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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, November 23, 2016 - Vol. 44 N° 154

Special consultations and public hearings on Bill 113, An Act to amend the Civil Code and other legislative provisions as regards adoption and the disclosure of information


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Table des matières

Auditions (suite)

M. André Desaulniers

Association des avocats et avocates en droit familial du Québec (AAADFQ)

M. Alain Roy

Commission de la santé et des services sociaux des premières nations
du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

Autres intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini, président suppléant

Mme Stéphanie Vallée

Mme Véronique Hivon

Mme Lise Lavallée

M. Simon Jolin-Barrette

*          Mme Danielle Gervais, AAADFQ

*          Mme Marie Christine Kirouack, idem

*          Mme Marjolaine Sioui, CSSSPNQL

*          M. Richard Gray, idem

*          M. Franklin S. Gertler, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Roy (Montarville) est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny).

Le Président (M. Ouellette) : Nous entendrons cet avant-midi M. André Desaulniers et l'association des avocats en droit familial du Québec.

Auditions (suite)

Nous recevons maintenant M. Desaulniers. Vous connaissez les us et coutumes de la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et après, M. Desaulniers, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole.

M. André Desaulniers

M. Desaulniers (André) : Eh bien, bonjour, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de la Commission des institutions de m'avoir invité.

Je crois qu'une présentation s'avère nécessaire. C'est que, vers 1995, il y avait comme une impasse dans le dossier de l'ouverture des dossiers d'adoption, parce qu'il y avait, pour ainsi dire, deux options, soit le statu quo, ce qu'on a actuellement, ou le monde demandait essentiellement l'ouverture des dossiers d'adoption sans condition. Et c'était ça, le sujet de l'impasse. Donc, on a formé un comité ad hoc à l'extérieur des groupes existants, comme le Mouvement Retrouvailles ou Parent Finders, qui oeuvre au Québec un peu mais surtout dans le reste du Canada, et il y avait aussi des personnes qui venaient du comité des orphelins de Duplessis. Et là, à l'époque, on avait fait venir des lois sur l'adoption de diverses législatures à travers le monde, mais essentiellement on s'est attardés à celles du régime anglais, parce que la loi plénière sur l'adoption qu'on a ici, au Québec, vient de la tradition anglaise. Et eux, ils avaient vraiment toute la variété des façons possibles, mais essentiellement c'était toujours la fermeture, là, la confidentialité des dossiers d'adoption.

On s'est rendu compte en cours de route que la Nouvelle-Zélande avait adopté le même système qui est inclus aujourd'hui dans le projet de loi n° 113, le système de veto sur la confidentialité et de contact. Là, on s'est dit : Ah! c'est une bonne idée, tu sais, vraiment, on se disait : Ah! ça peut être un compromis qui pourrait débloquer le dossier. Mais là la question en suspens, c'était de savoir est-ce que ça peut être adopté ici, au Canada, parce que ce n'est pas parce que ça existe quelque part ailleurs dans le monde qu'on peut facilement prendre le petit bout et l'adopter ici, au Canada. La réponse est venue en 1996 avec la Colombie-Britannique, qui a justement adopté ce système de veto de confidentialité sur la confidentialité et sur le contact. À partir de ce moment-là, on avait quelque chose sur la planche pour discuter. On s'est dit : Bon, bien, voilà, bien, ça fait 20 ans de ça. On s'est dit : Ça devrait être assez simple à faire adopter. Puis ça fait depuis ce temps-là qu'on le propose à toutes les occasions, ça a été le comité Simard ou le comité tenu par Me Lavallée, que vous devez avoir reçue ici mardi, je crois.

Une voix : ...

M. Desaulniers (André) : Non? C'est ça.

C'est sûr que, dans la communauté des personnes adoptées, ce n'est pas toutes les personnes qui étaient en faveur de ce compromis-là, mais, étant donné que l'autre alternative, c'était de rester avec le statu quo, des organismes comme le Mouvement Retrouvailles ont adopté cette position, parce qu'on est une... Là, je parle des adoptions d'avant 1970, à une époque où il pouvait y avoir 10 000 enfants confiés à l'adoption à toutes les années, là, c'est vraiment le jour et la nuit avec aujourd'hui. C'est beau s'il y en a 50, là. C'est ça. Donc, on est une population vieillissante. On a conscience que nos parents biologiques ont potentiellement 20 ans de plus que nous. Il y en a déjà beaucoup qui sont décédés. D'ailleurs, il y a déjà des personnes adoptées que j'ai connues qui sont décédées en cours de route et qui n'ont pas pu retrouver... Et, tout ça mis dans la balance, on s'est dit : Bien, le projet de loi n° 113, malgré les lacunes qu'on y trouve, doit être adopté rapidement, quitte de l'améliorer plus tard.

J'ai fait parvenir aux membres de la commission un mémoire. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de le lire. C'est essentiellement les mêmes propos qu'on tient depuis quelques années. Et je vous lis le résumé en début de mémoire : «Le fait de cacher le statut d'adopté à une personne et donc de limiter l'accès de cette dernière à la connaissance de ses antécédents héréditaires sont des exemples de discrimination occasionnée par la confidentialité des dossiers d'adoption et la politique du "secret" associée à l'adoption.»

Par la suite, j'aimerais revenir sur les recommandations que je voudrais faire adopter dans le projet de loi, et ça m'amène à ici — donc, essentiellement, il y a plusieurs points : remplacer l'article 583.10 du Code civil, mentionné à l'article 32 du projet de loi, par le suivant :

«583.10. Il appartient à l'adoptant d'informer l'enfant sur le fait qu'il est adopté.

«Il lui appartient également de l'informer des règles relatives à la communication de son identité ou de celle de son parent d'origine ainsi que des règles relatives à la prise de contact entre eux.

«Toutefois — ça, c'est le rajout que je rajouterais — une demande de certificat de naissance de la part de l'adopté majeur doit indiquer que le certificat de naissance a été modifié par un jugement d'adoption.»

Moi, j'ai connu beaucoup de personnes adoptées qui se sentaient insultées de toujours être nommées comme «l'enfant» dans la loi, alors que la plupart d'entre nous ont 40 ans et plus, là. Et, d'autre part, pour une personne qui ne sait pas qu'elle a été adoptée, il ne lui viendrait pas à son esprit de contacter le directeur de la protection de la jeunesse pour s'informer de savoir si elle a été adopté ou non. Elle s'adresserait plutôt à la Direction de l'état civil comme moi, j'ai fait à l'époque. Et je tiens à rappeler ici qu'avant 1997 il était possible pour n'importe quel citoyen de consulter le registre d'état civil d'une église ou au palais de justice et de faire la lecture de son propre acte de naissance. C'est ainsi que, dans mon cas, il y avait la reproduction du jugement d'adoption, et, en marge, si ma mémoire est bonne, il y avait le numéro de dossier d'adoption.

Dans le paragraphe 583.10, quand on dit qu'«il appartient à l'adoptant d'informer» l'adopté, ça revient à dire que, dans le fond, malgré nos belles chartes des droits et libertés, la personne adoptée voit tous ses droits fondamentaux subordonnés à un privilège qu'on donne à l'adoptant. Je peux comprendre dans les situations où la personne est mineure, même il y a le volet 14-18 qui peut entraîner des problèmes, mais, lorsqu'une personne devient adulte, je considère qu'elle doit acquérir la pleine personnalité juridique et bénéficier de tous les avantages de la loi. Or, ce n'est pas le cas, puisqu'on dit dans la loi que ses droits sont subordonnés au privilège que l'on donne aux parents adoptants.

Deuxième point : prévoir un certificat de jugement d'adoption incluant le texte complet du jugement pour permettre à l'adopté d'obtenir un document officiel de l'État prouvant leur adoption et pouvant, le cas échéant, inclure les noms des parents biologiques. Ce document-là était disponible à la cour de la jeunesse jusqu'à la fin des années 90. J'en ai obtenu copie. Mais, à un moment donné, ils ont dit que ça faisait partie du dossier d'adoption. Et, quand d'autres personnes en ont demandé copie, ils n'ont pas pu l'obtenir, car ils disaient que c'était devenu confidentiel. Je crois que ce document-là devrait redevenir disponible pour les personnes adoptées.

Prévoir un certificat de filiation et un certificat de naissance comportant les noms des parents biologiques et des parents adoptifs qui permettrait au Directeur de l'état civil d'informer l'adopté de leur statut d'adopté et des liens avec leurs parents biologiques. Ici, j'ai été sensible aux propos tenus par, entre autres, l'Association des parents pour l'adoption québécoise, qui, eux, voient mal l'idée qu'un document qui indique l'adoption soit présenté à l'école primaire, au secondaire, et je les comprends. Pourtant, c'est une difficulté qui pourrait être facilement remédiée par le Directeur de l'état civil s'il pouvait...

• (11 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : ...

M. Desaulniers (André) : Pardon?

Le Président (M. Ouellette) : En conclusion.

M. Desaulniers (André) : Ah! en conclusion déjà? Ah! mon doux, mon doux, mon doux. C'est ça. Donc, je voudrais juste revenir sur l'obtention d'une copie conforme.

Le Président (M. Ouellette) : M. Desaulniers, il vous restait combien de temps?

M. Desaulniers (André) : Ah! peut-être quatre, cinq minutes.

Le Président (M. Ouellette) : Je pense que nos parlementaires sont magnanimes. Allez-y, puis vous ferez votre conclusion.

M. Desaulniers (André) : Ah! bien, je vous remercie. On mangera sur mon temps de questions. C'est comme vous voulez. Ça ne sera pas long.

Donc, je disais donc que le Directeur de l'état civil pourrait proposer divers documents à sa clientèle. Je crois qu'il propose déjà un certificat de naissance format portefeuille. Il pourrait y avoir un format régulier où c'est qu'il indique les informations qu'on retrouve habituellement, soit le nom, le prénom, le lieu de naissance, la date de naissance, le nom des parents légaux, et un certificat de naissance plus détaillé où c'est qu'on pourrait avoir même une transcription de tout l'acte de naissance.

Donc, pour ce qui est de la copie conforme d'un dossier d'adoption que je mentionne, c'est que moi, je fais un parallèle avec le dossier médical qu'on retrouve... le dossier de l'usager aux articles 17 et suivants de la loi de la santé et des services sociaux et je ne comprends pas pourquoi qu'un dossier d'adoption ne pourrait pas être régi de la même façon, puisque l'usager, dans les deux cas, c'est... dans un cas, c'est la personne adoptée, mais, dans l'autre cas, bien, c'est le patient, mais c'est la même personne. Donc, moi, je trouve que ça devrait être régi de la même façon.

Donc, on a déjà discuté précédemment avec les autres groupes, là, des problèmes relatifs à la fratrie et que les descendants en ligne directe puissent bénéficier des mêmes droits que leurs parents pour savoir qui étaient les parents biologiques de leurs parents en ligne directe, le cas échéant. C'est tout.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Desaulniers. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. Desaulniers. Merci de votre présentation. Je vais prendre une toute petite seconde pour saluer nos collègues les juristes de l'État qui, encore une fois, se joignent à nous aujourd'hui et pour leur réitérer notre souhait d'un retour à la table de négociation, saluer également ceux et celles qui sont les abonnés de notre commission parlementaire, parce que je sais que nos travaux intéressent énormément de personnes adoptées et de parents adoptants. Bref, je sais qu'il y a une communauté qui suit de près ce qu'on fait puis nos échanges.

M. Desaulniers, je sais également que ça fait des années que vous militez en faveur d'une plus grande ouverture pour les droits des personnes adoptées, pour le droit de connaître les origines. Beaucoup de questions pour vous, parce qu'hier on a amorcé nos consultations.

Et je vais aborder la première question, parce qu'on n'en a pas parlé beaucoup avec le Mouvement Retrouvailles hier. Il y a, dans les dispositions du Code civil, une possibilité pour l'adopté de faire ses recherches et de prendre contact avec ses parents d'origine, et ce, dès l'âge de 14 ans.

M. Desaulniers (André) : ...ou le projet de loi?

Mme Vallée : Bien, actuellement, et...

M. Desaulniers (André) : Oui, oui. Donc, l'article 583 et suivants, oui.

Mme Vallée : C'est ça. Hier, on a eu des groupes qui nous disaient avoir un malaise de familles adoptantes disant : Les familles adoptantes devraient être impliquées dans ce processus-là pour permettre de faire le lien avec l'adolescent, l'adolescente de moins de 18 ans qui cherche à connaître ses origines.

J'aimerais ça vous entendre sur cette question-là, parce qu'on a entendu la position des familles, mais vous avez, vous, une perception qui est peut-être différente en raison de vos propres expériences et des expériences des gens qui militent avec vous. Puis j'aimerais vous entendre sur cette question-là.

M. Desaulniers (André) : C'est sûr que, dans mon cas...

Le Président (M. Ouellette) : M. Desaulniers.

M. Desaulniers (André) : Pardon? Ah! désolé.

Le Président (M. Ouellette) : Non. Ça va. C'est juste pour l'audio.

M. Desaulniers (André) : Moi, j'attendais la lumière rouge. En fait, c'est sûr que la plupart des gens que je fréquente dans ce milieu-là, c'est des gens de 40 ans et plus. Je comprends la problématique des 14-18.

Je comprends la position des parents adoptants aussi parce que c'est très difficile, c'est justement un âge où — moi-même, j'ai une fille — quand ils sont adolescents, des fois, on ne sait pas trop comment les prendre. Et, en même temps, c'est un système qu'une fille de 14 ans peut aller se faire avorter à l'insu de ses parents adoptifs ou biologiques, là, selon le cas. Donc, quoi faire dans un cas pareil? Est-ce que, dans le fond, la loi devrait faire passer de 14 à 18 pour ces cas-là? Ce cas-là particulier de l'adoption, des retrouvailles avec les parents biologiques, est-ce que le Code civil devrait prévoir que les adoptants doivent être consultés dans ces cas-là? Ou bien on le laisse comme ça ou bien donc on accorde aux parents adoptants plus de droits. Mais c'est sûr qu'à 18 ans il n'y a plus de droit de regard, là, pour...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : L'objectif, ce n'était pas de vous tendre un piège, c'était tout simplement pour voir si vous aviez une position particulière compte tenu de votre expérience. Mais le but n'était pas du tout de tendre un piège.

M. Desaulniers (André) : Je ne voyais pas ça comme un piège. Non, non, non. Pas du tout.

Mme Vallée : Non? O.K.

M. Desaulniers (André) : C'est sûr que — bien, j'ai déjà lu les mémoires, par le passé, de ces groupes-là — ils vivent une problématique très précise justement à un moment difficile dans la vie de leur enfant, et je crois qu'effectivement ils devraient être plus consultés. Peut-être même qu'il faudrait voir si les centres jeunesse ne pourraient pas, en accord avec la personne de 14-18, consulter les parents adoptants, dire : Il faudrait qu'ils embarquent dans le coup, là, on ne peut pas les mettre de côté.

• (11 h 50) •

Mme Vallée : D'accord. Mais j'aborderais une autre question. Le projet de loi prévoit dans sa forme actuelle la possibilité d'inscrire un refus de communication de l'identité dans l'année qui va suivre la naissance de l'enfant. Ça, cette disposition-là, elle vise — j'avais des échanges hier — à éviter le phénomène des boîtes à bébés, qui a été vécu dans certaines provinces canadiennes, ces installations-là qui sont aménagées parfois dans les hôpitaux et qui permettent l'abandon des poupons, puis c'est aussi pour éviter les infanticides. Mais qu'est-ce que vous pensez, vous, de cette disposition-là?

M. Desaulniers (André) : Bien, justement, je ne saisissais pas très bien le propos, parce que, dans ces cas-là, le parent biologique n'est pas connu du tout.

Mme Vallée : L'objectif du projet de loi, de permettre cette inscription d'un refus à la communication, c'est pour éviter le phénomène des boîtes à bébés, parce que, dans certaines législatures où il y a une ouverture plus grande, il y a eu une recrudescence d'abandons d'enfant par des parents qui ne souhaitaient d'aucune façon divulguer leur identité, parce que l'enfant avait été conçu dans des circonstances qu'ils ne souhaitaient pas divulguer. Mais il y a, malheureusement, des drames humains parfois qui ont cours. Et ça a donné lieu à un phénomène qu'on retrouvait dans certains hôpitaux, où, pour éviter les infanticides, les hôpitaux avaient aménagé des boîtes pour recueillir les poupons.

Et, pour tenter d'éviter ce processus-là, nous, de notre côté, on prévoit cette possibilité d'inscrire un refus de communication à l'intérieur de l'année, donc dans les 12 mois. J'aimerais vous entendre sur cette disposition, qui est prévue dans notre projet de loi.

Le Président (M. Ouellette) : M. Desaulniers.

M. Desaulniers (André) : Bien, pour le parent biologique, qu'il le fasse en dedans d'un an ou n'importe quand, ça revient au même. Mais, si, pour elle, elle est plus confortable de le faire immédiatement, c'est le choix du parent biologique. Je ne suis pas en désaccord. Mais, comme le prévoit la loi, un an après le décès du parent, la personne adoptée aurait le droit de connaître le parent, là, si elle est connue.

Mme Vallée : Si elle est connue. Dans le fond, vous, ce que je comprends de votre position, c'est que vous ne souhaitez pas qu'il y ait de possibilité d'inscrire un refus de communication.

M. Desaulniers (André) : Ah! bien, moi, c'est : si le parent biologique le souhaite, il est bien libre de le faire.

Mais je voudrais juste rappeler ici... parce qu'on parle d'une infime proportion de cas, là. Ici, là, j'ai des statistiques de la British Columbia Vital Statistics Agency. C'est essentiellement les mêmes depuis une dizaine d'années, parce que, quand la loi est rentrée en vigueur en 1996, le monde, dans la première année, ils ont demandé leurs dossiers, et finalement... je ne sais pas si ça peut répondre à votre question, mais il y a juste 3,28 % des mères biologiques qui ont inscrit un veto de communication, et pratiquement aucune de contact, 0,3 %. Et, si, pour eux, ils sont plus confortables à l'inscrire immédiatement, moi, je ne suis pas contre, là.

Mme Vallée : O.K. D'accord. Donc, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que, compte tenu du faible pourcentage...

M. Desaulniers (André) : Il y a le faible pourcentage, d'une part, mais, d'autre part, c'est aussi le faible pourcentage de personnes adoptées qui demandent un dossier.

Puis, encore une fois, je me réfère aux statistiques de la Colombie-Britannique — l'Ontario, c'est trop récent, ils sont toujours en évolution dans leur cas, puis ça a été adopté assez récemment — pour les personnes adoptées. Moi, je calcule qu'il y a seulement eu 8,4 % des personnes adoptées qui ont demandé leurs dossiers, à savoir 5 877 personnes adoptées sur environ 70 000 adoptions, en Colombie-Britannique puis je trouve que le nombre est très, très bas. Je comprends que ce n'est pas tout le monde qui puisse être intéressé. Moi, je connais des personnes adoptées que ça ne leur dit rien. Je comprends qu'il y en a qui sont décédés, mais ça n'explique pas 8,4 % de demande.

C'est pour ça que je reviens constamment sur le fait de connaître le statut d'adopté, parce que, d'après moi, il y a un large pourcentage qu'on ne peut pas déterminer, parce qu'on essaie d'évaluer l'ignorance d'une personne de son statut d'adopté. Tous ces gens-là ne peuvent pas bénéficier de la loi, ne peuvent pas bénéficier d'avoir leurs antécédents médicaux corrects et à jour quand ils construisent leurs arbres généalogiques. Ce n'est pas peine perdue de monter l'arbre généalogique de ses parents adoptifs. Moi-même, j'ai fait l'arbre généalogique de mes parents adoptifs et de mes parents biologiques. Mais c'est le leurre, là, c'est l'illusion que, dans le fond, cette personne-là pense que ses parents adoptifs sont ses parents biologiques, et le certificat de naissance qui est produit ici, au Québec, n'aide pas dans la situation, parce que, quand on le lit, le certificat de naissance, la plupart des gens vont penser qu'il s'agit des parents biologiques, il n'y a aucune distinction. Mais, en fait, un certificat de naissance, ça indique uniquement les parents légaux d'un enfant. C'est ainsi que, pour un cas donné, il peut n'y avoir qu'un parent, il peut y avoir deux parents — un homme et une femme, ou deux hommes, ou deux femmes — toutes les situations possibles, parce que ce sont les parents légaux, ça ne représente pas les parents biologiques, sauf que, pour la plupart des gens, le certificat de naissance, ça représente les parents biologiques.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Donc, vous n'avez pas d'objection au veto, mais ce que vous nous dites, en fait...

M. Desaulniers (André) : Mais...

Mme Vallée : Ce que vous nous dites, c'est que, pour vous, il est important pour un individu d'avoir l'heure juste sur sa réelle identité. Dans le fond, là, on remet ça dans le contexte le plus simple, donc l'État devrait permettre à quelqu'un d'avoir l'information nécessaire sur ses antécédents et sur son identité.

M. Desaulniers (André) : Bien, c'est ça. Pour ce qui est de revenir au veto, c'est que le nombre est tellement bas... puis, si on prend, d'un autre côté, le nombre bas de personnes qui font des demandes, on se retrouve... la coïncidence entre une mère biologique qui demanderait un veto de connaissance et une personne adoptée qui demanderait son dossier pour connaître l'identité de la mère en question, on se retrouve avec moins de 0,1 %, là. C'est purement académique, là, comme...

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Desaulniers. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Alors, bonjour, M. Desaulniers. Je suis heureuse de vous entendre. Pour la petite histoire, je pense, c'était la première ou la deuxième semaine que j'étais conseillère politique au cabinet du ministre de la Justice, Serge Ménard à l'époque, et je vous avais parlé à la fin des années 90. Alors, je pense qu'on peut dire que c'est la cause de votre vie et une des causes de votre vie, donc, de pouvoir donner accès à l'information pour les adoptés. Mais donc je suis heureuse qu'on puisse vous entendre en commission sur le sujet puis j'ai été heureuse aussi de pouvoir lire votre parcours, parce que je pense que ça nous informe un peu de ce qu'a pu être le parcours du combattant de certaines personnes adoptées qui voulaient connaître leurs origines, leur identité. Puis j'ai lu que vous aviez quand même réussi, donc, à, dans votre cas...

M. Desaulniers (André) : Oui, oui.

Mme Hivon : Exactement. Ce qui n'était pas le cas la première fois que je vous avais parlé. Donc, il y a eu des bonnes nouvelles en cours de route.

Alors, je veux aussi, moi aussi, prendre quelques secondes pour saluer la présence des juristes de l'État qui nous accompagnent à chaque jour dans nos travaux et je leur souhaite, comme je nous le souhaite, un règlement rapide, à la satisfaction de toutes les parties, et un retour au travail.

Alors, M. Desaulniers, j'ai beaucoup de questions pour vous parce que je sais que vous avez consacré beaucoup de temps à toutes ces recherches. Juste pour rester sur la question de la Colombie-Britannique : vous dites : 8 % de demande. Donc, il y aurait juste 8 % des personnes...

M. Desaulniers (André) : ...j'ai calculé...

Le Président (M. Ouellette) : M. Desaulniers.

M. Desaulniers (André) : Ah! pardon.

Mme Hivon : C'est correct.

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, c'est juste parce que l'audio ne peut pas enregistrer les deux en même temps.

• (12 heures) •

M. Desaulniers (André) : Ah! parfait. D'accord. Oui. Bien, c'est ça, moi, je calcule 8,4 %, parce qu'ils disent qu'il y a eu... Le calcul qu'ils nous présentent, quand on fait l'extrapolation, on se retrouve à environ... ils disent que 77 % des demandes, sur un total de 7 619, ce sont des personnes adoptées. Ça me donne 5 867 personnes adoptées sur... Eux, ils estiment qu'ils ont eu 70 000 adoptions, en Colombie-Britannique, passées.

Mme Hivon : Si vous permettez. Est-ce que ce sont les demandes ou les gens qui ont pu y avoir accès, parce qu'il n'y avait pas eu de veto, puis tout ça?

M. Desaulniers (André) : Ça, c'est les demandes.

Mme Hivon : C'est les demandes. Donc, on ne sait pas comment ça s'est conclu.

M. Desaulniers (André) : Les demandes? Non, il n'y a pas d'interrelation entre les deux dans les statistiques qu'ils donnent, mais...

Mme Hivon : O.K. Donc, c'est pour ça que ça vous apparaît très bas et que vous postulez qu'il peut y avoir un bon nombre de personnes qui ne savent même pas qu'elles sont adoptées.

M. Desaulniers (André) : Bien, 8,4 % des demandes, comme je le disais, ça... Peut-être qu'il y a des gens qui ne sont pas intéressés. J'en connais, des gens qui ne sont pas intéressés. Il y en a qui sont décédés. Mais, d'après moi, il y en a un grand nombre qui ne savent pas qu'ils ont été adoptés. Moi, par exemple, c'est tout à fait par hasard que j'ai su que j'ai été adopté. Mes parents adoptifs étaient décédés tous les deux, et en 1984... Est-ce que je peux y aller d'une information personnelle? Je m'adonne à être voisin d'une personne qui fait des cartes du ciel. Je ne m'intéresse pas du tout aux cartes du ciel, mais là elle commence à me dire : Ah! oui... mais, pour avoir... comment ils appellent ça, donc, l'astre, je ne sais plus trop...

Mme Hivon : L'ascendant.

M. Desaulniers (André) : ...l'ascendant, ça prendrait l'heure de naissance. Je ne savais pas mon heure de naissance. Puis c'est à partir de chercher l'heure de naissance que, là, je me suis retrouvé à me dire : Bon, je vais aller voir à l'église, voir qu'est-ce qui est écrit dans le registre. Ils n'avaient pas l'heure, sauf qu'ils marquaient que j'avais été adopté. Ça fait que, là, à partir de là, bien là il y a eu des démarches au centre jeunesse. Là, j'ai fini par savoir l'heure. Par la suite, j'ai su qu'il y avait une erreur dans l'heure. Je ne sais pas si ça a modifié l'état des astres dans mon cas, mais, bon, j'ai fini par avoir mon dossier médical à la naissance, ce qui est très important pour tout le monde. C'est là que j'ai su ma véritable heure à la naissance. Puis c'est ça.

Mme Hivon : Donc, je comprends qu'une de vos demandes dans vos recommandations, c'est vraiment qu'il y ait un mécanisme pour que quelqu'un puisse connaître son statut d'adopté, parce qu'on voit que, dans le projet de loi, ce qui est prévu, c'est que c'est la responsabilité des parents adoptants de divulguer cette information-là. Puis je pense qu'effectivement pour les adoptions actuelles c'est une question qui se pose beaucoup moins, parce que les parents sont beaucoup renseignés quant à l'importance de le dire puis, souvent, la trajectoire des enfants fait qu'ils le savent aussi, mais, pour les gens qui seraient dans une situation comme la vôtre, des adoptions antérieures, vous avez l'air à trouver que c'est quelque chose de très important. Et je comprends que vous, comme mécanisme, vous voyez quelque chose qui pourrait être fait via l'État civil, donc, qui pourrait avoir cette responsabilité-là.

M. Desaulniers (André) : Parce qu'il me semble que, naturellement... Et c'est le cas. J'ai cité, dans mon mémoire, deux pays, là, l'Australie, l'Angleterre, que l'équivalent de l'État civil à eux fournit un tel document, c'est prévu, et je me dis qu'au Québec la même chose pourrait être réalisée facilement, puisque le Directeur de l'état civil, quand il consulte leur registre, c'est indiqué qu'il y a eu une adoption. Il le voit, lui, là, là, c'est indiqué dans la marge, c'est référé en fin du volume — ça dépend des églises, là — mais il le sait, lui. Donc, lui, il aurait le pouvoir de faire ça. Il s'agit juste de lui donner l'autorisation de le faire.

Mme Hivon : Hier, le Mouvement Retrouvailles, je crois, suggérait que, lorsqu'une personne majeure fait une demande de certificat à l'État civil, il puisse y avoir une case pour savoir si on a été adopté ou non, donc que l'on demande cette information-là. Est-ce que c'est un peu le type de mécanisme que vous avez en tête?

M. Desaulniers (André) : Oui. Bien, en fait, je trouve que c'est un compromis raisonnable, je pense, pour toutes les parties. Si, dans le formulaire, déjà il y aurait une case pour le demander, ça donne une ouverture. Je sais qu'en Australie c'est indiqué dans un papier à part, qu'il y a eu une modification. Ils ne précisent pas pour quelle raison, mais, quand la personne désire d'en savoir davantage, ils demandent pourquoi il y a eu une modification, puis là ça peut être pour une garde partagée, ça peut être une adoption, peut-être qu'il y a une variété de raisons. Mais effectivement je trouve que cette option d'une question, ça réglerait... Si le monde veulent le savoir, ils pourraient le faire.

Parce que, là, il faut juste se mettre en contexte. Je ne sais pas si parmi vous il y a des personnes qui ont été adoptées. Personne? Bien, pour la plupart des gens, ils vont prendre leur certificat de naissance, puis ça n'ira pas plus loin. Pour eux, entre les parents légaux et les parents biologiques, c'est la même chose. Pour eux, c'est la vérité. C'est un document émis par l'État qui indique le nom de leurs parents et pour eux c'est la vérité pure, là. C'est pour ça qu'il y a comme un blocage. C'est pour ça qu'il faut mettre en place des mécanismes simples pour ceux qui veulent s'informer, de le faire. C'est sûr que le directeur de la protection de la jeunesse, c'est le gardien de tous les dossiers d'adoption, sauf qu'une personne qui n'est pas au courant va plutôt s'adresser au Directeur de l'état civil dans sa démarche de renseignements sur son état civil.

Mme Hivon : Puis je comprends que — on en a parlé brièvement, mais hier aussi on en a parlé — là, l'idée que, quand il y aurait maintenant une adoption avec reconnaissance du lien de filiation préalable, ce qui serait une nouvelle possibilité, il pourrait y avoir, donc, sur le certificat de l'État civil, les noms des parents biologiques qui soient là et les noms des parents adoptants. Vous, vous semblez dire que ce qui pourrait être intéressant, c'est d'avoir à part, donc pas sur ce document-là — mais je veux savoir si je comprends bien — un certificat de filiation.

M. Desaulniers (André) : Oui, oui, effectivement. C'est que ça rejoint ce que l'Association des parents pour l'adoption québécoise disait hier. Ce n'est pas souhaitable pour un enfant d'arriver à l'école primaire avec un certificat de naissance qui indique qu'il a été adopté. Ça le met à part des autres puis ça amène toutes sortes de questions. Puis effectivement ce serait facile de permettre au Directeur de l'état civil de créer un autre document — on va lui donner le nom de certificat de filiation ou certificat de naissance détaillé — et pour la personne même, pas quelque chose qu'elle va présenter à tout le monde. Si elle a à présenter quelque chose, le document qui est actuellement produit par l'État civil suffit, là. Il y a les renseignements qu'on trouve habituellement : les parents légaux, les noms...

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Desaulniers. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci, monsieur, d'être présent. Effectivement, on parle de l'article 583.10 : «Il appartient à l'adoptant d'informer l'enfant sur le fait qu'il est adopté.» Puis, vous, de toute évidence, vos parents ne vous ont pas donné cette information-là avant leur décès. Donc, même si on a un article qui dit qu'il appartient aux parents... si les parents ne le font pas, il y a une information qui n'est pas donnée à l'enfant. Lorsqu'on parle, tout à l'heure, du document qui est joint... Mettons que le DGEQ... le Directeur de l'état civil, excusez, le Directeur de l'état civil dit que... On dit qu'il pourrait y avoir un document qui est joint, qui pourrait être remis à la personne. Si la personne ne demande pas une copie de son certificat de naissance, ce document-là, elle ne l'aura pas. Il ne le saura probablement pas non plus. C'est un petit peu difficile de voir de quelle façon on pourrait, de façon parfaite, s'assurer que la personne qui a été adoptée finisse par savoir cet état de choses, même si les parents ne l'ont jamais dit.

M. Desaulniers (André) : La proposition de modifier le formulaire de demande de l'État civil en ajoutant la question de savoir si on veut savoir si on a été adopté, c'est une manière pour avoir à long terme, peut-être dans cinq ans, si ça a contribué à augmenter le nombre de personnes qui connaissent leur statut d'adopté. Mais il faut l'essayer.

Mme Lavallée : O.K. Donc, c'est dans le questionnaire que vous verriez la petite case où on demande soi-même...

• (12 h 10) •

M. Desaulniers (André) : Oui, définitivement. Je trouve que c'est... Parce que, dans un monde idéal, mais les coûts seraient prohibitifs, ça serait d'envoyer à tous les résidents nés au Québec un formulaire leur disant qu'ils ont été adoptés, là. Mais on n'a pas ces moyens-là, là. Et en plus, bien, la plupart des personnes concernées n'habitent peut-être même plus au Québec en ce moment. Il y en a qui ont changé de province, peut-être même de pays, ils sont difficiles à rejoindre, et il y en a là-dedans qui sont décédés.

Puis là ça me ramène à la question des descendants. Là, la loi ne prévoit rien pour les descendants. Et pourtant, si on gère les dossiers d'adoption comme un dossier médical, le dossier de l'usager... Dans l'article 17 et suivants de la loi de la santé et des services sociaux, il y a quand même certains aspects prévus pour les descendants. Ils peuvent demander les causes du décès, certains éléments. Autrefois, on avait le droit d'avoir la copie complète du dossier de l'ancêtre. J'ai même eu moi-même le grand-père puis l'arrière-grand-mère comme dossiers. Là, ça a l'air qu'on n'aurait plus le droit d'avoir ça. Mais, minimalement, on a le droit d'avoir certains renseignements. Or, pour les descendants, mettons que... une situation, là, que le fils apprend que son père a été adopté mais que lui-même n'avait pas fait de recherche, mais lui, il est intéressé, le fils, à connaître ses grands-parents biologiques, donc les parents biologiques de son père, qui a été adopté, là, il est bloqué par la loi, et je trouve que c'est une situation qui devrait être améliorée.

Mme Lavallée : Merci. Puis, à l'article 583.2, on mentionne les dommages punitifs pour, exemple, l'enfant qui aurait tenté de prendre contact avec un parent qui aurait fait un veto, là, de non-contact. Vous, pour avoir été un enfant adopté, dans l'état actuel où on a les médias sociaux puis on peut retrouver parfois des personnes, comment vous voyez ça? Parce qu'il y a comme un désir de l'enfant, de lui.

M. Desaulniers (André) : Bien, je suis content que vous posiez la question parce que je ne savais pas comment l'aborder. C'est qu'en Colombie-Britannique, toujours, après 20 ans d'application de leur loi, il y a eu... de contact, là, 0,3 % de demande de veto de contact. Votre question, elle devient purement académique, là. S'il arrive quelque chose que... ça risque de ne pas arriver. Puis, même dans les cas que c'est arrivé — il y en a de documentés dans les autres provinces, en tout cas, ceux que j'ai entendus — finalement, le parent a laissé faire, a laissé faire. Il aurait aimé mieux ne pas être contacté. Mais, quand tu as ton enfant à la porte : Bien, viens prendre un café... Tu sais, c'est comme ça.

Mme Lavallée : Donc, toute la question des dommages punitifs, pour vous, ça n'a pas sa raison d'être dans un projet de loi.

M. Desaulniers (André) : Ah! ça peut être prévu, mais, dans les faits, ça ne s'appliquera pas, à mon point de vue, compte tenu qu'il n'y a presque pas de vetos de contact qui sont remplis. Puis, en plus du veto de contact, il faut qu'il y ait une coïncidence entre l'enfant aussi qui désire contacter le parent, là... Et là on se retrouve avec, dans ce cas-ci, là, en Colombie-Britannique, 8,4 % fois 0,3 %. C'est infime, là, la probabilité, là.

Le Président (M. Ouellette) : Dernier commentaire. 30 secondes, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, pour vous remercier, M. Desaulniers, mais aussi pour que vous nous fassiez part un peu de la discrimination qui est vécue par les personnes adoptées. Vous les abordez un peu dans votre mémoire, les exemples.

M. Desaulniers (André) : Ah! des exemples. Attendez juste...

M. Jolin-Barrette : Au niveau de l'empêchement de mariage, au niveau des questionnaires médicaux, des dossiers médicaux.

Le Président (M. Ouellette) : On n'aura pas le temps...

M. Desaulniers (André) : On a le temps, oui?

Le Président (M. Ouellette) : Bien, mais on peut-u faire ça dans une minute?

M. Desaulniers (André) : Bien, c'est surtout les questionnaires médicaux, pour faire rapidement. Puis moi-même, avant de savoir mon adoption, je donnais les antécédents de mes parents adoptifs. Je ne savais pas que j'étais adopté. Une fois que j'ai su que j'étais adopté, je ne pouvais plus rien marquer, puisque je ne connaissais pas mes parents biologiques — jusqu'en 1995 pour un cas et 2012 pour l'autre. Donc, il y avait un trou. Donc, c'est une source de discrimination : de l'information qu'on devrait pouvoir obtenir, or on ne l'a pas.

Pour les empêchements de mariage, c'est sûr qu'il y a des cas de documentés ici, au Québec, puis surtout dans les petits villages dans le Bas-du-Fleuve, où c'est qu'une personne adoptée s'est mariée avec une parente, parce qu'ils ne le savaient pas, là. Pour empêcher ça, il faudrait qu'il sache qu'il a été adopté, il faut qu'il connaisse sa famille biologique.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Desaulniers. C'est tout le temps qu'on a à notre disposition. Ça a été très intéressant. Je vais suspendre quelques minutes. Et je demanderais à l'association des avocats en droit familial du Québec de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 17)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Et nous recevons maintenant l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec, représentée par sa présidente, Me Danielle Gervais.

Vous allez nous présenter l'autre maître qui est avec vous. Et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et c'est moi, le méchant qui surveille le temps. Et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Gervais, à vous la parole.

Association des avocats et avocates en droit
familial du
Québec (AAADFQ)

Mme Gervais (Danielle) : Oui. Alors, Danielle Gervais. Je suis avocate. Je suis la présidente l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec. Je suis accompagnée de ma collègue Me Marie Christine Kirouack, avocate émérite, auteure, professeure, ancienne présidente elle-même de l'association et praticienne.

Alors, notre association représente près de 500 membres, des avocats qui pratiquent et qui sont médiateurs, qui oeuvrent en droit de la famille à travers la province. Alors, on offre de la formation continue qui informe nos membres, évidemment, des derniers développements jurisprudentiels, des derniers projets de loi dans notre domaine et, bien entendu, comme aujourd'hui, lorsqu'on en a la chance — et merci — de faire des représentations lors d'un dépôt de projet de loi ayant trait au droit de la famille. Alors, il nous fait effectivement grand plaisir d'être ici. Et, comme vous avez pu le constater avec le mémoire qu'on a déposé, que vous avez dû recevoir hier, on a quand même étudié de façon assez approfondie le projet de loi n° 113, qui modifie le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.

Alors, tout d'abord, nous tenons à souligner, effectivement, et féliciter, en fait, en regard... on se réjouit, si vous voulez, de la reconnaissance des adoptions coutumières autochtones. Toutes nos soumissions, si vous voulez, ont toujours été faites dans l'examen des modifications législatives proposées. Chaque mesure a été évaluée sur la base, toujours, du meilleur intérêt de l'enfant, suivant l'article 33 du Code civil, toujours.

Alors, voici nos principaux commentaires. Si, en matière de communication de renseignements relatifs à une adoption, la réforme proposée suit le mouvement amorcé par nombre de pays à ce jour, l'association émet tout de même certaines réserves notamment sur la différence de traitement lorsqu'il s'agit de filiation établie par le sang versus la filiation établie par procréation assistée. On ne semble pas traiter ça toujours de la même façon. Alors, l'association se permettra aussi de souligner certaines réserves de même que certaines interrogations ou préoccupations que nous avons quant à l'application pratique possible de certaines des dispositions qui sont proposées au projet de loi.

• (12 h 20) •

Alors, par exemple, les informations médicales. L'association a certaines réserves en regard des modifications qu'apporteraient les articles 8, 33 et 51 du projet de loi aux articles 542 et 584. L'association approuve le nouveau critère proposé, c'est-à-dire la suppression du mot «grave» — avant, on avait «un préjudice grave», maintenant ce sera «un préjudice» — partout où il se trouve à l'article 542 dans sa version actuelle. Par contre, depuis plusieurs années, l'association s'interroge sur la différence de traitement accordé quant aux enfants nés de procréation médicalement assistée, par opposition à celui des enfants adoptés au Code civil actuel. Alors, 584, dans sa rédaction actuelle, permet aux adoptés ou à leurs proches parents d'obtenir personnellement ces informations, à la différence des enfants nés de procréation assistée, dont les informations ne peuvent être transmises qu'aux autorités médicales, suivant 542. Alors, loin de régler ce problème-là, le projet va dans le sens inverse, si vous voulez, pour élargir cette restriction aux adoptés. Alors, l'association ne voit pas les raisons pour lesquelles il en serait ainsi et se demande pourquoi les enfants nés d'une procréation assistée ou ceux qui sont adoptés ne pourront obtenir ces informations-là personnellement. Alors, c'est possible pour les enfants dont la filiation a été établie par le sang et c'est l'article 23, in fine, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui le prévoit, où on indique effectivement qu'ils ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans leurs dossiers. Alors, pourquoi ou comment on pourrait justifier l'exception à cette règle générale de transmission d'information directement au lieu de vis-à-vis des autorités médicales?

De plus, ce serait quoi, les informations qui relèveraient exactement de l'article 584? Est-ce que c'est seulement celles liées aux problèmes de santé dont il est question ou l'ensemble des antécédents médicaux? Alors, dans un cas comme dans l'autre, l'association ne voit pas ce qui justifierait que le médecin, soit une tierce partie, soit celui qui serait habilité à obtenir ces informations en lieu et place des principaux intéressés, c'est-à-dire l'adopté, les parents ou le parent d'origine ou leurs proches.

Alors, on peut ajouter même à ça que le présent projet de loi entend insérer à la Loi sur la protection de la jeunesse l'article 71.3.11, dont le troisième alinéa prévoit que c'est encore le médecin qui reçoit communication de ces renseignements-là. Et on y dit que ces renseignements ne peuvent être communiqués et utilisés que pour les fins prévues à l'article 584.

Donc, plusieurs questions. Quelles sont les informations, suivant 584, qui pourront être données? Est-ce que ce sera seulement les informations liées aux problèmes de santé ou tout le dossier? Est-ce qu'on va regarder l'ensemble des antécédents médicaux, les conséquences possibles sur la santé, les choix médicaux qui devraient être faits, etc.? Et, si jamais on décidait d'en omettre, qu'est-ce qu'on fait?

Alors, l'association est d'opinion que les modifications proposées aux articles 584, 542, 73.3.11 devraient être réformées afin de permettre que les personnes ou leurs représentants légaux — je vais vite — mandataires en cas d'incapacité, tuteurs, curateurs, pourraient obtenir les informations, bien que de façon non nominative, afin d'atteindre les objectifs de confidentialité.

Deux, reconnaissance d'un lien préexistant de filiation dans le cadre d'ordonnances de placement ou d'adoption. On n'a pas véritablement trouvé de définition de lien préexistant. Alors, qu'est-ce que c'est, exactement, un lien préexistant? Alors, à cela s'ajoute le nouvel article 579, qui dit qu'il peut y avoir... en regard d'ententes «visant à faciliter l'échange de renseignements ou des relations interpersonnelles peut être conclue entre la famille adoptive et la famille d'origine». On ne spécifie pas si ces ententes sont spécifiquement liées aux adoptions avec reconnaissance des liens préexistants de filiation ou non. Alors, est-ce qu'on doit comprendre que ces ententes visant à faciliter l'échange de renseignements ou de relations interpersonnelles comme le prévoirait l'article 579, elles seront les conditions préliminaires à cette ordonnance de reconnaissance d'un lien préexistant de filiation? Est-ce qu'on devra vérifier si, par exemple, c'est dans l'intérêt de l'enfant? Est-ce que ne pourront être conclues de telles ordonnances que si une ordonnance de reconnaissance a été rendue ou non? Est-ce que, si, alternativement, ces ententes-là... est-ce que ce sont des accessoires, de telles ordonnances avec des liens préexistants? Et on n'a pas trouvé de réponse en tant que telle à ces questionnements-là dans ce qui nous a été soumis.

Alors, si, effectivement, ce sont des accessoires à une telle adoption, suivant reconnaissance d'un lien préexistant de filiation, à ce moment-là, l'association pose les questions suivantes, qu'elle soumet à votre attention.

Quelles seront les limites de telles ententes? Ainsi, serait-il possible aux parties de convenir, par exemple, des droits d'accès entre les parents d'origine et l'enfant? Est-ce qu'il y aurait peut-être un risque de chantage de la part des parents d'origine, lesquels feraient, par exemple, des termes du consentement à intervenir une condition sine qua non à leur consentement à l'adoption? Est-ce que ces ententes-là seraient soumises au pouvoir discrétionnaire de la Cour du Québec lors du prononcé de l'ordonnance de placement et/ou lors du prononcé de l'ordonnance d'adoption? En d'autres termes, est-ce qu'elles devront être entérinées par le tribunal comme on le fait, par exemple, pour vérifier, lorsqu'on est en droit familial, pour la pension alimentaire, pour l'intérêt de l'enfant? Ça doit toujours être entériné, vérifié par le tribunal. Est-ce que ça serait la même chose ici? Alors, comment de telles ententes — et ça, on trouve ça très important — pourraient-elles être modifiées si effectivement on arrivait à la conclusion que ce n'est plus dans l'intérêt de l'enfant que de tels liens préexistants persistent? On fait quoi? On n'a pas rien trouvé ici, dans le projet de loi, et je pense que ça serait important qu'il y en ait. Alors, dans le cadre d'un jugement d'adoption qui a préservé la reconnaissance d'un lien préexistant, le jugement lui-même ou l'entente pourraient-ils servir subséquemment à une demande d'accès en bonne et due forme devant la Cour supérieure en tant que, par exemple, partie significative pour l'enfant? Alors, est-ce qu'un tribunal pourrait même refuser de donner son aval à une telle entente ou ordonner une adoption sans reconnaissance d'un lien préexistant? Dans quelles circonstances, si, par exemple, ce n'était pas dans l'intérêt de l'enfant? Je me dépêche, je me dépêche. Alors, ce sont les nombreuses questions que nous nous posons.

Je voudrais souligner aussi l'article 28, l'adoption homoparentale. Que les parents, pour nous, soient du même sexe ou non, ça ne devrait rien changer. Alors, il y a 578, il y a 578.1. Lorsqu'il s'agit de parents adoptants de même sexe, que les droits et obligations de chaque parent soient déterminés par le jugement d'adoption, pourquoi? Homme, femme, les parents maintenant, 599, 600 du Code civil, c'est les mêmes droits, on partage l'autorité parentale. Alors, on ne pense pas que 578.1 a lieu d'être. Et enfin, en ce qui a trait aux règles concernant le caractère confidentiel des dossiers d'adoption et le refus de communication de l'identité, on souhaite effectivement, d'abord, souligner qu'on constate que les individus devront dorénavant procéder à effectuer, si vous me le permettez, un acte positif pour bénéficier de la confidentialité, contrairement à ce qui existe présentement. Alors, en regard du refus prévu à 583.4, l'association croit que le délai pour inscrire un tel refus de communication de son identité devrait courir à la date du jugement d'adoption plutôt qu'à la date de la naissance de l'enfant.

Et enfin, je terminerai comme ça, en ce qui a trait aux adoptions antérieures au projet de loi, il nous semble que le parent d'origine devrait bénéficier de la protection de son identité de plein droit au même titre que l'adopté. L'association est, en plus, en complet désaccord avec 583.9, qui indique que, même s'il y a un refus de communication de renseignements, celui-ci cesserait d'avoir effet au premier anniversaire du décès de son bénéficiaire. Je pense que quelqu'un qui a décidé, qui a réfléchi de son vivant et qui ne souhaite pas ça, de changer, de modifier quelque chose et qu'il n'ait plus le choix d'avoir décidé qu'il y a un refus ou pas, ce n'est pas ce que nous souhaitons. Alors, même post-mortem, nous pensons que les volontés de la personne qui a décidé d'un tel refus devraient être respectées, même si cette personne est morte. Elle a peut-être bien réfléchi, et il demeure probablement que d'autres parents proches pourront subir... ou pourront être affectés par cette levée, si vous voulez, d'un tel refus, et même en pensant à la personne elle-même qui, au moment, par exemple, de décéder... ou qui serait malade, puisse s'inquiéter de se demander ce qui se passerait un an après son décès. Alors, c'étaient là nos représentations.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Gervais. Mme la ministre.

• (12 h 30) •

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci de votre présence et merci d'apporter une lecture différente, parce que c'est la richesse de nos échanges en commission parlementaire, c'est d'avoir différents groupes, différents intervenants qui nous amènent une lecture parfois différente, selon les lunettes que l'on porte.

Je prends la balle au bond. Je vais y aller peut-être avec votre dernière intervention, parce qu'hier, lors de nos consultations, on a eu plusieurs groupes qui militaient pour une ouverture beaucoup plus large et qui militaient pour un droit très large d'avoir accès à l'information de la part des adoptés. Et, je comprends, dans votre intervention, pour vous, lorsque vous dites : On doit maintenir le refus qui a préalablement été inscrit de la part d'un parent biologique, refus de communication en raison de tout ce qui a mené... de la réflexion que le parent a pu mener, c'est très différent des revendications que certains groupes, dont le Mouvement Retrouvailles, nous ont portées.

Donc, j'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là, cet arbitrage délicat entre le droit pour une personne adoptée de connaître ses origines, d'être en mesure de faire les bonnes représentations quant à ce qu'il est, ce qu'elle est et cette protection que vous souhaitez garantir aux parents biologiques qui ne souhaitent pas d'aucune façon entretenir de contacts ou être connus.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Si je peux me permettre, Mme la ministre. La question est double, parce que, d'une part, le refus de communication de renseignements, ce n'est pas juste le parent d'origine, ça s'applique aussi, dans le projet de loi, à l'adopté. Première chose. Deuxième chose, si je peux me permettre, c'est que vous n'aurez pas devant vous l'association des parents d'origine ne voulant pas avoir de contact ou ne voulant pas être connus, par définition, O.K.?

Ceci étant dit, je ne tente pas de minimiser les représentations qui ont été faites devant vous et, probablement parce que je suis juriste, je considère que, un, à partir du moment où la loi permet qu'on puisse avoir effectivement un refus à la communication de renseignements, ce refus-là devrait effectivement subsister dans le temps et non pas être levé au décès. Et, comme je suis praticienne, j'ai eu, moi, dans mon cabinet, des dames qui effectivement avaient donné des enfants en adoption dans les années 60, au début des années 70, à l'époque où l'opprobre social était particulièrement important, et je peux vous dire que, pour ces femmes-là, le principe que leurs maris puissent savoir... Parce que, on se comprend, là, il y a une partie de ces adoptions-là qui ont aussi été faites... la jeune fille est devenue enceinte... ou la jeune adulte, on l'envoyait dans une autre ville ou dans un autre village, personne ne savait qu'elle avait accouché, elle finissait par se marier, personne ne le savait, y compris son nouveau conjoint. C'est toute la vie de ces individus-là, là, qui peut tomber, et j'ai de la difficulté... d'autant qu'en plus le projet de loi va avoir une portée rétroactive, et là-dessus je me permets un commentaire. C'est difficile de comprendre pourquoi le projet de loi donnerait, de facto et de plano, un droit aux adoptés d'avoir une identité qui sera protégée, mais pas aux parents d'origine. C'est comme une différence de traitement devant la loi que je, avec égards, trouve discriminatoire.

Mme Gervais (Danielle) : Et je peux vous dire...

Le Président (M. Ouellette) : Oups! En complément.

Mme Gervais (Danielle) : Je m'excuse. J'ai eu aussi, en tant que praticienne, la même chose. Alors, effectivement, Me Kirouack souligne bien que vous n'aurez pas ces gens-là dans une commission parlementaire, mais, nous, dans notre pratique de tous les jours, on le voit, ça, et, encore récemment, moi, j'ai eu ça, et la personne se demandait ce qui était pour arriver et ne voulait pas...

Mme Vallée : Mais c'est pour ça que je vous pose la question, parce que je sais que ces parents-là, ces mères-là ne viendront pas en commission parlementaire et on aura, plus tard aujourd'hui, d'autres groupes qui viendront demander d'aller encore plus loin, d'être beaucoup plus large dans cette reconnaissance du droit des personnes adoptées de connaître leur identité. Et on a aussi des individus, des citoyens et des citoyennes, qui demandent, avec beaucoup d'insistance, à connaître leurs origines malgré le refus qu'a pu inscrire à l'époque leur mère, donc leur mère biologique. Alors, c'est important qu'il y ait, lors de nos consultations, aussi cette voix-là qui soit portée, alors c'est pour ça que je vous posais la question et je souhaitais vous entendre.

Donc, sur la question de la possibilité d'inscrire ce refus de communication à l'intérieur du 12 mois suivant la naissance, vous considérez que c'est trop rapproché...

Mme Gervais (Danielle) : C'est proche, oui.

Mme Vallée : ...et ça devrait être dans les...

Mme Gervais (Danielle) : Oui, l'adoption. Oui.

Mme Vallée : Et pourquoi?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien, d'une part, parce qu'il y a des enfants qui ne seront pas nécessairement adoptés ou qu'il n'y aura pas de consentement d'adoption dans les 12 premiers mois. Donc, on voyait difficilement pourquoi la prescription de 12 mois courait de la naissance de l'enfant. Et j'ai compris de votre intervention, Mme la ministre, là, que c'était la question, effectivement, là, des tiroirs à bébés, mais, plus largement, je pense qu'on n'a pas à restreindre ça à 12 mois. Le principe, s'il est bon, effectivement, pour éviter le principe, là, des tiroirs à bébés, bien, il devrait s'appliquer plus largement dans le temps. Puis, je veux dire, au choix, ça pourrait être la date du consentement à l'adoption, le consentement général, ou la date du jugement d'adoption, mais, si tant est qu'il y a une période de 12 mois, elle devrait couvrir effectivement a posteriori pour couvrir un enfant de 14 mois, par exemple.

Mme Gervais (Danielle) : Ou plus, même.

Le Président (M. Ouellette) : Me Gervais.

Mme Gervais (Danielle) : Oui. Mais enfin je voulais dire «ou plus», parce qu'on ne peut pas savoir dans les cas par cas... et je comprends, avec les interventions que vous avez eues avant nous... Est-ce que ça arrivera souvent? Est-ce que, d'un côté, vous aurez l'adopté qui cherche à savoir ses origines et, de l'autre côté, le parent adoptant? On le comprend, ça, vraiment très bien, mais je pense que, d'un côté, le refus, de l'autre côté... ce n'est pas assez long, je pense, pour que les gens sachent comment ça fonctionne, qu'est-ce qu'ils doivent faire, etc. Mais c'est plus une question de principe. Le nombre, et tout ça, on ne le sait pas, mais c'est vraiment une question de principe puis de respecter ce que des gens ont voulu. Ce n'est pas assez long, oui.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : J'aimerais vous entendre aussi sur les ententes de communication. En fait, vous avez soulevé plusieurs interrogations. Est-ce qu'il devrait y avoir, donc, une intervention plus grande du tribunal, une intervention plus grande de la direction de la protection de la jeunesse dans la mise en place d'ententes de communication? L'objectif, c'était évidemment de permettre à la famille adoptive puis à la famille d'origine de faciliter entre elles l'échange de renseignements, là, puis permettre des relations interpersonnelles entre la famille d'origine, la famille adoptée, mais vous considérez que le libellé actuel n'encadre pas suffisamment la mise en place de ces ententes-là.

Est-ce que vous auriez des suggestions à émettre sur l'encadrement de ces ententes?

Le Président (M. Ouellette) : Me Kirouack.

Mme Kirouack (Marie Christine) : D'une part, notre question préliminaire... Parce que, quand on lit le libellé proposé, ce n'est pas dans le cas des adoptions avec reconnaissance d'une filiation antérieure. Donc, en matière d'interprétation, cet article-là s'applique à tout dossier d'adoption. Premier commentaire.

Deuxième commentaire. À partir du moment où, effectivement, il y a ce type d'entente là dans le cadre d'un dossier d'adoption, et c'est ce qu'on comprend — et, effectivement, l'article, tel que proposé, ne dit pas que ces ententes-là doivent être soumises à l'approbation du tribunal — il nous semble qu'à partir du moment où tout le chapitre de l'adoption tombe sur «celles-ci ne peuvent être que dans l'intérêt de l'enfant», il s'ensuit que, un, ces ententes-là devraient être soumises au tribunal, naturellement en vertu du meilleur intérêt de l'enfant, deux, que le tribunal devrait... Parce que c'est des questions d'ordre public, O.K.? Les questions relatives aux enfants, dans ces matières-là, sont des questions d'ordre public, donc le tribunal devrait avoir le pouvoir, effectivement, de les modifier ou de suggérer aux parties d'aller réfléchir et de leur revenir. Et surtout, a posteriori, si, un an plus tard, l'entente, effectivement, de communication et de contact s'est avérée complètement délétère, bien, il faut qu'il puisse y avoir un recours pour protéger l'enfant au même titre... parce que, vous savez, au même titre que ça pourrait être un élargissement, effectivement.

Mais, en règle générale, quand il y a un élargissement, c'est que tout va bien, et, à ce moment-là, les parties ne reviendront pas devant le tribunal, mais à partir du moment où effectivement l'entente ne s'avérerait plus dans le meilleur intérêt de l'enfant pour toutes sortes de raisons, il faut que le tribunal puisse être saisi de cette question-là.

Le Président (M. Ouellette) : Me Gervais.

Mme Gervais (Danielle) : Oui, effectivement, et ça, on le voit régulièrement, nous, dans notre pratique en droit de la famille. Ça pourrait être la même chose ici. C'est même un peu dangereux qu'il n'y ait rien. Il faudrait qu'il y ait quelque chose pour pouvoir modifier... Ça, c'est ce qu'il y a de plus important, pour moi, un, l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire qu'il y a un droit de regard de vérifier ce qui peut être fait ou pas. Deux personnes peuvent arriver avec un consentement. Par exemple, deux personnes qui disent : Bien, on n'en paiera pas, de pension alimentaire, madame, elle n'en veut pas, etc., bien, non, tu n'en auras jamais l'aval du tribunal.

C'est la même chose ici, je pense, et il faudrait qu'il y ait quelque chose pour qu'on puisse modifier... Parce que, comme Me Kirouack disait, quand tout va bien, vous savez, on ne les voit pas, les personnes, nous, c'est quand ça va moins bien, et là on n'a pas de mécanisme pour dire : Bien, on va revenir, on va voir.

• (12 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : La Chambre des notaires, hier, nous proposait que le consentement à l'adoption soit consigné à l'intérieur d'un acte notarié. J'aimerais vous entendre sur cette question-là, parce qu'ils nous disaient, entre autres, qu'ils voulaient s'assurer d'une bonne compréhension, qu'il n'y ait pas de fausse représentation faite. Et donc, selon la Chambre des notaires, cette formalité-là devrait être officialisée par voie d'un acte notarié. Ce n'est pas dans le projet de loi, évidemment, mais je souhaitais vous entendre, parce que d'autres personnes ont également formulé, là, cette préoccupation, cette recommandation.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Avec égards pour la proposition de la Chambre des notaires, je vais m'inscrire en faux pour de multiples raisons. D'une part, si d'aventure, effectivement, quelqu'un avait... Il y a trois types, hein, de consentement, si je prends, par ailleurs, le projet de loi, O.K., c'est-à-dire le consentement général, le consentement spécial et le consentement qui aurait une reconnaissance de filiation, effectivement, antérieure.

Dans les cas de consentements spéciaux, non seulement les parties doivent-elles signer, effectivement, devant témoins, être assermentées, mais venir devant le tribunal, qui va leur poser des questions sur la question de leur consentement à l'adoption. Donc, je ne vois pas l'utilité, effectivement, que ça soit un acte authentique, alors que le travail a déjà été fait et, a posteriori, en plus, le tribunal s'assure du consentement des parties. D'autre part, si on parle plus en matière des consentements généraux, les parties ont un temps pour rétracter leur consentement, et c'est écrit en toutes lettres. Le libellé d'un consentement d'adoption, c'est textuellement strict, ce n'est pas une ligne, de façon très générale, où les parties peuvent penser de près ou de loin que ce qu'elles signent peut mener à autre chose, et, si d'aventure ça devait être le cas, les parties ont des recours, effectivement, en rétractation de leur consentement.

Le Président (M. Ouellette) : En complément, Me Gervais?

Mme Gervais (Danielle) : Non, ça va.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va bien?

Mme Gervais (Danielle) : Je n'aurais pu mieux dire.

Le Président (M. Ouellette) : Une minute, Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, sur la question de la communication des informations médicales, vous vous interrogez sur le rôle du médecin, mais, en fait, l'objectif, c'est de protéger, justement, la confidentialité des informations lorsque, par exemple, il y a un parent biologique qui ne souhaite pas que les renseignements concernant son identité soient divulgués. Donc, l'objectif était de permettre aux professionnels d'échanger et pour protéger justement la mère qui ne souhaite pas que son identité ou d'autres informations soient communiquées.

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...l'association avait souligné qu'effectivement les informations devraient être envoyées de façon non nominative. Là où on a d'importantes difficultés... et, je vais vous dire, depuis 2002, l'association a des problèmes pour ce qui est de ce principe-là en matière de procréation médicalement assistée. Alors, quand on a lu le projet de loi et que l'on a vu qu'on voulait élargir ça dans les cas d'adoption... Écoutez, qu'est-ce qui fait qu'un adopté ou un enfant dont la filiation a été médicalement adoptée... assistée, je m'excuse, aurait un statut inférieur? Toute personne a la capacité juridique en vertu et de notre charte et du Code civil. L'article 15 de la Charte canadienne dit la même chose. Or, si je regarde la loi sur la santé et les services sociaux, les enfants, par exemple, dont les filiations sont établies par le sang ont un complet contact et peuvent avoir les informations du dossier dès 14 ans. L'ensemble des dossiers sociosanitaires, pour ce qui est, effectivement, des générations avant vous, si votre filiation est établie par le sang, vous pourriez effectivement... la loi sur la santé et les services sociaux prévoit aussi... Qu'est-ce qui fait que, dans ces cas-ci... Et je comprends l'objectif de confidentialité, Mme la ministre, mais je trouve aussi que c'est de faire de ces gens-là des citoyens de seconde zone qui, un, vont être tributaires de ce que leurs médecins veulent bien leur dire, O.K., deux, vont décider pour eux ce qui constitue une information effectivement relative à la santé, parce que la loi va aussi loin de dire : Ça ne pourra effectivement être dévoilé que pour l'application de cet article-là.

Ce qui veut dire que, si — je vous donne un exemple, là, pratico-pratique, O.K.? — le dossier a été transféré au médecin, et, la question qu'on se pose, c'est des antécédents pour une maladie de Parkinson, mais ce que le médecin voit, c'est que, les antécédents, il y a une maladie coeliaque, par exemple, O.K., qui est une maladie, effectivement, avec un lien génétique, ce n'est pas juste un lien familial, O.K., qu'il y a beaucoup de cancers, bien, est-ce que l'objectif de la loi, c'est juste d'avoir l'information relativement à la maladie de Parkinson ou si c'est permettre à l'adopté et à l'enfant, génétiquement, effectivement, qui a été conçu de façon médicale, O.K., de pouvoir prendre, effectivement, des décisions de santé?

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Kirouack. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Bienvenue à vous deux. Merci beaucoup. Votre mémoire est très, très bien fait et instructif et, quand on va faire l'étude détaillée, il va être à côté de nous pour se rappeler des différents enjeux que vous avez soulevés, là, à chaque article.

Moi, j'aimerais aborder principalement, là, deux éléments. Vous vous questionnez par rapport à la nouvelle, je dirais, forme d'adoption avec reconnaissance du lien de filiation préexistant. Vous semblez vous demander un peu quel effet ça va avoir. Moi, je comprends que, concrètement, l'effet tangible de ça, c'est que, sur le certificat... c'est beaucoup un lien pour qu'il n'y ait pas une cassure totale au niveau de l'identité, là, de la personne adoptée. Donc, au niveau du certificat de l'État civil, il y aurait la mention des parents biologiques et des parents adoptants. Parce qu'il y a des groupes qui nous ont soulevé le fait qu'ils se questionnaient à savoir si c'était opportun de voir ça apparaître systématiquement sur le certificat. Ça fait que j'aimerais vous entendre là-dessus et sur aussi sur la question du consentement. Donc, comme c'est prévu en ce moment, le consentement à l'adoption peut être donné pour une forme ou une autre ou, indépendamment, l'une ou l'autre.

Vous soulevez vous-même, plus en lien avec les ententes de communication, mais je vais y revenir dans un deuxième temps, la question, peut-être, du marchandage ou des rapports de force. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut jouer... c'est-à-dire, pour qu'un parent biologique puisse finalement accepter mais moyennant le fait qu'il y aura préservation du lien biologique préexistant et que peut-être qu'on s'éloigne parfois de l'intérêt de l'enfant, mais pour avoir un consentement? Donc, est-ce qu'à travers votre pratique c'est des choses qui vous inquiètent? Donc, question en deux volets.

Le Président (M. Ouellette) : Me Kirouack.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Moi, je vais répondre sur la question du certificat de naissance et probablement que je vais démontrer mes cheveux blancs. Moi, je suis assez vieille pour avoir vu, dans des dossiers, des documents qui émanaient de l'autorité gouvernementale avec une belle étampe à travers qui indiquait «bâtard», dont des documents de l'armée, O.K.? La comparaison est peut-être boiteuse, là, mais je pense qu'effectivement l'enfant adopté n'a pas nécessairement, à toutes les fois qu'il a besoin d'un passeport, de faire renouveler quelque carte... d'annoncer à tout le monde qu'il a été adopté. Qu'il puisse, par ailleurs, au DEC avoir un certificat qui fera état de toutes ces mentions-là, O.K., quoiqu'on pourrait se poser des questions, là, parce qu'à partir du moment où l'adoption, qui va se substituer à la filiation d'origine... En fait, le nouveau terme, ça va remplacer, O.K., parce qu'il y a eu une modification, à ce qu'effectivement ça relève de l'État civil, parce qu'il n'y a pas de statut au parent, et c'est peut-être là où, je vous dirais, le projet de loi aurait besoin d'être comme spécifié. Tu sais, je veux dire, ces parents-là n'auront plus de statut juridique, mais les informations pourraient effectivement être indiquées.

Mais je pense qu'il faut que les adoptés puissent avoir la possibilité d'avoir un certificat de naissance comme vous et moi, qui n'avons pas été adoptés, plutôt que d'avoir à annoncer toute leur histoire personnelle à tout le monde.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Gervais, vous aviez un complément?

Mme Gervais (Danielle) : Oui. Dans notre pratique, en fait, les gens n'aiment pas vraiment annoncer leurs histoires personnelles, de façon générale, et, quand il y a un jugement de divorce, même, par exemple, parfois pour des droits d'accès, ou des permissions, ou des choses comme ça qui doivent se rendre au passeport pour la garde ou pour ceci, est-ce qu'il y a des droits d'accès de l'autre côté?, on essaie vraiment de le préserver. Les gens ne veulent pas que leur vie au complet se promène... Alors, je vois mal pourquoi les gens apprécieraient beaucoup avoir ça et se promener toujours avec : Mais c'est qui, tes parents? Qu'est-ce que c'est? Ah! ça, c'est biologique. C'est-u d'origine? Ça, c'est les autres?

Je ne suis pas certaine que c'est une bonne idée, honnêtement. Et, oui, je peux voir une possibilité de chantage. Je ne vous dis pas «tout le temps», puis c'est peut-être un gros mot, là, que de prendre le mot «chantage», mais de dire, bien, surtout dans, peut-être, des adoptions dans des Banques-mixtes... ou des enfants un petit peu plus vieux : Bien, moi, je voudrais, oui, mais il faudrait que je le voie, je ne sais pas, deux fois par mois, que vous m'envoyiez des photos, là, que ceci, que cela... Nous, c'est l'intérêt de l'enfant, c'est ça qui devrait prévaloir, point.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Juste pour finir sur la question du certificat de naissance. En fait, je dois vous dire que je suis très ambivalente, parce que je comprends tout à fait, puis je pense que ça nous est ressorti hier, là, de se dire : O.K., là, ça veut dire qu'à chaque fois que la personne va présenter son certificat on va voir comme les quatre parents, là, dans ces cas-là. En même temps, c'est supposé s'appliquer, cette nouvelle réalité-là, quand c'est dans l'intérêt de l'enfant et qu'en fait on convient globalement que c'est une bonne chose qu'il n'y ait pas rupture du lien de filiation préalable, et, en quelque sorte, ça normalise l'identité de l'enfant aussi que ce soit sur son certificat si on estime que c'est dans son intérêt, parce qu'il est plus vieux, parce qu'il est rendu à 12 ans. Bon, là, vous et moi, on ne peut pas juger à chaque fois. Je vous fais juste part d'un peu... parce qu'on se comprend que, dans le passé, on était dans tout autre chose, énormément de tabous, et tout ça. Maintenant, on veut s'éloigner de ça et justement faire en sorte que l'enfant puisse accueillir ça, que ça soit normalisé.

Donc, je ne suis pas certaine que ça veut dire qu'il faut que ça soit sur le certificat de naissance, mais ce que je veux dire, c'est que peut-être que c'est un certificat à part, peut-être que c'est autre chose qui peut refléter ça. Mais je pense qu'il y a comme un paradoxe, parce qu'on veut aussi normaliser ça dans ces cas-là, et c'est l'idée derrière cette nouvelle réalité-là, puis en même temps on se dit : Oui, mais il faudrait aussi peut-être le cacher. Donc, je pense que c'est peut-être juste le véhicule, vous nous dites, qui n'est pas le bon, là.

Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est plus par rapport à cette question-là, si je peux juste me permettre. C'est parce que vous avez dit qu'on parle d'adoption sans rupture du lien de filiation. Ce n'est pas le cas, là, on parle d'une...

Mme Hivon : ...connaissance, oui, oui. Excusez-moi.

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. Juste qu'on se comprenne, O.K., par rapport à ça.

Mme Hivon : Oui, oui, oui. Je suis dans le nouveau vocabulaire. Oui, oui, oui.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Moi, je pense, c'est une question du respect à la vie privée. C'est une question de respect à la vie privée.

Mme Hivon : Oui. Oui, c'est beau. Puis, pour ce qui est des ententes de communication, c'est ça, l'ancien projet de loi prévoyait que ça devait être judiciarisé. On se comprend tous ici qu'on a quand même une volonté de pouvoir rendre les choses plus accessibles, avec la lourdeur parfois des processus, mais vous y voyez des risques de faire en sorte que les parties sont un peu laissées à elles-mêmes pour déterminer tout ça sans... donc vous l'encadreriez.

Mme Gervais (Danielle) : ...encadré. Je m'excuse, je n'ai pas eu la permission. Ça peut être encadré. S'il n'y a pas de problème après, que ce soit encadré, que ça va bien, que les gens décident qu'ils veulent plus se parler, puis que tout va bien, on ne les voit pas, ces dossiers-là, ça veut dire que ça va bien, on ne demande pas... D'ailleurs, souvent, lorsqu'on est en droit de la famille puis on parle, par exemple, de droits d'accès, vous savez, on termine toujours en disant : Et autres droits à l'amiable entre les parties. Si ça va bien puis ça va bien pour l'enfant, il n'y a pas de problème, les deux parents adoptants... et biologiques, si vous voulez, d'origine, ça va. Mais qu'il n'y ait pas du tout d'encadrement, pas du tout de mécanisme, si ça ne va pas, ça, ça pourrait être un problème.

Mme Hivon : J'ai 30 secondes.

Mme Gervais (Danielle) : 30 secondes? O.K.

Mme Hivon : Je veux juste savoir. Est-ce que vous pensez aussi que le consentement, quand il y a une entente de communication, devrait être avec entente de communication ou sans entente de communication, un peu comme on l'a pour la reconnaissance du lien — me suivez-vous? — ou si ça, c'est effectivement, dans votre esprit, juste un accessoire, qu'importe qu'il y ait reconnaissance ou non du lien de filiation?

Le Président (M. Ouellette) : ...ou par non.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Tel que libellé, l'article présentement vise tous les dossiers d'adoption.

Mme Hivon : Oui, c'est comme un accessoire, hein? Oui.

Le Président (M. Ouellette) : C'est beau. Merci. Mme la députée de Repentigny... Ah! M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Gervais, Me Kirouack, bonjour, merci d'être présentes.

Je vais vous demander, d'entrée de jeu, vous qui pratiquez en droit familial : Comment vous voyez ça qu'on réforme le droit familial par bouchées, si je peux dire, par segments? Comment vous voyez ça? Parce qu'il y a la question, supposons, de l'adoption mais la question des mères porteuses aussi qui soulève des questions en lien avec l'adoption.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui. Bien, en fait, oui, je sais que présentement ça fait partie des questions et je sais qu'on est a posteriori du rapport sur la question du droit de la famille, mais là je vais répondre en mon nom strictement personnel sur cette question-là.

Vous savez, il y a beaucoup de choses sur lesquelles on doit se pencher en matière du droit de la famille si je regarde de 1994 à ce jour. Des fois, à vouloir fonctionner trop largement — puis on ne peut pas être contre la vertu — ça fait en sorte que le processus n'avancera pas. Je dois vous dire que moi, à partir du moment où quand, effectivement, on se penche sur une portion, effectivement, du code mais qu'on s'assure que c'est cohérent partout, O.K., et que, si, dans notre interprétation, on voit que ça pourrait aller toucher autre chose, qu'on aille y toucher, je n'ai, par ailleurs, pas d'objection à ce que ça se fasse effectivement par étapes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé tout à l'heure la question de la discrimination pour le parent biologique, d'origine. La question qui se pose, c'est un peu un équilibre entre la personne qui est adoptée, le droit à la connaissance des origines versus le droit à la confidentialité du parent qui donne son enfant à l'adoption. Comment est-ce qu'on réconcilie ça?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien, écoutez, quand j'ai parlé de discrimination tout à l'heure, j'ai notamment souligné certains articles où, entre autres, si on parle des adoptions qui ont lieu avant l'entrée en vigueur de la loi, l'adopté a un droit de veto de plein droit, en vertu du code, comme quoi qu'il n'y aura pas de contact et il n'y aura pas de renseignement, alors que le parent d'origine ne bénéficie pas de ça. Je vais vous dire, justement, si je reprends la question des droits qui s'affrontent, je ne vois pas pourquoi est-ce que le parent d'origine ne bénéficie pas des mêmes droits pour ce qui est des adoptions antérieures.

Pour ce qui est du reste, je vais vous dire, quant à moi, à partir du moment où il peut y avoir un refus de renseignements et il peut y avoir un refus de contact, il est important que ces règles-là s'appliquent tant à l'une qu'à l'autre des parties, et c'est là que l'équilibre va se trouver, c'est-à-dire qu'ils feront ou ne feront pas des demandes d'information.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Gervais (Danielle) : Que ce soit la même chose pour tout le monde, dans le fond.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Gervais.

Mme Gervais (Danielle) : Je m'excuse. Que ce soit la même chose pour tout le monde. Que ce soit vraiment la même chose pour tout le monde. Mais, si vous me permettez, en fait, le droit de la famille et tout ce qui englobe ça est vraiment un droit qui évolue assez rapidement, qui évolue avec la société. Alors, effectivement, je reprends ce que Me Kirouack disait, il vaut mieux en faire, en fait, des petits bouts — puis je vais dire ça pour moi-même aussi, là, pas pour l'association — mais que ce soit bien fait, effectivement, à chaque fois. Et c'est ça que vous faites, en fait, en commission parlementaire. C'est pour ça qu'il y a une telle ouverture, parce que nous, ensuite, on va prendre ces articles-là et ça va être dans notre pratique de tous les jours.

M. Jolin-Barrette : Je comprends.

Mme Gervais (Danielle) : Ce n'est pas toujours simple.

M. Jolin-Barrette : Non, effectivement, mais, quand on tire sur une ficelle, en droit de la famille, il y a souvent un autre morceau qui vient avec aussi. Donc, c'est souvent interrelié.

Ceci étant dit, vous avez abordé la question de l'homoparentalité à l'article 578.1, puis je vais le lire, pour le bénéfice, là... «Lorsque les parents de l'adopté sont de même sexe, celui qui a un lien biologique avec l'enfant a, dans le cas où la loi attribue à chaque parent des droits et obligations distincts, ceux du père, s'il s'agit d'un couple de sexe masculin, et ceux de la mère, s'il s'agit d'un couple de sexe féminin. L'adoptant a alors les droits et obligations que la loi attribue à l'autre parent. Lorsqu'aucun des parents n'a de lien biologique avec l'enfant, le jugement d'adoption détermine les droits et obligations de chacun.»

Donc, vous, ce que vous dites, c'est que, dans le code, il n'y a pas de distinction entre les parents.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Et, plus largement, dans l'ensemble des lois, il n'y a plus de différence entre les lignées des mères et les lignées des pères — 578.1 en 2002, peut-être, en 2016, c'est complètement désuet — d'autant que, et avec égards, le jugement d'adoption, O.K., donne la filiation. Or, c'est du lien filial, la reconnaissance de la filiation juridique, que les parents ont les droits et les obligations de 599, 600, et suivants du Code civil, donc c'est une incongruité. Alors que tous les autres parents sont sous 578, qui dit juste : Le jugement d'adoption, la filiation se substitue à la filiation d'origine, et après ça on s'en va à 599 et 600, mais, dans les cas d'adoption homosexuelle... Bon, d'une part, je vais vous dire, certains membres de la communauté homosexuelle s'inscrivent un peu aussi en faux à l'effet que... Tu sais, j'ai été, moi, la procureure au premier dossier d'adoption homosexuelle au Québec. Vous savez, la conjointe de madame, sur consentement spécial, n'était pas très contente que la loi faisait d'elle un père, O.K.?

Par ailleurs, dans les cas où vous auriez des adoptions, si ni un ni l'autre n'a effectivement de lien génétique, en vertu de quel critère est-ce que le tribunal déciderait qui est papa et qui est maman? C'est reprendre des anciens schèmes qui ne sont plus applicables en 2016.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Kirouack.

Mme Gervais (Danielle) : ...loi suit l'évolution de la société.

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup, Me Danielle Gervais, Me Marie Christine Kirouack, représentant l'Association des avocats et avocates en droit familial.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.

Cet après-midi, nous entendrons Me Alain Roy, président du Comité consultatif sur le droit de la famille et signataire du rapport Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales, ainsi que la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.

Nous recevons en premier lieu Me Alain Roy. Vous allez nous faire votre présentation, et ensuite il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Me Roy, à vous la parole.

M. Alain Roy

M. Roy (Alain) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de cette invitation à comparaître devant vous. Compte tenu du court délai de convocation, je n'ai, malheureusement, pas de mémoire à l'appui de ma présentation orale. Mais, pour compenser, M. le Président, j'ai pensé apporter le rapport de 600 pages du Comité consultatif sur le droit de la famille que j'ai écrit bénévolement, il y a deux ans, au nom de 10 experts en droit de la famille et j'en ai une copie pour chacun des membres de la commission que je vais déposer auprès du secrétaire après ma présentation, si vous me le permettez.

Évidemment, je ne vous remets pas ce rapport pour vous parler des nombreux domaines, des nombreux enjeux du droit de la famille qui méritent d'être réformés sans délai en raison de l'évolution des besoins sociaux ou parce que les tribunaux ne cessent de l'exiger, comme par exemple les naissances hors mariage, les mères porteuses, le statut juridique des beaux-parents, le mariage religieux. Je vous le remets simplement parce qu'on m'a invité aujourd'hui à titre de signataire de ce rapport et parce que l'approche dans laquelle s'inscrit apparemment le projet de loi n° 113 représente exactement ce que le comité recommandait de ne pas faire, c'est-à-dire aborder le droit de la famille en vase clos, dans une perspective de silo, en dissociant les uns des autres des enjeux qui sont pourtant interreliés.

Ma présentation se divise en deux parties. Je vais d'abord y aller de commentaires généraux sur les cibles du projet de loi n° 113 et sur les moyens déployés pour les atteindre. Ensuite, davantage comme expert et auteur en droit de l'adoption que comme président du Comité consultatif, je vais aborder rapidement chacun des grands axes qui traversent le projet de loi n° 113.

Tout le monde l'attendait depuis longtemps. Le projet de loi n° 113 se veut la réponse que le gouvernement souhaite apporter à l'évolution des réalités de l'adoption, des réalités qui n'ont plus grand-chose à voir avec celles qui existaient en 1924, lorsqu'on a mis en place le cadre juridique qui nous gouverne toujours aujourd'hui, du moins pour l'essentiel de ses fondements. À l'époque, vous le savez, les enfants confiés en adoption l'étaient à la naissance, ils n'avaient jamais connu leurs parents d'origine. L'adoption était donc un moyen de donner des parents à un enfant qui n'en avait pas et non pas, comme aujourd'hui, un moyen pour des parents d'avoir un enfant alors que cet enfant n'est pas un nouveau-né et qu'il a parfois développé son identité en référence à sa famille d'origine. Vous n'êtes pas sans savoir que l'adoption est une institution dont les conséquences sociales et juridiques sont extrêmement graves, une institution qu'on doit donc manier avec beaucoup de précautions.

L'adoption entraîne un changement de filiation, et intervenir sur la filiation d'une personne, c'est intervenir sur son identité première. Pour cette raison, dès le tout début du processus de réflexion, en 2008, dans le rapport Lavallée, et ensuite dans l'avant-projet de loi et dans les deux projets de loi qui l'ont suivi, le n° 81 et le n° 47, il ressortait très clairement qu'il fallait à tout prix éviter des adoptions qui n'ont pas lieu d'être. Dans cette perspective, on proposait la mise en place d'alternatives réelles à l'adoption, et je parle précisément de partage d'autorité parentale et de tutelle dative déférée par les parents pour cause d'incapacité provisoire, des alternatives que le Comité consultatif, que j'ai présidé, considérait lui-même comme étant essentielles et indissociables à tout projet de réforme de l'adoption.

Un exemple concret pour illustrer mon propos : vous êtes la mère d'un enfant, vous décédez d'un accident d'automobile alors que l'enfant a cinq ans. Le père de l'enfant refait sa vie avec une nouvelle conjointe. Quelques années plus tard, la nouvelle conjointe aimerait, en toute légitimité, exercer l'autorité parentale à l'égard de l'enfant et dans l'intérêt de ce dernier pour ne plus être traitée comme une étrangère lorsqu'elle se rend avec lui à l'hôpital ou lorsqu'elle l'inscrit à l'école. La seule manière pour la nouvelle conjointe d'obtenir l'autorité parentale sur une base générale et permanente, c'est d'adopter l'enfant. Or, l'adoption de l'enfant va briser son lien de filiation avec vous, sa mère, et le projet de loi n° 113 ne change absolument rien à cette conséquence. J'y reviendrai un peu plus tard. Vous êtes décédée, me direz-vous, vous n'êtes pas du type contrôlant post-mortem? Tant mieux. Mais le lien de filiation qui vous liait à l'enfant vous dépasse et vous survit. C'est ce lien de filiation qui inscrit l'enfant dans un axe généalogique. C'est ce lien qui procure à vos propres parents leur statut de grand-parent. Si on brise ce lien, le droit ne les considérera plus comme des grands-parents, ce qui n'est pas rien, et c'est vrai aussi pour les demi-frères et demi-soeurs utérins de l'enfant, le cas échéant, et pour l'ensemble des membres de la lignée maternelle, dont l'enfant sera soustrait. Bref, à cette lignée maternelle d'origine va se substituer complètement la nouvelle lignée maternelle adoptive. Voilà bien une adoption qui n'avait pas lieu d'être, puisqu'on aurait pu arriver au résultat recherché en permettant simplement au père de l'enfant de partager son autorité parentale avec sa nouvelle conjointe sans toucher à la filiation de l'enfant, sans le priver non seulement de son identité, mais de son appartenance à sa lignée maternelle d'origine, sachant que l'identité va bien au-delà du lien parent-enfant.

• (15 h 10) •

Contrairement aux projets de loi nos 81 et 47, le projet de loi n° 113 évacue complètement cette alternative à l'adoption qu'est le partage de l'autorité parentale. Explication dans le mémoire déposé au Conseil des ministres, partie accessible au public, et je cite : « Les dispositions sur l'autorité parentale présentes dans le rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille et dans les précédents projets de loi ont été retirées du projet de loi n° 113 afin d'être intégrées dans le cadre d'une réforme plus globale du droit de la famille.» Le problème, c'est qu'on sait maintenant que le gouvernement actuel n'entend pas aller de l'avant avec une réforme plus globale du droit de la famille. Alors, que va-t-il advenir de ces alternatives avant qu'on les envisage de nouveau, je ne sais trop quand? Ça fait presque 10 ans que la réforme de l'adoption est sur le métier. En attendant, donc, on va continuer de prononcer des adoptions dans des cas comme celui que j'ai présenté, qui sont loin d'être marginaux — environ 30 % des cas d'adoption interne, selon certaines données — alors qu'on sait tous que la réponse qu'est l'adoption plénière est non seulement inadaptée à ces situations, mais tout à fait contraire à l'intérêt de l'enfant et à la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que le Canada a ratifiée en 1991 et à laquelle le Québec s'est déclaré lié par décret la même année, la convention qui, à son article 8, oblige les États à préserver l'identité de l'enfant.

Vous avez ici un exemple éloquent du caractère interrelié des différents enjeux du droit de la famille. L'autorité parentale, la tutelle sont peut-être des institutions distinctes de l'adoption, elles se situent dans d'autres chapitres du Code civil, mais, comme on le constate, en abordant l'adoption de manière isolée, on pave la voie à une utilisation inadéquate du mécanisme au détriment de l'enfant et des engagements internationaux du Canada et du Québec.

Maintenant, quelques observations rapides sur les différents enjeux qui traversent le projet de loi n° 113.

Premier point, sur l'adoption autochtone, bravo aux artisans de cette belle avancée. La reconnaissance de l'adoption coutumière autochtone est tout à l'honneur du Québec. La solution qui a été retenue m'apparaît, par contre, discutable, du moins d'un point de vue juridique. Le projet de loi n° 113 précise que des droits et des obligations pourraient demeurer entre l'enfant et ses parents d'origine après l'adoption, ce qui est conforme aux différentes coutumes autochtones, mais, plutôt que de maintenir le lien de filiation d'origine, dont découlent ces droits et ces obligations, on le rompt. C'est ce que prévoit l'article 577, qui mentionne que l'adoption sera plénière dans tous les cas, en matière autochtone comme pour les autres adoptions québécoises, et ce, peu importe qu'on applique la nouvelle modalité qui consiste à maintenir sur l'acte de naissance la mention du lien préexistant, nouvelle modalité qui n'est, en réalité, qu'une simple voie d'accès additionnelle aux données nominatives via l'acte de naissance. Alors, même s'il y a reconnaissance du lien préexistant de filiation, l'adopté cessera d'appartenir à sa famille d'origine, le lien d'origine sera définitivement rompu. Mais, en matière autochtone, l'article 577.1 nous dit que le lien rompu pourrait néanmoins continuer de produire des effets juridiques, référence aux droits et aux obligations qu'on pourra maintenir entre l'enfant et ses parents d'origine en raison de la coutume autochtone. Je ne vois pas pourquoi on ne déroge pas simplement au principe de l'adoption plénière en prévoyant que l'adoption pourrait être prononcée sans rupture du lien d'origine et qu'il reviendra aux autorités autochtones de déterminer les droits et les obligations qui subsisteront malgré l'adoption. Un peu étrange de briser le support de droits et d'obligations qu'on veut maintenir. Et, au-delà de cet aspect technique, d'un point de vue plus symbolique, je pense que cette solution est réductrice des différentes conceptions de l'adoption chez les autochtones, tel qu'en témoignait le rapport Prégent.

Et ça m'amène au deuxième point, qui est complémentaire à celui-là. Cette nouvelle modalité qu'est la reconnaissance du lien préexistant est également envisagée pour les adoptions québécoises ordinaires, non autochtones. Mais, contrairement à l'adoption autochtone, impossible de maintenir des lois... ou, plutôt, des droits et des obligations entre l'enfant et les parents d'origine ou, plus largement, entre l'enfant et sa lignée d'origine, peu importent les circonstances. Je trouve cela très dommage. Il ne reste pratiquement plus rien des propositions audacieuses du rapport Lavallée, qui recommandait l'introduction, en droit québécois, d'une véritable adoption sans rupture du lien d'origine, assortie d'effets juridiques là où l'intérêt de l'enfant le justifie de manière à bien refléter le fait que la logique de substitution à la base de l'adoption plénière n'est pas toujours appropriée et qu'on pourrait fort bien la remplacer par une logique additive dans certaines circonstances, je dis bien, et seulement si l'intérêt de l'enfant le justifie. À cet égard, je suis tout à fait d'accord avec la Chambre des notaires, dont j'ai lu le mémoire, pour déplorer le fait qu'on n'ait même pas envisagé l'adoption sans rupture du lien d'origine, assortie de droits successoraux dans les cas d'adoption intrafamiliale. Prenez l'exemple de l'adoption par le conjoint que j'ai donné tantôt, où l'idée de maintenir le lien d'origine de l'enfant avec le parent décédé et les membres de la famille qui s'y rattachent n'aurait rien de controversé.

Troisième point, l'entente de communication. Le nouvel article 579 m'a laissé perplexe. Autant on s'est donné la peine de peaufiner les choses en matière d'adoption autochtone sous réserve de la solution un peu étrange qu'on a retenue, autant cet enjeu fondamental de l'adoption contemporaine qu'est l'adoption dite ouverte me semble avoir reçu un traitement un peu expéditif. Je constate d'abord que l'entente ne serait plus soumise à l'homologation judiciaire. Dans un contexte aussi particulier que l'adoption, où des tensions et pressions peuvent exister, qui va donc s'assurer que l'entente convenue respecte l'intérêt de l'enfant? Je constate également qu'on identifie les parties à l'entente comme étant «famille adoptive» et «famille d'origine». Le terme «famille d'origine» se limite-t-il aux parents d'origine ou inclut-il d'autres membres comme les frères et soeurs majeurs de l'enfant ou ses grands-parents, ce qui serait, à mon avis, souhaitable? Et comment on va pouvoir obtenir la modification de l'entente après sa conclusion ou sa résiliation si on réalise qu'elle ne sert plus l'intérêt de l'enfant? Autant de questions laissées en plan. Je comprends qu'on veut déjudiciariser, mais la déjudiciarisation ne doit pas se faire au détriment des droits et de l'intérêt de l'enfant.

Quatrième et dernier point, la consultation des dossiers d'adoption. Je suis très heureux pour les enfants adoptés de l'orientation d'ouverture que maintient le projet de loi n° 113. Pour les adoptions du passé, je pense que le projet de loi réalise finalement un bel équilibre entre les attentes légitimes que peuvent entretenir les parents qui ont confié leur adoption à une autre époque et le droit fondamental de l'enfant à la connaissance de ses origines. Pour les adoptions du futur, je m'inquiète, par contre, du veto de divulgation que le parent d'origine pourrait inscrire dans l'année de la naissance pour valoir à vie. Je comprends l'objectif de ce veto, on veut prévenir des infanticides que la mère pourrait autrement commettre pour assurer le secret dont on voudrait la priver, ce qui pourrait, dit-on, représenter un risque dans certaines communautés culturelles, mais le danger auquel la mère est exposée au moment de la naissance va peut-être s'évaporer avec les années, et on ne se donne pas la chance de suivre cette évolution. Pourquoi ne pas prévoir qu'à 18 ans l'enfant pourrait faire une demande d'accès à son dossier, que les intervenants auraient le devoir de communiquer avec la mère pour lui demander si elle maintient son veto et qu'en cas de réponse affirmative le tribunal pourrait arbitrer entre les intérêts divergents de la mère et de l'enfant? On ne peut pas gommer sur une base permanente l'intérêt de l'enfant, son droit fondamental à la connaissance de ses origines, si tant est qu'on y croie vraiment. Et, si on y croit vraiment, on devrait, comme l'a proposé le Comité consultatif, l'inscrire formellement dans la charte québécoise non seulement au profit des enfants adoptés, mais également au profit des enfants issus d'une procréation médicament assistée, une consécration qu'on ne peut évidemment pas réaliser si on persiste à refuser l'idée d'envisager le droit de la famille comme un tout, si on continue à croire qu'on peut aborder en silo les différents enjeux qu'il soulève, une approche qui non seulement ne permet pas d'assurer la cohérence de l'ensemble, mais qui expose aussi le droit québécois à des contestations judiciaires.

L'une des prochaines batailles constitutionnelles, après l'union de fait et le mariage religieux, pourrait bien être celle des enfants issus de procréation assistée qui se diront, à juste titre, victimes de discrimination par rapport aux enfants adoptés. Faudra-t-il une autre affaire Lola, un autre jugement de la Cour suprême qui déclare encore notre droit discriminatoire avant que le gouvernement se saisisse sérieusement de la réforme du droit de la famille dans son ensemble? Y aller simplement par étapes en prétendant que le projet de loi n° 113 représente la première de ces étapes et que les autres suivront par morceaux, non seulement cette approche ne pourra pas permettre d'assurer la cohérence du tout, je l'ai dit, mais, compte tenu du temps de gestation du projet de loi n° 113, près de 10 ans, alors même qu'il y avait consensus sur l'essentiel entre tous les partis, il faudra se résoudre à attendre 2035 avant d'avoir fait le tour du droit de la famille, trop gros, trop ambitieux pour être abordé d'un seul bloc, comme l'ont déclaré les porte-parole du bureau du premier ministre dans les médias. Étonnant, tout de même, quand on sait que ce n'était pas trop gros en 1980, lors de la dernière grande réforme, et que ce n'était pas trop gros non plus pour la Colombie-Britannique, qui a réformé tout son droit de la famille il y a cinq ans, sachant par ailleurs qu'ici il y a un rapport de 650 pages et 1 292 notes d'un comité qui s'est donné la peine d'aborder l'ensemble des enjeux du droit de la famille dans une perspective unifiée.

La vraie question à se poser est celle de savoir si c'est une réelle priorité au Québec, les enfants et les familles. Si on prétend que oui, il faudra bien que les actions suivent les paroles.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la ministre.

• (15 h 20) •

Mme Vallée : Merci. Alors, Me Roy, merci de votre présentation. Simplement, revenir sur certains commentaires qu'on a reçus depuis hier, puis, compte tenu de votre expertise, j'aimerais vous entendre.

Hier, on a des groupes de familles, de parents adoptants qui nous ont fait part qu'un mineur de moins de 14 ans... en fait, de moins de 18 ans, pardon, entre 14 et 18 ans qui souhaite connaître l'identité de son parent d'origine ne devrait pas pouvoir le faire seul, sans que la famille adoptante soit au fait de cette démarche, pour toutes sortes de raisons, pour accompagner l'enfant, pour des raisons de mieux coordonner tout ça.

Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation? Croyez-vous qu'il est opportun de maintenir le droit de l'enfant de 14 ans et plus de faire cette démarche de lui-même ou d'elle-même ou est-ce qu'on devrait accorder un certain droit de regard ou, à tout le moins, transmettre l'information aux familles adoptantes? Comment concilier cette réalité entre le droit de l'enfant de connaître ses origines, de le faire dans une démarche qui lui appartient, au même titre qu'il peut aller consulter un psychologue et obtenir des soins de santé, et le droit de la famille aussi d'être informée pour pouvoir... que ce soit informer les autres enfants, pouvoir intervenir, aussi, adéquatement si l'enfant devait... ou l'adolescent devait manifester des signes d'inconfort ou d'incompréhension?

Alors, je sais que le rapport du Comité consultatif aborde certains éléments, mais, dans le contexte des représentations qui nous ont été formulées hier, j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Alain) : C'est intéressant, parce que, ce seuil de 14 ans, on ne le retrouve pas seulement en matière d'adoption, vous le dites vous-même, on le retrouve en matière de consentement aux soins. Le mineur de 14 ans... et ça, c'est une des conséquences de la convention internationale des droits de l'enfant, le mineur de 14 ans et plus est un quasi-majeur. C'est un choix de société qu'on a fait dans les années 80, dans les années 90. Une fille de 14 ans, aujourd'hui, peut se faire avorter sans avoir besoin du consentement de ses père et mère et sans que ses père et mère en soient même informés. Alors, si ce seuil-là est établi de façon générale en droit civil québécois parce que c'est un choix de société qu'on a arrêté, je vois mal comment on pourrait, en matière d'adoption, considérer qu'il n'est pas valable et qu'il faudrait repousser à la majorité ces prérogatives. C'est vrai en matière de changement de nom, c'est vrai en matière de changement de sexe, là. Vous êtes bien au courant de ça, bien au fait.

Alors, c'est un seuil qu'on s'est donné, et, si jamais on le révise, bien, il faudrait le réviser aussi dans d'autres sections du Code civil.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Dans un contexte comme celui-là, on nous a parlé également d'un support aux familles, que ce soit aux familles adoptantes, que ce soit aux jeunes, qui pourrait être mis en place dans le contexte où une communication d'information est faite et, par la suite, une reprise de contact est faite. Qu'est-ce que vous pensez de ces demandes, qui sont formulées également par des groupes de parents adoptants?

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Alain) : C'est déjà le devoir du directeur de la protection de la jeunesse, hein, de fournir le support psychologique. C'est inscrit dans la loi. Est-ce que les ressources sont là? Pour avoir entendu plusieurs témoignages, je peux vous dire que non. Il y a des désastres, hein, au niveau des retrouvailles parce que le support psychologique n'est pas suffisant. C'est clair que, si, donc, les dossiers sont ouverts et que les demandes se multiplient, j'espère que les ressources vont suivre les normes, parce que, des drames humains, on va en créer.

Alors, oui, je pense que ce n'est pas mineur d'ouvrir un dossier d'adoption, ce n'est pas mineur de transmettre les informations sensibles qui s'y retrouvent, ce n'est pas mineur non plus de subir un veto de contact. Parce que ça aussi, ça va arriver, qu'un parent d'origine va dire : Non, je ne souhaite pas revoir mon enfant. Ça va prendre un accompagnement très serré, ça va prendre des psychologues, ça va prendre des travailleurs sociaux. Il faudra que les ressources soient déployées en conséquence.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Tout à l'heure, vous nous avez suggéré de ne pas limiter le droit d'inscrire au refus simplement à la période de 12 mois suivant la naissance, mais de prévoir un mécanisme qui permet, une fois que l'enfant a atteint l'âge de la majorité, de réviser ce refus qui avait été inscrit à la naissance.

On nous a, ce matin, présenté une autre proposition qui était plutôt de permettre que le refus soit inscrit dans l'année du jugement d'adoption. Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition qui est faite par l'association des avocats et avocates en droit de la famille, qui nous dit : À l'intérieur de l'année de naissance, c'est trop peu, c'est trop court et c'est trop restrictif, nous, on vous propose de permettre d'inscrire le refus dans l'année suivant la décision, le jugement? Est-ce que ça serait, à votre avis, une voie de passage, un entre-deux entre votre proposition... ou est-ce qu'il pourrait y avoir également un droit de refus en deux étapes, c'est-à-dire droit de refus inscrit à un moment donné x et une fois l'âge de la... ou réitéré au moment de la majorité de l'enfant?

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Alain) : Parce que l'adoption n'est pas toujours prononcée en bas âge, hein, donc ça voudrait dire qu'on va reporter ou différer l'inscription du veto peut-être alors que l'enfant a cinq ans, six ans, sept ans. Moi, je pense que, compte tenu de l'objectif qu'on vise, prévenir des infanticides, il faut maintenir le délai à l'intérieur de l'année de la naissance. Mais ma préoccupation, c'est que ce veto soit à vie, alors que la mère elle-même, 25 ans plus tard, qui vit au sein de la société québécoise, pourrait très bien juger que ce refus mérite d'être levé. Et, si jamais il y a encore des risques pour elle, bien, il faudra voir si ces risques font le poids devant le droit à la connaissance des origines de l'enfant, et c'est là que je pense qu'un mécanisme d'arbitrage judiciaire pourrait être mis en place.

Mme Vallée : Est-ce que cette révision — appelons-la la révision du droit de refus — elle devrait être automatique au 18e anniversaire de l'enfant ou au moment où l'enfant manifesterait le désir de connaître ses origines?

M. Roy (Alain) : Je pense qu'on pourrait très bien retenir cette proposition : le veto est maintenu tant et aussi longtemps que l'enfant ne fait pas une demande. Quand l'enfant fait une demande, alors le centre jeunesse rejoint la mère, lui demande si elle maintient son veto; si elle le maintient, mécanisme d'arbitrage.

Mme Vallée : Certains nous ont également proposé que les informations ne soient pas détenues par les centres jeunesse, mais par le Directeur de l'état civil, qui émet les différents documents, les certificats de naissance. Est-ce que vous avez une opinion face à cette proposition, qui nous a été formulée?

M. Roy (Alain) : Oui, j'ai une opinion. Et je trouve que c'est une excellente question, parce que je trouve ça un peu illogique qu'on entretienne la conception de l'enfant adopté comme s'il avait toujours deux ans, quatre ans, cinq ans, alors qu'un jour il aura 25 ans, 60 ans. Et, compte tenu du fait que c'est très, très long, socialement, à faire évoluer, la conception de l'enfant sujet de droit à part entière — il y a encore des vestiges dans notre droit, et en jurisprudence on voit parfois que les grilles de référence ne sont pas les mêmes quand il est question d'enfants — je pense que ce serait un plus que les dossiers soient transférés au Directeur de l'état civil plutôt que conservés au centre jeunesse, qui a pour mission de s'occuper des enfants, justement. C'est une question d'État civil. L'adoption a une double mission, on s'entend : protection de la jeunesse, mais État civil. Mais on parle ici davantage de la dimension État civil, puisqu'il est question d'identité.

Mme Vallée : On a eu également, sur cette question d'état civil, des échanges assez intéressants, parce que, pour certains, le fait d'avoir d'inscrites à l'État civil les références aux parents biologiques, ça vient divulguer à tous le statut d'enfant adopté. Donc, il devrait y avoir un certificat de naissance plus officiel, bon, pour les différents besoins, que ce soit l'inscription à l'école, les différentes demandes qui sont formulées dans la vie de tous les jours, et un certificat qui serait pour les fins de l'enfant adopté, de la personne adoptée, qui fait référence à ses origines biologiques mais qui n'est pas diffusé à tous, donc l'existence possible d'avoir deux documents distincts, un propre à la personne et l'autre utilisé dans la vie courante sans référence au statut d'adopté.

Qu'est-ce que vous pensez de cette idée?

• (15 h 30) •

M. Roy (Alain) : C'est nécessaire. Je pense que c'est nécessaire. En fait, les origines filiales de l'enfant, qui le relient à ses parents d'origine, ça ne regarde pas les tiers. Dans l'exercice de l'autorité parentale, je pense que les parents adoptifs doivent pouvoir requérir un certificat de naissance qui le relie... ou qui les relie à l'enfant sans référence à la filiation d'origine, ce qui ne regarde pas le directeur d'école, qui ne regarde pas l'hôpital non plus, là. C'est une question d'exercice d'autorité parentale. Et, de toute façon, les mécanismes existent déjà dans le Code civil. On peut avoir un extrait, une attestation d'un acte de naissance. On n'a pas toujours la copie intégrale. Alors, oui, il faut préserver le droit à la vie privée des différentes personnes intéressées, celle de l'enfant et celle des parents adoptifs. Moi, je suis tout à fait d'accord avec cette orientation-là.

Mme Vallée : Pour ce qui est des ententes de communication, vous dites : C'est sommaire, il y aurait lieu de préciser davantage les tenants et aboutissants d'ententes de communication. Est-ce que vous croyez qu'il serait important de, plutôt que de maintenir ces ententes-là plus informelles entre les familles... est-ce que vous êtes d'avis qu'il est nécessaire que ces ententes soient homologuées par le tribunal, qu'il y ait une plus grande implication, un plus grand formalisme autour des ententes?

M. Roy (Alain) : C'est essentiel, à mon avis. C'est essentiel qu'il y ait une homologation judiciaire. Évidemment, si l'entente se fait dans le cours des procédures d'adoption, ce n'est pas très compliqué, là, le juge va s'en saisir en même temps que le reste des énoncés de la requête en adoption. Si elle intervient après, ce n'est pas une grosse judiciarisation. Le greffier spécial pourrait être habilité à homologuer cette entente-là. Mais, à mon sens, compte tenu du contexte très particulier de l'adoption, des tensions qui peuvent exister entre parents d'origine, parents adoptifs, il faut un intervenant neutre, il faut le tribunal pour s'assurer que tout ça est dans l'intérêt de l'enfant. Et éventuellement ça prendrait aussi le tribunal, à mon sens, pour en modifier le contenu ou pour la résilier.

Mme Vallée : Et donc est-ce qu'il y a des éléments de l'entente qui, selon vous, pourraient ne pas être sujets à une homologation? Est-ce qu'on pourrait y avoir, par exemple, des ententes concernant certains éléments qui doivent nécessairement faire l'objet d'une homologation et d'autres ententes portant sur des enjeux moins délicats qui, elles, pourraient être consenties sans nécessairement être homologuées?

M. Roy (Alain) : En fait, pour les éléments plus mineurs, c'est le simple exercice de l'autorité parentale des parents adoptifs, hein, qui va s'appliquer. On ne parle pas vraiment d'une entente au sens juridique du terme. Moi, parent adoptif, j'autorise le parent d'origine à communiquer une fois par mois, par Skype, avec l'enfant ou à m'envoyer des photos. Évidemment, si ce n'est pas formalisé, on s'entend que le parent adoptif a le dernier mot, c'est l'exercice de son autorité parentale, alors que ce qui sera dans l'entente aura cette valeur contraignante sous réserve d'une modification éventuelle par le tribunal, si tant est que la proposition de l'homologation soit retenue.

Le Président (M. Ouellette) : ...Me Roy. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Heureuse de vous entendre, Me Roy. Je veux simplement saluer, comme à l'habitude, les nombreux juristes de l'État qui suivent nos travaux avec beaucoup, beaucoup d'intérêt. Donc, je voulais les saluer; vous dire d'entrée de jeu que, bien sûr, nous partageons votre point de vue sur l'importance d'aborder la question de la réforme du droit de la famille dans un tout et de donner suite à l'important rapport, que vous connaissez bien, sur la réforme du droit de la famille.

Et on réitère la proposition qu'on a faite à quelques reprises à la ministre, au gouvernement et à l'ensemble des parlementaires de fonctionner, pour cette importante réforme, sur la base d'une commission spéciale non partisane pour que justement on puisse aborder ces questions-là dans l'intérêt supérieur de toute la société, parce que c'est au coeur de ce que le Québec a comme valeurs, d'accompagner ses familles, et que cela soit le plus en phase possible avec l'évolution de la société. Et, comme vous l'avez très bien dit, on ne veut pas que ce soient les tribunaux qui réécrivent à la pièce notre droit de la famille. Et c'est fondamental non seulement d'avoir de la cohérence, mais que ce soient les législateurs qui aient ce rôle-là. Je pense qu'on se fait élire pour ça, pour prendre nos responsabilités à cet égard-là. Donc, je souhaite qu'on puisse y arriver. Et même il me semble que ça pourrait simplifier la vie de la ministre, qui, c'est vrai, en a beaucoup, par les temps qui courent, sur les épaules et énormément de dossiers à mener. Et, si une commission d'élus pouvait amorcer le travail, je pense que ça pourrait aider pour la suite des choses. Alors, voilà.

J'ai beaucoup de questions pour vous. Vous parlez d'abord pour l'adoption coutumière. On va en parler avec le prochain groupe. Juste pour comprendre. De votre point de vue, est-ce que le loisir devrait être laissé aux communautés de déterminer avec leurs autorités compétentes s'il y a rupture ou non du lien de filiation? Parce que, ce qu'on comprend, c'est comme si la règle de base, c'est qu'il y a rupture mais, par ailleurs, de par les effets... ou les conditions qui vont être inscrites au cas par cas, il pourrait y avoir, en quelque sorte, résurrection de ce lien-là par ses effets. Vous, est-ce que votre position, c'est de dire que les deux possibilités devraient cohabiter?

M. Roy (Alain) : Oui. En fait, la communauté pourrait avoir le loisir de prononcer une adoption plénière, mais la communauté pourrait aussi avoir le loisir de prononcer une adoption sans rupture du lien d'origine, dans la mesure où on veut faire subsister les droits et les obligations. Sinon, il n'y en a plus, de support. Je comprends qu'on renvoie à la coutume, qui, elle, prévoit le maintien du lien de filiation, mais on n'y fait pas écho par notre droit civil, parce que, nous, à 577, on dit que le lien est rompu. Alors, c'est un peu comme un mariage, on va dire : Bon, le mariage est rompu par le divorce, et il y a des droits et des obligations entre les conjoints qui subsistent, mais, bon, le mariage, on n'a pas le choix de le rompre, la relation est définitivement éteinte. Mais ce n'est pas le cas. La filiation d'origine continue de produire ses droits et ses effets. C'est sur cette base-là qu'on veut les maintenir. Alors, je me demande pourquoi est-ce qu'on ne prévoit pas tout simplement une adoption sans rupture du lien d'origine, ce qui est d'ailleurs conforme à certaines des coutumes autochtones qui voient l'adoption comme dans une logique additive beaucoup plus que dans une logique substitutive.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Mais, pour bien se comprendre, vous prévoiriez les deux options ou vous prévoiriez une seule option, qui est sans rupture du lien, qui serait comme la même pour l'ensemble des communautés, ou vous laisseriez le choix avec un consentement qui peut être donné pour l'une ou l'autre des formes d'adoption, donc plénière ou sans rupture du lien? Est-ce que vous mettriez dans le code les deux possibilités? Puis là, après, bien sûr, les effets peuvent être prévus, là, puis il peut y avoir une variété d'effets, mais est-ce que vous mettriez les deux?

M. Roy (Alain) : Oui, absolument.

Mme Hivon : C'est ça. Parfait. On se comprend. Pour la question de l'autorité parentale et la tutelle dative, qui existait dans l'ancien projet de loi, je comprends que vous voudriez que les deux possibilités reviennent. Parce que vous n'avez pas parlé de la tutelle dative. Donc, est-ce que c'est seulement l'autorité parentale ou les deux?

M. Roy (Alain) : Les deux.

Mme Hivon : O.K. Je vous remercie. On va, parce que j'ai un fil de... Pour l'autorité parentale, juste pour qu'on se comprenne, la logique, c'est de dire qu'en ce moment il y a des adoptions qui se font peut-être sans véritable raison d'être, parce que c'est le seul moyen de pouvoir conférer au nouveau conjoint qui assume vraiment le rôle parental la pleine autorité. Est-ce qu'il y a d'autres moyens que l'adoption? Est-ce qu'exceptionnellement il peut y avoir un jugement? Est-ce qu'il y a d'autres moyens? Même si c'est un moyen qui est souvent utilisé, là, est-ce qu'il y en aurait d'autres?

M. Roy (Alain) : Bien, la tutelle, en cas d'incapacité provisoire. Dans l'avant-projet de loi, on parlait plutôt de délégation d'autorité parentale, mais je comprends que c'est exactement le même genre d'objectif qu'on poursuit. Quand vous dites : Existe-t-il d'autres moyens, vous parlez du droit actuel?

Mme Hivon : Oui.

M. Roy (Alain) : En droit actuel, non. Si les deux parents sont vivants, évidemment il y aura une démarche préalable, qui est la déchéance de l'autorité parentale, dans la mesure où, bon, le parent plus ou moins intéressé ne consent pas. S'il est décédé, comme dans l'exemple que je vous donnais, le seul moyen pour la conjointe d'exercer l'autorité parentale, c'est vraiment d'adopter l'enfant. Je sais que parfois il y a des jugements un peu surprenants qui sont rendus qui vont conférer l'autorité parentale, mais il n'y a pas de base juridique à ça, il n'y a aucune base juridique à ces jugements-là.

Mme Hivon : C'est ça, ma question, en fait. Ça existe, que c'est conféré à, par exemple, un nouveau conjoint, mais, selon vous, c'est quelque chose qui se fait en marge de notre droit civil?

• (15 h 40) •

M. Roy (Alain) : ...un jugement de la Cour d'appel très clair de 2000, si ma mémoire est bonne, où on dit : Le partage d'autorité parentale sur une base permanente, irrévocable, comme ce que pourrait vouloir la conjointe dans l'exemple que j'ai donné, n'est pas possible en droit québécois. C'est absolument impossible. La seule délégation existante, c'est celle de 603... plutôt, 601, c'est une délégation partielle, temporaire, révocable. C'est celle qu'on envisage pour l'école, ou pour la gardienne d'enfants, ou pour l'éducateur, et ce n'est pas ce que recherche le nouveau conjoint. Le nouveau conjoint ne veut pas être assis sur un siège éjectable, il veut pouvoir exercer l'autorité parentale sans se faire dire à tout moment, après une chicane conjugale : Ah! non, là, malheureusement, là, tu débarques du décor. On veut une certaine stabilité. Alors, cette stabilité, elle passe par l'autorité parentale au terme d'un partage; à défaut de quoi, par la filiation elle-même, parce qu'il y a caractère associé ou caractère indissociable, actuellement, entre filiation et autorité parentale. L'autorité parentale découle de la filiation, et ce ne serait pourtant pas compliqué de dissocier l'autorité parentale de la filiation. Ce serait tout à fait réalisable, et les projets de loi antérieurs le prévoyaient.

Mme Hivon : Il me reste une grosse minute et huit. Donc, j'aurais deux grosses questions. Mais je comprends que, vous, votre point de vue, c'est que ce serait préférable d'avoir une vraie nouvelle forme d'adoption sans rupture du lien de filiation plutôt que la simple reconnaissance du lien. Mais par ailleurs, pour que ça ait du sens, pour vous, il faudrait qu'il y ait des effets. Si, par exemple, il n'y a pas d'effet, outre de reconnaître l'identité préalable, vous êtes d'avis qu'on est mieux avec la formule actuelle ou vraiment la création d'une autre forme d'adoption?

Et puis mon autre question, c'est : Le consentement doit-il se donner spécifiquement pour l'une ou l'autre des formes d'adoption, avec ou sans reconnaissance? Et est-ce qu'il y a un risque de... je vous demande des questions pour une demi-heure à peu près, mais est-ce qu'il y a un risque d'avoir du marchandage ou de la pression qui se fasse pour obtenir un consentement qui dise : O.K., on va obtenir le consentement, si on accepte la reconnaissance des liens préalables, ou une entente de communication, et tout ça?

M. Roy (Alain) : Déjà là, sur cette question — je ne la prends pas dans l'ordre — au contraire, moi, je pense qu'il y a peut-être des parents d'origine qui vont être beaucoup plus enclins à consentir volontairement à l'adoption de l'enfant, sachant qu'ils ne vont pas complètement disparaître du décor, alors que des cas comme ceux-là se ramassent devant le tribunal à l'heure actuelle, ils se ramassent en déclaration judiciaire d'admissibilité à l'adoption parce qu'il y a un refus, il y a refus net. Alors, moi, j'ai, au contraire, tendance à croire que ça va favoriser l'entente, que ça va favoriser des rapports beaucoup plus harmonieux.

Et, de toute façon, le juge garde le dernier mot. Donc, s'il y a un consentement qui a été donné en faveur d'une forme d'adoption et qu'il y a eu ce marchandage-là, qui, clairement, n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, en bout de ligne, le juge n'acceptera pas ça. C'est lui qui a le dernier mot. Et là on va retourner à la case départ, puis il faudra faire déclarer l'enfant admissible à l'adoption, avec des conséquences d'adoption plénière en bout de ligne.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Roy. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci. Hier, la Chambre des notaires est venue faire une présentation et, au niveau du consentement spécial, ils semblaient aller dans le sens que ce consentement-là, idéalement, devrait être consenti dans un acte notarié. D'autres personnes ont dit : Bien, ce n'est pas nécessaire, parce qu'un document signé devant deux témoins pourrait être suffisant. La Chambre des notaires, eux autres, disaient, bien, que le juriste est en mesure de valider le consentement libre et éclairé. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Alain) : Je comprends la préoccupation de vouloir un consentement libre et éclairé en amont. Je comprends qu'en bout de ligne il y a un tribunal qui va se prononcer là-dessus, sauf que, si on attend neuf mois plus tard, six mois plus tard pour vérifier la validité du consentement, il y a quand même un risque important, à mon sens, que ce consentement-là, pour les mois qui précédent, ait produit des effets sans avoir été vraiment voulu. L'autorité parentale est déléguée à partir du moment où on donne un consentement, et, si on s'en remet simplement au tribunal, il reste que c'est le parent d'origine qui a donné le consentement qui a le fardeau de la preuve, hein? C'est lui qui a le fardeau de démontrer au juge que son consentement était vicié, ce qui n'est pas une mince affaire.

Alors, je comprends la préoccupation qu'en amont on souhaite une certaine vérification, on souhaite mettre en place des précautions non nécessaires dans le cas du consentement général parce qu'il y a la DPJ et tout son personnel, mais un consentement spécial, c'est différent. Je vois très bien la présence d'un notaire, je vois très bien la présence d'un avocat aussi. C'est une pièce de procédure, hein? Donc, l'acte authentique, oui, mais pas nécessaire en tant que tel. Mais je pense que, oui, il y aurait lieu de resserrer, il y aurait lieu de prévoir l'intervention d'un conseiller juridique pour permettre de valider le consentement en amont.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Me Roy, merci de votre présence en commission parlementaire.

Bon. Dans le projet de loi, il y a l'adoption coutumière autochtone. On vient aussi répondre à la réalité des gens qui ont été adoptés dans le passé, supposons, dans les années 40, 50, 60, au niveau des crèches. L'aspect qui est un petit peu moins traité, puis on ne le couvre pas parce qu'on y va uniquement sur l'adoption, c'est la question des mères porteuses. Vous avez dit tout à l'heure : Il y a une discrimination pour les enfants généralement. Il y a un jugement de la Cour d'appel qui est sorti qui vient dire un peu aux législateurs : Bien, faites quelque chose avec ça.

Comment est-ce qu'on pourrait établir des règles claires là-dessus, sur le régime du projet parental, puis aussi pour les enfants? Parce que, bon, la réalité, supposons, de l'obligation alimentaire pour un projet parental qui ne fonctionne pas, actuellement, il n'y a rien. Donc, au niveau de l'adoption, comment on pourrait insérer tout ça?

M. Roy (Alain) : Difficile de toucher à ces éléments-là dans le projet de loi sur l'adoption. C'est vrai que l'adoption, à l'heure actuelle, est le mécanisme qui permet de parachever des projets parentaux. C'est clair qu'on ne pourra pas s'en contenter très, très longtemps, parce qu'à la base il y a discrimination envers certaines personnes qui souhaitent un enfant via une mère porteuse, parce que l'adoption ne permet pas de parachever tous les types de projets parentaux. Ça va fonctionner si j'ai un couple hétérosexuel, ça va fonctionner si j'ai un couple gai, mais ça ne fonctionnera pas si j'ai une mère seule, ça ne fonctionnera pas si j'ai un couple de lesbiennes qui fait affaire avec une mère porteuse. L'adoption ne sera d'aucun secours, parce qu'on passe par le consentement au conjoint et on s'en remet aux règles de filiation par le sang. Et, pour les règles de filiation par le sang, ça prend un père, ça prend une mère et puis ça prend un conjoint. Alors, ça ne sera pas très, très long, si on se contente du cadre juridique de l'adoption pour parachever un contrat de mère porteuse, qu'une mère seule ou un couple de lesbiennes va se présenter devant le tribunal en disant : C'est discriminatoire. Moi, je n'ai pas accès à cette voie-là pour que la filiation, finalement, revienne sur mes épaules.

Alors, il faut s'extirper du cadre juridique de l'adoption si on veut vraiment établir une mécanique convenable pour l'ensemble des personnes qui souhaitent un enfant via une mère porteuse, là. On ne peut pas se contenter du cadre de l'adoption, c'est un cadre qui est totalement insuffisant.

M. Jolin-Barrette : Ce que vous nous dites, c'est que, le projet parental développé par un couple de femmes qui ont recours à une mère porteuse, pour une des deux conjointes, il n'y a pas possibilité d'adopter l'enfant. Donc, il n'y aura pas de possibilité d'avoir un lien de filiation avec cet enfant-là.

M. Roy (Alain) : Pour aucune des deux conjointes, parce que la filiation va être établie en fonction des règles relatives par le sang... aux règles relatives au sang, avec la mère porteuse. La mère porteuse ne peut pas donner un consentement spécial en faveur d'une des deux femmes qui sont les parents d'intention, ça ne fonctionne pas, ce n'est pas un conjoint, alors que, si vous avez un couple hétérosexuel, vous allez avoir la mère porteuse qui va être la mère en vertu des règles de la filiation par le sang et vous allez avoir le conjoint du couple parents d'intention qui va reconnaître l'enfant, il va y avoir un lien de filiation entre lui et l'enfant, donc une filiation paternelle et une filiation maternelle, et là il va y avoir consentement spécial de la mère porteuse mère légale et du conjoint père de l'enfant en faveur de la conjointe de la mère. Alors là, ça fonctionne, parce que les règles relatives à la filiation par le sang permettent de passer par le mécanisme de l'article 555 du consentement spécial. Alors, on a un gros problème, là. Jusqu'à maintenant, ce sont des couples hétérosexuels ou des couples gais qui se sont prévalus de l'adoption, ça fonctionne, mais, quand un couple de lesbiennes va vouloir s'en prévaloir... ou une femme seule qui, pour toutes sortes de raisons, fait affaire avec une mère porteuse... qu'elle n'a pas d'utérus, bien là ça ne fonctionnera pas.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Alain Roy, signataire du rapport Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais à la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

(Reprise à 15 h 52)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous accueillons la Commission de la santé et de services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Alors, vous connaissez la routine : Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et suivra ensuite un échange avec la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Veuillez vous identifier au début et identifier les personnes qui vous accompagnent. Allez-y pour votre présentation.

Commission de la santé et des services sociaux des premières
nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

Mme Sioui (Marjolaine) : Merci beaucoup. «Kwe». «Good afternoon». Mon nom est Marjolaine Sioui, directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux, premières nations, Québec, Labrador. Je serai accompagnée aujourd'hui de M. Richard Gray, gestionnaire aux services sociaux, et de Me Gertler.

Tout d'abord, seulement faire une mention du territoire wendat sur lequel nous sommes aujourd'hui, et on tient aussi à vous remercier de l'opportunité de pouvoir présenter aujourd'hui.

Au niveau de l'adoption coutumière, eh bien, celle-ci a toujours existé et fait partie des réalités des Premières Nations d'aujourd'hui. Il s'agit d'une institution sociale résiliente et contemporaine qui soutient et protège les enfants, leurs parents et leurs familles sans l'intervention du tribunal et des autorités de protection de la jeunesse. Les adoptions coutumières font partie des droits, compétences d'autonomie gouvernementale des Premières Nations à l'égard des enfants et de leurs familles. À ce titre, en vertu de l'article 35 de la Constitution, elles sont protégées contre toute atteinte législative. Le pouvoir législatif provincial de légiférer à l'égard de l'adoption coutumière est également limité par le partage de compétences législatives. Les lois doivent respecter le droit international relativement aux droits des peuples autochtones.

L'APNQL et la Commission de la santé et des services sociaux appuient le projet de loi n° 113, car il ne s'agit pas d'une tentative de codifier, de normaliser ni de modifier l'adoption coutumière, mais plutôt de veiller à ce que les effets des adoptions réalisées en vertu des lois coutumières soient reconnus dans le cadre et aux fins des lois du Québec. Le projet de loi utilise le mécanisme de certification des adoptions coutumières par l'autorité compétente de la première nation et la délivrance d'actes de naissance pour le Québec pour faciliter la reconnaissance d'effets des adoptions coutumières par les autorités administratives du Québec et aussi du gouvernement fédéral.

L'adoption coutumière ne doit pas être considérée sous l'angle de la crise sociale et de l'intervention des autorités de la protection de la jeunesse. Il s'agit d'une institution juridique indépendante. Toutefois, il n'en demeure pas moins qu'une trop grande proportion d'enfants des familles des Premières Nations vivent présentement sous l'autorité du directeur de la protection de la jeunesse. Par conséquent, le projet de loi doit traiter de la relation entre l'adoption coutumière et la Loi sur la protection de la jeunesse.

Il y a aussi le Groupe de travail sur l'adoption coutumière, donc, au niveau tant du processus qui a mené au niveau du projet de loi n° 113, mais aussi à la teneur, bien qu'imparfaite... définissent la norme élevée de collaboration entre les Premières Nations, les femmes autochtones du Québec, les Cris, les Inuits et le gouvernement du Québec. L'APNQL et la CSSSPNQL appuient le projet de loi n° 113 mais considèrent tout de même que quelques modifications sont nécessaires.

Il est aussi important de mentionner qu'on appuie aussi toutes les autres nations au Québec. Il faut aussi prendre compte que, bien sûr, il y a des diversités qui existent non seulement entre les nations, mais aussi entre les communautés. Pour nous, c'est un lien qui revient au niveau de la culture et de l'identité de l'enfant, c'est aussi de perpétuer les pratiques culturelles et coutumières des familles des Premières Nations, et la garde coutumière et l'adoption coutumière sont aussi des réalités qui sont bien ancrées et qui placent tout premièrement l'intérêt de l'enfant en premier.

À ce moment-ci, je vais céder la parole à M. Richard Gray.

M. Gray (Richard) : Thank you, Marjo. So Marjolaine mentioned that earlier, when we're talking about Bill 113, we're very happy about the collaboration that, you know, resulted between First Nations, the Inuit, Québec Native Women regarding the bill you have before you, but also the creation of the Working Group report that was produced in 2012.

So Marjolaine has mentioned that the AFNQL and the commission are generally supportive of the Bill 113 and recommend some modifications to Bill 113 nonetheless. You have these points mentioned in the key summary within your brief.

So Marjolaine has just mentioned to the reference that we would prefer to «First Nations and Inuit» rather than «Aboriginal customary adoption»; to respect the fact that, where First Nations customary adoption involves a bond of new filiation, the child does not cease to belong to his or her family of origin and to avoid making the end of pre-existing bond of filiation and accompanying rights and obligations as between the child and the parent of origin the default position — and I think you heard the presenter before talk about that as well regarding section 577, but we also have preoccupations with section 543 as well, I think, the second paragraph; so that, where a child is under the orders of the DYP and the certification of a customary adoption by the competent authority consequently requires first receiving the opinion of the DYP, that function can be delegated to the First Nations social services personnel; so that the general provisions of the involvement of the DYP in adoptions are clearly made inapplicable to customary adoptions, except where specifically agreed through the collaboration in the development of Bill 113.

Bill 113 addresses customary adoptions that involves the creations of new bonds of filiation and may not apply easily to First Nations customary adoptions or care where there is no new filiation. In such cases, First Nations law nonetheless determines the nature and effects of the relationships, and delegation of parental authority may be a helpful option. Customary adoption is practiced across boundaries. Bill 113 only provides for cases where the customary adoption takes place in another province or territory and is evidenced by a judicial act. No provision is made for customary adoptions elsewhere in Canada where there is no legal recognition, and no provision whatsoever is made for international customary adoptions. As agreed by the Working Group, these matters must now be the subject of discussions, collaboration and legislative changes.

With necessary adjustments, the National Assembly can adopt Bill 113 with confidence. The recognition of effects of customary adoptions in and for the purposes of Québec's legislation will serve to strengthen Firsts Nations families and ensure that children and parents do not suffer by reason of their identity.

We also want to note that you will also have two groups that are coming to present later their position on having the notion of parental authority and parental responsibilities be included as a modification to the Civil Code vis-à-vis section 101...

Une voix : ...

M. Gray (Richard) : ...601, excuse me. Sorry. 601. I think they're suggesting an amendment in the form of 601.1 and I believe they have already submitted their brief to you to that effect, the First Nations committee of Uashat mak Mani-Utenam, which addresses the issue of customary care. You will note in our report that we talk about customary care and customary adoption as well. Those matters have been addressed completely.

Our concern, in terms of Bill 113, the way it's proposed vis-à-vis section 543, section 577 is that it will end the pre-existing bond of filiation, and, if you make reference to our Working Group report, that's not the reality in First Nations communities. Thank you.

• (16 heures) •

Le Président (M. Merlini) : Ça complète la présentation, Mme Sioui?

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Merci. Alors, nous allons procéder immédiatement aux échanges avec Mme la ministre et députée de Gatineau. La parole est à vous.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Thank you for your presentation. Et là — on n'a pas les services de traduction aujourd'hui — je vais poser ma question en français, je vous la reposerai en anglais, selon qui est, peut-être, le spécialiste de la réponse.

J'aimerais vous entendre sur la description plus pragmatique, la réalité qu'est l'adoption coutumière au sein de vos communautés, parce que, d'une nation à l'autre, l'adoption coutumière peut différer, d'où la référence à l'autorité qui sera désignée dans chaque nation pour déterminer les tenants et aboutissants de l'adoption. Donc, j'aimerais vous entendre sur la réalité de vos communautés en matière d'adoption coutumière.

So, basically, it's just to have a brief description of the reality of your communities with regards to customary adoption, because, from one community to another, there are distinctions, it's different. And we had some of your colleagues yesterday that came before us, and I would like to hear... for you to explain to us the particularities of customary adoption for your communities.

Le Président (M. Merlini) : Mr. Gray.

M. Gray (Richard) : I can't speak on behalf of my colleague here, who is a Wendat, in terms of their practice, but I would encourage you to read our aboriginal Working Group... our working report on aboriginal customary adoption, because we provide many examples in there of the practices that exist. It has been well documented. Through that process, we did consultation with First Nations communities as well. So descriptions are provided in the Working Group report, so I would ask you to take reference of that.

In terms of the discussions we had around practice based on the consultations with First Nations communities, there are cases where we have what you would call a new filiation created, but with those new filiations created that didn't necessitate that the bonds with the extended family or parents of origin were necessarily eliminated either like in the Québec context right now. There were also situations where we presented customary care forms where children were taken into care by an extended family and, when the family, the biological parents were in a better situation or, for whatever situation, amongst the family they decided to do customary care situations like this, where the child went to another family... when the biological parents were in a better state or a better condition or the situation at hand was resolved, the child went back to the biological parents.

So, in general, those are two typical examples of what is happening in reality. I can't nominate or tell you all the types or forms of practice in terms of how it happens, but generally those are two typical examples. Like I said, I would encourage you to read the report as well, because we go in more details with regards to those kinds of situation in terms of types of practice as well.

Mme Vallée : ...the question was more directed... it was so that the people around this table would be more aware, but it's just... because for ourselves, yes, we are aware of the work of the Working Group.

I would like to know how... et j'aimerais savoir comment votre organisation va appuyer la mise en place du processus qui va mener à la désignation de l'autorité compétente pour attester les adoptions coutumières.

Alors, est-ce que vous vous êtes penchés sur les suites à donner à l'entrée en vigueur du projet de loi?

Le Président (M. Ouellette) : M. Gray. Mme Sioui.

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui. Bien, juste pour peut-être faire une introduction avant que M. Gray puisse répondre, c'est certain que le mandat de notre organisation est, en fait, de supporter l'ensemble des communautés qui le souhaitent à pouvoir justement travailler au sein de leur autonomie locale par la défense des intérêts, par le soutien aussi qu'on apporte aux intervenants des communautés. Donc, dans ce dossier-là, c'est un mandat qui avait été travaillé. Bien sûr que le projet d'aujourd'hui arrive avec une grande attente non pas seulement des communautés, mais de la part de leurs leaders politiques, des chefs, qui ont beaucoup, justement, insisté pour que ce projet de loi là soit déposé. Et, au fur et à mesure qu'on avance, bien qu'on ait un mandat en matière de santé et services sociaux, on retourne quand même à nos autorités politiques pour pouvoir, par la suite, redéfinir le type de soutien qui sera nécessaire au niveau de la démarche qui sera faite au niveau des communautés, dépendamment aussi de leur état de situation de gouvernance et d'autonomie locales.

Le Président (M. Ouellette) : Mr. Gray, you have a comment to add?

M. Gray (Richard) : Just to reiterate that, the mandate that Marjolaine has talked about, we do have networks that exist with First Nations communities in health and social services areas where we work closely with First Nations communities as well in terms of accompaniment. Certainly, it's part of our preview that we will support First Nations communities that require our help from an information, technical adviser point of view to help them structure their competent authorities if they require that kind of help from us. That's part of our mandate, and we do have that intention if it's requested by First Nations communities.

Mme Vallée : Quel serait le délai qui pourrait être requis pour la mise en oeuvre des autorités compétentes pour permettre aux dispositions de la loi d'être vraiment opérationnelles?

M. Gray (Richard) : ...comes into effect, I think that First Nations communities, depending on their capacity, obviously will have to look at getting more information, because this is a new endeavor... or initiative, if you want to call it. But First Nations communities, in my opinion, are generally prepared with their existing services they have in place. I can talk to you about my First Nations community, for example, Listuguj, where they have a health and social services director and we are already delivering comprehensive services in those two areas, have agreements with «centres jeunesse». So they have effective governance structures in place who could easily develop and implement a project like this within their community quite easy.

You notice in the law as well that communities have the option of putting in place a competent authority that oversees the nation as well. That might be something that requires a bit more time for them to discuss in terms of how those relationships will be established amongst the communities within that nation. But I think, again, communities have that capacity and competency to be able to implement this kind of endeavor pretty quickly.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : And, when we're talking about «pretty quickly», are we talking about a year, are we talking about six months or are we talking about, maybe, a few months?

M. Gray (Richard) : I don't want to generalize, you know, on how fast they could do it. I think that between six months to a year is very sufficient. I think that, in some cases, communities might even be able to do it in less than six months for sure.

Le Président (M. Ouellette) : Me Gertler, vous avez un commentaire?

M. Gertler (Franklin S.) : Oui. Merci. Je veux juste mentionner que j'entends la discussion, je pense que... En tout cas, moi, quand j'entends ça, j'ai en tête l'article 37.5 de Loi sur la protection de la jeunesse, qui, finalement, a pris plus qu'une décennie... puis il n'a pas encore pris son envolée pour les ententes avec les communautés autochtones par rapport à la protection de la jeunesse.

Alors, je pense qu'étant donné la nature... C'est mon impression, vous êtes les experts, mais mon impression, c'est qu'étant donné la nature de l'institution ou la structure qui est prévue il n'y a rien qui empêche, finalement, l'entrée en vigueur immédiate, à mon sens, du régime.

Bon. Nous, on propose certaines modifications, mais, sous réserve de ces modifications-là, il y a l'entrée en vigueur immédiate, parce que finalement il n'y a rien qui dit que toutes les communautés doivent avoir, dès l'entrée en vigueur de la loi, leurs systèmes en place. Et je pense que, Richard le mentionne, il y a certaines communautés qui ont plus de population, plus de services qui vont être capables de le faire plus vite, mais, une fois qu'ils le font, bien, ils vont peut-être être capables d'aider les autres. Puis, fondamentalement, en travaillant avec les gens du ministère de la Justice et les légistes, on a essayé de mettre en place... puis ce n'est pas exactement à tous égards, qu'est-ce qu'on a discuté à tout moment, mais l'essentiel, c'est l'idée d'avoir un véhicule très... ou une passerelle qu'on dit très flexible qui permet finalement à différentes communautés de le faire à différentes vitesses puis de différentes manières. Ils vont avoir leurs autorités compétentes, mais il n'en demeure pas moins qu'à la base ce n'est pas même une affaire de l'autorité compétente, à la base, c'est l'adoption coutumière de la famille qui est testée pour transmettre l'information, si on veut, aux autorités de l'État civil.

Mais alors il ne faut pas, je pense... il faut avoir les ressources, mais il ne faut pas non plus alourdir la mise en oeuvre de ça avec toute une panoplie de politiques puis de règles directrices puis des manuels de pratique, là. Il faut laisser ça se développer pour les différentes communautés et nations. En tout cas, c'est un peu l'idée qui était derrière ça.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sioui, vous aviez un commentaire?

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, en fait, c'est juste pour supporter en disant que ce qu'on veut, c'est l'application maintenant, et, par la suite, bien, il y aura un système qui sera mis avec chacune des communautés pour aller à leur rythme aussi mais, en même temps, pour appliquer qu'est-ce qu'elles ont besoin d'appliquer. Puis ça pourrait demander même, dans certains cas, un retour à la population pour bien appliquer, pour bien développer aussi leurs façons de faire. Donc, c'est important aussi, là, que ce temps-là soit pris par celles qui en auront besoin aussi.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous avez fait état des situations parfois temporaires qui nécessitaient que d'autres adultes prennent en charge un enfant, s'occupent d'un enfant mais de façon temporaire, et votre préoccupation, c'est qu'il n'y ait pas de bris du lien de filiation lorsqu'une situation comme ça se produit.

Est-ce que, pour vous, d'apporter des aménagements à la délégation d'autorité parentale serait une avenue qui pourrait être envisagée et qui permettrait de répondre à des situations qui sont des entre-deux, parfois, et auxquelles vous croyez que le projet de loi n'apporte pas de réponse?

Le Président (M. Ouellette) : ...Mr. Gray.

M. Gray (Richard) : I think you heard me mention in the introduction that there was our colleague as well who talked about that possibility as well in terms of delegation of parental authority and parental responsibilities. That should be something that's addressed, and we're supportive of that and we have, I believe, three more organizations that will be making presentations and suggestions to that effect as well in terms of modifications to the Civil Code that... I referred to, earlier, section 601, that... we're talking about custody, supervision and... I forget the other mention, but it's a limitation.

So, if it's possible that the competent authority can certify a delegation of certain parental responsibilities and customary care cases, why not?

Le Président (M. Ouellette) : Thank you, Mr. Gray. Mme la députée de Joliette... Oh! un court commentaire?

M. Gertler (Franklin S.) : Oui, oui, ça va être court.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, c'est lui qui le contrôle.

M. Gertler (Franklin S.) : ...au bon moment, là.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui, mais ça part au bon moment. C'est moi qui donne le droit de parole. Me Gertler.

M. Gertler (Franklin S.) : Mais je ne vous cède pas mon temps. J'aimerais juste dire que, Mme la ministre, il faut faire, je pense, une distinction entre deux choses. D'une part, oui, est-ce qu'il y a possible délégation d'autorité parentale aménagée comme réponse possible pour les situations de la garde coutumière, comme on l'appelle des fois? Mais je pense qu'il faut faire une distinction entre ça puis notre préoccupation par rapport au fait que, dans les travaux du Groupe de travail... puis je pense que, si on regarde même le projet de loi n° 81, il y avait la possibilité, c'était l'adoption coutumière sans présomption de bris de lien de filiation. C'était ouvert, c'étaient les deux possibilités. Non pas briser le lien, pas de droit d'obligation, puis on retourne les patcher, si on veut, les remettre en place. Puis ça, c'était une grosse préoccupation, parce que, dans un contexte d'école résidentielle, puis de scoop, et d'autre chose, dire aux gens : Bien, vous n'allez plus appartenir à votre famille puis là, peut-être, on va vous le redonner, ce statut-là, c'est très délicat comme... Puis c'est possible de... je pense, c'est Me Roy... ou le Pr Roy avant nous qui en parlé, là, c'est possible de faire ça un peu autrement puis ne pas avoir cet effet-là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Alors, bonjour. Bienvenue. Heureuse de vous entendre. Je vais avoir des questions sur deux thèmes qui ont été rapidement abordés. Un, la garde coutumière, parce que, là, vous abordez ça, et le mémoire des Innus qu'on va entendre demain l'aborde aussi. Je ne l'avais jamais entendu, donc je veux comprendre la différence et si vous estimez que la garde coutumière, qui n'est pas la même chose que l'adoption coutumière, si je vous suis bien, doit rester en marge du Code civil ou si vous estimez que c'est peut-être une forme d'adoption sans rupture du lien de filiation, là. C'est ça que je veux clarifier un peu avec vous, parce qu'hier, en fait, les Cris qui sont venus nous expliquaient qu'il peut y arriver, et eux, ils estimaient qu'on était encore dans le cadre de l'adoption coutumière, si j'ai bien compris, qu'il y ait des allers-retours, donc que les enfants soient effectivement adoptés de manière coutumière par une nouvelle famille mais puissent retourner, à l'occasion, dans la famille biologique.

Dans un contexte comme celui-là, selon ce que vous nous dites, est-ce qu'on est toujours en adoption coutumière ou est-ce qu'on est davantage en garde coutumière? Donc, si vous pouvez peut-être nous expliquer la différence et si vous pensez que nous, comme législateurs, il faut s'embarquer dans la notion de garde coutumière.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sioui. Oh! Me Gertler.

M. Gertler (Franklin S.) : O.K. Merci. Là, on est dans une situation un peu difficile, parce qu'évidemment il y a des gens, des témoins qui vont venir vous parler. On a un peu une connaissance de quoi il en retourne. C'est sûr que, lorsqu'on a fait nos recherches... Puis je voulais mentionner ça tout à l'heure. C'est qu'il y a le rapport du Groupe de travail, mais, quand on a reçu le rapport du Groupe de travail, il y avait un CD-ROM qui a tous les travaux qui sont derrière ça, y compris les...

Une voix : ...

• (16 h 20) •

M. Gertler (Franklin S.) : ...oui, les rapports qu'on a faits sur la recherche qu'on a faite par rapport aux institutions. Puis c'est sûr que les études révèlent qu'il n'y a pas une règle d'or dans la communauté autochtone, il y en a où il y a vraiment un nouveau lien de filiation ou d'autres où c'est plus temporaire.

Alors, je pense qu'on vous parle de deux choses. On vous parle de modifier le projet de loi pour que ça soit plus accommodant envers la possibilité d'un maintien... non pas la reconnaissance, mais le maintien, dès le départ, de la filiation, que la personne ne cesse pas d'appartenir à sa famille puis que, bon, là, on peut prévoir les droits et obligations, qui peuvent être, je pense, assez complets. Je veux dire, il peut y avoir presque deux familles ou deux parents, là. Je pense que, dans la coutume, ça peut être possible. Et les adolescents vont partir, des fois, puis ils vont revenir, puis ça ne cause pas des gros, gros problèmes.

Puis l'autre chose, c'est la garde ou, comme vous dites, la garde coutumière puis est-ce que la délégation de l'autorité parentale doit être utilisée à 601. Moi, je ne suis pas certain que ce soit non praticable tel qu'elle est présentement. Je n'ai pas fait toute l'étude de l'affaire, peut-être ça... vous avez eu un grand expert ici aujourd'hui... ou bien un aménagement de ça, un amendement, le 601.1, que vous suggère Uashat.

Évidemment, la question qui se pose, c'est : Est-ce qu'on veut tout mettre dans le Code civil ou est-ce qu'on veut laisser certaines choses comme étant culturelles, comme étant en vertu des droits ancestraux issus de traités, en vertu des lois des autochtones? Alors, c'est ça qui est délicat. On veut être respectueux, on veut donner aux gens des instruments, je pense, puis des formes juridiques pour leurs interactions avec la grande société qui leur conviennent, mais sans venir... des problèmes de l'article 35, droit constitutionnel, puis aussi des questions de droit de partage des compétences puis aussi des questions de respect, de ne pas, en tant qu'Assemblée nationale, venir vraiment légaliser tous les aspects de la vie non plus.

Alors, je pense que je n'ai pas de réponse vraiment ferme pour vous, mais, je pense, ça mérite d'être regardé, puis je pense que nous sommes ouverts à le regarder. Puis je voulais mentionner aussi qu'on est... On parlait avec certaines des collègues. L'une des caractéristiques du Groupe de travail, c'est qu'on a eu une très, très bonne relation de travail. Alors, si on veut nous saisir de regarder des questions, je pense, on a l'habitude maintenant, on peut le faire assez rapidement, là.

Mme Hivon : Mais, si je vous comprends, aujourd'hui, le message que vous nous envoyez... puis Me Roy avant vous disait un petit peu peut-être la même chose, est-ce que je vous comprends bien que vous aimeriez que, dans la loi, ça prévoie formellement que l'adoption coutumière des Premières Nations, si on reprend votre expression, puisse se faire avec ou sans rupture du lien de filiation, donc qu'il y ait vraiment une disposition qui vienne le dire nommément plutôt que... Là, de ce que je comprends, ça donne un peu les mêmes effets, mais, comme vous avez dit, c'est par le truchement de l'article 132, deuxième alinéa, où on dit que, dans le cas d'une adoption coutumière, le nouvel acte fait mention des droits et obligations qui subsistent. Donc, je comprends que c'est comme ça qu'on l'a aménagé dans le projet de loi mais en disant que le principe général, c'est une adoption plénière, il y a rupture du lien de filiation. Il peut y avoir reconnaissance du premier lien de filiation.

Est-ce que je comprends que vous aimeriez que les deux possibilités, donc l'adoption sans rupture du lien, soient inscrites nommément?

M. Gertler (Franklin S.) : Oui.

Mme Hivon : Oui? O.K.

M. Gertler (Franklin S.) : Et je pense qu'il y a quand même... parce que Me Roy l'a mentionné aussi, il y a des questions, par exemple, des grands-parents. Alors, je pense, ce n'est pas juste avec ou sans bris de lien de filiation, il y a aussi la question à 577, que, je pense... n'a pas d'affaire à s'appliquer carrément à l'adoption coutumière. On devrait le préciser, parce que l'idée qu'on cesse d'appartenir à la famille, là, c'est un non-sens dans le monde des Premières Nations, d'après qu'est-ce que moi, je comprends.

M. Gray (Richard) : Et c'était bien mentionné dans nos rapports aussi. Clairement, il y a toujours un lien avec la famille élargie.

Mme Hivon : Donc, ce que vous, vous nous dites, c'est que vous... Moi, j'avais compris que, dans certaines communautés, peut-être que ce serait avec rupture du lien puis, dans d'autres communautés, sans rupture du lien, parce que ce n'est pas homogène, nécessairement, la pratique coutumière. Mais ce que vous nous dites, c'est que, dans l'ensemble des Premières Nations, la nation inuite, généralement, il n'y aurait pas rupture du lien.

M. Gray (Richard) : ...en majorité des cas, c'est la situation. Je parle peu des Inuits...

Mme Hivon : Pas des Inuits, non, non. Je comprends.

M. Gray (Richard) : ...mais pour les Premières Nations.

Mme Hivon : Mais il y aurait maintien du lien chez les Premières Nations.

M. Gray (Richard) : Absolument.

Mme Hivon : O.K. Parfait. Donc, dans tous les cas, l'autorité compétente...

M. Gray (Richard) : Regarde l'histoire avec le pensionnat, regarde l'histoire avec le Sixties Scoop. C'est quelque chose qui a préoccupé nous, les Premières Nations, beaucoup, beaucoup, beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sioui va avoir le dernier commentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Sioui (Marjolaine) : D'accord. Puis, si on regarde culturellement, même dans nos langues, le mot «adoption» n'existe pas. Lorsqu'on prenait soin de nos enfants, on confiait l'enfant. Donc, le principe est toujours là. Et, le débat de peut-être lui mettre un langage, et tout, en fait, quand on a fait les consultations, et tout ça, donc, les gens... C'est sûr que, par la diversité de la culture, des façons, des pratiques, des coutumes, il va y avoir des divergences un petit peu, mais à la fin c'est toujours la notion de confier l'enfant dans sa communauté pour maintenir un lien, pour savoir son appartenance, son identité. Donc, ça, c'est essentiel.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Joliette. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Madame, messieurs, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui en commission parlementaire.

Tout d'abord, vous nous recommandez de retirer le terme «autochtone» du projet de loi puis de le remplacer. Donc, vous voulez qu'on fasse ça dans l'entièreté du projet de loi? O.K. Puis ça permettrait de mieux refléter...

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, on avait déjà fait cette demande lorsqu'on est venus présenter pour le projet de loi n° 99. On était avec le grand chef Konrad Sioui. Et, pour les Premières Nations, les... comme vous le savez, il y a 11 nations au Québec, donc, on a tous des noms qui nous distinguent de par nos nations. Donc, le terme «autochtone» est un terme qui a été plus utilisé par... surutilisé, même, sans distinction pour essayer de représenter l'ensemble de toute la distinction des premières nations, Inuits, Métis au Canada. Donc, on veut seulement, par le terme de «première nation inuite», être au moins limités à pouvoir reconnaître au moins les Premières Nations et les Inuits.

Le Président (M. Ouellette) : Député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Et puis il n'y a pas d'enjeu légal de désignation, du fait d'utiliser «première nation inuite»? Donc, vous n'en voyez pas, vous?

Mme Sioui (Marjolaine) : Non.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait. Deuxièmement, vous abordez dans votre mémoire la question de l'adoption coutumière transfrontalière.

M. Gertler (Franklin S.) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Donc, l'adoption coutumière transfrontalière ou interfrontalière. Pouvez-vous aborder un peu plus ce sujet-là puis nous dire comment concrètement ça s'inscrit, là, dans votre réalité?

M. Gray (Richard) : Oui. Je peux parler de quelque chose. Québec est responsable pour le territoire du Québec. Évidemment, il y a des accommodations mentionnées dans le projet de loi de... accepte un processus d'adoption coutumière qui était fait ailleurs, dans une autre province par exemple, et l'autorité compétente peut faire une reconnaissance si cette reconnaissance d'adoption dans une autre province était acceptée selon le moyen juridique. Et ça, c'est une chose fondamentale. Mais, pour la province qui n'a pas un processus en place pour ce type de reconnaissance, c'est problématique. Je parle pour moi-même, parce qu'on est Micmacs. Dans nos territoires, on n'a pas de frontière comme... Aujourd'hui, nos territoires, ça inclut la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, le Vermont, le Maine, le Nouveau-Brunswick. C'est tous nos territoires — c'est la même chose pour les Mohawks, c'est la même chose pour les Algonquins — qui touchent les frontières.

Si on a un travail qu'on peut faire ensemble pour accommoder d'autres régions qui n'ont pas un processus comme ça, ça va être fondamental, ça va être très intéressant. Mais, au niveau des États-Unis, par exemple, il n'y a rien, dans la loi, qui aide le processus d'adoption coutumière avec eux, par exemple. Est-ce qu'on peut travailler ensemble, Québec, Premières Nations, avec les États comme eux, de faire un processus pour avoir une reconnaissance de ça aussi? C'est quelque chose d'important pour nous. Aussi, au niveau de l'adoption provinciale plus internationale, il y a ce concept de l'utilisation du directeur de la protection de la jeunesse pour valider ce processus aussi. Pour nous, c'est très problématique. Et pour nos processus de reconnaissance d'adoption coutumière entre nous, Premières Nations, on ne marche pas avec des DPJ dans nos processus comme tels, et, si on fait ça, c'est une certaine chose... On ne voulait pas avoir l'implication des DPJ dans ce processus comme tel. Est-ce que vous comprenez?

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Oui, je comprends. Mais donc est-ce que vous nous invitez à prévoir le cas par rapport aux autres provinces canadiennes? Parce que, si on l'inscrit tel qu'il est proposé, là, dans le projet de loi... bien, ce que vous me dites, de développer des approches avec les autres provinces, ça peut se faire de gouvernement à gouvernement.

Mais, concrètement, est-ce que vous souhaitez un article de loi qui vient dire : Bien, dans le fond, on vient faciliter ça, la reconnaissance de l'adoption coutumière? Parce que, dans le fond, votre problématique étant la suivante... Vous dites : Aux États-Unis, ce n'est pas facilité, l'adoption coutumière, et là nous, on le ferait ici. Donc, quelqu'un qui se retrouverait sur le territoire américain... physiquement, en fait, pour les États-Unis et qui par ailleurs veut faire reconnaître son titre de filiation au Québec, là, il se retrouve dans un vide un peu. Est-ce que vous nous invitez, dans le fond, à légiférer là-dessus?

M. Gertler (Franklin S.) : Là, on embarque...

Le Président (M. Ouellette) : Me Gertler.

M. Gertler (Franklin S.) : ... — merci — sur des choses assez complexes, merci, hein, et on s'est entendus, comme dit M. Gray, dans le contexte du Groupe de travail, que ça ferait l'objet d'une deuxième... on n'était pas heureux de ça, mais ça ferait l'objet d'une deuxième ronde, si on veut. Mais, dans le projet de loi actuel, comme il le mentionne, il y a le 565.2 qui va permettre la reconnaissance... dans le cas où une province reconnaît, par un acte juridique, déjà l'adoption coutumière. Ça va, mais c'est limité. Ça ne s'applique pas, je pense, déjà pour l'Ontario, le Nouveau-Brunswick. À ma connaissance, ils n'ont pas de système pour ça. La Colombie-Britannique, oui; les Territoires du Nord-Ouest, oui; le Nunavut, oui, mais pas toutes les provinces limitrophes au Québec.

Le Président (M. Ouellette) : ...

M. Gertler (Franklin S.) : Est-ce que vous me permettez? Ce ne sera pas bien long, là, juste...

Le Président (M. Ouellette) : Mais c'est-u un «bien long» d'avocat ou c'est un vrai «bien long»?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gertler (Franklin S.) : C'est que la question véritablement internationale est plus complexe avec les États-Unis, mais c'est urgent que ça soit traité. Mais, une chose que je voulais dire, puis on le mentionne, que les dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse telles qu'amendées au projet de loi n° 113, qui parlent justement de l'implication de la DPJ, même pour des adoptions interprovinciales — on traite l'Ontario comme international — ça, ça n'a pas sa place pour que ça s'applique aux adoptions coutumières pour les enfants au Québec, qui sortent, tant pour les enfants... parce que les dispositions qu'on a dans le projet de loi, c'est seulement pour les enfants ailleurs qui rentrent, là. C'est ça, le 565.2.

Et ma lecture de la convention sur les adoptions internationales me fait dire que c'est un choix du Québec de traiter les autres provinces comme des États étrangers pour les fins d'adoption, puis ce n'est pas une obligation. Alors, il y aura moyen de changer le projet de loi puis la pratique à ce niveau-là.

Le Président (M. Ouellette) : C'était vraiment un petit moment d'avocat. Merci, Mme Marjolaine Sioui, M. Richard Gray et Me Franklin Gertler, représentant la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.

J'ajourne nos travaux à demain, le jeudi 24 novembre 2016, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 16 h 33)

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