'il faut aller là, on peut faire ça, mais avant un incitatif aux gens, de dire : Faites un effort, il nous manque... on devrait avoir plus... Ça, je pense que les gens ne sont pas bêtes, les membres ne sont pas bêtes, et là, si vous avez un candidat masculin ou féminin puis s'il manque, disons, de femmes, bien là, vous allez voter parce qu'on vous a... on favorise cette année les candidates.

Mme Jean : Parfait. Merci. Questions au niveau de la formation des membres. Naturellement, vous préconisez la formation pour améliorer... comprendre l'ordre, par rapport surtout aux indépendants ou ceux qui sont non membres, donc comprendre l'ordre, la gouvernance, l'éthique, la déontologie. Deux questions. La première : Est-ce que vous verriez une récurrence dans cette formation-là pour que ça se répète dans le temps? Et, si tel est le cas, est-ce qu'il y aurait une modulation de la formation en fonction du nombre d'années qui sont... quelqu'un qui vient d'arriver ou pas? Et ma deuxième question concernant ça était : Pourquoi — puis vous l'avez peut-être mentionné — vous préconisez que la formation vienne de l'extérieur de l'Office des professions?

M. Nadeau (Michel) : Parce que moi, je pense que la formation, c'est sérieux. Il faut que ça soit des gens expérimentés. La gouvernance, même bien intentionné, là, il faut avoir une expérience de vécu de gestion. Vous vous retrouvez sur un CISSS ou un CIUSSS actuellement, le budget moyen d'un CISSS, c'est 1,5 milliard de dollars, il y a 10 000 employés, il faut avoir... il faut que la très grande majorité des gens aient déjà géré quelque chose dans leur vie ou déjà été au conseil d'administration de quelque chose. J'ai beaucoup de sympathie pour les membres de groupes communautaires, mais qu'il y en ait un ou deux, c'est très bien, ça va donner une saveur, mais il faut que la majorité des gens, par rapport aux permanents, par rapport aux cadres, comme interface, pour challenger les cadres... Si vous n'avez jamais rien géré, le D.G. va vous raconter ce qu'il veut.

Alors donc, dans ce contexte-là, nous, on dit : La formation, soyons sérieux, soyons sérieux. Je dis ça parce que j'ai une arrière-pensée. Moi, les 30 heures de certains ordres professionnels au Centre Bell, je trouve que c'est moyennement sérieux. En tout cas, je referme la parenthèse. Mais ce que je dis, moi, c'est qu'il faut comprendre le modèle financier, il faut comprendre la gouvernance, et ça, la gouvernance, nous, le Collège des administrateurs l'a fait, l'Institut des administrateurs, l'IGOPP l'a fait. Il y a d'autres gens qui peuvent donner des formations en gouvernance, mais il faut que ce soient des formations challengeantes, là.

Vous dites... Vous venez là représenter le public, là, vous êtes les porte-parole de gens qui veulent de l'accès puis des tableaux comparatifs des honoraires des professionnels, alors donc vous venez demander ça, que ce soit transparent, puis tout ça, alors donc il faut avoir des gens qui sont préparés, qui sont mieux équipés, qui comprennent le modèle de l'ordre, un modèle financier de l'ordre, et, deuxièmement, qui comprennent qu'un administrateur, c'est le boss. Quand la D.G. dit: Mon conseil m'a fait ci ou mon conseil... C'est inacceptable que le directeur général, qui devrait être l'employé du conseil d'administration, maîtrise tellement bien le processus de nomination, c'est son conseil à elle ou à lui.

Donc, dans ce contexte-là, moi, je pense qu'il est très important d'avoir des gens bien choisis, mieux formés et plus nombreux.

Mme Jean : Puis, la récurrence, vous êtes d'accord avec le fait que ça revienne ou...

M. Nadeau (Michel) : Bien, ça, je pense qu'encore une fois ce n'est pas de la chimie nucléaire, la gouvernance, hein, il y a quelques grands principes, en une journée, deux jours, là, je pense, qu'on prenne le modèle financier... Moi, je crois qu'en quatre, cinq jours de formation, là, vous avez... Nous avions proposé au ministre de la Santé quatre, cinq jours, on a préféré faire un jour de formation, bien, moi, je trouve que c'est un peu court, un jour de formation, pour comprendre le modèle financier, la gouvernance et l'éthique, ce n'est pas suffisant.

Mme Jean : La troisième partie de ma question portait sur le fait que vous préconisez que ce ne soit pas l'Office des professions qui dispense la formation, j'aimerais savoir pourquoi, rapidement. Il nous reste...

M. Nadeau (Michel) : Parce que moi, je pense que l'office peut dispenser la formation en éthique, en déontologie, c'est son domaine, mais la gouvernance, ça prend des gens qui connaissent la réalité d'un conseil d'administration. Le conseil d'administration, c'est une game de pouvoir, il y a des interfaces, il y a toutes sortes de jeux. Alors donc, ce n'est pas juste dire : Si vous avez suivi votre cours au collège, on va vous choisir. Non, il y a le processus de sélection, ça prend des gens qui ont un certain vécu. Je pense que nous avons aidé le Dr Barrette, dans le cas de la santé, à choisir des membres sur les conseils des CISSS et des CIUSSS, d'autres pourraient le faire, l'ENAP pourrait le faire, et d'autres.

Alors donc, moi, je suis convaincu qu'il est très important, très important que ce soit... que l'ordre... l'office, pardon, fasse la formation en éthique et s'assure que chacun des membres des ordres et qu'en plus les conseils d'administration des ordres aient une bonne formation en déontologie, éthique, mais que, pour ce qui est de la gouvernance, ça soit des gens qui se connaissent qui fassent ça.

J'ajouterais un complément d'information. Je demande beaucoup aux membres, c'est pour ça que moi, j'irais à une rémunération. Pour nous, la rémunération des membres des ordres...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Nadeau...

M. Nadeau (Michel) : ...je déplore que, dans le domaine...

Le Président (M. Villeneuve) : ...je dois vous interrompre.

M. Nadeau (Michel) : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Voilà. Merci. Alors, nous allons passer au deuxième groupe d'opposition, alors j'invite M. le député de Borduas à prendre la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Nadeau. Merci de participer à la commission parlementaire. D'entrée de jeu, vous avez débuté avec le Journal du Barreau en nous disant : Mais parfois ce n'est peut-être pas nécessairement l'intérêt public qui est la priorité des ordres professionnels. On pourrait dire aussi : À l'aéroport, il y a un ordre professionnel qui a placardé, aussi, de publicités un mur de l'aéroport aussi, en ce sens-là. Puis il y a de la publicité aussi, parfois, où voit peut-être que c'est de la protection de marché.

Partant de là, vous abordez la question du commissaire aux plaintes, ou commissaire à l'admission, dans le projet de loi, puis vous dites : C'est correct d'avoir un contre-pouvoir. Mais est-ce que ce n'est pas le rôle de l'office lui-même de s'assurer du contrôle des ordres professionnels?

• (14 h 40) •

M. Nadeau (Michel) : Oui, l'office doit s'assurer, mais, encore une fois, l'office est proche du Conseil interprofessionnel, il y a des liens entre les deux. Moi, je pense qu'il y a tellement une énorme machine, là, les 46 ordres professionnels qui poussent chacun avec sa priorité, son agenda, et, le pauvre public, là, donnez-lui au moins les outils. Donnez-lui plus de membres sur les conseils, plus trois des sept membres à l'office. Donnez-lui le commissaire à l'admissibilité.

Alors, moi, je pense qu'on part de loin. Le scepticisme du public face aux ordres professionnels est immense. Alors donc, il y a beaucoup de doutes sur est-ce que les ordres professionnels travaillent vraiment au service du public. Alors donc, moi, je pense qu'il faut prendre tous les moyens, avoir différents canaux pour mieux faire entendre les intérêts du public et ainsi assurer un meilleur équilibre entre des ordres professionnels qui légitimement ont droit de maintenir des standards. Évidemment, en maintenant des standards, vous maintenez les honoraires correspondants. Il ne faut pas se cacher, hein? Alors donc... mais que le public soit aussi bien entendu.

M. Jolin-Barrette : Puis, au niveau de la structure actuelle du commissaire aux plaintes, si on choisissait d'adopter le projet de loi tel qu'il est... Le commissaire aux plaintes actuellement relève de l'Office des professions. Il n'y a pas de budget distinct, il n'y a pas une indépendance formelle, il ne vient pas témoigner en commission parlementaire, comme vous l'avez mentionné. Est-ce que vous trouvez que le modèle de gouvernance actuel, pour le rôle du commissaire aux plaintes ou commissaire à l'admission, est approprié, avec votre lorgnette, là, de votre organisation?

M. Nadeau (Michel) : J'ai fait la démarche que vous venez de dire, puis moi... Évidemment, je ne voulais pas créer une structure additionnelle, là, mais je... Ce que vous me dites me plaît beaucoup. Ce que vous me dites me plaît beaucoup.

Évidemment, il faut que l'ombudsman ou le Commissaire au lobbyisme, et tout ça, ce sont des structures autonomes et indépendantes, à l'extérieur des groupes visés. Là, dans ce contexte-là, il est à l'intérieur, mais je ne voulais pas compliquer le système professionnel — vous avez le diagramme, là, à la page 4 — alors donc, c'est pour ça que je me suis... je l'ai laissé à l'intérieur. Avec mon collègue, nous en avons beaucoup discuté — à la page 3 — nous avons beaucoup discuté où est-ce que... Ce commissaire aux plaintes là, on l'a mis une case à part, là, mais normalement il devrait être un petit rond à l'intérieur de l'office, là. Mais, si j'avais quelqu'un... Si la ministre voulait le prendre sous son chapeau, je n'aurais aucune objection majeure, hein? Mais il se rapporte à qui, là?

M. Jolin-Barrette : Et puis l'argument des ordres professionnels, c'est de dire : Nous avons un pouvoir délégué notamment au niveau de l'admission. On gère les admissions en vertu d'un règlement qui est sanctionné par le Conseil des ministres, qui est approuvé, bon, par l'office puis qui suit le processus législatif, qui est publié à la Gazette, tout ça.

Quelle est la nécessité d'avoir une autre personne qui s'interfère dans le processus?

M. Nadeau (Michel) : C'est parce que vous avez ce pouvoir-là, qui est légitime, parce que vous avez l'expertise. Mais il y a un danger de conflit d'intérêts. C'est que vous pouvez utiliser ce pouvoir-là pour restreindre l'offre. Alors, vous avez, dans beaucoup de secteurs industriels, les quotas, vous avez tout ça. Alors, moi, si vous me donnez... Je fabrique tel produit, si j'ai le monopole sur la fabrication de ce produit-là, je vais vous garantir un bon produit, mais à quel prix, à quel prix? Parce que j'ai le monopole. Évidemment, je vais restreindre l'ordre.

Moi, j'ai été président d'une chambre de commerce avec l'Europe puis j'ai essayé de faire venir des professionnels dans le domaine de la santé, de la Belgique, pour ne pas la nommer. Eh mon Dieu! Je me suis fait ramasser par l'ordre, en disant : Mêle-toi de tes affaires, là. Il n'est pas question d'augmenter le nombre de membres, on est assez.

Alors donc, il y a... C'est vrai que vous avez un pouvoir, mais tout pouvoir doit avoir un contre-pouvoir. Et ça serait déraisonnable que les ordres puissent faire tout ce qu'ils veulent dans la gestion de l'offre, dans la gestion de l'offre, en limitant le nombre de candidats, ce qui permet, évidemment, de majorer les honoraires. Dans le domaine de la police au Québec, on gère l'offre actuellement. Les gens font du surtemps, ils sont aux lumières puis agitent les petits boutons, parce qu'évidemment on veut faire monter les revenus des membres.

M. Jolin-Barrette : Sur l'aspect des activités commerciales des ordres professionnels, vous le traitez un peu puis vous avez joint, là, à l'annexe 2, je pense, de votre mémoire, dans le fond, les actifs des ordres professionnels. Ce que vous nous dites, c'est que les ordres professionnels ne devraient pas avoir d'activités commerciales, outre que la protection du public?

M. Nadeau (Michel) : Bien, moi, je vous dis que ce n'est pas souhaitable, ce n'est pas souhaitable. Évidemment, il y a une question de financement, là, je comprends que chacun doit gagner sa vie, là. Mais je regarde les ingénieurs, là, ils ont laissé les activités commerciales au Réseau des ingénieurs, puis tout ça. Mais ma conjointe, qui est avocate, elle reçoit chaque semaine des propositions pour acheter toutes sortes de... des fonds mutuels, des contrats de ci, des voyages de ça. Alors, les courriers rentrent à chaque semaine sur toutes sortes d'objets à consommer. Alors, moi, je pense que ça serait préférable, mais qu'au moins au niveau de... les services commerciaux, l'assurance vie, tout ça, mais les grands régimes de protection professionnelle, les régimes de retraite, les grands régimes, là, ça devrait être centralisé à l'Office des professions.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci beaucoup, M. Nadeau, de votre participation aux travaux de la commission. Je demanderais aux représentants du Protecteur du citoyen de bien vouloir prendre place.

Et on suspend les travaux pendant quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 47)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je veux saluer M. Dominingue... Domingue, pardon, c'est ça, voilà, Mme Saint-Germain et Me Vallières. Bienvenue à la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et, sur ce, je cède la parole à Mme la ministre... Excusez-moi. C'est parce que j'ai pris mon café... non, j'ai pris... oui, je n'ai pas pris mon café. Je recommence, je vous cède la parole pour votre exposé de 10 minutes. Merci.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre invitation. D'emblée, je vous fais part que je souscris généralement aux modifications du Code des professions qui sont proposées par le projet de loi n° 98. J'y souscris parce que je suis d'avis que les pouvoirs additionnels de surveillance, de vérification et d'enquête que sa sanction conférerait à l'Office des professions du Québec permettraient d'accroître ses capacités de détection et d'intervention et, normalement, ses actions correctrices. L'absence de tels pouvoirs a, au fil du temps, empêché l'office de faire des interventions préventives. Ces interventions et ces sanctions en temps opportun auraient pourtant été du plus grand intérêt pour la protection du public.

Entre autres, je note avec satisfaction l'ajout d'un représentant du public au sein de l'instance centrale du système professionnel, les faisant passer d'un à deux. La présence de représentants qualifiés — j'insiste sur ce mot — représentants qualifiés du public au sein des instances qui exercent les pouvoirs de surveillance et de contrôle est en effet de nature à améliorer la crédibilité des mécanismes qui visent justement la protection du public.

Je souscris également à la disposition qui permettrait à un syndic d'un ordre professionnel, malgré son serment de confidentialité, d'échanger des renseignements ou des documents utiles avec les syndics des autres ordres professionnels. Les éléments qui pourront être communiqués sont circonscrits, et la disposition prévoit explicitement l'exclusion d'échanges protégés par le secret professionnel qui lie l'avocat ou le notaire à son client. C'est une mesure qui devrait favoriser les impératifs d'efficacité de certaines enquêtes en renforçant la collaboration entre les ordres professionnels.

• (14 h 50) •

Notre analyse de l'ensemble des dispositions du projet de loi est présentée dans notre mémoire. Je souhaite, dans le temps qui m'est imparti, vous présenter plus en détail deux recommandations que je vous formule dans la perspective de renforcer la protection du public en complément aux mesures qui sont prévues dans le projet de loi.

La première recommandation concerne l'encadrement déontologique des syndics. Les syndics disposent déjà de larges pouvoirs discrétionnaires et d'une grande indépendance pour accomplir leurs fonctions. Un encadrement déontologique serait dorénavant d'autant plus nécessaire que, par ce projet de loi, deux autres pouvoirs additionnels de grande portée leur seraient dévolus, soit celui d'accorder une immunité aux lanceurs d'alerte et celui de requérir la suspension ou la limitation provisoire du droit d'exercice d'un professionnel accusé d'une infraction criminelle grave.

À cet égard, je note que la dernière modification au Code des professions, en 2015, aura pour effet, lorsqu'elle sera en vigueur, d'assujettir les présidents des conseils de discipline à la compétence du Conseil de la justice administrative relativement à l'application d'un code de déontologie qui leur est propre.

Quant aux syndics, ils ne sont assujettis à aucun encadrement déontologique distinct relatif à leurs fonctions. Les syndics des ordres professionnels sont des acteurs dont le rôle est déterminant pour renforcer la confiance du public envers le système professionnel. S'ils sont assujettis au code de déontologie de leur profession en tant que membres de leur ordre, ils n'ont à respecter aucune norme particulière qui régisse les aspects réservés à leurs fonctions de syndic.

La réforme du Code des professions est un vaste chantier, et la ministre a exprimé clairement la volonté du gouvernement de procéder par étapes. Cela est en effet souhaitable. Cependant, la frontière entre la gouvernance et les enjeux disciplinaires n'est pas nette. D'ailleurs, dans le projet de loi lui-même qui porte sur la gouvernance, cette frontière est franchie par l'octroi notamment de pouvoirs additionnels aux syndics et aux conseils de discipline des ordres professionnels. Et cela se comprend parce que tant la gouvernance que la justice disciplinaire ont une incidence sur la protection du public.

Quant à la surveillance de l'application de cet éventuel encadrement déontologique qui serait propre aux syndics, l'Office des professions du Québec constitue l'instance la mieux placée pour en assurer le respect. Le projet de loi propose d'ailleurs de préciser davantage sa fonction de surveillance en ajoutant à la description de son mandat que l'office peut, s'il l'estime nécessaire pour assurer la protection du public, requérir d'un ordre qu'il se soumette à toute mesure qu'il détermine, dont des mesures de surveillance et d'accompagnement.

En conséquence, je recommande que le projet de loi soit amendé de façon à prévoir que l'Office des professions du Québec détermine les normes d'éthique et de déontologie particulières applicables aux membres des bureaux des syndics des ordres professionnels et qu'il soit désigné comme l'autorité chargée d'enquêter et d'imposer les sanctions appropriées en cas de contravention à ces normes.

Ma deuxième recommandation portera sur la normalisation des délais de prescription de certaines poursuites pénales. Donnant suite à la recommandation n° 37 du rapport de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, le projet de loi propose de modifier le Code des professions afin de fixer des délais de prescription pour certaines infractions. Les infractions en question sont principalement celles qualifiées d'actes dérogatoires à la dignité de la profession, c'est-à-dire des actes qui impliquent de la collusion, de la corruption, de la malversation, de l'abus de confiance ou du trafic d'influence. Ces délais sont de trois ans depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l'infraction, avec une limite de sept ans depuis la date de l'infraction elle-même. Il concorde avec ceux inclus dans plusieurs projets de loi contemporains. Le calibrage de ces délais apparaît adéquat puisque, d'une part, la loi octroierait aux ordres professionnels des délais suffisants afin d'intenter des poursuites pénales contre toutes les infractions prévues à l'article visé et que, d'autre part, ceux-ci ne contribueraient pas à l'accroissement indu des délais du système de justice disciplinaire.

Tout en souscrivant à la modification proposée, je note que les délais de prescription diffèrent pour les poursuites que peuvent intenter les ordres professionnels à l'égard des infractions qui sont prévues à l'article 189.0.1 du Code criminel... du Code des professions, pardon, et qui ont principalement trait à l'exercice illégal d'une profession et à l'usurpation d'un titre qui est réservé aux membres d'un ordre professionnel. Pour ces infractions, qui sont, elles aussi, liées à la protection du public, la prescription pour une poursuite pénale est d'un an depuis la date de la connaissance par le poursuivant de sa perpétration, avec une limite de cinq ans depuis la date de l'infraction. Il est important que les mêmes délais de prescription soient appliqués à toutes les infractions liées à la protection du public, cela pour prévenir qu'un ordre professionnel donné manque de temps après la connaissance de la perpétration d'une infraction pour étayer un dossier et intenter une poursuite pénale.

C'est pourquoi je recommande que le projet de loi soit amendé de façon à ce que les délais de prescription soient fixés uniformément pour l'ensemble des infractions prévues au chapitre VII, c'est-à-dire les dispositions pénales, et que, pour toute infraction, une poursuite pénale se prescrive par trois ans depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l'infraction, et qu'aucune poursuite ne puisse être intentée s'il s'est écoulé sept ans depuis la date de la perpétration de l'infraction.

Je conclus, M. le Président, en précisant que ces deux recommandations sont de nature, à mon avis, à améliorer l'atteinte de l'objectif fondamental du projet de loi, qui est de renforcer la gouvernance du système professionnel afin d'assurer une protection accrue du public.

Pour que cet objectif fondamental se traduise par des résultats optimaux et concrets, il importe que toutes les lois que l'Assemblée nationale adopte soient mises en oeuvre avec diligence. En matière de régie des ordres professionnels, force est de constater que ce n'est pas encore le cas. J'en prends pour exemple le Code de déontologie applicable aux présidents et aux autres membres des conseils de discipline des ordres professionnels requis en vertu du projet de loi n° 17 qui modifiait le Code des professions en matière de justice disciplinaire, qui a été sanctionné le 12 juin 2013. Bien que sa mise en oeuvre soit possible depuis lors et bien qu'un projet de règlement à cet effet ait été publié pour consultation en juillet 2015, le gouvernement n'a encore édicté aucun code.

Cela a aussi pour conséquence de retarder l'assujettissement des présidents des conseils de discipline à la compétence du Conseil de la justice administrative pour l'application de ce code de déontologie. En effet, les dispositions pertinentes du projet de loi n° 51, qui visaient notamment à rendre l'administration de la justice plus efficace et les amendes aux mineurs plus dissuasives, adoptées en novembre 2015, ne sont, elles non plus, toujours pas en vigueur.

Étant donné l'importance des enjeux en présence, il faut que les mesures législatives déjà sanctionnées tout comme celles introduites par le projet de loi n° 98 se concrétisent rapidement afin qu'elles puissent produire leur plein effet, et ce, au nom de la protection du public. Je vous remercie.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Saint-Germain. Nous allons débuter la période d'échange et nous allons commencer avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Alors, Mme Saint-Germain, M. Domingue, Me Vallières, merci de votre présence.

J'aimerais aborder, dans un premier temps, votre première recommandation, qui concerne les bureaux de syndics. Alors, quel serait le processus déontologique qui pourrait être mis en place pour encadrer les bureaux de syndics? Je comprends que, pour vous, il est important d'avoir une distinction entre les normes d'éthique et de déontologie auxquelles sont assujettis les membres de l'ordre et celles auxquelles sont assujettis les syndics qui ont à intervenir auprès de leurs collègues, finalement, membres du même ordre. Alors, comment tout ça pourrait prendre place, selon vous?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Dans un premier temps, sur la pertinence, et votre compréhension est la bonne, c'est qu'un syndic n'est pas un praticien de sa profession, il est, d'abord et avant tout, un enquêteur et un poursuivant. Donc, dans un premier temps, la nature... ou l'encadrement au niveau déontologique devrait s'inspirer de ce qui se fait notamment au niveau du code de déontologie, par exemple, des procureurs de la couronne, et il y a aussi les codes de déontologie qu'on rencontre dans d'autres situations, notamment celui qui est attendu au niveau des présidents des conseils de discipline, il y a des enjeux comparables. On a vu aussi... Et personnellement, comme Protectrice du citoyen, j'ai un code de déontologie qui s'applique à la protectrice et au vice-protecteur qui, dans à la fois nos fonctions de commissaires enquêteurs et d'institution de l'Assemblée nationale, présente des caractéristiques qui pourraient... dont certaines pourraient inspirer un éventuel code pour les syndics.

Quant à la procédure, au processus qui pourrait être suivi, d'une part, le projet de loi, dans la mesure où il serait sanctionné tel quel, prévoit déjà le renforcement des pouvoirs de l'office, et je pense qu'un peu comme on le fait au niveau des conseils de discipline l'office pourrait s'associer les ordres professionnels pour consulter et édicter, préparer l'édiction d'un code d'éthique et de déontologie. Alors, le processus m'apparaît assez simple. Évidemment, il passe par la consultation des syndics et l'association avec... la collaboration avec les ordres professionnels. Mais il y a des références qui existent déjà, et je crois qu'il est important, si on veut véritablement renforcer les pouvoirs de l'ordre... de l'office, pardon, s'assurer de son leadership auprès des ordres, que l'office puisse effectivement être... assumer un leadership dans la préparation d'un tel code.

• (15 heures) •

Mme Vallée : Donc, tout ça malgré... Parce qu'il y a actuellement un mécanisme de destitution des syndics qui est prévu à l'article 85. Donc, si je vous comprends bien, en plus du processus qui est actuellement en place ou en parallèle au processus qui est en place, vous suggérez l'instauration d'un code de déontologie, un code d'éthique propre à l'ensemble des syndics, donc peu importe l'ordre professionnel auquel le syndic se rattache, qui serait monitoré par l'office.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, c'est ce que je suggère, parce que ce qui existe n'est pas de nature, d'une part, préventive. On agit de manière corrective. Lorsqu'un syndic est destitué, c'est qu'il a été constaté qu'il y a eu un manquement grave à sa pratique. Et, oui, ce code devrait s'appliquer à l'ensemble des syndics, parce que le syndic n'est pas en pratique professionnelle, régi par le code d'éthique de sa profession. Il est en pratique à titre de syndic, donc d'enquêteur et de poursuivant. Et c'est un peu à l'instar de ce qui est recommandé pour les présidents des conseils de discipline. Je pense qu'il y a une logique qui est comparable.

Mme Vallée : Pour ce qui est de l'élargissement des fonctions ou de l'expertise du champ d'intervention du commissaire à l'admission, on a entendu ce matin le CIQ qui se questionne sur la faisabilité d'élargir le champ d'application, sur la capacité qu'aurait le commissaire de pouvoir intervenir non seulement sur les admissions des nouveaux arrivants, mais aussi sur les admissions des Québécois en général, parce qu'on dit : Bon, c'est trop, ça va prendre une connaissance fine, une connaissance approfondie de chaque ordre professionnel. C'est trop demander à une organisation. On élargit puis on va vraiment trop large.

Puis je pose la question, parce que, comme Protectrice du citoyen, vous avez vraiment un regard aussi très transversal sur l'appareil gouvernemental, vous avez un regard critique, et vous êtes arrivée quand même à intervenir. De par l'expérience que vous avez au sein de votre organisation, qui justement a aussi ce regard transversal sur l'appareil gouvernemental, comment voyez-vous un argument tel que celui qui a été soulevé par le CIQ pour dire : Attendez, ce n'est pas la bonne voie, il y a des problèmes, mais ce n'est pas de cette façon-là qu'on va les régler, les problèmes? Est-ce que vous croyez que c'est vraiment si épouvantable, que d'étendre le regard du commissaire sur l'ensemble du processus d'admission? Parce que, derrière tout ça, nous, notre objectif, c'est que l'admission pour un Québécois ayant un parcours atypique et pour un nouvel arrivant ayant eu une formation à l'extérieur... que la façon dont on aborde et qu'on regarde la mission soit la même, qu'il n'y ait pas de distinction due au fait qu'il s'agisse de nouveaux arrivants ou... Parce que, veux veux pas, la protection du public, c'est ça, l'enjeu premier, c'est ça, la préoccupation première de l'ordre. Ce n'est pas la provenance de celui ou de celle qui souhaite intégrer l'ordre.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je vais répondre oui à titre de Protectrice du citoyen, mais en m'inspirant aussi de l'expérience de cinq ans que j'ai eu comme sous-ministre de l'Immigration. Ce que je trouve épouvantable, c'est qu'il n'y ait personne de responsable de tout ça. Tout ça étant que des immigrants arrivent ici avec des compétences professionnelles qu'ils ont beaucoup de difficultés à faire reconnaître, que tout le monde se renvoie la balle. Selon les ordres professionnels, c'est l'exigence des universités. Selon les universités, c'est la difficulté avec les ordres professionnels, avec les ministères, que ce soit l'Éducation ou la Santé dans le cas des disciplines de santé et de services sociaux. Et je déplore aussi que, quelque part, l'office ait eu peu d'impact ou d'influence. Ce n'est pas une critique. L'office a souvent évoqué son absence de pouvoir et l'office disait aussi : Bon, ça relève des ordres, ça relève des universités, ça relève du ministère. Et tout ça est vrai. Ça relève d'un peu trop de monde sans qu'il n'y ait un leadership. Et mon commentaire ne porte pas... je pense que, quand on modifie un projet de loi et qu'on prévoit une fonction élargie pour un commissaire... ne porte pas sur toute personne qui exerce présentement ou qui exercerait plus tard la fonction. C'est sur la fonction elle-même.

Dans le mémoire, ce qui est exprimé, c'est que le Protecteur du citoyen exprime l'attente que ce soit fait avec rigueur, avec diligence et, j'ai envie de dire, avec leadership. Là, il y aura des pouvoirs. Cette fonction, elle est nécessaire. Si ce n'est pas l'Office des professions qui est chargé de la protection du public, qui est chargée d'une certaine forme de régie du système de justice et des ordres professionnels, qui va s'en occuper? Alors, moi, je pense que l'office est vraiment l'instance qui est, à mon avis, mandatée et habilitée, et le sera de mieux en mieux si le projet de loi... si ces dispositions du projet de loi sont sanctionnées.

Alors, je pense que c'est une bonne idée, mais j'espère que ça va se faire avec beaucoup de rigueur et de diligence, parce que c'est un travail qui est colossal. Ça prend du leadership, ça prend une grande compétence. Et il faut être capable de concilier les impératifs des ordres professionnels, les impératifs des ministères, mais aussi de le faire dans une perspective d'actions concrètes et de corrections rapides. C'est une problématique qui dure depuis trop longtemps. On voit encore des situations et, par certaines de nos plaintes... des étudiants, oui, étrangers, mais qui ont étudié... ils ont fait l'ensemble de leurs parcours professionnels au Québec, ils sont au niveau de la maîtrise et du doctorat, ils ne sont pas nécessairement facilement placés sur le marché de l'emploi. Donc, il y a différents enjeux, qui interpellent aussi le Conseil interprofessionnel.

Alors, moi, je pense que rien n'est gagné. J'avoue espérer mais ne pas être capable d'être si optimiste. Mais, si ce n'est pas là, où ce serait? Et je pense que le rôle de ce commissaire-là, il est important, et il sera difficile, et il faudra qu'il soit appuyé.

Mme Vallée : Vous mettez l'accent sur une attente très claire de rigueur, de digilence. Qu'est-ce que ça signifie concrètement pour vous? Lorsque vous parlez de vos attentes, là, vous dites : Ce pouvoir-là doit être exercé avec rigueur, avec digilence. On a un commissaire qui existe, qui est en place depuis six ans déjà, à qui on donne... on accorderait justement ces pouvoirs élargis. Puis vous avez très bien exprimé l'enjeu aussi pour la formation offerte au Québec et la reconnaissance de la formation offerte au Québec. Oui, dans certains cas, les enjeux, les difficultés sont vécues par des étudiants étrangers ayant eu une formation ici, au Québec, puis il faut savoir le reconnaître pour arriver à apporter des recommandations, des recommandations qui pourront toucher plusieurs intervenants.

Mais cette rigueur et cette diligence, elles s'expriment concrètement, de quelle façon pour vous? Et quelles sont les lumières rouges que vous souhaiteriez porter à notre attention toute particulière?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Rigueur et diligence, ça veut dire d'abord un bon diagnostic sur les causes, et les causes ne sont pas toutes liées à la formation universitaire, à la reconnaissance des diplômes. Plusieurs sont liées à une certaine forme d'inadaptation des formations eu égard à certains besoins du marché du travail. D'autres sont liées, particulièrement dans le cas soit des membres des communautés culturelles, en particulier les membres qui sont dits des minorités visibles, ou des étudiants étrangers, à un phénomène de discrimination, qu'il ne faut pas généraliser mais qu'il faut reconnaître, et, j'ose le dire, à, dans certains cas, une forme de protectionnisme des ordres professionnels. Et je ne suis pas de ceux qui critiquent aveuglément les ordres professionnels. Je pense qu'un travail remarquable s'est fait. Et personnellement j'ai à travailler avec les ordres professionnels, en particulier ceux du domaine de la santé et des services sociaux, et j'ai beaucoup de commentaires positifs à faire sur leur travail.

Mais je pense que ça prend un commissaire qui, une fois qu'il aura ces pouvoirs, travaille de manière très concrète, est rassembleur, a une vision d'ensemble — les pouvoirs, d'ailleurs, additionnels qu'il aurait lui permettent d'avoir cette vision d'ensemble — et sait travailler avec notamment la Commission des droits de la personne, notamment la Commission des partenaires du marché du travail, les universités, ministères de l'Éducation, Santé, les ordres professionnels. Ça prend quelqu'un... Ça prend un leader, là, qui connaît ce qui est à faire et qui agit au-delà de politiques, de grands plans d'action, qui agit de manière concrète et efficace. On le sait, présentement il y a des pénuries dans différents domaines. Elles sont identifiées. Les différents groupes d'associations professionnelles les font connaître. Alors, ça prend quelqu'un qui est capable d'agir de manière convaincante, de manière probante, et d'utiliser aussi les pouvoirs additionnels que la loi va lui conférer, si elle est sanctionnée — que le projet de loi, pardon — de manière à obtenir les résultats qui sont recherchés, et toujours, évidemment, dans la perspective de protéger le public.

• (15 h 10) •

Mme Vallée : Comment voyez-vous, justement, l'institutionnalisation, donc la reconnaissance plus formelle du pôle de coordination?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ça, M. le Président, je dois vous dire que le pôle, il existe déjà, il est déjà, donc, présidé par l'office. Alors, je me suis dit : Dorénavant, la loi étant sanctionnée, il y a des pouvoirs additionnels. Oui, on va pouvoir invoquer la loi, mais encore une fois, au-delà de dire : La loi me permet de, je pense qu'il faudra agir d'une manière très pragmatique, très stratégique avec tous les acteurs. Alors, oui, ce sera un plus. J'ai présumé qu'on opposait à l'office l'absence de pouvoir, l'absence de référence législative, mais l'adoption d'une loi en soi ne suffira pas. C'est bien, c'est ce que notre mémoire fait valoir, mais il faudra être convaincant, assumer le leadership et avoir une valeur ajoutée.

Mme Vallée : Mais, pour nous, une de ces valeurs ajoutées là était d'ajouter autour du pôle des membres qui étaient absents. Parce que l'équation, vous l'avez bien mentionné, ce n'est pas l'affaire que d'un groupe, d'une organisation, mais je pense que les enjeux auxquels on est confrontés sont des enjeux qui interpellent plusieurs joueurs, et, au sein du pôle, on a souhaité ajouter... non seulement l'institutionnaliser, le consacrer à l'intérieur de la loi, mais également ajouter autour de la table des acteurs qui n'y étaient pas et qui, trop souvent, se faisaient lancer la balle à l'externe ou lançaient la balle à l'interne. Parce qu'on lance la balle, et ce n'est pas de mauvaise foi, mais c'est... Parfois, les problématiques sont beaucoup plus complexes et interpellent plusieurs joueurs. Alors, on a souhaité ajouter de cette façon-là justement pour peut-être être un petit peu plus proactifs.

Tout à l'heure, le Pr Nadeau disait : Le commissaire doit pouvoir faire rapport à l'Assemblée nationale. Est-ce que c'est quelque chose qui, pour vous, pourrait être d'intérêt et pourrait ajouter à la protection du public et aux pouvoirs accrus qui sont donnés au commissaire?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, moi, je vois les choses différemment. Il a aussi été suggéré que le commissaire relève directement de la ministre. Je vois vraiment les choses directement... autrement, parce que ce serait une approche extrêmement hiérarchique, alors que le mandat même de l'Office des professions est de s'assurer que les ordres professionnels agissent dans l'intérêt du public. Alors, pourquoi un commissaire à l'intérieur de l'Office des professions aurait-il besoin d'une telle indépendance qu'on doit soit le faire se rapporter à un membre du gouvernement, en l'occurrence la ministre de la Justice, ou directement à l'Assemblée nationale? À mon avis, l'enjeu n'est pas là. L'enjeu est que l'ensemble du mandat et de la mission de l'office soit davantage reconnu, que l'office soit davantage habilité, et le projet de loi y concoure sur le plan législatif, et...

Le Président (M. Villeneuve) : ...madame, en terminant.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pardon?

Le Président (M. Villeneuve) : Je vous laisse quelques secondes pour terminer.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Et donc que ce travail s'effectue, mais non pas qu'on crée des structures et des liens de reddition de comptes parallèles et additionnels.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la ministre. On va se diriger du côté de l'opposition officielle, et je reconnais Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, madame, bonjour à vous tous. Merci d'être ici et merci de répondre aux questions de façon aussi éclairante, et aussi, pour votre mémoire, c'est très intéressant.

Vous parliez du commissaire. Pour vous, avoir un commissaire avec un mandat élargi, c'est quelque... ça pourrait être une solution à la problématique qu'on rencontre actuellement. Ce que je comprends, le commissaire, avec son mandat élargi, son pouvoir élargi à même l'Office des professions et en complémentarité du comité... du pôle interdisciplinaire, ça serait, selon vous, une formule qui permettrait justement d'analyser la situation et de s'assurer d'une meilleure gouvernance des ordres.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Disons que je fais certaines nuances, quand même. Je pense que de donner plus de pouvoirs au commissaire lui permettait d'agir de manière plus efficace, mais ce n'est pas parce qu'il aurait plus de pouvoirs, si d'autres conditions ne sont pas remplies, que ça constituera une solution à un problème qui est quand même vaste et complexe. Mais je pense quand même qu'on a vu, avec le temps, dans différentes situations où l'office n'intervenait pas ou disait ne pas pouvoir intervenir par absence de pouvoir... Je pense que ce projet de loi, une fois sanctionné, donne les pouvoirs à l'office. Maintenant, il faut les exercer. Il y a un pouvoir d'initiative, c'est un pouvoir important, un pouvoir d'initiative, qu'il faut savoir exercer de manière judicieuse et en temps opportun, et je pense que c'est pertinent de donner un tel pouvoir à l'office présentement. Alors, oui, ces pouvoirs sont pertinents. Maintenant, la manière de les exercer sera très importante.

Mme Jean : Je comprends. Et M. Nadeau en a parlé tout à l'heure, du pouvoir et du contre-pouvoir. Donc, en implantant une telle structure, ce que je comprends, c'est qu'on met un contre-pouvoir au pouvoir actuel qu'il y a de façon très forte auprès des ordres professionnels. Maintenant, en mettant un contre-pouvoir comme ça, est-ce qu'on arrive à dire que ça prendrait un contre-pouvoir du contre-pouvoir, lorsqu'on pense, par exemple, à la suggestion d'avoir un dépôt d'un rapport ici, à une commission, ou d'être sous la ministre? Qui est-ce qui pourrait encadrer justement ce grand pouvoir là qu'on donnerait à un groupe, à une personne ou à un groupe?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Encore une fois, M. le Président, moi, je vois les choses très, très différemment. Cette notion de contre-pouvoir, à la limite c'est très théorique, et, si on la pousse jusqu'au bout, un contre-pouvoir annule un pouvoir. Alors, on arrête tout, là, on va...

Je vois le rôle du commissaire comme un rôle d'alerteur, de médiateur, de rassembleur, quelqu'un de très pragmatique qui va assumer un leadership et qui va s'assurer progressivement que les ordres professionnels agissent de manière à faire en sorte que l'admission aux professions soit de plus en plus efficace, en temps opportun, pour répondre à la protection du public, pour répondre aux besoins du marché du travail, et que son leadership, tant auprès du gouvernement, via ses rapports à la ministre, via les rapports que le gouvernement fera à l'Assemblée nationale, puisse permettre de sensibiliser tous les acteurs et de faire avancer les choses.

Parce qu'encore une fois il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs et de dimensions dans cette problématique-là. Je vais vous donner un seul exemple. On parle des pénuries dans certains domaines de la santé. On dit : Les ordres professionnels sont souvent très protectionnistes, ne prennent pas, bon, soit des immigrants, ou ne veulent pas élargir le nombre de personnes qu'ils admettent en leurs rangs pour protéger un certain marché, entre guillemets. Il faut aussi voir que, parallèlement dans certaines situations, les postes dans les universités ont été limités, que ce soit pour des raisons budgétaires ou autres. Alors, ça aussi, c'est un enjeu. Alors, ce commissaire comme l'Office des professions, par des rapports documentés, intelligents et éclairés, pourront sensibiliser le gouvernement et l'Assemblée nationale à ce volet qui est aussi déterminant et qui, là, ne concerne plus les ordres professionnels, ne concerne plus la discrimination. Donc, c'est un ensemble de facteurs, et encore une fois, pour moi, on n'est pas dans un enjeu de pouvoir et de contre-pouvoir.

Mme Jean : Donc, si je comprends bien votre commentaire, pour être sûre que j'ai bien compris, le pouvoir étendu... en tout cas, le pouvoir d'action plus grand du commissaire actuel permettrait d'aller chercher des informations qui actuellement sont difficiles à aller chercher dans cette espèce d'univers complexe du monde de la formation et des professions. En ayant ces accès-là, il pourrait dresser un tableau général, et non pas porter jugement, et ce n'est pas... ne devient pas en façon hiérarchique un dirigeant des ordres. Il devient plutôt, comme vous dites, quelqu'un qui a accès à l'information, qui en dresse un tableau et qui fait des rapports à la société qui est en l'occurrence ici. Est-ce que c'est bien ça que je dois comprendre?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, c'est ça. Quelqu'un qui a tout à fait l'habilitation légale pour mener des enquêtes, y compris de sa propre initiative, bien documenter les dossiers, et faire rapport aux autorités, que ce soit au président de l'office, à la ministre et éventuellement à l'Assemblée nationale.

Une voix : ...

• (15 h 20) •

Mme Lamarre : Oui, en fait, je veux... Bonjour. Bonjour, Mme Saint-Germain. Bonjour à votre équipe également, Mme Vallières et M. Domingue.

Il y a un enjeu dont on ne parle pas par rapport aux difficultés qu'on rencontre, ce sont les coûts. Je prends, exemple — je vois que le recteur de l'Université de Montréal est entré — en pharmacie, à la Faculté de pharmacie, on a développé un programme qui s'appelle Qualification en pharmacie, qui est un programme qui ne donne pas de faux espoirs, c'est-à-dire que les gens qui s'inscrivent à ce programme sont à peu près assurés d'avoir leurs permis d'exercice, parce qu'il n'y a pas de problème de stages en route, on s'engage... l'université s'engage à trouver les stages. Mais, au moment de le mettre en place, il a fallu une coordination de multiples intervenants. Il a fallu les ordres, mais l'université, même entre les deux universités, laquelle, entre l'Université Laval et l'Université de Montréal, offrirait ce programme, qui financerait le programme, qui donnerait les ressources humaines spécialisées. Alors, par exemple, l'Ordre des pharmaciens a fourni une ressource qui était quelqu'un qui s'occupait des équivalences. Du côté du ministère de l'Immigration, il y a eu un financement majeur pour l'élaboration du programme, et puis, ensuite, le programme s'est autofinancé. Mais, cette synergie et cette volonté commune, là, ce qu'on présume, c'est que ça va être le commissaire à l'admission qui va avoir... et moi, je ne suis pas sûre que, dans le projet de loi, on donne ce pouvoir-là.

Et l'autre dimension, ce sont les délais, alors là j'aurais énormément... mais les délais autant pour les syndics quand ils ont à faire des dossiers, autant pour... Si on prend le modèle que vous préconisez, est-ce qu'on ne va pas générer des délais, créer une forme d'entonnoir? Comment gérer, en tout cas, ces délais-là, parce qu'ils sont nombreux? Plus on concentre, plus on augmente ces délais. Alors, peut-être... Est-ce que vous croyez qu'on répond bien, dans la première partie, à créer les... à forcer, jusqu'à un certain point... Il faut la stimuler, cette volonté de mise en commun, pour obtenir des résultats, parce qu'actuellement je pense que les pouvoirs ne donnent pas les résultats attendus.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Les pouvoirs, non, ne donnent pas les résultats attendus. Est-ce qu'avec les pouvoirs actuels tous les résultats attendus auraient pu être obtenus? Je pense que non. Donc, je pense que les pouvoirs additionnels sont vraiment importants.

Sur la question des coûts, deux éléments. Il faut effectivement avoir en tête que les ordres professionnels ont quand même des moyens qui ne sont pas tous égaux. Certains ordres sont quand même très petits, ils ont des financements, de la part des membres, très particuliers, et c'est quand même important de savoir que les membres cotisent pour assurer la protection du public contre certains de leurs pairs qui manqueraient, au fond, à leur code de déontologie. Je ne vois pas, par rapport à ce qui est préconisé et ce qu'on préconise, l'addition de coûts qui soient vraiment importants et majeurs. Plusieurs, par exemple, des formations qui sont liées à l'éthique sont des formations qui ne sont pas si coûteuses que ça. Il y a beaucoup de programmes qui sont établis et qui sont déjà bien adaptés. Le travail... Oui?

Mme Lamarre : Bien, en fait, si on veut que le commissaire joue ce rôle de grand conciliateur et de coordonnateur, ça va lui prendre énormément de ressources, là. On le voit, on a une cinquantaine d'ordres, il va falloir que ces échanges et cette... il va falloir déployer... Ça devient un gros commissariat, là, ça devient vraiment un commissaire avec de nombreuses personnes qui vont devoir y contribuer.

Le Président (M. Villeneuve) : En 20 secondes, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je ne vois pas son rôle comme le coordonnateur des ordres professionnels. Il a un rôle d'enquête et de recommandation. Il existe déjà beaucoup d'instances qui regroupent les ordres, notamment la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, il n'a pas à travailler de manière à être un empereur, il a à travailler de manière à être un accélérateur, à faire de la synergie, à trouver des solutions à des problèmes déjà bien connus et souvent documentés. Et c'est les actions et la volonté de rejoindre tous les participants et les faire travailler ensemble qui ne sont pas là. Alors, je ne vois pas des coûts majeurs additionnels.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup, mesdames de l'opposition officielle. Je passerais la parole maintenant à la personne... M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, Me Vallières, M. Domingue, bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

D'entrée de jeu, je vous réfère à la page 9 de votre mémoire. On élargit un petit peu relativement au projet de loi n° 107, les lanceurs d'alerte, l'immunité, on n'a pas abordé encore ce sujet-là, puis — les précédents intervenants l'ont un peu abordé — sur la question de l'opinion du syndic, est-ce qu'on va prendre en compte son opinion. Et j'aimerais qu'on situe la discussion dans l'optique aussi de protection du public. Parce que supposons que vous avez, je ne sais pas, un avocat véreux qui se met à table avec le DPCP, puis le DPCP dit : Je vais vous donner l'immunité, mais que par ailleurs... et il obtient une immunité également en matière disciplinaire, on se retrouverait dans une situation où des clients iraient voir cet avocat-là ne sachant pas qu'il a commis des fautes déontologiques. Donc, j'aimerais avoir votre opinion, là, par rapport à ça, sur l'application de l'immunité des lanceurs d'alerte et du professionnel fautif.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bon. Dans cette situation-là, je dois dire, M. le Président, que notre opinion se base sur le fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales lui-même, avant d'intenter une poursuite, doit avoir quand même des preuves et agir sur la base de la conviction que les... il y a des motifs raisonnables qui font en sorte qu'il peut croire à une éventuelle condamnation. Ça, c'est premièrement.

Deuxièmement — et je vais souhaiter, M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, que Me Vallières, qui s'occupe particulièrement de ces questions, puisse compléter ma réponse — deuxièmement, je suis d'avis qu'il y a un enjeu là de protection du public, et on parle d'accusations qui sont quand même des accusations graves, en matière criminelle ou pénale, qui mènent éventuellement à des peines d'emprisonnement de cinq ans et plus. Je pense qu'il y a un enjeu de protection du public en temps opportun, un enjeu préventif, et c'est une dimension importante.

Est-ce que je puis donner...

Le Président (M. Villeneuve) : Bien sûr. Me Vallières, à vous la parole.

Mme Vallières (Hélène)  : M. le Président, merci. Si je comprends bien, la question concerne l'interaction entre le projet de loi n° 107 et le pouvoir qui serait accordé dans le cadre du projet de loi n° 107, d'accorder une immunité, là, en matière disciplinaire. Alors, c'est sûr que nous, on a regardé les deux projets de loi en parallèle, les deux projets de loi sont encore au stade de projets de loi. On voit une question de cohérence entre les deux pouvoirs qui sont accordés, et la lecture qu'on fait du projet de loi n° 107 est qu'il y a un genre de prépondérance qui serait accordée au Directeur des poursuites criminelles et pénales de donner une immunité pour une personne, là, qui serait dans une entente de collaboration. Donc, évidemment, on aura des commentaires, j'imagine, à faire, là, plus particulièrement sur le projet de loi n° 107. On voulait soulever ici, là, la nécessité d'avoir un arrimage entre ces deux pouvoirs-là, donc le pouvoir accordé au syndic d'accorder ce genre d'immunité là, avec les critères qui sont prévus au projet de loi n° 98, et les pouvoirs qui seront éventuellement, là, si le projet de loi n° 107 est adopté, accordés au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

M. Jolin-Barrette : Merci. Sur le fait que, dans le projet de loi, on élargit un peu la notion, si je peux dire, de... on lève un peu le secret professionnel pour que les syndics puissent communiquer ensemble, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur quelle est votre perception. Puis est-ce que vous voyez des avancées là-dessus?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, on lève le secret professionnel mais dans un contexte quand même qui est balisé, dans un contexte où on a des raisons très sérieuses de croire que la protection du public ne serait pas assurée, et ça se fait dans des conditions très particulières. Alors, moi, je pense que c'est souhaitable, qu'il faut que ce soit très balisé, que ce soit dans les circonstances qui sont prévues et que ce soit à des fins préventives, encore une fois. Parce qu'on a vu... puis il faut déplorer aussi la lenteur du système de justice disciplinaire, on a vu des situations où l'absence de capacité d'agir pendant ou en attente d'une condamnation au niveau criminel a contribué à léser d'autres citoyens. Alors, je pense que, dans les conditions qui sont prévues, encore une fois dans l'objectif de prévenir et de protéger le public, ça m'apparaît raisonnable.

M. Jolin-Barrette : Et, sur la question de la radiation, supposons, temporaire en prévision de... vous dites, bon : Le président du conseil de discipline est assujetti en code de déontologie maintenant. Par contre, les deux assesseurs ne le sont pas, à l'exception de leur code de déontologie à eux. Ceci étant dit, vous dites, bon : C'est un pouvoir extraordinaire qu'on donne au conseil de discipline puis c'est important que, dans le fond, les garanties procédurales soient accordées. Est-ce qu'il y aurait un moyen de s'assurer que, pour le pouvoir que l'on donne au conseil de discipline, les garanties procédurales soient présentes?

• (15 h 30) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : D'une part, le code auquel vous référez, malheureusement — j'en ai parlé en conclusion — n'est pas encore en vigueur, et je pense que ce sera important qu'il le soit, notamment parce que le Conseil de la justice administrative aura compétence et effectivement il fera... À mon avis, dans un code d'éthique et de déontologie qui s'appliquera au président des comités de discipline, l'enjeu de l'équité procédurale, l'enjeu de la diligence d'agir aussi, compte tenu des conséquences également pour le professionnel, il faut en tenir compte, là. On est dans un équilibre entre — et c'est un enjeu de fond — la protection du public mais aussi le respect des droits d'un professionnel qui n'est pas encore accusé, donc qui doit bénéficier de la présomption d'innocence, et c'est l'équilibre entre les deux. Donc, il y a là des enjeux importants, d'où l'importance de mettre en vigueur les dispositions qui permettront, d'une part, la mise en vigueur du code d'éthique et, deux, le recours au Conseil de la justice administrative.

Le Président (M. Villeneuve) : Il vous reste 20 secondes. Me Vallières, vous vouliez intervenir? Non?

M. Jolin-Barrette : ...de votre deuxième recommandation au niveau de la prescription. On ne l'a pas beaucoup abordée. Vous voulez ce que la commission Charbonneau propose?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui, on est tout à fait d'accord, mais c'est qu'il y a un enjeu présentement, dans certaines situations de justice disciplinaire, la prescription est d'un an après la connaissance des faits. Ce serait mieux que ce soit trois ans, ça donne plus le temps aux ordres professionnels d'enquêter, et après ça que ça puisse être un maximum de sept ans plutôt que cinq ans, ce qui est déjà prévu. Alors, il y a une question à la fois de concordance, mais c'est dans le meilleur intérêt de la pratique pour les ordres et la protection du public.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup, Mme Saint-Germain. Merci, Me Vallières. Merci, M. Domingue. Et j'invite les gens du prochain groupe à bien vouloir se présenter à l'avant, donc le Bureau de coopération interuniversitaire.

Et nous allons suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, comme je le précisais tantôt, nous recevons le Bureau de coopération interuniversitaire. Bonjour, messieurs. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Suivra un échange avec les parlementaires. Alors, je demanderais à la personne qui vous représente de se nommer et de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent.

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

M. Breton (Guy) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, nous souhaitons vous remercier de nous offrir l'occasion de présenter le point de vue des établissements universitaires, de tous les établissements universitaires au sujet de ce projet de loi n° 98.

Je suis Guy Breton. Je suis le président du conseil d'administration du BCI, je suis aussi le recteur de l'Université de Montréal et je suis médecin. Je suis accompagné de Daniel McMahon, qui est recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui est fellow comptable professionnel agréé et qui est l'ex-président de l'Ordre des comptables agréés du Québec; de M. René Côté, président du Comité des affaires académiques du BCI, vice-recteur à la vie académique de l'Université du Québec à Montréal, aussi avocat; et Claude Bédard, directeur général du BCI, qui est ingénieur.

Si d'entrée de jeu j'ai mentionné nos titres professionnels, c'est pour bien montrer que notre connaissance des enjeux soulevés par le projet de loi n° 98 s'appuie non seulement sur notre expérience à titre universitaire, mais également sur nos pratiques du système professionnel québécois. Je souhaite également préciser que notre mémoire, celui que vous avez reçu, a été appuyé par l'ensemble des chefs d'établissement universitaire du Québec.

Notre position se résume ainsi : le législateur va trop loin, et on ne comprend pas pourquoi. Nous estimons essentiel d'exclure les établissements d'enseignement et l'ensemble des activités universitaires du périmètre d'action de l'OPQ et du commissaire. Cette position s'appuie sur les arguments suivants : les modifications proposées pourraient compromettre l'autonomie des universités et restreindre leur droit d'admettre des étudiants et d'évaluer leur capacité à entreprendre et à réussir des études universitaires.

L'admission à l'université, dans un programme, qu'il soit de grade ou non, ou à des activités universitaires, relève de la gestion interne des universités, de chacune des universités, qui en déterminent les conditions et qui possèdent toutes les compétences à cet égard. Si le projet de loi n° 98 était adopté dans son état actuel, il s'agirait d'une situation que l'on considère d'ingérence, inacceptable dans l'élaboration des conditions d'admission à des programmes qui peuvent concerner un public bien plus large que les futurs membres des ordres professionnels.

Les modifications proposées pourraient également altérer l'équilibre entre le système professionnel et le système universitaire en érodant la juridiction des universités au bénéfice d'instances du système professionnel relevant du ministère de la Justice.

Les universités n'évoluent pas sans encadrement juridique, je peux vous le garantir. Il revient au ministère de l'Éducation d'en encadrer les activités, et non au ministère de la Justice par l'intermédiaire de l'OPQ et du commissaire.

Les universités ne sont pas des ordres professionnels, et l'OPQ n'a pas juridiction à l'égard des universités. Les universités et les ordres professionnels, y compris l'OPQ et le CIQ, ont des missions, des juridictions et des champs de compétence qui leur sont propres, et les défis qu'ils doivent relever ne sont pas toujours convergents. Toutefois, ces distinctions doivent être maintenues sous peine de nuire à l'équilibre fragile de la relation entre ces divers partis.

Il faut éviter d'alimenter les conflits de juridiction entre les instances relevant du ministère de la Justice et les universités. Il faut respecter l'autonomie respective et nécessaire des ordres et des universités, que ce soit en matière de protection du public, d'une part, ou d'admission et de contenu de programmes de formation, d'autre part. Le projet de loi n° 98 introduit, selon nous, un déséquilibre dans la relation universités-ordres professionnels en donnant à l'OPQ, en particulier au commissaire et au pôle de coordination des pouvoirs qui viennent compromettre cet équilibre.

Il n'est pas souhaitable, selon nous, que les acteurs du système professionnel dictent aux universités comment elles doivent se comporter en matière d'admission, de développement de programmes ou de leur contenu, contenu des programmes. Si on proposait aux ordres professionnels que les universités disposent des pouvoirs d'enquête sur leurs pratiques et sur leurs manières de protéger le public, que diraient les ordres professionnels? Cette assimilation des universités, au même titre qu'un ordre, dans le cadre d'une démarche d'enquête ou de cueillette de renseignements de la part du commissaire ou de l'office, ainsi que la disparition de la notion de plainte contre l'ordre ouvrent, selon nous, une brèche très inquiétante.

Les responsabilités et les défis que doivent relever les universités et les ordres professionnels au Québec doivent demeurer distincts et complémentaires. Il ne faut pas oublier que les universités ne forment pas exclusivement de futurs membres des ordres professionnels. Comme le soulignait le rapport Bissonnette-Porter, l'université n'est pas une entreprise, elle n'est pas non plus une institution financière, sociale, culturelle, hospitalière, communautaire issue d'une réponse à des besoins ponctuels et changeants. L'université est l'institution fiduciaire des acquis et du développement d'une culture du savoir et des savoirs dont elle assure librement, au premier rang, la création, la transmission, la démocratisation et la critique des usages. C'est ça, une université.

• (15 h 40) •

Avec les dispositions introduites par la loi n° 98, les universités pourraient être soumises aux décisions d'instances qui ne possèdent pas, selon nous, les compétences requises en matière de formation et de réussite étudiante, ne relèvent pas du ministère de la Justice, ne financent pas les formations universitaires, risquent d'introduire un double système d'admission avec double standard dans les formations et activités universitaires, l'un pour les candidats détenteurs d'un diplôme québécois et l'autre pour les détenteurs de diplôme obtenu à l'étranger.

Les mesures proposées nous semblent en contradiction avec l'orientation générale du ministère de l'Éducation qui cherche, avec nous, présentement à revoir les nombreuses exigences réglementaires et de reddition de comptes auxquelles sont soumises les universités afin d'en réduire le nombre et la complexité. Le projet de loi va dans le sens contraire en ajoutant de nouvelles exigences et en introduisant un nouvel acteur auquel seraient assujetties les universités afin de répondre à des contrôles et à des mesures de suivi diverses. Poursuivre dans cette voie ne peut qu'alourdir et complexifier le système et ajouter des coûts supplémentaires pour les universités, qui sont déjà, je vous le garantis, confrontées à des contraintes budgétaires majeures, majeures.

L'OPQ ne peut pas jouer à la fois un rôle de concertation, comme la création du pôle le suggère, et en même temps un rôle de policier, juge et arbitre vis-à-vis les universités, comme certaines dispositions du projet de loi le laissent entendre, selon nous. Pour octroyer à l'OPQ une juridiction aussi large et d'une portée jusqu'à présent inédite pour obtenir des informations qui sont d'ailleurs déjà largement disponibles... À quelles fins et avec quelle autorité l'OPQ, qui relève du ministère de la Justice, demanderait-il aux universités de lui fournir des renseignements à l'égard de toute formation qu'un ordre professionnel exige d'une personne diplômée à l'étranger? Nous jugeons que ces informations pourraient être d'emblée recueillies par l'OPQ auprès des ordres professionnels. À notre avis, l'approche collective est plus indiquée et plus susceptible de produire de meilleurs résultats.

Il faut également souligner que, dans les mesures où les demandes de l'OPQ pourrait... que les demandes que l'OPQ pourrait adresser aux universités, cela risque de concerner des renseignements relatifs à un candidat en particulier. La modification proposée pourrait placer les universités dans une situation intenable eu égard à leurs obligations liées à la loi sur l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels.

Concernant le commissaire, le projet de loi ne vient pas seulement remplacer son nom, il accroît ses compétences et propose un nouveau cadre très élargi d'exercice du pouvoir. Le commissaire disposerait de responsabilités et de pouvoirs similaires à ceux d'un ombudsman, et il pourrait les exercer auprès des universités lorsque cela toucherait la formation universitaire associée aux professions réglementées, incluant les programmes de grade. Considérant que les universités ont déjà des ombudsmans ou des mécanismes administratifs équivalents qui ont une juridiction similaire à celle qui serait attribuée au commissaire, nous nous interrogeons sur la pertinence d'étendre aux universités les fonctions de ce commissaire — ça, ça veut dire une minute?

Le Président (M. Villeneuve) : Une minute. Exact. Vous êtes perspicace.

M. Breton (Guy) : Écoutez, je vais donc essayer de conclure. On va vous donner un exemple. M. le Président, je veux vous rapporter une recommandation formulée par le commissaire dans un rapport publié en juillet dernier. Le commissaire recommande aux universités que, dans la planification...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Breton... M. Breton, prenez votre temps, la ministre vous accorde de son temps. Alors, prenez quelques minutes supplémentaires. Disons, on s'entend pour deux minutes supplémentaires. On y va?

M. Breton (Guy) : Parfait. J'apprécie. Alors, je reviens à l'exemple qu'on veut vous donner. Le commissaire recommande aux universités que, «dans la planification de l'offre de cours pour les programmes d'études réguliers, [elles] tiennent compte du contenu des prescriptions des ordres [...] et évite les conflits d'horaire entre les cours les plus fréquemment prescrits». Les universités, collectivement, accueillent plus de 310 000 étudiants au Québec. Les candidats formés à l'étranger visés ici, devant subir une formation d'appoint, sont environ 2 250 sur 310 000, ce qui fait moins de 1 %, 0,72 %. Leur prescription peut avoir été rédigée par l'un ou l'autre des 34 ordres professionnels. Donc, si vous divisez 2 250 par 34 ordres par 18 établissements, ça fait des nombres tellement petits que c'est de la science-fiction de penser qu'on va être capables de faire que les horaires vont fonctionner, là. C'est impensable.

Nous souhaitons transmettre un message clair : nous voulons vous aider, nous voulons que ça fonctionne bien, mais il ne faut pas remettre en cause la mission et l'autonomie universitaire de quelque façon que ce soit. Celle-ci doit demeurer une prérogative fondamentale et immuable, car elle est garante de notre contribution pleine et entière à la société d'aujourd'hui et celle de demain.

Le projet de loi n° 98 propose également d'enchâsser dans le Code des professions un pôle de coordination pour l'accès à la formation. Cette instance existe depuis 2010 sous le nom de Pôle de coordination pour l'accès à la formation prescrite par les ordres professionnels ainsi qu'aux stages et est présidée par le président de l'OPQ en collaboration avec les sous-ministres adjoints concernés et le ministère de l'Éducation. Son secrétariat est assuré en collaboration par l'OPQ et le ministère de l'Éducation. En regard de la situation actuelle, un changement majeur affecte la gouvernance du pôle, qui serait présidé par le président de l'office, sans collaboration du ministère de l'Éducation. Est-ce bien la meilleure façon d'assurer une bonne collaboration, d'éliminer le ministère de l'Éducation?

Nous croyons qu'une approche de concertation est de beaucoup supérieure et, dans ce sens-là, nous proposons même une composition à ce comité, qui devrait être une composition paritaire. On recommande que le pôle soit composé, à parité, de sept représentants des ordres professionnels, de cinq représentants universitaires désignés par notre bureau et de deux membres désignés par la Fédération des cégeps, de façon paritaire pour que l'on puisse avoir, grâce à cette composition, une capacité de concertation beaucoup plus grande.

Écoutez, le temps passant...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Breton, vous pourrez, je pense, avec les échanges que vous aurez avec les parlementaires, probablement compléter votre exposé. Merci de la partie que vous avez pu nous donner. Je vais maintenant donner la parole à la partie gouvernementale pour le début des échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci, messieurs. M. Breton, merci de votre présentation. Je suis un petit peu perplexe tant à la lecture de votre mémoire qu'au ton de vos propos, vos propos sont très défensifs, vous présentez le projet de loi comme étant très invasif de votre autonomie, et le vocabulaire est fort aussi.

Je regarde le projet de loi puis je me dis : Bien, est-ce qu'on parle du même texte, d'autant... Parce que vous parlez qu'on compromet l'autonomie des universités, on restreint le droit d'admettre, on intervient dans les admissions des étudiants, il y a une tentative d'empiètement, il y a de l'ingérence, des mesures de contrôle et de suivi qui ne sont pas acceptables. On parle de l'office comme un policier, juge et arbitre. Vous laissez sous-entendre que l'objectif est de placer les universités sous la juridiction de la ministre de la Justice. Croyez-moi, ce n'est pas ça, le projet de loi, là. Puis même vous concluez par un message qui est très clair : «Aucun projet de loi ne peut remettre en cause la mission [...] l'autonomie universitaire de quelque façon que ce soit. Celle-ci doit demeurer une prérogative fondamentale [...] immuable...» Ce n'est pas... Moi, je veux vous rassurer... Si j'ai un message à vous passer cet après-midi, c'est bien de vous rassurer. L'objectif, ce n'est pas de...

Les intentions que vous prêtez au projet de loi ne sont pas les intentions du projet de loi. Le projet de loi n'est pas rédigé pour avoir ces effets-là. D'ailleurs, j'en ai parlé avec ma collègue, avec ma collègue Hélène David, qui... Et d'ailleurs Hélène et moi avons eu une rencontre avec vous un peu plus tôt cet été. On a travaillé en collaboration, soyez-en assuré. L'objectif, c'était de travailler en collaboration avec les gens, les gens de l'office, les gens au sein du ministère, pour apporter des précisions au projet de loi, s'assurer que, justement, vous n'auriez pas cette perception d'atteinte à votre autonomie. On a des problématiques, tout le monde en a parlé, puis, croyez-moi, un peu plus tôt la Protectrice du citoyen en faisait état, on a des problèmes d'admission aux professions pour les étudiants étrangers, pour les nouveaux arrivants, on a une problématique au Québec. Tout le monde se lance la balle, puis ça, c'est le message que je vous ai passé lorsque je vous ai rencontré, tout le monde se lance la balle. Et l'objectif, par l'élargissement des pouvoirs accordés au commissaire aux admissions à la profession, pas aux admissions à l'université, c'est un pouvoir de recommandation. Ce n'est pas un pouvoir d'ingérence, et le rôle du commissaire n'est pas de venir jouer, par exemple, dans les platebandes de l'autonomie universitaire, mais d'avoir cette vision plus macro et de venir aussi... de prendre acte des réalités qui sont devant nous en 2016 et du rôle tant du système professionnel que du système d'éducation.

• (15 h 50) •

On a des acteurs qui, à l'intérieur de leurs champs d'action respectifs, contribuent à doter le Québec de professionnels qualifiés, et on ne peut pas vivre en vase clos et prétendre : Bien là, on a l'Office des professions, on a les ordres, on a les universités, et, chacun, on fait notre petite affaire, et nos décisions n'ont pas d'impact les uns sur les autres et n'ont pas d'impact sur l'admission aux professions.

Il y a des problèmes de communication, il y a des problèmes de cohérence, de coordination, en tout et partout, que ce soit au niveau de la formation initiale, de la formation d'appoint. Parce qu'on a des gens qui ont besoin d'aller chercher des formations additionnelles pour se réaliser. On a des gens qui parfois ont besoin de compléter une formation qu'ils ont reçue à l'étranger pour pouvoir faire leur entrée dans un ordre professionnel. On a des gens qui arrivent ici et qui ont besoin... Et, ces besoins-là, bien, on les retrouve dans différents domaines.

Il y a des rapports. La commission des droits de la personne et de la jeunesse a notamment, en 2010, fait un rapport quand même très clair, avec des conclusions qui étaient très conséquentes, et donc... Et le commissaire, aussi, a rendu publiques certaines informations. C'est dans ce contexte-là qu'on tente de voir est-ce qu'on ne peut pas trouver un forum, trouver une façon de partager l'information, tout en respectant l'autonomie de tous et chacun, partager l'information et poser un diagnostic, pas de devenir un juge, de devenir un médiateur et d'imposer, mais plutôt de poser un diagnostic, d'émettre des recommandations, des recommandations qui peuvent aussi toucher l'appareil gouvernemental. Le gouvernement n'est pas exclu de tout ça. Mais on doit faire mieux. On a le devoir de faire mieux, tous et chacun, tout en...

Et je suis bien d'accord que... Et loin de moi la volonté que de venir porter atteinte à l'autonomie des universités. Pour moi, cet après-midi, c'était important de vous transmettre ce message-là encore une fois. Je sais que ma collègue vous l'a transmis. C'est parce que je sais qu'on a eu de nombreux échanges, tout ça s'est fait quand même d'une façon très ouverte, parce que c'est la façon dont on travaille. Et j'essaie de comprendre cette position très ferme qu'est la vôtre, alors qu'il y a des enjeux très importants pour notre société. Je pense que... Vous le reconnaissez également, qu'il y a des enjeux. Puis on ne peut pas constamment se lancer la balle, pointer du doigt les ordres professionnels, pointer du doigt les universités. Il faut le voir de façon macro et aborder l'enjeu de façon macro pour en arriver peut-être à trouver des pistes de solution qui vont changer la donne.

Mais l'objectif n'est pas de venir toucher à l'autonomie, ce n'est qu'un pouvoir... Ce que le commissaire a demeure un pouvoir de recommandation. Et ce n'est pas... Et, en soi, ma question serait ça : Comment pouvez-vous percevoir un pouvoir de recommandation comme étant une ingérence au sein de votre organisation?

M. Breton (Guy) : Oui, il y a des enjeux, on est bien d'accord. Je l'ai dit, nous voulons travailler avec vous, mais, je l'ai évoqué, nous croyons qu'une approche de concertation est mieux qu'une approche de nature prescriptive. D'avoir un commissaire qui prescrit, même si c'est juste de nature de recommandation, telle chose ou telle chose, on ne croit pas que c'est une façon de régler les enjeux. Nous, ce que nous vous offrons, c'est : on vous tend la main pour qu'on trouve, justement par ces tables-là, et il y en a au niveau des différents ordres, des façons d'analyser les enjeux et de voir comment on peut les régler sans créer un mécanisme de double standard. Il y a l'autonomie universitaire qui est en jeu ici, mais il y a aussi cette préoccupation que nous avons d'un double standard où certains, les étudiants avec diplômes québécois, eux, auraient un standard et ceux qui bénéficieraient d'une approche prescriptive du commissaire auraient un autre standard. Nous avons des inquiétudes avec ça.

Donc, la lecture que l'on a, c'est que votre projet de loi a une approche prescriptive, et on croit qu'une approche de concertation, avec les ordres, avec les établissements, à regarder les enjeux est une meilleure approche. Parce que la solution n'est pas juste à un endroit. Elle implique souvent les employeurs, le marché du travail, les universités, la formation antérieure, le législateur. La solution, elle n'est pas qu'à un endroit, de l'importance d'avoir des bons mécanismes de concertation, et non pas une approche juste d'enquête et de prescription.

Mme Vallée : D'où le pôle. Mais là j'ai un de vos collègues qui a aussi des questions, alors je ne veux pas prendre tout le temps.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, Mme la ministre. M. le député d'Orford, vous voudriez prendre la parole?

M. Reid : Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, allez-y.

M. Reid : En fait, c'est dans le même sujet, là. Moi, j'ai déjà été assis à la place de nos invités pour défendre à peu près la même problématique, le même enjeu, qui est une des forces de l'université québécoise. Le Québec a donné à ses universités un pouvoir qui lui permet... qui a permis à ces universités-là de se propulser et puis de le faire encore. Et j'ai vécu aussi, moi, des problèmes avec les ordres professionnels, quand on parle de développement de programmes, de contenu, alors qu'il n'y avait pas vraiment de pouvoir, mais je pense surtout, par exemple, à droit, comptabilité, ça n'a pas toujours été facile à la fois de définir les nouveaux programmes, les faire évoluer sur les contenus.

Mais en même temps je suis resté un peu sur mon appétit dans la présentation que vous avez de la solution que vous proposez. Parce que, généralement dans des problèmes qui touchent à l'autonomie... même, des fois, ce n'est pas que ça rentre dedans, mais ça frotte fort sur l'autonomie puis ça peut causer différents problèmes, disons, de qualité ou autrement. Mais il est clair qu'il y a des difficultés, qu'il y a un problème qui existe, là, au niveau des étrangers. Enfin, il y a un certain nombre de problèmes qui existent. Il est clair aussi qu'on se renvoie la balle de différentes façons, pas méchamment, mais, au total, le résultat n'est pas là.

Et, dans l'histoire des universités au Québec, j'ai déjà été dans certains enjeux comme ceux-là. Les universités, pour ne pas justement devoir être... subir un pouvoir même de prescription, ont proposé des éléments qui étaient vraiment aptes à amener des solutions. Et moi, je suis resté sur mon appétit dans l'explication que vous avez donnée, j'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin pour montrer que ce que vous proposez, là, de forme de concertation, ce n'est pas juste des mots, mais c'est quelque chose qui peut vraiment avoir un résultat. Parce qu'on est très bon comme universitaire, effectivement, pour expliquer des choses, mais j'aimerais ça que vous vous approchiez beaucoup de ce qui est des résultats potentiels qui permettent de dire : Peut-être que ça vaut la peine de regarder d'un peu plus près, on est là pour discuter de ça. Mais moi, je suis resté sur mon appétit dans votre présentation tantôt, vous n'avez eu peut-être pas assez de temps, pourriez-vous nous en dire un peu plus?

M. Breton (Guy) : Je pense que je vais passer la parole, puis je vais compléter après, à mon collègue ici.

Le Président (M. Villeneuve) : Je vous laisse vous présenter, monsieur.

M. McMahon(Daniel) : Oui. Bonjour. Daniel McMahon, je suis recteur à l'Université du Québec à Trois-Rivières et j'ai eu la chance d'oeuvrer dans le système professionnel pendant 12 ans.

La clé, c'est vraiment la concertation. Si on regarde... Vous avez parlé de l'exemple de la comptabilité, ça adonne bien, je vais prendre cet exemple-là parce que je l'ai vécu moi-même par unification de la profession comptable. On n'a eu aucune difficulté avec les universités parce qu'on s'est assis avec les universités en définissant exactement quel était le champ de compétence qu'on croyait qui devrait être dispensé, mais après on a laissé à l'université toute l'autonomie de définir la façon dont ils voulaient livrer le programme. Donc, on a trouvé, en fait, en s'assoyant ensemble et en travaillant beaucoup avec l'Office des professions — également, je veux saluer M. Dutrisac ici aujourd'hui — par la concertation, par la force de la concertation, et non pas par une mesure de prescription, à définir les solutions.

Et, dans la situation qui nous préoccupe ici, lorsqu'on dit qu'on a des problèmes, moi, je pense que les problèmes, ils sont multidimensionnels et multijuridictionnels. Si on veut les adresser... Si on parle de stage, par exemple, accès à des stages, ça peut toucher à la fois le ministère de l'Éducation, à la fois le ministère de la Santé, à la fois l'aspect du ministère de la Justice. Et, cet élément-là, la seule façon d'arriver à un résultat tangible, c'est d'asseoir les véritables intervenants autour de la table, et de dire : Voici le problème que l'on veut résoudre précisément, et d'avoir un objectif de résultat à la table de concertation.

Moi, je crois beaucoup plus au pôle de concertation qu'à la création d'un commissaire enquêteur, parce que les véritables détenteurs de la connaissance, ce sont ceux qui seraient autour de la table du pôle de concertation. C'est beaucoup plus simple, à mon avis, de procéder de cette façon-là.

• (16 heures) •

M. Breton (Guy) : Je vais vous donner un exemple concret : les médecins étrangers, sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, où, avec le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé, les universités dotées de facultés de médecine, nous avons travaillé ensemble et avons fait une proposition pour maximiser la capacité d'accueil, de standardiser les structures d'accueil, mais d'inclure aussi les autres acteurs qui sont, d'une part, le Collège des médecins, les critères d'acceptabilité des formations, de maîtrise du français, le ministère de la Santé, parce que les stages sont beaucoup contrôlés par le ministère de la Santé. Donc, voilà un exemple où je pense que les universités se sont comportées comme des bons partenaires, mais il faut que tous les acteurs acceptent de travailler ensemble, parce qu'on n'en sortira jamais.

Vous avez raison, Mme la ministre, il y a des enjeux, mais il faut les regarder de façon globale. Et de façon globale, ce n'est pas une personne qui peut avoir une vision globale, c'est l'ensemble des acteurs qu'on doit asseoir à la même table en même temps pour chercher des solutions pratiques. Il n'y aura pas de solution magique. Ce sont des enjeux complexes et, ceux qui pensent qu'il y aura zéro problème à maturité, il y aura toujours des difficultés. Mais moi, j'insiste, nous, les universités, on veut travailler avec les autres partenaires, autant le législateur, les employeurs, les ordres professionnels, mais on veut qu'on respecte notre autonomie puis on ne veut pas avoir deux standards.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Je pense que la discussion va assurément se poursuivre en dehors de ces murs ou à l'intérieur même de ces murs, mais je dois arrêter la discussion parce que le temps de la partie gouvernementale est écoulé. Et je passerais donc à l'opposition officielle et je reconnais Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole.

Mme Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Breton, Bédard, Côté et McMahon. Bienvenue ici. Je suis contente de vous rencontrer. On ne se connaît pas. Vous semblez connaître beaucoup de monde, mais moi, je ne vous connais pas. Heureuse de vous connaître.

Je comprends bien, je pense, au niveau de... Votre message est clair que vous préconisez une approche de concertation plutôt qu'une approche de réquisition, prescription ou même des recommandations. Je comprends aussi qu'il existe une plateforme, actuellement, d'un comité de coordination ou de concertation, qui existe déjà et qui semble ne pas donner de résultats très concrets. Les rencontres se font, mais ça ne solutionne pas les problèmes. Donc, on en conclut que d'avoir une plateforme de concertation ne suffirait pas.

Vous parlez aussi qu'il est important de préserver l'autonomie et d'être... et que ça, c'est des chasses gardées qu'on ne doit pas toucher. Donc, on se retrouve un petit peu avec des éléments ou des institutions qui fonctionnent un petit peu en silo.

Pour toute concertation, je comparerais ça, moi, peut-être — vous me direz si je me trompe ou si ça pouvait s'appliquer à cette situation-là — à toute réaction chimique, c'est-à-dire : lorsqu'on veut que quelque chose se passe, qu'on ait un résultat, on met les éléments de la recette ensemble, mais, si on les met ensemble sans catalyseur, ça ne change rien. Si on fait une table de concertation mais qu'il n'y a pas d'élément qui permet justement que cette concertation-là arrive à un résultat, bien, une table de concertation, ça ne sert à rien, et c'est peut-être ça qu'on voit aujourd'hui.

Est-ce qu'à ce moment-là d'avoir une personne qui serait mandatée de prendre des éléments de tout le monde et d'avoir, justement, cette vision-là globale, et non pas de l'intérieur de chacun d'eux, mais serait le catalyseur pour, justement, qu'on en arrive à des solutions aux problématiques... Est-ce que le commissaire qu'on appelle à l'administration, puis je reviendrai à ma deuxième question là-dessus... à l'admission, ou la personne, ou le poste en question pourrait servir de catalyseur pour arriver à une solution lorsque le problème serait arrivé sur une table de concertation?

M. Breton (Guy) : Vous dites que la table de concertation ne fonctionne pas, donc il ne faut pas avoir de table de concertation. Je me permets...

Mme Jean : Ça les prend, les éléments, pour trouver une solution.

M. Breton (Guy) : Je pense qu'il est important d'avoir à la table de concertation les bons acteurs. Je pense qu'on va rapidement se mettre d'accord là-dessus. Nous, on a fait une proposition. Que le commissaire ou que l'office propose... ait des participants, on n'a pas de problème avec ça, ce que l'on dit, c'est que les ordres professionnels et que le monde de l'éducation postsecondaire doivent être présents. Si les bons acteurs sont présents, et ça n'exclut pas l'office là-dedans, c'est l'endroit, j'en suis convaincu, qui va nous permettre de solutionner les enjeux, et pas juste en situation de crise. On a une tendance à ne pas voir les travaux sur une base continue, d'amélioration continue, mais de voir en réaction à telle situation, à telle nouvelle, à telle situation comme ça... Je pense qu'il y a moyen de le faire. De laisser dans les mains d'une seule personne ce que vous dites, le catalyseur de la réaction chimique, je ne crois pas que ce soit la bonne façon d'arriver à la bonne solution.

Écoutez, moi, je suis médecin. J'ai vécu toute ma vie comme médecin dans le milieu académique. La complexité des dossiers fait qu'en toute humilité je n'aurais pas pu régler tout seul le dossier dont je vous ai parlé il y a quelques minutes. Il y a plusieurs acteurs et il faut être capable d'asseoir tous les acteurs concernant un enjeu si on veut avoir la bonne solution, qui va être pérenne et qui va nous permettre d'évoluer et de faire qu'au Québec on solutionne ces enjeux qui existent.

Mme Jean : Si je fais du pouce là-dessus ou du chemin par rapport à ce que vous venez de mentionner, ma compréhension — puis, encore une fois, vous pourrez peut-être m'expliquer d'autre chose là-dessus — ma compréhension de la position du commissaire à l'admission : est un élément complémentaire au pôle de concertation ou de coordination qui est proposé, je ne pense pas que l'un va sans l'autre. Est-ce qu'à ce moment-là votre commentaire qui dit, bon : Ça prend une table, la table de concertation... Est-ce que je comprends que le pôle de coordination serait une forme de table de concertation, à ce moment-là, et que la présence d'un commissaire qui fait le travail de diligence, de recherche et un peu un travail que... la personne tout à l'heure disait «alerteur», ne serait pas intéressant justement dans ce contexte-là, pour pouvoir solutionner, trouver des solutions concrètes à des problématiques soulevées sur ce pôle-là?

M. Breton (Guy) : Je vais demander à mon collègue Côté de répondre à cette question.

M. Côté (René) : C'est parce que je voudrais revenir sur la question du pôle de concertation qui existe présentement. Il n'y a qu'un représentant des universités qui siège à ce pôle de concertation, les autres, c'est des représentants des ordres professionnels. Donc, sur les neuf membres, il y a un représentant des... Alors, ce qu'on dit, c'est que, présentement, peut-être que ça ne fonctionne pas très bien, mais c'est parce que les acteurs autour de la table, ils auront beau parler à la représentante des universités, ça n'amènera pas beaucoup de changements.

Il y a un autre forum qui est un forum adéquat pour ce genre de discussion là, c'est les comités de formation qui existent en fonction de la loi, et qui permet des représentants de l'ordre, des représentants des universités, un représentant du ministère de l'Enseignement supérieur qui est également... qui fait partie de ces lieux de concertation, et c'est par là que se fait normalement la concertation, et qui pourrait, nous semble-t-il, faire des avancées lorsqu'il y a des problèmes.

Mais, des problèmes, vous avez... j'ai l'impression, en vous entendant, qu'il y en a beaucoup. Or, ce qu'on parle dans le mémoire de nos amis du CIQ, on parle de 45 plaintes depuis 2010. Alors, on n'est pas devant des hordes de cas problématiques qui sont déposés devant le commissaire. Et il nous semble que les pouvoirs qui seraient donnés au commissaire vont au-delà de ce qui est nécessaire pour régler les problèmes, qui sont, à notre point de vue, pas si nombreux que cela.

Une voix : ...une question.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Simplement pour souligner à la ministre peut-être et voir... Il y a quand même des mots qui sont très forts dans le changement législatif du projet de loi n° 98, en termes de pouvoir donné à ce commissaire à la pratique... à l'admission, c'est-à-dire. Alors, je regarde, là, à la page 9 : «Le commissaire peut désigner toute personne pour effectuer l'enquête», donc on parle vraiment d'un processus d'enquête, on ne parle pas seulement de quelqu'un qui vient favoriser les échanges, les relations. Il y a vraiment un esprit d'enquête qui est confié à ce moment-là, une volonté, un rôle d'enquêteur qui est prévu par le commissaire. C'est un peu à la lumière de cette lecture-là que vous arrivez à la conclusion de dire que le commissaire deviendrait un peu un enquêteur, c'est bien ça?

M. Breton (Guy) : Absolument.

Mme Lamarre : Et donc est-ce que le problème, il n'est pas plus dans l'équilibre entre les pouvoirs de la table du conseil intersectoriel et les pouvoirs du commissaire, un commissaire à l'admission qui... Vraiment, ça, c'est très large, moi, je pense qu'on a vraiment un problème avec le terme «commissaire à l'admission», parce que ça concerne tout le monde, ça concerne tous les diplômés du cégep et des... de tous les cégeps et de toute l'Université du Québec. Alors, il y a un problème certainement dans le choix du terme.

Est-ce que vous avez pensé à une autre option qui décrirait mieux le rôle que vous attendez de ce commissaire? Entre le «commissaire aux plaintes» et le «commissaire à l'admission», est-ce qu'il n'y aurait pas un terme intermédiaire qui définirait mieux le rôle que vous voyez au niveau de ce commissaire?

• (16 h 10) •

M. Breton (Guy) : Bien, écoutez, je l'ai dit, je me répète, on ne pense pas qu'une approche prescriptive est bonne, c'est une approche de concertation. Madame a utilisé un vocable chimique, de dire «le catalyseur», peut-être que M. le commissaire devrait être le catalyseur, donc le commissaire à la concertation, celui qui a le mandat de s'assurer que la table fonctionne bien, qu'elle est bien représentative et qu'elle répond aux enjeux, comme Mme la ministre a mentionné.

Il y a des enjeux, on est d'accord. On a quelques dizaines de dossiers. Ce n'est pas parce qu'il y en a peu qu'il ne faut pas les régler. Et je pense que le mandat serait beaucoup plus utile, beaucoup plus structurant si le commissaire n'était pas un inquisiteur mais plutôt quelqu'un qui s'assure que cette table va bien fonctionner, avec un équilibre et un respect des prérogatives des différentes composantes, et en s'assurant que tous les acteurs sont présents. Parce que, parfois, ce n'est pas juste les ordres professionnels et les universités, parfois ça inclut le marché du travail et d'autres organismes.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci.

M. Breton (Guy) : Donc, je pense que le commissaire pourrait avoir ce beau devoir, et ce serait plus structurant et beaucoup mieux reçu de nous. Parce que, nous, un commissaire à l'admission, là, ça ne nous plaît pas du tout, du tout.

Le Président (M. Villeneuve) : Nous allons passer au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Borduas, à vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre contribution. Donc, j'ai bien saisi votre message, que vous souhaitez une approche de collaboration plutôt qu'une approche où vous allez vous faire imposer quelqu'un qui va venir jouer dans vos platebandes universitaires, si je puis dire. Et vous, vous chérissez l'autonomie. C'est un peu le même argument qui est présenté par les ordres professionnels, par le Conseil interprofessionnel, une approche de collaboration.

Au niveau du pôle ou le comité qui est actuellement en place, qui n'est pas encore dans la loi, le comité que l'on souhaite formaliser, est-ce que vous trouvez que le fait de le formaliser dans la loi, ça va amener davantage de résultats?

M. Breton (Guy) : Bien, qu'on officialise qu'il y ait un lieu commun où, de façon bien représentée, les différents acteurs auront à se concerter, je pense que ça, c'est quelque chose qui est intéressant.

M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que vous pensez qu'on va réussir par ce comité-là a vraiment faire déboucher les dossiers? Je comprends qu'on va travailler ensemble, mais, l'objectif de l'atteinte du résultat, comment on va y arriver? Parce qu'on vient se doter d'une structure. Là, vous nous dites : C'est une approche de collaboration. Mais c'est quoi, la garantie d'arriver à un résultat, de faire avancer les choses?

M. Breton (Guy) : Bien, mon collègue a évoqué aussi les comités dans les ordres professionnels, les comités de formation. Donc, je pense que c'est la combinaison de ces différents groupes là qui vont... moi, je n'aime pas ça, rien garantir dans la vie, hein, je veux dire, mais qui sont les plus susceptibles de faire que les choses vont fonctionner, là, au niveau du comité central, mais aussi dans les comités de formation dans les divers ordres.

M. Jolin-Barrette : À la page 8 de votre mémoire, vous dites : Si l'Office des professions du Québec obtient davantage de pouvoirs, comme ce qui est proposé dans le mémoire, vous souhaitez obtenir des sièges au niveau du conseil d'administration. Pouvez-vous nous expliquer cette proposition de passer de sept à 10? C'est pour vous assurer, dans le fond, que votre point de vue va être entendu?

M. McMahon (Daniel) : Oui. Bien, en fait, c'est que si... Dans le projet de loi, vous remarquerez qu'à de nombreux paragraphes on inclut l'expression «maison d'enseignement», même si on nous dit que ce n'est pas ce qui est visé, on retrouve dans de très nombreux paragraphes l'expression «maison d'enseignement». À partir du moment où on voudrait maintenir cette orientation-là, bien, à ce moment-là, il serait logique qu'au sein du conseil d'administration de l'Office des professions, qui aura dorénavant matière en la matière, si vous me permettez l'expression... il serait logique qu'il y ait des représentants, à ce moment-là, des maisons d'enseignement qui siègent également au sein du conseil d'administration de l'office.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est un peu un moindre mal pour vous, première option. Dans le fond, on n'élargit pas les pouvoirs au niveau du commissaire, ou, si jamais on les élargit, bien, on souhaite avoir des représentants, on souhaite avoir... au niveau du conseil d'administration.

M. Breton (Guy) : Bien, je pense que c'est deux choses distinctes, là. Je veux dire, le commissaire, c'est une chose. Nous, on vous a dit que la façon dont c'est défini, on ne pense pas que ça va solutionner les problèmes. On vous a proposé quelque chose d'autre. Puis, qu'il y ait des représentants des maisons d'enseignement, on pense que c'est une valeur ajoutée qui est intéressante dans le contexte, dans l'esprit de la loi.

M. Jolin-Barrette : À la page 16 du mémoire, vous abordez deux sujets. Donc, vous indiquez que le Code des professions ne devrait pas contenir de dispositions relativement à l'éthique et à la déontologie et qu'on devrait plutôt laisser une place à la discussion entre les ordres professionnels et entre les universités. Considérant le rapport de la commission Charbonneau puis les lacunes qu'on a constatées de certains membres d'ordres professionnels au niveau de l'éthique et de la déontologie, j'aimerais ça que vous nous expliquiez votre point de vue sur ce point-là.

M. McMahon (Daniel) : Si vous me permettez, je vais répondre à cette question-là. Je pense que ce qui est bien important, c'est de faire la distinction entre la formation initiale et la formation continue. En fait, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que, lorsqu'on forme un futur professionnel, il y a, dans le cursus, de la formation en éthique et en déontologie. Donc, on n'a pas besoin de se faire dicter d'inclure ces éléments-là, c'est la base même maintenant de la pratique. Ce qui est par contre fondamental, à notre avis, c'est que, lorsqu'on parle de formation continue, il devrait y avoir des mesures prises qui forcent les professionnels en exercice à minimalement avoir un rafraîchissement en matière d'éthique et de déontologie à une certaine fréquence dans le temps.

M. Jolin-Barrette : Puis, sur les conditions supplémentaires déterminées par règlement, un peu plus bas, là, donc, lorsque les ordres professionnels modifient les conditions d'admission, vous souhaiteriez qu'il y ait un processus formel de consultation avec les universités, dans le fond, que ça soit ensemble que les conditions soient établies.

M. Breton (Guy) : Bien, ça a un impact sur nous, hein? Si on veut bien répondre à l'ajustement, il faut être partie prenante à ce qui est décidé, là. Je pense que ça tombe sous le sens.

M. Jolin-Barrette : Même si, supposons, les ordres professionnels prennent sur eux de donner la formation complémentaire?

M. Côté (René) : Ce n'est pas de la formation complémentaire dont il est question normalement, c'est soit la passation d'examen ou encore des stages. On souhaiterait que, dans une situation comme celle-là, il y ait une concertation. Un ordre professionnel, il y en a un, récemment encore, qui a évoqué la possibilité de mettre des conditions supplémentaires de passation d'examen. Et le processus actuel n'oblige personne à consulter les universités à ce niveau-là. On pense qu'on devrait être consultés en cette matière.

M. Jolin-Barrette : Pour le Collège des médecins, dans le projet de loi, on prévoit, dans le fond, la suppression de certains sièges qui étaient réservés aux universités. C'est quoi, l'impact, si jamais on supprime ces sièges-là au niveau du Collège des médecins, au niveau des sièges des quatre facultés de médecine?

M. Breton (Guy) : Bien, je pense que vous avez vu la proposition, dans notre mémoire, que nous faisons. Ça fait 170 ans que ça existe, que les universités qui ont des facultés de médecine sont, sur une base régulière, participantes à la gestion du Collège des médecins, tenant compte de la complexité des formations prémédicales, résidences, fellowships, et, à ce que je sache, cela a bien fonctionné. Nous proposons une position de compromis où on dit : On passe de quatre à deux, qui sont désignés par les universités pour s'assurer de cet arrimage.

Et je pense qu'un mot que vous devriez... que vous pourriez retenir de notre présentation, c'est «concertation», qu'on travaille ensemble. Puis ce n'est pas d'opposer les gens les uns avec les autres, mais de les faire travailler ensemble. Donc, dans ce sens-là, notre proposition, c'est de passer de quatre à deux, mais de s'assurer que les facultés de médecine et les universités dotées de facultés de médecine sont encore très près de ce qui se passe au niveau du Collège des médecins.

Le Président (M. Villeneuve) : M. Breton, M. McMahon, M. Côté, M. Bédard, représentants, donc, du Bureau de coopération interuniversitaire, merci de votre participation aux travaux de la commission.

Et, à ce moment-ci, j'inviterais les représentants de l'Ordre des chimistes du Québec à bien vouloir prendre place, et on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 19)

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, s'il vous plaît, si vous voulez bien prendre place, les gens dans la salle. Mmes, MM. les parlementaires, nous avons pris quelques minutes de retard. Je vous propose la même solution que nous avons appliquée cet avant-midi. Est-ce que ça vous convient? Ça va? Mme la députée de Chicoutimi, ça va? On a pris quelques minutes de retard et on prendrait la même solution que ce matin, retrancher trois minutes pour vos échanges, et pour le prochain groupe aussi.

Alors, je veux saluer, donc, l'Ordre des chimistes du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire, et je vous demanderais de vous présenter et de présenter vos collègues, s'il vous plaît.

Ordre des chimistes du Québec

M. Collin (Guy) : Bonjour à tous. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle Guy Collin et je suis président de l'Ordre des chimistes du Québec. Je suis accompagné de M. Martial Boivin, qui est le président-directeur général, à ma droite, ainsi que de Me Alexandre Racine, qui est avocat et qui nous conseille, bien sûr, dans les affaires juridiques.

Merci de nous accueillir ici, au parlement du Québec. C'est un honneur pour nous d'être assis à cette table, dans un milieu hautement symbolique.

L'Ordre des chimistes du Québec fait partie des corporations professionnelles encadrées par la loi. Nous regroupons plus de 3 000 chimistes répartis dans toutes les régions du Québec. La majorité oeuvrent dans les domaines de la santé, de l'environnement, dans le monde judiciaire, alimentaire ou en recherche fondamentale et appliquée.

Notre fonction, évidemment, est d'assurer la protection du public québécois en matière d'exercice de la chimie. La pertinence de l'encadrement rigoureux de la profession de chimiste est évidente dès qu'on prend conscience de son existence. Quels que soient les matériaux, les médicaments ou les aliments, il est essentiel de pouvoir identifier avec exactitude la nature des molécules que l'on manipule, leur dosage ou leurs réactions prévisibles. La protection du public en matière de chimie est donc une tâche d'envergure, considérant l'omniprésence de cette science dans nos vies. Dans ce sens, la présence d'un ordre professionnel pour encadrer notre travail est tout à fait justifiée.

La présente commission parlementaire se déroule sur un fond de crise de l'image du système professionnel. L'objectif du projet de loi n° 98 est de renouveler l'encadrement du système par rapport à la gouvernance, à la formation et à l'admission aux ordres professionnels. D'emblée, l'Ordre des chimistes croit que les modifications législatives proposées par le projet de loi sont pertinentes dans le contexte actuel des choses. Nous nous plaçons donc en appui à la majorité des dispositions du projet de loi.

À propos des éléments du projet de loi qui concernent la gouvernance, vous pouvez constater que nous sommes tous les deux à cette table, le président-directeur général et le président du conseil. L'Ordre des chimistes a déjà adopté un fonctionnement dans lequel le directeur général occupe un rôle clé complémentaire à celui du président. Nous fonctionnons ainsi depuis l'an 2000 et nous considérons cela comme étant une bonne pratique de gouvernance. À nos yeux, notre ordre est une démonstration concrète de la pertinence des modifications inscrites dans le projet de loi n° 98. Inscrire cela dans le Code des professions est, à notre avis, un pas dans la bonne direction.

Au même titre, nous considérons que les formations obligatoires en éthique, en déontologie et en gouvernance, telles qu'elles sont prévues par le projet de loi, sont pertinentes. La formation en éthique existe déjà dans la majorité des programmes de formation universitaire du Québec en chimie. Quant à l'idée de renforcer les pouvoirs de l'office et des syndics en matière d'éthique et de déontologie, nous n'avons aucune objection non plus.

De la même manière, les éléments en lien avec la reconnaissance des compétences professionnelles des nouveaux arrivants ne posent pas de difficultés particulières pour notre ordre. Disons simplement que la chimie des éléments est la même peu importe qu'elle soit en Asie, en Amérique latine ou en Amérique du Nord. L'Ordre des chimistes souhaite donc exprimer son accord avec les dispositions du projet de loi instituant le commissaire à l'admission et aux professions. Selon nous, cela pourra favoriser une meilleure pratique professionnelle, au bénéfice du public.

Le seul bémol que nous avons à apporter au projet de loi concerne la pertinence d'inclure le Pôle de coordination pour l'accès à la formation dans le Code des professions. Là-dessus, sans y être formellement opposés, nous demandons simplement à être convaincus de sa nécessité. Cela résume bien, je crois, les positions de l'ordre par rapport aux éléments du projet de loi n° 98.

Je souhaite maintenant, à titre de président de l'Ordre des chimistes du Québec, vous parler de l'enjeu qui nous concerne de façon plus immédiate, et, si vous me permettez, je vais vous parler des vraies affaires. Le rôle d'un ordre professionnel est d'assurer la protection du public. Vous allez l'entendre très souvent au cours des prochaines semaines, cela ne fait aucun doute. S'il est vrai que, pour bien des ordres professionnels, la réforme en matière d'éthique et de gouvernance aidera à protéger contre des abus potentiels, dans le cas de la chimie, c'est la précision du champ de pratique qui pourra augmenter la protection du public.

Dans les dernières années, nous avons eu quelques exemples majeurs de l'importance de la protection du public dans notre domaine. Je parle ici de la crise de la légionellose, à Québec, qui a causé 13 morts et près de 200 cas de contamination en 2012. Cette crise a mené à l'adoption de nouvelles normes en matière de bâtiments. Je parle de l'explosion de l'usine Neptune Technologies, à Sherbrooke, qui a fait trois morts et 19 blessés en 2013. Dans ces deux cas particuliers, les processus chimiques étaient en cause.

La pertinence du chimiste professionnel ne s'arrête pas à des manipulations complexes ou aux applications industrielles. La chimie est partout. Pensez à la qualité de l'air, celle que l'on respire ici même, par exemple, à la qualité de l'eau que vous avez dans votre verre devant vous. Savez-vous si un chimiste a collaboré aux vérifications diligentes et nécessaires? L'apport d'un chimiste pour la sécurité et la santé du public est tout simplement inestimable.

Imaginez maintenant l'impact de la chimie dans le milieu agroalimentaire. Il est inconcevable de penser qu'on puisse mettre des produits qui n'ont pas été contrôlés comme il se doit sur les étagères des épiceries et dans le garde-manger des citoyens. Pourtant, dans ce cas spécifique, l'application de la Loi sur les chimistes professionnels est remise en cause... est remise en question. Nous y voyons là la démonstration que l'encadrement de notre expertise est actuellement incomplet.

Présentement, l'Ordre des chimistes du Québec regroupe 3 000 membres, mais, selon les données de Statistique Canada, c'est près de 5 000 personnes qui affirment travailler en tant que chimistes au Québec. C'est donc dire qu'une personne sur trois pratique la chimie professionnelle dans la province, elle le fait illégalement ou sans contrôle adéquat. Objectivement, c'est une situation inadmissible pour notre ordre professionnel. L'objectif de protection du public devient ingérable, puisque l'ordre n'a pas les capacités légales d'englober l'ensemble des activités chimiques. Le gouvernement doit agir avant que d'autres situations... ou le mauvais contrôle d'opérations chimiques mène à des drames.

Nous vous appelons donc, M. le Président, Mme la ministre, et Mmes et MM. les députés, à amorcer dès maintenant la réflexion sur la modernisation de notre champ de pratique. Cela dit, deux gouvernements précédents ont proposé la révision de l'encadrement de notre profession sans adoption de projet de loi. Comme le projet de loi n° 98 le fait avec l'encadrement des ordres des notaires, nous proposons que des améliorations de la Loi sur les chimistes professionnels soient directement incluses dans le présent projet de loi. La science et la pratique de la chimie avancent à pas de géant chaque année. Pourtant, notre loi constitutive, elle, elle date de 1964. Nous croyons donc que la mise à jour de notre loi constitutive serait hautement souhaitable, dans l'intérêt du public. Nous vous offrons toute notre collaboration pour y arriver dans le cadre de ce projet de loi.

• (16 h 30) •

Pour terminer, je souhaite porter à votre attention les recommandations qui sont inscrites dans notre mémoire : adopter les dispositions du projet de loi n° 98 portant sur la composition et la désignation des membres du conseil d'administration de l'Office des professions et des ordres professionnels; adopter les dispositions portant sur la définition des rôles du conseil d'administration, du président, du secrétaire et du directeur général d'un ordre professionnel selon les principes reconnus d'une saine gouvernance d'organisation; adopter les dispositions prévoyant la création d'un commissaire à l'admission aux professions afin de faciliter la reconnaissance des compétences des professionnels étrangers; rendre obligatoire pour tous les professionnels de suivre une formation générale en éthique et en déontologie offerte par leur ordre; rendre obligatoire pour tous les administrateurs d'un ordre professionnel de suivre une formation en gouvernance et éthique dans le contexte d'un conseil d'administration; renforcer les pouvoirs de l'Office des professions du Québec, notamment en lui accordant des pouvoirs accrus en matière d'enquête et de vérification indépendantes et en lui permettant de déterminer les normes minimales d'éthique et de déontologie que devront respecter les administrateurs d'un ordre professionnel; renforcer les pouvoirs du syndic de requérir une limitation ou une suspension de droit de pratique; moderniser la définition du champ de pratique réservée des chimistes professionnels par l'adoption immédiate de dispositions inspirées du défunt projet de loi n° 49 de 2013; permettre la réalisation de tests chimiques restreints par des non-professionnels, à la condition stricte que seul un chimiste ou un autre professionnel qualifié réalise l'analyse des résultats et leur interprétation; maintenir dans le secteur agroalimentaire toutes les activités actuellement réservées aux chimistes professionnels, afin de protéger la santé publique.

Enfin, comme l'a dit ce matin Mme la ministre, si je me souviens bien, à propos de l'objectif ultime de ce projet de loi, qui est la protection du public, nos recommandations vont dans ce sens, et nous collaborerons très volontiers aux travaux qui vont se poursuivre dans le cadre de ce projet. Je vous remercie de votre attention. Et nous sommes prêts, bien sûr, à répondre à vos questions.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, M. Boivin, pour votre présentation. Et, oui, nous allons débuter la période d'échange et nous commençons avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Collin, M. Boivin, M. Racine, merci. Merci de votre présence en commission parlementaire.

Avant d'aborder le projet de loi comme tel, je pense qu'il me revient de prendre le taureau par les cornes quant à la proposition d'amendement que vous nous présentez. Je suis très consciente de vos attentes quant à la modernisation du champ de pratique. C'est un chantier qui avance, parce que vous n'êtes pas sans savoir que l'office, suite au dépôt du projet de loi n° 49, qui avait suscité quand même plusieurs réactions, a amorcé un chantier pour assurer qu'on puisse quand même aller de l'avant, et ça sera abordé de façon distincte.

Il y a plusieurs modifications dans certains ordres professionnels qui sont attendues. J'aimerais bien pouvoir tout faire en même temps. Mais, à un certain moment donné, on ne peut pas avoir des projets de loi qui ont 4 000, 5 000, 6 000 articles et tout mélanger, on va y aller... on va aborder les dossiers par thèmes, puis on va continuer d'avancer de cette façon-là. Mais sachez que... puis, en fait, vous le savez, mais je pense qu'il est important de mentionner aux membres de la commission et aux gens qui nous écoutent aujourd'hui que le travail est en marche et que nous avons l'intention d'aller de l'avant.

Maintenant, je comprends que vous saisissez la balle au bond en faisant le parallèle et en saisissant la modification qui est apportée au projet de loi... qui est présentée au projet de loi, de permettre de reconnaître la signature électronique pour les notaires. Mais, on s'entend, on ne vient pas ici modifier un champ de pratique, on ne vient pas toucher à des compétences exclusives, on vient tout simplement apporter une petite modification qui est très ponctuelle. Alors, il n'est pas question, à travers le projet de loi n° 98, là, de venir jouer sur-le-champ de pratique, par exemple, ou des compétences exclusives des notaires.

Alors, il faut quand même faire attention, parce que les demandes qui sont formulées par votre ordre sont quand même des demandes qui vont susciter probablement des réactions, et, dans ce contexte-là, ça prendra des consultations mais particulières. Mais soyez assurés qu'il s'agit de l'un des nombreux chantiers qui nous animent et pour lesquels nous entendons progresser et aller de l'avant. Puis on a eu la chance de se croiser et d'en discuter lors d'événements, alors je tenais à vous le réitérer publiquement.

Maintenant, pour ce qui est du projet de loi, je suis curieuse de vous entendre, parce que certains groupes qui se sont présentés devant nous aujourd'hui nous ont dit : Attention, il est important, au niveau de la gouvernance des ordres, de la composition du conseil d'administration, de la scission entre le rôle de la présidence et de la direction générale, de faire une distinction entre les gros ordres et les ordres de plus petite taille. Vous ne pouvez pas faire du sur-mesure, vous ne pouvez pas appliquer... et vous devez avoir une approche distincte.

Je constate que vous avez quand même un ordre qui est composé de quelque 3 000 membres, vous avez neuf administrateurs, sept élus, deux nommés. Le projet de loi viendra changer un petit peu la donne. Qu'est-ce que ça apporterait chez vous? Est-ce que ça pose une problématique quelconque ou, pour vous, tout est quand même... pourra se faire de façon correcte, sans poser de problématique particulière?

M. Collin (Guy) : Comme je l'ai dit dans mon allocution, si vous me le permettez, nous avons institué un système de gestion qui suit, disons, les règles de bonne gouvernance depuis l'an 2000. Donc, nous sommes habitués à fonctionner dans ce système-là. Le rôle du président-directeur général est bien défini. Nous avons les politiques de gouvernance à cet effet. Le rôle du conseil d'administration également est bien défini, c'est lui qui s'occupe des enjeux. La direction générale s'occupe de l'opérationnalisation des commandes, je dirais, du conseil d'administration. Donc, le fait d'ajouter, d'enrichir le conseil d'administration de deux ou trois personnes, a priori, cela ne pose pas de problème. Je rappelle qu'il y a déjà quelques années nous étions 15 ou 16 autour de la table du conseil d'administration et que le fait de réduire nous a permis effectivement d'être beaucoup plus efficaces. Mais le fait de passer de neuf à 12, je ne pense pas que ça pose là de problème majeur, en tout cas on n'anticipe pas de tels problèmes.

Mme Vallée : Lorsque vous avez fait vos modifications dans votre propre gouvernance, qu'est-ce que ça a apporté comme changements? Quels ont été les défis auxquels vous avez été confronté? J'aimerais vous entendre sur votre expérience, parce que vous avez quand même été, justement, très proactifs dans cette voie-là.

M. Collin (Guy) : Si vous permettez, je vais demander à mon directeur général de répondre, parce que je n'étais pas là à ce moment-là. Ce que je peux vous dire, moi, c'est : Depuis que je suis au conseil d'administration de l'ordre, tout... j'allais dire «tout baigne dans l'huile», peut-être pas, là, mais quand même ça fonctionne bien. Voulez-vous ajouter quelques éléments?

M. Boivin(Martial) : Tout simplement pour mentionner qu'on est passés d'un mode traditionnel, appelons-le ainsi, à un modèle de gouvernance. Donc, c'est un système de gouvernance, donc c'est un ensemble d'éléments. Il y a des principes, il y a des prémisses, il y a un système à mettre en place, dont l'une qui est...

Bien sûr, il y avait des incertitudes, parce qu'on ne peut pas tout inscrire. Par exemple, dans le Code des professions, on mentionne des changements, mais on ne peut pas aller dans le détail. Par contre, la manière de l'adresser, c'est en vertu de la politique dans laquelle l'administrateur fait part de ses préoccupations, et la politique est écrite en conséquence de cela. Donc, ce serait pour encadrer son propre fonctionnement de conseil, ou encadrer le fonctionnement du P.D.G., ou encadrer le fonctionnement des comités. Là-dedans, c'est l'unique façon d'assumer ou d'assurer, si on veut, une cohérence dans le temps, c'est le développement de politiques qui nous permet de statuer sur qui fait quoi, quand et comment.

Et bien sûr, rattaché à ça, c'est de la formation continue. Je veux dire, on ne peut pas faire ça... Exemple, on l'a fait en 2000, mais, à chaque année, on répète la formation auprès des administrateurs, ne serait-ce que ceux qui sont présents pour réitérer les principes ou les nouveaux qui s'adjoignent à l'ordre au fil du temps, et c'est notre façon de maintenir la pérennité et la cohérence par rapport aux fonctions du conseil et aux fonctions de la direction.

Mme Vallée : Le CIQ nous a proposé ce matin que les ministres porteurs de dossiers sectoriels qui sont liés aux champs de pratique des professions réglementées s'impliquent davantage dans l'amélioration de l'intégration professionnelle des personnes immigrantes. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation et qui serait, par exemple, pour les chimistes, les ministres porteurs?

• (16 h 40) •

M. Collin (Guy) : J'avoue que notre expérience nous conduit à l'observation suivante. Comme je vous ai dit dans mon allocution, dans la chimie, qu'elle soit enseignée en Chine, en Amérique latine ou ici, c'est la même. Par conséquent, en termes de problématique d'acceptation de nouveaux arrivants, qu'ils viennent du Québec dans des programmes non présents sur la liste ministérielle ou qu'ils proviennent de l'extérieur du Québec, en règle générale, on n'éprouve aucune difficulté à trouver les moyens... à trouver les correspondances qui permettent effectivement de reconnaître les formations préalables ou encore la formation expérientielle pour pouvoir admettre ces gens à l'intérieur de l'ordre. En conséquence, on a très peu de refus.

Je dois préciser que, même si nous sommes un petit ordre, là, il y a certaines années où nous avions 30 %, 50 % de nouveaux membres qui provenaient de l'immigration. Ce n'est quand même pas négligeable. Et, en règle générale, on a eu très peu, très peu de plaintes. Quelquefois, des éléments se présentaient à la mauvaise porte. C'était plutôt la mauvaise orientation. Mais, en règle générale, la plupart, la grande majorité des arrivants sont intégrés.

Donc, la problématique, la question que vous posez, là, j'aurais de la difficulté à y répondre, pour la bonne raison qu'on n'a jamais eu de problème majeur.

Mme Vallée : Puis je crois aussi que vous intervenez dans un vaste champ d'intervention. Alors, c'est pour ça... En fait, c'est pour ça que je vous posais la question, parce que vous êtes appelés à intervenir dans le dossier de la santé, dans le secteur de l'environnement, dans le secteur, même, judiciaire, alors j'étais curieuse, suite à cette recommandation, de voir votre perception de qui pourrait être le ministre porteur de l'Ordre des chimistes.

M. Collin (Guy) : Si M. le président me donnait 10 minutes, je pourrais peut-être vous expliquer les détails, mais, très rapidement, on a dû évoluer au cours des dernières années, en particulier dans le cadre de la mobilité des professionnels, les ententes avec la France et la mobilité interprovinciale. Nous avions, jusqu'à il y a cinq ans à peu près, des normes très sévères ou très rigoureuses d'acceptation des nouveaux membres, en termes définis. Puis je ne veux pas vous abreuver de termes techniques, là, mais c'était tellement défini d'une façon archaïque qu'on avait des problèmes et qu'on a dû s'adapter pour pouvoir admettre des étudiants qui nous venaient, en particulier, de la France ou des autres provinces canadiennes, ce qui fait qu'on a changé nos critères d'acceptation, je dirais, au membership de l'ordre, sans diminuer pour autant les chances de qualité. Donc, on a modifié nos critères et, ce faisant, nous avons un modèle qui nous permet, effectivement, de répondre très rapidement.

Quels seraient le ministère ou les ministères qui seraient concernés, j'aurais bien de la difficulté à vous répondre tant la diversité de nos interventions, enfin, des interventions de nos membres est grande dans le champ de la pratique de la chimie au Québec.

Mme Vallée : Vous avez abordé... Vous venez d'aborder un enjeu qui soulève ma curiosité. Vous avez dit : De façon unilatérale, en fait, nous avons apporté des modifications à certaines règles de régie interne pour venir répondre à des problématiques. Est-ce que vous agissiez suite à des recommandations qui vous avaient été faites? Qu'est-ce qui vous a amenés initialement à apporter ces modifications-là?

M. Collin (Guy) : Vous parlez dans le cadre des ARM?

Mme Vallée : Oui.

M. Collin (Guy) : Bien, nous avions la commande très précise de la part du gouvernement de faire en sorte de favoriser la mobilité des professionnels. Donc, on a dû, effectivement, adapter nos éléments d'étude des dossiers pour pouvoir, effectivement, rencontrer les exigences gouvernementales en cette matière. Mais, rassurez-vous, on le fait à l'intérieur des règlements et des lois qui nous gouvernent.

Mme Vallée : Vous vous questionnez sur, un petit peu, le rôle du pôle ou l'institutionnalisation du rôle du pôle. En fait, l'objectif de le faire, c'est vraiment d'arriver avec un... Bien, d'une part, c'est qu'on souhaite avoir un plan global, là, d'intégration et d'optimisation de la mobilité de la main-d'oeuvre puis de l'intégration professionnelle, et aussi un meilleur accès aux différentes mesures qui sont prescrites par les ordres, les mesures compensatoires. Et l'objectif du pôle, c'est vraiment... Et la raison pour laquelle on l'incarne à l'intérieur, on l'institutionnalise, c'est d'officialiser ce rôle, qui est de dresser un état de situation, de soulever aussi, d'identifier certaines problématiques. Peut-être que ça vous interpelle moins, mais on a vu dans certains domaines qu'il y avait quand même des enjeux. Et le pôle va aussi venir, bien, souligner les problématiques notamment qui sont liées à la formation des stages. Et il y aura aussi un travail à faire avec les comités de formation.

Donc, comment, par exemple, votre comité de formation pourrait inclure celui du pôle? Est-ce que vous croyez que vous pourriez... votre comité de formation pourrait être mis à contribution?

M. Collin (Guy) : Ça, c'est une bonne question. J'aurais de la difficulté à lire la boule de cristal, que je n'ai pas, là. L'expérience qu'on a eue avec le comité de la formation a été bénéfique. Par exemple, il y a quelques années déjà, suite à une enquête qui avait été réalisée parmi les chimistes en activité, parmi les étudiants en dernière année de formation universitaire, on a demandé aux universités d'inclure déjà... aux alentours des années 2008, d'inclure les cours en éthique et en déontologie. Donc, ça s'est fait naturellement à l'intérieur de comités de formation, et après les universités ont pris le relais... comme je vous l'ai mentionné, la majorité des programmes universitaires.

Donc, il y a un fonctionnement qui est tout à fait, je dirais, une bonne complicité ou, en tout cas, une bonne concertation entre les membres du comité de la formation et leurs membres, et les universités évidemment, par conséquence.

Est-ce qu'un commissaire ayant des pouvoirs accrus... je ne saurais pas vous le dire.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci beaucoup. On passerait du côté de l'opposition officielle, et je reconnais la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Bonjour.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la députée de Taillon?

Une voix : Après.

Le Président (M. Villeneuve) : Après. Alors, à vous la parole, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. M. Collin, M. Boivin, M. Racine, bienvenue. Merci pour le travail que vous avez fait et la présentation que vous venez de faire aussi.

Je vous poserais une question. Je comprends que, pour vous, l'équivalence et la formation nécessaire aux nouveaux arrivants n'est pas une problématique majeure, parce que, comme vous dites, la chimie est pareille partout, donc l'apprentissage doit se ressembler un peu partout. On se retrouve aujourd'hui avec un projet de loi qui propose quand même deux éléments qui portent sur cet enjeu-là : d'abord, le commissaire, qui s'appellerait maintenant le commissaire à l'admission, avec lequel... vous semblez être d'accord avec l'idée qu'il y ait des pouvoirs plus vastes et changement de nom, changement de vocation; et un deuxième élément qui est le pôle de coordination. Ma perception à moi était que ces deux éléments-là sont un peu complémentaires dans l'optique de la problématique de la reconnaissance des équivalences. Vous ne semblez pas d'accord avec le pôle de coordination, mais vous semblez d'accord avec le commissaire. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu quelle différence vous voyez entre les deux ou si vous ne voyez pas de complémentarité, et pourquoi vous êtes contre... vous n'êtes pas d'accord ou vous avez des réserves vis-à-vis le pôle de coordination?

M. Collin (Guy) : Bien, comme je l'ai mentionné déjà au moins une fois, là, l'expérience vécue à l'intérieur de l'ordre ne nous montre pas qu'on ait des problématiques particulières à ce niveau-là. Donc, qu'est-ce que vont apporter les propositions qui sont dans le projet de loi n° 98, j'aurais de la difficulté à bien les envisager. Donc, j'ai de la difficulté, autrement dit, à trouver une réponse convenable.

Mme Jean : D'accord.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Collin, bonjour, M. Boivin, Me Racine, bonjour.

Moi, ce que je vois... Tantôt, j'avais des représentants d'un autre ordre qui me disaient que, l'obligation de suivre une formation générale en éthique et déontologie, eux, ils voyaient plus ou moins la pertinence de ça. On pourrait penser qu'en chimie il n'y a pas un lien immédiat avec la profession... avec le public, mais vous considérez quand même... Dans vos recommandations, vous dites qu'on doit rendre obligatoire pour tous les professionnels de suivre une formation générale en éthique et déontologie.

Donc, dans quel contexte vous voyez que ça pourrait se faire? Est-ce que, par exemple, les formations qui sont offertes par l'office de façon régulière, là, avec les formations de deux jours à tous les deux ans, ça suffit — il y a souvent des cours d'éthique et de déontologie à l'intérieur de ces formations-là — ou si c'est une formation vraiment au niveau du curriculum universitaire?

• (16 h 50) •

M. Collin (Guy) : Bien, je pense qu'il faut prêcher par l'exemple et puis je pense que c'est sain, en 2016, je pense, de prévoir que les professionnels, qui sont des gens importants dans l'avenir, dans le développement de la société québécoise... Je pense qu'il est important que ces gens-là aient des notions minimums en tout cas en éthique et en déontologie.

Ceci étant dit, il existe, effectivement... Le fait de ne pas avoir cette formation-là mène certains membres, éventuellement... peut mener certains membres à hésiter sur les décisions à prendre. Je pense que, dans la mesure où ils auront un schème de référence qui leur permettra de mieux apprécier les actes qu'ils posent ou qu'ils vont poser, je pense, c'est de nature à améliorer la protection du public.

Mme Lamarre : Je le crois aussi, mais je suis contente de vous l'entendre, parce que... de vous l'entendre dire. Je pense qu'effectivement, l'éthique et la déontologie dans nos ordres... Dans nos codes de déontologie, maintenant, on a «honneur» et «dignité». Ce sont des mots qui ont un petit peu perdu de leur sens, et je pense que, si on veut les actualiser, c'est vraiment «éthique», «déontologie» et «gouvernance» également, là, qui est souvent retracé. Donc, qu'un ordre comme l'Ordre des chimistes témoigne de cette pertinence-là, moi, je trouve que c'est un message qui est fort et qui nous convainc que tous les ordres... en fait, toutes les disciplines, les disciplines professionnelles et même, dans certains cas, non professionnelles, doivent avoir des cours d'éthique et de déontologie.

La septième recommandation, vous dites : «Renforcer les pouvoirs du syndic, notamment en lui accordant le pouvoir, dans certaines situations mettant en cause l'intégrité d'un professionnel, de requérir une limitation ou une suspension de son droit de pratique.» C'est ce qui est dans le projet de loi n° 98, mais on a eu d'autres groupes... dont le Protecteur du citoyen, qui va beaucoup plus loin et qui recommande, par exemple, qu'il y ait la possibilité d'avoir un partage d'information entre les syndics de différents ordres. Et on le sait, par exemple, les chimistes travaillent dans des laboratoires, laboratoires qui peuvent servir à la synthèse ou à la fabrication d'un médicament, par exemple. Donc, les collaborations entre syndics de l'Ordre des chimistes et de l'Ordre des pharmaciens, ou du Collège des médecins, ou de l'Ordre des infirmières, est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil?

M. Collin (Guy) : Relativement à la dernière question, oui, nous sommes tout à fait ouverts à ce qu'effectivement il y ait une bonne collaboration entre les syndics. Pour les remarques précédentes que vous venez de faire, si vous me permettez, je vais demander à mon conseiller juridique de vous répondre plus précisément.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, M. Racine, à vous la parole.

M. L. Racine (Alexandre) : En fait, comme vous le précisiez, le nerf de la guerre, c'est l'information, là. C'est clair que le partage de l'information entre les syndics d'ordres professionnels est primordial pour assurer la protection du public et puis c'est certainement quelque chose qui devrait être confirmé dans la loi. Ça ne sera jamais assez clair par rapport à ça. Sur le terrain, il nous est arrivé de voir des problématiques où des personnes qui sont impliquées dans des litiges littéralement se retrouvent à essayer de, justement, bloquer des enquêtes, justement, en lien avec le partage des informations. Et puis ça va de soi que... Je vois difficilement comment on pourrait s'opposer à ça, en fait. Et le système d'ordre professionnel ne doit pas être des silos séparés. Ça doit fonctionner globalement, et puis je crois que c'est quelque chose qui devrait être encouragé.

Mme Lamarre : La protection du public, ça implique toute une série de processus et de professionnels qui sont impliqués.

M. L. Racine (Alexandre) : Si je peux me permettre de conclure. Si, par exemple, une demande est faite à l'Ordre des chimistes et puis que ça ne concerne pas nécessairement juste l'Ordre des chimistes, bien, ça va de soit que le partage à un ordre connexe peut faire quand même toute une différence, là, pour assurer la protection du public.

Mme Lamarre : Merci. Une autre proposition qui a été faite...

Une voix : Vous me permettez...

Mme Lamarre : ...vous pouvez peut-être combiner la réponse, mais c'est de conférer une forme d'immunité... que le syndic ait le pouvoir de conférer une certaine immunité à des lanceurs d'alerte. J'imagine que, vos membres qui travaillent, par exemple, dans une industrie, avant de dénoncer une approche qui ne serait pas conforme, ça peut poser un problème. Est-ce que ce genre d'immunité qui... en fait, de pouvoir qui serait confié au syndic, de pouvoir conférer une immunité à des lanceurs d'alerte, est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être pertinent aussi?

M. Collin (Guy) : Je vais demander à mon...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Collin.

M. Collin (Guy) : Oui. Je peux demander à mon directeur général de répondre?

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, bien sûr.

M. Boivin (Martial) : Je parlais récemment... J'ai un cas en tête, qui me vient suite à votre question. Souvent, le problème que ces gens-là ont une fois qu'ils savent qu'ils pourraient être protégés dans ce cas-là, c'est surtout, l'autre élément : Je vais perdre mon emploi. Parce que cette protection-là n'existe pas. Puis je parlais à un collègue là-dessus, puis il avait beaucoup de cas à me présenter, mais rien à me donner de concret, parce qu'il dit : Si je le fais, même si je suis protégé dans ce processus-là, je sais qu'il faut que je me cherche un emploi après. Souvent, c'est la difficulté. Il y a des gens qui ont travaillé fort pour atteindre ce niveau-là, puis ils sont interpellés, là, dans ce déséquilibre-là, en disant : Oui, je vais être protégé par mon ordre, mais je ne le serai pas au niveau des normes du travail, parce que c'est la fin de mon emploi. Et, à moins de garder, je dirais, la confidentialité de tout ça... Puis on sait que tout vient à sortir, ça semble être un côté de la médaille que ça n'est pas pris en compte dans l'équation, selon les personnes concernées.

Le Président (M. Villeneuve) : En 20 secondes, Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : On revient peut-être à nos cours d'éthique et de déontologie, parce qu'effectivement ça prend beaucoup de courage, mais je pense que, quand on est un professionnel, l'enjeu de la protection du public doit trouver... Et il faudrait peut-être voir à protéger ces gens-là. Je sais que, dans d'autres projets de loi où on a travaillé... Par exemple, au niveau de la Régie de l'assurance maladie du Québec, on a également prévu des alinéas où il y aurait aussi une protection pour les lanceurs d'alerte, c'est-à-dire une garantie que leur emploi ne sera pas compromis après cette...

Le Président (M. Villeneuve) : Ça va être... malheureusement le temps que nous avons. Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Et nous allons passer au deuxième groupe d'opposition. Alors, la parole est à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Collin, M. Boivin, Me Racine, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Pour continuer sur ce que vous disiez relativement aux normes du travail, quelqu'un qui serait protégé, qui serait un lanceur d'alerte, qui serait protégé par le syndic de l'ordre professionnel, vous dites qu'il pourrait éprouver des problématiques au niveau de la perte de son emploi. Pouvez-vous spécifier votre pensée, parce que vous dites qu'il ne serait pas protégé au niveau des normes?

M. Boivin (Martial) : À date, les constats qu'on a, par les éléments qui nous ont été rapportés, c'est que ceux qui ont fait leur travail déontologique, habituellement ils se retrouvent sur le marché de l'emploi quelque temps après. C'est la situation qu'on nous rapporte, d'où l'importance, je pense, de refaire la formation en éthique et déontologie même aux personnes en pratique depuis plusieurs années. Parce que c'est déjà présent dans la déontologie de déclarer ces situations-là. Par contre, au fil du temps, les gens... on dirait que la poussière s'accumule sur ces éléments-là, puis le niveau de risque associé à la perte d'emploi devient supérieur à son obligation professionnelle. Donc, c'est important de réitérer ces informations-là par, disons, la formation périodique qui montrerait l'importance... Mais en même temps il faudrait être capable d'offrir quelque chose en contrepartie, on y pense au niveau du syndic. Mais ces gens-là ont un emploi aussi, puis il y a des réactions reliées à ça. C'est réel.

M. Jolin-Barrette : Mais par ailleurs, théoriquement peut-être, puisqu'on est en commission parlementaire, les gens qui seraient congédiés pour le fait qu'ils auraient dénoncé une situation, s'il n'y a pas de faute lourde de leur part, théoriquement, ils sont protégés puis ils peuvent faire appel aux normes du travail.

M. Boivin (Martial) : Oui, il faut qu'ils fassent appel aux normes, il faut qu'ils fassent la démonstration. Donc, c'est un processus quand même...

M. Jolin-Barrette : Plus ardu.

M. Boivin (Martial) : ...plus lourd, plus ardu, et il y en a qui ne veulent pas aborder cette question-là.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la Loi sur les chimistes professionnels, vous réclamez la modernisation de la loi. Depuis combien de temps l'ordre a fait cette demande-là à l'office? Quand les travaux ont-ils débuté de votre part? Ça fait combien de temps que, comme on dit, la saucisse est dans la machine?

M. Collin (Guy) : De mémoire, si vous me permettez, de mémoire, ça remonte à sept ans, puis je ne suis pas sûr que ce n'est pas huit.

M. Jolin-Barrette : Donc, on parle des années 2008-2009, environ?

M. Collin (Guy) : Voilà. 2009, oui.

M. Jolin-Barrette : 2009, donc il y a quand même urgence pour vous de moderniser la loi.

M. Collin (Guy) : Bien, comme je vous l'ai dit dans ma présentation, si vous me permettez, ce qui est dans notre loi qui nous gouverne actuellement, là, date de 1964, vous pouvez vous imaginer que la chimie et la technologie, la science en général a évolué considérablement et que cette loi-là est tout à fait désuète en ce qui a trait à l'exercice de la chimie.

M. Jolin-Barrette : Et je comprends pour... il y a un volet protection du public aussi, au niveau de la modernisation du champ de la loi, qui est important.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, allez-y, M. Collin.

M. Collin (Guy) : M. Boivin.

M. Boivin (Martial) : C'est qu'en donnant... en augmentant les pouvoirs qu'on veut conférer dans le projet de loi n° 98, c'est-à-dire qu'on bonifie le Code des professions, qui est une loi, la loi-cadre du système professionnel. Il faut comprendre aussi que les détenteurs de lois particulières comme nous, on est aussi forts que les deux lois vont être, je veux dire, les lois s'interprètent les unes par rapport aux autres. Donc, au fur et à mesure qu'on va bonifier un code, il faut nécessairement que le décalage horaire, notamment dans notre cas, se réduise, sinon on est encore en décalage, à l'heure reculée.

Donc, c'est pour ça que... notre proposition de dire : Il faut aussi s'attaquer à la loi, pas parce qu'on voulait profiter de l'opportunité, mais on voit l'un qui bouge dans une direction et l'autre qui se maintient. Donc, ça veut dire que le décalage augmente, en termes de protection du public, entendons-nous.

M. Jolin-Barrette : Mais c'est tout à fait légitime de votre part aussi, puis on a bien entendu la ministre nous dire que c'était en chantier, mais il faut que les chantiers se terminent un jour également.

Ceci étant dit, est-ce que le fait... Vous n'avez pas abordé dans votre mémoire l'autorisation... la suppression de l'autorisation ministérielle pour mener une enquête de la part de l'office. Donc, maintenant, l'office, si on adopte le projet de loi tel que tel, l'office pourrait d'elle-même faire une enquête. Est-ce que vous êtes en faveur ou vous adoptez la position du CIQ?

M. Collin (Guy) : Je dois vous dire que ce n'est pas nécessairement là une préoccupation majeure qui nous concerne, ce qui fait qu'on ne s'est pas posé la question suffisamment profondément pour pouvoir vous donner une réponse qui soit convenable.

• (17 heures) •

M. Jolin-Barrette : Sur la question des lanceurs d'alerte, on a débuté l'intervention sur ça, il y a le projet de loi n° 107 aussi qui a été déposé, relativement au fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait dire à un syndic : Bon, bien, ne poursuis pas, on accorde l'immunité. Comment est-ce que vous voyez ça pour la protection du public le fait que, dans le fond, un professionnel fautif serait exonéré de responsabilité déontologique?

M. Collin (Guy) : Je vais demander, si vous permettez, à Me Racine de répondre.

Le Président (M. Villeneuve) : Me Racine, à vous la parole.

M. L. Racine (Alexandre) : Bonjour. J'étais présent, en fait, ce matin, j'ai entendu, vous avez posé la question à un autre intervenant. À première vue, on a certaines préoccupations par rapport à ça parce que ça serait comme la première fois qu'il y aurait une forme d'ingérence, on pourrait dire, d'un autre palier, en fait, en lien avec le système professionnel. Et notre perception du système professionnel, c'est qu'il n'y a pas une hiérarchisation des droits, là, il n'existe pas le droit criminel qui chapeaute le droit professionnel ou... C'est des systèmes qui sont en parallèle, et finalement qu'une instance qui n'a rien à voir avec les ordres professionnels puisse accorder une immunité de toute poursuite disciplinaire, à première vue, en tout cas, ça suscite des questionnements. Donc, je vous dirais qu'on a une certaine réserve, là. Il faudrait investiguer davantage, là, pour vous amener quelque chose de plus précis, mais, à première vue, on a des préoccupations.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci, M. Collin... enfin, voilà, M. Collin, M. Boivin et Me Racine, représentants de l'Ordre des chimistes du Québec, pour votre participation aux travaux de la commission. Et, à ce moment-ci, je demanderais à Mme Louise Champoux-Paillé de bien vouloir s'avancer.

Et nous allons suspendre les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je veux saluer Mme Champoux-Paillé, bienvenue à la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé...

Des voix : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Juste un instant, madame, je vais demander aux gens dans la salle de bien vouloir... s'ils ont des discussions à avoir, de les avoir à l'extérieur de la salle, s'il vous plaît. Voilà. Merci.

Donc, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et, sur ce, je vous laisse la parole.

Mme Louise Champoux-Paillé

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Bien, merci beaucoup, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission. Alors, mon nom est Louise Champoux-Paillé, et je siège depuis près de 25 ans auprès des ordres professionnels. C'est un peu à ce titre que j'ai rédigé le mémoire.

Depuis mes débuts dans le milieu, je peux dire que la gouvernance au sein des ordres a beaucoup évolué, comme celle d'ailleurs des organisations à but lucratif. Et j'ai siégé autant de temps dans les organisations à but lucratif. Permettez-moi de rappeler qu'au début des années 90 le conseil d'administration d'un ordre avait pour appellation «bureau», et l'accent était mis sur les fonctions d'entrée dans la profession, de contrôle, d'inspection et de discipline. Les fonctions de planification et d'orientations stratégiques avaient une place très restreinte. Les administrateurs nommés se retrouvaient dans un monde de gouvernance, comme moi, qui nécessitait une période de familiarisation que je qualifierais de longue et ardue. Il y avait très peu de formation sur la spécificité de la gouvernance des ordres professionnels pour les administrateurs, la durée de nos mandats était brève, et les structures de gouvernance multiples. Vous aviez les présidents qui cumulaient la fonction de direction générale, il y en avait... il y avait la séparation de fonctions. Bien, bref, on avait toutes sortes de structures de gouvernance au sein des ordres.

Avec la réflexion qui fut entreprise au début des années 2000, l'appellation «bureau» a changé en celle de «conseil d'administration», et le rôle d'encadrement sur le plan de gouvernance a pris progressivement forme. Ceci reflétait une préoccupation de plus en plus forte pour la gouvernance qui prenait forme dans le secteur privé également. Des écoles de gouvernance ont été créées, comme le Collège des administrateurs de sociétés, et la communauté d'affaires et des groupes de réflexion s'interrogeaient sur différents aspects, comme nous nous interrogeons aujourd'hui : l'indépendance des administrateurs, la séparation des fonctions entre le président du conseil et le président des opérations, les compétences souhaitées pour les administrateurs et leur formation, la taille des conseils d'administration et leur mandat, le rôle des comités et la rémunération des hauts dirigeants et des administrateurs. Les conseils d'administration des ordres se sont alors plus intensivement dotés de politiques de gouvernance, et tant les ordres que l'Office des professions et le Conseil interprofessionnel ont intégré cette préoccupation.

Alors que j'étais présidente du Cercle des administrateurs de sociétés certifiés, nous incitions fortement nos membres titulaires de la désignation ASC à s'inscrire dans la banque des administrateurs de l'office afin qu'ils puissent acquérir une expérience en gouvernance dans le domaine des ordres professionnels. Aujourd'hui, il faudrait comptabiliser combien nous avons d'ASC qui siègent à des ordres professionnels, mais je pourrais vous dire que nous en avons au moins une trentaine sur 150 membres nommés.

Pour moi, ce virage gouvernance doit être accentué. Comme ceci s'effectue dans les entreprises cotées en bourse, le projet de révision qui nous est soumis aujourd'hui comporte de nombreuses améliorations que je me suis permis de commenter dans mon mémoire. Je saisirai toutefois cette opportunité de ce soir de vous présenter... plus particulièrement de soulever quatre points, en particulier.

Premièrement, le rôle du conseil d'administration. Le projet de loi propose de définir le rôle du conseil dans des termes de surveillance générale de l'ordre, d'encadrement et de conduite des affaires de l'ordre, alors que, dans le code actuel, celui-ci se limite à l'administration générale des affaires de l'ordre. Une telle définition permettra de bien délimiter le mandat du conseil et celui de la direction générale, le premier se situant au niveau des orientations, le conseil, et l'autre en ce qui a trait à l'exécution des décisions du conseil. Une telle définition repose sur une formation en gouvernance de tous les administrateurs et des hauts dirigeants des ordres afin de bien informer toutes les parties impliquées de leurs rôles et responsabilités.

À cet égard, je me permettrais de bonifier votre recommandation en y ajoutant d'imposer une formation de mise à niveau en gouvernance pour tous les administrateurs, qu'ils soient nommés par l'office ou élus, dans les trois premiers mois de leur arrivée en fonctions et de donner au conseil l'obligation de mettre en place un processus d'accueil des nouveaux administrateurs. Je peux vous dire qu'au sein des ordres, quand on vient de l'extérieur, ce n'est pas simple. Le processus, le système professionnel est difficile de compréhension au départ. Donc, d'avoir un processus d'accueil qui viendrait définir c'est quoi, un ordre professionnel, avec toutes ses particularités, me semble fort important.

• (17 h 10) •

Si, dans les conseils d'administration du secteur privé, les mandats des administrateurs ont une durée moyenne de sept ans, il est permis de penser que cette durée est beaucoup plus courte dans le système professionnel, compte tenu des limites de mandat actuelles, tant du côté des administrateurs élus ou nommés. Comme vous avez pu le constater dans mon mémoire, à la page 9, la valeur ajoutée d'un administrateur se développe progressivement. Dans le système professionnel, cet enjeu est majeur. Cette question de la durée des mandats est pour moi importante. Le nouveau projet de loi devrait prévoir un minimum de durée de mandat de quatre ans et un maximum de huit ans pour les administrateurs, qu'ils soient élus ou nommés, afin de maximiser leur contribution à l'ordre professionnel. Cet allongement souhaité de la durée de mandat doit être lié à une recommandation additionnelle, soit que les conseils se dotent d'un processus d'évaluation de leur fonctionnement de manière à s'assurer que leurs administrateurs aient en tout temps les compétences et les expériences appropriées pour remplir leurs fonctions.

Enfin, en ce qui a trait aux responsabilités du conseil, je me permettrais d'ajouter les responsabilités suivantes : s'assurer de la pertinence, et de la qualité, et de l'efficacité des services mis en place pour la protection du public; veiller à la mise en place d'un processus de gestion de risque, parce que, dans les ordres professionnels, nous y sommes confrontés; et s'assurer du traitement diligent des demandes d'enquête et des signalements.

Maintenant, j'aimerais aborder une autre question, les administrateurs indépendants ou nommés par l'office. Le projet de loi précise, à l'article 65, que les administrateurs élus ne représentent pas les professionnels de la région dont ils sont issus. C'est encore une perception que certains membres peuvent avoir lorsqu'ils sont élus. Une telle précision permettra également de combattre la perception de certaines personnes du public qu'un ordre professionnel est aussi une association professionnelle qui se porte à la défense de ses membres.

Ceci me conduit à formuler une autre recommandation afin d'éviter que certains administrateurs aient des droits et d'autres pas. Je me permets de vous suggérer que les administrateurs nommés par l'office aient les mêmes droits que les administrateurs élus en regard des éléments suivants, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous n'avons pas le droit d'élire le président de l'ordre. Nous n'avons pas le droit d'élire des membres du conseil d'administration. Nous n'avons pas... nous ne pouvons pas participer à une élection pour combler une vacance à un poste d'administrateur. Nous ne pouvons pas élire des administrateurs au comité exécutif et nous ne pouvons pas voter lors d'une assemblée générale.

Enfin, je me permettrais de soulever la question du nombre d'administrateurs nommés par l'office. Ce nombre est-il suffisant pour assurer un éclairage différent pour la prise de décision et assurer l'équilibre dans les points de vue? Je me permettrais de vous dire, à ce chapitre, que, lorsqu'on se retrouve devant deux groupes différents, pour que le groupe qui est minoritaire puisse avoir un impact sur une décision, il faut qu'il y ait au moins une représentation de 40 %. C'est un domaine que je connais plutôt bien, puisque je fais de l'action féminine. Et, lorsqu'on parle à des conseils d'administration de l'impact des femmes, on demande cette masse critique de présence féminine au sein des conseils d'administration pour que cette voix différente soit entendue.

Maintenant, je...

Le Président (M. Villeneuve) : En terminant, madame...

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui, l'importance d'une... avec plaisir.

Le Président (M. Villeneuve) : Je vous donne 30 secondes pour votre conclusion. Allons-y.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : C'est l'éthique, c'est l'éthique, c'est mon champ... c'est mon autre champ de bataille, alors l'éthique et la déontologie. Je crois que, tant au niveau des membres des ordres qu'au niveau des membres du conseil d'administration, on se doit d'avoir une formation en éthique et en déontologie, mais qu'on doit s'assurer d'un minimum d'heures dans ces formations et faire en sorte qu'à tous les cinq ans il y ait des rappels, puisqu'on oublie parfois, plutôt souvent, ces principes qui doivent guider notre action en tant qu'administrateur.

Alors, je vous remercie, M. le Président, et j'espère avoir respecté mon temps.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, madame, merci pour votre exposé. Et maintenant je passe la parole du côté gouvernemental, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup, Mme Champoux-Paillé, merci de votre... d'avoir partagé avec nous, je crois, le fruit de votre expérience personnelle et les constats que vous avez dressés au cours, justement, de ces 25 années d'implication au sein des différents ordres.

Vous avez terminé en parlant de la formation éthique, de l'importance d'en faire la promotion. Quel serait, selon vous, le nombre d'heures qui devrait être consacré pour une formation en éthique et en déontologie qui serait suffisante, qui permettrait, là, de vraiment sensibiliser les membres à l'importance de... et à tous ces enjeux qui parfois surviennent au cours d'une pratique professionnelle? Donc, quelle serait l'étendue de cette formation-là?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Grande question, moi qui l'enseigne au niveau universitaire. Mais je vous dirais qu'il s'agit de développer un réflexe dans tout ça et que c'est une question de développer l'approche décisionnelle en matière d'éthique. Donc, pour moi, une formation qui serait de 30 heures, pour moi, serait une formation qui serait intéressante pourvu qu'elle soit donnée avec des exemples pratiques, puisque, dans les ordres professionnels, nous sommes souvent confrontés à des décisions éthiques. Et, pour moi, il faut qu'on ait... qu'on développe ce comportement... cette approche réflexive là, qu'on la développe auprès des administrateurs et de la direction des ordres. Alors, c'est en faisant des cas aussi qu'on apprend, qu'on développe ce réflexe éthique.

Mme Vallée : Vous parlez également... Vous suggérez également qu'il y ait un rappel aux cinq ans. Et qu'est-ce qui vous amène à ce rappel périodique là? Parce qu'on a eu certaines recommandations, entre autres des recommandations, un peu comme vous le mentionniez, qui nous recommandent d'assurer que tout le monde ait accès à cette formation-là, pas seulement que les nouveaux membres, ceux et celles qui vont se joindre, mais tout le monde. Pour toutes sortes de raisons, on nous dit que ceux et celles qui pratiquent depuis des années et qui n'ont peut-être pas eu de formation ou qui ont eu une formation il y a 15, 20, 30 ans devraient à tout le moins rafraîchir leurs connaissances. Et vous allez encore plus loin, parce que vous nous dites : Bien, périodiquement, aux cinq ans, on doit revoir. Donc, qu'est-ce qui vous amène à nous faire cette recommandation-là?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que, dans les conseils d'administration auxquels je participe, tant dans le secteur des ordres mais aussi dans le secteur à but non lucratif et lucratif, je me permets souvent de rappeler avant chacun des conseils la question de conflit d'intérêts, la question d'éthique, de se remettre dans une situation où, lorsqu'on prend une décision, il faut se rappeler les valeurs auxquelles nous adhérons. Alors, à tous les cinq ans, pour moi, ça m'apparaît une... Si je le fais à peu près à toutes les présences que j'ai au sein des conseils d'administration, à tous les cinq ans, ça ne m'apparaît pas une demande excessive.

Mme Vallée : Vous avez également apporté des recommandations sur la durée du mandat. Puis, je dois vous dire, pour avoir assisté à certaines présentations, je sais que ça suscite, au sein des ordres... ça vient chercher... Ça fait vibrer des passions, cette question de limite de mandat. On dit : Bon, ce n'est pas parce qu'on est en poste pendant 20 ans que l'on n'a pas à coeur l'intérêt de la protection du public. Et donc, évidemment, ça enflamme les discussions. Qu'est-ce que vous croyez que ça pourrait avoir d'abord comme effet sur le recrutement des administrateurs, que de limiter le mandat, que de prévoir une durée de mandat entre quatre et huit ans? Et qu'est-ce qui vous amène également à cette recommandation-là? Parce que, pour certains, de venir limiter le mandat, c'est une attaque frontale à ce qu'ils ou elles ont pu représenter au cours de leur passage à la tête d'un ordre professionnel.

• (17 h 20) •

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais, Mme la ministre, que la première raison qui m'a amenée à formuler cette recommandation est le fait qu'il y avait souvent des changements au sein des ordres professionnels et des membres, que ce soit au niveau des élus ou au niveau des représentants du public. Pour moi, comme je le démontrais dans mon mémoire, il y a une courbe d'apprentissage pour devenir un administrateur efficient. Cette courbe, on peut dire qu'après quatre ou six ans un administrateur peut être à l'aise dans ses fonctions. Alors, lorsqu'un administrateur ne siège qu'un an, deux ans, pour moi, on a investi dans cette personne, mais on n'a pas tous les bénéfices pour la prise de décision. Donc, voilà la raison pour laquelle j'ai parlé de quatre ans.

Après, huit ans, huit ans, pour moi, ça m'apparaît, dans les... Il est vrai qu'on a beaucoup... Tant dans le secteur... dans les organismes à but lucratif que non lucratif, la limite des mandats est souvent questionnée. Mais, après un certain temps, je pense qu'on a besoin de renouvellement, et ça apporte du sang neuf dans la prise de décision. Et il me semble qu'après huit ans ou neuf ans un administrateur aussi a développé une certaine familiarité avec la direction générale, si on peut s'exprimer ainsi, donc ça permet moins d'indépendance. Donc, de manière à assurer une plus grande indépendance, c'est pour cela que je formulais cette recommandation.

Mme Vallée : Lors des auditions, ce matin, l'IRIS a recommandé, a suggéré que non seulement il y ait des membres du public, mais aussi des membres provenant d'associations de consommateurs qui soient appelés à siéger au sein des ordres pour vraiment venir assurer une protection du public. Vous avez une expérience à titre de membre du public. Comment voyez-vous cette recommandation-là?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que les membres qui sont nommés par l'office sont des membres qui peuvent être aussi des consommateurs. Moi, en tout cas, dans mon expérience de près de 25 ans, j'ai toujours entendu les membres nommés interpeller beaucoup les membres élus sur des questions qui leur apparaissent évidentes mais que, pour nous, bien, on ne comprend pas pourquoi on pose tel geste ou on a tel comportement. Donc, il y a cette confrontation qui est faite au sein des ordres professionnels.

La problématique est la suivante : c'est que nous ne sommes peut-être pas en nombre suffisant pour venir... Si j'avais à privilégier un aspect pour faire en sorte qu'il y ait une... disons, que le public soit davantage représenté, je vous dirais que je privilégierais d'augmenter le nombre des représentants du public plutôt... bien, pas plutôt, mais c'est parce que nous représentons, d'une certaine façon, les intérêts des consommateurs de ces services. La problématique est que ce n'est peut-être pas en nombre suffisant pour être tout le temps là. Parce qu'à trois il peut en manquer un, il peut en manquer deux. Il faut être en nombre suffisant et en force suffisante pour venir interpeller les gens des ordres, qui, eux, sont dans leur bulle de professionnels. Donc, pour moi, s'il y avait une amélioration, peut-être, c'est qu'il y ait moins... lorsqu'on nomme des administrateurs représentant... bien, représentant le public, nommés par l'office, qu'il y ait peut-être davantage de gens qui ne proviennent pas d'ordres professionnels. Peut-être que ça pourrait être une autre vision qui pourrait être appréciée par vos équipes.

Mme Vallée : Donc, pour vous, ça pourrait être intéressant d'avoir des gens qui n'ont pas cette expérience d'appartenir à un ordre professionnel et qui ont une vision encore plus dégagée, je vous dirais, de la protection du public, une distance.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Une distance et également un esprit... Il faut qu'ils soient courageux, ces gens-là, parce que je vous dirais que ce n'est pas facile d'aller exprimer son opinion lorsqu'on se retrouve dans un conseil d'administration où on a peut-être neuf administrateurs qui sont des professionnels, puis nous sommes trois ou deux qui représentons le public. C'est pourquoi il faut avoir véritablement une masse critique suffisante pour pouvoir avoir la force du nombre, au fond, pour soulever les questions les plus pertinentes.

Mme Vallée : M. Nadeau, cet après-midi, nous recommandait une proportion de 40 %, c'est quand même beaucoup. Il disait qu'on a fait un pas, mais ce n'est pas suffisant, on doit aller beaucoup plus loin. Vous n'indiquez pas de nombre précis, mais je comprends, là, que, pour vous, là, c'est important d'augmenter davantage...

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui. J'en ai parlé un peu en donnant un exemple, je pense, à la page... Mon Dou! Seigneur! Vous allez le retrouver, mais c'est... 40 % m'apparaît un nombre avec lequel je serais... j'agréerais facilement. Je pense que j'en ai discuté à la page 14, en haut.

Mme Vallée : Oui, en effet, vous avez raison, vous avez raison.

Qu'en est-il... parce qu'un autre élément on dit : Bien, c'est important d'assurer une meilleure diversité au sein des ordres professionnels, une meilleure représentativité, parité hommes-femmes, aussi diversité culturelle. Bon, vous nous indiquez clairement que la représentation régionale, c'est quelque chose qui... à votre avis, c'est important de le mettre de côté. Mais qu'en est-il de la question de la diversité, de la représentation de la diversité au sein des ordres? Vous avez abordé la question des jeunes, mais, quant à certaines recommandations qui ont été formulées, d'aller de l'avant avec un encadrement peut-être plus rigide de la diversité, qu'est-ce que vous pensez à cet égard?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Il doit y avoir des indications de données, parce que, dans mes 25 ans, je n'ai malheureusement peut-être rencontré qu'une ou deux fois des administrateurs qui provenaient de d'autres ethnies. Alors, je pense que c'est une lacune, c'est une lacune importante. Je sais que l'office, dans sa sélection d'administrateurs, a mis un accent sur ce recrutement. Et c'est une problématique qu'on retrouve également dans le secteur privé. Je crois qu'on doit faire davantage d'efforts pour que ces... Ils sont aussi citoyens que nous, donc on se doit d'avoir des mécanismes pour les inclure.

Mme Vallée : Certaines représentations sont faites à l'effet qu'il peut être difficile de distinguer la fonction de direction générale et présidence en raison de la taille d'un ordre. J'aimerais vous entendre à cet effet... un enjeu en lien avec la taille de l'ordre.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Disons que l'enjeu majeur peut se retrouver au niveau du conseil d'administration, où on fait face à un cumul... le cumul de fonctions entre le président du conseil d'administration et président de l'ordre, au fond c'est la même personne, puis en même temps il est à la direction générale. Mais on scinde présentement ces deux fonctions, ça n'existe plus, cette séparation-là. Mais je crois que, s'il y avait cette situation, il y a toujours la possibilité, et on retrouve ça dans le secteur privé, d'avoir un administrateur qui est indépendant, qui peut présider le conseil dans les circonstances où il y a conflit...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci...

Mme Champoux-Paillé (Louise) : ...il peut y avoir un conflit d'intérêts dû au fait de ce cumul de responsabilités...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, madame, je dois vous interrompre, on a déjà dépassé un peu le temps de Mme la ministre. Ce n'est pas de votre faute, c'est de la mienne, j'en assume totalement la décision.

On va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole maintenant à Mme la députée de Chicoutimi.

• (17 h 30) •

Mme Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Champoux-Paillé, ça me fait plaisir de vous rencontrer, de voir une femme qui s'est impliquée depuis longtemps dans des postes importants, comme postes de... sur les conseils d'administration. Bravo pour votre cheminement!

Merci aussi pour le partage d'expériences que vous faites par le biais de votre mémoire. C'était très intéressant à lire et ça fait aussi du bien... ou très intéressant de lire quelqu'un qui l'a vécu sur le plancher et avec aussi un oeil externe, donc d'une personne qui n'est pas membre des ordres, mais qui est... qui représente la société civile.

Je ne vous ai pas entendu parler concernant... J'aurais voulu avoir votre opinion. Vous savez, il y a une proposition d'ouverture du pouvoir du commissaire aux plaintes pour la reconnaissance des équivalences pour les nouveaux arrivants. L'étendue plus grande de pouvoir pour cette personne-là, pour vous, est-ce que, du fait que vous avez siégé beaucoup sur les conseils d'administration des ordres, vous voyez ça, vous, comme une attaque, ou un danger, ou une... une attaque à l'intégrité, ou une difficulté, ou une résistance qu'on devrait avoir de la part, justement, des ordres professionnels, d'avoir ce pouvoir-là supplémentaire qui pourrait les influencer?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais qu'au sein des ordres auprès desquels j'ai siégé je n'ai jamais été confrontée à des problématiques dans ce domaine. Par ailleurs, j'ajouterais qu'il y a des enjeux systémiques dans l'accès aux professions, et, pour moi, là, le commissaire aux plaintes, l'élargissement des pouvoirs pourrait être une formule intéressante à explorer. Mais je vous dirais qu'au sein de chacun des ordres, le travail qui est fait et l'ouverture qui peut être témoignée, je peux en témoigner que, pour moi, ce travail est adéquatement fait. Mais c'est peut-être sur le plan systémique que le rôle du commissaire pourrait être utile.

Mme Jean : D'accord, merci. Vous avez parlé de la formation des nouveaux administrateurs. Un administrateur arrive. Selon vous, quel est le minimum de formation, d'expérience qui est requise pour être fonctionnel rapidement, assez rapidement, sur le conseil d'administration d'un ordre professionnel, qui est un univers, quand même, en soi? On s'entend que, lorsqu'on est à l'extérieur, on ne connaît pas grand-chose du fonctionnement de l'ordre professionnel et, si on se retrouve à avoir un poste de décision et qu'on n'est pas familier à ça, on part de loin. De quel niveau, selon vous, on pourrait partir pour que ça soit acceptable, sans dire que ce n'est pas quelqu'un qui sort d'un ordre professionnel?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que nous avons été confrontés à cette problématique quand j'étais présidente du Cercle des administrateurs de sociétés. Ce sont les finissants qui proviennent du Collège des administrateurs de sociétés qui sont formés pour siéger au sein de conseils d'administration, tant publics que privés. Et je me souviens d'avoir rédigé un texte d'une quinzaine de pages pour informer nos membres qui souhaitaient siéger à des conseils d'administration d'ordres professionnels de la particularité du système. Et c'était un enjeu majeur, parce que le temps qu'il faut pour se familiariser avec les caractéristiques uniques du système professionnel fait en sorte que l'administrateur n'est pas efficient.

Donc, une formation de la gouvernance, en termes d'ordres professionnels, serait fort utile. Et, quand vous parlez d'heures minimums, j'aurais de la difficulté à fixer. Mais d'avoir une formation spécifique, qu'elle provienne soit de l'office ou du Conseil interprofessionnel, sur la gouvernance des ordres professionnels et de ses enjeux me semble important. Est-ce que c'est un deux jours de formation qui pourrait être donné? Est-ce que c'est plus large comme formation? Il n'empêche que la majorité arrive avec très peu de formation sur le caractère particulier. Même les gens qui proviennent des ordres professionnels n'ont pas... ne connaissent pas toutes les ramifications de la gouvernance d'un ordre. Donc, il est important que les deux côtés soient formés à ces particularités.

Mme Jean : Merci. Ma question portait sur les compétences minimums de quelqu'un qui peut se présenter aux postes d'administrateurs. Après, oui, il y a une formation, je comprends, qu'on peut donner, mais, pour être capable d'assimiler la formation en question, est-ce que vous établissez que le profil minimum d'une personne qui peut être administrateur sur un conseil d'administration d'un ordre professionnel peut être établi, ou encore, non, n'importe qui pourrait, à la limite...

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je serais très mal placée pour vous dire que n'importe qui peut siéger à un conseil d'administration, ayant une formation spécifique en tant que membre de conseil d'administration. Donc, il y a une formation de base qu'on devrait avoir. Est-ce une formation de... l'équivalence d'un certificat universitaire? Ça, c'est à vous d'en décider. Mais il n'en demeure pas moins qu'il faut qu'à la base il y ait... que les gens... Mais je crois qu'avec l'enrichissement qu'on fait présentement au niveau des programmes universitaires on pourra en arriver, dans le temps... Mais il faudrait mettre l'accent immédiatement sur cette formation des membres actuels dans le domaine de la gouvernance et de l'éthique.

Mme Jean : Dernière question, pour les deux minutes et quelques qui nous restent. On parlait de la représentativité sur les conseils d'administration. On parle des jeunes, on parle des nouveaux arrivants ou des minorités ethniques, et tout. On va parler aussi des hommes et des femmes, qui, en soi, n'est pas une minorité, mais 50 % de la population, et qui... Force est de constater qu'il y a un déficit quand même important et marqué dans l'ensemble des conseils d'administration. J'ignore si, l'ensemble des ordres, d'ailleurs, ce déficit-là existe. Mais, avec votre expérience, puis selon vous, est-ce qu'il y a des avenues pour pouvoir pallier au déficit de la représentativité des hommes et des femmes sur les conseils d'administration des ordres professionnels?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Est-ce que vous... La question est : Est-ce qu'on devrait avoir des quotas? Mais il y a une particularité au système professionnel, qu'on se doit de respecter, à savoir que c'est électif. Donc, il est difficile de dire : Pour une région donnée, vous aurez une femme à élire, puis une autre, c'est un homme. Donc, c'est difficile à... Disons que c'est un concept qui est difficile à appliquer.

Par ailleurs, j'ai vu, dans certains conseils d'administration qui ont des nombres d'administrateurs fixes, là, disons, 12, ils vont prévoir un nombre de sièges additionnels pour prévoir ces circonstances-là, pour venir ajouter... C'est-à-dire qu'il y a un nombre additionnel d'inscrit dans la loi pour permettre cet ajustement, pour répondre à des besoins de présence féminine, de présence aussi d'autres ethnies, pour permettre cette souplesse qui est essentielle. Pour que les conseils d'administration soient efficients, quant à moi, il faut une représentation égale hommes-femmes et il faut que les ethnies soient davantage représentées au sein de nos conseils, ainsi que les jeunes.

Le Président (M. Villeneuve) : En 20 secondes.

Mme Lamarre : 20 secondes? En fait, vous avez défini plusieurs façons d'améliorer la représentation des membres nommés, donc des membres non membres d'un ordre. Est-ce que vous préconisez que ce soit... par exemple, le président du comité de gouvernance soit un administrateur nommé? Parce que j'ai vu dans... Vous avez d'excellentes recommandations, assez précises. Mais j'ai vu dans certains ordres que le président du comité de gouvernance était un membre nommé, et non pas un membre membre professionnel de cet ordre.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Mais je pense que le tout vient du fait que les ordres vont... demandent à l'office — parce que c'est l'office qui nomme les administrateurs nommés — des gens qui ont une expérience dans la gouvernance. Et c'est comme ça qu'on se retrouve comme président de comité de gouvernance. Mais il faudrait en arriver un jour qu'il y ait un président de comité de gouvernance qui provienne... qui soit un administrateur élu.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Maintenant, on va aller du côté du deuxième groupe d'opposition, et la parole est à M. le député de Borduas. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Mme Champoux-Paillé. Merci de nous partager votre expérience par le biais de votre mémoire puis de votre témoignage aujourd'hui.

À la page 18 de votre mémoire, la recommandation 12, vous dites : Ce serait bien d'avoir des pouvoirs d'inspection accrus pour les ordres professionnels. Qu'est-ce que vous entendez par «pouvoirs d'inspection accrus»?

• (17 h 40) •

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je parle surtout de pouvoir inspecter les cabinets. C'est un peu dans la foulée des recommandations de la commission Charbonneau, et je pense que les cabinets qui emploient des professionnels se devraient également de faire l'objet d'une inspection.

M. Jolin-Barrette : Parce que, dans le fond, quand le syndic se présente, présentement ils ont un certain pouvoir déjà pour faire une inspection en lien avec différents règlements, les ordres, au niveau de la tenue de livres ou au niveau des dossiers, et tout ça. Donc, vous, vous dites : La partie qui ne serait pas couverte déjà par les obligations du professionnel en vertu des règlements de l'ordre?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : C'est-à-dire que ça... C'est que les entreprises ont quand même un certain pouvoir sur leurs professionnels qu'ils embauchent... et peut amener parfois à des dérogations, donc il est important aussi qu'il y ait une inspection qui se fasse au niveau des politiques de ces cabinets.

M. Jolin-Barrette : Au niveau des politiques, donc...

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Des politiques d'encadrement des professionnels.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, il y a une évaluation de la façon dont ça se passe pour le membre d'un cabinet.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui. Sur le plan éthique, etc.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de la recommandation 10, vous dites qu'il faut définir la protection du public dans le Code des professions, donc d'avoir une définition formelle puis de venir bien asseoir, dans le fond, qu'est-ce que la protection du public. C'est ça?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui. Oui. Lorsque nous en discutons dans nos conseils d'administration, la protection du public, ça demeure un concept qui est assez flou, qu'est-ce que ça veut dire en soi? Et il me semble que, dans le Code des professions, dans les remarques liminaires qu'on a du code, on devrait bien définir ce que c'est, la protection du public, et jusqu'où ça va.

M. Jolin-Barrette : Puis, dans le Code des professions, on vient notamment dire... bon, je n'ai pas le libellé exact, là, mais que l'objectif d'un ordre professionnel, c'est notamment la protection du public. Et on a eu des intervenants, plus tôt, qui sont venus nous dire aujourd'hui que peut-être qu'on devrait limiter les activités commerciales, puis j'ai lu dans certains mémoires qu'on disait «principalement la protection du public» ou «uniquement la protection du public». Est-ce que vous iriez en ce sens-là pour supprimer le pouvoir inhérent des ordres professionnels à avoir des activités commerciales?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Ça, je ne l'ai pas vu dans cette direction, mais je vous dirais que moi, quand j'ai pensé à définir la protection du public, je pensais à un élargissement pour que les professionnels qui sont membres du système professionnel aient aussi un engagement dans notre société. Et c'est dans ce terme-là que j'ai pensé qu'il devrait y avoir une définition du concept «protection du public» adaptée à l'ère nouvelle de responsabilité sociale.

M. Jolin-Barrette : ...tout le monde soit sur la même page au niveau de l'interprétation.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 12 du mémoire, vous traitez, dans le fond, de la fonction de directeur général d'un ordre professionnel puis de la réalité des petits ordres professionnels, où, là, bien souvent, eux, ils avaient une fonction de président et directeur général qui était cumulée, et vous amenez le concept d'administrateur principal. Donc, en quoi ça consisterait, la notion d'administrateur principal, pour un petit ordre qui déciderait de se doter de cette structure-là?

Mme Champoux-Paillé (Louise) : C'est qu'au sein du conseil d'administration, quand il y a cumul de fonctions, comme on vient de dire, que le président de l'ordre soit à la fois le directeur général, il y a des décisions, comme sur la rémunération du directeur général. Est-ce que le président va rester là? C'est lui qui est en cause. Donc, dans ces circonstances-là, l'administrateur principal, c'est un administrateur indépendant qui siège en lieu et place du président du conseil pour ces décisions qui ont un aspect de conflit d'intérêts.

Le Président (M. Villeneuve) : Il reste 20 secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Je vais en profiter, Mme Champoux-Paillé, pour vous remercier pour votre contribution aux travaux de la commission.

Mme Champoux-Paillé (Louise) : Merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Nous faisons tous de même, madame, pour votre contribution aux travaux de la commission. Alors, merci d'y avoir participé.

Et la commission ajourne ses travaux à demain, mercredi le 24 août 2016, à 10 h 15. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 45)

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